SSL ue DE NEUCHATEL. TOME HE. So PES re 4 | PRIX : 20 FRANCS DE FRANCE. °N PUCHATEL, 4 IMPRIMERIE DE HENRI WOLFRATE. + Ex qu MÉMOIRES DE LA SOCIETE DES SCIENCES NATURELLES DB NBUGUATEL, Mem.Sôc. Sci, 1 77. 184 SU 46) ns vel. pan ec2.-t Cat : So. Race gæee+ tn 2 Ne: 46 , Dent ET , uirhe0 2 er of Mman A gr ae 18 hat. D LD on po peter Pa D. far? fe 4 L Fr Se IT) Lo 2 à *\ LL, MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DE NEUCHATEL. TOME III. Œ pec Puubes . NEUCHATEL , IMPRIMERIE DE H. WOLFRATH, 2: | 1845. Fe fo |. NOUVELLES ACQUISITIONS DU MUSÉE. Le Musée, dont le budget suffit à peine aux frais de port et de correspondance , s'est presque uniquement accru de dons. DE 14859—1840. MM. le Ministre Gélieu, de St.-Sulpice, a donné des fossiles du Jura. Léo Lesquereux, des fossiles du Jura. Alfred de Rougemont, un Tragopan du Népaul et des Faisans. Morel de Corgemont, des fossiles des en- virons de Paris. Célestin Nicolet, des doubles des fos- siles précieux qu’il trouve à la Chaux- de-Fonds. Henri de Rougemont, une série de ro— ches du bassin houiller de Valenciennes et des fossiles de la même localité. Adolphe de Rougemont, un Echidné épi- neux et un Phalanger de la Nouvelle- Hollande. Perrin de Petrolo, des fossiles des Apen- nins. Dami, professeur à Montevarchi, des fos- siles du Val-d’Arno. Blanchet, des échantillons de Palmiers de la molasse. Le capitaine de Chaillet, son herbier et ses manuscrits. Plus tard ses héritiers nous ont remis son microscope, ses presses et autres appareils de botani- que. Bovet de Fleurier, une précieuse collec- tion de Polypiers et des coquilles. MM. Jules Courvoisier, des Dendrites et fossi- les de la molasse. Steinmeyer, un bezoar de cheval. Edouard Borel Lagnier a envoyé de Java une collection de roches de l'ile de Banca, et plus tard une collection d’oi- seaux parmi lesquels se trouvait une trentaine d’espèces nouvelles pour le Musée et quatre paires d’Argus. Favarger, chancelier, des coquilles de la Méditerranée. Le capitaine Savoye, un Daim mâle. Théodore de Meuron, un jeune ours tué dans le Jura Vaudois. Auguste Vouga, quelques oiseaux man- quant au Musée. Frédéric de Rougemont de Mimont, des fossiles de notre marne bleue. Fornachon, boulanger, fils, une belle dent de Pycnodonte. Favre, directeur de la Trouée du Seyon, un bel échantillon de Nautile et autres fossiles de ce terrain. Agassiz, une collection de plantes d'A- rabie du voyage de M. Schimper. Boissier, une collection de plantes d'Es- pagne. A. de Meuron, 61 quadrupèdes, 59 oi- seaux et 1,300 coquilles terrestres. MM. Agassiz, professeur, a continué de faire préparer à ses frais des moules en gyps pour le Musée qui ont procuré des échanges très-nombreux et d'un grand prix. de Pourtalès-Steiger, des fossiles de la Sicile. Le docteur Borel, des préparations pa- thologiques. MIIe Suzette Reuter, 3 momies de Crocodiles. Mmes Marie Anne Robert-Tissot, une médaille du Grand-Frédéric, en bronze doré. Godet, 2 médailles en bronze. MM. Reynier, du Petit-Conseil, 7 médailles en bronze et 5 en argent, laplupart ro- maines. Bovet, de Fleurier, un panier en ivoire. Edouard Borel Lagnier, des monnaies de Cochinchine d’une grande valeur. Coulon, père, une collection de 348 mé- dailles dont 14 en or, 1#7 en argent, 1383 en bronze, 4 en étain ; plus, un étui antique en argent, et une bague en or, trouvés dans le Seyon. Alfred Berthoud, 9 belles médailles. Le docteur Chatelain, à la Neuveville, % médailles romaines en bronze et 1 en or. Coulon, père, une superbe médaille en or. Feu de Rougemont de Lüvenberg, le hausse-col de François [°", ou de Henri IL. Travail d'un grand prix attribué à Benvenuto Celleni. Le docteur Ferdinand DuBois, # médail- les. Un anonyme, une monnaie en argent, de Saint-Gall, du 15% siècle. le professeur Matile, un moule en plâtre de l'inscription qui est à la porte de 6 la collégiale ; plus, une belle collection de sceaux. MM. Auguste Martin, concierge de la biblio- thèque, 2 monnaies en argent. Un anonyme, 75 médailles la plupart en argent. le Ministre Courvoisier, fils, une pièce de 5 francs, frappée grossièrement au mar- teau pendant le siége de Cattaro en 1813. d'Ostervald, 7 médailles, dont 2 en ar- gent, les autres en bronze et en billon. Mile Eugénie Paris, à Peseux, deux médailles en argent. MM. Chatenay-Vittnauer , une décoration für Treue und Ehre. 1815. Perrin, 3 pièces de métal configurées des environs du lac Arno. Louis Coulon, fils, # médailles en bronze et 2 en argent. Charles Godet, 51 petites monnaies de de billon, de Suède, Danemarck, Saxe, Meklenbourg , etc., et # monnaies en argent de Géorgie et de Perse. Le lieutenant Eugène Térisse, un don de médailles romaines trouvées à Vin- donissa et dans le pays, de monnaies de Genève; plus des antiquités romai- nes, trouvées dans les Tuilières au des- sus de Saint-Blaise, consistant en ur- nes, tuiles, et objets en fer, tels qu'une clef romaine, mors de chevaux, fer- mentes de porte, pêles, etc. La famille de Merveilleux, une collection de 80 médailles, la plupart en argent. La Vénérable Classe, son beau médailler (°). (*) On saisit cette occasion pour remercier les personnes qui, en 4840, ont bien voulu contribuer par leurs souscriptions, à faciliter le retour de notre voyageur M. le D' Tschudi , avec or — 1840—1841. MM. Charles Roulet, de Marseille, des mol- | MM. lusques et minéraux. Strecker, quelques oiseaux mouches. Louis Prince, un chevreuil pris dans le Jura. Mwe Lech, quelques oiseaux du Brésil. MM. Chapuis, pharmacien, à Boudry, des fos- siles des environs de cette dernière ville. Desor, docteur, à Boudry, des fossiles des Diablerets. Charles Lagnier, un Cacatoë à huppe rouge. Huguenin, du Locle, un Polatouche de l'Amérique du Nord. Frédéric Favarger, établi à Valparaiso, un envoi très-considérable et précieux composé de deux ballots d'armes et ins- trumens des sauvages de la mer du Sud, d’une caisse contenant239 oiseaux parmi lesquels plusieurs paires de Con- dors, et d’autres caisses contenant des Polypiers, coquillages, etc. Auguste Vouga a monté gratuitement, pour notre Musée, une paire de Con- dors et nous a remis quelques oiseaux qui manquaient encore. Jämes Touchon, une suite de minéraux de l’île d'Elbe. Louis Py, quelques échantillons de ro- ches d'Italie et des fossiles des carrières de la Chaux-du-Milieu. toutes les collections qu’il a faites pour notre Musée , dans la position la plus fàcheuse et avec un rare dévouement. Ces sous- criptions ont puissamment contribué à la réussite d’une entre- prise qui n’aurait eu sans cela aucun résultat avantageux. Nos remerciemens s’adressent en particulier au gouvernement qui a donné 1000 fr. dans ce but. Alexandre Fornachon, consul à Mexico, une riche collection de minéraux et des plantes du Mexique. Junod, directeur des ponts et chaussées, une collection abondante de fossiles ré- coltés dans le pays. Théodore de Meuron, une tête d'ours. Les chasseurs de la Brévine, un loup de grande taille. Louis Quartier dit Maire, une aigle Pi- gargue pris au Cerneux-Péquignot. Butin, pharmacien à Yverdon , un crus- tacé intéressant. Auguste Mayor-Chatenay, un homar de New-Yorck, échantillon gigantesque. Henri Steiner, des fossiles trouvés à la Neuveville. Léo Lesquereux, qui a classé et mis en ordre notre collection de mousses, l’a augmentée d’un grand nombre d'es— pèces rares et nous a donné en outre deux volumes de Cryptogames publié par M. Mougeot. Célestin Nicolet, des fossiles de la molasse et une collection de 80 espèces d'Am- monites. Benjamin Stahl, des fossiles rares des en- virons de notre ville. Le docteur Zipser, de Neusol en Hongrie, une collection de roches de ce der- nier pays. Edouard Borel Lagnier, nous a de nou- veau envoyé de Java, une caisse de mammifères contenant entre autres 4 espèces de renards et 8 espèces d'An- tilopes que notre Musée ne possédait pas encore. MM. Les frères Wuillamy, horloger de la couronne à Londres, des oiseaux de Sénégambie et du Brésil, dont plusieurs ne se trouvaient pas au Musée. Matthieu, pharmacien, une collection d'oiseaux du Brésil. Alphonse Robert, maître-bourgeois, un cerf Axis des Indes orientales. Charles Fornachon, des fossiles de la Trouée du Seyon. de Chambrier, maire de Valangin, un très-bel oursin. Le docteur Borel, un échantillon patho- logique. Matthey, ancien membre du Petit-Conseil, une suite d'objets ayant appartenu aux sauvages de l'Amérique du nord. Steinmeyer, 2 médailles turques en argent. François Wavre, 66 monnaies diverses et deux camées. d’Ostervald, 7 médailles. Frédéric Soret, inspecteur du Musée de Genève, 38 monnaies et médailles ro- maines, dont 19 en argent et 19 en bronze ; plus # petites monnaies de l'évêché de Lausanne. Jämes Montandon , deux médailles en bronze. Frédéric Louis et Jämes Lorimier, 24 mé- dailles intéressantes. Auguste Martin, 17 monnaies de billon. Un anonyme, une pièce Byzantine en or, plus 42 médailles romaines, en argent, bronze et étain. Edouard Dubied , 2 grandes médailles en bronze. 8 M. MM. de Meuron, ancien châtelain, 88 mé- dailles en bronze, Le justicier Preud’homme, à Peseux, une médaille en bronze. MM. Henriod, concierge du gymnase, 14 mon- naies en billon , une en argent. Godet, 2 grandes médailles en bronze. MM. Jean-Jacques Panier, de Cudrefin, une médaille en cuivre. P. L. A. Coulon , 2 médailles en billon, 3 en argent. DuBois-Bovet, 8 monnaies en argent. Le Comte Louis de Pourtalès-Gui, 2 gran- des médailles en bronze. Frédéric Marthe, 2 empreintes en gyps de la collégiale. Le comte de Vesdehlen , 2 empreintes des cachets de René d'Anjou et de Char- les-le-Hardy. Le village de Corcelles, le relief de Saint-Geor- ges, sculpture en bois de la fin du 15m€ siécle. La famille de Merveilleux, une grande médaille en bronze. La famille David Paris, une médaille en étain de la prestation des sermens de 1786. Le conseil d'état a remis pour être placé au Mu- sée une médaille du couronnement. Les chasseurs ont contribués, par leurs dons à enrichir le Musée comme les années précédentes. Agassiz a continué à faire à ses frais des moules en gyps, qui par des échan- ges ont contribué à enrichir considé- rablement la collection des fossiles. — 4 1841—18/2. Me Favarger-Huguenin, graines et fruits des Antilles espagnoles. MM. Huguenin, ancien maire de la Brévine, des fossiles du Chatelu. le colonel de Bosset, des fossiles des en- virons de Baden et de Leyde, ainsi que de la montagne de Mæstricht, et un fer de flèche trouvé sur le champ de ba- taille de Laupen. Charles de Pury, une collection des pois- sons d'eau douce récoltée à Berlin, et des minéraux venant du Hartz. d'Ostervald, 52 échantillons de roches récoltés dans les Grisons. Calame, secrétaire d'état, une collection de fossiles. Jules Mercier, une collection de fossiles récoltée à Helgoland et sur les côtes du Danemarck, ainsi que des crusta- cés et quelques antiquités de la Suède et des fossiles des environs de Neuchâtel. Ferdinand Belenot, un baril contenant un Tamanoir dans l’eau-de-vie. Alfred Berthoud, une collection de 600 espèces de plantes recueillies à Suri- nam, ainsi qu'une très-belle collection de poissons, mollusques et mammifé- res conservés à l’esprit-de-vin. Edouard Borel-Lagnier, une collection de serpens et crustacés dans l'eau-de- vie, ainsi que des armes et ustensiles provenant des sauvages de Ja Nou- velle-Zélande. Ch.-Jos. LaTrobenous aexpédié, dela Nou- velle-Hollande, des oiseaux, une riche collection d'insectes, des coquillages, des armures et 127 espèces de plantes. MM. Adolphe de Rougemont nous a remis en argent #00 francs de France pour faire préparer des quadrupèdes, et en outre 20 médailles en argent. Fritz Sacc, quelques oiseaux du Brésil. J.-R. Schuttleworth, une collection de 125 espèces de plantes de l'Amérique du Nord. Jean Quinche, de Savagnier, coquillages et crustacés, Charles Touchon, des coquillages. les chasseurs ont continué à enrichir le Musée du produit de leur chasse, et Je Musée a reçu en outre d'autres petits dons trop longs à détailler. Fritz Godet, une médaille en bronze du dernier jubilé célébré à Berlin. Eugène-Edouard Courvoisier, une aigle en cuivre trouvée sur une giberne au champ de bataille de Wagram. Fréderic Marthe, des moules de masques antiques et empreintes de reliefs de St.-Jean. Calame, de Peseux, deux pièces de billon. Auguste Martin, # monnaies de billon. Jämes Attinger, 6 monnaies en argent et cuivre. Reuter, une monnaie en argent. Jämes Montandon, une médaille en argent. Henriod, concierge, une monnaie en argent Pernoud, de la Sagne, 2 grandes mé- dailles en étain. P.-L.-A. Coulon, des médailles en argent, une en or, plusieurs en cuivre, et . quelques antiquités. le greffier Junier, une médaille romaine en cuivre. 1l MM. Houriet, lieutenant, 2 monnaies de billon. Claude Borel , terrinier, une monnaie en billon. Un Anonyme, 23 médailles en argent et en billon. Mm° Marie-Anne Robert-Tissot, une médaille en cuivre Mlle Larsche , de St. Blaise, 8 médailles en bronze et cuivre et une petite en or. Des héritiers de feu Mlle Julie de Montmallin, des parures de sauvages. De la famille de feu M. le maire Huguenin de la Brévine, des vitraux du temple du dit lieu. La famille de M. le Chevalier de Rochefort nous a remis, à la mort de ce der- nier, une grande collection de mé- 10 dailles d'or et d'argent, et un modèle de vaisseau. M. Tschudi. C’est cette année que sont arrivées les collections récoltées par M. Tschudi, notre voyageur; elles ont procuré à notre Musée un nombre d'objets très- considérable, dont la plupart ne sont point encore connus. L'administration du Musée saisit encore cette occasion pour adresser ses remerciemens aux personnes qui ont bien voulu souscrire à cette entreprise, qui, malgré son fà- cheux début, et grâce au courage et à la persévérance de M. Tschudi, a eu des résultats trés-heureux pour l'augmen- tation de nos collections. 1842—1845. MM. Ferdinand Belenot, une collection d'oi- seaux du Brésil et une paire de Condors. Fritz Sace, des coquillages et mollusques. Auguste Mayor, des objets dans l’esprit- de-vin envoyés d'Amérique. le comte Pietruski, des insectes de Po- logne et un reptile rare. Max Braun, quelques plantes du midi de la France. le professeur Guyot, des fossiles d'Italie. le capitaine Richardet, deux œufs d’Au- truche. Gustave de Roulet ayant mis entrain une souscription, a obtenu 300 francs pour l'achat d’une lionne. feu Louis-Auguste de Meuron, commis- saire des forêts, un beau cerf. le comte Frédéric de Pourtalès-Castellane, un squelette de Giraffe. MM. Frank, d'Amsterdam, 2 oiseaux de la Nouvelle-Hollande. Henri Fornachon, une collection d’'oi- seaux du Mexique. Jean Van den Bosch nous a fait deux en- vois de Java, l’un composé d’une col- lection de coquilles, l’autre de nids et œufs de l’hirondelle Salangane. Adolphe de Rougemont a continué de nous remettre cette année 400 fr. de France pour faire préparer des quadrupèdes. d'Ivernois, de Paris, une collection d'in- sectes du Brésil. Agassiz, prof", deux Bucéros d’Abyssinie. d'Erlach, deux animaux préparés. Charles de Pury, docteur, quelques pièces pathologiques. Elie de Beaumont, de très-beaux poissons fossiles du Brésil. 11 MM. Shuttleworth, une collection de plantes | MM. Louis Petitpierre , une monnaie des Etats- MM. Mme MM. de l'Amérique du Nord. le capitaine Fritz Courvoisier, une momie d'Egypte avec des antiquités et des médailles précieuses. Lacroix, missionnaire au Bengale, un envoi considérable composé d'objets d'histoire naturelle, et surtout d'objets relatifs aux cultes idolâtres des Indous, une collection de leurs divinités, et des instrumens dont ils se servent pour leurs usages domestiques, ainsi que des antiquités très-précieuses. de la commune des Brenets, une cou - ronne. Jeanneret, maire des Brenets, une petite médaille en cuivre. le lieutenant Houriet, quelques médailles en cuivre. Alfred Berthoud, deux médailles de M. Brandt et une monnaie antique. Guillaume de Merveilleux , une petite mé- daille en cuivre. 1845—1844. Georges Mandrot, des Guillemots et une Perdrix d'Afrique. Unis. Edouard Perrochet, une grande monnaie en or des rois de France. Brandt, médailleur du roi à Berlin, des médailles en bronze et en argent. le capitaine Heinzely, 24 monnaies en argent et en cuivre. Duvernois, de Besançon , une grande médaille en bronze de Louis xvr. Fréderic de Chaillet, 8 médailles grecques et romaines. Chiffele, couvreur,une monnaie en cuivre, le lieutenant Daniel Lardy, une médaille en étaim de 1786. Guye, des Bayards, 2 pièces de monnaies. P.-L.-A. Coulon, 11 monnaies et une mé- daille en argent et en bronze, et une collection de 900 espèces de plantes d’Abyssinie. Le conseil d'état a bien voulu offrir au Musée de notre ville, le musée d’antiquités romaines formé à Colombier par M. Fréderic Dubois. Caire, des minéraux de l'ile d'Elbe et des monnaies. Henri Fornachon, une collection d'in | MM. Edoud de Pierre, deux fanons de baleines. sectes et de coquilles du Mexique. Jean Van den Bosch, des cigognes mara- bout et autres oiseaux de Java. la major de Sandol, des coquilles des Indes. Favarger, commissionnaire, un petit Sa luth pris à Neuchâtel. Muller, gypseur, nous a rapporté, de la Nouvyelle-Hollande, un Ornithorhynque des armes de ce pays, des fossiles du Biolley , ingénieur des mines, une collec- tion de minéraux. Ferdinand Dubois, docteur, des fossiles des environs de Mayence. Nicolet, lithographe, des coléoptères de l'Espagne et de la Sardaigne, et un oiseau de l'Himalaya. Agassiz, professeur, un chamois des Alpes. Robert de Pourtalès, un Isard des Py- rennées, et un Desman. MM. Auguste Berthoud, de Naples, des cornes de bœufs de Sicile et quelques oiseaux d'Italie. Guyot, professeur , les insectes de sa col- lection qui ne se trouvaient pas au Musée, et des fossiles du Piémont. E. Desor, une paire d’Arvicola alpina. de Salis, des pétrifications d'Angleterre. Charles-Joseph Latrobe, un envoi consi- dérable d'objets de la Nouvelle-Hol- lande, composé de 40 espèces d'oiseaux, d'une riche collection d'insectes, de Mn: MM. plantes et d'armes. Célestin Nicolet, des coquillages récoltés sur les côtes de la Chine. Kuenzy, deux quadrupèdes de la Nou- velle-Hollande. Fritz Guébhard, un castor des bords du Rhône. Charles-Louis Fornachon, deux quadru- pèdes de la Nouvelle-Hollande. François Petitpierre, une collection de plantes des environs de Genève. Schuttleworth, 150 espèces de plantes de l'Amérique du Nord. Lesquereux, une collection complette des mousses du pays. Georges Dubois, une pièce pathologi- que. 12 — MM. de Roulet de Mézerac, une collection de 90 espèces de coquilles terrestres et fluviatiles de l'Amérique du Nord. Henri Reynier, une médaille de Henri 11 de Neuchâtel. Auguste Martin, des médailles en argent. François-Louis Evard, de Boudry, un hamac fait par les indiens du Brésil. François Beaujon, divers objets de St-Jo- seph dans la Patagonie, et un tissu fait par les filles d’un Cacique. Fritz de Rougemont, une collection de noix de l'Amérique du Nord. le maire des Brenets, une médaille. D'un anonyme, une collection de 74 médailles, 4 en or, 14 en argent. MM. Je capitaine Claparède, une monnaie en argent. Auguste Bourquin, un bocal en tissu. Houriet, lieutenant, 5 monnaies antiques du pays. Rochias, 2 médailles en cuivre et une en argent. Mmes Greininger, 10 médailles en argent, 14 pe- tites en or, et d’autres objets. de Vassimont, 6 miniatures de M. de Bosset. Mlle Sillimann, des objets d'arts chinois et javanais. 1844-1845. 7 Mile. Caroline Guyot, de la Jonchère, des co- quilles recueillies à Dublin. MM. Léo DuPasquier, des plantes, des co- | quillages et des antiquités du Brésil. Marquard, un grand coq de bruyère déjà empaillé. le colonel Louis de Meuron, des coquil- lages et des empreintes de médailles. MM. Blanchet, des poissons fossiles et des co-— quillages. les comtes Albert et Guillaume de Pour- talès, une collection considérable d'oi- seaux de l'Abyssinie et des coquillages de la mer Rouge et du lac de Génézareth. Mme Cookworthy, des coquillages des Mers du Sud. Mo MM. Mmes MM. Courant, un œuf de Cacatoë. Schuttleworth, une tête de guanaco et quelques oiseaux du Chili. Maunoir, des coquilles du Nil. le docteur DuBois, une mächoire de Pyc- nodonte. le comte Robert de Pourtalès, une collec- tion d'oiseaux et coquillages récoltée en Ecosse. Agassiz, des poissons de Norvège et du Groenland. Thuiller, une collection de roches et mi- néraux du Vésuve. le docteur de Castella, des préparations pathologiques moulées et coloriées. Coulin, notaire et justicier , des pétrifica- tions du Jura. Madelaine Dessouslavy, une médaille de Henri 111. Babelle de Tribolet, une cuillère antique en argent. Franç$ Beaujon, un tissu de la Patagonie. le comte Albert de Pourtalès, une collec- tion de 498 médailles, dont une en or et 242 en argent. Fréderie Borel, une pièce d'or du moyen- âge trouvée à Avenches. Jämes Touchon, 10 médailles, dont 8 en argent et une en or. J.-G. Dessouslavy, peintre, deux mé- dailles en bronze. Auguste Martin, 7 médailles en argent et 2 en bronze. Bastardoz, une monnaie en argent. Dardel, lieutenant, une médaille romaine trouvée à St. Blaise. Mme Fréd. Verdan, 28 médailles en cuivre, 11 en argent et 1 en fer. Péter, commissaire, une grande médaille bernoiïse. Rochias, une médaille en argent et deux en cuivre. Nicolet, lithographe, un portrait de l’em- pereur de la Chine. Fritz Fôldscher, une monnaie antique de Florence. ! Francçois-Louis Claparède, des pantoufles de Constantinople. Un anonyme, un hausse-col des officiers de la république. du gouvernement, 2 médailles de Brandt. Coulon, une monnaie en or , 7 en argent et 7 en cuivre. Auguste Sillimann , une giberne des né- gres de l'Afrique. Jeannot, justicier aux Brenets, 103 mé- dailles monnaies en bronze et billon. le châtelain Meuron, une ancienne mon- naie de Fribourg. Eugène Jeanjaquet, {0 monnaies en cuivre des Etats-Unis. L'Eturno, à St. Blaise, 3 monnaies en argent. Des héritiers ‘de M. le colonel Charles-Phi- lippe de Bosset, une collection de mé- dailles grecques, de lacrymatoires, des figurines en terre cuite, des flèches du champ de bataille de Marathon, des ornemens et objets de parures trouvés dans les tombeaux de Céphalonis et autres objets d’antiquités et d'histoire naturelle. Le Drrecreur pu MUSÉE. MM. MM. MM. MM. 14 — LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. SECTION DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE. Année de réception. de Joannis, professeur Ladame, professeur Matthieu, pharmacien Humbert, pharmacien le Comte de Pourtalès-Sandoz J. F. d'Ostervald . . . , 1832 1832 1833 1833 1833 1836 MM. SECTION D'HISTOIRE Agassiz, professeur . Louis Coulon fils . Auguste de Montmollin . P. L. A. Coulon . G. FE. Gallot Charles Godet . Arnold Guyot , professeur Fritz de Rougemont . Jämes Schouffelberger le ComteF.de Pourtalès-Castellane 1832 1832 1832 1832 1832 1832 1832 1833 1833 1834 MM. Année de réception. H. Nicolet . Fritz Sacc, professeur Jâmes Touchon, pharmacien Louis Baillet, pharmacien Schaus, pharmacien . Gustave de Pury . . , NATURELLE. Monvert, professeur . Alexis Roulet, instituteur Jämes DuPasquier, pasteur . Alfred Berthoud le Comte Alex. de Pourtalés . Auguste Schouffelberger . Jämes Berthoud Gustave Jeanjaquet Louis de Perrot Théodore de Meuron . SECTION DE MÉDECINE. Borel , docteur. de Castella, docteur . Reynier, docteur . Fréd. Coulon, docteur Sace père, docteur 1832 1832 1832 1835 1837 MM. Ferdinand DuBois, docteur . Charles Favre, docteur . Bovet, docteur Ancker, vétérinaire SECTION DE TECHNOLOGIE ET D'AGRICULTURE. Son Exc. M. le général de Pfuel Louis Favre DubBois-Bovet. Favarger, chancelier . François de Montmollin . Alphonse Terrisse. Victor-Ernest Droz Louis de Bosset 183% 1835 1837 1837 1837 1837 1837 1838 MM. Fréderic de Meuron . Alphonse Diacon . François Fornachon . Alphonse Guillebert, pasteur Alphonse Coulon . Georges DuPasquier . le Comte H. de Pourtalès-Gorgier 1837 1838 1840 1842 184% 1844 1835 1837 1837 1837 1838 1338 1841 1841 1844 1845 1837 1838 1843 1844 1841 1841 1844 184% 1844 1844 184% 15 — MEMBRES CORRESPONDANS OÙ NON RÉSIDENS. MM. Albert de Buren, Auguste Vouga, Louis Godet, Célestin Nicolet , Charles Bovet, Louis Couleru, Léo Lesquereux , Jules Jurgensen , Jean F. D. Andrié, pasteur, J. F. Jeanneret, pasteur, Georges DuBois, docteur, Falconner Atlee, Charles Roy, Edouard H. Brandt, Georges Perrin, Edouard Piquet, pasteur, Ibbetson, Justin Billon, Charles de Pury, docteur, H. L. Ou, Chapuis, Alphonse Droz, docteur, Mairet, Robert d'Otto, Irlet, docteur, Jean Laurent Wurflein, Edouard Ladame, pasteur, Rodolphe Hotz, pasteur, Aug. S. Alex. Bonhôte, pasteur, Favre, instituteur, Eugène Savoie, Isaac Charles Ducommun, Louis Ulysse Ducommun, Fréderic Courvoisier, Auguste Courvoisier, Louis de Pury, Vaumarcus Cortaillod Pologne . Chaux-de-Fonds Boudry Neuveville. Fleurier . Locle . Locle . : Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Angleterre St.-Jean Auvernier. Petrolo Locle . Londres Chaux-de-Fonds. Chaux-de-Fonds . Cortaillod . Boudry Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds. Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds Chaux-de-Fonds Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Année de réception. 1832. 1832. 1832. 1833. 1835 1835. 1835. 1837. 1837. 1837. 1837. 13837. 1538. 1838. 1838. 1338. 1838. 1841. 1842. 1842. 1842. 1844. 1844. 184%. 1844. 1844. 1844. 1844. 1844. 1844. 1844. 1844. 184%. 1844. 1344. 1844. MM. Louis Brandt, Genseli, mécanicien , Louis Bovy, John Bovy, Aurèle Robert, Daniel Matile, maire, Victor Gibollet, 16 — Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds . Chaux-de-Fonds Chaux-de-Fonds . Sagne . Neuveville . MEMBRES HONORAIRES. Année de réception. MM. Persoz, profess., Strasbourg . le baron d'Olfers, Berlin 3. J. de Tschudi , docteur, Glaris Ch. Schimper, doct., Munich. . le Comte Pietrusky, Pologne A. Gressly, Soleure . 3. Dinckel , Munich. E. Desor, Neuchâtel. Damy, professeur, Asti . Redfield, New-York. Wagner, Philadelphie Léon de Joannis, Toulon 1832. 1833. 1837. 1837. 1837. 1837. 1837. 1837. 1837. 1838. 1838. 1839. MM. Edouard Borel-Lagnier, Batavia Année de réception. 1844. 1844. 1844. 1844. 1844. 1845. 1845./ Année de réception. 1839. le Comte Henckel de Donnersmarck 1839. Léopold de Buch, Berlin Elie de Beaumont, Paris L. Bellardi, Turin de Sismonda, Turin. W. Schimper, Strasbourg . Mougeot, Bruyères . Muhlenbeck, Mulhouse . Edouard Vaucher, Mulhouse Schuttleworth, Berne J. Géné, Turin. MEMBRES DÉCÉDÉS DEPUIS LA DERNIÈRE PUBLICATION. MM. Allamand, docteur, recu en Reynier, pasteur . Eugène Terrisse . Junod , ingénieur. Louis de Meuron. Adolphe de Rougemont . Luttringhausen, professeur, Philippe Zode. de Bosset, colonel MM. Voltz, Paris 1832, mort en 1833, — 1838, — 1840, — 1836, — 1837, — 1837, — 1835, — 1832, — Membres honoraires. Le Jeune, colonel, Metz. 1840, mort en 1839, — 1840. 1840. 1840. 1843. 1843. 1844. 184%. 1845. 1845 1841 1842 11 1840. 1840. 1840. 18#1. 1844. 18%4. 1844, 1844. 1845. 1845.87 QUELQUES RECHERCHES SUR LES MARAIS TOURBEUX PAR LÉO LESQUBREUX NEUCHATEL (SUISSE). IMPRIMERIE DE HENRI WOLFRATH,. 1844. Mis han à Safi Es AVERTISSEMENT. En soumettant ces recherches sur les tourbières au jugement de la Société d’ Émulation patriotique, je dois dire quelles raisons m’ont empêché de suivre le plan publié pour le concours. J'aurais pu répondre purement et simplement aux questions proposées par la So- ciété; mais ce travail n’aurait pas atteint le but, puisque plusieurs des problèmes les plus intéressants de la formation des tourbières seraient restés sans solution. Ne fallait-il pas, par exemple, une fois la reproduction de la tourbe prouvée, établir les règles qui peuvent aider l’œuvre de la nature, fixer le mode d’exploitation le plus favorable, etc. Mais ceci se rattache tout-à-fait à la pratique, aussi bien que l'influence de la culture et du desséchement sur la tourbe; et une fois cette partie commencée, il n'y avait aucune raison pour la laisser inachevée. La partie scientifique s’excusera peut- être moins facilement. Cependant j’ai cru qu’il n’était pas inutile de mettre cet ouvrage, quelque peu important qu’il soit, à la hauteur des récentes découvertes de l'Histoire naturelle, et de grouper ainsi en un seul faisceau tout ce qui, s’éloignant un peu des connaissances ordinaires, peut servir à éclairer la théorie que j'ai émise de la formation de la tourbe. J'ai donc établi trois grandes divisions, la théorie, la pratique et la science. Si ce plan a nécessité quelques répétitions, il rendra l’ensemble plus clair, plus facile à com- prendre et laissera au lecteur le choix, de s'attacher à ce qui l’intéresse le plus. Il n’existe en français aucun livre spécial sur les dépôts tourbeux. Les observations faites par de Luc sont disséminées dans ses Lettres philosophiques ; elles n'ont d’ailleurs Gay) aucun côté pratique. Le Manuel de Renaud de la Platrière est si rare qu’il m'a été impossible de me le procurer dans les librairies de Paris, bien qu’il soit cité par Beudant. Et parmi les auteurs allemands, Wiegmann, le seul dont l’ouvrage soit un peu répan- du, n’a envisagé la question que sous le point de vue chimique. Si l’on me blâme d’avoir traité le sujet des tourbes d’une manière trop générale, cette lacune, ce besoin d’un ouvrage sur l’ensemble des tourbières, sera mon excuse. Il y aurait beaucoup à dire pour chercher des excuses aux imperfections de cet ou- vrage. Eüt-il quelque mérite, je ne pourrais me l’attribuer. Le Conseil d’Etat du canton de Neuchâtel m'a généreusement aidé, en me fournissant les moyens d'entreprendre des travaux que ma position ne m'aurait pas permis de faire. MM. Agassiz, Desor, Godet de Neuchâtel, Ed. Vaucher, Muhlenbeck, Mougeot, M. P. Schimper, naturalistes d’Al- sace, se sont intéressés à ces études, et les ont encouragées de leurs bienveillants conseils. Qu'il me soit permis de leur en témoigner ma sincère reconnaissance. Fleurier, 28 octobre 1842. QUELQUES RECHERCHES SUR LES DÉPOTS TOURBEUX EN GÉNÉRAL. ED (OT Cm —————————— $. 1. PARTIE THÉORÉTIQUE. INTRODUCTION. L'emploi de la tourbe, comme combustible, remonte à une’ haute antiquité. Les peuples du nord de l'Europe, les habitants des plaines sablonneuses des bords de la Baltique et de la mer du Nord, brülaient cette matière au lieu de bois dès le temps des Romains. Du moins Pline écrit dans son histoire de la nature, XVE, 1, que les Chauces font leur feu avec une espèce de terre qu'ils font sécher à l'ombre. La combustion accidentelle. de quelques dépôts tourbeux aura peut-être fait connaitre aux hommes la valeur de la tourbe. Des incendies de cette nature ont dù être jadis assez fréquents, puisqu'ils le sont encore maintenant. Ce que rapporte Tacite dans ses Annales, XIE, 57, en parlant d'une grande combustion du sol dans les environs de Cologne, n'est sans doute que l'incendie d’un marais tourbeux. Ce n’est cependant guère qu'au milieu du 17° siècle qu’on a commencé à s'occuper de la tourbe sous le rapport technique et scientifique. En 1621, de Lambreville vit pour la première fois exploiter de la tourbe en Hollande, et fit connaitre ce nouveau com- en bustibles à la France. Le premier ouvrage sur cette matière fut écrit par Schook, Hol- landais, en 1658. C’est un livre rempli d'erreurs et d'observations fausses, qui eut pourtant le mérite d’attirer l'attention des savants sur la formation des combustibles minéraux. En 1665, Charles Patin publia à Paris son Traité des tourbes qui mérite à peine d’être mentionné. Degner, Hollandais, est le premier qui parait avoir sérieuse- ment observé les marais tourbeux et décrit quelques-uns des accidents les plus fréquents qui s’observent à leur surface. Après lui et à mesure que le besoin de combustible s’est fait sentir dans quelques états de l'Europe, on s’est toujours plus préoccupé d’un sujet qui semble au premier coup-d’œil fort peu intéressant et de médiocre importance. Des sociétés savantes ont proposé des prix. Celle de Goœættingue en 1750 , couronna un ouvrage de Bansen ; dix ans plus tard celle de Copenhague accepta celui d’A- bildgaard (*) ete. Ainsi, un assez grand nombre de traités ont été successivement publiés surtout en Allemagne, autant pour chercher à expliquer la formation de la tourbe que pour indiquer les meilleurs moyens de tirer parti du combustible. En 1851, l'académie de Berlin ayant de nouveau mis au concours la question de la production et de l'essence de la tourbe, Wiegmann, professeur de Brunswig; en fit le sujet d’un mémoire. Ses idées sont généralement admises, parce qu'elles sont fondées sur de sérieuses ana- lyses chimiques. Comment se fait-il que malgré ces savantes recherches, ces nombreuses publications, la tourbe soit encore si peu connue , si peu étudiée , c’est ce qu’il est assez difficile d'expliquer. Il'est dans la nature de ces faits qui attirent peu l'attention, soit que pour les reconnaitre il faille des études préparatoires fort longues et des spécialités très-caractérisées ; soit que par leur simplicité même ils échappent aux continuelles investigations des curieux. On ne peut d’ailleurs étudier la matière tourbeuse et sa formation que sur les marais mêmes, et ces plaines humides, uniformes, abandonnées ont dans leur aspect quelque chose de peu attrayant. Et comme la nature n’élève la croissance de la tourbe qu’avec une ex- trème lenteur; que le phénomène ne peut être appréciable à l'œil même des vieillards; que les plus belles hypothèses de cabinet sont ordinairement renversées par les observa- tions locales qu'on peut faire varier à l'infini, on se contente de notions vagues sur cette partie de la géologie qui au premier abord semble à la portée de tout le monde. Aïnsi se sont accréditées une foule d'erreurs qui n’ont aueun fondement réel. Emises par quelque savant, elles reparaissent invariablement chez tous les auteurs qui ont traité le même sujet, et qui trouvent plus commode de jurer sur la foi du maitre que de re- prendre ses observations pour les contrôler. (1) Dau Neues Handbuch über den Torf. Page 2. A La question de la production des marais tourbeux mériterait cependant une étude attentive et suivie. Sans parler des profits que certains gouvernements retirent de l'exploitation de leurs tourbières, chacun convient que le bois devient chaque année plus rare, que les forêts s’éclaircissent et disparaissent, et l’on sent de plus en plus le besoin d'utiliser une matière qui le remplace dans les cas les plus pressants. Mais l’incurie qui a amené la destruction des forèts s’oppose également à l'exploitation des marais tourbeux. Le principe de la reproduction de la tourbe n’ayant été jusqu’à présent ni bien expliqué ni généralement admis, les propriétaires les plus économes se bornent à perdre le moins possible de la matière qu’ils enlèvent au sol, sans s'inquiéter s'ils favo- risent ou s'ils anéantissent les chances d’une régénération dont ils ne tireront aucun profit. Car les hommes n’aiment pas à prévoir un avenir difficile pour d’autres, quand leurs propres besoins sont satisfaits sans peine. Chaque génération lègue volontiers à la génération suivante sa science, ses monuments et sa gloire; mais difficilement une part d’un tranquille bien-être qui lui coûterait quelques sacrifices et un peu de son repos. Ainsi généralement, dans notre Jura du moins, on prend la tourbe où on peut l'enlever avec le plus de facilité, sans s'inquiéter nullement des chances de reproduction. On l'ex- ploite sans ordre, en creusant des canaux souvent nuisibles aux propriétés voisines; où en s’ôtant à soi-même toute possibilité d’une exploitation subséquente. Si les inconvé- nients très-graves qui résultent de ce désordre et de cette ignorance, sont maintenant peu appréciés, ils deviendront bientôt d’autant plus sensibles, qu’une fois le mal établi, il sera presqu’impossible de le réparer. Ce petit travail qui doit répondre aux questions proposées par la Société d’émulation patriotique du canton de Neuchâtel, a essentiellement pour but d'attirer les regards de l'autorité sur nos dépôts tourbeux menacés d’anéantissement. Nos hautes vallées juras- siques n’ont presque plus d’autre combustible que la tourbe. Sans ce moyen offert par la nature aux habitants des contrées froides, pour lutter contre les rigueurs du climat, nos vastes foyers d'industrie seraient peut-être abandonnés ; or l'avenir de notre patrie est'intéressé au bien-être de cés nombreuses populations d'ouvriers qui vivent d’un tra- vail sédentaire dans la température glacée de nos montagnes. Cette idée ne suffirait-elle pas pour’ rendre le sujet intéressant et pour stimuler les recherches et les expériences qui dévront un jour résoudre les questions qui restent encore problématiques ? CHAPITRE 1°. ASPECT GÉNÉRAL DES MARAIS TOURBEUX. Vue de loin, la surface des dépôts tourbeux de quelque étendue parait entièrement plane et horizontale. Tel est l'aspect que présente le fond de la vallée des Ponts quand on la voit depuis le Creux du Vent; telle est encore la vaste plaine des marais du Seeland, qui ressemble assez à un grand lac recouvert d’un verdoyant tapis de végétaux. De près, la vue d’une plaine tourbeuse a quelque chose de triste. La végétation en est uniforme. Ce sont des gramens courts et ligneux, qui ne sont entremélés que bien rarement de quelque fleur à gracieuse corolle et à couleur éclatante ; ce sont des lits épais de mousses jaunâtres, parmi lesquelles surgissent quelques arbustes rabougris couverts de lichens, et les feuilles allongées des jones. Çà et là des bruyères et des airelles, quelques bouleaux dont la blanche écorce contraste avec la verdure de leur maigre feuillage, des pins dont la croissance semble arrêtée par une vieillesse anticipée, et quelques chétifs peupliers au tronc noueux et courbé. Partout le silence et la monotonie, car, à l'exception de certains insectes, aucun animal ne se plait sur ce sol spongieux et détrempé, où le pied de l’homme ne se hasarde qu'avec précaution. Cette spongiosité, ce peu de consistance de la surface des marais tourbeux sont tels, que dans quelques localités, sur les sommets du Rhoën, en Thuringe, par exemple, il y a du danger à les parcourir et surtout à s'arrêter long-temps au même lieu, puisque la couche supérieure qui recouvre parfois un limon presque liquide, est formée d’un tissu de végétaux encore trop mince et trop peu compacte pour soutenir le poids du corps sans se briser. Cette triste apparence est cependant quelquefois déguisée par des accidents particu- liers. Ainsi, certains dépôts tourbeux sont enfouis sous des couches de sable ou d’humus que le temps a rendues fertiles. La culture s’est souvent emparée de ce sol et de riches campagnes s'étendent sur des matières combustibles que les hommes découvriront plus tard pour leurs besoins. M. Smith a même observé des dépôts tourbeux dans l'ile de Madère , sous quelques centaines de pieds de calcaire compacte; ils sont par con- séquent antérieurs aux derniers soulèvements géologiques du globe. Le plus souvent les marais tourbeux, avec leur végétation particulière et très-peu variée, remplissent le le fond des vallées humides et froides, s'étendent au bord des lacs, sur les rivages de = S — la mer ou suivent le cours des fleuves qui coulent lentement dans des contrées basses où leurs eaux s’étendaient jadis. Cependant la tourbe ne se trouve pas seulement là où il a existé un amas d’eau per- manent. Ces dépôts couvrent quelquefois des crêtes de montagnes arrondies et descen- dent en manteau sur leurs flancs (‘). Dans les Alpes et les Vosges, comme en Irlande, on les observe souvent sur des pentes mêmes assez fortes, inférieures aux petits lacs ou aux glaciers qui les arrosent. Leur étendue varie autant que leur gisement. Vers le nord,.les marais tourbeux sont des plaines immenses où lon ne peut pénétrer qu'en hiver. Dans le milieu de FEurope et dans nos vallées jurassiques, ils ont une étendue très-variable, de quelques toises à quelques lieues carrées ; dans les montagnes plus élevées, leur grandeur diminue et on en rencontre qui n’ont que deux à trois pieds de superficie. Les différences qu’on observe dans la profondeur et l'aspect extérieur des couches, dans la couleur, le poids et la composition de la matière tourbeuse, sont également variées à l'infini. Il est toutefois deux grandes divisions qu’il importe de bien établir pour faciliter les recherches à faire sur les marais tourbeux. Ces divisions ont été d'ordinaire méconnues. Plusieurs auteurs ont écrit leurs livres après l'inspection d’un seul genre de dépôts, et il en est résulté de graves erreurs et des opinions qui ne pouvaient être justes qu’acci- dentellement ; d’autres, au contraire, ont voulu admettre un grand nombre de forma- tions différentes , et ont ainsi compliqué sans nécessité le problème de la formation de la tourbe. En observant avec attention les diverses couches de tourbe mises à décou- vert par les exploitations, on peut tout d’abord se convaincre que plusieurs d’entr’elles se sont formées sous l’eau, tandis que d’autres se sont élevées sur un sol tant seulement humecté et sans avoir jamais été immergées. Les faits cités en preuve de la formation de la tourbe vont établir mieux encore cette distinction des marais supra-aquatiques ou émergés et des marais infra-aquatiques où submergés. I peut arriver sans doute que la première de ces deux formations soit superposée à la seconde; mais toutes les formes accidentelles n’en trouveront pas moins leur place dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. @) Mougeot in-litter. CHAPITRE IL. PREUVES DE LA FORMATION DE LA TOURBE. La tourbe est-elle un composé des débris de végétaux qui ont cru et qui crois- sent encore à la surface des marais, ou bien est-elle, comme l’ont prétendu quelques auteurs anciens, un dépôt laissé dans les bas-fonds par le déluge ou de grandes inonda- tions et dont la matière est tout-à-fait indépendante de la végétation supérieure. Bien que cette dernière hypothèse ne soit plus admise par personne et qu’elle soit éliminée par les plus simples observations , elle a cependant été soutenue par des hommes trop célèbres pour qu'il soit possible de passer leurs opinions sous silence. Le chimiste Stehl, les naturalistes Scheuchzer et Funk ont prétendu que la tourbe est une substance pure- ment minérale, une terre mélangée de résine, d'huile, de soufre et d’autres matières qui la rendent combustible. Ce n’est là qu’une modification de l’idée de Charles Patin, le premier auteur français qui ait écrit sur la tourbe ; il dit : qu’elle est un amas de terre dans laquelle il y a une disposition de longue main qui la met en état de faire du feu el de l’entretenir (*). Gette matière s’engendre continuellement de même que le bitume et le soufre qui entrent dans sa composition (*). Un certain Patridophilus, cité par Wiegmann (°), soutient que par le déluge tout un monde organique s’est trouvé enfoncé sous les eaux; que plus ou moins détrempé, divisé, soulevé par les flots, il a été de nouveau déposé sur la terre, que les parties les plus volumineuses, les plus pesantes, ont été entrainées vers les lieux bas et qu’elles y ont formé originairement les marais les plus anciens et les meilleurs, pour la qualité de la tourbe; que la partie supérieure, la moins compacte des dépôts, a été formée par le reste de ces matières qui, arrêtées sur des pentes et des collines supérieures, ont été dans la suite entrainées et entassées sur Jes anciens dépôts par les pluies et d’autres accidents. Riem(!) attribue la formation de la tourbe à la fertilité du fond de la mer qui, dans de grandes inondations, aurait jeté sur ses rivages et même dans l’intérieur des terres, des végétaux dont la décomposition aurait produit. le com- (1) Traité des tourbes combustibles, par Ch. Patin (1663) page 17. (2) Id. page 23. 6) Wieymann Uber die Entstebung, Bildung und das Wesen des Torfes. () Riem Abhandlung vom gesammten Torfwesen. Dresden 1794. æ ù — bustible. Bose (!) est à-peu-près du même avis; cependant il modifie ce système en disant que les marais continuent à la vérité de s'élever par la décomposition des plantes qui les couvrent, mais que le principe de cette formation est dû au transport de couches sous- marines qui auraient été déplacées par les cataclysmes terrestres, tout comme les autres couches géologiques. Sur ces matériaux primitifs, germe d’une végétation particulière, se seraient entassées d’autres parties combustibles qui auraient augmenté la masse de tourbe qui existait déjà dans le principe ; des îles de débris flottants auraient jailli du fond des mers pour aller s’arrèter dans les vallées et même sur les montagnes. Cette théorie ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle attribue à la masse primitive cette faculté particulière, de nourrir des plantes tout-à-fait différentes de celles qui croïissent sur d’autres sols et de s’accroitre de leur substance. Plusieurs auteurs enfin, Voigt le premier (*), ont pensé que la tourbe est une espèce de végétation souterraine et particulière, un tissu de racines qui continue à croitre, à s'élever de lui-même, sans que les plantes de la surface aient aucune influence sur cette croissance. Deux Anglais, le docteur Plott et le docteur Anderson, ont encore, en 1799, soutenu cette opinion et envisagé la tourbe comme un véritable végétal sui-generis , composé de débris d’autres plantes. Ces diverses opinions n’ont pas besoin de réfutation sérieuse. Les preuves de la for- mation de la tourbe par décomposition successive des plantes de la surface, montreront assez combien elles sont peu fondées. En effet, il suffit de suivre un instant l'exploitation d’un seul de nos dépôts tourbeux jurassiques, pour se convaincre que la matière combustible repose d'ordinaire sur une terre noire dans laquelle on trouve déjà enfouis une grande quantité de troncs et d’arbres entiers de même espèce que ceux qui croissent encore sur les marais ou dans les forêts voisins. En s’élevant du fond vers la partie supérieure d’une tourbière, on reconnait encore facilement que ces arbres et ces troncs sont mêlés à la masse entière, non point sous la forme de débris flottés, mais tels qu'ils ont dû croitre, avec leurs filaments radiculaires, leurs rameaux les plus faibles, les plus fragiles, et sans présenter aucune de ces formes émoussées qu’on voit toujours plus ou moins sur les bois qui ont été entrainés par les eaux. En poursuivant ces observations sur les restes de plantes qui sont assez bien conservés pour pouvoir être analysés et reconnus, on retrouve d'ordinaire dans toute l'épaisseur de la masse tourbeuse les mêmes espèces que celles qui couvrent la surface, et dans les marais d’eau douce, on ne voit jamais une seule parcelle de plantes ma- () Bose Das ganze von der Torfwissenschaft. Leipzick, 1802. () Woigt Versuch einer Geschichte der Stemkohlen, Braunkohlen und des Torfes. Weimar, 1782. = HE rines. Si l’on observe la coupe verticale d’une couche de tourbe, après l’exploitation, et qu’on redescende de la partie supérieure vers le fond, on voit les végétaux vivans qui conservent encore toutes leurs formes, les perdre peu-à-peu par des nuances in- saisissables et arriver enfin à l’état de tourbe. Les plantes herbacées se noircissent les premières, elles se décomposent et forment une pâte de plus en plus compacte, dans la- quelle les arbustes ligneux, comme les bruyères, les airelles, les bouleaux nains, parais- sent encore avec toutes leurs formes, leur écorce, leurs fruits, etc., qu'ils conservent souvent jusque dans les couches les plus basses. Cette décomposition successive et pro- portionnée à la profondeur où sont les plantes, prouve d’abord que les marais tour- beux n’ont pas été apportés dans les vallées par des inondations, mais qu'ils ont été formés sur les lieux mêmes, puisque, s’il en était autrement, la matière aurait la même apparence dans toute son épaisseur. Elle montre en outre que ces marais, entiérement composés de végétaux qui sont encore à la surface, ne peuvent devoir leur origine à quelque mode de croissance souterraine dont on serait au reste fort embarrassé d’ex- pliquer la nature. \ à L'existence antérieure de forêts sur les lieux mêmes où gisent les dépôts tourbeux, et leur croissance après la destruction de quelques-unes de ces forêts, sont attestées par une foule d'observations dont il est bien facile de tirer des conclusions. Rennie, auteur anglais, dont nous apprécierons les opinions, dit que sous un grand nombre de tour- bières de la Grande-Bretagne on trouve des forêts entières renversées sans doute par des ouragans, puisque tous les arbres y sont couchés dans le même sens à côté des troncs encore debouts et brisés à la hauteur de quelques pieds. La couronne des arbres est tournée vers le nord-est et c’est bien du sud-ouest que soufflent en Angleterre les vents les plus violents. M. Shuttleworth , savant botaniste irlandais, a observé la même chose au fond de la plupart des tourbières basses de sa patrie. Ce phénomène, à peine modifié, a également été reconnu en Hollande et dans le nord de Allemagne. Sprengel rapporte que le grand marais de Giffhorn, principauté de, Lunebourg, qui a une épaisseur de vingt-six à vingt-huit pieds, une longueur de six lieues et une largeur d’une lieue, repose sur une forêt de pins, de chènes «et de bouleaux renversés par les flammes, car tous les arbres et leurs racines portent des marques évidentes des atteintes du feu. En soumettant le charbon aux analyses chimiques, l’auteur s’est convaincu qu'il n’est nullement le résultat d’oxidation ou de combinaisons souterraines, mais produit par une cause toute naturelle. J'ai moi-mème observé dans les marais des Ponts (Jura), un cas analogue et fort curieux. Cette année même (1842) une exploitation vis-à-vis des Cœudres a mis à dé- couvert des dépôts de cendres d’une épaisseur de un à deux pouces sous lesquels la tourbe En est carbonisée à trois pouces de profondeur. Ces cendres sont nécessairement dues à une combustion qui a jadis eu lieu à la surface. La croissance continue les a recouvertes en- suite de huit pieds de tourbe. Non-seulement ces dépôts de cendres ne peuvent pas être envisagés comme des restes d’un embrasement souterrain, puisque par la privation de Pair il n’y aurait eu qu'une simple carbonisation, mais on est même forcé de les admettre comme des preuves de travaux humains. En effet, ces amas de cendres for- més en cercles, sur un diamètre de deux pieds environ , sont au nombre de douze à quinze éloignés les uns des autres de quelques pas et tous à la même distance. Ils repré- sentent parfaitement les feux qu'on allume encore souvent à la surface des tourbières quand on veut les cultiver. Car alors les habitants de nos montagnes entassent ainsi par monceaux séparés les débris de la découverte et les brülent pour préparer le labour. De ces faits, nous sommes en droit de tirer les mêmes conclusions que des analyses végétales. On ne peut admettre comme dépôts diluviens , ces matières qui recouvrent _ des forêts de notre époque, des forêts qui n’ont pu croître qu'après les dernières inon- dations historiques. On ne peut admettre comme germe de la formation de la tourbe ni dépôt marin, ni couche minérale, puisque le sol que recouvraient ces forêts est le même que celui sur lequel vivent encore les arbres de même espèce et ne peut être différent. Il faut donc que la croissance de la tourbe ait eu son commencement, puisqu'elle n’a pu s'élever subitement, et telle qu’elle a commencé , elle a dû se continuer à travers les sié- cles, comme elle se fait encore de nos jours. Quelques preuves historiques viendront à l’appui de cette opinion , qui n’est d’ailleurs maintenant combattue par personne. On trouve souvent au fond des marais des troncs d'arbres qui portent évidemment l’em- preinte de la hache. Jai vu moi-même ces empreintes sur des troncs extraits de nos tourbières jurassiques. Elles étaient surtout très-visibles sur une grosse souche de chène d’une dixaine de pieds de longueur, que des ouvriers retirèrent cette année du fond des dépôts tourbeux des Verrières. Dans les marais des Ponts, des hommes dignes de foi ont vu aussi, au fond des exploitations, des arbres dont le tronc avait été visiblement coupé. Rennie raconte que dans le marais près de Renssew, il a vu extraire de la tourbe un trone dans lequel était implantée une hache de fer d’une forme particulière. Et au fond du marais de Halfied suivant le même auteur, on a trouvé quelques arbres coupés, d’au- tres percés, d’autres à demi fendus au moyen de coins de bois et de pierre ; auprès étaient des haches brisées semblables à celles que les Romains employaient pour leurs sacrifices. Ces restes d’ustensiles romains se rencontrent encore assez souvent au fond des dépôts tourbeux. On à recueilli en Hollande, en Allemagne, en Angleterre, etc. , des médail- les, des cruches, des arrosoirs, des vases de cuivre et de terre. Et si lon voulait pré- 9 y 1 D) tendre que ces objets se sont enfoncés dans la tourbe par la facilité avec laquelle cette matière se laisse traverser par les corps pesants, assertion que j'envisage comme fausse, on ne pourrait cependant faire la même objection pour les constructions en bois qu’on a trouvées aussi recouvertes de couches de tourbe très-épaisses. Sur les deux bords d’un marais de Kinkardine, on voit à la surface du sol les deux extrémités d’une route romaine dont le milieu s'enfonce sous la tourbe. L'exploitation a mis à découvert cette chaussée à huit pieds de profondeur. Elle est faite de deux assises, l’une de pièces de bois de neuf à douze pouces d'épaisseur, posées dans le sens de la longueur , l’autre de plateaux pris en travers et d’une épaisseur moitié moindre. Dans la province Hol- landaise de la Drenthe, on a retrouvé dans une construction à-peu-près semblable et sous une couche de tourbe de huit à dix pieds d'épaisseur, un pont de bois construit par Germanicus dans sa campagne en Germanie (*). On peut aussi dans notre Jura citer un fait semblable ; caril existe depuis le village des Ponts à travers le marais, parallèle- ment à la route maintenant établie et à une vingtaine de pieds de distance , une ancienne chaussée en bois recouverte de trois pieds de tourbe. La construction en est tout-à-fait la même que celle de la voie romaine de Kinkardine, et selon la tradition elle était en- core viable en 14517, on la trouve mentionnée dans des actes de cette époque sous le nom de Pontinet. Ces constructions à large surface auraient-elles pu aussi s’enfoncer dans la tourbe? c’est ce qu’il est impossible d'admettre. L’effort de soulèvement causé par les gelées a dû être au contraire très-considérable et très-sensible. On ne peut donc donner d'autre explication de ces faits si ce n’est celle d’un envahissement successif des végétaux qui composent la tourbe, et qui, s’étant établis sur ces chaussées humides, ont fini par les recouvrir et par les enfouir sous leurs débris annuels, dès qu’elles ont été abandonnées. Ainsi le milieu même des couches tourbeuses comme le sol sur lequel elles reposent, fournissent des preuves évidentes de la croissance de la tourbe. La surface pourrait en donner aussi, si celles que nous avons citées ne suffisaient pour dissiper tous les doutes. Tous ceux qui habitent dans le voisinage des hauts marais du Jura sont convaincus qu'ils ne cessent de s'élever. Cette élévation est même parfois si rapide que dans les an- nées pluvieuses, on peut pour ainsi dire la mesurer à l’œil. Il existe, par exemple, dans quelques marais de l'Allemagne , de petits monticules de sable qui surgissaient jadis au milieu des vallées tourbeuses, que les habitants se souviennent d’avoir vus et dont ils ci- tent les noms. Maintenant ils sont enfouis et cachés sous la tourbe qui, après s’être éle- vée jusqu'à leur niveau, a fini par les recouvrir. Ceci donne la meilleure raison possible (:). Professeur Senf in litt. — ON, de la constante horizontalité des marais tourbeux. Au moyen de quelques observations trigonométriques ; il serait facile de mesurer cette croissance pendant un certain nombre d'années. Car si, d’un point fixe sur le bord d’une vallée , on en aperçoit un autre vis- à-vis par une ligne qui touche la surface du dépôt tourbeux, il y aura nécessairement interruption dans la ligne visible, si la tourbe continue à s’élever. On trouve ainsi dans nos marais tourbeux jurassiques une foule d’exemples isolés qui ont pu donner aux plus simples la preuve la plus positive de la croissance des tourbières. Le capitaine Be- noit, botaniste distingué, placé sur un pont qui traverse le ruisseau près du village des Ponts, voyait dans son enfance, à travers le marais, tout le toit d’une maison située sur le revers septentrional de la vallée. Dans sa vieillesse, il n’en apercevait plus que le pi- gnon. Depuis quelques années que cet homme est mort, le dépôt tourbeux placé entre les deux points visibles s’est élevé assez pour qu’on ne puisse plus rien apercevoir de la maison. Serait-il besoin de citer d’autres observations analogues pour prouver que l’en- tassement des débris de plantes qui croissent sur les marais tourbeux en augmente sans cesse la massse, et que c’est à cet entassement qu’est due leur origine ? CHAPITRE III. OPINION DES AUTEURS MODERNES SUR LA FORMATION DE LA TOURBE. Tous les auteurs modernes qui ont écrit sur la formation de la tourbe ont rejeté l’hy- pothèse d’un dépôt instantané de matières , pour reconnaitre une élévation par couches successives produite par la décomposition des végétaux qui croissent à la surface du sol. La question pour en être réduite à ce point, est loin d’être résolue. En effet, quelle est la cause de cette singulière formation? Est-elle un résultat pur et simple de la vie végé- tale? Les éléments chimiques qui se trouvent mélangés à la matière sont-ils accidentels , secondaires, des effets de la fermentation ou de quelque modification dans la forme pri- mitive, ou devrons-nous admettre la préexistence de quelqu'un de ces éléments comme ET nécessaire à la croissance de la tourbe. Comme une hypothèse ne peut être vraie qu’au- tant qu’elle explique tous les phénomènes connus, toutes les formes sous lesquelles se montre le travail de la nature, nous passerons en revue ceux des systèmes qui ont eu le plus de célébrité, afin de savoir s’il en existe un qui satisfasse à toutes les exigences des faits, et qui ne laisse rien de problématique. S'il est peut-être un peu long de suivre ainsi les théories les plus connues pour les ré- futer, ce travaii n’est point inutile. Il servira à faire mieux connaître quelques-unes des circonstances particulières dans lesquelles se rencontrent les tourbes, à montrer mieux les diverses apparences de la matière et les accidents qui ont agi sur certains dépôts pour y produire des modifications que les généralités ne sauraient expliquer. Le premier système qui mérite d’être étudié est celui qui attribue la formation de la tourbe à la destruction des forêts et à l’agglomération et la décomposition de leurs dé- bris. Des savants très-distingués, surtout des Anglais, ont soutenu cette opinion. Nora en 1761 (!) écrit : «que dans les temps anciens le sol étant partout recouvert d’épaisses forêts, les débris ligneux furent chaque année emportés vers les bas-fonds marécageux ; que les arbres qui croissaient dans le voisinage se pourrissant, tombèrent et augmentèrent la masse tourbeuse, et qu’enfin les graminées, les jones et les roseaux , s’étant établis dans ces eaux basses, aidèrent à l’accroissement de la tourbe. » Stevinus (*), à la fin du 17° siècle, affirme : « que tous les marais tourbeux ont été originairement d’épaisses forêts situées dans des lieux bas et humides, et qu’ainsi les forêts qui subsistent encore dans les mêmes circonstances seraient avec le temps changées en marais si on les laissait intactes. Car les arbres, périssant à la longue, seraient ren- versés par les vents ou par d’autres causes et formeraient bientôt après, par leur décom- position, une couche de tourbe de quelques pieds de hauteur. » Arends (°), (Agriculture de la Frise orientale), modifiant cette hypothèse , s'exprime ainsi dans un langage très-poétique : «IL y a bien des siècles que tout le nord de l’Alle- magne était encore recouvert par la mer. Tout-à-coup les eaux de l'Océan se retirèrent, peut-être par la destruction de cette grande Atlantide dont Platon, entre autres, nous parle. La Prusse , le Danemarck , la Hollande , la Frise orientale et toute l'Allemagne du nord sortirent des flots. Mais cette nouvelle création était déserte et vide. On n’y voyait nulle trace d'animal; aucun oiseau n’y faisait entendre ses chants ; aucune plante ne venait y fleurir. C'était un immense désert de sable qui avait en longueur trente à (1) Dau, pag. 81 et suivantes. (2) Dau, pag. 82. (5) Dau, pag. 83. = quarante journées et une largeur de huit à douze. Des contrées plus élevées, les vents et les torrents du ciel apportèrent d’abord des semences de toute espèce. Les plantes parurent, les forêts s’élevèrent et la végétation attira les animaux sur ce sol désert. Bien- tôt les forêts devinrent plus épaisses surtout dans les contrées basses , et les rayons du soleil ne pouvant plus pénétrer sous leur feuillage épais , il s'y forma un acide dans les eaux qui ne pouvaient s’écouler. Les débris de bois , les broussailles , les plantes se changèrent en une terre acide, stérile, qui forma le sol tourbeux. Les arbres périrent peu-à-peu , furent renversés et devinrent un aliment pour le marais. Et quand la plaine fut découverte et exposée à l'action de l'air et des rayons solaires, il était trop tard : la nature du sol ne put être changée, car il était imprégné de cet acide, L'eau des pluies s’y mêla et ainsi commencèrent à croître les plantes marécageuses qui convenaient à ce sol et qui firent de plus en plus élever ce dépôt primitif. » A cette brillante hypothèse succède celle d’Andersen , ( Le duché de Sleswig a-t-il à craindre une disette de combustible) , qui répète l'exposé précédent, en le modifiant par l'opinion de Nora. «Les forêts, dit-il, qui couvraient le sol, périrent sur place après avoir atteint leur âge naturel. L'air et l'eau ayant décomposé de grands végétaux et porté les débris dans les lieux bas, il se forma une espèce de bouillie végétale, masse brune, gélatineuse, gluante, qui contenait des acides, des résines, des éléments di- vers, suivant les diverses espèces d'arbres dont elle était composée. Des vallées plus ou moins grandes, jadis couvertes ou environnées de bois, devinrent ainsi les tombeaux des forêts. L'eau fit les fonctions de fossoyeur pour entrainer ces matières , les enfouir dans leurs .gommes , leurs résines , leurs sels, leurs acides, etc., et les conserver comme des momies pour les âges futurs. Ainsi les arbres qui croissaient dans le voisinage et qui n’é- taient point encore décomposés , renversés par les vents ou amenés par les torrens et les inondations (*), furent comme embaumés dans ce limon où nous les trouvons encore aussi frais qu'ou moment de leur chute. La nature recouvrit ces cimetières de végétaux d’un tapis bigarré de certaines plantes que nous connaissons maintenant comme espèces particulières à la tourbe, et qui puisèrent leur nourriture là où d’autres végétaux n’au- raient pu vivre à cause de l'acidité et de l’acreté de ces bois rendus fluides. Ces plantes aussi périrent, se décomposèrent et augmentèrent ce limon qui se raffermissant de plus en plus, produisit par sa maturité ce que nous nommons tourbe. » Le plus ardent et le plus savant défenseur de ce mode de formation est Rennie. Dans ses Essays on the natural history and origin of Peat Moss, ilrapporte, pour l’appuyer, une () Curieuse idée qui suppose des torrents assez forts pour amener des grands arbres , tout en laissant sur place la bouillie qu'ils traversent ! — D foule de détails et de faits historiques qui prouvent une vaste érudition et de nombreu- ses recherches , mais dont on ne peut malheureusement tirer aucune conclusion certaine sur le mode de croissance de la tourbe et sur son origine. Quelque intéressantes que soient en effet les preuves historiques , il est difficile et dangereux de s’en servir pour expliquer le travail de la nature. Dans le cas particulier, par exemple, les circonstances dans lesquelles se présentent les dépôts tourbeux sont si variées, qu’une affirmation vraie pour un lieu ne l’est plus pour un autre. Ainsi, nous l’avouons, cette théorie de la forma- tion des marais tourbeux par la destruction primitive des forêts, semble prouvée par un grand nombre de faits. Sans rappeler les narrations de Tacite, de César, de Tite-Live, de Pline, etc., il est certain que l'Europe, le nord surtout a été fort long-temps couverte d'immenses forêts presque impénétrables, dont les débris auraient pu former de puissan- tes couches de limon végétal. Et si l’on n’a observé que les hauts-marais , ceux que nous avons nommés supra-aquatiques , on aura pu facilement en conclure que la tourbe ne se forme que sur des dépôts d'arbres, puisqu'on la trouve presque toujours ou superposée à des troncs, à des racines, ou entremêlée d’une grande quantité de souches ligneuses. La terre noire qui est d'ordinaire au fond de ces dépôts semble aussi avoir été formée par les premiers débris des végétaux ligneux , et il est évident qu’elle a la plus grande analogie avec celle qui couvre le sol sous les antiques forêts de quelques-unes de nos hautes vallées jurassiques. Mais ceux qui ont observé un grand nombre de dépôts tourbeux , auront pu se convaincre que , loin d’être toujours situés dans les enfoncements où les eaux peuvent charrier les débris des côteaux voisins, ils se trouvent souvent, comme nous Pavons déjà dit, sur des pentes très-inclinées. C’est le cas surtout sur les roches de for- mation schisteuse , et alors ces dépôts, souvent peu profonds, ne sont mélangés ni de débris de bois, ni de troncs renversés. Ainsi, dans les vastes marais de l'Irlande qui re- couvrent les montagnes à une grande élévation, on rencontre bien au fond des vallées les troncs et les grands arbres sur les lieux mêmes où les ouragans les ont renversés, mais à mesure qu’on quitte la plaine et qu’on monte vers une plus haute région, les arbres dis- paraissent entièrement et la tourbe sans mélange de souches et de racines repose immédia- tement sur le roc. De ceci nous pouvons conclure : 1° que la présence des forêts et la dé- composition préalable de leurs débris ne sont point nécessaires à la formation de la tourbe, même dans les hauts marais ; 2° qu’il est impossible d’admettre que ces dépôts soient for- més de débris ligneux charriés par les vents et les eaux, puisque même dans nos monta- gnes calcaires du Jura, par exemple sur le sommet de Pouillerel, ces marais se trouvent assis sur des pentes et des croupes d’où ces restes de végétaux auraient dü être enlevés , si quelque force extérieure avait agi sur eux ; 5° qu’enfin si l'influence de la décomposi- tion préalable du bois, l’acide, avait pu se faire sentir dans un sens tout opposé à la force d'A de la pesanteur et remonter sur les pentes avec les plantes qu’il nourrit, il resterait à expliquer le moyen employé par la nature pour produire un phénomène tout contraire à l’une de ses lois les plus générales. La meilleure réfutation des théories précédentes se trouve dans l'examen des marais lacustres et marins. Favoue qu'avant d’avoir observé attentivement cette formation sous- aquatique, si différente de celle qui se présente d'ordinaire dans nos montagnes, j'aurais volontiers adopté quelques-unes des idées de Rennie (*). Mais sur les bords de nos lacs comme sur les rivages de la mer, la tourbe se présente comme une masse qu’on pour- rait dire homogène. On y reconnait dans toute la couche, en décomposition plus ou moins avancée, les plantes qui eroissent au fond et au bord des eaux ; mais on n’y voit ni arbres, ni racines, ni aucun tissu purement ligneux qui puisse faire penser qu’elle s’est formée sur des débris de forêt ou amenée par les eaux ou ayant vécu sur place. Au bord du lac de Neuchâtel, la tourbe repose immédiatement sur le sable et non plus sur la couche de terre noire qui se trouve souvent sous les dépôts émergés. Les stratifications qui carac- térisent les couches tourbeuses des montagnes n’y sont point du tout marquées. Seule- ment ça et là le dépôt est interrompu et partagé par une assise de sable ou de gravier qui a sans doute été rejetée par une élévation du niveau du lac. La présence de ces couches étrangères qui auraient dû arrêter l'influence des éléments chimiques, s'ils exis- taient, et par conséquent la croissance de la tourbe, serait encore une preuve suffisante contre les théories que nous avons rapportées. L'opinion la plus généralement répandue parmi les auteurs qui se sont occupés de recherches sur les marais tourbeux est celle-ci: c’est que la matière s’est formée lente- ment dans les étangs, dans les lacs, sur les bords de la mer et des fleuves , et dans les eaux peu profondes en général; qu’elle s’y est formée de débris de végétaux aquati- ques dont l’entassement successif a produit les couches que nous découvrons maintenant, et dans lesquelles les végétaux ont conservé leurs propriétés combustibles. Il est inutile sans doute d’énumérer tous les auteurs qui ont reproduit cette idée en la modifiant plus ou moins. Crôme et Dau en Allemagne, DeLuc en Suisse, Renaud de la Platrière en France, en sont les plus célèbres partisans. Crôme dans un traité de chimie agricole, rapporte plusieurs expériences de chimie faites sur les cendres de tourbe, puis il expose ainsi son système sur la formation du com- () C'est à M. le professeur Agassiz que je dois d’avoir rectifié mes idées sur la croissance de la tourbe que je supposais partout la même. Et c’est en parcourant avec cet illustre savant nos tourbières du haut Jura et celles des bords du lac de Neuchâtel, que j'ai dû admettre la grande distinction que j'ai tout d’abord établie, entre les dépôts émergés et immergés. = 146 = bustible : «Les couches de tourbe différent beaucoup entre elles. La partie supérieure des dépôts est en général composée de fibres végétales et de mousses non décomposées, et forme une masse légère et spongieuse dont l'épaisseur varie de un à un pied et demi. Au-dessous de celle-ci , paraït une couche où l’on trouve déjà moins de matières non dé- composées, dont la densité est plus considérable, d’un poids spécifique plus grand et contenant déjà plus de parties combustibles. L’épaisseur en est ordinairement d’un à deux pieds. Plus bas on trouve la dernière et la meilleure couche composée presque entièrement de matières végétales réduites à l’état pâteux, mélées avec des substances minérales et formant une masse d’une consistance homogène. Elle fournit la meil- leure tourbe , mais elle est souvent difficile à exploiter à cause de l’eau qui s’amasse dans les fosses. Les animaux et les plantes des marais ou plutôt leurs restes décomposés par l'air, la chaleur, la lumière et l’eau, ont formé la tourbe. Cette formation ne se fait pas rapidement ; -des siècles, même des milliers d’années sont nécessaires pour cela ; et nous voyons d'ordinaire que la tourbe est d’autant meilleure qu’elle est plus ancienne. » Les plantes qui concourent à la formation de la tourbe sont certainement diffé- rentes suivant les pays où elles croissent. Les végétaux cryptogames aquatiques et les petits animaux qu’ils nourrissent forment sans doute le premier limon qui s’entasse au fond des eaux stagnantes. Ces petits cryptogames qui vivent dans l’eau attachent leurs racines au bord des fosses à des plantes plus grandes ou sur le fond même des marais. D'une contexture très-simple , ils croissent avec une rapidité extrême, végètent peu de temps, pourrissent bientôt et laissent au fond des fosses un premier lit de vase. Ordi- nairement en même temps, mais souvent quelques années après, on y trouve mélangés des végétaux plus grands (Crôme les énumère). Ces plantes, après avoir vécu là plusieurs années , préparent la place pour une nouvelle race végétale et concourent par leur dé- composition à accroître la couche limonneuse. Quand ces végétaux et les animaux qui y vivent ont posé le premier fondement de la tourbe , on trouve à la surface des eaux quelques autres plantes qui sont le composé essentiel de cette matière. ( Crôme nomme avant toutes les autres , les diverses espèces de sphaignes). Ces mousses et ces plantes nagent d’abord sur l’eau et forment bientôt par l’effet de leur accroissement rapide une légère couverture flottante dans laquelle d’autres espèces peuvent prendre racine. Ces petits végétaux poussent chaque année de nouvelles tiges vers le haut; leur partie in- férieure périt, et de cette manière la tourbe ou la matière limonneuse croît en quelque sorte chaque année de haut en bas. Le tapis flottant devient enfin assez ferme pour of- frir un sol d’une propriété particulière à d’autres plantes qui augmentent chaque année la matière. » Après avoir observé que le gisement des tourbes est très-varié, que si elles se trou- dr “HE à vent d'ordinaire dans les contrées basses , on les rencontre aussi dans les montagnes éle- vées , l’auteur ajoute: que toujours il faut de l’eau pour la formation de la tourbe, et que celle matière ne peut naître sans eau. Crôme, savant botaniste et chimiste en même temps, semble avoir basé son système de la croissance primitive sur l’examen du mode de reproduction. Or, quoique ces faits puissent avoir une grande analogie, il n’y a pas toujours identité entre ce qui se passe maintenant dans les fosses ouvertes, remplies d’eau, entourées de tous les éléments qui favorisent l'établissement des végétaux tourbeux, et ce qui s’est passé jadis à la surface du sol ou au fond des eaux pour la production primitive de la tourbe. Et d’abord , l’exposé de la forme apparente de la matière n’est pas conforme à ce que nous montre la nature. Si parfois les couches les plus müres , les plus noires , les plus denses se trouvent dans la partie inférieure d’un dépôt tourbeux , le contraire a lieu aussi très-souvent. L'examen des causes qui modifient la qualité et la composition de la tourbe expliquera la raison de toutes ces apparences de la matière , indépendamment de la profondeur où elle git. Au contraire des partisans de la formation de la tourbe sur les forêts détruites , Crôme semble n’avoir observé que des marais immergés. Il affirme donc que la tourbe ne peut exister sans eau , ce qui est loin d’être toujours vrai. Car dans les cas les plus nombreux , la végétation tourbeuse est supérieure au niveau naturel de l’eau, et cette surélévation qui se continue , le système de Crôme ne l'explique pas plus que celui d’au- cun de ses partisans. La propriété de ce sol qui nourrit certaines espèces de végétaux servant à augmenter la matière reste aussi tout-à-fait inconnue. Des arbres , comme les bouleaux et les pins, couvrent les tourbières ; ils tombent, et loin de se décomposer, comme il arrive dans toute autre situation, ils se mêlent à la masse, conservent leurs propriétés combustibles et restent enfouis pendant des siècles sans rien changer à leur contexture, à leur forme apparente, et sans subir aucune modification. Tous ces phéno- mênes que constituent la formation de la tourbe ne sont point expliqués, car cette décom- position produite par l’aër, la chaleur, la lumière et l'eau, ne donne certainement pas la raison des dépôts tourbeux. Les végétaux soumis à l’air et à la lumière produisent une terre non combustible, qui est l’humus. Si la tourbe s’élève et se forme sous l’eau comme l’établit le système précédent , ils sont par conséquent soustraits à l'influence de l'air. La densité des touffes de plantes, surtout des mousses qui couvrent la plupart des marais, empèche la lumière de pénétrer sous leur verdoyant tapis ; et cependant c’est au-dessous de la partie qu’elles recouvrent, à un pied de ‘profondeur, que l’on aperçoit les pre- mières apparences tourbeuses. La lumière ne parait donc avoir aucune action sur cette formation. Quant à la température, elle sera appréciée par les expériences rapportées 3 > dans la partie scientifique. Mais nous pouvons déjà remarquer ici que les marais tourbeux s'étendent davantage et s'élèvent à une plus grande hauteur dans les contrées froides que dans les régions tempérées, et qu’on ne les rencontre jamais dans les pays chauds. Il est done permis d'éliminer d’entrée ces trois agens dont au reste Crôme n’a nullement ex- pliqué l'influence. C’est une erreur commune à un grand nombre d’auteurs qui ont écrit sur ce sujet, d’avoir vu dans la formation de la tourbe le résultat d’une certaine fermentation particulière à cette matière, tandis qu’elle provient au contraire des obsta- cles qui s’opposent à la rapide décomposition. Les couches inférieures des tourbières restent toute l’année à une température extrêmement basse, et l’on sait que toute fer- mentation développe un certain degré de chaleur qui serait certainement appréciable par les comparaisons avec la température moyenne de l'air. Dau a le premier bien observé et bien décrit les différences entre les marais tourbeux formés sous l’eau et ceux qui se sont élevés sans bassin d’eau préalable. Il a vu que la plupart des grands marais ont eu leur origine là où l’eau avait pu avoir de l’écoulement et où elle ne s’est jamais élevée à la hauteur de la tourbe. Nous pourrions citer à l’ap- pui de cette vérité la formation de la plupart de nos marais jurassiques. Dau décrit des marais de Lithuanie doni la tourbe a trente-six à quarante pieds de profondeur et autant d’élévation au-dessus des plaines et des eaux voisines, de sorte qu'ils forment de vérita- bles montagnes. La théorie de cet auteur n’a rien d’original, rien qui la distingue de celle de Crôme, si ce n’est l’explication qu'il donne de l'élévation du centre de ces dépôts émergés. II ne connaissait ni la botanique ni la chimie, il a donc dû particulièrement étudier et rap- porter les opinions de ses devanciers et de ses contemporains. Suivant Dau, pour former un marais tourbeux , il faut un sol peu enfoncé, qui ait la propriété de retenir l’eau à sa surface. La tourbe commence donc à croître sous l’eau, même dans les hauts marais. « Sur ce terrain végètent d’abord les plantes qui aiment l'humidité. Dès que par les débris de quelques-unes de leurs générations , elles ont formé une couche assez considérable de li- mon, elles doivent disparaître, puisqu'elles ne croissent pas sur un sol tourbeux, et céder la place aux mousses, aux gramens et surtout aux bruyères (°). Cependant la matière aura déjà atteint une élévation de quelques pieds, de sorte que les enfoncements étant comblés, elle formera une plaine horizontale, la végétation continuant, le marais ne ces- sera de s'élever et la croissance du centre sera toujours plus active que celle des bords. () Cette idée est incompréhensible et l'auteur aurait sans-doute été bien embarrassé d'expliquer en vertu de quel principe les plantes non tourbeuses forment la tourbe, et par quelle raison elles ne peuvent plus croître sur le dépôt qu'elles ont formé et sont forcées de disparaître pour céder leur place à d’autres vé- gétaux — 19 — L'humidité plus grande et plus concentrée vers le milieu du dépôt, Fécoulement de l’eau par les bords, les dégâts des animaux qui paissent souvent aux limites des marais sans pouvoir pénétrer vers le centre et qui de plus broient et détruisent les végétaux qui for- ment la tourbe, la présence même des insectes , qui s’y rendent depuis les sables voisins et qui ne se hasardent pas dans l’intérieur , telles sont les causes de la convexité des ma- rais tourbeux. » Nous pouvons répéter à l'égard de la théorie de Dau ce que nous avons dit de celle de Crôme, c’est qu’elle n’explique nullement les faits connus : elle ne dit pas en vertu de quelle loi l'élévation a lieu , ni comment il se fait que l’eau soit transportée des profon- deurs de la masse jusqu’à une hauteur de trente pieds et plus. Car Dau a lui-même ob- servé que sur le marais de Dosen près de Neumunster en Holstein, dont le centre est élevé de vingt-cinq à trente pieds au dessus de la plaine voisine, de telle sorte que de l’un des bords on n’aperçoit ni les maisons ni les arbres qui sont de l’autre côté, on s'enfonce même dans la partie la plus élevée , et par les temps les plus secs, en automne même, dans le tissu des mousses jusqu’au genou, et que l’on a de l’eau jusqu’à la cheville. L'auteur a recours il est vrai à la capillarité pour expliquer ce curieux phénomène ; mais qu'est-ce que cette capillarité de la tourbe qui agit dans certains cas et ne se fait point sentir dans d’autres, puisque les marais lacustres et marins , les dépôts sous-aquatiques s’élèvent jusqu’au niveau de l’eau et montent rarement plus haut. Il reste maintenant à examiner les hypothèses des chimistes , résumées par Wieg- mann, et qui admettent comme cause de la conservation des végétaux ét de leur trans- formation en tourbe un élément particulier qu'ils nomment acide humique ou ulmine. Je dis que Wiegmann n’a fait que résumer les opinions de plusieurs auteurs qui ont écrit avant lui, car il neme semble pas l’auteur d’une découverte encore vague et mal expliquée, dont il réclame le mérite. Déjà en 1804 , le célèbre chimiste Einhof, que nous aurons encore l’occasion de citer, dit en parlant de la décomposition des végé- taux qui forment la tourbe : 1 se forme d’abord un acide qni empêche la rapide décom- position des plantes (*). En 1818, Arends s’exprimait ainsi, comme nous l’avons vu : Dans les forêts devenues plus épaisses , quand la lumière du soleil ne püt plus pénétrer sous leur feuillage, il se forma un acide dans les eaux sans écoulement. Plus tard, en 1821, Sprengel écrivait dans le Hanüversches Magazin un article extrêmement intéressant sur les tour- bières, dans lequel cet acide ulmique est pour la première fois nommé et envisagé comme la seule cause de conservation des végétaux. Voici le résumé de ses recherches. «Toutes les tourbes soumises aux analyses chimiques sont imprégnées d’un acide telle- () Einhof und Thor: Analysen zweier Torfarten. = 0 ment antiseptique, que la viande mème trempée dans l’eau saturée de cette substance à + 12° de température, s’est conservée très-longtemps et a fini par se décomposer sans se corrompre. Composé d'hydrogène, de carbone et d’acide , il se dissipe très- lentement à la température de nos climats, mais très-rapidement au contraire à une tem- pérature élevée, c’est pourquoi il n’y a pas de tourbières dans les pays chauds. Il s’é- vapore sans doute au contact de l'air, mais il se reproduit toujours par la continuelle décomposition des végétaux. Et comme un marais en formation se trouve de temps en temps tellement imbibé par l’eau des pluies et des neiges, que la surface même en est couverte, cet acide soluble dans l’eau pénètre ainsi dans les plantes mortes pour en empêcher la décomposition. « Mais toutes les espèces de végétaux ne réussissent pas là où cet acide est en grande abondance ; c’est Re la flore des marais est si uniforme et si peu nombreuse. Les espèces les plus propres à ce sol sont par exemple : le Melica cœrulea, Eriophorum va- ginatum , Erica tetralix , Sphagnum cuspidatum, etc. C’est pourquoi aussi la tourbe se reproduit avec une étonnante rapidité dans les fosses creusées pour l'exploitation. Cette tourbe de formation plus jeune est très-spongieuse et peu compacte, car la grande quantité d’acide qui la pénètre empêche presque absolument la décomposition végé- tale. » Cette théorie ou cette découverte de Sprengel, comme on voudra l'appeler, expli- que si bien un grand nombre de phénomènes relatifs à la croissance de la tourbe et à sa composition , qu'il est difficile de ne pas l’admettre, du moins dans plusieurs de ses parties; car il est hors de doute que Sprengel a bien vu et long-temps observé les ma- rais tourbeux. Ainsi donc , s’il était démontré que cet acide ulmique existe, et que son influence fût constatée, si l’action que lui suppose l’auteur était admise par d’autres chimistes , il faudrait. le reconnaitre comme cause de la conservation des végétaux, et il ne resterait plus à apprécier que l'influence de ces végétaux sur la composition du combustible. Mais les opinions de Wiegmann contredisent sur quelques points essentiels celles de Sprengel, et il nous sera facile de montrer combien cet élément est encore vaguement apprécié dans sa nature , et combien l'influence qu’il exerce sur les matiè- res auxquelles il est mélangé est peu connue. Ce que je reproche avant tout à Spren- gel, c’est d’avoir prétendu expliquer les successions végétales, qui forment les stratifica- tions des hauts marais, par la présence de certains éléments chimiques particulièrement propres à nourrir telle ou telle espèce de plantes. La composition chimique du sol peut et doit avoir sans doute quelque influence sur le développement d’une espèce particu- lière à l'exclusion d’une autre ; mais au point où en est la science, où trouver des rè- gles qui ne soient pas contredites à chaque instant par les faits? Le sol tourbeux a une 2 D = végétation particulière dont on peut facilement faire un groupe bien tranché dans le nombre immense des espèces qui couvrent la terre. Que dans leur ensemble ces plan- tes doivent leur germination et leur vie à un acide particulier, c’est ce qu'on pourrait admettre. Mais elles croissent indistinctement mélangées les unes aux autres sur les tour- bières, et si quelques-unes dominent dans un lieu, la cause n’en est pas, comme le veut Sprengel, dans un principe chimique qui s’y est développé avec plus de force qu’ail- leurs. Citons un exemple sur mille des contradictions et des erreurs que de semblables hypothèses peuvent causer. Sprengel affirme que c’est seulement quand un marais a at- teint toute sa croissance, que les bruyères commencent à s’y établir, lorsque l'acide ul- mique n'arrive plus à la surface , car ces arbustes ne peuvent s’en nourrir. Alors, ajoute l’auteur, le marais ne s’élève plus, tant à cause de la lenteur de la végétation de ces plantes , que parce qu’'aussitôt après leur mort elles entrent en décomposition rapide ; car cette décomposition n’est empêchée ni par une humidité suffisante, ni par l'acide ul- mique qui, se trouvant dans les couches profondes du marais, ne peut plus monter à la partie supérieure. Or, voici qu'une humidité suffisante peut empêcher la rapide décom- position des végétaux sans la présence de l’acide. Voici encore que d’après Sprengel les bruyères ne forment pas de tourbe mais seulement une couche de terre légère qui ne peut se changer en combustible. Cependant il est de toute évidence que souvent les couches mêmes les plus profondes et les plus humides de nos tourbes émergées sont composées presque entièrement de ces bruyères en parfait état de conservation. De sa- vants observateurs, Rennie, Andersen, etc., rapportent avoir vu en Irlande, en Hol- stein, en Suède, des marais tourbeux dont le fond n’était formé , dans une épaisseur de deux à trois pieds, que de bruyères dont les tiges ligneuses étaient enveloppées en faisceau dans une pâte noire et compacte. Or l’on ne saurait point chicaner sur l’espéce, car l’Erica vulgaris est la seule qui couvre les tourbières du Jura; on l’y rencontre dans les parties les plus humides aussi bien que dans les endroits secs ; l'£rica tetralix ne se rencontre nulle part en Suisse. C’est surtout dans la formation des tourbières lacustres que l'influence de cet acide ulmique me semble inadmissible. La matière combustible s’est entassée au fond des bas- sins d’une immense étendue unis encore et servant même de communication à plusieurs lacs très-profonds. Ainsi les vastes marais du Seeland unissaient jadis les lacs de Neu- châtel, de Bienne et de Morat. Le liquide sous lequel la tourbe s’est formée devait par- ticiper de la nature des eaux des grands bassins. Comment l'acide a-t-il pu s’y dé- velopper , comment l’eau a-t-elle été saturée de cet élément dans quelques parties seulement. La tourbe ne s’est pas formée partout; elle repose immédiatement sur le sable. T à donc fallu qu’elle commencât sa croissance sans la présence de l’acide, puis- = NID qu'autrement elle n’aurait jamais existé, a moins qu’on ne veuille prétendre que cet élé- ment est en même temps l’effet et la cause. Le lac d’Etaillères près de la Brévine (Jura) a été formé par un enfoncement subit d’un sol couvert de forêts. Sa plus grande profondeur dans une étendue d’environ une demi lieue carrée est de vingt-cinq pieds. Partout , excepté sur les bords peu profonds, la sonde rencontre des troncs d’arbres et en retire facilement des branches de sapin en parfait état de conservation ; vers le milieu du lac, sur la rive méridionale, se trouve percé un entonnoir souterrain par où l’écoulement de l’eau a lieu, et où l’on a établi des moulins d’une construction pittoresque et hardie. Un ruisseau, faible il est vrai, se jette dans ce lac à l'extrémité occidentale. Par des sondages répétés particulièrement entre l'embouchure du ruisseau et le lieu d’écoulement, je me suis assuré que la tourbe est en voie de formation dans quelques parties de ce lac couvert d'immenses touffes de Chara. H y a même un endroit où cette tourbe sous-aquatique arrive au niveau de l’eau. Pour étudier la matière de ce dépôt à toutes les profondeurs, j'y ai enfoncé un per- coir de quinze pieds avec lequel je n’ai pu atteindre les couches les plus basses. Cette tourbe de formation toute nouvelle est extrêmement molle, jaunâtre , sans consistance, comme une bouillie mélangée de sable. Les Chara sont décomposés et leurs filaments détruits, mais çà et là la sonde rencontre des faisceaux de potamots et de jones dont les feuilles tant seulement noircies ont conservé toutes leurs formes , même à la plus grande profondeur. Le transport de l’eau , de l'embouchure du ruisseau vers l’entonnoir , doit occasionner un courant qui, quelque faible qu’il soit, devrait répartir l’acide dans tou- tes les eaux du lac également et l’entrainer ; cet acide ulmique ne peut donc ici encore être envisagé comme la cause de la formation de la tourbe. Wiegmann (*) a repris le système de Sprengel ; mais l’a-t-il rendu plus clair, l’a-t-il suffisamment expliqué? Si l’on doit sans nul doute reconnaître la valeur de ses expé- riences chimiques qui sont faites avec le plus grand soin, on est forcé d’avouer qu’il tire de ces analyses des conclusions qui contredisent le travail de la nature. Ainsi Wieg- mann pense que l'acide ulmique qui concourt essentiellement à la formation de la tourbe, provient de la décomposition du clorophylle ou de la partie verte des feuilles. Tous Les végélaux en contiennent, dit-il, à part les sphaignes, et c’est pour cela que ces mousses qui vivent à la surface des tourbières, ne peuvent former de la tourbe, mais seulement un tissu sans consistance qui s’enflamme très-rapidement et ne donne que peu de chaleur. Est-ce que peut-être cet auteur voudrait nier la croissance continue des marais par la superposition et l’entassement des végétaux? Ou, s’il admet cette croissance, penserait-il que ce qui (:) Ueber die Entschung , Bildung und das Wesen des Torfes, 1837. en. DE — est maintenant surface, une fois recouvert par des couches plus ou moins épaisses ne donnera jamais de la tourbe. S'il avait examiné nos marais jurassiques comme tous les dépôts émergés, il aurait pu voir aisément que non-seulement les sphaignes vivent main- tenant encore à la surface de nos tourbières, mais qu'ils en ont formé toute la masse. C’est le seul végétal qui se mélange à toutes les couches en plus ou moins grande abon- dance, et nos meilleures tourbes exploitées à la profondeur de dix à quinze pieds, en sont presque entièrement composées. Or, si comme le dit Wiegmann, et cela est vrai, le sphaigne reste très-long-temps à la partie supérieure du marais sans se décomposer; s’il ne contient pas d'acide ulmique; si cet acide est le principe antiseptique, n’y a-t-il pas de ce fait contradiction évidente avec la théorie. Car comment la surface des marais n'est-elle pas soumise aux changements qu’on voit s’opérer sur le sol non tourbeux, et pourquoi ne se recouvre-t-lle pas d’humus ? Ainsi il doit être permis, même sans rien connaître à la chimie, de contrôler les opi- nions d'hommes savants, et de réclamer, tout en rendant hommage au mérite de leurs travaux, ou de nouvelles observations, ou de nouvelles analyses, afin d’éclaircir ce qui reste encore d’obscur et de vague dans les métamorphoses des végétaux, dont les siècles modifient les apparences et les propriétés. Car, pour expliquer ce travail, il ne suffira pas de fabriquer soi-même une terre combustible qu’on appellera tourbe, comme l'a fait Wiegmann. Des plantes, les premières venues, mises dans des fosses pleines d’eau soi- gneusement recouvertes pour empêcher lévaporation et l’action de la lumière, subiront une espèce de fermentation qui s’attachera avant tout à la destruction des parties non ligneuses. Qu’alors on méle à cette masse les éléments minéralogiques qui auront été reconnus dans la tourbe, elle sera combustible. Mais qu’aura-t-on prouvé de cette ma- nière? Saura-t-on mieux d’où proviennent naturellement tous les éléments chimiques que les analyses trouvent dans la tourbe? Ou saura-t-on mieux le pourquoi de tous les phénomènes particuliers que présente la croissance des marais tourbeux et que nous avons déjà reproché aux autres systèmes de n’avoir point expliqué? L’admission pure et simple d’un élément chimique comme cause de la formation de la tourbe me semble surtout dangereuse en ceci: c’est qu’elle peut égarer dans les recherches et surtout dans les essais de reproduction et dans le mode d'exploitation. Wiegmann prétend que l'acide humique ne pouvant se reproduire dans les fosses ouveries sur les marais, la tourbe ne peut recroître. C’est là une affirmation contradictoire à ce que nous montre journellement la nature, et opposée à l'opinion d’autres chimistes, de Sprengel surtout qui, comme nous l'avons vu attribue au contraire la reproduction rapide de la tourbe dans les fosses nouvelles à la quantité d’acide humique en dissolution dans l’eau. De tout ceci, nous pouvons conclure encore une fois que cet élément existe dans la tourbe, mais qu'il y est — DE — comme composant et non point comme cause de la formation du combustible, et que, quel que soit son rôle, il n’est encore bien connu ni dans son principe ni dans ses in- fluences, CHAPITRE IV. EXPOSÉ THÉORÉTIQUE DE LA FORMATION DE LA TOURBE. Nous savons déjà que la tourbe se forme dans une foule de conditions diverses ; qu’elle établit ses dépôts dans les eaux des lacs comme sur les pentes des montagnes, dans les bassins peu profonds des vallées et sur les rives inondées des fleuves et des rivières. Chacun sait aussi que le bois immergé se conserve très-longtemps sans se décomposer ; car on retire souvent du fond de la mer et des lacs, des arbres, des troncs qui y sont enfoncés depuis des siècles et qui ont gardé leur propriété combustible. Nous voyons encore que ce phénomène se produit d’une manière d’autant plus frappante que la tem- pérature est plus basse. Il est impossible de ne pas trouver dans ce fait une grande analogie avec ce qui se passe dans la formation de la tourbe. Les plantes qui vivent sur le sol tourbeux ou dans les lieux humides, même les graminées, sont composées en grande partie de filaments ligneux. D’après les expériences de Wiegmann , le Carex cæspilosa en a quarante-quatre parties sur cent, et c’est le moins ligneux comme le moins abondant des carex qui vivent sur les marais tourbeux. La linaigrette {Eriophorum va- ginatum) , qui, mélangée aux sphaignes, a formé la plupart des couches de nos tour- bières, en a quarante-sept pour cent; le sphaigne lui-même cinquante-sept pour cent. Si nous examinons les restes de ces végétaux dans la tourbe, nous trouverons les carex moins bien et moins longtemps conservés dans leurs formes extérieures que les linai- grettes, et nous avons déjà vu que celui des végétaux qui entre le plus difficilement en décomposition est le sphaigne, au point que plusieurs auteurs, ceux surtout qui n’ont observé que la surface des tourbières, prétendent qu’il ne se décompose jamais assez pour former de la tourbe. J’ajouterai que dans mes recherches microscopiques sur les restes des végétaux reconnaissables dans la tourbe, j'ai trouvé plusieurs autres mousses, entre autres le Hypnum fluitans et le Hypnum trifarium, conservés plus longtemps et avec plus d’intégrité que les autres espèces, et je ne mets point en doute qu’ils ne con- tiennent par conséquent une plus grande masse de filaments ligneux. Quant aux végé- taux charnus, tels que le nénuphar (Nymphœæa alba) qui laisse flotter sa blanche corolle et ses larges feuilles sur les rives des lacs, et le trèfle de marais (Menianthes trifoliata) dont les formes gracieuses contrastent avec la triste et uniforme végétation de nos marais élevés, on n’en retrouve aucune forme visible dans la tourbe même très-jeune. L'eau a done sur le ligneux cette influence qu’elle en retarde très-longtemps la décomposition si elle ne l’arrète pas tout-à-fait (‘). D'après cela, on ne sera point étonné de voir les tourbes immergées profondément arriver à un état de maturité complet plus lentement que celles qui croissent hors de l’eau. Et ainsi s’expliquera déjà le phénomène qu’on peut observer dans les marais de la Brévine (Jura), où la tourbe est d’une densité moins grande, d’une couleur moins foncée et d’une apparence moins âgée à mesure qu'on pénètre plus avant vers le fond du dépôt. Ce mème phénomène avait été déjà observé par Dau dans les environs de Copenhague, mais il lui était resté tout-à-fait incompré- hensible, Son système n’était ni assez clair ni assez précis pour expliquer tous ces acci- dents divers. Après avoir dit : qu’il trouva sous une couche de tourbe déjà noire, com- pacte, d’une apparence âgée, une autre couche formée presqu’entièrement de mousses non décomposées , il ajoute : je voudrais bien savoir qui pourrait donner là-dessus une explication satisfaisante ; et il pense que pour trouver la solution de ce problème, il fau- drait demeurer au moins une année sur le marais. — Une foule d’erreurs, d'observations fausses et de ridicules hypothèses ont été déduites de ce principe, que la tourbe doit ètre une matière homogène dans toute sa masse. Pour n’avoir point recherché l'influence des divers végétaux sur sa composition, pour avoir négligé la recherche et l'analyse des formes végétales restées visibles dans la matière tourbeuse, on a été amené à croire que la couleur et la densité de la tourbe sont toujours en raison de son àge. Les nombreuses stratifications si variées des hauts marais sont restées un problème, et pour en expliquer la cause on a dû avoir recours à de continuels accidents, tels que les inondations, les enfoncements du sol et surtout les incendies de la surface. La décomposition en changeant quelques-unes des parties constitutives des végétaux, imprègne les filaments ligneux d’éléments étrangers qui leur donnent plus de consistance etaugmentent, si je puis m’exprimer ainsi, leur force combustible. Or c’est parce que cette décomposition ne peut agir d’abord que sur certaines parties que la tourbe se forme ; s’il en était autrement, le résultat produit serait de lhumus. Au lieu donc d’envisager la tourbe comme un résultat immédiat d’une fermentation particulière , on doit plutôt l’envisager comme formée par un obstacle à eette fermentation, et cet obstacle essentiel est la présence de l’eau. () Ai-je besoin de dire que je ne donne ici qu'un exposé simple et à la portée de tout le monde. Les détails de chimie , de botanique , etc., trouveront leur place dans la partie scientifique et complèteront ce rapide aperçu théorétique. EL = Ainsi définirai-je la tourbe : un composé de végétaux ligneux dont la fermentation et par conséquent la décomposition sont retardées par la présence et la température de l’eau. Les tourbes sous-aquatiques se forment sur lès‘ bords de la mer, des lacs et des fleuves, quand les eaux peu profondes ne sont plus agitées par des mouvements violents, quand surtout elles se trouvent séparées du bassin général par des digues, des dunes ou des attérissements. Elles s’établissent également dans les petits lacs et les étangs des montagnes, car les deux conditions indispensables pour la formation immergée sont une eau peu profonde, sans courant sensible; et la présence de végétaux ligneux. Ce sont surtout les potamophiles , les joncées, les prèles, les carex et les arundo phragmites qui implantent leurs racines dans le sol immergé, dressent leurs tiges au dessus de la surface de l’eau, et chaque année déposent à leurs pieds les débris sur lesquels ils continueront leur croissance l’année suivante. On trouve rarement au fond des dépôts tourbeux de cette nature des arbres et des racines qui sont en si grand nombre dans les hauts marais : à moins que ces souches ligneuses n’y aient été amenées par les flots ou que leur pré- sence ne soit l'effet d’un acéident tout particulier, comme celui qui a formé le lac d'E- taillères. C’est dans ce lac surtout qu’on peut suivre facilement les détails d’une produc- tion sous-aquatique en pleine activité. Elle commence sur les bords limoneux, s’avance insensiblement vers le milieu et comblera sans doute un jour tout le bassin. Les obser- vations des auteurs allemands sur les tourbes marines que je n’ai pu voir moi-même, prouvent qu'il n’y a aucune différence dans la manière dont elles se forment. Les vé- gétaux ne sont plus les mêmes espèces, il est vrai, mais ils appartiennent généralement aux mêmes genres ; ce sont toujours des plantes ligneuses, surtout des joncées. On à également sur les bords de la mer des exemples de formation assez récente pour que le phénomène puisse encore être étudié, et pour qu’on ne puisse pas douter qu’il n’appar- tienne à notre époque. Ainsi, on voit sur les bords de l’Authie, rivière du département de la Somme, une immense étendue de marais, surtout près de son embouchure dans la mer. Ces marais sont encore presque généralement inaccessibles et couverts d’une immense quantité de plantes aquatiques tantôt d’eau douce, tantôt marines, qui déposent une couche tourbeuse qui, un jour, s’élèvera jusqu’au niveau de l’eau. On lit dans le Beitræge zur Naturkunde und Oeconomie, de Binge, le passage suivant : « Voici ce que Dankverth écrivait en 1652 : Le territoire d'Oldenbourg était encore en 1520 séparé du reste du Holstein par un bras de mer et formait par conséquent une île. Les habitants pouvaient naviguer facilement vers l'Orient ou vers l'Occident par la Brockau. L'embou- chure occidentale a été depuis long-temps fermée par des dunes ou par les ordres de: la reine Marguerite : et l'embouchure orientale est maintenant si peu profonde qu'on y na- rique difficilement. Ainsi celte ville jadis maritime et commercante se trouve être devenue CU 7: bientôt une ville d'intérieur. Dès-lors la tourbe s’est formée dans ce canal autrefois na- vigable et Fa insensiblement comblé, dès qu'il a été isolé de la mer; car le sol tourbeux s'étend sans interruption de la côte orientale à la côte occidentale, en passant tout auprès de la ville d’Oldenbourg. Il s'avance jusqu'à quelques centaines de pas du rivage, où il s'arrête au pied des dunes refoulées par la mer et qui ont obstrué l’ancienne embou- chure (*). Ce fait est fort remarquable, mais en cela seulement, que les dates sont bien fixées et rapportées par des auteurs dignes de foi. Les quelques observations qu’il nous sera possible de réunir sur la géographie des tourbes et sur l'influence de ces dépôts sur les formes continentales, fourniront encore d’autres exemples de ces récentes formations marines. Ainsi la production sous-aquatique de la tourbe ne présente aucune difficulté dans son explication, si Pon admet que l’action de l’eau empêche la prompte décomposition des fibres ligneuses des plantes et favorise les modifications insensibles que doivent subir dans le liquide toutes les parties qui ne sont pas naturellement combustibles. On demandera peut-être comment il se fait que sur les bords de certains fleuves et de quelques rivières, sur ceux de l’Elbe par exemple, sur ceux de l'Essonne et de la Bresle en France, la tourbe se soit formée à une certaine distance du cours d’eau, tandis que les rives mêmes se sont couvertes de dépôts limoneux sur lesquels la tourbe ne s’est point établie ? On comprend facilement que dans le temps où les lits des fleuves et des rivières n'étaient point encore encaissés et rétrécis comme ils le sont maintenant, le cou- rant suivait le fond des vallées plates, et formait sur ses bords des nappes d’eau peu profondes et immobiles qui se couvraient d’une forêt de joncs et de roseaux dont les débris s’entassaient et formaient de la tourbe. On comprend encore que le courant en- trainant avec lui des parties limoneuses, et ces parcelles se déposant sur la ligne même où le courant cessait de se faire sentir , elles ont dù former à la longue des espèces de digues naturelles, derrière lesquelles sont restés les bassins d’eau stagnante où la tourbe a continué sa croissance. Dans plusieurs contrées très-plates, le cours des rivières paraît avoir été si faible à cause de l'étendue même du bassin où se promenaient leurs eaux, que la tourbe s’est formée sur toute sa largeur. Mais à la longue, et à mesure que le lit s’est rétréci, le courant s’est fait sentir davantage; il a entrainé le limon déposé sur les bords et s’est enfin lui-même creusé un lit plus profond dans les couches de tourbe qui jadis s'étaient formées sous ses eaux. Ainsi la Thièle unit maintenant le lac de Neuchâtel à celui de Bienne. Entre ces deux grands bassins s'étendent des plaines basses, dépôts tourbeux de six à dix pieds de profondeur que les inondations recouvrent encore chaque (1) Dau pag. 61. 0e année. Le lit de la rivière, maintenant très-profond, serpente entre des digues de tourbe dont la coupe perpendiculaire paraît à découvert dans les eaux basses. Tout le long des bords, la marne est superposée à la tourbe dans une épaisseur de trois à quatre pieds ; mais à mesure qu’on s'éloigne de la rivière, cette épaisseur diminue et la tourbe arrive enfin jusqu’à la surface. DeLuc a observé la même formation sur les bords de l’Elbe. S’il n’a pas su l’expli- quer, ce n’est pas faute de moyens d'observations, puisqu'il a pu prendre pour ainsi dire la nature sur le fait dans une de ses œuvres encore inachevées, où elle nous livre le secret des moyens qu’elle emploie pour arriver à ses fins. Ainsi cet auteur dit, page 133 de ses Lettres physiques et morales : « La première partie de la Marsch (*) sur laquelle nous passämes, quoique la plus près du terrain continental, serait encore un étang sans le secours de l’art. Les dépôts qui se sont ajoutés contre ces premiers s’étant assez élevés pour empêcher le nouveau limon d’arriver sur les Verrières, il y est resté des lagunes qu’on a desséchées et qu’on maintient sèches par des moulins à vent.» Ce sont là ces lagunes derrière les digues de limon, que la nature avait déposées pour la formation de la tourbe avant leur desséchement par les travaux des hommes. Voici encore une ob- servation du même auteur par laquelle se trouvent expliquées les circonstances qui pro- duisent des dépôts limoneux et celles qui contribuent à la formation de la tourbe sous- aquatique. « Dans un bras de l’Elbe, où la marée se faisait jadis sentir, il s’est formé un dépôt limoneux où la tourbe n'avait point crü. Le bras de la rivière ayant été fermé par une écluse, le banc de vase s’est couvert de tourbe.» —On peut expliquer d’une ma- nière analogue la superposition de deux couches de tourbe séparées par la marne. Dans un puits percé en Hollande, on a rencontré d’abord vingt pieds de tourbe, puis quatorze pieds- d'argile légère et blanchätre, puis dix-huit pieds de tourbe sur quatorze pieds d'argile compacte (*). Ce même fait géologique s’observe en petit sur les rives du lac de Neuchâtel, où deux assises de tourbe de quatre pieds d’épaisseur sont séparées par un dépôt de sable d’un demi-pied. C’est évidemment ici comme en Hollande le résultat d’un changement momentané dans le niveau des eaux voisines. — Voici encore un cas ana- logue qui complètera la série de ces observations sur les marais sous-aquatiques. Il y a près de Môtiers (Jura), sur les bords de la Reuse, un petit marais dont la matière tour- beuse est couverte de marne sur tout son pourtour, tandis que vers le centre, la tourbe arrive à la surface. C’est que par la croissance émergée que nous allons examiner, le milieu du marais s’est élevé au-dessus du niveau de l’eau. Les bords étant au contraire (: Il appelle ainsi les dépôts limoneux laissés par le fleuve et utilisés par la culture. (2) DeLuc pag. 125. é ME = restés privés de la végétation des mousses, comme cela arrive souvent, la Reuse les a naturellement recouverts de limon par ses inondations périodiques. Nous arrivons à la formation des marais supra-aquatiques ou haut marais, de laquelle on s’est jusqu’à présent beaucoup moins occupé que de la première. Elle mérite cepen- dant une attention particulière pour les habitants des montagnes, pour ceux de notre Jura surtout où ce mode de production se rencontre si souvent. La tourbe étant de toute évidence un composé de végétaux, et la croissance de cette matière se continuant sous nos yeux par la vie des plantes de même espèce qui sont à la surface, il m’a semblé nécessaire, pour arriver à la connaissance du composé, de bien étudier d’abord le composant. Or, pour apprécier l'influence de la végétation sur le sol qui la nourrit, il ne suffit pas de garder dans la mémoire la nomenclature des espèces, et dans les collections de rares et nombreux individus. Il faut autant que possible étudier leur vie intime ; car dans la plante la plus simple et la moins apparente, dans la mousse la plus faible et la plus méprisée, sont quelquefois cachés des mystères d'organisation et de développement aussi dignes d’attention que ceux qui ont intéressé et étonné les phy- siologistes dans les plus nobles végétaux. En parcourant nos tourbières du Jura pour l'étude des mousses aquatiques, j'avais été plusieurs fois frappé de la quantité d’eau que contiennent les sphaignes même quand ces mousses s'élèvent, comme c’est souvent le cas, au-dessus d’un sol dont la surface parait entièrement desséchée. A quelque élévation que se trouvent ces mousses, elles sont en effet pénétrées d’un liquide si abondant qu'il suffit d’une faible pression pour en faire écouler comme d’une éponge une masse d’eau considérable. D'où provient cette humidité que cette mousse semble absorber seule au milieu de toutes les autres espèces qui croissent sur les marais. Voici le résultat abrégé de mes recherches. Qu'il me soit permis de rappeler d’abord la propriété particulière de la plupart des mousses, d’attacher leurs racines exclusivement à telle espèce de sol, de pierre ou de végétal, pour y vivre sans se reproduire jamais ailleurs. Certaines espèces recouvrent les troncs des arbres forestiers, d’autres ceux des saules, des peupliers, des tilleuls de la plaine ; les unes étalent leur verdure sur le granit; les autres sur les blocs de calcaire ; à celles-ci la terre légère des sommets les plus élevés ; à celles-là le fond des eaux, les grottes obscures, le précipice que la cascade inonde , chevelure verdoyante sous laquelle la nature voile quelques-unes de ses plus tristes nudités, sous laquelle elle déguise les premières atteintes de la vieillesse, ou la décrépitude, ou la mort. Les sphaignes (*) font germer leurs graines ou étalent leurs tiges et leurs surgeons () Voyez les détails botaniques à la partie scientifique. — EU sur les débris humides d’autres mousses et des végétaux ligneux. Ils croissent en touf- fes très-étendues et très-compactes, car les tiges trop faibles pour se supporter seules poussent une multitude de jets et finissent par former un tissu si serré qu’on a de la peine à y enfoncer la main. Leur croissance une fois commencée, elle se continue sans interruption, sans distinction de saisons, sans ces alternatives de mort et de résurrection que nous observons dans la vie des autres plantes. Formées d’un tissu très-mince , très- délicat, ces mousses sont les seules qui ne contiennent pas de clorophylle (). Ainsi , suivant les lieux qu’elles habitent, elles se teignent de diverses couleurs. Le plus sou- vent elles sont d’un jaune verdâtre, parfois rouges ou bigarrées d’une foule de nuan- ces (*). De petits rameaux couverts de feuilles ovales, pointues et concaves, appa- raissent tout autour du tronc, au sommet duquel ils forment une petite touffe plus compacte, d’où sort ordinairement au mois de juillet la capsule qui contient les graines. Cette capsule ovale, un peu plus grosse qu’un pommeau d’épingle , de couleur brune ou noire, est portée sur un pédicelle d’environ un pouce de hauteur, suivant le sol que la plante habite. Cette capsule s'ouvre par un couvert supérieur, à-peu-près comme une boite de savonnette, et livre alors aux vents les innombrables graines qu'elle contient et que l’œil ne peut pas même apercevoir quand elles sont rapprochées en très-grand nombre. Par la disposition de leurs cellules, les sphaignes sont doués d’une propriété hygroscopique ou absorbante extrèmement remarquable. Si l'on plonge dans l’eau le bout inférieur ou le bout supérieur d’une tige desséchée, on voit en peu d’instants le fluide monter, remplir tous les tubes capillaires du tronc et des rameaux, les cellules des feuilles, jusqu’à ce que la plante soit entièrement saturée. Et quand l'immersion est pro- longée, la partie restée hors de l’eau, après saturation de la plante, laisse échapper le liquide en petites gouttelettes et fait ainsi l'office de machine hydraulique ou de syphon. Ce curieux phénomène se produit dans la plante sans égard à son état antérieur; non- seulement sur les jeunes pousses de l’année, non-seulement sur des tiges ou des portions de rameaux qui ne sont pas entrées en décomposition , mais aussi sur les parties mor- tes qui conservent par là même une spongiosité extraordinaire. Ainsi une touffe de sphaignes que j'avais laissée se dessécher pendant une année entière dans mon galetas et qui pesait sèche une once vingt-un deniers, a absorbé en deux heures dix-sept onces () C'est la partie verte des végétaux que les physiologistes modernes envisagent comme une espèce de cire. () Ceux qui ne connaissent pas ces mousses, les reconnaitront cependant facilement sur les tourbières qu'elles habitent toujours, à leur couleur ou à leur humidité, J'omets ici les descriptions botaniques qui eussent été inutiles pour ceux qui connaissent cette science et incomprises pour ceux qui en ignorent la langue. — G4: — douze deniers d’eau. Cette touffe, qui mesurait environ vingt-deux pouces de surface, avait quatre pouces et demi de hauteur et ne plongeait dans l’eau que par la base de quelques tiges. Sur les mousses apportées du marais et soumises aux expériences pen- dant qu’elles conservent leurs facultés vitales , cette spongiosité est bien plus frappante encore , et l’eau s'élève dans les plantes avec une rapidité bien plus considérable. Il se peut qu'on ne voie là qu’un simple résultat de la capillarité (?) ; mais toujours est-il que le phénomène est exclusivement propre aux sphaignes et qu'il ne se reproduit dans au- cune autre espèce de mousses ou de plantes phanérogames. On ne peut l'assimiler à l'ascension de la sève, puisque le liquide contenu ne redescend pas dans la plante, mais qu’il semble au contraire y rester, ou en jaillir dans le même état de pureté ou de mélange dans lequel il a été absorbé. Je dis que la végétation des sphaignes n’a nulle interruption. Elle ne s’arrête en effet qu’au moment où l’eau dont la plante est saturée entre en congélation. Dès qu’au printemps la glace redevient fluide et se fond dans les cellules, la croissance recommence au point où elle avait été interrompue, sans que la plante ait souffert aucun dommage par la condensation du liquide. Ainsi la grande quantité de tiges qui croissent pressées les unes à côté des autres , forment à la longue comme un faisceau de tubes capillaires qui pénètrent souvent à une grande profondeur pour amener à la surface le liquide néces- saire à la croissance des plantes. J'ai suivi souvent sans interruption ces filaments du sphaigne à un ou deux pieds de profondeur, jusqu’au point où disparaissant par la ma- cération , ils se changeaient en tourbe. Comme cette faculté absorbante est aussi forte de la partie supérieure vers le bas que du bas vers le haut, il en résulte que les mousses dont nous parlons peuvent se péné- trer tout autant de l'humidité atmosphérique que de celle qu’elles tirent d’un dépôt d’eau intérieur. En faisant arriver des vapeurs dans un vase où plongeait séulement la partie supérieure de quelques tiges de sphaignes, je vis ces vapeurs se condenser sur les feuilles du haut, et l'humidité se communiquer à toute la plante. Ceux qui parcourent les hauts marais pourront facilement observer que si les sphaignes sont toujours humi- des , ils ne portent jamais des gouttes de rosée suspendues à leurs rameaux ; du moins ne m'a-t-il jamais été possible d’en voir. Cette faculté absorbante nous fournit l’explica- tion de la présence des dépôts tourbeux sur les pentes de certaines montagnes. Sur les côtes occidentales de l'Irlande, par exemple, les pluies fréquentes, les brouillards pres- {) Les observations microscopiques sur les cellules des feuilles et sur le mode de transport du liquide seront rapportées plus tard. Des travaux d'anatomie végétale aussi difficiles ne peuvent être faits que par le savant bryologue Guillaume Schimper qui ne les a point encore terminés, que continuels et la nature peu perméable des roches permettent aux sphaignes de les recouvrir, de pomper constamment dans l’atmosphère une humidité suffisante à leur croissance, et de former ainsi des dépôts tourbeux sur des pentes où l’eau ne peut s'arrêter naturellement. L'inclinaison n'apporte aucun obstacle à cette croissance, et l’on comprend comment sur les bords de la mer, à une température qui n’est jamais longtemps au-dessous du point de congélation, cette croissance continue doit être très- rapide. Dans les Alpes et les Vosges, où les mêmes formations se rencontrent, les acci- dents sont peut-être un peu plus variés, mais dépendent toujours de la propriété absorbante des sphaignes. Les roches primitives n’étant pas facilement traversées par l'humidité, il se forme parfois çà et là de petits bassins d’eau où quelques racines li- gneuses vont s'étendre et puiser leur nourriture. Sur ces racines s’implantent les sphai- gnes ; ils s’abreuvent de l’eau du réservoir ; ils la pompent, l’élèvent par leur croissance, s’approvisionnent à la fonte des neiges d’une partie de l’eau qui les traverse, vivent en été de celle des pluies et des brouillards et ont ainsi une végétation proportionnée à la quantité de liquide qu’ils reçoivent. Quelquefois cette végétation des sphaignes s’établit sur des plateaux étroits au bord de l’abime; ils le recouvrent entièrement, et quand l’es- pace leur manque, ils laissent pendre leurs franges sur la roche escarpée et forment ainsi un dépôt tourbeux qu’on pourrait appeler aërien. Plusieurs cas semblables ont été observés dans les Alpes pittoresques du Tyrol. C’est ainsi que les couches tourbeu- ses varient à l'infini dans leur grandeur et leur épaisseur, suivant les lieux qu’elles habitent et les circonstances qui concourent à leur formation. Les sphaignes, comme nous l’avons vu, s’attachent au bois humide et vivent sur les débris ligneux avant qu’ils aient été atteints par la pourriture. Toutes les matières en fermentation, les engrais, les sels, la chaux, les gypses, etc., détruisent cette végétation. Ces mousses ne peuvent vivre non plus à l'ombre ou sous les gouttières des arbres fo- restiers, sous les sapins, les hêtres, les chênes. Aussi remarque-t-on sous tous les sapins qui sont restés implantés dans nos marais une dépression souvent très-profonde où la tourbe n’a point crü. Ces enfoncements, qu’on peut observer sur plusieurs parties du marais des Ponts et même tout au bord de la route qui les traverse, sont déjà, ce me semble, une preuve suffisante de la croissance continue de la tourbe par la surface et de l'influence des sphaignes sur cette formation ; ils expliquent en même temps pour- quoi, malgré l'humidité du sol de quelques forêts, la tourbe ne s’y établit jamais. C'est donc seulement quand ces forêts ont été renversées sur des terrains arrosés ou par des sources naturelles ou par des circonstances atmosphériques, que les sphaignes ont pu commencer à paraître. Ils se sont semés'et ils ont germé d’abord dans les lieux où l'humidité était abondante mais où l’eau était peu profonde , et par leur croissance con- tinuelle et extraordinairement active, ils ont bientôt recouvert tous les grands végétaux pour les envelopper et les imbiber des sucs dont ils étaient remplis. Ils ont ainsi em- pêché l’action de Pair, de la lumière et de la chaleur, et mélangés à un grand nombre d’autres plantes dont les racines serpentent dans leurs tissus humectés, ils ont continué à s'élever par la faculté d'absorption que nous leur avons reconnue. On objectera sans doute que le rôle des sphaïgnes n’est point universel , et qu’ainsi l’on ne peut envisager cette plante comme nécessaire à la formation de la tourbe. d’es- père avoir fait comprendre que l’eau étant l’agent principal de cette formation dans tous les cas où lhumidité est assez grande pour empêcher la rapide décomposition du ligneux, quelle que soit d’ailleurs la cause qui la fournisse, la tourbe peut croître sans les sphaignes. Mais je dois le dire , malgré les recherches les plus minutieuses faites sur tous les hauts marais que je ne cesse de parcourir depuis plusieurs années, je n’ai vu nulle part la tourbe émergée s'élever sans le concours de ces mousses. Partout où elles disparaissent, le marais se couvre de lichens, de quelques autres espèces de mousses, de bruyères, etc., et au lieu de tourbe, il ne se forme plus qu’une terre noire et plus ou moins compacte suivant son âge. On trouve fréquemment, à la surface des tourbières déjà hautes et vieilles, des espaces absolument nus et dépouillés de végétation, sur les- quels la tourbe affleure à la surface. Ce sont précisément ces endroits dépouillés, que les sphaignes avaient abandonnés , où d’autres végétaux ont déposé une légère couche de terre marneuse. Ils forment à la longue de petits bassins très-humides où les mousses reprennent une active croissance pour recommencer la production de la tourbe arrêtée pendant quelque temps. Quelle conclusion tirera-t-on des observations de Darwin (‘) sur les dépôts tourbeux de l'Amérique du sud ? Cet auteur termine ses explications , trop peu détaillées, en di- sant : qu'au contraire de ce qui arrive en Europe, aucune espèce de mousses ne concourt à la formation de la tourbe dans cette partie du monde austral. Darwin a observé, comme composant essentiellement la tourbe ; une plante dont la végétation pourrait peut-être jeter quelque jour sur cette production d’un autre hémisphère par son analogie avec celle des sphaignes; car après avoir dit, page 549, que l’Astelia pumila de Brown et la Donatia Magellanica couvrent presque seules les terrains tourbeux de la Terre de Feu , il ajoute : que la dernière de ces deux plantes est l'agent principal de la tourbe. Les feuilles nouvelles se succèdent continuellement autour du tronc; celles du bas se pourrissent de suite, et en suivant la racine dans la tourbe on voit encore les feuilles conserver leur position dans les différents états de transformation | jusqu’à ce que le tout ne forme qu’une (1) Voyage géologique dans l'Amérique du sud. SE - seule masse.» Il y a là, si je comprends bien l’auteur, une participation des feuilles déjà altérées à l’humidité aspirée par la plante vivante , jusqu’à ce qu’elles soient soustraites par la végétation continue à l’action de Fair et de la lumière. Et c’est précisément là, comme nous l'avons dit, le rôle des sphaignes et les conditions nécessaires à la forma- tion de la tourbe émergée. Au reste, Darwin remarque que dans ces marais des con- trées méridionales, on trouve partout à diverses hauteurs de petits étangs remplis d’eau, qui semblent creusés artificiellement et que des ruisseaux souterrains serpentent partout sous le sol. L'humidité constante pourrait être amenée à la surface par ces conduits, et alors la formation de la tourbe dans ces contrées inhospitalières et peu connues, aurait quelque analogie avec celle des marais sous-aquatiques. Tous nos hauts-marais jurassiques sont caractérisés par des espèces de stratifications ou couches horizontales plus ou moins épaisses, dont la matière varie plus ou moins par sa couleur, sa densité et sa composition végétale. Ces alternances sont dues à l’hu- midité plus ou moins grande de la surface ; car c’est cette humidité qui active le déve- loppement de certaines plantes qui croissent en plus ou moins grande abondance avec les sphaignes. Nous avons déjà vu qu’il arrive un point où les mousses hygroscopiques n’obtiennent plus assez de liquide pour continuer leur croissance , et qu’à leur place , - lorsqu'elles disparaissent , il se forme une terre marneuse sur laquelle l’eau peut être retenue et où les sphaignes reviennent ensuite s’implanter et vivre. Dans les marais anciens et très-élevés, ces alternances de végétation répétées sur une plus grande échelle, ont déterminé la superposition de deux ou plusieurs forêts ensevelies et séparées par des couches de tourbe très-épaisses. Quand le sol cesse de s’élever au moyen des mousses hygroscopiques, la croûte de terre qui se forme à la surface peut être assez puissante pour nourrir des arbres forestiers sous lesquels l'humidité s’amasse. Mais ce n’est qu'après la chute de ces grands végétaux que le sphaigne peut reparaître ; les mousses tourbeuses se rétablissent alors et couvrant de leurs innombrables tiges cette seconde forêt, elles finissent par l’ensevelir sous une nouvelle couche de tourbe. Ce phénomène peut se répéter, et ainsi plusieurs générations de grands arbres gisent en- fouis et se conservent par l’incessante végétation d’une faible mousse. La convexité et les dépressions des marais s'expliquent de la même manière que leur élévation au-dessus du niveau de l’eau. Les sphaignes remplissent d’abord les bassins les plus humides qui sont ordinairement vers le centre. Comme leur croissance est en proportion du liquide qu'ils peuvent absorber , ils y végètent naturellement avec plus d'activité. C’est seulement quand le bassin est rempli, qu’ils dépassent les bords où ils s’é- tendent sans cependant y former de dépôts très-épais. Et si par hasard une légère ir- clinaison du sol a amené l’eau vers les bords pour la conduire par un courant insensible + vers un entonnoir , ce sera dans le voisinage de ce dernier que la tourbe atteindra sa plus grande hauteur. Les sphaignes suivront toutes les parties humides, les bas-fonds d’une vallée pour s'y établir , et les monticules, s’il en existe, n’en seront recouverts que lorsque la tourbe se sera élevée des parties basses jusqu’à leur niveau. DeLuc dans ses lettres explique d’une singulière manière ce phénomène si simple; il prétend, pour donner la raison de cas semblables qu’il a observés dans le nord, que la tourbière a coulé comme un amas de limon vers les lieux bas pour y établir des embranchements. Ce savant expliquait aussi de la même manière la superposition du limon sur la tourbe aux bords des fleuves; il supposait que la matière tourbeuse étant devenue fluide, avait glissé dans cet état sous le sol limoneux pour s’y consolider ensuite. Dans les dépôts sous-aquatiques , on n’observe pas d’alternances de végétation ; l’on n’y voit pas non plus de couches de différente nature ou d'apparence diverse. La tourbe y est pour ainsi dire homogène et d’une qualité très-peu variée. Ces marais lacustres s'élèvent rarement au-dessus du niveau de l’eau; car les mousses n’y croissent pas. Cependant les deux formations se trouvent parfois superposées quand les végétaux li- gneux s’implantent sur la tourbe après qu’elle à atteint la surface de l’eau et que les sphaignes viennent s’attacher à leurs débris. Une condition nécessaire à cette double formation , c’est la température froide sans laquelle les mousses hygroscopiques ne peu- vent vivre; on la rencontrera done dans les lacs du nord ou dans ceux des hautes montagnes, et alors les couches de tourbe atteindront une très-grande puissance. Lors- que de semblables mazais sont exploités, on reconnaît très-facilement sur la coupe perpendiculaire le point où les deux formations se rencontrent ; la partie supérieure est plus noire et stratifiée ; la partie immergée au contraire est toujours moins avan- cée en décomposition, toujours moins müre. Il est une forme de stratification supra-aquatique qui n’est point le résultat d’alter- nances de végétation, mais bien de dépôts annuels très-différents. Sur les pentes un peu fortes, dans les petites vallées des Alpes par exemple, où les mousses tourbeuses ne sont guère nourries que par les eaux qui les traversent à la fonte des neiges, l'humidité n’est plus suffisante en automne, pour permettre à la végétation de continuer. Les mousses aquatiques , et ce sont alors surtout les hypnes flottantes, végétation plutôt im- mergée qu'émergée, entremélées de laiches et de joncées, perdent leur consistance , s’affaissent, et à l’arrivée des frimats , elles sont comprimées par les amas de neige qui s’entassent dans les vallées. Quand , au printemps , l’eau reparaît sur la tourbière , la végétation recommence avec une grande vigueur ; mais la couche comprimée reste séparée des autres autant par la différence d'âge que par les parcelles mécacées et schis- teuses que les ouragans y ont apportées des roches voisines. Dans ce cas, les lames an- — 356 — ; nuelles ont très-peu d'épaisseur; lorsqu'elles sont arrivées à l’état de tourbe bonne et combustible , elles ont assez de ressemblance avec des feuillets de carton superposés. Ces explications seront suffisantes, je l'espère, pour donner la raison de tous les ac- cidents qui se présentent dans les marais tourbeux, surtout dans ceux du Jura. Il ne restera donc plus à étudier que la nature du sol sur lequel ils sont ordinairement assis. On a toujours tort de généraliser quelques faits isolés pour en tirer des conclusions gé- nérales appliquables à d’autres faits qu’on n’a pu observer ; car la nature échappe sou- vent par la diversité de ses créations aux classifications que nous établissons pour la soumettre à notre impuissance. Quelques auteurs allemands , qui sans-doute n'avaient jamais étudié que des marais lacustres ou marins, ont prétendu que toutes les tourbières reposent sur le sable, et ils en ont conclu que la tourbe ne peut se produire sans être préparée par cet élément géologique. D’autres, plutôt observateurs des hauts-marais, ont vu la tourbe s'élever sur une couche de terre noire sur laquelle gisaient ordinaire- ment des troncs et des arbres, et ils en ont conclu que dans cette terre était caché le principe chimique qui donne naissance à la tourbe. Maintenant il est prouvé que cette matière se forme sur tous les terrains, sur le basalte, le granit, les roches schisteuses, les grès, etc. On a généralement excepté le calcaire, et je pensais aussi que la nature sèche, poreuse, perméable de cette roche ne laissait jamais à la surface une humidité assez prolongée et assez abondante pour que les mousses tourbeuses puissent s’y établir. Il n’en est cependant rien, car au fond du Creux-du-Vent connu de tous les bota- nistes par la richesse de sa flore, les sphaignes se sont établis sur quelques troncs hu- mides, et ils ont étendu leurs tiges nombreuses sur les débris calcaires qui sont tombés des roches voisines. Ils les ont recouverts , se suspendent même sur les flancs abruptes , et forment ainsi de minces dépôts de tourbe, par accident, il est vrai, sur le calcaire pur. Dans le Jura, les dépôts tourbeux reposent en général ou sur le sable, comme ceux des lacs, ou sur une couche de terre noire étendue sur la marne, comme les hauts- marais, ou immédiatement sur la marne, comme quelques tourbières de nos hautes vallées, lesquelles se sont originairement établies dans des étangs que les forêts n’ont pu recouvrir; d’où nous concluons que le sol sous-jacent n’a eu aucune influence sur la production de la tourbe ; ear la croûte de terre noire inférieure aux dépôts émergés est tout-à-fait de mème nature, pour l'apparence du moins, que celle qui recouvre la marne sous les forêts humides. Sur la frontière du canton de Neuchâtel, au sud du Val-de-Travers, est une petite vallée d’un accès très-difficile , couverte d’une forêt qu’on aurait pu, il y a quelques années, appeler vierge. Quelques filets d’eau y ser- pentent sous les sapins au milieu des troncs et des arbres renversés. Arrêtés dans leur cours, ils forment cà et là de petits bassins de quelques pouces de profondeur, dans ER lesquels il ne croit encore aucune plante ligneuse. Le sol inférieur est de la marne. sur laquelle s'étend cette même croûte de terre noire de même nature que celle des marais. Voilà donc tous les éléments réunis pour préparer la formation d’un marais tourbeux. L'on peut dès-lors prédire qu'aussitôt que l'exploitation des sapins sera ache- vée, cette production de la tourbe aura lieu. L’acide ulmique ou l’ulmine est contenu dans la terre sous les forêts ; cela est incontestable, puisque cette matière est le principal constituant de l'humus ; mais s’il fallait admettre ici cet élément comme cause de la pro- duction de la tourbe, on devrait le supposer nécessairement aussi dans tous les terrains sur lesquels repose la matière combustible, dans le sable, dans la marne, dans le cal- caire ou plutôt dans les eaux qui les arrosent, eaux douces, eaux de mer, eaux de pluie, et ce serait alors un élément universel. CHAPITRE v. AGE PROBABEE DES MARAIS TOURBEUX. Après les exemples de formation récente ou ancienne que nous avons cités, sera-t-il besoin de dire qu’on re peut fixer aucune époque à laquelle on doive rapporter l'ori- gine générale des marais tourbeux? Ils ont commencé à croître quand les cireonstances favorables à leur naissance se sont rencontrées; et on les voit encore lorsque ces mêmes circonstances se renouvellent, s'établir aux bords des lacs, au fond des eaux stagnantes. ou sur le sol humide d’où les forêts ont disparu. La puissance des couches des marais ainsi que l'aspect de la matière tourbeuse nous prouvent déjà que l’époque de leur origine est fort éloignée. Si des dépôts tourbeux ont près de cinquante pieds d'épaisseur, si d’autres ne mesurent que quelques pouces. il en est aussi dont le combustible est presque passé à l’état de charbon, tandis que dans d’autres il n’a encore perdu aucune de ses formes végétales pour les transformer par la présence des éléments étrangers. Sur le sommet du Pouillerel (Jura), on peut observer un commencement de formation tourbeuse dont la eouche n’a atteint qu’un pied d’élévation. Ce marais a pris la place d’une forêt tout récemment extirpée par la main des hommes, puisqu’au milieu des broussailles , des airelles-surtout qui y crois- sent en abondance avec les sphaignes, on trouve çà et là sur pied des troncs dont les tiges ont été sciées, coupées et emportées. Les traces de ces travaux sont partout visibles, e = 6. = et la matière tourbeuse n’est encore qu’un tissu de mousses, de radicules et de débris ligneux parfaitement conservés. Au pied de cette même montagne de Pouillerel, dans la vallée du Locle, des travaux de constructions ont mis à découvert une couche de tourbe de sept à neuf pouces d'épaisseur, très-noire, très-dense, très-compacte. Quel- ques restes de racines y sont encore çà et là visibles, mais on y trouve aussi des matières qui paraissent carbonisées , et on pourrait facilement prendre le tout pour une couche de lignite ou de charbon de terre, si au fond de quelques parties des marais des Ponts, au bas des profondes tourbières du Danemarck et du Holstein, on ne rencontrait sou- vent la tourbe avec une apparence parfaitement semblable. Il y a donc entre la nais- sance de ces deux dépôts tourbeux si rapprochés pour le lieu, un immense espace de temps, puisque ce dernier est recouvert de quatre pieds de marne sur laquelle s’est formée encore une couche d’humus de deux pieds d’épaisseur. On doit admettre, en thèse générale, que les dépôts lacustres se formant beaucoup plus lentement que les hauts-marais, leur origine remonte aussi à une bien plus haute antiquité. Selon toute probabilité, les premiers ont commencé leur croissance d’abord après le retrait des eaux de la grande et dernière inondation historique, tandis qu'avant l’apparition des dépôts tourbeux émergés, les forêts déjà depuis fort long-temps recou- vraient la surface du sol. Il n’est donc guère probable que l’on trouve dans la mémoire des hommes des documents qui fixent l’origine des marais lacustres ou sous-aquatiques, si ce n’est peut-être celui que nous avons cité pour le canal d’Oldenbourg et quelques formations accidentelles dans la mer Baltique. Il en est tout autrement des tourbières supra-aquatiques. On lit dans Rennie : « L'auteur de Carl of Oromali rapporte que Fan 14651, quand il était encore enfant , il vit dans la paroisse de Loch-Broom en West-Rossshire, une petite plaine couverte d’une forêt de sapins. Ces arbres étaient cependant si vieux qu’ils avaient perdu leur écorce et leurs rameaux. Quinze ans après, il revint dans le même lieu et ne vit plus d'arbres, mais seulement une plaine recouverte de mousses jaunâtres. En 1689 enfin, il vit tout cet espace changé en un marais où l’on exploitait de la tourbe. » On trouve sur le Simplon des tourbières de un pied et demi de profondeur, reposant sur trois pieds de terre noire et entremélées de branches de pins, de mélèses et de genévriers. Avant les travaux entrepris par les Français pour la construction de la route, le sol était encore couvert de forêts. C’est donc depuis une cinquantaine d’années que la tourbe à commencé à croître dans ces lieux élevés où on l’exploite déjà comme com- bustible (*). ()} Ce fait m'a été communiqué par M. Godet, inspecteur des études à Neuchâtel. D JO 7 Avant de rien conclure sur le temps nécessaire à la production d’une couche d'une épaisseur donnée, rappelons encore quelques faits historiques ; ils auront du moins le mérite de l'opportunité, et prouveront que nous ne cherchons point à soutenir des théories vagues et hasardées. On à trouvé dans un dépôt tourbeux de l'ile de Man, le squelette d'un cerf véritable géant, déposé au musée d’Edimbourg ; la hauteur du Corps est de six pieds six pouces, sa longueur de dix pieds dix pouces; chaque ramure du bois mesure cinq pieds et le bois entier onze pieds dix pouces. A quelle époque a dû vivre un animal de cette espèce (!)