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| PRIX : 20 FRANCS DE FRANCE.
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IMPRIMERIE DE H. WOLFRATH,
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1845. Fe fo |.
NOUVELLES ACQUISITIONS DU MUSÉE.
Le Musée, dont le budget suffit à peine aux frais de port et de correspondance , s'est presque
uniquement accru de dons.
DE 14859—1840.
MM. le Ministre Gélieu, de St.-Sulpice, a donné
des fossiles du Jura.
Léo Lesquereux, des fossiles du Jura.
Alfred de Rougemont, un Tragopan du
Népaul et des Faisans.
Morel de Corgemont, des fossiles des en-
virons de Paris.
Célestin Nicolet, des doubles des fos-
siles précieux qu’il trouve à la Chaux-
de-Fonds.
Henri de Rougemont, une série de ro—
ches du bassin houiller de Valenciennes
et des fossiles de la même localité.
Adolphe de Rougemont, un Echidné épi-
neux et un Phalanger de la Nouvelle-
Hollande.
Perrin de Petrolo, des fossiles des Apen-
nins.
Dami, professeur à Montevarchi, des fos-
siles du Val-d’Arno.
Blanchet, des échantillons de Palmiers de
la molasse.
Le capitaine de Chaillet, son herbier et
ses manuscrits. Plus tard ses héritiers
nous ont remis son microscope, ses
presses et autres appareils de botani-
que.
Bovet de Fleurier, une précieuse collec-
tion de Polypiers et des coquilles.
MM. Jules Courvoisier, des Dendrites et fossi-
les de la molasse.
Steinmeyer, un bezoar de cheval.
Edouard Borel Lagnier a envoyé de Java
une collection de roches de l'ile de
Banca, et plus tard une collection d’oi-
seaux parmi lesquels se trouvait une
trentaine d’espèces nouvelles pour le
Musée et quatre paires d’Argus.
Favarger, chancelier, des coquilles de la
Méditerranée.
Le capitaine Savoye, un Daim mâle.
Théodore de Meuron, un jeune ours tué
dans le Jura Vaudois.
Auguste Vouga, quelques oiseaux man-
quant au Musée.
Frédéric de Rougemont de Mimont, des
fossiles de notre marne bleue.
Fornachon, boulanger, fils, une belle dent
de Pycnodonte.
Favre, directeur de la Trouée du Seyon,
un bel échantillon de Nautile et autres
fossiles de ce terrain.
Agassiz, une collection de plantes d'A-
rabie du voyage de M. Schimper.
Boissier, une collection de plantes d'Es-
pagne.
A. de Meuron, 61 quadrupèdes, 59 oi-
seaux et 1,300 coquilles terrestres.
MM. Agassiz, professeur, a continué de faire
préparer à ses frais des moules en
gyps pour le Musée qui ont procuré
des échanges très-nombreux et d'un
grand prix.
de Pourtalès-Steiger, des fossiles de la
Sicile.
Le docteur Borel, des préparations pa-
thologiques.
MIIe Suzette Reuter, 3 momies de Crocodiles.
Mmes Marie Anne Robert-Tissot, une médaille
du Grand-Frédéric, en bronze doré.
Godet, 2 médailles en bronze.
MM. Reynier, du Petit-Conseil, 7 médailles en
bronze et 5 en argent, laplupart ro-
maines.
Bovet, de Fleurier, un panier en ivoire.
Edouard Borel Lagnier, des monnaies de
Cochinchine d’une grande valeur.
Coulon, père, une collection de 348 mé-
dailles dont 14 en or, 1#7 en argent,
1383 en bronze, 4 en étain ; plus, un
étui antique en argent, et une bague
en or, trouvés dans le Seyon.
Alfred Berthoud, 9 belles médailles.
Le docteur Chatelain, à la Neuveville,
% médailles romaines en bronze et 1
en or.
Coulon, père, une superbe médaille en or.
Feu de Rougemont de Lüvenberg, le
hausse-col de François [°", ou de Henri
IL. Travail d'un grand prix attribué à
Benvenuto Celleni.
Le docteur Ferdinand DuBois, # médail-
les.
Un anonyme, une monnaie en argent, de
Saint-Gall, du 15% siècle.
le professeur Matile, un moule en plâtre
de l'inscription qui est à la porte de
6
la collégiale ; plus, une belle collection
de sceaux.
MM. Auguste Martin, concierge de la biblio-
thèque, 2 monnaies en argent.
Un anonyme, 75 médailles la plupart en
argent.
le Ministre Courvoisier, fils, une pièce de
5 francs, frappée grossièrement au mar-
teau pendant le siége de Cattaro en
1813.
d'Ostervald, 7 médailles, dont 2 en ar-
gent, les autres en bronze et en billon.
Mile Eugénie Paris, à Peseux, deux médailles
en argent.
MM. Chatenay-Vittnauer , une décoration für
Treue und Ehre. 1815.
Perrin, 3 pièces de métal configurées des
environs du lac Arno.
Louis Coulon, fils, # médailles en bronze
et 2 en argent.
Charles Godet, 51 petites monnaies de
de billon, de Suède, Danemarck, Saxe,
Meklenbourg , etc., et # monnaies en
argent de Géorgie et de Perse.
Le lieutenant Eugène Térisse, un don de
médailles romaines trouvées à Vin-
donissa et dans le pays, de monnaies
de Genève; plus des antiquités romai-
nes, trouvées dans les Tuilières au des-
sus de Saint-Blaise, consistant en ur-
nes, tuiles, et objets en fer, tels qu'une
clef romaine, mors de chevaux, fer-
mentes de porte, pêles, etc.
La famille de Merveilleux, une collection de
80 médailles, la plupart en argent.
La Vénérable Classe, son beau médailler (°).
(*) On saisit cette occasion pour remercier les personnes qui,
en 4840, ont bien voulu contribuer par leurs souscriptions, à
faciliter le retour de notre voyageur M. le D' Tschudi , avec
or —
1840—1841.
MM. Charles Roulet, de Marseille, des mol- | MM.
lusques et minéraux.
Strecker, quelques oiseaux mouches.
Louis Prince, un chevreuil pris dans le
Jura.
Mwe Lech, quelques oiseaux du Brésil.
MM. Chapuis, pharmacien, à Boudry, des fos-
siles des environs de cette dernière
ville.
Desor, docteur, à Boudry, des fossiles des
Diablerets.
Charles Lagnier, un Cacatoë à huppe
rouge.
Huguenin, du Locle, un Polatouche de
l'Amérique du Nord.
Frédéric Favarger, établi à Valparaiso,
un envoi très-considérable et précieux
composé de deux ballots d'armes et ins-
trumens des sauvages de la mer du
Sud, d’une caisse contenant239 oiseaux
parmi lesquels plusieurs paires de Con-
dors, et d’autres caisses contenant des
Polypiers, coquillages, etc.
Auguste Vouga a monté gratuitement,
pour notre Musée, une paire de Con-
dors et nous a remis quelques oiseaux
qui manquaient encore.
Jämes Touchon, une suite de minéraux
de l’île d'Elbe.
Louis Py, quelques échantillons de ro-
ches d'Italie et des fossiles des carrières
de la Chaux-du-Milieu.
toutes les collections qu’il a faites pour notre Musée , dans la
position la plus fàcheuse et avec un rare dévouement. Ces sous-
criptions ont puissamment contribué à la réussite d’une entre-
prise qui n’aurait eu sans cela aucun résultat avantageux.
Nos remerciemens s’adressent en particulier au gouvernement
qui a donné 1000 fr. dans ce but.
Alexandre Fornachon, consul à Mexico,
une riche collection de minéraux et des
plantes du Mexique.
Junod, directeur des ponts et chaussées,
une collection abondante de fossiles ré-
coltés dans le pays.
Théodore de Meuron, une tête d'ours.
Les chasseurs de la Brévine, un loup de
grande taille.
Louis Quartier dit Maire, une aigle Pi-
gargue pris au Cerneux-Péquignot.
Butin, pharmacien à Yverdon , un crus-
tacé intéressant.
Auguste Mayor-Chatenay, un homar de
New-Yorck, échantillon gigantesque.
Henri Steiner, des fossiles trouvés à la
Neuveville.
Léo Lesquereux, qui a classé et mis en
ordre notre collection de mousses, l’a
augmentée d’un grand nombre d'es—
pèces rares et nous a donné en outre
deux volumes de Cryptogames publié
par M. Mougeot.
Célestin Nicolet, des fossiles de la molasse
et une collection de 80 espèces d'Am-
monites.
Benjamin Stahl, des fossiles rares des en-
virons de notre ville.
Le docteur Zipser, de Neusol en Hongrie,
une collection de roches de ce der-
nier pays.
Edouard Borel Lagnier, nous a de nou-
veau envoyé de Java, une caisse de
mammifères contenant entre autres
4 espèces de renards et 8 espèces d'An-
tilopes que notre Musée ne possédait
pas encore.
MM. Les frères Wuillamy, horloger de la
couronne à Londres, des oiseaux de
Sénégambie et du Brésil, dont plusieurs
ne se trouvaient pas au Musée.
Matthieu, pharmacien, une collection
d'oiseaux du Brésil.
Alphonse Robert, maître-bourgeois, un
cerf Axis des Indes orientales.
Charles Fornachon, des fossiles de la
Trouée du Seyon.
de Chambrier, maire de Valangin, un
très-bel oursin.
Le docteur Borel, un échantillon patho-
logique.
Matthey, ancien membre du Petit-Conseil,
une suite d'objets ayant appartenu aux
sauvages de l'Amérique du nord.
Steinmeyer, 2 médailles turques en argent.
François Wavre, 66 monnaies diverses et
deux camées.
d’Ostervald, 7 médailles.
Frédéric Soret, inspecteur du Musée de
Genève, 38 monnaies et médailles ro-
maines, dont 19 en argent et 19 en
bronze ; plus # petites monnaies de
l'évêché de Lausanne.
Jämes Montandon , deux médailles en
bronze.
Frédéric Louis et Jämes Lorimier, 24 mé-
dailles intéressantes.
Auguste Martin, 17 monnaies de billon.
Un anonyme, une pièce Byzantine en or,
plus 42 médailles romaines, en argent,
bronze et étain.
Edouard Dubied , 2 grandes médailles en
bronze.
8
M.
MM. de Meuron, ancien châtelain, 88 mé-
dailles en bronze,
Le justicier Preud’homme, à Peseux, une
médaille en bronze.
MM. Henriod, concierge du gymnase, 14 mon-
naies en billon , une en argent.
Godet, 2 grandes médailles en bronze.
MM. Jean-Jacques Panier, de Cudrefin, une
médaille en cuivre.
P. L. A. Coulon , 2 médailles en billon,
3 en argent.
DuBois-Bovet, 8 monnaies en argent.
Le Comte Louis de Pourtalès-Gui, 2 gran-
des médailles en bronze.
Frédéric Marthe, 2 empreintes en gyps
de la collégiale.
Le comte de Vesdehlen , 2 empreintes des
cachets de René d'Anjou et de Char-
les-le-Hardy.
Le village de Corcelles, le relief de Saint-Geor-
ges, sculpture en bois de la fin du 15m€
siécle.
La famille de Merveilleux, une grande médaille
en bronze.
La famille David Paris, une médaille en étain
de la prestation des sermens de 1786.
Le conseil d'état a remis pour être placé au Mu-
sée une médaille du couronnement.
Les chasseurs ont contribués, par leurs dons à
enrichir le Musée comme les années
précédentes.
Agassiz a continué à faire à ses frais
des moules en gyps, qui par des échan-
ges ont contribué à enrichir considé-
rablement la collection des fossiles.
— 4
1841—18/2.
Me Favarger-Huguenin, graines et fruits des
Antilles espagnoles.
MM. Huguenin, ancien maire de la Brévine,
des fossiles du Chatelu.
le colonel de Bosset, des fossiles des en-
virons de Baden et de Leyde, ainsi que
de la montagne de Mæstricht, et un fer
de flèche trouvé sur le champ de ba-
taille de Laupen.
Charles de Pury, une collection des pois-
sons d'eau douce récoltée à Berlin, et
des minéraux venant du Hartz.
d'Ostervald, 52 échantillons de roches
récoltés dans les Grisons.
Calame, secrétaire d'état, une collection
de fossiles.
Jules Mercier, une collection de fossiles
récoltée à Helgoland et sur les côtes
du Danemarck, ainsi que des crusta-
cés et quelques antiquités de la Suède
et des fossiles des environs de Neuchâtel.
Ferdinand Belenot, un baril contenant
un Tamanoir dans l’eau-de-vie.
Alfred Berthoud, une collection de 600
espèces de plantes recueillies à Suri-
nam, ainsi qu'une très-belle collection
de poissons, mollusques et mammifé-
res conservés à l’esprit-de-vin.
Edouard Borel-Lagnier, une collection
de serpens et crustacés dans l'eau-de-
vie, ainsi que des armes et ustensiles
provenant des sauvages de Ja Nou-
velle-Zélande.
Ch.-Jos. LaTrobenous aexpédié, dela Nou-
velle-Hollande, des oiseaux, une riche
collection d'insectes, des coquillages,
des armures et 127 espèces de plantes.
MM. Adolphe de Rougemont nous a remis en
argent #00 francs de France pour faire
préparer des quadrupèdes, et en outre
20 médailles en argent.
Fritz Sacc, quelques oiseaux du Brésil.
J.-R. Schuttleworth, une collection de
125 espèces de plantes de l'Amérique
du Nord.
Jean Quinche, de Savagnier, coquillages
et crustacés,
Charles Touchon, des coquillages.
les chasseurs ont continué à enrichir le
Musée du produit de leur chasse, et Je
Musée a reçu en outre d'autres petits
dons trop longs à détailler.
Fritz Godet, une médaille en bronze du
dernier jubilé célébré à Berlin.
Eugène-Edouard Courvoisier, une aigle
en cuivre trouvée sur une giberne au
champ de bataille de Wagram.
Fréderic Marthe, des moules de masques
antiques et empreintes de reliefs de
St.-Jean.
Calame, de Peseux, deux pièces de billon.
Auguste Martin, # monnaies de billon.
Jämes Attinger, 6 monnaies en argent
et cuivre.
Reuter, une monnaie en argent.
Jämes Montandon, une médaille en argent.
Henriod, concierge, une monnaie en argent
Pernoud, de la Sagne, 2 grandes mé-
dailles en étain.
P.-L.-A. Coulon, des médailles en argent,
une en or, plusieurs en cuivre, et
. quelques antiquités.
le greffier Junier, une médaille romaine
en cuivre.
1l
MM. Houriet, lieutenant, 2 monnaies de billon.
Claude Borel , terrinier, une monnaie en
billon.
Un Anonyme, 23 médailles en argent et
en billon.
Mm° Marie-Anne Robert-Tissot, une médaille
en cuivre
Mlle Larsche , de St. Blaise, 8 médailles en
bronze et cuivre et une petite en or.
Des héritiers de feu Mlle Julie de Montmallin,
des parures de sauvages.
De la famille de feu M. le maire Huguenin de
la Brévine, des vitraux du temple du
dit lieu.
La famille de M. le Chevalier de Rochefort
nous a remis, à la mort de ce der-
nier, une grande collection de mé-
10
dailles d'or et d'argent, et un modèle
de vaisseau.
M. Tschudi.
C’est cette année que sont arrivées les
collections récoltées par M. Tschudi,
notre voyageur; elles ont procuré à
notre Musée un nombre d'objets très-
considérable, dont la plupart ne sont
point encore connus. L'administration
du Musée saisit encore cette occasion
pour adresser ses remerciemens aux
personnes qui ont bien voulu souscrire
à cette entreprise, qui, malgré son fà-
cheux début, et grâce au courage et à
la persévérance de M. Tschudi, a eu des
résultats trés-heureux pour l'augmen-
tation de nos collections.
1842—1845.
MM. Ferdinand Belenot, une collection d'oi-
seaux du Brésil et une paire de Condors.
Fritz Sace, des coquillages et mollusques.
Auguste Mayor, des objets dans l’esprit-
de-vin envoyés d'Amérique.
le comte Pietruski, des insectes de Po-
logne et un reptile rare.
Max Braun, quelques plantes du midi de
la France.
le professeur Guyot, des fossiles d'Italie.
le capitaine Richardet, deux œufs d’Au-
truche.
Gustave de Roulet ayant mis entrain
une souscription, a obtenu 300 francs
pour l'achat d’une lionne.
feu Louis-Auguste de Meuron, commis-
saire des forêts, un beau cerf.
le comte Frédéric de Pourtalès-Castellane,
un squelette de Giraffe.
MM. Frank, d'Amsterdam, 2 oiseaux de la
Nouvelle-Hollande.
Henri Fornachon, une collection d’'oi-
seaux du Mexique.
Jean Van den Bosch nous a fait deux en-
vois de Java, l’un composé d’une col-
lection de coquilles, l’autre de nids et
œufs de l’hirondelle Salangane.
Adolphe de Rougemont a continué de nous
remettre cette année 400 fr. de France
pour faire préparer des quadrupèdes.
d'Ivernois, de Paris, une collection d'in-
sectes du Brésil.
Agassiz, prof", deux Bucéros d’Abyssinie.
d'Erlach, deux animaux préparés.
Charles de Pury, docteur, quelques pièces
pathologiques.
Elie de Beaumont, de très-beaux poissons
fossiles du Brésil.
11
MM. Shuttleworth, une collection de plantes | MM. Louis Petitpierre , une monnaie des Etats-
MM.
Mme
MM.
de l'Amérique du Nord.
le capitaine Fritz Courvoisier, une momie
d'Egypte avec des antiquités et des
médailles précieuses.
Lacroix, missionnaire au Bengale, un
envoi considérable composé d'objets
d'histoire naturelle, et surtout d'objets
relatifs aux cultes idolâtres des Indous,
une collection de leurs divinités, et
des instrumens dont ils se servent pour
leurs usages domestiques, ainsi que
des antiquités très-précieuses.
de la commune des Brenets, une cou -
ronne.
Jeanneret, maire des Brenets, une petite
médaille en cuivre.
le lieutenant Houriet, quelques médailles
en cuivre.
Alfred Berthoud, deux médailles de M.
Brandt et une monnaie antique.
Guillaume de Merveilleux , une petite mé-
daille en cuivre.
1845—1844.
Georges Mandrot, des Guillemots et une
Perdrix d'Afrique.
Unis.
Edouard Perrochet, une grande monnaie
en or des rois de France.
Brandt, médailleur du roi à Berlin, des
médailles en bronze et en argent.
le capitaine Heinzely, 24 monnaies en
argent et en cuivre.
Duvernois, de Besançon , une grande
médaille en bronze de Louis xvr.
Fréderic de Chaillet, 8 médailles grecques
et romaines.
Chiffele, couvreur,une monnaie en cuivre,
le lieutenant Daniel Lardy, une médaille
en étaim de 1786.
Guye, des Bayards, 2 pièces de monnaies.
P.-L.-A. Coulon, 11 monnaies et une mé-
daille en argent et en bronze, et une
collection de 900 espèces de plantes
d’Abyssinie.
Le conseil d'état a bien voulu offrir au Musée
de notre ville, le musée d’antiquités
romaines formé à Colombier par M.
Fréderic Dubois.
Caire, des minéraux de l'ile d'Elbe et
des monnaies.
Henri Fornachon, une collection d'in | MM. Edoud de Pierre, deux fanons de baleines.
sectes et de coquilles du Mexique.
Jean Van den Bosch, des cigognes mara-
bout et autres oiseaux de Java.
la major de Sandol, des coquilles des
Indes.
Favarger, commissionnaire, un petit Sa
luth pris à Neuchâtel.
Muller, gypseur, nous a rapporté, de la
Nouvyelle-Hollande, un Ornithorhynque
des armes de ce pays, des fossiles du
Biolley , ingénieur des mines, une collec-
tion de minéraux.
Ferdinand Dubois, docteur, des fossiles
des environs de Mayence.
Nicolet, lithographe, des coléoptères de
l'Espagne et de la Sardaigne, et un
oiseau de l'Himalaya.
Agassiz, professeur, un chamois des Alpes.
Robert de Pourtalès, un Isard des Py-
rennées, et un Desman.
MM. Auguste Berthoud, de Naples, des cornes
de bœufs de Sicile et quelques oiseaux
d'Italie.
Guyot, professeur , les insectes de sa col-
lection qui ne se trouvaient pas au
Musée, et des fossiles du Piémont.
E. Desor, une paire d’Arvicola alpina.
de Salis, des pétrifications d'Angleterre.
Charles-Joseph Latrobe, un envoi consi-
dérable d'objets de la Nouvelle-Hol-
lande, composé de 40 espèces d'oiseaux,
d'une riche collection d'insectes, de
Mn:
MM.
plantes et d'armes.
Célestin Nicolet, des coquillages récoltés
sur les côtes de la Chine.
Kuenzy, deux quadrupèdes de la Nou-
velle-Hollande.
Fritz Guébhard, un castor des bords du
Rhône.
Charles-Louis Fornachon, deux quadru-
pèdes de la Nouvelle-Hollande.
François Petitpierre, une collection de
plantes des environs de Genève.
Schuttleworth, 150 espèces de plantes de
l'Amérique du Nord.
Lesquereux, une collection complette des
mousses du pays.
Georges Dubois, une pièce pathologi-
que.
12 —
MM. de Roulet de Mézerac, une collection de
90 espèces de coquilles terrestres et
fluviatiles de l'Amérique du Nord.
Henri Reynier, une médaille de Henri 11
de Neuchâtel.
Auguste Martin, des médailles en argent.
François-Louis Evard, de Boudry, un
hamac fait par les indiens du Brésil.
François Beaujon, divers objets de St-Jo-
seph dans la Patagonie, et un tissu fait
par les filles d’un Cacique.
Fritz de Rougemont, une collection de
noix de l'Amérique du Nord.
le maire des Brenets, une médaille.
D'un anonyme, une collection de 74 médailles,
4 en or, 14 en argent.
MM. Je capitaine Claparède, une monnaie en
argent.
Auguste Bourquin, un bocal en tissu.
Houriet, lieutenant, 5 monnaies antiques
du pays.
Rochias, 2 médailles en cuivre et une en
argent.
Mmes Greininger, 10 médailles en argent, 14 pe-
tites en or, et d’autres objets.
de Vassimont, 6 miniatures de M. de
Bosset.
Mlle Sillimann, des objets d'arts chinois et
javanais.
1844-1845. 7
Mile. Caroline Guyot, de la Jonchère, des co-
quilles recueillies à Dublin.
MM. Léo DuPasquier, des plantes, des co- |
quillages et des antiquités du Brésil.
Marquard, un grand coq de bruyère déjà
empaillé.
le colonel Louis de Meuron, des coquil-
lages et des empreintes de médailles.
MM. Blanchet, des poissons fossiles et des co-—
quillages.
les comtes Albert et Guillaume de Pour-
talès, une collection considérable d'oi-
seaux de l'Abyssinie et des coquillages
de la mer Rouge et du lac de Génézareth.
Mme Cookworthy, des coquillages des Mers
du Sud.
Mo
MM.
Mmes
MM.
Courant, un œuf de Cacatoë.
Schuttleworth, une tête de guanaco et
quelques oiseaux du Chili.
Maunoir, des coquilles du Nil.
le docteur DuBois, une mächoire de Pyc-
nodonte.
le comte Robert de Pourtalès, une collec-
tion d'oiseaux et coquillages récoltée
en Ecosse.
Agassiz, des poissons de Norvège et du
Groenland.
Thuiller, une collection de roches et mi-
néraux du Vésuve.
le docteur de Castella, des préparations
pathologiques moulées et coloriées.
Coulin, notaire et justicier , des pétrifica-
tions du Jura.
Madelaine Dessouslavy, une médaille de
Henri 111.
Babelle de Tribolet, une cuillère antique
en argent.
Franç$ Beaujon, un tissu de la Patagonie.
le comte Albert de Pourtalès, une collec-
tion de 498 médailles, dont une en or
et 242 en argent.
Fréderie Borel, une pièce d'or du moyen-
âge trouvée à Avenches.
Jämes Touchon, 10 médailles, dont 8 en
argent et une en or.
J.-G. Dessouslavy, peintre, deux mé-
dailles en bronze.
Auguste Martin, 7 médailles en argent
et 2 en bronze.
Bastardoz, une monnaie en argent.
Dardel, lieutenant, une médaille romaine
trouvée à St. Blaise.
Mme
Fréd. Verdan, 28 médailles en cuivre,
11 en argent et 1 en fer.
Péter, commissaire, une grande médaille
bernoiïse.
Rochias, une médaille en argent et deux
en cuivre.
Nicolet, lithographe, un portrait de l’em-
pereur de la Chine.
Fritz Fôldscher, une monnaie antique de
Florence. !
Francçois-Louis Claparède, des pantoufles
de Constantinople.
Un anonyme, un hausse-col des officiers
de la république.
du gouvernement, 2 médailles de Brandt.
Coulon, une monnaie en or , 7 en argent
et 7 en cuivre.
Auguste Sillimann , une giberne des né-
gres de l'Afrique.
Jeannot, justicier aux Brenets, 103 mé-
dailles monnaies en bronze et billon.
le châtelain Meuron, une ancienne mon-
naie de Fribourg.
Eugène Jeanjaquet, {0 monnaies en cuivre
des Etats-Unis.
L'Eturno, à St. Blaise, 3 monnaies en
argent.
Des héritiers ‘de M. le colonel Charles-Phi-
lippe de Bosset, une collection de mé-
dailles grecques, de lacrymatoires, des
figurines en terre cuite, des flèches du
champ de bataille de Marathon, des
ornemens et objets de parures trouvés
dans les tombeaux de Céphalonis et
autres objets d’antiquités et d'histoire
naturelle.
Le Drrecreur pu MUSÉE.
MM.
MM.
MM.
MM.
14 —
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.
SECTION DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE.
Année de réception.
de Joannis, professeur
Ladame, professeur
Matthieu, pharmacien
Humbert, pharmacien
le Comte de Pourtalès-Sandoz
J. F. d'Ostervald . . . ,
1832
1832
1833
1833
1833
1836
MM.
SECTION D'HISTOIRE
Agassiz, professeur .
Louis Coulon fils .
Auguste de Montmollin .
P. L. A. Coulon .
G. FE. Gallot
Charles Godet .
Arnold Guyot , professeur
Fritz de Rougemont .
Jämes Schouffelberger
le ComteF.de Pourtalès-Castellane
1832
1832
1832
1832
1832
1832
1832
1833
1833
1834
MM.
Année de réception.
H. Nicolet .
Fritz Sacc, professeur
Jâmes Touchon, pharmacien
Louis Baillet, pharmacien
Schaus, pharmacien .
Gustave de Pury . . ,
NATURELLE.
Monvert, professeur .
Alexis Roulet, instituteur
Jämes DuPasquier, pasteur .
Alfred Berthoud
le Comte Alex. de Pourtalés .
Auguste Schouffelberger .
Jämes Berthoud
Gustave Jeanjaquet
Louis de Perrot
Théodore de Meuron .
SECTION DE MÉDECINE.
Borel , docteur.
de Castella, docteur .
Reynier, docteur .
Fréd. Coulon, docteur
Sace père, docteur
1832
1832
1832
1835
1837
MM.
Ferdinand DuBois, docteur .
Charles Favre, docteur .
Bovet, docteur
Ancker, vétérinaire
SECTION DE TECHNOLOGIE ET D'AGRICULTURE.
Son Exc. M. le général de Pfuel
Louis Favre
DubBois-Bovet.
Favarger, chancelier .
François de Montmollin .
Alphonse Terrisse.
Victor-Ernest Droz
Louis de Bosset
183%
1835
1837
1837
1837
1837
1837
1838
MM.
Fréderic de Meuron .
Alphonse Diacon .
François Fornachon .
Alphonse Guillebert, pasteur
Alphonse Coulon .
Georges DuPasquier .
le Comte H. de Pourtalès-Gorgier
1837
1838
1840
1842
184%
1844
1835
1837
1837
1837
1838
1338
1841
1841
1844
1845
1837
1838
1843
1844
1841
1841
1844
184%
1844
1844
184%
15 —
MEMBRES CORRESPONDANS OÙ NON RÉSIDENS.
MM. Albert de Buren,
Auguste Vouga,
Louis Godet,
Célestin Nicolet ,
Charles Bovet,
Louis Couleru,
Léo Lesquereux ,
Jules Jurgensen ,
Jean F. D. Andrié, pasteur,
J. F. Jeanneret, pasteur,
Georges DuBois, docteur,
Falconner Atlee,
Charles Roy,
Edouard H. Brandt,
Georges Perrin,
Edouard Piquet, pasteur,
Ibbetson,
Justin Billon,
Charles de Pury, docteur,
H. L. Ou,
Chapuis,
Alphonse Droz, docteur,
Mairet,
Robert d'Otto,
Irlet, docteur,
Jean Laurent Wurflein,
Edouard Ladame, pasteur,
Rodolphe Hotz, pasteur,
Aug. S. Alex. Bonhôte, pasteur,
Favre, instituteur,
Eugène Savoie,
Isaac Charles Ducommun,
Louis Ulysse Ducommun,
Fréderic Courvoisier,
Auguste Courvoisier,
Louis de Pury,
Vaumarcus
Cortaillod
Pologne .
Chaux-de-Fonds
Boudry
Neuveville.
Fleurier .
Locle .
Locle . :
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Angleterre
St.-Jean
Auvernier.
Petrolo
Locle .
Londres
Chaux-de-Fonds.
Chaux-de-Fonds .
Cortaillod .
Boudry
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds.
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds
Chaux-de-Fonds
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Année de réception.
1832.
1832.
1832.
1833.
1835
1835.
1835.
1837.
1837.
1837.
1837.
13837.
1538.
1838.
1838.
1338.
1838.
1841.
1842.
1842.
1842.
1844.
1844.
184%.
1844.
1844.
1844.
1844.
1844.
1844.
1844.
1844.
184%.
1844.
1344.
1844.
MM. Louis Brandt,
Genseli, mécanicien ,
Louis Bovy,
John Bovy,
Aurèle Robert,
Daniel Matile, maire,
Victor Gibollet,
16 —
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds .
Chaux-de-Fonds
Chaux-de-Fonds .
Sagne .
Neuveville .
MEMBRES HONORAIRES.
Année de réception.
MM. Persoz, profess., Strasbourg .
le baron d'Olfers, Berlin
3. J. de Tschudi , docteur, Glaris
Ch. Schimper, doct., Munich. .
le Comte Pietrusky, Pologne
A. Gressly, Soleure .
3. Dinckel , Munich.
E. Desor, Neuchâtel.
Damy, professeur, Asti .
Redfield, New-York.
Wagner, Philadelphie
Léon de Joannis, Toulon
1832.
1833.
1837.
1837.
1837.
1837.
1837.
1837.
1837.
1838.
1838.
1839.
MM. Edouard Borel-Lagnier, Batavia
Année de réception.
1844.
1844.
1844.
1844.
1844.
1845.
1845./
Année de réception.
1839.
le Comte Henckel de Donnersmarck 1839.
Léopold de Buch, Berlin
Elie de Beaumont, Paris
L. Bellardi, Turin
de Sismonda, Turin.
W. Schimper, Strasbourg .
Mougeot, Bruyères .
Muhlenbeck, Mulhouse .
Edouard Vaucher, Mulhouse
Schuttleworth, Berne
J. Géné, Turin.
MEMBRES DÉCÉDÉS DEPUIS LA DERNIÈRE PUBLICATION.
MM. Allamand, docteur, recu en
Reynier, pasteur .
Eugène Terrisse .
Junod , ingénieur.
Louis de Meuron.
Adolphe de Rougemont .
Luttringhausen, professeur,
Philippe Zode.
de Bosset, colonel
MM. Voltz, Paris
1832, mort en
1833, —
1838, —
1840, —
1836, —
1837, —
1837, —
1835, —
1832, —
Membres honoraires.
Le Jeune, colonel, Metz.
1840, mort en
1839, —
1840.
1840.
1840.
1843.
1843.
1844.
184%.
1845.
1845
1841
1842
11
1840.
1840.
1840.
18#1.
1844.
18%4.
1844,
1844.
1845.
1845.87
QUELQUES RECHERCHES
SUR
LES MARAIS TOURBEUX
PAR
LÉO LESQUBREUX
NEUCHATEL (SUISSE).
IMPRIMERIE DE HENRI WOLFRATH,.
1844.
Mis han à Safi Es
AVERTISSEMENT.
En soumettant ces recherches sur les tourbières au jugement de la Société d’ Émulation
patriotique, je dois dire quelles raisons m’ont empêché de suivre le plan publié pour le
concours.
J'aurais pu répondre purement et simplement aux questions proposées par la So-
ciété; mais ce travail n’aurait pas atteint le but, puisque plusieurs des problèmes les
plus intéressants de la formation des tourbières seraient restés sans solution. Ne fallait-il
pas, par exemple, une fois la reproduction de la tourbe prouvée, établir les règles
qui peuvent aider l’œuvre de la nature, fixer le mode d’exploitation le plus favorable,
etc. Mais ceci se rattache tout-à-fait à la pratique, aussi bien que l'influence de la
culture et du desséchement sur la tourbe; et une fois cette partie commencée, il n'y
avait aucune raison pour la laisser inachevée. La partie scientifique s’excusera peut-
être moins facilement. Cependant j’ai cru qu’il n’était pas inutile de mettre cet ouvrage,
quelque peu important qu’il soit, à la hauteur des récentes découvertes de l'Histoire
naturelle, et de grouper ainsi en un seul faisceau tout ce qui, s’éloignant un peu des
connaissances ordinaires, peut servir à éclairer la théorie que j'ai émise de la formation
de la tourbe.
J'ai donc établi trois grandes divisions, la théorie, la pratique et la science. Si ce
plan a nécessité quelques répétitions, il rendra l’ensemble plus clair, plus facile à com-
prendre et laissera au lecteur le choix, de s'attacher à ce qui l’intéresse le plus.
Il n’existe en français aucun livre spécial sur les dépôts tourbeux. Les observations
faites par de Luc sont disséminées dans ses Lettres philosophiques ; elles n'ont d’ailleurs
Gay)
aucun côté pratique. Le Manuel de Renaud de la Platrière est si rare qu’il m'a été
impossible de me le procurer dans les librairies de Paris, bien qu’il soit cité par Beudant.
Et parmi les auteurs allemands, Wiegmann, le seul dont l’ouvrage soit un peu répan-
du, n’a envisagé la question que sous le point de vue chimique. Si l’on me blâme
d’avoir traité le sujet des tourbes d’une manière trop générale, cette lacune, ce besoin
d’un ouvrage sur l’ensemble des tourbières, sera mon excuse.
Il y aurait beaucoup à dire pour chercher des excuses aux imperfections de cet ou-
vrage. Eüt-il quelque mérite, je ne pourrais me l’attribuer. Le Conseil d’Etat du canton
de Neuchâtel m'a généreusement aidé, en me fournissant les moyens d'entreprendre des
travaux que ma position ne m'aurait pas permis de faire. MM. Agassiz, Desor, Godet
de Neuchâtel, Ed. Vaucher, Muhlenbeck, Mougeot, M. P. Schimper, naturalistes d’Al-
sace, se sont intéressés à ces études, et les ont encouragées de leurs bienveillants
conseils. Qu'il me soit permis de leur en témoigner ma sincère reconnaissance.
Fleurier, 28 octobre 1842.
QUELQUES RECHERCHES
SUR
LES DÉPOTS TOURBEUX
EN GÉNÉRAL.
ED (OT Cm ——————————
$. 1. PARTIE THÉORÉTIQUE.
INTRODUCTION.
L'emploi de la tourbe, comme combustible, remonte à une’ haute antiquité. Les
peuples du nord de l'Europe, les habitants des plaines sablonneuses des bords de la
Baltique et de la mer du Nord, brülaient cette matière au lieu de bois dès le temps des
Romains. Du moins Pline écrit dans son histoire de la nature, XVE, 1, que les Chauces
font leur feu avec une espèce de terre qu'ils font sécher à l'ombre. La combustion
accidentelle. de quelques dépôts tourbeux aura peut-être fait connaitre aux hommes la
valeur de la tourbe. Des incendies de cette nature ont dù être jadis assez fréquents,
puisqu'ils le sont encore maintenant. Ce que rapporte Tacite dans ses Annales, XIE, 57,
en parlant d'une grande combustion du sol dans les environs de Cologne, n'est
sans doute que l'incendie d’un marais tourbeux.
Ce n’est cependant guère qu'au milieu du 17° siècle qu’on a commencé à s'occuper
de la tourbe sous le rapport technique et scientifique. En 1621, de Lambreville vit pour
la première fois exploiter de la tourbe en Hollande, et fit connaitre ce nouveau com-
en
bustibles à la France. Le premier ouvrage sur cette matière fut écrit par Schook, Hol-
landais, en 1658. C’est un livre rempli d'erreurs et d'observations fausses, qui eut
pourtant le mérite d’attirer l'attention des savants sur la formation des combustibles
minéraux. En 1665, Charles Patin publia à Paris son Traité des tourbes qui mérite à
peine d’être mentionné. Degner, Hollandais, est le premier qui parait avoir sérieuse-
ment observé les marais tourbeux et décrit quelques-uns des accidents les plus fréquents
qui s’observent à leur surface. Après lui et à mesure que le besoin de combustible s’est
fait sentir dans quelques états de l'Europe, on s’est toujours plus préoccupé d’un
sujet qui semble au premier coup-d’œil fort peu intéressant et de médiocre importance.
Des sociétés savantes ont proposé des prix. Celle de Goœættingue en 1750 , couronna
un ouvrage de Bansen ; dix ans plus tard celle de Copenhague accepta celui d’A-
bildgaard (*) ete. Ainsi, un assez grand nombre de traités ont été successivement publiés
surtout en Allemagne, autant pour chercher à expliquer la formation de la tourbe que
pour indiquer les meilleurs moyens de tirer parti du combustible. En 1851, l'académie
de Berlin ayant de nouveau mis au concours la question de la production et de l'essence
de la tourbe, Wiegmann, professeur de Brunswig; en fit le sujet d’un mémoire. Ses
idées sont généralement admises, parce qu'elles sont fondées sur de sérieuses ana-
lyses chimiques.
Comment se fait-il que malgré ces savantes recherches, ces nombreuses publications, la
tourbe soit encore si peu connue , si peu étudiée , c’est ce qu’il est assez difficile d'expliquer.
Il'est dans la nature de ces faits qui attirent peu l'attention, soit que pour les reconnaitre il
faille des études préparatoires fort longues et des spécialités très-caractérisées ; soit que
par leur simplicité même ils échappent aux continuelles investigations des curieux. On
ne peut d’ailleurs étudier la matière tourbeuse et sa formation que sur les marais mêmes,
et ces plaines humides, uniformes, abandonnées ont dans leur aspect quelque chose de
peu attrayant. Et comme la nature n’élève la croissance de la tourbe qu’avec une ex-
trème lenteur; que le phénomène ne peut être appréciable à l'œil même des vieillards;
que les plus belles hypothèses de cabinet sont ordinairement renversées par les observa-
tions locales qu'on peut faire varier à l'infini, on se contente de notions vagues sur cette
partie de la géologie qui au premier abord semble à la portée de tout le monde. Aïnsi
se sont accréditées une foule d'erreurs qui n’ont aueun fondement réel. Emises par
quelque savant, elles reparaissent invariablement chez tous les auteurs qui ont traité le
même sujet, et qui trouvent plus commode de jurer sur la foi du maitre que de re-
prendre ses observations pour les contrôler.
(1) Dau Neues Handbuch über den Torf. Page 2.
A
La question de la production des marais tourbeux mériterait cependant une étude
attentive et suivie. Sans parler des profits que certains gouvernements retirent de
l'exploitation de leurs tourbières, chacun convient que le bois devient chaque année plus
rare, que les forêts s’éclaircissent et disparaissent, et l’on sent de plus en plus le besoin
d'utiliser une matière qui le remplace dans les cas les plus pressants. Mais l’incurie
qui a amené la destruction des forèts s’oppose également à l'exploitation des marais
tourbeux. Le principe de la reproduction de la tourbe n’ayant été jusqu’à présent ni
bien expliqué ni généralement admis, les propriétaires les plus économes se bornent à
perdre le moins possible de la matière qu’ils enlèvent au sol, sans s'inquiéter s'ils favo-
risent ou s'ils anéantissent les chances d’une régénération dont ils ne tireront aucun
profit. Car les hommes n’aiment pas à prévoir un avenir difficile pour d’autres, quand
leurs propres besoins sont satisfaits sans peine. Chaque génération lègue volontiers à la
génération suivante sa science, ses monuments et sa gloire; mais difficilement une part
d’un tranquille bien-être qui lui coûterait quelques sacrifices et un peu de son repos.
Ainsi généralement, dans notre Jura du moins, on prend la tourbe où on peut l'enlever
avec le plus de facilité, sans s'inquiéter nullement des chances de reproduction. On l'ex-
ploite sans ordre, en creusant des canaux souvent nuisibles aux propriétés voisines; où
en s’ôtant à soi-même toute possibilité d’une exploitation subséquente. Si les inconvé-
nients très-graves qui résultent de ce désordre et de cette ignorance, sont maintenant
peu appréciés, ils deviendront bientôt d’autant plus sensibles, qu’une fois le mal établi,
il sera presqu’impossible de le réparer.
Ce petit travail qui doit répondre aux questions proposées par la Société d’émulation
patriotique du canton de Neuchâtel, a essentiellement pour but d'attirer les regards de
l'autorité sur nos dépôts tourbeux menacés d’anéantissement. Nos hautes vallées juras-
siques n’ont presque plus d’autre combustible que la tourbe. Sans ce moyen offert par
la nature aux habitants des contrées froides, pour lutter contre les rigueurs du climat,
nos vastes foyers d'industrie seraient peut-être abandonnés ; or l'avenir de notre patrie
est'intéressé au bien-être de cés nombreuses populations d'ouvriers qui vivent d’un tra-
vail sédentaire dans la température glacée de nos montagnes. Cette idée ne suffirait-elle
pas pour’ rendre le sujet intéressant et pour stimuler les recherches et les expériences qui
dévront un jour résoudre les questions qui restent encore problématiques ?
CHAPITRE 1°.
ASPECT GÉNÉRAL DES MARAIS TOURBEUX.
Vue de loin, la surface des dépôts tourbeux de quelque étendue parait entièrement
plane et horizontale. Tel est l'aspect que présente le fond de la vallée des Ponts quand
on la voit depuis le Creux du Vent; telle est encore la vaste plaine des marais du Seeland,
qui ressemble assez à un grand lac recouvert d’un verdoyant tapis de végétaux. De près,
la vue d’une plaine tourbeuse a quelque chose de triste. La végétation en est uniforme.
Ce sont des gramens courts et ligneux, qui ne sont entremélés que bien rarement de
quelque fleur à gracieuse corolle et à couleur éclatante ; ce sont des lits épais de mousses
jaunâtres, parmi lesquelles surgissent quelques arbustes rabougris couverts de lichens,
et les feuilles allongées des jones. Çà et là des bruyères et des airelles, quelques bouleaux
dont la blanche écorce contraste avec la verdure de leur maigre feuillage, des pins dont
la croissance semble arrêtée par une vieillesse anticipée, et quelques chétifs peupliers
au tronc noueux et courbé. Partout le silence et la monotonie, car, à l'exception de
certains insectes, aucun animal ne se plait sur ce sol spongieux et détrempé, où le pied
de l’homme ne se hasarde qu'avec précaution. Cette spongiosité, ce peu de consistance
de la surface des marais tourbeux sont tels, que dans quelques localités, sur les sommets
du Rhoën, en Thuringe, par exemple, il y a du danger à les parcourir et surtout à
s'arrêter long-temps au même lieu, puisque la couche supérieure qui recouvre parfois
un limon presque liquide, est formée d’un tissu de végétaux encore trop mince et trop
peu compacte pour soutenir le poids du corps sans se briser.
Cette triste apparence est cependant quelquefois déguisée par des accidents particu-
liers. Ainsi, certains dépôts tourbeux sont enfouis sous des couches de sable ou d’humus
que le temps a rendues fertiles. La culture s’est souvent emparée de ce sol et de riches
campagnes s'étendent sur des matières combustibles que les hommes découvriront plus
tard pour leurs besoins. M. Smith a même observé des dépôts tourbeux dans l'ile
de Madère , sous quelques centaines de pieds de calcaire compacte; ils sont par con-
séquent antérieurs aux derniers soulèvements géologiques du globe. Le plus souvent
les marais tourbeux, avec leur végétation particulière et très-peu variée, remplissent le
le fond des vallées humides et froides, s'étendent au bord des lacs, sur les rivages de
= S —
la mer ou suivent le cours des fleuves qui coulent lentement dans des contrées basses
où leurs eaux s’étendaient jadis.
Cependant la tourbe ne se trouve pas seulement là où il a existé un amas d’eau per-
manent. Ces dépôts couvrent quelquefois des crêtes de montagnes arrondies et descen-
dent en manteau sur leurs flancs (‘). Dans les Alpes et les Vosges, comme en Irlande,
on les observe souvent sur des pentes mêmes assez fortes, inférieures aux petits lacs ou
aux glaciers qui les arrosent.
Leur étendue varie autant que leur gisement. Vers le nord,.les marais tourbeux sont
des plaines immenses où lon ne peut pénétrer qu'en hiver. Dans le milieu de FEurope
et dans nos vallées jurassiques, ils ont une étendue très-variable, de quelques toises à
quelques lieues carrées ; dans les montagnes plus élevées, leur grandeur diminue et on
en rencontre qui n’ont que deux à trois pieds de superficie. Les différences qu’on observe
dans la profondeur et l'aspect extérieur des couches, dans la couleur, le poids et la
composition de la matière tourbeuse, sont également variées à l'infini.
Il est toutefois deux grandes divisions qu’il importe de bien établir pour faciliter les
recherches à faire sur les marais tourbeux. Ces divisions ont été d'ordinaire méconnues.
Plusieurs auteurs ont écrit leurs livres après l'inspection d’un seul genre de dépôts, et
il en est résulté de graves erreurs et des opinions qui ne pouvaient être justes qu’acci-
dentellement ; d’autres, au contraire, ont voulu admettre un grand nombre de forma-
tions différentes , et ont ainsi compliqué sans nécessité le problème de la formation de
la tourbe. En observant avec attention les diverses couches de tourbe mises à décou-
vert par les exploitations, on peut tout d’abord se convaincre que plusieurs d’entr’elles
se sont formées sous l’eau, tandis que d’autres se sont élevées sur un sol tant seulement
humecté et sans avoir jamais été immergées. Les faits cités en preuve de la formation
de la tourbe vont établir mieux encore cette distinction des marais supra-aquatiques ou
émergés et des marais infra-aquatiques où submergés. I peut arriver sans doute que la
première de ces deux formations soit superposée à la seconde; mais toutes les formes
accidentelles n’en trouveront pas moins leur place dans l’une ou l’autre de ces deux
catégories.
@) Mougeot in-litter.
CHAPITRE IL.
PREUVES DE LA FORMATION DE LA TOURBE.
La tourbe est-elle un composé des débris de végétaux qui ont cru et qui crois-
sent encore à la surface des marais, ou bien est-elle, comme l’ont prétendu quelques
auteurs anciens, un dépôt laissé dans les bas-fonds par le déluge ou de grandes inonda-
tions et dont la matière est tout-à-fait indépendante de la végétation supérieure. Bien
que cette dernière hypothèse ne soit plus admise par personne et qu’elle soit éliminée
par les plus simples observations , elle a cependant été soutenue par des hommes trop
célèbres pour qu'il soit possible de passer leurs opinions sous silence. Le chimiste Stehl,
les naturalistes Scheuchzer et Funk ont prétendu que la tourbe est une substance pure-
ment minérale, une terre mélangée de résine, d'huile, de soufre et d’autres matières
qui la rendent combustible. Ce n’est là qu’une modification de l’idée de Charles Patin,
le premier auteur français qui ait écrit sur la tourbe ; il dit : qu’elle est un amas de
terre dans laquelle il y a une disposition de longue main qui la met en état de faire du feu
el de l’entretenir (*). Gette matière s’engendre continuellement de même que le bitume et le
soufre qui entrent dans sa composition (*). Un certain Patridophilus, cité par Wiegmann (°),
soutient que par le déluge tout un monde organique s’est trouvé enfoncé sous les eaux;
que plus ou moins détrempé, divisé, soulevé par les flots, il a été de nouveau déposé
sur la terre, que les parties les plus volumineuses, les plus pesantes, ont été entrainées vers
les lieux bas et qu’elles y ont formé originairement les marais les plus anciens et les
meilleurs, pour la qualité de la tourbe; que la partie supérieure, la moins compacte des
dépôts, a été formée par le reste de ces matières qui, arrêtées sur des pentes et des
collines supérieures, ont été dans la suite entrainées et entassées sur Jes anciens dépôts
par les pluies et d’autres accidents. Riem(!) attribue la formation de la tourbe à la fertilité
du fond de la mer qui, dans de grandes inondations, aurait jeté sur ses rivages et même
dans l’intérieur des terres, des végétaux dont la décomposition aurait produit. le com-
(1) Traité des tourbes combustibles, par Ch. Patin (1663) page 17.
(2) Id. page 23.
6) Wieymann Uber die Entstebung, Bildung und das Wesen des Torfes.
() Riem Abhandlung vom gesammten Torfwesen. Dresden 1794.
æ ù —
bustible. Bose (!) est à-peu-près du même avis; cependant il modifie ce système en disant
que les marais continuent à la vérité de s'élever par la décomposition des plantes qui les
couvrent, mais que le principe de cette formation est dû au transport de couches sous-
marines qui auraient été déplacées par les cataclysmes terrestres, tout comme les autres
couches géologiques. Sur ces matériaux primitifs, germe d’une végétation particulière,
se seraient entassées d’autres parties combustibles qui auraient augmenté la masse de
tourbe qui existait déjà dans le principe ; des îles de débris flottants auraient jailli du fond
des mers pour aller s’arrèter dans les vallées et même sur les montagnes. Cette théorie
ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle attribue à la masse primitive cette faculté
particulière, de nourrir des plantes tout-à-fait différentes de celles qui croïissent sur
d’autres sols et de s’accroitre de leur substance.
Plusieurs auteurs enfin, Voigt le premier (*), ont pensé que la tourbe est une espèce
de végétation souterraine et particulière, un tissu de racines qui continue à croitre, à
s'élever de lui-même, sans que les plantes de la surface aient aucune influence sur cette
croissance. Deux Anglais, le docteur Plott et le docteur Anderson, ont encore, en 1799,
soutenu cette opinion et envisagé la tourbe comme un véritable végétal sui-generis ,
composé de débris d’autres plantes.
Ces diverses opinions n’ont pas besoin de réfutation sérieuse. Les preuves de la for-
mation de la tourbe par décomposition successive des plantes de la surface, montreront
assez combien elles sont peu fondées.
En effet, il suffit de suivre un instant l'exploitation d’un seul de nos dépôts tourbeux
jurassiques, pour se convaincre que la matière combustible repose d'ordinaire sur une
terre noire dans laquelle on trouve déjà enfouis une grande quantité de troncs et d’arbres
entiers de même espèce que ceux qui croissent encore sur les marais ou dans les forêts
voisins. En s’élevant du fond vers la partie supérieure d’une tourbière, on reconnait
encore facilement que ces arbres et ces troncs sont mêlés à la masse entière, non
point sous la forme de débris flottés, mais tels qu'ils ont dû croitre, avec leurs filaments
radiculaires, leurs rameaux les plus faibles, les plus fragiles, et sans présenter aucune de
ces formes émoussées qu’on voit toujours plus ou moins sur les bois qui ont été entrainés
par les eaux. En poursuivant ces observations sur les restes de plantes qui sont assez bien
conservés pour pouvoir être analysés et reconnus, on retrouve d'ordinaire dans toute
l'épaisseur de la masse tourbeuse les mêmes espèces que celles qui couvrent la surface,
et dans les marais d’eau douce, on ne voit jamais une seule parcelle de plantes ma-
() Bose Das ganze von der Torfwissenschaft. Leipzick, 1802.
() Woigt Versuch einer Geschichte der Stemkohlen, Braunkohlen und des Torfes. Weimar, 1782.
= HE
rines. Si l’on observe la coupe verticale d’une couche de tourbe, après l’exploitation,
et qu’on redescende de la partie supérieure vers le fond, on voit les végétaux vivans
qui conservent encore toutes leurs formes, les perdre peu-à-peu par des nuances in-
saisissables et arriver enfin à l’état de tourbe. Les plantes herbacées se noircissent les
premières, elles se décomposent et forment une pâte de plus en plus compacte, dans la-
quelle les arbustes ligneux, comme les bruyères, les airelles, les bouleaux nains, parais-
sent encore avec toutes leurs formes, leur écorce, leurs fruits, etc., qu'ils conservent
souvent jusque dans les couches les plus basses. Cette décomposition successive et pro-
portionnée à la profondeur où sont les plantes, prouve d’abord que les marais tour-
beux n’ont pas été apportés dans les vallées par des inondations, mais qu'ils ont été
formés sur les lieux mêmes, puisque, s’il en était autrement, la matière aurait la même
apparence dans toute son épaisseur. Elle montre en outre que ces marais, entiérement
composés de végétaux qui sont encore à la surface, ne peuvent devoir leur origine à
quelque mode de croissance souterraine dont on serait au reste fort embarrassé d’ex-
pliquer la nature. \ à
L'existence antérieure de forêts sur les lieux mêmes où gisent les dépôts tourbeux,
et leur croissance après la destruction de quelques-unes de ces forêts, sont attestées
par une foule d'observations dont il est bien facile de tirer des conclusions. Rennie, auteur
anglais, dont nous apprécierons les opinions, dit que sous un grand nombre de tour-
bières de la Grande-Bretagne on trouve des forêts entières renversées sans doute par des
ouragans, puisque tous les arbres y sont couchés dans le même sens à côté des troncs
encore debouts et brisés à la hauteur de quelques pieds. La couronne des arbres est
tournée vers le nord-est et c’est bien du sud-ouest que soufflent en Angleterre les vents
les plus violents. M. Shuttleworth , savant botaniste irlandais, a observé la même chose
au fond de la plupart des tourbières basses de sa patrie. Ce phénomène, à peine modifié,
a également été reconnu en Hollande et dans le nord de Allemagne. Sprengel rapporte
que le grand marais de Giffhorn, principauté de, Lunebourg, qui a une épaisseur de
vingt-six à vingt-huit pieds, une longueur de six lieues et une largeur d’une lieue, repose
sur une forêt de pins, de chènes «et de bouleaux renversés par les flammes, car tous les
arbres et leurs racines portent des marques évidentes des atteintes du feu. En soumettant
le charbon aux analyses chimiques, l’auteur s’est convaincu qu'il n’est nullement le
résultat d’oxidation ou de combinaisons souterraines, mais produit par une cause toute
naturelle.
J'ai moi-mème observé dans les marais des Ponts (Jura), un cas analogue et fort
curieux. Cette année même (1842) une exploitation vis-à-vis des Cœudres a mis à dé-
couvert des dépôts de cendres d’une épaisseur de un à deux pouces sous lesquels la tourbe
En
est carbonisée à trois pouces de profondeur. Ces cendres sont nécessairement dues à une
combustion qui a jadis eu lieu à la surface. La croissance continue les a recouvertes en-
suite de huit pieds de tourbe. Non-seulement ces dépôts de cendres ne peuvent pas
être envisagés comme des restes d’un embrasement souterrain, puisque par la privation
de Pair il n’y aurait eu qu'une simple carbonisation, mais on est même forcé de les
admettre comme des preuves de travaux humains. En effet, ces amas de cendres for-
més en cercles, sur un diamètre de deux pieds environ , sont au nombre de douze à
quinze éloignés les uns des autres de quelques pas et tous à la même distance. Ils repré-
sentent parfaitement les feux qu'on allume encore souvent à la surface des tourbières
quand on veut les cultiver. Car alors les habitants de nos montagnes entassent ainsi par
monceaux séparés les débris de la découverte et les brülent pour préparer le labour.
De ces faits, nous sommes en droit de tirer les mêmes conclusions que des analyses
végétales. On ne peut admettre comme dépôts diluviens , ces matières qui recouvrent
_ des forêts de notre époque, des forêts qui n’ont pu croître qu'après les dernières inon-
dations historiques. On ne peut admettre comme germe de la formation de la tourbe ni
dépôt marin, ni couche minérale, puisque le sol que recouvraient ces forêts est le même
que celui sur lequel vivent encore les arbres de même espèce et ne peut être différent.
Il faut donc que la croissance de la tourbe ait eu son commencement, puisqu'elle n’a pu
s'élever subitement, et telle qu’elle a commencé , elle a dû se continuer à travers les sié-
cles, comme elle se fait encore de nos jours.
Quelques preuves historiques viendront à l’appui de cette opinion , qui n’est d’ailleurs
maintenant combattue par personne.
On trouve souvent au fond des marais des troncs d'arbres qui portent évidemment l’em-
preinte de la hache. Jai vu moi-même ces empreintes sur des troncs extraits de nos
tourbières jurassiques. Elles étaient surtout très-visibles sur une grosse souche de chène
d’une dixaine de pieds de longueur, que des ouvriers retirèrent cette année du fond des
dépôts tourbeux des Verrières. Dans les marais des Ponts, des hommes dignes de foi ont
vu aussi, au fond des exploitations, des arbres dont le tronc avait été visiblement coupé.
Rennie raconte que dans le marais près de Renssew, il a vu extraire de la tourbe un trone
dans lequel était implantée une hache de fer d’une forme particulière. Et au fond du
marais de Halfied suivant le même auteur, on a trouvé quelques arbres coupés, d’au-
tres percés, d’autres à demi fendus au moyen de coins de bois et de pierre ; auprès étaient
des haches brisées semblables à celles que les Romains employaient pour leurs sacrifices.
Ces restes d’ustensiles romains se rencontrent encore assez souvent au fond des dépôts
tourbeux. On à recueilli en Hollande, en Allemagne, en Angleterre, etc. , des médail-
les, des cruches, des arrosoirs, des vases de cuivre et de terre. Et si lon voulait pré-
9
y 1 D)
tendre que ces objets se sont enfoncés dans la tourbe par la facilité avec laquelle cette
matière se laisse traverser par les corps pesants, assertion que j'envisage comme fausse,
on ne pourrait cependant faire la même objection pour les constructions en bois qu’on
a trouvées aussi recouvertes de couches de tourbe très-épaisses. Sur les deux bords
d’un marais de Kinkardine, on voit à la surface du sol les deux extrémités d’une route
romaine dont le milieu s'enfonce sous la tourbe. L'exploitation a mis à découvert cette
chaussée à huit pieds de profondeur. Elle est faite de deux assises, l’une de pièces de
bois de neuf à douze pouces d'épaisseur, posées dans le sens de la longueur , l’autre
de plateaux pris en travers et d’une épaisseur moitié moindre. Dans la province Hol-
landaise de la Drenthe, on a retrouvé dans une construction à-peu-près semblable et
sous une couche de tourbe de huit à dix pieds d'épaisseur, un pont de bois construit
par Germanicus dans sa campagne en Germanie (*). On peut aussi dans notre Jura citer
un fait semblable ; caril existe depuis le village des Ponts à travers le marais, parallèle-
ment à la route maintenant établie et à une vingtaine de pieds de distance , une ancienne
chaussée en bois recouverte de trois pieds de tourbe. La construction en est tout-à-fait
la même que celle de la voie romaine de Kinkardine, et selon la tradition elle était en-
core viable en 14517, on la trouve mentionnée dans des actes de cette époque sous
le nom de Pontinet.
Ces constructions à large surface auraient-elles pu aussi s’enfoncer dans la tourbe?
c’est ce qu’il est impossible d'admettre. L’effort de soulèvement causé par les gelées a dû
être au contraire très-considérable et très-sensible. On ne peut donc donner d'autre
explication de ces faits si ce n’est celle d’un envahissement successif des végétaux qui
composent la tourbe, et qui, s’étant établis sur ces chaussées humides, ont fini par les
recouvrir et par les enfouir sous leurs débris annuels, dès qu’elles ont été abandonnées.
Ainsi le milieu même des couches tourbeuses comme le sol sur lequel elles reposent,
fournissent des preuves évidentes de la croissance de la tourbe. La surface pourrait en
donner aussi, si celles que nous avons citées ne suffisaient pour dissiper tous les doutes.
Tous ceux qui habitent dans le voisinage des hauts marais du Jura sont convaincus
qu'ils ne cessent de s'élever. Cette élévation est même parfois si rapide que dans les an-
nées pluvieuses, on peut pour ainsi dire la mesurer à l’œil. Il existe, par exemple, dans
quelques marais de l'Allemagne , de petits monticules de sable qui surgissaient jadis au
milieu des vallées tourbeuses, que les habitants se souviennent d’avoir vus et dont ils ci-
tent les noms. Maintenant ils sont enfouis et cachés sous la tourbe qui, après s’être éle-
vée jusqu'à leur niveau, a fini par les recouvrir. Ceci donne la meilleure raison possible
(:). Professeur Senf in litt.
— ON,
de la constante horizontalité des marais tourbeux. Au moyen de quelques observations
trigonométriques ; il serait facile de mesurer cette croissance pendant un certain nombre
d'années. Car si, d’un point fixe sur le bord d’une vallée , on en aperçoit un autre vis-
à-vis par une ligne qui touche la surface du dépôt tourbeux, il y aura nécessairement
interruption dans la ligne visible, si la tourbe continue à s’élever. On trouve ainsi dans
nos marais tourbeux jurassiques une foule d’exemples isolés qui ont pu donner aux
plus simples la preuve la plus positive de la croissance des tourbières. Le capitaine Be-
noit, botaniste distingué, placé sur un pont qui traverse le ruisseau près du village des
Ponts, voyait dans son enfance, à travers le marais, tout le toit d’une maison située sur
le revers septentrional de la vallée. Dans sa vieillesse, il n’en apercevait plus que le pi-
gnon. Depuis quelques années que cet homme est mort, le dépôt tourbeux placé entre
les deux points visibles s’est élevé assez pour qu’on ne puisse plus rien apercevoir de la
maison. Serait-il besoin de citer d’autres observations analogues pour prouver que l’en-
tassement des débris de plantes qui croissent sur les marais tourbeux en augmente sans
cesse la massse, et que c’est à cet entassement qu’est due leur origine ?
CHAPITRE III.
OPINION DES AUTEURS MODERNES SUR LA FORMATION DE LA TOURBE.
Tous les auteurs modernes qui ont écrit sur la formation de la tourbe ont rejeté l’hy-
pothèse d’un dépôt instantané de matières , pour reconnaitre une élévation par couches
successives produite par la décomposition des végétaux qui croissent à la surface du sol.
La question pour en être réduite à ce point, est loin d’être résolue. En effet, quelle est
la cause de cette singulière formation? Est-elle un résultat pur et simple de la vie végé-
tale? Les éléments chimiques qui se trouvent mélangés à la matière sont-ils accidentels ,
secondaires, des effets de la fermentation ou de quelque modification dans la forme pri-
mitive, ou devrons-nous admettre la préexistence de quelqu'un de ces éléments comme
ET
nécessaire à la croissance de la tourbe. Comme une hypothèse ne peut être vraie qu’au-
tant qu’elle explique tous les phénomènes connus, toutes les formes sous lesquelles se
montre le travail de la nature, nous passerons en revue ceux des systèmes qui ont eu le
plus de célébrité, afin de savoir s’il en existe un qui satisfasse à toutes les exigences des
faits, et qui ne laisse rien de problématique.
S'il est peut-être un peu long de suivre ainsi les théories les plus connues pour les ré-
futer, ce travaii n’est point inutile. Il servira à faire mieux connaître quelques-unes des
circonstances particulières dans lesquelles se rencontrent les tourbes, à montrer mieux
les diverses apparences de la matière et les accidents qui ont agi sur certains dépôts pour
y produire des modifications que les généralités ne sauraient expliquer.
Le premier système qui mérite d’être étudié est celui qui attribue la formation de la
tourbe à la destruction des forêts et à l’agglomération et la décomposition de leurs dé-
bris. Des savants très-distingués, surtout des Anglais, ont soutenu cette opinion. Nora
en 1761 (!) écrit : «que dans les temps anciens le sol étant partout recouvert d’épaisses
forêts, les débris ligneux furent chaque année emportés vers les bas-fonds marécageux ;
que les arbres qui croissaient dans le voisinage se pourrissant, tombèrent et augmentèrent
la masse tourbeuse, et qu’enfin les graminées, les jones et les roseaux , s’étant établis
dans ces eaux basses, aidèrent à l’accroissement de la tourbe. »
Stevinus (*), à la fin du 17° siècle, affirme : « que tous les marais tourbeux ont
été originairement d’épaisses forêts situées dans des lieux bas et humides, et qu’ainsi les
forêts qui subsistent encore dans les mêmes circonstances seraient avec le temps changées
en marais si on les laissait intactes. Car les arbres, périssant à la longue, seraient ren-
versés par les vents ou par d’autres causes et formeraient bientôt après, par leur décom-
position, une couche de tourbe de quelques pieds de hauteur. »
Arends (°), (Agriculture de la Frise orientale), modifiant cette hypothèse , s'exprime
ainsi dans un langage très-poétique : «IL y a bien des siècles que tout le nord de l’Alle-
magne était encore recouvert par la mer. Tout-à-coup les eaux de l'Océan se retirèrent,
peut-être par la destruction de cette grande Atlantide dont Platon, entre autres, nous
parle. La Prusse , le Danemarck , la Hollande , la Frise orientale et toute l'Allemagne
du nord sortirent des flots. Mais cette nouvelle création était déserte et vide. On n’y
voyait nulle trace d'animal; aucun oiseau n’y faisait entendre ses chants ; aucune plante
ne venait y fleurir. C'était un immense désert de sable qui avait en longueur trente à
(1) Dau, pag. 81 et suivantes.
(2) Dau, pag. 82.
(5) Dau, pag. 83.
=
quarante journées et une largeur de huit à douze. Des contrées plus élevées, les vents
et les torrents du ciel apportèrent d’abord des semences de toute espèce. Les plantes
parurent, les forêts s’élevèrent et la végétation attira les animaux sur ce sol désert. Bien-
tôt les forêts devinrent plus épaisses surtout dans les contrées basses , et les rayons du
soleil ne pouvant plus pénétrer sous leur feuillage épais , il s'y forma un acide dans les
eaux qui ne pouvaient s’écouler. Les débris de bois , les broussailles , les plantes se
changèrent en une terre acide, stérile, qui forma le sol tourbeux. Les arbres périrent
peu-à-peu , furent renversés et devinrent un aliment pour le marais. Et quand la plaine
fut découverte et exposée à l'action de l'air et des rayons solaires, il était trop tard :
la nature du sol ne put être changée, car il était imprégné de cet acide, L'eau des
pluies s’y mêla et ainsi commencèrent à croître les plantes marécageuses qui convenaient
à ce sol et qui firent de plus en plus élever ce dépôt primitif. »
A cette brillante hypothèse succède celle d’Andersen , ( Le duché de Sleswig a-t-il à
craindre une disette de combustible) , qui répète l'exposé précédent, en le modifiant par
l'opinion de Nora. «Les forêts, dit-il, qui couvraient le sol, périrent sur place après
avoir atteint leur âge naturel. L'air et l'eau ayant décomposé de grands végétaux et
porté les débris dans les lieux bas, il se forma une espèce de bouillie végétale, masse
brune, gélatineuse, gluante, qui contenait des acides, des résines, des éléments di-
vers, suivant les diverses espèces d'arbres dont elle était composée. Des vallées plus ou
moins grandes, jadis couvertes ou environnées de bois, devinrent ainsi les tombeaux des
forêts. L'eau fit les fonctions de fossoyeur pour entrainer ces matières , les enfouir dans
leurs .gommes , leurs résines , leurs sels, leurs acides, etc., et les conserver comme des
momies pour les âges futurs. Ainsi les arbres qui croissaient dans le voisinage et qui n’é-
taient point encore décomposés , renversés par les vents ou amenés par les torrens et les
inondations (*), furent comme embaumés dans ce limon où nous les trouvons encore
aussi frais qu'ou moment de leur chute. La nature recouvrit ces cimetières de végétaux
d’un tapis bigarré de certaines plantes que nous connaissons maintenant comme espèces
particulières à la tourbe, et qui puisèrent leur nourriture là où d’autres végétaux n’au-
raient pu vivre à cause de l'acidité et de l’acreté de ces bois rendus fluides. Ces plantes
aussi périrent, se décomposèrent et augmentèrent ce limon qui se raffermissant de plus
en plus, produisit par sa maturité ce que nous nommons tourbe. »
Le plus ardent et le plus savant défenseur de ce mode de formation est Rennie. Dans
ses Essays on the natural history and origin of Peat Moss, ilrapporte, pour l’appuyer, une
() Curieuse idée qui suppose des torrents assez forts pour amener des grands arbres , tout en laissant
sur place la bouillie qu'ils traversent !
— D
foule de détails et de faits historiques qui prouvent une vaste érudition et de nombreu-
ses recherches , mais dont on ne peut malheureusement tirer aucune conclusion certaine
sur le mode de croissance de la tourbe et sur son origine. Quelque intéressantes que
soient en effet les preuves historiques , il est difficile et dangereux de s’en servir pour
expliquer le travail de la nature. Dans le cas particulier, par exemple, les circonstances
dans lesquelles se présentent les dépôts tourbeux sont si variées, qu’une affirmation vraie
pour un lieu ne l’est plus pour un autre. Ainsi, nous l’avouons, cette théorie de la forma-
tion des marais tourbeux par la destruction primitive des forêts, semble prouvée par un
grand nombre de faits. Sans rappeler les narrations de Tacite, de César, de Tite-Live,
de Pline, etc., il est certain que l'Europe, le nord surtout a été fort long-temps couverte
d'immenses forêts presque impénétrables, dont les débris auraient pu former de puissan-
tes couches de limon végétal. Et si l’on n’a observé que les hauts-marais , ceux que nous
avons nommés supra-aquatiques , on aura pu facilement en conclure que la tourbe ne se
forme que sur des dépôts d'arbres, puisqu'on la trouve presque toujours ou superposée à
des troncs, à des racines, ou entremêlée d’une grande quantité de souches ligneuses. La
terre noire qui est d'ordinaire au fond de ces dépôts semble aussi avoir été formée par les
premiers débris des végétaux ligneux , et il est évident qu’elle a la plus grande analogie
avec celle qui couvre le sol sous les antiques forêts de quelques-unes de nos hautes
vallées jurassiques. Mais ceux qui ont observé un grand nombre de dépôts tourbeux ,
auront pu se convaincre que , loin d’être toujours situés dans les enfoncements où les
eaux peuvent charrier les débris des côteaux voisins, ils se trouvent souvent, comme nous
Pavons déjà dit, sur des pentes très-inclinées. C’est le cas surtout sur les roches de for-
mation schisteuse , et alors ces dépôts, souvent peu profonds, ne sont mélangés ni de
débris de bois, ni de troncs renversés. Ainsi, dans les vastes marais de l'Irlande qui re-
couvrent les montagnes à une grande élévation, on rencontre bien au fond des vallées les
troncs et les grands arbres sur les lieux mêmes où les ouragans les ont renversés, mais à
mesure qu’on quitte la plaine et qu’on monte vers une plus haute région, les arbres dis-
paraissent entièrement et la tourbe sans mélange de souches et de racines repose immédia-
tement sur le roc. De ceci nous pouvons conclure : 1° que la présence des forêts et la dé-
composition préalable de leurs débris ne sont point nécessaires à la formation de la tourbe,
même dans les hauts marais ; 2° qu’il est impossible d’admettre que ces dépôts soient for-
més de débris ligneux charriés par les vents et les eaux, puisque même dans nos monta-
gnes calcaires du Jura, par exemple sur le sommet de Pouillerel, ces marais se trouvent
assis sur des pentes et des croupes d’où ces restes de végétaux auraient dü être enlevés ,
si quelque force extérieure avait agi sur eux ; 5° qu’enfin si l'influence de la décomposi-
tion préalable du bois, l’acide, avait pu se faire sentir dans un sens tout opposé à la force
d'A
de la pesanteur et remonter sur les pentes avec les plantes qu’il nourrit, il resterait à
expliquer le moyen employé par la nature pour produire un phénomène tout contraire
à l’une de ses lois les plus générales.
La meilleure réfutation des théories précédentes se trouve dans l'examen des marais
lacustres et marins. Favoue qu'avant d’avoir observé attentivement cette formation sous-
aquatique, si différente de celle qui se présente d'ordinaire dans nos montagnes, j'aurais
volontiers adopté quelques-unes des idées de Rennie (*). Mais sur les bords de nos lacs
comme sur les rivages de la mer, la tourbe se présente comme une masse qu’on pour-
rait dire homogène. On y reconnait dans toute la couche, en décomposition plus ou moins
avancée, les plantes qui eroissent au fond et au bord des eaux ; mais on n’y voit ni arbres,
ni racines, ni aucun tissu purement ligneux qui puisse faire penser qu’elle s’est formée
sur des débris de forêt ou amenée par les eaux ou ayant vécu sur place. Au bord du lac de
Neuchâtel, la tourbe repose immédiatement sur le sable et non plus sur la couche de
terre noire qui se trouve souvent sous les dépôts émergés. Les stratifications qui carac-
térisent les couches tourbeuses des montagnes n’y sont point du tout marquées. Seule-
ment ça et là le dépôt est interrompu et partagé par une assise de sable ou de gravier
qui a sans doute été rejetée par une élévation du niveau du lac. La présence de ces
couches étrangères qui auraient dû arrêter l'influence des éléments chimiques, s'ils exis-
taient, et par conséquent la croissance de la tourbe, serait encore une preuve suffisante
contre les théories que nous avons rapportées.
L'opinion la plus généralement répandue parmi les auteurs qui se sont occupés de
recherches sur les marais tourbeux est celle-ci: c’est que la matière s’est formée lente-
ment dans les étangs, dans les lacs, sur les bords de la mer et des fleuves , et dans les
eaux peu profondes en général; qu’elle s’y est formée de débris de végétaux aquati-
ques dont l’entassement successif a produit les couches que nous découvrons maintenant,
et dans lesquelles les végétaux ont conservé leurs propriétés combustibles. Il est inutile
sans doute d’énumérer tous les auteurs qui ont reproduit cette idée en la modifiant plus
ou moins. Crôme et Dau en Allemagne, DeLuc en Suisse, Renaud de la Platrière en
France, en sont les plus célèbres partisans.
Crôme dans un traité de chimie agricole, rapporte plusieurs expériences de chimie
faites sur les cendres de tourbe, puis il expose ainsi son système sur la formation du com-
() C'est à M. le professeur Agassiz que je dois d’avoir rectifié mes idées sur la croissance de la tourbe
que je supposais partout la même. Et c’est en parcourant avec cet illustre savant nos tourbières du haut Jura
et celles des bords du lac de Neuchâtel, que j'ai dû admettre la grande distinction que j'ai tout d’abord
établie, entre les dépôts émergés et immergés.
= 146 =
bustible : «Les couches de tourbe différent beaucoup entre elles. La partie supérieure
des dépôts est en général composée de fibres végétales et de mousses non décomposées, et
forme une masse légère et spongieuse dont l'épaisseur varie de un à un pied et demi.
Au-dessous de celle-ci , paraït une couche où l’on trouve déjà moins de matières non dé-
composées, dont la densité est plus considérable, d’un poids spécifique plus grand et
contenant déjà plus de parties combustibles. L’épaisseur en est ordinairement d’un à
deux pieds. Plus bas on trouve la dernière et la meilleure couche composée presque
entièrement de matières végétales réduites à l’état pâteux, mélées avec des substances
minérales et formant une masse d’une consistance homogène. Elle fournit la meil-
leure tourbe , mais elle est souvent difficile à exploiter à cause de l’eau qui s’amasse dans
les fosses. Les animaux et les plantes des marais ou plutôt leurs restes décomposés par
l'air, la chaleur, la lumière et l’eau, ont formé la tourbe. Cette formation ne se fait pas
rapidement ; -des siècles, même des milliers d’années sont nécessaires pour cela ; et
nous voyons d'ordinaire que la tourbe est d’autant meilleure qu’elle est plus ancienne.
» Les plantes qui concourent à la formation de la tourbe sont certainement diffé-
rentes suivant les pays où elles croissent. Les végétaux cryptogames aquatiques et les
petits animaux qu’ils nourrissent forment sans doute le premier limon qui s’entasse au
fond des eaux stagnantes. Ces petits cryptogames qui vivent dans l’eau attachent leurs
racines au bord des fosses à des plantes plus grandes ou sur le fond même des marais.
D'une contexture très-simple , ils croissent avec une rapidité extrême, végètent peu de
temps, pourrissent bientôt et laissent au fond des fosses un premier lit de vase. Ordi-
nairement en même temps, mais souvent quelques années après, on y trouve mélangés
des végétaux plus grands (Crôme les énumère). Ces plantes, après avoir vécu là plusieurs
années , préparent la place pour une nouvelle race végétale et concourent par leur dé-
composition à accroître la couche limonneuse. Quand ces végétaux et les animaux qui
y vivent ont posé le premier fondement de la tourbe , on trouve à la surface des eaux
quelques autres plantes qui sont le composé essentiel de cette matière. ( Crôme nomme
avant toutes les autres , les diverses espèces de sphaignes). Ces mousses et ces plantes
nagent d’abord sur l’eau et forment bientôt par l’effet de leur accroissement rapide une
légère couverture flottante dans laquelle d’autres espèces peuvent prendre racine. Ces
petits végétaux poussent chaque année de nouvelles tiges vers le haut; leur partie in-
férieure périt, et de cette manière la tourbe ou la matière limonneuse croît en quelque
sorte chaque année de haut en bas. Le tapis flottant devient enfin assez ferme pour of-
frir un sol d’une propriété particulière à d’autres plantes qui augmentent chaque année
la matière. »
Après avoir observé que le gisement des tourbes est très-varié, que si elles se trou-
dr “HE à
vent d'ordinaire dans les contrées basses , on les rencontre aussi dans les montagnes éle-
vées , l’auteur ajoute: que toujours il faut de l’eau pour la formation de la tourbe, et
que celle matière ne peut naître sans eau.
Crôme, savant botaniste et chimiste en même temps, semble avoir basé son système
de la croissance primitive sur l’examen du mode de reproduction. Or, quoique ces faits
puissent avoir une grande analogie, il n’y a pas toujours identité entre ce qui se passe
maintenant dans les fosses ouvertes, remplies d’eau, entourées de tous les éléments qui
favorisent l'établissement des végétaux tourbeux, et ce qui s’est passé jadis à la surface
du sol ou au fond des eaux pour la production primitive de la tourbe.
Et d’abord , l’exposé de la forme apparente de la matière n’est pas conforme à ce que
nous montre la nature. Si parfois les couches les plus müres , les plus noires , les plus
denses se trouvent dans la partie inférieure d’un dépôt tourbeux , le contraire a lieu
aussi très-souvent. L'examen des causes qui modifient la qualité et la composition de la
tourbe expliquera la raison de toutes ces apparences de la matière , indépendamment
de la profondeur où elle git.
Au contraire des partisans de la formation de la tourbe sur les forêts détruites ,
Crôme semble n’avoir observé que des marais immergés. Il affirme donc que la tourbe
ne peut exister sans eau , ce qui est loin d’être toujours vrai. Car dans les cas les plus
nombreux , la végétation tourbeuse est supérieure au niveau naturel de l’eau, et cette
surélévation qui se continue , le système de Crôme ne l'explique pas plus que celui d’au-
cun de ses partisans. La propriété de ce sol qui nourrit certaines espèces de végétaux
servant à augmenter la matière reste aussi tout-à-fait inconnue. Des arbres , comme les
bouleaux et les pins, couvrent les tourbières ; ils tombent, et loin de se décomposer,
comme il arrive dans toute autre situation, ils se mêlent à la masse, conservent leurs
propriétés combustibles et restent enfouis pendant des siècles sans rien changer à leur
contexture, à leur forme apparente, et sans subir aucune modification. Tous ces phéno-
mênes que constituent la formation de la tourbe ne sont point expliqués, car cette décom-
position produite par l’aër, la chaleur, la lumière et l'eau, ne donne certainement pas la
raison des dépôts tourbeux. Les végétaux soumis à l’air et à la lumière produisent une
terre non combustible, qui est l’humus. Si la tourbe s’élève et se forme sous l’eau comme
l’établit le système précédent , ils sont par conséquent soustraits à l'influence de l'air. La
densité des touffes de plantes, surtout des mousses qui couvrent la plupart des marais,
empèche la lumière de pénétrer sous leur verdoyant tapis ; et cependant c’est au-dessous
de la partie qu’elles recouvrent, à un pied de ‘profondeur, que l’on aperçoit les pre-
mières apparences tourbeuses. La lumière ne parait donc avoir aucune action sur cette
formation. Quant à la température, elle sera appréciée par les expériences rapportées
3
>
dans la partie scientifique. Mais nous pouvons déjà remarquer ici que les marais tourbeux
s'étendent davantage et s'élèvent à une plus grande hauteur dans les contrées froides que
dans les régions tempérées, et qu’on ne les rencontre jamais dans les pays chauds. Il est
done permis d'éliminer d’entrée ces trois agens dont au reste Crôme n’a nullement ex-
pliqué l'influence. C’est une erreur commune à un grand nombre d’auteurs qui ont
écrit sur ce sujet, d’avoir vu dans la formation de la tourbe le résultat d’une certaine
fermentation particulière à cette matière, tandis qu’elle provient au contraire des obsta-
cles qui s’opposent à la rapide décomposition. Les couches inférieures des tourbières
restent toute l’année à une température extrêmement basse, et l’on sait que toute fer-
mentation développe un certain degré de chaleur qui serait certainement appréciable par
les comparaisons avec la température moyenne de l'air.
Dau a le premier bien observé et bien décrit les différences entre les marais tourbeux
formés sous l’eau et ceux qui se sont élevés sans bassin d’eau préalable. Il a vu que la
plupart des grands marais ont eu leur origine là où l’eau avait pu avoir de l’écoulement
et où elle ne s’est jamais élevée à la hauteur de la tourbe. Nous pourrions citer à l’ap-
pui de cette vérité la formation de la plupart de nos marais jurassiques. Dau décrit des
marais de Lithuanie doni la tourbe a trente-six à quarante pieds de profondeur et autant
d’élévation au-dessus des plaines et des eaux voisines, de sorte qu'ils forment de vérita-
bles montagnes.
La théorie de cet auteur n’a rien d’original, rien qui la distingue de celle de Crôme,
si ce n’est l’explication qu'il donne de l'élévation du centre de ces dépôts émergés. II
ne connaissait ni la botanique ni la chimie, il a donc dû particulièrement étudier et rap-
porter les opinions de ses devanciers et de ses contemporains. Suivant Dau, pour former
un marais tourbeux , il faut un sol peu enfoncé, qui ait la propriété de retenir l’eau à sa
surface. La tourbe commence donc à croître sous l’eau, même dans les hauts marais. « Sur
ce terrain végètent d’abord les plantes qui aiment l'humidité. Dès que par les débris de
quelques-unes de leurs générations , elles ont formé une couche assez considérable de li-
mon, elles doivent disparaître, puisqu'elles ne croissent pas sur un sol tourbeux, et céder
la place aux mousses, aux gramens et surtout aux bruyères (°). Cependant la matière
aura déjà atteint une élévation de quelques pieds, de sorte que les enfoncements étant
comblés, elle formera une plaine horizontale, la végétation continuant, le marais ne ces-
sera de s'élever et la croissance du centre sera toujours plus active que celle des bords.
() Cette idée est incompréhensible et l'auteur aurait sans-doute été bien embarrassé d'expliquer en vertu
de quel principe les plantes non tourbeuses forment la tourbe, et par quelle raison elles ne peuvent plus
croître sur le dépôt qu'elles ont formé et sont forcées de disparaître pour céder leur place à d’autres vé-
gétaux
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L'humidité plus grande et plus concentrée vers le milieu du dépôt, Fécoulement de l’eau
par les bords, les dégâts des animaux qui paissent souvent aux limites des marais sans
pouvoir pénétrer vers le centre et qui de plus broient et détruisent les végétaux qui for-
ment la tourbe, la présence même des insectes , qui s’y rendent depuis les sables voisins
et qui ne se hasardent pas dans l’intérieur , telles sont les causes de la convexité des ma-
rais tourbeux. »
Nous pouvons répéter à l'égard de la théorie de Dau ce que nous avons dit de celle
de Crôme, c’est qu’elle n’explique nullement les faits connus : elle ne dit pas en vertu de
quelle loi l'élévation a lieu , ni comment il se fait que l’eau soit transportée des profon-
deurs de la masse jusqu’à une hauteur de trente pieds et plus. Car Dau a lui-même ob-
servé que sur le marais de Dosen près de Neumunster en Holstein, dont le centre est élevé
de vingt-cinq à trente pieds au dessus de la plaine voisine, de telle sorte que de l’un
des bords on n’aperçoit ni les maisons ni les arbres qui sont de l’autre côté, on s'enfonce
même dans la partie la plus élevée , et par les temps les plus secs, en automne même,
dans le tissu des mousses jusqu’au genou, et que l’on a de l’eau jusqu’à la cheville.
L'auteur a recours il est vrai à la capillarité pour expliquer ce curieux phénomène ; mais
qu'est-ce que cette capillarité de la tourbe qui agit dans certains cas et ne se fait point
sentir dans d’autres, puisque les marais lacustres et marins , les dépôts sous-aquatiques
s’élèvent jusqu’au niveau de l’eau et montent rarement plus haut.
Il reste maintenant à examiner les hypothèses des chimistes , résumées par Wieg-
mann, et qui admettent comme cause de la conservation des végétaux ét de leur trans-
formation en tourbe un élément particulier qu'ils nomment acide humique ou ulmine.
Je dis que Wiegmann n’a fait que résumer les opinions de plusieurs auteurs qui
ont écrit avant lui, car il neme semble pas l’auteur d’une découverte encore vague et mal
expliquée, dont il réclame le mérite. Déjà en 1804 , le célèbre chimiste Einhof, que
nous aurons encore l’occasion de citer, dit en parlant de la décomposition des végé-
taux qui forment la tourbe : 1 se forme d’abord un acide qni empêche la rapide décom-
position des plantes (*). En 1818, Arends s’exprimait ainsi, comme nous l’avons vu : Dans
les forêts devenues plus épaisses , quand la lumière du soleil ne püt plus pénétrer sous leur
feuillage, il se forma un acide dans les eaux sans écoulement. Plus tard, en 1821, Sprengel
écrivait dans le Hanüversches Magazin un article extrêmement intéressant sur les tour-
bières, dans lequel cet acide ulmique est pour la première fois nommé et envisagé
comme la seule cause de conservation des végétaux. Voici le résumé de ses recherches.
«Toutes les tourbes soumises aux analyses chimiques sont imprégnées d’un acide telle-
() Einhof und Thor: Analysen zweier Torfarten.
= 0
ment antiseptique, que la viande mème trempée dans l’eau saturée de cette substance
à + 12° de température, s’est conservée très-longtemps et a fini par se décomposer
sans se corrompre. Composé d'hydrogène, de carbone et d’acide , il se dissipe très-
lentement à la température de nos climats, mais très-rapidement au contraire à une tem-
pérature élevée, c’est pourquoi il n’y a pas de tourbières dans les pays chauds. Il s’é-
vapore sans doute au contact de l'air, mais il se reproduit toujours par la continuelle
décomposition des végétaux. Et comme un marais en formation se trouve de temps en
temps tellement imbibé par l’eau des pluies et des neiges, que la surface même en
est couverte, cet acide soluble dans l’eau pénètre ainsi dans les plantes mortes pour en
empêcher la décomposition.
« Mais toutes les espèces de végétaux ne réussissent pas là où cet acide est en grande
abondance ; c’est Re la flore des marais est si uniforme et si peu nombreuse. Les
espèces les plus propres à ce sol sont par exemple : le Melica cœrulea, Eriophorum va-
ginatum , Erica tetralix , Sphagnum cuspidatum, etc. C’est pourquoi aussi la tourbe se
reproduit avec une étonnante rapidité dans les fosses creusées pour l'exploitation. Cette
tourbe de formation plus jeune est très-spongieuse et peu compacte, car la grande
quantité d’acide qui la pénètre empêche presque absolument la décomposition végé-
tale. »
Cette théorie ou cette découverte de Sprengel, comme on voudra l'appeler, expli-
que si bien un grand nombre de phénomènes relatifs à la croissance de la tourbe et à
sa composition , qu'il est difficile de ne pas l’admettre, du moins dans plusieurs de ses
parties; car il est hors de doute que Sprengel a bien vu et long-temps observé les ma-
rais tourbeux. Ainsi donc , s’il était démontré que cet acide ulmique existe, et que son
influence fût constatée, si l’action que lui suppose l’auteur était admise par d’autres
chimistes , il faudrait. le reconnaitre comme cause de la conservation des végétaux, et
il ne resterait plus à apprécier que l'influence de ces végétaux sur la composition du
combustible. Mais les opinions de Wiegmann contredisent sur quelques points essentiels
celles de Sprengel, et il nous sera facile de montrer combien cet élément est encore
vaguement apprécié dans sa nature , et combien l'influence qu’il exerce sur les matiè-
res auxquelles il est mélangé est peu connue. Ce que je reproche avant tout à Spren-
gel, c’est d’avoir prétendu expliquer les successions végétales, qui forment les stratifica-
tions des hauts marais, par la présence de certains éléments chimiques particulièrement
propres à nourrir telle ou telle espèce de plantes. La composition chimique du sol peut
et doit avoir sans doute quelque influence sur le développement d’une espèce particu-
lière à l'exclusion d’une autre ; mais au point où en est la science, où trouver des rè-
gles qui ne soient pas contredites à chaque instant par les faits? Le sol tourbeux a une
2 D =
végétation particulière dont on peut facilement faire un groupe bien tranché dans le
nombre immense des espèces qui couvrent la terre. Que dans leur ensemble ces plan-
tes doivent leur germination et leur vie à un acide particulier, c’est ce qu'on pourrait
admettre. Mais elles croissent indistinctement mélangées les unes aux autres sur les tour-
bières, et si quelques-unes dominent dans un lieu, la cause n’en est pas, comme le veut
Sprengel, dans un principe chimique qui s’y est développé avec plus de force qu’ail-
leurs. Citons un exemple sur mille des contradictions et des erreurs que de semblables
hypothèses peuvent causer. Sprengel affirme que c’est seulement quand un marais a at-
teint toute sa croissance, que les bruyères commencent à s’y établir, lorsque l'acide ul-
mique n'arrive plus à la surface , car ces arbustes ne peuvent s’en nourrir. Alors, ajoute
l’auteur, le marais ne s’élève plus, tant à cause de la lenteur de la végétation de ces
plantes , que parce qu’'aussitôt après leur mort elles entrent en décomposition rapide ;
car cette décomposition n’est empêchée ni par une humidité suffisante, ni par l'acide ul-
mique qui, se trouvant dans les couches profondes du marais, ne peut plus monter à la
partie supérieure. Or, voici qu'une humidité suffisante peut empêcher la rapide décom-
position des végétaux sans la présence de l’acide. Voici encore que d’après Sprengel les
bruyères ne forment pas de tourbe mais seulement une couche de terre légère qui ne
peut se changer en combustible. Cependant il est de toute évidence que souvent les
couches mêmes les plus profondes et les plus humides de nos tourbes émergées sont
composées presque entièrement de ces bruyères en parfait état de conservation. De sa-
vants observateurs, Rennie, Andersen, etc., rapportent avoir vu en Irlande, en Hol-
stein, en Suède, des marais tourbeux dont le fond n’était formé , dans une épaisseur
de deux à trois pieds, que de bruyères dont les tiges ligneuses étaient enveloppées en
faisceau dans une pâte noire et compacte. Or l’on ne saurait point chicaner sur l’espéce,
car l’Erica vulgaris est la seule qui couvre les tourbières du Jura; on l’y rencontre dans
les parties les plus humides aussi bien que dans les endroits secs ; l'£rica tetralix ne se
rencontre nulle part en Suisse.
C’est surtout dans la formation des tourbières lacustres que l'influence de cet acide
ulmique me semble inadmissible. La matière combustible s’est entassée au fond des bas-
sins d’une immense étendue unis encore et servant même de communication à plusieurs
lacs très-profonds. Ainsi les vastes marais du Seeland unissaient jadis les lacs de Neu-
châtel, de Bienne et de Morat. Le liquide sous lequel la tourbe s’est formée devait par-
ticiper de la nature des eaux des grands bassins. Comment l'acide a-t-il pu s’y dé-
velopper , comment l’eau a-t-elle été saturée de cet élément dans quelques parties
seulement. La tourbe ne s’est pas formée partout; elle repose immédiatement sur le
sable. T à donc fallu qu’elle commencât sa croissance sans la présence de l’acide, puis-
= NID
qu'autrement elle n’aurait jamais existé, a moins qu’on ne veuille prétendre que cet élé-
ment est en même temps l’effet et la cause.
Le lac d’Etaillères près de la Brévine (Jura) a été formé par un enfoncement subit
d’un sol couvert de forêts. Sa plus grande profondeur dans une étendue d’environ une
demi lieue carrée est de vingt-cinq pieds. Partout , excepté sur les bords peu profonds,
la sonde rencontre des troncs d’arbres et en retire facilement des branches de sapin en
parfait état de conservation ; vers le milieu du lac, sur la rive méridionale, se trouve
percé un entonnoir souterrain par où l’écoulement de l’eau a lieu, et où l’on a établi
des moulins d’une construction pittoresque et hardie. Un ruisseau, faible il est vrai, se
jette dans ce lac à l'extrémité occidentale. Par des sondages répétés particulièrement
entre l'embouchure du ruisseau et le lieu d’écoulement, je me suis assuré que la tourbe
est en voie de formation dans quelques parties de ce lac couvert d'immenses touffes de
Chara. H y a même un endroit où cette tourbe sous-aquatique arrive au niveau de
l’eau. Pour étudier la matière de ce dépôt à toutes les profondeurs, j'y ai enfoncé un per-
coir de quinze pieds avec lequel je n’ai pu atteindre les couches les plus basses. Cette
tourbe de formation toute nouvelle est extrêmement molle, jaunâtre , sans consistance,
comme une bouillie mélangée de sable. Les Chara sont décomposés et leurs filaments
détruits, mais çà et là la sonde rencontre des faisceaux de potamots et de jones dont les
feuilles tant seulement noircies ont conservé toutes leurs formes , même à la plus grande
profondeur. Le transport de l’eau , de l'embouchure du ruisseau vers l’entonnoir , doit
occasionner un courant qui, quelque faible qu’il soit, devrait répartir l’acide dans tou-
tes les eaux du lac également et l’entrainer ; cet acide ulmique ne peut donc ici encore
être envisagé comme la cause de la formation de la tourbe.
Wiegmann (*) a repris le système de Sprengel ; mais l’a-t-il rendu plus clair, l’a-t-il
suffisamment expliqué? Si l’on doit sans nul doute reconnaître la valeur de ses expé-
riences chimiques qui sont faites avec le plus grand soin, on est forcé d’avouer qu’il
tire de ces analyses des conclusions qui contredisent le travail de la nature. Ainsi Wieg-
mann pense que l'acide ulmique qui concourt essentiellement à la formation de la tourbe,
provient de la décomposition du clorophylle ou de la partie verte des feuilles. Tous Les
végélaux en contiennent, dit-il, à part les sphaignes, et c’est pour cela que ces mousses qui
vivent à la surface des tourbières, ne peuvent former de la tourbe, mais seulement un tissu
sans consistance qui s’enflamme très-rapidement et ne donne que peu de chaleur. Est-ce que
peut-être cet auteur voudrait nier la croissance continue des marais par la superposition
et l’entassement des végétaux? Ou, s’il admet cette croissance, penserait-il que ce qui
(:) Ueber die Entschung , Bildung und das Wesen des Torfes, 1837.
en. DE —
est maintenant surface, une fois recouvert par des couches plus ou moins épaisses ne
donnera jamais de la tourbe. S'il avait examiné nos marais jurassiques comme tous les
dépôts émergés, il aurait pu voir aisément que non-seulement les sphaignes vivent main-
tenant encore à la surface de nos tourbières, mais qu'ils en ont formé toute la masse.
C’est le seul végétal qui se mélange à toutes les couches en plus ou moins grande abon-
dance, et nos meilleures tourbes exploitées à la profondeur de dix à quinze pieds, en
sont presque entièrement composées. Or, si comme le dit Wiegmann, et cela est vrai,
le sphaigne reste très-long-temps à la partie supérieure du marais sans se décomposer;
s’il ne contient pas d'acide ulmique; si cet acide est le principe antiseptique, n’y a-t-il
pas de ce fait contradiction évidente avec la théorie. Car comment la surface des marais
n'est-elle pas soumise aux changements qu’on voit s’opérer sur le sol non tourbeux, et
pourquoi ne se recouvre-t-lle pas d’humus ?
Ainsi il doit être permis, même sans rien connaître à la chimie, de contrôler les opi-
nions d'hommes savants, et de réclamer, tout en rendant hommage au mérite de leurs
travaux, ou de nouvelles observations, ou de nouvelles analyses, afin d’éclaircir ce qui
reste encore d’obscur et de vague dans les métamorphoses des végétaux, dont les siècles
modifient les apparences et les propriétés. Car, pour expliquer ce travail, il ne suffira
pas de fabriquer soi-même une terre combustible qu’on appellera tourbe, comme l'a fait
Wiegmann. Des plantes, les premières venues, mises dans des fosses pleines d’eau soi-
gneusement recouvertes pour empêcher lévaporation et l’action de la lumière, subiront
une espèce de fermentation qui s’attachera avant tout à la destruction des parties non
ligneuses. Qu’alors on méle à cette masse les éléments minéralogiques qui auront été
reconnus dans la tourbe, elle sera combustible. Mais qu’aura-t-on prouvé de cette ma-
nière? Saura-t-on mieux d’où proviennent naturellement tous les éléments chimiques
que les analyses trouvent dans la tourbe? Ou saura-t-on mieux le pourquoi de tous les
phénomènes particuliers que présente la croissance des marais tourbeux et que nous
avons déjà reproché aux autres systèmes de n’avoir point expliqué? L’admission pure
et simple d’un élément chimique comme cause de la formation de la tourbe me semble
surtout dangereuse en ceci: c’est qu’elle peut égarer dans les recherches et surtout dans
les essais de reproduction et dans le mode d'exploitation. Wiegmann prétend que l'acide
humique ne pouvant se reproduire dans les fosses ouveries sur les marais, la tourbe ne
peut recroître. C’est là une affirmation contradictoire à ce que nous montre journellement
la nature, et opposée à l'opinion d’autres chimistes, de Sprengel surtout qui, comme
nous l'avons vu attribue au contraire la reproduction rapide de la tourbe dans les fosses
nouvelles à la quantité d’acide humique en dissolution dans l’eau. De tout ceci, nous
pouvons conclure encore une fois que cet élément existe dans la tourbe, mais qu'il y est
— DE —
comme composant et non point comme cause de la formation du combustible, et que,
quel que soit son rôle, il n’est encore bien connu ni dans son principe ni dans ses in-
fluences,
CHAPITRE IV.
EXPOSÉ THÉORÉTIQUE DE LA FORMATION DE LA TOURBE.
Nous savons déjà que la tourbe se forme dans une foule de conditions diverses ; qu’elle
établit ses dépôts dans les eaux des lacs comme sur les pentes des montagnes, dans les
bassins peu profonds des vallées et sur les rives inondées des fleuves et des rivières.
Chacun sait aussi que le bois immergé se conserve très-longtemps sans se décomposer ;
car on retire souvent du fond de la mer et des lacs, des arbres, des troncs qui y sont
enfoncés depuis des siècles et qui ont gardé leur propriété combustible. Nous voyons
encore que ce phénomène se produit d’une manière d’autant plus frappante que la tem-
pérature est plus basse. Il est impossible de ne pas trouver dans ce fait une grande
analogie avec ce qui se passe dans la formation de la tourbe. Les plantes qui vivent sur
le sol tourbeux ou dans les lieux humides, même les graminées, sont composées en
grande partie de filaments ligneux. D’après les expériences de Wiegmann , le Carex
cæspilosa en a quarante-quatre parties sur cent, et c’est le moins ligneux comme le moins
abondant des carex qui vivent sur les marais tourbeux. La linaigrette {Eriophorum va-
ginatum) , qui, mélangée aux sphaignes, a formé la plupart des couches de nos tour-
bières, en a quarante-sept pour cent; le sphaigne lui-même cinquante-sept pour cent.
Si nous examinons les restes de ces végétaux dans la tourbe, nous trouverons les carex
moins bien et moins longtemps conservés dans leurs formes extérieures que les linai-
grettes, et nous avons déjà vu que celui des végétaux qui entre le plus difficilement en
décomposition est le sphaigne, au point que plusieurs auteurs, ceux surtout qui n’ont
observé que la surface des tourbières, prétendent qu’il ne se décompose jamais assez
pour former de la tourbe. J’ajouterai que dans mes recherches microscopiques sur les
restes des végétaux reconnaissables dans la tourbe, j'ai trouvé plusieurs autres mousses,
entre autres le Hypnum fluitans et le Hypnum trifarium, conservés plus longtemps et
avec plus d’intégrité que les autres espèces, et je ne mets point en doute qu’ils ne con-
tiennent par conséquent une plus grande masse de filaments ligneux. Quant aux végé-
taux charnus, tels que le nénuphar (Nymphœæa alba) qui laisse flotter sa blanche corolle
et ses larges feuilles sur les rives des lacs, et le trèfle de marais (Menianthes trifoliata)
dont les formes gracieuses contrastent avec la triste et uniforme végétation de nos marais
élevés, on n’en retrouve aucune forme visible dans la tourbe même très-jeune. L'eau
a done sur le ligneux cette influence qu’elle en retarde très-longtemps la décomposition
si elle ne l’arrète pas tout-à-fait (‘). D'après cela, on ne sera point étonné de voir les
tourbes immergées profondément arriver à un état de maturité complet plus lentement
que celles qui croissent hors de l’eau. Et ainsi s’expliquera déjà le phénomène qu’on
peut observer dans les marais de la Brévine (Jura), où la tourbe est d’une densité moins
grande, d’une couleur moins foncée et d’une apparence moins âgée à mesure qu'on
pénètre plus avant vers le fond du dépôt. Ce mème phénomène avait été déjà observé
par Dau dans les environs de Copenhague, mais il lui était resté tout-à-fait incompré-
hensible, Son système n’était ni assez clair ni assez précis pour expliquer tous ces acci-
dents divers. Après avoir dit : qu’il trouva sous une couche de tourbe déjà noire, com-
pacte, d’une apparence âgée, une autre couche formée presqu’entièrement de mousses
non décomposées , il ajoute : je voudrais bien savoir qui pourrait donner là-dessus une
explication satisfaisante ; et il pense que pour trouver la solution de ce problème, il fau-
drait demeurer au moins une année sur le marais. — Une foule d’erreurs, d'observations
fausses et de ridicules hypothèses ont été déduites de ce principe, que la tourbe doit
ètre une matière homogène dans toute sa masse. Pour n’avoir point recherché l'influence
des divers végétaux sur sa composition, pour avoir négligé la recherche et l'analyse des
formes végétales restées visibles dans la matière tourbeuse, on a été amené à croire que
la couleur et la densité de la tourbe sont toujours en raison de son àge. Les nombreuses
stratifications si variées des hauts marais sont restées un problème, et pour en expliquer
la cause on a dû avoir recours à de continuels accidents, tels que les inondations, les
enfoncements du sol et surtout les incendies de la surface.
La décomposition en changeant quelques-unes des parties constitutives des végétaux,
imprègne les filaments ligneux d’éléments étrangers qui leur donnent plus de consistance
etaugmentent, si je puis m’exprimer ainsi, leur force combustible. Or c’est parce que cette
décomposition ne peut agir d’abord que sur certaines parties que la tourbe se forme ;
s’il en était autrement, le résultat produit serait de lhumus. Au lieu donc d’envisager
la tourbe comme un résultat immédiat d’une fermentation particulière , on doit plutôt
l’envisager comme formée par un obstacle à eette fermentation, et cet obstacle essentiel
est la présence de l’eau.
() Ai-je besoin de dire que je ne donne ici qu'un exposé simple et à la portée de tout le monde. Les
détails de chimie , de botanique , etc., trouveront leur place dans la partie scientifique et complèteront ce
rapide aperçu théorétique.
EL =
Ainsi définirai-je la tourbe : un composé de végétaux ligneux dont la fermentation et
par conséquent la décomposition sont retardées par la présence et la température de l’eau.
Les tourbes sous-aquatiques se forment sur lès‘ bords de la mer, des lacs et des
fleuves, quand les eaux peu profondes ne sont plus agitées par des mouvements violents,
quand surtout elles se trouvent séparées du bassin général par des digues, des dunes
ou des attérissements. Elles s’établissent également dans les petits lacs et les étangs des
montagnes, car les deux conditions indispensables pour la formation immergée sont une
eau peu profonde, sans courant sensible; et la présence de végétaux ligneux. Ce sont
surtout les potamophiles , les joncées, les prèles, les carex et les arundo phragmites qui
implantent leurs racines dans le sol immergé, dressent leurs tiges au dessus de la surface
de l’eau, et chaque année déposent à leurs pieds les débris sur lesquels ils continueront
leur croissance l’année suivante. On trouve rarement au fond des dépôts tourbeux de
cette nature des arbres et des racines qui sont en si grand nombre dans les hauts marais :
à moins que ces souches ligneuses n’y aient été amenées par les flots ou que leur pré-
sence ne soit l'effet d’un acéident tout particulier, comme celui qui a formé le lac d'E-
taillères. C’est dans ce lac surtout qu’on peut suivre facilement les détails d’une produc-
tion sous-aquatique en pleine activité. Elle commence sur les bords limoneux, s’avance
insensiblement vers le milieu et comblera sans doute un jour tout le bassin. Les obser-
vations des auteurs allemands sur les tourbes marines que je n’ai pu voir moi-même,
prouvent qu'il n’y a aucune différence dans la manière dont elles se forment. Les vé-
gétaux ne sont plus les mêmes espèces, il est vrai, mais ils appartiennent généralement
aux mêmes genres ; ce sont toujours des plantes ligneuses, surtout des joncées. On à
également sur les bords de la mer des exemples de formation assez récente pour que le
phénomène puisse encore être étudié, et pour qu’on ne puisse pas douter qu’il n’appar-
tienne à notre époque. Ainsi, on voit sur les bords de l’Authie, rivière du département
de la Somme, une immense étendue de marais, surtout près de son embouchure dans
la mer. Ces marais sont encore presque généralement inaccessibles et couverts d’une
immense quantité de plantes aquatiques tantôt d’eau douce, tantôt marines, qui déposent
une couche tourbeuse qui, un jour, s’élèvera jusqu’au niveau de l’eau. On lit dans le
Beitræge zur Naturkunde und Oeconomie, de Binge, le passage suivant : « Voici ce que
Dankverth écrivait en 1652 : Le territoire d'Oldenbourg était encore en 1520 séparé du
reste du Holstein par un bras de mer et formait par conséquent une île. Les habitants
pouvaient naviguer facilement vers l'Orient ou vers l'Occident par la Brockau. L'embou-
chure occidentale a été depuis long-temps fermée par des dunes ou par les ordres de: la
reine Marguerite : et l'embouchure orientale est maintenant si peu profonde qu'on y na-
rique difficilement. Ainsi celte ville jadis maritime et commercante se trouve être devenue
CU 7:
bientôt une ville d'intérieur. Dès-lors la tourbe s’est formée dans ce canal autrefois na-
vigable et Fa insensiblement comblé, dès qu'il a été isolé de la mer; car le sol tourbeux
s'étend sans interruption de la côte orientale à la côte occidentale, en passant tout auprès
de la ville d’Oldenbourg. Il s'avance jusqu'à quelques centaines de pas du rivage, où il
s'arrête au pied des dunes refoulées par la mer et qui ont obstrué l’ancienne embou-
chure (*). Ce fait est fort remarquable, mais en cela seulement, que les dates sont bien
fixées et rapportées par des auteurs dignes de foi. Les quelques observations qu’il nous
sera possible de réunir sur la géographie des tourbes et sur l'influence de ces dépôts sur
les formes continentales, fourniront encore d’autres exemples de ces récentes formations
marines.
Ainsi la production sous-aquatique de la tourbe ne présente aucune difficulté dans son
explication, si Pon admet que l’action de l’eau empêche la prompte décomposition des
fibres ligneuses des plantes et favorise les modifications insensibles que doivent subir dans
le liquide toutes les parties qui ne sont pas naturellement combustibles.
On demandera peut-être comment il se fait que sur les bords de certains fleuves et
de quelques rivières, sur ceux de l’Elbe par exemple, sur ceux de l'Essonne et de la
Bresle en France, la tourbe se soit formée à une certaine distance du cours d’eau, tandis
que les rives mêmes se sont couvertes de dépôts limoneux sur lesquels la tourbe ne s’est
point établie ? On comprend facilement que dans le temps où les lits des fleuves et des
rivières n'étaient point encore encaissés et rétrécis comme ils le sont maintenant, le cou-
rant suivait le fond des vallées plates, et formait sur ses bords des nappes d’eau peu
profondes et immobiles qui se couvraient d’une forêt de joncs et de roseaux dont les
débris s’entassaient et formaient de la tourbe. On comprend encore que le courant en-
trainant avec lui des parties limoneuses, et ces parcelles se déposant sur la ligne même
où le courant cessait de se faire sentir , elles ont dù former à la longue des espèces de
digues naturelles, derrière lesquelles sont restés les bassins d’eau stagnante où la tourbe
a continué sa croissance. Dans plusieurs contrées très-plates, le cours des rivières paraît
avoir été si faible à cause de l'étendue même du bassin où se promenaient leurs eaux,
que la tourbe s’est formée sur toute sa largeur. Mais à la longue, et à mesure que le lit
s’est rétréci, le courant s’est fait sentir davantage; il a entrainé le limon déposé sur les
bords et s’est enfin lui-même creusé un lit plus profond dans les couches de tourbe qui
jadis s'étaient formées sous ses eaux. Ainsi la Thièle unit maintenant le lac de Neuchâtel
à celui de Bienne. Entre ces deux grands bassins s'étendent des plaines basses, dépôts
tourbeux de six à dix pieds de profondeur que les inondations recouvrent encore chaque
(1) Dau pag. 61.
0e
année. Le lit de la rivière, maintenant très-profond, serpente entre des digues de tourbe
dont la coupe perpendiculaire paraît à découvert dans les eaux basses. Tout le long des
bords, la marne est superposée à la tourbe dans une épaisseur de trois à quatre pieds ;
mais à mesure qu’on s'éloigne de la rivière, cette épaisseur diminue et la tourbe arrive
enfin jusqu’à la surface.
DeLuc a observé la même formation sur les bords de l’Elbe. S’il n’a pas su l’expli-
quer, ce n’est pas faute de moyens d'observations, puisqu'il a pu prendre pour ainsi
dire la nature sur le fait dans une de ses œuvres encore inachevées, où elle nous livre le
secret des moyens qu’elle emploie pour arriver à ses fins. Ainsi cet auteur dit, page 133
de ses Lettres physiques et morales : « La première partie de la Marsch (*) sur laquelle
nous passämes, quoique la plus près du terrain continental, serait encore un étang sans
le secours de l’art. Les dépôts qui se sont ajoutés contre ces premiers s’étant assez élevés
pour empêcher le nouveau limon d’arriver sur les Verrières, il y est resté des lagunes
qu’on a desséchées et qu’on maintient sèches par des moulins à vent.» Ce sont là ces
lagunes derrière les digues de limon, que la nature avait déposées pour la formation de
la tourbe avant leur desséchement par les travaux des hommes. Voici encore une ob-
servation du même auteur par laquelle se trouvent expliquées les circonstances qui pro-
duisent des dépôts limoneux et celles qui contribuent à la formation de la tourbe sous-
aquatique. « Dans un bras de l’Elbe, où la marée se faisait jadis sentir, il s’est formé un
dépôt limoneux où la tourbe n'avait point crü. Le bras de la rivière ayant été fermé par
une écluse, le banc de vase s’est couvert de tourbe.» —On peut expliquer d’une ma-
nière analogue la superposition de deux couches de tourbe séparées par la marne. Dans
un puits percé en Hollande, on a rencontré d’abord vingt pieds de tourbe, puis quatorze
pieds- d'argile légère et blanchätre, puis dix-huit pieds de tourbe sur quatorze pieds
d'argile compacte (*). Ce même fait géologique s’observe en petit sur les rives du lac de
Neuchâtel, où deux assises de tourbe de quatre pieds d’épaisseur sont séparées par un
dépôt de sable d’un demi-pied. C’est évidemment ici comme en Hollande le résultat d’un
changement momentané dans le niveau des eaux voisines. — Voici encore un cas ana-
logue qui complètera la série de ces observations sur les marais sous-aquatiques. Il y a
près de Môtiers (Jura), sur les bords de la Reuse, un petit marais dont la matière tour-
beuse est couverte de marne sur tout son pourtour, tandis que vers le centre, la tourbe
arrive à la surface. C’est que par la croissance émergée que nous allons examiner, le
milieu du marais s’est élevé au-dessus du niveau de l’eau. Les bords étant au contraire
(: Il appelle ainsi les dépôts limoneux laissés par le fleuve et utilisés par la culture.
(2) DeLuc pag. 125.
é ME =
restés privés de la végétation des mousses, comme cela arrive souvent, la Reuse les a
naturellement recouverts de limon par ses inondations périodiques.
Nous arrivons à la formation des marais supra-aquatiques ou haut marais, de laquelle
on s’est jusqu’à présent beaucoup moins occupé que de la première. Elle mérite cepen-
dant une attention particulière pour les habitants des montagnes, pour ceux de notre
Jura surtout où ce mode de production se rencontre si souvent.
La tourbe étant de toute évidence un composé de végétaux, et la croissance de cette
matière se continuant sous nos yeux par la vie des plantes de même espèce qui sont à
la surface, il m’a semblé nécessaire, pour arriver à la connaissance du composé, de bien
étudier d’abord le composant. Or, pour apprécier l'influence de la végétation sur le sol
qui la nourrit, il ne suffit pas de garder dans la mémoire la nomenclature des espèces,
et dans les collections de rares et nombreux individus. Il faut autant que possible étudier
leur vie intime ; car dans la plante la plus simple et la moins apparente, dans la mousse
la plus faible et la plus méprisée, sont quelquefois cachés des mystères d'organisation et
de développement aussi dignes d’attention que ceux qui ont intéressé et étonné les phy-
siologistes dans les plus nobles végétaux.
En parcourant nos tourbières du Jura pour l'étude des mousses aquatiques, j'avais
été plusieurs fois frappé de la quantité d’eau que contiennent les sphaignes même quand
ces mousses s'élèvent, comme c’est souvent le cas, au-dessus d’un sol dont la surface
parait entièrement desséchée. A quelque élévation que se trouvent ces mousses, elles sont
en effet pénétrées d’un liquide si abondant qu'il suffit d’une faible pression pour en faire
écouler comme d’une éponge une masse d’eau considérable.
D'où provient cette humidité que cette mousse semble absorber seule au milieu de
toutes les autres espèces qui croissent sur les marais. Voici le résultat abrégé de mes
recherches.
Qu'il me soit permis de rappeler d’abord la propriété particulière de la plupart des
mousses, d’attacher leurs racines exclusivement à telle espèce de sol, de pierre ou de
végétal, pour y vivre sans se reproduire jamais ailleurs. Certaines espèces recouvrent
les troncs des arbres forestiers, d’autres ceux des saules, des peupliers, des tilleuls de la
plaine ; les unes étalent leur verdure sur le granit; les autres sur les blocs de calcaire ;
à celles-ci la terre légère des sommets les plus élevés ; à celles-là le fond des eaux, les
grottes obscures, le précipice que la cascade inonde , chevelure verdoyante sous laquelle
la nature voile quelques-unes de ses plus tristes nudités, sous laquelle elle déguise les
premières atteintes de la vieillesse, ou la décrépitude, ou la mort.
Les sphaignes (*) font germer leurs graines ou étalent leurs tiges et leurs surgeons
() Voyez les détails botaniques à la partie scientifique.
— EU
sur les débris humides d’autres mousses et des végétaux ligneux. Ils croissent en touf-
fes très-étendues et très-compactes, car les tiges trop faibles pour se supporter seules
poussent une multitude de jets et finissent par former un tissu si serré qu’on a de la
peine à y enfoncer la main. Leur croissance une fois commencée, elle se continue sans
interruption, sans distinction de saisons, sans ces alternatives de mort et de résurrection
que nous observons dans la vie des autres plantes. Formées d’un tissu très-mince , très-
délicat, ces mousses sont les seules qui ne contiennent pas de clorophylle (). Ainsi ,
suivant les lieux qu’elles habitent, elles se teignent de diverses couleurs. Le plus sou-
vent elles sont d’un jaune verdâtre, parfois rouges ou bigarrées d’une foule de nuan-
ces (*). De petits rameaux couverts de feuilles ovales, pointues et concaves, appa-
raissent tout autour du tronc, au sommet duquel ils forment une petite touffe plus
compacte, d’où sort ordinairement au mois de juillet la capsule qui contient les graines.
Cette capsule ovale, un peu plus grosse qu’un pommeau d’épingle , de couleur brune
ou noire, est portée sur un pédicelle d’environ un pouce de hauteur, suivant le sol que
la plante habite. Cette capsule s'ouvre par un couvert supérieur, à-peu-près comme
une boite de savonnette, et livre alors aux vents les innombrables graines qu'elle contient
et que l’œil ne peut pas même apercevoir quand elles sont rapprochées en très-grand
nombre. Par la disposition de leurs cellules, les sphaignes sont doués d’une propriété
hygroscopique ou absorbante extrèmement remarquable. Si l'on plonge dans l’eau le
bout inférieur ou le bout supérieur d’une tige desséchée, on voit en peu d’instants le
fluide monter, remplir tous les tubes capillaires du tronc et des rameaux, les cellules des
feuilles, jusqu’à ce que la plante soit entièrement saturée. Et quand l'immersion est pro-
longée, la partie restée hors de l’eau, après saturation de la plante, laisse échapper le
liquide en petites gouttelettes et fait ainsi l'office de machine hydraulique ou de syphon.
Ce curieux phénomène se produit dans la plante sans égard à son état antérieur; non-
seulement sur les jeunes pousses de l’année, non-seulement sur des tiges ou des portions
de rameaux qui ne sont pas entrées en décomposition , mais aussi sur les parties mor-
tes qui conservent par là même une spongiosité extraordinaire. Ainsi une touffe de
sphaignes que j'avais laissée se dessécher pendant une année entière dans mon galetas
et qui pesait sèche une once vingt-un deniers, a absorbé en deux heures dix-sept onces
() C'est la partie verte des végétaux que les physiologistes modernes envisagent comme une espèce de
cire.
() Ceux qui ne connaissent pas ces mousses, les reconnaitront cependant facilement sur les tourbières
qu'elles habitent toujours, à leur couleur ou à leur humidité, J'omets ici les descriptions botaniques qui
eussent été inutiles pour ceux qui connaissent cette science et incomprises pour ceux qui en ignorent la
langue.
— G4: —
douze deniers d’eau. Cette touffe, qui mesurait environ vingt-deux pouces de surface,
avait quatre pouces et demi de hauteur et ne plongeait dans l’eau que par la base de
quelques tiges. Sur les mousses apportées du marais et soumises aux expériences pen-
dant qu’elles conservent leurs facultés vitales , cette spongiosité est bien plus frappante
encore , et l’eau s'élève dans les plantes avec une rapidité bien plus considérable. Il se
peut qu'on ne voie là qu’un simple résultat de la capillarité (?) ; mais toujours est-il que
le phénomène est exclusivement propre aux sphaignes et qu'il ne se reproduit dans au-
cune autre espèce de mousses ou de plantes phanérogames. On ne peut l'assimiler à
l'ascension de la sève, puisque le liquide contenu ne redescend pas dans la plante,
mais qu’il semble au contraire y rester, ou en jaillir dans le même état de pureté ou de
mélange dans lequel il a été absorbé.
Je dis que la végétation des sphaignes n’a nulle interruption. Elle ne s’arrête en
effet qu’au moment où l’eau dont la plante est saturée entre en congélation. Dès qu’au
printemps la glace redevient fluide et se fond dans les cellules, la croissance recommence
au point où elle avait été interrompue, sans que la plante ait souffert aucun dommage
par la condensation du liquide. Ainsi la grande quantité de tiges qui croissent pressées
les unes à côté des autres , forment à la longue comme un faisceau de tubes capillaires
qui pénètrent souvent à une grande profondeur pour amener à la surface le liquide néces-
saire à la croissance des plantes. J'ai suivi souvent sans interruption ces filaments du
sphaigne à un ou deux pieds de profondeur, jusqu’au point où disparaissant par la ma-
cération , ils se changeaient en tourbe.
Comme cette faculté absorbante est aussi forte de la partie supérieure vers le bas que
du bas vers le haut, il en résulte que les mousses dont nous parlons peuvent se péné-
trer tout autant de l'humidité atmosphérique que de celle qu’elles tirent d’un dépôt
d’eau intérieur. En faisant arriver des vapeurs dans un vase où plongeait séulement la
partie supérieure de quelques tiges de sphaignes, je vis ces vapeurs se condenser sur les
feuilles du haut, et l'humidité se communiquer à toute la plante. Ceux qui parcourent
les hauts marais pourront facilement observer que si les sphaignes sont toujours humi-
des , ils ne portent jamais des gouttes de rosée suspendues à leurs rameaux ; du moins
ne m'a-t-il jamais été possible d’en voir. Cette faculté absorbante nous fournit l’explica-
tion de la présence des dépôts tourbeux sur les pentes de certaines montagnes. Sur les
côtes occidentales de l'Irlande, par exemple, les pluies fréquentes, les brouillards pres-
{) Les observations microscopiques sur les cellules des feuilles et sur le mode de transport du liquide
seront rapportées plus tard. Des travaux d'anatomie végétale aussi difficiles ne peuvent être faits que par
le savant bryologue Guillaume Schimper qui ne les a point encore terminés,
que continuels et la nature peu perméable des roches permettent aux sphaignes de les
recouvrir, de pomper constamment dans l’atmosphère une humidité suffisante à leur
croissance, et de former ainsi des dépôts tourbeux sur des pentes où l’eau ne peut
s'arrêter naturellement. L'inclinaison n'apporte aucun obstacle à cette croissance, et
l’on comprend comment sur les bords de la mer, à une température qui n’est jamais
longtemps au-dessous du point de congélation, cette croissance continue doit être très-
rapide. Dans les Alpes et les Vosges, où les mêmes formations se rencontrent, les acci-
dents sont peut-être un peu plus variés, mais dépendent toujours de la propriété
absorbante des sphaignes. Les roches primitives n’étant pas facilement traversées par
l'humidité, il se forme parfois çà et là de petits bassins d’eau où quelques racines li-
gneuses vont s'étendre et puiser leur nourriture. Sur ces racines s’implantent les sphai-
gnes ; ils s’abreuvent de l’eau du réservoir ; ils la pompent, l’élèvent par leur croissance,
s’approvisionnent à la fonte des neiges d’une partie de l’eau qui les traverse, vivent en
été de celle des pluies et des brouillards et ont ainsi une végétation proportionnée à la
quantité de liquide qu’ils reçoivent. Quelquefois cette végétation des sphaignes s’établit
sur des plateaux étroits au bord de l’abime; ils le recouvrent entièrement, et quand l’es-
pace leur manque, ils laissent pendre leurs franges sur la roche escarpée et forment
ainsi un dépôt tourbeux qu’on pourrait appeler aërien. Plusieurs cas semblables ont
été observés dans les Alpes pittoresques du Tyrol. C’est ainsi que les couches tourbeu-
ses varient à l'infini dans leur grandeur et leur épaisseur, suivant les lieux qu’elles
habitent et les circonstances qui concourent à leur formation.
Les sphaignes, comme nous l’avons vu, s’attachent au bois humide et vivent sur les
débris ligneux avant qu’ils aient été atteints par la pourriture. Toutes les matières en
fermentation, les engrais, les sels, la chaux, les gypses, etc., détruisent cette végétation.
Ces mousses ne peuvent vivre non plus à l'ombre ou sous les gouttières des arbres fo-
restiers, sous les sapins, les hêtres, les chênes. Aussi remarque-t-on sous tous les sapins
qui sont restés implantés dans nos marais une dépression souvent très-profonde où la
tourbe n’a point crü. Ces enfoncements, qu’on peut observer sur plusieurs parties du
marais des Ponts et même tout au bord de la route qui les traverse, sont déjà, ce me
semble, une preuve suffisante de la croissance continue de la tourbe par la surface et
de l'influence des sphaignes sur cette formation ; ils expliquent en même temps pour-
quoi, malgré l'humidité du sol de quelques forêts, la tourbe ne s’y établit jamais.
C'est donc seulement quand ces forêts ont été renversées sur des terrains arrosés ou par
des sources naturelles ou par des circonstances atmosphériques, que les sphaignes ont
pu commencer à paraître. Ils se sont semés'et ils ont germé d’abord dans les lieux où
l'humidité était abondante mais où l’eau était peu profonde , et par leur croissance con-
tinuelle et extraordinairement active, ils ont bientôt recouvert tous les grands végétaux
pour les envelopper et les imbiber des sucs dont ils étaient remplis. Ils ont ainsi em-
pêché l’action de Pair, de la lumière et de la chaleur, et mélangés à un grand nombre
d’autres plantes dont les racines serpentent dans leurs tissus humectés, ils ont continué
à s'élever par la faculté d'absorption que nous leur avons reconnue.
On objectera sans doute que le rôle des sphaïgnes n’est point universel , et qu’ainsi
l’on ne peut envisager cette plante comme nécessaire à la formation de la tourbe. d’es-
père avoir fait comprendre que l’eau étant l’agent principal de cette formation dans tous
les cas où lhumidité est assez grande pour empêcher la rapide décomposition du
ligneux, quelle que soit d’ailleurs la cause qui la fournisse, la tourbe peut croître sans
les sphaignes. Mais je dois le dire , malgré les recherches les plus minutieuses faites sur
tous les hauts marais que je ne cesse de parcourir depuis plusieurs années, je n’ai vu
nulle part la tourbe émergée s'élever sans le concours de ces mousses. Partout où
elles disparaissent, le marais se couvre de lichens, de quelques autres espèces de mousses,
de bruyères, etc., et au lieu de tourbe, il ne se forme plus qu’une terre noire et plus
ou moins compacte suivant son âge. On trouve fréquemment, à la surface des tourbières
déjà hautes et vieilles, des espaces absolument nus et dépouillés de végétation, sur les-
quels la tourbe affleure à la surface. Ce sont précisément ces endroits dépouillés, que
les sphaignes avaient abandonnés , où d’autres végétaux ont déposé une légère couche
de terre marneuse. Ils forment à la longue de petits bassins très-humides où les mousses
reprennent une active croissance pour recommencer la production de la tourbe arrêtée
pendant quelque temps.
Quelle conclusion tirera-t-on des observations de Darwin (‘) sur les dépôts tourbeux
de l'Amérique du sud ? Cet auteur termine ses explications , trop peu détaillées, en di-
sant : qu'au contraire de ce qui arrive en Europe, aucune espèce de mousses ne concourt à
la formation de la tourbe dans cette partie du monde austral. Darwin a observé, comme
composant essentiellement la tourbe ; une plante dont la végétation pourrait peut-être
jeter quelque jour sur cette production d’un autre hémisphère par son analogie avec
celle des sphaignes; car après avoir dit, page 549, que l’Astelia pumila de Brown et
la Donatia Magellanica couvrent presque seules les terrains tourbeux de la Terre de
Feu , il ajoute : que la dernière de ces deux plantes est l'agent principal de la tourbe. Les
feuilles nouvelles se succèdent continuellement autour du tronc; celles du bas se pourrissent
de suite, et en suivant la racine dans la tourbe on voit encore les feuilles conserver leur
position dans les différents états de transformation | jusqu’à ce que le tout ne forme qu’une
(1) Voyage géologique dans l'Amérique du sud.
SE -
seule masse.» Il y a là, si je comprends bien l’auteur, une participation des feuilles déjà
altérées à l’humidité aspirée par la plante vivante , jusqu’à ce qu’elles soient soustraites
par la végétation continue à l’action de Fair et de la lumière. Et c’est précisément là,
comme nous l'avons dit, le rôle des sphaignes et les conditions nécessaires à la forma-
tion de la tourbe émergée. Au reste, Darwin remarque que dans ces marais des con-
trées méridionales, on trouve partout à diverses hauteurs de petits étangs remplis
d’eau, qui semblent creusés artificiellement et que des ruisseaux souterrains serpentent
partout sous le sol. L'humidité constante pourrait être amenée à la surface par ces
conduits, et alors la formation de la tourbe dans ces contrées inhospitalières et peu
connues, aurait quelque analogie avec celle des marais sous-aquatiques.
Tous nos hauts-marais jurassiques sont caractérisés par des espèces de stratifications
ou couches horizontales plus ou moins épaisses, dont la matière varie plus ou moins
par sa couleur, sa densité et sa composition végétale. Ces alternances sont dues à l’hu-
midité plus ou moins grande de la surface ; car c’est cette humidité qui active le déve-
loppement de certaines plantes qui croissent en plus ou moins grande abondance avec
les sphaignes. Nous avons déjà vu qu’il arrive un point où les mousses hygroscopiques
n’obtiennent plus assez de liquide pour continuer leur croissance , et qu’à leur place , -
lorsqu'elles disparaissent , il se forme une terre marneuse sur laquelle l’eau peut être
retenue et où les sphaignes reviennent ensuite s’implanter et vivre. Dans les marais
anciens et très-élevés, ces alternances de végétation répétées sur une plus grande
échelle, ont déterminé la superposition de deux ou plusieurs forêts ensevelies et séparées
par des couches de tourbe très-épaisses. Quand le sol cesse de s’élever au moyen des
mousses hygroscopiques, la croûte de terre qui se forme à la surface peut être assez
puissante pour nourrir des arbres forestiers sous lesquels l'humidité s’amasse. Mais ce
n’est qu'après la chute de ces grands végétaux que le sphaigne peut reparaître ; les
mousses tourbeuses se rétablissent alors et couvrant de leurs innombrables tiges cette
seconde forêt, elles finissent par l’ensevelir sous une nouvelle couche de tourbe. Ce
phénomène peut se répéter, et ainsi plusieurs générations de grands arbres gisent en-
fouis et se conservent par l’incessante végétation d’une faible mousse.
La convexité et les dépressions des marais s'expliquent de la même manière que leur
élévation au-dessus du niveau de l’eau. Les sphaignes remplissent d’abord les bassins
les plus humides qui sont ordinairement vers le centre. Comme leur croissance est en
proportion du liquide qu'ils peuvent absorber , ils y végètent naturellement avec plus
d'activité. C’est seulement quand le bassin est rempli, qu’ils dépassent les bords où ils s’é-
tendent sans cependant y former de dépôts très-épais. Et si par hasard une légère ir-
clinaison du sol a amené l’eau vers les bords pour la conduire par un courant insensible
+
vers un entonnoir , ce sera dans le voisinage de ce dernier que la tourbe atteindra sa plus
grande hauteur. Les sphaignes suivront toutes les parties humides, les bas-fonds d’une
vallée pour s'y établir , et les monticules, s’il en existe, n’en seront recouverts que
lorsque la tourbe se sera élevée des parties basses jusqu’à leur niveau. DeLuc dans ses
lettres explique d’une singulière manière ce phénomène si simple; il prétend, pour
donner la raison de cas semblables qu’il a observés dans le nord, que la tourbière a
coulé comme un amas de limon vers les lieux bas pour y établir des embranchements.
Ce savant expliquait aussi de la même manière la superposition du limon sur la tourbe
aux bords des fleuves; il supposait que la matière tourbeuse étant devenue fluide, avait
glissé dans cet état sous le sol limoneux pour s’y consolider ensuite.
Dans les dépôts sous-aquatiques , on n’observe pas d’alternances de végétation ; l’on
n’y voit pas non plus de couches de différente nature ou d'apparence diverse. La tourbe
y est pour ainsi dire homogène et d’une qualité très-peu variée. Ces marais lacustres
s'élèvent rarement au-dessus du niveau de l’eau; car les mousses n’y croissent pas.
Cependant les deux formations se trouvent parfois superposées quand les végétaux li-
gneux s’implantent sur la tourbe après qu’elle à atteint la surface de l’eau et que les
sphaignes viennent s’attacher à leurs débris. Une condition nécessaire à cette double
formation , c’est la température froide sans laquelle les mousses hygroscopiques ne peu-
vent vivre; on la rencontrera done dans les lacs du nord ou dans ceux des hautes
montagnes, et alors les couches de tourbe atteindront une très-grande puissance. Lors-
que de semblables mazais sont exploités, on reconnaît très-facilement sur la coupe
perpendiculaire le point où les deux formations se rencontrent ; la partie supérieure
est plus noire et stratifiée ; la partie immergée au contraire est toujours moins avan-
cée en décomposition, toujours moins müre.
Il est une forme de stratification supra-aquatique qui n’est point le résultat d’alter-
nances de végétation, mais bien de dépôts annuels très-différents. Sur les pentes un peu
fortes, dans les petites vallées des Alpes par exemple, où les mousses tourbeuses ne
sont guère nourries que par les eaux qui les traversent à la fonte des neiges, l'humidité
n’est plus suffisante en automne, pour permettre à la végétation de continuer. Les
mousses aquatiques , et ce sont alors surtout les hypnes flottantes, végétation plutôt im-
mergée qu'émergée, entremélées de laiches et de joncées, perdent leur consistance ,
s’affaissent, et à l’arrivée des frimats , elles sont comprimées par les amas de neige
qui s’entassent dans les vallées. Quand , au printemps , l’eau reparaît sur la tourbière ,
la végétation recommence avec une grande vigueur ; mais la couche comprimée reste
séparée des autres autant par la différence d'âge que par les parcelles mécacées et schis-
teuses que les ouragans y ont apportées des roches voisines. Dans ce cas, les lames an-
— 356 — ;
nuelles ont très-peu d'épaisseur; lorsqu'elles sont arrivées à l’état de tourbe bonne et
combustible , elles ont assez de ressemblance avec des feuillets de carton superposés.
Ces explications seront suffisantes, je l'espère, pour donner la raison de tous les ac-
cidents qui se présentent dans les marais tourbeux, surtout dans ceux du Jura. Il ne
restera donc plus à étudier que la nature du sol sur lequel ils sont ordinairement assis.
On a toujours tort de généraliser quelques faits isolés pour en tirer des conclusions gé-
nérales appliquables à d’autres faits qu’on n’a pu observer ; car la nature échappe sou-
vent par la diversité de ses créations aux classifications que nous établissons pour la
soumettre à notre impuissance. Quelques auteurs allemands , qui sans-doute n'avaient
jamais étudié que des marais lacustres ou marins, ont prétendu que toutes les tourbières
reposent sur le sable, et ils en ont conclu que la tourbe ne peut se produire sans être
préparée par cet élément géologique. D’autres, plutôt observateurs des hauts-marais,
ont vu la tourbe s'élever sur une couche de terre noire sur laquelle gisaient ordinaire-
ment des troncs et des arbres, et ils en ont conclu que dans cette terre était caché le
principe chimique qui donne naissance à la tourbe. Maintenant il est prouvé que cette
matière se forme sur tous les terrains, sur le basalte, le granit, les roches schisteuses,
les grès, etc. On a généralement excepté le calcaire, et je pensais aussi que la nature
sèche, poreuse, perméable de cette roche ne laissait jamais à la surface une humidité
assez prolongée et assez abondante pour que les mousses tourbeuses puissent s’y établir.
Il n’en est cependant rien, car au fond du Creux-du-Vent connu de tous les bota-
nistes par la richesse de sa flore, les sphaignes se sont établis sur quelques troncs hu-
mides, et ils ont étendu leurs tiges nombreuses sur les débris calcaires qui sont tombés
des roches voisines. Ils les ont recouverts , se suspendent même sur les flancs abruptes ,
et forment ainsi de minces dépôts de tourbe, par accident, il est vrai, sur le calcaire pur.
Dans le Jura, les dépôts tourbeux reposent en général ou sur le sable, comme ceux
des lacs, ou sur une couche de terre noire étendue sur la marne, comme les hauts-
marais, ou immédiatement sur la marne, comme quelques tourbières de nos hautes
vallées, lesquelles se sont originairement établies dans des étangs que les forêts n’ont pu
recouvrir; d’où nous concluons que le sol sous-jacent n’a eu aucune influence sur la
production de la tourbe ; ear la croûte de terre noire inférieure aux dépôts émergés est
tout-à-fait de mème nature, pour l'apparence du moins, que celle qui recouvre la
marne sous les forêts humides. Sur la frontière du canton de Neuchâtel, au sud du
Val-de-Travers, est une petite vallée d’un accès très-difficile , couverte d’une forêt
qu’on aurait pu, il y a quelques années, appeler vierge. Quelques filets d’eau y ser-
pentent sous les sapins au milieu des troncs et des arbres renversés. Arrêtés dans leur
cours, ils forment cà et là de petits bassins de quelques pouces de profondeur, dans
ER
lesquels il ne croit encore aucune plante ligneuse. Le sol inférieur est de la marne.
sur laquelle s'étend cette même croûte de terre noire de même nature que celle des
marais. Voilà donc tous les éléments réunis pour préparer la formation d’un marais
tourbeux. L'on peut dès-lors prédire qu'aussitôt que l'exploitation des sapins sera ache-
vée, cette production de la tourbe aura lieu. L’acide ulmique ou l’ulmine est contenu
dans la terre sous les forêts ; cela est incontestable, puisque cette matière est le principal
constituant de l'humus ; mais s’il fallait admettre ici cet élément comme cause de la pro-
duction de la tourbe, on devrait le supposer nécessairement aussi dans tous les terrains
sur lesquels repose la matière combustible, dans le sable, dans la marne, dans le cal-
caire ou plutôt dans les eaux qui les arrosent, eaux douces, eaux de mer, eaux de
pluie, et ce serait alors un élément universel.
CHAPITRE v.
AGE PROBABEE DES MARAIS TOURBEUX.
Après les exemples de formation récente ou ancienne que nous avons cités, sera-t-il
besoin de dire qu’on re peut fixer aucune époque à laquelle on doive rapporter l'ori-
gine générale des marais tourbeux? Ils ont commencé à croître quand les cireonstances
favorables à leur naissance se sont rencontrées; et on les voit encore lorsque ces mêmes
circonstances se renouvellent, s'établir aux bords des lacs, au fond des eaux stagnantes.
ou sur le sol humide d’où les forêts ont disparu.
La puissance des couches des marais ainsi que l'aspect de la matière tourbeuse nous
prouvent déjà que l’époque de leur origine est fort éloignée. Si des dépôts tourbeux
ont près de cinquante pieds d'épaisseur, si d’autres ne mesurent que quelques pouces.
il en est aussi dont le combustible est presque passé à l’état de charbon, tandis que
dans d’autres il n’a encore perdu aucune de ses formes végétales pour les transformer
par la présence des éléments étrangers. Sur le sommet du Pouillerel (Jura), on peut
observer un commencement de formation tourbeuse dont la eouche n’a atteint qu’un
pied d’élévation. Ce marais a pris la place d’une forêt tout récemment extirpée par la
main des hommes, puisqu’au milieu des broussailles , des airelles-surtout qui y crois-
sent en abondance avec les sphaignes, on trouve çà et là sur pied des troncs dont les
tiges ont été sciées, coupées et emportées. Les traces de ces travaux sont partout visibles,
e
= 6. =
et la matière tourbeuse n’est encore qu’un tissu de mousses, de radicules et de débris
ligneux parfaitement conservés. Au pied de cette même montagne de Pouillerel, dans
la vallée du Locle, des travaux de constructions ont mis à découvert une couche de
tourbe de sept à neuf pouces d'épaisseur, très-noire, très-dense, très-compacte. Quel-
ques restes de racines y sont encore çà et là visibles, mais on y trouve aussi des matières
qui paraissent carbonisées , et on pourrait facilement prendre le tout pour une couche
de lignite ou de charbon de terre, si au fond de quelques parties des marais des Ponts,
au bas des profondes tourbières du Danemarck et du Holstein, on ne rencontrait sou-
vent la tourbe avec une apparence parfaitement semblable. Il y a donc entre la nais-
sance de ces deux dépôts tourbeux si rapprochés pour le lieu, un immense espace de
temps, puisque ce dernier est recouvert de quatre pieds de marne sur laquelle s’est
formée encore une couche d’humus de deux pieds d’épaisseur.
On doit admettre, en thèse générale, que les dépôts lacustres se formant beaucoup
plus lentement que les hauts-marais, leur origine remonte aussi à une bien plus haute
antiquité. Selon toute probabilité, les premiers ont commencé leur croissance d’abord
après le retrait des eaux de la grande et dernière inondation historique, tandis qu'avant
l’apparition des dépôts tourbeux émergés, les forêts déjà depuis fort long-temps recou-
vraient la surface du sol. Il n’est donc guère probable que l’on trouve dans la mémoire
des hommes des documents qui fixent l’origine des marais lacustres ou sous-aquatiques,
si ce n’est peut-être celui que nous avons cité pour le canal d’Oldenbourg et quelques
formations accidentelles dans la mer Baltique. Il en est tout autrement des tourbières
supra-aquatiques.
On lit dans Rennie : « L'auteur de Carl of Oromali rapporte que Fan 14651, quand
il était encore enfant , il vit dans la paroisse de Loch-Broom en West-Rossshire, une
petite plaine couverte d’une forêt de sapins. Ces arbres étaient cependant si vieux qu’ils
avaient perdu leur écorce et leurs rameaux. Quinze ans après, il revint dans le même
lieu et ne vit plus d'arbres, mais seulement une plaine recouverte de mousses jaunâtres.
En 1689 enfin, il vit tout cet espace changé en un marais où l’on exploitait de la
tourbe. »
On trouve sur le Simplon des tourbières de un pied et demi de profondeur, reposant
sur trois pieds de terre noire et entremélées de branches de pins, de mélèses et de
genévriers. Avant les travaux entrepris par les Français pour la construction de la route,
le sol était encore couvert de forêts. C’est donc depuis une cinquantaine d’années que
la tourbe à commencé à croître dans ces lieux élevés où on l’exploite déjà comme com-
bustible (*).
()} Ce fait m'a été communiqué par M. Godet, inspecteur des études à Neuchâtel.
D JO 7
Avant de rien conclure sur le temps nécessaire à la production d’une couche d'une
épaisseur donnée, rappelons encore quelques faits historiques ; ils auront du moins le
mérite de l'opportunité, et prouveront que nous ne cherchons point à soutenir des
théories vagues et hasardées. On à trouvé dans un dépôt tourbeux de l'ile de Man, le
squelette d'un cerf véritable géant, déposé au musée d’Edimbourg ; la hauteur du Corps
est de six pieds six pouces, sa longueur de dix pieds dix pouces; chaque ramure du
bois mesure cinq pieds et le bois entier onze pieds dix pouces. A quelle époque a dû
vivre un animal de cette espèce (!)? En 1817 on a retiré d’un marais de la Frise orien-
tale le squelette d’un homme dont les vêtements étaient encore très-bien conservés.
D'après la forme de ces habillements , on a reconnu que ces ossements étaient enfouis
depuis mille ans environ: ils ont été découverts sous une dizaine de pieds de tourbe.
Nous avons dit déjà qu’on a recueilli au fond des dépôts tourbeux de Angleterre et de
l'Allemagne une grande quantité de médailles, d'armes, d’ustensiles et d'instruments
romains ; nous avons cité les constructions en bois, les routes viables à une époque
connue et maintenant recouvertes d’une épaisseur de matière facile à mesurer ; le dépôt
qui a comblé le canal d’Oldenbourg navigable encore en 1320, et dont la masse a une
capacité de six, huit, douze, seize pieds de tourbe suivant l'éloignement du bord. Nous
pourrions encore citer l'opinion de Van Marum, qui prétend avoir vu se former trois
pieds de tourbe combustible, dans un bassin de son jardin, en moins de cinq ans, et
une foule d’autres faits, sur lesquels divers auteurs ont appuyé leurs suppositions sur
l’âge des marais tourbeux. Mais toutes ces preuves ne sont guère applicables qu’à des
localités spéciales et n’ont-que peu de valeur pour l’ensemble ; car ce qui est vrai pour
une époque ne l’est pas toujours pour une autre. La manière dont se succèdent, s’entre-
mélent, se développent les groupes végétaux qui forment la tourbe, varie à des distances
très-rapprochées et sur un même dépôt tourbeux, au point que même en évaluant, par
des observations trigonométriques, la croissance d’un marais pendant un certain nombre
d'années sur une ligne connue, on ne pourrait encore en tirer que des conclusions hy-
pothétiques pour l'avenir ; car dans tout calcul il faut tenir compte du temps pendant
lequel la croissance reste à-peu-près stationnaire, par exemple, pour les hauts marais.
pendant que la nature prépare l'établissement d’une nouvelle famille végétale, quand le
sol ne fournit plus à celle qui disparait une nourriture assez abondante pour en favoriser
le développement.
Si malgré cela nous étions appelé à émettre une opinion sur ce sujet, nous conclurions
hypothétiquement de toutes. les recherches faites sur nos tourbières jurassiques et de
() Il s'agit ici sans doute d'un dépôt de lignite plutôt que d'un dépôt tourbeux.
Nr, De
toutes celles qui sont rapportées par des auteurs dignes de foi, que la croissance primi-
tive de la tourbe n’est que rarement de moins de deux pieds par siècle, et que trés-
souvent, dans ce même laps de temps, elle est du double plus rapide. Car en admettant
que la vieille route du marais des Ponts ait été abandonnée vers 1540, ce qui ne serait
point exagéré, s’il est vrai qu’elle était encore viable en 4517, on aurait déjà pour
résultat un pied de tourbe dans un siècle, même en ne tenant aucun compte du soulé-
vement qui doit se faire sentir sous une construction d’une grande surface et composée
de matériaux peu pesants. Or ici les circonstances sont très-peu favorables à la croissance
de la tourbe, puisque tout près de l’ancienne chaussée abandonnée, on en a construit
une nouvelle bordée de profonds canaux de desséchement, dont l’action se fait sentir
sur le marais et en gêne la croissance à une distance plus grande que celle où se trouve
cette vieille route en bois.
La plupart de nos hauts marais jurassiques, celui des Ponts entre autres, ne parais-
sent avoir commencé leur croissance qu'après le défrichement des vallées qui les ren-
ferment. Les dépôts de cendres que j'ai observés sous la tourbe à un pied au-dessus
du fond des couches n’en seraient-ils pas déjà une preuve? De plus, la quantité de
souches et de racines extraites des marais est sans aucun rapport avec le peu d'arbres
qu'on trouve au fond des tourbières. Il paraîtrait donc que les sapins qui couvraient le
sol ont été coupés et emportés pour obtenir des pâturages, comme cela se pratique
encore maintenant dans les défrichements. L'époque de ces travaux pourrait être rap-
portée au commencement du 14" siècle ; or comme les maraïs du Jura ont dans plu-
sieurs endroits dix-huit à vingt pieds de profondeur, ce serait ainsi une croissance de
plus de trois pieds par siècle.
Ces résultats ne s’accordent pas, j'en conviens avec les opinions de plusieurs auteurs
qui ont donné à la croissance de la matière une rapidité beaucoup plus grande. Mais il
vaut toujours mieux tromper les prévisions d’une manière favorable. Je n’admets comme
véritable tourbe, que celle dont la décomposition est déjà assez avancée pour donner
un bon combustible. Si cés calculs ne satisfont pas les spéculations humaines ; si nous
nous étonnons de voir la nature né pas mesurer son travail au peu d’espace que remplit
notre vie, nous ajoutérons que la science des tourbières est encore dans l'enfance, et que
l'homme est appelé à aider la nature pour la plier en quelque sorte à ses besoins. Un
jour viendra, je n’en doute pas, où l’on saura diriger, hâter la croissance de la tourbe
et calculer les résultats des travaux avec autant d’exactitude qu’on peut le faire pour
les forêts. Alors on appréciera, mieux qu’on ne le fait maintenant, la valeur réelle des
marais tourbeux.
CHAPITRE VI.
REPRODUCTION DE LA TOURBE.