? En 1817 on a retiré d’un marais de la Frise orien- tale le squelette d’un homme dont les vêtements étaient encore très-bien conservés. D'après la forme de ces habillements , on a reconnu que ces ossements étaient enfouis depuis mille ans environ: ils ont été découverts sous une dizaine de pieds de tourbe. Nous avons dit déjà qu’on a recueilli au fond des dépôts tourbeux de Angleterre et de l'Allemagne une grande quantité de médailles, d'armes, d’ustensiles et d'instruments romains ; nous avons cité les constructions en bois, les routes viables à une époque connue et maintenant recouvertes d’une épaisseur de matière facile à mesurer ; le dépôt qui a comblé le canal d’Oldenbourg navigable encore en 1320, et dont la masse a une capacité de six, huit, douze, seize pieds de tourbe suivant l'éloignement du bord. Nous pourrions encore citer l'opinion de Van Marum, qui prétend avoir vu se former trois pieds de tourbe combustible, dans un bassin de son jardin, en moins de cinq ans, et une foule d’autres faits, sur lesquels divers auteurs ont appuyé leurs suppositions sur l’âge des marais tourbeux. Mais toutes ces preuves ne sont guère applicables qu’à des localités spéciales et n’ont-que peu de valeur pour l’ensemble ; car ce qui est vrai pour une époque ne l’est pas toujours pour une autre. La manière dont se succèdent, s’entre- mélent, se développent les groupes végétaux qui forment la tourbe, varie à des distances très-rapprochées et sur un même dépôt tourbeux, au point que même en évaluant, par des observations trigonométriques, la croissance d’un marais pendant un certain nombre d'années sur une ligne connue, on ne pourrait encore en tirer que des conclusions hy- pothétiques pour l'avenir ; car dans tout calcul il faut tenir compte du temps pendant lequel la croissance reste à-peu-près stationnaire, par exemple, pour les hauts marais. pendant que la nature prépare l'établissement d’une nouvelle famille végétale, quand le sol ne fournit plus à celle qui disparait une nourriture assez abondante pour en favoriser le développement. Si malgré cela nous étions appelé à émettre une opinion sur ce sujet, nous conclurions hypothétiquement de toutes. les recherches faites sur nos tourbières jurassiques et de () Il s'agit ici sans doute d'un dépôt de lignite plutôt que d'un dépôt tourbeux. Nr, De toutes celles qui sont rapportées par des auteurs dignes de foi, que la croissance primi- tive de la tourbe n’est que rarement de moins de deux pieds par siècle, et que trés- souvent, dans ce même laps de temps, elle est du double plus rapide. Car en admettant que la vieille route du marais des Ponts ait été abandonnée vers 1540, ce qui ne serait point exagéré, s’il est vrai qu’elle était encore viable en 4517, on aurait déjà pour résultat un pied de tourbe dans un siècle, même en ne tenant aucun compte du soulé- vement qui doit se faire sentir sous une construction d’une grande surface et composée de matériaux peu pesants. Or ici les circonstances sont très-peu favorables à la croissance de la tourbe, puisque tout près de l’ancienne chaussée abandonnée, on en a construit une nouvelle bordée de profonds canaux de desséchement, dont l’action se fait sentir sur le marais et en gêne la croissance à une distance plus grande que celle où se trouve cette vieille route en bois. La plupart de nos hauts marais jurassiques, celui des Ponts entre autres, ne parais- sent avoir commencé leur croissance qu'après le défrichement des vallées qui les ren- ferment. Les dépôts de cendres que j'ai observés sous la tourbe à un pied au-dessus du fond des couches n’en seraient-ils pas déjà une preuve? De plus, la quantité de souches et de racines extraites des marais est sans aucun rapport avec le peu d'arbres qu'on trouve au fond des tourbières. Il paraîtrait donc que les sapins qui couvraient le sol ont été coupés et emportés pour obtenir des pâturages, comme cela se pratique encore maintenant dans les défrichements. L'époque de ces travaux pourrait être rap- portée au commencement du 14" siècle ; or comme les maraïs du Jura ont dans plu- sieurs endroits dix-huit à vingt pieds de profondeur, ce serait ainsi une croissance de plus de trois pieds par siècle. Ces résultats ne s’accordent pas, j'en conviens avec les opinions de plusieurs auteurs qui ont donné à la croissance de la matière une rapidité beaucoup plus grande. Mais il vaut toujours mieux tromper les prévisions d’une manière favorable. Je n’admets comme véritable tourbe, que celle dont la décomposition est déjà assez avancée pour donner un bon combustible. Si cés calculs ne satisfont pas les spéculations humaines ; si nous nous étonnons de voir la nature né pas mesurer son travail au peu d’espace que remplit notre vie, nous ajoutérons que la science des tourbières est encore dans l'enfance, et que l'homme est appelé à aider la nature pour la plier en quelque sorte à ses besoins. Un jour viendra, je n’en doute pas, où l’on saura diriger, hâter la croissance de la tourbe et calculer les résultats des travaux avec autant d’exactitude qu’on peut le faire pour les forêts. Alors on appréciera, mieux qu’on ne le fait maintenant, la valeur réelle des marais tourbeux. CHAPITRE VI. REPRODUCTION DE LA TOURBE. La régénération de la tourbe s’opère, du moins pour les hauts marais, dans des circonstances beaucoup plus faciles à étudier que celles de la croissance primitive. Aussi ne comprend-ôn guère comment ce phénomène a pu être nié par quelques savants auteurs, et comment aujourd’hui encore plusieurs personnes doutent de la possibilité d’une reproduction dont on peut facilement suivre les phases diverses sur tous les marais en exploitation. On ne nie plus guère, il est vrai, que les fosses creusées depuis un certain temps ne se soient remplies peu-à-peu, mais on prétend que la matière dont elles sont comblées n’est point de la tourbe et ne formera jamais un bon combustible. Sur quoi est fondée cette opinion? Est-ce peut-être sur l’apparence de la tourbe dé nouvelle formation qui, plus jaune, moins compacte, moins imprégnée d'éléments étrangers, développe très-peu de calorique par sa rapide combustion? Mais nous avons vu la même chose dans la tourbe de première production. Les couches nouvellement formées sur les plus anciens marais, celles de la surface, même celles du fond, quand elles sont im- mergées, ont tout-à-fait la même apparence et la même composition que la tourbe qui se renouvelle après les exploitations. Il n’y a nulle part une ligne de démarcation possible entre ce qui est tourbe et ce qui ne l’est pas encore. Du moment que les végétaux des marais n’entrent pas en décomposition rapide pour se changer en humus, ils appartien- nent à la formation de la tourbe, quel que soit leur aspect extérieur. Il en est à cet égard des couches reproduites comme des couches supérieures des anciens dépôts : elles affec- tent insensiblement des propriétés et une apparence diverses, à mesure qu’elles sont recouvertes par d’autres couches et soumises à l'influence des agents qui les métamor- phosent. Il n’y a de problématique que le temps nécessaire aux transformations insen- sibles. | Oui, la tourbe se reproduit. Les lois de la nature ne sont pas soumises aux caprices des hommes. Que les causes subsistent, et les effets auront leur cours. Quel obstacle supposerait-on au rétablissement des végétaux tourbeux dans les lieux mêmes où ils ont toujours véeu? Cette reproduction sé fait sur les tourbières émergées comme dans les marais sous-aquatiqués ; seulement, comme l’eau a été la condition nécessaire d’une première formation , elle le sera aussi d'une seconde. Il n’y aura donc jamais régéné- ration de la tourbe dans les lieux d’où l'humidité aura disparu. et où la pente du terrain 6 + et des écoulements continus maintiendront la sécheresse. Dau semble prétendre le con- traire, en affirmant que la tourbe ne se reproduit que là où il n’y a pas d’eau, ou du moins là où il y en a très-peu. Parce que, dit-il} les végétaux ne se sèment et ne croissent pas dans les fosses pleines d’eau. Cette assertion est une preuve manifeste des faibles connaissances botaniques qu'avait cet auteur, car ilest plusieurs espèces de phanéro- games et de mousses aquatiques qui s’établissent de préférence dans les fosses profondes : et une espèce de sphaigne entre autres paraît surtout destinée par la nature à combler les enfoncements que l’eau recouvre et à préparer ainsi le sol à la végétation aérienne. Dans nos marais jurassiques, l’on rencontre à chaque pas des exploitations ou entière- ment comblées ou remplies à moitié, ou dont le fond seulement est couvert de végétation tourbeuse, suivant leur âge. Avant d’avoir obtenu des dates précises sur le temps né- cessaire à la reproduction d’une couche d’une épaisseur donnée, j'avais cherché par des observations annuelles sur les sphaignes et les mousses aquatiques, à apprécier l’éléva- tion du marais dans une année et dans les circonstances les plus générales: J'en étais venu à admettre, en tenant compte autant que possible de la dépression, que la crois- sance de la tourbe qui se reproduit est, en moyenne, d’un pouce par année. Au mois de février 1841, dans un Mémoire qui fut agréé par l'autorité supérieure de Neuchâtel. je n’osais encore émettre cette opinion que comme une hypothèse, car elle n’avait pas encore pu être vérifiée par des faits positifs. Mais pendant l’été de la même année, une commission nommée pour l’examen des tourbières jurassiques, et qui avait surtout mis- sion de découvrir des preuves positives de la reproduction de la tourbe et du temps nécessaire à la croissance d’une couche connue, reconnut l’exactitude de cette assertion dans des exploitations anciennes dont la date a pu être constatée. Dans les marais des Ponts, entre autres, à quelque distance au sud du village, on peut voir des fosses d’une étendue assez considérable, qui sont à-peu- près entièrement comblées, et dont on ne reconnait plus que les contours. Le propriétaire de ces tourbières, vieillard respectable et digne de foi, a vu lui-même et dirigé la première exploitation qui s’est faite jusqu’au fond il y a 70 ans. Dès-lors la matière tourbeuse s’est élevée de six pieds dans ces fosses, ce qui donne une croissance d'environ un pouce par année. J’ai soigneusement examiné cette tourbe reproduite, tant dans sa composition végétale que dans ses pro- priétés combustibles. Elle est jaunâtre , formée presque entièrement par les sphaignes et les mousses flottantes ; sa densité est d’un quart moindre que la bonne tourbe des hauts marais du Jura; elle est en un mot semblable en tout à celle qu’on trouve vers la partie supérieure des marais anciens, ou au fond de plusieurs dépôts dans le voisinage de la Brévine. On peut s’en servir comme combustible, et quelques travaux prépara- toires la rendraient sans doute exploitable en peu d’années. Je rapporte ce seul exemple, cu. Ut ui parce qu'il est le plus remarquable, et que cette exploitation est la plus ancienne dont on ait obtenu la date précise dans nos marais. Mais une foule de cas semblables peuvent être constatés dans des proportions moins grandes. Près des Ponts, on voit une seconde fosse exploitée il y a 40 ans, et qui est déjà remplie de quatre pieds de tourbe. Vis-à- vis des Cœudres (Jura), les plus anciennes exploitations sont remplies jusqu’au niveau du marais. Dans les environs de la Brévine, le premier endroit de notre Jura où l’on se soit servi de la tourbe comme combustible, on rencontre plusieurs de ces anciennes fosses entièrement comblées et dont il est même impossible de retrouver les contours ; la tourbe reproduite se trouve maintenant au même niveau que celle de première formation. On m'a fait voir aussi dans les marais des Verrières des prairies maintenant parfaitement nivelées, où des vieillards se souviennent d’avoir vu faire les premières exploitations. Dans les marais des Ponts, enfin, au milieu des couches de tourbe noire et de très-bonne qualité, on rencontre çà et là des bancs de matière jaunâtre et peu compacte, séparés de la masse générale par des lignes verticales, nettes et tranchées comme le sont les parois des exploitations. Comme j'étais un jour occupé à examiner l’une de ces couches, un des ouvriers qui lexploitait en retira un fer à cheval tout-à-fait oxidé, preuve que cette tourbe était de seconde formation. Elle se vend comme l’autre, et est un combus- tible passable. Il y a longtemps déjà que de semblables observations ont été faites et recueillies dans le Hanovre et en Hollande. L’un des faits les mieux constatés m'a été communiqué par le professeur Senf d’Eisenach, qui m’apprend que dans le marais de Warmbruch, en Hanovre, la tourbe reproduite en trente années est d’une épaisseur de quatre et six pieds. On pourrait réunir ainsi une foule de données qui fixeraient les incertitudes pour telle ou telle localité particulière. Mais il faut appliquer aussi à la reproduction ce que nous avons dit de la formation primitive ; c’est qu’elle est toujours en rapport avec les cir- constances extérieures qui sont plus ou moins favorables à son développement. Nous n’aurons sur ce sujet des données bien certaines que quand nous pourrons diriger la vé- gétation des plantes les plus propres à la composition d’une bonne tourbe. Entre les mains de la nature , la tourbe varie toujours suivant les localités. On comprend done que DeLuce ait pu affirmer, sur la foi d’un inspecteur des tourbières de Hollande, que dans les marais de Duvels, les fosses exploitées à six pieds de profondeur se sont comblées en moins de’trente ans. On admettra aussi comme justes les observations de Rolland de la Platrière, qui indique comme terme moyen de la régénération des tourbes un laps de cent années. Seulement il est difficile de comprendre comment Van Marum a pu voir se former cinq pieds de tourbe en cinq ans dans un bassin de son jardin, et cela par des dépôts confervoides. — 44 — Voici la marche que suit la nature dans son travail de reproduction de la tourbe. Quand les fosses exploitées à une certaine profondeur ne sont pas desséchées par un ruisseau d'écoulement, elles se remplissent d’eau en peu de temps, autant par l’action des pluies que par le suintement du liquide contenu dans la matière qui les entoure. Quand le bassin est profond, de six pieds, par exemple, la végétation s’y établit lente- ment ; les seules conferves y vivent les deux ou trois premières années, et leurs dépôts successifs forment au fond du bassin une couche yaseuse sur laquelle viennent s'établir peu-à-peu quelques mousses flottantes, le sphaigne pointu (Sphagnum cuspidatum), le hypne flottant ( Hypnum fluitans), les utriculaires, etc. Souvent la surface est couverte par la lentille d’eau {Lemna). Bientôt les innombrables ramifications de ces plantes s’é- tendent à toute la fosse, la remplissent, et leurs débris se tassent peu-à-peu sous le poids des végétations successives. Dès que le sol est assez ferme pour soutenir les mousses que j'appellerais volontiers amphibies (celles, dont les tiges s’imprègnent de l'humidité intérieure pour la transmettre à leurs couronnes qui vivent à l'air), la croissance prend une activité extraordinaire. Chaque année les touffes compactes s’affaissent un peu mais continuent à s'élever sans interruption. Le sphaigne absorbant se mélange aux touffes ligneuses de la linaigrette (Eriophorum vaginatum) , aux tiges innombrables des prèles et des laiches, et en peu de temps les fosses se comblent (‘). Ainsi s’entasse la matière première de la tourbe, en attendant qu’elle subisse les modifications qui en font un bon combustible. Les premières années, pendant lesquelles les fosses restent pleines d’eau et inacces- sibles à d’autres espèces de plantes qu'aux conferves, me paraissent à-peu-près perdues pour la reproduction de la tourbe. Nulle part, dans nos hauts marais jurassiques , les dépôts .confervoïdes que j'ai examinés, même avant leur complète décomposition, ne n'ont paru d'une épaisseur de plus d’un pouce. Le plus avantageux serait d'établir tout d'abord au fond des exploitations les végétaux plus ligneux qui croissent plus rapide- ment. Les sphaignes et la linaigrette méritent sans nul doute la préférence. Dans ce but, après l'enlèvement de la tourbe, il faudrait laisser au fond de la fosse un demi pied d’eau environ; puis y jeter la découverte en ayant soin de ne pas retourner les mottes sens dessus dessous ; car les mousses qui la forment se propageant par boutures aussi facilement que par graines, autant du moins que j'ai pu le voir, elles y continueront leur végétation comme à la surface. Ces touffes supérieures contiennent d’ailleurs naturelle- ment une immense quantité de graines que la grande humidité peut faire germer. Il («) L'élévation des touffes de splaignes , sans tenir compte de la dépression, est souvent de trois pouces par année. — D — serait aussi utile d’implanter parmi ces débris de la surface, les linaigrettes et les ca- rex, en jetant dans les fosses quelques-unes de ces plantes avec leurs longues racines. qui bientôt y seraient établies en grande quantité. À mesure que toutes ces plantes s’é- lèvent, les canaux, qui avaient d’abord servi à l'écoulement de l'eau jusqu’à un certain niveau, s’obstruent par les débris de tourbe qui y tombent et par la croissance même et la décomposition des végétaux ; l’eau s’élève donc aussi et le phénomène se produit avec toute l’activité dont il est susceptible. Mais ici se présente une question qui ne peut guère être résolue que par des expé- riences directes, c’est celle de l'influence de certaines espèces végétales sur la qualité de la tourbe. Le ligneux ne suffisant point pour donner au combustible sa valeur , il faut d’autres éléments qui, par leur mélange, leur groupement , l'intensité de leurs attrac- tions, ete. , fassent naître des combinaisons nouvelles, des produits nouveaux , suivant les affinités chimiques qu'ils ont entre eux. La résine, par exemple, qui découle parfois du pin des marais en si grande abondaneé que je lai vue recouvrir le sol à plusieurs lignes d'épaisseur, est un de ces éléments dent le mélange est particulièrement favorable à la qualité de la tourbe. Ces pins vivent à la surface des hauts marais à-peu-près dans toutes les conditions possibles d'humidité. Autant que j'ai pu le voir, la dissémination des graines est la seule cause de leur propagation. C'est encore là un des travaux de la nature que l’homme devrait imiter, et dont il tirerait grand avantage, autant pour la qualité du combustible que pour le bois qu'on pourrait en retirer. Les bouleaux qui se mélangent à toutes les couches tourbeuses croissent aussi très-facilement sur les hauts marais et semblent, comme les pins, plutôt activer que gêner la végétation des sphaignes. Il en est de mème du bouleau de Sibérie, de l’airelle des tourbières et des bruyères . arbustes qui tous contiennent beaucoup de tannin, principe dont chacun connait les propriétés antiseptiques. Or c’est autour de ces petits arbustes que les touffes de sphai- gnes s'élèvent avec la plus grande activité. Il faudrait pour bien apprécier toutes ces cireonstances , que des expériences fussent faites sur les marais tourbeux et autant que possible aux frais et sous la direction des gouvernements, dont les vues et les travaux sont moins passagers et plus suivis que les entreprises des simples particuliers, limitées d'ordinaire à la durée dé leur vie. Voici, ce me semble, quel serait le moyen le plus facile d'obtenir les résultats comparatifs aux- quels on doit tendre. | La partie du marais destinée à ces exploitations mali: devrait ètre partagée au milieu et de haut en bas par un fossé d'écoulement aussi profond que le permettraient les circonstances, pour déverser l’eau dans un entonnoir ou un ruisseau latéral, comme il s'en trouve souvent dans le voisinage de nos hants marais jurassiques. Perpendiculai- + US 2 rement à ce premier fossé et de chaque côté, en commençant par la partie intérieure du marais, On creuserait une fosse d’une étendue proportionnée à la surface totale qu'on voudrait exploiter, d’un cinquantième, par exemple. Chaque année une fosse semblable serait exploitée parallélement à la première, et ainsi de suite en avançant vers le bas. Mais on laisserait sur pied, pour séparer chaque exploitation annuelle, un banc de tourbe d’une étendue égale à celle des fosses, afin de les séparer et de pouvoir ménager dans chacune d’elles le liquide, suivant les besoins dé la végétation qu’on y établirait. Dans chacune de ces fosses on ferait croître ou une seule espèce de mousses ou de plantes ‘tourbeuses, ou un mélange de divers végétaux. On pourrait tout d’abord juger de l’ac- tivité de croissance de chacune des fosses et savoir quels sont les procédés les plus fa- vorables à la propagation des plantes tourbeuses. Au bout de vingt-cinq ans, le tout serait exploité, mais il resterait vingt-cinq portions égales correspondant aux espaces entre les fosses, sur lesquelles on pourrait répéter lopération. Pendant ce temps, les premières fosses se seraient à-peu-près comblées ; l’eau maintenue au fond aurait em- péché la tourbe laissée sur pied de s’efflorer et de tomber en poussière au contact de l'air. Peut-être même cette matière, soustraite à l’influence d’une humidité toujours la même, subirait-elle une transformation analogue à celle d’une maturité hâtée, que je crois très-favorable à la qualité de la tourbe. Quand, au bout de cinquante années. l'exploitation serait ainsi arrivée à son terme, on n’aurait rien perdu de la matière com- bustible, on aurait eu un emplacement commode pour dessécher la tourbe , avantage dont on se prive souvent par des exploitations mal combinées, et l’on aurait enfin une série de résultats comparatifs, d’où l’on pourrait tirer des conclusions positives sur Fem- ménagement et la conservation des marais tourbeux. Tout ce que je viens de dire se rapporte essentiellement à la régénération de la tourbe dans les hauts marais. Je dois avouer en toute sincérité que, malgré des recherches actives, il m'a été impossible de trouver des traces positives de reproduction sous-aqua- tique dans les marais lacustres du Jura. La tourbe d’abord y est exploitée depuis fort peu de temps et les exploitations ne sont permises dans les grands marais du'Seeland que tout près du bord des lacs où elles sont chaque année remplies par le sable pendant les inondations. Les fosses anciennes sont, il est vrai, recouvertes d’une végétation très- active des mêmes espèces de plantes que celles qui ont primitivement produit la tourbe ; on en retrouve les débris mélangés au sable à une certaine profondeur ; maïs on ne peut en conclure que €’est là une régénération tourbeuse. 11 est impossible cependant de ne'pas admettre par analogie cêtte reproduction de la tourbe immergée. Plusieurs auteurs l'ont observée sur les bords de la mer et de quelques rivières de France. Dau a vu en Danemarck plusieurs fosses, jadis creusées à six pieds de profondeur, comblées ARE 0e par la végétation des joncs et des roseaux, au point qu’on pouvait à peine en distinguer les contours. Je lis dans une dissertation sur la tourbe de Picardie par Bellery (‘) 1754 : « Il se forme journellement de la tourbe dans les marais de Péronne et de Saint-Christ. pourquoi ne:s’en formerait-il pas dans les lieux d’où lon a tiré l’ancienne? On trouve quelquefois des bancs de tourbe appuyés lun contre l’autre, bien différents quant à la qualité et qui semblent n’avoir aucune liaison ensemble. L'une est noire, compacte et ferme, l’autre jaunâtre.et légère. Cette dernière est une tourbe nouvelle qui s’est formée dans les lieux d’où Fon avait tiré l’ancienne ; elle est moins ferme; elle perd davantage de son volume en séchant; ses cendres ne sont pas si bonnes pour l’engrais des terres : enfin elle n’a pas reçu assez de soufre et de bitume pour être parfaite. » Comme la production primitive dans les marais immergés est très-lente, on doit ad- mettre que la régénération de la matière s’y opère aussi bien plus lentement que dans les tourbières supra-aquatiques. C’est peut-être la raison qui jusqu'à présent a empêché de préciser les observations et de fixer le temps nécessaire à la reproduction. D'ailleurs les circonstances qui favorisent d'ordinaire la végétation de la tourbe, sont moins nom- breuses à cause de l’abaissement du niveau des eaux dans plusieurs localités. Cependant. en thèse générale, on est forcé d'admettre une reproduction. On arrivera difficilement sans-doute à favoriser le développement des végétaux immergés; mais on pourra tou- jours diriger les exploitations dans le but de la régénération, partout où l’eau sera assez abondante, et à la longue, on obtiendra des résultats favorables ou tout au moins les incertitudes seront enfin levées. Au reste la reproduction est beaucoup plus importante pour les hauts marais que pour les tourbières immergées. Ces dernières devraient être envisagées plutôt comme terres de culture et exploitées dans ce but; les autres au contraire devraient toujours être exploitées en vue de la régénération. Après tout ce que nous avons dit, peut-on conclure quelque chose de positif sur le temps nécessaire à la décomposition des plantes, et à la formation d’une tourbe qui soit un bon combustible? Je n'émettrai aucune opinion à l'égard des tourbières immergées, mais je crois que par analogie, on peut juger approximativement de la durée du travail de la nature pour amener les végétaux à l’état de tourbe dans les hauts marais. On nomme découverte où bourin la couche supérieure de la tourbe dont le tissu est trop lâche, trop peu compact pour être exploité avantageusement. Cette couche a d’ordinaire un pied à un pied et demi d'épaisseur. C'est sous la découverte que la tourbe commence à devenir bonne. Si l’on admet que la croissance est de deux pieds par siècle, il faudra () Pages 37 et 38. me soixante et quinze années pour produire cette découverte et par conséquent pour amener la partie qu’elle recouvre à un état de décomposition suffisante. Au bout du même laps de temps, ce qui était jadis surface, se trouvera enfoncé d’un pied et demi et au-delà, à l’état de tourbe. Il doit en être ainsi de la décomposition des végétaux qui ont régé- néré la matière; ce temps sera à-peu-près le même suivant les circonstances plus ou moins favorables à la décomposition. Une immersion profonde et une température très- basse la retarderont; elle sera au contraire activée par la présence de l'air. Prendra-t-on ces idées pour de vagues et inutiles rêveries sans fondement? A Dieu ne plaise, car elles sont le résultat de plusieurs années de recherches actives et d’obser- vations consciencieuses. Qu’elles soient rejetées par un grand nombre de propriétaires dont l’unique vouloir est le profit du moment, je le comprends. Mais il se trouvera peut-être quelque homme de cœur, ami de son pays, qui emploiera une parcelle de sa fortune à des expériences que le riche seul peut faire. Puissent les résultats obtenus emmener enfin mes concitoyens à cette conviction, qui se fortifie toujours plus en moi, c’est que les marais tourbeux sont, non point un bien mort, mais une fortune active, non point une chose profitable pour le présent seul, mais nécessaire à l’avenir, non point enfin un sol inutile et qu'il faut se hâter de détruire, mais un de ces bienfaits de la sage nature que l’homme doit reconnaitre et étudier ; un de ces trésors dont il peut profiter pour lui-même, mais dont il doit compte à ses descendants. $S. 2. PARTIE PRATIQUE. CHAPITRE I‘. EXPLOITATION DE LA TOURBE. il n'est pas d'observateur un peu attentif qui ; en parcourant nos dépôts tourbeux jurassiques, n’ait été frappé de la négligence, du désordre, de l'extrême incurie avec laquelle on les exploite; et cela dans tous les sens, de toutes les manières, à toutes les profondeurs , sans s’inquiéter d’autre chose que d’en tirer le meilleur parti possible. = 4% = C'est au point que celui qui aurait pris à tâche d’anéantir nos marais tourbeux, ne pourrait mieux arriver à ses fins qu’en encourageant les exploitations telles qu’on les fait maintenant. Cet état de choses, qu’on observe dans plusieurs autres pays de l’Eu- rope, a souvent excité les regrets des hommes qui s'inquiètent du bonheur de leur patrie. Voici ce que m'écrit à ce sujet un savant naturaliste de France, un de ces hommes dont toute la vie a été remplie par des travaux honorables et des recherches utiles, le docteur Mougeot de Bruyères, à qui je dois de précieux encouragements, des conseils et des secours, comme la meilleure amitié les donne : « Nous avions de belles tourbières au sommet de nos Vosges, comme il en existe dans le Jura ; nous en avions dans le fond des vallées. On a exploité sans méthode, sans songer qu'il y avait des emplacements où il était possible de reproduire de la tourbe. Nos ingénieurs aux mines sont venus parmi nous donner des conseils ; on ne les a pas écoutés, parce que l'administration du pays ne s’est pas elle-même occupée de cette matière importante , et nous commençons à reconnaitre quel préjudice cette négligence administrative, cet arbitraire dans l'exploi- tation de nos tourbes ont causé au pays. » Il faut le dire cependant, dans ces derniers temps on s’est occupé un peu sérieusement dans quelques localités de régulariser l'exploitation de la tourbe à mesure qu’on a mieux apprécié la valeur du combustible, Mais les directions données, les précautions prises, l'ont été sous le rapport technique tant seulement. On s’est attaché à extraire d’un marais le plus de matière possible et à trouver le moyen de n’en rien perdre. Un rapide coup- d'œil jeté sur les inconvénients des exploitations mêmes les mieux dirigées et telles qu’on les fait maintenant, prouvera l'insuffisance et le danger des méthodes employées. Nous savons déjà quelle influence l’eau a sur la formation primitive et la reproduction de la tourbe. Nos marais Jurassiques se trouvent divisés en un très-grand nombre de petites propriétés particulières. Quelques dépôts seulement appartiennent dans leur tota- lité à des communes qui les ont transformés en pâturages ou qui permettent l'extraction du combustible moyennant une certaine redevance par toise carrée suivant la profon- deur. Les hauts marais jurassiques toujours élevés au-dessus du niveau de l'eau, sont ainsi ordinairement attaqués sur les bords, parfois sur tout leur contour, à cause de la facilité qu'on a de conduire les eaux dans les ruisseaux ou les entonnoirs qui les avoi- sinent. La partie inférieure mise à nu par l'exploitation et inclinée ou coupée de fossés d'écoulement, reste par conséquent desséchée et sans usage; car les quelques touffes de linaigrettes et de joncées qui y croissent ne peuvent servir ni à la reproduction de la tourbe, ni à la nourriture des bestiaux. A peine peut-on utiliser ce sol pour le dessé- chement de la matière exploitée, car il reste mol et de difficile accès. D'ailleurs les dépôts tourbeux remplissent des bassins qui deviennent plus profonds à mesure qu’on s’avance > 7 FE: Dr vers l’intérieur, et si l’on veut continuer à niveler la surface, on est forcé d'abandonner les couches inférieures, dès que les exploitations pénètrent plus avant dans le marais, et c’est toujours une perte réelle pour le propriétaire. Il n’y a donc pas de méthode réelle dans ce mode d’exploitation. On pourrait cependant se contenter de travaux ainsi exécutés, s’il n’y avait de dom- mage que pour le propriétaire; car la simplicité, la facilité de l'exploitation compense- raient la perte; mais il n’en est malheureusement pas ainsi. Le premier effet produit sur un marais en croissance dans le voisinage des fosses d’où l’eau a été entièrement enlevée, c’est une dépression considérable de la surface, la dis- parition des végétaux qui servaient à la production de la tourbe ét à son élévation, et partant une interruption dans la croissance primitive du marais. On peut objecter il est vrai, que l'influence du desséchement ne se fait pas sentir à une très-grande distance des exploitations, puisque la spongiosité de la tourbe empêche l'humidité de se perdre entièrement; cependant on comprend qu’à la longue le liquide diminue dans toute l’é- tendue d’une tourbière par cette spongiosité même qui tend à rétablir l'équilibre dans les parties privées d’eau aux dépens de celles qui en sont saturées. Quand les exploita- tions se font sur une grande étendue avec un écoulement constant, et que les couches mises à découvert et coupées perpendiculairement ne sont pas soutenues latéralement par celles qui restent sur pied, le dommage est encore plus grand et plus appréciable. Car alors, comme on peut l’observer sur le marais de la Vraconne, près de Sainte-Croix (Jura), la partie dénudée et exposée par l'exploitation au contact de l'air s’affaisse, se déprime , s’incline sur sa base et finit par se séparer forcément des couches intérieures par des crevasses plus ou moins profondes qui font pénétrer la sécheresse toujours plus avant dans l’intérieur du dépôt. Comme matière charbonneuse, la tourbe est à la vérité indécomposable ; cependant le contact de l'air, l’action des pluies, des gelées surtout la font tomber en poussière et lui enlèvent les éléments les plus favorables au développe- ment du calorique dans la combustion, les parties minérales, la résine, etc. Voilà done un double dommage, la croissance arrêtée, la qualité de la tourbe gâtée; souvent même des masses de matière absolument perdues, car lorsque l’affaissement des couches conti- nue, des pans entiers se couchent comme des murailles renversées sur les exploitations, et altérée par les agents atmosphériques, cette masse de combustible devient inutile, et le propriétaire a souvent de la peine à s’en débarrasser pour continuer ses exploitations. L'exploitation d’une tourbière peut ainsi causer un grand dommage aux propriétés voisines, qui par l’éloignement de l'eau perdent une grande partie de leur valeur, sans compter que la croissance présente est anéantie et la reproduction future rendue impos- sible. Que les canaux pénètrent vers l'intérieur d’un marais en longeant, comme il arrive Re souvent, les propriétés voisines sur une grande étendue, le dommage s'augmentera et ce sera un vol réel, une injustice supportée par plusieurs au profit d’un seul. J'ai vu dans les marais des Ponts des tourbières autour desquelles les voisins avaient ainsi creusé des fossés profonds pour faciliter leurs propres exploitations. Ces tourbières s’affaissant de tous côtés, se voûtaient en dôme et dépérissaient sans qu'il fût possible au proprié- taire d'apporter aucun remède au mal, sans qu’il osât même se plaindre des voisins qui n'avaient fait qu’user strictement de leur droit. L'agent producteur et conservateur de la tourbe, l’eau appartenant à tous, il y à entre les divers propriétaires d’un marais une communauté d'intérêts qu'une surveillance supérieure peut seule équitablement répartir. Les autorités de chaque état devraient donc avoir droit d'inspection et de direction pour les exploitations, dans l'intérêt même des possesseurs. On établirait alors des réglements et des compensations pour que le profit ne soit pas pour un seul au détriment des au- tres. Une distance de six pieds au moins devrait toujours être accordée entre un fossé d'écoulement et la propriété voisine, et si l'écoulement est continu, ce ne serait point une trop large compensation que de céder à celui qui n’exploite pas la bande de sol qui borde le fossé. Un autre inconvénient nait pour les exploitations dans l’intérieur des marais, quand une tourbière entourée de tous côtés par les propriétés étrangères ne peut être desséchée par un fossé d'écoulement ; car alors on ne peut creuser assez profond pour obtenir une bonne tourbe, à cause de la quantité d’eau qui se ramasse dans les fosses, et la surface seule est attaquée comme un damier. Si ce mode d'exploitation est favorable à la re- production , il n’est d'aucune utilité pour le propriétaire et il a l'inconvénient de mé- langer à des distances très-rapprochées des tourbes de deux qualités qui rendent les exploitations futures moins avantageuses. Dans ce cas, il me semble injuste qu'un pos- sesseur ne puisse tirer parti de son bien ; et de même qu'il est toujours permis d’em- porter le bois des forêts et les produits des champs à travers les champs et les forêts voisines, ainsi devrait-il être permis de creuser même sur une propriété étrangere des fossés d'écoulement pour un temps court et limité et moyennant idemnité. Comblés à l’époque fixée, ils seraient bientôt remplis d’eau et n’exerceraient Pas sur tout un marais leur influence destructive. Une considération semblable se présente quand on examine les emplacements choisis et réservés pour l’étente et le desséchement de la tourbe. Si les exploitations s’avancent de l'extérieur vers l’intérieur du marais, il arrive un point où la surface mise à nu de- vient trop molle pour qu’on puisse y déssécher le combustible. 11 faut alors le rejeter sur le bord de l’entaille et l’étendre sur la propriété voisine, Or l’entassement, la pres- sion de la tourbe humide à la surface du sol, le transport, le passage des chars, des <' + — chevaux et des ouvriers détruisent les végétaux tourbeux et arrêtent la croissance du marais. C’est encore une injustice en faveur de celui qui exploite. Répétées sous mille formes différentes, ces pertes deviennent considérables et pourtant personne ne s’avise de se plaindre ou de chercher un remède au mal; tant il est vrai que l'habitude ou de funestes préventions finissent souvent par donner à l’iniquité l'apparence du droit. Nous sommes forcés de le reconnaitre, que les principes les plus simples sur lesquels doit reposer une exploitation méthodique des hauts marais, sont inconnus et sans appli- cation ; car une méthode pour être acceptable doit à la fois empêcher les pertes inutiles et procurer le plus grand avantage possible. De tout ce que nous avons dit dans la partie théorétique, découlent pour l'exploitation ces quelques règles générales qui pourront être modifiées de bien des manières, selon les cas particuliers. 1° Principe. Combiner la plus grande profondeur possible dans les creusages avec le maintien de l’eau dans les fosses, le transport et le desséchement de la matière. Si le mode d’exploitation proposé dans le chapitre précédent n’est pas toujours facile, s’il exige une surveillance assez suivie, il fournit du moins toujours le moyen d'établir les canaux d’é- coulement de manière à pouvoir y retenir l’eau à volonté. Or comme la tourbe est im- perméable, on peut rejeter dans les fossés, après l'exploitation, une assez grande masse de matière pour les obstruer. 2° Principe. Empècher les exploitations sur une vaste surface continue, attendu que dans ce cas l'écoulement de l’eau ne peut s’effectuer que par la pente même du sol sur lequel on extrait la tourbe , ou par des canaux trop longtemps ouverts. On peut sans doute établir des barrages au moyen de bancs de matière tourbeuse laissés sur pied ou avec les débris des exploitations qu’on entasse en digues à la suite des ouvriers. Mais dans le premier cas, si les bancs ne sont pas assez puissants pour permettre une seconde exploitation, on perd une certaine quantité de matière ; dans le second cas, qui est applicable dans plusieurs circonstances, la matière reproduite se mélangeant avec l’ancienne tourbe par des digues de déblais qu’on élève, contribue à rendre moins faciles et moins productives les exploitations futures après la reproduction. Ces barrages continuels occasionnent d’ailleurs une perte de temps assez considérable pour les ouvriers. 3° Principe. Préparer toute exploitation en déterminant d’avance la direction du fossé d'écoulement. Donner à ce fossé une profondeur en rapport avec celle des couches exploitables et le diriger au travers de ces couches jusque vers la partie intérieure où doit toujours commencer l'exploitation. De cette manière, l’action désséchante du canal se reporte des deux côtés sur la surface qui doit être soumise à l’exploitation ; et cette mème surface sert à l’empilage de la matière, au passage des ouvriers, des chars et des che- EL 4 vaux. La croissance n’est ainsi arrêtée que sur la partie même qui doit être extraite et qui supporte tous les dommages, et les propriétés voisines n’ont pas à en souffrir. L®° Principe. Faciliter dans les fosses l'établissement des végétaux les plus utiles à la reproduction de la tourbe , en y ménageant une quantité d’eau proportionnée à leur rapide croissance. Sans répéter ce qui a été dit précédemment , j'ajouterai ici les con- sidérations suivantes. Les plantes tourbeuses ont besoin de lumière et de soleil pour croître rapidement ; elles prospèrent donc le mieux dans les fosses creusées du nord au sud où les entailles perpendiculaires ne projettent pas une ombre continue. Les exploi- tations faites dans cette direction, qui pour le Jura du moins, est perpendiculaire à celle des vents régnants , ont d’ailleurs l'avantage d'arrêter plus facilement et en plus grande quantité les graines que les courants d’air entrainent, d’abriter contre leur vio- lence les jeunes pousses de’bouleau et de pin qui y croissent et de contribuer à la fonte plus accélérée des glaçons et des neiges. La direction des vallées jurassiques, au fond desquelles les marais tourbeux sont ordinairement situés, favorise particulièrement les exploitations dans ce sens. 5"° Principe. Faire un plan d'exploitation, lorsque l'on s’est assuré, par des sondages répétés, de la qualité et de la profondeur de la tourbe. L'examen des localités est d’une grande importance, car il faut rendre aux ouvriers le travail facile, si l’on veut que l'extraction de la matière se fasse rapidement. Cela est surtout d’une grande impor- tance dans les vallées froides du Jura , où l’on n’a que peu de temps à consacrer au desséchement de la tourbe. Il est de plus nécessaire que l’ouvrier ne choisisse pas à sa convenance ce qui lui convient de tailler. L'observation de toutes ces règles nécessite- rait, j'en conviens, une inspection continuelle dont les gouvernements ne voudront peut-être pas se charger, et que les propriétaires subiront difficilement. Mais, d’un autre côté, je crois aussi que les difficultés s’applaniront peu-à-peu, par la raison que tout le monde y trouvera nécessairement son intérêt. Nous verrons plus bas jusqu’à quel point la prospérité d’un état peut dépendre de la conservation des marais tourbeux. On est souvent étonné de voir avec quelle incurie et quelle négligence les ouvriers char- gés d'extraire la tourbe font leur ouvrage, sans s'inquiéter du profit du maitre, tant seulement pour s’épargner un peu de peine et aller plus vite. Ces ouvriers, ordinaire- ment payés par chars, bauges ou loises mesurés quand la tourbe est sèche et rentrée, ont plus d'intérêt à exploiter la mauvaise tourbe fibreuse que la tourbe plus com- pacte. Celle-ci est plus pesante, se dessèche plus difficilement et perd davantage de son volume en se séchant. Il arrive aussi que quand le coupeur rencontre des troncs d'arbre ou quelque couche trop dure qui l’oblige à ralentir son travail ou à prendre des pré- cautions pour enlever sa taille ou son morceau, il attaque le banc dans une autre direction, TT plus ou moins près de la surface, et abandonne ainsi la tourbe de meilleure qualité. C’est une perte réelle que ne subirait pas le propriétaire si les exploitations étaient tracées à l’avanee et si la profondeur était fixée dans toute l’étendue du dépôt. D'un autre côté, les ouvriers sont souvent retardés par des travaux accessoires pour l'écoulement de l’eau , dont on serait dispensé du moment que les canaux seraient creusés d’avance suivant le plan des exploitations. De cette surveillance résulterait nécessairement un travail d’ensemble, des rapprochements entre les propriétaires , des associations là où l'intérêt de l’un se trouverait en conflit avec l’avantage de autre, de plus grands bé- néfices dans les travaux, une justice égale pour tous et surtout la conservation des marais tourbeux. : #4 L'exploitation des tourbières sous-aquatiques est bien moins compliquée quant aux principes à suivre pour la diriger. On ne peut guère établir à l’égard de ces dépôts que cette règle générale : profiter autant que possible de la matière qu'ils renferment, l’ex- traire jusqu’au fond ou aussi profondément qu'on peut l'atteindre. Si les tourbes sont immergées, comme c’est ordinairement le cas, les fosses creusées se rempliront d’eau et par le travail de la nature elles pourront à la longue se combler. Si par suite de l’abaissement des eaux qui les ont formées, elles se dessèchent, on devra alors tirer parti du sol sur lequel elles reposent pour des cultures. Les marais sous-aquatiques recouverts d’une couche d’humus ou de limon ont une végétation naturelle, dont on profite pour de médiocres pâturages ; les labours et les engrais en obtiennent des produits assez abondants en fourrages. Avant donc de les. attaquer pour y creuser des fosses dans lesquelles la tourbe se reproduit très-lentement, il sera toujours bon de calculer ce que valent les produits annuels, pour les comparer au capital obtenu par le combustible exploité. Il sera bon aussi que les autorités veillent à la salubrité en empêchant de trop vastes travaux, attendu que les eaux stagnantes qui se réunissent dans les fosses, peuvent développer des miasmes dangereux, s’il ne s’y établit pas une végétation très-active. A ces généralités, ajoutons quelques détails techniques pour faire connaître la ma- nière dont on extrait la tourbe dans le Jura et pour comparer nos méthodes avec celles d’autres peuples. Dans les hauts marais, on n’emploie en général que deux ouvriers pour chaque taille ou exploitation partielle. L'un coupe la tourbe au moyen d’une pelle tranchante et la jette sur le bord de l’entaille au brouetteur qui va l'étendre pour la sécher. Dans les marais du lac de Neuchâtel, on se sert d’un louchet ou pelle à oreillettes, et par ce moyen toutes les briques de tourbe ont une dimension à-peu-près égale. Dans plu- sieurs localités de PAllemagne, la surface nivelée est soigneusement divisée en carrés — = égaux , comme les cases d’un damier, et deux ouvriers sont employés, lun à couper la tourbe perpendiculairement , l’autre à la trancher horizontalement et à la jeter hors de la fosse. Il y a un grand avantage pour le desséchement et pour la facilité de Fempi- lage et la manipulation en général, à extraire des briques d’égale grosseur ; mais on n°y fait nulle attention dans notre Jura, où rien n’est au contraire plus variable que les dimensions des tourbes. De-là vient qu’elles s’entassent si difficilement et ne peuvent se vendre qu’au char ou à la toise et non pas au mille, comme cela a lieu dans d’autres contrées. Comme ce sont les Hollandais qui , les premiers, ont fait usage de la tourbe qui est presque leur seul combustible, c’est d’eux aussi que nous empruntons les meilleures méthodes d'exploitation, surtout pour les marais sous-aquatiques, car quand la matière est émergée, il n’y a aucune difficulté à la tailler. Quand, dans un dépôt tour- beux , il n’est plus possible d’éloigner l’eau, ce qu’on fait ordinairement par des barra- ges, des sceaux ou des vis d’Archimède, on fait usage de la drague. C'est un simple anneau en fer à bords tranchants, dans l’épaisseur duquel sont percés des trous en nombre suffisant pour recevoir les cordes principales d’une espèce de filet ou de sac dont est formée la panse de la drague (‘). Au moyen de cet instrument attaché à un long manche, l’ouvrier placé sur le bord de la fosse ou sur un radeau, ramène du fond la matière coupée par les bords tranchants du cerele , et qui remplit le sac. Il verse cette tourbe dans un baquet où elle est pétrie par un autre ouvrier qui la débarrasse, à l’aide d’un fourchet, de tous les débris trop grossiers de végétaux, en même temps qu'il y ajoute l’eau nécessaire pour en faire une pâte qu'il piétine fortement et qu’il brasse avec un sabot. Quelques industriels français ajoutent à la matière, quand elle est dans cet état, de la chaux vive ou de la marne, prétendant ainsi augmenter la force calori- fiante. Quand la pâte est bien formée, on la verse sur une aire de dimensions variables, formée par des planches qui en font une espèce d’auge. Le fond est formé par un lit de mauvais foin piétiné. L'eau de cette bouillie s'écoule ou s’infiltre dans le sol et s’'évapore. Lorsqu'elle a pris une certaine consistance, on la tasse à coups de batte pour lui donner une épaisseur et une densité uniformes. Puis à mesure que la masse devient plus sèche, on y fait marcher des enfants portant au lieu de souliers des planchettes de six pouces de large et de treize à quatorze pouces de long, attachées comme des sandales. Quand ce piétinement a donné de la compacité à la masse ; quand elle est bien nivelée et qu'elle peut supporter le poids de l'homme, réduite à une épaisseur de huit à neuf pouces, on trace sur la surface, avec de longues règles, des lignes qui la divisent en rectangles @) J'emprunte cette description à Pelouse, père : Traité méthodique de la fabrication du Coke et du charbon de tourbe, page 66. : RE égaux , et on la coupe, dans le sens du tracé, au moyen d’un louchet. Cette opération faite, on laisse les briques de tourbe sur place pour qu’elles prennent encore plus de consistance. Au bout de deux ou trois jours, les ouvriers enlèvent toutes les briques des rangs impairs et les posent en travers sur celles des rangs pairs, restées debout. Après quelques jours, on les déplace en sens inverse, et par cette suite d’opérations, la des- sication s'achève naturellement en peu de temps. Nos tourbes lacustres sont généralement trop fibreuses pour pouvoir subir une telle manipulation. Mais cette méthode pourrait être employée avec avantage, en partie du moins, pour utiliser dans les hauts marais les menus copeaux de tourbe que les ouvriers entassent au fond des fosses. 11 suffirait pour cela de les jeter à la surface, de les faire pétrir en bouillie, puis, lorsque l’eau se serait écoulée, de les battre, et de les couper ensuite quand la masse aurait pris un peu de consistance. On n’aurait pas même besoin de construire des réservoirs ; les mousses qui couvrent le sol pourraient remplacer le foin ; le barrage n'est pas nécessaire. De nos jours, la tourbe est encore trop peu recherchée comme combustible, pour qu’on se donne la peine de ce travail; mais son importance, j'en ai la conviction, ne tardera pas à se faire sentir. Quand la tourbe immergée est dure et fibreuse, on l'extrait en France au moyen de grandes boîtes à bords tranchants qu’on fait pénétrer dans la matière ou par leur propre poids comme des moutons de pilotage, ou par des roues à engrenages qui font mouvoir une poutre au bout de laquelle est attaché le couteau. Je trouve une de ces machines décrite par Bellery ; d’autres sont proposées dans le Dictionnaire des découvertes ; mais elles ne peuvent être d’aucune utilité dans des tourbières renfermant une grande quan- tité de troncs d’arbres, comme le sont celles des hauts marais. On pourrait s’en servir dans les dépôts lacustres. La tourbe une fois extraite, il faut la dessécher, et cette opération exige beaucoup de soin, car elle a une grande influence sur la qualité du combustible. Dans les exploita- tions ordinaires, telles qu’elles se font dans le Jura, les briques de tourbe jetées sur le bord de l’entaille sont chargées par les brouetteurs qui les déposent à plat sur le lieu de l’étente, où elles restent deux ou:trois jours. Comme ces briques sont très-molles, il est nécessaire de les saisir avec précaution pour ne pas les briser. Il ne faut pas non plus en charger un trop grand nombre sur les brouettes, dans la crainte de les écraser. Ce travail est d’ailleurs facile et peut être confié à des enfants. Dès que les tourbes ont pris un peu de consistance, on les redresse en les appuyant deux-à-deux par le haut en forme de A renversé, et quelques jours après on les retourne, c’est-à-dire qu’on appuie sur le sol le bord qui était tourné en haut. Ces premières manipulations durent plus ou . moins long-temps, suivant que le temps est plus on moins favorable. On comprend com- LE ' - ment toutes les briques se trouvant alors exposées aux vicissitudes atmosphériques, la qualité du combustible dépend beaucoup de la température qui accompagne ces opéra- tions. Si les tourbes encore humides sont arrosées par de fortes ondées ou exposées aux gelées, elles perdent les parcelles charbonneuses et ne gardent que les filaments ligneux. Le combustible, ainsi détérioré, se consume rapidement, mais sans donner beaucoup de chaleur. Il y aurait moins de risque, aussitôt que les briques de tourbe peuvent se soutenir sans se briser, à les dresser en murs comme on le fait généralement en Allemagne. Cette méthode est à-peu-près la même que celle que nous venons de décrire pour le dessé- chement des tourbes draguées et battues. On laisse sur le sol, en les alignant, les tourbes à une distance assez grande pour qu’un second rang supérieur s'appuie sur les bords des morceaux du fond et couvre les jours laissés entre eux. Si la matière est déjà un peu solide, on place quatre ou six rangées l’une sur l’autre. Mais il faut toujours au bout d’un certain temps renverser l'opération, c’est-à-dire, reconstruire les murs pour amener au sommet les briques qui touchaient le sol. De cette manière, si les pluies arrivent, elles ne gâtent que les tourbes du haut. Quand les briques de tourbe sont bien couennées, c’est-à-dire, quand la surface est assez durcie pour supporter un poids assez fort, on les entasse en lanternes. Pour cela, on pose d’abord circulairement un certain nombre de tourbes (dans le Jura ce nombre va de 40 à 60), en laissant entre chacune d'elles, comme on le fait pour les murs que nous avons décrits, un espace un peu moindre que la largeur du morceau. Sur ce premier rang, en changeant l’ordre de superposition et en recouvrant les vides, on en élève un autre que l’on fait rentrer un peu vers le centre. En continuant ainsi, on finit par élever une pyramide à jour, que l’on termine par une seule brique. Pour donner à l'édifice plus de solidité, on le remplit souvent des tourbes les plus sèches posées sans ordre, mais de manière que l’air puisse cependant encore les pénétrer. L’instruction publiée par l'Agence des mines de France porte que les petites lanternes de sept tourbes de base sont préférables, parce qu’elles se soutiennent mieux et que les morceaux infé- rieurs y sont moins sujets à être brisés. Cela est juste, si les tourbes ne sont point assez desséchées pour supporter un poids plus fort, mais d’un autre côté le travail est moins long , plus facile quand on construit de grandes lanternes, et il y a moins de briques en contact avec le sol, ce qui est d’un grand avantage. Il vaut donc mieux , avant d'entreprendre cette opération qui doit achever Le desséchement de la tourbe , attendre quelques jours de plus, jusqu'à ce que la matière ait pris un peu plus de consistance. En général, le desséchement de la matière tourbeuse et les opérations qui peuvent 8 — 59 = le hâter ou le compléter méritent une grande attention, dans notre pays surtout. Dans nos vallées élevées , où la température est humide et froide, on obtient rarement en une seule année une siccité assez grande pour que le combustible acquière seulement la moitié de sa valeur. Aussi est-il très-profitable pour le consommateur d’acheter sa tourbe une année d'avance pour la laisser en magasin, quand il ne peut l’obtenir de mar- chands qui la gardent sous les hangards pendant l'hiver, avant de la livrer à la vente. On s’en convainera facilement par les observations suivantes : le 20 de février 1842, je pris dans mon bücher deux briques de tourbe de densité différente, exploitée en juin 1841. Je les notai par N° 4 et N° 2. Je coupai de chacune deux morceaux de trois pouces de longueur sur deux pouces de largeur et un d'épaisseur. Je les pesai très- exactement : le N° 1 pesait 48 deniers 14 grains , soit 27 livres 5 onces 6 deniers le pied cube; le N°2, le moins dense, 22 deniers 9 grains, soit 12 livres 9 onces 10 de- niers le pied cube. Je laissai ces deux échantillons pendant trois mois seulement, exposés à l'air dans le magasin mème de la tourbe, et au bout de ce temps, le N° 1 ne pesait plus que 27 deniers 5 grains, soit 15 livres 4 onces 22 deniers le pied cube: le N°2, 16 deniers 20 grains, soit 9 livres 7 onces 12 deniers le pied cube. Le premier avait done perdu 55 p°, de son poids: le second 25 p%. Je n’avais cependant pas choisi dans le tas de tourbe les briques les plus humides, j'avais pris à-peu-près un terme moyen, et l’on voit quelle quantité d’eau la matière contenait encore. S'étonnera-t-on dès-lors que plusieurs de ceux qui brülent de la tourbe ainsi dessé- chée, s’en dégoûtent et prétendent qu’on ne peut en obtenir un combustible même médiocre. Cette matière humide soumise à la combustion ne peut s’enflammer sans ètre mêlée avec beaucoup de bois. Elle commence par dégager une énorme masse de vapeur, qui, pour se développer, absorbe le calorique en proportion au moins égale à la quantité d’eau qu’elle contient. Une fumée noire, épaisse et puante s’échappe, des lieux où on consume la tourbe, :obstrue les canaux de cheminée et remplit souvent les appartements (‘). Et si la matière s’enflamme, ce qu’on n’obtient pas toujours, la flamme dure très-peu et ne persiste jamais sans le mélange du bois. J'ai fait moi-même l'expérience suivante: de deux fragments de même grosseur que j'avais taillés dans des briques encore humides, j'en mis un dans un brasier ; la tourbe sèche s’enflamma spontanément , tandis que lautre se carbonisa sans flamme, en dégageant seulement des vapeurs et de la fumée. Un fait curieux et qui mérite de fixer l'attention des chimistes, c’est la petite quan- tité de cendres que ces tourbes humides laissent après leur complète combustion (1,13 (:) La fumée de la tourbe bien sèche a très-peu d'odeur. On prétend que les salaisons de Hambourg doivent leur renom et leur qualité à la fumée de tourbe à laquelle on les expose pour les dessécher. 00 . = pour cent et 1,26 pour cent, tandis que les briques analogues desséchées ont donné h° de cendres). Ceci tendrait à prouver que l’évaporation rapide et la fumée ou que le long séjour de l'humidité dans la matière lui enlèvent une partie de ses éléments constituants surtout les parties minérales. | Il importe donc que ceux qui exploitent la tourbe dans les montagnes, construi- sent des magasins assez grands pour l’y laisser séjourner au moins une année : car les particuliers, les pauvres surtout, ceux-là même qui ont besoin d’un bon combustible , n'ont ni la place ni les moyens de faire des provisions. Ce serait même, je le crois, une spéculation profitable, que de construire de vastes hangards dans les localités où lon brüle beaucoup de tourbe, dans les villages populeux et industriels de notre Jura. Là on pourrait la détailler très-sèche et pendant tout l'hiver, suivant les besoins. S'il faut en croire Sprengel et plusieurs auteurs Hollandais dignes de foi, le desséche- ment incomplet peut produire des accidents très-graves. Sprengel, qui certes a fait sur les dépôts tourbeux de très-profondes recherches, assure en effet que si la tourbe humide est entassée dans des lieux où l’air n’a pas accès, elle peut entrer en fermentation et s’enflammer spontanément. Il ne m'a jamais été possible de constater ce fait par des expériences directes ; cependant j'ai vu plusieurs incendies où le feu s’est déclaré dans des provisions de tourbe nouvellement serrée, sans que lon ait pu savoir comment. la tourbe s'était enflammée. Les autorités locales devraient veiller avee soin à ce que de semblables accidents ne puissent avoir lieu, et pour cela empécher l’entassement dans des galetas ou büchers tout-à-fait fermés. Elles devraient aussi favoriser l'établissement de grands magasins communs , où la tourbe ne serait amenée que bien sèche. Ce mode d’emmagasinage serait d’ailleurs d’une grande économie pour les propriétai- res, car il arrive souvent que la tourbe exploitée ne se vend pas toute en automne. Elle reste alors forcément abandonnée sur les marais et ainsi exposée aux gelées, aux in- tempéries de l'hiver ; c’est une matière perdue, et au printemps suivant elle n’a plus aucune valeur. On commence, il est vrai, dans quelques localités du Jura à empiler la tourbe en automne. Mais cette opération se fait encore avec si peu de soin et de métho- de, que toujours les tas sont pénétrés par l'humidité, et que les briques ainsi ramollies sont gâtées et brisées quand on ouvre les piles au printemps. L’empilage bien dirigé peut être très-utile pour les propriétaires qui n’ont pas de bangards._ Je rapporte done en détail la méthode usitée en Allemagne pour cette opé- ration. J’emprunte ces détails aux instructions publiées par l Agence des mines de France. » Lorsque les tourbes ont acquis à-peu-près le degré de sécheresse nécessaire , on les réunit en masses plus considérables appelées piles. | » L’empilage étant la dernière main-d'œuvre, celle qui décide irrévocablement de la <= (0. — qualité de la tourbe, est aussi celle qui exige le plus de connaissances et d’attention. Si on empile trop tôt, la tourbe encore mouillée s’échauffe dans la pile, ne sèche jamais à fond et l’on est contraint de la désempiler au printemps et de l’étendre de nouveau sur le pré pour la sécher, ce qui occasionne des frais et un déchet considérables. Si lon empile trop tard, la tourbe a déjà essuyé une perte immense: elle se brise, se grésille et une grande partie se réduit en boue, en grumeaux et en poussière (*). Il faut donc connaitre l'instant et le choisir, et chaque espèce de tourbe à le sien particulier relatif à sa nature. » Tout ce qu'on peut établir de général à cet égard, c’est qu'il vaut mieux empiler la tourbe un peu trop tôt, ou, en terme de tourbier, un peu verte, que de l'empiler trop tard; il ne peut résulter de cette méthode qu’une petite diminution dans les proportions de la pile ; la tourbe parviendra d’ailleurs à une sécheresse complète et séchée ainsi lente- ment, elle deviendra compacte; elle sera dure comme la corne, on ne la rompra qu'avec effort. Cette observation porte principalement sur les tourbes qui sont sujettes à se grésiller, sur les tourbes franches; car pour celles qui sont entrelacées de beaucoup de roseaux ou de fibres, elles soutiennent les alternatives de sécheresse et d'humidité sans se désunir, et leur empilage demande moins de précautions ; on ne risque rien de les laisser sécher à fond avant de les empiler. « La pile est pour la tourbe une mesure commerciale, comme la corde pour le bois. À l’égard des dimensions de cette mesure, il est à regretter qu’elles ne soient pas encore fixées généralement. La pile de Paris contient cinq cent-deux pieds cubes; elle se divise en quatre coudées et donne quatre-vingt-dix voies, chacune de cinq pieds deux-tiers. La pile, mesure du département de la Somme, est de trois cent vingt pieds cubes. » La pile de Paris a dix-sept pieds de longueur à la base et quinze à son entablement, neuf pieds de largeur de base sur sept d’entablement, quatre pieds de hauteur; on la termine par un comble de deux pieds de hauteur perpendiculaire (°). » Il faut choisir, pour l'emplacement où l’on veut élever les piles, la partie la plus sèche au milieu des lanternes. On trace les dimensions au cordeau sur le terrain ; on y apporte les tourbes. On commence à placer les bases des murailles sur une tourbe d’é- paisseur ; on charge le milieu de la pile à la main, à mesure qu’on continue d'élever le muraillement, lequel se fait en retraite de rang en rang, de sorte que quand on est élevé à la hauteur convenable, la pile forme une pyramide tronquée, à quatre faces. Aux @) Notre tourbe jurassique est en général trop fibreuse pour que l'inconvénient d'un empilage un peu tardif soit très-grave. On doit craindre bien plus d'empiler trop tôt. (@) La nature de nos tourbes permet d'établir des piles d’une dimension beaucoup plus considérable. RE quatre angles du muraillement, on a soin de lier et croiser les tourbes entre elles comme les maçons lorsqu'ils élèvent un mur de briques. La pile s'achève par un comble formé de tourbes placées sans ordre, terminé par un rang d’une seule tourbe (1): On observe de mettre dans les combles les tourbes qui ont le plus besoin d’être encore séchées. » I n’y a pas d’inconvénient à faire les piles de forme plus allongée ou à en mettre plusieurs au bout les unes des autres; mais il n’en est pas de même de la largeur : il y aurait de l'inconvénient à l’augmenter parce que les tourbes y conserveraient trop d’hu- midité et parce que les ouvriers ne pourraient pas arranger aussi bien les piles plus larges. Il leur faudrait des échelles et d’autres moyens, d'où il résulterait beaucoup de tourbes brisées et de poussière. » Sur la fin de la campagne, lorsqu'on a été forcé d'empiler des tourbes encore trop humides; on réduit les dimensions des piles. On fait ce que les tourbiers appellent des pilons de six pieds de largeur, vingt-deux pieds de longueur, trois pieds de hauteur, dix-huit pouces de combles. » Quand les piles de tourbe doivent rester sur le pré pendant quelque temps, et surtout lorsqu'elles ont à y passer l'hiver, ou même seulement une partie de l'automne, il faut les couvrir si on ne veut pas perdre le fruit de ses travaux. La pluie ou les brouil- lards déposent de l'humidité dans les piles; elles se tourmentent et finissent par s’écrou- ler. Les tourbes se délitent, se brisent, s’affaissent et on n’a plus que des fragments ou un monceau de poussière. L'effet des gelées surtout est ruineux pour ceux qui y laissent les tourbes exposées; il faut donc les couvrir pour éviter ces pertes. » On emploie de grands roseaux pour couvrir les muraillements tout autour, et de la litière ou du chaume pour le comble qu’on recharge, en outre, de gazons placés de distance en distance, afin de l’assurer contre les vents. Cette opération est dispendieuse. Mais c’est une fausse économie que de vouloir ménager la litière sur les piles, quand on en fait la couverture, parce que l’eau pénètre et on perd alors les frais de couverture et la tourbe. Il faut faire attention à ce que les piles soient placées à l'abri des inonda- tions et même à ce que leur pied ne soit pas humide. » Lorsqu'on veut enlever les tourbes, on commence par découvrir les piles, ce qui doit se faire avec précaution. On ne doit entamer des piles que celles qu’on enlèvera en totalité, et si on s’aperçoit que quelques parties des piles aient reçu de l'humidité, il con- vient de remettre ces tourbes en lanternes ou reules ; autrement elles se pulvériseraient dans le transport. » () Ceci n’est point conforme à la méthode allemande de beaucoup préférable, car le comble se forme au contraire de briques de tourbe entassées avec grand soin, de sorte que les supérieures se recouvrent comme les tuiles d’un toit et ont ainsi l'effet de gouttières pour empêcher l’eau de pénétrer dans l'intérieur. "OR = Pour remédier aux inconvénients d’une dessication incomplète et en mème temps pour diminuer le volume de la matière et augmenter sa force calorifiante, on a proposé et essayé l’emploi de plusieurs espèces de machines à compression, machines hydrauli- ques, presses à vis ou balanciers. Mais le but n’a été qu'incomplètement rempli. IL est impossible en effet d'obtenir une pression assez forte pour enlever toute humidité jus- qu’au centre des briques ; et une fois que la croûte a été fortement comprimée et durcie tout autour , cette humidité se perd difficilement. Il est bien certain d’ailleurs que plu- sieurs éléments chimiques contenus dans l’eau des marais tourbeux passent à l’état solide par la lente évaporation du liquide et profitent ainsi à la qualité de la tourbe. La pression enlevant l’eau, entraine en même temps les éléments qu'elle tient en dissolution. On a donc assez généralement abandonné ce moyen, et l’on en est revenu au mode de des- séchement le plus simple, qui parait encore le meilleur, malgré ses inconvénients. Ceux qui ont le moyen de construire de vastes bâtiments où la tourbe peut être ma- nipulée et desséchée à l'ombre, comme on le fait pour les briques et les tuiles avant de les cuire, y trouvent un grand avantage pour la qualité de la matière. Mais nulle part encore dans le Jura, on n’a fait les frais de semblables établissements. Moins encore voudrait-on élever des séchoirs à fourneaux comme celui de Kænigsbrunn, dont j’em- prunte encore la description aux Annales des mines de France. « Ce fourneau, constamment maintenu à une température de quelques degrés supé- rieure à celle de l’eau bouillante, consiste en une vaste chambre dans laquelle les tourbes sont exposées. On y pénètre par une porte. Le sol de cette chambre est formé par une plaque en fonte échauffée en dessous par un foyer pratiqué à cet effet. » Le mur qui forme le fond de la chambre de dessication est percé d’un grand nom- bre d'ouvertures qui le mettent entièrement à jour. Les ouvertures ne commencent qu'à deux pieds environ du sol; elles ont été pratiquées dans le mur au moyen de l'écartement des briques d’une quantité égale à la longueur que l’on voulait donner aux ouvertures. » L'air chauffé qui provient du foyer inférieur, après avoir léché le dessous de la plaque de fonte, passe dans un tuyau recourbé placé très-près du mur percé à jour. Ce tuyau après s'être recourbé en syphon dans le haut traverse le mur et se dégage à l’ex- térieur. » La chambre de dessication a douze pieds de haut, huit de large et neuf de profon- deur. Les pains de tourbe préalablement desséchés à l'air ne sont pas placés immédia- tement sur la plaque de fonte, parce que la température qu’acquiert:cette plaque est trop considérable et pourrait occasionner l’inflammation des tourbes. On place d’abord sur la fonte des bancs ou tréteaux en bois à un pied de hauteur environ ; sur ceux-ci on étend des planches et par dessus les planches on jette la tourbe pèle-méle. De distance SC 'E S en distance on interpose dans la tourbe des canaux en bois formés par des lattes qui laissent entre elles des intervalles et qui, augmentant les vides de la masse, servent à conduire l'air échauffé à travers toutes ses parties. » La dessication s'opère au moyen d’un courant d’air déterminé par des ouvreaux placés dans les parois de la chambre. L'air froid entre par des ouvertures placées tout- à-fait au bas de la chambre contre la plaque de fonte qui en forme la sole. Cet air pénètre ainsi dans les parties les plus chaudes de la chambre, s’y échauffe, traverse toute la masse de la tourbe et après s'être saturé d’humidité , il passe par les ouvertures de la paroi à jour opposée. L'espace, qui est toujours maintenu à une haute température par le tuyau, contribue beaucoup à accélérer le tirage. L'air humide traverse ensuite la paroi par des ouvreaux pratiqués tout en haut et se dégage dans l'atmosphère. » Par cette opération les briques de tourbe acquièrent beaucoup de compacité, mais elles diminuent en volume de plus de 40 p”,. Le seul inconvénient qu’il y ait à redou- ter, c’est qu'exposées pendant quelque temps à un air humide , elles s’en saturent de nouveau presque complètement. Il y aurait certainement un avantage pour nos marais du Jura à voir adopter dans les exploitations quelques-unes des pratiques que nous avons rapportées. Mais avant d'en venir à faire des constructions coûteuses, à changer la forme des outils et les manipula- tions habituées, il faudrait d’abord, comme nous l'avons dit, prévenir les dommages résultant des exploitations mal dirigées et de la négligence des ouvriers. Car, en n’en- visageant que la matière elle-mêmé, on peut assurer qu'il se perd dans le Jura ”,, au moins de la tourbe qui y est exploitée, et cela par suite de la paresse des ouvriers, qui abandonnent inutilement les couches qui leur présentent la moindre difficulté, par la manière dont ils mettent en copeaux menus la tourbe, qu'on est forcé d’entasser au fond des exploitations parce qu’on ne sait en tirer parti, ni la dessécher; par les débris dans l’empilage. et surtout par ce qu’on abandonne en automne sur les marais. Sur nos seules tourbières du canton de Neuchâtel, la perte dépasse 120,000 pieds eubes ; or si l'exploitation de la tourbe est évaluée à 30,000 toises de 120 pieds cubes pour notre petit pays, et si l’on sait que la valeur de la matière desséchée sur le marais est évaluée à six francs la toise, on trouvera qu’on perd ainsi annuellement une somme de 15,000 à 18,000 francs. Ce dommage est naturellement doublé si l’on considère le prix de vente sur les marchés. | En songeant à d'aussi tristes résultats, pourrait-on nier la nécessité d’une organisation meilleure et plus économique dans l’exploitation de nos tourbières? CHAPITRE II. VALEUR DE LA TOURBE. La qualité de la tourbe est loin d’être partout la même. L'âge des dépôts, les alter- natives végétales qui forment les stratifications déjà décrites et une foule d’accidents in- fluent sur la composition de la matière et en changent la valeur ; de telle sorte que parfois dans un même dépôt et par des transitions presque subites, on rencontre des couches très-voisines qui semblent appartenir à des époques très-éloignées. Il importe d'étudier ces différences si l’on veut exploiter méthodiquement, car, suivant les usages auxquels on destine le combustible, il faut autant que possible faire un choix et éviter le mélange des tourbes de plusieurs densités. Ce mélange a de grands inconvénients et ne peut pas toujours être admis ; c’est le cas, par exemple, pour la carbonisation. Pour juger de la qualité des couches inférieures des tourbières, les ouvriers em- ploient une espèce de cuiller terminée par une vrille et portant un manche de dix-huit à vingt pieds de longueur. Quand on veut se servir de l'instrument, on l’enfonce à la profondeur voulue, après avoir préalablement enlevé la découverte ; puis on le retire, et par ce qui reste de matière attachée à la cuiller, on peut en reconnaitre la qualité. Mais cet instrument a le grand inconvénient de ramener des débris de toutes les couches traversées, un mélange dont on ne peut bien exactement apprécier la valeur. Appelé, par mes recherches géographiques sur les tourbières du Jura, à faire de nombreux sondages, j'ai fait construire un perçoir simple, peu coûteux et de facile transport, dont l'usage devrait être admis par les propriétaires jaloux de connaître exactement la valeur de leurs tourbières. C’est une espèce de gouge ou demi-cylindre creux à bords tran- chants, de huit pouces de longueur sur deux de diamêtre dans le haut, un et demi vers le bas et terminé par une pointe qui lui permet de s’enfoncer plus facilement. Cette première gouge est solidement fixée à un manche en bois de quinze pieds de longueur sur lequel sont marquées des divisions pied par pied pour faciliter les mesures. Un second demi-cylindre creux, tout-à-fait semblable à l’autre, lui est superposé ou appliqué. Mais au lieu d’être fixé au manche de l'instrument , il est attaché par un poignet mobile à la partie supérieure de la première gouge sur laquelle il peut ainsi tourner. Il en résulte que lorsque le perçoir est enfoncé dans le sol, en faisant faire au manche un demi-tour, = = la gouge inférieure se referme sur la supérieure que la pression de la matière rend im- mobile, coupe la tourbe, enveloppe la partie détachée et la ramène sans qu’elle puisse se: mélanger par le passage au travers des couches superposées. L’instrument à alors la forme d’un cylindre creux dont l’intérieur est rempli de tourbe ; et comme sa grosseur diminue vers le bas pour se terminer par une pointe, il représente un cône très-allongé. On peut l’enfoncer dans la tourbe, après l’avoir fermé jusqu’à la profondeur à-peu-près d’où Fon veut retirer un échantillon. Alors, par un demi-tour à droite, on l’ouvre, on l’enfonce encore de la longueur de la gouge seulement, puis on le referme et l’on retire ainsi sans mélange un morceau de tourbe qui peut faire exactement juger de la qualité de la matière dans les couches intérieures. On peut encore enfermer dans le cylindre un thermomètre pour les observations de température dans Pintérieur des tourbières. Ce n’est point toutefois par la densité de la matière et par la couleur seulement qu’on peut juger de la valeur du combustible, puisque les parties étrangères qui y sont mé- langées, les terres, le sable, la marne, etc., modifient la qualité de la tourbe sans qu'il soit possible de les reconnaître à l'œil. En général, cependant, quand la matière est dense, quand elle est d’une couleur foncée et qu’on ne distingue dans la masse que peu de par- ties végétales non décomposées ; quand après avoir été desséchée, elle est dure et se brise difficilement, on peut admettre qu’elle est d’une bonne qualité. Dans cet état, elle s’enflamme d'ordinaire difficilement, mais elle conserve sa chaleur et son charbon pen- dant très-longtemps. Une expérience très-facile à faire, pour reconnaitre la qualité de la tourbe, c’est d’en enflammer plusieurs morceaux de même grosseur mais d’espèce différente. En comparant la durée de la combustion, celle de l’incandescence du char- bon et la quantité de cendres qui restent après la complète combustion, on saura quelle espèce a le plus de valeur pour les usages divers auxquels on la destine. La tourbe légère et qui laisse peu de cendres est préférable dans tous les cas où l’on a besoin d’un feu vif et d’une flamme active, pour cuire la chaux et les briques, par exemple, pour carboniser la tourbe dans des chaudières ou des alambies, etc. La tourbe dense est em- ployée avec avantage dans tous les cas où lon a besoin d’une chaleur égale et pro- longée. Dans les hauts marais du Jura, on rencontre en général plus fréquemment la tourbe légère que la tourbe dense. Les marais des montagnes sont de formation récente ; ils se sont élevés rapidement. Il en est fort peu qui soient recouverts d’humus, et les couches mèmes les plus profondes sont parfois si peu avancées en maturité que toutes les formes des végétaux sont reconnaissables, et que desséchée, la matière n’est qu’un mauvais combustible. Comme l'air est l'agent essentiel de la décomposition des végétaux, on peut aider son action en éloignant l’eau des tourbes encore trop jeunes. C'est ainsi que dans 9 +, 1 quelques parties de nos vallées on a l'habitude d'isoler par des fossés profonds la partie qu’on veut exploiter, pour la laisser ainsi sur pied , pendant une ou plusieurs années, exposée au contact de l’air. Ilen résulte une espèce de maturité hâtée favorable à la qua- lité de la tourbe. Cette précaution cependant n’est nécessaire que dans quelques loca- lités, car en général la tourbe de nos dépôts jurassiques développe beaucoup de calori- que, alors même qu'elle s’enflamme facilement et brûle assez rapidement. Les tourbes de nos marais lacustres, qui sont beaucoup plus denses et mêlées de parties sablon- neuses, s’enflamment au contraire difficilement; mais si elles sont bien desséchées et surtout si on les mêle aux tourbes légères des hauts marais pour en activer la combus- tion, elles sont un excellent combustible. Leur décomposition n’est cependant point assez avancée pour qu’on puisse les exploi- ter au moyen de la drague, comme on le fait dans quelques marais immergés de la France et de la Hollande. Aussi ne connaissons-nous pas la tourbe battue (Baggertorf); nous n'avons pas non plus la tourbe piciforme (Pechtorf), matière noire très-voisine des lignites, et qui, desséchée, se brise en cassure luisante et se consume comme du bitume. Cette dernière espèce est d’ailleurs fort rare ; elle n’a été observée que dans quelques contrées et toujours en couches très-minces. Plusieurs auteurs se sont occupés à rechercher par des expériences comparatives la quantité de calorique développée par les diverses espèces de combustibles. D’après ce que nous venons de dire, on comprend que les résultats énoncés doivent être très-variables pour les tourbes, suivant les localités où la matière a été soumise à l’examen, et qu'il est difficile d'établir par des chiffres une comparaison exacte entre la tourbe et les autres matières combustibles. Jacobson (‘) compte cent quinze pieds cubes de tourbe pour une toise de cent huit pieds cubes de bois de sapin. Ciselen (?) trouve d’après ses propres essais le rapport suivant : dix-huit quintaux de la tourbe la plus légère valent pour cuire la chaux autant que vingt-un quintaux de bois de sapin. Et en caleulant par pieds cubes: 108 pieds cubes de bois de sapin — 56 pieds cubes de la meilleure tourbe, ou — 76 pieds cubes seconde qualité, ou — 108 pieds cubes troisième qualité, ou —180 pieds cubes quatrième qualité. Pelouse père donne le tableau suivant des divers combustibles comparés entr’eux sous le point de vue de la puissance calorifiante, évaluée d’après la quantité d’eau qu'ils peu- vent porter à l’ébullition et il trouve (°) : è @) Zechnologisches Würterbuch, 7° vol., p. 179. (2) Handbuch. (6) On peut consulter avec fruit les deux traités de cet auteur : Traité de l'éclairage au gaz et Traité de la fabrication du coke et du charbon de tourbe. SE we Matières employées : Eau portée de 0° à 400° : 1 kilogramme bois sec . + + woné l4 «36 kilogrammes. » bois tenant *”/,,, d’eau. 1. . 37 » » charbon de-bois., 4, 5 voeu) vue 4 7b » » houille grasse moyenne . . . . . 60 n » coke tenant *”/,,, de cendres ; . . . 66 » » tourbe limonneuse en nature . . . . 25 à 50 kilogrammes. » charbon de tourbe tenant *%50 de cendres 63 kilogrammes. Le tableau suivant rapproche les opinions de plusieurs auteurs sur la valeur de la tourbe comparée au bois et montre combien sont différents les résultats obtenus par les expériences : Faggot : 8 parties de hêtre — Wilderhein: 8 » » 11 de sapin — 9 de tourbe. CE Q0 Î es Ciselen : — » 7 » —— » Gmelin : 2 otre » hFysuaur Clement : Din 0 » = 3 A » En thèse générale, on peut soutenir qu'une toise de bonne tourbe produit autant de calorique qu’une égale mesure de bois de sapin. C’est du moins ce qu’on peut conclure de plus positif en résumant toutes les. opinions. Malheureusement je ne puis donner moi- même des conclusions basées sur mes propres expériences, n’étant pas encore à même de faire construire un fourneau assez exact pour reconnaître et comparer la valeur de nos diverses espèces de tourbe et celle des autres combustibles. Par le moyen que j'ai indiqué plus haut, j'ai seulement cherché à mettre en rapport toutes les qualités de tourbes des montagnes du Jura. J'ai choisi pour cela des échantillons de densité et de couleur différentes, et j'ai pris sept espèces ou nuances de tourbe des hauts marais pour observer la durée de la combustion par la flamme, le temps de l’incandescence du charbon sous la cendre, la quantité de charbon et la quantité de cendres. J'ai obtenu le résultat suivant : | Tourbe n° 1. Noire, très-compacte, pâte entremélée de racines, seules parties re- connaissables ; poids du pied cube : 31 Ib. 5 onces. Tourbe n°2. Brune, à stratification lamellaire rapprochée, formée de sphaignes, de laiches , d’airelles et de bruyères : 21 Ib. 2 onces. : Tourbe n° 3. Plus foncée, à pâte homogène, formée de sphaignes, peu de racines ou de tiges de linaigrettes : 17 1b. 6 onces. Tourbe n° 4. Plus claire, mélange peu compact de mousses, de linaigrettes et de laiches très-reconnaissables : 16 Ib. 14 onces. Gr — Tourbe n° 5. Couleur suie, formée presque exclusivement de sphaignes (sphagnum capillifolium Ebrh.) : 15 Ib. 1 4 onces. Tourbe n° 6. Roussâtre, filaments peu décomposés, à stratifications annuelles visibles : 45 Ib. 14 onces. - Tourbe n° 7. Découverte ou bouxin, à filaments ligneux non-décomposés, formes extérieures très-nettes : 7 Ib. Tourbe n° 8. Du lac de Neuchâtel, très-dense, couleur suie, jones et roseaux à peine reconnaissables. Tourbe immergée : 26 Ib. 7 onces. Tourbe n° 9. De la même localité, varie par l’âge, les formes végétales mieux con- servées : 19 Ib. Ce tableau montre déjà des différences très-grandes dans la pesanteur ou la densité de la matière. Et si lon admet l'opinion de quelques savants lignicoles, qu’à poids égaux tous les combustibles sont à-peu-près égaux, on sera convaincu de la nécessité des sondages ou du triage dans les exploitations. De chacune des espèces de tourbe précédentes, j'ai coupé deux morceaux de quatre pouces de longueur sur deux de lar- eur et un d'épaisseur, et en les exposant aux mêmes circonstances de combustion, Dai trouvé : Tonition où temps que dure | Incandescence du | Combustion Charbon sur | Cendres sur la flamme. charbon. complète. 100 parties. | 100 parties. . 23 min. 30 sec. |2 hr 54 min. 3 h°° 18 min. 2. 45 25 » | » 50 » AE 51 » 43 26 » . 10 25 » 2 10 30 » Tourbe du lac. Ce tableau prouve que dans les tourbes émergées, la combustion, la production du - charbon et par conséquent le calorique développé sont en proportion assez exacte avec la densité de la matière ; que les cendres au contraire sont, en quantité toujours égale, — 69 — sans rapport avec la valeur du combustible ; que dans les tourbes du lac par contre, la durée de la flamme n’est point proportionnée à celle de l’incandescence du charbon ; que la production des cendres et du charbon n’est point en rapport avec la densité de la tourbe, mais bien avec les matières étrangères qui y sont contenues, et comme le n° 2 a été extrait près de la surface et le n° 1 au fond du dépôt, on se convainc facilement par ce seul fait que c’est à la superposition des couches de sable et à l’infiltration des parcelles de cette matière dont les plus grossières sont arrêtées dans la partie supérieure du dépôt, qu'est du le changement dans la nature du combustible. L’examen de la pro- portion des cendres produites ne laisse donc aucun doute à l'égard de l’action des élé- ments étrangers sur la minéralisation de la tourbe. Ce tableau établit encore la supériorité des bonnes tourbes émergées sur celles du lac. Quand les parcelles limonneuses ne sont pas en trop grande quantité dans la matière, la qualité du combustible ne paraît pas perdre beaucoup de sa valeur ; mais parfois elles y entrent pour une moitié et alors la tourbe ne peut presque plus se consumer. 1] faudra donc dans la fabrication du charbon tenir compte de ces résultats et s’assurer par des expériences comparatives sur le charbon, quelle différence il peut y avoir, quant à sa valeur, entre celui des hauts marais qui ne contient que 3 à 4% de cendres et celui des tourbes lacustres qui en renferme de 12 à 16%. On ne me permettra pas, sans doute, de tirer des conclusions plus étendues d’expé- riences ainsi faites et de baser un rapport du calorique développé sans avoir employé de pyromètre pour le mesurer exactement. Je crois cependant avoir reconnu en toute certitude, autant par les observations précédentes que par d’autres, basées sur des expériences faites plus en grand, qu’à poids égal notre tourbe jurassique vaut surtout pour le chauffage des appartements un peu plus que le bois de sapin dont le pied cube sec pèse, comme on le sait, trente livres, et qu’à l’égard des tourbes mélangées telles qu’elles se vendent sur nos marchés , on peut admettre que cent vingt pieds cubes de tourbe équivalent à cent pieds de bois de sapin. On voit donc qu'il y a une véritable économie dans l’emploi de la tourbe, puisque, dans le Jura neuchâtelois, cette matière se vend 12 francs de France la toise de 120 pieds cubes, tandis que le bois de sapin se paie 18 francs de France les 126 pieds cubes, suivant la mesure ordinaire. Ce serait donc 14 franc 75 ce. que le bois de sapin coûterait plus que la tourbe pour une quantité de matière développant un calorique égal. Les cendres, il est vrai, pourraient compen- ser cette différence, mais d’un autre côté, la tourbe dégrade beaucoup moins les four- neaux et son emploi évite ainsi des réparations fréquentes et coûteuses. “Les détracteurs des marais tourbeux ont cherché à les faire envisager comme des propriétés inutiles lorsqu'ils ne sont pas exploités, comme des biens morts qui ne donnent ES aucun intérêt. Les calculs, que je cherche toujours à faire dans le sens le moins avan- tageux à la matière tourbeuse, prouvent qu’il n’en est point comme on le dit. Une pose de forêt donne par an, terme moyen, 2550 livres de bois de sapin, ou en 100 ans 255,000 livres. Sur neuf espèces de tourbes qui ont été pesées, la pesan- teur moyenne est de 19 livres le pied cube desséché. En admettant que la croissance d’un marais ne soit que d’un pied par siècle, on aurait en 100 années 32,768 pieds cubes de tourbe. Retranchons de ce chiffre la moitié pour le desséchement, il restera 16,384 pieds cubes de tourbe sèche, ou 311,296 livres pour la production d’une pose, c’est-à-dire un excédant de 56,296 livres en faveur de la tourbe, excédant qui équi- vaut à 25 toises ou à une valeur de 300 francs. On pourrait ajouter à ce bénéfice les frais d’entretien et d’emménagement des bois, dont on n’a nul besoin pour la croissance naturelle d’une tourbière. En répétant ce calcul par pieds carrés on trouve que l'avantage est encore bien plus grand pour la croissance de la tourbe que pour celle du bois. La société d'agriculture de France a publié en 1825 le rapport suivant sur le produit d’une forêt de sapin pen- dant 120 années. Pour un hectare de terrain (notre pose égalant 285/, acres) on a 1" coupe après 30 ans, 375 pieds cubes de bois, a » 60 » 2812 » » 37° » 90 » 6750 » » Let dernière 120 » 27000 » » Ce qui donne en tout 36937 pieds cubes de bois, plus 230 voies de fagots. Cela fait pour notre pose 10,453 pieds cubes de bois et 64 voies de fagots. En 120 années, une pose de tourbière, dont la croissance est de un pied par siècle, donne 19,660 pieds cubes de tourbe sèche ou 9,207 pieds cubes de plus en matière qu’une pose de forêts. En déduisant 1,000 pieds pour les fagots, ce qui est certaine- ment exagéré, il reste encore en faveur des tourbières un excédant de 8,207 pieds cubes, ou, en admettant pour la valeur la proportion de 100 pieds cubes de bois pour 120 de tourbe, un bénéfice de 90 toises de tourbe d’une valeur de 600 francs environ, matière prise sur place. D’après ces calculs, on pourra se convaincre facilement que par une reproduction bien dirigée qui donnerait quatre à six pieds de tourbe par siècle, on obtiendrait des résultats bien plus avantageux que ceux que donnent la culture et l’'emménagement des forêts. On a encore reproché à la tourbe de ne pouvoir remplacer le bois pour un grand nombre d’usages. Il est vrai, et nous l’avons déjà dit, que la tourbe s’enflamme diffi- SNS Mer cilement, qu’elle laisse échapper une fumée d’une odeur désagréable et parfois insup- portable ; qu’elle développe son calorique très-lentement. Cependant nous avons vu aussi qu’une fois allumée, le feu qu’elle donne dure plus longtemps, d’une manière plus égale et que le charbon se conserve aussi plus longtemps que celui du bois. Si la tourbe ne peut donc être employée pour fondre le fer et les métaux et pour tous les usages qui nécessitent une température très-élevée et une rapide combustion, elle est au contraire très-avantageusement employée pour le chauffage des appartements, pour les distilleries, les teintureries, les fabriques de sucre, d'huile, de garance, etc. On se sert de la tourbe ou seule ou en la mélangeant au bois pour cuire la chaux et les briques, pour chauffer mème les chaudières des machines à vapeur, pour fondre le verre. On l’a encore em- ployée à quelques élaborations du fer; au pudlage de la fonte. Chaque année augmente les besoins et la consommation de la tourbe dans une proportion énorme. Ainsi dans notre Jura, cette consommation, comme le prix de la matière, a doublé en vingt ans. Il me paraitrait fort intéressant et en même temps très-utile de faire pour chaque pays un exposé statistique exact des marais tourbeux, afin de comparer la quantité de com- bustible qu'ils renferment avec les besoins et les exploitations. On pourrait alors se régler là dessus pour la direction des travaux. J'ai essayé cette évaluation pour le canton de Neuchâtel seulement, et jen donne ici un court extrait que me pardonneront sans doute ceux qui apprécient la valeur des dépôts tourbeux et qui désirent les voir conservés et sagement exploités. On y trouvera d’ailleurs sur la vente de la tourbe, sur les mesures et les travaux des ouvriers, quelques données qui ne seront pas inutiles. En calculant par le cubage, la tourbe perd par le desséchement plus de la moitié de son volume ; de sorte que les morceaux qui, lorsqu'on les extrait, ont 16 pouces de longueur sur 12 de largeur et trois d'épaisseur, que j’exprime par 16, 12, 3, ou 576 pouces cubes, n’ont plus, étant secs, que 10, 9, 3, ou 270 pouces cubes. Les petites tourbes extraites à 16, 5°, 5, ou 264 pouces cubes, n’ont plus desséchées que 10, k, 5, ou 120 pouces cubes en moyenne. Je dis en moyenne, car le retrait est plus grand, on le comprend, sur les tourbes pâteuses que sur celles qui sont fibreuses et dans lesquelles le ligneux n’est point encore décomposé. En prenant aussi ici une moyenne approximative, il faut pour une bauge (*) ou un char de 120 pieds cubes de tourbe sèche mesurée quand elle est bien entassée, 480 briques de tourbe à 16, 12, 5, ou 1100 à 16, 5%, 3. Il résulte de là, qu’une pose de 32,768- pieds carrés donne, pour un pied de profondeur exploitée, 205 bauges de grandes tourbes ou 195 bauges de petites. On peut baser là-dessus ses calculs pour les différentes épaisseurs des couches. () C'est la mesure la plus usitée dans le haut Jura. La superficie des marais du canton de Neuchâtel peut être évaluée à 77414 poses (*). La profondeur moyenne de tous les dépôts, reconnue par 306 sondages est de 9”, pieds. Si de cette profondeur on déduit la découverte qui est ordinairement de 1 ”, pied, on aura pour 8 pieds 1640 bauges de tourbe par pose, ou pour tous nos marais 12,695 ,240 bauges. C’est là, j’en conviens, une masse de combustible très-considérable. Et pour- tant, en supposant que la tourbe n’eut été exploitée nulle part, que les marais fussent exploitables jusqu’au fond dans toutes les localités, on trouverait, en évaluant à 30,000 bauges la consommation annuelle du pays, que cette quantité de matière ne durerait que 425 années. Malheureusement on ne peut songer à un avenir aussi éloigné, avant de voir la com- plète destruction de nos tourbières , si l’on ne prend aucune précaution pour en favo- riser la reproduction. Depuis un siècle environ qu’on a commencé à extraire la matière, on peut sans exagération évaluer à , de la masse totale la partie exploitée ou détruite. On peut encore justement baser la profondeur des exploitations futures sur celles qui ont été faites jusqu’à présent, dont la moyenne , sur 139 sondages , donne 71/ pieds, soit 6 pieds en déduisant la découverte. Les marais du Landeron, ceux de Môtiers et du Locle, sont &’exploitation difficile comme tous ceux qui se sont élevés sur les eaux. Il est d’ail- leurs permis d’en envisager l’exploitation comme dangereuse par l'impossibilité d’abais- ser le niveau des eaux, par la difficulté de la reproduction et par l'influence délétère de ces flaques d’eau croupissante qu’une active végétation ne remplirait pas. Il faut enfin déduire des calculs la grande quantité de matière perdue par suite d'exploitations mal dirigées, par l’incurie des ouvriers et par leurs travaux pour faciliter l'extraction des troncs qui sont ordinairement mélangés à la tourbe. Celui qui aura pu suivre quelque temps les exploitations dans nos vallées ne s’étonnera pas qu'il se perde chaque année un dixième de la matière, car il faut ajouter aux dégats des ouvriers le dommage qui résulte des tourbes brisées par le desséchement , l’entassement , le transport, et toutes celles qu’on abandonne sur le marais pendant l’hiver. On pourra résumer d’après cela de la manière suivante les exploitations futures dans notre pays : 7741 poses exploitées à 6 pieds donnent 9,521,450 bauges. ‘, déjà exploité, reste sur pied ” *O:109201: 8 ‘,, matière perdue, réste 7,742,359 * » 1020 poses à déduire pour le Landeron, le Locle et Môtiers, reste 6,457,759 » @) Autant du moins que j'ai pu les mesurer sans travail trigonométrique, en parcourant nos marais dans ous les sens et en m'appuyant sur l'excellente carte d'Ostervald. Te de tourbe, c’est-à-dire pour 215 années en supposant la consommation à 30,000 bauges par an. De cette manière l’époque de l'extinction se trouve déjà considérablement rapprochée: d’un autre côté, si l'évaluation des besoins annuels est déjà maintenant au-dessous de la réalité, elle sera dans quelques années certainement inférieure de moitié à la consom- mation réelle. Nos fabriques d’indienne consument annuellement environ 6000 bauges de tourbe. On commence dans la vallée des Ponts à carboniser la matière pour les besoins de notre immense fabrication d’horlogerie. On se sert de ce combustible pour cuire les briques dans plusieurs localités, pour des distilleries d’eau-de-vie de gentianne et de liqueurs, pour celles de l'extrait d’absinthe, etc., etc. Et si l’on sait que la tourbe est le seul combustible employé pour le chauffage dans toutes nos hautes vallées où l'hiver est si rude et si long ; si l’on sait qu’on la brüle encore sur la plupart des foyers pour les besoins du ménage, on jugera si, comme je l'ai dit, l'exploitation actuelle ne s’éleve pas déjà plus haut que le chiffre qui a servi de base à mes calculs. Voici une seule preuve de la progression dans laquelle usage de ce combustible augmente dans notre pays. Il y a quatre ans on ne brülait pas encore de tourbe au Val-de-Travers, où elle était presque inconnue et méprisée ; cette année on en a vendu plus de mille bauges. Appuyé sur ces calculs, je ne crois pas être dans l'erreur en affirmant que dans 150 années, la tourbe sera dans notre Jura une matière très-rare, extrêmement chère, oui, même presque inconnue, si l’on ne parvient à en faciliter la reproduction. Il est vrai ! des hommes qui se croient très-sensés ont souvent fait à mes observa- tions cette tranquillisante réponse : « Eh bien! quand nous n’aurons plus de tourbe, on brülera du bois » (‘). Mais quand les marais ne fourniront plus de combustible, nos forêts qui s’en vont chaque jour s’éclaircissant, tombant, disparaissant sous les coups de la hache pour laisser les crêtes de nos montagnes nues et dépouillées, ces forêts ne seront plus. Qui brülera du bois alors? Vous, riches, qui avez de somptueuses et chaudes demeures, de moëlleux tapis, des lits sous le duvet de l’édredon, et qui savez à peine ce que vous coûtent vos provisions de combustible. Vous, qui ignorez les rigueurs de l'hiver dans la montagne et qui trouvez de lourdes pelisses et d’élégants manteaux dès que quelques flocons de neige blanchissent les toits ou qu'un peu de givre se dessine sur la vitre. Oui, vous brülerez du bois! Mais le pauvre? Mais celui qui a sa hutte mal jointe dans la froide vallée où les neiges s’entassent pendant six mois de l’année, où parfois la tem- (1) Je serai toujours heureux de rappeler avec reconnaissance les secours et les encouragements qui m'ont été donnés par l'autorité supérieure du canton de Neuchâtel. C'est à ces secours que je dois d’avoir pu con- tinuer avec plus de suite des recherches si intéressantes pour moi. 10 ES Nr — pérature descend jusqu’à la congélation du mercure? Mais l’ouvrier qui s’assied chaque jour à son travail d’horloger qui le retient sans mouvement pendant douze à quinze heures; mais l'artisan qui gagne à peine de quoi donner du pain à sa famille ; où pren- dront-ils le bois pour se chauffer? La tourbe:est le combustible du pauvre. L’habitant des villes ignore combien de familles malheureuses sont réchauffées par quelques bri- ques de tourbe oubliées sur le marais ou perdues sur les routes et que l’enfant ramasse. Il ne sait pas combien le froid est horrible pour ces malheureux qui s’entassent sur un peu de paille, sous une mauvaise couverture en lambeaux. Il faut donc leur ménager le peu que Dieu leur donne; il faut que celui qui a la prévoyance de l'intelligence et le pouvoir d’arrèter le mal, se mette à l’œuvre sinon pour lui-même, du moins pour ses frères dont la tâche est plus rude et qui profiteront de sa charité sans la connaître. CHAPITRE IL. CARBONISATION DE LA TOURBE. On a été long-temps avant d'admettre l'emploi général du charbon de tourbe, avant de faire et de publier les essais comparatifs qui devaient fixer l'opinion sur Ja valeur de ce combustible. Comme il arrive toujours, la vérité finit par avoir raison; mais à mesure qu’on la reconnait, l'enthousiasme remplace le mépris et l’on s’élance avec un peu trop d’ardeur dans une nouvelle voie de lucre et d'utilité, où cependant il n’y a pas toujours à gagner pour tout le monde. De Lamberville qui, au commencement du 17° siècle, avait fait connaître à la France la propriété combustible de la tourbe , qui avait amené avec lui des ouvriers de la Hol- lande et du Danemarck pour exploiter cette matière et qui avait reconnu la plupart des dépôts tourbeux de France, essaya aussi de faire du charbon de tourbe et y réussit, puis- qu’il trouva les moyens de convertir certaines espèces de tourbe en charbon pour l'usage des forges, au lieu du charbon de pierre que les étrangers vendaient aux Français au prix que bon leur semblait (*). y a fort long-temps déjà que l’on construit en Allemagne {) De Eamberville cité par Pelouse père. US des fourneaux pour la carbonisation de la tourbe: En 1781, Dietrich en a vu dans le Hartz ; cependant ce n’est guère que depuis le commencement de ce siècle que lusage de ce charbon s’est répandu un peu généralement en France. Des essais de carbonisation ont été faits dans le Jura près de la Brévine, il y a plus de cinquante ans, par un chi- miste dont le nom m'est inconnu. Bien qu’il eut réussi, cette industrie avait été presque totalement abandonnée en Suisse et dans le Jura, où elle vient de reparaitre appuyée de tous les perfectionnements qu’on a fait subir aux appareils carbonisateurs. C'est surtout pour les forges et la trempe du fer que le charbon de tourbe est employé avec avantoge. Sprengel rapporte qu’un propriétaire de forges en Hanovre faisait lui- même son charbon de tourbe pour tremper des faux, et qu’il devait à l'emploi de cette matière la grande réputation dont jouissaient les produits de sa fabrique. Le charbon de tourbe brüle en général plus lentement et plus longtemps que celui de bois. I pa- rait être très-profitable pour les petites forges de couteliers et de fourbisseurs, etc. On commence à l’employer dans notre Jura pour la fonte de l'or et de l'argent et pour la trempe des divers objets d’acier qui servent à la fabrication d’horlogerie. Les expériences comparatives faites à Paris et rapportées dans les Annales des mines, ont prouvé: « qu'a- vec le charbon de tourbe on peut forger, tremper et même souder le fer et l'acier le plus fin ; que le feu du charbon de tourbe est plus uniforme que celui du charbon de bois ; qu'il chauffe plus également et qu’il a plus d'activité. Qu'il faut à-peu-près un tiers moins de ce charbon que de celui de bois, pour faire la même quantité d'ouvrage. Que ce charbon crasse moins et écaille moins le fer et l'acier ; qu'il brüle moins la main de l’ou- vrier et qu’à la trempe, enfin, il découvre beaucoup moins que le charbon de bois. » Les mêmes expériences poursuivies pour la fonte des métaux, ont donné des résul- tats à-peu-près égaux pour le charbon de tourbe et celui de bois, mais avec quelque avantage cependant pour l’économie dans l'emploi du premier. D’après leurs expérien- ces, les commissaires examinateurs ont conclu qu’en se sérvant du charbon de tourbe, on obtient en général une continuité de chaleur plus longtemps prolongée et soutenue avec une moindre quantité de combustible, et que ce charbon sera plus propre que celui du bois aux usages où cette continuité de chaleur est nécessaire, tels que pour les machines à vapeur, la fonte du cuivre, les essais des métaux, ete. Ces conclusions peuvent être vraies en général; cependant il sera toujours bon de n’y ajouter qu'une confiance éclairée, autant qu’on pourra soi-même faire l'essai du charbon qu’on emploie; ear il arrive souvent que la qualité de la matière dont on se sert, change où n’est pas connue. Le tableau que nous avons donné au chapitre pré- cédent, prouve combien la quantité de charbon obtenu varie suivant les tourbes qu'on emploie pour le faire. La valeur en est aussi très-différente suivant la composition de — 76 — la matière première. Le meilleur charbon est celui qu’on obtient des tourbes compactes et résineuses (Klibberige Darg des Hollandais). Mais cette matière est très-rare, je ne l’ai observée nulle part dans le Jura ni en Suisse, si ce n’est peut-être dans des dépôts qui n’avaient pas plus de deux pouces d'épaisseur. Si les tourbes lacustres rendent beau- coup de charbon, la quantité de parties limonneuses qu’elles contiennent en altère un peu la qualité. Ces tourbes sont toutefois plus souvent propres à la carbonisation que celles des hauts marais, puisque, plus anciennes, la matière y est moins mélangée de filaments ligneux dans leur état naturel. Pour que ces tourbes émergées donnent des résultats avantageux, il faut les choisir noires et denses, de pâte homogène, et alors le charbon qu’on en obtient, contenant beaucoup moins de cendres, développe un calori- que plus vif. Il faut cependant faire attention à ce que la tourbe ne soit pas terreuse ; qu’elle n’ait pas, étant sèche, une disposition à se fendiller, comme celle qu’on extrait des couches recouvertes depuis fort longtemps d’humus, car alors si l’on obtient pro- portionnellement à la matière beaucoup de charbon, on ne peut l’extraire des fourneaux qu’en très-petits morceaux et il tombe facilement en poussière. Comme il est très-peu de dépôts émergés dont on puisse extraire, sur une étendue un peu grande, une tourbe d’égale qualité, il importe, dans les exploitations, de trier et de mettre à part les briques qu’on destine à la carbonisation, cela ne peut-être fait que par des ouvriers soigneux et entendus. I y a maintenant sur les bords des marais des Ponts, des fours en grande activité pour la carbonisation de la tourbe. Il m’a été impossible jusqu’à présent d’obtenir des indi- cations précises sur le rendement de la matière première. Je trouve seulement dans un prospectus d’une société par actions pour l'extraction et la carbonisation de la tourbe, projet publié par les propriétaires mêmes des fourneaux à charbon, que pour obtenir 30 sacs de charbon, il faut trois bauges de tourbe. J’évalue approximativement la ca- pacité du sac à 3°, pieds cubes, c’est-à-dire à 100 pieds cubes les 30 sacs pour 360 pieds cubes de tourbe. Ce rapport, on le voit, est très-rapproché de celui que j'ai moi- même annoncé, puisqu’ainsi on obtiendrait de la tourbe des hauts marais 27,77 p”, de charbon. Il s'éloigne beaucoup au contraire des résultats obtenus dans d’autres fabri- ques. Ainsi à Mennecy près de Paris, on retire généralement 65 voies de charbon pour 163 voies de tourbe (‘) ou55,87 p% de charbon. Encore ce rendement doit-il être évalué plus haut, puisque pour la distillation de la tourbe carbonisable on brüle sous les chaudières les tourbes les moins denses et d’un prix inférieur. Dans plusieurs établis- sements d'Allemagne, on obtient de 39 à 43 p° de charbon. En général les expériences des chimistes sur les tourbes fixent le rendement en charbon de 39 à 48 p%. &) Traité de l'éclairage au gaz, par Pelouse père. — O7 = Les procédés mis en usage pour la carbonisation de la tourbe se divisent en deux grandes classes. Par les uns on obtient la matière par suffocation, dans les autres par distillation. Le plan de ce mémoire ne me permet pas de décrire ici tous les fours et les appareils qui ont été construits jusqu’à présent pour la carbonisation de la tourbe. Des traités spéciaux ont été écrits sur ce sujet, celui de Pelouse père entr’autres (‘). On pourra donc consulter avec avantage cet auteur qui donne d’ailleurs le modèle des principaux appareils connus en France jusqu’à notre époque. Je ne fais qu’indiquer en passant quelques-uns des procédés les plus faciles et les moins coûteux, ceux qui sont à la portée de tout le monde et dont l'emploi ne nécessite pas des mises de fonds trop considérables. Car j'envisage comme ruineuses pour nos tourbières, les spéculations en grand qui nécessitent naturellement de vastes exploitations dans une même localité et qui ne peuvent avoir d'autre but que le plus grand avantage du moment, sans égard pour la conservation des marais tourbeux et la reproduction dans un temps éloigné. On a cherché d’abord à obtenir la carbonisation de la tourbe en disposant la matière en meules, comme on le fait pour le bois. Mais cette méthode a des inconvénients, .car les fours ainsi construits s’affaissent considérablement par le retrait de la tourbe et l’air pénètre facilement dans l’intérieur. «Là où, quoiqu'il en soit, dit Pelouse, ce procédé n’a pas été abandonné, on observe de ne donner aux meules que 12 pieds de diamètre et 57, pieds de hauteur au plus. On a soin de conserver ces meules le plus sèches qu’il est possible en les plaçant sous un hangar où l'air circule librement. Mais quelque pré- caution qu’on ait pu prendre, la tourbe carbonisée de cette manière ne donne jamais qu’un charbon très-friable, incapable de supporter le transport et qui se détériore rapi- dement en absorbant l'humidité. » Pour obvier aux inconvénients de la carbonisation par les meules, on a proposé plu- sieurs moyens dont il est bon de tenir compte. Le premier consiste dans l'emploi des abris, espèce de paravents en osier destinés à mettre la meule à l'abri des vents qui excitent dans l'intérieur une combustion inégale. Le second exige l'emploi d’une plaque en tôle ou en fer battu, d’un diamètre égal à celui de la base de la meule et sur laquelle doit être construit le four à carboniser. Cette plaque posée sur une fosse d’un pied de profondeur à-peu-près, est percée dans le milieu d’un trou par lequel on enflamme la tourbe de la meule et que l’on peut fermer quand la combustion est commencée. Le fer étant conducteur du calorique à un bien plus haut degré que le sol, la combustion partant du centre arrive plus rapidement à la circonférence de la meule que si elle re- posait sur le sol; elle s'étend aussi plus également. Enfin l’on a récemment introduit en () Traité méthodique de la fabrication du coke et du charbon de tourbe, Paris 1842. — RE: — Amérique, pour la carbonisation du bois, un perfectionnement qui peut recevoir une utile application dans la carbonisation de la tourbe. Dans toute carbonisation, il est né- cessaire qu’une partie plus ou moins grande du combustible brûle à perte; mais on peut faire porter cette combustion indispensable sur des matières de moindre valeur que la tourbe en mottes entières. C’est ce qu’on réalisera dans cette méthode qui ne diffère du procédé ordinaire des meules, qu’en ce qu’on introduit entre les mottes de la me- nuise de tourbe, dont malheureusement on est toujours trop abondamment pourvu. La marche de l'opération est la même, mais le poussier en se brülant préserve les mottes entières et doit d’ailleurs en vertu de sa plus facile combustion rendre la carbonisation plus rapide (1). ET. Sprengel décrit un moyen de carbonisation extrêmement simple qu’il a vu employer dans le Hanovre et dont j'ai voulu reconnaitre la valeur en l’appliquant à nos tourbes jurassiques. J'ai fait creuser une fosse de quatre pieds carrés dans un sol sec et sablon- neux, en ayant soin de faire enlever le gazon qui était très-épais et que je divisai en mottes d’un pied carré au moins. Au fond de cette fosse, j'ai entassé en cône la tourbe légère qui s’enflamme très-facilement et j'y ai mis le feu au moyen de quelques copeaux de bois. Lorsque les briques de tourbe ont été bien allumées et en brasier ardent, je les ai étendues au fond de la fosse aussi également que possible et là dessus j’ai jeté la tourbe à carboniser jusqu’à ce que le creux füt comblé. En douze heures de temps, toute la matière s’est enflammée. Quand les tourbes de la surface ont été rougies et pénétrées par le feu j'ai posé d’abord sur la tourbe enflammée les mottes de gazon retournées, afin de ne pas salir là matière, et sur ce premier couvert j’ai fait jeter la terre qu’on avait retirée de la fosse, lui donnant une épaisseur de un à deux pieds. L’étouffement ayant eu lieu de cette manière, j'ai ouvert ce four souterrain après deux jours et j’en ai reüré la tourbe bien carbonisée, surtout dans le bas de la fosse ; il ne restait qu'à la surface des briques de tourbe qui, n'ayant pas été entièrement pénétrées par le feu, n'étaient pas complétement carbonisées, Dans son ensemble, il faut l’avouer, le résultat de cet essai n’a point été aussi satisfaisant que je l’espérais. La tourbe employée n'était pas très-sèche; elle était d’ailleurs trop terreuse. Il a fallu beaucoup de temps pour que le feu pénéträt dans toute la masse et par conséquent il y a eu perte et combustion trop accélérée pour la partie inférieure, tandis que la partie supérieure n'était point en- core assez échauffée. De plus, une violente averse étant survenue pendant le temps que le four devait rester férmé pour s’éteindre, l'eau avait pénétré et couvert le fond de la fosse. Enfin le charbon que j'ai pu obienir de cette manière, quoique réunissant les () Pelouse père, Traité de la fabrication du coke, etc, pag: 82. ee qualités de ce combustible, était friable et se réduisait en morceaux trop petits pour qu'il fût d’un emploi facile sans le secours du soufflet. Il n’était propre qu'aux travaux de la forge et a effectivement été employé àeet usage. J’ajouterai encore qu’en enlevant les mottes de gazon, il a été impossible d'empêcher les parcelles de terre de glisser dans le charbon et de s’y mélanger, de sorte que l'extraction en a été longue et difficile. Pour réussir done par ce moyen, il faudrait ne soumettre à l'opération que de la tourbe très- sèche, emmagasinée depuis une année. Il faudrait être très-attentif à saisir le moment où les briques de la surface sont suffisamment enflammées et celles du fond non encore réduites en cendres. Il faudrait enfin employer une claie enduite de mortier pour la poser à la surface du four avant d’y étendre les mottes de gazon, afin d’empècher le mélange de la terre avec le charbon, et couvrir les travaux d’un hangar pour que la fosse soit à l'abri de l'humidité. Sprengel recommande de ne pas ouvrir ces fours trop tôt de peur que le charbon mal éteint ne vienne à se rallumer, et ci on ne soit forcé de rejeter le tout dans le four et de le refermer. On obtiendrait des résultats plus avantageux si l’on revêtait la fosse , dans tout son pourtour, d’un mur de briques jointes par un mortier, afin d'empêcher l'introduction de l'air. Car c’est sans doute l’action de l’air et l'humidité du sol qui rendent le char- bon si friable. De grands fours ont été construits sur ce principe. On a élevé des fours en maçonnerie, dans l’intérieur desquels on a construit des parois de briques liées entre elles par un ciment, afin que l’air ne pût absolument pas y pénétrer. Ces fours sont allu- més par le bas lorsqu'ils sont complétement chargés, ou par le milieu après qu’ils ont été remplis de tourbe à moitié. Ils sont alors comblés et rechargés jusqu’à l’orifice à mesure que la matière s’affaisse. La combustion terminée, on ferme avec soin toutes les ouvertures, et au bout de 24 à 48 heures, on extrait le charbon ou par une porte mé- nagée dans le bas, ou par le haut au moyen d’une poulie. Sur le même principe encore, on a construit des fours en fer de douze pieds de hau- “teur divisés en trois pièces eylindriques dont la première repose sur une base au fond de laquelle on pratique un trou fermant par une porte glissante. À la partie supérieure de cette première pièce du fond est un rebord sur lequel s'appuie le deuxième tronçon cylindrique, et ainsi pour la troisième pièce. Sur cette dernière il y a un couvert, et l'opération est conduite absolument comme dans les fours en briques. Les méthodes de carbonisation dans les fours ont subi de nombreuses modifications sans qu'on ait pu obtenir des résultats pleinement satisfaisants ; car le fer est facilement corrodé et dissous par les liqueurs qui se volatilisent dans la tourbe ; et dans les fours en briques, il se fait parfois des fissures imperceptibles par où pénètre l'air pour réduire en cendres une partie de la matière. Ces procédés sont d’ailleurs toujours incomplets, ne rs puisqu'ils ne permettent pas de recueillir tous les produits utiles de l'opération. On a donc dû chercher à carboniser la tourbe par distillation, et c’est dans ce but qu’on à proposé un grand nombre d’appareils plus ou moins avantageux, mais qui sont d’ordi- naire très-coûteux. « Le plus simple de ces procédés par distillation est fondé sur le principe des abris ; la construction du fourneau et la conduite du feu sont absolument les mêmes que dans le procédé des meules (‘). Il faut seulement y ajouter une enveloppe continue qui, aux avantages des abris ordinaires, joint celui de pouvoir recueillir les produits accessoires de la carbonisation dans des appareils réfrigérants. Ce procédé est d’ailleurs économi- que, puisque toutes les pièces de l'appareil sont aisément transportables , d’une cons- truction facile et que les matériaux qui les composent se trouvent partout. » Pour former un abri de 30 pieds de diamètre à sa base, 10 pieds à son sommet, et 8 à 9 pieds de hauteur, on assemble en bois de 2 pouces d’équarrissage, des chassis de 12 pieds de long, 3 de large d’un bout et 1 pied de l’autre. Les montants de ces chassis sont munis de trois poignées en bois à l’aide desquelles on peut les réunir ; il suffit pour cela de passer dans deux poignées contiguës une cheville en fer ou en bois. Les chassis sont garnis de clayonnages d’osier et enduits d’un mortier de terre mêlée d’herbes hâchées. » Un couvercle plat de 10 pieds de diamêtre, formé de planches bien jointes et main- tenues par quatre traverses forme le sommet du cône. Il est muni de deux trappes des- tinées à livrer passage à la première fumée au commencement de l’opération. Un trou triangulaire pratiqué sur le même couvert reçoit un conduit formé de trois planches et destiné à conduire les gaz et les liquides condensés dans les tonneaux. Enfin une porte qu’on ouvre et ferme à volonté permet au charbonnier de visiter son feu. » On a adapté aussi des conduits et des appareils distillatoires aux fourneaux construits en briques, tels qu’on les fait pour la carbonisation de la tourbe par étouffement. Mais d’ordinaire la distillation se pratique au moyen de grands vases ou cucurbites en tôle ou | en fer battu dans lesquels on renferme la tourbe et qu’on entoure de feu. Les matières gazeuses sont recueillies dans des tuyaux qui passent dans des réfrigérants où elles se condensent. Ces matières donnent une espèce de goudron noir et fétide dont on ne tire presque aucun parti dans notre Jura, puisqu'on ne le vend qu’au prix de deux à trois batz le pot (*). On l’emploie pour graisser les essieux des voitures. Son odeur a la plus grande analogie avec celle de l’asphalte. J’ai visité près des Ponts un four construit sur (1) J’emprunte encore cette description à l'ouvrage de Pelouse père. @) Environ quatre sous le litre. I ce principe et dans lequel on peut simultanément cuire la chaux et carboniser la tourbe. Mais il ne me semble pas donner des produits très-lucratifs, malgré la facilité de réunir ces deux opérations, et cela par la nécessité où l’on est de réparer souvent les fourneaux en pierre où l’on brüle la tourbe et les cucurbites où elle se distille. Je termine ce chapitre en copiant un aperçu publié par MM. Marguerat et Mayet, pour l’appel de fonds qu'ils ont fait en 1841, dans le but d'exploiter en grand les marais des Ponts et de tirer parti des produits. « La carbonisation de la tourbe, disent-ils, est surtout avantageuse au pays de Neu- châtel, en ce qu'elle permet d’opposer un frein à la destruction croissante des forêts qui peuplent les montagnes de la Principauté. » Elle produira d’abord une grande diminution sur les exploitations de bois de hêtre et une baisse sensible dans les bois de chauffage. Ceci s'explique. » D’après les renseignements puisés à bonne source, la consommation du charbon de foyard dans les deux localités de la Chaux-de-Fonds et du Locle, s'élève à environ 30,000 sacs par année. » Examinons maintenant la partie mécanique de cette carbonisation de la tourbe. » Un seul four de la dimension de celui que nous possédons, peut faire annuelle- ment 40 cuites au minimum. Chaque cuite produit au moins 50 sacs de charbon; ainsi un seul four peut livrer chaque année 1200 sacs. » Pour obtenir cette quantité de 50 sacs, il faut 3 bauges de tourbe, par conséquent 1200 sacs emploient 120 bauges. En résumé, avec 7 fours on fabriquera 8,400 sacs de charbon, lesquels exigent 840 bauges de tourbe. Le prix de la vente du charbon étant fixé à 2 fr. de France le grand sac, les 8,400 sacs produiront 16,800 fr. (*)» 840 bauges de tourbe à 35 batz coûtent fr. de Fr. 4055 » 20e. Traitement des ouvriers » » 2069 » — Entretien ducroire et frais imprévus » » 1241» 30c. fr. de Fr. 7365 » 50 c. Reste donc un bénéfice net de fr. de Fr. 9434 »50 c. Présentée de cette manière, il est clair que la carbonisation de la tourbe offre des résultats fort avantageux. Il est impossible cependant d'admettre les calculs ci-dessus comme justes dans toutes leurs conséquences et surtout comme devant produire les mèmes bénéfices pour les propriétaires qui voudraient tirer de leurs tourbières le parti le plus avantageux. Car il faut naturellement, si l’on note le prix du charbon vendu à (1) Comme les monnaies de notre canton sont peu connues j'ai réduit les Livres de Neuchâtel en francs de France. 11 se Æ la Chaux-de-Fonds ou au Locle avec le bénéfice du fabricant, indiquer aussi la valeur de la tourbe sur les marchés de ces deux localités. Nous établirons donc un autre cal- cul de cette manière. La construction d’un four avec son hangar fr. de Fr. 700 Réparations annuelles » » 70 Entretien d’un charbonnier » »y 600 120 bauges de tourbe à 12 fr. de Fr. » » 41440 fr. de Fr. 2810 1200 sacs de charbon obtenu se vendent » » 2100 Perte. . fr.deFr. 410 Il y aurait donc une perte de plus de 400 fr. pour la première année pour le pro- priétaire qui voudrait tirer parti de sa tourbe en la transformant en charbon au lieu de la vendre sur les marchés. Sans doute un four une fois construit peut durer plus d’une année ; cependant ces constructions exigent de fréquentes réparations et parfois une réé- dification complète. On observera d’ailleurs que je n’ai mis en ligne de compte ni inté- rêt, ni ducroire, ni frais d’administration et d'inspection qui doivent cependant s’élever à une certaine somme. Ainsi ne voudrais-je pas conseiller aux propriétaires de se lancer trop hardiment dans cette nouvelle voie de gain, mais plutôt de profiter de la valeur de la tourbe dans son état naturel, puisque la vente en est toujours facile. Ceci, au reste, ne peut jeter aucune défaveur sur l’entreprise de MM. Marguerat et Mayet, ni mettre en doute leurs calculs que je crois fondés. Nous arrivons à des résul- tats différents en partant d’un point de vue qui ne peut étre le même. CHAPITRE IV. CULTURE DES TOURBIÈRES. L'esprit de l'homme se tourne souvent avec enthousiasme vers des idées, vers des spé- culations dont il serait difficile de trouver la raison. Dira-t-on pourquoi, par exemple, dans nos hautes vallées jurassiques, où le froid est si vif, où le combustible a une si DB = grande valeur, où les terres, mème les plus fertiles et les mieux exposées, ae produi- sent guère que des fourrages, jamais de blé, on a préconisé les cultures faites sur la tourbe et annoncé comme une précieuse découverte la possibilité de transformer en prairies d’un mauvais rapport, un sol qui, abandonné à lui-même, a une valeur égale à celles des meilleures terres labourables. Comme de juste, l'élan une fois donné, on s’est mis à l’œuvre pour donner une forme à l’idée, pour obtenir les bénéfices de la spé- culation. Certes, les résultats n’ont pas été magnifiques, et je ne craindrais pas d’être démenti en affirmant que sur certaines parties des marais tourbeux du Jura, les cultu- res n’ont pas rapporté les frais des labours et la valeur de l’engrais. On doit tout d’abord, pour le mode de culture, distinguer le sol des marais immergés de celui des tourbières de montagnes. Quand les marais sous-aquatiques sont recouverts, comme il arrive parfois, d’une couche épaisse de limon ou d’humus, le terrain peut prendre assez de consistance, s’il n’est pas détrempé par de fréquentes inondations, pour produire de bonnes récoltes, suivant le climat de la localité. Mais souvent (les grands marais du Seeland et du Landeron sont dans ce cas) les inondations annuelles rendent le sol tourbeux très-mol et trop humide pour qu’il puisse être labouré facilement. Alors, abandonnée à elle-même, la surface se couvre d’herbes ligneuses ou d’un fourrage de très-mauvaise qualité. Des agronomes distingués m'ont affirmé que des expériences qu'ils ont faites sur ce terrain n’ont pas répondu à leur espoir; qu'ils n’en ont obtenu que des produits médiocres bien inférieurs à ce qu'ils étaient en droit d'attendre de leurs travaux. Il ne faut pas cependant désespérer d’une réussite avantageuse, si les essais sont poursuivis avec ensemble et surtout sous la direction des gouvernements intéressés. La richesse des produits agricoles de la Hollande doit encourager la confiance. Je hasarde en passant une opinion qu’on pourra taxer d’absurde, mais qui repose cependant sur un sentiment de bienveillance et de triste pitié pour une classe d’indivi- dus malheureux dont un peu de travail et de pain feraient peut-être de bons citoyens. Je veux parler de ces pauvres êtres sans patrie qui errent dans notre Suisse libre, pour- chassés de canton en canton, et pour lesquels notre société régénérée n’a pas encore trouvé une place. Ces heimathlosen, parias d’une civilisation où les mots de fraternité, de civisme et de liberté, sont criés par toutes les bouches, portent la peine des fautes de leurs pères dont ils ne reçoivent en héritage que la misère et le vice. Ces hommes, je le crois, s’attacheraient à une propriété quelque triste qu’elle fût, si quelque part on leur montrait un coin de terre duquel ils pourraient dire : ceci est à moi. Ils travail- leraient, je le crois encore, s’ils étaient sagement dirigés, à rendre cette propriété aussi belle que possible et à en tirer le meilleur parti. Ils deviendraient des citoyens utiles , si quelque part on leur permettait d’être hommes. … S &- Les vastes marais du Seeland sont là presque déserts, parcourus en été seulement par de rares troupeaux qui y broutent des jones, des roseaux, un mauvais fourrage. Ne pourrait-on pas y introduire pour essai quelques colonies de ces pe qui chan- geraient peut-être le triste aspect de ce sol ? Je sais qu’une foule d’objections s’élèveront contre cette idée. Qui voudrait faire les frais d’une première installation? Quel gouvernemeut avancerait les fonds nécessaires pour creuser les premiers canaux, établir les digues et peut-être les machines hydrau- liques qui protégeraient les propriétés des colons? Il faudrait lutter d’abord contre les obstacles provenant de la nature du sol, fournir les premières choses nécessaires aux colons qu’on voudrait y fixer et attendre de récoltes et de produits problématiques le faible impôt à prélever sur cette nouvelle population. Ce qu'on nomme des gouvernements tyranniques ou absolus ont fait pour leurs su- jets pauvres ce que la Suisse riche et libre hésite à faire. Les Lettres philosophiques et morales de de Luc contiennent un éloquent panégyrique de ces colonies du Hanovre , fondées sur de vastes marais tourbeux et qui sont maintenant dans un état très-pros- père. Le Dai aisés a fourni, distribué le sol; il a de plus donné au colon l’argent nécessaire à l’achat des matériaux d’une maison et les semences pour la première an- née. Ces nouveaux établissements sont exempts de charges pendant douze années, ils ont ce temps pour se fixer, et alors seulement ils paient à l’état un impôt moindre que celui des autres propriétés du royaume. Sprengel avait visité ces colonies dans leur enfance. Il dépeint avec tristesse la vie simple et pénible des habitants « qui ont pour tout bien une hutte dont les murailles sont composées de morceaux de tourbe, dont le toit de chaume est soutenu par des poutres reposant sur le marais. Ïls dorment sur la mousse des tourbières, ils se nourris- sent du lait de leur unique vache à laquelle est réservée d’ordinaire la meilleure place de leur misérable logis, et des récoltes que leur donne le champ qu’ils ont défriché sur la tourbe. » Et cependant le sentiment de la possession et un travail constant, lespoir d’un avenir plus facile comme compensation de leurs peines, rendent ces hommes heu- reux au point qu'aucun de ceux-là même qui paraissent si à plaindre né consentirait à changer ce genre de vie. Si l’on avait une fois reconnu le meilleur mode de culture pour les marais du Seeland ; si ces plaines étaient à l'abri des inondations, on pourrait aussi voir s’y élever, au milieu de verdoyantes campagnes, des villages où, sous une paternelle administration, le bonheur habiterait à côté de la pauvreté. Et puisque les cantons suisses énumèrent chaque année pour s’en plaindre les dépenses inutiles qu’ils font pour l’entretion de ces hommes sans patrie, qui poursuivent d’ailleurs leur carrière de vagabondage et de men- = ds = dicité ; puisqu'on a même entendu des députés des cantons proposer d’exporter au-delà des mers tous ces fainéants heimathlosen, pour s’en débarrasser une fois, on utiliserait mieux, ce me semble, les frais de leur voyage et de leur établissement en Amérique. en les employant à des colonisations rapprochées, stables et surveillées. Il y aurait à cela une véritable économie et l’on éviterait l'injustice commise en traitant en criminels des hommes qui souvent ne sont que malheureux. J'ai regret de ne donner ici que de courtes généralités sur le mode de culture à suivre dans les marais immergés. Il dépend toujours du degré de desséchement qu’on peut obtenir et de la couche de terre ou de limon superposée à la tourbe. Car il y a, dans les marais du Seeland, par exemple, quelques parties recouvertes d’un pied d’humus sur une couche de sable et qui seraient ainsi facilement fertilisées ; il y en a d’autres, au contraire, plus enfoncées, sur lesquelles il faudrait nécessairement transporter des ma- tières pesantes dont le mélange avec la tourbe et l’engrais rendit le sol plus stable. Dans les environs du Landeron, quelques propriétaires ont jeté sur leurs prairies tourbeuses des cailloux, du gravier, des débris pierrieux, les sables des routes ; ils ont facilité un peu l’accès de leurs champs en les rendant moins spongieux ; mais cela seul ne peut améliorer les produits du sol. A en juger par les récoltes en légumes et en céréales que j’ai souvent vu faire le long des canaux des marais lacustres, là où les bords sont élevés par les matériaux rejetés du fond, il semblerait que le mélange de sable et de la tourbe produit un terrain d’une composition favorable à la culture, à celle des légumes surtout. En général, les arbres fruitiers réussissent mal dans un sol tourbeux, soit à cause de la trop grande humidité de l'atmosphère, soit par l’influence de la matière sur les racines. Jl en est de même de quelques arbres forêtiers ; les essais qui ont été faits et publiés en Allemagne ont toujours donné des résultats plus ou moins incomplets. Quel- ques espèces pourtant prospèrent assez bien pour qu’on puisse avec avantage en planter les digues et même les bas-fonds. Le peuplier, l’orme, le bouleau que nous avons déjà nommés, et dont le bois a une valeur réelle, plusieurs espèces de saules, le sorbier sur- tout que Sprengel a vu prospérer parfaitement dans les marais du Hanovre, où il donne des fruits en abondance. « J’ai connaissance , » dit M. Kasthofer, dans son Guide dans les forêts, dans cet ouvrage si savant et si populaire en même temps, dont on ne louera jamais assez le mérite ; « j’ai connaissance qu’un sorbier de vingt-cinq ans a donné trois mesures de fruits dont on a obtenu, par distillation, environ trois pots d’eau-de-vie de bonne qualité. » Les fruits du sorbier servent encore à la nourriture des brebis et des chèvres, comme les feuilles fraiches et desséchées sont un bon fourrage pour le bétail. Bien que les cultures sur les hauts marais du Jura me paraissent inutiles, peu pro- — it — fitables et même dangereuses, je dois cependant, pour ne rien omettre de ce qui se rapporte au sol tourbeux, dire un mot en passant de la manière dont les travaux agri- coles sont dirigés avec le plus de succès sur cette espèce de sol. Ou bien on cultive la surface des tourbières, ou bien l’on extrait le combustible jus- qu’au fond et alors on établit les cultures sur la couche de terre noïre qu’on trouve ordinairement sous la tourbe. é La première précaution à prendre lorsqu’on veut cultiver la surface des dépôts tour- beux, c’est de creuser à vingt-quatre pieds de distance au plus des fossés d’écoulement pour dessécher la couche supérieure (*). On doit donner à ces fossés une profondeur assez grande, quatre pieds au moins. Quand la surface du sol a perdu son humidité, du moins autant que cela est possible, on coupe en automne, à la profondeur de six à huit pouces, les mottes de la surface remplies de racines et de tiges d’airelles et de bruyè- res, et on les laisse sécher sur place. On choisit alors au printemps un jour chaud avec un peu de vent et on allume ces mottes sur toute l’étendue. Quand la combustion est opérée, pendant que le sol est encore chaud, on sème le blé noir ou blé sarrasin, R où le climat permet à la graine de mürir. On le herse avec la cendre, sans autre labour, puis on y passe le rouleau. Si le blé noir est semé trop tard, il réussit mal sur les ma- rais ; il est donc important que la combustion des mottes ait lieu avant la fin de mai. Pendant quatre ans de suite on sème ainsi cette espèce de blé en préparant le sol comme la première fois. La première récolte est médiocre; les deux suivantes sont au contraire très-productives, mais la quatrième et la cinquième surtout valent à peine les frais du travail. Lorsque le sol est ainsi épuisé par les récoltes successives, il faut lui rendre sa force au moyen d'engrais ou le laisser reposer pendant fort longtemps, afin que de nouveau il se couvre de bruyères. Encore par ce dernier moyen, semble-t-il ne jamais pouvoir reprendre une fertilité égale à celle de la première culture. Par les en- grais on obtient sur la tourbe d’autres espèces de céréales, l’avoine, lorge, le seigle sui- vant les climats. Mais il paraît que pour avoir des récoltes plus belles, il faut semer sur les marais les graines qui y ont cru et prospéré ; celles qui sont pour ainsi dire habi- tuées à ce sol. Il paraît encore que le sol tourbeux produit davantage et que les grai- nes sont moins exposées aux gelées, quand vers la fin de l’automne on répand sur les champs ensemencés un peu de sable ou de marne pulvérisée. C’est sur ces données générales, modifiées par les circonstances locales, que sont ba- sées les cultures introduites dans les marais de l'Allemagne, où croissent encore les pommes-de-terre et où l’on sème plusieurs espèces de plantes fourragères. Les prairies (:) En général l'action desséchante d'un fossé se fait sentir facilement à 12 pieds de distance. Ne" de artificielles donnent en effet d'excellents produits sur la tourbe quand, après avoir enlevé et brülé la découverte, on a soin de continuer les engrais avec du fumier mêlé à la cen- dre de tourbe. Mais si l’on néglige ces engrais pendant une année seulement, les mousses s'emparent du sol très-rapidement et le foin diminue, En mélant au fumier la marne ou les cendres de bois, le sol produit davantage. Les espèces de plantes fourragères qui semblent se plaire le mieux sur la tourbe sont . avec le trèfle blanc et le trèfle rouge, la phléole des prés (Phleum pratense), V'Agrostis blanche (Agrostis alba), les houques (Holcus lanatus et Holcus mollis), lanthoxanthe odorante (Anthoxanthum odoratum), plusieurs espèces de poa, le vulpin des prés [Alo- pecurus pratensis), le lotier (Lotus corniculatus), la bistorte (Polygonium bistorta), et toutes les espèces que nous nommons dans la partie botanique comme naissant spontané- ment sur les prairies tourbeuses. L'application de ces principes d’agriculture ne peut se faire en entier sur nos hauts marais du Jura. La température froide des vallées où ils sont situés ne permet guère d'espérer la récolte d'aucune autre espèce de céréales que l’avoine. La rareté des engrais, qui, il faut bien le dire, sont généralement recueillis et préparés avec une ex- trème négligence, empèche la succession annuelle des travaux qui seraient nécessaires pour recueillir d’abondants fourrages. Voici donc comment l’on procède ordinairement, On se contente de labourer la sur- face après l'avoir recouverte de fumier sans même enlever ni brüler la découverte. On sème l’avoine , plus rarement l'orge, et après la récolte on laisse le sol se fermer et produire naturellement des fourrages dont la quantité et la qualité varient suivant l’hu- midité du marais. Déjà la seconde année les mousses reparaissent sur les prairies, et après la troisième ou la quatrième les récoltes en foin sont si médiocres qu'il faut recom- mencer le labour et le fumage. La négligence qu’on apporte à ces cultures dans notre haut Jura est inconcevable, On dirait que les propriétaires, ne comptant pour rien leurs peines et leurs travaux, ne cherchent qu’à agrandir leurs possessions, comme si l’é- tendue même d’un domaine stérile était une richesse. J'ai vu de ces champs tourbeux sur lesquels on fauchait chaque année les mousses presque seules et quelques jones. Car souvent on laisse les prairies cinq, six et sept ans sans y renouveler les engrais. Aussi ceux-là même qui jadis avaient prôné la culture de nos marais, ont-ils facilement reconnu combien les produits en sont inférieurs à ceux des terrains non-tourbeux. Ainsi est-il clair que puisque la culture arrête la croissance de la tourbe et qu’elle diminue la matière combustible , il y a une perte réelle à transformer en prairies les marais de nos hautes vallées où la tourbe a une grande valeur. On sait en effet combien Ja tourbe est spongieuse, vers la surface surtout. Elle se = = laisse facilement pénétrer par les parcelles terreuses que les engrais, les labours et l'action de l'air sur la matière mise à nu forment à la surface, ensorte que si la qualité du combustible dans les couches inférieures n’est pas gâtée d’une manière bien sensible, il y a pourtant toujours une certaine somme de parties nutritives des plantes qui sont perdues sans profit. D’un autre côté, sans parler même du desséchement de la tourbe qui en réduit le volume de près de moitié, on sait que la nutrition et la végétation des plantes fourragères enlève chaque année au sol tourbeux une portion de matière qui, sans être considérable, est cependant très-appréciable à la longue. Sprengel évalue cette perte à environ un tiers de pouce par année. Dans les marais de Brême, les parties cul- tivées depuis longtemps sont abaïssées de quelques pieds au-dessous de celles qui n’ont été que desséchées, sans que l’agriculture ait tiré parti du sol. D’après cela, évaluons par un simple calcul ce que produira la culture de nos marais tourbeux jurassiques. La couche d’un marais mise à nu perdant en épaisseur un tiers pouce par an, on aura une diminution d'environ un pied en trente ans ou trois pieds par siècle. Ajoutez à cela la perte de un pied pour la croissance arrêtée, on aura un déficit de quatre pieds par siècle, ce qui équivaut à 820 bauges de tourbe ou 9840 francs par pose. En déduisant la moitié pour le coût de l'exploitation, il reste encore 4920 francs ou une cinquantaine de francs par an, valeur qui dépasse le gain réel que donne la récolte sur nos marais. La couche de terre noire sur laquelle repose ordinairement la tourbe est un sol gras, naturellement fertile, sur lequel on peut cultiver sans beaucoup d’engrais les végétaux qui réussissent dans nos vallées. Quelquefois même cette terre noire est employée comme fu- mier. Il ÿ aura donc double avantage à ne cultiver les hauts marais qu’après en avoir extrait la tourbe. Les prairies qu’on a établies sur ce sol, dans le Jura, après les récoltes de l’avoine, sont plus fournies, le foin y est de meilleure qualité et beaucoup plus abon- dant ; les mousses ne les couvrent pas aussi facilement. Car cette terre, moins spongieuse que la tourbe, se dessèche assez pour que les végétaux tourbeux ne s’en emparent pas. La culture pourrait donc tirer un parti avantageux des bords de nos marais émergés où la tourbe a été enlevée et où elle ne peut recroître faute d’eau. Mais il faut le répéter, nos agriculteurs des hautes vallées ne doivent pas s’attendre à récolter sans peine. Il faut labourer, creuser des fossés, et même fumer ce sol ou y transporter des matières qui en diminuent encore la spongiosité, sans quoi la nature n’y sème que des linaigrettes et des joncs dont le bétail ne se nourrit pas. IL est des contrées, l'Irlande, par exemple, où la nature du sol étant presque généra- lement tourbeuse, on est forcé de changer en terres arables toutes les tourbières des plaines qui sont susceptibles de culture. Cette transformation se fait facilement dans ce —_— Hoi pays, au moyen des herbes marines qu’on recueille en abondance pour engrais; mais elle exige cependant en plusieurs endroits des précautions dont la négligence peut causer de graves dommages. Quand les dépôts tourbeux sont très-profonds et élevés au-dessus des campagnes voisines, si l’on n’a pas soin de maintenir en bon état les canaux de desséchement , l’eau s’amasse au fond de ces grandes tourbières, car la surface cessant de s’élever et l'humidité n'étant plus absorbée par la végétation des mousses, le fond des couches de tourbe se détrempe et la matière divisée forme une véritable bouillie. Il arrive alors que l'enveloppe extérieure du marais ne peut opposer une résistance assez forte à la masse fluide qui la presse de l’intérieur ; elle crève sous l'effort et la masse boueuse se précipite, comme un torrent dévastateur, sur les campagnes voisines. Parmi les nombreux accidents dus à la même cause et qui ont été publiés dans les journaux, je ne citerai que le suivant : Le 25 juin 1821, on ressentit à Tulamoore une violente secousse accompagnée d’un bruit semblable à un coup de tonnerre. Tout-à-coup la surface du sol se fendit et il en jaillit un torrent de limon qui s’élança avec grand bruit par l’ouverture. Tout ce qu’il rencontra sur son passage, maisons, arbres, forèts, tout fut renversé, car la vase s'élevait par place à plus de 60 pieds au-dessus des campagnes. Près de 3000 hommes furent employés à construire une énorme digue qui fut encore emportée et détruite par le torrent. Si de tels accidents sont rares, ils n’en prouvent pas moins la nécessité d’un bon emménagement des hauts marais tourbeux. Ils fortifient d’ailleurs les preuves des in- convénients de la culture des hauts marais tourbeux. Aussi devrait-on, dans toute l’Eu- rope continentale, abandonner cette culture des marais émergés. On s’aperçoit main- tenant en Suisse, en Allemagne surtout, en Danemarck, etc., du tort que la colonisation des marais a fait au pays en général. Quelques centaines d'individus sont devenus pro- priétaires; quelques-uns se sont enrichis ; mais le combustible devient de jour en jour plus rare et plus cher, et cette augmentation de prix est un véritable impôt prélevé sur des populations entières au profit d’un petit nombre. Cette vérité, que j'ai peut-être le tort de répéter trop souvent, finira par se faire jour tôt ou tard. Plaise à Dieu que la conviction n'arrive pas trop tard, et qu’à tous les malheurs causés par le déboisement inconsidéré de nos montagnes, on ne doive pas ajouter le regret d’avoir détruit à jamais et sans nécessité l’une des œuvres les plus utiles de la nature. $. 5 PARTIE SCIENTIFIQUE. CHAPITRE I°. CHIMIE. Les observations rapportées dans la première partie ont prouvé que l’ulmine ne peut être envisagé comme cause de la formation de la tourbe. Qu'est-ce, en effet, que cette matière ? On sait par des expériences qu’on l’obtient en traïtant par des alcalis, non- seulement la tourbe, mais la fibre ligneuse en général, la sciure de bois, la suie, les lignites, etc., ou en décomposant par des acides le sucre, la fécule, etc., ou bien encore en mettant au contact de l’air des solutions alcalines d’acide gallique ou de tannin (). Cette matière s’annonce comme un produit de la décomposition des substances végétales par l’action des acides et des alcalis ; comme un résultat de la décomposition lente du ligneux. Nous répétons donc qu’elle ne peut nullement étre considérée comme la cause d’une formation à laquelle son existence est subordonnée. D'ailleurs ce corps qui, en raison de ses caractères extérieurs et de ses réactions chimiques, a reçu plusieurs dénominations, telles que : acide ulmique, humine, géine, acide géïque, etc., est aussi le principal constituant du terreau ou de l’humus. Il n’est pas besoin cependant de dire quelle différence il y a entre cette dernière matière et la tourbe. Il est clair, comme le dit Liebich dans l'introduction à son Traité de chimie organique, auquel j’ai emprunté plusieurs des idées exprimées dans ce chapitre, « que les chimistes ont confondu sous un même nom tous les produits de la décomposition des matières organiques qui présentent une couleur brune ou brun-noir. Ils les ont appelés ulmine ou acide ulmique, suivant qu'ils étaient solubles ou insolubles dans les alcalis. » Qu'on dise done, si l’on veut, que l’ulmine se trouve dans la tourbe même en assez grande quantité, nous ne le nierons pas; mais le rôle que joue ce corps dans la formation du combustible, sera analogue à celui des résines qui y entrent avec les végétaux et qui, mélangées au ligneux conservé par l’eau, en retardent encore la décomposition et en empêchent l'entière destruction. Encore sera-t-il bon de remarquer que la production () Liebich. sé A 2e de cet acide n’est point une conséquence nécessaire de la formation de la tourbe puisqu'il est des tourbes, celles dont la décomposition n’est pas avancée, dans lesquelles on ne le rencontre pas. Wiegmann lui-même semblerait avoir à-peu-près la même pensée, sans cependant atténuer en rien l’importance qu'il attache à lulmine, car il dit: « que les transformations que subissent les plantes pour former la tourbe ont ce résultat : que les sucs de leurs parties tendres sont changés en ulmine et que les filaments ligneux forment essentiel- lement le charbon de terre ; ce qui, mélangé à des terres et à des oxides métalliques, forme la tourbe. » C’est là à-peu-près la même explication que celle de Einhoff. Pour la rendre abso- lument concordante , il suffirait d’ajouter le seul mot ulmine. «Les végétaux, dit-il, surtout les cryptogames entassés dans les contrées basses et humides, périssent et entrent en décomposition. L’éloignement de l'air libre, un haut degré d'humidité , et la tem- pérature maintenue constamment basse par cette humidité, impriment une direction particulière à cette décomposition et l’entretiennent. Il se forme, dans la première pé- riode, des matières qui empèchent une décomposition totale et donnent naissance à de nouveaux produits. C’est d’abord un acide qui empèche la pourriture rapide de la masse végétale et qui, avec le concours des autres circonstances qu'offre cette décom- position lente, fait que, par la séparation successive de l'hydrogène d’avec une petite quantité de carbone, la masse végétale se rapproche toujours davantage de la matière du charbon. Et plus la tourbe est voisine de cet état, moins elle est exposée à la dé- composition. Elle parait même s’y soustraire tout-à-fait, de sorte qu’elle reste ainsi pendant des siècles dans les dépôts sans se modifier d’une manière sensible. » C'est là ce me semble l’explication la plus claire et la plus simple des modifications chimiques auxquelles la matière tourbeuse est soumise ; celles qui ont été données depuis n'y ont pas ajouté grand’chose. Dans un exposé aussi court que celui-ci, il n’est pas possible de rapporter même en abrégé toutes les analyses qui ont été faites de la tourbe. Un grand nombre de chimistes se sont occupés de ce sujet : Hagen, Achard, Buchholz, Thær, Emhof, Thomson, Spren- gel, Klaproth, Wiegmann, Braconnet, ete., et c’est dans les ouvrages de ces auteurs qu'il faut chercher les analyses d’une foule d’espèces de tourbes, ainsi que les nom- breuses explications des parties dont on a constaté la présence dans la matière. Un fait qui ressort évidemment de tous les travaux de ces savants, c’est l'extrême variété des composans , qui ont aussi peu de fixité que les apparences extérieures de la matière tourbeuse. C’est une raison de plus pour faire rejeter l'embarrassante et inutile nomen- clature des diverses espèces de tourbe , à laquelle plusieurs auteurs semblent attacher ER beaucoup de prix. Car ce sont des accidents qui ont influé sur les formes et les compo- sants de la tourbe, et comme ces accidents varient à l'infini, même dans un seul dépôt, il est impossible de baser là-dessus une classification qui ait la moindre fixité et le moindre mérite. Klaproth a obtenu par distillation de la tourbe du comté de Mannsfeld. 20,0 charbon. 2,5 sulfate de chaux. 1,0 péroxide de fer. 0,5 alumine. k,0 chaux. 12,5 sable siliceux. 41° Produits solides, 40,5. e ARTE 12,0 eau chargée d’acide pyroligneux. BARRES RUE és huile empyreumatique brune, cristallisable. 5,0 acide carbonique. CPE SE REREET 12,5 oxide de carbone et hydrogène carboné. Ce sont là les mêmes produits que ceux qu'on retire du bois, mais dans des propor- tions différentes. Ils se retrouvent dans toutes les espèces de tourbe, en variant toujours dans leurs proportions. Ainsi Wiegmann a analysé deux espèces de tourbe de Brunswigg qui ont donné: 1° Tourbe compacte (Stechtorf) 2° Tourbe à forme (Baggertorf). sur 1000 parties : Ulmine 104,00 Ulmine 276,00 Cire 2,50 Cire 62,00 Résine Lk,25 Résine 8,00 Bitume 22,50 Bitume 90,00 Charbon terreux L46,00 Charbon terreux 152,00 Eau 21,00 Eau 54,00 Sulfate de chaux L8,75 Muriate de chaux 0,15 Carbonate de chaux 16,00 Sulfate de chaux 2,80 Fer 66,00 Silice et sable 7,20 Alumine 96,00 Alumine 0,80 Silice 22,00 Carbonate de chaux k,40 Quartz 142,00 Fer et phosphore 2,65 — 95 — Sprengel a analysé les cendres de diverses espèces de tourbe d’un même marais ; il a trouvé pour la tourbe noire : sur 1000 parties : Quartz 0,110 Silice 0,200 Alumine 0,185 Magnésie 0,059 Carbonate de chaux 0,133 Oxide de fer 0,12# Oxide de manganèse 0,001 Gypse 0,123 Sels { Phosphate de chaux 0,015} 0,178 Muriate de soude 0,040 Perte 0,011 1,000 La tourbe jaunâtre des mousses ou la découverte contenait dans les cendres sur 1000 parties. Quartz 0,201 Silice 0,110 Alumine 0,097 Oxide de fer 0,190 Chaux 0,141 Magnésie 0,086 Oxide de Manganèse 0,035 Gypse 0,102 Sels Sel marin 0,010 0,140 Sulfate de soude 0,012 Phosphate de chaux 0,016 1,000 De ces quelques analyses, nous tirons encore des preuves en faveur de la définition que nous avons donnée de la tourbe dans la première partie en disant : Que la tourbe est produite par le ligneux des végétaux, dont la décomposition est modifiée par la présence el la température de l’eau. « Dans l'air see ou sous l’eau, dit Liebich, le ligneux se conserve, comme on le sait, pendant des siècles entiers sans s’altérer. D'ailleurs, outre les conditions ordinaires, la fibre de bois exige beaucoup de temps pour que sa pourriture s’accomplisse. L’érémacausie Er. De ou la pourriture de la partie essentielle de tous les végétaux, à savoir du ligneux, pré- sente un phénomène particulier, c’est que, au contact de l’oxigène ou de lair, elle convertit l’oxigène en un volume égal d’acide carbonique. Dès que l’oxigène disparait, la pourriture s'arrête. » Si l’on enlève cet acide carbonique et qu’on le ue par l’oxigène, la pourriture s'établit de nouveau, c’est-à-dire que l’oxigène se transforme de nouveau en acide car- bonique. Puisque le ligneux se compose de carbone et des éléments de l’eau, on peut dire d’une manière générale que cette pourriture est identique dans ses résultats avec la combustion du carbone pur à des températures très-élevées ; ainsi le ligneux se com- porte, en brülant lentement, comme si ni son hydrogène ni son oxigène ne se trouvaient combinés avec du carbone. » L’accomplissement de ce phénomène de combustion exige un temps fort long ; la présence de l’eau en est également une condition indispensable. Les alcalis en favorisent les progrès, les acides les entravent ; toutes les matières antiseptiques, l’acide sulfureux, les sels mercuriels, les huiles empyreumatiques, etc., les arrêtent entièrement. À mesure que la pourriture du ligneux s’avance, celui-ci perd la faculté de pourrir davantage, c’est-à-dire, de transformer l’oxigène ambiant en acide carbonique, de sorte qu’à la fin il laisse une matière brune et charbonneuse qui n’a plus cette propriété. C’est là le produit final de l’érémacausie ou de la pourriture lente du ligneux, produit qui forme les tourbes et la partie essentielle de tous les lignites. » Si ce phénomène se produit à l’air libre, la source d’oxigène ne tarissant jamais, il a lieu rapidement et les parties constitutives du ligneux passent bientôt à l’état d’ulmine. À une température élevée, cette décomposition est encore plus rapide. Si, au contraire, il se produit dans l’eau et à une température basse, comme les parties ligneuses ne peu- vent être soustraites absolument à l’action de l’oxigène, elles en subissent aussi à la longue les effets ; mais cette oxidation est très-lente ; elle est jointe à l’action des éléments de l’eau. En effet, si l’on examine les analyses de la tourbe, on trouve, qu’à un certain degré de décomposition, les éléments de l’eau sont entrés dans la composition du bois avec une certaine quantité d’oxigène de l’air , tandis que les éléments de l’acide carbonique s’en sont séparés. Suivant donc que l'accès de l’air sera plus ou moins intercepté, la formation tourbeuse ou l’oxidation lente du ligneux sera modifiée. Il est clair que cette altération produite par l’eau et par l’action de l'air se fera sentir d'abord sur les parties non ligneuses des plantes et par conséquent sur celles qui, par leur décomposition, donnent les acides, les huiles empyreumatiques, les résines et toutes les substances antiseptiques. EN de On comprend donc que ces nouveaux produits agiront sur le ligneux pour en retarder la décomposition. Ainsi Pulmine pourra se trouver en dissolution dans Peau des tour- bières; les gelées le feront passer à l'état concrèt et insoluble, et comme résine, il de- viendra l’une des matières constitutives de la tourbe. Il ne sera pas cependant Félément essentiel de la tourbe; il n’y entre même qu’en quantité assez faible. Ainsi Wiegmann qui attribue une si grande influence à cette substance, n’a trouvé que 10 p d’ulmine dans la tourbe à forme de Brunswigg, et seulement 5 P% dans cette tourbe charbonnée qu'on trouve au fond des marais. On ne comprend donc pas comment certains soit-disant observateurs, quand il s’est agi d'appuyer un système sans fondement, ont affirmé qu'ils avaient trouvé lulmine comme constituant la tourbe pour plus de la moitié. La présence d’autres substances étrangères, de la silice, de l’alun, de loxide de fer, de l’oxide de manganèse, de la chaux, du tale, de la potasse, de acide sulfurique, de l'acide phosphorique, du chlore, s'explique par la composition même des végétaux et des animaux qui forment la tourbe et par les modifications extrèmement nombreuses que les éléments de ces divers corps subissent sous l'influence des agents qui se rencontrent dans la matière et que la chimie explique. Ainsi, plusieurs plantes des marais renferment de la silice. L’Arundo pragmites, entr’autres, en contient dans son épiderme un tiers de son poids : les Equiseutm plus de la moitié. D'autres sont riches en résine, en soufre, en phosphore, en chlore. Dans le voismage de la mer, des montagnes calcaires ou gra- nitiques, des collines de sable, les vents et les courants d’eau font entrer dans les tour- bières des sels, des parties terreuses et minérales ; de même aussi les pluies et latmos- phère y déposent des corps étrangers dont elles sont imprégnées. A l'influence des agents étrangers sur la composition de la tourbe, nous devons ajouter celle de la compression, tant des couches supérieures de la tourbe qui pèsent sur les parties inférieures, que des couches de terre, de marne, de sable, ete.; que l'air agis- sant sur les surfaces émergées, des accidents du sol ou des inondations aceumulent au- dessus des dépôts tourbeux. Cette influence ne doit point passer inaperçue. Une com- pression forte et prolongée tend par la condensation de la matière à la faire passer plus vite à l’état de charbon de terre ou de lignite , en augmentant peut-être l'énergie des éléments minéralisateurs. Cette action s’observe d’une manière bien remarquable dans les lignites de la vallée du Locle, car vers les bords de cette vallée, là où ils sont recou- verts d’une couche considérable de marne, ils n’ont guère que trois pouces d'épaisseur, tandis que dans le fond du vallon, sous quatre pieds de marne seulement, ils ont une épaisseur de six à sept pouces et n’ont pas perdu encore leur apparence tourbeuse. Ils tiennent le milieu entre la tourbe qu’on voit à découvert plus bas dans la vallée, dont la couche a une épaisseur d'environ huit pieds. et les lignites des bords. Re ve Liebich a observé aussi Pinfluence de la compression sur la formation des lignites. « Il est possible, dit-il, que la température et la pression sous lesquelles la décomposition s’est effectuée, aient amené cette différence dans le mode de décomposition, car un morceau de bois qui présentait entièrement l’aspect et la texture du lignite de Laubach, et que j'avais fait séjourner pendant plusieurs semaines dans la chaudière d’une machine à vapeur, m'a donné une composition analogue à celle du lignite. L’altération s’est opérée dans l’eau dont la température était de 150 à 160 degrés et qui se trouvait sous le poids d’une pression correspondante. ‘C’est à cette circonstance qu'il faut sans doute attribuer la faible quantité de cendres que le bois a laissée après la combustion et qui ne s'élevait qu'à 0,54 p%, c’est-à-dire, à un peu moins que celle du lignite de Laubach. » Ainsi sont expliqués tous les phénomènes observés dans la formation de la tourbe ; toutes les circonstances dans lesquelles cette formation se rencontre. Car la chimie a une incontestable autorité quand elle s’exerce à décomposer les parties matérielles des êtres. Malheureusement, elle cherche à étendre plus loin son domaine ; mais il restera toujours dans les œuvres de la nature quelque chose d’insaisissable que les plus savantes analyses ne parviendront jamais à découvrir. L’essence même des êtres, la vie, n’appartient pas à l’œil de l’homme. Pressentie par son intelligence, elle ne livre à ses observations que de simples résultats. Ainsi donc peut-on dans la matière morte connaitre les composés et souvent la cause de leur présence par les corps vivants qui se sont entassés pour la former. Mais là s’arrête le pouvoir de la science. Ceux qui veulent tout expliquer par l’affinité ou la répulsion des atômes, sont en chimie aussi loin de la vérité que les phy- siologistes qui, parce qu’une plante bien arrosée ne peut vivre sur le marbre, soutiennent qu'elle ne tire ses aliments ni de l'atmosphère ni de l’eau. Nous avons vu que certains végélaux, comme les prèles et les roseaux, contiennent beaucoup de silice ; d’où tirent- ils ce corps? car le sol dans lequel ils vivent peut n’en renfermer que de faibles propor- tions, puisque ces deux plantes prospèrent bien dans la tourbe. Il est des plantes, le chara, dont la décomposition ne produit qu’une matière sableuse analogue à la marne verdâtre qu’on voit sous la tourbe. Ces végétaux semblent done composés presque essen- tiellement de sable qu’ils ne peuvent prendre au sol, du moins pas en totalité, puisque le tassement successif des débris semble augmenter l'épaisseur de la couche. Trouvera- t-on peut-être absurde cette opinion que de grands dépôts de sable peuvent avoir été formés par la végétation des characées? L'examen de ces plantes et de plusieurs autres fera admettre, je le crois, que plusieurs des couches de notre slobe ont une origine presque entièrement végétale. Je ne dis point ceci pour jeter le moindre discrédit sur les travaux de la chimie, de cette noble science qui abrite sous son drapeau les nombreuses sections de l’histoire de M D la nature. Mais il fautf aire à chacun sa part et ne blâmer aucun effort, aucun travail, car il n’en est point d’inutile. Liebich reproche amèrement aux botanistes physiologistes leur méthode d’observation et repousse les conséquences qu’ils tirent de leurs recherches. Comme si le voile immense qui couvre le magnifique tableau des œuvres de Dieu pouvait être levé par un seul! Chacun ne vient-il pas à son tour en arracher un lambeau, et quelqu'un peut-il prétendre que ce qu'il a découvert sous sa main soit la plus belle portion de l’ensemble et mérite seul l'attention et l'admiration? Une seule chose doit être blâmée dans l'étude de l’histoire naturelle, c’est l’orgueil de ceux qui opposent leur faible intelligence à la Puissance infinie; de ces hommes qui, pour avoir découvert quelques-uns des secrets de la nature, cherchent à cacher sous la vanité de leur science, le Pouvoir en présence duquel tous les travaux de l’homme sont un néant. CHAPITRE IL. HISTOIRE NATURELLE DES TOURBIÈRES DU JURA. Il est toujours facile de distinguer au premier coup-d’œil les marais lacustres des marais émergés. Nous avons vu le caractère essentiel auquel on les reconnait : c’est l'absence ou la présence des mousses hygroscopiques. Comme ces mousses doivent leur existence aux débris ligneux sur lesquels elles s’attachent ou qu’elles entourent de pré- férence, toutes les fois qu’un marais en croissance en sera couvert, on pourra être assuré, même alors qu’on ne voit pas d'arbres à la surface, que la matière recèle dans son sein ou des troncs ou des débris d’arbustes qui ont favorisé le développement de ces petits végétaux et l’élévation de la tourbe. Le genre des Sphagnum, celui auquel on doit attribuer surtout la formation de la tourbe émergée, est essentiellement polymorphe. Les espèces, pour avoir entre elles une 15 + grande ressemblance, varient cependant à l'infini, suivant les circonstances d'humidité au milieu desquelles le végétal est appelé à vivre. Elles semblent se ployer à toutes les exigences de l'habitat, et se modifier suivant qu’elles plongent dans les eaux profondes, dans les mares vaseuses de la surface, ou qu’elles s'élèvent au-dessus du niveau de l’eau. La seule condition nécessaire à leur existence, paraît être avec la présence du ligneux, une certaine quantité d'humidité absorbée par la couronne ou par la tige du végétal. Dès que cette humidité leur manque, elles se dessèchent et disparaissent. Plusieurs botanistes distingués n’ont pas trouvé de caractères assez tranchés dans les Sphagnum, pour oser tenter une classification fixe; ils en ont donc fait une seule espèce avec un nombre considérable de variétés. Il est vrai que les nuances insensibles qui s’échelonnent entre les formes distinctes semblent au premier moment autoriser cette manière de voir. Cependant en examinant ces mousses sur le marais même, on peut se convaincre que telles espèces ne varient jamais, quelle que soit d’ailleurs la quantité d’eau où elles plongent , et qu’au lieu de modifier leurs formes locales, elles périssent quand les circonstances nécessaires à leur existence sont changées. Ceci bien reconnu, on sera forcé ‘de rattacher les variétés à certains types primitifs et invariables, et d’admettre ainsi une nomenclature peut-être un peu plus étendue mais moins embarrassante que celle des auteurs qui ne reconnaissent que des variétés d’une seule forme. En considérant les Sphagnum suivant leur mode de végétation, on peut d’abord Îles diviser en trois groupes nettement tranchés: ceux qui ne vivent qu'immergés; ceux dont la couronne est toujours au-dessus de l’eau; ceux enfin qui, participant aux deux natures, sont pour ainsi dire amphibies et ont pour la même espèce une forme aërienne et une forme immergée. Le Sphagnum cuspidatum Ebrh appartient seul à la première classe et ne se rencontre qu'immergé. Suivant la profondeur de l’eau dans laquelle il plonge et l’espace qu’il a pour se développer, les rameaux s'étendent , les feuilles s’allongent plus ou moins, et il se produit une foule de nuances qui rentrent dans la variété 8 plumosum de Nees et H. On trouve très-sôuvent cette espèce en fructification dans les marais du Jura. Elle abonde surtout dans celui de Noiraigue où les fosses nouvellement creusées sont presque aussitôt envahies par ses innombrables ramifications. Vers le milieu de l'été, les tiges fructifères élèvent leur couronne à la surface de l’eau et alors la capsule mürit et s'élève pour s'ouvrir à l'air, portée sur un pédicelle souvent très-long. Quand l’eau est peu profonde et que les tiges ne peuvent y plonger dans toute leur longueur , elles sont plus courtes et plus serrées les unes contre les autres, les fructifications sont presque sessiles au sommet des plantes et les feuilles sont très-rapprochées sur les rameaux. C’est alors le Sphagnum acutifolium var. 8 capillifolium de Ehrh.: nomenclature sans fondement , = 08 — car il est impossible de rapprocher cette forme de celle du Sphagnum capillifolium. 1 sera facile de distinguer les espèces en suivant à l’œil les nuances transitoires depuis les plantes complétement immergées à celles qui, sur les bords des fosses, le sont de moins en moins. C’est sur le Sphagnum cuspidatum surtout que doit se diriger l'attention des botanistes qui veulent étudier les dépôts tourbeux ; car il importe d’en bien reconnaitre le mode de reproduction, puisque c’est cette espèce qu’on doit de préférence établir dans les fosses après les exploitations, pour favoriser la reproduction de la tourbe. Ce Sphagnum parait se propager facilement au moyen de graines, car quand il est quelque part sur un marais, tous les lieux voisins couverts d’eau en sont bientôt envabis. Pour se faire une idée de l’énorme puissance de reproduction que la nature a accordée à ces mousses utiles, il faut examiner au microscope les graines contenues par millions (°) dans une seule capsule et voir avec quelle facilité les filaments et les tiges jetés dans les mares tourbeuses s’y étendent, pour les remplir en peu de temps de leurs jets innom- brables. Deux espèces de Sphagnum vivent toujours hors de l’eau, ou du moins n’y plongent que par la base de leurs tiges, car souvent ils paraissent tirer fort peu d'humidité du sol sur lequel ils sont implantés. Ce sont le Sphagnum cymbilifolium Ehrh. ou latifolium Hedw. et le Sphagnum capillifolium Hedw. Ces mousses, vivant en touffes extrême- ment compactes, paraissent essentiellement destinées à envelopper dans l'humidité qu’elles tirent de Fatmosphère ou de l'intérieur du marais, les végétaux ligneux qui vivent et tombent à la surface et par conséquent à porter la croissance au-dessus du niveau de l’eau. Aussi les voit-on s'établir sur les tapis des végétaux qui paraissent au-dessus de l’eau. Cette transition est extrèmement curieuse a observer. Ce n’est point une métamor- phose d’une mème espèce; c’est un semis qui lève sur un sol préparé à le recevoir. Cà et là quelques touffes apparaissent d’abord sur les parties les moins humides, puis bientôt toute l’étendue disposée en est couverte, car les fructifications de ces ceux espèces sont si nombreuses que l'air doit être chargé de leurs graines et qu’ainsi elles se fixent natu- rellement partout où elles rencontrent un sol favorable à leur germination. Ces deux Sphagnum ont des formes très-tranchées et inalitérables. Soumis à une complète im- mersion , ils végétent quelque temps encore, maïs si les tiges ne parviennent pas à élever leur couronne au-dessus du liquide qui les étouffe, elles dépérissent et disparaissent. Le Sphagnum tenellum Pers. et le Sphagnum compactum Brid. peuvent vivre dans () En calculant par le secours du microscope le nombre des graines contenues dans une seule capsule, j'en ai trouvé environ 2,691,000. — 100 — l’eau et hors de l’eau, et pour chacun de ces habitats , ils ont des formes un peu diffé- rentes. On les trouve cependant l’un et l’autre de préférence émergés. Le Sphagnum tenellum se suspend parfois au bord des fossés pleins d’eau et quand ses touffes plongent dans le liquide, il s’y étend en rameaux très allongés. Les feuilles sont alors plus éloi- gnées les unes des autres, sans varier beaucoup dans leurs formes. J’ai recueilli dans les marais des Ponts de magnifiques exemplaires de cette variété curieuse dont les tiges avaient deux à trois pieds de longueur. Le Sphagnum compactum se montre ordinaire- ment en touffes arrondies au-dessus des petits bassins peu profonds qui sont à la surface de nos marais. Quand l’eau monte et que les tiges sont submergées, ces touffes s’é- lèvent et leurs rameaux et leurs feuilles s’alongent un peu; mais ce travail ne peut s'étendre bien loin, puisque le Sphagnum compactum n’est jamais flottant. Quant au Sphagnum subsecundum de Nees, il est certain qu’il ne constitue qu’une même espèce avec le Sphagnum contortum de Schultz ; encore ne puis-je les admettre tous deux que comme des variétés du Sphagnum tenellum, modifiées par l'immersion. Ils habitent des flaques d’eau peu profondes à la surface des marais où, sous une influence qui me parait morbide, ils prennent ordinairement une couleur noire ou brun sale. Le Sphagnum squarrosum Pers. assez commun dans les tourbières de la Forêt-noire, n’habite pas celles du Jura. Après les sphaignes, les mousses qui contribuent le plus à la formation de la tourbe el à son accroissement sont sans-contredit les innombrables formes du Hypnum fluitans , auxquelles je rapporte une foule de variétés du Hypnum aduncum L. et du Hypnum revolvens Swartz. On trouve même tant de nuances entre ces espèces et le Hypnum lycopodioides Dill., que parmi plusieurs centaines d'exemplaires de toutes ces mousses recueillis pour l'étude, il m’est impossible d’indiquer une ligne où la transition soit ap- préciable. C’est un vrai dédale que l'observation de ces espèces aquatiques, auxquelles chaque botaniste impose un nom; aussi je les range toutes sous le nom de Hypnum fluitans , en attendant la décision du plus célèbre des bryologues, de W. P. Schimper , qui seul pourra fixer les incertitudes. Ces mousses vivent dans les fosses très-humides ou s'étendent dans les eaux profondes, en attachant leurs racines sur les bords. Leurs innom- brables rameaux s’élèvent vers la surface pour mürir à l’air leurs capsules portées sur des pédicelles très-longs, et après la dissémination des graines, ils s’enfoncent et forment des feutres épais qui se tassent chaque année par la pression. Ces espèces de mousses se décomposent difficilement et on les trouve reconnaissables même dans des dépôts très-anciens. Aussi la tourbe qu’elles forment reste-t-elle toujours fibreuse et de mé- diocre qualité. — Le Hypnum trifarium W.et M. et le Hypnum scorpioides L. habitent — A01 — souvent de compagnie les marais très- humides où l’eau est peu profonde. Ils forment, le premier surtout, des couches assez puissantes, où se conservent dans leur intégrité et d’une manière très-marquable les formes primitives du végétal. Jai plusieurs fois observé ces lits du Æypnum trifarium, à huit pieds de profondeur, dans lesquels cette mousse était aussi facile à déterminer que si les couches eussent été tant seulement comprimées et desséchées comme dans un herbier. Et cependant la tourbe superposée était compacte, noire, très-décomposée, et les restes des végétaux paraissaient détruits. Le Hypnum scorpioides L. ne vit pas seulement sur les marais tourbeux ; il rampe sur les marnes humides au bord du lac de la Brévine et au Val-de-Travers. Le Hypnum shramineum Dicks. très-distinct du Hyprum trifarium, quoi qu’en disent plusieurs botanistes, les Aulacomion palustre Schw., Meesia longiseta Hedw., Meesia tristicha Br. et Schp. habitent aussi les parties très-humides de nos plus hauts marais jurassiques et contribuent toutes à la formation de la tourbe. La seconde de ces espèces est cependant la plus répandue. Elle se mélange souvent, dans les parties plus sèches des marais, aux Polytrichum commune L., Polytrichum formosum Hedw. surtout au Polytrichum gracile Mentz. ou Polytrichum aurantiacum Hoppe , pour former des tapis feutrés et ligneux d’une grande étendue et d’une épaisseur souvent de plus d’un pied, dont le détritus produit une terre légère ou la tourbe, suivant que les sphaignes s’en emparent et le recouvrent ou qu’il reste exposé au contact de l’air. Le Polytrichum piliferum Schreb. habite la surface desséchée des tourbières. Après ces mousses, le Dicranum Schraderi W. et M. qui aime Pombrage des pins ; le Dicranum cerviculatum W. et M. qui s'attache à la tourbe mise à nu sur les coupes perpendiculaires des exploitations; le Campylopus flexuosus Brid. qui vit aussi sur la tourbe pure, mais dans les surfaces horizontales ; le Splachnum ampullaceum L. qui étale sa magnifique végétation sur les fumiers des vaches, sont encore au nombre des espèces tout-à-fait tourbeuses. La Paludella squarrosa L. est fort rare dans le Jura; je ne l’ai rencontrée qu’une seule fois et sans fructifications à la Vraconne près de St-Croix. Les mousses essentiellement tourbeuses, mais qui se rencontrent cependant dans les lieux humides quand même la tourbe ne s’y forme pas, sont: les Hypnum cordifolium Hedw., Hypnum stellatum Schreb., Hypnum nitens Schreb., Meesia uliginosa Hedw. , Bartramia fontana Swartz, Bryum nutans Hedw., Dicranum glaucum Svwartz. Les Climacium dendroides W. et M., Hyprum cuspidatum L., Bryum pseudotriquetrum Hedw., Mnium punctatum L, Mnium affine L, Catharinea undulata W. et M. , habitent les prairies herbeuses et humides qui bordent les marais. C’est là aussi que j’ai rencontré très-rarement le Bartramia marchica Brid. Lorsque la surface des tourbières se dessèche, on y voit naître quelques espèces de mousses qui appartiennent au sol des forêts ou qui, — 102 — cosmopolites, vivent un peu partout : les Hypnum splendens L., Hypnum Schreberi Wild., Hypnum crista ‘'castrensis L., Bryum argenteum L., Ceratodon purpureum Brid. , Di- cranum undulatum Turn., Dicranum scoparium Hedw., Funaria hygrometrica Hedw. Ces mousses se mélangent aux lichens, aux Cladonia rungiferina De., Cladonia subulata De., Lecidea iemadophylla Ach., Lecidea uliginosa Achar., Cenomice coccifera Ach. , et Cenomice bacillaris. Ach. Et alors le marais cesse de croître, car les lichens sont les vrais parasites de la mort et ils ne recouvrent guère que les surfaces menacées d’une prochaine décomposition. Aussi, quand ils paraissent en abondance sur les tourbières, c’est le moment favorable pour en faire exploitation et éviter ainsi une de ces époques de tran- sition qui s’accomplissent très-lentement et où le travail de la nature emploie un temps fort long, dont la reproduction peut tirer un meilleur parti. Trois hépatiques habitent les marais du Jura: le Jungermannia sphagni. Dicks, le Jungermannia bidentata L., qui sont mélangées aux sphaignes ; le Marchantia polymorpha L., qui sé cache dans les fossés profonds creusés pour l'écoulement des eaux. On y rencontre aussi plusieurs champignons intéressans, entr’autres le Geoglossum hirsutum Pers., mais la matière charnue de ces végétaux parait tout-à-fait étrangère à la forma- tion de la tourbe; ils ne se trouvent d’ailleurs sur ce sol que par accident et par conséquent ne méritent pas une étude particulière. Je voudrais pouvoir indiquer avec quelque certitude le rôle que jouent les conferves dans la formation de la tourbe. Si plusieurs auteurs, Crôme et Van Marum surtout leur attribuent une grande influence, j'ai dit déjà qu’il ne m'a jamais été possible d’observer dans les nombreux marais que j'ai visités, la moindre tiace bien évidente d’un dépôt confervoides. Cependant, pour arriver à une conviction sur ce point, je n’ai pas négligé les recherches, sachant que les conferves qui couvrent et remplissent souvent de leurs filaments déliés les eaux tranquilles, ont une si grande ténuité, qu'une fois décomposées, on n’en voit plus aucune trace, si ce n’est peut-être un résidu limoneux et gras qui ressemble plutôt à la marne qu’à la tourbe. Quoiqu'ilen soit, voici les espèces nommées par Crôme comme composant la tourbe, espèces qui vivent partout dans les eaux tran- quilles, sans être particulières au sol tourbeux: Conferva fugacissima, Conferva bullosa, Conferva setiformis, Conferva cristata, Ulva lubrica, Rivularia endiviæfolia, Nostoc flos-aquæ Bory, auxquelles on peut ajouter les suivantes, que j’ai observées dans les marais du Jura: Conferva nebulosa Gral, Conferva genuflexa Roth, Conferva jugalis DC., Conferva mutabilis Roth, Conferva reticulata L., Batrachospermum plumosum Vauch, Ulva intestinalis L., Oscillatoria viridis Bory. Ce Batrachospermum cœrulescens Gen. , a été observé par M. Mougeot dans les tourbières des Vosges. Les espèces de la famille des prèles et de celle des fougères ne sont pas nombreuses sur nos marais tourbeux. Quelques-unes entrent cependant en assez grande abondance — 105 — dans la composition de la tourbe. Ainsi les fosses exploitées où la reproduction se fait avec le plus d’activité sont souvent habitées par l’Equisetum palustre L., et l'Equisetum limosum L., qui percent au travers des mousses. Sur la surface humide des tourbières rampe le Zycopodium inundatum L., et dans les parties plus sèches, on voit encore as- sez souvent les Botrychium lunaria L., Blechnum spicant DC., Aspidium dilatatum SWw., Lycopodium selaginoides L., et Lycopodium clavatum L. Avant tous les végétaux phanérogames qui aïdent à la composition de la tourbe dans les hauts marais, nous nommerons les arbres et les arbusies dont le ligneux se consume or- dinairement au milieu des dépôts tourbeux, dans un parfait état de conservation. Toutes ces espèces méritent une altention particulière, non-seulement par la quantité de maté- riaux qu'elles entassent dans la tourbe, mais surtout par les élémens antiseptiques, résines, bitume, huiles, ete., qui ont une si précieuse influence sur la qualité du com- bustible auquel ils sont mélangés. Ce sont d’abord les pins, en particulier le Pinus -pumilio de Hænck, qu’on confond d'ordinaire avec le Pinus sylvestris L., et qui me paraît constituer une espèce distincte, auiant par la forme des cônes plus arrondis que par sa stature beaucoup plus humble, et surtout par soa habitat. Ce pin ne s'élève guère à plus de 20 pieds, sa hauteur moyenne est de 6 à 8 pieds. Il croit ordinairement en forêts assez épaisses, presque partout sur nos marais tourbeux et est d'autant moins haut que le sol est plus humide. Les sphaignes se plaisent à ombre de ces arbres, dont la présence parait ainsi considérablement activer la croissance de la tourbe. Leurs débris se mêlent à la matière, parfois en si grande quantité que lextraction de la tourbe, dans toute l'étendue de la couche, en devient fort difficile. On ne comprend donc pas comment Wiegmann a pu dire, page 16 de son ouvrage: «Qu’à la vérité, on rencontre souvent dans les vieilles tourbières des hauts marais, des trones de pins qui par la force antiseptique de l’ulmine sont parfaitement conservés, mais qu'ils gisent toujours au fond des marais et qu'ils sont sûrement entrés dans la composition de la tourbe par quelque révolution locale, lors de la formation du dépôt dans lequel ils ont été conservés. » Ce paragraphe contient autant d'erreurs que d'idées, et il est une preuve évidente du peu de soin que l'auteur a donné à l’étude des marais tourbeux, tout en reportant son attention sur la composition chimique de la matière. Après le pin vient le bouleau des tourbières auquel chaque botaniste donne un nom et qui ne me semble pas distinet du bouleau blanc Betula alba L. C'est le Betula torfacea de Schl., le Betula pubescens 6 glabrata ou g alba des Anglais, le Betula odorata de Bechstein, etc.; car ses formes sont très-variables suivant l’âge. Le nom n’y fait rien. Il paraît même avant le pin et croît dans l’eau même des fosses en reproduction , dès qu’un tissu solide de mousses s’est établi à la surface ; mais il ne forme pas ordinairement de grands massifs ni des forêts et n’atteint pas une grande élévation. Ordinairement, — 104 — après dix ou vingt ans, il dépérit et tombe; la grosseur du tronc ne dépasse guère alors un demi-pied de diamètre. Sur les bords des marais, dans les lieux plus secs, il atteint des dimensions bien plus considérables. J'en ai vu dans la vallée de la Brévine dont le tronc avait trois pieds de circonférence. Dans le nord de l’Europe, ces arbres réunis en forêts très-épaisses ont formé, dans quelques marais, la masse presqu’entière du com- bustible. On voit dans le Danemarck des tourbières qui ne semblent composées que d’é- corces de bouleau agglomérées et comme roulées les unes sur les autres. Dau, qui a décrit ces dépôts, pense que ces écorces ont été charriées par les eaux, depuis les hauteurs environnantes. Il est bien plus simple. d'admettre que ces arbres ont crù sur place depuis des temps très-reculés et que la décomposition ayant eu plus d’action sur les fibres intérieures du bois que sur l’écorce qui contient beaucoup de tannin et de résine, il en est résulté cette pâte rougeâtre qui, dans ces tourbières, est interposée entre les feuillets des écorces. Les observations de Dau établissent ce fait d’une manière si claire, qu’on ne comprend pas comment il n’a pas donné l'explication de cette formation ; car cet auteur a vu sur la surface de ces dépôts de grands bouleaux enfoncés à moitié dans la tourbe. « Les écorces en étaient intactes autour du tronc, l’intérieur était creux et rempli d’une terre de bois rougeûtre. » Sous l’ombrage du bouleau blanc, rampe son frère de Sibérie, le Betula nana L., qui, avec le V’accinium uliginosum L., Vaccinium oxycoccos L., Erica vulgaris L., Andro- meda polifolia L., Salix repens L., Salix ambigua Ehrh., Salix aurita L., Lonicera cœrulea L., clot la liste des éspèces ligneuses des tourbières. Le Vaccinium myrtillus L., et le Vaccinium vitis-idœa L., s’y rencontrent aussi, bien qu’ils n’appartiennent pas exclusivement au sol tourbeux. Après les arbres et les arbustes viennent comme principal composant, les cyperacées et les joncées. L’Eriophorum vaginatum L. est sans contredit le plus abondant. Sa fibre ligneuse se conserve très-longtemps sans se décomposer. Aussi, partout où il se trouve sans mélange et en grande abondance, la tourbe est légère, peu compacte et de médiocre qualité. L’Eriophorum alpinum L. est très-commun sur les marais du Jura, aussi bien que l’Eriophorum angustifolium Roth. Ce dernier n’appartient pas exclusivement au sol tourbeux. Le genre si nombreux des carex occupe ensuite la plus grande place dans la formation de la tourbe. Nos espèces sont, en suivant toujours l’ordre de quantité: Carex ampullacea Good., Carex panicea L., Carex stellulata Good., Carex leporina L., Carex limosa L., Carex davalliana Sm., Carex pauciflora Ligt., Carex pulicaris L., Carex chordorrhiza Ehrh., Carex heleonastes Ehrh., Carex filiformis L., Carex teretiuscula Good., Carex dioica L. Ces deux derniers sont très-rares. A ces espèces on peut ajouter les Carex cæspitosa L., et Carex glauca L., qui, très-abondans, forment surtout les gazons — 105 — qui bordent les tourbières et le foin qu’on en récolte. Le Scirpus cæspitosus L., est très- abondant sur les marais un peu secs; là où il y a plus d'humidité, paraissent les Juncus obtusiflorus Ehrh., Juncus lampocarpus Ehrh., Juncus conglomeratus L., qui entrent abondamment dans la composition de la tourbe ; le Juncus bufonius L., vit dans les pâturages des bords des marais. Après les Luzula multiflora Lej. et Schænus albus L., qui sont plus rares, le Blysmus compressus Panx., qui habitent les tourbières gazonnées, paraissent quelques graminées : les Phalaris arundinacea L., Molinia cærulea Mœnch., Agrostis canina L., Festuca ovinaL., Festuca nigrescens Lam., Pragmites communis Trin., et très-rarement la Danthonia decumbens DC. Les plantes dicotylédones ne paraissent pas appropriées à la formation de la tourbe des hauts marais, à part cependant les arbres et les arbustes que nous avons nommés. On ne pourrait guère citer comme espèce ayant quelque influence sur cette production que les utriculaires : Utricularia vulgaris L., Utricularia minor L., Utricularia intermedia Hayne ; car ces plantes habitent quelquefois en quantité les fosses où l'eau est profonde. On peut cependant y ajouter, comme phanérogames dicotylédones qui ne croissent que sur la tourbe, les Drosera rotundifolia L., Drosera obovata M. et K., Drosera longifolia L., Comarum palustre L., Viola palustris L., et plus rarement les Scheuchzeria palustris L., Saxifraga hireulus L., Swertia perennis L., Galium uliginosum L., et Primula farinosa L. Je w’ai trouvé l'Arenaria uliginosa qu’à la Vraconne près de Sainte-Croix. C'est à, pour les phanérogames en général, une flore bien peu étendue. Cependant on pourrait à peine y ajouter quelques variétés d’espèces qui aiment l'humidité, mais qui n’appartiennent pas exclusivement au sol tourbeux. On trouverait ainsi dans les fossés pleins d’eau les Glyceria fluitans R. Br., Sparganium natans L., Sparganium ramosum Huds., Potamogeton rufescens Schrad., Potamogeton obtusifolius M. et K. habitant surtout le lac d'Étaillères, enfin les Lemna, toutes plantes qui appartiennent aux monocotylé- dones. Les Stellaria uliginosa M., Stellaria glauea L., Ranunculus aquatilis L., Veronica anagallis L., Veronica Beccabunga L., flottent dans les fossés herbeux qui bordent les marais. Quand le sol devient plus solide, on y trouve encore les Carex vulpina L., Carex flava L., Orchis latifoliaL. var 8 angustifolia. Epilobium palustre L., Polygonum persicaria L., Bidens &ernua L., Veronica seutellata L., et dans les parties où le marais est plus sec, le Tormentillu erecta L., Pedicularis palustris L., Gentiana pneumonanthe L. (rare), Galium boreale L., Galium palustre L., Spergula saginoïdes L., Spergula nodosa L., Epilobiun angustifolium L., et Spirea ulmaria L. Enfin, lorsque la culture et le pacage ont changé la nature du sol tourbeux pour le convertir en prairies, on y voit naître spontanément la plupart des plantes des champs humides et marécageux, tels que les Anthoxanthum odoratum L., Agrostis vulgaris L., 1% — 106 — Luzula campestris DC., Luzula pilosa Willd., Rumex acetosella L., qui est extrêmement abondante sur la tourbe cultivée, Polygonum bistorta L., F'aleriana dioïca L., Gnaphalium uliginosum L., Cineraria spathulæfolia Gmel. , Cirsium palustre Scop., Cirstum rirulare Jacq., Cirsium oleraceum Scop., Taraxacum palustre De., Pinquicula vulgaris L., Ga- leopsis tetrahit L., Myosotis cæspitosa Schultz, Caltha palustris L., Trollius Europœus L.., Cardamine pratensis L., Parnasia palustris L., Alchemilla vulgaris L., et Sanguisorba officinalis L. Les dépôts tourbeux immergés ont été formés par une série de végétaux bien moins nombreux encore que celle des hauts marais, etl on comprend en effet que les circonstances dans lesquelles la matière s’est élevée, n’aient permis qu’à la classe peu nombreuse des plantes qui ont leurs racines sous l’eau et leurs tiges émergées, de concourir à cette production. On n’apercoït dans la tourbe des lacs aucune trace de filaments appartenant à la famille des mousses, si ce n’est peut-être le Hypnum scorpioides qui se montre encore ca et là à la surface des marais lacustres. Les Chara peuvent avoir eu une grande in- fluence sur cette formation; mais je le répète, il ne m’a pas été possible de l’apprécier. Car si d’un côté j'ai trouvé au fond du canal du Landeron des touffes de Chara noir- cies et comme charbonnées, par conséquent rapprochées de la nature.de la tourbe, de l'autre, j’ai vu ces mêmes plantes dans le lac d’Etaillères soumises à une décomposition toute particulière, dont le dernier terme peut être une matière sableuse. C’est encore aux végétaux monocotylédones qu’appartiennent la plupart des espèces reconnaissables dans la tourbe des lacs, ainsi que les plantes qui vivent-mainfenant dans les circonstances où l’on peut supposer que se produit la tourbe sous-aquatique. Sur les bords de nos lacs jurassiques, c’est sans contredit le Scirpus lacustris L. qui est le composant principal de la tourbe dans laquelle on le trouve aplati, en couches sou- ven tépaisses. S Après lui viennent en proportions variables, suivant les localités, les Equisetum limosum L., Phragmites communis Trin., Arundo epigeios Li, Carex paludosa Good., Carex riparia Curt., Carex vesicaria L., Carex panicee L., Carex paniculata L., Carex vulpina L., Scirpus palustris L., Scirpus uniglumis L., Scirpus bœothryon Ehrh., Scirpus Rothii Hop.. Juneus obtusiflorus Ehrh., Acorus calamus L., Lris pseudôacorus L., Typha lati- folia L., Sparganium simplex Huds., Sparganium ramosum Huds., Potamogeton natans L.. Potamogeton lucens L., Alisma plantago L., Sagittaria sagittæfolia L., les Lemna, les Callitriche. Si Von ajoute à ces espèces pour les dicotylédones les Nymphæa alba L.. Nuphar lutea Sm., Rumex hydrolapathum Huds. , Polygonum amphibium L., Poly- gonum hydropiper L., Littorella lacustris L., Hydrocharis morsus-rane C., Hottonia palustris L., Thysselinum palustre Hoffm., OEnanthe fistulosa L., Phellandrium aquaticum — 107 — L., Sum latifolium L., Sium angustifolium L., Hydrocotyle vulgaris L., Rammeulus aquatilis L., Ramemeulus lingua L., Ranuneulus flammula L., Cochlearia armoriaca Li... Nasturtium amphibium R. Br., Hippuris vulgaris L., et enfin les Myriophyllun, on aura à-peu-près la liste complète des plantes qui peuvent avoir concouru à la formation de la tourbé lacustre et cela en quantité proportionnelle au ligneux qu’elles contiennent. Ce sont du moins toutes celles qu’on rencontre en plus ou moins grande abondance dans les fosses ereusées dans les tourbières immergées. | Les végétaux qui croissent maintenant à la surface de ces marais recouverts de sable, de marne ou d’humus ne peuvent avoir eu, on le comprend, aucune action sur la pro- duction de la tourbe. Nous les nommerons cependant, autant pour établir une série d'après laquelle on puisse comparer les flores étrangères que pour ne rien omettre dans la bo- tanique des marais tourbeux. Ainsi sur les grands marais du Seeland, où paissent les troupeaux, et sur les parties dont la culture n’a pas changé la végétation on trouve: les Agrostis vulgaris Wilh., Phragmites communis Tr., Molinia cærulea Mœn., Festuca rubra Leers., Festuca arundinacea Schr., Carex cæspitosa L., Carex vulpina L., Carex acuta L., Carex vesicaria L., Carex intermedia Good., Carex Oederi Ehrh., Carex flava L., Carex glauca Scop., Carex hirta L., Schœnus nigricans L., Schœnus ferrugineus L.. Eriophor, angustifolium Roth., Juneus obtusiflorus Ehrh., June. lampocarpus Gaud., Lu- zula campestris D. C., Orchis palustris L., Orchis latifolia L., Triglochin palustre L., Alisma plantago L., Salix caprea L., Rhamnus frangula L., Inula salicina L., Senecio paludosus L.,Cirsium palustre Scop., Cirsium rivulare Jaeq., Cirsium oleraceum Scop. , Scrophularia aquatica L., Gratiola officinalis L., Lycopus arvensis L., Scutellaria ga- lericulata Li, Teucrium scordium L., Myosotis strigulosa Reïich., Symphytum officinale L., Galium palustre L., Selinum carvifolia L., Silaus pratensis Ben., Thalictrum flavum L., Nasturtium sylvestre R. B., Viola lactea Sm., Hypericum quadrangulum L., Eu- phorbia palustris L., Spiræa ulmaria L., Ononis arvensis L., et Lathyrus palustris L. En jetant un coup-d’æil général sur cette flore des tourbières, on est en effet frappé de l’extrème disproportion avec laquelle les familles végétales y sont représentées. Dans la seule famille des mousses , trente-cinq espèces concourent à la génération de la tourbe. Si l'on y joint les hépatiques, les conferves, les fougeres et les prèles, on aura plus de cinquante espèces de eryptogames composant les dépôts tourbeux émergés. A mesure qu'on remonte l'échelle végétale , on voit que parmi les phanérogames, trente-six espèces de végétaux monocotylédones et seulement une vingtaine de dicotylédones entrent dans la composition de la tourbe. Et si l’on retranchait de ces derniers les arbres et les arbustes, il ne resterait guère pour les dicotylédones qu’une dizaine d'espèces. Encore serait-il impossible de prouver qu'elles aident essentiellement à la formation de la matière , puisque — 108 — leurs restes y sont toujours invisibles. On ne voit en effet dans la tourbe aucune trace des Drosera, des Utriculaires, pas même de la Scheuchizeria palustris, qui d’ailleurs est fort rare. La même observation peut s'appliquer aux tourbières immergées. On voit par-là qu'il n’y a aucun fondement dans cette idée soutenue et répétée par plusieurs naturalistes, que les mousses ne peuvent former la tourbe. Le tissu ligneux de ces plantes et leur fréquence, autorisent une conclusion toute contraire. Et ce que nous avons aperçu de l’organisation de quelques-unes de ces mousses, fait présumer que dans la vie des plantes cryptogames se cachent encore de curieux phénomènes qui nous sont inconnus. Cette partie de la botanique, négligée par les physiologistes, mérite d’être étudiée avec soin. Car on trouvera sans doute dans ces petits végétaux quelques nou- veaux éléments, quelques produits secrets dont l’homme saura tirer parti pour ses besoins. Nous n'avons nommé pour les marais lacustres aucun végétal particulier au sol tour- beux et qui ne vive que là où se forme cette matière. C’est qu’il n’existe, en effet, aucune plante phanérogame immergée, dont la décomposition ait toujours pour résultat la formation de la tourbe. Ceci mérite toute notre attention, car on est forcé d’en conclure que dans les circonstances favorables, dans les eaux tranquilles et basses, là où il n’a ni courant ni action d'éléments dissolvants, le ligneux des plantes se conserve toujours sous l’eau pour former la tourbe; que partout au contraire où ces circonstances n’existent pas, le ligneux est disséminé ou décomposé et ne s’entasse pas en couches combustibles. On s’est souvent appliqué à trouver la raison de la présence de ces végétaux ligneux réunis sur les marais tourbeux. Il est curieux, en effet, lorsqu'on examine la liste des plantes que nous avons donnée, de rencontrer partout parmi les phanérogames des lieux humides, des jones, des roseaux, des laiches, des rubanniers, toutes plantes à feuilles longues, dures et coupantes, qui renferment une bien plus grande quantité de ligneux que les espèces qui croissent partout ailleurs, et parmi les cryptogames, des mousses formées de ces mêmes fibres ligneuses pour plus de moitié de leur poids. N'est-ce pas là une nouvelle preuve de cette admirable harmonie qui préside à toutes les œuvres de la nature. Partout où l’eau reste immobile et croupissante, il se fait un dé- gagement plus considérable de gaz carbonique. Le ligneux étant composé de carbone et des éléments de l’eau, si, comme Liebich me semble lavoir prouvé d’une manière con- vaincante, les plantes tirent tont leur carbone de l'atmosphère , il faudra nécessairement voir dans la présence des végétaux qui habitent les marais une compensation au dégage- ment des gaz qui s'opère à leur surface, et dans la composition de ces plantes un résultat nécessaire de leur immersion dans une atmosphère plus chargée de gaz carbonique. Sans doute les formes mêmes des végétaux sont en rapport intime avec leur mode de nutrition ; — 109 — mais c'est là une question à laquelle il serait hasardeux de toucher maintenant et sur laquelle les travaux de la botanique et de la chimie n’ont encore jeté aucun jour. Si je ne nomme pas ici les espèces de plantes qui ont formé les tourbes marines, c’est qu’il ne m’a jamais été possible d'examiner moi-même cette formation, et que j'ai pu me convaincre souvent à combien d’erreurs donnent lieu les observations qui sont faites ou sur la surface des marais tourbeux ou dans leur voisinage, et combien il importe de reconnaître avec certitude les restes des plantes encore visibles dans la tourbe, pour bien étudier le composant ('). Aussi la plupart des auteurs qui ont admis comme plantes tourbeuses, celles qui croissent à la surface des marais, quand ils se sont déjà recouverts d’une couche de terre ou de sable, ont-ils plutôt une catégorie de végétaux qui aiment l'humidité fournie par la tourbe que la liste de ceux qui y entrent comme composants, La comparaison des plantes de nos marais avec celles des diverses contrées de l'Europe, ne serait pas d’une bien grande utilité, d’après ce que nous venons de dire. D'ailleurs la flore des tourbières est à-peu-près partout la même. Vers le nord apparaissent en plus grande abondance quelques mousses rares dans le Jura : la Paludella squarrosa et surtout les Splachnum ; quelques arbustes changent quant à l'espèce. Notre Erica vulgaris L., est remplacée par l'Erica tetralix; on voit surgir avec les Airelles, Y Arbutus uva-ursi L., Empetrum nigrum L., qui, dans notre Jura, ne croissent que dans les lieux très-élevés et sur un sol non tourbeux. Le Sedum palustre et le Myrica gale L. ne crois- sent pas en Suisse. Pour compléter l'histoire naturelle de nos marais tourbeux, il serait bon de nommer en passant les principaux mollusques qui y vivent et dont les débris s’y retrouvent par- fois en très-grande quantité. Il est en effet des tourbes marneuses qui renferment tant de coquilles, qu’on ne peut qu'avec peine les brûler. Les espèces qu’on observe dans les tourbes de nos lacs sont les mêmes que celles qui vivent encore à la surface du sol ou que la vague rejette sur les sables du bord. Les Hélices, les Clausilies, les Lymnées , les Planorbes, les Mulettes, ete. Les tourbières des montagnes du Jura sont habitées par une petite espèce de bivalve, le Pisidium fontinale Pf. qu’on trouve parfois en quantité attachée aux tiges immergées des Mœsia et des Sphaignes. J'en ai même observé dans les vésicules d’une petite espèce d’Utriculaire qui rampe dans le limon des marais de la Vraconne (°). () On cite le Zostera marina comme composant essentiel des tourbes marines dans plusieurs localités. Dans d’autres et particulièrement dans le nord de la Hollande,c'est le lucus digitatus. Les Glaux, les Salicornes croissent en général à la surface de ces marais. …. (2) Cette Utriculaire est certainement une nouvelle espèce, mais comme je n'en ai pas pu voir encore la fleur, je ne puis en donner la description. — A10 — A ces coquilles, on pourrait joindre la nomenclature des insectes qui habitent les fosses tourbeuses. Si les espèces de coléoptères y sont nombreuses, aucune n’appartient exclusivement au sol tourbeux. Ainsi les Colymbetes, Diticus, Gyrinus, vivent dans toutes les eaux tranquilles. La présence de ces animaux, ainsi que celle des mollusques dans la tourbe, est suffisante pour expliquer comment il se fait que la chimie ait reconnu dans cette matière des corps qui ne peuvent provenir que de la décomposition animale, comme l’ammoniac. Mais l’énumération. de toutes les espèces serait à-peu-près inutile pour la connaissance de ces combustibles souterrains, à la formation desquels les plantes seules ont concouru. CHAPITRE HI. GÉOGRAPHIE DES MARAIS TOURBEUX. La géographie des tourbes a été jusqu’à ce jour tout-à-fait négligée. Aucun.auteur, à ma connaissance, ne s’en est occupé d’une manière un peu sérieuse; cependant il y a des observations très-intéressantes à faire : 1° sur la situation des marais tourbeux, suivant les différentes contrées où on les trouve; 2° sur leurs rapports avec la forme des con- tinents, la direction des fleuves et leurs sources; 3° sur leur propre température interne et leur influence sur la température et l'humidité de lair. Ce sont là trois questions essentielles qui méritent d’être examinées séparément. Je n’ai certes, aucune prétention de faire passer mes idées comme neuves. Je désire seulement qu’elles aient assez de valeur pour fixer l'attention et diriger les recherches des naturalistes plus favorisés que je ne le suis, vers un sujet qui est digne d’occuper Ja science. De nombreux voyages, des observations thermométriques répétées partout sur les marais tourbeux, des son- dages et des observations géologiques, pourront seuls et à la longue fixer exactement la géographie des tourbières et résoudre les problêmes qu’elle présente encore. TT de SECTION PREMIÈRE. Situation des marais tourbeux et leur influence sur les formes continentales. Un fait que nous avons déjà entrevu, et qui parait être général, c’est le rapport qui existe entre l'étendue et la profondeur des dépôts tourbeux et la température et l'humidité atmosphérique des contrées où ils se trouvent. En Europe, la région des tourbières s'étend depuis le revers septentrional des Alpes et des Pyrénées, jusqu'aux latitudes du nord où cesse la végétation des plantes ligneuses. C’est donc vers le 45° ou 46° degré de latitude qu’on commence à voir paraitre les dépôts tourbeux ; plus bas, vers le sud, on n’en rencontre jamais; car les exceptions que l’on peut citer dans les contrées plus méridionales sont quelques marais situés sur des montagnes dont la température est égale à celle des pays plus septentrionaux. C’est ainsi que dans le midi de la France on ne voit plus de tourbe que sur les montagnes. On trouve des dépôts tourbeux dans les hautes vallées des Pyrénées. Celles des Alpes en sont remplies jusqu’à une hauteur de 8000 pieds. Dans l'hémisphère méridional, la région des tourbes occupe absolument les mêmes limites que dans l'hémisphére boréal. Darwin rapporte qu’on ne trouve pas de tourbe dans l'ile de Chilæ, par 41° à 42° de latitude méridionale, quoiqu'il y ait beaucoup de marécages; du moins n’y rencontre-t-on pas de substance bien caractérisée de cette nature, tandis qu’elle commence à être très-abondante dans les iles des Chonos, trois degrés plus bas, vers le sud. C’est dans les Iles Malouines par 52° de latitude sud que les dépôts tourbeux se montrent avec le plus d’étendue et de puissance. A cet égard, il y a un rapprochement curieux à faire avec ce qu'on observe en Irlande, où sous une même latitude, au nord, et à température moyenne égale, on rencontre aussi la plus grande quantité de marais tourbeux. L’Irlande, comme les iles Malouines n’est en réalité qu'une vaste tourbière. En dehors des zônes froides et tempérées, il n’y a nulle part de véritable tourbe. Wiegmann dit qu'on en a observé près de Diamette; mais elle n’a jamais été décrite. Ce sont sans doute des combustibles minéraux composés d’une substance analogue aux bitumes fossiles qu’on trouve si abondamment en Syrie, ou peut-être des lignites. Les tourbes du Brésil ne sont autre chose que d'énormes amas d’excréments d'oiseaux ou d’autres animaux (‘). Ainsi les Guanagues, espèce de gazelles qui vivent en grandes (1) C'est par inadvertance sans doute que Wiegmann place les iles Malouines sous la zone torride. — 112 — troupes dans les plaines de l'Amérique du sud, ont la singulière habitude de déposer leurs excréments dans le même endroit. Il en résulte d'énormes tas de crotins que les Indiens brülent et qu’on a parfois confondus avec la tourbe (‘). On trouve de sem- blables dépôts, de 50 à 60 pieds d'épaisseur et d’une étendue considérable, aux iles de Chinche, près de Pisco sur les côtes du Pérou, et dans plusieurs autres parties de lAmé- rique du sud, telles que Ilo, Izo, Arica, ete. M. de Humboldt, dans son célèbre voyage aux régions équinoxiales, a observé des ilots habités par une innombrable multitude d'oiseaux, surtout des Hérons et des Flammands, dont les excréments entassés et mé- langés peut-être à quelques débris de végétaux, donnent une matière combustible qu’on peut extraire à une grande profondeur (°). -La température moyenne la plus favorable à la formation de la tourbe est de + 6° à 8° centigrades. C’est la température de l'Irlande et des iles Malouines; c’est encore la température de nos hautes vallées jurassiques, où les dépôts sont si nombreux et parfois si profonds. À mesure qu’on arrive dans des contrées plus froides, où l’activité de la végétation diminue, les marais tourbeux gagnent en étendue mais deviennent de moins en moins profonds; et cela se concoit lorsqu'on sait combien la chaleur active la décomposition des végétaux, et combien au contraire le froid la ralentit. Il n’y a dès lors rien d'étonnant que la tourbe ait pu se produire dans les contrées méridionales. Ce coup-d’œil jeté sur l’ensemble de la géographie des marais tourbeux, prouve évidemment que la température de notre globe n’a pas subi de changement ou du moins ne s’est pas réchauffée depuis l'époque des derniers dépôts diluviens. Quelques natura- listes, se fondant sur la présence dans les pays du midi de certaines espèces de coquilles fossiles qu’on ne trouve plus vivantes que vers le nord, ont soutenu le contraire. Je ne veux point combattre ici, on le comprend, les théories d’un savant compatriote sur le transport des blocs erratiques, transport qui a pu se faire dans des temps antérieurs à la formation de la tourbe; mais il est certain que si la température de l’Ecosse, par exemple, avait dû descendre jadis, comme on le prétend, jusqu'aux iles de Madère, on trouverait quelque part, dans le midi de l'Europe, des dépôts tourbeux contemporains de cette époque où la température était moins élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les marais tourbeux s'étendent sur les rives basses des mers et des lacs, au bord des fleuves et des rivières, au fond des vallées, et quelquefois sur les pentes et les sommets () D'Orbigny. (2) Ceci serait une preuve de plus que l'absence d'air préserve le ligneux , et lui conserve sa propriété combustible, — 115 — des montagnes. En France, ils ont formé les rivages de la mer, à l'embouchure de plusieurs rivières, surtout dans les landes de Bordeaux entre la Seudre, la Charente et les deux Sèvres; vers l'embouchure de la Loire, où se trouve le grand marais de Mon- toire qui a plus de cinquante lieues de tour ; à l'embouchure de la Seine, et partout où les attérissements des fleuves laissaient sous une eau peu profonde des terres dont la végétation s’est emparée ; partout où ces dépôts formaient dans l’intérieur des bassins où les mouvements des eaux de la mer ne se faisaient pas sentir. Plusieurs parties des rivages de l’Angleterre, de l’Ecosse et de l'Irlande se sont ainsi élevées par la for- mation de la tourbe sur toutes les côtes basses. Mais c’est surtout dans les Pays-Bas, sur les rivages de la mer du Nord que la croissance de la tourbe a enlevé aux eaux de la mer la plus grande étendue de sol. Toute la Hollande est assise sur la tourbe, et les sondages qui ont été faits dans ce pays pour trouver de l’eau douce, ont prouvé que la matière tourbeuse s’est toujours formée quand les attérissements ont atteint une hau- teur assez grande pour que la végétation ne fût plus immergée trop profondément. A Amsterdam, un sondage fait en 1605 a traversé les couches suivantes (°): 51 pieds de sol tourbeux et sablonneux. 22 » sable des dunes et argile bleuâtre. 414» sable pur. Des puits ereusés dans les environs de Rotterdam indiquent les couches suivantes : le 1° 20 pieds de tourbe mélés d'argile. 15 » d’argile légère et blanchâtre. 2 » d'argile tenace. le2"°20 » de tourbe mélée d'argile. 14 » d’argile légère et blanchâtre. 18 » de tourbe mêlée d'argile. 14 » d'argile compacte. k » d'argile blanchûtre. le5°"° 12 » de limon. 6 » de terre rougeûtre. 4 » de tourbe mêlée d'argile. 1 » de terre brune. 2 » au travers d’un tronc de sapin. 14 » d'argile bleue. C'est là le sol qui s'étend presque sans interruption depuis le Zuiderzée jusqu'à @) De Luc, pag. 307. — 114 — l'embouchure de lElbe, sur une largeur qui a souvent plus de vingt-cinq lieues. L’Oweryssel, la Drenthe, la Frise orientale et la Frise occidentale, Groningue, Osnabruck, Oldenbourg et Brème ; tous ces gouvernements populeux et riches, toutes ces campagnes que l’homme a fertilisées et qu’il a couvertes de villes commerçantes et de nombreuses habitations, ont élé peu à peu conquises sur le domaine des mers par la lente et insen- sible croissance de la tourbe. La presqu'ile du Jutland, placée entre la mer du Nord et la mer Baltique, offre partout sur ses rivages de grandes étendues de sol tourbeux. Des golfes qui pénétraient dans l'intérieur des terres ont élé séparés peu à peu du bassin de la mer par des amas de sable, et se sont comblés totalement ou en partie par l’accumulation des dépôts tourbeux. Les lacs de Snodstrup et de Store, au nord-est de Ræskilde (Holstein) sont déjà comblés sur une immense étendue ; le centre seul reste encore à découvert ; mais l’espace où la surface de l’eau est encore visible se rétrécit chaque année (*). Les bords du Grubersee, dans le même pays, sont couverts de prairies établies sur la tourbe, et au milieu on voit s'élever une grande quantité de petites iles couvertes de roseaux qui vont achever de combler ce golfe où des vaisseaux naviguaient encore il y a 400 ans (°). Les iles et les rivages de la mer Baltique sont aussi couverts d’immenses dépôts de tourbe. L'ile de Seeland (Danemark) en a environ 20,000 arpents; la surface de File de Bornholm en est presque entièrement formée. On peut donc dire avec raison que les contrées du nord-ouest de l'Europe doivent une bonne partie de leur territoire à la formation de la tourbe. Partout où les fleuves s’étendaient jadis très au large, où leur cours irrégulier inondait de vastes plaines, le même phénomène a eu lieu. La croissance de la tourbe a élevé sur les eaux de très-grandes étendues d’un sol maintenant fertile, que le laboureur sillonne de sa charrue et où paissent ses nombreux troupeaux. La géographie de l'Europe avait, avant que la tourbe se fût formée, une grande ressemblance avec celle de ces pays nouveaux découverts dans l’hémisphère austral. On y voyait, comme dans la Nouvelle Hollande, de larges nappes d’eau dont le cours incertain allait se perdre au milieu des forêts de jones et de roseaux. Telles étaient en France la Somme, près d'Amiens; la rivière d’Essonne, entre Corbeil et Villeroi ; l'Oise, l'Aisne, l’Aronde, la Bresle, la Minette, dans la vallée d’Aumale, l’Authie, l’'Ourck. pendant un espace de plus de douze lieues ; la Vesle, depuis Fismes jusqu’à Rheims, la Sarthe, la Seine, entre Rouen et Laudebeck ; {) Dau. à ) Dau. EAUX — 115 — car ces rivières traversent maintenant de grandes plaines tourbeuses qu’elles couvraient jadis. La tourbe s’est élevée ; elle a resserré leurs lits dans de justes limites ; elle a régu- larisé leur cours vagabond ; elle a enfin construit, sur les bords, des digues puissantes qu'aucun effort ne peut renverser. En Suisse, les vastes plaines du Seeland ont été formées de celte manière. En Allemagne, le Verse, l’Elbe, le Danube, la Vistule traversent aussi de vastes dépôts tourbeux. Et partout où les rivières serpentent dans des plaines basses et peu élevées au dessus du niveau des eaux, on est presque sûr que ces plaines reposent sur la tourbe. Il existe ainsi sans doute une grande quantité de dépôts tour- beux qui nous sont encore inconnus, et dont il sera difficile de tirer parti, puisque pour les exploiter, il faudrait établir à leur place des digues artificielles et perdre un terrain productif. Ne pourrait-on pas répéter ici, à propos du niveau des eaux en général, ce que nous avons dit au sujet de la température de l’air, savoir que la formation de la tourbe sur les rivages de la mer et sur les bords des fleuves prouve que depuis la dernière inondation générale, depuis que l’eau est rentrée dans ses bassins naturels, il n’y a pas eu dans la masse liquide de variations prolongées et générales, et que son niveau est resté partout à-peu-près le même. Enfin les dépôts tourbeux se rencontrent dans les hautes vallées et quelquefois même sur le sommet des montagnes. Et ici, le but de la nature est encore bien visible dans son admirable sagesse. Au fond de quelques vallées où les eaux venaient se réunir dans des bassins trop peu profonds pour qu’elles pussent être soustraites à la corruption, la tourbe s’est établie. Elle a changé ces mares fétides non plus en prairies fertiles, mais en énormes amas de combustible. Et à mesure que les besoins de l’homme le forçaient à détruire les forêts, elle les a remplacées, ces forêts, par des magasins d’une matière aussi précieuse que le bois, où l'habitant des montagnes puise les moyens de lutter contre les intempéries, les frimats des longs hivers. Les tourbières émergées ont ordinairement une puissance, une épaisseur bien plus grande que celle des dépôts immergés. Le mode de croissance que nous avons expliqué donne la raison de cette différence, puisque l’eau qui sert à l'alimentation des hauts- marais se puisant essentiellement dans l’atmosphère, les circonstances favorables à leur croissance ont une durée bien plus longue. Il y a des tourbières émergées qui ont une profondeur de 30 .à 40 pieds, et il en est qui forment de véritables montagnes au dessus des plaines où elles se sont établies. La température la plus favorable à la formation de cette classe de dépôts, est une température moyenne de 5 à 8 degrés : on les trouve fort rarement par une moyenne qui dépasse +10. Toutes les contrées occidentales de l'Europe jusqu’à la Pologne, renferment des marais tourbeux de cette — 116 — catégorie, quand le climat se rapproche de cette température ; et ces dépôts sont plus ou moins vastes et profonds, suivant l’humidité de l'atmosphère. Ainsi les montagnes et les vallées de l'Irlande, les chaînes de l’Europe centrale, les Cévennes, les Vosges, le Jura, la Forêt-Noire, les Alpes même renferment de ces marais tourbeux émergés, dont un grand nombre sont encore inconnus. Le Jura neuchâtelois seul possède envi- ron 6675 poses de hauts-marais dont la profondeur varie de six à vingt-cinq pieds. Les seules tourbières des Ponts, qui couvrent presque toute la vallée de ce nom, ont une étendue de plus de 4,500 poses, sur une profondeur qui varie de sept à dix-huit pieds. La vallée de la Brévine a près de 1,700 poses de marais tourbeux disséminés en dépôts séparés par les ondulations du sol. Mais il est rare que dans notre Jura tout calcaire la tourbe se forme au sommet des montagnes, comme cela a lieu dans les montagnes graniliques ou plutoniennes. SECTION DEUXIÈME. Influence des marais tourbeux sur la formation des sources. Parmi les nombreux dangers que cause le déboisement des montagnes, on a signalé comme l’un des principaux la diminution des sources et de l'humidité du sol, qui se fait remarquer partout où de grandes forêts ont été détruites. Chacun peut voir sur les pentes et dans les vallées de notre Jura des torrents à sec au bord desquels tombent en ruine les moulins abandonnés que leurs eaux faisaient jadis mouvoir. Les forêts, on le sait, attirent les nuages et les vapeurs de l’atmosphère, les condensent et, sous leur ombrage, conservent l'humidité, réservoir des sources permanentes. Les dépôts tourbeux des hautes valiées jouent le même rôle et d’une manière plus évidente encore. Ce que nous avons dit de la vie et de la végétation des sphaignes a prouvé comment ces mousses absorbent les vapeurs de l'air, pour s’en nourrir d’abord, et pour donner au ligneux l’humidité qui doit le soustraire à l’action de l’air et mo- difier sa nature. Mais cette absorption des mousses hygroscopiques est plus considérable qu'il ne le faut pour maintenir la croissance des marais; car on voit s'échapper de tous les dépôts tourbeux émergés sans exception, de petits ruisseaux qui se réunissent pour former des rivières ou qui se jettent dans les entonnoirs dont les marais sont ordinairement bordés, du moins dans nos montagnes du Jura. Ces eaux extravasées réunies dans des bassins souterrains reparaissent dans les vallées inférieures en sources limpides que les plus grandes chaleurs de l’été ne peuvent tarir. Tous nos marais tourbeux du Jura fournissent ainsi, directement ou indirectement, des cours d’eau proportionnés à leur étendue ; et comme les tourbières s’élèvent ordinairement en dôme — 117 — au milieu des vallées, on voit souvent les ruisseaux qui en sortent aux deux extrémités s’en aller dans des directions différentes arroser des contrées très-éloignées. Ainsi le marais des Verrières (Jura) laisse d’un côté couler ses eaux vers le Doubs qui les porte au Rhône, tandis que de l’autre il les dirige par un entonnoir vers la Reuse, qui les porte au Rhin. Toutes les rivières un peu marquantes du Jura sortent des marais tourbeux. L'Orbe a sa source dans ceux de la vallée du lac de Joux, le Doubs dans ceux des environs de Pontarlier. La Reuse jaillit sous des rochers, au fond du Val-de-Travers ; mais il est bien prouvé qu’elle arrive là par des conduits souterrains depuis le lac d’Etailliers et le grand entonnoir de la Brévine; car lorsque de violents orages passent sur la vallée , la Reuse se grossit et se trouble quelques heures après. Cette rivière elle-même recoit les eaux du Butte qui sort des tourbières de la Vraconne et de la Chaux de Sainte- Croix; du Bied de Couvet, qui descend du petit dépôt tourbeux des Sagnettes: de la Noiraigue enfin, qui apporte des marais des Ponts ses eaux encore noires et chargées de parcelles tourbeuses. En poursuivant cet examen, on verrait ainsi toutes les prin- cipales sources jaillir des dépôts tourbeux ; et je ne doute pas que les mêmes observa- tions ne puissent se faire dans toutes les chaînes de montagnes peu élevées de l'Europe septentrionale. D’innombrables ruisseaux descendent des collines tourbeuses de l'Irlande pour se jeter dans la mer, et tous les voyageurs qui se sont arrètés aux îles Malouines, ont été frappés de la quantité de torrents, de rivières, qui sillonnent le sol de ces îles. Les recherches géographiques arriveront tôt ou tard à démontrer, j'en ai la conviction. que les dépôts tourbeux sont dans les montagnes peu élevées ce que les glaciers sont dans les Alpes, qu'ils prennent à l'atmosphère l’eau qu'ils gardent dans leur sein et qu'ils distillent goutte à goutte pour en arroser les prairies et les vallées inférieures. Comme d'immenses éponges, ils recueillent les eaux des orages, celles des neiges qui s’entassent à leur surface et sur les pentes voisines, et ils en règlent la distribution. Et s’il en est ainsi, ne devra-t-on pas envisager la destruction des tourbières émergées comme nuisible et dangereuse, et ne trouvera-t-on pas qu'il est du devoir des gouver- nements et dans leurs droits de veiller à la conservation d’un sol auquel l'intérêt de tous est attaché. Car après l’anéantissement de ces marais tourbeux , il ne restera aux hautes vallées que des champs stériles et un froid glacial, contre lequel l'homme n'aura plus aucun moyen de lutter, tandis que les vallées inférieures auront des ravins des- séchés pendant la saison chaude, qui à chaque orage se changeront en torrents im- pétueux et destructeurs. Dans les Alpes, les dépôts tourbeux sont souvent situés dans de petites vallées ar- rosées par les eaux qui jaillissent des glaciers supérieurs. Il parait que là ce n’est plus — 118 — de l'humidité de l’atmosphère qu'ils s’alimentent, puisqu'ils sont formés de mousses qui s’imbibent par immersion, telles que le Hypnum fluitans; mais leur croissance pa- rait arrêter, ralentir le cours impétueux de ces torrents de montagnes et leur enlever une surabondance de liquide plutôt dangereuse que favorable aux vallées inférieures. C’est ici le lieu de dire un mot encore de l’hygroscopicité des mousses qui forment la tourbe, surtout des sphaignes. Cette propriété qu'ont certains corps de s'emparer de l’eau ambiante, se remarque dans un grand nombre de corps organisés. De Candolle, dans sa physiologie végétale, fait observer que plusieurs parties des végétaux sont, comme les cheveux, les fanons de baleine, douées d’une hygroscopicité assez grande pour qu’on ait pu s’en servir à mesurer la quantité d'humidité contenue dans l'atmosphère. Il remarque encore que le tissu végétal est d'autant plus hygroscopique, qu'il est moins chargé de molécules étrangères à sa nature. Sous ce rapport, les sphaignes doivent être assimilés aux ma- tières les plus simples, puisque, comme nous l'avons dit, ce sont les seuls végétaux de leur famille qui ne contiennent pas de clorophylle. Cependant l’hygroscopicité extraordinaire de ces mousses ne me semble pas être uniquement le résultat de leur composition matérielle ; elle m’a paru, autant que j'ai pu en juger par les observations microscopiques , se combiner avec une seconde force d'absorption qui réside dans la forme des cellules de la plante, et qui n’est plus un phénomène de simple capillarité. La marche ou ascendante ou descendante du liquide dans les sphaignes, sera donc différente suivant que ces végétaux seront vivants ou desséchés. Dans le premier cas, le liquide semble traverser l’intérieur même de la plante en passant d’une cellule à l’autre; dans le second cas, il s'étend d’abord à la surface extérieure, et s’en empare plus ou moins rapidement, suivant le rapproche- ment des feuilles et des rameaux entre lesquels il se glisse. Ce dernier fait est une capillarité externe, car les feuilles isolées sans contact avec d’autres sont très-lentement pénétrées par l'humidité. Ainsi, dans la plante vivante, où les deux actions sont simul- tanées , il se fait par ce double phénomène une absorption qui se continue non-seule- ment jusqu’à ce que la plante soit saturée, mais jusqu’à ce que les corps étrangers qui la touchent aient subi cette saturation à un égal degré (!). La quantité d’eau absorbée par les sphaignes est naturellement proportionnée à l’état hygrométrique de l'atmosphère. Une touffe desséchée, pesant 3 deniers 12 grains, a absorbé pendant une nuit brumeuse 7 grains d’eau. Je pourrais ajouter ici les chiffres () Nous avons vu que les sphaignes, une fois saturés, laissent échapper l'eau par petites goutelettes par la surface de leurs feuilles. — 119 — de nombreuses observations faites pendant une année entière sur des mottes de sphaigne que j'avais arrachées des marais; mais ces chiffres ne prouveraient rien, puisque j'ai pu me convaincre que ces mousses, hors du marais, perdent leur force d'aspiration interne et ne se comportent plus comme dans leur état naturel. Dans toutes mes ex- périences, j'ai toujours trouvé l’évaporation , par un temps serein, beaucoup moins rapide et moins abondante que l'absorption par la partie inférieure du végétal. Une toufle de sphaignes de 22 pouces de surface environ, haute de 4 pouces et demi, pesant desséchée 4 once 21 deniers. a été mise dans un vase ayant au fond un trou de demi-pouce de diamètre. Par cette ouverture, les sphaignes ont absorbé, en 2 heures 3 minutes, 147 onces et demie d’eau, dans la progression suivante : 1) 5 onces 12 deniers en 7 minutes. 2) 3 » 220540 ÿ 8 » 5) 3 » 12 5» 18 » h) 3 » 12 » 30 » 5) 3 » 42 5 60 » humidité à la surface 6) 3 » 12» en 7 heures. Saturation complète. On voit que j'ai ajouté toujours une même quantité d’eau en observant exactement le temps nécessaire à la pénétration dans le vase des sphaignes. Cette même touffe satu- rée, exposée à l'air pendant 36 heures n’a perdu que 5 onces d’eau par l'évaporation. Pendant les jours brumeux et couverts, les plantes saturées n’ont rien perdu de leurs poids; pendant la pluie, les touffes se sont saturées par la surface d’une quantité d’eau plus grande que celle qui est tombée dans un vase d’une même étendue. Ainsi en deux jours, le 9 et le 10 septembre 1842, l’udiomètre a reçu 52 onces d’eau, les sphaignes, par une surface égale 359. L’absorption des mousses hygroscopiques est donc, on le voit, sans aucun rapport avec leur évaporation. Mais ceci tient à une question qui mérite d’être examinée séparément. SECTION TROISIÈME. Influence des marais tourbeux sur la température et la salubrité de l'air. Une des grandes raisons qui ont été mises en ayant par ceux qui voudraient voir les marais tourbeux anéantis et transformés en prairies, est celle-ci: c’est qu’ils jettent dans l’atmosphère une grande quantité de vapeurs, que cette vaporisation ne peut se faire sans enlever à l’air une portion de son calorique, et par conséquent sans réfroi- dir la température d’un climat où, comme il arrive dans nos montagnes, les céréales x sont exposées à être détruites par la gelée pendant les nuïts du printemps et même — 120 — au milieu de l'été. C’est encore, a-t-on dit, parce que les exhalaisons malsaines des marais tourbeux produisent des épidémies et abrégent ainsi la durée de la vie de l'homme. Pour prouver que l’évaporation des sphaignes doit produire un abaissement de tem- pérature, on a attaché à la boule d’un thermomètre des touffes de ces mousses imbibées d’eau, et on les a soumises à l’action de l'air. Il y a eu naturellement rapide évapo- ration et le thermomètre s’est abaissé de plusieurs degrés au-dessous de la température de l’air. Mais cette expérience très-simple peut se répéter sur toute espèce de matière humectée, et la conclusion qu’on en tire contre les tourbières me paraît par conséquent dénuée de fondement. En effet, en expérimentant de cette manière, on opère sur un cadavre, mais on ne tient aucun compte de la vie végétale. L’évaporation de l’eau dans les sphaignes vivants est, ainsi que l’absorption, un phénomène analogue à l’ascension des sucs dans les végélaux phanérogames. A ceux qui l’ont envisagé comme effet de simple capillarité, De Candolle répond par cette seule raison que la sève monte dans les plantes qui vivent dans l’eau, et qu’elle ne monte pas dans les végétaux morts. Ceci sera donc important à reconnaitre pour diriger les observations thermométriques, car alors les expériences devront être faites sur les marais mêmes, si l’on veut qu'elles soient concluantes. En admettant même que l’évaporation des sphaignes soit considérable, il n’y aurait rien en cela qui méritât l’anathème qu’on est si disposé à lancer contre les marais tour- beux. Ne sait-on pas que tous les végétaux abandonnent à l’air une grande partie de leur humidité. Les physiologistes rapportent de nombreuses expériences de cette éva- poration des plantes qui, par exemple, pour un chou de moyenne grosseur, peut aller jusqu’à 19 onces par jour. Si cette évaporation refroidit les végétaux, il est clair que le calorique nécessaire est enlevé à la plante même, et s’il.y a congelation ou gelée blanche, c’est par le contact des vapeurs avec les corps froids, et non point par l’a- baissement de la température de l’air. Ce phénomène a été parfaitement expliqué par les travaux du docteur Wells. Despretz, après Hales, a fait cette observation que les végétaux doivent être considérés comme autant de syphons, qui tirent de la terre une énorme quantité d’eau, qu'ils déversent ensuite dans l'atmosphère par la transpiration de leurs feuilles ; qu'ils tempèrent ainsi les chaleurs de l’été et diminuent le froid de l'hiver d'environ 4 degrés Fahrenheit. De ceci nous pouvons conclure : ou bien que les sphaignes ont une évaporation considérable qui jette dans l'atmosphère des vapeurs plus chaudes que Pair froid des nuits, puisque par l'absorption interne ils se saturent d’un liquide à une température assez élevée, que ces vapeurs peuvent d’ailleurs par leur densité empècher le rayonnement, seule cause de la gelée dans les temps sereins ; — 191 — ou bien que ces mousses ont une évaporation analogue à celle des autres végétaux, et alors il n’y a rien à arguer contre les mousses des marais en particulier. Mais je vais plus loin, et je soutiens que l’évaporation des sphaignes est loin d’être aussi considérable que celle des autres végétaux, ce que j’attribue à leur faculté absor- bante. J'ai pris sur le marais une louffe de ces mousses d’une grosseur égale à celle d’un chou ordinaire. On observera que par l'immense quantité de feuilles qui se re- couvrent tout le long des rameaux du sphaigne, cette surface se multiplie à l'infini; de sorte qu'en la mesurant approximativement, on aurait une étendue bien plus consi- dérable que celle que présenterait le développement total d’un chou. Une seule tige du Sphagnum cymbifolium L. présente au contact de l'air par son sommet vingt ra- meaux au moins, sur chacun desquels j'ai compté une quarantaine de feuilles. Comme chacune de ces feuilles recouvre à moitié la supérieure, admettons qn'il n’y ait qu’une surface d’un sixième de ligne carrée par feuille, qui soit mise à nu, nous aurons pour la couronne d’une seule tige un pouce carré. Dans la touffe dont je parle, il y a plus de 1,800 de ces tiges et par conséquent une surface de plus de douze pieds pour les feuilles supérieures seulement. Cependant, ce ne sont pas les seules qui soient exposées au contact de l’air ; les rameaux au-dessous de la couronne percent partout. Or, dans les circonstances les plus favorables à une évaporation rapide, exposée même au soleil pendant une moitié de la journée, cette touffe de sphaignes n’a perdu que 6 onces d’eau en vingt-quatre heures, c’est-à-dire un tiers seulement de ce qu’un chou aurait perdu dans le même espace de temps. Par un temps couvert, la déperdition des sphaignes en vingt-quatre heures n’a été que de 12 deniers. Ces résultats sont en parfaite concordance avec les observations de M. Adolphe Bro- gniart, qui dit (!) : «Si l’on expose à l’air libre des organes ou des végétaux dépourvus d’une véritable cuticule comme le sont les feuilles des plantes immergées dans l’eau, ou celles des végétaux cellulaires, on voit une déperdition d’eau très-variable dans son intensité suivant les espèces. Les feuilles des plantes qui vivent habituellement dans l’eau, perdent en général avec une grande rapidité celle que leur parenchyme renfer- me» (ce que M. Ad. Brogniart attribue à l'absence de la cuticule). « Ce phénomène se présente même dans la plupart des cryptogames aquatiques. Mais dans quelques-unes de celles-ci et dans plusieurs cryptogames aériennes, la déperdition est extrêmement lente, comme on le voit dans les mousses, dans certains fucus, dans les champignons coriaces et surtout dans les lichens. Cette lenteur de déperdition, malgré l’absencejde toute véritable cuticule, parait tenir soit à ce que les cellules des crÿptogames plus in- @) Mémoire sur les fonctions des feuilles. Annales des sciences naturelles, décembre 1830. 16 — 192 — timément soudées que celles du parenchyme des feuilles ordinaires laissent moins de passage à l’eau pour s’évaporer, soit parce que dans plusieurs cas, les couches exté- rieures sont assez serrées pour jouer le rôle de cuticule ou d’épiderme, soit enfin par suite de quelque disposition hygrologique du tissu. » A ces observations dont il est impossible de ne pas tirer des conclusions tout oppo- sées à celles des adversaires de nos marais tourbeux, j’ai voulu joindre des expériences positives, et j'ai fait de jour, de nuit, dans toutes les circonstances atmosphériques, des observations thermométriques sur nos tourbières. Elles ont confirmé en tout point cette opinion, que les dépôts tourbeux ne sont point une cause de réfroidissement pour les hautes vallées. En voici les résultats les plus essentiels. Sous l'influence des rayons solaires, les sphaignes par suite de la direction et de la forme de leurs feuilles, s’échauffent extraordinairement à leur surface, de sorte que souvent la température de l'air étant à+18° ou 20°, le thermomètre, dont la boule seulement plongeait dans les mousses, marquait au soleil + 40 et 45°. En général, la température de la surface des sphaignes est à ombre la même que celle de Pair, dans ses moyennes journalières, c’est-à-dire que, pendant que l’air se réchauffe, de 6 heures du matin à 5 heures après midi, la température des mousses est un peu moins élevée. Elle l’est au contraire davantage dans la période décroissante de l'air, depuis 3 heures de l’après-midi à 4 heure de la nuit. A la profondeur d’un ou deux pou- ces, la température des sphaignes est presque toujours la même que celle de la surface de l’eau. Pour observer les variations de température pendant la nuit, j'avais choisi près de Bémont un petit marais au sud de l’auberge du Cerf. (*) Vers le nord, à dix minutes de distance, se trouve une petite vallée inférieure, dans laquelle il n’y a ni dépôt tourbeux ni cours d’eau. Je pouvais done disposer les instruments pour comparer la marche de la température dans ces deux localités. Les observations les plus marquantes par l’a- baissement subit de la température ont été celles du 24 juillet 1842. On me permettra de les rapporter en détail. Dans la vallée de la Brévine, le maximum de la température de l’air avait été pen- dant la journée de + 18°; à 5 heures du soir sur une colline, à un quart de lieue du marais + 10°; sur le marais même + 12°. Les sphaignes à la surface indiquaient + 45°: {) J'ai trouvé chez le propriétaire, M. Nicolas Grether, avec la plus bienveïllante hospitalité, tous les secours que je pouvais désirer pour ces recherches. Non-seulement il m'a plusieurs fois accompagné dans mes courses nocturnes et pénibles, qui n'avaient pour lui aucun intérêt direct; mais il m'a souvent aidé dans des opérations difficiles, avec une intelligence et un zèle dont j'aime à le remercier encoreAti. » — 195 — à 1 pouce de profondeur + 15° ; à 3 pouces + 14°; la surface de l'eau à 1 pouce + 13°. A 7 heures ciel très-pur, air parfaitement calme. Soir. Air sur le marais, Air dans la vallée. Surface des sphaignes Surface de l'eau. boule immergée. 7 he F7 6° au WU +42° 8215 + 6° 3° +411,50 +10° 10 » sul à +2,50 +10,75 + 9,50 : D +2,50 a jé + 9,50 498 Matin. 12 » +2° +4,75 x 19 + 8,75 2 nie +0,75 + 8,25 H :% Loben +:9° 129 tn 0 tw7 0 A cette heure toutes les plantes sont couvertes de gelée blanche, sur le marais et hors du marais. La partie la plus élevée des ramules du sphaigne l'est aussi, mais il est impossible d'apprécier la vraie température de cette surface, puisque mon très-petit thermomètre, quand la boule touche la surface congelée, descend à + 1°, tandis que si la boule est à peine immergée, il s'élève à +8°. Cette congélation de la surface ne dépasse pas un quart de ligne d'épaisseur. Les feuilles des airelles, des bouleaux et des autres végétaux sur le marais et hors du marais font aussi descendre le thermo- mètre à +0,5°, quand la boule y repose. A 9 heures du matin, l'air étant à + 15 au soleil , cette surface des sphaignes, qui à 5 heures portait encore des traces de gelée blanche suspendue à ses feuilles supérieures, avait déjà une température de +24°. Ces expériences sont assez concluantes, et il est inutile, ce me semble, d’ajouter à ces chiffres aucune réflexion. Les observateurs que je combats ont fait encore un autre raisonnement tout aussi peu fondé, et qui prouve comment un fait superficiellement examiné peut donner lieu aux plus graves erreurs et tromper facilement ceux qui jugent sur les raisonnements d’autrui, sans se donner la peine du contrôle. On a observé à la fin du mois de mai sur le marais un bloc de tourbe qui était encore congelé. On a comparé la tempéra- ture de l’air pendant plusieurs semaines, et l'ayant trouvée en moyenne bien au-dessus du point de congélation, on en a conclu que si ce bloc était encore à la température de la glace, c'était parce que l’évaporation rapide de la matière avait abaissé cette tempé- rature et qu’ainsi le marais, dans son ensemble, était une cause de refroidissement. Il n’y a pas même en ceci apparence de logique et cette conclusion est contraire aux plus simples notions de la physique. On sait en effet que les corps n’ont pas tous le mème degré de conductibilité du calorique ; il serait dès lors absurde de prétendre qu'ils — 194 — doivent se plier à toutes les variations atmosphériques. Or de tous les corps, le charbon est le plus mauvais conducteur du calorique, et la tourbe, comme matière très-voisine du charbon, a à peu près le même degré de conductibilité. Il est vrai qu’on ne possé- dait pas jusqu'ici d'expériences concluantes à cet égard. J'ai essayé de combler cette lacune, en faisant des observations sur les couches même des marais tourbeux. ai pendant plus d’une année observé tous les quinze jours la température interne des dé- pôts tourbeux jusqu’à la profondeur de 10 à 12 pieds. Je me bornerai à en donner ici les deux progressions extrèmes. 45 avril 1842. Marais de Bémont à l’ouest du lac d’Etaillères. Le lac est encore cou- vert d’une couche de glace d’un pied d'épaisseur. L’humus est gelé à 17, pied de profondeur ; la tourbe sous la neige à 17, pouce seulement. Température de l'air +53°,50 à l'ombre (). Tourbe à /, pied de profondeur + 5° 1 » » 34 2 » » 5°,50 Dub» » 1° EE » L°,50 FN» » 59 6 » » 5°, 40 PR » 5°, 90 8 » 6°, 50 UMR » 6°, 70 410 » » TA Dans les exploitations de l’année précédente, les coupes perpendiculaires tournées au nord qui n’avaient point été recouvertes par la neige avaient gelé à 11 pouces de pro- fondeur. C'était la plus grande épaisseur de tourbe congelée pendant toute la durée de l'hiver, et cela, il faut bien le remarquer, sur une surface nue et hors de l’action des rayons solaires. La congélation de la surface ne pénétrait pas à plus de 5 pouces. 15 septembre 18/41. Mème localité. Température à l'ombre +15°,60, surface des sphaignes + 29°. Tourbe à {/ pied de profondeur +15° di ofs » 14° Anlos » 45 () J'ai déjà dit que je dois beaucoup à mes amis. C'est l’un d'eux, M. le professeur Guyot, à Neuchà- tel, qui, en me procurant d'excellents thermomètres, m’a fourni les moyens de faire ces recherches avec toute l'exactitude nécessaire. Les degrés sont centigrades. — 195 — Tourbe à 5 pieds de profondeur + 12° EH » » 10°, 75 Dé: 0 » 9°, 50 CS) » 9° TEL» » 8°, 50 8 » » 8° 9°: » 7°, 50 10 » » 7 D'où il résulte, comme le prouvent d’ailleurs les observations de toute une année . que la température invariable est dans les tourbières de nos hautes vallées à 10 pieds de profondeur. Cette température diminue à mesure qu’on pénètre plus avant dans les couches tourbeuses ; du moins j'ai trouvé le 15 juillet 1842, à 15 pieds de profondeur, dans les marais de la Vraconne près de Sainte-Croix, la température abaissée à + 2°. Mais je ne puis établir aucune échelle fixe pour la température au-dessous de 10 pieds. Il ne m'a pas encore été possible non plus de mesurer comparativement la tempéra- ture du sol de la vallée à une certaine profondeur. On sait qu’en Europe la couche du sol où la température est invariable est à 40, 60 et même 80 pieds. A Zurich, à 6 pieds, le maximum est de 15°,2, le minimum de 5°,5, suivant les ob- servations de M. Ou. A Edimbourg, à 8 pieds, le maximum a été de 10°,0, le minimum de 5°,6, d’a- près les observations de M. Fergusson pour 1816. À A Strasbourg enfin, les observations de M. Herrenschneïder ont donné à 15 pieds un maximum de 14°,25, un minimum de 5°,62. Cette température invariable de la tourbe à la profondeur de 10 pieds indique évi- demment la température moyenne de la vallée où git le dépôt. Des observations très- exactes et très-suivies faites au Locle depuis 1854 (') donnent pour moyenne de ce lieu + 79,72, ce qui doit faire admettre +7° pour la vallée de la Brévine un peu plus élevée et plus froide. Voici quelles sont, au Locle, les moyennes des mois correspondants aux observations que j'ai faites sur les marais. 1841 septembre + 149,25 octobre M GONE 6 novembre + 3,76 décembre + 22,53 {) Ces observations ont été faites et sont continuées avec le plus grand soin par M. L. G. Jacot-Des- combes, qui a bien voulu me les communiquer. — 1926 — 1842 janvier — 9,61 février MU GA mars + 49,51 avril 4.704057 mai + 121,20 juin + 16°,92 juillet + 151,53 août + 172,51 Que prouvent ces observations, sinon que la tourbe est un mauvais conducteur du calorique, que par conséquent un bloc de ce combustible peut rester dans un état de congélation, quoique exposé pendant quelque temps à une température plus élevée de l'air, sans qu’on puisse en conclure que les tourbières sont une cause de réfroidissement des vallées où on les trouve. Il est bien constaté maintenant que les marais tourbeux en croissance n’ont aucune influence pernicieuse sur la salubrité de Fair. Je dis les marais en croissance, car la végétation absorbe le gaz acide carbonique développé à la surface des dépôts. Il en est tout autrement quand les marais sont desséchés et mis en culture. Ce fait avait déjà été affirmé par Sprengel et par Rennie. On sait, en effet, que des colonies ont été établies sur la tourbe au Hanovre, et que là, non-seulement les hommes vivent, mais qu’ils y jouissent d’une parfaite santé, que leurs forces se conservent, et que leur sang est aussi beau que celui de tout autre peuple. — Dans notre Jura, des recherches statistiques sur la longévité dans les diverses localités, ont établi que toutes les populations voisines des hauts marais ont une vie moyenne plus longue que dans plusieurs parties de notre pays où il n’y a pas de tourbe. Il y a, au milieu même du marais des Ponts, une maison isolée, dans laquelle habitent trois générations d’une mème famille. Tous ces gens-là sont très-sains, très-robustes, et n’ont jamais vu de médecin. Est-ce pour cela peut- ètre qu'ils vivent si longtemps? L'eau des tourbières élevées n’est point malsaine ; le goût en est un peu fade; il a quelque analogie avec celui des champignons. Jen ai moi-même souvent bu de fortes doses sans en éprouver la moindre incommodité. Parfois même j'ai avalé le liquide con- tenu dans les sphaignes, en le faisant jaillir par compression, et je n’en ai pas même éprouvé du dégoût (*). Enfin, chacun peut s’assurer que plusieurs espèces de poissons vivent dans l’eau des tourbières, le brochet, la tanche, etc. ; ce fait seul est une preuve que ce liquide ne renferme aucune substance malsaine ou dangereuse. () On dit que, dans les temps de disette, les Islandais font du pain en mélant les sphaignes avec un peu de farine. — 1927 — Le préjugé subsiste cependant, et il ne sera pas sans doute déraciné de sitôt. Car, pour excuser son égoïste incurie, l'homme s'applique à trouver aux œuvres de Dieu un côté faible, défectueux ou nuisible. D'ailleurs nous le savons tous, il est très-difficile de persuader ceux qui ont pour eux la raison la plus opinitre, celle de l'intérêt. CHAPITRE IV. RAPPORTS ENTRE LES DIVERS COMBUSTIBLES MINÉRAUX. On ne me blämera pas, sans doute, de terminer ce travail en jetant un rapide coup- d'œil sur les rapports qu'ont entre eux les divers combustibles minéraux, la tourbe, les lignites, la houille, l’anthracite et les bitumes: car c’est une question sans cesse agitée par les géologues, que celle de la formation de ces substances si précieuses, que les plus savantes recherches n’ont pu encore suffisamment expliquer. La première difficulté, devant laquelle ont échoué tous les efforts des observateurs, c’est une classification exacte des matières. De même que dans plusieurs dépôts tour- beux on arrive par des transitions insensibles de la tourbe la moins dense à la matière la plus compacte, ainsi passe-t-on de la tourbe aux lignites, des lignites à la houille , de la houille à l’anthracite, par des nuances insaisissables, au milieu desquelles il est impossible de fixer des lignes d’arrèt. Ne trouve-t-on pas, au fond de certains dépôts ourbeux, les végétaux passés à l’état de lignite? J'ai cité la couche de tourbe du Locle qui, à mesure qu’elle s’amincit sous des marnes plus épaisses , devient dure, fragile, à cassure brillante, de telle sorte qu’elle semble se rapprocher plutôt de la houille que de la tourbe. Plusieurs véritables dépôts ligniteux sont envisagés par ceux qui les ex- ploitent comme de véritables tourbières; et de même des lignites prennent chez certains géologues le nom de houille, et ne se distinguent de cette matière que par les terrains — 1928 — dans lesquels on les trouve. « Les affleurements des couches de houille des grands bassins du Hainaut offrent, jusqu’à plusieurs mètres au-dessous du sol, le combustible daps un tel état de décomposition, que ce produit ressemble à peine au charbon fossile. M. Drapier le considère comme une espèce de lignite, et le range sous ce nom dans la distribution méthodique des combustibles du Hainaut (°).» Enfin la houille et l’anthracite sont souvent confondus. Parfois les couches de houille passent à l’anthracite dans leur prolongement. Cela se remarque en Angleterre et dans les mines de Creuzot, où l’on exploite dans la même couche d’un côté de la houille, et de l’autre lanthracite. La chimie est impuissante aussi pour établir dans la série des combustibles minéraux des groupes distincts, auxquels on puisse rattacher les espèces. Les travaux de Liebich prouvent en effet que ces substances ont la même composition, et qu’elles ne diffèrent que par la proportion de leurs éléments. Le ligneux des végétaux soumis à la lente décomposition qui le modifie quand il est soustrait à l’action de l'air, finit par passer à l’état de charbon. Cette matière étant inaltérable, l’effet de la compression et le mélange des parties minérales doit avoir nécessairement pour résultat une condensation pro- longée, qui amène enfin une véritable pétrification, sans détruire les éléments combus- tibles. Entre les deux points extrêmes, le principe et le dernier terme de ce travail de la nature, il n’y a pas de repos, de halte possible, et par conséquent rien de fixe, pour baser une classification. Si même les lignites paraissent avoir été totalement ou pres- que ‘entièrement soustraits à l’action de l'air, par la superposition de couches étrangères, il n’en est pas moins vrai que leur formation est due à la mème cause ; car on trouve par l'analyse que dans le travail de leur décomposition, les éléments de l'acide carbonique se sont séparés du bois, soit seuls, soit simultanément ayec une certaine quantité d’eau. «Tous les lignites, dit Liebich, quelles que soient les localités d’où ils proviennent , renferment plus d'hydrogène que le bois, et moins d’oxigène qu'il n’en faut pour former de l’eau avec cet hydrogène ; ils se sont donc tous formés par un seul et même mode de décomposition. L'hydrogène du bois y est resté tel qu’il était, ou bien il s’est accru d’une certaine quantité venue du dehors; mais l’air a été intercepté, et c'est ce qui a empêché la destruction du carbone par l’oxigène. Le ligneux soumis à une espèce de pourriture humide et impreigné de matières résineuses et terreuses, est donc la ma- tière essentielle des lignites. Il existe cependant toujours pour ce corps combustible une cause de décomposition, c’est la présence de l'air, qui, bien qu’en petite quantité, ne peut ètre entièrement intercepté. Il agit sur les couches supérieures, en produisant une (1) Pelouse, père. — 129 — véritable combustion lente; de sorte que les lignites perdent ainsi de l'hydrogène, tout en formant de l'acide carbonique (‘). Ils tendent done à se rapprocher de la nature des houilles. « On trouve, en effet, en examinant les analyses des chimistes anglais, que les parties combustibles de la houille représentent exactement le ligneux dont se seraient séparés de l’acide carbonique et une certaine quantité de carbures d'hydrogène à l’état de gaz oléfiant, de gaz des marais ou d'huile combustible. En retranchant de la composition du ligneux 3 atomes de gaz des marais, 3 atomes d’eau et 9 atomes d'acide carboni- que, on obtient la composition du splint-coal de Newcastel et du cannel-coal de Lan- eashire. Le développement continuel du gaz des houillères, qui se compose d’un mélange variable de gaz des marais, de gaz oléfiant, d’azote et d’acide carbonique prouve d’une manière incontestable que dans la houïille même il existe une cause de décomposition qui tend à effectuer une séparation de l'hydrogène sous forme de gaz ou de composés carburés. Arrivée à un certain terme, la houille doit donc se transformer en anthracite. » Quoiqu'il en soit, l’on est maintenant assez généralement d’accord sur ce point, que la tourbe, les lignites et la houille doivent leur origine à un enfouissement de végétaux. Cette opinion est en effet justifiée d’abord par les empreintes de végétaux que renferme le terrain houïler. Les lames de houilles et surtout les schistes qui recouvrent les dé- pôts conservent des empreintes d’une quantité de plantes qui ont été reconnues et déterminées, On trouve souvent au milieu des couches de houille des trones d’arbres, des palmiers, qui ont conservé leur forme, bien qu'ils aient pris la structure et l’éclat du charbon végétal. On peut également invoquer en faveur de cette opinion l’autorité de la chimie qui, comme nous l’avons vu, reconnait dans toutes ces matières le même élément, le car- bone, principe essentiellement végétal. Un célèbre expérimentateur anglais, M. Hatchett a même reconnu que les substances bitumineuses doivent leur origine à la résine des végélaux, modifiée par l’action de quelque principe minéralisateur. En analysant un bois bitumineux du Devonshire , nommé bovey-coal, il l'a trouvé composé d’une fibre ligneuse à l’état de semi-carbonisation, imprégnée de bitume et d’une petite portion d’une résine tout-à-fait semblable à celle que contiennent un grand nombre de végé- taux récents. Cette fibre n’est encore qu’en partie et imparfaitement convertie en charbon fossile ; après ce ligneux, c’est la résine qui, dans les végétaux passant à l’état () Les gaz qui dans les mines de lignites menacent la vie des ouvriers, ne sont pas, comme dans les au- tres mines, inflammables et combustibles ; ils se composent seulement d'acides carboniques. (Liebich.) 47 — 150 — de minéralisation, résiste le plus longtemps et le plus puissamment à toute altération. Lorsque ce changement a lieu, elle se convertit en bitume. M. Hattchett a appuyé son opinion par l'analyse d’une substance particulière qu’on rencontre avec le Bovey-coal. On avait d’abord pris cette substance pour une terre marneuse saturée de pétrolle ; mais l’auteur anglais a reconnu que c’était un véritable bitume. L'analyse qu’il en a faite a montré que cette substance est sui generis, qu’elle est en partie composée de résine et en partie du bitume appelé asphalte. La proportion de la résine est de 55 sur 100 ; celle de l’asphalte de 44. C’est là un exemple avéré d’une substance trouvée au milieu de circonstances qui en font un minéral, quoique par sês caractères elle appartienne en grande partie au règne végétal. . De ses expériences et de ses savantes recherches, M. Hattchett a tiré les conclusions générales suivantes: c’est que dans les bitumes, le procédé de la transformation du vé- gétal en minéral a été complet, tandis que dans le Bovey-coal et dans la substance qui l'accompagne, la nature paraît n’avoir achevé que la moitié de son travail et par quel- que cause inconnue s'être arrètée au milieu du procédé bituminisant. Enfin M. Hutton a prouvé encore cette même origine de la houille par la décompo- sition des végétaux, en reconnaissant nettement au microscope dans les lames très-minces de houille la texture des plantes originaires (*). Il a observé de plus dans le charbon minéral des cellules arrondies remplies d’une matière bitumineuse jaune. L'auteur pense qu'elles sont dues à la texture réticulée de la plante mère, et qu'elles ont été arrondies et confondues par l'énorme pression à laquelle la masse végétale a dû être soumise. L Cette première question de la formation des houilles ainsi résolue, il s’en présente une autre fort intéressante pour la géologie, c’est celle de savoir si les houilles doivent leur origine à des dépôts tourbeux ou à des dépôts ligniteux ? Tout ce que nous avons dit des différentes formations des dépôts tourbeux et des accidents qui modifient les apparences de la matière, pourra peut-être jeter quelque jour sur cette partie de la géologie. Il me sera permis du moins d’exposer mon opinion et de la soutenir par quelques observations qu’on peut ne pas admettre comme preuves, mais qui suffiront pour excuser une conviction personnelle. Tous les amas de combustibles minéraux ont été formés de deux manières, ou par des dépôts que j’appellerai extérieurs ou accidentels, ou par entassement de végétaux qui ont cru sur les lieux mêmes où on les trouve enfouis. Toutes les tourbières qui existent, du moins celles qui ont été reconnues et décrites () Tome 3 du Philosophical Magazine. — 151 — de manière à permettre une conclusion, appartienent au second mode de formation ; c’est-à-dire qu’elles doivent leur origine à un amas de végétaux qui ont vécu sur les lieux mêmes et qui n’ont point été charriés. Tous les dépôts ligniteux bien déterminés au contraire, proviennent de végétaux ou entassés par une cause extraordinaire, un bouleversement, un cataclisme, ou charriés par les eaux, réunis en un même lieu par des courants, et dans l’un et l’autre cas, soustraits à l’action de l'air par la superposition de couches étrangères. Les dépôts houillers, ceux de la formation la plus générale et la mieux déterminée, sont composés de végétaux qui n’ont point été entrainés par les eaux et qui ont crû sur place; ils se rapprochent done par leur origine de nos tourbières actuelles. Ce fait est constaté : 1° par l’étude des végétaux dont les empreintes sont restées visibles dans la houille et surtout dans les schistes qui la recouvrent. Ces végétaux appartiennent surtout aux familles des fougères, des lycopodes et des préles. Ce sont non-seulement leurs tiges qui restent visibles dans la houille, mais aussi leurs feuilles encore attachées aux rameaux les plus frèles. Or il est évident qu’un transport par des courants aurait détruit ces parties délicates, pour ne laisser que des restes incomplets. Il faut donc que les plantes de la houille aient vécu sur place. Les espèces qui ont donné lieu à la houille ont dans leur forme la plus grande ressemblance avec les plantes tourbeuses. On y rencontre généralement ces formes allongées qui semblent particulières aux espèces nourries d’une grande quantité de gaz carbonique, d’immenses roseaux, des palmiers dont nos graminées ne sont qu’une miniature. On y trouve aussi en abondance des fougères et des lycopodes qui, dans des dimensions énormes, rappellent nos mousses tourbeuses. L’analogie n’est pas moins remarquable quand on considère les familles qui ont formé ces deux substances combustibles. M. Ad. Brogniart compte dans les houilles : a) une dizaine de Fucoïdes. Or cette famille est rapprochée par les botanistes de celle des Fucacées, plantes marines, appartenant essentiellement aux climats du nord, où elles composent presque exclusivement plusieurs dépôts tourbeux marins. b) Dix-neuf espè- ces d’Equisétacées ou de Préles. Or les Préles remplissent les fosses tourbeuses lacustres et se rencontrent également en grande abondance dans les tourbières des montagnes. Les Chara, qui croissent en immense quantité dans toutes nos eaux dormantes, en sont la famille la plus voisine. c) Plus de cent-vingt espèces de fougères, et près de soixante- dix espèces de lycopodiacées, plantes cryptogames vasculaires, qu'on peut rapprocher de nos cryptogames cellulaires. Nos tourbes renferment aussi plus de soixante-dix espèces de mousses, cinq ou six espèces de lycopodes et autant de fougères. d) Dix-huit à vingt espèces de palmiers, de cannées et de phanérogames monocotyledones en gé- — 132 — néral. Les tourbes, comme nous l’avons vu, sont essentiellement formées de ces pha- nérogames monocotylédones à feuilles longues et coupantes, telles que laïches, joncs, roseaux, gramens, etc. Les arbres et les arbustes qui vivent sur les hauts marais, comme les pins et les bouleaux, paraissent remplacer les grandes espèces herbacées et les palmiers des marais anciens. Enfin, de même que dans les houilles on ne distingue aucune plante dicotylédone bien caractérisée, de même, dans la tourbe, est-il impossible de reconnaitre aucune trace des végétaux dicotylédones qui vivent sur le marais, à part quelques troncs d'arbres et d’arbustes. 2° Dans les houillères, les couches du charbon le plus dense et le meilleur se trou- vent au milieu ou au fond des dépôts. Ainsi en est-il pour les tourbes, en général pour tous les dépôts de combustible formés par entassement successif et lent des végé- taux de la surface. Dans les lignites, le contraire à généralement lieu, et c’est près de la surface que la décomposition par l’action lente de l’oxigène se fait avec le plus de force. Car après la superposition des couches étrangères au ligneux entassé, c’est vers cette partie que l’air arrive avec le plus de facilité. 5° Les schistes, les psammites, etc., qui recouvrent les houillères, ne sont autre chose que des marnes durcies par le dessèchement, la compression et les actions minérales. Il faut qu'ils aient été déposés par des eaux tranquilles, puisqu'ils ont pour ainsi dire incrusté les végétaux de la surface des marais anciens, dont ils ont conservé les em- preintes. Si les végétaux de la houille avaient été entassés par accident, ils seraient recouverts de terrains tout différents, semblables à ceux qui recouvrent les lignites, tels que dykes de basalte, cailloux roulés, débris calcaires, etc. La marne ou le limon qui recouvre les dépôts tourbeux de notre époque, garde aussi les empreintes des derniers végétaux qui ont vécu à la surface du sol. On les y retrouve encore bien conservés et très-visibles quand déjà la tourbe a pris une apparence charbonneuse et compacte, et qu’on ne peut plus y reconnaitre aucune trace des constituants primitifs. 4° Souvent la houille repose immédiatement sur les terrains primitifs les plus anciens. Dans ces circonstances, la matière se présente sous la forme d’amas ou de dépôts qui paraissent avoir rempli la partie élevée des bassins ou vallées formés par le sol primitif. Or, qu'est-ce autre chose que ces vastes marais tourbeux qui s’établissent au bout des grands lacs et qui s’avancent jusqu’à la partie où le bassin commence à s’enfoncer et où l'eau devient profonde. Si jamais par quelque nouveau bouleversement nos lacs juras- siques étaient desséchés, si de nouveaux terrains s’établissaient sur l’étendue qu'ils baignent de leurs ondes, on trouverait dans la suite des siècles des couches de houille dans les parties les plus élevées des bassins ou des vallées que ces lacs remplissent. Ces bancs de houille seraient sans doute très-minces, et aucune comparaison ne peut — 155 — s’établir entre le phénomène de formation des temps passés et celui des temps actuels. Car alors la force de la végétation était immense comparée à ce qu’elle est maintenant : alors, les fougères étaient des arbres de plus de cent pieds de haut; les espèces analo- gues à nos mousses et à nos lycopodes, qui n’ont guère que quelques pouces de hauteur, atteignaient deux à trois cents pieds de longueur, les joncées avaient également des proportions gigantesques. Sans doute aussi l’atmosphère était alors plus chargée d’acide carbonique, puisque la terre n’était pas encore habitable pour les animaux respirant l'air élastique, et le sol d’ailleurs saturé comme Fair d’une humidité très-abondante. C'était l’époque de la vie végétale, et l’on comprend comment toutes les circonstances favorables à la formation de la tourbe se trouvant réunies, cette matière devait s’éta- blir en dépôts énormes dans tous les lieux humides. 5° Je trouve encore dans l’examen des dépôts houillers, sous le point de vue géogra- phique, sinon une preuve en faveur de mon opinion, du moins une grande probabilité. La zône dans laquelle est renfermée la formation tourbeuse actuelle est à peu près la même que celle de la formation de la matière combustible dans les temps anciens. A . mesure qu’on descend vers le sud de l'Europe, les dépôts houillers disparaissent ou deviennent peu puissants. En Espagne on en trouve quelques couches fort minces; à peine en voit-on quelques traces en Italie. Dans les contrées orientales de l'Europe, on ne voit plus de houille en dehors des limites où la tourbe cesse de se produire, et dans le nord les couches de charbon minéral diminuent en épaisseur tout en prenant une grande étendue. On en a observé en Sibérie, non loin du fleuve Léna, dans File de Berésow, sur la première Selowa ; mais quoique très-vastes dans leur étendue horizontale, elles n’ont que dix à onze pouces d'épaisseur. Or, il en est de mème des marais tourbeux de la zône glacée; ceux-ci aussi couvrent des surfaces immenses, mais la tourbe atteint à peine quelques pouces de profondeur. La véritable région des houilles est la même que celle des tourbes. On rencontre les dépôts de charbon minéral les plus riches et les plus vastes dans l'Ouest de la France, en Belgique, dans le nord de l'Allemagne, et surtout dans les îles Britanniques. On a reconnu des couches puissantes de ce combustible dans les iles de la Baltique, dans la Suède et la Norvége. On en trouve dans le nord de l'Amérique, au Canada, surtout vers les bords du fleuve St. Laurent, dans la Nouvelle Ecosse et aux Etats-Unis. La houille est connue en Chine et au Japon; et si l’on descend dans l'hémisphère méridional, c’est dans la Nouvelle- Hollande, le midi du Brésil, qu’on en entend parler pour la première fois. Je crois être en droit de tirer des conclusions assez importantes de la forme de quel- ques bassins houillers comparés à celle des bassins tourbeux qui les avoisinent. On connait l'immense gite carbonifère qui s'étend depuis Aix-la-Chapelle jusqu’au bord de — 154 — la mer vers le canal de la Manche. Sa forme semble avoir été déterminée par un vaste cours d'eau venant aboutir à la mer, sous les départements du Calvados et de la Man- che. Et maintenant les bords de la Somme, tout le département du même nom et celui du Pas-de-Calais, sont tourbeux. Le bassin houiller de la Loire et de la Loire inférieure est étroit, mais il parait s'étendre jusque sur les côtes de l'Océan. Près de l'embouchure s'étend un immense marais tourbeux qui a plus de 50 lieues de tour. Les environs de Rouen jusqu’à Caudebeck sont aussi tourbeux. lei le cours d’eau qui peut-être a formé les couches de houille par la tourbe primitive, semble avoir coulé un peu plus au midi, la formation tertiaire qui a élevé les rivages de la Manche ayant rejeté vers le nord l'embouchure de la Loire. Je ne puis étendre davantage ces rapprochements géo- graphiques qui me paraissent d’une grande importance, même pour aider la décou- verte des bassins houillers. Il vaudrait donc la peine de traiter ce sujet d’une manière spéciale, ou de l’ébaucher du moins avec tous les secours qu’on peut obtenir de la géographie au point où en est aujourd'hui cette science. Ceux qui n’ont pas accordé à la houille une origine végétale ont fait quelques objec- ons dont je tirerai parti pour étayer mon opinion. On a argué d’abord de la présence ou de l'absence des coquilles marines ou d’eau douce. Mais on sait que les dépôts tourbeux renferment dans leur matière unc grande quantité de mollusques de ces deux genres, suivant que les tourbes appartiennent à la formation marine ou à celle d’eau douce. Les tourbières émergées, celles de nos montagnes jurassiques, par exemple, ne renferment jamais de débris visibles de coquilles. On a objecté que dans les couches de houille, dans la matière même, on ne voit point de traces de végétaux discernables, mais qu’on les observe dans les schistes super- posés, et que les empreintes parfaitement conservées semblent attester que la matière des dépôts houillers ne peut avoir été formée de végétaux parfaitement décomposés. Mais le même phénomène se produit encore sous nos yeux dans les anciennes tourbières recouvertes de marne qui, comme nous l’avons vu, conserve les empreintes végétales de la surface, landis que dans la tourbe même, qui forme un tout compact, on ne re- trouve que les grands corps ligneux ou quelques espèces de mousses dont les formes paraissent indestructibles. Les couches de terre noire qu’on trouve même souvent super- posée aux gites carbonifères, ont la plus grande ressemblance avec les couches d’humus qui couvrent souvent nos tourbières dans une épaisseur assez considérable. On a dit que la hauteur où se rencontrent certains bassins houillers, comme celui que Leblond a observé dans les Cordillères à 4,400 mètres d’élévation, ne permet pas d'admettre que ces dépôts de combustibles aient été charriés par les eaux. Mais la pré- sence de grandes et profondes tourbières dans les montagne élevées, dans les Alpes — 155 — par exemple, où on les rencontre de nos jours jusqu’à 8,000 pieds au dessus du niveau de la mer, expliquerait encore la formation de ces dépôts houillers à de si grandes hau- teurs, alors même que l’on n'admettrait pas que les Cordillères ont été soulevées longtemps après la déposition de la houille. Car il n’est pas besoin de dire que la limite des neiges est dans les Cordillères des Andes à plus de 6,000 pieds au - dessus de celle des Alpes. On a prétendu encore que l'alternance des couches de psammites, de schistes et de houille répétée régulièrement et un grand nombre de fois dans les terrains houillers, ne permet pas de concevoir comment auraient pu s’accumuler et se former ainsi exclu- sivement ces deux ordres de sédiments auxquels on assigne une origine si différente. À cet égard, mon opinion diffère peut-être complètement de celle de certains géologues. L'analogie des faits observés dans les tourbières de Hollande est encore ici mon argu- ment. Nous avons vu, en effet, que dans un sondage près de Rotterdam on a trouvé d’abord sous quelques pieds de marne 20 pieds de tourbe, puis 14 pieds d’argile légère et blanchâtre, puis 18 pieds de tourbe, puis enfin 14 pieds d’argile, ete. Or, pour nous rendre compte de ces formations superposées, nous n’aurons pas, on le comprend, recours à la singulière explication de de Luc, qui prétend que c’est ou la tourbe fluide qui a coulé sous les couches inférieures, ou que le sol s’est enfoncé ; mais nous obser- verons simplement qu’il y a eu naturellement dans les grands bassins où la tourbe s’est formée, surtout sur les rivages bas, près de l'embouchure des fleuves, des change- ments prolongés dans le niveau des eaux. N’en trouve-t-on pas une preuve dans cet envahissement du Zuidersee, qui a recouvert de ses eaux des terres jadis fertiles et même des villes et des villages dont on aperçoit encore les traces dans les ondes claires et tranquilles? Ces variations, qui semblent n’avoir été que partielles et locales dans notre époque, mais qui doivent avoir été générales et répétées pendant l’époque essen- tiellement humide de la formation houillère, ces variations, dis-je, ont amené sur les dépôts tourbeux les parties limonneuses entrainées par les grands fleuves ou y ont facilité la croissance de la tourbe, suivant la profondeur du liquide. On objectera peut-être qu'aucune observation ne peut être appelée en aide à notre raisonnement pour décider la question. Mais cette transformation de la tourbe, qu'un grand nombre d’observateurs ont vue s’opérer dans le fond des dépôts et arriver à un état de carbonisation si rapproché de la houille ou des lignites, qu'ils n’ont su dans quelle catégorie ranger cette substance, qu’est-elle donc? Que manque-t-il à cette matière pour être entièrement bituminisée et convertie en houille, si ce n’est la pression des couches supérieures et l’action des éléments minéralisateurs pendant un espace de temps prolongé? Qu'est donc encore cette sémi-transformation de la résine en bitume observée par M. Hatchett? — 1356 — Les lignites différent essentiellement des houilles par leur situation. Ils gisent en bancs ou amas plus ou moins épais dans les terrains d'argile, de sable, et dans les terrains d’alluvion, et le sable et les cailloux roulés qui les recouvrent ordinairement ont sou- vent une épaisseur considérable. Toutes les observations recueillies sur les vrais dépôts de lignites prouvent qu'ils sont dûs à un entassement de grands végétaux entrainés par les eaux ou réunis par quelque circonstance fortuite, dont les accidents de notre époque peuvent facilement donner une idée. On sait que les grands fleuves de l’Amérique, le Mississipi, par exemple, entrainent dans leur cours d’immenses radeaux naturellement formés par la réunion d’une grande quantité de troncs d’arbres. Ces masses ligneuses s'arrêtent parfois près de l'embou- chure ou dans le lit des fleuves, et s’y entassent de manière à acquérir une épaisseur et une étendue considérables. Ces grands dépôts de bois, recouverts par les sables et les cailloux, deviendront, sous l'influence du temps, des lignites. Ainsi se sont formés les bassins ligniteux des bouches du Rhône, situés dans un terrain tertiaire d’eau douce inférieur ; ceux des bords du Rhin; les nombreux gites du bassin de la Seine dans le limon d’attérissement. Ils sont remplis d'arbres à demi bituminisés, dont le tissu ligneux est parfaitement conservé, et ils appartiennent à des espèces indigènes. Ces lignites du bassin de la Seine peuvent donner une juste idée de la formation générale de ce com- bustible ; car les arbres n’y sont encore qu’à demi bituminisés ou carbonisés. Les par- ties qui n’ont pas encore subi la transformation lente, sont dans un état de mollesse extrême, ce qui peut donner la raison de la forme ovale ou aplatie qu’on observe souvent dans les troncs passés à l’état de lignites. Ces dépôts ligniteux de dernière for- mation, comme l’est celui du bassin de la Seine, sont très-difficiles à distinguer de la tourbe, et c’est dans leur matière qu’on a trouvé des têtes d’antilopes, le cerf d'Irlande dont nous avons parlé, des éléphants, des bœufs, etc. Mais les débris ligneux qu’entrainent les fleuves ne s’arrêtent pas toujours dans leur cours ou près de l’embouchure. Jetés à la mer, emportés par les courants, ils vont s’entasser sur des rivages lointains dans les contrées septentrionales surtout, où ils for- ment aussi des dépôts ligniteux. Telle est sans doute la première origine du Suturbrand de l’Irlande, qui n’est qu’un amas de souches ligneuses métamorphosées par l’action volcanique. Telle est encore la cause première de ces puissantes couches de lignites du Calvados, de la Somme, du Pas- de-Calais, de la Manche surtout. Ici la matière se montre parfois à nu à la marée basse, tandis qu’elle est recouverte à marée haute par les flots de la mer. Les dépôts ligni- teux marins sont composés de bois confusément mélangés avec une grande quantité de plantes herbacées, c’est-à-dire, de bois flottés, arrêtés sur les rivages et parmi les- quels les végétaux marins ont crü avec une grande activité pour en augmenter la masse. — 157 — Enfin les bois qui se sont transformés en lignites peuvent avoir été enfouis par des éboulements, par quelque bouleversement du sol ou par une immersion subite, car des dépôts ligniteux sont recouverts d'énormes masses de basalte, de calcaire, ete. Près du Locle (Jura), on a découvert, en creusant des fondations, de grands arbres couchés tous dans le même sens, les uns à côtés des autres, et sous la couche de marne qui sans doute les a renversés en glissant sur les parois de la vallée. Le ligneux de ces arbres, quoique bien conservé, est cependant ramolli dans toute la longueur des sou- ches. Nous avons vu que le lac d’Etaillères (Jura) s’est formé par l’enfoncement subit d’un sol couvert de forêts. Le fond de ce lac est donc rempli d'arbres. Ne sont-ce point là les premiers matériaux préparés pour la formation des lignites. D’après cela, les dépôts ligniteux ne peuvent appartenir à une formation fixe et bien déterminée. On les trouve un peu partout, sans aucun ordre géographique ou géologique; seulement la matière qui les compose est dans un état de décomposition plus avancée et se rapproche davantage de la houille lorsque les lignites sont plus anciens. Alors on distingue très-difficilement ces deux combustibles, et c’est là sans doute ce qui a jeté tant d'incertitude sur leur classification et sur l'étude qu’on en a faite. Les bitumes dont nous ne dirons que quelques mots, ont été formés par les résines des grands amas de végétaux, des lignites surtout. Car les arbres qui les composent sont essentiellement des espèces résineuses. Toutes les lignites contiennent en quantité plus ou moins considérable l'huile connue sous le nom de pétrolle ou d’asphalte. La chimie reconnait dans ces bitumes une même origine, car ils renferment tous, dans des proportions variables, de l'hydrogène, du carbone et un peu d’oxigène. On y trouve des traces d'azote et souvent beaucoup de fer ; mais on n’en obtient pas, par la distillation, l'ammoniaque que fournissent presque toutes les tourbes et les houilles; et ceci est encore une preuve de la formation de la houille par la tourbe et de celle des bitumes par les lignites, puisque dans les matières produites par entassement lent et prolongé sans mouvement, il a dû se trouver une très-grande quantité d'animaux surtout de mollusques qu'au contraire il en est resté fort peu dans les débris de bois flottés et réunis par accident. Les couches asphaltiques alternent souvent avec les bancs de lignites. Ainsi, dans les mines d’asphalte de Lobsan, le calcaire et les marnes imprégnées d’asphalte sont sé- parés par un banc de lignites de 2 à 6 mètres d'épaisseur. L’asphalte est donc, on n’en peut plus douter, une imprégnation des sucs transformés de la matière végétale. Or la matière première peut avoir disparu, avoir été emportée et les roches imprégnées être restées sur place. Il est vrai que dans ce cas, l’explication de l'origine de l’asphalte offre quelque difficulté ; mais l'in-peetion des localités peut jusqu’à un certain point nous 16 — 158 — mettre sur la voie. Au Val-de-Travers, par exemple, les roches imprégnées de bitume et qui paraissent appartenir au terrain néocomien sont recouvertes d’une épaisse couche de sable et de cailloux roulés. Elles forment tout le long de la vallée et de chaque côté de petits monticules évidemment arrondis et ondulés par le frottement prolongé des eaux. C’est donc probablement l’eau qui a entrainé les dépôts ligneux qui primitivement couvraient le terrain néocomien ; elle a creusé ensuite ce sol pour se faire un lit plus profond, et de chaque côté sur les rives sont restés ces monticules, fouillés maintenant avec tant de zèle par les spéculateurs pour en extraire l’asphalte. On me pardonnera, je l’espère, cette courte digression sur les combustibles miné- raux. Si les rapprochements établis ne fournissent pas de nouvelles lumières à la science, ils pourront peut-être faire mieux sentir cette vérité: c’est que la divine Prévoyance tra- vaille depuis les temps les plus reculés à préparer le séjour de l’homme sur cette terre; c’est que la sagesse providentielle a semé jusqu’au fond des entrailles de la terre les fruits que l'humanité devait recueillir; c’est que l’homme a été le terme de toutes les métamorphoses de ce globe, et que cet être pour qui tant de choses ont été si mer- veilleusement préparées à l'avance n’est pas l’enfant d’un vain hasard , de même sa vie elle-même ne peut-être sans but. —Y = — TABLE DES CHAPITRES. Pages AVERTISSEMENT OSEO AD 2 écoliers Sun buses de à re $S 4. PanTIE THÉORÉTIQUE. INTRODUCTION 2 2... : PME el ur, zw : 16/01 GE 1 ASPECT GÉNÉRAL DES MARAIS TOURBEUX . . . . . . : le PREUVES DE LA FORMATION DE LA TOURBE . . .' . . - { 6 OPINIONS DES AUTEURS MODERNES SUR LA FORMATION DE LA TOURBE. . . . . Al ExPOSÉ THÉORÉTIQUE DE LA FORMATION DE LA TOURBE . . . . F5 ‘al ÂGE PROBABLE DES MARAIS TOURBEUX . . . . . . Ste 37 REPRODUCTION DE LA TOURBE . . . . . . UT A MP S 2. PanTiE PRATIQUE. ExPLOITATION DE LA TOURBE. . . + + . . . .. SRE LS VALEUR DE FAUTOURRE 0 D TN re cn el OS - 7 l'ube 6% CARBONISATION DE LA TOURBE « . .… . + . … ec ED CS 74 CRUE OS TOURS OR RENNES te ER EN, © 82 $S 5. PARTIE SCIENTIFIQUE. CR OM RE RE Tee ERNST Ed de un) VI HISTOIRE NATURELLE DES TOURBIÈRES DU JURA « « « « « « + + + . 97 La reau ALTO GÉOGRAPHIE DES MARAIS TOURBEUX . « . . Situation des marais tourbeux et leur influence sur les formes continentales. 111 Influence des marais tourbeux sur la formation des sources . . . . 116 Influence des marais tourbeux sur la température et la salubrité de Pair. 119 s SPA ET RAPPORT ENTRE LES DIVERS COMBUSTIBLES MINÉRAUX . . . : ERRATA. Page 5 ligne 6, s'oppose lisez préside. » 15 » 12, amenée lisez amenés. » 17 » 10, en remontant, que constituent, lisez qui constituent. » 49 à la note, Thor lisez Thær. » 28 » 15, sur les Verrières lisez sur les derrières. » 28 » 15, déposées lisez disposées. » 31 à la note, Guillaume Schimper lisez W. P. Schimper. » 52 » 16, ils le recouvrent lisez il les recouvrent. » 55 » 7, en remontant hypnes flottantes lisez Hypnes flottants. DD > 2 id. mécacées lisez micacées. 1 570. e010) id. fort éloignée lisez fort diverse. DR UT ERO) 8, id. la tourbe varie lisez la reproduction varie. » F7 ES Le, id. bouzin lisez bousin. » D2',» 6, supprimez que. » 61 » 14, combles lisez comble. D, bouzin lisez bousin. 7, acres lisez ares. » 75 » 6, 6000 lisez 600. 8, consume lisez retrouve. 0, après ont-ils ajoutez cité. » 112 » 18, ait pu lisez n’ait pu. » 415 » 20, mélés lisez mêlée. » 114 » dernière, Laudebeck lisez Caudebeck PO LE 17 9, d’Etailliers lisez d’Etaillères. CATALOGUE MOUSSES DE LA SUISSE. LÈD LESQUEREUX:. pue ee 4 , À s ; ‘ ; L > L = Ne Le L J 2 k € + r4, ds L L 1 4 à ‘ 2 e- . Li LA Le Le Le . p n ir ra h. Lao “noires pride Nr + Re “48e née eau. HE En. + re} Ver ut LAS AGIR epanée" Er rase s ses MC E UT og AC A + tint 48 AVERTISSEMENT. Depuis Schleicher, dont le catalogue incomplet est rempli d'erreurs et qui d’ailleurs n'indique aucune localité, on n’a rien publié sur les mousses de la Suisse. A peine quelques botanistes se sont-ils occupés superficiellement de cette famille dont l'examen offre cependant un grand intérêt. Après avoir pendant plusieurs années soigneusement étudié la bryologie du Jura, j'avais l'intention d’essayer une simple énumération des mousses de cette chaine de montagnes; car je n'ai jamais eu le bonheur de parcourir les Alpes à la recherche des cryptogames. Mes savans amis d'Alsace, MM. Muhlenbeck, Schimper et Mougeot m'ont encouragé à publier le catalogue de toutes les mousses reconnues en Suisse jusqu’à présent, me promettant pour cela leur précieux concours. Depuis fort long- temps M. Muhlenbeck passe chaque année quelques semaines dans quelqu’une des plus riches contrées alpines; MM. Schimper et Mougeot l’ont accompagné plusieurs fois dans ces laborieuses et savantes herborisations. Ces messieurs m’ont fourni la liste de toutes les espèces qu’ils ont observées et m'ont communiqué en même temps de nombreux échantillons. Quelques autres naturalistes m'ont aidé aussi avec beaucoup de bienveillance. Le savant lichénologue, M. Schærer, de Belp, m’a confié une riche collection de mousses où j'ai puisé de précieux renseignemens ; MM. Agassiz, Desor et Godet de Neuchâtel, m'ont rapporté des mousses de toutes leurs excursions dans les Alpes. Enfin, j'ai trouvé dans les herbiers du Musée de Neuchâtel quelques données intéressantes recueillies par Chaillet et Curie. Avec ces matériaux j'ai fait ce petit catalogue, en éliminant scrupuleusement les localités et les espèces douteuses; toutes les espèces énumérées ont été soigneusement déterminées et toutes les formes incertaines soumises à l'examen de M. Schimper. qui lui-même a revu et complété ce travail. Si je n’ai pas nommé les variétés dans les genres qui n’ont pas encore été décrits dans la Bryologie d'Europe, c’est qu’il me 1 parait inutile d’embrouiller davantage, par une vaniteuse confiance, une nomenclature fort difficile et qui sera enfin fixée , il faut l’espérer , par les magnifiques travaux de MM. Schimper et Bruch (*). Par la même raison, je ne donne pas ma classification comme originale. J'ai profité autant que possible des observations de M. Schimper, pour rapprocher les espèces suivant la méthode naturelle. Quelques mots sur la distribution géographique des mousses trouveront ici leur place, si ce n’est dans un intérêt scientifique , du moins pour aider les recherches des jeunes botanistes et rendre leurs explorations moins pénibles et plus fructueuses. Ce qui frappe d’abord en étudiant la géographie des végétaux cryptogames et particulièrement des mousses , c’est la préférence non-seulement de quelques indivi- dus isolés, mais de familles entières pour des habitats particuliers, hors desquels on ne les rencontre jamais. Les Andréacées vivent sur les roches granitiques ; les Spha- gnacées, dans les tourbières ; les Phascacées, les Pottiacées, deux familles voisines, sur la terre argileuse humide ; la plupart des Dicranacées, sur les troncs pourris ; presque toutes les Barbulacées, sur les détritus calcaires ; les Anacalyptées, les Desmatodontées, les Encalyptées, qui dans l’ordre naturel ont une grande analogie, sur la terre légère qui couvre les pierres, les rochers ou les murs ; les Orthotrichées, sur les troncs des arbres vivans et quelques-unes sur les pierres; les Ripariacées, les Fontinalées, dans les eaux courantes ; les Splachnées, sur les matières animales en décomposition , où sur les hautes montagnes ou dans les contrées glacées du Nord; les Bryacées enfin, assez généralement sur la terre humide et dans les lieux frais. Si la nombreuse famille des Hypnacées semble au premier coup-d’œil échapper à un semblable rappro- chement par une dispersion universelle , on trouve cependant encore une frappante uniformité d'habitat dans les différens groupes qui la composent. C’est ainsi que presque toutes les espèces des genres Fabronia, Anacamptodon, Leucodon, Climacium, Pterogonium, Isothecium, Leskea et Neckera, se rencontrent presque exclusivement sur les troncs des arbres. Les mousses aiment assez généralement les lieux frais, ombragés et humides. Les plus rares espèces habitent le voisinage, le lit même des torrens des montagnes, les gorges profondes et boisées où l’homme aborde difficilement, les granits arrosés par l’eau des neiges, les cascades alpines, les profondes tourbières des montagnes ou des régions du Nord. (1) Pryologia Europea. NN Comme les plus belles plantes phanérogames, elles semblent se plaire loin des lieux que l'homme habite et défier les recherches de Fexplorateur. À cela cependant font exception les Phascacées, ces Pygmées des mousses, qui vivent dans les champs cultivés, et les Mnium les plus grandes espèces des Bryacées, qu’on rencontre dans les lieux ombragés des vallées basses, jusque dans les vergers et dans les haies, et sur les bords des forêts de la plaine. Assez rarement elles s’élèvent vers les hautes régions des Alpes et du Jura. Les nombreuses espèces du genre Bryum semblent modifier leurs formes d’une manière assez analogue, suivant les localités plus ou moins élevées où on les trouve. Ainsi, dans les hautes Alpes, les capsules s’alongent comme dans les Bryum acu- minalum , polymorphum , elongatum , crudum ; pallens , uliginosum , ete.; où bien les feuilles se rapprochent, s’imbriquent en s’arrondissant sur les rameaux qui deviennent ainsi plus grèles, presque filiformes, comme dans les Bryum Ludwigii, Jjulaceum, Blindi, Zierii, demissum, ete. C’est même une étude qu’il importe de suivre attentivement, que les modifications des Bryacées suivant les diverses localités, afin de ne pas, par une distinction hasardée, établir des divisions dans des espèces qui sont les mêmes et dont les intermédiaires et les transitions se rencontrent et se reconnaissent facilement, quand on met un peu de patience à les observer. Sous ce rapport, les recherches du célèbre bryologue V.-P. Schimper offrent un intérêt par- ticulier par le soin , la persistance admirable que ce savant a mis à poursuivre dans toutes les localités les formes variées de la même espèce, dont les botanistes moins consciencieux avaient fait avant lui autant d'espèces différentes. Des 430 espèces nommées dans ce catalogue, j’en ai reconnu plus des trois-quarts dans le Jura et les plaines qui lavoisinent. Que doit-on conclure de ce fait? Que si les mousses ont pour certaines familles des habitats particuliers, ces petits végétaux pris dans leur ensemble ne sont pas disséminés par zônes comme les phanérogames et sont plus généralement cosmopolites. Aussi est-il fort peu d'espèces qui appar- tiennent exclusivement à la Suisse. Celles qui habitent les hautes Alpes se voient dans toutes les montagnes granitiques, dans le Tyrol, dans la Scandinavie, même dans les plaines à mesure qu’on aborde les régions glacées du Nord ; souvent aussi sur les blocs erratiques semés aux pentes du Jura. Le climat et le sol semblent donc les seules influences dont l’action se fasse apprécier dans la distribution géographique des mousses. Les espèces les plus rares de nos hauts marais tourbeux , la Paludella TomE III. s0C. DE NEUCH. 2 ET 0 — squarrosa, le Hypnum nitens, etc., abondent dans les tourbières septentrionales où elles prennent un développement considérable et se chargent de nombreuses fructifi- cations, ce qui prouve qu’une température plus froide et l’entassement des neiges longtemps prolongé sont nécessaires pour les faire arriver à leur état parfait. Mais il est juste de l’observer aussi : le peu d’attention que les botanistes ont donné jusqu’à présent en Suisse à la cryptogamie en général et surtout à la Bryologie, laisse supposer encore une ample récolte à faire pour les observateurs qui s’adonneront à la recherche des mousses dans les sauvages vallées des Alpes. Chaque année les botanistes de l’Alsace viennent reconnaitre et cueillir de nouvelles espèces dans les hautes Alpes des Grisons, de Berne et du Valais. L’Albula, la Gemmi, le Splügen, le Faulhorn, le Simplon, quelques parties du Valais sont extrêmement riches en belles et rares espèces bryologiques, comme dans le Jura les vallées profondes arro- sées par les torrens , le Val de Moutiers , la vallée de la Vaux près de Fleurier , les roches abruptes de Chasseron, de Chasseral, du Weissenstein, et les tourbières les plus élevées méritent sous le même rapport l'attention des naturalistes. Ce catalogue est écrit surtout avec l'intention et le vif désir d’encourager l’étude des mousses parmi les botanistes de la Suisse, pour aider peut-être plus tard la publication d’une Bryologie helvétique. Je serai donc très-reconnaissant de toutes les communications qui me seront faites, comme aussi je m’'empresserai de fournir aux naturalistes qui le désireront toutes les espèces que j'ai récoltées dans le Jura, et à-peu-près toutes celles qui sont énumérées dans ce catalogue. Abréviations. (Schp.) V.-P. Schimper. (Mhinb.) Muhlenbeck. (Schl. cat.) Schleicher, catalogue. (Thom.) Thomas. (Moug.) Mougeol. CATALOGUE DES MOUSSES DE LA SUISSE. ANDREÆACEZÆ. Plantes alpines et granitiques. Laseule {ndreæa rupestris se rencontre parfois sur le calcaire. Aucune des espèces n'appartient au Jura. ANDREAÆA NIVALIS Hook.— Alpes, rochers humides. Le Grimsel, le Simplon (Mhlnb. Schp. Moug.) Été. AxpReaA Roram W. et M.— Ne se montre que rarement daus les hautes Alpes. Le mont Bernhardin dans les Grisons (Hegetschweïler). Le mont Susten (Schærer, (Schl. cat.) Été. — Var. Grimsulana Br. et Schp. — 4. Grimsulana Brch. — Le Simplon (Mblnb., Moug.) Le Teufelsplatte au Grimsel (Schp., Mhlnb., Schærer, Blind). Été. ANDREAEA RUPESTRIS Hedw.— Mont Bernhardin (Mhinb.). Le Grimsel, l’Albula - (Schærer et les botanistes d'Alsace , Schl. cat.). Clairville l’indique sur les rochers humides du Valais; c’est fort douteux. Été. ANDREAEA CRASSINERVIA Breh.—Teufelsplatte du Grimsel (Schp. Mhlnb.). Été (‘). (1) L'Andreæa alpina citée dans le catalogue de Clairville, n'appartient pas à la Suisse, mais à l’Ecosse. L'auteur a confondu cette espèce avec l'Andreæa Rothii. SPHAGNEZÆ. Cette famille n’a, comme la précédente, aucune analogie avec les autres familles des mousses. Toutes les Sphagnées sans exception croissent dans les marais tourbeux et par leur détritus forment la partie essentielle de la tourbe. SPHAGNUM CYMBIFOLIUM Dill. — Sph. latifolium. Hedw.— Sph. obtusifolium W. et M. — Var. & squarrosulum Nees et Hsch. — Tous les marais tourbeux du Jura et des Alpes. Cette espèce est ordinairement émergée. La var. 8 diffère à peine et se trouve fréquemment dans les lieux plus humides. Été. SPHAGNUM COMPACTUM Brid.—Var. 8 rigidum Braun.— Marais tourbeux du Jura; moins commun que le précédent. Var. 8, dans les fossés plus humides des hauts marais. A la Vraconne près de Sainte-Croix, à Bémont, etc. Été. SPHAGNUM SQUARROSUM Pers.