La régénération de la tourbe s’opère, du moins pour les hauts marais, dans des
circonstances beaucoup plus faciles à étudier que celles de la croissance primitive. Aussi
ne comprend-ôn guère comment ce phénomène a pu être nié par quelques savants
auteurs, et comment aujourd’hui encore plusieurs personnes doutent de la possibilité
d’une reproduction dont on peut facilement suivre les phases diverses sur tous les marais
en exploitation. On ne nie plus guère, il est vrai, que les fosses creusées depuis un
certain temps ne se soient remplies peu-à-peu, mais on prétend que la matière dont elles
sont comblées n’est point de la tourbe et ne formera jamais un bon combustible. Sur
quoi est fondée cette opinion? Est-ce peut-être sur l’apparence de la tourbe dé nouvelle
formation qui, plus jaune, moins compacte, moins imprégnée d'éléments étrangers,
développe très-peu de calorique par sa rapide combustion? Mais nous avons vu la même
chose dans la tourbe de première production. Les couches nouvellement formées sur les
plus anciens marais, celles de la surface, même celles du fond, quand elles sont im-
mergées, ont tout-à-fait la même apparence et la même composition que la tourbe qui
se renouvelle après les exploitations. Il n’y a nulle part une ligne de démarcation possible
entre ce qui est tourbe et ce qui ne l’est pas encore. Du moment que les végétaux des
marais n’entrent pas en décomposition rapide pour se changer en humus, ils appartien-
nent à la formation de la tourbe, quel que soit leur aspect extérieur. Il en est à cet égard
des couches reproduites comme des couches supérieures des anciens dépôts : elles affec-
tent insensiblement des propriétés et une apparence diverses, à mesure qu’elles sont
recouvertes par d’autres couches et soumises à l'influence des agents qui les métamor-
phosent. Il n’y a de problématique que le temps nécessaire aux transformations insen-
sibles. |
Oui, la tourbe se reproduit. Les lois de la nature ne sont pas soumises aux caprices
des hommes. Que les causes subsistent, et les effets auront leur cours. Quel obstacle
supposerait-on au rétablissement des végétaux tourbeux dans les lieux mêmes où ils ont
toujours véeu? Cette reproduction sé fait sur les tourbières émergées comme dans les
marais sous-aquatiqués ; seulement, comme l’eau a été la condition nécessaire d’une
première formation , elle le sera aussi d'une seconde. Il n’y aura donc jamais régéné-
ration de la tourbe dans les lieux d’où l'humidité aura disparu. et où la pente du terrain
6
+
et des écoulements continus maintiendront la sécheresse. Dau semble prétendre le con-
traire, en affirmant que la tourbe ne se reproduit que là où il n’y a pas d’eau, ou du
moins là où il y en a très-peu. Parce que, dit-il} les végétaux ne se sèment et ne croissent
pas dans les fosses pleines d’eau. Cette assertion est une preuve manifeste des faibles
connaissances botaniques qu'avait cet auteur, car ilest plusieurs espèces de phanéro-
games et de mousses aquatiques qui s’établissent de préférence dans les fosses profondes :
et une espèce de sphaigne entre autres paraît surtout destinée par la nature à combler
les enfoncements que l’eau recouvre et à préparer ainsi le sol à la végétation aérienne.
Dans nos marais jurassiques, l’on rencontre à chaque pas des exploitations ou entière-
ment comblées ou remplies à moitié, ou dont le fond seulement est couvert de végétation
tourbeuse, suivant leur âge. Avant d’avoir obtenu des dates précises sur le temps né-
cessaire à la reproduction d’une couche d’une épaisseur donnée, j'avais cherché par des
observations annuelles sur les sphaignes et les mousses aquatiques, à apprécier l’éléva-
tion du marais dans une année et dans les circonstances les plus générales: J'en étais
venu à admettre, en tenant compte autant que possible de la dépression, que la crois-
sance de la tourbe qui se reproduit est, en moyenne, d’un pouce par année. Au mois
de février 1841, dans un Mémoire qui fut agréé par l'autorité supérieure de Neuchâtel.
je n’osais encore émettre cette opinion que comme une hypothèse, car elle n’avait pas
encore pu être vérifiée par des faits positifs. Mais pendant l’été de la même année, une
commission nommée pour l’examen des tourbières jurassiques, et qui avait surtout mis-
sion de découvrir des preuves positives de la reproduction de la tourbe et du temps
nécessaire à la croissance d’une couche connue, reconnut l’exactitude de cette assertion
dans des exploitations anciennes dont la date a pu être constatée. Dans les marais des
Ponts, entre autres, à quelque distance au sud du village, on peut voir des fosses d’une
étendue assez considérable, qui sont à-peu- près entièrement comblées, et dont on ne
reconnait plus que les contours. Le propriétaire de ces tourbières, vieillard respectable
et digne de foi, a vu lui-même et dirigé la première exploitation qui s’est faite jusqu’au
fond il y a 70 ans. Dès-lors la matière tourbeuse s’est élevée de six pieds dans ces
fosses, ce qui donne une croissance d'environ un pouce par année. J’ai soigneusement
examiné cette tourbe reproduite, tant dans sa composition végétale que dans ses pro-
priétés combustibles. Elle est jaunâtre , formée presque entièrement par les sphaignes
et les mousses flottantes ; sa densité est d’un quart moindre que la bonne tourbe des
hauts marais du Jura; elle est en un mot semblable en tout à celle qu’on trouve vers la
partie supérieure des marais anciens, ou au fond de plusieurs dépôts dans le voisinage
de la Brévine. On peut s’en servir comme combustible, et quelques travaux prépara-
toires la rendraient sans doute exploitable en peu d’années. Je rapporte ce seul exemple,
cu. Ut ui
parce qu'il est le plus remarquable, et que cette exploitation est la plus ancienne dont
on ait obtenu la date précise dans nos marais. Mais une foule de cas semblables peuvent
être constatés dans des proportions moins grandes. Près des Ponts, on voit une seconde
fosse exploitée il y a 40 ans, et qui est déjà remplie de quatre pieds de tourbe. Vis-à-
vis des Cœudres (Jura), les plus anciennes exploitations sont remplies jusqu’au niveau
du marais. Dans les environs de la Brévine, le premier endroit de notre Jura où l’on se
soit servi de la tourbe comme combustible, on rencontre plusieurs de ces anciennes fosses
entièrement comblées et dont il est même impossible de retrouver les contours ; la tourbe
reproduite se trouve maintenant au même niveau que celle de première formation. On
m'a fait voir aussi dans les marais des Verrières des prairies maintenant parfaitement
nivelées, où des vieillards se souviennent d’avoir vu faire les premières exploitations.
Dans les marais des Ponts, enfin, au milieu des couches de tourbe noire et de très-bonne
qualité, on rencontre çà et là des bancs de matière jaunâtre et peu compacte, séparés
de la masse générale par des lignes verticales, nettes et tranchées comme le sont les
parois des exploitations. Comme j'étais un jour occupé à examiner l’une de ces couches,
un des ouvriers qui lexploitait en retira un fer à cheval tout-à-fait oxidé, preuve que
cette tourbe était de seconde formation. Elle se vend comme l’autre, et est un combus-
tible passable.
Il y a longtemps déjà que de semblables observations ont été faites et recueillies dans
le Hanovre et en Hollande. L’un des faits les mieux constatés m'a été communiqué par
le professeur Senf d’Eisenach, qui m’apprend que dans le marais de Warmbruch, en
Hanovre, la tourbe reproduite en trente années est d’une épaisseur de quatre et six pieds.
On pourrait réunir ainsi une foule de données qui fixeraient les incertitudes pour telle
ou telle localité particulière. Mais il faut appliquer aussi à la reproduction ce que nous
avons dit de la formation primitive ; c’est qu’elle est toujours en rapport avec les cir-
constances extérieures qui sont plus ou moins favorables à son développement. Nous
n’aurons sur ce sujet des données bien certaines que quand nous pourrons diriger la vé-
gétation des plantes les plus propres à la composition d’une bonne tourbe. Entre les
mains de la nature , la tourbe varie toujours suivant les localités. On comprend done
que DeLuce ait pu affirmer, sur la foi d’un inspecteur des tourbières de Hollande, que
dans les marais de Duvels, les fosses exploitées à six pieds de profondeur se sont comblées
en moins de’trente ans. On admettra aussi comme justes les observations de Rolland de
la Platrière, qui indique comme terme moyen de la régénération des tourbes un laps de
cent années. Seulement il est difficile de comprendre comment Van Marum a pu voir se
former cinq pieds de tourbe en cinq ans dans un bassin de son jardin, et cela par des
dépôts confervoides.
— 44 —
Voici la marche que suit la nature dans son travail de reproduction de la tourbe.
Quand les fosses exploitées à une certaine profondeur ne sont pas desséchées par un
ruisseau d'écoulement, elles se remplissent d’eau en peu de temps, autant par l’action
des pluies que par le suintement du liquide contenu dans la matière qui les entoure.
Quand le bassin est profond, de six pieds, par exemple, la végétation s’y établit lente-
ment ; les seules conferves y vivent les deux ou trois premières années, et leurs dépôts
successifs forment au fond du bassin une couche yaseuse sur laquelle viennent s'établir
peu-à-peu quelques mousses flottantes, le sphaigne pointu (Sphagnum cuspidatum), le
hypne flottant ( Hypnum fluitans), les utriculaires, etc. Souvent la surface est couverte
par la lentille d’eau {Lemna). Bientôt les innombrables ramifications de ces plantes s’é-
tendent à toute la fosse, la remplissent, et leurs débris se tassent peu-à-peu sous le poids
des végétations successives. Dès que le sol est assez ferme pour soutenir les mousses
que j'appellerais volontiers amphibies (celles, dont les tiges s’imprègnent de l'humidité
intérieure pour la transmettre à leurs couronnes qui vivent à l'air), la croissance prend
une activité extraordinaire. Chaque année les touffes compactes s’affaissent un peu mais
continuent à s'élever sans interruption. Le sphaigne absorbant se mélange aux touffes
ligneuses de la linaigrette (Eriophorum vaginatum) , aux tiges innombrables des prèles
et des laiches, et en peu de temps les fosses se comblent (‘). Ainsi s’entasse la matière
première de la tourbe, en attendant qu’elle subisse les modifications qui en font un bon
combustible.
Les premières années, pendant lesquelles les fosses restent pleines d’eau et inacces-
sibles à d’autres espèces de plantes qu'aux conferves, me paraissent à-peu-près perdues
pour la reproduction de la tourbe. Nulle part, dans nos hauts marais jurassiques , les
dépôts .confervoïdes que j'ai examinés, même avant leur complète décomposition, ne
n'ont paru d'une épaisseur de plus d’un pouce. Le plus avantageux serait d'établir tout
d'abord au fond des exploitations les végétaux plus ligneux qui croissent plus rapide-
ment. Les sphaignes et la linaigrette méritent sans nul doute la préférence. Dans ce but,
après l'enlèvement de la tourbe, il faudrait laisser au fond de la fosse un demi pied
d’eau environ; puis y jeter la découverte en ayant soin de ne pas retourner les mottes
sens dessus dessous ; car les mousses qui la forment se propageant par boutures aussi
facilement que par graines, autant du moins que j'ai pu le voir, elles y continueront leur
végétation comme à la surface. Ces touffes supérieures contiennent d’ailleurs naturelle-
ment une immense quantité de graines que la grande humidité peut faire germer. Il
(«) L'élévation des touffes de splaignes , sans tenir compte de la dépression, est souvent de trois pouces
par année.
— D —
serait aussi utile d’implanter parmi ces débris de la surface, les linaigrettes et les ca-
rex, en jetant dans les fosses quelques-unes de ces plantes avec leurs longues racines.
qui bientôt y seraient établies en grande quantité. À mesure que toutes ces plantes s’é-
lèvent, les canaux, qui avaient d’abord servi à l'écoulement de l'eau jusqu’à un certain
niveau, s’obstruent par les débris de tourbe qui y tombent et par la croissance même
et la décomposition des végétaux ; l’eau s’élève donc aussi et le phénomène se produit
avec toute l’activité dont il est susceptible.
Mais ici se présente une question qui ne peut guère être résolue que par des expé-
riences directes, c’est celle de l'influence de certaines espèces végétales sur la qualité de
la tourbe. Le ligneux ne suffisant point pour donner au combustible sa valeur , il faut
d’autres éléments qui, par leur mélange, leur groupement , l'intensité de leurs attrac-
tions, ete. , fassent naître des combinaisons nouvelles, des produits nouveaux , suivant
les affinités chimiques qu'ils ont entre eux. La résine, par exemple, qui découle parfois
du pin des marais en si grande abondaneé que je lai vue recouvrir le sol à plusieurs
lignes d'épaisseur, est un de ces éléments dent le mélange est particulièrement favorable
à la qualité de la tourbe. Ces pins vivent à la surface des hauts marais à-peu-près dans
toutes les conditions possibles d'humidité. Autant que j'ai pu le voir, la dissémination
des graines est la seule cause de leur propagation. C'est encore là un des travaux de la
nature que l’homme devrait imiter, et dont il tirerait grand avantage, autant pour la
qualité du combustible que pour le bois qu'on pourrait en retirer. Les bouleaux qui se
mélangent à toutes les couches tourbeuses croissent aussi très-facilement sur les hauts
marais et semblent, comme les pins, plutôt activer que gêner la végétation des sphaignes.
Il en est de mème du bouleau de Sibérie, de l’airelle des tourbières et des bruyères .
arbustes qui tous contiennent beaucoup de tannin, principe dont chacun connait les
propriétés antiseptiques. Or c’est autour de ces petits arbustes que les touffes de sphai-
gnes s'élèvent avec la plus grande activité.
Il faudrait pour bien apprécier toutes ces cireonstances , que des expériences fussent
faites sur les marais tourbeux et autant que possible aux frais et sous la direction des
gouvernements, dont les vues et les travaux sont moins passagers et plus suivis que les
entreprises des simples particuliers, limitées d'ordinaire à la durée dé leur vie. Voici,
ce me semble, quel serait le moyen le plus facile d'obtenir les résultats comparatifs aux-
quels on doit tendre. |
La partie du marais destinée à ces exploitations mali: devrait ètre partagée au
milieu et de haut en bas par un fossé d'écoulement aussi profond que le permettraient
les circonstances, pour déverser l’eau dans un entonnoir ou un ruisseau latéral, comme
il s'en trouve souvent dans le voisinage de nos hants marais jurassiques. Perpendiculai-
+ US 2
rement à ce premier fossé et de chaque côté, en commençant par la partie intérieure du
marais, On creuserait une fosse d’une étendue proportionnée à la surface totale qu'on
voudrait exploiter, d’un cinquantième, par exemple. Chaque année une fosse semblable
serait exploitée parallélement à la première, et ainsi de suite en avançant vers le bas.
Mais on laisserait sur pied, pour séparer chaque exploitation annuelle, un banc de tourbe
d’une étendue égale à celle des fosses, afin de les séparer et de pouvoir ménager dans
chacune d’elles le liquide, suivant les besoins dé la végétation qu’on y établirait. Dans
chacune de ces fosses on ferait croître ou une seule espèce de mousses ou de plantes
‘tourbeuses, ou un mélange de divers végétaux. On pourrait tout d’abord juger de l’ac-
tivité de croissance de chacune des fosses et savoir quels sont les procédés les plus fa-
vorables à la propagation des plantes tourbeuses. Au bout de vingt-cinq ans, le tout
serait exploité, mais il resterait vingt-cinq portions égales correspondant aux espaces
entre les fosses, sur lesquelles on pourrait répéter lopération. Pendant ce temps, les
premières fosses se seraient à-peu-près comblées ; l’eau maintenue au fond aurait em-
péché la tourbe laissée sur pied de s’efflorer et de tomber en poussière au contact de
l'air. Peut-être même cette matière, soustraite à l’influence d’une humidité toujours la
même, subirait-elle une transformation analogue à celle d’une maturité hâtée, que je
crois très-favorable à la qualité de la tourbe. Quand, au bout de cinquante années.
l'exploitation serait ainsi arrivée à son terme, on n’aurait rien perdu de la matière com-
bustible, on aurait eu un emplacement commode pour dessécher la tourbe , avantage
dont on se prive souvent par des exploitations mal combinées, et l’on aurait enfin une
série de résultats comparatifs, d’où l’on pourrait tirer des conclusions positives sur Fem-
ménagement et la conservation des marais tourbeux.
Tout ce que je viens de dire se rapporte essentiellement à la régénération de la tourbe
dans les hauts marais. Je dois avouer en toute sincérité que, malgré des recherches
actives, il m'a été impossible de trouver des traces positives de reproduction sous-aqua-
tique dans les marais lacustres du Jura. La tourbe d’abord y est exploitée depuis fort
peu de temps et les exploitations ne sont permises dans les grands marais du'Seeland
que tout près du bord des lacs où elles sont chaque année remplies par le sable pendant
les inondations. Les fosses anciennes sont, il est vrai, recouvertes d’une végétation très-
active des mêmes espèces de plantes que celles qui ont primitivement produit la tourbe ;
on en retrouve les débris mélangés au sable à une certaine profondeur ; maïs on ne
peut en conclure que €’est là une régénération tourbeuse. 11 est impossible cependant
de ne'pas admettre par analogie cêtte reproduction de la tourbe immergée. Plusieurs
auteurs l'ont observée sur les bords de la mer et de quelques rivières de France. Dau
a vu en Danemarck plusieurs fosses, jadis creusées à six pieds de profondeur, comblées
ARE 0e
par la végétation des joncs et des roseaux, au point qu’on pouvait à peine en distinguer
les contours. Je lis dans une dissertation sur la tourbe de Picardie par Bellery (‘) 1754 :
« Il se forme journellement de la tourbe dans les marais de Péronne et de Saint-Christ.
pourquoi ne:s’en formerait-il pas dans les lieux d’où lon a tiré l’ancienne? On trouve
quelquefois des bancs de tourbe appuyés lun contre l’autre, bien différents quant à la
qualité et qui semblent n’avoir aucune liaison ensemble. L'une est noire, compacte et
ferme, l’autre jaunâtre.et légère. Cette dernière est une tourbe nouvelle qui s’est formée
dans les lieux d’où Fon avait tiré l’ancienne ; elle est moins ferme; elle perd davantage
de son volume en séchant; ses cendres ne sont pas si bonnes pour l’engrais des terres :
enfin elle n’a pas reçu assez de soufre et de bitume pour être parfaite. »
Comme la production primitive dans les marais immergés est très-lente, on doit ad-
mettre que la régénération de la matière s’y opère aussi bien plus lentement que dans
les tourbières supra-aquatiques. C’est peut-être la raison qui jusqu'à présent a empêché
de préciser les observations et de fixer le temps nécessaire à la reproduction. D'ailleurs
les circonstances qui favorisent d'ordinaire la végétation de la tourbe, sont moins nom-
breuses à cause de l’abaissement du niveau des eaux dans plusieurs localités. Cependant.
en thèse générale, on est forcé d'admettre une reproduction. On arrivera difficilement
sans-doute à favoriser le développement des végétaux immergés; mais on pourra tou-
jours diriger les exploitations dans le but de la régénération, partout où l’eau sera assez
abondante, et à la longue, on obtiendra des résultats favorables ou tout au moins les
incertitudes seront enfin levées.
Au reste la reproduction est beaucoup plus importante pour les hauts marais que pour
les tourbières immergées. Ces dernières devraient être envisagées plutôt comme terres
de culture et exploitées dans ce but; les autres au contraire devraient toujours être
exploitées en vue de la régénération.
Après tout ce que nous avons dit, peut-on conclure quelque chose de positif sur le
temps nécessaire à la décomposition des plantes, et à la formation d’une tourbe qui soit
un bon combustible? Je n'émettrai aucune opinion à l'égard des tourbières immergées,
mais je crois que par analogie, on peut juger approximativement de la durée du travail
de la nature pour amener les végétaux à l’état de tourbe dans les hauts marais. On
nomme découverte où bourin la couche supérieure de la tourbe dont le tissu est trop
lâche, trop peu compact pour être exploité avantageusement. Cette couche a d’ordinaire
un pied à un pied et demi d'épaisseur. C'est sous la découverte que la tourbe commence
à devenir bonne. Si l’on admet que la croissance est de deux pieds par siècle, il faudra
() Pages 37 et 38.
me
soixante et quinze années pour produire cette découverte et par conséquent pour amener
la partie qu’elle recouvre à un état de décomposition suffisante. Au bout du même laps
de temps, ce qui était jadis surface, se trouvera enfoncé d’un pied et demi et au-delà,
à l’état de tourbe. Il doit en être ainsi de la décomposition des végétaux qui ont régé-
néré la matière; ce temps sera à-peu-près le même suivant les circonstances plus ou
moins favorables à la décomposition. Une immersion profonde et une température très-
basse la retarderont; elle sera au contraire activée par la présence de l'air.
Prendra-t-on ces idées pour de vagues et inutiles rêveries sans fondement? A Dieu ne
plaise, car elles sont le résultat de plusieurs années de recherches actives et d’obser-
vations consciencieuses. Qu’elles soient rejetées par un grand nombre de propriétaires
dont l’unique vouloir est le profit du moment, je le comprends. Mais il se trouvera
peut-être quelque homme de cœur, ami de son pays, qui emploiera une parcelle de sa
fortune à des expériences que le riche seul peut faire. Puissent les résultats obtenus
emmener enfin mes concitoyens à cette conviction, qui se fortifie toujours plus en moi,
c’est que les marais tourbeux sont, non point un bien mort, mais une fortune active,
non point une chose profitable pour le présent seul, mais nécessaire à l’avenir, non point
enfin un sol inutile et qu'il faut se hâter de détruire, mais un de ces bienfaits de la sage
nature que l’homme doit reconnaitre et étudier ; un de ces trésors dont il peut profiter
pour lui-même, mais dont il doit compte à ses descendants.
$S. 2. PARTIE PRATIQUE.
CHAPITRE I‘.
EXPLOITATION DE LA TOURBE.
il n'est pas d'observateur un peu attentif qui ; en parcourant nos dépôts tourbeux
jurassiques, n’ait été frappé de la négligence, du désordre, de l'extrême incurie avec
laquelle on les exploite; et cela dans tous les sens, de toutes les manières, à toutes les
profondeurs , sans s’inquiéter d’autre chose que d’en tirer le meilleur parti possible.
= 4% =
C'est au point que celui qui aurait pris à tâche d’anéantir nos marais tourbeux, ne
pourrait mieux arriver à ses fins qu’en encourageant les exploitations telles qu’on les
fait maintenant. Cet état de choses, qu’on observe dans plusieurs autres pays de l’Eu-
rope, a souvent excité les regrets des hommes qui s'inquiètent du bonheur de leur patrie.
Voici ce que m'écrit à ce sujet un savant naturaliste de France, un de ces hommes dont
toute la vie a été remplie par des travaux honorables et des recherches utiles, le docteur
Mougeot de Bruyères, à qui je dois de précieux encouragements, des conseils et des
secours, comme la meilleure amitié les donne : « Nous avions de belles tourbières au
sommet de nos Vosges, comme il en existe dans le Jura ; nous en avions dans le fond
des vallées. On a exploité sans méthode, sans songer qu'il y avait des emplacements où
il était possible de reproduire de la tourbe. Nos ingénieurs aux mines sont venus parmi
nous donner des conseils ; on ne les a pas écoutés, parce que l'administration du pays
ne s’est pas elle-même occupée de cette matière importante , et nous commençons à
reconnaitre quel préjudice cette négligence administrative, cet arbitraire dans l'exploi-
tation de nos tourbes ont causé au pays. »
Il faut le dire cependant, dans ces derniers temps on s’est occupé un peu sérieusement
dans quelques localités de régulariser l'exploitation de la tourbe à mesure qu’on a mieux
apprécié la valeur du combustible, Mais les directions données, les précautions prises,
l'ont été sous le rapport technique tant seulement. On s’est attaché à extraire d’un marais
le plus de matière possible et à trouver le moyen de n’en rien perdre. Un rapide coup-
d'œil jeté sur les inconvénients des exploitations mêmes les mieux dirigées et telles qu’on
les fait maintenant, prouvera l'insuffisance et le danger des méthodes employées.
Nous savons déjà quelle influence l’eau a sur la formation primitive et la reproduction
de la tourbe. Nos marais Jurassiques se trouvent divisés en un très-grand nombre de
petites propriétés particulières. Quelques dépôts seulement appartiennent dans leur tota-
lité à des communes qui les ont transformés en pâturages ou qui permettent l'extraction
du combustible moyennant une certaine redevance par toise carrée suivant la profon-
deur. Les hauts marais jurassiques toujours élevés au-dessus du niveau de l'eau, sont
ainsi ordinairement attaqués sur les bords, parfois sur tout leur contour, à cause de la
facilité qu'on a de conduire les eaux dans les ruisseaux ou les entonnoirs qui les avoi-
sinent. La partie inférieure mise à nu par l'exploitation et inclinée ou coupée de fossés
d'écoulement, reste par conséquent desséchée et sans usage; car les quelques touffes de
linaigrettes et de joncées qui y croissent ne peuvent servir ni à la reproduction de la
tourbe, ni à la nourriture des bestiaux. A peine peut-on utiliser ce sol pour le dessé-
chement de la matière exploitée, car il reste mol et de difficile accès. D'ailleurs les dépôts
tourbeux remplissent des bassins qui deviennent plus profonds à mesure qu’on s’avance
> 7
FE: Dr
vers l’intérieur, et si l’on veut continuer à niveler la surface, on est forcé d'abandonner
les couches inférieures, dès que les exploitations pénètrent plus avant dans le marais,
et c’est toujours une perte réelle pour le propriétaire. Il n’y a donc pas de méthode réelle
dans ce mode d’exploitation.
On pourrait cependant se contenter de travaux ainsi exécutés, s’il n’y avait de dom-
mage que pour le propriétaire; car la simplicité, la facilité de l'exploitation compense-
raient la perte; mais il n’en est malheureusement pas ainsi.
Le premier effet produit sur un marais en croissance dans le voisinage des fosses d’où
l’eau a été entièrement enlevée, c’est une dépression considérable de la surface, la dis-
parition des végétaux qui servaient à la production de la tourbe ét à son élévation, et
partant une interruption dans la croissance primitive du marais. On peut objecter il est
vrai, que l'influence du desséchement ne se fait pas sentir à une très-grande distance
des exploitations, puisque la spongiosité de la tourbe empêche l'humidité de se perdre
entièrement; cependant on comprend qu’à la longue le liquide diminue dans toute l’é-
tendue d’une tourbière par cette spongiosité même qui tend à rétablir l'équilibre dans
les parties privées d’eau aux dépens de celles qui en sont saturées. Quand les exploita-
tions se font sur une grande étendue avec un écoulement constant, et que les couches
mises à découvert et coupées perpendiculairement ne sont pas soutenues latéralement par
celles qui restent sur pied, le dommage est encore plus grand et plus appréciable. Car
alors, comme on peut l’observer sur le marais de la Vraconne, près de Sainte-Croix
(Jura), la partie dénudée et exposée par l'exploitation au contact de l'air s’affaisse, se
déprime , s’incline sur sa base et finit par se séparer forcément des couches intérieures
par des crevasses plus ou moins profondes qui font pénétrer la sécheresse toujours plus
avant dans l’intérieur du dépôt. Comme matière charbonneuse, la tourbe est à la vérité
indécomposable ; cependant le contact de l'air, l’action des pluies, des gelées surtout la
font tomber en poussière et lui enlèvent les éléments les plus favorables au développe-
ment du calorique dans la combustion, les parties minérales, la résine, etc. Voilà done
un double dommage, la croissance arrêtée, la qualité de la tourbe gâtée; souvent même
des masses de matière absolument perdues, car lorsque l’affaissement des couches conti-
nue, des pans entiers se couchent comme des murailles renversées sur les exploitations,
et altérée par les agents atmosphériques, cette masse de combustible devient inutile, et
le propriétaire a souvent de la peine à s’en débarrasser pour continuer ses exploitations.
L'exploitation d’une tourbière peut ainsi causer un grand dommage aux propriétés
voisines, qui par l’éloignement de l'eau perdent une grande partie de leur valeur, sans
compter que la croissance présente est anéantie et la reproduction future rendue impos-
sible. Que les canaux pénètrent vers l'intérieur d’un marais en longeant, comme il arrive
Re
souvent, les propriétés voisines sur une grande étendue, le dommage s'augmentera et
ce sera un vol réel, une injustice supportée par plusieurs au profit d’un seul. J'ai vu
dans les marais des Ponts des tourbières autour desquelles les voisins avaient ainsi creusé
des fossés profonds pour faciliter leurs propres exploitations. Ces tourbières s’affaissant
de tous côtés, se voûtaient en dôme et dépérissaient sans qu'il fût possible au proprié-
taire d'apporter aucun remède au mal, sans qu’il osât même se plaindre des voisins qui
n'avaient fait qu’user strictement de leur droit. L'agent producteur et conservateur de
la tourbe, l’eau appartenant à tous, il y à entre les divers propriétaires d’un marais une
communauté d'intérêts qu'une surveillance supérieure peut seule équitablement répartir.
Les autorités de chaque état devraient donc avoir droit d'inspection et de direction pour
les exploitations, dans l'intérêt même des possesseurs. On établirait alors des réglements
et des compensations pour que le profit ne soit pas pour un seul au détriment des au-
tres. Une distance de six pieds au moins devrait toujours être accordée entre un fossé
d'écoulement et la propriété voisine, et si l'écoulement est continu, ce ne serait point
une trop large compensation que de céder à celui qui n’exploite pas la bande de sol
qui borde le fossé.
Un autre inconvénient nait pour les exploitations dans l’intérieur des marais, quand
une tourbière entourée de tous côtés par les propriétés étrangères ne peut être desséchée
par un fossé d'écoulement ; car alors on ne peut creuser assez profond pour obtenir une
bonne tourbe, à cause de la quantité d’eau qui se ramasse dans les fosses, et la surface
seule est attaquée comme un damier. Si ce mode d'exploitation est favorable à la re-
production , il n’est d'aucune utilité pour le propriétaire et il a l'inconvénient de mé-
langer à des distances très-rapprochées des tourbes de deux qualités qui rendent les
exploitations futures moins avantageuses. Dans ce cas, il me semble injuste qu'un pos-
sesseur ne puisse tirer parti de son bien ; et de même qu'il est toujours permis d’em-
porter le bois des forêts et les produits des champs à travers les champs et les forêts
voisines, ainsi devrait-il être permis de creuser même sur une propriété étrangere des
fossés d'écoulement pour un temps court et limité et moyennant idemnité. Comblés à
l’époque fixée, ils seraient bientôt remplis d’eau et n’exerceraient Pas sur tout un marais
leur influence destructive.
Une considération semblable se présente quand on examine les emplacements choisis
et réservés pour l’étente et le desséchement de la tourbe. Si les exploitations s’avancent
de l'extérieur vers l’intérieur du marais, il arrive un point où la surface mise à nu de-
vient trop molle pour qu’on puisse y déssécher le combustible. 11 faut alors le rejeter
sur le bord de l’entaille et l’étendre sur la propriété voisine, Or l’entassement, la pres-
sion de la tourbe humide à la surface du sol, le transport, le passage des chars, des
<' + —
chevaux et des ouvriers détruisent les végétaux tourbeux et arrêtent la croissance du
marais. C’est encore une injustice en faveur de celui qui exploite. Répétées sous mille
formes différentes, ces pertes deviennent considérables et pourtant personne ne s’avise
de se plaindre ou de chercher un remède au mal; tant il est vrai que l'habitude ou de
funestes préventions finissent souvent par donner à l’iniquité l'apparence du droit.
Nous sommes forcés de le reconnaitre, que les principes les plus simples sur lesquels
doit reposer une exploitation méthodique des hauts marais, sont inconnus et sans appli-
cation ; car une méthode pour être acceptable doit à la fois empêcher les pertes inutiles
et procurer le plus grand avantage possible.
De tout ce que nous avons dit dans la partie théorétique, découlent pour l'exploitation
ces quelques règles générales qui pourront être modifiées de bien des manières, selon
les cas particuliers.
1° Principe. Combiner la plus grande profondeur possible dans les creusages avec le
maintien de l’eau dans les fosses, le transport et le desséchement de la matière. Si le mode
d’exploitation proposé dans le chapitre précédent n’est pas toujours facile, s’il exige une
surveillance assez suivie, il fournit du moins toujours le moyen d'établir les canaux d’é-
coulement de manière à pouvoir y retenir l’eau à volonté. Or comme la tourbe est im-
perméable, on peut rejeter dans les fossés, après l'exploitation, une assez grande masse
de matière pour les obstruer.
2° Principe. Empècher les exploitations sur une vaste surface continue, attendu que
dans ce cas l'écoulement de l’eau ne peut s’effectuer que par la pente même du sol sur
lequel on extrait la tourbe , ou par des canaux trop longtemps ouverts. On peut sans
doute établir des barrages au moyen de bancs de matière tourbeuse laissés sur pied ou
avec les débris des exploitations qu’on entasse en digues à la suite des ouvriers. Mais
dans le premier cas, si les bancs ne sont pas assez puissants pour permettre une
seconde exploitation, on perd une certaine quantité de matière ; dans le second cas,
qui est applicable dans plusieurs circonstances, la matière reproduite se mélangeant avec
l’ancienne tourbe par des digues de déblais qu’on élève, contribue à rendre moins
faciles et moins productives les exploitations futures après la reproduction. Ces barrages
continuels occasionnent d’ailleurs une perte de temps assez considérable pour les ouvriers.
3° Principe. Préparer toute exploitation en déterminant d’avance la direction du
fossé d'écoulement. Donner à ce fossé une profondeur en rapport avec celle des couches
exploitables et le diriger au travers de ces couches jusque vers la partie intérieure où doit
toujours commencer l'exploitation. De cette manière, l’action désséchante du canal se
reporte des deux côtés sur la surface qui doit être soumise à l’exploitation ; et cette mème
surface sert à l’empilage de la matière, au passage des ouvriers, des chars et des che-
EL 4
vaux. La croissance n’est ainsi arrêtée que sur la partie même qui doit être extraite
et qui supporte tous les dommages, et les propriétés voisines n’ont pas à en souffrir.
L®° Principe. Faciliter dans les fosses l'établissement des végétaux les plus utiles à la
reproduction de la tourbe , en y ménageant une quantité d’eau proportionnée à leur
rapide croissance. Sans répéter ce qui a été dit précédemment , j'ajouterai ici les con-
sidérations suivantes. Les plantes tourbeuses ont besoin de lumière et de soleil pour
croître rapidement ; elles prospèrent donc le mieux dans les fosses creusées du nord au
sud où les entailles perpendiculaires ne projettent pas une ombre continue. Les exploi-
tations faites dans cette direction, qui pour le Jura du moins, est perpendiculaire à
celle des vents régnants , ont d’ailleurs l'avantage d'arrêter plus facilement et en plus
grande quantité les graines que les courants d’air entrainent, d’abriter contre leur vio-
lence les jeunes pousses de’bouleau et de pin qui y croissent et de contribuer à la fonte
plus accélérée des glaçons et des neiges. La direction des vallées jurassiques, au fond
desquelles les marais tourbeux sont ordinairement situés, favorise particulièrement les
exploitations dans ce sens.
5"° Principe. Faire un plan d'exploitation, lorsque l'on s’est assuré, par des sondages
répétés, de la qualité et de la profondeur de la tourbe. L'examen des localités est
d’une grande importance, car il faut rendre aux ouvriers le travail facile, si l’on veut
que l'extraction de la matière se fasse rapidement. Cela est surtout d’une grande impor-
tance dans les vallées froides du Jura , où l’on n’a que peu de temps à consacrer au
desséchement de la tourbe. Il est de plus nécessaire que l’ouvrier ne choisisse pas à sa
convenance ce qui lui convient de tailler. L'observation de toutes ces règles nécessite-
rait, j'en conviens, une inspection continuelle dont les gouvernements ne voudront
peut-être pas se charger, et que les propriétaires subiront difficilement. Mais, d’un
autre côté, je crois aussi que les difficultés s’applaniront peu-à-peu, par la raison que
tout le monde y trouvera nécessairement son intérêt. Nous verrons plus bas jusqu’à quel
point la prospérité d’un état peut dépendre de la conservation des marais tourbeux. On
est souvent étonné de voir avec quelle incurie et quelle négligence les ouvriers char-
gés d'extraire la tourbe font leur ouvrage, sans s'inquiéter du profit du maitre, tant
seulement pour s’épargner un peu de peine et aller plus vite. Ces ouvriers, ordinaire-
ment payés par chars, bauges ou loises mesurés quand la tourbe est sèche et rentrée,
ont plus d'intérêt à exploiter la mauvaise tourbe fibreuse que la tourbe plus com-
pacte. Celle-ci est plus pesante, se dessèche plus difficilement et perd davantage de son
volume en se séchant. Il arrive aussi que quand le coupeur rencontre des troncs d'arbre
ou quelque couche trop dure qui l’oblige à ralentir son travail ou à prendre des pré-
cautions pour enlever sa taille ou son morceau, il attaque le banc dans une autre direction,
TT
plus ou moins près de la surface, et abandonne ainsi la tourbe de meilleure qualité. C’est
une perte réelle que ne subirait pas le propriétaire si les exploitations étaient tracées à
l’avanee et si la profondeur était fixée dans toute l’étendue du dépôt. D'un autre côté,
les ouvriers sont souvent retardés par des travaux accessoires pour l'écoulement de
l’eau , dont on serait dispensé du moment que les canaux seraient creusés d’avance
suivant le plan des exploitations. De cette surveillance résulterait nécessairement un
travail d’ensemble, des rapprochements entre les propriétaires , des associations là où
l'intérêt de l’un se trouverait en conflit avec l’avantage de autre, de plus grands bé-
néfices dans les travaux, une justice égale pour tous et surtout la conservation des
marais tourbeux. : #4
L'exploitation des tourbières sous-aquatiques est bien moins compliquée quant aux
principes à suivre pour la diriger. On ne peut guère établir à l’égard de ces dépôts que
cette règle générale : profiter autant que possible de la matière qu'ils renferment, l’ex-
traire jusqu’au fond ou aussi profondément qu'on peut l'atteindre. Si les tourbes sont
immergées, comme c’est ordinairement le cas, les fosses creusées se rempliront d’eau
et par le travail de la nature elles pourront à la longue se combler. Si par suite de
l’abaissement des eaux qui les ont formées, elles se dessèchent, on devra alors tirer parti
du sol sur lequel elles reposent pour des cultures.
Les marais sous-aquatiques recouverts d’une couche d’humus ou de limon ont une
végétation naturelle, dont on profite pour de médiocres pâturages ; les labours et les
engrais en obtiennent des produits assez abondants en fourrages. Avant donc de les.
attaquer pour y creuser des fosses dans lesquelles la tourbe se reproduit très-lentement,
il sera toujours bon de calculer ce que valent les produits annuels, pour les comparer au
capital obtenu par le combustible exploité. Il sera bon aussi que les autorités veillent à
la salubrité en empêchant de trop vastes travaux, attendu que les eaux stagnantes qui
se réunissent dans les fosses, peuvent développer des miasmes dangereux, s’il ne s’y
établit pas une végétation très-active.
A ces généralités, ajoutons quelques détails techniques pour faire connaître la ma-
nière dont on extrait la tourbe dans le Jura et pour comparer nos méthodes avec celles
d’autres peuples.
Dans les hauts marais, on n’emploie en général que deux ouvriers pour chaque taille
ou exploitation partielle. L'un coupe la tourbe au moyen d’une pelle tranchante et la
jette sur le bord de l’entaille au brouetteur qui va l'étendre pour la sécher. Dans les
marais du lac de Neuchâtel, on se sert d’un louchet ou pelle à oreillettes, et par ce
moyen toutes les briques de tourbe ont une dimension à-peu-près égale. Dans plu-
sieurs localités de PAllemagne, la surface nivelée est soigneusement divisée en carrés
— =
égaux , comme les cases d’un damier, et deux ouvriers sont employés, lun à couper
la tourbe perpendiculairement , l’autre à la trancher horizontalement et à la jeter hors
de la fosse. Il y a un grand avantage pour le desséchement et pour la facilité de Fempi-
lage et la manipulation en général, à extraire des briques d’égale grosseur ; mais on n°y
fait nulle attention dans notre Jura, où rien n’est au contraire plus variable que les
dimensions des tourbes. De-là vient qu’elles s’entassent si difficilement et ne peuvent se
vendre qu’au char ou à la toise et non pas au mille, comme cela a lieu dans d’autres
contrées. Comme ce sont les Hollandais qui , les premiers, ont fait usage de la tourbe
qui est presque leur seul combustible, c’est d’eux aussi que nous empruntons les
meilleures méthodes d'exploitation, surtout pour les marais sous-aquatiques, car quand
la matière est émergée, il n’y a aucune difficulté à la tailler. Quand, dans un dépôt tour-
beux , il n’est plus possible d’éloigner l’eau, ce qu’on fait ordinairement par des barra-
ges, des sceaux ou des vis d’Archimède, on fait usage de la drague. C'est un simple
anneau en fer à bords tranchants, dans l’épaisseur duquel sont percés des trous en
nombre suffisant pour recevoir les cordes principales d’une espèce de filet ou de sac
dont est formée la panse de la drague (‘). Au moyen de cet instrument attaché à un
long manche, l’ouvrier placé sur le bord de la fosse ou sur un radeau, ramène du fond
la matière coupée par les bords tranchants du cerele , et qui remplit le sac. Il verse cette
tourbe dans un baquet où elle est pétrie par un autre ouvrier qui la débarrasse, à l’aide
d’un fourchet, de tous les débris trop grossiers de végétaux, en même temps qu'il
y ajoute l’eau nécessaire pour en faire une pâte qu'il piétine fortement et qu’il brasse
avec un sabot. Quelques industriels français ajoutent à la matière, quand elle est dans
cet état, de la chaux vive ou de la marne, prétendant ainsi augmenter la force calori-
fiante. Quand la pâte est bien formée, on la verse sur une aire de dimensions variables,
formée par des planches qui en font une espèce d’auge. Le fond est formé par un lit de
mauvais foin piétiné. L'eau de cette bouillie s'écoule ou s’infiltre dans le sol et s’'évapore.
Lorsqu'elle a pris une certaine consistance, on la tasse à coups de batte pour lui donner
une épaisseur et une densité uniformes. Puis à mesure que la masse devient plus sèche,
on y fait marcher des enfants portant au lieu de souliers des planchettes de six pouces
de large et de treize à quatorze pouces de long, attachées comme des sandales. Quand ce
piétinement a donné de la compacité à la masse ; quand elle est bien nivelée et qu'elle
peut supporter le poids de l'homme, réduite à une épaisseur de huit à neuf pouces,
on trace sur la surface, avec de longues règles, des lignes qui la divisent en rectangles
@) J'emprunte cette description à Pelouse, père : Traité méthodique de la fabrication du Coke et du
charbon de tourbe, page 66.
:
RE
égaux , et on la coupe, dans le sens du tracé, au moyen d’un louchet. Cette opération
faite, on laisse les briques de tourbe sur place pour qu’elles prennent encore plus de
consistance. Au bout de deux ou trois jours, les ouvriers enlèvent toutes les briques des
rangs impairs et les posent en travers sur celles des rangs pairs, restées debout. Après
quelques jours, on les déplace en sens inverse, et par cette suite d’opérations, la des-
sication s'achève naturellement en peu de temps.
Nos tourbes lacustres sont généralement trop fibreuses pour pouvoir subir une telle
manipulation. Mais cette méthode pourrait être employée avec avantage, en partie du
moins, pour utiliser dans les hauts marais les menus copeaux de tourbe que les ouvriers
entassent au fond des fosses. 11 suffirait pour cela de les jeter à la surface, de les faire
pétrir en bouillie, puis, lorsque l’eau se serait écoulée, de les battre, et de les couper
ensuite quand la masse aurait pris un peu de consistance. On n’aurait pas même besoin
de construire des réservoirs ; les mousses qui couvrent le sol pourraient remplacer le
foin ; le barrage n'est pas nécessaire. De nos jours, la tourbe est encore trop peu
recherchée comme combustible, pour qu’on se donne la peine de ce travail; mais son
importance, j'en ai la conviction, ne tardera pas à se faire sentir.
Quand la tourbe immergée est dure et fibreuse, on l'extrait en France au moyen de
grandes boîtes à bords tranchants qu’on fait pénétrer dans la matière ou par leur propre
poids comme des moutons de pilotage, ou par des roues à engrenages qui font mouvoir
une poutre au bout de laquelle est attaché le couteau. Je trouve une de ces machines
décrite par Bellery ; d’autres sont proposées dans le Dictionnaire des découvertes ; mais
elles ne peuvent être d’aucune utilité dans des tourbières renfermant une grande quan-
tité de troncs d’arbres, comme le sont celles des hauts marais. On pourrait s’en servir
dans les dépôts lacustres.
La tourbe une fois extraite, il faut la dessécher, et cette opération exige beaucoup de
soin, car elle a une grande influence sur la qualité du combustible. Dans les exploita-
tions ordinaires, telles qu’elles se font dans le Jura, les briques de tourbe jetées sur le
bord de l’entaille sont chargées par les brouetteurs qui les déposent à plat sur le lieu
de l’étente, où elles restent deux ou:trois jours. Comme ces briques sont très-molles,
il est nécessaire de les saisir avec précaution pour ne pas les briser. Il ne faut pas non
plus en charger un trop grand nombre sur les brouettes, dans la crainte de les écraser.
Ce travail est d’ailleurs facile et peut être confié à des enfants. Dès que les tourbes ont
pris un peu de consistance, on les redresse en les appuyant deux-à-deux par le haut en
forme de A renversé, et quelques jours après on les retourne, c’est-à-dire qu’on appuie
sur le sol le bord qui était tourné en haut. Ces premières manipulations durent plus ou
. moins long-temps, suivant que le temps est plus on moins favorable. On comprend com-
LE ' -
ment toutes les briques se trouvant alors exposées aux vicissitudes atmosphériques, la
qualité du combustible dépend beaucoup de la température qui accompagne ces opéra-
tions. Si les tourbes encore humides sont arrosées par de fortes ondées ou exposées
aux gelées, elles perdent les parcelles charbonneuses et ne gardent que les filaments
ligneux. Le combustible, ainsi détérioré, se consume rapidement, mais sans donner
beaucoup de chaleur.
Il y aurait moins de risque, aussitôt que les briques de tourbe peuvent se soutenir sans
se briser, à les dresser en murs comme on le fait généralement en Allemagne. Cette
méthode est à-peu-près la même que celle que nous venons de décrire pour le dessé-
chement des tourbes draguées et battues. On laisse sur le sol, en les alignant, les tourbes
à une distance assez grande pour qu’un second rang supérieur s'appuie sur les bords
des morceaux du fond et couvre les jours laissés entre eux. Si la matière est déjà un
peu solide, on place quatre ou six rangées l’une sur l’autre. Mais il faut toujours
au bout d’un certain temps renverser l'opération, c’est-à-dire, reconstruire les murs
pour amener au sommet les briques qui touchaient le sol. De cette manière, si les pluies
arrivent, elles ne gâtent que les tourbes du haut.
Quand les briques de tourbe sont bien couennées, c’est-à-dire, quand la surface est
assez durcie pour supporter un poids assez fort, on les entasse en lanternes. Pour
cela, on pose d’abord circulairement un certain nombre de tourbes (dans le Jura ce
nombre va de 40 à 60), en laissant entre chacune d'elles, comme on le fait pour les murs
que nous avons décrits, un espace un peu moindre que la largeur du morceau. Sur ce
premier rang, en changeant l’ordre de superposition et en recouvrant les vides, on en
élève un autre que l’on fait rentrer un peu vers le centre. En continuant ainsi, on finit
par élever une pyramide à jour, que l’on termine par une seule brique. Pour donner
à l'édifice plus de solidité, on le remplit souvent des tourbes les plus sèches posées sans
ordre, mais de manière que l’air puisse cependant encore les pénétrer. L’instruction
publiée par l'Agence des mines de France porte que les petites lanternes de sept tourbes
de base sont préférables, parce qu’elles se soutiennent mieux et que les morceaux infé-
rieurs y sont moins sujets à être brisés. Cela est juste, si les tourbes ne sont point assez
desséchées pour supporter un poids plus fort, mais d’un autre côté le travail est
moins long , plus facile quand on construit de grandes lanternes, et il y a moins de
briques en contact avec le sol, ce qui est d’un grand avantage. Il vaut donc mieux ,
avant d'entreprendre cette opération qui doit achever Le desséchement de la tourbe ,
attendre quelques jours de plus, jusqu'à ce que la matière ait pris un peu plus de
consistance.
En général, le desséchement de la matière tourbeuse et les opérations qui peuvent
8
— 59 =
le hâter ou le compléter méritent une grande attention, dans notre pays surtout. Dans
nos vallées élevées , où la température est humide et froide, on obtient rarement en
une seule année une siccité assez grande pour que le combustible acquière seulement la
moitié de sa valeur. Aussi est-il très-profitable pour le consommateur d’acheter sa tourbe
une année d'avance pour la laisser en magasin, quand il ne peut l’obtenir de mar-
chands qui la gardent sous les hangards pendant l'hiver, avant de la livrer à la vente.
On s’en convainera facilement par les observations suivantes : le 20 de février 1842, je
pris dans mon bücher deux briques de tourbe de densité différente, exploitée en juin
1841. Je les notai par N° 4 et N° 2. Je coupai de chacune deux morceaux de trois
pouces de longueur sur deux pouces de largeur et un d'épaisseur. Je les pesai très-
exactement : le N° 1 pesait 48 deniers 14 grains , soit 27 livres 5 onces 6 deniers le
pied cube; le N°2, le moins dense, 22 deniers 9 grains, soit 12 livres 9 onces 10 de-
niers le pied cube. Je laissai ces deux échantillons pendant trois mois seulement, exposés
à l'air dans le magasin mème de la tourbe, et au bout de ce temps, le N° 1 ne pesait
plus que 27 deniers 5 grains, soit 15 livres 4 onces 22 deniers le pied cube: le N°2,
16 deniers 20 grains, soit 9 livres 7 onces 12 deniers le pied cube. Le premier avait
done perdu 55 p°, de son poids: le second 25 p%. Je n’avais cependant pas choisi dans
le tas de tourbe les briques les plus humides, j'avais pris à-peu-près un terme moyen, et
l’on voit quelle quantité d’eau la matière contenait encore.
S'étonnera-t-on dès-lors que plusieurs de ceux qui brülent de la tourbe ainsi dessé-
chée, s’en dégoûtent et prétendent qu’on ne peut en obtenir un combustible même
médiocre. Cette matière humide soumise à la combustion ne peut s’enflammer sans
ètre mêlée avec beaucoup de bois. Elle commence par dégager une énorme masse
de vapeur, qui, pour se développer, absorbe le calorique en proportion au moins
égale à la quantité d’eau qu’elle contient. Une fumée noire, épaisse et puante s’échappe,
des lieux où on consume la tourbe, :obstrue les canaux de cheminée et remplit souvent
les appartements (‘). Et si la matière s’enflamme, ce qu’on n’obtient pas toujours, la
flamme dure très-peu et ne persiste jamais sans le mélange du bois. J'ai fait moi-même
l'expérience suivante: de deux fragments de même grosseur que j'avais taillés dans des
briques encore humides, j'en mis un dans un brasier ; la tourbe sèche s’enflamma
spontanément , tandis que lautre se carbonisa sans flamme, en dégageant seulement
des vapeurs et de la fumée.
Un fait curieux et qui mérite de fixer l'attention des chimistes, c’est la petite quan-
tité de cendres que ces tourbes humides laissent après leur complète combustion (1,13
(:) La fumée de la tourbe bien sèche a très-peu d'odeur. On prétend que les salaisons de Hambourg
doivent leur renom et leur qualité à la fumée de tourbe à laquelle on les expose pour les dessécher.
00 . =
pour cent et 1,26 pour cent, tandis que les briques analogues desséchées ont donné
h° de cendres). Ceci tendrait à prouver que l’évaporation rapide et la fumée ou que le
long séjour de l'humidité dans la matière lui enlèvent une partie de ses éléments
constituants surtout les parties minérales. |
Il importe donc que ceux qui exploitent la tourbe dans les montagnes, construi-
sent des magasins assez grands pour l’y laisser séjourner au moins une année : car les
particuliers, les pauvres surtout, ceux-là même qui ont besoin d’un bon combustible ,
n'ont ni la place ni les moyens de faire des provisions. Ce serait même, je le crois,
une spéculation profitable, que de construire de vastes hangards dans les localités où
lon brüle beaucoup de tourbe, dans les villages populeux et industriels de notre Jura.
Là on pourrait la détailler très-sèche et pendant tout l'hiver, suivant les besoins.
S'il faut en croire Sprengel et plusieurs auteurs Hollandais dignes de foi, le desséche-
ment incomplet peut produire des accidents très-graves. Sprengel, qui certes a fait sur
les dépôts tourbeux de très-profondes recherches, assure en effet que si la tourbe humide
est entassée dans des lieux où l’air n’a pas accès, elle peut entrer en fermentation et
s’enflammer spontanément. Il ne m'a jamais été possible de constater ce fait par des
expériences directes ; cependant j'ai vu plusieurs incendies où le feu s’est déclaré dans
des provisions de tourbe nouvellement serrée, sans que lon ait pu savoir comment. la
tourbe s'était enflammée. Les autorités locales devraient veiller avee soin à ce que de
semblables accidents ne puissent avoir lieu, et pour cela empécher l’entassement dans des
galetas ou büchers tout-à-fait fermés. Elles devraient aussi favoriser l'établissement
de grands magasins communs , où la tourbe ne serait amenée que bien sèche.
Ce mode d’emmagasinage serait d’ailleurs d’une grande économie pour les propriétai-
res, car il arrive souvent que la tourbe exploitée ne se vend pas toute en automne. Elle
reste alors forcément abandonnée sur les marais et ainsi exposée aux gelées, aux in-
tempéries de l'hiver ; c’est une matière perdue, et au printemps suivant elle n’a plus
aucune valeur. On commence, il est vrai, dans quelques localités du Jura à empiler la
tourbe en automne. Mais cette opération se fait encore avec si peu de soin et de métho-
de, que toujours les tas sont pénétrés par l'humidité, et que les briques ainsi ramollies
sont gâtées et brisées quand on ouvre les piles au printemps.
L’empilage bien dirigé peut être très-utile pour les propriétaires qui n’ont pas de
bangards._ Je rapporte done en détail la méthode usitée en Allemagne pour cette opé-
ration. J’emprunte ces détails aux instructions publiées par l Agence des mines de France.
» Lorsque les tourbes ont acquis à-peu-près le degré de sécheresse nécessaire , on
les réunit en masses plus considérables appelées piles. |
» L’empilage étant la dernière main-d'œuvre, celle qui décide irrévocablement de la
<= (0. —
qualité de la tourbe, est aussi celle qui exige le plus de connaissances et d’attention. Si
on empile trop tôt, la tourbe encore mouillée s’échauffe dans la pile, ne sèche jamais à
fond et l’on est contraint de la désempiler au printemps et de l’étendre de nouveau sur
le pré pour la sécher, ce qui occasionne des frais et un déchet considérables. Si lon
empile trop tard, la tourbe a déjà essuyé une perte immense: elle se brise, se grésille
et une grande partie se réduit en boue, en grumeaux et en poussière (*). Il faut donc
connaitre l'instant et le choisir, et chaque espèce de tourbe à le sien particulier relatif
à sa nature. »
Tout ce qu'on peut établir de général à cet égard, c’est qu'il vaut mieux empiler la
tourbe un peu trop tôt, ou, en terme de tourbier, un peu verte, que de l'empiler trop
tard; il ne peut résulter de cette méthode qu’une petite diminution dans les proportions
de la pile ; la tourbe parviendra d’ailleurs à une sécheresse complète et séchée ainsi lente-
ment, elle deviendra compacte; elle sera dure comme la corne, on ne la rompra qu'avec
effort. Cette observation porte principalement sur les tourbes qui sont sujettes à se
grésiller, sur les tourbes franches; car pour celles qui sont entrelacées de beaucoup de
roseaux ou de fibres, elles soutiennent les alternatives de sécheresse et d'humidité sans
se désunir, et leur empilage demande moins de précautions ; on ne risque rien de les
laisser sécher à fond avant de les empiler.
« La pile est pour la tourbe une mesure commerciale, comme la corde pour le bois.
À l’égard des dimensions de cette mesure, il est à regretter qu’elles ne soient pas encore
fixées généralement. La pile de Paris contient cinq cent-deux pieds cubes; elle se divise
en quatre coudées et donne quatre-vingt-dix voies, chacune de cinq pieds deux-tiers.
La pile, mesure du département de la Somme, est de trois cent vingt pieds cubes.
» La pile de Paris a dix-sept pieds de longueur à la base et quinze à son entablement,
neuf pieds de largeur de base sur sept d’entablement, quatre pieds de hauteur; on la
termine par un comble de deux pieds de hauteur perpendiculaire (°).
» Il faut choisir, pour l'emplacement où l’on veut élever les piles, la partie la plus
sèche au milieu des lanternes. On trace les dimensions au cordeau sur le terrain ; on y
apporte les tourbes. On commence à placer les bases des murailles sur une tourbe d’é-
paisseur ; on charge le milieu de la pile à la main, à mesure qu’on continue d'élever le
muraillement, lequel se fait en retraite de rang en rang, de sorte que quand on est élevé
à la hauteur convenable, la pile forme une pyramide tronquée, à quatre faces. Aux
@) Notre tourbe jurassique est en général trop fibreuse pour que l'inconvénient d'un empilage un peu
tardif soit très-grave. On doit craindre bien plus d'empiler trop tôt.
(@) La nature de nos tourbes permet d'établir des piles d’une dimension beaucoup plus considérable.
RE
quatre angles du muraillement, on a soin de lier et croiser les tourbes entre elles comme
les maçons lorsqu'ils élèvent un mur de briques. La pile s'achève par un comble formé
de tourbes placées sans ordre, terminé par un rang d’une seule tourbe (1): On observe
de mettre dans les combles les tourbes qui ont le plus besoin d’être encore séchées.
» I n’y a pas d’inconvénient à faire les piles de forme plus allongée ou à en mettre
plusieurs au bout les unes des autres; mais il n’en est pas de même de la largeur : il y
aurait de l'inconvénient à l’augmenter parce que les tourbes y conserveraient trop d’hu-
midité et parce que les ouvriers ne pourraient pas arranger aussi bien les piles plus
larges. Il leur faudrait des échelles et d’autres moyens, d'où il résulterait beaucoup de
tourbes brisées et de poussière.
» Sur la fin de la campagne, lorsqu'on a été forcé d'empiler des tourbes encore trop
humides; on réduit les dimensions des piles. On fait ce que les tourbiers appellent des
pilons de six pieds de largeur, vingt-deux pieds de longueur, trois pieds de hauteur,
dix-huit pouces de combles.
» Quand les piles de tourbe doivent rester sur le pré pendant quelque temps, et
surtout lorsqu'elles ont à y passer l'hiver, ou même seulement une partie de l'automne,
il faut les couvrir si on ne veut pas perdre le fruit de ses travaux. La pluie ou les brouil-
lards déposent de l'humidité dans les piles; elles se tourmentent et finissent par s’écrou-
ler. Les tourbes se délitent, se brisent, s’affaissent et on n’a plus que des fragments ou
un monceau de poussière. L'effet des gelées surtout est ruineux pour ceux qui y laissent
les tourbes exposées; il faut donc les couvrir pour éviter ces pertes.
» On emploie de grands roseaux pour couvrir les muraillements tout autour, et de
la litière ou du chaume pour le comble qu’on recharge, en outre, de gazons placés de
distance en distance, afin de l’assurer contre les vents. Cette opération est dispendieuse.
Mais c’est une fausse économie que de vouloir ménager la litière sur les piles, quand on
en fait la couverture, parce que l’eau pénètre et on perd alors les frais de couverture
et la tourbe. Il faut faire attention à ce que les piles soient placées à l'abri des inonda-
tions et même à ce que leur pied ne soit pas humide.
» Lorsqu'on veut enlever les tourbes, on commence par découvrir les piles, ce qui
doit se faire avec précaution. On ne doit entamer des piles que celles qu’on enlèvera en
totalité, et si on s’aperçoit que quelques parties des piles aient reçu de l'humidité, il con-
vient de remettre ces tourbes en lanternes ou reules ; autrement elles se pulvériseraient
dans le transport. »
() Ceci n’est point conforme à la méthode allemande de beaucoup préférable, car le comble se forme
au contraire de briques de tourbe entassées avec grand soin, de sorte que les supérieures se recouvrent
comme les tuiles d’un toit et ont ainsi l'effet de gouttières pour empêcher l’eau de pénétrer dans l'intérieur.
"OR =
Pour remédier aux inconvénients d’une dessication incomplète et en mème temps
pour diminuer le volume de la matière et augmenter sa force calorifiante, on a proposé
et essayé l’emploi de plusieurs espèces de machines à compression, machines hydrauli-
ques, presses à vis ou balanciers. Mais le but n’a été qu'incomplètement rempli. IL est
impossible en effet d'obtenir une pression assez forte pour enlever toute humidité jus-
qu’au centre des briques ; et une fois que la croûte a été fortement comprimée et durcie
tout autour , cette humidité se perd difficilement. Il est bien certain d’ailleurs que plu-
sieurs éléments chimiques contenus dans l’eau des marais tourbeux passent à l’état solide
par la lente évaporation du liquide et profitent ainsi à la qualité de la tourbe. La pression
enlevant l’eau, entraine en même temps les éléments qu'elle tient en dissolution. On a
donc assez généralement abandonné ce moyen, et l’on en est revenu au mode de des-
séchement le plus simple, qui parait encore le meilleur, malgré ses inconvénients.
Ceux qui ont le moyen de construire de vastes bâtiments où la tourbe peut être ma-
nipulée et desséchée à l'ombre, comme on le fait pour les briques et les tuiles avant de
les cuire, y trouvent un grand avantage pour la qualité de la matière. Mais nulle part
encore dans le Jura, on n’a fait les frais de semblables établissements. Moins encore
voudrait-on élever des séchoirs à fourneaux comme celui de Kænigsbrunn, dont j’em-
prunte encore la description aux Annales des mines de France.
« Ce fourneau, constamment maintenu à une température de quelques degrés supé-
rieure à celle de l’eau bouillante, consiste en une vaste chambre dans laquelle les tourbes
sont exposées. On y pénètre par une porte. Le sol de cette chambre est formé par une
plaque en fonte échauffée en dessous par un foyer pratiqué à cet effet.
» Le mur qui forme le fond de la chambre de dessication est percé d’un grand nom-
bre d'ouvertures qui le mettent entièrement à jour. Les ouvertures ne commencent qu'à
deux pieds environ du sol; elles ont été pratiquées dans le mur au moyen de l'écartement
des briques d’une quantité égale à la longueur que l’on voulait donner aux ouvertures.
» L'air chauffé qui provient du foyer inférieur, après avoir léché le dessous de la
plaque de fonte, passe dans un tuyau recourbé placé très-près du mur percé à jour. Ce
tuyau après s'être recourbé en syphon dans le haut traverse le mur et se dégage à l’ex-
térieur.
» La chambre de dessication a douze pieds de haut, huit de large et neuf de profon-
deur. Les pains de tourbe préalablement desséchés à l'air ne sont pas placés immédia-
tement sur la plaque de fonte, parce que la température qu’acquiert:cette plaque est
trop considérable et pourrait occasionner l’inflammation des tourbes. On place d’abord
sur la fonte des bancs ou tréteaux en bois à un pied de hauteur environ ; sur ceux-ci
on étend des planches et par dessus les planches on jette la tourbe pèle-méle. De distance
SC 'E S
en distance on interpose dans la tourbe des canaux en bois formés par des lattes qui
laissent entre elles des intervalles et qui, augmentant les vides de la masse, servent à
conduire l'air échauffé à travers toutes ses parties.
» La dessication s'opère au moyen d’un courant d’air déterminé par des ouvreaux
placés dans les parois de la chambre. L'air froid entre par des ouvertures placées tout-
à-fait au bas de la chambre contre la plaque de fonte qui en forme la sole. Cet air
pénètre ainsi dans les parties les plus chaudes de la chambre, s’y échauffe, traverse toute
la masse de la tourbe et après s'être saturé d’humidité , il passe par les ouvertures de
la paroi à jour opposée. L'espace, qui est toujours maintenu à une haute température
par le tuyau, contribue beaucoup à accélérer le tirage. L'air humide traverse ensuite
la paroi par des ouvreaux pratiqués tout en haut et se dégage dans l'atmosphère. »
Par cette opération les briques de tourbe acquièrent beaucoup de compacité, mais
elles diminuent en volume de plus de 40 p”,. Le seul inconvénient qu’il y ait à redou-
ter, c’est qu'exposées pendant quelque temps à un air humide , elles s’en saturent de
nouveau presque complètement.
Il y aurait certainement un avantage pour nos marais du Jura à voir adopter dans les
exploitations quelques-unes des pratiques que nous avons rapportées. Mais avant d'en
venir à faire des constructions coûteuses, à changer la forme des outils et les manipula-
tions habituées, il faudrait d’abord, comme nous l'avons dit, prévenir les dommages
résultant des exploitations mal dirigées et de la négligence des ouvriers. Car, en n’en-
visageant que la matière elle-mêmé, on peut assurer qu'il se perd dans le Jura ”,, au
moins de la tourbe qui y est exploitée, et cela par suite de la paresse des ouvriers, qui
abandonnent inutilement les couches qui leur présentent la moindre difficulté, par la
manière dont ils mettent en copeaux menus la tourbe, qu'on est forcé d’entasser au fond
des exploitations parce qu’on ne sait en tirer parti, ni la dessécher; par les débris dans
l’empilage. et surtout par ce qu’on abandonne en automne sur les marais. Sur nos
seules tourbières du canton de Neuchâtel, la perte dépasse 120,000 pieds eubes ; or
si l'exploitation de la tourbe est évaluée à 30,000 toises de 120 pieds cubes pour notre
petit pays, et si l’on sait que la valeur de la matière desséchée sur le marais est évaluée
à six francs la toise, on trouvera qu’on perd ainsi annuellement une somme de 15,000
à 18,000 francs. Ce dommage est naturellement doublé si l’on considère le prix de vente
sur les marchés. |
En songeant à d'aussi tristes résultats, pourrait-on nier la nécessité d’une organisation
meilleure et plus économique dans l’exploitation de nos tourbières?
CHAPITRE II.
VALEUR DE LA TOURBE.
La qualité de la tourbe est loin d’être partout la même. L'âge des dépôts, les alter-
natives végétales qui forment les stratifications déjà décrites et une foule d’accidents in-
fluent sur la composition de la matière et en changent la valeur ; de telle sorte que parfois
dans un même dépôt et par des transitions presque subites, on rencontre des couches
très-voisines qui semblent appartenir à des époques très-éloignées. Il importe d'étudier
ces différences si l’on veut exploiter méthodiquement, car, suivant les usages auxquels
on destine le combustible, il faut autant que possible faire un choix et éviter le mélange
des tourbes de plusieurs densités. Ce mélange a de grands inconvénients et ne peut pas
toujours être admis ; c’est le cas, par exemple, pour la carbonisation.
Pour juger de la qualité des couches inférieures des tourbières, les ouvriers em-
ploient une espèce de cuiller terminée par une vrille et portant un manche de dix-huit
à vingt pieds de longueur. Quand on veut se servir de l'instrument, on l’enfonce à la
profondeur voulue, après avoir préalablement enlevé la découverte ; puis on le retire,
et par ce qui reste de matière attachée à la cuiller, on peut en reconnaitre la qualité.
Mais cet instrument a le grand inconvénient de ramener des débris de toutes les couches
traversées, un mélange dont on ne peut bien exactement apprécier la valeur. Appelé,
par mes recherches géographiques sur les tourbières du Jura, à faire de nombreux
sondages, j'ai fait construire un perçoir simple, peu coûteux et de facile transport, dont
l'usage devrait être admis par les propriétaires jaloux de connaître exactement la valeur
de leurs tourbières. C’est une espèce de gouge ou demi-cylindre creux à bords tran-
chants, de huit pouces de longueur sur deux de diamêtre dans le haut, un et demi vers
le bas et terminé par une pointe qui lui permet de s’enfoncer plus facilement. Cette
première gouge est solidement fixée à un manche en bois de quinze pieds de longueur
sur lequel sont marquées des divisions pied par pied pour faciliter les mesures. Un second
demi-cylindre creux, tout-à-fait semblable à l’autre, lui est superposé ou appliqué. Mais
au lieu d’être fixé au manche de l'instrument , il est attaché par un poignet mobile à la
partie supérieure de la première gouge sur laquelle il peut ainsi tourner. Il en résulte
que lorsque le perçoir est enfoncé dans le sol, en faisant faire au manche un demi-tour,
= =
la gouge inférieure se referme sur la supérieure que la pression de la matière rend im-
mobile, coupe la tourbe, enveloppe la partie détachée et la ramène sans qu’elle puisse
se: mélanger par le passage au travers des couches superposées. L’instrument à alors la
forme d’un cylindre creux dont l’intérieur est rempli de tourbe ; et comme sa grosseur
diminue vers le bas pour se terminer par une pointe, il représente un cône très-allongé.
On peut l’enfoncer dans la tourbe, après l’avoir fermé jusqu’à la profondeur à-peu-près
d’où Fon veut retirer un échantillon. Alors, par un demi-tour à droite, on l’ouvre, on
l’enfonce encore de la longueur de la gouge seulement, puis on le referme et l’on retire
ainsi sans mélange un morceau de tourbe qui peut faire exactement juger de la qualité
de la matière dans les couches intérieures. On peut encore enfermer dans le cylindre
un thermomètre pour les observations de température dans Pintérieur des tourbières.
Ce n’est point toutefois par la densité de la matière et par la couleur seulement qu’on
peut juger de la valeur du combustible, puisque les parties étrangères qui y sont mé-
langées, les terres, le sable, la marne, etc., modifient la qualité de la tourbe sans qu'il
soit possible de les reconnaître à l'œil. En général, cependant, quand la matière est dense,
quand elle est d’une couleur foncée et qu’on ne distingue dans la masse que peu de par-
ties végétales non décomposées ; quand après avoir été desséchée, elle est dure et se
brise difficilement, on peut admettre qu’elle est d’une bonne qualité. Dans cet état, elle
s’enflamme d'ordinaire difficilement, mais elle conserve sa chaleur et son charbon pen-
dant très-longtemps. Une expérience très-facile à faire, pour reconnaitre la qualité de
la tourbe, c’est d’en enflammer plusieurs morceaux de même grosseur mais d’espèce
différente. En comparant la durée de la combustion, celle de l’incandescence du char-
bon et la quantité de cendres qui restent après la complète combustion, on saura quelle
espèce a le plus de valeur pour les usages divers auxquels on la destine. La tourbe
légère et qui laisse peu de cendres est préférable dans tous les cas où l’on a besoin d’un
feu vif et d’une flamme active, pour cuire la chaux et les briques, par exemple, pour
carboniser la tourbe dans des chaudières ou des alambies, etc. La tourbe dense est em-
ployée avec avantage dans tous les cas où lon a besoin d’une chaleur égale et pro-
longée.
Dans les hauts marais du Jura, on rencontre en général plus fréquemment la tourbe
légère que la tourbe dense. Les marais des montagnes sont de formation récente ; ils se
sont élevés rapidement. Il en est fort peu qui soient recouverts d’humus, et les couches
mèmes les plus profondes sont parfois si peu avancées en maturité que toutes les formes
des végétaux sont reconnaissables, et que desséchée, la matière n’est qu’un mauvais
combustible. Comme l'air est l'agent essentiel de la décomposition des végétaux, on peut
aider son action en éloignant l’eau des tourbes encore trop jeunes. C'est ainsi que dans
9
+, 1
quelques parties de nos vallées on a l'habitude d'isoler par des fossés profonds la partie
qu’on veut exploiter, pour la laisser ainsi sur pied , pendant une ou plusieurs années,
exposée au contact de l’air. Ilen résulte une espèce de maturité hâtée favorable à la qua-
lité de la tourbe. Cette précaution cependant n’est nécessaire que dans quelques loca-
lités, car en général la tourbe de nos dépôts jurassiques développe beaucoup de calori-
que, alors même qu'elle s’enflamme facilement et brûle assez rapidement. Les tourbes
de nos marais lacustres, qui sont beaucoup plus denses et mêlées de parties sablon-
neuses, s’enflamment au contraire difficilement; mais si elles sont bien desséchées et
surtout si on les mêle aux tourbes légères des hauts marais pour en activer la combus-
tion, elles sont un excellent combustible.
Leur décomposition n’est cependant point assez avancée pour qu’on puisse les exploi-
ter au moyen de la drague, comme on le fait dans quelques marais immergés de la
France et de la Hollande. Aussi ne connaissons-nous pas la tourbe battue (Baggertorf);
nous n'avons pas non plus la tourbe piciforme (Pechtorf), matière noire très-voisine
des lignites, et qui, desséchée, se brise en cassure luisante et se consume comme du
bitume. Cette dernière espèce est d’ailleurs fort rare ; elle n’a été observée que dans
quelques contrées et toujours en couches très-minces.
Plusieurs auteurs se sont occupés à rechercher par des expériences comparatives la
quantité de calorique développée par les diverses espèces de combustibles. D’après ce
que nous venons de dire, on comprend que les résultats énoncés doivent être très-variables
pour les tourbes, suivant les localités où la matière a été soumise à l’examen, et qu'il est
difficile d'établir par des chiffres une comparaison exacte entre la tourbe et les autres
matières combustibles.
Jacobson (‘) compte cent quinze pieds cubes de tourbe pour une toise de cent huit pieds
cubes de bois de sapin.
Ciselen (?) trouve d’après ses propres essais le rapport suivant : dix-huit quintaux de
la tourbe la plus légère valent pour cuire la chaux autant que vingt-un quintaux de
bois de sapin. Et en caleulant par pieds cubes: 108 pieds cubes de bois de sapin — 56
pieds cubes de la meilleure tourbe, ou — 76 pieds cubes seconde qualité, ou — 108 pieds
cubes troisième qualité, ou —180 pieds cubes quatrième qualité.
Pelouse père donne le tableau suivant des divers combustibles comparés entr’eux sous
le point de vue de la puissance calorifiante, évaluée d’après la quantité d’eau qu'ils peu-
vent porter à l’ébullition et il trouve (°) : è
@) Zechnologisches Würterbuch, 7° vol., p. 179.
(2) Handbuch.
(6) On peut consulter avec fruit les deux traités de cet auteur : Traité de l'éclairage au gaz et Traité
de la fabrication du coke et du charbon de tourbe.
SE we
Matières employées : Eau portée de 0° à 400° :
1 kilogramme bois sec . + + woné l4 «36 kilogrammes.
» bois tenant *”/,,, d’eau. 1. . 37 »
» charbon de-bois., 4, 5 voeu) vue 4 7b »
» houille grasse moyenne . . . . . 60 n
» coke tenant *”/,,, de cendres ; . . . 66 »
» tourbe limonneuse en nature . . . . 25 à 50 kilogrammes.
» charbon de tourbe tenant *%50 de cendres 63 kilogrammes.
Le tableau suivant rapproche les opinions de plusieurs auteurs sur la valeur de la
tourbe comparée au bois et montre combien sont différents les résultats obtenus par les
expériences :
Faggot : 8 parties de hêtre —
Wilderhein: 8 » »
11 de sapin — 9 de tourbe.
CE
Q0
Î
es
Ciselen : — » 7 » —— »
Gmelin : 2 otre » hFysuaur
Clement : Din 0 » = 3 A »
En thèse générale, on peut soutenir qu'une toise de bonne tourbe produit autant de
calorique qu’une égale mesure de bois de sapin. C’est du moins ce qu’on peut conclure
de plus positif en résumant toutes les. opinions. Malheureusement je ne puis donner moi-
même des conclusions basées sur mes propres expériences, n’étant pas encore à même
de faire construire un fourneau assez exact pour reconnaître et comparer la valeur de
nos diverses espèces de tourbe et celle des autres combustibles. Par le moyen que j'ai
indiqué plus haut, j'ai seulement cherché à mettre en rapport toutes les qualités de
tourbes des montagnes du Jura. J'ai choisi pour cela des échantillons de densité et de
couleur différentes, et j'ai pris sept espèces ou nuances de tourbe des hauts marais pour
observer la durée de la combustion par la flamme, le temps de l’incandescence du
charbon sous la cendre, la quantité de charbon et la quantité de cendres. J'ai obtenu
le résultat suivant : |
Tourbe n° 1. Noire, très-compacte, pâte entremélée de racines, seules parties re-
connaissables ; poids du pied cube : 31 Ib. 5 onces.
Tourbe n°2. Brune, à stratification lamellaire rapprochée, formée de sphaignes, de
laiches , d’airelles et de bruyères : 21 Ib. 2 onces. :
Tourbe n° 3. Plus foncée, à pâte homogène, formée de sphaignes, peu de racines
ou de tiges de linaigrettes : 17 1b. 6 onces.
Tourbe n° 4. Plus claire, mélange peu compact de mousses, de linaigrettes et de
laiches très-reconnaissables : 16 Ib. 14 onces.
Gr —
Tourbe n° 5. Couleur suie, formée presque exclusivement de sphaignes (sphagnum
capillifolium Ebrh.) : 15 Ib. 1 4 onces.
Tourbe n° 6. Roussâtre, filaments peu décomposés, à stratifications annuelles visibles :
45 Ib. 14 onces. -
Tourbe n° 7. Découverte ou bouxin, à filaments ligneux non-décomposés, formes
extérieures très-nettes : 7 Ib.
Tourbe n° 8. Du lac de Neuchâtel, très-dense, couleur suie, jones et roseaux à
peine reconnaissables. Tourbe immergée : 26 Ib. 7 onces.
Tourbe n° 9. De la même localité, varie par l’âge, les formes végétales mieux con-
servées : 19 Ib.
Ce tableau montre déjà des différences très-grandes dans la pesanteur ou la densité
de la matière. Et si lon admet l'opinion de quelques savants lignicoles, qu’à poids
égaux tous les combustibles sont à-peu-près égaux, on sera convaincu de la nécessité
des sondages ou du triage dans les exploitations. De chacune des espèces de tourbe
précédentes, j'ai coupé deux morceaux de quatre pouces de longueur sur deux de lar-
eur et un d'épaisseur, et en les exposant aux mêmes circonstances de combustion,
Dai trouvé :
Tonition où temps que dure | Incandescence du | Combustion Charbon sur | Cendres sur
la flamme. charbon. complète. 100 parties. | 100 parties.
. 23 min. 30 sec. |2 hr 54 min. 3 h°° 18 min.
2. 45 25 » | » 50 »
AE 51 »
43 26 »
. 10 25 »
2 10
30 »
Tourbe du lac.
Ce tableau prouve que dans les tourbes émergées, la combustion, la production du -
charbon et par conséquent le calorique développé sont en proportion assez exacte avec
la densité de la matière ; que les cendres au contraire sont, en quantité toujours égale,
— 69 —
sans rapport avec la valeur du combustible ; que dans les tourbes du lac par contre, la
durée de la flamme n’est point proportionnée à celle de l’incandescence du charbon ;
que la production des cendres et du charbon n’est point en rapport avec la densité de
la tourbe, mais bien avec les matières étrangères qui y sont contenues, et comme le n° 2
a été extrait près de la surface et le n° 1 au fond du dépôt, on se convainc facilement
par ce seul fait que c’est à la superposition des couches de sable et à l’infiltration des
parcelles de cette matière dont les plus grossières sont arrêtées dans la partie supérieure
du dépôt, qu'est du le changement dans la nature du combustible. L’examen de la pro-
portion des cendres produites ne laisse donc aucun doute à l'égard de l’action des élé-
ments étrangers sur la minéralisation de la tourbe.
Ce tableau établit encore la supériorité des bonnes tourbes émergées sur celles du lac.
Quand les parcelles limonneuses ne sont pas en trop grande quantité dans la matière,
la qualité du combustible ne paraît pas perdre beaucoup de sa valeur ; mais parfois
elles y entrent pour une moitié et alors la tourbe ne peut presque plus se consumer. 1]
faudra donc dans la fabrication du charbon tenir compte de ces résultats et s’assurer par
des expériences comparatives sur le charbon, quelle différence il peut y avoir, quant à
sa valeur, entre celui des hauts marais qui ne contient que 3 à 4% de cendres et celui
des tourbes lacustres qui en renferme de 12 à 16%.
On ne me permettra pas, sans doute, de tirer des conclusions plus étendues d’expé-
riences ainsi faites et de baser un rapport du calorique développé sans avoir employé
de pyromètre pour le mesurer exactement. Je crois cependant avoir reconnu en toute
certitude, autant par les observations précédentes que par d’autres, basées sur des
expériences faites plus en grand, qu’à poids égal notre tourbe jurassique vaut surtout
pour le chauffage des appartements un peu plus que le bois de sapin dont le pied cube
sec pèse, comme on le sait, trente livres, et qu’à l’égard des tourbes mélangées telles
qu’elles se vendent sur nos marchés , on peut admettre que cent vingt pieds cubes de
tourbe équivalent à cent pieds de bois de sapin. On voit donc qu'il y a une véritable
économie dans l’emploi de la tourbe, puisque, dans le Jura neuchâtelois, cette matière
se vend 12 francs de France la toise de 120 pieds cubes, tandis que le bois de sapin se
paie 18 francs de France les 126 pieds cubes, suivant la mesure ordinaire. Ce serait
donc 14 franc 75 ce. que le bois de sapin coûterait plus que la tourbe pour une quantité
de matière développant un calorique égal. Les cendres, il est vrai, pourraient compen-
ser cette différence, mais d’un autre côté, la tourbe dégrade beaucoup moins les four-
neaux et son emploi évite ainsi des réparations fréquentes et coûteuses.
“Les détracteurs des marais tourbeux ont cherché à les faire envisager comme des
propriétés inutiles lorsqu'ils ne sont pas exploités, comme des biens morts qui ne donnent
ES
aucun intérêt. Les calculs, que je cherche toujours à faire dans le sens le moins avan-
tageux à la matière tourbeuse, prouvent qu’il n’en est point comme on le dit.
Une pose de forêt donne par an, terme moyen, 2550 livres de bois de sapin, ou
en 100 ans 255,000 livres. Sur neuf espèces de tourbes qui ont été pesées, la pesan-
teur moyenne est de 19 livres le pied cube desséché. En admettant que la croissance
d’un marais ne soit que d’un pied par siècle, on aurait en 100 années 32,768 pieds
cubes de tourbe. Retranchons de ce chiffre la moitié pour le desséchement, il restera
16,384 pieds cubes de tourbe sèche, ou 311,296 livres pour la production d’une pose,
c’est-à-dire un excédant de 56,296 livres en faveur de la tourbe, excédant qui équi-
vaut à 25 toises ou à une valeur de 300 francs. On pourrait ajouter à ce bénéfice les
frais d’entretien et d’emménagement des bois, dont on n’a nul besoin pour la croissance
naturelle d’une tourbière.
En répétant ce calcul par pieds carrés on trouve que l'avantage est encore bien plus
grand pour la croissance de la tourbe que pour celle du bois. La société d'agriculture
de France a publié en 1825 le rapport suivant sur le produit d’une forêt de sapin pen-
dant 120 années.
Pour un hectare de terrain (notre pose égalant 285/, acres) on a
1" coupe après 30 ans, 375 pieds cubes de bois,
a » 60 » 2812 » »
37° » 90 » 6750 » »
Let dernière 120 » 27000 » »
Ce qui donne en tout 36937 pieds cubes de bois, plus 230 voies
de fagots. Cela fait pour notre pose 10,453 pieds cubes de bois et 64 voies de fagots.
En 120 années, une pose de tourbière, dont la croissance est de un pied par siècle,
donne 19,660 pieds cubes de tourbe sèche ou 9,207 pieds cubes de plus en matière
qu’une pose de forêts. En déduisant 1,000 pieds pour les fagots, ce qui est certaine-
ment exagéré, il reste encore en faveur des tourbières un excédant de 8,207 pieds
cubes, ou, en admettant pour la valeur la proportion de 100 pieds cubes de bois pour
120 de tourbe, un bénéfice de 90 toises de tourbe d’une valeur de 600 francs environ,
matière prise sur place.
D’après ces calculs, on pourra se convaincre facilement que par une reproduction
bien dirigée qui donnerait quatre à six pieds de tourbe par siècle, on obtiendrait des
résultats bien plus avantageux que ceux que donnent la culture et l’'emménagement des
forêts.
On a encore reproché à la tourbe de ne pouvoir remplacer le bois pour un grand
nombre d’usages. Il est vrai, et nous l’avons déjà dit, que la tourbe s’enflamme diffi-
SNS Mer
cilement, qu’elle laisse échapper une fumée d’une odeur désagréable et parfois insup-
portable ; qu’elle développe son calorique très-lentement. Cependant nous avons vu aussi
qu’une fois allumée, le feu qu’elle donne dure plus longtemps, d’une manière plus égale
et que le charbon se conserve aussi plus longtemps que celui du bois. Si la tourbe ne
peut donc être employée pour fondre le fer et les métaux et pour tous les usages qui
nécessitent une température très-élevée et une rapide combustion, elle est au contraire
très-avantageusement employée pour le chauffage des appartements, pour les distilleries,
les teintureries, les fabriques de sucre, d'huile, de garance, etc. On se sert de la tourbe
ou seule ou en la mélangeant au bois pour cuire la chaux et les briques, pour chauffer
mème les chaudières des machines à vapeur, pour fondre le verre. On l’a encore em-
ployée à quelques élaborations du fer; au pudlage de la fonte. Chaque année augmente
les besoins et la consommation de la tourbe dans une proportion énorme. Ainsi dans
notre Jura, cette consommation, comme le prix de la matière, a doublé en vingt ans.
Il me paraitrait fort intéressant et en même temps très-utile de faire pour chaque pays
un exposé statistique exact des marais tourbeux, afin de comparer la quantité de com-
bustible qu'ils renferment avec les besoins et les exploitations. On pourrait alors se régler
là dessus pour la direction des travaux. J'ai essayé cette évaluation pour le canton de
Neuchâtel seulement, et jen donne ici un court extrait que me pardonneront sans doute
ceux qui apprécient la valeur des dépôts tourbeux et qui désirent les voir conservés et
sagement exploités. On y trouvera d’ailleurs sur la vente de la tourbe, sur les mesures
et les travaux des ouvriers, quelques données qui ne seront pas inutiles.
En calculant par le cubage, la tourbe perd par le desséchement plus de la moitié de
son volume ; de sorte que les morceaux qui, lorsqu'on les extrait, ont 16 pouces de
longueur sur 12 de largeur et trois d'épaisseur, que j’exprime par 16, 12, 3, ou 576
pouces cubes, n’ont plus, étant secs, que 10, 9, 3, ou 270 pouces cubes. Les petites
tourbes extraites à 16, 5°, 5, ou 264 pouces cubes, n’ont plus desséchées que 10,
k, 5, ou 120 pouces cubes en moyenne. Je dis en moyenne, car le retrait est plus
grand, on le comprend, sur les tourbes pâteuses que sur celles qui sont fibreuses et dans
lesquelles le ligneux n’est point encore décomposé. En prenant aussi ici une moyenne
approximative, il faut pour une bauge (*) ou un char de 120 pieds cubes de tourbe
sèche mesurée quand elle est bien entassée, 480 briques de tourbe à 16, 12, 5, ou
1100 à 16, 5%, 3. Il résulte de là, qu’une pose de 32,768- pieds carrés donne, pour
un pied de profondeur exploitée, 205 bauges de grandes tourbes ou 195 bauges de
petites. On peut baser là-dessus ses calculs pour les différentes épaisseurs des couches.
() C'est la mesure la plus usitée dans le haut Jura.
La superficie des marais du canton de Neuchâtel peut être évaluée à 77414 poses (*).
La profondeur moyenne de tous les dépôts, reconnue par 306 sondages est de 9”, pieds.
Si de cette profondeur on déduit la découverte qui est ordinairement de 1 ”, pied, on aura
pour 8 pieds 1640 bauges de tourbe par pose, ou pour tous nos marais 12,695 ,240
bauges. C’est là, j’en conviens, une masse de combustible très-considérable. Et pour-
tant, en supposant que la tourbe n’eut été exploitée nulle part, que les marais fussent
exploitables jusqu’au fond dans toutes les localités, on trouverait, en évaluant à 30,000
bauges la consommation annuelle du pays, que cette quantité de matière ne durerait
que 425 années.
Malheureusement on ne peut songer à un avenir aussi éloigné, avant de voir la com-
plète destruction de nos tourbières , si l’on ne prend aucune précaution pour en favo-
riser la reproduction.
Depuis un siècle environ qu’on a commencé à extraire la matière, on peut sans
exagération évaluer à , de la masse totale la partie exploitée ou détruite. On peut
encore justement baser la profondeur des exploitations futures sur celles qui ont été
faites jusqu’à présent, dont la moyenne , sur 139 sondages , donne 71/ pieds, soit 6
pieds en déduisant la découverte. Les marais du Landeron, ceux de Môtiers et du Locle,
sont &’exploitation difficile comme tous ceux qui se sont élevés sur les eaux. Il est d’ail-
leurs permis d’en envisager l’exploitation comme dangereuse par l'impossibilité d’abais-
ser le niveau des eaux, par la difficulté de la reproduction et par l'influence délétère
de ces flaques d’eau croupissante qu’une active végétation ne remplirait pas. Il faut
enfin déduire des calculs la grande quantité de matière perdue par suite d'exploitations
mal dirigées, par l’incurie des ouvriers et par leurs travaux pour faciliter l'extraction
des troncs qui sont ordinairement mélangés à la tourbe. Celui qui aura pu suivre quelque
temps les exploitations dans nos vallées ne s’étonnera pas qu'il se perde chaque année
un dixième de la matière, car il faut ajouter aux dégats des ouvriers le dommage qui
résulte des tourbes brisées par le desséchement , l’entassement , le transport, et toutes
celles qu’on abandonne sur le marais pendant l’hiver. On pourra résumer d’après cela
de la manière suivante les exploitations futures dans notre pays :
7741 poses exploitées à 6 pieds donnent 9,521,450 bauges.
‘, déjà exploité, reste sur pied ” *O:109201: 8
‘,, matière perdue, réste 7,742,359 * »
1020 poses à déduire pour le Landeron, le Locle et Môtiers, reste 6,457,759 »
@) Autant du moins que j'ai pu les mesurer sans travail trigonométrique, en parcourant nos marais dans
ous les sens et en m'appuyant sur l'excellente carte d'Ostervald.
Te
de tourbe, c’est-à-dire pour 215 années en supposant la consommation à 30,000 bauges
par an.
De cette manière l’époque de l'extinction se trouve déjà considérablement rapprochée:
d’un autre côté, si l'évaluation des besoins annuels est déjà maintenant au-dessous de la
réalité, elle sera dans quelques années certainement inférieure de moitié à la consom-
mation réelle. Nos fabriques d’indienne consument annuellement environ 6000 bauges
de tourbe. On commence dans la vallée des Ponts à carboniser la matière pour les besoins
de notre immense fabrication d’horlogerie. On se sert de ce combustible pour cuire les
briques dans plusieurs localités, pour des distilleries d’eau-de-vie de gentianne et de
liqueurs, pour celles de l'extrait d’absinthe, etc., etc. Et si l’on sait que la tourbe est
le seul combustible employé pour le chauffage dans toutes nos hautes vallées où l'hiver
est si rude et si long ; si l’on sait qu’on la brüle encore sur la plupart des foyers pour
les besoins du ménage, on jugera si, comme je l'ai dit, l'exploitation actuelle ne s’éleve
pas déjà plus haut que le chiffre qui a servi de base à mes calculs. Voici une seule
preuve de la progression dans laquelle usage de ce combustible augmente dans notre
pays. Il y a quatre ans on ne brülait pas encore de tourbe au Val-de-Travers, où elle
était presque inconnue et méprisée ; cette année on en a vendu plus de mille bauges.
Appuyé sur ces calculs, je ne crois pas être dans l'erreur en affirmant que dans 150
années, la tourbe sera dans notre Jura une matière très-rare, extrêmement chère, oui,
même presque inconnue, si l’on ne parvient à en faciliter la reproduction.
Il est vrai ! des hommes qui se croient très-sensés ont souvent fait à mes observa-
tions cette tranquillisante réponse : « Eh bien! quand nous n’aurons plus de tourbe, on
brülera du bois » (‘). Mais quand les marais ne fourniront plus de combustible, nos forêts
qui s’en vont chaque jour s’éclaircissant, tombant, disparaissant sous les coups de la hache
pour laisser les crêtes de nos montagnes nues et dépouillées, ces forêts ne seront plus. Qui
brülera du bois alors? Vous, riches, qui avez de somptueuses et chaudes demeures, de
moëlleux tapis, des lits sous le duvet de l’édredon, et qui savez à peine ce que vous
coûtent vos provisions de combustible. Vous, qui ignorez les rigueurs de l'hiver dans la
montagne et qui trouvez de lourdes pelisses et d’élégants manteaux dès que quelques
flocons de neige blanchissent les toits ou qu'un peu de givre se dessine sur la vitre.
Oui, vous brülerez du bois! Mais le pauvre? Mais celui qui a sa hutte mal jointe dans
la froide vallée où les neiges s’entassent pendant six mois de l’année, où parfois la tem-
(1) Je serai toujours heureux de rappeler avec reconnaissance les secours et les encouragements qui m'ont
été donnés par l'autorité supérieure du canton de Neuchâtel. C'est à ces secours que je dois d’avoir pu con-
tinuer avec plus de suite des recherches si intéressantes pour moi.
10
ES Nr —
pérature descend jusqu’à la congélation du mercure? Mais l’ouvrier qui s’assied chaque
jour à son travail d’horloger qui le retient sans mouvement pendant douze à quinze
heures; mais l'artisan qui gagne à peine de quoi donner du pain à sa famille ; où pren-
dront-ils le bois pour se chauffer? La tourbe:est le combustible du pauvre. L’habitant
des villes ignore combien de familles malheureuses sont réchauffées par quelques bri-
ques de tourbe oubliées sur le marais ou perdues sur les routes et que l’enfant ramasse.
Il ne sait pas combien le froid est horrible pour ces malheureux qui s’entassent sur un
peu de paille, sous une mauvaise couverture en lambeaux. Il faut donc leur ménager le
peu que Dieu leur donne; il faut que celui qui a la prévoyance de l'intelligence et le
pouvoir d’arrèter le mal, se mette à l’œuvre sinon pour lui-même, du moins pour ses
frères dont la tâche est plus rude et qui profiteront de sa charité sans la connaître.
CHAPITRE IL.
CARBONISATION DE LA TOURBE.
On a été long-temps avant d'admettre l'emploi général du charbon de tourbe, avant
de faire et de publier les essais comparatifs qui devaient fixer l'opinion sur Ja valeur de
ce combustible. Comme il arrive toujours, la vérité finit par avoir raison; mais à mesure
qu’on la reconnait, l'enthousiasme remplace le mépris et l’on s’élance avec un peu trop
d’ardeur dans une nouvelle voie de lucre et d'utilité, où cependant il n’y a pas toujours
à gagner pour tout le monde.
De Lamberville qui, au commencement du 17° siècle, avait fait connaître à la France
la propriété combustible de la tourbe , qui avait amené avec lui des ouvriers de la Hol-
lande et du Danemarck pour exploiter cette matière et qui avait reconnu la plupart des
dépôts tourbeux de France, essaya aussi de faire du charbon de tourbe et y réussit, puis-
qu’il trouva les moyens de convertir certaines espèces de tourbe en charbon pour l'usage
des forges, au lieu du charbon de pierre que les étrangers vendaient aux Français au prix
que bon leur semblait (*). y a fort long-temps déjà que l’on construit en Allemagne
{) De Eamberville cité par Pelouse père.
US
des fourneaux pour la carbonisation de la tourbe: En 1781, Dietrich en a vu dans le
Hartz ; cependant ce n’est guère que depuis le commencement de ce siècle que lusage
de ce charbon s’est répandu un peu généralement en France. Des essais de carbonisation
ont été faits dans le Jura près de la Brévine, il y a plus de cinquante ans, par un chi-
miste dont le nom m'est inconnu. Bien qu’il eut réussi, cette industrie avait été presque
totalement abandonnée en Suisse et dans le Jura, où elle vient de reparaitre appuyée de
tous les perfectionnements qu’on a fait subir aux appareils carbonisateurs.
C'est surtout pour les forges et la trempe du fer que le charbon de tourbe est employé
avec avantoge. Sprengel rapporte qu’un propriétaire de forges en Hanovre faisait lui-
même son charbon de tourbe pour tremper des faux, et qu’il devait à l'emploi de cette
matière la grande réputation dont jouissaient les produits de sa fabrique. Le charbon
de tourbe brüle en général plus lentement et plus longtemps que celui de bois. I pa-
rait être très-profitable pour les petites forges de couteliers et de fourbisseurs, etc. On
commence à l’employer dans notre Jura pour la fonte de l'or et de l'argent et pour la
trempe des divers objets d’acier qui servent à la fabrication d’horlogerie. Les expériences
comparatives faites à Paris et rapportées dans les Annales des mines, ont prouvé: « qu'a-
vec le charbon de tourbe on peut forger, tremper et même souder le fer et l'acier le
plus fin ; que le feu du charbon de tourbe est plus uniforme que celui du charbon de bois ;
qu'il chauffe plus également et qu’il a plus d'activité. Qu'il faut à-peu-près un tiers moins
de ce charbon que de celui de bois, pour faire la même quantité d'ouvrage. Que ce
charbon crasse moins et écaille moins le fer et l'acier ; qu'il brüle moins la main de l’ou-
vrier et qu’à la trempe, enfin, il découvre beaucoup moins que le charbon de bois. »
Les mêmes expériences poursuivies pour la fonte des métaux, ont donné des résul-
tats à-peu-près égaux pour le charbon de tourbe et celui de bois, mais avec quelque
avantage cependant pour l’économie dans l'emploi du premier. D’après leurs expérien-
ces, les commissaires examinateurs ont conclu qu’en se sérvant du charbon de tourbe,
on obtient en général une continuité de chaleur plus longtemps prolongée et soutenue
avec une moindre quantité de combustible, et que ce charbon sera plus propre que
celui du bois aux usages où cette continuité de chaleur est nécessaire, tels que pour les
machines à vapeur, la fonte du cuivre, les essais des métaux, ete.
Ces conclusions peuvent être vraies en général; cependant il sera toujours bon de
n’y ajouter qu'une confiance éclairée, autant qu’on pourra soi-même faire l'essai du
charbon qu’on emploie; ear il arrive souvent que la qualité de la matière dont on se
sert, change où n’est pas connue. Le tableau que nous avons donné au chapitre pré-
cédent, prouve combien la quantité de charbon obtenu varie suivant les tourbes qu'on
emploie pour le faire. La valeur en est aussi très-différente suivant la composition de
— 76 —
la matière première. Le meilleur charbon est celui qu’on obtient des tourbes compactes
et résineuses (Klibberige Darg des Hollandais). Mais cette matière est très-rare, je ne l’ai
observée nulle part dans le Jura ni en Suisse, si ce n’est peut-être dans des dépôts qui
n’avaient pas plus de deux pouces d'épaisseur. Si les tourbes lacustres rendent beau-
coup de charbon, la quantité de parties limonneuses qu’elles contiennent en altère un
peu la qualité. Ces tourbes sont toutefois plus souvent propres à la carbonisation que
celles des hauts marais, puisque, plus anciennes, la matière y est moins mélangée de
filaments ligneux dans leur état naturel. Pour que ces tourbes émergées donnent des
résultats avantageux, il faut les choisir noires et denses, de pâte homogène, et alors le
charbon qu’on en obtient, contenant beaucoup moins de cendres, développe un calori-
que plus vif. Il faut cependant faire attention à ce que la tourbe ne soit pas terreuse ;
qu’elle n’ait pas, étant sèche, une disposition à se fendiller, comme celle qu’on extrait
des couches recouvertes depuis fort longtemps d’humus, car alors si l’on obtient pro-
portionnellement à la matière beaucoup de charbon, on ne peut l’extraire des fourneaux
qu’en très-petits morceaux et il tombe facilement en poussière.
Comme il est très-peu de dépôts émergés dont on puisse extraire, sur une étendue un
peu grande, une tourbe d’égale qualité, il importe, dans les exploitations, de trier et
de mettre à part les briques qu’on destine à la carbonisation, cela ne peut-être fait que
par des ouvriers soigneux et entendus.
I y a maintenant sur les bords des marais des Ponts, des fours en grande activité pour
la carbonisation de la tourbe. Il m’a été impossible jusqu’à présent d’obtenir des indi-
cations précises sur le rendement de la matière première. Je trouve seulement dans un
prospectus d’une société par actions pour l'extraction et la carbonisation de la tourbe,
projet publié par les propriétaires mêmes des fourneaux à charbon, que pour obtenir
30 sacs de charbon, il faut trois bauges de tourbe. J’évalue approximativement la ca-
pacité du sac à 3°, pieds cubes, c’est-à-dire à 100 pieds cubes les 30 sacs pour 360
pieds cubes de tourbe. Ce rapport, on le voit, est très-rapproché de celui que j'ai moi-
même annoncé, puisqu’ainsi on obtiendrait de la tourbe des hauts marais 27,77 p”, de
charbon. Il s'éloigne beaucoup au contraire des résultats obtenus dans d’autres fabri-
ques. Ainsi à Mennecy près de Paris, on retire généralement 65 voies de charbon pour
163 voies de tourbe (‘) ou55,87 p% de charbon. Encore ce rendement doit-il être
évalué plus haut, puisque pour la distillation de la tourbe carbonisable on brüle sous
les chaudières les tourbes les moins denses et d’un prix inférieur. Dans plusieurs établis-
sements d'Allemagne, on obtient de 39 à 43 p° de charbon. En général les expériences
des chimistes sur les tourbes fixent le rendement en charbon de 39 à 48 p%.
&) Traité de l'éclairage au gaz, par Pelouse père.
— O7 =
Les procédés mis en usage pour la carbonisation de la tourbe se divisent en deux
grandes classes. Par les uns on obtient la matière par suffocation, dans les autres par
distillation. Le plan de ce mémoire ne me permet pas de décrire ici tous les fours et
les appareils qui ont été construits jusqu’à présent pour la carbonisation de la tourbe.
Des traités spéciaux ont été écrits sur ce sujet, celui de Pelouse père entr’autres (‘).
On pourra donc consulter avec avantage cet auteur qui donne d’ailleurs le modèle des
principaux appareils connus en France jusqu’à notre époque. Je ne fais qu’indiquer
en passant quelques-uns des procédés les plus faciles et les moins coûteux, ceux qui sont
à la portée de tout le monde et dont l'emploi ne nécessite pas des mises de fonds trop
considérables. Car j'envisage comme ruineuses pour nos tourbières, les spéculations en
grand qui nécessitent naturellement de vastes exploitations dans une même localité et
qui ne peuvent avoir d'autre but que le plus grand avantage du moment, sans égard
pour la conservation des marais tourbeux et la reproduction dans un temps éloigné.
On a cherché d’abord à obtenir la carbonisation de la tourbe en disposant la matière
en meules, comme on le fait pour le bois. Mais cette méthode a des inconvénients, .car
les fours ainsi construits s’affaissent considérablement par le retrait de la tourbe et l’air
pénètre facilement dans l’intérieur. «Là où, quoiqu'il en soit, dit Pelouse, ce procédé n’a
pas été abandonné, on observe de ne donner aux meules que 12 pieds de diamètre et
57, pieds de hauteur au plus. On a soin de conserver ces meules le plus sèches qu’il
est possible en les plaçant sous un hangar où l'air circule librement. Mais quelque pré-
caution qu’on ait pu prendre, la tourbe carbonisée de cette manière ne donne jamais
qu’un charbon très-friable, incapable de supporter le transport et qui se détériore rapi-
dement en absorbant l'humidité. »
Pour obvier aux inconvénients de la carbonisation par les meules, on a proposé plu-
sieurs moyens dont il est bon de tenir compte. Le premier consiste dans l'emploi des
abris, espèce de paravents en osier destinés à mettre la meule à l'abri des vents qui
excitent dans l'intérieur une combustion inégale. Le second exige l'emploi d’une plaque
en tôle ou en fer battu, d’un diamètre égal à celui de la base de la meule et sur laquelle
doit être construit le four à carboniser. Cette plaque posée sur une fosse d’un pied de
profondeur à-peu-près, est percée dans le milieu d’un trou par lequel on enflamme la
tourbe de la meule et que l’on peut fermer quand la combustion est commencée. Le
fer étant conducteur du calorique à un bien plus haut degré que le sol, la combustion
partant du centre arrive plus rapidement à la circonférence de la meule que si elle re-
posait sur le sol; elle s'étend aussi plus également. Enfin l’on a récemment introduit en
() Traité méthodique de la fabrication du coke et du charbon de tourbe, Paris 1842.
— RE: —
Amérique, pour la carbonisation du bois, un perfectionnement qui peut recevoir une
utile application dans la carbonisation de la tourbe. Dans toute carbonisation, il est né-
cessaire qu’une partie plus ou moins grande du combustible brûle à perte; mais on
peut faire porter cette combustion indispensable sur des matières de moindre valeur que
la tourbe en mottes entières. C’est ce qu’on réalisera dans cette méthode qui ne diffère
du procédé ordinaire des meules, qu’en ce qu’on introduit entre les mottes de la me-
nuise de tourbe, dont malheureusement on est toujours trop abondamment pourvu. La
marche de l'opération est la même, mais le poussier en se brülant préserve les mottes
entières et doit d’ailleurs en vertu de sa plus facile combustion rendre la carbonisation
plus rapide (1). ET.
Sprengel décrit un moyen de carbonisation extrêmement simple qu’il a vu employer
dans le Hanovre et dont j'ai voulu reconnaitre la valeur en l’appliquant à nos tourbes
jurassiques. J'ai fait creuser une fosse de quatre pieds carrés dans un sol sec et sablon-
neux, en ayant soin de faire enlever le gazon qui était très-épais et que je divisai en
mottes d’un pied carré au moins. Au fond de cette fosse, j'ai entassé en cône la tourbe
légère qui s’enflamme très-facilement et j'y ai mis le feu au moyen de quelques copeaux
de bois. Lorsque les briques de tourbe ont été bien allumées et en brasier ardent, je
les ai étendues au fond de la fosse aussi également que possible et là dessus j’ai jeté la
tourbe à carboniser jusqu’à ce que le creux füt comblé. En douze heures de temps, toute
la matière s’est enflammée. Quand les tourbes de la surface ont été rougies et pénétrées
par le feu j'ai posé d’abord sur la tourbe enflammée les mottes de gazon retournées,
afin de ne pas salir là matière, et sur ce premier couvert j’ai fait jeter la terre qu’on
avait retirée de la fosse, lui donnant une épaisseur de un à deux pieds. L’étouffement
ayant eu lieu de cette manière, j'ai ouvert ce four souterrain après deux jours et j’en
ai reüré la tourbe bien carbonisée, surtout dans le bas de la fosse ; il ne restait qu'à la
surface des briques de tourbe qui, n'ayant pas été entièrement pénétrées par le feu,
n'étaient pas complétement carbonisées, Dans son ensemble, il faut l’avouer, le résultat
de cet essai n’a point été aussi satisfaisant que je l’espérais. La tourbe employée n'était
pas très-sèche; elle était d’ailleurs trop terreuse. Il a fallu beaucoup de temps pour que
le feu pénéträt dans toute la masse et par conséquent il y a eu perte et combustion
trop accélérée pour la partie inférieure, tandis que la partie supérieure n'était point en-
core assez échauffée. De plus, une violente averse étant survenue pendant le temps que
le four devait rester férmé pour s’éteindre, l'eau avait pénétré et couvert le fond de la
fosse. Enfin le charbon que j'ai pu obienir de cette manière, quoique réunissant les
() Pelouse père, Traité de la fabrication du coke, etc, pag: 82.
ee
qualités de ce combustible, était friable et se réduisait en morceaux trop petits pour qu'il
fût d’un emploi facile sans le secours du soufflet. Il n’était propre qu'aux travaux de la
forge et a effectivement été employé àeet usage. J’ajouterai encore qu’en enlevant les
mottes de gazon, il a été impossible d'empêcher les parcelles de terre de glisser dans le
charbon et de s’y mélanger, de sorte que l'extraction en a été longue et difficile. Pour
réussir done par ce moyen, il faudrait ne soumettre à l'opération que de la tourbe très-
sèche, emmagasinée depuis une année. Il faudrait être très-attentif à saisir le moment
où les briques de la surface sont suffisamment enflammées et celles du fond non encore
réduites en cendres. Il faudrait enfin employer une claie enduite de mortier pour la poser
à la surface du four avant d’y étendre les mottes de gazon, afin d’empècher le mélange
de la terre avec le charbon, et couvrir les travaux d’un hangar pour que la fosse soit
à l'abri de l'humidité. Sprengel recommande de ne pas ouvrir ces fours trop tôt de peur
que le charbon mal éteint ne vienne à se rallumer, et ci on ne soit forcé de rejeter
le tout dans le four et de le refermer.
On obtiendrait des résultats plus avantageux si l’on revêtait la fosse , dans tout son
pourtour, d’un mur de briques jointes par un mortier, afin d'empêcher l'introduction
de l'air. Car c’est sans doute l’action de l’air et l'humidité du sol qui rendent le char-
bon si friable. De grands fours ont été construits sur ce principe. On a élevé des fours
en maçonnerie, dans l’intérieur desquels on a construit des parois de briques liées entre
elles par un ciment, afin que l’air ne pût absolument pas y pénétrer. Ces fours sont allu-
més par le bas lorsqu'ils sont complétement chargés, ou par le milieu après qu’ils ont
été remplis de tourbe à moitié. Ils sont alors comblés et rechargés jusqu’à l’orifice à
mesure que la matière s’affaisse. La combustion terminée, on ferme avec soin toutes les
ouvertures, et au bout de 24 à 48 heures, on extrait le charbon ou par une porte mé-
nagée dans le bas, ou par le haut au moyen d’une poulie.
Sur le même principe encore, on a construit des fours en fer de douze pieds de hau-
“teur divisés en trois pièces eylindriques dont la première repose sur une base au fond
de laquelle on pratique un trou fermant par une porte glissante. À la partie supérieure
de cette première pièce du fond est un rebord sur lequel s'appuie le deuxième tronçon
cylindrique, et ainsi pour la troisième pièce. Sur cette dernière il y a un couvert, et
l'opération est conduite absolument comme dans les fours en briques.
Les méthodes de carbonisation dans les fours ont subi de nombreuses modifications
sans qu'on ait pu obtenir des résultats pleinement satisfaisants ; car le fer est facilement
corrodé et dissous par les liqueurs qui se volatilisent dans la tourbe ; et dans les fours
en briques, il se fait parfois des fissures imperceptibles par où pénètre l'air pour réduire
en cendres une partie de la matière. Ces procédés sont d’ailleurs toujours incomplets,
ne rs
puisqu'ils ne permettent pas de recueillir tous les produits utiles de l'opération. On a
donc dû chercher à carboniser la tourbe par distillation, et c’est dans ce but qu’on à
proposé un grand nombre d’appareils plus ou moins avantageux, mais qui sont d’ordi-
naire très-coûteux.
« Le plus simple de ces procédés par distillation est fondé sur le principe des abris ;
la construction du fourneau et la conduite du feu sont absolument les mêmes que dans
le procédé des meules (‘). Il faut seulement y ajouter une enveloppe continue qui, aux
avantages des abris ordinaires, joint celui de pouvoir recueillir les produits accessoires
de la carbonisation dans des appareils réfrigérants. Ce procédé est d’ailleurs économi-
que, puisque toutes les pièces de l'appareil sont aisément transportables , d’une cons-
truction facile et que les matériaux qui les composent se trouvent partout.
» Pour former un abri de 30 pieds de diamètre à sa base, 10 pieds à son sommet,
et 8 à 9 pieds de hauteur, on assemble en bois de 2 pouces d’équarrissage, des chassis
de 12 pieds de long, 3 de large d’un bout et 1 pied de l’autre. Les montants de ces
chassis sont munis de trois poignées en bois à l’aide desquelles on peut les réunir ; il suffit
pour cela de passer dans deux poignées contiguës une cheville en fer ou en bois. Les
chassis sont garnis de clayonnages d’osier et enduits d’un mortier de terre mêlée d’herbes
hâchées.
» Un couvercle plat de 10 pieds de diamêtre, formé de planches bien jointes et main-
tenues par quatre traverses forme le sommet du cône. Il est muni de deux trappes des-
tinées à livrer passage à la première fumée au commencement de l’opération. Un trou
triangulaire pratiqué sur le même couvert reçoit un conduit formé de trois planches et
destiné à conduire les gaz et les liquides condensés dans les tonneaux. Enfin une porte
qu’on ouvre et ferme à volonté permet au charbonnier de visiter son feu. »
On a adapté aussi des conduits et des appareils distillatoires aux fourneaux construits
en briques, tels qu’on les fait pour la carbonisation de la tourbe par étouffement. Mais
d’ordinaire la distillation se pratique au moyen de grands vases ou cucurbites en tôle ou |
en fer battu dans lesquels on renferme la tourbe et qu’on entoure de feu. Les matières
gazeuses sont recueillies dans des tuyaux qui passent dans des réfrigérants où elles se
condensent. Ces matières donnent une espèce de goudron noir et fétide dont on ne tire
presque aucun parti dans notre Jura, puisqu'on ne le vend qu’au prix de deux à trois
batz le pot (*). On l’emploie pour graisser les essieux des voitures. Son odeur a la plus
grande analogie avec celle de l’asphalte. J’ai visité près des Ponts un four construit sur
(1) J’emprunte encore cette description à l'ouvrage de Pelouse père.
@) Environ quatre sous le litre.
I
ce principe et dans lequel on peut simultanément cuire la chaux et carboniser la tourbe.
Mais il ne me semble pas donner des produits très-lucratifs, malgré la facilité de réunir
ces deux opérations, et cela par la nécessité où l’on est de réparer souvent les fourneaux
en pierre où l’on brüle la tourbe et les cucurbites où elle se distille.
Je termine ce chapitre en copiant un aperçu publié par MM. Marguerat et Mayet,
pour l’appel de fonds qu'ils ont fait en 1841, dans le but d'exploiter en grand les marais
des Ponts et de tirer parti des produits.
« La carbonisation de la tourbe, disent-ils, est surtout avantageuse au pays de Neu-
châtel, en ce qu'elle permet d’opposer un frein à la destruction croissante des forêts qui
peuplent les montagnes de la Principauté.
» Elle produira d’abord une grande diminution sur les exploitations de bois de hêtre
et une baisse sensible dans les bois de chauffage. Ceci s'explique.
» D’après les renseignements puisés à bonne source, la consommation du charbon
de foyard dans les deux localités de la Chaux-de-Fonds et du Locle, s'élève à environ
30,000 sacs par année.
» Examinons maintenant la partie mécanique de cette carbonisation de la tourbe.
» Un seul four de la dimension de celui que nous possédons, peut faire annuelle-
ment 40 cuites au minimum. Chaque cuite produit au moins 50 sacs de charbon; ainsi
un seul four peut livrer chaque année 1200 sacs.
» Pour obtenir cette quantité de 50 sacs, il faut 3 bauges de tourbe, par conséquent
1200 sacs emploient 120 bauges. En résumé, avec 7 fours on fabriquera 8,400 sacs
de charbon, lesquels exigent 840 bauges de tourbe. Le prix de la vente du charbon
étant fixé à 2 fr. de France le grand sac, les 8,400 sacs produiront 16,800 fr. (*)»
840 bauges de tourbe à 35 batz coûtent fr. de Fr. 4055 » 20e.
Traitement des ouvriers » » 2069 » —
Entretien ducroire et frais imprévus » » 1241» 30c.
fr. de Fr. 7365 » 50 c.
Reste donc un bénéfice net de fr. de Fr. 9434 »50 c.
Présentée de cette manière, il est clair que la carbonisation de la tourbe offre des
résultats fort avantageux. Il est impossible cependant d'admettre les calculs ci-dessus
comme justes dans toutes leurs conséquences et surtout comme devant produire les
mèmes bénéfices pour les propriétaires qui voudraient tirer de leurs tourbières le parti
le plus avantageux. Car il faut naturellement, si l’on note le prix du charbon vendu à
(1) Comme les monnaies de notre canton sont peu connues j'ai réduit les Livres de Neuchâtel en francs
de France.
11
se Æ
la Chaux-de-Fonds ou au Locle avec le bénéfice du fabricant, indiquer aussi la valeur
de la tourbe sur les marchés de ces deux localités. Nous établirons donc un autre cal-
cul de cette manière.
La construction d’un four avec son hangar fr. de Fr. 700
Réparations annuelles » » 70
Entretien d’un charbonnier » »y 600
120 bauges de tourbe à 12 fr. de Fr. » » 41440
fr. de Fr. 2810
1200 sacs de charbon obtenu se vendent » » 2100
Perte. . fr.deFr. 410
Il y aurait donc une perte de plus de 400 fr. pour la première année pour le pro-
priétaire qui voudrait tirer parti de sa tourbe en la transformant en charbon au lieu de
la vendre sur les marchés. Sans doute un four une fois construit peut durer plus d’une
année ; cependant ces constructions exigent de fréquentes réparations et parfois une réé-
dification complète. On observera d’ailleurs que je n’ai mis en ligne de compte ni inté-
rêt, ni ducroire, ni frais d’administration et d'inspection qui doivent cependant s’élever
à une certaine somme. Ainsi ne voudrais-je pas conseiller aux propriétaires de se lancer
trop hardiment dans cette nouvelle voie de gain, mais plutôt de profiter de la valeur de
la tourbe dans son état naturel, puisque la vente en est toujours facile.
Ceci, au reste, ne peut jeter aucune défaveur sur l’entreprise de MM. Marguerat et
Mayet, ni mettre en doute leurs calculs que je crois fondés. Nous arrivons à des résul-
tats différents en partant d’un point de vue qui ne peut étre le même.
CHAPITRE IV.
CULTURE DES TOURBIÈRES.
L'esprit de l'homme se tourne souvent avec enthousiasme vers des idées, vers des spé-
culations dont il serait difficile de trouver la raison. Dira-t-on pourquoi, par exemple,
dans nos hautes vallées jurassiques, où le froid est si vif, où le combustible a une si
DB =
grande valeur, où les terres, mème les plus fertiles et les mieux exposées, ae produi-
sent guère que des fourrages, jamais de blé, on a préconisé les cultures faites sur la
tourbe et annoncé comme une précieuse découverte la possibilité de transformer en
prairies d’un mauvais rapport, un sol qui, abandonné à lui-même, a une valeur égale
à celles des meilleures terres labourables. Comme de juste, l'élan une fois donné, on
s’est mis à l’œuvre pour donner une forme à l’idée, pour obtenir les bénéfices de la spé-
culation. Certes, les résultats n’ont pas été magnifiques, et je ne craindrais pas d’être
démenti en affirmant que sur certaines parties des marais tourbeux du Jura, les cultu-
res n’ont pas rapporté les frais des labours et la valeur de l’engrais.
On doit tout d’abord, pour le mode de culture, distinguer le sol des marais immergés
de celui des tourbières de montagnes. Quand les marais sous-aquatiques sont recouverts,
comme il arrive parfois, d’une couche épaisse de limon ou d’humus, le terrain peut
prendre assez de consistance, s’il n’est pas détrempé par de fréquentes inondations, pour
produire de bonnes récoltes, suivant le climat de la localité. Mais souvent (les grands
marais du Seeland et du Landeron sont dans ce cas) les inondations annuelles rendent le
sol tourbeux très-mol et trop humide pour qu’il puisse être labouré facilement. Alors,
abandonnée à elle-même, la surface se couvre d’herbes ligneuses ou d’un fourrage de
très-mauvaise qualité. Des agronomes distingués m'ont affirmé que des expériences qu'ils
ont faites sur ce terrain n’ont pas répondu à leur espoir; qu'ils n’en ont obtenu que
des produits médiocres bien inférieurs à ce qu'ils étaient en droit d'attendre de leurs
travaux. Il ne faut pas cependant désespérer d’une réussite avantageuse, si les essais
sont poursuivis avec ensemble et surtout sous la direction des gouvernements intéressés.
La richesse des produits agricoles de la Hollande doit encourager la confiance.
Je hasarde en passant une opinion qu’on pourra taxer d’absurde, mais qui repose
cependant sur un sentiment de bienveillance et de triste pitié pour une classe d’indivi-
dus malheureux dont un peu de travail et de pain feraient peut-être de bons citoyens.
Je veux parler de ces pauvres êtres sans patrie qui errent dans notre Suisse libre, pour-
chassés de canton en canton, et pour lesquels notre société régénérée n’a pas encore
trouvé une place. Ces heimathlosen, parias d’une civilisation où les mots de fraternité,
de civisme et de liberté, sont criés par toutes les bouches, portent la peine des fautes
de leurs pères dont ils ne reçoivent en héritage que la misère et le vice. Ces hommes,
je le crois, s’attacheraient à une propriété quelque triste qu’elle fût, si quelque part
on leur montrait un coin de terre duquel ils pourraient dire : ceci est à moi. Ils travail-
leraient, je le crois encore, s’ils étaient sagement dirigés, à rendre cette propriété aussi
belle que possible et à en tirer le meilleur parti. Ils deviendraient des citoyens utiles ,
si quelque part on leur permettait d’être hommes.
… S &-
Les vastes marais du Seeland sont là presque déserts, parcourus en été seulement
par de rares troupeaux qui y broutent des jones, des roseaux, un mauvais fourrage. Ne
pourrait-on pas y introduire pour essai quelques colonies de ces pe qui chan-
geraient peut-être le triste aspect de ce sol ?
Je sais qu’une foule d’objections s’élèveront contre cette idée. Qui voudrait faire les
frais d’une première installation? Quel gouvernemeut avancerait les fonds nécessaires
pour creuser les premiers canaux, établir les digues et peut-être les machines hydrau-
liques qui protégeraient les propriétés des colons? Il faudrait lutter d’abord contre les
obstacles provenant de la nature du sol, fournir les premières choses nécessaires aux
colons qu’on voudrait y fixer et attendre de récoltes et de produits problématiques le
faible impôt à prélever sur cette nouvelle population.
Ce qu'on nomme des gouvernements tyranniques ou absolus ont fait pour leurs su-
jets pauvres ce que la Suisse riche et libre hésite à faire. Les Lettres philosophiques et
morales de de Luc contiennent un éloquent panégyrique de ces colonies du Hanovre ,
fondées sur de vastes marais tourbeux et qui sont maintenant dans un état très-pros-
père. Le Dai aisés a fourni, distribué le sol; il a de plus donné au colon l’argent
nécessaire à l’achat des matériaux d’une maison et les semences pour la première an-
née. Ces nouveaux établissements sont exempts de charges pendant douze années, ils
ont ce temps pour se fixer, et alors seulement ils paient à l’état un impôt moindre que
celui des autres propriétés du royaume.
Sprengel avait visité ces colonies dans leur enfance. Il dépeint avec tristesse la vie
simple et pénible des habitants « qui ont pour tout bien une hutte dont les murailles
sont composées de morceaux de tourbe, dont le toit de chaume est soutenu par des
poutres reposant sur le marais. Ïls dorment sur la mousse des tourbières, ils se nourris-
sent du lait de leur unique vache à laquelle est réservée d’ordinaire la meilleure place
de leur misérable logis, et des récoltes que leur donne le champ qu’ils ont défriché sur
la tourbe. » Et cependant le sentiment de la possession et un travail constant, lespoir
d’un avenir plus facile comme compensation de leurs peines, rendent ces hommes heu-
reux au point qu'aucun de ceux-là même qui paraissent si à plaindre né consentirait à
changer ce genre de vie.
Si l’on avait une fois reconnu le meilleur mode de culture pour les marais du Seeland ;
si ces plaines étaient à l'abri des inondations, on pourrait aussi voir s’y élever, au
milieu de verdoyantes campagnes, des villages où, sous une paternelle administration,
le bonheur habiterait à côté de la pauvreté. Et puisque les cantons suisses énumèrent
chaque année pour s’en plaindre les dépenses inutiles qu’ils font pour l’entretion de ces
hommes sans patrie, qui poursuivent d’ailleurs leur carrière de vagabondage et de men-
= ds =
dicité ; puisqu'on a même entendu des députés des cantons proposer d’exporter au-delà
des mers tous ces fainéants heimathlosen, pour s’en débarrasser une fois, on utiliserait
mieux, ce me semble, les frais de leur voyage et de leur établissement en Amérique.
en les employant à des colonisations rapprochées, stables et surveillées. Il y aurait à cela
une véritable économie et l’on éviterait l'injustice commise en traitant en criminels des
hommes qui souvent ne sont que malheureux.
J'ai regret de ne donner ici que de courtes généralités sur le mode de culture à suivre
dans les marais immergés. Il dépend toujours du degré de desséchement qu’on peut
obtenir et de la couche de terre ou de limon superposée à la tourbe. Car il y a, dans
les marais du Seeland, par exemple, quelques parties recouvertes d’un pied d’humus
sur une couche de sable et qui seraient ainsi facilement fertilisées ; il y en a d’autres, au
contraire, plus enfoncées, sur lesquelles il faudrait nécessairement transporter des ma-
tières pesantes dont le mélange avec la tourbe et l’engrais rendit le sol plus stable. Dans
les environs du Landeron, quelques propriétaires ont jeté sur leurs prairies tourbeuses
des cailloux, du gravier, des débris pierrieux, les sables des routes ; ils ont facilité
un peu l’accès de leurs champs en les rendant moins spongieux ; mais cela seul ne peut
améliorer les produits du sol. A en juger par les récoltes en légumes et en céréales
que j’ai souvent vu faire le long des canaux des marais lacustres, là où les bords sont
élevés par les matériaux rejetés du fond, il semblerait que le mélange de sable et de la
tourbe produit un terrain d’une composition favorable à la culture, à celle des légumes
surtout.
En général, les arbres fruitiers réussissent mal dans un sol tourbeux, soit à cause
de la trop grande humidité de l'atmosphère, soit par l’influence de la matière sur les
racines. Jl en est de même de quelques arbres forêtiers ; les essais qui ont été faits et
publiés en Allemagne ont toujours donné des résultats plus ou moins incomplets. Quel-
ques espèces pourtant prospèrent assez bien pour qu’on puisse avec avantage en planter
les digues et même les bas-fonds. Le peuplier, l’orme, le bouleau que nous avons déjà
nommés, et dont le bois a une valeur réelle, plusieurs espèces de saules, le sorbier sur-
tout que Sprengel a vu prospérer parfaitement dans les marais du Hanovre, où il donne
des fruits en abondance. « J’ai connaissance , » dit M. Kasthofer, dans son Guide dans
les forêts, dans cet ouvrage si savant et si populaire en même temps, dont on ne louera
jamais assez le mérite ; « j’ai connaissance qu’un sorbier de vingt-cinq ans a donné trois
mesures de fruits dont on a obtenu, par distillation, environ trois pots d’eau-de-vie de
bonne qualité. » Les fruits du sorbier servent encore à la nourriture des brebis et des
chèvres, comme les feuilles fraiches et desséchées sont un bon fourrage pour le bétail.
Bien que les cultures sur les hauts marais du Jura me paraissent inutiles, peu pro-
— it —
fitables et même dangereuses, je dois cependant, pour ne rien omettre de ce qui se
rapporte au sol tourbeux, dire un mot en passant de la manière dont les travaux agri-
coles sont dirigés avec le plus de succès sur cette espèce de sol.
Ou bien on cultive la surface des tourbières, ou bien l’on extrait le combustible jus-
qu’au fond et alors on établit les cultures sur la couche de terre noïre qu’on trouve
ordinairement sous la tourbe. é
La première précaution à prendre lorsqu’on veut cultiver la surface des dépôts tour-
beux, c’est de creuser à vingt-quatre pieds de distance au plus des fossés d’écoulement
pour dessécher la couche supérieure (*). On doit donner à ces fossés une profondeur
assez grande, quatre pieds au moins. Quand la surface du sol a perdu son humidité, du
moins autant que cela est possible, on coupe en automne, à la profondeur de six à
huit pouces, les mottes de la surface remplies de racines et de tiges d’airelles et de bruyè-
res, et on les laisse sécher sur place. On choisit alors au printemps un jour chaud avec
un peu de vent et on allume ces mottes sur toute l’étendue. Quand la combustion est
opérée, pendant que le sol est encore chaud, on sème le blé noir ou blé sarrasin, R où
le climat permet à la graine de mürir. On le herse avec la cendre, sans autre labour,
puis on y passe le rouleau. Si le blé noir est semé trop tard, il réussit mal sur les ma-
rais ; il est donc important que la combustion des mottes ait lieu avant la fin de mai.
Pendant quatre ans de suite on sème ainsi cette espèce de blé en préparant le sol
comme la première fois. La première récolte est médiocre; les deux suivantes sont au
contraire très-productives, mais la quatrième et la cinquième surtout valent à peine les
frais du travail. Lorsque le sol est ainsi épuisé par les récoltes successives, il faut lui
rendre sa force au moyen d'engrais ou le laisser reposer pendant fort longtemps, afin que
de nouveau il se couvre de bruyères. Encore par ce dernier moyen, semble-t-il ne
jamais pouvoir reprendre une fertilité égale à celle de la première culture. Par les en-
grais on obtient sur la tourbe d’autres espèces de céréales, l’avoine, lorge, le seigle sui-
vant les climats. Mais il paraît que pour avoir des récoltes plus belles, il faut semer sur
les marais les graines qui y ont cru et prospéré ; celles qui sont pour ainsi dire habi-
tuées à ce sol. Il paraît encore que le sol tourbeux produit davantage et que les grai-
nes sont moins exposées aux gelées, quand vers la fin de l’automne on répand sur les
champs ensemencés un peu de sable ou de marne pulvérisée.
C’est sur ces données générales, modifiées par les circonstances locales, que sont ba-
sées les cultures introduites dans les marais de l'Allemagne, où croissent encore les
pommes-de-terre et où l’on sème plusieurs espèces de plantes fourragères. Les prairies
(:) En général l'action desséchante d'un fossé se fait sentir facilement à 12 pieds de distance.
Ne" de
artificielles donnent en effet d'excellents produits sur la tourbe quand, après avoir enlevé
et brülé la découverte, on a soin de continuer les engrais avec du fumier mêlé à la cen-
dre de tourbe. Mais si l’on néglige ces engrais pendant une année seulement, les mousses
s'emparent du sol très-rapidement et le foin diminue, En mélant au fumier la marne ou
les cendres de bois, le sol produit davantage.
Les espèces de plantes fourragères qui semblent se plaire le mieux sur la tourbe sont .
avec le trèfle blanc et le trèfle rouge, la phléole des prés (Phleum pratense), V'Agrostis
blanche (Agrostis alba), les houques (Holcus lanatus et Holcus mollis), lanthoxanthe
odorante (Anthoxanthum odoratum), plusieurs espèces de poa, le vulpin des prés [Alo-
pecurus pratensis), le lotier (Lotus corniculatus), la bistorte (Polygonium bistorta), et
toutes les espèces que nous nommons dans la partie botanique comme naissant spontané-
ment sur les prairies tourbeuses.
L'application de ces principes d’agriculture ne peut se faire en entier sur nos hauts
marais du Jura. La température froide des vallées où ils sont situés ne permet guère
d'espérer la récolte d'aucune autre espèce de céréales que l’avoine. La rareté des
engrais, qui, il faut bien le dire, sont généralement recueillis et préparés avec une ex-
trème négligence, empèche la succession annuelle des travaux qui seraient nécessaires
pour recueillir d’abondants fourrages.
Voici donc comment l’on procède ordinairement, On se contente de labourer la sur-
face après l'avoir recouverte de fumier sans même enlever ni brüler la découverte.
On sème l’avoine , plus rarement l'orge, et après la récolte on laisse le sol se fermer
et produire naturellement des fourrages dont la quantité et la qualité varient suivant l’hu-
midité du marais. Déjà la seconde année les mousses reparaissent sur les prairies, et
après la troisième ou la quatrième les récoltes en foin sont si médiocres qu'il faut recom-
mencer le labour et le fumage. La négligence qu’on apporte à ces cultures dans notre
haut Jura est inconcevable, On dirait que les propriétaires, ne comptant pour rien leurs
peines et leurs travaux, ne cherchent qu’à agrandir leurs possessions, comme si l’é-
tendue même d’un domaine stérile était une richesse. J'ai vu de ces champs tourbeux
sur lesquels on fauchait chaque année les mousses presque seules et quelques jones. Car
souvent on laisse les prairies cinq, six et sept ans sans y renouveler les engrais. Aussi
ceux-là même qui jadis avaient prôné la culture de nos marais, ont-ils facilement reconnu
combien les produits en sont inférieurs à ceux des terrains non-tourbeux.
Ainsi est-il clair que puisque la culture arrête la croissance de la tourbe et qu’elle
diminue la matière combustible , il y a une perte réelle à transformer en prairies les
marais de nos hautes vallées où la tourbe a une grande valeur.
On sait en effet combien Ja tourbe est spongieuse, vers la surface surtout. Elle se
= =
laisse facilement pénétrer par les parcelles terreuses que les engrais, les labours et
l'action de l'air sur la matière mise à nu forment à la surface, ensorte que si la qualité
du combustible dans les couches inférieures n’est pas gâtée d’une manière bien sensible,
il y a pourtant toujours une certaine somme de parties nutritives des plantes qui sont
perdues sans profit. D’un autre côté, sans parler même du desséchement de la tourbe
qui en réduit le volume de près de moitié, on sait que la nutrition et la végétation des
plantes fourragères enlève chaque année au sol tourbeux une portion de matière qui,
sans être considérable, est cependant très-appréciable à la longue. Sprengel évalue cette
perte à environ un tiers de pouce par année. Dans les marais de Brême, les parties cul-
tivées depuis longtemps sont abaïssées de quelques pieds au-dessous de celles qui n’ont
été que desséchées, sans que l’agriculture ait tiré parti du sol.
D’après cela, évaluons par un simple calcul ce que produira la culture de nos marais
tourbeux jurassiques. La couche d’un marais mise à nu perdant en épaisseur un tiers
pouce par an, on aura une diminution d'environ un pied en trente ans ou trois pieds
par siècle. Ajoutez à cela la perte de un pied pour la croissance arrêtée, on aura un déficit
de quatre pieds par siècle, ce qui équivaut à 820 bauges de tourbe ou 9840 francs par
pose. En déduisant la moitié pour le coût de l'exploitation, il reste encore 4920 francs
ou une cinquantaine de francs par an, valeur qui dépasse le gain réel que donne la récolte
sur nos marais.
La couche de terre noire sur laquelle repose ordinairement la tourbe est un sol gras,
naturellement fertile, sur lequel on peut cultiver sans beaucoup d’engrais les végétaux qui
réussissent dans nos vallées. Quelquefois même cette terre noire est employée comme fu-
mier. Il ÿ aura donc double avantage à ne cultiver les hauts marais qu’après en avoir
extrait la tourbe. Les prairies qu’on a établies sur ce sol, dans le Jura, après les récoltes
de l’avoine, sont plus fournies, le foin y est de meilleure qualité et beaucoup plus abon-
dant ; les mousses ne les couvrent pas aussi facilement. Car cette terre, moins spongieuse
que la tourbe, se dessèche assez pour que les végétaux tourbeux ne s’en emparent pas.
La culture pourrait donc tirer un parti avantageux des bords de nos marais émergés où
la tourbe a été enlevée et où elle ne peut recroître faute d’eau. Mais il faut le répéter,
nos agriculteurs des hautes vallées ne doivent pas s’attendre à récolter sans peine. Il faut
labourer, creuser des fossés, et même fumer ce sol ou y transporter des matières qui en
diminuent encore la spongiosité, sans quoi la nature n’y sème que des linaigrettes et des
joncs dont le bétail ne se nourrit pas.
IL est des contrées, l'Irlande, par exemple, où la nature du sol étant presque généra-
lement tourbeuse, on est forcé de changer en terres arables toutes les tourbières des
plaines qui sont susceptibles de culture. Cette transformation se fait facilement dans ce
—_— Hoi
pays, au moyen des herbes marines qu’on recueille en abondance pour engrais; mais
elle exige cependant en plusieurs endroits des précautions dont la négligence peut causer
de graves dommages. Quand les dépôts tourbeux sont très-profonds et élevés au-dessus
des campagnes voisines, si l’on n’a pas soin de maintenir en bon état les canaux de
desséchement , l’eau s’amasse au fond de ces grandes tourbières, car la surface cessant
de s’élever et l'humidité n'étant plus absorbée par la végétation des mousses, le fond
des couches de tourbe se détrempe et la matière divisée forme une véritable bouillie.
Il arrive alors que l'enveloppe extérieure du marais ne peut opposer une résistance assez
forte à la masse fluide qui la presse de l’intérieur ; elle crève sous l'effort et la masse
boueuse se précipite, comme un torrent dévastateur, sur les campagnes voisines. Parmi
les nombreux accidents dus à la même cause et qui ont été publiés dans les journaux,
je ne citerai que le suivant : Le 25 juin 1821, on ressentit à Tulamoore une violente
secousse accompagnée d’un bruit semblable à un coup de tonnerre. Tout-à-coup la
surface du sol se fendit et il en jaillit un torrent de limon qui s’élança avec grand bruit
par l’ouverture. Tout ce qu’il rencontra sur son passage, maisons, arbres, forèts, tout
fut renversé, car la vase s'élevait par place à plus de 60 pieds au-dessus des campagnes.
Près de 3000 hommes furent employés à construire une énorme digue qui fut encore
emportée et détruite par le torrent.
Si de tels accidents sont rares, ils n’en prouvent pas moins la nécessité d’un bon
emménagement des hauts marais tourbeux. Ils fortifient d’ailleurs les preuves des in-
convénients de la culture des hauts marais tourbeux. Aussi devrait-on, dans toute l’Eu-
rope continentale, abandonner cette culture des marais émergés. On s’aperçoit main-
tenant en Suisse, en Allemagne surtout, en Danemarck, etc., du tort que la colonisation
des marais a fait au pays en général. Quelques centaines d'individus sont devenus pro-
priétaires; quelques-uns se sont enrichis ; mais le combustible devient de jour en jour
plus rare et plus cher, et cette augmentation de prix est un véritable impôt prélevé sur
des populations entières au profit d’un petit nombre. Cette vérité, que j'ai peut-être le
tort de répéter trop souvent, finira par se faire jour tôt ou tard. Plaise à Dieu que la
conviction n'arrive pas trop tard, et qu’à tous les malheurs causés par le déboisement
inconsidéré de nos montagnes, on ne doive pas ajouter le regret d’avoir détruit à jamais
et sans nécessité l’une des œuvres les plus utiles de la nature.
$. 5 PARTIE SCIENTIFIQUE.
CHAPITRE I°.
CHIMIE.
Les observations rapportées dans la première partie ont prouvé que l’ulmine ne peut
être envisagé comme cause de la formation de la tourbe. Qu'est-ce, en effet, que cette
matière ? On sait par des expériences qu’on l’obtient en traïtant par des alcalis, non-
seulement la tourbe, mais la fibre ligneuse en général, la sciure de bois, la suie, les
lignites, etc., ou en décomposant par des acides le sucre, la fécule, etc., ou bien encore
en mettant au contact de l’air des solutions alcalines d’acide gallique ou de tannin ().
Cette matière s’annonce comme un produit de la décomposition des substances végétales
par l’action des acides et des alcalis ; comme un résultat de la décomposition lente du
ligneux. Nous répétons donc qu’elle ne peut nullement étre considérée comme la cause
d’une formation à laquelle son existence est subordonnée.
D'ailleurs ce corps qui, en raison de ses caractères extérieurs et de ses réactions
chimiques, a reçu plusieurs dénominations, telles que : acide ulmique, humine, géine,
acide géïque, etc., est aussi le principal constituant du terreau ou de l’humus. Il n’est
pas besoin cependant de dire quelle différence il y a entre cette dernière matière et la
tourbe. Il est clair, comme le dit Liebich dans l'introduction à son Traité de chimie
organique, auquel j’ai emprunté plusieurs des idées exprimées dans ce chapitre, « que
les chimistes ont confondu sous un même nom tous les produits de la décomposition des
matières organiques qui présentent une couleur brune ou brun-noir. Ils les ont appelés
ulmine ou acide ulmique, suivant qu'ils étaient solubles ou insolubles dans les alcalis. »
Qu'on dise done, si l’on veut, que l’ulmine se trouve dans la tourbe même en assez
grande quantité, nous ne le nierons pas; mais le rôle que joue ce corps dans la formation
du combustible, sera analogue à celui des résines qui y entrent avec les végétaux et
qui, mélangées au ligneux conservé par l’eau, en retardent encore la décomposition et
en empêchent l'entière destruction. Encore sera-t-il bon de remarquer que la production
() Liebich.
sé A 2e
de cet acide n’est point une conséquence nécessaire de la formation de la tourbe puisqu'il
est des tourbes, celles dont la décomposition n’est pas avancée, dans lesquelles on ne
le rencontre pas.
Wiegmann lui-même semblerait avoir à-peu-près la même pensée, sans cependant
atténuer en rien l’importance qu'il attache à lulmine, car il dit: « que les transformations
que subissent les plantes pour former la tourbe ont ce résultat : que les sucs de leurs
parties tendres sont changés en ulmine et que les filaments ligneux forment essentiel-
lement le charbon de terre ; ce qui, mélangé à des terres et à des oxides métalliques,
forme la tourbe. »
C’est là à-peu-près la même explication que celle de Einhoff. Pour la rendre abso-
lument concordante , il suffirait d’ajouter le seul mot ulmine. «Les végétaux, dit-il,
surtout les cryptogames entassés dans les contrées basses et humides, périssent et entrent
en décomposition. L’éloignement de l'air libre, un haut degré d'humidité , et la tem-
pérature maintenue constamment basse par cette humidité, impriment une direction
particulière à cette décomposition et l’entretiennent. Il se forme, dans la première pé-
riode, des matières qui empèchent une décomposition totale et donnent naissance à de
nouveaux produits. C’est d’abord un acide qui empèche la pourriture rapide de la
masse végétale et qui, avec le concours des autres circonstances qu'offre cette décom-
position lente, fait que, par la séparation successive de l'hydrogène d’avec une petite
quantité de carbone, la masse végétale se rapproche toujours davantage de la matière
du charbon. Et plus la tourbe est voisine de cet état, moins elle est exposée à la dé-
composition. Elle parait même s’y soustraire tout-à-fait, de sorte qu’elle reste ainsi
pendant des siècles dans les dépôts sans se modifier d’une manière sensible. »
C'est là ce me semble l’explication la plus claire et la plus simple des modifications
chimiques auxquelles la matière tourbeuse est soumise ; celles qui ont été données depuis
n'y ont pas ajouté grand’chose.
Dans un exposé aussi court que celui-ci, il n’est pas possible de rapporter même en
abrégé toutes les analyses qui ont été faites de la tourbe. Un grand nombre de chimistes
se sont occupés de ce sujet : Hagen, Achard, Buchholz, Thær, Emhof, Thomson, Spren-
gel, Klaproth, Wiegmann, Braconnet, ete., et c’est dans les ouvrages de ces auteurs
qu'il faut chercher les analyses d’une foule d’espèces de tourbes, ainsi que les nom-
breuses explications des parties dont on a constaté la présence dans la matière. Un fait
qui ressort évidemment de tous les travaux de ces savants, c’est l'extrême variété des
composans , qui ont aussi peu de fixité que les apparences extérieures de la matière
tourbeuse. C’est une raison de plus pour faire rejeter l'embarrassante et inutile nomen-
clature des diverses espèces de tourbe , à laquelle plusieurs auteurs semblent attacher
ER
beaucoup de prix. Car ce sont des accidents qui ont influé sur les formes et les compo-
sants de la tourbe, et comme ces accidents varient à l'infini, même dans un seul dépôt, il
est impossible de baser là-dessus une classification qui ait la moindre fixité et le moindre
mérite.
Klaproth a obtenu par distillation de la tourbe du comté de Mannsfeld.
20,0 charbon.
2,5 sulfate de chaux.
1,0 péroxide de fer.
0,5 alumine.
k,0 chaux.
12,5 sable siliceux.
41° Produits solides, 40,5.
e ARTE 12,0 eau chargée d’acide pyroligneux.
BARRES RUE és huile empyreumatique brune, cristallisable.
5,0 acide carbonique.
CPE SE REREET 12,5 oxide de carbone et hydrogène carboné.
Ce sont là les mêmes produits que ceux qu'on retire du bois, mais dans des propor-
tions différentes. Ils se retrouvent dans toutes les espèces de tourbe, en variant toujours
dans leurs proportions.
Ainsi Wiegmann a analysé deux espèces de tourbe de Brunswigg qui ont donné:
1° Tourbe compacte (Stechtorf) 2° Tourbe à forme (Baggertorf).
sur 1000 parties : Ulmine 104,00
Ulmine 276,00 Cire 2,50
Cire 62,00 Résine Lk,25
Résine 8,00 Bitume 22,50
Bitume 90,00 Charbon terreux L46,00
Charbon terreux 152,00 Eau 21,00
Eau 54,00 Sulfate de chaux L8,75
Muriate de chaux 0,15 Carbonate de chaux 16,00
Sulfate de chaux 2,80 Fer 66,00
Silice et sable 7,20 Alumine 96,00
Alumine 0,80 Silice 22,00
Carbonate de chaux k,40 Quartz 142,00
Fer et phosphore 2,65
— 95 —
Sprengel a analysé les cendres de diverses espèces de tourbe d’un même marais ; il
a trouvé pour la tourbe noire : sur 1000 parties :
Quartz 0,110
Silice 0,200
Alumine 0,185
Magnésie 0,059
Carbonate de chaux 0,133
Oxide de fer 0,12#
Oxide de manganèse 0,001
Gypse 0,123
Sels { Phosphate de chaux 0,015} 0,178
Muriate de soude 0,040
Perte 0,011
1,000
La tourbe jaunâtre des mousses ou la découverte contenait dans les cendres sur
1000 parties.
Quartz 0,201
Silice 0,110
Alumine 0,097
Oxide de fer 0,190
Chaux 0,141
Magnésie 0,086
Oxide de Manganèse 0,035
Gypse 0,102
Sels Sel marin 0,010 0,140
Sulfate de soude 0,012
Phosphate de chaux 0,016
1,000
De ces quelques analyses, nous tirons encore des preuves en faveur de la définition
que nous avons donnée de la tourbe dans la première partie en disant : Que la tourbe
est produite par le ligneux des végétaux, dont la décomposition est modifiée par la présence
el la température de l’eau.
« Dans l'air see ou sous l’eau, dit Liebich, le ligneux se conserve, comme on le sait,
pendant des siècles entiers sans s’altérer. D'ailleurs, outre les conditions ordinaires, la fibre
de bois exige beaucoup de temps pour que sa pourriture s’accomplisse. L’érémacausie
Er. De
ou la pourriture de la partie essentielle de tous les végétaux, à savoir du ligneux, pré-
sente un phénomène particulier, c’est que, au contact de l’oxigène ou de lair, elle
convertit l’oxigène en un volume égal d’acide carbonique. Dès que l’oxigène disparait,
la pourriture s'arrête.
» Si l’on enlève cet acide carbonique et qu’on le ue par l’oxigène, la pourriture
s'établit de nouveau, c’est-à-dire que l’oxigène se transforme de nouveau en acide car-
bonique. Puisque le ligneux se compose de carbone et des éléments de l’eau, on peut
dire d’une manière générale que cette pourriture est identique dans ses résultats avec la
combustion du carbone pur à des températures très-élevées ; ainsi le ligneux se com-
porte, en brülant lentement, comme si ni son hydrogène ni son oxigène ne se trouvaient
combinés avec du carbone.
» L’accomplissement de ce phénomène de combustion exige un temps fort long ; la
présence de l’eau en est également une condition indispensable. Les alcalis en favorisent
les progrès, les acides les entravent ; toutes les matières antiseptiques, l’acide sulfureux,
les sels mercuriels, les huiles empyreumatiques, etc., les arrêtent entièrement. À mesure
que la pourriture du ligneux s’avance, celui-ci perd la faculté de pourrir davantage,
c’est-à-dire, de transformer l’oxigène ambiant en acide carbonique, de sorte qu’à la fin
il laisse une matière brune et charbonneuse qui n’a plus cette propriété. C’est là le
produit final de l’érémacausie ou de la pourriture lente du ligneux, produit qui forme
les tourbes et la partie essentielle de tous les lignites. »
Si ce phénomène se produit à l’air libre, la source d’oxigène ne tarissant jamais, il
a lieu rapidement et les parties constitutives du ligneux passent bientôt à l’état d’ulmine.
À une température élevée, cette décomposition est encore plus rapide. Si, au contraire,
il se produit dans l’eau et à une température basse, comme les parties ligneuses ne peu-
vent être soustraites absolument à l’action de l’oxigène, elles en subissent aussi à la
longue les effets ; mais cette oxidation est très-lente ; elle est jointe à l’action des éléments
de l’eau.
En effet, si l’on examine les analyses de la tourbe, on trouve, qu’à un certain degré
de décomposition, les éléments de l’eau sont entrés dans la composition du bois avec une
certaine quantité d’oxigène de l’air , tandis que les éléments de l’acide carbonique s’en
sont séparés. Suivant donc que l'accès de l’air sera plus ou moins intercepté, la formation
tourbeuse ou l’oxidation lente du ligneux sera modifiée.
Il est clair que cette altération produite par l’eau et par l’action de l'air se fera sentir
d'abord sur les parties non ligneuses des plantes et par conséquent sur celles qui, par
leur décomposition, donnent les acides, les huiles empyreumatiques, les résines et toutes
les substances antiseptiques.
EN de
On comprend donc que ces nouveaux produits agiront sur le ligneux pour en retarder
la décomposition. Ainsi Pulmine pourra se trouver en dissolution dans Peau des tour-
bières; les gelées le feront passer à l'état concrèt et insoluble, et comme résine, il de-
viendra l’une des matières constitutives de la tourbe. Il ne sera pas cependant Félément
essentiel de la tourbe; il n’y entre même qu’en quantité assez faible. Ainsi Wiegmann
qui attribue une si grande influence à cette substance, n’a trouvé que 10 p d’ulmine
dans la tourbe à forme de Brunswigg, et seulement 5 P% dans cette tourbe charbonnée
qu'on trouve au fond des marais. On ne comprend donc pas comment certains soit-disant
observateurs, quand il s’est agi d'appuyer un système sans fondement, ont affirmé qu'ils
avaient trouvé lulmine comme constituant la tourbe pour plus de la moitié.
La présence d’autres substances étrangères, de la silice, de l’alun, de loxide de fer,
de l’oxide de manganèse, de la chaux, du tale, de la potasse, de acide sulfurique, de
l'acide phosphorique, du chlore, s'explique par la composition même des végétaux et
des animaux qui forment la tourbe et par les modifications extrèmement nombreuses que
les éléments de ces divers corps subissent sous l'influence des agents qui se rencontrent
dans la matière et que la chimie explique. Ainsi, plusieurs plantes des marais renferment
de la silice. L’Arundo pragmites, entr’autres, en contient dans son épiderme un tiers de
son poids : les Equiseutm plus de la moitié. D'autres sont riches en résine, en soufre,
en phosphore, en chlore. Dans le voismage de la mer, des montagnes calcaires ou gra-
nitiques, des collines de sable, les vents et les courants d’eau font entrer dans les tour-
bières des sels, des parties terreuses et minérales ; de même aussi les pluies et latmos-
phère y déposent des corps étrangers dont elles sont imprégnées.