— Schl. cat., Thomas, sans localité. — Cette espèce, commune dans les tourbières de la Forêt-Noire, n’a pas encore été vue dans le Jura. Été. SPHAGNUM MOLLUSCUM Brch.— Sph. tenellum Pers. —Var. £ fluitans Lesq.— Assez commun dans les hauts marais du Jura. Var. g,tiges flottantes , alongées, un pied et plus, rameaux grèles, capsules portées sur des pédoncules très-longs. J'ai trouvé cette magnifique variété une seule fois dans les marais des Ponts. Été. SPHAGNUM CONTORTUM Schultz.—$. subsecundum Nees et H.—Tourbières profondes du haut Jura. Varie beaucoup par la longueur des tiges, la couleur et la forme des feuilles plus ou moins secondes. Espèce ordinairement immergée. Été. SPHAGNUM ACUTIFOLIUM Ehrh.—Sph. capillifolinm Dill. — Abonde dans tous les marais tourbeux où, suivant le degré d'humidité, il varie à l'infini pour la forme, la longueur, la direction des rameaux et les nuances de coloration de la plante. Les var. « robustum, 8 Skurii méritent à peine d’être indiquées. La var. > rubrum se rencontre partout où la plante est privée d'humidité et végète en touffes compactes. La var. : pictum sur le revers des fosses profondes et ombragées. Espèce émergée. Été. SPHAGNUM CUSPIDATUM Ehrh.— Var. & plumosum. — Sph. cuspidatum plumosum Nees et H. — Marais tourbeux. Espèce immergée ou flottante. La var. 6, dans cu D = Dans les fosses plus profondes. On peut suivre les nombreuses transformations de cette belle mousse dans le petit marais de Noiraigue où elle fructifie abondamment. Eté. PHASCACEZÆ. PHascuM sERRATUM Hedw.— Ph. stoloniferum Dicks. — Assez commun dans le haut Jura, dans les champs où lon a moissonné l'orge. Automne, printemps. PnascuM FLOERKEANUM W. et M. — Terre argileuse, bords de la route près du pont de Thièle. Octobre. Paascum paTExS Hedw.— (Schl. cat.) Sans localité. Bords de la route de Fontaine à Grandson, sur la terre argileuse humide. Septembre. PHAsCUM CRASSINERVIUM Br. et Schp. — Doit se trouver en Suisse aux endroits argileux dans les champs de trèfle, ainsi que le Phascum pachycarpon (Schp.) Paascum muricum Schreb. — Var. & minus Hook et Tayl. ; Ph. globosum Schl. — Les champs (Schl. cat., Thomas). Neuchâtel (Chaillet). Eté. — La var. 8, citée dans le catalogue de Schleicher sous le nom de Ph. globosum , n’est qu’une forme un peu plus petite. Paascum cusproarum Schreb. — Var. 6 minor Breh. et Schp. — Var. 5 piliferum Br. et Schp. ; Ph. piliferum Nees et H. — Var. £ elongatum Br. et Schp.; Ph. elatum Brid.— Var. : curvisetum Br. et Schp. ; Ph. curvisetum Dicks. — Partout dans les champs cultivés après les moissons. Automne. Var. 6,5 et £ champs du Val-de-Travers, plus rarement que la forme primitive. Var. : citée par Schl. Paascum BRYOIDES Dicks. — Ph. gymnostomoides Brid. — Var. 8 minus Br. et Schp.; Ph. pusillum Schl. — Champs secs et incultes, les allées de Colombier (Chaillet. Schl. cat.) Eté. — Var. £ environs de Bex (Schl.) PnascumM CurvICOLLUM Hedw.— Champs incultes, collines calcaires. A Vouens. Jüra, sur la terre parmi les pierres (Curie). Les remparts de Bâle (Clairv.) Printemps. Paascum crispum Hedw. — Sur la terre humide des murs près de Saint-Sulpice. Jura. Mars. Terre humide (Clairv., Schl. cat.) Paascum nirinum Hedw.— Ph. axillare Dicks. — Lieux argileux humides (Schl. Thom.) Automne. | Paascum suBuLaTUM L. — Les prés, les bords des boïs, sur la terre sablonneuse. commun. Été. TOM. II. SOC, DE NEUCH. 3 ss "0 A Paascum ALTERNIFOLIUM Nees et H. — Champs de trèfle aux environs de Berne, de Zurich, ete. (Schp.) Automne. Paascum pALUSTRE Br. et Schp.— Prairies humides de Roche-Bulon, Jura. Eté. GYMNOSTOMEZÆ. HymENosTomuM microsromumM Hedw.— Gymnostomum microstomum Hedw. — Var. e obliquum, Hymenostomum obliquum Nees.— Var. £ brachycarpon, Hymenosto- mum brachycarpon Nees. — Commun sur la terre dans les prés du Jura. Eté. — Les deux var. se trouvent souvent mélangées à la forme primitive. Prairies de Roche- Bulon, Jura. GxmMNosTOMUM TORTILE Schw.— Gymnostomum microstomum. Sch.—Fentes des rochers du Jura. Val-de-Travers, etc. Eté. GymNosromum TENUE Schrad. — Dicranum cylindricum Smith. — Bryum paucifo- lium Dicks.— Berne, sur la molasse humide. Lausanne. (Mhlnb., Schp., Schl. cat.) Eté. Gymvosromum cospirirrumM Br. et Schp.— Anæctangium cœspititium Schw.—Schis- tidium cœspititium. Brid.— Les rochers des Alpes près de la région des neiges. (Mhlnb., Schp., Schl. cat.) Eté. Gymnosromum cALCAREUM Nees et H.— Les murs, les roches arénacées des envi- rons de Berne (Schærer, Schuttleworth). Eté. GymNosTOMUM RUPESTRE Schw.—Var. 6 compactum Br. et Sch. — Rochers humides des Alpes. Cascade de la Pissevache en Valais. Cascade du Giessbach ; le Faulhorn ; la Gemmi (Mhlnb., Schp.) Le Rigi (Mhlnb., Schl. cat.) Var. £ sur les rochers micacés de l'Oberhasli (Schp.) Été. GyYMNOsTOMUM cuRvVIROSTRUM Hedw.— Var. de l'espèce : Gym. microcarpon Nees. — Gym. stelligerum Engl. Bot.— Gym. æruginosum Engl. Bot.— Gym. luteolum Smith. — Gym. pallidisetum Nees. — Très-répandu surtout contre les rochers schis- teux et calcaires dans la zône supérieure de la région des forêts (Schp., Schl. cat.) La var. pallidisetum Nees. Via-Mala ; le Splugen (Schp.) Été. : GYMNOSTOMUM HORNSCHUCHIANUM Hppe. — (Schl. cat.) Cette espèce n’a jamais été certainement reconnue en Suisse, mais seulement dans les hautes Alpes du Tyrol. Elle peut se trouver suivant M. Schimper sur les rochers micacés arrosés par la pous- sière des cascades au-dessus de la région des forêts. — 41 — ANOECTANGIEÆ. ANGEGTANGIUM compACTUM Brid. — Rochers des Alpes. Le Hasli, le Faulhorn, la Gemmi, le Splugen (Schp., Mhinb.) Hinterrhein (Moug., Mhlnb., Schl. cat.) Eté. POTTIACEZÆ. Porria sussessiis Br. et Schp. — Schistidium subsessile Hrnsch., Brid. — Gyn- nostomum subsessile Schw.— Gym. acaule W. et M.—(Schl. cat.) — Cette espèce vient contre les murs et sur la terre aride en société du Poltia cavifolia, dans les régions basses. Elle n’est citée que sur l'autorité de Schleicher. Eté. Porria caviroctA Ehrh.— Gymnostomum ovatum Hedw.— Très-commun dans le Jura comme dans toute l’Europe sur la terre argileuse aussitôt après la fonte des neiges. Dans les Alpes le poil des feuilles est plus long, le pédicelle capsulaire plus court. -Porria muruLA Br. et Schp.— Gymnostomum minutulum Schw.— Var. 6 ru- fescens Br. et Schp. , Gymnostomum rufescens Schultz. — Var. ; conica Br. et Schp., Gymnostomum conieum Schw.— Terre argileuse humide, champs cultivés. Com- mun dans les vallées du Jura, au Val-de-Travers et ailleurs avec les var. 8 et >. Ne se trouve pas sur les hautes montagnes. Hiver. Premier printemps. PorriA TRUNCATA Ebrh.— Gymnostomum truncatum Hedw.— Pottia eustoma minor Ehrh. — Var. 8 major Br. et Schp., Pottia eustoma major Ehrh. Gymnostomum truncatum, & majus W. etM.— Gym. intermedium Schw.— Prés humides, bords des routes sur la terre argileuse ou sablonneuse. Commune en Suisse et dans toute l'Eu- rope. Automne. — La var. 8 est plus rare. Dans les champs du Val-de-Travers ; sur les murs près de Provence, Jura. PorriA Hetmmn Br. et Schp.— Gymnostomum Heimii Hedw.— Gym. Heimiü et affine Nees et H.— Gym. systylium Funk. — Gym. obtusum Turn. —Indiqué en Suisse sans localités par Schl. et Thom. Aux environs de Bâle (Nees). Croit sur le bord des fossés, avec le Physcomitrium pyriforme. Printemps. WEISSIACEZÆ. La Bryologia Europæa de Bruch et Schimper, réunit les Anacalypta aux Pottiacées et les Weiïssia aux Dicranacées. La constance du péristome dans les Anacalypta autorise suffisamment leur réunion aux Weissiacées, comme la forme droite de la capsule sépare forcément les Weissia des Dicranacées. = ‘fn. ANACALYPTA LANCEOLATA Rühl.— Weissia lanceolata Auet. — Grimmia lanceolata W. et M.—Coscinodon lanceolatus, aciphyllus et conatus Brid. —Sur la terre nue, sur le sable, dans les champs, sur les pierres et les murs. Commune aux bords des routes. Printemps. ANACALYPTA LATIFOLIA Nees et H.— Feissia latifolia Schw.— Grimmia latifolia W. et M.—Var. g pilifera Br. et Schp., Coscinodon pilifer Brid. — Sur la terre nue au-dessus de la région des forêts ; les Alpes et les sommets du Jura. Cette jolie mousse se trouve assez abondamment au sommet de Chasseron attachée à des boules de terre sèche, au bord des rochers. Le Creux-du-Vent, etc. M. Reuter l’a observée à la Dôle. — La var. £ dans les mèmes lieux. WEISSIA GYMNOSTOMOIDES Brch.— Col de Stelvio, la Wengern Alp (Mhlnb.) La Gemmi, aux endroits abruptes sur le bord des chemins (Mhlnb., Schp.) Eté. WeissiA VIRIDULA L.— W”. controversa Hedw.— W. mutabilis Brid. — W, virens Schultz. — Grimmia controversa W. et M. — Très-commun au premier printemps sur la terre sablonneuse aux bords des routes, des forêts, des champs, sur les murs, etc., depuis le haut Jura jusque dans la plaine. Varie à dents du péristome très-courtes. WEissiA MUCRONATA Brch. — Se trouve au printemps surtout dans les champs de trèfle (Schp.) Je l’ai observée au Mail de Neuchâtel sur la terre et dans les fentes des rochers de la Clusette. WeïsstA coMPACTA Brid.— Grimmia compacta Schi. Dans le voisinage des champs de neige sur les rochers des Alpes, la Gemmi, derrière le Schwarmbach, le Faulhorn (Mblnb. Schp.) — (Schl. cat.) Eté. WEIssIA CIRRHATA L. — Grimmia cirrhata W.etM.—S’attache surtout aux troncs d'arbres dans les montagnes basses. Dans les Alpes au Faulhorn (Schp. Mhlnb.) Dans le Jura je n’ai vu cette mousse qu’aux environs de Chasseron. Eté. WeissrA CRISPULA Hedw.— Grimmia crispula W. et M.— Sur la terre et les rochers, monte très-haut dans les Alpes. Dans le Jura sur les blocs granitiques et les murs qui en sont construits, granits de Provence et du Mont-Borgeais. Printemps. Weissia CURvIROSTRA Brid. — W. recurvirostris Brid. — Anacalypta rubella Hueb. — Commun sur les murs, les pierres humides. Varie beaucoup pour la longueur des tiges et de l’opercule. Eté. Weiss WimmerrAxA Sendtner.— Espèce voisine de la précédente. Roffla au Splu- gen (Schp.) endroits abruptes et dénudés. Eté. SR EN WassiA AcuTA Hedw.— Grimmia acutaW. et M. Dans le voisinage des cascades, par toute la chaine granitique et schisteuse (Schp.). Été. WaissiA VERTICILLATA. Schw.— Coscinodon verticillatus Turn.— Grimmia fragilis W. et M. — Propre à la formation calcaire. Sur les rochers irrigués où se dépose le tuf. La grotte aux Filles près de Saint-Aubin avec l’Adianthum capillus veneris. Les bords du Sucre derrière Couvet, etc. Eté. Observée au Salève par Reuter dans le Val-de-Montiers. (Schp. et Mhlnb.). WaeissiA RECURVATA Hedw.— Grimmia recurvata W. et M. — Rochers nus de la Suisse, près du Léman (Bridel) Genève (Reuter). (Schl. cat.). Surtout sur les pierres calcaires schisteuses éparses aux endroits ombragés (Schp.). Vallée de Lauterbrunn, source du Gournickel. (Mhlnb.). Eté. Waissia puszzA Hedwv.— Grimmia pusilla Engl. Bot. — Afzelia pusilla Ehrh. — Très-généralement répandu dans les montagnes de Nagelflue (Schp.). Cavités humides des rochers du Jura ; la glacière Pury, la grotte de Lumignon près de Môtiers. Eté. Wassia rrisricHA Brid. — Grimmia tristicha Schw.— G. trifaria W. et M.— Sous les cavités humides aux bords de quelques ruisseaux du Jura, dans les enton- noirs, et dans les forêts. La Poita-Raisse près de Fleurier. Environs de Beauregard près de Chasseron. Printemps. Wassia serruzara Brch. — Valais (Schl.) dans les fissures des rochers au-dessus de la région des forêts. Eté. WaissiA DENTICULATA Sch. — Fentes des roches schisteuses dans le Valais, région des forêts (Schl.). Eté. WeissiA FuGAx Hedw.—W'eis. striata minor Hook et Tayl.—Dicranum fugax Br. et Schp. — Dans les vallées alpines et très-rarement au sommet des Alpes (Schp.) (Schl. cat.). Très-rare dans le Jura et observée seulement une fois près du sommet de Chasseron. Eté. DICRANACEZÆ, Dicraxum varium Hedw.— Dicr. rigidulum Swvartz. — Dicr. callistomum Smith. — Bryum simplex L. — Commun sur la marne, la terre sablonneuse humide au bord des routes, des fossés, ete. Eté. Varie à tiges plus ou moins alongées. Dicranum RurFEscENS Turn. — Dier. varium var. rufescens Brid. et auct. — Difière du précédent par la couleur rougeâtre, l’aréolation des feuilles plus lâche, la capsule droite. Croit dans les mêmes lieux, mais plus rare. Eté. TOM. II. SOC. DE NEUCH. & SET Die DicrANUM cERvICULATUM Hedw.— Oncophorus cerviculatus Brid. — Var. 8 pusil- lum W. et M. — Dicranum pusillum Hedw.— Abonde dans les tourbières des Alpes et du Jura, sur les coupes perpendiculaires des vieilles exploitations, sur la tourbe mise à nu. Eté. — Var. 8 dans les mêmes localités. DicranuM suBuLATUM Hedw. — Dicr. secundum var. subulatum W. et M. — Dicr. heteromallum var. minus Wahl. — Les Alpes du Valais, Zermatt (Mhlnb. Moug.). Le Saint-Gothard , le Splugen (Mhlnb.). (Schl. cat.). LaVaux (!) près de Fleurier ; rare. Eté. DicRANUM HETEROMALLUM L. — Bryum heteromallum Funk. — Var. & interrup- tum.— Dicranum interruptum Hedw.— Chemin creux dans les forêts de la Suisse (Schl. cat.). (Thomas). Printemps. — Var. 8 au-dessus de Morcles (Schl.). Je n’ai pas encore pu reconnaitre dans le Jura cette espèce généralement très-répandue dans l’Europe centrale. | Dicranum FALCATUM Hedw.— Rochers humides des hautes Alpes. Le Faulhorn, le Grimsel (Schp. Mhlnb.). Le Gothard (Godet). (Schl. cat.). Eté. Dicranum Biyrru Br. et Schp.— Espèce nouvelle, semblable au D. Starkii, mais plus grèle, plus ramifiée, à capsule non striée et à fleurs mates terminales (Schp.). Fissure des rochers au haut du Simplon vers le village. Dans le Tyrol et en Norvège (Schp.). Dicranum Srarktt W.et M.— Bords des ruisseaux glacés des Alpes (Brid.) Glaciers du Rhône (Desor). Observé au Splugen, au Grimsel, au Saint-Gothard, à lAlbula, par Schp., Mhlnb., Moug. Eté. DicranuM coNGEsrum Brid. — Dicr. rupestre Brid. — Dicr. longirostre Schw. — Cette espèce est si variable pour la longueur des tiges, la courbure des feuilles, la forme et la direction des capsules, qu’il serait impossible d’énumérer les nuances et à plus forte raison de les trancher pour en établir des espèces différentes, comme l’a fait Bridel. Croit dans les bois humides des Alpes et du haut Jura. Toutes les variétés abondent sur les troncs pourris à LaVaux. Été. DicrANUM FLEXICAULE Brid. — Endroits humides, région des Rhododendrons. Le Splugen et beaucoup d’autres localités de la Suisse (Schp.). Été. (1) LaVaux, localité souvent nommée dans ce catalogue, est une petite vallée (rès-élevée du Jura, au sud du Val-de-Travers. Entourée de rochers abruptes, et de difficile accès, el'e est encore en partie couverte d'une vérilable forêt vierge très-riche en Cryptogames. Les Dicranacées surtout y abondent. Le. OT Dicranum scoparrom Hedw.— Très-commun dans les bois avec une quantité de variétés. Été. DicRANUM PALUSTRE. — La Pyl. in Brid. Bryol. un. 1, p. 814. J'ai rencontré cette espèce, pour la première fois en Suisse, dans un petit bois de pins au milieu du marais des Ponts. Automne. Dicranum Magus Turn. — Dier. scoparium var. majus W. et M. — En magnifi- ques exemplaires à LaVaux (com. Schp. et Mhinb.). Novembre. DicrANUM ELONGATUM Schwv. — Dicr. Sphagni Wahl.— Dicr. alpinum Schreb. — Les rochers des Alpes; le Faulhorn (Schp. Mhlnb.). Le Valais vers Zermatt (Mhlnb., Moug.). La Gemmi (Smidt). Le Schreckhorn (Desor). Fin de l'Été. DicraxuM uxDu£ATUM Ehrh. — Dicr. polysetum Swartz. — Dicr. Bergeri Bland. Dier. intermedium Funk. — Dicr. rugosum Dill., Hoffm:— Habite les bois humides. Assez commun dans le Jura. Eté. Drcranum ScarApert W. et M.— Marais tourbeux du Jura; fructifie surtout dans les forêts de pins. Été. C’est cette espèce sans doute que Schleicher a trouvée dans les marais du Jura et indiquée à Bridel comme le Dicranum spurium qui ne s’y trouve pas. Dicranum spurIUM Hedw.— Cecalyphum spurium Pal., Beauv.— Bryum spurium Dicks. — Alpes de Saas (Bridel). Tourbières du Jura ?? (Schl., Thom.). Eté. Dicranum Munzensecknt Br. et Schp. — Espèce magnifique, tenant le milieu entre le Dicr. Schraderi et le Dicr. spurium ; trouvée au pied de lAlbula vers Tusis par le docteur Muhlenbeck. Eté. Dicranum srricrum Schl.— Les Alpes du Valais (Mhinb., Moug.). Forèts au-dessus de Morcles (Schl.). Forèts du Simplon sur la terre et les troncs pourris (Schp.). Juin. DiCRANUM FLAGELLARE Hedww.— Commun dans le Valais (Schl.). Bois du Jura, rare. Jolimont près de Thièle (Curie). Été. DicRANUM LONGIFOLIUM Ehrh. — Rochers des Alpes et granits roulés du Jura. Granits de Noiraigue, etc. Eté. DicrANUM scorrIANuM Sm. Interlacken (Blytt.). Dicraxum Saurert Br. et Schp. Forêts alpestres du Valais (Schl.). Dicranum viRENs Hedw.— Oncophorus virens Brid.— Dicranum strumiferum Auet. — Var. 6 compactum Schp.— Assez commun dans les Alpes, dans les lieux humides. Rare dans le Jura. À LaVaux, à la Poita-Raisse près de Fleurier, sur les troncs pourris SE Cie de humectés par le torrent. Été. — La var. 8 dans les glaciers du Rhône (Godet). Col de Stelvio. (Schp.). Dicranum PELLUuCIDUM Hedw.— Bryum pellucidum L. — Dicranum aquaticum Ehrh. — Oncophorus aquaticus Brid.— Var. 8 microcarpon Brid. — Var. à fagimon- tanum Brid. — Var. : Rogeri Brid. — Alpes et Jura, dans les forêts humides, sur la terre et les pierres. La forme normale et les variétés de Bridel sont communes à La- Vaux et dans le voisinage de Chasseron. Été. Dicranum squarRROosuM Schrad. — Bryum palustre Dill. — Oncophorus palustris Brid. — Assez commun sur le bord des ruisseaux qui découlent des champs de neige dans les hautes Alpes (Schp.). (Schl. cat.). Très-rare dans le Jura. A LaVaux. Été. Dicranum GREVILLIANUM Hook. — Le Splugen (Schp.). Alpes du Valais, Zermatt (Mhlnb., Moug.). Gasternthal, la Gemmi, (Schp.). Se trouve aussi dans le Jura, très- rarement. Sur la Fonds au-dessus de Fleurier. Automne. Dicranum ScareBert Hedw. — Terrains argileux du Léman , au bois de Bougis par Roger (Brid.). (Schl. cat.). Près de Beauregard, Val-de-Travers. Été. DicRANUM POLYCARPON. Ehrh.— Fissidens polycarpus Hedw.— Var. & strumife- rum.— Très-répandu dans toute la Suisse, de même que la var. strumiferum (Schp..) (Schl. cat.). Été. DicRANUM GRACILESCENS W. et M. — Dicr. flavescens Hook et Tayl.— Var. & flexi- setum Br. et Schp. — Alpes et sous Alpes, sur la terre et les rochers ; commun au Faulhorn où l’on trouve aussi la var. 8 (Schp., Schl. cat.). Été. Oxcopnorus éLAUCUS Br. et Schp. — Dicranum glaucum Auct. — Bryum glau- cum L.— Marais tourbeux de Noiraigue, Val-de-Travers, sans fructification. Cité aussi dans le catalogue de Schleicher. CEPHALOGONIUM FLEXUOSUM Br. et Schp.— Campylopus flexuosus Brid. — Thesa- nomitrium flexuosum Arn. — Dicranum flecuosum Hedw.— Marais tourbeux du Jura et des Alpes, croit en général sur la tourbe mise à nu. Avril. CEPHALOGONIUM LONGIROSTRE Br. et Schp. — Didymodon longirostre W. et M. — Dicranum denudatum Brid. — Trones pourris dans les bois humides. N'est pas rare dans le Jura, mais fructifie rarement. Printemps. CEPHALOGONIUM GLACIALE Lesq. — Colore amæne luteo-viridi. Densissime cœspi- tosus ; caule elongato, bipolicari et ultrà, simplici, adscendente erecto-ve, foliis laxe imbricatis, sub homomallis erectiuseulis, e basi lanceolata longè subulato-setaceis = OT à apice tubulosis enerviis. Areolatione compactà (Lesq.) Cette mousse qui rappelle les formes grêles du Dicranum strictum dont elle s'éloigne tout-à-fait par l’épaisseur et la composition des feuilles presque charnues et sans nervures, a élé trouvée au Schrek- horn , par M. Desor. CERATODON cyziNpricus Br. et Schp. — Trichostomum cylindricum Brid.— Dicra- num cylindricum Smith. — Trichostomum tenuifolium Schrad. — Bords des forêts dans les Alpes des Grisons. Le Splugen (Schp., Mhlnb.). Été. CERATODON INCLINATUS Hueb. — Cynodontium inclinatum Hedw.— Didymodon in- clinatus Wahl. — Grimmia inclinata Smith. — Rochers des Apes. La Gemmi (Reuter, Mhlnb.). L’Albula, Zermatt (Moug., Mhlnb.); assez généralement dans les hautes montagnes. Les plus hautes cimes du Jura : Chasseron, le Creux-du-Vent, Chasseral, dans les fentes des rochers humides. Été. CERATODON PURPUREUS Brid. — Dicranum purpureum L. et auct. — Bryum pur- pureum Funk. — Commun partout, dans les marais, dans les lieux secs, dans la plaine et dans les montagnes. On le voit surtout en grande abondance partout où lon a fait du charbon ou brülé du bois, avec le Funaria hygrometrica. I varie à l'infini. Été. — Les variétés les plus remarqgnables observées en Suisse , sont : 8 bipartitus. Caulibus interruptis, bipartitis. Chasseron. + robustus. Caule crasso simplici, capsula minore. Chasseral. à erythropus. Caule flaccido , seta longissima, capsula rubella macilenta. Dicranum erythropum (Chaillet). Croiît dans les bois. : palustris. Priori similis sed in omnibus partibus robustior. Marais. £ stellatus. Caulibus brevissimis, seta longissima , capsulà nigra. » alpinus. Cœspitoso-compactus. Caule brevi. Le Brunig. 3 julaceus. Caule brevi, foliis undique appressis, capsulà ovata suberecta. Chasseron. TREMATODON BREVICOLLIS Br. et Schp. — Les hautes Alpes. Sommet du Faulhorn (Mhinb.). Alpes du Valais (Schl.). Été. TREMATODON AMBIGUUS Schw. — Dicranum ambiquum Auct.—Mnium setaceum L. — Se voit quelquefois aux Alpes. Le Grimsel (Mhlnb.). Plus souvent dans la plaine. Environs de Soleure, de Berne, etc. (Schp.) — (Schl. cat.). Août. DIDYMODONTEZÆ. Dinymopox FLExIFOLIUS Smith. — Le Grimsel, lieux gazonnés. Sans fructification. (Mhlnb.). TOM. III. SOC. DE NEUCH. 5 PAR A DipymonoN CAPILLAGEUS Schrad.—Dicranum capillaceum W. et M. — Cynodontium capillaceum Schw. — Var. 8 compactus. — Didymodon distychus Schl. — Commun aux rochers des Alpes et du haut Jura ; descend même dans les vallées. On le trouve surtout en grande abondance aux rochers de Chasseron avec les var. à tiges plus ou moins alongées, à feuilles comprimées ou étalées. Été. TRICHOSTOMEZÆ. DEsmaroDoN LarirocIuUs Brid. — Desmatodon brevicaulis Brid. — Trichostomum latifolium Schw.— Trich. piliferum Smith. — Dicranum latifolium Hedw. — Var. & muticus. — Desmatodon latifolius 8 muticus Brid. — Desm. glacialis Funk. — Commun dans les Alpes. On le rencontre, mais plus rarement, sur les hauts sommets du Jura. Sur la terre au bord des rochers, à Chasseron et à Chasseral. Été. Var. & dans les hautes Alpes. DESMATODON FLAVICANS Br. et Schp. — Didymodon flavicans Funk. — Var. # obtu- sifolius Br. et Schp. — Didymodon oblongifolius Hook. — Barbula obtusifolia Sehw. — Tortula humilis Hedw.— Les rochers des Alpes; le Faulhorn au Bach-Alp (Schp.). Le Sentis (Mhlnb.). Été. Le var. 8 dans les Alpes du Valais. DESMATODON GERNUUS Br. et Schp. — Didymodon latifolius Wahl. — Cynodon lati- folius Schwv. — Espèce très-rare et à peine reconnue en Suisse ; se rencontre surtout sur le ciment calcaire des murs au dessus de la région des forêts. Route du Saint- Bernard à la vallée d’Aost (Sonder.) — (Schl. cat.) sub Didymodon. Été. Desmaropon Laurer: Br. et Schp. — Trichostomun Laureri Schultz. — Sommet du Faulhorn près du chalet, avec le Trematodon brevicollis (Mhlnb.). Juillet. TRICHOSTOMUM GLAUCESCENS Hedw.— Didymodon glaucescens VW. et M. — Fentes des rochers, pentes abruptes et gazonnées des hauts pâturages des Alpes. Le Splugen, la Gemmi, le Grindelwald (Mhlnb.). L’Albula, Zermatt (Moug., Mhinb.). Sommet du Chasseral, seule localité où j'aie découvert cette espèce dans le Jura. Août. TricuosTOmuM PALLIDUM Hedw. — Dicranum pallidum W. et M. — Didymodon pall. de Not. — Sur la terre au bord des bois. Pentes du Chanet près de Neuchâtel (Chaillet). Environs de Berthoud (Mæœrker ex herb. Schærer) — (Schl. cat.). TRICHOSTOMUM HOMOMALLUM Br. et Schp. — Didymodon homomallum Hedw.— W'eissiga heteromalla Hedw. — Grimmia heteromalla W. et M. — Herbier Chaillet, — AE, à sans localité. Cette mousse habite certainement la Suisse, car elle est commune dans l'Europe moyenne sur la terre sablonneuse, au bord des chemins creux, ete.: il n'y y encore cependant aucune localité bien reconnue. Eté. TRICHOSTOMUM FLEXICAULE Br. et Schp. — Cynodontium flexicaule Schw. — Di- dymodon flexicaule Brid.— Alpes et Jura. Nulle part plus commune que sur les roches ‘alcaires ombragées et un peu humides aux bords des bois dans les vallées du Jura. Eté. TRICHOSTOMUM TORTILE Schrad. — Didymodon tortile W. Arn. — Dicranum tortile W.et M. — Var. pusillum Br. et Schp.— Trichostomum pusillum Hedw. — Didy- modon pusillum Hedw.— Desmatodon curtus Brid. Bords des routes, pentes sablon- neuses. La Vraconne près de Sainte-Croix, Jura, avec la var. 6. Septembre. — (Schl. cat.). TRICHOSTOMUM RIGIDULUM Turn. — Didymodon rigidulum Hedw. — Var. 8 densum Br. et Schp. — Desmatodon rupestris Funk.— Sur les murs et les rochers , assez commun et souvent confondu avec la Weissia eurvirostra ou la Barbula fallax. Au- tomne. Var. dans les Alpes. Été. TRicHosTOMUM CRISPULUM Br. et Schp. — Près du glacier supérieur du Grindelwald (Schp.). Été. TRICHOSTOMUM TOPHACEUM Brch. — Aux environs de Genève (Schl.). Été. BarBuza RIGIDA Schultz. — Tortula enervis Hook et Tayl. — Sur les pierres, les roches calcaires , la terre sablonneuse, dans les lieux chauds. Murs à Tusis (Schp.). Environs de Neuchâtel. Été. BARBULA ALOIDES Brch. — Trichostomum aloides Koch. — Terre argileuse sur les murs (Thom. ex. herb. Schærer). Été. BARBULA AmBIGUA Br. et Schp.— Tortula ambiqua Tayl. — Tortula rigida Schw. — Sol arenacé argileux (Thom. ex. herb. Schærer), sous le nom de B. brevirostris. La vraie B. brevirostris n’a été observée qu’en Angleterre et en Suède (Schp.). BARBULA MEMBRANIFOLIA Schultz. — Tortula membranifolia Hock.— Sur les murs de Vevay, de Genève, de Bex, etc. , (Braun, Schp., Mhlnb.). Très-répandue en général sur les bords du Léman. Été. BARBULA UNGUICULATA Hedw.— Tortula unguiculata Hook et Tayl. — Tortula mucronulata Sm.— Var. 6 cuspidata Br. et Schp. — Barbula cuspidata Schultz. — Fortula mucronulata Swartz. — Var. ; apiculata Br. et Schp. — Barbula apiculata es ‘be Hedw.— Var. ÿ microcarpa Br. et Schp. — Barbula microcarpa Schultz. — Var. : obtusifolia Br. et Schp. — Barbuta obtusifolia Schultz. — Var. 5 fastigiata Br. et Schp. — Barbulata fastigiata Schultz. — Partout sur les murs , les rochers , au bord des routes, dans les champs sablonneux. Printemps, Été. Varie à l'infini. Var. £ les murs du Val-de-Travers. Var. ; Chasseron. Var. 5 sur la marne au Chatelu , près de la Brévine. Var. « (Thom. ex. herb. Schærer). Var. # Dans les Alpes (Schp.). BARBULA PALUDOSA Schw.— Barbula crocea Brid. — Tortula paludosa Hook et Tayl. — Alpes et sous Alpes, sur les rochers humides. Vallée de Bagnes (Schl. Th.). Pfeffers (Schp.). Le Stockhorn (Schærer). Forêt de Bremgarten près de Berne (Schuttleworth). La Poita-Raisse près de Fleurier. Été. à BaRBuLA GRACIUS Schw.— Tortula gracilis Hook et Tayl. — Lieux calcaires et argileux. Été. Genève (Reuter). (Thom. ex. herb. Schærer). BarBuLA FALLAx Hedw. — Tortula imberbis Smith. — Var. &8 brevicaulis Br. et Schp. — Barbula brevicaulis Schl. — Var. > barbata. — Barbula barbata Sm.— Les vieux murs, les rochers, les collines calcaires. Partout. Automne et hiver. Varie beaucoup. Var. 8 (Schl. cat.). Var. ; (Schl. cat.). BARBULA INCLINATA Schw. — Barbula nervosa Brid. — Tortula inclinata Hook et Tayl. — Croit sur les côteaux calcaires et dans les chemins herbeux des montagnes. Assez commune au Val-de-Travers. Mai. BarBuLA ToRTuosa W. et M. — Tortula tortuosa Hook et Tayl. — Pierres et ro- chers humides dans les bois. Fructifie abondamment dans toutes les vallées du Jura. Fin de l’Été. BARBULA REVOLUTA Schw. — Tortula revoluta Hook et Tayl. — Les murs chauds (Thom. ex. herb. Schærer). Printems. Barpuza HornscHucaiANA Schultz. — Barbula revoluta 8 Hornschuchiana Brid. — Tortula revoluta Hook et Tayl. — (Schl. cat.). (Thom. ex. herb. Schærer). Printems. BAarBuLA CoNvOLUTA Hedw. — Tortula convoluta Hook et Tayl. — Sur la terre remuée des forêts, au bord des routes près des bois. Commune dans le Jura. Été. —_ ET —— BarguLa FLAVIPES Br. et Schp. — Trouvée près du lac de Côme et dans d’autres localités du Tyrol; doit aussi exister dans les Alpes calcaires de la Suisse, région des forêts. Été. (Schp.). BareuLzAa cuxerroLIA Hook. et Tayl.— Barbula Dicksoniana Schultz.— Tortula spa- tulæfolia de Not. — Terre argileuse au bord des fossés humides (Thom. ex herb. Schærer). Mai.—M. Schimper pense que ce sont des échantillons de la Corse, et ne croit pas celle espèce indigène en Suisse. Barpuza muraus Hedw.— Tortula muralis Hook. et Tayl. — Bryum murale L. — Var. 8 incana Br. et Schp.— Var. ; æstiva Br. et Schp. — Barbula æstiva Schultz. —Var. à rupestris Br. et Schp.— Les murs, les pierres, les rochers, les toits ; partout au Printems. Var. & sur les murs chauds. A Saint-Sulpice et ailleurs. Var. , rochers humides. Gorges du Seyon près de Neuchâtel. Var. 5 fentes humides des rochers de Chasseron en Septembre. BarBuLA suBULATA Brid. — Tortula subulata Hedw.— Syntrichia subulata W. et M. — Les racines des arbres, les murs humides, les rochers et les pierres. Été. BARBULA MUCRONIFOLIA Schw. — Tortula mucronifolia M. — Syntrichia mucroni- folia Schultz. — Rochers couverts de terre humide dans les Alpes et sur le haut Jura. Via-Mala sur les bords du chemin (Schp.). Le Sentis (Mblnb.). Sous les rochers de Chasseron. Été. BarBuLA LAvIPILA Br. et Schp. — Syntrichia lœvipila Brid. — Tortula lœvipila Schw.— Tortula ruralis var. lœvipila Hook. — Les arbres champêtres (Thom. ex herb. Schærer). Trouvée quelquefois au Val-de-Travers et dans les vallées du Jura. Été. BarBuLA ACIPHYLLA Br. et Schp. — Tortula ruralis alpina de Not. — Commune sur les pierres et les murs aux endroits neigeux des hautes montagnes et dans les enfoncemens humides. Région de l’Anemone alpina. La Gemmi, Zermatt, etc. (Mhlnb., Moug.). Chasseron et Chasseral. Août. BareuLA RuRALIS Hedw.— Tortula ruralis Schw.— Syntrichia ruralis W. et M. — Var. 8 rupestris Br. et Schp.).— Syntrichia intermedia Brid.— Les troncs d'arbres, les toits, les murs, les pierres. Printems. Var. £ sur la terre au haut des roches du Creux-du-Vent. Juillet. TOM. III. SOC. DE NEUCH. 6 CR : ENCALYPTEÆ. ENcALYPTA coMMUTATA Nees et H. — Encalypta affinis Hueb. — Encalypta alpina Vahl. — Rare. Fentes des rochers des hautes Alpes sur la terre nue. La Gemmi (Mhlnb.). Zermatt (Mhlnb., Moug.). — (Thom. ex herb. Schærer). Observé très- rarement dans le Jura, au sommet de Chasseron. Été. ExcarvprA vuLGaRIS Hedw.— Encalypta extinctoria Swartz. — Bryum extincto- rium L. — Var. 8 apiculata Br. et Schp. — Var. > obtusa Br. et Schp. — Encalypta vulgaris ; obtusa Nees et H. — Encalypta vulgaris ; mutica Brid.— Encalypta obtu- sifolia et lœvigata Funk. — Var. : pilifera Br. et Schp. — Encalypta pilifera Funk. — Sur les rochers, aux bords des routes, sur la terre des murs, ete. Commun. Été. Var. 8 ordinairement sur les murs. Var. ; sur les rochers du Val-de-Travers. Environs de Fleurier, Chasseron, etc. Été. Var. : sur les rochers chauds du haut Jura. La roche de la Brande près de Fleu- rieur, etc. Été. ENCALYPTA RHABDOCARPA Schw. — Encalypta affinis Hedw. fil. — Sommets des Alpes et sous-Alpes. La Gemmi, le Grimsel, etc. Abonde sur les hauts sommets du Jura. Chasseron, Chasseral, le Creux-du-Vent, le Weissenstein. Juillet, Août. ExcazypTa cinATA Hedw.— Encalypta fimbriata Brid. — Régions montueuses sur la terre légère qui couvre les rochers humides. Bords des chemins-creux om- bragés. Alpes et Jura. Été. ExcaLzyprA APOPHYSATA N. et H.— Encalypta cylindrica Nees.— Les hautes Alpes. Très-commun à la Gemmi, l’Albula (Schp., Mhlnb., Moug.). Très-rare dans le Jura. Sommet de Chasseron. Été. ENCALYPTA LONGICOLLIS Br. et Schp.— Hautes Alpes. Le Splügen (Mhlnb.). La Gemmi (Schp.). Très-rare. Été. ENCALYPTA STREPTOCARPA Hedw. — Encalypta grandis Swartz. — Les murs, les rochers humides, la terre calcaire et rocailleuse sur les pentes abruptes dans les bois. Plus commun dans le Jura que dans les Alpes. Abonde au Val-de-Travers. Été. ZYGODONTEZÆ. Zxeopox Lapponicus Br. et Schp. — Anæctangium lapponicum Hedw.— Gymno- stomum lapponicum Hedw.— Gymnostomum striatum Brid. — Fentes des rochers dans les Alpes. La Wengern-Alp (Mhlnb.) (Schl. cat. sub Anæctangio). Été. 2, Lu Zxcopox coxomeus Schw.— Æmphidium pulvinatum Nees. — Gymnocephalus co- noïdeus Schw.— Tronces d'arbres. Très-rare en Suisse. (Thom. ex herb. Schærer). Zxcopox rorquarus Br. et Schp.—Grimmia torquata Auct.— Hautes Alpes, fentes des rochers. Le Grimsel, la Gemmi, le Splugen ; toujours stérile (Schp.). ORTHOTHRICHEZÆ. ORTHOTARICUM OBTUSIFOLIUM Schrad. — W'eissia obtusifolia Roth. — Les troncs des arbres champêtres , peupliers , saules , tilleuls. Abonde au Val-de-Travers, en fructifications ; fin Mai. Onraormmicum cupuzaTuM Hoffm.— Orthothricum urceolatum Schl. — Brachytri- chum wrceolatum Rœhl. — Weissia urceolata Roth. — Var. £ capsula emersa. — Orthothricum Rudolphianum Lehm.—Orthothricum Floërkii Hrnsch.—Var. ; calyp- tra nuda.— Orthothricum nudum Smith. — Orthothricum cupulatum var. riparium Hueb. — Les rochers, les murs, les digues en bois ou en pierre près des rivières. Fructifie tout l'Eté. Var. # sur les rochers humides près des sources. Source de là Reuse, Longeaï- gue , etc. Val-de-Travers. Juin. Var. >. Bords de la Reuse, attaché aux pierres arrosées ou aux vieilles digues en bois. Eté. Orraoraricum Srurmn H. et H. — N'est pas rare sur les rochers des montagnes, surtout sur les granits roulés du Jura. Mai. ORTHOTHRICUM RUPESTRE Schl.—Var. £ caule elongato.—Orthothricum Schelmeyeri Hrnsch. — Rochers des Alpes ( Schl. cat.). Granits roulés du Jura, assez rare. Sur les granits de Noiraigue avec la var. 8. Eté. ORTHOTHRICUM PUMILUM Schw.— Orthothricum affine 8 pumilum Hook. et Tayl.— Les arbres champêtres, surtout les peupliers. Mai. ORTHOTHRICUM FALLAxX Brch. — Mèmes localités que le précédent, auquel il est souvent mêlé, Mai. ORTHOTHRICUM TENELLUM Brch.— Les troncs des arbres champêtres, plus rare que les deux précédents. Juin (°). {) Ces trois espèces sont fort difficiles à distinguer les unes des autres, et malgré les beaux et nombreux exemplaires que je dois à la générosité de M. Schimper, je croirais volontiers encore que les caractères qui dis GB mé OrraoraricuM Rocert Brid. — Trouvé dans le Jura sur de jeunes hèêtres et com- muniqué à Bridel par Roger. Cette espèce peu connue et mal décrite, a été retrouvée dans ces derniers temps en Angleterre, par Spruce, et en Amérique, par Drummond. OrraorRiCUM PATENS Brch. — Orthothricum affine & macrocoleon Brid. — Les buissons, les arbres champêtres et sylvestres , les jeunes hêtres. Peu commun. Bords des bois près de Lignières, Jura. Eté. ORTHOTHRICUM FASTIGIATUM Breh.—Orthothrieum affine Schw.—Les arbres cham- pêtres, surtout les peupliers. N'est pas rare dans les vallées du Jura. Mai. ORTHOTHRICUM AFFINE Schrad. — Weissia affinis et octoblepharis Roth. — Très- commun sur les arbres, les buissons , dans les bois ; quelquefois même sur les pierres. Juillet. ORTHOTHRICUM spECIOSUM Nees.— Arbres champêtres et sylvestres, dans la plaine et sur les montagnes. Souvent même sur les granits roulés du Jura. Eté. ORTHOTHRICUM STRAMINEUM Hrnsch. — Orthothricum alpestre Hrnsch. — Troncs des arbres et surtout des jeunes hètres dans les régions montueuses. Sur les hêtres et les érables du haut Jura. Creux-du-Vent, Roche-Bulon, etc. Eté. OrraorariIcuM PALLENS Brch. — Dans les haies aux environs de Fleurier, sur le Prunus spinosa. Rare. Juin et juillet. ORTHOTHRICUM DIAPHANUM Schrad. — Orthothricum aristatum Turn. — Weissia diaphana Roth.— Les arbres champêtres, les buissons, parfois même sur les pierres. Abonde surtout dans la région des vignes. Neuchâtel, etc. Rare dans les vallées du Jura. Mars, Avril. ORTHOTHRICUM RIVULARE Turn.—Rochers au bord des ruisseaux. (Thom. ex herb. Schærer). Juin. ORTHOTHRICUM URNIGERUM Myrin. — Roffla, Splugen. (Schp.). Eté. Orraoraricum Lyezcn Hook. — Troncs et rameaux des arbres dans les forêts, rare. (Thom. ex herb. Schærer). Haut Jura. Environs de la Côte-aux-Fées. Eté. ORTHOTRRICUM LEIOCARPON Br. et Schp.— Orthothrieum striatum Hedw.— W'eissia striata Roth. — Abondant sur les arbres des forêts dans les montagnes. Quelquefois sur les pierres et les rochers. Varie dans le haut Jura, à capsules très-petites. Juin. les séparent et qui ont paru constants aux auteurs de la Bryol. d'Europe, sont dus à l'influence des localités. Je trouve au Val-de-Travers, où ces formes sont communes, des intermédiaires qui semblent appartenir aux trois espèces en même temps. = OÙ ORTHOTHRIGUM ANOMALUM Hedw.— Orthothrieum aureum Mart. — Orthothrieum sawatile Brid, — Commun sur les murs et les rochers. Varie suivant l'exposition plus ou moins humide, L’'Orthothricum lumile de Schl. est une petite forme de cette espèce. OrruormmicuM NIGRITUM Br. et Schp. — Sur les rochers de Rôffla au Splugen, par Alex. Braun; n’a pas été retrouvé depuis. Été. OnraoramicuM cuRvironuM Whlnb.— Se trouve au Tyrol, contre les blocs de granit dans les vallées alpines, doit se rencontrer aussi en Suisse (Schp.). Été. Orraoruricum Lupwien Schw.— Orthothricum clausum Hrnsch.— Ulota Ludiwiqii Brid. — Sur les arbrisseaux des forêts, les jeunes hêtres, les noisetiers, etc. Commun dans le Jura , à la fin de l’Été. Orraoraricum Hurcmnsia Hook. et Tayl.— Orthothricum americanum Schw.— Orthothricum strictum Brid. — Rochers des Alpes. Dans le Jura, contre les granits roulés. Assez commun au Val-de-Travers, à Provence, etc. Juillet. Espèce peu répandue. ORTHOTHRICUM COARCTATUM Pal. Beauv.— Ulota Bruchii Brid. — Les branches des sapins dans les forêts des montagnes. Août. ORTHOTHRICUM CrRisPUM Hedw. — Ulota crispa Brid. — Troncs des arbres et rameaux dans les forêts. Rarement sur les granits roulés du Jura. Automne. ORTHOTARICUM CRisPULUM Hrnsch. — Orthothricum crispum £ minus Schw. — Ulota crispula Brid. — Arbres des forêts, surtout sur les hêtres dans la région des pâturages. Fructifie abondamment dans le haut Jura. Juin. PrycnomrrRium pozypayzLuM Br. et Schp. — Trichostomum polyphyllum Schw. — Dicranum polyphyllum Smith. — Racomitrium polyphyllum Brid. — Rochers des Alpes (Schl. cat.). Forêts du Faulhorn (Mhlnb.). Été. GRIMMIACEZÆ. Coscrxonon PuLvINATUS Sprgl. — Grimmia cribrosa Hedw. — Rochers des Alpes. Le val de Saas (Mhinb. Moug.). (Schl. cat.). (Thomas ex herb. Schærer). Été. HepwiGiA cLiATA auct. — Anæctangium ciliatum Schw.— Schistidium ciliatum Brid. — Gymnostomun Hedwigii Br. et Schp. — Var. 8 nudum. — Commun sur les rochers granitiques. Granits roulés du Jura. Été. Var. & dans les mêmes lieux mais plus rare. “1 TOM. III. SOC. DE NEUCH. — 90 — SCHISTIDIUM PULVINATUM Brid. — Gymnostomum pulvinatum Hedw.— Ancæctan- dium pulvinatum Arn.—Roger l’a trouvé à la Dôle sur les pierres (Brid.).—Les Alpes (de Not.). (Schl. cat.). Juillet. Les échantillons de Schl. appartiennent en partie au Grimmia anodon de Br. et Schp. SCHISTIDIUM APOCARPUM Br. et Schp. — Grimmia apocarpa auct. — Bryum apo- carpum L.— Var. 8 gracilis. — Grinmia gracilis Schl. — Var. > pilifera.— Grimmia apocarpa incana Hueb.— Var. 5 atra. — Grimmia apocarpa Helvetica Hueb. —Var. < rivularis. — Grimmia rivularis Brid. — Partout sur les pierres calcaires et grani- tiques, les murs, etc. Été. Var. & dans les lieux secs des Alpes et du Jura. Les blocs calcaires au fond du Creux-du-Vent. Var. > les rochers des Alpes et du haut Jura. Chasseron. Var. à rochers humides de Chasseron. Var. : sur les pierres humides près des sources , au bord des rivières et des ruis- seaux. Val-de-Travers, source de la Reuse, etc. Cette espèce polymorphe se transforme encore en un grand nombre d’autres va- riétés que les Bryologues distinguent à peine. SCHISTIDIUM CONFERTUM Br. et Schp. — Grimmia conferta Funk. — Grimmia apocarpa < conferta Sprgl. — Sur les pierres et les rochers, beaucoup plus rare que la précédente. Granits roulés de Provence, Jura. Été. GRIMMIA ANODON Br. et Schp. — Sur les rochers du Valais (Schl.). GRIMMIA CRINITA Brid. — Grimmia plagiopodia 8 Schl. Hedw. — Gymnostomum decipiens W. et M. — Les murs des vignes dans les contrées chaudes. Environs de Lausanne et de Nyon. Très-commune autour de Neuchâtel. Juin. GRIMMIA OBTUSA Schw.— Grimmia Donniana Smith. — Grimmia sudetica Schw. — Les Alpes. Très-rarement au-dessus de la région des forêts (Schp.) La Valteline (de Not.). — (Schl. cat.). Été. GRIMMIA SULCATA (Sauter). — Cette espèce, assez abondante au col de Stelvio, doit, suivant M. Schimper, se trouver aussi sur les hautes Alpes de la Suisse. Elle se confond facilement avec le Grimmia alpestris (Schp.). GrImmIA OVATA W. et M.— Var. 8 submutica.— Grimmia ovata : cylindrica Hueb. — Grimmia cylindrica Nees et H. — Les roches granitiques des Alpes (Schl. cat.). Sur les granits roulés du Jura, très-rare. Blocs erratiques de Provence. Fin de l'Été. ‘= La var. 4 dans les hautes Alpes (Thom. ex herb, Schærer). GrimmiA commurATA Hueb.— Dicranum ovale commutatum Funk.— Dryptodon ovale Brid. — Var. 8 ventricosa. — Grimmia ventricosa Schl. — Var. ; microcarpa. — Granits des Alpes et du Jura, assez fréquemment (Schl. cat.). Rochers des Plans près de Neuchâtel (Chaillet). Granits du Mont-Borgeais, Jura. Printemps. Var. 8 citée par Schl. Var. > sur les blocs errratiques de Rio, Val-de-Travers. Mai. GrimmiA unICOLON Hook. — Rochers humides du Roffla au Splügen (Schp.). Été. GRIMMIA LEUCOPHAEA Grew. — Grimmia lœvigata Brid. — (Incerta civis). Les échantillons de l'herbier de M. Schærer portent l'étiquette : Charpentier, de l'herb. Schl. Cette mousse est assez commune dans les Vosges sur le grès rouge, et aux environs de Heidelberg (Moug. Stirpes Crypt. 813). GrimmiA orBicuzarIs Br. et Schp. — Grimmia africana Brid. — Grimmia pulvi- nata 8 obtusa Hueb. — Dryptodon obtusus Brid. — Abondant sur les pierres calcaires et sur les murs dans tout le vignoble du lac de Neuchâtel. Lieux chauds de toute la Suisse. Avril. GRIMMIA PULVINATA Sm.— Dicranum pulvinatum Sw.—Dryptodon pulvinatus Brid. — Commun partout, sur les pierres, les roches calcaires et granitiques, les murs, les toits, ete. Varie beaucoup sur la longueur et la couleur des poils des feuilles. Été. GRIMMIA TRICHOPHYLLA Grew. — Dryptodon trichophyllus Brid. — Dryptodon Schultzii Brid. — Grimmia Schultzii Hueb.— Rare en Suisse. Blocs erratiques du Jura. Granits de Noiraigue et de Rio, où il fructifie rarement. Mai. Les tiges stériles de cette mousse s’allongent beaucoup, se courbent au sommet et dans cet état peuvent facilement se confondre avec celles du Dryptodon sudeticum. GrimmiA ELATIOR Br. et Schp. — Racomitrium incurvum Hueb. — Les rochers des hautes Alpes. Été. (Schp.). (Thom. ex herb. Schærer). Granits roulés des OEillons, Jura. Très-rare dans le Jura. GrimmiA FuxauIS Br. et Schp. — Dryptodon funalis Brid. — Racomitrium funale Hueb. — Granits roulés du Jura, rare. Noiraigue. Juin. GrimmiA mNCuRvA Schw. — Forêts de Stelvio (Trafoi). N’a pas encore été observé en Suisse, mais doit y exister (Schp.). GrimmIA sprRALIS Grew.—Les hautes Alpes (Schp.). La Wengern-Alp, richement fructifié (Mhlnb.). Roches chaudes et perpendiculaires du Val-de-Travers, la Roche de la Brande, sans fructification. Rare. Été. LE Le Drypronon pATENs Brid. — Grimimia areuata de Not. — Trichostomum nudum Schl. — Campylopus patens Dicks. — Trichostomum patens Schw. — Le Grimsel (Haller.) (Schl. cat.) (Thomas ex herb. Schærer). Les rochers du Grimsel (Schærer). Été. Drypropon supericus Brid. — Grümmia sudetica Schw.— Trichostomum sudeticum Hedw.— Racomitrium sudeticum Auct. Rochers humides des Alpes (Schl. cat.). Le Gothard (Mhinb.). Le Schreckhorn (Desor). Le Grimsel (Schærer). Juillet. J'ai observé cette espèce sur un bloc de granit au-dessus de Saint-Sulpice, Jura. Mais sans fructif. Daypropon ACICULARIS Br. et Schp. — Racomitrium aciculare Auct. — Trichosto- mum aciculare Schw.— Dicranum aciculare Lam.— Rochers humides près des ruisseaux des Alpes. (Schl. cat.). (Thom. ex herb. Schærer). Été. RacomITRIUM PROTENSUM Braun. — Racomitrium cataractarum Brid. — Rochers humides des Alpes. Été. (Thom. ex herb. Schærer.) RacomrTRIUM FAsCICULARE Brid.— Trichostomum fasciculare (Schrad.). —Rochers des Alpes ; Brunig, Storegg (Godet). (Schl. cat.). (Thom. ex herb. Schærer). Été. RacomiTRIUM MICROCARPON Brid.— Trichostomum microcarpon Schrad.—Rochers des hautes Alpes. La Handeck (Mærker), (Schærer) (Schl. eat.). Été. RacomrrRIumM mererosriCauM Brid. — Trichostomun heterostichum Schultz.— Var. 6 affine. — Trichostomum affine Schl. — Schleicher le premier a trouvé cette espèce sur les rochers des Alpes. On la rencontre, mais très-rare, sur les blocs erratiques du Jura. Noiraigue. Été. | Var. 8 dans les Alpes (Schl. cat.). RacomITRIUM CANESCENS Brid. — Trichostomum canescens Schultz. — Var. & eri- coïdes.— Trichostomum ericoïdes Schw.— Les champs, les prés secs.— Très-commun dans les pâturages du haut Jura où il couvre de vastes surfaces. Été. Var. e sur les marnes humides, dans les chemins creux, etc. Au Mont-Borgeais, Jura. Été. RACOMITRIUM LANUGINOSUM Brid. — Trichostomum lanuginosum Auct. Sur la terre et les rochers dans les bois. La Scheideck (Schl. cat.). Dans l’herbier Chaillet comme plante neuchâteloise, sans localité. Été. RIPARIACEZÆ. Cincriporus FONTINALOIDES Pal. Beauv.— Trichostomum fontinaloides Hedw.— Source des rivières ; ruisseaux calcaires. Très-comraun dans le Jura. Eté. 0 » Cnczmorus riPaRIUS Br. et Schp.— Trichostomum riparium W,. et M.— Raco- mitrium riparium Brid.—Dans la Birse (Schp.). Dans le Lavançon en deçà de Bex (Schl.). Moulins de la ville de Bienne (Schp.). Été. Cnezmorus AQuATICUS Br. et Schp. — Hedwigia aquatica Hedw. — Gymnosto- mum aquaticum Brid. — Anæctangium aquaticum Schwv.— Le lit des ruisseaux des montagnes, dans les eaux très-courantes, près des sources. La Serrière (Chaillet). Abonde dans la Reuse au-dessus de Saint-Sulpice. Été. FONTINALEZÆ. Fonriazis squaAmosA L.—Ruisseaux. J’en ai reçu un petit échantillon provenant de l’embouchure de la Reuse près de Boudry (Chapuis). C’est la seule localité ob- servée jusqu'ici en Suisse. FoNTINALIS ANTIPYRETICA L.— Partout dans les eaux courantes et même stagnantes. Printems. TETRAPHIDEZÆ. TerroponTIum Brownianum Dicks. — Tetraphis Browniana et ovata Brid. — Tetraphis ovata Funk. — (Suspecta civis). Cette petite plante croit sur les roches arénacées et granitiques d’Ecosse, d'Irlande, d'Allemagne. Elle est citée dans le ca- talogue de Schleicher. Terrapmis PELLUCIDA Hedw.— Tetraphis cylindrica Funk. — Georgia mnemosyne Ehrh. — Croit sur les vieux troncs pourris, dans les forêts sombres et humides. Printems. SCHISTOSTEGEZÆ. SCHISTOSTEGA OSMUNDACEA W. et M.— Gymnostomum pennatum Hedw.— Dicksonia pumila Ehrh.— Terre arénacée dans les grottes (très-rare). Cette espèce, citée aussi par Schleicher , n’a été vue en Suisse par aucun autre botaniste. FISSIDENTEZÆ. Fissrexs BRvoIDESs W. et M. — Fissidens exilis Hedw. — Les lieux ombragés, sur les pierres, au bord des routes, dans les haies et les forêts (Schl. cat.). Quelques grottes ou cavités rocheuses du Jura. Val-de-Travers, etc. Printems. Fissinexs mncuRvUS Stark.— Fissidens tamarindifolius Brid. — Dicranum tamarin- difolium Turn. — Dicranum incurvum W. et M. — Mèmes localités que la précédente (Schl. cat.). Val-de-Travers. Rare dans le Jura. Printems. TOM. III. SOC. DE NEUCH. 8 Fissinens TAxIFOLIUS Hedw. — Dicranum taxifolium W. et M. — Sur la terre dans les bois, les lieux ombragés et un peu humides. Commun. Automne. Fissnens osmunpornes Hedw. — Dicranum osmundoides W. et M. — Dicranum bryoides var. elongatum W. et M. — Var. & microcarpus. — Prés marécageux et tourbeux dans le Valais et le territoire de Genève (Schl. Thom.). Été. Var. e dans les endroits plus humides des mêmes localités (Schl. Thom.). J'ai trouvé cette jolie variété sous les rochers inondés du Cret près de Neuchâtel, sans fructif. FissIDENS ADIANTHOIDES Hedw.— Dicranum adianthoides W. et M. — Sur la terre, les vieux murs, les racines des arbres, les fentes des rochers humides, dans les forêts et les lieux ombragés. Assez commun dans le Jura. Été. SPLACHNACEZÆ, SPLACHNUM AMPULLACEUM L. — Splachnum Turnerianum Dick. — Bryum ampul- laceum L. — Les tourbières (Schl. cat.). Marais tourbeux du haut Jura, sur les fu- miers des vaches. Les Ponts, la Vraconne, rare. Août. SPLACHNUM SPHAERICUM Hedw.— Splachnum gracile W. et M.—Splachnum ova- tum Hedw.— Fumier des vaches dans les lieux ombragés et humides des Alpes. Le Grimsel, le Saint-Gothard, la Gemmi, l’Albula, etc., etc. Août. TETRAPLODON URCEOLATUS Br. et Schp.— Splachnum urceolatum Auct. — Sur le fumier des vaches dans les plus hautes Alpes (Schp.). L’Albula (Mhlnb., Moug.). Le Faulhorn (Schp.). Été. TETRAPLODON MNIOIDES Br. et Schp. — Splachnum mnioides Hedw. — Splachnum arcticum Rob. Brown. — Splachnum Adamsianum Schw. — Lieux humides sur les excrémens, les décompositions animales, dans les Alpes (Schp.). La Gemmi (Mhlnb.). — Schl. cat. Juin. TETRAPLODON ANGUSTATUS Br. et Schp.—Splachnum angustatum Lin. fil. — Splach- num setaceum Mich. — Les Alpes, sur les substances animales en décomposition. Vallée de Gastern (Schp.). La Gemmi sur des excrémens de renard (Mhlnb.). Août. TAYLORIA SPLACHNOIDES Hook.— Hookeria splachnoides Schl. — Hookeria acumi- nata Schl. — Var. 8 obtusa. — Raineria splachnoides de Not. — Forêts des Alpes et du haut Jura sur les matières animales décomposées et la terre noire des troncs renversés. Le Splügen, Zermatt, le Faulhorn, la Gemmi, le Simplon, etc. (Schp. Mhinb., Moug.). — É — Var. 8 sur des éxcrémens humains à LaVaux près de Fleurier. Très-rare. Août. Tayzonra serRATA Br. et Schp.— 4plodon serratus Nees et H.— Splachnum serra- tum Hedw.—Var. 8 flagellaris.—Splachnum flagellare Brid.—Splachnum helveticum Schl. — Splachnum serratum Schw.— Var. ; tenuis. — Splachnum tenue Auct. Alpes et sous-Alpes sur les plantes en décomposition et les vieux fumiers des vaches. Forêts de la Wengern-Alp et de Rosenlaui (Mhlnb.). Zermatt (Moug., Mhlnb.). Le Splügen, le val d’Avers, le Faulhorn, etc. (Schp., Mhlnb., Blind.). Sous les rochers de Chas- seral (Chaillet). Sur les troncs pourris à la fruitière de Buttes et à LaVaux, Jura. Été. Var. set > dans les Alpes (Schl. cat.). DissopoN sPLACHNOIDES Grew.— Eremodon splachnoides Brid. — Cyrtodon splach- noides Rob. Brown. — Weissia splachnoides Schw.— Weissia turbinata Drum. — Lieux marécageux et froids des Alpes. Gazons humides du Splügen (Schp.). La Wengern-Alp (Mhlnb.). Le Faulhorn (Mhlnb.). Été. Dissopon Früazicaianus Br. et Schp.—Splachnum Frühlichianum Auct.— Splach- num reliculatum Swartz. — Sur la terre dans les Alpes au-dessus de la région des forêts. La Gemmi, le Splügen, le Faulhorn (Schp. Mhlnb.). Zermatt (Moug., Mhlnb.). (Schl. cat.). Été. FUNARIACEZÆ, PuysCOMITRIUM TETRAGONUM Br. et Schp. — Pyramidium tetragonum Brid. — Les champs aux environs de Bâle (Nees ab Esenb. Bryol. Europ.). Très-rare. Cette espèce, observée par Bridel près de Jena et par d’autres naturalistes en Allemagne, est douteuse pour la Suisse. PayscOMITRIUM FASCICULARE Brid. — Gymnostomum fasciculare Hedw. et Auct. — Dans les champs argileux de toute la Suisse. Assez commun dans le Jura. Environs de Vauxmarcus, les Verrières, etc. Mai. PayscomrRIum AcumNATUM Br. et Schp. — Gymnostomum acuminatum Schl. — Terre limonneuse du Valais, le long du Rhône, par Schleicher. N'a plus été revu depuis. PaysCOMITRIUM PYRIFORME Brid. — Gymnostomum pyriforme Hedw. et Auct. — Poitia pyriformis Ehrh. — Les prés humides, les champs argileux de toute la Suisse, surtout vers la plaine. Printems. Le Gymnostomum longifolium de Schl. en est à peine une variété. du ER us FUNARIA HYBERNICA Hook. — Funaria Muhlenbergii W. et M. — Lieux arides. Au vieux château près de Martigny (Schp.). Le mont Salève au Pas-de-l'Échelle (Reuter, Mhlnb.). Juin. Funaria MunzenserGn Turn. — Funaria calcarea Wabhl. — Très-rare en Suisse et souvent confondu avec le précédent. M. Schimper l’a trouvé le long de la Tamina dans les Grisons. J’en ai recueilli quelques rares échantillons sur le bord de la route neuve entre Brot et Rochefort. Avril. FunariA micROSTOMA Br. et Schp. — Le Splügen (Al. Braun). Le Gunkel dans les Grisons (Mhinb., Moug.). Vatis, Grisons (Schp.). Été. FUNARIA HYGROMETRICA Schreb. — Kœhlreuteria hygrometrica Hedw. — Funaria montana Schl.— La plus commune des mousses, croit partout, à toutes les hauteurs, mais se plait surtout dans les vieux fours à chaux ou à charbon ; partout où lon a fait du feu ; murs et rochers humides , etc. Été. La plus remarquable des innombrables variétés est la variété 8 patula souvent mêlée à la forme normale. MEESIACEZÆ, AMBLYODON DEALBATUS Pal. Beauv. — Meesia dealbata Sw. Hedw. — Bryum dealbatum Smith.— Marais des Alpes. Le Splügen, la Gemmi, Zermatt (Schp., Mhinb., Moug.). — (Schl. cat.). Été. MeesiA uLIGINOsA Hedw.— Diplocomium uliginosum W. et M. — Amblyodon uli- ginosus Pal. Beauv. — Bryum trichodes L. — Var. & alpina.— Meesia alpina Funk. — Var. ; minor. — Meesia minor Brid. — Lieux humides , marais des montagnes. Abonde aux marais des Verrières, Jura. Été. Var. & lieux humides sur les rochers des Alpes et du Jura. Creux-du-Vent, Chasseron, etc. Été. Var. sommet des hautes Alpes. La Gemmi (Mhinb.). Été. MEgsiA LONGISETA Hedw.— Diplocomium longisetum W. et M. —Var. g fluitans.— Marais tourbeux. Nulle part plus abondant et en plus beaux exemplaires qu’au marais des Sagnettes. Jura. Été. Var. & dans les anciennes fosses tourbeuses. Megsia rristicHA Br. et Schp.— Diplocomium tristichum Funk .— Souvent et long- temps confondu avec le précédent dont il diffère cependant beaucoup. On rencontre cette belle mousse assez rare, dans les marais tourbeux du Jura, surtout à la Vra- conne près de Sainte-Croix, et à Bémont près de la Brévine. Juillet. ND — PALUDELLA SQUARROSA BRip, — Bryum squarrosum Hedw, — Orthopyzxis squar- rosa Pal. Beauv. — Hypnum paludella W. et M. — Très-rare en Suisse et toujours sans fructifications. Dans les plus hauts marais tourbeux du Jura. A la Vraconne près de Sainte-Croix. Fructifie à la fin de l'Été dans les marais du Nord (!). OREADEZÆ. CATOSCOPIUM NIGRITUM Brid.—W'essia nigrita Hedw.— Grimmia nigrita Smith. — Bryum nigritum Dicks. — Prairies spongieuses des montagnes. Assez commun dans les Alpes. Le Splügen, la Gemmi (Schp., Mhlnb.). Les Alpes du Valais ; Zermatt (Moug., Mblnb.). (Schl. cat.). Rare dans le Jura où elle a été observée par Chaillet. Printems. BARTRAMIEZÆ, BARTRAMIA coNosromA Br. et Schp. — Conostomum boreale Sw.— Grimmia co- nostoma Smitz. — Sommets des hautes Alpes. L’Albula (Hegetschweiler). Été. Très- rare en fruits. BARTRAMIA CALCAREA Br. et Schp. — Quelques ruisseaux calcaires des Alpes et du Jura. Le Splügen (Br., Schp., Blind., Mhlnb.). Derrière la papéterie de Saint- Sulpice, Jura. La Poita-Raisse près de Fleurier. Juillet. BARTRAMIA FONTANA Sw. — Philonotis fontana Brid. — Mnium fontanum L. — Bryum fontanum Swartz.— Var. 8 alpina Brid. — Var. ; falcata Br. et Schp.—Les sources, les bords des ruisseaux , les prairies spongieuses. Commun. Juillet. Var. & sur les sables et les graviers des torrens des Alpes et les moraines des glaciers. Var. ; bords des ruisseaux des Alpes et du Jura. BARTRAMIA MARCHICA Sw. — Bartramia fontana 8 marchica Hook. — Philonotis marchica Brid.—Mniun marchicum Hedw. — J'ai trouvé cette espèce très-rare au bord des tourbières des Ponts, dans un fossé gazonné. Juillet. Bartramia OEnerr W. et M, — Bartramia gracilis Flærk. — Var. 2 condensata Brid. — Rochers des Alpes et du Jura. Très-commun sur les roches calcaires humides et ombragées. Le haut Jura et les vallées basses. Été. Var. 8 Chasseron et le Creux-du-Vent. (2) C’est par erreur que M. Schimper a indiqué cette mousse comme ayant été trouvée par Chaillet dans les marais des Ponts. Tous les échantillons de l'herbier Chaillet sont étrangers. TOM. II. SOC. DE NEUCH. 9 "9 À BARTRAMIA ITHYPHYLLA Brid. — Bartramia pomiformis Wabhl.— Les montagnes, sur les rochers et la terre sablonneuse. Commun dans les Alpes, plus rare dans le Jura. Chemins creux au-dessus de Boudry, avec le Diphyscium foliosum. La Vra- conne. Été, Automne. BarTRAMIA POMIFORMIS Hedw.— Var. £ crispa, major.—Sur la terre et les rochers dans les lieux ombragés (Schl. cat.). Le Pilate, le Grimsel, l’Entlibuch (Schærer). Roches de Courandlin, Jura. Été. Var. 8 dans les mêmes lieux. BarTRAMIA HaïLERIANA Hedw.— Bryum laterale Swartz. — Bryum norvegicum Oed. — Alpes et sous-Alpes. Abonde dans le haut Jura sur les rochers humides et perpendiculaires, souvent sur les troncs pourris. Juillet. BARTRAMIA ARCUATA Hook. Observé pour la première fois sur le continent par M. Hegetschweiler qui l’a trouvé stérile au Righi. BRYACEZÆ. AULACOMNIUM ANDROGYNUM Schw.— Gymnocephalus androgynus Schw.— Mnium androgynum L.— Bryum androgynum Hedw. — Hypnum androgynum W. et M. — Les bois arénacés et montueux (Thom. ex herb. Schærer). Cette espèce qui fructifie très-rarement, a aussi été observée en Suisse par M. Schimper. Juin. AULACOMNIUM PALUSTRE Schw. — Gymnocephalus palustre Schw. — Mnium pa- lustre L. — Hypnum elodes W. et M. — Var. & èmbricatum Br. et Schp. — Var. 5 polycephalum Br. ét Schp. — Mnium polycephalum Brid. — Marais tourbeux des Alpes et du Jura. Été. Les var. 8 et ; dans les Alpes. TIMMIA MEGAPOLITANA Hedw. — Timmia bavarica Hueb. — Timmia cucullata Mich. — Habite les lieux frais dans les cavités, sous les rochers des Alpes et du Jura. Assez rare. Le Faulhorn, la Gemmi, Zermatt, Chasseron, le Creux-du-Vent. Juillet. Tiumia AuUSTRIACA Hedw.— Les Alpes, au pied des arbres et sur les rochers cou- verts de terre. Le Branson près de Martigny (Thom.). Le Simplon, Zermatt (Mhlnb., Moug.). Observé une seule fois dans le Jura, sur les roches perpendiculaires de Chasseron. Juillet. Mnium HORNUM L. — Bryum polla horna Brid. — Citée dans le catalogue de Schl. Cette belle mousse, commune en Allemagne, parait fort rare en Suisse. On l'y ren- contre cependant vers le pied des Alpes (Schp.). — ND Mxium sprosum Schw.— Bryum spinosum Woit. — Les lieux ombragés des Alpes et du haut Jura. Région des pâturages. Sous les hauts sapins où le bétail se retire. Cette belle espèce est commune aux environs de Chasseron vers la limite des sapins. Août, Septembre. Mnium oRrHORHYNCHUM Brid.— Mnium serratum var. 8 Schw.— Var. & capsula elongata. — Habite les Alpes et le Jura dans les lieux frais. Sous les rochers de Chasseron, le torrent de la Poita-Raisse, etc. Août, Septembre. Var. 8 bords du Sucre près de Couvet, Jura. Mnium serRATUM Brid. — Bryum marginatum Dicks. — Hypnum marginatum W. et M. — Lieux montueux, sur le sable et le limon des routes et des rivières; dans les lieux ombragés. Abonde au bord de la Reuse, près de Noiraigue, sous les sapins. Environs de Fleurier, etc. Aussi commun dans les Alpes. Juin. Mnium LycopopiomEs Schw. — Observé par M. Schimper dans les Alpes de for- mation micacée au Tyrol. Doit se trouver aussi dans la chaîne principale de la Suisse, Val-de-Saas, de Saint-Nicolas, au pied du Simplon, etc. Il se distingue du Mnium serralum par la capsule alongée, le port plus élancé et les feuilles à peine marginées (Schp.). Mnium sreLLARE Hedw.— Hypnum stellare W. et M. — Lieux ombragés humides, sur la terre. Le Weissenstein (Schp.). Le Creux-du-Vent, le Champ-du-Moulin, Jura. Assez rare. Juin. Mxrum uNpuLATUM Hedw.— Bryum ligulatum Schreb. — Hypnum undulatum W. et M. — Commun dans les lieux frais et ombragés, les haies, les bois. Juin. Mxium cuspiparum Hedw. — Bryum cuspidatum Hook. et Tayl. — Hypnum aci- phyllum W. et M. — Bords des bois, sur la terre et le sable dans les lieux humides. Environs de Bienne (W. Andreæ). Près de Fleurier. Mai. MniuM AFFINE Bland. — Mnium cuspidatum var. 8 Hedw. — Forêts du Jura, sur la terre et les rochers humides. Avril, Mai. Mnivm AFFINE MAsUS Br. et Schp. — Bords des ruisseaux dans les bois, dans les gazons des marais. Environs de Fleurier. Marais des Verrières, Jura. Avril, Mai. Mnium menrum Br. et Schp. — Mnium affine var. majus Hamp.— Les Alpes et le Jura, rare. Le Splügen, le Simplon (Mhlnb.). LaVaux près de Fleurier (Schp.). Les Raisses au Val-de-Travers. Mai. — AR — Mnium ROSTRATUM Schw. — Bryum rostratum Smith. — Hyprum rostratum W. et M.— Sur la terre, les pierres, le sable dans les lieux ombragés. Assez commun. Bords de la Reuse près de Noiraigue, avec le Mnium serratum et le Mnium medium. Printems. Mxium PuNcrATUM Hedw.— Mnium serpyllifolium Hoffm. — Bryum punctatum Schreb, — Bois ombragés des montagnes, les sources, les lieux humides. Printems. Été. Mxium pseuno-puxcrATUM Br. et Schp. — Distinct du précédent par les fleurs her- maphrodites, la capsule plus arrondie, plus molle, etc., croit dans les endroits tourbeux du Tyrol, du Harz, de la Norvège; doit se trouver en Suisse (Schp.). Mniun aymexopayzLomEes Hueb. — Le Splügen (Brch., Mhinb., Schpr.). Été. Mniuu srverumM Br. Eur.— Cinclidium styqium Brid.— L’Albula (Hegetschweïler). Le Splügen (Schp., Mhlnb.). Dans les endroits marécageux. Été. Bryum AcummarTum Br. et Schp.— Pohlia acuminata Hoppe. — Var. 8 minus Br. et Schp. — Pohlia minor Schl. — Var. > polyretum Br. et Schp.— Pohlia polyreta H. et Hrnsch. — Var. à tenellum Br. et Schp. — Pohlia tenella H. et Hrnsch. — Var. : arcuatum Br. et Schp. — Pohlia areuata H. et Hrnsch.— Alpes et sous-Alpes. Août. Le Splügen (Mhlnb.). Var. dans le Valais et la Savoie (Schl., Thom.). Les Alpes bernoises, le Faulhorn, le Bachalp (Schp.). Les autres variétés également dans les Alpes suisses. Aucune forme de cette espèce, non plus que des trois suivantes, n’appartient au Jura (°). Bryum pozymorpaumM Br. et Schp. — Pohlia polymorpha Hoppe et Hrnsch. — Var. 8 affine Br. et Schp. — Pohlia minor Brid. — Pohlia affinis H. et H. — Var. 5 gracile Br. et Schp. — Pohlia gracilis H. et H. — Var. : brachycarpum Br. et Schp. — Pohlia brachycarpa H. et H.—Var. : 8 curvisetum Br. et Schp.— Meesia curviseta Schw.— Alpes et sous-Alpes dans les fentes des rochers (Schp.) — (Schl., Thom.). (1) Il est bon de faire observer aux jeunes Bryolôgues qu’ils ne doivent procéder à l'examen des Bryum qu'avec la plus serupuleuse exactitude. La plupart des ‘espèces dece.genre sont extrêmement polymorphes, et ce n’est qu’en les recueillant dans un grand nombre de localités, en comparant un grand nombre d'échantillons à l'état de parfaite maturité, qu’il est possible de distinguer sûrement les formes qui appartiennent à une même espèce. C’est en étudiant les magnifiques travaux de Schimper et Bruch sur ce beau genre, qu’on peut se faire une idée du mérite de leur Bryologia Europæa. Ces auteurs ont dù examiner des milliers d'exemplaires ét observer une foule de localités pour rétablir d'une manière sûre les limites de chaque espèce et éclaircir une nomenclature qui devenait de plus en plus obscure. — 97 — Var. « dans les Alpes des Grisons, au mont Bernhardin (Schp.). Var. : 6 la Furca (Mhlnb.). Les autres variélés également dans les Alpes. Été. Bryum ELoNGaTuM Dicks. — Webera elongata Schw.— Pohlia elongata Hedw. — Leskea elongata W. et M. — ebera longicolla Hedw.— Pohlia cylindrica Hrnsch. — Les Alpes, dans les lieux frais et ombragés (Schl., Thom., Schp.). Été. Bryuu ALPnUM Br. et Schp. — Webera alpina H. et H. — Bryum Webera Grim- sulana H. et H.—Var. 8 macrocarpum Br. et Schp.— Webera macrocarpa H. et H. — Le mont Susten, le Stockhorn (Schærer). Été. Var. £ Le Grimsel (Schp., Mhlnb.). Bryum crupum Schreb. — Hypnum crudum W. et M. — Mnium crudum Hedw. — Bryun Polla cruda Brid. — Les Alpes et les hauts sommets du Jura, dans les fentes des rochers humides, sur la terre qui les couvre et sur les troncs pourris. Cette belle espèce, assez commune, descend jusque dans les vallées basses et humides du Jura. De Juin à Septembre. Bnyuu nuraxs Schreb. — Bryum Webera nutans Brid. — Hypnum nutans W. et M. — Var. 8 cæspitosum Br. et Schp. — W'ebera cæspitosa H. et H. — Var. » bicolor Br. et Schp. — Webera bicolor H. et IL. — Var. 5 subdenticulatum Br. et Schp. — — Webera subdenticulata Brid. — Var. + longisetum Br. et Schp. — Bryum Webera longiseta Thom. — Sur la terre, les pierres, les rochers, les murs, à toutes les expositions et à fous les degrés d'humidité. Été. Var. 6 sur les murs au saut du Doubs. Var. > les Alpes, glaciers de l’Aar (Desor). Var. : les marais tourbeux du Jura. Les Sagnettes, les Verrières , etc. Bryum AxxorNUuM Hedw. — Webera annotina Schw. — Hypnum annotinum W. et M. — Prairies sablonneuses (Schl. cat.). Juin. Bryum pyRiIFoRME Hedw. — Bryum aureum Schreb. — Mnium pyriforme L. fil. — Hiypnum pyriforme W. et M. — Se voit surtout aux endroits où l’on a fait du charbon avec le Funaria hygrometrica (Schp.). Sur la terre noire dans les bois. Alpes et Jura. Abondant à LaVaux. Printems. Bryum puLCHELLUM Hedw. — Bryum carneum et var. Hook. — Pohlia pulchella Hrnsch. — Sur la terre dans les hautes Alpes (Schl, cat.). Rare. Été. TOM. III. SOC. DE NEUCH, 10 RER e— BRyuM cARNEUM L. — Bryum delicatulum Hedw.— Hypnum carneum W. et M. — Bryum melanodon Brid. — Sur la terre sablonneuse au bord des fossés et des ruis- seaux. Bords des fossés de Thièle (Curie). Derrière le Chanet de Boudry (Chapuis). Murs de Serrières (Chaillet). Les fossés desséchés près de Grandson. Jura. Prin- tems. Bryum WauLeNBERGn Schw. — Bryum albicans Brid. — Mnium albicanum Wabhl. — Hypnum albicanum W. et M.— Var. & glaciale Br. et Schp. — Bryum glaciale Schl. — Dans le lit desséché des torrens , sur les débris arénacés des sources des montagnes. À LaVaux près de Fleurier, à la fruitière de Buttes, Jura. Juillet. Var. £& dans les Alpes (Schp.) — (Schl. cat.). Bryum cucuzzarTuM Schw.— Pohlia cucullata Breh. — Sur la terre et le sable humides dans les Alpes près des glaciers. Glaciers du Rhône (Godet). Le Saint-Gothard (Schp.). Le Splügen (Mhlnb.). Glaciers de l’Aar (Desor). Août. Bavuu Lunwienr Sprgl. — var. 8 gracile Br. et Schp. — Bryum gracile Schl. — Sur la terre humide dans les Alpes, au voisinage des neiges. Le Gothard (Godet, Mhlnb.), avec la var. 8 qui croit dans les mêmes localités. Les Grisons, le Valais (Schp., Moug.) — (Schl. cat.). Été. BryuM JULACEUM Smith. — Bryum filiforme Dicks. — Habite les lieux arrosés des hautes Alpes. Cette espèce est citée par Clairvaux et plusieurs botanistes suisses comme habitant les Alpes de l’Helvétie. Tous les échantillons que j'ai reçus sous ce nom et ceux que j’ai observés dans les divers herbiers, se rapportent au Bryum Ludwigiü ou au Bryum argenteum. Le vrai Bryum julaceum a été cueilli dans les Alpes de Salz- bourg par M. Schimper. Il est fort douteux qu’on l’ait jamais vu Suisse. Très-rare. Août. BRYUM ARGENTEUM L. — Hypnum argenteum W. et M.— Var. 8 majus Br. et Schp. — Bryum julaceum Schrad. — Var. ; lanatum Br. et Schp.— Bryum lanatum Brid. — Partout sur la terre nue, sèche ou humide, dans les gazons, au bord des routes, sur les murs, etc. Var. & dans les lieux humides près des fontaines. Var. > dans les endroits secs. Avril. Bryum Fuxen Schw.— Terre argileuse humide, pierres arrosées près des tor- rens. Environs de Bourgdorf (Märker). Sur le tuf au pied de la cascade de Moron près du Doubs, Jura. Rare. Août. —— 459 — Bryum Bunou Schp. et Breh.— Alpes de la Suisse et du Tyrol. Route du Bern- hardin. Vallée de Saint-Nicolas dans la Valteline (Blind). Été. Bryum Zieru Dicks. — Pohlia Zierii Schw. — Sur la terre humide des hautes montagnes, sur les pentes des rochers. Les Alpes (Schl., Thom., Schp., Mhlnb.). Dans le Jura. Au sommet de Chasseron, à la glacière Pury. Septembre. Bryum pemissum Hook. — Meesia demissa H. et H. — Pohlia demissa Hueb. — Les hautes Alpes. Fentes des rochers sur la terre. Sommet du Faulhorn (Schp., Mhlnb.). Zermatt (Moug., Mhlnb.). Rare. Été. Bryum pAzLENS Swartz. — Hypnum pallens W. et M. — Var. 8 microstomum Br. et Schp. — Bryum speciosum Voit. — Sur la terre, les graviers, les rochers humides des montagnes, bords des torrens, etc. Assez commun dans le Jura et les Alpes. Var. 8 dans les Alpes et vers les hauts sommets du Jura. Rochers de Chasseron et du Creux-du-Vent. Été. Bryum INTERMEDIUM Brid. — Webera intermedia Schyv. — Bryum pallescens var. 8 Schw.— Hypnum intermedium W. et M.— Var. 8 cirrhatum Br. et Schp. — Bryum cirrhatum H. et H.— Les rochers, les murs, le sable humide. Se rencontre depuis la plaine jusque sur les hauts sommets des Alpes et du Jura. Chasseron, etc. Var. 8 au Splügen (Schp.). Été. BRYUM PALLESCENS Schw.— Bryum speciosum Voit. — Bryum rupincolum Schl.— Var. 8 boreale Br. et Schp. — Bryum boreale Schw.—Var. > contextum Br. et Schp. — Bryum contextum Hpp. et Hrnsch.—Var. à subrotundum Br. et Schp. — Bryum subrotundum Brid. — Bryum brunescens Schl. — Bryum pohliæforme Brid. — Sur la terre, les murs, les rochers, dans toutes les localités. Var. & dans les Alpes et le haut Jura. Rochers du Creux-du-Vent. Var. > dans les lieux humides et ombragés des montagnes, sous les rochers de Chasseron. Var. à les Alpes et les hauts sommets du Jura, lieux secs. Sur la terre au sommet de Chasseron. Été. Bryum uziémosum Br. et Schp.— Pohlia uliginosa Braun. — Cladodium uligi- nosum Brid. — Cette belle espèce confondue souvent avec le Bryum pallens auquel elle ressemble beaucoup, a été observée dans le Valais par Schl. Au Splügen (Schp.). A Zermatt (Mhlnb., Moug.). Été. Bryuu arcricum Rob. Brwn. Le Splügen, la Gemmi (Schp.). Été. — 0 — Bryum LacusrRE Brid. — Mnium lacustre Bland. — Hypnum lacustre W. et M. — Pohlia lacustris Hueb.— Dans l’herbier Chaillet, sans localité (suspecta civis). Cette espèce croit dans les gazons humides des montagnes et fructifie en Été. Rare. Bryuu ncunarum Br. et Schp. — Pohlia inclinata Swartz.— Leskia inclinata W. et M. — Cladodium inclinatum Brid. — La plaine et les montagnes peu élevées; sur les murs, les pierres, les bois humides. Planches et poutres des aqueducs des mou- lins sur la/Reuse, etc. Juin. Bryum cernuum Br. et Schp. — Cynodontium cernuum Hedw. — Didymodon cernuum Swartz. — Ptychostomwun cernuum Hrnsch. — Ptychostomum cæspiticium Brid. — Ptÿchostomum compactum Hrsch.— Sur la terre humide, dans les bas-fonds. Sur les rochers et les murs. Très-commun dans les vallées. Été. Brvum casprricrom L. — Hypnum cæspiticium W. et M. — Var. & gracilescens Br. et Schp. — Bryum badium Brch.— Partout sur les murs, les toits, les pierres, la terre sèche ou humide. Mai, Juin. Var. 6 dans les lieux humides, au bord des ruisseaux (!). Bevuu azpmum L. — Rochers humides des Alpes et sous-Alpes. Le Schreckhorn (Desor). Le glacier de VAar (Agassiz). Le Grimsel (Schærer). Août. Bevum PSEUDO-TRIQUETRUM Schw. — Bryum ventricosum Schw.— Mnium pseudo- triquetrum Hedw.— Les sources dans les bois et près des rochers, sur le tuf calcaire. Les lieux marécageux, les bords des ruisseaux, ete. Très-répandu dans le Jura. Été. Brvyuu gmum Schreb. — Var. 6 cuspidatum Br. et Schp. — Webera affinis Brch. — Lieux humides. Marais tourbeux, digues dans les ruisseaux. Commun. Été. Var. 8 dans les Alpes. Bryuu rurgnaTum Hedw.— Hypnum turbinatum W. et M. —Var. 6 prœlongum Br. et Schp. — Bryum Schleicheri 8 tenerius Schl. — Var. ; latifolium Br. et Schp. — Bryum Schleicheri Sehw.— Mnium latifolium Schl. — Lieux humides des mon- tagnes et de la plaine. Bords du lac de Neuchâtel sur le tuf calcaire. Marais tourbeux du haut Jura, etc. Été. Var. 8 ruisseaux des hautes Alpes (Schl., Thom.). Le Faulhorn (Schp., Mhlnb.). Var. > la Furca, les sources du Rhône (Schp., Mhlnb.). Dans le Jura, sous les rochers de Chasseron, sans fructif. @) Le Bryum versicolor Braun trouvé en Alsace sur les bords du Rhin, n’a pas encore été vu en Suisse. Les échantillons distribués par Thomas viennent de Strasbourg. Es UE Bryum capiLzaARE Hedw. — Hypnum capillare W. et M. — Var. 6 majus Br. et Schp. — Var., minus Br. et Schp. — Var. « Ferchelii Br. et Schp. — Bryum Fer- chelii Brid. — Var. »cochleariæfolium. — Bryum elegans Nees et H. — Très-com- mun dans les bois sur la terre. Juillet. Var. 8 à LaVaux près de Fleurier. Var. > fentes des rochers à Chasseron. Rare. Var. ; rochers de Chasseron et de LaVaux. Septembre. Les Alpes (Schp.) (). Bryum noseum Schreb. — Mnium roseum Hedw.— Bryum Polla rosea Brid.— Hypnum Polla rosea W. et M.— Sur la terre, dans les bois humides du Jura. Fruc- tifie très-rarement. En fructif. au bois des Raisses près de Fleurier. Hiver. PSEUDOBRYACEZÆ. MrcicanorerIA NrripA Hrnsch. — Apiocarpa Mielichhoferi Hueb. — Weissia Mie- lichhofera Funk. — Oreas Mielichhoferi Brid.— Var. 8 gracilis Br. et Schp.— Var. ; intermedia Br. et Schp. — Var. 5 elongata Br. et Schp. — Mielichhoferia elongata N. et H. — Weissia elongata Hook. — Oreas elongata Brid. — Cette magnifique espèce ne croit que sur les rochers cuprifères des plus hautes Alpes. Aux envi- rons du lac de Côme. Alpes du Tyrol ( Schp). Elle se trouvera sans doute dans la chaine centrale de nos Alpes aux localités analogues et avec les variétés observées dans le Tyrol. ù POLYTRICHEZÆ, Oricorricnum mERcyNICUM DC. — Atrichum hercynicum Pal. Beauv. — Catha- rinea hercynica Ehrh. — Polytrichum hercynicum Hedw. — Sur le sable dans les endroits rocailleux des Alpes. Le Splügen (Mhlnb.) Le Gothard ( Godet). Moraines des glaciers du Grimsel (Desor). Été. ATRICHUM UNDULATUM Pal. Beauv.— Polytrichum undulatum Hedw.— Catharinea undulata R5B1. — Bryum undulatum L.— Lieux ombragés ; dans les gazons humides sur la terre sablonneuse. Prairies des montagnes. Bords des ruisseaux dans les bois. Été (°). (1) Cette dernière yariété diffère de la forme primitive par les feuilles, la forme de la capsule, l'habitat et le temps de la maturité. Elle me paraît former une bonne espèce. (2) Les Atrichum angustatum et Atrichum tenellum Bryol. Europ., se trouvent bien certainement aussi en Suisse dans les chemins creux, sur les bords des forêts, mais ils n’ont pas encore été observés (Schp.). TOM. II. SOC. DE NEUCH. 11 2 2 PocoxaTuM NANUM Brid.— Polytrichum nanum Hedw.— Polytrichum pumilum Sw. — Polytrichum subrotundum DC. — Var. 6 longisetum. — Sur le sol sablonneux au bord des bois, dans les chemins creux des forêts avec la var 8. Assez rare. Bois de Peseux. En montant de Boudry à Rochefort ( Jura). Hiver. PoGoNATUM ALOIDES Brid. — Polytrichum aloides Hedw. — Var. 8 minus. — Plus commun que le précédent, se rencontre dans les mêmes localités. Printems. PoGoNATUM URNIGERUM Brid.— Polytrichum urnigerum L. — Polytrichum pulve- rulentum Hedw. — Var. 8 crassum. — Les bords des bois dans les gazons. Sur les collines de sable et de gravier. Alpes et Jura. La Handeck (Schærer). La Vraconne, le bois de Peseux. Jura. Printems. Var. & au Brunig (Godet ). PoGoxaATUM ALPINUM Brid. — Polytrichum alpinum L. — Var. 8 arcticum Br. et Schp.— Polytrichum arctieum Swarts. — Var. ; septentrionale Br. et Schp. — Po- lytrichum septentrionale Swartz. — Var. 5 campanulatum Br. et Schp. — Polytri- chum campanulatum Hrnsch. — Les pentes abruptes et gazonnées des Alpes et sous- Alpes. Le Grimsel, le Susten, Forclax (Schærer). Premières pentes du Schreckhorn avec les variétés ( Desor). Été. POLYTRICHUM SEXANGULARE Hppe.— Polytrichum septentrionale Schrd.— Partout sur les hautes Alpes, dans les bas fonds près des neiges. Le Siedelhorn (Godet). Le Splügen, le Faulhorn (Schp. Mhlnb). Zermatt (Moug. Mhlnb). Le Col de Balme, l'Albula, le Gothard (Schærer). Le Grimsel ( Desor). Été. PorYTRICHUM PILIFERUM Schreb. — Polytrichum Hoppii Hrnsch. — La terre sè- che et sablonneuse ; les monticules des taupes dans les bruyères et le voisinage des tourbières. Alpes et Jura. Printems. Le Polytrichum Hoppüi est une forme alpine plus petite. Elle abonde sur les moraines des glaciers du Grimsel (Agassiz et Desor). Été. POLYTRICHUM JUNIPERINUM Hedw. — Var. 8 strictum. — Polytrichum strictum Brid.— Var. > alpestre. — Polytrichum alpestre Hppe.— Polytrichum affine Funk. — Les bois, les prairies des montagnes, les tourbières. Été. Var. & abonde dans les marais tourbeux du Jura. Été. Var. , sur la terre nue et sèche des Alpes et des hauts sommets du Jura. Le Creux-du-Vent, Chasseron, Chasseral, etc. PoryrriIcHuM FoRmosUM Hedw. — Polytrichum commune & attenuatum Hook. et — 3 — Tayl. — Var. 8 pallidisetum. — Polytrichum pallidisetum Funk. — Les bois des montagnes sur les troncs pourris, etc. Été. Var. & dans les Alpes aux fentes des rochers exposés au soleil (Schp.). Porvrmicnum GRACILE Mentz. — Polytrichum longisetum Swartz. — Polytrichum aurantiacum Hppe. — Marais tourbeux. Cette espèce envahit sur les tourbières du Jura les exploitations négligées et couvre presque seule des espaces très-considéra- -bles. Juin. PoryrRICHUM COMMUNE L. — Polytrichum yuceæfolium Ehrh. — Marais tourbeux des montagnes. Troncs pourris et humides dans les forêts. Juin. BUXBAUMIACEZÆ. BuxBaumIA APHvLLA Haller. — Saccophorum aphyllum Pal. Beauv. — Lieux om- bragés des montagnes moyennes, sur la terre nue sous les hêtres et les sapins. En descendant du Creux-du-Vent aux OEillons, Jura ( Chapuis). Juin. BuxBauMrIA INbusIATA Brid. — Sur les troncs pourris dans les forêts humides. À LaVaux, à la Poita-Raisse, au Creux-du-Vent, moins rare dans le Jura que la précédente. Automne. Druvyscrum Froriosum W. et M. — Buxbaumia foliosa L. — Terre sablonneuse dans les chemins creux au bord des bois. Commun dans le Jura et dans les Alpes où elle monte jusqu’à près de 8000 pieds. Au Faulhorn. Toute l’année. HYPNACEZÆ. FagronrA pusizzaA Schw. — Troncs des arbres dans le jardin botanique de Ge- nève (Blytt). Juin. FagrONIA crciaris Brid. — Fabronia octoblepharis Schw. — Pterigonium octoble- pharum Schl. — Rochers de la Suisse. (Schl. Thom. Roger). Été. ANACAMPTODON SPLACHNOIDES Brid. — MNeckera splachnoides Schw. — Près de Pfeffers sur des hêtres (Schp.). Suisse italienne, d’après des échantillons de l’herbier de Balbis (de Not.). Été. LeuconoN scruROIDES L. — Plerigonium sciuroides Engl. Bot. — Fissidens sciu- roides Schultz. — Dicranum sciuroides Lam. — Trichostomum sciuroides W. et M. — Var. & morensis. — Leucodon morensis Brid. — Hypnum morensis Schl. — Les troncs des arbres, les rochers de toute la Suisse. Mars. EM. 1 Var. 8 (Schl. cat.). Sur un bloc de granit en montant à Lignières, Jura. Juin.— Attaquée par les insectes sur les érables du haut Jura, cette espèce pousse des jets en capitules compacts et change tout-à-fait sa forme primitive. Crimacrum pENDROIDES W. et M. — Marais spongieux ; fossés humides, bords des bois, etc. Dans toute la Suisse. Hiver. Premier printems. PTEROGONIUM FILIFORME Swartz. — Pterigynandrum filiforme Hedw.— Leptohy- menium filiforme Hueb. — Grimmia filiformis W. et M. — Var. e majus. — Pte- rigynandrum heteropterum Brid. — Troncs des hêtres dans les bois ; granits roulés du Jura, etc. Printems. Var. 8 dans les Alpes (Schærer). Granits roulés du Jura. Noiraigue , etc. PreRoGONIUM GRACILE Hedw. — Pterigynandrum gracile Hedw. — Leptohyme- nium gracile Hueb. — Troncs d'arbres dans les montagnes. Rare en Suisse (Schl. cat.). Un érable aux Sagnettes. Jura. Printems. PTEROGONIUM NERVOSUM Schw. — Pterigynandrum nervosum Brid. — Anomodon nervosus Hueb. — Leskea Frühlichiana Brech. — Commun aux environs de Vätis et de Louèche (Schp.). Rare dans le Jura. Troncs des hêtres et des érables. Roche-Bu- lon , Trémalmont, etc. Mars. Je lai toujours vu stérile sur les pierres et en fructi- fication seulement sur les souches de hètres et les vieilles écorces (!). Isornecrum REPENS Br. et Schp. — Pterogonium repens Schw. — Anomodon re- pens Hueb. — Troncs des arbres, surtout des chênes et du pin Sylvestre. Bois de Rochefort, près de Neuchâtel. (Schl. cat.). Mars. ISOTHECIUM STRIATUM Br. et Schp. — Pterogonium striatum Schw.— Pterigynan- drum mutabile Brid. — Leskea bulbifera Frôhl. — Anomodon striatus Hueb.— Com- mun dans le haut Jura où il s’attache aux rameaux des hêtres rabougris. Le Creux- du-Vent. Roche-Bulon. Chasseron , ‘ete. Mars. Les Alpes (Scbl. cat.). ISOTHECIUM POLYANTHUM Br. et Schp. — Leskea polyantha Hedw. et Auct. — Hypnum polyanthos Schreb. — Les troncs des arbres champêtres, saules, peu- pliers, etc. Commun. Automne, Hiver. ISOTHECIUM CLADORHIZANS Br. et Schp. — Leskea cladorhizans Auet. — Neckera cladorhizans Hedw. — Le val de Moutiers sur les rochers (Schp. Mhinb.). Bois des Raisses près de Fleurier (rare). Printems. (1) Cette espèce est souvent et facilement confondue avec le Hypnum filamentosum des Aut. Diffère par les feuilles plus alongées, aiguës, et la nervure dépassant la moilié de la feuille. LE 'OR IsorRecIum sERICEUM Br. et Schp. — Leskea sericea Hedw. — Hypnum sericeum L.— Var. 6 majus. — Troncs des arbres, les pierres, les rochers, etc. Commun. Automne. Var. 8 sur les rochers ombragés de Chasseron et de Chasseral. Juin. Isornecrum RUrESCENS Br. et Schp. — Leskea rufescens Schw. — Hypnum rufes- cens Dicks. — Rochers humides des Alpes et du haut Jura. Commun, mais fructifie rarement. Juin. ISOTHECIUM CURVATUM Brid. — Hypnum curvatum Swartz. — Hypnum myurum Pollich. — Partout sur les troncs pourris, les rochers, les arbres, dans les bois de sapins. Hiver. | ANOMODON CURTIPENDULUS Hook. et Tayl. — Neckera curtipendula Hedw. — Antitrichia eurtipendula Brid. — Hypnum curtipendulum L. — Var. 8 hamulosa Brid. — Commun sur les arbres et les rochers. Printems. Var. & sur les granits roulés du Jura. Leskra viricurosA Br. et Schp. — Anomodon viticulosus Hook. et Tayl. — Nec- kera viliculosa Hedw. — Les troncs d'arbres, les vieux murs dans les haies. Avril. Leskea LoNGtroLIA Br. et Schp. — La Suisse (Schl. cat.). Commun au Val-de- Moutiers (Schp.). Val-de-Travers. Très-rare en fructif. (*). LeskEA ATTENUATA Hedw.— Hypnum attenuatum Schreb. — Anomodon attenua- tus Hueb. — Les Alpes (Schl.). Je n’ai observé cette espèce dans le Jura que sur les granits de Noiraigue. Juin. LeskeA poLycaRPA Ehrh. — Hypnum medium Dicks. — Troncs d’arbres dans les prairies humides surtout vers la plaine. Saules au bord des ruisseaux. Juin. LeskeaA ExILIS Schw.— Aux Voirons, versant septentrional. Près de Genève (Schp.). LESKEA ROSTRATA Schw. — Alpes du Valais (Schl.). HYPNA. 4, TAMARISCINA. HyPNUM TAMARISCINUM Hedw. — Hypnum proliferum L. — Les bois humides et ombragés ; les haies, les prairies. Automne. (1) La plupart des exemplaires envoyés par Schleicher sous ce nom, appartiennent au Pterogonium nervosum. TOM. III. SOC. DE NEUCH. 12 — 6 — Hypvum REcoënITUM Hedw. — Hypnum tamariscinum. — 8 recognitum Brid. — Prairies sèches, sur la terre dans les gazons. Pâäturages du Jura, ete., etc. Fin de l'Été ( Schl. cat.). Hypxum agrernum L. — Lieux arides, bords des bois, bruyères et pâturages ; très-commun sans fructif. Trouvé fructifié dans le Valais par Schleicher. En Norwège par M. Schimper et d’autres botanistes. Hypxum BLaxpowu W. et M. — La Berrée, dans les prairies humides, près de Fleurier, sans fructif. Hypxum pmmorpaum Brid. — Bois de hêtres, Suisse (Schl. cat.). Personne ne l’a vu en Suisse depuis Schleicher ; je n’ai pu même trouver dans aucun herbier des échantillons authentiques de ce botaniste. Cette espèce n’est pas rare dans les Vosges. Hypxnum ArRO-vIRENS Hook. et Tayl. — Leskea incurvata Hedw.— Hypnum fili- forme Will. — Hypnum filamentosum Dicks. — Var. 5 implexa Brid. — Très-com- mun sur les pierres humides et ombragée des sous-Alpes et du haut Jura, dans les endroits où la neige s'arrête longtemps (Schl. cat.). Chasseron , Roche-Bulon, etc. Jura. Printems, avec la var. à (‘). HypNuM cATENULATUM Brid. — Trouvé fructifié dans le Bregenzer-Wald et à la Gemmi (Schp.). Sur les pierres dans les forêts du haut Jura, sans fructif. Hypexum umsraruM Ehrh. — La Suisse (Schl. cat.). Les bois profonds du Jura. Au fond du Creux-du-Vent ( com. Schp.). Premier printems. Hypxum spLENDENS Hedw. — Très-commun dans toutes les forêts. Automne. 2. TRIQUETRA. Hypxum BREVIROSTRE Ehrh. — Hiypnum triquetrum 8 minus W. et M. — Bois des montagnes (Schl. cat.). N'a pas encore été observé dans le Jura. Hypnum LonGrRosrRuM Ehrh. — Hypnum striatum Schreb. — Commun dans les bois, sur les troncs pourris. Alpes et Jura. Hiver, Printems. (1) Espèce très-voisine du Hypnum catenulatum, par la forme des rameaux. En diffère par les feuilles plus alongées, resserrées tout-à-coup vers le sommet et la nervure alteignant presque la pointe des feuilles. Les rameaux du Hypnum catenulatum sont plus grèles, moins ramifiés ; les feuilles cordates aiguës ont une ner- vure qui ne dépasse pas le milieu. Le Hypnum Thomasi Brid. est une variété de cette espèce et se trouve au Faulhorn, près des glaciers du Rhône et dans d’autres localités de la Suisse (Schp.). us ‘OU Hypxum LOREUM L. — Forêts humides. Assez commun. Hiver. Hypxun rRiIQUErTRUM L. — Très-commun partout. Couvre la terre dans les bois. Printems. 3. STELLATA. Hypxum squarRosuM L. — Les bords des bois, fructifie rarement. En fruits au bord du Sucre , derrière Couvet. Décembre. HypNum stELLATUM Schreb. — Var. 8 squarrosulum. — Hypnum squarrosulum Brid. — Var. > chrysophyllum. — Hypnum chrysophyllum Brid. — Var. à proten- sum. — Hypnum protensum Brid. — Sur les graviers et le sable, dans les bois hu- mides. Dans les prairies spongieuses et les marais tourbeux. Commun dans le Jura. Été. Var. 8 sur la marne et dans les lieux humides et rocailleux. Var. > lieux secs et découyerts des terrains argileux. Var. 5 bords des bois humides. Hyexum pozymorpaum Hedw. — Les vieux murs, les pierres humides, les haies du Jura, etc. Été. Hypxum Hazrer: Lin. fil, — Les rochers et les pierres humides des Alpes et du Jura. Très-commun surtout vers le haut Jura. Été. Varie beaucoup pour la forme et la longueur des rameaux et la longueur du pédicelle de la capsule. LH. CRINALIA. Hypxum Mozzuscum Hedw. — Commun dans les bois. Été. Hypxum CRINALE Br. et Schp. — Diffère du précédent par les feuilles beaucoup plus alongées, terminées en lanières, les tiges rampantes , la capsule plus alongée , portée sur un pédicelle très-long. Bois du Jura. Hiver. La Poita-Raisse, près de Fleurier. HYPNUM CRISTA-CASTRENSIS L. — Commun dans les bois de sapins, surtout dans les lieux frais. Eté. 5. ADUNCA. HxPpNUM FASTIGIATUM Br. et Schp. — Sur les pierres humides des Alpes (Schp.). Sommet de Chasseron sans fructif. Été. — Hypxum carricarOUS Hrnsch.— Alpes, sur les pierres'et la terre humide. Le Rigi (Mhlnb.). Été (!). Hypxum Vaucaert Lesq. — Caulibus erectis parce ramosis, sicut fascicutatis. Ra- mis elongatis simplicibus. Foliis disticho uncinnatis , lanceolato acutis, via apice ser- ratis, evidenter binerviis. Nervis brevibus. Fructu ignoto. Sommet de Chasseron sur les rochers. HYPNUM CUPRESSIFORME L. — Var. & decipiens Brid. — Hypnum decipiens Hoffm. — Var. 5 compressum. — Hypnum compressum L. — Var. » chrysocomum Brid. — Var. 3 filiforme Brid. — Var.z hamulosum Brid. — Hypnum hamulosum Brid. — Var. x complanatum Brid. — Var. » crispatissimum Brid. — Var. + tenuifolium Brid. — Var. < fragile Brid. — Var. + conicum Brid. — Dans les bois et les vergers , sur les troncs, les souches, les pierres, les rochers calcaires et granitiques. Se trouve partout avec une quantité de variétés locales qu’on ne saurait énumérer. Toutes les variétés citées ici et décrites par Bridel, habitent le Jura et les Alpes. Automne, Printems. HypNum PRATENSE Koch. — Dans les prés uligineux du Valais (Schl.) Hypxum cncnnarum Hedw.— Var. & rupestre.— Var. > alpinum.—Var, 5 adun- coîdes. — Var. : repens. — Sur les troncs pourris, la terre, les rochers, dans les bois des montagnes avec les variétés. Été. Var. ; au bord des torrens des Alpes. Hypxum FLurrans L. — Hiypnum aduncum L. et Auct. — Var. « macropodion. — Var. 6 aduncoides. — Var. ; dimorphum. — Var. 5 inflexum.— Var. : terrestre. — Commun dans les tourbières des Alpes et du Jura, où il varie à l'infini, suivant la quantité d’eau plus ou moins profonde dans laquelle plongent les touffes. Les varié- tés nommées ici passent de l’une à l’autre par des modifications insensibles et dont il est impossible de saisir les caractères. Le Hypnum aduncum des auteurs appartient à celte espèce. Été. HypNuM LYCOPODIOIDES Schw.— Hyprum aduncum 8 rugosum Hook. — Hypnum aduncum & lycopodioides Sprgl. — Hypnum rugosum L. — N'est pas rare dans les marais du Jura. Sans fructif. Cette espèce est suivant moi, une variété du Hypnum (1) Le Hypnum protuberans Brid., voisin de cette espèce et que M. Schimper a trouvé aux Alpes de Salz- bourg, se rencontrera sans doute aussi en Suisse, st (ND at fluitans. À peine se distingue-t-il par les formes plus grandes du Hypnum fluitans macropodion. Hypxum scorpiordes L. — Marais tourbeux du Jura et des Alpes; marais pro- fonds, eaux stagnantes. Commun sans fructif. Hvexum RuGOosuM Hedw. — Hypnum rugulosum W. et M. — Commun partout, dans les montagnes basses et la plaine, sur la terre et les rochers secs. Fructifica- tion inconnue. Hyenum pricaTumM Schl. — Les Alpes (Schl.). Le haut Jura sur les pierres hu- mides dans les broussailles. Le Weissenstein (Schp.). Le Creux-du-Vent, Chasse- ron, etc. Hiver. Hyexum commurATuM Hedw. — Var. 8 minus. — Var. > alpinum. — Commun partout au bord des ruisseaux sur les dépôts calcaires. Près des sources des monta- gnes, etc. Se distingue facilement du Hypnum filicinum par la nervure qui s’efface au milieu des feuilles. Très-variable. Été. Var. 8 Chasseron. Var. > les Alpes et le Jura. Hypxum rALcATUM Brid. — Ruisseaux du Jura ; très-commun dans le Fleurier au Val-de-Travers. J'avais pris d’abord cette espèce pour une forme flottante du Hyp- num commutatum. Elle en diffère par une forte nervure continue jusqu’au sommet. Distincte du Hypnum filicinum par les formes plus grandes et les feuilles entières. Hypxuu rmicnum L. — Var. 6 fluitans. — Hypnum fluviatile Swartz. — Hyp- num fallax Brid. — Lieux humides près des ruisseaux dans les bois et les monta- gnes. Bassins des fontaines, sources, etc. Été. Var. 2 dans les eaux fraiches et courantes. Je l’ai trouvé en fructification au Champ-du-Moulin, Jura. Été. 6. PALUSTRIA. 3 Hvpxum mozze Dicks. — Rochers humides des Alpes. (Schl. cat.). - Hypxum pALUSTRE L.— Hypnum luridum Brid.— Var. 6 falcatum.— Var. 5 sub- sphærocarpon. — Hypnum subsphærocarpon Brid. — Très-commun sur les pierres , les rochers , au bord des ruisseaux et des torrens dans les montagnes. Varie beau- coup comme toutes les mousses aquatiques. Printems. Var. & saut du Doubs. Var. à dans les Alpes. TOM. III. SOC. DE NEUCH. 43 > 0 — 7. IzLEcEBrA. Hypxum MURALE Hedw. — Très-commun sur les murs, les pierres, les rochers ombragés. Dans les lieux secs et humides. Varie beaucoup pour la forme des rameaux et la longueur des pédicelles. Printems. Hvexum 1LecegruM Hedw. — Hyprum blandum Hook. et Tayl. — La Suisse (Schl. cat.). Été. Doit avoir été observé dans les pâturages au pied des Alpes. Hypxum cirnosum Funk. — Rochers du Simplon (Schp.). Sous les rochers de Chasseron, dans les gazons, sans fructif. Ê Hypxum purum L. — Assez commun dans les Lois et les gazons épais. Fructifie rarement. Hiver. Hyexum rriranIUM Brid. — Hyprum uliginosum Schl. — Assez commun dans les .tourbières des Alpes et du haut Jura, sans fructif. Cette espèce forme souvent dans les tourbes des lits épais où les formes végétales sont parfaitement conservées , même à de très-grandes profondeurs. Hyoxum sTRAMINEUM Dicks. — Marais tourbeux du Jura, fructifie très-rarement. En fruits à Bémont près de la Brévine , Jura. Été (!). Hypxum Scaresert Will. — Dans les forêts, les pâturages au bord des bois. Au- tomne. * Hypxum parApoxuM Mont. — Commun sur les roches calcaires du Jura, toujours stérile. Souvent confondu avec le Hypnum Schreberi auquel il ressemble beaucoup. Les touffes sont plus compactes et la couleur est rousse. Souvent mêlé au Hypnum T'ugosum . 8. CusPIDATA. Hypnüm cusprparum L. — Les prés humides dans les gazons. Bords des ruisseaux et des bois. Commun. Printems. Hypxum connrrozrum Hedw. — Var. 8 fluitans. — Var. ; compactum. — Mares, ruisseaux dans les champs. Eaux tranquilles et basses. Tourbières du Jura avec les variétés. Été. (2) Plusieurs auteurs ont réuni ces deux espèces bien que fort différentes par le port et la situation des feuilles sur les rameaux. Des échantillons intermédiaires cueillis dernièrement dans les marais des Ponts, sembleraient prouver qu’on peut les réunir en effet en une seule espèce. —_—.. Ur 9. RuUTABULA. Hvenvu prcrerum Schreb. — Sur la terre dans les boïs et autour des forêts. Abondant au Val-de-Travers, dans les bois de la Raisse, près de Fleurier. Printems. Hyenum PsEubO-prLIFERUM Br. et Schp. — Pierres du Grimsel (Haller ). D’après un échantillon de Fherbier Chaillet sous le nom de Hypnum cirrhosum et absolument conforme aux échantillons que j'ai reçu de M. Schimper et provenant de Nassau. Hyexuu Srarkn W. et M. — Se trouve en Suisse surtout sur la terre (Schp.)— Schl. cat. Automne. HypNUM REFLExUM Stark. — La Suisse (Schl. cat.). Sommet de Chasseron, au fond d’un entonnoir où les neiges restent jusqu’en juillet. Été. Hypxuu nurABuLUuM L. — Var. 6 subsphærocarpon. — Espèce polymorphe qu'on trouve partout, sur les pierres, la terre et les troncs, dans les haies, les bois, les prairies ouvertes, etc. Printems Var. & sur les pierres dans les broussailles au Val-de-Travers. Hypxum nIVULARE Br. et Schp. — Sur les pierres humides, dans les bois ; au bord des ruisseaux. Commun dans le Jura. Printems. Hypnum riIParIOMES Hedw. — Hypnum rusciforme Weiss. — Hypnum ruscifo- lium Neck. — Ruisseaux et rivières de la plaine et des montagnes avec une grande quantité de variétés. Les var. Molendarii, atlanticum de Brid. et falcatum, etc. etc., dans la Reuse au Val-de-Travers. Automne. HyPpNUM PSEUDO-PLUMOSUM Brid. — Sur les pierres, dans les forèts et les brous- sailles. Creux-du-Vent, etc. Printems. Hypxum sALEBROSUM Hoff, — Hypnum plumosum var. salebrosum Br. et Schp. Croît dans les mêmes localités que le précédent, dont il n’est peut-être qu’une va- riété. Fructifie plus tard. Été. Hypxum cameesrre Br. et Schp. — Sur les pierres du haut Jura, dans les lieux frais et ombragés. La Grandsonne près de Fleurier. Jura. Hiver. Hypxum 6LAREosUM Br. et Schp. — Lieux frais et gazonnés dans les bois du Jura. Environs de Fleurier. Le Mail près de Neuchâtel. Avril. Hypxum LurEscENs Hedw. — Sur la terre, les troncs, les rochers. Commun par- tout. Printems + 159) Hypxum niTENs Brid. — Assez commun dans les tourbières des Alpes et du haut Jura. Fructifie rarement. Aux Pontins sous Chasseral, en fruits. Été. Hypxum azBicans Neck. — Bords des routes et chemins creux dans les terrains sablonneux. La Suisse (Schl. cat.). Hiver. HyPNuM vELUTINUM L. — Hypnum intricatum Hedw. — Commun dans les bois sur la terre et les troncs pourris. Varie beaucoup pour la forme des rameaux, la position des feuilles et la longueur du pédicelle de la capsule. Printems. HyPNUM COLLINUM Schl. — Hautes Alpes. Le Faulhorn, la Furca, le Splügen, la Gemmi, le Grimsel (Schp.). Été. Hypxum popuLzEuM Hedw. — Espèce polymorphe. Croit sur les rochers humides ou ombragés. On la trouve dans le Jura surtout aux blocs granitiques dans les haies. Hiver. HypNüm JuLACEUM Schw. — Hautes Alpes, fentes des rochers. Trouvé fructifié au Splügen (Schp.). Le haut Jura. Sommet de Chasseron, sans fructif. rare. Été. Hypxum Tommasinn Sendtner. — Var. flagelliferum Br. et Schp. — Trouvé dans les Alpes de la Carniole par Sendtner. La var. sur un bloc calcaire au bois de la Raisse, près de Fleurier. Mai. 10. SERPENTIA. HypNuM PULCHELLUM Dicks. — Les Alpes. La Gemmi, glaciers du Rosenlaui (Schp. Mhlnb.). Été. Hypxum ivcurRvATUM Schrad. — Sur les rochers, les troncs, dans les forêts et les lieux ombragés. Assez commun dans le Jura. Printems. Hypexuu nrrpuzum Wahl. — Trones pourris dans les bois humides du haut Jura et des Alpes. Le Splügen (Schp.). LaVaux près de Fleurier. Été. Hypxum serpexs L. — Espèce très-variable, croît surtout au pied des arbres dans les haies. Commune. Été. Hvpxum sugrize Hoffm.— Leskea subtile Hedw. — Assez commun sur les vieilles écorces et sur les troncs au pied des arbres dans les forêts du haut Jura. Automne. Hypxuu Coxrerva Schw. — Sur les pierres au Splügen (Schp.). Été. Hypxum TENELLUM Dicks. — Hypnum algirianum Schw.— La Suisse (Schl. cat.). Les rochers humides du Jura. Automne. Cette espèce a été très-rarement observée en Suisse. 11. DENDROIDEA. HypNum srRIGOSUM Hoffm. — Hypnum thuringiacum Brid. — La Suisse (Schl. cat.). Les bois du Jura. Printems. Rare. Hypxum ALOPECURUM L. — Hypnum arbuscula Hedw. — Rochers humides dans les bois des montagnes. Espèce peu commune en Suisse, surtout en fructification. Automne. Hypxum MyosuroIDES L. — La Suisse ( Schl. cat.). Dans les bois sur les troncs pourris près de Boudry, Jura (Chapuis). HyPNUM FLAGELLARE Turn. — J'ai trouvé cette espèce dans le Jura sans noter la localité. Au Val-de-Travers probablement. Sans fructif. 12. COMPLANATA. HypNuM PRAÆLONGUM L. — Var. & abbreviatum Schl. — Var. 5 atrovirens Brid. — Hypnum Suwartzii Schl. — Var. : Stockesii Br. et Schp. — Hypnum rigidulum Schl. — Sur la terre, dans les lieux ombragés ou humides, dans les haies, les champs, les jardins, les forêts, etc. Printems. Les variétés sont citées dans le catalogue de Schleicher. Hypxum Scureicnert Hedw. fil. — La Suisse (Schl. cat.). HypNum coxrerTUM Dicks. — Les bois de la Suisse (Schl. cat.). Herbier Chaillet, sans localités. HypNUM siLESIANUM Pal. Beauv. — Hypnum repens. Duby. — Troncs pourris; terre humide dans les bois. Commun dans le Jura. Été. Hypxum Seuicert Swartz. — L'Albula (Mhinb.). Hypxum syzvaricum L. — Troncs pourris dans les bois. Commun dans le haut Jura. Printems. Hypxum peNricuLATUM L. — Mèmes localités que le précédent, croit plus souvent sur la terre et se rencontre plus rarement. Printems. Hyenum RiparIUM L. — Bords des ruisseaux dans les montagnes. Bassins des fon- taines. Assez rare. Le ruisseau de la Côte aux Fées. Jura. Automne. | Hypxum uxpuzaTuM L. — Les bois humides (Schl. cat.). Cette belle espèce n’a pas encore été vue dans le Jura. TOM. II. SOC, DE NEUCH. 14 — Ale PTERYGOPHYLLUM LUCENS Brid. — Hookeria lucens Smith. — Hypnum lucens L.— Leskea lucens DC.— Les forêts de la Suisse (Schl. cat.). Forêts du Grimsel ( Schærer). N'a pas encore été trouvé dans le Jura. Été. NECRERACEZÆ. NeckERA crispa Hedw. — Les rochers humides, les troncs des arbres dans les forêts. Alpes et Jura. Commun. Printems. Necker puMILA Hedw. — La Suisse. Troncs des sapins (Schl. cat.). Eté. Espèce très-rarement observée. NECKERA PENNATA Hedw. — Sur l'écorce des arbres dans les forèts. Les chènes à l'Écluse, près de Neuchâtel ( Godet ). Combes du Valanvron, près de la Chaux-de- Fonds ( Junod ). Printems. NECKERA COMPLANATA Hueb. — Leshea complanata Hedw. — Hypaum compla- natum L.— Sur l'écorce des arbres dans les forèts épaisses ou humides, surtout aux hètres. Commun, mais fruetifie rarement. Printems. NECKERA TRICHOMANES Hueb. — Leskea trichomancides Hedw., — Hypnun tricho- manoides L. — Dans les haies, dans les broussailles, sur la terre. Printems. Assez rare. Lasra Swiran Hueb. — Legtodon Snuthii Brid. — Pterogonium Snithii Sw. — La Suisse ! Schl. et Thom.). MM. Schimper et Muhlenbeck ont eueilli abondamment ette belle espèce à Isola Madre dans le lac Majeur. Été. ANATOMIE DES SALMONES, L. AGASSIZ & C. VOGT. EN € RRN : hn£ [D { Phrétonto ini pepe Nid ca sh ions ait: —— pa oc k: ‘Déskoë de LE. 244 Fonte du ee VOL Pris du Gina ( Parent à NX ges ddr drone were A Ca + PE CN NS Las PARENTS Pur AE rs 7 RAS SOS F1 Me er ar x Rat. — Si l'rcorte: dés hbreés PS ii Rrdbi | ÉTÉ. ps de Sebchétel ane du Yotansron Bree be Posde dänod : Prat," RAT La e RES À he D . PA L. 1 if 4 Ve
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Aucune partie du corps des poissons n’est si bien connue que leur squelette; aucun point de l’ana- tomie comparée n’a soulevé autant de débats que l’ostéologie des poissons, et en par- ticulier l'étude de la tête de ces animaux. Si donc nous essayons d’entrer après tant d’autres dans cette voie de recherches, c’est moins pour présenter des vues nouvelles que pour donner une description détaillée et monographique du squelette des Truites, des parties osseuses aussi bien que des parties cartilagineuses, qu’on a trop négli- gées jusqu'ici, et qui pourtant entrent pour une bonne part dans la composition du squelette. Ce n’est pas à dire que nous soyons d'accord en tous points avec nos prédécesseurs; au contraire , il nous arrivera d'émettre sur plusieurs points des opi- nions qui ne seront peut-être pas partagées par tout le monde. Mais nous voulons avant tout conserver à ce travail le caractère d’une monographie. Nous nous occupe- rons surtout du genre Salmo, et en particulier de la Truite commune, (Salmo Fario ), dont le squelette entier est figuré Tab. A, fig. 1 de l’atlas, et les os détachés, Tab. D. Pour l'étude de la tête et de quelques parties de la colonne vertébrale, nous avons choisi le Salmo Trutta, espèce qui, quoique différente de la Truite commune par ses caractères zoologiques, est cependant celle qui s’en rapproche le plus par la forme de ses os, et dont l'étude offre moins de difficultés, par cela même qu’elle est de plus grande taille. (Voir Tab. E et F). Nous ne nous arrêterons aux différences généri- ques , qu’autant qu'elles sont basées sur des différences anatomiques , nous réservant de traite: de la détermination zoologique des espèces dans un autre ouvrage consacré exclusivement à ce sujet. Tom IH. 1 PAIE Dur Le squelette de la Truite se compose de la tête, de la colonne vertébrale et des organes locomoteurs , connus sous le nom de nageoires. La colonne vertébrale s’étend sur une ligne horizontale au milieu du tronc; elle ne supporte pas la tête comme dans les classes supérieures , mais la base de celle-ci n’est que la continuation du plan des vertèbres. Les termes dont nous nous servirons dans celte description s'appliquent toujours à la position qu’offrent les planches de la première livraison de l'Histoire natu- relle des Poissons d’eau douce et les squelettes de cette monographie, c’est-à-dire que le poisson est supposé couché sur le ventre, ayant la tête en avant et le dos en haut. DE LA TÊTE. La tête du poisson renferme, outre les parties qui lui sont propres dans toute la série des vertébrés , plusieurs appareils qui, dans les autres vertébrés, sont rejetés plus en arrière et n’en font plus partie. Même après en avoir éliminé la ceinture tho- racique, qui est étroitement liée à la tête, et dont il sera traité lorsque nous décrirons les nageoires paires, nous distinguons encore dans la tête du poisson les parties sui- vantes : 1° Le crâne, boîte fixe et immobile, destinée à servir d’enveloppe au cerveau et aux organes principaux des sens. Il est composé de dix-sept , ou plutôt de vingt-sept os, dont sept impairs , le basilaire (n° 5), le sphénoïde (n° 6), l'occipital supérieur (n° 8), le sphénoïde antérieur (n° 15), l’ethmoïde crânien (n° 15"), le vomer (n° 16) et le nasal (n° 3), et de dix os pairs, savoir: les frontaux principaux (n° 1), les fron- taux antérieurs (n° 2), les frontaux postérieurs (n° 4), les pariétaux (n° 7), les occipi- taux externes (n° 9), les occipitaux latéraux (n° 10), les grandes aîles du sphénoïde (n° 11), les temporaux (n° 12), les occipitaux postérieurs (n° 13), et les ailes orbi- taires du sphénoïde (n° 14). 2° La face, composée d'appareils mobiles, destinés à l'exercice des fonctions des sens et de la nutrition, et prenant aussi une part active, quoique secondaire, à la res- piration. Elle n’est composée que d’os pairs, au nombre de seize, ou plutôt de trente- deux ou de quarante-six , si nous comptons tous les jugaux séparément et les olfactifs à double; ce sont: les intermaxillaires (n° 17), les maxillaires supérieurs (n° 18), les surmaxillaires (n° 18), les jugaux (n° 19 et 19', 19°’, etc.), les os propres du nez ou os olfactifs (n° 20 et 21’), les surorbitaires (n° 1”), les palatins (n° 22), les mastoï- diens (n° 23), les transverses (n° 24), les ptérygoïdiens (n° 25), les os carrés (n° 26), les caisses (n° 27), et les tympano-malléaux (n° 51). Les dentaires (n° 54), les arti- culaires (n° 35), et les angulaires (n° 36), composent la mâchoire inférieure. — 15 3° L'appareil hyoïdo-branchial, destiné essentiellement à la respiration, et prenant une part indirecte à la déglutition. Il est composé de cinq os impairs, le lingual (n° 41), la queue de l’hyoïde (n° 42), et les trois os impairs (n° 53, 54 et 55), qui forment le corps de l'os hyoïde, et de trente-sept ou plutôt soixante-quatorze os pairs, en tout soixante-dix-neuf, savoir: les os (n° 37, 58, 39 et 40), qui composent, avec les os styloïdes (n° 29), les cornes de l'hyoïde; le préopercule (n° 30), les douze osselets branchiostègues (n° 43), le sous-opercule (n° 33), l’interopercule (n° 32), l’opercule (n° 28); les quatre arcs branchiaux composés de quinze os de chaque côté (n° 57, 58, 59, 60, 61 et 62), et enfin les pharyngiens inférieurs (n° 56). La tête de la Truite se composerait donc, d’après cette énumération, dans laquelle nous n'avons pas compris les osselets qui protègent les canaux muciques, et qui varient dans chaque espèce, de douze os impairs et de soixante-trois ou plutôt cent-vingt-six os pairs, sans compter que les jugaux, que nous avons rangés parmi les os simples , sont ordinairement composés de six ou sept pièces, et les olfactifs de deux; en tout plus de cent-cinquante os, nombre qui excède de beaucoup celui de tous les autres vertébrés. La forme de la tête de la Truite est celle d’une pyramide irrégulièrement quadran- gulaire, dont la base serait formée par la face occipitale, la pointe par le museau, les deux plus grandes faces par les côtés des joues, et les deux petites par le front et la gorge. La face supérieure est formée en arrière par le toit du crâne , en avant par les pièces faciales qui entourent les cavités nasales; sur les côtés, la boite crânienne est presque entièrement cachée par les os de la face et de l’appareil hyoïdo-branchial tandis que ce dernier forme presque à lui seul la partie inférieure de la tête. Dans tous les mouvemens, c’est le crâne qui sert de point d'appui, et les autres pièces des- tinées à la déglutition, au mécanisme de la respiration, etc., se meuvent sur lui et contre lui comme des leviers. Ces mouvemens, effectués par les parties dures dela tête, paraissent beaucoup plus énergiques que chez les animaux supérieurs, ce à quoi l'on devait s'attendre, d’après le grand nombre de pièces qui composent la tête. DU CRANE. Le crâne de la Truite est trapu, large, et sa forme pyramidale répète assez bien celle de la tête entière. La plus grande largeur se trouve à l’angle postérieur de l'or- bite ; de-là le crâne se rétrécit insensiblement vers la pointe du museau, tandis qu’en” arrière sa largeur et sa hauteur se maintiennent dans les mêmes proportions. L'occiput est tronqué verticalement ; sa face postérieure est presque plane et à angle droit avec le plan du front. La face supérieure du crâne n’est pas entièrement plane; elle s'élève ù 7 en une crête obtuse au milieu, et s’abaisse vers les côtés, comme un toit peu incliné. Cette face est toute osseuse, et les cartilages n’apparaissent qu’à l'extrémité antérieure du museau. La base du crâne est peu large; horizontale dans sa partie postérieure, elle s’élève insensiblement vers la pointe du museau, à partir du point qui correspond à la plus grande hauteur du cräne. Elle est, comme la face supérieure, entièrement osseuse, et armée, dans sa partie antérieure, de dents assez fortes et recourbées en ar- rière. Les faces latérales du crâne sont très-irrégulières; les grandes fosses des organes de l’odorat et de la vision en interrompent la continuité sur l’avant ; l’arrière présente différentes saillies et enfoncemens, et des trous de passage pour les nerfs et les vais- seaux, qui la rendent très-accidentée. La partie postérieure de la face latérale est os- seuse, mais son extrémité antérieure, qui contient les fosses nasales , est composée en majeure partie de cartilages. La face postérieure du crâne, enfin, est irrégulièrement quadrangulaire , avec diverses saillies qui pénètrent en arrière dans les chairs. Outre le grand trou occipital, il y a au milieu un espace assez considérable qui reste cartila- gineux pendant toute la vie. La forme des os de la Truite variant beaucoup avec l’âge , nous nous attacherons moins à décrire minutieusement chaque petite apophyse qu’à indiquer les rapports de ces os entre eux avec la boîte cartilagineuse, dont la plupart dépendent. Nous avons conservé les noms adoptés dans les Recherches sur les Poissons fossiles, noms qu’un exa- men réitéré de l’ostéologie des poissons de différents ordres nous à appris être les plus convenables, et nous indiquerons dans des notes les noms correspondans des auteurs , lorsqu'ils ne s’accordent pas avec les nôtres. Les chiffres que les os portent dans l’atlas, correspondent à ceux employés par Cuvier dans le premier volume de son Histoire naturelle des Poissons , ensorte que l’on pourra, avec la plus grande facilité, comparer les planches de cet ouvrage avec celles du nôtre, sans avoir recours au texte pour l'explication des chiffres. Cependant il ne faut pas perdre de vue que nos figures sont dessinées d’après des principes tout différens. Cuvier ne s’est attaché qu'aux os, tandis que nous avons eu grand soin de faire ressortir, dans les planches E et F, la part que prennent les cartilages à la formation de la boite cränienne , persuadés que nous sommes, par l'étude comparative des poissons cartilagineux et du dévelop- pement des embryons, que la boîte cartilagineuse est la partie essentielle et primitive, ‘et que les os du crâne en général ne sont que des plaques protectrices se développant sur la face extérieure de cette boîte, et empiétant petit à petit sur elle , pour la rem- placer par une masse plus dure et plus résistante. Il nous paraît impossible de com- prendre, d’après la seule inspection des os , l’ostéologie de la Truite; les restes de la — }) — boite cartilagineuse primitive, qui se conservent jusque dans l’âge le plus avancé, sont trop considérables pour ne pas devoir être pris en sérieuse; considération. Le frontal principal (n°1) (*), qui forme en grande partie le toit du crâne au- dessus des orbites, a à-peu-près la forme d’un triangle dont le grand côté correspond à la ligne médiane. Réunis ensemble, les deux os forment un rhombe assez pointu en avant, dont les côtés courts touchent en arrière à l’occipital supérieur (n° 8), aux pa- riélaux (n°7) et aux temporaux (n° 12), et au-dessous desquels sont appliqués les fron- taux postérieurs (n° 4). La partie antérieure du rhombe forme d’abord le bord supérieur des orbites, puis s’enchässe sous le bord postérieur du nasal (n°3). Sa face supérieure est presque plane; le centre d’ossification est indiqué par une partie squameuse plus épaisse, qui se trouve au-dessus de l’angle postérieur de orbite. De ce point central partent en rayonnant des crêtes plus ou moins fortes, qui se distinguent au milieu des feuillets minces dont le reste de l’os est formé. La face inférieure de l’os est munie, vis-à-vis du point central, d’une forte arèle, saillante en bas, qui se porte oblique- ment en dehors et en avant, et sert d'appui au frontal postérieur. Sauf la partie qui forme le toit de l'orbite, la face inférieure des frontaux repose toute entière sur des cartilages , et chez les individus parvenus à leur développement complet, on peut l’en- lever sans ouvrir la boite cränienne. La face extérieure est recouverte par la peau seu- lement, qui est ici très-épaisse, et dont le tissu sous-cutané est imbibé d’une graisse liquide et verdâtre. L’os ne donne passage ni à des nerfs, ni à des vaisseaux sanguins; il n’y a pas non plus de muscles qui s’y attachent ; il remplit uniquement le rôle de plaque protectrice pour les orbites et la partie antérieure de la boîte cérébrale. Au-dessous des frontaux principaux, sur l’arête de l’angle postérieur de l’orbite, est appliqué le frontal postérieur (n° 4) (**), qui n’est visible que de profil et d’en bas. C’est un os de forme pyramidale, muni d’une forte arète comprimée latéralement, qui s’arque en bas pour former le pilier postérieur de l'orbite. Cette pyramide est im- plantée, par une base presque ronde. sur le cartilage crânien en dedans, le temporal (n° 12) en arrière, la grande aile (n° 11) en bas, et l'aile orbitaire (n° 14) en avant: on peut l'enlever sans mettre le cerveau à découvert. Cet os ne donne passage ni à des nerfs, ni à des vaisseaux; mais une petite arête en arrière de celle qui ferme l'orbite, sert de soutien à la dernière pièce du jugal (u° 19) et du mastoïdien (n° 23). (°) Dénomination généralement acceptée. — Tab. D (5. fario), fig. 10,44, 47 et 49, de profil; fig. 11 et 15, d’en haut; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E ($. trutta), fig. 1 et 4, de profil; fig. 2, d’en haut; fig., 3 d’en bas. (°°) Frontal postérieur, Cuvier, Hallman; écaille du temporal, Meckel, Geoffroy, Rosenthal; pariétal, Bojanus ,— Tab. D (S. fario), fig. 10 , 14, A7 et 19, de profil, fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 1 et 4, de profil, fig. 3. d’en bas. = 6 De mème qu’en arrière, les orbites sont soutenues en avant par un autre démem- brement du frontal, le frontal antérieur (n° 2) (*). C’est une petite lame ovalaire, à bord extérieur tranchant et vertical, un peu concave vers l’orbite, et implantée par son bord postérieur plus épais, dans le cartilage crânien. Outre la première pièce du jugal, qui est appliquée sur sa face antérieure, cet os ne contracte aucune liaison avec les autres os; il n’est pas non plus en rapport avec les nerfs, les vaisseaux ou les muscles. Le nerf olfactif ne le touche pas, mais passe prés de lui par son canal cartilagineux. En arrière des frontaux, sur la ligne médiane, se trouve un os à base elliptique, sur lequel s’élève une forte crête qui forme le point le plus élevé de locciput, c’est l'interpariétal ou loccipital supérieur (n° 8) (**). La crête occipitale supérieure , qui s'élève au-dessus de cet os, est tranchante, aplatie des deux côtés et tronquée obliquement en arrière. L’os touche en avant aux frontaux principaux (n° 1), et laté- ralement aux pariétaux (n°7), et en arrière aux occipitaux externes (n° 9); sa base forme en arrière la voûte crânienne au-dessus du cervelet, et l’on remarque à sa face interne deux sillons assez considérables se réunissant en croix au centre de l'os, et dans lesquels sont logés une partie des canaux sémi-circulaires externes et posté- rieurs de l’oreille. Toute la face interne de l'os paraît à nu dans la cavité crânienne; il est donc impossible de l’enlever sans ouvrir cette dernière. Le bord postérieur de sa base parait sur la face postérieure du crâne, et repose ici sur le cartilage en forme de croix, qui s'étend entre lui et les occipitaux latéraux (n° 10) et externes (n° 11). L’os ne donne passage à aucun nerf ou vaisseau sanguin. Îl sert d'attache principale à la partie supérieure du grand muscle latéral. Le pariétal (n°7) (**) se trouve sur les côtés de l’interpariétal (n° 8), entre lui et le frontal principal (n° 4) en avant, l’occipital externe (n° 9) en arrière, et le temporal (n°12) en dehors. C’est un petit os plat, reposant sur le cartilage crânien et sur Pin- terpariétal, qu’on peut enlever sans préjudice pour la cavité cérébrale , et qui n’a au- cun rapport avec d’autres organes mous. (S) Frontal antérieur, Cuvier, Hallman; ethmoïde latéral, Meckel , Bojanus; lacrymal, Geoffroy, Carus; partie du maxillaire supérieur, Rosenthal. — Tab. D (S. fario), fig. 10,14, 17 et 19, de profil; fig. 14 et 15 d'en haut; fig. 12 et 16, d’en bas.—Tab. E (S. trutta) , fig. 1 et 4, de profil; fig. 2, d’en haut; fig. 3 et 7, d'en bas. (°°) Dénomination généralement adoptée. — Tab. D (S. fario), fig. 9 et 13, par derrière; fig 10 et 14, de profil; fig. 11 et 15, d’en haut. — Tab. E (S. trutta), fig 1 et 4, de profil, fig. 2, d’en haut; fig. 5, par derrière ; fig. 7 , d’en bas (face interne). (858) Dénomination généralement adoptée — Tab. D (S. fario) , fig. 10 et 14, de profil; fig. 11 et 15 , d’en haut. — Tab. E (S. trutta), fig. 4, de profil: fig. 2, d’en haut. ‘ a A la face postérieure du crâne , à côté de la base de l’occipital supérieur (n° 8), se trouve l’occipital externe (n° 9) (*). Il a une forme pyramidale ; son sommet, tourné en haut, est hérissé de deux ou trois pointes, sur lesquelles s’attachent les faisceaux supérieurs du grand muscle latéral. L’une de ces pointes est arrondie, et c’est sur elle que s'appliquent les petits osselets muqueux (n°21), qui forment un chainon entre la ceinture thoracique et la crête occipitale. La base de la pyramide, qui est tournée vers la cavité cérébrale, est presque ronde, à l’exception d’un profond sillon à la face postérieure. L’os touche en haut et en dedans à l’occipital supérieur (n° 8), en avant au pariétal (n° 7), en dehors au temporal (n° 12), et en bas , mais seulement par une minime portion, à l’occipital latéral (n° 10). Le reste repose sur le cartilage crânien, qui est ici en couche très-mince à la face cérébrale de los. L’os est percé de deux trous, pour l'entrée et la sortie du canal sémi-circulaire postérieur de l'oreille ; lempoule est contenue dans l’intérieur de cet os. La couche cartilagineuse qui couvre la face interne de los est si mince , qu'il est impossible de l'enlever sans la détruire et sans mettre à découvert le cervelet. : Au dessous de l’occipital externe se trouve un autre os paire, assez considérable , dont les parties supérieures se touchent au milieu de la face postérieure du crâne et embrassent la moelle allongée, à son entrée dans la cavité cérébrale, c’est l’occipital latéral (n° 10) (**). Chacun de ces os a deux faces extérieures très-distinctes, presque à angle droit entre elles, dont l’une apparaît à la face postérieure, et l’autre à la face laté- rale du crâne. La face postérieure est presque triangulaire; le sommet du triangle est tourné en bas ; son bord supérieur est arqué et touche à l’occipital postérieur (n° 13) et à l'occipital externe (n° 9), le bord interne rencontre son correspondant du côté op- posé, et présente une échancrure profonde, qui, combinée avec celle de lautre côté, forme le grand trou occipital qui est arrondi en forme de voûte; au-des- sous du grand trou, les deux os se réunissent de nouveau et présentent deux faces ar- ticulaires déclives en dedans , qui forment, avec le basilaire (n° 5) l’entonnoir de la facette articulaire de l’occiput. La face postérieure est légèrement rentrante et montre au même niveau que le milieu du grand trou occipital, un très-petit trou, qui échappe facilement à l'observation et par lequel passe le nerf hypoglosse. La face latérale de Fos (°) Dénomination généralement adoptée, sauf par Bojanus , qui l'appelle rocher. — Tab. D (S. fario) , fig 9 et13,, par derrière; fig. 10 et 14 , de profil; fig. 11 et 15, d’en haut; fig. 12 et 16, d’en bas, — Tab. E CS. trutta) , fig. À et4, de profil ; fig. 2, d’en haut; fig. 3, d’en bas: fig. 5, par derrière. (°°) Dénomination généralement adoptée. — Tab. D (S. fario) , fig. 9 et 15, par derrière; fig. A0 et 14. de profil; fig. 12 et16, d'en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 3 d’en bas; fig. 4, de profil ; fig. 5, par derrière, fig. 8, par sa face interne. — 8 — a une forme presque carrée et touche en haut au temporal (n° 12) et à loccipital pos- térieur (n° 13) et en avant à la grande aile du sphénoïde (n° 11); son bord inférieur re- pose sur le basilaire (n° 5). On remarque près du bord postérieur un grand trou cir- culaire, par lequel le nerf vague sort de la cavité cérébrale. Au-devant de ce trou, au même niveau , lon voit chez la petite Truite /Salmo Fario), un autre trou beaucoup plus petit et qui, dans la Truite des lacs {S. Trutta), est caché dans les réseaux ir- réguliers de la substance osseuse ; c’est par ce trou que passe le nerf glossopharyn- gien. Le bord inférieur de l'os, par lequel il repose sur le basilaire (n° 5), n’a rien de particulier ; le bord supérieur correspond au contraire à une anse considérable de la cavité cérébrale, qui se transforme en un canal arqué, dans la petite Truite, au moyen du cartilage cränien, et dans la grande Truite au moyen de la substance osseuse, et par lequel passe la partie postérieure du canal sémicireulaire externe de l'oreille. On voit à la face interne de los le trou (chez la grande Truite) ou le sillon (chez la pe- tite Truite) par lequel commence le canal sémicireulaire. Derrière ce trou se voit un autre trou plus petit, qui est partagé dans la petit Truite par une trame osseuse ; c’est par-là que les nerfs vague et glossopharyngien entrent dans leur canal osseux en quittant la cavité du crâne. Un second grand creux se trouve sur cette face in- terne en bas et en avant. Il est fermé en dedans par une apophyse de los qui se pro- longe vers la ligne médiane. Le creux est complété par le basilaire (n° 5), et la grande aile (n° 11). I! sert à loger le sac du labyrinthe. Sur la face postérieure de los s’at- tache une portion des fibres internes du grand muscle latéral. A l’angle supérieur de loccipital latéral se trouve un petit os en forme de capuchon qui, dans la plupart des poissons , fait partie intégrante de loccipital latéral. Nous le nommons occipital postérieur (13) (*). C’est un os tout-à-fait extérieur, qui forme une apophyse saillante sur l’angle par lequel le grand muscle latéral est inséré sur l’occiput et qui est spécialement destiné à servir d’attache à ses faisceaux intérieurs. Il touche au temporal (n° 12) et à l’occipital externe (n° 9) et peut être enlevé sans en- dommager la cavité cérébrale. Les démembremens de l’occipital reposent, comme nous venons de le voir, par leur bord inférieur sur un os impair , le basilaire (n° 5) (**). La forme de cet os est (®) Les auteurs, à l’exception de Cuvier, ne font pas mention de cet os. C’est le rocher de Cuvier. — Tab. D (5: fario), fig. 9 et13 , par derrière; 6g. 14, de profil. — Tab. E (S. trutta) , fig. 2, d’en haut; fig 3 d’en bas; fig. 5, par derrière. (55) Dénomination généralement adoptée. -— Tab. D (S. fario) , fig. 9 et13 , par derrière; fig. 10 et 14, de profil; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 3, d’en bas; fig. 4, de profil; 6g. 5, par derrière: fig. 6, d’en haut; fig. 8, en dedans. OR cylindracée ; il présente en arrière un creux profond, qui complète l’entonnoir articu- laire de l’occiput. Les faces latérales qui se voient sur les deux côtés du crâne en bas, ne présentent rien de particulier. La face supérieure de l'os est à découvert dans la cavité crânienne ; elle a au milieu une carène longitudinale , sur les deux côtés de la- quelle on voit deux enfoncemens longitudinaux , qui forment le fond des creux des- tinés à loger les sacs du labyrinthe. La face inférieure présente une gouttière pro- fonde, qui n’est ouverte qu’en arrière, et devient un canal spacieux au moyen du sphénoïde principal (n° 6) qui s’applique contre elle. C’est par ce canal que passent les faisceaux d'attache du grand muscle latéral. Les parois de ce canal servent en même temps à fixer le muscle abducteur de l'œil. L’os n’a point de rapport avec les nerfs et les vaisseaux ; il touche en avant aux grandes ailes (n° 11), en haut à l’occipital latéral (n° 10) et en bas au sphénoïde principal (n° 6). La partie postérieure du cràne est complétée de chaque côté par un os long et assez plat, l’écaille du temporal ou le temporal proprement dit (n° 12) (*). Cet os se reconnait aisément à son bord supérieur tranchant, qui forme une crête longitudinale. En arrière, une longue épine s’en détache et entre dans les chairs du cou, donnant appui à la ceinture thoracique et aux faisceaux du grand muscle latéral. La crête elle- même est traversée dans toute sa longueur par un canal assez fin, qui a deux ouver- tures, une en arrière et une en avant, et qui devient un peu plus spacieux dans l’inté- rieur de los. Ce canal loge le conduit muqueux principal de la tête. Les deux faces de l’arète n’offrent rien de remarquable. La base de l'os, qui est tournée vers la ca- vité cérébrale, est assez longue, large et traversée par une cavité arquée, dans laquelle est logé le canal semicirculaire externe de l'oreille. L’os touche en dedans à l'occipital externe (n° 9) et au cartilage crânien qui ferme la grande fosse supérieure du crâne, en avant au frontal principal (n° 1), et au frontal postérieur (n° 4), en bas à l’occipital latéral (10) et à la grande aile du sphénoïde (n° 11). Dans une rainure de sa face externe, qui commence entre la crète et l’apophyse postérieure , et qui s’étend horizontalement tout le long de l'os, est articulé le mastoïdien (n° 25), qui peut exercer un mouvement de battant dans cette rainure. Sur l’ouverture postérieure du canal muqueux , s'applique un petit os muqueux (n° 30"), qui protège son trajet, depuis le préopercule jusque vers le temporal. Aucun nerf ni vaisseau ne traverse cet os. (*) Mastoïdien Cuvier, Meckel; rocher Geoffroy, Bojanus, Spix, Bakker.—Tab. D (S. fario), fig. 9 et 13, par derrière ; fig. 10, 14, 17 et 19, de profil; fig. 11 et 15, d’en haut ; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (S+ trutta), fig. 1 et 4, de profil ; fig. 2, d’en haut; fig. 3, d’en bas; fig. 5, par derrière. Tow. II. 2 ne: La grande aile du sphénoïde (n° 11) (*) complète de chaque côté la face latérale du crâne. C’est une plaque à-peu-près circulaire, enchâssée dans la paroi latérale du crâne, et qui donne passage à plusieurs trous très-importans pour la névrologie. Le trou postérieur, qui est le plus considérable , est circulaire et sert de passage aux branches maxillaires du trijumeau. Au-dessus de ce trou , il y en a un autre plus petit pour le passage du nerf facial. Le bord antérieur de l'os est marqué d’une profonde échan- crure qu’une trame osseuse transforme en dedans en un trou pour le passage des branches orbitaires du trijumeau. Dans l’intérieur de ce grand trou se voient encore deux très-petits trous, l’un pour le passage du nerf oculomoteur, l’autre pour celui de la quatrième paire, le pathétique. Au bord inférieur de los il y a une rainure profonde , et comme la branche horizontale, dans laquelle elle est creusée , touche celle de l’autre côté, il en résulte une gouttière , qui est la continuation de celle qui se trouve sur la face inférieure du basilaire (n° 5). Cette gouttière se transforme , comme cette dernière , au moyen du sphénoïde principal, en un canal spacieux, dans lequel sont enfermés les muscles abducteurs de l'œil. Le plafond de cette gouttière , formé par les branches horizontales, est percé de deux trous très-fins, donnant pas- sage à la sixième paire des nerfs de l’œil , aux nerfs abducteurs, qui vont de suite re- joindre leurs muscles respectifs. La face interne de l'os est encore plus accidentée que la face externe. On y voit près du bord antérieur un grand trou circulaire pour la sortie du trijumeau. Ce trou communique avec les trois trous par lesquels les branches de ce nerf ainsi que le facial sortent du crâne. Autour de ce grand trou , se voient plusieurs trous très-petits tous destinés aux différentes racines du trijumeau et du facial , qui se réunissent dans le ganglion de Gasser , situé dans l’épaisseur de l'os. A l'arrière, on découvre une excavation assez considérable, formant la partie anté- rieure du creux, dans lequel se loge le sac du labyrinthe. Le bord supérieur a deux gouttières séparées par une crête saillante, dont l’antérieure sert à loger une partie du canal semi-circulaire antérieur, la postérieure une partie du canal semicirculaire externe de l’oreille. L’os touche en haut au temporal (n° 12) et au frontal postérieur (n° 4), en arrière au basilaire (n° 5) et à l’occipital latéral (n°10), en bas au sphénoïde principal (n° 6), en dedans et en haut à l’aîle orbitaire (n° 14), et en bas à son cor- respondant de l’autre côté, et enfin au sphénoïde antérieur (n° 15) en avant. Il ne peut être enlevé sans ouvrir largement la boîte cérébrale. ç*) Grande aile, Cuvier, Bekker ; rocher, Meckel, Hallmanr; tympanal, Bojanus. — Tab. D (S. fario), fig. 10 et 14, de profil ; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (:S. trutta), fig. 3, d’en bas; fig. 4, de profil ; 6g. 8, de dedans. = MU L'aile orbitaire du sphénoïde (n°1 4) (*) se trouve au devant de la grande aile, à sa face interne. Cet os a une forme irrégulièrement triangulaire et est en général très- incomplètement ossifié. Il touche en dehors au frontal extérieur (n° 4), en bas à la grande aile (n° 41), en haut au frontal principal (n° 1), et remplit l’espace entre ces os et l’ethmoïde crânien (n° 15), qu’il ne touche pas immédiatement, puisqu'il y a du cartilage interposé entre les deux. Comme ces deux os sont placés verticalement et en mème temps presque à angle droit avec l’axe longitudinal du crâne, ils forment la paroi antérieure de la boite cérébrale, et c’est par l’échancrure assez spacieuse qui se voit entre eux que passent les nerfs optiques et olfactifs, pour entrer dans leurs ca- naux respectifs. La face interne de l'os présente , près de son angle postérieur , une gouttière qui loge le commencement du canal semicirculaire antérieur de l'oreille. L’os n’a point de trous pour le passage des nerfs et des vaisseaux, mais il forme le pilier latéral du trou par lequel passent les deux premières paires de nerfs cérébraux, trou qui est creusé entre lui, les grandes ailes (n° 41) en bas et les frontaux principaux (n° 1) en haut. L'ethmoïde crânien (n° 15’) (**) est une lame squameuse , enchässée dans la cloi- son des orbites. Il ne se distingue que peu du cartilage qui l'entoure; sa forme est presque ronde ; ses contours très-irrégulièrement arrêtés. Le bord postérieur, qui regarde la cavité cérébrale, est renflé et creusé en forme d’entonnoir, qui s'ouvre de chaque côté sur la face latérale de los, et par lequel passent les nerfs olfactifs. Au dessous de cet entonnoir se trouve une large et profonde gouttière, ouverte sur le devant de l’os et transformée en canal par le cartilage, sur lequel l'os repose. Ce canal est destiné à la première branche de la cinquième paire. L’os ne touche im- médiatement aucun autre os; il est entouré de tous côlés par la cloison cartilagineuse des orbites, seulement son bord postérieur touche de très-près de chaque côté aux ailes orbitaires. On remarque encore chez la Truite un tout petit os impair en forme de fourchette , dont la pointe s’avance dans la cloison interorbitaire, et dont les deux bras évasés en arriére embrassent les nerfs olfactifs, au moment de leur sortie du crâne. Cet os parait (‘) Aile orbitaire ou petite aîle, Cuvier, Bojanus, Rosenthal; grande aîle, Meckel, Hallmann. — Tab. D (S. fario), fig. 10 et 14, de profil; fig. 12 et 16, d’en bas.—Tab. E (S. trutta), fig. 3, d'en bas; fig.8, de dedans. (*) Ethmoïde, Spix ; sphénoïde antérieur, Cuvier, Geoffroy ; aile orbitaire, Meckhel, Hallmann; corps du sphénoïde, Rosenthal; nasal, Bojanus. —Tab. D (S. fario), fig. 10 et 14, de profil ; fig. 12 et 16, d’en bas — Tab ECS. trutta), fig. 4, de profil; fig. 8, de dedans. de. G, L: être particulier aux truites ; au moins ne l’avons-noustrouvé chez aucun autre poisson. Nous le nommons sphénoïde antérieur (n° 15) (*). Le dernier os enfin , qui prend part à la formation du crâne proprement dit, est le sphénoïde principal (n° 6) (**). C’est un os long, étroit et plat qui s’étend sous la base du crâne, depuis l’occiput jusqu’à la moitié de la cavité buccale. En arrière, ses bords sont relevés de manière à former une gouttière à sa face supérieure et à présenter un renflement bombé en bas ; en avant, au contraire , ses bords sont rabaissés, et c’est la face inférieure de l’os qui est creusée en gouttière. Un processus montant très-con- sidérable se détache de chaque côté, au dessous de la grande aile. L’os s’applique sur les bords de la gouttière inférieure du crâne formée par le basilaire (n°5) en arrière, et la réunion médiane des grandes ailes (n° 11) en avant, de manière à transformer celte gouttière en un canal qui s’ouvre dans les orbites entre ces deux os. Il touche en outre à la cloison interorbitale dans tout son trajet, et s’enchâässe par son extré- mité antérieure avec le vomer (n° 16). IL est percé immédiatement au-dessous du pilier postérieur des orbites , de deux trous circulaires par lesquels l'artère carotide monte dans l'orbite et la cavité cérébrale, Le nasal (n° 3) (***), os impair, plat et assez mince, se place au devant des frontaux principaux sur la face supérieure du crâne. De forme oblongue, il recouvre le carti- lage qui entoure les fosses nasales d’en haut, et forme la pointe antérieure du crâne. Son extrémité postérieure est cunéiforme et s’engrène entre les pointes antérieures des frontaux. Ses bords extérieurs forment de chaque côté , au-dessus des fosses nasales , un petit loit qui est complété par les battans du nez (n° 20), qui s’y appliquent; son bord antérieur est caché sous les intermaxillaires (n° 47). L’os repose en entier sur le cartilage et n’a aucun rapport avec les nerfs ni avec les vaisseaux. Vis-à-vis du nasal, à la face interne du crâne, nous trouvons le vomer (n° 16) (***). De forme oblongue et étroite, il est appliqué par sa face supérieure lisse contre le cartilage qui sert de noyau à toute la partie antérieure du crâne , tandis que sa face interne est hérissée de dents longues et crochues , qui sont en relief sur la ligne mé- (*) Get os n’est mentionné par aucun auteur. Cuvier paraît lavoir confondu avec l’ethmoïde crânien (n° 157). — Tab. D(S. fario), fig. 10 et 14, de profil. — Tab. E, fig. 3, d’en bas; fig. 4, de profil. (*) Détermination généralement adoptée. —Tab. D ($. fario), fig. 10 et 14, de profil; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E, fig. 3, à’en bas; fig. 4, de profil. (85) Nasal, Spir, Bojanus ; ethmoïde, Cuvier, Meckel; Bakker, Geoffroy.—Tab. D Ç(S. fario), fig. 11 et 15, d’en haut, et fig. 12 et 16, d'en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 2, d’en haut. (F#5#) Dénomination généralement admise, —Tab. D (S. fario), fig. 10 et 14, de profil; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 3, d’en bas; fig. 4et 8, de profil. diane de la bouche. Les dents sont en général au nombre de douze à vingt. Quoique placées au milieu de l'os, on remarque cependant que les unes se courbent à droite, les autres à gauche, de manière à former deux séries ; en avant se trouvent quatre dents plus petites sur une seule rangée transversale. L’os n’est pas entièrement droit, il est courbé en haut. Son extrémité postérieure est enchässée dans une entaille de l'extrémité antérieure du sphénoïde principal (n° 6); sur son extrémité antérieure sont appliqués de chaque côté les palatins (n° 22). DES FOSSES ET DES ASPÉRITÉS DU CRANE ET DU CARTILAGE CRANIEN. Nous ne croyons pas pouvoir donner la description du cartilage crânien , sans nous occuper en même temps des accidens divers que présente la surface du crâne. Ce sera le plus sûr moyen de faire ressortir l'importance de cette boïte cartilagineuse , première base du crâne tout entier, qui réunit toutes les pièces osseuses en un coffre solide et qui entoure et protège le cerveau et les principaux organes des sens. Sur toute la face supérieure du crâne, la ligne médiane est plus élevée que les autres parties du crâne , quoique cette élévation soit bien moins marquée sur le de- vant. Elle est le résultat de la réunion des frontaux principaux sous forme de toit. Ce n’est qu'avec l’occipital supérieur (n° 8), que commence, sous la forme d’une apophyse aplatie et couchée en arrière, la crête mitoyenne du crâne, comme l’a appelée Cuvier. À cette crête mitoyenne s’attachent le ligament nuchal et les faisceaux supérieurs du grand muscle latéral. Des deux côtés de la crête , la surface du cràne se bombe légé- rement en bas, et ce n’est qu’en arrière , sur la face postérieure du crâne , que l’oc- cipital externe (n° 9) fait saillie par son apophyse. Cuvier a nommé cette apophyse la crêle intermédiaire , par la raison que, chez beaucoup de poissons, une crête longitudi- nale part de cette pointe, pour se prolonger plus ou moins en avant. Enfin , le bord supérieur du temporal (n° 12) , forme une troisième crête, la créte latérale, qui se con- tinue en avant par le frontal postérieur (n° 4) et va se joindre au bord orbitaire du frontal principal (n° 4). Cette crête très-saillante et hérissée de plusieurs aspérités , est destinée à loger le canal muqueux principal. Au-dessous d’elle se trouve une pro- fonde rainure dans laquelle s’articule l'appareil temporal, et au-dessous de cette rai- nure , l’on voit s’avancer la créte externe de l’occiput , en forme de pointe acérée. La crête latérale est séparée en haut des crêtes intermédiaire et mitoyenne par une im- pression profonde , la fosse latérale du crâne , dans laquelle le cartilage crânien est à découvert sur un espace oblong et quadrangulaire , entre le pariétal (n° 7), le tem- EL poral (n° 12), loccipital externe (n° 9), les frontaux principaux (n° 1) et le frontal postérieur (n° A). La face latérale du crâne nous offre, dans sa partie postérieure, un enfoncement assez large , mais peu profond , limité en haut par la crête externe, en avant par la partie saillante de la grande aiîle (n° 11), et en bas par le bord du sphénoïde (n° 6). La partie inférieure du temporal (n° 12), la branche latérale de l’occipital latéral (n° 10), la branche verticale du basilaire (n° 5) et la partie postérieure de la grande aile prennent part à la formation de cette dépression qu’on nomme la fosse postérieure du crâne. Au-devant de cette fosse , la surface est un peu bombée , de manière à former un bord tranchant derrière l'orbite. Celle-ci est très-grande , semicireulaire , à base presque plane. Son pourtour est formé par le bord relevé du sphénoïde (n° 6), la grande aile (n° 11), le frontal postérieur (n° 4), le frontal principal (n° 1), le frontal antérieur (n° 2) et le cartilage crânien, qui sert surtout à la compléter. Outre ces os , il y a en- core , au fond de l'orbite , l'aile orbitaire (n° 14) , et dans sa cloison l’ethmoïde crânien (n° 15’) et le sphénoïde antérieur (n° 15). La cloison est loin d'être complète ; il existe à ses angles antérieur et postérieur deux grandes lacunes , qui sont fermées par des membranes ; toute la partie inférieure , entre le sphénoïde (n° 6’) et l’ethmoïde crà- nien (n° 15!) est formée par le cartilage crânien. Au fond de l’orbite, on trouve en bas, de chaque côté du canal sous-cränien, la grande ouverture formée par la réunion du ba- silaire (n°5), des grandes ailes (n° 11) et du sphénoïde (n° 6) ; cette ouverture est parta- gée par la cloison de l'orbite. Les muscles postérieurs du globe de l'œil, notamment l’abducteur, prennent naissance dans le canal sous-crânien. Au-dessus de ces ouver- tures se trouve le grand trou optique, destiné au passage du nerf optique , et à-peu- près au milieu de la cloison , le trou par lequel le nerf olfactif quitte son entonnoir et entre dans l’orbite. Sur le devant, l’orbite s’étend bien au-delà de son bord externe, n'étant limité que par le frontal antérieur (n° 2). Sur le côté, en bas, on voit une grande ouverture, qui conduit dans un canal cartilagineux , dont l’extrémité anté- rieure se trouve être la fosse nasale ; ce canal est destiné au nerf olfactif. Plus haut, les deux orbites se confondent dans une seule cavité médiane, qui s’étend en avant jus- ques entre les fosses nasales, et dans laquelle les muscles antérieurs du globe de l'œil prennent naissance , en s’entrelacant des deux côtés. Les orbites forment ainsi deux grandes cavités qui ont deux prolongemens en arrière , l’un dans la cavité cérébrale en haut, l’autre dans le canal sous-crânien en bas, plus un troisième dans la cavité médiane de la face. Ce dernier destiné à fixer les muscles antérieurs de l’œil , se ter- mine dans le canal olfactif. ER Le canal olfactif se continue en dehors , à partir de la ligne médiane , pour s’ouvrir à la face latérale du crâne, dans une fosse presque circulaire et peu profonde, creusée seulement dans du cartilage. Cette fosse est recouverte en haut par le nasal (n° 3) et entièrement remplie par la muqueuse du nez. La cavité cérébrale enfin , la plus considérable de toutes , occupe la partie postérieure du crâne , ayant pour appendices, de chaque côté , les cavités des oreilles. Elle est fer- mée de tous les côtés, sauf les trous pour le passage des nerfs et des vaisseaux san- guins qui se portent vers le cerveau ou qui en viennent. Aussi sa boîte est-elle presque toute osseuse à l’extérieur, tandis qu’à l’intérieur, ses parois sont formées en grande partie par le cartilage cranien. La cavité commence en arrière avec le grand trou oc- cipital , formé de la réunion des deux occipitaux latéraux (n° 10). Elle s’élargit immé- diatement en gagnant en hauteur, et son plafond imite en quelque sorte la courbe du cervelet. La base de la cavité est assez étroite et montre un creux dans lequel sont lo- gés les lobes inférieurs du cerveau. Au-devant de cet enfoncement , se trouvent deux creux latéraux assez profonds , séparés par une crête mince , présentant à-peu-près la forme d’un haricot. C’est dans ces creux que se logent les deux sacs des labyrinthes des oreilles. Enfin, encore plus en avant, près de la grande ouverture qui mène dans les orbites , se trouve un petit creux rond , assez profond , dans lequel est cachée l’hy- pophyse du cerveau. Mais si l’on fait abstraction de ces creux, le plancher du cerveau est entièrement horizontal et de niveau avec le canal rhachidien. Les parois laté- rales sont beaucoup plus accidentées ; elles sont en général exhaussées, de manière à donner à toute la cavité cérébrale une forme ovale et allongée , telle qu’elle convient à la forme du cerveau. Remarquons cependant que ce dernier est loin de remplir toute sa cavité , et que les espaces assez considérables , qui existent entre lui et les parois solides, sont remplis, surtout à sa face supérieure, par un tissu celluleux chargé d’une quantité d'huile et d’une graisse liquide. Les cavités des oreilles, qui se trouvent de côté, méritent une attention toute - particulière. Comme nous venons de le dire, les deux sacs sont cachés dans des creux propres ; mais tout le vestibule avec les ampoules et le canal semicireulaire montant qui réunit d’abord les canaux antérieur et postérieur, sont simplement ap- pliqués contre la paroi latérale de la cavité cérébrale , et nullement séparés de cette dernière par des cloisons solides. Les cavités destinées aux canaux semicireulaires imitent tout-à-fait la forme de ces derniers ; le canal postérieur passe par les occi- pitaux latéral supérieur et externe ; le canal externe par la grande aile , le temporal et l’occipital latéral ; le canal antérieur par l’aile orbitaire, en touchant le frontal postérieur et la grande aile. Dans une grande partie de leur trajet, ces canaux sont simplement entourés de cartilage, lequel remplit un espace très-considérable entre la. grande aile, loccipital latéral et l'aile orbitaire en bas, et l’occipital supérieur en haut. De tous les os qui prennent part à la formation du crâne , il n’y en a donc que huit qui ne concourent pas à la formation des diverses cavités de l'oreille : le nasal (n° 5), le vomer (n° 16), le frontal (n° 1), le sphénoïde (n° 16), l’ethmoïde crà- nien (n° 15!), le pariétal (n° 7), l’occipital postérieur (n° 15), le frontal antérieur (n° 2). Tous les autres se combinent pour envelopper les canaux semicireulaires ou les sacs du labyrinthe. Le toit de la cavité cérébrale n’est pas plus uni que sa base; le point le plus élevé est formé par le centre de l’occipital supérieur, d’où partent les canaux semicireulaires antérieur et postérieur. À partir de là , la ligne médiane est occupée par un bourrelet arrondi , qui se rattache à ce point central, et qui est osseux aussi long-temps qu’il appartient à l’occipital supérieur, mais qui au-dessous du frontal devient cartilagineux. En avant enfin , là où les ailes orbitaires se recourbent vers la ligne médiane , pour fermer l'orbite , se trouve un creux qui pénètre quelquefois jusqu'à l’os frontal , et dans lequel est cachée la glande pinéale. A partir de là, le toit s’abaisse de nouveau pour former l’entrée de l’entonnoir ethmoïdien destiné aux nerfs olfactifs. La cavité cérébrale se termine en avant par un grand trou médian qui donne pas- sage aux nerfs optiques. Ce trou est limité en haut par l’ethmoïde, dans lequel se trouve un creux en entonnoir. aboutissant à deux trous latéraux, qui s’ouvrent dans l’orbite, en donnant passage aux nerfs olfactifs. En considérant ainsi le crâne dans son ensemble , nous trouvons l’arrangement sui- vant des cavités : en arrière, deux grandes cavités médianes , le canal sous-crânien pour les muscles postérieurs de l’œil , la cavité cérébrale en haut pour le cerveau et les oreilles ; dans la partie moyenne , deux grandes cavités latérales , séparées par une cloison médiane , les orbites , et dans la partie antérieure, une grande cavité médiane, formée de la réunion des deux orbites et destinée aux muscles antérieurs de l'œil, plus deux petites cavités latérales , les fosses nasales. Le cartilage crânien est beaucoup plus développé dans la partie antérieure de la boîte crânienne, qu’autour du cerveau. Nous avons dit qu'il n'y a dans la boîte cérébrale que deux endroits où il parait à la surface extérieure, l’espace carré au-dessus du grand trou occipital et les deux espaces oblongs latéraux, dans la fosse latérale du crâne. Dans la partie antérieure , il est couvert en haut par le nasal et en bas par le vomer ; sur tout le côté, il est à jour. Aussi rien n’est plus facile que d’enlever ces deux os sans ir porter atteinte à la configuration extérieure de cette partie , surtout si l’on opère sur un crâne convenablement préparé , que l’on a eu soin de faire bouillir légèrement. La forme des fosses nasales à l’extrémité du museau reste la même, les deux os ne couvrent le cartilage que comme deux écailles plus dures , dont les contours répétent ceux de la partie qu’elles protègent. L’enlèvement du frontal principal est déjà plus grave ; le pourtour des orbites, dont ils forment les toits, se trouve par là consi- dérablement altéré ; celles-ci ne paraissent plus si profondes, et la cavité cérébrale reste ouverte sur un petit espace, en dedans du temporal et en avant de la fosse latérale du crâne. L’enlèvement du pariétal et de l’occipital postérieur n’altère en aucune façon la conformation du crâne ; l’occipital latéral peut aussi s’enlever avec sa crête, sans que la cavité cérébrale en souffre. Il en est de même du frontal postérieur, dont l’en- lèvement ne met à découvert que le canal semicirculaire antérieur. Le temporal est aussi dans ce cas ; enlevé , il met à découvert le canal semicirculaire extérieur, mais nullement la cavité cérébrale proprement dite. Le sphénoïde enfin , peut être détaché sans préjudice pour la cavité cérébrale ; il n’y a que le canal sous-crânien qui se trouve alors découvert dans toute sa longueur. Quand on a ainsi Ôté toutes ces pièces , il ne reste de tout le crâne qu’une boîte oblongue et arrondie , sans autres aspérités que la crête mitoyenne, dont les parois sont osseuses en bas et sur la partie inférieure des côtés, mais dont la partie supérieure et le toit sont cartilagineux , sauf l’espace occupé par l’occipital supérieur, et la petite solution de continuité causée par l'enlèvement du frontal. Cette boite communique par un large pont de cartilage avec la partie anté- rieure qui conserve sa forme , alors même que les os sont enlevés. Les entailles laté- rales qui séparent cet élargissement de la boite cérébrale , sont les orbites privées de leur toit. Nous trouvons ainsi qu’en résumé , le cartilage crânien forme la masse prin- cipale de la partie antérieure du crâne et une grande partie des parois latérale et su- périeure de ia boite cérébrale, et qu’il n’y a que le plancher de cette dernière, qui soit entièrement osseux. Les os qui se voient à la face interne de la cavité cérébrale , sont , abstraction faite des cavités pour les canaux semicirculaires , les suivans : les frontaux principaux, qui n’y ont qu’une part très-minime sur le devant; les occipitaux supérieurs, en arrière , par toute leur base ; les occipitaux latéraux et les grandes ailes, par leurs faces internes , sur les côtés et en bas ; une petite portion du basilaire , dans le plancher, en arrière ; les ailes orbitaires et l’ethmoïde crânien sur le devant; en somme sept os, dont quatre pairs et trois impairs. Tout le reste ne prend aucune part à la formation de la boîte cérébrale proprement dite. Les occipitaux externes, les temporaux et les frontaux postérieurs n’y prennent qu’une part indirecte, en Tow, HI. 3 enveloppant une portion des oreilles ; le reste est complètement étranger au cerveau, et n’a de relations qu'avec les organes des sens. On voit par cette énumération combien M. Vogt avait raison, en décrivant la char- pente solide de l'embryon de la Palée (*), de poser en fait que presque tous les os du crâne se développent à l'extérieur de la boîte primitive, qui est cartilagineuse, et qu'il dépend de l’âge de l'individu , ainsi que de l'espèce, jusqu’à quel point le crâne sera ossifié. On ne saurait en aucune façon établir une différence tranchée entre des os extérieurs faisant seulement l'office de plaques protectrices et des os crâniens pro- prement dits. Chez tel poisson , on trouve, par exemple, le frontal, ou le temporal, ou tout autre os à l’état de simple plaque protectrice , adaptée à la face extérieure de la boite cartilagineuse; tandis que chez telle autre espèce, ce même os pénètre jus- qu’à la face interne de la cavité cérébrale. DE LA FACE. Les os de la face représentent , dans leur réunion , deux grands battans mobiles , at- tachés en divers endroits au crâne, et formant les parois latérales de la cavité buccale. Bien que mobiles les unes sur les autres, les pièces de ces battans sont pourtant ar- rangées de manière qu’il n’y a presque pas de lacune entre les os qui les composent ; car leurs bords intérieurs touchent immédiatement au crâne, ou du moins ne lais- sent qu’un petit espace intermédiaire libre. Leurs os se combinent en arrière avec l’ap- pareil operculaire et avec l'appareil hyoïdal proprement dit. L'intermaxillaire (n° 17) (**) a une forme presque triangulaire. Son apophyse mon- tante , qui s'applique sur l'extrémité antérieure du nasal, est un peu courbée en ar- rière. Les deux os se touchent sur la ligne médiane, et forment la pointe antérieure du museau. Le bord inférieur est droit et armé, chez la petite Truite, de quatre à huit dents fortes, aiguës et recourbées-en arrière ; chez la grande, il y a en général un plus grand nombre de dents dans l’alvéole de cet os. La face interne de l'os est un peu creuse, l’extérieure bombée ; à la face interne est accolée l’apophyse antérieure du maxillaire supérieur. C’est, avec le nasal, le seul os qui touche immédiatement l’intermaxillaire ; le reste de sa face interne repose sur le cartilage cränien. (*) Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, seconde livraisou, Embryologie des Salmones, par C. Vogt. (*) Détermination généralement adoptée. — Tab, D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil ; fig. 19, de de- dans. — Tab. E(S. trutta), fig. 1, de profil. Tab. F (S. trutta), fig. 4!, de profil, en dehors ; fig. 5, de pro- fil, en dedans. 