A l'influence des agents étrangers sur la composition de la tourbe, nous devons ajouter
celle de la compression, tant des couches supérieures de la tourbe qui pèsent sur les
parties inférieures, que des couches de terre, de marne, de sable, ete.; que l'air agis-
sant sur les surfaces émergées, des accidents du sol ou des inondations aceumulent au-
dessus des dépôts tourbeux. Cette influence ne doit point passer inaperçue. Une com-
pression forte et prolongée tend par la condensation de la matière à la faire passer plus
vite à l’état de charbon de terre ou de lignite , en augmentant peut-être l'énergie des
éléments minéralisateurs. Cette action s’observe d’une manière bien remarquable dans
les lignites de la vallée du Locle, car vers les bords de cette vallée, là où ils sont recou-
verts d’une couche considérable de marne, ils n’ont guère que trois pouces d'épaisseur,
tandis que dans le fond du vallon, sous quatre pieds de marne seulement, ils ont une
épaisseur de six à sept pouces et n’ont pas perdu encore leur apparence tourbeuse. Ils
tiennent le milieu entre la tourbe qu’on voit à découvert plus bas dans la vallée, dont
la couche a une épaisseur d'environ huit pieds. et les lignites des bords.
Re ve
Liebich a observé aussi Pinfluence de la compression sur la formation des lignites.
« Il est possible, dit-il, que la température et la pression sous lesquelles la décomposition
s’est effectuée, aient amené cette différence dans le mode de décomposition, car un
morceau de bois qui présentait entièrement l’aspect et la texture du lignite de Laubach,
et que j'avais fait séjourner pendant plusieurs semaines dans la chaudière d’une machine
à vapeur, m'a donné une composition analogue à celle du lignite. L’altération s’est
opérée dans l’eau dont la température était de 150 à 160 degrés et qui se trouvait sous
le poids d’une pression correspondante. ‘C’est à cette circonstance qu'il faut sans doute
attribuer la faible quantité de cendres que le bois a laissée après la combustion et qui
ne s'élevait qu'à 0,54 p%, c’est-à-dire, à un peu moins que celle du lignite de Laubach. »
Ainsi sont expliqués tous les phénomènes observés dans la formation de la tourbe ;
toutes les circonstances dans lesquelles cette formation se rencontre. Car la chimie a une
incontestable autorité quand elle s’exerce à décomposer les parties matérielles des êtres.
Malheureusement, elle cherche à étendre plus loin son domaine ; mais il restera toujours
dans les œuvres de la nature quelque chose d’insaisissable que les plus savantes analyses
ne parviendront jamais à découvrir. L’essence même des êtres, la vie, n’appartient pas
à l’œil de l’homme. Pressentie par son intelligence, elle ne livre à ses observations que
de simples résultats. Ainsi donc peut-on dans la matière morte connaitre les composés
et souvent la cause de leur présence par les corps vivants qui se sont entassés pour la
former. Mais là s’arrête le pouvoir de la science. Ceux qui veulent tout expliquer par
l’affinité ou la répulsion des atômes, sont en chimie aussi loin de la vérité que les phy-
siologistes qui, parce qu’une plante bien arrosée ne peut vivre sur le marbre, soutiennent
qu'elle ne tire ses aliments ni de l'atmosphère ni de l’eau. Nous avons vu que certains
végélaux, comme les prèles et les roseaux, contiennent beaucoup de silice ; d’où tirent-
ils ce corps? car le sol dans lequel ils vivent peut n’en renfermer que de faibles propor-
tions, puisque ces deux plantes prospèrent bien dans la tourbe. Il est des plantes, le
chara, dont la décomposition ne produit qu’une matière sableuse analogue à la marne
verdâtre qu’on voit sous la tourbe. Ces végétaux semblent done composés presque essen-
tiellement de sable qu’ils ne peuvent prendre au sol, du moins pas en totalité, puisque
le tassement successif des débris semble augmenter l'épaisseur de la couche. Trouvera-
t-on peut-être absurde cette opinion que de grands dépôts de sable peuvent avoir été
formés par la végétation des characées? L'examen de ces plantes et de plusieurs autres
fera admettre, je le crois, que plusieurs des couches de notre slobe ont une origine
presque entièrement végétale.
Je ne dis point ceci pour jeter le moindre discrédit sur les travaux de la chimie, de
cette noble science qui abrite sous son drapeau les nombreuses sections de l’histoire de
M D
la nature. Mais il fautf aire à chacun sa part et ne blâmer aucun effort, aucun travail, car
il n’en est point d’inutile. Liebich reproche amèrement aux botanistes physiologistes
leur méthode d’observation et repousse les conséquences qu’ils tirent de leurs recherches.
Comme si le voile immense qui couvre le magnifique tableau des œuvres de Dieu
pouvait être levé par un seul! Chacun ne vient-il pas à son tour en arracher un lambeau,
et quelqu'un peut-il prétendre que ce qu'il a découvert sous sa main soit la plus belle
portion de l’ensemble et mérite seul l'attention et l'admiration? Une seule chose doit être
blâmée dans l'étude de l’histoire naturelle, c’est l’orgueil de ceux qui opposent leur
faible intelligence à la Puissance infinie; de ces hommes qui, pour avoir découvert
quelques-uns des secrets de la nature, cherchent à cacher sous la vanité de leur science,
le Pouvoir en présence duquel tous les travaux de l’homme sont un néant.
CHAPITRE IL.
HISTOIRE NATURELLE DES TOURBIÈRES DU JURA.
Il est toujours facile de distinguer au premier coup-d’œil les marais lacustres des
marais émergés. Nous avons vu le caractère essentiel auquel on les reconnait : c’est
l'absence ou la présence des mousses hygroscopiques. Comme ces mousses doivent leur
existence aux débris ligneux sur lesquels elles s’attachent ou qu’elles entourent de pré-
férence, toutes les fois qu’un marais en croissance en sera couvert, on pourra être
assuré, même alors qu’on ne voit pas d'arbres à la surface, que la matière recèle dans
son sein ou des troncs ou des débris d’arbustes qui ont favorisé le développement de
ces petits végétaux et l’élévation de la tourbe.
Le genre des Sphagnum, celui auquel on doit attribuer surtout la formation de la
tourbe émergée, est essentiellement polymorphe. Les espèces, pour avoir entre elles une
15
+
grande ressemblance, varient cependant à l'infini, suivant les circonstances d'humidité
au milieu desquelles le végétal est appelé à vivre. Elles semblent se ployer à toutes les
exigences de l'habitat, et se modifier suivant qu’elles plongent dans les eaux profondes,
dans les mares vaseuses de la surface, ou qu’elles s'élèvent au-dessus du niveau de
l’eau. La seule condition nécessaire à leur existence, paraît être avec la présence du
ligneux, une certaine quantité d'humidité absorbée par la couronne ou par la tige du
végétal. Dès que cette humidité leur manque, elles se dessèchent et disparaissent.
Plusieurs botanistes distingués n’ont pas trouvé de caractères assez tranchés dans les
Sphagnum, pour oser tenter une classification fixe; ils en ont donc fait une seule espèce
avec un nombre considérable de variétés. Il est vrai que les nuances insensibles qui
s’échelonnent entre les formes distinctes semblent au premier moment autoriser cette
manière de voir. Cependant en examinant ces mousses sur le marais même, on peut se
convaincre que telles espèces ne varient jamais, quelle que soit d’ailleurs la quantité d’eau
où elles plongent , et qu’au lieu de modifier leurs formes locales, elles périssent quand
les circonstances nécessaires à leur existence sont changées. Ceci bien reconnu, on sera
forcé ‘de rattacher les variétés à certains types primitifs et invariables, et d’admettre ainsi
une nomenclature peut-être un peu plus étendue mais moins embarrassante que celle
des auteurs qui ne reconnaissent que des variétés d’une seule forme.
En considérant les Sphagnum suivant leur mode de végétation, on peut d’abord Îles
diviser en trois groupes nettement tranchés: ceux qui ne vivent qu'immergés; ceux
dont la couronne est toujours au-dessus de l’eau; ceux enfin qui, participant aux deux
natures, sont pour ainsi dire amphibies et ont pour la même espèce une forme aërienne
et une forme immergée.
Le Sphagnum cuspidatum Ebrh appartient seul à la première classe et ne se rencontre
qu'immergé. Suivant la profondeur de l’eau dans laquelle il plonge et l’espace qu’il
a pour se développer, les rameaux s'étendent , les feuilles s’allongent plus ou moins,
et il se produit une foule de nuances qui rentrent dans la variété 8 plumosum de Nees
et H. On trouve très-sôuvent cette espèce en fructification dans les marais du Jura. Elle
abonde surtout dans celui de Noiraigue où les fosses nouvellement creusées sont presque
aussitôt envahies par ses innombrables ramifications. Vers le milieu de l'été, les tiges
fructifères élèvent leur couronne à la surface de l’eau et alors la capsule mürit et s'élève
pour s'ouvrir à l'air, portée sur un pédicelle souvent très-long. Quand l’eau est peu
profonde et que les tiges ne peuvent y plonger dans toute leur longueur , elles sont plus
courtes et plus serrées les unes contre les autres, les fructifications sont presque sessiles
au sommet des plantes et les feuilles sont très-rapprochées sur les rameaux. C’est alors le
Sphagnum acutifolium var. 8 capillifolium de Ehrh.: nomenclature sans fondement ,
= 08 —
car il est impossible de rapprocher cette forme de celle du Sphagnum capillifolium. 1
sera facile de distinguer les espèces en suivant à l’œil les nuances transitoires depuis les
plantes complétement immergées à celles qui, sur les bords des fosses, le sont de
moins en moins.
C’est sur le Sphagnum cuspidatum surtout que doit se diriger l'attention des botanistes
qui veulent étudier les dépôts tourbeux ; car il importe d’en bien reconnaitre le mode
de reproduction, puisque c’est cette espèce qu’on doit de préférence établir dans les
fosses après les exploitations, pour favoriser la reproduction de la tourbe.
Ce Sphagnum parait se propager facilement au moyen de graines, car quand il est
quelque part sur un marais, tous les lieux voisins couverts d’eau en sont bientôt envabis.
Pour se faire une idée de l’énorme puissance de reproduction que la nature a accordée
à ces mousses utiles, il faut examiner au microscope les graines contenues par millions (°)
dans une seule capsule et voir avec quelle facilité les filaments et les tiges jetés dans les
mares tourbeuses s’y étendent, pour les remplir en peu de temps de leurs jets innom-
brables.
Deux espèces de Sphagnum vivent toujours hors de l’eau, ou du moins n’y plongent
que par la base de leurs tiges, car souvent ils paraissent tirer fort peu d'humidité du sol
sur lequel ils sont implantés. Ce sont le Sphagnum cymbilifolium Ehrh. ou latifolium
Hedw. et le Sphagnum capillifolium Hedw. Ces mousses, vivant en touffes extrême-
ment compactes, paraissent essentiellement destinées à envelopper dans l'humidité
qu’elles tirent de Fatmosphère ou de l'intérieur du marais, les végétaux ligneux qui vivent
et tombent à la surface et par conséquent à porter la croissance au-dessus du niveau
de l’eau. Aussi les voit-on s'établir sur les tapis des végétaux qui paraissent au-dessus de
l’eau. Cette transition est extrèmement curieuse a observer. Ce n’est point une métamor-
phose d’une mème espèce; c’est un semis qui lève sur un sol préparé à le recevoir. Cà
et là quelques touffes apparaissent d’abord sur les parties les moins humides, puis bientôt
toute l’étendue disposée en est couverte, car les fructifications de ces ceux espèces sont si
nombreuses que l'air doit être chargé de leurs graines et qu’ainsi elles se fixent natu-
rellement partout où elles rencontrent un sol favorable à leur germination. Ces deux
Sphagnum ont des formes très-tranchées et inalitérables. Soumis à une complète im-
mersion , ils végétent quelque temps encore, maïs si les tiges ne parviennent pas à élever
leur couronne au-dessus du liquide qui les étouffe, elles dépérissent et disparaissent.
Le Sphagnum tenellum Pers. et le Sphagnum compactum Brid. peuvent vivre dans
() En calculant par le secours du microscope le nombre des graines contenues dans une seule capsule,
j'en ai trouvé environ 2,691,000.
— 100 —
l’eau et hors de l’eau, et pour chacun de ces habitats , ils ont des formes un peu diffé-
rentes. On les trouve cependant l’un et l’autre de préférence émergés. Le Sphagnum
tenellum se suspend parfois au bord des fossés pleins d’eau et quand ses touffes plongent
dans le liquide, il s’y étend en rameaux très allongés. Les feuilles sont alors plus éloi-
gnées les unes des autres, sans varier beaucoup dans leurs formes. J’ai recueilli dans
les marais des Ponts de magnifiques exemplaires de cette variété curieuse dont les tiges
avaient deux à trois pieds de longueur. Le Sphagnum compactum se montre ordinaire-
ment en touffes arrondies au-dessus des petits bassins peu profonds qui sont à la surface
de nos marais. Quand l’eau monte et que les tiges sont submergées, ces touffes s’é-
lèvent et leurs rameaux et leurs feuilles s’alongent un peu; mais ce travail ne peut
s'étendre bien loin, puisque le Sphagnum compactum n’est jamais flottant.
Quant au Sphagnum subsecundum de Nees, il est certain qu’il ne constitue qu’une
même espèce avec le Sphagnum contortum de Schultz ; encore ne puis-je les admettre
tous deux que comme des variétés du Sphagnum tenellum, modifiées par l'immersion.
Ils habitent des flaques d’eau peu profondes à la surface des marais où, sous une
influence qui me parait morbide, ils prennent ordinairement une couleur noire ou brun
sale.
Le Sphagnum squarrosum Pers. assez commun dans les tourbières de la Forêt-noire,
n’habite pas celles du Jura.
Après les sphaignes, les mousses qui contribuent le plus à la formation de la tourbe
el à son accroissement sont sans-contredit les innombrables formes du Hypnum fluitans ,
auxquelles je rapporte une foule de variétés du Hypnum aduncum L. et du Hypnum
revolvens Swartz. On trouve même tant de nuances entre ces espèces et le Hypnum
lycopodioides Dill., que parmi plusieurs centaines d'exemplaires de toutes ces mousses
recueillis pour l'étude, il m’est impossible d’indiquer une ligne où la transition soit ap-
préciable. C’est un vrai dédale que l'observation de ces espèces aquatiques, auxquelles
chaque botaniste impose un nom; aussi je les range toutes sous le nom de Hypnum
fluitans , en attendant la décision du plus célèbre des bryologues, de W. P. Schimper ,
qui seul pourra fixer les incertitudes. Ces mousses vivent dans les fosses très-humides ou
s'étendent dans les eaux profondes, en attachant leurs racines sur les bords. Leurs innom-
brables rameaux s’élèvent vers la surface pour mürir à l’air leurs capsules portées sur
des pédicelles très-longs, et après la dissémination des graines, ils s’enfoncent et forment
des feutres épais qui se tassent chaque année par la pression. Ces espèces de mousses
se décomposent difficilement et on les trouve reconnaissables même dans des dépôts
très-anciens. Aussi la tourbe qu’elles forment reste-t-elle toujours fibreuse et de mé-
diocre qualité. — Le Hypnum trifarium W.et M. et le Hypnum scorpioides L. habitent
— A01 —
souvent de compagnie les marais très- humides où l’eau est peu profonde. Ils forment,
le premier surtout, des couches assez puissantes, où se conservent dans leur intégrité et
d’une manière très-marquable les formes primitives du végétal. Jai plusieurs fois observé
ces lits du Æypnum trifarium, à huit pieds de profondeur, dans lesquels cette mousse
était aussi facile à déterminer que si les couches eussent été tant seulement comprimées
et desséchées comme dans un herbier. Et cependant la tourbe superposée était compacte,
noire, très-décomposée, et les restes des végétaux paraissaient détruits. Le Hypnum
scorpioides L. ne vit pas seulement sur les marais tourbeux ; il rampe sur les marnes
humides au bord du lac de la Brévine et au Val-de-Travers. Le Hypnum shramineum Dicks.
très-distinct du Hyprum trifarium, quoi qu’en disent plusieurs botanistes, les Aulacomion
palustre Schw., Meesia longiseta Hedw., Meesia tristicha Br. et Schp. habitent aussi
les parties très-humides de nos plus hauts marais jurassiques et contribuent toutes à la
formation de la tourbe. La seconde de ces espèces est cependant la plus répandue. Elle
se mélange souvent, dans les parties plus sèches des marais, aux Polytrichum commune
L., Polytrichum formosum Hedw. surtout au Polytrichum gracile Mentz. ou Polytrichum
aurantiacum Hoppe , pour former des tapis feutrés et ligneux d’une grande étendue et
d’une épaisseur souvent de plus d’un pied, dont le détritus produit une terre légère ou
la tourbe, suivant que les sphaignes s’en emparent et le recouvrent ou qu’il reste exposé
au contact de l’air. Le Polytrichum piliferum Schreb. habite la surface desséchée des
tourbières.
Après ces mousses, le Dicranum Schraderi W. et M. qui aime Pombrage des pins ;
le Dicranum cerviculatum W. et M. qui s'attache à la tourbe mise à nu sur les coupes
perpendiculaires des exploitations; le Campylopus flexuosus Brid. qui vit aussi sur la
tourbe pure, mais dans les surfaces horizontales ; le Splachnum ampullaceum L. qui étale
sa magnifique végétation sur les fumiers des vaches, sont encore au nombre des espèces
tout-à-fait tourbeuses. La Paludella squarrosa L. est fort rare dans le Jura; je ne l’ai
rencontrée qu’une seule fois et sans fructifications à la Vraconne près de St-Croix.
Les mousses essentiellement tourbeuses, mais qui se rencontrent cependant dans les
lieux humides quand même la tourbe ne s’y forme pas, sont: les Hypnum cordifolium
Hedw., Hypnum stellatum Schreb., Hypnum nitens Schreb., Meesia uliginosa Hedw. ,
Bartramia fontana Swartz, Bryum nutans Hedw., Dicranum glaucum Svwartz. Les
Climacium dendroides W. et M., Hyprum cuspidatum L., Bryum pseudotriquetrum
Hedw., Mnium punctatum L, Mnium affine L, Catharinea undulata W. et M. , habitent
les prairies herbeuses et humides qui bordent les marais. C’est là aussi que j’ai rencontré
très-rarement le Bartramia marchica Brid. Lorsque la surface des tourbières se dessèche,
on y voit naître quelques espèces de mousses qui appartiennent au sol des forêts ou qui,
— 102 —
cosmopolites, vivent un peu partout : les Hypnum splendens L., Hypnum Schreberi Wild.,
Hypnum crista ‘'castrensis L., Bryum argenteum L., Ceratodon purpureum Brid. , Di-
cranum undulatum Turn., Dicranum scoparium Hedw., Funaria hygrometrica Hedw.
Ces mousses se mélangent aux lichens, aux Cladonia rungiferina De., Cladonia subulata
De., Lecidea iemadophylla Ach., Lecidea uliginosa Achar., Cenomice coccifera Ach. , et
Cenomice bacillaris. Ach. Et alors le marais cesse de croître, car les lichens sont les vrais
parasites de la mort et ils ne recouvrent guère que les surfaces menacées d’une prochaine
décomposition. Aussi, quand ils paraissent en abondance sur les tourbières, c’est le
moment favorable pour en faire exploitation et éviter ainsi une de ces époques de tran-
sition qui s’accomplissent très-lentement et où le travail de la nature emploie un temps
fort long, dont la reproduction peut tirer un meilleur parti.
Trois hépatiques habitent les marais du Jura: le Jungermannia sphagni. Dicks, le
Jungermannia bidentata L., qui sont mélangées aux sphaignes ; le Marchantia polymorpha
L., qui sé cache dans les fossés profonds creusés pour l'écoulement des eaux. On y
rencontre aussi plusieurs champignons intéressans, entr’autres le Geoglossum hirsutum
Pers., mais la matière charnue de ces végétaux parait tout-à-fait étrangère à la forma-
tion de la tourbe; ils ne se trouvent d’ailleurs sur ce sol que par accident et par
conséquent ne méritent pas une étude particulière.
Je voudrais pouvoir indiquer avec quelque certitude le rôle que jouent les conferves
dans la formation de la tourbe. Si plusieurs auteurs, Crôme et Van Marum surtout leur
attribuent une grande influence, j'ai dit déjà qu’il ne m'a jamais été possible d’observer
dans les nombreux marais que j'ai visités, la moindre tiace bien évidente d’un dépôt
confervoides. Cependant, pour arriver à une conviction sur ce point, je n’ai pas négligé
les recherches, sachant que les conferves qui couvrent et remplissent souvent de leurs
filaments déliés les eaux tranquilles, ont une si grande ténuité, qu'une fois décomposées,
on n’en voit plus aucune trace, si ce n’est peut-être un résidu limoneux et gras qui
ressemble plutôt à la marne qu’à la tourbe. Quoiqu'ilen soit, voici les espèces nommées
par Crôme comme composant la tourbe, espèces qui vivent partout dans les eaux tran-
quilles, sans être particulières au sol tourbeux: Conferva fugacissima, Conferva bullosa,
Conferva setiformis, Conferva cristata, Ulva lubrica, Rivularia endiviæfolia, Nostoc
flos-aquæ Bory, auxquelles on peut ajouter les suivantes, que j’ai observées dans les
marais du Jura: Conferva nebulosa Gral, Conferva genuflexa Roth, Conferva jugalis DC.,
Conferva mutabilis Roth, Conferva reticulata L., Batrachospermum plumosum Vauch,
Ulva intestinalis L., Oscillatoria viridis Bory. Ce Batrachospermum cœrulescens Gen. ,
a été observé par M. Mougeot dans les tourbières des Vosges.
Les espèces de la famille des prèles et de celle des fougères ne sont pas nombreuses
sur nos marais tourbeux. Quelques-unes entrent cependant en assez grande abondance
— 105 —
dans la composition de la tourbe. Ainsi les fosses exploitées où la reproduction se fait
avec le plus d’activité sont souvent habitées par l’Equisetum palustre L., et l'Equisetum
limosum L., qui percent au travers des mousses. Sur la surface humide des tourbières
rampe le Zycopodium inundatum L., et dans les parties plus sèches, on voit encore as-
sez souvent les Botrychium lunaria L., Blechnum spicant DC., Aspidium dilatatum SWw.,
Lycopodium selaginoides L., et Lycopodium clavatum L.
Avant tous les végétaux phanérogames qui aïdent à la composition de la tourbe dans les
hauts marais, nous nommerons les arbres et les arbusies dont le ligneux se consume or-
dinairement au milieu des dépôts tourbeux, dans un parfait état de conservation. Toutes
ces espèces méritent une altention particulière, non-seulement par la quantité de maté-
riaux qu'elles entassent dans la tourbe, mais surtout par les élémens antiseptiques,
résines, bitume, huiles, ete., qui ont une si précieuse influence sur la qualité du com-
bustible auquel ils sont mélangés. Ce sont d’abord les pins, en particulier le Pinus
-pumilio de Hænck, qu’on confond d'ordinaire avec le Pinus sylvestris L., et qui me paraît
constituer une espèce distincte, auiant par la forme des cônes plus arrondis que par sa
stature beaucoup plus humble, et surtout par soa habitat. Ce pin ne s'élève guère à plus
de 20 pieds, sa hauteur moyenne est de 6 à 8 pieds. Il croit ordinairement en forêts
assez épaisses, presque partout sur nos marais tourbeux et est d'autant moins haut que
le sol est plus humide. Les sphaignes se plaisent à ombre de ces arbres, dont la présence
parait ainsi considérablement activer la croissance de la tourbe. Leurs débris se mêlent
à la matière, parfois en si grande quantité que lextraction de la tourbe, dans toute
l'étendue de la couche, en devient fort difficile. On ne comprend donc pas comment
Wiegmann a pu dire, page 16 de son ouvrage: «Qu’à la vérité, on rencontre souvent
dans les vieilles tourbières des hauts marais, des trones de pins qui par la force
antiseptique de l’ulmine sont parfaitement conservés, mais qu'ils gisent toujours au
fond des marais et qu'ils sont sûrement entrés dans la composition de la tourbe par
quelque révolution locale, lors de la formation du dépôt dans lequel ils ont été conservés. »
Ce paragraphe contient autant d'erreurs que d'idées, et il est une preuve évidente du
peu de soin que l'auteur a donné à l’étude des marais tourbeux, tout en reportant son
attention sur la composition chimique de la matière.
Après le pin vient le bouleau des tourbières auquel chaque botaniste donne un nom et
qui ne me semble pas distinet du bouleau blanc Betula alba L. C'est le Betula torfacea
de Schl., le Betula pubescens 6 glabrata ou g alba des Anglais, le Betula odorata de
Bechstein, etc.; car ses formes sont très-variables suivant l’âge. Le nom n’y fait rien.
Il paraît même avant le pin et croît dans l’eau même des fosses en reproduction , dès
qu’un tissu solide de mousses s’est établi à la surface ; mais il ne forme pas ordinairement
de grands massifs ni des forêts et n’atteint pas une grande élévation. Ordinairement,
— 104 —
après dix ou vingt ans, il dépérit et tombe; la grosseur du tronc ne dépasse guère alors
un demi-pied de diamètre. Sur les bords des marais, dans les lieux plus secs, il atteint
des dimensions bien plus considérables. J'en ai vu dans la vallée de la Brévine dont le
tronc avait trois pieds de circonférence. Dans le nord de l’Europe, ces arbres réunis en
forêts très-épaisses ont formé, dans quelques marais, la masse presqu’entière du com-
bustible. On voit dans le Danemarck des tourbières qui ne semblent composées que d’é-
corces de bouleau agglomérées et comme roulées les unes sur les autres. Dau, qui a
décrit ces dépôts, pense que ces écorces ont été charriées par les eaux, depuis les hauteurs
environnantes. Il est bien plus simple. d'admettre que ces arbres ont crù sur place
depuis des temps très-reculés et que la décomposition ayant eu plus d’action sur les fibres
intérieures du bois que sur l’écorce qui contient beaucoup de tannin et de résine, il en
est résulté cette pâte rougeâtre qui, dans ces tourbières, est interposée entre les feuillets
des écorces. Les observations de Dau établissent ce fait d’une manière si claire, qu’on ne
comprend pas comment il n’a pas donné l'explication de cette formation ; car cet auteur
a vu sur la surface de ces dépôts de grands bouleaux enfoncés à moitié dans la tourbe.
« Les écorces en étaient intactes autour du tronc, l’intérieur était creux et rempli d’une
terre de bois rougeûtre. »
Sous l’ombrage du bouleau blanc, rampe son frère de Sibérie, le Betula nana L.,
qui, avec le V’accinium uliginosum L., Vaccinium oxycoccos L., Erica vulgaris L., Andro-
meda polifolia L., Salix repens L., Salix ambigua Ehrh., Salix aurita L., Lonicera
cœrulea L., clot la liste des éspèces ligneuses des tourbières. Le Vaccinium myrtillus
L., et le Vaccinium vitis-idœa L., s’y rencontrent aussi, bien qu’ils n’appartiennent pas
exclusivement au sol tourbeux.
Après les arbres et les arbustes viennent comme principal composant, les cyperacées et
les joncées. L’Eriophorum vaginatum L. est sans contredit le plus abondant. Sa fibre
ligneuse se conserve très-longtemps sans se décomposer. Aussi, partout où il se trouve
sans mélange et en grande abondance, la tourbe est légère, peu compacte et de médiocre
qualité. L’Eriophorum alpinum L. est très-commun sur les marais du Jura, aussi bien
que l’Eriophorum angustifolium Roth. Ce dernier n’appartient pas exclusivement au sol
tourbeux. Le genre si nombreux des carex occupe ensuite la plus grande place dans la
formation de la tourbe. Nos espèces sont, en suivant toujours l’ordre de quantité: Carex
ampullacea Good., Carex panicea L., Carex stellulata Good., Carex leporina L., Carex
limosa L., Carex davalliana Sm., Carex pauciflora Ligt., Carex pulicaris L., Carex
chordorrhiza Ehrh., Carex heleonastes Ehrh., Carex filiformis L., Carex teretiuscula
Good., Carex dioica L. Ces deux derniers sont très-rares. A ces espèces on peut ajouter
les Carex cæspitosa L., et Carex glauca L., qui, très-abondans, forment surtout les gazons
— 105 —
qui bordent les tourbières et le foin qu’on en récolte. Le Scirpus cæspitosus L., est très-
abondant sur les marais un peu secs; là où il y a plus d'humidité, paraissent les Juncus
obtusiflorus Ehrh., Juncus lampocarpus Ehrh., Juncus conglomeratus L., qui entrent
abondamment dans la composition de la tourbe ; le Juncus bufonius L., vit dans les
pâturages des bords des marais. Après les Luzula multiflora Lej. et Schænus albus L.,
qui sont plus rares, le Blysmus compressus Panx., qui habitent les tourbières gazonnées,
paraissent quelques graminées : les Phalaris arundinacea L., Molinia cærulea Mœnch.,
Agrostis canina L., Festuca ovinaL., Festuca nigrescens Lam., Pragmites communis Trin.,
et très-rarement la Danthonia decumbens DC.
Les plantes dicotylédones ne paraissent pas appropriées à la formation de la tourbe
des hauts marais, à part cependant les arbres et les arbustes que nous avons nommés.
On ne pourrait guère citer comme espèce ayant quelque influence sur cette production
que les utriculaires : Utricularia vulgaris L., Utricularia minor L., Utricularia intermedia
Hayne ; car ces plantes habitent quelquefois en quantité les fosses où l'eau est profonde.
On peut cependant y ajouter, comme phanérogames dicotylédones qui ne croissent que
sur la tourbe, les Drosera rotundifolia L., Drosera obovata M. et K., Drosera longifolia
L., Comarum palustre L., Viola palustris L., et plus rarement les Scheuchzeria palustris
L., Saxifraga hireulus L., Swertia perennis L., Galium uliginosum L., et Primula
farinosa L. Je w’ai trouvé l'Arenaria uliginosa qu’à la Vraconne près de Sainte-Croix.
C'est à, pour les phanérogames en général, une flore bien peu étendue. Cependant
on pourrait à peine y ajouter quelques variétés d’espèces qui aiment l'humidité, mais
qui n’appartiennent pas exclusivement au sol tourbeux. On trouverait ainsi dans les fossés
pleins d’eau les Glyceria fluitans R. Br., Sparganium natans L., Sparganium ramosum
Huds., Potamogeton rufescens Schrad., Potamogeton obtusifolius M. et K. habitant surtout
le lac d'Étaillères, enfin les Lemna, toutes plantes qui appartiennent aux monocotylé-
dones. Les Stellaria uliginosa M., Stellaria glauea L., Ranunculus aquatilis L., Veronica
anagallis L., Veronica Beccabunga L., flottent dans les fossés herbeux qui bordent les
marais. Quand le sol devient plus solide, on y trouve encore les Carex vulpina L.,
Carex flava L., Orchis latifoliaL. var 8 angustifolia. Epilobium palustre L., Polygonum
persicaria L., Bidens &ernua L., Veronica seutellata L., et dans les parties où le marais
est plus sec, le Tormentillu erecta L., Pedicularis palustris L., Gentiana pneumonanthe
L. (rare), Galium boreale L., Galium palustre L., Spergula saginoïdes L., Spergula nodosa
L., Epilobiun angustifolium L., et Spirea ulmaria L.
Enfin, lorsque la culture et le pacage ont changé la nature du sol tourbeux pour le
convertir en prairies, on y voit naître spontanément la plupart des plantes des champs
humides et marécageux, tels que les Anthoxanthum odoratum L., Agrostis vulgaris L.,
1%
— 106 —
Luzula campestris DC., Luzula pilosa Willd., Rumex acetosella L., qui est extrêmement
abondante sur la tourbe cultivée, Polygonum bistorta L., F'aleriana dioïca L., Gnaphalium
uliginosum L., Cineraria spathulæfolia Gmel. , Cirsium palustre Scop., Cirstum rirulare
Jacq., Cirsium oleraceum Scop., Taraxacum palustre De., Pinquicula vulgaris L., Ga-
leopsis tetrahit L., Myosotis cæspitosa Schultz, Caltha palustris L., Trollius Europœus L..,
Cardamine pratensis L., Parnasia palustris L., Alchemilla vulgaris L., et Sanguisorba
officinalis L.
Les dépôts tourbeux immergés ont été formés par une série de végétaux bien moins
nombreux encore que celle des hauts marais, etl on comprend en effet que les circonstances
dans lesquelles la matière s’est élevée, n’aient permis qu’à la classe peu nombreuse des
plantes qui ont leurs racines sous l’eau et leurs tiges émergées, de concourir à cette
production. On n’apercoït dans la tourbe des lacs aucune trace de filaments appartenant
à la famille des mousses, si ce n’est peut-être le Hypnum scorpioides qui se montre encore
ca et là à la surface des marais lacustres. Les Chara peuvent avoir eu une grande in-
fluence sur cette formation; mais je le répète, il ne m’a pas été possible de l’apprécier.
Car si d’un côté j'ai trouvé au fond du canal du Landeron des touffes de Chara noir-
cies et comme charbonnées, par conséquent rapprochées de la nature.de la tourbe, de
l'autre, j’ai vu ces mêmes plantes dans le lac d’Etaillères soumises à une décomposition
toute particulière, dont le dernier terme peut être une matière sableuse.
C’est encore aux végétaux monocotylédones qu’appartiennent la plupart des espèces
reconnaissables dans la tourbe des lacs, ainsi que les plantes qui vivent-mainfenant dans
les circonstances où l’on peut supposer que se produit la tourbe sous-aquatique. Sur
les bords de nos lacs jurassiques, c’est sans contredit le Scirpus lacustris L. qui est le
composant principal de la tourbe dans laquelle on le trouve aplati, en couches sou-
ven tépaisses. S
Après lui viennent en proportions variables, suivant les localités, les Equisetum limosum
L., Phragmites communis Trin., Arundo epigeios Li, Carex paludosa Good., Carex riparia
Curt., Carex vesicaria L., Carex panicee L., Carex paniculata L., Carex vulpina L.,
Scirpus palustris L., Scirpus uniglumis L., Scirpus bœothryon Ehrh., Scirpus Rothii
Hop.. Juneus obtusiflorus Ehrh., Acorus calamus L., Lris pseudôacorus L., Typha lati-
folia L., Sparganium simplex Huds., Sparganium ramosum Huds., Potamogeton natans
L.. Potamogeton lucens L., Alisma plantago L., Sagittaria sagittæfolia L., les Lemna,
les Callitriche. Si Von ajoute à ces espèces pour les dicotylédones les Nymphæa alba
L.. Nuphar lutea Sm., Rumex hydrolapathum Huds. , Polygonum amphibium L., Poly-
gonum hydropiper L., Littorella lacustris L., Hydrocharis morsus-rane C., Hottonia
palustris L., Thysselinum palustre Hoffm., OEnanthe fistulosa L., Phellandrium aquaticum
— 107 —
L., Sum latifolium L., Sium angustifolium L., Hydrocotyle vulgaris L., Rammeulus
aquatilis L., Ramemeulus lingua L., Ranuneulus flammula L., Cochlearia armoriaca Li...
Nasturtium amphibium R. Br., Hippuris vulgaris L., et enfin les Myriophyllun, on aura
à-peu-près la liste complète des plantes qui peuvent avoir concouru à la formation de la
tourbé lacustre et cela en quantité proportionnelle au ligneux qu’elles contiennent. Ce
sont du moins toutes celles qu’on rencontre en plus ou moins grande abondance dans les
fosses ereusées dans les tourbières immergées. |
Les végétaux qui croissent maintenant à la surface de ces marais recouverts de sable,
de marne ou d’humus ne peuvent avoir eu, on le comprend, aucune action sur la pro-
duction de la tourbe. Nous les nommerons cependant, autant pour établir une série d'après
laquelle on puisse comparer les flores étrangères que pour ne rien omettre dans la bo-
tanique des marais tourbeux. Ainsi sur les grands marais du Seeland, où paissent les
troupeaux, et sur les parties dont la culture n’a pas changé la végétation on trouve: les
Agrostis vulgaris Wilh., Phragmites communis Tr., Molinia cærulea Mœn., Festuca rubra
Leers., Festuca arundinacea Schr., Carex cæspitosa L., Carex vulpina L., Carex acuta
L., Carex vesicaria L., Carex intermedia Good., Carex Oederi Ehrh., Carex flava L.,
Carex glauca Scop., Carex hirta L., Schœnus nigricans L., Schœnus ferrugineus L..
Eriophor, angustifolium Roth., Juneus obtusiflorus Ehrh., June. lampocarpus Gaud., Lu-
zula campestris D. C., Orchis palustris L., Orchis latifolia L., Triglochin palustre L.,
Alisma plantago L., Salix caprea L., Rhamnus frangula L., Inula salicina L., Senecio
paludosus L.,Cirsium palustre Scop., Cirsium rivulare Jaeq., Cirsium oleraceum Scop. ,
Scrophularia aquatica L., Gratiola officinalis L., Lycopus arvensis L., Scutellaria ga-
lericulata Li, Teucrium scordium L., Myosotis strigulosa Reïich., Symphytum officinale
L., Galium palustre L., Selinum carvifolia L., Silaus pratensis Ben., Thalictrum flavum
L., Nasturtium sylvestre R. B., Viola lactea Sm., Hypericum quadrangulum L., Eu-
phorbia palustris L., Spiræa ulmaria L., Ononis arvensis L., et Lathyrus palustris L.
En jetant un coup-d’æil général sur cette flore des tourbières, on est en effet frappé
de l’extrème disproportion avec laquelle les familles végétales y sont représentées. Dans
la seule famille des mousses , trente-cinq espèces concourent à la génération de la tourbe.
Si l'on y joint les hépatiques, les conferves, les fougeres et les prèles, on aura plus de
cinquante espèces de eryptogames composant les dépôts tourbeux émergés. A mesure
qu'on remonte l'échelle végétale , on voit que parmi les phanérogames, trente-six espèces
de végétaux monocotylédones et seulement une vingtaine de dicotylédones entrent dans
la composition de la tourbe. Et si l’on retranchait de ces derniers les arbres et les arbustes,
il ne resterait guère pour les dicotylédones qu’une dizaine d'espèces. Encore serait-il
impossible de prouver qu'elles aident essentiellement à la formation de la matière , puisque
— 108 —
leurs restes y sont toujours invisibles. On ne voit en effet dans la tourbe aucune trace des
Drosera, des Utriculaires, pas même de la Scheuchizeria palustris, qui d’ailleurs est fort
rare. La même observation peut s'appliquer aux tourbières immergées.
On voit par-là qu'il n’y a aucun fondement dans cette idée soutenue et répétée par
plusieurs naturalistes, que les mousses ne peuvent former la tourbe. Le tissu ligneux
de ces plantes et leur fréquence, autorisent une conclusion toute contraire. Et ce que
nous avons aperçu de l’organisation de quelques-unes de ces mousses, fait présumer que
dans la vie des plantes cryptogames se cachent encore de curieux phénomènes qui nous
sont inconnus. Cette partie de la botanique, négligée par les physiologistes, mérite d’être
étudiée avec soin. Car on trouvera sans doute dans ces petits végétaux quelques nou-
veaux éléments, quelques produits secrets dont l’homme saura tirer parti pour ses
besoins.
Nous n'avons nommé pour les marais lacustres aucun végétal particulier au sol tour-
beux et qui ne vive que là où se forme cette matière. C’est qu’il n’existe, en effet,
aucune plante phanérogame immergée, dont la décomposition ait toujours pour résultat
la formation de la tourbe. Ceci mérite toute notre attention, car on est forcé d’en conclure
que dans les circonstances favorables, dans les eaux tranquilles et basses, là où il n’a ni
courant ni action d'éléments dissolvants, le ligneux des plantes se conserve toujours sous
l’eau pour former la tourbe; que partout au contraire où ces circonstances n’existent
pas, le ligneux est disséminé ou décomposé et ne s’entasse pas en couches combustibles.
On s’est souvent appliqué à trouver la raison de la présence de ces végétaux ligneux
réunis sur les marais tourbeux. Il est curieux, en effet, lorsqu'on examine la liste des
plantes que nous avons donnée, de rencontrer partout parmi les phanérogames des
lieux humides, des jones, des roseaux, des laiches, des rubanniers, toutes plantes à
feuilles longues, dures et coupantes, qui renferment une bien plus grande quantité de
ligneux que les espèces qui croissent partout ailleurs, et parmi les cryptogames, des
mousses formées de ces mêmes fibres ligneuses pour plus de moitié de leur poids.
N'est-ce pas là une nouvelle preuve de cette admirable harmonie qui préside à toutes les
œuvres de la nature. Partout où l’eau reste immobile et croupissante, il se fait un dé-
gagement plus considérable de gaz carbonique. Le ligneux étant composé de carbone et
des éléments de l’eau, si, comme Liebich me semble lavoir prouvé d’une manière con-
vaincante, les plantes tirent tont leur carbone de l'atmosphère , il faudra nécessairement
voir dans la présence des végétaux qui habitent les marais une compensation au dégage-
ment des gaz qui s'opère à leur surface, et dans la composition de ces plantes un résultat
nécessaire de leur immersion dans une atmosphère plus chargée de gaz carbonique. Sans
doute les formes mêmes des végétaux sont en rapport intime avec leur mode de nutrition ;
— 109 —
mais c'est là une question à laquelle il serait hasardeux de toucher maintenant et sur
laquelle les travaux de la botanique et de la chimie n’ont encore jeté aucun jour.
Si je ne nomme pas ici les espèces de plantes qui ont formé les tourbes marines,
c’est qu’il ne m’a jamais été possible d'examiner moi-même cette formation, et que j'ai
pu me convaincre souvent à combien d’erreurs donnent lieu les observations qui sont
faites ou sur la surface des marais tourbeux ou dans leur voisinage, et combien il importe
de reconnaître avec certitude les restes des plantes encore visibles dans la tourbe, pour
bien étudier le composant ('). Aussi la plupart des auteurs qui ont admis comme plantes
tourbeuses, celles qui croissent à la surface des marais, quand ils se sont déjà recouverts
d’une couche de terre ou de sable, ont-ils plutôt une catégorie de végétaux qui aiment
l'humidité fournie par la tourbe que la liste de ceux qui y entrent comme composants,
La comparaison des plantes de nos marais avec celles des diverses contrées de l'Europe,
ne serait pas d’une bien grande utilité, d’après ce que nous venons de dire. D'ailleurs
la flore des tourbières est à-peu-près partout la même. Vers le nord apparaissent en
plus grande abondance quelques mousses rares dans le Jura : la Paludella squarrosa
et surtout les Splachnum ; quelques arbustes changent quant à l'espèce. Notre Erica
vulgaris L., est remplacée par l'Erica tetralix; on voit surgir avec les Airelles, Y Arbutus
uva-ursi L., Empetrum nigrum L., qui, dans notre Jura, ne croissent que dans les lieux
très-élevés et sur un sol non tourbeux. Le Sedum palustre et le Myrica gale L. ne crois-
sent pas en Suisse.
Pour compléter l'histoire naturelle de nos marais tourbeux, il serait bon de nommer
en passant les principaux mollusques qui y vivent et dont les débris s’y retrouvent par-
fois en très-grande quantité. Il est en effet des tourbes marneuses qui renferment tant de
coquilles, qu’on ne peut qu'avec peine les brûler. Les espèces qu’on observe dans les
tourbes de nos lacs sont les mêmes que celles qui vivent encore à la surface du sol ou
que la vague rejette sur les sables du bord. Les Hélices, les Clausilies, les Lymnées ,
les Planorbes, les Mulettes, ete. Les tourbières des montagnes du Jura sont habitées par
une petite espèce de bivalve, le Pisidium fontinale Pf. qu’on trouve parfois en quantité
attachée aux tiges immergées des Mœsia et des Sphaignes. J'en ai même observé dans
les vésicules d’une petite espèce d’Utriculaire qui rampe dans le limon des marais de la
Vraconne (°).
() On cite le Zostera marina comme composant essentiel des tourbes marines dans plusieurs localités.
Dans d’autres et particulièrement dans le nord de la Hollande,c'est le lucus digitatus. Les Glaux, les
Salicornes croissent en général à la surface de ces marais. ….
(2) Cette Utriculaire est certainement une nouvelle espèce, mais comme je n'en ai pas pu voir encore la
fleur, je ne puis en donner la description.
— A10 —
A ces coquilles, on pourrait joindre la nomenclature des insectes qui habitent les
fosses tourbeuses. Si les espèces de coléoptères y sont nombreuses, aucune n’appartient
exclusivement au sol tourbeux. Ainsi les Colymbetes, Diticus, Gyrinus, vivent dans
toutes les eaux tranquilles. La présence de ces animaux, ainsi que celle des mollusques
dans la tourbe, est suffisante pour expliquer comment il se fait que la chimie ait reconnu
dans cette matière des corps qui ne peuvent provenir que de la décomposition animale,
comme l’ammoniac. Mais l’énumération. de toutes les espèces serait à-peu-près inutile
pour la connaissance de ces combustibles souterrains, à la formation desquels les plantes
seules ont concouru.
CHAPITRE HI.
GÉOGRAPHIE DES MARAIS TOURBEUX.
La géographie des tourbes a été jusqu’à ce jour tout-à-fait négligée. Aucun.auteur, à
ma connaissance, ne s’en est occupé d’une manière un peu sérieuse; cependant il y a
des observations très-intéressantes à faire : 1° sur la situation des marais tourbeux, suivant
les différentes contrées où on les trouve; 2° sur leurs rapports avec la forme des con-
tinents, la direction des fleuves et leurs sources; 3° sur leur propre température interne
et leur influence sur la température et l'humidité de lair. Ce sont là trois questions
essentielles qui méritent d’être examinées séparément. Je n’ai certes, aucune prétention
de faire passer mes idées comme neuves. Je désire seulement qu’elles aient assez de
valeur pour fixer l'attention et diriger les recherches des naturalistes plus favorisés que
je ne le suis, vers un sujet qui est digne d’occuper Ja science. De nombreux voyages,
des observations thermométriques répétées partout sur les marais tourbeux, des son-
dages et des observations géologiques, pourront seuls et à la longue fixer exactement
la géographie des tourbières et résoudre les problêmes qu’elle présente encore.
TT de
SECTION PREMIÈRE.
Situation des marais tourbeux et leur influence sur les formes continentales.
Un fait que nous avons déjà entrevu, et qui parait être général, c’est le rapport
qui existe entre l'étendue et la profondeur des dépôts tourbeux et la température et
l'humidité atmosphérique des contrées où ils se trouvent.
En Europe, la région des tourbières s'étend depuis le revers septentrional des Alpes
et des Pyrénées, jusqu'aux latitudes du nord où cesse la végétation des plantes ligneuses.
C’est donc vers le 45° ou 46° degré de latitude qu’on commence à voir paraitre les
dépôts tourbeux ; plus bas, vers le sud, on n’en rencontre jamais; car les exceptions
que l’on peut citer dans les contrées plus méridionales sont quelques marais situés sur
des montagnes dont la température est égale à celle des pays plus septentrionaux. C’est
ainsi que dans le midi de la France on ne voit plus de tourbe que sur les montagnes. On
trouve des dépôts tourbeux dans les hautes vallées des Pyrénées. Celles des Alpes en
sont remplies jusqu’à une hauteur de 8000 pieds.
Dans l'hémisphère méridional, la région des tourbes occupe absolument les mêmes
limites que dans l'hémisphére boréal. Darwin rapporte qu’on ne trouve pas de tourbe
dans l'ile de Chilæ, par 41° à 42° de latitude méridionale, quoiqu'il y ait beaucoup de
marécages; du moins n’y rencontre-t-on pas de substance bien caractérisée de cette
nature, tandis qu’elle commence à être très-abondante dans les iles des Chonos, trois
degrés plus bas, vers le sud. C’est dans les Iles Malouines par 52° de latitude sud que les
dépôts tourbeux se montrent avec le plus d’étendue et de puissance. A cet égard, il y
a un rapprochement curieux à faire avec ce qu'on observe en Irlande, où sous une
même latitude, au nord, et à température moyenne égale, on rencontre aussi la plus
grande quantité de marais tourbeux. L’Irlande, comme les iles Malouines n’est en réalité
qu'une vaste tourbière.
En dehors des zônes froides et tempérées, il n’y a nulle part de véritable tourbe.
Wiegmann dit qu'on en a observé près de Diamette; mais elle n’a jamais été décrite.
Ce sont sans doute des combustibles minéraux composés d’une substance analogue aux
bitumes fossiles qu’on trouve si abondamment en Syrie, ou peut-être des lignites. Les
tourbes du Brésil ne sont autre chose que d'énormes amas d’excréments d'oiseaux ou
d’autres animaux (‘). Ainsi les Guanagues, espèce de gazelles qui vivent en grandes
(1) C'est par inadvertance sans doute que Wiegmann place les iles Malouines sous la zone torride.
— 112 —
troupes dans les plaines de l'Amérique du sud, ont la singulière habitude de déposer
leurs excréments dans le même endroit. Il en résulte d'énormes tas de crotins que
les Indiens brülent et qu’on a parfois confondus avec la tourbe (‘). On trouve de sem-
blables dépôts, de 50 à 60 pieds d'épaisseur et d’une étendue considérable, aux iles de
Chinche, près de Pisco sur les côtes du Pérou, et dans plusieurs autres parties de lAmé-
rique du sud, telles que Ilo, Izo, Arica, ete. M. de Humboldt, dans son célèbre voyage
aux régions équinoxiales, a observé des ilots habités par une innombrable multitude
d'oiseaux, surtout des Hérons et des Flammands, dont les excréments entassés et mé-
langés peut-être à quelques débris de végétaux, donnent une matière combustible qu’on
peut extraire à une grande profondeur (°).
-La température moyenne la plus favorable à la formation de la tourbe est de + 6°
à 8° centigrades. C’est la température de l'Irlande et des iles Malouines; c’est encore
la température de nos hautes vallées jurassiques, où les dépôts sont si nombreux et
parfois si profonds. À mesure qu’on arrive dans des contrées plus froides, où l’activité
de la végétation diminue, les marais tourbeux gagnent en étendue mais deviennent de
moins en moins profonds; et cela se concoit lorsqu'on sait combien la chaleur active la
décomposition des végétaux, et combien au contraire le froid la ralentit. Il n’y a dès
lors rien d'étonnant que la tourbe ait pu se produire dans les contrées méridionales.
Ce coup-d’œil jeté sur l’ensemble de la géographie des marais tourbeux, prouve
évidemment que la température de notre globe n’a pas subi de changement ou du moins
ne s’est pas réchauffée depuis l'époque des derniers dépôts diluviens. Quelques natura-
listes, se fondant sur la présence dans les pays du midi de certaines espèces de coquilles
fossiles qu’on ne trouve plus vivantes que vers le nord, ont soutenu le contraire. Je ne
veux point combattre ici, on le comprend, les théories d’un savant compatriote sur le
transport des blocs erratiques, transport qui a pu se faire dans des temps antérieurs à
la formation de la tourbe; mais il est certain que si la température de l’Ecosse, par
exemple, avait dû descendre jadis, comme on le prétend, jusqu'aux iles de Madère,
on trouverait quelque part, dans le midi de l'Europe, des dépôts tourbeux contemporains
de cette époque où la température était moins élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Les marais tourbeux s'étendent sur les rives basses des mers et des lacs, au bord
des fleuves et des rivières, au fond des vallées, et quelquefois sur les pentes et les sommets
() D'Orbigny.
(2) Ceci serait une preuve de plus que l'absence d'air préserve le ligneux , et lui conserve sa propriété
combustible,
— 115 —
des montagnes. En France, ils ont formé les rivages de la mer, à l'embouchure de
plusieurs rivières, surtout dans les landes de Bordeaux entre la Seudre, la Charente et
les deux Sèvres; vers l'embouchure de la Loire, où se trouve le grand marais de Mon-
toire qui a plus de cinquante lieues de tour ; à l'embouchure de la Seine, et partout
où les attérissements des fleuves laissaient sous une eau peu profonde des terres dont
la végétation s’est emparée ; partout où ces dépôts formaient dans l’intérieur des bassins
où les mouvements des eaux de la mer ne se faisaient pas sentir. Plusieurs parties
des rivages de l’Angleterre, de l’Ecosse et de l'Irlande se sont ainsi élevées par la for-
mation de la tourbe sur toutes les côtes basses. Mais c’est surtout dans les Pays-Bas,
sur les rivages de la mer du Nord que la croissance de la tourbe a enlevé aux eaux
de la mer la plus grande étendue de sol. Toute la Hollande est assise sur la tourbe, et
les sondages qui ont été faits dans ce pays pour trouver de l’eau douce, ont prouvé que
la matière tourbeuse s’est toujours formée quand les attérissements ont atteint une hau-
teur assez grande pour que la végétation ne fût plus immergée trop profondément. A
Amsterdam, un sondage fait en 1605 a traversé les couches suivantes (°):
51 pieds de sol tourbeux et sablonneux.
22 » sable des dunes et argile bleuâtre.
414» sable pur.
Des puits ereusés dans les environs de Rotterdam indiquent les couches suivantes :
le 1° 20 pieds de tourbe mélés d'argile.
15 » d’argile légère et blanchâtre.
2 » d'argile tenace.
le2"°20 » de tourbe mélée d'argile.
14 » d’argile légère et blanchâtre.
18 » de tourbe mêlée d'argile.
14 » d'argile compacte.
k » d'argile blanchûtre.
le5°"° 12 » de limon.
6 » de terre rougeûtre.
4 » de tourbe mêlée d'argile.
1 » de terre brune.
2 » au travers d’un tronc de sapin.
14 » d'argile bleue.
C'est là le sol qui s'étend presque sans interruption depuis le Zuiderzée jusqu'à
@) De Luc, pag. 307.
— 114 —
l'embouchure de lElbe, sur une largeur qui a souvent plus de vingt-cinq lieues.
L’Oweryssel, la Drenthe, la Frise orientale et la Frise occidentale, Groningue, Osnabruck,
Oldenbourg et Brème ; tous ces gouvernements populeux et riches, toutes ces campagnes
que l’homme a fertilisées et qu’il a couvertes de villes commerçantes et de nombreuses
habitations, ont élé peu à peu conquises sur le domaine des mers par la lente et insen-
sible croissance de la tourbe.
La presqu'ile du Jutland, placée entre la mer du Nord et la mer Baltique, offre partout
sur ses rivages de grandes étendues de sol tourbeux. Des golfes qui pénétraient dans
l'intérieur des terres ont élé séparés peu à peu du bassin de la mer par des amas de
sable, et se sont comblés totalement ou en partie par l’accumulation des dépôts tourbeux.
Les lacs de Snodstrup et de Store, au nord-est de Ræskilde (Holstein) sont déjà comblés
sur une immense étendue ; le centre seul reste encore à découvert ; mais l’espace où
la surface de l’eau est encore visible se rétrécit chaque année (*). Les bords du Grubersee,
dans le même pays, sont couverts de prairies établies sur la tourbe, et au milieu on
voit s'élever une grande quantité de petites iles couvertes de roseaux qui vont achever
de combler ce golfe où des vaisseaux naviguaient encore il y a 400 ans (°).
Les iles et les rivages de la mer Baltique sont aussi couverts d’immenses dépôts de
tourbe. L'ile de Seeland (Danemark) en a environ 20,000 arpents; la surface de File
de Bornholm en est presque entièrement formée. On peut donc dire avec raison que
les contrées du nord-ouest de l'Europe doivent une bonne partie de leur territoire à la
formation de la tourbe.
Partout où les fleuves s’étendaient jadis très au large, où leur cours irrégulier inondait
de vastes plaines, le même phénomène a eu lieu. La croissance de la tourbe a élevé
sur les eaux de très-grandes étendues d’un sol maintenant fertile, que le laboureur
sillonne de sa charrue et où paissent ses nombreux troupeaux. La géographie de l'Europe
avait, avant que la tourbe se fût formée, une grande ressemblance avec celle de ces pays
nouveaux découverts dans l’hémisphère austral. On y voyait, comme dans la Nouvelle
Hollande, de larges nappes d’eau dont le cours incertain allait se perdre au milieu des
forêts de jones et de roseaux. Telles étaient en France la Somme, près d'Amiens; la
rivière d’Essonne, entre Corbeil et Villeroi ; l'Oise, l'Aisne, l’Aronde, la Bresle, la Minette,
dans la vallée d’Aumale, l’Authie, l’'Ourck. pendant un espace de plus de douze lieues ;
la Vesle, depuis Fismes jusqu’à Rheims, la Sarthe, la Seine, entre Rouen et Laudebeck ;
{) Dau. à
) Dau. EAUX
— 115 —
car ces rivières traversent maintenant de grandes plaines tourbeuses qu’elles couvraient
jadis. La tourbe s’est élevée ; elle a resserré leurs lits dans de justes limites ; elle a régu-
larisé leur cours vagabond ; elle a enfin construit, sur les bords, des digues puissantes
qu'aucun effort ne peut renverser. En Suisse, les vastes plaines du Seeland ont été
formées de celte manière. En Allemagne, le Verse, l’Elbe, le Danube, la Vistule traversent
aussi de vastes dépôts tourbeux. Et partout où les rivières serpentent dans des plaines
basses et peu élevées au dessus du niveau des eaux, on est presque sûr que ces plaines
reposent sur la tourbe. Il existe ainsi sans doute une grande quantité de dépôts tour-
beux qui nous sont encore inconnus, et dont il sera difficile de tirer parti, puisque pour
les exploiter, il faudrait établir à leur place des digues artificielles et perdre un terrain
productif.
Ne pourrait-on pas répéter ici, à propos du niveau des eaux en général, ce que
nous avons dit au sujet de la température de l’air, savoir que la formation de la tourbe
sur les rivages de la mer et sur les bords des fleuves prouve que depuis la dernière
inondation générale, depuis que l’eau est rentrée dans ses bassins naturels, il n’y a pas
eu dans la masse liquide de variations prolongées et générales, et que son niveau est
resté partout à-peu-près le même.
Enfin les dépôts tourbeux se rencontrent dans les hautes vallées et quelquefois même
sur le sommet des montagnes. Et ici, le but de la nature est encore bien visible dans
son admirable sagesse. Au fond de quelques vallées où les eaux venaient se réunir dans
des bassins trop peu profonds pour qu’elles pussent être soustraites à la corruption, la
tourbe s’est établie. Elle a changé ces mares fétides non plus en prairies fertiles, mais en
énormes amas de combustible. Et à mesure que les besoins de l’homme le forçaient
à détruire les forêts, elle les a remplacées, ces forêts, par des magasins d’une matière
aussi précieuse que le bois, où l'habitant des montagnes puise les moyens de lutter
contre les intempéries, les frimats des longs hivers.
Les tourbières émergées ont ordinairement une puissance, une épaisseur bien plus
grande que celle des dépôts immergés. Le mode de croissance que nous avons expliqué
donne la raison de cette différence, puisque l’eau qui sert à l'alimentation des hauts-
marais se puisant essentiellement dans l’atmosphère, les circonstances favorables à
leur croissance ont une durée bien plus longue. Il y a des tourbières émergées qui
ont une profondeur de 30 .à 40 pieds, et il en est qui forment de véritables montagnes
au dessus des plaines où elles se sont établies. La température la plus favorable à la
formation de cette classe de dépôts, est une température moyenne de 5 à 8 degrés :
on les trouve fort rarement par une moyenne qui dépasse +10. Toutes les contrées
occidentales de l'Europe jusqu’à la Pologne, renferment des marais tourbeux de cette
— 116 —
catégorie, quand le climat se rapproche de cette température ; et ces dépôts sont plus
ou moins vastes et profonds, suivant l’humidité de l'atmosphère. Ainsi les montagnes
et les vallées de l'Irlande, les chaînes de l’Europe centrale, les Cévennes, les Vosges,
le Jura, la Forêt-Noire, les Alpes même renferment de ces marais tourbeux émergés,
dont un grand nombre sont encore inconnus. Le Jura neuchâtelois seul possède envi-
ron 6675 poses de hauts-marais dont la profondeur varie de six à vingt-cinq pieds. Les
seules tourbières des Ponts, qui couvrent presque toute la vallée de ce nom, ont une
étendue de plus de 4,500 poses, sur une profondeur qui varie de sept à dix-huit
pieds. La vallée de la Brévine a près de 1,700 poses de marais tourbeux disséminés
en dépôts séparés par les ondulations du sol. Mais il est rare que dans notre Jura
tout calcaire la tourbe se forme au sommet des montagnes, comme cela a lieu dans les
montagnes graniliques ou plutoniennes.
SECTION DEUXIÈME.
Influence des marais tourbeux sur la formation des sources.
Parmi les nombreux dangers que cause le déboisement des montagnes, on a signalé
comme l’un des principaux la diminution des sources et de l'humidité du sol, qui se
fait remarquer partout où de grandes forêts ont été détruites. Chacun peut voir sur
les pentes et dans les vallées de notre Jura des torrents à sec au bord desquels tombent
en ruine les moulins abandonnés que leurs eaux faisaient jadis mouvoir. Les forêts,
on le sait, attirent les nuages et les vapeurs de l’atmosphère, les condensent et, sous
leur ombrage, conservent l'humidité, réservoir des sources permanentes.
Les dépôts tourbeux des hautes valiées jouent le même rôle et d’une manière plus
évidente encore. Ce que nous avons dit de la vie et de la végétation des sphaignes a
prouvé comment ces mousses absorbent les vapeurs de l'air, pour s’en nourrir d’abord,
et pour donner au ligneux l’humidité qui doit le soustraire à l’action de l’air et mo-
difier sa nature. Mais cette absorption des mousses hygroscopiques est plus considérable
qu'il ne le faut pour maintenir la croissance des marais; car on voit s'échapper de
tous les dépôts tourbeux émergés sans exception, de petits ruisseaux qui se réunissent
pour former des rivières ou qui se jettent dans les entonnoirs dont les marais sont
ordinairement bordés, du moins dans nos montagnes du Jura. Ces eaux extravasées
réunies dans des bassins souterrains reparaissent dans les vallées inférieures en sources
limpides que les plus grandes chaleurs de l’été ne peuvent tarir. Tous nos marais
tourbeux du Jura fournissent ainsi, directement ou indirectement, des cours d’eau
proportionnés à leur étendue ; et comme les tourbières s’élèvent ordinairement en dôme
— 117 —
au milieu des vallées, on voit souvent les ruisseaux qui en sortent aux deux extrémités
s’en aller dans des directions différentes arroser des contrées très-éloignées. Ainsi le
marais des Verrières (Jura) laisse d’un côté couler ses eaux vers le Doubs qui les porte
au Rhône, tandis que de l’autre il les dirige par un entonnoir vers la Reuse, qui les
porte au Rhin.
Toutes les rivières un peu marquantes du Jura sortent des marais tourbeux. L'Orbe
a sa source dans ceux de la vallée du lac de Joux, le Doubs dans ceux des environs
de Pontarlier. La Reuse jaillit sous des rochers, au fond du Val-de-Travers ; mais il est
bien prouvé qu’elle arrive là par des conduits souterrains depuis le lac d’Etailliers et
le grand entonnoir de la Brévine; car lorsque de violents orages passent sur la vallée ,
la Reuse se grossit et se trouble quelques heures après. Cette rivière elle-même recoit
les eaux du Butte qui sort des tourbières de la Vraconne et de la Chaux de Sainte-
Croix; du Bied de Couvet, qui descend du petit dépôt tourbeux des Sagnettes: de la
Noiraigue enfin, qui apporte des marais des Ponts ses eaux encore noires et chargées
de parcelles tourbeuses. En poursuivant cet examen, on verrait ainsi toutes les prin-
cipales sources jaillir des dépôts tourbeux ; et je ne doute pas que les mêmes observa-
tions ne puissent se faire dans toutes les chaînes de montagnes peu élevées de l'Europe
septentrionale. D’innombrables ruisseaux descendent des collines tourbeuses de l'Irlande
pour se jeter dans la mer, et tous les voyageurs qui se sont arrètés aux îles Malouines,
ont été frappés de la quantité de torrents, de rivières, qui sillonnent le sol de ces îles.
Les recherches géographiques arriveront tôt ou tard à démontrer, j'en ai la conviction.
que les dépôts tourbeux sont dans les montagnes peu élevées ce que les glaciers sont
dans les Alpes, qu'ils prennent à l'atmosphère l’eau qu'ils gardent dans leur sein et
qu'ils distillent goutte à goutte pour en arroser les prairies et les vallées inférieures.
Comme d'immenses éponges, ils recueillent les eaux des orages, celles des neiges qui
s’entassent à leur surface et sur les pentes voisines, et ils en règlent la distribution. Et
s’il en est ainsi, ne devra-t-on pas envisager la destruction des tourbières émergées
comme nuisible et dangereuse, et ne trouvera-t-on pas qu'il est du devoir des gouver-
nements et dans leurs droits de veiller à la conservation d’un sol auquel l'intérêt de
tous est attaché. Car après l’anéantissement de ces marais tourbeux , il ne restera aux
hautes vallées que des champs stériles et un froid glacial, contre lequel l'homme n'aura
plus aucun moyen de lutter, tandis que les vallées inférieures auront des ravins des-
séchés pendant la saison chaude, qui à chaque orage se changeront en torrents im-
pétueux et destructeurs.
Dans les Alpes, les dépôts tourbeux sont souvent situés dans de petites vallées ar-
rosées par les eaux qui jaillissent des glaciers supérieurs. Il parait que là ce n’est plus
— 118 —
de l'humidité de l’atmosphère qu'ils s’alimentent, puisqu'ils sont formés de mousses
qui s’imbibent par immersion, telles que le Hypnum fluitans; mais leur croissance pa-
rait arrêter, ralentir le cours impétueux de ces torrents de montagnes et leur enlever
une surabondance de liquide plutôt dangereuse que favorable aux vallées inférieures.
C’est ici le lieu de dire un mot encore de l’hygroscopicité des mousses qui forment
la tourbe, surtout des sphaignes.
Cette propriété qu'ont certains corps de s'emparer de l’eau ambiante, se remarque
dans un grand nombre de corps organisés. De Candolle, dans sa physiologie végétale,
fait observer que plusieurs parties des végétaux sont, comme les cheveux, les fanons
de baleine, douées d’une hygroscopicité assez grande pour qu’on ait pu s’en servir à
mesurer la quantité d'humidité contenue dans l'atmosphère. Il remarque encore que
le tissu végétal est d'autant plus hygroscopique, qu'il est moins chargé de molécules
étrangères à sa nature. Sous ce rapport, les sphaignes doivent être assimilés aux ma-
tières les plus simples, puisque, comme nous l'avons dit, ce sont les seuls végétaux
de leur famille qui ne contiennent pas de clorophylle.
Cependant l’hygroscopicité extraordinaire de ces mousses ne me semble pas être
uniquement le résultat de leur composition matérielle ; elle m’a paru, autant que j'ai
pu en juger par les observations microscopiques , se combiner avec une seconde force
d'absorption qui réside dans la forme des cellules de la plante, et qui n’est plus un
phénomène de simple capillarité. La marche ou ascendante ou descendante du liquide
dans les sphaignes, sera donc différente suivant que ces végétaux seront vivants ou
desséchés. Dans le premier cas, le liquide semble traverser l’intérieur même de la
plante en passant d’une cellule à l’autre; dans le second cas, il s'étend d’abord à la
surface extérieure, et s’en empare plus ou moins rapidement, suivant le rapproche-
ment des feuilles et des rameaux entre lesquels il se glisse. Ce dernier fait est une
capillarité externe, car les feuilles isolées sans contact avec d’autres sont très-lentement
pénétrées par l'humidité. Ainsi, dans la plante vivante, où les deux actions sont simul-
tanées , il se fait par ce double phénomène une absorption qui se continue non-seule-
ment jusqu’à ce que la plante soit saturée, mais jusqu’à ce que les corps étrangers qui
la touchent aient subi cette saturation à un égal degré (!).
La quantité d’eau absorbée par les sphaignes est naturellement proportionnée à l’état
hygrométrique de l'atmosphère. Une touffe desséchée, pesant 3 deniers 12 grains, a
absorbé pendant une nuit brumeuse 7 grains d’eau. Je pourrais ajouter ici les chiffres
() Nous avons vu que les sphaignes, une fois saturés, laissent échapper l'eau par petites goutelettes par
la surface de leurs feuilles.
— 119 —
de nombreuses observations faites pendant une année entière sur des mottes de sphaigne
que j'avais arrachées des marais; mais ces chiffres ne prouveraient rien, puisque j'ai
pu me convaincre que ces mousses, hors du marais, perdent leur force d'aspiration
interne et ne se comportent plus comme dans leur état naturel. Dans toutes mes ex-
périences, j'ai toujours trouvé l’évaporation , par un temps serein, beaucoup moins
rapide et moins abondante que l'absorption par la partie inférieure du végétal. Une
toufle de sphaignes de 22 pouces de surface environ, haute de 4 pouces et demi,
pesant desséchée 4 once 21 deniers. a été mise dans un vase ayant au fond un trou de
demi-pouce de diamètre. Par cette ouverture, les sphaignes ont absorbé, en 2 heures
3 minutes, 147 onces et demie d’eau, dans la progression suivante :
1) 5 onces 12 deniers en 7 minutes.
2) 3 » 220540 ÿ 8 »
5) 3 » 12 5» 18 »
h) 3 » 12 » 30 »
5) 3 » 42 5 60 » humidité à la surface
6) 3 » 12» en 7 heures. Saturation complète.
On voit que j'ai ajouté toujours une même quantité d’eau en observant exactement
le temps nécessaire à la pénétration dans le vase des sphaignes. Cette même touffe satu-
rée, exposée à l'air pendant 36 heures n’a perdu que 5 onces d’eau par l'évaporation.
Pendant les jours brumeux et couverts, les plantes saturées n’ont rien perdu de
leurs poids; pendant la pluie, les touffes se sont saturées par la surface d’une quantité
d’eau plus grande que celle qui est tombée dans un vase d’une même étendue. Ainsi
en deux jours, le 9 et le 10 septembre 1842, l’udiomètre a reçu 52 onces d’eau, les
sphaignes, par une surface égale 359. L’absorption des mousses hygroscopiques est
donc, on le voit, sans aucun rapport avec leur évaporation. Mais ceci tient à une
question qui mérite d’être examinée séparément.
SECTION TROISIÈME.
Influence des marais tourbeux sur la température et la salubrité de l'air.
Une des grandes raisons qui ont été mises en ayant par ceux qui voudraient voir
les marais tourbeux anéantis et transformés en prairies, est celle-ci: c’est qu’ils jettent
dans l’atmosphère une grande quantité de vapeurs, que cette vaporisation ne peut se
faire sans enlever à l’air une portion de son calorique, et par conséquent sans réfroi-
dir la température d’un climat où, comme il arrive dans nos montagnes, les céréales
x
sont exposées à être détruites par la gelée pendant les nuïts du printemps et même
— 120 —
au milieu de l'été. C’est encore, a-t-on dit, parce que les exhalaisons malsaines des
marais tourbeux produisent des épidémies et abrégent ainsi la durée de la vie de
l'homme.
Pour prouver que l’évaporation des sphaignes doit produire un abaissement de tem-
pérature, on a attaché à la boule d’un thermomètre des touffes de ces mousses imbibées
d’eau, et on les a soumises à l’action de l'air. Il y a eu naturellement rapide évapo-
ration et le thermomètre s’est abaissé de plusieurs degrés au-dessous de la température
de l’air. Mais cette expérience très-simple peut se répéter sur toute espèce de matière
humectée, et la conclusion qu’on en tire contre les tourbières me paraît par conséquent
dénuée de fondement.
En effet, en expérimentant de cette manière, on opère sur un cadavre, mais on ne
tient aucun compte de la vie végétale. L’évaporation de l’eau dans les sphaignes vivants
est, ainsi que l’absorption, un phénomène analogue à l’ascension des sucs dans les
végélaux phanérogames. A ceux qui l’ont envisagé comme effet de simple capillarité,
De Candolle répond par cette seule raison que la sève monte dans les plantes qui vivent
dans l’eau, et qu’elle ne monte pas dans les végétaux morts. Ceci sera donc important
à reconnaitre pour diriger les observations thermométriques, car alors les expériences
devront être faites sur les marais mêmes, si l’on veut qu'elles soient concluantes.
En admettant même que l’évaporation des sphaignes soit considérable, il n’y aurait
rien en cela qui méritât l’anathème qu’on est si disposé à lancer contre les marais tour-
beux. Ne sait-on pas que tous les végétaux abandonnent à l’air une grande partie de
leur humidité. Les physiologistes rapportent de nombreuses expériences de cette éva-
poration des plantes qui, par exemple, pour un chou de moyenne grosseur, peut aller
jusqu’à 19 onces par jour. Si cette évaporation refroidit les végétaux, il est clair que
le calorique nécessaire est enlevé à la plante même, et s’il.y a congelation ou gelée
blanche, c’est par le contact des vapeurs avec les corps froids, et non point par l’a-
baissement de la température de l’air. Ce phénomène a été parfaitement expliqué par
les travaux du docteur Wells. Despretz, après Hales, a fait cette observation que les
végétaux doivent être considérés comme autant de syphons, qui tirent de la terre une
énorme quantité d’eau, qu'ils déversent ensuite dans l'atmosphère par la transpiration
de leurs feuilles ; qu'ils tempèrent ainsi les chaleurs de l’été et diminuent le froid de
l'hiver d'environ 4 degrés Fahrenheit. De ceci nous pouvons conclure : ou bien que
les sphaignes ont une évaporation considérable qui jette dans l'atmosphère des vapeurs
plus chaudes que Pair froid des nuits, puisque par l'absorption interne ils se saturent
d’un liquide à une température assez élevée, que ces vapeurs peuvent d’ailleurs par
leur densité empècher le rayonnement, seule cause de la gelée dans les temps sereins ;
— 191 —
ou bien que ces mousses ont une évaporation analogue à celle des autres végétaux, et
alors il n’y a rien à arguer contre les mousses des marais en particulier.
Mais je vais plus loin, et je soutiens que l’évaporation des sphaignes est loin d’être
aussi considérable que celle des autres végétaux, ce que j’attribue à leur faculté absor-
bante. J'ai pris sur le marais une louffe de ces mousses d’une grosseur égale à celle
d’un chou ordinaire. On observera que par l'immense quantité de feuilles qui se re-
couvrent tout le long des rameaux du sphaigne, cette surface se multiplie à l'infini; de
sorte qu'en la mesurant approximativement, on aurait une étendue bien plus consi-
dérable que celle que présenterait le développement total d’un chou. Une seule tige
du Sphagnum cymbifolium L. présente au contact de l'air par son sommet vingt ra-
meaux au moins, sur chacun desquels j'ai compté une quarantaine de feuilles. Comme
chacune de ces feuilles recouvre à moitié la supérieure, admettons qn'il n’y ait qu’une
surface d’un sixième de ligne carrée par feuille, qui soit mise à nu, nous aurons pour
la couronne d’une seule tige un pouce carré. Dans la touffe dont je parle, il y a plus
de 1,800 de ces tiges et par conséquent une surface de plus de douze pieds pour les
feuilles supérieures seulement. Cependant, ce ne sont pas les seules qui soient exposées
au contact de l’air ; les rameaux au-dessous de la couronne percent partout. Or, dans
les circonstances les plus favorables à une évaporation rapide, exposée même au soleil
pendant une moitié de la journée, cette touffe de sphaignes n’a perdu que 6 onces d’eau
en vingt-quatre heures, c’est-à-dire un tiers seulement de ce qu’un chou aurait perdu
dans le même espace de temps. Par un temps couvert, la déperdition des sphaignes en
vingt-quatre heures n’a été que de 12 deniers.
Ces résultats sont en parfaite concordance avec les observations de M. Adolphe Bro-
gniart, qui dit (!) : «Si l’on expose à l’air libre des organes ou des végétaux dépourvus
d’une véritable cuticule comme le sont les feuilles des plantes immergées dans l’eau,
ou celles des végétaux cellulaires, on voit une déperdition d’eau très-variable dans son
intensité suivant les espèces. Les feuilles des plantes qui vivent habituellement dans
l’eau, perdent en général avec une grande rapidité celle que leur parenchyme renfer-
me» (ce que M. Ad. Brogniart attribue à l'absence de la cuticule). « Ce phénomène
se présente même dans la plupart des cryptogames aquatiques. Mais dans quelques-unes
de celles-ci et dans plusieurs cryptogames aériennes, la déperdition est extrêmement
lente, comme on le voit dans les mousses, dans certains fucus, dans les champignons
coriaces et surtout dans les lichens. Cette lenteur de déperdition, malgré l’absencejde
toute véritable cuticule, parait tenir soit à ce que les cellules des crÿptogames plus in-
@) Mémoire sur les fonctions des feuilles. Annales des sciences naturelles, décembre 1830.
16
— 192 —
timément soudées que celles du parenchyme des feuilles ordinaires laissent moins de
passage à l’eau pour s’évaporer, soit parce que dans plusieurs cas, les couches exté-
rieures sont assez serrées pour jouer le rôle de cuticule ou d’épiderme, soit enfin
par suite de quelque disposition hygrologique du tissu. »
A ces observations dont il est impossible de ne pas tirer des conclusions tout oppo-
sées à celles des adversaires de nos marais tourbeux, j’ai voulu joindre des expériences
positives, et j'ai fait de jour, de nuit, dans toutes les circonstances atmosphériques,
des observations thermométriques sur nos tourbières. Elles ont confirmé en tout point
cette opinion, que les dépôts tourbeux ne sont point une cause de réfroidissement
pour les hautes vallées. En voici les résultats les plus essentiels.
Sous l'influence des rayons solaires, les sphaignes par suite de la direction et de
la forme de leurs feuilles, s’échauffent extraordinairement à leur surface, de sorte que
souvent la température de l'air étant à+18° ou 20°, le thermomètre, dont la boule
seulement plongeait dans les mousses, marquait au soleil + 40 et 45°. En général,
la température de la surface des sphaignes est à ombre la même que celle de Pair,
dans ses moyennes journalières, c’est-à-dire que, pendant que l’air se réchauffe, de
6 heures du matin à 5 heures après midi, la température des mousses est un peu moins
élevée. Elle l’est au contraire davantage dans la période décroissante de l'air, depuis
3 heures de l’après-midi à 4 heure de la nuit. A la profondeur d’un ou deux pou-
ces, la température des sphaignes est presque toujours la même que celle de la surface
de l’eau.
Pour observer les variations de température pendant la nuit, j'avais choisi près de
Bémont un petit marais au sud de l’auberge du Cerf. (*) Vers le nord, à dix minutes de
distance, se trouve une petite vallée inférieure, dans laquelle il n’y a ni dépôt tourbeux
ni cours d’eau. Je pouvais done disposer les instruments pour comparer la marche de
la température dans ces deux localités. Les observations les plus marquantes par l’a-
baissement subit de la température ont été celles du 24 juillet 1842. On me permettra
de les rapporter en détail.
Dans la vallée de la Brévine, le maximum de la température de l’air avait été pen-
dant la journée de + 18°; à 5 heures du soir sur une colline, à un quart de lieue du
marais + 10°; sur le marais même + 12°. Les sphaignes à la surface indiquaient + 45°:
{) J'ai trouvé chez le propriétaire, M. Nicolas Grether, avec la plus bienveïllante hospitalité, tous les
secours que je pouvais désirer pour ces recherches. Non-seulement il m'a plusieurs fois accompagné dans
mes courses nocturnes et pénibles, qui n'avaient pour lui aucun intérêt direct; mais il m'a souvent aidé
dans des opérations difficiles, avec une intelligence et un zèle dont j'aime à le remercier encoreAti.
»
— 195 —
à 1 pouce de profondeur + 15° ; à 3 pouces + 14°; la surface de l'eau à 1 pouce + 13°.
A 7 heures ciel très-pur, air parfaitement calme.
Soir. Air sur le marais, Air dans la vallée. Surface des sphaignes Surface de l'eau.
boule immergée.
7 he F7 6° au WU +42°
8215 + 6° 3° +411,50 +10°
10 » sul à +2,50 +10,75 + 9,50
: D +2,50 a jé + 9,50 498
Matin.
12 » +2° +4,75 x 19 + 8,75
2 nie +0,75 + 8,25 H :%
Loben +:9° 129 tn 0 tw7 0
A cette heure toutes les plantes sont couvertes de gelée blanche, sur le marais et hors
du marais. La partie la plus élevée des ramules du sphaigne l'est aussi, mais il est
impossible d'apprécier la vraie température de cette surface, puisque mon très-petit
thermomètre, quand la boule touche la surface congelée, descend à + 1°, tandis que
si la boule est à peine immergée, il s'élève à +8°. Cette congélation de la surface ne
dépasse pas un quart de ligne d'épaisseur. Les feuilles des airelles, des bouleaux et
des autres végétaux sur le marais et hors du marais font aussi descendre le thermo-
mètre à +0,5°, quand la boule y repose. A 9 heures du matin, l'air étant à + 15 au
soleil , cette surface des sphaignes, qui à 5 heures portait encore des traces de gelée
blanche suspendue à ses feuilles supérieures, avait déjà une température de +24°.
Ces expériences sont assez concluantes, et il est inutile, ce me semble, d’ajouter à
ces chiffres aucune réflexion.
Les observateurs que je combats ont fait encore un autre raisonnement tout aussi
peu fondé, et qui prouve comment un fait superficiellement examiné peut donner lieu
aux plus graves erreurs et tromper facilement ceux qui jugent sur les raisonnements
d’autrui, sans se donner la peine du contrôle. On a observé à la fin du mois de mai
sur le marais un bloc de tourbe qui était encore congelé. On a comparé la tempéra-
ture de l’air pendant plusieurs semaines, et l'ayant trouvée en moyenne bien au-dessus
du point de congélation, on en a conclu que si ce bloc était encore à la température de
la glace, c'était parce que l’évaporation rapide de la matière avait abaissé cette tempé-
rature et qu’ainsi le marais, dans son ensemble, était une cause de refroidissement.
Il n’y a pas même en ceci apparence de logique et cette conclusion est contraire aux
plus simples notions de la physique. On sait en effet que les corps n’ont pas tous le
mème degré de conductibilité du calorique ; il serait dès lors absurde de prétendre qu'ils
— 194 —
doivent se plier à toutes les variations atmosphériques. Or de tous les corps, le charbon
est le plus mauvais conducteur du calorique, et la tourbe, comme matière très-voisine
du charbon, a à peu près le même degré de conductibilité. Il est vrai qu’on ne possé-
dait pas jusqu'ici d'expériences concluantes à cet égard. J'ai essayé de combler cette
lacune, en faisant des observations sur les couches même des marais tourbeux. ai
pendant plus d’une année observé tous les quinze jours la température interne des dé-
pôts tourbeux jusqu’à la profondeur de 10 à 12 pieds. Je me bornerai à en donner
ici les deux progressions extrèmes.
45 avril 1842. Marais de Bémont à l’ouest du lac d’Etaillères. Le lac est encore cou-
vert d’une couche de glace d’un pied d'épaisseur. L’humus est gelé à 17, pied de
profondeur ; la tourbe sous la neige à 17, pouce seulement. Température de l'air
+53°,50 à l'ombre ().
Tourbe à /, pied de profondeur + 5°
1 » » 34
2 » » 5°,50
Dub» » 1°
EE » L°,50
FN» » 59
6 » » 5°, 40
PR » 5°, 90
8 » 6°, 50
UMR » 6°, 70
410 » » TA
Dans les exploitations de l’année précédente, les coupes perpendiculaires tournées au
nord qui n’avaient point été recouvertes par la neige avaient gelé à 11 pouces de pro-
fondeur. C'était la plus grande épaisseur de tourbe congelée pendant toute la durée de
l'hiver, et cela, il faut bien le remarquer, sur une surface nue et hors de l’action des
rayons solaires. La congélation de la surface ne pénétrait pas à plus de 5 pouces.
15 septembre 18/41. Mème localité. Température à l'ombre +15°,60, surface des
sphaignes + 29°.
Tourbe à {/ pied de profondeur +15°
di ofs » 14°
Anlos » 45
() J'ai déjà dit que je dois beaucoup à mes amis. C'est l’un d'eux, M. le professeur Guyot, à Neuchà-
tel, qui, en me procurant d'excellents thermomètres, m’a fourni les moyens de faire ces recherches avec
toute l'exactitude nécessaire. Les degrés sont centigrades.
— 195 —
Tourbe à 5 pieds de profondeur + 12°
EH » » 10°, 75
Dé: 0 » 9°, 50
CS) » 9°
TEL» » 8°, 50
8 » » 8°
9°: » 7°, 50
10 » » 7
D'où il résulte, comme le prouvent d’ailleurs les observations de toute une année .
que la température invariable est dans les tourbières de nos hautes vallées à 10 pieds
de profondeur. Cette température diminue à mesure qu’on pénètre plus avant dans les
couches tourbeuses ; du moins j'ai trouvé le 15 juillet 1842, à 15 pieds de profondeur,
dans les marais de la Vraconne près de Sainte-Croix, la température abaissée à + 2°.
Mais je ne puis établir aucune échelle fixe pour la température au-dessous de 10 pieds.
Il ne m'a pas encore été possible non plus de mesurer comparativement la tempéra-
ture du sol de la vallée à une certaine profondeur. On sait qu’en Europe la couche du
sol où la température est invariable est à 40, 60 et même 80 pieds.
A Zurich, à 6 pieds, le maximum est de 15°,2, le minimum de 5°,5, suivant les ob-
servations de M. Ou.
A Edimbourg, à 8 pieds, le maximum a été de 10°,0, le minimum de 5°,6, d’a-
près les observations de M. Fergusson pour 1816. À
A Strasbourg enfin, les observations de M. Herrenschneïder ont donné à 15 pieds un
maximum de 14°,25, un minimum de 5°,62.
Cette température invariable de la tourbe à la profondeur de 10 pieds indique évi-
demment la température moyenne de la vallée où git le dépôt. Des observations très-
exactes et très-suivies faites au Locle depuis 1854 (') donnent pour moyenne de ce lieu
+ 79,72, ce qui doit faire admettre +7° pour la vallée de la Brévine un peu plus élevée
et plus froide. Voici quelles sont, au Locle, les moyennes des mois correspondants aux
observations que j'ai faites sur les marais.
1841 septembre + 149,25
octobre M GONE 6
novembre + 3,76
décembre + 22,53
{) Ces observations ont été faites et sont continuées avec le plus grand soin par M. L. G. Jacot-Des-
combes, qui a bien voulu me les communiquer.
— 1926 —
1842 janvier — 9,61
février MU GA
mars + 49,51
avril 4.704057
mai + 121,20
juin + 16°,92
juillet + 151,53
août + 172,51
Que prouvent ces observations, sinon que la tourbe est un mauvais conducteur du
calorique, que par conséquent un bloc de ce combustible peut rester dans un état de
congélation, quoique exposé pendant quelque temps à une température plus élevée de
l'air, sans qu’on puisse en conclure que les tourbières sont une cause de réfroidissement
des vallées où on les trouve.
Il est bien constaté maintenant que les marais tourbeux en croissance n’ont aucune
influence pernicieuse sur la salubrité de Fair. Je dis les marais en croissance, car la
végétation absorbe le gaz acide carbonique développé à la surface des dépôts. Il en est
tout autrement quand les marais sont desséchés et mis en culture. Ce fait avait déjà été
affirmé par Sprengel et par Rennie. On sait, en effet, que des colonies ont été établies
sur la tourbe au Hanovre, et que là, non-seulement les hommes vivent, mais qu’ils y
jouissent d’une parfaite santé, que leurs forces se conservent, et que leur sang est aussi
beau que celui de tout autre peuple. — Dans notre Jura, des recherches statistiques sur
la longévité dans les diverses localités, ont établi que toutes les populations voisines
des hauts marais ont une vie moyenne plus longue que dans plusieurs parties de notre
pays où il n’y a pas de tourbe. Il y a, au milieu même du marais des Ponts, une maison
isolée, dans laquelle habitent trois générations d’une mème famille. Tous ces gens-là
sont très-sains, très-robustes, et n’ont jamais vu de médecin. Est-ce pour cela peut-
ètre qu'ils vivent si longtemps?
L'eau des tourbières élevées n’est point malsaine ; le goût en est un peu fade; il a
quelque analogie avec celui des champignons. Jen ai moi-même souvent bu de fortes
doses sans en éprouver la moindre incommodité. Parfois même j'ai avalé le liquide con-
tenu dans les sphaignes, en le faisant jaillir par compression, et je n’en ai pas même
éprouvé du dégoût (*). Enfin, chacun peut s’assurer que plusieurs espèces de poissons
vivent dans l’eau des tourbières, le brochet, la tanche, etc. ; ce fait seul est une preuve
que ce liquide ne renferme aucune substance malsaine ou dangereuse.
() On dit que, dans les temps de disette, les Islandais font du pain en mélant les sphaignes avec un peu
de farine.
— 1927 —
Le préjugé subsiste cependant, et il ne sera pas sans doute déraciné de sitôt. Car,
pour excuser son égoïste incurie, l'homme s'applique à trouver aux œuvres de Dieu un
côté faible, défectueux ou nuisible. D'ailleurs nous le savons tous, il est très-difficile de
persuader ceux qui ont pour eux la raison la plus opinitre, celle de l'intérêt.
CHAPITRE IV.
RAPPORTS ENTRE LES DIVERS COMBUSTIBLES MINÉRAUX.
On ne me blämera pas, sans doute, de terminer ce travail en jetant un rapide coup-
d'œil sur les rapports qu'ont entre eux les divers combustibles minéraux, la tourbe, les
lignites, la houille, l’anthracite et les bitumes: car c’est une question sans cesse agitée
par les géologues, que celle de la formation de ces substances si précieuses, que les
plus savantes recherches n’ont pu encore suffisamment expliquer.
La première difficulté, devant laquelle ont échoué tous les efforts des observateurs,
c’est une classification exacte des matières. De même que dans plusieurs dépôts tour-
beux on arrive par des transitions insensibles de la tourbe la moins dense à la matière
la plus compacte, ainsi passe-t-on de la tourbe aux lignites, des lignites à la houille ,
de la houille à l’anthracite, par des nuances insaisissables, au milieu desquelles il est
impossible de fixer des lignes d’arrèt. Ne trouve-t-on pas, au fond de certains dépôts
ourbeux, les végétaux passés à l’état de lignite? J'ai cité la couche de tourbe du Locle
qui, à mesure qu’elle s’amincit sous des marnes plus épaisses , devient dure, fragile,
à cassure brillante, de telle sorte qu’elle semble se rapprocher plutôt de la houille que
de la tourbe. Plusieurs véritables dépôts ligniteux sont envisagés par ceux qui les ex-
ploitent comme de véritables tourbières; et de même des lignites prennent chez certains
géologues le nom de houille, et ne se distinguent de cette matière que par les terrains
— 1928 —
dans lesquels on les trouve. « Les affleurements des couches de houille des grands
bassins du Hainaut offrent, jusqu’à plusieurs mètres au-dessous du sol, le combustible
daps un tel état de décomposition, que ce produit ressemble à peine au charbon fossile.
M. Drapier le considère comme une espèce de lignite, et le range sous ce nom dans la
distribution méthodique des combustibles du Hainaut (°).»
Enfin la houille et l’anthracite sont souvent confondus. Parfois les couches de houille
passent à l’anthracite dans leur prolongement. Cela se remarque en Angleterre et dans
les mines de Creuzot, où l’on exploite dans la même couche d’un côté de la houille,
et de l’autre lanthracite.
La chimie est impuissante aussi pour établir dans la série des combustibles minéraux
des groupes distincts, auxquels on puisse rattacher les espèces. Les travaux de Liebich
prouvent en effet que ces substances ont la même composition, et qu’elles ne diffèrent
que par la proportion de leurs éléments. Le ligneux des végétaux soumis à la lente
décomposition qui le modifie quand il est soustrait à l’action de l'air, finit par passer à
l’état de charbon. Cette matière étant inaltérable, l’effet de la compression et le mélange
des parties minérales doit avoir nécessairement pour résultat une condensation pro-
longée, qui amène enfin une véritable pétrification, sans détruire les éléments combus-
tibles. Entre les deux points extrêmes, le principe et le dernier terme de ce travail de
la nature, il n’y a pas de repos, de halte possible, et par conséquent rien de fixe, pour
baser une classification. Si même les lignites paraissent avoir été totalement ou pres-
que ‘entièrement soustraits à l’action de l'air, par la superposition de couches étrangères,
il n’en est pas moins vrai que leur formation est due à la mème cause ; car on trouve par
l'analyse que dans le travail de leur décomposition, les éléments de l'acide carbonique
se sont séparés du bois, soit seuls, soit simultanément ayec une certaine quantité d’eau.
«Tous les lignites, dit Liebich, quelles que soient les localités d’où ils proviennent ,
renferment plus d'hydrogène que le bois, et moins d’oxigène qu'il n’en faut pour
former de l’eau avec cet hydrogène ; ils se sont donc tous formés par un seul et même
mode de décomposition. L'hydrogène du bois y est resté tel qu’il était, ou bien il s’est
accru d’une certaine quantité venue du dehors; mais l’air a été intercepté, et c'est ce
qui a empêché la destruction du carbone par l’oxigène. Le ligneux soumis à une espèce
de pourriture humide et impreigné de matières résineuses et terreuses, est donc la ma-
tière essentielle des lignites. Il existe cependant toujours pour ce corps combustible une
cause de décomposition, c’est la présence de l'air, qui, bien qu’en petite quantité, ne
peut ètre entièrement intercepté. Il agit sur les couches supérieures, en produisant une
(1) Pelouse, père.
— 129 —
véritable combustion lente; de sorte que les lignites perdent ainsi de l'hydrogène, tout
en formant de l'acide carbonique (‘). Ils tendent done à se rapprocher de la nature des
houilles.
« On trouve, en effet, en examinant les analyses des chimistes anglais, que les parties
combustibles de la houille représentent exactement le ligneux dont se seraient séparés
de l’acide carbonique et une certaine quantité de carbures d'hydrogène à l’état de gaz
oléfiant, de gaz des marais ou d'huile combustible. En retranchant de la composition
du ligneux 3 atomes de gaz des marais, 3 atomes d’eau et 9 atomes d'acide carboni-
que, on obtient la composition du splint-coal de Newcastel et du cannel-coal de Lan-
eashire. Le développement continuel du gaz des houillères, qui se compose d’un
mélange variable de gaz des marais, de gaz oléfiant, d’azote et d’acide carbonique
prouve d’une manière incontestable que dans la houïille même il existe une cause de
décomposition qui tend à effectuer une séparation de l'hydrogène sous forme de gaz ou
de composés carburés. Arrivée à un certain terme, la houille doit donc se transformer
en anthracite. »
Quoiqu'il en soit, l’on est maintenant assez généralement d’accord sur ce point, que
la tourbe, les lignites et la houille doivent leur origine à un enfouissement de végétaux.
Cette opinion est en effet justifiée d’abord par les empreintes de végétaux que renferme
le terrain houïler. Les lames de houilles et surtout les schistes qui recouvrent les dé-
pôts conservent des empreintes d’une quantité de plantes qui ont été reconnues et
déterminées, On trouve souvent au milieu des couches de houille des trones d’arbres,
des palmiers, qui ont conservé leur forme, bien qu'ils aient pris la structure et l’éclat
du charbon végétal.
On peut également invoquer en faveur de cette opinion l’autorité de la chimie qui,
comme nous l’avons vu, reconnait dans toutes ces matières le même élément, le car-
bone, principe essentiellement végétal. Un célèbre expérimentateur anglais, M. Hatchett
a même reconnu que les substances bitumineuses doivent leur origine à la résine des
végélaux, modifiée par l’action de quelque principe minéralisateur. En analysant un
bois bitumineux du Devonshire , nommé bovey-coal, il l'a trouvé composé d’une fibre
ligneuse à l’état de semi-carbonisation, imprégnée de bitume et d’une petite portion
d’une résine tout-à-fait semblable à celle que contiennent un grand nombre de végé-
taux récents. Cette fibre n’est encore qu’en partie et imparfaitement convertie en
charbon fossile ; après ce ligneux, c’est la résine qui, dans les végétaux passant à l’état
() Les gaz qui dans les mines de lignites menacent la vie des ouvriers, ne sont pas, comme dans les au-
tres mines, inflammables et combustibles ; ils se composent seulement d'acides carboniques. (Liebich.)
47
— 150 —
de minéralisation, résiste le plus longtemps et le plus puissamment à toute altération.
Lorsque ce changement a lieu, elle se convertit en bitume. M. Hattchett a appuyé son
opinion par l'analyse d’une substance particulière qu’on rencontre avec le Bovey-coal.
On avait d’abord pris cette substance pour une terre marneuse saturée de pétrolle ;
mais l’auteur anglais a reconnu que c’était un véritable bitume. L'analyse qu’il en a faite
a montré que cette substance est sui generis, qu’elle est en partie composée de résine
et en partie du bitume appelé asphalte. La proportion de la résine est de 55 sur 100 ;
celle de l’asphalte de 44. C’est là un exemple avéré d’une substance trouvée au milieu
de circonstances qui en font un minéral, quoique par sês caractères elle appartienne en
grande partie au règne végétal. .
De ses expériences et de ses savantes recherches, M. Hattchett a tiré les conclusions
générales suivantes: c’est que dans les bitumes, le procédé de la transformation du vé-
gétal en minéral a été complet, tandis que dans le Bovey-coal et dans la substance qui
l'accompagne, la nature paraît n’avoir achevé que la moitié de son travail et par quel-
que cause inconnue s'être arrètée au milieu du procédé bituminisant.
Enfin M. Hutton a prouvé encore cette même origine de la houille par la décompo-
sition des végétaux, en reconnaissant nettement au microscope dans les lames très-minces
de houille la texture des plantes originaires (*). Il a observé de plus dans le charbon
minéral des cellules arrondies remplies d’une matière bitumineuse jaune. L'auteur
pense qu'elles sont dues à la texture réticulée de la plante mère, et qu'elles ont été
arrondies et confondues par l'énorme pression à laquelle la masse végétale a dû être
soumise. L
Cette première question de la formation des houilles ainsi résolue, il s’en présente
une autre fort intéressante pour la géologie, c’est celle de savoir si les houilles doivent
leur origine à des dépôts tourbeux ou à des dépôts ligniteux ?
Tout ce que nous avons dit des différentes formations des dépôts tourbeux et des
accidents qui modifient les apparences de la matière, pourra peut-être jeter quelque
jour sur cette partie de la géologie. Il me sera permis du moins d’exposer mon opinion
et de la soutenir par quelques observations qu’on peut ne pas admettre comme preuves,
mais qui suffiront pour excuser une conviction personnelle.
Tous les amas de combustibles minéraux ont été formés de deux manières, ou par
des dépôts que j’appellerai extérieurs ou accidentels, ou par entassement de végétaux
qui ont cru sur les lieux mêmes où on les trouve enfouis.
Toutes les tourbières qui existent, du moins celles qui ont été reconnues et décrites
() Tome 3 du Philosophical Magazine.
— 151 —
de manière à permettre une conclusion, appartienent au second mode de formation ;
c’est-à-dire qu’elles doivent leur origine à un amas de végétaux qui ont vécu sur les
lieux mêmes et qui n’ont point été charriés.
Tous les dépôts ligniteux bien déterminés au contraire, proviennent de végétaux ou
entassés par une cause extraordinaire, un bouleversement, un cataclisme, ou charriés
par les eaux, réunis en un même lieu par des courants, et dans l’un et l’autre cas,
soustraits à l’action de l'air par la superposition de couches étrangères.
Les dépôts houillers, ceux de la formation la plus générale et la mieux déterminée,
sont composés de végétaux qui n’ont point été entrainés par les eaux et qui ont crû
sur place; ils se rapprochent done par leur origine de nos tourbières actuelles.
Ce fait est constaté : 1° par l’étude des végétaux dont les empreintes sont restées
visibles dans la houille et surtout dans les schistes qui la recouvrent. Ces végétaux
appartiennent surtout aux familles des fougères, des lycopodes et des préles. Ce sont
non-seulement leurs tiges qui restent visibles dans la houille, mais aussi leurs feuilles
encore attachées aux rameaux les plus frèles. Or il est évident qu’un transport par des
courants aurait détruit ces parties délicates, pour ne laisser que des restes incomplets.
Il faut donc que les plantes de la houille aient vécu sur place.
Les espèces qui ont donné lieu à la houille ont dans leur forme la plus grande
ressemblance avec les plantes tourbeuses. On y rencontre généralement ces formes
allongées qui semblent particulières aux espèces nourries d’une grande quantité de gaz
carbonique, d’immenses roseaux, des palmiers dont nos graminées ne sont qu’une
miniature. On y trouve aussi en abondance des fougères et des lycopodes qui, dans
des dimensions énormes, rappellent nos mousses tourbeuses.
L’analogie n’est pas moins remarquable quand on considère les familles qui ont formé
ces deux substances combustibles. M. Ad. Brogniart compte dans les houilles : a) une
dizaine de Fucoïdes. Or cette famille est rapprochée par les botanistes de celle des
Fucacées, plantes marines, appartenant essentiellement aux climats du nord, où elles
composent presque exclusivement plusieurs dépôts tourbeux marins. b) Dix-neuf espè-
ces d’Equisétacées ou de Préles. Or les Préles remplissent les fosses tourbeuses lacustres
et se rencontrent également en grande abondance dans les tourbières des montagnes.
Les Chara, qui croissent en immense quantité dans toutes nos eaux dormantes, en sont
la famille la plus voisine. c) Plus de cent-vingt espèces de fougères, et près de soixante-
dix espèces de lycopodiacées, plantes cryptogames vasculaires, qu'on peut rapprocher
de nos cryptogames cellulaires. Nos tourbes renferment aussi plus de soixante-dix
espèces de mousses, cinq ou six espèces de lycopodes et autant de fougères. d) Dix-huit
à vingt espèces de palmiers, de cannées et de phanérogames monocotyledones en gé-
— 132 —
néral. Les tourbes, comme nous l’avons vu, sont essentiellement formées de ces pha-
nérogames monocotylédones à feuilles longues et coupantes, telles que laïches, joncs,
roseaux, gramens, etc. Les arbres et les arbustes qui vivent sur les hauts marais,
comme les pins et les bouleaux, paraissent remplacer les grandes espèces herbacées et
les palmiers des marais anciens. Enfin, de même que dans les houilles on ne distingue
aucune plante dicotylédone bien caractérisée, de même, dans la tourbe, est-il impossible
de reconnaitre aucune trace des végétaux dicotylédones qui vivent sur le marais, à
part quelques troncs d'arbres et d’arbustes.
2° Dans les houillères, les couches du charbon le plus dense et le meilleur se trou-
vent au milieu ou au fond des dépôts. Ainsi en est-il pour les tourbes, en général
pour tous les dépôts de combustible formés par entassement successif et lent des végé-
taux de la surface. Dans les lignites, le contraire à généralement lieu, et c’est près de
la surface que la décomposition par l’action lente de l’oxigène se fait avec le plus de
force. Car après la superposition des couches étrangères au ligneux entassé, c’est vers
cette partie que l’air arrive avec le plus de facilité.
5° Les schistes, les psammites, etc., qui recouvrent les houillères, ne sont autre chose
que des marnes durcies par le dessèchement, la compression et les actions minérales.
Il faut qu'ils aient été déposés par des eaux tranquilles, puisqu'ils ont pour ainsi dire
incrusté les végétaux de la surface des marais anciens, dont ils ont conservé les em-
preintes. Si les végétaux de la houille avaient été entassés par accident, ils seraient
recouverts de terrains tout différents, semblables à ceux qui recouvrent les lignites, tels
que dykes de basalte, cailloux roulés, débris calcaires, etc. La marne ou le limon qui
recouvre les dépôts tourbeux de notre époque, garde aussi les empreintes des derniers
végétaux qui ont vécu à la surface du sol. On les y retrouve encore bien conservés
et très-visibles quand déjà la tourbe a pris une apparence charbonneuse et compacte,
et qu’on ne peut plus y reconnaitre aucune trace des constituants primitifs.
4° Souvent la houille repose immédiatement sur les terrains primitifs les plus anciens.
Dans ces circonstances, la matière se présente sous la forme d’amas ou de dépôts qui
paraissent avoir rempli la partie élevée des bassins ou vallées formés par le sol primitif.
Or, qu'est-ce autre chose que ces vastes marais tourbeux qui s’établissent au bout des
grands lacs et qui s’avancent jusqu’à la partie où le bassin commence à s’enfoncer et où
l'eau devient profonde. Si jamais par quelque nouveau bouleversement nos lacs juras-
siques étaient desséchés, si de nouveaux terrains s’établissaient sur l’étendue qu'ils
baignent de leurs ondes, on trouverait dans la suite des siècles des couches de houille
dans les parties les plus élevées des bassins ou des vallées que ces lacs remplissent.
Ces bancs de houille seraient sans doute très-minces, et aucune comparaison ne peut
— 155 —
s’établir entre le phénomène de formation des temps passés et celui des temps actuels.
Car alors la force de la végétation était immense comparée à ce qu’elle est maintenant :
alors, les fougères étaient des arbres de plus de cent pieds de haut; les espèces analo-
gues à nos mousses et à nos lycopodes, qui n’ont guère que quelques pouces de hauteur,
atteignaient deux à trois cents pieds de longueur, les joncées avaient également des
proportions gigantesques. Sans doute aussi l’atmosphère était alors plus chargée d’acide
carbonique, puisque la terre n’était pas encore habitable pour les animaux respirant
l'air élastique, et le sol d’ailleurs saturé comme Fair d’une humidité très-abondante.
C'était l’époque de la vie végétale, et l’on comprend comment toutes les circonstances
favorables à la formation de la tourbe se trouvant réunies, cette matière devait s’éta-
blir en dépôts énormes dans tous les lieux humides.
5° Je trouve encore dans l’examen des dépôts houillers, sous le point de vue géogra-
phique, sinon une preuve en faveur de mon opinion, du moins une grande probabilité.
La zône dans laquelle est renfermée la formation tourbeuse actuelle est à peu près la
même que celle de la formation de la matière combustible dans les temps anciens. A
. mesure qu’on descend vers le sud de l'Europe, les dépôts houillers disparaissent ou
deviennent peu puissants. En Espagne on en trouve quelques couches fort minces; à
peine en voit-on quelques traces en Italie. Dans les contrées orientales de l'Europe, on
ne voit plus de houille en dehors des limites où la tourbe cesse de se produire, et
dans le nord les couches de charbon minéral diminuent en épaisseur tout en prenant
une grande étendue. On en a observé en Sibérie, non loin du fleuve Léna, dans File
de Berésow, sur la première Selowa ; mais quoique très-vastes dans leur étendue
horizontale, elles n’ont que dix à onze pouces d'épaisseur. Or, il en est de mème des
marais tourbeux de la zône glacée; ceux-ci aussi couvrent des surfaces immenses,
mais la tourbe atteint à peine quelques pouces de profondeur. La véritable région
des houilles est la même que celle des tourbes. On rencontre les dépôts de charbon
minéral les plus riches et les plus vastes dans l'Ouest de la France, en Belgique, dans
le nord de l'Allemagne, et surtout dans les îles Britanniques. On a reconnu des couches
puissantes de ce combustible dans les iles de la Baltique, dans la Suède et la Norvége.
On en trouve dans le nord de l'Amérique, au Canada, surtout vers les bords du fleuve
St. Laurent, dans la Nouvelle Ecosse et aux Etats-Unis. La houille est connue en Chine
et au Japon; et si l’on descend dans l'hémisphère méridional, c’est dans la Nouvelle-
Hollande, le midi du Brésil, qu’on en entend parler pour la première fois.
Je crois être en droit de tirer des conclusions assez importantes de la forme de quel-
ques bassins houillers comparés à celle des bassins tourbeux qui les avoisinent. On
connait l'immense gite carbonifère qui s'étend depuis Aix-la-Chapelle jusqu’au bord de
— 154 —
la mer vers le canal de la Manche. Sa forme semble avoir été déterminée par un vaste
cours d'eau venant aboutir à la mer, sous les départements du Calvados et de la Man-
che. Et maintenant les bords de la Somme, tout le département du même nom et celui
du Pas-de-Calais, sont tourbeux. Le bassin houiller de la Loire et de la Loire inférieure
est étroit, mais il parait s'étendre jusque sur les côtes de l'Océan. Près de l'embouchure
s'étend un immense marais tourbeux qui a plus de 50 lieues de tour. Les environs
de Rouen jusqu’à Caudebeck sont aussi tourbeux. lei le cours d’eau qui peut-être a
formé les couches de houille par la tourbe primitive, semble avoir coulé un peu plus
au midi, la formation tertiaire qui a élevé les rivages de la Manche ayant rejeté vers le
nord l'embouchure de la Loire. Je ne puis étendre davantage ces rapprochements géo-
graphiques qui me paraissent d’une grande importance, même pour aider la décou-
verte des bassins houillers. Il vaudrait donc la peine de traiter ce sujet d’une manière
spéciale, ou de l’ébaucher du moins avec tous les secours qu’on peut obtenir de la
géographie au point où en est aujourd'hui cette science.
Ceux qui n’ont pas accordé à la houille une origine végétale ont fait quelques objec-
ons dont je tirerai parti pour étayer mon opinion. On a argué d’abord de la présence
ou de l'absence des coquilles marines ou d’eau douce. Mais on sait que les dépôts
tourbeux renferment dans leur matière unc grande quantité de mollusques de ces deux
genres, suivant que les tourbes appartiennent à la formation marine ou à celle d’eau
douce. Les tourbières émergées, celles de nos montagnes jurassiques, par exemple,
ne renferment jamais de débris visibles de coquilles.
On a objecté que dans les couches de houille, dans la matière même, on ne voit
point de traces de végétaux discernables, mais qu’on les observe dans les schistes super-
posés, et que les empreintes parfaitement conservées semblent attester que la matière
des dépôts houillers ne peut avoir été formée de végétaux parfaitement décomposés.
Mais le même phénomène se produit encore sous nos yeux dans les anciennes tourbières
recouvertes de marne qui, comme nous l’avons vu, conserve les empreintes végétales
de la surface, landis que dans la tourbe même, qui forme un tout compact, on ne re-
trouve que les grands corps ligneux ou quelques espèces de mousses dont les formes
paraissent indestructibles. Les couches de terre noire qu’on trouve même souvent super-
posée aux gites carbonifères, ont la plus grande ressemblance avec les couches d’humus
qui couvrent souvent nos tourbières dans une épaisseur assez considérable.
On a dit que la hauteur où se rencontrent certains bassins houillers, comme celui
que Leblond a observé dans les Cordillères à 4,400 mètres d’élévation, ne permet pas
d'admettre que ces dépôts de combustibles aient été charriés par les eaux. Mais la pré-
sence de grandes et profondes tourbières dans les montagne élevées, dans les Alpes
— 155 —
par exemple, où on les rencontre de nos jours jusqu’à 8,000 pieds au dessus du niveau
de la mer, expliquerait encore la formation de ces dépôts houillers à de si grandes hau-
teurs, alors même que l’on n'admettrait pas que les Cordillères ont été soulevées
longtemps après la déposition de la houille. Car il n’est pas besoin de dire que la limite
des neiges est dans les Cordillères des Andes à plus de 6,000 pieds au - dessus de celle
des Alpes.
On a prétendu encore que l'alternance des couches de psammites, de schistes et de
houille répétée régulièrement et un grand nombre de fois dans les terrains houillers,
ne permet pas de concevoir comment auraient pu s’accumuler et se former ainsi exclu-
sivement ces deux ordres de sédiments auxquels on assigne une origine si différente.
À cet égard, mon opinion diffère peut-être complètement de celle de certains géologues.
L'analogie des faits observés dans les tourbières de Hollande est encore ici mon argu-
ment. Nous avons vu, en effet, que dans un sondage près de Rotterdam on a trouvé
d’abord sous quelques pieds de marne 20 pieds de tourbe, puis 14 pieds d’argile légère
et blanchâtre, puis 18 pieds de tourbe, puis enfin 14 pieds d’argile, ete. Or, pour
nous rendre compte de ces formations superposées, nous n’aurons pas, on le comprend,
recours à la singulière explication de de Luc, qui prétend que c’est ou la tourbe fluide
qui a coulé sous les couches inférieures, ou que le sol s’est enfoncé ; mais nous obser-
verons simplement qu’il y a eu naturellement dans les grands bassins où la tourbe s’est
formée, surtout sur les rivages bas, près de l'embouchure des fleuves, des change-
ments prolongés dans le niveau des eaux. N’en trouve-t-on pas une preuve dans cet
envahissement du Zuidersee, qui a recouvert de ses eaux des terres jadis fertiles et
même des villes et des villages dont on aperçoit encore les traces dans les ondes claires
et tranquilles? Ces variations, qui semblent n’avoir été que partielles et locales dans
notre époque, mais qui doivent avoir été générales et répétées pendant l’époque essen-
tiellement humide de la formation houillère, ces variations, dis-je, ont amené sur les
dépôts tourbeux les parties limonneuses entrainées par les grands fleuves ou y ont facilité
la croissance de la tourbe, suivant la profondeur du liquide.
On objectera peut-être qu'aucune observation ne peut être appelée en aide à notre
raisonnement pour décider la question. Mais cette transformation de la tourbe, qu'un
grand nombre d’observateurs ont vue s’opérer dans le fond des dépôts et arriver à un
état de carbonisation si rapproché de la houille ou des lignites, qu'ils n’ont su dans
quelle catégorie ranger cette substance, qu’est-elle donc? Que manque-t-il à cette matière
pour être entièrement bituminisée et convertie en houille, si ce n’est la pression des
couches supérieures et l’action des éléments minéralisateurs pendant un espace de temps
prolongé? Qu'est donc encore cette sémi-transformation de la résine en bitume observée
par M. Hatchett?
— 1356 —
Les lignites différent essentiellement des houilles par leur situation. Ils gisent en bancs
ou amas plus ou moins épais dans les terrains d'argile, de sable, et dans les terrains
d’alluvion, et le sable et les cailloux roulés qui les recouvrent ordinairement ont sou-
vent une épaisseur considérable. Toutes les observations recueillies sur les vrais dépôts
de lignites prouvent qu'ils sont dûs à un entassement de grands végétaux entrainés par
les eaux ou réunis par quelque circonstance fortuite, dont les accidents de notre époque
peuvent facilement donner une idée.
On sait que les grands fleuves de l’Amérique, le Mississipi, par exemple, entrainent
dans leur cours d’immenses radeaux naturellement formés par la réunion d’une grande
quantité de troncs d’arbres. Ces masses ligneuses s'arrêtent parfois près de l'embou-
chure ou dans le lit des fleuves, et s’y entassent de manière à acquérir une épaisseur
et une étendue considérables. Ces grands dépôts de bois, recouverts par les sables et
les cailloux, deviendront, sous l'influence du temps, des lignites. Ainsi se sont formés
les bassins ligniteux des bouches du Rhône, situés dans un terrain tertiaire d’eau douce
inférieur ; ceux des bords du Rhin; les nombreux gites du bassin de la Seine dans le
limon d’attérissement. Ils sont remplis d'arbres à demi bituminisés, dont le tissu ligneux
est parfaitement conservé, et ils appartiennent à des espèces indigènes. Ces lignites du
bassin de la Seine peuvent donner une juste idée de la formation générale de ce com-
bustible ; car les arbres n’y sont encore qu’à demi bituminisés ou carbonisés. Les par-
ties qui n’ont pas encore subi la transformation lente, sont dans un état de mollesse
extrême, ce qui peut donner la raison de la forme ovale ou aplatie qu’on observe
souvent dans les troncs passés à l’état de lignites. Ces dépôts ligniteux de dernière for-
mation, comme l’est celui du bassin de la Seine, sont très-difficiles à distinguer de la
tourbe, et c’est dans leur matière qu’on a trouvé des têtes d’antilopes, le cerf d'Irlande
dont nous avons parlé, des éléphants, des bœufs, etc.
Mais les débris ligneux qu’entrainent les fleuves ne s’arrêtent pas toujours dans leur
cours ou près de l’embouchure. Jetés à la mer, emportés par les courants, ils vont
s’entasser sur des rivages lointains dans les contrées septentrionales surtout, où ils for-
ment aussi des dépôts ligniteux.
Telle est sans doute la première origine du Suturbrand de l’Irlande, qui n’est qu’un
amas de souches ligneuses métamorphosées par l’action volcanique. Telle est encore la
cause première de ces puissantes couches de lignites du Calvados, de la Somme, du Pas-
de-Calais, de la Manche surtout. Ici la matière se montre parfois à nu à la marée basse,
tandis qu’elle est recouverte à marée haute par les flots de la mer. Les dépôts ligni-
teux marins sont composés de bois confusément mélangés avec une grande quantité de
plantes herbacées, c’est-à-dire, de bois flottés, arrêtés sur les rivages et parmi les-
quels les végétaux marins ont crü avec une grande activité pour en augmenter la masse.
— 157 —
Enfin les bois qui se sont transformés en lignites peuvent avoir été enfouis par des
éboulements, par quelque bouleversement du sol ou par une immersion subite, car
des dépôts ligniteux sont recouverts d'énormes masses de basalte, de calcaire, ete. Près
du Locle (Jura), on a découvert, en creusant des fondations, de grands arbres couchés
tous dans le même sens, les uns à côtés des autres, et sous la couche de marne qui
sans doute les a renversés en glissant sur les parois de la vallée. Le ligneux de ces
arbres, quoique bien conservé, est cependant ramolli dans toute la longueur des sou-
ches. Nous avons vu que le lac d’Etaillères (Jura) s’est formé par l’enfoncement subit
d’un sol couvert de forêts. Le fond de ce lac est donc rempli d'arbres. Ne sont-ce
point là les premiers matériaux préparés pour la formation des lignites.
D’après cela, les dépôts ligniteux ne peuvent appartenir à une formation fixe et
bien déterminée. On les trouve un peu partout, sans aucun ordre géographique ou
géologique; seulement la matière qui les compose est dans un état de décomposition
plus avancée et se rapproche davantage de la houille lorsque les lignites sont plus anciens.
Alors on distingue très-difficilement ces deux combustibles, et c’est là sans doute ce qui
a jeté tant d'incertitude sur leur classification et sur l'étude qu’on en a faite.
Les bitumes dont nous ne dirons que quelques mots, ont été formés par les résines
des grands amas de végétaux, des lignites surtout. Car les arbres qui les composent
sont essentiellement des espèces résineuses.
Toutes les lignites contiennent en quantité plus ou moins considérable l'huile connue
sous le nom de pétrolle ou d’asphalte. La chimie reconnait dans ces bitumes une même
origine, car ils renferment tous, dans des proportions variables, de l'hydrogène, du
carbone et un peu d’oxigène. On y trouve des traces d'azote et souvent beaucoup de
fer ; mais on n’en obtient pas, par la distillation, l'ammoniaque que fournissent presque
toutes les tourbes et les houilles; et ceci est encore une preuve de la formation de la
houille par la tourbe et de celle des bitumes par les lignites, puisque dans les matières
produites par entassement lent et prolongé sans mouvement, il a dû se trouver une
très-grande quantité d'animaux surtout de mollusques qu'au contraire il en est resté
fort peu dans les débris de bois flottés et réunis par accident.
Les couches asphaltiques alternent souvent avec les bancs de lignites. Ainsi, dans les
mines d’asphalte de Lobsan, le calcaire et les marnes imprégnées d’asphalte sont sé-
parés par un banc de lignites de 2 à 6 mètres d'épaisseur. L’asphalte est donc, on n’en
peut plus douter, une imprégnation des sucs transformés de la matière végétale. Or la
matière première peut avoir disparu, avoir été emportée et les roches imprégnées être
restées sur place. Il est vrai que dans ce cas, l’explication de l'origine de l’asphalte
offre quelque difficulté ; mais l'in-peetion des localités peut jusqu’à un certain point nous
16
— 158 —
mettre sur la voie. Au Val-de-Travers, par exemple, les roches imprégnées de bitume
et qui paraissent appartenir au terrain néocomien sont recouvertes d’une épaisse couche
de sable et de cailloux roulés. Elles forment tout le long de la vallée et de chaque côté
de petits monticules évidemment arrondis et ondulés par le frottement prolongé des
eaux. C’est donc probablement l’eau qui a entrainé les dépôts ligneux qui primitivement
couvraient le terrain néocomien ; elle a creusé ensuite ce sol pour se faire un lit plus
profond, et de chaque côté sur les rives sont restés ces monticules, fouillés maintenant
avec tant de zèle par les spéculateurs pour en extraire l’asphalte.
On me pardonnera, je l’espère, cette courte digression sur les combustibles miné-
raux. Si les rapprochements établis ne fournissent pas de nouvelles lumières à la science,
ils pourront peut-être faire mieux sentir cette vérité: c’est que la divine Prévoyance tra-
vaille depuis les temps les plus reculés à préparer le séjour de l’homme sur cette terre;
c’est que la sagesse providentielle a semé jusqu’au fond des entrailles de la terre les
fruits que l'humanité devait recueillir; c’est que l’homme a été le terme de toutes les
métamorphoses de ce globe, et que cet être pour qui tant de choses ont été si mer-
veilleusement préparées à l'avance n’est pas l’enfant d’un vain hasard , de même sa vie
elle-même ne peut-être sans but.
—Y = —
TABLE DES CHAPITRES.
Pages
AVERTISSEMENT OSEO AD 2 écoliers Sun buses de à re
$S 4. PanTIE THÉORÉTIQUE.
INTRODUCTION 2 2... : PME el ur, zw : 16/01 GE 1
ASPECT GÉNÉRAL DES MARAIS TOURBEUX . . . . . . : le
PREUVES DE LA FORMATION DE LA TOURBE . . .' . . - { 6
OPINIONS DES AUTEURS MODERNES SUR LA FORMATION DE LA TOURBE. . . . . Al
ExPOSÉ THÉORÉTIQUE DE LA FORMATION DE LA TOURBE . . . . F5 ‘al
ÂGE PROBABLE DES MARAIS TOURBEUX . . . . . . Ste 37
REPRODUCTION DE LA TOURBE . . . . . . UT A MP
S 2. PanTiE PRATIQUE.
ExPLOITATION DE LA TOURBE. . . + + . . . .. SRE LS
VALEUR DE FAUTOURRE 0 D TN re cn el OS - 7 l'ube 6%
CARBONISATION DE LA TOURBE « . .… . + . … ec ED CS 74
CRUE OS TOURS OR RENNES te ER EN, © 82
$S 5. PARTIE SCIENTIFIQUE.
CR OM RE RE Tee ERNST Ed de un) VI
HISTOIRE NATURELLE DES TOURBIÈRES DU JURA « « « « « « + + + . 97
La reau ALTO
GÉOGRAPHIE DES MARAIS TOURBEUX . « . .
Situation des marais tourbeux et leur influence sur les formes continentales. 111
Influence des marais tourbeux sur la formation des sources . . . . 116
Influence des marais tourbeux sur la température et la salubrité de Pair. 119
s SPA ET
RAPPORT ENTRE LES DIVERS COMBUSTIBLES MINÉRAUX . . . :
ERRATA.
Page 5 ligne 6, s'oppose lisez préside.
» 15 » 12, amenée lisez amenés.
» 17 » 10, en remontant, que constituent, lisez qui constituent.
» 49 à la note, Thor lisez Thær.
» 28 » 15, sur les Verrières lisez sur les derrières.
» 28 » 15, déposées lisez disposées.
» 31 à la note, Guillaume Schimper lisez W. P. Schimper.
» 52 » 16, ils le recouvrent lisez il les recouvrent.
» 55 » 7, en remontant hypnes flottantes lisez Hypnes flottants.
DD > 2 id. mécacées lisez micacées.
1 570. e010) id. fort éloignée lisez fort diverse.
DR UT ERO) 8, id. la tourbe varie lisez la reproduction varie.
» F7 ES Le, id. bouzin lisez bousin.
» D2',» 6, supprimez que.
» 61 » 14, combles lisez comble.
D, bouzin lisez bousin.
7, acres lisez ares.
» 75 » 6, 6000 lisez 600.
8, consume lisez retrouve.
0, après ont-ils ajoutez cité.
» 112 » 18, ait pu lisez n’ait pu.
» 415 » 20, mélés lisez mêlée.
» 114 » dernière, Laudebeck lisez Caudebeck
PO LE 17 9, d’Etailliers lisez d’Etaillères.
CATALOGUE
MOUSSES DE LA SUISSE.
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AVERTISSEMENT.
Depuis Schleicher, dont le catalogue incomplet est rempli d'erreurs et qui d’ailleurs
n'indique aucune localité, on n’a rien publié sur les mousses de la Suisse. A peine
quelques botanistes se sont-ils occupés superficiellement de cette famille dont l'examen
offre cependant un grand intérêt.
Après avoir pendant plusieurs années soigneusement étudié la bryologie du Jura,
j'avais l'intention d’essayer une simple énumération des mousses de cette chaine de
montagnes; car je n'ai jamais eu le bonheur de parcourir les Alpes à la recherche
des cryptogames. Mes savans amis d'Alsace, MM. Muhlenbeck, Schimper et Mougeot
m'ont encouragé à publier le catalogue de toutes les mousses reconnues en Suisse
jusqu’à présent, me promettant pour cela leur précieux concours. Depuis fort long-
temps M. Muhlenbeck passe chaque année quelques semaines dans quelqu’une des
plus riches contrées alpines; MM. Schimper et Mougeot l’ont accompagné plusieurs
fois dans ces laborieuses et savantes herborisations. Ces messieurs m’ont fourni la
liste de toutes les espèces qu’ils ont observées et m'ont communiqué en même temps
de nombreux échantillons.
Quelques autres naturalistes m'ont aidé aussi avec beaucoup de bienveillance. Le
savant lichénologue, M. Schærer, de Belp, m’a confié une riche collection de mousses
où j'ai puisé de précieux renseignemens ; MM. Agassiz, Desor et Godet de Neuchâtel,
m'ont rapporté des mousses de toutes leurs excursions dans les Alpes. Enfin, j'ai
trouvé dans les herbiers du Musée de Neuchâtel quelques données intéressantes
recueillies par Chaillet et Curie.
Avec ces matériaux j'ai fait ce petit catalogue, en éliminant scrupuleusement les
localités et les espèces douteuses; toutes les espèces énumérées ont été soigneusement
déterminées et toutes les formes incertaines soumises à l'examen de M. Schimper.
qui lui-même a revu et complété ce travail. Si je n’ai pas nommé les variétés dans les
genres qui n’ont pas encore été décrits dans la Bryologie d'Europe, c’est qu’il me
1
parait inutile d’embrouiller davantage, par une vaniteuse confiance, une nomenclature
fort difficile et qui sera enfin fixée , il faut l’espérer , par les magnifiques travaux
de MM. Schimper et Bruch (*). Par la même raison, je ne donne pas ma classification
comme originale. J'ai profité autant que possible des observations de M. Schimper,
pour rapprocher les espèces suivant la méthode naturelle.
Quelques mots sur la distribution géographique des mousses trouveront ici leur
place, si ce n’est dans un intérêt scientifique , du moins pour aider les recherches des
jeunes botanistes et rendre leurs explorations moins pénibles et plus fructueuses.
Ce qui frappe d’abord en étudiant la géographie des végétaux cryptogames et
particulièrement des mousses , c’est la préférence non-seulement de quelques indivi-
dus isolés, mais de familles entières pour des habitats particuliers, hors desquels on
ne les rencontre jamais. Les Andréacées vivent sur les roches granitiques ; les Spha-
gnacées, dans les tourbières ; les Phascacées, les Pottiacées, deux familles voisines, sur
la terre argileuse humide ; la plupart des Dicranacées, sur les troncs pourris ; presque
toutes les Barbulacées, sur les détritus calcaires ; les Anacalyptées, les Desmatodontées,
les Encalyptées, qui dans l’ordre naturel ont une grande analogie, sur la terre légère
qui couvre les pierres, les rochers ou les murs ; les Orthotrichées, sur les troncs des
arbres vivans et quelques-unes sur les pierres; les Ripariacées, les Fontinalées, dans
les eaux courantes ; les Splachnées, sur les matières animales en décomposition , où
sur les hautes montagnes ou dans les contrées glacées du Nord; les Bryacées enfin,
assez généralement sur la terre humide et dans les lieux frais. Si la nombreuse
famille des Hypnacées semble au premier coup-d’œil échapper à un semblable rappro-
chement par une dispersion universelle , on trouve cependant encore une frappante
uniformité d'habitat dans les différens groupes qui la composent. C’est ainsi que
presque toutes les espèces des genres Fabronia, Anacamptodon, Leucodon, Climacium,
Pterogonium, Isothecium, Leskea et Neckera, se rencontrent presque exclusivement
sur les troncs des arbres.
Les mousses aiment assez généralement les lieux frais, ombragés et humides. Les
plus rares espèces habitent le voisinage, le lit même des torrens des montagnes, les
gorges profondes et boisées où l’homme aborde difficilement, les granits arrosés par
l’eau des neiges, les cascades alpines, les profondes tourbières des montagnes ou des
régions du Nord.
(1) Pryologia Europea.
NN
Comme les plus belles plantes phanérogames, elles semblent se plaire loin des lieux
que l'homme habite et défier les recherches de Fexplorateur. À cela cependant font
exception les Phascacées, ces Pygmées des mousses, qui vivent dans les champs cultivés,
et les Mnium les plus grandes espèces des Bryacées, qu’on rencontre dans les lieux
ombragés des vallées basses, jusque dans les vergers et dans les haies, et sur les
bords des forêts de la plaine. Assez rarement elles s’élèvent vers les hautes régions
des Alpes et du Jura.
Les nombreuses espèces du genre Bryum semblent modifier leurs formes d’une
manière assez analogue, suivant les localités plus ou moins élevées où on les trouve.
Ainsi, dans les hautes Alpes, les capsules s’alongent comme dans les Bryum acu-
minalum , polymorphum , elongatum , crudum ; pallens , uliginosum , ete.; où bien
les feuilles se rapprochent, s’imbriquent en s’arrondissant sur les rameaux qui
deviennent ainsi plus grèles, presque filiformes, comme dans les Bryum Ludwigii,
Jjulaceum, Blindi, Zierii, demissum, ete. C’est même une étude qu’il importe de
suivre attentivement, que les modifications des Bryacées suivant les diverses localités,
afin de ne pas, par une distinction hasardée, établir des divisions dans des espèces
qui sont les mêmes et dont les intermédiaires et les transitions se rencontrent et se
reconnaissent facilement, quand on met un peu de patience à les observer. Sous ce
rapport, les recherches du célèbre bryologue V.-P. Schimper offrent un intérêt par-
ticulier par le soin , la persistance admirable que ce savant a mis à poursuivre dans
toutes les localités les formes variées de la même espèce, dont les botanistes moins
consciencieux avaient fait avant lui autant d'espèces différentes.
Des 430 espèces nommées dans ce catalogue, j’en ai reconnu plus des trois-quarts
dans le Jura et les plaines qui lavoisinent. Que doit-on conclure de ce fait? Que si
les mousses ont pour certaines familles des habitats particuliers, ces petits végétaux
pris dans leur ensemble ne sont pas disséminés par zônes comme les phanérogames
et sont plus généralement cosmopolites. Aussi est-il fort peu d'espèces qui appar-
tiennent exclusivement à la Suisse. Celles qui habitent les hautes Alpes se voient
dans toutes les montagnes granitiques, dans le Tyrol, dans la Scandinavie, même
dans les plaines à mesure qu’on aborde les régions glacées du Nord ; souvent aussi
sur les blocs erratiques semés aux pentes du Jura. Le climat et le sol semblent donc
les seules influences dont l’action se fasse apprécier dans la distribution géographique
des mousses. Les espèces les plus rares de nos hauts marais tourbeux , la Paludella
TomE III. s0C. DE NEUCH. 2
ET 0 —
squarrosa, le Hypnum nitens, etc., abondent dans les tourbières septentrionales où
elles prennent un développement considérable et se chargent de nombreuses fructifi-
cations, ce qui prouve qu’une température plus froide et l’entassement des neiges
longtemps prolongé sont nécessaires pour les faire arriver à leur état parfait.
Mais il est juste de l’observer aussi : le peu d’attention que les botanistes ont donné
jusqu’à présent en Suisse à la cryptogamie en général et surtout à la Bryologie, laisse
supposer encore une ample récolte à faire pour les observateurs qui s’adonneront à
la recherche des mousses dans les sauvages vallées des Alpes. Chaque année les
botanistes de l’Alsace viennent reconnaitre et cueillir de nouvelles espèces dans les
hautes Alpes des Grisons, de Berne et du Valais. L’Albula, la Gemmi, le Splügen,
le Faulhorn, le Simplon, quelques parties du Valais sont extrêmement riches en
belles et rares espèces bryologiques, comme dans le Jura les vallées profondes arro-
sées par les torrens , le Val de Moutiers , la vallée de la Vaux près de Fleurier , les
roches abruptes de Chasseron, de Chasseral, du Weissenstein, et les tourbières les
plus élevées méritent sous le même rapport l'attention des naturalistes.
Ce catalogue est écrit surtout avec l'intention et le vif désir d’encourager l’étude
des mousses parmi les botanistes de la Suisse, pour aider peut-être plus tard la
publication d’une Bryologie helvétique. Je serai donc très-reconnaissant de toutes les
communications qui me seront faites, comme aussi je m’'empresserai de fournir aux
naturalistes qui le désireront toutes les espèces que j'ai récoltées dans le Jura, et
à-peu-près toutes celles qui sont énumérées dans ce catalogue.
Abréviations.
(Schp.) V.-P. Schimper. (Mhinb.) Muhlenbeck.
(Schl. cat.) Schleicher, catalogue. (Thom.) Thomas.
(Moug.) Mougeol.
CATALOGUE
DES MOUSSES DE LA SUISSE.
ANDREÆACEZÆ.
Plantes alpines et granitiques. Laseule {ndreæa rupestris se rencontre parfois sur le calcaire. Aucune
des espèces n'appartient au Jura.
ANDREAÆA NIVALIS Hook.— Alpes, rochers humides. Le Grimsel, le Simplon (Mhlnb.
Schp. Moug.) Été.
AxpReaA Roram W. et M.— Ne se montre que rarement daus les hautes Alpes.
Le mont Bernhardin dans les Grisons (Hegetschweïler). Le mont Susten (Schærer,
(Schl. cat.) Été. — Var. Grimsulana Br. et Schp. — 4. Grimsulana Brch. — Le
Simplon (Mblnb., Moug.) Le Teufelsplatte au Grimsel (Schp., Mhlnb., Schærer,
Blind). Été.
ANDREAEA RUPESTRIS Hedw.— Mont Bernhardin (Mhinb.). Le Grimsel, l’Albula
- (Schærer et les botanistes d'Alsace , Schl. cat.). Clairville l’indique sur les rochers
humides du Valais; c’est fort douteux. Été.
ANDREAEA CRASSINERVIA Breh.—Teufelsplatte du Grimsel (Schp. Mhlnb.). Été (‘).
(1) L'Andreæa alpina citée dans le catalogue de Clairville, n'appartient pas à la Suisse, mais à l’Ecosse.
L'auteur a confondu cette espèce avec l'Andreæa Rothii.
SPHAGNEZÆ.
Cette famille n’a, comme la précédente, aucune analogie avec les autres familles des mousses. Toutes
les Sphagnées sans exception croissent dans les marais tourbeux et par leur détritus forment la partie
essentielle de la tourbe.
SPHAGNUM CYMBIFOLIUM Dill. — Sph. latifolium. Hedw.— Sph. obtusifolium W.
et M. — Var. & squarrosulum Nees et Hsch. — Tous les marais tourbeux du Jura et
des Alpes. Cette espèce est ordinairement émergée. La var. 8 diffère à peine et se
trouve fréquemment dans les lieux plus humides. Été.
SPHAGNUM COMPACTUM Brid.—Var. 8 rigidum Braun.— Marais tourbeux du Jura;
moins commun que le précédent. Var. 8, dans les fossés plus humides des hauts marais.
A la Vraconne près de Sainte-Croix, à Bémont, etc. Été.
SPHAGNUM SQUARROSUM Pers.— Schl. cat., Thomas, sans localité. — Cette espèce,
commune dans les tourbières de la Forêt-Noire, n’a pas encore été vue dans le Jura.
Été.
SPHAGNUM MOLLUSCUM Brch.— Sph. tenellum Pers. —Var. £ fluitans Lesq.— Assez
commun dans les hauts marais du Jura. Var. g,tiges flottantes , alongées, un pied
et plus, rameaux grèles, capsules portées sur des pédoncules très-longs. J'ai trouvé
cette magnifique variété une seule fois dans les marais des Ponts. Été.
SPHAGNUM CONTORTUM Schultz.—$. subsecundum Nees et H.—Tourbières profondes
du haut Jura. Varie beaucoup par la longueur des tiges, la couleur et la forme des
feuilles plus ou moins secondes. Espèce ordinairement immergée. Été.
SPHAGNUM ACUTIFOLIUM Ehrh.—Sph. capillifolinm Dill. — Abonde dans tous les
marais tourbeux où, suivant le degré d'humidité, il varie à l'infini pour la forme,
la longueur, la direction des rameaux et les nuances de coloration de la plante. Les
var. « robustum, 8 Skurii méritent à peine d’être indiquées. La var. > rubrum se
rencontre partout où la plante est privée d'humidité et végète en touffes compactes.
La var. : pictum sur le revers des fosses profondes et ombragées. Espèce émergée.
Été.
SPHAGNUM CUSPIDATUM Ehrh.— Var. & plumosum. — Sph. cuspidatum plumosum
Nees et H. — Marais tourbeux. Espèce immergée ou flottante. La var. 6, dans
cu D =
Dans les fosses plus profondes. On peut suivre les nombreuses transformations de
cette belle mousse dans le petit marais de Noiraigue où elle fructifie abondamment.
Eté.
PHASCACEZÆ.
PHascuM sERRATUM Hedw.— Ph. stoloniferum Dicks. — Assez commun dans le
haut Jura, dans les champs où lon a moissonné l'orge. Automne, printemps.
PnascuM FLOERKEANUM W. et M. — Terre argileuse, bords de la route près du
pont de Thièle. Octobre.
Paascum paTExS Hedw.— (Schl. cat.) Sans localité. Bords de la route de Fontaine
à Grandson, sur la terre argileuse humide. Septembre.
PHAsCUM CRASSINERVIUM Br. et Schp. — Doit se trouver en Suisse aux endroits
argileux dans les champs de trèfle, ainsi que le Phascum pachycarpon (Schp.)
Paascum muricum Schreb. — Var. & minus Hook et Tayl. ; Ph. globosum Schl. —
Les champs (Schl. cat., Thomas). Neuchâtel (Chaillet). Eté. — La var. 8, citée dans
le catalogue de Schleicher sous le nom de Ph. globosum , n’est qu’une forme un peu
plus petite.
Paascum cusproarum Schreb. — Var. 6 minor Breh. et Schp. — Var. 5 piliferum
Br. et Schp. ; Ph. piliferum Nees et H. — Var. £ elongatum Br. et Schp.; Ph. elatum
Brid.— Var. : curvisetum Br. et Schp. ; Ph. curvisetum Dicks. — Partout dans les
champs cultivés après les moissons. Automne. Var. 6,5 et £ champs du Val-de-Travers,
plus rarement que la forme primitive. Var. : citée par Schl.
Paascum BRYOIDES Dicks. — Ph. gymnostomoides Brid. — Var. 8 minus Br. et
Schp.; Ph. pusillum Schl. — Champs secs et incultes, les allées de Colombier (Chaillet.
Schl. cat.) Eté. — Var. £ environs de Bex (Schl.)
PnascumM CurvICOLLUM Hedw.— Champs incultes, collines calcaires. A Vouens.
Jüra, sur la terre parmi les pierres (Curie). Les remparts de Bâle (Clairv.) Printemps.
Paascum crispum Hedw. — Sur la terre humide des murs près de Saint-Sulpice.
Jura. Mars. Terre humide (Clairv., Schl. cat.)
Paascum nirinum Hedw.— Ph. axillare Dicks. — Lieux argileux humides (Schl.
Thom.) Automne. |
Paascum suBuLaTUM L. — Les prés, les bords des boïs, sur la terre sablonneuse.
commun. Été.
TOM. II. SOC, DE NEUCH. 3
ss "0 A
Paascum ALTERNIFOLIUM Nees et H. — Champs de trèfle aux environs de Berne,
de Zurich, ete. (Schp.) Automne.
Paascum pALUSTRE Br. et Schp.— Prairies humides de Roche-Bulon, Jura. Eté.
GYMNOSTOMEZÆ.
HymENosTomuM microsromumM Hedw.— Gymnostomum microstomum Hedw. —
Var. e obliquum, Hymenostomum obliquum Nees.— Var. £ brachycarpon, Hymenosto-
mum brachycarpon Nees. — Commun sur la terre dans les prés du Jura. Eté. — Les
deux var. se trouvent souvent mélangées à la forme primitive. Prairies de Roche-
Bulon, Jura.
GxmMNosTOMUM TORTILE Schw.— Gymnostomum microstomum. Sch.—Fentes des
rochers du Jura. Val-de-Travers, etc. Eté.
GymNosromum TENUE Schrad. — Dicranum cylindricum Smith. — Bryum paucifo-
lium Dicks.— Berne, sur la molasse humide. Lausanne. (Mhlnb., Schp., Schl. cat.) Eté.
Gymvosromum cospirirrumM Br. et Schp.— Anæctangium cœspititium Schw.—Schis-
tidium cœspititium. Brid.— Les rochers des Alpes près de la région des neiges. (Mhlnb.,
Schp., Schl. cat.) Eté.
Gymnosromum cALCAREUM Nees et H.— Les murs, les roches arénacées des envi-
rons de Berne (Schærer, Schuttleworth). Eté.
GymNosTOMUM RUPESTRE Schw.—Var. 6 compactum Br. et Sch. — Rochers humides
des Alpes. Cascade de la Pissevache en Valais. Cascade du Giessbach ; le Faulhorn ;
la Gemmi (Mhlnb., Schp.) Le Rigi (Mhlnb., Schl. cat.) Var. £ sur les rochers micacés
de l'Oberhasli (Schp.) Été.
GyYMNOsTOMUM cuRvVIROSTRUM Hedw.— Var. de l'espèce : Gym. microcarpon Nees.
— Gym. stelligerum Engl. Bot.— Gym. æruginosum Engl. Bot.— Gym. luteolum
Smith. — Gym. pallidisetum Nees. — Très-répandu surtout contre les rochers schis-
teux et calcaires dans la zône supérieure de la région des forêts (Schp., Schl. cat.)
La var. pallidisetum Nees. Via-Mala ; le Splugen (Schp.) Été. :
GYMNOSTOMUM HORNSCHUCHIANUM Hppe. — (Schl. cat.) Cette espèce n’a jamais été
certainement reconnue en Suisse, mais seulement dans les hautes Alpes du Tyrol.
Elle peut se trouver suivant M. Schimper sur les rochers micacés arrosés par la pous-
sière des cascades au-dessus de la région des forêts.
— 41 —
ANOECTANGIEÆ.
ANGEGTANGIUM compACTUM Brid. — Rochers des Alpes. Le Hasli, le Faulhorn, la
Gemmi, le Splugen (Schp., Mhinb.) Hinterrhein (Moug., Mhlnb., Schl. cat.) Eté.
POTTIACEZÆ.
Porria sussessiis Br. et Schp. — Schistidium subsessile Hrnsch., Brid. — Gyn-
nostomum subsessile Schw.— Gym. acaule W. et M.—(Schl. cat.) — Cette espèce
vient contre les murs et sur la terre aride en société du Poltia cavifolia, dans les
régions basses. Elle n’est citée que sur l'autorité de Schleicher. Eté.
Porria caviroctA Ehrh.— Gymnostomum ovatum Hedw.— Très-commun dans le
Jura comme dans toute l’Europe sur la terre argileuse aussitôt après la fonte des
neiges. Dans les Alpes le poil des feuilles est plus long, le pédicelle capsulaire plus
court.
-Porria muruLA Br. et Schp.— Gymnostomum minutulum Schw.— Var. 6 ru-
fescens Br. et Schp. , Gymnostomum rufescens Schultz. — Var. ; conica Br. et Schp.,
Gymnostomum conieum Schw.— Terre argileuse humide, champs cultivés. Com-
mun dans les vallées du Jura, au Val-de-Travers et ailleurs avec les var. 8 et >. Ne
se trouve pas sur les hautes montagnes. Hiver. Premier printemps.
PorriA TRUNCATA Ebrh.— Gymnostomum truncatum Hedw.— Pottia eustoma minor
Ehrh. — Var. 8 major Br. et Schp., Pottia eustoma major Ehrh. Gymnostomum
truncatum, & majus W. etM.— Gym. intermedium Schw.— Prés humides, bords des
routes sur la terre argileuse ou sablonneuse. Commune en Suisse et dans toute l'Eu-
rope. Automne. — La var. 8 est plus rare. Dans les champs du Val-de-Travers ; sur
les murs près de Provence, Jura.
PorriA Hetmmn Br. et Schp.— Gymnostomum Heimii Hedw.— Gym. Heimiü et
affine Nees et H.— Gym. systylium Funk. — Gym. obtusum Turn. —Indiqué en
Suisse sans localités par Schl. et Thom. Aux environs de Bâle (Nees). Croit sur le bord
des fossés, avec le Physcomitrium pyriforme. Printemps.
WEISSIACEZÆ.
La Bryologia Europæa de Bruch et Schimper, réunit les Anacalypta aux Pottiacées et les Weiïssia aux
Dicranacées. La constance du péristome dans les Anacalypta autorise suffisamment leur réunion aux
Weissiacées, comme la forme droite de la capsule sépare forcément les Weissia des Dicranacées.
= ‘fn.
ANACALYPTA LANCEOLATA Rühl.— Weissia lanceolata Auet. — Grimmia lanceolata
W. et M.—Coscinodon lanceolatus, aciphyllus et conatus Brid. —Sur la terre nue,
sur le sable, dans les champs, sur les pierres et les murs. Commune aux bords des
routes. Printemps.
ANACALYPTA LATIFOLIA Nees et H.— Feissia latifolia Schw.— Grimmia latifolia
W. et M.—Var. g pilifera Br. et Schp., Coscinodon pilifer Brid. — Sur la terre nue
au-dessus de la région des forêts ; les Alpes et les sommets du Jura. Cette jolie mousse
se trouve assez abondamment au sommet de Chasseron attachée à des boules de terre
sèche, au bord des rochers. Le Creux-du-Vent, etc. M. Reuter l’a observée à la
Dôle. — La var. £ dans les mèmes lieux.
WEISSIA GYMNOSTOMOIDES Brch.— Col de Stelvio, la Wengern Alp (Mhlnb.) La
Gemmi, aux endroits abruptes sur le bord des chemins (Mhlnb., Schp.) Eté.
WeissiA VIRIDULA L.— W”. controversa Hedw.— W. mutabilis Brid. — W, virens
Schultz. — Grimmia controversa W. et M. — Très-commun au premier printemps sur
la terre sablonneuse aux bords des routes, des forêts, des champs, sur les murs, etc.,
depuis le haut Jura jusque dans la plaine. Varie à dents du péristome très-courtes.
WEissiA MUCRONATA Brch. — Se trouve au printemps surtout dans les champs de
trèfle (Schp.) Je l’ai observée au Mail de Neuchâtel sur la terre et dans les fentes des
rochers de la Clusette.
WeïsstA coMPACTA Brid.— Grimmia compacta Schi. Dans le voisinage des champs de
neige sur les rochers des Alpes, la Gemmi, derrière le Schwarmbach, le Faulhorn
(Mblnb. Schp.) — (Schl. cat.) Eté.
WEIssIA CIRRHATA L. — Grimmia cirrhata W.etM.—S’attache surtout aux troncs
d'arbres dans les montagnes basses. Dans les Alpes au Faulhorn (Schp. Mhlnb.) Dans
le Jura je n’ai vu cette mousse qu’aux environs de Chasseron. Eté.
WeissrA CRISPULA Hedw.— Grimmia crispula W. et M.— Sur la terre et les rochers,
monte très-haut dans les Alpes. Dans le Jura sur les blocs granitiques et les murs
qui en sont construits, granits de Provence et du Mont-Borgeais. Printemps.
Weissia CURvIROSTRA Brid. — W. recurvirostris Brid. — Anacalypta rubella Hueb.
— Commun sur les murs, les pierres humides. Varie beaucoup pour la longueur des
tiges et de l’opercule. Eté.
Weiss WimmerrAxA Sendtner.— Espèce voisine de la précédente. Roffla au Splu-
gen (Schp.) endroits abruptes et dénudés. Eté.
SR EN
WassiA AcuTA Hedw.— Grimmia acutaW. et M. Dans le voisinage des cascades,
par toute la chaine granitique et schisteuse (Schp.). Été.
WaissiA VERTICILLATA. Schw.— Coscinodon verticillatus Turn.— Grimmia fragilis
W. et M. — Propre à la formation calcaire. Sur les rochers irrigués où se dépose le
tuf. La grotte aux Filles près de Saint-Aubin avec l’Adianthum capillus veneris. Les
bords du Sucre derrière Couvet, etc. Eté. Observée au Salève par Reuter dans le
Val-de-Montiers. (Schp. et Mhlnb.).
WaeissiA RECURVATA Hedw.— Grimmia recurvata W. et M. — Rochers nus de la
Suisse, près du Léman (Bridel) Genève (Reuter). (Schl. cat.). Surtout sur les pierres
calcaires schisteuses éparses aux endroits ombragés (Schp.). Vallée de Lauterbrunn,
source du Gournickel. (Mhlnb.). Eté.
Waissia puszzA Hedwv.— Grimmia pusilla Engl. Bot. — Afzelia pusilla Ehrh. —
Très-généralement répandu dans les montagnes de Nagelflue (Schp.). Cavités humides
des rochers du Jura ; la glacière Pury, la grotte de Lumignon près de Môtiers. Eté.
Wassia rrisricHA Brid. — Grimmia tristicha Schw.— G. trifaria W. et M.—
Sous les cavités humides aux bords de quelques ruisseaux du Jura, dans les enton-
noirs, et dans les forêts. La Poita-Raisse près de Fleurier. Environs de Beauregard
près de Chasseron. Printemps.
Wassia serruzara Brch. — Valais (Schl.) dans les fissures des rochers au-dessus
de la région des forêts. Eté.
WaissiA DENTICULATA Sch. — Fentes des roches schisteuses dans le Valais, région
des forêts (Schl.). Eté.
WeissiA FuGAx Hedw.—W'eis. striata minor Hook et Tayl.—Dicranum fugax Br.
et Schp. — Dans les vallées alpines et très-rarement au sommet des Alpes (Schp.)
(Schl. cat.). Très-rare dans le Jura et observée seulement une fois près du sommet
de Chasseron. Eté.
DICRANACEZÆ,
Dicraxum varium Hedw.— Dicr. rigidulum Swvartz. — Dicr. callistomum Smith.
— Bryum simplex L. — Commun sur la marne, la terre sablonneuse humide au bord
des routes, des fossés, ete. Eté. Varie à tiges plus ou moins alongées.
Dicranum RurFEscENS Turn. — Dier. varium var. rufescens Brid. et auct. — Difière
du précédent par la couleur rougeâtre, l’aréolation des feuilles plus lâche, la capsule
droite. Croit dans les mêmes lieux, mais plus rare. Eté.
TOM. II. SOC. DE NEUCH. &
SET Die
DicrANUM cERvICULATUM Hedw.— Oncophorus cerviculatus Brid. — Var. 8 pusil-
lum W. et M. — Dicranum pusillum Hedw.— Abonde dans les tourbières des Alpes
et du Jura, sur les coupes perpendiculaires des vieilles exploitations, sur la tourbe
mise à nu. Eté. — Var. 8 dans les mêmes localités.
DicranuM suBuLATUM Hedw. — Dicr. secundum var. subulatum W. et M. — Dicr.
heteromallum var. minus Wahl. — Les Alpes du Valais, Zermatt (Mhlnb. Moug.). Le
Saint-Gothard , le Splugen (Mhlnb.). (Schl. cat.). LaVaux (!) près de Fleurier ; rare.
Eté.
DicRANUM HETEROMALLUM L. — Bryum heteromallum Funk. — Var. & interrup-
tum.— Dicranum interruptum Hedw.— Chemin creux dans les forêts de la Suisse
(Schl. cat.). (Thomas). Printemps. — Var. 8 au-dessus de Morcles (Schl.). Je n’ai pas
encore pu reconnaitre dans le Jura cette espèce généralement très-répandue dans
l’Europe centrale. |
Dicranum FALCATUM Hedw.— Rochers humides des hautes Alpes. Le Faulhorn,
le Grimsel (Schp. Mhlnb.). Le Gothard (Godet). (Schl. cat.). Eté.
Dicranum Biyrru Br. et Schp.— Espèce nouvelle, semblable au D. Starkii, mais
plus grèle, plus ramifiée, à capsule non striée et à fleurs mates terminales (Schp.).
Fissure des rochers au haut du Simplon vers le village. Dans le Tyrol et en Norvège
(Schp.).
Dicranum Srarktt W.et M.— Bords des ruisseaux glacés des Alpes (Brid.) Glaciers
du Rhône (Desor). Observé au Splugen, au Grimsel, au Saint-Gothard, à lAlbula,
par Schp., Mhlnb., Moug. Eté.
DicranuM coNGEsrum Brid. — Dicr. rupestre Brid. — Dicr. longirostre Schw. —
Cette espèce est si variable pour la longueur des tiges, la courbure des feuilles, la
forme et la direction des capsules, qu’il serait impossible d’énumérer les nuances et
à plus forte raison de les trancher pour en établir des espèces différentes, comme l’a
fait Bridel. Croit dans les bois humides des Alpes et du haut Jura. Toutes les variétés
abondent sur les troncs pourris à LaVaux. Été.
DicrANUM FLEXICAULE Brid. — Endroits humides, région des Rhododendrons. Le
Splugen et beaucoup d’autres localités de la Suisse (Schp.). Été.
(1) LaVaux, localité souvent nommée dans ce catalogue, est une petite vallée (rès-élevée du Jura, au sud
du Val-de-Travers. Entourée de rochers abruptes, et de difficile accès, el'e est encore en partie couverte
d'une vérilable forêt vierge très-riche en Cryptogames. Les Dicranacées surtout y abondent.
Le. OT
Dicranum scoparrom Hedw.— Très-commun dans les bois avec une quantité de
variétés. Été.
DicRANUM PALUSTRE. — La Pyl. in Brid. Bryol. un. 1, p. 814. J'ai rencontré cette
espèce, pour la première fois en Suisse, dans un petit bois de pins au milieu du marais
des Ponts. Automne.
Dicranum Magus Turn. — Dier. scoparium var. majus W. et M. — En magnifi-
ques exemplaires à LaVaux (com. Schp. et Mhinb.). Novembre.
DicrANUM ELONGATUM Schwv. — Dicr. Sphagni Wahl.— Dicr. alpinum Schreb. —
Les rochers des Alpes; le Faulhorn (Schp. Mhlnb.). Le Valais vers Zermatt (Mhlnb.,
Moug.). La Gemmi (Smidt). Le Schreckhorn (Desor). Fin de l'Été.
DicraxuM uxDu£ATUM Ehrh. — Dicr. polysetum Swartz. — Dicr. Bergeri Bland.
Dier. intermedium Funk. — Dicr. rugosum Dill., Hoffm:— Habite les bois humides.
Assez commun dans le Jura. Eté.
Drcranum ScarApert W. et M.— Marais tourbeux du Jura; fructifie surtout dans
les forêts de pins. Été. C’est cette espèce sans doute que Schleicher a trouvée dans
les marais du Jura et indiquée à Bridel comme le Dicranum spurium qui ne s’y trouve
pas.
Dicranum spurIUM Hedw.— Cecalyphum spurium Pal., Beauv.— Bryum spurium
Dicks. — Alpes de Saas (Bridel). Tourbières du Jura ?? (Schl., Thom.). Eté.
Dicranum Munzensecknt Br. et Schp. — Espèce magnifique, tenant le milieu entre
le Dicr. Schraderi et le Dicr. spurium ; trouvée au pied de lAlbula vers Tusis par le
docteur Muhlenbeck. Eté.
Dicranum srricrum Schl.— Les Alpes du Valais (Mhinb., Moug.). Forèts au-dessus
de Morcles (Schl.). Forèts du Simplon sur la terre et les troncs pourris (Schp.). Juin.
DiCRANUM FLAGELLARE Hedww.— Commun dans le Valais (Schl.). Bois du Jura, rare.
Jolimont près de Thièle (Curie). Été.
DicRANUM LONGIFOLIUM Ehrh. — Rochers des Alpes et granits roulés du Jura.
Granits de Noiraigue, etc. Eté.
DicrANUM scorrIANuM Sm. Interlacken (Blytt.).
Dicraxum Saurert Br. et Schp. Forêts alpestres du Valais (Schl.).
Dicranum viRENs Hedw.— Oncophorus virens Brid.— Dicranum strumiferum Auet.
— Var. 6 compactum Schp.— Assez commun dans les Alpes, dans les lieux humides.
Rare dans le Jura. À LaVaux, à la Poita-Raisse près de Fleurier, sur les troncs pourris
SE Cie de
humectés par le torrent. Été. — La var. 8 dans les glaciers du Rhône (Godet). Col
de Stelvio. (Schp.).
Dicranum PELLUuCIDUM Hedw.— Bryum pellucidum L. — Dicranum aquaticum
Ehrh. — Oncophorus aquaticus Brid.— Var. 8 microcarpon Brid. — Var. à fagimon-
tanum Brid. — Var. : Rogeri Brid. — Alpes et Jura, dans les forêts humides, sur la
terre et les pierres. La forme normale et les variétés de Bridel sont communes à La-
Vaux et dans le voisinage de Chasseron. Été.
Dicranum squarRROosuM Schrad. — Bryum palustre Dill. — Oncophorus palustris
Brid. — Assez commun sur le bord des ruisseaux qui découlent des champs de neige
dans les hautes Alpes (Schp.). (Schl. cat.). Très-rare dans le Jura. A LaVaux. Été.
Dicranum GREVILLIANUM Hook. — Le Splugen (Schp.). Alpes du Valais, Zermatt
(Mhlnb., Moug.). Gasternthal, la Gemmi, (Schp.). Se trouve aussi dans le Jura, très-
rarement. Sur la Fonds au-dessus de Fleurier. Automne.
Dicranum ScareBert Hedw. — Terrains argileux du Léman , au bois de Bougis
par Roger (Brid.). (Schl. cat.). Près de Beauregard, Val-de-Travers. Été.
DicRANUM POLYCARPON. Ehrh.— Fissidens polycarpus Hedw.— Var. & strumife-
rum.— Très-répandu dans toute la Suisse, de même que la var. strumiferum (Schp..)
(Schl. cat.). Été.
DicRANUM GRACILESCENS W. et M. — Dicr. flavescens Hook et Tayl.— Var. & flexi-
setum Br. et Schp. — Alpes et sous Alpes, sur la terre et les rochers ; commun au
Faulhorn où l’on trouve aussi la var. 8 (Schp., Schl. cat.). Été.
Oxcopnorus éLAUCUS Br. et Schp. — Dicranum glaucum Auct. — Bryum glau-
cum L.— Marais tourbeux de Noiraigue, Val-de-Travers, sans fructification. Cité
aussi dans le catalogue de Schleicher.
CEPHALOGONIUM FLEXUOSUM Br. et Schp.— Campylopus flexuosus Brid. — Thesa-
nomitrium flexuosum Arn. — Dicranum flecuosum Hedw.— Marais tourbeux du
Jura et des Alpes, croit en général sur la tourbe mise à nu. Avril.
CEPHALOGONIUM LONGIROSTRE Br. et Schp. — Didymodon longirostre W. et M. —
Dicranum denudatum Brid. — Trones pourris dans les bois humides. N'est pas rare
dans le Jura, mais fructifie rarement. Printemps.
CEPHALOGONIUM GLACIALE Lesq. — Colore amæne luteo-viridi. Densissime cœspi-
tosus ; caule elongato, bipolicari et ultrà, simplici, adscendente erecto-ve, foliis laxe
imbricatis, sub homomallis erectiuseulis, e basi lanceolata longè subulato-setaceis
= OT à
apice tubulosis enerviis. Areolatione compactà (Lesq.) Cette mousse qui rappelle les
formes grêles du Dicranum strictum dont elle s'éloigne tout-à-fait par l’épaisseur et la
composition des feuilles presque charnues et sans nervures, a élé trouvée au Schrek-
horn , par M. Desor.
CERATODON cyziNpricus Br. et Schp. — Trichostomum cylindricum Brid.— Dicra-
num cylindricum Smith. — Trichostomum tenuifolium Schrad. — Bords des forêts
dans les Alpes des Grisons. Le Splugen (Schp., Mhlnb.). Été.
CERATODON INCLINATUS Hueb. — Cynodontium inclinatum Hedw.— Didymodon in-
clinatus Wahl. — Grimmia inclinata Smith. — Rochers des Apes. La Gemmi (Reuter,
Mhlnb.). L’Albula, Zermatt (Moug., Mhlnb.); assez généralement dans les hautes
montagnes. Les plus hautes cimes du Jura : Chasseron, le Creux-du-Vent, Chasseral,
dans les fentes des rochers humides. Été.
CERATODON PURPUREUS Brid. — Dicranum purpureum L. et auct. — Bryum pur-
pureum Funk. — Commun partout, dans les marais, dans les lieux secs, dans la
plaine et dans les montagnes. On le voit surtout en grande abondance partout où
lon a fait du charbon ou brülé du bois, avec le Funaria hygrometrica. I varie à
l'infini. Été. — Les variétés les plus remarqgnables observées en Suisse , sont :
8 bipartitus. Caulibus interruptis, bipartitis. Chasseron.
+ robustus. Caule crasso simplici, capsula minore. Chasseral.
à erythropus. Caule flaccido , seta longissima, capsula rubella macilenta. Dicranum
erythropum (Chaillet). Croiît dans les bois.
: palustris. Priori similis sed in omnibus partibus robustior. Marais.
£ stellatus. Caulibus brevissimis, seta longissima , capsulà nigra.
» alpinus. Cœspitoso-compactus. Caule brevi. Le Brunig.
3 julaceus. Caule brevi, foliis undique appressis, capsulà ovata suberecta. Chasseron.
TREMATODON BREVICOLLIS Br. et Schp. — Les hautes Alpes. Sommet du Faulhorn
(Mhinb.). Alpes du Valais (Schl.). Été.
TREMATODON AMBIGUUS Schw. — Dicranum ambiquum Auct.—Mnium setaceum L.
— Se voit quelquefois aux Alpes. Le Grimsel (Mhlnb.). Plus souvent dans la plaine.
Environs de Soleure, de Berne, etc. (Schp.) — (Schl. cat.). Août.
DIDYMODONTEZÆ.
Dinymopox FLExIFOLIUS Smith. — Le Grimsel, lieux gazonnés. Sans fructification.
(Mhlnb.).
TOM. III. SOC. DE NEUCH. 5
PAR A
DipymonoN CAPILLAGEUS Schrad.—Dicranum capillaceum W. et M. — Cynodontium
capillaceum Schw. — Var. 8 compactus. — Didymodon distychus Schl. — Commun
aux rochers des Alpes et du haut Jura ; descend même dans les vallées. On le trouve
surtout en grande abondance aux rochers de Chasseron avec les var. à tiges plus ou
moins alongées, à feuilles comprimées ou étalées. Été.
TRICHOSTOMEZÆ.
DEsmaroDoN LarirocIuUs Brid. — Desmatodon brevicaulis Brid. — Trichostomum
latifolium Schw.— Trich. piliferum Smith. — Dicranum latifolium Hedw. — Var. &
muticus. — Desmatodon latifolius 8 muticus Brid. — Desm. glacialis Funk. — Commun
dans les Alpes. On le rencontre, mais plus rarement, sur les hauts sommets du Jura.
Sur la terre au bord des rochers, à Chasseron et à Chasseral. Été.
Var. & dans les hautes Alpes.
DESMATODON FLAVICANS Br. et Schp. — Didymodon flavicans Funk. — Var. # obtu-
sifolius Br. et Schp. — Didymodon oblongifolius Hook. — Barbula obtusifolia Sehw.
— Tortula humilis Hedw.— Les rochers des Alpes; le Faulhorn au Bach-Alp (Schp.).
Le Sentis (Mhlnb.). Été.
Le var. 8 dans les Alpes du Valais.
DESMATODON GERNUUS Br. et Schp. — Didymodon latifolius Wahl. — Cynodon lati-
folius Schwv. — Espèce très-rare et à peine reconnue en Suisse ; se rencontre surtout
sur le ciment calcaire des murs au dessus de la région des forêts. Route du Saint-
Bernard à la vallée d’Aost (Sonder.) — (Schl. cat.) sub Didymodon. Été.
Desmaropon Laurer: Br. et Schp. — Trichostomun Laureri Schultz. — Sommet
du Faulhorn près du chalet, avec le Trematodon brevicollis (Mhlnb.). Juillet.
TRICHOSTOMUM GLAUCESCENS Hedw.— Didymodon glaucescens VW. et M. — Fentes
des rochers, pentes abruptes et gazonnées des hauts pâturages des Alpes. Le Splugen,
la Gemmi, le Grindelwald (Mhlnb.). L’Albula, Zermatt (Moug., Mhinb.). Sommet du
Chasseral, seule localité où j'aie découvert cette espèce dans le Jura. Août.
TricuosTOmuM PALLIDUM Hedw. — Dicranum pallidum W. et M. — Didymodon
pall. de Not. — Sur la terre au bord des bois. Pentes du Chanet près de Neuchâtel
(Chaillet). Environs de Berthoud (Mæœrker ex herb. Schærer) — (Schl. cat.).
TRICHOSTOMUM HOMOMALLUM Br. et Schp. — Didymodon homomallum Hedw.—
W'eissiga heteromalla Hedw. — Grimmia heteromalla W. et M. — Herbier Chaillet,
— AE, à
sans localité. Cette mousse habite certainement la Suisse, car elle est commune dans
l'Europe moyenne sur la terre sablonneuse, au bord des chemins creux, ete.: il n'y
y encore cependant aucune localité bien reconnue. Eté.
TRICHOSTOMUM FLEXICAULE Br. et Schp. — Cynodontium flexicaule Schw. — Di-
dymodon flexicaule Brid.— Alpes et Jura. Nulle part plus commune que sur les roches
‘alcaires ombragées et un peu humides aux bords des bois dans les vallées du Jura.
Eté.
TRICHOSTOMUM TORTILE Schrad. — Didymodon tortile W. Arn. — Dicranum tortile
W.et M. — Var. pusillum Br. et Schp.— Trichostomum pusillum Hedw. — Didy-
modon pusillum Hedw.— Desmatodon curtus Brid. Bords des routes, pentes sablon-
neuses. La Vraconne près de Sainte-Croix, Jura, avec la var. 6. Septembre. —
(Schl. cat.).
TRICHOSTOMUM RIGIDULUM Turn. — Didymodon rigidulum Hedw. — Var. 8 densum
Br. et Schp. — Desmatodon rupestris Funk.— Sur les murs et les rochers , assez
commun et souvent confondu avec la Weissia eurvirostra ou la Barbula fallax. Au-
tomne. Var. dans les Alpes. Été.
TRicHosTOMUM CRISPULUM Br. et Schp. — Près du glacier supérieur du Grindelwald
(Schp.). Été.
TRICHOSTOMUM TOPHACEUM Brch. — Aux environs de Genève (Schl.). Été.
BarBuza RIGIDA Schultz. — Tortula enervis Hook et Tayl. — Sur les pierres, les
roches calcaires , la terre sablonneuse, dans les lieux chauds. Murs à Tusis (Schp.).
Environs de Neuchâtel. Été.
BARBULA ALOIDES Brch. — Trichostomum aloides Koch. — Terre argileuse sur les
murs (Thom. ex. herb. Schærer). Été.
BARBULA AmBIGUA Br. et Schp.— Tortula ambiqua Tayl. — Tortula rigida Schw.
— Sol arenacé argileux (Thom. ex. herb. Schærer), sous le nom de B. brevirostris.
La vraie B. brevirostris n’a été observée qu’en Angleterre et en Suède (Schp.).
BARBULA MEMBRANIFOLIA Schultz. — Tortula membranifolia Hock.— Sur les murs
de Vevay, de Genève, de Bex, etc. , (Braun, Schp., Mhlnb.). Très-répandue en général
sur les bords du Léman. Été.
BARBULA UNGUICULATA Hedw.— Tortula unguiculata Hook et Tayl. — Tortula
mucronulata Sm.— Var. 6 cuspidata Br. et Schp. — Barbula cuspidata Schultz. —
Fortula mucronulata Swartz. — Var. ; apiculata Br. et Schp. — Barbula apiculata
es ‘be
Hedw.— Var. ÿ microcarpa Br. et Schp. — Barbula microcarpa Schultz. — Var. :
obtusifolia Br. et Schp. — Barbuta obtusifolia Schultz. — Var. 5 fastigiata Br. et Schp.
— Barbulata fastigiata Schultz. — Partout sur les murs , les rochers , au bord des
routes, dans les champs sablonneux. Printemps, Été. Varie à l'infini.
Var. £ les murs du Val-de-Travers.
Var. ; Chasseron.
Var. 5 sur la marne au Chatelu , près de la Brévine.
Var. « (Thom. ex. herb. Schærer).
Var. # Dans les Alpes (Schp.).
BARBULA PALUDOSA Schw.— Barbula crocea Brid. — Tortula paludosa Hook et
Tayl. — Alpes et sous Alpes, sur les rochers humides. Vallée de Bagnes (Schl. Th.).
Pfeffers (Schp.). Le Stockhorn (Schærer). Forêt de Bremgarten près de Berne
(Schuttleworth). La Poita-Raisse près de Fleurier. Été. à
BaRBuLA GRACIUS Schw.— Tortula gracilis Hook et Tayl. — Lieux calcaires et
argileux. Été. Genève (Reuter). (Thom. ex. herb. Schærer).
BarBuLA FALLAx Hedw. — Tortula imberbis Smith. — Var. &8 brevicaulis Br. et
Schp. — Barbula brevicaulis Schl. — Var. > barbata. — Barbula barbata Sm.— Les
vieux murs, les rochers, les collines calcaires. Partout. Automne et hiver. Varie
beaucoup.
Var. 8 (Schl. cat.).
Var. ; (Schl. cat.).
BARBULA INCLINATA Schw. — Barbula nervosa Brid. — Tortula inclinata Hook et
Tayl. — Croit sur les côteaux calcaires et dans les chemins herbeux des montagnes.
Assez commune au Val-de-Travers. Mai.
BarBuLA ToRTuosa W. et M. — Tortula tortuosa Hook et Tayl. — Pierres et ro-
chers humides dans les bois. Fructifie abondamment dans toutes les vallées du Jura.
Fin de l’Été.
BARBULA REVOLUTA Schw. — Tortula revoluta Hook et Tayl. — Les murs chauds
(Thom. ex. herb. Schærer). Printems.
Barpuza HornscHucaiANA Schultz. — Barbula revoluta 8 Hornschuchiana Brid.
— Tortula revoluta Hook et Tayl. — (Schl. cat.). (Thom. ex. herb. Schærer).
Printems.
BAarBuLA CoNvOLUTA Hedw. — Tortula convoluta Hook et Tayl. — Sur la terre
remuée des forêts, au bord des routes près des bois. Commune dans le Jura. Été.
—_ ET ——
BarguLa FLAVIPES Br. et Schp. — Trouvée près du lac de Côme et dans d’autres
localités du Tyrol; doit aussi exister dans les Alpes calcaires de la Suisse, région des
forêts. Été. (Schp.).
BareuLzAa cuxerroLIA Hook. et Tayl.— Barbula Dicksoniana Schultz.— Tortula spa-
tulæfolia de Not. — Terre argileuse au bord des fossés humides (Thom. ex herb.
Schærer). Mai.—M. Schimper pense que ce sont des échantillons de la Corse, et ne
croit pas celle espèce indigène en Suisse.
Barpuza muraus Hedw.— Tortula muralis Hook. et Tayl. — Bryum murale L.
— Var. 8 incana Br. et Schp.— Var. ; æstiva Br. et Schp. — Barbula æstiva Schultz.
—Var. à rupestris Br. et Schp.— Les murs, les pierres, les rochers, les toits ; partout
au Printems.
Var. & sur les murs chauds. A Saint-Sulpice et ailleurs.
Var. , rochers humides. Gorges du Seyon près de Neuchâtel.
Var. 5 fentes humides des rochers de Chasseron en Septembre.
BarBuLA suBULATA Brid. — Tortula subulata Hedw.— Syntrichia subulata W. et
M. — Les racines des arbres, les murs humides, les rochers et les pierres. Été.
BARBULA MUCRONIFOLIA Schw. — Tortula mucronifolia M. — Syntrichia mucroni-
folia Schultz. — Rochers couverts de terre humide dans les Alpes et sur le haut Jura.
Via-Mala sur les bords du chemin (Schp.). Le Sentis (Mblnb.). Sous les rochers de
Chasseron. Été.
BarBuLA LAvIPILA Br. et Schp. — Syntrichia lœvipila Brid. — Tortula lœvipila
Schw.— Tortula ruralis var. lœvipila Hook. — Les arbres champêtres (Thom. ex
herb. Schærer). Trouvée quelquefois au Val-de-Travers et dans les vallées du Jura.
Été.
BarBuLA ACIPHYLLA Br. et Schp. — Tortula ruralis alpina de Not. — Commune
sur les pierres et les murs aux endroits neigeux des hautes montagnes et dans les
enfoncemens humides. Région de l’Anemone alpina. La Gemmi, Zermatt, etc.
(Mhlnb., Moug.). Chasseron et Chasseral. Août.
BareuLA RuRALIS Hedw.— Tortula ruralis Schw.— Syntrichia ruralis W. et M.
— Var. 8 rupestris Br. et Schp.).— Syntrichia intermedia Brid.— Les troncs d'arbres,
les toits, les murs, les pierres. Printems.
Var. £ sur la terre au haut des roches du Creux-du-Vent. Juillet.
TOM. III. SOC. DE NEUCH. 6
CR :
ENCALYPTEÆ.
ENcALYPTA coMMUTATA Nees et H. — Encalypta affinis Hueb. — Encalypta alpina
Vahl. — Rare. Fentes des rochers des hautes Alpes sur la terre nue. La Gemmi
(Mhlnb.). Zermatt (Mhlnb., Moug.). — (Thom. ex herb. Schærer). Observé très-
rarement dans le Jura, au sommet de Chasseron. Été.
ExcarvprA vuLGaRIS Hedw.— Encalypta extinctoria Swartz. — Bryum extincto-
rium L. — Var. 8 apiculata Br. et Schp. — Var. > obtusa Br. et Schp. — Encalypta
vulgaris ; obtusa Nees et H. — Encalypta vulgaris ; mutica Brid.— Encalypta obtu-
sifolia et lœvigata Funk. — Var. : pilifera Br. et Schp. — Encalypta pilifera Funk.
— Sur les rochers, aux bords des routes, sur la terre des murs, ete. Commun. Été.
Var. 8 ordinairement sur les murs.
Var. ; sur les rochers du Val-de-Travers. Environs de Fleurier, Chasseron, etc. Été.
Var. : sur les rochers chauds du haut Jura. La roche de la Brande près de Fleu-
rieur, etc. Été.
ENCALYPTA RHABDOCARPA Schw. — Encalypta affinis Hedw. fil. — Sommets des
Alpes et sous-Alpes. La Gemmi, le Grimsel, etc. Abonde sur les hauts sommets du
Jura. Chasseron, Chasseral, le Creux-du-Vent, le Weissenstein. Juillet, Août.
ExcazypTa cinATA Hedw.— Encalypta fimbriata Brid. — Régions montueuses
sur la terre légère qui couvre les rochers humides. Bords des chemins-creux om-
bragés. Alpes et Jura. Été.
ExcaLzyprA APOPHYSATA N. et H.— Encalypta cylindrica Nees.— Les hautes Alpes.
Très-commun à la Gemmi, l’Albula (Schp., Mhlnb., Moug.). Très-rare dans le Jura.
Sommet de Chasseron. Été.
ENCALYPTA LONGICOLLIS Br. et Schp.— Hautes Alpes. Le Splügen (Mhlnb.). La
Gemmi (Schp.). Très-rare. Été.
ENCALYPTA STREPTOCARPA Hedw. — Encalypta grandis Swartz. — Les murs, les
rochers humides, la terre calcaire et rocailleuse sur les pentes abruptes dans les bois.
Plus commun dans le Jura que dans les Alpes. Abonde au Val-de-Travers. Été.
ZYGODONTEZÆ.
Zxeopox Lapponicus Br. et Schp. — Anæctangium lapponicum Hedw.— Gymno-
stomum lapponicum Hedw.— Gymnostomum striatum Brid. — Fentes des rochers
dans les Alpes. La Wengern-Alp (Mhlnb.) (Schl. cat. sub Anæctangio). Été.
2, Lu
Zxcopox coxomeus Schw.— Æmphidium pulvinatum Nees. — Gymnocephalus co-
noïdeus Schw.— Tronces d'arbres. Très-rare en Suisse. (Thom. ex herb. Schærer).
Zxcopox rorquarus Br. et Schp.—Grimmia torquata Auct.— Hautes Alpes, fentes
des rochers. Le Grimsel, la Gemmi, le Splugen ; toujours stérile (Schp.).
ORTHOTHRICHEZÆ.
ORTHOTARICUM OBTUSIFOLIUM Schrad. — W'eissia obtusifolia Roth. — Les troncs
des arbres champêtres , peupliers , saules , tilleuls. Abonde au Val-de-Travers, en
fructifications ; fin Mai.
Onraormmicum cupuzaTuM Hoffm.— Orthothricum urceolatum Schl. — Brachytri-
chum wrceolatum Rœhl. — Weissia urceolata Roth. — Var. £ capsula emersa. —
Orthothricum Rudolphianum Lehm.—Orthothricum Floërkii Hrnsch.—Var. ; calyp-
tra nuda.— Orthothricum nudum Smith. — Orthothricum cupulatum var. riparium
Hueb. — Les rochers, les murs, les digues en bois ou en pierre près des rivières.
Fructifie tout l'Eté.
Var. # sur les rochers humides près des sources. Source de là Reuse, Longeaï-
gue , etc. Val-de-Travers. Juin.
Var. >. Bords de la Reuse, attaché aux pierres arrosées ou aux vieilles digues en
bois. Eté.
Orraoraricum Srurmn H. et H. — N'est pas rare sur les rochers des montagnes,
surtout sur les granits roulés du Jura. Mai.
ORTHOTHRICUM RUPESTRE Schl.—Var. £ caule elongato.—Orthothricum Schelmeyeri
Hrnsch. — Rochers des Alpes ( Schl. cat.). Granits roulés du Jura, assez rare. Sur
les granits de Noiraigue avec la var. 8. Eté.
ORTHOTHRICUM PUMILUM Schw.— Orthothricum affine 8 pumilum Hook. et Tayl.—
Les arbres champêtres, surtout les peupliers. Mai.
ORTHOTHRICUM FALLAxX Brch. — Mèmes localités que le précédent, auquel il est
souvent mêlé, Mai.
ORTHOTHRICUM TENELLUM Brch.— Les troncs des arbres champêtres, plus rare que
les deux précédents. Juin (°).
{) Ces trois espèces sont fort difficiles à distinguer les unes des autres, et malgré les beaux et nombreux
exemplaires que je dois à la générosité de M. Schimper, je croirais volontiers encore que les caractères qui
dis GB mé
OrraoraricuM Rocert Brid. — Trouvé dans le Jura sur de jeunes hèêtres et com-
muniqué à Bridel par Roger. Cette espèce peu connue et mal décrite, a été retrouvée
dans ces derniers temps en Angleterre, par Spruce, et en Amérique, par Drummond.
OrraorRiCUM PATENS Brch. — Orthothricum affine & macrocoleon Brid. — Les
buissons, les arbres champêtres et sylvestres , les jeunes hêtres. Peu commun. Bords
des bois près de Lignières, Jura. Eté.
ORTHOTHRICUM FASTIGIATUM Breh.—Orthothrieum affine Schw.—Les arbres cham-
pêtres, surtout les peupliers. N'est pas rare dans les vallées du Jura. Mai.
ORTHOTHRICUM AFFINE Schrad. — Weissia affinis et octoblepharis Roth. — Très-
commun sur les arbres, les buissons , dans les bois ; quelquefois même sur les pierres.
Juillet.
ORTHOTHRICUM spECIOSUM Nees.— Arbres champêtres et sylvestres, dans la plaine
et sur les montagnes. Souvent même sur les granits roulés du Jura. Eté.
ORTHOTHRICUM STRAMINEUM Hrnsch. — Orthothricum alpestre Hrnsch. — Troncs
des arbres et surtout des jeunes hètres dans les régions montueuses. Sur les hêtres
et les érables du haut Jura. Creux-du-Vent, Roche-Bulon, etc. Eté.
OrraorariIcuM PALLENS Brch. — Dans les haies aux environs de Fleurier, sur le
Prunus spinosa. Rare. Juin et juillet.
ORTHOTHRICUM DIAPHANUM Schrad. — Orthothricum aristatum Turn. — Weissia
diaphana Roth.— Les arbres champêtres, les buissons, parfois même sur les pierres.
Abonde surtout dans la région des vignes. Neuchâtel, etc. Rare dans les vallées du
Jura. Mars, Avril.
ORTHOTHRICUM RIVULARE Turn.—Rochers au bord des ruisseaux. (Thom. ex herb.
Schærer). Juin.
ORTHOTHRICUM URNIGERUM Myrin. — Roffla, Splugen. (Schp.). Eté.
Orraoraricum Lyezcn Hook. — Troncs et rameaux des arbres dans les forêts,
rare. (Thom. ex herb. Schærer). Haut Jura. Environs de la Côte-aux-Fées. Eté.
ORTHOTRRICUM LEIOCARPON Br. et Schp.— Orthothrieum striatum Hedw.— W'eissia
striata Roth. — Abondant sur les arbres des forêts dans les montagnes. Quelquefois
sur les pierres et les rochers. Varie dans le haut Jura, à capsules très-petites. Juin.
les séparent et qui ont paru constants aux auteurs de la Bryol. d'Europe, sont dus à l'influence des localités.
Je trouve au Val-de-Travers, où ces formes sont communes, des intermédiaires qui semblent appartenir aux
trois espèces en même temps.
= OÙ
ORTHOTHRIGUM ANOMALUM Hedw.— Orthothrieum aureum Mart. — Orthothrieum
sawatile Brid, — Commun sur les murs et les rochers. Varie suivant l'exposition plus
ou moins humide, L’'Orthothricum lumile de Schl. est une petite forme de cette
espèce.
OrruormmicuM NIGRITUM Br. et Schp. — Sur les rochers de Rôffla au Splugen, par
Alex. Braun; n’a pas été retrouvé depuis. Été.
OnraoramicuM cuRvironuM Whlnb.— Se trouve au Tyrol, contre les blocs de
granit dans les vallées alpines, doit se rencontrer aussi en Suisse (Schp.). Été.
Orraoruricum Lupwien Schw.— Orthothricum clausum Hrnsch.— Ulota Ludiwiqii
Brid. — Sur les arbrisseaux des forêts, les jeunes hêtres, les noisetiers, etc. Commun
dans le Jura , à la fin de l’Été.
Orraoraricum Hurcmnsia Hook. et Tayl.— Orthothricum americanum Schw.—
Orthothricum strictum Brid. — Rochers des Alpes. Dans le Jura, contre les granits
roulés. Assez commun au Val-de-Travers, à Provence, etc. Juillet. Espèce peu
répandue.
ORTHOTHRICUM COARCTATUM Pal. Beauv.— Ulota Bruchii Brid. — Les branches
des sapins dans les forêts des montagnes. Août.
ORTHOTHRICUM CrRisPUM Hedw. — Ulota crispa Brid. — Troncs des arbres et
rameaux dans les forêts. Rarement sur les granits roulés du Jura. Automne.
ORTHOTARICUM CRisPULUM Hrnsch. — Orthothricum crispum £ minus Schw. —
Ulota crispula Brid. — Arbres des forêts, surtout sur les hêtres dans la région des
pâturages. Fructifie abondamment dans le haut Jura. Juin.
PrycnomrrRium pozypayzLuM Br. et Schp. — Trichostomum polyphyllum Schw.
— Dicranum polyphyllum Smith. — Racomitrium polyphyllum Brid. — Rochers des
Alpes (Schl. cat.). Forêts du Faulhorn (Mhlnb.). Été.
GRIMMIACEZÆ.
Coscrxonon PuLvINATUS Sprgl. — Grimmia cribrosa Hedw. — Rochers des Alpes.
Le val de Saas (Mhinb. Moug.). (Schl. cat.). (Thomas ex herb. Schærer). Été.
HepwiGiA cLiATA auct. — Anæctangium ciliatum Schw.— Schistidium ciliatum
Brid. — Gymnostomun Hedwigii Br. et Schp. — Var. 8 nudum. — Commun sur
les rochers granitiques. Granits roulés du Jura. Été.
Var. & dans les mêmes lieux mais plus rare.
“1
TOM. III. SOC. DE NEUCH.
— 90 —
SCHISTIDIUM PULVINATUM Brid. — Gymnostomum pulvinatum Hedw.— Ancæctan-
dium pulvinatum Arn.—Roger l’a trouvé à la Dôle sur les pierres (Brid.).—Les Alpes
(de Not.). (Schl. cat.). Juillet. Les échantillons de Schl. appartiennent en partie au
Grimmia anodon de Br. et Schp.
SCHISTIDIUM APOCARPUM Br. et Schp. — Grimmia apocarpa auct. — Bryum apo-
carpum L.— Var. 8 gracilis. — Grinmia gracilis Schl. — Var. > pilifera.— Grimmia
apocarpa incana Hueb.— Var. 5 atra. — Grimmia apocarpa Helvetica Hueb. —Var.
< rivularis. — Grimmia rivularis Brid. — Partout sur les pierres calcaires et grani-
tiques, les murs, etc. Été.
Var. & dans les lieux secs des Alpes et du Jura. Les blocs calcaires au fond du
Creux-du-Vent.
Var. > les rochers des Alpes et du haut Jura. Chasseron.
Var. à rochers humides de Chasseron.
Var. : sur les pierres humides près des sources , au bord des rivières et des ruis-
seaux. Val-de-Travers, source de la Reuse, etc.
Cette espèce polymorphe se transforme encore en un grand nombre d’autres va-
riétés que les Bryologues distinguent à peine.
SCHISTIDIUM CONFERTUM Br. et Schp. — Grimmia conferta Funk. — Grimmia
apocarpa < conferta Sprgl. — Sur les pierres et les rochers, beaucoup plus rare que
la précédente. Granits roulés de Provence, Jura. Été.
GRIMMIA ANODON Br. et Schp. — Sur les rochers du Valais (Schl.).
GRIMMIA CRINITA Brid. — Grimmia plagiopodia 8 Schl. Hedw. — Gymnostomum
decipiens W. et M. — Les murs des vignes dans les contrées chaudes. Environs de
Lausanne et de Nyon. Très-commune autour de Neuchâtel. Juin.
GRIMMIA OBTUSA Schw.— Grimmia Donniana Smith. — Grimmia sudetica Schw.
— Les Alpes. Très-rarement au-dessus de la région des forêts (Schp.) La Valteline
(de Not.). — (Schl. cat.). Été.
GRIMMIA SULCATA (Sauter). — Cette espèce, assez abondante au col de Stelvio,
doit, suivant M. Schimper, se trouver aussi sur les hautes Alpes de la Suisse. Elle se
confond facilement avec le Grimmia alpestris (Schp.).
GrImmIA OVATA W. et M.— Var. 8 submutica.— Grimmia ovata : cylindrica Hueb.
— Grimmia cylindrica Nees et H. — Les roches granitiques des Alpes (Schl. cat.).
Sur les granits roulés du Jura, très-rare. Blocs erratiques de Provence. Fin de l'Été.
‘=
La var. 4 dans les hautes Alpes (Thom. ex herb, Schærer).
GrimmiA commurATA Hueb.— Dicranum ovale commutatum Funk.— Dryptodon
ovale Brid. — Var. 8 ventricosa. — Grimmia ventricosa Schl. — Var. ; microcarpa.
— Granits des Alpes et du Jura, assez fréquemment (Schl. cat.). Rochers des Plans
près de Neuchâtel (Chaillet). Granits du Mont-Borgeais, Jura. Printemps.
Var. 8 citée par Schl.
Var. > sur les blocs errratiques de Rio, Val-de-Travers. Mai.
GrimmiA unICOLON Hook. — Rochers humides du Roffla au Splügen (Schp.). Été.
GRIMMIA LEUCOPHAEA Grew. — Grimmia lœvigata Brid. — (Incerta civis). Les
échantillons de l'herbier de M. Schærer portent l'étiquette : Charpentier, de l'herb.
Schl. Cette mousse est assez commune dans les Vosges sur le grès rouge, et aux
environs de Heidelberg (Moug. Stirpes Crypt. 813).
GrimmiA orBicuzarIs Br. et Schp. — Grimmia africana Brid. — Grimmia pulvi-
nata 8 obtusa Hueb. — Dryptodon obtusus Brid. — Abondant sur les pierres calcaires
et sur les murs dans tout le vignoble du lac de Neuchâtel. Lieux chauds de toute la
Suisse. Avril.
GRIMMIA PULVINATA Sm.— Dicranum pulvinatum Sw.—Dryptodon pulvinatus Brid.
— Commun partout, sur les pierres, les roches calcaires et granitiques, les murs, les
toits, ete. Varie beaucoup sur la longueur et la couleur des poils des feuilles. Été.
GRIMMIA TRICHOPHYLLA Grew. — Dryptodon trichophyllus Brid. — Dryptodon
Schultzii Brid. — Grimmia Schultzii Hueb.— Rare en Suisse. Blocs erratiques du
Jura. Granits de Noiraigue et de Rio, où il fructifie rarement. Mai. Les tiges stériles
de cette mousse s’allongent beaucoup, se courbent au sommet et dans cet état peuvent
facilement se confondre avec celles du Dryptodon sudeticum.
GrimmiA ELATIOR Br. et Schp. — Racomitrium incurvum Hueb. — Les rochers des
hautes Alpes. Été. (Schp.). (Thom. ex herb. Schærer). Granits roulés des OEillons,
Jura. Très-rare dans le Jura.
GrimmiA FuxauIS Br. et Schp. — Dryptodon funalis Brid. — Racomitrium funale
Hueb. — Granits roulés du Jura, rare. Noiraigue. Juin.
GrimmiA mNCuRvA Schw. — Forêts de Stelvio (Trafoi). N’a pas encore été observé
en Suisse, mais doit y exister (Schp.).
GrimmIA sprRALIS Grew.—Les hautes Alpes (Schp.). La Wengern-Alp, richement
fructifié (Mhlnb.). Roches chaudes et perpendiculaires du Val-de-Travers, la Roche
de la Brande, sans fructification. Rare. Été.
LE Le
Drypronon pATENs Brid. — Grimimia areuata de Not. — Trichostomum nudum
Schl. — Campylopus patens Dicks. — Trichostomum patens Schw. — Le Grimsel
(Haller.) (Schl. cat.) (Thomas ex herb. Schærer). Les rochers du Grimsel (Schærer).
Été.
Drypropon supericus Brid. — Grümmia sudetica Schw.— Trichostomum sudeticum
Hedw.— Racomitrium sudeticum Auct. Rochers humides des Alpes (Schl. cat.). Le
Gothard (Mhinb.). Le Schreckhorn (Desor). Le Grimsel (Schærer). Juillet. J'ai observé
cette espèce sur un bloc de granit au-dessus de Saint-Sulpice, Jura. Mais sans fructif.
Daypropon ACICULARIS Br. et Schp. — Racomitrium aciculare Auct. — Trichosto-
mum aciculare Schw.— Dicranum aciculare Lam.— Rochers humides près des
ruisseaux des Alpes. (Schl. cat.). (Thom. ex herb. Schærer). Été.
RacomITRIUM PROTENSUM Braun. — Racomitrium cataractarum Brid. — Rochers
humides des Alpes. Été. (Thom. ex herb. Schærer.)
RacomrTRIUM FAsCICULARE Brid.— Trichostomum fasciculare (Schrad.). —Rochers
des Alpes ; Brunig, Storegg (Godet). (Schl. cat.). (Thom. ex herb. Schærer). Été.
RacomiTRIUM MICROCARPON Brid.— Trichostomum microcarpon Schrad.—Rochers
des hautes Alpes. La Handeck (Mærker), (Schærer) (Schl. eat.). Été.
RacomrrRIumM mererosriCauM Brid. — Trichostomun heterostichum Schultz.— Var.
6 affine. — Trichostomum affine Schl. — Schleicher le premier a trouvé cette espèce
sur les rochers des Alpes. On la rencontre, mais très-rare, sur les blocs erratiques
du Jura. Noiraigue. Été. |
Var. 8 dans les Alpes (Schl. cat.).
RacomITRIUM CANESCENS Brid. — Trichostomum canescens Schultz. — Var. & eri-
coïdes.— Trichostomum ericoïdes Schw.— Les champs, les prés secs.— Très-commun
dans les pâturages du haut Jura où il couvre de vastes surfaces. Été.
Var. e sur les marnes humides, dans les chemins creux, etc. Au Mont-Borgeais,
Jura. Été.
RACOMITRIUM LANUGINOSUM Brid. — Trichostomum lanuginosum Auct. Sur la terre
et les rochers dans les bois. La Scheideck (Schl. cat.). Dans l’herbier Chaillet comme
plante neuchâteloise, sans localité. Été.
RIPARIACEZÆ.
Cincriporus FONTINALOIDES Pal. Beauv.— Trichostomum fontinaloides Hedw.—
Source des rivières ; ruisseaux calcaires. Très-comraun dans le Jura. Eté.
0 »
Cnczmorus riPaRIUS Br. et Schp.— Trichostomum riparium W,. et M.— Raco-
mitrium riparium Brid.—Dans la Birse (Schp.). Dans le Lavançon en deçà de Bex
(Schl.). Moulins de la ville de Bienne (Schp.). Été.
Cnezmorus AQuATICUS Br. et Schp. — Hedwigia aquatica Hedw. — Gymnosto-
mum aquaticum Brid. — Anæctangium aquaticum Schwv.— Le lit des ruisseaux des
montagnes, dans les eaux très-courantes, près des sources. La Serrière (Chaillet).
Abonde dans la Reuse au-dessus de Saint-Sulpice. Été.
FONTINALEZÆ.
Fonriazis squaAmosA L.—Ruisseaux. J’en ai reçu un petit échantillon provenant
de l’embouchure de la Reuse près de Boudry (Chapuis). C’est la seule localité ob-
servée jusqu'ici en Suisse.
FoNTINALIS ANTIPYRETICA L.— Partout dans les eaux courantes et même stagnantes.
Printems.
TETRAPHIDEZÆ.
TerroponTIum Brownianum Dicks. — Tetraphis Browniana et ovata Brid. —
Tetraphis ovata Funk. — (Suspecta civis). Cette petite plante croit sur les roches
arénacées et granitiques d’Ecosse, d'Irlande, d'Allemagne. Elle est citée dans le ca-
talogue de Schleicher.
Terrapmis PELLUCIDA Hedw.— Tetraphis cylindrica Funk. — Georgia mnemosyne
Ehrh. — Croit sur les vieux troncs pourris, dans les forêts sombres et humides.
Printems.
SCHISTOSTEGEZÆ.
SCHISTOSTEGA OSMUNDACEA W. et M.— Gymnostomum pennatum Hedw.— Dicksonia
pumila Ehrh.— Terre arénacée dans les grottes (très-rare). Cette espèce, citée aussi
par Schleicher , n’a été vue en Suisse par aucun autre botaniste.
FISSIDENTEZÆ.
Fissrexs BRvoIDESs W. et M. — Fissidens exilis Hedw. — Les lieux ombragés, sur
les pierres, au bord des routes, dans les haies et les forêts (Schl. cat.). Quelques
grottes ou cavités rocheuses du Jura. Val-de-Travers, etc. Printems.
Fissinexs mncuRvUS Stark.— Fissidens tamarindifolius Brid. — Dicranum tamarin-
difolium Turn. — Dicranum incurvum W. et M. — Mèmes localités que la précédente
(Schl. cat.). Val-de-Travers. Rare dans le Jura. Printems.
TOM. III. SOC. DE NEUCH. 8
Fissinens TAxIFOLIUS Hedw. — Dicranum taxifolium W. et M. — Sur la terre dans
les bois, les lieux ombragés et un peu humides. Commun. Automne.
Fissnens osmunpornes Hedw. — Dicranum osmundoides W. et M. — Dicranum
bryoides var. elongatum W. et M. — Var. & microcarpus. — Prés marécageux et
tourbeux dans le Valais et le territoire de Genève (Schl. Thom.). Été.
Var. e dans les endroits plus humides des mêmes localités (Schl. Thom.). J'ai trouvé
cette jolie variété sous les rochers inondés du Cret près de Neuchâtel, sans fructif.
FissIDENS ADIANTHOIDES Hedw.— Dicranum adianthoides W. et M. — Sur la terre,
les vieux murs, les racines des arbres, les fentes des rochers humides, dans les forêts
et les lieux ombragés. Assez commun dans le Jura. Été.
SPLACHNACEZÆ,
SPLACHNUM AMPULLACEUM L. — Splachnum Turnerianum Dick. — Bryum ampul-
laceum L. — Les tourbières (Schl. cat.). Marais tourbeux du haut Jura, sur les fu-
miers des vaches. Les Ponts, la Vraconne, rare. Août.
SPLACHNUM SPHAERICUM Hedw.— Splachnum gracile W. et M.—Splachnum ova-
tum Hedw.— Fumier des vaches dans les lieux ombragés et humides des Alpes. Le
Grimsel, le Saint-Gothard, la Gemmi, l’Albula, etc., etc. Août.
TETRAPLODON URCEOLATUS Br. et Schp.— Splachnum urceolatum Auct. — Sur le
fumier des vaches dans les plus hautes Alpes (Schp.). L’Albula (Mhlnb., Moug.). Le
Faulhorn (Schp.). Été.
TETRAPLODON MNIOIDES Br. et Schp. — Splachnum mnioides Hedw. — Splachnum
arcticum Rob. Brown. — Splachnum Adamsianum Schw. — Lieux humides sur les
excrémens, les décompositions animales, dans les Alpes (Schp.). La Gemmi (Mhlnb.).
— Schl. cat. Juin.
TETRAPLODON ANGUSTATUS Br. et Schp.—Splachnum angustatum Lin. fil. — Splach-
num setaceum Mich. — Les Alpes, sur les substances animales en décomposition.
Vallée de Gastern (Schp.). La Gemmi sur des excrémens de renard (Mhlnb.). Août.
TAYLORIA SPLACHNOIDES Hook.— Hookeria splachnoides Schl. — Hookeria acumi-
nata Schl. — Var. 8 obtusa. — Raineria splachnoides de Not. — Forêts des Alpes et
du haut Jura sur les matières animales décomposées et la terre noire des troncs
renversés. Le Splügen, Zermatt, le Faulhorn, la Gemmi, le Simplon, etc. (Schp.
Mhinb., Moug.).
— É —
Var. 8 sur des éxcrémens humains à LaVaux près de Fleurier. Très-rare. Août.
Tayzonra serRATA Br. et Schp.— 4plodon serratus Nees et H.— Splachnum serra-
tum Hedw.—Var. 8 flagellaris.—Splachnum flagellare Brid.—Splachnum helveticum
Schl. — Splachnum serratum Schw.— Var. ; tenuis. — Splachnum tenue Auct. Alpes
et sous-Alpes sur les plantes en décomposition et les vieux fumiers des vaches. Forêts
de la Wengern-Alp et de Rosenlaui (Mhlnb.). Zermatt (Moug., Mhlnb.). Le Splügen,
le val d’Avers, le Faulhorn, etc. (Schp., Mhlnb., Blind.). Sous les rochers de Chas-
seral (Chaillet). Sur les troncs pourris à la fruitière de Buttes et à LaVaux, Jura. Été.
Var. set > dans les Alpes (Schl. cat.).
DissopoN sPLACHNOIDES Grew.— Eremodon splachnoides Brid. — Cyrtodon splach-
noides Rob. Brown. — Weissia splachnoides Schw.— Weissia turbinata Drum. —
Lieux marécageux et froids des Alpes. Gazons humides du Splügen (Schp.). La
Wengern-Alp (Mhlnb.). Le Faulhorn (Mhlnb.). Été.
Dissopon Früazicaianus Br. et Schp.—Splachnum Frühlichianum Auct.— Splach-
num reliculatum Swartz. — Sur la terre dans les Alpes au-dessus de la région des
forêts. La Gemmi, le Splügen, le Faulhorn (Schp. Mhlnb.). Zermatt (Moug., Mhlnb.).
(Schl. cat.). Été.
FUNARIACEZÆ,
PuysCOMITRIUM TETRAGONUM Br. et Schp. — Pyramidium tetragonum Brid. — Les
champs aux environs de Bâle (Nees ab Esenb. Bryol. Europ.). Très-rare. Cette
espèce, observée par Bridel près de Jena et par d’autres naturalistes en Allemagne,
est douteuse pour la Suisse.
PayscOMITRIUM FASCICULARE Brid. — Gymnostomum fasciculare Hedw. et Auct.
— Dans les champs argileux de toute la Suisse. Assez commun dans le Jura. Environs
de Vauxmarcus, les Verrières, etc. Mai.
PayscomrRIum AcumNATUM Br. et Schp. — Gymnostomum acuminatum Schl. —
Terre limonneuse du Valais, le long du Rhône, par Schleicher. N'a plus été revu
depuis.
PaysCOMITRIUM PYRIFORME Brid. — Gymnostomum pyriforme Hedw. et Auct. —
Poitia pyriformis Ehrh. — Les prés humides, les champs argileux de toute la Suisse,
surtout vers la plaine. Printems. Le Gymnostomum longifolium de Schl. en est à
peine une variété.
du ER us
FUNARIA HYBERNICA Hook. — Funaria Muhlenbergii W. et M. — Lieux arides.
Au vieux château près de Martigny (Schp.). Le mont Salève au Pas-de-l'Échelle
(Reuter, Mhlnb.). Juin.
Funaria MunzenserGn Turn. — Funaria calcarea Wabhl. — Très-rare en Suisse
et souvent confondu avec le précédent. M. Schimper l’a trouvé le long de la Tamina
dans les Grisons. J’en ai recueilli quelques rares échantillons sur le bord de la route
neuve entre Brot et Rochefort. Avril.
FunariA micROSTOMA Br. et Schp. — Le Splügen (Al. Braun). Le Gunkel dans les
Grisons (Mhinb., Moug.). Vatis, Grisons (Schp.). Été.
FUNARIA HYGROMETRICA Schreb. — Kœhlreuteria hygrometrica Hedw. — Funaria
montana Schl.— La plus commune des mousses, croit partout, à toutes les hauteurs,
mais se plait surtout dans les vieux fours à chaux ou à charbon ; partout où lon a
fait du feu ; murs et rochers humides , etc. Été.
La plus remarquable des innombrables variétés est la variété 8 patula souvent
mêlée à la forme normale.
MEESIACEZÆ,
AMBLYODON DEALBATUS Pal. Beauv. — Meesia dealbata Sw. Hedw. — Bryum
dealbatum Smith.— Marais des Alpes. Le Splügen, la Gemmi, Zermatt (Schp., Mhinb.,
Moug.). — (Schl. cat.). Été.
MeesiA uLIGINOsA Hedw.— Diplocomium uliginosum W. et M. — Amblyodon uli-
ginosus Pal. Beauv. — Bryum trichodes L. — Var. & alpina.— Meesia alpina Funk.
— Var. ; minor. — Meesia minor Brid. — Lieux humides , marais des montagnes.
Abonde aux marais des Verrières, Jura. Été.
Var. & lieux humides sur les rochers des Alpes et du Jura. Creux-du-Vent,
Chasseron, etc. Été.
Var. sommet des hautes Alpes. La Gemmi (Mhinb.). Été.
MEgsiA LONGISETA Hedw.— Diplocomium longisetum W. et M. —Var. g fluitans.—
Marais tourbeux. Nulle part plus abondant et en plus beaux exemplaires qu’au marais
des Sagnettes. Jura. Été.
Var. & dans les anciennes fosses tourbeuses.
Megsia rristicHA Br. et Schp.— Diplocomium tristichum Funk .— Souvent et long-
temps confondu avec le précédent dont il diffère cependant beaucoup. On rencontre
cette belle mousse assez rare, dans les marais tourbeux du Jura, surtout à la Vra-
conne près de Sainte-Croix, et à Bémont près de la Brévine. Juillet.
ND —
PALUDELLA SQUARROSA BRip, — Bryum squarrosum Hedw, — Orthopyzxis squar-
rosa Pal. Beauv. — Hypnum paludella W. et M. — Très-rare en Suisse et toujours
sans fructifications. Dans les plus hauts marais tourbeux du Jura. A la Vraconne
près de Sainte-Croix. Fructifie à la fin de l'Été dans les marais du Nord (!).
OREADEZÆ.
CATOSCOPIUM NIGRITUM Brid.—W'essia nigrita Hedw.— Grimmia nigrita Smith.
— Bryum nigritum Dicks. — Prairies spongieuses des montagnes. Assez commun
dans les Alpes. Le Splügen, la Gemmi (Schp., Mhlnb.). Les Alpes du Valais ; Zermatt
(Moug., Mblnb.). (Schl. cat.). Rare dans le Jura où elle a été observée par Chaillet.
Printems.
BARTRAMIEZÆ,
BARTRAMIA coNosromA Br. et Schp. — Conostomum boreale Sw.— Grimmia co-
nostoma Smitz. — Sommets des hautes Alpes. L’Albula (Hegetschweiler). Été. Très-
rare en fruits.
BARTRAMIA CALCAREA Br. et Schp. — Quelques ruisseaux calcaires des Alpes et
du Jura. Le Splügen (Br., Schp., Blind., Mhlnb.). Derrière la papéterie de Saint-
Sulpice, Jura. La Poita-Raisse près de Fleurier. Juillet.
BARTRAMIA FONTANA Sw. — Philonotis fontana Brid. — Mnium fontanum L. —
Bryum fontanum Swartz.— Var. 8 alpina Brid. — Var. ; falcata Br. et Schp.—Les
sources, les bords des ruisseaux , les prairies spongieuses. Commun. Juillet.
Var. & sur les sables et les graviers des torrens des Alpes et les moraines des
glaciers.
Var. ; bords des ruisseaux des Alpes et du Jura.
BARTRAMIA MARCHICA Sw. — Bartramia fontana 8 marchica Hook. — Philonotis
marchica Brid.—Mniun marchicum Hedw. — J'ai trouvé cette espèce très-rare au
bord des tourbières des Ponts, dans un fossé gazonné. Juillet.
Bartramia OEnerr W. et M, — Bartramia gracilis Flærk. — Var. 2 condensata
Brid. — Rochers des Alpes et du Jura. Très-commun sur les roches calcaires humides
et ombragées. Le haut Jura et les vallées basses. Été.
Var. 8 Chasseron et le Creux-du-Vent.
(2) C’est par erreur que M. Schimper a indiqué cette mousse comme ayant été trouvée par Chaillet dans les
marais des Ponts. Tous les échantillons de l'herbier Chaillet sont étrangers.
TOM. II. SOC. DE NEUCH. 9
"9 À
BARTRAMIA ITHYPHYLLA Brid. — Bartramia pomiformis Wabhl.— Les montagnes,
sur les rochers et la terre sablonneuse. Commun dans les Alpes, plus rare dans le
Jura. Chemins creux au-dessus de Boudry, avec le Diphyscium foliosum. La Vra-
conne. Été, Automne.
BarTRAMIA POMIFORMIS Hedw.— Var. £ crispa, major.—Sur la terre et les rochers
dans les lieux ombragés (Schl. cat.). Le Pilate, le Grimsel, l’Entlibuch (Schærer).
Roches de Courandlin, Jura. Été.
Var. 8 dans les mêmes lieux.
BarTRAMIA HaïLERIANA Hedw.— Bryum laterale Swartz. — Bryum norvegicum
Oed. — Alpes et sous-Alpes. Abonde dans le haut Jura sur les rochers humides et
perpendiculaires, souvent sur les troncs pourris. Juillet.
BARTRAMIA ARCUATA Hook. Observé pour la première fois sur le continent par
M. Hegetschweiler qui l’a trouvé stérile au Righi.
BRYACEZÆ.
AULACOMNIUM ANDROGYNUM Schw.— Gymnocephalus androgynus Schw.— Mnium
androgynum L.— Bryum androgynum Hedw. — Hypnum androgynum W. et M. —
Les bois arénacés et montueux (Thom. ex herb. Schærer). Cette espèce qui fructifie
très-rarement, a aussi été observée en Suisse par M. Schimper. Juin.
AULACOMNIUM PALUSTRE Schw. — Gymnocephalus palustre Schw. — Mnium pa-
lustre L. — Hypnum elodes W. et M. — Var. & èmbricatum Br. et Schp. — Var. 5
polycephalum Br. ét Schp. — Mnium polycephalum Brid. — Marais tourbeux des
Alpes et du Jura. Été.
Les var. 8 et ; dans les Alpes.
TIMMIA MEGAPOLITANA Hedw. — Timmia bavarica Hueb. — Timmia cucullata
Mich. — Habite les lieux frais dans les cavités, sous les rochers des Alpes et du Jura.
Assez rare. Le Faulhorn, la Gemmi, Zermatt, Chasseron, le Creux-du-Vent. Juillet.
Tiumia AuUSTRIACA Hedw.— Les Alpes, au pied des arbres et sur les rochers cou-
verts de terre. Le Branson près de Martigny (Thom.). Le Simplon, Zermatt (Mhlnb.,
Moug.). Observé une seule fois dans le Jura, sur les roches perpendiculaires de
Chasseron. Juillet.
Mnium HORNUM L. — Bryum polla horna Brid. — Citée dans le catalogue de Schl.
Cette belle mousse, commune en Allemagne, parait fort rare en Suisse. On l'y ren-
contre cependant vers le pied des Alpes (Schp.).
— ND
Mxium sprosum Schw.— Bryum spinosum Woit. — Les lieux ombragés des Alpes
et du haut Jura. Région des pâturages. Sous les hauts sapins où le bétail se retire.
Cette belle espèce est commune aux environs de Chasseron vers la limite des sapins.
Août, Septembre.
Mnium oRrHORHYNCHUM Brid.— Mnium serratum var. 8 Schw.— Var. & capsula
elongata. — Habite les Alpes et le Jura dans les lieux frais. Sous les rochers de
Chasseron, le torrent de la Poita-Raisse, etc. Août, Septembre.
Var. 8 bords du Sucre près de Couvet, Jura.
Mnium serRATUM Brid. — Bryum marginatum Dicks. — Hypnum marginatum W.
et M. — Lieux montueux, sur le sable et le limon des routes et des rivières; dans
les lieux ombragés. Abonde au bord de la Reuse, près de Noiraigue, sous les sapins.
Environs de Fleurier, etc. Aussi commun dans les Alpes. Juin.
Mnium LycopopiomEs Schw. — Observé par M. Schimper dans les Alpes de for-
mation micacée au Tyrol. Doit se trouver aussi dans la chaîne principale de la Suisse,
Val-de-Saas, de Saint-Nicolas, au pied du Simplon, etc. Il se distingue du Mnium
serralum par la capsule alongée, le port plus élancé et les feuilles à peine marginées
(Schp.).
Mnium sreLLARE Hedw.— Hypnum stellare W. et M. — Lieux ombragés humides,
sur la terre. Le Weissenstein (Schp.). Le Creux-du-Vent, le Champ-du-Moulin, Jura.
Assez rare. Juin.
Mxrum uNpuLATUM Hedw.— Bryum ligulatum Schreb. — Hypnum undulatum W.
et M. — Commun dans les lieux frais et ombragés, les haies, les bois. Juin.
Mxium cuspiparum Hedw. — Bryum cuspidatum Hook. et Tayl. — Hypnum aci-
phyllum W. et M. — Bords des bois, sur la terre et le sable dans les lieux humides.
Environs de Bienne (W. Andreæ). Près de Fleurier. Mai.
MniuM AFFINE Bland. — Mnium cuspidatum var. 8 Hedw. — Forêts du Jura, sur
la terre et les rochers humides. Avril, Mai.
Mnivm AFFINE MAsUS Br. et Schp. — Bords des ruisseaux dans les bois, dans les
gazons des marais. Environs de Fleurier. Marais des Verrières, Jura. Avril, Mai.
Mnium menrum Br. et Schp. — Mnium affine var. majus Hamp.— Les Alpes et le
Jura, rare. Le Splügen, le Simplon (Mhlnb.). LaVaux près de Fleurier (Schp.). Les
Raisses au Val-de-Travers. Mai.
— AR —
Mnium ROSTRATUM Schw. — Bryum rostratum Smith. — Hyprum rostratum W.
et M.— Sur la terre, les pierres, le sable dans les lieux ombragés. Assez commun.
Bords de la Reuse près de Noiraigue, avec le Mnium serratum et le Mnium medium.
Printems.
Mxium PuNcrATUM Hedw.— Mnium serpyllifolium Hoffm. — Bryum punctatum
Schreb, — Bois ombragés des montagnes, les sources, les lieux humides. Printems.
Été.
Mxium pseuno-puxcrATUM Br. et Schp. — Distinct du précédent par les fleurs her-
maphrodites, la capsule plus arrondie, plus molle, etc., croit dans les endroits
tourbeux du Tyrol, du Harz, de la Norvège; doit se trouver en Suisse (Schp.).
Mniun aymexopayzLomEes Hueb. — Le Splügen (Brch., Mhinb., Schpr.). Été.
Mniuu srverumM Br. Eur.— Cinclidium styqium Brid.— L’Albula (Hegetschweïler).
Le Splügen (Schp., Mhlnb.). Dans les endroits marécageux. Été.
Bryum AcummarTum Br. et Schp.— Pohlia acuminata Hoppe. — Var. 8 minus Br.
et Schp. — Pohlia minor Schl. — Var. > polyretum Br. et Schp.— Pohlia polyreta
H. et Hrnsch. — Var. à tenellum Br. et Schp. — Pohlia tenella H. et Hrnsch. —
Var. : arcuatum Br. et Schp. — Pohlia areuata H. et Hrnsch.— Alpes et sous-Alpes.
Août. Le Splügen (Mhlnb.).
Var. dans le Valais et la Savoie (Schl., Thom.). Les Alpes bernoises, le Faulhorn,
le Bachalp (Schp.). Les autres variétés également dans les Alpes suisses. Aucune
forme de cette espèce, non plus que des trois suivantes, n’appartient au Jura (°).
Bryum pozymorpaumM Br. et Schp. — Pohlia polymorpha Hoppe et Hrnsch. —
Var. 8 affine Br. et Schp. — Pohlia minor Brid. — Pohlia affinis H. et H. — Var. 5
gracile Br. et Schp. — Pohlia gracilis H. et H. — Var. : brachycarpum Br. et Schp.
— Pohlia brachycarpa H. et H.—Var. : 8 curvisetum Br. et Schp.— Meesia curviseta
Schw.— Alpes et sous-Alpes dans les fentes des rochers (Schp.) — (Schl., Thom.).
(1) Il est bon de faire observer aux jeunes Bryolôgues qu’ils ne doivent procéder à l'examen des Bryum
qu'avec la plus serupuleuse exactitude. La plupart des ‘espèces dece.genre sont extrêmement polymorphes,
et ce n’est qu’en les recueillant dans un grand nombre de localités, en comparant un grand nombre d'échantillons
à l'état de parfaite maturité, qu’il est possible de distinguer sûrement les formes qui appartiennent à une même
espèce. C’est en étudiant les magnifiques travaux de Schimper et Bruch sur ce beau genre, qu’on peut se faire
une idée du mérite de leur Bryologia Europæa. Ces auteurs ont dù examiner des milliers d'exemplaires ét
observer une foule de localités pour rétablir d'une manière sûre les limites de chaque espèce et éclaircir une
nomenclature qui devenait de plus en plus obscure.
— 97 —
Var. « dans les Alpes des Grisons, au mont Bernhardin (Schp.).
Var. : 6 la Furca (Mhlnb.).
Les autres variélés également dans les Alpes. Été.
Bryum ELoNGaTuM Dicks. — Webera elongata Schw.— Pohlia elongata Hedw. —
Leskea elongata W. et M. — ebera longicolla Hedw.— Pohlia cylindrica Hrnsch.
— Les Alpes, dans les lieux frais et ombragés (Schl., Thom., Schp.). Été.
Bryuu ALPnUM Br. et Schp. — Webera alpina H. et H. — Bryum Webera Grim-
sulana H. et H.—Var. 8 macrocarpum Br. et Schp.— Webera macrocarpa H. et H.
— Le mont Susten, le Stockhorn (Schærer). Été.
Var. £ Le Grimsel (Schp., Mhlnb.).
Bryum crupum Schreb. — Hypnum crudum W. et M. — Mnium crudum Hedw.
— Bryun Polla cruda Brid. — Les Alpes et les hauts sommets du Jura, dans les fentes
des rochers humides, sur la terre qui les couvre et sur les troncs pourris. Cette belle
espèce, assez commune, descend jusque dans les vallées basses et humides du Jura.
De Juin à Septembre.
Bnyuu nuraxs Schreb. — Bryum Webera nutans Brid. — Hypnum nutans W. et
M. — Var. 8 cæspitosum Br. et Schp. — W'ebera cæspitosa H. et H. — Var. » bicolor
Br. et Schp. — Webera bicolor H. et IL. — Var. 5 subdenticulatum Br. et Schp. —
— Webera subdenticulata Brid. — Var. + longisetum Br. et Schp. — Bryum Webera
longiseta Thom. — Sur la terre, les pierres, les rochers, les murs, à toutes les
expositions et à fous les degrés d'humidité. Été.
Var. 6 sur les murs au saut du Doubs.
Var. > les Alpes, glaciers de l’Aar (Desor).
Var. : les marais tourbeux du Jura. Les Sagnettes, les Verrières , etc.
Bryum AxxorNUuM Hedw. — Webera annotina Schw. — Hypnum annotinum W.
et M. — Prairies sablonneuses (Schl. cat.). Juin.
Bryum pyRiIFoRME Hedw. — Bryum aureum Schreb. — Mnium pyriforme L. fil.
— Hiypnum pyriforme W. et M. — Se voit surtout aux endroits où l’on a fait du
charbon avec le Funaria hygrometrica (Schp.). Sur la terre noire dans les bois. Alpes
et Jura. Abondant à LaVaux. Printems.
Bryum puLCHELLUM Hedw. — Bryum carneum et var. Hook. — Pohlia pulchella
Hrnsch. — Sur la terre dans les hautes Alpes (Schl, cat.). Rare. Été.
TOM. III. SOC. DE NEUCH, 10
RER e—
BRyuM cARNEUM L. — Bryum delicatulum Hedw.— Hypnum carneum W. et M.
— Bryum melanodon Brid. — Sur la terre sablonneuse au bord des fossés et des ruis-
seaux. Bords des fossés de Thièle (Curie). Derrière le Chanet de Boudry (Chapuis).
Murs de Serrières (Chaillet). Les fossés desséchés près de Grandson. Jura. Prin-
tems.
Bryum WauLeNBERGn Schw. — Bryum albicans Brid. — Mnium albicanum Wabhl.
— Hypnum albicanum W. et M.— Var. & glaciale Br. et Schp. — Bryum glaciale
Schl. — Dans le lit desséché des torrens , sur les débris arénacés des sources des
montagnes. À LaVaux près de Fleurier, à la fruitière de Buttes, Jura. Juillet.
Var. £& dans les Alpes (Schp.) — (Schl. cat.).
Bryum cucuzzarTuM Schw.— Pohlia cucullata Breh. — Sur la terre et le sable
humides dans les Alpes près des glaciers. Glaciers du Rhône (Godet). Le Saint-Gothard
(Schp.). Le Splügen (Mhlnb.). Glaciers de l’Aar (Desor). Août.
Bavuu Lunwienr Sprgl. — var. 8 gracile Br. et Schp. — Bryum gracile Schl. —
Sur la terre humide dans les Alpes, au voisinage des neiges. Le Gothard (Godet,
Mhlnb.), avec la var. 8 qui croit dans les mêmes localités. Les Grisons, le Valais (Schp.,
Moug.) — (Schl. cat.). Été.
BryuM JULACEUM Smith. — Bryum filiforme Dicks. — Habite les lieux arrosés des
hautes Alpes. Cette espèce est citée par Clairvaux et plusieurs botanistes suisses comme
habitant les Alpes de l’Helvétie. Tous les échantillons que j'ai reçus sous ce nom et
ceux que j’ai observés dans les divers herbiers, se rapportent au Bryum Ludwigiü ou
au Bryum argenteum. Le vrai Bryum julaceum a été cueilli dans les Alpes de Salz-
bourg par M. Schimper. Il est fort douteux qu’on l’ait jamais vu Suisse. Très-rare.
Août.
BRYUM ARGENTEUM L. — Hypnum argenteum W. et M.— Var. 8 majus Br. et Schp.
— Bryum julaceum Schrad. — Var. ; lanatum Br. et Schp.— Bryum lanatum Brid.
— Partout sur la terre nue, sèche ou humide, dans les gazons, au bord des routes,
sur les murs, etc.
Var. & dans les lieux humides près des fontaines.
Var. > dans les endroits secs. Avril.
Bryum Fuxen Schw.— Terre argileuse humide, pierres arrosées près des tor-
rens. Environs de Bourgdorf (Märker). Sur le tuf au pied de la cascade de Moron
près du Doubs, Jura. Rare. Août.
—— 459 —
Bryum Bunou Schp. et Breh.— Alpes de la Suisse et du Tyrol. Route du Bern-
hardin. Vallée de Saint-Nicolas dans la Valteline (Blind). Été.
Bryum Zieru Dicks. — Pohlia Zierii Schw. — Sur la terre humide des hautes
montagnes, sur les pentes des rochers. Les Alpes (Schl., Thom., Schp., Mhlnb.).
Dans le Jura. Au sommet de Chasseron, à la glacière Pury. Septembre.
Bryum pemissum Hook. — Meesia demissa H. et H. — Pohlia demissa Hueb.
— Les hautes Alpes. Fentes des rochers sur la terre. Sommet du Faulhorn (Schp.,
Mhlnb.). Zermatt (Moug., Mhlnb.). Rare. Été.
Bryum pAzLENS Swartz. — Hypnum pallens W. et M. — Var. 8 microstomum Br.
et Schp. — Bryum speciosum Voit. — Sur la terre, les graviers, les rochers humides
des montagnes, bords des torrens, etc. Assez commun dans le Jura et les Alpes.
Var. 8 dans les Alpes et vers les hauts sommets du Jura. Rochers de Chasseron
et du Creux-du-Vent. Été.
Bryum INTERMEDIUM Brid. — Webera intermedia Schyv. — Bryum pallescens
var. 8 Schw.— Hypnum intermedium W. et M.— Var. 8 cirrhatum Br. et Schp. —
Bryum cirrhatum H. et H.— Les rochers, les murs, le sable humide. Se rencontre
depuis la plaine jusque sur les hauts sommets des Alpes et du Jura. Chasseron, etc.
Var. 8 au Splügen (Schp.). Été.
BRYUM PALLESCENS Schw.— Bryum speciosum Voit. — Bryum rupincolum Schl.—
Var. 8 boreale Br. et Schp. — Bryum boreale Schw.—Var. > contextum Br. et Schp.
— Bryum contextum Hpp. et Hrnsch.—Var. à subrotundum Br. et Schp. — Bryum
subrotundum Brid. — Bryum brunescens Schl. — Bryum pohliæforme Brid. — Sur
la terre, les murs, les rochers, dans toutes les localités.
Var. & dans les Alpes et le haut Jura. Rochers du Creux-du-Vent.
Var. > dans les lieux humides et ombragés des montagnes, sous les rochers de
Chasseron.
Var. à les Alpes et les hauts sommets du Jura, lieux secs. Sur la terre au sommet
de Chasseron. Été.
Bryum uziémosum Br. et Schp.— Pohlia uliginosa Braun. — Cladodium uligi-
nosum Brid. — Cette belle espèce confondue souvent avec le Bryum pallens auquel
elle ressemble beaucoup, a été observée dans le Valais par Schl. Au Splügen (Schp.).
A Zermatt (Mhlnb., Moug.). Été.
Bryuu arcricum Rob. Brwn. Le Splügen, la Gemmi (Schp.). Été.
— 0 —
Bryum LacusrRE Brid. — Mnium lacustre Bland. — Hypnum lacustre W. et M. —
Pohlia lacustris Hueb.— Dans l’herbier Chaillet, sans localité (suspecta civis). Cette
espèce croit dans les gazons humides des montagnes et fructifie en Été. Rare.
Bryuu ncunarum Br. et Schp. — Pohlia inclinata Swartz.— Leskia inclinata W.
et M. — Cladodium inclinatum Brid. — La plaine et les montagnes peu élevées; sur
les murs, les pierres, les bois humides. Planches et poutres des aqueducs des mou-
lins sur la/Reuse, etc. Juin.
Bryum cernuum Br. et Schp. — Cynodontium cernuum Hedw. — Didymodon
cernuum Swartz. — Ptychostomwun cernuum Hrnsch. — Ptychostomum cæspiticium
Brid. — Ptÿchostomum compactum Hrsch.— Sur la terre humide, dans les bas-fonds.
Sur les rochers et les murs. Très-commun dans les vallées. Été.
Brvum casprricrom L. — Hypnum cæspiticium W. et M. — Var. & gracilescens
Br. et Schp. — Bryum badium Brch.— Partout sur les murs, les toits, les pierres,
la terre sèche ou humide. Mai, Juin.
Var. 6 dans les lieux humides, au bord des ruisseaux (!).
Bevuu azpmum L. — Rochers humides des Alpes et sous-Alpes. Le Schreckhorn
(Desor). Le glacier de VAar (Agassiz). Le Grimsel (Schærer). Août.
Bevum PSEUDO-TRIQUETRUM Schw. — Bryum ventricosum Schw.— Mnium pseudo-
triquetrum Hedw.— Les sources dans les bois et près des rochers, sur le tuf calcaire.
Les lieux marécageux, les bords des ruisseaux, ete. Très-répandu dans le Jura. Été.
Brvyuu gmum Schreb. — Var. 6 cuspidatum Br. et Schp. — Webera affinis Brch.
— Lieux humides. Marais tourbeux, digues dans les ruisseaux. Commun. Été.
Var. 8 dans les Alpes.
Bryuu rurgnaTum Hedw.— Hypnum turbinatum W. et M. —Var. 6 prœlongum
Br. et Schp. — Bryum Schleicheri 8 tenerius Schl. — Var. ; latifolium Br. et Schp.
— Bryum Schleicheri Sehw.— Mnium latifolium Schl. — Lieux humides des mon-
tagnes et de la plaine. Bords du lac de Neuchâtel sur le tuf calcaire. Marais tourbeux
du haut Jura, etc. Été.
Var. 8 ruisseaux des hautes Alpes (Schl., Thom.). Le Faulhorn (Schp., Mhlnb.).
Var. > la Furca, les sources du Rhône (Schp., Mhlnb.). Dans le Jura, sous les
rochers de Chasseron, sans fructif.
@) Le Bryum versicolor Braun trouvé en Alsace sur les bords du Rhin, n’a pas encore été vu en Suisse.
Les échantillons distribués par Thomas viennent de Strasbourg.
Es UE
Bryum capiLzaARE Hedw. — Hypnum capillare W. et M. — Var. 6 majus Br. et
Schp. — Var., minus Br. et Schp. — Var. « Ferchelii Br. et Schp. — Bryum Fer-
chelii Brid. — Var. »cochleariæfolium. — Bryum elegans Nees et H. — Très-com-
mun dans les bois sur la terre. Juillet.
Var. 8 à LaVaux près de Fleurier.
Var. > fentes des rochers à Chasseron. Rare.
Var. ; rochers de Chasseron et de LaVaux. Septembre. Les Alpes (Schp.) ().
Bryum noseum Schreb. — Mnium roseum Hedw.— Bryum Polla rosea Brid.—
Hypnum Polla rosea W. et M.— Sur la terre, dans les bois humides du Jura. Fruc-
tifie très-rarement. En fructif. au bois des Raisses près de Fleurier. Hiver.
PSEUDOBRYACEZÆ.
MrcicanorerIA NrripA Hrnsch. — Apiocarpa Mielichhoferi Hueb. — Weissia Mie-
lichhofera Funk. — Oreas Mielichhoferi Brid.— Var. 8 gracilis Br. et Schp.— Var. ;
intermedia Br. et Schp. — Var. 5 elongata Br. et Schp. — Mielichhoferia elongata
N. et H. — Weissia elongata Hook. — Oreas elongata Brid. — Cette magnifique
espèce ne croit que sur les rochers cuprifères des plus hautes Alpes. Aux envi-
rons du lac de Côme. Alpes du Tyrol ( Schp). Elle se trouvera sans doute dans la
chaine centrale de nos Alpes aux localités analogues et avec les variétés observées
dans le Tyrol.
ù POLYTRICHEZÆ,
Oricorricnum mERcyNICUM DC. — Atrichum hercynicum Pal. Beauv. — Catha-
rinea hercynica Ehrh. — Polytrichum hercynicum Hedw. — Sur le sable dans les
endroits rocailleux des Alpes. Le Splügen (Mhlnb.) Le Gothard ( Godet). Moraines
des glaciers du Grimsel (Desor). Été.
ATRICHUM UNDULATUM Pal. Beauv.— Polytrichum undulatum Hedw.— Catharinea
undulata R5B1. — Bryum undulatum L.— Lieux ombragés ; dans les gazons humides
sur la terre sablonneuse. Prairies des montagnes. Bords des ruisseaux dans les bois.
Été (°).
(1) Cette dernière yariété diffère de la forme primitive par les feuilles, la forme de la capsule, l'habitat et
le temps de la maturité. Elle me paraît former une bonne espèce.
(2) Les Atrichum angustatum et Atrichum tenellum Bryol. Europ., se trouvent bien certainement aussi en
Suisse dans les chemins creux, sur les bords des forêts, mais ils n’ont pas encore été observés (Schp.).
TOM. II. SOC. DE NEUCH. 11
2 2
PocoxaTuM NANUM Brid.— Polytrichum nanum Hedw.— Polytrichum pumilum Sw.
— Polytrichum subrotundum DC. — Var. 6 longisetum. — Sur le sol sablonneux au
bord des bois, dans les chemins creux des forêts avec la var 8. Assez rare. Bois de
Peseux. En montant de Boudry à Rochefort ( Jura). Hiver.
PoGoNATUM ALOIDES Brid. — Polytrichum aloides Hedw. — Var. 8 minus. —
Plus commun que le précédent, se rencontre dans les mêmes localités. Printems.
PoGoNATUM URNIGERUM Brid.— Polytrichum urnigerum L. — Polytrichum pulve-
rulentum Hedw. — Var. 8 crassum. — Les bords des bois dans les gazons. Sur les
collines de sable et de gravier. Alpes et Jura. La Handeck (Schærer). La Vraconne,
le bois de Peseux. Jura. Printems.
Var. & au Brunig (Godet ).
PoGoxaATUM ALPINUM Brid. — Polytrichum alpinum L. — Var. 8 arcticum Br. et
Schp.— Polytrichum arctieum Swarts. — Var. ; septentrionale Br. et Schp. — Po-
lytrichum septentrionale Swartz. — Var. 5 campanulatum Br. et Schp. — Polytri-
chum campanulatum Hrnsch. — Les pentes abruptes et gazonnées des Alpes et sous-
Alpes. Le Grimsel, le Susten, Forclax (Schærer). Premières pentes du Schreckhorn
avec les variétés ( Desor). Été.
POLYTRICHUM SEXANGULARE Hppe.— Polytrichum septentrionale Schrd.— Partout
sur les hautes Alpes, dans les bas fonds près des neiges. Le Siedelhorn (Godet).
Le Splügen, le Faulhorn (Schp. Mhlnb). Zermatt (Moug. Mhlnb). Le Col de Balme,
l'Albula, le Gothard (Schærer). Le Grimsel ( Desor). Été.
PorYTRICHUM PILIFERUM Schreb. — Polytrichum Hoppii Hrnsch. — La terre sè-
che et sablonneuse ; les monticules des taupes dans les bruyères et le voisinage
des tourbières. Alpes et Jura. Printems. Le Polytrichum Hoppüi est une forme
alpine plus petite. Elle abonde sur les moraines des glaciers du Grimsel (Agassiz et
Desor). Été.
POLYTRICHUM JUNIPERINUM Hedw. — Var. 8 strictum. — Polytrichum strictum
Brid.— Var. > alpestre. — Polytrichum alpestre Hppe.— Polytrichum affine Funk.
— Les bois, les prairies des montagnes, les tourbières. Été.
Var. & abonde dans les marais tourbeux du Jura. Été.
Var. , sur la terre nue et sèche des Alpes et des hauts sommets du Jura. Le
Creux-du-Vent, Chasseron, Chasseral, etc.
PoryrriIcHuM FoRmosUM Hedw. — Polytrichum commune & attenuatum Hook. et
— 3 —
Tayl. — Var. 8 pallidisetum. — Polytrichum pallidisetum Funk. — Les bois des
montagnes sur les troncs pourris, etc. Été.
Var. & dans les Alpes aux fentes des rochers exposés au soleil (Schp.).
Porvrmicnum GRACILE Mentz. — Polytrichum longisetum Swartz. — Polytrichum
aurantiacum Hppe. — Marais tourbeux. Cette espèce envahit sur les tourbières du
Jura les exploitations négligées et couvre presque seule des espaces très-considéra-
-bles. Juin.
PoryrRICHUM COMMUNE L. — Polytrichum yuceæfolium Ehrh. — Marais tourbeux
des montagnes. Troncs pourris et humides dans les forêts. Juin.
BUXBAUMIACEZÆ.
BuxBaumIA APHvLLA Haller. — Saccophorum aphyllum Pal. Beauv. — Lieux om-
bragés des montagnes moyennes, sur la terre nue sous les hêtres et les sapins. En
descendant du Creux-du-Vent aux OEillons, Jura ( Chapuis). Juin.
BuxBauMrIA INbusIATA Brid. — Sur les troncs pourris dans les forêts humides.
À LaVaux, à la Poita-Raisse, au Creux-du-Vent, moins rare dans le Jura que la
précédente. Automne.
Druvyscrum Froriosum W. et M. — Buxbaumia foliosa L. — Terre sablonneuse
dans les chemins creux au bord des bois. Commun dans le Jura et dans les Alpes où
elle monte jusqu’à près de 8000 pieds. Au Faulhorn. Toute l’année.
HYPNACEZÆ.
FagronrA pusizzaA Schw. — Troncs des arbres dans le jardin botanique de Ge-
nève (Blytt). Juin.
FagrONIA crciaris Brid. — Fabronia octoblepharis Schw. — Pterigonium octoble-
pharum Schl. — Rochers de la Suisse. (Schl. Thom. Roger). Été.
ANACAMPTODON SPLACHNOIDES Brid. — MNeckera splachnoides Schw. — Près de
Pfeffers sur des hêtres (Schp.). Suisse italienne, d’après des échantillons de l’herbier
de Balbis (de Not.). Été.
LeuconoN scruROIDES L. — Plerigonium sciuroides Engl. Bot. — Fissidens sciu-
roides Schultz. — Dicranum sciuroides Lam. — Trichostomum sciuroides W. et M.
— Var. & morensis. — Leucodon morensis Brid. — Hypnum morensis Schl. — Les
troncs des arbres, les rochers de toute la Suisse. Mars.
EM. 1
Var. 8 (Schl. cat.). Sur un bloc de granit en montant à Lignières, Jura. Juin.—
Attaquée par les insectes sur les érables du haut Jura, cette espèce pousse des jets
en capitules compacts et change tout-à-fait sa forme primitive.
Crimacrum pENDROIDES W. et M. — Marais spongieux ; fossés humides, bords
des bois, etc. Dans toute la Suisse. Hiver. Premier printems.
PTEROGONIUM FILIFORME Swartz. — Pterigynandrum filiforme Hedw.— Leptohy-
menium filiforme Hueb. — Grimmia filiformis W. et M. — Var. e majus. — Pte-
rigynandrum heteropterum Brid. — Troncs des hêtres dans les bois ; granits roulés
du Jura, etc. Printems.
Var. 8 dans les Alpes (Schærer). Granits roulés du Jura. Noiraigue , etc.
PreRoGONIUM GRACILE Hedw. — Pterigynandrum gracile Hedw. — Leptohyme-
nium gracile Hueb. — Troncs d'arbres dans les montagnes. Rare en Suisse (Schl.
cat.). Un érable aux Sagnettes. Jura. Printems.
PTEROGONIUM NERVOSUM Schw. — Pterigynandrum nervosum Brid. — Anomodon
nervosus Hueb. — Leskea Frühlichiana Brech. — Commun aux environs de Vätis et
de Louèche (Schp.). Rare dans le Jura. Troncs des hêtres et des érables. Roche-Bu-
lon , Trémalmont, etc. Mars. Je lai toujours vu stérile sur les pierres et en fructi-
fication seulement sur les souches de hètres et les vieilles écorces (!).
Isornecrum REPENS Br. et Schp. — Pterogonium repens Schw. — Anomodon re-
pens Hueb. — Troncs des arbres, surtout des chênes et du pin Sylvestre. Bois de
Rochefort, près de Neuchâtel. (Schl. cat.). Mars.
ISOTHECIUM STRIATUM Br. et Schp. — Pterogonium striatum Schw.— Pterigynan-
drum mutabile Brid. — Leskea bulbifera Frôhl. — Anomodon striatus Hueb.— Com-
mun dans le haut Jura où il s’attache aux rameaux des hêtres rabougris. Le Creux-
du-Vent. Roche-Bulon. Chasseron , ‘ete. Mars. Les Alpes (Scbl. cat.).
ISOTHECIUM POLYANTHUM Br. et Schp. — Leskea polyantha Hedw. et Auct. —
Hypnum polyanthos Schreb. — Les troncs des arbres champêtres, saules, peu-
pliers, etc. Commun. Automne, Hiver.
ISOTHECIUM CLADORHIZANS Br. et Schp. — Leskea cladorhizans Auet. — Neckera
cladorhizans Hedw. — Le val de Moutiers sur les rochers (Schp. Mhinb.). Bois des
Raisses près de Fleurier (rare). Printems.
(1) Cette espèce est souvent et facilement confondue avec le Hypnum filamentosum des Aut. Diffère par les
feuilles plus alongées, aiguës, et la nervure dépassant la moilié de la feuille.
LE 'OR
IsorRecIum sERICEUM Br. et Schp. — Leskea sericea Hedw. — Hypnum sericeum
L.— Var. 6 majus. — Troncs des arbres, les pierres, les rochers, etc. Commun.
Automne.
Var. 8 sur les rochers ombragés de Chasseron et de Chasseral. Juin.
Isornecrum RUrESCENS Br. et Schp. — Leskea rufescens Schw. — Hypnum rufes-
cens Dicks. — Rochers humides des Alpes et du haut Jura. Commun, mais fructifie
rarement. Juin.
ISOTHECIUM CURVATUM Brid. — Hypnum curvatum Swartz. — Hypnum myurum
Pollich. — Partout sur les troncs pourris, les rochers, les arbres, dans les bois de
sapins. Hiver. |
ANOMODON CURTIPENDULUS Hook. et Tayl. — Neckera curtipendula Hedw. —
Antitrichia eurtipendula Brid. — Hypnum curtipendulum L. — Var. 8 hamulosa
Brid. — Commun sur les arbres et les rochers. Printems.
Var. & sur les granits roulés du Jura.
Leskra viricurosA Br. et Schp. — Anomodon viticulosus Hook. et Tayl. — Nec-
kera viliculosa Hedw. — Les troncs d'arbres, les vieux murs dans les haies. Avril.
Leskea LoNGtroLIA Br. et Schp. — La Suisse (Schl. cat.). Commun au Val-de-
Moutiers (Schp.). Val-de-Travers. Très-rare en fructif. (*).
LeskEA ATTENUATA Hedw.— Hypnum attenuatum Schreb. — Anomodon attenua-
tus Hueb. — Les Alpes (Schl.). Je n’ai observé cette espèce dans le Jura que sur les
granits de Noiraigue. Juin.
LeskeA poLycaRPA Ehrh. — Hypnum medium Dicks. — Troncs d’arbres dans les
prairies humides surtout vers la plaine. Saules au bord des ruisseaux. Juin.
LeskeaA ExILIS Schw.— Aux Voirons, versant septentrional. Près de Genève (Schp.).
LESKEA ROSTRATA Schw. — Alpes du Valais (Schl.).
HYPNA.
4, TAMARISCINA.
HyPNUM TAMARISCINUM Hedw. — Hypnum proliferum L. — Les bois humides et
ombragés ; les haies, les prairies. Automne.
(1) La plupart des exemplaires envoyés par Schleicher sous ce nom, appartiennent au Pterogonium nervosum.
TOM. III. SOC. DE NEUCH. 12
— 6 —
Hypvum REcoënITUM Hedw. — Hypnum tamariscinum. — 8 recognitum Brid. —
Prairies sèches, sur la terre dans les gazons. Pâäturages du Jura, ete., etc. Fin de
l'Été ( Schl. cat.).
Hypxum agrernum L. — Lieux arides, bords des bois, bruyères et pâturages ;
très-commun sans fructif. Trouvé fructifié dans le Valais par Schleicher. En Norwège
par M. Schimper et d’autres botanistes.
Hypxum BLaxpowu W. et M. — La Berrée, dans les prairies humides, près de
Fleurier, sans fructif.
Hypxum pmmorpaum Brid. — Bois de hêtres, Suisse (Schl. cat.). Personne ne l’a
vu en Suisse depuis Schleicher ; je n’ai pu même trouver dans aucun herbier des
échantillons authentiques de ce botaniste. Cette espèce n’est pas rare dans les Vosges.
Hypxnum ArRO-vIRENS Hook. et Tayl. — Leskea incurvata Hedw.— Hypnum fili-
forme Will. — Hypnum filamentosum Dicks. — Var. 5 implexa Brid. — Très-com-
mun sur les pierres humides et ombragée des sous-Alpes et du haut Jura, dans les
endroits où la neige s'arrête longtemps (Schl. cat.). Chasseron , Roche-Bulon, etc.
Jura. Printems, avec la var. à (‘).
HypNuM cATENULATUM Brid. — Trouvé fructifié dans le Bregenzer-Wald et à la
Gemmi (Schp.). Sur les pierres dans les forêts du haut Jura, sans fructif.
Hypexum umsraruM Ehrh. — La Suisse (Schl. cat.). Les bois profonds du Jura.
Au fond du Creux-du-Vent ( com. Schp.). Premier printems.
Hypxum spLENDENS Hedw. — Très-commun dans toutes les forêts. Automne.
2. TRIQUETRA.
Hypxum BREVIROSTRE Ehrh. — Hiypnum triquetrum 8 minus W. et M. — Bois des
montagnes (Schl. cat.). N'a pas encore été observé dans le Jura.
Hypnum LonGrRosrRuM Ehrh. — Hypnum striatum Schreb. — Commun dans les
bois, sur les troncs pourris. Alpes et Jura. Hiver, Printems.
(1) Espèce très-voisine du Hypnum catenulatum, par la forme des rameaux. En diffère par les feuilles plus
alongées, resserrées tout-à-coup vers le sommet et la nervure alteignant presque la pointe des feuilles. Les
rameaux du Hypnum catenulatum sont plus grèles, moins ramifiés ; les feuilles cordates aiguës ont une ner-
vure qui ne dépasse pas le milieu.
Le Hypnum Thomasi Brid. est une variété de cette espèce et se trouve au Faulhorn, près des glaciers
du Rhône et dans d’autres localités de la Suisse (Schp.).
us ‘OU
Hypxum LOREUM L. — Forêts humides. Assez commun. Hiver.
Hypxun rRiIQUErTRUM L. — Très-commun partout. Couvre la terre dans les bois.
Printems.
3. STELLATA.
Hypxum squarRosuM L. — Les bords des bois, fructifie rarement. En fruits au
bord du Sucre , derrière Couvet. Décembre.
HypNum stELLATUM Schreb. — Var. 8 squarrosulum. — Hypnum squarrosulum
Brid. — Var. > chrysophyllum. — Hypnum chrysophyllum Brid. — Var. à proten-
sum. — Hypnum protensum Brid. — Sur les graviers et le sable, dans les bois hu-
mides. Dans les prairies spongieuses et les marais tourbeux. Commun dans le Jura.
Été.
Var. 8 sur la marne et dans les lieux humides et rocailleux.
Var. > lieux secs et découyerts des terrains argileux.
Var. 5 bords des bois humides.
Hyexum pozymorpaum Hedw. — Les vieux murs, les pierres humides, les haies
du Jura, etc. Été.
Hypxum Hazrer: Lin. fil, — Les rochers et les pierres humides des Alpes et du
Jura. Très-commun surtout vers le haut Jura. Été. Varie beaucoup pour la forme
et la longueur des rameaux et la longueur du pédicelle de la capsule.
LH. CRINALIA.
Hypxum Mozzuscum Hedw. — Commun dans les bois. Été.
Hypxum CRINALE Br. et Schp. — Diffère du précédent par les feuilles beaucoup
plus alongées, terminées en lanières, les tiges rampantes , la capsule plus alongée ,
portée sur un pédicelle très-long. Bois du Jura. Hiver. La Poita-Raisse, près de
Fleurier.
HYPNUM CRISTA-CASTRENSIS L. — Commun dans les bois de sapins, surtout dans
les lieux frais. Eté.
5. ADUNCA.
HxPpNUM FASTIGIATUM Br. et Schp. — Sur les pierres humides des Alpes (Schp.).
Sommet de Chasseron sans fructif. Été.
—
Hypxum carricarOUS Hrnsch.— Alpes, sur les pierres'et la terre humide. Le Rigi
(Mhlnb.). Été (!).
Hypxum Vaucaert Lesq. — Caulibus erectis parce ramosis, sicut fascicutatis. Ra-
mis elongatis simplicibus. Foliis disticho uncinnatis , lanceolato acutis, via apice ser-
ratis, evidenter binerviis. Nervis brevibus. Fructu ignoto. Sommet de Chasseron sur
les rochers.
HYPNUM CUPRESSIFORME L. — Var. & decipiens Brid. — Hypnum decipiens Hoffm.
— Var. 5 compressum. — Hypnum compressum L. — Var. » chrysocomum Brid. —
Var. 3 filiforme Brid. — Var.z hamulosum Brid. — Hypnum hamulosum Brid. —
Var. x complanatum Brid. — Var. » crispatissimum Brid. — Var. + tenuifolium Brid.
— Var. < fragile Brid. — Var. + conicum Brid. — Dans les bois et les vergers , sur
les troncs, les souches, les pierres, les rochers calcaires et granitiques. Se trouve
partout avec une quantité de variétés locales qu’on ne saurait énumérer. Toutes les
variétés citées ici et décrites par Bridel, habitent le Jura et les Alpes. Automne,
Printems.
HypNum PRATENSE Koch. — Dans les prés uligineux du Valais (Schl.)
Hypxum cncnnarum Hedw.— Var. & rupestre.— Var. > alpinum.—Var, 5 adun-
coîdes. — Var. : repens. — Sur les troncs pourris, la terre, les rochers, dans les
bois des montagnes avec les variétés. Été.
Var. ; au bord des torrens des Alpes.
Hypxum FLurrans L. — Hiypnum aduncum L. et Auct. — Var. « macropodion. —
Var. 6 aduncoides. — Var. ; dimorphum. — Var. 5 inflexum.— Var. : terrestre. —
Commun dans les tourbières des Alpes et du Jura, où il varie à l'infini, suivant la
quantité d’eau plus ou moins profonde dans laquelle plongent les touffes. Les varié-
tés nommées ici passent de l’une à l’autre par des modifications insensibles et dont
il est impossible de saisir les caractères. Le Hypnum aduncum des auteurs appartient
à celte espèce. Été.
HypNuM LYCOPODIOIDES Schw.— Hyprum aduncum 8 rugosum Hook. — Hypnum
aduncum & lycopodioides Sprgl. — Hypnum rugosum L. — N'est pas rare dans les
marais du Jura. Sans fructif. Cette espèce est suivant moi, une variété du Hypnum
(1) Le Hypnum protuberans Brid., voisin de cette espèce et que M. Schimper a trouvé aux Alpes de Salz-
bourg, se rencontrera sans doute aussi en Suisse,
st (ND at
fluitans. À peine se distingue-t-il par les formes plus grandes du Hypnum fluitans
macropodion.
Hypxum scorpiordes L. — Marais tourbeux du Jura et des Alpes; marais pro-
fonds, eaux stagnantes. Commun sans fructif.
Hvexum RuGOosuM Hedw. — Hypnum rugulosum W. et M. — Commun partout,
dans les montagnes basses et la plaine, sur la terre et les rochers secs. Fructifica-
tion inconnue.
Hyenum pricaTumM Schl. — Les Alpes (Schl.). Le haut Jura sur les pierres hu-
mides dans les broussailles. Le Weissenstein (Schp.). Le Creux-du-Vent, Chasse-
ron, etc. Hiver.
Hyexum commurATuM Hedw. — Var. 8 minus. — Var. > alpinum. — Commun
partout au bord des ruisseaux sur les dépôts calcaires. Près des sources des monta-
gnes, etc. Se distingue facilement du Hypnum filicinum par la nervure qui s’efface
au milieu des feuilles. Très-variable. Été.
Var. 8 Chasseron.
Var. > les Alpes et le Jura.
Hypxum rALcATUM Brid. — Ruisseaux du Jura ; très-commun dans le Fleurier au
Val-de-Travers. J'avais pris d’abord cette espèce pour une forme flottante du Hyp-
num commutatum. Elle en diffère par une forte nervure continue jusqu’au sommet.
Distincte du Hypnum filicinum par les formes plus grandes et les feuilles entières.
Hypxuu rmicnum L. — Var. 6 fluitans. — Hypnum fluviatile Swartz. — Hyp-
num fallax Brid. — Lieux humides près des ruisseaux dans les bois et les monta-
gnes. Bassins des fontaines, sources, etc. Été.
Var. 2 dans les eaux fraiches et courantes. Je l’ai trouvé en fructification au
Champ-du-Moulin, Jura. Été.
6. PALUSTRIA. 3
Hvpxum mozze Dicks. — Rochers humides des Alpes. (Schl. cat.).
- Hypxum pALUSTRE L.— Hypnum luridum Brid.— Var. 6 falcatum.— Var. 5 sub-
sphærocarpon. — Hypnum subsphærocarpon Brid. — Très-commun sur les pierres ,
les rochers , au bord des ruisseaux et des torrens dans les montagnes. Varie beau-
coup comme toutes les mousses aquatiques. Printems.
Var. & saut du Doubs.
Var. à dans les Alpes.
TOM. III. SOC. DE NEUCH. 43
>
0 —
7. IzLEcEBrA.
Hypxum MURALE Hedw. — Très-commun sur les murs, les pierres, les rochers
ombragés. Dans les lieux secs et humides. Varie beaucoup pour la forme des rameaux
et la longueur des pédicelles. Printems.
Hvexum 1LecegruM Hedw. — Hyprum blandum Hook. et Tayl. — La Suisse
(Schl. cat.). Été. Doit avoir été observé dans les pâturages au pied des Alpes.
Hypxum cirnosum Funk. — Rochers du Simplon (Schp.). Sous les rochers de
Chasseron, dans les gazons, sans fructif. Ê
Hypxum purum L. — Assez commun dans les Lois et les gazons épais. Fructifie
rarement. Hiver.
Hyexum rriranIUM Brid. — Hyprum uliginosum Schl. — Assez commun dans les
.tourbières des Alpes et du haut Jura, sans fructif. Cette espèce forme souvent dans
les tourbes des lits épais où les formes végétales sont parfaitement conservées , même
à de très-grandes profondeurs.
Hyoxum sTRAMINEUM Dicks. — Marais tourbeux du Jura, fructifie très-rarement.
En fruits à Bémont près de la Brévine , Jura. Été (!).
Hypxum Scaresert Will. — Dans les forêts, les pâturages au bord des bois. Au-
tomne.
* Hypxum parApoxuM Mont. — Commun sur les roches calcaires du Jura, toujours
stérile. Souvent confondu avec le Hypnum Schreberi auquel il ressemble beaucoup.
Les touffes sont plus compactes et la couleur est rousse. Souvent mêlé au Hypnum
T'ugosum .
8. CusPIDATA.
Hypnüm cusprparum L. — Les prés humides dans les gazons. Bords des ruisseaux
et des bois. Commun. Printems.
Hypxum connrrozrum Hedw. — Var. 8 fluitans. — Var. ; compactum. — Mares,
ruisseaux dans les champs. Eaux tranquilles et basses. Tourbières du Jura avec les
variétés. Été.
(2) Plusieurs auteurs ont réuni ces deux espèces bien que fort différentes par le port et la situation des
feuilles sur les rameaux. Des échantillons intermédiaires cueillis dernièrement dans les marais des Ponts,
sembleraient prouver qu’on peut les réunir en effet en une seule espèce.
—_—.. Ur
9. RuUTABULA.
Hvenvu prcrerum Schreb. — Sur la terre dans les boïs et autour des forêts.
Abondant au Val-de-Travers, dans les bois de la Raisse, près de Fleurier. Printems.
Hyenum PsEubO-prLIFERUM Br. et Schp. — Pierres du Grimsel (Haller ). D’après
un échantillon de Fherbier Chaillet sous le nom de Hypnum cirrhosum et absolument
conforme aux échantillons que j'ai reçu de M. Schimper et provenant de Nassau.
Hyexuu Srarkn W. et M. — Se trouve en Suisse surtout sur la terre (Schp.)—
Schl. cat. Automne.
HypNUM REFLExUM Stark. — La Suisse (Schl. cat.). Sommet de Chasseron, au
fond d’un entonnoir où les neiges restent jusqu’en juillet. Été.
Hypxuu nurABuLUuM L. — Var. 6 subsphærocarpon. — Espèce polymorphe qu'on
trouve partout, sur les pierres, la terre et les troncs, dans les haies, les bois, les
prairies ouvertes, etc. Printems
Var. & sur les pierres dans les broussailles au Val-de-Travers.
Hypxum nIVULARE Br. et Schp. — Sur les pierres humides, dans les bois ; au
bord des ruisseaux. Commun dans le Jura. Printems.
Hypnum riIParIOMES Hedw. — Hypnum rusciforme Weiss. — Hypnum ruscifo-
lium Neck. — Ruisseaux et rivières de la plaine et des montagnes avec une grande
quantité de variétés.
Les var. Molendarii, atlanticum de Brid. et falcatum, etc. etc., dans la Reuse au
Val-de-Travers. Automne.
HyPpNUM PSEUDO-PLUMOSUM Brid. — Sur les pierres, dans les forèts et les brous-
sailles. Creux-du-Vent, etc. Printems.
Hypxum sALEBROSUM Hoff, — Hypnum plumosum var. salebrosum Br. et Schp.
Croît dans les mêmes localités que le précédent, dont il n’est peut-être qu’une va-
riété. Fructifie plus tard. Été.
Hypxum cameesrre Br. et Schp. — Sur les pierres du haut Jura, dans les lieux
frais et ombragés. La Grandsonne près de Fleurier. Jura. Hiver.
Hypxum 6LAREosUM Br. et Schp. — Lieux frais et gazonnés dans les bois du Jura.
Environs de Fleurier. Le Mail près de Neuchâtel. Avril.
Hypxum LurEscENs Hedw. — Sur la terre, les troncs, les rochers. Commun par-
tout. Printems
+ 159)
Hypxum niTENs Brid. — Assez commun dans les tourbières des Alpes et du haut
Jura. Fructifie rarement. Aux Pontins sous Chasseral, en fruits. Été.
Hypxum azBicans Neck. — Bords des routes et chemins creux dans les terrains
sablonneux. La Suisse (Schl. cat.). Hiver.
HyPNuM vELUTINUM L. — Hypnum intricatum Hedw. — Commun dans les bois
sur la terre et les troncs pourris. Varie beaucoup pour la forme des rameaux, la
position des feuilles et la longueur du pédicelle de la capsule. Printems.
HyPNUM COLLINUM Schl. — Hautes Alpes. Le Faulhorn, la Furca, le Splügen, la
Gemmi, le Grimsel (Schp.). Été.
Hypxum popuLzEuM Hedw. — Espèce polymorphe. Croit sur les rochers humides
ou ombragés. On la trouve dans le Jura surtout aux blocs granitiques dans les haies.
Hiver.
HypNüm JuLACEUM Schw. — Hautes Alpes, fentes des rochers. Trouvé fructifié au
Splügen (Schp.). Le haut Jura. Sommet de Chasseron, sans fructif. rare. Été.
Hypxum Tommasinn Sendtner. — Var. flagelliferum Br. et Schp. — Trouvé dans
les Alpes de la Carniole par Sendtner.
La var. sur un bloc calcaire au bois de la Raisse, près de Fleurier. Mai.
10. SERPENTIA.
HypNuM PULCHELLUM Dicks. — Les Alpes. La Gemmi, glaciers du Rosenlaui
(Schp. Mhlnb.). Été.
Hypxum ivcurRvATUM Schrad. — Sur les rochers, les troncs, dans les forêts et les
lieux ombragés. Assez commun dans le Jura. Printems.
Hypexuu nrrpuzum Wahl. — Trones pourris dans les bois humides du haut Jura
et des Alpes. Le Splügen (Schp.). LaVaux près de Fleurier. Été.
Hypxum serpexs L. — Espèce très-variable, croît surtout au pied des arbres dans
les haies. Commune. Été.
Hvpxum sugrize Hoffm.— Leskea subtile Hedw. — Assez commun sur les vieilles
écorces et sur les troncs au pied des arbres dans les forêts du haut Jura. Automne.
Hypxuu Coxrerva Schw. — Sur les pierres au Splügen (Schp.). Été.
Hypxum TENELLUM Dicks. — Hypnum algirianum Schw.— La Suisse (Schl. cat.).
Les rochers humides du Jura. Automne. Cette espèce a été très-rarement observée
en Suisse.
11. DENDROIDEA.
HypNum srRIGOSUM Hoffm. — Hypnum thuringiacum Brid. — La Suisse (Schl.
cat.). Les bois du Jura. Printems. Rare.
Hypxum ALOPECURUM L. — Hypnum arbuscula Hedw. — Rochers humides dans
les bois des montagnes. Espèce peu commune en Suisse, surtout en fructification.
Automne.
Hypxum MyosuroIDES L. — La Suisse ( Schl. cat.). Dans les bois sur les troncs
pourris près de Boudry, Jura (Chapuis).
HyPNUM FLAGELLARE Turn. — J'ai trouvé cette espèce dans le Jura sans noter la
localité. Au Val-de-Travers probablement. Sans fructif.
12. COMPLANATA.
HypNuM PRAÆLONGUM L. — Var. & abbreviatum Schl. — Var. 5 atrovirens Brid. —
Hypnum Suwartzii Schl. — Var. : Stockesii Br. et Schp. — Hypnum rigidulum Schl.
— Sur la terre, dans les lieux ombragés ou humides, dans les haies, les champs,
les jardins, les forêts, etc. Printems.
Les variétés sont citées dans le catalogue de Schleicher.
Hypxum Scureicnert Hedw. fil. — La Suisse (Schl. cat.).
HypNum coxrerTUM Dicks. — Les bois de la Suisse (Schl. cat.). Herbier Chaillet,
sans localités.
HypNUM siLESIANUM Pal. Beauv. — Hypnum repens. Duby. — Troncs pourris;
terre humide dans les bois. Commun dans le Jura. Été.
Hypxum Seuicert Swartz. — L'Albula (Mhinb.).
Hypxum syzvaricum L. — Troncs pourris dans les bois. Commun dans le haut
Jura. Printems.
Hypxum peNricuLATUM L. — Mèmes localités que le précédent, croit plus souvent
sur la terre et se rencontre plus rarement. Printems.
Hyenum RiparIUM L. — Bords des ruisseaux dans les montagnes. Bassins des fon-
taines. Assez rare. Le ruisseau de la Côte aux Fées. Jura. Automne. |
Hypxum uxpuzaTuM L. — Les bois humides (Schl. cat.). Cette belle espèce n’a
pas encore été vue dans le Jura.
TOM. II. SOC, DE NEUCH. 14
— Ale
PTERYGOPHYLLUM LUCENS Brid. — Hookeria lucens Smith. — Hypnum lucens L.—
Leskea lucens DC.— Les forêts de la Suisse (Schl. cat.). Forêts du Grimsel ( Schærer).
N'a pas encore été trouvé dans le Jura. Été.
NECRERACEZÆ.
NeckERA crispa Hedw. — Les rochers humides, les troncs des arbres dans les
forêts. Alpes et Jura. Commun. Printems.
Necker puMILA Hedw. — La Suisse. Troncs des sapins (Schl. cat.). Eté. Espèce
très-rarement observée.
NECKERA PENNATA Hedw. — Sur l'écorce des arbres dans les forèts. Les chènes
à l'Écluse, près de Neuchâtel ( Godet ). Combes du Valanvron, près de la Chaux-de-
Fonds ( Junod ). Printems.
NECKERA COMPLANATA Hueb. — Leshea complanata Hedw. — Hypaum compla-
natum L.— Sur l'écorce des arbres dans les forèts épaisses ou humides, surtout aux
hètres. Commun, mais fruetifie rarement. Printems.
NECKERA TRICHOMANES Hueb. — Leskea trichomancides Hedw., — Hypnun tricho-
manoides L. — Dans les haies, dans les broussailles, sur la terre. Printems. Assez
rare.
Lasra Swiran Hueb. — Legtodon Snuthii Brid. — Pterogonium Snithii Sw. —
La Suisse ! Schl. et Thom.). MM. Schimper et Muhlenbeck ont eueilli abondamment
ette belle espèce à Isola Madre dans le lac Majeur. Été.
ANATOMIE
DES
SALMONES,
L. AGASSIZ & C. VOGT.
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OSTÉOLOGLIE.
—0———
Le squelette qui sert de soutien à tout le corps, mérite avant tout de fixer l'attention
de l’anatomiste, de même qu’il se recommande au zoologiste par la précision avec
laquelle il reflète le caractère particulier de l’animal. IL n’est donc pas étonnant que
la plupart des recherches anatomiques aient eu de tout temps pour objet les nom-
breuses modifications que le squelette présente dans les divers animaux, et le plan
général qui a présidé à sa construction dans les classes des vertébrés. Aucune partie
du corps des poissons n’est si bien connue que leur squelette; aucun point de l’ana-
tomie comparée n’a soulevé autant de débats que l’ostéologie des poissons, et en par-
ticulier l'étude de la tête de ces animaux. Si donc nous essayons d’entrer après tant
d’autres dans cette voie de recherches, c’est moins pour présenter des vues nouvelles
que pour donner une description détaillée et monographique du squelette des Truites,
des parties osseuses aussi bien que des parties cartilagineuses, qu’on a trop négli-
gées jusqu'ici, et qui pourtant entrent pour une bonne part dans la composition du
squelette. Ce n’est pas à dire que nous soyons d'accord en tous points avec nos
prédécesseurs; au contraire , il nous arrivera d'émettre sur plusieurs points des opi-
nions qui ne seront peut-être pas partagées par tout le monde. Mais nous voulons
avant tout conserver à ce travail le caractère d’une monographie. Nous nous occupe-
rons surtout du genre Salmo, et en particulier de la Truite commune, (Salmo Fario ),
dont le squelette entier est figuré Tab. A, fig. 1 de l’atlas, et les os détachés, Tab. D.
Pour l'étude de la tête et de quelques parties de la colonne vertébrale, nous avons
choisi le Salmo Trutta, espèce qui, quoique différente de la Truite commune par
ses caractères zoologiques, est cependant celle qui s’en rapproche le plus par la forme
de ses os, et dont l'étude offre moins de difficultés, par cela même qu’elle est de plus
grande taille. (Voir Tab. E et F). Nous ne nous arrêterons aux différences généri-
ques , qu’autant qu'elles sont basées sur des différences anatomiques , nous réservant
de traite: de la détermination zoologique des espèces dans un autre ouvrage consacré
exclusivement à ce sujet.
Tom IH. 1
PAIE Dur
Le squelette de la Truite se compose de la tête, de la colonne vertébrale et des
organes locomoteurs , connus sous le nom de nageoires. La colonne vertébrale s’étend
sur une ligne horizontale au milieu du tronc; elle ne supporte pas la tête comme
dans les classes supérieures , mais la base de celle-ci n’est que la continuation du plan
des vertèbres. Les termes dont nous nous servirons dans celte description s'appliquent
toujours à la position qu’offrent les planches de la première livraison de l'Histoire natu-
relle des Poissons d’eau douce et les squelettes de cette monographie, c’est-à-dire que
le poisson est supposé couché sur le ventre, ayant la tête en avant et le dos en haut.
DE LA TÊTE.
La tête du poisson renferme, outre les parties qui lui sont propres dans toute la
série des vertébrés , plusieurs appareils qui, dans les autres vertébrés, sont rejetés
plus en arrière et n’en font plus partie. Même après en avoir éliminé la ceinture tho-
racique, qui est étroitement liée à la tête, et dont il sera traité lorsque nous décrirons
les nageoires paires, nous distinguons encore dans la tête du poisson les parties sui-
vantes :
1° Le crâne, boîte fixe et immobile, destinée à servir d’enveloppe au cerveau et
aux organes principaux des sens. Il est composé de dix-sept , ou plutôt de vingt-sept
os, dont sept impairs , le basilaire (n° 5), le sphénoïde (n° 6), l'occipital supérieur
(n° 8), le sphénoïde antérieur (n° 15), l’ethmoïde crânien (n° 15"), le vomer (n° 16)
et le nasal (n° 3), et de dix os pairs, savoir: les frontaux principaux (n° 1), les fron-
taux antérieurs (n° 2), les frontaux postérieurs (n° 4), les pariétaux (n° 7), les occipi-
taux externes (n° 9), les occipitaux latéraux (n° 10), les grandes aîles du sphénoïde
(n° 11), les temporaux (n° 12), les occipitaux postérieurs (n° 13), et les ailes orbi-
taires du sphénoïde (n° 14).
2° La face, composée d'appareils mobiles, destinés à l'exercice des fonctions des
sens et de la nutrition, et prenant aussi une part active, quoique secondaire, à la res-
piration. Elle n’est composée que d’os pairs, au nombre de seize, ou plutôt de trente-
deux ou de quarante-six , si nous comptons tous les jugaux séparément et les olfactifs
à double; ce sont: les intermaxillaires (n° 17), les maxillaires supérieurs (n° 18), les
surmaxillaires (n° 18), les jugaux (n° 19 et 19', 19°’, etc.), les os propres du nez ou
os olfactifs (n° 20 et 21’), les surorbitaires (n° 1”), les palatins (n° 22), les mastoï-
diens (n° 23), les transverses (n° 24), les ptérygoïdiens (n° 25), les os carrés (n° 26),
les caisses (n° 27), et les tympano-malléaux (n° 51). Les dentaires (n° 54), les arti-
culaires (n° 35), et les angulaires (n° 36), composent la mâchoire inférieure.
— 15
3° L'appareil hyoïdo-branchial, destiné essentiellement à la respiration, et prenant
une part indirecte à la déglutition. Il est composé de cinq os impairs, le lingual (n° 41),
la queue de l’hyoïde (n° 42), et les trois os impairs (n° 53, 54 et 55), qui forment le
corps de l'os hyoïde, et de trente-sept ou plutôt soixante-quatorze os pairs, en tout
soixante-dix-neuf, savoir: les os (n° 37, 58, 39 et 40), qui composent, avec les os
styloïdes (n° 29), les cornes de l'hyoïde; le préopercule (n° 30), les douze osselets
branchiostègues (n° 43), le sous-opercule (n° 33), l’interopercule (n° 32), l’opercule
(n° 28); les quatre arcs branchiaux composés de quinze os de chaque côté (n° 57, 58,
59, 60, 61 et 62), et enfin les pharyngiens inférieurs (n° 56).
La tête de la Truite se composerait donc, d’après cette énumération, dans laquelle
nous n'avons pas compris les osselets qui protègent les canaux muciques, et qui varient
dans chaque espèce, de douze os impairs et de soixante-trois ou plutôt cent-vingt-six
os pairs, sans compter que les jugaux, que nous avons rangés parmi les os simples ,
sont ordinairement composés de six ou sept pièces, et les olfactifs de deux; en tout plus
de cent-cinquante os, nombre qui excède de beaucoup celui de tous les autres vertébrés.
La forme de la tête de la Truite est celle d’une pyramide irrégulièrement quadran-
gulaire, dont la base serait formée par la face occipitale, la pointe par le museau, les
deux plus grandes faces par les côtés des joues, et les deux petites par le front et la
gorge. La face supérieure est formée en arrière par le toit du crâne , en avant par les
pièces faciales qui entourent les cavités nasales; sur les côtés, la boite crânienne est
presque entièrement cachée par les os de la face et de l’appareil hyoïdo-branchial
tandis que ce dernier forme presque à lui seul la partie inférieure de la tête. Dans
tous les mouvemens, c’est le crâne qui sert de point d'appui, et les autres pièces des-
tinées à la déglutition, au mécanisme de la respiration, etc., se meuvent sur lui et
contre lui comme des leviers. Ces mouvemens, effectués par les parties dures dela
tête, paraissent beaucoup plus énergiques que chez les animaux supérieurs, ce à quoi
l'on devait s'attendre, d’après le grand nombre de pièces qui composent la tête.
DU CRANE.
Le crâne de la Truite est trapu, large, et sa forme pyramidale répète assez bien
celle de la tête entière. La plus grande largeur se trouve à l’angle postérieur de l'or-
bite ; de-là le crâne se rétrécit insensiblement vers la pointe du museau, tandis qu’en”
arrière sa largeur et sa hauteur se maintiennent dans les mêmes proportions. L'occiput
est tronqué verticalement ; sa face postérieure est presque plane et à angle droit avec
le plan du front. La face supérieure du crâne n’est pas entièrement plane; elle s'élève
ù 7
en une crête obtuse au milieu, et s’abaisse vers les côtés, comme un toit peu incliné.
Cette face est toute osseuse, et les cartilages n’apparaissent qu’à l'extrémité antérieure
du museau. La base du crâne est peu large; horizontale dans sa partie postérieure,
elle s’élève insensiblement vers la pointe du museau, à partir du point qui correspond
à la plus grande hauteur du cräne. Elle est, comme la face supérieure, entièrement
osseuse, et armée, dans sa partie antérieure, de dents assez fortes et recourbées en ar-
rière. Les faces latérales du crâne sont très-irrégulières; les grandes fosses des organes
de l’odorat et de la vision en interrompent la continuité sur l’avant ; l’arrière présente
différentes saillies et enfoncemens, et des trous de passage pour les nerfs et les vais-
seaux, qui la rendent très-accidentée. La partie postérieure de la face latérale est os-
seuse, mais son extrémité antérieure, qui contient les fosses nasales , est composée en
majeure partie de cartilages. La face postérieure du crâne, enfin, est irrégulièrement
quadrangulaire , avec diverses saillies qui pénètrent en arrière dans les chairs. Outre
le grand trou occipital, il y a au milieu un espace assez considérable qui reste cartila-
gineux pendant toute la vie.
La forme des os de la Truite variant beaucoup avec l’âge , nous nous attacherons
moins à décrire minutieusement chaque petite apophyse qu’à indiquer les rapports de
ces os entre eux avec la boîte cartilagineuse, dont la plupart dépendent. Nous avons
conservé les noms adoptés dans les Recherches sur les Poissons fossiles, noms qu’un exa-
men réitéré de l’ostéologie des poissons de différents ordres nous à appris être les plus
convenables, et nous indiquerons dans des notes les noms correspondans des auteurs ,
lorsqu'ils ne s’accordent pas avec les nôtres. Les chiffres que les os portent dans l’atlas,
correspondent à ceux employés par Cuvier dans le premier volume de son Histoire
naturelle des Poissons , ensorte que l’on pourra, avec la plus grande facilité, comparer
les planches de cet ouvrage avec celles du nôtre, sans avoir recours au texte pour
l'explication des chiffres. Cependant il ne faut pas perdre de vue que nos figures
sont dessinées d’après des principes tout différens. Cuvier ne s’est attaché qu'aux os,
tandis que nous avons eu grand soin de faire ressortir, dans les planches E et F,
la part que prennent les cartilages à la formation de la boite cränienne , persuadés
que nous sommes, par l'étude comparative des poissons cartilagineux et du dévelop-
pement des embryons, que la boîte cartilagineuse est la partie essentielle et primitive,
‘et que les os du crâne en général ne sont que des plaques protectrices se développant
sur la face extérieure de cette boîte, et empiétant petit à petit sur elle , pour la rem-
placer par une masse plus dure et plus résistante. Il nous paraît impossible de com-
prendre, d’après la seule inspection des os , l’ostéologie de la Truite; les restes de la
— }) —
boite cartilagineuse primitive, qui se conservent jusque dans l’âge le plus avancé,
sont trop considérables pour ne pas devoir être pris en sérieuse; considération.
Le frontal principal (n°1) (*), qui forme en grande partie le toit du crâne au-
dessus des orbites, a à-peu-près la forme d’un triangle dont le grand côté correspond
à la ligne médiane. Réunis ensemble, les deux os forment un rhombe assez pointu en
avant, dont les côtés courts touchent en arrière à l’occipital supérieur (n° 8), aux pa-
riélaux (n°7) et aux temporaux (n° 12), et au-dessous desquels sont appliqués les fron-
taux postérieurs (n° 4). La partie antérieure du rhombe forme d’abord le bord supérieur
des orbites, puis s’enchässe sous le bord postérieur du nasal (n°3). Sa face supérieure
est presque plane; le centre d’ossification est indiqué par une partie squameuse plus
épaisse, qui se trouve au-dessus de l’angle postérieur de orbite. De ce point central
partent en rayonnant des crêtes plus ou moins fortes, qui se distinguent au milieu des
feuillets minces dont le reste de l’os est formé. La face inférieure de l’os est munie,
vis-à-vis du point central, d’une forte arèle, saillante en bas, qui se porte oblique-
ment en dehors et en avant, et sert d'appui au frontal postérieur. Sauf la partie qui
forme le toit de l'orbite, la face inférieure des frontaux repose toute entière sur des
cartilages , et chez les individus parvenus à leur développement complet, on peut l’en-
lever sans ouvrir la boite cränienne. La face extérieure est recouverte par la peau seu-
lement, qui est ici très-épaisse, et dont le tissu sous-cutané est imbibé d’une graisse
liquide et verdâtre. L’os ne donne passage ni à des nerfs, ni à des vaisseaux sanguins;
il n’y a pas non plus de muscles qui s’y attachent ; il remplit uniquement le rôle de
plaque protectrice pour les orbites et la partie antérieure de la boîte cérébrale.
Au-dessous des frontaux principaux, sur l’arête de l’angle postérieur de l’orbite,
est appliqué le frontal postérieur (n° 4) (**), qui n’est visible que de profil et d’en bas.
C’est un os de forme pyramidale, muni d’une forte arète comprimée latéralement,
qui s’arque en bas pour former le pilier postérieur de l'orbite. Cette pyramide est im-
plantée, par une base presque ronde. sur le cartilage crânien en dedans, le temporal
(n° 12) en arrière, la grande aile (n° 11) en bas, et l'aile orbitaire (n° 14) en avant:
on peut l'enlever sans mettre le cerveau à découvert. Cet os ne donne passage ni à
des nerfs, ni à des vaisseaux; mais une petite arête en arrière de celle qui ferme
l'orbite, sert de soutien à la dernière pièce du jugal (u° 19) et du mastoïdien (n° 23).
(°) Dénomination généralement acceptée. — Tab. D (5. fario), fig. 10,44, 47 et 49, de profil; fig. 11 et 15,
d’en haut; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E ($. trutta), fig. 1 et 4, de profil; fig. 2, d’en haut; fig., 3 d’en bas.
(°°) Frontal postérieur, Cuvier, Hallman; écaille du temporal, Meckel, Geoffroy, Rosenthal; pariétal,
Bojanus ,— Tab. D (S. fario), fig. 10 , 14, A7 et 19, de profil, fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (S. trutta),
fig. 1 et 4, de profil, fig. 3. d’en bas.
= 6
De mème qu’en arrière, les orbites sont soutenues en avant par un autre démem-
brement du frontal, le frontal antérieur (n° 2) (*). C’est une petite lame ovalaire, à
bord extérieur tranchant et vertical, un peu concave vers l’orbite, et implantée par son
bord postérieur plus épais, dans le cartilage crânien. Outre la première pièce du jugal,
qui est appliquée sur sa face antérieure, cet os ne contracte aucune liaison avec les
autres os; il n’est pas non plus en rapport avec les nerfs, les vaisseaux ou les muscles.
Le nerf olfactif ne le touche pas, mais passe prés de lui par son canal cartilagineux.
En arrière des frontaux, sur la ligne médiane, se trouve un os à base elliptique,
sur lequel s’élève une forte crête qui forme le point le plus élevé de locciput, c’est
l'interpariétal ou loccipital supérieur (n° 8) (**). La crête occipitale supérieure , qui
s'élève au-dessus de cet os, est tranchante, aplatie des deux côtés et tronquée
obliquement en arrière. L’os touche en avant aux frontaux principaux (n° 1), et laté-
ralement aux pariétaux (n°7), et en arrière aux occipitaux externes (n° 9); sa base
forme en arrière la voûte crânienne au-dessus du cervelet, et l’on remarque à sa face
interne deux sillons assez considérables se réunissant en croix au centre de l'os, et
dans lesquels sont logés une partie des canaux sémi-circulaires externes et posté-
rieurs de l’oreille. Toute la face interne de l'os paraît à nu dans la cavité crânienne;
il est donc impossible de l’enlever sans ouvrir cette dernière. Le bord postérieur de sa
base parait sur la face postérieure du crâne, et repose ici sur le cartilage en forme de
croix, qui s'étend entre lui et les occipitaux latéraux (n° 10) et externes (n° 11). L’os
ne donne passage à aucun nerf ou vaisseau sanguin. Îl sert d'attache principale à la
partie supérieure du grand muscle latéral.
Le pariétal (n°7) (**) se trouve sur les côtés de l’interpariétal (n° 8), entre lui et
le frontal principal (n° 4) en avant, l’occipital externe (n° 9) en arrière, et le temporal
(n°12) en dehors. C’est un petit os plat, reposant sur le cartilage crânien et sur Pin-
terpariétal, qu’on peut enlever sans préjudice pour la cavité cérébrale , et qui n’a au-
cun rapport avec d’autres organes mous.
(S) Frontal antérieur, Cuvier, Hallman; ethmoïde latéral, Meckel , Bojanus; lacrymal, Geoffroy, Carus;
partie du maxillaire supérieur, Rosenthal. — Tab. D (S. fario), fig. 10,14, 17 et 19, de profil; fig. 14 et 15
d'en haut; fig. 12 et 16, d’en bas.—Tab. E (S. trutta) , fig. 1 et 4, de profil; fig. 2, d’en haut; fig. 3 et 7,
d'en bas.
(°°) Dénomination généralement adoptée. — Tab. D (S. fario), fig. 9 et 13, par derrière; fig 10 et 14,
de profil; fig. 11 et 15, d’en haut. — Tab. E (S. trutta), fig 1 et 4, de profil, fig. 2, d’en haut; fig. 5, par
derrière ; fig. 7 , d’en bas (face interne).
(858) Dénomination généralement adoptée — Tab. D (S. fario) , fig. 10 et 14, de profil; fig. 11 et 15 , d’en
haut. — Tab. E (S. trutta), fig. 4, de profil: fig. 2, d’en haut.
‘
a
A la face postérieure du crâne , à côté de la base de l’occipital supérieur (n° 8), se
trouve l’occipital externe (n° 9) (*). Il a une forme pyramidale ; son sommet, tourné
en haut, est hérissé de deux ou trois pointes, sur lesquelles s’attachent les faisceaux
supérieurs du grand muscle latéral. L’une de ces pointes est arrondie, et c’est
sur elle que s'appliquent les petits osselets muqueux (n°21), qui forment un chainon
entre la ceinture thoracique et la crête occipitale. La base de la pyramide, qui est
tournée vers la cavité cérébrale, est presque ronde, à l’exception d’un profond sillon
à la face postérieure. L’os touche en haut et en dedans à l’occipital supérieur (n° 8),
en avant au pariétal (n° 7), en dehors au temporal (n° 12), et en bas , mais seulement
par une minime portion, à l’occipital latéral (n° 10). Le reste repose sur le cartilage
crânien, qui est ici en couche très-mince à la face cérébrale de los. L’os est percé de
deux trous, pour l'entrée et la sortie du canal sémi-circulaire postérieur de l'oreille ;
lempoule est contenue dans l’intérieur de cet os. La couche cartilagineuse qui couvre
la face interne de los est si mince , qu'il est impossible de l'enlever sans la détruire
et sans mettre à découvert le cervelet. :
Au dessous de l’occipital externe se trouve un autre os paire, assez considérable ,
dont les parties supérieures se touchent au milieu de la face postérieure du crâne et
embrassent la moelle allongée, à son entrée dans la cavité cérébrale, c’est l’occipital
latéral (n° 10) (**). Chacun de ces os a deux faces extérieures très-distinctes, presque à
angle droit entre elles, dont l’une apparaît à la face postérieure, et l’autre à la face laté-
rale du crâne. La face postérieure est presque triangulaire; le sommet du triangle est
tourné en bas ; son bord supérieur est arqué et touche à l’occipital postérieur (n° 13) et
à l'occipital externe (n° 9), le bord interne rencontre son correspondant du côté op-
posé, et présente une échancrure profonde, qui, combinée avec celle de lautre
côté, forme le grand trou occipital qui est arrondi en forme de voûte; au-des-
sous du grand trou, les deux os se réunissent de nouveau et présentent deux faces ar-
ticulaires déclives en dedans , qui forment, avec le basilaire (n° 5) l’entonnoir de la
facette articulaire de l’occiput. La face postérieure est légèrement rentrante et montre
au même niveau que le milieu du grand trou occipital, un très-petit trou, qui échappe
facilement à l'observation et par lequel passe le nerf hypoglosse. La face latérale de Fos
(°) Dénomination généralement adoptée, sauf par Bojanus , qui l'appelle rocher. — Tab. D (S. fario) ,
fig 9 et13,, par derrière; fig. 10 et 14 , de profil; fig. 11 et 15, d’en haut; fig. 12 et 16, d’en bas, — Tab. E
CS. trutta) , fig. À et4, de profil ; fig. 2, d’en haut; fig. 3, d’en bas: fig. 5, par derrière.
(°°) Dénomination généralement adoptée. — Tab. D (S. fario) , fig. 9 et 15, par derrière; fig. A0 et 14.
de profil; fig. 12 et16, d'en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 3 d’en bas; fig. 4, de profil ; fig. 5, par derrière,
fig. 8, par sa face interne.
— 8 —
a une forme presque carrée et touche en haut au temporal (n° 12) et à loccipital pos-
térieur (n° 13) et en avant à la grande aile du sphénoïde (n° 11); son bord inférieur re-
pose sur le basilaire (n° 5). On remarque près du bord postérieur un grand trou cir-
culaire, par lequel le nerf vague sort de la cavité cérébrale. Au-devant de ce trou, au
même niveau , lon voit chez la petite Truite /Salmo Fario), un autre trou beaucoup
plus petit et qui, dans la Truite des lacs {S. Trutta), est caché dans les réseaux ir-
réguliers de la substance osseuse ; c’est par ce trou que passe le nerf glossopharyn-
gien. Le bord inférieur de l'os, par lequel il repose sur le basilaire (n° 5), n’a rien
de particulier ; le bord supérieur correspond au contraire à une anse considérable de la
cavité cérébrale, qui se transforme en un canal arqué, dans la petite Truite, au moyen
du cartilage cränien, et dans la grande Truite au moyen de la substance osseuse, et
par lequel passe la partie postérieure du canal sémicireulaire externe de l'oreille. On
voit à la face interne de los le trou (chez la grande Truite) ou le sillon (chez la pe-
tite Truite) par lequel commence le canal sémicireulaire. Derrière ce trou se voit un
autre trou plus petit, qui est partagé dans la petit Truite par une trame osseuse ;
c’est par-là que les nerfs vague et glossopharyngien entrent dans leur canal osseux
en quittant la cavité du crâne. Un second grand creux se trouve sur cette face in-
terne en bas et en avant. Il est fermé en dedans par une apophyse de los qui se pro-
longe vers la ligne médiane. Le creux est complété par le basilaire (n° 5), et la grande
aile (n° 11). I! sert à loger le sac du labyrinthe. Sur la face postérieure de los s’at-
tache une portion des fibres internes du grand muscle latéral.
A l’angle supérieur de loccipital latéral se trouve un petit os en forme de capuchon
qui, dans la plupart des poissons , fait partie intégrante de loccipital latéral. Nous le
nommons occipital postérieur (13) (*). C’est un os tout-à-fait extérieur, qui forme
une apophyse saillante sur l’angle par lequel le grand muscle latéral est inséré sur
l’occiput et qui est spécialement destiné à servir d’attache à ses faisceaux intérieurs. Il
touche au temporal (n° 12) et à l’occipital externe (n° 9) et peut être enlevé sans en-
dommager la cavité cérébrale.
Les démembremens de l’occipital reposent, comme nous venons de le voir, par
leur bord inférieur sur un os impair , le basilaire (n° 5) (**). La forme de cet os est
(®) Les auteurs, à l’exception de Cuvier, ne font pas mention de cet os. C’est le rocher de Cuvier. —
Tab. D (5: fario), fig. 9 et13 , par derrière; 6g. 14, de profil. — Tab. E (S. trutta) , fig. 2, d’en haut; fig 3
d’en bas; fig. 5, par derrière.
(55) Dénomination généralement adoptée. -— Tab. D (S. fario) , fig. 9 et13 , par derrière; fig. 10 et 14, de
profil; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 3, d’en bas; fig. 4, de profil; 6g. 5, par derrière:
fig. 6, d’en haut; fig. 8, en dedans.
OR
cylindracée ; il présente en arrière un creux profond, qui complète l’entonnoir articu-
laire de l’occiput. Les faces latérales qui se voient sur les deux côtés du crâne en bas,
ne présentent rien de particulier. La face supérieure de l'os est à découvert dans la
cavité crânienne ; elle a au milieu une carène longitudinale , sur les deux côtés de la-
quelle on voit deux enfoncemens longitudinaux , qui forment le fond des creux des-
tinés à loger les sacs du labyrinthe. La face inférieure présente une gouttière pro-
fonde, qui n’est ouverte qu’en arrière, et devient un canal spacieux au moyen du
sphénoïde principal (n° 6) qui s’applique contre elle. C’est par ce canal que passent les
faisceaux d'attache du grand muscle latéral. Les parois de ce canal servent en même
temps à fixer le muscle abducteur de l'œil. L’os n’a point de rapport avec les nerfs
et les vaisseaux ; il touche en avant aux grandes ailes (n° 11), en haut à l’occipital
latéral (n° 10) et en bas au sphénoïde principal (n° 6).
La partie postérieure du cràne est complétée de chaque côté par un os long et
assez plat, l’écaille du temporal ou le temporal proprement dit (n° 12) (*). Cet os se
reconnait aisément à son bord supérieur tranchant, qui forme une crête longitudinale.
En arrière, une longue épine s’en détache et entre dans les chairs du cou, donnant
appui à la ceinture thoracique et aux faisceaux du grand muscle latéral. La crête elle-
même est traversée dans toute sa longueur par un canal assez fin, qui a deux ouver-
tures, une en arrière et une en avant, et qui devient un peu plus spacieux dans l’inté-
rieur de los. Ce canal loge le conduit muqueux principal de la tête. Les deux faces
de l’arète n’offrent rien de remarquable. La base de l'os, qui est tournée vers la ca-
vité cérébrale, est assez longue, large et traversée par une cavité arquée, dans
laquelle est logé le canal semicirculaire externe de l'oreille. L’os touche en dedans à
l'occipital externe (n° 9) et au cartilage crânien qui ferme la grande fosse supérieure
du crâne, en avant au frontal principal (n° 1), et au frontal postérieur (n° 4), en bas
à l’occipital latéral (10) et à la grande aile du sphénoïde (n° 11). Dans une rainure de
sa face externe, qui commence entre la crète et l’apophyse postérieure , et qui s’étend
horizontalement tout le long de l'os, est articulé le mastoïdien (n° 25), qui peut exercer
un mouvement de battant dans cette rainure. Sur l’ouverture postérieure du canal
muqueux , s'applique un petit os muqueux (n° 30"), qui protège son trajet, depuis le
préopercule jusque vers le temporal. Aucun nerf ni vaisseau ne traverse cet os.
(*) Mastoïdien Cuvier, Meckel; rocher Geoffroy, Bojanus, Spix, Bakker.—Tab. D (S. fario), fig. 9 et 13,
par derrière ; fig. 10, 14, 17 et 19, de profil; fig. 11 et 15, d’en haut ; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E
(S+ trutta), fig. 1 et 4, de profil ; fig. 2, d’en haut; fig. 3, d’en bas; fig. 5, par derrière.
Tow. II. 2
ne:
La grande aile du sphénoïde (n° 11) (*) complète de chaque côté la face latérale du
crâne. C’est une plaque à-peu-près circulaire, enchâssée dans la paroi latérale du crâne,
et qui donne passage à plusieurs trous très-importans pour la névrologie. Le trou
postérieur, qui est le plus considérable , est circulaire et sert de passage aux branches
maxillaires du trijumeau. Au-dessus de ce trou , il y en a un autre plus petit pour le
passage du nerf facial. Le bord antérieur de l'os est marqué d’une profonde échan-
crure qu’une trame osseuse transforme en dedans en un trou pour le passage des
branches orbitaires du trijumeau. Dans l’intérieur de ce grand trou se voient encore
deux très-petits trous, l’un pour le passage du nerf oculomoteur, l’autre pour celui
de la quatrième paire, le pathétique. Au bord inférieur de los il y a une rainure
profonde , et comme la branche horizontale, dans laquelle elle est creusée , touche
celle de l’autre côté, il en résulte une gouttière , qui est la continuation de celle qui
se trouve sur la face inférieure du basilaire (n° 5). Cette gouttière se transforme ,
comme cette dernière , au moyen du sphénoïde principal, en un canal spacieux, dans
lequel sont enfermés les muscles abducteurs de l'œil. Le plafond de cette gouttière ,
formé par les branches horizontales, est percé de deux trous très-fins, donnant pas-
sage à la sixième paire des nerfs de l’œil , aux nerfs abducteurs, qui vont de suite re-
joindre leurs muscles respectifs. La face interne de l'os est encore plus accidentée
que la face externe. On y voit près du bord antérieur un grand trou circulaire pour
la sortie du trijumeau. Ce trou communique avec les trois trous par lesquels les
branches de ce nerf ainsi que le facial sortent du crâne. Autour de ce grand trou , se
voient plusieurs trous très-petits tous destinés aux différentes racines du trijumeau et
du facial , qui se réunissent dans le ganglion de Gasser , situé dans l’épaisseur de l'os.
A l'arrière, on découvre une excavation assez considérable, formant la partie anté-
rieure du creux, dans lequel se loge le sac du labyrinthe. Le bord supérieur a deux
gouttières séparées par une crête saillante, dont l’antérieure sert à loger une partie
du canal semi-circulaire antérieur, la postérieure une partie du canal semicirculaire
externe de l’oreille. L’os touche en haut au temporal (n° 12) et au frontal postérieur
(n° 4), en arrière au basilaire (n° 5) et à l’occipital latéral (n°10), en bas au sphénoïde
principal (n° 6), en dedans et en haut à l’aîle orbitaire (n° 14), et en bas à son cor-
respondant de l’autre côté, et enfin au sphénoïde antérieur (n° 15) en avant. Il ne peut
être enlevé sans ouvrir largement la boîte cérébrale.
ç*) Grande aile, Cuvier, Bekker ; rocher, Meckel, Hallmanr; tympanal, Bojanus. — Tab. D (S. fario),
fig. 10 et 14, de profil ; fig. 12 et 16, d’en bas. — Tab. E (:S. trutta), fig. 3, d’en bas; fig. 4, de profil ; 6g. 8,
de dedans.
= MU
L'aile orbitaire du sphénoïde (n°1 4) (*) se trouve au devant de la grande aile, à sa face
interne. Cet os a une forme irrégulièrement triangulaire et est en général très-
incomplètement ossifié. Il touche en dehors au frontal extérieur (n° 4), en bas à la
grande aile (n° 41), en haut au frontal principal (n° 1), et remplit l’espace entre ces
os et l’ethmoïde crânien (n° 15), qu’il ne touche pas immédiatement, puisqu'il y a
du cartilage interposé entre les deux. Comme ces deux os sont placés verticalement
et en mème temps presque à angle droit avec l’axe longitudinal du crâne, ils forment
la paroi antérieure de la boite cérébrale, et c’est par l’échancrure assez spacieuse qui
se voit entre eux que passent les nerfs optiques et olfactifs, pour entrer dans leurs ca-
naux respectifs. La face interne de l'os présente , près de son angle postérieur , une
gouttière qui loge le commencement du canal semicirculaire antérieur de l'oreille.
L’os n’a point de trous pour le passage des nerfs et des vaisseaux, mais il forme le
pilier latéral du trou par lequel passent les deux premières paires de nerfs cérébraux,
trou qui est creusé entre lui, les grandes ailes (n° 41) en bas et les frontaux principaux
(n° 1) en haut.
L'ethmoïde crânien (n° 15’) (**) est une lame squameuse , enchässée dans la cloi-
son des orbites. Il ne se distingue que peu du cartilage qui l'entoure; sa forme est
presque ronde ; ses contours très-irrégulièrement arrêtés. Le bord postérieur, qui
regarde la cavité cérébrale, est renflé et creusé en forme d’entonnoir, qui s'ouvre
de chaque côté sur la face latérale de los, et par lequel passent les nerfs olfactifs.
Au dessous de cet entonnoir se trouve une large et profonde gouttière, ouverte sur
le devant de l’os et transformée en canal par le cartilage, sur lequel l'os repose. Ce
canal est destiné à la première branche de la cinquième paire. L’os ne touche im-
médiatement aucun autre os; il est entouré de tous côlés par la cloison cartilagineuse
des orbites, seulement son bord postérieur touche de très-près de chaque côté aux ailes
orbitaires.
On remarque encore chez la Truite un tout petit os impair en forme de fourchette ,
dont la pointe s’avance dans la cloison interorbitaire, et dont les deux bras évasés en
arriére embrassent les nerfs olfactifs, au moment de leur sortie du crâne. Cet os parait
(‘) Aile orbitaire ou petite aîle, Cuvier, Bojanus, Rosenthal; grande aîle, Meckel, Hallmann. —
Tab. D (S. fario), fig. 10 et 14, de profil; fig. 12 et 16, d’en bas.—Tab. E (S. trutta), fig. 3, d'en bas; fig.8,
de dedans.
(*) Ethmoïde, Spix ; sphénoïde antérieur, Cuvier, Geoffroy ; aile orbitaire, Meckhel, Hallmann; corps du
sphénoïde, Rosenthal; nasal, Bojanus. —Tab. D (S. fario), fig. 10 et 14, de profil ; fig. 12 et 16, d’en bas —
Tab ECS. trutta), fig. 4, de profil; fig. 8, de dedans.
de. G, L:
être particulier aux truites ; au moins ne l’avons-noustrouvé chez aucun autre poisson.
Nous le nommons sphénoïde antérieur (n° 15) (*).
Le dernier os enfin , qui prend part à la formation du crâne proprement dit, est le
sphénoïde principal (n° 6) (**). C’est un os long, étroit et plat qui s’étend sous la base
du crâne, depuis l’occiput jusqu’à la moitié de la cavité buccale. En arrière, ses bords
sont relevés de manière à former une gouttière à sa face supérieure et à présenter un
renflement bombé en bas ; en avant, au contraire , ses bords sont rabaissés, et c’est
la face inférieure de l’os qui est creusée en gouttière. Un processus montant très-con-
sidérable se détache de chaque côté, au dessous de la grande aile. L’os s’applique sur
les bords de la gouttière inférieure du crâne formée par le basilaire (n°5) en arrière,
et la réunion médiane des grandes ailes (n° 11) en avant, de manière à transformer
celte gouttière en un canal qui s’ouvre dans les orbites entre ces deux os. Il touche
en outre à la cloison interorbitale dans tout son trajet, et s’enchâässe par son extré-
mité antérieure avec le vomer (n° 16). IL est percé immédiatement au-dessous du
pilier postérieur des orbites , de deux trous circulaires par lesquels l'artère carotide
monte dans l'orbite et la cavité cérébrale,
Le nasal (n° 3) (***), os impair, plat et assez mince, se place au devant des frontaux
principaux sur la face supérieure du crâne. De forme oblongue, il recouvre le carti-
lage qui entoure les fosses nasales d’en haut, et forme la pointe antérieure du crâne.
Son extrémité postérieure est cunéiforme et s’engrène entre les pointes antérieures des
frontaux. Ses bords extérieurs forment de chaque côté , au-dessus des fosses nasales ,
un petit loit qui est complété par les battans du nez (n° 20), qui s’y appliquent; son
bord antérieur est caché sous les intermaxillaires (n° 47). L’os repose en entier sur
le cartilage et n’a aucun rapport avec les nerfs ni avec les vaisseaux.
Vis-à-vis du nasal, à la face interne du crâne, nous trouvons le vomer (n° 16) (***).
De forme oblongue et étroite, il est appliqué par sa face supérieure lisse contre le
cartilage qui sert de noyau à toute la partie antérieure du crâne , tandis que sa face
interne est hérissée de dents longues et crochues , qui sont en relief sur la ligne mé-
(*) Get os n’est mentionné par aucun auteur. Cuvier paraît lavoir confondu avec l’ethmoïde crânien
(n° 157). — Tab. D(S. fario), fig. 10 et 14, de profil. — Tab. E, fig. 3, d’en bas; fig. 4, de profil.
(*) Détermination généralement adoptée. —Tab. D ($. fario), fig. 10 et 14, de profil; fig. 12 et 16, d’en
bas. — Tab. E, fig. 3, à’en bas; fig. 4, de profil.
(85) Nasal, Spir, Bojanus ; ethmoïde, Cuvier, Meckel; Bakker, Geoffroy.—Tab. D Ç(S. fario), fig. 11 et
15, d’en haut, et fig. 12 et 16, d'en bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 2, d’en haut.
(F#5#) Dénomination généralement admise, —Tab. D (S. fario), fig. 10 et 14, de profil; fig. 12 et 16, d’en
bas. — Tab. E (S. trutta), fig. 3, d’en bas; fig. 4et 8, de profil.
diane de la bouche. Les dents sont en général au nombre de douze à vingt. Quoique
placées au milieu de l'os, on remarque cependant que les unes se courbent à droite,
les autres à gauche, de manière à former deux séries ; en avant se trouvent quatre
dents plus petites sur une seule rangée transversale. L’os n’est pas entièrement droit,
il est courbé en haut. Son extrémité postérieure est enchässée dans une entaille de
l'extrémité antérieure du sphénoïde principal (n° 6); sur son extrémité antérieure sont
appliqués de chaque côté les palatins (n° 22).