0 — L'os qui fait suite à l’intermaxillaire sur le pourtour de l'ouverture buccale est le mazxillaire supérieur (n° 18) (*), cet os dont on a si long-temps méconnu la véri- table nature, en l'appelant os des mystaces, jusqu'à ce que Cuvier démontra, par l'étude de la Truite, que c'était bien réellement lanalogue du maxillaire supérieur. Il à la forme d’un bâton aplati et courbé, s’engageant par une apophyse inerme, entre l'intermaxillaire (n° 47) et le palatin (n° 22), sur lequel la face interne de cette apo- physe peut glisser, tandis qu'elle est fixée d’une manière presque immobile à la face interne de l’intermaxillaire. L’os s’aplatit et s’élargit principalement vers l'extrémité postérieure qui est appliquée sur la face externe de la mâchoire inférieure. Il forme le pourtour extérieur de la bouche, de manière qu’en fermant la bouche, la mà- choire inférieure ne rencontre pas les dents des maxillaires, mais se place en de- dans, Le bord inférieur de l'os est armé de seize à vingt dents coniques, courbées en dedans, et qui diminuent insensiblement en grandeur d’avant en arrière. Quoique présentant la même courbe que le palatin, la face interne du maxillaire n’est pour- tant pas appliquée contre ce dernier; elle est tout-à-fait libre, aussi loin qu’il porte des dents, et séparée du palatin, comme de la mâchoire inférieure, par un pli de la peau , qui peut s'étendre et faciliter ainsi les mouvemens de los. À la face externe du maxillaire, près de son extrémité postérieure et aplatie, est appliqué un petit os plat, de forme oblongue, le surmaæillaire (n° 18") (**). Il ne pré- sente rien de remarquable, et ne sert qu’à élargir et à donner plus de force à l’extré- mité postérieure du maxillaire. En dedans de cet are extérieur , composé par les intermaxillaires et les maxillaires, se trouve un second arc également denté, formé par le palatin (n° 22) (***). La forme de ces os imite en quelque sorte celle du maxillaire : mais il est plus massif, moins aplati et moins courbé, de manière à former avec celui de l’autre côté un arc plus étroit que celui du maxillaire; les dents ÿ sont au nombre de dix à quinze. Le bord supérieur est renflé et surmonté, près de son extrémité antérieure, d’une apophyse obtuse, mais massive, au-dessous de laquelle s'engage l’apophyse antérieure du (*) Dénomination généralement adoptée. — Tab. DS. Jfario), fig. 17 et18, de profil; fig. 19, de de- dans. — Tab. EÇS. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F ÇS. srutta), fig. 4, de profil, en dehors; fig 5, de profil, en dedans. (*) Os propre aux Truites et à quelques autres genres voisins, 1l existe aussi chez les Clupes, — Tab. D CS. fario), fig. 17 et 18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F (S$. trutta), fig. 4, de profil. (**) Détermination généralement adoptée, sauf Bojanus, qui en fait le maxillaire. — Tab. D {.$. fario), fig. 18, de profil; fig. 19, de dedans. — Tab. F ÇS. trutta), fig. 4, de profil; fig. 6, de dedans. se Gp maxillaire. Cette apophyse du palatin est tapissée de cartilage ; elle paraît à la face ex- térieure de la tête, au dessus de l'extrémité antérieure du maxillaire (Tab. E fig. 1); et c’est sur elle que s'appuient les deux premières pièces du jugal (n° 19 et 19). La partie postérieure du bord supérieur de los est creusée en gouttière et présente deux bords tranchans ; sur le bord externe s’appuient les pièces du jugal qui forment le bord inférieur de l'orbite (n° 19’ et 197); contre le bord interne est appliqué le ptérygoïde (n° 25), qui est soudé avec lui par du cartilage. L’extrémité postérieure de l’os est mince et effilée; elle s’engrène dans l’extrémité antérieure de los trans- verse (n° 24). L’extrémité antérieure touche encore le vomer à son bord interne. Les mouvemens du palatin sont très-restreins et limités à de petites déviations, dues à l’élasticité des cartilages qui se joignent aux autres pièces. Quand la bouche se ferme, l’arc se place en dedans de la mâchoire inférieure, et les dents de cette dernière se trouvent ainsi logées dans la profonde rigole entre le palatin et le maxil- laire supérieur. Le transverse (n° 24) (*) est un os long et cylindracé, qui s’applique par son ex- trémité antérieure sur l’arrière du palatin, et qui en arrière s'adapte de la même manière contre le bord antérieur de los carré (n° 26). Il forme la continuation du bord de l’arc palatinal, en joignant le palatin à los carré. Il n’est pas armé de dents, et touche seulement par son extrémité antérieure le ptérygoïde (n° 25). Le ptérygoïdien (n° 25) (**) est un os plat et large, dans lequel on peut distin- guer une partie horizontale et une partie verticale. La première sert de plafond à la partie postérieure de la gueule ; elle touche de‘très-près par son bord interne et libre au sphénoïde (n° 6), et ferme ainsi l'orbite du côté de la gueule; la partie ver- ticale est principalement développée en arrière. Le bord extérieur de la partie horizon- tale s’applique en avant contre le bord interne du palatin (n° 22), et touche un peu au transverse (n° 24). La partie verticale s’applique sur la face interne de la caisse (n° 27) de los carré (n° 26), et touche , dans toute sa longueur, au bord interne du trans- verse (n° 24). Cette partie réunit ainsi d’une manière fixe ces os entre eux et avec le palatin. Elle est recouverte en dehors par du cartilage, dans tous les endroits où les (*) Transverse, Cuvier, Meckel, Bakker, Geoffroy; démembrement du palatin, Bojanus, Carus; ptéry- goïdien, Spir. — Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18 de profil, fig. 19 d’en dedans.— Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F /S. trutta ), fig. 4, de profil en dehors ; fig. 5, de profil en dedans. (*) Détermination généralement adoptée, sauf par Spix, qui en fait le palatin. — Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil; fig. 19, d’en dedans. — Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil, en dehors ; fig. 5, de profil, en dedans. EN — os mentionnés ne sont pas appliqués dessus. Bien que touchant par son bord inté- rieur au vomer (n° 16) et au sphénoïde (n° 6), l'os n’est pourtant pas articulé avec ces derniers. La partie horizontale est déclive en dehors , de manière que les deux ptéry- goïdiens forment au dessus de la cavité buccale un véritable toit, dont le sphénoïde et le vomer constituent la crête mitoyenne. A la face externe du ptérygoïde, formant la continuation postérieure de lare palati- pal, se trouve , de chaque côté , l'os carré (n° 26) (*). C’est un os en forme de triangle, dont le sommet , qui porte l'articulation de la mâchoire inférieure , est en bas, tandis que la base est tournée en haut. Le côté antérieur du triangle est rectiligne, et son extrémité est enchâssée dans la gouttière postérieure du transverse ; le bord postérieur se prolonge sous la forme d’une apophyse longue, grèle et pointue, qui est séparée du corps de l’os par une profonde entaille , dans laquelle se loge la pointe du tym- pano-malléal (n° 31). La facette articulaire de l'os est gynglimoïde, creuse, et munie de chaque côté, en dehors et en dedans, d’un bourrelet assez vigoureux, ce qui rend tout mouvement latéral de la mâchoire inférieure impossible. L’os touche par son bord antérieur au transverse (n° 24), par sa face interne au ptérygoïde (n° 25), par l’apophyse postérieure au bord antérieur du préopereule (n° 30), et recoit dans son entaille le tympano-malléal (n° 51). Le tympano-malléal (31) (**) est un petit os en forme de massue, dont la partie grèle est enchâssée dans l’entaille de l'os carré ; il touche en arrière au bord du préo- percule (n° 50) et au styloïde (n° 29); en haut, au mastoïdien (n° 25), et en avant, à la caisse (n° 27). Le mastoïdien (n° 23) (**) est un os plat, de forme quadrangulaire, dont le bord supérieur, presque horizontal et rectiligne, est arrondi , revêtu d’une couche de car- tilage et susceptible de se mouvoir comme un battant sur la rigole latérale du tempo- ral (n° 12). Le bord postérieur, qui est à angle droit avec le bord supérieur, est tranchant, et appliqué , dans toute sa longueur, contre le bord antérieur du préoper- cule (n° 30). Ila, à sa face interne, une apophyse plate, saillante, large et arrondie, (*) Jugal, Cuvier; ptérygoïdien , Bojanus; démembrement de l'os carré, Meckel. — Tab. D (S. fario), fig. 17 et18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F, fig. 4, de profil en dehors; fig. 5, de profil en dedans. (*) Symplectiqne, Cuvier ; styloïde, Meckel ; tympano-malléal, Hallmann. —Tab. DÇS. fario), fig. 17 et 18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1. — Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5, de dedans. (°*) Temporal, Cuvier; os carré, Bojanus, Rosenthal; démembrement de l'os carré, Meckel. — Tab. D CS. fario), fig. 17 et 18, de profil. —Tab. E (S. trutta), fig. 1.—Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5, de dedans. de on Ce sur laquelle s'articule la facette articulaire de l’opercule. Le bord interne est profon- dément entaillé, de manière à présenter deux appendices, dont le postérieur est assez épais et l’antérieur mince. Sur la face externe de la partie inférieure est appliquée la caisse (n° 27), de manière à fermer l’entaille , à une petite fente près, par laquelle l'artère hyoïdale passe de la cavité branchiale dans celle de la face. Le bord antérieur de l'os enfin n’est libre que dans sa partie supérieure, l’inférieure étant accolée à la caisse (n° 27). L’os touche en haut au temporal (n° 12), en arrière au préopercule (n°50) et à l’opercule (n° 28), en bas, au styloïde (n° 29), au tympano-malléal (n° 51), et par son angle antérieur et inférieur au ptérygoïde (n° 25). La caisse (n° 27) (*) est une pièce plate et mince, de forme presque triangulaire , qui est appliquée par sa face externe au mastoïdien (n° 253) et au ptérygoïde (n° 25), et fait tellement corps avec le premier, qu'il est difficile de l’en séparer. Son bord postérieur est adhérent, son bord antérieur en revanche est libre, et entre sa partie supérieure et le mastoïdien se trouve un espace vide ; dans lequel s’attache une grande partie du grand muscle masticatoire. Les os de la face que nous venons de passer en revue sont tous si intimément unis, qu'ils ne constituent qu’une seule plaque, dépendant de la face latérale du crâne, et formant les parois latérales de la cavité buccale. Sauf les deux maxillaires, qui sont susceptibles de glisser un peu sur le palatin, les autres sont tous immobiles et ne peu- vent se mouvoir que dans leur ensemble. Comme ils ne sont fixés au crâne que sur deux points, en avant par le palatin et l’intermaxillaire à l'extrémité du museau, en arrière par le mastoïdien au temporal, et que le reste est parfaitement libre, il s’en suit que le battant qu'ils forment peut s’écarter considérablement et élargir latéra- lement la cavité buccale, pour laisser passer la proie. Pourtant cet écartement n’est pas aussi considérable chez la Truite que chez beaucoup d’autres poissons, et, com- paré à ces museaux protractiles, que lon rencontre dans quelques genres, la màchoire supérieure et lappareil palatinal de la Truite peuvent presque être envisagés comme immobiles. Ouire l’appareil palatino-maxillaire , que nous venons de décrire, la face compte en- core plusieurs autres os remarquables par leur emplacement comme par leur fonction. Les jugaux (n° 19) (**) se présentent en premier lieu à notre attention. Ce ne sont (*) Temporal, Cuvier ; ptérygoïde postérieur, Hallmann, Bojanus ; démembrement de l'os carré, Meckel, — Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil; fig. 19, de dedans. —Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F Ç(S. truita), ig. 4, de profil; fig. 5, de dedans. (*) Jugal, Meckel, Bakker, Bojanus, Spix ; lacrymal, Carus ; sous-orbitaires, Cuvier.—Tab. A (S. fario), fig. 1, de profil. — Tab. D [S, fario), fig. 18, de profil. — Tab. EfS. trutta), fig. 1, de profil. pas des os simples; c’est tout une chaine d'os composée de six à sept pièces plus ou moins plates, qui forment un anneau autour de l'orbite. La première pièce (n° 19) est appliquée contre la face extérieure du frontal antérieur, et forme le pourtour posté- rieur de la fosse nasale ; la seconde (n° 19’) est cylindracée et articulée par son extré- mité antérieure sur le bouton cartilagineux qui revêt lapophyse du palatin; les pièces postérieures (n° 19’, etc.) deviennent de plus en plus plates ; la dernière enfin s'applique sur la face extérieure de la suture du frontal principal avec le frontal posté- rieur. Le bord orbital de tous ces osselets est renflé, le bord extérieur mince et tran- chant ; un canal muqueux , qui a plusieurs ouvertures à l'extérieur, longe leur bord orbital. Cette chaine d’osselets est librement suspendue dans la peau, et couvre la partie extérieure des muscles de la joue, qui la séparent des autres os. Elle n’a point de mouvement propre, et ce n’est que grâce à son élasticité, qui est due au nombre de pièces dont elle est composée, qu’elle peut se plier aux mouvemens du muscle. Le surorbitaire (n° 1!) (*) est un petit os squammeux, oblong, attaché par son bord interne au toit de l'orbite qu'il complète de ce côté. Il n’a point d’autres relations avec * les os, ni avec les parties molles qui l'entourent. Les olfactifs (n° 20 et 20!) (**) sont deux petits os plats, oblongs, attachés par leur face interne au nasal n° 3, et couvrant d’en haut les fosses nasales. Cachés dans la peau qui recouvre les fosses, ils sont mus par de petits muscles propres, ou plutôt par des fibres musculaires dispersées, qui leur impriment un mouvement de battant : fort distinct. Comme le couvercle de la fosse nasale a deux trous, qui s'ouvrent et se ferment successivement , ce mouvement des olfactifs détermine un courant d’eau con- tinuel à travers les narines , condition essentielle pour la perception des odeurs, qui, quoique faible, ne saurait cependant être nulle chez les poissons. La mächoire inférieure est composée de chaque côté de trois os, le dentaire , l’ar- ticulaire et l’angulaire , dont le premier porte seul des dents. Le dentaire (n° 34) (**) est une pièce longue , triangulaire , concave en dedans , bombée en dehors, et arquée suivant le contour de la bouche ; sa largeur va en aug- mentant d'avant en arrière ; son extrémité antérieure un peu plus arquée que le reste de los , touche l'os correspondant du côté opposé sur la ligne médiane et se combine avec lui au moyen d’une symphyse cartilagineuse. La face externe de l'os est ré- (*) Dénomination généralement adoptée. — Tab A (S. fario). fig. 1. — Tab. D (S. fario), fig. 18. — Tab E (S. trutta), fig. 1. (**) Nasaux, Cuvier, Meckel; incisif, Bojanus. —Tab. D'(S. fario), fig. 18.— Tab. E, fig. 1. (**) Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil; fig. 19, de dedans.—Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5, de dedans. nt a gulièrement bombée ; la face interne présente, au contraire, une gouttière trian- gulaire , pointue en avant et évasée en arrière , qui reçoit l’articulaire dans une pro- fonde échancrure ; elle est parcourue dans ‘toute sa longueur par le cartilage de la mâchoire. Au-dessus de cette gouttière , se trouve une carène longitudinale , sur la- quelle les dents sont implantées. Il y a place pour douze à dix-huit dents, mais il en manque ordinairement plusieurs. Le bord extérieur de l'os s'élève au-dessus du bourrelet qui porte les dents , de manière que leurs racines ne peuvent être vues que de l’intérieur. La seconde pièce ou l’articulaire (n° 35) (*) , est également triangulaire et pointue en avant. Sa pointe s’avance dans l’entaille postérieure du dentaire. D'abord mince, il devient plus massif en arrière , où il se rétrécit pour former l’apophyse articulaire , qui est en ginglyme , et dont la conformation répond exactement à celle de los carré. En arrière de larticulation se trouve une apophyse montante, qui s'engage en haut entre los carré et le préopercule. L’angle postérieur est complété par un très-petit os, langulaire (n° 36) (*), qui est accolé à l’articulaire , et qui , même chez les individus âgés , ne se confond jamais entièrement avec ce dernier. Chacune des mâchoires forme ainsi une branche élargie en arrière , moins haute en avant, dont les bords supérieur et inférieur sont tout d’une venue , quoique com- posés de plusieurs pièces distinctes. Le bord supérieur est tronqué obliquement , sui- vant la courbe que décrit le bord de l'appareil palatinal. Quand Fanimal ferme la bouche, les dents de la mâchoire inférieure se logent dans la profonde rigole qui est située entre les maxillaires et les palatins. Le grand muscle masticateur part de la face extérieure de la fosse temporale pour se fixer à la face interne de la mâchoire. Une particularité assez singulière de la tête de la Truite, qui n’a été mentionnée par aucun auteur, c’est l'existence d’un bâton cartilagineux , qui s’étend tout le long de la gouttière, à la face interne de la mâchoire (***), prenant naissance à la partie renflée de l’articulaire , et se cachant dans la partie antérieure du dentaire , où il se perd. Ce cartilage est rond , cylindracé et tout-à-fait caché dans les insertions du muscle mas- ticateur. Il persiste jusque dans l’âge le plus avancé , et représente , chez les poissons, le cartilage de Meckel, qui, comme l’on sait, existe chez les animaux supérieurs pendant la vie embryonale , sous la forme d’une apophyse cartilagineuse , qui réunit le €) Tab. D (5. fario), fig. 17 et 18, de profil. —Tab. F ($. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5, de dedans. (*) Tab. D Ç(S. Jario), fig. 17 et 18, de profil.—Tab. FÇS. trutta), fig. 4, deprofil; fig. 5, de dedans. (**) Tab. F (S. trutta), fig. 5, de dedans. en UM — marteau de l’oreille à la mâchoire inférieure. Le tympano-malléal est, chez les pois- sons , le restant de la partie supérieure de ce cartilage. Avant de quitter la mâchoire inférieure , disons quelques mots de la dentition de la Truite en général. Nous avons trouvé dans la mâchoire supérieure deux arcs paral- lèles armés de dents, dont l’externe est formé par l’intermaxillaire et le maxillaire supérieur, et l’interne par les palatins, plus une double rangée médiane sur le vomer, se prolongeant en arrière aussi loin que cet os. Le plancher de la bouche n’a, au con- traire, qu’un seul arc dentifère , le dentaire de la mâchoire inférieure, et une double rangée médiane de dents implantées sur le lingual. Il existe enfin à la face interne des arcs branchiaux , tant en haut qu’en bas, et de même sur les pharyngiens , une quantité d'aspérités dentiformes ( dents en brosse) ; en sorte que l’entonnoir qui con- duit à l’æsophage, est tout hérissé de crochets propres à empêcher la proie de s’échap- per. Toutes les dents de la Truite sont courbées en arrière et ont , suivant leur gran- deur, plus ou moins la forme de crochets. Celles du plancher de la bouche sont plus grandes que celles de la mâchoire supérieure. L’on pourrait classer les os dentés, d’après la grandeur de leurs dents, dans l’ordre suivant : lingual, maxillaire inférieur, intermaxillaire, vomer, palatin , maxillaire supérieur. Dans tous ces os , les dents ne sont point implantées dans des alvéoles , mais bien sur des creux de l'os , avec lequel elles font corps , se soudant par leur base avec la substance osseuse environnante. De cette manière , le creux dans lequel elles se développent est tout à la fois le commen- cement et la base de la cavité pulpaire, qui est creusée dans l’intérieur de la dent. De là vient aussi que les vieilles dents font toujours corps avec l'os, et ne tombent point par la macération, tandis que les jeunes sont encore suspendues dans la mu- queuse et s’enlèvent avec elle. Les dents cassées ou fracturées , ainsi que celles qui ont terminé leur cycle, sont sans cesse remplacées par des dents nouvelles qui se for- ment dans les creux occupés par les vieilles dents. Elles sont d’abord enveloppées dans un sac de la muqueuse, n'ayant qu’une très-petite pointe acérée , et croissant par addi- tion à la base; mais bientôt elles percent la muqueuse et se plantent sur Fos. Les nerfs et vaisseaux des dents ne suivent pas des canaux propres , mais sont seulement enve- loppés dans la muqueuse ; aussi long-temps que la dent est libre, ils pénètrent dans la cavité pulpaire par la base qui est ouverte, Quand la dent vient à s’implanter, il reste un petit trou de chaque côté de la dent, par lequel les vaisseaux entrent dans la cavité pulpaire. Nous exposerons l'accroissement et les détails de ce remplacement des dents au chapitre de leur structure. Tom. 11. . 4 EC DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE. Au lieu de rattacher les os operculaires aux os de la face, comme on le fait commu- nément , nous avons préféré les réunir à l'os hyoïde et aux arcs branchiaux. Ce rap- prochement nous parait justifié par la situation et la liaison de ces os avec l'appareil hyoïde , et par le rôle que leur assigne la physiologie et l'embryologie. L'os hyoïde (*) est composé de plusieurs pièces , dont les unes, rangées en lignes verticales et unies par du cartilage, constituent le corps de l'os , tandis que les autres forment les branches latérales. Le corps de l’hyoïde est composé des pièces suivantes : Le lingual (n° 41), pièce courte et plate, qui est adaptée comme un capuchon sur l'extrémité antérieure du cartilage qui sert de support à la langue. Il est hérissé de chaque côté d’une rangée de quatre à six dents vigoureuses , recourbées en arrière. Au milieu de la face supérieure, qui est à-peu-près plane, on aperçoit une légère dé- pression. Le côté inférieur est creusé en gouttière , pour recevoir le cartilage. Au lingual succèdent en arrière trois os (n° 55, 54 et 55), de forme plus ou moins : cylindracée , plus larges en haut, carénés à la face inférieure, et réunis par du cartilage qui s'étend fort loin en arrière et se termine en une pointe longue et com- primée latéralement. Ils forment ainsi dans leur réunion une longue tige grèle , sur les côtés de laquelle sont articulés les branches de l’hyoïde , les quatre ares branchiaux et les pharyngiens. Ils constituent en outre la base de l’entonnoir branchial , servent de vestibule à l’ésophage , et séparent le sac péricardial de l'intestin buccal. Les branches de l’hyoïde sont articulées dans une fossette , sur les côtés du cartilage qui sert de support au lingual ; le premier arc branchial se place entre les os n° 55 et 54; le second are sur l'os n° 54 ; le troisième embrasse par ses osselets intermédiaires le corps de los n° 55 ; le quatrième enfin et les pharyngiens sont articulés avec la plaque cartilagineuse qui termine le corps de l’hyoïde. Au dessous et en arrière du lingual se trouve la queue de l’hyoïde (n° 42) (**) ; c’est un petit os en forme de quille reposant sur une lame plate et horizontale. Chacune des branches latérales de l'os hyoïde est composée de cinq os, deux arti- culaires (n° 59 et 40) qui forment ensemble la tête glénoïdale par laquelle la branche se meut sur le corps de l’hyoïde, deux os plats (n° 37 et 38) formant la plus grande partie de la branche, et enfin un petit os styloïde (n° 29), par lequel la branche latérale s'attache au mastoïdien (n° 23) et au préopercule (n° 30). () Tab. D ÇS. fario), fig. 19-21, de profil; fig. 20, d’en haut. — Tab. F (S. trutta), fig. 1, d’en haut; fig. 2, de profil ; fig. 3, d’en bas. (*) Tab. D, fig. 21, de profil et &’en haut. D CT = Les deux articulaires (n°° 39 et 40) sont deux petits os sub-coniques , appliqués l’un contre l’autre, de manière à former une tête glénoïdale oblongue , qui tourne en diarthrose dans la fosse articulaire. Chacun des os a, à sa face interne, une échancrure qui se change en un trou par la réunion des deux os. Ce trou traverse le cartilage qui lie les deux os, et aboutit, sous la forme d’un canal courbe, à la face extérieure , où il s'ouvre à la naissance de la gouttière qui longe la branche. C’est par ce canal que l'artère hyoïdale se rend de la face inférieure de l'hyoïde à sa face externe , pour con- tinuer son cours le long de la branche de l’hyoïde vers la fausse branchie. Une bande de cartilage assez épaisse réunit le troisième os de la branche (n° 38), aux deux os articulaires ; cet os est plat et large en arrière, tandis que son extrémité antérieure est plus arrondie. L’os entier est très-long et placé verticalement le long de la mâchoire inférieure. À sa suite est appliqué un os plat (n° 37), qui est triangulaire , arrondi à son ex- trémité, et réuni au précédent par une bande cartilagineuse. Il porte à son angle postérieur le petit os styloïde (n° 29), qui fixe la branche entière au préopercule et au mastoïdien (n° 25). A la face externe de la branche hyoïde se voit une gouttière étroite, qui suit le bord supérieur et dans laquelle se loge l’artère hyoïdale. Le préopercule (n° 30) (*) forme la continuation directe des branches de l'hyoïde. C’est un os long , plat et courbé en équerre ; son bord antérieur arrondi et plus épais , longe le bord postérieur de la face , depuis le mastoïdien (n° 25), jusqu’à l'os carré (n° 26), et son extrémité inférieure s’applique derrière l’apophyse articulaire de la mâchoire inférieure. Son sommet est appliqué sur la face extérieure de l'articulation operculo-mastoïdienne ; le reste du bord antérieur se montre sur le côté interne de la face, bouchant l’espace entre le mastoïdien , le tympano-malléal, et los carré d’un côté et le battant operculaire de l’autre. Le bord postérieur de l'os est tranchant et couvre le bord antérieur de l’appareil operculaire , qui se meut sur lui comme un bat- tant. Un grand canal muqueux longe le bord antérieur de los et s'ouvre au dehors par plusieurs ouvertures , principalement à la partie inférieure de los. | Les branches de l’hyoïde forment ainsi avec le préopercule un are complet qui est interne en avant, et caché entre l’are de la mâchoire inférieure , mais dont la partie postérieure apparait à la face externe de la joue. Cet arc, qui, comme nous le ver- rons par la suite, est un are branchial modifié, s'attache en haut au mastoïdien (*) Tab. D CS. fario), fig. 17 et18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F, fig. 4, de profil; fig, 5, de dedans. sent AS de comme l'arc hyoïde des animaux supérieurs , et forme ainsi une ceinture , qui sé- pare les os de la face proprement dite des véritables branchies. Mais au lieu d’or- ganes respiratoires, cet arc transformé porte une série considérable d’os rangés à la file les uns des autres, qui sont destinés à l'exercice mécanique de la fonction respiratoire , et à la protection des feuillets branchiaux. Ces osselets constituent l’ap- pareil operculaire et branchiostègue. Ils sont au nombre de quinze chez la Truite, savoir : douze rayons branchiostègues et trois os operculaires proprement dits. Cepen- dant leur nombre varie ; car il n’y a quelquefois que onze rayons branchiostègues d’un côté et douze de l’autre. Les rayons branchiostèques (n° 43) (*) sont des osselets larges, plats et courbés en forme de sabre, attachés à la face interne de la branche de l’hyoïde, notamment des os n° 57 et 58 , et imbriqués comme des tuiles les uns sur les autres, de manière que le bord autérieur du suivant recouvre toujours le bord postérieur du précédent. Le pre- mier os est le plus petit; les autres gagnent successivement en longueur et en largeur. Une membrane assez épaisse les réunit entre eux et aux branches de l'hyoïde ; tandis que des fibres musculaires particulières sont destinées à les écarter et à les rapprocher. Au dessus des rayons branchiostègues et appliqués à la face interne du préopercule, comme ceux-ci aux branches de l’hyoïde, se trouvent les trois pièces qui constituent ensemble le battant opereulaire (**). La première de ces pièces, l'interopercule (n° 53), a encore quelque ressemblance avec la portion antérieure d’un rayon branchiostègue. C’est une pièce oblongue, qua- drangulaire, appliquée à l'extrémité de la branche hyvide et fixée d’une manière immobile à celle-ci par des fibres tendineuses. Son bord supérieur est entièrement caché sous le préopercule ; son angle supérieur et postérieur atteint l’opereule et son bord postérieur est appliqué contre la face extérieure du sous-opereule. Le sous-opercule (n° 32) représente la partie postérieure d’un rayon branchiostègue, au même titre que l’interopercule en est l'extrémité antérieure. C’est un os de forme oblongue, qui remplit l’espace entre l’opercule et l’interopercule, et qui est appliqué contre la face interne de ces os. Son angle antérieur seul prend part à la formation du bord antérieur du battant, dans l’angle de la courbe que celui-ci décrit ; ses bords inférieur et postérieur forment l’angle postérieur du battant. (®) Tab. DÇS. fario), fig. 17 et 19, de profil. — Tab. E(S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F (S. trutta), fig. 1, d'en haut, et 3 d’en bas. (9 Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. Tab. F (5. trutta), fig. 4, de profil, et 5 de dedans. RUN L’opercule enfin (n° 28) est une grande pièce plate , de forme presque carrée, à angle arrondi. Son bord antérieur est droit et muni en haut d’une face articulaire ronde et peu concave, qui correspond à la tête glénoïdale du mastoïdien , et par la- quelle l’opercule se meut sur cette dernière. Le reste de l'os est très-mince et plat ; son bord postérieur est uni; son bord inférieur, qui s'applique sur la face extérieure du sous-opercule est dentelé. Le battant operculaire a ainsi, dans son ensemble, la forme d’une équerre très-large, dont le bras inférieur , formé par l’interopercule , est étroit et beaucoup plus court que le supérieur. Il ferme la fente branchiale sur le côté, en s'appliquant sur le bord ex- térieur de la ceinture thoracique, tandis qu'à la face inférieure de la gorge, cette fonction échoit aux rayons branchiostègues. Les arcs branchiaux proprement dits (*) , qui portent les feuillets destinés à la res- piration, sont au nombre de quatre de chaque côté. Chaque arc est composé de trois pièces rangées à la file, dont les deux premières seulement portent des feuillets respi- ratoires ; la troisième pièce sert d’attache au crâne et aux os de l’autre côté. Enfin les trois premiers arcs ont des os articulaires, qui les lient au corps de l'hyoïde. Les pièces inférieures des arceaux (n° 58, 60 du quatrième arc) sont des os longs et cylindriques, creusés en gouttière à la face externe et bombés à la face interne. Ils sont réunis par une articulation cartilagineuse , formant toujours un coude avec les pièces supérieures (n° 61), qui sont plus courtes, mais aussi plus larges. Les pièces supérieures des trois premiers arceaux ont chacune une pointe apophysale , tournée en arrière, qui s'applique sur la face supérieure de la pièce conjonctive de l’arceau sui- vant. La pièce supérieure du dernier arc est fort élargie, plate, et ne porte point de gouttière destinée à des organes respiratoires , ni d’apophyse postérieure. Les pièces articulaires supérieures enfin (n° 59 et 62) sont au nombre de quatre ; celle du premier arceau (n° 59) est styloïde et suspendue par son extrémité supérieure au crâne , dans l’enfoncement latéral de la grande aile (n° 41). Les suivantes (n° 62) s’élargissent successivement, si bien que la dernière est une simple plaque de forme presque carrée, hérissée de dents en brosse , sur tout son pourtour. La seconde pièce n’est dentelée que sur un très-petit espace, tandis que la première est tout-à-fait dé- pourvue de dentelures. Les pièces articulaires inférieures (n° 57) n'existent qu'aux trois premiers arceaux , et diminuent de longueur d’avant en arrière. Les deux premières sont creusées en (*) Tab. D (S. fario), fig. 20, d’en haut. — Tab. F (S. trutta), fig. 1, d’en haut; fig. 3, d’en bas. EN gouttières , et portent encore des franges respiratoires; la troisième est très-petite, mais elle porte une apophyse inférieure qui se courbe en bas et en avant pour embrasser la pièce postérieure du corps de l’hyoïde (n° 55), Tab. F, fig. 2. Les os pharyngiens enfin (n° 56) sont des ares branchiaux atrophiés et réduits à une seule pièce presque cylindrique de chaque côté, qui porte, sur un élargissement mé- dian, une plaque triangulaire de dents en brosse. L'appareil respiratoire entier forme ainsi, par la réunion de ses différentes pièces, un entonnoir largement ouvert en avant, qui se rétrécit insensiblement vers l’éso- phage ; et comme les pièces articulaires inférieures vont en diminuant de longueur d'avant en arrière, et de même les pièces inférieures des arceaux , il s’en suit que l’ar- ticulation de la pièce inférieure avec la pièce supérieure se rapproche toujours davan- tage du corps de l’hyoïde. Les pièces supérieures (n° 61) sont tellement fléchies que leur face externe, qui porte les franges branchiales, devient la supérieure ; de cette manière , les pièces articulaires supérieures forment le plafond de l’entonnoir, et leurs plaques dentaires supérieures se trouvent opposées à celles des pharyngiens et aux nombreuses aspérités que porte la muqueuse qui enveloppe les arceaux à leur base. Enfin, nous devons encore mentionner plusieurs petits os qui ne sont là que pour protéger les principaux canaux muqueux de la tête, et qui sont soumis à des variations infinies, non-seulement chez les espèces, mais aussi chez les individus, d’après l’âge. Deux de ces os se trouvent ordinairement placés entre la pointe supérieure du préo- percule et l’ouverture postérieure du canal du temporal (n° 50’ et 30”) (*). Ce sont de petits cylindres creux, attachés l’un à la suite de l’autre. Au dessus de ces deux osse- lets il y en a trois autres (n° 21, 21', 21!) (**), dont le premier, divisé en deux branches, et plus large que les autres, correspond à la bifurcation du canal muqueux principal, qui vient de l’épaule ; l’une des branches se dirige vers le réservoir situé dans le tem- poral ; l’autre vers la crête de l’occiput, en passant par les petits cylindres (n° 21'et 22’). Les noms que nous avons employés dans les descriptions qui précèdent , nécessitent de notre part quelques explications, puisqu'ils différent à bien des égards de ceux employés par nos prédécesseurs , ainsi qu’on a pu le voir par les notes que nous avons eu soin de placer au bas des pages. Ces explications, nous ne pouvons guère les don- () Tab. E (S. trutta), fig. 1. — Tab. F (S. trutta), fig. 4 et 5. (*) Tab, E (S. trutta), fig. 1. — Tab. D (S. fario), fig. 17 et 19. SR. Ce ner sans entrer dans quelques considérations sur la tête des poissons en général. Dans l’étude de l'ostéologie de la Truite, nous n'avons jamais perdu de vue les résultats auxquels nous avaient conduits d’une part les recherches embryologiques , dont les résultats se trouvent consignés d’une manière succincte dans l'Embryologie des Sal- mones (*); et, d’autre part, les études comparatives sur l’ostéologie des Sauroïdes vivans, qui sont exposées dans les Recherches sur les Poissons fossiles (**). Comme on trouve déjà dans ce dernier ouvrage une comparaison complète de la tête des poissons avec celle des reptiles et des vertébrés en général, il ne nous reste plus à faire main- tenant qu’une comparaison semblable entre la tête du poisson adulte et celle de l’em- bryon. Ce sera le plus sûr moyen d'arriver tout à la fois à la connaissance des fonctions physiologiques et de la conformation si extraordinaire de la tête des poissons. La tète de l'embryon est une simple boite cartilagineuse, modelée sur les faces exté- rieures du cerveau et des organes des sens, et ne présentant aucune division quelconque qui puisse favoriser la théorie assez généralement admise d’une composition vertébrale de la tête. Au dessous de cette boite animale est suspendu l’appareil masticatoire et res- piratoire, composé de sept arceaux distincts. Le premier de ces arcs, la mâchoire infé- rieure, est uniquement masticatoire. Le second, l’arc hyoïde, et le dernier, l'arc pha- ryngien, sont pendant quelque temps respiratoires ; mais ils perdent plus tard cette destination. Il n’y a que ces quatre arcs qui conservent pendant toute la vie leur fonction de véritables arcs branchiaux. Tous ces arceaux sont formés , dans le principe, de simples bâtons cartilagineux, dont l’élasticité supplée au manque d’articulations ; car celles-ci n'arrivent qu'avec les divisions transversales pendant que les pièces s’ossifient. La boite dont ces sept arceaux dépendent n’est pas fermée de toutes parts ; le toit est sa partie la plus complète ; à la base se trouve une tige moyenne , trouée au milieu, implantée sur l’extrémité céphalique de la corde dorsale, et soutenant la base du cer- ceau, et plusieurs processus latéraux qui servent d'appui aux organes des sens. Tous les os de la tête naissent et s’accroissent de la même manière , de dehors en dedans, - en formant d’abord des plaques extérieures qui recouvrent les parties cartilagineuses. et qui empiètent petit à petit sur l’intérieur. Ce n’est pas seulement sur l'embryon que l’on peut poursuivre ce mode de formation ; la chose est encore plus facile chez les poissons adultes, puisqu'’ici le squelette parcourt tous les degrés d’ossification, et que la petitesse des objets n’est pas un obstacle à l'observation, comme chez les embryons. (*) Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d’eau douce ; 2®° livr. Embryologie des Salmones, par C. Pogt, pag. 109 et suivantes. (*) Agassiz, Recherches sur les Poissons fossiles; tom. If, 2° partie, Chap. 2, Aussi cette circonstance nous a-t-elle engagé à indiquer avec le plus grand soin les rapports qui existent entre le cartilage crânien et les os. Dorénavant il ne suffira plus d'étudier lostéologie des poissons sur des squelettes desséchés, il faudra comparer des têtes fraiches ou conservées à l’esprit de vin, pour pouvoir bien juger de la conforma- tion variée de la tête et des modifications que subit sa composition. Une fois pénétré de la vérité de ce fait, on se convainc facilement que l’ossification de la tête n’a que des rapports éloignés avec les pièces cartilagineuses, sur lesquelles les os se développent. Certaines régions, qui étaient très-marquées sur le crâne carti- lagineux, disparaissent avec l’ossification, et il s’en forme d’autres, déterminées par les sutures des os, qui ne coïncident plus du tout avec les premières divisions. C’est ainsi que la base du crâne de l'embryon montre trois régions distinctes; une antérieure, la plaque faciale; une moyenne, les anses latérales, et une postérieure, la plaque nuchale. Aucune d’elle n’est reconnaissable dans l'adulte. Généralement parlant, la plaque nuchale correspondrait aux démembremens de l’occipital; les anses moyennes, à ceux du sphénoïde ; et la plaque faciale, au frontal et aux os de la pointe du museau. Mais on voit déjà ici combien ces limites sont altérées ; le sphénoïde recouvre d’en bas une partie des plaques nuchales et faciales, et le frontal empiète sur la région des anses médianes, etc. Les points sur lesquels il règne la plus grande divergence d'opinion sont : le rocher, l’ethmoïde et les démembremens du temporal. Ces trois parties une fois bien fixées , il ne saurait plus y avoir lieu à discussion. Au sujet du rocher, les difficultés sont venues de ce qu’on ne pouvait se faire à l’i- dée que le labyrinthe ne füt pas protégé, et comme les poissons ont un labyrinthe très-développé , on s’est efforcé de trouver dans un des os qui l’entourent l’analogue du rocher. C’est à cause de cette prévention , que Meckel et Hallmann ont placé le rocher dans la grande aîle et qu’ils ont pris la petite aîle pour la grande aile, et l’ethmoïde crânien pour la petite aile. Mais si lon considère que, chez les animaux supérieurs , le labyrinthe n’atteint pas le sixième du volume qu’il a chez les pois- sons, où il couvre presque toute la face latérale du cerveau et où, par conséquent, il n’y a pas moins de huit os du crâne qui se développent dans le cartilage unique dont le labyrinthe de l'embryon est entouré ; si l’on considère en outre , qu’indépendam- ment de ce grand nombre d'os, il reste encore toute une masse de cartilage qui persiste comme tel, même chez l'adulte ; si l’on songe enfin, que quelques poissons ont conservé un faible vestige d’un os intérieur, suspendu dans ce cartilage et en- veloppant une partie des canaux semicirculaires , on ne pourra plus assigner à aucun RS — des os qu’on trouve dans la tête de la Truite le nom de rocher, mais on devra con- venir qu'il est remplacé par un cartilage. Les trous de passage pour les nerfs ne sau- raient rien changer à cet état de choses ; car s’il est vrai que le nerf facial passe par l’os n° 11, que Meckel prend pour le rocher, il n’en est pas moins démontré aussi que les branches du trijumeau passent par le mème os, et que le facial, chez les pois- sons, est lié‘ si étroitement avec le trijumeau, qu'il n’a été envisagé jusqu’à nos jours que comme une branche de ce nerf (la branche operculaire). L’ethmoïde est à-peu-près dans le même cas. Certains auteurs ayant particulière- ment en vue sa partie cérébrale (la lame criblée chez l'homme) l'ont cherché dans l’ethmoïde crànien (n° 15’); d’autres, trouvant la partie nasale plus essentielle , l'ont cherché dans la pointe du museau et confondu avec le nasal. De là vient que ces der- niers ont vu dans l’os n° 15 le sphénoïde antérieur ou la petite aile ; tandis que les premiers envisageaient le nasal (n° 5) comme un démembrement de la mâchoire supé- rieure. Mais on oubliait ainsi que les poissons manquent de véritables cavités nasales, qu'ils n’ont que des fosses remplies par la muqueuse et par les ramifications des nerfs olfactifs , et que les canaux qui vont de ces fosses au cerveau , sont occupés par les nerfs olfactifs. Les fosses nasales sont au maximum d’éloignement du cerveau, et c’est pour- quoi les nerfs olfactifs sont d’une longueur démesurée. Il n’en est pas de même chez les animaux supérieurs : leurs fosses nasales s'ouvrent , il est vrai, à l'extrémité du museau , mais elles envoient des branches jusque vers le cerveau , en s’étendant entre les orbites ou au-dessus d’elles. Il n’y a, en un mot, que la lame criblée de l’ethmoïde qui soit interposée entre la cavité cérébrale et le fond des fosses nasales , tandis que chez les poissons , les orbites toutes entières se placent entre elles et le cerveau. Il n'y a dès-lors rien d'étonnant que cette distance inflne sur la conformation de l’eth- moïde. Si cet os a en effet la double mission de servir de cloison aux fosses nasales et de fermer la cavité cérébrale en avant, en donnant passage aux nerfs olfactifs , on est forcé d’admettre qu’il est partagé en deux chez les poissons, que sa partie crânienne (n° 15/) est restée près du cerveau pour donner passage au nerf olfactif, et que sa partie nasale s’est transportée en avant, pour former, sous la forme d’un cartilage non ossifié , le fond des cavités nasales ; car c’est, comme nous l’avons vu, dans du cartilage et uniquement dans du cartilage , que sont creusées les fosses na- sales. D'ailleurs, il suffit pour combattre l'opinion de ceux qui y voient un sphénoïde antérieur, de se rappeler que la Truite possède dans l’osselet n° 15 un véritable sphé- noïde antérieur. L’ethmoïde une fois fixé, la détermination des os n° 3 et 20 est facile. Il est vrai Tow. III. 5 EE. que la forme large et plate des premiers, et surtout leur réunion en un seul os, ne rap- pelle guère celle des nasaux des animaux supérieurs. Cependant ils ont la même posi- tion et la même fonction, de former un toit immobile au-dessus des fosses nasales. Le Lépidostée est d’ailleurs là pour établir le passage entre le type des poissons à deux nasaux séparés au milieu, et celui des Crocodiles auxquels personne ne conteste de véritables nasaux. Dans le Lépidostée, les olfactifs (n° 20) sont également appliqués, comme un capuchon, au nombre de cinq, sur le bec et les fosses nasales. Il est dès-lors évident que les olfactifs, mobiles et toujours en jeu , pendant la vie du poisson, ont une mission différente de celles des véritables nasaux , et qu’ils ressemblent par leur fonction tout-à-fait aux cartilages mobiles du nez des mammifères. Le fait que ces cartilages sont transformés en os, ne me paraît pas une difficulté bien grande. Nous avons tant d'exemples d’ossification plus ou moins complète , qu’il n’y a rien de sur- prenant que des battans, destinés à exercer leur jeu dans un milieu ambiant beau- coup plus lourd , soient ossifiés chez les poissons , tandis que leurs analogues restent cartilagineux chez les animaux qui vivent et respirent dans un fluide élastique comme l'air. Nous arrivons au temporal et à ses démembremens , qui de tout temps ont été la pomme de discorde entre les anatomistes. Pour apprécier les difficultés qui se rat- tachent à l’étude de ces os, il faut ne pas perdre de vue que le temporal des ani- maux supérieurs, quoique d’une seule pièce , renferme pourtant des élémens très- divers, qui ne sont reconnaissables que dans l'embryon. Il faut surtout se rappe- ler que la cavité tympanique est le résultat de la transformation de la première fente branchiale de l'embryon, et que c’est de cette fente branchiale, c’est-à-dire, du fond de la cavité tympanique que part le cartilage de Meckel, qui sert de noyau à l’are maxillaire , et autour duquel se forment les pièces osseuses qui composent cet arc. On sait, par l’histoire du développement des animaux supérieurs, que ce cartilage de Meckel n’a point d’articulation, et qu’il ne s’en forme une qu’avec l’ossification de la mâchoire. Chez la Truite, on trouve des restes de cet are, au-dessus de l’articula- tion maxillaire, dans le tympano-malléal, et en bas, dans le bâton cartilagineux qui longe la face interne de la mâchoire. Le tympano-malléal touche en outre en haut à l'os n° 25, qui est suspendu à l’écaille du temporal, et qui donne en même temps une attache au préopercule et à l’opercule. Entre cet os et la caisse (n° 27) se trouve tou- jours une dépression, souvent aussi une fente, par laquelle l'artère hyoïde pénètre à la face externe de la joue. Il est à remarquer aussi que l'os n°26 qui s’articule avec la mâchoire inférieure , est situé entre celle-ci et l'os n° 27. Or, en tenant compte de - — nÙ cette disposition, il est évident que la dépression entre les os n° 23 et 27 répond à la ca- vité tympanique, qui n’existe pas chez les poissons, l’oreille étant entièrement interne. En comparant un temporal à cavité tympanique close, à cet arrangement chez les pois- sons, on trouve que c’est le mastoïdien qui forme la paroi postérieure de la cavité, et la caisse proprement dite qui en forme la paroi antérieure. L’os carré, qui porte la facette articulaire pour la mâchoire, est adhérent à la paroi antérieure de la cavité, c’est-à-dire à la caisse. D’après cela, on ne peut méconnaitre que l'arc maxillaire est composé de la caisse (n° 27) qui se trouve au devant de la fente branchiale (lanalogue de la cavité tympanique), de los carré (n° 26) adhérent à cette caisse et portant la face articulaire du tympano-malléal (n° 31), qui est plus rapproché de la fente bran- chiale et de la mâchoire inférieure. L’arc hyoïdal, le second des ares, existe aussi chez la plupart des animaux supé- rieurs. Il borde la fente branchiale tympanique en arrière, et nous avons vu qu’il porte chez l'embryon des franges respiratoires, dont la fausse branchie est le faible reste chez l'adulte. Lorsqu'on examine cet arc chez les animaux supérieurs, on trouve qu'il est attaché par une apophyse styloïde à la paroi postérieure de la cavité tympanique. Ce n’est que chez l’homme et chez quelques quadrumanes que cette apophyse styloïde fait corps avec le mastoïdien; elle s’en sépare chez les autres mammifères, ou bien n’est attachée que par du cartilage, formant ainsi l’extrémité supérieure de l’are hyoïde. Chez le poisson, l’are hyoïde est aussi attaché au mastoïdien, non-seulement par un petit os styloïde, mais aussi par un grand os plat en équerre, le préopereule, et tout l’'are est garni en arrière d’une formation cutanée, ossifiée, composée des os opercu- laires et branchiostègues. Il est encore quelques autres os de la tête, sur lesquels tous les anatomistes ne sont pas d’accord , tels que les jugaux, les ptérygoïdiens, les écailles du temporal, etc. ; mais leur existence du moins ne saurait être raisonnablement révoquée en doute, dans l’acception que nous leur avons donnée. Quant aux mouvemens que les diverses parties de la tête peuvent exercer, nous les examinerons en détail, après avoir dé- crit les muscles dont ils dépendent. DU TRONC. Le tronc du squelette se compose, chez la Truite, de la colonne vertébrale avec ses apophyses fixes ou libres, et des organes locomoteurs, qui se divisent en deux classes, les nageoires paires, au nombre de quatre, qui sont les analogues des extrémités US DES antérieures et postérieures des autres vertébrés , et les nageoires impaires, qui n’ont pas leur pareil dans le reste du règne animal. Ces dernières sont, ostéologiquement parlant, au nombre de trois, une dorsale (la seconde dorsale des Salmones étant seu- lement adipeuse), une caudale et une anale. DE LA COLONNE VERTÉBRALE. La colonne vertébrale de la Truite se compose de cinquante-six vertèbres, dont trente-trois portent des côtes, et peuvent par conséquent être envisagées comme des vertèbres thoraciques. Toutes les vertèbres sans exception ont des apophyses supé- rieures et inférieures ; les apophyses transverses manquent entièrement ; les apophyses articulaires sont à l’état rudimentaire dans un grand nombre de vertèbres posté- rieures. Les corps des vertèbres (*) sont en général cylindriques, aussi hauts que longs, et creusés en doubles cônes, de telle sorte que les sommets des deux cônes se rencon- trent au milieu de la vertèbre qui est percée horizontalement. Il n’y a point de fa- cettes articulaires; mais les vertèbres se touchent par leurs bords circulaires , et sont fixées l’une contre l’autre par du cartilage et des parties fibreuses. Les doubles cônes sont remplis d’une masse gélatineuse, molle, qui est le reste de la corde dorsale, au- tour de laquelle les corps de vertèbres se sont déposés sous forme d’anneaux, chez l’em- bryon. Les vertèbres antérieures sont aplaties de haut en bas, les autres sont presque exactement circulaires. La structure des vertèbres n’est pas très-compliquée. Il est facile de voir que la masse osseuse dont elles sont formées n’est pas très-solide, car elles sont criblées d’in- terstices nombreux, remplis d'huile; ce qui leur donne extérieurement un aspect réticulé. Les faces qui limitent les doubles cônes sont parcontre entièrement lisses et formées d’une couche de substance osseuse très-dense. L'on y distingue des anneaux comme sur les troncs d'arbre, qui indiquent les différentes couches de substance os- seuse, telles qu’elles se sont déposées pendant l’accroissement de la vertèbre. Cette couche interne provient, comme M. Vogt l’a démontré dans la Palée (*), de l’ossifica- tion de la couche interne de la gaine dorsale. La réunion de toutes les vertèbres représente un long bâton horizontal et flexible, surmonté d’une longue file d’apophyses supérieures qui s'élèvent en ogives au-dessus (*) Tab. A ÇS. fario), fig. 1. — Tab E (S. trutta), fig. 11-17. (**) Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, 2° liv. Embryologie des Salmones, par C. Vogt. Es OR — des vertèbres et forment à leur tour un canal destiné à loger la moëlle épinière. Les apophyses inférieures donnent lieu à un canal semblable pour l'aorte et les veines car- dinales, à partir du point où elles sont réunies. Les nerfs et les vaisseaux sortent de ces canaux par des trous situés au bord postérieur des apophyses. Les apophyses supérieures (*) sont composées d’une grande et longue épine courbée en arrière, et reposant par deux piliers divergens sur la face supérieure des verté- bres. Dans les vertèbres antérieures, logive est divisée en deux par une trame trans: verse, et c’est dans le trou inférieur que passe la moëlle, tandis que le trou supérieur est rempli par un ligament fibreux. Les trames de séparation des ogives se prolon- gent en avant et en arrière, de manière à se toucher vers le milieu du tronc, où elles forment un toit complet sur le canal rhachidien. Les apophyses supérieures des dernières vertèbres se soudent ensemble et avec des pièces intercalées pour former une seule plaque caudale. Dans la partie antérieure du tronc, elles ne sont sou- dées que par la trame transverse et plus haut par le sommet de l’ogive; cependant leurs extrémités sont bifides, et les deux pointes parfaitement séparées l’une de l’autre. Dans les vertèbres antérieures, les apophyses supérieures sont articulées dans des creux très-profonds, qui sont séparés par une crête moyenne, sur laquelle la moëlle repose. Petit à petit les apophyses se soudent avec le corps des vertèbres, et alors la crête est remplacée par un creux médian. Les apophyses inférieures (**), qu'il faut bien distinguer des apophyses épineuses infé- rieures des animaux supérieurs, ainsi que des apophyses transverses, sont des pièces très-courtes, épaisses, qui s’articulent dans des creux situés à la face inférieure des vertèbres et séparés par une large crête. Plus on avance vers la queue, plus les apo- physes s’allongent, et la crête devient en même temps moins sensible. Enfin elles se touchent par leurs extrémités pour former une ogive beaucoup plus large, mais moins haute que celle des apophyses supérieures, dans laquelle se logent l'aorte, les veines cardinales et une portion des reins (aussi loin que ceux-ci s'étendent). Plus loin, le point de réunion s’allonge insensiblement et forme enfin une longue pointe fléchie en arrière, qui correspond exactement à l’apophyse supérieure, et par sa forme et par sa longueur. Les dernières apophyses sont soudées en une seule plaque caudale. Les antérieures sont, comme nous venons de le voir, articulées dans des creux; mais à partir du point où les deux apophyses latérales se touchent au milieu , elles se soudent aussi avec le () Tab. EÇS. trutta), fig. 11-17. (* Tab. E ÇS. trutta), fig. 11-17, 6. Fe. NOUS corps des vertèbres. On compte vingt-six vertèbres antérieures, sur lesquelles les apo- physes latérales ne sont soudées ni au milieu, ni avec le corps de la vertèbre. Les rudimens des apophyses articulaires (*), dont Cuvier a déjà reconnu l'existence, se trouvent en haut et en bas partout où les apophyses ne sont pas articulées, mais soudées au corps des vertèbres, et où les apophyses épineuses ne se confondent pas. Elles manquent par conséquent aux vertèbres thoraciques antérieures et aux der- nières vertèbres de la queue. Ce sont de petites éminences pointues, qui s'élèvent sur la base des piliers sur lesquels les apophyses reposent, et ne dépassent pas le bord de la vertèbre. Il ne saurait dès-lors être question d’une articulation entre les apophyses articulaires de deux vertèbres qui se touchent. Il y en a huit à chaque ver- tèbre, quatre supérieures et quatre inférieures. Les apophyses musculaires (**) sont des stylets longs et très-grèles, qui sont attachés aux vingt-six premières vertèbres thoraciques et très-souvent soudés à la vertèbre elle-même. Dans ce cas , elles sont attachées au milieu du corps de la vertèbre, à la base de l’apophyse supérieure, et se dirigent obliquement en dehors et en arrière, étant situées dans les feuillets tendineux, qui séparent les anneaux du grand muscle latéral, dont elles indiquent par conséquent la direction. Leur extrémité est presque toujours cartilagineuse. Les apophyses surépineuses ou osselets interapophysaires (***) sont de petits stylets qui se trouvent au-dessus des quinze premières vertèbres thoraciques, librement suspendus dans les feuillets fibreux de la ligne médiane. Ils sont un peu plus larges en haut qu’en bas, et leur extrémité inférieure touche l’apophyse supérieure de la vertébre à laquelle l’osselet correspond. Le premier osselet formant la continuation indirecte de la crête médiane de l’occiput est plus plat que les autres. Les côtes (****) sont au nombre de trente-trois de chaque côté. Ce sont des stylets longs, effilés, aplatis d'avant en arrière, et courbés en forme de sabre, dont le tranchant est tourné en dehors. Les deux premières sont petites; celles qu’on voit derrière la pectorale sont les plus grandes. De là elles diminuent insensiblement de longueur et de largeur , tout en s’inclinant toujours davantage en arrière. Leur courbure va dimi- nuant dans les mêmes proportions, et la cavité abdominale qu’elles embrassent de- vient ainsi toujours plus étroite. Les côtes sont portées sur l’extrémité des apophyses inférieures , aussi loin que celles-ci ne sont pas soudées ensemble: elles sont munies à () Tab. E (S. trutta), fig. 11,13 et 15. (*) Tab. ES. trutta), fig. 11 et 12. @#*) Tab. A (S. fario), fig. 1. (###) Tab, AÇS. fario), fig. 1.—Tab. EÇS. trutta), fig. 11, 12, 13 et 14. “ —. 59 — cet effet d’une extrémité renflée avec une facette articulaire en haut. Ce renflement articulaire n’existe pas sur les sept dernières paires, qui sont seulement collées, sans articulation , à la face postérieure des apophyses soudées. Les vertèbres thoraciques se distinguent des vertèbres caudales par leur forme plus ou moins aplatie de haut en bas et parce qu’elles portent des côtes. Elles sont au nombre de trente-trois ; les premières sont moins longues que hautes ; dans les dernières, toutes les dimensions sont à-peu-près égales. Aux treize premières correspondent des osselets surépineux ; les vingt-six premières portent des apophyses musculaires. Quant aux apophyses supérieures et inférieures des quatorze premières vertèbres, elles sont arti- culées dans des creux profonds sur les faces supérieure et inférieure des vertèbres, et se détachent assez facilement après une macération prolongée. Les faces supérieure et in- férieure se distinguent même sur des corps de vertèbres isolés : à la face inférieure, la crête qui sépare les creux des apophyses est toujours plus large. Les sept dernières vertèbres thoraciques sont facilement reconnaissables à leurs apophyses supérieures et inférieures fixes, entre les piliers desquelles se trouve un creux médian , à la réunion des apophyses inférieures en ogives larges et peu hautes, et aux côtes accolées à la face postérieure de ces dernières. Les vertèbres caudales, au nombre de vingt-trois, ne présentent pas autant de diver- sité que les vertèbres thoraciques. Les corps des vertèbres sont cylindriques, les apo- physes supérieures et inférieures diffèrent à peine dans leur forme et leur courbure; les unes et les autres sont soudées au corps de la vertèbre ; elles n’ont ni côtes ni apo- physes musculaires. Il n’y a que les six dernières qui se distinguent par une confor- mation toute particulière, qui est en rapport avec la nageoire caudale (*). En effet, les quatre dernières vertèbres, tout en se rapetissant, dévient sensiblement de lho- rizontalité que la colonne vertébrale a conservée jusque-là ; elles se courbent en haut, de manière à former un arc dont la convexité est tournée en bas. Les corps des trois dernières vertèbres sont encore des doubles cônes bien caractérisés ; mais la der- nière n’est qu'un anneau ou plutôt un cylindre creux, par lequel l'extrémité de la corde dorsale sort sous forme d’un bâton gélatineux (**). La dernière vertèbre n’a point d’apophyse supérieure. La pénultième en a une, dont la base très-allongée recouvre en arrière la face supérieure du bâton caudal, jusqu’à la moitié de sa longueur, en avant le corps de la pénultième et même une partie de l’antépénultième vertèbre. C’est une grande plaque digitée, qui recoit entre ses digitations l’apophyse de l’antépénul- (*) Tab. E (S. trutta), fig. 17. (*) Tab. E (S. trutta), Gg. 17, d. = VD 2 tième vertèbre, qui n’atteint pas son corps de vertèbre, et une partie antérieure de l’apophyse de la quatrième vertèbre. Du reste celle-ci, de même que celle des cin- quième et sixième vertèbre, en comptant d’arrière en avant, sont aplaties, élargies et soudées par leurs bords qui se touchent. Les apophyses inférieures de ces six vertèbres ont aussi une conformation particulière. Celle de la dernière est très-large, et porte des traces de divisions, comme si elle était composée de trois apophyses soudées. Celle de la pénultième est double, et lon voit à sa base le trou par lequel les cœurs veineux de la queue communiquent ensemble d’un côté à l’autre. Celle de l’antépénultième est simple, mais son bord postérieur est relevé en dehors et en arrière, et protège l’ex- trémité antérieure du cœur caudal. Les trois apophyses suivantes sont simplement élar- gies et soudées ensemble. Le tout constitue une seule plaque de forme carrée, dont la face postérieure, tronquée en ligne droite, est formée par les apophyses inférieures des deux dernières vertèbres. L’angle supérieur est occupé par l’extrémité du bâton cordal. Entre les bases des apophyses soudées , se trouvent en haut les trous intervertébraux pour la sortie des nerfs, en bas une série semblable pour la sortie des artères et des veines. Cette série se termine par le trou de communication entre les cœurs veineux. DES NAGEOIRFS PAIRES. Il y en a de deux sortes : les nageoires pectorales , soutenues par une ceinture os- seuse située au bord postérieur de la fente des ouïes, et les nageoires ventrales , occu- pant à-peu-près le milieu du ventre , suspendues librement dans les chairs. La nageoire pectorale est composée de chaque côté de quatre os du carpe , de trois os du bras et de cinq os formant la ceinture thoracique (*). Le surscapulaire (n° 46), est un os long et plat, pointu en haut, plus large vers sa base. Il se courbe en arrière et porte à sa face interne une forte épine dirigée droit en avant et appliquée contre la crête latérale du crâne. L’extrémité supérieure touche à la fois la crête mitoyenne et l'os de l’autre côté. Les deux os forment ainsi un angle dirigé en avant, entre lequel s’attachent les faisceaux supérieurs du grand muscle laté- ral. L’extrémité inférieure et postérieure de l'os est appliquée contre la face externe de l’omoplate , et liée à lui par un tissu fibreux. L’omoplate (n° 47) est allongée et aplatie comme le surscapulaire , et s'applique contre la face extérieure du premier os suivant. Sa position est presque verlicale, (©) Tab. D ÇS. fario), fig. 22.— Tab. FÇS. trutta), Gg. 6, de dehors, et fig. 7, de dedans. Re — légèrement inclinée en arrière. Son bord antérieur est épais et arrondi, son bord pos- térieur tranchant ; le grand canal muqueux latéral envoie un embranchement le long de son bord antérieur. C’est le scapulaire de Cuvier. La clavicule (n° 48) (*) est l'os le plus considérable de toute la ceinture. Il est courbé en équerre , très-large et aplati, et son coude correspond à l'angle postérieur de lo- percule, qui se meut contre lui. La partie verticale de los est plate , la partie hori- zontale bombée en dehors et en même temps inclinée en dedans , de telle sorte que les deux extrémités antérieures se touchent sur la ligne médiane, au bord inférieur de la tête. La partie horizontale a une rainure le long du milieu , qui correspond à une carène de la face interne , sur laquelle s’adosse principalement la charpente du bras. De tout los , il n’y a que l'extrémité supérieure du bord antérieur, qui soit un peu renflée , et qui s’avance en pointe sur la face interne de l’omoplate. A la face interne de la clavicule sont attachés deux os (n° n9 et 50) qui repré- sentent le coracoïde. L'un (n° 49) est une pièce oblongue, plate, squammeuse, qui s'applique sur la jonction de l’omoplate et de la clavicule. La seconde pièce (n° 50) a une partie squammeuse et aplatie en haut; il se prolonge en un stylet long et effilé , qui descend derrière la pectorale et est caché dans les chairs. Les trois os qui constituent le bras forment ensemble une charpente assez irrégu- lière destinée à donner passage et appui aux muscles, vaisseaux et nerfs de la pectorale. Le plus grand, le cubital (n° 51), ressemble au socle d’une charrue ; il est triangu- laire en arrière et atténué en avant, là où il se joint à l'extrémité antérieure de la clavicule. Le bord supérieur est partagé en deux lames; à celle du côté externe est attaché los n° 52, à celle du côté interne l'os n° 53 (**). Le bord supérieur de l'os est largement échancré et forme, avec la crête interne de la clavicule, un grand trou qui, sur le vivant, est fermé par une membrane tendineuse. La fosse qu’on voit entre les deux lames mentionnées ci-dessus, communique avec la face externe par un trou par lequel passent les nerfs des muscles abducteurs des rayons. Sur la lame externe , dans l’angle que le cubital forme avec la clavicule, se trouve une pièce arrondie, percée d’un grand trou circulaire au milieu , que nous croyons correspondre au radial (n° 52, fig. 6) ; son bord postérieur supporte en partie le premier rayon de la nagcoire. Sur la lame interne se trouve un autre os (n° 55, fig. 7) en forme d’équerre , ayant son sinus tourné en arrière, et liant le bord supérieur du cubital (*) Dénomination admise par Gouen, Geoffroy et Meckel. C’est l’huméral de Cuvier, (*) Par erreur du lithographe, l'os n° 53 porte, dans la fig. 7, le chiffre 52. Tox. III. 6 ENT ess avec le bord supérieur et tranchant de la clavicule, juste dans l'angle de sa flexion. Cet os répond à l’humérus (*). Ces trois os forment, au-dessous de la dites un socle élevé qui se divise en haut en deux branches et forme ainsi trois surfaces d’attache , l’intérieure pour les adduc- teurs , l’extérieure pour les abducteurs et abaisseurs, et le petit espace entre les deux lames du cubital et l'huméral d’une part, et le radial d’autre part, pour les releveurs de la pectorale. Les rayons de la nageoïre sont portés par quatre os cylindriques (n° 64), qui aug- mentent de longueur de haut en bas et répondent au carpe. Les rayons de la nageoïre (n° 65) dont les dimensions augmentent de bas en haut, reposent par leur extrémité bifurquée sur les os du carpe. La branche interne du pre- mier rayon (n° 66) est excessivement renflée , et repose même à moitié sur le radial. Les nageoires ventrales (**) sont beaucoup plus simples. Elles n’ont qu’un seul os triangulaire et plat qui se combine sur la ligne médiane avec celui du côté opposé. Les deux os forment ensemble une plaque triangulaire , dont la pointe est tournée en avant et le bord renflé vers les rayons. Cette plaque n’a aucune connexion avec les côtes, ni avec les chairs environnantes. Bien que nous ayons examiné des centaines de Truites , nous n’avons jamais rencontré la moindre trace de ce filet cartilagineux , que M. Otto dit avoir trouvé sur un seul exemplaire et seulement d’un côté, allant de la base de la nageoïire aux côtes, d’où nous concluons que ce filet n’est point normal. Il ne rappelle non plus aucune formation embryonique, car nous avons vu ailleurs que la nageoïire ventrale naît très-tard et tout-à-fait isolément. DES NAGEOIRES IMPAIRES. Les rayons de la caudale s'appliquent par leur base bifurquée , sur la plaque cau- dale, dont ils embrassent le bord. Les variations de forme et les conditions extérieures de ces rayons en général , ainsi que de ceux des autres nageoires, sont indiquées dans la description zoologique des espèces de Salmones. Les rayons de la dorsale et de l’anale reposent sur des osselets interépineux (***). Ce sont de petits stylets qui s’avancent avec leurs pointes dans les chairs, et notamment dans les Jigamens tendineux de la ligne médiane du dos et du ventre, jusque vers les extrémités des apophyses supérieures et inférieures. L'extrémité qui est tournée en (*) Guvier ne fait pas mention de cet os. (*) Tab. A (S. fario), fig. 1. (**) Tab. À ÇS. fario), fig. 1. = D = dehors, est renflée comme une tête glénoïdale , et sur chaque osselet repose un rayon, qui porte aussi un renflement avec une facette articulaire. Les osselets de lanale sont tout-à-fait simples; ceux de la dorsale ont de chaque côté un petit élargissement qui les réunit les uns aux autres ; le premier osselet est plus large que les autres , trapu, et tronqué obliquement. On peut ainsi distinguer les rayons de la dorsale et de l’anale de tous les autres , en ce qu’ils ont une base à facette articulaire , tandis que ceux des autres nageoires sont simplement bifurqués à leur base. PARTICULARITÉS OSTÉOLOGIQUES DES GENRES THYMALLUS ET COREGONUS. L'étude comparative de l’ostéologie des Salmones , dans les trois genres du centre de l’Europe, qui ont servi de base à ce travail, nous fournit une nouvelle preuve de la stabilité des caractères organiques, dans les limites d’une famille bien circonscrite, alors même que les caractères extérieurs sont soumis à des variations très-nombreuses. En effet , la colonne vertébrale avec les creux et saillies des vertèbres , ainsi que la formation des apophyses, n’offrent que peu de différences dans les Truites , les Ombres et les Corégones ; la seule différence notable qui existe entre eux consiste dans la con- formation des côtes antérieures qui, chez les Ombres, sont munies d’apophyses grèles, allongées , fort semblables aux arêtes musculaires. Ces apophyses (*), attachées à la partie supérieure de la côte, se dirigent obliquement en arrière et sont enveloppées dans les feuillets tendineux qui séparent les bandes en zig-zag du grand muscle latéral ; elles sont propres aux huit ou dix premières côtes de l'abdomen. On n’observe rien de semblable dans le genre Coregonus. La structure de la tête offre, à la vérité, des différences plus notables entre les trois genres mentionnés ci-dessus ; toutefois le crâne ne présente que des différences fort légères ; les os de la face et surtout l'appareil maxillaire subissent au contraire des changemens très-considérables. Le crâne de l'Ombre (Thymallus vexillifer) (**), est beaucoup plus allongé que celui de la Truite, surtout dans sa partie antérieure. Le nasal est fort long ; l'extrémité antérieure des frontaux (n° 1) est très-rétrécie et se prolonge davantage en avant des frontaux antérieurs (n° 2). Ces derniers sont plus saillans et le crâne par conséquent plus étroit à l'extrémité antérieure de l'orbite. Les frontaux principaux sont aussi (°) Tab B (Thymallus vexillifer), fig. 1. C*) Tab. D, fig. 5-8. es = plus lisses, moins squammeux que ceux de la Truite ; l’occiput est plus grand ; les pariétaux se touchent au milieu et séparent complètement les frontaux de l’occipital supérieur ; dans la Truite, au contraire, ces deux os se touchent sur la ligne mé- diane. Les fosses latérales du crâne sont moins longues, mais plus larges que dans la Truite, et le cartilage crânien s’y montre à nu sur une plus grande étendue. La face postérieure du crâne ne présente pas de bien grandes différences, si ce n’est que les fosses et les aspérités sont moins développées que dans la Truite. Ce qui frappe surtout à la face inférieure du crâne , c’est l’allongement considérable du sphénoïde principal et le rétrécissement du vomer, qui est réduit à une petite plaque elliptique, qui n’at- teint pas même le commencement de l’orbite, tandis que chez la Truite, il avance jus- qu’au delà de la moitié de l’orbite. Les os de la face (Tab. B) ont subi des changemens plus notables. Les intermaxil- laires (n° 17) sont réduits à deux petits osselets triangulaires accolés verticalement contre l’extrémité antérieure du museau et portant deux ou quatre petites dents effilées et courbées en arrière. Le maxillaire (n° 18) est court, aplati; son bord inférieur con- vexe (il est concave chez la Truite) porte dix à douze dents effilées. La mâchoire in- férieure est courte, haute; le dentaire, armé de quelques petites dents courbes à son extrémité antérieure, est très-court, et l’angle qu'il forme avec larticulaire se trouve ainsi porté en avant du milieu de la longueur de la mâchoire inférieure. Le préopercule est beaucoup plus large, surtout dans sa partie inférieure, Fopereule plus arrondi en bas et plus allongé que dans la Truite. Il en est de même du mastoïdien (n° 23) ; tandis que la caisse (n° 27) est beaucoup plus petite que dans la Truite. II résulte de là un rétrécissement de toute la fosse temporale, et comme c’est dans cette fosse que sont logés les muscles de la mâchoire, cette disposition entraine nécessaire- ment une plus grande faiblesse des mâchoires et des instincts moins voraces. Les mâ- choires sont en rapport avec ces dispositions ; l’ouverture de la gueule est beaucoup moins grande; la fente s’arrête au-dessous des fosses nasales, tandis que dans la Truite, elle s’avance jusqu’au milieu de l’orbite. Les mâchoires et l'appareil masticatoire tout entier, sont encore moins développés chez les Corégones (Tab. C.). L'intermaxillaire, suspendu verticalement au nasal et au vomer, ferme la bouche comme un rideau ; les maxillaires sont très-courts et arron- dis ; la mâchoire inférieure est presque aussi haute que longue, et le bord supérieur du dentaire presque vertical, ce qui, joint à une fosse temporale étroite et peu profonde, ne laisse que peu de place pour les muscles masticatoires ; le préopercule est faible, peu large ; l’opercule est tronqué obliquement, tandis que chez les autres Salmones, SAR .. 2 son bord inférieur est presque horizontal. Les sous-orbitaires sont larges et couvrent presque toute la joue. Le crâne (*) ressemble davantage à celui de l'Ombre qu’à celui de la Truite ; surtout dans la partie occipitale ; les pariétaux pourtant ne se touchent pas sur la ligne médiane, mais les fosses de l’occiput et l'aspect des frontaux sont les mêmes. La partie antérieure du crâne est plus ramassée ; les frontaux et le nasal sont moins allongés, le vomer est court et édenté, comme tous les autres os de la bouche. La fente de la gueule est fort petite; aussi les Corégones ne se nourrissent-ils que de petits animaux et de substances végétales. STRUCTURE DES CARTILAGES. Tab. G, fig. 1—8. Les cartilages de la Truite, et notamment ceux de la tête, présentent à l’œil nu une masse hyaline transparente, élastique, que l’on pourrait comparer à de la gelée durcie. Cette masse se laisse facilement couper , et les coupures, non plus que les dé- chirures n'offrent aucun vestige d’une structure quelconque. Elle est parfaitement in- colore, et ce n’est que lorsqu'elle se transforme, par le desséchement, en une subs- tance cornée , qu’elle prend une légère teinte jaunätre. Examiné au microscope, le tissu cartilagineux n’est rien moins qu'homogène. On y distingue de minces lames d’une transparence extrême, qui se montrent composées de deux substances, dont une homogène et sans structure, que nous nommerons la substance intercellulaire, et dans laquelle sont semés de petits corps d'apparence vésiculaire. Quelquefois ces cellules renferment dans leur intérieur de petits corpus- cules plus opaques, qui sont des formations nucléolaires, ainsi que nous le verrons plus tard. Comme nous venons de le dire, la substance intercellulaire n'offre, dans les vérita- bles cartilages, aucune trace de lamelles, ni de fibrilles. Il n’y a que certains cartilages particuliers, dont nous traiterons plus tard, qui se transforment régulièrement en une masse distinctement fibreuse ; mais ces cartilages, que nous nommerons fibreux, sont, chez les poissons, de peu de valeur, comparés aux cartilages véritables, dont sont composés tous les grands cartilages du crâne et de l'appareil branchial. La forme des cellules, telle qu’elle est dessinée, fig. 1, quoique la plus rare, est pourtant selon nous la plus importante, parce que c’est de cette structure que résultent (*) Tab. D {Coregonus W'artmanni), Gg. 1-4. EM les autres formes. Ce sont des vésicules extrêmement transparentes , dispersées dans la masse intercellulaire, et qu’on ne distingue souvent que grâce à la réfraction de la lumière, par leurs parois arquées ; leur forme est plus ou moins lenticulaire. Ces pe- tits corps sont tantôt simples, tantôt composés de deux moitiés réunies. Souvent on n’apercoit aucun corps étranger dans leur intérieur, la masse qui les remplit est alors parfaitement homogène et absolument égale à la substance intercellulaire ; mais dans la plupart des cas, on distingue, dans chaque cellule, une petite plaque opaque, qui, sous de très-forts grossissemens, se montre composée de très-fines granulations. Nous insistons sur la parfaite solidité de ces vesicules ; jamais nous n’avons rencontré, dans les véritables cartilages de la Truite, de ces excavations et de ces vides, comme on en trouve, à l’état normal , dans les cartilages des animaux supérieurs. Il se pourrait ce- pendant qu’il y eût, sur les coupures des lamelles , des trous et des excavations, qui présentassent absolument la forme de cellules. Mais quand on y regarde de près, on voit que ce ne sont point des intérieurs de cellules , mais des vides occasionnés par des cellules tombées. Encore ce cas se présente-t-il fort rarement, car pour l'ordinaire la paroi de la cellule est si fortement collée à la substance intercellulaire, qu'il est im- possible de bien distinguer tout son pourtour; c’est tout au plus si l’on aperçoit une ligne ombrée qui indique sa limite, fig. 2 ; encore cette ligne disparait-elle fréquem- ment; les cellules se confondent alors tout-à-fait avec la masse intercellulaire, et il ne reste que le corpuscule granuleux, comme pour indiquer la place que la cellule occupait jadis, fig. 4. Il est facile de suivre ces modifications chez la Truite; et il ar- rive souvent qu'une seule tranche du cartilage crânien, prise dans le voisinage du vo- mer, montre tous les passages que nous avons représentés dans les figures 1, 2, 5 et 4. Le petit corps granuleux, situé dans l’intérieur des cellules, que nous désigne- rons sous le nom de noyau, est de forme et de grandeur très-variables, Le plus sou- vent il est fusiforme , et occupe à peine la cinquième partie de la surface de la cellule; mais quelquefois aussi il grandit jusqu’à remplir toute la cellule, en affectant une mul- titude de formes bizarres. Alors aussi ses granulations deviennent plus distinctes , et il semble même quelquefois qu’elles se transforment en petites vésicules transparentes, bordées d’un cercle noir, comme les bulles d'air ou les gouttelettes d'huile sous le microscope. Quelquefois le bord des noyaux est très-net et tranché, comme s’il y avait une enveloppe membraneuse; mais le plus souvent il se confond insensiblement avec la masse environnante. Il paraît que les noyaux sont disposés à se transformer en une substance intercel- lulaire , tout comme les parois cellulaires. Du moins voit-on souvent des noyaux très- ne O7 —— päles, à peine visibles, et dont les granulations semblent disparaitre et se transformer en une masse homogène (*). L'aspect varié, que présentent les cartilages véritables de la Truite, est principale- ment dû aux divers états dans lesquels se trouvent les cellules et les noyaux, et au degré de fusion de ces organes avec la masse intercellulaire. De son côté, l'arran- gement des cellules modifie aussi considérablement l'aspect des cartilages. On peut, sous ce rapport, distinguer deux formes principales , les cartilages à cellules isolées , et ceux à cellules groupées. Dans les cartilages à cellules isolées, fig. 1, 3, 4, 5, les cellules semblent disper- sées dans la masse intercellulaire sans aucun ordre, ou bien alignées en rangées presque toujours parallèles aux faces extérieures du cartilage, fig. 5. Tantôt ces ran- gées sont distantes, et indiquées seulement par les noyaux , les cellules elles-mêmes ayant disparu ; tantôt les noyaux sont tellement serrés les uns contre les autres, que lon comprend à peine comment les cellules qui les enveloppaient ont eu place. C’est principalement vers les bords des ouvertures et des échancrures du cartilage que les rangées sont si rapprochées. Les cartilages à cellules groupées, fig. 2 et 7, paraissent au premier abord composés d’élémens d’une toute autre nature. On y voit des assemblages de douze à vingt cel- lules, qui sont disposées le plus souvent par groupes de quatre cellules rangées en quinconce ; chaque cellule , chaque noyau, est pour ainsi dire à un autre degré de dé- veloppement, ce qui ne fait qu’augmenter la diversité. Mais bientôt on s’aperçoit que les lois qui règlent les changemens des cellules simples, président aussi à la transfor- mation des cellules groupées. Presque toujours ces groupes semblent entourés d’une ombre opäque, ce qui fait aussi que ceux qui ne sont pas exactement au foyer du mi- croscope apparaissent comme des taches obscures plus ou moins intenses. Nous avons quelquefois trouvé, dans le voisinage des os, les noyaux transformés d’une singulière manière et formant un centre duquel partaient quelques rayons plus ou moins ramifiés, fig. 6. D'abord le noyau était bien distinct au bout de ces faisceaux, mais bientôt il disparaissait et il ne restait que les rayons. Les figures qui résultaient de cette modification des noyaux, ressemblaient beaucoup aux corpuscules de la subs- tance osseuse hérissés de leurs rayons calcarifères, avec cette seule différence que les rayons calcarifères partent du corpuscule dans toutes les directions ; tandis qu'ici, les ramifications étaient toutes dirigées d’un côté , et le sommet du faisceau constamment tourné vers le bord extérieur du cartilage. (®) Nous parlerons plus tard d’une autre transformation des noyaux. = MS 2 On pourrait conclure de cette forme des noyaux, qui est représentée fig. 6, que les noyaux des cellules cartilagineuses se transforment immédiatement en corpuscules os- seux , de manière que l’ossification ne serait que le développement naturel des cellules chondriques. En effet, cette transformation directe est hors de doute chez les animaux supérieurs. Mais il n’en est pas ainsi chez les poissons, du moins chez les Salmones. Partout où nous avons examiné l’os en contact avec les cartilages, nous avons au contraire toujours trouvé les deux substances parfaitement distinctes, non seulement par l'aspect de leur tissu, mais aussi par leur délimination ; sauf les formes décrites ci-dessus, nous n'avons jamais rencontré de formes intermédiaires entre les élémens constituans de ces deux substances ; car même dans les cas où les faisceaux des noyaux sont ramifiés, on peut toujours, quand on y regarde de près, reconnaitre leur li- mite. D’après cela, nous sommes portés à croire que l’ossification des cartilages ne se fait pas par transformation directe des cellules chondriques, mais qu’il se dépose tou- - jours au bord des os en voie de développement une nouvelle couche, tandis que les bords des cartilages en contact sont absorbés et dissous. C’est du reste un point sur lequel nous reviendrons en traitant du tissu osseux. Il s’agit maintenant de déterminer quel rôle les élémens du cartilage jouent sous le rapport de leur développement, et comment il faut les envisager au point de vue de la constitution générale des cellules. Au premier abord, il semble tout simple de prendre les vésicules pour des cellules, et les corps granuleux de l’intérieur des vési- cules pour les noyaux de ces cellules. Mais si l’on tient compte de la composition des car- tilages chez l'embryon (*), où les cellules forment la grande masse, tandis que la substance intercellulaire est infiniment réduite, il semble impossible d'identifier les cellules chondriques si serrées de l'embryon avec les cellules éparses de la substance intercellulaire chez l'adulte. Cette simple comparaison, jointe à l’examen que M. Vogt a fait des batraciens, où il a démontré l'existence de plusieurs successions de cel- lules chondriques (**), nous conduit à penser que les cellules chondriques du pois- son adulte ne sont pas les descendans directs des cellules embryonales, mais bien une nouvelle génération qui a pris la place des cellules primitives. Nous ne pouvons admettre d’après cela que les vésicules que nous trouvons dans les cartilages des Salmones, soient des cellules primitives ; ce sont des formations pos- térieures , qui ont été enfermées, en leur temps, dans des cellules qui n’existent plus, et dont les parois se sont fondues dans la substance intercellulaire. C’est ce qu’on peut (°) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, Tom. I, p. 136. (85) Ch. Vogt Untersuchungen über den Alytes, p. 105 et s. nou — conclure de certaines traces qu’on aperçoit autour de ces vésicules , de leur disposition en groupes de deux et quatre, unis entre eux par des ombres qui les entourent et qui montrent évidemment que ces corps ont été entourés, au moment de leur apparition, d’une enveloppe, qui plus tard s’est confondue avec la substance intercellulaire. Chez les animaux supérieurs, cette évolution est facile à constater, parce que les cavités de ces cellules mères restent vides, tandis que chez les poissons, toute trace de la mem- brane cellulaire primitive et de sa cavité disparait, par le remplissage d’une substance entièrement semblable à la substance intercellulaire. Mais s’il est facile de prouver, par les raisons que nous avons citées, que les vési- cules des cartilages ont été contenues dans d’autres cellules qui ont disparu, il est plus difficile d'indiquer le rôle qu’elles jouent vis-à-vis de ces cellules primitives. Sont-ce les noyaux de ces cellules , qui se sont aggrandis et boursoufflés, comme on en voit des exemples dans d’autres tissus, et les corps granuleux de l’intérieur sont-ils les nucléolules primitifs? Ou bien sont-ce de jeunes cellules, dont les corps granuleux ne sont que les noyaux ; et les cellules-mères, dans l’intérieur desquelles cette jeune gé- nération s’est formée, auraient-elles complètement disparu? Nous ne possédons jus- qu'ici aucune observation qui soit décisive en faveur de l’une ou l’autre de ces ex- plicalions. Cependant la dernière nous semble préférable, à cause du nombre de vési- cules qu’on trouve quelquefois rassemblées en un seul groupe, nombre tout-à-fait ex- traordinaire pour des noyaux, dont il y a rarement plus de deux dans une cellule, tandis qu’une cellule-mère peut contenir beaucoup de jeunes cellules. Pour cette rai- son , nous ne craignons pas d'envisager les vésicules comme des cellules, et les corps granuleux comme des noyaux. Les cartilages fibreux ne se rencontrent que dans les articulations à faces libres. On sait en effet que dans nombre de parties du squelette, les articulations sont plutôt des soudures entre deux os, effectuées par une large plaque cartilagineuse , dont l’élasti- cité se prête aux mouvemens les plus divers. Ces plaques-là sont toujours composées de véritables cartilages. Mais il y a en outre dans l'articulation de la mâchoire inférieure . comme dan; celle des nageoires pectorales et ventrales, des cavités articulaires au mi- lieu d’une capsule fibreuse, et dans ce cas, les extrémités des os articulés sont revêtues de plaques cartilagineuses , qui en glissant sur leurs faces lisses facilitent les mouve- mens. Ce soni ce, revêtemens cartilagineux des extrémités articulaires des os, qui sont composé. d’un tissu cartilagineux à base fibreuse. Les cartilage- à base fibreuse sont bien moins transparens que les autres et d’un blane mat ; examinés au microscope, ils offrent un aspect tout différent (fig. 7). On y Tour HI. 7 PV" RER découvre rarement des traces de cellules ; celles-ci ont d'ordinaire complètement disparu. Les noyaux sont, en revanche, fort nombreux, et, au lieu d’être granuleux , ils mon- trent presque loujours des parois distinctes. Leur forme est tantôt globuleuse , tantôt plus ou moins anguleuse et, de même que dans les véritables cartilages à cellules grou- pées, ils sont presque ioujours réunis en groupes: de quatre à douze. Mais au lieu d’être déposés dans une masse parfaitement homogène, on voit au premier coup-d’œil que celte masse est fibreuse. Les fibres sont plus où moins distinctes, davantage vers la surface, moins dans l’intérieur, où la masse intercellulaire est quelquefois parfaite- ment homogène , landis qu’à la surface elle est toute entière transformée en fibrilles. Or, comme ces fibrilles entourent les groupes de noyaux, il en résulte que le carti- lage a l'apparence d’être composé d’un réseau fibreux, à mailles inégales, mais presque toujours quadrangulaires, dans l’intérieur desquelles sont logés ces noyaux. L'inspection immédiate de tranches de cartilage fibreux, nous apprend que ces fibrilles si frêles, qui souvent ne sont reconnaissables qu’à la réfraction qu'elles occa- sionnent, ne sont nullement dues à un développement de cellules propres, qui en s’allongeant ou se crevassant, se transformeraient en fibrilles, comme cela arrive dans beaucoup d’autres tissus, mais que c’est bien la substance intercellulaire qui forme ces fibrilles en se fendillant. Ce n’est pas le seul exemple de la formation de parties élémentaires sans l'intervention du développement cellulaire. Nous n’avons observé qu’une seule fois, dans une petite Truite d’un an et demi à-peu-près, la conformation du processus de Meckel , représentée fig. 8. Depuis nous l'avons vainement cherché dans des Truites de tout âge ; en sorte qu'il nous est im- ossible de rien ajouter sur son développement. Ce que nous savons, c’est que ce 9 cartilage , qui se loge dans la cavité des os de la mâchoire, est un véritable earti- lage à cellules éparses, quoique sur quelques points celles-ci paraissent groupées. Les cellules ont disparu, et il ne reste que les noyaux qui se séparent facilement de la subs- tance intercellulaire. On remarque çà et là dans l’intérieur de la masse, des étoiles fibreuses d’une teinte jaunâtre , dont les ramifications sont situées dans un plan hori- zontal, parallèle à l’axe du cartilage. Ces étoiles ressemblent assez à des cellules ra- mifiées de piment noir, mais elles nous ont semblé plus grosses. Quelquefois nous avons aperçu, vers le centre de l'étoile, des vésicules qu’on aurait pu prendre pour des noyaux; mais comme elles manquent communément dans les étoiles , qui pourtant se trouvent en abondance dans le processus de Meckel, il serait hasardeux de vouloir affirmer que ce sont en effet des noyaux. Les fibres dont l'étoile semble composée, se perdent petit à petit dans la masse intercellulaire et sont d’une grande ténuité. de D ns de DU TISSU OSSEUX. Tab. G, fig. 9—17, 19 et 20. Les os des poissons diffèrent par plusieurs particularités de ceux des animaux su- périeurs. Et d’abord , leur couleur n’est pas d’un blanc aussi pur, et leur tissu en gé- néral est beaucoup plus transparent, ce qui semble devoir être attribué autant à la moindre quantité de sels calcaires, qui y sont déposés, qu’à l’absence de lamelles constitutives croisées , dont la réfraction augmente lopacité. Pour examiner les os au microscope , on a soin d’en préparer des lames très-minces, en les usant sur une pierre à repasser, d’un grain fin. On obtient de cette manière des feuillets transparens , faciles à observer à la lumière directe. Il est bon de macérer les os qui sont parcourus par de larges canaux, et qui renferment par conséquent beaucoup de parties molles, par exemple, les vertèbres. Il suffit pour cela de les mettre dans une solution forte de potasse caustique, qui n’attaque nullement la substance des os , tandis qu’elle dissout les parties charnues. De minces feuillets d’os préparés de cette manière nous offrent d’abord une subs- tance fondamentale , dans laquelle il est impossible de reconnaitre la moindre struc- ture. Elle est à-peu-près semblable à la substance intercellulaire des cartilages . mais plus opaque. Comme celle-ci, elle n’offre pas la moindre trace de lames ou de fibres : mais on y trouve partout les mêmes propriétés dans le même os, et ce n’est que dans quelques cas particuliers , dont nous traiterons plus tard, qu’elle offre une structure plus compliquée. Dans cette substance fondamentale sont disséminés les corpuscules osseux (fig. 9, 10, 12, 15). Dans tout corpuscule osseux, à quelque os qu’il appartienne , il faut dis- tinguer deux choses , le corps et les rameaux calcifères. Le corps vu à la lumière ré- fléchie, est d’un blanc mat; à la lumière directe, il présente une teinte plus ou moins sombre , et souvent l’on découvre, au moyen d’un très-fort grossissement, des indices d’une substance granuleuse , qui remplit l’intérieur. Les corpuscules ronds (fig. 9) laissent presque toujours apercevoir un petit point transparent situé tantôt au milieu , tantôt à la paroi du corpuscule, et qui très-souvent présente l'aspect d’une vessie. Quelquefois les parois de cette vésicule sont bien distinctes ; d’autres fois elles se confondent en partie avec la matière granuleuse environnante. 11 arrive mème souvent qu’on remarque au centre de cette vésicule une petite tache noire , comme si elle était percée d’un trou. Les corpuscules allongés , fusiformes , qui se trouvent principale- ci. NS Las : ment dans les os longs , par exemple dans les mâchoires (fig. 12), ne nous ont jamais offert rien de semblable. Ils ne présentent à l’intérieur qu’une masse entièrement ho- mogène , d’un aspect granuleux. Les rameaux calcifères existent dans les cerpuscules ronds , comme dans les corpus- cules allongés. Dans les premiers, ils rayonnent dans tous les sens ; dans les seconds, ils se trouvent principalement aux deux extrémités allongées. Ce sont des lignes noires, plus grosses à leur point de départ, qui se ramifient et s’amincissent toujours plus, jusqu’à ce qu’on les perd de vue. Il parait en outre qu'ils sont toujours disposés dans le plan des lamelles. Il arrive souvent que les ramifications de deux corpus- cules se rencontrent et se confondent, et dans certains os de Truite, cette fusion est si fréquente, que toute la substance de l’os ressemble à un réseau continu de ra- mifications. Ces ramifications trahissent l’opacité des corpuscules d’une manière en- core plus frappante ; sur des lames trés-minces , elles … sh) 4h FC _— J —— des os ou des cartilages qui s’ossifient, que les parois de ces cellules se confondent bientôt avec la substance intercellulaire, et qu’il ne reste que la cavité ramifiée, qui se remplit de sels inorganiques. Ce qui nous confirme dans l'opinion qu’une transformation directe des cellules chondriques en corpuscules osseux n’a pas lieu, c’est le fait qu’il existe chez les Sal- mones des os sans corpuscules osseux, dans lesquels les cellules chondriques sont encore reconnaissables, malgré que la substance soit parfaitement ossifiée. C’est sur- tout dans les supports osseux des feuillets branchiaux , que cette singulière formation s’observe (fig. 146, 17, 19 et 20). Dans les jeunes Truites, ces supports sont de simples bâtons aplatis , formés de cel- lules chondriques assez grandes , dans lesquels on reconnait d’ordinaire les parois, le noyau et même des nucléolules assez développés. Ce sont ces cellules que M. Tre- viranus (*) a décrites et figurées comme des ouvertures de vaisseaux lyÿmphatiques. Plus tard les nucléolules disparaissent ; les parois des cellules se confondent entre elles, ainsi qu'avec la substance intercellulaire et les noyaux ; il ne reste que des traces plus ou moins distinctes des anciennes cellules. Mais le tissu n’en porte pas moins le cachet d’une formation chondrique, ensorte que tout observateur qui le verra sous le micros- cope le reconnaitra pour du cartilage (fig. 19 et 20). Ce tissu est tout aussi dur ét cassant que celui des os véritables ; il ne contient pas moins de sels inorganiques, et il se prolonge des deux côtés en un véritable tissu osseux fig. 17), présentant des corpuscules allongés, dépourvus, il est vrai, de rami- fications et de dépôts granuleux , mais du reste parfaitement semblables aux corpus- cules ‘allongés des autres os. C’est de cette substance osseuse que sont formées les dentelures que l’on remarque sur les supports des poissons adultes, et qui manquent à ceux des jeunes. DE LA CORDE DORSALE. Tab. G; fig. 18. M. Vogt a décrit ailleurs (**) le développement des cellules de la corde dorsale, et les rapports de cet organe avec les corps des vertèbres jusqu’au moment de l’éclosion. Nous avons dit aussi plus haut que la corde dorsale ne disparaissait jamais complète- ment chez la Truite adulte, mais que la masse qui remplit les cavités coniques des (8) Hinterlassene Schriften. (*) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, par L. Agassiz. Embryologie, tom. [, chap. 7. RS es vertèbres était le faible reste de cette corde, si considérablement développée chez les embryons. Il nous reste à examiner ici la constitution de cette masse chez les adultes, et nous aurons le développement complet de cet organe à travers tous les âges. Nous sommes malheureusement loin de pouvoir en dire autant de tous les autres tissus. La masse intersticielle, qui remplit l’intérieur des vertèbres, est une pulpe gélati- neuse, collante et d’une transparence parfaite. Examinée au microscope, cette gélatine se montre composée, vers le milieu, de cellules plus ou moins globulaires, très-trans- parentes et remplies d’un liquide gélatineux. Il est fort rare que l’on découvre des vé- ritables noyaux dans ces cellules, mais lorsqu'ils existent, ils se font toujours remarquer par leur aspect plus sombre et légèrement granuleux ; ils sont comme collés à la face interne des parois des cellules. Ce qui est au contraire très-fréquent , ce sont de jeunes cellules se développant dans les anciennes, et il n’y a que très-peu de cellules an- ciennes dans lesquelles on n’en trouve pas. Ces jeunes cellules sont presque toujours parfaitement circulaires et si transparentes qu'elles ne s’apercoivent que difficilement. Nous n'avons jamais pu distinguer dans leur intérieur des noyaux ou quelque autre corps hétérogène ; nous avons au contraire toujours trouvé leur contenu parfaitement clair et limpide. Le plus souvent, il n’y a qu’une jeune cellule dans une cellule-mère; mais j'en ai aussi rencontré jusqu'à trois de différentes grandeurs. La substance intercellulaire n’est pas très-considérable , et tandis qu’elle est parfai- tement homogène dans l'embryon , elle jrésente, au contraire , un aspect fibreux chez l'adulte. Les fines stries, qui indiquent la séparation des fibres, font le tour des cel- lules, si bien que l’on dirait, à ne voir que le centre de ces masses intervertébrales, qu'il y a des couches servant de doublure aux parois cellulaires. Plas on approche de la circonférence, plus les fibres augmentent : les cellules deviennent rares, et le- fibres prennent une direction distincte. Le pourtour des masses intersticiell», est formé par une couche de fibres circulaires, qui s’appliquent immédiatement contre la surface des cavités coniques des vertèbres , et sont évidemment le dernier degré de dévelop- pement dont les fibres intercellulaires sont suscertibles. Ces fibres sont très-minces, mais roides et réunies en petits faisceaux de trois ou quatre fibres, jue l’on prendrait pour des fibres primitives, si l’on n’apercevait pas à leur surface les lignes de démarca- tion des fibrilles plus fines dont elles sont :omposées. Dans la masse de ces fibres circulaires. sont disséminées par-ci par-là de. cellules beaucoup plus pelites que celles du milieu , mais égalant en grandeur à-peu-près les plus grandes des jeunes cellules enfermées. telles-là onf pour la plupart un uoyau ; mais il est presque impossible de les séparer complètement de la masse fibreuse dans laquelle ORNE elles sont logées. Les fibres ne changent pas de direction à la rencontre des cellules ; elles ne font que s’écarter, et déterminent ainsi un espace fusiforme , destiné à rece- voir la cellule. Plus le poisson est vieux , plus cette couche fibreuse externe est considérable ; ensorte que l’on peut aisément suivre tous les degrés de son développement. Chez les pois- sons très-jeunes , la couche extérieure présente le même aspect que les couches inté- rieures chez les vieux, c’est-à-dire de grandes cellules entourées d’une masse inter- cellulaire fibreuse peu considérable. D’après cela, la marche du développement des cellules de la corde dorsale peut se résumer de la manière suivante. De jeunes cellules se développent dans l’intérieur des cellules, sans l'intervention d’un noyau ; en même temps, la masse intercellulaire de- vient fibreuse, les fibres augmentent de jour en jour, les anciennes cellules disparais- sent , et les jeunes cellules , les seules qui montrent des noyaux, restent enfermées dans la masse fibreuse, qui les entoure de toute part. La corde dorsale fournit ainsi la preuve qu’il peut se former des cellules primitives, aussi bien que des cellules de se- conde génération, sans l'intervention de noyaux, et que la masse intercellulaire peut devenir fibreuse, sans donner préalablement lieu à des cellules. Cette dernière loi est aussi confirmée par les cartilages fibreux. Tour II. 8 ER MYOLOGIE. DES MUSCLES DU TRONC. Tab. HetJ. Le plus important des muscles de la Truite, celui qui constitue la grande masse _des chairs, est le grand muscle latéral (n° 4). Il est composé d’une multitude de bandes transversales sinueuses, réunies par des feuillets tendineux. Ces feuillets, qu’il est facile de préparer en soumettant à la macération des poissons conservés pendant quelque temps dans l'esprit de vin, sont attachés à la fois sur le milieu de chaque vertèbre , sur les apophyses vertébrales et sur les côtes. Or, comme les apophyses et les côtes sont inclinées en arrière , il s’ensuit que chaque feuillet forme, sur la ligne latérale, un angle dont le sommet est tourné en avant. Arrivé au sommet des apo- physes verticales, le feuillet change de direction et se tourne en avant ; il décrit ainsi un nouveau sinus dont l’anse est dirigée en arrière , tandis que les feuillets tendineux se réunissent, sur les lignes médianes du dos et du ventre, à la grande aponévrose qui couvre toutes les apophyses épineuses et les osselets interapophysaires. Les feuillets dé- crivent ainsi de chaque côté une ligne en zig-zag , qui est brisée sur trois points. Outre ces inflexions, qui se répètent très-régulièrement sur toute la longueur du poisson, les feuillets sont encore couchés obliquement en arrière, de sorte qu’en faisant une coupe verticale sur l’axe du corps, on tranche toujours plusieurs feuillets. L’inclinaison des feuillets se reconnait sur un squelette bien fait à la direction des arètes musculaires, qui sont inclinées d’avant en arrière et qui, chez les Truites du moins, sont enfermées en entier dans l’épaisseur des feuillets. De cette disposition des feuillets tendineux que nous avons représentés Tab. H, fig. 1, 2et 5, et Tab. J, fig. 1,2et3, il résulte un grand nombre de bandes musculaires dont les fibres sont toutes parallèles à l’axe du corps. Chacune de ces bandes correspond à une articulation intervertébrale , et l’on peut affirmer en toute confiance que le grand muscle latéral est composé d’autant de bandes musculaires qu'il y a d’articulations dans la colonne vertébrale. Cet arrange-. ment qui a déjà été signalé par M. Agassiz , dans une communication faite à la réunion des naturalistes allemands à Breslau, a été poursuivie depuis par M. Müller, dans son Anatomie des Myxinoïdes (*), et il est maintenant parfaitement constaté que ce (*) Vergleichende Anatomie der Myxinoiden. Première partie, page 225. D — système musculaire primitif de la colonne vertébrale , qui joue un si grand rôle chez les poissons , se perd graduellement chez les vertébrés supérieurs , au point qu’il n’en reste plus que quelques traces dans les muscles supérieurs de la queue et de la colonne vertébrale des mammifères. L'inflexion des feuillets tendineux (*) occasionne ces dessins variés qui se voient sur les tranches verticales du Saumon , et que tous les amateurs de poisson connaissent fort bien. Il est évident que plus les feuillets sont inclinés, et plus le nombre des bandes musculaires doit être considérable sur une coupe semblable. La fig. 3 de Tab. J, re- présente une coupe verticale prise au milieu de la queue de notre petite Truite. Les dessins sont parfaitement symétriques des deux côtés , et ressemblent assez aux ondu- lations qu'occasionne un tournant dans un fleuve rapide. La masse musculaire toute entière est séparée en quatre grandes parties par une croix formée par la vertèbre et ses apophyses verticales , et par une fente profonde s’avançant depuis la ligne latérale jusque sur le corps de la vertèbre. C’est dans cette fente latérale que se logent le nerf latéral et le grand canal lymphatique externe. Les feuillets tendineux si complètement développés en cercle autour du tronc, di- minuent vers la tête, par l'effet du développement de la ceinture thoracique et des muscles qui président aux mouvemens de la nageoire pectorale. On compte au moins cinq faisceaux différens par lesquels le muscle latéral s'attache au crâne , à la ceinture thoracique et au corps de l'os hyoïde. Le premier de ces faisceaux (**) prend naissance sur toute la partie occipitale du crâne. On pourrait y distinguer à la rigueur trois - parties s’aitachant , l’une à la fosse occipitale , l’autre à la fosse pariétale , et la troi- sième à la face postérieure des occipitaux latéraux et externes ; mais ces divisions ne sont pas assez marquées pour qu’on puisse les envisager comme des faisceaux distincts ; il n’y a que les fibres tendineuses qui s’attachent aux crêtes saillantes de l’occiput , qui pourraient justifier une pareille distinction. Le second faisceau, séparé du premier par la fente latérale, est beaucoup plus faible; il s'attache à la face latérale de l'occiput et semble quelquefois se diviser en deux por- tions , dont la supérieure prend naissance dans la dépression de loccipital latéral et de la grande aile, tandis que l’inférieure , s'attache plus spécialement à la face externe du sphénoïde principal , en bas (***). Le troisième faisceau (****) s'attache à la face interne de la clavicule (n° 48), immé- (©) Tab. J, fig. 1 et 2. (*) Tab. H, fig. 1, N°1, a. (888) Tab. H, fig. 4, N°1, 6. (8598) Tab. H, fig. 4, N°1, c. ÉD. = diatement au-dessus du grand muscle attracteur de la pectorale (n° 14) ; tandis que le quatrième faisceau, s’enfonçant derrière la charpente de la nageoire pectorale, s'attache en bas à la face interne de l’humérus (n° 51). C’est entre ces deux faisceaux que la nageoire pectorale se fait jour au dehors. Le dernier de ces faisceaux enfin (*), s'étend fort en avant, recouvrant extérieu- rement toute la partie de la gorge comprise entre les rayons branchiostègues et se fixant sur les deux faces de la carène linguale. Vers la partie postérieure du corps , les feuillets tendineux du grand muscle latéral diminuent dans la même proportion qu’à la tête. L’extrémité de la colonne vertébrale étant occupée par les muscles profonds de la caudale , les feuillets ne peuvent s’atta- cher qu'aux extrémités des apophyses , et à la fin chaque muscle latéral se transforme en deux languettes tendineuses et plates, séparées par une profonde échancrure , et s’attachant aux faux rayons de la caudale. Chacune de ces languettes est ordinairement subdivisée en deux portions par une fente longitudinale (**). L’action du grand muscle latéral résulte très-clairement de sa disposition anato- mique. Chacun des bandeaux musculaires s'étendant sur une articulation interverté- brale , doit tendre à rapprocher les vertèbres de son côté , et de la contraction simul- tanée de tous ces bandeaux , résultent ces fortes inflexions de la colonne vertébrale . desquelles dépend surtout la locomotion du poisson. Les régions voisines de la ligne latérale sont garnies de fibres musculaires d’un aspect tout particulier, que nous n’hésitons pas à envisager comme un premier vestige du muscle cutané, qui est si largement développé dans quelques mammifères. Ces muscles (n° 45)se voient beaucoup mieux sur des coupes transversales (***) que sur des poissons préparés à la manière ordinaire : ce sont deux bandes minces , longitudinales, qui se logent dans la face latérale du grand muscle latéral, et qui sont surtout bien visibles dans la partie médiane du tronc, tandis qu’elles disparaissent insensiblement en avant et en arrière. Sur les truites bouillies, elles se reconnaissent facilement à la couleur plus foncée de leurs fibres, qui sont en même temps beaucoup plus grossières que celles du grand muscle latéral. On peut également s'assurer de l'existence de ce sys- tème de fibres cutanées sur presque tous nos poissons d’eau douce. Les fibres adhè- rent quelquefois assez fortement à la peau, et restent attachées à cette dernière, sur des poissons cuits ou desséchés. () Tab H, fig. 2, N°J,eet 4, N°1,e. (*) Tab. H, fig. 1. (CH) Tab EP DIE — 61 — On observe tout le long de la ligne médiane du dos et du ventre un système de muscles grèles et allongés, qui s’étend depuis la tête jusque vers la queue, et qui est séparé en plusieurs portions distinctes par les nageoires. Les muscles grèles supérieurs de la Truite (n° 7) (*) sont séparés au milieu par l'interposition de la nageoire dor- sale. La partie antérieure (n° 7 a) est une bande plate qui s’attache à la face postérieure des os sur-scapulaires (n° 46), et qui s'étend, en se rétrécissant, jusque vers la na- geoire dorsale, où elle se fixe au premier rayon. La partie postérieure du même muscle (n°7) s'attache d’un côté au dernier osselet interapophysaire de la dorsale, de l’autre au premier faux rayon de la caudale. La nageoire adipeuse ne cause aucune interruption dans le cours de-ce muscle ; les deux moitiés latérales ne font que s’écar- ter un peu pour donner passage à la masse graisseuse dont cette nageoire est remplie. Les muscles grèles inférieurs forment un système analogue au précédent, sur la ligne médiane inférieure du tronc, avec cette différence qu'ici les muscles sont séparés en trois parties distinctes (n° 5, 6 et 8) par l’interposition des nageoires ventrales et de la- nus avec la nageoire anale (**). La partie antérieure de ces muscles (n°5) se détache insensiblement du grand muscle latéral, sous forme de deux cylindres minces, qui vont se fixer à la face extérieure des os du bassin. La partie moyenne (n° 6) prend nais- sance sur l’apophyse postérieure des os du bassin, et en s’écartant pour donner une issue à l’ouverture de l’anus, les deux moitiés se fixent à la tête articulaire du pre- mier osselet interapophysaire de la nageoire anale. La troisième partie enfin (n° 8) s’é- tend depuis le dernier osselet interapophysaire de l’anale, jusqu’au premier rayon de la caudale. Tous ces muscles grèles du tronc ne peuvent guère avoir d’autre action que celle de fixer convenablement les différentes nageoires qui se trouvent placées sur la ligne médiane. La partie moyenne du muscle grèle inférieur (n° 6) sert en. outre à resserrer l'ouverture anale. La nageoire caudale qui est le principal instrument de la natation , possède en outre des muscles propres, destinés à éloigner les rayons les uns des autres, afin d’augmen- ter ainsi la surface de la nageoire. Il y a de chaque côté cinq muscles différens, dont les plus profonds s’attachent aux fourchettes par lesquelles les rayons s'insèrent sur la plaque terminale de la queue , tandis que les superficiels s’attachent aux rayons eux- mêmes. Ces derniers , les muscles caudaux superficiels (n° 14) (**), se trouvent sur la (®) Tab. H, fig. 1 et 3. — Tab. J, fig. 2. (89) Tab. H, fig. 2. — Tab. J, fig. 2. (89) Tab, H, fig. 1. RAA UE ligne médiane , immédiatement sous la peau , attachés à l’aponévrose superdicielle par laquelle se termine le grand muscle latéral. Leurs fibres musculaires rayonnent obli- quement en haut et en bas vers tous les rayons articulés de la nageoire , formant ainsi deux petits muscles triangulaires qui ont leurs sommets dans la ligne médiane. En se contractant, ces muscles attirent les rayons vers la ligne médiane , et rapprochant ainsi les rayons les uns des autres , ils diminuent la surface de la nageoire caudale. Il existe en outre deux muscles antagonistes en haut et en bas de la colonne ver- tébrale (n° 9 et 10), qui sont presque entièrement couverts par l'extrémité du grand muscle latéral et qui s’attachent des deux côtés à la base des fourchettes des rayons ar- ticulés. Le supérieur, le caudal profond supérieur (n° 9) (*), s'attache à tous les rayons articulés supérieurs, à dater du troisième, tandis que l'inférieur, le caudal profond in- férieur (n° 10) (**), fournit à chacun des rayons articulés inférieurs un faisceau à part. Le rôle essentiel de ces muscles, est de fléchir la nageoiïre caudale à droite et à gauche , et ce mouvement s’observe d’une manière très-distinete chez les Truites lors- qu'elles nagent. Mais comme le point d’attache des faisceaux musculaires de la caudale se trouve sur la ligne médiane de la colonne vertébrale , et que par conséquent leurs fibres se dirigent obliquement en arrière, pour se porter vers la base des rayons, ils doivent aussi pouvoir attirer les apophyses en fourchettes vers la ligne médiane et écarter ainsi les rayons les uns des autres. Un muscle à part, le caudal profond moyen (n° 13) (***), est encore consacré à cet usage. Ce muscle prend naissance entre les deux muscles précédens , au-dessous de la ligne médiane de la colonne vertébrale, et se dirigeant obliquement en haut et en ar- rière , il s'attache par des faisceaux séparés aux fourchettes des rayons articulés supé- rieurs, depuis le quatrième jusqu’au neuvième. Il doit fortement attirer l’extrémité des fourchettes vers la ligne médiane , et en faisant tourner les rayons autour du point de réunion des branches de la fourchette, éloigner les rayons les uns des autres. Cuvier, en décrivant ce muscle dans la Perche, s’est probablement trompé sur le point d’in- sertion de ses faisceaux , puisqu'il affirme qu'il doit contribuer à rétrécir la nageoire. Mais comme chaque rayon de la nageoire caudale forme un levier à bras extrêmement inégaux, et que le point autour duquel ce levier se meut est justement le point de sou- dure des deux apophyses latérales de la fourchette, dont les extrémités embrassent la plaque terminale de la queue, ce muscle peut être envisagé comme ayant une action tout-à-fait opposée , suivant que son point d'appui se trouve en dedans ou en dehors du point autour duquel le rayon se meut. (©) Tab. J, fig. 12. (5) Tab. J, fig. 12. CRAN TEE 12 EUR Les petits muscles qui vont d’un rayon à l’autre dans la Perche , et que M. Cuvier a désignés dans ses figures par le chiffre 12 , manquent complètement chez la Truite. Les autres nageoires verticales du tronc , la dorsale et l’anale, sont pourvues de muscles construits sur le même plan , dans les deux nageoires. Chaque rayon a trois paires de muscles différens, dont les uns, les muscles superficiels, le tirent à droite ou à gauche , tandis que les muscles profonds écartent ou rapprochent les rayons les uns des autres. Les muscles superficiels des rayons (n° 2) (‘) prennent naissance à l'aponé- vrose générale du grand muscle latéral , et s’attachent à la face latérale de la tête glé- noïdale du rayon. Les muscles interépineux antérieurs (n° 4) (*) naissent sur la face antérieure de l’arète latérale des osselets interapophysaires , et s’attachent à la face an- térieure de la tête glénoïdale du rayon ; les muscles interépineux postérieurs (n° 3) (°), au contraire , naissent sur la face postérieure de cette arèête , et s’attachent à la partie postérieure de la tête glénoïdale. Les muscles de la nageoire pectorale sont au nombre de trois pour chaque nageoire ; ils se divisent en deux couches ; une superficielle, et une profonde. Le grand muscle superficiel ou externe (n° 14) (*) prend naissance sur toute la face extérieure des os du bras et du carpe, dans la fosse triangulaire qui se trouve entre ces derniers et la branche horizontale de la clavicule. La base de chaque rayon reçoit un faisceau à part qui s’attache à l'extrémité de la fourchette. L’antagoniste de ce muscle , le muscle pec- toral interne (n° 16) (*), est une masse musculaire tout aussi puissante, qui prend naissance sur la face interne des mêmes os , et qui s’attache de la même manière à la base des rayons. Une portion de ce muscle (n° 16 «) vient de la face interne de l'os cubital (n° 52), mais conflue bientôt avec les autres fibres. Un troisième muscle , le muscle du pouce (n° 45) (°), est particulièrement destiné au premier rayon. Partant de la face interne de la clavicule , et se portant vers la face antérieure de la base du premier rayon , il doit attirer puissamment le premier rayon vers la clavicule et par conséquent écarter la nageoïire. tandis que les deux autres muscles , tout en tirant chacun la nageoire de leur côté, la rétrécissent, en rapprochant les rayons les uns des autres. Deux couches de muscles sont destinées à mouvoir les rayons de la nageoire ven- trale. Ils couvrent les deux faces de la planche triangulaire qui est formée par la réu- (!) Tab. H, fig. 1, 2 et 3, et Tab. J, fig. 5. @) Tab. J, fig. 5. C) Tab. J, fig. 5. ) Tab. 3, fig. 6. — Tab. H, fig. 1 et 2. (5) Tab. J, fig. 7. (5) Tab. J, fig. 6. ec, | Pi nion des deux os du bassin (*). La couche externe est divisée en deux muscles, les abaisseurs externes (n° 17), qui se portent obliquement de dedans en dehors, vers la base des rayons qu’ils servent à dilater; et les abaisseurs internes (n° 18), qui font un trajet plus direct, et servent uniquement à éloigner les rayons du ventre. Les releveurs de la nagecire (n° 19) (**) ne forment qu’une seule masse, séparée en autant de languettes qu’il y a de rayons. Outre leurs muscles propres, les nageoires ventrales ont encore une languette tendi- neuse (***), qui partant de la face interne du grand muscle latéral s’attache à la carène interne des os du bassin et sert à les soutenir. Il arrive quelquefois que des fibres char- nues se développent dans cette languette, qui prend alors l'apparence d’un muscle à part , propre à tirer le bassin en arrière. MUSCLES DE LA TÊTE. Tout l’espace compris entre l’œil en avant, le préopercule en arrière et la mà- choire inférieure, est rempli par un puissant muscle de forme triangulaire, que nous appellerons masseter (n° 20) (****), tout en prévenant d’avance que nous sommes loin de l’envisager comme l’analogue du seul masseter des animaux supérieurs. Ce muscle prend naissance, au moyen de puissantes fibres charnues, sur toute la face ex- terne de l’arcade temporale et notammment sur le mastoïdien (n° 25), la caisse (n° 27) et le bord antérieur du préopercule (n° 30). Ces différens points d’attache dé- terminent dans le muscle plusieurs faisceaux plus ou moins séparés. On distingue souvent un faisceau venant du bord supérieur de la caisse et d’une aponévrose qui s’étend entre le masseter et le releveur de l’arcade temporale (n° 24), un second fais- ceau venant du bord du préopercule et un troisième faisceau arrivant du fond du creux situé au point de jonction du mastoïdien et de la caisse. Quelquefois même , et c’est le cas que nous avons dessiné dans la fig. 4 de Tab. H, on observe un faisceau de fibres réuni au masseter par une petite aponévrose et s’attachant en haut à la crête temporale elle-même, entre le releveur de l’arcade temporale (n° 24) et le releveur de Popercule (n° 25). Tous ces différens faisceaux se réunissent dans l’angle postérieur de la mâchoire in- férieure , pour former un centre tendineux très-vigoureux, auquel viennent s’ajouter encore deux autres faisceaux charnus, qui sont logés dans la cavité interne de la ©) Tab. H, fig. 2. (*) Tab. J, fig. 8. (°*) Tab. J, fig. 8. (8%) Tab, H, fig. 1, et Tab. J, fig. 10 et11. —' 6 — mâchoire inférieure elle-même, et séparés par le cylindre cartilagineux qui existe dans cette cavité. L'un de ces faisceaux, le supérieur, prend son attache tout le long du bord antérieur du dentaire ; l’inférieur est fixé au bord inférieur du même os et sur le cy- lindre cartilagineux lui-même. Nous voyons par là que le muscle destiné à rapprocher la mâchoire inférieure du crâne, constitue une seule masse ; et ce qui rend son action encore plus énergique, c’est que les fibres charnues s’insèrent jusque près de l’extré- mité antérieure de la mâchoire inférieure. Le centre tendineux, dont nous avons parlé plus haut, est attaché par une forte aponévrose au bord postérieur de los arti- culaire (n° 35); de cette manière, toute la force qui est développée par la contraction de ces fibres est employée à relever la mâchoire, et l'œil n’éprouve aucune compres- sion , ce qui serait inévitable si le muscle était libre. Un autre muscle, qui, quoique beaucoup moins puissant, est pourtant lun des plus considérables de la tête, c’est le releveur de l’arcade temporale (n° 24) (*). Il est court, de forme cubique, et prend naissance à la face externe du frontal posté- rieur et de la partie antérieure de la crète temporale. Ses fibres sont dirigées vertica- lement en bas, où elles se fixent à la face interne du bord supérieur de la caisse. Le bord antérieur de ce muscle forme en haut la limite de l’orbite, de la même manière que le masseter la limite en bas. D'après cela, ce muscle doit attirer puissamment l’arcade temporale vers le crâne et en même temps écarter les arcades. Nous appelons, avec Cuvier, abaisseur de l’arcade temporale (n° 22) (*), un autre muscle, qui sans doute est l’antagoniste de celui que nous venons de décrire. Il se rend de la face latérale du sphénoïde principal (n° 6) et de la grande aîle au bord in- terne du ptérygoïdien (n° 25) et de la caisse (n° 27), et sert ainsi à compléter la partie postérieure de la voûte du palais. 1l doit rapprocher puissamment les arcades temporales et resserrer ainsi la cavité buccale. Il y a en outre, sur les faces latérales du crâne, plusieurs autres mucles exclusive- ment destinés aux mouvemens de l’opercule (**). Le releveur de l'opercule (n° 25) s’atlache à la face externe de l’opercule, sur le point saillant qui se trouve près de son articulation avec le mastoïdien (n° 23). Il prend naissance à la face externe de la crête temporale, immédiatement derrière le releveur de l’arcade temporale, et ses fibres passent par dessus l’angle postérieur du mastoïdien (n° 23), pour se fixer à leur point d'insertion. (*) Tab. H, fig. 1 et 4, et Tab. J, fig. 9 et 11. (*) Tab. H, fig. 4, et Tab. J, fig. 11. (**) Tab. H, fig. 1, 3 et 4, et Tab. J, fig. 9. Tome II. 9 CARE “E L'abaisseur de l'opercule (n° 26) (*), dont l’action est diamétralement opposée à celle du précédent, naît à côté de lui, sur la partie postérieure de la crète temporale, et surtout de l’épine par laquelle cette crête se prolonge en arrière. Il se fixe à la face interne de l’opercule, près de son articulation avec le mastoidien. Un troisième muscle (n° 42) (*) qui est entièrement séparé du précédent, dans la Truite, se voit au bord antérieur de l’abaisseur de l’opercule. Il est fixé comme celui- ci à la face interne du crâne, mais plus en avant. Nous l’appellerons lattracteur de l'opercule. Plusieurs muscles très-considérables sont disposés sur la partie inférieure des arcs mandibulaires et hyoïdaux. Ces muscles servent surtout à ouvrir la bouche et à rappro- cher ou à éloigner les différentes pièces osseuses qui se trouvent dans la région de la gorge. Le premier de ces muscles est le triangulaire du menton (n° 21) (***). Quoique fort petit, il remplit la pointe antérieure de l’espace triangulaire compris entre les deux branches de la mâchoire inférieure, en réunissant ces deux branches par ses fibres transverses. Un autre muscle très-puissant, que Cuvier a appelé à juste titre géniohyoïdien , (n° 27) (**#*), remplit tout l’espace compris entre les branches de la mâchoire infé- rieure et les rayons branchiostègues. Ses fibres, qui viennent des deux côtés de la mâchoire inférieure et en partie de la ligne médiane, se portent vers la face externe de la branche de l’hyoïde et s’attachent en partie à cet os et, par plusieurs faisceaux sé- parés, à la base des rayons branchiostègues. Ce muscle rapproche naturellement les rayons branchiostègues de la symphyse du menton; ou bien, si les rayons branchios- tègues sont fixés par les muscles suivans, il doit tirer la mâchoire inférieure en bas et contribuer ainsi à ouvrir la bouche. Le muscle croisé des rayons branchiostèques (n° 29) (**#) s’attache à la face exté- rieure de ces rayons près de leur bord ; il porte l'extrémité antérieure de la branche hyoïde vers les rayons branchiostègues antérieurs du côté opposé. Les deux muscles opposés se croisent par conséquent complètement ; celui qui va de la branche hyoïdale droite à la membrane branchiostègue gauche est le plus rapproché de la peau de la gorge. Ces muscles tirent puissamment les rayons branchiostègues en avant, et écar- tent ainsi toute la membrane. Chez la Truite, ils ne s’étendent pas même jusque () Tab. H, fig. 1, et Tab. J, fig. 9. €) Tab. J, fig. 9. çt**) Tab. H, fs. 2. (*#*#) Tab. H, fig. 2 et 5, et Tab. J, fig. 10 et 11. (####) Tab. H, fig. 2'et 5, et Tab. J,, fig: 10.et 11. D = vers le sous-opercule; ou du moins les fibres deviennent si rares en haut, qu'on ne peut plus les distinguer comme un muscle à part. Les antagonistes des précédens sont des fibres isolées qui forment une bande tout le long de la base des rayons branchiostègues (n° 28) (*) à leur face interne , et qui allant d’un rayon à l’autre, doivent naturellement rapprocher les rayons de la mem- brane. Ce sont les muscles branchiostèques. Tous ces différens muscles sont fort peu développés dans la Truite; mais chez d’autres poissons , ils prennent souvent un développement tel, qu’ils entourent toute l'ouverture branchiale , passant par dessus les pièces operculaires et se réunissant en haut aux abaisseurs de l’opercule. Cuvier a fort bien fait connaitre cette disposition dans son anatomie de la Perche, et les observations récentes de M. Remak sur ce sujet (**) ne contiennent rien de nouveau. Les branches hyoïdales sont rapprochées du corps de los hyoïde par un petit muscle, le muscle hyoidien (n° 44) (*), qui part de l'extrémité antérieure du corps de l'os hyoïde et s’attache au bord interne de la branche du même os. Les muscles qui président aux divers mouvemens de lappareil branchial , peuvent se diviser en deux catégories. Les uns fixés dans le bas, ont pour but d’abaisser soit l'appareil entier, soit des arceaux isolés, tandis que les autres, situés au haut, tendent à relever les arceaux et à les attirer vers le crâne. Les deux espèces de muscles agis- sant ensemble ouvrent aussi largement que possible l’entonnoir formé par les ares branchiaux. Entre les abaisseurs, nous remarquons d’abord deux muscles plats, qui tous les deux viennent de la branche horizontale de la clavicule et se portent obliquement en haut vers le corps de l’os hyoïde ; ce sont les abaisseurs croisés (***). Le plus superficiel de ces muscles, l’abaisseur superficiel (n° 36) vient de la partie antérieure de la clavi- cule ; se dirigeant obliquement en arrière , il va s’attacher à l’extrémité postérieure du corps de l’hyoïde, sur la base de l'os pharyngien inférieur. L'autre muscle , l’abais- seur profond (n° 37), vient de l'angle supérieur de la clavicule et va s’insérer au corps de l’hyoïde même, en se croisant avec le précédent. C’est entre ces muscles que se trouve la cavité dans laquelle est logée le cœur ; leur face interne est immédiatement tapissée par le péricarde , au travers duquel on les aperçoit facilement. Les arcs branchiaux et l'arc pharyngien (qui se comporte en tout comme un véri- () Tab. H, fig. 5. (*) Muller Archiv, 1843, page 190. (#*) Tab. J, fig. 10. CPL ab RÉ e"t5. EE table arc branchial), sont fixés au corps de l’os hyoïde par deux muscles, qui, tout en tirant ces arcs en bas, les écartent les uns des autres et les éloignent en même temps de la ligne médiane. L’abaisseur commun (n° 35) (*) nait de la face inférieure du corps de l'os hyoïde , près de son extrémité postérieure ; il se divise en trois faisceaux dis- tincts , qui se rendent vers la base des deux derniers arcs branchiaux et de l’arc pha- ryngien. Quatre petits muscles isolés, les abaisseurs antérieurs (n° 34) (**), naissent en outre vis-à-vis de l'articulation de chaque arc branchial , et, passant par dessus ces articula- tions, viennent se fixer sur la face externe des ares. Ces muscles isolés, dont le trajet est tout-à-fait vertical, ne peuvent guère servir qu’à maintenir les arcs branchiaux en bas et en dehors, tandis que l’abaisseur commun , en se rendant obliquement vers son point d'insertion supérieur, tire les arcs postérieurs en avant, en même temps qu'il les écarte les uns des autres. Les muscles qui s’insèrent à la moitié supérieure des arcs branchiaux peuvent être divisés en trois couches plus ou moins superficielles. Tous ces muscles sont de petits faisceaux fort minces attachés à la face inférieure du crâne , au sphénoïde principal et aux parties inférieures de l’occipital latéral et de la grande aîle. Les releveurs superfi- ciels (n° 50) (***) sont au nombre de quatre, un faisceau pour chaque arc ; ils viennent se fixer sur les petites apophyses supérieures qui se trouvent à l’extrémité antérieure des arcs branchiaux. Le quatrième s’attache à la lame verticale du pharyngien su- périeur. Les releeurs profonds (n° 51) (***) sont au nombre de trois; ils s’attachent aux trois pharyngiens supérieurs (n° 62), et du reste, ne se distinguent des précédens , que par leur plus grande force ; leur action est la même ; elle consiste à rapprocher les ares branchiaux du crâne. En préparant attentivement les couches musculaires qui forment la partie supérieure du pharynx , on découvre encore de chaque côté deux petits faisceaux musculaires , les attracteurs (n° 52) (***#*), qui, prenant naissance assez en avant sur la ligne mé- diane , se portent obliquement en arrière vers les. apophyses des troisième et quatrième -arcs branchiaux , où ils se fixent par de petits tendons. Comme ces muscles ne s’atta- chent point au crâne, ils ne peuvent point soulever les ares, mais bien les tirer en avant et écarter ainsi les intervalles des branchies. *) Tab. H, fig. 5. (*) Tab. H, fig. 5 ( (888) Tab. H, . se et Tab, J, fig. 4 et 10. #5) Tab. H, fig. 5, et Tab. J, fig. 4 et 10. (ERSES) Tab. He fig. AO — Enfin , il nous reste à mentionner au nombre des muscles volontaires de la Truite, les muscles constricteurs du pharynx (*). Ces muscles forment une couche épaisse de chair, tendue entre les pharyngiens supérieurs et l'extrémité postérieure des pha- ryngiens inférieurs. Ce n’est pour ainsi dire qu’artificiellement que l’on peut, chez la Truite, les séparer en deux muscles distincts, dont Fun, le constricteur antérieur du pharynx (n° 58) est étendu entre les pharyngiens supérieurs , tandis que l’autre, le constricteur postérieur (n° 59), est surtout attaché aux extrémités postérieures des pharyngiens inférieurs et conflue, en arrière, avec les fibres involontaires et circulaires de l’ésophage. DU TISSU MUSCULAIRE. Tab. J, fig. 13-15. On peut diviser, tant sous le rapport physiologique que sous le rapport anatomique, le tissu musculaire en deux catégories, l’une comprenant les muscles volontaires, ou à raies transversales, et l’autre les muscles involontaires, ou muscles simples. Examinons d’abord les premiers. Nous comprenons parmi les muscles volontaires tous ceux qui tiennent d’une manière quelconque au squelette, et sont soumis à la volonté. Le cœur ne saurait être rangé dans cette catégorie, quoiqu'il contienne un mélange de fibres musculaires des deux espèces; aussi n’en parlerons nous pas ici. Il y a également à l’origine de l’ésophage, vers l'extrémité du cône du pharynx, et à l'anus, des transitions insensibles entre les deux sortes de fibres; preuve évidente que ces fibres, quoique assez différentes par leur aspect, chez le poisson adulte, ne le sont pourtant pas autant par leur nature intime et par leur dévelop- pement. Examinés à l'œil nu, les muscles du poisson sont presque transparens, bleuâtres, tirant quelquefois au jaune, chez la Truite. Jamais ils n’ont cette couleur d’un rouge vif, qui les distingue dans les animaux à sang chaud. Leur cohérence est peu con- sidérable , et les fibres dont ils sont composés, sont assez molles et même gélatineuses. Les muscles des mâchoires, des nageoires et le muscle peaucier, sont plus fermes, et assez semblables aux muscles entremélés de fibres tendineuses chez les animaux supérieurs. On peut aussi reconnaitre à l’œil nu la division des muscles en fibres et faisceaux assez minces; les faisceaux les plus fins, que l’on parvient à séparer sous (*) Tab. J, fig. 4. DRE le microscope, sont encore des agglomérations de faisceaux plus minces que nous appellerons faisceaux primitifs (*). Ces faisceaux primitifs sont composés de fibres assez nombreuses, mais d’une épais- seur très-variable. Quelquefois ils semblent ronds, mais le plus souvent il est facile de s’apercevoir qu'ils sont plutôt aplatis. Ils sont en général roides et droits ; mais ils pré- sentent aussi quelquefois de légères ondulations; il est plus rare de les trouver coudés ou infléchis en zigzag. Dans ce dernier cas, les angles des zigzags sont assez régu- liers et en rapport avec la largeur des faisceaux. Une première particularité qui frappe, c’est que ces faisceaux ne sont pas simples, mais évidemment composés de parties élémentaires encore plus fines. On découvre partout des stries régulières longitudinales, parfaitement parallèles entre elles ; et si l’on rencontre des faisceaux déchirés, il est facile de s’assurer que ces stries longitudinales ne sont que les limites des fibrilles réunies dans le faisceau , et que nous nommerons pour celte raison fibrilles primitives. Il arrive très-souvent que ces fibrilles sortent par les deux bouts des faisceaux , et on peut alors examiner à son aise leur structure intime. Elles ont à-peu-près le diamètre d’un globule sanguin de Truite, sont très-transparentes, et, à ce qu’il semble, aplaties comme les faisceaux eux-mêmes. Elles sont en outre rigides , et se cassent facilement, surtout si l’animal a été conservé dans l’esprit de vin. Malgré leur petitesse, il est vraisemblable que ces fibrilles ne sont pas encore les derniers élémens des muscles, mais qu’elles sont composées elles-même de fibres encore plus fines; du moins avons- nous aperçu très-souvent sur les bords et à l’extrémité de faisceaux déchirés, des fibrilles extrêmement minces, beaucoup plus fines que celles du tissu celluleux , mais rigides, qui pourraient bien être les derniers élémens des fibrilles primitives. Quoiqu'il en soit, les fibrilles primitives des muscles se distinguent de tous les élé- mens fibreux du corps par une propriété remarquable, qu’on est loin d’avoir expliqué ; nous voulons parler de ces stries transversales qu’on observe sur toute l’étendue des fibres, ainsi que des faisceaux. La finesse de ces stries est telle, qu’elles touchent aux dernières limites du pouvoir de nos microscopes, et c’est pourquoi il est difficile de se prononcer sur les différentes explications que l’on a proposées; plusieurs physiolo- gistes prétendent que ce sont des étranglemens qui divisent la fibre en autant de glo- bules soudées les unes aux autres ; d’autres affirment, au contraire , que ce sont des lignes ombrées , causées par la contraction des fibres. Le fait est que ces stries exis- (*) Tab. J, fig. 13, 6. LL sep — 1 — tent, qu'elles sont plus marquées sur les muscles conservés à l'esprit de vin, ou . bouillis, que sur les muscles frais ; qu’elles sont plus visibles sur une partie du même faisceau que sur l’autre ; qu’elles disparaissent par une forte pression, mais qu'on les retrouve partout, lorsqu'il n’y à pas eu altération. En examinant des faisceaux musculaires sous un jour favorable, on voit ces stries transversales se continuer sur toute la longueur du faiseau à des distances très-régu- lières. Elles ne sont pas en lignes droites, mais légèrement ondulées ; et il arrive sou- vent que sur une même section transversale les stries sont plus marquées, et que les bandes longitudinales des stries correspondent exactement à la position d’une ou de deux fibrilles primitives. De ce fait, mais surtout de l'examen direct de fibrilles pri- mitives séparées , et de la manière dont ces faisceaux sont attaqués par l'acide acétique, il résulte, à nos yeux, que ces stries sont occasionnées par une formation particulière, non pas des faisceaux ni de leur gaine, dont nous parlerons tout à l'heure, mais bien des fibrilles primitives elles-mêmes. En effet, nous avons vu de la manière la plus distincte les stries sur des fibrilles séparées; et nous avons cru remarquer également sur les fibres constituantes encore plus fines, qui sont représentées Tab. J, fig. 13, a. des alternances d’ombre et de lumière, qui indiquent un arrangement semblable. Quand on soumet la fibre musculaire à l’action de l'acide acétique, on y découvre _encore d’autres détails. Les fibrilles primitives des faisceaux sont attaquées; elles se gonflent et deviennent une gélatine informe, les stries transversales disparaissent à mesure que ces changemens s’opèrent, et il ne reste que les gaines des faisceaux (*). Ces gaines sont parfaitement transparentes, homogènes et sans aucune trace de structure. , Elles semblent formées de membranes simples , comme les parois des cel- lules. Très-souvent on remarque des stries longitudinales extrémement fines et lé- gères, qui peut-être sont les marques des plis causés par les fibres contenues dans l'intérieur des gaines. Nous n’avons jamais rencontré de faisceaux dépourvus de ces gaines, et très-souvent leur présence se trahit sur des faisceaux frais, qui n’ont pas subi l’action de l'acide acétique , en formant des saillies aux bords du faisceau , lorsque les fibres ne remplissent pas tout-à-fait leur tuyau. L'action de l’acide acétique a en outre pour résultat de mettre en évidence, à la sur- face des gaines transparentes, de petits amas granulés, espacés régulièrement, et pré- sentant des contours fusiformes. Ces granulations sont presque toujours parallèles à l’axe du faisceau, et il n’y en a qu’une seule rangée longitudinale sur chaque fibre. €) Tab. J, fig. 13, ce. SNS Ve Le plus souvent elles sont parfaitement séparées les unes des autres ; mais quelquefois aussi elles sont réunies, au moyen d’une rangée de molécules , en une seule ligne continue, qui présente de petits gonflemens à des distances régulières. Plusieurs observateurs prétendent avoir trouvé un canal médian rempli d’une ma- tière gélatineuse dans chaque faisceau, tandis que les fibrilles seraient placées à la face interne de la gaine. Quoique nous n’ayons jamais aperçu un pareil canal chez la Truite, nos observations sur l’embryon semblent pourtant militer en faveur de son existence, du moins chez les muscles qui ne sont pas encore arrivés à leur entier dé- veloppement. Les granulations dont nous venons de parler ont été envisagées par M. Henle (*), comme une preuve de l’existence d’un cylindre gélatineux médian des _ faisceaux ; et, en effet, leur position centrale dans l’axe du faisceau semble de nature à justifier cette opinion. Le développement des fibres musculaires a été principalement étudié chez les em- bryons de mammifères par M. Valentin (**), et c’est dans l’ouvrage de ce savant et consciencieux anatomiste que nous irons puiser toutes les fois qu'il s’agira de déter- miner le rapport des divers élémens de la fibre musculaire avec les cellules primitives qui leur donnent naissance. Il résulte des observations de M. Valentin, qu’au lieu de muscles, il y a d’abord des cellules transparentes à noyaux très-marqués, qui se rangent en lignes longitudinales, se soudent ensemble comme des fils de conferves, perdent ensuite leur cloison transversale par résorption, et finissent enfin par former de longs tuyaux non cloisonnés, absolument semblables aux gaines qu’on rend trans- parentes au moyen de l'acide acétique. C’est vraisemblablement à la face interne de ces cellules ainsi soudées qu’aparaissent les fibrilles primitives , comme autant de fils transparens qui sont d’abord dépourvus de stries transversales. Ces fils adhèrent à la surface interne de la paroi cellulaire, et il reste dans l’axe de chaque faisceau un canal cylindrique rempli d’une gélatine, qui probablement se transforme plus tard en fibrilles primitives; du moins n’y a-t-il plus de canal médian dans les faisceaux entiè- rement formés ; il ne reste de cette première formation que les granules décrits ci- dessus, dont les gonflemens indiquent peut-être le milieu de chaque cellule primi- tive. Quant aux noyaux, ils disparaissent, d’après M. Valentin, tout-à-fait avec le dé- veloppement des fibrilles primitives. M. Henle les a souvent vus et figurés chez des mammifères adultes. Nous avouons que nous n’avons jamais pu constater leur pré- (*) Sémmering, Vom Baue des menschlichen Kürpers, Tom. VI. Allgemeine Anatomie, von Henle, p. 586. (*) Zur Entwiklung der Gewebe des Muskel, Blutgefäss und Nervensystems. Mullers Archiv. 