DES FOSSES ET DES ASPÉRITÉS DU CRANE ET DU CARTILAGE CRANIEN.
Nous ne croyons pas pouvoir donner la description du cartilage crânien , sans nous
occuper en même temps des accidens divers que présente la surface du crâne. Ce
sera le plus sûr moyen de faire ressortir l'importance de cette boïte cartilagineuse ,
première base du crâne tout entier, qui réunit toutes les pièces osseuses en un coffre
solide et qui entoure et protège le cerveau et les principaux organes des sens.
Sur toute la face supérieure du crâne, la ligne médiane est plus élevée que les
autres parties du crâne , quoique cette élévation soit bien moins marquée sur le de-
vant. Elle est le résultat de la réunion des frontaux principaux sous forme de toit. Ce
n’est qu'avec l’occipital supérieur (n° 8), que commence, sous la forme d’une apophyse
aplatie et couchée en arrière, la crête mitoyenne du crâne, comme l’a appelée Cuvier.
À cette crête mitoyenne s’attachent le ligament nuchal et les faisceaux supérieurs du
grand muscle latéral. Des deux côtés de la crête , la surface du cràne se bombe légé-
rement en bas, et ce n’est qu’en arrière , sur la face postérieure du crâne , que l’oc-
cipital externe (n° 9) fait saillie par son apophyse. Cuvier a nommé cette apophyse la
crêle intermédiaire , par la raison que, chez beaucoup de poissons, une crête longitudi-
nale part de cette pointe, pour se prolonger plus ou moins en avant. Enfin , le bord
supérieur du temporal (n° 12) , forme une troisième crête, la créte latérale, qui se con-
tinue en avant par le frontal postérieur (n° 4) et va se joindre au bord orbitaire du
frontal principal (n° 4). Cette crête très-saillante et hérissée de plusieurs aspérités ,
est destinée à loger le canal muqueux principal. Au-dessous d’elle se trouve une pro-
fonde rainure dans laquelle s’articule l'appareil temporal, et au-dessous de cette rai-
nure , l’on voit s’avancer la créte externe de l’occiput , en forme de pointe acérée. La
crête latérale est séparée en haut des crêtes intermédiaire et mitoyenne par une im-
pression profonde , la fosse latérale du crâne , dans laquelle le cartilage crânien est à
découvert sur un espace oblong et quadrangulaire , entre le pariétal (n° 7), le tem-
EL
poral (n° 12), loccipital externe (n° 9), les frontaux principaux (n° 1) et le frontal
postérieur (n° A).
La face latérale du crâne nous offre, dans sa partie postérieure, un enfoncement assez
large , mais peu profond , limité en haut par la crête externe, en avant par la partie
saillante de la grande aiîle (n° 11), et en bas par le bord du sphénoïde (n° 6). La partie
inférieure du temporal (n° 12), la branche latérale de l’occipital latéral (n° 10), la
branche verticale du basilaire (n° 5) et la partie postérieure de la grande aile prennent
part à la formation de cette dépression qu’on nomme la fosse postérieure du crâne.
Au-devant de cette fosse , la surface est un peu bombée , de manière à former un bord
tranchant derrière l'orbite. Celle-ci est très-grande , semicireulaire , à base presque
plane. Son pourtour est formé par le bord relevé du sphénoïde (n° 6), la grande
aile (n° 11), le frontal postérieur (n° 4), le frontal principal (n° 1), le frontal antérieur
(n° 2) et le cartilage crânien, qui sert surtout à la compléter. Outre ces os , il y a en-
core , au fond de l'orbite , l'aile orbitaire (n° 14) , et dans sa cloison l’ethmoïde crânien
(n° 15’) et le sphénoïde antérieur (n° 15). La cloison est loin d'être complète ; il existe
à ses angles antérieur et postérieur deux grandes lacunes , qui sont fermées par des
membranes ; toute la partie inférieure , entre le sphénoïde (n° 6’) et l’ethmoïde crà-
nien (n° 15!) est formée par le cartilage crânien. Au fond de l’orbite, on trouve en bas,
de chaque côté du canal sous-cränien, la grande ouverture formée par la réunion du ba-
silaire (n°5), des grandes ailes (n° 11) et du sphénoïde (n° 6) ; cette ouverture est parta-
gée par la cloison de l'orbite. Les muscles postérieurs du globe de l'œil, notamment
l’abducteur, prennent naissance dans le canal sous-crânien. Au-dessus de ces ouver-
tures se trouve le grand trou optique, destiné au passage du nerf optique , et à-peu-
près au milieu de la cloison , le trou par lequel le nerf olfactif quitte son entonnoir et
entre dans l’orbite. Sur le devant, l’orbite s’étend bien au-delà de son bord externe,
n'étant limité que par le frontal antérieur (n° 2). Sur le côté, en bas, on voit une
grande ouverture, qui conduit dans un canal cartilagineux , dont l’extrémité anté-
rieure se trouve être la fosse nasale ; ce canal est destiné au nerf olfactif. Plus haut,
les deux orbites se confondent dans une seule cavité médiane, qui s’étend en avant jus-
ques entre les fosses nasales, et dans laquelle les muscles antérieurs du globe de l'œil
prennent naissance , en s’entrelacant des deux côtés. Les orbites forment ainsi deux
grandes cavités qui ont deux prolongemens en arrière , l’un dans la cavité cérébrale
en haut, l’autre dans le canal sous-crânien en bas, plus un troisième dans la cavité
médiane de la face. Ce dernier destiné à fixer les muscles antérieurs de l’œil , se ter-
mine dans le canal olfactif.
ER
Le canal olfactif se continue en dehors , à partir de la ligne médiane , pour s’ouvrir
à la face latérale du crâne, dans une fosse presque circulaire et peu profonde, creusée
seulement dans du cartilage. Cette fosse est recouverte en haut par le nasal (n° 3) et
entièrement remplie par la muqueuse du nez.
La cavité cérébrale enfin , la plus considérable de toutes , occupe la partie postérieure
du crâne , ayant pour appendices, de chaque côté , les cavités des oreilles. Elle est fer-
mée de tous les côtés, sauf les trous pour le passage des nerfs et des vaisseaux san-
guins qui se portent vers le cerveau ou qui en viennent. Aussi sa boîte est-elle presque
toute osseuse à l’extérieur, tandis qu’à l’intérieur, ses parois sont formées en grande
partie par le cartilage cranien. La cavité commence en arrière avec le grand trou oc-
cipital , formé de la réunion des deux occipitaux latéraux (n° 10). Elle s’élargit immé-
diatement en gagnant en hauteur, et son plafond imite en quelque sorte la courbe du
cervelet. La base de la cavité est assez étroite et montre un creux dans lequel sont lo-
gés les lobes inférieurs du cerveau. Au-devant de cet enfoncement , se trouvent deux
creux latéraux assez profonds , séparés par une crête mince , présentant à-peu-près la
forme d’un haricot. C’est dans ces creux que se logent les deux sacs des labyrinthes
des oreilles. Enfin, encore plus en avant, près de la grande ouverture qui mène dans
les orbites , se trouve un petit creux rond , assez profond , dans lequel est cachée l’hy-
pophyse du cerveau. Mais si l’on fait abstraction de ces creux, le plancher du cerveau
est entièrement horizontal et de niveau avec le canal rhachidien. Les parois laté-
rales sont beaucoup plus accidentées ; elles sont en général exhaussées, de manière à
donner à toute la cavité cérébrale une forme ovale et allongée , telle qu’elle convient
à la forme du cerveau. Remarquons cependant que ce dernier est loin de remplir toute
sa cavité , et que les espaces assez considérables , qui existent entre lui et les parois
solides, sont remplis, surtout à sa face supérieure, par un tissu celluleux chargé d’une
quantité d'huile et d’une graisse liquide.
Les cavités des oreilles, qui se trouvent de côté, méritent une attention toute
- particulière. Comme nous venons de le dire, les deux sacs sont cachés dans des
creux propres ; mais tout le vestibule avec les ampoules et le canal semicireulaire
montant qui réunit d’abord les canaux antérieur et postérieur, sont simplement ap-
pliqués contre la paroi latérale de la cavité cérébrale , et nullement séparés de cette
dernière par des cloisons solides. Les cavités destinées aux canaux semicireulaires
imitent tout-à-fait la forme de ces derniers ; le canal postérieur passe par les occi-
pitaux latéral supérieur et externe ; le canal externe par la grande aile , le temporal
et l’occipital latéral ; le canal antérieur par l’aile orbitaire, en touchant le frontal
postérieur et la grande aile. Dans une grande partie de leur trajet, ces canaux sont
simplement entourés de cartilage, lequel remplit un espace très-considérable entre
la. grande aile, loccipital latéral et l'aile orbitaire en bas, et l’occipital supérieur
en haut. De tous les os qui prennent part à la formation du crâne , il n’y en a donc
que huit qui ne concourent pas à la formation des diverses cavités de l'oreille : le
nasal (n° 5), le vomer (n° 16), le frontal (n° 1), le sphénoïde (n° 16), l’ethmoïde crà-
nien (n° 15!), le pariétal (n° 7), l’occipital postérieur (n° 15), le frontal antérieur
(n° 2). Tous les autres se combinent pour envelopper les canaux semicireulaires ou
les sacs du labyrinthe.
Le toit de la cavité cérébrale n’est pas plus uni que sa base; le point le plus élevé
est formé par le centre de l’occipital supérieur, d’où partent les canaux semicireulaires
antérieur et postérieur. À partir de là , la ligne médiane est occupée par un bourrelet
arrondi , qui se rattache à ce point central, et qui est osseux aussi long-temps qu’il
appartient à l’occipital supérieur, mais qui au-dessous du frontal devient cartilagineux.
En avant enfin , là où les ailes orbitaires se recourbent vers la ligne médiane , pour
fermer l'orbite , se trouve un creux qui pénètre quelquefois jusqu'à l’os frontal , et
dans lequel est cachée la glande pinéale. A partir de là, le toit s’abaisse de nouveau
pour former l’entrée de l’entonnoir ethmoïdien destiné aux nerfs olfactifs.
La cavité cérébrale se termine en avant par un grand trou médian qui donne pas-
sage aux nerfs optiques. Ce trou est limité en haut par l’ethmoïde, dans lequel se trouve
un creux en entonnoir. aboutissant à deux trous latéraux, qui s’ouvrent dans l’orbite,
en donnant passage aux nerfs olfactifs.
En considérant ainsi le crâne dans son ensemble , nous trouvons l’arrangement sui-
vant des cavités : en arrière, deux grandes cavités médianes , le canal sous-crânien
pour les muscles postérieurs de l’œil , la cavité cérébrale en haut pour le cerveau et
les oreilles ; dans la partie moyenne , deux grandes cavités latérales , séparées par une
cloison médiane , les orbites , et dans la partie antérieure, une grande cavité médiane,
formée de la réunion des deux orbites et destinée aux muscles antérieurs de l'œil,
plus deux petites cavités latérales , les fosses nasales.
Le cartilage crânien est beaucoup plus développé dans la partie antérieure de la boîte
crânienne, qu’autour du cerveau. Nous avons dit qu'il n'y a dans la boîte cérébrale
que deux endroits où il parait à la surface extérieure, l’espace carré au-dessus du grand
trou occipital et les deux espaces oblongs latéraux, dans la fosse latérale du crâne. Dans
la partie antérieure , il est couvert en haut par le nasal et en bas par le vomer ; sur
tout le côté, il est à jour. Aussi rien n’est plus facile que d’enlever ces deux os sans
ir
porter atteinte à la configuration extérieure de cette partie , surtout si l’on opère sur
un crâne convenablement préparé , que l’on a eu soin de faire bouillir légèrement.
La forme des fosses nasales à l’extrémité du museau reste la même, les deux os ne
couvrent le cartilage que comme deux écailles plus dures , dont les contours répétent
ceux de la partie qu’elles protègent. L’enlèvement du frontal principal est déjà
plus grave ; le pourtour des orbites, dont ils forment les toits, se trouve par là consi-
dérablement altéré ; celles-ci ne paraissent plus si profondes, et la cavité cérébrale reste
ouverte sur un petit espace, en dedans du temporal et en avant de la fosse latérale
du crâne. L’enlèvement du pariétal et de l’occipital postérieur n’altère en aucune façon
la conformation du crâne ; l’occipital latéral peut aussi s’enlever avec sa crête, sans
que la cavité cérébrale en souffre. Il en est de même du frontal postérieur, dont l’en-
lèvement ne met à découvert que le canal semicirculaire antérieur. Le temporal est
aussi dans ce cas ; enlevé , il met à découvert le canal semicirculaire extérieur, mais
nullement la cavité cérébrale proprement dite. Le sphénoïde enfin , peut être détaché
sans préjudice pour la cavité cérébrale ; il n’y a que le canal sous-crânien qui se trouve
alors découvert dans toute sa longueur. Quand on a ainsi Ôté toutes ces pièces , il ne
reste de tout le crâne qu’une boîte oblongue et arrondie , sans autres aspérités que la
crête mitoyenne, dont les parois sont osseuses en bas et sur la partie inférieure des
côtés, mais dont la partie supérieure et le toit sont cartilagineux , sauf l’espace occupé
par l’occipital supérieur, et la petite solution de continuité causée par l'enlèvement du
frontal. Cette boite communique par un large pont de cartilage avec la partie anté-
rieure qui conserve sa forme , alors même que les os sont enlevés. Les entailles laté-
rales qui séparent cet élargissement de la boite cérébrale , sont les orbites privées de
leur toit. Nous trouvons ainsi qu’en résumé , le cartilage crânien forme la masse prin-
cipale de la partie antérieure du crâne et une grande partie des parois latérale et su-
périeure de ia boite cérébrale, et qu’il n’y a que le plancher de cette dernière, qui
soit entièrement osseux. Les os qui se voient à la face interne de la cavité cérébrale ,
sont , abstraction faite des cavités pour les canaux semicirculaires , les suivans : les
frontaux principaux, qui n’y ont qu’une part très-minime sur le devant; les occipitaux
supérieurs, en arrière , par toute leur base ; les occipitaux latéraux et les grandes ailes,
par leurs faces internes , sur les côtés et en bas ; une petite portion du basilaire , dans
le plancher, en arrière ; les ailes orbitaires et l’ethmoïde crânien sur le devant; en
somme sept os, dont quatre pairs et trois impairs. Tout le reste ne prend aucune
part à la formation de la boîte cérébrale proprement dite. Les occipitaux externes,
les temporaux et les frontaux postérieurs n’y prennent qu’une part indirecte, en
Tow, HI. 3
enveloppant une portion des oreilles ; le reste est complètement étranger au cerveau,
et n’a de relations qu'avec les organes des sens.
On voit par cette énumération combien M. Vogt avait raison, en décrivant la char-
pente solide de l'embryon de la Palée (*), de poser en fait que presque tous les os du
crâne se développent à l'extérieur de la boîte primitive, qui est cartilagineuse, et
qu'il dépend de l’âge de l'individu , ainsi que de l'espèce, jusqu’à quel point le crâne
sera ossifié. On ne saurait en aucune façon établir une différence tranchée entre des
os extérieurs faisant seulement l'office de plaques protectrices et des os crâniens pro-
prement dits. Chez tel poisson , on trouve, par exemple, le frontal, ou le temporal,
ou tout autre os à l’état de simple plaque protectrice , adaptée à la face extérieure de
la boite cartilagineuse; tandis que chez telle autre espèce, ce même os pénètre jus-
qu’à la face interne de la cavité cérébrale.
DE LA FACE.
Les os de la face représentent , dans leur réunion , deux grands battans mobiles , at-
tachés en divers endroits au crâne, et formant les parois latérales de la cavité buccale.
Bien que mobiles les unes sur les autres, les pièces de ces battans sont pourtant ar-
rangées de manière qu’il n’y a presque pas de lacune entre les os qui les composent ;
car leurs bords intérieurs touchent immédiatement au crâne, ou du moins ne lais-
sent qu’un petit espace intermédiaire libre. Leurs os se combinent en arrière avec l’ap-
pareil operculaire et avec l'appareil hyoïdal proprement dit.
L'intermaxillaire (n° 17) (**) a une forme presque triangulaire. Son apophyse mon-
tante , qui s'applique sur l'extrémité antérieure du nasal, est un peu courbée en ar-
rière. Les deux os se touchent sur la ligne médiane, et forment la pointe antérieure
du museau. Le bord inférieur est droit et armé, chez la petite Truite, de quatre à
huit dents fortes, aiguës et recourbées-en arrière ; chez la grande, il y a en général
un plus grand nombre de dents dans l’alvéole de cet os. La face interne de l'os est
un peu creuse, l’extérieure bombée ; à la face interne est accolée l’apophyse antérieure
du maxillaire supérieur. C’est, avec le nasal, le seul os qui touche immédiatement
l’intermaxillaire ; le reste de sa face interne repose sur le cartilage cränien.
(*) Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, seconde livraisou, Embryologie des Salmones,
par C. Vogt.
(*) Détermination généralement adoptée. — Tab, D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil ; fig. 19, de de-
dans. — Tab. E(S. trutta), fig. 1, de profil. Tab. F (S. trutta), fig. 4!, de profil, en dehors ; fig. 5, de pro-
fil, en dedans.
0 —
L'os qui fait suite à l’intermaxillaire sur le pourtour de l'ouverture buccale est le
mazxillaire supérieur (n° 18) (*), cet os dont on a si long-temps méconnu la véri-
table nature, en l'appelant os des mystaces, jusqu'à ce que Cuvier démontra, par
l'étude de la Truite, que c'était bien réellement lanalogue du maxillaire supérieur.
Il à la forme d’un bâton aplati et courbé, s’engageant par une apophyse inerme, entre
l'intermaxillaire (n° 47) et le palatin (n° 22), sur lequel la face interne de cette apo-
physe peut glisser, tandis qu'elle est fixée d’une manière presque immobile à la face
interne de l’intermaxillaire. L’os s’aplatit et s’élargit principalement vers l'extrémité
postérieure qui est appliquée sur la face externe de la mâchoire inférieure. Il forme
le pourtour extérieur de la bouche, de manière qu’en fermant la bouche, la mà-
choire inférieure ne rencontre pas les dents des maxillaires, mais se place en de-
dans, Le bord inférieur de l'os est armé de seize à vingt dents coniques, courbées en
dedans, et qui diminuent insensiblement en grandeur d’avant en arrière. Quoique
présentant la même courbe que le palatin, la face interne du maxillaire n’est pour-
tant pas appliquée contre ce dernier; elle est tout-à-fait libre, aussi loin qu’il porte
des dents, et séparée du palatin, comme de la mâchoire inférieure, par un pli de la
peau , qui peut s'étendre et faciliter ainsi les mouvemens de los.
À la face externe du maxillaire, près de son extrémité postérieure et aplatie, est
appliqué un petit os plat, de forme oblongue, le surmaæillaire (n° 18") (**). Il ne pré-
sente rien de remarquable, et ne sert qu’à élargir et à donner plus de force à l’extré-
mité postérieure du maxillaire.
En dedans de cet are extérieur , composé par les intermaxillaires et les maxillaires,
se trouve un second arc également denté, formé par le palatin (n° 22) (***). La forme
de ces os imite en quelque sorte celle du maxillaire : mais il est plus massif, moins
aplati et moins courbé, de manière à former avec celui de l’autre côté un arc plus
étroit que celui du maxillaire; les dents ÿ sont au nombre de dix à quinze. Le bord
supérieur est renflé et surmonté, près de son extrémité antérieure, d’une apophyse
obtuse, mais massive, au-dessous de laquelle s'engage l’apophyse antérieure du
(*) Dénomination généralement adoptée. — Tab. DS. Jfario), fig. 17 et18, de profil; fig. 19, de de-
dans. — Tab. EÇS. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F ÇS. srutta), fig. 4, de profil, en dehors; fig 5, de
profil, en dedans.
(*) Os propre aux Truites et à quelques autres genres voisins, 1l existe aussi chez les Clupes, — Tab. D
CS. fario), fig. 17 et 18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F (S$. trutta), fig. 4, de
profil.
(**) Détermination généralement adoptée, sauf Bojanus, qui en fait le maxillaire. — Tab. D {.$. fario),
fig. 18, de profil; fig. 19, de dedans. — Tab. F ÇS. trutta), fig. 4, de profil; fig. 6, de dedans.
se Gp
maxillaire. Cette apophyse du palatin est tapissée de cartilage ; elle paraît à la face ex-
térieure de la tête, au dessus de l'extrémité antérieure du maxillaire (Tab. E fig. 1);
et c’est sur elle que s'appuient les deux premières pièces du jugal (n° 19 et 19).
La partie postérieure du bord supérieur de los est creusée en gouttière et présente
deux bords tranchans ; sur le bord externe s’appuient les pièces du jugal qui forment
le bord inférieur de l'orbite (n° 19’ et 197); contre le bord interne est appliqué le
ptérygoïde (n° 25), qui est soudé avec lui par du cartilage. L’extrémité postérieure
de l’os est mince et effilée; elle s’engrène dans l’extrémité antérieure de los trans-
verse (n° 24). L’extrémité antérieure touche encore le vomer à son bord interne.
Les mouvemens du palatin sont très-restreins et limités à de petites déviations,
dues à l’élasticité des cartilages qui se joignent aux autres pièces. Quand la bouche
se ferme, l’arc se place en dedans de la mâchoire inférieure, et les dents de cette
dernière se trouvent ainsi logées dans la profonde rigole entre le palatin et le maxil-
laire supérieur.
Le transverse (n° 24) (*) est un os long et cylindracé, qui s’applique par son ex-
trémité antérieure sur l’arrière du palatin, et qui en arrière s'adapte de la même
manière contre le bord antérieur de los carré (n° 26). Il forme la continuation du
bord de l’arc palatinal, en joignant le palatin à los carré. Il n’est pas armé de dents,
et touche seulement par son extrémité antérieure le ptérygoïde (n° 25).
Le ptérygoïdien (n° 25) (**) est un os plat et large, dans lequel on peut distin-
guer une partie horizontale et une partie verticale. La première sert de plafond à
la partie postérieure de la gueule ; elle touche de‘très-près par son bord interne et
libre au sphénoïde (n° 6), et ferme ainsi l'orbite du côté de la gueule; la partie ver-
ticale est principalement développée en arrière. Le bord extérieur de la partie horizon-
tale s’applique en avant contre le bord interne du palatin (n° 22), et touche un peu au
transverse (n° 24). La partie verticale s’applique sur la face interne de la caisse (n° 27)
de los carré (n° 26), et touche , dans toute sa longueur, au bord interne du trans-
verse (n° 24). Cette partie réunit ainsi d’une manière fixe ces os entre eux et avec le
palatin. Elle est recouverte en dehors par du cartilage, dans tous les endroits où les
(*) Transverse, Cuvier, Meckel, Bakker, Geoffroy; démembrement du palatin, Bojanus, Carus; ptéry-
goïdien, Spir. — Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18 de profil, fig. 19 d’en dedans.— Tab. E (S. trutta), fig. 1,
de profil. — Tab. F /S. trutta ), fig. 4, de profil en dehors ; fig. 5, de profil en dedans.
(*) Détermination généralement adoptée, sauf par Spix, qui en fait le palatin. — Tab. D (S. fario),
fig. 17 et 18, de profil; fig. 19, d’en dedans. — Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil, en dehors ; fig. 5, de
profil, en dedans.
EN —
os mentionnés ne sont pas appliqués dessus. Bien que touchant par son bord inté-
rieur au vomer (n° 16) et au sphénoïde (n° 6), l'os n’est pourtant pas articulé avec ces
derniers. La partie horizontale est déclive en dehors , de manière que les deux ptéry-
goïdiens forment au dessus de la cavité buccale un véritable toit, dont le sphénoïde et
le vomer constituent la crête mitoyenne.
A la face externe du ptérygoïde, formant la continuation postérieure de lare palati-
pal, se trouve , de chaque côté , l'os carré (n° 26) (*). C’est un os en forme de triangle,
dont le sommet , qui porte l'articulation de la mâchoire inférieure , est en bas, tandis
que la base est tournée en haut. Le côté antérieur du triangle est rectiligne, et son
extrémité est enchâssée dans la gouttière postérieure du transverse ; le bord postérieur
se prolonge sous la forme d’une apophyse longue, grèle et pointue, qui est séparée
du corps de l’os par une profonde entaille , dans laquelle se loge la pointe du tym-
pano-malléal (n° 31). La facette articulaire de l'os est gynglimoïde, creuse, et munie
de chaque côté, en dehors et en dedans, d’un bourrelet assez vigoureux, ce qui
rend tout mouvement latéral de la mâchoire inférieure impossible. L’os touche par
son bord antérieur au transverse (n° 24), par sa face interne au ptérygoïde (n° 25),
par l’apophyse postérieure au bord antérieur du préopereule (n° 30), et recoit dans
son entaille le tympano-malléal (n° 51).
Le tympano-malléal (31) (**) est un petit os en forme de massue, dont la partie
grèle est enchâssée dans l’entaille de l'os carré ; il touche en arrière au bord du préo-
percule (n° 50) et au styloïde (n° 29); en haut, au mastoïdien (n° 25), et en avant,
à la caisse (n° 27).
Le mastoïdien (n° 23) (**) est un os plat, de forme quadrangulaire, dont le bord
supérieur, presque horizontal et rectiligne, est arrondi , revêtu d’une couche de car-
tilage et susceptible de se mouvoir comme un battant sur la rigole latérale du tempo-
ral (n° 12). Le bord postérieur, qui est à angle droit avec le bord supérieur, est
tranchant, et appliqué , dans toute sa longueur, contre le bord antérieur du préoper-
cule (n° 30). Ila, à sa face interne, une apophyse plate, saillante, large et arrondie,
(*) Jugal, Cuvier; ptérygoïdien , Bojanus; démembrement de l'os carré, Meckel. — Tab. D (S. fario),
fig. 17 et18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F, fig. 4, de profil en dehors; fig. 5,
de profil en dedans.
(*) Symplectiqne, Cuvier ; styloïde, Meckel ; tympano-malléal, Hallmann. —Tab. DÇS. fario), fig. 17
et 18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1. — Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5, de dedans.
(°*) Temporal, Cuvier; os carré, Bojanus, Rosenthal; démembrement de l'os carré, Meckel. — Tab. D
CS. fario), fig. 17 et 18, de profil. —Tab. E (S. trutta), fig. 1.—Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5,
de dedans.
de on Ce
sur laquelle s'articule la facette articulaire de l’opercule. Le bord interne est profon-
dément entaillé, de manière à présenter deux appendices, dont le postérieur est assez
épais et l’antérieur mince. Sur la face externe de la partie inférieure est appliquée la
caisse (n° 27), de manière à fermer l’entaille , à une petite fente près, par laquelle
l'artère hyoïdale passe de la cavité branchiale dans celle de la face. Le bord antérieur
de l'os enfin n’est libre que dans sa partie supérieure, l’inférieure étant accolée à la
caisse (n° 27). L’os touche en haut au temporal (n° 12), en arrière au préopercule
(n°50) et à l’opercule (n° 28), en bas, au styloïde (n° 29), au tympano-malléal (n° 51),
et par son angle antérieur et inférieur au ptérygoïde (n° 25).
La caisse (n° 27) (*) est une pièce plate et mince, de forme presque triangulaire ,
qui est appliquée par sa face externe au mastoïdien (n° 253) et au ptérygoïde (n° 25),
et fait tellement corps avec le premier, qu'il est difficile de l’en séparer. Son bord
postérieur est adhérent, son bord antérieur en revanche est libre, et entre sa partie
supérieure et le mastoïdien se trouve un espace vide ; dans lequel s’attache une
grande partie du grand muscle masticatoire.
Les os de la face que nous venons de passer en revue sont tous si intimément unis,
qu'ils ne constituent qu’une seule plaque, dépendant de la face latérale du crâne, et
formant les parois latérales de la cavité buccale. Sauf les deux maxillaires, qui sont
susceptibles de glisser un peu sur le palatin, les autres sont tous immobiles et ne peu-
vent se mouvoir que dans leur ensemble. Comme ils ne sont fixés au crâne que sur
deux points, en avant par le palatin et l’intermaxillaire à l'extrémité du museau, en
arrière par le mastoïdien au temporal, et que le reste est parfaitement libre, il s’en
suit que le battant qu'ils forment peut s’écarter considérablement et élargir latéra-
lement la cavité buccale, pour laisser passer la proie. Pourtant cet écartement n’est
pas aussi considérable chez la Truite que chez beaucoup d’autres poissons, et, com-
paré à ces museaux protractiles, que lon rencontre dans quelques genres, la màchoire
supérieure et lappareil palatinal de la Truite peuvent presque être envisagés comme
immobiles.
Ouire l’appareil palatino-maxillaire , que nous venons de décrire, la face compte en-
core plusieurs autres os remarquables par leur emplacement comme par leur fonction.
Les jugaux (n° 19) (**) se présentent en premier lieu à notre attention. Ce ne sont
(*) Temporal, Cuvier ; ptérygoïde postérieur, Hallmann, Bojanus ; démembrement de l'os carré, Meckel,
— Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil; fig. 19, de dedans. —Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. —
Tab. F Ç(S. truita), ig. 4, de profil; fig. 5, de dedans.
(*) Jugal, Meckel, Bakker, Bojanus, Spix ; lacrymal, Carus ; sous-orbitaires, Cuvier.—Tab. A (S. fario),
fig. 1, de profil. — Tab. D [S, fario), fig. 18, de profil. — Tab. EfS. trutta), fig. 1, de profil.
pas des os simples; c’est tout une chaine d'os composée de six à sept pièces plus ou
moins plates, qui forment un anneau autour de l'orbite. La première pièce (n° 19) est
appliquée contre la face extérieure du frontal antérieur, et forme le pourtour posté-
rieur de la fosse nasale ; la seconde (n° 19’) est cylindracée et articulée par son extré-
mité antérieure sur le bouton cartilagineux qui revêt lapophyse du palatin; les
pièces postérieures (n° 19’, etc.) deviennent de plus en plus plates ; la dernière enfin
s'applique sur la face extérieure de la suture du frontal principal avec le frontal posté-
rieur. Le bord orbital de tous ces osselets est renflé, le bord extérieur mince et tran-
chant ; un canal muqueux , qui a plusieurs ouvertures à l'extérieur, longe leur bord
orbital. Cette chaine d’osselets est librement suspendue dans la peau, et couvre la
partie extérieure des muscles de la joue, qui la séparent des autres os. Elle n’a point
de mouvement propre, et ce n’est que grâce à son élasticité, qui est due au nombre
de pièces dont elle est composée, qu’elle peut se plier aux mouvemens du muscle.
Le surorbitaire (n° 1!) (*) est un petit os squammeux, oblong, attaché par son bord
interne au toit de l'orbite qu'il complète de ce côté. Il n’a point d’autres relations avec
* les os, ni avec les parties molles qui l'entourent.
Les olfactifs (n° 20 et 20!) (**) sont deux petits os plats, oblongs, attachés par
leur face interne au nasal n° 3, et couvrant d’en haut les fosses nasales. Cachés dans
la peau qui recouvre les fosses, ils sont mus par de petits muscles propres, ou plutôt
par des fibres musculaires dispersées, qui leur impriment un mouvement de battant
: fort distinct. Comme le couvercle de la fosse nasale a deux trous, qui s'ouvrent et se
ferment successivement , ce mouvement des olfactifs détermine un courant d’eau con-
tinuel à travers les narines , condition essentielle pour la perception des odeurs, qui,
quoique faible, ne saurait cependant être nulle chez les poissons.
La mächoire inférieure est composée de chaque côté de trois os, le dentaire , l’ar-
ticulaire et l’angulaire , dont le premier porte seul des dents.
Le dentaire (n° 34) (**) est une pièce longue , triangulaire , concave en dedans ,
bombée en dehors, et arquée suivant le contour de la bouche ; sa largeur va en aug-
mentant d'avant en arrière ; son extrémité antérieure un peu plus arquée que le reste
de los , touche l'os correspondant du côté opposé sur la ligne médiane et se combine
avec lui au moyen d’une symphyse cartilagineuse. La face externe de l'os est ré-
(*) Dénomination généralement adoptée. — Tab A (S. fario). fig. 1. — Tab. D (S. fario), fig. 18. —
Tab E (S. trutta), fig. 1.
(**) Nasaux, Cuvier, Meckel; incisif, Bojanus. —Tab. D'(S. fario), fig. 18.— Tab. E, fig. 1.
(**) Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil; fig. 19, de dedans.—Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil.
— Tab. F (S. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5, de dedans.
nt a
gulièrement bombée ; la face interne présente, au contraire, une gouttière trian-
gulaire , pointue en avant et évasée en arrière , qui reçoit l’articulaire dans une pro-
fonde échancrure ; elle est parcourue dans ‘toute sa longueur par le cartilage de la
mâchoire. Au-dessus de cette gouttière , se trouve une carène longitudinale , sur la-
quelle les dents sont implantées. Il y a place pour douze à dix-huit dents, mais il
en manque ordinairement plusieurs. Le bord extérieur de l'os s'élève au-dessus du
bourrelet qui porte les dents , de manière que leurs racines ne peuvent être vues que
de l’intérieur.
La seconde pièce ou l’articulaire (n° 35) (*) , est également triangulaire et pointue
en avant. Sa pointe s’avance dans l’entaille postérieure du dentaire. D'abord mince,
il devient plus massif en arrière , où il se rétrécit pour former l’apophyse articulaire ,
qui est en ginglyme , et dont la conformation répond exactement à celle de los carré.
En arrière de larticulation se trouve une apophyse montante, qui s'engage en haut
entre los carré et le préopercule.
L’angle postérieur est complété par un très-petit os, langulaire (n° 36) (*), qui
est accolé à l’articulaire , et qui , même chez les individus âgés , ne se confond jamais
entièrement avec ce dernier.
Chacune des mâchoires forme ainsi une branche élargie en arrière , moins haute
en avant, dont les bords supérieur et inférieur sont tout d’une venue , quoique com-
posés de plusieurs pièces distinctes. Le bord supérieur est tronqué obliquement , sui-
vant la courbe que décrit le bord de l'appareil palatinal. Quand Fanimal ferme la
bouche, les dents de la mâchoire inférieure se logent dans la profonde rigole qui est
située entre les maxillaires et les palatins. Le grand muscle masticateur part de la face
extérieure de la fosse temporale pour se fixer à la face interne de la mâchoire.
Une particularité assez singulière de la tête de la Truite, qui n’a été mentionnée par
aucun auteur, c’est l'existence d’un bâton cartilagineux , qui s’étend tout le long de la
gouttière, à la face interne de la mâchoire (***), prenant naissance à la partie renflée
de l’articulaire , et se cachant dans la partie antérieure du dentaire , où il se perd. Ce
cartilage est rond , cylindracé et tout-à-fait caché dans les insertions du muscle mas-
ticateur. Il persiste jusque dans l’âge le plus avancé , et représente , chez les poissons,
le cartilage de Meckel, qui, comme l’on sait, existe chez les animaux supérieurs
pendant la vie embryonale , sous la forme d’une apophyse cartilagineuse , qui réunit le
€) Tab. D (5. fario), fig. 17 et 18, de profil. —Tab. F ($. trutta), fig. 4, de profil; fig. 5, de dedans.
(*) Tab. D Ç(S. Jario), fig. 17 et 18, de profil.—Tab. FÇS. trutta), fig. 4, deprofil; fig. 5, de dedans.
(**) Tab. F (S. trutta), fig. 5, de dedans.
en UM —
marteau de l’oreille à la mâchoire inférieure. Le tympano-malléal est, chez les pois-
sons , le restant de la partie supérieure de ce cartilage.
Avant de quitter la mâchoire inférieure , disons quelques mots de la dentition de la
Truite en général. Nous avons trouvé dans la mâchoire supérieure deux arcs paral-
lèles armés de dents, dont l’externe est formé par l’intermaxillaire et le maxillaire
supérieur, et l’interne par les palatins, plus une double rangée médiane sur le vomer,
se prolongeant en arrière aussi loin que cet os. Le plancher de la bouche n’a, au con-
traire, qu’un seul arc dentifère , le dentaire de la mâchoire inférieure, et une double
rangée médiane de dents implantées sur le lingual. Il existe enfin à la face interne
des arcs branchiaux , tant en haut qu’en bas, et de même sur les pharyngiens , une
quantité d'aspérités dentiformes ( dents en brosse) ; en sorte que l’entonnoir qui con-
duit à l’æsophage, est tout hérissé de crochets propres à empêcher la proie de s’échap-
per. Toutes les dents de la Truite sont courbées en arrière et ont , suivant leur gran-
deur, plus ou moins la forme de crochets. Celles du plancher de la bouche sont plus
grandes que celles de la mâchoire supérieure. L’on pourrait classer les os dentés,
d’après la grandeur de leurs dents, dans l’ordre suivant : lingual, maxillaire inférieur,
intermaxillaire, vomer, palatin , maxillaire supérieur. Dans tous ces os , les dents ne
sont point implantées dans des alvéoles , mais bien sur des creux de l'os , avec lequel
elles font corps , se soudant par leur base avec la substance osseuse environnante. De
cette manière , le creux dans lequel elles se développent est tout à la fois le commen-
cement et la base de la cavité pulpaire, qui est creusée dans l’intérieur de la dent.
De là vient aussi que les vieilles dents font toujours corps avec l'os, et ne tombent
point par la macération, tandis que les jeunes sont encore suspendues dans la mu-
queuse et s’enlèvent avec elle. Les dents cassées ou fracturées , ainsi que celles qui
ont terminé leur cycle, sont sans cesse remplacées par des dents nouvelles qui se for-
ment dans les creux occupés par les vieilles dents. Elles sont d’abord enveloppées dans
un sac de la muqueuse, n'ayant qu’une très-petite pointe acérée , et croissant par addi-
tion à la base; mais bientôt elles percent la muqueuse et se plantent sur Fos. Les nerfs
et vaisseaux des dents ne suivent pas des canaux propres , mais sont seulement enve-
loppés dans la muqueuse ; aussi long-temps que la dent est libre, ils pénètrent dans la
cavité pulpaire par la base qui est ouverte, Quand la dent vient à s’implanter, il reste
un petit trou de chaque côté de la dent, par lequel les vaisseaux entrent dans la cavité
pulpaire. Nous exposerons l'accroissement et les détails de ce remplacement des dents
au chapitre de leur structure.
Tom. 11. . 4
EC
DE L'APPAREIL RESPIRATOIRE.
Au lieu de rattacher les os operculaires aux os de la face, comme on le fait commu-
nément , nous avons préféré les réunir à l'os hyoïde et aux arcs branchiaux. Ce rap-
prochement nous parait justifié par la situation et la liaison de ces os avec l'appareil
hyoïde , et par le rôle que leur assigne la physiologie et l'embryologie.
L'os hyoïde (*) est composé de plusieurs pièces , dont les unes, rangées en lignes
verticales et unies par du cartilage, constituent le corps de l'os , tandis que les autres
forment les branches latérales. Le corps de l’hyoïde est composé des pièces suivantes :
Le lingual (n° 41), pièce courte et plate, qui est adaptée comme un capuchon sur
l'extrémité antérieure du cartilage qui sert de support à la langue. Il est hérissé de
chaque côté d’une rangée de quatre à six dents vigoureuses , recourbées en arrière.
Au milieu de la face supérieure, qui est à-peu-près plane, on aperçoit une légère dé-
pression. Le côté inférieur est creusé en gouttière , pour recevoir le cartilage.
Au lingual succèdent en arrière trois os (n° 55, 54 et 55), de forme plus ou moins :
cylindracée , plus larges en haut, carénés à la face inférieure, et réunis par du
cartilage qui s'étend fort loin en arrière et se termine en une pointe longue et com-
primée latéralement. Ils forment ainsi dans leur réunion une longue tige grèle , sur
les côtés de laquelle sont articulés les branches de l’hyoïde , les quatre ares branchiaux
et les pharyngiens. Ils constituent en outre la base de l’entonnoir branchial , servent
de vestibule à l’ésophage , et séparent le sac péricardial de l'intestin buccal. Les
branches de l’hyoïde sont articulées dans une fossette , sur les côtés du cartilage qui
sert de support au lingual ; le premier arc branchial se place entre les os n° 55 et 54;
le second are sur l'os n° 54 ; le troisième embrasse par ses osselets intermédiaires le
corps de los n° 55 ; le quatrième enfin et les pharyngiens sont articulés avec la plaque
cartilagineuse qui termine le corps de l’hyoïde.
Au dessous et en arrière du lingual se trouve la queue de l’hyoïde (n° 42) (**) ; c’est
un petit os en forme de quille reposant sur une lame plate et horizontale.
Chacune des branches latérales de l'os hyoïde est composée de cinq os, deux arti-
culaires (n° 59 et 40) qui forment ensemble la tête glénoïdale par laquelle la branche
se meut sur le corps de l’hyoïde, deux os plats (n° 37 et 38) formant la plus grande
partie de la branche, et enfin un petit os styloïde (n° 29), par lequel la branche latérale
s'attache au mastoïdien (n° 23) et au préopercule (n° 30).
() Tab. D ÇS. fario), fig. 19-21, de profil; fig. 20, d’en haut. — Tab. F (S. trutta), fig. 1, d’en haut;
fig. 2, de profil ; fig. 3, d’en bas. (*) Tab. D, fig. 21, de profil et &’en haut.
D
CT =
Les deux articulaires (n°° 39 et 40) sont deux petits os sub-coniques , appliqués
l’un contre l’autre, de manière à former une tête glénoïdale oblongue , qui tourne en
diarthrose dans la fosse articulaire. Chacun des os a, à sa face interne, une échancrure
qui se change en un trou par la réunion des deux os. Ce trou traverse le cartilage qui
lie les deux os, et aboutit, sous la forme d’un canal courbe, à la face extérieure , où
il s'ouvre à la naissance de la gouttière qui longe la branche. C’est par ce canal que
l'artère hyoïdale se rend de la face inférieure de l'hyoïde à sa face externe , pour con-
tinuer son cours le long de la branche de l’hyoïde vers la fausse branchie.
Une bande de cartilage assez épaisse réunit le troisième os de la branche (n° 38),
aux deux os articulaires ; cet os est plat et large en arrière, tandis que son extrémité
antérieure est plus arrondie. L’os entier est très-long et placé verticalement le long de
la mâchoire inférieure.
À sa suite est appliqué un os plat (n° 37), qui est triangulaire , arrondi à son ex-
trémité, et réuni au précédent par une bande cartilagineuse. Il porte à son angle
postérieur le petit os styloïde (n° 29), qui fixe la branche entière au préopercule et au
mastoïdien (n° 25). A la face externe de la branche hyoïde se voit une gouttière étroite,
qui suit le bord supérieur et dans laquelle se loge l’artère hyoïdale.
Le préopercule (n° 30) (*) forme la continuation directe des branches de l'hyoïde.
C’est un os long , plat et courbé en équerre ; son bord antérieur arrondi et plus épais ,
longe le bord postérieur de la face , depuis le mastoïdien (n° 25), jusqu’à l'os carré
(n° 26), et son extrémité inférieure s’applique derrière l’apophyse articulaire de la
mâchoire inférieure. Son sommet est appliqué sur la face extérieure de l'articulation
operculo-mastoïdienne ; le reste du bord antérieur se montre sur le côté interne de
la face, bouchant l’espace entre le mastoïdien , le tympano-malléal, et los carré d’un
côté et le battant operculaire de l’autre. Le bord postérieur de l'os est tranchant et
couvre le bord antérieur de l’appareil operculaire , qui se meut sur lui comme un bat-
tant. Un grand canal muqueux longe le bord antérieur de los et s'ouvre au dehors
par plusieurs ouvertures , principalement à la partie inférieure de los. |
Les branches de l’hyoïde forment ainsi avec le préopercule un are complet qui est
interne en avant, et caché entre l’are de la mâchoire inférieure , mais dont la partie
postérieure apparait à la face externe de la joue. Cet arc, qui, comme nous le ver-
rons par la suite, est un are branchial modifié, s'attache en haut au mastoïdien
(*) Tab. D CS. fario), fig. 17 et18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F, fig. 4, de
profil; fig, 5, de dedans.
sent AS de
comme l'arc hyoïde des animaux supérieurs , et forme ainsi une ceinture , qui sé-
pare les os de la face proprement dite des véritables branchies. Mais au lieu d’or-
ganes respiratoires, cet arc transformé porte une série considérable d’os rangés à
la file les uns des autres, qui sont destinés à l'exercice mécanique de la fonction
respiratoire , et à la protection des feuillets branchiaux. Ces osselets constituent l’ap-
pareil operculaire et branchiostègue. Ils sont au nombre de quinze chez la Truite,
savoir : douze rayons branchiostègues et trois os operculaires proprement dits. Cepen-
dant leur nombre varie ; car il n’y a quelquefois que onze rayons branchiostègues d’un
côté et douze de l’autre.
Les rayons branchiostèques (n° 43) (*) sont des osselets larges, plats et courbés en
forme de sabre, attachés à la face interne de la branche de l’hyoïde, notamment des
os n° 57 et 58 , et imbriqués comme des tuiles les uns sur les autres, de manière que
le bord autérieur du suivant recouvre toujours le bord postérieur du précédent. Le pre-
mier os est le plus petit; les autres gagnent successivement en longueur et en largeur.
Une membrane assez épaisse les réunit entre eux et aux branches de l'hyoïde ; tandis
que des fibres musculaires particulières sont destinées à les écarter et à les rapprocher.
Au dessus des rayons branchiostègues et appliqués à la face interne du préopercule,
comme ceux-ci aux branches de l’hyoïde, se trouvent les trois pièces qui constituent
ensemble le battant opereulaire (**).
La première de ces pièces, l'interopercule (n° 53), a encore quelque ressemblance
avec la portion antérieure d’un rayon branchiostègue. C’est une pièce oblongue, qua-
drangulaire, appliquée à l'extrémité de la branche hyvide et fixée d’une manière
immobile à celle-ci par des fibres tendineuses. Son bord supérieur est entièrement
caché sous le préopercule ; son angle supérieur et postérieur atteint l’opereule et son
bord postérieur est appliqué contre la face extérieure du sous-opereule.
Le sous-opercule (n° 32) représente la partie postérieure d’un rayon branchiostègue,
au même titre que l’interopercule en est l'extrémité antérieure. C’est un os de forme
oblongue, qui remplit l’espace entre l’opercule et l’interopercule, et qui est appliqué
contre la face interne de ces os. Son angle antérieur seul prend part à la formation du
bord antérieur du battant, dans l’angle de la courbe que celui-ci décrit ; ses bords
inférieur et postérieur forment l’angle postérieur du battant.
(®) Tab. DÇS. fario), fig. 17 et 19, de profil. — Tab. E(S. trutta), fig. 1, de profil. — Tab. F (S. trutta),
fig. 1, d'en haut, et 3 d’en bas.
(9 Tab. D (S. fario), fig. 17 et 18, de profil. — Tab. E (S. trutta), fig. 1, de profil. Tab. F (5. trutta),
fig. 4, de profil, et 5 de dedans.
RUN
L’opercule enfin (n° 28) est une grande pièce plate , de forme presque carrée, à
angle arrondi. Son bord antérieur est droit et muni en haut d’une face articulaire
ronde et peu concave, qui correspond à la tête glénoïdale du mastoïdien , et par la-
quelle l’opercule se meut sur cette dernière. Le reste de l'os est très-mince et plat ;
son bord postérieur est uni; son bord inférieur, qui s'applique sur la face extérieure
du sous-opercule est dentelé.
Le battant operculaire a ainsi, dans son ensemble, la forme d’une équerre très-large,
dont le bras inférieur , formé par l’interopercule , est étroit et beaucoup plus court que
le supérieur. Il ferme la fente branchiale sur le côté, en s'appliquant sur le bord ex-
térieur de la ceinture thoracique, tandis qu'à la face inférieure de la gorge, cette
fonction échoit aux rayons branchiostègues.
Les arcs branchiaux proprement dits (*) , qui portent les feuillets destinés à la res-
piration, sont au nombre de quatre de chaque côté. Chaque arc est composé de trois
pièces rangées à la file, dont les deux premières seulement portent des feuillets respi-
ratoires ; la troisième pièce sert d’attache au crâne et aux os de l’autre côté. Enfin les
trois premiers arcs ont des os articulaires, qui les lient au corps de l'hyoïde.
Les pièces inférieures des arceaux (n° 58, 60 du quatrième arc) sont des os longs
et cylindriques, creusés en gouttière à la face externe et bombés à la face interne.
Ils sont réunis par une articulation cartilagineuse , formant toujours un coude avec
les pièces supérieures (n° 61), qui sont plus courtes, mais aussi plus larges. Les pièces
supérieures des trois premiers arceaux ont chacune une pointe apophysale , tournée en
arrière, qui s'applique sur la face supérieure de la pièce conjonctive de l’arceau sui-
vant. La pièce supérieure du dernier arc est fort élargie, plate, et ne porte point de
gouttière destinée à des organes respiratoires , ni d’apophyse postérieure.
Les pièces articulaires supérieures enfin (n° 59 et 62) sont au nombre de quatre ;
celle du premier arceau (n° 59) est styloïde et suspendue par son extrémité supérieure
au crâne , dans l’enfoncement latéral de la grande aile (n° 41). Les suivantes (n° 62)
s’élargissent successivement, si bien que la dernière est une simple plaque de forme
presque carrée, hérissée de dents en brosse , sur tout son pourtour. La seconde pièce
n’est dentelée que sur un très-petit espace, tandis que la première est tout-à-fait dé-
pourvue de dentelures.
Les pièces articulaires inférieures (n° 57) n'existent qu'aux trois premiers arceaux ,
et diminuent de longueur d’avant en arrière. Les deux premières sont creusées en
(*) Tab. D (S. fario), fig. 20, d’en haut. — Tab. F (S. trutta), fig. 1, d’en haut; fig. 3, d’en bas.
EN
gouttières , et portent encore des franges respiratoires; la troisième est très-petite, mais
elle porte une apophyse inférieure qui se courbe en bas et en avant pour embrasser la
pièce postérieure du corps de l’hyoïde (n° 55), Tab. F, fig. 2.
Les os pharyngiens enfin (n° 56) sont des ares branchiaux atrophiés et réduits à une
seule pièce presque cylindrique de chaque côté, qui porte, sur un élargissement mé-
dian, une plaque triangulaire de dents en brosse.
L'appareil respiratoire entier forme ainsi, par la réunion de ses différentes pièces,
un entonnoir largement ouvert en avant, qui se rétrécit insensiblement vers l’éso-
phage ; et comme les pièces articulaires inférieures vont en diminuant de longueur
d'avant en arrière, et de même les pièces inférieures des arceaux , il s’en suit que l’ar-
ticulation de la pièce inférieure avec la pièce supérieure se rapproche toujours davan-
tage du corps de l’hyoïde. Les pièces supérieures (n° 61) sont tellement fléchies que
leur face externe, qui porte les franges branchiales, devient la supérieure ; de cette
manière , les pièces articulaires supérieures forment le plafond de l’entonnoir, et leurs
plaques dentaires supérieures se trouvent opposées à celles des pharyngiens et aux
nombreuses aspérités que porte la muqueuse qui enveloppe les arceaux à leur base.
Enfin, nous devons encore mentionner plusieurs petits os qui ne sont là que pour
protéger les principaux canaux muqueux de la tête, et qui sont soumis à des variations
infinies, non-seulement chez les espèces, mais aussi chez les individus, d’après l’âge.
Deux de ces os se trouvent ordinairement placés entre la pointe supérieure du préo-
percule et l’ouverture postérieure du canal du temporal (n° 50’ et 30”) (*). Ce sont de
petits cylindres creux, attachés l’un à la suite de l’autre. Au dessus de ces deux osse-
lets il y en a trois autres (n° 21, 21', 21!) (**), dont le premier, divisé en deux branches,
et plus large que les autres, correspond à la bifurcation du canal muqueux principal,
qui vient de l’épaule ; l’une des branches se dirige vers le réservoir situé dans le tem-
poral ; l’autre vers la crête de l’occiput, en passant par les petits cylindres (n° 21'et 22’).
Les noms que nous avons employés dans les descriptions qui précèdent , nécessitent
de notre part quelques explications, puisqu'ils différent à bien des égards de ceux
employés par nos prédécesseurs , ainsi qu’on a pu le voir par les notes que nous avons
eu soin de placer au bas des pages. Ces explications, nous ne pouvons guère les don-
() Tab. E (S. trutta), fig. 1. — Tab. F (S. trutta), fig. 4 et 5.
(*) Tab, E (S. trutta), fig. 1. — Tab. D (S. fario), fig. 17 et 19.
SR. Ce
ner sans entrer dans quelques considérations sur la tête des poissons en général. Dans
l’étude de l'ostéologie de la Truite, nous n'avons jamais perdu de vue les résultats
auxquels nous avaient conduits d’une part les recherches embryologiques , dont les
résultats se trouvent consignés d’une manière succincte dans l'Embryologie des Sal-
mones (*); et, d’autre part, les études comparatives sur l’ostéologie des Sauroïdes
vivans, qui sont exposées dans les Recherches sur les Poissons fossiles (**). Comme on
trouve déjà dans ce dernier ouvrage une comparaison complète de la tête des poissons
avec celle des reptiles et des vertébrés en général, il ne nous reste plus à faire main-
tenant qu’une comparaison semblable entre la tête du poisson adulte et celle de l’em-
bryon. Ce sera le plus sûr moyen d'arriver tout à la fois à la connaissance des fonctions
physiologiques et de la conformation si extraordinaire de la tête des poissons.
La tète de l'embryon est une simple boite cartilagineuse, modelée sur les faces exté-
rieures du cerveau et des organes des sens, et ne présentant aucune division quelconque
qui puisse favoriser la théorie assez généralement admise d’une composition vertébrale
de la tête. Au dessous de cette boite animale est suspendu l’appareil masticatoire et res-
piratoire, composé de sept arceaux distincts. Le premier de ces arcs, la mâchoire infé-
rieure, est uniquement masticatoire. Le second, l’arc hyoïde, et le dernier, l'arc pha-
ryngien, sont pendant quelque temps respiratoires ; mais ils perdent plus tard cette
destination. Il n’y a que ces quatre arcs qui conservent pendant toute la vie leur fonction
de véritables arcs branchiaux. Tous ces arceaux sont formés , dans le principe, de
simples bâtons cartilagineux, dont l’élasticité supplée au manque d’articulations ; car
celles-ci n'arrivent qu'avec les divisions transversales pendant que les pièces s’ossifient.
La boite dont ces sept arceaux dépendent n’est pas fermée de toutes parts ; le toit est
sa partie la plus complète ; à la base se trouve une tige moyenne , trouée au milieu,
implantée sur l’extrémité céphalique de la corde dorsale, et soutenant la base du cer-
ceau, et plusieurs processus latéraux qui servent d'appui aux organes des sens. Tous
les os de la tête naissent et s’accroissent de la même manière , de dehors en dedans,
- en formant d’abord des plaques extérieures qui recouvrent les parties cartilagineuses.
et qui empiètent petit à petit sur l’intérieur. Ce n’est pas seulement sur l'embryon que
l’on peut poursuivre ce mode de formation ; la chose est encore plus facile chez les
poissons adultes, puisqu'’ici le squelette parcourt tous les degrés d’ossification, et que
la petitesse des objets n’est pas un obstacle à l'observation, comme chez les embryons.
(*) Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d’eau douce ; 2®° livr. Embryologie des Salmones, par
C. Pogt, pag. 109 et suivantes.
(*) Agassiz, Recherches sur les Poissons fossiles; tom. If, 2° partie, Chap. 2,
Aussi cette circonstance nous a-t-elle engagé à indiquer avec le plus grand soin les
rapports qui existent entre le cartilage crânien et les os. Dorénavant il ne suffira plus
d'étudier lostéologie des poissons sur des squelettes desséchés, il faudra comparer des
têtes fraiches ou conservées à l’esprit de vin, pour pouvoir bien juger de la conforma-
tion variée de la tête et des modifications que subit sa composition.
Une fois pénétré de la vérité de ce fait, on se convainc facilement que l’ossification
de la tête n’a que des rapports éloignés avec les pièces cartilagineuses, sur lesquelles
les os se développent. Certaines régions, qui étaient très-marquées sur le crâne carti-
lagineux, disparaissent avec l’ossification, et il s’en forme d’autres, déterminées par les
sutures des os, qui ne coïncident plus du tout avec les premières divisions. C’est ainsi
que la base du crâne de l'embryon montre trois régions distinctes; une antérieure,
la plaque faciale; une moyenne, les anses latérales, et une postérieure, la plaque
nuchale. Aucune d’elle n’est reconnaissable dans l'adulte. Généralement parlant, la
plaque nuchale correspondrait aux démembremens de l’occipital; les anses moyennes,
à ceux du sphénoïde ; et la plaque faciale, au frontal et aux os de la pointe du museau.
Mais on voit déjà ici combien ces limites sont altérées ; le sphénoïde recouvre d’en bas
une partie des plaques nuchales et faciales, et le frontal empiète sur la région des anses
médianes, etc.
Les points sur lesquels il règne la plus grande divergence d'opinion sont : le
rocher, l’ethmoïde et les démembremens du temporal. Ces trois parties une fois bien
fixées , il ne saurait plus y avoir lieu à discussion.
Au sujet du rocher, les difficultés sont venues de ce qu’on ne pouvait se faire à l’i-
dée que le labyrinthe ne füt pas protégé, et comme les poissons ont un labyrinthe
très-développé , on s’est efforcé de trouver dans un des os qui l’entourent l’analogue
du rocher. C’est à cause de cette prévention , que Meckel et Hallmann ont placé le
rocher dans la grande aîle et qu’ils ont pris la petite aîle pour la grande aile, et
l’ethmoïde crânien pour la petite aile. Mais si lon considère que, chez les animaux
supérieurs , le labyrinthe n’atteint pas le sixième du volume qu’il a chez les pois-
sons, où il couvre presque toute la face latérale du cerveau et où, par conséquent, il
n’y a pas moins de huit os du crâne qui se développent dans le cartilage unique dont
le labyrinthe de l'embryon est entouré ; si l’on considère en outre , qu’indépendam-
ment de ce grand nombre d'os, il reste encore toute une masse de cartilage qui
persiste comme tel, même chez l'adulte ; si l’on songe enfin, que quelques poissons
ont conservé un faible vestige d’un os intérieur, suspendu dans ce cartilage et en-
veloppant une partie des canaux semicirculaires , on ne pourra plus assigner à aucun
RS —
des os qu’on trouve dans la tête de la Truite le nom de rocher, mais on devra con-
venir qu'il est remplacé par un cartilage. Les trous de passage pour les nerfs ne sau-
raient rien changer à cet état de choses ; car s’il est vrai que le nerf facial passe par
l’os n° 11, que Meckel prend pour le rocher, il n’en est pas moins démontré aussi
que les branches du trijumeau passent par le mème os, et que le facial, chez les pois-
sons, est lié‘ si étroitement avec le trijumeau, qu'il n’a été envisagé jusqu’à nos jours
que comme une branche de ce nerf (la branche operculaire).
L’ethmoïde est à-peu-près dans le même cas. Certains auteurs ayant particulière-
ment en vue sa partie cérébrale (la lame criblée chez l'homme) l'ont cherché dans
l’ethmoïde crànien (n° 15’); d’autres, trouvant la partie nasale plus essentielle , l'ont
cherché dans la pointe du museau et confondu avec le nasal. De là vient que ces der-
niers ont vu dans l’os n° 15 le sphénoïde antérieur ou la petite aile ; tandis que les
premiers envisageaient le nasal (n° 5) comme un démembrement de la mâchoire supé-
rieure. Mais on oubliait ainsi que les poissons manquent de véritables cavités nasales,
qu'ils n’ont que des fosses remplies par la muqueuse et par les ramifications des nerfs
olfactifs , et que les canaux qui vont de ces fosses au cerveau , sont occupés par les nerfs
olfactifs. Les fosses nasales sont au maximum d’éloignement du cerveau, et c’est pour-
quoi les nerfs olfactifs sont d’une longueur démesurée. Il n’en est pas de même chez
les animaux supérieurs : leurs fosses nasales s'ouvrent , il est vrai, à l'extrémité du
museau , mais elles envoient des branches jusque vers le cerveau , en s’étendant entre
les orbites ou au-dessus d’elles. Il n’y a, en un mot, que la lame criblée de l’ethmoïde
qui soit interposée entre la cavité cérébrale et le fond des fosses nasales , tandis que
chez les poissons , les orbites toutes entières se placent entre elles et le cerveau. Il
n'y a dès-lors rien d'étonnant que cette distance inflne sur la conformation de l’eth-
moïde. Si cet os a en effet la double mission de servir de cloison aux fosses nasales
et de fermer la cavité cérébrale en avant, en donnant passage aux nerfs olfactifs ,
on est forcé d’admettre qu’il est partagé en deux chez les poissons, que sa partie
crânienne (n° 15/) est restée près du cerveau pour donner passage au nerf olfactif,
et que sa partie nasale s’est transportée en avant, pour former, sous la forme d’un
cartilage non ossifié , le fond des cavités nasales ; car c’est, comme nous l’avons vu,
dans du cartilage et uniquement dans du cartilage , que sont creusées les fosses na-
sales. D'ailleurs, il suffit pour combattre l'opinion de ceux qui y voient un sphénoïde
antérieur, de se rappeler que la Truite possède dans l’osselet n° 15 un véritable sphé-
noïde antérieur.
L’ethmoïde une fois fixé, la détermination des os n° 3 et 20 est facile. Il est vrai
Tow. III. 5
EE.
que la forme large et plate des premiers, et surtout leur réunion en un seul os, ne rap-
pelle guère celle des nasaux des animaux supérieurs. Cependant ils ont la même posi-
tion et la même fonction, de former un toit immobile au-dessus des fosses nasales. Le
Lépidostée est d’ailleurs là pour établir le passage entre le type des poissons à deux
nasaux séparés au milieu, et celui des Crocodiles auxquels personne ne conteste de
véritables nasaux. Dans le Lépidostée, les olfactifs (n° 20) sont également appliqués,
comme un capuchon, au nombre de cinq, sur le bec et les fosses nasales. Il est dès-lors
évident que les olfactifs, mobiles et toujours en jeu , pendant la vie du poisson, ont
une mission différente de celles des véritables nasaux , et qu’ils ressemblent par leur
fonction tout-à-fait aux cartilages mobiles du nez des mammifères. Le fait que ces
cartilages sont transformés en os, ne me paraît pas une difficulté bien grande. Nous
avons tant d'exemples d’ossification plus ou moins complète , qu’il n’y a rien de sur-
prenant que des battans, destinés à exercer leur jeu dans un milieu ambiant beau-
coup plus lourd , soient ossifiés chez les poissons , tandis que leurs analogues restent
cartilagineux chez les animaux qui vivent et respirent dans un fluide élastique
comme l'air.
Nous arrivons au temporal et à ses démembremens , qui de tout temps ont été
la pomme de discorde entre les anatomistes. Pour apprécier les difficultés qui se rat-
tachent à l’étude de ces os, il faut ne pas perdre de vue que le temporal des ani-
maux supérieurs, quoique d’une seule pièce , renferme pourtant des élémens très-
divers, qui ne sont reconnaissables que dans l'embryon. Il faut surtout se rappe-
ler que la cavité tympanique est le résultat de la transformation de la première fente
branchiale de l'embryon, et que c’est de cette fente branchiale, c’est-à-dire, du fond
de la cavité tympanique que part le cartilage de Meckel, qui sert de noyau à l’are
maxillaire , et autour duquel se forment les pièces osseuses qui composent cet arc. On
sait, par l’histoire du développement des animaux supérieurs, que ce cartilage de
Meckel n’a point d’articulation, et qu’il ne s’en forme une qu’avec l’ossification de
la mâchoire. Chez la Truite, on trouve des restes de cet are, au-dessus de l’articula-
tion maxillaire, dans le tympano-malléal, et en bas, dans le bâton cartilagineux qui
longe la face interne de la mâchoire. Le tympano-malléal touche en outre en haut à
l'os n° 25, qui est suspendu à l’écaille du temporal, et qui donne en même temps une
attache au préopercule et à l’opercule. Entre cet os et la caisse (n° 27) se trouve tou-
jours une dépression, souvent aussi une fente, par laquelle l'artère hyoïde pénètre
à la face externe de la joue. Il est à remarquer aussi que l'os n°26 qui s’articule avec
la mâchoire inférieure , est situé entre celle-ci et l'os n° 27. Or, en tenant compte de
-
— nÙ
cette disposition, il est évident que la dépression entre les os n° 23 et 27 répond à la ca-
vité tympanique, qui n’existe pas chez les poissons, l’oreille étant entièrement interne.
En comparant un temporal à cavité tympanique close, à cet arrangement chez les pois-
sons, on trouve que c’est le mastoïdien qui forme la paroi postérieure de la cavité,
et la caisse proprement dite qui en forme la paroi antérieure. L’os carré, qui porte
la facette articulaire pour la mâchoire, est adhérent à la paroi antérieure de la cavité,
c’est-à-dire à la caisse. D’après cela, on ne peut méconnaitre que l'arc maxillaire est
composé de la caisse (n° 27) qui se trouve au devant de la fente branchiale (lanalogue
de la cavité tympanique), de los carré (n° 26) adhérent à cette caisse et portant la
face articulaire du tympano-malléal (n° 31), qui est plus rapproché de la fente bran-
chiale et de la mâchoire inférieure.
L’arc hyoïdal, le second des ares, existe aussi chez la plupart des animaux supé-
rieurs. Il borde la fente branchiale tympanique en arrière, et nous avons vu qu’il
porte chez l'embryon des franges respiratoires, dont la fausse branchie est le faible
reste chez l'adulte. Lorsqu'on examine cet arc chez les animaux supérieurs, on trouve
qu'il est attaché par une apophyse styloïde à la paroi postérieure de la cavité tympanique.
Ce n’est que chez l’homme et chez quelques quadrumanes que cette apophyse styloïde
fait corps avec le mastoïdien; elle s’en sépare chez les autres mammifères, ou bien n’est
attachée que par du cartilage, formant ainsi l’extrémité supérieure de l’are hyoïde.
Chez le poisson, l’are hyoïde est aussi attaché au mastoïdien, non-seulement par un
petit os styloïde, mais aussi par un grand os plat en équerre, le préopereule, et tout
l’'are est garni en arrière d’une formation cutanée, ossifiée, composée des os opercu-
laires et branchiostègues.
Il est encore quelques autres os de la tête, sur lesquels tous les anatomistes ne sont
pas d’accord , tels que les jugaux, les ptérygoïdiens, les écailles du temporal, etc. ;
mais leur existence du moins ne saurait être raisonnablement révoquée en doute,
dans l’acception que nous leur avons donnée. Quant aux mouvemens que les diverses
parties de la tête peuvent exercer, nous les examinerons en détail, après avoir dé-
crit les muscles dont ils dépendent.
DU TRONC.
Le tronc du squelette se compose, chez la Truite, de la colonne vertébrale avec ses
apophyses fixes ou libres, et des organes locomoteurs, qui se divisent en deux classes,
les nageoires paires, au nombre de quatre, qui sont les analogues des extrémités
US DES
antérieures et postérieures des autres vertébrés , et les nageoires impaires, qui n’ont
pas leur pareil dans le reste du règne animal. Ces dernières sont, ostéologiquement
parlant, au nombre de trois, une dorsale (la seconde dorsale des Salmones étant seu-
lement adipeuse), une caudale et une anale.
DE LA COLONNE VERTÉBRALE.
La colonne vertébrale de la Truite se compose de cinquante-six vertèbres, dont
trente-trois portent des côtes, et peuvent par conséquent être envisagées comme des
vertèbres thoraciques. Toutes les vertèbres sans exception ont des apophyses supé-
rieures et inférieures ; les apophyses transverses manquent entièrement ; les apophyses
articulaires sont à l’état rudimentaire dans un grand nombre de vertèbres posté-
rieures.
Les corps des vertèbres (*) sont en général cylindriques, aussi hauts que longs, et
creusés en doubles cônes, de telle sorte que les sommets des deux cônes se rencon-
trent au milieu de la vertèbre qui est percée horizontalement. Il n’y a point de fa-
cettes articulaires; mais les vertèbres se touchent par leurs bords circulaires , et sont
fixées l’une contre l’autre par du cartilage et des parties fibreuses. Les doubles cônes
sont remplis d’une masse gélatineuse, molle, qui est le reste de la corde dorsale, au-
tour de laquelle les corps de vertèbres se sont déposés sous forme d’anneaux, chez l’em-
bryon. Les vertèbres antérieures sont aplaties de haut en bas, les autres sont presque
exactement circulaires.
La structure des vertèbres n’est pas très-compliquée. Il est facile de voir que la
masse osseuse dont elles sont formées n’est pas très-solide, car elles sont criblées d’in-
terstices nombreux, remplis d'huile; ce qui leur donne extérieurement un aspect
réticulé. Les faces qui limitent les doubles cônes sont parcontre entièrement lisses et
formées d’une couche de substance osseuse très-dense. L'on y distingue des anneaux
comme sur les troncs d'arbre, qui indiquent les différentes couches de substance os-
seuse, telles qu’elles se sont déposées pendant l’accroissement de la vertèbre. Cette
couche interne provient, comme M. Vogt l’a démontré dans la Palée (*), de l’ossifica-
tion de la couche interne de la gaine dorsale.
La réunion de toutes les vertèbres représente un long bâton horizontal et flexible,
surmonté d’une longue file d’apophyses supérieures qui s'élèvent en ogives au-dessus
(*) Tab. A ÇS. fario), fig. 1. — Tab E (S. trutta), fig. 11-17.
(**) Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, 2° liv. Embryologie des Salmones, par C. Vogt.
Es OR —
des vertèbres et forment à leur tour un canal destiné à loger la moëlle épinière. Les
apophyses inférieures donnent lieu à un canal semblable pour l'aorte et les veines car-
dinales, à partir du point où elles sont réunies. Les nerfs et les vaisseaux sortent de
ces canaux par des trous situés au bord postérieur des apophyses.
Les apophyses supérieures (*) sont composées d’une grande et longue épine courbée
en arrière, et reposant par deux piliers divergens sur la face supérieure des verté-
bres. Dans les vertèbres antérieures, logive est divisée en deux par une trame trans:
verse, et c’est dans le trou inférieur que passe la moëlle, tandis que le trou supérieur
est rempli par un ligament fibreux. Les trames de séparation des ogives se prolon-
gent en avant et en arrière, de manière à se toucher vers le milieu du tronc, où
elles forment un toit complet sur le canal rhachidien. Les apophyses supérieures des
dernières vertèbres se soudent ensemble et avec des pièces intercalées pour former
une seule plaque caudale. Dans la partie antérieure du tronc, elles ne sont sou-
dées que par la trame transverse et plus haut par le sommet de l’ogive; cependant
leurs extrémités sont bifides, et les deux pointes parfaitement séparées l’une de l’autre.
Dans les vertèbres antérieures, les apophyses supérieures sont articulées dans des
creux très-profonds, qui sont séparés par une crête moyenne, sur laquelle la moëlle
repose. Petit à petit les apophyses se soudent avec le corps des vertèbres, et alors la
crête est remplacée par un creux médian.
Les apophyses inférieures (**), qu'il faut bien distinguer des apophyses épineuses infé-
rieures des animaux supérieurs, ainsi que des apophyses transverses, sont des pièces
très-courtes, épaisses, qui s’articulent dans des creux situés à la face inférieure des
vertèbres et séparés par une large crête. Plus on avance vers la queue, plus les apo-
physes s’allongent, et la crête devient en même temps moins sensible. Enfin elles se
touchent par leurs extrémités pour former une ogive beaucoup plus large, mais moins
haute que celle des apophyses supérieures, dans laquelle se logent l'aorte, les veines
cardinales et une portion des reins (aussi loin que ceux-ci s'étendent). Plus loin, le point
de réunion s’allonge insensiblement et forme enfin une longue pointe fléchie en arrière,
qui correspond exactement à l’apophyse supérieure, et par sa forme et par sa longueur.
Les dernières apophyses sont soudées en une seule plaque caudale. Les antérieures
sont, comme nous venons de le voir, articulées dans des creux; mais à partir du point
où les deux apophyses latérales se touchent au milieu , elles se soudent aussi avec le
() Tab. EÇS. trutta), fig. 11-17.
(* Tab. E ÇS. trutta), fig. 11-17, 6.
Fe. NOUS
corps des vertèbres. On compte vingt-six vertèbres antérieures, sur lesquelles les apo-
physes latérales ne sont soudées ni au milieu, ni avec le corps de la vertèbre.
Les rudimens des apophyses articulaires (*), dont Cuvier a déjà reconnu l'existence,
se trouvent en haut et en bas partout où les apophyses ne sont pas articulées, mais
soudées au corps des vertèbres, et où les apophyses épineuses ne se confondent
pas. Elles manquent par conséquent aux vertèbres thoraciques antérieures et aux der-
nières vertèbres de la queue. Ce sont de petites éminences pointues, qui s'élèvent
sur la base des piliers sur lesquels les apophyses reposent, et ne dépassent pas le
bord de la vertèbre. Il ne saurait dès-lors être question d’une articulation entre les
apophyses articulaires de deux vertèbres qui se touchent. Il y en a huit à chaque ver-
tèbre, quatre supérieures et quatre inférieures.
Les apophyses musculaires (**) sont des stylets longs et très-grèles, qui sont attachés
aux vingt-six premières vertèbres thoraciques et très-souvent soudés à la vertèbre
elle-même. Dans ce cas , elles sont attachées au milieu du corps de la vertèbre, à la
base de l’apophyse supérieure, et se dirigent obliquement en dehors et en arrière,
étant situées dans les feuillets tendineux, qui séparent les anneaux du grand muscle
latéral, dont elles indiquent par conséquent la direction. Leur extrémité est presque
toujours cartilagineuse.
Les apophyses surépineuses ou osselets interapophysaires (***) sont de petits stylets qui
se trouvent au-dessus des quinze premières vertèbres thoraciques, librement suspendus
dans les feuillets fibreux de la ligne médiane. Ils sont un peu plus larges en haut
qu’en bas, et leur extrémité inférieure touche l’apophyse supérieure de la vertébre à
laquelle l’osselet correspond. Le premier osselet formant la continuation indirecte de
la crête médiane de l’occiput est plus plat que les autres.
Les côtes (****) sont au nombre de trente-trois de chaque côté. Ce sont des stylets
longs, effilés, aplatis d'avant en arrière, et courbés en forme de sabre, dont le tranchant
est tourné en dehors. Les deux premières sont petites; celles qu’on voit derrière la
pectorale sont les plus grandes. De là elles diminuent insensiblement de longueur et
de largeur , tout en s’inclinant toujours davantage en arrière. Leur courbure va dimi-
nuant dans les mêmes proportions, et la cavité abdominale qu’elles embrassent de-
vient ainsi toujours plus étroite. Les côtes sont portées sur l’extrémité des apophyses
inférieures , aussi loin que celles-ci ne sont pas soudées ensemble: elles sont munies à
() Tab. E (S. trutta), fig. 11,13 et 15. (*) Tab. ES. trutta), fig. 11 et 12.
@#*) Tab. A (S. fario), fig. 1. (###) Tab, AÇS. fario), fig. 1.—Tab. EÇS. trutta), fig. 11, 12, 13 et 14.
“
—. 59 —
cet effet d’une extrémité renflée avec une facette articulaire en haut. Ce renflement
articulaire n’existe pas sur les sept dernières paires, qui sont seulement collées, sans
articulation , à la face postérieure des apophyses soudées.
Les vertèbres thoraciques se distinguent des vertèbres caudales par leur forme plus ou
moins aplatie de haut en bas et parce qu’elles portent des côtes. Elles sont au nombre
de trente-trois ; les premières sont moins longues que hautes ; dans les dernières, toutes
les dimensions sont à-peu-près égales. Aux treize premières correspondent des osselets
surépineux ; les vingt-six premières portent des apophyses musculaires. Quant aux
apophyses supérieures et inférieures des quatorze premières vertèbres, elles sont arti-
culées dans des creux profonds sur les faces supérieure et inférieure des vertèbres, et
se détachent assez facilement après une macération prolongée. Les faces supérieure et in-
férieure se distinguent même sur des corps de vertèbres isolés : à la face inférieure, la
crête qui sépare les creux des apophyses est toujours plus large. Les sept dernières
vertèbres thoraciques sont facilement reconnaissables à leurs apophyses supérieures et
inférieures fixes, entre les piliers desquelles se trouve un creux médian , à la réunion
des apophyses inférieures en ogives larges et peu hautes, et aux côtes accolées à la face
postérieure de ces dernières.
Les vertèbres caudales, au nombre de vingt-trois, ne présentent pas autant de diver-
sité que les vertèbres thoraciques. Les corps des vertèbres sont cylindriques, les apo-
physes supérieures et inférieures diffèrent à peine dans leur forme et leur courbure;
les unes et les autres sont soudées au corps de la vertèbre ; elles n’ont ni côtes ni apo-
physes musculaires. Il n’y a que les six dernières qui se distinguent par une confor-
mation toute particulière, qui est en rapport avec la nageoire caudale (*). En effet,
les quatre dernières vertèbres, tout en se rapetissant, dévient sensiblement de lho-
rizontalité que la colonne vertébrale a conservée jusque-là ; elles se courbent en
haut, de manière à former un arc dont la convexité est tournée en bas. Les corps des
trois dernières vertèbres sont encore des doubles cônes bien caractérisés ; mais la der-
nière n’est qu'un anneau ou plutôt un cylindre creux, par lequel l'extrémité de la
corde dorsale sort sous forme d’un bâton gélatineux (**). La dernière vertèbre n’a point
d’apophyse supérieure. La pénultième en a une, dont la base très-allongée recouvre
en arrière la face supérieure du bâton caudal, jusqu’à la moitié de sa longueur, en
avant le corps de la pénultième et même une partie de l’antépénultième vertèbre. C’est
une grande plaque digitée, qui recoit entre ses digitations l’apophyse de l’antépénul-
(*) Tab. E (S. trutta), fig. 17. (*) Tab. E (S. trutta), Gg. 17, d.
= VD 2
tième vertèbre, qui n’atteint pas son corps de vertèbre, et une partie antérieure de
l’apophyse de la quatrième vertèbre. Du reste celle-ci, de même que celle des cin-
quième et sixième vertèbre, en comptant d’arrière en avant, sont aplaties, élargies et
soudées par leurs bords qui se touchent. Les apophyses inférieures de ces six vertèbres
ont aussi une conformation particulière. Celle de la dernière est très-large, et porte des
traces de divisions, comme si elle était composée de trois apophyses soudées. Celle de
la pénultième est double, et lon voit à sa base le trou par lequel les cœurs veineux de
la queue communiquent ensemble d’un côté à l’autre. Celle de l’antépénultième est
simple, mais son bord postérieur est relevé en dehors et en arrière, et protège l’ex-
trémité antérieure du cœur caudal. Les trois apophyses suivantes sont simplement élar-
gies et soudées ensemble. Le tout constitue une seule plaque de forme carrée, dont la
face postérieure, tronquée en ligne droite, est formée par les apophyses inférieures des
deux dernières vertèbres. L’angle supérieur est occupé par l’extrémité du bâton cordal.
Entre les bases des apophyses soudées , se trouvent en haut les trous intervertébraux
pour la sortie des nerfs, en bas une série semblable pour la sortie des artères et des
veines. Cette série se termine par le trou de communication entre les cœurs veineux.
DES NAGEOIRFS PAIRES.
Il y en a de deux sortes : les nageoires pectorales , soutenues par une ceinture os-
seuse située au bord postérieur de la fente des ouïes, et les nageoires ventrales , occu-
pant à-peu-près le milieu du ventre , suspendues librement dans les chairs.
La nageoire pectorale est composée de chaque côté de quatre os du carpe , de trois
os du bras et de cinq os formant la ceinture thoracique (*).
Le surscapulaire (n° 46), est un os long et plat, pointu en haut, plus large vers
sa base. Il se courbe en arrière et porte à sa face interne une forte épine dirigée droit
en avant et appliquée contre la crête latérale du crâne. L’extrémité supérieure touche
à la fois la crête mitoyenne et l'os de l’autre côté. Les deux os forment ainsi un angle
dirigé en avant, entre lequel s’attachent les faisceaux supérieurs du grand muscle laté-
ral. L’extrémité inférieure et postérieure de l'os est appliquée contre la face externe
de l’omoplate , et liée à lui par un tissu fibreux.
L’omoplate (n° 47) est allongée et aplatie comme le surscapulaire , et s'applique
contre la face extérieure du premier os suivant. Sa position est presque verlicale,
(©) Tab. D ÇS. fario), fig. 22.— Tab. FÇS. trutta), Gg. 6, de dehors, et fig. 7, de dedans.
Re —
légèrement inclinée en arrière. Son bord antérieur est épais et arrondi, son bord pos-
térieur tranchant ; le grand canal muqueux latéral envoie un embranchement le long
de son bord antérieur. C’est le scapulaire de Cuvier.
La clavicule (n° 48) (*) est l'os le plus considérable de toute la ceinture. Il est courbé
en équerre , très-large et aplati, et son coude correspond à l'angle postérieur de lo-
percule, qui se meut contre lui. La partie verticale de los est plate , la partie hori-
zontale bombée en dehors et en même temps inclinée en dedans , de telle sorte que
les deux extrémités antérieures se touchent sur la ligne médiane, au bord inférieur de
la tête. La partie horizontale a une rainure le long du milieu , qui correspond à une
carène de la face interne , sur laquelle s’adosse principalement la charpente du bras.
De tout los , il n’y a que l'extrémité supérieure du bord antérieur, qui soit un peu
renflée , et qui s’avance en pointe sur la face interne de l’omoplate.
A la face interne de la clavicule sont attachés deux os (n° n9 et 50) qui repré-
sentent le coracoïde. L'un (n° 49) est une pièce oblongue, plate, squammeuse, qui
s'applique sur la jonction de l’omoplate et de la clavicule. La seconde pièce (n° 50) a
une partie squammeuse et aplatie en haut; il se prolonge en un stylet long et effilé ,
qui descend derrière la pectorale et est caché dans les chairs.
Les trois os qui constituent le bras forment ensemble une charpente assez irrégu-
lière destinée à donner passage et appui aux muscles, vaisseaux et nerfs de la pectorale.
Le plus grand, le cubital (n° 51), ressemble au socle d’une charrue ; il est triangu-
laire en arrière et atténué en avant, là où il se joint à l'extrémité antérieure de la
clavicule. Le bord supérieur est partagé en deux lames; à celle du côté externe est
attaché los n° 52, à celle du côté interne l'os n° 53 (**). Le bord supérieur de l'os
est largement échancré et forme, avec la crête interne de la clavicule, un grand trou
qui, sur le vivant, est fermé par une membrane tendineuse. La fosse qu’on voit
entre les deux lames mentionnées ci-dessus, communique avec la face externe par
un trou par lequel passent les nerfs des muscles abducteurs des rayons. Sur la lame
externe , dans l’angle que le cubital forme avec la clavicule, se trouve une pièce
arrondie, percée d’un grand trou circulaire au milieu , que nous croyons correspondre
au radial (n° 52, fig. 6) ; son bord postérieur supporte en partie le premier rayon
de la nagcoire. Sur la lame interne se trouve un autre os (n° 55, fig. 7) en forme
d’équerre , ayant son sinus tourné en arrière, et liant le bord supérieur du cubital
(*) Dénomination admise par Gouen, Geoffroy et Meckel. C’est l’huméral de Cuvier,
(*) Par erreur du lithographe, l'os n° 53 porte, dans la fig. 7, le chiffre 52.
Tox. III. 6
ENT ess
avec le bord supérieur et tranchant de la clavicule, juste dans l'angle de sa flexion.
Cet os répond à l’humérus (*).
Ces trois os forment, au-dessous de la dites un socle élevé qui se divise en haut
en deux branches et forme ainsi trois surfaces d’attache , l’intérieure pour les adduc-
teurs , l’extérieure pour les abducteurs et abaisseurs, et le petit espace entre les deux
lames du cubital et l'huméral d’une part, et le radial d’autre part, pour les releveurs
de la pectorale.
Les rayons de la nageoïre sont portés par quatre os cylindriques (n° 64), qui aug-
mentent de longueur de haut en bas et répondent au carpe.
Les rayons de la nageoïre (n° 65) dont les dimensions augmentent de bas en haut,
reposent par leur extrémité bifurquée sur les os du carpe. La branche interne du pre-
mier rayon (n° 66) est excessivement renflée , et repose même à moitié sur le radial.
Les nageoires ventrales (**) sont beaucoup plus simples. Elles n’ont qu’un seul os
triangulaire et plat qui se combine sur la ligne médiane avec celui du côté opposé.
Les deux os forment ensemble une plaque triangulaire , dont la pointe est tournée en
avant et le bord renflé vers les rayons. Cette plaque n’a aucune connexion avec les
côtes, ni avec les chairs environnantes. Bien que nous ayons examiné des centaines de
Truites , nous n’avons jamais rencontré la moindre trace de ce filet cartilagineux , que
M. Otto dit avoir trouvé sur un seul exemplaire et seulement d’un côté, allant de la
base de la nageoïire aux côtes, d’où nous concluons que ce filet n’est point normal.
Il ne rappelle non plus aucune formation embryonique, car nous avons vu ailleurs
que la nageoïire ventrale naît très-tard et tout-à-fait isolément.
DES NAGEOIRES IMPAIRES.
Les rayons de la caudale s'appliquent par leur base bifurquée , sur la plaque cau-
dale, dont ils embrassent le bord. Les variations de forme et les conditions extérieures
de ces rayons en général , ainsi que de ceux des autres nageoires, sont indiquées
dans la description zoologique des espèces de Salmones.
Les rayons de la dorsale et de l’anale reposent sur des osselets interépineux (***). Ce
sont de petits stylets qui s’avancent avec leurs pointes dans les chairs, et notamment
dans les Jigamens tendineux de la ligne médiane du dos et du ventre, jusque vers les
extrémités des apophyses supérieures et inférieures. L'extrémité qui est tournée en
(*) Guvier ne fait pas mention de cet os. (*) Tab. A (S. fario), fig. 1.
(**) Tab. À ÇS. fario), fig. 1.
= D =
dehors, est renflée comme une tête glénoïdale , et sur chaque osselet repose un rayon,
qui porte aussi un renflement avec une facette articulaire. Les osselets de lanale sont
tout-à-fait simples; ceux de la dorsale ont de chaque côté un petit élargissement qui
les réunit les uns aux autres ; le premier osselet est plus large que les autres , trapu,
et tronqué obliquement.
On peut ainsi distinguer les rayons de la dorsale et de l’anale de tous les autres ,
en ce qu’ils ont une base à facette articulaire , tandis que ceux des autres nageoires
sont simplement bifurqués à leur base.
PARTICULARITÉS OSTÉOLOGIQUES DES GENRES THYMALLUS ET COREGONUS.
L'étude comparative de l’ostéologie des Salmones , dans les trois genres du centre
de l’Europe, qui ont servi de base à ce travail, nous fournit une nouvelle preuve de
la stabilité des caractères organiques, dans les limites d’une famille bien circonscrite,
alors même que les caractères extérieurs sont soumis à des variations très-nombreuses.
En effet , la colonne vertébrale avec les creux et saillies des vertèbres , ainsi que la
formation des apophyses, n’offrent que peu de différences dans les Truites , les Ombres
et les Corégones ; la seule différence notable qui existe entre eux consiste dans la con-
formation des côtes antérieures qui, chez les Ombres, sont munies d’apophyses grèles,
allongées , fort semblables aux arêtes musculaires. Ces apophyses (*), attachées à la
partie supérieure de la côte, se dirigent obliquement en arrière et sont enveloppées
dans les feuillets tendineux qui séparent les bandes en zig-zag du grand muscle latéral ;
elles sont propres aux huit ou dix premières côtes de l'abdomen. On n’observe rien
de semblable dans le genre Coregonus.
La structure de la tête offre, à la vérité, des différences plus notables entre les trois
genres mentionnés ci-dessus ; toutefois le crâne ne présente que des différences fort
légères ; les os de la face et surtout l'appareil maxillaire subissent au contraire des
changemens très-considérables.
Le crâne de l'Ombre (Thymallus vexillifer) (**), est beaucoup plus allongé que celui
de la Truite, surtout dans sa partie antérieure. Le nasal est fort long ; l'extrémité
antérieure des frontaux (n° 1) est très-rétrécie et se prolonge davantage en avant des
frontaux antérieurs (n° 2). Ces derniers sont plus saillans et le crâne par conséquent
plus étroit à l'extrémité antérieure de l'orbite. Les frontaux principaux sont aussi
(°) Tab B (Thymallus vexillifer), fig. 1. C*) Tab. D, fig. 5-8.
es =
plus lisses, moins squammeux que ceux de la Truite ; l’occiput est plus grand ; les
pariétaux se touchent au milieu et séparent complètement les frontaux de l’occipital
supérieur ; dans la Truite, au contraire, ces deux os se touchent sur la ligne mé-
diane. Les fosses latérales du crâne sont moins longues, mais plus larges que dans la
Truite, et le cartilage crânien s’y montre à nu sur une plus grande étendue. La face
postérieure du crâne ne présente pas de bien grandes différences, si ce n’est que les
fosses et les aspérités sont moins développées que dans la Truite. Ce qui frappe surtout
à la face inférieure du crâne , c’est l’allongement considérable du sphénoïde principal
et le rétrécissement du vomer, qui est réduit à une petite plaque elliptique, qui n’at-
teint pas même le commencement de l’orbite, tandis que chez la Truite, il avance jus-
qu’au delà de la moitié de l’orbite.
Les os de la face (Tab. B) ont subi des changemens plus notables. Les intermaxil-
laires (n° 17) sont réduits à deux petits osselets triangulaires accolés verticalement
contre l’extrémité antérieure du museau et portant deux ou quatre petites dents effilées
et courbées en arrière. Le maxillaire (n° 18) est court, aplati; son bord inférieur con-
vexe (il est concave chez la Truite) porte dix à douze dents effilées. La mâchoire in-
férieure est courte, haute; le dentaire, armé de quelques petites dents courbes à son
extrémité antérieure, est très-court, et l’angle qu'il forme avec larticulaire se
trouve ainsi porté en avant du milieu de la longueur de la mâchoire inférieure. Le
préopercule est beaucoup plus large, surtout dans sa partie inférieure, Fopereule plus
arrondi en bas et plus allongé que dans la Truite. Il en est de même du mastoïdien
(n° 23) ; tandis que la caisse (n° 27) est beaucoup plus petite que dans la Truite. II
résulte de là un rétrécissement de toute la fosse temporale, et comme c’est dans cette
fosse que sont logés les muscles de la mâchoire, cette disposition entraine nécessaire-
ment une plus grande faiblesse des mâchoires et des instincts moins voraces. Les mâ-
choires sont en rapport avec ces dispositions ; l’ouverture de la gueule est beaucoup
moins grande; la fente s’arrête au-dessous des fosses nasales, tandis que dans la
Truite, elle s’avance jusqu’au milieu de l’orbite.
Les mâchoires et l'appareil masticatoire tout entier, sont encore moins développés
chez les Corégones (Tab. C.). L'intermaxillaire, suspendu verticalement au nasal et au
vomer, ferme la bouche comme un rideau ; les maxillaires sont très-courts et arron-
dis ; la mâchoire inférieure est presque aussi haute que longue, et le bord supérieur du
dentaire presque vertical, ce qui, joint à une fosse temporale étroite et peu profonde,
ne laisse que peu de place pour les muscles masticatoires ; le préopercule est faible,
peu large ; l’opercule est tronqué obliquement, tandis que chez les autres Salmones,
SAR .. 2
son bord inférieur est presque horizontal. Les sous-orbitaires sont larges et couvrent
presque toute la joue. Le crâne (*) ressemble davantage à celui de l'Ombre qu’à celui
de la Truite ; surtout dans la partie occipitale ; les pariétaux pourtant ne se touchent
pas sur la ligne médiane, mais les fosses de l’occiput et l'aspect des frontaux sont les
mêmes. La partie antérieure du crâne est plus ramassée ; les frontaux et le nasal sont
moins allongés, le vomer est court et édenté, comme tous les autres os de la bouche.
La fente de la gueule est fort petite; aussi les Corégones ne se nourrissent-ils que de
petits animaux et de substances végétales.
STRUCTURE DES CARTILAGES.
Tab. G, fig. 1—8.
Les cartilages de la Truite, et notamment ceux de la tête, présentent à l’œil nu une
masse hyaline transparente, élastique, que l’on pourrait comparer à de la gelée
durcie. Cette masse se laisse facilement couper , et les coupures, non plus que les dé-
chirures n'offrent aucun vestige d’une structure quelconque. Elle est parfaitement in-
colore, et ce n’est que lorsqu'elle se transforme, par le desséchement, en une subs-
tance cornée , qu’elle prend une légère teinte jaunätre.
Examiné au microscope, le tissu cartilagineux n’est rien moins qu'homogène. On
y distingue de minces lames d’une transparence extrême, qui se montrent composées
de deux substances, dont une homogène et sans structure, que nous nommerons
la substance intercellulaire, et dans laquelle sont semés de petits corps d'apparence
vésiculaire. Quelquefois ces cellules renferment dans leur intérieur de petits corpus-
cules plus opaques, qui sont des formations nucléolaires, ainsi que nous le verrons
plus tard.
Comme nous venons de le dire, la substance intercellulaire n'offre, dans les vérita-
bles cartilages, aucune trace de lamelles, ni de fibrilles. Il n’y a que certains cartilages
particuliers, dont nous traiterons plus tard, qui se transforment régulièrement en une
masse distinctement fibreuse ; mais ces cartilages, que nous nommerons fibreux, sont,
chez les poissons, de peu de valeur, comparés aux cartilages véritables, dont sont
composés tous les grands cartilages du crâne et de l'appareil branchial.
La forme des cellules, telle qu’elle est dessinée, fig. 1, quoique la plus rare, est
pourtant selon nous la plus importante, parce que c’est de cette structure que résultent
(*) Tab. D {Coregonus W'artmanni), Gg. 1-4.
EM
les autres formes. Ce sont des vésicules extrêmement transparentes , dispersées dans la
masse intercellulaire, et qu’on ne distingue souvent que grâce à la réfraction de la
lumière, par leurs parois arquées ; leur forme est plus ou moins lenticulaire. Ces pe-
tits corps sont tantôt simples, tantôt composés de deux moitiés réunies. Souvent on
n’apercoit aucun corps étranger dans leur intérieur, la masse qui les remplit est alors
parfaitement homogène et absolument égale à la substance intercellulaire ; mais dans la
plupart des cas, on distingue, dans chaque cellule, une petite plaque opaque, qui,
sous de très-forts grossissemens, se montre composée de très-fines granulations. Nous
insistons sur la parfaite solidité de ces vesicules ; jamais nous n’avons rencontré, dans
les véritables cartilages de la Truite, de ces excavations et de ces vides, comme on en
trouve, à l’état normal , dans les cartilages des animaux supérieurs. Il se pourrait ce-
pendant qu’il y eût, sur les coupures des lamelles , des trous et des excavations, qui
présentassent absolument la forme de cellules. Mais quand on y regarde de près, on
voit que ce ne sont point des intérieurs de cellules , mais des vides occasionnés par des
cellules tombées. Encore ce cas se présente-t-il fort rarement, car pour l'ordinaire
la paroi de la cellule est si fortement collée à la substance intercellulaire, qu'il est im-
possible de bien distinguer tout son pourtour; c’est tout au plus si l’on aperçoit une
ligne ombrée qui indique sa limite, fig. 2 ; encore cette ligne disparait-elle fréquem-
ment; les cellules se confondent alors tout-à-fait avec la masse intercellulaire, et il
ne reste que le corpuscule granuleux, comme pour indiquer la place que la cellule
occupait jadis, fig. 4. Il est facile de suivre ces modifications chez la Truite; et il ar-
rive souvent qu'une seule tranche du cartilage crânien, prise dans le voisinage du vo-
mer, montre tous les passages que nous avons représentés dans les figures 1, 2, 5 et 4.
Le petit corps granuleux, situé dans l’intérieur des cellules, que nous désigne-
rons sous le nom de noyau, est de forme et de grandeur très-variables, Le plus sou-
vent il est fusiforme , et occupe à peine la cinquième partie de la surface de la cellule;
mais quelquefois aussi il grandit jusqu’à remplir toute la cellule, en affectant une mul-
titude de formes bizarres. Alors aussi ses granulations deviennent plus distinctes , et il
semble même quelquefois qu’elles se transforment en petites vésicules transparentes,
bordées d’un cercle noir, comme les bulles d'air ou les gouttelettes d'huile sous
le microscope. Quelquefois le bord des noyaux est très-net et tranché, comme s’il y
avait une enveloppe membraneuse; mais le plus souvent il se confond insensiblement
avec la masse environnante.
Il paraît que les noyaux sont disposés à se transformer en une substance intercel-
lulaire , tout comme les parois cellulaires. Du moins voit-on souvent des noyaux très-
ne O7 ——
päles, à peine visibles, et dont les granulations semblent disparaitre et se transformer
en une masse homogène (*).
L'aspect varié, que présentent les cartilages véritables de la Truite, est principale-
ment dû aux divers états dans lesquels se trouvent les cellules et les noyaux, et au
degré de fusion de ces organes avec la masse intercellulaire. De son côté, l'arran-
gement des cellules modifie aussi considérablement l'aspect des cartilages. On peut,
sous ce rapport, distinguer deux formes principales , les cartilages à cellules isolées ,
et ceux à cellules groupées.
Dans les cartilages à cellules isolées, fig. 1, 3, 4, 5, les cellules semblent disper-
sées dans la masse intercellulaire sans aucun ordre, ou bien alignées en rangées
presque toujours parallèles aux faces extérieures du cartilage, fig. 5. Tantôt ces ran-
gées sont distantes, et indiquées seulement par les noyaux , les cellules elles-mêmes
ayant disparu ; tantôt les noyaux sont tellement serrés les uns contre les autres, que
lon comprend à peine comment les cellules qui les enveloppaient ont eu place.
C’est principalement vers les bords des ouvertures et des échancrures du cartilage que
les rangées sont si rapprochées.
Les cartilages à cellules groupées, fig. 2 et 7, paraissent au premier abord composés
d’élémens d’une toute autre nature. On y voit des assemblages de douze à vingt cel-
lules, qui sont disposées le plus souvent par groupes de quatre cellules rangées en
quinconce ; chaque cellule , chaque noyau, est pour ainsi dire à un autre degré de dé-
veloppement, ce qui ne fait qu’augmenter la diversité. Mais bientôt on s’aperçoit que
les lois qui règlent les changemens des cellules simples, président aussi à la transfor-
mation des cellules groupées. Presque toujours ces groupes semblent entourés d’une
ombre opäque, ce qui fait aussi que ceux qui ne sont pas exactement au foyer du mi-
croscope apparaissent comme des taches obscures plus ou moins intenses.
Nous avons quelquefois trouvé, dans le voisinage des os, les noyaux transformés d’une
singulière manière et formant un centre duquel partaient quelques rayons plus ou moins
ramifiés, fig. 6. D'abord le noyau était bien distinct au bout de ces faisceaux, mais
bientôt il disparaissait et il ne restait que les rayons. Les figures qui résultaient de
cette modification des noyaux, ressemblaient beaucoup aux corpuscules de la subs-
tance osseuse hérissés de leurs rayons calcarifères, avec cette seule différence que les
rayons calcarifères partent du corpuscule dans toutes les directions ; tandis qu'ici, les
ramifications étaient toutes dirigées d’un côté , et le sommet du faisceau constamment
tourné vers le bord extérieur du cartilage.
(®) Nous parlerons plus tard d’une autre transformation des noyaux.
= MS 2
On pourrait conclure de cette forme des noyaux, qui est représentée fig. 6, que les
noyaux des cellules cartilagineuses se transforment immédiatement en corpuscules os-
seux , de manière que l’ossification ne serait que le développement naturel des cellules
chondriques. En effet, cette transformation directe est hors de doute chez les animaux
supérieurs. Mais il n’en est pas ainsi chez les poissons, du moins chez les Salmones.
Partout où nous avons examiné l’os en contact avec les cartilages, nous avons au
contraire toujours trouvé les deux substances parfaitement distinctes, non seulement
par l'aspect de leur tissu, mais aussi par leur délimination ; sauf les formes décrites
ci-dessus, nous n'avons jamais rencontré de formes intermédiaires entre les élémens
constituans de ces deux substances ; car même dans les cas où les faisceaux des noyaux
sont ramifiés, on peut toujours, quand on y regarde de près, reconnaitre leur li-
mite. D’après cela, nous sommes portés à croire que l’ossification des cartilages ne se
fait pas par transformation directe des cellules chondriques, mais qu’il se dépose tou-
- jours au bord des os en voie de développement une nouvelle couche, tandis que les
bords des cartilages en contact sont absorbés et dissous. C’est du reste un point sur
lequel nous reviendrons en traitant du tissu osseux.
Il s’agit maintenant de déterminer quel rôle les élémens du cartilage jouent sous le
rapport de leur développement, et comment il faut les envisager au point de vue de
la constitution générale des cellules. Au premier abord, il semble tout simple de
prendre les vésicules pour des cellules, et les corps granuleux de l’intérieur des vési-
cules pour les noyaux de ces cellules. Mais si l’on tient compte de la composition des car-
tilages chez l'embryon (*), où les cellules forment la grande masse, tandis que la
substance intercellulaire est infiniment réduite, il semble impossible d'identifier les
cellules chondriques si serrées de l'embryon avec les cellules éparses de la substance
intercellulaire chez l'adulte. Cette simple comparaison, jointe à l’examen que M. Vogt
a fait des batraciens, où il a démontré l'existence de plusieurs successions de cel-
lules chondriques (**), nous conduit à penser que les cellules chondriques du pois-
son adulte ne sont pas les descendans directs des cellules embryonales, mais bien
une nouvelle génération qui a pris la place des cellules primitives.
Nous ne pouvons admettre d’après cela que les vésicules que nous trouvons dans
les cartilages des Salmones, soient des cellules primitives ; ce sont des formations pos-
térieures , qui ont été enfermées, en leur temps, dans des cellules qui n’existent plus,
et dont les parois se sont fondues dans la substance intercellulaire. C’est ce qu’on peut
(°) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, Tom. I, p. 136.
(85) Ch. Vogt Untersuchungen über den Alytes, p. 105 et s.
nou —
conclure de certaines traces qu’on aperçoit autour de ces vésicules , de leur disposition
en groupes de deux et quatre, unis entre eux par des ombres qui les entourent et qui
montrent évidemment que ces corps ont été entourés, au moment de leur apparition,
d’une enveloppe, qui plus tard s’est confondue avec la substance intercellulaire. Chez
les animaux supérieurs, cette évolution est facile à constater, parce que les cavités de
ces cellules mères restent vides, tandis que chez les poissons, toute trace de la mem-
brane cellulaire primitive et de sa cavité disparait, par le remplissage d’une substance
entièrement semblable à la substance intercellulaire.
Mais s’il est facile de prouver, par les raisons que nous avons citées, que les vési-
cules des cartilages ont été contenues dans d’autres cellules qui ont disparu, il est plus
difficile d'indiquer le rôle qu’elles jouent vis-à-vis de ces cellules primitives. Sont-ce
les noyaux de ces cellules , qui se sont aggrandis et boursoufflés, comme on en voit
des exemples dans d’autres tissus, et les corps granuleux de l’intérieur sont-ils les
nucléolules primitifs? Ou bien sont-ce de jeunes cellules, dont les corps granuleux ne
sont que les noyaux ; et les cellules-mères, dans l’intérieur desquelles cette jeune gé-
nération s’est formée, auraient-elles complètement disparu? Nous ne possédons jus-
qu'ici aucune observation qui soit décisive en faveur de l’une ou l’autre de ces ex-
plicalions. Cependant la dernière nous semble préférable, à cause du nombre de vési-
cules qu’on trouve quelquefois rassemblées en un seul groupe, nombre tout-à-fait ex-
traordinaire pour des noyaux, dont il y a rarement plus de deux dans une cellule,
tandis qu’une cellule-mère peut contenir beaucoup de jeunes cellules. Pour cette rai-
son , nous ne craignons pas d'envisager les vésicules comme des cellules, et les corps
granuleux comme des noyaux.
Les cartilages fibreux ne se rencontrent que dans les articulations à faces libres. On
sait en effet que dans nombre de parties du squelette, les articulations sont plutôt des
soudures entre deux os, effectuées par une large plaque cartilagineuse , dont l’élasti-
cité se prête aux mouvemens les plus divers. Ces plaques-là sont toujours composées de
véritables cartilages. Mais il y a en outre dans l'articulation de la mâchoire inférieure .
comme dan; celle des nageoires pectorales et ventrales, des cavités articulaires au mi-
lieu d’une capsule fibreuse, et dans ce cas, les extrémités des os articulés sont revêtues
de plaques cartilagineuses , qui en glissant sur leurs faces lisses facilitent les mouve-
mens. Ce soni ce, revêtemens cartilagineux des extrémités articulaires des os, qui sont
composé. d’un tissu cartilagineux à base fibreuse.
Les cartilage- à base fibreuse sont bien moins transparens que les autres et d’un
blane mat ; examinés au microscope, ils offrent un aspect tout différent (fig. 7). On y
Tour HI. 7
PV" RER
découvre rarement des traces de cellules ; celles-ci ont d'ordinaire complètement disparu.
Les noyaux sont, en revanche, fort nombreux, et, au lieu d’être granuleux , ils mon-
trent presque loujours des parois distinctes. Leur forme est tantôt globuleuse , tantôt
plus ou moins anguleuse et, de même que dans les véritables cartilages à cellules grou-
pées, ils sont presque ioujours réunis en groupes: de quatre à douze. Mais au lieu
d’être déposés dans une masse parfaitement homogène, on voit au premier coup-d’œil
que celte masse est fibreuse. Les fibres sont plus où moins distinctes, davantage vers
la surface, moins dans l’intérieur, où la masse intercellulaire est quelquefois parfaite-
ment homogène , landis qu’à la surface elle est toute entière transformée en fibrilles.
Or, comme ces fibrilles entourent les groupes de noyaux, il en résulte que le carti-
lage a l'apparence d’être composé d’un réseau fibreux, à mailles inégales, mais presque
toujours quadrangulaires, dans l’intérieur desquelles sont logés ces noyaux.
L'inspection immédiate de tranches de cartilage fibreux, nous apprend que ces
fibrilles si frêles, qui souvent ne sont reconnaissables qu’à la réfraction qu'elles occa-
sionnent, ne sont nullement dues à un développement de cellules propres, qui en
s’allongeant ou se crevassant, se transformeraient en fibrilles, comme cela arrive dans
beaucoup d’autres tissus, mais que c’est bien la substance intercellulaire qui forme
ces fibrilles en se fendillant. Ce n’est pas le seul exemple de la formation de parties
élémentaires sans l'intervention du développement cellulaire.
Nous n’avons observé qu’une seule fois, dans une petite Truite d’un an et demi
à-peu-près, la conformation du processus de Meckel , représentée fig. 8. Depuis nous
l'avons vainement cherché dans des Truites de tout âge ; en sorte qu'il nous est im-
ossible de rien ajouter sur son développement. Ce que nous savons, c’est que ce
9
cartilage , qui se loge dans la cavité des os de la mâchoire, est un véritable earti-
lage à cellules éparses, quoique sur quelques points celles-ci paraissent groupées. Les
cellules ont disparu, et il ne reste que les noyaux qui se séparent facilement de la subs-
tance intercellulaire. On remarque çà et là dans l’intérieur de la masse, des étoiles
fibreuses d’une teinte jaunâtre , dont les ramifications sont situées dans un plan hori-
zontal, parallèle à l’axe du cartilage. Ces étoiles ressemblent assez à des cellules ra-
mifiées de piment noir, mais elles nous ont semblé plus grosses. Quelquefois nous
avons aperçu, vers le centre de l'étoile, des vésicules qu’on aurait pu prendre pour des
noyaux; mais comme elles manquent communément dans les étoiles , qui pourtant se
trouvent en abondance dans le processus de Meckel, il serait hasardeux de vouloir
affirmer que ce sont en effet des noyaux. Les fibres dont l'étoile semble composée,
se perdent petit à petit dans la masse intercellulaire et sont d’une grande ténuité.
de D ns de
DU TISSU OSSEUX.
Tab. G, fig. 9—17, 19 et 20.
Les os des poissons diffèrent par plusieurs particularités de ceux des animaux su-
périeurs. Et d’abord , leur couleur n’est pas d’un blanc aussi pur, et leur tissu en gé-
néral est beaucoup plus transparent, ce qui semble devoir être attribué autant à la
moindre quantité de sels calcaires, qui y sont déposés, qu’à l’absence de lamelles
constitutives croisées , dont la réfraction augmente lopacité.
Pour examiner les os au microscope , on a soin d’en préparer des lames très-minces,
en les usant sur une pierre à repasser, d’un grain fin. On obtient de cette manière des
feuillets transparens , faciles à observer à la lumière directe. Il est bon de macérer les
os qui sont parcourus par de larges canaux, et qui renferment par conséquent beaucoup
de parties molles, par exemple, les vertèbres. Il suffit pour cela de les mettre dans
une solution forte de potasse caustique, qui n’attaque nullement la substance des
os , tandis qu’elle dissout les parties charnues.
De minces feuillets d’os préparés de cette manière nous offrent d’abord une subs-
tance fondamentale , dans laquelle il est impossible de reconnaitre la moindre struc-
ture. Elle est à-peu-près semblable à la substance intercellulaire des cartilages . mais
plus opaque. Comme celle-ci, elle n’offre pas la moindre trace de lames ou de fibres :
mais on y trouve partout les mêmes propriétés dans le même os, et ce n’est que dans
quelques cas particuliers , dont nous traiterons plus tard, qu’elle offre une structure
plus compliquée.
Dans cette substance fondamentale sont disséminés les corpuscules osseux (fig. 9,
10, 12, 15). Dans tout corpuscule osseux, à quelque os qu’il appartienne , il faut dis-
tinguer deux choses , le corps et les rameaux calcifères. Le corps vu à la lumière ré-
fléchie, est d’un blanc mat; à la lumière directe, il présente une teinte plus ou
moins sombre , et souvent l’on découvre, au moyen d’un très-fort grossissement, des
indices d’une substance granuleuse , qui remplit l’intérieur. Les corpuscules ronds
(fig. 9) laissent presque toujours apercevoir un petit point transparent situé tantôt au
milieu , tantôt à la paroi du corpuscule, et qui très-souvent présente l'aspect d’une
vessie. Quelquefois les parois de cette vésicule sont bien distinctes ; d’autres fois elles se
confondent en partie avec la matière granuleuse environnante. 11 arrive mème souvent
qu’on remarque au centre de cette vésicule une petite tache noire , comme si elle était
percée d’un trou. Les corpuscules allongés , fusiformes , qui se trouvent principale-
ci. NS Las :
ment dans les os longs , par exemple dans les mâchoires (fig. 12), ne nous ont jamais
offert rien de semblable. Ils ne présentent à l’intérieur qu’une masse entièrement ho-
mogène , d’un aspect granuleux.
Les rameaux calcifères existent dans les cerpuscules ronds , comme dans les corpus-
cules allongés. Dans les premiers, ils rayonnent dans tous les sens ; dans les seconds,
ils se trouvent principalement aux deux extrémités allongées. Ce sont des lignes noires,
plus grosses à leur point de départ, qui se ramifient et s’amincissent toujours plus,
jusqu’à ce qu’on les perd de vue. Il parait en outre qu'ils sont toujours disposés
dans le plan des lamelles. Il arrive souvent que les ramifications de deux corpus-
cules se rencontrent et se confondent, et dans certains os de Truite, cette fusion est
si fréquente, que toute la substance de l’os ressemble à un réseau continu de ra-
mifications. Ces ramifications trahissent l’opacité des corpuscules d’une manière en-
core plus frappante ; sur des lames trés-minces , elles … sh) 4h
FC
_— J ——
des os ou des cartilages qui s’ossifient, que les parois de ces cellules se confondent
bientôt avec la substance intercellulaire, et qu’il ne reste que la cavité ramifiée, qui
se remplit de sels inorganiques.
Ce qui nous confirme dans l'opinion qu’une transformation directe des cellules
chondriques en corpuscules osseux n’a pas lieu, c’est le fait qu’il existe chez les Sal-
mones des os sans corpuscules osseux, dans lesquels les cellules chondriques sont
encore reconnaissables, malgré que la substance soit parfaitement ossifiée. C’est sur-
tout dans les supports osseux des feuillets branchiaux , que cette singulière formation
s’observe (fig. 146, 17, 19 et 20).
Dans les jeunes Truites, ces supports sont de simples bâtons aplatis , formés de cel-
lules chondriques assez grandes , dans lesquels on reconnait d’ordinaire les parois,
le noyau et même des nucléolules assez développés. Ce sont ces cellules que M. Tre-
viranus (*) a décrites et figurées comme des ouvertures de vaisseaux lyÿmphatiques.
Plus tard les nucléolules disparaissent ; les parois des cellules se confondent entre elles,
ainsi qu'avec la substance intercellulaire et les noyaux ; il ne reste que des traces plus
ou moins distinctes des anciennes cellules. Mais le tissu n’en porte pas moins le cachet
d’une formation chondrique, ensorte que tout observateur qui le verra sous le micros-
cope le reconnaitra pour du cartilage (fig. 19 et 20).
Ce tissu est tout aussi dur ét cassant que celui des os véritables ; il ne contient
pas moins de sels inorganiques, et il se prolonge des deux côtés en un véritable tissu
osseux fig. 17), présentant des corpuscules allongés, dépourvus, il est vrai, de rami-
fications et de dépôts granuleux , mais du reste parfaitement semblables aux corpus-
cules ‘allongés des autres os. C’est de cette substance osseuse que sont formées les
dentelures que l’on remarque sur les supports des poissons adultes, et qui manquent
à ceux des jeunes.
DE LA CORDE DORSALE.
Tab. G; fig. 18.
M. Vogt a décrit ailleurs (**) le développement des cellules de la corde dorsale, et
les rapports de cet organe avec les corps des vertèbres jusqu’au moment de l’éclosion.
Nous avons dit aussi plus haut que la corde dorsale ne disparaissait jamais complète-
ment chez la Truite adulte, mais que la masse qui remplit les cavités coniques des
(8) Hinterlassene Schriften.
(*) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce, par L. Agassiz. Embryologie, tom. [, chap. 7.
RS es
vertèbres était le faible reste de cette corde, si considérablement développée chez les
embryons. Il nous reste à examiner ici la constitution de cette masse chez les adultes,
et nous aurons le développement complet de cet organe à travers tous les âges. Nous
sommes malheureusement loin de pouvoir en dire autant de tous les autres tissus.
La masse intersticielle, qui remplit l’intérieur des vertèbres, est une pulpe gélati-
neuse, collante et d’une transparence parfaite. Examinée au microscope, cette gélatine
se montre composée, vers le milieu, de cellules plus ou moins globulaires, très-trans-
parentes et remplies d’un liquide gélatineux. Il est fort rare que l’on découvre des vé-
ritables noyaux dans ces cellules, mais lorsqu'ils existent, ils se font toujours remarquer
par leur aspect plus sombre et légèrement granuleux ; ils sont comme collés à la face
interne des parois des cellules. Ce qui est au contraire très-fréquent , ce sont de jeunes
cellules se développant dans les anciennes, et il n’y a que très-peu de cellules an-
ciennes dans lesquelles on n’en trouve pas. Ces jeunes cellules sont presque toujours
parfaitement circulaires et si transparentes qu'elles ne s’apercoivent que difficilement.
Nous n'avons jamais pu distinguer dans leur intérieur des noyaux ou quelque autre
corps hétérogène ; nous avons au contraire toujours trouvé leur contenu parfaitement
clair et limpide. Le plus souvent, il n’y a qu’une jeune cellule dans une cellule-mère;
mais j'en ai aussi rencontré jusqu'à trois de différentes grandeurs.
La substance intercellulaire n’est pas très-considérable , et tandis qu’elle est parfai-
tement homogène dans l'embryon , elle jrésente, au contraire , un aspect fibreux chez
l'adulte. Les fines stries, qui indiquent la séparation des fibres, font le tour des cel-
lules, si bien que l’on dirait, à ne voir que le centre de ces masses intervertébrales,
qu'il y a des couches servant de doublure aux parois cellulaires. Plas on approche de
la circonférence, plus les fibres augmentent : les cellules deviennent rares, et le- fibres
prennent une direction distincte. Le pourtour des masses intersticiell», est formé par
une couche de fibres circulaires, qui s’appliquent immédiatement contre la surface
des cavités coniques des vertèbres , et sont évidemment le dernier degré de dévelop-
pement dont les fibres intercellulaires sont suscertibles. Ces fibres sont très-minces,
mais roides et réunies en petits faisceaux de trois ou quatre fibres, jue l’on prendrait
pour des fibres primitives, si l’on n’apercevait pas à leur surface les lignes de démarca-
tion des fibrilles plus fines dont elles sont :omposées.
Dans la masse de ces fibres circulaires. sont disséminées par-ci par-là de. cellules
beaucoup plus pelites que celles du milieu , mais égalant en grandeur à-peu-près les plus
grandes des jeunes cellules enfermées. telles-là onf pour la plupart un uoyau ; mais il
est presque impossible de les séparer complètement de la masse fibreuse dans laquelle
ORNE
elles sont logées. Les fibres ne changent pas de direction à la rencontre des cellules ;
elles ne font que s’écarter, et déterminent ainsi un espace fusiforme , destiné à rece-
voir la cellule.
Plus le poisson est vieux , plus cette couche fibreuse externe est considérable ; ensorte
que l’on peut aisément suivre tous les degrés de son développement. Chez les pois-
sons très-jeunes , la couche extérieure présente le même aspect que les couches inté-
rieures chez les vieux, c’est-à-dire de grandes cellules entourées d’une masse inter-
cellulaire fibreuse peu considérable.
D’après cela, la marche du développement des cellules de la corde dorsale peut se
résumer de la manière suivante. De jeunes cellules se développent dans l’intérieur des
cellules, sans l'intervention d’un noyau ; en même temps, la masse intercellulaire de-
vient fibreuse, les fibres augmentent de jour en jour, les anciennes cellules disparais-
sent , et les jeunes cellules , les seules qui montrent des noyaux, restent enfermées dans
la masse fibreuse, qui les entoure de toute part. La corde dorsale fournit ainsi la
preuve qu’il peut se former des cellules primitives, aussi bien que des cellules de se-
conde génération, sans l'intervention de noyaux, et que la masse intercellulaire peut
devenir fibreuse, sans donner préalablement lieu à des cellules. Cette dernière loi est
aussi confirmée par les cartilages fibreux.
Tour II. 8
ER
MYOLOGIE.
DES MUSCLES DU TRONC.
Tab. HetJ.
Le plus important des muscles de la Truite, celui qui constitue la grande masse
_des chairs, est le grand muscle latéral (n° 4). Il est composé d’une multitude de
bandes transversales sinueuses, réunies par des feuillets tendineux. Ces feuillets, qu’il
est facile de préparer en soumettant à la macération des poissons conservés pendant
quelque temps dans l'esprit de vin, sont attachés à la fois sur le milieu de chaque
vertèbre , sur les apophyses vertébrales et sur les côtes. Or, comme les apophyses et
les côtes sont inclinées en arrière , il s’ensuit que chaque feuillet forme, sur la ligne
latérale, un angle dont le sommet est tourné en avant. Arrivé au sommet des apo-
physes verticales, le feuillet change de direction et se tourne en avant ; il décrit ainsi
un nouveau sinus dont l’anse est dirigée en arrière , tandis que les feuillets tendineux
se réunissent, sur les lignes médianes du dos et du ventre, à la grande aponévrose qui
couvre toutes les apophyses épineuses et les osselets interapophysaires. Les feuillets dé-
crivent ainsi de chaque côté une ligne en zig-zag , qui est brisée sur trois points. Outre
ces inflexions, qui se répètent très-régulièrement sur toute la longueur du poisson,
les feuillets sont encore couchés obliquement en arrière, de sorte qu’en faisant une
coupe verticale sur l’axe du corps, on tranche toujours plusieurs feuillets. L’inclinaison
des feuillets se reconnait sur un squelette bien fait à la direction des arètes musculaires,
qui sont inclinées d’avant en arrière et qui, chez les Truites du moins, sont enfermées
en entier dans l’épaisseur des feuillets. De cette disposition des feuillets tendineux que
nous avons représentés Tab. H, fig. 1, 2et 5, et Tab. J, fig. 1,2et3, il résulte un
grand nombre de bandes musculaires dont les fibres sont toutes parallèles à l’axe du
corps. Chacune de ces bandes correspond à une articulation intervertébrale , et l’on
peut affirmer en toute confiance que le grand muscle latéral est composé d’autant de
bandes musculaires qu'il y a d’articulations dans la colonne vertébrale. Cet arrange-.
ment qui a déjà été signalé par M. Agassiz , dans une communication faite à la réunion
des naturalistes allemands à Breslau, a été poursuivie depuis par M. Müller, dans
son Anatomie des Myxinoïdes (*), et il est maintenant parfaitement constaté que ce
(*) Vergleichende Anatomie der Myxinoiden. Première partie, page 225.
D —
système musculaire primitif de la colonne vertébrale , qui joue un si grand rôle chez
les poissons , se perd graduellement chez les vertébrés supérieurs , au point qu’il n’en
reste plus que quelques traces dans les muscles supérieurs de la queue et de la colonne
vertébrale des mammifères.
L'inflexion des feuillets tendineux (*) occasionne ces dessins variés qui se voient
sur les tranches verticales du Saumon , et que tous les amateurs de poisson connaissent
fort bien. Il est évident que plus les feuillets sont inclinés, et plus le nombre des bandes
musculaires doit être considérable sur une coupe semblable. La fig. 3 de Tab. J, re-
présente une coupe verticale prise au milieu de la queue de notre petite Truite. Les
dessins sont parfaitement symétriques des deux côtés , et ressemblent assez aux ondu-
lations qu'occasionne un tournant dans un fleuve rapide. La masse musculaire toute
entière est séparée en quatre grandes parties par une croix formée par la vertèbre et
ses apophyses verticales , et par une fente profonde s’avançant depuis la ligne latérale
jusque sur le corps de la vertèbre. C’est dans cette fente latérale que se logent le nerf
latéral et le grand canal lymphatique externe.
Les feuillets tendineux si complètement développés en cercle autour du tronc, di-
minuent vers la tête, par l'effet du développement de la ceinture thoracique et des
muscles qui président aux mouvemens de la nageoire pectorale. On compte au moins
cinq faisceaux différens par lesquels le muscle latéral s'attache au crâne , à la ceinture
thoracique et au corps de l'os hyoïde. Le premier de ces faisceaux (**) prend naissance
sur toute la partie occipitale du crâne. On pourrait y distinguer à la rigueur trois
- parties s’aitachant , l’une à la fosse occipitale , l’autre à la fosse pariétale , et la troi-
sième à la face postérieure des occipitaux latéraux et externes ; mais ces divisions ne
sont pas assez marquées pour qu’on puisse les envisager comme des faisceaux distincts ;
il n’y a que les fibres tendineuses qui s’attachent aux crêtes saillantes de l’occiput , qui
pourraient justifier une pareille distinction.
Le second faisceau, séparé du premier par la fente latérale, est beaucoup plus faible;
il s'attache à la face latérale de l'occiput et semble quelquefois se diviser en deux por-
tions , dont la supérieure prend naissance dans la dépression de loccipital latéral et de
la grande aile, tandis que l’inférieure , s'attache plus spécialement à la face externe
du sphénoïde principal , en bas (***).
Le troisième faisceau (****) s'attache à la face interne de la clavicule (n° 48), immé-
(©) Tab. J, fig. 1 et 2. (*) Tab. H, fig. 1, N°1, a.
(888) Tab. H, fig. 4, N°1, 6. (8598) Tab. H, fig. 4, N°1, c.
ÉD. =
diatement au-dessus du grand muscle attracteur de la pectorale (n° 14) ; tandis que le
quatrième faisceau, s’enfonçant derrière la charpente de la nageoire pectorale, s'attache
en bas à la face interne de l’humérus (n° 51). C’est entre ces deux faisceaux que la
nageoire pectorale se fait jour au dehors.
Le dernier de ces faisceaux enfin (*), s'étend fort en avant, recouvrant extérieu-
rement toute la partie de la gorge comprise entre les rayons branchiostègues et se fixant
sur les deux faces de la carène linguale.
Vers la partie postérieure du corps , les feuillets tendineux du grand muscle latéral
diminuent dans la même proportion qu’à la tête. L’extrémité de la colonne vertébrale
étant occupée par les muscles profonds de la caudale , les feuillets ne peuvent s’atta-
cher qu'aux extrémités des apophyses , et à la fin chaque muscle latéral se transforme
en deux languettes tendineuses et plates, séparées par une profonde échancrure , et
s’attachant aux faux rayons de la caudale. Chacune de ces languettes est ordinairement
subdivisée en deux portions par une fente longitudinale (**).
L’action du grand muscle latéral résulte très-clairement de sa disposition anato-
mique. Chacun des bandeaux musculaires s'étendant sur une articulation interverté-
brale , doit tendre à rapprocher les vertèbres de son côté , et de la contraction simul-
tanée de tous ces bandeaux , résultent ces fortes inflexions de la colonne vertébrale .
desquelles dépend surtout la locomotion du poisson.
Les régions voisines de la ligne latérale sont garnies de fibres musculaires d’un
aspect tout particulier, que nous n’hésitons pas à envisager comme un premier vestige
du muscle cutané, qui est si largement développé dans quelques mammifères. Ces
muscles (n° 45)se voient beaucoup mieux sur des coupes transversales (***) que sur des
poissons préparés à la manière ordinaire : ce sont deux bandes minces , longitudinales,
qui se logent dans la face latérale du grand muscle latéral, et qui sont surtout bien visibles
dans la partie médiane du tronc, tandis qu’elles disparaissent insensiblement en avant
et en arrière. Sur les truites bouillies, elles se reconnaissent facilement à la couleur
plus foncée de leurs fibres, qui sont en même temps beaucoup plus grossières que
celles du grand muscle latéral. On peut également s'assurer de l'existence de ce sys-
tème de fibres cutanées sur presque tous nos poissons d’eau douce. Les fibres adhè-
rent quelquefois assez fortement à la peau, et restent attachées à cette dernière, sur
des poissons cuits ou desséchés.
() Tab H, fig. 2, N°J,eet 4, N°1,e. (*) Tab. H, fig. 1.
(CH) Tab EP DIE
— 61 —
On observe tout le long de la ligne médiane du dos et du ventre un système de
muscles grèles et allongés, qui s’étend depuis la tête jusque vers la queue, et qui est
séparé en plusieurs portions distinctes par les nageoires. Les muscles grèles supérieurs
de la Truite (n° 7) (*) sont séparés au milieu par l'interposition de la nageoire dor-
sale. La partie antérieure (n° 7 a) est une bande plate qui s’attache à la face postérieure
des os sur-scapulaires (n° 46), et qui s'étend, en se rétrécissant, jusque vers la na-
geoire dorsale, où elle se fixe au premier rayon. La partie postérieure du même
muscle (n°7) s'attache d’un côté au dernier osselet interapophysaire de la dorsale, de
l’autre au premier faux rayon de la caudale. La nageoire adipeuse ne cause aucune
interruption dans le cours de-ce muscle ; les deux moitiés latérales ne font que s’écar-
ter un peu pour donner passage à la masse graisseuse dont cette nageoire est remplie.
Les muscles grèles inférieurs forment un système analogue au précédent, sur la ligne
médiane inférieure du tronc, avec cette différence qu'ici les muscles sont séparés en
trois parties distinctes (n° 5, 6 et 8) par l’interposition des nageoires ventrales et de la-
nus avec la nageoire anale (**). La partie antérieure de ces muscles (n°5) se détache
insensiblement du grand muscle latéral, sous forme de deux cylindres minces, qui
vont se fixer à la face extérieure des os du bassin. La partie moyenne (n° 6) prend nais-
sance sur l’apophyse postérieure des os du bassin, et en s’écartant pour donner une
issue à l’ouverture de l’anus, les deux moitiés se fixent à la tête articulaire du pre-
mier osselet interapophysaire de la nageoire anale. La troisième partie enfin (n° 8) s’é-
tend depuis le dernier osselet interapophysaire de l’anale, jusqu’au premier rayon de la
caudale.
Tous ces muscles grèles du tronc ne peuvent guère avoir d’autre action que celle
de fixer convenablement les différentes nageoires qui se trouvent placées sur la ligne
médiane. La partie moyenne du muscle grèle inférieur (n° 6) sert en. outre à resserrer
l'ouverture anale.
La nageoire caudale qui est le principal instrument de la natation , possède en outre
des muscles propres, destinés à éloigner les rayons les uns des autres, afin d’augmen-
ter ainsi la surface de la nageoire. Il y a de chaque côté cinq muscles différens, dont
les plus profonds s’attachent aux fourchettes par lesquelles les rayons s'insèrent sur la
plaque terminale de la queue , tandis que les superficiels s’attachent aux rayons eux-
mêmes. Ces derniers , les muscles caudaux superficiels (n° 14) (**), se trouvent sur la
(®) Tab. H, fig. 1 et 3. — Tab. J, fig. 2. (89) Tab. H, fig. 2. — Tab. J, fig. 2.
(89) Tab, H, fig. 1.
RAA UE
ligne médiane , immédiatement sous la peau , attachés à l’aponévrose superdicielle par
laquelle se termine le grand muscle latéral. Leurs fibres musculaires rayonnent obli-
quement en haut et en bas vers tous les rayons articulés de la nageoire , formant ainsi
deux petits muscles triangulaires qui ont leurs sommets dans la ligne médiane. En se
contractant, ces muscles attirent les rayons vers la ligne médiane , et rapprochant
ainsi les rayons les uns des autres , ils diminuent la surface de la nageoire caudale.
Il existe en outre deux muscles antagonistes en haut et en bas de la colonne ver-
tébrale (n° 9 et 10), qui sont presque entièrement couverts par l'extrémité du grand
muscle latéral et qui s’attachent des deux côtés à la base des fourchettes des rayons ar-
ticulés. Le supérieur, le caudal profond supérieur (n° 9) (*), s'attache à tous les rayons
articulés supérieurs, à dater du troisième, tandis que l'inférieur, le caudal profond in-
férieur (n° 10) (**), fournit à chacun des rayons articulés inférieurs un faisceau à part.
Le rôle essentiel de ces muscles, est de fléchir la nageoiïre caudale à droite et à
gauche , et ce mouvement s’observe d’une manière très-distinete chez les Truites lors-
qu'elles nagent. Mais comme le point d’attache des faisceaux musculaires de la caudale
se trouve sur la ligne médiane de la colonne vertébrale , et que par conséquent leurs
fibres se dirigent obliquement en arrière, pour se porter vers la base des rayons, ils
doivent aussi pouvoir attirer les apophyses en fourchettes vers la ligne médiane et
écarter ainsi les rayons les uns des autres.
Un muscle à part, le caudal profond moyen (n° 13) (***), est encore consacré à cet
usage. Ce muscle prend naissance entre les deux muscles précédens , au-dessous de la
ligne médiane de la colonne vertébrale, et se dirigeant obliquement en haut et en ar-
rière , il s'attache par des faisceaux séparés aux fourchettes des rayons articulés supé-
rieurs, depuis le quatrième jusqu’au neuvième. Il doit fortement attirer l’extrémité des
fourchettes vers la ligne médiane , et en faisant tourner les rayons autour du point de
réunion des branches de la fourchette, éloigner les rayons les uns des autres. Cuvier,
en décrivant ce muscle dans la Perche, s’est probablement trompé sur le point d’in-
sertion de ses faisceaux , puisqu'il affirme qu'il doit contribuer à rétrécir la nageoire.
Mais comme chaque rayon de la nageoire caudale forme un levier à bras extrêmement
inégaux, et que le point autour duquel ce levier se meut est justement le point de sou-
dure des deux apophyses latérales de la fourchette, dont les extrémités embrassent la
plaque terminale de la queue, ce muscle peut être envisagé comme ayant une action
tout-à-fait opposée , suivant que son point d'appui se trouve en dedans ou en dehors
du point autour duquel le rayon se meut.
(©) Tab. J, fig. 12. (5) Tab. J, fig. 12. CRAN TEE 12
EUR
Les petits muscles qui vont d’un rayon à l’autre dans la Perche , et que M. Cuvier
a désignés dans ses figures par le chiffre 12 , manquent complètement chez la Truite.
Les autres nageoires verticales du tronc , la dorsale et l’anale, sont pourvues de
muscles construits sur le même plan , dans les deux nageoires. Chaque rayon a trois
paires de muscles différens, dont les uns, les muscles superficiels, le tirent à droite ou
à gauche , tandis que les muscles profonds écartent ou rapprochent les rayons les uns
des autres. Les muscles superficiels des rayons (n° 2) (‘) prennent naissance à l'aponé-
vrose générale du grand muscle latéral , et s’attachent à la face latérale de la tête glé-
noïdale du rayon. Les muscles interépineux antérieurs (n° 4) (*) naissent sur la face
antérieure de l’arète latérale des osselets interapophysaires , et s’attachent à la face an-
térieure de la tête glénoïdale du rayon ; les muscles interépineux postérieurs (n° 3) (°),
au contraire , naissent sur la face postérieure de cette arèête , et s’attachent à la partie
postérieure de la tête glénoïdale.
Les muscles de la nageoire pectorale sont au nombre de trois pour chaque nageoire ;
ils se divisent en deux couches ; une superficielle, et une profonde. Le grand muscle
superficiel ou externe (n° 14) (*) prend naissance sur toute la face extérieure des os du
bras et du carpe, dans la fosse triangulaire qui se trouve entre ces derniers et la
branche horizontale de la clavicule. La base de chaque rayon reçoit un faisceau à part
qui s’attache à l'extrémité de la fourchette. L’antagoniste de ce muscle , le muscle pec-
toral interne (n° 16) (*), est une masse musculaire tout aussi puissante, qui prend
naissance sur la face interne des mêmes os , et qui s’attache de la même manière à la
base des rayons. Une portion de ce muscle (n° 16 «) vient de la face interne de l'os
cubital (n° 52), mais conflue bientôt avec les autres fibres.
Un troisième muscle , le muscle du pouce (n° 45) (°), est particulièrement destiné au
premier rayon. Partant de la face interne de la clavicule , et se portant vers la face
antérieure de la base du premier rayon , il doit attirer puissamment le premier rayon
vers la clavicule et par conséquent écarter la nageoïire. tandis que les deux autres
muscles , tout en tirant chacun la nageoire de leur côté, la rétrécissent, en rapprochant
les rayons les uns des autres.
Deux couches de muscles sont destinées à mouvoir les rayons de la nageoire ven-
trale. Ils couvrent les deux faces de la planche triangulaire qui est formée par la réu-
(!) Tab. H, fig. 1, 2 et 3, et Tab. J, fig. 5. @) Tab. J, fig. 5.
C) Tab. J, fig. 5. ) Tab. 3, fig. 6. — Tab. H, fig. 1 et 2.
(5) Tab. J, fig. 7. (5) Tab. J, fig. 6.
ec, | Pi
nion des deux os du bassin (*). La couche externe est divisée en deux muscles, les
abaisseurs externes (n° 17), qui se portent obliquement de dedans en dehors, vers la
base des rayons qu’ils servent à dilater; et les abaisseurs internes (n° 18), qui font un
trajet plus direct, et servent uniquement à éloigner les rayons du ventre.
Les releveurs de la nagecire (n° 19) (**) ne forment qu’une seule masse, séparée
en autant de languettes qu’il y a de rayons.
Outre leurs muscles propres, les nageoires ventrales ont encore une languette tendi-
neuse (***), qui partant de la face interne du grand muscle latéral s’attache à la carène
interne des os du bassin et sert à les soutenir. Il arrive quelquefois que des fibres char-
nues se développent dans cette languette, qui prend alors l'apparence d’un muscle à
part , propre à tirer le bassin en arrière.
MUSCLES DE LA TÊTE.
Tout l’espace compris entre l’œil en avant, le préopercule en arrière et la mà-
choire inférieure, est rempli par un puissant muscle de forme triangulaire, que nous
appellerons masseter (n° 20) (****), tout en prévenant d’avance que nous sommes loin
de l’envisager comme l’analogue du seul masseter des animaux supérieurs. Ce
muscle prend naissance, au moyen de puissantes fibres charnues, sur toute la face ex-
terne de l’arcade temporale et notammment sur le mastoïdien (n° 25), la caisse
(n° 27) et le bord antérieur du préopercule (n° 30). Ces différens points d’attache dé-
terminent dans le muscle plusieurs faisceaux plus ou moins séparés. On distingue
souvent un faisceau venant du bord supérieur de la caisse et d’une aponévrose qui
s’étend entre le masseter et le releveur de l’arcade temporale (n° 24), un second fais-
ceau venant du bord du préopercule et un troisième faisceau arrivant du fond du
creux situé au point de jonction du mastoïdien et de la caisse. Quelquefois même , et
c’est le cas que nous avons dessiné dans la fig. 4 de Tab. H, on observe un faisceau
de fibres réuni au masseter par une petite aponévrose et s’attachant en haut à la crête
temporale elle-même, entre le releveur de l’arcade temporale (n° 24) et le releveur
de Popercule (n° 25).
Tous ces différens faisceaux se réunissent dans l’angle postérieur de la mâchoire in-
férieure , pour former un centre tendineux très-vigoureux, auquel viennent s’ajouter
encore deux autres faisceaux charnus, qui sont logés dans la cavité interne de la
©) Tab. H, fig. 2. (*) Tab. J, fig. 8.
(°*) Tab. J, fig. 8. (8%) Tab, H, fig. 1, et Tab. J, fig. 10 et11.
—' 6 —
mâchoire inférieure elle-même, et séparés par le cylindre cartilagineux qui existe dans
cette cavité. L'un de ces faisceaux, le supérieur, prend son attache tout le long du bord
antérieur du dentaire ; l’inférieur est fixé au bord inférieur du même os et sur le cy-
lindre cartilagineux lui-même. Nous voyons par là que le muscle destiné à rapprocher
la mâchoire inférieure du crâne, constitue une seule masse ; et ce qui rend son action
encore plus énergique, c’est que les fibres charnues s’insèrent jusque près de l’extré-
mité antérieure de la mâchoire inférieure. Le centre tendineux, dont nous avons
parlé plus haut, est attaché par une forte aponévrose au bord postérieur de los arti-
culaire (n° 35); de cette manière, toute la force qui est développée par la contraction
de ces fibres est employée à relever la mâchoire, et l'œil n’éprouve aucune compres-
sion , ce qui serait inévitable si le muscle était libre.
Un autre muscle, qui, quoique beaucoup moins puissant, est pourtant lun des
plus considérables de la tête, c’est le releveur de l’arcade temporale (n° 24) (*). Il
est court, de forme cubique, et prend naissance à la face externe du frontal posté-
rieur et de la partie antérieure de la crète temporale. Ses fibres sont dirigées vertica-
lement en bas, où elles se fixent à la face interne du bord supérieur de la caisse. Le
bord antérieur de ce muscle forme en haut la limite de l’orbite, de la même manière
que le masseter la limite en bas. D'après cela, ce muscle doit attirer puissamment
l’arcade temporale vers le crâne et en même temps écarter les arcades.
Nous appelons, avec Cuvier, abaisseur de l’arcade temporale (n° 22) (*), un autre
muscle, qui sans doute est l’antagoniste de celui que nous venons de décrire. Il se
rend de la face latérale du sphénoïde principal (n° 6) et de la grande aîle au bord in-
terne du ptérygoïdien (n° 25) et de la caisse (n° 27), et sert ainsi à compléter la
partie postérieure de la voûte du palais. 1l doit rapprocher puissamment les arcades
temporales et resserrer ainsi la cavité buccale.
Il y a en outre, sur les faces latérales du crâne, plusieurs autres mucles exclusive-
ment destinés aux mouvemens de l’opercule (**). Le releveur de l'opercule (n° 25)
s’atlache à la face externe de l’opercule, sur le point saillant qui se trouve près de son
articulation avec le mastoïdien (n° 23). Il prend naissance à la face externe de la crête
temporale, immédiatement derrière le releveur de l’arcade temporale, et ses fibres
passent par dessus l’angle postérieur du mastoïdien (n° 23), pour se fixer à leur point
d'insertion.
(*) Tab. H, fig. 1 et 4, et Tab. J, fig. 9 et 11. (*) Tab. H, fig. 4, et Tab. J, fig. 11.
(**) Tab. H, fig. 1, 3 et 4, et Tab. J, fig. 9.
Tome II. 9
CARE “E
L'abaisseur de l'opercule (n° 26) (*), dont l’action est diamétralement opposée à
celle du précédent, naît à côté de lui, sur la partie postérieure de la crète temporale,
et surtout de l’épine par laquelle cette crête se prolonge en arrière. Il se fixe à la face
interne de l’opercule, près de son articulation avec le mastoidien.
Un troisième muscle (n° 42) (*) qui est entièrement séparé du précédent, dans la
Truite, se voit au bord antérieur de l’abaisseur de l’opercule. Il est fixé comme celui-
ci à la face interne du crâne, mais plus en avant. Nous l’appellerons lattracteur de
l'opercule.
Plusieurs muscles très-considérables sont disposés sur la partie inférieure des arcs
mandibulaires et hyoïdaux. Ces muscles servent surtout à ouvrir la bouche et à rappro-
cher ou à éloigner les différentes pièces osseuses qui se trouvent dans la région de la
gorge. Le premier de ces muscles est le triangulaire du menton (n° 21) (***). Quoique
fort petit, il remplit la pointe antérieure de l’espace triangulaire compris entre les
deux branches de la mâchoire inférieure, en réunissant ces deux branches par ses
fibres transverses.
Un autre muscle très-puissant, que Cuvier a appelé à juste titre géniohyoïdien ,
(n° 27) (**#*), remplit tout l’espace compris entre les branches de la mâchoire infé-
rieure et les rayons branchiostègues. Ses fibres, qui viennent des deux côtés de la
mâchoire inférieure et en partie de la ligne médiane, se portent vers la face externe de
la branche de l’hyoïde et s’attachent en partie à cet os et, par plusieurs faisceaux sé-
parés, à la base des rayons branchiostègues. Ce muscle rapproche naturellement les
rayons branchiostègues de la symphyse du menton; ou bien, si les rayons branchios-
tègues sont fixés par les muscles suivans, il doit tirer la mâchoire inférieure en bas
et contribuer ainsi à ouvrir la bouche.
Le muscle croisé des rayons branchiostèques (n° 29) (**#) s’attache à la face exté-
rieure de ces rayons près de leur bord ; il porte l'extrémité antérieure de la branche
hyoïde vers les rayons branchiostègues antérieurs du côté opposé. Les deux muscles
opposés se croisent par conséquent complètement ; celui qui va de la branche hyoïdale
droite à la membrane branchiostègue gauche est le plus rapproché de la peau de la
gorge. Ces muscles tirent puissamment les rayons branchiostègues en avant, et écar-
tent ainsi toute la membrane. Chez la Truite, ils ne s’étendent pas même jusque
() Tab. H, fig. 1, et Tab. J, fig. 9. €) Tab. J, fig. 9.
çt**) Tab. H, fs. 2. (*#*#) Tab. H, fig. 2 et 5, et Tab. J, fig. 10 et 11.
(####) Tab. H, fig. 2'et 5, et Tab. J,, fig: 10.et 11.
D =
vers le sous-opercule; ou du moins les fibres deviennent si rares en haut, qu'on ne
peut plus les distinguer comme un muscle à part.
Les antagonistes des précédens sont des fibres isolées qui forment une bande tout
le long de la base des rayons branchiostègues (n° 28) (*) à leur face interne , et qui
allant d’un rayon à l’autre, doivent naturellement rapprocher les rayons de la mem-
brane. Ce sont les muscles branchiostèques.
Tous ces différens muscles sont fort peu développés dans la Truite; mais chez
d’autres poissons , ils prennent souvent un développement tel, qu’ils entourent toute
l'ouverture branchiale , passant par dessus les pièces operculaires et se réunissant en
haut aux abaisseurs de l’opercule. Cuvier a fort bien fait connaitre cette disposition
dans son anatomie de la Perche, et les observations récentes de M. Remak sur ce
sujet (**) ne contiennent rien de nouveau.
Les branches hyoïdales sont rapprochées du corps de los hyoïde par un petit
muscle, le muscle hyoidien (n° 44) (*), qui part de l'extrémité antérieure du corps
de l'os hyoïde et s’attache au bord interne de la branche du même os.
Les muscles qui président aux divers mouvemens de lappareil branchial , peuvent
se diviser en deux catégories. Les uns fixés dans le bas, ont pour but d’abaisser soit
l'appareil entier, soit des arceaux isolés, tandis que les autres, situés au haut, tendent
à relever les arceaux et à les attirer vers le crâne. Les deux espèces de muscles agis-
sant ensemble ouvrent aussi largement que possible l’entonnoir formé par les ares
branchiaux.
Entre les abaisseurs, nous remarquons d’abord deux muscles plats, qui tous les deux
viennent de la branche horizontale de la clavicule et se portent obliquement en haut
vers le corps de l’os hyoïde ; ce sont les abaisseurs croisés (***). Le plus superficiel
de ces muscles, l’abaisseur superficiel (n° 36) vient de la partie antérieure de la clavi-
cule ; se dirigeant obliquement en arrière , il va s’attacher à l’extrémité postérieure du
corps de l’hyoïde, sur la base de l'os pharyngien inférieur. L'autre muscle , l’abais-
seur profond (n° 37), vient de l'angle supérieur de la clavicule et va s’insérer au corps
de l’hyoïde même, en se croisant avec le précédent. C’est entre ces muscles que se
trouve la cavité dans laquelle est logée le cœur ; leur face interne est immédiatement
tapissée par le péricarde , au travers duquel on les aperçoit facilement.
Les arcs branchiaux et l'arc pharyngien (qui se comporte en tout comme un véri-
() Tab. H, fig. 5. (*) Muller Archiv, 1843, page 190.
(#*) Tab. J, fig. 10. CPL ab RÉ e"t5.
EE
table arc branchial), sont fixés au corps de l’os hyoïde par deux muscles, qui, tout en
tirant ces arcs en bas, les écartent les uns des autres et les éloignent en même temps
de la ligne médiane. L’abaisseur commun (n° 35) (*) nait de la face inférieure du corps
de l'os hyoïde , près de son extrémité postérieure ; il se divise en trois faisceaux dis-
tincts , qui se rendent vers la base des deux derniers arcs branchiaux et de l’arc pha-
ryngien.
Quatre petits muscles isolés, les abaisseurs antérieurs (n° 34) (**), naissent en outre
vis-à-vis de l'articulation de chaque arc branchial , et, passant par dessus ces articula-
tions, viennent se fixer sur la face externe des ares. Ces muscles isolés, dont le trajet
est tout-à-fait vertical, ne peuvent guère servir qu’à maintenir les arcs branchiaux en
bas et en dehors, tandis que l’abaisseur commun , en se rendant obliquement vers
son point d'insertion supérieur, tire les arcs postérieurs en avant, en même temps qu'il
les écarte les uns des autres.
Les muscles qui s’insèrent à la moitié supérieure des arcs branchiaux peuvent être
divisés en trois couches plus ou moins superficielles. Tous ces muscles sont de petits
faisceaux fort minces attachés à la face inférieure du crâne , au sphénoïde principal et
aux parties inférieures de l’occipital latéral et de la grande aîle. Les releveurs superfi-
ciels (n° 50) (***) sont au nombre de quatre, un faisceau pour chaque arc ; ils viennent
se fixer sur les petites apophyses supérieures qui se trouvent à l’extrémité antérieure
des arcs branchiaux. Le quatrième s’attache à la lame verticale du pharyngien su-
périeur.
Les releeurs profonds (n° 51) (***) sont au nombre de trois; ils s’attachent aux trois
pharyngiens supérieurs (n° 62), et du reste, ne se distinguent des précédens , que par
leur plus grande force ; leur action est la même ; elle consiste à rapprocher les ares
branchiaux du crâne.
En préparant attentivement les couches musculaires qui forment la partie supérieure
du pharynx , on découvre encore de chaque côté deux petits faisceaux musculaires ,
les attracteurs (n° 52) (***#*), qui, prenant naissance assez en avant sur la ligne mé-
diane , se portent obliquement en arrière vers les. apophyses des troisième et quatrième
-arcs branchiaux , où ils se fixent par de petits tendons. Comme ces muscles ne s’atta-
chent point au crâne, ils ne peuvent point soulever les ares, mais bien les tirer en
avant et écarter ainsi les intervalles des branchies.
*) Tab. H, fig. 5. (*) Tab. H, fig. 5
(
(888) Tab. H, . se et Tab, J, fig. 4 et 10. #5) Tab. H, fig. 5, et Tab. J, fig. 4 et 10.
(ERSES) Tab. He fig.
AO —
Enfin , il nous reste à mentionner au nombre des muscles volontaires de la Truite,
les muscles constricteurs du pharynx (*). Ces muscles forment une couche épaisse
de chair, tendue entre les pharyngiens supérieurs et l'extrémité postérieure des pha-
ryngiens inférieurs. Ce n’est pour ainsi dire qu’artificiellement que l’on peut, chez la
Truite, les séparer en deux muscles distincts, dont Fun, le constricteur antérieur
du pharynx (n° 58) est étendu entre les pharyngiens supérieurs , tandis que l’autre,
le constricteur postérieur (n° 59), est surtout attaché aux extrémités postérieures des
pharyngiens inférieurs et conflue, en arrière, avec les fibres involontaires et circulaires
de l’ésophage.
DU TISSU MUSCULAIRE.
Tab. J, fig. 13-15.