1840, pag. 194. a — sence dans les muscles de la Truite adulte. Les stries transversales apparaissent pres- que subitement ; on n’a du moins pas encore réussi à observer leur développement suc- cessif, ni leur origine. Les fibres des muscles volontaires des poissons adultes seraient ainsi composées : 1° d’une gaine homogène, résultant de la soudure des membranés des cellules primi- tives, 2° de fibrilles primitives enfermées dans cette gaine, attachées à sa paroi interne, et correspondant aux fibres du liber et du ligneux des plantes, avec cette différence que ces dernières sont toujours disposées en spirale, tandis que les fibrilles muscu- laires sont parallèles à l’axe longitudinal des cellules, 3° de molécules à l'intérieur , faible reste d’un cylindre gélatineux primitif. Les fibres involontaires qui s’observent, comme couche distincte, dans toute la longueur de l'intestin, et qui prennent surtout un grand développement dans les parois de lestomac, n’ont pas de gaine propre; elles ne sont pas réunies en faisceaux parallèles , mais ont un aspect granulé, tant soit peu roide. Traitées à l'acide acé- tique , elles montrent une grande quantité de corpuscules noirs diversement contour- nés, qui paraissent même quelquefois réunis en fibres plus ou moins allongées (*). Les fibres du cœur tiennent à-peu-près le milieu entre les fibres volontaires et les in- volontaires (**) ; d’un côté, il leur manque les gaines ; d’un autre côté, elles possèdent les rides transversales caractéristiques des muscles volontaires. (*) Tab. J, fig. 14, 4. (*) Tab. J, fig. 15, a eté Toux HI. 10 a De SPLANCHNOLOGIE. DISPOSITION GÉNÉRALE DES INTESTINS. Tab. A, fig. 2 et 3. Tab. B, fig. 2 et 3. Tab. C, fig. 2 et 3. Tab. O, fig. 9. La cavité abdominale de la Truite représente un espace long et comprimé des deux côtés, qui s'étend depuis linsertion des nageoires pectorales jusque vers l'anus. Sa largeur est peu considérable; sa hauteur dépend du contour extérieur du poisson, étant limitée en haut par la colonne vertébrale, qui forme une ligne à-peu-près droite. Sa plus grande ampleur est en face des nageoires ventrales. Elle contient les organes suivans : le canal intestinal tout entier depuis l’ésophage jusqu’à l'anus; les deux glandes auxiliaires de l'intestin, le foie sur le côté gauche, et la rate sur la ligne médiane ; au-dessus de l'intestin, la vessie natatoire, flanquée des deux côtés par les organes de la génération, et, enfin tout en haut, appliqués immédiatement contre la colonne vertébrale, les reins avec la vessie urinaire. Le canal intestinal commence sous la forme d’un entonnoir assez large‘, faisant immédiatement suite à la cavité buccale, et qui aboutit à un estomac cylindrique, à parois musculaires très-fortes. Immédiatement appliqué contre la face inférieure de la vessie natatoire, l'estomac (f) se prolonge jusque près de la moitié de la longueur de la cavité abdominale, où il se recourbe en avant et en bas. Il représente ainsi une sorte de crochet ou d’hameçon, dont la branche recourbée (la partie pylorique) égale en longueur à-peu-près les deux cinquièmes de la branche supérieure (la branche cardiale). La largeur des deux branches est à-peu-près égale. La fin de l’estomac est indiquée par une démarcation facile à reconnaitre. L’intestin (i), qui fait suite à l'estomac, est un boyau à parois beaucoup plus minces, et, comme il conserve à-peu-près la même ampleur dans tout son trajet, il en résulte que sa capacité est beaucoup plus considérable. Il remonte en avant jusque vers le diaphragme, en passant insensiblement de la ligne médiane, ou même du côté gauche , dans lequel est situé le pylore, vers l’angle droit du diaphragme. Le côté gauche de la cavité abdominale est occupé, dans sa partie supérieure, par le foie. Immédiatement au-dessous de la nageoire pectorale droite, l’intestin se replie de nou- = veau en arrière; puis tout en suivant la face antérieure de la vessie natatoire, il se dirige en ligne droite vers l'anus, où il s’ouvre par un trou circulaire. La partie de l'intestin comprise entre le pylore et la dernière courbe , est hérissée de nombreux appendices pyloriques (e), formant des culs-de-sacs cylindriques, qui s'ouvrent sur deux rangs à la face supérieure de l'intestin. Le nombre de ces appendices peut varier dans la même espèce de Truite; sur dix exemplaires de la Truite commune, pris dans le même ruisseau , nous en avons compté deux fois 42, deux fois 48. quatre fois 49 et deux fois 51. D’après cela , le nombre de ces appendices, à moins d’être très-différent, ne saurait servir à la détermination des espèces. Les appendices sont plus longs dans le voisinage du pylore; ils s'étendent en diminuant de longueur jusqu’à la dernière anse de l'intestin. Le foie (ce) est situé tout entier dans le flanc gauche, entre l'estomac et la paroi ab- dominale ; sa forme est oblongue ; sa face extérieure est légèrement bombée ; sa face intérieure, qui est tournée vers l'estomac, est concave; un enfoncement, près du bord postérieur, reçoit la vessie biliaire. Les dimensions du foie varient beaucoup : quelquefois , il n’occupe que les deux tiers de la longueur de l'estomac ; dans d’autres cas, il s'étend jusque près de la nageoire ventrale. La vessie biliaire (e) a à-peu-près la forme d’une poire ; ses dimensions sont celles d’une petite noisette. Le conduit biliaire, qui n’est pas très-fin , suit le bord supérieur du foie, et s'ouvre immédiatement derrière la valvule pylorique, dans le commen- cement de l'intestin. Son point d'insertion est entouré d’une petite glande, qu'on a pris pour l’analogue du pancréas. La rate (g) est un corps plat, allongé, de forme très-irrégulière, situé immédia- tement derrière la courbure de l’estomac. Elle est petite en comparaison du foie, et d’un rouge très-foncé, tandis que le foie a une couleur brune, tirant sur le jaune ; sa face extérieure touche la paroi abdominale. Très-souvent la rate se trouve doublée: et cet état, qui n’est qu’une exception chez la Truite, est la règle chez la Palée ; nous n’avons jamais trouvé de Palée à rate simple. | La vessie natatoire (k) est très-grande ; elle occupe presque toute la longueur de là cavité abdominale. Elle commence par un petit tube ayant son ouverture dans l’éso- phage , à la face supérieure de ce dernier, immédiatement derrière les os pharyn- giens. Ce tube aboutit à une vessie cylindrique, à pointe obtuse en arrière, qui occupe lout l’espace entre l'intestin et les reins, et qui peut contenir une quantité con- sidérable d’air. La grosseur apparente de l'abdomen de la Truite dépend beaucoup de la quantité d'air accumulée dans cette vessie. EE Les organes de la génération (h) (*) consistent, dans la Truite femelle, en deux ovaires oblongs , situés à côté de l'estomac, à la face antérieure et sur les côtés de la vessie natatoire. Ils sont dépourvus d’oviductes ; pour s'échapper, les œufs murs font crever le tissu de l'ovaire et tombent dans la cavité abdominale, d’où ils sortent par un trou derrière l’anus. Les festicules occupent la mème place chez la Truite mäle; mais chaque testicule a de plus un canal qui conduit la laïtance le long de l'intestin, jusque vers l’anus, où les canaux des deux côtés aboutissent ensemble et conjointement avec le canal excréteur de la vessie urinaire, à une petite ouverture située dans une proéminence , derrière l’anus. Les reins (m) sont situés en dehors du péritoine , le long de la colonne vertébrale ; ils ne forment qu’une seule masse, qui commence par un élargissement au-dessous de la première vertèbre, et se continue en se rétrécissant jusqu’au dessus de l'anus, où ils se terminent en une pointe assez effilée. Ils remplissent tous les creux et toutes les fosses qui se trouveut à la face inférieure des corps de vertèbres. Aussi est-on obligé, toutes les fois qu’on veut extraire les reins, dans la partie postérieure de la cavité abdomninale , de briser les vertèbres, parce que les reins se continuent à travers les arches formées par les apophyses inférieures réunies en ogives. Il y a à la partie postérieure des reins, deux canaux urinaires qui se ‘réunissent en une vessie uri- naire (n) de forme oblongue et pointue, s’ouvrant par un petit canal derrière l’anus, . dans une papille à part, qui paraît à peine relevée. DU CANAL INTESTINAL. En examinant l'appareil branchial par devant, tel que nous l’avons représenté Tab. O, fig. 8, on voit que c’est un entonnoir dont l’ouverture est tournée en avant, tandis que son extrémité est formée par l’ésophage. Les quatre ares branchiaux se tou- chent; leurs branches inférieures sont arquées en arrière, leurs branches supérieures, en avant ; de telle sorte que leur angle de réunion est tourné en arrière. Les fentes branchiales sont tellement rétrécies par le rapprochement des arcs, que les ossicules du bord antérieur d’un arc peuvent s’appliquer sur le bord postérieur de l'arc précé- dent. Ces ossicules ont une structure toute particulière. Ils sont aplatis, allongés, ar- ticulés par des pièces cartilagineuses sur le bord des ares, et revêtus d’un prolonge- ment de la muqueuse de la bouche. Leur bord antérieur est garni de petites aspérités (*) C'est par erreur que sur la Tab. C, fig. 2, cet organe est désigné par un 6 au lieu d’un À. NN — en forme de scies, plutôt sensibles au toucher qu’à la vue. Examinés au microscope, ces ossicules se présentent comme autant de mâchoires parfaites (Tab. G, fig. 16 et17). Chaque ossicule a une rainure, un sillon profond, qui longe son bord antérieur, et qui est rempli par un tissu conjonctif assez lâche, dépendant de la muqueuse. Des vaisseaux sanguins se voient le long. du sillon, et ses bords relevés sont hérissés d’aspérités, c’est-à-dire de véritables petites dents coniques, implantées dans la mu- queuse, etayant une seule cavité médullaire, remplie d’un noyau vasculaire. A part leur petitesse extrême, ces denticules ne se distinguent en rien des dents qui garnissent les mâchoires ou les pharyngiens, et la structure des ossicules, avec leur sillon longi- tudinal et leurs deux bords relevés qui portent les dents, est la même que celle d’une mächoire ordinaire. Le nombre des ossicules varie ; on en compte généralemeut de quioze à vingt sur un arc, et une vingtaine de denticules sur chaque bord du sillon. Les pharyngiens supérieurs et inférieurs ressemblent à des coussinets latéraux, qui se correspondent parfaitement, et entre les rateliers desquels la proie doit passer pour entrer dans l’ésophage. Les pharyngiens supérieurs, séparés par une profonde entaille, forment des saillies notables vers la cavité buccale. L'ésophage qui fait suite à l’entonnoir buccal , a la même largeur que l'estomac, et sa muqueuse, non plus que sa membrane musculaire, ne se distinguent par aucun caractère propre , si ce n’est que la muqueuse de estomac est plissée longitudinale- ment, tandis que celle de l’ésophage est parfaitement lisse. La membrane musculaire de l’estomac est très-épaisse, et son épaisseur va en aug- mentant de haut en bas; en sorte que la branche recourbée de l’estomac, depuis sa flexion jusqu’au pylore, est plus charnue et en même temps beaucoup plus rigide ; les fibres musculaires y sont bien plus serrées que dans la branche supérieure, qui est susceptible d’une grande dilatation. L’épaisseur de la membrane diminue subitement à l’endroit de la valvule pylorique ; à partir de ce point. elle reste presque égale sur toute la longueur de l'intestin. Nous avons consacré un soin tout particulier à l'étude de la muqueuse des différentes parties du canal intestinal. Cette étude est d’autant plus intéressante, que la muqueuse est des plus simples qu’on puisse trouver, sa structure n'étant pas compliquée par des glandes composées de villosités et d’autres formations de ce genre, qui rendent lexamen des muqueuses des animaux supérieurs si difficile. La Truite ne renferme, dans toute l'étendue de sa muqueuse, que des plis plus ou moins serrés et réticu- lés, et des cryptes tout-à-fait simples. La muqueuse se sépare facilement de la couche musculaire , à laquelle elle est attachée par un tissu conjonctif peu épais. Sa base est ee ee partout la même; des fibres plus ou moins entrelacées entre les vaisseaux sanguins et lymphatiques , se voient immédiatement au-dessus de la couche musculaire, et leur ac- cumulation détermine le relief de la muqueuse dans la cavité intestinale. Elles sont plus denses et en plus grand nombre là où la muqueuse forme une saillie ou un pli; il n’y en a que fort peu dans les dépressions intermédiaires. Quand on examine la surface libre de la muqueuse de l'estomac sous une loupe assez forte, l’on aperçoit des saillies formant des mailles assez régulières, pour la plu- part oblongues, séparées par des excavations peu profondes. Ces mailles sont plus ar- rondies vers la partie supérieure de l'estomac; elles s’allongent en approchant de la valvule pylorique, sur laquelle elles se transforment en plis longitudinaux. Mais le fond des mailles n’est, pas uni; il est au contraire réticulé, et l’on aperçoit deux, quatre ou six cryptes, qui s'ouvrent par des trous ronds dans la cavité, de sorte que le tout prend à-peu-près l'aspect d’un tissu léger de dentelle, où plusieurs mailles rondes sont entourées d’un rebord plus solide. Une matière opaque , grenue, d’appa- rence blanchâtre sur un fond noir, est accumulée au fond de ces cryptes à ouvertures rondes. Tel est l’aspect de la surface libre de la muqueuse. Sur une coupe transversale, les saillies de la muqueuse se présentent comme autant de collines ou de verrues im- plantées l’une à côté de l’autre, et séparées par des rentrées reposant sur une couche entièrement opaque, qui envoie quelquefois des prolongemens dans les espaces entre les mamelons.. Au dessous de cette couche se voit une faible couche fibreuse , percée de nombreux vaisseaux sanguins, dont les réseaux capillaires montent jusqu’au centre des mamelons supérieurs. Si l’on a eu soin de faire la coupe de manière à conserver la couche visqueuse de mucus, qui couvre toujours la muqueuse, lon voit cette mucosité répéter en quelque sorte la formation des mamelons, en ce sens que des ac- cumulations plus grandes répondent toujours aux sommets des mamelons, d’où pa- raissent partir des traits noirs. Les mamelons eux-mêmes présentent un aspect rayon- nant. Ce n’est qu'après ces études préliminaires que l’on peut comprendre l'aspect de la muqueuse sous des grossissemens considérables, qui permettent d’en reconnaitre les élémens. On voit alors (Tab. O, fig. 11) que l’enduit visqueux est composé d’un liquide, dans lequel sont accumulées une grande quantité de cellules épithéliales, qui se montrent à tous les degrés de décomposition ; et dont la plupart sont finement gre- nues. On remarque en outre, dans ce même liquide visqueux, une quantité de pe- tites granules libres, tout-à- fait semblables aux cellules en décomposition; ce qui nous fait penser que le liquide est le résidu de cellules qui ont crevé et se sont vidées. Celles des cellules qui sont encore entières ont des noyaux; les autres en sont dépour- = = vues; il y en a même qui sont tout-à-fait transparentes, et dans l’intérieur des- quelles on ne voit ni noyaux ni granules. Cette mucosité baigne de toutes parts les mamelons ou plutôt les plis, grands et petits, de la muqueuse. Ceux-ci sont composés d’une quantité de cellules coniques en- grenées les unes dans les autres, comme les pierres d’une voûte , et formant ainsi ce qu’on a appelé un épithélium à cylindre. Sur les bords, ces cellules s’aperçoivent dans toute leur longueur, et forment des rayons partant du centre des mamelons ; au mi- lieu, au contraire, où les coins ne sont visibles qu’en face et non de profil, comme sur le bord, elles paraissent rondes et réunies ensemble comme des cellules en pavé. Chacune de ces cellules coniques a en longueur à-peu-près le triple de sa largeur; elles ont toutes des noyaux, et un contenu plus ou moins grenu. Il parait que ces cellules sont disposées autour d’une cavité médiane, dans laquelle serpentent les vaisseaux sanguins qu’elles entourent de toutes parts. On ne saurait mieux comparer le tout qu’à des panaches allongés dont les plumes représenteraient les cellules coniques, tandis que l’axe du panache serait le tronc médian formé par les vaisseaux san- guins , Tab. O, fig. 11. : La structure de la muqueuse de l'estomac est, on le voit, des plus simples. Une couche épaisse de cellules coniques recouvre le tissu fibreux , en répétant les diffé- rens accidens que celui-ci présente. Il parait que ces cellules coniques sont re- couvertes à leur tour par des cellules plates et grenues, qui se trouvent en quantité dans la mucosité qui remplit l'intestin. Ces dernières se renouvellent sans cesse, et ce qui prouve bien qu’elles forment une couche continue en pavé, c’est que plusieurs fois, en comprimant des coupes transversales sous le compresseur microscopique, nous avons vu le fond des anfractuosités se détacher et présenter un rouleau’en forme de massue , tel que nous l’avons représenté fig. 14, à droite et en haut. Il nous a été facile de reconnaitre alors que ce rouleau n’était pas composé de cellules cylindriques, mais bien de cellules rondes et aplaties, qui tapissaient le fond du creux, et qui s'étaient dé- tachées en entier par la pression. Les cellules coniques reposent immédiatement sur les fibres de la muqueuse. Il pa- rait qu'il ya, à la face externe de la muqueuse, une accumulation de cytoblastème rempli de noyaux et de granules, dans lequel ces cellules se renouvellent continuelle- ment ; cependant nous n’avons jamais pu réussir à isoler convenablement cette couche, pour l’étudier dans ses détails. Il n'existe des glandes muqueuses composées ni dans l’estomac,! ni dans aucune autre partie de la muqueuse. Les cryptes de l'estomac, qui s’ouvrent, au nombre de ne ff. 2 quatre à six au plus, dans une cavité plus grande, et qui sont entourées comme d’un rempart par un pli relevé dela muqueuse, sont les seuls représentans des glandes, et encore leur structure ne diffère-t-elle en aucune facon de celle des plis qui les en- tourent. Ce sont de simples excavations destinées à augmenter la surface sécrétante. Dans l'intestin proprement dit, les cryptes sont encore moins développées que dans l'estomac. Aussi loin que les appendices pyloriques s’étendent , la muqueuse du duodé- num , si l’on veut appeler ainsi cette portion de l'intestin, est simplement réticulée; les plis sont très-peu saillans , les mailles peu profondes, et l’on ne trouve pas cet ar- rangement de cryptes s'ouvrant dans une excavation commune, comme c’est le cas dans l’estomac. Aussi la structure de la couche celluleuse diffère-t-elle d’une manière sensible, Les cellules cylindriques sont remplacées par des cellules aplaties, comme celles qui sont contenues dans le mucus, et l’on trouve toujours dans l’intérieur des plis, une grande quantité de petites vésicules graisseuses et teintes en vert par la bile, preuve que la bile est résorbée dans l’intérieur de la muqueuse. La couche la plus superficielle de la muqueuse de l'intestin semble souvent pres- que dépourvue de structure ; l’on n’y voit qu’un bord lisse , transparent, dont les gra- nules verts ne s’approchent jamais , quelle que soit la pression qu’on lui fasse subir. Examiné de plus près , le bord transparent montre de petites lignes courbes et irrégu- lières , et l’on ne tarde pas à se convaincre qu’il est formé par des cellules fondues et liées ensemble. | La forme des plis varie beaucoup dans la partie de l'intestin grèle, qui est dépourvue d’appendices pyloriques. On y trouve des plis plus considérables formant tantôt de très-grandes mailles et tantôt des mailles isolées, desquelles partent des plis secon- daires rayonnant dans toutes les directions. La partie postérieure du canal intestinal, qu’on peut considérer comme le rectum , est pourvue de grands plis transverses , qui font le tour de l'intestin. Entre ces grands plis, se trouvent de petits plis secondaires réticulés, à petites mailles, semblables à ceux qui existent dans le duodénum. Les appendices pyloriques n'offrent pas la moindre différence d’avec l'intestin en général, et l'examen microscopique prouve jusqu’à l'évidence qu'ils n’ont rien de commun avec les glandes, mais que ce sont réellement de petits cœcums. La fig. 10 de Tab. O représente une coupe transversale d’un appendice pylorique , telle qu’elle se voit sous un faible grossissement. On peut, par ce moyen, se faire une idée nette des rapports des différentes membranes de l'intestin , en les embrassant toutes d’un seul coup-d’œil. a eg » CS La muqueuse des appendices pyloriques est garnie de plusieurs plis longitudinaux , qui s'étendent tout le long de la cavité ; coupés transversalement , ces plis se présentent sous la forme de villosités faisant saillie dans la cavité interne et remplies d’une quan- tité de granules graisseuses. La muqueuse parait alors opâque , granulée , fibreuse ; la couche musculaire épaisse, avec fibres croisées, qui, après un traitement préalable à l’acide acétique , montrent une grande quantité de noyaux et de fibres nucléolaires. Enfin, vient à l'extérieur une couche peu considérable de fibres conjonctives appar- tenant au péritoine. Il est facile de faire ces coupes transversales aussi minces que l'on veut et d'étudier ainsi la formation d’une muqueuse simple sans bourses , cryptes, ni glandes , mais composée uniquement d’une couche cellulaire épaisse , plissée et repo- sant sur un fond fibreux (*). DES ORGANES BILIAIRES. Nous avons déjà indiqué en parlant de la disposition générale des intestins, la forme du foie, ainsi que de la vessie biliaire. Le canal biliaire qui conduit du’foie dans la vessie, est fort court (**) et s'ouvre près de l’extrémité postérieure et pointue de la vessie biliaire. Celle-ci est tapissée à l’intérieur par une muqueuse réticulée , dont la surface est couverte d’un épithelium en pavé , semblable à celui de l'intestin. Le canal cholédoque situé entre le bord gauche du foie et l’intestin grèle, longe ce dernier jusque vers la valvule pylorique , derrière laquelle il débouche par une ouverture as- sez fine. L’extrémité du canal cholédoque est entourée d’un petit renflement que l’on a pris dans ces derniers temps pour l’analogue du pancréas , en refusant cette analo- gie aux appendices pyloriques. Nous avons examiné attentivement ce petit organe sous le microscope : c’est un cul-de-sac aboutissant par une fine ouverture dans le canal intestinal , et dont la surface interne est tapissée d’une couche de fort belles cellules épithéliales coniques , exactement comme la surface interne de l'intestin ou des ap- pendices pyloriques. Cette surface est en outre plissée, et nous ne saurions voir dès- lors dans ce petit organe qu’un appendice pylorique rapetissé. En lout cas, ce cul- de-sac n’a pas plus d’analogie avec une glande que les autres appendices pyloriques plus alongés , et nous croyons par conséquent qu’on aurait tort de le considérer seul comme l’analogue du pancréas. (5) Cette structure ne permet pas de douter que les appendices pyloriques ne soient une dépendance du canal alimentaire et ne présentent, chez les animaux vertébrés, les dernières traces de ces singuliers phé- nomènes digestifs que M. de Quatrefages a décrits chez les animaux sans vertèbres, et qu’il désigne sous le nom de phlébentérisme. Comptes Rendus de l'Académie des sciences, 1844, Tom. XIX, pag. 1150. (°°) Tab. O, fig. 9. Tour II. 11 DATE... ae DE LA VESSIE NATATOIRE. Tab. O, fig. 94. La vessie natatoire, qui forme un sac alongé transparent, occupant tout l’espace entre les reins et le canal intestinal, s’ouvre par un canal tordu en S dans la paroi postérieure de l’ésophage , tout près de son extrémité antérieure. Il est très-facile de s'assurer au moyen d’une sonde, que ce canal reste constamment ouvert chez la Truite. Il est entouré de tous côtés d’une forte couche de fibres musculaires involontaires. Il y à en outre, à l'extrémité antérieure de la vessie, un petit cul-de-sac au-dessus de l'entrée de ce canal. Les parois de la vessie sont homogènes dans toute leur étendue et formées d’une membrane fibreuse , dans laquelle les vaisseaux sanguins se ramifient exactement de la même manière que dans les autres membranes dites séreuses. On n’aperçoit nulle part des glandes sanguines, ni de ces réseaux de vaisseaux appelés rele mirabile, comme on en trouve chez tant d’autres poissons. La face interne de la vessie est garnie d’une simple couche de cellules épithéliennes arrondies, grenues avec de grands anneaux circulaires. Ces cellules sont réunies en pavé , fortement liées les unes aux autres , et forment une membrane cohérente qui tapisse tout l’intérieur du sac. . DES ORGANES UROPOÉTIQUES. Tab. O, fig. 9m, n. Les reins (m), sous la forme de deux bandes, longent la cavité abdominale dans toute son étendue , depuis les branchies jusque vers l’anus. Ces bandes , réunies par le milieu dans leur partie postérieure , sont composées de tubes assez larges , trans- parens , formés de la réunion de grandes cellules anguleuses et entourées de toutes parts d’une masse inextricable de vaisseaux sanguins et de dépôts de piment noir. Ces tubes urinifères nous ont toujours présenté des anses, et nous n’avons jamais pu nous convaincre de l'existence d’extrémités isolées en cul-de-sac. Quant aux élémens cons- titutifs des reins , nous n’y avons reconnu que des grandes cellules réunies en pavé, qui nous ont paru dépourvues de toute formation nucléolaire, En revanche , les tubes se réunissent en tuyaux plus grands et plus solides , sur lesquels on peut déjà distin- guer des parois fibreuses qui aboutissent enfin au bord extérieur des reins, à deux troncs communs. Ceux-ci longent le bord du rein jusque vers son tiers postérieur, où commencent les impressions dentelées occasionnées par les vertèbres. Arrivés ici, les 1} e— deux troncs latéraux convergent vers la ligne médiane et viennent se réunir vis-à-vis de l’extrémité antérieure de la vessie , à un troisième petit tronc médian venant de l'extrémité postérieure des reins. Les trois troncs réunis forment un seul canal qui, passant du côté droit sur la face externe de la vessie natatoire , va s'ouvrir dans l’ex- trémité antérieure de la vessie. La vessie urinaire (x) a la forme d’une massue renflée à son extrémité antérieure; elle longe le bord supérieur de l'intestin et s’ouvre en dehors par un trou très- fin situé derrière l'anus. Son extrémité postérieure est entourée par les mêmes fibres qui font l’office de sphincter de l'anus. La membrane principale de la vessie ‘est com- posée de fibres ondulées qui tiennent le milieu entre les fibres musculaires involon- taires et les fibres conjonctives. La couche interne de la vessie est formée d’un épithé- lium en pavé , à cellules arrondies, aplaties et très-transparentes , qui sont pourvues d’un noyau distinct. DES ORGANES DE LA GÉNÉRATION. Tab. O, fig. 9. Les organes de la génération occupent exactement la même place dans les deux sexes. Ce sont deux grands corps alongés qui, selon les époques , s'étendent tantôt jusque près de l’ouverture anale , tantôt viennent se terminer au commencement du tiers postérieur de la cavité abdominale. Si nous n'avons pas donné de figures repré- sentant la structure intime de ces organes , nous ne les avons pas moins soumis à un examen attentif. Voici les résultats auxquels nous ont conduit nos recherches. Des Ovaires. Les ovaires sont formés d’une quantité de feuillets transverses , de forme triangu- laire , composés , à ce qu’il paraît, d’un tissu très-làche de fibres conjonctives traver- sées par de nombreux vaisseaux sanguins. C’est dans l’intérieur de ce tissu que se développent les œufs primitifs. Nous avons toujours trouvé ces œufs , quelques pe- tits qu’ils fussent, composés de deux élémens, savoir, de la vessie germinative et du jaune entouré de sa membrane particulière. Les œufs les plus petits, et c’est dans ceux- là que le vitellus est relativement beaucoup plus petit, sont simplement enfoncés dans l'épaisseur du feuillet, sans qu’on remarque un dérangement des fibres et des vais- seaux dans leur cours. Mais peu-à-peu et à mesure que l'œuf grandit , il se développe — 84 — une bourse particulière en forme de poire, dans la cavité de laquelle est enfermé l'œuf. Cette bourse est formée par les mêmes fibres que le feuillet mème de l'ovaire, mais elle est tapissée à l’intérieur par de grandes cellules fort transparentes et dépourvues de noyaux , qui semblent former une espèce d’épithélium. Nous avons pu suivre la formation de la membrane coquillère autour de l'œuf. Nous avons vu, sur des œufs dont le contour extérieur était simple, et qui par conséquent n'étaient encore entourés que de la membrane vitellaire, de petites cellules arrondies, dont trois égalaient à-peu-près la grandeur d’une seule cellule de l’intérieur de la bourse , et qui étaient dispersées irrégulièrement sur toute la surface de l’œuf. Dans des œufs d’un âge plus avancé, ces cellules s'étaient considérablement augmentées; elles E formaient une véritable carapace autour de l’œuf, et l’on ne découvrait que par-ci et par-là des interstices dans lesquels les contours des cellules étaient plus fortement ac- cusés. Sur d’autres points, ces cellules étaient déjà comme fondues ensemble, et leurs contours à moitiés effacés. En général , tous les œufs, dans lesquels on remar- quait de ces sortes de cellules, avaient un double contour indiquant la présence d’une véritable membrane coquillère. M. Vogt a déjà décrit ailleurs (*) la structure de la membrane coquillère de l’œuf mür. Nous venons de prouver que cette membrane avec les canaux innombrables dont elle est percée, est le produit d’une réunion de cellules fondues ensemble , qui forment une enveloppe secondaire autour de l'œuf primitif. Les changemens périodiques que subit l'ovaire, ainsi que la sortie des œufs, pré- sentent des phénomènes très-remarquables. L’ovaire des Salmones est dépourvu d’oviducte; un simple repli du péritoine forme son enveloppe externe , en réunis- sant ses feuillets en une seule masse. Ce repli, qui se continue le long de la cavité abdominale, depuis l'extrémité postérieure de l'ovaire jusque vers l’anus, ne contient qu’une petite artère accompagnée d’une veine, sans aucune trace d’un canal excré- teur. La sortie des œufs de l’ovaire se fait par un ‘véritable travail inflammatoire. A l’époque du frai, tous les vaisseaux sanguins de l'abdomen sont injectés de sang ; le tissu des ovaires est ramolli, et l’on voit des extravasions de substance gélatineuse entre les yeux. Les poches fibreuses, dans lesquelles étaient contenus les œufs , com- mencent à se résorber , les œufs tombent dans la cavité abdominale, et sortent par un trou médian situé derrière l'anus. Les premiers jours après la sortie des œufs, l'ovaire présente un aspect floconneux ; tous les feuillets sont largement séparés, et si on met un pareil ovaire dans l’eau, les feuillets flottent librement, à peine retenus par quel- (*) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce. Embryologie. ques petites fibres conjonctives. Petit à petit la contraction s'opère; l'ovaire prend bientôt les plus petites dimensions que la nature lui a assignées , et les petits œufs pri- mitifs, qui étaient déjà déposés dans l’intérieur des feuillets avant le frai, commencent à se développer à leur tour. Des Testicules. Les testicules de la Truite ont à-peu-près la mème forme que les ovaires ; ils forment deux longs rubans de couleur blanchätre et d’un volume très-variable, dans les diffé- rentes saisons. Un long canal tortueux, partant de leur extrémité inférieure et passant le long de l'intestin, vient aboutir à la face postérieure de ce dernier, où il se réunit à celui de l’autre côté, pour former un seul canal déférent, dont l'ouverture se trouve derrière l'anus. Les testicules eux-mêmes ont un aspect grenu qui, sous la loupe, prend une forme presque vésiculeuse. En examinant ces granules ou petites vésicules au microscope , on voit que ce sont les extrémités en cul-de-sac d’une quantité énorme de petits tuyaux, qui viennent tous aboutir au canal déférent qui longe le bord in- terne du testicule. Ces tubes ont de très-nombreuses anastomoses, à tel point que les interstices entre les tubes n’apparaissent que comme de petits ilots, au milieu de tubes beaucoup plus larges. Le canal déférent lui-même n’est point simple ; les lacunes y sont seulement beaucoup plus grandes, et les tubes anastomotiques mieux accusés et beau- coup plus larges que dans le testicule lui-même. Les tubes des testicules viennent aboutir immédiatement dans ce réseau anastomotique alongé du canal déférent, et nous pouvons par conséquent affirmer que l’épidydime manque entièrement air. Truites. Les petits tubes spermatiques du testicule paraissent formés, comme ceux des reins, uniquement de cellules en pavé réunies. A l’époque du frai, ces tubes sont remplis d'une quantité innombrable de zoospermes globulaires , fort petits, ayant une queue tellement mince, que nous devons convenir que nous n’avons pas pu l’apercevoir dans la majorité des cas. A d’autres saisons, on trouve dans ces mêmes tubes, alors - beaucoup plus rétrécis, des cellules assez grandes, globulaires et extrêmement trans- parentes : quelques-unes ont des noyaux presque tout aussi transparens, avec un petit nucléolule assez nettement accusé au centre ; dans d’autres, le noyau est remplacé par plusieurs petites globules semblables au corps des zoospermes, mais plus petits ; enfin nous avons pu apercevoir ces mêmes cellules remplies de nombreux zoospermes déjà doués d’un mouvement vibratoire, dans des poissons qui approchaient de l'époque du frai. Les tubes anastomotiques dont sont composés les canaux déférens , ont une en- veloppe distincte de tissu fibreux. Oh DU PÉRITOINE. On peut distinguer deux couches dans le péritoine; l’une externe, formant un simple sac qui tapisse toute la face interne des parois abdominales, ainsi que la face inférieure des reins ; ce qui fait que ces derniers sont entièrement séparés des autres intestins. Ce sac donne passage en ayant à l’ésophage et à la veine cave, en arrière à l’urethère, au rectum et au canal déférent. La vessie urinaire est située dans l’intérieur de ce sac. La couche interne du péritoine forme un véritable sac séreux, tapissant non seule- ment les parois internes de la cavité abdominale, mais aussi toutes les surfaces des intestins. Ces duplicatures qui enveloppent le foie, l'intestin, les organes sexuels et la majeure partie de la vessie nalatoire, sont très-courtes et serrées autant que possible contre la colonne vertébrale. Nulle part on n’aperçoit de véritable omentum, comme dans les animaux supérieurs. Les organes sexuels, aussi bien que l'intestin, sont suspendus dans toute leur longueur à de semblables duplicatures; la vessie natatoire n’en est recouverte que sur les deux tiers à-peu-près de son pourtour. La face tournée contre les reins est libre. La face antérieure du rectum est fixée par une duplicature à la ligne médiane du ventre. Le péritoine forme ainsi un sac parfaitement fermé chez le mâle, mais qui est percé, chez la femelle, par l'ouverture sexuelle pour donner passage aux œufs qui tom- bent dans la cavité abdominale. Ce sac, pour employer une comparaison triviale, mais fort juste, entoure les entrailles comme un bonnet de coton refoulé sur lui-même, formant ainsi un tube complet pour l'intestin , deux tubes latéraux pour les organes sexuels, un cul-de-sac antérieur pour le foie, et un sillon supérieur dans lequel est logée la vessie natatoire. La structure du péritoine est fort simple : c’est une membrane fibreuse, recouverte à sa face interne d’un épithelium en pavé, qui, chez le mâle, se continue sur toute la surface, tandis que chez la femelle il est remplacé dans les deux tiers postérieurs de la ca7ité abdominale, par un épithélium vibratile, à cils excessivement fins. —_ 01. — DES ORGANES DES SENS. DE L’ŒIL. Tab. M, fig. 9-14. Tab. N, fig. 13-21. L’œil de la Truite présente, sur le vivant, un cercle assez régulier, dont la surface à-peu-près plane, se renfle légèrement au milieu. Ce cercle est limité par l’arc des os Jugaux en bas, et protégé par le bord du frontal et de ses démembremens en haut. L'orbite elle-même n’a pas , il est vrai, cette forme circulaire que nous reconnais- sons à l'œil, mais il ne faut pas oublier que l’angle antérieur est occupé par un repli de la conjonctive , qui représente une véritable paupière antérieure , une membrane nictitante , qui, à la vérité est privée de tout mouvement, n’ayant point de fibres musculaires. De son côté, la peau de la tête, en recouvrant les os du bord de l'orbite, se replie sur la face interne de ces os, et au moyen de ce repli, se continue sur le globe de l'œil, en donnant lieu à ce que nous appelons la conjonctive. IL se forme ainsi une rigole très-profonde autour du globe de l'œil, qui provient de ce que le pli de la peau ne quitte les os pour passer sur le globe qu’à la moitié de la pro- fondeur de l'orbite. Cependant , à la partie antérieure de l'orbite, la peau qui revêt cette rigole ne passe pas immédiatement sur l'os ; elle fait auparavant un second pli. formant ainsi une saillie en croissant, dont le bord tranchant et échancré s’applique sur le pourtour du globe de l'œil , tandis que sa base renflée remplit l'espace entre le globe et le frontal antérieur, qui, avec le premier jugal, forme l’angle antérieur de l'orbite. On ne saurait douter que le croissant ne soit le premier rudiment de la mem- brane nictitante, qui, chez les animaux supérieurs, occupe l'angle antérieur de l'œil, bien qu’elle soit dépourvue de tout mouvement chez nos poissons. Une rigole très-peu profonde sépare ce rudiment de la peau extérieure. Le globe de l'œil lui-même a à-peu-près la forme d’une moitié de sphère (*) ; sa partie plane est occupée par une membrane transparente, la cornée ; sa partie bombée, cachée au fond de l'orbite, est entourée d’une capsule cartilagineuse dont le fond est occupé par du tissu fibreux, c’est la sclérotique (**). La conjonctive enfin recouvre + la surface externe de la cornée , formant un feuillet très-mince , dont nous décrirons () Tab. M, fig. 14. (*) Tab. N, fig. 18, a et 6. RS AE plus loin la structure ; elle est entièrement à découvert et légèrement déprimée au milieu, comme la cornée. La sclérotique n’est point tapissée par la conjonctive, et c’est à elle que s’attachent directement les muscles qui font mouvoir le globe de l'œil. L’es- pace entre la sclérotique et les parois osseuses de l’orbite , est rempli par un tissu conjoncüif très-lache et mou , qui contient beaucoup de graisse liquide et de lymphe. La sclérotique (*) forme ainsi l'enveloppe extérieure de la partie de l’œil qui est cachée dans l’orbite. Elle n’est pas entièrement fibreuse , comme dans la plupart des animaux ; son pourtour est cartilagineux , et forme une espèce de soucoupe , qui dé- termine la forme sphéroïdale de l'œil, tandis que sa partie postérieure est fibreuse. Le nerf optique passe par une fente de cette partie fibreuse, qui correspond à la fente embryonnaire de l'œil, fente qui se voit encore sur la sclérotique, sous la forme d’une suture fermée par des fibres. La partie cartilagineuse, qui est la plus considé- rable , forme ainsi en quelque sorte un anneau fermé en dedans par des tissus fibreux. de manière à représenter une sous-coupe. Cet anneau est renflé au milieu , et s’amin- cit au bord supérieur, où il est enchàssé dans la cornée , et au bord inférieur, où la partie fibreuse s'adapte à sa face extérieure. Il est composé d’un cartilage homogène et transparent , qui, sous le microscope, montre un grand nombre de petits corpus- cules réduits à l’état de simples granules ou de cellules imparfaites , semblables à des corpuscules de sang desséchés et défigurés par des agens chimiques , qui les auraient contractés. Ces restes de cellules ou d’anciens noyaux de cellules sont surtout accu- mulés dans l’intérieur du cartilage ; à sa face interne et externe est une couche très- épaisse, tout-à-fait homogène et transparente, comme du cristal. La partie fibreuse est composée de fibres , qui jouissent de toutes les propriétés des fibres tendineuses , étant très-minces , flexibles et bouclées comme les fibres des tissus conjonctifs en général. Il est impossible de suivre la direction de ces fibres , tant elles sont enchevétrées. Une autre particularité de la sclérotique , consiste dans la présence de deux écailles osseuses (**), placées horizontalement dans la direction de l’arc longitudinal de Pæil, vis-à-vis l’une de l’autre, près du bord de la cornée, de manière que leur bord exté- rieur est enchàssé dans cette dernière membrane. Ces écailles sont composées d’un véritable tissu osseux avec des lamelles superposées ; dans leur intérieur sont dissé- minés de nombreux corpuscules osseux , qui ne se voient pas sur la coupe , puisqu'ils sont arrangés dans le sens des lamelles, mais bien quand on place l’écaille horizonta- lement. Coupées verticalement, sur le bord de la cornée, ces écailles apparaissent sous @) Tab. M, fig. 12-14. — Tab. N, fig. 18. (*) Tab. M, fig. 13. Et 0 = la forme de deux croissans; elles sont très-nettement séparées du cartilage de la sclé- rotique , qui est taillé en biseau pour les recevoir, et dont le tranchant dépasse inté- rieurement la base des écailles. La cornée (*) diffère à bien des égards de la sclérotique, quoiqu'elle n’en soit que la continuation extérieure, et quoique, dans l'embryon, elle fasse corps avec cette der- nière. Sur le vivant , elle est transparente dans toute son étendue , et ce n’est que sur les bords , là où elle se joint à la sclérotique qu’elle prend une teinte jaunâtre ou ver- dâtre, qui provient, comme on le verra tout à l'heure, de la déposition de piment jaune et noir dans la couche de la conjonctive qui recouvre la cornée. L’épaisseur de la cornée n’est pas partout égale ; elle est très-mince vis-à-vis de la pupille , mais elle s’épaissit considérablement sur les bords, étant même plus épaisse que le bord an- térieur de la sclérotique , là où elle touche cette dernière. Sa structure est reconnais- sable sur des coupes verticales qui ont passé quelque temps dans, l'esprit de vin , et que l’on ramollit ensuite pendant quelques heures dans l’eau. Sur des cornées frai- ches , les élémens sont trop transparens et leur réfraction trop peu différente de celle de l’eau, pour qu’il soit possible d'en faire une étude détaillée. Traitée comme nous venons de l'indiquer, la cornée montre quatre couches différentes, dont les deux extérieures appartiennent à la conjonctive, les deux intérieures à la cornée proprement dite. Deux de ces couches, la couche interne de la conjonctive , et la couche interne de la cornée , ne recouvrent pas toute l’étendue du disque , mais ne forment qu’un cercle correspondant à la grandeur de l'iris ; vis-à-vis de la pupille , la cornée très- amincie n’est plus formée que par les deux couches externes des deux membranes. La première ou la plus extérieure (g) est une couche épithélienne (**), la même que celle qui recouvre aussi la peau de la tête. Elle est formée de cellules plates , polygo- pales , transparentes , entassées les unes sur les autres en couches assez minces , en général défigurées dans leurs contours , et dépourvues de lout contenu , même de noyaux. Celte couche épithélienne tapisse sans interruption la conjonctive dans toute son étendue et toute la face externe de l'œil. La seconde couche (f) est une couche fibreuse (***), composée de fibres très-minces, rondes , élastiques, bouclées et réunies en faisceaux qui s’entrecroisent dans tous les sens. C’est du tissu conjonctif , tel qu’on le rencontre dans les interstices de tous les or- ganes, sauf qu’étant plus serré, la membrane en est plus ferme. Cette couche fibreuse ne (*) Tab. M, fig. 14. — Tab. N, fig. 18, d,e,f, g. CONTAR UN fig. 18, £° (**) Tab. N, fig. 18, f. Tous HI. : 12 12 couvre pas toute l’étendue de la cornée , comme je l’ai déjà indiqué ; elle commence à-peu-près vis-à-vis du pourtour de l'iris, par quelques fibres éparses, puis elle s’épais- sit de plus en plus vers le bord de l’œil. L’on y trouve, outre de nombreux globules d'huile , des cellules de piment noir et jaune disséminées dans les interstices des fais- ceaux , et qui même se multiplient tellement sur le bord , que le tissu entier en est obscurci. Ces fibres s’entrelacent ici si intimément avec celles de la cornée proprement dite, avec celles de la chorioïde et avec la sclérotique, qu’il nous a été impossible de voir de quelle manière la cornée et la sclérotique s’adaptent l’une à l’autre. Après une macération d’une journée, la conjonctive , telle qu’elle est formée par ses couches fibreuse et épithélienne, se laisse facilement séparer de la cornée, comme membrane continue , et ce n’est que vers le bord , là où la sclérotique et la cornée se touchent, que celte séparation rencontre des difficultés. La troisième couche (e) ou la couche externe de la cornée proprement dite, est encore une couche fibreuse (*), mais d’une nature très-différente. Les fibres constitutives sont fines , transparentes , mais rigides et parallèles , formant des lamelles superposées , que l’on parvient quelquefois à séparer après une macération convenable. Il ne parait pas qu’elles soient réunies en faisceaux ; elles sont seulement placées côte à côte, de ma- nière à former des lamelles. Leur direction est horizontale. La membrane qu’elles for- ment est partout d’égale épaisseur, et continue ; c’est elle seule, avec la couche épi- thélienne , qui forme la cornée vis-à-vis de la pupille. Sur les bords, les fibres se perdent insensiblement dans le tissu conjonctif, entre les accumulations de piment. La quatrième couche enfin (d), ou la couche interne de la cornée, est également une couche lamelleuse (**), en forme d’anneau, qui, n’existant que le long du bord, laisse par conséquent libre la place vis-à-vis l'ouverture de la pupille. Elle ressemble par sa structure à la couche moyenne de la cornée des mammifères et de l’homme , mais nous n’avons pas pu reconnaitre l’existence de fibres séparées , qu’on prétend avoir obser- vées dans les animaux supérieurs. Voici ce que nous avons observé. Dans quelque di- reclion que l’on coupe cette couche, on voit toujours des lignes de séparation plus sombres et parallèles entre elles et au plan de la couche. Par l’effet de la macération, les lamelles se séparent facilement , et l’on distingue alors , sur des coupes minces, les lamelles dans toute l’épaisseur de la couche. Une lamelle a au moins six fois l'épaisseur d’une fibre de la première couche de la cornée. Suivant que l’on hausse ou que l’on baisse le foyer du microscope, ou que l’on fait usage d’un oculaire aplanatique , on (*) Tab. N, fig. 18, 6. (**) Tab. N, fig. 18, d. n — s'aperçoit aisément que les lignes de séparation ne sont pas simples, mais compo- sées de fins traits parallèles, qui se montrent par-ci par-là sur les cornées fraiches , et donnent ainsi à la ligne de séparation un aspect pointillé ou renflé en quelques en- droits , tel qu’on l’a aussi observé sur des cornées humaines. Les lignes parallèles et noires sont une preuve qu’à la surface des lamelles , où celles-ci se touchent, il y a des inégalités , probablement des rainures parallèles et droites , séparées par des crêtes , qui sont engrenées dans les lamelles superposées. Il est extrémement difficile, à cause de la grande transparence du tissu , de se rendre compte de ces rainures. Il se pour- rait qu’elles fussent le résultat de l’agglomération des fibres dont sont peut-être for- mées les lamelles ; dans ce cas , ces fibres seraient longues et très-plates ; un de leurs diamètres serait égal à l'épaisseur de la lamelle , et autre à la distance d’une ligne parallèle à l’autre , c’est-à-dire très-petit, puisque ces lignes sont excessivement rap- prochées. Il faudrait donc se représenter la structure de cette couche , comme un as- semblage de lamelles, soudées l’une contre l’autre par leurs faces larges et placées de manière que cette face large soit parallèle à l'axe antéro-postérieur de l'œil. Quoi- qu'il en soit de la structure intime des lamelles , toujours est-il qu’elles augmentent en étendue de dedans en dehors , de sorte que la plus extérieure qui est collée contre la face interne de la première couche de la cornée proprement dite, est la plus large, et celle qui est la plus proche de l'iris, la plus étroite. La couche forme ainsi un an- neau à bord très-mince , qui s’épaissit vers le bord du globe de Pœil. Nous n’avons pu voir à la face interne de la cornée , une membrane analogue à celle que l’on décrit dans les animaux supérieurs , sous le nom de membrane de Demours et qui, comme on sait, est parfaitement transparente , vitrée et sans apparence quel- conque de structure. Nous sommes tentés de croire ; que les auteurs qui ont parlé d’une membrane de Demours chez les poissons , ont pris la couche interne de la cor- née pour celte membrane , ce qui serait une erreur, cette couche n'ayant aucune res- semblance, dans sa structure microscopique, avec la membrane en question. Après avoir enlevé l'enveloppe extérieure du globe , formée par la sclérotique et la cornée, on rencontre une seconde enveloppe moins rigide, composée de membranes molles, la chorioïde et l'iris. La première de ces membranes , la chorioïde (*), est une membrane assez épaisse, formée principalement d’un tissu élégant de vaisseaux sanguins, qui sont retenus en place par des fibres assez rares de tissu conjonctif, et dans les interstices desquels est €) Tab. M, fig. 19 et 14. — Tab. N, fig. 18, 4. EE déposée une quantité énorme de cellules de piment noir. En certains endroits de la chorioïde , on peut facilement distinguer deux et même trois couches différentes; mais ces couches, que l’on a désignées comme étant la chorioïde proprement dite, la mem- brane de Ruysh et le tapetum, ne sont qu’artificielles , et ne diffèrent entre elles que par la consistance plus ou moins grande des tissus. C’est ainsi que les fibres conjonc- tives, dont est composée la trame de toute la chorioïde, sont plus serrées sur les limites extérieure et intérieure de cette membrane, où ils forment deux feuillets entre les- quels les cellules de piment sont déposées en plus grande quantité, et où les fibres conjonclives sont très-rares; le tout peut dès-lors facilement se séparer en deux couches. Une couche est cependant réelle, c’est celle qui revet la chorioïde à l'extérieur, et qui est adossée immédiatement contre la sclérotique (fig. 18). Elle est en général tapis- sée d’un enduit assez épais de piment argenté, et forme ainsi une couche particulière très-facile à reconnaître. Mais quoique la couche fasse tout le pourtour du globe de l'œil, il est pourtant rare de trouver des yeux, dans lesquels elle soit entièrement ta- pissée de piment argenté; celui-ci n’en couvre ordinairement que les deux tiers, et le haut reste libre. Il arrive aussi quelquefois que le piment argenté manque complète- ment. Il est alors remplacé par le piment noir; mais la couche , formée par des fibres conjonclives assez serrées, est encore dans ce cas assez facile à séparer. Elle se dé- tache surtout de la chorioïde proprement dite , à la paroi interne de l’œil, autour de l'entrée du nerf optique, pour couvrir la glande sanguine de la chorioïde, qui se courbe en forme de fer à cheval autour de l'entrée du nerf. Cette glande sanguine repose sur la chorioide proprement dite, et comme sa face bombée, qui regarde le fond de l'orbite, est tournée contre la sclérotique, elle est recouverte par la couche argentée de la chorioïde. Le piment argenté se retrouve encore sur beaucoup d’autres points du corps de la Truite. et partout avec les mêmes caractères. ensorte qu'après l'avoir décrit ici, nous pourrons par la suite nous borner à mentionner sa présence. Outre l'œil, il est sur- tout abondant dans la peau et le péritoine externe de la cavité abdominale. Il est formé de paillettes excessivement minces, plates, et tellement petites que , mème sous les grossissemens les plus forts, il est difficile de déterminer nettement leur forme, qui parait pourtant être celle d’un oblong taillé en biseau des deux côtés. Elles sont toutes isolées les unes des autres, semi-transparentes ; et il suffit qu’elles soient réunies en très-petit nombre pour paraitre opaques. Leur intérieur, qui est parfaitement homo- gène, parait être vide; il ne contient surtout pas la moindre trace de noyaux ou de formations analogues , qui puissent faire supposer des cellules. Il parait néanmoins : — 93 — qu'elles ont quelque analogie avec les cellules épidermoïdales de l'homme et des ani- maux supérieurs. À la demande de M. Ehrenberg , qui le premier les a décrites avec soin, M. Rose a fait l'analyse de ces paillettes, dont l’accumulation dans les petits pois- sons blancs est tellement considérable, que l’on s’en sert pour la fabrication des fausses perles. Le piment noir remplit tous les interstices des vaisseaux et des fibres conjonctives , qui forment ensemble le tissu de la chorioïde proprement dite; il y est déposé sous forme de cellules arrondies, plus ou moins globulaires ou oblongues et entassées en quantité énorme. Nous avons fait voir, en traitant de la peau, comment les cellules de piment noir s’y comportent; elles ont des ramifications très-considérables , et des noyaux et nucléolules en général très-apparens. Dans le piment noir de la chorioïde, on ne distingue qu'imparfaitement les noyaux transparens , et nous n’avons pu y découvrir aucune trace de nucléolules, même en les comprimant sous le microscope. Les cellules sont tellement remplies de corpuscules noirs, qu’il est difficile de voir quelque chose de précis ; elles sont également dépourvues de ramifications, et ce n’est que dans l'iris et dans le ligament falciforme qu’on voit des cellules étoilées et ramifiées, comme dans la peau. La chorioïde entoure tout le globe, aussi loin que s’étend la sclérotique, sans au- cune solution de continuité; mais à l’intérieur, elle n’est pas aussi unie et lisse que chez les animaux supérieurs. On voit d’abord entre les deux couches dont elle est composée, un corps particulier, appelé le bourrelet vasculaire ou la glande chorioï- dale (*), formation essentiellement propre aux poissons. C’est un corps vasculaire , rouge, très-mou, courbé en forme de fer à cheval autour de l'entrée du nerf oplique, et occupant tout le segment intérieur de la chorioïde, à l’exception de la fente par la- quelle le nerf entre. La nature de ce bourrelet a été long-temps très-douteuse ; les uns le croyaient musculaire, les autres glanduleux; mais Cuvier remarqua fort bien que les fines stries parallèles et rayonnantes, que l’on voit à sa surface, n’étaient que des vaisseaux sanguins, et partant de là, il admit que c’était peut-être un corps érectile, et destiné , par son érection et sa relaxation successives, à adapter l'œil aux distances visuelles. Les recherches récentes de M. Müller ont prouvé que ce corps n’est qu’un rete mirabile d’une nature toute particulière, recevant le sang de la fausse branchie par une artère propre, et le rendant ensuite à la chorioïde. Nous parlerons de la dis- tribution des vaisseaux de ce bourrelet et de tout le système vasculaire de l'œil dans le chapitre de la circulation. &) Tab. M, fig. 12, N° 6. Es Of “ri Une seconde particularité de la chorioïde de la plupart des poissons osseux , c’est le ligament falciforme (*) du cristallin, qui est formé par la chorioide. C’est un prolonge- ment de la couche interne de la chorioïde qui s’élève le long du sillon destiné à l’en- trée du nerf optique, traverse la rétine et vient se fixer à la face inférieure du cristallin, par deux branches distinctes. La branche extérieure, qui se trouve près de l'iris, est large, triangulaire, et s’attache à la capsule du cristallin par un bord concave, qui correspond à la convexité du cristallin lui-même ; elle a à-peu-près la forme d’une voile latine. La branche intérieure est plus mince, cordiforme, et tendue comme une ficelle vers le cristallin. Le tout est une excroissance de la chorioïde, qui marque l’endroit de la fente embryonale de l'œil, dont nous avons décrit ailleurs le développement (*). Cette excroissance qui s’élève surtout vers le segment antérieur de l’œil, chez la Truite, est composée, comme la chorioïde elle-même, d’un tissu conjonctif très-lâche, par- semé d’une grande quantité de cellules de piment noir, qui sont étoilées, ramifiées et contiennent beaucoup de petits vaisseaux sanguins. On ne saurait douter que ce résidu de l’ancien colobome de l’œil ne serve, à défaut de processus ciliaires, dont il n’y pas de trace chez la Truite, à retenir le erystallin dans sa position vis-à-vis de la pupille. L’iris (**) enfin se présente sous cette forme primitive qu’elle affecte aussi chez les embryons des classes supérieures ; ce n’est qu’un repli de la chorioïde, avec un trou pres- que circulaire au milieu, la pupille, destiné à laisser arriver les rayons lumineux au fond de l’œil. La pupille n’est pas entièrement ronde chez la plupart des Truites ; mais le plus souvent un peu anguleuse vers le bas, rappelant ainsi, chez le poisson adulte, la fente embryonale et le ligament falciforme. L'iris est formée, comme la chorioïde, de deux couches; l’une, l’intérieure, à piment noir a été nommée l’urée, l’autre, l’ex- térieure, celle de piment argenté, présente un développement plus considérable. L'urée ne se distingue de la chorioïde, tapissant l’intérieur de la sclérotique, que par la forme de ses cellules, qui sont étoilées et ramifées, tandis que dans la chorioïde, elles sont arrondies. Quant au reste, c’est le même tissu de fibres conjonctives par- courues par de nombreux vaisseaux. La couche argentée, est bien différente ; elle se continue immédiatement depuis le point où l'iris se replie, sur toute la face extérieure de celte dernière, passe sur le bord libre de la pupille, qu’elle revêt, et, se repliant sur elle-même, forme une se- conde lamelle qui touche immédiatement la couche noire. Cette seconde lamelle se (*) Tab. M, fig. 14. (**) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce , tome I, page 79. (*#*) Tab. M, fig. 14.— Tab. N, fig. 13-18 c. continue en dehors jusque sur le bord de l'iris, où celle-ci passe à la chorioïde en confluant avec l’autre. On pourrait donc dire que la couche argentée se divise, à la limite de la chorioïde , en deux lamelles qui confluent ensemble sur le bord de la pupille, comprenant entre elles un amas de piment jaune et violet, et les fibres mus- culaires de l'iris; tandis que la couche noire s’étend , comme telle , jusqu’au bord de la pupille. Les parties par lesquelles l'iris se distingue de la chorioïde, sont donc toutes com- prises entre les deux lamelles de la couche argentée. Celle-ci se comporte comme dans la chorioïde ; on y trouve les mêmes petites paillettes opaques. Mais ce qui donne à l'iris ses couleurs brillantes, ce sont deux pimens propres, l’un jaune et l’autre violet. Le premier est tout-à-fait semblable au piment orange, que l’on trouve dans la peau ; c’est une huile limpide, d’un beau jaune de citron, qui est répandue en petites gout- telettes dans le tissu , et dont il est assez facile de constater la liquidité. Nous n’avons pas pu nous assurer si ces gouttelettes sont un ancien contenu de cellules, dont les membranes auraient disparu; mais le fait, qu’elles sont rassemblées en petits amas, parait militer en faveur de cette opinion. Le piment violet ne se distingue, à ce qu'il pa- rait, du premier, que par sa teinte; il contient du reste les mêmes gouttelettes huileuses que le piment jaune. On conçoit que, suivant que l’un ou l’autre de ces deux sortes de piment prédomine, l'iris prenne des teintes différentes, depuis le noir foncé, réhaussé de quelques points métalliques, jusqu’au reflet argenté, doré, ou cuivré le plus vif. Les fibres de l'iris, dont parait dépendre la mobilité de la pupille, sont difficiles à étudier , à cause de la grande masse de piment qui les recouvre. On peut néan- moins s'assurer que l'iris est un peu plus épaisse tout autour de la pupille, ainsi qu’à son contour extérieur; et nous avons lieu de croire que c’est sur ces points que les fibres sont surtout abondantes. Nous n’avons reconnu aucun caractère qui permit de les distinguer des véritables fibres du tissu conjonctif, et surtout nous n’avons pas pu y apercevoir des fibres musculaires. Mais lon sait que les fibres conjonctives ne sont pas dépourvues de toute irritabilité, de toute réaction contre les stimulans ; seulement cette réaction, qui se manifeste par une contraction, s’opère plus lente- ment et avec moins de vigueur. Or, c’est précisément ce qui a lieu dans l'iris des poissons; les contractions et les dilatations de la pupille sont tellement lentes, qu’on les a généralement révoquées en doute. Nous nous sommes convaincus, par des expé- riences directes sur la Truite et la Palée, qu’effectivement, selon la masse de lumière qui la frappe, la pupille se rétrécit ou se dilate ; il est vrai que ces mouvemens s’opè- rent très-lentement et sans que les contractions amènent des changemens très-notables. La DE. “es. La rétine (*), la dernière et la plus interne des membranes de l’œil, se trouve en dedans de la chorioïde, et assez étroitement liée avec elle. Considérée dans son en- semble, cette membrane a la forme d’une soucoupe ou d’un verre à pied. dont le support serait formé par le nerf optique. Elle s’étend tout le long de la chorioïde , jus- qu’à l’endroit où l'iris se replie, et suivant encore quelque temps cette dernière mem- brane , elle finit à quelque distance de la pupille, présentant un bord nettement tranché, qui est néanmoins difficile à apercevoir, à cause de la grande ténuité de la membrane vers son bord. On connait les interminables discussions qui ont eu lieu sur la terminaison de la rétine chez les mammifères et chez l’homme. Une pareille di- vergence d’opinion ne saurait avoir lieu à l’égard de la Truite, où cette limite est bien tranchée, surtout si on l’examine au microscope. Il suffit d'enlever la chorioïde et la sclérotique jusque vers l’iris et de tirer légèrement le nerf optique, pour voir la rétine se détacher nettement, sur tout son pourtour, qui, comme nous venons de le dire , s’étend jusqu’à une ligne de distance de la pupille. La structure de la rétine, si long-temps obscure, a été éclaircie dans ces derniers temps par une série de recherches, parmi lesquelles les études de M. Hannover tien- nent le premier rang. Nos propres recherches sur la structure de cette membrane s’ac- cordent en tous points avec celles de ce savant. La rétine est composée de plusieurs couches. En enlevant soigneusement la cho- rioïde avec un pinceau et en plaçant la rétine avec le corps vitreux sous le micros- cope , la face externe en haut, la rétine présente, sous un grossissement de 250 dia- mètres, un aspect semblable à celui d’une muqueuse hérissée de nombreuses villo- sités (**). Lorsque toutes les parties sont dans leur position naturelle, on voit çà et là des endroits clairs, transparens, arrondis, entourés de petites granulations , qui ne ressemblent pas mal à un lissu de dentelle. Ailleurs, ce tissu est caché par une quantité de fines. lignes courant dans le même sens. Sur d’autres points où ces fines aiguilles sont enlevées, il ne reste que de petits mamelons saillans, pour la plupart bifurqués à leur extrémité, qui tous sont couchés dans le même sens, et disposés en quinconce régulier. Enfin il y a aussi des endroits où tout est bouleversé. Les petites languettes sont couchées dans tous les sens , et les fines aiguilles s’entre- croisent de différentes manières. Tous ces aspects divers sont produits par deux éle- mens bien caractérisés, que M. Hannover a désignés sous les noms de cônes jumeaux et de bäâtonnets. (*) Tab. M, fig. 13 et14. — Tab, N, fig. 18, 4. (ft) Tab. N, fig. 17. A; Les cônes jumeaux (*) sont des corps oblongs, cylindracés, à base arrondie, sépa- rés en deux moitiés par un sillon plus ou moins profond, qui est tourné en dehors, vers la chorioïde. Ces cônes jumeaux sont solides, transparens, et ont l’aspect de corps cireux. Chaque moitié est terminée par une queue pointue, un peu courbe, qui s'enfonce dans la chorioïde, et qui souvent paraît entourée d’une gaine de pi- ment. Ces queues adhèrent assez fortement aux extrémités du cône dont elles sont sé- parées par une ligne transversale très-nettement accusée. Les cônes s’altèrent très-vite après la mort, comme aussi par Paction des liquides. De transparens qu'ils étaient, ils deviennent opaques, grenus; ils s’arrondissent, les queues s’oblitérent, et bientôt le tout ne présente qu’une masse semi-solide, arrondie et grenue, ayant quelquefois beaucoup de ressemblance avec une cellule épithéliale. Nous avons remarqué souvent sur des rétines toutes fraiches, des cônes dont le corps était entouré comme d’une gaine hyaline et transparente (fig. 13 a), que nous n’avons aucune raison d’attribuer à une influence délétère. Peut-être étaient-ce des cônes en voie de formation. Les bätonnets (**) sont de petits cylindres grèles et rigides qui ont la même appa- rence que les cônes jumeaux, et sont composés, comme eux, d’un tronc allongé et d’une queue longue et effilée qui s’enfonce dans la chorioïde. Mis en contact avec l’eau ou tout autre liquide, ces bâtonnets se courbent de différentes manières, et se modi- fient souvent au point de se transformer en disques arrondis d’une transparence par- faite. Les bâtonnets sont beaucoup plus longs que les cônes qu’ils entourent de tous côtés, et c’est par cet assemblage qu'il faut expliquer la différence d’aspect que peut présenter la couche externe sous le microscope. Vue d’en haut, la rétine présente des taches claires et rondes, provenant des cônes et de petites granulations rondes qui les entourent et qui sont dues aux bâtonnets. Quand les queues des bâtonnets, qui disparaissent facilement, sont enlevées par une trop forte pression du pinceau, on n’a- perçoit que les extrémités des cônes jumeaux, tandis qu’en d’autres endroits, où tout a élé bouleversé par le frottement , cônes et bâtonnets sont pêle-mêle. C’est la couche de la rétine formée par les bâtonnets et les cônes jumeaux que les auteurs nomment la membrane de Jacob (***). La couche interne de la rétine (***), celle qui touche immédiatement au corps vitré, se compose, comme l’externe, de deux élémens différens, les fibrilles nerveuses du nerf optique et les cellules propres, que nous appellerons cellules rétinales. Les fibrilles €) Tab. N, fig. 13 et 14. (*) Tab. N, fig. 15. @**) Tab. N, fig. 18 #.. (*#?) Tab. N, fig. 16 et 18, 2. Tour III. « 13 ÉD T° ROIS du nerf optique sont extrêmement fines et délicates, droites et difficiles à suivre. Nous ayouons que nous n’avons jamais pu y reconnaitre des anses ou d’autres réticulations semblables à celles que forme le nerf auditif; de même, il nous a été impossible, malgré toutes les peines que nous nous sommes données , de les suivre jusque vers le bord de la rétine, ensorte que nous ne pouvons rien dire de précis sur leur cours, ni sur leur terminaison. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu'elles sont sans relation avec les élémens de la membrane de Jacob. Les cellules rétinales sont assez petites, très-transparentes, extrémement délicates, et contiennent un grand noyau pâle et granuleux, qui remplit presque toute leur cavité. Nous les avons toujours vues tout-à-fait rondes, et leur ressemblance avec les cellules ganglionnaires du cerveau et des ganglions des nerfs périphériques nous a paru si vague, que nous n’avons pas pu nous résoudre à leur donner ce nom, quoi- qu'il soit adopté par MM. Valentin et Hannover. D’un autre côté, leur ressemblance avec les cellules du crystallin ne nous parait pas non plus aussi grande que le veut M. Henle, car les cellules du crystallin sont entièrement dépourvues de noyaux, tandis que les cellules rétinales en ont de très-grands. Il est vrai qu’on trouve toujours à côté de ces cellules caractéristiques une quantité de petites vesicules rondes, transpa- rentes, ayant presque un aspect huileux, et qui paraissent former une espèce d’épi- thélium , semblable à celui de la capsule du cristallin. Peut-être M. Henle, en parlant des cellules rétinales, a-t-il eu en vue ces dernières vesicules. M. Hannover veut que ces cellules forment deux couches distinctes, qui embrassent entre elles les expansions des fibrilles du nerf optique, de sorte que l’une des couches des cellules rétinales se trouverait entre les fibrilles nerveuses et la membrane de Jacob, une autre, interne, entre les fibrilles et le corps vitré. Il nous a paru, au contraire, que ces cellules étaient dispersées pêle-mêle entre les fibrilles, et que peut-être les petites vésicules transparentes formaient seules une couche intermédiaire entre la rétine et le corps vitré. Le corps vitré, qui remplit tout l’espace entre la rétine d’un côté et le cristallin et l'iris de l’autre, ne nous parait être autre chose qu’un liquide gélatineux ou visqueux amorphe. On a parlé d’une membrane celluleuse, qui, d’après l’opinion des anatomistes, entourerait ce liquide. Quant à nous, nous n’avons jamais pu apercevoir cette mem- brane, et les différens essais que nous avons tentés en faisant geler ou bouillir le corps vitré, ne nous ont jamais révélé autre chose que ce que l’on peut voir dans une disso- lution d’albumine. M. Hannover paraît croire que les vésicules transparentes, dont il vient d’être question, sont les élémens constitutifs de la membrane du corps vitré. =. 8! = Nous croyons devoir opposer à celte explication, que nous n'avons jamais vu ces cel- lules réunies ; mais toujours isolées et flottant librement. Le cristallin de la Truite (*) est une sphère à-peu-près complète, un peu aplatie en dedans. Logé dans un creux du corps vitré, il remplit tout l'espace entre celui-ci et l'iris, et est retenu dans sa position par le ligament falciforme de la chorioïde. Le bord libre de l'iris s'applique contre sa face antérieure, ce qui n’em- pêche pas le segment antérieur du cristallin de faire saillie dans la chambre anté- rieure de l’œil, de manière à boucher complètement la pupille. Le bord de l'iris n°y adhère en aucune manière ; et, sauf le ligament falciforme, qui s’attache à la capsule, le cristallin nage librement dans le liquide vitré qui l'entoure. Le cristallin est entouré de toutes parts par une capsule transparente et serrée qui fait corps avec lui, et qu’on ne peut en séparer qu’en la réduisant en petits lam- beaux. Cette capsule est formée de cellules plates, plus ou moins hexagonales et réu- nies en pavé. Les parois de ces cellules sont parfaitement distinctes, et la substance intercellulaire , qui les tient collées, est très-distincte. On n’aperçoit absolument rien dans l’intérieur de ces cellules ; elles sont d’ailleurs tellement aplaties que leurs parois opposées semblent se toucher, ce qui ferait supposer que toute la cavité intérieure a disparu. La substance intercellulaire forme un réseau très-élégant, que lon pourrait prendre pour un réseau vasculaire, si l’on négligeait d’en faire un examen minutieux. Nous n'avons jamais reconnu qu’une simple couche dans ces cellules de la capsule. Nous pensons qu’il serait difficile de trouver un organe plus convenable pour se con- vaincre que les cellules en pavé, qui forment les membranes, sont réellement liées par une substance intercellulaire , et n’adhèrent pas seulement par leur juxta-position. Ces cellules ressemblent d’ailleurs parfaitement à celles que l’on voit dans la couche épi- théliale de l'embryon, où, ainsi que l’a démontré M. Vogt, la capsule du cristallin se forme par involvure. Dans l’intérieur de cette capsule celluleuse se trouve la véritable substance du cris- tallin. C’est une masse pulpeuse, dont la consistance s’accroit de la périphérie au centre, et dont le noyau, quoique parfaitement transparent, a pourtant une con- sistance assez notable. La pulpe gélatineuse qui entoure ce noyau a été appelée liqueur de Morgagni; mais, comme nous le verrons plus bas, sa structure ne dif- fère que dans les couches les plus extérieures ; tout le reste est composé de fibres dentelées, comme le noyau. @) Tab. M, fig. 13 et 14. — Tab. N, fig. 19-21. — 100 — La couche extérieure du cristallin, qui touche immédiatement à la capsule, est composée de cellules rondes et transparentes de différentes grandeurs, qui paraissent tellement entassées, qu’on ne découvre presque pas de substance intercellulaire. Nous n'avons pas pu nous convaincre que les cellules les plus petites soient les plus rappro- chées de la capsule, tandis que les plus grandes entoureraient le noyau : elles nous ont, au contraire, paru mélées partout. Nous n’avons pas non plus remarqué qu’elles fussent alongées, ellipsoïdes ou oblongues, dans le voisinage des fibres ; et quoiqu'il soit hors de doute que les fibres se forment d’une manière quelconque par l’assem- blage de ces cellules, nous devons convenir qu’il nous a été impossible de découvrir des passages intermédiaires entre ces deux élémens constitutifs du cristallin. M. Schwann prétend que les cellules s’alongent, s’aplatisssent et se rangent en file les unes à la suite des autres, formant ainsi des fibres articulées, dont les cloisons disparaissent plus tard. Le noyau du cristallin (fig. 19) est composé de feuillets concentriques s’enveloppant les uns les autres, à-peu-près comme les pelures d’un oignon, ensorte que de quelque manière que l’on coupe le cristallin, on y découvre toujours des lignes concentriques plus ou moins marquées, qui sont formées par la démarcation de ces feuillets. Les feuillets les plus extérieurs sont encore mous et gélatineux , tandis que ceux qui en- tourent de près le centre se collent davantage au scalpel, et se séparent facilement. Les feuillets eux-mêmes ne sont pas simples, mais composés de fibres longues, trans- parentes, sans fin, dont chacune fait le tour du feuillet dans la direction du diamètre antéro-postérieur de l’œil, de sorte qu’une coupe du cristallin, faite dans cette direc- tion, ne montre que des fibres coupées en long, tandis que des tranches prises dans une autre direction , font toujours voir des fibres coupées transversalement. Les fibres elles-mêmes sont plates, et leur largeur s’accroit du centre à la périphérie. Leurs bords sont crénelés comme une scie (fig. 20), et les dentelures des fibres qui se touchent se correspondent de manière à former un engrenage très-complet. En coupant le cris- tallin par le diamètre vertical ou dans toute autre direction approchant de la verticale, on voit un grand nombre de lignes fines et ondulées, qui rayonnent du centre à la périphérie, et dont la distance indique la largeur des fibres. Ces lignes ne sont autre chose que les bords dentelés et engrenés des fibres elles-mêmes; elles sont entrecou- pées par des lignes nombreuses, concentriques et très-rapprochées, qui indiquent l'épaisseur des fibres. — 101 — Des Muscles de l'œil. Tab. M, fig. 9 et 10. Les poissons ont, comme les animaux supérieurs, six muscles moteurs de l’œil, quatre droits et deux obliques. Les muscles droits naissent tous au fond de l’orbite, aux alentours du trou par le- quel passe le nerf optique. L'insertion d’un seul d’entre eux, du muscle droit externe (n° 48), qui est aussi le plus considérable, se trouve placée en arrière, dans le fond du canal sous-cränien. Ce muscle, le muscle abducteur de l'œil , est large et peu épais. Il se fixe au bord externe de l’œil, tout près de l’extrémité de la sclérotique , là où la cornée s’adapte à cette derniére. Il se dirige ensuite en bas, à l'extérieur de tous les nerfs et vaisseaux de l’œil, et se glissant le long du canal sous-cränien , il se fixe tout de son long sur les parois de ce dernier. Il reçoit, comme on sait, un nerf à part, celui de la sixième paire, qui, traversant le plancher de la cavité crânienne, vient s’insérer dans la partie postérieure du muscle. Le muscle droit interne (n° 50) nait au-dessus du droit externe, sur le plancher du canal sous-crâänien, près de son ouverture. C’est un muscle long et grêle, qui pas- sant au-dessous du globe de l'œil, le long du plancher de l'orbite, en dedans du muscle oblique inférieur, s’applique sur la face antérieure du globe, et va s’insérer vis-à-vis du muscle droit externe, près du bord de la sclérotique, dans l'angle anté- rieur de l’œil. Il reçoit son nerf de la troisième paire, l’oculo-moteur, tout près de son insertion postérieure. Le muscle droit supérieur (n° 47) vient de l’ethmoïde crânien, en dedans du nerf optique. Il s’enroule en longeant la parois interne de l’orbite, et vient s’insérer à la face supérieure du globe, en croisant ses fibres avec celles de l’oblique supérieur. II reçoit aussi un filet nerveux de la troisième paire. Le muscle droit inférieur (n° 49) nait au-dessous du trou optique , au bord de l’ou- verture du canal sous-crânien, passe le long du plancher de l'orbite, se redresse en haut, et vient s’insérer à la face inférieure du globe, en se croisant avec le muscle oblique inférieur. Les deux muscles obliques naissent dans une fosse creusée dans le cartilage ethmoï- dien , en dedans des narines ; ils embrassent , en sortant de cette fosse, le nerf olfactif, et viennent s’insérer sur le milieu du bulbe, l’un à la face supérieure, l’autre à la face — 102 — inférieure, en croisant leurs fibres , le premier avec le muscle droit interne, le second avec le muscle droit inférieur. Le muscle oblique supérieur (n° 45) est servi par une paire particulière de nerfs cérébraux , la quatrième, tandis que le muscle oblique in- férieur (n° 46) ne reçoit qu’une branche du nerf oculo-moteur commun. Les insertions des muscles de l'œil en général sont donc réparties de telle manière que deux muscles, les muscles droits externes et internes s’insèrent aux faces anté- rieure et postérieure de l'œil, tandis que les quatre autres occupent les faces supé- rieure et inférieure. Le muscle oblique supérieur et le droit supérieur occupent la face supérieure, et le droit inférieur avec l’oblique inférieur, la face inférieure de l'œil. DE L'OREILLE, Tab. M, 6g. 1-6 et 15. Tab. N, fig. 22 et 23. L’oreille de la Truite est formée de la réunion de plusieurs parties entièrement ca- chées dans l’épaisseur des os et des cartilages de la tête, et sans aucune communica- tion avec l’extérieur ni avec la cavité buccale. Toutes les parties de l'oreille qui , chez les animaux supérieurs, constituent l'appareil tympanique, manquent par conséquent. On n’y trouve qu’un sac aplati, pyriforme, contenant deux otolithes de grandeur dif- férente, et s’ouvrant en haut dans un vestibule élargi latéralement, auquel sont at- tachées trois ampoules, qui sont les points de départ des trois canaux sémicireulaires. Ces parties forment ensemble un organe fermé de toutes parts, rempli d’un liquide gélatineux, et qui ne communique par aucune ouverture avec la cavité cérébrale. Ayant déjà indiqué, dans la description du squelette, les os qui participent à la formation des cavités dans lesquelles sont logées les différentes parties de l’or- gane de l’ouie, nous ne reviendrons pas ici sur ce sujet. Nous ferons seulement remarquer que ni la face interne du vestibule, ni le canal commun des canaux sémi- circulaires antérieur et postérieur, ne sont séparés de la cavité cérébrale par le déve- loppement des os; mais que les enveloppes des canaux s’appliquent au contraire im- médiatement contre ces parties. Les cavités, qui entourent le reste de l'oreille, sont exactement moulées sur l’organe de l’ouïe, avec cette différence pourtant qu'elles sont plus spacieuses, et que l’espace qui n’est pas occupé par les parties membraneuses, est rempli d’un liquide gélatineux, qui ne diffère en rien de celui de la cavité crânienne. — 103 — Le sac du labyrinthe (fig. 4, 2 et 5, a) est situé près de la ligne médiane, dans une cavité à part, creusée dans l’occipital principal et dans la grande aile du sphé- noïde. Il est aplati en dedans, un peu bombé en dehors ; son bord inférieur, presque tranchant, se relève pour former, avec le bord antérieur descendant, une pointe obtuse qui est tournée en avant, tandis que le bord postérieur est arrondi. La mem- brane, qui forme le sac, est mince et transparente, et permet d’apercevoir, à travers sa paroi externe (fig. 1), les deux otolithes b, contenues dans son intérieur ; tandis qu'à sa paroi interne (fig. 2) les mailles serrées, que forment les fibres nerveuses €, lui tent toute transparence. Nous examinerons plus loin la structure microscopique de cette membrane. Une ouverture assez étroite communique avec le vestibule en formant un col étran- glé, à l'endroit où le nerf acoustique se rend au labyrinthe. Le vestibule (fig. 1, 2 et 5, d) est un sac oblong , étendu horizontalement, ayant à sa face supérieure quatre ouvertures, dont l’une, située en dedans et au milieu, conduit dans le canal commun (fig. 2 et 3, e) ; une autre se rend , en arrière, dans l’ampoule des canaux semicireu- laires postérieur et extérieur réunis (fig. 1 et 2,f), et deux débouchent sur le de- vant, l’une dans l’ampoule du canal sémicirculaire externe (fig. 1 et 2, q), l’autre dans celle du canal antérieur (fig. 1 et 2, ). On peut envisager, à bon droit, les ampoules elles-mêmes comme faisant partie du vestibule. Chez la Truite, elles sont entièrement globulaires, ayant en bas, sur la face tournée contre le vestibule, un étranglement très-prononcé, qui correspond à une saillie membraneuse en dedans, sur laquelle s’apercoit le nerf de l’ampoule. Nous dé- crirons plus loin la structure de l’ampoule , ainsi que celle du vestibule et des canaux sémicirculaires, et l’on pourra alors se convaincre que les filets nerveux ne s’étendent pas plus loin que les ampoules, et que les canaux semicirculaires en sont entièrement dépourvus. | Les canaux semicireulaires sont au nombre de trois. Le canal extérieur (fig. 1, 2 et 5, i) est le plus petit de tous. Il décrit une courbe fort régulière, dont la cavité est creusée presque en entier dans le temporal, et s'ouvre des deux côtés dans les am- poules postérieure et extérieure. Le canal postérieur (fig. 4, 2 et 5, k) forme aussi une courbe assez régulière , en montant depuis l’ampoule postérieure ; mais arrivé en haut, il se réunit au canal antérieur dans un canal commun , qui descend verticalement sur le vestibule pour s'ouvrir à la face postérieure. Ce canal commun est beaucoup plus large et plus aplati que les autres, qui sont parfaitement arrondis et plus rigides que le canal commun, e. Le canal antérieur (fig. 1, 2 et 3, l)est le plus long et le plus tor- — 10h — tueux de tous. En descendant depuis le canal commun, il se fléchit en dedans, se relève de nouveau, et s'ouvre en formant un coude arrondi, très-prononcé dans l’ampoule antérieure. Tout cet ensemble d'organes, qui, au fond, ne forment qu’une seule cavité close et continue, a aussi une structure très-semblable. A la simple vue, on dirait, il est vrai, qu’une partie du vestibule, ainsi que le sac et le canal commun , sont formés d’un autre tissu que les ampoules et les canaux sémicirculaires, qui conservent si par- faitement leur forme, même après avoir été vidés; tandis que les premiers (le vestibule, le sac et le canal commun) s’affaissent assez volontiers. Mais examinés au microscope, toutes ces parties se montrent composées des mêmes élémens, et ce n’est que de l’un d’eux, de la couche cartilagineuse, que dépend leur solidité plus ou moins grande. En effet, ce n’est pas un tissu fibreux ou cellulaire qui forme les membranes du labyrinthe de la Truite, mais un véritable cartilage. Ce cartilage montre une subs- tance principale hyaline, transparente, qui, sous les plus forts grossissemens, parait légèrement grenue et parsemée d’une quantité de corpuscules diversement groupés (Tab. N, fig. 25). Les vraies cellules cartilagineuses n’existent plus ; les corpuscules qu’on aperçoit ne sont que des vides, des anciens restes de cavités cellulaires ou des noyaux qui ne se sont pas comblés entièrement. Dans les ampoules ainsi que dans les canaux semicirculaires, où la lame cartilagineuse est plus épaisse, ces cavités sont alongées, diversement contournées , tandis que dans le sac et le vestibule, où la lame est plus mince, les cavités sont toutes rondes ou cylindriques, et placées verti- calement à la surface. L’aspect de cette multitude de cavités cylindriques, à circonfé- rence fortement accusée, a beaucoup de ressemblance avec certaines formations épi- théliales, dans lesquelles entrent des cellules cylindriques ; aussi, avant d’avoir examiné le tissu des ampoules et des canaux semicireulaires, croyions-nous avoir à faire à un épithelium de cette nature, étendu sur le sac. Le cartilage forme la masse principale du labyrinthe. Il est entouré extérieurement par un prolongement des enveloppes du cerveau, présentant de nombreuses cellules de piment noir et jaune, déposées entre les fibres du tissu conjonctif. En dedans, le car- tilage est recouvert par une ou plusieurs couches de cellules très-particulières , qui n’y adhèrent que très-faiblement, et dont on enlève la plus grande partie en écoulant le liquide gélatineux qui remplit tout l’intérieur. Ces cellules sont assez grandes, irré- gulières, aplaties et fortement grenues, mais dépourvues de noyaux. Elles paraissent se continuer sur toute la surface interne du labyrinthe et même des canaux semicir- culaires. Nous n’avons trouvé aucun autre élément constitutif entre ces cellules et le cartilage. — 105 — Le liquide, qui remplit la cavité interne du labyrinthe, est visqueux et transparent. Il contient une quantité de cristaux calcaires d’une petitesse extrème, qui même, sous des grossissemens de 800 fois le diamètre, ne nous ont pas offert des faces assez nettes pour que nous eussions pu déterminer leur forme exacte. On trouve, outre ces petits cristaux, qui sont surtout nombreux près des ampoules et dans le canal com- mun, trois otolithes considérables, dont deux se trouvent dans le sac, et la troisième dans le vestibule près des deux ampoules des canaux antérieur et extérieur. Comme les fig. 4 et 5, Tab. M, représentent la forme exacte de ces otolithes , nous pouvons nous dispenser d’en donner une description détaillée. Nous ferons seulement observer qu'on se tromperait, si l’on croyait que ces otolithes sont de simples cristallisations minérales, sans bases organiques, puisqu’en les chauffant au feu elles se noircissent pour blanchir après ; preuve qu’elles contiennent de la matière organique, en très- petite quantité, il est vrai. Quoique leur place soit invariable, les otolithes ne sont pourtant pas fixées par des ligamens ou des supports; mais elles nagent librement dans le liquide visqueux. Il y a plusieurs années, la structure des ampoules a été l’objet de recherches détail- lées de la part de M. Steifensand (*). Nous avons représenté une ampoule grossie Tab. N, fig. 22. C’est une vessie globuleuse qui est divisée transversalement par un pli saillant venant du dehors. Le nerf a entre dans ce pli et s’y ramifie, non moins que sur l’espace circulaire assez nettement circonscrit, qui se trouve des deux côtés de l’ampoule, là où le pli joint la paroi interne de sa vessie. Chaque nerf ampoulaire a la même distribution, mais la grande masse des fibrilles primitives du nerf acoustique se rend à la face interne du sac du labyrinthe (Tab. M, fig. 2 et 15). Arrivé ici, les fibres se divisent en deux parties, dont l’une, la plus considérable (fig. 15, a), forme des mailles nombreuses sur, toute la partie antérieure du sac, vis-à-vis de la place qu'occupe la grande otolithe. Le lissu des réseaux nerveux imite assez bien la forme de l’otolithe elle-même. La partie la moins considérable des fibres nerveuses (fig. 15,b) se rend à l'extrémité postérieure du sac; pour y former un réseau qui, par sa distri- bution , ressemble assez à la petite otolithe. La paroï interne du sac du labyrinthe est sans contredit la partie la plus appropriée pour l'étude de la terminaison des fibrilles nerveuses. Il est facile de se convaincre, sur cette partie si transparente, que ces fibrilles, en formant des mailles de plus en plus serrées, viennent se terminer dans des anses récurrentes, dont la courbe est tournée en dehors, et dont les deux bras regagnent le tronc nerveux. (*) Archives de Muller, 1835, p. 174. Tome III. 14 — 106 — DU NEZ. Tab. M, fig. 6,7 et 8. Le nez de la Truite est d’une structure assez simple. Situé vers l’extrémité anté- rieure du museau , il se compose d’une fosse peu profonde , remplie en grande partie par les plis d’une membrane muqueuse et fermée en dehors par la peau, dans la- quelle sont creusées deux ouvertures. L'une de ces ouvertures, l’antérieure, de forme elliptique, est transversale et entourée d’un bourrelet cartilagineux, qui fait saillie depuis l’intérieur (fig. 7 a). Une petite esquille osseuse (b) est articulée en arrière sur le bord interne de ce bourrelet, et disposée de manière à pouvoir s’abattre sur le bour- relet et fermer ainsi l'ouverture antérieure. Sous le microscope, on aperçoit des fibres musculaires attachées à la base de cet osselet ; il est probable qu'il y a deux muscles antagonistes extrêmement petits, qui servent à mouvoir cette espèce de base. L'ouverture postérieure (c) a à-peu-près la forme d’un triangle dont la base, tournée en avant, est adossée contre le bourrelet et entourée d’un rebord épaissi, dans lequel on trouve des fibres musculaires. Il est facile de se convaincre, d’après cette structure du couvercle de la cavité nasale, que c’est surtout par le jeu du bourrelet que l’eau entre et sort dans cette cavité. La muqueuse, dont les plis se trouvent au fond de la fosse nasale, montre un bour- relet médian, en forme de massue (Tab. M, fig. 6,4), dont l'extrémité arrondie est tournée en arrière, tandis que l’extrémilé antérieure, qui est plus effilée, touche au bord antérieur du bourrelet cartilagineux du couvercle. Huit à dix plis transverses partent de ce bourrelet médian. Chacun de ces replis est de forme semilunaire , à sommet arrondi, à-peu-près comme un bonnet phrygien aplati, que l’on aurait appli- qué par sa base contre le bourrelet médian. Ces feuillets muqueux sont parfaitement libres et indépendans les uns des autres, ensorte que l’eau peut pénétrer entre les dif- férens feuillets, et les entourer de toutes parts. La structure de ces feuillets est fort simple : c’est un tissu de fibres conjonctives, qui se croisent dans tous les sens, et entre lesquelles se ramifient les vaisseaux sanguins et les fibres primitives du nerf olfactif. Le feuillet est recouvert d’une couche épaisse de cellules épidermoïdales, semblables aux cellules épidermoïdales de la peau. Ce sont ces cellules qui forment cet amas de mucosité que l’on trouve toujours dans la cavité nasale des Truites. Nous avions cru d’abord que les feuillets de la muqueuse — 107 — du nez pourraient être de quelque secours pour l'étude de la distribution des fibrilles primitives du nerf olfactif. Mais une quantité de piment noir, déposé sous forme de cellules étoilées, rend cette étude très-difficile. Quant à la distribution des branches du nerf olfactif, elle est fort simple (fig. 8). Le nerf se divise en deux moitiés, qui donnent à chacun des feuillets une branche distincte. Il n’existe pas d’organe spécial du goût chez les Truites. Comme nous l'avons vu plus haut, l'os hyoïde est tellement hérissé de dents, que la langue doit être entié- rement insensible. DE LA PEAU. Tab. O, fig. 12 et 13. La structure de la peau est assez difficile à débrouiller chez la Truite, à cause de la grande quantité de piment de toutes couleurs qui y est déposé. Le procédé que nous avons suivi, et que nous croyons le plus simple, consiste à faire des coupes transver- sales très-minces, qui permettent d’apercevoir la succession des différentes couches qui composent la peau. Mais il faut avant tout distinguer les endroits non écaillés, tels que la peau de la tête et de la nageoire adipeuse, et les endroits recouverts d’é- cailles cachées dans l’épaisseur de la peau elle-même. Traitons d’abord de la peau munie d’écailles. Nous y reconnaissons quatre couches distinctes (fig. 12). La plus superficielle est l’épiderme (a) composé de cellules arrondies très-transparentes, à noyaux elliptiques et uniformément aplatis. Ces cellules, dont les contours sont fort nettement accusés, sont agglutinées par une matière visqueuse, et l’on peut se convaincre facilement que les plus externes de cette couche épidermoïdale sont en général plus aplaties et plus irréguliéres que celles qui touchent la couche écaillée de la peau. Ces dernières sont toujours plus globuleuses et plus transparentes. La mucosité qui recouvre toute la surface du poisson n’est autre chose que cet épiderme, qui se renouvelle, à mesure que les cellules les plus externes se perdent. La seconde couche de la peau b, que nous appelons la couche écaillère , entoure les écailles de tous côtés, et forme des poches assez basses, dans lesquelles les écailles sont enfermées. Elle est tellement surchargée de piment, qu’il nous à été impossible de reconnaître exactement la nature des fibres dont elle est composée, d’autant plus que le piment n’est pas homogène, mais de plusieurs espèces. Néanmoins il y a quelques indices qui semblent prouver que ces fibres ne se distinguent pas des fibres conjonc- — 108 — tives en général. Le piment noir, qui se trouve en abondance dans toutes les parties de la peau, est formé par des cellules étoilées, montrant quelquefois , mais assez ra- rement, des noyaux plus clairs. Les ramifications de ces cellules sont souvent fort tor- tueuses et assez alongées ; mais nous n’avons jamais pu rencontrer, chez la Truite, des branches terminales tournées en spirale, telles que M. Peters les a vues sur d’autres poissons. Le piment jaune se présente sous la forme de taches rondes, indistinctement limitées en dehors, et beaucoup plus petites que les cellules à piment noir. On aper- çoit au milieu une petite tache ronde, plus foncée, qui probablement entoure le noyau de la cellule primitive de piment. Le piment rouge ne parait être qu’une modification du piment jaune. Il forme presque toujours des taches plus ou moins grandes, qui paraissent nettement circonscrites à l’œil nu ; mais qui, lorsqu'on les examine au mi- croscope, montrent sur leurs confins des cellules assez semblables à celles du piment jaune, remplies seulement d’un contenu plus foncé. Le noyau disparait d’abord; les petits points rouges affectent une circonscription moins nette, s’alongent et se rami- fient à l’instar des cellules à piment noir, et à la fin toutes ces cellules rouges sont tellement accumulées et entrelacées les unes dans les autres, qu’au milieu d’une grande tache visible à l’œil nu, il est impossible de reconnaître leur structure intime. Ces différens pimens paraissent ainsi être de même nature, c’est-à-dire, des amas de substance colorante, déposés dans des cellules distinctes. C’est de ces pimens et de leur accumulation diverse, que dépendent toutes les couleurs non métalliques de la Truite. Les teintes verdâtres et bleuâtres que l’on trouve sur la tête et sur le dos de ces poissons, sont particulièrement dues à l’accumulation et à la pénétration du pi- ment jaune et noir. Les couleurs métalliques de la Truite, et surtout les teintes d'argent vif et d'argent mat, proviennent de petites paillettes plates, alongées, à extrémités pointues, qui sont surtout très-développées sur les écailles, et qui reposent immédiatement sur leurs deux faces. Les paillettes des membranes qui ont un éclat d’argent mat, comme par exemple la couche la plus interne de la peau, la couche externe de la chorioïde, sont beaucoup plus petites que les paillettes qui se trouvent sur les écailles , et qui oc- casionnent cet éclat si vif que l’on remarque sur la peau des Truites. Ces grandes paillettes brillent, sous le microscope, de toutes les couleurs du spectre, et il parait que c’est surtout à cette décomposition et à cette réfraction puissante de la lumière, qu’il faut attribuer l'aspect si différent que présentent les Truites, suivant leur posi- tion vis-à-vis de la lumière. Ce n’est que dans celte seconde couche, et uniquement dans celle-ci, que sont dé- — 109 — posées les écailles. Quant à la structure des écailles, nous nous en reférons à ce qui en a été dit dans le premier volume des Recherches sur les Poissons fossiles, et nous rappellerons seulement ici, que les écailles de la Truite sont composées de deux couches, dont l’une, la plus interne, est distinctement lamellaire, tandis que la couche supérieure ressemble plutôt par son aspect nacré à une couche d’émail très- mince, Les lignes concentriques, qui se trouvent à la face extérieure de l’écaille, se présentent, sur des coupes transversales, comme des collicules relevés, et il est fa- cile de démontrer qu’elles ne sont autre chose que des bandes circulaires en relief, à la face externe de l’écaille. La partie de la membrane écaillère, qui recouvre les écailles, et forme les poches dans lesquelles les écailles sont renfermées , est beaucoup plus mince que celle sur laquelle les écailles reposent ; mais elles ne différent nulle- ment dans leur structure. La troisième couche de la peau (c) ou le derme proprement dit, est fort épaisse en quelques endroits. Elle ne contient plus de piment; mais elle est essentiellement formée de fibres roides, grossières, lisses et fort cassantes, qui sont perpendicu- laires à la surface de l’animal. Ces fibres n’ont point d’analogue dans les animaux supérieurs , si ce n’est qu’elles ressemblent quelque peu aux fibres élastiques du liga- ment nuchal ; dans quelques endroits, surtout dans les parties dépourvues d’écailles, leur roideur est telle, qu’on croirait quelquefois avoir à faire à des piquans micros- copiques. Elles sont réunies par des fibres conjonctives qui courent dans la direction de la peau. Enfin la couche la plus intime de la peau, celle qui repose immédiatement sur les muscles et sur les os, et qui se sépare souvent en grands lambeaux, ayant plus d’adhérence avec les muscles qu'avec le derme , est formée par un tissu de fibres con- jonctives, dans lequel sont déposées une quantité de petites paillettes argentées, mé- lées à des cellules à piment noir. Nous l’appelons la couche argentée de la peau. Les parties de la peau, qui sont dépourvues d’écailles, ressemblent en tout point à celles que nous venons de décrire, avec cette différence pourtant, que la couche écail- lère se confond insensiblement avec le derme proprement dit, si bien que les pimens divers sont tout aussi uniformément répandus entre les fibres du derme, surtout à la face externe de ce dernier. Pour rendre cette différence plus sensible, nous avons re- présenté (Tab. O, fig. 13) une coupe mince de l’extrémité de la nageoïre adipeuse. On y voit les fibres du derme (c) disposées comme les voussures d’une voüte, et par- semées de différens pimens à leur partie externe. ER ANGIOLOGIE. DU CŒUR. Tab. O;, fig. 4—7. , Le cœur de la Truite est fort simple, comme celui de tous les poissons; ce n’est d’abord qu’un tube musculeux destiné à chasser, au moyen de ses contractions, le sang veineux qui revient du corps dansles organes respiratoires. La masse entière du sang des poissons passe par les branchies pour y être exposée à l’action oxydante de l'élément ambiant; elle y est poussée par le cœur, qui, en ceci, est analogue au cœur droit des animaux supérieurs ; mais il n’y a pas de cœur gauche pour recevoir le sang revenant des organes respiratoires, et le pousser dans les artères en lui imprimant une nouvelle force. La grande différence qui existe par conséquent entre la circulation des animaux supérieurs, les mammifères, par exemple, et celle des poissons, consiste en ce que, à l'exception de la cireulation dans la veine-porte, le sang des mammifères recoit une nouvelle impulsion du cœur, après chaque passage par un système capillaire, tandis que chez les poissons, le sang passe successivement par deux systèmes capillaires in- dépendans, avant de revenir au cœur. Le sang des mammifères est chassé du cœur droit dans les vaisseaux capillaires des poumons, et retourne au cœur gauche pour y recevoir une nouvelle impulsion qui le fait passer dans les artères, les capillaires et les veines du corps; le sang des poissons est poussé dans les artères des branchies , à travers les réseaux capillaires respiratoires , et après s'être rassemblé dans les veines des branchies, il continue à couler dans les artères, les capillaires et les veines du corps, sans recevoir une seconde impulsion. Le cours très-lent et uniforme du sang dans les vaisseaux, et l'absence de tout mouvement saccadé dans les artères, sauf celles des branchies, qui dépendent directement du cœur, sont les conséquences néces- saires de cet arrangement. En effet, on sait que le pouls n’existe que dans les artères qui ne sont pas séparées du cœur par l’interposition d’un système capillaire; or, comme chez les poissons, le réseau capillaire des branchies se place entre le cœur et les artères du corps, le mouvement saccadé manque et le sang coule uniformément, comme dans les veines des autres animaux ; c’est ce dont on peut facilement se con- vaincre en coupant l’aorte d’un poisson quelconque. — A11l — Le cœur est fixé dans un espace triangulaire, circonscrit latéralement par les bras horizontaux de la clavicule, et en bas par la peau de la gorge (*). Cet espace, dont la pointe est tournée en avant, est limité en arrière par le péritoine fibreux qui forme une espèce de diaphragme entre la cavité abdominale et le sac du péricarde. Le cœur, dans son ensemble, imite les contours de cet espace ; il a la forme d’une pyramide tétraèdre, sa pointe est tournée en avant, sa base oblique en arrière et appliquée contre la diaphragme ; la quille antérieure (Tab. O, fig. 4 et 5), formée par le ventricule et le bulbe de l'artère branchiale, est parallèle à l’axe du corps. La face de la pyramide qui est tournée en haut, est formée uniquement par l'oreillette (Tab. O, fig. 7), et l’o- rifice de la grande veine du corps se trouve à la partie supérieure de cette face. Li- brement suspendu dans l’espace du péricarde, le cœur n’est retenu que par le péri- carde lui-même, dont nous décrirons plus tard la disposition. Il n’y a pas, chez la Truite, de ces ligamens fibreux, qui fixent la pointe du ventricule au péricarde, comme c’est le cas chez beaucoup d’autres poissons. Troiscavités (fig. 6)se succèdent dans le cœur des poissons, communiquant l’une avec l’autre par une ouverture simple pourvue de valvules , afin d'empêcher le reflux de la masse du sang; ce sont l'oreillette, recevantlesang veineux du corps, le ventricule et le bulbe aortique , par lequel le sang sort , pour couler à travers les réseaux respi- ratoires des branchies. Ces cavités ne sont pas sur la même ligne; l'oreillette est à la face supérieure du cœur , au-dessus des deux autres ; elle communique par une ouver- ture verticale avec le ventricule, qui est sur la même ligne horizontale que le bulbe , de manière que le flux du sang décrit un angle droit dans le ventricule. L’oreillette (a) (fig. 5, 6, 7)est un sac triangulaire , plat, rugeux reposant sur la face postérieure du ventricule et du bulbe, et se prolongeant en arrière sous la forme de deux auricules latérales, dont la droite est plus large, tandis que celle de gauche g. 7). Les pointes de ces auricules dépassent de chaque côté le ventricule. La paroi de l'oreillette est mince ; aussi s’affaisse-t-elle complètement, du moment qu’elle est vide ; tandis que, remplie, elle offre un volume plus considérable que tout le reste du cœur. Une seule grande ouverture se voit à la face postérieure de l'oreillette, à la naissance des deux auricules (x). Cette ouverture communique directe- est plus longue (fi ment avec le conduit commun des veines, situé hors du péricarde; elle est irrégulié- rement triangulaire, et munie d’une valve double à deux lobes opposés, qui sont at- tachés sur la paroi de l'oreillette, et disposés de manière à fermer le passage à tout () Tab. A, B et C; fig. 2et 3. — 112 — courant venant de l’oreillette, tandis qu’elles donnent libre passage au sang venant des veines et entrant dans le cœur. Les nombreux essais que nous avons faits pour injecter le système veineux depuis le cœur, nous ont convaincu que ces valves ferment hermétiquement , et qu’il ne peut, par conséquent, y avoir de reflux notable dans les veines pendant les contractions de l'oreillette. La cavité de loreillette est simple; on y remarque une grande quantité de faisceaux musculaires, disposés dans toutes les directions , mais qui sont en géné- ral assez minces. Le seul indice d’une séparation de l'oreillette en deux moitiés, telle qu’elle existe chez les reptiles, consiste en un faisceau musculaire plus consi- dérable, longeant la ligne médiane de l'oreillette, depuis l’ouverture veineuse jus- qu’au sommet antérieur. Le centricule (b) (fig. 4,5, 6), communique par une seule ouverture avec l'oreillette; il est de forme pyramidale. Sa base qui est tournée vers le diaphragme est tronquée obliquement , tandis qu’au sommet de la pyramide repose le bulbe artériel. Le som- met de la pyramide est traversé par l'ouverture artério-ventriculaire. Les deux faces qui confluent en bas en une large quille, sont les plus grandes. Le ventricule est très ferme et excessivement charnu. La cavité qu’il renferme et qui répète la forme du ven- tricule lui-même, occupe à peine le tiers de la masse. On reconnait dans la substance musculaire qui l’entoure , deux couches parfaitement distinctes. La couche extérieure est la plus mince ; elle est composée de fibres longitudinales , faisant le tour de la pyra- mide et placées parallèlement les unes à côté des autres , à-peu-près comme dans les muscles volontaires. On ne rencontre que çà et là des fibres transversales ; encore sont-elles tellement serrées, qu’il n’y a pas de tissu conjonctif entr’elles. En dedans de cette couche il y en a une seconde beaucoup plus volumineuse et d’un aspect réticulé: elle est formée de fibres musculaires semblables, mais réunies en faisceaux qui se croi- sent dans tous les sens, et sont séparées par des interstices nombreux communiquant avec la grande cavité centrale du ventricule. Qu'on se figure les trapécules charnus d’un cœur humain beaucoup plus délicats et beaucoup plus nombreux, et l’on aura l’i- mage de la disposition que présentent ces faisceaux dans le ventricule des poissons. L'ouverture atrio-ventriculaire est un peu plus petite que l'ouverture veineuse de l’o- reillette ; elle est protégée comme celle-ci , par une double valvule membraneuse, qui ferme complètement et ne donne un libre passage qu’au sang venant de l’oreillette. Cette valvule ressemble à la valvule mitrale de l'homme. Le bulbe artériel (ce), qui fait suite au ventricule, a la forme d’une massue, renflée du côté qui touche le ventricule (fig. 4, 5). Mais malgré ce renflement sa cavité est — 113 — moins large que dans le voisinage du ventricule ; les fibres musculaires dont est formé le renflement, sont encore plus serrées que celles de la couche extérieure du ventri- cule ; elles se rapprochent même par leur nature des fibres tendineuses. L'ouverture par laquelle le ventricule communique avec le bulbe, est garnie de deux poches membraneuses qui constituent une valvule incomplète, semblable à celle qui existe dans les veines et dans les vaisseaux lymphatiques de l’homme. Le péricarde enveloppe uniformément toutes les parties du cœur, sous la forme d'une membrane très-mince ; il revêt en outre une partie de l'artère branchiale , avant de se replier sur la paroi de la cavité, dans laquelle le cœur est suspendu, et c’est après avoir lapissé cette dernière dans toute son étendue , qu’il revient au cœur, près de l'ouverture veineuse de l'oreillette. DES BRANCHIES. Tab. O, fig. 1,2, 3,8 et 9. Les branchies de la Truite sont composées de chaque côté de quatre arcs de doubles feuillets raides, pointus au sommet, tranchants sur les bords et colorés d’un rouge très intense pendant la vie. Les feuillets reposent par leur base sur larc branchial , auquel ils sont réunis par une forte membrane, qui se prolonge aussi entre les feuil- lets eux-mêmes, jusqu’à la moitié de leur hauteur, et les réunit ainsi par paires à leur base. Il est facile de constater cette disposition, en écartant les feuillets d’un are bran- chial d’un poisson quelconque. Dans la position normale des arcs branchiaux, les feuillets sont tournés en arrière et se recouvrent les uns les autres, de manière qu’en enlevant l’opercule qui les cache, on ne voit que la face supérieure de la première rangée de feuillets, ceux des autres arcs n’étant visibles que par leur bord postérieur (fig. 9, o). Pendant la vie, les feuillets des différens arcs sont toujours écartés, sur- tout au moment de l'expiration , où l’eau , poussée à travers l’ouverture branchiale, sort de la cavité buccale par toutes les fentes. La longueur des feuillets diminue en général d’avant en arrière, et s’il est vrai que ceux du second arc ont à-peu-près les mêmes dimensions que ceux du premier, ceux du troisième et du quatrième are sont en revanche sensiblement plus courts. Il en est de mème de la longueur des feuillets d’un même arc; ceux du milieu de l'arc sont les plus grands, et à partir de ce point culminant de l'arc branchial, leur longueur diminue graduellement du côté du cräne aussi bien que du côté de la gorge. Tovwe III. 15 — A1k — Nous avons déjà mentionné la singulière structure des supports osseux des feuillets, en parlant du tissu musculaire en général. Nous rappellerons ici que ces supports ont en général la forme des feuillets, qu’ils ont une base en équerre plussolide , par laquelle ils sont attachés au bord relevé de l’arc, sur lequel ils se meuvent assez facilement, surtout d'avant en arrière. Quant à leur signification générale, les supports aussi bien que les feuillets branchiaux en général, ne font point partie intégrante des os, sur lesquels ils sont fixés. Les arcs osseux de l'hyoïde ne deviennent branchifères que dans les poissons et quelques reptiles ; et là même, ils ne le sont pas toujours, car nous avons vu que le dernier arc de l'hyoïde , l’arc pharyngien aussi bien que l'arc hyoïde proprement dit, peuvent ne pas participer à la fonction respiratoire, sans cesser pour cela d’être des ares hyoïdiens. D'ailleurs , la preuve que dans les poissons osseux, la fonc- tion respiratoire peut être indépendante des arcs osseux , nous est donnée dans le fait, que les supports et les feuillets supérieurs et inférieurs ne reposent plus sur l'arc, mais en sont tout-à-fait séparés , fixés qu’ils sont sur la membrane qui tapisse en haut la cavité branchiale et en bas les faces de los hyoïde. Chez d’autres poissons, les arcs se dépouillent petit à petit de leurs feuillets, de manière que certains genres n’en ont que deux paires et demi de chaque côté, au lieu de quatre. Les supports des feuillets sont revêtus de chaque côté d’une membrane fibreuse très- lâche, mais assez épaisse, dont le tissu ne paraît être là, que pour servir de trame aux réseaux innombrables des vaisseaux sanguins , qui se ramifient à sa surface. Ce- pendant cette membrane ne revêt pas uniformément tout le feuillet ; elle forme des replis transverses sur l’are du feuillet, qui diminuent de bas en haut, et qui, sous un faible grossissement , se présentent à-peu-près comme des tuiles carrées imbriquées. Cest sur ces replis de la muqueuse, que se déploient les réseaux sanguins dont nous parlerons plus loin. Un appareil important pour les fonctions des feuillets branchiaux, c’est l'appareil musculaire qui, dans ces derniers temps, a été décrit avec soin par M. Duvernoy dans ses études sur les branchies de l’Esturgeon (*). Comme la Truite commune n’a que des branchies très petites, nous avons eu recours à la Truite du lac pour examiner les muscles propres des feuillets branchiaux. Voici le résultat de nos recherches. Les fibres musculaires des branchies se développent entre les deux rangées de feuil- lets d’un même arc, dans la membrane médiane qui réunit ces mêmes feuillets (fig. 2 et3); quelquefois l’on réussit à mettre en évidence plusieurs rangées de faisceaux, mais (*) Annales des Sciences naturelles, tom. XII (2: sér.) pag. 65. — A5 — c’est toujours une opération difficile. En fendant la membrane par le milieu et en examinant l’une des faces mises à découvert (fig. 2), on voit des faisceaux musclaires (c) monter depuis la base des feuillets, et se réunir au milieu en une seule masse (b) puis diverger de nouveau, pour aller s'attacher au milieu des feuillets (a) à l'endroit où la membrane de réunion rencontre ces derniers. Il y a donc, entre deux feuillets de la même rangée, une masse musculaire en forme de croix, dont les quatre branches fixées d’une part sur la base , de l’autre à mi-hauteur des feuillets , se réunissent dans un seul centre. La contraction de ces faisceaux réunis en croix, doit avoir pour effet de rapprocher deux à deux les feuillets de la même rangée. On obtient une croix musculaire semblable, en coupant l'arc branchial transversa- lement (fig. 5), de manière à avoir sous les yeux deux feuillets opposés , appartenant à deux rangées différentes du même arc; seulement les fibres sont plus confuses : elles partent d’une part, de la base , et d’autre part du milieu des feuillets (a, a) pour se réunir en une masse (b) entre ces feuillets opposés, absolument comme dans le cas précédent. Les feuillets opposés, appartenant à deux rangées différentes du même are, peuvent ainsi être rapprochés et écartés alternativement par la contraction de ces muscles. Nous voyons par-là que chaque feuillet est en quelque sorte pourvu de plusieurs muscles séparés, dont les uns servent à le rapprocher de son voisin du même arc, les autres, de son vis-à-vis. L'action de ces muscles est à la vérité restreinte par la petitesse de leurs faisceaux et par le rapprochement des feuillets, mais elle n'existe pas moins, et il est facile de l’apercevoir sur des poissons mourans où les muscles subissent des contractions spasmodiques. On voit alors les feuillets des arcs branchiaux s’écarter et se rapprocher dans tous les sens ; tandis que durant la vie et aussi longtemps que la respiration est normale, on n’apercçoit que de faibles oscillations , à peine visibles. En résumé, les parties essentielles des branchies se réduisent aux organes sui- vans : 1° Les supports osseux implantés en double rangée sur les ares branchiaux et réunis ensemble, jusqu'à une certaine hauteur, par une membrane médiane formant la continuation de la muqueuse; 2° une muqueuse étendue sur les feuillets et plissée transversalement pour offrir plus de surface aux vaisseaux capillaires et enfin, 5° un appareil de faisceaux musculaires destiné à mouvoir les feuillets et à les maintenir par-là en contact continuel avec l'élément ambiant. Nous traiterons plus loin des vaisseaux sanguins des réseaux respiratoires et nu- tritifs des branchies. — 116 — DES ARTÈRES ET DES VEINES BRANCHIALES. Tab. K, fig. 2. — Tab. L, fig. 1 et 2. — Tab. O, fig. 1 (*). ” Le bulbe artériel se prolonge directement en avant sous la forme d’une artère épaisse et volumineuse (*), l'artère branchiale commune (1) qui s'étend jusque vers les deux premiers ares branchiaux, en conservant la direction du bulbe. Les parois de cette artère sont plus épaisses que celles de tous les autres vaisseaux. Sa forme est cy- lindrique comme celle de tous les vaisseaux sanguins; c’est presque la seule artère qui reste béante , quand on la coupe. Elle occupe la ligne médiane et il est très-facile de la suivre en la préparant depuis le péricarde qu’elle traverse tôt après sa nais- sance. C'est par cette artère que le sang rassemblé dans le cœur , de toutes les parties du corps , est porté dans les branchies, pour y être soumis à l’acte de la respiration. Les arcs ont chacun leur artère propre (***), les artères des ares (2); il y en a par conséquent quatre de chaque côté ; elles suivent la courbure des arcs dans toute leur étendue jusqu’à la dernière paire de feuillet, en donnant à chaque feuillet une bran- che qui se ramifie à sa surface. Les artères des troisième et quatrième arc naissent ensemble; elles ne se sépa- rent que vers l'articulation du quatrième arc. La première et la seconde artère naiïs- sent séparément ; nous avons aussi remarqué quelquefois que la seconde artère bran- chiale naissait, si non d’un tronc commun avec les deux dernières, du moins assez près d’elle (Tab. L. fig. 1). L’artère branchiale commune n’émet aucun autre filet ; son extrémité semble tronquée, parce que les artères du premier arc se rendent pres- que à angle droit vers leur branchie. Chaque artère se loge dans un sillon creusé à la face extérieure de l’arc branchial, où il se continue jusqu’à son extrémité. Les branchies au contraire s’étendent bien au- delà de leurs arcs respectifs du côté ventral ; aussi l’artère arrivée au sommet de l’are, où se trouvent les branchies, détache-t-elle une artère qui se recourbe pour suivre la branchie et la pourvoir jusque dans ses derniers feuillets. L’artère occupe sur l’arc une position moyenne entre la veine branchiale en dedans, qui conduit le sang modifié par la respiration vers l’aorte, et la veine bronchique (*) Les artères sont en vermillon; les veines en carmin. Ç*) Tab. K , fig. 2, — Tab. L, fig. 1. (*) Tab. L, fig 1. — A17 — en dehors, qui ramène à la veine de Duvernoy le sang qui à servi à la nutrition de la branchie. -On conçoit aisément que le rapport de volume entre ces vaisseaux doit être très-différent , et que suivant qu’on les prend dans tel ou tel endroit de leur cours, ce sera l’artère ou la veine qui l’emportera. Il n’y a guère que la veine bron- chique qui conserve presque partout la même capacité, parce qu’en haut où son diamètre devrait être moindre, la communication avec les canaux muciques supplée au défaut de vaisseaux sanguins qui y aboutissent. L’artère au contraire, en donnant un ra- meau considérable à chaque feuillet de la branchie, s’amincit vers le haut, tandis que la veine branchiale , renforcée à chaque feuillet par le rameau qui lui amène le sang des branchies, va en augmentant vers le haut et vers l’aorte. En coupant un arc par le milieu, on trouvera donc les trois vaisseaux à-peu-près du même volume, mais plus on remontera , plus la veine branchiale gagnera en capacité, plus on déescendra, plus elle diminuera. La même chose à lieu en sens inverse pour l'artère branchiale. Les ramifications de l'artère sur les feuillets branchiaux ou les artères respira- toires des feuillets branchiaux (3) , sont très-régulières et uniformes (*). Souvent il n’y a pour une paire de feuillets qu’un seul tronc ascendant qui se divise ensuite en deux branches, une pour chaque feuillet ; souvent aussi ces branches sont séparées dès leur origine. Elles sont comme les feuillets à angle droit avec l’axe de l'arc branchial. Elles remontent le long du bord interne du feuillet, sur sa tranche, et envoyent des rameaux sur ses deux faces. Nous avons remarqué, dans la description des branchies qui précède, que la muqueuse, dans laquelle ont lieu les ramifications des vaisseaux , présente de nombreux plis ou de petits feuillets transversaux , qui sont fixés au plan du feuillet par leurs bases, et dont les bords libres flottent dans l’eau au- tant que le permet leur hauteur assez peu considérable. À chacun de ces plis ‘ré- pond une branche de l'artère; de sorte qu’en voyant l’ensemble de l'artère avec ses nombreuses branches dirigées sur les deux faces du feuillet, on la comparerait volon- tiers à une plume à barbes régulières. Nous n’avons pas observé de ces bulbilles ou petits gonflemens , que M. Hyrtl (*), dans son travail remarquable sur la circula- tion du sang des poissons, dit exister sur les branches artérielles des petits feuillets. Ce que nous avons vu n’était que des courbures des artérioles qui présentaient cette forme sous le microscope. | Quand une branche de l'artère a atteint le petit feuillet auquel elle est destinée, elle se décompose en un réseau capillaire à mailles extrêmement serrées , sans former (*) Tab. O, fig. 1. (**) Medizinische Jahrbücher des Oesterreichischen Staates, Neueste Folge, T. XV, anno 1838. — 118 — d’autres ramifications. Aussi , en examinant ce réseau , on trouve que les divers capil- laires qui le forment, occupent beaucoup plus d'espace que les interstices, qui sont en général plus ou moins ronds où carrés. Gràce à cette forme des réseaux ca- pillaires, destinée sans doute à offrir la plus grande surface à l'élément de la respira- tion, la muqueuse des branchies se rapproche beaucoup de celle des poumons , no- tamment chez les reptiles. Le sang , après avoir parcouru les nombreux réseaux capillaires des petits feuillets ou plis de la muqueuse, se rassemble dans les racines des veines branchiales (4) (*), qui sont arrangées exactement de la même manière que les artères, avec cette seule dif- férence , que les branches longent le bord externe des feuillets, tandis que les artères occupent le bord interne. Chaque arc a son tronc propre, sa veine des ares (5). avec des branches pour chaque feuillet et des rameaux pour chaque petit feuillet. Le courant qui amène le sang veineux du cœur dans les branchies, monte done le long de la courbure des arcs, pour ensuite remonter le long du bord interne des feuillets branchiaux, et exposer à l’action de l’eau dans les réseaux capillaires , le sang qui a servi à la nutrition du corps. Après avoir subi l'influence de la respiration, le sang , devenu artériel, se verse dans les branches veineuses des feuillets, descend le long du bord extérieur de ces feuillets, pour remonter par la veine de l'arc, vers l'aorte , et se porter dans les différentes parties du corps. Les veines branchiales conduisent ainsi du sang artériel, et les artères branchiales du sang veineux ; de même que les artères pulmonaires des animaux respirant l'air élastique, charrient du sang artériel et les artères pulmonaires du sang veineux. Outre ce réseau respiratoire des feuillets branchiaux , il en existe un autre dont les recherches de M. Muller (**) nous ont révélé l’existence, c’est le réseau nutritif. D’a- près M. Muller, la veine du feuillet détache de loin en loin un petit filet, qui, appli- qué contre le support cartilagineux , sur le fond de la muqueuse , se ramifie à l'instar des réseaux capillaires que l’on connaît dans d’autres organes, et dont les mailles très-larges différent ‘essentiellement des mailles du réseau respiratoire si dense et si serré. Le sang, qui parcourt ces ramifications, est ramené au cœur par les veines bronchiques, ou veines de Duvernoy, comme M. Muller appelle ces petites branches, Nous avons reproduit dans la fig. 1. de Tab. O., le dessin que M. Muller a donné deces vaisseaux chez un poisson dont il n’indique pas le nom. Nous avons en effet fort bien (t) Tab. 0. fig. 1. (*) Vergleichende Anatomie der Myxinoïden. Dritte Fortsetz. Gefässystem. Dans les Mémoires de l’Aca- démie de Berlin, pour l’année 1839. — 119 — distingué les ramifications de la veine de Duvernoy, telles qu’elles sont ici représentées ; mais quant aux rameaux nutritifs, sans prétendre en aucune façon contester leur exis- tence, nous devons convenir que nous n'avons pas réussi à les apercevoir, malgré toutes les peines que nous nous sommes données. DES ARTÈRES DE LA TÊTE (*). Tab. K, fig. 1 et 2. — Tab. L, fig. 2 et 3. Nous venons de décrire la manière dont les capillaires des feuillets branchiaux qui longent l'arc branchial, se réunissent en troncs artériels, qu’on a nommés fort mal à propos veines branchiales. Les veines branchiales qui conduisent le sang artériel , aboutissent au-dessous du crâne à un vaisseau commun , l'aorte (6) (Tab. L, fig. 2). Voici de quelle manière a lieu cette réunion : Au haut de son are, la première veine branchiale (5) donne quelques artères à la tête, puis se dirige en arrière, étant appliquée contre la face extérieure du crâne. Arrivée à l'insertion du second arc branchial (5), elle se réunit à la veine de cet arc, et de la réunion des deux veines nait un vaisseau transverse , qui se dirige . directement vers la ligne médiane pour y rencontrer le même vaisseau de l’autre côté, se réunir à lui, et former un tronc commun, qui est le commencement de l’aorte' (6). Ce tronc est situé au-dessus de tous les nerfs et vaisseaux qui se trou- vent dans les environs, et appliqué sur la face inférieure de linsertion du grand mus- cle latéral. IL occupe exactement la ligne médiane. Les veines des deux autres arcs branchiaux , passant au - dessous des insertions du grand muscle latéral, ne se réunissent qu'immédiatement avant de s’ouvrir dans le tronc commun de l'aorte. Il y a même beaucoup de variations à ce sujet, les deux veines étant quelquefois , dans le même individu, disjointes d'un côté, tandis que de l’autre elles se réunissent en un tronc commun assez long, qui s’ouvre dans l’aorte. C’est à ce tronc commun de l'aorte, que se rattache la grande masse des artères du corps et des viscères. Mais comme il y a aussi plusieurs branches très-importan- tes, notamment celles destinées à la tête, qui partent des veines branchiales avant leur réunion en un tronc commun , nous essayerons d’abord de décrire le trajet de ces branches, avant de nous occuper des artères aortiques. (*) Les artères de la tête sont en carmin. — 420 — Assez près de la naissance de l'arc branchial, c’est-à-dire près de son tiers inférieur, une artère assez considérable se détache de la première veine branchiale. Cette artère, que nous nommons artère hyoïdale (7), descend le long de l’arc, en suivant l'artère branchiale, jusque vers l'articulation inférieure de l'arc. Ici, elle s'applique sur le côté du corps de l’hyoïde (n° 41), pénétre entre les pièces articulaires de l’are hyoïde (n° 39 et 40) et reparaît à la face extérieure de l’arc hyoïde (n° 58 et 39 ) qu’elle suit dans toute sa longueur, étant logée dans un sillon quelquefois assez profond de cet os. Pendant ce trajet (Tab. K. fig. 2) elle fournit d’abord un rameau considérable, qui, après avoir suivi le corps de l’hyoïde dans toute sa longueur, s’en détache au mo- ment où l'artère paraît sur la face extérieure de l’appareil hyoïde ; elle détache ensuite différentes petites branches pour les muscles et membranes, entre l'appareil hyoïdal et la mâchoire inférieure. Arrivée près de l'articulation de la branche de l’hyoïde avec l’arcade temporale, l'artère traverse la joue près de los tympano-malléal, et parait à la face extérieure de la joue, recouverte par les grandes masses musculaires , destinées à la mastication (Tab. K. fig. 1 ). Elle émet ici plusieurs branches, dont une assez considérable, qui longe la mâchoire inférieure , une autre qui remonte le sillon du préopercule, et de petits rameaux pour les muscles qui recouvrent la joue. Mais l'artère ne fait qu’une courte apparition sur la joue, elle la traverse de nouveau entre la caisse et le mastoïdien (n° 25 et 27) pour se rendre vers la fausse branchie. Comme nous l’avons dit plus haut, la fausse branchie est composée, à-peu-près comme les véritables branchies, de feuillets droits et minces , soutenus par des sup- ports cartilagineux, et collés par leur face extérieure à l'appareil hyoïde. Arrivée à la base de cet organe, l’artère longe son bord et donne à chaque feuillet un ra- meau considérable , qui remonte le long de sa face extérieure. Les premiers feuil- lets recoivent leurs rameaux d’une branche de l'artère, les autres directement du tronc lui-même. L’artère tout entière disparaît dans ces branches des feuillets, et il n’y a pas la moindre ramification qui aille de côté. En remontant le long de la face extérieure des feuillets (celle qui est collée à la paroi de la cavité branchiale) , on voit les branches se diviser en une multitude de petits ramaux, qui tous se détachent à-peu-près à angle droit et se rendent à la face extérieure, en embrassant des deux côtés les feuillets. Ces rameaux se subdivisent à leur tour en capillaires, dont les réseaux ont le même caractère rectiligne. A la face intérieure (libre) des feuillets, les capillaires se rassemblent de nouveau dans de petites branches, qui s'ouvrent dans les racines de la veine pseudobranchiale ; celle-ci présente à sa surface interne et libre le même arrangement que l'artère à la face extérieure de la branchie. — 121 — La pseudobranchie n’est donc qu’une forme particulière de ce singulier arrange- ment des troncs sanguins , qu’on a nommé rete mirabile, et donc le caractère essentiel consiste dans cette particularité des troncs, de se diviser en une multitude de canaux plus ou moins spacieux, pour ensuite se réunir de nouveau en un tronc, sans que le sang change de nature, comme dans les réseaux capillaires, et devienne veineux d’artériel qu’il était ou vice-versa. La veine pseudobranchiale (8) (*) située assez superficiellement sous la muqueuse de la bouche, se continue sur le bourrelet, entre la première fente branchiale et le pa- lais, vers la ligne médiane du corps. Arrivée sur le côté de l'os sphénoïde (n° 6), à l'endroit où cet os forme le bord de l'orbite, elle disparait insensiblement entre les muscles et communique par une forte branche transversale avec celle de l’autre côté (Tab. L. fig. 1 et 2). Cette branche, qui est courte parce que les deux veines se rapprochent assez sur la ligne médiane, est la plus superficielle de toutes les branches anastomotiques de ce côté, et on la déchire assez facilement si l’on n’a pas soin d’enlever l’arc sphénoïde à la face supérieure duquel elle est située. Après avoir fourni cette branche anastomotique, le vaisseau entre dans l'orbite et se colle au nerf optique qu’il accompagne dans toute sa longueur, sans donner la moindre branche. Il pénètre avec lui à travers la sclérotique, et ce n’est qu'après avoir traversé cette membrane , qu’il trouve l’organe auquel il est destiné, savoir le corps rouge semi-lunaire de la chorioïde. Arrivée auprès de ce corps, l'artère se sépare en deux branches, qui longent le bord interne de l'organe en fournissant de nombreuses ramifications. Tout le corps chorioïdal n’est qu'un amas de vaisseaux capillaires, rayonnant depuis le centre vers la périphérie et présentant de nombreuses anastomoses. C’est cet arrangement linéaire des capillaires qui donne au corps rouge son apparence striée. Nous ne saurions dire, d’après nos propres observations , ce que deviennent les veines, qui reconduisent le sang depuis le corps rouge de la chorioïde. Il est probable qu'elles vont à la chorioïde; pour en être sûr, il faudrait, au moyen d'injections, faire passer le sang au travers du réseau capillaire du corps rouge. Or, malgré tous nos efforts, cette opération ne nous a pas encore réussi. On doit la découverte de cet arrangement curieux des vaisseaux de la pseudobran- chie et de la chorioïde à M. J. Müller, qui l’a décrit avec une si grande précision dans son Anatomie comparée des Myæxinoides, qu’il ne nous est resté qu’à en constater (*) Tab. L, fig. 1,2et3, colorée en violet, Tome III. 16 — 122 — l'existence sur la Truite. Or, quoique faites principalement sur un poisson d’un genre tout différent du nôtre, le Gadus cullarias, les recherches de M. Müller ne nous laissent rien à ajouter; d’où nous concluerons, que cette disposition est bien la même chez tous les poissons osseux, puisqu'elle se trouve si parfaitement conforme chez notre Truite. Au moment de se fléchir en arrière, au haut de son arc, pour joindre l'aorte, la pre- mière veine branchiale donne un vaisseau très-considérable, l'artère céphalique (9), dont le tronc très-court (Tab. L, fig. 1) se divise de suite en deux branches qui sont les artères encéphalopalatine et l’artère faciale. Très-souvent ces deux artères naissent séparément de la première veine branchiale. L’artère encéphalopalatine (10) (Tab. L, fig. 1, 2, 5) se dirige en avant et un peu en haut pour atteindre le trou percé pour elle dans la lame latérale du sphénoïde principal (n° 6). Arrivée dans le canal sous-crânien, qui loge les muscles abducteurs de l'œil, elle se divise en deux branches, une extérieure, l'orbito-palatine (11), une inté- rieure, la branche encéphalo-oculaire (12) (Tab. L, fig. 5). Cette bifurcation est très- variable ; tantôt elle s'opère de suite après l'entrée de l’artère dans le canal sous- crânien, tantôt elle parcourt comme tronc unique celte cavité, et ce n’est qu’à sa sortie qu’a lieu la division mentionnée. La première de ces branches , l'artère orbito-palatine (11), entre dans l'orbite et à poursuivant son cours à-peu-près horizontal, elle se colle à la lame cartilagineuse qui sépare les deux orbites, en suivant exactement le même cours que la branche in- traorbitale de la cinquième paire des nerfs cérébraux. Entrée dans l'orbite, elle donne un rameau assez considérable aux muscles supérieurs de l'œil (Tab. L. fig. 2), four- nit des branches aux muscles inférieurs, dans son trajet à travers l'orbite, pénètre avec le nerf olfactif dans la cavité nasale, en pourvoyant, de concert avec la branche nasale de l'artère faciale, les feuillets muqueux du nez, se dirige ensuite en bas, par l’arti- culation du maxillaire (n° 48) pour paraître sous la muqueuse de la bouche, et se ter- mine en donnant des branches aux os intermaxillaires (n° 17), aux vomers (n° 16), aux maxillaires (n° 18), aux palatins (n° 22) et à la muqueuse qui les enveloppe. C’est donc en partie le nez, puis les parties molies et solides de la partie antérieure de la face , et les organes auxiliaires de la vue (muscles et membranes situées autour de l’orbite) qui sont pourvus par cette artère. Les parties proprement destinées à la vue, les nerfs, la rétine, ete., reçoivent, comme nous allons le voir, leur sang d’une autre source, de l’artére encéphalo-oculaire. L'artère encéphalo-oculaire (12) (Tab. L, fig. 1, 2, 3) est remarquable par sa com- munication avec son analogue de l’autre côté , de telle sorte que l’on peut envisager — 125 — le tronc commun des deux premières veines branchiales, la première veine branchiale, les artères céphalique, encéphalo-palatine et encéphalo-oculaire comme représentant un cercle sanguin disposé autour du crâne, et fermé sur la ligne médiane par l’aorte en arrière et la communication des artères encéphalo-oculaires en avant. En effet, c’est au bord postérieur de la lame perpendiculaire du sphénoïde antérieur (n° 45), qui sé- pare en avant les deux moitiés de la cavité destinée aux muscles abducteurs, que les deux artères se réunissent en un fronc unique et commun, lequel abandonnant la direction horizontale , remonte dans la ligne médiane vers le tronc destiné à recevoir l’appendice du cerveau (l'infundibulum) , entre le sphénoïde antérieur (n° 15) et les grandes ailes (n° 11) (Tab. L, fig. 3). Avant cette réunion, chaque artère donne de son côté un petit filet qui longe le cartilage entre les deux orbites (fig. 2). Avant d’entrer dans le trou de l’infundibulum , le tronc réuni se divise en quatre branches, deux pour chaque côté. Les rameaux situés à l'extérieur sont les artères cérébrales , ceux du milieu , les artères oculaires. L’artère cérébrale (15) s'engage dans le trou de Finfundibulum, s'applique au côté extérieur de cet organe et monte vers la base du cerveau. Elle se loge dans un léger sillon entre la base du lobe moyen et le lobe inférieur, et arrive de cette manière à la base de l’entaille qui sépare les lobes moyens du lobe postérieur. Ici le vaisseau se di- vise en deux branches. Le tronc supérieur auquel il donne naissance , remonte dans cette entaille jusque près de la ligne médiane, et se divise alors en deux artères, dont l’une, postérieure, entre dans la masse même du cervelet (fig. 3), et dont les ramifi- cations se poursuivent dans toute la longueur du capuchon que forme cet organe (fig. 4). Une petite branche de cette artère traverse la base du lobe postérieur