On peut diviser, tant sous le rapport physiologique que sous le rapport anatomique,
le tissu musculaire en deux catégories, l’une comprenant les muscles volontaires, ou
à raies transversales, et l’autre les muscles involontaires, ou muscles simples.
Examinons d’abord les premiers. Nous comprenons parmi les muscles volontaires
tous ceux qui tiennent d’une manière quelconque au squelette, et sont soumis à la
volonté. Le cœur ne saurait être rangé dans cette catégorie, quoiqu'il contienne un
mélange de fibres musculaires des deux espèces; aussi n’en parlerons nous pas ici.
Il y a également à l’origine de l’ésophage, vers l'extrémité du cône du pharynx,
et à l'anus, des transitions insensibles entre les deux sortes de fibres; preuve
évidente que ces fibres, quoique assez différentes par leur aspect, chez le poisson
adulte, ne le sont pourtant pas autant par leur nature intime et par leur dévelop-
pement.
Examinés à l'œil nu, les muscles du poisson sont presque transparens, bleuâtres,
tirant quelquefois au jaune, chez la Truite. Jamais ils n’ont cette couleur d’un rouge
vif, qui les distingue dans les animaux à sang chaud. Leur cohérence est peu con-
sidérable , et les fibres dont ils sont composés, sont assez molles et même gélatineuses.
Les muscles des mâchoires, des nageoires et le muscle peaucier, sont plus fermes,
et assez semblables aux muscles entremélés de fibres tendineuses chez les animaux
supérieurs. On peut aussi reconnaitre à l’œil nu la division des muscles en fibres et
faisceaux assez minces; les faisceaux les plus fins, que l’on parvient à séparer sous
(*) Tab. J, fig. 4.
DRE
le microscope, sont encore des agglomérations de faisceaux plus minces que nous
appellerons faisceaux primitifs (*).
Ces faisceaux primitifs sont composés de fibres assez nombreuses, mais d’une épais-
seur très-variable. Quelquefois ils semblent ronds, mais le plus souvent il est facile de
s’apercevoir qu'ils sont plutôt aplatis. Ils sont en général roides et droits ; mais ils pré-
sentent aussi quelquefois de légères ondulations; il est plus rare de les trouver coudés
ou infléchis en zigzag. Dans ce dernier cas, les angles des zigzags sont assez régu-
liers et en rapport avec la largeur des faisceaux. Une première particularité qui
frappe, c’est que ces faisceaux ne sont pas simples, mais évidemment composés
de parties élémentaires encore plus fines. On découvre partout des stries régulières
longitudinales, parfaitement parallèles entre elles ; et si l’on rencontre des faisceaux
déchirés, il est facile de s’assurer que ces stries longitudinales ne sont que les limites
des fibrilles réunies dans le faisceau , et que nous nommerons pour celte raison fibrilles
primitives.
Il arrive très-souvent que ces fibrilles sortent par les deux bouts des faisceaux , et on
peut alors examiner à son aise leur structure intime. Elles ont à-peu-près le diamètre
d’un globule sanguin de Truite, sont très-transparentes, et, à ce qu’il semble, aplaties
comme les faisceaux eux-mêmes. Elles sont en outre rigides , et se cassent facilement,
surtout si l’animal a été conservé dans l’esprit de vin. Malgré leur petitesse, il est
vraisemblable que ces fibrilles ne sont pas encore les derniers élémens des muscles,
mais qu’elles sont composées elles-même de fibres encore plus fines; du moins avons-
nous aperçu très-souvent sur les bords et à l’extrémité de faisceaux déchirés, des
fibrilles extrêmement minces, beaucoup plus fines que celles du tissu celluleux , mais
rigides, qui pourraient bien être les derniers élémens des fibrilles primitives.
Quoiqu'il en soit, les fibrilles primitives des muscles se distinguent de tous les élé-
mens fibreux du corps par une propriété remarquable, qu’on est loin d’avoir expliqué ;
nous voulons parler de ces stries transversales qu’on observe sur toute l’étendue des
fibres, ainsi que des faisceaux. La finesse de ces stries est telle, qu’elles touchent aux
dernières limites du pouvoir de nos microscopes, et c’est pourquoi il est difficile de se
prononcer sur les différentes explications que l’on a proposées; plusieurs physiolo-
gistes prétendent que ce sont des étranglemens qui divisent la fibre en autant de glo-
bules soudées les unes aux autres ; d’autres affirment, au contraire , que ce sont des
lignes ombrées , causées par la contraction des fibres. Le fait est que ces stries exis-
(*) Tab. J, fig. 13, 6.
LL
sep
— 1 —
tent, qu'elles sont plus marquées sur les muscles conservés à l'esprit de vin, ou
. bouillis, que sur les muscles frais ; qu’elles sont plus visibles sur une partie du même
faisceau que sur l’autre ; qu’elles disparaissent par une forte pression, mais qu'on les
retrouve partout, lorsqu'il n’y à pas eu altération.
En examinant des faisceaux musculaires sous un jour favorable, on voit ces stries
transversales se continuer sur toute la longueur du faiseau à des distances très-régu-
lières. Elles ne sont pas en lignes droites, mais légèrement ondulées ; et il arrive sou-
vent que sur une même section transversale les stries sont plus marquées, et que les
bandes longitudinales des stries correspondent exactement à la position d’une ou de
deux fibrilles primitives. De ce fait, mais surtout de l'examen direct de fibrilles pri-
mitives séparées , et de la manière dont ces faisceaux sont attaqués par l'acide acétique,
il résulte, à nos yeux, que ces stries sont occasionnées par une formation particulière,
non pas des faisceaux ni de leur gaine, dont nous parlerons tout à l'heure, mais bien
des fibrilles primitives elles-mêmes. En effet, nous avons vu de la manière la plus
distincte les stries sur des fibrilles séparées; et nous avons cru remarquer également
sur les fibres constituantes encore plus fines, qui sont représentées Tab. J, fig. 13, a.
des alternances d’ombre et de lumière, qui indiquent un arrangement semblable.
Quand on soumet la fibre musculaire à l’action de l'acide acétique, on y découvre
_encore d’autres détails. Les fibrilles primitives des faisceaux sont attaquées; elles se
gonflent et deviennent une gélatine informe, les stries transversales disparaissent à
mesure que ces changemens s’opèrent, et il ne reste que les gaines des faisceaux (*).
Ces gaines sont parfaitement transparentes, homogènes et sans aucune trace de
structure. , Elles semblent formées de membranes simples , comme les parois des cel-
lules. Très-souvent on remarque des stries longitudinales extrémement fines et lé-
gères, qui peut-être sont les marques des plis causés par les fibres contenues dans
l'intérieur des gaines. Nous n’avons jamais rencontré de faisceaux dépourvus de ces
gaines, et très-souvent leur présence se trahit sur des faisceaux frais, qui n’ont pas
subi l’action de l'acide acétique , en formant des saillies aux bords du faisceau , lorsque
les fibres ne remplissent pas tout-à-fait leur tuyau.
L'action de l’acide acétique a en outre pour résultat de mettre en évidence, à la sur-
face des gaines transparentes, de petits amas granulés, espacés régulièrement, et pré-
sentant des contours fusiformes. Ces granulations sont presque toujours parallèles à
l’axe du faisceau, et il n’y en a qu’une seule rangée longitudinale sur chaque fibre.
€) Tab. J, fig. 13, ce.
SNS Ve
Le plus souvent elles sont parfaitement séparées les unes des autres ; mais quelquefois
aussi elles sont réunies, au moyen d’une rangée de molécules , en une seule ligne
continue, qui présente de petits gonflemens à des distances régulières.
Plusieurs observateurs prétendent avoir trouvé un canal médian rempli d’une ma-
tière gélatineuse dans chaque faisceau, tandis que les fibrilles seraient placées à la
face interne de la gaine. Quoique nous n’ayons jamais aperçu un pareil canal chez la
Truite, nos observations sur l’embryon semblent pourtant militer en faveur de son
existence, du moins chez les muscles qui ne sont pas encore arrivés à leur entier dé-
veloppement. Les granulations dont nous venons de parler ont été envisagées par
M. Henle (*), comme une preuve de l’existence d’un cylindre gélatineux médian des _
faisceaux ; et, en effet, leur position centrale dans l’axe du faisceau semble de nature
à justifier cette opinion.
Le développement des fibres musculaires a été principalement étudié chez les em-
bryons de mammifères par M. Valentin (**), et c’est dans l’ouvrage de ce savant et
consciencieux anatomiste que nous irons puiser toutes les fois qu'il s’agira de déter-
miner le rapport des divers élémens de la fibre musculaire avec les cellules primitives
qui leur donnent naissance. Il résulte des observations de M. Valentin, qu’au lieu
de muscles, il y a d’abord des cellules transparentes à noyaux très-marqués, qui se
rangent en lignes longitudinales, se soudent ensemble comme des fils de conferves,
perdent ensuite leur cloison transversale par résorption, et finissent enfin par former
de longs tuyaux non cloisonnés, absolument semblables aux gaines qu’on rend trans-
parentes au moyen de l'acide acétique. C’est vraisemblablement à la face interne de
ces cellules ainsi soudées qu’aparaissent les fibrilles primitives , comme autant de fils
transparens qui sont d’abord dépourvus de stries transversales. Ces fils adhèrent à la
surface interne de la paroi cellulaire, et il reste dans l’axe de chaque faisceau un
canal cylindrique rempli d’une gélatine, qui probablement se transforme plus tard en
fibrilles primitives; du moins n’y a-t-il plus de canal médian dans les faisceaux entiè-
rement formés ; il ne reste de cette première formation que les granules décrits ci-
dessus, dont les gonflemens indiquent peut-être le milieu de chaque cellule primi-
tive. Quant aux noyaux, ils disparaissent, d’après M. Valentin, tout-à-fait avec le dé-
veloppement des fibrilles primitives. M. Henle les a souvent vus et figurés chez des
mammifères adultes. Nous avouons que nous n’avons jamais pu constater leur pré-
(*) Sémmering, Vom Baue des menschlichen Kürpers, Tom. VI. Allgemeine Anatomie, von Henle, p. 586.
(*) Zur Entwiklung der Gewebe des Muskel, Blutgefäss und Nervensystems. Mullers Archiv. 1840,
pag. 194.
a —
sence dans les muscles de la Truite adulte. Les stries transversales apparaissent pres-
que subitement ; on n’a du moins pas encore réussi à observer leur développement suc-
cessif, ni leur origine.
Les fibres des muscles volontaires des poissons adultes seraient ainsi composées :
1° d’une gaine homogène, résultant de la soudure des membranés des cellules primi-
tives, 2° de fibrilles primitives enfermées dans cette gaine, attachées à sa paroi interne,
et correspondant aux fibres du liber et du ligneux des plantes, avec cette différence
que ces dernières sont toujours disposées en spirale, tandis que les fibrilles muscu-
laires sont parallèles à l’axe longitudinal des cellules, 3° de molécules à l'intérieur ,
faible reste d’un cylindre gélatineux primitif.
Les fibres involontaires qui s’observent, comme couche distincte, dans toute la
longueur de l'intestin, et qui prennent surtout un grand développement dans les
parois de lestomac, n’ont pas de gaine propre; elles ne sont pas réunies en faisceaux
parallèles , mais ont un aspect granulé, tant soit peu roide. Traitées à l'acide acé-
tique , elles montrent une grande quantité de corpuscules noirs diversement contour-
nés, qui paraissent même quelquefois réunis en fibres plus ou moins allongées (*).
Les fibres du cœur tiennent à-peu-près le milieu entre les fibres volontaires et les in-
volontaires (**) ; d’un côté, il leur manque les gaines ; d’un autre côté, elles possèdent
les rides transversales caractéristiques des muscles volontaires.
(*) Tab. J, fig. 14, 4.
(*) Tab. J, fig. 15, a eté
Toux HI. 10
a De
SPLANCHNOLOGIE.
DISPOSITION GÉNÉRALE DES INTESTINS.
Tab. A, fig. 2 et 3. Tab. B, fig. 2 et 3. Tab. C, fig. 2 et 3. Tab. O, fig. 9.
La cavité abdominale de la Truite représente un espace long et comprimé des deux
côtés, qui s'étend depuis linsertion des nageoires pectorales jusque vers l'anus.
Sa largeur est peu considérable; sa hauteur dépend du contour extérieur du poisson,
étant limitée en haut par la colonne vertébrale, qui forme une ligne à-peu-près
droite. Sa plus grande ampleur est en face des nageoires ventrales. Elle contient les
organes suivans : le canal intestinal tout entier depuis l’ésophage jusqu’à l'anus; les
deux glandes auxiliaires de l'intestin, le foie sur le côté gauche, et la rate sur la ligne
médiane ; au-dessus de l'intestin, la vessie natatoire, flanquée des deux côtés par les
organes de la génération, et, enfin tout en haut, appliqués immédiatement contre la
colonne vertébrale, les reins avec la vessie urinaire.
Le canal intestinal commence sous la forme d’un entonnoir assez large‘, faisant
immédiatement suite à la cavité buccale, et qui aboutit à un estomac cylindrique, à
parois musculaires très-fortes. Immédiatement appliqué contre la face inférieure de
la vessie natatoire, l'estomac (f) se prolonge jusque près de la moitié de la longueur
de la cavité abdominale, où il se recourbe en avant et en bas. Il représente ainsi une
sorte de crochet ou d’hameçon, dont la branche recourbée (la partie pylorique)
égale en longueur à-peu-près les deux cinquièmes de la branche supérieure (la branche
cardiale). La largeur des deux branches est à-peu-près égale. La fin de l’estomac est
indiquée par une démarcation facile à reconnaitre.
L’intestin (i), qui fait suite à l'estomac, est un boyau à parois beaucoup plus minces,
et, comme il conserve à-peu-près la même ampleur dans tout son trajet, il en résulte
que sa capacité est beaucoup plus considérable. Il remonte en avant jusque vers le
diaphragme, en passant insensiblement de la ligne médiane, ou même du côté
gauche , dans lequel est situé le pylore, vers l’angle droit du diaphragme. Le côté
gauche de la cavité abdominale est occupé, dans sa partie supérieure, par le foie.
Immédiatement au-dessous de la nageoire pectorale droite, l’intestin se replie de nou-
=
veau en arrière; puis tout en suivant la face antérieure de la vessie natatoire, il se
dirige en ligne droite vers l'anus, où il s’ouvre par un trou circulaire. La partie de
l'intestin comprise entre le pylore et la dernière courbe , est hérissée de nombreux
appendices pyloriques (e), formant des culs-de-sacs cylindriques, qui s'ouvrent sur
deux rangs à la face supérieure de l'intestin. Le nombre de ces appendices peut
varier dans la même espèce de Truite; sur dix exemplaires de la Truite commune,
pris dans le même ruisseau , nous en avons compté deux fois 42, deux fois 48.
quatre fois 49 et deux fois 51. D’après cela , le nombre de ces appendices, à moins
d’être très-différent, ne saurait servir à la détermination des espèces. Les appendices
sont plus longs dans le voisinage du pylore; ils s'étendent en diminuant de longueur
jusqu’à la dernière anse de l'intestin.
Le foie (ce) est situé tout entier dans le flanc gauche, entre l'estomac et la paroi ab-
dominale ; sa forme est oblongue ; sa face extérieure est légèrement bombée ; sa face
intérieure, qui est tournée vers l'estomac, est concave; un enfoncement, près du
bord postérieur, reçoit la vessie biliaire. Les dimensions du foie varient beaucoup :
quelquefois , il n’occupe que les deux tiers de la longueur de l'estomac ; dans d’autres
cas, il s'étend jusque près de la nageoire ventrale.
La vessie biliaire (e) a à-peu-près la forme d’une poire ; ses dimensions sont celles
d’une petite noisette. Le conduit biliaire, qui n’est pas très-fin , suit le bord supérieur
du foie, et s'ouvre immédiatement derrière la valvule pylorique, dans le commen-
cement de l'intestin. Son point d'insertion est entouré d’une petite glande, qu'on a
pris pour l’analogue du pancréas.
La rate (g) est un corps plat, allongé, de forme très-irrégulière, situé immédia-
tement derrière la courbure de l’estomac. Elle est petite en comparaison du foie, et
d’un rouge très-foncé, tandis que le foie a une couleur brune, tirant sur le jaune ;
sa face extérieure touche la paroi abdominale. Très-souvent la rate se trouve doublée:
et cet état, qui n’est qu’une exception chez la Truite, est la règle chez la Palée ; nous
n’avons jamais trouvé de Palée à rate simple. |
La vessie natatoire (k) est très-grande ; elle occupe presque toute la longueur de là
cavité abdominale. Elle commence par un petit tube ayant son ouverture dans l’éso-
phage , à la face supérieure de ce dernier, immédiatement derrière les os pharyn-
giens. Ce tube aboutit à une vessie cylindrique, à pointe obtuse en arrière, qui
occupe lout l’espace entre l'intestin et les reins, et qui peut contenir une quantité con-
sidérable d’air. La grosseur apparente de l'abdomen de la Truite dépend beaucoup de
la quantité d'air accumulée dans cette vessie.
EE
Les organes de la génération (h) (*) consistent, dans la Truite femelle, en deux
ovaires oblongs , situés à côté de l'estomac, à la face antérieure et sur les côtés
de la vessie natatoire. Ils sont dépourvus d’oviductes ; pour s'échapper, les œufs
murs font crever le tissu de l'ovaire et tombent dans la cavité abdominale, d’où ils
sortent par un trou derrière l’anus. Les festicules occupent la mème place chez la
Truite mäle; mais chaque testicule a de plus un canal qui conduit la laïtance le long
de l'intestin, jusque vers l’anus, où les canaux des deux côtés aboutissent ensemble et
conjointement avec le canal excréteur de la vessie urinaire, à une petite ouverture
située dans une proéminence , derrière l’anus.
Les reins (m) sont situés en dehors du péritoine , le long de la colonne vertébrale ;
ils ne forment qu’une seule masse, qui commence par un élargissement au-dessous de
la première vertèbre, et se continue en se rétrécissant jusqu’au dessus de l'anus, où
ils se terminent en une pointe assez effilée. Ils remplissent tous les creux et toutes les
fosses qui se trouveut à la face inférieure des corps de vertèbres. Aussi est-on obligé,
toutes les fois qu’on veut extraire les reins, dans la partie postérieure de la cavité
abdomninale , de briser les vertèbres, parce que les reins se continuent à travers les
arches formées par les apophyses inférieures réunies en ogives. Il y a à la partie
postérieure des reins, deux canaux urinaires qui se ‘réunissent en une vessie uri-
naire (n) de forme oblongue et pointue, s’ouvrant par un petit canal derrière l’anus,
. dans une papille à part, qui paraît à peine relevée.
DU CANAL INTESTINAL.
En examinant l'appareil branchial par devant, tel que nous l’avons représenté
Tab. O, fig. 8, on voit que c’est un entonnoir dont l’ouverture est tournée en avant,
tandis que son extrémité est formée par l’ésophage. Les quatre ares branchiaux se tou-
chent; leurs branches inférieures sont arquées en arrière, leurs branches supérieures,
en avant ; de telle sorte que leur angle de réunion est tourné en arrière. Les fentes
branchiales sont tellement rétrécies par le rapprochement des arcs, que les ossicules
du bord antérieur d’un arc peuvent s’appliquer sur le bord postérieur de l'arc précé-
dent. Ces ossicules ont une structure toute particulière. Ils sont aplatis, allongés, ar-
ticulés par des pièces cartilagineuses sur le bord des ares, et revêtus d’un prolonge-
ment de la muqueuse de la bouche. Leur bord antérieur est garni de petites aspérités
(*) C'est par erreur que sur la Tab. C, fig. 2, cet organe est désigné par un 6 au lieu d’un À.
NN —
en forme de scies, plutôt sensibles au toucher qu’à la vue. Examinés au microscope,
ces ossicules se présentent comme autant de mâchoires parfaites (Tab. G, fig. 16 et17).
Chaque ossicule a une rainure, un sillon profond, qui longe son bord antérieur, et
qui est rempli par un tissu conjonctif assez lâche, dépendant de la muqueuse. Des
vaisseaux sanguins se voient le long. du sillon, et ses bords relevés sont hérissés
d’aspérités, c’est-à-dire de véritables petites dents coniques, implantées dans la mu-
queuse, etayant une seule cavité médullaire, remplie d’un noyau vasculaire. A part leur
petitesse extrême, ces denticules ne se distinguent en rien des dents qui garnissent
les mâchoires ou les pharyngiens, et la structure des ossicules, avec leur sillon longi-
tudinal et leurs deux bords relevés qui portent les dents, est la même que celle d’une
mächoire ordinaire. Le nombre des ossicules varie ; on en compte généralemeut de
quioze à vingt sur un arc, et une vingtaine de denticules sur chaque bord du sillon.
Les pharyngiens supérieurs et inférieurs ressemblent à des coussinets latéraux, qui
se correspondent parfaitement, et entre les rateliers desquels la proie doit passer pour
entrer dans l’ésophage. Les pharyngiens supérieurs, séparés par une profonde entaille,
forment des saillies notables vers la cavité buccale.
L'ésophage qui fait suite à l’entonnoir buccal , a la même largeur que l'estomac, et
sa muqueuse, non plus que sa membrane musculaire, ne se distinguent par aucun
caractère propre , si ce n’est que la muqueuse de estomac est plissée longitudinale-
ment, tandis que celle de l’ésophage est parfaitement lisse.
La membrane musculaire de l’estomac est très-épaisse, et son épaisseur va en aug-
mentant de haut en bas; en sorte que la branche recourbée de l’estomac, depuis sa
flexion jusqu’au pylore, est plus charnue et en même temps beaucoup plus rigide ; les
fibres musculaires y sont bien plus serrées que dans la branche supérieure, qui est
susceptible d’une grande dilatation. L’épaisseur de la membrane diminue subitement
à l’endroit de la valvule pylorique ; à partir de ce point. elle reste presque égale sur
toute la longueur de l'intestin.
Nous avons consacré un soin tout particulier à l'étude de la muqueuse des différentes
parties du canal intestinal. Cette étude est d’autant plus intéressante, que la muqueuse
est des plus simples qu’on puisse trouver, sa structure n'étant pas compliquée par
des glandes composées de villosités et d’autres formations de ce genre, qui rendent
lexamen des muqueuses des animaux supérieurs si difficile. La Truite ne renferme,
dans toute l'étendue de sa muqueuse, que des plis plus ou moins serrés et réticu-
lés, et des cryptes tout-à-fait simples. La muqueuse se sépare facilement de la couche
musculaire , à laquelle elle est attachée par un tissu conjonctif peu épais. Sa base est
ee ee
partout la même; des fibres plus ou moins entrelacées entre les vaisseaux sanguins et
lymphatiques , se voient immédiatement au-dessus de la couche musculaire, et leur ac-
cumulation détermine le relief de la muqueuse dans la cavité intestinale. Elles sont plus
denses et en plus grand nombre là où la muqueuse forme une saillie ou un pli; il n’y
en a que fort peu dans les dépressions intermédiaires.
Quand on examine la surface libre de la muqueuse de l'estomac sous une loupe
assez forte, l’on aperçoit des saillies formant des mailles assez régulières, pour la plu-
part oblongues, séparées par des excavations peu profondes. Ces mailles sont plus ar-
rondies vers la partie supérieure de l'estomac; elles s’allongent en approchant de la
valvule pylorique, sur laquelle elles se transforment en plis longitudinaux. Mais le
fond des mailles n’est, pas uni; il est au contraire réticulé, et l’on aperçoit deux,
quatre ou six cryptes, qui s'ouvrent par des trous ronds dans la cavité, de sorte
que le tout prend à-peu-près l'aspect d’un tissu léger de dentelle, où plusieurs mailles
rondes sont entourées d’un rebord plus solide. Une matière opaque , grenue, d’appa-
rence blanchâtre sur un fond noir, est accumulée au fond de ces cryptes à ouvertures
rondes. Tel est l’aspect de la surface libre de la muqueuse. Sur une coupe transversale,
les saillies de la muqueuse se présentent comme autant de collines ou de verrues im-
plantées l’une à côté de l’autre, et séparées par des rentrées reposant sur une couche
entièrement opaque, qui envoie quelquefois des prolongemens dans les espaces entre
les mamelons.. Au dessous de cette couche se voit une faible couche fibreuse , percée
de nombreux vaisseaux sanguins, dont les réseaux capillaires montent jusqu’au centre
des mamelons supérieurs. Si l’on a eu soin de faire la coupe de manière à conserver
la couche visqueuse de mucus, qui couvre toujours la muqueuse, lon voit cette
mucosité répéter en quelque sorte la formation des mamelons, en ce sens que des ac-
cumulations plus grandes répondent toujours aux sommets des mamelons, d’où pa-
raissent partir des traits noirs. Les mamelons eux-mêmes présentent un aspect rayon-
nant.
Ce n’est qu'après ces études préliminaires que l’on peut comprendre l'aspect de la
muqueuse sous des grossissemens considérables, qui permettent d’en reconnaitre les
élémens. On voit alors (Tab. O, fig. 11) que l’enduit visqueux est composé d’un
liquide, dans lequel sont accumulées une grande quantité de cellules épithéliales, qui
se montrent à tous les degrés de décomposition ; et dont la plupart sont finement gre-
nues. On remarque en outre, dans ce même liquide visqueux, une quantité de pe-
tites granules libres, tout-à- fait semblables aux cellules en décomposition; ce qui
nous fait penser que le liquide est le résidu de cellules qui ont crevé et se sont vidées.
Celles des cellules qui sont encore entières ont des noyaux; les autres en sont dépour-
= =
vues; il y en a même qui sont tout-à-fait transparentes, et dans l’intérieur des-
quelles on ne voit ni noyaux ni granules.
Cette mucosité baigne de toutes parts les mamelons ou plutôt les plis, grands et
petits, de la muqueuse. Ceux-ci sont composés d’une quantité de cellules coniques en-
grenées les unes dans les autres, comme les pierres d’une voûte , et formant ainsi ce
qu’on a appelé un épithélium à cylindre. Sur les bords, ces cellules s’aperçoivent dans
toute leur longueur, et forment des rayons partant du centre des mamelons ; au mi-
lieu, au contraire, où les coins ne sont visibles qu’en face et non de profil, comme
sur le bord, elles paraissent rondes et réunies ensemble comme des cellules en pavé.
Chacune de ces cellules coniques a en longueur à-peu-près le triple de sa largeur; elles
ont toutes des noyaux, et un contenu plus ou moins grenu. Il parait que ces cellules
sont disposées autour d’une cavité médiane, dans laquelle serpentent les vaisseaux
sanguins qu’elles entourent de toutes parts. On ne saurait mieux comparer le tout
qu’à des panaches allongés dont les plumes représenteraient les cellules coniques,
tandis que l’axe du panache serait le tronc médian formé par les vaisseaux san-
guins , Tab. O, fig. 11. :
La structure de la muqueuse de l'estomac est, on le voit, des plus simples. Une
couche épaisse de cellules coniques recouvre le tissu fibreux , en répétant les diffé-
rens accidens que celui-ci présente. Il parait que ces cellules coniques sont re-
couvertes à leur tour par des cellules plates et grenues, qui se trouvent en quantité
dans la mucosité qui remplit l'intestin. Ces dernières se renouvellent sans cesse, et ce qui
prouve bien qu’elles forment une couche continue en pavé, c’est que plusieurs fois,
en comprimant des coupes transversales sous le compresseur microscopique, nous
avons vu le fond des anfractuosités se détacher et présenter un rouleau’en forme de
massue , tel que nous l’avons représenté fig. 14, à droite et en haut. Il nous a été facile
de reconnaitre alors que ce rouleau n’était pas composé de cellules cylindriques, mais
bien de cellules rondes et aplaties, qui tapissaient le fond du creux, et qui s'étaient dé-
tachées en entier par la pression.
Les cellules coniques reposent immédiatement sur les fibres de la muqueuse. Il pa-
rait qu'il ya, à la face externe de la muqueuse, une accumulation de cytoblastème
rempli de noyaux et de granules, dans lequel ces cellules se renouvellent continuelle-
ment ; cependant nous n’avons jamais pu réussir à isoler convenablement cette couche,
pour l’étudier dans ses détails.
Il n'existe des glandes muqueuses composées ni dans l’estomac,! ni dans aucune
autre partie de la muqueuse. Les cryptes de l'estomac, qui s’ouvrent, au nombre de
ne ff. 2
quatre à six au plus, dans une cavité plus grande, et qui sont entourées comme d’un
rempart par un pli relevé dela muqueuse, sont les seuls représentans des glandes, et
encore leur structure ne diffère-t-elle en aucune facon de celle des plis qui les en-
tourent. Ce sont de simples excavations destinées à augmenter la surface sécrétante.
Dans l'intestin proprement dit, les cryptes sont encore moins développées que dans
l'estomac. Aussi loin que les appendices pyloriques s’étendent , la muqueuse du duodé-
num , si l’on veut appeler ainsi cette portion de l'intestin, est simplement réticulée;
les plis sont très-peu saillans , les mailles peu profondes, et l’on ne trouve pas cet ar-
rangement de cryptes s'ouvrant dans une excavation commune, comme c’est le cas
dans l’estomac. Aussi la structure de la couche celluleuse diffère-t-elle d’une manière
sensible, Les cellules cylindriques sont remplacées par des cellules aplaties, comme
celles qui sont contenues dans le mucus, et l’on trouve toujours dans l’intérieur
des plis, une grande quantité de petites vésicules graisseuses et teintes en vert par la
bile, preuve que la bile est résorbée dans l’intérieur de la muqueuse.
La couche la plus superficielle de la muqueuse de l'intestin semble souvent pres-
que dépourvue de structure ; l’on n’y voit qu’un bord lisse , transparent, dont les gra-
nules verts ne s’approchent jamais , quelle que soit la pression qu’on lui fasse subir.
Examiné de plus près , le bord transparent montre de petites lignes courbes et irrégu-
lières , et l’on ne tarde pas à se convaincre qu’il est formé par des cellules fondues et
liées ensemble. |
La forme des plis varie beaucoup dans la partie de l'intestin grèle, qui est dépourvue
d’appendices pyloriques. On y trouve des plis plus considérables formant tantôt de
très-grandes mailles et tantôt des mailles isolées, desquelles partent des plis secon-
daires rayonnant dans toutes les directions.
La partie postérieure du canal intestinal, qu’on peut considérer comme le rectum ,
est pourvue de grands plis transverses , qui font le tour de l'intestin. Entre ces grands
plis, se trouvent de petits plis secondaires réticulés, à petites mailles, semblables à ceux
qui existent dans le duodénum.
Les appendices pyloriques n'offrent pas la moindre différence d’avec l'intestin en
général, et l'examen microscopique prouve jusqu’à l'évidence qu'ils n’ont rien de
commun avec les glandes, mais que ce sont réellement de petits cœcums. La fig. 10 de
Tab. O représente une coupe transversale d’un appendice pylorique , telle qu’elle se
voit sous un faible grossissement. On peut, par ce moyen, se faire une idée nette des
rapports des différentes membranes de l'intestin , en les embrassant toutes d’un seul
coup-d’œil.
a eg
»
CS
La muqueuse des appendices pyloriques est garnie de plusieurs plis longitudinaux ,
qui s'étendent tout le long de la cavité ; coupés transversalement , ces plis se présentent
sous la forme de villosités faisant saillie dans la cavité interne et remplies d’une quan-
tité de granules graisseuses. La muqueuse parait alors opâque , granulée , fibreuse ;
la couche musculaire épaisse, avec fibres croisées, qui, après un traitement préalable
à l’acide acétique , montrent une grande quantité de noyaux et de fibres nucléolaires.
Enfin, vient à l'extérieur une couche peu considérable de fibres conjonctives appar-
tenant au péritoine. Il est facile de faire ces coupes transversales aussi minces que l'on
veut et d'étudier ainsi la formation d’une muqueuse simple sans bourses , cryptes, ni
glandes , mais composée uniquement d’une couche cellulaire épaisse , plissée et repo-
sant sur un fond fibreux (*).
DES ORGANES BILIAIRES.
Nous avons déjà indiqué en parlant de la disposition générale des intestins, la
forme du foie, ainsi que de la vessie biliaire. Le canal biliaire qui conduit du’foie dans
la vessie, est fort court (**) et s'ouvre près de l’extrémité postérieure et pointue de la
vessie biliaire. Celle-ci est tapissée à l’intérieur par une muqueuse réticulée , dont la
surface est couverte d’un épithelium en pavé , semblable à celui de l'intestin. Le canal
cholédoque situé entre le bord gauche du foie et l’intestin grèle, longe ce dernier
jusque vers la valvule pylorique , derrière laquelle il débouche par une ouverture as-
sez fine. L’extrémité du canal cholédoque est entourée d’un petit renflement que l’on
a pris dans ces derniers temps pour l’analogue du pancréas , en refusant cette analo-
gie aux appendices pyloriques. Nous avons examiné attentivement ce petit organe sous
le microscope : c’est un cul-de-sac aboutissant par une fine ouverture dans le canal
intestinal , et dont la surface interne est tapissée d’une couche de fort belles cellules
épithéliales coniques , exactement comme la surface interne de l'intestin ou des ap-
pendices pyloriques. Cette surface est en outre plissée, et nous ne saurions voir dès-
lors dans ce petit organe qu’un appendice pylorique rapetissé. En lout cas, ce cul-
de-sac n’a pas plus d’analogie avec une glande que les autres appendices pyloriques
plus alongés , et nous croyons par conséquent qu’on aurait tort de le considérer seul
comme l’analogue du pancréas.
(5) Cette structure ne permet pas de douter que les appendices pyloriques ne soient une dépendance du
canal alimentaire et ne présentent, chez les animaux vertébrés, les dernières traces de ces singuliers phé-
nomènes digestifs que M. de Quatrefages a décrits chez les animaux sans vertèbres, et qu’il désigne sous
le nom de phlébentérisme. Comptes Rendus de l'Académie des sciences, 1844, Tom. XIX, pag. 1150.
(°°) Tab. O, fig. 9.
Tour II. 11
DATE... ae
DE LA VESSIE NATATOIRE.
Tab. O, fig. 94.
La vessie natatoire, qui forme un sac alongé transparent, occupant tout l’espace
entre les reins et le canal intestinal, s’ouvre par un canal tordu en S dans la paroi
postérieure de l’ésophage , tout près de son extrémité antérieure. Il est très-facile de
s'assurer au moyen d’une sonde, que ce canal reste constamment ouvert chez la Truite.
Il est entouré de tous côtés d’une forte couche de fibres musculaires involontaires. Il
y à en outre, à l'extrémité antérieure de la vessie, un petit cul-de-sac au-dessus de
l'entrée de ce canal. Les parois de la vessie sont homogènes dans toute leur étendue et
formées d’une membrane fibreuse , dans laquelle les vaisseaux sanguins se ramifient
exactement de la même manière que dans les autres membranes dites séreuses. On
n’aperçoit nulle part des glandes sanguines, ni de ces réseaux de vaisseaux appelés
rele mirabile, comme on en trouve chez tant d’autres poissons. La face interne de la
vessie est garnie d’une simple couche de cellules épithéliennes arrondies, grenues
avec de grands anneaux circulaires. Ces cellules sont réunies en pavé , fortement liées
les unes aux autres , et forment une membrane cohérente qui tapisse tout l’intérieur
du sac.
. DES ORGANES UROPOÉTIQUES.
Tab. O, fig. 9m, n.
Les reins (m), sous la forme de deux bandes, longent la cavité abdominale dans
toute son étendue , depuis les branchies jusque vers l’anus. Ces bandes , réunies par
le milieu dans leur partie postérieure , sont composées de tubes assez larges , trans-
parens , formés de la réunion de grandes cellules anguleuses et entourées de toutes
parts d’une masse inextricable de vaisseaux sanguins et de dépôts de piment noir. Ces
tubes urinifères nous ont toujours présenté des anses, et nous n’avons jamais pu nous
convaincre de l'existence d’extrémités isolées en cul-de-sac. Quant aux élémens cons-
titutifs des reins , nous n’y avons reconnu que des grandes cellules réunies en pavé,
qui nous ont paru dépourvues de toute formation nucléolaire, En revanche , les tubes
se réunissent en tuyaux plus grands et plus solides , sur lesquels on peut déjà distin-
guer des parois fibreuses qui aboutissent enfin au bord extérieur des reins, à deux
troncs communs. Ceux-ci longent le bord du rein jusque vers son tiers postérieur, où
commencent les impressions dentelées occasionnées par les vertèbres. Arrivés ici, les
1} e—
deux troncs latéraux convergent vers la ligne médiane et viennent se réunir vis-à-vis
de l’extrémité antérieure de la vessie , à un troisième petit tronc médian venant de
l'extrémité postérieure des reins. Les trois troncs réunis forment un seul canal qui,
passant du côté droit sur la face externe de la vessie natatoire , va s'ouvrir dans l’ex-
trémité antérieure de la vessie.
La vessie urinaire (x) a la forme d’une massue renflée à son extrémité antérieure;
elle longe le bord supérieur de l'intestin et s’ouvre en dehors par un trou très-
fin situé derrière l'anus. Son extrémité postérieure est entourée par les mêmes fibres
qui font l’office de sphincter de l'anus. La membrane principale de la vessie ‘est com-
posée de fibres ondulées qui tiennent le milieu entre les fibres musculaires involon-
taires et les fibres conjonctives. La couche interne de la vessie est formée d’un épithé-
lium en pavé , à cellules arrondies, aplaties et très-transparentes , qui sont pourvues
d’un noyau distinct.
DES ORGANES DE LA GÉNÉRATION.
Tab. O, fig. 9.
Les organes de la génération occupent exactement la même place dans les deux
sexes. Ce sont deux grands corps alongés qui, selon les époques , s'étendent tantôt
jusque près de l’ouverture anale , tantôt viennent se terminer au commencement du
tiers postérieur de la cavité abdominale. Si nous n'avons pas donné de figures repré-
sentant la structure intime de ces organes , nous ne les avons pas moins soumis à un
examen attentif. Voici les résultats auxquels nous ont conduit nos recherches.
Des Ovaires.
Les ovaires sont formés d’une quantité de feuillets transverses , de forme triangu-
laire , composés , à ce qu’il paraît, d’un tissu très-làche de fibres conjonctives traver-
sées par de nombreux vaisseaux sanguins. C’est dans l’intérieur de ce tissu que
se développent les œufs primitifs. Nous avons toujours trouvé ces œufs , quelques pe-
tits qu’ils fussent, composés de deux élémens, savoir, de la vessie germinative et du
jaune entouré de sa membrane particulière. Les œufs les plus petits, et c’est dans ceux-
là que le vitellus est relativement beaucoup plus petit, sont simplement enfoncés dans
l'épaisseur du feuillet, sans qu’on remarque un dérangement des fibres et des vais-
seaux dans leur cours. Mais peu-à-peu et à mesure que l'œuf grandit , il se développe
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une bourse particulière en forme de poire, dans la cavité de laquelle est enfermé l'œuf.
Cette bourse est formée par les mêmes fibres que le feuillet mème de l'ovaire, mais
elle est tapissée à l’intérieur par de grandes cellules fort transparentes et dépourvues
de noyaux , qui semblent former une espèce d’épithélium.
Nous avons pu suivre la formation de la membrane coquillère autour de l'œuf. Nous
avons vu, sur des œufs dont le contour extérieur était simple, et qui par conséquent
n'étaient encore entourés que de la membrane vitellaire, de petites cellules arrondies,
dont trois égalaient à-peu-près la grandeur d’une seule cellule de l’intérieur de la
bourse , et qui étaient dispersées irrégulièrement sur toute la surface de l’œuf. Dans
des œufs d’un âge plus avancé, ces cellules s'étaient considérablement augmentées; elles E
formaient une véritable carapace autour de l’œuf, et l’on ne découvrait que par-ci et
par-là des interstices dans lesquels les contours des cellules étaient plus fortement ac-
cusés. Sur d’autres points, ces cellules étaient déjà comme fondues ensemble, et
leurs contours à moitiés effacés. En général , tous les œufs, dans lesquels on remar-
quait de ces sortes de cellules, avaient un double contour indiquant la présence d’une
véritable membrane coquillère. M. Vogt a déjà décrit ailleurs (*) la structure de la
membrane coquillère de l’œuf mür. Nous venons de prouver que cette membrane avec
les canaux innombrables dont elle est percée, est le produit d’une réunion de cellules
fondues ensemble , qui forment une enveloppe secondaire autour de l'œuf primitif.
Les changemens périodiques que subit l'ovaire, ainsi que la sortie des œufs, pré-
sentent des phénomènes très-remarquables. L’ovaire des Salmones est dépourvu
d’oviducte; un simple repli du péritoine forme son enveloppe externe , en réunis-
sant ses feuillets en une seule masse. Ce repli, qui se continue le long de la cavité
abdominale, depuis l'extrémité postérieure de l'ovaire jusque vers l’anus, ne contient
qu’une petite artère accompagnée d’une veine, sans aucune trace d’un canal excré-
teur. La sortie des œufs de l’ovaire se fait par un ‘véritable travail inflammatoire.
A l’époque du frai, tous les vaisseaux sanguins de l'abdomen sont injectés de sang ;
le tissu des ovaires est ramolli, et l’on voit des extravasions de substance gélatineuse
entre les yeux. Les poches fibreuses, dans lesquelles étaient contenus les œufs , com-
mencent à se résorber , les œufs tombent dans la cavité abdominale, et sortent par un
trou médian situé derrière l'anus. Les premiers jours après la sortie des œufs, l'ovaire
présente un aspect floconneux ; tous les feuillets sont largement séparés, et si on met
un pareil ovaire dans l’eau, les feuillets flottent librement, à peine retenus par quel-
(*) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce. Embryologie.
ques petites fibres conjonctives. Petit à petit la contraction s'opère; l'ovaire prend
bientôt les plus petites dimensions que la nature lui a assignées , et les petits œufs pri-
mitifs, qui étaient déjà déposés dans l’intérieur des feuillets avant le frai, commencent
à se développer à leur tour.
Des Testicules.
Les testicules de la Truite ont à-peu-près la mème forme que les ovaires ; ils forment
deux longs rubans de couleur blanchätre et d’un volume très-variable, dans les diffé-
rentes saisons. Un long canal tortueux, partant de leur extrémité inférieure et passant
le long de l'intestin, vient aboutir à la face postérieure de ce dernier, où il se réunit
à celui de l’autre côté, pour former un seul canal déférent, dont l'ouverture se trouve
derrière l'anus. Les testicules eux-mêmes ont un aspect grenu qui, sous la loupe,
prend une forme presque vésiculeuse. En examinant ces granules ou petites vésicules
au microscope , on voit que ce sont les extrémités en cul-de-sac d’une quantité énorme
de petits tuyaux, qui viennent tous aboutir au canal déférent qui longe le bord in-
terne du testicule. Ces tubes ont de très-nombreuses anastomoses, à tel point que les
interstices entre les tubes n’apparaissent que comme de petits ilots, au milieu de tubes
beaucoup plus larges. Le canal déférent lui-même n’est point simple ; les lacunes y sont
seulement beaucoup plus grandes, et les tubes anastomotiques mieux accusés et beau-
coup plus larges que dans le testicule lui-même. Les tubes des testicules viennent aboutir
immédiatement dans ce réseau anastomotique alongé du canal déférent, et nous
pouvons par conséquent affirmer que l’épidydime manque entièrement air. Truites.
Les petits tubes spermatiques du testicule paraissent formés, comme ceux des reins,
uniquement de cellules en pavé réunies. A l’époque du frai, ces tubes sont remplis
d'une quantité innombrable de zoospermes globulaires , fort petits, ayant une queue
tellement mince, que nous devons convenir que nous n’avons pas pu l’apercevoir
dans la majorité des cas. A d’autres saisons, on trouve dans ces mêmes tubes, alors
- beaucoup plus rétrécis, des cellules assez grandes, globulaires et extrêmement trans-
parentes : quelques-unes ont des noyaux presque tout aussi transparens, avec un petit
nucléolule assez nettement accusé au centre ; dans d’autres, le noyau est remplacé par
plusieurs petites globules semblables au corps des zoospermes, mais plus petits ; enfin
nous avons pu apercevoir ces mêmes cellules remplies de nombreux zoospermes déjà
doués d’un mouvement vibratoire, dans des poissons qui approchaient de l'époque du
frai. Les tubes anastomotiques dont sont composés les canaux déférens , ont une en-
veloppe distincte de tissu fibreux.
Oh
DU PÉRITOINE.
On peut distinguer deux couches dans le péritoine; l’une externe, formant un simple
sac qui tapisse toute la face interne des parois abdominales, ainsi que la face inférieure
des reins ; ce qui fait que ces derniers sont entièrement séparés des autres intestins.
Ce sac donne passage en ayant à l’ésophage et à la veine cave, en arrière à l’urethère,
au rectum et au canal déférent. La vessie urinaire est située dans l’intérieur de ce sac.
La couche interne du péritoine forme un véritable sac séreux, tapissant non seule-
ment les parois internes de la cavité abdominale, mais aussi toutes les surfaces des
intestins. Ces duplicatures qui enveloppent le foie, l'intestin, les organes sexuels
et la majeure partie de la vessie nalatoire, sont très-courtes et serrées autant que
possible contre la colonne vertébrale. Nulle part on n’aperçoit de véritable omentum,
comme dans les animaux supérieurs. Les organes sexuels, aussi bien que l'intestin, sont
suspendus dans toute leur longueur à de semblables duplicatures; la vessie natatoire
n’en est recouverte que sur les deux tiers à-peu-près de son pourtour. La face tournée
contre les reins est libre. La face antérieure du rectum est fixée par une duplicature à
la ligne médiane du ventre.
Le péritoine forme ainsi un sac parfaitement fermé chez le mâle, mais qui est
percé, chez la femelle, par l'ouverture sexuelle pour donner passage aux œufs qui tom-
bent dans la cavité abdominale. Ce sac, pour employer une comparaison triviale, mais
fort juste, entoure les entrailles comme un bonnet de coton refoulé sur lui-même,
formant ainsi un tube complet pour l'intestin , deux tubes latéraux pour les organes
sexuels, un cul-de-sac antérieur pour le foie, et un sillon supérieur dans lequel est
logée la vessie natatoire.
La structure du péritoine est fort simple : c’est une membrane fibreuse, recouverte
à sa face interne d’un épithelium en pavé, qui, chez le mâle, se continue sur toute
la surface, tandis que chez la femelle il est remplacé dans les deux tiers postérieurs
de la ca7ité abdominale, par un épithélium vibratile, à cils excessivement fins.
—_ 01. —
DES ORGANES DES SENS.
DE L’ŒIL.
Tab. M, fig. 9-14. Tab. N, fig. 13-21.
L’œil de la Truite présente, sur le vivant, un cercle assez régulier, dont la surface
à-peu-près plane, se renfle légèrement au milieu. Ce cercle est limité par l’arc des os
Jugaux en bas, et protégé par le bord du frontal et de ses démembremens en haut.
L'orbite elle-même n’a pas , il est vrai, cette forme circulaire que nous reconnais-
sons à l'œil, mais il ne faut pas oublier que l’angle antérieur est occupé par un repli
de la conjonctive , qui représente une véritable paupière antérieure , une membrane
nictitante , qui, à la vérité est privée de tout mouvement, n’ayant point de fibres
musculaires. De son côté, la peau de la tête, en recouvrant les os du bord de l'orbite,
se replie sur la face interne de ces os, et au moyen de ce repli, se continue sur
le globe de l'œil, en donnant lieu à ce que nous appelons la conjonctive. IL se forme
ainsi une rigole très-profonde autour du globe de l'œil, qui provient de ce que
le pli de la peau ne quitte les os pour passer sur le globe qu’à la moitié de la pro-
fondeur de l'orbite. Cependant , à la partie antérieure de l'orbite, la peau qui revêt
cette rigole ne passe pas immédiatement sur l'os ; elle fait auparavant un second pli.
formant ainsi une saillie en croissant, dont le bord tranchant et échancré s’applique
sur le pourtour du globe de l'œil , tandis que sa base renflée remplit l'espace entre le
globe et le frontal antérieur, qui, avec le premier jugal, forme l’angle antérieur de
l'orbite. On ne saurait douter que le croissant ne soit le premier rudiment de la mem-
brane nictitante, qui, chez les animaux supérieurs, occupe l'angle antérieur de l'œil,
bien qu’elle soit dépourvue de tout mouvement chez nos poissons. Une rigole très-peu
profonde sépare ce rudiment de la peau extérieure.
Le globe de l'œil lui-même a à-peu-près la forme d’une moitié de sphère (*) ; sa
partie plane est occupée par une membrane transparente, la cornée ; sa partie bombée,
cachée au fond de l'orbite, est entourée d’une capsule cartilagineuse dont le fond
est occupé par du tissu fibreux, c’est la sclérotique (**). La conjonctive enfin recouvre
+ la surface externe de la cornée , formant un feuillet très-mince , dont nous décrirons
() Tab. M, fig. 14. (*) Tab. N, fig. 18, a et 6.
RS AE
plus loin la structure ; elle est entièrement à découvert et légèrement déprimée au
milieu, comme la cornée. La sclérotique n’est point tapissée par la conjonctive, et c’est
à elle que s’attachent directement les muscles qui font mouvoir le globe de l'œil. L’es-
pace entre la sclérotique et les parois osseuses de l’orbite , est rempli par un tissu
conjoncüif très-lache et mou , qui contient beaucoup de graisse liquide et de lymphe.
La sclérotique (*) forme ainsi l'enveloppe extérieure de la partie de l’œil qui est
cachée dans l’orbite. Elle n’est pas entièrement fibreuse , comme dans la plupart des
animaux ; son pourtour est cartilagineux , et forme une espèce de soucoupe , qui dé-
termine la forme sphéroïdale de l'œil, tandis que sa partie postérieure est fibreuse.
Le nerf optique passe par une fente de cette partie fibreuse, qui correspond à la
fente embryonnaire de l'œil, fente qui se voit encore sur la sclérotique, sous la forme
d’une suture fermée par des fibres. La partie cartilagineuse, qui est la plus considé-
rable , forme ainsi en quelque sorte un anneau fermé en dedans par des tissus fibreux.
de manière à représenter une sous-coupe. Cet anneau est renflé au milieu , et s’amin-
cit au bord supérieur, où il est enchàssé dans la cornée , et au bord inférieur, où la
partie fibreuse s'adapte à sa face extérieure. Il est composé d’un cartilage homogène
et transparent , qui, sous le microscope, montre un grand nombre de petits corpus-
cules réduits à l’état de simples granules ou de cellules imparfaites , semblables à des
corpuscules de sang desséchés et défigurés par des agens chimiques , qui les auraient
contractés. Ces restes de cellules ou d’anciens noyaux de cellules sont surtout accu-
mulés dans l’intérieur du cartilage ; à sa face interne et externe est une couche très-
épaisse, tout-à-fait homogène et transparente, comme du cristal. La partie fibreuse est
composée de fibres , qui jouissent de toutes les propriétés des fibres tendineuses , étant
très-minces , flexibles et bouclées comme les fibres des tissus conjonctifs en général.
Il est impossible de suivre la direction de ces fibres , tant elles sont enchevétrées.
Une autre particularité de la sclérotique , consiste dans la présence de deux écailles
osseuses (**), placées horizontalement dans la direction de l’arc longitudinal de Pæil,
vis-à-vis l’une de l’autre, près du bord de la cornée, de manière que leur bord exté-
rieur est enchàssé dans cette dernière membrane. Ces écailles sont composées d’un
véritable tissu osseux avec des lamelles superposées ; dans leur intérieur sont dissé-
minés de nombreux corpuscules osseux , qui ne se voient pas sur la coupe , puisqu'ils
sont arrangés dans le sens des lamelles, mais bien quand on place l’écaille horizonta-
lement. Coupées verticalement, sur le bord de la cornée, ces écailles apparaissent sous
@) Tab. M, fig. 12-14. — Tab. N, fig. 18. (*) Tab. M, fig. 13.
Et 0 =
la forme de deux croissans; elles sont très-nettement séparées du cartilage de la sclé-
rotique , qui est taillé en biseau pour les recevoir, et dont le tranchant dépasse inté-
rieurement la base des écailles.
La cornée (*) diffère à bien des égards de la sclérotique, quoiqu'elle n’en soit que
la continuation extérieure, et quoique, dans l'embryon, elle fasse corps avec cette der-
nière. Sur le vivant , elle est transparente dans toute son étendue , et ce n’est que sur
les bords , là où elle se joint à la sclérotique qu’elle prend une teinte jaunâtre ou ver-
dâtre, qui provient, comme on le verra tout à l'heure, de la déposition de piment
jaune et noir dans la couche de la conjonctive qui recouvre la cornée. L’épaisseur
de la cornée n’est pas partout égale ; elle est très-mince vis-à-vis de la pupille , mais
elle s’épaissit considérablement sur les bords, étant même plus épaisse que le bord an-
térieur de la sclérotique , là où elle touche cette dernière. Sa structure est reconnais-
sable sur des coupes verticales qui ont passé quelque temps dans, l'esprit de vin , et
que l’on ramollit ensuite pendant quelques heures dans l’eau. Sur des cornées frai-
ches , les élémens sont trop transparens et leur réfraction trop peu différente de celle
de l’eau, pour qu’il soit possible d'en faire une étude détaillée. Traitée comme nous
venons de l'indiquer, la cornée montre quatre couches différentes, dont les deux
extérieures appartiennent à la conjonctive, les deux intérieures à la cornée proprement
dite. Deux de ces couches, la couche interne de la conjonctive , et la couche interne
de la cornée , ne recouvrent pas toute l’étendue du disque , mais ne forment qu’un
cercle correspondant à la grandeur de l'iris ; vis-à-vis de la pupille , la cornée très-
amincie n’est plus formée que par les deux couches externes des deux membranes.
La première ou la plus extérieure (g) est une couche épithélienne (**), la même que
celle qui recouvre aussi la peau de la tête. Elle est formée de cellules plates , polygo-
pales , transparentes , entassées les unes sur les autres en couches assez minces , en
général défigurées dans leurs contours , et dépourvues de lout contenu , même de
noyaux. Celte couche épithélienne tapisse sans interruption la conjonctive dans toute
son étendue et toute la face externe de l'œil.
La seconde couche (f) est une couche fibreuse (***), composée de fibres très-minces,
rondes , élastiques, bouclées et réunies en faisceaux qui s’entrecroisent dans tous les
sens. C’est du tissu conjonctif , tel qu’on le rencontre dans les interstices de tous les or-
ganes, sauf qu’étant plus serré, la membrane en est plus ferme. Cette couche fibreuse ne
(*) Tab. M, fig. 14. — Tab. N, fig. 18, d,e,f, g. CONTAR UN fig. 18, £°
(**) Tab. N, fig. 18, f.
Tous HI. : 12
12
couvre pas toute l’étendue de la cornée , comme je l’ai déjà indiqué ; elle commence
à-peu-près vis-à-vis du pourtour de l'iris, par quelques fibres éparses, puis elle s’épais-
sit de plus en plus vers le bord de l’œil. L’on y trouve, outre de nombreux globules
d'huile , des cellules de piment noir et jaune disséminées dans les interstices des fais-
ceaux , et qui même se multiplient tellement sur le bord , que le tissu entier en est
obscurci. Ces fibres s’entrelacent ici si intimément avec celles de la cornée proprement
dite, avec celles de la chorioïde et avec la sclérotique, qu’il nous a été impossible de
voir de quelle manière la cornée et la sclérotique s’adaptent l’une à l’autre. Après
une macération d’une journée, la conjonctive , telle qu’elle est formée par ses couches
fibreuse et épithélienne, se laisse facilement séparer de la cornée, comme membrane
continue , et ce n’est que vers le bord , là où la sclérotique et la cornée se touchent,
que celte séparation rencontre des difficultés.
La troisième couche (e) ou la couche externe de la cornée proprement dite, est encore
une couche fibreuse (*), mais d’une nature très-différente. Les fibres constitutives sont
fines , transparentes , mais rigides et parallèles , formant des lamelles superposées , que
l’on parvient quelquefois à séparer après une macération convenable. Il ne parait pas
qu’elles soient réunies en faisceaux ; elles sont seulement placées côte à côte, de ma-
nière à former des lamelles. Leur direction est horizontale. La membrane qu’elles for-
ment est partout d’égale épaisseur, et continue ; c’est elle seule, avec la couche épi-
thélienne , qui forme la cornée vis-à-vis de la pupille. Sur les bords, les fibres se
perdent insensiblement dans le tissu conjonctif, entre les accumulations de piment.
La quatrième couche enfin (d), ou la couche interne de la cornée, est également une
couche lamelleuse (**), en forme d’anneau, qui, n’existant que le long du bord, laisse
par conséquent libre la place vis-à-vis l'ouverture de la pupille. Elle ressemble par sa
structure à la couche moyenne de la cornée des mammifères et de l’homme , mais nous
n’avons pas pu reconnaitre l’existence de fibres séparées , qu’on prétend avoir obser-
vées dans les animaux supérieurs. Voici ce que nous avons observé. Dans quelque di-
reclion que l’on coupe cette couche, on voit toujours des lignes de séparation plus
sombres et parallèles entre elles et au plan de la couche. Par l’effet de la macération,
les lamelles se séparent facilement , et l’on distingue alors , sur des coupes minces, les
lamelles dans toute l’épaisseur de la couche. Une lamelle a au moins six fois l'épaisseur
d’une fibre de la première couche de la cornée. Suivant que l’on hausse ou que l’on
baisse le foyer du microscope, ou que l’on fait usage d’un oculaire aplanatique , on
(*) Tab. N, fig. 18, 6. (**) Tab. N, fig. 18, d.
n —
s'aperçoit aisément que les lignes de séparation ne sont pas simples, mais compo-
sées de fins traits parallèles, qui se montrent par-ci par-là sur les cornées fraiches , et
donnent ainsi à la ligne de séparation un aspect pointillé ou renflé en quelques en-
droits , tel qu’on l’a aussi observé sur des cornées humaines. Les lignes parallèles et
noires sont une preuve qu’à la surface des lamelles , où celles-ci se touchent, il y a des
inégalités , probablement des rainures parallèles et droites , séparées par des crêtes ,
qui sont engrenées dans les lamelles superposées. Il est extrémement difficile, à cause
de la grande transparence du tissu , de se rendre compte de ces rainures. Il se pour-
rait qu’elles fussent le résultat de l’agglomération des fibres dont sont peut-être for-
mées les lamelles ; dans ce cas , ces fibres seraient longues et très-plates ; un de leurs
diamètres serait égal à l'épaisseur de la lamelle , et autre à la distance d’une ligne
parallèle à l’autre , c’est-à-dire très-petit, puisque ces lignes sont excessivement rap-
prochées. Il faudrait donc se représenter la structure de cette couche , comme un as-
semblage de lamelles, soudées l’une contre l’autre par leurs faces larges et placées
de manière que cette face large soit parallèle à l'axe antéro-postérieur de l'œil. Quoi-
qu'il en soit de la structure intime des lamelles , toujours est-il qu’elles augmentent
en étendue de dedans en dehors , de sorte que la plus extérieure qui est collée contre
la face interne de la première couche de la cornée proprement dite, est la plus large,
et celle qui est la plus proche de l'iris, la plus étroite. La couche forme ainsi un an-
neau à bord très-mince , qui s’épaissit vers le bord du globe de Pœil.
Nous n’avons pu voir à la face interne de la cornée , une membrane analogue à celle
que l’on décrit dans les animaux supérieurs , sous le nom de membrane de Demours
et qui, comme on sait, est parfaitement transparente , vitrée et sans apparence quel-
conque de structure. Nous sommes tentés de croire ; que les auteurs qui ont parlé
d’une membrane de Demours chez les poissons , ont pris la couche interne de la cor-
née pour celte membrane , ce qui serait une erreur, cette couche n'ayant aucune res-
semblance, dans sa structure microscopique, avec la membrane en question.
Après avoir enlevé l'enveloppe extérieure du globe , formée par la sclérotique et la
cornée, on rencontre une seconde enveloppe moins rigide, composée de membranes
molles, la chorioïde et l'iris.
La première de ces membranes , la chorioïde (*), est une membrane assez épaisse,
formée principalement d’un tissu élégant de vaisseaux sanguins, qui sont retenus en
place par des fibres assez rares de tissu conjonctif, et dans les interstices desquels est
€) Tab. M, fig. 19 et 14. — Tab. N, fig. 18, 4.
EE
déposée une quantité énorme de cellules de piment noir. En certains endroits de la
chorioïde , on peut facilement distinguer deux et même trois couches différentes; mais
ces couches, que l’on a désignées comme étant la chorioïde proprement dite, la mem-
brane de Ruysh et le tapetum, ne sont qu’artificielles , et ne diffèrent entre elles que
par la consistance plus ou moins grande des tissus. C’est ainsi que les fibres conjonc-
tives, dont est composée la trame de toute la chorioïde, sont plus serrées sur les limites
extérieure et intérieure de cette membrane, où ils forment deux feuillets entre les-
quels les cellules de piment sont déposées en plus grande quantité, et où les fibres
conjonclives sont très-rares; le tout peut dès-lors facilement se séparer en deux couches.
Une couche est cependant réelle, c’est celle qui revet la chorioïde à l'extérieur, et
qui est adossée immédiatement contre la sclérotique (fig. 18). Elle est en général tapis-
sée d’un enduit assez épais de piment argenté, et forme ainsi une couche particulière
très-facile à reconnaître. Mais quoique la couche fasse tout le pourtour du globe de
l'œil, il est pourtant rare de trouver des yeux, dans lesquels elle soit entièrement ta-
pissée de piment argenté; celui-ci n’en couvre ordinairement que les deux tiers, et le
haut reste libre. Il arrive aussi quelquefois que le piment argenté manque complète-
ment. Il est alors remplacé par le piment noir; mais la couche , formée par des fibres
conjonclives assez serrées, est encore dans ce cas assez facile à séparer. Elle se dé-
tache surtout de la chorioïde proprement dite , à la paroi interne de l’œil, autour de
l'entrée du nerf optique, pour couvrir la glande sanguine de la chorioïde, qui se courbe
en forme de fer à cheval autour de l'entrée du nerf. Cette glande sanguine repose
sur la chorioide proprement dite, et comme sa face bombée, qui regarde le fond de
l'orbite, est tournée contre la sclérotique, elle est recouverte par la couche argentée
de la chorioïde.
Le piment argenté se retrouve encore sur beaucoup d’autres points du corps de la
Truite. et partout avec les mêmes caractères. ensorte qu'après l'avoir décrit ici, nous
pourrons par la suite nous borner à mentionner sa présence. Outre l'œil, il est sur-
tout abondant dans la peau et le péritoine externe de la cavité abdominale. Il est formé
de paillettes excessivement minces, plates, et tellement petites que , mème sous les
grossissemens les plus forts, il est difficile de déterminer nettement leur forme, qui
parait pourtant être celle d’un oblong taillé en biseau des deux côtés. Elles sont toutes
isolées les unes des autres, semi-transparentes ; et il suffit qu’elles soient réunies en
très-petit nombre pour paraitre opaques. Leur intérieur, qui est parfaitement homo-
gène, parait être vide; il ne contient surtout pas la moindre trace de noyaux ou de
formations analogues , qui puissent faire supposer des cellules. Il parait néanmoins
: — 93 —
qu'elles ont quelque analogie avec les cellules épidermoïdales de l'homme et des ani-
maux supérieurs. À la demande de M. Ehrenberg , qui le premier les a décrites avec
soin, M. Rose a fait l'analyse de ces paillettes, dont l’accumulation dans les petits pois-
sons blancs est tellement considérable, que l’on s’en sert pour la fabrication des fausses
perles.
Le piment noir remplit tous les interstices des vaisseaux et des fibres conjonctives ,
qui forment ensemble le tissu de la chorioïde proprement dite; il y est déposé sous
forme de cellules arrondies, plus ou moins globulaires ou oblongues et entassées en
quantité énorme. Nous avons fait voir, en traitant de la peau, comment les cellules
de piment noir s’y comportent; elles ont des ramifications très-considérables , et des
noyaux et nucléolules en général très-apparens. Dans le piment noir de la chorioïde, on
ne distingue qu'imparfaitement les noyaux transparens , et nous n’avons pu y découvrir
aucune trace de nucléolules, même en les comprimant sous le microscope. Les cellules
sont tellement remplies de corpuscules noirs, qu’il est difficile de voir quelque chose
de précis ; elles sont également dépourvues de ramifications, et ce n’est que dans l'iris
et dans le ligament falciforme qu’on voit des cellules étoilées et ramifiées, comme dans
la peau.
La chorioïde entoure tout le globe, aussi loin que s’étend la sclérotique, sans au-
cune solution de continuité; mais à l’intérieur, elle n’est pas aussi unie et lisse que
chez les animaux supérieurs. On voit d’abord entre les deux couches dont elle est
composée, un corps particulier, appelé le bourrelet vasculaire ou la glande chorioï-
dale (*), formation essentiellement propre aux poissons. C’est un corps vasculaire ,
rouge, très-mou, courbé en forme de fer à cheval autour de l'entrée du nerf oplique,
et occupant tout le segment intérieur de la chorioïde, à l’exception de la fente par la-
quelle le nerf entre. La nature de ce bourrelet a été long-temps très-douteuse ; les uns
le croyaient musculaire, les autres glanduleux; mais Cuvier remarqua fort bien que
les fines stries parallèles et rayonnantes, que l’on voit à sa surface, n’étaient que des
vaisseaux sanguins, et partant de là, il admit que c’était peut-être un corps érectile,
et destiné , par son érection et sa relaxation successives, à adapter l'œil aux distances
visuelles. Les recherches récentes de M. Müller ont prouvé que ce corps n’est qu’un
rete mirabile d’une nature toute particulière, recevant le sang de la fausse branchie
par une artère propre, et le rendant ensuite à la chorioïde. Nous parlerons de la dis-
tribution des vaisseaux de ce bourrelet et de tout le système vasculaire de l'œil dans
le chapitre de la circulation.
&) Tab. M, fig. 12, N° 6.
Es Of “ri
Une seconde particularité de la chorioïde de la plupart des poissons osseux , c’est le
ligament falciforme (*) du cristallin, qui est formé par la chorioide. C’est un prolonge-
ment de la couche interne de la chorioïde qui s’élève le long du sillon destiné à l’en-
trée du nerf optique, traverse la rétine et vient se fixer à la face inférieure du cristallin,
par deux branches distinctes. La branche extérieure, qui se trouve près de l'iris, est
large, triangulaire, et s’attache à la capsule du cristallin par un bord concave, qui
correspond à la convexité du cristallin lui-même ; elle a à-peu-près la forme d’une voile
latine. La branche intérieure est plus mince, cordiforme, et tendue comme une ficelle
vers le cristallin. Le tout est une excroissance de la chorioïde, qui marque l’endroit de
la fente embryonale de l'œil, dont nous avons décrit ailleurs le développement (*).
Cette excroissance qui s’élève surtout vers le segment antérieur de l’œil, chez la Truite,
est composée, comme la chorioïde elle-même, d’un tissu conjonctif très-lâche, par-
semé d’une grande quantité de cellules de piment noir, qui sont étoilées, ramifiées et
contiennent beaucoup de petits vaisseaux sanguins. On ne saurait douter que ce résidu
de l’ancien colobome de l’œil ne serve, à défaut de processus ciliaires, dont il n’y pas
de trace chez la Truite, à retenir le erystallin dans sa position vis-à-vis de la pupille.
L’iris (**) enfin se présente sous cette forme primitive qu’elle affecte aussi chez les
embryons des classes supérieures ; ce n’est qu’un repli de la chorioïde, avec un trou pres-
que circulaire au milieu, la pupille, destiné à laisser arriver les rayons lumineux au
fond de l’œil. La pupille n’est pas entièrement ronde chez la plupart des Truites ; mais
le plus souvent un peu anguleuse vers le bas, rappelant ainsi, chez le poisson adulte,
la fente embryonale et le ligament falciforme. L'iris est formée, comme la chorioïde,
de deux couches; l’une, l’intérieure, à piment noir a été nommée l’urée, l’autre, l’ex-
térieure, celle de piment argenté, présente un développement plus considérable.
L'urée ne se distingue de la chorioïde, tapissant l’intérieur de la sclérotique, que par
la forme de ses cellules, qui sont étoilées et ramifées, tandis que dans la chorioïde,
elles sont arrondies. Quant au reste, c’est le même tissu de fibres conjonctives par-
courues par de nombreux vaisseaux.
La couche argentée, est bien différente ; elle se continue immédiatement depuis le
point où l'iris se replie, sur toute la face extérieure de celte dernière, passe sur le
bord libre de la pupille, qu’elle revêt, et, se repliant sur elle-même, forme une se-
conde lamelle qui touche immédiatement la couche noire. Cette seconde lamelle se
(*) Tab. M, fig. 14. (**) Histoire naturelle des Poissons d’eau douce , tome I, page 79.
(*#*) Tab. M, fig. 14.— Tab. N, fig. 13-18 c.
continue en dehors jusque sur le bord de l'iris, où celle-ci passe à la chorioïde en
confluant avec l’autre. On pourrait donc dire que la couche argentée se divise, à la
limite de la chorioïde , en deux lamelles qui confluent ensemble sur le bord de la
pupille, comprenant entre elles un amas de piment jaune et violet, et les fibres mus-
culaires de l'iris; tandis que la couche noire s’étend , comme telle , jusqu’au bord de
la pupille.
Les parties par lesquelles l'iris se distingue de la chorioïde, sont donc toutes com-
prises entre les deux lamelles de la couche argentée. Celle-ci se comporte comme dans
la chorioïde ; on y trouve les mêmes petites paillettes opaques. Mais ce qui donne à
l'iris ses couleurs brillantes, ce sont deux pimens propres, l’un jaune et l’autre violet.
Le premier est tout-à-fait semblable au piment orange, que l’on trouve dans la peau ;
c’est une huile limpide, d’un beau jaune de citron, qui est répandue en petites gout-
telettes dans le tissu , et dont il est assez facile de constater la liquidité. Nous n’avons
pas pu nous assurer si ces gouttelettes sont un ancien contenu de cellules, dont les
membranes auraient disparu; mais le fait, qu’elles sont rassemblées en petits amas,
parait militer en faveur de cette opinion. Le piment violet ne se distingue, à ce qu'il pa-
rait, du premier, que par sa teinte; il contient du reste les mêmes gouttelettes huileuses
que le piment jaune. On conçoit que, suivant que l’un ou l’autre de ces deux sortes de
piment prédomine, l'iris prenne des teintes différentes, depuis le noir foncé, réhaussé
de quelques points métalliques, jusqu’au reflet argenté, doré, ou cuivré le plus vif.
Les fibres de l'iris, dont parait dépendre la mobilité de la pupille, sont difficiles
à étudier , à cause de la grande masse de piment qui les recouvre. On peut néan-
moins s'assurer que l'iris est un peu plus épaisse tout autour de la pupille, ainsi qu’à
son contour extérieur; et nous avons lieu de croire que c’est sur ces points que les
fibres sont surtout abondantes. Nous n’avons reconnu aucun caractère qui permit
de les distinguer des véritables fibres du tissu conjonctif, et surtout nous n’avons
pas pu y apercevoir des fibres musculaires. Mais lon sait que les fibres conjonctives
ne sont pas dépourvues de toute irritabilité, de toute réaction contre les stimulans ;
seulement cette réaction, qui se manifeste par une contraction, s’opère plus lente-
ment et avec moins de vigueur. Or, c’est précisément ce qui a lieu dans l'iris des
poissons; les contractions et les dilatations de la pupille sont tellement lentes, qu’on
les a généralement révoquées en doute. Nous nous sommes convaincus, par des expé-
riences directes sur la Truite et la Palée, qu’effectivement, selon la masse de lumière
qui la frappe, la pupille se rétrécit ou se dilate ; il est vrai que ces mouvemens s’opè-
rent très-lentement et sans que les contractions amènent des changemens très-notables.
La DE. “es.
La rétine (*), la dernière et la plus interne des membranes de l’œil, se trouve en
dedans de la chorioïde, et assez étroitement liée avec elle. Considérée dans son en-
semble, cette membrane a la forme d’une soucoupe ou d’un verre à pied. dont le
support serait formé par le nerf optique. Elle s’étend tout le long de la chorioïde , jus-
qu’à l’endroit où l'iris se replie, et suivant encore quelque temps cette dernière mem-
brane , elle finit à quelque distance de la pupille, présentant un bord nettement
tranché, qui est néanmoins difficile à apercevoir, à cause de la grande ténuité de la
membrane vers son bord. On connait les interminables discussions qui ont eu lieu sur
la terminaison de la rétine chez les mammifères et chez l’homme. Une pareille di-
vergence d’opinion ne saurait avoir lieu à l’égard de la Truite, où cette limite est
bien tranchée, surtout si on l’examine au microscope. Il suffit d'enlever la chorioïde
et la sclérotique jusque vers l’iris et de tirer légèrement le nerf optique, pour voir la
rétine se détacher nettement, sur tout son pourtour, qui, comme nous venons de le
dire , s’étend jusqu’à une ligne de distance de la pupille.
La structure de la rétine, si long-temps obscure, a été éclaircie dans ces derniers
temps par une série de recherches, parmi lesquelles les études de M. Hannover tien-
nent le premier rang. Nos propres recherches sur la structure de cette membrane s’ac-
cordent en tous points avec celles de ce savant.
La rétine est composée de plusieurs couches. En enlevant soigneusement la cho-
rioïde avec un pinceau et en plaçant la rétine avec le corps vitreux sous le micros-
cope , la face externe en haut, la rétine présente, sous un grossissement de 250 dia-
mètres, un aspect semblable à celui d’une muqueuse hérissée de nombreuses villo-
sités (**). Lorsque toutes les parties sont dans leur position naturelle, on voit çà
et là des endroits clairs, transparens, arrondis, entourés de petites granulations ,
qui ne ressemblent pas mal à un lissu de dentelle. Ailleurs, ce tissu est caché par
une quantité de fines. lignes courant dans le même sens. Sur d’autres points où ces
fines aiguilles sont enlevées, il ne reste que de petits mamelons saillans, pour la
plupart bifurqués à leur extrémité, qui tous sont couchés dans le même sens, et
disposés en quinconce régulier. Enfin il y a aussi des endroits où tout est bouleversé.
Les petites languettes sont couchées dans tous les sens , et les fines aiguilles s’entre-
croisent de différentes manières. Tous ces aspects divers sont produits par deux éle-
mens bien caractérisés, que M. Hannover a désignés sous les noms de cônes jumeaux
et de bäâtonnets.
(*) Tab. M, fig. 13 et14. — Tab, N, fig. 18, 4. (ft) Tab. N, fig. 17.
A;
Les cônes jumeaux (*) sont des corps oblongs, cylindracés, à base arrondie, sépa-
rés en deux moitiés par un sillon plus ou moins profond, qui est tourné en dehors,
vers la chorioïde. Ces cônes jumeaux sont solides, transparens, et ont l’aspect de
corps cireux. Chaque moitié est terminée par une queue pointue, un peu courbe,
qui s'enfonce dans la chorioïde, et qui souvent paraît entourée d’une gaine de pi-
ment. Ces queues adhèrent assez fortement aux extrémités du cône dont elles sont sé-
parées par une ligne transversale très-nettement accusée. Les cônes s’altèrent très-vite
après la mort, comme aussi par Paction des liquides. De transparens qu'ils étaient,
ils deviennent opaques, grenus; ils s’arrondissent, les queues s’oblitérent, et bientôt
le tout ne présente qu’une masse semi-solide, arrondie et grenue, ayant quelquefois
beaucoup de ressemblance avec une cellule épithéliale. Nous avons remarqué souvent
sur des rétines toutes fraiches, des cônes dont le corps était entouré comme d’une
gaine hyaline et transparente (fig. 13 a), que nous n’avons aucune raison d’attribuer à
une influence délétère. Peut-être étaient-ce des cônes en voie de formation.
Les bätonnets (**) sont de petits cylindres grèles et rigides qui ont la même appa-
rence que les cônes jumeaux, et sont composés, comme eux, d’un tronc allongé et
d’une queue longue et effilée qui s’enfonce dans la chorioïde. Mis en contact avec l’eau
ou tout autre liquide, ces bâtonnets se courbent de différentes manières, et se modi-
fient souvent au point de se transformer en disques arrondis d’une transparence par-
faite. Les bâtonnets sont beaucoup plus longs que les cônes qu’ils entourent de tous
côtés, et c’est par cet assemblage qu'il faut expliquer la différence d’aspect que peut
présenter la couche externe sous le microscope. Vue d’en haut, la rétine présente
des taches claires et rondes, provenant des cônes et de petites granulations rondes qui
les entourent et qui sont dues aux bâtonnets. Quand les queues des bâtonnets, qui
disparaissent facilement, sont enlevées par une trop forte pression du pinceau, on n’a-
perçoit que les extrémités des cônes jumeaux, tandis qu’en d’autres endroits, où tout
a élé bouleversé par le frottement , cônes et bâtonnets sont pêle-mêle.
C’est la couche de la rétine formée par les bâtonnets et les cônes jumeaux que les
auteurs nomment la membrane de Jacob (***).
La couche interne de la rétine (***), celle qui touche immédiatement au corps vitré,
se compose, comme l’externe, de deux élémens différens, les fibrilles nerveuses du
nerf optique et les cellules propres, que nous appellerons cellules rétinales. Les fibrilles
€) Tab. N, fig. 13 et 14. (*) Tab. N, fig. 15.
@**) Tab. N, fig. 18 #.. (*#?) Tab. N, fig. 16 et 18, 2.
Tour III. « 13
ÉD T° ROIS
du nerf optique sont extrêmement fines et délicates, droites et difficiles à suivre. Nous
ayouons que nous n’avons jamais pu y reconnaitre des anses ou d’autres réticulations
semblables à celles que forme le nerf auditif; de même, il nous a été impossible,
malgré toutes les peines que nous nous sommes données , de les suivre jusque vers
le bord de la rétine, ensorte que nous ne pouvons rien dire de précis sur leur cours,
ni sur leur terminaison. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu'elles sont sans relation
avec les élémens de la membrane de Jacob.
Les cellules rétinales sont assez petites, très-transparentes, extrémement délicates,
et contiennent un grand noyau pâle et granuleux, qui remplit presque toute leur
cavité. Nous les avons toujours vues tout-à-fait rondes, et leur ressemblance avec les
cellules ganglionnaires du cerveau et des ganglions des nerfs périphériques nous a
paru si vague, que nous n’avons pas pu nous résoudre à leur donner ce nom, quoi-
qu'il soit adopté par MM. Valentin et Hannover. D’un autre côté, leur ressemblance
avec les cellules du crystallin ne nous parait pas non plus aussi grande que le veut
M. Henle, car les cellules du crystallin sont entièrement dépourvues de noyaux, tandis
que les cellules rétinales en ont de très-grands. Il est vrai qu’on trouve toujours à
côté de ces cellules caractéristiques une quantité de petites vesicules rondes, transpa-
rentes, ayant presque un aspect huileux, et qui paraissent former une espèce d’épi-
thélium , semblable à celui de la capsule du cristallin. Peut-être M. Henle, en parlant
des cellules rétinales, a-t-il eu en vue ces dernières vesicules. M. Hannover veut que
ces cellules forment deux couches distinctes, qui embrassent entre elles les expansions
des fibrilles du nerf optique, de sorte que l’une des couches des cellules rétinales se
trouverait entre les fibrilles nerveuses et la membrane de Jacob, une autre, interne,
entre les fibrilles et le corps vitré. Il nous a paru, au contraire, que ces cellules
étaient dispersées pêle-mêle entre les fibrilles, et que peut-être les petites vésicules
transparentes formaient seules une couche intermédiaire entre la rétine et le corps
vitré.
Le corps vitré, qui remplit tout l’espace entre la rétine d’un côté et le cristallin et
l'iris de l’autre, ne nous parait être autre chose qu’un liquide gélatineux ou visqueux
amorphe. On a parlé d’une membrane celluleuse, qui, d’après l’opinion des anatomistes,
entourerait ce liquide. Quant à nous, nous n’avons jamais pu apercevoir cette mem-
brane, et les différens essais que nous avons tentés en faisant geler ou bouillir le corps
vitré, ne nous ont jamais révélé autre chose que ce que l’on peut voir dans une disso-
lution d’albumine. M. Hannover paraît croire que les vésicules transparentes, dont il
vient d’être question, sont les élémens constitutifs de la membrane du corps vitré.
=. 8! =
Nous croyons devoir opposer à celte explication, que nous n'avons jamais vu ces cel-
lules réunies ; mais toujours isolées et flottant librement.
Le cristallin de la Truite (*) est une sphère à-peu-près complète, un peu
aplatie en dedans. Logé dans un creux du corps vitré, il remplit tout l'espace
entre celui-ci et l'iris, et est retenu dans sa position par le ligament falciforme de la
chorioïde. Le bord libre de l'iris s'applique contre sa face antérieure, ce qui n’em-
pêche pas le segment antérieur du cristallin de faire saillie dans la chambre anté-
rieure de l’œil, de manière à boucher complètement la pupille. Le bord de l'iris n°y
adhère en aucune manière ; et, sauf le ligament falciforme, qui s’attache à la capsule,
le cristallin nage librement dans le liquide vitré qui l'entoure.
Le cristallin est entouré de toutes parts par une capsule transparente et serrée qui
fait corps avec lui, et qu’on ne peut en séparer qu’en la réduisant en petits lam-
beaux. Cette capsule est formée de cellules plates, plus ou moins hexagonales et réu-
nies en pavé. Les parois de ces cellules sont parfaitement distinctes, et la substance
intercellulaire , qui les tient collées, est très-distincte. On n’aperçoit absolument rien
dans l’intérieur de ces cellules ; elles sont d’ailleurs tellement aplaties que leurs parois
opposées semblent se toucher, ce qui ferait supposer que toute la cavité intérieure a
disparu. La substance intercellulaire forme un réseau très-élégant, que lon pourrait
prendre pour un réseau vasculaire, si l’on négligeait d’en faire un examen minutieux.
Nous n'avons jamais reconnu qu’une simple couche dans ces cellules de la capsule.
Nous pensons qu’il serait difficile de trouver un organe plus convenable pour se con-
vaincre que les cellules en pavé, qui forment les membranes, sont réellement liées par
une substance intercellulaire , et n’adhèrent pas seulement par leur juxta-position. Ces
cellules ressemblent d’ailleurs parfaitement à celles que l’on voit dans la couche épi-
théliale de l'embryon, où, ainsi que l’a démontré M. Vogt, la capsule du cristallin se
forme par involvure.
Dans l’intérieur de cette capsule celluleuse se trouve la véritable substance du cris-
tallin. C’est une masse pulpeuse, dont la consistance s’accroit de la périphérie au
centre, et dont le noyau, quoique parfaitement transparent, a pourtant une con-
sistance assez notable. La pulpe gélatineuse qui entoure ce noyau a été appelée
liqueur de Morgagni; mais, comme nous le verrons plus bas, sa structure ne dif-
fère que dans les couches les plus extérieures ; tout le reste est composé de fibres
dentelées, comme le noyau.
@) Tab. M, fig. 13 et 14. — Tab. N, fig. 19-21.
— 100 —
La couche extérieure du cristallin, qui touche immédiatement à la capsule, est
composée de cellules rondes et transparentes de différentes grandeurs, qui paraissent
tellement entassées, qu’on ne découvre presque pas de substance intercellulaire. Nous
n'avons pas pu nous convaincre que les cellules les plus petites soient les plus rappro-
chées de la capsule, tandis que les plus grandes entoureraient le noyau : elles nous
ont, au contraire, paru mélées partout. Nous n’avons pas non plus remarqué qu’elles
fussent alongées, ellipsoïdes ou oblongues, dans le voisinage des fibres ; et quoiqu'il
soit hors de doute que les fibres se forment d’une manière quelconque par l’assem-
blage de ces cellules, nous devons convenir qu’il nous a été impossible de découvrir des
passages intermédiaires entre ces deux élémens constitutifs du cristallin. M. Schwann
prétend que les cellules s’alongent, s’aplatisssent et se rangent en file les unes à la
suite des autres, formant ainsi des fibres articulées, dont les cloisons disparaissent
plus tard.
Le noyau du cristallin (fig. 19) est composé de feuillets concentriques s’enveloppant
les uns les autres, à-peu-près comme les pelures d’un oignon, ensorte que de quelque
manière que l’on coupe le cristallin, on y découvre toujours des lignes concentriques
plus ou moins marquées, qui sont formées par la démarcation de ces feuillets. Les
feuillets les plus extérieurs sont encore mous et gélatineux , tandis que ceux qui en-
tourent de près le centre se collent davantage au scalpel, et se séparent facilement.
Les feuillets eux-mêmes ne sont pas simples, mais composés de fibres longues, trans-
parentes, sans fin, dont chacune fait le tour du feuillet dans la direction du diamètre
antéro-postérieur de l’œil, de sorte qu’une coupe du cristallin, faite dans cette direc-
tion, ne montre que des fibres coupées en long, tandis que des tranches prises dans
une autre direction , font toujours voir des fibres coupées transversalement. Les fibres
elles-mêmes sont plates, et leur largeur s’accroit du centre à la périphérie. Leurs bords
sont crénelés comme une scie (fig. 20), et les dentelures des fibres qui se touchent se
correspondent de manière à former un engrenage très-complet. En coupant le cris-
tallin par le diamètre vertical ou dans toute autre direction approchant de la verticale,
on voit un grand nombre de lignes fines et ondulées, qui rayonnent du centre à la
périphérie, et dont la distance indique la largeur des fibres. Ces lignes ne sont autre
chose que les bords dentelés et engrenés des fibres elles-mêmes; elles sont entrecou-
pées par des lignes nombreuses, concentriques et très-rapprochées, qui indiquent
l'épaisseur des fibres.
— 101 —
Des Muscles de l'œil.
Tab. M, fig. 9 et 10.
Les poissons ont, comme les animaux supérieurs, six muscles moteurs de l’œil,
quatre droits et deux obliques.
Les muscles droits naissent tous au fond de l’orbite, aux alentours du trou par le-
quel passe le nerf optique. L'insertion d’un seul d’entre eux, du muscle droit externe
(n° 48), qui est aussi le plus considérable, se trouve placée en arrière, dans le fond
du canal sous-cränien. Ce muscle, le muscle abducteur de l'œil , est large et peu épais.
Il se fixe au bord externe de l’œil, tout près de l’extrémité de la sclérotique , là où la
cornée s’adapte à cette derniére. Il se dirige ensuite en bas, à l'extérieur de tous les
nerfs et vaisseaux de l’œil, et se glissant le long du canal sous-cränien , il se fixe tout
de son long sur les parois de ce dernier. Il reçoit, comme on sait, un nerf à part,
celui de la sixième paire, qui, traversant le plancher de la cavité crânienne, vient
s’insérer dans la partie postérieure du muscle.
Le muscle droit interne (n° 50) nait au-dessus du droit externe, sur le plancher du
canal sous-crâänien, près de son ouverture. C’est un muscle long et grêle, qui pas-
sant au-dessous du globe de l'œil, le long du plancher de l'orbite, en dedans du
muscle oblique inférieur, s’applique sur la face antérieure du globe, et va s’insérer
vis-à-vis du muscle droit externe, près du bord de la sclérotique, dans l'angle anté-
rieur de l’œil. Il reçoit son nerf de la troisième paire, l’oculo-moteur, tout près de
son insertion postérieure.
Le muscle droit supérieur (n° 47) vient de l’ethmoïde crânien, en dedans du nerf
optique. Il s’enroule en longeant la parois interne de l’orbite, et vient s’insérer à la
face supérieure du globe, en croisant ses fibres avec celles de l’oblique supérieur. II
reçoit aussi un filet nerveux de la troisième paire.
Le muscle droit inférieur (n° 49) nait au-dessous du trou optique , au bord de l’ou-
verture du canal sous-crânien, passe le long du plancher de l'orbite, se redresse en
haut, et vient s’insérer à la face inférieure du globe, en se croisant avec le muscle
oblique inférieur.
Les deux muscles obliques naissent dans une fosse creusée dans le cartilage ethmoï-
dien , en dedans des narines ; ils embrassent , en sortant de cette fosse, le nerf olfactif,
et viennent s’insérer sur le milieu du bulbe, l’un à la face supérieure, l’autre à la face
— 102 —
inférieure, en croisant leurs fibres , le premier avec le muscle droit interne, le second
avec le muscle droit inférieur. Le muscle oblique supérieur (n° 45) est servi par une
paire particulière de nerfs cérébraux , la quatrième, tandis que le muscle oblique in-
férieur (n° 46) ne reçoit qu’une branche du nerf oculo-moteur commun.
Les insertions des muscles de l'œil en général sont donc réparties de telle manière
que deux muscles, les muscles droits externes et internes s’insèrent aux faces anté-
rieure et postérieure de l'œil, tandis que les quatre autres occupent les faces supé-
rieure et inférieure. Le muscle oblique supérieur et le droit supérieur occupent la
face supérieure, et le droit inférieur avec l’oblique inférieur, la face inférieure de
l'œil.
DE L'OREILLE,
Tab. M, 6g. 1-6 et 15. Tab. N, fig. 22 et 23.
L’oreille de la Truite est formée de la réunion de plusieurs parties entièrement ca-
chées dans l’épaisseur des os et des cartilages de la tête, et sans aucune communica-
tion avec l’extérieur ni avec la cavité buccale. Toutes les parties de l'oreille qui , chez
les animaux supérieurs, constituent l'appareil tympanique, manquent par conséquent.
On n’y trouve qu’un sac aplati, pyriforme, contenant deux otolithes de grandeur dif-
férente, et s’ouvrant en haut dans un vestibule élargi latéralement, auquel sont at-
tachées trois ampoules, qui sont les points de départ des trois canaux sémicireulaires.
Ces parties forment ensemble un organe fermé de toutes parts, rempli d’un liquide
gélatineux, et qui ne communique par aucune ouverture avec la cavité cérébrale.
Ayant déjà indiqué, dans la description du squelette, les os qui participent à
la formation des cavités dans lesquelles sont logées les différentes parties de l’or-
gane de l’ouie, nous ne reviendrons pas ici sur ce sujet. Nous ferons seulement
remarquer que ni la face interne du vestibule, ni le canal commun des canaux sémi-
circulaires antérieur et postérieur, ne sont séparés de la cavité cérébrale par le déve-
loppement des os; mais que les enveloppes des canaux s’appliquent au contraire im-
médiatement contre ces parties. Les cavités, qui entourent le reste de l'oreille, sont
exactement moulées sur l’organe de l’ouïe, avec cette différence pourtant qu'elles sont
plus spacieuses, et que l’espace qui n’est pas occupé par les parties membraneuses,
est rempli d’un liquide gélatineux, qui ne diffère en rien de celui de la cavité
crânienne.
— 103 —
Le sac du labyrinthe (fig. 4, 2 et 5, a) est situé près de la ligne médiane, dans
une cavité à part, creusée dans l’occipital principal et dans la grande aile du sphé-
noïde. Il est aplati en dedans, un peu bombé en dehors ; son bord inférieur, presque
tranchant, se relève pour former, avec le bord antérieur descendant, une pointe
obtuse qui est tournée en avant, tandis que le bord postérieur est arrondi. La mem-
brane, qui forme le sac, est mince et transparente, et permet d’apercevoir, à travers
sa paroi externe (fig. 1), les deux otolithes b, contenues dans son intérieur ; tandis
qu'à sa paroi interne (fig. 2) les mailles serrées, que forment les fibres nerveuses €,
lui tent toute transparence. Nous examinerons plus loin la structure microscopique
de cette membrane.
Une ouverture assez étroite communique avec le vestibule en formant un col étran-
glé, à l'endroit où le nerf acoustique se rend au labyrinthe. Le vestibule (fig. 1, 2
et 5, d) est un sac oblong , étendu horizontalement, ayant à sa face supérieure quatre
ouvertures, dont l’une, située en dedans et au milieu, conduit dans le canal commun
(fig. 2 et 3, e) ; une autre se rend , en arrière, dans l’ampoule des canaux semicireu-
laires postérieur et extérieur réunis (fig. 1 et 2,f), et deux débouchent sur le de-
vant, l’une dans l’ampoule du canal sémicirculaire externe (fig. 1 et 2, q), l’autre
dans celle du canal antérieur (fig. 1 et 2, ).
On peut envisager, à bon droit, les ampoules elles-mêmes comme faisant partie du
vestibule. Chez la Truite, elles sont entièrement globulaires, ayant en bas, sur la face
tournée contre le vestibule, un étranglement très-prononcé, qui correspond à une
saillie membraneuse en dedans, sur laquelle s’apercoit le nerf de l’ampoule. Nous dé-
crirons plus loin la structure de l’ampoule , ainsi que celle du vestibule et des canaux
sémicirculaires, et l’on pourra alors se convaincre que les filets nerveux ne s’étendent
pas plus loin que les ampoules, et que les canaux semicirculaires en sont entièrement
dépourvus. |
Les canaux semicireulaires sont au nombre de trois. Le canal extérieur (fig. 1, 2
et 5, i) est le plus petit de tous. Il décrit une courbe fort régulière, dont la cavité est
creusée presque en entier dans le temporal, et s'ouvre des deux côtés dans les am-
poules postérieure et extérieure. Le canal postérieur (fig. 4, 2 et 5, k) forme aussi une
courbe assez régulière , en montant depuis l’ampoule postérieure ; mais arrivé en haut,
il se réunit au canal antérieur dans un canal commun , qui descend verticalement sur
le vestibule pour s'ouvrir à la face postérieure. Ce canal commun est beaucoup plus
large et plus aplati que les autres, qui sont parfaitement arrondis et plus rigides que
le canal commun, e. Le canal antérieur (fig. 1, 2 et 3, l)est le plus long et le plus tor-
— 10h —
tueux de tous. En descendant depuis le canal commun, il se fléchit en dedans, se
relève de nouveau, et s'ouvre en formant un coude arrondi, très-prononcé dans
l’ampoule antérieure.
Tout cet ensemble d'organes, qui, au fond, ne forment qu’une seule cavité close
et continue, a aussi une structure très-semblable. A la simple vue, on dirait, il est
vrai, qu’une partie du vestibule, ainsi que le sac et le canal commun , sont formés
d’un autre tissu que les ampoules et les canaux sémicirculaires, qui conservent si par-
faitement leur forme, même après avoir été vidés; tandis que les premiers (le vestibule,
le sac et le canal commun) s’affaissent assez volontiers. Mais examinés au microscope,
toutes ces parties se montrent composées des mêmes élémens, et ce n’est que de l’un
d’eux, de la couche cartilagineuse, que dépend leur solidité plus ou moins grande.
En effet, ce n’est pas un tissu fibreux ou cellulaire qui forme les membranes du
labyrinthe de la Truite, mais un véritable cartilage. Ce cartilage montre une subs-
tance principale hyaline, transparente, qui, sous les plus forts grossissemens, parait
légèrement grenue et parsemée d’une quantité de corpuscules diversement groupés
(Tab. N, fig. 25). Les vraies cellules cartilagineuses n’existent plus ; les corpuscules
qu’on aperçoit ne sont que des vides, des anciens restes de cavités cellulaires ou des
noyaux qui ne se sont pas comblés entièrement. Dans les ampoules ainsi que dans
les canaux semicirculaires, où la lame cartilagineuse est plus épaisse, ces cavités sont
alongées, diversement contournées , tandis que dans le sac et le vestibule, où la
lame est plus mince, les cavités sont toutes rondes ou cylindriques, et placées verti-
calement à la surface. L’aspect de cette multitude de cavités cylindriques, à circonfé-
rence fortement accusée, a beaucoup de ressemblance avec certaines formations épi-
théliales, dans lesquelles entrent des cellules cylindriques ; aussi, avant d’avoir examiné
le tissu des ampoules et des canaux semicireulaires, croyions-nous avoir à faire à un
épithelium de cette nature, étendu sur le sac.
Le cartilage forme la masse principale du labyrinthe. Il est entouré extérieurement
par un prolongement des enveloppes du cerveau, présentant de nombreuses cellules de
piment noir et jaune, déposées entre les fibres du tissu conjonctif. En dedans, le car-
tilage est recouvert par une ou plusieurs couches de cellules très-particulières , qui n’y
adhèrent que très-faiblement, et dont on enlève la plus grande partie en écoulant le
liquide gélatineux qui remplit tout l’intérieur. Ces cellules sont assez grandes, irré-
gulières, aplaties et fortement grenues, mais dépourvues de noyaux. Elles paraissent
se continuer sur toute la surface interne du labyrinthe et même des canaux semicir-
culaires. Nous n’avons trouvé aucun autre élément constitutif entre ces cellules et le
cartilage.
— 105 —
Le liquide, qui remplit la cavité interne du labyrinthe, est visqueux et transparent.
Il contient une quantité de cristaux calcaires d’une petitesse extrème, qui même,
sous des grossissemens de 800 fois le diamètre, ne nous ont pas offert des faces assez
nettes pour que nous eussions pu déterminer leur forme exacte. On trouve, outre ces
petits cristaux, qui sont surtout nombreux près des ampoules et dans le canal com-
mun, trois otolithes considérables, dont deux se trouvent dans le sac, et la troisième
dans le vestibule près des deux ampoules des canaux antérieur et extérieur. Comme
les fig. 4 et 5, Tab. M, représentent la forme exacte de ces otolithes , nous pouvons
nous dispenser d’en donner une description détaillée. Nous ferons seulement observer
qu'on se tromperait, si l’on croyait que ces otolithes sont de simples cristallisations
minérales, sans bases organiques, puisqu’en les chauffant au feu elles se noircissent
pour blanchir après ; preuve qu’elles contiennent de la matière organique, en très-
petite quantité, il est vrai. Quoique leur place soit invariable, les otolithes ne sont
pourtant pas fixées par des ligamens ou des supports; mais elles nagent librement
dans le liquide visqueux.
Il y a plusieurs années, la structure des ampoules a été l’objet de recherches détail-
lées de la part de M. Steifensand (*). Nous avons représenté une ampoule grossie
Tab. N, fig. 22. C’est une vessie globuleuse qui est divisée transversalement par un
pli saillant venant du dehors. Le nerf a entre dans ce pli et s’y ramifie, non moins que
sur l’espace circulaire assez nettement circonscrit, qui se trouve des deux côtés de
l’ampoule, là où le pli joint la paroi interne de sa vessie. Chaque nerf ampoulaire a
la même distribution, mais la grande masse des fibrilles primitives du nerf acoustique
se rend à la face interne du sac du labyrinthe (Tab. M, fig. 2 et 15). Arrivé ici, les
fibres se divisent en deux parties, dont l’une, la plus considérable (fig. 15, a), forme
des mailles nombreuses sur, toute la partie antérieure du sac, vis-à-vis de la place
qu'occupe la grande otolithe. Le lissu des réseaux nerveux imite assez bien la forme
de l’otolithe elle-même. La partie la moins considérable des fibres nerveuses (fig. 15,b)
se rend à l'extrémité postérieure du sac; pour y former un réseau qui, par sa distri-
bution , ressemble assez à la petite otolithe. La paroï interne du sac du labyrinthe est
sans contredit la partie la plus appropriée pour l'étude de la terminaison des fibrilles
nerveuses. Il est facile de se convaincre, sur cette partie si transparente, que ces
fibrilles, en formant des mailles de plus en plus serrées, viennent se terminer dans
des anses récurrentes, dont la courbe est tournée en dehors, et dont les deux bras
regagnent le tronc nerveux.
(*) Archives de Muller, 1835, p. 174.
Tome III. 14
— 106 —
DU NEZ.
Tab. M, fig. 6,7 et 8.
Le nez de la Truite est d’une structure assez simple. Situé vers l’extrémité anté-
rieure du museau , il se compose d’une fosse peu profonde , remplie en grande partie
par les plis d’une membrane muqueuse et fermée en dehors par la peau, dans la-
quelle sont creusées deux ouvertures. L'une de ces ouvertures, l’antérieure, de forme
elliptique, est transversale et entourée d’un bourrelet cartilagineux, qui fait saillie
depuis l’intérieur (fig. 7 a). Une petite esquille osseuse (b) est articulée en arrière sur le
bord interne de ce bourrelet, et disposée de manière à pouvoir s’abattre sur le bour-
relet et fermer ainsi l'ouverture antérieure. Sous le microscope, on aperçoit des
fibres musculaires attachées à la base de cet osselet ; il est probable qu'il y a deux
muscles antagonistes extrêmement petits, qui servent à mouvoir cette espèce de base.
L'ouverture postérieure (c) a à-peu-près la forme d’un triangle dont la base, tournée en
avant, est adossée contre le bourrelet et entourée d’un rebord épaissi, dans lequel
on trouve des fibres musculaires. Il est facile de se convaincre, d’après cette structure
du couvercle de la cavité nasale, que c’est surtout par le jeu du bourrelet que l’eau
entre et sort dans cette cavité.
La muqueuse, dont les plis se trouvent au fond de la fosse nasale, montre un bour-
relet médian, en forme de massue (Tab. M, fig. 6,4), dont l'extrémité arrondie est
tournée en arrière, tandis que l’extrémilé antérieure, qui est plus effilée, touche au
bord antérieur du bourrelet cartilagineux du couvercle. Huit à dix plis transverses
partent de ce bourrelet médian. Chacun de ces replis est de forme semilunaire , à
sommet arrondi, à-peu-près comme un bonnet phrygien aplati, que l’on aurait appli-
qué par sa base contre le bourrelet médian. Ces feuillets muqueux sont parfaitement
libres et indépendans les uns des autres, ensorte que l’eau peut pénétrer entre les dif-
férens feuillets, et les entourer de toutes parts.
La structure de ces feuillets est fort simple : c’est un tissu de fibres conjonctives, qui
se croisent dans tous les sens, et entre lesquelles se ramifient les vaisseaux sanguins
et les fibres primitives du nerf olfactif. Le feuillet est recouvert d’une couche épaisse
de cellules épidermoïdales, semblables aux cellules épidermoïdales de la peau. Ce
sont ces cellules qui forment cet amas de mucosité que l’on trouve toujours dans la
cavité nasale des Truites. Nous avions cru d’abord que les feuillets de la muqueuse
— 107 —
du nez pourraient être de quelque secours pour l'étude de la distribution des fibrilles
primitives du nerf olfactif. Mais une quantité de piment noir, déposé sous forme de
cellules étoilées, rend cette étude très-difficile. Quant à la distribution des branches
du nerf olfactif, elle est fort simple (fig. 8). Le nerf se divise en deux moitiés, qui
donnent à chacun des feuillets une branche distincte.
Il n’existe pas d’organe spécial du goût chez les Truites. Comme nous l'avons vu
plus haut, l'os hyoïde est tellement hérissé de dents, que la langue doit être entié-
rement insensible.
DE LA PEAU.
Tab. O, fig. 12 et 13.
La structure de la peau est assez difficile à débrouiller chez la Truite, à cause de la
grande quantité de piment de toutes couleurs qui y est déposé. Le procédé que nous
avons suivi, et que nous croyons le plus simple, consiste à faire des coupes transver-
sales très-minces, qui permettent d’apercevoir la succession des différentes couches
qui composent la peau. Mais il faut avant tout distinguer les endroits non écaillés,
tels que la peau de la tête et de la nageoire adipeuse, et les endroits recouverts d’é-
cailles cachées dans l’épaisseur de la peau elle-même. Traitons d’abord de la peau
munie d’écailles.
Nous y reconnaissons quatre couches distinctes (fig. 12). La plus superficielle est
l’épiderme (a) composé de cellules arrondies très-transparentes, à noyaux elliptiques et
uniformément aplatis. Ces cellules, dont les contours sont fort nettement accusés,
sont agglutinées par une matière visqueuse, et l’on peut se convaincre facilement que
les plus externes de cette couche épidermoïdale sont en général plus aplaties et plus
irréguliéres que celles qui touchent la couche écaillée de la peau. Ces dernières sont
toujours plus globuleuses et plus transparentes. La mucosité qui recouvre toute la
surface du poisson n’est autre chose que cet épiderme, qui se renouvelle, à mesure que
les cellules les plus externes se perdent.
La seconde couche de la peau b, que nous appelons la couche écaillère , entoure les
écailles de tous côtés, et forme des poches assez basses, dans lesquelles les écailles
sont enfermées. Elle est tellement surchargée de piment, qu’il nous à été impossible
de reconnaître exactement la nature des fibres dont elle est composée, d’autant plus que
le piment n’est pas homogène, mais de plusieurs espèces. Néanmoins il y a quelques
indices qui semblent prouver que ces fibres ne se distinguent pas des fibres conjonc-
— 108 —
tives en général. Le piment noir, qui se trouve en abondance dans toutes les parties
de la peau, est formé par des cellules étoilées, montrant quelquefois , mais assez ra-
rement, des noyaux plus clairs. Les ramifications de ces cellules sont souvent fort tor-
tueuses et assez alongées ; mais nous n’avons jamais pu rencontrer, chez la Truite, des
branches terminales tournées en spirale, telles que M. Peters les a vues sur d’autres
poissons. Le piment jaune se présente sous la forme de taches rondes, indistinctement
limitées en dehors, et beaucoup plus petites que les cellules à piment noir. On aper-
çoit au milieu une petite tache ronde, plus foncée, qui probablement entoure le noyau
de la cellule primitive de piment. Le piment rouge ne parait être qu’une modification
du piment jaune. Il forme presque toujours des taches plus ou moins grandes, qui
paraissent nettement circonscrites à l’œil nu ; mais qui, lorsqu'on les examine au mi-
croscope, montrent sur leurs confins des cellules assez semblables à celles du piment
jaune, remplies seulement d’un contenu plus foncé. Le noyau disparait d’abord; les
petits points rouges affectent une circonscription moins nette, s’alongent et se rami-
fient à l’instar des cellules à piment noir, et à la fin toutes ces cellules rouges sont
tellement accumulées et entrelacées les unes dans les autres, qu’au milieu d’une
grande tache visible à l’œil nu, il est impossible de reconnaître leur structure intime.
Ces différens pimens paraissent ainsi être de même nature, c’est-à-dire, des amas
de substance colorante, déposés dans des cellules distinctes. C’est de ces pimens et de
leur accumulation diverse, que dépendent toutes les couleurs non métalliques de la
Truite. Les teintes verdâtres et bleuâtres que l’on trouve sur la tête et sur le dos de
ces poissons, sont particulièrement dues à l’accumulation et à la pénétration du pi-
ment jaune et noir.
Les couleurs métalliques de la Truite, et surtout les teintes d'argent vif et d'argent
mat, proviennent de petites paillettes plates, alongées, à extrémités pointues, qui
sont surtout très-développées sur les écailles, et qui reposent immédiatement sur
leurs deux faces. Les paillettes des membranes qui ont un éclat d’argent mat, comme
par exemple la couche la plus interne de la peau, la couche externe de la chorioïde,
sont beaucoup plus petites que les paillettes qui se trouvent sur les écailles , et qui oc-
casionnent cet éclat si vif que l’on remarque sur la peau des Truites. Ces grandes
paillettes brillent, sous le microscope, de toutes les couleurs du spectre, et il parait
que c’est surtout à cette décomposition et à cette réfraction puissante de la lumière,
qu’il faut attribuer l'aspect si différent que présentent les Truites, suivant leur posi-
tion vis-à-vis de la lumière.
Ce n’est que dans celte seconde couche, et uniquement dans celle-ci, que sont dé-
— 109 —
posées les écailles. Quant à la structure des écailles, nous nous en reférons à ce qui
en a été dit dans le premier volume des Recherches sur les Poissons fossiles, et nous
rappellerons seulement ici, que les écailles de la Truite sont composées de deux
couches, dont l’une, la plus interne, est distinctement lamellaire, tandis que la
couche supérieure ressemble plutôt par son aspect nacré à une couche d’émail très-
mince, Les lignes concentriques, qui se trouvent à la face extérieure de l’écaille, se
présentent, sur des coupes transversales, comme des collicules relevés, et il est fa-
cile de démontrer qu’elles ne sont autre chose que des bandes circulaires en relief, à
la face externe de l’écaille. La partie de la membrane écaillère, qui recouvre les
écailles, et forme les poches dans lesquelles les écailles sont renfermées , est beaucoup
plus mince que celle sur laquelle les écailles reposent ; mais elles ne différent nulle-
ment dans leur structure.
La troisième couche de la peau (c) ou le derme proprement dit, est fort épaisse
en quelques endroits. Elle ne contient plus de piment; mais elle est essentiellement
formée de fibres roides, grossières, lisses et fort cassantes, qui sont perpendicu-
laires à la surface de l’animal. Ces fibres n’ont point d’analogue dans les animaux
supérieurs , si ce n’est qu’elles ressemblent quelque peu aux fibres élastiques du liga-
ment nuchal ; dans quelques endroits, surtout dans les parties dépourvues d’écailles,
leur roideur est telle, qu’on croirait quelquefois avoir à faire à des piquans micros-
copiques. Elles sont réunies par des fibres conjonctives qui courent dans la direction
de la peau.
Enfin la couche la plus intime de la peau, celle qui repose immédiatement sur les
muscles et sur les os, et qui se sépare souvent en grands lambeaux, ayant plus
d’adhérence avec les muscles qu'avec le derme , est formée par un tissu de fibres con-
jonctives, dans lequel sont déposées une quantité de petites paillettes argentées, mé-
lées à des cellules à piment noir. Nous l’appelons la couche argentée de la peau.
Les parties de la peau, qui sont dépourvues d’écailles, ressemblent en tout point à
celles que nous venons de décrire, avec cette différence pourtant, que la couche écail-
lère se confond insensiblement avec le derme proprement dit, si bien que les pimens
divers sont tout aussi uniformément répandus entre les fibres du derme, surtout à la
face externe de ce dernier. Pour rendre cette différence plus sensible, nous avons re-
présenté (Tab. O, fig. 13) une coupe mince de l’extrémité de la nageoïre adipeuse.
On y voit les fibres du derme (c) disposées comme les voussures d’une voüte, et par-
semées de différens pimens à leur partie externe.
ER
ANGIOLOGIE.
DU CŒUR.
Tab. O;, fig. 4—7.
,
Le cœur de la Truite est fort simple, comme celui de tous les poissons; ce n’est
d’abord qu’un tube musculeux destiné à chasser, au moyen de ses contractions, le sang
veineux qui revient du corps dansles organes respiratoires. La masse entière du sang
des poissons passe par les branchies pour y être exposée à l’action oxydante de l'élément
ambiant; elle y est poussée par le cœur, qui, en ceci, est analogue au cœur droit des
animaux supérieurs ; mais il n’y a pas de cœur gauche pour recevoir le sang revenant
des organes respiratoires, et le pousser dans les artères en lui imprimant une nouvelle
force. La grande différence qui existe par conséquent entre la circulation des animaux
supérieurs, les mammifères, par exemple, et celle des poissons, consiste en ce que, à
l'exception de la cireulation dans la veine-porte, le sang des mammifères recoit une
nouvelle impulsion du cœur, après chaque passage par un système capillaire, tandis
que chez les poissons, le sang passe successivement par deux systèmes capillaires in-
dépendans, avant de revenir au cœur. Le sang des mammifères est chassé du cœur
droit dans les vaisseaux capillaires des poumons, et retourne au cœur gauche pour y
recevoir une nouvelle impulsion qui le fait passer dans les artères, les capillaires et
les veines du corps; le sang des poissons est poussé dans les artères des branchies , à
travers les réseaux capillaires respiratoires , et après s'être rassemblé dans les veines
des branchies, il continue à couler dans les artères, les capillaires et les veines du
corps, sans recevoir une seconde impulsion. Le cours très-lent et uniforme du sang
dans les vaisseaux, et l'absence de tout mouvement saccadé dans les artères, sauf
celles des branchies, qui dépendent directement du cœur, sont les conséquences néces-
saires de cet arrangement. En effet, on sait que le pouls n’existe que dans les artères
qui ne sont pas séparées du cœur par l’interposition d’un système capillaire; or,
comme chez les poissons, le réseau capillaire des branchies se place entre le cœur et
les artères du corps, le mouvement saccadé manque et le sang coule uniformément,
comme dans les veines des autres animaux ; c’est ce dont on peut facilement se con-
vaincre en coupant l’aorte d’un poisson quelconque.
— A11l —
Le cœur est fixé dans un espace triangulaire, circonscrit latéralement par les bras
horizontaux de la clavicule, et en bas par la peau de la gorge (*). Cet espace, dont
la pointe est tournée en avant, est limité en arrière par le péritoine fibreux qui forme
une espèce de diaphragme entre la cavité abdominale et le sac du péricarde. Le cœur,
dans son ensemble, imite les contours de cet espace ; il a la forme d’une pyramide
tétraèdre, sa pointe est tournée en avant, sa base oblique en arrière et appliquée contre
la diaphragme ; la quille antérieure (Tab. O, fig. 4 et 5), formée par le ventricule et le
bulbe de l'artère branchiale, est parallèle à l’axe du corps. La face de la pyramide qui
est tournée en haut, est formée uniquement par l'oreillette (Tab. O, fig. 7), et l’o-
rifice de la grande veine du corps se trouve à la partie supérieure de cette face. Li-
brement suspendu dans l’espace du péricarde, le cœur n’est retenu que par le péri-
carde lui-même, dont nous décrirons plus tard la disposition. Il n’y a pas, chez la
Truite, de ces ligamens fibreux, qui fixent la pointe du ventricule au péricarde, comme
c’est le cas chez beaucoup d’autres poissons.
Troiscavités (fig. 6)se succèdent dans le cœur des poissons, communiquant l’une avec
l’autre par une ouverture simple pourvue de valvules , afin d'empêcher le reflux de
la masse du sang; ce sont l'oreillette, recevantlesang veineux du corps, le ventricule
et le bulbe aortique , par lequel le sang sort , pour couler à travers les réseaux respi-
ratoires des branchies. Ces cavités ne sont pas sur la même ligne; l'oreillette est à la
face supérieure du cœur , au-dessus des deux autres ; elle communique par une ouver-
ture verticale avec le ventricule, qui est sur la même ligne horizontale que le bulbe ,
de manière que le flux du sang décrit un angle droit dans le ventricule.
L’oreillette (a) (fig. 5, 6, 7)est un sac triangulaire , plat, rugeux reposant sur la
face postérieure du ventricule et du bulbe, et se prolongeant en arrière sous la forme
de deux auricules latérales, dont la droite est plus large, tandis que celle de gauche
g. 7). Les pointes de ces auricules dépassent de chaque côté le
ventricule. La paroi de l'oreillette est mince ; aussi s’affaisse-t-elle complètement, du
moment qu’elle est vide ; tandis que, remplie, elle offre un volume plus considérable
que tout le reste du cœur. Une seule grande ouverture se voit à la face postérieure de
l'oreillette, à la naissance des deux auricules (x). Cette ouverture communique directe-
est plus longue (fi
ment avec le conduit commun des veines, situé hors du péricarde; elle est irrégulié-
rement triangulaire, et munie d’une valve double à deux lobes opposés, qui sont at-
tachés sur la paroi de l'oreillette, et disposés de manière à fermer le passage à tout
() Tab. A, B et C; fig. 2et 3.
— 112 —
courant venant de l’oreillette, tandis qu’elles donnent libre passage au sang venant
des veines et entrant dans le cœur.
Les nombreux essais que nous avons faits pour injecter le système veineux depuis
le cœur, nous ont convaincu que ces valves ferment hermétiquement , et qu’il ne peut,
par conséquent, y avoir de reflux notable dans les veines pendant les contractions de
l'oreillette. La cavité de loreillette est simple; on y remarque une grande quantité
de faisceaux musculaires, disposés dans toutes les directions , mais qui sont en géné-
ral assez minces. Le seul indice d’une séparation de l'oreillette en deux moitiés,
telle qu’elle existe chez les reptiles, consiste en un faisceau musculaire plus consi-
dérable, longeant la ligne médiane de l'oreillette, depuis l’ouverture veineuse jus-
qu’au sommet antérieur.
Le centricule (b) (fig. 4,5, 6), communique par une seule ouverture avec l'oreillette;
il est de forme pyramidale. Sa base qui est tournée vers le diaphragme est tronquée
obliquement , tandis qu’au sommet de la pyramide repose le bulbe artériel. Le som-
met de la pyramide est traversé par l'ouverture artério-ventriculaire. Les deux faces
qui confluent en bas en une large quille, sont les plus grandes. Le ventricule est très
ferme et excessivement charnu. La cavité qu’il renferme et qui répète la forme du ven-
tricule lui-même, occupe à peine le tiers de la masse. On reconnait dans la substance
musculaire qui l’entoure , deux couches parfaitement distinctes. La couche extérieure
est la plus mince ; elle est composée de fibres longitudinales , faisant le tour de la pyra-
mide et placées parallèlement les unes à côté des autres , à-peu-près comme dans les
muscles volontaires. On ne rencontre que çà et là des fibres transversales ; encore
sont-elles tellement serrées, qu’il n’y a pas de tissu conjonctif entr’elles. En dedans de
cette couche il y en a une seconde beaucoup plus volumineuse et d’un aspect réticulé:
elle est formée de fibres musculaires semblables, mais réunies en faisceaux qui se croi-
sent dans tous les sens, et sont séparées par des interstices nombreux communiquant
avec la grande cavité centrale du ventricule. Qu'on se figure les trapécules charnus
d’un cœur humain beaucoup plus délicats et beaucoup plus nombreux, et l’on aura l’i-
mage de la disposition que présentent ces faisceaux dans le ventricule des poissons.
L'ouverture atrio-ventriculaire est un peu plus petite que l'ouverture veineuse de l’o-
reillette ; elle est protégée comme celle-ci , par une double valvule membraneuse, qui
ferme complètement et ne donne un libre passage qu’au sang venant de l’oreillette.
Cette valvule ressemble à la valvule mitrale de l'homme.
Le bulbe artériel (ce), qui fait suite au ventricule, a la forme d’une massue, renflée
du côté qui touche le ventricule (fig. 4, 5). Mais malgré ce renflement sa cavité est
— 113 —
moins large que dans le voisinage du ventricule ; les fibres musculaires dont est formé
le renflement, sont encore plus serrées que celles de la couche extérieure du ventri-
cule ; elles se rapprochent même par leur nature des fibres tendineuses. L'ouverture
par laquelle le ventricule communique avec le bulbe, est garnie de deux poches
membraneuses qui constituent une valvule incomplète, semblable à celle qui existe
dans les veines et dans les vaisseaux lymphatiques de l’homme.
Le péricarde enveloppe uniformément toutes les parties du cœur, sous la forme
d'une membrane très-mince ; il revêt en outre une partie de l'artère branchiale , avant
de se replier sur la paroi de la cavité, dans laquelle le cœur est suspendu, et c’est
après avoir lapissé cette dernière dans toute son étendue , qu’il revient au cœur, près
de l'ouverture veineuse de l'oreillette.
DES BRANCHIES.
Tab. O, fig. 1,2, 3,8 et 9.
Les branchies de la Truite sont composées de chaque côté de quatre arcs de doubles
feuillets raides, pointus au sommet, tranchants sur les bords et colorés d’un rouge
très intense pendant la vie. Les feuillets reposent par leur base sur larc branchial ,
auquel ils sont réunis par une forte membrane, qui se prolonge aussi entre les feuil-
lets eux-mêmes, jusqu’à la moitié de leur hauteur, et les réunit ainsi par paires à leur
base. Il est facile de constater cette disposition, en écartant les feuillets d’un are bran-
chial d’un poisson quelconque. Dans la position normale des arcs branchiaux, les
feuillets sont tournés en arrière et se recouvrent les uns les autres, de manière qu’en
enlevant l’opercule qui les cache, on ne voit que la face supérieure de la première
rangée de feuillets, ceux des autres arcs n’étant visibles que par leur bord postérieur
(fig. 9, o). Pendant la vie, les feuillets des différens arcs sont toujours écartés, sur-
tout au moment de l'expiration , où l’eau , poussée à travers l’ouverture branchiale,
sort de la cavité buccale par toutes les fentes. La longueur des feuillets diminue en
général d’avant en arrière, et s’il est vrai que ceux du second arc ont à-peu-près les
mêmes dimensions que ceux du premier, ceux du troisième et du quatrième are sont
en revanche sensiblement plus courts. Il en est de mème de la longueur des feuillets
d’un même arc; ceux du milieu de l'arc sont les plus grands, et à partir de ce point
culminant de l'arc branchial, leur longueur diminue graduellement du côté du cräne
aussi bien que du côté de la gorge.
Tovwe III. 15
— A1k —
Nous avons déjà mentionné la singulière structure des supports osseux des feuillets, en
parlant du tissu musculaire en général. Nous rappellerons ici que ces supports ont en
général la forme des feuillets, qu’ils ont une base en équerre plussolide , par laquelle
ils sont attachés au bord relevé de l’arc, sur lequel ils se meuvent assez facilement,
surtout d'avant en arrière. Quant à leur signification générale, les supports aussi bien
que les feuillets branchiaux en général, ne font point partie intégrante des os, sur
lesquels ils sont fixés. Les arcs osseux de l'hyoïde ne deviennent branchifères que dans
les poissons et quelques reptiles ; et là même, ils ne le sont pas toujours, car nous
avons vu que le dernier arc de l'hyoïde , l’arc pharyngien aussi bien que l'arc hyoïde
proprement dit, peuvent ne pas participer à la fonction respiratoire, sans cesser pour cela
d’être des ares hyoïdiens. D'ailleurs , la preuve que dans les poissons osseux, la fonc-
tion respiratoire peut être indépendante des arcs osseux , nous est donnée dans le fait,
que les supports et les feuillets supérieurs et inférieurs ne reposent plus sur l'arc,
mais en sont tout-à-fait séparés , fixés qu’ils sont sur la membrane qui tapisse en haut
la cavité branchiale et en bas les faces de los hyoïde. Chez d’autres poissons, les arcs
se dépouillent petit à petit de leurs feuillets, de manière que certains genres n’en ont
que deux paires et demi de chaque côté, au lieu de quatre.
Les supports des feuillets sont revêtus de chaque côté d’une membrane fibreuse très-
lâche, mais assez épaisse, dont le tissu ne paraît être là, que pour servir de trame
aux réseaux innombrables des vaisseaux sanguins , qui se ramifient à sa surface. Ce-
pendant cette membrane ne revêt pas uniformément tout le feuillet ; elle forme des
replis transverses sur l’are du feuillet, qui diminuent de bas en haut, et qui, sous un
faible grossissement , se présentent à-peu-près comme des tuiles carrées imbriquées.
Cest sur ces replis de la muqueuse, que se déploient les réseaux sanguins dont
nous parlerons plus loin.
Un appareil important pour les fonctions des feuillets branchiaux, c’est l'appareil
musculaire qui, dans ces derniers temps, a été décrit avec soin par M. Duvernoy dans
ses études sur les branchies de l’Esturgeon (*). Comme la Truite commune n’a que des
branchies très petites, nous avons eu recours à la Truite du lac pour examiner les
muscles propres des feuillets branchiaux. Voici le résultat de nos recherches.
Les fibres musculaires des branchies se développent entre les deux rangées de feuil-
lets d’un même arc, dans la membrane médiane qui réunit ces mêmes feuillets (fig. 2
et3); quelquefois l’on réussit à mettre en évidence plusieurs rangées de faisceaux, mais
(*) Annales des Sciences naturelles, tom. XII (2: sér.) pag. 65.
— A5 —
c’est toujours une opération difficile. En fendant la membrane par le milieu et en
examinant l’une des faces mises à découvert (fig. 2), on voit des faisceaux musclaires (c)
monter depuis la base des feuillets, et se réunir au milieu en une seule masse (b) puis
diverger de nouveau, pour aller s'attacher au milieu des feuillets (a) à l'endroit où
la membrane de réunion rencontre ces derniers. Il y a donc, entre deux feuillets de
la même rangée, une masse musculaire en forme de croix, dont les quatre branches
fixées d’une part sur la base , de l’autre à mi-hauteur des feuillets , se réunissent dans
un seul centre. La contraction de ces faisceaux réunis en croix, doit avoir pour effet de
rapprocher deux à deux les feuillets de la même rangée.
On obtient une croix musculaire semblable, en coupant l'arc branchial transversa-
lement (fig. 5), de manière à avoir sous les yeux deux feuillets opposés , appartenant
à deux rangées différentes du même arc; seulement les fibres sont plus confuses : elles
partent d’une part, de la base , et d’autre part du milieu des feuillets (a, a) pour se
réunir en une masse (b) entre ces feuillets opposés, absolument comme dans le cas
précédent. Les feuillets opposés, appartenant à deux rangées différentes du même
are, peuvent ainsi être rapprochés et écartés alternativement par la contraction de ces
muscles.
Nous voyons par-là que chaque feuillet est en quelque sorte pourvu de plusieurs
muscles séparés, dont les uns servent à le rapprocher de son voisin du même arc, les
autres, de son vis-à-vis. L'action de ces muscles est à la vérité restreinte par la petitesse
de leurs faisceaux et par le rapprochement des feuillets, mais elle n'existe pas moins,
et il est facile de l’apercevoir sur des poissons mourans où les muscles subissent des
contractions spasmodiques. On voit alors les feuillets des arcs branchiaux s’écarter et
se rapprocher dans tous les sens ; tandis que durant la vie et aussi longtemps que la
respiration est normale, on n’apercçoit que de faibles oscillations , à peine visibles.
En résumé, les parties essentielles des branchies se réduisent aux organes sui-
vans : 1° Les supports osseux implantés en double rangée sur les ares branchiaux
et réunis ensemble, jusqu'à une certaine hauteur, par une membrane médiane
formant la continuation de la muqueuse; 2° une muqueuse étendue sur les feuillets
et plissée transversalement pour offrir plus de surface aux vaisseaux capillaires et
enfin, 5° un appareil de faisceaux musculaires destiné à mouvoir les feuillets et à les
maintenir par-là en contact continuel avec l'élément ambiant.
Nous traiterons plus loin des vaisseaux sanguins des réseaux respiratoires et nu-
tritifs des branchies.
— 116 —
DES ARTÈRES ET DES VEINES BRANCHIALES.
Tab. K, fig. 2. — Tab. L, fig. 1 et 2. — Tab. O, fig. 1 (*).
”
Le bulbe artériel se prolonge directement en avant sous la forme d’une artère
épaisse et volumineuse (*), l'artère branchiale commune (1) qui s'étend jusque vers
les deux premiers ares branchiaux, en conservant la direction du bulbe. Les parois de
cette artère sont plus épaisses que celles de tous les autres vaisseaux. Sa forme est cy-
lindrique comme celle de tous les vaisseaux sanguins; c’est presque la seule artère
qui reste béante , quand on la coupe. Elle occupe la ligne médiane et il est très-facile
de la suivre en la préparant depuis le péricarde qu’elle traverse tôt après sa nais-
sance.
C'est par cette artère que le sang rassemblé dans le cœur , de toutes les parties du
corps , est porté dans les branchies, pour y être soumis à l’acte de la respiration.
Les arcs ont chacun leur artère propre (***), les artères des ares (2); il y en a par
conséquent quatre de chaque côté ; elles suivent la courbure des arcs dans toute leur
étendue jusqu’à la dernière paire de feuillet, en donnant à chaque feuillet une bran-
che qui se ramifie à sa surface.
Les artères des troisième et quatrième arc naissent ensemble; elles ne se sépa-
rent que vers l'articulation du quatrième arc. La première et la seconde artère naiïs-
sent séparément ; nous avons aussi remarqué quelquefois que la seconde artère bran-
chiale naissait, si non d’un tronc commun avec les deux dernières, du moins assez
près d’elle (Tab. L. fig. 1). L’artère branchiale commune n’émet aucun autre filet ;
son extrémité semble tronquée, parce que les artères du premier arc se rendent pres-
que à angle droit vers leur branchie.
Chaque artère se loge dans un sillon creusé à la face extérieure de l’arc branchial,
où il se continue jusqu’à son extrémité. Les branchies au contraire s’étendent bien au-
delà de leurs arcs respectifs du côté ventral ; aussi l’artère arrivée au sommet de l’are,
où se trouvent les branchies, détache-t-elle une artère qui se recourbe pour suivre
la branchie et la pourvoir jusque dans ses derniers feuillets.
L’artère occupe sur l’arc une position moyenne entre la veine branchiale en dedans,
qui conduit le sang modifié par la respiration vers l’aorte, et la veine bronchique
(*) Les artères sont en vermillon; les veines en carmin.
Ç*) Tab. K , fig. 2, — Tab. L, fig. 1. (*) Tab. L, fig 1.
— A17 —
en dehors, qui ramène à la veine de Duvernoy le sang qui à servi à la nutrition de
la branchie. -On conçoit aisément que le rapport de volume entre ces vaisseaux doit
être très-différent , et que suivant qu’on les prend dans tel ou tel endroit de leur
cours, ce sera l’artère ou la veine qui l’emportera. Il n’y a guère que la veine bron-
chique qui conserve presque partout la même capacité, parce qu’en haut où son
diamètre devrait être moindre, la communication avec les canaux muciques supplée au
défaut de vaisseaux sanguins qui y aboutissent. L’artère au contraire, en donnant un ra-
meau considérable à chaque feuillet de la branchie, s’amincit vers le haut, tandis que la
veine branchiale , renforcée à chaque feuillet par le rameau qui lui amène le sang des
branchies, va en augmentant vers le haut et vers l’aorte. En coupant un arc par le
milieu, on trouvera donc les trois vaisseaux à-peu-près du même volume, mais plus
on remontera , plus la veine branchiale gagnera en capacité, plus on déescendra,
plus elle diminuera. La même chose à lieu en sens inverse pour l'artère branchiale.
Les ramifications de l'artère sur les feuillets branchiaux ou les artères respira-
toires des feuillets branchiaux (3) , sont très-régulières et uniformes (*). Souvent il
n’y a pour une paire de feuillets qu’un seul tronc ascendant qui se divise ensuite en
deux branches, une pour chaque feuillet ; souvent aussi ces branches sont séparées
dès leur origine. Elles sont comme les feuillets à angle droit avec l’axe de l'arc
branchial. Elles remontent le long du bord interne du feuillet, sur sa tranche, et
envoyent des rameaux sur ses deux faces. Nous avons remarqué, dans la description
des branchies qui précède, que la muqueuse, dans laquelle ont lieu les ramifications
des vaisseaux , présente de nombreux plis ou de petits feuillets transversaux , qui sont
fixés au plan du feuillet par leurs bases, et dont les bords libres flottent dans l’eau au-
tant que le permet leur hauteur assez peu considérable. À chacun de ces plis ‘ré-
pond une branche de l'artère; de sorte qu’en voyant l’ensemble de l'artère avec ses
nombreuses branches dirigées sur les deux faces du feuillet, on la comparerait volon-
tiers à une plume à barbes régulières. Nous n’avons pas observé de ces bulbilles
ou petits gonflemens , que M. Hyrtl (*), dans son travail remarquable sur la circula-
tion du sang des poissons, dit exister sur les branches artérielles des petits feuillets.
Ce que nous avons vu n’était que des courbures des artérioles qui présentaient cette
forme sous le microscope. |
Quand une branche de l'artère a atteint le petit feuillet auquel elle est destinée,
elle se décompose en un réseau capillaire à mailles extrêmement serrées , sans former
(*) Tab. O, fig. 1.
(**) Medizinische Jahrbücher des Oesterreichischen Staates, Neueste Folge, T. XV, anno 1838.
— 118 —
d’autres ramifications. Aussi , en examinant ce réseau , on trouve que les divers capil-
laires qui le forment, occupent beaucoup plus d'espace que les interstices, qui sont
en général plus ou moins ronds où carrés. Gràce à cette forme des réseaux ca-
pillaires, destinée sans doute à offrir la plus grande surface à l'élément de la respira-
tion, la muqueuse des branchies se rapproche beaucoup de celle des poumons , no-
tamment chez les reptiles.
Le sang , après avoir parcouru les nombreux réseaux capillaires des petits feuillets
ou plis de la muqueuse, se rassemble dans les racines des veines branchiales (4) (*),
qui sont arrangées exactement de la même manière que les artères, avec cette seule dif-
férence , que les branches longent le bord externe des feuillets, tandis que les artères
occupent le bord interne. Chaque arc a son tronc propre, sa veine des ares (5). avec
des branches pour chaque feuillet et des rameaux pour chaque petit feuillet.
Le courant qui amène le sang veineux du cœur dans les branchies, monte done
le long de la courbure des arcs, pour ensuite remonter le long du bord interne des
feuillets branchiaux, et exposer à l’action de l’eau dans les réseaux capillaires , le sang
qui a servi à la nutrition du corps. Après avoir subi l'influence de la respiration, le
sang , devenu artériel, se verse dans les branches veineuses des feuillets, descend le
long du bord extérieur de ces feuillets, pour remonter par la veine de l'arc, vers
l'aorte , et se porter dans les différentes parties du corps.
Les veines branchiales conduisent ainsi du sang artériel, et les artères branchiales
du sang veineux ; de même que les artères pulmonaires des animaux respirant l'air
élastique, charrient du sang artériel et les artères pulmonaires du sang veineux.
Outre ce réseau respiratoire des feuillets branchiaux , il en existe un autre dont les
recherches de M. Muller (**) nous ont révélé l’existence, c’est le réseau nutritif. D’a-
près M. Muller, la veine du feuillet détache de loin en loin un petit filet, qui, appli-
qué contre le support cartilagineux , sur le fond de la muqueuse , se ramifie à l'instar
des réseaux capillaires que l’on connaît dans d’autres organes, et dont les mailles
très-larges différent ‘essentiellement des mailles du réseau respiratoire si dense et si
serré. Le sang, qui parcourt ces ramifications, est ramené au cœur par les veines
bronchiques, ou veines de Duvernoy, comme M. Muller appelle ces petites branches,
Nous avons reproduit dans la fig. 1. de Tab. O., le dessin que M. Muller a donné deces
vaisseaux chez un poisson dont il n’indique pas le nom. Nous avons en effet fort bien
(t) Tab. 0. fig. 1.
(*) Vergleichende Anatomie der Myxinoïden. Dritte Fortsetz. Gefässystem. Dans les Mémoires de l’Aca-
démie de Berlin, pour l’année 1839.
— 119 —
distingué les ramifications de la veine de Duvernoy, telles qu’elles sont ici représentées ;
mais quant aux rameaux nutritifs, sans prétendre en aucune façon contester leur exis-
tence, nous devons convenir que nous n'avons pas réussi à les apercevoir, malgré
toutes les peines que nous nous sommes données.
DES ARTÈRES DE LA TÊTE (*).
Tab. K, fig. 1 et 2. — Tab. L, fig. 2 et 3.
Nous venons de décrire la manière dont les capillaires des feuillets branchiaux qui
longent l'arc branchial, se réunissent en troncs artériels, qu’on a nommés fort mal à
propos veines branchiales. Les veines branchiales qui conduisent le sang artériel ,
aboutissent au-dessous du crâne à un vaisseau commun , l'aorte (6) (Tab. L, fig. 2).
Voici de quelle manière a lieu cette réunion :
Au haut de son are, la première veine branchiale (5) donne quelques artères à la
tête, puis se dirige en arrière, étant appliquée contre la face extérieure du crâne.
Arrivée à l'insertion du second arc branchial (5), elle se réunit à la veine de cet
arc, et de la réunion des deux veines nait un vaisseau transverse , qui se dirige
. directement vers la ligne médiane pour y rencontrer le même vaisseau de l’autre
côté, se réunir à lui, et former un tronc commun, qui est le commencement de
l’aorte' (6). Ce tronc est situé au-dessus de tous les nerfs et vaisseaux qui se trou-
vent dans les environs, et appliqué sur la face inférieure de linsertion du grand mus-
cle latéral. IL occupe exactement la ligne médiane. Les veines des deux autres arcs
branchiaux , passant au - dessous des insertions du grand muscle latéral, ne se
réunissent qu'immédiatement avant de s’ouvrir dans le tronc commun de l'aorte. Il y
a même beaucoup de variations à ce sujet, les deux veines étant quelquefois , dans le
même individu, disjointes d'un côté, tandis que de l’autre elles se réunissent en un
tronc commun assez long, qui s’ouvre dans l’aorte.
C’est à ce tronc commun de l'aorte, que se rattache la grande masse des artères
du corps et des viscères. Mais comme il y a aussi plusieurs branches très-importan-
tes, notamment celles destinées à la tête, qui partent des veines branchiales avant
leur réunion en un tronc commun , nous essayerons d’abord de décrire le trajet de
ces branches, avant de nous occuper des artères aortiques.
(*) Les artères de la tête sont en carmin.
— 420 —
Assez près de la naissance de l'arc branchial, c’est-à-dire près de son tiers inférieur,
une artère assez considérable se détache de la première veine branchiale. Cette artère,
que nous nommons artère hyoïdale (7), descend le long de l’arc, en suivant l'artère
branchiale, jusque vers l'articulation inférieure de l'arc. Ici, elle s'applique sur le côté
du corps de l’hyoïde (n° 41), pénétre entre les pièces articulaires de l’are hyoïde (n° 39
et 40) et reparaît à la face extérieure de l’arc hyoïde (n° 58 et 39 ) qu’elle suit dans
toute sa longueur, étant logée dans un sillon quelquefois assez profond de cet os.
Pendant ce trajet (Tab. K. fig. 2) elle fournit d’abord un rameau considérable, qui,
après avoir suivi le corps de l’hyoïde dans toute sa longueur, s’en détache au mo-
ment où l'artère paraît sur la face extérieure de l’appareil hyoïde ; elle détache ensuite
différentes petites branches pour les muscles et membranes, entre l'appareil hyoïdal
et la mâchoire inférieure. Arrivée près de l'articulation de la branche de l’hyoïde
avec l’arcade temporale, l'artère traverse la joue près de los tympano-malléal, et
parait à la face extérieure de la joue, recouverte par les grandes masses musculaires ,
destinées à la mastication (Tab. K. fig. 1 ). Elle émet ici plusieurs branches, dont
une assez considérable, qui longe la mâchoire inférieure , une autre qui remonte le
sillon du préopercule, et de petits rameaux pour les muscles qui recouvrent la joue.
Mais l'artère ne fait qu’une courte apparition sur la joue, elle la traverse de nouveau
entre la caisse et le mastoïdien (n° 25 et 27) pour se rendre vers la fausse branchie.
Comme nous l’avons dit plus haut, la fausse branchie est composée, à-peu-près
comme les véritables branchies, de feuillets droits et minces , soutenus par des sup-
ports cartilagineux, et collés par leur face extérieure à l'appareil hyoïde. Arrivée
à la base de cet organe, l’artère longe son bord et donne à chaque feuillet un ra-
meau considérable , qui remonte le long de sa face extérieure. Les premiers feuil-
lets recoivent leurs rameaux d’une branche de l'artère, les autres directement du
tronc lui-même. L’artère tout entière disparaît dans ces branches des feuillets, et
il n’y a pas la moindre ramification qui aille de côté. En remontant le long de la
face extérieure des feuillets (celle qui est collée à la paroi de la cavité branchiale) ,
on voit les branches se diviser en une multitude de petits ramaux, qui tous se
détachent à-peu-près à angle droit et se rendent à la face extérieure, en embrassant
des deux côtés les feuillets. Ces rameaux se subdivisent à leur tour en capillaires, dont
les réseaux ont le même caractère rectiligne. A la face intérieure (libre) des feuillets,
les capillaires se rassemblent de nouveau dans de petites branches, qui s'ouvrent
dans les racines de la veine pseudobranchiale ; celle-ci présente à sa surface interne
et libre le même arrangement que l'artère à la face extérieure de la branchie.
— 121 —
La pseudobranchie n’est donc qu’une forme particulière de ce singulier arrange-
ment des troncs sanguins , qu’on a nommé rete mirabile, et donc le caractère essentiel
consiste dans cette particularité des troncs, de se diviser en une multitude de canaux
plus ou moins spacieux, pour ensuite se réunir de nouveau en un tronc, sans que le
sang change de nature, comme dans les réseaux capillaires, et devienne veineux
d’artériel qu’il était ou vice-versa.
La veine pseudobranchiale (8) (*) située assez superficiellement sous la muqueuse
de la bouche, se continue sur le bourrelet, entre la première fente branchiale et le pa-
lais, vers la ligne médiane du corps. Arrivée sur le côté de l'os sphénoïde (n° 6), à
l'endroit où cet os forme le bord de l'orbite, elle disparait insensiblement entre les
muscles et communique par une forte branche transversale avec celle de l’autre côté
(Tab. L. fig. 1 et 2). Cette branche, qui est courte parce que les deux veines se
rapprochent assez sur la ligne médiane, est la plus superficielle de toutes les branches
anastomotiques de ce côté, et on la déchire assez facilement si l’on n’a pas soin
d’enlever l’arc sphénoïde à la face supérieure duquel elle est située.
Après avoir fourni cette branche anastomotique, le vaisseau entre dans l'orbite et
se colle au nerf optique qu’il accompagne dans toute sa longueur, sans donner la
moindre branche. Il pénètre avec lui à travers la sclérotique, et ce n’est qu'après
avoir traversé cette membrane , qu’il trouve l’organe auquel il est destiné, savoir le
corps rouge semi-lunaire de la chorioïde.
Arrivée auprès de ce corps, l'artère se sépare en deux branches, qui longent le
bord interne de l'organe en fournissant de nombreuses ramifications. Tout le corps
chorioïdal n’est qu'un amas de vaisseaux capillaires, rayonnant depuis le centre vers la
périphérie et présentant de nombreuses anastomoses. C’est cet arrangement linéaire
des capillaires qui donne au corps rouge son apparence striée. Nous ne saurions dire,
d’après nos propres observations , ce que deviennent les veines, qui reconduisent le
sang depuis le corps rouge de la chorioïde. Il est probable qu'elles vont à la chorioïde;
pour en être sûr, il faudrait, au moyen d'injections, faire passer le sang au travers du
réseau capillaire du corps rouge. Or, malgré tous nos efforts, cette opération ne nous
a pas encore réussi.
On doit la découverte de cet arrangement curieux des vaisseaux de la pseudobran-
chie et de la chorioïde à M. J. Müller, qui l’a décrit avec une si grande précision
dans son Anatomie comparée des Myæxinoides, qu’il ne nous est resté qu’à en constater
(*) Tab. L, fig. 1,2et3, colorée en violet,
Tome III. 16
— 122 —
l'existence sur la Truite. Or, quoique faites principalement sur un poisson d’un genre
tout différent du nôtre, le Gadus cullarias, les recherches de M. Müller ne nous laissent
rien à ajouter; d’où nous concluerons, que cette disposition est bien la même chez tous
les poissons osseux, puisqu'elle se trouve si parfaitement conforme chez notre Truite.
Au moment de se fléchir en arrière, au haut de son arc, pour joindre l'aorte, la pre-
mière veine branchiale donne un vaisseau très-considérable, l'artère céphalique (9),
dont le tronc très-court (Tab. L, fig. 1) se divise de suite en deux branches qui sont
les artères encéphalopalatine et l’artère faciale. Très-souvent ces deux artères naissent
séparément de la première veine branchiale.
L’artère encéphalopalatine (10) (Tab. L, fig. 1, 2, 5) se dirige en avant et un peu
en haut pour atteindre le trou percé pour elle dans la lame latérale du sphénoïde
principal (n° 6). Arrivée dans le canal sous-crânien, qui loge les muscles abducteurs de
l'œil, elle se divise en deux branches, une extérieure, l'orbito-palatine (11), une inté-
rieure, la branche encéphalo-oculaire (12) (Tab. L, fig. 5). Cette bifurcation est très-
variable ; tantôt elle s'opère de suite après l'entrée de l’artère dans le canal sous-
crânien, tantôt elle parcourt comme tronc unique celte cavité, et ce n’est qu’à sa sortie
qu’a lieu la division mentionnée.
La première de ces branches , l'artère orbito-palatine (11), entre dans l'orbite
et à poursuivant son cours à-peu-près horizontal, elle se colle à la lame cartilagineuse
qui sépare les deux orbites, en suivant exactement le même cours que la branche in-
traorbitale de la cinquième paire des nerfs cérébraux. Entrée dans l'orbite, elle donne
un rameau assez considérable aux muscles supérieurs de l'œil (Tab. L. fig. 2), four-
nit des branches aux muscles inférieurs, dans son trajet à travers l'orbite, pénètre avec
le nerf olfactif dans la cavité nasale, en pourvoyant, de concert avec la branche nasale
de l'artère faciale, les feuillets muqueux du nez, se dirige ensuite en bas, par l’arti-
culation du maxillaire (n° 48) pour paraître sous la muqueuse de la bouche, et se ter-
mine en donnant des branches aux os intermaxillaires (n° 17), aux vomers (n° 16),
aux maxillaires (n° 18), aux palatins (n° 22) et à la muqueuse qui les enveloppe.
C’est donc en partie le nez, puis les parties molies et solides de la partie antérieure
de la face , et les organes auxiliaires de la vue (muscles et membranes situées autour
de l’orbite) qui sont pourvus par cette artère. Les parties proprement destinées à la
vue, les nerfs, la rétine, ete., reçoivent, comme nous allons le voir, leur sang d’une
autre source, de l’artére encéphalo-oculaire.
L'artère encéphalo-oculaire (12) (Tab. L, fig. 1, 2, 3) est remarquable par sa com-
munication avec son analogue de l’autre côté , de telle sorte que l’on peut envisager
— 125 —
le tronc commun des deux premières veines branchiales, la première veine branchiale,
les artères céphalique, encéphalo-palatine et encéphalo-oculaire comme représentant
un cercle sanguin disposé autour du crâne, et fermé sur la ligne médiane par l’aorte
en arrière et la communication des artères encéphalo-oculaires en avant. En effet, c’est
au bord postérieur de la lame perpendiculaire du sphénoïde antérieur (n° 45), qui sé-
pare en avant les deux moitiés de la cavité destinée aux muscles abducteurs, que les
deux artères se réunissent en un fronc unique et commun, lequel abandonnant la
direction horizontale , remonte dans la ligne médiane vers le tronc destiné à recevoir
l’appendice du cerveau (l'infundibulum) , entre le sphénoïde antérieur (n° 15) et les
grandes ailes (n° 11) (Tab. L, fig. 3). Avant cette réunion, chaque artère donne de
son côté un petit filet qui longe le cartilage entre les deux orbites (fig. 2).
Avant d’entrer dans le trou de l’infundibulum , le tronc réuni se divise en quatre
branches, deux pour chaque côté. Les rameaux situés à l'extérieur sont les artères
cérébrales , ceux du milieu , les artères oculaires.
L’artère cérébrale (15) s'engage dans le trou de Finfundibulum, s'applique au côté
extérieur de cet organe et monte vers la base du cerveau. Elle se loge dans un léger
sillon entre la base du lobe moyen et le lobe inférieur, et arrive de cette manière à la
base de l’entaille qui sépare les lobes moyens du lobe postérieur. Ici le vaisseau se di-
vise en deux branches. Le tronc supérieur auquel il donne naissance , remonte dans
cette entaille jusque près de la ligne médiane, et se divise alors en deux artères, dont
l’une, postérieure, entre dans la masse même du cervelet (fig. 3), et dont les ramifi-
cations se poursuivent dans toute la longueur du capuchon que forme cet organe
(fig. 4). Une petite branche de cette artère traverse la base du lobe postérieur pour
arriver dans la fente du quatrième ventricule , qu’elle parcourt en se ramifiant dans
toute sa longueur (fig 4, 6). L’artère antérieure fait le tour de la voûte du lobe moyen
et, donnant une petile branche qui nourrit cette voûte depuis l'extérieur, elle se perd
dans le sillon qui sépare les deux lobes moyens (fig. 3).
La partie inférieure de l’artère cérébrale est beaucoup plus compliquée dans son
trajet. L’artère en s’avançant vers la ligne médiane , se divise en deux branches , une
antérieure et une postérieure, qui rencontrent toutes deux la branche correspondante du
côté opposé, à laquelle elles s’unissent. Cette combinaison occasionne à la base du cerveau
dans le sillon entre les lobes postérieurs et le cordon inférieur de la moëlle allongée ,
un cercle vasculaire alongé en forme de rhombe , le rhombe anastomotique (14), dont
les angles latéraux sont occupés par les artères divisées , les angles antérieur et pos-
térieur par les branches partant de l’anastomose. Deux petits filets se rendant de
— 124 —
l'angle antérieur vers l’angle postérieur, près de la ligne médiane, complètent encore
ce rhombe anastomotique (fig. Tab. L, 3, 4, 5).
Les deux branches partant de l’angle antérieur du rhombe sont principalement destinées
aux lobes antérieurs et moyens du cerveau ; chaque branche monte de son côté par le
trou situé dans le plancher de la cavité du lobe moyen ; elle n’est pas plutôt arrivée dans
l’intérieur de cette cavité, qu’elle détache une première branche qui se ramifie dans les
lobes quadrijumeaux (fig. 4), puis une seconde assez forte qui remonte le long
du fornix et se ramifie dans les parties antérieures de la voûte (fig. 4, 5, 6), puis une
troisième, d'ordinaire beaucoup plus petite que les autres, qui suit le haut de cette même
voûte en arrière (fig. 6). Le reste de l'artère passe le long de la ligne médiane, repa-
rait sur la face extérieure du cerveau, dans la fente entre les lobes antérieurs et moyens,
et se ramifie dans les lobes antérieurs , la face extérieure de la voûte et dans la glande
pinéale qui reçoit des filets proportionnellement assez forts (fig. 3, 4, 5).
Il ne part de l’angle postérieur du rhombe anastomotique, qu’une seule artère
moyenne ; elle suit la cannelure moyenne de la moëlle alongée et se perd à la fin dans
cette même fissure qui se continue sur la moëlle épinière. Arrivée vis-à-vis du sac du
labyrinthe, cette artère détache une branche auditive assez forte dont quelques ra-
meaux inférieurs se ramifient sur le sac même , tandis que d’autres remontent vers le
vestibule et les canaux semicirculaires (fig. 3).
Le cerveau a par conséquent un rhombe anastomotique semblable au cercle cépha-
lique de la tête, d’où partent les principales branches cérébrales. Outre l’angle anté-
rieur de ce rhombe, nous trouvons encore dans le trou du plancher de la cavité des
lobes moyens, un centre d’où rayonnent les divers vaisseaux qui portent le sang aux
parties antérieures du cerveau.
L’artère oculaire (15) a un cours beaucoup plus simple. Elle monte comme l'artère
cérébrale dans le trou de l’infundibulum, se fléchit autour de l’os pour arriver à la base
du nerf optique, et tout en donnant lieu à des réseaux anastomotiques entre les feuillets
de ce nerf, elle traverse avec lui la sclérotique , pour se rendre à la rétine et s’y ra-
milier, ainsi que dans l'iris et les parties internes qui ne sont pas fournies par le sys-
tème pseudobranchial vasculaire.
L’artère faciale (46), qui, comme nous l'avons vu plus haut, est tantôt une bran-
che du tronc céphalique , tantôt une artère prenant naissance séparément dans la pre-
mière veine branchiale, remonte sur le côté extérieur du sphénoïde principal, sans en-
trer dans la cavité des muscles abducteurs ; elle est logée dans le sillon qui s’étend
entre le trou vasculaire du sphénoïde principal (n° 6) et le trou de la cinquième
— 125 —
paire, et est entièrement cachée dans la masse musculaire qui se trouve dans ces ré-
gions (Tab. L, fig. 1,5). Les muscles masticatoires la recouvrent sur la joue, ainsi que
le nerf trijumeau , dont elle accompagne aussi le trajet. Elle donne d’abord une bran-
che supra-orbitaire qui accompagne le nerf du mème nom, et qui, longeant le haut de
l'orbite (fig. 1), se rend vers la cavité nasale, où elle forme avec la branche nasale
de l'artère orbitopalatine une anastomose qui sert le nez et la peau du museau. Le
tronc de l’artère lui-même descend derrière l'orbite avec le trijumeau ; il donne des
branches considérables aux muscles et à la peau de la joue, et passe enfin avec le nerf
sous-maxillaire sur la face interne de la machoire inférieure , où il se ramifie. Quant
on connait le trajet du nerf trijumeau, on sait par là même celui de cette artère,
car il n’est aucune de ses branches qui ne soit accompagnée par ce nerf.
On voit par cette description que c’est la première branche de l'artère faciale qui
fournit à elle seule le sang à toutes les parties solides et molles de la tête sans excep-
tion, soit par sa partie inférieure au moyen de l'artère hyoïde, soit d’en haut par
l'artère céphalique.
Le cœur lui-même, qui ne fait pas précisément partie de la tête chez les poissons
osseux , quoiqu'il soit situé dans son rayon , n’est pas servi par l’aorte commune, mais
par une artère propre , l'artère coronaire du cœur (17), naissant au bas de la seconde
veine branchiale gauche. Ce qui n’est pas moins curieux, c’est que ce rôle appartienne
exclusivement à la veine gauche. La droite n’y prend aucune part ; elle verse tout son
sang dans l’aorte commune.
Cette artère du cœur naît, comme l'artère hyoïde, à-peu-près au tiers inférieur de
la hauteur du second arc branchial. Elle suit l'artère branchiale jusque sur la face
inférieure du tronc branchial commun , longe le bulbe artériel du cœur sur sa face
antérieure , et, arrivée au sillon entre celui-ci et le ventricule , elle se divise en deux
branches qui font le tour du sillon entre le ventricule et la bulbe , en envoyant des
. branches sur toutes les faces du ventricule et de l'oreillette (Tab. K , fig. 2).
DE L’AORTE ET DE SES RAMIFICATIONS.
Tab. K, fig. 1 et 2. (colorée en carmin).
Le tronc de l’aorte, formé de la réunion des veines branchiales, conserve dans toute
sa longueur la même position médiane. On le trouve depuis la tête jusqu’à la dernière
vertèbre , constamment collé à la face inférieure des vertèbres , et enfermé entre les
— 126 —
apophyses inférieures qui forment un canal autour de lui, comme les apophyses supé-
rieures en forment un pour la moëlle épinière. Les différentes branches qui se déta-
chent de ce tronc , sont de deux espèces : les artères intestinales destinées à la masse
des viscères , logées dans la cavité abdominale , et les artères du corps nourrissant les
masses charnues et principalement celles qui recouvrent les flancs du squelette.
Le sang se rend aux viscères par une seule artère, l'artère abdominale (6) (Tab. K,
fig. 2), qui prend naissance dans le haut de la cavité abdominale , à la face inférieure
de l'aorte. Elle traverse Ja masse des reins au-dessous de l’aorte, et parait dans la
cavité abdominale tout au haut, dans l'angle où les organes de la génération et la
vessie natatoire adhèrent à l’ésophage. Arrivée là, elle se divise en plusieurs branches
dont les ramifications sont très-variées. Il n’est pas rare de voir toutes ces artères se
séparer en cet endroit , et rayonner isolément jusque vers le tronc ; souvent il n’y a
que deux ou trois branches primitives , qui se subdivisent ultérieurement. Le fait est
néanmoins , qu’il y a toujours quatre artères principales destinées à des groupes d’or-
ganes particuliers, deux pour les organes de la génération, une pour la vessie natatoire
et une pour l'intestin et ses annexes. Les reins, comme nous allons le voir, recoivent
leurs artères directement de l’aorte ou par l'intermédiaire des artères du corps.
Les artères des ovaires ou des testicules, les artères spermatiques (18), entrent dans le
sillon qui existe à la face intérieure de ces organes , là où s’attachent les feuillets du
péritoine ; elles suivent ce sillon dans toute sa longueur. Dans le mâle , elles se con-
tinuent jusque sur le conduit séminaire , et leurs dernières ramifications se voient sur
le cloaque, Il est assez curieux , que chez la femelle , où il n’exisle pas de semblable
conduit excrétoire , l'artère , quoique réduite à un très-petit filet, se prolonge néan-
moins dans la même direction, étant située dans le pli du péritoine, qui est le reste de
l’oviducte avorté. La distribution de ces artères dans l’organe, rappelle la disposition
des barbes d’une plume, c’est-à-dire que les vaisseaux partent du tronc sous des angles
plus ou moins aigus, pour longer la base des feuillets dont l’ovaire est composé
et qui alors sont recouverts d’une masse de réseaux capillaires , dont le développement
est surtout grand dans les capsules qui entourent les œufs. Dans le testicule , cette dis-
tribution des branches est moins régulière : cependant on en trouve des traces dis-
tinctes.
L’artère de la vessie natatoire (19) est une branche bien petite et bien mince, qui
longe la face inférieure de cet organe.
L’artère intestinale (20) se divise en quatre rameaux. Le premier longe la grande
courbure de l'estomac, en donnant des filets considérables à cet organe; il quitte
— 127 —
ensuite l’estomac au fond du cul-de-sac, pour aller finir dans la rate ; le second longe
le bord supérieur ; le troisième le bord inférieur de l'intestin, dans toute sa longueur,
depuis le haut de sa courbe ; le quatrième enfin , le plus considérable , passe sur le
côté droit de l'estomac, entre celui-ci , les appendices pyloriques et le foie, et lon-
geant la petite courbure de l'estomac , fournit des rameaux aux organes mentionnés ;
il va finir, comme l'artère de la grande courbure, dans la rate.
Les artères du corps, à l'exception de la première, sont arrangées d’après un
même type uniforme , de telle manière, qu’en connaissant le trajet d’une seule, on
peut indiquer celui de toutes les autres. Les artères scapulaires (21) font exception
à cette règle. Elles naissent de l’aorte avant l’artère abdominale , et se portent , cha-
cune de son côté, en arrière, pour suivre la ceinture thoracique, le long de son bord
antérieur. Elles accompagnent constamment les nerfs de la nageoïire , et se divisent par
conséquent en trois branches , dont l’une suit le nerf hypoglosse , pour se ramifier dans
les parois du péricarde , tandis que les deux autres sont destinées aux deux faces des
muscles de la nageoïire (Tab. K, fig. 1).
Les autres artères sont toutes des artères intercertébrales. Mais on se tromperait fort
en admettant que ces artères conservent chez le poisson adulte le même caractère
qu’elles ont chez l'embryon, où il existe pour chaque vertèbre. une artère et une
veine intervertébrale, qui fournissent tous les organes situés dans l’espace entre deux
vertèbres. Chez la Truite, il y a beaucoup moins d’artères intervertébrales qu’il n’y a
de vertèbres, et une artère suffit pour deux ou trois espaces intervertébraux. Aussi les
artères ne suivent-elles pas la courbure des côtes ou des apophyses épineuses , mais
elles en croisent quelquefois deux , trois ou quatre, pour arriver à l’un des interstices
intervertébraux qui est destiné à leur ramification. La fig. 1 de la planche K, copiée
exactement d’après nature , fera mieux ressortir cette disposition, que ne pourrait le
faire une description détaillée.
Ces artères intervertébrales , soit qu’elles montent en faisant d’abord le tour du
corps de la vertèbre, au-dessous de laquelle elles prennent naissance, ou qu’elles des-
cendent, sont toujours appliquées contre la membrane fibreuse qui est tendue aussi
bien entre les apophyses supérieures et inférieures qu'entre les côtes, et qui sépare les
masses musculaires en deux parties latérales. C’est principalement aux angles des zig-
zags que nous avons décrits dans la myologie, que les artères détachent les branches
destinées à nourrir les muscles et la peau. Les artères qui fournissent les nageoires
verticales et la ventrale , ne se distinguent des autres que par leur volume, mais pas
du tout par un arrangement différent.
— 128 —
Les artères ne contribuent pas autant que la membrane fibreuse médiane à séparer
les masses musculaires. Il est vrai qu’en général l'artère se ramifie du côté où elle a
pris naissance , mais très-souvent aussi elle perce la membrane médiane , pour passer
de l’autre côté et se ramifier dans les muscles opposés. On peut considérer comme
appartenant à ces artères, les artères rénales et celles de la moëlle, qui ne sont en
réalité que des rameaux , les premières des artères intervertébrales descendantes , les
autres des branches qui remontent le long des apophyses.
Les dernières branches de l'aorte sont deux filets assez considérables , qui embras-
sent le cœur caudal des deux côtés, et font le tour de la caudale en se ramifiant dans
les muscles et les rayons de la nageoire.
DES VEINES.
Il ÿ a dans le corps des poissons , comme dans celui des autres vertébrés , deux sys-
tèmes de vaisseaux veineux : les uns venant du corps entier, des reins et des organes
de la génération , les vaisseaux du système des veines du corps, et les autres venant
des organes digestifs et se ramifiant une seconde fois dans le foie avant d’entrer dans
le cœur; ou, en d’autres termes, les vaisseaux du système de la veine-porte et ceux
de la veine-cave.
Les vaisseaux du système des veines du corps se divisent en trois cercles bien dis-
tincts ; la veine de Duvernoy, ramenant des branchies le sang nutritif (non pas ce-
lui qui sert à la respiration) , et qu’on pourrait appeler par analogie veine bronchique,
les veines jugulaires , réservoirs du sang veineux de toute la tête, et les veines ra-
chitiques, destinées à recevoir le sang des organes générateurs , des reins et du
corps.
VEINE BRONCHIQUE OU VEINE DE DUVERNOY.
Tab. K, fig. 2, et Tab. L, fig. 1 (30), colorées en jaune.
En fendant le péricarde d’en baset en repliant le cœur, on découvre un tronc veineux
assez considérable , situé en dehors du péricarde sur la ligne médiane , entre les mus-
cles croisés de l’hyoïde (n° 36 et 57). Ce tronc débouche dans le grand réservoir vei-
neux ou sinus de Cuvier, près de son entrée dans l'oreillette. L'ouverture de ce
tronc n’est protégée que par une valvule avortée, qui pourrait à peine fermer le tiers
de l’ouverture , de sorte que le flux et le reflux du sang, causés par les contractions
— 129 —
du cœur, s’y voient très-distinctement. En faisant des vivisections on y observe aussi
des pulsations qui ne sont nullement propres à cette veine , mais qui dépendent des
contractions du cœur. Ses parois enchassées et même adhérentes aux parties environ-
nantes ne permettraient d’ailleurs pas des contractions propres; par contre la situation
du tronc entre les fibres croisées des muscles pourrait bien entrainer une sorte d’action
indirecte de la part de ces muscles sur le mouvement du liquide dans la veine , car
certainement ces muscles en se contractant et en rapprochant les ceintures scapulaires
doivent aussi comprimer le tronc de la veine.
Quoi qu'il en soit, cette veine est destinée à ramener le sang qui a servi non à la
respiration mais à la nutrition des feuillets branchiaux , en se mélant à d’autres sucs ,
venant d’un autre système vasculaire dont nous traiterons plus loin.
Au moyen de bonnes injections, on découvre au bord interne de chaque feuillet bran-
chial un vaisseau d’un volume bien plus petit que la veine ou l’artère du même feuillet.
Ce vaisseau , qu’on pourrait appeler la veine des arcs (31), est en général caché par
l'artère branchiale. Il nous a même quelquefois semblé, qu'il était situé dans la fente
même qu’on découvre au bord antérieur du support cartilagineux du feuillet branchial.
À ce vaisseau (Tab. O , fig. 1) aboutissent une quantité de petits filets venant de la
membrane qui recouvre les deux côtés du feuillet. Ces filets avec leurs ramifications
sont surtout distincts à la surface du support cartilagineux et sur la membrane qui y
adhère. Ils ne forment pas un réseau à mailles serrées , comme ceux des plis de la
membrane respiratoire ; ce sont plutôt des ramifications éparses, semblables aux em-
branchemens d’un arbre; aussi ne correspondent-elles nullement aux nombreux
plis de la membrane respiratoire. Le tronc qui longe le bord interne du feuillet, et
qui est composé des petits vaisseaux nutritifs de la veine, se réunit, ainsi que celui
du feuillet opposé, à un vaisseau plus considérable, qui longe la courbure de l’arc bran-
chial. Ce vaisseau , situé dans la membrane qui réunit les feuillets branchiaux jus-
qu’au tiers de leur hauteur, n’est nullement en rapport avec la ténuité des filets san-
guins qu'il reçoit des feuillets branchiaux ; il est situé à l'extérieur de tous les autres
vaisseaux , que l’arc branchial recoit dans son sillon , de sorte que sur une coupe ver-
ticale de l'arc, faite de manière à présenter les feuillets en face , on voit en haut, assez
près de la limite de la membrane qui les unit ; 1° la veine bronchique ; 2° le tronc de
l'artère branchiale , qui envoie ses deux branches sur les bords internes de la paire de
feuillets , et 5°, tout en bas au-dessus du nerf, le tronc de la veine branchiale , qui se
dirige vers l'aorte, et dont les branches longent le bord extérieur des feuillets. La
veine nutritive se reconnait toujours sur de pareilles coupes à l'extrême ténuité de ses
Towe III. 17
— 130 —
parois , (qui pourrait faire croire que ce n’est qu'un canal creusé dans le tissu de la
membrane) et à la forme triangulaire de son ouverture.
Après avoir reçu toutes les branches des feuillets , les troncs des veines de Duvernoy
suivent les arcs branchiaux en restant en général appliqués contre les artères de leurs
arcs respectifs, jusqu’à ce que les quatre troncs de chaque côté se réunissent en un
seul vaisseau très-considérable (30) situé à côté du corps de l’hyoïde, au-dessus de l’ar-
tère branchiale. Ce vaisseau , qui s'étend sur toute la longueur du corps de l'hyoïde,
reçoit en avant quelques canaux muciques que nous décrirons plus bas; puis les
quatre veines bronchiques de son côté. Derrière le corps de l’hyoïde, les vaisseaux
des deux côtés se réunissent sur le péricarde en un seul tronc court qui s'ouvre dans
l'oreillette (30) (Tab. L, fig. 1.)
Comme les troncs latéraux sont situés au-dessous de l'artère branchiale , tandis que
les branches qui longent les ares en occupent le dessus , il faut bien que les artères
contournent en quelque sorte ces branches pour arriver à leur place. La ténuité des
parois de ces veines et leur adhérence aux artères en rendent la préparation très-
difficile , sinon impossible , et il est bien plus facile de les suivre en les ouvrant, que
d’en préparer les membranes , comme on le fait pour d’autres vaisseaux sanguins.
L’arrangement de la veine de Duvetnoy et ses rapports avec les autres vaisseaux et
la circulation entière ont beaucoup préoccupé les anatomistes. Ce n’est qu'après de
nombreuses expériences , que nous sommes parvenus à nous faire une idée claire de
son cours. Rien n’est plus facile que de distinguer les deux troncs latéraux ; mais
comme il existe des valvules assez fortes à l’ouverture des branches des ares dans les
troncs , ces valvules empêchent l'entrée de la masse injectée dans ces branches. D’un
autre côté, grâce aux communications des veines bronchiques avec les vaisseaux mu-
ciques de la tête, dont nous traiterons plus loin, la résistance des valvules une fois
surmontée , la masse injectée pénètre plutôt dans les canaux muciques et lymphati-
ques, que dans les branches qui longent les feuillets. Ce n’est qu’en injectant du
mercure dans la veine d’un arc coupé, après l’avoir préalablement lié de l’autre côté,
que nous avons réussi à aperçevoir les branches des feuillets et les ramifications du
réseau nutrilif.
Les branches des feuillets et leurs ramifications ont été parfaitement observées chez
le Saumon, par M. Fohmann (*). Mais cet habile observateur, qui connaissait cepen-
dant parfaitement leur cours le long du bord intérieur de chaque feuillet, a été con-
(*) Das Saugadersystem der Wirbelthiere.
— 131 —
duit à les envisager comme des vaisseaux lymphatiques, à cause de la liaison qui
existe réellement du côté dorsal des arcs branchiaux avec les veines et les vaisseaux
lymphatiques du corps.
En cherchant à mettre d'accord les indications des auteurs sur ce sujet, M. Müller (*)
a fixé la nature sanguine du vaisseau qui nous occupe et décrit le premier le réseau
autrilif des feuillets branchiaux; mais il nie absolument toute liaison avec les vaisseaux
lymphatiques et ne reconnait que l'ouverture de la veine dans le réservoir veineux.
Il est aussi d’une opinion -diamétralement opposée à la nôtre, quant à la position
de la branche du feuillet, en prétendant que ces branches longent le bord par le
côté extérieur du feuillet. Il est possible qu’il en soit ainsi chez les genres qu'il a
examinés; mais chez les Salmones, la veine se trouve décidément du côté interne.
Nous reviendrons sur ce sujet, en traitant des canaux muciques et Iymphatiques.
VEINES DE LA TÊTE.
Tab. K, fig. 2, et Tab. L, fig. 1. (Elles sont colorées en bleu).
Les veines de la tête suivent en général le trajet des artères, surtout celles de la face.
Ainsi loutes les artères extérieures de la tête, de même que les artères du cerveau, sont
accompagnées d’un tronc veineux, et tous ces troncs se réunissent à la fin dans un
seul vaisseau , la grande veine jugulaire (48). Cette veine est formée de la réunion de
quatre troncs principaux qui sont : la veine cérébrale sortant de la cavité cérébrale
par le trou du nerf optique, la veine oculaire ramenant le sang de toutes les parties
de l’œil en longeant le nerf optique , l’artère faciale interne , qui longe le bord infé-
rieur de l'orbite, et enfin la veine faciale externe longeant le bord externe du
muscle masseter (20). Tous ces troncs veineux affluent, au bord postérieur de l'orbite,
près de l’orifice antérieur du canal sous-cränien, dans un seul sinus qui paraît un
peu élargi, et que M. Hyrtl a désigné sous le nom de bulbe ophthalmique de la
veine jugulaire. Ce bulbe qui parait être très-renflé chez d’autres poissons, est à peine
marqué dans la Truite (Tab. L, fig. 1). Les bulbes des deux côtés sont réunis par une
branche anastomotique transverse et assez large , qui est située derrière la branche
anastomotique de l'artère céphalique et de la veine de la fausse branchie. De-là , la
veine jugulaire passe le long du crâne, en restant étroitement appliquée contre la
(*) Vergleichende Anatomie der Myxinoïden. Dritte Fortsetzung; Gefässystem. Dans les Mémoires de
l’Académie de Berlin, 1839.
— 132 —
face externe du premier faisceau du grand muscle latéral. Arrivée près de la ceinture
thoracique, la veine jugulaire de chaque côté se réunit à la veine cardinale (50), qui
vient des reins, et ce tronc commun qui est sensiblement élargi se porte verticalement
en bas pour se réunir au devant de l'oreillette à celui de l’autre côté et recevoir en bas
la veine-cave (51) qui vient du foie et la veine de Duvernoy (30) qui vient des bran-
chies. Nous désignerons, avec M. Rathke, ce sac sous le nom de sinus de Cuvier (49) (*).
Nous savons déjà par l’anatomie du cœur, que le sinus de Cuvier, situé dans la cavité
du péricarde, s'ouvre par une seule ouverture médiane dans la face postérieure de
l'oreillette. Au-dessus de cette ouverture, aboutissant également à l'oreillette, se trouve
l'entrée de la veine de Duvernoy, vis-à-vis celle de la veine-cave, située, comme
les deux autres , dans la ligne médiane. On peut se représenter les deux sinus de Cu-
vier réunis comme un croissant, dont les deux bouts qui sont tournés en haut, sont
formés par la réunion des veines jugulaires venant de la tête, des veines cardinales
revenant du corps et des branches anastomotiques du canal mucique. Les deux extré-
mités du croissant embrassent de chaque côté l’ésophage, et si l’on tient compte de la
branche anostomotique des deux veines jugulaires, on verra que ces deux veines for-
ment une ellipse veineuse complète autour de l'extrémité céphalique du canal intes-
tinal. L’extrémité antérieure de cette ellipse serait formée par la branche anastomotique
des jugulaires , l'extrémité postérieure par le croissant des sinus de Cuvier.
VEINES DU CORPS.
Tab. K, fig. 1 et 3. (Elles sont colorées en bleu.)
Les veines cardinales (50) sont au nombre de deux, mais celle du côté gauche est
moins développée et ne ramène que le sang de la partie antérieure du rein , tandis
que celle du côté droit, longeant toute la colonne vertébrale, à côté de l’aorte, depuis
l'extrémité antérieure du rein jusque vers le cœur caudal situé sur la plaque caudale,
ramène tout le sang du corps, des reins et des organes sexuels. En longeant la co-
lone vertébrale, cette veine recoit les nombreuses veines intervertébrales et inter-
costales qui, dans leur trajet, ne se distinguent pas des artères. Rentrée dans la cavité
abdominale, elle reçoit en outre tous les filets revenant des reins, et enfin, près de
l'extrémité antérieure du rein, là où elle se déverse dans le sinus de Cuvier, un vais-
@®) Tab. K, fig. 1 et 2. — Tab. L, fig. ? et 8.
— 1355 —
seau assez considérable qui, après avoir longé toute la face interne de l'organe
sexuel (testicules ou ovaires), se tourne en haut et traverse l'extrémité antérieure du
rein, pour s'ouvrir dans la veine cardinale de son côté (Tab. K, fig. 2). A cette veine
que nous proposons d'appeler veine spermatique, vient encore s’ajouter un petit filet
revenant de la vessie nataloire.
La veine-cave des poissons (51), quoique trés-large , n’a qu’un trajet très -court.
Toutes ses branches sont creusées dans la substance du foie lui-même , et elle n’en
recoit aucune venant d’un autre organe. Ces branches se réunissent en un seul tronc
à la face antérieure du foie; ce tronc traverse le péricarde et s'ouvre dans la face
postérieure du sinus de Cuvier. La veine-cave réunit ainsi tout le sang revenant des
organes digestifs, qui, après avoir passé par les branches de la veine-porte, s'était
versé dans le foie.
Le trajet des différentes branches de la veine-porte (53) est très-simple (*). Deux troncs
veineux longent l'intestin dans toute sa longueur, jusque vers l'endroit de son dernier
repli, où ils se réunissent en un seul. Une seconde branche considérable venant de la
rate et remontant la partie cardiale de l'estomac vient se réunir aux branches de l'in-
testin. Une troisième branche, qui prend également naissance dans la rate, longe la
partie pylorique de l'estomac, où elle reçoit les branches qui reviennent des appendices
pyloriques. Toutes ces branches se réunissent en un seul tronc, à la face interne
du foie , près de l’entrée du conduit bilieux dans la vessie biliaire , et c’est de ce point
de réunion que partent les branches de la veine-porte, qui rayonnent dans la subs-
tance même du foie.
On a admis pour les poissons et les reptiles un système à part de veine portale
des reins. Nous avons vu en effet chez la Truite quelques petites branches veineuses re-
venant de l’extrémité postérieure du canal déférent et du rectum, se porter vers
l'extrémité postérieure des reins et s’y diviser en plusieurs branches pénétrant vers
la substance même du rein. Ces branches sont sans doute les branches portales des
reins, découvertes par M. Jacobson ; mais elles paraissent extrêmement réduites dans
la Truite, et nous n'avons jamais pu constater l’existence d’une veine caudale revenant
du corps et se ramifiant dans les reins.
Si nous cherchons maintenant à débrouiller le trajet que parcourt le sang du
poisson, en prenant pour point de départ le cœur qui, n’ayänt point de double cavité,
ne chasse que du sang veineux, nous arriverons à-peu-près aux résultats suivans :
(*) Colorée en violet, Tab. K, fig. 2.
— 154 —
Le sang porté par les artères branchiales dans les vaisseaux capillaires des feuillets
branchiaux où il subit l’action de la respiration, se rassemble ensuite au moyen des
huits veines branchiales en un seul tronc, l’aorte. Nous avons ainsi quatre ares vascu-
laires complets qui entourent la cavité buccale et l'entrée de l’ésophage et qui se réu-
nissent en haut dans l'aorte et en bas dans le bulbe aortique. L’aorte fournit toutes les
branches artérielles qui se rendent dans le corps et les intestins ; tandis que le sang
artériel de la tête est fourni par la première veine branchiale seule et l'artère coronaire
du cœur par la seconde veine branchiale. Le sang artériel du corps, après avoir passé
par les capillaires des branchies, n’a plus qu’un second système capillaire à traverser,
celui du corps; il revient ensuite par les veines cardinales. Le sang des intestins tra-
verse trois systèmes capillaires, celui des branchies, celui des intestins, et en dernier
lieu celui du foie, au moyen de la veine-porte, pour revenir enfin par la veine-cave
dans le cœur. Mais c’est le sang de l’artère hyoïdale, qui présente sous ce rapport le
trajet le plus compliqué, puisqu'il est chassé par la seule force du cœur, à travers
quatre systèmes capillaires, celui du premier arc branchial, celui de la fausse bran-
chie, celui du corps rouge de la chorioïde et en dernier lieu par les capillaires de la
chorioïde même qui le rendent à la veine oculaire.
DES CANAUX MUCIQUES.
Tab. K et L. ( Peints en vert).
M. Hyrtl (*), dans ses recherches sur le système mucique des poissons osseux a dé-
crit soigneusement les communications de ce système singulier , tant avec les veines
cardinales et les cœurs caudaux qu'avec la veine de Cuvier. M. Hyrtl raconte à cette
occasion, que dans une visite qu’il nous fit sur le glacier de l’Aar, en 1842, l’un de
nous lui avait appris, qu’en injectant le système mucique, on pouvait remplir tout le
système veineux des poissons osseux. Mais ce n’est pas dans une simple conversa-
lion en pareil lieu, que nous aurions pu apprendre à M. Hyrtl tout ce que nos propres
travaux nous avaient révélé à ce sujet, et les résultats auxquels M. Hyril est arrivé,
il les a bien réellement trouvés lui-même. Il n’en est pas moins vrai cependant que
ces résultats nous étaient connus à cette époque ; car au mois de septembre de la
même année l’un de nous a présenté à la société des naturalistes allemands réunis à
(*) Archives de Müller, 1843, page 224.
— 155 —
Mayence (*), nos planches K et L, sur lesquelles se trouvent représentés tous les dé-
tails du trajet des vaisseaux muciques de la Truite. Depuis la publication de M. Hyrul,
nous avons repris nos travaux sur ce sujet et nous allons indiquer jusqu’à quel point
nous sommes d'accord avec lui.
En coupant transversalement la peau de la Truite à l'endroit de la ligne latérale,
on découvre immédiatement au-dessous de la peau, dans la fente qui existe entre les
deux moitiés du muscle latéral, un canal peu spacieux, de forme triangulaire, à
parois excessivement minces qui sépare le nerf latéral de la peau (66) (**). En injectant
ce canal dans la direction de la queue, on le voit se remplir jusque près de l’extré-
mité de la colonne vertébrale, où celle-ci se fléchit en haut, pour se continuer
dans la plaque caudale. Arrivé là , le canal se coude à angle droit, pénètre à travers
les muscles vers la plaque caudale et se continue sur cette plaque jusque dans la base
des rayons de la caudale, où il se divise en deux branches (67), l’une supérieure et
l’autre inférieure, qui entourent l'insertion de la caudale en communiquant en haut
et en bas avec les branches de l’autre côté.
Outre ce canal on voit encore se remplir un petit sac plat, de forme triangulaire,
qui est appliqué contre la surface externe de la plaque caudale et entiérement couvert
par le muscle caudal profond moyen (13). Les sacs des deux côtés (54) (***) ne sont
pas parfaitement égaux ; celui du côté gauche (fig. 4) est triangulaire, à angles arron-
dis, tandis que celui du côté droit (fig. 5), est ovale; c’est ce sac que nous nommons
le cœur caudal. Le canal mucique se continue tout le long de son bord supérieur et
s'ouvre par une pelite fente dans son extrémité antérieure. À cette même extrémité
antérieure , se trouve une seconde ouverture placée plus bas et qui s’ouvre directe-
ment dans la veine cardinale, par une valvule qui permet bien aux liquides de passer
depuis le cœur caudal dans la veine , mais qui empéche le sang de la veine d'arriver
dans le cœur. Aussi n’y trouve-t-on jamais qu’un liquide aqueux, dans lequel on
découvre bien, au moyen du microscope, quelques granules et quelques gouttelettes
d'huile éparses, mais qui, à ce qu’il paraît, sont néanmoins étrangères à ce liquide. Au
milieu du sac, se trouve une autre ouverture qui établit une communication avec
le sac du côté opposé, à travers la plaque caudale. Cette ouverture est également
munie d’une saillie membraneuse faisant l'office de valvule. Nous avons pu constater
(*) D° Fogt über die Schleimgänge der Fische. Dans : Amtlicher Bericht über die Versammlung der
Gesellschaft deutscher Naturforscher und Aerzte zu Mainz, 1842, page 220.
C*) Tab. K, fig. 3.
(**) Tab. K, fig. 4 et 5.
— 136 —
par des observations sur des Truites vivantes, que ce cœur caudal se contracte réelle-
ment , quoique d’une manière fort irrégulière. Les parois du cœur sont peu solides et
tissées de fibres qui ont beaucoup de rapport avec les fibres musculaires involon-
taires de l’intestin.
En poursuivant le canal latéral (66), du côté de la tète (toujours au moyen de l’in-
jection), on le voit s’ouvrir, à l’endroit où la ligne latérale atteint la ceinture thoraci-
que, dans un réservoir assez spacieux, qui est appliqué contre la face interne de la
clavicule (n° 48). Il y a en cet endroit une fente, munie d’une forte valvule, qui mène
dans un vaisseau du diamètre d’une forte tête d’épingle, lequel, en longeant le
bord interne de la vessie thoracique , s’ouvre directement dans le sinus de Cuvier, à
côté et en dehors de la veine jugulaire (*). De-là vient qu'il est impossible, en injectant
le canal latéral d’arrière en avant, de remplir les canaux muciques de la tête ; le li-
quide se déverse toujours dans le sinus de Cuvier, d’où il va remplir tout le système
veineux du corps, le cœur, l’artère branchiale et ses ramifications.
On devrait donc croire, d’après ces premières recherches, que le canal latéral est
un vaisseau à part, conduisant peut-être de la lymphe qu'il pourrait déverser d’un
côté, au moyen du cœur caudal, dans la veine cardinale, et de l’autre au moyen d’un
vaisseau de communication , dans le sinus de Cuvier. M. Hyrtl prétend que ce canal
est pourvu d’une quantité de branches latérales qui, après avoir suivi les feuillets ten-
dineux, entre les bandes transversales du grand muscle latéral, se ramifient dans de
larges réseaux capillaires formant de grandes mailles, dont chacune entoure la base
d’une écaille. Nous n’avons jamais pu nous convaincre de l'existence de ces branches
latérales. Nous avons bien vu des injections qui présentaient quelque chose d’analogue
à ce que décrit M. Hyrtl; mais nous avons toujours pensé que c'était le résultat d’une
extravasation , causée par la rupture des parois excessivement minces du canal latéral ,
et que le liquide s’était répandu le long des feuillets tendineux en suivant les bases
des écailles, où le tissu cellulaire est moins dense que dans les autres parties de la peau.
N'ayant pu découvrir aucune communication des petits canaux qui traversent les
écailles de la ligne latérale avec le grand canal latéral , et ne pouvant croire à l’exis-
tence d’un vaisseau ainsi fermé de tous côtés, nous avons essayé d’injecter les canaux
muciques de la tête, depuis le canal qui se trouve enfermé dans la crête temporale.
Après plusieurs essais infructueux , nous avons réussi enfin à remplir plusieurs vais-
seaux situés autour du nerf latéral, immédiatement au-dessous de la peau qui tapisse
(*) Tab. L, fig. 7 et 8.
— 157 —
la face interne de la cavité branchiale (*) (63). L'existence de ces vaisseaux une fois
constatée en un endroit d’un accès facile, nous avons pu les suivre sans peine vers la
tête et vers l'extrémité postérieure du corps, et nous rendre ainsi compte de leur distri-
bution dans la tête.
Un premier fait à constater, c’est l'existence à l'endroit de l'ouverture du canal de
communication avec le sinus de Guvier, d’un réservoir résultant de la réunion de
quatre canaux différens. Le premier vient de la crête temporale et suit la ceinture
thoracique ; un autre (65) vient des branchies antérieures, et suit le trajet du nerf
latéral ; il est appliqué immédiatement au-dessous de la peau , sur la face externe du
premier faisceau du grand muscle latéral; le troisième vient du dernier arc branchial
et du coude de l’are pharyngien , enfin le quatrième est le canal latéral déjà dé-
crit. L'entrée de tous ces canaux dans le réservoir est défendue par des valvules qui,
quoique très-faibles, sont pourtant plus fortes que les parois du réservoir lui-même,
et comme ces valvules sont placées de manière que les liquides ne peuvent pas entrer
depuis le réservoir dans les canaux , il en résulte, que l’on peut bien de chacun de
ces canaux remplir le réservoir , et partant de là, le sinus de Cuvier ; mais que jamais
un liquide chassé depuis l’un de ces canaux ne peut entrer dans un autre.
Le cours du premier de ces canaux, celui dont le tronc principal se trouve ren-
fermé dans la crête temporale, et que nous nommerons canal mucique externe de
la téte, est facile à suivre. Arrivé à l'extrémité antérieure de l'os temporal, il se
divise en deux branches , dont l’une, passant par le frontal, se poursuit tout le long
de l'orbite et s’ouvre par de nombreux trous à la face supérieure de la tête; (le dernier
de ces trous, qui est du reste fort petit, se voit à l'angle antérieur de la fosse nasale) ;
la seconde branche passe immédiatement dans le dernier sous-orbitaire, et se continuant
tout le long de ce cercle osseux , s’ouvre par de nombreux petits trous à la surface de
la joue. L’extrémité postérieure de ce canal reçoit aussi une branche fort importante
de la mâchoire inférieure ; venant de l'extrémité antérieure de cet os et arrivée près de
Varticulation mandibulaire, elle s'engage dans un canal qui se poursuit tout le long
du bord antérieur du préopercule, en donnant de nombreuses ramifications en dehors.
Le second des canaux qui se rendent dans le réservoir commun nous a souvent
paru divisé en deux (Tab. L, fig. 1) (65). Il se compose de trois branches diffé-
rentes, chacune venant d’un arc branchial et se rendant dans un canal commun qui
longe l'appareil branchial , à l'endroit où il se fixe au crâne. Il y a deux espèces de
(*) Tab. L, fig. 1 et fig. 7.
Tone III. 18
— 138 —
branches venant des branchies ; les unes, fort petites, viennent de l'extrémité supé-
rieure de l’arc et notamment des feuillets qui ne sont plus fixés sur l'arc lui-même.
Les autres qui sont les moins profondes et les plus considérables, longent l’arc osseux
lui-même et se trouvent être la continuation directe des branches de la veine de
Duvernoy. Nous avons réussi à injecter les branches allant aux arcs et la veine de Du-
vernoy, depuis le canal branchial commun (63).
Le troisième canal (64) (Tab. L, fig. 4 et 8) vient d’un réservoir commun, qui
se trouve autour de l’apophyse plate de la pièce supérieure du quatrième arc bran-
chial. Ce réservoir , composé d’un canal circulaire , reçoit deux branches importantes,
l’une venant du troisième arc branchial ; l’autre arrivant du milieu du corps. Cette
dernière branche communique sur la ligne médiane, avec son analogue de l’autre
côté (Tab. L. fig. 2), immédiatement au devant de l’extrémité antérieure des reins,
et c’est dans cette réunion médiane que s’ouvrent les deux grands troncs des vaisseaux
lympbatiques qui longent l'aorte, et dans lesquels viennent se verser tous les vaisseaux
lympbhatiques des intestins et du corps. Il existe de plus deux petites branches dont
nous n'avons pas pu suivre exactement le trajet; toutes deux se rendent dans la partie
antérieure de cette branche transversale et paraissent venir du cerveau (fig. 2). Enfin
il y a encore une branche venant du quatrième arc branchial, qui joue vis-à-vis de la
veine de Duvernoy , le même rôle que les branches des arcs antérieurs.
Nous n’avons pas pu poursuivre plus loin le trajet de ces vaisseaux dans l’inté-
rieur de la tête ; ces recherches sont même du nombre des plus difficiles que nous
ayons rencontrées jusqu’à présent dans tout le domaine de l’anatomie. Les parois des
vaisseaux sont excessivement minces , et le grand nombre de valvules qui paraissent
exister dans leur trajet s'opposent à l'injection des liquides, du centre vers la périphé-
rie et rendent impossible la poursuite de leurs branches terminales. Les mêmes causes
nous empêchent de traiter en détail des vaisseaux lymphatiques des viscères du corps.
Nous avons bien reconnu l'existence de deux canaux principaux embrassant l'aorte
et longeant la colonne vertébrale. Nous nous sommes également convaincus de l’exis-
tence de vaisseaux lymphatiques dans le mésentère sur des poissons frais, mais nous
avons aussi reconnu que l'injection ne pouvait conduire qu’à des résultats faux et
trompeurs , le mercure étant trop pesant pour ne pas rompre à l'instant les parois si
délicates de ces vaisseaux; d’un autre côté le diamètre de ces mêmes vaisseaux est
trop petit pour que d’autres liquides puissent y être introduits.
Si nous cherchons maintenant à nous rendre compte du système des canaux mu-
ciques dans son ensemble , nous verrons qu'il existe deux lignes principales de
— 159 —
canaux longeant, l’une les parties internes de la tête et la ligne latérale, l'autre la
colonne vertébrale jusque vers la base du crâne et le point d’attache des branchies ;
que ces deux lignes communiquent ensemble dans plusieurs réservoirs situés à la
base du crâne et sous la ceinture thoracique ; qu’elles ont de nombreuses commu-
nications avec le système veineux par les branches de la veine de Duvernoy, par les
sinus de Cuvier et par la veine cardinale ; que les vaisseaux lymphatiques du corps
se déversent dans la ligne interne, et qu’enfin la ligne externe à de nombreuses
communications avec l’intérieur, et par conséquent avec l’eau ambiante par les trous
existant sur la tête, et probablement aussi par les petits canaux qui percent les
écailles de Ja ligne latérale. Nous aurions bien désiré pouvoir arriver à une certitude
complète sur ce dernier point, la communication des canaux des écailles avec le canal
latéral ; mais nous sommes obligés de convenir qu’il reste encore plus d’un doute
à éclaircir à cet égard. Nous dirons cependant que nous n’avons jamais pu trouver un
second canal logé dans l’intérieur même de la peau et réunissant à lui tous les petits
canaux des écailles. Ce qui est sûr, c’est que la mucosité qui couvre le corps des
poissons n’est point une sécrétion déversée par ces petits canaux et par les ca-
naux muciques de la tête, comme on l'a cru jusqu'ici, et comme le prétend encore
M. Hyrtl. Cette mucosité est le produit de la peau elle-même sur tous ses points ;
elle est le véritable épiderme des poissons, composé de cellules nucléolulées, qui
ne se distinguent en aucune façon de l’épithélium qui couvre la face interne des
intestins. Ces cellules se raccorniraient sans doute comme les cellules de l’épiderme
des animaux vivant dans l’air, si les poissons ne vivaient pas dans l’eau, et si par
conséquent les cellules n'étaient pas constamment imbibées de liquide.
En partant de ces faits, on reconnaitra facilement que le système des vaisseaux
muciques, comme on les a appelés jusqu’à présent, n’est qu’un système de vaisseaux
absorbans contenant de la lymphe venant des intestins et du corps, et de l’eau pompée
du dehors. M. Hyrtl a démontré que dans des poissons morts hors de l’eau, ces vais-
seaux ne contiennent autre chose que de l'air, observation que nous avons trouvée
parfaitement exacte. Il est facile de prouver, d’un autre côté, que la mucosité qui
entoure les poissons ne peut provenir d’une sécrétion qui s’échapperait par les ouver-
tures de la tête et par les canaux des écailles de la ligne médiane ; car dans les pois-
sons les plus glutineux, comme, par exemple, dans l’anguille, ces canaux sont tout-
à-fait imperceptibles. Nous avons d’ailleurs démontré au chapitre de la structure de la
peau , l’existence de cet épiderme universel dont nous venons de parler.
Quelques doutes qu’il puisse cependant rester encore sur les communications qui
— 140 —
existent entre les diverses parties du système des canaux muciques, toujours est-il
que les ouvertures qu'ils -présentent à l’extérieur sont disposées d’une manière très-
régulière et constante, en sorte qu’elles forment souvent des séries très-marquées sur
les flancs du poisson, sur son crâne, sur ses joues, sur les pièces operculaires et sur
la mâchoire inférieure , dont les zoologistes ont tiré un assez bon parti comme carac-
tères distinctifs des genres et des espèces. C’est ainsi que la direction de la ligne laté-
rale, qui est formée d’une série longitudinale d’écailles percées de canaux muciques,
a été de tout temps considérée comme un des traits les plus caractéristiques des pois-
sons ; c’est ainsi que des flexions brusques ou une interruption dans la série de ces
écailles, ont fréquemment été envisagées comme des caractères suffisans pour distin-
guer des genres. Mais nous ne pourrons réellement apprécier la valeur de ces diffé-
rences que lorsque nous connaitrons bien exactement la nature des fonctions de ces
appareils.
"QU
NÉVROLOGIE.
DU CERVEAU EN GÉNÉRAL.
La grande diversité d'opinions que les anatomistes ont émises au sujet de la déno-
mination des différentes parties du cerveau des poissons, atteste hautement l'incertitude
qui existe, chez les auteurs, sur l’analogie que ces parties présentent avec celles du cer-
veau des autres animaux vertébrés. L’incertitude qui règne à cet égard est si grande ,
que l’on ne trouve pas même d’accord entre les dénominations employées pour dési-
gner les mêmes parties chez différens poissons , comme nous aurons plus d’une occa-
sion de le faire remarquer.
Au milieu des difficultés qu’un pareil état de choses présente, nous avons pensé que
la marche la plus simple que nous ayons à suivre, était de décrire d’abord en détail le
cerveau de la truite de ruisseau (Salmo Fario), que nous avons choisie pour base de nos
dissections, en donnant à ses parties les noms qui nous paraissent les plus convenables,
sans établir d’abord de comparaisons avec le cerveau des autres vertébrés, nous bor-
nant pour le moment à inscrire en note la synonymie des auteurs les plus connus, comme
nous l’avons fait pour les os de la tête, dont l'étude n’est pas moins compliquée. Plus tard
nous reviendrons sur ce sujet et nous chercherons alors à justifier notre nomenclature
par un examen critique des différentes opinions qui existent sur l’encéphale des poissons.
Pour de plus amples détails descriptifs sur le cerveau de l’ensemble des poissons os-
seux, nous renyoyons à l'excellent mémoire de M. Gottsche (‘) sur ce sujet, et à diffé-
rens mémoires de MM. J. Müller (?), d’Alton (°) Valentin (*), Stannius (”) et Savi (°) sur
le cerveau de divers poissons, sans citer de nouveau les ouvrages plus anciens de
(!) Dans J. Müller, Archiv für Anat. etc. 1835.
(?) Dans son Anatomie des Myxinoides.
(°) Dans J. Müller, Archiv etc. 1838 et 1840.
(f) Dans les Nouveaux Mémoires de la société helvétique des scienc. nat Tom. VI et dans J. Müller, Archiv
etc. 1842.
(°) Dans J. Müller, Archiv etc. 1843.
(*) Dans Matteuci, Traité des phénomènes électro-physiologiques.
Tom. HI. 19
— 112 —
Haller, Cuvier, Carus, Arsaky, Tiedemann, Treviranus , Serres et Desmoulins, qui
sont généralement connus.
La cavité cérébrale des truites n’étant pas très-spacieuse , le cerveau en occupe la
majeure partie. On peut même dire qu’à l'exception des masses graisseuses qui recou-
vrent, en avant, les tubercules olfactifs, sur les côtés, les corps quadrijumeaux, et en
arrière, la partie antérieure et supérieure du cervelet, la cavité cérébrale est complè-
tement occupée par le cerveau. Il n’en est pas tout-à-fait de même des autres espèces
du genre Salmo et des autres genres de la famille des Salmones, qui ont une masse
plus considérable de tissus graisseux autour de leur cerveau et dont le cerveau est
plus petit proportionnellement à leur taille.
C’est chez le Salmo Trutta, que nous avons trouvé le cerveau le plus petit compara-
tivement à la masse du corps. Dans un exemplaire de cette espèce du poids de seize
livres (la livre à seize onces) le cerveau et la moëlle alongée, coupée à la sortie de la
cavité du cràne, pesaient moins d’un gramme et quart (1,235), c’est-à-dire seule-
ment la sept millième partie environ de la masse totale du corps, tandis que le cerveau
d’une truite de ruisseau /Salmo Fario) d’un quart de livre , pesait presque un dixième
de gramme (0,09) ou à peu près la quinze centième partie de la masse totale du corps.
Ce qui nous prouve que le cerveau, dans différentes espèces du même genre, loin
d’être proportionnel à leur taille, offre bien plutôt un type uniforme, caractéristique
pour chaque grand groupe par ses formes , aussi bien que par ses dimensions.
Lorsqu'on examine le cerveau de la truite d’en haut, après avoir enlevé les mem-
branes qui l’enveloppent et dont nous nous occuperons plus tard, on observe trois
groupes principaux de renflemens , alignés les uns derrière les autres , qui correspon-
dent aux divisions embryoniques que nous avons désignées sous les noms de prosen-
céphale , de mésencéphale et d’épencéphale (‘) , dénominations que nous conserverons
ici.
Les deux premières de ces divisions, celles qui correspondent au prosencéphale C (°),
et au mésencéphale B, sont paires et séparées longitudinalement et transversalement
par de profonds sillons; à leur point de jonction se trouve en E un petit corps impair,
que nous considérons avec la plupart des anatomistes comme l’analogue de la glande
pinéale. En avant des premières se trouvent les petits tubercules olfactifs D , dont nous
nous occuperons ci-après. La troisième grande division du cerveau À est impaireet re-
(1) Embryologie des Salmones , chap. V; p. 152.
() Voir Tab. N, fig. 1 à 10, qui représentent le cerveau sous différentes faces.
— 115 —
pose en forme de capuchon sur le raphé médian de la moëlle alongée; cette masse
correspond à l’épencéphale.
Vu d’en bas le cerveau a un aspect tout différent. Les tubercules olfactifs, le pro-
sencéphale et le mésencéphale dessinent bien encore ses contours, comme d’en haut ;
mais en arrière on aperçoit fig. 2, 5 et 4, au lieu du cervelet, la moëlle alongée h h,
avec les nombreuses paires de nerfs qui y prennent naissance. En avant de la moëlle
alongée et hors de la ligne médiane, deux renflemens paires FF, les lobes inférieurs,
entre eux et sur la ligne médiane un réseau de vaisseaux sanguins 7, appelé sac vascu-
laire par M. Gottsche, plus avant et également sur la ligne médiane, entre la partie an-
térieure des lobes inférieurs et le croisement des nerfs optiques, un corps glanduleux ,
l'hypophyse G. Les nerfs optiques I se distinguent surtout par leur grosseur et par
leur blancheur.
Afin de faire mieux comprendre la liaison et la succession de ces organes, nous com-
mencerons notre description par les parties postérieures, en avançant dans l’ordre na-
turel vers les parties antérieures.
DE LA MOELLE ALONGÉE ET DU CERVELET (ÉPENCÉPHALE).
C’est à la hauteur du trou occipital que la moëlle alongée et la moëlle épinière com-
mencent à prendre un aspect différent. Ce qui les distingue surtout c’est le plus gros
volume de la première qui est renflée, et le mode d'insertion des paires de nerfs qui
s’y rattachent. Les deux faisceaux supérieurs de la moëlle épinière s’écartent en outre
insensiblement en approchant du cerveau et forment par leur divergence une cavité
triangulaire ou plutôt en forme de losange irrégulière, le quatrième ventricule. Le
fond de cette cavité est occupé par les faisceaux inférieurs de la moëlle, qui sont ici à
découvert, lorsqu'on relève le cervelet; ce dernier sert en quelque sorte d’opereule à
la cavité, en se couchant d’avant en arrière sur toute l’étendue de la moëlle alongée.
Les faisceaux postérieurs de la moëlle alongée ou les corps restiformes (bb fig. k, 7 et9)
se renflent insensiblement à mesure qu’ils s’écartent et forment une sorte de bourrelet
alongé sur leur bord supérieur (les lobes restiformes) avant de se relever pour former les
pédoncules du cervelet qui sont placés à peu près à angle droit avec la moëlle alongée.
On remarque une sorte d’échancrure ou de dépression entre les corps restiformes et
les pédoncules du cervelet, surtout distincte de profil (e, fig. 4 et 7). Ces renflemens
postérieurs des corps restiformes ont une teinte particulière , plus terne que la moëlle
alongée; après avoir séjourné dans l'esprit de vin, ils se séparent facilement de la
— Ah —
masse principale. Leur bord supérieur est réuni par une commissure assez large qui
forme un véritable pont sur le quatrième ventricule. Cette masse grisâtre se prolonge
encore derrière le cervelet, où elle forme une sorte de revêtement à la surface posté-
rieure et interne des pédoncules du cervelet, jusque sous son capuchon. Les pédoncu-
les du cervelet eux-mêmes se renflent aussi latéralement et forment un autre bourrelet
en forme de croissant (d d'fig. 41, 4 et 6), qui se confond insensiblement avec les parties
latérales du cervelet proprement dit. En se réunissant sur la ligne médiane, les pédon-
cules du cervelet forment une voûte transversale fort élevée (e fig. 1, #, 5 et 6) sur la
partie antérieure du quatrième ventricule, c’est le cercelet proprement dit (‘). La
face inférieure de cette voûte est arrondie, en forme de museau de tanche et percée
au milieu d’une ouverture (f fig. 5, 9 et 10) qui met en communication la cavité du
cervelet et le quatrième ventricule; la partie supérieure de la voûte est {formée par
un capuchon arrondi (g fig. 1,4, 5, 6,9 et 10) coudé à angle droit sur les piliers verti-
caux du cervelet, terminé en arrière par un bourrelet obtus (g fig. 4) et qui repose par
sa face inférieure (g fig. 10) sur les bords des faisceaux postérieurs de la moëlle alongée,
fermant ainsi par en haut la partie postérieure du quatrième ventricule.
La surface du cervelet paraît lisse au premier aspect ; cependant lorsqu'on enlève
avec soin toutes les membranes qui l'entourent on reconnait de faibles traces de stries
transversales qui sont vraisemblablement les premiers indices d’un plissement,
La partie extérieure du cervelet se compose de couches concentriques de substance
grise embrassant une masse plus ou moins considérable de substance grenue d’une
teinte légèrement rosée ou plutôt couleur de chair, au centre de laquelle se trouve un
noyau médullaire blanc qui entoure une cavité étroite, verticale et comprimée dans
la partie antérieure du cervelet, triangulaire dans le centre du capuchon et horizontale
dans la partie de son prolongement qui est réfléchie en arrière.
Une section longitudinale du cervelet (fig. 9), nous montre cette cavité s'étendant
fort loin en arrière dans le capuchon et pénétrant en avant dans le coude saillant de
cet organe.
A la pactie inférieure de la face antérieure des piliers du cervelet , naissent deux
faisceaux de fibres qui se rendent à la base des bourrelets des lobes optiques, et que
l’on considère généralement comme les pédoncules du cervelet aux corps quadrijumeaux
(k kfig. 6). Mais cette dénomination nous parait peu correcte, car les bourrelets en ques-
(*) La plupart des auteurs sont d'accord sur cette dénomination ; Weber cependant l’appelle corpus quadri-
geminum.
— A1h5 —
tion ne sont point de véritables corps quadrijumeaux ; nous sommes bien plutôt dis-
posés à les considérer comme une dépendance directe du cervelet, une sorte de vermice
faisant saillie dans le mésencéphale. En effet l’on peut facilement se convaincre qu’une
lame de substance blanche s'étend dans l’intérieur du cervelet et descend verticale-
ment dans la partie inférieure et antérieure de la voûte qui repose sur le quatrième
ventricule, puis se recourbe en avant et en haut pour former en se plissant les dits
bourrelets du fond des lobes optiques, comme le montre la fig. À de Tab. Na.
Il y a donc deux sortes de fibres qui se prolongent du cervelet dans les bourrelets
du fond de la cavité du mésencéphale ; 1° les soi-disant pédoncules du cervelet aux
corps quadrijumeaux (kk de fig. 6), et 2° la lame de substance blanche qui descend de
l'intérieur du cervelet.
Les faisceaux inférieurs de la moëlle alongée (h h fig. 2, 3, 4 et 5) vont en se ren-
flant encore plus fortement en avant que les faisceaux supérieurs, mais ils ne s’écar-
tent pas l’un de l’autre; une faible dépression longitudinale (i fig. 2 et 5) marque
seule leur séparation ; vus de profil , ils forment une saillie arrondie assez prononcée
qui est affaissée à la hauteur du bord antérieur du cervelet, ou plutôt qui s’élève d'ici
sous la forme de pédoncules du cerveau vers les tubercules quadrijumeaux et les cou-
ches optiques, pour former la base du cerveau. C’est de la partie la plus saillante de
ce renflement que naissent les nerfs de la sixième paire, en avant desquels on aperçoit
sous les lobes inférieurs, qu'il faut relever pour le voir, un entrecroisement de fibres
( m fig. 8), déjà signalé par M. Gottsche, qui l’a décrit sous le nom de Commis-
sura ansulata et qui rappelle jusqu’à un certain point le pont de Varole. Les fibres
transversales qui unissent les pédoncules du cerveau dans leur partie supérieure, au
fond du quatrième ventricule et qui se combinent vraisemblablement avec la commis-
sura ansulata, forment aussi une sorte de commissure que l’on pourrait appeler la
commissure supérieure des pédoncules du cerveau (x fig. 5).
Les faisceaux de la moëlle alongée présentent chez les poissons quelques particula-
rités qu'il importe de faire ressortir. Comme nous l'avons déjà vu, les faisceaux supé-
rieurs s’écartent fortement pour former le quatrième ventricule , mais au point où ils
commencent à diverger , ils sont intimément unis par une commissure molle (x fig. 7),
déjà signalée par Haller et décrite de nouveau par M. Gottsche qui la nomme commissura
spinalis (*). La cavité du quatrième ventricule se prolonge visiblement dans l’intérieur
de la moëlle épinière. Dans le fond du quatrième ventricule , on distingue de chaque
(1) C’est la commissura cerebri infima de Haller.
— 146 —
côté du sillon longitudinal, un faisceau médullaire blanchâtre (les pyramides supé-
rieures de Gottsche) qui s’avance le long de l’aqueduc de Sylvius et s’étale dans le fond
des lobes optiques ; des fibres transversales vont de l’un à l’autre. Les fibres moyennes
de la face inférieure des faisceaux antérieurs de la moëlle alongée (les pyramides in-
férieures) suivent une direction oblique dans leur partie antérieure, se dirigent en de-
hors et s’élèvent également vers les lobes optiques. Les fibres croisées qui plus avant
simulent un pont de Varole vont les unes aux lobes inférieurs et les autres aux lobes
optiques, elles entourent la racine des nerfs de la troisième paire et laissent passer, en
o fig. 8, sur la ligne médiane, le vaisseau principal qui alimente le quatrième ventricule.
DES LOBES OPTIQUES, DES LOBES INFÉRIEURS ET DU TROISIÈME VENTRICULE (MÉSENCÉPHALE).
DES LOBES OPTIQUES,.
Les lobes optiques (‘) sont l'organe le plus compliqué et le plus volumineux du cer-
veau de la Truite. Ils forment deux masses oblongues et arrondies (B fig. 1,2,5,kLet5),
séparées l’une de l’autre par un sillon et disposées symétriquement l’une à côté de
l’autre, dans le sens de leur plus grand diamètre, en avant du cervelet , dont ils sont
séparés par un étranglement très-profond , qui pénètre jusqu'aux pédoncules du cer-
velet. En avant se voit la glande pinéale (E fig. 1) dans un espace évasé , résultant de
l’écartement des deux lobes optiques et des lobes olfactifs (C fig. 1) qui sont encore
plus avant. Pour se faire une juste idée des lobes optiques, il importe de ne pas les
comparer avec les hémisphères du cerveau des vertébrés supérieurs, malgré lanalogie
frappante qu'ils paraissent avoir avec eux. En effet, la voüte des labes optiques n’a rien
de commun avec les parois des ventricules latéraux du cerveau des mammifères, pas
plus que la commissure qui les réunit par en haut et les faisceaux qui se voûtent des-
sous celte commissure, ne sont les analogues du corps calleux et du fornix. La cavité
des lobes optiques est bien plutôt due au développement d’un système particulier de
fibres dépendant des nerfs optiques qui se déployent dans tous les sens, de manière à
former une cavité qui enveloppe les soi-disant bourrelets quadrijumeaux et les couches
optiques. Ces fibres se dirigeant d’abord sur les côtés, se voütent ensuite au-dessus
des bourrelets, puis se replient en avant et en haut et forment ainsi cette vaste enceinte
que l’on a à tort comparée aux grands ventricules du cerveau des vertébrés supé-
(!) Lobi optici Haller, Lobes creux Cuv., Corpora quadrigemina Arsaky, Müller etc.
— A1h7 —
rieurs. Dans le fond de cette cavité on trouve en arrière et sur la ligne médiane, les
bourrelets quadrijumeaux (n fig. 5, 6, 9 et 10), dont nous avons déjà parlé, et que
nous décrivons plus en détail ci-dessus, en arrière et sur les côtés des saillies oblongues
que l’on pourrait comparer aux couches optiques (0 o fig. 6), puis en avant une large
commissure (p fig. 5, 6, 7 et 9) (*) qui réunit les deux côtés du fond de la cavité; la
voüle en revanche est soutenue par une sorte de fornix (q q fig. 7 et 9) et un corps
calleux rudimentaire , formé de quelques fibres transversales.
Les bourrelets quadrijumaux (*) paraissent s’élever de la face supérieure des pé-
doncules du cerveau en avant du cervelet, mais en réalité ils naissent des faisceaux
postérieurs de la moëlle alongée ou plutôt directement du cervelet. Leurs piliers sont
séparés par une sorte d’aqueduc que l’on pourrait comparer à l’aqueduc de Sylvius. si
ces bourrelets correspondaient réellement aux corps quadrijumeaux. Ils reçoivent leurs
principaux faisceaux de la face antérieure des piliers du cervelet et de la lèvre anté-
rieure du museau de tanche, qui se prolonge dans leur base en se repliant en avant.
Leur plancher inférieur forme la vouüte du canal mentionné ci-dessus. Leur forme est
très-singulière et ne ressemble qu'imparfaitement aux corps quadrijumeaux des verté-
brés supérieurs avec lesquels on les a comparés. Ce sont plutôt des plis de la lame anté-
rieufe du cervelet, rapprochés sous la forme de trois paires de bourrelets placés les uns
devant les autres et séparés par une dépression longitudinale (n n fig. 6); les bourrelets
postérieurs sont plutôt une lame transversale divisée sur la ligne médiane et reposant
sur les pédoncules du cervelet aux corps quadijumeaux ; les bourrelets moyens sont
les plus grands et les plus saillans; les antérieurs sont séparés en avant par une échan-
crure. Leur plancher inférieur (n fig. 10) est une lame horizontale qui présente deux
ouvertures, l’une au milieu (x fig. 10), au moyen de laquelle la cavité des bourrelets
quadrijumeaux communique directement avec l’aqueduc inférieur, l’autre en arrière
(w fig. 9 et 10) qui débouche dans la partie antérieure du quatrième ventricule (fig 5).
Dans la partie antérieure de ce plancher on remarque des fibres transversales entre
les bourrelets antérieurs (fig. 10) et un peu plus en arrière à travers le milieu du plan-
cher une véritable commissure (°) (r fig. 5 et 10). Les bourrelets sont tous creux,
et leur cavité reproduit les sinuosités de leurs contours extérieurs (fig. 9). Il est facile
de se convaincre que ces corps ont une triple origine comme nous l’avons fait remar-
(*) D’après Gottsche la commissure antérieure, mais que nous croyons plutôt être la commissure postérieure.
(?) Corps quadrijumeaux Cuv.; Corpora quadrigemina Gottsche.
(©) Commissura inferior posterior eminentie quadrigeminæ de Gottsche.
— 148 —
quer plus haut; on peut mème les considérer en quelque sorte comme une simple
excroissance de la partie inférieure et antérieure du cervelet, rattachée par sa base
aux pédoncules du cerveau.
La masse des bourrelets quadrijumeaux présente une couche extérieure de subs-
tance blanche, entourant une masse grenue qui entoure à son tour leur cavité inté-
rieure.
Les couches optiques (0 0 fig. 6) quoique peu développées en apparence sont cepen-
dant l’organe essentiel des lobes optiques. Ce sont des bourrelets peu saillans , placés
au fond et en arrière de cette cavité, sur les côtés des bourrelets quadrijumeaux, aux-
quels ils se rattachent par des anses nerveuses assez développées. Il n’est pas difficile
de s’assurer que les pédoncules du cerveau envoyent une partie considérable de leurs
fibres dans ces éminences ; nous nous sommes en outre convaincu, sur un cerveau de
Palée, que les nerfs optiques se prolongent directement jusque dans leur masse et que
les parois des lobes optiques ne sont autre chose que le résultat du rayonnement de leurs
fibres, qui forment sur les côtés du fond de la cavité une sorte d'éventail, auquel
M. Gottsche a donné le nom de Stabkrantz. Cette disposition des organes du mésen-
céphale ressemble en apparence tellement à ce que l’on observe dans les hémisphères
des mammifères, qu'il n’est pas surprenant qu’on ait comparé les lobes optiques aux
hémisphères des animaux vertébrés supérieurs; mais il suffit de considérer les rapports
des nerfs optiques avec ces masses et avec leurs parois, pour rester convaincu que les
lobes optiques, malgré leur complication et malgré leur cavité intérieure, correspon-
dent dans leur ensemble aux corps quadrijumeaux et aux couches optiques et que
leurs bourrelets intérieurs ne méritent pas spécialement le nom de corps quadriju-
Maux.
En avant des bourrelets quadrijumeaux, l’on voit dans la partie antérieure du fond
de la cavité des lobes optiques une large commissure (p fig. 5, 6, 7 et 9) que l’on pour-
rait appeler la grande commissure des lobes optiques, qui réunit, sur un espace assez con-
sidérable, le plancher des deux lobes. D’après ce que nous venons de dire plus haut, il
serait assez difficile de comparer cette commissure à l’une de celles que l’on observe
chez les vertébrés supérieurs. Dans aucun cas on ne pourra la comparer convenable-
ment à la commissure antérieure , comme l’a fait Gottsche, mais bien plutôt avec la
commissure postérieure , puisqu'elle se trouve immédiatement en arrière et au-des-
sous de la glande pinéale. Mais quoi qu'il en soit de cette analogie, toujours est-il que la
grande commissure des lobes optiques contribue, avec les bourrelets quadrijumeaux,
à fermer par en haut le troisième ventricule, et qu’il n’existe d’autre communication
— 119 —
entre la grande cavité commune des lobes optiques et les troisième et quatrième ventri-
cules , que par la petite ouverture qui se trouve entre le bord antérieur des bourrelets
quadrijumeaux et le bord postérieur de la commissure , ouverture que l’on peut dès-
lors considérer comme représentant tout à la fois l’aditus ad Infundibulum et l'adi-
tus ad Aquæductum Syloii.
M. Gottsche est le premier anatomiste qui ait reconnu la présence constante, dans le
cerveau des poissons osseux, de deux piliers nerveux qu’il envisage comme un fornix et
qui naissant du fond de la partie antérieure des lobes optiques, s'élèvent d’abord verti-
calement le long de leur paroi antérieure , pour ensuite se fléchir en arrière, en s’ap-
puyant contre la face intérieure de la partie supérieure de leur voûte et se confondre enfin
en arrière avec le bord postérieur des parois de cette grande cavité. Ces piliers (qq fig. 5
et 9) naissent de deux bourrelets (44 fig. 9 et 10), placés en avant de la grande
commissure des lobes optiques, et en arrière des racines de la glande pinéale , et que
l’on pourrait considérer comme des renflemens du bord antérieur et inférieur des pa-
rois antérieures des lobes optiques. D'abord parallèles, ils sont longtemps appliqués aux
bords internes de la face intérieure des parois de la voute des lobes optiques, mais
ils divergent plus ou moins en arrière et finissent par se confondre avec les bords de
ces parois, en s’atténuant insensiblement et en se dirigeant toujours plus sur les côtés.
Au-dessus de ces piliers, M. Gottsche distingue encore un corps calleux, entre les
lèvres supérieures des parois des lobes optiques ; mais cet organe est réduit chez les
Truites à quelques fibres transversales très-menues, qui existent seulement dans la
partie postérieure de la voûte, au-dessus du fornix , à partir de la région où ses piliers
s’écartent pour se confondre avec le bord postérieur des parois des lobes optiques.
La cavité commune des lobes optiques qui est entourée par les organes que nous ve-
nons de décrire, est très-spacieuse , et pourrait être comparée aux ventricules latéraux
des mammifères, si les parois qui la circonscrivent étaient de même nature; mais loin
d’avoir ici des dépendances d’un développement considérable du prosencéphale , nous
n’avons à faire qu’au mésencéphale’ qui acquiert des dimensions d'autant plus consi-
dérables chez les poissons osseux, qu’il est en rapport direct avec l'œil, le principal
organe de la tête de ces animaux.
Pour se faire une juste idée de la forme et des dimensions de la cavité des lobes
optiques, il est nécessaire de la considérer par toutes ses faces et d’avoir recours à di-
verses coupes pour en saisir toutes les anfractuosités. La fig. 9 nous la représente ou-
verte par une section horizontale dé ses parois qui sont rejetées d’arrière en avant,
en sorte que les deux calottes KK, fig. 9 , sont sa voûte et les enfoncemens L L fig. 6,
Tom Il. 20
— 150 —
7 et 9, son fond. Dans la fig. 6, les bourrelets quadrijumeaux et les couches optiques
sont en place; dans la fig. 7, les bourrelets quadrijumeaux sont enlevés; dans la fig. 9,
ils sont fendus jusqu’à leur plancher. Dans la fig. 5 la cavité des lobes optiques est ou-
verte longitudinalement par une section verticale ; l’espace libre compris entre la voûte
et les bourrelets quadrijumeaux montre que les cavités des deux lobes communiquent
largement entr’elles. Des sections transversales et perpendiculaires complèteront cet
aperçu : la fig. C, de Tab. N a, nous montre la cavité commune des lobes optiques en
face , ouverte au dessus de leur grande commissure, q q représentant les piliers du fornix ;
la fig. D nous la montre coupée en avant des bourrelets quadrijumeaux ; la fig. E, à
travers les bourrelets moyens; et la fig. F, à travers les bourrelets postérieurs et les
couches optiques. 1
Lorsqu'on ouvre les lobes optiques , on peut facilement se convaincre que la couche
extérieure de leurs parois est de substance grise et la couche intérieure de substance
blanche. Le renflement du fond de cette cavité, que nous avons signalé plus haut sous
le nom de couches optiques, est également de substance blanche à l’intérieur, mais il
est recouvert d’une couche grenue qui tapisse aussi le fond de la cavité et les pédon-
cules des bourrelets quadrijumeaux. La substance blanche des couches optiques se
prolonge évidemment d’une manière directe dans les nerfs optiques. Il est en outre
facile de s’assurer que les parois des lobes optiques convergent vers les nerfs optiques,
et décèlent par-là la véritable nature de ces lobes. Ces rapports sont surtout évidens
dans le cerveau de la Palée, dont la substance blanche se jaunit fortement, après avoir
séjourné longtemps dans l'esprit de vin. On peut alors très-facilement poursuivre
les fibres des nerfs optiques jusque dans les parois et jusqu’au fond du plancher des
couches optiques.
Les pédoncules du cerveau qui s’élèvent vers les couches optiques sont aussi d’un
beau blanc. Des faisceaux de fibres blanches se croisent sous les lobes inférieurs , à la
face antérieure des pédoncules du cerveau.
DES LOBES INFÉRIEURS.
Les lobes inférieurs (F fig. 2, 3, k, 8 et 10) se présentent sous la forme de deux
bourrelets alongés , situés en avant de la moëlle alongée , sous le bord postérieur des
lobes optiques. Dans leur partie antérieure ils sont plus fortement écartés qu’en ar-
rière où ils convergent, en même temps qu'ils s’arquent en dedans en se fléchissant
sur eux-mêmes, ce qui leur donne la forme d’un croissant irrégulier. Cependant cette
— A5 —
forme arquée n’est apparente que lorsqu'on a enlevé le sac vasculaire qui recouvre les
deux cornes intérieures des lobes inférieurs. Ces bourrelets sont formés de fibres ve-
nant d’une part de la commissura ansulata et d’autre part des pédoncules du cerveau.
Leur intérieur est creux et cette cavité s'étend en arrière jusque dans leurs cornes in-
térieures. Leur bord extérieur est fortement échancré et présente en outre dans sa par-
tie antérieure une dépression longitudinale qui divise ces bourrelets en quelque sorte
en deux bourrélets parallèles , dont l'extérieur (J fig. 2, 3 et 4) est le plus petit et le
moins saillant. C’est dans l’anse qui sépare ces deux bourrelets des lobes inférieurs ,
que la troisième paire de nerfs apparaît à la face inférieure du cerveau.
DU SAC VASCULAIRE, DE L'HYPOPHYSE ET DU TROISIÈME VENTRICULE.
Le sac vasculaire (Hfig. 2) est formé d’un réseau assez serré de vaisseaux accumu-
lés sur les cornes internes des lobes inférieurs , et réunis par du tissu cellulaire, de ma-
nière à former une sorte de sac pendant à la surface inférieure du cerveau, sur la
ligne médiane, en avant de la moëlle alongée. Les vaisseaux qui forment ce réseau
correspondent à ceux qui, chez les mammifères, pénètrent dans le cerveau par la dé-
pression qui se trouve entre les pédoncules du cerveau et les corps mammillaires.
En avant du sac vasculaire se trouve l’hypophyse (G fig. 2, 4 et5), entourée des lo-
bes inférieurs et des racines des nerfs optiques. C’est un corps glanduleux, trilobé, at-
taché à un tube vasculaire, l’infundibulum, qui repose sur une fente longitudinale qui
sépare le prolongement des pédoncules du cerveau et communique directement avec
le troisième entricule (M fig. 5). Le pourtour de cette ouverture, que Gottsche appelle
culva , est renflé et saillant. La cavité du troisième ventricule elle-même est assez spa-
cieuse et s'étend entre l'infundibulum , le chiasma des nerfs optiques, la commissure
des pédoncules du cerveau et le plancher des bourrelets quadrijumeaux ; elle commu-
nique en arrière par le canal de Sylvius avec le quatrième ventricule, et en haut par
une ouverture assez étroite , avec la grande cavité commune des lobes optiques.
DU CHIASMA DES NERFS OPTIQUES.
Par son grand développement et l’espace considérable qu’il occupe à la base du cer-
veau, le chiasma des nerfs optiques mérite tout particulièrement de fixer l'attention.
Loin de ressembler aux autres nerfs des poissons et de former des cordons cylindracés,
les nerfs optiques de la truite se présentent sous la forme de larges bandelettes ner-
veuses plissées sur elles-mêmes, de manière à former de grands faisceaux obliques qui
— 152 —
se croisent complètement sous les lobes olfactifs. Il est très-facile d’étaler ces bande-
lettes et de s'assurer par-là que les nerfs optiques sont de véritables membranes très.
minces qui se détachent du bord inférieur et antérieur des lobes optiques, dont elles
sont le prolongement direct, après avoir formé le long de ce bord un petit bourrelet
(N fig. 4), séparé des lobes optiques proprement dits par un léger sillon, dans lequel
se logent les nerfs de la quatrième paire.
En avant de la vulve , sous le chiasma des nerfs optiques se trouve une commissure
(x! fig. 5 et 5) que Haller a déjà décrite sous le nom de commissura transversa et que
M. Gottsche mentionne également. Pour l’apercevoir, il faut séparer les nerfs optiques
et les écarter fortement.
Entre les deux nerfs optiques, on remarque en outre devant la commissure trans-
verse de Haller une fente longitudinale (z fig. 3) qui communique avec le troisième
ventricule; celte fente est, fermée en avant par quelques fibres qui se croisent. Du
reste les nerfs optiques ne mêlent point leurs fibres et passent l’un dessous l’autre,
sans se combiner.
DE LA GLANDE PINÉALE.
La glande pinéale (E fig. 1, 4, 5, 6 et 10) est un organe très-développé chez les pois-
sons en général et chez les Truites en particulier. Sa position entre les lobes olfactifs
et les lobes optiques n’est pas l'argument le moins important en faveur de l'opinion qui
considère les premiers comme représentant le prosencéphale et les derniers le mésen-
céphale. Mais ce que la glande pinéale offre de caractéristique chez les Truites, c’est
que son prolongement supérieur se loge dans un enfoncement profond percé dans le
cartilage crânien et qui pénètre jusque sous la plaque osseuse des frontaux. [ei la glande
pinéale est formée d’une houpe de vaisseaux très-menus, enlacés et anastomosés de
manière à représenter une sorte de massue portée sur un pédoncule plus grèle. Ce
pédoncule lui-même se compose de quatre racines nerveuses (ssss fig. 6 et 10) nais-
sant de quatre petits tubercules situés au bord antérieur du plancher des lobes opti-
ques, sous le pli antérieur de leur paroi, en avant des racines du fornix, et que
M. Gotische a nommés {ubercules intermédiaires, sans indiquer d’une manière pré-
cise leurs rapports avec la glande pinéale. Le méme auteur signale en outre une com-
commissure dans cette région, qu’il nomme commissura lenuissima, mais que nous
n’avons pas remarquée dans la Truite.
DES LOBES ET DES TIBERCULES OLFACTIFS,. (PROSENCÉPHALE. )
Les lobes olfactifs (C fig. 4,2, 3,4, 5, 6 et 10), sont de petits renflemens ar-
rondis placés symétriquement en avant des lobes optiques et qui n’offrent rien de
particulier dans les poissons. Leur masse est compacte et d’une teinte particulière, d’un
blanc hyalin bleuâtre ; leur surface est moins unie que celle des lobes optiques, cepen-
dant elle est dépourvue, chez les Truites, de ces sinuosités que présentent les Cyprins,
les Gades, les Anguilles et d’autres poissons, et que l’on pourrait envisager comme les
premières traces des circonvolutions des hémisphères. Les fibres dont se composent les
lobes olfactifs paraissent naître des lobes inférieurs et des pédoncules du cerveau, et
dépendre ainsi directement et indirectement du développement des faisceaux anté-
rieurs de la moëlle alongée.
Les lobes olfactifs présentent en effet à leur base des fibres longitudinales blanches
qui passent sur les racines des nerfs optiques et qui paraissent être le prolongement
direct des pédoncules du cerveau, tandis que d’autres fibres s’élèvent des lobes infé-
rieurs dans leur masse.
Une forte commissure (u, fig. 3, 5 et 10), qui nous parait devoir être comparée à
la commissure antérieure, réunit les deux lobes olfactifs. C’est la commissura inter-
lobularis de Gottsche.
En avant des lobes olfactifs se voient encore deux petits tubercules, les tubercules
_olfactifs (D, fig. 1, 2, 5, 4, 5, 6 et 10), d’où naissent directement les nerfs qui se
rendent aux organes de l’odorat, ou plutôt qui ne sont qu’un renflement de la partie
postérieure et supérieure de ces nerfs. Leur aspect est le même que celui des lobes ol-
factifs ; les rapports des tubercules olfactifs avec les nerfs de l’odorat et avec les lobes
olfactifs ne permettent pas de douter que ces derniers ne représentent les hémisphères
du cerveau des vertébrés supérieurs, dans un état très-rudimentaire.
Si maintenant nous résumons les résultats que nous avons obtenus sur les rapports
des différentes parties de l’encéphale , nous pouvons dire que le cerveau se divise en
trois régions principales , dont l’une située en arrière est occupée par le cervelet et la
moëlle alongée, l’autre qui est au milieu et qui occupe le plus d’espace est représentée
par les lobes optiques avec leur cavité et les organes qu'ils contiennent , les lobes in-
férieurs avec le sac vasculaire, lhypophyse avec l’infundibulum et le troisième ven-
tricule et le chiasma des nerfs optiques, enfin la troisième qui est en avant n’est formée
que des lobes et des tubercules olfactifs.
— A5 —
DES ENVELOPPES CÉRÉBRALES ET DE LEUR COLORATION.
La dure-mère est une membrane fibreuse d’un blanc argentin, adhérant fortement
à la face interne du cartilage qui forme la cavité cränienne. Dans la partie supérieure
de la vouüte, cette membrane est fortement parsemée de points de pimens colorés
d’une teinte généralement foncée. La masse graisseuse qui remplit une partie de la
cavité cérébrale, est assez étroitement liée à la dure-mère. Les accumulations solides
de cette masse du moins, adhèrent à la dure-mère au-dessus des corps quadriju-
meaux , mais leur tissu est plus lâche au contact avec le cerveau. Les masses solides
passent même insensiblement à une graisse complètement liquide, qui est beaucoup
plus abondante chez les Corégones que chez les véritables Truites. Chez la Palée on
observe même, en arrière du cervelet, une masse considérable de graisse reposant
sur la moëlle alongée , qui n’existe pas dans la Truite.
Pour séparer plus facilement les membranes qui entourent le cerveau, il faut les sou-
mettre pendant quelque temps à l’action de l’esprit de vin. Par ce procédé, on peut fa-
cilement s’assurer qu'indépendemment des coussinets de graisse compacte qui reposent
sur le cerveau, et de la masse plus ou moins considérable de graisse liquide qui l’en-
toure, il existe autour de l’encéphale une membrane formée de grosses cellules qui
repose immédiatement sur le réseau vasculaire. Cette membrane correspond sans doute
à l’arachnoïde. Enfin le réseau vasculaire lui-même est réuni en une membrane très-
délicate, la pie-mère, qui entoure immédiatement la substance nerveuse.
Au-dessus des corps restiformes , entre eux et le cervelet, les vaisseaux forment une
véritable houpe qui ferme de ce côté la cavité du quatrième ventricule.
On remarque également une grande accumulation de vaisseaux autour de la glande
pinéale, dans l'intervalle compris entre les lobes optiques et les lobes olfactifs. Ces vais-
seaux forment aussi une sorte de houpe qui se prolonge fortement dans un cul de-sac
du cartilage crânien. |
Une troisième accumulation de vaisseaux , plus nettement circonscerile, mais néan-
moins d’une nature analogue , forme le singulier organe que nous avons décrit sous
le nom de sac vasculaire , d’après Gotische.
On voit par ces détails qu’il serait peu conforme à la nature des faits que nous venons
de signaler , de rechercher dans le cerveau des poissons un arrangement de ses mem-
branes exactement conforme à celui des enveloppes qui recouvrent l’encéphale des
vertébrés supérieurs et qui pénètrent dans ses cavités.
— 155 —
Toute la partie de la cavité cérébrale qui n’est pas occupée par le cerveau est rem-
plie, comme nous venons de le voir, de grosses cellules graisseuses d’un jaune doré plus
ou moins entremélé de piment noir. Ces masses sont surtout accumulées sur les corps
quadrijumeaux, où elles forment de véritables coussinets reposant immédiatement sur
e mésencéphale.
Les coussinets qui reposent sur les corps quadrijumeaux ne protègent pas seule-
ment leur face supérieure mais encore les côtés. Cependant la ligne médiane n’en est
pas également garnie et un espace assez considérable entre les deux lobes optiques est
immédiatement recouvert par le cartilage crânien. En avant, ces deux coussinets con-
vergent de manière à reposer de nouveau sur les lobes olfactifs et à les recouvrir en-
tièrement ; là se confondant sur la ligne médiane , ils se prolongent entre les yeux
jusqu’à la hauteur des fosses nasales, remplissant ici la partie antérieure de la cavité
cérébrale toute entière. Les tubercules et les nerfs olfactifs disputent seuls une petite
portion de l’espace à la masse graisseuse qui dépasse en avant les fosses nasales. Cette
masse est fortement comprimée par les muscles obliques supérieurs de l'œil et se rat-
tache par un mince pédoncule à celle qui repose sur les tubercues et sur les lobes ol-
factifs.
En arrière, les coussinets qui recouvrent les tubercules quadrijumeaux se réunissent
sur la partie médiane et antérieure du cervelet qu’ils recouvrent dans le voisinage des
corps quadrijumeaux seulement. Lorsqu'on enlève cette couche graisseuse , qui est
souvent d’une teinte dorée très-brillante et que l’on remarque même à travers l’en-
veloppe osseuse du cerveau: lors, dis-je, qu’on enlève cette masse graisseuse, on
aperçoit le cerveau proprement dit, enveloppé de la pie-mère et du fin réseau vascu-
laire qu’elle renferme, et qui donne au cerveau une teinte couleur de chair très-déli-
cate qui s'étend surtout au cervelet et aux lobes optiques. Le cervelet est cependant un
peu plus rouge que les lobes optiques. Les lobes olfactifs sont plutôt d’un blanc de
- lait légèrement rosé. Les tubercules olfactifs sont encore plus blancs. Entre les lobes
optiques et les lobes olfactifs, l’on remarque un réseau vasculaire qui se prolonge en
haut jusque dans le cartilage du crâne, c’est la houpe de la glande pinéale.
Les pédoncules vasculaires de la glande pinéale se prolongent très en avant dans le
cartilage crànien, dans lequel ils occupent un cul-de-sac arrondi. Il suffit même d’en-
lever la couche extérieure extrême du cartilage crânien pour transformer ce cul-de-
sac en un canal circulaire qui traverse tout le cartilage qui forme la voûte du crâne.
À la face inférieure du cerveau, la moëlle alongée paraît rosée; à sa partie antérieure
se voit le sac vasculaire qui s’étend entre les lobes inférieurs et qui se fait surtout re-
— 156 —
marquer par sa teinte rouge foncé. Les lobes inférieurs sont d’un blanc laiteux sem-
blable à la teinte des lobes olfactifs et qui contraste avec le blanc de neige des nerfs
optiques qui se dessinent d’une manière très-distincte sur les parties rosées des lobes
optiques et des lobes olfactifs qu’on aperçoit d’en bas. La glande pinéale est couleur de
chair. h
Dans la Palée, les masses cérébrales ont la même teinte à l’ouverture du cerveau
que dans la Truite. La moëlle alongée est également blanche et prend une teinte plus
rosée, à mesure qu'elle s’approche du cerveau. Les nerfs, dès leur origine , contras-
tent tous par leur blancheur avec l’encéphale. Comme chez les Truites, le cervelet est
plus rouge que les corps quadrijumeaux.
L’incertitude qui règne à l'égard de la nomenclature des parties du cerveau chez
les poissons , provient principalement de ce que dans l’étude qu’on en a faite, on s’est
plutôt attaché à décrire les formes extérieures des masses cérébrales qu’à rechercher
leurs rapports avec les formes embryoniques, ou à poursuivre la liaison de leurs
fibres, en s’aidant de coupes longitudinales et transversales et en analysant la dispo-
sition et les combinaisons des masses intérieures. En cherchant à combler cette lacune
pour la Traite, les comparaisons auxquelles nous avons été conduits , nous ont fait ac-
quérir la certitude que les différentes familles de poissons ont chacune un type particu-
lier de cerveau , dont les formes sont tellement persistantes qu’elles peuvent être con-
sidérées comme exprimant les affinités réelles des poissons entre eux bien plutôt que
leurs instincts prédominans. Ces formes présentent des différences très-sensibles d’une
famille à l’autre, ensorte qu'il est quelquefois fort difficile de saisir le plan primitif de
l’organisation du cerveau et les rapports naturels de ses parties au milieu de cette di-
versité excessive; mais ce qui a lieu de surprendre, c’est qu’en même temps, l’on ob-
serve la plus grande analogie dans les formes et la structure du cerveau des différens
genres de la même famille, qu’elles que soient les mœurs et le naturel de leurs es-
pèces (*). On peut dès-lors en conclure que les formes du cerveau sont bien plutôt l’ex-
pression d’un mode particulier d'organisation qu’un indice des penchans naturels des
poissons. Cette conclusion est pleinement justifiée par le fait que les Salmones les plus
voraces et les Corégones les plus inoffensifs ont le cerveau conformé exactement de la
(8) Les faits sur lesquels ces conclusions s'appuient ont été exposés par l’un de nous lors de la réunion de
la société helvétique des Sciences naturelles à Genève en 1845.
— 157 —
même manière, tandis qu'il n’y a aucune ressemblance extérieure entre celui des
Perches et celui des Lottes , et encore moins entre celui des Squales et celui des Bro-
chets, bien que tous ces poissons soient très-voraces, pas plus qu'entre les Esturgeons
et les Cyprins, ou les Cyclostomes, bien que ces genres soient essentiellement suceurs
et ne rappellent en rien les habitudes rapaces des poissons carnivores.
Pour résoudre les difficultés que présente l'étude du système nerveux des poissons,
il faudrait commencer par ramener à un lype commun toutes les modifications de
l’encéphale que l’on rencontre chez ces animaux , avant de chercher à établir la corres-
pondance de ses parties avec celles des autres vertébrés , puis ensuite ramener ce type
fondamental aux formes primitives des centres du système nerveux dans l’embryon.
Dans son anatomie des Myxinoïdes, M. J. Müller a résumé d’une manière très-lucide
les différentes opinions qui ont été émises jusqu’à ce jour sur la signification des dif-
férentes parties du cerveau des poissons. La manière de voir qu’il a adoptée lui-même
ne diffère que par quelques détails de celle à laquelle nous nous sommes arrêtés.
Les poissons osseux offrent entre eux assez d’analogie pour qu'une réduction
de leur cerveau, à un type commun présente moins de difficultés que lorsqu'il s’agit
d’y faire rentrer également les poissons cartilagineux. Chez tous les poissons osseux
on retrouve en effet un cervelet impair, des lobes optiques pairs, et des lobes ol-
factifs pairs ; les différences entre eux portent sur le développement plus ou moins
considérable de ces renflemens, sur leur aspect particulier et sur la présence ou l'ab-
sence de tubercules olfactifs distincts et de lobes accessoires sur les côtés des pédon-
cules du cervelet et à la naissance des cinquième et dixième paires de nerfs cérébraux
ou dans le fond du quatrième ventricule. Ces lobes surnuméraires, dont il est facile
de faire abstraction, ne modifient donc pas essentiellement le plan de l’encéphale des
poissons osseux. Le renflement que M. Valentin a appelé lobe électrique dans le Gyÿm-
note, et qu’il ne faut point confondre avec les lobes électriques des Rayes, n’est autre
chose qu’un cervelet, analogue, par son développement, à celui des Silures, des Scombres
et des Echeneis. L’arrangement des parties de la face inférieure du cerveau chez les
différens poissons osseux, diffère encore moins que l’aspect de sa face supérieure.
Chez les Cyclostomes et chez les Plagiostomes, les masses principales du cerveau dif-
fèrent de la manière suivante : le cervelet est réduit à une simple commissure des corps
restiformes , ou manque même complètement chez les Myxinoïdes et chez les Pétro-
myzontes ; en avant du quatrième ventricule les masses cérébrales forment deux
groupes de renflemens, séparés par la glande pinéale ; ceux qui sont en arrière de cet
organe, au nombre de trois ou de quatre tubercules, appartiennent au mésencéphale
Tom, Hi. y, 21
— 158 —
et représentent les lobes optiques; ceux qui sont en avant, ou nombre de quatre,
constituent le prosencéphale, et correspondent aux lobes et aux tubercules olfactifs.
Chez les Plagiostomes, le prosencéphale ne forme qu’une large masse plus ou moins
arrondie, avec des appendices latéraux en avant; le mésencéphale est représenté par
deux renflemens symétriques, plus ou moins développés, sur lesquels s’avance l’é-
pencéphale, avec les circonvolutions d’où naît la cinquième paire ; derrière l’épencé-
phale se trouvent des lobes accessoires que l’on a appelés lobes électriques dans les
Rayes, où ils sont très-volumineux, mais qui n’existent pas moins à l’état rudimen-
taire chez les Squales et chez les Rayes non électriques. Le cerveau des Chimères est
organisé d’après le même plan que celui des Plagiostomes avec lesquels il faut néces-
sairement les réunir dans une classification naturelle.
Le cerveau des Esturgeons se rapproche évidemment de celui des Batraciens par la
petitesse du cervelet, le développement transversal du mésencéphale ou des lobes
optiques, et l’alongement de la région du prosencéphale, bien que ses renflemens
soient à peine sensibles.
D’après ce qui précède, nous pourrions établir de la manière suivante le tableau de
la correspondance des organes cérébraux des poissons avec la synonymie des auteurs.
ÉPENCÉPHALE.
Moëlle alongée; corps restiformes.
Lobes postérieurs : Lobes des corps restiformes.
Lobi ventriculi quarti Valentin (Chimæra).
Lobi medullæ oblongatæ Müller (Myxine).
Cerebellum Weber.
Lobes de la huitième ou de la dixième paire.
Lobi vagi Carus, Gottsche, Valentin.
Tubercule du nerf branchial Leuret (Trigla).
Lobes de la cinquième paire.
Hintere Buckel des Mesencephalum Valentin (Gymnotus).
Lappige Mittelmasse Valentin (Torpedo).
Cerebellum Valentin (Chimæra).
Tubercule du nerf trifacial Leuret (Trigla).
Lobes du fond du quatrième ventricule.
Glandula pinealis posterior Haller. — Ganglion impar minus Weber.
Hinterer unpaarer Hügel des kleinen Gehirns Weber.
Eminentia quadrigemina Ebel (Cyprinus). — Cerebellum Ebel (Silurus).
Lobus electricus Valentin (Torpedo).
œe 27 eV
st
Cervelet proprement dit : Cerebellum. La plupart des anatomistes.
Lobus electricus Valentin (Gymnotus).
Hintere Abtheilung des Mesencephalon Valentin (Anguilla, Conger, Muræna).
Cerebellum Valentin (Echeneis, Torpedo).
Lobus ventriculi tertii Valentin (Chimæra).
Corpus quadrigeminum Weber.
MÉSENCÉPHALE.
Lobes optiques : Thalamus opticus Haller. — Lobi optici, Gottsche, Valentin, Stanmus.
Lobes optiques , Serres DesMoulins. — Tubercule optique Leuret.
Lobes creux Cuvier.
Corpora quadrigemina Arsaky, Müller.
Mittelhirn v. Baer. —Mittlere Hirnmasse Carus.—Mittellappen R. Wagner:
Eminentia bigemina Müller (Petromyzon).
Vordere Lappen des Mesencephalon Valentin.
Hemisphærium Camper. —Lobi hemisphærici Valentin (Chimæra).
Troisième ventricule : Lobus ventriculi tertii Müller (Petromyzon).
Zwischengehirn von Baer.
Hypophyse et Infundibulum.
Lobes inférieurs : Eminentia mammilaris Camper, Arsaky, Treviranus, Tiedemann.
Lobules mammillaires DesMoulins.
Lobules optiques Serres.
PROSENCÉPHALE.
Hemisphères. Tubercules olfachfs.
Tubercula olfactoria Haller. Lobes surnuméraires Cuvier.
Lobes olfactifs Cuvier. Lobi olfactorii Arsaky, Müller (Petromyzon).
- Lobi olfactorii Gottsche, Stannius. Prohæmisphærium Valentin.
Lobi hemisphærici Müller, Valentin. Tubercula olfactoria Gottsche, Stannius.
Hemisphæria Arsaky.
Lobes cérébraux Serres et DesMoulins.
Vorderhirn von Baer.
Erste Hirnmasse Carus.
— 160 —
Les recherches de M. de Baer sur l’embryologie, nous ont appris que le cerveau
des vertébrés se forme d’une série de vessies ou piutôt de lobes creux communiquant
les uns avec les autres, qui dessinent dès l’origine les trois principales régions de l’en-
céphale, et correspondent aux organes supérieurs des sens qui s’en détachent. Mais
avec l’accroissement des parties centrales de l’encéphale , ces lobes peuvent se multi-
plier par suite d’étranglemens plus ou moins marqués, et les trois vessies fondamen-
tales que nous avons désignées d’après M. de Baer, sous les noms de Prosencéphale,
de Mésencéphale et d’Epencéphale, se divisent de manière à présenter encore deux com-
partimens, plus ou moins distincts, l’un en avant du mésencéphale, correspondant à la
région de la glande pinéale et du troisième ventricule, que nous nommerons Enencé-
phale; et l’autre en arrière de l’Epencéphale, où se développent les lobes accessoires,
que nous appellerons Catencéphale. On pourrait dès-lors en conclure que rien ne doit
être plus facile que de ramener toutes les formes du cerveau des poissons à leur véri-
table type, cependant rien n’est plus difficile, car ces divisions ne se développent pas
toujours d’une manière uniforme et constante ; loin de-là elles s'étendent souvent au
détriment l’une de l’autre : tantôt elles sont réduites au nombre primitif, et tantôt
l’une et tantôt l’autre des accessoires prennent le dessus, tantôt enfin elles présentent
un développement plus ou moins uniforme et complet. C’est dans ces modifications
qu'il faut chercher la cause des difficultés que présente l’étude comparative du cerveau
des poissons en particulier et celle des vertébrés en général.
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE.
La moëlle épinière des Truites est un cordon très-uniforme, entouré des mêmes
membranes que le cerveau, qui s’étend sur loute la longueur de l’épine dorsale.et se
termine dans les muscles de la nageoire caudale. Ses faisceaux, distinets en arrière du
cervelet, se réunissent bientôt de manière à ne plus présenter qu’une faible trace de
la cavité du quatrième ventricule qui se prolonge au-dessous de la commissure
spinale.
La manière en laquelle les faisceaux postérieurs de la moëlle alongée s'élèvent dans
le cervelet pour former cette masse impaire de l’encéphale, pourrait être envisagée
comme un argument de plus en faveur de l'opinion qui considère la vertébre occipi-
tale comme le dernier jalon de la colonne vertébrale et comme le seul appareil osseux
du crâne constitué d’après le même plan que les vertèbres du tronc. *
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2
Lou PE
— 161 —
DES NERFS CÉRÉBRAUX.
PREMIÈRE PAIRE. — NERFS OLFACTIFS. 1.
Tab. L, fig. 3 et #4 — Tab. M, fig. 8 et 17. — Tab. N, fig. 2, 3, #, 5, 6 et 10.
Les nerfs olfactifs ou la première paire des nerfs cérébraux forment la continuation
directe de la base du cerveau, et notamment des hémisphères ou lobes olfactifs. Les
petits renflemens dont ils sont le prolongement, et que nous nommons avec M. Gottsche,
tubercules olfactifs, sont encore situés dans la cavité cérébrale du crâne. Ils ne sont
même séparés des hémisphères ou lobes olfactifs que par une incision, et leur volume
n'égale pas la moitié de celui de ces derniers.
Le nerf qui, de chaque côté, nait de ce ganglion, est assez considérable ; car il
égale en grosseur à-peu-près ceux de la cinquième paire. Les fibres sont molles.
grossières, mais enveloppées d’une gaine fibreuse assez forte, qui disparait peu-à-
peu, à mesure que le nerf entre dans son canal. Il n’y a qu’une partie de ces fibres.
les supérieures, qui contribuent à la formation du ganglion, et quant aux inférieures,
on peut les poursuivre directement jusqu’au de là du ganglion.
Le canal par lequel le nerf pénètre dans la cavité nasale , est creusé exclusive-
ment dans les cartilages du crâne. Nulle part le nerf ne perce un os. Les deux nerfs
sont d’abord assez parallèles à la lame médiane du vomer , plus loin ils s’écartent
vers le côté, et traversent obliquement la cavité qui reçoit l’origine des deux muscles
obliques de l'œil , au-dessous desquels ils passent, puis ils atteignent les cavités na-
sales, où ils s’enfoncent dans les feuillets muqueux de l’organe de l’odorat. Aucune
formation ganglionnaire n’est visible avant la dispersion des fibrilles du nerf.
_ Voici quel est le mode de distribution des fibres dans les feuillets muqueux.
(Tab. M, fig. 8). Le nerf se divise d’abord en deux branches égales, séparées par un
très-petit intervalle situé dans la carène médiane du nez, là où les feuillets muqueux
prennent leur origine. À la base de chaque feuillet se détache une branche assez
forte , qui , sous le microscope se laisse poursuivre le long du bord inférieur du feuil-
let, et se divise en fibrilles primitives, formant un réseau sur toute la surface du
feuillet. II nous a été impossible, à cause de la grande quantité de piment noir qui re-
couvre les feuillets, de pénétrer jusqu'aux derniers réseaux des fibrilles primitives ,
mais il est probable qu’elles ne différent pas beaucoup des réseaux du nerf de l’ouïe.
Tom. HI. 22
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SECONDE PAIRE. — NERFS OPTIQUES. II.
Tab. L, fig. 3 et 4. — Tab. M, fig. 19.— Tab. N, fig. 2,3, 4, 5 et 10.
Nous avons déjà vu plus haut (pag. 150) quelle est l’origine de ces nerfs. En les pour-
suivant dans leur trajet ultérieur , on voit de chaque côté du cerveau, au-dessus des
lobes inférieurs, le nerf optique sortir de la dépression qui existe entre ces lobes et les
lobes optiques ; de-là il se courbe autour des lobes inférieurs et de l’hypophyse, et ses
deux branches se rapprochent en avant de cet organe. En examinant attentivement
cette partie, on y découvre une petite commissure , formée seulement de quelques
fibres. Immédiatement devant l’hypophyse, les deux nerfs se croisent de telle
manière , que le nerf de droite , passant vers l'œil gauche, se trouve au-dessous du
nerf gauche, qui lui-même est dirigé vers l’œil droit. Quoique les gaines fibreuses qui
enveloppent les nerfs, se confondent ici entre elles, nous n’avons pourtant jamais pu
reconnaitre un entrelacement des fibrilles. Toutes les fibres venant de droite , passent
sans exception à l’œil gauche et vice-versa ; c’est ce dont il est facile de se convaincre,
en ouvrant les gaines fibreuses dont les nerfs optiques sont munis : ces gaines sont
très-fortes et c’est à elles seules que le nerf doït son apparence cylindrique. Le nerf
lui-même , loin d’être rond, ressemble à une large bande assez mince, mais plissée
longitudinalement , ce qui le fait paraître beaucoup plus compact. Les plis sont main-
tenus dans leur position et séparés l’un de l’autre par des feuillets fibreux qui se dé-
tachent de la surface intérieure de la gaine et s’entrelacent avec les plis de la subs-
tance nerveuse. On retrouve les mêmes plis dans toute la longueur du nerf, et ils ne
disparaissent que peu-à-peu vers son origine dans le cerveau. C’est pourquoi aussi la
partie arquée du nerf, à côté des lobes inférieurs, ne présente pas une apparence cylin-
drique, mais bien celle d’une bande assez large et simplement striée dans sa longueur.
Immédiatement après le croisement, le nerf se dirigeant obliquement en haut et en
avant traverse le grand trou de l'orbite , pour se rendre au globe de l'œil. Ici la gaine
fibreuse est encore plus épaisse qu'avant son entrée dans l'orbite, car elle contient
les artères, les veines et les nerfs de l'iris qui pénètrent tous dans l'œil avec le nerf
optique. Le nerf est l'axe autour duquel se rangent les quatre muscles droits, les
artères , les veines et le nerf ciliaire qui se voient à sa face inférieure ; le cylindre
fibro-cartilagineux qu’on a nommé le manche de l’œil et qui part du périoste du vo-
mer est également situé à la face antérieure du nerf optique, dont il partage la
direction.
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En approchant de la sclérotique , les plis des nerfs optiques deviennent moins sail-
lans , et le trou par lequel ils traversent cette membrane et la chorioïde , présente
une forme presque circulaire.
Nous avons traité de la distribution des fibrilles du nerf dans la description de l'or-
gane de la vue.
TROISIÈME PAIRE. — NERF OCULOMOTEUR. 111.
Tab. M, fig, 9, 40, 14:et 17. — Tab. N, fig. 2, 3, #et 8.
Le nerf oculomoteur , qui a son origine entre les faisceaux de la commissura ansu-
lata (fig. 8 de Tab. N), se détache du cerveau entre l’optique et le trijumeau, par
une échancrure des lobes inférieurs , dans un sillon qui se trouve entre la base des
lobes optiques et les lobes’ inférieurs, un peu plus bas que la cinquième paire et en
avant de ce nerf, de sorte que vu de côté ou d’en haut , il est presque toujours caché
par lui. Il entre de suite dans l’orbite par un trou de la grande aile (n° 11), situé
devant le trou qui donne passage au trijumeau. A peine entré dans l'orbite , il se
cache sous le muscle abducteur de l'œil, ensorte qu’il faut enlever ce dernier pour
le voir.
Comme le rameau supraorbital du trijumeau passe au-dessous de l'endroit, où l’o-
culomoteur pénètre dans l'orbite , les deux nerfs communiquent entre eux au moyen
d’un petit rameau mince et court qui exige une préparation très-minutieuse pour être
rendu visible (Tab. M, fig. 10 et 11,0), car il est entièrement enfoncé dans le tissu du
périoste, qui en cet endroit , est extrêmement épais et dur, C’est de ce petit rameau,
le représentant du ganglion ciliaire des animaux supérieurs, que part, dans la Truite
de ruisseau, le nerf ciliaire , tandis que dans la Truite saumonée, on trouve ce nerf
partant du tronc de l’oculomoteur lui-même (fig. 11 a et 19, a).
La branche ciliaire, à part cette particularité, ne présente rien d’extraordinaire
dans son trajet chez les diverses espèces du genre Salmo. Elle s’attache de suite à la
face extérieure du nerf optique (fig. 11), pénètre dans la gaine fibreuse de ce nerf,
et traverse avec lui la sclérotique. Souvent aussi elle se divise déjà en deux branches,
avant d'atteindre la sclérotique. Quand elle a atteint la surface de la chorioïde , elle
passe par le petit espace, que laissent entre elles les deux extrémités de la glande cho-
rioïdale et se divise en plusieurs rameaux , dont nous avons pu suivre le trajet jus-
que dans la substance de l'iris.
Grâce à la position du trou qui lui donne passage , le tronc de l'oculomoteur se
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trouve placé entre le muscle droit externe , le droit supérieur et le droit inférieur ;
mais comme le muscle droit extérieur a son nerf à part, il ne donne des branches
qu’au supérieur et à l’inférieur , qui entrent dans la substance de ces muscles. Avant
de fournir la branche destinée au dernier de ces muscles, il en émet une autre plus forte
(fig. 9, b), qui contournant le bord intérieur du muscle droit inférieur , passe sur le
fond de l'orbite, qu’elle traverse dans toute sa longueur , pour se rendre dans la ca-
vité qui donne naissance aux deux muscles obliques de l'œil. Arrivée dans cette ca-
vité, cette branche entre toute entière dans le muscle oblique inférieur.
Enfin la dernière branche , que ce nerf donne , celle qui forme la continuation di-
recte du tronc , est celle du muscle droit interne (fig. 9, c).
A l'exception du muscle externe, le nerf oculomoteur sert done les trois autres
muscles droits de l’œil, le muscle oblique inférieur et les fibres musculaires de l'iris.
Lorsque la branche ciliaire naît du tronc du nerf, comme c’est le cas chez la Truite
saumonée, cette branche est la dernière que le nerf donne avant de se terminer dans
le muscle droit interne.
QUATRIÈME PAIRE.—NERF PATHÉTIQUE. IV.
Tab. M, fig. 10, 17 et 18. — Tab. N, fig. 2, 3 et 4.
Ce curieux nerf que l’on peut poursuivre jusque sur la lame antérieure du cervelet
qui se rend aux bourrelets quadrijumeaux , apparaît à la face extérieure des lobes
optiques, au-dessus de la cinquième paire, par l’échancrure qui sépare les lobes op-
tiques et le cervelet; il est d’abord logé dans un sillon du bord inférieur des lobes
optiques. Il est très-mince et effilé, mais facile à apercevoir. Après s’être dirigé vers
le museau à-peu-près jusqu’à la hauteur du bord antérieur des lobes optiques, il
entre par un petit trou de la grande aïle (n° 11) dans la partie supérieure de l'orbite.
Là, appliqué contre le périoste, à la voûte de l'orbite, et passant par conséquent au-
dessus de tout l’appareil de la vue, il se dirige droit vers la cavité au-dessus de la
fosse nasale, qui reçoit Porigine des muscles obliques, et se disperse tout entier dans
la substance du muscle oblique supérieur (Tab. M, fig. 10, a).
CINQUIÈME PAIRE. — LE TRIJUMEAU. V.
Tab. K, fig. 1. — Tab. M, fig. 9, 10, 11, 17, 18 et 19. — Tab. N, fig. 1, 2, 3 et 4.
En ne tenant pas compte de la branche operculaire , qui, chez les Truiles , se com-
porte évidemment comme le nerf facial, on peut dire que le trijumeau nait de deux
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ordres de fibres, que l’on pourrait appeler des racines. Il nait à la base du cerveau,
dans le sillon qui sépare les lobes optiques et le cervelet ou plutôt au-dessous du bour-
relet latéral et inférieur du cervelet. On ne peut pas dire qu'il ait une racine anté-
rieure et une postérieure ; elles sont plutôt supérieure et inférieure , tellement les
deux rangées de filets sont superposées l’une à l’autre. La racine inférieure semble
néanmoins le céder de beaucoup à l’autre par le nombre et la grosseur des filets.
Tôt après sa naissance, le nerf s'enfonce dans un canal de la grande aile du sphé-
noïde de Cuvier.
C’est au commencement de ce canal osseux que les deux racines se confondent entre
elles et avec la racine du facial dans un même ganglion, correspondant sans doute au
ganglion de Gasser des animaux supérieurs (Tab. M, fig. 18). Rien n’est plus variable
que ce ganglion chez les Truites ; en général, il est beaucoup plus prononcé chez la
Truite commune, que chez les grandes espèces du genre, cependant nous avons aussi
trouvé souvent parmi les Truites de ruisseaux, des individus qui n’en laissaient voir au-
cune trace , tandis que chez d’autres sa présence était évidente. Toujours est-il que
celte formation ganglionnaire affecte beaucoup plus la racine supérieure, que les filets
inférieurs ‘et ceux de la septième paire, et très-souvent ces dernières fibres ne
semblent que collées au renflement du nerf supérieur.
La branche sous-orbitaire du trijumeau (fig. 19, c), se détache de la surface inférieure
du ganglion avant de quitter la substance osseuse de los sphénoïdal. Très-étroite-
ment liée en cet endroit avec le facial, cette branche se dirige en bas, par un canal
osseux , vers la liaison du vomer avec le sphénoïde. Arrivée là, elle se tourne brus-
quement en avant et se dirige vers la cavité nasale; elle est située tout au fond de
l'orbite, enfermée dans le périoste. Arrivée à l'angle antérieur de l'orbite, elle se
glisse de la face supérieure du vomer dans la fente entre cet os et le pharyngien, et
arrive ainsi, après avoir donné plusieurs rameaux au périoste de l'orbite et à la mu-
queuse de la gueule, à la face inférieure de larticulation du pharyngien et des mà-
choires, où elle se disperse en une multitude de rameaux , qui adhèrent aux mem-
branes muqueuses et fibreuses environnantes. C’est cette branche que Cuvier (*) a
appelée branche pterygo-palatine, Desmoulins (*) sphénopalatine et Büchner (°) maxil-
laire supérieur . ?
(!) Histoire naturelle des Poissons. Vol. I.
(*) Anatomie des Systèmes nerveux des Animaux à vertèbres.
(°) Mémoire sur le Système nerveux du Barbeau.
— 166 —
Après avoir donné cette branche, le nerf trijumeau traverse le canal osseux tout
entier, et ce n’est qu’à sa sortie de ce canal qu’il se divise de nouveau en deux troncs.
Le tronc supérieur ne donne naissance qu’à une seule branche, le nerf sus-orbitaire ou
nerf ophthalmique de Willis (fig. 9 et 10, d). Ce nerf, après avoir fourni la branche ci-
liaire qui communique avec le nerf oculomoteur , dont nous avons déjà fait mention
dans la description de ces nerfs, se dirige directement en haut vers la voûte de l’or-
bite, et tout en poursuivant son trajet le long de cette voûte, il fournit des filets à
toutes les membranes et aux os, devant lesquels il passe, aussi bien qu’à l’enveloppe
fibreuse du globe de l'œil. Outre la branche ciliaire, par laquelle il communique avec
l’oculomoteur, nous n’avons jamais observé une branche quelconque, se rendant aux
organes du globe de l’œil lui-même. Passant au-dessus de l’insertion des deux museles
obliques de l'œil, il pénètre dans la cavité nasale, et c’est ici, dans la muqueuse de
cette cavité et dans les membranes qui recouvrent l'extrémité du museau, qu’il forme
un plexus extrêmement compliqué avec la branche sus-maxillaire du trijumeau. De ce
plexus partent les petits filets, qui se rendent aux membranes mentionnées.
Le tronc inférieur du trijumeau se divise lui aussi de bonne heure en deux bran-
ches, mais elles restent enveloppées dans une mème gaine fibreuse, tout le long du
bord postérieur de l’orbite. Au bord extérieur de l’os palatin, à l’angle de la bouche,
la branche sus-mazxillaire (Tab. M, fig. 19, b) se détache de l’autre, longe le bord de
l'os palatin en fournissant de très-petits filets à cet os, à ses dents et à la membrane
qui le couvre; puis arrivée à l'articulation de la mâchoire supérieure, elle s’épanouit
en un nombre considérable de rameaux dont le plus considérable entre dans l’os de la
mâchoire supérieure, pour donner des filets aux dents et à la muqueuse de cet os,
tandis que ce qui reste du nerf se termine dans les nombreux filets, qui, de concert
avec la branche sus-orbitaire, composent le plexus déjà mentionné.
Les branches que nous venons d’énumérer sont, d’après leur disposition, essentielle-
ment sensitives, Il en est autrement de la dernière branche du trijumeau , de la
branche sous-maxillaire (Tab. K, fig. 1, Tab. M, fig. 18,e), qui est évidemment une
branche mixte, dans laquelle les fibres motrices semblent même l'emporter sur les
sensibles. C’est elle, en effet, qui, tout le long de son trajet au bord de l'orbite,
fournit les muscles environnans ; elle détache en outre un rameau, qui, collé
aux os, remonte directement vers les muscles moteurs de l’opercule ; enfin elle four-
nit aussi plusieurs branches considérables aux muscles masticateurs, qui forment la
masse charnue des joues ; l'enveloppe fibreuse de l'orbite ne manque pas non plus de
petits filets. Au coin de la bouche, notre branche envoie plusieurs rameaux à la mu-
rt À
— 167 —
queuse environnante et une branche assez considérable à la partie inférieure du grand
masticateur , tandis que le reste du nerf se cache entièrement au fond de la dépres-
sion , entre les deux branches de la mâchoire inférieure. lei le nerf se divise en deux
filets : lun, le plus mince, longe la branche supérieure de la mâchoire, et reçoit une
branche du nerf facial, l’autre qui est le plus considérable passe à la branche infé-
rieure de la mâchoire, se renforce d’un filet très-mince provenant également de la
septième paire, et se termine dans la muqueuse et dans le muscle de la mâchoire ,
comme la branche supérieure dans los et dans les dents.
SIXIÈME PAIRE. — NERF ABDUCTEUR. VI.
Tab. M, fig. 9, 10 et 17. — Tab, N, fig. 2, 3 et #.
Il naît par deux racines, une antérieure et une postérieure, dont chacune n'est
composée que de quelques fibrilles, partant de la face inférieure de la moëlle alongée,
près de la ligne médiane. Se dirigeant droit en bas, il traverse la partie horizontale de
la grande aile et se ramifie dans le muscle abducteur de l’œil , qui prend naissance
dans le canal sous-crânien.
Ce nerf est tellement mince et si bien caché, qu’il exige une préparation soigneuse,
pour être aperçu.
SEPTIÈME PAIRE. — LE FACIAL. VII.
Tab. K, fig. 1. — Tab. M, fig. 18 et 19. — Tab. N, fig. 2, 3 et #.
On nous trouvera peut-être un peu hardis de séparer la branche operculaire du tri-
. jumeau comme une paire à part. Mais si l’on ne peut nier l’étroite liaison , qui existe
entre le trijumeau et la branche operculaire , liaison, qui, du reste, est encore très-
grande chez les animaux chez lesquels le nerf facial est au maximum de son dévelop-
pement, il n’en est pas moins vrai que presque tous les anatomistes sont d'accord
pour envisager la branche operculaire comme répondant au nerf facial , et si les pre-
miers travaux sur la névrologie des poissons, au lieu d’avoir eu pour sujet des carpes
et des perches , avaient été faits sur des salmones, nous ne doutons pas qu'on n’eüt
d’entrée séparé ces deux paires de nerfs, tant cette séparation est distincte dans cette
famille.
— 168 —
Le nerf facial sort du cerveau par le sillon latéral de la moëlle alongée ; il est étroi-
tement lié avec la racine du nerf acoustique, et assez éloigné du trijumeau. Mais au lieu
de suivre la direction de l’acoustique, ses fibres passent obliquement vers le ganglion
de Gasser et s'unissent à la face inférieure de ce ganglion aux fibres du trijumeau et
notamment de la branche sous-orbitaire de ce nerf. Quoiqu'il y ait évidemment mé-
lange de ces deux nerfs on peut néanmoins suivre la plupart des fibres du facial qui
passent directement à la face inférieure du ganglion, pour se réunir en un seul nerf
assez notable , qui sort du crâne avec le trijumeau par le trou de la grande aîle de
l'os sphénoïdal.
Arrivé à l’extrémité antérieure de ce trou, le nerf facial, appliqué aux os du crâne,
se dirige en arrière, passe sur le bord antérieur de l’os mastoïdien (n° 25), entre dans
un canal creusé le long du bord postérieur de cet os, donne des filets bien minces aux
os environnans et à la peau de la joue, mais pas aux muscles de l’opercule, et se divise
en trois rameaux, dont le premier passe sur la face extérieure de l’os carré (n° 26),
entre dans le sillon de la mâchoire inférieure et forme ici le plexus déjà mentionné
avec la branche sous-maxillaire , qui fournit los et les dents.
Le second rameau est beaucoup moins considérable et plus profond que le premier ;
il passe sur la face extérieure du muscle masticateur , dans lequel il se perd.
La troisième branche enfin, la plus considérable de toutes, continue dans la direc-
tion du canal de l’os mastoïdien, traverse le préopercule , et arrivée à la face inté-
rieure de la membrane branchiostègue, se rend aux muscles moteurs des rayons de
cette membrane.
HUITIÈME PAIRE. — NERF ACOUSTIQUE. VII.
Tab. M, fig. 1,2, 3, 17, 18 et 19. — Tab. N, fig. 2, 3 et 4.
Ce nerf qui a son origine dans le même sillon de la moëlle alongée que le précé-
dent, mais un peu plus bas et plus en arrière, se compose de deux racines , qui dans
la Truite commune, sont beaucoup plus distinctement séparées que dans la Truite sau-
monée. Le trajet que ces deux racines ont à parcourir jusqu’au point de leur union, qui
est le col entre le sac du labyrinthe et le vestibule, est très-court, vu que toutes ces
parties sont logées dans la cavité du crâne elle-même. Là le nerf se confond en une
seule large bande, qui en rayonnant , se ramifie en trois branches ou plutôt en trois
masses principales, une pour la partie antérieure du sac, une pour les deux ampoules
— 169 —
antérieures et une pour la partie postérieure du sac et pour l’ampoule postérieure.
Les deux dernières sont presque exclusivement formées par la racine postérieure.
Nous avons indiqué les ramifications des deux branches du sac en traitant de lo-
reille ; nous rappellerons seulement ici que le nerf antérieur se divise de suite en une
grande quantité de branches et de filets, qui couvrent de leur réseau toute la partie
intérieure du sac, tandis que le nerf postérieur du sac qui longe le bord courbe de
son côté, reste pendant quelque temps presque sans ramification.
Le nerf des ampoules antérieures passe par la fente entre le sac et le vestibule sur
la face extérieure de ce dernier , pour arriver aux ampoules antérieures. Il se divise
en trois branches , dont celle du milieu se perd dans le vestibule, tandis que les deux
autres vont se ramifier dans les cloisons de leurs ampoules respectives.
Le nerf de l’ampoule antérieure enfin persiste à la face interne de l'oreille, où il se
ramifie en grande partie dans le septum de l’ampoule et donne une branche à la base
du canal semi-circulaire extérieur.
Nous n’avons pas réussi à découvrir, chez les diverses espèces de Truite, une anasto-
mose de l’acoustique avec le glossopharyngien , quoique ce dernier passe assez près
de la branche postérieure. Cette anastomose, que Cuvier prétend être générale, n’a
pas non plus été trouvée sur le Barbeau par M. Büchner.
NEUVIÈME PAIRE. — NERF GLOSSOPHARYNGIEN. IX.
Tab. M, fig. 17,18 et 19.— Tab. N, fig. 2, 3 et 4.
Tous les anatomistes sont maintenant d’accord sur la dénomination de ce nerf, qu'au-
trefois l’on envisageait à tort comme la première branche du nerf vague. En présence
de cette unanimité, on se demande pourquoi l’on se refuse encore à admettre l'in-
dividualité du nerf facial dont la liaison avec la cinquième paire n’est certainement pas
plus grande que celle du glossopharyngien avec le nerf vague? Il est probable, comme
nous l’avons déjà fait remarquer plus haut, que l’on ne serait pas tombé dans cette
inconséquence, si, au lieu d'étudier la névrologie des poissons sur des Cyprins dont
les nerfs présentent des combinaisons exceptionnelles , on s’était arrêté d'entrée aux
Truites qui ont tous les nerfs cérébraux distinctement séparés.
Le glossopharyngien prend son origine entre les racines du nerf acoustique et celles
du nerf vague dans le mème sillon latéral de la moëlle alongée, mais un peu plus
haut que l’un et l’autre de ces nerfs; il est quelquefois plus rapproché du nerf acous-
Tom. Il. 23
— 170 —
tique que du vague, d’autres fois il occupe exactement le milieu entre les deux autres
paires, par exemple dans la Truite commune. Il entre ensuite dans un canal parti-
culier de l’occipital externe (n° 10) et longe le bord postérieur du sac de l'oreille.
Pendant son passage à travers ce canal, il envoie au ganglion du nerf vague , une
branche qui, dans la Truite saumonée, ne se trouve qu'après la sortie du canal, entre
le ganglion de ce nerf et celui du vague.
Le ganglion du nerf est un renflement considérable situé immédiatement à sa sortie
du canal du rocher (Tab. M, fig. 18, a). Il est de forme presque globulaire , et les
différentes fibres primitives sont tellement entremêélées qu’il est impossible de suivre
une seule fibrille à travers ce renflement.
Le ganglion détache immédiatement (chez la Truite commune) les deux branches ,
dans lesquelles le nerf se divise, savoir: une antérieure , pour la fausse branchie , et
une postérieure, beaucoup plus considérable, pour le premier arc branchial et la
langue.
En quittant la direction originaire du tronc, le nerf de la fausse branchie se dirige
horizontalement en avant et passe si près de l’articulation crânienne du premier arc
branchial qu’il faut beaucoup de soin pour ne pas le couper en détachant cette arti-
culation. À partir de-là, il se tourne brusquement en bas et en dehors , pour se rami-
fier , soit dans la fausse branchie elle-même, soit dans la membrane muqueuse qui
recouvre les parties environnantes.
Le tronc principal du nerf, situé à l’intérieur des muscles branchiaux , entre tout
entier dans la gouttière du premier arc branchial (Tab. M, fig. 18, b), et se laisse pour-
suivre tout le long de cette gouttière, en donnant partout de petits filets aux feuillets
respiratoires, et un plus grand à articulation médiane de l'arc.
Quoique sensiblement affaibli par le nombre considérable de petits filets qu’il dé-
tache pendant son trajet , le nerf, à la sortie de la gouttière , est pourtant encore assez
épais pour qu’il soit facile de le suivre. Il se dirige de nouveau en avant, donne
quelques filets au muscle inférieur du premier are branchial, passe entre l’articulation
de cet arc avec l’os hyoïde et parait à la face extérieure de la langue, où il se ramifie
en un nombre considérable de filets, qui presque tous peuvent être suivis jusque dans
la muqueuse qui recouvre la langue (Tab. M, fig. 48,c).
à
— 171 —
DIXIÈME PAIRE. — NERF VAGUE. X.
Tab. M, fig. 17, 18 et 19.— Tab. N, fig 2, 3 et 4.
Ce nerf, l’un des plus considérables de ceux qui sortent du cerveau, nait de deux
racines assez distinctes, dont la plus grande, avec ses fibres disposées en éventail, sort
du même sillon latéral de la moëlle alongée, qui renferme les origines des paires
précédentes. Une racine plus mince se voit un peu en avant et en haut de la racine
principale, et se réunit à cette dernière au moment d’entrer dans le canal osseux de
l’occipital latéral , qui donne passage au nerf.
A l’ouverture extérieure de ce canal, le nerf se renfle en un ganglion assez consi-
dérable , auquel vient encore s’unir la branche anastomotique du glossopharyngien.
Le ganglion a une forme à peu-près ovalaire , et bien qu’il adhère plus ou moins au
tronc du nerf, il semble pourtant n’affecter que la première branche branchiale du
vague , et la branche communicative, mais nullement les autres branches posté-
rieures. Il existe des différences assez marquées dans les rapports de ce ganglion,
avec les branches postérieures ; j'ai trouvé des individus, où le ganglion était entière-
ment soudé au tronc du nerf, tandis que chez d’autres , il en était tellement séparé ,
qu'on ne pouvait douter que cette formation ganglionnaire n’appartint exclusive-
ment au nerf du second arc branchial (Tab. M, fig. 19, d).
En quittant le ganglion, les branches du nerf rayonnent immédiatement vers les
différentes parties, auxquelles elles sont destinées. Nous distinguons trois nerfs bran-
chiaux, un nerf pharyngien , la branche latérale et le rameau intestinal.
Quant aux nerfs branchiaux, qui servent les trois derniers arcs branchiaux , leur
manière d’être est assez conforme à celle du glossopharyngien (Tab. M, fig. 18, f,g,h).
Le tronc de chacun d’eux se loge immédiatement dans la gouttière de son arc
branchial qu'il suit jusqu’à son extrémité inférieure, fournissant chemin faisant les
feuillets respiratoires , et probablement la série de petits muscles destinés à mouvoir
ces feuillets. En arrivant à l'extrémité de l’arc branchial , ces nerfs sont considérable-
ment affaiblis et se perdent avec leurs derniers rameaux dans les muscles abaisseurs
des branchies. ;
Outre cette branche principale chacun de ces nerfs a encore une branche antérieure
destinée aux muscles et qui semble répondre au rameau de la fausse branchie que
fournit le glossopharyngien. Ces branches desservent invariablement les muscles de
— 172 —
l'arc branchial précédent, de telle sorte que les muscles du premier arc branchial,
dans la gouttière duquel se loge le glossopharyngien , sont servis par le nerf du se-
cond arc , et ainsi de suite.
Les muscles du dernier arc branchial sont servis par quelques filets provenant de
la branche pharyngienne, et la manière d’être de cette branche (fig. 18, à), peut à
bon droit être invoquée comme un argument en faveur de la théorie, qui envisage
les os pharyngiens comme un arc branchial transformé. En effet il n’existe aucune dif-
férence entre le cours de cette branche pharyngienne du vague , et celui des autres
nerfs branchiaux. Elle est logée dans la gouttière de ces os , dont elle suit le trajet , et
arrivée à l'extrémité antérieure, elle se perd, comme les autres nerfs branchiaux dans
les muscles abaisseurs de l’arcade pharyngienne.
La branche intestinale (fig. 18, k), est d’abord collée au nerf pharyngien , mais ar-
rivée à l’angle des os pharyngiens, elle change de direction et s’étend horizontalement
en arrière , sur l’ésophage. En traversant le diaphragme , elle donne un petit filet au
diaphragme lui-même. M. Büchner (*) veut avoir poursuivi ce filet jusqu’à l’oreillette
du cœur ; quant à nous, quoique nous ayons mis un soin tout particulier à la préparation
de ce filet, chez de grands exemplaires de Truites saumonées, nous n’avons jamais pu
le suivre plus loin que dans la couche charnue du diaphragme. Après l’émission de ce
filet, le nerf ayant traversé le diaphragme , se trouve à la face supérieure de l’éso-
phage , assez près de la ligne médiane, sur le côté extérieur des feuillets péritonéaux,
auxquels adhérent les organes sexuels et la vessie natatoire. En passant près du col de
la vessie natatoire, il fournit un filet assez fort à cet organe ; ce filet qui s’arque en
haut, se laisse poursuivre jusque dans la membrane même de la vessie natatoire.
La distribution des nerfs sur les deux côtés de l’ésophage et de l'estomac est assez
simple. Ils ne forment des réseaux ou des plexus ni avec le sympathique, ni avec les
deux nerfs réunis. Chacun rayonne de son côté en plusieurs branches, qui se subdi-
visent en rameaux el filets absolument de la même manière que s’ils se rendaient à un
muscle. I! nous a été impossible de suivre ces filets jusque dans la portion pylorique
de l’estomac , mais nous ne doutons cependant nullement qu’ils ne s’y rendent.
La dernière branche enfin, dont l'existence semble étroitement liée au système
branchial , puisqu'elle se trouve aussi chez les reptiles respirant par des branchies, est
la branche latérale, (Tab. M, fig. 18 , /). Elle naît du côté extérieur et se dirige brus-
(®) Mémoire sur le système nerveux du Barbeau, page 26. (Mém. de la Soc. d’Hist. nat. de Strasbourg.
Tom. II, 1835).
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quement en arrière, en passant par les muscles latéraux du corps et immédiatement
sous la peau et le tronc des vaisseaux muqueux des branchies. Pénétrant ensuite sous
les os de l'épaule, elle passe à la face extérieure du corps, où on la suit jusqu’à la
queue toujours située en dedans du grand canal muqueux latéral, dans la fente des
grands muscles latéraux. Partout elle donne de petits filets au vaisseau muqueux la-
téral et à la peau sus-jacente. Jamais, même sur de très-grands Saumons, nous ne
l'avons vue s’anastomoser avec les nerfs spinaux, quoique d’autres anatomistes aient
constaté des anastomoses dans beaucoup d’autres poissons. Il est possible que ces
filets anastomotiques existent cependant , et que leur extrême ténuité nous les ait ren-
dus invisibles. Le nerf latéral en général est peu développé chez les Salmones ; vers la
queue il devient tellement mince et se confond si intimément avec les membranes ten-
dineuses qui l'entourent, qu’il nous a été impossible de préparer sur les Truites non
plus que sur les Saumons le joli réseau terminal , qu’il forme à la base de l’anale , et
qui, chez d’autres poissons , peut être facilement mis à découvert.
Les Salmones n’ont qu’une seule branche latérale, encore est-elle assez superti-
cielle. On ne trouve pas de branches qui correspondent au nerf latéral profond et au
nerf récurrent , qui ont été observés chez d’autres poissons osseux.
Enfin les poissons osseux en général ne montrent aucune trace d’un nerf, qui pour-
rait correspondre au nerf accessoire de Willis, ou à la onzième paire des mammifères.
On dirait que de même que la respiration branchiale est une condition de l'existence
du nerf latéral ; de même le nerf accessoire ne se trouve que chez les vertébrés à res-
paration pulmonaire.
DOUZIÈME PAIRE. — NERF HYPOGLOSSE. XII.
Tab. M, fig. 17, 18 et 19. — Tab. N, fig. 2, 3 et4.
Cette dernière pairefdes nerfs cérébraux naît, par plusieurs racines, vers l'extrémité
de la moëlle alongée, dans le même sillon que les précédens , et sort immédiatement
du crâne par un petit trou situé à la face postérieure de loccipital latéral (n° 10).
Passant à travers les couches des insertions céphaliques du grand muscle latéral, il
se réunit d’abord au premier nerf spinal. Plus tard, quand il atteint l’angle des os pha-
ryngiens, il reçoit encore la seconde paire spinale. Suivant de-là la face antérieure de
l'épaule, l'hypoglosse se sépare bientôt des autres nerfs, et se rend vers le péricarde
en longeant toujours les os de l'épaule. Passant immédiatement sur la membrane
— 174 —
du péricarde, entre elle et le muscle pectoral interne ; il se dirige en avant et se ra-
mifie dans le muscle geniohyoïdien.
Il ne contracte aucune liaison avec le nerf vague.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS CÉRÉBRAUX.
Les discussions des anatomistes sur la composition vertébrale de la tête provoqué-
rent naturellement aussi des recherches sur les paires de nerfs cérébraux , et notam-
ment sur la réduction de ces nerfs au type des nerfs spinaux. Après avoir reconnu
que ces derniers naissaient généralement de deux racines, dont l’une est inférieure et
sensible, et l’autre supérieure et motrice, on s’appliqua également à trouver des ra-
cines sensibles et des racines motrices dans les nerfs cérébraux, et de même que l’on
se représentait les vertèbres cérébrales comme composées de pièces avortées ou déve-
loppées à l’excès, de manière à comprendre plusieurs os distincts, de même l’on ad-
mettait aussi que les racines des nerfs cérébraux pouvaient être avortées. ou s'être
fendillées en plusieurs nerfs, en apparence individuels. On se mit d’abord à la re-
cherche des nerfs cérébraux à type spinal, c’est-à-dire , de ceux qui naissent de deux
racines distinctes. Les uns éliminèrent les nerfs des trois organes sensitifs de la tête,
comme des nerfs tout-à-fait à part; les autres y virent autant de racines sensibles aux-
quelles il fallait rattacher les autres paires, comme des racines motrices , de telle
sorte que la composition des nerfs cérébraux varia à l'infini, suivant le nombre des
vertèbres cräniennes qu’on admettait. Nous ne nous arrêterons pas à discuter ces es-
sais infructueux , persuadés que nous sommes que la théorie de la composition du
crâne par vertèbres , n’est pas admissible dans toute l’étendue qu’on lui a donnée , et
que, par conséquent, c’est une tentative inutile que de chercher dans les nerfs céré-
braux une disposition analogue à celle des nerfs spinaux. Nous nous appliquerons
en revanche avec d'autant plus de soin à faire ressortir la correspondance des nerfs
cérébraux des poissons osseux, et notamment des Salmones avec ceux qu’on a re-
connus chez l’homme et chez les autres vertébrés, et il nous sera facile de prouver,
que, sauf une seule paire, qui est entièrement liée à la respiration pulmonaire , les
poissons osseux sont doués du même nombre de nerfs cérébraux que les vertébrés des
ordres supérieurs.
Il ne peut y avoir de doute sur les trois paires sensorielles de la tête, les nerfs ol-
factif, optique et acoustique, non plus que sur les trois paires motrices de l’œil , lo-
culomoteur, le pathétique et l’abducteur. Ces six paires de nerfs sont si bien sépa-
mi à EE
EE
— 175 —
rées à leurs racines et les parties auxquelles elles se rendent sont si identiques dans
toutes les classes, que du moment où l’on a commencé à s'occuper de névrologie
comparative , leur position et leurs rapports se sont trouvés irrévocablement fixés.
Le trijumeau souleva le premier des difficultés. Déjà le nombre de ses branches
ne répond pas exactement à celles du trijumeau des mammifères. La branche sus-or-
- bitaire est bien la même que la branche ophthalmique ; comme celle-ci , elle se rend
dans la cavité nasale, en passant au-dessus du globe de l'œil ; c’est elle aussi, qui
donne le nerf anastomotique qui se rend à l’oculomoteur et qui probablement n’est que
l’analogue du ganglion ciliaire , réduit à une simple anastomose. On est également
d'accord sur la branche sous-maxillaire; sa place est irrévocablement fixée par sa
répartition dans les muscles masseters et dans la mâchoire inférieure. Restent les
branches sous-orbitaire et sus-maxillaire. La dernière se rend le long de l'orbite à la
mâchoire supérieure , et c’est elle qui fournit la lèvre supérieure et les dents de la
mâchoire. Or si nous comparons cette disposition avec celle des branches du maxillaire
supérieur des mammifères et en particulier avec la branche infraorbitale, nous trou-
vons dans les deux exactement les mêmes rapports. Il resterait la branche sous-orbi-
taire, qu’il faudrait envisager comme correspondant au nerf sphéno-palatin de la se-
conde branche du trijumeau des mammifères. Et en effet le trajet que cette branche
parcourt le long du vomer , et les parties de la tête qu’elle fournit (la muqueuse de
la partie antérieure de la bouche et les os du palais), répondent assez bien à celte ana-
logie. Le trijumeau présenterait ainsi, chez les Salmones, la même distribution que
chez les mammifères, sauf que la seconde branche , le maxillaire supérieur, est divi-
sée en deux rameaux principaux , les nerfs sphéno-palatin et infraorbital.
Il y a longtemps qu’on a entrevu l’analogie du nerf que nous avons décrit dans les
pages précédentes sous le nom de nerf facial avec la paire faciale des mammifères ,
mais on n’osa pas en proclamer l'identité. Ce nerf figurait toujours comme une
- branche du trijumeau propre aux poissons , et malgré l’étroite liaison de sa racine
avec le trijumeau, on se fondait, pour contester son identité, sur la prétendue ab-
sence du nerf facial dans les classes de vertébrés intermédiaires entre les poissons et
les mammifères. Ce préjugé ayant disparu aujourd’hui qu’on a reconnu l'existence
de ce nerf chez les oiseaux, aussi bien que chez les reptiles, nous ne voyons pas
pourquoi il ne formerait pas une paire distincte chez les poissons, aussi bien que
chez les autres vertébrés. Sa racine parfaitement distincte de celle du trijumeau,
montre les mêmes rapports avec l’acoustique , ce qui l’a fait envisager anciennement
comme une partie de ce nerf. La plupart de ses fibres n’entrent pas dans la consti-
— 176 —
tution du ganglion de Gasser, mais passent outre, étant seulement collées à la face in-
térieure de ce dernier. Enfin sa répartition dans les muscles de la membrane bran-
chiostègue est analogue à celle du même nerf dans les muscles respiratoires de la tête
chez les mammifères. Par toutes ces considérations, nous sommes portés à envisager
la paire faciale comme distincte du trijumeau.
Le glossopharyngien est presque dans le même cas ; du moins ne voyons-nous pas
que sa liaison avec le nerf vague soit plus grande chez les poissons, que chez les au-
tres animaux. I! nous semble au contraire que sa racine, par son rapprochement du
nerf acoustique , est plus séparée de celle du nerf vague, que chez les mammiféres.
D'ailleurs les ramifications de son extrémité dans la langue , et celles de sa branche
antérieure dans la muqueuse buccale , établissent suffisamment son rapport avec le
glossopharyngien des autres vertébrés.
Quant au nerf vague, il n’y a guère que sa branche latérale, qui ait donné lieu à
des interprétations diverses. Tout le monde est convenu , que les rameaux respiratoires
de ce nerf ne sauraient présenter la même disposition que chez les animaux à respira-
tion pulmonaire, à cause de la différence profonde qu’il y a entre les appareils respira- :
toires. Quant à la branche latérale, on l’a comparée à différens nerfs et principalement
à la onzième paire, ou nerf accessoire de Willis. Mais comme l’a prouvé principalement
M. Bischoff, dans sa belle monographie, ce nerf n’est évidemment que musculaire,
c’est le nerf respiratoire du cou. Or l’on concevrait difficilement comment un nerf
changerait de nature chez les poissons , et la branche latérale n’est nullement mus-
culaire, comme l’ont prouvé les vivisections de M. Müller. D'ailleurs, il existe un
rapport intime entre le nerf accessoire et la respiration. Plus la respiration est active,
plus le nerf est développé et distinctement séparé du vague ; tandis que le racourcis-
sement de sa racine, et sa fusion avec le vague marchent de pair avec le dépérisse-
ment des poumons. Chez les reptiles, le nerf accessoire de Willis n’est qu’une racine
du vague, s'étendant en arrière sur la moëlle, mais seulement entre les racines des
premières paires spinales. Chez les poissons et les reptiles à respiration branchiale, il
n'existe aucune trace de cette racine du vague, se prolongeant en arrière ; le nerf ac-
cessoire a complètement disparu.
D’un autre côté, nous voyons la branche latérale du nerf vague se développer con-
sidérablement avec la respiration branchiale, Son existence chez les tétards des batra-
ciens, aussi longtemps qu'ils respirent par des branchies, a été prouvée par MM. Krohn
et von Deen; et son grand développement chez les poissons et les reptiles à respira-
tion branchiale, de même que son dépérissement successif, à mesure que les tétards
ea A
— 177 —
perdent leurs branchies sont autant de preuves du rapport intime qui existe entre le
développement de cette branche latérale et la respiration branchiale,
C’est ce dépérissement du nerf chez les tétards , et sa disposition chez les Cyclosto-
mes, qui ont conduit M. J. Müller (*) à une hypothèse, que nous croyons très-fondée,
savoir , que le nerf latéral est représenté chez les mammifères par la branche au-
riculaire du vague. Les rapports du nerf latéral avec le trijumeau , ou plutôt avec le
facial, que l’on observe chez d’autres poissons, n’existent pas il est vrai, chez les Sal-
mones , où la branche latérale est exclusivement formée par le nerf vague et non par
une anastomose de ce nerf avec la cinquième paire , et ceci, il faut en convenir, an-
nule l’une des preuves principales alléguées par M. Müller en faveur de cette analogie.
Mais d’un autre côté, si l’on considère, qu’il existe comme reste du nerf latéral des té-
tards, un petit filet qui se ramifie dans la peau derrière l'oreille, dans la même région
à-peu-près où se trouve le nerf auriculaire des mammifères, et que chez l'embryon de
ces animaux, celte région fait partie de la cavité branchiale , on n’en sera pas moins
porté à admettre l’hypothèse ingénieuse de M. Müller.
Il nous reste encore à dire quelques mots sur l’hypoglosse. Sa liaison avec les nerfs
de la nageoire pectorale l'ont fait représenter comme la première paire des nerfs spi-
naux. Mais ainsi que l’a très-bien fait remarquer M. Müller, les racines de l’hypo-
glosse recoivent aussi chez 'les mammifères des filets des deux premières paires spina-
les. Il n’y a donc rien d’étrange , à ce que cette disposition se retrouve chez les pois-
sons, où la liaison s'opère en dehors du crâne, tandis que chez les mammifères , c’est
dans la cavité crânienne qu’elle a lieu. D'ailleurs la même liaison extra-crânienne
existe aussi chez les reptiles. La racine de l’hypoglosse est aussi ici dans le crâne , et
s’il sort par le trou de l’occipital , il n’en doit pas moins être regardé comme paire cé-
rébrale , et c’est aussi la place que lui assigne sa terminaison dans la masse charnue
de l’os hyoïde.
DES NERFS SPINAUX.
Tab. K, fig. 1. — Tab. M, fig. 16.
Les nerfs spinaux sont au nombre de cinquante-quatre paires chez la Truite de ruis-
seau. Les deux premières paires servent la nageoire pectorale, les onzième jusqu’à la
vingt-cinquième sont destinées à la nageoire dorsale, les quinzième jusqu’à la ving-
(") Vergleichende Nevrologie der Myxinoïden. page 55.
Tom. Il. 24
— 178 —
tième à la nageoïire ventrale, les trente-deuxième jusqu’à la quarante-unième à l’anale
et les dernières paires enfin aux muscles de la caudale.
La disposition générale des nerfs de la moëlle est très-uniforme , et leur origine en
particulier est exactement la même pour tous les nerfs.
Chaque paire naît de deux racines, une supérieure et une inférieure , qui ont cha-
cune, comme on le sait par les autres vertébrés, des qualités fort différentes ; la racine
supérieure qui est munie d’un ganglion , est la racine sensible, l’inférieure la racine
motrice.
Chaque racine naît de son cordon correspondant, et si en ouvrant le canal de la
moëlle de côté, on ne voit pas exactement les origines des racines sur la moëlle, c’est
parce qu’elles se trouvent trop près de la ligne médiane. La racine inférieure est en
général beaucoup plus considérable que l’autre, et ses fibres plus serrées; dans la racine
sensible au contraire, les fibres s’épanouissent en éventail. Les racines naissent d’autant
plus en avant de la sortie du nerf, que ce dernier est plus rapproché de la queue,
mais toujours l’origine de la racine supérieure en est plus rapprochée que celle de la
racine inférieure ; même au milieu du corps, où la racine inférieure naît presque à la
distance d’une vertèbre plus avant, l’origine de la racine sensible semble presque au
même niveau que la sortie du nerf.
En ‘ne préparant que superficiellement les nerfs spinaux, on pourrait croire que
chacun d’eux sort par un seul trou de l’enveloppe fibreuse de la moëlle , et se divise
ensuite en deux branches, l’une destinée aux parties supérieures et l’autre à la ré-
gion ventrale. Mais il n’en est pas ainsi. Les racines ne se réunissent pas, comme chez
les autres vertébrés, sous un angle déterminé, mais bien par le moyen d’un rameau
intermédiaire situé en dehors de l'enveloppe fibreuse de la moëlle. La racine supé-
rieure monte presque verticalement pour sortir du canal de la moëlle. Quand elle a
pénétré à travers la dure-mère et la pie-mère de la moëlle, et qu’elle est entrée dans
l’épaisse membrane qui est tendue entre les apophyses épineuses, elle se renfle en un
ganglion qui, par sa situation et sa petitesse , échappe facilement à l’observation. De
ce ganglion partent deux nerfs : l’un remonte vers le dos, en suivant assez exacte-
ment la courbure postérieure de l’apophyse épineuse ; l’autre descend pour se joindre
à la racine inférieure , qui, outre cette branche de communication, donne encore deux
aatres branches, dont l’une suit le bord antérieur de l’apophyse et finit par se réunir
à la branche de la racine supérieure du nerf suivant, landis que l’autre, destinée au
côté ventral, court le long des côtes ou des apophyses inférieures (Tab. M, fig. 16).
La moëlle est ainsi comprise entre les deux racines et la branche de communication,
hrs À ./
— 179 —
comme entre les deux dents d’une fourchette. La répartition des filets que donne
chaque nerf, est extrêmement simple. Là où il n’y a pas de nageoires, les branches
supérieures de la racine sensible longent le bord postérieur de l’apophyse , derrière
laquelle ils sortent du canal de la moëlle épinière (*), se joignent au haut de l’apo-
physe à la branche montante de la racine inférieure du nerf précédent, qui a longé
le bord antérieur de cette même apophyse , et le tronc qui résulte de cette jonction ,
se ramifie ensuite dans les muscles et dans la peau du dos. Ces nerfs sont toujours si-
tués ou dans la substance elle-même de la membrane fibreuse, qui réunit les apophyses,
ou immédiatement à sa surface. Les filets, qu’ils donnent aux muscles latéraux et à la
peau, sont collés aux feuillets fibreux qui séparent les muscles latéraux, comme nous
l'avons fait observer dans le chapitre de la myologie, et il est à remarquer que c’est tou-
jours dans les angles des zigzags de ces feuillets que monte un filet plus considérable
vers la peau. Nous avons cherché en vain dans la Truite les anastomoses des nerfs spi-
naux avec la branche latérale du nerf vague, que l’on a signalées chez d’autres pois-
sons, dans l’angle médian des feuillets, vers la ligne latérale. Les branches inférieures
des nerfs spinaux passent sur le flanc des vertèbres et se répandent dans les espaces
entre les côtes. Là les apophyses inférieures donnent d’abord un filet de commu-
nication avec le grand sympathique et se ramifient ensuite de la même manière dans
les muscles et la peau, en envoyant leurs filets principalement dans les angles des
feuillets fibreux.
On ne peut méconnaitre dans l’arrangement des nerfs spinaux et de leurs racines
un but tout spécial, savoir de ne pas faire dépendre une partie musculaire quelconque
d’un seul endroit de la moëlle. Le filet ascendant des racines inférieures , en se
joignant au filet ascendant de la racine supérieure du nerf suivant, envoie des
fibrilles motrices d’un nerf à l’autre, et comme il est probable que la branche ascen-
dante de la racine supérieure contient aussi des fibrilles motrices, qui lui viennent
par la branche anastomotique entre les deux racines, il s’en suit, que chaque point
du corps où se rendent des filets du nerf ainsi composé, dépend, sous-le rapport de
la locomotion , des endroits de la moëlle où ces deux nerfs prennent naissance.
Il n’en est pas de même à l'égard des branches inférieures. Nous n'avons constaté
aucune anastomose entre les branches inférieures ; les fibrilles sensibles leur viennent
donc seulement de la racine supérieure correspondante , tout comme les fibrilles mo-
trices ; tandis que chaque branche supérieure tire des fibrilles motrices non seulement
(*) Jamais un nerf spinal ne traverse une partie du squelette; ils restent toujours derrière les apophyses.
— 180 —
de la branche anastomotique de sa racine motrice correspondante , mais aussi de la
branche remontante de la racine inférieure de la paire précédente.
Evidemment le but de cette disposition est d’étendre la faculté motrice des muscles
du dos autant que possible, et de rendre indépendante l’action de ces muscles, qui
sans aucun doute, sont les organes principaux de la locomotion et doivent être, à en
juger d’après leur développement, beaucoup plus puissans que les couches muscu-
laires de la partie inférieure du corps. |
Il nous reste encore à parler de la disposition particulière des nerfs des nageoires.
A part la caudale, cet arrangement est fort simple dans les autres nageoires ver-
ticales à rayons osseux (la dorsale et l’anale). Leurs nerfs se comportent de la même
manière que les autres, jusqu’à leur arrivée vers les petits muscles qui meuvent les
rayons. Là, ils se divisent en deux séries de branches, dont les unes extérieures pas-
sent entre les deux couches de muscles et fournissent principalement les muscles exté-
rieurs , tandis que les autres branches passent le long de la membrane fibreuse mé-
diane, et se ramifient dans la couche intérieure.
Les nerfs de la ventrale sont aussi fort simples. Ils forment entre eux, au moyen
de branches anastomotiques, un réseau à mailles assez larges , duquel partent les petits
filets qui entrent de toutes parts dans la masse charnue de la nageoire.
Les nerfs de la pectorale naissent des branches inférieures des deux premières
paires spinales. Nous avons déjà mentionné la jonction de la première branche avec
l’hypoglosse, qui à en juger d’après sa constance (chez les reptiles comme chez les
poissons) doit déterminer un certain mélange des deux nerfs. Après que l’hypoglosse
s’est de nouveau séparé, le nerf de la première paire se joint encore au second, et
forme de cette manière un seul nerf auxillaire. Ce nerf se divise bientôt en deux bran-
ches , dont l’une extérieure se ramifie dans les muscles externes de la pectorale , tan-
dis que l’autre, passant entre la masse charnue de la nageoire et la tête du muscle la-
téral, se rend dans les muscles internes de la pectorale.
Quant aux dernières paires spinales , leur répartition dépend de larrangement des
muscles de la caudale. C’est principalement la quarante-neuvième paire, dont la bran-
che forme conjointement avec la précédente, un nerf assez fort, qui se ramifie dans
les muscles, vers l'extrémité de la colonne vertébrale. Les branches supérieures des
dernières paires sont avortées , et il semble que toutes les fibrilles se réunissent pour
ne former , des quatre dernières paires, qu’un nerf assez fort, qui, contournant le
bord inférieur du cœur anal, se répartit dans les muscles inférieurs de l’anale. La
dernière paire enfin ne forme qu’un petit nerf assez mince, qui longe le bord supé-
rieur du cœur anal.
Re eue LU UT TOURS ENS SN PO
|
al
— 181 —
LE GRAND SYMPATHIQUE.
Tab. M, fig. 19.
Moins développé chez les poissons que chez les autres vertébrés, le nerf sympathique
montre pourtant dans son arrangement les particularités essentielles, qui le distinguent
nettement de tous les autres nerfs. Comme ses fibres sont parsemées de cellules gan-
glionnaires, il a toujours un reflet rougeâtre , qui contraste avec la blancheur éclatante
des autres nerfs, et qui par cela même en rend la préparation plus difficile, sans
compter que les filets nerveux dont il se compose sont extrêmement minces. Ces diffi-
cultés sont cause que l’on a longtemps méconnu sa véritable signification. Aujour-
d’hui que tous les doutes sont levés à cet égard nous n’aurons que peu de chose à
ajouter aux connaissances déjà acquises.