pour arriver dans la fente du quatrième ventricule , qu’elle parcourt en se ramifiant dans toute sa longueur (fig 4, 6). L’artère antérieure fait le tour de la voûte du lobe moyen et, donnant une petile branche qui nourrit cette voûte depuis l'extérieur, elle se perd dans le sillon qui sépare les deux lobes moyens (fig. 3). La partie inférieure de l’artère cérébrale est beaucoup plus compliquée dans son trajet. L’artère en s’avançant vers la ligne médiane , se divise en deux branches , une antérieure et une postérieure, qui rencontrent toutes deux la branche correspondante du côté opposé, à laquelle elles s’unissent. Cette combinaison occasionne à la base du cerveau dans le sillon entre les lobes postérieurs et le cordon inférieur de la moëlle allongée , un cercle vasculaire alongé en forme de rhombe , le rhombe anastomotique (14), dont les angles latéraux sont occupés par les artères divisées , les angles antérieur et pos- térieur par les branches partant de l’anastomose. Deux petits filets se rendant de — 124 — l'angle antérieur vers l’angle postérieur, près de la ligne médiane, complètent encore ce rhombe anastomotique (fig. Tab. L, 3, 4, 5). Les deux branches partant de l’angle antérieur du rhombe sont principalement destinées aux lobes antérieurs et moyens du cerveau ; chaque branche monte de son côté par le trou situé dans le plancher de la cavité du lobe moyen ; elle n’est pas plutôt arrivée dans l’intérieur de cette cavité, qu’elle détache une première branche qui se ramifie dans les lobes quadrijumeaux (fig. 4), puis une seconde assez forte qui remonte le long du fornix et se ramifie dans les parties antérieures de la voûte (fig. 4, 5, 6), puis une troisième, d'ordinaire beaucoup plus petite que les autres, qui suit le haut de cette même voûte en arrière (fig. 6). Le reste de l'artère passe le long de la ligne médiane, repa- rait sur la face extérieure du cerveau, dans la fente entre les lobes antérieurs et moyens, et se ramifie dans les lobes antérieurs , la face extérieure de la voûte et dans la glande pinéale qui reçoit des filets proportionnellement assez forts (fig. 3, 4, 5). Il ne part de l’angle postérieur du rhombe anastomotique, qu’une seule artère moyenne ; elle suit la cannelure moyenne de la moëlle alongée et se perd à la fin dans cette même fissure qui se continue sur la moëlle épinière. Arrivée vis-à-vis du sac du labyrinthe, cette artère détache une branche auditive assez forte dont quelques ra- meaux inférieurs se ramifient sur le sac même , tandis que d’autres remontent vers le vestibule et les canaux semicirculaires (fig. 3). Le cerveau a par conséquent un rhombe anastomotique semblable au cercle cépha- lique de la tête, d’où partent les principales branches cérébrales. Outre l’angle anté- rieur de ce rhombe, nous trouvons encore dans le trou du plancher de la cavité des lobes moyens, un centre d’où rayonnent les divers vaisseaux qui portent le sang aux parties antérieures du cerveau. L’artère oculaire (15) a un cours beaucoup plus simple. Elle monte comme l'artère cérébrale dans le trou de l’infundibulum, se fléchit autour de l’os pour arriver à la base du nerf optique, et tout en donnant lieu à des réseaux anastomotiques entre les feuillets de ce nerf, elle traverse avec lui la sclérotique , pour se rendre à la rétine et s’y ra- milier, ainsi que dans l'iris et les parties internes qui ne sont pas fournies par le sys- tème pseudobranchial vasculaire. L’artère faciale (46), qui, comme nous l'avons vu plus haut, est tantôt une bran- che du tronc céphalique , tantôt une artère prenant naissance séparément dans la pre- mière veine branchiale, remonte sur le côté extérieur du sphénoïde principal, sans en- trer dans la cavité des muscles abducteurs ; elle est logée dans le sillon qui s’étend entre le trou vasculaire du sphénoïde principal (n° 6) et le trou de la cinquième — 125 — paire, et est entièrement cachée dans la masse musculaire qui se trouve dans ces ré- gions (Tab. L, fig. 1,5). Les muscles masticatoires la recouvrent sur la joue, ainsi que le nerf trijumeau , dont elle accompagne aussi le trajet. Elle donne d’abord une bran- che supra-orbitaire qui accompagne le nerf du mème nom, et qui, longeant le haut de l'orbite (fig. 1), se rend vers la cavité nasale, où elle forme avec la branche nasale de l'artère orbitopalatine une anastomose qui sert le nez et la peau du museau. Le tronc de l’artère lui-même descend derrière l'orbite avec le trijumeau ; il donne des branches considérables aux muscles et à la peau de la joue, et passe enfin avec le nerf sous-maxillaire sur la face interne de la machoire inférieure , où il se ramifie. Quant on connait le trajet du nerf trijumeau, on sait par là même celui de cette artère, car il n’est aucune de ses branches qui ne soit accompagnée par ce nerf. On voit par cette description que c’est la première branche de l'artère faciale qui fournit à elle seule le sang à toutes les parties solides et molles de la tête sans excep- tion, soit par sa partie inférieure au moyen de l'artère hyoïde, soit d’en haut par l'artère céphalique. Le cœur lui-même, qui ne fait pas précisément partie de la tête chez les poissons osseux , quoiqu'il soit situé dans son rayon , n’est pas servi par l’aorte commune, mais par une artère propre , l'artère coronaire du cœur (17), naissant au bas de la seconde veine branchiale gauche. Ce qui n’est pas moins curieux, c’est que ce rôle appartienne exclusivement à la veine gauche. La droite n’y prend aucune part ; elle verse tout son sang dans l’aorte commune. Cette artère du cœur naît, comme l'artère hyoïde, à-peu-près au tiers inférieur de la hauteur du second arc branchial. Elle suit l'artère branchiale jusque sur la face inférieure du tronc branchial commun , longe le bulbe artériel du cœur sur sa face antérieure , et, arrivée au sillon entre celui-ci et le ventricule , elle se divise en deux branches qui font le tour du sillon entre le ventricule et la bulbe , en envoyant des . branches sur toutes les faces du ventricule et de l'oreillette (Tab. K , fig. 2). DE L’AORTE ET DE SES RAMIFICATIONS. Tab. K, fig. 1 et 2. (colorée en carmin). Le tronc de l’aorte, formé de la réunion des veines branchiales, conserve dans toute sa longueur la même position médiane. On le trouve depuis la tête jusqu’à la dernière vertèbre , constamment collé à la face inférieure des vertèbres , et enfermé entre les — 126 — apophyses inférieures qui forment un canal autour de lui, comme les apophyses supé- rieures en forment un pour la moëlle épinière. Les différentes branches qui se déta- chent de ce tronc , sont de deux espèces : les artères intestinales destinées à la masse des viscères , logées dans la cavité abdominale , et les artères du corps nourrissant les masses charnues et principalement celles qui recouvrent les flancs du squelette. Le sang se rend aux viscères par une seule artère, l'artère abdominale (6) (Tab. K, fig. 2), qui prend naissance dans le haut de la cavité abdominale , à la face inférieure de l'aorte. Elle traverse Ja masse des reins au-dessous de l’aorte, et parait dans la cavité abdominale tout au haut, dans l'angle où les organes de la génération et la vessie natatoire adhèrent à l’ésophage. Arrivée là, elle se divise en plusieurs branches dont les ramifications sont très-variées. Il n’est pas rare de voir toutes ces artères se séparer en cet endroit , et rayonner isolément jusque vers le tronc ; souvent il n’y a que deux ou trois branches primitives , qui se subdivisent ultérieurement. Le fait est néanmoins , qu’il y a toujours quatre artères principales destinées à des groupes d’or- ganes particuliers, deux pour les organes de la génération, une pour la vessie natatoire et une pour l'intestin et ses annexes. Les reins, comme nous allons le voir, recoivent leurs artères directement de l’aorte ou par l'intermédiaire des artères du corps. Les artères des ovaires ou des testicules, les artères spermatiques (18), entrent dans le sillon qui existe à la face intérieure de ces organes , là où s’attachent les feuillets du péritoine ; elles suivent ce sillon dans toute sa longueur. Dans le mâle , elles se con- tinuent jusque sur le conduit séminaire , et leurs dernières ramifications se voient sur le cloaque, Il est assez curieux , que chez la femelle , où il n’exisle pas de semblable conduit excrétoire , l'artère , quoique réduite à un très-petit filet, se prolonge néan- moins dans la même direction, étant située dans le pli du péritoine, qui est le reste de l’oviducte avorté. La distribution de ces artères dans l’organe, rappelle la disposition des barbes d’une plume, c’est-à-dire que les vaisseaux partent du tronc sous des angles plus ou moins aigus, pour longer la base des feuillets dont l’ovaire est composé et qui alors sont recouverts d’une masse de réseaux capillaires , dont le développement est surtout grand dans les capsules qui entourent les œufs. Dans le testicule , cette dis- tribution des branches est moins régulière : cependant on en trouve des traces dis- tinctes. L’artère de la vessie natatoire (19) est une branche bien petite et bien mince, qui longe la face inférieure de cet organe. L’artère intestinale (20) se divise en quatre rameaux. Le premier longe la grande courbure de l'estomac, en donnant des filets considérables à cet organe; il quitte — 127 — ensuite l’estomac au fond du cul-de-sac, pour aller finir dans la rate ; le second longe le bord supérieur ; le troisième le bord inférieur de l'intestin, dans toute sa longueur, depuis le haut de sa courbe ; le quatrième enfin , le plus considérable , passe sur le côté droit de l'estomac, entre celui-ci , les appendices pyloriques et le foie, et lon- geant la petite courbure de l'estomac , fournit des rameaux aux organes mentionnés ; il va finir, comme l'artère de la grande courbure, dans la rate. Les artères du corps, à l'exception de la première, sont arrangées d’après un même type uniforme , de telle manière, qu’en connaissant le trajet d’une seule, on peut indiquer celui de toutes les autres. Les artères scapulaires (21) font exception à cette règle. Elles naissent de l’aorte avant l’artère abdominale , et se portent , cha- cune de son côté, en arrière, pour suivre la ceinture thoracique, le long de son bord antérieur. Elles accompagnent constamment les nerfs de la nageoïire , et se divisent par conséquent en trois branches , dont l’une suit le nerf hypoglosse , pour se ramifier dans les parois du péricarde , tandis que les deux autres sont destinées aux deux faces des muscles de la nageoïire (Tab. K, fig. 1). Les autres artères sont toutes des artères intercertébrales. Mais on se tromperait fort en admettant que ces artères conservent chez le poisson adulte le même caractère qu’elles ont chez l'embryon, où il existe pour chaque vertèbre. une artère et une veine intervertébrale, qui fournissent tous les organes situés dans l’espace entre deux vertèbres. Chez la Truite, il y a beaucoup moins d’artères intervertébrales qu’il n’y a de vertèbres, et une artère suffit pour deux ou trois espaces intervertébraux. Aussi les artères ne suivent-elles pas la courbure des côtes ou des apophyses épineuses , mais elles en croisent quelquefois deux , trois ou quatre, pour arriver à l’un des interstices intervertébraux qui est destiné à leur ramification. La fig. 1 de la planche K, copiée exactement d’après nature , fera mieux ressortir cette disposition, que ne pourrait le faire une description détaillée. Ces artères intervertébrales , soit qu’elles montent en faisant d’abord le tour du corps de la vertèbre, au-dessous de laquelle elles prennent naissance, ou qu’elles des- cendent, sont toujours appliquées contre la membrane fibreuse qui est tendue aussi bien entre les apophyses supérieures et inférieures qu'entre les côtes, et qui sépare les masses musculaires en deux parties latérales. C’est principalement aux angles des zig- zags que nous avons décrits dans la myologie, que les artères détachent les branches destinées à nourrir les muscles et la peau. Les artères qui fournissent les nageoires verticales et la ventrale , ne se distinguent des autres que par leur volume, mais pas du tout par un arrangement différent. — 128 — Les artères ne contribuent pas autant que la membrane fibreuse médiane à séparer les masses musculaires. Il est vrai qu’en général l'artère se ramifie du côté où elle a pris naissance , mais très-souvent aussi elle perce la membrane médiane , pour passer de l’autre côté et se ramifier dans les muscles opposés. On peut considérer comme appartenant à ces artères, les artères rénales et celles de la moëlle, qui ne sont en réalité que des rameaux , les premières des artères intervertébrales descendantes , les autres des branches qui remontent le long des apophyses. Les dernières branches de l'aorte sont deux filets assez considérables , qui embras- sent le cœur caudal des deux côtés, et font le tour de la caudale en se ramifiant dans les muscles et les rayons de la nageoire. DES VEINES. Il ÿ a dans le corps des poissons , comme dans celui des autres vertébrés , deux sys- tèmes de vaisseaux veineux : les uns venant du corps entier, des reins et des organes de la génération , les vaisseaux du système des veines du corps, et les autres venant des organes digestifs et se ramifiant une seconde fois dans le foie avant d’entrer dans le cœur; ou, en d’autres termes, les vaisseaux du système de la veine-porte et ceux de la veine-cave. Les vaisseaux du système des veines du corps se divisent en trois cercles bien dis- tincts ; la veine de Duvernoy, ramenant des branchies le sang nutritif (non pas ce- lui qui sert à la respiration) , et qu’on pourrait appeler par analogie veine bronchique, les veines jugulaires , réservoirs du sang veineux de toute la tête, et les veines ra- chitiques, destinées à recevoir le sang des organes générateurs , des reins et du corps. VEINE BRONCHIQUE OU VEINE DE DUVERNOY. Tab. K, fig. 2, et Tab. L, fig. 1 (30), colorées en jaune. En fendant le péricarde d’en baset en repliant le cœur, on découvre un tronc veineux assez considérable , situé en dehors du péricarde sur la ligne médiane , entre les mus- cles croisés de l’hyoïde (n° 36 et 57). Ce tronc débouche dans le grand réservoir vei- neux ou sinus de Cuvier, près de son entrée dans l'oreillette. L'ouverture de ce tronc n’est protégée que par une valvule avortée, qui pourrait à peine fermer le tiers de l’ouverture , de sorte que le flux et le reflux du sang, causés par les contractions — 129 — du cœur, s’y voient très-distinctement. En faisant des vivisections on y observe aussi des pulsations qui ne sont nullement propres à cette veine , mais qui dépendent des contractions du cœur. Ses parois enchassées et même adhérentes aux parties environ- nantes ne permettraient d’ailleurs pas des contractions propres; par contre la situation du tronc entre les fibres croisées des muscles pourrait bien entrainer une sorte d’action indirecte de la part de ces muscles sur le mouvement du liquide dans la veine , car certainement ces muscles en se contractant et en rapprochant les ceintures scapulaires doivent aussi comprimer le tronc de la veine. Quoi qu'il en soit, cette veine est destinée à ramener le sang qui a servi non à la respiration mais à la nutrition des feuillets branchiaux , en se mélant à d’autres sucs , venant d’un autre système vasculaire dont nous traiterons plus loin. Au moyen de bonnes injections, on découvre au bord interne de chaque feuillet bran- chial un vaisseau d’un volume bien plus petit que la veine ou l’artère du même feuillet. Ce vaisseau , qu’on pourrait appeler la veine des arcs (31), est en général caché par l'artère branchiale. Il nous a même quelquefois semblé, qu'il était situé dans la fente même qu’on découvre au bord antérieur du support cartilagineux du feuillet branchial. À ce vaisseau (Tab. O , fig. 1) aboutissent une quantité de petits filets venant de la membrane qui recouvre les deux côtés du feuillet. Ces filets avec leurs ramifications sont surtout distincts à la surface du support cartilagineux et sur la membrane qui y adhère. Ils ne forment pas un réseau à mailles serrées , comme ceux des plis de la membrane respiratoire ; ce sont plutôt des ramifications éparses, semblables aux em- branchemens d’un arbre; aussi ne correspondent-elles nullement aux nombreux plis de la membrane respiratoire. Le tronc qui longe le bord interne du feuillet, et qui est composé des petits vaisseaux nutritifs de la veine, se réunit, ainsi que celui du feuillet opposé, à un vaisseau plus considérable, qui longe la courbure de l’arc bran- chial. Ce vaisseau , situé dans la membrane qui réunit les feuillets branchiaux jus- qu’au tiers de leur hauteur, n’est nullement en rapport avec la ténuité des filets san- guins qu'il reçoit des feuillets branchiaux ; il est situé à l'extérieur de tous les autres vaisseaux , que l’arc branchial recoit dans son sillon , de sorte que sur une coupe ver- ticale de l'arc, faite de manière à présenter les feuillets en face , on voit en haut, assez près de la limite de la membrane qui les unit ; 1° la veine bronchique ; 2° le tronc de l'artère branchiale , qui envoie ses deux branches sur les bords internes de la paire de feuillets , et 5°, tout en bas au-dessus du nerf, le tronc de la veine branchiale , qui se dirige vers l'aorte, et dont les branches longent le bord extérieur des feuillets. La veine nutritive se reconnait toujours sur de pareilles coupes à l'extrême ténuité de ses Towe III. 17 — 130 — parois , (qui pourrait faire croire que ce n’est qu'un canal creusé dans le tissu de la membrane) et à la forme triangulaire de son ouverture. Après avoir reçu toutes les branches des feuillets , les troncs des veines de Duvernoy suivent les arcs branchiaux en restant en général appliqués contre les artères de leurs arcs respectifs, jusqu’à ce que les quatre troncs de chaque côté se réunissent en un seul vaisseau très-considérable (30) situé à côté du corps de l’hyoïde, au-dessus de l’ar- tère branchiale. Ce vaisseau , qui s'étend sur toute la longueur du corps de l'hyoïde, reçoit en avant quelques canaux muciques que nous décrirons plus bas; puis les quatre veines bronchiques de son côté. Derrière le corps de l’hyoïde, les vaisseaux des deux côtés se réunissent sur le péricarde en un seul tronc court qui s'ouvre dans l'oreillette (30) (Tab. L, fig. 1.) Comme les troncs latéraux sont situés au-dessous de l'artère branchiale , tandis que les branches qui longent les ares en occupent le dessus , il faut bien que les artères contournent en quelque sorte ces branches pour arriver à leur place. La ténuité des parois de ces veines et leur adhérence aux artères en rendent la préparation très- difficile , sinon impossible , et il est bien plus facile de les suivre en les ouvrant, que d’en préparer les membranes , comme on le fait pour d’autres vaisseaux sanguins. L’arrangement de la veine de Duvetnoy et ses rapports avec les autres vaisseaux et la circulation entière ont beaucoup préoccupé les anatomistes. Ce n’est qu'après de nombreuses expériences , que nous sommes parvenus à nous faire une idée claire de son cours. Rien n’est plus facile que de distinguer les deux troncs latéraux ; mais comme il existe des valvules assez fortes à l’ouverture des branches des ares dans les troncs , ces valvules empêchent l'entrée de la masse injectée dans ces branches. D’un autre côté, grâce aux communications des veines bronchiques avec les vaisseaux mu- ciques de la tête, dont nous traiterons plus loin, la résistance des valvules une fois surmontée , la masse injectée pénètre plutôt dans les canaux muciques et lymphati- ques, que dans les branches qui longent les feuillets. Ce n’est qu’en injectant du mercure dans la veine d’un arc coupé, après l’avoir préalablement lié de l’autre côté, que nous avons réussi à aperçevoir les branches des feuillets et les ramifications du réseau nutrilif. Les branches des feuillets et leurs ramifications ont été parfaitement observées chez le Saumon, par M. Fohmann (*). Mais cet habile observateur, qui connaissait cepen- dant parfaitement leur cours le long du bord intérieur de chaque feuillet, a été con- (*) Das Saugadersystem der Wirbelthiere. — 131 — duit à les envisager comme des vaisseaux lymphatiques, à cause de la liaison qui existe réellement du côté dorsal des arcs branchiaux avec les veines et les vaisseaux lymphatiques du corps. En cherchant à mettre d'accord les indications des auteurs sur ce sujet, M. Müller (*) a fixé la nature sanguine du vaisseau qui nous occupe et décrit le premier le réseau autrilif des feuillets branchiaux; mais il nie absolument toute liaison avec les vaisseaux lymphatiques et ne reconnait que l'ouverture de la veine dans le réservoir veineux. Il est aussi d’une opinion -diamétralement opposée à la nôtre, quant à la position de la branche du feuillet, en prétendant que ces branches longent le bord par le côté extérieur du feuillet. Il est possible qu’il en soit ainsi chez les genres qu'il a examinés; mais chez les Salmones, la veine se trouve décidément du côté interne. Nous reviendrons sur ce sujet, en traitant des canaux muciques et Iymphatiques. VEINES DE LA TÊTE. Tab. K, fig. 2, et Tab. L, fig. 1. (Elles sont colorées en bleu). Les veines de la tête suivent en général le trajet des artères, surtout celles de la face. Ainsi loutes les artères extérieures de la tête, de même que les artères du cerveau, sont accompagnées d’un tronc veineux, et tous ces troncs se réunissent à la fin dans un seul vaisseau , la grande veine jugulaire (48). Cette veine est formée de la réunion de quatre troncs principaux qui sont : la veine cérébrale sortant de la cavité cérébrale par le trou du nerf optique, la veine oculaire ramenant le sang de toutes les parties de l’œil en longeant le nerf optique , l’artère faciale interne , qui longe le bord infé- rieur de l'orbite, et enfin la veine faciale externe longeant le bord externe du muscle masseter (20). Tous ces troncs veineux affluent, au bord postérieur de l'orbite, près de l’orifice antérieur du canal sous-cränien, dans un seul sinus qui paraît un peu élargi, et que M. Hyrtl a désigné sous le nom de bulbe ophthalmique de la veine jugulaire. Ce bulbe qui parait être très-renflé chez d’autres poissons, est à peine marqué dans la Truite (Tab. L, fig. 1). Les bulbes des deux côtés sont réunis par une branche anastomotique transverse et assez large , qui est située derrière la branche anastomotique de l'artère céphalique et de la veine de la fausse branchie. De-là , la veine jugulaire passe le long du crâne, en restant étroitement appliquée contre la (*) Vergleichende Anatomie der Myxinoïden. Dritte Fortsetzung; Gefässystem. Dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, 1839. — 132 — face externe du premier faisceau du grand muscle latéral. Arrivée près de la ceinture thoracique, la veine jugulaire de chaque côté se réunit à la veine cardinale (50), qui vient des reins, et ce tronc commun qui est sensiblement élargi se porte verticalement en bas pour se réunir au devant de l'oreillette à celui de l’autre côté et recevoir en bas la veine-cave (51) qui vient du foie et la veine de Duvernoy (30) qui vient des bran- chies. Nous désignerons, avec M. Rathke, ce sac sous le nom de sinus de Cuvier (49) (*). Nous savons déjà par l’anatomie du cœur, que le sinus de Cuvier, situé dans la cavité du péricarde, s'ouvre par une seule ouverture médiane dans la face postérieure de l'oreillette. Au-dessus de cette ouverture, aboutissant également à l'oreillette, se trouve l'entrée de la veine de Duvernoy, vis-à-vis celle de la veine-cave, située, comme les deux autres , dans la ligne médiane. On peut se représenter les deux sinus de Cu- vier réunis comme un croissant, dont les deux bouts qui sont tournés en haut, sont formés par la réunion des veines jugulaires venant de la tête, des veines cardinales revenant du corps et des branches anastomotiques du canal mucique. Les deux extré- mités du croissant embrassent de chaque côté l’ésophage, et si l’on tient compte de la branche anostomotique des deux veines jugulaires, on verra que ces deux veines for- ment une ellipse veineuse complète autour de l'extrémité céphalique du canal intes- tinal. L’extrémité antérieure de cette ellipse serait formée par la branche anastomotique des jugulaires , l'extrémité postérieure par le croissant des sinus de Cuvier. VEINES DU CORPS. Tab. K, fig. 1 et 3. (Elles sont colorées en bleu.) Les veines cardinales (50) sont au nombre de deux, mais celle du côté gauche est moins développée et ne ramène que le sang de la partie antérieure du rein , tandis que celle du côté droit, longeant toute la colonne vertébrale, à côté de l’aorte, depuis l'extrémité antérieure du rein jusque vers le cœur caudal situé sur la plaque caudale, ramène tout le sang du corps, des reins et des organes sexuels. En longeant la co- lone vertébrale, cette veine recoit les nombreuses veines intervertébrales et inter- costales qui, dans leur trajet, ne se distinguent pas des artères. Rentrée dans la cavité abdominale, elle reçoit en outre tous les filets revenant des reins, et enfin, près de l'extrémité antérieure du rein, là où elle se déverse dans le sinus de Cuvier, un vais- @®) Tab. K, fig. 1 et 2. — Tab. L, fig. ? et 8. — 1355 — seau assez considérable qui, après avoir longé toute la face interne de l'organe sexuel (testicules ou ovaires), se tourne en haut et traverse l'extrémité antérieure du rein, pour s'ouvrir dans la veine cardinale de son côté (Tab. K, fig. 2). A cette veine que nous proposons d'appeler veine spermatique, vient encore s’ajouter un petit filet revenant de la vessie nataloire. La veine-cave des poissons (51), quoique trés-large , n’a qu’un trajet très -court. Toutes ses branches sont creusées dans la substance du foie lui-même , et elle n’en recoit aucune venant d’un autre organe. Ces branches se réunissent en un seul tronc à la face antérieure du foie; ce tronc traverse le péricarde et s'ouvre dans la face postérieure du sinus de Cuvier. La veine-cave réunit ainsi tout le sang revenant des organes digestifs, qui, après avoir passé par les branches de la veine-porte, s'était versé dans le foie. Le trajet des différentes branches de la veine-porte (53) est très-simple (*). Deux troncs veineux longent l'intestin dans toute sa longueur, jusque vers l'endroit de son dernier repli, où ils se réunissent en un seul. Une seconde branche considérable venant de la rate et remontant la partie cardiale de l'estomac vient se réunir aux branches de l'in- testin. Une troisième branche, qui prend également naissance dans la rate, longe la partie pylorique de l'estomac, où elle reçoit les branches qui reviennent des appendices pyloriques. Toutes ces branches se réunissent en un seul tronc, à la face interne du foie , près de l’entrée du conduit bilieux dans la vessie biliaire , et c’est de ce point de réunion que partent les branches de la veine-porte, qui rayonnent dans la subs- tance même du foie. On a admis pour les poissons et les reptiles un système à part de veine portale des reins. Nous avons vu en effet chez la Truite quelques petites branches veineuses re- venant de l’extrémité postérieure du canal déférent et du rectum, se porter vers l'extrémité postérieure des reins et s’y diviser en plusieurs branches pénétrant vers la substance même du rein. Ces branches sont sans doute les branches portales des reins, découvertes par M. Jacobson ; mais elles paraissent extrêmement réduites dans la Truite, et nous n'avons jamais pu constater l’existence d’une veine caudale revenant du corps et se ramifiant dans les reins. Si nous cherchons maintenant à débrouiller le trajet que parcourt le sang du poisson, en prenant pour point de départ le cœur qui, n’ayänt point de double cavité, ne chasse que du sang veineux, nous arriverons à-peu-près aux résultats suivans : (*) Colorée en violet, Tab. K, fig. 2. — 154 — Le sang porté par les artères branchiales dans les vaisseaux capillaires des feuillets branchiaux où il subit l’action de la respiration, se rassemble ensuite au moyen des huits veines branchiales en un seul tronc, l’aorte. Nous avons ainsi quatre ares vascu- laires complets qui entourent la cavité buccale et l'entrée de l’ésophage et qui se réu- nissent en haut dans l'aorte et en bas dans le bulbe aortique. L’aorte fournit toutes les branches artérielles qui se rendent dans le corps et les intestins ; tandis que le sang artériel de la tête est fourni par la première veine branchiale seule et l'artère coronaire du cœur par la seconde veine branchiale. Le sang artériel du corps, après avoir passé par les capillaires des branchies, n’a plus qu’un second système capillaire à traverser, celui du corps; il revient ensuite par les veines cardinales. Le sang des intestins tra- verse trois systèmes capillaires, celui des branchies, celui des intestins, et en dernier lieu celui du foie, au moyen de la veine-porte, pour revenir enfin par la veine-cave dans le cœur. Mais c’est le sang de l’artère hyoïdale, qui présente sous ce rapport le trajet le plus compliqué, puisqu'il est chassé par la seule force du cœur, à travers quatre systèmes capillaires, celui du premier arc branchial, celui de la fausse bran- chie, celui du corps rouge de la chorioïde et en dernier lieu par les capillaires de la chorioïde même qui le rendent à la veine oculaire. DES CANAUX MUCIQUES. Tab. K et L. ( Peints en vert). M. Hyrtl (*), dans ses recherches sur le système mucique des poissons osseux a dé- crit soigneusement les communications de ce système singulier , tant avec les veines cardinales et les cœurs caudaux qu'avec la veine de Cuvier. M. Hyrtl raconte à cette occasion, que dans une visite qu’il nous fit sur le glacier de l’Aar, en 1842, l’un de nous lui avait appris, qu’en injectant le système mucique, on pouvait remplir tout le système veineux des poissons osseux. Mais ce n’est pas dans une simple conversa- lion en pareil lieu, que nous aurions pu apprendre à M. Hyrtl tout ce que nos propres travaux nous avaient révélé à ce sujet, et les résultats auxquels M. Hyril est arrivé, il les a bien réellement trouvés lui-même. Il n’en est pas moins vrai cependant que ces résultats nous étaient connus à cette époque ; car au mois de septembre de la même année l’un de nous a présenté à la société des naturalistes allemands réunis à (*) Archives de Müller, 1843, page 224. — 155 — Mayence (*), nos planches K et L, sur lesquelles se trouvent représentés tous les dé- tails du trajet des vaisseaux muciques de la Truite. Depuis la publication de M. Hyrul, nous avons repris nos travaux sur ce sujet et nous allons indiquer jusqu’à quel point nous sommes d'accord avec lui. En coupant transversalement la peau de la Truite à l'endroit de la ligne latérale, on découvre immédiatement au-dessous de la peau, dans la fente qui existe entre les deux moitiés du muscle latéral, un canal peu spacieux, de forme triangulaire, à parois excessivement minces qui sépare le nerf latéral de la peau (66) (**). En injectant ce canal dans la direction de la queue, on le voit se remplir jusque près de l’extré- mité de la colonne vertébrale, où celle-ci se fléchit en haut, pour se continuer dans la plaque caudale. Arrivé là , le canal se coude à angle droit, pénètre à travers les muscles vers la plaque caudale et se continue sur cette plaque jusque dans la base des rayons de la caudale, où il se divise en deux branches (67), l’une supérieure et l’autre inférieure, qui entourent l'insertion de la caudale en communiquant en haut et en bas avec les branches de l’autre côté. Outre ce canal on voit encore se remplir un petit sac plat, de forme triangulaire, qui est appliqué contre la surface externe de la plaque caudale et entiérement couvert par le muscle caudal profond moyen (13). Les sacs des deux côtés (54) (***) ne sont pas parfaitement égaux ; celui du côté gauche (fig. 4) est triangulaire, à angles arron- dis, tandis que celui du côté droit (fig. 5), est ovale; c’est ce sac que nous nommons le cœur caudal. Le canal mucique se continue tout le long de son bord supérieur et s'ouvre par une pelite fente dans son extrémité antérieure. À cette même extrémité antérieure , se trouve une seconde ouverture placée plus bas et qui s’ouvre directe- ment dans la veine cardinale, par une valvule qui permet bien aux liquides de passer depuis le cœur caudal dans la veine , mais qui empéche le sang de la veine d'arriver dans le cœur. Aussi n’y trouve-t-on jamais qu’un liquide aqueux, dans lequel on découvre bien, au moyen du microscope, quelques granules et quelques gouttelettes d'huile éparses, mais qui, à ce qu’il paraît, sont néanmoins étrangères à ce liquide. Au milieu du sac, se trouve une autre ouverture qui établit une communication avec le sac du côté opposé, à travers la plaque caudale. Cette ouverture est également munie d’une saillie membraneuse faisant l'office de valvule. Nous avons pu constater (*) D° Fogt über die Schleimgänge der Fische. Dans : Amtlicher Bericht über die Versammlung der Gesellschaft deutscher Naturforscher und Aerzte zu Mainz, 1842, page 220. C*) Tab. K, fig. 3. (**) Tab. K, fig. 4 et 5. — 136 — par des observations sur des Truites vivantes, que ce cœur caudal se contracte réelle- ment , quoique d’une manière fort irrégulière. Les parois du cœur sont peu solides et tissées de fibres qui ont beaucoup de rapport avec les fibres musculaires involon- taires de l’intestin. En poursuivant le canal latéral (66), du côté de la tète (toujours au moyen de l’in- jection), on le voit s’ouvrir, à l’endroit où la ligne latérale atteint la ceinture thoraci- que, dans un réservoir assez spacieux, qui est appliqué contre la face interne de la clavicule (n° 48). Il y a en cet endroit une fente, munie d’une forte valvule, qui mène dans un vaisseau du diamètre d’une forte tête d’épingle, lequel, en longeant le bord interne de la vessie thoracique , s’ouvre directement dans le sinus de Cuvier, à côté et en dehors de la veine jugulaire (*). De-là vient qu'il est impossible, en injectant le canal latéral d’arrière en avant, de remplir les canaux muciques de la tête ; le li- quide se déverse toujours dans le sinus de Cuvier, d’où il va remplir tout le système veineux du corps, le cœur, l’artère branchiale et ses ramifications. On devrait donc croire, d’après ces premières recherches, que le canal latéral est un vaisseau à part, conduisant peut-être de la lymphe qu'il pourrait déverser d’un côté, au moyen du cœur caudal, dans la veine cardinale, et de l’autre au moyen d’un vaisseau de communication , dans le sinus de Cuvier. M. Hyrtl prétend que ce canal est pourvu d’une quantité de branches latérales qui, après avoir suivi les feuillets ten- dineux, entre les bandes transversales du grand muscle latéral, se ramifient dans de larges réseaux capillaires formant de grandes mailles, dont chacune entoure la base d’une écaille. Nous n’avons jamais pu nous convaincre de l'existence de ces branches latérales. Nous avons bien vu des injections qui présentaient quelque chose d’analogue à ce que décrit M. Hyrtl; mais nous avons toujours pensé que c'était le résultat d’une extravasation , causée par la rupture des parois excessivement minces du canal latéral , et que le liquide s’était répandu le long des feuillets tendineux en suivant les bases des écailles, où le tissu cellulaire est moins dense que dans les autres parties de la peau. N'ayant pu découvrir aucune communication des petits canaux qui traversent les écailles de la ligne latérale avec le grand canal latéral , et ne pouvant croire à l’exis- tence d’un vaisseau ainsi fermé de tous côtés, nous avons essayé d’injecter les canaux muciques de la tête, depuis le canal qui se trouve enfermé dans la crête temporale. Après plusieurs essais infructueux , nous avons réussi enfin à remplir plusieurs vais- seaux situés autour du nerf latéral, immédiatement au-dessous de la peau qui tapisse (*) Tab. L, fig. 7 et 8. — 157 — la face interne de la cavité branchiale (*) (63). L'existence de ces vaisseaux une fois constatée en un endroit d’un accès facile, nous avons pu les suivre sans peine vers la tête et vers l'extrémité postérieure du corps, et nous rendre ainsi compte de leur distri- bution dans la tête. Un premier fait à constater, c’est l'existence à l'endroit de l'ouverture du canal de communication avec le sinus de Guvier, d’un réservoir résultant de la réunion de quatre canaux différens. Le premier vient de la crête temporale et suit la ceinture thoracique ; un autre (65) vient des branchies antérieures, et suit le trajet du nerf latéral ; il est appliqué immédiatement au-dessous de la peau , sur la face externe du premier faisceau du grand muscle latéral; le troisième vient du dernier arc branchial et du coude de l’are pharyngien , enfin le quatrième est le canal latéral déjà dé- crit. L'entrée de tous ces canaux dans le réservoir est défendue par des valvules qui, quoique très-faibles, sont pourtant plus fortes que les parois du réservoir lui-même, et comme ces valvules sont placées de manière que les liquides ne peuvent pas entrer depuis le réservoir dans les canaux , il en résulte, que l’on peut bien de chacun de ces canaux remplir le réservoir , et partant de là, le sinus de Cuvier ; mais que jamais un liquide chassé depuis l’un de ces canaux ne peut entrer dans un autre. Le cours du premier de ces canaux, celui dont le tronc principal se trouve ren- fermé dans la crête temporale, et que nous nommerons canal mucique externe de la téte, est facile à suivre. Arrivé à l'extrémité antérieure de l'os temporal, il se divise en deux branches , dont l’une, passant par le frontal, se poursuit tout le long de l'orbite et s’ouvre par de nombreux trous à la face supérieure de la tête; (le dernier de ces trous, qui est du reste fort petit, se voit à l'angle antérieur de la fosse nasale) ; la seconde branche passe immédiatement dans le dernier sous-orbitaire, et se continuant tout le long de ce cercle osseux , s’ouvre par de nombreux petits trous à la surface de la joue. L’extrémité postérieure de ce canal reçoit aussi une branche fort importante de la mâchoire inférieure ; venant de l'extrémité antérieure de cet os et arrivée près de Varticulation mandibulaire, elle s'engage dans un canal qui se poursuit tout le long du bord antérieur du préopercule, en donnant de nombreuses ramifications en dehors. Le second des canaux qui se rendent dans le réservoir commun nous a souvent paru divisé en deux (Tab. L, fig. 1) (65). Il se compose de trois branches diffé- rentes, chacune venant d’un arc branchial et se rendant dans un canal commun qui longe l'appareil branchial , à l'endroit où il se fixe au crâne. Il y a deux espèces de (*) Tab. L, fig. 1 et fig. 7. Tone III. 18 — 138 — branches venant des branchies ; les unes, fort petites, viennent de l'extrémité supé- rieure de l’arc et notamment des feuillets qui ne sont plus fixés sur l'arc lui-même. Les autres qui sont les moins profondes et les plus considérables, longent l’arc osseux lui-même et se trouvent être la continuation directe des branches de la veine de Duvernoy. Nous avons réussi à injecter les branches allant aux arcs et la veine de Du- vernoy, depuis le canal branchial commun (63). Le troisième canal (64) (Tab. L, fig. 4 et 8) vient d’un réservoir commun, qui se trouve autour de l’apophyse plate de la pièce supérieure du quatrième arc bran- chial. Ce réservoir , composé d’un canal circulaire , reçoit deux branches importantes, l’une venant du troisième arc branchial ; l’autre arrivant du milieu du corps. Cette dernière branche communique sur la ligne médiane, avec son analogue de l’autre côté (Tab. L. fig. 2), immédiatement au devant de l’extrémité antérieure des reins, et c’est dans cette réunion médiane que s’ouvrent les deux grands troncs des vaisseaux lympbatiques qui longent l'aorte, et dans lesquels viennent se verser tous les vaisseaux lympbhatiques des intestins et du corps. Il existe de plus deux petites branches dont nous n'avons pas pu suivre exactement le trajet; toutes deux se rendent dans la partie antérieure de cette branche transversale et paraissent venir du cerveau (fig. 2). Enfin il y a encore une branche venant du quatrième arc branchial, qui joue vis-à-vis de la veine de Duvernoy , le même rôle que les branches des arcs antérieurs. Nous n’avons pas pu poursuivre plus loin le trajet de ces vaisseaux dans l’inté- rieur de la tête ; ces recherches sont même du nombre des plus difficiles que nous ayons rencontrées jusqu’à présent dans tout le domaine de l’anatomie. Les parois des vaisseaux sont excessivement minces , et le grand nombre de valvules qui paraissent exister dans leur trajet s'opposent à l'injection des liquides, du centre vers la périphé- rie et rendent impossible la poursuite de leurs branches terminales. Les mêmes causes nous empêchent de traiter en détail des vaisseaux lymphatiques des viscères du corps. Nous avons bien reconnu l'existence de deux canaux principaux embrassant l'aorte et longeant la colonne vertébrale. Nous nous sommes également convaincus de l’exis- tence de vaisseaux lymphatiques dans le mésentère sur des poissons frais, mais nous avons aussi reconnu que l'injection ne pouvait conduire qu’à des résultats faux et trompeurs , le mercure étant trop pesant pour ne pas rompre à l'instant les parois si délicates de ces vaisseaux; d’un autre côté le diamètre de ces mêmes vaisseaux est trop petit pour que d’autres liquides puissent y être introduits. Si nous cherchons maintenant à nous rendre compte du système des canaux mu- ciques dans son ensemble , nous verrons qu'il existe deux lignes principales de — 159 — canaux longeant, l’une les parties internes de la tête et la ligne latérale, l'autre la colonne vertébrale jusque vers la base du crâne et le point d’attache des branchies ; que ces deux lignes communiquent ensemble dans plusieurs réservoirs situés à la base du crâne et sous la ceinture thoracique ; qu’elles ont de nombreuses commu- nications avec le système veineux par les branches de la veine de Duvernoy, par les sinus de Cuvier et par la veine cardinale ; que les vaisseaux lymphatiques du corps se déversent dans la ligne interne, et qu’enfin la ligne externe à de nombreuses communications avec l’intérieur, et par conséquent avec l’eau ambiante par les trous existant sur la tête, et probablement aussi par les petits canaux qui percent les écailles de Ja ligne latérale. Nous aurions bien désiré pouvoir arriver à une certitude complète sur ce dernier point, la communication des canaux des écailles avec le canal latéral ; mais nous sommes obligés de convenir qu’il reste encore plus d’un doute à éclaircir à cet égard. Nous dirons cependant que nous n’avons jamais pu trouver un second canal logé dans l’intérieur même de la peau et réunissant à lui tous les petits canaux des écailles. Ce qui est sûr, c’est que la mucosité qui couvre le corps des poissons n’est point une sécrétion déversée par ces petits canaux et par les ca- naux muciques de la tête, comme on l'a cru jusqu'ici, et comme le prétend encore M. Hyrtl. Cette mucosité est le produit de la peau elle-même sur tous ses points ; elle est le véritable épiderme des poissons, composé de cellules nucléolulées, qui ne se distinguent en aucune façon de l’épithélium qui couvre la face interne des intestins. Ces cellules se raccorniraient sans doute comme les cellules de l’épiderme des animaux vivant dans l’air, si les poissons ne vivaient pas dans l’eau, et si par conséquent les cellules n'étaient pas constamment imbibées de liquide. En partant de ces faits, on reconnaitra facilement que le système des vaisseaux muciques, comme on les a appelés jusqu’à présent, n’est qu’un système de vaisseaux absorbans contenant de la lymphe venant des intestins et du corps, et de l’eau pompée du dehors. M. Hyrtl a démontré que dans des poissons morts hors de l’eau, ces vais- seaux ne contiennent autre chose que de l'air, observation que nous avons trouvée parfaitement exacte. Il est facile de prouver, d’un autre côté, que la mucosité qui entoure les poissons ne peut provenir d’une sécrétion qui s’échapperait par les ouver- tures de la tête et par les canaux des écailles de la ligne médiane ; car dans les pois- sons les plus glutineux, comme, par exemple, dans l’anguille, ces canaux sont tout- à-fait imperceptibles. Nous avons d’ailleurs démontré au chapitre de la structure de la peau , l’existence de cet épiderme universel dont nous venons de parler. Quelques doutes qu’il puisse cependant rester encore sur les communications qui — 140 — existent entre les diverses parties du système des canaux muciques, toujours est-il que les ouvertures qu'ils -présentent à l’extérieur sont disposées d’une manière très- régulière et constante, en sorte qu’elles forment souvent des séries très-marquées sur les flancs du poisson, sur son crâne, sur ses joues, sur les pièces operculaires et sur la mâchoire inférieure , dont les zoologistes ont tiré un assez bon parti comme carac- tères distinctifs des genres et des espèces. C’est ainsi que la direction de la ligne laté- rale, qui est formée d’une série longitudinale d’écailles percées de canaux muciques, a été de tout temps considérée comme un des traits les plus caractéristiques des pois- sons ; c’est ainsi que des flexions brusques ou une interruption dans la série de ces écailles, ont fréquemment été envisagées comme des caractères suffisans pour distin- guer des genres. Mais nous ne pourrons réellement apprécier la valeur de ces diffé- rences que lorsque nous connaitrons bien exactement la nature des fonctions de ces appareils. "QU NÉVROLOGIE. DU CERVEAU EN GÉNÉRAL. La grande diversité d'opinions que les anatomistes ont émises au sujet de la déno- mination des différentes parties du cerveau des poissons, atteste hautement l'incertitude qui existe, chez les auteurs, sur l’analogie que ces parties présentent avec celles du cer- veau des autres animaux vertébrés. L’incertitude qui règne à cet égard est si grande , que l’on ne trouve pas même d’accord entre les dénominations employées pour dési- gner les mêmes parties chez différens poissons , comme nous aurons plus d’une occa- sion de le faire remarquer. Au milieu des difficultés qu’un pareil état de choses présente, nous avons pensé que la marche la plus simple que nous ayons à suivre, était de décrire d’abord en détail le cerveau de la truite de ruisseau (Salmo Fario), que nous avons choisie pour base de nos dissections, en donnant à ses parties les noms qui nous paraissent les plus convenables, sans établir d’abord de comparaisons avec le cerveau des autres vertébrés, nous bor- nant pour le moment à inscrire en note la synonymie des auteurs les plus connus, comme nous l’avons fait pour les os de la tête, dont l'étude n’est pas moins compliquée. Plus tard nous reviendrons sur ce sujet et nous chercherons alors à justifier notre nomenclature par un examen critique des différentes opinions qui existent sur l’encéphale des poissons. Pour de plus amples détails descriptifs sur le cerveau de l’ensemble des poissons os- seux, nous renyoyons à l'excellent mémoire de M. Gottsche (‘) sur ce sujet, et à diffé- rens mémoires de MM. J. Müller (?), d’Alton (°) Valentin (*), Stannius (”) et Savi (°) sur le cerveau de divers poissons, sans citer de nouveau les ouvrages plus anciens de (!) Dans J. Müller, Archiv für Anat. etc. 1835. (?) Dans son Anatomie des Myxinoides. (°) Dans J. Müller, Archiv etc. 1838 et 1840. (f) Dans les Nouveaux Mémoires de la société helvétique des scienc. nat Tom. VI et dans J. Müller, Archiv etc. 1842. (°) Dans J. Müller, Archiv etc. 1843. (*) Dans Matteuci, Traité des phénomènes électro-physiologiques. Tom. HI. 19 — 112 — Haller, Cuvier, Carus, Arsaky, Tiedemann, Treviranus , Serres et Desmoulins, qui sont généralement connus. La cavité cérébrale des truites n’étant pas très-spacieuse , le cerveau en occupe la majeure partie. On peut même dire qu’à l'exception des masses graisseuses qui recou- vrent, en avant, les tubercules olfactifs, sur les côtés, les corps quadrijumeaux, et en arrière, la partie antérieure et supérieure du cervelet, la cavité cérébrale est complè- tement occupée par le cerveau. Il n’en est pas tout-à-fait de même des autres espèces du genre Salmo et des autres genres de la famille des Salmones, qui ont une masse plus considérable de tissus graisseux autour de leur cerveau et dont le cerveau est plus petit proportionnellement à leur taille. C’est chez le Salmo Trutta, que nous avons trouvé le cerveau le plus petit compara- tivement à la masse du corps. Dans un exemplaire de cette espèce du poids de seize livres (la livre à seize onces) le cerveau et la moëlle alongée, coupée à la sortie de la cavité du cràne, pesaient moins d’un gramme et quart (1,235), c’est-à-dire seule- ment la sept millième partie environ de la masse totale du corps, tandis que le cerveau d’une truite de ruisseau /Salmo Fario) d’un quart de livre , pesait presque un dixième de gramme (0,09) ou à peu près la quinze centième partie de la masse totale du corps. Ce qui nous prouve que le cerveau, dans différentes espèces du même genre, loin d’être proportionnel à leur taille, offre bien plutôt un type uniforme, caractéristique pour chaque grand groupe par ses formes , aussi bien que par ses dimensions. Lorsqu'on examine le cerveau de la truite d’en haut, après avoir enlevé les mem- branes qui l’enveloppent et dont nous nous occuperons plus tard, on observe trois groupes principaux de renflemens , alignés les uns derrière les autres , qui correspon- dent aux divisions embryoniques que nous avons désignées sous les noms de prosen- céphale , de mésencéphale et d’épencéphale (‘) , dénominations que nous conserverons ici. Les deux premières de ces divisions, celles qui correspondent au prosencéphale C (°), et au mésencéphale B, sont paires et séparées longitudinalement et transversalement par de profonds sillons; à leur point de jonction se trouve en E un petit corps impair, que nous considérons avec la plupart des anatomistes comme l’analogue de la glande pinéale. En avant des premières se trouvent les petits tubercules olfactifs D , dont nous nous occuperons ci-après. La troisième grande division du cerveau À est impaireet re- (1) Embryologie des Salmones , chap. V; p. 152. () Voir Tab. N, fig. 1 à 10, qui représentent le cerveau sous différentes faces. — 115 — pose en forme de capuchon sur le raphé médian de la moëlle alongée; cette masse correspond à l’épencéphale. Vu d’en bas le cerveau a un aspect tout différent. Les tubercules olfactifs, le pro- sencéphale et le mésencéphale dessinent bien encore ses contours, comme d’en haut ; mais en arrière on aperçoit fig. 2, 5 et 4, au lieu du cervelet, la moëlle alongée h h, avec les nombreuses paires de nerfs qui y prennent naissance. En avant de la moëlle alongée et hors de la ligne médiane, deux renflemens paires FF, les lobes inférieurs, entre eux et sur la ligne médiane un réseau de vaisseaux sanguins 7, appelé sac vascu- laire par M. Gottsche, plus avant et également sur la ligne médiane, entre la partie an- térieure des lobes inférieurs et le croisement des nerfs optiques, un corps glanduleux , l'hypophyse G. Les nerfs optiques I se distinguent surtout par leur grosseur et par leur blancheur. Afin de faire mieux comprendre la liaison et la succession de ces organes, nous com- mencerons notre description par les parties postérieures, en avançant dans l’ordre na- turel vers les parties antérieures. DE LA MOELLE ALONGÉE ET DU CERVELET (ÉPENCÉPHALE). C’est à la hauteur du trou occipital que la moëlle alongée et la moëlle épinière com- mencent à prendre un aspect différent. Ce qui les distingue surtout c’est le plus gros volume de la première qui est renflée, et le mode d'insertion des paires de nerfs qui s’y rattachent. Les deux faisceaux supérieurs de la moëlle épinière s’écartent en outre insensiblement en approchant du cerveau et forment par leur divergence une cavité triangulaire ou plutôt en forme de losange irrégulière, le quatrième ventricule. Le fond de cette cavité est occupé par les faisceaux inférieurs de la moëlle, qui sont ici à découvert, lorsqu'on relève le cervelet; ce dernier sert en quelque sorte d’opereule à la cavité, en se couchant d’avant en arrière sur toute l’étendue de la moëlle alongée. Les faisceaux postérieurs de la moëlle alongée ou les corps restiformes (bb fig. k, 7 et9) se renflent insensiblement à mesure qu’ils s’écartent et forment une sorte de bourrelet alongé sur leur bord supérieur (les lobes restiformes) avant de se relever pour former les pédoncules du cervelet qui sont placés à peu près à angle droit avec la moëlle alongée. On remarque une sorte d’échancrure ou de dépression entre les corps restiformes et les pédoncules du cervelet, surtout distincte de profil (e, fig. 4 et 7). Ces renflemens postérieurs des corps restiformes ont une teinte particulière , plus terne que la moëlle alongée; après avoir séjourné dans l'esprit de vin, ils se séparent facilement de la — Ah — masse principale. Leur bord supérieur est réuni par une commissure assez large qui forme un véritable pont sur le quatrième ventricule. Cette masse grisâtre se prolonge encore derrière le cervelet, où elle forme une sorte de revêtement à la surface posté- rieure et interne des pédoncules du cervelet, jusque sous son capuchon. Les pédoncu- les du cervelet eux-mêmes se renflent aussi latéralement et forment un autre bourrelet en forme de croissant (d d'fig. 41, 4 et 6), qui se confond insensiblement avec les parties latérales du cervelet proprement dit. En se réunissant sur la ligne médiane, les pédon- cules du cervelet forment une voûte transversale fort élevée (e fig. 1, #, 5 et 6) sur la partie antérieure du quatrième ventricule, c’est le cercelet proprement dit (‘). La face inférieure de cette voûte est arrondie, en forme de museau de tanche et percée au milieu d’une ouverture (f fig. 5, 9 et 10) qui met en communication la cavité du cervelet et le quatrième ventricule; la partie supérieure de la voûte est {formée par un capuchon arrondi (g fig. 1,4, 5, 6,9 et 10) coudé à angle droit sur les piliers verti- caux du cervelet, terminé en arrière par un bourrelet obtus (g fig. 4) et qui repose par sa face inférieure (g fig. 10) sur les bords des faisceaux postérieurs de la moëlle alongée, fermant ainsi par en haut la partie postérieure du quatrième ventricule. La surface du cervelet paraît lisse au premier aspect ; cependant lorsqu'on enlève avec soin toutes les membranes qui l'entourent on reconnait de faibles traces de stries transversales qui sont vraisemblablement les premiers indices d’un plissement, La partie extérieure du cervelet se compose de couches concentriques de substance grise embrassant une masse plus ou moins considérable de substance grenue d’une teinte légèrement rosée ou plutôt couleur de chair, au centre de laquelle se trouve un noyau médullaire blanc qui entoure une cavité étroite, verticale et comprimée dans la partie antérieure du cervelet, triangulaire dans le centre du capuchon et horizontale dans la partie de son prolongement qui est réfléchie en arrière. Une section longitudinale du cervelet (fig. 9), nous montre cette cavité s'étendant fort loin en arrière dans le capuchon et pénétrant en avant dans le coude saillant de cet organe. A la pactie inférieure de la face antérieure des piliers du cervelet , naissent deux faisceaux de fibres qui se rendent à la base des bourrelets des lobes optiques, et que l’on considère généralement comme les pédoncules du cervelet aux corps quadrijumeaux (k kfig. 6). Mais cette dénomination nous parait peu correcte, car les bourrelets en ques- (*) La plupart des auteurs sont d'accord sur cette dénomination ; Weber cependant l’appelle corpus quadri- geminum. — A1h5 — tion ne sont point de véritables corps quadrijumeaux ; nous sommes bien plutôt dis- posés à les considérer comme une dépendance directe du cervelet, une sorte de vermice faisant saillie dans le mésencéphale. En effet l’on peut facilement se convaincre qu’une lame de substance blanche s'étend dans l’intérieur du cervelet et descend verticale- ment dans la partie inférieure et antérieure de la voûte qui repose sur le quatrième ventricule, puis se recourbe en avant et en haut pour former en se plissant les dits bourrelets du fond des lobes optiques, comme le montre la fig. À de Tab. Na. Il y a donc deux sortes de fibres qui se prolongent du cervelet dans les bourrelets du fond de la cavité du mésencéphale ; 1° les soi-disant pédoncules du cervelet aux corps quadrijumeaux (kk de fig. 6), et 2° la lame de substance blanche qui descend de l'intérieur du cervelet. Les faisceaux inférieurs de la moëlle alongée (h h fig. 2, 3, 4 et 5) vont en se ren- flant encore plus fortement en avant que les faisceaux supérieurs, mais ils ne s’écar- tent pas l’un de l’autre; une faible dépression longitudinale (i fig. 2 et 5) marque seule leur séparation ; vus de profil , ils forment une saillie arrondie assez prononcée qui est affaissée à la hauteur du bord antérieur du cervelet, ou plutôt qui s’élève d'ici sous la forme de pédoncules du cerveau vers les tubercules quadrijumeaux et les cou- ches optiques, pour former la base du cerveau. C’est de la partie la plus saillante de ce renflement que naissent les nerfs de la sixième paire, en avant desquels on aperçoit sous les lobes inférieurs, qu'il faut relever pour le voir, un entrecroisement de fibres ( m fig. 8), déjà signalé par M. Gottsche, qui l’a décrit sous le nom de Commis- sura ansulata et qui rappelle jusqu’à un certain point le pont de Varole. Les fibres transversales qui unissent les pédoncules du cerveau dans leur partie supérieure, au fond du quatrième ventricule et qui se combinent vraisemblablement avec la commis- sura ansulata, forment aussi une sorte de commissure que l’on pourrait appeler la commissure supérieure des pédoncules du cerveau (x fig. 5). Les faisceaux de la moëlle alongée présentent chez les poissons quelques particula- rités qu'il importe de faire ressortir. Comme nous l'avons déjà vu, les faisceaux supé- rieurs s’écartent fortement pour former le quatrième ventricule , mais au point où ils commencent à diverger , ils sont intimément unis par une commissure molle (x fig. 7), déjà signalée par Haller et décrite de nouveau par M. Gottsche qui la nomme commissura spinalis (*). La cavité du quatrième ventricule se prolonge visiblement dans l’intérieur de la moëlle épinière. Dans le fond du quatrième ventricule , on distingue de chaque (1) C’est la commissura cerebri infima de Haller. — 146 — côté du sillon longitudinal, un faisceau médullaire blanchâtre (les pyramides supé- rieures de Gottsche) qui s’avance le long de l’aqueduc de Sylvius et s’étale dans le fond des lobes optiques ; des fibres transversales vont de l’un à l’autre. Les fibres moyennes de la face inférieure des faisceaux antérieurs de la moëlle alongée (les pyramides in- férieures) suivent une direction oblique dans leur partie antérieure, se dirigent en de- hors et s’élèvent également vers les lobes optiques. Les fibres croisées qui plus avant simulent un pont de Varole vont les unes aux lobes inférieurs et les autres aux lobes optiques, elles entourent la racine des nerfs de la troisième paire et laissent passer, en o fig. 8, sur la ligne médiane, le vaisseau principal qui alimente le quatrième ventricule. DES LOBES OPTIQUES, DES LOBES INFÉRIEURS ET DU TROISIÈME VENTRICULE (MÉSENCÉPHALE). DES LOBES OPTIQUES,. Les lobes optiques (‘) sont l'organe le plus compliqué et le plus volumineux du cer- veau de la Truite. Ils forment deux masses oblongues et arrondies (B fig. 1,2,5,kLet5), séparées l’une de l’autre par un sillon et disposées symétriquement l’une à côté de l’autre, dans le sens de leur plus grand diamètre, en avant du cervelet , dont ils sont séparés par un étranglement très-profond , qui pénètre jusqu'aux pédoncules du cer- velet. En avant se voit la glande pinéale (E fig. 1) dans un espace évasé , résultant de l’écartement des deux lobes optiques et des lobes olfactifs (C fig. 1) qui sont encore plus avant. Pour se faire une juste idée des lobes optiques, il importe de ne pas les comparer avec les hémisphères du cerveau des vertébrés supérieurs, malgré lanalogie frappante qu'ils paraissent avoir avec eux. En effet, la voüte des labes optiques n’a rien de commun avec les parois des ventricules latéraux du cerveau des mammifères, pas plus que la commissure qui les réunit par en haut et les faisceaux qui se voûtent des- sous celte commissure, ne sont les analogues du corps calleux et du fornix. La cavité des lobes optiques est bien plutôt due au développement d’un système particulier de fibres dépendant des nerfs optiques qui se déployent dans tous les sens, de manière à former une cavité qui enveloppe les soi-disant bourrelets quadrijumeaux et les couches optiques. Ces fibres se dirigeant d’abord sur les côtés, se voütent ensuite au-dessus des bourrelets, puis se replient en avant et en haut et forment ainsi cette vaste enceinte que l’on a à tort comparée aux grands ventricules du cerveau des vertébrés supé- (!) Lobi optici Haller, Lobes creux Cuv., Corpora quadrigemina Arsaky, Müller etc. — A1h7 — rieurs. Dans le fond de cette cavité on trouve en arrière et sur la ligne médiane, les bourrelets quadrijumeaux (n fig. 5, 6, 9 et 10), dont nous avons déjà parlé, et que nous décrivons plus en détail ci-dessus, en arrière et sur les côtés des saillies oblongues que l’on pourrait comparer aux couches optiques (0 o fig. 6), puis en avant une large commissure (p fig. 5, 6, 7 et 9) (*) qui réunit les deux côtés du fond de la cavité; la voüle en revanche est soutenue par une sorte de fornix (q q fig. 7 et 9) et un corps calleux rudimentaire , formé de quelques fibres transversales. Les bourrelets quadrijumaux (*) paraissent s’élever de la face supérieure des pé- doncules du cerveau en avant du cervelet, mais en réalité ils naissent des faisceaux postérieurs de la moëlle alongée ou plutôt directement du cervelet. Leurs piliers sont séparés par une sorte d’aqueduc que l’on pourrait comparer à l’aqueduc de Sylvius. si ces bourrelets correspondaient réellement aux corps quadrijumeaux. Ils reçoivent leurs principaux faisceaux de la face antérieure des piliers du cervelet et de la lèvre anté- rieure du museau de tanche, qui se prolonge dans leur base en se repliant en avant. Leur plancher inférieur forme la vouüte du canal mentionné ci-dessus. Leur forme est très-singulière et ne ressemble qu'imparfaitement aux corps quadrijumeaux des verté- brés supérieurs avec lesquels on les a comparés. Ce sont plutôt des plis de la lame anté- rieufe du cervelet, rapprochés sous la forme de trois paires de bourrelets placés les uns devant les autres et séparés par une dépression longitudinale (n n fig. 6); les bourrelets postérieurs sont plutôt une lame transversale divisée sur la ligne médiane et reposant sur les pédoncules du cervelet aux corps quadijumeaux ; les bourrelets moyens sont les plus grands et les plus saillans; les antérieurs sont séparés en avant par une échan- crure. Leur plancher inférieur (n fig. 10) est une lame horizontale qui présente deux ouvertures, l’une au milieu (x fig. 10), au moyen de laquelle la cavité des bourrelets quadrijumeaux communique directement avec l’aqueduc inférieur, l’autre en arrière (w fig. 9 et 10) qui débouche dans la partie antérieure du quatrième ventricule (fig 5). Dans la partie antérieure de ce plancher on remarque des fibres transversales entre les bourrelets antérieurs (fig. 10) et un peu plus en arrière à travers le milieu du plan- cher une véritable commissure (°) (r fig. 5 et 10). Les bourrelets sont tous creux, et leur cavité reproduit les sinuosités de leurs contours extérieurs (fig. 9). Il est facile de se convaincre que ces corps ont une triple origine comme nous l’avons fait remar- (*) D’après Gottsche la commissure antérieure, mais que nous croyons plutôt être la commissure postérieure. (?) Corps quadrijumeaux Cuv.; Corpora quadrigemina Gottsche. (©) Commissura inferior posterior eminentie quadrigeminæ de Gottsche. — 148 — quer plus haut; on peut mème les considérer en quelque sorte comme une simple excroissance de la partie inférieure et antérieure du cervelet, rattachée par sa base aux pédoncules du cerveau. La masse des bourrelets quadrijumeaux présente une couche extérieure de subs- tance blanche, entourant une masse grenue qui entoure à son tour leur cavité inté- rieure. Les couches optiques (0 0 fig. 6) quoique peu développées en apparence sont cepen- dant l’organe essentiel des lobes optiques. Ce sont des bourrelets peu saillans , placés au fond et en arrière de cette cavité, sur les côtés des bourrelets quadrijumeaux, aux- quels ils se rattachent par des anses nerveuses assez développées. Il n’est pas difficile de s’assurer que les pédoncules du cerveau envoyent une partie considérable de leurs fibres dans ces éminences ; nous nous sommes en outre convaincu, sur un cerveau de Palée, que les nerfs optiques se prolongent directement jusque dans leur masse et que les parois des lobes optiques ne sont autre chose que le résultat du rayonnement de leurs fibres, qui forment sur les côtés du fond de la cavité une sorte d'éventail, auquel M. Gottsche a donné le nom de Stabkrantz. Cette disposition des organes du mésen- céphale ressemble en apparence tellement à ce que l’on observe dans les hémisphères des mammifères, qu'il n’est pas surprenant qu’on ait comparé les lobes optiques aux hémisphères des animaux vertébrés supérieurs; mais il suffit de considérer les rapports des nerfs optiques avec ces masses et avec leurs parois, pour rester convaincu que les lobes optiques, malgré leur complication et malgré leur cavité intérieure, correspon- dent dans leur ensemble aux corps quadrijumeaux et aux couches optiques et que leurs bourrelets intérieurs ne méritent pas spécialement le nom de corps quadriju- Maux. En avant des bourrelets quadrijumeaux, l’on voit dans la partie antérieure du fond de la cavité des lobes optiques une large commissure (p fig. 5, 6, 7 et 9) que l’on pour- rait appeler la grande commissure des lobes optiques, qui réunit, sur un espace assez con- sidérable, le plancher des deux lobes. D’après ce que nous venons de dire plus haut, il serait assez difficile de comparer cette commissure à l’une de celles que l’on observe chez les vertébrés supérieurs. Dans aucun cas on ne pourra la comparer convenable- ment à la commissure antérieure , comme l’a fait Gottsche, mais bien plutôt avec la commissure postérieure , puisqu'elle se trouve immédiatement en arrière et au-des- sous de la glande pinéale. Mais quoi qu'il en soit de cette analogie, toujours est-il que la grande commissure des lobes optiques contribue, avec les bourrelets quadrijumeaux, à fermer par en haut le troisième ventricule, et qu’il n’existe d’autre communication — 119 — entre la grande cavité commune des lobes optiques et les troisième et quatrième ventri- cules , que par la petite ouverture qui se trouve entre le bord antérieur des bourrelets quadrijumeaux et le bord postérieur de la commissure , ouverture que l’on peut dès- lors considérer comme représentant tout à la fois l’aditus ad Infundibulum et l'adi- tus ad Aquæductum Syloii. M. Gottsche est le premier anatomiste qui ait reconnu la présence constante, dans le cerveau des poissons osseux, de deux piliers nerveux qu’il envisage comme un fornix et qui naissant du fond de la partie antérieure des lobes optiques, s'élèvent d’abord verti- calement le long de leur paroi antérieure , pour ensuite se fléchir en arrière, en s’ap- puyant contre la face intérieure de la partie supérieure de leur voûte et se confondre enfin en arrière avec le bord postérieur des parois de cette grande cavité. Ces piliers (qq fig. 5 et 9) naissent de deux bourrelets (44 fig. 9 et 10), placés en avant de la grande commissure des lobes optiques, et en arrière des racines de la glande pinéale , et que l’on pourrait considérer comme des renflemens du bord antérieur et inférieur des pa- rois antérieures des lobes optiques. D'abord parallèles, ils sont longtemps appliqués aux bords internes de la face intérieure des parois de la voute des lobes optiques, mais ils divergent plus ou moins en arrière et finissent par se confondre avec les bords de ces parois, en s’atténuant insensiblement et en se dirigeant toujours plus sur les côtés. Au-dessus de ces piliers, M. Gottsche distingue encore un corps calleux, entre les lèvres supérieures des parois des lobes optiques ; mais cet organe est réduit chez les Truites à quelques fibres transversales très-menues, qui existent seulement dans la partie postérieure de la voûte, au-dessus du fornix , à partir de la région où ses piliers s’écartent pour se confondre avec le bord postérieur des parois des lobes optiques. La cavité commune des lobes optiques qui est entourée par les organes que nous ve- nons de décrire, est très-spacieuse , et pourrait être comparée aux ventricules latéraux des mammifères, si les parois qui la circonscrivent étaient de même nature; mais loin d’avoir ici des dépendances d’un développement considérable du prosencéphale , nous n’avons à faire qu’au mésencéphale’ qui acquiert des dimensions d'autant plus consi- dérables chez les poissons osseux, qu’il est en rapport direct avec l'œil, le principal organe de la tête de ces animaux. Pour se faire une juste idée de la forme et des dimensions de la cavité des lobes optiques, il est nécessaire de la considérer par toutes ses faces et d’avoir recours à di- verses coupes pour en saisir toutes les anfractuosités. La fig. 9 nous la représente ou- verte par une section horizontale dé ses parois qui sont rejetées d’arrière en avant, en sorte que les deux calottes KK, fig. 9 , sont sa voûte et les enfoncemens L L fig. 6, Tom Il. 20 — 150 — 7 et 9, son fond. Dans la fig. 6, les bourrelets quadrijumeaux et les couches optiques sont en place; dans la fig. 7, les bourrelets quadrijumeaux sont enlevés; dans la fig. 9, ils sont fendus jusqu’à leur plancher. Dans la fig. 5 la cavité des lobes optiques est ou- verte longitudinalement par une section verticale ; l’espace libre compris entre la voûte et les bourrelets quadrijumeaux montre que les cavités des deux lobes communiquent largement entr’elles. Des sections transversales et perpendiculaires complèteront cet aperçu : la fig. C, de Tab. N a, nous montre la cavité commune des lobes optiques en face , ouverte au dessus de leur grande commissure, q q représentant les piliers du fornix ; la fig. D nous la montre coupée en avant des bourrelets quadrijumeaux ; la fig. E, à travers les bourrelets moyens; et la fig. F, à travers les bourrelets postérieurs et les couches optiques. 1 Lorsqu'on ouvre les lobes optiques , on peut facilement se convaincre que la couche extérieure de leurs parois est de substance grise et la couche intérieure de substance blanche. Le renflement du fond de cette cavité, que nous avons signalé plus haut sous le nom de couches optiques, est également de substance blanche à l’intérieur, mais il est recouvert d’une couche grenue qui tapisse aussi le fond de la cavité et les pédon- cules des bourrelets quadrijumeaux. La substance blanche des couches optiques se prolonge évidemment d’une manière directe dans les nerfs optiques. Il est en outre facile de s’assurer que les parois des lobes optiques convergent vers les nerfs optiques, et décèlent par-là la véritable nature de ces lobes. Ces rapports sont surtout évidens dans le cerveau de la Palée, dont la substance blanche se jaunit fortement, après avoir séjourné longtemps dans l'esprit de vin. On peut alors très-facilement poursuivre les fibres des nerfs optiques jusque dans les parois et jusqu’au fond du plancher des couches optiques. Les pédoncules du cerveau qui s’élèvent vers les couches optiques sont aussi d’un beau blanc. Des faisceaux de fibres blanches se croisent sous les lobes inférieurs , à la face antérieure des pédoncules du cerveau. DES LOBES INFÉRIEURS. Les lobes inférieurs (F fig. 2, 3, k, 8 et 10) se présentent sous la forme de deux bourrelets alongés , situés en avant de la moëlle alongée , sous le bord postérieur des lobes optiques. Dans leur partie antérieure ils sont plus fortement écartés qu’en ar- rière où ils convergent, en même temps qu'ils s’arquent en dedans en se fléchissant sur eux-mêmes, ce qui leur donne la forme d’un croissant irrégulier. Cependant cette — A5 — forme arquée n’est apparente que lorsqu'on a enlevé le sac vasculaire qui recouvre les deux cornes intérieures des lobes inférieurs. Ces bourrelets sont formés de fibres ve- nant d’une part de la commissura ansulata et d’autre part des pédoncules du cerveau. Leur intérieur est creux et cette cavité s'étend en arrière jusque dans leurs cornes in- térieures. Leur bord extérieur est fortement échancré et présente en outre dans sa par- tie antérieure une dépression longitudinale qui divise ces bourrelets en quelque sorte en deux bourrélets parallèles , dont l'extérieur (J fig. 2, 3 et 4) est le plus petit et le moins saillant. C’est dans l’anse qui sépare ces deux bourrelets des lobes inférieurs , que la troisième paire de nerfs apparaît à la face inférieure du cerveau. DU SAC VASCULAIRE, DE L'HYPOPHYSE ET DU TROISIÈME VENTRICULE. Le sac vasculaire (Hfig. 2) est formé d’un réseau assez serré de vaisseaux accumu- lés sur les cornes internes des lobes inférieurs , et réunis par du tissu cellulaire, de ma- nière à former une sorte de sac pendant à la surface inférieure du cerveau, sur la ligne médiane, en avant de la moëlle alongée. Les vaisseaux qui forment ce réseau correspondent à ceux qui, chez les mammifères, pénètrent dans le cerveau par la dé- pression qui se trouve entre les pédoncules du cerveau et les corps mammillaires. En avant du sac vasculaire se trouve l’hypophyse (G fig. 2, 4 et5), entourée des lo- bes inférieurs et des racines des nerfs optiques. C’est un corps glanduleux, trilobé, at- taché à un tube vasculaire, l’infundibulum, qui repose sur une fente longitudinale qui sépare le prolongement des pédoncules du cerveau et communique directement avec le troisième entricule (M fig. 5). Le pourtour de cette ouverture, que Gottsche appelle culva , est renflé et saillant. La cavité du troisième ventricule elle-même est assez spa- cieuse et s'étend entre l'infundibulum , le chiasma des nerfs optiques, la commissure des pédoncules du cerveau et le plancher des bourrelets quadrijumeaux ; elle commu- nique en arrière par le canal de Sylvius avec le quatrième ventricule, et en haut par une ouverture assez étroite , avec la grande cavité commune des lobes optiques. DU CHIASMA DES NERFS OPTIQUES. Par son grand développement et l’espace considérable qu’il occupe à la base du cer- veau, le chiasma des nerfs optiques mérite tout particulièrement de fixer l'attention. Loin de ressembler aux autres nerfs des poissons et de former des cordons cylindracés, les nerfs optiques de la truite se présentent sous la forme de larges bandelettes ner- veuses plissées sur elles-mêmes, de manière à former de grands faisceaux obliques qui — 152 — se croisent complètement sous les lobes olfactifs. Il est très-facile d’étaler ces bande- lettes et de s'assurer par-là que les nerfs optiques sont de véritables membranes très. minces qui se détachent du bord inférieur et antérieur des lobes optiques, dont elles sont le prolongement direct, après avoir formé le long de ce bord un petit bourrelet (N fig. 4), séparé des lobes optiques proprement dits par un léger sillon, dans lequel se logent les nerfs de la quatrième paire. En avant de la vulve , sous le chiasma des nerfs optiques se trouve une commissure (x! fig. 5 et 5) que Haller a déjà décrite sous le nom de commissura transversa et que M. Gottsche mentionne également. Pour l’apercevoir, il faut séparer les nerfs optiques et les écarter fortement. Entre les deux nerfs optiques, on remarque en outre devant la commissure trans- verse de Haller une fente longitudinale (z fig. 3) qui communique avec le troisième ventricule; celte fente est, fermée en avant par quelques fibres qui se croisent. Du reste les nerfs optiques ne mêlent point leurs fibres et passent l’un dessous l’autre, sans se combiner. DE LA GLANDE PINÉALE. La glande pinéale (E fig. 1, 4, 5, 6 et 10) est un organe très-développé chez les pois- sons en général et chez les Truites en particulier. Sa position entre les lobes olfactifs et les lobes optiques n’est pas l'argument le moins important en faveur de l'opinion qui considère les premiers comme représentant le prosencéphale et les derniers le mésen- céphale. Mais ce que la glande pinéale offre de caractéristique chez les Truites, c’est que son prolongement supérieur se loge dans un enfoncement profond percé dans le cartilage crânien et qui pénètre jusque sous la plaque osseuse des frontaux. [ei la glande pinéale est formée d’une houpe de vaisseaux très-menus, enlacés et anastomosés de manière à représenter une sorte de massue portée sur un pédoncule plus grèle. Ce pédoncule lui-même se compose de quatre racines nerveuses (ssss fig. 6 et 10) nais- sant de quatre petits tubercules situés au bord antérieur du plancher des lobes opti- ques, sous le pli antérieur de leur paroi, en avant des racines du fornix, et que M. Gotische a nommés {ubercules intermédiaires, sans indiquer d’une manière pré- cise leurs rapports avec la glande pinéale. Le méme auteur signale en outre une com- commissure dans cette région, qu’il nomme commissura lenuissima, mais que nous n’avons pas remarquée dans la Truite. DES LOBES ET DES TIBERCULES OLFACTIFS,. (PROSENCÉPHALE. ) Les lobes olfactifs (C fig. 4,2, 3,4, 5, 6 et 10), sont de petits renflemens ar- rondis placés symétriquement en avant des lobes optiques et qui n’offrent rien de particulier dans les poissons. Leur masse est compacte et d’une teinte particulière, d’un blanc hyalin bleuâtre ; leur surface est moins unie que celle des lobes optiques, cepen- dant elle est dépourvue, chez les Truites, de ces sinuosités que présentent les Cyprins, les Gades, les Anguilles et d’autres poissons, et que l’on pourrait envisager comme les premières traces des circonvolutions des hémisphères. Les fibres dont se composent les lobes olfactifs paraissent naître des lobes inférieurs et des pédoncules du cerveau, et dépendre ainsi directement et indirectement du développement des faisceaux anté- rieurs de la moëlle alongée. Les lobes olfactifs présentent en effet à leur base des fibres longitudinales blanches qui passent sur les racines des nerfs optiques et qui paraissent être le prolongement direct des pédoncules du cerveau, tandis que d’autres fibres s’élèvent des lobes infé- rieurs dans leur masse. Une forte commissure (u, fig. 3, 5 et 10), qui nous parait devoir être comparée à la commissure antérieure, réunit les deux lobes olfactifs. C’est la commissura inter- lobularis de Gottsche. En avant des lobes olfactifs se voient encore deux petits tubercules, les tubercules _olfactifs (D, fig. 1, 2, 5, 4, 5, 6 et 10), d’où naissent directement les nerfs qui se rendent aux organes de l’odorat, ou plutôt qui ne sont qu’un renflement de la partie postérieure et supérieure de ces nerfs. Leur aspect est le même que celui des lobes ol- factifs ; les rapports des tubercules olfactifs avec les nerfs de l’odorat et avec les lobes olfactifs ne permettent pas de douter que ces derniers ne représentent les hémisphères du cerveau des vertébrés supérieurs, dans un état très-rudimentaire. Si maintenant nous résumons les résultats que nous avons obtenus sur les rapports des différentes parties de l’encéphale , nous pouvons dire que le cerveau se divise en trois régions principales , dont l’une située en arrière est occupée par le cervelet et la moëlle alongée, l’autre qui est au milieu et qui occupe le plus d’espace est représentée par les lobes optiques avec leur cavité et les organes qu'ils contiennent , les lobes in- férieurs avec le sac vasculaire, lhypophyse avec l’infundibulum et le troisième ven- tricule et le chiasma des nerfs optiques, enfin la troisième qui est en avant n’est formée que des lobes et des tubercules olfactifs. — A5 — DES ENVELOPPES CÉRÉBRALES ET DE LEUR COLORATION. La dure-mère est une membrane fibreuse d’un blanc argentin, adhérant fortement à la face interne du cartilage qui forme la cavité cränienne. Dans la partie supérieure de la vouüte, cette membrane est fortement parsemée de points de pimens colorés d’une teinte généralement foncée. La masse graisseuse qui remplit une partie de la cavité cérébrale, est assez étroitement liée à la dure-mère. Les accumulations solides de cette masse du moins, adhèrent à la dure-mère au-dessus des corps quadriju- meaux , mais leur tissu est plus lâche au contact avec le cerveau. Les masses solides passent même insensiblement à une graisse complètement liquide, qui est beaucoup plus abondante chez les Corégones que chez les véritables Truites. Chez la Palée on observe même, en arrière du cervelet, une masse considérable de graisse reposant sur la moëlle alongée , qui n’existe pas dans la Truite. Pour séparer plus facilement les membranes qui entourent le cerveau, il faut les sou- mettre pendant quelque temps à l’action de l’esprit de vin. Par ce procédé, on peut fa- cilement s’assurer qu'indépendemment des coussinets de graisse compacte qui reposent sur le cerveau, et de la masse plus ou moins considérable de graisse liquide qui l’en- toure, il existe autour de l’encéphale une membrane formée de grosses cellules qui repose immédiatement sur le réseau vasculaire. Cette membrane correspond sans doute à l’arachnoïde. Enfin le réseau vasculaire lui-même est réuni en une membrane très- délicate, la pie-mère, qui entoure immédiatement la substance nerveuse. Au-dessus des corps restiformes , entre eux et le cervelet, les vaisseaux forment une véritable houpe qui ferme de ce côté la cavité du quatrième ventricule. On remarque également une grande accumulation de vaisseaux autour de la glande pinéale, dans l'intervalle compris entre les lobes optiques et les lobes olfactifs. Ces vais- seaux forment aussi une sorte de houpe qui se prolonge fortement dans un cul de-sac du cartilage crânien. | Une troisième accumulation de vaisseaux , plus nettement circonscerile, mais néan- moins d’une nature analogue , forme le singulier organe que nous avons décrit sous le nom de sac vasculaire , d’après Gotische. On voit par ces détails qu’il serait peu conforme à la nature des faits que nous venons de signaler , de rechercher dans le cerveau des poissons un arrangement de ses mem- branes exactement conforme à celui des enveloppes qui recouvrent l’encéphale des vertébrés supérieurs et qui pénètrent dans ses cavités. — 155 — Toute la partie de la cavité cérébrale qui n’est pas occupée par le cerveau est rem- plie, comme nous venons de le voir, de grosses cellules graisseuses d’un jaune doré plus ou moins entremélé de piment noir. Ces masses sont surtout accumulées sur les corps quadrijumeaux, où elles forment de véritables coussinets reposant immédiatement sur e mésencéphale. Les coussinets qui reposent sur les corps quadrijumeaux ne protègent pas seule- ment leur face supérieure mais encore les côtés. Cependant la ligne médiane n’en est pas également garnie et un espace assez considérable entre les deux lobes optiques est immédiatement recouvert par le cartilage crânien. En avant, ces deux coussinets con- vergent de manière à reposer de nouveau sur les lobes olfactifs et à les recouvrir en- tièrement ; là se confondant sur la ligne médiane , ils se prolongent entre les yeux jusqu’à la hauteur des fosses nasales, remplissant ici la partie antérieure de la cavité cérébrale toute entière. Les tubercules et les nerfs olfactifs disputent seuls une petite portion de l’espace à la masse graisseuse qui dépasse en avant les fosses nasales. Cette masse est fortement comprimée par les muscles obliques supérieurs de l'œil et se rat- tache par un mince pédoncule à celle qui repose sur les tubercues et sur les lobes ol- factifs. En arrière, les coussinets qui recouvrent les tubercules quadrijumeaux se réunissent sur la partie médiane et antérieure du cervelet qu’ils recouvrent dans le voisinage des corps quadrijumeaux seulement. Lorsqu'on enlève cette couche graisseuse , qui est souvent d’une teinte dorée très-brillante et que l’on remarque même à travers l’en- veloppe osseuse du cerveau: lors, dis-je, qu’on enlève cette masse graisseuse, on aperçoit le cerveau proprement dit, enveloppé de la pie-mère et du fin réseau vascu- laire qu’elle renferme, et qui donne au cerveau une teinte couleur de chair très-déli- cate qui s'étend surtout au cervelet et aux lobes optiques. Le cervelet est cependant un peu plus rouge que les lobes optiques. Les lobes olfactifs sont plutôt d’un blanc de - lait légèrement rosé. Les tubercules olfactifs sont encore plus blancs. Entre les lobes optiques et les lobes olfactifs, l’on remarque un réseau vasculaire qui se prolonge en haut jusque dans le cartilage du crâne, c’est la houpe de la glande pinéale. Les pédoncules vasculaires de la glande pinéale se prolongent très en avant dans le cartilage crànien, dans lequel ils occupent un cul-de-sac arrondi. Il suffit même d’en- lever la couche extérieure extrême du cartilage crânien pour transformer ce cul-de- sac en un canal circulaire qui traverse tout le cartilage qui forme la voûte du crâne. À la face inférieure du cerveau, la moëlle alongée paraît rosée; à sa partie antérieure se voit le sac vasculaire qui s’étend entre les lobes inférieurs et qui se fait surtout re- — 156 — marquer par sa teinte rouge foncé. Les lobes inférieurs sont d’un blanc laiteux sem- blable à la teinte des lobes olfactifs et qui contraste avec le blanc de neige des nerfs optiques qui se dessinent d’une manière très-distincte sur les parties rosées des lobes optiques et des lobes olfactifs qu’on aperçoit d’en bas. La glande pinéale est couleur de chair. h Dans la Palée, les masses cérébrales ont la même teinte à l’ouverture du cerveau que dans la Truite. La moëlle alongée est également blanche et prend une teinte plus rosée, à mesure qu'elle s’approche du cerveau. Les nerfs, dès leur origine , contras- tent tous par leur blancheur avec l’encéphale. Comme chez les Truites, le cervelet est plus rouge que les corps quadrijumeaux. L’incertitude qui règne à l'égard de la nomenclature des parties du cerveau chez les poissons , provient principalement de ce que dans l’étude qu’on en a faite, on s’est plutôt attaché à décrire les formes extérieures des masses cérébrales qu’à rechercher leurs rapports avec les formes embryoniques, ou à poursuivre la liaison de leurs fibres, en s’aidant de coupes longitudinales et transversales et en analysant la dispo- sition et les combinaisons des masses intérieures. En cherchant à combler cette lacune pour la Traite, les comparaisons auxquelles nous avons été conduits , nous ont fait ac- quérir la certitude que les différentes familles de poissons ont chacune un type particu- lier de cerveau , dont les formes sont tellement persistantes qu’elles peuvent être con- sidérées comme exprimant les affinités réelles des poissons entre eux bien plutôt que leurs instincts prédominans. Ces formes présentent des différences très-sensibles d’une famille à l’autre, ensorte qu'il est quelquefois fort difficile de saisir le plan primitif de l’organisation du cerveau et les rapports naturels de ses parties au milieu de cette di- versité excessive; mais ce qui a lieu de surprendre, c’est qu’en même temps, l’on ob- serve la plus grande analogie dans les formes et la structure du cerveau des différens genres de la même famille, qu’elles que soient les mœurs et le naturel de leurs es- pèces (*). On peut dès-lors en conclure que les formes du cerveau sont bien plutôt l’ex- pression d’un mode particulier d'organisation qu’un indice des penchans naturels des poissons. Cette conclusion est pleinement justifiée par le fait que les Salmones les plus voraces et les Corégones les plus inoffensifs ont le cerveau conformé exactement de la (8) Les faits sur lesquels ces conclusions s'appuient ont été exposés par l’un de nous lors de la réunion de la société helvétique des Sciences naturelles à Genève en 1845. — 157 — même manière, tandis qu'il n’y a aucune ressemblance extérieure entre celui des Perches et celui des Lottes , et encore moins entre celui des Squales et celui des Bro- chets, bien que tous ces poissons soient très-voraces, pas plus qu'entre les Esturgeons et les Cyprins, ou les Cyclostomes, bien que ces genres soient essentiellement suceurs et ne rappellent en rien les habitudes rapaces des poissons carnivores. Pour résoudre les difficultés que présente l'étude du système nerveux des poissons, il faudrait commencer par ramener à un lype commun toutes les modifications de l’encéphale que l’on rencontre chez ces animaux , avant de chercher à établir la corres- pondance de ses parties avec celles des autres vertébrés , puis ensuite ramener ce type fondamental aux formes primitives des centres du système nerveux dans l’embryon. Dans son anatomie des Myxinoïdes, M. J. Müller a résumé d’une manière très-lucide les différentes opinions qui ont été émises jusqu’à ce jour sur la signification des dif- férentes parties du cerveau des poissons. La manière de voir qu’il a adoptée lui-même ne diffère que par quelques détails de celle à laquelle nous nous sommes arrêtés. Les poissons osseux offrent entre eux assez d’analogie pour qu'une réduction de leur cerveau, à un type commun présente moins de difficultés que lorsqu'il s’agit d’y faire rentrer également les poissons cartilagineux. Chez tous les poissons osseux on retrouve en effet un cervelet impair, des lobes optiques pairs, et des lobes ol- factifs pairs ; les différences entre eux portent sur le développement plus ou moins considérable de ces renflemens, sur leur aspect particulier et sur la présence ou l'ab- sence de tubercules olfactifs distincts et de lobes accessoires sur les côtés des pédon- cules du cervelet et à la naissance des cinquième et dixième paires de nerfs cérébraux ou dans le fond du quatrième ventricule. Ces lobes surnuméraires, dont il est facile de faire abstraction, ne modifient donc pas essentiellement le plan de l’encéphale des poissons osseux. Le renflement que M. Valentin a appelé lobe électrique dans le Gyÿm- note, et qu’il ne faut point confondre avec les lobes électriques des Rayes, n’est autre chose qu’un cervelet, analogue, par son développement, à celui des Silures, des Scombres et des Echeneis. L’arrangement des parties de la face inférieure du cerveau chez les différens poissons osseux, diffère encore moins que l’aspect de sa face supérieure. Chez les Cyclostomes et chez les Plagiostomes, les masses principales du cerveau dif- fèrent de la manière suivante : le cervelet est réduit à une simple commissure des corps restiformes , ou manque même complètement chez les Myxinoïdes et chez les Pétro- myzontes ; en avant du quatrième ventricule les masses cérébrales forment deux groupes de renflemens, séparés par la glande pinéale ; ceux qui sont en arrière de cet organe, au nombre de trois ou de quatre tubercules, appartiennent au mésencéphale Tom, Hi. y, 21 — 158 — et représentent les lobes optiques; ceux qui sont en avant, ou nombre de quatre, constituent le prosencéphale, et correspondent aux lobes et aux tubercules olfactifs. Chez les Plagiostomes, le prosencéphale ne forme qu’une large masse plus ou moins arrondie, avec des appendices latéraux en avant; le mésencéphale est représenté par deux renflemens symétriques, plus ou moins développés, sur lesquels s’avance l’é- pencéphale, avec les circonvolutions d’où naît la cinquième paire ; derrière l’épencé- phale se trouvent des lobes accessoires que l’on a appelés lobes électriques dans les Rayes, où ils sont très-volumineux, mais qui n’existent pas moins à l’état rudimen- taire chez les Squales et chez les Rayes non électriques. Le cerveau des Chimères est organisé d’après le même plan que celui des Plagiostomes avec lesquels il faut néces- sairement les réunir dans une classification naturelle. Le cerveau des Esturgeons se rapproche évidemment de celui des Batraciens par la petitesse du cervelet, le développement transversal du mésencéphale ou des lobes optiques, et l’alongement de la région du prosencéphale, bien que ses renflemens soient à peine sensibles. D’après ce qui précède, nous pourrions établir de la manière suivante le tableau de la correspondance des organes cérébraux des poissons avec la synonymie des auteurs. ÉPENCÉPHALE. Moëlle alongée; corps restiformes. Lobes postérieurs : Lobes des corps restiformes. Lobi ventriculi quarti Valentin (Chimæra). Lobi medullæ oblongatæ Müller (Myxine). Cerebellum Weber. Lobes de la huitième ou de la dixième paire. Lobi vagi Carus, Gottsche, Valentin. Tubercule du nerf branchial Leuret (Trigla). Lobes de la cinquième paire. Hintere Buckel des Mesencephalum Valentin (Gymnotus). Lappige Mittelmasse Valentin (Torpedo). Cerebellum Valentin (Chimæra). Tubercule du nerf trifacial Leuret (Trigla). Lobes du fond du quatrième ventricule. Glandula pinealis posterior Haller. — Ganglion impar minus Weber. Hinterer unpaarer Hügel des kleinen Gehirns Weber. Eminentia quadrigemina Ebel (Cyprinus). — Cerebellum Ebel (Silurus). Lobus electricus Valentin (Torpedo). œe 27 eV st Cervelet proprement dit : Cerebellum. La plupart des anatomistes. Lobus electricus Valentin (Gymnotus). Hintere Abtheilung des Mesencephalon Valentin (Anguilla, Conger, Muræna). Cerebellum Valentin (Echeneis, Torpedo). Lobus ventriculi tertii Valentin (Chimæra). Corpus quadrigeminum Weber. MÉSENCÉPHALE. Lobes optiques : Thalamus opticus Haller. — Lobi optici, Gottsche, Valentin, Stanmus. Lobes optiques , Serres DesMoulins. — Tubercule optique Leuret. Lobes creux Cuvier. Corpora quadrigemina Arsaky, Müller. Mittelhirn v. Baer. —Mittlere Hirnmasse Carus.—Mittellappen R. Wagner: Eminentia bigemina Müller (Petromyzon). Vordere Lappen des Mesencephalon Valentin. Hemisphærium Camper. —Lobi hemisphærici Valentin (Chimæra). Troisième ventricule : Lobus ventriculi tertii Müller (Petromyzon). Zwischengehirn von Baer. Hypophyse et Infundibulum. Lobes inférieurs : Eminentia mammilaris Camper, Arsaky, Treviranus, Tiedemann. Lobules mammillaires DesMoulins. Lobules optiques Serres. PROSENCÉPHALE. Hemisphères. Tubercules olfachfs. Tubercula olfactoria Haller. Lobes surnuméraires Cuvier. Lobes olfactifs Cuvier. Lobi olfactorii Arsaky, Müller (Petromyzon). - Lobi olfactorii Gottsche, Stannius. Prohæmisphærium Valentin. Lobi hemisphærici Müller, Valentin. Tubercula olfactoria Gottsche, Stannius. Hemisphæria Arsaky. Lobes cérébraux Serres et DesMoulins. Vorderhirn von Baer. Erste Hirnmasse Carus. — 160 — Les recherches de M. de Baer sur l’embryologie, nous ont appris que le cerveau des vertébrés se forme d’une série de vessies ou piutôt de lobes creux communiquant les uns avec les autres, qui dessinent dès l’origine les trois principales régions de l’en- céphale, et correspondent aux organes supérieurs des sens qui s’en détachent. Mais avec l’accroissement des parties centrales de l’encéphale , ces lobes peuvent se multi- plier par suite d’étranglemens plus ou moins marqués, et les trois vessies fondamen- tales que nous avons désignées d’après M. de Baer, sous les noms de Prosencéphale, de Mésencéphale et d’Epencéphale, se divisent de manière à présenter encore deux com- partimens, plus ou moins distincts, l’un en avant du mésencéphale, correspondant à la région de la glande pinéale et du troisième ventricule, que nous nommerons Enencé- phale; et l’autre en arrière de l’Epencéphale, où se développent les lobes accessoires, que nous appellerons Catencéphale. On pourrait dès-lors en conclure que rien ne doit être plus facile que de ramener toutes les formes du cerveau des poissons à leur véri- table type, cependant rien n’est plus difficile, car ces divisions ne se développent pas toujours d’une manière uniforme et constante ; loin de-là elles s'étendent souvent au détriment l’une de l’autre : tantôt elles sont réduites au nombre primitif, et tantôt l’une et tantôt l’autre des accessoires prennent le dessus, tantôt enfin elles présentent un développement plus ou moins uniforme et complet. C’est dans ces modifications qu'il faut chercher la cause des difficultés que présente l’étude comparative du cerveau des poissons en particulier et celle des vertébrés en général. DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. La moëlle épinière des Truites est un cordon très-uniforme, entouré des mêmes membranes que le cerveau, qui s’étend sur loute la longueur de l’épine dorsale.et se termine dans les muscles de la nageoire caudale. Ses faisceaux, distinets en arrière du cervelet, se réunissent bientôt de manière à ne plus présenter qu’une faible trace de la cavité du quatrième ventricule qui se prolonge au-dessous de la commissure spinale. La manière en laquelle les faisceaux postérieurs de la moëlle alongée s'élèvent dans le cervelet pour former cette masse impaire de l’encéphale, pourrait être envisagée comme un argument de plus en faveur de l'opinion qui considère la vertébre occipi- tale comme le dernier jalon de la colonne vertébrale et comme le seul appareil osseux du crâne constitué d’après le même plan que les vertèbres du tronc. * lot RTS hide … 2 Lou PE — 161 — DES NERFS CÉRÉBRAUX. PREMIÈRE PAIRE. — NERFS OLFACTIFS. 1. Tab. L, fig. 3 et #4 — Tab. M, fig. 8 et 17. — Tab. N, fig. 2, 3, #, 5, 6 et 10. Les nerfs olfactifs ou la première paire des nerfs cérébraux forment la continuation directe de la base du cerveau, et notamment des hémisphères ou lobes olfactifs. Les petits renflemens dont ils sont le prolongement, et que nous nommons avec M. Gottsche, tubercules olfactifs, sont encore situés dans la cavité cérébrale du crâne. Ils ne sont même séparés des hémisphères ou lobes olfactifs que par une incision, et leur volume n'égale pas la moitié de celui de ces derniers. Le nerf qui, de chaque côté, nait de ce ganglion, est assez considérable ; car il égale en grosseur à-peu-près ceux de la cinquième paire. Les fibres sont molles. grossières, mais enveloppées d’une gaine fibreuse assez forte, qui disparait peu-à- peu, à mesure que le nerf entre dans son canal. Il n’y a qu’une partie de ces fibres. les supérieures, qui contribuent à la formation du ganglion, et quant aux inférieures, on peut les poursuivre directement jusqu’au de là du ganglion. Le canal par lequel le nerf pénètre dans la cavité nasale , est creusé exclusive- ment dans les cartilages du crâne. Nulle part le nerf ne perce un os. Les deux nerfs sont d’abord assez parallèles à la lame médiane du vomer , plus loin ils s’écartent vers le côté, et traversent obliquement la cavité qui reçoit l’origine des deux muscles obliques de l'œil , au-dessous desquels ils passent, puis ils atteignent les cavités na- sales, où ils s’enfoncent dans les feuillets muqueux de l’organe de l’odorat. Aucune formation ganglionnaire n’est visible avant la dispersion des fibrilles du nerf. _ Voici quel est le mode de distribution des fibres dans les feuillets muqueux. (Tab. M, fig. 8). Le nerf se divise d’abord en deux branches égales, séparées par un très-petit intervalle situé dans la carène médiane du nez, là où les feuillets muqueux prennent leur origine. À la base de chaque feuillet se détache une branche assez forte , qui , sous le microscope se laisse poursuivre le long du bord inférieur du feuil- let, et se divise en fibrilles primitives, formant un réseau sur toute la surface du feuillet. II nous a été impossible, à cause de la grande quantité de piment noir qui re- couvre les feuillets, de pénétrer jusqu'aux derniers réseaux des fibrilles primitives , mais il est probable qu’elles ne différent pas beaucoup des réseaux du nerf de l’ouïe. Tom. HI. 22 — 162 — SECONDE PAIRE. — NERFS OPTIQUES. II. Tab. L, fig. 3 et 4. — Tab. M, fig. 19.— Tab. N, fig. 2,3, 4, 5 et 10. Nous avons déjà vu plus haut (pag. 150) quelle est l’origine de ces nerfs. En les pour- suivant dans leur trajet ultérieur , on voit de chaque côté du cerveau, au-dessus des lobes inférieurs, le nerf optique sortir de la dépression qui existe entre ces lobes et les lobes optiques ; de-là il se courbe autour des lobes inférieurs et de l’hypophyse, et ses deux branches se rapprochent en avant de cet organe. En examinant attentivement cette partie, on y découvre une petite commissure , formée seulement de quelques fibres. Immédiatement devant l’hypophyse, les deux nerfs se croisent de telle manière , que le nerf de droite , passant vers l'œil gauche, se trouve au-dessous du nerf gauche, qui lui-même est dirigé vers l’œil droit. Quoique les gaines fibreuses qui enveloppent les nerfs, se confondent ici entre elles, nous n’avons pourtant jamais pu reconnaitre un entrelacement des fibrilles. Toutes les fibres venant de droite , passent sans exception à l’œil gauche et vice-versa ; c’est ce dont il est facile de se convaincre, en ouvrant les gaines fibreuses dont les nerfs optiques sont munis : ces gaines sont très-fortes et c’est à elles seules que le nerf doït son apparence cylindrique. Le nerf lui-même , loin d’être rond, ressemble à une large bande assez mince, mais plissée longitudinalement , ce qui le fait paraître beaucoup plus compact. Les plis sont main- tenus dans leur position et séparés l’un de l’autre par des feuillets fibreux qui se dé- tachent de la surface intérieure de la gaine et s’entrelacent avec les plis de la subs- tance nerveuse. On retrouve les mêmes plis dans toute la longueur du nerf, et ils ne disparaissent que peu-à-peu vers son origine dans le cerveau. C’est pourquoi aussi la partie arquée du nerf, à côté des lobes inférieurs, ne présente pas une apparence cylin- drique, mais bien celle d’une bande assez large et simplement striée dans sa longueur. Immédiatement après le croisement, le nerf se dirigeant obliquement en haut et en avant traverse le grand trou de l'orbite , pour se rendre au globe de l'œil. Ici la gaine fibreuse est encore plus épaisse qu'avant son entrée dans l'orbite, car elle contient les artères, les veines et les nerfs de l'iris qui pénètrent tous dans l'œil avec le nerf optique. Le nerf est l'axe autour duquel se rangent les quatre muscles droits, les artères , les veines et le nerf ciliaire qui se voient à sa face inférieure ; le cylindre fibro-cartilagineux qu’on a nommé le manche de l’œil et qui part du périoste du vo- mer est également situé à la face antérieure du nerf optique, dont il partage la direction. — 163 — En approchant de la sclérotique , les plis des nerfs optiques deviennent moins sail- lans , et le trou par lequel ils traversent cette membrane et la chorioïde , présente une forme presque circulaire. Nous avons traité de la distribution des fibrilles du nerf dans la description de l'or- gane de la vue. TROISIÈME PAIRE. — NERF OCULOMOTEUR. 111. Tab. M, fig, 9, 40, 14:et 17. — Tab. N, fig. 2, 3, #et 8. Le nerf oculomoteur , qui a son origine entre les faisceaux de la commissura ansu- lata (fig. 8 de Tab. N), se détache du cerveau entre l’optique et le trijumeau, par une échancrure des lobes inférieurs , dans un sillon qui se trouve entre la base des lobes optiques et les lobes’ inférieurs, un peu plus bas que la cinquième paire et en avant de ce nerf, de sorte que vu de côté ou d’en haut , il est presque toujours caché par lui. Il entre de suite dans l’orbite par un trou de la grande aile (n° 11), situé devant le trou qui donne passage au trijumeau. A peine entré dans l'orbite , il se cache sous le muscle abducteur de l'œil, ensorte qu’il faut enlever ce dernier pour le voir. Comme le rameau supraorbital du trijumeau passe au-dessous de l'endroit, où l’o- culomoteur pénètre dans l'orbite , les deux nerfs communiquent entre eux au moyen d’un petit rameau mince et court qui exige une préparation très-minutieuse pour être rendu visible (Tab. M, fig. 10 et 11,0), car il est entièrement enfoncé dans le tissu du périoste, qui en cet endroit , est extrêmement épais et dur, C’est de ce petit rameau, le représentant du ganglion ciliaire des animaux supérieurs, que part, dans la Truite de ruisseau, le nerf ciliaire , tandis que dans la Truite saumonée, on trouve ce nerf partant du tronc de l’oculomoteur lui-même (fig. 11 a et 19, a). La branche ciliaire, à part cette particularité, ne présente rien d’extraordinaire dans son trajet chez les diverses espèces du genre Salmo. Elle s’attache de suite à la face extérieure du nerf optique (fig. 11), pénètre dans la gaine fibreuse de ce nerf, et traverse avec lui la sclérotique. Souvent aussi elle se divise déjà en deux branches, avant d'atteindre la sclérotique. Quand elle a atteint la surface de la chorioïde , elle passe par le petit espace, que laissent entre elles les deux extrémités de la glande cho- rioïdale et se divise en plusieurs rameaux , dont nous avons pu suivre le trajet jus- que dans la substance de l'iris. Grâce à la position du trou qui lui donne passage , le tronc de l'oculomoteur se — 164 — trouve placé entre le muscle droit externe , le droit supérieur et le droit inférieur ; mais comme le muscle droit extérieur a son nerf à part, il ne donne des branches qu’au supérieur et à l’inférieur , qui entrent dans la substance de ces muscles. Avant de fournir la branche destinée au dernier de ces muscles, il en émet une autre plus forte (fig. 9, b), qui contournant le bord intérieur du muscle droit inférieur , passe sur le fond de l'orbite, qu’elle traverse dans toute sa longueur , pour se rendre dans la ca- vité qui donne naissance aux deux muscles obliques de l'œil. Arrivée dans cette ca- vité, cette branche entre toute entière dans le muscle oblique inférieur. Enfin la dernière branche , que ce nerf donne , celle qui forme la continuation di- recte du tronc , est celle du muscle droit interne (fig. 9, c). A l'exception du muscle externe, le nerf oculomoteur sert done les trois autres muscles droits de l’œil, le muscle oblique inférieur et les fibres musculaires de l'iris. Lorsque la branche ciliaire naît du tronc du nerf, comme c’est le cas chez la Truite saumonée, cette branche est la dernière que le nerf donne avant de se terminer dans le muscle droit interne. QUATRIÈME PAIRE.—NERF PATHÉTIQUE. IV. Tab. M, fig. 10, 17 et 18. — Tab. N, fig. 2, 3 et 4. Ce curieux nerf que l’on peut poursuivre jusque sur la lame antérieure du cervelet qui se rend aux bourrelets quadrijumeaux , apparaît à la face extérieure des lobes optiques, au-dessus de la cinquième paire, par l’échancrure qui sépare les lobes op- tiques et le cervelet; il est d’abord logé dans un sillon du bord inférieur des lobes optiques. Il est très-mince et effilé, mais facile à apercevoir. Après s’être dirigé vers le museau à-peu-près jusqu’à la hauteur du bord antérieur des lobes optiques, il entre par un petit trou de la grande aïle (n° 11) dans la partie supérieure de l'orbite. Là, appliqué contre le périoste, à la voûte de l'orbite, et passant par conséquent au- dessus de tout l’appareil de la vue, il se dirige droit vers la cavité au-dessus de la fosse nasale, qui reçoit Porigine des muscles obliques, et se disperse tout entier dans la substance du muscle oblique supérieur (Tab. M, fig. 10, a). CINQUIÈME PAIRE. — LE TRIJUMEAU. V. Tab. K, fig. 1. — Tab. M, fig. 9, 10, 11, 17, 18 et 19. — Tab. N, fig. 1, 2, 3 et 4. En ne tenant pas compte de la branche operculaire , qui, chez les Truiles , se com- porte évidemment comme le nerf facial, on peut dire que le trijumeau nait de deux — 165 — ordres de fibres, que l’on pourrait appeler des racines. Il nait à la base du cerveau, dans le sillon qui sépare les lobes optiques et le cervelet ou plutôt au-dessous du bour- relet latéral et inférieur du cervelet. On ne peut pas dire qu'il ait une racine anté- rieure et une postérieure ; elles sont plutôt supérieure et inférieure , tellement les deux rangées de filets sont superposées l’une à l’autre. La racine inférieure semble néanmoins le céder de beaucoup à l’autre par le nombre et la grosseur des filets. Tôt après sa naissance, le nerf s'enfonce dans un canal de la grande aile du sphé- noïde de Cuvier. C’est au commencement de ce canal osseux que les deux racines se confondent entre elles et avec la racine du facial dans un même ganglion, correspondant sans doute au ganglion de Gasser des animaux supérieurs (Tab. M, fig. 18). Rien n’est plus variable que ce ganglion chez les Truites ; en général, il est beaucoup plus prononcé chez la Truite commune, que chez les grandes espèces du genre, cependant nous avons aussi trouvé souvent parmi les Truites de ruisseaux, des individus qui n’en laissaient voir au- cune trace , tandis que chez d’autres sa présence était évidente. Toujours est-il que celte formation ganglionnaire affecte beaucoup plus la racine supérieure, que les filets inférieurs ‘et ceux de la septième paire, et très-souvent ces dernières fibres ne semblent que collées au renflement du nerf supérieur. La branche sous-orbitaire du trijumeau (fig. 19, c), se détache de la surface inférieure du ganglion avant de quitter la substance osseuse de los sphénoïdal. Très-étroite- ment liée en cet endroit avec le facial, cette branche se dirige en bas, par un canal osseux , vers la liaison du vomer avec le sphénoïde. Arrivée là, elle se tourne brus- quement en avant et se dirige vers la cavité nasale; elle est située tout au fond de l'orbite, enfermée dans le périoste. Arrivée à l'angle antérieur de l'orbite, elle se glisse de la face supérieure du vomer dans la fente entre cet os et le pharyngien, et arrive ainsi, après avoir donné plusieurs rameaux au périoste de l'orbite et à la mu- queuse de la gueule, à la face inférieure de larticulation du pharyngien et des mà- choires, où elle se disperse en une multitude de rameaux , qui adhèrent aux mem- branes muqueuses et fibreuses environnantes. C’est cette branche que Cuvier (*) a appelée branche pterygo-palatine, Desmoulins (*) sphénopalatine et Büchner (°) maxil- laire supérieur . ? (!) Histoire naturelle des Poissons. Vol. I. (*) Anatomie des Systèmes nerveux des Animaux à vertèbres. (°) Mémoire sur le Système nerveux du Barbeau. — 166 — Après avoir donné cette branche, le nerf trijumeau traverse le canal osseux tout entier, et ce n’est qu’à sa sortie de ce canal qu’il se divise de nouveau en deux troncs. Le tronc supérieur ne donne naissance qu’à une seule branche, le nerf sus-orbitaire ou nerf ophthalmique de Willis (fig. 9 et 10, d). Ce nerf, après avoir fourni la branche ci- liaire qui communique avec le nerf oculomoteur , dont nous avons déjà fait mention dans la description de ces nerfs, se dirige directement en haut vers la voûte de l’or- bite, et tout en poursuivant son trajet le long de cette voûte, il fournit des filets à toutes les membranes et aux os, devant lesquels il passe, aussi bien qu’à l’enveloppe fibreuse du globe de l'œil. Outre la branche ciliaire, par laquelle il communique avec l’oculomoteur, nous n’avons jamais observé une branche quelconque, se rendant aux organes du globe de l’œil lui-même. Passant au-dessus de l’insertion des deux museles obliques de l'œil, il pénètre dans la cavité nasale, et c’est ici, dans la muqueuse de cette cavité et dans les membranes qui recouvrent l'extrémité du museau, qu’il forme un plexus extrêmement compliqué avec la branche sus-maxillaire du trijumeau. De ce plexus partent les petits filets, qui se rendent aux membranes mentionnées. Le tronc inférieur du trijumeau se divise lui aussi de bonne heure en deux bran- ches, mais elles restent enveloppées dans une mème gaine fibreuse, tout le long du bord postérieur de l’orbite. Au bord extérieur de l’os palatin, à l’angle de la bouche, la branche sus-mazxillaire (Tab. M, fig. 19, b) se détache de l’autre, longe le bord de l'os palatin en fournissant de très-petits filets à cet os, à ses dents et à la membrane qui le couvre; puis arrivée à l'articulation de la mâchoire supérieure, elle s’épanouit en un nombre considérable de rameaux dont le plus considérable entre dans l’os de la mâchoire supérieure, pour donner des filets aux dents et à la muqueuse de cet os, tandis que ce qui reste du nerf se termine dans les nombreux filets, qui, de concert avec la branche sus-orbitaire, composent le plexus déjà mentionné. Les branches que nous venons d’énumérer sont, d’après leur disposition, essentielle- ment sensitives, Il en est autrement de la dernière branche du trijumeau , de la branche sous-maxillaire (Tab. K, fig. 1, Tab. M, fig. 18,e), qui est évidemment une branche mixte, dans laquelle les fibres motrices semblent même l'emporter sur les sensibles. C’est elle, en effet, qui, tout le long de son trajet au bord de l'orbite, fournit les muscles environnans ; elle détache en outre un rameau, qui, collé aux os, remonte directement vers les muscles moteurs de l’opercule ; enfin elle four- nit aussi plusieurs branches considérables aux muscles masticateurs, qui forment la masse charnue des joues ; l'enveloppe fibreuse de l'orbite ne manque pas non plus de petits filets. Au coin de la bouche, notre branche envoie plusieurs rameaux à la mu- rt À — 167 — queuse environnante et une branche assez considérable à la partie inférieure du grand masticateur , tandis que le reste du nerf se cache entièrement au fond de la dépres- sion , entre les deux branches de la mâchoire inférieure. lei le nerf se divise en deux filets : lun, le plus mince, longe la branche supérieure de la mâchoire, et reçoit une branche du nerf facial, l’autre qui est le plus considérable passe à la branche infé- rieure de la mâchoire, se renforce d’un filet très-mince provenant également de la septième paire, et se termine dans la muqueuse et dans le muscle de la mâchoire , comme la branche supérieure dans los et dans les dents. SIXIÈME PAIRE. — NERF ABDUCTEUR. VI. Tab. M, fig. 9, 10 et 17. — Tab, N, fig. 2, 3 et #. Il naît par deux racines, une antérieure et une postérieure, dont chacune n'est composée que de quelques fibrilles, partant de la face inférieure de la moëlle alongée, près de la ligne médiane. Se dirigeant droit en bas, il traverse la partie horizontale de la grande aile et se ramifie dans le muscle abducteur de l’œil , qui prend naissance dans le canal sous-crânien. Ce nerf est tellement mince et si bien caché, qu’il exige une préparation soigneuse, pour être aperçu. SEPTIÈME PAIRE. — LE FACIAL. VII. Tab. K, fig. 1. — Tab. M, fig. 18 et 19. — Tab. N, fig. 2, 3 et #. On nous trouvera peut-être un peu hardis de séparer la branche operculaire du tri- . jumeau comme une paire à part. Mais si l’on ne peut nier l’étroite liaison , qui existe entre le trijumeau et la branche operculaire , liaison, qui, du reste, est encore très- grande chez les animaux chez lesquels le nerf facial est au maximum de son dévelop- pement, il n’en est pas moins vrai que presque tous les anatomistes sont d'accord pour envisager la branche operculaire comme répondant au nerf facial , et si les pre- miers travaux sur la névrologie des poissons, au lieu d’avoir eu pour sujet des carpes et des perches , avaient été faits sur des salmones, nous ne doutons pas qu'on n’eüt d’entrée séparé ces deux paires de nerfs, tant cette séparation est distincte dans cette famille. — 168 — Le nerf facial sort du cerveau par le sillon latéral de la moëlle alongée ; il est étroi- tement lié avec la racine du nerf acoustique, et assez éloigné du trijumeau. Mais au lieu de suivre la direction de l’acoustique, ses fibres passent obliquement vers le ganglion de Gasser et s'unissent à la face inférieure de ce ganglion aux fibres du trijumeau et notamment de la branche sous-orbitaire de ce nerf. Quoiqu'il y ait évidemment mé- lange de ces deux nerfs on peut néanmoins suivre la plupart des fibres du facial qui passent directement à la face inférieure du ganglion, pour se réunir en un seul nerf assez notable , qui sort du crâne avec le trijumeau par le trou de la grande aîle de l'os sphénoïdal. Arrivé à l’extrémité antérieure de ce trou, le nerf facial, appliqué aux os du crâne, se dirige en arrière, passe sur le bord antérieur de l’os mastoïdien (n° 25), entre dans un canal creusé le long du bord postérieur de cet os, donne des filets bien minces aux os environnans et à la peau de la joue, mais pas aux muscles de l’opercule, et se divise en trois rameaux, dont le premier passe sur la face extérieure de l’os carré (n° 26), entre dans le sillon de la mâchoire inférieure et forme ici le plexus déjà mentionné avec la branche sous-maxillaire , qui fournit los et les dents. Le second rameau est beaucoup moins considérable et plus profond que le premier ; il passe sur la face extérieure du muscle masticateur , dans lequel il se perd. La troisième branche enfin, la plus considérable de toutes, continue dans la direc- tion du canal de l’os mastoïdien, traverse le préopercule , et arrivée à la face inté- rieure de la membrane branchiostègue, se rend aux muscles moteurs des rayons de cette membrane. HUITIÈME PAIRE. — NERF ACOUSTIQUE. VII. Tab. M, fig. 1,2, 3, 17, 18 et 19. — Tab. N, fig. 2, 3 et 4. Ce nerf qui a son origine dans le même sillon de la moëlle alongée que le précé- dent, mais un peu plus bas et plus en arrière, se compose de deux racines , qui dans la Truite commune, sont beaucoup plus distinctement séparées que dans la Truite sau- monée. Le trajet que ces deux racines ont à parcourir jusqu’au point de leur union, qui est le col entre le sac du labyrinthe et le vestibule, est très-court, vu que toutes ces parties sont logées dans la cavité du crâne elle-même. Là le nerf se confond en une seule large bande, qui en rayonnant , se ramifie en trois branches ou plutôt en trois masses principales, une pour la partie antérieure du sac, une pour les deux ampoules — 169 — antérieures et une pour la partie postérieure du sac et pour l’ampoule postérieure. Les deux dernières sont presque exclusivement formées par la racine postérieure. Nous avons indiqué les ramifications des deux branches du sac en traitant de lo- reille ; nous rappellerons seulement ici que le nerf antérieur se divise de suite en une grande quantité de branches et de filets, qui couvrent de leur réseau toute la partie intérieure du sac, tandis que le nerf postérieur du sac qui longe le bord courbe de son côté, reste pendant quelque temps presque sans ramification. Le nerf des ampoules antérieures passe par la fente entre le sac et le vestibule sur la face extérieure de ce dernier , pour arriver aux ampoules antérieures. Il se divise en trois branches , dont celle du milieu se perd dans le vestibule, tandis que les deux autres vont se ramifier dans les cloisons de leurs ampoules respectives. Le nerf de l’ampoule antérieure enfin persiste à la face interne de l'oreille, où il se ramifie en grande partie dans le septum de l’ampoule et donne une branche à la base du canal semi-circulaire extérieur. Nous n’avons pas réussi à découvrir, chez les diverses espèces de Truite, une anasto- mose de l’acoustique avec le glossopharyngien , quoique ce dernier passe assez près de la branche postérieure. Cette anastomose, que Cuvier prétend être générale, n’a pas non plus été trouvée sur le Barbeau par M. Büchner. NEUVIÈME PAIRE. — NERF GLOSSOPHARYNGIEN. IX. Tab. M, fig. 17,18 et 19.— Tab. N, fig. 2, 3 et 4. Tous les anatomistes sont maintenant d’accord sur la dénomination de ce nerf, qu'au- trefois l’on envisageait à tort comme la première branche du nerf vague. En présence de cette unanimité, on se demande pourquoi l’on se refuse encore à admettre l'in- dividualité du nerf facial dont la liaison avec la cinquième paire n’est certainement pas plus grande que celle du glossopharyngien avec le nerf vague? Il est probable, comme nous l’avons déjà fait remarquer plus haut, que l’on ne serait pas tombé dans cette inconséquence, si, au lieu d'étudier la névrologie des poissons sur des Cyprins dont les nerfs présentent des combinaisons exceptionnelles , on s’était arrêté d'entrée aux Truites qui ont tous les nerfs cérébraux distinctement séparés. Le glossopharyngien prend son origine entre les racines du nerf acoustique et celles du nerf vague dans le mème sillon latéral de la moëlle alongée, mais un peu plus haut que l’un et l’autre de ces nerfs; il est quelquefois plus rapproché du nerf acous- Tom. Il. 23 — 170 — tique que du vague, d’autres fois il occupe exactement le milieu entre les deux autres paires, par exemple dans la Truite commune. Il entre ensuite dans un canal parti- culier de l’occipital externe (n° 10) et longe le bord postérieur du sac de l'oreille. Pendant son passage à travers ce canal, il envoie au ganglion du nerf vague , une branche qui, dans la Truite saumonée, ne se trouve qu'après la sortie du canal, entre le ganglion de ce nerf et celui du vague. Le ganglion du nerf est un renflement considérable situé immédiatement à sa sortie du canal du rocher (Tab. M, fig. 18, a). Il est de forme presque globulaire , et les différentes fibres primitives sont tellement entremêélées qu’il est impossible de suivre une seule fibrille à travers ce renflement. Le ganglion détache immédiatement (chez la Truite commune) les deux branches , dans lesquelles le nerf se divise, savoir: une antérieure , pour la fausse branchie , et une postérieure, beaucoup plus considérable, pour le premier arc branchial et la langue. En quittant la direction originaire du tronc, le nerf de la fausse branchie se dirige horizontalement en avant et passe si près de l’articulation crânienne du premier arc branchial qu’il faut beaucoup de soin pour ne pas le couper en détachant cette arti- culation. À partir de-là, il se tourne brusquement en bas et en dehors , pour se rami- fier , soit dans la fausse branchie elle-même, soit dans la membrane muqueuse qui recouvre les parties environnantes. Le tronc principal du nerf, situé à l’intérieur des muscles branchiaux , entre tout entier dans la gouttière du premier arc branchial (Tab. M, fig. 18, b), et se laisse pour- suivre tout le long de cette gouttière, en donnant partout de petits filets aux feuillets respiratoires, et un plus grand à articulation médiane de l'arc. Quoique sensiblement affaibli par le nombre considérable de petits filets qu’il dé- tache pendant son trajet , le nerf, à la sortie de la gouttière , est pourtant encore assez épais pour qu’il soit facile de le suivre. Il se dirige de nouveau en avant, donne quelques filets au muscle inférieur du premier are branchial, passe entre l’articulation de cet arc avec l’os hyoïde et parait à la face extérieure de la langue, où il se ramifie en un nombre considérable de filets, qui presque tous peuvent être suivis jusque dans la muqueuse qui recouvre la langue (Tab. M, fig. 48,c). à — 171 — DIXIÈME PAIRE. — NERF VAGUE. X. Tab. M, fig. 17, 18 et 19.— Tab. N, fig 2, 3 et 4. Ce nerf, l’un des plus considérables de ceux qui sortent du cerveau, nait de deux racines assez distinctes, dont la plus grande, avec ses fibres disposées en éventail, sort du même sillon latéral de la moëlle alongée, qui renferme les origines des paires précédentes. Une racine plus mince se voit un peu en avant et en haut de la racine principale, et se réunit à cette dernière au moment d’entrer dans le canal osseux de l’occipital latéral , qui donne passage au nerf. A l’ouverture extérieure de ce canal, le nerf se renfle en un ganglion assez consi- dérable , auquel vient encore s’unir la branche anastomotique du glossopharyngien. Le ganglion a une forme à peu-près ovalaire , et bien qu’il adhère plus ou moins au tronc du nerf, il semble pourtant n’affecter que la première branche branchiale du vague , et la branche communicative, mais nullement les autres branches posté- rieures. Il existe des différences assez marquées dans les rapports de ce ganglion, avec les branches postérieures ; j'ai trouvé des individus, où le ganglion était entière- ment soudé au tronc du nerf, tandis que chez d’autres , il en était tellement séparé , qu'on ne pouvait douter que cette formation ganglionnaire n’appartint exclusive- ment au nerf du second arc branchial (Tab. M, fig. 19, d). En quittant le ganglion, les branches du nerf rayonnent immédiatement vers les différentes parties, auxquelles elles sont destinées. Nous distinguons trois nerfs bran- chiaux, un nerf pharyngien , la branche latérale et le rameau intestinal. Quant aux nerfs branchiaux, qui servent les trois derniers arcs branchiaux , leur manière d’être est assez conforme à celle du glossopharyngien (Tab. M, fig. 18, f,g,h). Le tronc de chacun d’eux se loge immédiatement dans la gouttière de son arc branchial qu'il suit jusqu’à son extrémité inférieure, fournissant chemin faisant les feuillets respiratoires , et probablement la série de petits muscles destinés à mouvoir ces feuillets. En arrivant à l'extrémité de l’arc branchial , ces nerfs sont considérable- ment affaiblis et se perdent avec leurs derniers rameaux dans les muscles abaisseurs des branchies. ; Outre cette branche principale chacun de ces nerfs a encore une branche antérieure destinée aux muscles et qui semble répondre au rameau de la fausse branchie que fournit le glossopharyngien. Ces branches desservent invariablement les muscles de — 172 — l'arc branchial précédent, de telle sorte que les muscles du premier arc branchial, dans la gouttière duquel se loge le glossopharyngien , sont servis par le nerf du se- cond arc , et ainsi de suite. Les muscles du dernier arc branchial sont servis par quelques filets provenant de la branche pharyngienne, et la manière d’être de cette branche (fig. 18, à), peut à bon droit être invoquée comme un argument en faveur de la théorie, qui envisage les os pharyngiens comme un arc branchial transformé. En effet il n’existe aucune dif- férence entre le cours de cette branche pharyngienne du vague , et celui des autres nerfs branchiaux. Elle est logée dans la gouttière de ces os , dont elle suit le trajet , et arrivée à l'extrémité antérieure, elle se perd, comme les autres nerfs branchiaux dans les muscles abaisseurs de l’arcade pharyngienne. La branche intestinale (fig. 18, k), est d’abord collée au nerf pharyngien , mais ar- rivée à l’angle des os pharyngiens, elle change de direction et s’étend horizontalement en arrière , sur l’ésophage. En traversant le diaphragme , elle donne un petit filet au diaphragme lui-même. M. Büchner (*) veut avoir poursuivi ce filet jusqu’à l’oreillette du cœur ; quant à nous, quoique nous ayons mis un soin tout particulier à la préparation de ce filet, chez de grands exemplaires de Truites saumonées, nous n’avons jamais pu le suivre plus loin que dans la couche charnue du diaphragme. Après l’émission de ce filet, le nerf ayant traversé le diaphragme , se trouve à la face supérieure de l’éso- phage , assez près de la ligne médiane, sur le côté extérieur des feuillets péritonéaux, auxquels adhérent les organes sexuels et la vessie natatoire. En passant près du col de la vessie natatoire, il fournit un filet assez fort à cet organe ; ce filet qui s’arque en haut, se laisse poursuivre jusque dans la membrane même de la vessie natatoire. La distribution des nerfs sur les deux côtés de l’ésophage et de l'estomac est assez simple. Ils ne forment des réseaux ou des plexus ni avec le sympathique, ni avec les deux nerfs réunis. Chacun rayonne de son côté en plusieurs branches, qui se subdi- visent en rameaux el filets absolument de la même manière que s’ils se rendaient à un muscle. I! nous a été impossible de suivre ces filets jusque dans la portion pylorique de l’estomac , mais nous ne doutons cependant nullement qu’ils ne s’y rendent. La dernière branche enfin, dont l'existence semble étroitement liée au système branchial , puisqu'elle se trouve aussi chez les reptiles respirant par des branchies, est la branche latérale, (Tab. M, fig. 18 , /). Elle naît du côté extérieur et se dirige brus- (®) Mémoire sur le système nerveux du Barbeau, page 26. (Mém. de la Soc. d’Hist. nat. de Strasbourg. Tom. II, 1835). — 175 — quement en arrière, en passant par les muscles latéraux du corps et immédiatement sous la peau et le tronc des vaisseaux muqueux des branchies. Pénétrant ensuite sous les os de l'épaule, elle passe à la face extérieure du corps, où on la suit jusqu’à la queue toujours située en dedans du grand canal muqueux latéral, dans la fente des grands muscles latéraux. Partout elle donne de petits filets au vaisseau muqueux la- téral et à la peau sus-jacente. Jamais, même sur de très-grands Saumons, nous ne l'avons vue s’anastomoser avec les nerfs spinaux, quoique d’autres anatomistes aient constaté des anastomoses dans beaucoup d’autres poissons. Il est possible que ces filets anastomotiques existent cependant , et que leur extrême ténuité nous les ait ren- dus invisibles. Le nerf latéral en général est peu développé chez les Salmones ; vers la queue il devient tellement mince et se confond si intimément avec les membranes ten- dineuses qui l'entourent, qu’il nous a été impossible de préparer sur les Truites non plus que sur les Saumons le joli réseau terminal , qu’il forme à la base de l’anale , et qui, chez d’autres poissons , peut être facilement mis à découvert. Les Salmones n’ont qu’une seule branche latérale, encore est-elle assez superti- cielle. On ne trouve pas de branches qui correspondent au nerf latéral profond et au nerf récurrent , qui ont été observés chez d’autres poissons osseux. Enfin les poissons osseux en général ne montrent aucune trace d’un nerf, qui pour- rait correspondre au nerf accessoire de Willis, ou à la onzième paire des mammifères. On dirait que de même que la respiration branchiale est une condition de l'existence du nerf latéral ; de même le nerf accessoire ne se trouve que chez les vertébrés à res- paration pulmonaire. DOUZIÈME PAIRE. — NERF HYPOGLOSSE. XII. Tab. M, fig. 17, 18 et 19. — Tab. N, fig. 2, 3 et4. Cette dernière pairefdes nerfs cérébraux naît, par plusieurs racines, vers l'extrémité de la moëlle alongée, dans le même sillon que les précédens , et sort immédiatement du crâne par un petit trou situé à la face postérieure de loccipital latéral (n° 10). Passant à travers les couches des insertions céphaliques du grand muscle latéral, il se réunit d’abord au premier nerf spinal. Plus tard, quand il atteint l’angle des os pha- ryngiens, il reçoit encore la seconde paire spinale. Suivant de-là la face antérieure de l'épaule, l'hypoglosse se sépare bientôt des autres nerfs, et se rend vers le péricarde en longeant toujours les os de l'épaule. Passant immédiatement sur la membrane — 174 — du péricarde, entre elle et le muscle pectoral interne ; il se dirige en avant et se ra- mifie dans le muscle geniohyoïdien. Il ne contracte aucune liaison avec le nerf vague. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS CÉRÉBRAUX. Les discussions des anatomistes sur la composition vertébrale de la tête provoqué- rent naturellement aussi des recherches sur les paires de nerfs cérébraux , et notam- ment sur la réduction de ces nerfs au type des nerfs spinaux. Après avoir reconnu que ces derniers naissaient généralement de deux racines, dont l’une est inférieure et sensible, et l’autre supérieure et motrice, on s’appliqua également à trouver des ra- cines sensibles et des racines motrices dans les nerfs cérébraux, et de même que l’on se représentait les vertèbres cérébrales comme composées de pièces avortées ou déve- loppées à l’excès, de manière à comprendre plusieurs os distincts, de même l’on ad- mettait aussi que les racines des nerfs cérébraux pouvaient être avortées. ou s'être fendillées en plusieurs nerfs, en apparence individuels. On se mit d’abord à la re- cherche des nerfs cérébraux à type spinal, c’est-à-dire , de ceux qui naissent de deux racines distinctes. Les uns éliminèrent les nerfs des trois organes sensitifs de la tête, comme des nerfs tout-à-fait à part; les autres y virent autant de racines sensibles aux- quelles il fallait rattacher les autres paires, comme des racines motrices , de telle sorte que la composition des nerfs cérébraux varia à l'infini, suivant le nombre des vertèbres cräniennes qu’on admettait. Nous ne nous arrêterons pas à discuter ces es- sais infructueux , persuadés que nous sommes que la théorie de la composition du crâne par vertèbres , n’est pas admissible dans toute l’étendue qu’on lui a donnée , et que, par conséquent, c’est une tentative inutile que de chercher dans les nerfs céré- braux une disposition analogue à celle des nerfs spinaux. Nous nous appliquerons en revanche avec d'autant plus de soin à faire ressortir la correspondance des nerfs cérébraux des poissons osseux, et notamment des Salmones avec ceux qu’on a re- connus chez l’homme et chez les autres vertébrés, et il nous sera facile de prouver, que, sauf une seule paire, qui est entièrement liée à la respiration pulmonaire , les poissons osseux sont doués du même nombre de nerfs cérébraux que les vertébrés des ordres supérieurs. Il ne peut y avoir de doute sur les trois paires sensorielles de la tête, les nerfs ol- factif, optique et acoustique, non plus que sur les trois paires motrices de l’œil , lo- culomoteur, le pathétique et l’abducteur. Ces six paires de nerfs sont si bien sépa- mi à EE EE — 175 — rées à leurs racines et les parties auxquelles elles se rendent sont si identiques dans toutes les classes, que du moment où l’on a commencé à s'occuper de névrologie comparative , leur position et leurs rapports se sont trouvés irrévocablement fixés. Le trijumeau souleva le premier des difficultés. Déjà le nombre de ses branches ne répond pas exactement à celles du trijumeau des mammifères. La branche sus-or- - bitaire est bien la même que la branche ophthalmique ; comme celle-ci , elle se rend dans la cavité nasale, en passant au-dessus du globe de l'œil ; c’est elle aussi, qui donne le nerf anastomotique qui se rend à l’oculomoteur et qui probablement n’est que l’analogue du ganglion ciliaire , réduit à une simple anastomose. On est également d'accord sur la branche sous-maxillaire; sa place est irrévocablement fixée par sa répartition dans les muscles masseters et dans la mâchoire inférieure. Restent les branches sous-orbitaire et sus-maxillaire. La dernière se rend le long de l'orbite à la mâchoire supérieure , et c’est elle qui fournit la lèvre supérieure et les dents de la mâchoire. Or si nous comparons cette disposition avec celle des branches du maxillaire supérieur des mammifères et en particulier avec la branche infraorbitale, nous trou- vons dans les deux exactement les mêmes rapports. Il resterait la branche sous-orbi- taire, qu’il faudrait envisager comme correspondant au nerf sphéno-palatin de la se- conde branche du trijumeau des mammifères. Et en effet le trajet que cette branche parcourt le long du vomer , et les parties de la tête qu’elle fournit (la muqueuse de la partie antérieure de la bouche et les os du palais), répondent assez bien à celte ana- logie. Le trijumeau présenterait ainsi, chez les Salmones, la même distribution que chez les mammifères, sauf que la seconde branche , le maxillaire supérieur, est divi- sée en deux rameaux principaux , les nerfs sphéno-palatin et infraorbital. Il y a longtemps qu’on a entrevu l’analogie du nerf que nous avons décrit dans les pages précédentes sous le nom de nerf facial avec la paire faciale des mammifères , mais on n’osa pas en proclamer l'identité. Ce nerf figurait toujours comme une - branche du trijumeau propre aux poissons , et malgré l’étroite liaison de sa racine avec le trijumeau, on se fondait, pour contester son identité, sur la prétendue ab- sence du nerf facial dans les classes de vertébrés intermédiaires entre les poissons et les mammifères. Ce préjugé ayant disparu aujourd’hui qu’on a reconnu l'existence de ce nerf chez les oiseaux, aussi bien que chez les reptiles, nous ne voyons pas pourquoi il ne formerait pas une paire distincte chez les poissons, aussi bien que chez les autres vertébrés. Sa racine parfaitement distincte de celle du trijumeau, montre les mêmes rapports avec l’acoustique , ce qui l’a fait envisager anciennement comme une partie de ce nerf. La plupart de ses fibres n’entrent pas dans la consti- — 176 — tution du ganglion de Gasser, mais passent outre, étant seulement collées à la face in- térieure de ce dernier. Enfin sa répartition dans les muscles de la membrane bran- chiostègue est analogue à celle du même nerf dans les muscles respiratoires de la tête chez les mammifères. Par toutes ces considérations, nous sommes portés à envisager la paire faciale comme distincte du trijumeau. Le glossopharyngien est presque dans le même cas ; du moins ne voyons-nous pas que sa liaison avec le nerf vague soit plus grande chez les poissons, que chez les au- tres animaux. I! nous semble au contraire que sa racine, par son rapprochement du nerf acoustique , est plus séparée de celle du nerf vague, que chez les mammiféres. D'ailleurs les ramifications de son extrémité dans la langue , et celles de sa branche antérieure dans la muqueuse buccale , établissent suffisamment son rapport avec le glossopharyngien des autres vertébrés. Quant au nerf vague, il n’y a guère que sa branche latérale, qui ait donné lieu à des interprétations diverses. Tout le monde est convenu , que les rameaux respiratoires de ce nerf ne sauraient présenter la même disposition que chez les animaux à respira- tion pulmonaire, à cause de la différence profonde qu’il y a entre les appareils respira- : toires. Quant à la branche latérale, on l’a comparée à différens nerfs et principalement à la onzième paire, ou nerf accessoire de Willis. Mais comme l’a prouvé principalement M. Bischoff, dans sa belle monographie, ce nerf n’est évidemment que musculaire, c’est le nerf respiratoire du cou. Or l’on concevrait difficilement comment un nerf changerait de nature chez les poissons , et la branche latérale n’est nullement mus- culaire, comme l’ont prouvé les vivisections de M. Müller. D'ailleurs, il existe un rapport intime entre le nerf accessoire et la respiration. Plus la respiration est active, plus le nerf est développé et distinctement séparé du vague ; tandis que le racourcis- sement de sa racine, et sa fusion avec le vague marchent de pair avec le dépérisse- ment des poumons. Chez les reptiles, le nerf accessoire de Willis n’est qu’une racine du vague, s'étendant en arrière sur la moëlle, mais seulement entre les racines des premières paires spinales. Chez les poissons et les reptiles à respiration branchiale, il n'existe aucune trace de cette racine du vague, se prolongeant en arrière ; le nerf ac- cessoire a complètement disparu. D’un autre côté, nous voyons la branche latérale du nerf vague se développer con- sidérablement avec la respiration branchiale, Son existence chez les tétards des batra- ciens, aussi longtemps qu'ils respirent par des branchies, a été prouvée par MM. Krohn et von Deen; et son grand développement chez les poissons et les reptiles à respira- tion branchiale, de même que son dépérissement successif, à mesure que les tétards ea A — 177 — perdent leurs branchies sont autant de preuves du rapport intime qui existe entre le développement de cette branche latérale et la respiration branchiale, C’est ce dépérissement du nerf chez les tétards , et sa disposition chez les Cyclosto- mes, qui ont conduit M. J. Müller (*) à une hypothèse, que nous croyons très-fondée, savoir , que le nerf latéral est représenté chez les mammifères par la branche au- riculaire du vague. Les rapports du nerf latéral avec le trijumeau , ou plutôt avec le facial, que l’on observe chez d’autres poissons, n’existent pas il est vrai, chez les Sal- mones , où la branche latérale est exclusivement formée par le nerf vague et non par une anastomose de ce nerf avec la cinquième paire , et ceci, il faut en convenir, an- nule l’une des preuves principales alléguées par M. Müller en faveur de cette analogie. Mais d’un autre côté, si l’on considère, qu’il existe comme reste du nerf latéral des té- tards, un petit filet qui se ramifie dans la peau derrière l'oreille, dans la même région à-peu-près où se trouve le nerf auriculaire des mammifères, et que chez l'embryon de ces animaux, celte région fait partie de la cavité branchiale , on n’en sera pas moins porté à admettre l’hypothèse ingénieuse de M. Müller. Il nous reste encore à dire quelques mots sur l’hypoglosse. Sa liaison avec les nerfs de la nageoire pectorale l'ont fait représenter comme la première paire des nerfs spi- naux. Mais ainsi que l’a très-bien fait remarquer M. Müller, les racines de l’hypo- glosse recoivent aussi chez 'les mammifères des filets des deux premières paires spina- les. Il n’y a donc rien d’étrange , à ce que cette disposition se retrouve chez les pois- sons, où la liaison s'opère en dehors du crâne, tandis que chez les mammifères , c’est dans la cavité crânienne qu’elle a lieu. D'ailleurs la même liaison extra-crânienne existe aussi chez les reptiles. La racine de l’hypoglosse est aussi ici dans le crâne , et s’il sort par le trou de l’occipital , il n’en doit pas moins être regardé comme paire cé- rébrale , et c’est aussi la place que lui assigne sa terminaison dans la masse charnue de l’os hyoïde. DES NERFS SPINAUX. Tab. K, fig. 1. — Tab. M, fig. 16. Les nerfs spinaux sont au nombre de cinquante-quatre paires chez la Truite de ruis- seau. Les deux premières paires servent la nageoire pectorale, les onzième jusqu’à la vingt-cinquième sont destinées à la nageoire dorsale, les quinzième jusqu’à la ving- (") Vergleichende Nevrologie der Myxinoïden. page 55. Tom. Il. 24 — 178 — tième à la nageoïire ventrale, les trente-deuxième jusqu’à la quarante-unième à l’anale et les dernières paires enfin aux muscles de la caudale. La disposition générale des nerfs de la moëlle est très-uniforme , et leur origine en particulier est exactement la même pour tous les nerfs. Chaque paire naît de deux racines, une supérieure et une inférieure , qui ont cha- cune, comme on le sait par les autres vertébrés, des qualités fort différentes ; la racine supérieure qui est munie d’un ganglion , est la racine sensible, l’inférieure la racine motrice. Chaque racine naît de son cordon correspondant, et si en ouvrant le canal de la moëlle de côté, on ne voit pas exactement les origines des racines sur la moëlle, c’est parce qu’elles se trouvent trop près de la ligne médiane. La racine inférieure est en général beaucoup plus considérable que l’autre, et ses fibres plus serrées; dans la racine sensible au contraire, les fibres s’épanouissent en éventail. Les racines naissent d’autant plus en avant de la sortie du nerf, que ce dernier est plus rapproché de la queue, mais toujours l’origine de la racine supérieure en est plus rapprochée que celle de la racine inférieure ; même au milieu du corps, où la racine inférieure naît presque à la distance d’une vertèbre plus avant, l’origine de la racine sensible semble presque au même niveau que la sortie du nerf. En ‘ne préparant que superficiellement les nerfs spinaux, on pourrait croire que chacun d’eux sort par un seul trou de l’enveloppe fibreuse de la moëlle , et se divise ensuite en deux branches, l’une destinée aux parties supérieures et l’autre à la ré- gion ventrale. Mais il n’en est pas ainsi. Les racines ne se réunissent pas, comme chez les autres vertébrés, sous un angle déterminé, mais bien par le moyen d’un rameau intermédiaire situé en dehors de l'enveloppe fibreuse de la moëlle. La racine supé- rieure monte presque verticalement pour sortir du canal de la moëlle. Quand elle a pénétré à travers la dure-mère et la pie-mère de la moëlle, et qu’elle est entrée dans l’épaisse membrane qui est tendue entre les apophyses épineuses, elle se renfle en un ganglion qui, par sa situation et sa petitesse , échappe facilement à l’observation. De ce ganglion partent deux nerfs : l’un remonte vers le dos, en suivant assez exacte- ment la courbure postérieure de l’apophyse épineuse ; l’autre descend pour se joindre à la racine inférieure , qui, outre cette branche de communication, donne encore deux aatres branches, dont l’une suit le bord antérieur de l’apophyse et finit par se réunir à la branche de la racine supérieure du nerf suivant, landis que l’autre, destinée au côté ventral, court le long des côtes ou des apophyses inférieures (Tab. M, fig. 16). La moëlle est ainsi comprise entre les deux racines et la branche de communication, hrs À ./ — 179 — comme entre les deux dents d’une fourchette. La répartition des filets que donne chaque nerf, est extrêmement simple. Là où il n’y a pas de nageoires, les branches supérieures de la racine sensible longent le bord postérieur de l’apophyse , derrière laquelle ils sortent du canal de la moëlle épinière (*), se joignent au haut de l’apo- physe à la branche montante de la racine inférieure du nerf précédent, qui a longé le bord antérieur de cette même apophyse , et le tronc qui résulte de cette jonction , se ramifie ensuite dans les muscles et dans la peau du dos. Ces nerfs sont toujours si- tués ou dans la substance elle-même de la membrane fibreuse, qui réunit les apophyses, ou immédiatement à sa surface. Les filets, qu’ils donnent aux muscles latéraux et à la peau, sont collés aux feuillets fibreux qui séparent les muscles latéraux, comme nous l'avons fait observer dans le chapitre de la myologie, et il est à remarquer que c’est tou- jours dans les angles des zigzags de ces feuillets que monte un filet plus considérable vers la peau. Nous avons cherché en vain dans la Truite les anastomoses des nerfs spi- naux avec la branche latérale du nerf vague, que l’on a signalées chez d’autres pois- sons, dans l’angle médian des feuillets, vers la ligne latérale. Les branches inférieures des nerfs spinaux passent sur le flanc des vertèbres et se répandent dans les espaces entre les côtes. Là les apophyses inférieures donnent d’abord un filet de commu- nication avec le grand sympathique et se ramifient ensuite de la même manière dans les muscles et la peau, en envoyant leurs filets principalement dans les angles des feuillets fibreux. On ne peut méconnaitre dans l’arrangement des nerfs spinaux et de leurs racines un but tout spécial, savoir de ne pas faire dépendre une partie musculaire quelconque d’un seul endroit de la moëlle. Le filet ascendant des racines inférieures , en se joignant au filet ascendant de la racine supérieure du nerf suivant, envoie des fibrilles motrices d’un nerf à l’autre, et comme il est probable que la branche ascen- dante de la racine supérieure contient aussi des fibrilles motrices, qui lui viennent par la branche anastomotique entre les deux racines, il s’en suit, que chaque point du corps où se rendent des filets du nerf ainsi composé, dépend, sous-le rapport de la locomotion , des endroits de la moëlle où ces deux nerfs prennent naissance. Il n’en est pas de même à l'égard des branches inférieures. Nous n'avons constaté aucune anastomose entre les branches inférieures ; les fibrilles sensibles leur viennent donc seulement de la racine supérieure correspondante , tout comme les fibrilles mo- trices ; tandis que chaque branche supérieure tire des fibrilles motrices non seulement (*) Jamais un nerf spinal ne traverse une partie du squelette; ils restent toujours derrière les apophyses. — 180 — de la branche anastomotique de sa racine motrice correspondante , mais aussi de la branche remontante de la racine inférieure de la paire précédente. Evidemment le but de cette disposition est d’étendre la faculté motrice des muscles du dos autant que possible, et de rendre indépendante l’action de ces muscles, qui sans aucun doute, sont les organes principaux de la locomotion et doivent être, à en juger d’après leur développement, beaucoup plus puissans que les couches muscu- laires de la partie inférieure du corps. | Il nous reste encore à parler de la disposition particulière des nerfs des nageoires. A part la caudale, cet arrangement est fort simple dans les autres nageoires ver- ticales à rayons osseux (la dorsale et l’anale). Leurs nerfs se comportent de la même manière que les autres, jusqu’à leur arrivée vers les petits muscles qui meuvent les rayons. Là, ils se divisent en deux séries de branches, dont les unes extérieures pas- sent entre les deux couches de muscles et fournissent principalement les muscles exté- rieurs , tandis que les autres branches passent le long de la membrane fibreuse mé- diane, et se ramifient dans la couche intérieure. Les nerfs de la ventrale sont aussi fort simples. Ils forment entre eux, au moyen de branches anastomotiques, un réseau à mailles assez larges , duquel partent les petits filets qui entrent de toutes parts dans la masse charnue de la nageoire. Les nerfs de la pectorale naissent des branches inférieures des deux premières paires spinales. Nous avons déjà mentionné la jonction de la première branche avec l’hypoglosse, qui à en juger d’après sa constance (chez les reptiles comme chez les poissons) doit déterminer un certain mélange des deux nerfs. Après que l’hypoglosse s’est de nouveau séparé, le nerf de la première paire se joint encore au second, et forme de cette manière un seul nerf auxillaire. Ce nerf se divise bientôt en deux bran- ches , dont l’une extérieure se ramifie dans les muscles externes de la pectorale , tan- dis que l’autre, passant entre la masse charnue de la nageoire et la tête du muscle la- téral, se rend dans les muscles internes de la pectorale. Quant aux dernières paires spinales , leur répartition dépend de larrangement des muscles de la caudale. C’est principalement la quarante-neuvième paire, dont la bran- che forme conjointement avec la précédente, un nerf assez fort, qui se ramifie dans les muscles, vers l'extrémité de la colonne vertébrale. Les branches supérieures des dernières paires sont avortées , et il semble que toutes les fibrilles se réunissent pour ne former , des quatre dernières paires, qu’un nerf assez fort, qui, contournant le bord inférieur du cœur anal, se répartit dans les muscles inférieurs de l’anale. La dernière paire enfin ne forme qu’un petit nerf assez mince, qui longe le bord supé- rieur du cœur anal. Re eue LU UT TOURS ENS SN PO | al — 181 — LE GRAND SYMPATHIQUE. Tab. M, fig. 19. Moins développé chez les poissons que chez les autres vertébrés, le nerf sympathique montre pourtant dans son arrangement les particularités essentielles, qui le distinguent nettement de tous les autres nerfs. Comme ses fibres sont parsemées de cellules gan- glionnaires, il a toujours un reflet rougeâtre , qui contraste avec la blancheur éclatante des autres nerfs, et qui par cela même en rend la préparation plus difficile, sans compter que les filets nerveux dont il se compose sont extrêmement minces. Ces diffi- cultés sont cause que l’on a longtemps méconnu sa véritable signification. Aujour- d’hui que tous les doutes sont levés à cet égard nous n’aurons que peu de chose à ajouter aux connaissances déjà acquises. Il est maintenant prouvé par des recherches microscopiques, faites sur d’autres classes de vertébrés , que le nerf sympathique ne possède pas des fibrilles propres, que toutes ses fibrilles constitutives proviennent de la masse nerveuse centrale, aussi bien que celles des autres nerfs, et que l'augmentation évidente du volume du nerf relati- -vement à ses branches , dépend uniquement du développement des gaines fibreuses et des globules ganglionnaires qui se logent entre les fibrilles. Cette disposition nous oblige à en poursuivre le trajet en quelque sorte de haut en bas, afin de voir comment ses racines venant des différens nerfs cérébraux et spinaux se réunissent en un seul faisceau , qui longe l’épine du dos et qu’on appelle communément le tronc du grand sympathique. Les premières racines du système sympathique de la tête partent de la face infé- rieure du ganglion de Gasser, sous la forme de plusieurs filets extrèmement minces , . quise dirigent en arrière ; et il semble que les fibrilles, formant ces filets , viennent aussi bien de la cinquième que de la septième paire. Bientôt ces filets se renflent et forment un ganglion assez considérable , de forme ovoïde (e) qui, appliqué contre los, se trouve justement au-dessous du glossopharyngien , là où celui-ci sort de son gan- glion. Il existe un filet de communication entre ces deux renflemens. L'un des filets venant du trijumeau n’envoie qu’une très-petite branche au ganglion, tandis que sa plus grande masse passe outre et forme, avec les filets sortant du gan- glion, un réseau assez compliqué (f), d’où sortent plusieurs nerfs , qui s'associent aux nerfs branchiques du glossopharyngien et du vague. Deux autres filets qui se réunis- — 182 — sent plus loin en un seul, forment la continuation du tronc le long de la base de la tête, et après avoir reçu encore des filets du ganglion du nerf vague, se renflent en un premier ganglion du cou (4) , situé juste sur la ligne de séparation entre l’occiput et la première vertèbre nuchale. Ce ganglion est appliqué contre les os, tandis que toute la partie dont il vient d’être question , repose sur les muscles , à côté des grands vaisseaux artériels et lymphatiques de la tête. Avec ce premier renflement commence la longue série de ganglions, qui soudés les uns aux autres par des branches intermédiaires , entrent en communication avec toutes les branches inférieures des nerfs spinaux , et d’où part cette multitude de petits filets nerveux, qui se ramifient dans les intestins. C’est du premier ganglion nuchal, que raissent les deux branches intestinales les plus considérables, destinées à l’esto- mac (k). Ges deux filets descendent droit sur la partie postérieure de l’ésophage. Nous avons pu les poursuivre à côté du nerf vague le long de cet organe , mais plus loin ils nous ont échappé à cause de leur exiguité. Le nombre des ganglions qui règnent le long du ventre , à côté de l’aorte sous l’épine dorsale, ne répond pas exactement au nombre des vertèbres. Aussi n’est-ce pas seulement des ganglions mais aussi des rameaux intermédiaires, que partent les branches destinées aux intestins. Ces branches intestinales sont en nombre très-consi- dérable et d’autant plus petites, qu’elles sont plus fréquentes. Elles entrent tout de suite dans la masse même des reins, qui se trouve au-dessous. Leur extrême ténuité nous a empêché de les poursuivre au de-là de l’enveloppe fibreuse des reins. Les branches venant des rameaux inférieurs des nerfs spinaux sont très-régulières. Elles contournent le corps de la vertèbre et se confondent aussitôt avec le tronc du sympathique ; celles du nerf hypoglosse ne se montrent pas différentes des autres nerfs spinaux. Vers l’extrémité de la cavité ventrale les ganglions diminuent insensiblement de volume et les derniers , situés au dessus de l’extrémité des reins, ne sont qu'à peine perceptibles. Il résulte de cette description, que l’arrangement du nerf sympathique est bien plus simple chez les poissons que chez les animaux supérieurs , et même chez les reptiles. C’est surtout la portion céphalique du nerf, qui est simplifiée, et pourtant elle compte presque autant de racines que chez les autres vertébrés. Il n’y a, à ce qu’il paraît, que le filet provenant du nerf abducteur, qui manque, du moins chez la grande majorité des poissons osseux. Cuvier veut, il est vrai, l’avoir trouvé chez la morue. Quant à nous, nous devons convenir que nous n’avons jamais pu l’apercevoir dans — 183 — la Truite. Une partie importante qui manque au sympathique des poissons et qui existe chez tous les autres vertébrés, c’est la partie antérieure de ce système, celle même qui prend une part si active à la formation des nerfs ciliaires et du palais, et dont la branche récurrente de Vidianus est le représentant principal. Il n’y aurait rien d’é- tonnant dès-lors que ce fût à cette absence des branches palatines et oculaires du sys- tème sympathique, qu’on dut attribuer le développement peu considérable des mou- vemens de l’œil et de l’iris, ainsi que le dépérissement du goût chez les poissons. EXPLICATION DES PLANCHES. OSTÉOLOGIE ET SPLANCHNOLOGIE. Tab. A. — Fig. 1. Squelette de la truite (Salmo Fario), vu de profil. Fig. 2. Les intestins dans leur position naturelle vus de profil. Les muscles ainsi que le péri- toine sont enlevés. C’est une femelle prise à la fin de la ponte; on voit quelques œufs mûrs engagés dans l'extrémité de la cavité abdominale et prêts à sortir. Fig. 3. Les intestins d’une truite mâle vus d’en bas. Tab. B. — Représente les mêmes parties du corps, préparées sur l'Ombre commune (Thymallus vexillifer). Fig. 2 est une femelle vue de profil, après la ponte; fig. 3 est une autre femelle vue d'en bas; les ovaires sont gorgés d'œufs presque mürs. Tab. C. — Poissons du genre Corégone (Coregonus Palæa) préparés de la même manière. Le poisson de profil est un mâle, prêt à frayer; celui que l'on voit d'en bas est une femelle peu de temps après la ponte. Dans ces trois planches, on a désigné les intestins par les mêmes lettres, savoir : a, cœur; b, testicules; c, foie; d, vessie biliaire; e, appendices pyloriques; f, estomac; g, rate; h, ovaires; +, intestins; k, vessie natatoire; /, anus; m, reins; n, vessie urinaire ; o, branchies. Tab. D. — Os de la tête des trois genres de Salmones vivant dans les eaux douces de l’'Eu- rope centrale. Fig. 1-4, Coregonus Wartmanni. Fig. 1, le crâne vu par derrière; fig. 2, de profil; fig. 3, en dessous ; fig. 4, en dessus. Fig. 5-8. Thymallus vexilhfer. Cräne vu par les mêmes faces. Fig. 9-12. Salmo Fario. Crâne vu par les mêmes faces. Fig. 13-22 sont toutes prises sur la Truite commune {Salmo Fario). Fig. 13 .Les os de l'oc- ciput détachés et groupés d’après leur position natureile. pe Ce ne à L L Le PS" mue RS — 185 — Fig. 14. Tous les os du crâne séparés les uns des autres et vus de profil, dans leurs rapports naturels. Fig. 15. Les os de la face supérieure du crâne détachés et vus par la face supérieure. Fig. 16. Les os détachés de la tête qui se montrent à la face inférieure du crâne. Les fig. 13-16 montrent les os de la même face que les fig. 9-12, seulement détachés les uns des autres; fig. 13 correspond à la fig. 9; fig. 14 à fig. 10; fig. 15 à la moitié de fig. 11, et fig. 16 à la moitié de fig. 12. Fig. 17. Squelette de la tête dans son ensemble vu de profil ; les sous-orbitaires sont seuls enlevés, Fig. 18. Les os de la face détachés , vus de profil. Fig. 19. La tête de profil; tous les os détaillés dans la fig. 18 sont enlevés ; savoir : les mâ- choires, l'appareil temporal et palatin et l’opercule du côté gauche ; en revanche, on voit l'os hyoïde avec ses branches et les rayons branchiostègues ainsi que les arcs branchiaux, dans leur position naturelle. Fig. 20. L'hyoïde avec ses branches et les arcs branchiaux, vu d'en haut. Fig. 21. Le même vu de profil; en dessous la carène hyoïdale vue de profil et d’en bas.” Fig. 22. Os détachés de la ceinture thoracique gauche vus de profil. Fig. 23. Dents détachées de la truite saumonée {Salmo Trutta). Tab. E. — Analyse du crâne et de la colonne vertébrale de la Truite saumonée (Salmo Trutta). Fig. {. La tête vue de profil ; tous les os sont en place. Fig. 2. Le crâne vu d'en haut. Fig. 3. Le même vu d'en bas. Fig. 4. Le même vu de profil. Fig. 5. Le même vu par derrière. Fig. 6 à 10. Coupes du crâne destinées à faire voir les relations entre le cartilage crânien et les os du crâne chez la truite adulte. Fig. 6 et 7. Coupe horizontale. Fig. 6, moitié inférieure , faisant voir les creux pour les saes des labyrinthes et l'hypophyse du cerveau ; fig. 7, Moitié supérieure, montrant la cavité ethmoï- dienne, les orbites et la cavité cérébrale avec les espaces creusés pour les labyrinthes. Fig. 8. Coupe longitudinale et verticale par la ligne médiane, montrant l'étendue du cartilage crânien dans la * partie antérieure du crâne, ainsi que la cavité cérébrale et le canal sous-cränien. Fig. 9 et 10. Coupe verticale et transverse par le milieu de la cavité cérébrale. Fig. 9, montre la moitié an- térieure ; fig. 10, la moitié postérieure. Fig. 11 et 12. La sixième vertèbre abdominale avec ses apophyses et les côtes, vue de profil et en face. Fig. 13 et 14. L'avant dernière vertèbre abdominale, vue de profil et en face. Fig. 15 et 16. Sixième vertébre caudale, vue de profil et en face. Fig. 17. Extrémité postérieure de la colonne vertébrale ; on y remarque le trou de commu- nication entre les cœurs caudaux, percé à travers la plaque terminale; on y voit aussi la termi- naison de la chorde dorsale, courhée en haut, d. Tom, I. 25 — 186 — Tab. F. — Os de la face et des appareils branchial et hyoïde. Fig. 1. Le corps de l’hyoïde avec les os qui y sont attachés, vu d'en haut. L’arc hyoïde ainsi que les arcs branchiaux sont détachés du préopercule et du crâne et repliés de côté. Fig. 3. Les mêmes os vus en dessous. Fig. 2. Le corps de l’hyoïde dépouillé de tous les os qui s’y rattachent et vu de profil. Fig. #et5. Les appareils mobiles de la face, savoir les mächoires et les appareils temporal palatin et operculaire , détachés du crâne et vus par la face externe, fig. 4 ; par la face interne, fig. 5. Fig. 6 et 7. Ceinture thoracique isolée vue par sa face externe, fig. 6; par sa face interne, fig. 7. Tab. G. — Fig. 1-8. Structure des cartilages. Fig. 1, 2 et 3, coupes du cartilage eth- moïdien par le milieu. Fig. 4 et 5, coupe du même cartilage près de son bord orbital. Fig. 6, déformation particulière des noyaux dans le cartilage crânien. Fig. 7. Cartilage fibreux de l’arti- culation maxillaire. Fig. 8, cartilage étoilé du bâton de la mâchoire. Fig. 9-10. Structure des os. Fig. 9, fine lamelle de l’opercule, montrant les corpuscules osseux ronds et les amas de dépôts anorganiques qui séparent les raies blanches , qu'on observe dans ces os. Fig. 10 et 11. Os traités par des acides. Fig. 12. Coupe verticale de la mâchoire inférieure. Fig. 13. Portion de l’opercule, montrant les raies blanches. Fig. 14. Portion inférieure d’un rayon de la dorsale, faiblement grossie. Fig. 15. Une des divisions d'un rayon fortement grossie, montrant ses cavités internes et les corpuscules osseux de la paroi. Fig. 16. Support osseux d'un feuillet branchial. Fig. 17. La portion de fig. 16, comprise entre les lettres a, b, ec, d, plus fortement grossie. On y distingue les couches de véritable substance osseuse d'avec celles à cellules chondriques. Fig. 19 et 20. Cellules chondriques confluentes des supports osseux des feuillets branchiaux. Fig. 18. Structure de la chorde dorsale. On voit les grandes cellules transparentes entourées de fibres plates et raides. MYOLOGIE. Tab. H. — Fig. 1, 2 et 3. Le poisson dépouillé de sa peau , montrant la couche externe des muscles, fig. { de profil, fig. 2 d’en bas, fig. 3 d'en haut. Fig. 4. Insertions céphaliques du grand muscle latéral. On a ôté tout l'appareil branchial et operculaire , ainsi que la ceinture thoracique. Fig. 5. Muscles des arcs branchiaux et de l'appareil operculaire. Ce dernier est coupé en haut et abaissé de manière à montrer la partie inférieure de sa face externe ; la ceinture thoracique est — 187 — enlevée pour mettre les ares branchiaux et le pharynx à nu. On n’a conservé des ares branchiaux que les bouts supérieurs et inférieurs où s’attachent les muscles. Tab. J. — Structure des muscles. Fig. 1 et 2. Bandeaux isolés du grand muscle latéral. Fig. 1, près de l'anale; fig. 2, au milieu du ventre. Fig. 3. Coupe transversale de la queue pour montrer l'enroulement des bandeaux du grand muscle latéral. Fig. 4. Muscles du pharynx ; face supérieure. Fig. 5. Muscles de la dorsale ; les petits muscles superficiels sont tirés de côté pour faire voir les muscles profonds. Fig. 6 et 7. Muscles de la pectorale; fig. 6, côté externe; fig. 7, côté interne. Fig. 8. Muscles de la ventrale; côté interne. Fig. 9. Muscles de l’opercule; celui-ci est coupé et sa moitié supérieure relevée pour faire voir sa face interne. Fig. 10. Coupe verticale de la tête. Le corps de l'os hyoïde est enlevé ; tous les autres organes sont conservés dans leur position naturelle. Fig. 11. Même préparation; les arcs branchiaux ainsi que les arcs de l’hyoïde sont enlevés avec l'œil et le cerveau ; on voit les muscles de l'œil coupés et la face interne de l’appareil maxil- laire et operculaire. Fig. 12. Couche profonde des muscles de la queue. Fig. 13—15. Structure des muscles. Fig. 13, muscles volontaires : a et b, faisceaux primi- tifs. On voit en a plusieurs fibrilles isolées et en d un plissement qui fait apercevoir la gaine ‘ou sarcolemme; €, fibres traitées à l'acide acétique. Fig. 14. Fibres involontaires traitées à l'acide acétique ; a, de l'intestin ; b, du cœur. Fig. 15. Fibres involontaires à l’état naturel : a et b, du cœur; c, de l'intestin. ANGIOLOGIE ET NÉVROLOGIE. Tab. K. — Fig. 1 et 2. Préparations de la truite commune { Salmo Fario.) Fig. 1. Le corps vu de profil. Toute la couche musculaire du corps est enlevée; on a mis à nu une partie du cerveau et la fosse temporale, où l'on n’a laissé que quelques morceaux des muscles masticateurs , pour pouvoir montrer le trajet de l'artère hyoïdale vers la fausse branchie ; le trajet du nerf facial et des branches superficielles du trijumeau, et celui des artères et des veines de la face est à découvert ; les corps des vertèbres, les apophyses verticales , les côtes, les aponévroses médiane et ventrale sont mises à nu, pour faire voir le trajet des artères, des veines et des nerfs du corps; le cœur caudal est également à découvert. On peut surtout se convaincre par cette figure, que les artères et les veines du corps sont loin de correspondre aussi exactement aux vertèbres et à leurs apophyses que les nerfs, et qu'il y a beaucoup de vais- — 188 — seaux qui percent l'aponévrose médiane, et paraissent sur l'autre côté du .corps pour s'y dis- perser. Fig. 2. Préparation faite sur une truite mâle. Le poisson est vu de profil ; et un peu tordu sur le dos ; les intestins sont écartés , le testicule gauche rejeté en dehors, le foie et l'estomac tiré en bas ; l'appareil operculaire est tendu , le cœur avec le bulbe aortique et les arcs branchiaux mis à nu pour montrer la distribution des artères branchiales et le trajet de l'artère coronaire du cœur ; le foie est renversé pour faire voir sa face interne avec la veine porte. Fig. 3. Extrémité caudale d’une truite saumonée { Salmo Trutta ), où lon a injecté le canal lymphatique externe avec le cœur caudal. Fig. #4. Cœur caudal du côté gauche, ouvert, avec la figure grossie de la valvule qui garde l'entrée de la veine cave. Fig. 5. Cœur caudal du côté droit, ouvert. Les intestins sont désignés de la manière suivante dans la fig. 2; C. cœur, F. foie. F/. Vessie biliaire, Oes. Ésophage, R. Reins, $. Rate, N. Vessie natatoire, T. Testicule, V. Vessie urinaire, J. Canal intestinal. Tab. L. — Angiologie de la truite saumonée { Salmo Trutta). Fig. 1. La tête vue d'en bas. On a enlevé la mâchoire inférieure gauche; les arcs branchiaux de ce côté, et l'appareil operculaire sont aussi enlevés. Toute la partie mobile de la face est tirée en bas, pour faire voir le trajet de la jugulaire droite et des canaux lympha- tiques des branchies. L'œil gauche est enlevé pour montrer l'artère surorbitaire et le trajet des branches artérielles du museau; la sclérotique de l'œil droit est également enlevée pour faire voir le trajet de l'artère choroïdale et sa distribution dans la glande choroïdale ; l'appareil branchial est tourné sur son axe pour montrer la distribution du bulbe aortique et de la veine de Duvernoy. On a également mis à nu la première veine branchiale avec les artères cérébrales et leur anas— tomose. Fig. 2. La tête vue d’en bas. Toutes les parties molles sont fendues jusqu'à la base du crâne. On voit l'aorte composée des huit artères branchiales, le trajet des artères cérébrales et faciales, la base du cerveau avec ses artères, le canal lymphatique vertébral et le trajet de l'artère et de la veine pseudo-branchiale. Fig. 3. La tête vue de profil. Le cerveau est complètement mis à nu, ainsi que l'œil gauche, qui est tiré en bas, pour faire voir la distribution des artères du cerveau et de l'œil. Fig. 4-6. Distribution des artères dans le cerveau. Fig. 4, le cerveau de profil. Le ventricule du mésencéphale est ouvert, le cervelet fendu dans toute sa longueur et le rhombe artériel au fond du ventricule mis à découvert. Fig. 5, même préparation ; la moëlle alongée est tournée de manière à ce qu'elle puisse être vue d'en bas; le cervelet et les bourrelets quadrijumeaux sont enlevés pour montrer la ramification des artères sur le fond du ventricule. Fig. 6. La moëlle alongée d'en haut avec le sinus rhomboïdal et le couvercle du mésen-— céphale. — 189 — Fig. 7 et 8. Communication du canal lymphatique latéral avec le sinus de Cuvier. Fig. 7 montre le canal latéral et les canaux branchiaux ouverts; le canal de communication est encore intact; fig. 8, le canal fendu dans toute sa longueur, pour montrer les valvules à son ex trémité supérieure. Tab. M. — Fig. 1-3. Anatomie de l'oreille (Salmo Fario). Ces trois figures sont grossies trois fois. Fig. 1 , l'oreille droite isolée vue en dehors. Fig. 2, l'oreille droite isolée vue en de- dans. Fig. 3 , l'oreille droite isolée vue par devant. Fig. # et 5. La grande et la petite otolithe du sac de l'oreille gauche, grossies 12 fois. Fig. 6-8. Anatomie du nez (Salmo Fario). Les figures sont grossies trois fois. Fig. 6, le nez gauche vu d'en haut, après avoir enlevé le couvercle. La muqueuse est étendue sous l'eau. Fig. 7. Le couvercle avec ses deux ouvertures ; la première entourée de son bourrelet cartilagi- neux, vu en dedans. Fig. 8. Dispersion du nerf olfactif sur la face interne de la muqueuse. Fig. 9-14. Anatomie de l'œil (Salmo Trutta). Grandeur naturelle. Fig. 9. Muscles et nerfs de l'œil gauche. Le globe de l'œil est tiré en haut pour faire voir les muscles et les nerfs sur lesquels il repose. Fig. 10. La même préparation ; le globe de l'œil est tiré en bas. Fig. 11. Nerfs ciliaires de l'œil. On a enlevé la face interne de la sclérotique, pour montrer les nerfs qui entrent par l'interruption du corps rouge de la chorioïde, en longeant le nerf op- tique. Fig. 12. Face postérieure de l'œil. On a coupé circulairement la sclérotique pourm ontrer l’en- trée du nerf optique et la disposition du corps rouge. Fig. 13. La même coupe continuée à travers la chorioïde et la rétine. On voit la face posté- rieure du cristallin et son ligament. Fig. 14. Coupe horizontale de l'œil, pour montrer la disposition des parties internes et sur- tout le ligament du cristallin. Ces trois dernières figures sont grossies trois fois. Fig. 15. Face interne du sac du labyrinthe de la Palée {Coregonus Palæa),'pour montrer la dis- persion des nerfs; grossi 100 fois en diamètre. Fig. 16. Nerfs rachidiens du Saumon d'Irlande (Salmo Eriox). On voit les deux racines, - leur réunion et les anastomes des nerfs. Fig. 17. Nerfs céphaliques de la truite (Salmo Fario). On a coupé la tête par le milieu et ôté le cerveau, mais laissé en place l'oreille, les racines des nerfs et les muscles de l'œil. On a suivi sur- tout les ramifications du nerf vague et des nerfs de l'œil. Fig. 18. Ramification des trois dernières paires de nerfs cérébraux. (Salmo Fario). On a mis à nu le cerveau, enlevé toute l'arcade temporale, et suivi les branches principales de la cin- quième paire. Le facial est coupé, mais sa racine et sa communication avec la cinquième paire sont conservées. On voit de plus les racines de la huitième paire, tout le trajet du glossopha- ryngien, son anastomose avec le nerf vague, les différentes branches de ce dernier aux bran- chies, à l'estomac et à la ligne latérale, l'hypoglosse s'anastomosant avec la premiére paire de nerfs — 190 — rachidiens, la réunion du nerf commun au second nerf rachidien et la ramification de l'hypo- glosse dans la chair sous l'os hyoïdien. Fig. 19. Les nerfs de la tête de la truite saumonée (Salmo Trutta) vus d'en bas. La base du crâne est mise à nu, ainsi que la face inférieure de l'œil droit et du cerveau. On a suivi du côté gauche les branches anastomotiques du grand sympathique, avec les cinquième, neuvième et dixième paires; à droite, on a découvert les racines de l’oculomoteur, de l'optique, du trijumeau, de l’acoustique, du glossopharyngien, du vague et de l'hypoglosse. On a conservé un morceau de l'estomac avec deux branches du sympathique, qui s’y rendent. Tab. N. — Fig. 1 à 12. Anatomie du cerveau (Salmo Fario). Fig. 1. Le cerveau d'en haut. Fig. 2, le cerveau d'en bas, avec le sac vasculaire, les nerfs optiques et l'hyphophyse dans leur position naturelle. Fig. 3, le cerveau de la même position ; on a ôté le sac vasculaire, ainsi que l'hypophyse , et replié les nerfs optiques sur eux-mêmes. Fig. 4, le cerveau vu de profil. Fig. 5, coupe longitudinale du cerveau par la ligne médiane, pour montrer la disposition géné- rale des cavités internes et des commissures. Fig. 6, le cerveau d'en haut, la voûte du mésen- céphale étant enlevée; on voit les bourrelets quadrijumeaux d'en haut, et dans leur rap- port avec les tubercules optiques et le cervelet, en avant la glande pinéale avec ses pédoncules nerveux. Fig. 7, le plancher des cavités du mésencéphale et de Lépencéphale d'en haut; les bourrelets quadrijumeaux et le cervelet sont enlevés, et leurs piliers écartés. Les fig. 1 à 7 sont grossies trois fois en diamètre. Fig. 8. La face inférieure de la môelle alongée dans ses rapports avec le mésencéphale. Les lobes inférieures sont repliées en avant, pour montrer les différens faisceaux venant de la moëlle alongée et la sortie de la troisième paire des nerfs cérébraux. — Grossi six fois. Fig. 9. Le cerveau d'en haut. La voûte du mésencéphale est coupée horizontalement d'arrière en avant et rejetée en avant ; les bourrelets quadrijumeaux sont fendus jusqu'à leur base et le cervelet jusque sur la moëlle alongée et les parties fendues repliées sur les côtés. Fig. 10. Le cerveau d'en bas. La base du cerveau est fendue par une coupe longitudinale jusque sur les bourrelets quadrijumeaux. La face inférieure de ces derniers et du cervelelet, ainsi que les extrémités antérieures de la voûte du mésencéphale et les pédoncules de la glande pinéale se présentent à travers la fente. Les fig. 9 et 10 sont grossies 3 fois. Fig. 11. Partie superficielle de la moëlle alongée. Coupe verticale à travers la couche de substance blanche et de substance grise, qui bordent la ligne médiane dans le quatrième ventri- cule. On voit les différens lacets formés par les fibrilles primitives de la substance blanche, et qui simulent des cellules à double contour munies de queues: La substance grise paraît par- faitement transparente. — Grossissement 200 diam. Fig. 12. Cellules cérébrales prises dans la substance grise du tubercule prosencéphalique. — Grossissement 450 diam. Fig. 13 à 21. Anatomie microscopique de l'œil. Fig. 13 et 14, cônes jumeaux isolés de la rétine. Fig. 15, batonnets isolés de la rétine. Fig. 16, cellules cérébrales isolées de la rétine. — Grossissement de 400 diam. — 191 — Fig. 17. Vue de la face externe de la rétine; en a les cônes jumeaux sont entièrement ca chés par les queues des batonnets; en b on voit les cônes et les bâtonnets perpendiculairement d'en haut, ce qui cause cet aspect quadrillé; en e les batonnets et les cônes jumeaux sont en désordre par suite d'attouchement et couchés en différens sens; en d les cûnes ont une direction parallèle et sont couchés dans le même sens. Grossissement 200 diam. Fig. 18. Coupe à travers toutes les membranes externes de l'œil, placées dans leurs relations naturelles. Les détails des différentes membranes sont tous dessinés d’après nature, seulement l'ar- rangement est le résultat de plusieurs figures combinées. On voit l'angle de l'œil où la sclérotique et la cornée se rencontrent; les deux couches conjonctivales de la cornée et les deux couches propres, ainsi que les cellules épithéliales, qui tapissent la surface de la chambre antérieure de l'œil, se montrent en haut; plus bas l'iris avec ses différentes couches de piment jaune et noir; la chorioïde avec ses cellules, bordée en dehors de sa couche argentée et de la sclérotique moitié osseuse, moitié cartilagineuse; en dedans la rétine formée de deux couches, la membrane de Jacob et les cellules propres. — Le grossissement adopté pour les détails est de 300 diam. Fig. 19. Coupe verticale du cristallin, parallèle à l'axe du corps. — Grossissement 30 diam. : fig. 20 ; quelques bandes de fibres, grossies 400 fois; fig. 21, des fibres isolées ; même gros- sissement. Fig. 22. L'ampoule du canal antérieur de l'oreille, grossie 16 fois, avec l'entrée du nerf et la troisième ololithe. Fig. 23. Cartilage du canal sémicireulaire antérieur. Grossissement 400 diam. Tab. O. — Fig. 1-3. Anatomie des branchies { Salmo Trutta). Fig. 1, une paire de feuillets branchiaux injectés. L’arc branchial est coupé, on voit la tranche de son os a, du nerf b, de la veine (5) et de l'artère branchiale (2) et tout en haut celle de la veine bronchique. On a repré- senté d’un côté le réseau capillaire respiratoire, étendu sur les nombreux plis transverses de la muqueuse, tandis que de l’autre on a enlevé les plis de la muqueuse pour faire voir le réseau nutritif, — Grossissement 20 fois le diamètre, — Fig. 2, le coude du second arc branchial, pour faire voir les muscles des feuillets branchiaux de profil. Fig 3, la membrane qui réunit les feuil- lets à leur base est fendue en long, les feuillets eux-mêmes sont écartés. On voit les muscles qui . s’atlachent de chaque côté aux feuillets d’en haut. Fig. 4-7. Anatomie du cœur (Salmo Trutta.) Fig. #, le cœur vu d'en bas, grossi du double. Fig. 5, le même de profil. Fig. 6, le même fendu par la ligne médiane. Fig. 7, le même vu d'en haut. Fig. 8-11. Anatomie des intestins (Salmo Fario). Fig. 8, l'entonnoir branchial, qui forme l'entrée de l'ésophage, vu en face. Fig. 9, tous les intestins d'une truite mâle sortis du corps et un peu écartés les uns des autres, pour faire voir leur position relative. La rate dans cet indi- vidu était double. Fig. 10 , coupe transversale d’un appendice pylorique. On voit à l'intérieur la muqueuse a, dont les plis longitudinaux coupés ressemblent à des villosités autour de la muqueuse b, la couche musculaire c, qui est très-forte, et enfin, comme cercle externe, l'enveloppe péritonéale 4. — 192 — Grossissement 20 fois.— Fig. 11, coupe mince à travers la muqueuse de l’estomac. Les plis coupés de la muqueuse et couverts d'épithelium coniques ressemblent à des villosités, les espaces ren trans entre ces plis à des glandes simples. Le fond d'une de ces glandes a s'est renversé par la pression comme un doigt de gant, et se présente sous forme de massue, formée de la réunion de cellules épithéliales rondes. Fig. 12 et 13. Anatomie de la peau (Salmo Fario). Fig. 12, coupe à travers la peau du mi- lieu du corps. On voit les écailles renfermées entièrement dans leurs poches membraneuses à piment coloré b, posées sur une forte couche de derme ce, et recouvertes par un épithélium uni- forme a. Fig. 13, coupe à travers la nageoïre adipeuse. On voit les fibres verticales roides du derme, parsemées de divers pimens, entourant un espace médian, qui renferme de la graisse, et entourées par l'épiderme celluleux. Les planches M, N, O, sont accompagnées de planches au trait Ma, Na, O a, représentant les mêmes objets avec des indications détaillées sur leurs différentes parties. Sur la planche N a on a substitué aux figures qui n’ont pas besoin d’une explication détaillée, quelques figures nouvelles représentant des coupes au trait du cerveau et de la moëlle alongée. Fig. A représente une coupe longitudinale du cerveau faisant voir les rapports de la lame inté- rieure du cervelet avec les bourrelets quadrijumeaux. Fig. B. Coupe verticale à travers le capuchon du cervelet. . C. Coupe verticale à travers la partie antérieure des lobes optiques. - D. Coupe verticale et transversale en avant des bourrelets quadrijumeaux. - E. Coupe verticale à travers les bourrelets quadr'jumeaux moyens. g. F. Coupe verticale à travers les bourrelets postérieurs. Nous avons choisi, pour désigner les différentes parties des poissons, des chiffres et des lettres qui se répètent dans toutes les planches, et qui, au moins pour les os et pour les muscles, sont les mêmes que ceux employés par Cuvier dans son anatomie de la perche. On devra donc distinguer quatre séries indépendantes de chiffres, dont les uns désignent les os, les autres les muscles , les troisièmes les vaisseaux et les quatrièmes les nerfs. L’anatomie des poissons étant encore dans l'enfance, il en résulte que les différentes dénominations ont encore peu de stabilité, et que les différens anatomistes, qui s'occupent de ce sujet, choisissent toujours les noms qui leur paraissent les plus propres à exprimer les analogies que peuvent présenter les différentes parties des poissons avec celles des autres vertébrés. Nous avons déjà fait remarquer les consé- quences fâcheuses de cette nomenclature embrouillée dans l’ostéologie des poissons. Des noms comme le rocher, l’ethmoïde, la grande et la petite aïle du sphénoïde, appliqués à des os de pois- sons, n'ont plus maintenant aucune signification précise, car presque tous les anatomistes envi— sagent ces os et bien d’autres encore d’une manière différente. En nommant un os, il faudrait dès-lors toujours ajouter l'autorité qui l’a baptisé. Cependant en se bornant à employer les mêmes chiffres que ceux que Cuvier a mis en usage, et qui ont été conservés dans les Recherches sur les Poissons fossiles, il sera toujours facile de s'entendre, et un coup d’æil jeté sur les planches des auteurs, qui adopteront cette méthode, suffira ordinairement pour rappeler le sens que l'auteur a voulu attacher à sa dénomination. El. 2 TE ‘de. 09 09 08 7 E 1. Frontaux principaux. 1'. Surorbitaires. 2. Frontaux antérieurs. 3. Nasal. 4. Frontaux postérieurs. 5. Basilaire. 6. Sphénoïde principal. 7. Pariétaux. 8 9 - Interpariétal ou Occipital supérieur. . Occipitaux externes. 10. Occipitaux latéraux. 11. Grandes ailes du sphénoïde. 12. Temporaux. 13. Occipitaux postérieurs. 14. Ailes orbitaires du sphénoïde. 15. Sphénoïde antérieur. 15/. Ethmoïde crânien. 16. Vomer. 17. Intermaxillaires. 18. Maxillaires supérieurs. 18. Surmaxillaires. 19, 19’, 19//, etc. Sousorbitaires ou Jugaux..! 20 et 21!. Os olfactifs. 21. Os muqueux. 22, Palatins. 23. Mastoïdiens. 24. Os transverses. 25. Ptérygoïdiens. 26. Os carrés. 27. Caisses. 28. Opercules. 29. Os styloïdes. 30. Préopercules. 31. Tympano-malléaux. 32. Sousopercules. 33. Interopercules. Tom. HI. 34. Dentaires 35. Articulaires Mächoire inférieure. 36. Angulaires } 37. Moitié supérieure \ 38. Moitié inférieure | des cornes de l'os 39. Articulaire externe | hyoïde. 40. Articulaire interne” 41. Lingual. 42. Carène hyoïdale. 43. Rayons branchiostègues. 46. Surscapulaires. 47. Scapulaires ou Omoplates. 48. Clavicules. 49. Angulaires. 50. Coracoïdes. 51. Cubitaux. 52. Radiaux. 53°. Humerus. 53. Pièce antérieure 54. Pièce moyenne ? du corps de l'hyoïde. 55. Pièce postérieure 56. Pharyngiens inférieurs. 57. Pièces articulaires inférieures des ares bran- chiaux. 58. Moitié inférieure des 3 premiers arcs bran- chiaux. 59. Pièces articulaires supérieures des ares bran- chiaux. 60. Moitié inférieure du 4° are branchial. 61. Moitié supérieure des arcs branchiaux. 62. Pharyngiens supérieurs. 63. Dentelures des ares branchiaux. 64. Os du carpe. 65. Rayons de la pectorale. 66. Premier rayon de la pectorale. 67. Corps des vertèbres abdominales. 26 68 69 70 D = PUSH E . Corps des vertèbres du bassin. . Grèle inférieur. Partie antérieure. Grèle inférieur. Partie moyenne. . Grèle supérieur. - Grèle inférieur. Partie postérieure. . Caudal profond supérieur. . Caudal profond inférieur. . Caudal superficiel. . Caudal profond moyen. . Pectoral externe. . Attracteur du pouce. . Pectoral interne. . Abaisseur externe de la ventrale. . Abaiïsseur interne de la ventrale. . Releveur de la ventrale. . Masseter. . Triangulaire du menton. . Abaisseur de l’arcade temporale. . Releveur de l’arcade temporale. . Releveur de l'opercule. . Corps des vertèbres caudales. 72 . Plaque caudale. 73 MuscLes. . Grand latéral. 26. . Superficiel des rayons. 21. . Interépineux postérieurs. 28. . Interépineux antérieurs. 29. 30. 31. 32. 34. 35. 36. 31. 38. 39. 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. 49. 50. . Rayons de la caudale. . Côtes. . Arêtes musculaires. Abaisseur de l’opercule. Geniohyoïdien. Branchiostègues. Croisé des rayons branchiostègues. Releveurs superficiels des arcs branchiaux. Releveurs profonds des arcs branchiaux. Attracteurs des arcs branchiaux. Abaisseurs antérieurs des arcs branchiaux. Abaisseur commun des arcs branchiaux. Abaisseur croisé superficiel de l'hyoïde. Abaisseur croisé profond de l’hyoïde. Constricteur antérieur du pharynx. Constricteur postérieur du pharynx. Attracteur de l’opercule. Cutané latéral. Hyoïdien. Oblique supérieur de l'œil. Oblique inférieur de l'œil. Droit supérieur de l'œil. Droit externe de l'œil. Droit inférieur de l'œil. Droit interne de l'œil. VAISSEAUX. . Artère branchiale commune. . Artère des ares branchiaux. Artères respiratoires des feuillets branchiaux. Veines respiratoires des feuillets branchiaux. Veines des arcs branchiaux. Aorte. Artère hyoïdale. Veine de la fausse branchie. 9. Artère céphalique ou carotide. 10. 11. 12. 13. Artère encéphalopalatine. Artère orbitopalatine. Artère encéphaloculaire. Artère cérébrale. 14. Rhombe anastomotique cérébral. 15. 16. Artère oculaire. Artère faciale. . Artère coronaire du cœur. . Artère spermatique. . Artère de la vessie natatoire. . Artère intestinale. . Artère scapulaire. 22, Artères intervertébrales. . Veine de Duvernoy. . Veines bronchiques des arcs branchiaux. . Veines bronchiques des feuillets branchiaux. . Veine hyoïdale. . Veine cérébrale. . Veine orbitopalatine. . Veine oculaire. . Veine maxillaire. . Veine jugulaire. 195 49. 50. 51. 52. 53. 54. 60. 61. 62. 63. 6%. 66. NERrs. I. Olfactif. IE. LE IV. Optique. Oculomoteur. Pathétique. V. Trijumeau. VI. FN EE Os > = Abducteur. Sinus de Cuvier. Veine cardinale. Veine cave. Veine spermatique. Veine porte. Cœur caudal. Tronc lymphatique de l'abdomen. Canaux muciques du 4%€ arc branchial. Canaux muciques des branchies. Canaux muciques communiquant avec les branchies. Canaux muciques communiquant avec le si- nus de Cuvier. Grand canal latéral. VIL. Facial. VIII. Acoustique. IX. X. Glossopharyngien. Vague. XIT. Hypoglosse. CERVEAU. . Cervelet. . Mésencéphale (Lobes optiques). . Prosencéphale (Lobes olfactifs). . Tubercules olfactifs. . Glande pinéale. . Lobes inférieurs. . Hypophyse. . Sac vasculaire. . Petit lobe inférieur. . Calotte des lobes optiques. . Fond des lobes optiques. . Troisième ventricule. . Quatrième ventricule. . Corps restiformes. . Echancrure entre les corps restiformes et le cervelet. . Pédoncules du cervelet. . Voûte du cervelet. Museau de tanche. . Capuchon du cervelet. . Faisceaux inférieurs de la moëlle alongée. . Sillon inférieur de la moëlle alongée. k. Pédoncules du cervelet aux corps quadriju- meanx. m. Commissura ansulata, Bourrelets quadrijumeaux. Couches optiques. Grande commissure des lobes optiques. Fornix des lobes optiques. 196 — r. Commissure inférieure des bourrelets qua- drijumeaux. s. Racines nerveuses de la glande pinéale. t. Tubercules intermédiaires. u. Commissure interlobulaire. w, æ et x/. Diverses commissures. Anatomie. D U 77 LOU hd LLC / . ‘ LATE RCLEL LC RARE té SE ES 5 Anatomie. LL Z RRRARRR ä 3 El Ê è ë £ El U 8 £ * r- : : 4 ; F . ; x ê - - un - . Anatomie. V LL A LCL a N NNNNN 41:00) 6107 _ 1) 1 NN 1444244 J / [UN À 4 4 RÉRÉREÉE: Re RE À ÿ 144: “haie AIT CD ET so BOX Cudie er LA 7 ge ÇA L —— ss Se LE A OR PA 'E Salmones. T MUAREUTSS tes ARE ADMLAUNINIT=E ce. 2". DBINT MAT ENT ATOMEANT =. D) LTO) | DNRIPR TUE 2 9e Li Rite > eo CANNOT TN TRACE LUE IE IR = RANTAN MAC Lip S sd. IHÉNTRAMCIGIOS EATULILIIPIEUR. 7 /i7..9 =29 SAUIBIAQ) ACRENUS Anatomie. vel, d'ap les dess. duD* C Vo Anatomie. ÂÀSonrel d'ap les dess duD'C Vogt Tab.F. Lith_ Nicoler et Seanjaquet, Neucharel MRUITUT A. . | A À e", 45 aie : Dies ne | "4 ya L) Li SEE L L “ « ri e 4 14" Anatomie Tab. G Anatomie. AS A'aples ax dun! C IL RTE Tab.H. Anatomie. ESS ESS ec ASonrel dar les desz Sn D” © Vogt Tab. J. ñ $ j 2 4 Cu} Anatonue. A.Sonrel d'ap les dess äuD' C Vogt NN NI | PNS LR Fo 142. SAND PAR Tab.K. Pi > \. il, ! ji, ve pa An pod le #ès o EE 02 | 114 Ass S. TR . L L LC tige pe FT IPANAANIUN ES TA EE '& PE Anatomie . % . (/ 4 L. QU A.Sonrel d' les dess duD? CVogt HRUTTA. Lih. Mcolet et Jearçaquer, Ner:ch3 ab. L: ; | & ’ : . > à ; 24 : * F e = ra ; : « . ; 1 . » a Le : ï di à x G RL f L 5 k - > t … ï V | < € ; “ ñ : ï s 4 ri Le * L LM 5 ] P . E v * * c * 4 € EE É [ 1 ns » { Ç . ÆN a z. “ r : « ns C v à à 2e , : \ . p z ; ; x d _ b 1 , A . " - j \ L \ = gr UL IV V 14, 1718. SAMI Fig.15 CORRE LES Fig 6. SAILMO SALARS #74 | Anatomie Tab N. & jf 1) Anatomie. SES Ve en » D? Ed à Dr CVogt &el. Diskmaan Lith el Anatomie. Lt de Nicolet à Necchätel JA\ INR 2-7. $. TIRÜ ÿ & AT pa Î D) Fig 1 48-13 NOTUIGR FORMATIONS DES TERRAINS JURANNIQUEN DANS LE JURA OCCIDENTAL. JULES MARCOU. L21TOU RIT ASYAQ ER ave UOAUAN AURA ZA TU ) | MATAAGIDDO AAUL 44 420 : IODAAM, SU NOTICE SUR LES DIFFÉRENTES FORMATIONS DES TERRAINS JURASSIQUES DANS LE JURA OCCIDENTAL. La partie orientale des Monts-Jura a été depuis quinze ans le théâtre des observa- tions et des études les plus sérieuses de tous les géologues qui se sont occupés du Jura. Les excellens Mémoires de MM. Thurmaon, Agassiz, Gressly, de Montmollin, Nicolet, Mérian , Hugi, Mousson, etc. ont répandu une vive lumière sur la constitution géo- logique des terrains qui forment les chaînes du Jura suisse, et sur le développement des êtres organisés dans les mers jurassiques et néocomiennes. Le Jura occidental, par une exception assez bizarre, n’a été exploré dans quel- ques localités, que par un petit nombre de géologues voyageurs, qui n’ont publié que des généralités orographiques insignifiantes, parce que leurs observations n’a- vaient pas été basées sur l’étude approfondie des terrains. Le département de la Haute- Saône a été depuis long-temps étudié avec le plus grand soin par M. Thirria; mais les départemens du Doubs ('), du Jura et de l'Ain, n’ont pas encore été soumis à l’é- tude critique des géologues locaux. C’est dans le but de combler cette lacune pour le (‘) Le département du Doubs avait été très-bien observé dans plusieurs de ses parties par feu M. Renaud- Comte, dont la mort prématurée est venue priver les géologues du résultat de ses savantes recherches. Plu- sieurs jeunes géologues l’ont remplacé dans cette étude difficile, et nous ferons prochainement connaître leurs travaux ; ce sont MM. Carteron et Choppart pour les environs de Morteau et de St.-Hypolite, et mon excellent ami M. Just Pidancet, pour les environs de Besançon. Il est fort à regretter que M. Parandier wait pas publié ses recherches sur le Doubs ; car je regarde ce savant comme complétement étranger aux publications que vient de faire M. Boyé, ingénieur des mines, sur la géologie du Doubs, dans les Comptes-rendus de la So_ ciété libre d’Emulation de ce département. Cette publication est une nouvelle superfluité géologique , ajoutée à celle que nous a donné M. Rozet (voir Bulletin de la Société géologique de France, tome VI.) pe département du Jura , que je fais connaitre mes recherches sur le Jura salinois. Dans cette notice , je décris les différentes formations et dépôts qui constituent les terrains jurassiques proprement dits, dans le Jura occidental, et je cherche à établir les groupes dans leur véritable ordre chronologique. LIMITES DES TERRAINS JURASSIQUES. Il importe d’abord de bien poser les limites des terrains jurassiques. La plupart des géologues ont exclu des terrains jurassiques la formation liasique, dont ils forment un terrain à part; ce terrain n’est caractérisé ni par une discordance de stratification avec les terrains supérieurs et inférieurs (*), ni par un organisme particulier, ni par une composition pétrographique qui lui soit exclusivement propre. Ces caractères, les seuls sur lesquels on puisse s'appuyer, pour poser les limites des terrains, ne se trouvent ni réunis, ni même séparés pour le lias : aussi je regarde cette grande masse de marnes et de calcaires marneux, comme une des quatre grandes formations qui composent les terrains jurassiques. Sans m'’arrêter davantage sur la réunion du lias aux autres dépôts oolitiques , je démontrerai plus loin la corrélation qui existe entre cette formation et les suivantes, et les dangers qu’il y aurait à la séparer des terrains jurassiques ; mais dès à présent je dois porter l'attention sur un fait de la plus haute importance , je veux parler de la véritable limite inférieure de la formation liasique. Jusqu’à présent tous les géologues ont réuni au lias plusieurs couches de grès et de marnes qui se trouvent au-dessous du calcaire à gryphées arquées. Cette réunion a-t-elle été bien justifiée? je vais chercher à prouver le contraire. Le keuper, comme on le sait, n’a éprouvé aucun soulèvement avant ceux qui ont déterminé le relief actuel du Jura ; par conséquent, on ne peut avoir recours à la dis- cordance de stratification pour la délimitation du keuper et des terrains jurassiques. Dans les contrées où la formation keupérienne a été soulevée, comme dans le Wur- temberg , on a pu facilement trouver le point de séparation entre les deux terrains, et encore l’a-t-on fait assez vaguement, à cause du grand nombre de rapports pétrogra- phiques qui les unit et de la rareté des fossiles. Lorsque le keuper s’est soulevé, les assises en voie de formation étaient d’épaisses couches de grès, qui ont continué à se déposer pendant le soulèvement, dont l’action a été très-lente, comme le prouve le peu de bouleversement des couches de la petite étendue du terrain triasique qui en- (*) Dans tout ce mémoire je ne parle que de la chaîne des Monts-Jura. PS De toure le Schwarzwald. Pendant et après le soulèvement du keuper, voyons comment ont agi les dépôts sédimentaires. D'abord dans les localités littorales , il y a eu nécessairement un remaniement des dernières couches du keuper, comme cela était déjà arrivé sur une plus grande échelle, lors du soulèvement des grès vosgiens , dont le remaniement a formé les grès bigarrés. Mais aussi ces bancs de grès remaniés sont entrecoupés de couches de cal- caire , renfermant une grande quantité de Gryphea arcuata, 4’ Unio et autres fossiles jurassiques , qui viennent, comme des jalons, indiquer que cette partie de notre globe est entrée dans une nouvelle phase biologique. De sorte que dans ces localités litto- rales , si le géologue ne peut se servir avec certitude de la pétrographie, il a pour lui indiquer le point de séparation des deux formations, d’abord la différence de stratifi- cation, puis les êtres organisés, cet excellent guide, qui jusqu’à présent n'a pas encore trompé une seule fois. Dans les régions subpélagiques et de haute mer, qui se trouvent dans le golfe formé par les iles hercyniennes , vosgiennes et du Morvan, la force qui a soulevé le keuper ne s’étant pas fait sentir, on ne peut par conséquent avoir recours à la discor- dance de stratification ; mais la paléontologie et la pétrographie nous indiqueront aussi sûrement le point de séparation entre les deux formations. Les parages actuellement occupés par le Jura n’ayant pas éprouvé de perturbations intérieures, ont continué, lors du soulèvement du trias, à offrir, pendant un certain temps, les mêmes phéno- mènes de dépôt qu'auparavant ; seulement les couches, en voie de formation, ont reçu pendant le soulèvement une certaine quantité de végétaux , qui sont venus augmenter le nombre des matières primitives déposantes. La cause perturbatrice ayant cessé, et avec elle le transport des végétaux , une nouvelle époque géologique se développe avec de nouvelles ressources sédimentaires, avec un nouvel organisme. Par consé- quent dans les localités subpélagiques, comme dans le Jura occidental, les caractères pétrographiques de la formation liasique , doivent se distinguer nettement de ceux de la formation keupérienne, et ne doivent pas présenter un mélange de roches diffé- rentes, comme dans les régions littorales, où les grès keupériens se trouvent un peu remaniés. C’est en effet ce qui arrive dans le Jura; aussitôt après les dernières couches des grès keupériens, qui n’ont éprouvé aucun remaniement, à cause de leur éloi- gnement des centres de soulèvement , on passe immédiatement par une légère couche de marnes irisées , au calcaire à gryphées arquées, qui commence la série jurassique. Ce calcaire ne se trouve pas interrompu par des couches de grès, comme dans le Wurtemberg : ce sont des assises successives de calcaires marneux, compactes, qui D ÉPEE GER sont du reste parfaitement semblables aux dernières assises supérieures du calcaire du lias des régions Wurtembergeoises. Comme on vient de le voir, la pétrographie change subitement des dernières as- sises keupériennes aux premières assises jurassiques ; il en est de même de la paléon- tologie. Je n’ai jamais rencontré dans les couches de grès ni gryphées, ni ammonites, ni bélemaites, ces fossiles si caractéristiques de la formation liasique; on y trouve assez rarement quelques pectens, avicules, une astérie assez commune et une Cypri- cardia dont les débris forment souvent lumachelle. MM. Mérian, Gressly et Thirria ont trouvé dans les couches de grès, tout-à-fait en contact avec le calcaire du lias, des gryphées arquées assez mal conservées; ces résultats viennent à l’appui de mon opi- nion, car ces géologues ont étudié les parties littorales jurassiques, où les grès keu- périens ont été soumis à un faible remaniement. D’après les considérations précédentes, je me trouve conduit à établir deux facies bien distinets pour la partie inférieure du calcaire à gryphées arquées du lias. Le fa- cies des régions littorales, caractérisé par des couches de grès interposées, renfermant des gryphées, ammonites, etc., dont le type se trouve dans le Fildern (Wurtemberg), contrée située entre Stuttgart et Tubingue, et dont on retrouve des traces dans le Jura bälois, argovien et de la Haute-Saône. Le second facies, qui est celui que l’on rencontre dans le Jura bernois, soleurois, bisontin , salinois et du département de l'Ain, est caractérisé par l’absence de grès entre les couches de calcaire à gryphées arquées, et par un passage brusque du grès du keuper au calcaire de la formation liasique. De sorte que pour toute la chaine des Monts-Jura, excepté une mince ligne qui longe les iles vosgiennes et hercyniennes, j'exelus des terrains jurassiques les couches de grès généralement désignées sous le nom de Quadersandstein, que je réunis à la formation keupérienne. Cette exclusion qui, ainsi que je l’ai démontré , est ordonnée par les fossiles et la pétrographie, facilite beaucoup l’orographie des chaines, en donnant, pour limite inférieure des terrains jurassiques le dépôt des calcaires à gry- phites que l’on trouve toujours à découvert, et avec des caractères presque identiques dans toutes les localités ; tandis que les Quadersandstein sont partout recouverts par ia végétation, ce qui rendait extrêmement difficile et même illusoire la séparation oro- graphique des formations liasique et keupérienne. = Je limite donc les terrains jurassiques , d’une part au calcaire à gryphées arquées inelusivement , et de l’autre aux terrains sidérolithiques et Néocomien, dont le dépôt s’est fait postérieurement au soulèvement qui a donné au Jura son relief actuel. came DIVISION DES TERBRAINS JURASSIQUES EN QUATRE FORMATIONS. Les terrains jurassiques exclusivement formés de marnes , de calcaires et de grès , présentent dans la distribution de ces roches quatre formations bien distinctes , non- seulement par leurs pétrographies , mais aussi par leurs organismes. Sous le rapport pétrographique , on distingue deux grands dépôts fluvio-marins , parfaitement symétriques , alternant avec deux formations presque exclusivement ma- rines (!). Ces formations présentent chacune avec son analogue des caractères identi- ques , indiquant le même mode et la même série de phénomènes dans leurs dépôts. Les deux formations flusio-marines qui sont le lias et l’oxfordien , présentent des caractères tellement semblables, que souvent le géologue serait très-embarrassé pour les distinguer l’une de l’autre, s’il n’avait à sa disposition la paléontologie et la géo- gnosie. La base de chacune de ces formations est occupée par un calcaire marneux, puis vient un grand développement de marnes subordonnées à des grès et calcaires marneux , qui forment le passage entre ces formations et les dépôts marins supérieurs. Les agents producteurs des formations liasique et oxfordienne , ont agi avec beau- coup plus d'intensité pendant le dépôt du lias, dont le développement gigantesque étonne tous les observateurs de la nature. Une remarque très-importante , c’est que de tous les terrains qui constituent l’Europe centrale , la formation liasique est celle dont le dépôt a exigé la plus grande intensité dans les phénomènes qui ont présidé aux formations vaseuses flueio-marines, et dont l’uniformité est la plus constante. Avant et surtout après le lias , les dépôts marneux ont une puissance bien moins grande, et sont limités à des localités beaucoup plus restreintes ; ce qui s’explique par le grand nombre de terres émergées , dont les reliefs formaient des golfes et des méditerranées , soumis chacun à des phénomènes particuliers de dépôt et d'organisme. Si la pétrographie réunit le lias et l’oxfordien , les rapports paléontologiques sont aussi nombreux et établissent une relation non moins intime entre ces deux forma- (*) Les désignations de formations fluvio-marines et marines, sont prises dans la signification que leur donne M. Constant Prévôt, dans son mémoire Sur la Chronologie des terrains et le synchronisme des for- mations. ( Voir Bulletin de la Société géologique de France , 2° série, tome II.) Les excellentes observations contenues dans ce mémoire, se: vérifient complétement à l'égard de la formation jurassique dans les bassins suisses et français ; les deux formations fluvio-marines , liasique et oxfordienne , ont une bien plus grande puissance dans les régions littorales et subpélagiques, que dans les régions de hautes mers ; en revanche les formations marines, oolitique inférieure et supérieure, sont peu développées dans les régions littorales, tandis qu'elles atteignent une très-grande puissance dans les régions pélagiques. € tions ; et cette loi posée par M. Gressly, que « les facies de même nature pétrographique » et géognostique affectent dans les différens terrains des caractères paléontologiques » très-analogues et se succèdent même généralement à travers une série plus ou moins » nombreuse de terrains superposés les uns aux autres », reçoit ici une rigoureuse application. La ressemblance entre les formes organiques des fossiles est tellement frap- pante , qu’il faut souvent l’œil d’un anatomiste exercé , pour distinguer les fossiles des deux formations. Les différentes espèces paléontologiques qui habitaient la mer jurassique lors du dépôt du lias, présentent un organisme approprié au milieu dans lequelelles vivaient, et offrent un ensemble d'êtres caractéristiques des dépôts fluvio-marins. Les végétaux s’y montrent en assez grande abondance, surtout dans le grès super-liasique , mais généralement ils sont indéterminables , à cause de leur mauvais état de conservation. Ils ont passé , soit à l’état de bois carbonisé, comme dans le calcaire à gryphées ar- quées , soit à l’état bitumineux ou oxidé par du fer, ou bien on ne trouve que les em- preintes qui sont de même nature que la roche. Les Polypiers sont rares , ils appartiennent à des espèces à bases libres, ou très- faibles , tels que les Cyathophyllum , les Anthophyllum et une espèce d’astrée extrè- mement rare. Les Echinodermes n’y sont représentés que par deux espèces de Pen- tacrinites et par des Astérides qui se trouvent assez fréquemment sur les plaques du grès super-liasique. Les Mollusques acéphales sont représentés par des Gryphées, des Plagiostomes , des Térébratules, des Pectens, des Nucules, des Myes et des Trigonies. Ce dernier genre parait appartenir presque exclusivement au golfe alsatique ; la Trigonia navis, si caractéristique et si abondante à Gundershofen, manque complètement dans le Jura bisontin et salinois ; la Trigonia pulchella se trouve encore assez abondamment dans les environs de Besançon, mais elle devient très-rare dans le département du Jura. La plupart des Acéphales , excepté quelques Nucules pyriteux , ont conservé leur test calcaire , ou bien sont à l’état de moule. Les Gastéropodes n’y sont représentés que par trois ou quatre espèces de Trochus, et par une Nérinée que l’on rencontre très-rarement. Mais en compensation les Cé- phalopodes y acquièrent un développement gigantesque ; les espèces y sont aussi nom- breuses que variées, et l’on peut regarder le lias comme le règne des Céphalopodes (*) pendant la période jurassique. () Les différens règnes des animaux Mollusques et Rayonnés que j’établis, sont seulement relatifs aux ter- rains jurassiques des Monts-Jura. bu HO Les Ammonites , dont les premiers représentants se montrent dans les terrains tria- siques , n’offraient alors que le genre assez restreint des Ceratites, qui se trouve rem- placé par les nombreuses espèces des Arietes, des Planulati, des Falciferi, des Dor- sati, des Dentati, ete. Chacun de ces genres offre un grand nombre d'espèces , dis- tribuées avec ordre dans les différentes couches liasiques, et dont le grand nombre d'individus de plusieurs espèces caractérisent et servent d’horizon paléontologique pour les divisions de cette formation ; tels que les 4Ammonites Bucklandi (*), planicosta. margarilatus, spinatus, radians, binus, Germaini, discoides, etc. La plupart des espèces que l’on rencontre dans les marnes sont à l’état pyriteux , tandis que celles des couches de calcaire marneux ont conservé leur test, ou sont à l’état de moule calcaire. Les Nautiles atteignent aussi le maximum de leur développement pendant le dépôt du lias ; les espèces appartiennent toutes aux genres des Striati et des Lœævigati ; on les rencontre à Fétat de moule calcaire ou avec leur test, et quelquefois à l’état py- riteux. Lorsqu'ils ont conservé leur test, comme cela arrive généralement dans le lias supérieur, on les trouve souvent couverts d’une infinité de Serpules , qui sont les seuls représentants des Annélides dans le lias. Les Bélemnites qui jusqu’à présent n’ont pas encore été rencontrées dans les ter- rains antérieurs , apparaissent avec le lias, et présentent une telle rapidité dans l’appa- rition des espèces, que toutes les formations postérieures réunies en renferment à peine le même nombre. Les genres appartiennent exclusivement aux Acuari et aux Clavati. Les individus des différentes espèces sont ordinairement réunis en grand nombre , et forment alors une véritable lumachelle dans les couches marneuses où ils se trouvent. La faune de la formation oxfordienne présente des caractères identiques avec celle du lias. Les familles et souvent mème les genres sont composés d'espèces qui exigent une attention minutieuse , pour les distinguer de celles qui vivaient lors du dépôt lia- sique. Quelques familles, telles que les Spirifer, les Plagiostomes, les Plicatules, etc., ont disparu pour être remplacées par de nouvelles, tels que les Spatangoïdes, les Apio- crines , dont on trouve les tiges d’une espèce assez rare , qui commence la série des êtres de ce genre de Crinoïdes. Les Rostellaires représentent la classe des Gastéropodes, ainsi que quelques Trochus, Melania et Natica, que l'on y rencontre assez rarement. (:) Dans cette courte notice, je ne cite pas les auteurs qui ont décrit les fossiles ; je me borneraï à dire que leur détermination est due à MM. Agassiz, d'Orbigny, Thurmann, de Buch, Goldfuss, Sowerby, Zieten , Voltz, etc. LE Soc. Neucu. HIT. ee, À Les Térébratules présentent une grande variété d’espèces et d'individus ; c’est dans cette formation que ces Brachiopodes offrent le plus grand développement ; dans plu- sieurs localités certaines espèces sont si nombreuses qu’elles forment de véritables banes lumachelliques, semblables aux bancs de Gryphées arquées du calcaire lia- sique. Les Nucules , les Myes , les Trigonies et les Ostracées , continuent à offrir dans l’ox- fordien , les mêmes types de genres que dans le lias. Les Ammonites, Nautiles et Bé- lemnites, sont encore très-nombreux ; cependant plusieurs genres ont disparu, le nombre des espèces a considérablement diminué et présente, surtout parmi les Ammo- nites, des individus de petite taille , ornés de plis et de dents assez nombreux. Dans plusieurs localités du Jura français et suisse , on trouve dans le lias et l’oxfor- dien des débris de poissons, et des dents et articulations de monstrueux Mégalo- saures. Ces débris sont partout très-rares , et n’ont pas encore été rencontrés dans le Jura salinois , excepté quelques vertèbres. L'oxfordien présente un fait très-remarquable, c’est la division de ses fossiles en moules pyriteux et calcaires. Plus on s’approche des rivages jurassiques, plus le nombre des fossiles pyriteux augmente , et le contraire arrive lorsqu'on s’avance dans les pa- rages de haute mer. Dans quelques parties du Jura salinois , telles qu’aux environs de Champagnole , Morez , les Rousses, Orgelet , etc., la région des fossiles pyriteux devient excessivement restreinte , et n’a plus que quelques pieds d'épaisseur ; tandis que les fossiles à l’état calcaire sont répandus au milieu de couches marneuses dont l’épaisseur atteint 20 à 25 mètres. Il arrive alors que souvent l’on rencontre à la partie supérieure, associées avec les fossiles calcaires oxfordiens, des nappes de polypiers spon- gieux , appartenant aux genres Tragos et Cnemidium. D'après les considérations précédentes , on a pu apprécier les relations intimes qui unissent ces deux grandes formations flusio-marines, et combien il serait dangereux d'isoler le lias et d’en faire un terrain à part tandis qu’il n’est qu’une des quatre grandes formations des terrains jurassiques. Plusieurs géologues et à leur tête M. Gressly, ont depuis plusieurs années réuni cette formation à l’oolite, et en me rangeant à leur avis, je crois avoir suffisamment expliqué les raisons qui m’y ont conduit. Les deux formations oolitiques inférieure et supérieure, composées presque ex- clusivement de calcaires oolitiques , bréchiformes et compactes , indiquent deux grands dépôts marins, alternant avec les deux dépôts fluvio-marins , liasique et oxfordien. Dans les régions littorales , ces formations oolitiques sont souvent interrompues par de SE OO Je EN — faibles dépôts marneux , provenant soit de l’action des fleuves , soit plutôt de la des- truction d’une falaise marneuse , dont la puissance va toujours en diminuant à mesure que l’on s’avance dans les parages de haute mer, et qui après avoir passé à l’état de calcaires marneux , finissent par disparaitre complétement. C’est ainsi que les dépôts du fullers earth, des marnes à Astartes et du kimmeridge-clay, ne se rencontrent que près des rivages de l'océan jurassique , le long de la bande qui entoure l'ile pri- mitive de la Grande-Bretagne , sur les côtes de Normandie , aux alentours des Vosges et du Schwarzwald , et dans les parties environnantes du Morvan et des Cévennes. Mais aussitôt que l’on s’avance dans les régions pélagiques , ces dépôts diminuent ra- pidement de puissance et ne peuvent servir que pour marquer les subdivisions des for- mations oolitiques. Enfin dans les régions tout-à-fait pélagiques ils disparaissent com- plétement et les dépôts oolitiques ne présentent plus qu’une énorme masse d’assises continues de calcaires, comme cela a lieu dans la partie méridionale et orientale du Jura suisse et français , dans les Alpes et dans une partie de l'Allemagne. Je considère donc les dépôts marneux du fullers earth, des Astartes et du kimme- ridge-clay, comme une interruption seulement littorale des dépôts marins oolitiques , et je ne m'en servirai que comme subdivision de ces deux formations. La Paléontologie des formations marines oolitiques est complétement différente de celle des dépôts liasique et oxfordien. Les genres , les familles mème se trouvent rem- placés par d’autres , dont l'organisme se trouve approprié au milieu dans lesquelles ils se trouvent placés. Les Polypiers qui étaient très-rares dans les formations fluvio-ma- rines , prennent ici un développement gigantesque ; ils forment des banes et des ré- cifs , composés principalement de coraux fixes , à fortes bases , analogues aux nappes et îles coralligènes qui se forment actuellement dans la Polynésie. La formation oolitique inférieure , bien moins développée que la supérieure, pré- sente dans son organisme deux séries bien distinctes. La première renferme une assez grande quantité de Céphalopodes , appartenant aux familles des Ammonites , Nautiles et Bélemnites, mais dont les genres sont différents de ceux qui vivaient lors des for- mations flueio-marines, et dont les espèces sont le plus souvent gigantesques. Cette présence des Céphalopodes dans la formation ‘oolitique inférieure s’explique facile- ment par sa position enclavée entre les deux dépôts fluvio-marins liasique et oxfor- dien, dont l’organisme présente le maximum de développement pour les Céphalopodes jurassiques ; et il n’est pas étonnant que l’oolite inférieure , qui peut être regardée comme pivôt entre ces deux formations , en contienne un assez grand nombre. La seconde série organique présente des phénomènes biologiques du plus haut Gus. VON “hs. intérêt. Aux alentours des bancs de coraux, formés par des polypiers appartenant aux genres Astrées, Agaricies, Méandrines , etc., se développe une association d'êtres dont l’habitus est propre à résister à l’action des vagues. Ainsi l’on voit apparaitre les Crinoïdes à longues tiges élastiques , et à bases infiniment ramifées ; les Echinides à coquille ellipsoïdale et à disque applati, présentant une forte résistance par l’épais- seur de leurs coquilles , et par les pointes dont elles étaient armées ; les Acéphales à coquilles fortement plissées et dentelées, et se fixant solidement aux corps immobiles , ou bien à développement énorme du calcaire de leurs coquilles, présentant ainsi que les Gastéropodes, des espèces très bien appropriées pour vivre au milieu des bancs de coraux. Ce nouvel organisme coralligène ne se trouve dans la formation oolitique infé- rieure qu’à l’état d’embryon, il ne présente un développement réellement gigantes- que que dans la formation supérieure. Dans l’oolite inférieure , les genres ne sont représentés que par un petit nombre d’espèces et d'individus, les stations coralliennes sont peu nombreuses , et en un mot tout y indique le commencement d’une nouvelle série d'organismes. Un fait bien curieux , c’est que les deux formations marines présentent des carac- tères paléontologiques et pétrographiques inverses avec les deux formations fluvio-ma- rines. Ainsi dans les dépôts liasique et oxfordien, c’est le lias (première des deux formations fluvio-marines) , qui présente le plus grand développement pétrographique et paléontologique ; tandis que pour les deux dépôts marins , c’est le second, c’est-à- dire la formation oolitique supérieure, dont le développement pétrographique et paléontologique a exigé le plus d’intensité dans les phénomènes sédimentaires et bio- logiques. Un fait semble sortir de cette observation , c’est que la vie se développe avec beaucoup plus de facilité dans un milieu où les phénomènes de dépôts agissent avec le plus de régularité et de ressources sédimentaires , que dans les formations agitées et moins riches en matières déposantes. Avant de diviser les différentes formations en groupes et sous-groupes , il est né- cessaire de poser les limites de chacune d’elles. LIMITES DES QUATRE FORMATIONS JURASSIQUES. Le lias commence, comme je lai démontré précédemment, aux premières couches du calcaire à Gryphées arquées, comprend toute cette immense masse de marnes et les grés superposés, et va se terminer à un calcaire marneux qui commence la formation oolitique inférieure. Les dernières couches marneuses, qui sont intercalées entre les bancs de grès, renferment les Anwmonites primordialis et bifrons , qui terminent la série des Ammonites du lias. La formation oolitique inférieure commence à un calcaire marneux , avec acci- dents ferrugineux , qui finissent par prédominer et former des couches épaisses d’o0- lites de fer oxidé. Les fossiles les plus caractéristiques de cette couche sont une grande quantité de Céphalopodes tentaculifères , tels que les Ammonites subradiatus , Murchisonæ , Sowerbyi, etc., les Nautilus lineatus et clausus. Dans plusieurs loca- lités, on y trouve une grande quantité de Myes, de Limes, de Plagiostomes, des poly- piers astroïtes et des piquans de Cidaris. La masse calcaire superposée au fer continue la formation , qui va se limiter aux dernières couches calcaires du Cornbrash. Des couches de marnes grises-jaunâtres , et de calcaires marneux pétris d’oolites ferrugineuses , commencent la formation oxfordienne. Ces assises renferment une grande quantité d’Ammonites, Bélemnites , Nautiles, qui avaient presque entièrement disparu dans les groupes supérieurs du dépôt oolitique. Après ces couches fer- rugineuses , vient un immense développement de marnes subordonnées, à la partie supérieure, à des couches de grès et à de nombreuses assises de calcaires marneux , disposés comme des pavés. C’est à ce calcaire marneux que vient se terminer la for- mation oxfordienne. Les dernières couches sont caractérisées par l’ensemble des fos- siles suivants : Pholadomya parcicostala et exaltata, Gryphœa gigantea, Ostrea diltata. Dysaster propinquus, Pecten fibrosus , Terebratula globata, etc. Comme on le voit j’exclus de la formation oxfordienne le dépôt appelé terrain à chailles par M. Thirria, et que tous les géologues, qui ont écrit sur le Jura , ont à son exemple placé dans l’oxfordien. Ce dépôt, évidemment marin, s'oppose par ses fos- siles, sa pétrographie et sa géognosie à être classé dans la formation fluvio-marine oxfordienne. Guidé par la paléontologie, M. Agassiz, dans les observations prélimi- naires de ses Echinodermes fossiles de la Suisse, pense que ce terrain n’est pas rigou- reusement limité, et qu’il doit être confondu avec le corallien. Jen étais déjà arrivé au même résultat avant de connaître cet ouvrge de M. Agassiz, et l'opinion d’un savant aussi distingué m’a confirmé dans ma première appréciation. La caractéristique paléonto- logique de l’oxfordien est un assez grand développement de Céphalopodes, et une absence presque complète de Polypiers et d’Echinodernes ; or le dépôt appelé chaille présente les caractères les plus opposés ; il ne renferme presqu’aucun Céphalopode, tandis qu'il présente un immense développement de Polypiers, de Crinoïdes et d’Echinides. Ce dépôt, comme on l’a remarqué, est très-développé dans les régions littorales et il devait en CT pee ètre ainsi, parce que les Polypiers, qui sont la cause de ces chailles, construisaient leurs récifs dans les endroits peu profonds ; et partout où l’on rencontre des bancs de Polypiers un peu puissans, on est sûr d’y trouver des chailles. Ainsi je considère les chailles comme un fait inhérent aux bancs de Polypiers ; leur nature pétrographique se trouve changée par les roches environnantes ; mais généralement elles contiennent beaucoup de silice, et elles atteignent leur plus grand développement pendant le dépôt corallien , parce que ce dépôt est celui de toutes les formations jurassiques qui renferme le plus de Zoophytes. Dans la formation oolitique inférieure, on rencontre beaucoup de ces chailles dans les environs des bancs de polypiers de loolite ferrugi- neuse et du calcaire à Polypiers; dans ce dernier dépôt surtout, on rencontre dans beaucoup de localités du Jura salinois, bisontin et de la Haute-Saône, une plus grande quantité de chailles que dans le corallien. Aussi cette division et dénomina- tion vicieuse de terrain à chailles a-t-elle été la cause de beaucoup d'erreurs, même de la part de son auteur; et lorsque je commençai mes recherches géologiques dans les environs de Salins, je fus long-temps très-embarrassé par ce dépôt, qui se trouve très-développé aux alentours des bancs de Polypiers de l'oolite inférieure, tandis qu’il manque presque complètement dans le corallien. Je commence donc la formation oolitique supérieure, par le corallien, dont la partie inférieure présente, dans un grand nombre de localités, de nombreux accidens chailleux. Cette immense formation marine (car comme je l'ai dit précédemment, je regarde les marnes à Astartes, kimméridiennes et à Exogyres virgules, comme des accidens littoraux , provenant soit de faibles dépôts flusio-marins , soit de destruction de côtes qui n’ont pas eu d’uniformité dans leurs répartitions , et dont on ne trouve même plus de traces dans les dépôts pélagiques). Cette formation marine, dis-je, pré- sente, dans le développement de ses organismes, deux périodes bien distinctes ; la première peut être regardée comme le règne des zoophytes, c’est la période coral- lienne ; la seconde représente le règne des Mollusques, Acéphales et Gastéropodes, c’est la période portlandienne. Ces deux séries d'organismes ne se sont pas développées brus- quement, mais sont liées entre elles par une période pivôtale, qui renferme encore un assez grand nombre de zoophytes, et qui commence à voir apparaitre les différens genres et espèces d’Acéphales qui règnent pendant la période portlandienne. Le dé- pôt qui sert ainsi de pivôt d'organisme, est généralement connu sous le nom de marnes et calcaires à Astartes: il présente, dans le Jura salinois et bisontin, un fait du plus haut intérêt pour les phénomènes biologiques. En considérant la mer jurassique, par rapport aux trois îles herzynienne , vos- _— EC gienne et du Morvan, on remarque que dans les régions qui avoisinent les Vosges, et surtout la Forêt-Noire, les calcaires et marnes à Astartes sont dépourvus de Poly- piers, de Cidaris et de Mollusques, excepté quelques Térébratules , Astartes et Apio- crines. Tandis que dans les régions intermédiaires entre la Forèêt-Noire et le Mor- van, comme le Jura salinois et bisontin, ces mêmes couches astartiennes renferment , outre les Astartes, une grande quantité de Polypiers, Cidaris, Ostrea , Modiola , Na- tica, Melania , etc. ; une partie de ces fossiles tels que les Polypiers , Cidarides et quel- ques Mollusques se trouvent dans le dépôt corallien du Jura soleurois et bernois ; et l’autre partie tels que les Ostrea bruntrutana, Modiola scalprum , Natica macrossoma, Lucina Elsgaudiæ , etc. sont caractéristiques des marnes kimméridiennes dans les ré- gions soleuroises et bernoises , tandis qu’on ne les rencontre pas dans le Kimméridien salinois. Ce phénomène semble indiquer que les derniers représentans du règne z00- phytique corallien sont venus, des bords de la Forét-Noire, s’éteindre dans la partie de la mer jurassique où se trouve le Jura salinois; et que les Acéphales, au con- traire, sont venus des bords du Morvan, ont traversé le Jura salinois et bisontin pen- dant le dépôt astartien, et sont venus peupler la mer avoisinant les Vosges et le Schwarzwald, pendant l’époque kimméridienne; alors ils ont pris un énorme déve- loppement, qui s'explique par la position littorale de cette partie de la mer ; tandis que, dans la partie salinoise , on ne rencontre qu’un assez petit nombre d'individus, le plus souvent rabougris , excepté quelques espèces qui sont très-nombreuses, telles que les Ostrea bruntrutana et Lucina Elsgaudie. J'avance l'observation précédente avec beaucoup de réserve, cependant j'en ai vé- rifié l’exactitude pour plusieurs espèces, telles que Ostrea bruntrutana, Lucina Els- gaudiæ, Modiola scalprum, Trigonia suprajurensis, qui se trouvent dans le Jura salinois et bisontin, exclusivement dans le groupe des 4startes, landis qu'aux environs de Porrentruy, elles ne se trouvent que dans les marnes kinuméridiennes. Un plus grand nombre d'observations résoudra la question , que je ne fais que poser. D'après les observations précédentes, on voit que je renferme dans une seule for- mation les groupes corallien et portlandien, réunis par le groupe des Astartes, et que je commence la formation oolitique supérieure à l'apparition des Polypiers , Crinoïdes et Cidarides , qui commencent le groupe corallien. DIVISIONS DE LA FORMATION LIASIQUE. La pétrographie et surtout la paléontologie divise le lias en trois groupes bien distincts. Le lias inférieur comprend le dépôt des calcaires à gryphées arquées; il est ms, fg. 2 caractérisé par l’ensemble des fossiles suivans : Ammonites Bucklandi, Conybeari, tortilis, kridion , raricostatus, ete.; Nautilus intermedius ; Trochus anglicus : Plagios- toma giganteum et obliquatum : Gryphœa areuata: Pecten ; Terebratula ; ete. Ces fossiles ont conservé leur test, ou sont à l’état de moule calcaire. Le lias moyen se compose de toutes les marnes et calcaires marneux, compris entre le calcaire à gryphites et les marnes à Plicatula spinosa inclusivement. Dans le lias in- férieur, les Ammonites et Nautiles ont une très-grande taille, qui ne se rencontre que dans l’oolite ferrugineuse, où les grandes espèces offrent un très-grand développe- ment. Le lias moyen présente des espèces de moyenne et de petite taille; les dernières sont ordinairement pyriteuses, tandis que les premières sont à l’état de moule cal- caire sans test. Les Bélemnites apparaissent pour la première fois dans ce groupe, et y acquièrent un très-grand développement; elles y sont répandues dans toutes les subdivisions. Le lias moyen se subdivise très-facilement au moyen de ses fossiles, dont l’ensemble peut seul être regardé comme caractéristique du groupe, quoique dans le lias , les mêmes espèces soient généralement répandues sur un bien plus grand espace que dans les formations jurassiques supérieures; ce qui semble indiquer une plus grande uniformité dans les conditions vitales. Les subdivisions sont : 1° Les marnes et calcaires marneux à Gryphæa cymbium ou MARNES À CYMBITES; Caractérisées par les Ammonites planicosta et cornucopiæ ; les Be- lemnites Fournelianus et acutus ; la Gryphœa cymbium, des Térébratules et des Myes, assez nombreuses. 2° Les cALGAIRES À BÉLEMNITES, caractérisés par une lumachelle de Belemnites acutus, et par les Ammonites Davoei et fimbriatus. 3° Les MARNES À Ammo- NITES MARGARITATUS, Caractérisées par cette espèce d’Ammonite qui est la seule que l’on y rencontre, par le Belemnites umbilicatus, et par une assez grande quantité de corps cylindriques, formés de couches concentriques de marnes ferrugineuses, dési- gnés sous le nom de Septaria. k° Les MARNES À PricaruLEs, caractérisées par l Ammo- nites spinatus, le Belemnites Bruguierianus, le Plicatula spinosa et le Pecten equi- valvis. Le lias supérieur commence à des couches très-épaisses de schistes bitumineux dans lesquelles on rencontre quelquefois de nombreuses Posidonies ; dans le Jura sa- linois ce fossile y est très-rare. Au-dessus se trouvent les couches les plus fossilifères du lias ; le fossile dominant, et qui s’y rencontre avec le plus de constance, est le Trochus duplicatus : c’est pourquoi je les ai désignées sous le nom de marnes A TRo- caus. La plus grande partie des fossiles sont à l’état pyriteux, et se font remarquer par la petitesse de leur taille. Les plus caractéristiques sont les suivans: Belemnites irre- ven an re. ne ri tels air is 6 malt à LT | De gularis, unisulcatus et compressus ; Nautilus latidorsatus et truncatus ; Ammonites mu- cronatus, radians , binus, variabilis, Thouarsensis , Requinianus , insignis, Germaini, sternalis, discoides et complanatus ; Nucula Hammerti, claciformis et lacryma; Tro- chus duplicatus ; Turbo princeps; Arca, ete. Le GRÈS SUPERLIASIQUE, ne renferme dans les couches marneuses interposées qu’un assez petit nombre de fossiles, les plus ca- ractéristiques sont les Ammonites bifrons et primordialis. DIVISIONS DE LA FORMATION OOLITIQUE INFÉRIEURE . La formation oolitique se divise en cinq groupes, savoir : 4° l’OOLTE FERRUGI- NEUSE ; 2° le cALGAIRE LAEDONIEN (*); 5° le carCAIRE À Porypiers; 4° les MARNES vÉ- SULIENNES (*) ; 5° les CALCAIRES SUPÉRIEURS, comprenant le GREAT-OOL1THE , le FOREST- MARBLE et le CORNBRASH. L’oolite ferrugineuse, composée de calcaires marneux et compactes, ferrugineux, présente des couches de fer oxidé oolitiques, qui ont jusqu’à 0,40 centimètres d’é- paisseur. L’une de ces assises renferme une quantité prodigieuse de fossiles, surtout des grandes Ammonites et Nautiles. Dans certaines localités, comme dans les envi- rons de Bâle et à la Roche-Pourie, près Salins, on y trouve des Polypiers avec chailles marneuses , et alors les fossiles que l’on y rencontre sont les suivans : Polypiers, As- troîles, Cidaris horrida et une autre espèce inédite, Nucleolites latiporus , Hyboclypus gibberulus, Terebratula perovalis, Lima proboscidea, Pecten et Mya. Ces localités sont exceptionnelles; les fossiles que l’on rencontre généralement sont les 4mmonites So- werbyi, Murchisone, etc., et le Nautilus lineatus. Le calcaire Lædonien est très-peu riche en fossiles ; ceux qu’on y rencontre sont tellement triturés qu’ils sont indéterminables : ils appartiennent aux genre Pecten, Te- rebratula et Ostrea. Plusieurs couches sont pétries de débris d’Entroques. Le calcaire à Polypiers présente de grandes nappes de coraux, appartenant aux genres Astrée , Méandrine, Sarcinule et Agaricie; plusieurs espèces ressemblent tel- lement à celles du corallien, qu’il est très-difficile de les distinguer, Ces bancs de (*) Lœdo, Lons-le-Saunier , où ce calcaire est très-développé dans les environs; il forme les sommités des buttes de Montmorot, Pyrmont et le Pin. Cette division correspond à l'OOLITE SUB-COMPACTE de M. Thur- mann et au DOGGER de M. Gressly. (©) Je nomme ainsi le FULLERS EARTH, parce que ce dépôt se trouve très-développé dans les environs de Vesoul, où il a été très-bien étudié par M. Thirria. Cette dénomination de TERRE A FOULON est vicieuse dans le Jura, car cette marne est tout-à-fait impropre à fouler les draps, comme en Angleterre. oc: Soc. Neucu. IL. CR Le Polypiers sont accompagnés d’une grande quantité de chailles siliceuses, contenant des Pholadomyes et des Térébratules. Les couches supérieures sont souvent rempliés de Térébratules, de Nérinées et de Turritelles. Les marnes vésuliennes sont ordinairement très-peu développées, et ne sont repré- sentées souvent que par des calcaires marneux. L'association des fossiles varie beau- coup suivant les localités ; les plus caractéristiques sont : Ostrea accuminata, Knorri et Marshii; Terebratula biplicata-infra-jurensis, spinosa et concinna; Plagiostoma gib- bosa ; Dysaster analis; Discoidea depressa; Acrosalania spinosa ; Clypeus solodurinus ; Patella et Hugi, des Pholadomyes, des Pectens, une Ammonite plate assez rare, ainsi que des débris de Nautiles et Bélemnites. Je n’ai pas désigné ces marnes sous le nom de MARNES A OSTREA ACUMINATA, que leur donne M. Thurmann, parce que ce fossile ne se rencontre que dans un très-petit nombre de localités du Jura salinois et bi- sontin. Le groupe des calcaires supérieurs présente un énorme développement d’assises cal- caires sans interpositions marneuses. Les roches d’abord oolitiques dans la partie infé- rieure, deviennent ensuite compactes, et sont connues sous le nom de forest-marble, puis elles redeviennent oolitiques comme auparavant, et portent alors le nom de Cornbrash. Ces subdivisions n’ont aucune valeur paléontologique dans la chaine des Monts-Jura, les fossiles y sont extrêmement rares, et ne sont représentés que par un petit nombre de Térébratules, de Pecten et de Plagiostomes. DIVISIONS DE LA FORMATION OXFORDIENNE. La formation oxfordienne se divise en trois groupes. 1° LE FER SOUS-OXFORDIEN; 2° LES MARNES OxFORDIENNES ; 3° LE KELLOVIEN. Le fer oolitique sous-oxfordien, dont la puissance est très-variable, se rencontre avec une grande constance dans toutes les parties des Monts-Jura. IL est vrai, souvent sa puissance n’est que de un à deux pieds, mais il ne mérite pas moins de former un groupe séparé des marnes oxfordiennes, à cause de sa constance et du grand dévelop- pement qu’il prend lorsqu'on s’avance dans la baie bourguignonne, comme par exemple aux environs de Chatillon-sur-Seine. Les fossiles caractéristiques sont une grande quantité d'Ammonites, appartenant aux genres Planulati et Armati, des Bélemnites, des Nautiles , des Térébratules, des Trigonies, etc, Les marnes oxfordiennes proprement dites, comprennent tout le groupe de marnes, souvent très-puissant, dont les fossiles sont à l’état pyriteux, et qui a habituellement D = pour horizon supérieur les fossiles suivans: Ammoniles Lamberti, Leachii ; Terebratula Thurmanii, biplicata medio-jurensis, etc. — Comme je l'ai dit, le développement de cette division des fossiles pyriteux va en augmentant à mesure que l’on s’approche des régions littorales, et diminue lorsqu'on s’avance en sens inverse. Les fossiles les plus caractéristiques des marnes oxfordiennes sont : Ammonites interruptus, dentatus, Ba- cheriæ; Belemnites hastatus, semisulcatus; Nucula subovalis, concinna; Terebratula impressa, Thurmanni et biplicata medio-jurensis; Area; Pentacrinites pentagonalis et un Apiocrinus. Aussitôt que les marnes oxfordiennes ne contiennent plus de pyrites, on voit dispa- raitre presque immédiatement les Ammonites et les Bélemnites ; la roche passe souvent alors à l’état de calcaires marneux, disposés par assises comme des pavés. Plusieurs de ces couches sont remplies de Térébratules, et quelques-unes sont recouvertes de nombreux polypiers spongieux , surtout dans les régions subpélagiques. Ce dépôt que je désigne sous le nom de Kellovien, atteint souvent une puissance très-considérable, et est caractérisé par l’ensemble des fossiles suivans : Polypiers spongieux apparte- nant aux genres Tragos et Cnemidium; Dysaster propinquus ; Gryphæa gigantea : Os- trea dilatata; Pecten octocostatus ; Terebratula insignis, globula et plicatella ; Pholado- mya parcicostata et exaltata ; Trochus ; etc. DIVISIONS DE LA FORMATION OOLITIQUE SUPÉRIEURE. Comme je lai établi précédemment, la formation oolitique supérieure est divisée en trois groupes, savoir : 1° GROUPE CORALLIEN ; 2° GROUPE SÉQUANIEN (*) OU ASTARTIEN: 3° GROUPE PORTLANDIEN. Le corallien commence à l'apparition des Crinoïdes, Cidarides et Polypiers : il com- prend des roches calcaires, sableuses, avec accidens de chailles et sphérites sili- ceuses. La partie supérieure est composée d’un énorme développement d'assises cal- caires oolitiques et compactes, renfermant souvent une grande quantité de Nérinées. Les fossiles de ce groupe sont, parmi les Polypiers : Scyphia amicorum ; Astrea sex- radiata et decem-radiata, Agaricia fallax et Gresslyi, Meandrina magna, Anthophyl- (‘) Depuis plusieurs années, M. Thurmann désigne ce groupe sous le nom de Séquanien , parce qu'il est très- développé dans la partie du Jura qui formait l’ancienne Séquanie. Ce nom est préférable à celui du groupe aux Astartes, parce que ce fossile, quoique très-caractéristique, ne se rencontre que dans une seule des assises de ce groupe , et est par conséquent souvent rendu invisible par la végétation. — 20 — lum variabile, Lithodendron allobrogum , etc. Les Echinodermes présentent en abon- dance les GCeriocrinus Milleri; Apiocrinus rosaceus et rotundus ; Millericrinus Münste- rianus, Baumontii et echinatus; Pentacrinus scalaris et tuberculatus; Hemicidaris crenularis ; Cidaris Blumenbachii , coronata, crucifera , pustilifera, cladifera, cervica- lis, ete; Echinus perlatus; Glypticus hieroglyphicus ; Pedina sublævis ; Diadema suban- gulare, priscum, placenta, etc. Les Acéphales sont peu nombreux et dans un assez mauvais état de conservation ; on y remarque l’Osfrea rostellaris, eduliformis etexpla- nata; le Pecten vimineus ; Pinna crassitesta ; Gervillia avicuiloides ; Arca ringens ; Tere- bratula lagenalis et decorata; Trigonia, etc. Les Gastéropodes ne sont représentés que par quelques espèces de Nérinées. Les Céphalopodes sont excessivement rares ; je n’ai rencontré qu'une Ammonite et un fragment de Bélemnites. La plupart de ces fossiles sont recouveris de nombreuses espèces de serpules, tels que : Serpula gordialis, flaccida , grandis , etc. Le groupe Séquanien, comme je l’ai établi précédemment, peut être considéré comme période de transition entre le corallien et le portlandien : les roches qui le composent sont les mêmes que celles des groupes supérieur et inférieur ; la paléontologie seule peut servir de guide pour le reconnaitre. Les fossiles caractéristiques sont : Des Astrées, Lithodendron magnum et rauracum ; Cidaris aspera; Diadema pseudodia- dema; Apiocrinites Meriani, une nouvelle espèce de Pentacrinites; Ostrea bruntrutana, sandalina et Sequana ; Lucina Ælsgaudie ; Trigonia suprajurensis ; Natica turbinifor- mis et macrossoma : Melania striata et abbreviata ; Astarte minima; Terebratula alata, biplicata suprajurensis, et plusieurs espèces inédites; Mytilus pectinatus; Modiola scal- prum, elc. Le groupe portlandien présente deux subdivisions; la première, composée des marnes kimméridiennes et ealeaires portlandiens proprement-dits, est caractérisée pr l’ensemble des fossiles suivans : Ostrea solitaria , Pterocerus ocean, Pholadomya Pro- tei, Isocardia excentrica, Perna plana, Mactra Studeri, Avicula Gessneri, Arcomya gracilis et helvetica, Melania cristallina, Clypeus acutus, Hemicidaris Thurmanni et diademata, etc. La seconde subdivision comprend LES MARNES ET CALCAIRES A EXOGYRES viRGULES ; elle ne se distingue de la précédente par aucun caractère pétrographique et géognostique ; les fossiles caractéristiques sont : Exogyra virgula; Nerinœa trino- dosa, grandis , macrogonia et plusieurs espèces inédites ; Phasianella Portlandica ; plu- sieurs espèces de gros Trochus et quelques bivalves indéterminées. Mais ce qui domine surlout dans cette seconde division , c’est une énorme quantité d’espèces et d'individus de Nérinées, et on peut la regarder comme le règne des Gastéropodes jurassiques. Ne Re Je ne m'étendrai pas davantage sur les détails des groupes, me réservant de leur donner tout le développement possible dans mes Recherches sur le Jura salinois, dont cette notice n’est qu'un extrait relatif aux terrains jurassiques. Mais je crois utile de présenter dans le tableau suivant les principales divisions que j'ai établies dans les terrains jurassiques , pour le Jura occidental. TABLEAU DES DIFFÉRENS GROUPES QUI COMPOSENT LES TERRAINS JURASSIQUES DANS LES CHAINES DES MONTS- JURA , ET PRINCIPALEMENT DANS LE JURA OCCIDENTAL. ir ri à Nériné à ti fucoides, ; Calcaires supérieurs à Nérinées et à tiges de fucoïde | nègne TT GROUPE marnes à Exogyres. { PORTLANDIEN /Calcaire portlandien. € es Acéphales. Marnes kimméridtennes. Règne des Acéphales FORMATION OOLITIQUE SUPÉRIEURE. DÉPOT MARIN. | Groupe | Calcaire séquanien. | \ }Période de transition entre - = à le ré des Zoophytes et SÉQUANIEN. | Marnes séquaniennes ou à Astartes. } me Fu tente Groupe (Calcaire à Nérinées et oolite corallienne. s'hde d CoRALLIEN. (Calcaire corallien. eo ce Kellovien. — Polypiers spongieux. Décadence du règne des FORMATION OXFORDIENNE. | A : hi te Marnes oxfordiennes. Céphalopodes. Grand déve- ami er SE S (Fer oolitique sous-oxfordien. loppement des Térébratules a Cornbrash. \ © CALCAIRES SUPÉRIEURS. 4 Forest-marble. IR \Great-oolite. 2Ë £ ce 8 Dh TE Règne des Clypéastroïdes et grand déve-| APParition des Zoophytes, et me DE © Uoppement d’Ostrea et Terebratula. période de transition des Cé- S'È 2 JCarcame A POLYPIERS. HER phalopodes. Ë & À [CaucamE LEDONEN. ommencement du règne des Zoophytes. ë Règne des Tentaculifères d 1 = OOLITE FERRUGINEUSE. { "°° dE eg aDLE à a \ Apparition des Zoophytes. / (e superliasique. en pe des Ammonites | ä | Lias SUPÉRIEUR. / Marnes à Trochus. de petite taille, et des | © £ Schistes bitumineux. Jnestés liasiques. | CS GE { Marnes à Plicatules. : ; - CRE \ , ose Règne des Bélemnites = Marnes à À. margaritatus. Fe \ ; Z = LIAS MOYEN. | FE RSS Te et apparition des Am- Règne des Céphalopodes. 2 . . . a | É Ë \M à Cyvmbi monites de petite taille: FE arnes à Cymbites. Ë à | Commencement du rè- © | LIAS INFÉRIEUR OU CALCAIRE À GRYPEITES. ‘ gue des Tentaculifères \ (de grande taille. + os cr iii am ananas + | em à Sn Ad SSD SR RÉ do ne à ne TABLEAL nus NE ; WE END ' | Épréeear dx vas De * < ni . K , . x à (l ne Le MÉLT L « n » L] LL nn 0: 4, » 1 188 £ / AT > - , Im A "r4 à F Cr : 1 ae OÙ COR nm" 5 + 4. »$: D Fans CRETE F Le Vrai a “ f ÿ ve . - J [ee n ; ! é« , ns , Rd * de n L L LE] # br hi + 4 L + Ant 0e | 1e A # " 4 £ " 0 à L | À … LE TABLEAU DES HAUTEURS AU DENNUS DE LA MER DES PRINCIPAUX POINTS PRINCIPAUTÉ DE VEUCHATEL M. »OSTERVALD. DAME. CA UE A ZAC D AA LA du LÉVALDOEU AU ÉPUALIPAIET DER \CAAVAAITEAO x En enregistrant dans ces Mémoires le tableau des hauteurs au dessus de la mer des principales localités du pays de Neuchâtel, il est peut-être nécessaire d'indiquer les méthodes par lesquelles j'ai mis en rapport les hauteurs de nos montagnes avec le ni- veau de l'océan. Je vais essayer de le faire en peu de mots. Dans les grands travaux geodésiques que nécessita l’étude de la figure de notre globe, la France fut couverte d’un réseau de triangles qui formèrent des méridiennes et des parallèles à diverses villes. De ce nombre fut la méridienne de Strasbourg à Ge- nève , et sa parallèle de Strasbourg à Brest, Les altitudes des points du Jura compris dans la première série furent primitivement conclues d’un nombre considérable d’ob- servalions barométriques faites à la cathédrale de Strasbourg. Celle de Chasseral fut provisoirement trouvée (en 1807), de 1611". Ce chiffre fut modifié et porté à 1610,54, dans la Description géodésique de la France. Mais on jugea plus rationnel de partir de la hauteur moyenne des eaux de l’océan à Brest, et de conclure par une succession de distances zénithales de statious en stations jusqu’à Strasbourg la hau- teur de cette ville. Cela amena un changement dans la hauteur de Chasseral, qui fut ROBE à: 2.0 1, à, . 7, < , Sotolib eo our sl 402-910008,6 Plus tard encore la même marche fut suivie pour les calculs du parallèle de Bourges, partant de l'Ile de Noirmoutiers, et qui fut également lié au Jura. Chasseral fut trouvé par la série de ces nou- annee. Lin Ce Se ac en «I 'E000,1 La moyenne, définitivement adoptée, fut de _. . . . . 1608,8 Chasseron, qui primitivement avait été estimé à 1612 mètres, fut modifié ensuite et enfin conclu par la moyenne des calculs des parallèles de Brest et de Bourges à . . . . 1609,1 La hauteur du Moléson qui était de 2007, fut bis rs à Len 2 2005,2 a Ne, Genève, qui a été lié à cette chaine, a été trouvé par ces derniers calculs de 375 mètres au dessus de la mer. Ce résultat est semblable à celui des nombreuses observations barométriques qui y sont faites depuis nombre d'années, ce qui est une grande présomption de plus en faveur de l'exactitude de toutes ces opérations. C’est de ces diverses données procurées par les travaux des ingénieurs français, que les ingénieurs suisses sont partis pour fixer toutes leurs altitudes. Chasseral, Chasseron et Moléson ont été également mes points de départ. Déjà en 1801, j'avais compris qu'il fallait adopter un point fixe au bord de notre lac pour y rattacher toutes les hauteurs de notre pays. J’avais choisi le môle du Seyon à Neuchâtel, et j'avais profité de l’appui et du bienveillant concours que m’accordait M. Trallès pour déterminer quelques hauteurs au dessus de ce point avec une grande précision. Chasseron et Moléson furent de ce nombre. Afin de détruire les erreurs de la réfraction, nous fimes une série d’observations zénithales simultanées, M. Trallès placé au Moléson et à Chasse- ron, moi à Neuchâtel et à Fond. En 1807, je déterminai seul la hauteur de Chasseral. Ce sont les élémens qui m'ont servi pour fixer la hauteur de notre môle au-dessus de la mer. Voici les résultats de ces calculs : Le Moléson fut trouvé sur le môle de . . . . . . . 1570,9 Le Moléson est indiqué par les ingénieurs français au-dessus dela meérides te AU eue TN sue LMP ee ee AU0De2 Hauteur du môle sur la mer, ou différence . . . . . . 454,3 Chasseron fut trouvé sur le môle de... . . . . . . 14174,2 Les ingénieurs français l'ont trouvé sur la mer. . . . . 1609,1 Hauteur du môle sur la mer, ou différence . . . . . . L354,9 Chasseral a été trouvé par moi, sur le mêle, de . . . . 4174,0 Par les ingénieurs français, sur la mer . . . . . . . 1608,8 Hauteur du môle sur la mer, ou différence . . . . . . L54,8 Moyennes 20.7 2". «we IE Je ferai observer que si, dans le volume précédent des Mémoires de la Société, cette hauteur a été donnée comme étant de 437,7, cela ne provient que de cette différence dans Les points de départ qui alors n’avaient pas encore subi les dernières modifications adoptées par le Dépôt de la guerre de Paris. Dans ce même mémoire les 1099 obser- vations barométriques faites à Neuchâtel donnèrent pour la hauteur du môle 434,5 ; CL D elles différaient alors de 3 mètres des mesures trigonométriques. Aujourd’hui elles deviennent identiques. Les hauteurs de Chasseral , de Chasseron et du môle étant connues, le reste devenait un travail facile à faire. Il suffisait de déterminer les diverses stations de la triangula- tion primaire de ce pays relativement à ces points, puis de passer aux principales sta- tions de la triangulation secondaire et de celles-ci aux points de détail. Cela ne pré- sentait aucune difficulté si les points principaux étaient bien coordonnés entr’eux. Ce travail n’a généralement pas mal réussi. C’est ce que les tableaux suivants pourront faire connaitre. Je joins un petit canevas de la triangulation primaire qui a servi de fondement à la nouvelle carte de Neuchâtel levée au + pour donner plus de clarté à ces explications. Je terminerai en disant que les distances zénithales, qui ont été observées de tous les points importans , ont été répétées trois à quatre fois avec un cercle de Borda ou avec un théodolite répétiteur de Gambey, dont le cercle de dix pouces peut prendre la position verticale. Les calculs ont été faits d’après la formule de Puissant indiquée dans son Traité de géodésie, sauf dans les points de détail peu importans où la courbure et la réfraction ont été obtenues par un calcul plus rapide. Toutes les observations originales, accompagnées des calculs, seront déposées dans les mains de l’administration pour y être consultés, et les emplacemens des signaux pour- ront être retrouvés par les bornes que j'y ai placées. FER Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. mo SUR LE MOLE. SUR LA MER. nimes. | memes. | mivus. [rensoe ra. Aarberg (Sig. géodésique sur la métairie d’), Chuffort, sol calculé par Chaumont . . . . . . . . . . . | 843,9 UT MO NS ae PE RES S4A,4 moyenne 84A,1 || 1278,8 | 3937 Ardale (Sol) métairie Meuron, Bailliage de Grandson. . . . 843,9 | 1278,6 | 3936 Baronne (La), sur le Creux-du-Vent, sol au Midi . . . . 941,3 | 1376,0 4236 Barraque (La), forêt de l’Ether, le sol par Gibet de Cerher 2 nt nec 1 22092 » Chules RO EN Ne TC MORE 0e 269,1 J'éSEOrniepre. SUR CORNE DR ER PARMOEEE 0 4 269,1 | 703,8 | 2166 Bayards, église, sol du clocher . . . 574,8 || 1009,5 3108 Beaufond Borne de France, Neuchâtel et rue sur nes aie sol 173,2 607,9 1874 Beauregard (Grand), chalet, sol. par Grande Robeïla . , . 898,3 || 1333,0 4103 Beaume (Sig. de la), au-dessus de la Combe de la Vaux, canton defVaud eus 6 » 290 FOUT 1044,5 | 1479,2 4553 Beauregard, château, "+ te a PAPISAURE RS 0 MSNM EX, CON ER RE TIES, R 59,0 SRMORDET Ve Re EST de ete tels 59,7 » MCNEVLON RS LA 2 EU, Ne a er 60,0 50,6 || 494,3 | 1521 Beauregard, Sig. géodésique sur Pouillerel , sol pariléte-de-Ranfé ee EC Seins conte mer | 789,0 Det RE eh a EC HOME ENE He 788,7 n 788,9 | 1223,6 3767 Belair, campagne de Meuron, sol du côté du sud, pan Ce Re RE ET Rs cn 0 1789 Tee 2 et D Un ac urne ei ITR 178,8 | 613,5 | 1888 Bellevue, campagne sur Cressier, sol terrasse, pariGerien 4 0e 0e Co ec 1020 ITIOIE 2 pe 2 P n e oeet||EE220 132,6 | 567,3 | 1746 Bellevue, près Monlezi, par Ruillières . . . . . . 586,7 » » » . . . . . . . 587 ,6 587,1 || 1021,8 3145 SFE RE Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. 4, TT, . L ; J MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. [PIEDS DE FR. Berthière, Sig. géodésique, sol (Monts de Chesard), DAMON MEN D Edte E:- 7. 980,7 MR ONETAI ANNE a den OA. 980,7 sINTOIE-Je-RANEML Er. 4 per ch sd, 0e. n . > 980,9 mePotilerele En. ner: et ie ee de 980,8 moyenne 980,8 | 1415,5 | 4357 Bevaix, Sig. militaire à la Pointe de, sol par Cortaillod 60,3 » » 60,2 60,2 494,9 1523 Bizot, église sur France, au bord du Doubs, cordon au bas du clocher par Sig. Sagnotte . 523,7 » Moron . - 523,5 7 | 523,6 | 958,3 | 2950 Bichon, Sig. géodésique, au Valanvron, clédar, sol par Berthière CO. ANNEES MSC set bee Met 575,1 n Héee-hang, 2 : 4 20 ch © 4 : © UN 5762 RS pile Es Ada © 2 à à «ft 569 » » Je 576,4 576,4 || 1011,1 3112 Blancheroche ou Fornet, église au pied du clocher, côté S. par sig. Bichon un RE ; 525,4 Ed Aide ben es latetopes: Hits 524,7 » Pelard ouest. 524,5 » Pouillerel 524,7 524,8 959,5 2953 Borne d’Etat N° 10 avec le Val-de-St.-Imier, plaine de Li- gnières , sol par Vornieux , 368,9 » Grand-Bois. 368,7 » Chasseral 368,8 368,8 803,5 2473 Borne d'Etat à Chasseral N°24 SON Rir e 1070,3 || 4505,0 41633 » à la Fontaine George 26 » . - + : - 1003,2 || 1437,9 8 4426 » RC RE AE | AE ET + A 973,5 || 1408,2 4335 » PL RE De Mc veu) Le 1018,2 || 1452,9 4472 Houteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. Borne de Juridiction Neuchâtel et Valangin, route de Valangin, N° 2, sol pee ah EN RER 2 » Tête-de-Rang, » inverse . “re moyenne Borne de Juridiction Neuchâtel et Valangin, route de Fenin, sol par Tête-de-Rang, » Racine Borne de Juridiction Neuchâtel et Valangin, sur Chaumont, N° 19, sol par Racine . » Tête-de-Rang » Malvilliers . É » Place d’armes de Goffrane Borne de Juridiction bord de la route Lignières. N° 9, sol par Cerlier . »_ Chules Borne de Juridiction Landeron-Lignières, N° 6, sol par Corne-Chasseral . »._ Grand Sig. Chasseral Boudevilliers, église pied de la Tour, par Fenin . Boudevilliers, auberge du Point ai jour, du chté d #7 rue, par Cotelle . ë Bois (Les), église, Val- de-St. jihier, suit de la firteai par Chasseral, Grand Sig. . » Corne-Chasseral . Boudry, emplacement ancien Gibet » Campagne Grellet, sol » Campagne Merveilleux Brenets, église sol, par Sig. Gradoux . » chez Givet 279,8 279,7 280,0 303,2 303,6 645 4 644,8 646,4 646,2 337,8 336,3 523,7 523,1 SUR LE MOLE. MÈTRES. MÈTRES. 279,8 303,4 645,8 337,0 MÈTRES, 744,5 738,1 1080,5 771,7 SUR LA MER. D A RE —, PIEDS DE FA. 2199 2272 3326 2376 Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. | MÈTRES. MÈTRES. PIEDS DE FR. . ’ MÈTRES. Brenets, Signal militaire, | par SEM rl EP PMR MR CE 0, AIN 605 » Gradoux et inverse . 696,0 moyenne Brévine, Vallon, La-Maison-Blanche, sol, par Som-Martel. } Brot, auberge, sol au bas des SEE par Sign. Champ-du-Moulin. . . . . . . . . .| 421,5 | » Idem, observation inverse . . . . . . . . . 423,4 | » Rochers du Creux-du-Vent . . . . . . . . 424,5 » Sign. militaire de la Tourne. : . . . . . . .| 422,7 moyenne Sign. géodésique de Brun, sur l’arête de Tête-de-Rang, sol panTée-deRano >, nn. A. +. 0 005 » » A4 8 RS GR 2-0 » Racine SR CR ne er + 995,8 » » . . . . . . . . . . . . . . “ 995,5 DR MONDE RUES. uote en LENS Ne 5, “or te 996,4 LIRE DA OC DORE DEA | movenne |. . 995,7 | 1430,4 | 4103 315,9 | 750,6 | 2310 Bussy , ferme Pourtalès, sol façade sud. : Sign. militaire de Buttes ou de la Côte aux Fées, sol de la nn par Grande-Robeïla . Caroline, près les Brenets, centre 3 fenêtres du 7. Carré (Le) au Valanvron, auberge sol du bâtiment au sud ÉTANE UE CON PORC TE. CRE DEP RENE 599,1 »" Enls@Blancherochem Re 5 "50 5 0, 599,1 D POULIECOHE UE Mt A eu iii » 599,6 592,8 | 1027,5 | 3163 462,3 | 897,0 | 2761 599,3 | 1034,0 | 3183 moyenne Carré (auberge sous le) porte grange, le bas, par nivellement partant du Carré . 552,9 | 987,6 | 3040 Caserne des Douaniers, près Chaillexon, sol ADS SANTE. RER E 1, n° 01049277 | DAS MOTORS Eee ele ss et, ILE ADR - moyenne Cerneux-Pequignot, Chapelle sol . us 40 Hauteurs déterminées trigonormétriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. mn ou RL MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. PIEDS DE FR. Cernil, auberge entre les Bayards et la Brévine, le sol par CHaSSer On te d'A NES L'on 740,6 Gros-Taureaut 2.0 + a Aa. ne, en. à 741,2 Ruillères D he mon Er RE à 739,8 Grande-Robëla.2 7 ET RE 739,7 SaméSuipiee Part Le osier Tente. tot ||740,5 Monléa ane ER nt NE ne 739,0 moyenne Cernier, église, sol de la Tour, par COtEte beta Net ee: ai. sie Chose: 404 1 men"... D CS M we El rie cie l'US MGhinnonts EL. fees Re CAL 399,1 moyenne Cervelet, borne de Juridiction sur les monts de Couvet Cerf (mont du), borne d’Etat près la Cornée, sol par Grande-Robeïla . Ste SH 2 Chaillet (La Prise), campagne au-dessus de Colombier, sol de la maison, par Chevrou . par Monbet » Li moyenne Chasseral, Grand Sign. géodésique, sol de la borne, déterminé par les Ingénieurs français Chasseral Corne, signal géodésique, sol à la borne, par Vornieux, . fi Grand-Chasseral. Monpy Borne 10 . Chaumont . Tête-de-Rang à moyenne Sign. géodésique Chasseron , déterminé par les ingénieurs français. . . D Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus di niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. TT | MÈTRES. MÈTRES. MÊTRES. PIEPS DE FR. Sign. Crêt de Châtillon, à la borne géodésique sur le monticule, DAACOAlIElER PART À. : .], … . ….. , 41692 MO CHAMABMICHAUNON ER - 2 2... à à LU 152,9 » Bevaix LT NN RERO OL 153,6 » » CT ee RO: 5° Moro IE TDRTS moyenne |. . .| 153,4 | 588,1 | 1810 Crêt (Sur le), Sign. au-dessus de Couvet, pepe Dubied, sol devant la maison, par Ruillères. . . . DEEE A | BA ET par Montlézi, 21 Mise OMR SAaTON .… … 704,3 PA unDBrESS EU. ONE | > 0. :. ©.) 7046 | moyenne |. . . 704,6 | 4139,3 3507 Chantemerle, montagne rer) sol de la maison, par Ruillères . . . d un ni urntle 804,0, 14238,7 3513 Chätelard, butte près Penn sommet +ddr ruines, | par Sign. Bevaix. . . 2 COUÉRMERES Let : PE ue 43,4 478,1 1472 Châtelard , haut de la une, sur Win, | PANME OR RU L, 2 A ne e M2. n , pe 596,3 ) » . . - . . . . . . . . . . . . 595,6 fl moyenne |. . - | 596,0 | 1030,7 | 3173 Chaumont, Sign. géodésique, sol de la plate-forme sud, calculé par Sauge et Monbet, en 1801. . .'. . . . . .| 737,6 » » » CR TES top Naits 737 mA » » » en LSD7. en + OS Rire 737,9 PVR SE PARETAODT. rent" 7 *: t} l: | "787,2 POCARSETN RE AD ASTM He D 767,2 2 ÉASAUBEU NE. Men 18 NE ee 1797 » Monbet à RE 0 Since ES al et com 737,7 MIUHAESO PAT SR 2 MER TS ne cent + 1} 797,7 moyenne |. . . | 737,7 | 1172,4 | 3609 Chaumont de Pierre, sol devant la maison, PAP SUP AMAR MEINDE, 7 0 2 SMTONT … . 581,24 ve Der En EL :° J 00 gi 96 CEST) DAMONDER EUR DA UE PEPRE CA 0 le ARNO 581 ,43 prit lS dde sie Déder, d .: -. | 59444 moyenne |. . . | 581,0 | 1045,7 | 3127 Chaumont (Le château), terrasse, façade sud, | PAR SEP MB ER PIECE, =, À DAORENN . . 652,3 BEMONHeRRE EG SEM 2... +. … … uno 652,3 moyenne |. . .| 652,3 | 1087,0 3346 LS CS Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. - SUR LA MER. Chaumont, pilier en pierre à la borne des trois Juridictions lehaut,\par. Chaumont Sign.L 066.4. . . . : . ms 754,2 | 1188,9 3660 Chaillexon, Sign. sur France, le sol + . . . . . . | . . .| 494,4 | 9288 2859 Chaux-de-Fonds, église corniche de la tour, par Téte-de-Rangis - , © Let +: . … , … +688 sAgPoulIere les - Les. UE RARE Er ee 589,0 #1 Som-MArtel. #0 SE à...) ne . 588,5 » .Téte-de-Rang . . © . . |! Hndul wi |n68719 nisPonillerelalfts Peut, OP RET 20208 5 che 589,1 moyenne || 588,6 hauteur de la corniche sur le sol. ,. . . . . . . | —261 Eplise sol. . . . . soyons . .: lues |: 562,6 1: 9972 |P3050 Chaux-de-Fonds, cimetière, : dre SON. ire ff: 557,0 984,7 3022 Sign. sur l’arête des rochers au-dessus du era par Sign. militaire de la Tourne. . . . . . : : .| 954,0 » » HS SE | EE moyenne | : + | 953,8 | 138,5 | 4274 Champ-du-Moulin (Pont du), par Sign. militaire de la Tourne. . . . . . . . .| 178,9 » Sign. Champ-du-Moulin. . : . . . . . . .| 153,7 moyenne |. . .| 181,3 | 616,0 | 1896 Chäntavenot, près des Brenets, maison neuve, centre des fenêtres du bas. . . . US Re Le el. 0981409 8 1 93%5 402877 Chaux-du-Milieu , Eglise pied de la jour . . . . . . . |. . .| 642,3 5 1077,0 | 3315 Chaufaut, Chapelle, pied du mur du jardin . . . . . . |. . .| 63592 | 1069,9 | 3294 Châtelu, sur France, Sign. géodésique, sol BAL SOMEMATTEL AE" Res eo 7 Te Na, 866,8 DUMONIGZ Le" er 0 PO ES D Ps net à 867,9 sROMBrES QAR DR 0 | 6x | D GRANT -RODEIA TE. ÉRIL cf Cire 0 Le. 866,3 | moyenne | . : .| 867,1 | 1301,8 | 4007 Sign. Chézard, borne à la croisée des chemins de la montagne, | PATISION FEMME 20 5 EN ir Dr 6 + es 1 MMA | »*'Tête-de-Ranp * . 2e lapin 9 2 < Bey 2108 »\, Petit Sien:{Chaumpnt: NE jésport ss | 441,3 » » CM RO NE NE NN CR © 411,6 | moyenne |. , . A11,3 846,0 2604 Chuffort, sol de la porte de l'auberge. . . . . . . .|. . .| 7940 | 1228,7 3802 Coffrane , pied du clocber.de l’église. —.. .. . . . . .|l. . . 365,0 799,7 2462 ds. ME: Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. A , Te, MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. [PIEDS DE FR. Coffrane , Sign. géodésique sur la place d'armes, PARCGRERE ME MEME es De +. 2 +. :, 06609 ARSETONCES CU. 0 € Mat eue x 360,3 SOCE OA TU 4, à: So a non 2 ve 360,6 moyenne ||. . . 360,6 795,3 2448 Corcelles, maison au-dessus du village, sur la route, sol . . |. . . 151,0 585,7 1803 Concise, Sign. géodésique, : par Fond et observation inverse... . . . . . .| 274,7 > D 5 Lee. Ji + Chevrou et observation inverse. . . . . . .!| 274,5 « » » - MOLETR CET PE Pie 274 ,9 «_ Yvonan et observation inveres. . . . . . . . 274,7 » Bois d’Iverdon » ok DOTE CREER || iv moyenne | . . . | 274,7 709,4 2184 Combes, église sol, TENTE Re CRIS 5 LEA MORE PR PART 142,5 Dé SEE Le. VOLE À 557, À MS YOM , 112,5 moyenne |. . .| 112,5 | 547,2 | 1690 Combettes, Sign. au-dessus dû Landeron, sol + . … . HT e . 90,1 525,8 | 1619 Cétette, Sign. au-dessus de Valengin, sol au haut de la montée, FAR RACMOR LES 0 NOR Re ae rte 30311 OU UBEUD ST ANUS Met ei ee 2 OMMOYON «+, 303,4 2, Téle-de-Ranp * "1. [= : ns 0.008 SE JUNE GE HU RACITE NES UN Me. M Ve Le 4 2. de 304,1 TES dns értiee Leds etat dt Sac CF 304,1 PAREIL ER - LUE. RER UNIR R Cure «OA moyenne |. : .| 303.8 | 738,5 |” 2273 Combasson, maison sur les Verrières, sol: . . . . .{|. . .| 738,0 | 14727 3610 Cortaillod , Sig. TEL près le dE ds poirier, sol par JEHAC Je: . ne Dre 70,9 5 SIT; de CONCISE . Le je Pet PU MU, LP dre,» ve ve 71,2 »_ par nivellement direct . . . . + 4 : . . . 7,1 moyenne |. . 71, 505,8 1557 Coeurie , Sign. géodésique au-dessus du chalet, sol PANNE SR = DCE" te 7 RD: r AL" 699 3e DARCOS AN CC MR EM UT ue rte: fl "8002 ma sTété-de-RAnE, Cru LE ee. h . . *; ... 9] 8994 moyenne | . . . 899,2 | 4333,9 4106 PR | Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE: SUR LA MER. A | MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FR. Coeurie, Borne de Juridiction, son sommet . . . . . .| : . . 903,0 | 1337,7 MAS Cotendard, campagne Terrisse, sol jardin . . . . . .|. : | 136,0 570,7 1757 Côte aux Fées, seuil porte de l’église. . . . . . . .|. . . 608,0 | 1042,7 3210 Couvet, le haut du parapet au milieu du Pont par le nivellement de la Reuse . . . . . - . .| 302,5 » Signal Saint-Sulpice . + . . . . . . . . .| 302,4 moyenne || - 5 302,4 737,1 2269 Cornée (Sig. militaire de la), sol de la borne, par Modéé 1... iso NV. orme)" SIRE » Grande-Robeila . . . + . . . . . . .| 821,5 4 moyenne || + + - | 819,7 | 1254,4 3861 Cornée (Prise de la) sol . . . . . : : | 632,0 142667 3899 Creux-à-la-Poix, métairie Sig. de AT “ai __ Est, DALCIRRILIERES Aer Eee AR CN Er Er DSELOLLEL: Lee a ie! GRR ER) Luis 2 00002704 moyenne |. . .| 772,6 | 1207,3 | 3716 Cressier, église sol de la Tour, PAS CNRC RE Eee he à Lu 70,5 » CRIE MM RE es ee D dr EH of 69,9 » Thielle OR COMCRENURS CE RE CPE, C2 CEE 70,1 moyenne | - . . 70,2 | 504,9 | 1554 Creux-du-Vent, Sign. au point culminant, borne sol par Tourne et observation inverse . . . . . . . . | 1028,6 » Joux et » PA 0 0 AIr10284 » Chasseron et » AE Su 0. 210297 DRRACINONAL À. ane: ETS emevoar. © 1 402816 m oyenne | + : - | 1028,6 | 1463,3 | 4504 Creux-du-Vent, Sign. sur les rochers Est, sol borne par S. m. Tourne. . . RE D D ag rie D 997,6 » Pont du vallon des Ponts. pe M. cmt 09772 moyenne | - + . 997,5 | 1432,2 409 Crêt-de-l’Oure, Sign. entre la Brévine et Couvet, sol par Job, "Ps e. Ei . : Re.les borne de inesar 5e Min 2 5 il 00857 séCrenx-du-Vent -: :-k eat LE 4, 843,2 843,9 | 1278,6 3935 =. AD — Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. ET 7 RP as Rien. Crêt-du-Locle, Sign. militaire, borne sol DAMRACNEN AE RE MEEDD CS D … ,: 588,0 AE SOMME A ME US A 2 UE 587,5 » “Olsenyation Mverse. à. -2:. .2,/hobn .me dd 587,5 moyenne |. . .| 587,7 | 10224 | 3447 Cul-des-Roches , près le Locle, sol au jet d’eau pas Sotn-Martele. PR SET 1 . . . |" 182,8 observanon mverse … ? ÆAnpm 51. . . . … ..|| 483,0 moyenne Rue In 87:0 917,6 2825 Diesse, église pied de la tour, par Borne 40. . . . . .| 404,2 PATEV ONU ME RER EC 0 2. er 4027 moyenne ||. . .| 404,4 839,1 2583 | Dombresson, Sign. géodésique borne. . . . . . . .|. . . 412,4 847,1 2708 Enges , Signal géodésique borne ACC are 0 PR RUES RES HOTTE NEO ASS ARR | PC 19 DU END OCF PR 0 CRAN Dole runs. do + IL A2 MER D Damas D 2: Ir A0 MeVGeNs enn. Le mag LE 7 SE, PSE. UE 422,3 PP CHANOSB DIS Fe use lu eh + nn. à qu, lt 421.0 moyenne ||: . . | 421,6 856,3 2636 Enges, auberge neuve, sol façade ouest . . . TE] hear 370,7 805,4 2479 Fauconière (La Petite), métairie sur le Cieus u-Yent seed 909,4 || 1344, 1138 Fontaine-Melon, Sign. géodésique, borne . . . -. | 409,7 844,4 2599 Fontaine-Melon, fabr., centre de la fenêtre dul'étage, façades. HUIT ME PRO RTE RE 425,7 SION EDR .n MES de ce — À don ©. -« 426,5 moyenne |. . .| 42641 | 860,8 | 2650 Fontaines, église sol ARE : 334,8 769,5 2369 Fontenettes, sur le Mont de Couvet, Er par Grande-Robellapsg . 1.7" 4 emmener - + || 809.9 D MONA. ae ut. = 1 à . . 8, 810,6 Fenin, Sign. géodésique, sol Rd so Mod à 22 85e PACE RE Pi Pr Das ve IN 3584 » HN Vo ES Hit MERE SE 358,1 OUT, nee hotte sel out ee 358,0 CT raie déesse it EE Sn 358,0 PARLE CO RATE AR TE MT sree ne Le [IE 967% . moyenne ||. . . 357,9 792,6 2440 us. HUËT-chn Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. Fenin, église seuil porte Ë Frêtes Donzel, centre des fenêtres du és - Galandrure, domaine du Prince, sur Pouillerel. Sign. cal par Tête-de-Rang » Brun . , » Som-Martel » Sagnottes. moyenne Galandrure , ferme sur Pouillerel , sol façade au sud, par Sagnottes. » . . . moyenne Geneveys (Hauts), maison au bas du ad haut du perron. » auberge de l'aigle, LE Hé ile. sol route, par Côtette . : ; » Fenin. . MOT moyenne » cabaret près la fontaine du village sol, . » cabaret Vuithier, au-dessus du village, angle S. O., » borne longeant un mur à droite de la route en montant, au-dessus de la dernière auberge , par Bussy et observation inverse. . » Fenin » » Le moyenne Gorgier , château , pont levis par Sign. Châtillon RU LUE CRE ASIen SAR AnDin 2 ER Me A ur de eee moyenne Gradoux, Sign. géodésique sur France . : Grand-Bois, Sign. géodésique jé du sa par Chasseral . é » observation inverse. » Vornieux . ; » observation inverse . moyenne SUR LE MOLE. PR. UE PE MÈTRES. MÈTRES. | 402,4 554,8 | 815,1 814,8 814,6 814,4 814,7 785,1 786,3 785,7 | 521,3 . | 549,5 548,9 : 549,2 ; 534,6 | : 594,7 639,9 | 639,3 | : | 639,6 85,2 84,7 84,9 557,6 425,4 425,0 425,1 423,4 î 424,7 SUR LA MER. PRET a MÉÊTEES, PIEDS DE FR. 837,1 | 2577 989,5 | 3046 1249,4 | 3843 1220,4 | 3757 956,0 | 2945 983,9 | 3029,1 969,3 | 2959 1029,4 | 3169 1074,3 | 3309 519,6 | 1599 992,3 | 3054 859,4 | 2645 PT pres — 79} — Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LA MER. SUR LE MOLE, TT, TT, MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FA. Grand-Combe (La), Eglise sur France, bas de la fenêtre à volets verts de la tour, par Ponllenél 22 hddt en HR hs. €. ,: 4° "01h 57877 An Hlanchettes. EN PT (ne LT , | 97951 moyenne Grandsonne , métairie sur le Chasseron , sol Gros-Taureau, Sign. au-dessus des Verrières sur France, par Chasseron . : » Prise de la Cornée, si. ancien. » Monlézi ve moyenne Grivet (chez), Sign. géodésique sur France, par Sagnottes . » Som-Martel. . » Planchettes. lus ces HIRTRSYON TES dy Som-Martelés0f/cr. 25 pre tr, nep. 0Hortimne » Sagnottes . SE WE: moyenne Hautemaison , Sign. géodésique au Valanvron, sol borne par Berthière . »_ Tête-de-Rang » Pouillerel, AE moyenne Houriet (Campagne), au Cul-des-Roches, sol Sign. géodésique {mier (Saint), Sign. géodésique de M. Buchwalder, sapin ébranché au-dessus de St.-Imier, sur la crête de la mon- lagne, par Chasseral . » Pouillerel . » Corne Chasseral . » Haute-maison . c é moyenne Imer (Cabinet), sous Schlossberg , le sol . Pont + Jolimont , possession de Pourtalès, grande Borne au bord de la pente Nord, sol. . . . . Us Jonchère, Sign. géodésique, sur la A de bn roule albut aux montagnes, au-dessus du village de la Jonchère. us = Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. Q— MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FR. Joux, Sign. géodésique , près le Sign. militaire sol, par Racine et observation inverse . » Tourne ” » Pouillerel » moyenne 857,6 | Joux, ferme de la ville de Neuchâtel au-dessus des Ponts , sol | par Coeurie » Creux-du-Vent » Tourne 20y Sn moyenne 737,7 Joux (Vieilles), ferme près celle ci-dessus, par Tourne . » Coeurie » Racine A. moyenne 802,2 Laissu (le), hameau sur France, en face les Planchettes, grande maison , sol façade sud, par Sagnottes . »_ Planchettes toc 2% moyenne 608,7 Landeron, métairie aux bœufs, sol façade sud, par Cerlier . » Chulles SA: Le moyenne 499,4 | © Landeron , métairie aux genisses , sol par Cerlier . » Chulles » Thielle . 1 moyenne 213,6 Lavottes (Les), en France, sur une hauteur au-dessus de la route de Morteau, sol par Sagnottes. . » Galandrure “ue moyenne 681;1 Lignières, église , sol tour, par petit gibet » Grandbois . ds moyenne 372,3 — — 19 Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. MÈTRES. MÈTRES. = = m —" DE FR. Lignières, cabaret au-dessous de Chuffort, sol par Vornieux . 485,8 » Vacherie de Nods 184,4 » Borne 6 A 486,9 moyenne |. . .| 485,7 | 930,4 | 2833 Lignières . petit gibet, ui Te sol par Chasseral . : : 367,0 » observation inverse . 367,0 » Grand-Bois .., 5 Ée 367,1 moyenne 367,1 801,8 2468 Locle, Les Billodes, sol façade sud 479,2 913,9 2813 » Le Cul-des-Roches, le jet d’eau, par Som-Martel 483,0 » observation inverse . Hal 482,8 moyenne | . . .| 482,9 | 917,6 | 2825 Locle, à la Croix-des-côtes, sol porte maison jaune sur la route 352,9 || 787,6 | 2425 » Sign. Houriet, au haut du Cul-des-Roches . 599,6 || 1034,3 | 3184 » Cul-des-Roches, campagne Houriet, terrasse et bé au baut des rochers 593,3 || 1028,0 3165 » Campagne Houriet, bas de la pus ie fenêtre de la façade sud . 5 » 587,2 || 1021,9 3146 » Malepierre, haut du mur m7 la terrasse. 590,6 || 1025,3 3156 » Roches Voumard, Sign. géodésique, sol 599,6 || 1034,3 3184 Loges, le point culminant , près l’auberge des Alpes 850,5 | 1285,2 3956 Maison-Blanche, vallon de la Brévine . 648,6 || 1053,3 3335 Maixrochat, métairie valon de la Brévine, sol Fr la file à 649,3 || 1084,0 3337 : Malepierre, (voyez Locle.) . 590,5 || 1025,3 3156 | Malvilliers, auberge, sol du perron d’entrée, par Côtette . 419,7 » Fenin Se ‘A18,9 moyenne 419,7 854,4 2630 Marchands, village en France, sol D NON 582,0 | 1016,7 3130 Monpy, Sign. géodésique, pr Chuffort, sol borne du Sign. par Vornieux Fhacets 839,6 | » observation inverse . 839,6 » Grand-Bois. 838,8 » Chasseral . ot 6392 moyenne 839,3 || 1274,0 3922 | Er por — Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. PT MÈTEES, |PIEDS DE FR. MÈTRES. Monpy, vacherie à Chuffort, sol côté N. Moron, Sign. géodésique sur les plus hauts rochers, parle LAissu pe NE 0 PS a Mer Es 7 | 7701 scChatlgee. vases TT san émer tel 77454 » MOhez Givet, cab 1 se pce dE 774,6 «.paturage auxibœufs - !? ge82 he : - x. . 7784 1231,7 3792 moyenne 774,4 | 1209, | 3722 Moron, sommet du Châtelard . 596,0 | 1030,7 | 3173 Monlézi, sur Couvet, Sign. géodésique sur la fe er: DAC UU EVENE, Pre POP RER EE» 107787 PR observation inverse. 0 0 4 nes 7. NI778 15 I CPASSP LOIR 2 ue VO EE OL ER ee 779,2 1 OBSErVAUON MvErse : PME. Le et 779,2 » CEE LODEE ou PAR ER" I 7770 9 DE CENSURE VENT PARLER ONE EE MTEUNATIRE C" 780,5 SRCRASSETOP TMD Een Re P004 ONU De MOTS SUR NES NES or Ut SE 780,6 moyenne 779,6 | 1214,3 3738 Monlézi, Campagne Pury, sol maison de maître, AT DE SP CON SOON SORT 661,2 Se Rorllèmeene Dao 28 re 0 nn 22, 21. 6): fa « 661,0 DA NOG61PT. » campagne Pury, ferme sol . . . . . in ha à Le ie là Mont du Cerf, borne d’angle du pays, au-dessus de “ comée AN THEAT 518663 Montmollin , Sign. géodésique, près le ME sol par Tête-de-Rang . . . +. . ARE a RES 354,3 » Racine. £ 2 moyenne Môtiers, château, parapet de la Terrasse, par Monlézi . . MEN PANTIN TT 412,2 » Sign. M. de St. Sufiel Ti 0 SO On | EE ET moyenne ||. . . | 412,0 846,7 | 2607 Môtiers, le plus haut du parapet du pont : . . . . .{|. . .| 301,5 | 736,2 2266 Neuchâtel, le môle . TAC EE ms 0 niveau moyen de l'Océan. Neuchâtel, emplacement du Gibet, par Cortaillod . » le Môle us 2 moyenne Neuveville, Sign. géodésique sur la métairie derrière Chasseral, Neuveville, métairie sur Chasseral côté du sud , seuil porte, par Grand-Bois » Cerlier. HAE moyenne Nods, terrasse de l’église, par Borne 10 . » Vornieux . ne moyenne Nods, (vacherie de)sur Chasseral, seuil porte d’entrée, côtésud, par Cerlier A àpe » Grand-Bois » Monpy-. 08, : 04 moyenne Pâture (La), ferme près Moron, sol, côté ouest, par Sagnottes . » Galandrure RCE moyenne Pâturage aux bœufs, hauteur au levant du Laissu, sur France, Signal géodésique. par Sagnottes . » Moron . » Planchettes TOR moyenne Petit Gibet, Sign. géodésique , près Lignières . Perreux , campagne Grellet, près Boudry . Se Pierrabot du haut, au-dessus de Neuchâtel, sol de la maison de ferme, par Sauge . » Monbet moyenne Pierrenod, ferme au-dessus de Môtiers, sol porte de la grange SUR LE MOLE. Eee DEEE MÊTRES. MÈTRES. 105,2 105,6 =. | 105,4 1056,1 1018,3 1049,0 1018,7 464,2 460,0 462,1 1031 ,9 1029,9 1030,2 1030,7 785,1 786,3 785,7 649,2 649,9 ! 649,4 TN | 649: 367,1 | 801,8 74,3 509 250,4 250,4 250,4 747,4 Hauieurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du SUR LA MER, GT, MÈTRES. [PIEDS DE FR. 540,1 | 1663 1490,8 | 4589 1453,4 | 4474 896,8 2761 1465,4 | 4511 1220,4 | 3757 1084,0 | 3337 2468,4 1567, 685,4 | 2109 11524 | 3546 ss HD ee Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. a An METRES. MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FR. Pissou (le), village sur France, cimetière, pied de la croix, par Sagnottes : /£0e.10. AE UES De . à! à: 11 4921 D MOTON. A SL C'EST 494 ,7 D tPlancheités “N'OSE 1 492,3 moyenne |. . .| 492,0 | 926,7 | 2853 Pissou (le), église, sol au sud. . . ; sus, dede Ab 7 890,4 2741 Planchettes , Sign. géodésique au-dessus . is par pet Sign. Pouillerel" # Art. 0... 177719 “fobseuatontmverselEt … Lomme 0.117779 2NCDEZ CTINELIE NE rt CO TR ee 07707 moyenne ||. . .| 777,5 | 1212,2 3731 Planchettes, tour église, sol au nord, par Pâturage aux bœufs. . . . . .,. . . . .| 6324 HAME PAIN, CN Lo À ft dpt 633,0 moyeme | . | 632,7 | 1067,4 | 3286 Planchettes, Sign. géodésique à l’ancien corps de garde. . |. . . | 565,4 | 1000,1 | 3079 Plantées Schnyder, au-dessus de la Neuveville, sol du Rucher ||. . .| 135,8 | 570,5 | 1756 » maison d'habitation, le sol de la façade sud, RARE SE doneege PME RCE RER 107,6 » OTIMENE". 1504867 LU RE. etre 107,5 moyenne |. - | 107,5 | 542,2 | 1669 Plainchis (les) Berthoud, campagne au Val-de-Ruz, sol façadesud| . : . | 555,3 | 990,0 | 3048 Plainchis (les) du haut, sol à la porte d'entrée . . . . .{|. . | 633,9 | 1068,6 | 3289 Pointes, Sign. géodésique sur Chasseral . . . . . . . | 963.9 | 1398,6 |: 4305 Pont du moulin de la roche au Val-de-Travers, haut du FArapet, par Sign. de Sagneula , observations de 1802. . . . .| 309,9 MASON Sur Ie EFÉL A. 2 HUE A 4 te 2 te +. el. 3092 moyenne |. . - | 309,5 | 744,2 | 2294 Pont au milieu du vallon des Ponts, haut du parapet, par Racine OS E 009. CE BARSNL |. : «à Im »: ‘observation inverse. 2 : . .Ù soso: fon. 560,5 PACTERS-AU-NENTANRES ER LEE © 560,4 2RRAtIe es. Me ec. BOB 2e Die 560,2 “ ie Mb nie) pome À: 2. à + N660% | ASRacime st À QUE À 2. V'omnoyee,: 175598 moyenne |. . . | 560,4 995,1 3063 SR Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. Pouillerel, Sign. géodésique, ou borne militaire, sol, par Tête-de-Rang et observation inverse en 1806 Tête-de-Rang, en 1807 . . . . Racine . = + observation inverse. Tête-de-Rang, en 1841 - : moyenne Pouillerel, Petit Sign. borne près du mur au couchant Pouillerel, domaine du Prince, près la maison en ruine, angle du mur, par Tête-de-Rang » Brun MT IR e - moyenne Prise Chaïllet, au dessus de Colombier, sol de la terrasse, par Chevrou HA IMONDEL 0. 2 Cu aOt:c k _: moyenne Prise (de la Cornée), Sign. militaire et géodésique, sol par Monlézi . » Grande-Robeila . Fe moyenne Prise, (de la Cornée) Sign. sur la crête, un peu plus haut, par Monlézi observation inverse . Chasseron observation inverse . Creux-du-Vent . NE moyenne Prise Imer, au-dessus d’Enges, sol » Gautier sur Couvet, Sign. géodésique, par Creux-du-Vent et observation inverse » _ Ruillères et observation inverse moyenne Prise Sèche dessus , Sign, géodésique, par Ruillères et observation inverse . Prisettes du bas, sol près la Grandsonne SUR LE MOLE. _ MÈTRES. 841,3 841,3 SA ,1 841,5 841,3 TT , MÈTRES. SUR LA MER. 2 MÈTRES. PIEDS DE FR. 1254,4 REP OR Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. SRE le 3 MÈTRES. MÊTRES. MÈTRES. PIEDS DE FR. Pucin (Le), maison au-dessus des Rondes , sol, par Grande-Robeïla . . }: UM | e : . 6er mhe17820 « Monlézi Ne :: + MR ns: 5:24 784,6 moyenne |. . . 784,3 || 1219,0 3753 Racine, Sign. géodésique au-dessus des Pradières, sol, par Tête-de-Rang et observation inverse. . . - : . | 1005.2 26 Chaumoiés 00e de. exs MM - . | 40065 SEMénbetES AE 1. of. << todos 1005,3 moyenne |... . | 10057 | 1440,4 | 4434 Râpes (Les), Sign. géodésique sur St.-Blaise, sol par le môle de St:-Blaise : Æ21% LL. . . … 152,86 AMEN SR tt MES SIL + ce 152,96 MtBasseSaute SRE. :0,5 -. .] CMESNONR . 151,78 moyenne | = . . | 152,5 | 587,2 | 1808 Rayes (Les), Sign. Béodésique sur le Quartier du Locle panSasnottes 1. due lle Le Aide 5 « 705,1 reGrétidu Doelé: du Er tele, oi thes [le 705;2 moyenne | . . . 705,1 | 1139,8 3509 Recrettes (Les) au-dessus des Brenets, Sign. géouésique . . |. . . | 642,5 | 1077,2 | 3316 Robeila (Grande), Sign. LR pe sol, par Monlézi . . de: - nt) 1072,6 HéCreux-duVent. L Aer tu. 2 NAME vie 00) AOÛZ A » AGros-Taureau.. 24 à héros ciltco. net dueteg 6r. M A OS »CHasserOn hu ame #2 ©: - lAOAG moyenne | . . . | 10445 || 44492 44GA Roc (Le), campagne Coulon, au-dessus de Cornaux , sol fa- çade sud, par Cesher eh: 1-2 9. DES coop |. 448% » Basse-Sauge . - || 148,5 moyenne 148,3 583,0 4795 Rocheta (La), ferme près les Joux 877,4 | 13121 | 4039 Rondes (Les), poteau de défense pour la on “ né. au-dessus des Rondes . 767,5 || 1202,2 3701 ne Dooaones loenge dos. ee lioinegoge . . | 418% FÉCHIIESAGE L 5008 2-5": ch + ns D 148,1 ; FILTER POSE ARR EN EE RE | : »Schlosshers A. . LOGE. . - . sisi | pr Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. Route neuve des Ponts au Val-de-Travers, Sign. géodésique, presque au haut de la route, par Grande-Robeila . » Sign. Rocher du Creux-du- Vent » Sign. Champ-du-Moulin moyenne Route susdite, main au bas de la route, sol . Ruillères, Sign. géodésique, au sommet de la montaÿné} par Monlési » Creux-du-Vent . »_ Crêt-de-l’Oure » Font » Creux-du-Vent » Crêt-de-l’Oure »_Gros-Taureau . » Chasseron. » Monlési » Font moyenne Ruillères, campagne Sandoz, sol façade Sud , par Sign. Ruillères moyenne Ruillères, ferme d’Ivernois, sol façade Sud, par Sign. Ruillères » Sign. Monlési moyenne Sagne, emplacement de l’ancien corps-de-garde, sur le col au-dessus du village, par Brun » Tête-de-Rang » Racine. moyenne Sagnettes (les), moulin Pury, tablette de la fenêtre. Sagneula , Sign. géodésique ‘au-dessus de Môtiers, à l’extré- mité Est de la possession d’Ivernois, sur le sentier, sol SUR LE MOLE. MÈTRES. 503,0 503,7 503,9 MÈTRES. 503,5 295,2 934,7 663,3 661,4 726,0 617,6 403,4 SUR LA MER. TT MÈTEES. 938,2 729,9 1369,4 1098,0 1096,1 1467,7 1052,3 838,1 PIEDS DE FR. 2590 2247 4216 3380 3374 3575 3239 Hu = Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. Sagnottes (les), auberge, sol de la maison, façade Nord, par Sign. Sagnottes » Som-Martel. . moyenne Sagnottes , Sign. géodésique, au-dessus du Locle. par Racine STE » observation inverse . » Som-Martel , » observation inverse . » autre observation DA moyenne Saint-Aubin , Sign. géodésique, au-dessus du village, par Sign. Bevaix . » Sign. Châtillon » Sign. Concise . ane moyenne Saint-Aubin, sol tour de l’église, par Sign. de Concise 2 Saint-Blaise , cabinet près le Sign. Lo 1.10 . « ancien gibet, le sol . Saint-Imier, Sign. géodésique sur la montagne, (voyez He Saint-Martin , église , par Chézard » Chaumont . : moyenne Savagnier, église sol. ë Saint-Sulpice , Sign. militaire et désine, sol par Chasseron . » Gros-Taureau . » Grande-Robeïla » Creux-du-Vent » Ruillères . Se EE moyenne Sehlossberg , château, borne à l'angle S. 0. dela terrasse, par Cerlier et observation inverse . » Thièle RATE moyenne | SUR LE MOLE. 721,5 A1 D\ 7:38 744,5 745,0 7431 743,0 742,4 LL 33 113,9 113,1 114,5 és HUISS 39.0 129,0 59,0 | 312,4 | 311,5 il oi LR 4: 335,7 629,1 629,0 630,1 629,7 629,7 | 629% 99,4 98,9 Dr nl 0 00 2 SUR LA MER. — 107 — Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel el au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. - À D « MÈTRES, MÈTRES. [PIEDS DE PR. MÈTRES. Séroliet, Sign. géodésique, canton de Vaud, borne BAD ENTRE MA ue os Tu dre 906,0 NON 0: L'haue À... 4. à 0065 D'ACNARSO TOR - 2 LD À + mime se mue 905,6 PRIMO Ge. 4. à poctrom ., - ,..| 905,2 D MDNIEELLe Ms le... À Mol eNMiE 905,4 At dote OU CASSER EUR À 00) RERO 904,1 moyenne 905,2 | 1339,9 4126 Sémion-du-Haut, ferme près la Galandrure, sol 741,9 || 4176,6 3628 Serroue, Sign. géodésique, plaine de Coffrane , par Montmollin 4". - -4,#948. 4. +. :. . -. -. || 3067:9 ». observation inverse . . . . . 1.1, . . ./| 366,9 RE (one MR SEM ENTER EUR 366,7 "n'TBte-de-Rant, : + … ÉARAUD à :. ». -. 366,7 4 moyenne |. : . | 367,0 | S01,7 | 2468 Soliat, ferme sur le Crenx-du-Vent, bas du toit 946,6 || 1381,3 4252 Som-Martel, tour sur le domaine Chambrier, le sol, par Haone … | …. . ? 2618 opxlos) eu «emirG M. TÉtSERANE 2,50. |. © © 0. «ll 804:6 Cr EN One RER. UK nes. Ne 891,3 D.0 POULTIETEL 2 5 22 cvs: » AMUOLO! 891,4 moyenne |. . .| 8915 | 1326,2 | 4082 Som-Martel, ferme Chambrier, sol porte d’entrée, mt Coeuriesa . | d 54. LT: TT S'obmsgm + . : 857,3 DR GIDE nues le ce CON à ace Ju 0-0 SA moyenne 857,7 | 1292,4 3978 Tête-de-Rang, Sign. militaire et géodésique, sol borne, par Montbet&t.2l 0 nop..l" < : Sugumsogæ - . :| 988,0 » Chaumont! + - + |: : -… à . ., - . vhs » » 0 me 7 0 12 || 0088 DMOHASSErAIE 2 = te un Le LE LS 987,0 moyenne 987,8 | 1422,5 4379 Tête-de-Rang, cabaret, seuil porte, par Borne Côtette. . . |. + -,+ ... .. .. | 892,2 | SH RL LME OAPLUUR EEE 897,3 $ moyenne 894,7 |1329,4 4092 EURE. DR Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. —*#" Tourne , Sign. géodésique et borne militaire, sol par Montbet » Chevrou » Creux-du-Vent SUR LA MER. SUR LE MOLE. A, MÈTRES. MÈTRES. |£IEDS DE FR. MÈTRES. 854,9 854,3 - | S54,2 moyenne . 3968 Tourne, Sign. géodésique auprès de la précédente borne, par Racine . » » 857,5 856,3 854,6 » » »_ Montbet et inverse 855,1 » Chaumont et inverse . + + « | 856,1 moyenne || 856,2 | 1290,9 | 3974 Tourne, cabaret, sol porte d’entrée , par Sign. Tourne . 694,8 » Chevrou NUE 697,1 #- Montheb#s (4 Ga + 2: “à + und 698,4 moyenne | 3483 Tourne, point le plus élevé de la route entre l'auberge et les PONS un A. 51 Je MER AS. Travers, Pont, haut du parapet, aumilieu . Troisrod , campagne de Pierre, perron sur le jardin, par Cortaillod . » Chevrou moyenne Yacherie de l'Ile sur Chasseral, sol par Grand-Bois » Petit-Gibet moyenne Valanvron, Sign. géodésique, possession Haldy, par Pouillerel . » Berthière . NPA moyenne Valanvron Sign. géodésique, possession Bichon, par Berthière » Tête-de-Rang, - : » Sign. Haldy © + . .. . . D ICNASSETAL RO D'AMENER EU moyenne 576,6 || 1011,3, a = Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du niveau moyen de l'Océan. SUR LE MOLE. SUR LA MER. ETES uérars. [riens 0e va. Valanvron , Sign. géodésique, domaine Pélard , côté Ouest, HUNAERIEDONN TR CT SC: RL. = In 60 M Ge CET) NE PNR RE 539,2 | AREA ps er ui UN NTSC moyenne 539,4 974,1 2999 » Sign. géodésique, domaine Pélard , côté Est; PAST SION AN DST. 2 ne, | 519:0 ne ROBE UTC SR OR A 518,5 DRODSENYAHERENVErSE: PE. nn. Mo Ml. ner 518,8 REA RENE REC V5... 0: 0 (6496 moyenne |. . . | 519,0 | 953,7 | 2936 Valangin , château , mur de la terrasse, DARNTÉLES AE RAND 0 £ n à Lors 4 à 239,3 MRONDSELTAUONNNERSE Ds 1 5 0 © KE 240,9 5 AB E. ON REPPRTERETEER 239.6 MS ODSÉRNATOMINVErSE TU. el, ee 240 1 moyenne |. . .| 239,9 | 673,7 | 2074 Valangin sol de la route devant la fontaine . . . . : . |. . . 217,9 652 6 2009 » Pont de la Sauge, sol. . . . La. LOS 667,8 2056 Verrières , Sign. géodésique et militaire, mont d verrière, VÉRITCOTEAUXEFÉRS SOU ARR PER RO er Sn 783.8 | 1218,5 3751 Voens, Sign. géodésique sur les Rochers DANSCRIOSS DES TS MT PER cl 233.5 D COMER te AN ES CCR EE LA ER en + 233,6 DR CRDIES SANS EEE Ne et Eee PRE ie ne 233,2 SR DIUPIE RO Leon Et os 5107199807 +. NDLR ne RME RS NOERRRRE NE CRE 234,3 moyenne | . . . 233,5 668,2 2057 Vornieux , Sign. géodésique, près Lignières , | DA CASSETTE. ET EAU OF 2, 25056 »E ODSELVAUON IN VErSE 2 2e. ©. 02 . IL (603,5 moyenne |. . . 503,6 938,3 2891 Vuissens, ferme canton de Vaud . . . NEO ARE IT 449420 3666 Vully, Sign. géodésique au sommet du Vuilly TARUS LO RG EE PA 219,8 654,5 2015 Sig} S'Imier friangulation Primaire de la Sig -Hautemaison ne — NS = u PEN ne | Sig? Corne Chasséfal RTE de NEUCHAITRE Kg Pouilkrel. SM. J'aite de /636 a 1844. e Kg! Berthière 16! Grandbois S 1 200000 £chelle de Sig! fnges Sigl Tête deR ang.SM Sig! (aumont > "Sig Racine Sig! Joux SiglAnet,nour.}} fSig Châteleu Ag? Bellevaux Re Sig Saugs i8!Cretdel'Oure Sig! Vuillr, Sig! Sugi SL de la Prise Sig: Üreux du vent, VW 1 ; P x Sig: Monbet I ASTR Monlezi Sigl( halle S) fSig’ Bevax Sig! Gros Taureau Sig! Ruilléres | ; à Sig hevrou FA Sérohet NS : Le CE ILde POURTALES GORGIE [LE QT ere pet 1211 =}, n PCUUre Mauteri ve 2 ne NU CARTE DU FOND DES LACS DE NEUCHATEL ET DE MORAT "7 dessinée d'aprés les sondages de M'A GUYOT rer Glembre Ù Auernie rs elles sions propres pur Le CT Idée POURTALÉS GORGIER Onnerte Coneller< ji \ NAN Yverdun D 3 a S : ü nu ALL AK horua: > "1 Clumpioh* À, . uit — SET ? 7 A #N' 0! 9 Profils du Lac de Neuchätel Fey Coeur Profils du Lace de Morat Les Profondeur Echelle pour ln Carte Echelle des vronnées pur Echelle den Abscisses TABLE DES MÉMOIRES CONTENUS DANS CE TOME TROISIÈME. Nouvelles acquisitions: du Musée”. 2 : . . . .1. … Page 5. Poe membresde iSverélés nr Dis. € «2 2, 1, 7 14. I. QUELQUES RECHERCHES SUR LES MARAIS TOURBEUX EN GÉNÉRAL, par Léo Lesquereux, 140 pages, soit 17‘, feuilles. II. CATALOGUE DES MOUSSES DE LA SUISSE, par Léo Lesquereux, 54 pages. soit 13‘, demi-feuilles. III. ANATOMIE DES SALMONES, par L. Agassiz et C. Vogt, 196 p. et titre, soit 25 feuilles. (A ce mémoire sont annexées 14 planches). IV. NOTICE SUR LES DIFFÉRENTES FORMATIONS DES TERRAINS JURASSIQUES DANS LE JURA OCCIDENTAL, par Jules Marcou . .. .. . . . . . . . 3 feuilles. V. TABLEAU DES HAUTEURS AU DESSUS DE LA MER DES PRINCIPAUX POINTS DU CANTON DE NEUCHATEL, par M. d'Ostervald . . . . 30 pages, soit 3°, feuilles. VI. NoTiGE SUR LA CARTE DU FOND DES LACS DE NEUCHATEL ET MORAT, par Arnold 7 PT ART EN NNE ENECE RC k 5e ù 10 pages. eAIOMAM 24 AA .G sou C ‘ « ….HôeuM ul atoil le So el ofs 2 ouoesX Où 6 LAMAAOU. TE UNI TEE 2TAAUE 2ACE MS AMOR MILNLA AMOR è TH #Hiust TE io .esarq OW1 ROUTEURS T . GUL Lin spots A 164.27 morAnr Mi ” : N 29 tn! }Z tés JLOE APIROMEEOCES ) k e ANUC EE ÉYLACT ESUMESAAIIC SARIAAMNE NE 2AOPTAMAO ex Tr LAW C3 (4: LE AUS ONTOP tk AOTALN VE ATAtONT LUAGIDAIAE AMC MAN A NE DRAM LAS APATUUUE PME PASULA TS 2 NC Hor esped 06: . AosstaO tn 264, AT AHODA 20 l ts | 7 j . Le ne NE TE | ECS DONNE. 164 CAHOÏMM TN ÆENTAMNINF: M A ANG MAO. UNE MENAD Lt AE HORTOFE BY ea 01 Par? d À 1ow) vent! $ Ge a Vis lÉ LYS à | Ÿ LV | Ÿ