Il est maintenant prouvé par des recherches microscopiques, faites sur d’autres
classes de vertébrés , que le nerf sympathique ne possède pas des fibrilles propres, que
toutes ses fibrilles constitutives proviennent de la masse nerveuse centrale, aussi bien
que celles des autres nerfs, et que l'augmentation évidente du volume du nerf relati-
-vement à ses branches , dépend uniquement du développement des gaines fibreuses
et des globules ganglionnaires qui se logent entre les fibrilles. Cette disposition nous
oblige à en poursuivre le trajet en quelque sorte de haut en bas, afin de voir comment
ses racines venant des différens nerfs cérébraux et spinaux se réunissent en un seul
faisceau , qui longe l’épine du dos et qu’on appelle communément le tronc du grand
sympathique.
Les premières racines du système sympathique de la tête partent de la face infé-
rieure du ganglion de Gasser, sous la forme de plusieurs filets extrèmement minces ,
. quise dirigent en arrière ; et il semble que les fibrilles, formant ces filets , viennent
aussi bien de la cinquième que de la septième paire. Bientôt ces filets se renflent et
forment un ganglion assez considérable , de forme ovoïde (e) qui, appliqué contre los,
se trouve justement au-dessous du glossopharyngien , là où celui-ci sort de son gan-
glion. Il existe un filet de communication entre ces deux renflemens.
L'un des filets venant du trijumeau n’envoie qu’une très-petite branche au ganglion,
tandis que sa plus grande masse passe outre et forme, avec les filets sortant du gan-
glion, un réseau assez compliqué (f), d’où sortent plusieurs nerfs , qui s'associent aux
nerfs branchiques du glossopharyngien et du vague. Deux autres filets qui se réunis-
— 182 —
sent plus loin en un seul, forment la continuation du tronc le long de la base de la
tête, et après avoir reçu encore des filets du ganglion du nerf vague, se renflent en
un premier ganglion du cou (4) , situé juste sur la ligne de séparation entre l’occiput
et la première vertèbre nuchale. Ce ganglion est appliqué contre les os, tandis que
toute la partie dont il vient d’être question , repose sur les muscles , à côté des grands
vaisseaux artériels et lymphatiques de la tête.
Avec ce premier renflement commence la longue série de ganglions, qui soudés les
uns aux autres par des branches intermédiaires , entrent en communication avec toutes
les branches inférieures des nerfs spinaux , et d’où part cette multitude de petits filets
nerveux, qui se ramifient dans les intestins. C’est du premier ganglion nuchal, que
raissent les deux branches intestinales les plus considérables, destinées à l’esto-
mac (k). Ges deux filets descendent droit sur la partie postérieure de l’ésophage. Nous
avons pu les poursuivre à côté du nerf vague le long de cet organe , mais plus loin ils
nous ont échappé à cause de leur exiguité.
Le nombre des ganglions qui règnent le long du ventre , à côté de l’aorte sous
l’épine dorsale, ne répond pas exactement au nombre des vertèbres. Aussi n’est-ce
pas seulement des ganglions mais aussi des rameaux intermédiaires, que partent les
branches destinées aux intestins. Ces branches intestinales sont en nombre très-consi-
dérable et d’autant plus petites, qu’elles sont plus fréquentes. Elles entrent tout de
suite dans la masse même des reins, qui se trouve au-dessous. Leur extrême ténuité
nous a empêché de les poursuivre au de-là de l’enveloppe fibreuse des reins.
Les branches venant des rameaux inférieurs des nerfs spinaux sont très-régulières.
Elles contournent le corps de la vertèbre et se confondent aussitôt avec le tronc du
sympathique ; celles du nerf hypoglosse ne se montrent pas différentes des autres
nerfs spinaux.
Vers l’extrémité de la cavité ventrale les ganglions diminuent insensiblement de
volume et les derniers , situés au dessus de l’extrémité des reins, ne sont qu'à peine
perceptibles.
Il résulte de cette description, que l’arrangement du nerf sympathique est bien plus
simple chez les poissons que chez les animaux supérieurs , et même chez les reptiles.
C’est surtout la portion céphalique du nerf, qui est simplifiée, et pourtant elle
compte presque autant de racines que chez les autres vertébrés. Il n’y a, à ce qu’il
paraît, que le filet provenant du nerf abducteur, qui manque, du moins chez la grande
majorité des poissons osseux. Cuvier veut, il est vrai, l’avoir trouvé chez la morue.
Quant à nous, nous devons convenir que nous n’avons jamais pu l’apercevoir dans
— 183 —
la Truite. Une partie importante qui manque au sympathique des poissons et qui existe
chez tous les autres vertébrés, c’est la partie antérieure de ce système, celle même
qui prend une part si active à la formation des nerfs ciliaires et du palais, et dont la
branche récurrente de Vidianus est le représentant principal. Il n’y aurait rien d’é-
tonnant dès-lors que ce fût à cette absence des branches palatines et oculaires du sys-
tème sympathique, qu’on dut attribuer le développement peu considérable des mou-
vemens de l’œil et de l’iris, ainsi que le dépérissement du goût chez les poissons.
EXPLICATION DES PLANCHES.
OSTÉOLOGIE ET SPLANCHNOLOGIE.
Tab. A. — Fig. 1. Squelette de la truite (Salmo Fario), vu de profil.
Fig. 2. Les intestins dans leur position naturelle vus de profil. Les muscles ainsi que le péri-
toine sont enlevés. C’est une femelle prise à la fin de la ponte; on voit quelques œufs mûrs
engagés dans l'extrémité de la cavité abdominale et prêts à sortir.
Fig. 3. Les intestins d’une truite mâle vus d’en bas.
Tab. B. — Représente les mêmes parties du corps, préparées sur l'Ombre commune (Thymallus
vexillifer). Fig. 2 est une femelle vue de profil, après la ponte; fig. 3 est une autre femelle vue
d'en bas; les ovaires sont gorgés d'œufs presque mürs.
Tab. C. — Poissons du genre Corégone (Coregonus Palæa) préparés de la même manière. Le
poisson de profil est un mâle, prêt à frayer; celui que l'on voit d'en bas est une femelle peu
de temps après la ponte.
Dans ces trois planches, on a désigné les intestins par les mêmes lettres, savoir :
a, cœur; b, testicules; c, foie; d, vessie biliaire; e, appendices pyloriques; f, estomac;
g, rate; h, ovaires; +, intestins; k, vessie natatoire; /, anus; m, reins; n, vessie urinaire ;
o, branchies.
Tab. D. — Os de la tête des trois genres de Salmones vivant dans les eaux douces de l’'Eu-
rope centrale.
Fig. 1-4, Coregonus Wartmanni. Fig. 1, le crâne vu par derrière; fig. 2, de profil; fig. 3,
en dessous ; fig. 4, en dessus.
Fig. 5-8. Thymallus vexilhfer. Cräne vu par les mêmes faces.
Fig. 9-12. Salmo Fario. Crâne vu par les mêmes faces.
Fig. 13-22 sont toutes prises sur la Truite commune {Salmo Fario). Fig. 13 .Les os de l'oc-
ciput détachés et groupés d’après leur position natureile.
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— 185 —
Fig. 14. Tous les os du crâne séparés les uns des autres et vus de profil, dans leurs rapports
naturels. Fig. 15. Les os de la face supérieure du crâne détachés et vus par la face supérieure.
Fig. 16. Les os détachés de la tête qui se montrent à la face inférieure du crâne.
Les fig. 13-16 montrent les os de la même face que les fig. 9-12, seulement détachés les uns
des autres; fig. 13 correspond à la fig. 9; fig. 14 à fig. 10; fig. 15 à la moitié de fig. 11, et
fig. 16 à la moitié de fig. 12.
Fig. 17. Squelette de la tête dans son ensemble vu de profil ; les sous-orbitaires sont seuls enlevés,
Fig. 18. Les os de la face détachés , vus de profil.
Fig. 19. La tête de profil; tous les os détaillés dans la fig. 18 sont enlevés ; savoir : les mâ-
choires, l'appareil temporal et palatin et l’opercule du côté gauche ; en revanche, on voit l'os
hyoïde avec ses branches et les rayons branchiostègues ainsi que les arcs branchiaux, dans leur
position naturelle.
Fig. 20. L'hyoïde avec ses branches et les arcs branchiaux, vu d'en haut.
Fig. 21. Le même vu de profil; en dessous la carène hyoïdale vue de profil et d’en bas.”
Fig. 22. Os détachés de la ceinture thoracique gauche vus de profil.
Fig. 23. Dents détachées de la truite saumonée {Salmo Trutta).
Tab. E. — Analyse du crâne et de la colonne vertébrale de la Truite saumonée (Salmo Trutta).
Fig. {. La tête vue de profil ; tous les os sont en place.
Fig. 2. Le crâne vu d'en haut.
Fig. 3. Le même vu d'en bas.
Fig. 4. Le même vu de profil.
Fig. 5. Le même vu par derrière.
Fig. 6 à 10. Coupes du crâne destinées à faire voir les relations entre le cartilage crânien
et les os du crâne chez la truite adulte.
Fig. 6 et 7. Coupe horizontale. Fig. 6, moitié inférieure , faisant voir les creux pour les saes
des labyrinthes et l'hypophyse du cerveau ; fig. 7, Moitié supérieure, montrant la cavité ethmoï-
dienne, les orbites et la cavité cérébrale avec les espaces creusés pour les labyrinthes. Fig. 8. Coupe
longitudinale et verticale par la ligne médiane, montrant l'étendue du cartilage crânien dans la
* partie antérieure du crâne, ainsi que la cavité cérébrale et le canal sous-cränien. Fig. 9 et 10.
Coupe verticale et transverse par le milieu de la cavité cérébrale. Fig. 9, montre la moitié an-
térieure ; fig. 10, la moitié postérieure.
Fig. 11 et 12. La sixième vertèbre abdominale avec ses apophyses et les côtes, vue de profil
et en face.
Fig. 13 et 14. L'avant dernière vertèbre abdominale, vue de profil et en face.
Fig. 15 et 16. Sixième vertébre caudale, vue de profil et en face.
Fig. 17. Extrémité postérieure de la colonne vertébrale ; on y remarque le trou de commu-
nication entre les cœurs caudaux, percé à travers la plaque terminale; on y voit aussi la termi-
naison de la chorde dorsale, courhée en haut, d.
Tom, I. 25
— 186 —
Tab. F. — Os de la face et des appareils branchial et hyoïde.
Fig. 1. Le corps de l’hyoïde avec les os qui y sont attachés, vu d'en haut. L’arc hyoïde ainsi
que les arcs branchiaux sont détachés du préopercule et du crâne et repliés de côté.
Fig. 3. Les mêmes os vus en dessous.
Fig. 2. Le corps de l’hyoïde dépouillé de tous les os qui s’y rattachent et vu de profil.
Fig. #et5. Les appareils mobiles de la face, savoir les mächoires et les appareils temporal
palatin et operculaire , détachés du crâne et vus par la face externe, fig. 4 ; par la face interne,
fig. 5.
Fig. 6 et 7. Ceinture thoracique isolée vue par sa face externe, fig. 6; par sa face interne,
fig. 7.
Tab. G. — Fig. 1-8. Structure des cartilages. Fig. 1, 2 et 3, coupes du cartilage eth-
moïdien par le milieu. Fig. 4 et 5, coupe du même cartilage près de son bord orbital. Fig. 6,
déformation particulière des noyaux dans le cartilage crânien. Fig. 7. Cartilage fibreux de l’arti-
culation maxillaire. Fig. 8, cartilage étoilé du bâton de la mâchoire.
Fig. 9-10. Structure des os. Fig. 9, fine lamelle de l’opercule, montrant les corpuscules
osseux ronds et les amas de dépôts anorganiques qui séparent les raies blanches , qu'on observe
dans ces os.
Fig. 10 et 11. Os traités par des acides.
Fig. 12. Coupe verticale de la mâchoire inférieure.
Fig. 13. Portion de l’opercule, montrant les raies blanches.
Fig. 14. Portion inférieure d’un rayon de la dorsale, faiblement grossie.
Fig. 15. Une des divisions d'un rayon fortement grossie, montrant ses cavités internes et
les corpuscules osseux de la paroi.
Fig. 16. Support osseux d'un feuillet branchial.
Fig. 17. La portion de fig. 16, comprise entre les lettres a, b, ec, d, plus fortement grossie.
On y distingue les couches de véritable substance osseuse d'avec celles à cellules chondriques.
Fig. 19 et 20. Cellules chondriques confluentes des supports osseux des feuillets branchiaux.
Fig. 18. Structure de la chorde dorsale. On voit les grandes cellules transparentes entourées
de fibres plates et raides.
MYOLOGIE.
Tab. H. — Fig. 1, 2 et 3. Le poisson dépouillé de sa peau , montrant la couche externe des
muscles, fig. { de profil, fig. 2 d’en bas, fig. 3 d'en haut.
Fig. 4. Insertions céphaliques du grand muscle latéral. On a ôté tout l'appareil branchial et
operculaire , ainsi que la ceinture thoracique.
Fig. 5. Muscles des arcs branchiaux et de l'appareil operculaire. Ce dernier est coupé en haut
et abaissé de manière à montrer la partie inférieure de sa face externe ; la ceinture thoracique est
— 187 —
enlevée pour mettre les ares branchiaux et le pharynx à nu. On n’a conservé des ares branchiaux
que les bouts supérieurs et inférieurs où s’attachent les muscles.
Tab. J. — Structure des muscles.
Fig. 1 et 2. Bandeaux isolés du grand muscle latéral. Fig. 1, près de l'anale; fig. 2, au
milieu du ventre.
Fig. 3. Coupe transversale de la queue pour montrer l'enroulement des bandeaux du grand
muscle latéral.
Fig. 4. Muscles du pharynx ; face supérieure.
Fig. 5. Muscles de la dorsale ; les petits muscles superficiels sont tirés de côté pour faire voir
les muscles profonds.
Fig. 6 et 7. Muscles de la pectorale; fig. 6, côté externe; fig. 7, côté interne.
Fig. 8. Muscles de la ventrale; côté interne.
Fig. 9. Muscles de l’opercule; celui-ci est coupé et sa moitié supérieure relevée pour faire
voir sa face interne.
Fig. 10. Coupe verticale de la tête. Le corps de l'os hyoïde est enlevé ; tous les autres organes
sont conservés dans leur position naturelle.
Fig. 11. Même préparation; les arcs branchiaux ainsi que les arcs de l’hyoïde sont enlevés
avec l'œil et le cerveau ; on voit les muscles de l'œil coupés et la face interne de l’appareil maxil-
laire et operculaire.
Fig. 12. Couche profonde des muscles de la queue.
Fig. 13—15. Structure des muscles. Fig. 13, muscles volontaires : a et b, faisceaux primi-
tifs. On voit en a plusieurs fibrilles isolées et en d un plissement qui fait apercevoir la gaine
‘ou sarcolemme; €, fibres traitées à l'acide acétique.
Fig. 14. Fibres involontaires traitées à l'acide acétique ; a, de l'intestin ; b, du cœur.
Fig. 15. Fibres involontaires à l’état naturel : a et b, du cœur; c, de l'intestin.
ANGIOLOGIE ET NÉVROLOGIE.
Tab. K. — Fig. 1 et 2. Préparations de la truite commune { Salmo Fario.)
Fig. 1. Le corps vu de profil. Toute la couche musculaire du corps est enlevée; on a mis à
nu une partie du cerveau et la fosse temporale, où l'on n’a laissé que quelques morceaux des
muscles masticateurs , pour pouvoir montrer le trajet de l'artère hyoïdale vers la fausse branchie ;
le trajet du nerf facial et des branches superficielles du trijumeau, et celui des artères et
des veines de la face est à découvert ; les corps des vertèbres, les apophyses verticales , les côtes,
les aponévroses médiane et ventrale sont mises à nu, pour faire voir le trajet des artères, des
veines et des nerfs du corps; le cœur caudal est également à découvert. On peut surtout se
convaincre par cette figure, que les artères et les veines du corps sont loin de correspondre
aussi exactement aux vertèbres et à leurs apophyses que les nerfs, et qu'il y a beaucoup de vais-
— 188 —
seaux qui percent l'aponévrose médiane, et paraissent sur l'autre côté du .corps pour s'y dis-
perser.
Fig. 2. Préparation faite sur une truite mâle. Le poisson est vu de profil ; et un peu tordu sur
le dos ; les intestins sont écartés , le testicule gauche rejeté en dehors, le foie et l'estomac tiré en
bas ; l'appareil operculaire est tendu , le cœur avec le bulbe aortique et les arcs branchiaux mis
à nu pour montrer la distribution des artères branchiales et le trajet de l'artère coronaire du
cœur ; le foie est renversé pour faire voir sa face interne avec la veine porte.
Fig. 3. Extrémité caudale d’une truite saumonée { Salmo Trutta ), où lon a injecté le canal
lymphatique externe avec le cœur caudal.
Fig. #4. Cœur caudal du côté gauche, ouvert, avec la figure grossie de la valvule qui garde
l'entrée de la veine cave.
Fig. 5. Cœur caudal du côté droit, ouvert.
Les intestins sont désignés de la manière suivante dans la fig. 2; C. cœur, F. foie.
F/. Vessie biliaire, Oes. Ésophage, R. Reins, $. Rate, N. Vessie natatoire, T. Testicule, V. Vessie
urinaire, J. Canal intestinal.
Tab. L. — Angiologie de la truite saumonée { Salmo Trutta).
Fig. 1. La tête vue d'en bas. On a enlevé la mâchoire inférieure gauche; les arcs
branchiaux de ce côté, et l'appareil operculaire sont aussi enlevés. Toute la partie mobile de
la face est tirée en bas, pour faire voir le trajet de la jugulaire droite et des canaux lympha-
tiques des branchies. L'œil gauche est enlevé pour montrer l'artère surorbitaire et le trajet des
branches artérielles du museau; la sclérotique de l'œil droit est également enlevée pour faire voir le
trajet de l'artère choroïdale et sa distribution dans la glande choroïdale ; l'appareil branchial est
tourné sur son axe pour montrer la distribution du bulbe aortique et de la veine de Duvernoy.
On a également mis à nu la première veine branchiale avec les artères cérébrales et leur anas—
tomose.
Fig. 2. La tête vue d’en bas. Toutes les parties molles sont fendues jusqu'à la base du
crâne. On voit l'aorte composée des huit artères branchiales, le trajet des artères cérébrales et
faciales, la base du cerveau avec ses artères, le canal lymphatique vertébral et le trajet de l'artère
et de la veine pseudo-branchiale.
Fig. 3. La tête vue de profil. Le cerveau est complètement mis à nu, ainsi que l'œil gauche,
qui est tiré en bas, pour faire voir la distribution des artères du cerveau et de l'œil.
Fig. 4-6. Distribution des artères dans le cerveau. Fig. 4, le cerveau de profil. Le ventricule
du mésencéphale est ouvert, le cervelet fendu dans toute sa longueur et le rhombe artériel au
fond du ventricule mis à découvert. Fig. 5, même préparation ; la moëlle alongée est tournée de
manière à ce qu'elle puisse être vue d'en bas; le cervelet et les bourrelets quadrijumeaux sont
enlevés pour montrer la ramification des artères sur le fond du ventricule.
Fig. 6. La moëlle alongée d'en haut avec le sinus rhomboïdal et le couvercle du mésen-—
céphale.
— 189 —
Fig. 7 et 8. Communication du canal lymphatique latéral avec le sinus de Cuvier. Fig. 7
montre le canal latéral et les canaux branchiaux ouverts; le canal de communication est
encore intact; fig. 8, le canal fendu dans toute sa longueur, pour montrer les valvules à son ex
trémité supérieure.
Tab. M. — Fig. 1-3. Anatomie de l'oreille (Salmo Fario). Ces trois figures sont grossies
trois fois. Fig. 1 , l'oreille droite isolée vue en dehors. Fig. 2, l'oreille droite isolée vue en de-
dans. Fig. 3 , l'oreille droite isolée vue par devant.
Fig. # et 5. La grande et la petite otolithe du sac de l'oreille gauche, grossies 12 fois.
Fig. 6-8. Anatomie du nez (Salmo Fario). Les figures sont grossies trois fois. Fig. 6, le nez
gauche vu d'en haut, après avoir enlevé le couvercle. La muqueuse est étendue sous l'eau.
Fig. 7. Le couvercle avec ses deux ouvertures ; la première entourée de son bourrelet cartilagi-
neux, vu en dedans. Fig. 8. Dispersion du nerf olfactif sur la face interne de la muqueuse.
Fig. 9-14. Anatomie de l'œil (Salmo Trutta). Grandeur naturelle.
Fig. 9. Muscles et nerfs de l'œil gauche. Le globe de l'œil est tiré en haut pour faire voir les
muscles et les nerfs sur lesquels il repose.
Fig. 10. La même préparation ; le globe de l'œil est tiré en bas.
Fig. 11. Nerfs ciliaires de l'œil. On a enlevé la face interne de la sclérotique, pour montrer
les nerfs qui entrent par l'interruption du corps rouge de la chorioïde, en longeant le nerf op-
tique.
Fig. 12. Face postérieure de l'œil. On a coupé circulairement la sclérotique pourm ontrer l’en-
trée du nerf optique et la disposition du corps rouge.
Fig. 13. La même coupe continuée à travers la chorioïde et la rétine. On voit la face posté-
rieure du cristallin et son ligament.
Fig. 14. Coupe horizontale de l'œil, pour montrer la disposition des parties internes et sur-
tout le ligament du cristallin. Ces trois dernières figures sont grossies trois fois.
Fig. 15. Face interne du sac du labyrinthe de la Palée {Coregonus Palæa),'pour montrer la dis-
persion des nerfs; grossi 100 fois en diamètre.
Fig. 16. Nerfs rachidiens du Saumon d'Irlande (Salmo Eriox). On voit les deux racines,
- leur réunion et les anastomes des nerfs.
Fig. 17. Nerfs céphaliques de la truite (Salmo Fario). On a coupé la tête par le milieu et ôté le
cerveau, mais laissé en place l'oreille, les racines des nerfs et les muscles de l'œil. On a suivi sur-
tout les ramifications du nerf vague et des nerfs de l'œil.
Fig. 18. Ramification des trois dernières paires de nerfs cérébraux. (Salmo Fario). On a mis
à nu le cerveau, enlevé toute l'arcade temporale, et suivi les branches principales de la cin-
quième paire. Le facial est coupé, mais sa racine et sa communication avec la cinquième paire
sont conservées. On voit de plus les racines de la huitième paire, tout le trajet du glossopha-
ryngien, son anastomose avec le nerf vague, les différentes branches de ce dernier aux bran-
chies, à l'estomac et à la ligne latérale, l'hypoglosse s'anastomosant avec la premiére paire de nerfs
— 190 —
rachidiens, la réunion du nerf commun au second nerf rachidien et la ramification de l'hypo-
glosse dans la chair sous l'os hyoïdien.
Fig. 19. Les nerfs de la tête de la truite saumonée (Salmo Trutta) vus d'en bas. La base du
crâne est mise à nu, ainsi que la face inférieure de l'œil droit et du cerveau. On a suivi du côté
gauche les branches anastomotiques du grand sympathique, avec les cinquième, neuvième et
dixième paires; à droite, on a découvert les racines de l’oculomoteur, de l'optique, du trijumeau,
de l’acoustique, du glossopharyngien, du vague et de l'hypoglosse. On a conservé un morceau de
l'estomac avec deux branches du sympathique, qui s’y rendent.
Tab. N. — Fig. 1 à 12. Anatomie du cerveau (Salmo Fario). Fig. 1. Le cerveau d'en haut.
Fig. 2, le cerveau d'en bas, avec le sac vasculaire, les nerfs optiques et l'hyphophyse dans
leur position naturelle. Fig. 3, le cerveau de la même position ; on a ôté le sac vasculaire, ainsi
que l'hypophyse , et replié les nerfs optiques sur eux-mêmes. Fig. 4, le cerveau vu de profil.
Fig. 5, coupe longitudinale du cerveau par la ligne médiane, pour montrer la disposition géné-
rale des cavités internes et des commissures. Fig. 6, le cerveau d'en haut, la voûte du mésen-
céphale étant enlevée; on voit les bourrelets quadrijumeaux d'en haut, et dans leur rap-
port avec les tubercules optiques et le cervelet, en avant la glande pinéale avec ses pédoncules
nerveux. Fig. 7, le plancher des cavités du mésencéphale et de Lépencéphale d'en haut; les
bourrelets quadrijumeaux et le cervelet sont enlevés, et leurs piliers écartés. Les fig. 1 à 7 sont
grossies trois fois en diamètre.
Fig. 8. La face inférieure de la môelle alongée dans ses rapports avec le mésencéphale. Les
lobes inférieures sont repliées en avant, pour montrer les différens faisceaux venant de la moëlle
alongée et la sortie de la troisième paire des nerfs cérébraux. — Grossi six fois.
Fig. 9. Le cerveau d'en haut. La voûte du mésencéphale est coupée horizontalement d'arrière
en avant et rejetée en avant ; les bourrelets quadrijumeaux sont fendus jusqu'à leur base et le
cervelet jusque sur la moëlle alongée et les parties fendues repliées sur les côtés.
Fig. 10. Le cerveau d'en bas. La base du cerveau est fendue par une coupe longitudinale jusque
sur les bourrelets quadrijumeaux. La face inférieure de ces derniers et du cervelelet, ainsi que les
extrémités antérieures de la voûte du mésencéphale et les pédoncules de la glande pinéale se
présentent à travers la fente. Les fig. 9 et 10 sont grossies 3 fois.
Fig. 11. Partie superficielle de la moëlle alongée. Coupe verticale à travers la couche de
substance blanche et de substance grise, qui bordent la ligne médiane dans le quatrième ventri-
cule. On voit les différens lacets formés par les fibrilles primitives de la substance blanche,
et qui simulent des cellules à double contour munies de queues: La substance grise paraît par-
faitement transparente. — Grossissement 200 diam.
Fig. 12. Cellules cérébrales prises dans la substance grise du tubercule prosencéphalique. —
Grossissement 450 diam.
Fig. 13 à 21. Anatomie microscopique de l'œil. Fig. 13 et 14, cônes jumeaux isolés de la
rétine. Fig. 15, batonnets isolés de la rétine. Fig. 16, cellules cérébrales isolées de la rétine. —
Grossissement de 400 diam.
— 191 —
Fig. 17. Vue de la face externe de la rétine; en a les cônes jumeaux sont entièrement ca
chés par les queues des batonnets; en b on voit les cônes et les bâtonnets perpendiculairement
d'en haut, ce qui cause cet aspect quadrillé; en e les batonnets et les cônes jumeaux sont en
désordre par suite d'attouchement et couchés en différens sens; en d les cûnes ont une direction
parallèle et sont couchés dans le même sens. Grossissement 200 diam.
Fig. 18. Coupe à travers toutes les membranes externes de l'œil, placées dans leurs relations
naturelles. Les détails des différentes membranes sont tous dessinés d’après nature, seulement l'ar-
rangement est le résultat de plusieurs figures combinées. On voit l'angle de l'œil où la sclérotique
et la cornée se rencontrent; les deux couches conjonctivales de la cornée et les deux couches
propres, ainsi que les cellules épithéliales, qui tapissent la surface de la chambre antérieure de
l'œil, se montrent en haut; plus bas l'iris avec ses différentes couches de piment jaune et noir;
la chorioïde avec ses cellules, bordée en dehors de sa couche argentée et de la sclérotique moitié
osseuse, moitié cartilagineuse; en dedans la rétine formée de deux couches, la membrane de Jacob
et les cellules propres. — Le grossissement adopté pour les détails est de 300 diam.
Fig. 19. Coupe verticale du cristallin, parallèle à l'axe du corps. — Grossissement 30 diam. :
fig. 20 ; quelques bandes de fibres, grossies 400 fois; fig. 21, des fibres isolées ; même gros-
sissement.
Fig. 22. L'ampoule du canal antérieur de l'oreille, grossie 16 fois, avec l'entrée du nerf et la
troisième ololithe.
Fig. 23. Cartilage du canal sémicireulaire antérieur. Grossissement 400 diam.
Tab. O. — Fig. 1-3. Anatomie des branchies { Salmo Trutta). Fig. 1, une paire de feuillets
branchiaux injectés. L’arc branchial est coupé, on voit la tranche de son os a, du nerf b, de la
veine (5) et de l'artère branchiale (2) et tout en haut celle de la veine bronchique. On a repré-
senté d’un côté le réseau capillaire respiratoire, étendu sur les nombreux plis transverses de la
muqueuse, tandis que de l’autre on a enlevé les plis de la muqueuse pour faire voir le réseau
nutritif, — Grossissement 20 fois le diamètre, — Fig. 2, le coude du second arc branchial, pour
faire voir les muscles des feuillets branchiaux de profil. Fig 3, la membrane qui réunit les feuil-
lets à leur base est fendue en long, les feuillets eux-mêmes sont écartés. On voit les muscles qui
. s’atlachent de chaque côté aux feuillets d’en haut.
Fig. 4-7. Anatomie du cœur (Salmo Trutta.) Fig. #, le cœur vu d'en bas, grossi du double.
Fig. 5, le même de profil. Fig. 6, le même fendu par la ligne médiane. Fig. 7, le même vu
d'en haut.
Fig. 8-11. Anatomie des intestins (Salmo Fario). Fig. 8, l'entonnoir branchial, qui forme
l'entrée de l'ésophage, vu en face. Fig. 9, tous les intestins d'une truite mâle sortis du corps et
un peu écartés les uns des autres, pour faire voir leur position relative. La rate dans cet indi-
vidu était double. Fig. 10 , coupe transversale d’un appendice pylorique. On voit à l'intérieur la
muqueuse a, dont les plis longitudinaux coupés ressemblent à des villosités autour de la muqueuse b,
la couche musculaire c, qui est très-forte, et enfin, comme cercle externe, l'enveloppe péritonéale 4.
— 192 —
Grossissement 20 fois.— Fig. 11, coupe mince à travers la muqueuse de l’estomac. Les plis coupés
de la muqueuse et couverts d'épithelium coniques ressemblent à des villosités, les espaces ren
trans entre ces plis à des glandes simples. Le fond d'une de ces glandes a s'est renversé par la
pression comme un doigt de gant, et se présente sous forme de massue, formée de la réunion de
cellules épithéliales rondes.
Fig. 12 et 13. Anatomie de la peau (Salmo Fario). Fig. 12, coupe à travers la peau du mi-
lieu du corps. On voit les écailles renfermées entièrement dans leurs poches membraneuses à
piment coloré b, posées sur une forte couche de derme ce, et recouvertes par un épithélium uni-
forme a. Fig. 13, coupe à travers la nageoïre adipeuse. On voit les fibres verticales roides du
derme, parsemées de divers pimens, entourant un espace médian, qui renferme de la graisse, et
entourées par l'épiderme celluleux.
Les planches M, N, O, sont accompagnées de planches au trait Ma, Na, O a, représentant
les mêmes objets avec des indications détaillées sur leurs différentes parties.
Sur la planche N a on a substitué aux figures qui n’ont pas besoin d’une explication détaillée,
quelques figures nouvelles représentant des coupes au trait du cerveau et de la moëlle alongée.
Fig. A représente une coupe longitudinale du cerveau faisant voir les rapports de la lame inté-
rieure du cervelet avec les bourrelets quadrijumeaux.
Fig. B. Coupe verticale à travers le capuchon du cervelet.
. C. Coupe verticale à travers la partie antérieure des lobes optiques.
- D. Coupe verticale et transversale en avant des bourrelets quadrijumeaux.
- E. Coupe verticale à travers les bourrelets quadr'jumeaux moyens.
g. F. Coupe verticale à travers les bourrelets postérieurs.
Nous avons choisi, pour désigner les différentes parties des poissons, des chiffres et des lettres
qui se répètent dans toutes les planches, et qui, au moins pour les os et pour les muscles,
sont les mêmes que ceux employés par Cuvier dans son anatomie de la perche. On devra donc
distinguer quatre séries indépendantes de chiffres, dont les uns désignent les os, les autres les
muscles , les troisièmes les vaisseaux et les quatrièmes les nerfs. L’anatomie des poissons étant
encore dans l'enfance, il en résulte que les différentes dénominations ont encore peu de stabilité,
et que les différens anatomistes, qui s'occupent de ce sujet, choisissent toujours les noms qui
leur paraissent les plus propres à exprimer les analogies que peuvent présenter les différentes
parties des poissons avec celles des autres vertébrés. Nous avons déjà fait remarquer les consé-
quences fâcheuses de cette nomenclature embrouillée dans l’ostéologie des poissons. Des noms
comme le rocher, l’ethmoïde, la grande et la petite aïle du sphénoïde, appliqués à des os de pois-
sons, n'ont plus maintenant aucune signification précise, car presque tous les anatomistes envi—
sagent ces os et bien d’autres encore d’une manière différente. En nommant un os, il faudrait
dès-lors toujours ajouter l'autorité qui l’a baptisé. Cependant en se bornant à employer les mêmes
chiffres que ceux que Cuvier a mis en usage, et qui ont été conservés dans les Recherches sur les
Poissons fossiles, il sera toujours facile de s'entendre, et un coup d’æil jeté sur les planches des
auteurs, qui adopteront cette méthode, suffira ordinairement pour rappeler le sens que l'auteur a
voulu attacher à sa dénomination.
El. 2 TE
‘de. 09 09 08
7
E
1. Frontaux principaux.
1'. Surorbitaires.
2. Frontaux antérieurs.
3. Nasal.
4. Frontaux postérieurs.
5. Basilaire.
6. Sphénoïde principal.
7. Pariétaux.
8
9
- Interpariétal ou Occipital supérieur.
. Occipitaux externes.
10. Occipitaux latéraux.
11. Grandes ailes du sphénoïde.
12. Temporaux.
13. Occipitaux postérieurs.
14. Ailes orbitaires du sphénoïde.
15. Sphénoïde antérieur.
15/. Ethmoïde crânien.
16. Vomer.
17. Intermaxillaires.
18. Maxillaires supérieurs.
18. Surmaxillaires.
19, 19’, 19//, etc. Sousorbitaires ou Jugaux..!
20 et 21!. Os olfactifs.
21. Os muqueux.
22, Palatins.
23. Mastoïdiens.
24. Os transverses.
25. Ptérygoïdiens.
26. Os carrés.
27. Caisses.
28. Opercules.
29. Os styloïdes.
30. Préopercules.
31. Tympano-malléaux.
32. Sousopercules.
33. Interopercules.
Tom. HI.
34. Dentaires
35. Articulaires Mächoire inférieure.
36. Angulaires }
37. Moitié supérieure \
38. Moitié inférieure | des cornes de l'os
39. Articulaire externe | hyoïde.
40. Articulaire interne”
41. Lingual.
42. Carène hyoïdale.
43. Rayons branchiostègues.
46. Surscapulaires.
47. Scapulaires ou Omoplates.
48. Clavicules.
49. Angulaires.
50. Coracoïdes.
51. Cubitaux.
52. Radiaux.
53°. Humerus.
53. Pièce antérieure
54. Pièce moyenne ? du corps de l'hyoïde.
55. Pièce postérieure
56. Pharyngiens inférieurs.
57. Pièces articulaires inférieures des ares bran-
chiaux.
58. Moitié inférieure des 3 premiers arcs bran-
chiaux.
59. Pièces articulaires supérieures des ares bran-
chiaux.
60. Moitié inférieure du 4° are branchial.
61. Moitié supérieure des arcs branchiaux.
62. Pharyngiens supérieurs.
63. Dentelures des ares branchiaux.
64. Os du carpe.
65. Rayons de la pectorale.
66. Premier rayon de la pectorale.
67. Corps des vertèbres abdominales.
26
68
69
70
D =
PUSH E
. Corps des vertèbres du bassin.
. Grèle inférieur. Partie antérieure.
Grèle inférieur. Partie moyenne.
. Grèle supérieur.
- Grèle inférieur. Partie postérieure.
. Caudal profond supérieur.
. Caudal profond inférieur.
. Caudal superficiel.
. Caudal profond moyen.
. Pectoral externe.
. Attracteur du pouce.
. Pectoral interne.
. Abaisseur externe de la ventrale.
. Abaiïsseur interne de la ventrale.
. Releveur de la ventrale.
. Masseter.
. Triangulaire du menton.
. Abaisseur de l’arcade temporale.
. Releveur de l’arcade temporale.
. Releveur de l'opercule.
. Corps des vertèbres caudales. 72
. Plaque caudale. 73
MuscLes.
. Grand latéral. 26.
. Superficiel des rayons. 21.
. Interépineux postérieurs. 28.
. Interépineux antérieurs. 29.
30.
31.
32.
34.
35.
36.
31.
38.
39.
42.
43.
44.
45.
46.
47.
48.
49.
50.
. Rayons de la caudale.
. Côtes.
. Arêtes musculaires.
Abaisseur de l’opercule.
Geniohyoïdien.
Branchiostègues.
Croisé des rayons branchiostègues.
Releveurs superficiels des arcs branchiaux.
Releveurs profonds des arcs branchiaux.
Attracteurs des arcs branchiaux.
Abaisseurs antérieurs des arcs branchiaux.
Abaisseur commun des arcs branchiaux.
Abaisseur croisé superficiel de l'hyoïde.
Abaisseur croisé profond de l’hyoïde.
Constricteur antérieur du pharynx.
Constricteur postérieur du pharynx.
Attracteur de l’opercule.
Cutané latéral.
Hyoïdien.
Oblique supérieur de l'œil.
Oblique inférieur de l'œil.
Droit supérieur de l'œil.
Droit externe de l'œil.
Droit inférieur de l'œil.
Droit interne de l'œil.
VAISSEAUX.
. Artère branchiale commune.
. Artère des ares branchiaux.
Artères respiratoires des feuillets branchiaux.
Veines respiratoires des feuillets branchiaux.
Veines des arcs branchiaux.
Aorte.
Artère hyoïdale.
Veine de la fausse branchie.
9. Artère céphalique ou carotide.
10.
11.
12.
13.
Artère encéphalopalatine.
Artère orbitopalatine.
Artère encéphaloculaire.
Artère cérébrale.
14. Rhombe anastomotique cérébral.
15.
16.
Artère oculaire.
Artère faciale.
. Artère coronaire du cœur.
. Artère spermatique.
. Artère de la vessie natatoire.
. Artère intestinale.
. Artère scapulaire.
22, Artères intervertébrales.
. Veine de Duvernoy.
. Veines bronchiques des arcs branchiaux.
. Veines bronchiques des feuillets branchiaux.
. Veine hyoïdale.
. Veine cérébrale.
. Veine orbitopalatine.
. Veine oculaire.
. Veine maxillaire.
. Veine jugulaire.
195
49.
50.
51.
52.
53.
54.
60.
61.
62.
63.
6%.
66.
NERrs.
I. Olfactif.
IE.
LE
IV.
Optique.
Oculomoteur.
Pathétique.
V. Trijumeau.
VI.
FN EE Os >
=
Abducteur.
Sinus de Cuvier.
Veine cardinale.
Veine cave.
Veine spermatique.
Veine porte.
Cœur caudal.
Tronc lymphatique de l'abdomen.
Canaux muciques du 4%€ arc branchial.
Canaux muciques des branchies.
Canaux muciques communiquant avec les
branchies.
Canaux muciques communiquant avec le si-
nus de Cuvier.
Grand canal latéral.
VIL. Facial.
VIII. Acoustique.
IX.
X.
Glossopharyngien.
Vague.
XIT. Hypoglosse.
CERVEAU.
. Cervelet.
. Mésencéphale (Lobes optiques).
. Prosencéphale (Lobes olfactifs).
. Tubercules olfactifs.
. Glande pinéale.
. Lobes inférieurs.
. Hypophyse.
. Sac vasculaire.
. Petit lobe inférieur.
. Calotte des lobes optiques.
. Fond des lobes optiques.
. Troisième ventricule.
. Quatrième ventricule.
. Corps restiformes.
. Echancrure entre les corps restiformes et le
cervelet.
. Pédoncules du cervelet.
. Voûte du cervelet.
Museau de tanche.
. Capuchon du cervelet.
. Faisceaux inférieurs de la moëlle alongée.
. Sillon inférieur de la moëlle alongée.
k. Pédoncules du cervelet aux corps quadriju-
meanx.
m. Commissura ansulata,
Bourrelets quadrijumeaux.
Couches optiques.
Grande commissure des lobes optiques.
Fornix des lobes optiques.
196 —
r. Commissure inférieure des bourrelets qua-
drijumeaux.
s. Racines nerveuses de la glande pinéale.
t. Tubercules intermédiaires.
u. Commissure interlobulaire.
w, æ et x/. Diverses commissures.
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FORMATIONS DES TERRAINS JURANNIQUEN
DANS LE JURA OCCIDENTAL.
JULES MARCOU.
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: IODAAM, SU
NOTICE
SUR LES DIFFÉRENTES FORMATIONS DES TERRAINS JURASSIQUES
DANS LE JURA OCCIDENTAL.
La partie orientale des Monts-Jura a été depuis quinze ans le théâtre des observa-
tions et des études les plus sérieuses de tous les géologues qui se sont occupés du Jura.
Les excellens Mémoires de MM. Thurmaon, Agassiz, Gressly, de Montmollin, Nicolet,
Mérian , Hugi, Mousson, etc. ont répandu une vive lumière sur la constitution géo-
logique des terrains qui forment les chaînes du Jura suisse, et sur le développement
des êtres organisés dans les mers jurassiques et néocomiennes.
Le Jura occidental, par une exception assez bizarre, n’a été exploré dans quel-
ques localités, que par un petit nombre de géologues voyageurs, qui n’ont publié
que des généralités orographiques insignifiantes, parce que leurs observations n’a-
vaient pas été basées sur l’étude approfondie des terrains. Le département de la Haute-
Saône a été depuis long-temps étudié avec le plus grand soin par M. Thirria; mais
les départemens du Doubs ('), du Jura et de l'Ain, n’ont pas encore été soumis à l’é-
tude critique des géologues locaux. C’est dans le but de combler cette lacune pour le
(‘) Le département du Doubs avait été très-bien observé dans plusieurs de ses parties par feu M. Renaud-
Comte, dont la mort prématurée est venue priver les géologues du résultat de ses savantes recherches. Plu-
sieurs jeunes géologues l’ont remplacé dans cette étude difficile, et nous ferons prochainement connaître leurs
travaux ; ce sont MM. Carteron et Choppart pour les environs de Morteau et de St.-Hypolite, et mon excellent
ami M. Just Pidancet, pour les environs de Besançon. Il est fort à regretter que M. Parandier wait pas publié
ses recherches sur le Doubs ; car je regarde ce savant comme complétement étranger aux publications que
vient de faire M. Boyé, ingénieur des mines, sur la géologie du Doubs, dans les Comptes-rendus de la So_
ciété libre d’Emulation de ce département. Cette publication est une nouvelle superfluité géologique , ajoutée à
celle que nous a donné M. Rozet (voir Bulletin de la Société géologique de France, tome VI.)
pe
département du Jura , que je fais connaitre mes recherches sur le Jura salinois. Dans
cette notice , je décris les différentes formations et dépôts qui constituent les terrains
jurassiques proprement dits, dans le Jura occidental, et je cherche à établir les
groupes dans leur véritable ordre chronologique.
LIMITES DES TERRAINS JURASSIQUES.
Il importe d’abord de bien poser les limites des terrains jurassiques. La plupart des
géologues ont exclu des terrains jurassiques la formation liasique, dont ils forment
un terrain à part; ce terrain n’est caractérisé ni par une discordance de stratification
avec les terrains supérieurs et inférieurs (*), ni par un organisme particulier, ni par
une composition pétrographique qui lui soit exclusivement propre. Ces caractères, les
seuls sur lesquels on puisse s'appuyer, pour poser les limites des terrains, ne se
trouvent ni réunis, ni même séparés pour le lias : aussi je regarde cette grande masse
de marnes et de calcaires marneux, comme une des quatre grandes formations qui
composent les terrains jurassiques. Sans m'’arrêter davantage sur la réunion du lias
aux autres dépôts oolitiques , je démontrerai plus loin la corrélation qui existe entre
cette formation et les suivantes, et les dangers qu’il y aurait à la séparer des terrains
jurassiques ; mais dès à présent je dois porter l'attention sur un fait de la plus haute
importance , je veux parler de la véritable limite inférieure de la formation liasique.
Jusqu’à présent tous les géologues ont réuni au lias plusieurs couches de grès et
de marnes qui se trouvent au-dessous du calcaire à gryphées arquées. Cette réunion
a-t-elle été bien justifiée? je vais chercher à prouver le contraire.
Le keuper, comme on le sait, n’a éprouvé aucun soulèvement avant ceux qui ont
déterminé le relief actuel du Jura ; par conséquent, on ne peut avoir recours à la dis-
cordance de stratification pour la délimitation du keuper et des terrains jurassiques.
Dans les contrées où la formation keupérienne a été soulevée, comme dans le Wur-
temberg , on a pu facilement trouver le point de séparation entre les deux terrains, et
encore l’a-t-on fait assez vaguement, à cause du grand nombre de rapports pétrogra-
phiques qui les unit et de la rareté des fossiles. Lorsque le keuper s’est soulevé, les
assises en voie de formation étaient d’épaisses couches de grès, qui ont continué à se
déposer pendant le soulèvement, dont l’action a été très-lente, comme le prouve le
peu de bouleversement des couches de la petite étendue du terrain triasique qui en-
(*) Dans tout ce mémoire je ne parle que de la chaîne des Monts-Jura.
PS De
toure le Schwarzwald. Pendant et après le soulèvement du keuper, voyons comment
ont agi les dépôts sédimentaires.
D'abord dans les localités littorales , il y a eu nécessairement un remaniement des
dernières couches du keuper, comme cela était déjà arrivé sur une plus grande
échelle, lors du soulèvement des grès vosgiens , dont le remaniement a formé les grès
bigarrés. Mais aussi ces bancs de grès remaniés sont entrecoupés de couches de cal-
caire , renfermant une grande quantité de Gryphea arcuata, 4’ Unio et autres fossiles
jurassiques , qui viennent, comme des jalons, indiquer que cette partie de notre globe
est entrée dans une nouvelle phase biologique. De sorte que dans ces localités litto-
rales , si le géologue ne peut se servir avec certitude de la pétrographie, il a pour lui
indiquer le point de séparation des deux formations, d’abord la différence de stratifi-
cation, puis les êtres organisés, cet excellent guide, qui jusqu’à présent n'a pas
encore trompé une seule fois.
Dans les régions subpélagiques et de haute mer, qui se trouvent dans le golfe
formé par les iles hercyniennes , vosgiennes et du Morvan, la force qui a soulevé le
keuper ne s’étant pas fait sentir, on ne peut par conséquent avoir recours à la discor-
dance de stratification ; mais la paléontologie et la pétrographie nous indiqueront aussi
sûrement le point de séparation entre les deux formations. Les parages actuellement
occupés par le Jura n’ayant pas éprouvé de perturbations intérieures, ont continué,
lors du soulèvement du trias, à offrir, pendant un certain temps, les mêmes phéno-
mènes de dépôt qu'auparavant ; seulement les couches, en voie de formation, ont reçu
pendant le soulèvement une certaine quantité de végétaux , qui sont venus augmenter
le nombre des matières primitives déposantes. La cause perturbatrice ayant cessé,
et avec elle le transport des végétaux , une nouvelle époque géologique se développe
avec de nouvelles ressources sédimentaires, avec un nouvel organisme. Par consé-
quent dans les localités subpélagiques, comme dans le Jura occidental, les caractères
pétrographiques de la formation liasique , doivent se distinguer nettement de ceux de
la formation keupérienne, et ne doivent pas présenter un mélange de roches diffé-
rentes, comme dans les régions littorales, où les grès keupériens se trouvent un peu
remaniés. C’est en effet ce qui arrive dans le Jura; aussitôt après les dernières couches
des grès keupériens, qui n’ont éprouvé aucun remaniement, à cause de leur éloi-
gnement des centres de soulèvement , on passe immédiatement par une légère couche
de marnes irisées , au calcaire à gryphées arquées, qui commence la série jurassique.
Ce calcaire ne se trouve pas interrompu par des couches de grès, comme dans le
Wurtemberg : ce sont des assises successives de calcaires marneux, compactes, qui
D ÉPEE GER
sont du reste parfaitement semblables aux dernières assises supérieures du calcaire du
lias des régions Wurtembergeoises.
Comme on vient de le voir, la pétrographie change subitement des dernières as-
sises keupériennes aux premières assises jurassiques ; il en est de même de la paléon-
tologie. Je n’ai jamais rencontré dans les couches de grès ni gryphées, ni ammonites,
ni bélemaites, ces fossiles si caractéristiques de la formation liasique; on y trouve
assez rarement quelques pectens, avicules, une astérie assez commune et une Cypri-
cardia dont les débris forment souvent lumachelle. MM. Mérian, Gressly et Thirria
ont trouvé dans les couches de grès, tout-à-fait en contact avec le calcaire du lias, des
gryphées arquées assez mal conservées; ces résultats viennent à l’appui de mon opi-
nion, car ces géologues ont étudié les parties littorales jurassiques, où les grès keu-
périens ont été soumis à un faible remaniement.
D’après les considérations précédentes, je me trouve conduit à établir deux facies
bien distinets pour la partie inférieure du calcaire à gryphées arquées du lias. Le fa-
cies des régions littorales, caractérisé par des couches de grès interposées, renfermant
des gryphées, ammonites, etc., dont le type se trouve dans le Fildern (Wurtemberg),
contrée située entre Stuttgart et Tubingue, et dont on retrouve des traces dans le
Jura bälois, argovien et de la Haute-Saône. Le second facies, qui est celui que l’on
rencontre dans le Jura bernois, soleurois, bisontin , salinois et du département de
l'Ain, est caractérisé par l’absence de grès entre les couches de calcaire à gryphées
arquées, et par un passage brusque du grès du keuper au calcaire de la formation
liasique. De sorte que pour toute la chaine des Monts-Jura, excepté une mince ligne qui
longe les iles vosgiennes et hercyniennes, j'exelus des terrains jurassiques les couches
de grès généralement désignées sous le nom de Quadersandstein, que je réunis à la
formation keupérienne. Cette exclusion qui, ainsi que je l’ai démontré , est ordonnée
par les fossiles et la pétrographie, facilite beaucoup l’orographie des chaines, en
donnant, pour limite inférieure des terrains jurassiques le dépôt des calcaires à gry-
phites que l’on trouve toujours à découvert, et avec des caractères presque identiques
dans toutes les localités ; tandis que les Quadersandstein sont partout recouverts par ia
végétation, ce qui rendait extrêmement difficile et même illusoire la séparation oro-
graphique des formations liasique et keupérienne. =
Je limite donc les terrains jurassiques , d’une part au calcaire à gryphées arquées
inelusivement , et de l’autre aux terrains sidérolithiques et Néocomien, dont le dépôt
s’est fait postérieurement au soulèvement qui a donné au Jura son relief actuel.
came
DIVISION DES TERBRAINS JURASSIQUES EN QUATRE FORMATIONS.
Les terrains jurassiques exclusivement formés de marnes , de calcaires et de grès ,
présentent dans la distribution de ces roches quatre formations bien distinctes , non-
seulement par leurs pétrographies , mais aussi par leurs organismes.
Sous le rapport pétrographique , on distingue deux grands dépôts fluvio-marins ,
parfaitement symétriques , alternant avec deux formations presque exclusivement ma-
rines (!). Ces formations présentent chacune avec son analogue des caractères identi-
ques , indiquant le même mode et la même série de phénomènes dans leurs dépôts.
Les deux formations flusio-marines qui sont le lias et l’oxfordien , présentent des
caractères tellement semblables, que souvent le géologue serait très-embarrassé pour
les distinguer l’une de l’autre, s’il n’avait à sa disposition la paléontologie et la géo-
gnosie. La base de chacune de ces formations est occupée par un calcaire marneux,
puis vient un grand développement de marnes subordonnées à des grès et calcaires
marneux , qui forment le passage entre ces formations et les dépôts marins supérieurs.
Les agents producteurs des formations liasique et oxfordienne , ont agi avec beau-
coup plus d'intensité pendant le dépôt du lias, dont le développement gigantesque
étonne tous les observateurs de la nature. Une remarque très-importante , c’est que de
tous les terrains qui constituent l’Europe centrale , la formation liasique est celle dont
le dépôt a exigé la plus grande intensité dans les phénomènes qui ont présidé aux
formations vaseuses flueio-marines, et dont l’uniformité est la plus constante. Avant et
surtout après le lias , les dépôts marneux ont une puissance bien moins grande, et sont
limités à des localités beaucoup plus restreintes ; ce qui s’explique par le grand nombre
de terres émergées , dont les reliefs formaient des golfes et des méditerranées , soumis
chacun à des phénomènes particuliers de dépôt et d'organisme.
Si la pétrographie réunit le lias et l’oxfordien , les rapports paléontologiques sont
aussi nombreux et établissent une relation non moins intime entre ces deux forma-
(*) Les désignations de formations fluvio-marines et marines, sont prises dans la signification que leur
donne M. Constant Prévôt, dans son mémoire Sur la Chronologie des terrains et le synchronisme des for-
mations. ( Voir Bulletin de la Société géologique de France , 2° série, tome II.) Les excellentes observations
contenues dans ce mémoire, se: vérifient complétement à l'égard de la formation jurassique dans les bassins
suisses et français ; les deux formations fluvio-marines , liasique et oxfordienne , ont une bien plus grande
puissance dans les régions littorales et subpélagiques, que dans les régions de hautes mers ; en revanche les
formations marines, oolitique inférieure et supérieure, sont peu développées dans les régions littorales, tandis
qu'elles atteignent une très-grande puissance dans les régions pélagiques.
€
tions ; et cette loi posée par M. Gressly, que « les facies de même nature pétrographique
» et géognostique affectent dans les différens terrains des caractères paléontologiques
» très-analogues et se succèdent même généralement à travers une série plus ou moins
» nombreuse de terrains superposés les uns aux autres », reçoit ici une rigoureuse
application. La ressemblance entre les formes organiques des fossiles est tellement frap-
pante , qu’il faut souvent l’œil d’un anatomiste exercé , pour distinguer les fossiles des
deux formations.
Les différentes espèces paléontologiques qui habitaient la mer jurassique lors du
dépôt du lias, présentent un organisme approprié au milieu dans lequelelles vivaient,
et offrent un ensemble d'êtres caractéristiques des dépôts fluvio-marins. Les végétaux
s’y montrent en assez grande abondance, surtout dans le grès super-liasique , mais
généralement ils sont indéterminables , à cause de leur mauvais état de conservation.
Ils ont passé , soit à l’état de bois carbonisé, comme dans le calcaire à gryphées ar-
quées , soit à l’état bitumineux ou oxidé par du fer, ou bien on ne trouve que les em-
preintes qui sont de même nature que la roche.
Les Polypiers sont rares , ils appartiennent à des espèces à bases libres, ou très-
faibles , tels que les Cyathophyllum , les Anthophyllum et une espèce d’astrée extrè-
mement rare. Les Echinodermes n’y sont représentés que par deux espèces de Pen-
tacrinites et par des Astérides qui se trouvent assez fréquemment sur les plaques du
grès super-liasique.
Les Mollusques acéphales sont représentés par des Gryphées, des Plagiostomes ,
des Térébratules, des Pectens, des Nucules, des Myes et des Trigonies. Ce dernier
genre parait appartenir presque exclusivement au golfe alsatique ; la Trigonia navis,
si caractéristique et si abondante à Gundershofen, manque complètement dans le Jura
bisontin et salinois ; la Trigonia pulchella se trouve encore assez abondamment dans
les environs de Besançon, mais elle devient très-rare dans le département du Jura.
La plupart des Acéphales , excepté quelques Nucules pyriteux , ont conservé leur test
calcaire , ou bien sont à l’état de moule.
Les Gastéropodes n’y sont représentés que par trois ou quatre espèces de Trochus,
et par une Nérinée que l’on rencontre très-rarement. Mais en compensation les Cé-
phalopodes y acquièrent un développement gigantesque ; les espèces y sont aussi nom-
breuses que variées, et l’on peut regarder le lias comme le règne des Céphalopodes (*)
pendant la période jurassique.
() Les différens règnes des animaux Mollusques et Rayonnés que j’établis, sont seulement relatifs aux ter-
rains jurassiques des Monts-Jura.
bu HO
Les Ammonites , dont les premiers représentants se montrent dans les terrains tria-
siques , n’offraient alors que le genre assez restreint des Ceratites, qui se trouve rem-
placé par les nombreuses espèces des Arietes, des Planulati, des Falciferi, des Dor-
sati, des Dentati, ete. Chacun de ces genres offre un grand nombre d'espèces , dis-
tribuées avec ordre dans les différentes couches liasiques, et dont le grand nombre
d'individus de plusieurs espèces caractérisent et servent d’horizon paléontologique
pour les divisions de cette formation ; tels que les 4Ammonites Bucklandi (*), planicosta.
margarilatus, spinatus, radians, binus, Germaini, discoides, etc. La plupart des
espèces que l’on rencontre dans les marnes sont à l’état pyriteux , tandis que celles
des couches de calcaire marneux ont conservé leur test, ou sont à l’état de moule
calcaire.
Les Nautiles atteignent aussi le maximum de leur développement pendant le dépôt
du lias ; les espèces appartiennent toutes aux genres des Striati et des Lœævigati ; on
les rencontre à Fétat de moule calcaire ou avec leur test, et quelquefois à l’état py-
riteux. Lorsqu'ils ont conservé leur test, comme cela arrive généralement dans le lias
supérieur, on les trouve souvent couverts d’une infinité de Serpules , qui sont les seuls
représentants des Annélides dans le lias.
Les Bélemnites qui jusqu’à présent n’ont pas encore été rencontrées dans les ter-
rains antérieurs , apparaissent avec le lias, et présentent une telle rapidité dans l’appa-
rition des espèces, que toutes les formations postérieures réunies en renferment à peine
le même nombre. Les genres appartiennent exclusivement aux Acuari et aux Clavati.
Les individus des différentes espèces sont ordinairement réunis en grand nombre , et
forment alors une véritable lumachelle dans les couches marneuses où ils se trouvent.
La faune de la formation oxfordienne présente des caractères identiques avec celle
du lias. Les familles et souvent mème les genres sont composés d'espèces qui exigent
une attention minutieuse , pour les distinguer de celles qui vivaient lors du dépôt lia-
sique. Quelques familles, telles que les Spirifer, les Plagiostomes, les Plicatules, etc.,
ont disparu pour être remplacées par de nouvelles, tels que les Spatangoïdes, les Apio-
crines , dont on trouve les tiges d’une espèce assez rare , qui commence la série des
êtres de ce genre de Crinoïdes. Les Rostellaires représentent la classe des Gastéropodes,
ainsi que quelques Trochus, Melania et Natica, que l'on y rencontre assez rarement.
(:) Dans cette courte notice, je ne cite pas les auteurs qui ont décrit les fossiles ; je me borneraï à dire que
leur détermination est due à MM. Agassiz, d'Orbigny, Thurmann, de Buch, Goldfuss, Sowerby, Zieten ,
Voltz, etc.
LE
Soc. Neucu. HIT.
ee, À
Les Térébratules présentent une grande variété d’espèces et d'individus ; c’est dans
cette formation que ces Brachiopodes offrent le plus grand développement ; dans plu-
sieurs localités certaines espèces sont si nombreuses qu’elles forment de véritables
banes lumachelliques, semblables aux bancs de Gryphées arquées du calcaire lia-
sique.
Les Nucules , les Myes , les Trigonies et les Ostracées , continuent à offrir dans l’ox-
fordien , les mêmes types de genres que dans le lias. Les Ammonites, Nautiles et Bé-
lemnites, sont encore très-nombreux ; cependant plusieurs genres ont disparu, le
nombre des espèces a considérablement diminué et présente, surtout parmi les Ammo-
nites, des individus de petite taille , ornés de plis et de dents assez nombreux.
Dans plusieurs localités du Jura français et suisse , on trouve dans le lias et l’oxfor-
dien des débris de poissons, et des dents et articulations de monstrueux Mégalo-
saures. Ces débris sont partout très-rares , et n’ont pas encore été rencontrés dans le
Jura salinois , excepté quelques vertèbres.
L'oxfordien présente un fait très-remarquable, c’est la division de ses fossiles en
moules pyriteux et calcaires. Plus on s’approche des rivages jurassiques, plus le nombre
des fossiles pyriteux augmente , et le contraire arrive lorsqu'on s’avance dans les pa-
rages de haute mer. Dans quelques parties du Jura salinois , telles qu’aux environs
de Champagnole , Morez , les Rousses, Orgelet , etc., la région des fossiles pyriteux
devient excessivement restreinte , et n’a plus que quelques pieds d'épaisseur ; tandis
que les fossiles à l’état calcaire sont répandus au milieu de couches marneuses dont
l’épaisseur atteint 20 à 25 mètres. Il arrive alors que souvent l’on rencontre à la partie
supérieure, associées avec les fossiles calcaires oxfordiens, des nappes de polypiers spon-
gieux , appartenant aux genres Tragos et Cnemidium.
D'après les considérations précédentes , on a pu apprécier les relations intimes qui
unissent ces deux grandes formations flusio-marines, et combien il serait dangereux
d'isoler le lias et d’en faire un terrain à part tandis qu’il n’est qu’une des quatre
grandes formations des terrains jurassiques. Plusieurs géologues et à leur tête
M. Gressly, ont depuis plusieurs années réuni cette formation à l’oolite, et en me
rangeant à leur avis, je crois avoir suffisamment expliqué les raisons qui m’y ont
conduit.
Les deux formations oolitiques inférieure et supérieure, composées presque ex-
clusivement de calcaires oolitiques , bréchiformes et compactes , indiquent deux grands
dépôts marins, alternant avec les deux dépôts fluvio-marins , liasique et oxfordien.
Dans les régions littorales , ces formations oolitiques sont souvent interrompues par de
SE OO Je
EN —
faibles dépôts marneux , provenant soit de l’action des fleuves , soit plutôt de la des-
truction d’une falaise marneuse , dont la puissance va toujours en diminuant à mesure
que l’on s’avance dans les parages de haute mer, et qui après avoir passé à l’état de
calcaires marneux , finissent par disparaitre complétement. C’est ainsi que les dépôts
du fullers earth, des marnes à Astartes et du kimmeridge-clay, ne se rencontrent
que près des rivages de l'océan jurassique , le long de la bande qui entoure l'ile pri-
mitive de la Grande-Bretagne , sur les côtes de Normandie , aux alentours des Vosges
et du Schwarzwald , et dans les parties environnantes du Morvan et des Cévennes.
Mais aussitôt que l’on s’avance dans les régions pélagiques , ces dépôts diminuent ra-
pidement de puissance et ne peuvent servir que pour marquer les subdivisions des for-
mations oolitiques. Enfin dans les régions tout-à-fait pélagiques ils disparaissent com-
plétement et les dépôts oolitiques ne présentent plus qu’une énorme masse d’assises
continues de calcaires, comme cela a lieu dans la partie méridionale et orientale du
Jura suisse et français , dans les Alpes et dans une partie de l'Allemagne.
Je considère donc les dépôts marneux du fullers earth, des Astartes et du kimme-
ridge-clay, comme une interruption seulement littorale des dépôts marins oolitiques ,
et je ne m'en servirai que comme subdivision de ces deux formations.
La Paléontologie des formations marines oolitiques est complétement différente de
celle des dépôts liasique et oxfordien. Les genres , les familles mème se trouvent rem-
placés par d’autres , dont l'organisme se trouve approprié au milieu dans lesquelles ils
se trouvent placés. Les Polypiers qui étaient très-rares dans les formations fluvio-ma-
rines , prennent ici un développement gigantesque ; ils forment des banes et des ré-
cifs , composés principalement de coraux fixes , à fortes bases , analogues aux nappes
et îles coralligènes qui se forment actuellement dans la Polynésie.
La formation oolitique inférieure , bien moins développée que la supérieure, pré-
sente dans son organisme deux séries bien distinctes. La première renferme une assez
grande quantité de Céphalopodes , appartenant aux familles des Ammonites , Nautiles
et Bélemnites, mais dont les genres sont différents de ceux qui vivaient lors des for-
mations flueio-marines, et dont les espèces sont le plus souvent gigantesques. Cette
présence des Céphalopodes dans la formation ‘oolitique inférieure s’explique facile-
ment par sa position enclavée entre les deux dépôts fluvio-marins liasique et oxfor-
dien, dont l’organisme présente le maximum de développement pour les Céphalopodes
jurassiques ; et il n’est pas étonnant que l’oolite inférieure , qui peut être regardée
comme pivôt entre ces deux formations , en contienne un assez grand nombre.
La seconde série organique présente des phénomènes biologiques du plus haut
Gus. VON “hs.
intérêt. Aux alentours des bancs de coraux, formés par des polypiers appartenant aux
genres Astrées, Agaricies, Méandrines , etc., se développe une association d'êtres
dont l’habitus est propre à résister à l’action des vagues. Ainsi l’on voit apparaitre
les Crinoïdes à longues tiges élastiques , et à bases infiniment ramifées ; les Echinides
à coquille ellipsoïdale et à disque applati, présentant une forte résistance par l’épais-
seur de leurs coquilles , et par les pointes dont elles étaient armées ; les Acéphales à
coquilles fortement plissées et dentelées, et se fixant solidement aux corps immobiles ,
ou bien à développement énorme du calcaire de leurs coquilles, présentant ainsi que
les Gastéropodes, des espèces très bien appropriées pour vivre au milieu des bancs de
coraux.
Ce nouvel organisme coralligène ne se trouve dans la formation oolitique infé-
rieure qu’à l’état d’embryon, il ne présente un développement réellement gigantes-
que que dans la formation supérieure. Dans l’oolite inférieure , les genres ne sont
représentés que par un petit nombre d’espèces et d'individus, les stations coralliennes
sont peu nombreuses , et en un mot tout y indique le commencement d’une nouvelle
série d'organismes.
Un fait bien curieux , c’est que les deux formations marines présentent des carac-
tères paléontologiques et pétrographiques inverses avec les deux formations fluvio-ma-
rines. Ainsi dans les dépôts liasique et oxfordien, c’est le lias (première des deux
formations fluvio-marines) , qui présente le plus grand développement pétrographique
et paléontologique ; tandis que pour les deux dépôts marins , c’est le second, c’est-à-
dire la formation oolitique supérieure, dont le développement pétrographique et
paléontologique a exigé le plus d’intensité dans les phénomènes sédimentaires et bio-
logiques. Un fait semble sortir de cette observation , c’est que la vie se développe avec
beaucoup plus de facilité dans un milieu où les phénomènes de dépôts agissent avec
le plus de régularité et de ressources sédimentaires , que dans les formations agitées
et moins riches en matières déposantes.
Avant de diviser les différentes formations en groupes et sous-groupes , il est né-
cessaire de poser les limites de chacune d’elles.
LIMITES DES QUATRE FORMATIONS JURASSIQUES.
Le lias commence, comme je lai démontré précédemment, aux premières couches
du calcaire à Gryphées arquées, comprend toute cette immense masse de marnes et les
grés superposés, et va se terminer à un calcaire marneux qui commence la formation
oolitique inférieure. Les dernières couches marneuses, qui sont intercalées entre les
bancs de grès, renferment les Anwmonites primordialis et bifrons , qui terminent la
série des Ammonites du lias.
La formation oolitique inférieure commence à un calcaire marneux , avec acci-
dents ferrugineux , qui finissent par prédominer et former des couches épaisses d’o0-
lites de fer oxidé. Les fossiles les plus caractéristiques de cette couche sont une
grande quantité de Céphalopodes tentaculifères , tels que les Ammonites subradiatus ,
Murchisonæ , Sowerbyi, etc., les Nautilus lineatus et clausus. Dans plusieurs loca-
lités, on y trouve une grande quantité de Myes, de Limes, de Plagiostomes, des poly-
piers astroïtes et des piquans de Cidaris. La masse calcaire superposée au fer continue
la formation , qui va se limiter aux dernières couches calcaires du Cornbrash.
Des couches de marnes grises-jaunâtres , et de calcaires marneux pétris d’oolites
ferrugineuses , commencent la formation oxfordienne. Ces assises renferment une
grande quantité d’Ammonites, Bélemnites , Nautiles, qui avaient presque entièrement
disparu dans les groupes supérieurs du dépôt oolitique. Après ces couches fer-
rugineuses , vient un immense développement de marnes subordonnées, à la partie
supérieure, à des couches de grès et à de nombreuses assises de calcaires marneux ,
disposés comme des pavés. C’est à ce calcaire marneux que vient se terminer la for-
mation oxfordienne. Les dernières couches sont caractérisées par l’ensemble des fos-
siles suivants : Pholadomya parcicostala et exaltata, Gryphœa gigantea, Ostrea diltata.
Dysaster propinquus, Pecten fibrosus , Terebratula globata, etc.
Comme on le voit j’exclus de la formation oxfordienne le dépôt appelé terrain à
chailles par M. Thirria, et que tous les géologues, qui ont écrit sur le Jura , ont à son
exemple placé dans l’oxfordien. Ce dépôt, évidemment marin, s'oppose par ses fos-
siles, sa pétrographie et sa géognosie à être classé dans la formation fluvio-marine
oxfordienne. Guidé par la paléontologie, M. Agassiz, dans les observations prélimi-
naires de ses Echinodermes fossiles de la Suisse, pense que ce terrain n’est pas rigou-
reusement limité, et qu’il doit être confondu avec le corallien. Jen étais déjà arrivé
au même résultat avant de connaître cet ouvrge de M. Agassiz, et l'opinion d’un savant
aussi distingué m’a confirmé dans ma première appréciation. La caractéristique paléonto-
logique de l’oxfordien est un assez grand développement de Céphalopodes, et une absence
presque complète de Polypiers et d’Echinodernes ; or le dépôt appelé chaille présente
les caractères les plus opposés ; il ne renferme presqu’aucun Céphalopode, tandis qu'il
présente un immense développement de Polypiers, de Crinoïdes et d’Echinides. Ce dépôt,
comme on l’a remarqué, est très-développé dans les régions littorales et il devait en
CT pee
ètre ainsi, parce que les Polypiers, qui sont la cause de ces chailles, construisaient
leurs récifs dans les endroits peu profonds ; et partout où l’on rencontre des bancs de
Polypiers un peu puissans, on est sûr d’y trouver des chailles. Ainsi je considère les
chailles comme un fait inhérent aux bancs de Polypiers ; leur nature pétrographique
se trouve changée par les roches environnantes ; mais généralement elles contiennent
beaucoup de silice, et elles atteignent leur plus grand développement pendant le
dépôt corallien , parce que ce dépôt est celui de toutes les formations jurassiques qui
renferme le plus de Zoophytes. Dans la formation oolitique inférieure, on rencontre
beaucoup de ces chailles dans les environs des bancs de polypiers de loolite ferrugi-
neuse et du calcaire à Polypiers; dans ce dernier dépôt surtout, on rencontre dans
beaucoup de localités du Jura salinois, bisontin et de la Haute-Saône, une plus
grande quantité de chailles que dans le corallien. Aussi cette division et dénomina-
tion vicieuse de terrain à chailles a-t-elle été la cause de beaucoup d'erreurs, même
de la part de son auteur; et lorsque je commençai mes recherches géologiques dans
les environs de Salins, je fus long-temps très-embarrassé par ce dépôt, qui se trouve
très-développé aux alentours des bancs de Polypiers de l'oolite inférieure, tandis qu’il
manque presque complètement dans le corallien.
Je commence donc la formation oolitique supérieure, par le corallien, dont la
partie inférieure présente, dans un grand nombre de localités, de nombreux accidens
chailleux. Cette immense formation marine (car comme je l'ai dit précédemment, je
regarde les marnes à Astartes, kimméridiennes et à Exogyres virgules, comme des
accidens littoraux , provenant soit de faibles dépôts flusio-marins , soit de destruction
de côtes qui n’ont pas eu d’uniformité dans leurs répartitions , et dont on ne trouve
même plus de traces dans les dépôts pélagiques). Cette formation marine, dis-je, pré-
sente, dans le développement de ses organismes, deux périodes bien distinctes ; la
première peut être regardée comme le règne des zoophytes, c’est la période coral-
lienne ; la seconde représente le règne des Mollusques, Acéphales et Gastéropodes, c’est
la période portlandienne. Ces deux séries d'organismes ne se sont pas développées brus-
quement, mais sont liées entre elles par une période pivôtale, qui renferme encore
un assez grand nombre de zoophytes, et qui commence à voir apparaitre les différens
genres et espèces d’Acéphales qui règnent pendant la période portlandienne. Le dé-
pôt qui sert ainsi de pivôt d'organisme, est généralement connu sous le nom de
marnes et calcaires à Astartes: il présente, dans le Jura salinois et bisontin, un fait
du plus haut intérêt pour les phénomènes biologiques.
En considérant la mer jurassique, par rapport aux trois îles herzynienne , vos-
_—
EC
gienne et du Morvan, on remarque que dans les régions qui avoisinent les Vosges, et
surtout la Forêt-Noire, les calcaires et marnes à Astartes sont dépourvus de Poly-
piers, de Cidaris et de Mollusques, excepté quelques Térébratules , Astartes et Apio-
crines. Tandis que dans les régions intermédiaires entre la Forèêt-Noire et le Mor-
van, comme le Jura salinois et bisontin, ces mêmes couches astartiennes renferment ,
outre les Astartes, une grande quantité de Polypiers, Cidaris, Ostrea , Modiola , Na-
tica, Melania , etc. ; une partie de ces fossiles tels que les Polypiers , Cidarides et quel-
ques Mollusques se trouvent dans le dépôt corallien du Jura soleurois et bernois ; et
l’autre partie tels que les Ostrea bruntrutana, Modiola scalprum , Natica macrossoma,
Lucina Elsgaudiæ , etc. sont caractéristiques des marnes kimméridiennes dans les ré-
gions soleuroises et bernoises , tandis qu’on ne les rencontre pas dans le Kimméridien
salinois. Ce phénomène semble indiquer que les derniers représentans du règne z00-
phytique corallien sont venus, des bords de la Forét-Noire, s’éteindre dans la partie
de la mer jurassique où se trouve le Jura salinois; et que les Acéphales, au con-
traire, sont venus des bords du Morvan, ont traversé le Jura salinois et bisontin pen-
dant le dépôt astartien, et sont venus peupler la mer avoisinant les Vosges et le
Schwarzwald, pendant l’époque kimméridienne; alors ils ont pris un énorme déve-
loppement, qui s'explique par la position littorale de cette partie de la mer ; tandis que,
dans la partie salinoise , on ne rencontre qu’un assez petit nombre d'individus, le plus
souvent rabougris , excepté quelques espèces qui sont très-nombreuses, telles que les
Ostrea bruntrutana et Lucina Elsgaudie.
J'avance l'observation précédente avec beaucoup de réserve, cependant j'en ai vé-
rifié l’exactitude pour plusieurs espèces, telles que Ostrea bruntrutana, Lucina Els-
gaudiæ, Modiola scalprum, Trigonia suprajurensis, qui se trouvent dans le Jura
salinois et bisontin, exclusivement dans le groupe des 4startes, landis qu'aux environs
de Porrentruy, elles ne se trouvent que dans les marnes kinuméridiennes. Un plus
grand nombre d'observations résoudra la question , que je ne fais que poser.
D'après les observations précédentes, on voit que je renferme dans une seule for-
mation les groupes corallien et portlandien, réunis par le groupe des Astartes, et que
je commence la formation oolitique supérieure à l'apparition des Polypiers , Crinoïdes
et Cidarides , qui commencent le groupe corallien.
DIVISIONS DE LA FORMATION LIASIQUE.
La pétrographie et surtout la paléontologie divise le lias en trois groupes bien
distincts. Le lias inférieur comprend le dépôt des calcaires à gryphées arquées; il est
ms, fg. 2
caractérisé par l’ensemble des fossiles suivans : Ammonites Bucklandi, Conybeari,
tortilis, kridion , raricostatus, ete.; Nautilus intermedius ; Trochus anglicus : Plagios-
toma giganteum et obliquatum : Gryphœa areuata: Pecten ; Terebratula ; ete. Ces
fossiles ont conservé leur test, ou sont à l’état de moule calcaire.
Le lias moyen se compose de toutes les marnes et calcaires marneux, compris entre
le calcaire à gryphites et les marnes à Plicatula spinosa inclusivement. Dans le lias in-
férieur, les Ammonites et Nautiles ont une très-grande taille, qui ne se rencontre
que dans l’oolite ferrugineuse, où les grandes espèces offrent un très-grand développe-
ment. Le lias moyen présente des espèces de moyenne et de petite taille; les dernières
sont ordinairement pyriteuses, tandis que les premières sont à l’état de moule cal-
caire sans test. Les Bélemnites apparaissent pour la première fois dans ce groupe, et
y acquièrent un très-grand développement; elles y sont répandues dans toutes les
subdivisions. Le lias moyen se subdivise très-facilement au moyen de ses fossiles, dont
l’ensemble peut seul être regardé comme caractéristique du groupe, quoique dans le
lias , les mêmes espèces soient généralement répandues sur un bien plus grand espace
que dans les formations jurassiques supérieures; ce qui semble indiquer une plus
grande uniformité dans les conditions vitales.
Les subdivisions sont : 1° Les marnes et calcaires marneux à Gryphæa cymbium ou
MARNES À CYMBITES; Caractérisées par les Ammonites planicosta et cornucopiæ ; les Be-
lemnites Fournelianus et acutus ; la Gryphœa cymbium, des Térébratules et des Myes,
assez nombreuses. 2° Les cALGAIRES À BÉLEMNITES, caractérisés par une lumachelle de
Belemnites acutus, et par les Ammonites Davoei et fimbriatus. 3° Les MARNES À Ammo-
NITES MARGARITATUS, Caractérisées par cette espèce d’Ammonite qui est la seule que
l’on y rencontre, par le Belemnites umbilicatus, et par une assez grande quantité de
corps cylindriques, formés de couches concentriques de marnes ferrugineuses, dési-
gnés sous le nom de Septaria. k° Les MARNES À PricaruLEs, caractérisées par l Ammo-
nites spinatus, le Belemnites Bruguierianus, le Plicatula spinosa et le Pecten equi-
valvis.
Le lias supérieur commence à des couches très-épaisses de schistes bitumineux
dans lesquelles on rencontre quelquefois de nombreuses Posidonies ; dans le Jura sa-
linois ce fossile y est très-rare. Au-dessus se trouvent les couches les plus fossilifères
du lias ; le fossile dominant, et qui s’y rencontre avec le plus de constance, est le
Trochus duplicatus : c’est pourquoi je les ai désignées sous le nom de marnes A TRo-
caus. La plus grande partie des fossiles sont à l’état pyriteux, et se font remarquer
par la petitesse de leur taille. Les plus caractéristiques sont les suivans: Belemnites irre-
ven an re. ne ri tels air is 6 malt à
LT | De
gularis, unisulcatus et compressus ; Nautilus latidorsatus et truncatus ; Ammonites mu-
cronatus, radians , binus, variabilis, Thouarsensis , Requinianus , insignis, Germaini,
sternalis, discoides et complanatus ; Nucula Hammerti, claciformis et lacryma; Tro-
chus duplicatus ; Turbo princeps; Arca, ete. Le GRÈS SUPERLIASIQUE, ne renferme dans
les couches marneuses interposées qu’un assez petit nombre de fossiles, les plus ca-
ractéristiques sont les Ammonites bifrons et primordialis.
DIVISIONS DE LA FORMATION OOLITIQUE INFÉRIEURE .
La formation oolitique se divise en cinq groupes, savoir : 4° l’OOLTE FERRUGI-
NEUSE ; 2° le cALGAIRE LAEDONIEN (*); 5° le carCAIRE À Porypiers; 4° les MARNES vÉ-
SULIENNES (*) ; 5° les CALCAIRES SUPÉRIEURS, comprenant le GREAT-OOL1THE , le FOREST-
MARBLE et le CORNBRASH.
L’oolite ferrugineuse, composée de calcaires marneux et compactes, ferrugineux,
présente des couches de fer oxidé oolitiques, qui ont jusqu’à 0,40 centimètres d’é-
paisseur. L’une de ces assises renferme une quantité prodigieuse de fossiles, surtout
des grandes Ammonites et Nautiles. Dans certaines localités, comme dans les envi-
rons de Bâle et à la Roche-Pourie, près Salins, on y trouve des Polypiers avec chailles
marneuses , et alors les fossiles que l’on y rencontre sont les suivans : Polypiers, As-
troîles, Cidaris horrida et une autre espèce inédite, Nucleolites latiporus , Hyboclypus
gibberulus, Terebratula perovalis, Lima proboscidea, Pecten et Mya. Ces localités sont
exceptionnelles; les fossiles que l’on rencontre généralement sont les 4mmonites So-
werbyi, Murchisone, etc., et le Nautilus lineatus.
Le calcaire Lædonien est très-peu riche en fossiles ; ceux qu’on y rencontre sont
tellement triturés qu’ils sont indéterminables : ils appartiennent aux genre Pecten, Te-
rebratula et Ostrea. Plusieurs couches sont pétries de débris d’Entroques.
Le calcaire à Polypiers présente de grandes nappes de coraux, appartenant aux
genres Astrée , Méandrine, Sarcinule et Agaricie; plusieurs espèces ressemblent tel-
lement à celles du corallien, qu’il est très-difficile de les distinguer, Ces bancs de
(*) Lœdo, Lons-le-Saunier , où ce calcaire est très-développé dans les environs; il forme les sommités des
buttes de Montmorot, Pyrmont et le Pin. Cette division correspond à l'OOLITE SUB-COMPACTE de M. Thur-
mann et au DOGGER de M. Gressly.
(©) Je nomme ainsi le FULLERS EARTH, parce que ce dépôt se trouve très-développé dans les environs de
Vesoul, où il a été très-bien étudié par M. Thirria. Cette dénomination de TERRE A FOULON est vicieuse dans le
Jura, car cette marne est tout-à-fait impropre à fouler les draps, comme en Angleterre.
oc:
Soc. Neucu. IL.
CR Le
Polypiers sont accompagnés d’une grande quantité de chailles siliceuses, contenant
des Pholadomyes et des Térébratules. Les couches supérieures sont souvent rempliés
de Térébratules, de Nérinées et de Turritelles.
Les marnes vésuliennes sont ordinairement très-peu développées, et ne sont repré-
sentées souvent que par des calcaires marneux. L'association des fossiles varie beau-
coup suivant les localités ; les plus caractéristiques sont : Ostrea accuminata, Knorri
et Marshii; Terebratula biplicata-infra-jurensis, spinosa et concinna; Plagiostoma gib-
bosa ; Dysaster analis; Discoidea depressa; Acrosalania spinosa ; Clypeus solodurinus ;
Patella et Hugi, des Pholadomyes, des Pectens, une Ammonite plate assez rare, ainsi
que des débris de Nautiles et Bélemnites. Je n’ai pas désigné ces marnes sous le nom
de MARNES A OSTREA ACUMINATA, que leur donne M. Thurmann, parce que ce fossile
ne se rencontre que dans un très-petit nombre de localités du Jura salinois et bi-
sontin.
Le groupe des calcaires supérieurs présente un énorme développement d’assises cal-
caires sans interpositions marneuses. Les roches d’abord oolitiques dans la partie infé-
rieure, deviennent ensuite compactes, et sont connues sous le nom de forest-marble,
puis elles redeviennent oolitiques comme auparavant, et portent alors le nom de
Cornbrash. Ces subdivisions n’ont aucune valeur paléontologique dans la chaine des
Monts-Jura, les fossiles y sont extrêmement rares, et ne sont représentés que par un
petit nombre de Térébratules, de Pecten et de Plagiostomes.
DIVISIONS DE LA FORMATION OXFORDIENNE.
La formation oxfordienne se divise en trois groupes. 1° LE FER SOUS-OXFORDIEN;
2° LES MARNES OxFORDIENNES ; 3° LE KELLOVIEN.
Le fer oolitique sous-oxfordien, dont la puissance est très-variable, se rencontre
avec une grande constance dans toutes les parties des Monts-Jura. IL est vrai, souvent
sa puissance n’est que de un à deux pieds, mais il ne mérite pas moins de former un
groupe séparé des marnes oxfordiennes, à cause de sa constance et du grand dévelop-
pement qu’il prend lorsqu'on s’avance dans la baie bourguignonne, comme par exemple
aux environs de Chatillon-sur-Seine. Les fossiles caractéristiques sont une grande
quantité d'Ammonites, appartenant aux genres Planulati et Armati, des Bélemnites,
des Nautiles , des Térébratules, des Trigonies, etc,
Les marnes oxfordiennes proprement dites, comprennent tout le groupe de marnes,
souvent très-puissant, dont les fossiles sont à l’état pyriteux, et qui a habituellement
D =
pour horizon supérieur les fossiles suivans: Ammoniles Lamberti, Leachii ; Terebratula
Thurmanii, biplicata medio-jurensis, etc. — Comme je l'ai dit, le développement de
cette division des fossiles pyriteux va en augmentant à mesure que l’on s’approche des
régions littorales, et diminue lorsqu'on s’avance en sens inverse. Les fossiles les plus
caractéristiques des marnes oxfordiennes sont : Ammonites interruptus, dentatus, Ba-
cheriæ; Belemnites hastatus, semisulcatus; Nucula subovalis, concinna; Terebratula
impressa, Thurmanni et biplicata medio-jurensis; Area; Pentacrinites pentagonalis et
un Apiocrinus.
Aussitôt que les marnes oxfordiennes ne contiennent plus de pyrites, on voit dispa-
raitre presque immédiatement les Ammonites et les Bélemnites ; la roche passe souvent
alors à l’état de calcaires marneux, disposés par assises comme des pavés. Plusieurs de
ces couches sont remplies de Térébratules, et quelques-unes sont recouvertes de
nombreux polypiers spongieux , surtout dans les régions subpélagiques. Ce dépôt que
je désigne sous le nom de Kellovien, atteint souvent une puissance très-considérable,
et est caractérisé par l’ensemble des fossiles suivans : Polypiers spongieux apparte-
nant aux genres Tragos et Cnemidium; Dysaster propinquus ; Gryphæa gigantea : Os-
trea dilatata; Pecten octocostatus ; Terebratula insignis, globula et plicatella ; Pholado-
mya parcicostata et exaltata ; Trochus ; etc.
DIVISIONS DE LA FORMATION OOLITIQUE SUPÉRIEURE.
Comme je lai établi précédemment, la formation oolitique supérieure est divisée
en trois groupes, savoir : 1° GROUPE CORALLIEN ; 2° GROUPE SÉQUANIEN (*) OU ASTARTIEN:
3° GROUPE PORTLANDIEN.
Le corallien commence à l'apparition des Crinoïdes, Cidarides et Polypiers : il com-
prend des roches calcaires, sableuses, avec accidens de chailles et sphérites sili-
ceuses. La partie supérieure est composée d’un énorme développement d'assises cal-
caires oolitiques et compactes, renfermant souvent une grande quantité de Nérinées.
Les fossiles de ce groupe sont, parmi les Polypiers : Scyphia amicorum ; Astrea sex-
radiata et decem-radiata, Agaricia fallax et Gresslyi, Meandrina magna, Anthophyl-
(‘) Depuis plusieurs années, M. Thurmann désigne ce groupe sous le nom de Séquanien , parce qu'il est très-
développé dans la partie du Jura qui formait l’ancienne Séquanie. Ce nom est préférable à celui du groupe aux
Astartes, parce que ce fossile, quoique très-caractéristique, ne se rencontre que dans une seule des assises de
ce groupe , et est par conséquent souvent rendu invisible par la végétation.
— 20 —
lum variabile, Lithodendron allobrogum , etc. Les Echinodermes présentent en abon-
dance les GCeriocrinus Milleri; Apiocrinus rosaceus et rotundus ; Millericrinus Münste-
rianus, Baumontii et echinatus; Pentacrinus scalaris et tuberculatus; Hemicidaris
crenularis ; Cidaris Blumenbachii , coronata, crucifera , pustilifera, cladifera, cervica-
lis, ete; Echinus perlatus; Glypticus hieroglyphicus ; Pedina sublævis ; Diadema suban-
gulare, priscum, placenta, etc. Les Acéphales sont peu nombreux et dans un assez
mauvais état de conservation ; on y remarque l’Osfrea rostellaris, eduliformis etexpla-
nata; le Pecten vimineus ; Pinna crassitesta ; Gervillia avicuiloides ; Arca ringens ; Tere-
bratula lagenalis et decorata; Trigonia, etc. Les Gastéropodes ne sont représentés
que par quelques espèces de Nérinées. Les Céphalopodes sont excessivement rares ; je
n’ai rencontré qu'une Ammonite et un fragment de Bélemnites. La plupart de ces
fossiles sont recouveris de nombreuses espèces de serpules, tels que : Serpula gordialis,
flaccida , grandis , etc.
Le groupe Séquanien, comme je l’ai établi précédemment, peut être considéré
comme période de transition entre le corallien et le portlandien : les roches qui le
composent sont les mêmes que celles des groupes supérieur et inférieur ; la paléontologie
seule peut servir de guide pour le reconnaitre. Les fossiles caractéristiques sont : Des
Astrées, Lithodendron magnum et rauracum ; Cidaris aspera; Diadema pseudodia-
dema; Apiocrinites Meriani, une nouvelle espèce de Pentacrinites; Ostrea bruntrutana,
sandalina et Sequana ; Lucina Ælsgaudie ; Trigonia suprajurensis ; Natica turbinifor-
mis et macrossoma : Melania striata et abbreviata ; Astarte minima; Terebratula alata,
biplicata suprajurensis, et plusieurs espèces inédites; Mytilus pectinatus; Modiola scal-
prum, elc.
Le groupe portlandien présente deux subdivisions; la première, composée des
marnes kimméridiennes et ealeaires portlandiens proprement-dits, est caractérisée pr
l’ensemble des fossiles suivans : Ostrea solitaria , Pterocerus ocean, Pholadomya Pro-
tei, Isocardia excentrica, Perna plana, Mactra Studeri, Avicula Gessneri, Arcomya
gracilis et helvetica, Melania cristallina, Clypeus acutus, Hemicidaris Thurmanni et
diademata, etc. La seconde subdivision comprend LES MARNES ET CALCAIRES A EXOGYRES
viRGULES ; elle ne se distingue de la précédente par aucun caractère pétrographique
et géognostique ; les fossiles caractéristiques sont : Exogyra virgula; Nerinœa trino-
dosa, grandis , macrogonia et plusieurs espèces inédites ; Phasianella Portlandica ; plu-
sieurs espèces de gros Trochus et quelques bivalves indéterminées. Mais ce qui domine
surlout dans cette seconde division , c’est une énorme quantité d’espèces et d'individus
de Nérinées, et on peut la regarder comme le règne des Gastéropodes jurassiques.
Ne Re
Je ne m'étendrai pas davantage sur les détails des groupes, me réservant de leur
donner tout le développement possible dans mes Recherches sur le Jura salinois, dont
cette notice n’est qu'un extrait relatif aux terrains jurassiques. Mais je crois utile
de présenter dans le tableau suivant les principales divisions que j'ai établies dans
les terrains jurassiques , pour le Jura occidental.
TABLEAU
DES DIFFÉRENS GROUPES QUI COMPOSENT LES TERRAINS JURASSIQUES DANS LES CHAINES DES MONTS-
JURA , ET PRINCIPALEMENT DANS LE JURA OCCIDENTAL.
ir ri à Nériné à ti fucoides, ;
Calcaires supérieurs à Nérinées et à tiges de fucoïde | nègne TT
GROUPE marnes à Exogyres. {
PORTLANDIEN /Calcaire portlandien.
€ es Acéphales.
Marnes kimméridtennes. Règne des Acéphales
FORMATION OOLITIQUE
SUPÉRIEURE.
DÉPOT MARIN.
| Groupe | Calcaire séquanien.
|
\
}Période de transition entre
- = à le ré des Zoophytes et
SÉQUANIEN. | Marnes séquaniennes ou à Astartes. } me Fu tente
Groupe (Calcaire à Nérinées et oolite corallienne. s'hde d
CoRALLIEN. (Calcaire corallien. eo ce
Kellovien. — Polypiers spongieux. Décadence du règne des
FORMATION OXFORDIENNE. | A :
hi te Marnes oxfordiennes. Céphalopodes. Grand déve-
ami er SE S (Fer oolitique sous-oxfordien. loppement des Térébratules
a Cornbrash. \
© CALCAIRES SUPÉRIEURS. 4 Forest-marble.
IR \Great-oolite.
2Ë £ ce
8 Dh TE Règne des Clypéastroïdes et grand déve-| APParition des Zoophytes, et
me DE © Uoppement d’Ostrea et Terebratula. période de transition des Cé-
S'È 2 JCarcame A POLYPIERS. HER phalopodes.
Ë & À [CaucamE LEDONEN. ommencement du règne des Zoophytes.
ë Règne des Tentaculifères d 1
= OOLITE FERRUGINEUSE. { "°° dE eg aDLE à
a \ Apparition des Zoophytes.
/ (e superliasique. en pe des Ammonites |
ä | Lias SUPÉRIEUR. / Marnes à Trochus. de petite taille, et des |
© £ Schistes bitumineux. Jnestés liasiques. |
CS
GE { Marnes à Plicatules. : ; -
CRE \ , ose Règne des Bélemnites
= Marnes à À. margaritatus. Fe \ ;
Z = LIAS MOYEN. | FE RSS Te et apparition des Am- Règne des Céphalopodes.
2 . . . a |
É Ë \M à Cyvmbi monites de petite taille:
FE arnes à Cymbites.
Ë à | Commencement du rè-
© | LIAS INFÉRIEUR OU CALCAIRE À GRYPEITES. ‘ gue des Tentaculifères
\ (de grande taille.
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TABLEAU
DES
HAUTEURS AU DENNUS DE LA MER
DES PRINCIPAUX POINTS
PRINCIPAUTÉ DE VEUCHATEL
M. »OSTERVALD.
DAME.
CA
UE A ZAC D AA
LA du
LÉVALDOEU AU ÉPUALIPAIET
DER
\CAAVAAITEAO x
En enregistrant dans ces Mémoires le tableau des hauteurs au dessus de la mer des
principales localités du pays de Neuchâtel, il est peut-être nécessaire d'indiquer les
méthodes par lesquelles j'ai mis en rapport les hauteurs de nos montagnes avec le ni-
veau de l'océan.
Je vais essayer de le faire en peu de mots.
Dans les grands travaux geodésiques que nécessita l’étude de la figure de notre
globe, la France fut couverte d’un réseau de triangles qui formèrent des méridiennes
et des parallèles à diverses villes. De ce nombre fut la méridienne de Strasbourg à Ge-
nève , et sa parallèle de Strasbourg à Brest, Les altitudes des points du Jura compris
dans la première série furent primitivement conclues d’un nombre considérable d’ob-
servalions barométriques faites à la cathédrale de Strasbourg. Celle de Chasseral fut
provisoirement trouvée (en 1807), de 1611". Ce chiffre fut modifié et porté à
1610,54, dans la Description géodésique de la France. Mais on jugea plus rationnel
de partir de la hauteur moyenne des eaux de l’océan à Brest, et de conclure par une
succession de distances zénithales de statious en stations jusqu’à Strasbourg la hau-
teur de cette ville. Cela amena un changement dans la hauteur de Chasseral, qui fut
ROBE à: 2.0 1, à, . 7, < , Sotolib eo our sl 402-910008,6
Plus tard encore la même marche fut suivie pour les calculs du
parallèle de Bourges, partant de l'Ile de Noirmoutiers, et qui fut
également lié au Jura. Chasseral fut trouvé par la série de ces nou-
annee. Lin Ce Se ac en «I 'E000,1
La moyenne, définitivement adoptée, fut de _. . . . . 1608,8
Chasseron, qui primitivement avait été estimé à 1612 mètres,
fut modifié ensuite et enfin conclu par la moyenne des calculs des
parallèles de Brest et de Bourges à . . . . 1609,1
La hauteur du Moléson qui était de 2007, fut bis rs
à Len 2 2005,2
a Ne,
Genève, qui a été lié à cette chaine, a été trouvé par ces derniers calculs de
375 mètres au dessus de la mer. Ce résultat est semblable à celui des nombreuses
observations barométriques qui y sont faites depuis nombre d'années, ce qui est une
grande présomption de plus en faveur de l'exactitude de toutes ces opérations.
C’est de ces diverses données procurées par les travaux des ingénieurs français, que
les ingénieurs suisses sont partis pour fixer toutes leurs altitudes. Chasseral, Chasseron
et Moléson ont été également mes points de départ. Déjà en 1801, j'avais compris qu'il
fallait adopter un point fixe au bord de notre lac pour y rattacher toutes les hauteurs
de notre pays. J’avais choisi le môle du Seyon à Neuchâtel, et j'avais profité de l’appui
et du bienveillant concours que m’accordait M. Trallès pour déterminer quelques
hauteurs au dessus de ce point avec une grande précision. Chasseron et Moléson
furent de ce nombre. Afin de détruire les erreurs de la réfraction, nous fimes une
série d’observations zénithales simultanées, M. Trallès placé au Moléson et à Chasse-
ron, moi à Neuchâtel et à Fond. En 1807, je déterminai seul la hauteur de Chasseral.
Ce sont les élémens qui m'ont servi pour fixer la hauteur de notre môle au-dessus
de la mer. Voici les résultats de ces calculs :
Le Moléson fut trouvé sur le môle de . . . . . . . 1570,9
Le Moléson est indiqué par les ingénieurs français au-dessus
dela meérides te AU eue TN sue LMP ee ee AU0De2
Hauteur du môle sur la mer, ou différence . . . . . . 454,3
Chasseron fut trouvé sur le môle de... . . . . . . 14174,2
Les ingénieurs français l'ont trouvé sur la mer. . . . . 1609,1
Hauteur du môle sur la mer, ou différence . . . . . . L354,9
Chasseral a été trouvé par moi, sur le mêle, de . . . . 4174,0
Par les ingénieurs français, sur la mer . . . . . . . 1608,8
Hauteur du môle sur la mer, ou différence . . . . . . L54,8
Moyennes 20.7 2". «we IE
Je ferai observer que si, dans le volume précédent des Mémoires de la Société, cette
hauteur a été donnée comme étant de 437,7, cela ne provient que de cette différence
dans Les points de départ qui alors n’avaient pas encore subi les dernières modifications
adoptées par le Dépôt de la guerre de Paris. Dans ce même mémoire les 1099 obser-
vations barométriques faites à Neuchâtel donnèrent pour la hauteur du môle 434,5 ;
CL D
elles différaient alors de 3 mètres des mesures trigonométriques. Aujourd’hui elles
deviennent identiques.
Les hauteurs de Chasseral , de Chasseron et du môle étant connues, le reste devenait
un travail facile à faire. Il suffisait de déterminer les diverses stations de la triangula-
tion primaire de ce pays relativement à ces points, puis de passer aux principales sta-
tions de la triangulation secondaire et de celles-ci aux points de détail. Cela ne pré-
sentait aucune difficulté si les points principaux étaient bien coordonnés entr’eux. Ce
travail n’a généralement pas mal réussi. C’est ce que les tableaux suivants pourront
faire connaitre. Je joins un petit canevas de la triangulation primaire qui a servi de
fondement à la nouvelle carte de Neuchâtel levée au + pour donner plus de clarté
à ces explications. Je terminerai en disant que les distances zénithales, qui ont été
observées de tous les points importans , ont été répétées trois à quatre fois avec un
cercle de Borda ou avec un théodolite répétiteur de Gambey, dont le cercle de dix
pouces peut prendre la position verticale. Les calculs ont été faits d’après la formule
de Puissant indiquée dans son Traité de géodésie, sauf dans les points de détail peu
importans où la courbure et la réfraction ont été obtenues par un calcul plus rapide.
Toutes les observations originales, accompagnées des calculs, seront déposées dans les
mains de l’administration pour y être consultés, et les emplacemens des signaux pour-
ront être retrouvés par les bornes que j'y ai placées.
FER
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
mo
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
nimes. | memes. | mivus. [rensoe ra.
Aarberg (Sig. géodésique sur la métairie d’), Chuffort, sol
calculé par Chaumont . . . . . . . . . . . | 843,9
UT MO NS ae PE RES S4A,4
moyenne 84A,1 || 1278,8 | 3937
Ardale (Sol) métairie Meuron, Bailliage de Grandson. . . . 843,9 | 1278,6 | 3936
Baronne (La), sur le Creux-du-Vent, sol au Midi . . . . 941,3 | 1376,0 4236
Barraque (La), forêt de l’Ether, le sol
par Gibet de Cerher 2 nt nec 1 22092
» Chules RO EN Ne TC MORE 0e 269,1
J'éSEOrniepre. SUR CORNE DR ER PARMOEEE 0 4
269,1 | 703,8 | 2166
Bayards, église, sol du clocher . . . 574,8 || 1009,5 3108
Beaufond Borne de France, Neuchâtel et rue sur nes aie sol 173,2 607,9 1874
Beauregard (Grand), chalet, sol. par Grande Robeïla . , . 898,3 || 1333,0 4103
Beaume (Sig. de la), au-dessus de la Combe de la Vaux, canton
defVaud eus 6 » 290 FOUT 1044,5 | 1479,2 4553
Beauregard, château, "+ te a
PAPISAURE RS 0 MSNM EX, CON ER RE TIES, R 59,0
SRMORDET Ve Re EST de ete tels 59,7
» MCNEVLON RS LA 2 EU, Ne a er 60,0
50,6 || 494,3 | 1521
Beauregard, Sig. géodésique sur Pouillerel , sol
pariléte-de-Ranfé ee EC Seins conte mer | 789,0
Det RE eh a EC HOME ENE He 788,7
n 788,9 | 1223,6 3767
Belair, campagne de Meuron, sol du côté du sud,
pan Ce Re RE ET Rs cn 0 1789
Tee 2 et D Un ac urne ei ITR
178,8 | 613,5 | 1888
Bellevue, campagne sur Cressier, sol terrasse,
pariGerien 4 0e 0e Co ec 1020
ITIOIE 2 pe 2 P n e oeet||EE220
132,6 | 567,3 | 1746
Bellevue, près Monlezi, par Ruillières . . . . . . 586,7
» » » . . . . . . . 587 ,6
587,1 || 1021,8 3145
SFE RE
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus
du niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
4, TT,
. L ; J MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. [PIEDS DE FR.
Berthière, Sig. géodésique, sol (Monts de Chesard),
DAMON MEN D Edte E:- 7. 980,7
MR ONETAI ANNE a den OA. 980,7
sINTOIE-Je-RANEML Er. 4 per ch sd, 0e. n . > 980,9
mePotilerele En. ner: et ie ee de 980,8
moyenne 980,8 | 1415,5 | 4357
Bevaix, Sig. militaire à la Pointe de, sol
par Cortaillod 60,3
» » 60,2
60,2 494,9 1523
Bizot, église sur France, au bord du Doubs, cordon au bas du
clocher
par Sig. Sagnotte . 523,7
» Moron . - 523,5
7 | 523,6 | 958,3 | 2950
Bichon, Sig. géodésique, au Valanvron, clédar, sol
par Berthière CO. ANNEES MSC set bee Met 575,1
n Héee-hang, 2 : 4 20 ch © 4 : © UN 5762
RS pile Es Ada © 2 à à «ft 569
» » Je 576,4
576,4 || 1011,1 3112
Blancheroche ou Fornet, église au pied du clocher, côté S.
par sig. Bichon un RE ; 525,4
Ed Aide ben es latetopes: Hits 524,7
» Pelard ouest. 524,5
» Pouillerel 524,7
524,8 959,5 2953
Borne d’Etat N° 10 avec le Val-de-St.-Imier, plaine de Li-
gnières , sol
par Vornieux , 368,9
» Grand-Bois. 368,7
» Chasseral 368,8
368,8 803,5 2473
Borne d'Etat à Chasseral N°24 SON Rir e 1070,3 || 4505,0 41633
» à la Fontaine George 26 » . - + : - 1003,2 || 1437,9 8 4426
» RC RE AE | AE ET + A 973,5 || 1408,2 4335
» PL RE De Mc veu) Le 1018,2 || 1452,9 4472
Houteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
Borne de Juridiction Neuchâtel et Valangin, route de Valangin,
N° 2, sol
pee ah EN RER 2
» Tête-de-Rang,
» inverse . “re
moyenne
Borne de Juridiction Neuchâtel et Valangin, route de Fenin, sol
par Tête-de-Rang,
» Racine
Borne de Juridiction Neuchâtel et Valangin, sur Chaumont,
N° 19, sol
par Racine .
» Tête-de-Rang
» Malvilliers . É
» Place d’armes de Goffrane
Borne de Juridiction bord de la route Lignières. N° 9, sol
par Cerlier .
»_ Chules
Borne de Juridiction Landeron-Lignières, N° 6, sol
par Corne-Chasseral .
»._ Grand Sig. Chasseral
Boudevilliers, église pied de la Tour,
par Fenin .
Boudevilliers, auberge du Point ai jour, du chté d #7 rue,
par Cotelle . ë
Bois (Les), église, Val- de-St. jihier, suit de la firteai
par Chasseral, Grand Sig. .
» Corne-Chasseral .
Boudry, emplacement ancien Gibet
» Campagne Grellet, sol
» Campagne Merveilleux
Brenets, église sol,
par Sig. Gradoux .
» chez Givet
279,8
279,7
280,0
303,2
303,6
645 4
644,8
646,4
646,2
337,8
336,3
523,7
523,1
SUR LE MOLE.
MÈTRES.
MÈTRES.
279,8
303,4
645,8
337,0
MÈTRES,
744,5
738,1
1080,5
771,7
SUR LA MER.
D A
RE —,
PIEDS DE FA.
2199
2272
3326
2376
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
|
MÈTRES. MÈTRES. PIEDS DE FR.
. ’ MÈTRES.
Brenets, Signal militaire, |
par SEM rl EP PMR MR CE 0, AIN 605
» Gradoux et inverse . 696,0
moyenne
Brévine, Vallon, La-Maison-Blanche, sol,
par Som-Martel. }
Brot, auberge, sol au bas des SEE
par Sign. Champ-du-Moulin. . . . . . . . . .| 421,5
| » Idem, observation inverse . . . . . . . . . 423,4
| » Rochers du Creux-du-Vent . . . . . . . . 424,5
» Sign. militaire de la Tourne. : . . . . . . .| 422,7
moyenne
Sign. géodésique de Brun, sur l’arête de Tête-de-Rang, sol
panTée-deRano >, nn. A. +. 0 005
» » A4 8 RS GR 2-0
» Racine SR CR ne er + 995,8
» » . . . . . . . . . . . . . . “ 995,5
DR MONDE RUES. uote en LENS Ne 5, “or te 996,4
LIRE DA OC DORE DEA |
movenne |. .
995,7 | 1430,4 | 4103
315,9 | 750,6 | 2310
Bussy , ferme Pourtalès, sol façade sud. :
Sign. militaire de Buttes ou de la Côte aux Fées, sol de la nn
par Grande-Robeïla .
Caroline, près les Brenets, centre 3 fenêtres du 7.
Carré (Le) au Valanvron, auberge sol du bâtiment au sud
ÉTANE UE CON PORC TE. CRE DEP RENE 599,1
»" Enls@Blancherochem Re 5 "50 5 0, 599,1
D POULIECOHE UE Mt A eu iii » 599,6
592,8 | 1027,5 | 3163
462,3 | 897,0 | 2761
599,3 | 1034,0 | 3183
moyenne
Carré (auberge sous le) porte grange, le bas,
par nivellement partant du Carré . 552,9 | 987,6 | 3040
Caserne des Douaniers, près Chaillexon, sol
ADS SANTE. RER E 1, n° 01049277 |
DAS MOTORS Eee ele ss et, ILE ADR
- moyenne
Cerneux-Pequignot, Chapelle sol .
us 40
Hauteurs déterminées trigonormétriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus
du niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
mn ou RL
MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. PIEDS DE FR.
Cernil, auberge entre les Bayards et la Brévine, le sol
par CHaSSer On te d'A NES L'on 740,6
Gros-Taureaut 2.0 + a Aa. ne, en. à 741,2
Ruillères D he mon Er RE à 739,8
Grande-Robëla.2 7 ET RE 739,7
SaméSuipiee Part Le osier Tente. tot ||740,5
Monléa ane ER nt NE ne 739,0
moyenne
Cernier, église, sol de la Tour,
par COtEte beta Net ee: ai. sie Chose: 404 1
men"... D CS M we El rie cie l'US
MGhinnonts EL. fees Re CAL 399,1
moyenne
Cervelet, borne de Juridiction sur les monts de Couvet
Cerf (mont du), borne d’Etat près la Cornée, sol
par Grande-Robeïla . Ste SH 2
Chaillet (La Prise), campagne au-dessus de Colombier, sol de
la maison, par Chevrou .
par Monbet
» Li
moyenne
Chasseral, Grand Sign. géodésique, sol de la borne,
déterminé par les Ingénieurs français
Chasseral Corne, signal géodésique, sol à la borne,
par Vornieux, . fi
Grand-Chasseral.
Monpy
Borne 10 .
Chaumont .
Tête-de-Rang à
moyenne
Sign. géodésique Chasseron , déterminé par les ingénieurs
français. .
. D
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus di
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
TT |
MÈTRES. MÈTRES. MÊTRES. PIEPS DE FR.
Sign. Crêt de Châtillon, à la borne géodésique sur le monticule,
DAACOAlIElER PART À. : .], … . ….. , 41692
MO CHAMABMICHAUNON ER - 2 2... à à LU 152,9
» Bevaix LT NN RERO OL 153,6
» » CT ee RO: 5° Moro IE TDRTS
moyenne |. . .| 153,4 | 588,1 | 1810
Crêt (Sur le), Sign. au-dessus de Couvet, pepe Dubied,
sol devant la maison, par Ruillères. . . . DEEE A | BA ET
par Montlézi, 21 Mise OMR SAaTON .… … 704,3
PA unDBrESS EU. ONE | > 0. :. ©.) 7046 |
moyenne |. . . 704,6 | 4139,3 3507
Chantemerle, montagne rer) sol de la maison,
par Ruillères . . . d un ni urntle 804,0, 14238,7 3513
Chätelard, butte près Penn sommet +ddr ruines, |
par Sign. Bevaix. . . 2 COUÉRMERES Let : PE ue 43,4 478,1 1472
Châtelard , haut de la une, sur Win, |
PANME OR RU L, 2 A ne e M2. n , pe 596,3
) » . . - . . . . . . . . . . . . 595,6 fl
moyenne |. . - | 596,0 | 1030,7 | 3173
Chaumont, Sign. géodésique, sol de la plate-forme sud, calculé
par Sauge et Monbet, en 1801. . .'. . . . . .| 737,6
» » » CR TES top Naits 737 mA
» » » en LSD7. en + OS Rire 737,9
PVR SE PARETAODT. rent" 7 *: t} l: | "787,2
POCARSETN RE AD ASTM He D 767,2
2 ÉASAUBEU NE. Men 18 NE ee 1797
» Monbet à RE 0 Since ES al et com 737,7
MIUHAESO PAT SR 2 MER TS ne cent + 1} 797,7
moyenne |. . . | 737,7 | 1172,4 | 3609
Chaumont de Pierre, sol devant la maison,
PAP SUP AMAR MEINDE, 7 0 2 SMTONT … . 581,24
ve Der En EL :° J 00 gi 96 CEST)
DAMONDER EUR DA UE PEPRE CA 0 le ARNO 581 ,43
prit lS dde sie Déder, d .: -. | 59444
moyenne |. . . | 581,0 | 1045,7 | 3127
Chaumont (Le château), terrasse, façade sud, |
PAR SEP MB ER PIECE, =, À DAORENN . . 652,3
BEMONHeRRE EG SEM 2... +. … … uno 652,3
moyenne |. . .| 652,3 | 1087,0 3346
LS CS
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. - SUR LA MER.
Chaumont, pilier en pierre à la borne des trois Juridictions
lehaut,\par. Chaumont Sign.L 066.4. . . . : . ms 754,2 | 1188,9 3660
Chaillexon, Sign. sur France, le sol + . . . . . . | . . .| 494,4 | 9288 2859
Chaux-de-Fonds, église corniche de la tour,
par Téte-de-Rangis - , © Let +: . … , … +688
sAgPoulIere les - Les. UE RARE Er ee 589,0
#1 Som-MArtel. #0 SE à...) ne . 588,5
» .Téte-de-Rang . . © . . |! Hndul wi |n68719
nisPonillerelalfts Peut, OP RET 20208 5 che 589,1
moyenne || 588,6
hauteur de la corniche sur le sol. ,. . . . . . . | —261
Eplise sol. . . . . soyons . .: lues |: 562,6 1: 9972 |P3050
Chaux-de-Fonds, cimetière, : dre SON. ire ff: 557,0 984,7 3022
Sign. sur l’arête des rochers au-dessus du era
par Sign. militaire de la Tourne. . . . . . : : .| 954,0
» » HS SE | EE
moyenne | : + | 953,8 | 138,5 | 4274
Champ-du-Moulin (Pont du),
par Sign. militaire de la Tourne. . . . . . . . .| 178,9
» Sign. Champ-du-Moulin. . : . . . . . . .| 153,7
moyenne |. . .| 181,3 | 616,0 | 1896
Chäntavenot, près des Brenets, maison neuve, centre des
fenêtres du bas. . . . US Re Le el. 0981409 8 1 93%5 402877
Chaux-du-Milieu , Eglise pied de la jour . . . . . . . |. . .| 642,3 5 1077,0 | 3315
Chaufaut, Chapelle, pied du mur du jardin . . . . . . |. . .| 63592 | 1069,9 | 3294
Châtelu, sur France, Sign. géodésique, sol
BAL SOMEMATTEL AE" Res eo 7 Te Na, 866,8
DUMONIGZ Le" er 0 PO ES D Ps net à 867,9
sROMBrES QAR DR 0 | 6x |
D GRANT -RODEIA TE. ÉRIL cf Cire 0 Le. 866,3 |
moyenne | . : .| 867,1 | 1301,8 | 4007
Sign. Chézard, borne à la croisée des chemins de la montagne, |
PATISION FEMME 20 5 EN ir Dr 6 + es 1 MMA |
»*'Tête-de-Ranp * . 2e lapin 9 2 < Bey 2108
»\, Petit Sien:{Chaumpnt: NE jésport ss | 441,3
» » CM RO NE NE NN CR © 411,6 |
moyenne |. , . A11,3 846,0 2604
Chuffort, sol de la porte de l'auberge. . . . . . . .|. . .| 7940 | 1228,7 3802
Coffrane , pied du clocber.de l’église. —.. .. . . . . .|l. . . 365,0 799,7 2462
ds. ME:
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
A , Te,
MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. [PIEDS DE FR.
Coffrane , Sign. géodésique sur la place d'armes,
PARCGRERE ME MEME es De +. 2 +. :, 06609
ARSETONCES CU. 0 € Mat eue x 360,3
SOCE OA TU 4, à: So a non 2 ve 360,6
moyenne ||. . . 360,6 795,3 2448
Corcelles, maison au-dessus du village, sur la route, sol . . |. . . 151,0 585,7 1803
Concise, Sign. géodésique, :
par Fond et observation inverse... . . . . . .| 274,7
> D 5 Lee. Ji
+ Chevrou et observation inverse. . . . . . .!| 274,5
« » » - MOLETR CET PE Pie 274 ,9
«_ Yvonan et observation inveres. . . . . . . . 274,7
» Bois d’Iverdon » ok DOTE CREER || iv
moyenne | . . . | 274,7 709,4 2184
Combes, église sol,
TENTE Re CRIS 5 LEA MORE PR PART 142,5
Dé SEE Le. VOLE À 557, À MS YOM , 112,5
moyenne |. . .| 112,5 | 547,2 | 1690
Combettes, Sign. au-dessus dû Landeron, sol + . … . HT e . 90,1 525,8 | 1619
Cétette, Sign. au-dessus de Valengin, sol au haut de la montée,
FAR RACMOR LES 0 NOR Re ae rte 30311
OU UBEUD ST ANUS Met ei ee 2 OMMOYON «+, 303,4
2, Téle-de-Ranp * "1. [= : ns 0.008 SE JUNE GE
HU RACITE NES UN Me. M Ve Le 4 2. de 304,1
TES dns értiee Leds etat dt Sac CF 304,1
PAREIL ER - LUE. RER UNIR R Cure «OA
moyenne |. : .| 303.8 | 738,5 |” 2273
Combasson, maison sur les Verrières, sol: . . . . .{|. . .| 738,0 | 14727 3610
Cortaillod , Sig. TEL près le dE ds poirier, sol
par JEHAC Je: . ne Dre 70,9
5 SIT; de CONCISE . Le je Pet PU MU, LP dre,» ve ve 71,2
»_ par nivellement direct . . . . + 4 : . . . 7,1
moyenne |. . 71, 505,8 1557
Coeurie , Sign. géodésique au-dessus du chalet, sol
PANNE SR = DCE" te 7 RD: r AL" 699 3e
DARCOS AN CC MR EM UT ue rte: fl "8002
ma sTété-de-RAnE, Cru LE ee. h . . *; ... 9] 8994
moyenne | . . . 899,2 | 4333,9 4106
PR |
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE: SUR LA MER.
A |
MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FR.
Coeurie, Borne de Juridiction, son sommet . . . . . .| : . . 903,0 | 1337,7 MAS
Cotendard, campagne Terrisse, sol jardin . . . . . .|. : | 136,0 570,7 1757
Côte aux Fées, seuil porte de l’église. . . . . . . .|. . . 608,0 | 1042,7 3210
Couvet, le haut du parapet au milieu du Pont
par le nivellement de la Reuse . . . . . - . .| 302,5
» Signal Saint-Sulpice . + . . . . . . . . .| 302,4
moyenne || - 5 302,4 737,1 2269
Cornée (Sig. militaire de la), sol de la borne,
par Modéé 1... iso NV. orme)" SIRE
» Grande-Robeila . . . + . . . . . . .| 821,5 4
moyenne || + + - | 819,7 | 1254,4 3861
Cornée (Prise de la) sol . . . . . : : | 632,0 142667 3899
Creux-à-la-Poix, métairie Sig. de AT “ai __ Est,
DALCIRRILIERES Aer Eee AR CN Er Er
DSELOLLEL: Lee a ie! GRR ER) Luis 2 00002704
moyenne |. . .| 772,6 | 1207,3 | 3716
Cressier, église sol de la Tour,
PAS CNRC RE Eee he à Lu 70,5
» CRIE MM RE es ee D dr EH of 69,9
» Thielle OR COMCRENURS CE RE CPE, C2 CEE 70,1
moyenne | - . . 70,2 | 504,9 | 1554
Creux-du-Vent, Sign. au point culminant, borne sol
par Tourne et observation inverse . . . . . . . . | 1028,6
» Joux et » PA 0 0 AIr10284
» Chasseron et » AE Su 0. 210297
DRRACINONAL À. ane: ETS emevoar. © 1 402816
m oyenne | + : - | 1028,6 | 1463,3 | 4504
Creux-du-Vent, Sign. sur les rochers Est, sol borne
par S. m. Tourne. . . RE D D ag rie D 997,6
» Pont du vallon des Ponts. pe M. cmt 09772
moyenne | - + . 997,5 | 1432,2 409
Crêt-de-l’Oure, Sign. entre la Brévine et Couvet, sol
par Job, "Ps e. Ei . : Re.les
borne de inesar 5e Min 2 5 il 00857
séCrenx-du-Vent -: :-k eat LE 4, 843,2
843,9 | 1278,6 3935
=. AD —
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
ET 7 RP as Rien.
Crêt-du-Locle, Sign. militaire, borne sol
DAMRACNEN AE RE MEEDD CS D … ,: 588,0
AE SOMME A ME US A 2 UE 587,5
» “Olsenyation Mverse. à. -2:. .2,/hobn .me dd 587,5
moyenne |. . .| 587,7 | 10224 | 3447
Cul-des-Roches , près le Locle, sol au jet d’eau
pas Sotn-Martele. PR SET 1 . . . |" 182,8
observanon mverse … ? ÆAnpm 51. . . . … ..|| 483,0
moyenne Rue In 87:0 917,6 2825
Diesse, église pied de la tour, par Borne 40. . . . . .| 404,2
PATEV ONU ME RER EC 0 2. er 4027
moyenne ||. . .| 404,4 839,1 2583 |
Dombresson, Sign. géodésique borne. . . . . . . .|. . . 412,4 847,1 2708
Enges , Signal géodésique borne
ACC are 0 PR RUES RES
HOTTE NEO ASS ARR | PC 19
DU END OCF PR 0 CRAN Dole runs. do + IL A2
MER D Damas D 2: Ir A0
MeVGeNs enn. Le mag LE 7 SE, PSE. UE 422,3
PP CHANOSB DIS Fe use lu eh + nn. à qu, lt 421.0
moyenne ||: . . | 421,6 856,3 2636
Enges, auberge neuve, sol façade ouest . . . TE] hear 370,7 805,4 2479
Fauconière (La Petite), métairie sur le Cieus u-Yent seed 909,4 || 1344, 1138
Fontaine-Melon, Sign. géodésique, borne . . . -. | 409,7 844,4 2599
Fontaine-Melon, fabr., centre de la fenêtre dul'étage, façades.
HUIT ME PRO RTE RE 425,7
SION EDR .n MES de ce — À don ©. -« 426,5
moyenne |. . .| 42641 | 860,8 | 2650
Fontaines, église sol ARE
: 334,8 769,5 2369
Fontenettes, sur le Mont de Couvet, Er
par Grande-Robellapsg . 1.7" 4 emmener - + || 809.9
D MONA. ae ut. = 1 à . . 8, 810,6
Fenin, Sign. géodésique, sol Rd so Mod à 22 85e
PACE RE Pi Pr Das ve IN 3584
» HN Vo ES Hit MERE SE 358,1
OUT, nee hotte sel out ee 358,0
CT raie déesse it EE Sn 358,0
PARLE CO RATE AR TE MT sree ne Le [IE 967%
. moyenne ||. . . 357,9 792,6 2440
us. HUËT-chn
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
Fenin, église seuil porte Ë
Frêtes Donzel, centre des fenêtres du és -
Galandrure, domaine du Prince, sur Pouillerel. Sign. cal
par Tête-de-Rang
» Brun . ,
» Som-Martel
» Sagnottes.
moyenne
Galandrure , ferme sur Pouillerel , sol façade au sud,
par Sagnottes.
» . . .
moyenne
Geneveys (Hauts), maison au bas du ad haut du
perron.
» auberge de l'aigle, LE Hé ile. sol route,
par Côtette . : ;
» Fenin. . MOT
moyenne
» cabaret près la fontaine du village sol, .
» cabaret Vuithier, au-dessus du village, angle S. O.,
» borne longeant un mur à droite de la route en
montant, au-dessus de la dernière auberge ,
par Bussy et observation inverse. .
» Fenin » » Le
moyenne
Gorgier , château , pont levis
par Sign. Châtillon RU LUE CRE
ASIen SAR AnDin 2 ER Me A ur de eee
moyenne
Gradoux, Sign. géodésique sur France . :
Grand-Bois, Sign. géodésique jé du sa
par Chasseral . é
» observation inverse.
» Vornieux . ;
» observation inverse .
moyenne
SUR LE MOLE.
PR. UE PE
MÈTRES. MÈTRES. |
402,4
554,8 |
815,1
814,8
814,6
814,4
814,7
785,1
786,3
785,7 |
521,3
. | 549,5
548,9
: 549,2
; 534,6 |
: 594,7
639,9 |
639,3 |
: | 639,6
85,2
84,7
84,9
557,6
425,4
425,0
425,1
423,4
î 424,7
SUR LA MER.
PRET a
MÉÊTEES, PIEDS DE FR.
837,1 | 2577
989,5 | 3046
1249,4 | 3843
1220,4 | 3757
956,0 | 2945
983,9 | 3029,1
969,3 | 2959
1029,4 | 3169
1074,3 | 3309
519,6 | 1599
992,3 | 3054
859,4 | 2645
PT
pres
— 79} —
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LA MER. SUR LE MOLE,
TT, TT,
MÈTRES. MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FA.
Grand-Combe (La), Eglise sur France, bas de la fenêtre à
volets verts de la tour,
par Ponllenél 22 hddt en HR hs. €. ,: 4° "01h 57877
An Hlanchettes. EN PT (ne LT , | 97951
moyenne
Grandsonne , métairie sur le Chasseron , sol
Gros-Taureau, Sign. au-dessus des Verrières sur France,
par Chasseron . :
» Prise de la Cornée, si. ancien.
» Monlézi ve
moyenne
Grivet (chez), Sign. géodésique sur France,
par Sagnottes .
» Som-Martel. .
» Planchettes. lus ces HIRTRSYON TES
dy Som-Martelés0f/cr. 25 pre tr, nep. 0Hortimne
» Sagnottes . SE WE:
moyenne
Hautemaison , Sign. géodésique au Valanvron, sol borne
par Berthière .
»_ Tête-de-Rang
» Pouillerel, AE
moyenne
Houriet (Campagne), au Cul-des-Roches, sol Sign. géodésique
{mier (Saint), Sign. géodésique de M. Buchwalder, sapin
ébranché au-dessus de St.-Imier, sur la crête de la mon-
lagne,
par Chasseral .
» Pouillerel .
» Corne Chasseral .
» Haute-maison . c é
moyenne
Imer (Cabinet), sous Schlossberg , le sol . Pont +
Jolimont , possession de Pourtalès, grande Borne au bord de
la pente Nord, sol. . . . . Us
Jonchère, Sign. géodésique, sur la A de bn roule albut
aux montagnes, au-dessus du village de la Jonchère.
us =
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
Q—
MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FR.
Joux, Sign. géodésique , près le Sign. militaire sol,
par Racine et observation inverse .
» Tourne ”
» Pouillerel »
moyenne 857,6 |
Joux, ferme de la ville de Neuchâtel au-dessus des Ponts , sol |
par Coeurie
» Creux-du-Vent
» Tourne 20y Sn
moyenne 737,7
Joux (Vieilles), ferme près celle ci-dessus,
par Tourne .
» Coeurie
» Racine A.
moyenne 802,2
Laissu (le), hameau sur France, en face les Planchettes, grande
maison , sol façade sud,
par Sagnottes .
»_ Planchettes toc 2%
moyenne 608,7
Landeron, métairie aux bœufs, sol façade sud,
par Cerlier .
» Chulles SA: Le
moyenne 499,4 |
© Landeron , métairie aux genisses , sol
par Cerlier .
» Chulles
» Thielle . 1
moyenne 213,6
Lavottes (Les), en France, sur une hauteur au-dessus de la
route de Morteau, sol
par Sagnottes. .
» Galandrure “ue
moyenne 681;1
Lignières, église , sol tour,
par petit gibet
» Grandbois . ds
moyenne 372,3
— —
19
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
MÈTRES. MÈTRES. = = m —" DE FR.
Lignières, cabaret au-dessous de Chuffort, sol
par Vornieux . 485,8
» Vacherie de Nods 184,4
» Borne 6 A 486,9
moyenne |. . .| 485,7 | 930,4 | 2833
Lignières . petit gibet, ui Te sol
par Chasseral . : : 367,0
» observation inverse . 367,0
» Grand-Bois .., 5 Ée 367,1
moyenne 367,1 801,8 2468
Locle, Les Billodes, sol façade sud 479,2 913,9 2813
» Le Cul-des-Roches, le jet d’eau,
par Som-Martel 483,0
» observation inverse . Hal 482,8
moyenne | . . .| 482,9 | 917,6 | 2825
Locle, à la Croix-des-côtes, sol porte maison jaune sur la route 352,9 || 787,6 | 2425
» Sign. Houriet, au haut du Cul-des-Roches . 599,6 || 1034,3 | 3184
» Cul-des-Roches, campagne Houriet, terrasse et bé
au baut des rochers 593,3 || 1028,0 3165
» Campagne Houriet, bas de la pus ie fenêtre de la
façade sud . 5 » 587,2 || 1021,9 3146
» Malepierre, haut du mur m7 la terrasse. 590,6 || 1025,3 3156
» Roches Voumard, Sign. géodésique, sol 599,6 || 1034,3 3184
Loges, le point culminant , près l’auberge des Alpes 850,5 | 1285,2 3956
Maison-Blanche, vallon de la Brévine . 648,6 || 1053,3 3335
Maixrochat, métairie valon de la Brévine, sol Fr la file à 649,3 || 1084,0 3337
: Malepierre, (voyez Locle.) . 590,5 || 1025,3 3156 |
Malvilliers, auberge, sol du perron d’entrée,
par Côtette . 419,7
» Fenin Se ‘A18,9
moyenne 419,7 854,4 2630
Marchands, village en France, sol D NON 582,0 | 1016,7 3130
Monpy, Sign. géodésique, pr Chuffort, sol borne du Sign.
par Vornieux Fhacets 839,6 |
» observation inverse . 839,6
» Grand-Bois. 838,8
» Chasseral . ot 6392
moyenne 839,3 || 1274,0 3922 |
Er por —
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
PT
MÈTEES, |PIEDS DE FR.
MÈTRES.
Monpy, vacherie à Chuffort, sol côté N.
Moron, Sign. géodésique sur les plus hauts rochers,
parle LAissu pe NE 0 PS a Mer Es 7 | 7701
scChatlgee. vases TT san émer tel 77454
» MOhez Givet, cab 1 se pce dE 774,6
«.paturage auxibœufs - !? ge82 he : - x. . 7784
1231,7 3792
moyenne 774,4 | 1209, | 3722
Moron, sommet du Châtelard .
596,0 | 1030,7 | 3173
Monlézi, sur Couvet, Sign. géodésique sur la fe er:
DAC UU EVENE, Pre POP RER EE» 107787
PR observation inverse. 0 0 4 nes 7. NI778 15
I CPASSP LOIR 2 ue VO EE OL ER ee 779,2
1 OBSErVAUON MvErse : PME. Le et 779,2
» CEE LODEE ou PAR ER" I 7770 9
DE CENSURE VENT PARLER ONE EE MTEUNATIRE C" 780,5
SRCRASSETOP TMD Een Re P004 ONU
De MOTS SUR NES NES or Ut SE 780,6
moyenne 779,6 | 1214,3 3738
Monlézi, Campagne Pury, sol maison de maître,
AT DE SP CON SOON SORT 661,2
Se Rorllèmeene Dao 28 re 0 nn 22, 21. 6): fa « 661,0
DA NOG61PT.
» campagne Pury, ferme sol . . . . . in ha à Le ie là
Mont du Cerf, borne d’angle du pays, au-dessus de “ comée AN THEAT 518663
Montmollin , Sign. géodésique, près le ME sol
par Tête-de-Rang . . . +. . ARE a RES 354,3
» Racine. £ 2
moyenne
Môtiers, château, parapet de la Terrasse,
par Monlézi . . MEN PANTIN TT 412,2
» Sign. M. de St. Sufiel Ti 0 SO On | EE ET
moyenne ||. . . | 412,0 846,7 | 2607
Môtiers, le plus haut du parapet du pont : . . . . .{|. . .| 301,5 | 736,2 2266
Neuchâtel, le môle . TAC EE
ms 0
niveau moyen de l'Océan.
Neuchâtel, emplacement du Gibet,
par Cortaillod .
» le Môle us 2
moyenne
Neuveville, Sign. géodésique sur la métairie derrière Chasseral,
Neuveville, métairie sur Chasseral côté du sud , seuil porte,
par Grand-Bois
» Cerlier. HAE
moyenne
Nods, terrasse de l’église,
par Borne 10 .
» Vornieux . ne
moyenne
Nods, (vacherie de)sur Chasseral, seuil porte d’entrée, côtésud,
par Cerlier A àpe
» Grand-Bois
» Monpy-. 08, : 04
moyenne
Pâture (La), ferme près Moron, sol, côté ouest,
par Sagnottes .
» Galandrure RCE
moyenne
Pâturage aux bœufs, hauteur au levant du Laissu, sur France,
Signal géodésique.
par Sagnottes .
» Moron .
» Planchettes TOR
moyenne
Petit Gibet, Sign. géodésique , près Lignières .
Perreux , campagne Grellet, près Boudry . Se
Pierrabot du haut, au-dessus de Neuchâtel, sol de la maison
de ferme,
par Sauge .
» Monbet
moyenne
Pierrenod, ferme au-dessus de Môtiers, sol porte de la grange
SUR LE MOLE.
Eee DEEE
MÊTRES. MÈTRES.
105,2
105,6
=. | 105,4
1056,1
1018,3
1049,0
1018,7
464,2
460,0
462,1
1031 ,9
1029,9
1030,2
1030,7
785,1
786,3
785,7
649,2
649,9 !
649,4
TN | 649:
367,1 | 801,8
74,3 509
250,4
250,4
250,4
747,4
Hauieurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
SUR LA MER,
GT,
MÈTRES. [PIEDS DE FR.
540,1 | 1663
1490,8 | 4589
1453,4 | 4474
896,8 2761
1465,4 | 4511
1220,4 | 3757
1084,0 | 3337
2468,4
1567,
685,4 | 2109
11524 | 3546
ss HD ee
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
a An
METRES. MÈTRES. MÈTRES. |PIEDS DE FR.
Pissou (le), village sur France, cimetière, pied de la croix,
par Sagnottes : /£0e.10. AE UES De . à! à: 11 4921
D MOTON. A SL C'EST 494 ,7
D tPlancheités “N'OSE 1 492,3
moyenne |. . .| 492,0 | 926,7 | 2853
Pissou (le), église, sol au sud. . . ; sus, dede Ab 7 890,4 2741
Planchettes , Sign. géodésique au-dessus . is
par pet Sign. Pouillerel" # Art. 0... 177719
“fobseuatontmverselEt … Lomme 0.117779
2NCDEZ CTINELIE NE rt CO TR ee 07707
moyenne ||. . .| 777,5 | 1212,2 3731
Planchettes, tour église, sol au nord,
par Pâturage aux bœufs. . . . . .,. . . . .| 6324
HAME PAIN, CN Lo À ft dpt 633,0
moyeme | . | 632,7 | 1067,4 | 3286
Planchettes, Sign. géodésique à l’ancien corps de garde. . |. . . | 565,4 | 1000,1 | 3079
Plantées Schnyder, au-dessus de la Neuveville, sol du Rucher ||. . .| 135,8 | 570,5 | 1756
» maison d'habitation, le sol de la façade sud,
RARE SE doneege PME RCE RER 107,6
» OTIMENE". 1504867 LU RE. etre 107,5
moyenne |. - | 107,5 | 542,2 | 1669
Plainchis (les) Berthoud, campagne au Val-de-Ruz, sol façadesud| . : . | 555,3 | 990,0 | 3048
Plainchis (les) du haut, sol à la porte d'entrée . . . . .{|. . | 633,9 | 1068,6 | 3289
Pointes, Sign. géodésique sur Chasseral . . . . . . . | 963.9 | 1398,6 |: 4305
Pont du moulin de la roche au Val-de-Travers, haut du FArapet,
par Sign. de Sagneula , observations de 1802. . . . .| 309,9
MASON Sur Ie EFÉL A. 2 HUE A 4 te 2 te +. el. 3092
moyenne |. . - | 309,5 | 744,2 | 2294
Pont au milieu du vallon des Ponts, haut du parapet,
par Racine OS E 009. CE BARSNL |. : «à Im
»: ‘observation inverse. 2 : . .Ù soso: fon. 560,5
PACTERS-AU-NENTANRES ER LEE © 560,4
2RRAtIe es. Me ec. BOB 2e Die 560,2
“ ie Mb nie) pome À: 2. à + N660% |
ASRacime st À QUE À 2. V'omnoyee,: 175598
moyenne |. . . | 560,4 995,1 3063
SR
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus
du niveau moyen de l'Océan.
Pouillerel, Sign. géodésique, ou borne militaire, sol,
par Tête-de-Rang et observation inverse en 1806
Tête-de-Rang, en 1807 . . . .
Racine . = +
observation inverse.
Tête-de-Rang, en 1841 - :
moyenne
Pouillerel, Petit Sign. borne près du mur au couchant
Pouillerel, domaine du Prince, près la maison en ruine, angle
du mur,
par Tête-de-Rang
» Brun MT IR e
- moyenne
Prise Chaïllet, au dessus de Colombier, sol de la terrasse,
par Chevrou
HA IMONDEL 0. 2 Cu aOt:c k _:
moyenne
Prise (de la Cornée), Sign. militaire et géodésique, sol
par Monlézi .
» Grande-Robeila . Fe
moyenne
Prise, (de la Cornée) Sign. sur la crête, un peu plus haut,
par Monlézi
observation inverse .
Chasseron
observation inverse .
Creux-du-Vent . NE
moyenne
Prise Imer, au-dessus d’Enges, sol
» Gautier sur Couvet, Sign. géodésique,
par Creux-du-Vent et observation inverse
» _ Ruillères et observation inverse
moyenne
Prise Sèche dessus , Sign, géodésique,
par Ruillères et observation inverse .
Prisettes du bas, sol près la Grandsonne
SUR LE MOLE.
_
MÈTRES.
841,3
841,3
SA ,1
841,5
841,3
TT ,
MÈTRES.
SUR LA MER.
2
MÈTRES. PIEDS DE FR.
1254,4
REP OR
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
SRE le 3
MÈTRES. MÊTRES. MÈTRES. PIEDS DE FR.
Pucin (Le), maison au-dessus des Rondes , sol,
par Grande-Robeïla . . }: UM | e : . 6er mhe17820
« Monlézi Ne :: + MR ns: 5:24 784,6
moyenne |. . . 784,3 || 1219,0 3753
Racine, Sign. géodésique au-dessus des Pradières, sol,
par Tête-de-Rang et observation inverse. . . - : . | 1005.2
26 Chaumoiés 00e de. exs MM - . | 40065
SEMénbetES AE 1. of. << todos 1005,3
moyenne |... . | 10057 | 1440,4 | 4434
Râpes (Les), Sign. géodésique sur St.-Blaise, sol
par le môle de St:-Blaise : Æ21% LL. . . … 152,86
AMEN SR tt MES SIL + ce 152,96
MtBasseSaute SRE. :0,5 -. .] CMESNONR . 151,78
moyenne | = . . | 152,5 | 587,2 | 1808
Rayes (Les), Sign. Béodésique sur le Quartier du Locle
panSasnottes 1. due lle Le Aide 5 « 705,1
reGrétidu Doelé: du Er tele, oi thes [le 705;2
moyenne | . . . 705,1 | 1139,8 3509
Recrettes (Les) au-dessus des Brenets, Sign. géouésique . . |. . . | 642,5 | 1077,2 | 3316
Robeila (Grande), Sign. LR pe sol,
par Monlézi . . de: - nt) 1072,6
HéCreux-duVent. L Aer tu. 2 NAME vie 00) AOÛZ A
» AGros-Taureau.. 24 à héros ciltco. net dueteg 6r. M A OS
»CHasserOn hu ame #2 ©: - lAOAG
moyenne | . . . | 10445 || 44492 44GA
Roc (Le), campagne Coulon, au-dessus de Cornaux , sol fa-
çade sud,
par Cesher eh: 1-2 9. DES coop |. 448%
» Basse-Sauge . - || 148,5
moyenne 148,3 583,0 4795
Rocheta (La), ferme près les Joux 877,4 | 13121 | 4039
Rondes (Les), poteau de défense pour la on “ né.
au-dessus des Rondes .
767,5 || 1202,2 3701
ne Dooaones loenge dos. ee lioinegoge . . | 418%
FÉCHIIESAGE L 5008 2-5": ch + ns D 148,1 ;
FILTER POSE ARR EN EE RE | :
»Schlosshers A. . LOGE. . - . sisi
|
pr
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
Route neuve des Ponts au Val-de-Travers, Sign. géodésique,
presque au haut de la route,
par Grande-Robeila .
» Sign. Rocher du Creux-du- Vent
» Sign. Champ-du-Moulin
moyenne
Route susdite, main au bas de la route, sol .
Ruillères, Sign. géodésique, au sommet de la montaÿné}
par Monlési
» Creux-du-Vent .
»_ Crêt-de-l’Oure
» Font
» Creux-du-Vent
» Crêt-de-l’Oure
»_Gros-Taureau .
» Chasseron.
» Monlési
» Font
moyenne
Ruillères, campagne Sandoz, sol façade Sud ,
par Sign. Ruillères
moyenne
Ruillères, ferme d’Ivernois, sol façade Sud,
par Sign. Ruillères
» Sign. Monlési
moyenne
Sagne, emplacement de l’ancien corps-de-garde, sur le col
au-dessus du village,
par Brun
» Tête-de-Rang
» Racine.
moyenne
Sagnettes (les), moulin Pury, tablette de la fenêtre.
Sagneula , Sign. géodésique ‘au-dessus de Môtiers, à l’extré-
mité Est de la possession d’Ivernois, sur le sentier, sol
SUR LE MOLE.
MÈTRES.
503,0
503,7
503,9
MÈTRES.
503,5
295,2
934,7
663,3
661,4
726,0
617,6
403,4
SUR LA MER.
TT
MÈTEES.
938,2
729,9
1369,4
1098,0
1096,1
1467,7
1052,3
838,1
PIEDS DE FR.
2590
2247
4216
3380
3374
3575
3239
Hu =
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
Sagnottes (les), auberge, sol de la maison, façade Nord,
par Sign. Sagnottes
» Som-Martel. .
moyenne
Sagnottes , Sign. géodésique, au-dessus du Locle.
par Racine STE
» observation inverse .
» Som-Martel ,
» observation inverse .
» autre observation DA
moyenne
Saint-Aubin , Sign. géodésique, au-dessus du village,
par Sign. Bevaix .
» Sign. Châtillon
» Sign. Concise . ane
moyenne
Saint-Aubin, sol tour de l’église,
par Sign. de Concise 2
Saint-Blaise , cabinet près le Sign. Lo 1.10 .
« ancien gibet, le sol .
Saint-Imier, Sign. géodésique sur la montagne, (voyez He
Saint-Martin , église ,
par Chézard
» Chaumont . :
moyenne
Savagnier, église sol. ë
Saint-Sulpice , Sign. militaire et désine, sol
par Chasseron .
» Gros-Taureau .
» Grande-Robeïla
» Creux-du-Vent
» Ruillères . Se EE
moyenne
Sehlossberg , château, borne à l'angle S. 0. dela terrasse,
par Cerlier et observation inverse .
» Thièle RATE
moyenne
| SUR LE MOLE.
721,5
A1
D\ 7:38
744,5
745,0
7431
743,0
742,4
LL 33
113,9
113,1
114,5
és HUISS
39.0
129,0
59,0
| 312,4
| 311,5
il oi LR 4:
335,7
629,1
629,0
630,1
629,7
629,7
| 629%
99,4
98,9
Dr nl 0 00 2
SUR LA MER.
— 107 —
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel el au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
- À D «
MÈTRES, MÈTRES. [PIEDS DE PR.
MÈTRES.
Séroliet, Sign. géodésique, canton de Vaud, borne
BAD ENTRE MA ue os Tu dre 906,0
NON 0: L'haue À... 4. à 0065
D'ACNARSO TOR - 2 LD À + mime se mue 905,6
PRIMO Ge. 4. à poctrom ., - ,..| 905,2
D MDNIEELLe Ms le... À Mol eNMiE 905,4
At dote OU CASSER EUR À 00) RERO 904,1
moyenne 905,2 | 1339,9 4126
Sémion-du-Haut, ferme près la Galandrure, sol 741,9 || 4176,6 3628
Serroue, Sign. géodésique, plaine de Coffrane ,
par Montmollin 4". - -4,#948. 4. +. :. . -. -. || 3067:9
». observation inverse . . . . . 1.1, . . ./| 366,9
RE (one MR SEM ENTER EUR 366,7
"n'TBte-de-Rant, : + … ÉARAUD à :. ». -. 366,7 4
moyenne |. : . | 367,0 | S01,7 | 2468
Soliat, ferme sur le Crenx-du-Vent, bas du toit 946,6 || 1381,3 4252
Som-Martel, tour sur le domaine Chambrier, le sol,
par Haone … | …. . ? 2618 opxlos) eu «emirG
M. TÉtSERANE 2,50. |. © © 0. «ll 804:6
Cr EN One RER. UK nes. Ne 891,3
D.0 POULTIETEL 2 5 22 cvs: » AMUOLO! 891,4
moyenne |. . .| 8915 | 1326,2 | 4082
Som-Martel, ferme Chambrier, sol porte d’entrée,
mt Coeuriesa . | d 54. LT: TT S'obmsgm + . : 857,3
DR GIDE nues le ce CON à ace Ju 0-0 SA
moyenne 857,7 | 1292,4 3978
Tête-de-Rang, Sign. militaire et géodésique, sol borne,
par Montbet&t.2l 0 nop..l" < : Sugumsogæ - . :| 988,0
» Chaumont! + - + |: : -… à . ., - . vhs
» » 0 me 7 0 12 || 0088
DMOHASSErAIE 2 = te un Le LE LS 987,0
moyenne 987,8 | 1422,5 4379
Tête-de-Rang, cabaret, seuil porte,
par Borne Côtette. . . |. + -,+ ... .. .. | 892,2 |
SH RL LME OAPLUUR EEE 897,3 $
moyenne 894,7 |1329,4 4092
EURE. DR
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus du
niveau moyen de l'Océan.
—*#"
Tourne , Sign. géodésique et borne militaire, sol
par Montbet
» Chevrou
» Creux-du-Vent
SUR LA MER. SUR LE MOLE.
A,
MÈTRES. MÈTRES. |£IEDS DE FR.
MÈTRES.
854,9
854,3
- | S54,2
moyenne . 3968
Tourne, Sign. géodésique auprès de la précédente borne,
par Racine .
» »
857,5
856,3
854,6
» »
»_ Montbet et inverse
855,1
» Chaumont et inverse . + + « | 856,1
moyenne || 856,2 | 1290,9 | 3974
Tourne, cabaret, sol porte d’entrée ,
par Sign. Tourne . 694,8
» Chevrou NUE 697,1
#- Montheb#s (4 Ga + 2: “à + und 698,4
moyenne | 3483
Tourne, point le plus élevé de la route entre l'auberge et les
PONS un A. 51 Je MER AS.
Travers, Pont, haut du parapet, aumilieu .
Troisrod , campagne de Pierre, perron sur le jardin,
par Cortaillod .
» Chevrou
moyenne
Yacherie de l'Ile sur Chasseral, sol
par Grand-Bois
» Petit-Gibet
moyenne
Valanvron, Sign. géodésique, possession Haldy,
par Pouillerel .
» Berthière . NPA
moyenne
Valanvron Sign. géodésique, possession Bichon,
par Berthière
» Tête-de-Rang, - :
» Sign. Haldy © + . .. . .
D ICNASSETAL RO D'AMENER EU
moyenne 576,6 || 1011,3,
a =
Hauteurs déterminées trigonométriquement et calculées au-dessus du môle de Neuchâtel et au-dessus
du niveau moyen de l'Océan.
SUR LE MOLE. SUR LA MER.
ETES uérars. [riens 0e va.
Valanvron , Sign. géodésique, domaine Pélard , côté Ouest,
HUNAERIEDONN TR CT SC: RL. = In 60
M Ge CET) NE PNR RE 539,2
| AREA ps er ui UN NTSC
moyenne 539,4 974,1 2999
» Sign. géodésique, domaine Pélard , côté Est;
PAST SION AN DST. 2 ne, | 519:0
ne ROBE UTC SR OR A 518,5
DRODSENYAHERENVErSE: PE. nn. Mo Ml. ner 518,8
REA RENE REC V5... 0: 0 (6496
moyenne |. . . | 519,0 | 953,7 | 2936
Valangin , château , mur de la terrasse,
DARNTÉLES AE RAND 0 £ n à Lors 4 à 239,3
MRONDSELTAUONNNERSE Ds 1 5 0 © KE 240,9
5 AB E. ON REPPRTERETEER 239.6
MS ODSÉRNATOMINVErSE TU. el, ee 240 1
moyenne |. . .| 239,9 | 673,7 | 2074
Valangin sol de la route devant la fontaine . . . . : . |. . . 217,9 652 6 2009
» Pont de la Sauge, sol. . . . La. LOS 667,8 2056
Verrières , Sign. géodésique et militaire, mont d verrière,
VÉRITCOTEAUXEFÉRS SOU ARR PER RO er Sn 783.8 | 1218,5 3751
Voens, Sign. géodésique sur les Rochers
DANSCRIOSS DES TS MT PER cl 233.5
D COMER te AN ES CCR EE LA ER en + 233,6
DR CRDIES SANS EEE Ne et Eee PRE ie ne 233,2
SR DIUPIE RO Leon Et os 5107199807
+. NDLR ne RME RS NOERRRRE NE CRE 234,3
moyenne | . . . 233,5 668,2 2057
Vornieux , Sign. géodésique, près Lignières , |
DA CASSETTE. ET EAU OF 2, 25056
»E ODSELVAUON IN VErSE 2 2e. ©. 02 . IL (603,5
moyenne |. . . 503,6 938,3 2891
Vuissens, ferme canton de Vaud . . . NEO ARE IT 449420 3666
Vully, Sign. géodésique au sommet du Vuilly TARUS LO RG EE PA 219,8 654,5 2015
Sig} S'Imier
friangulation Primaire
de la Sig -Hautemaison ne
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CARTE DU FOND DES LACS
DE NEUCHATEL ET DE MORAT
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TABLE DES MÉMOIRES
CONTENUS DANS CE TOME TROISIÈME.
Nouvelles acquisitions: du Musée”. 2 : . . . .1. … Page 5.
Poe membresde iSverélés nr Dis. € «2 2, 1, 7 14.
I. QUELQUES RECHERCHES SUR LES MARAIS TOURBEUX EN GÉNÉRAL, par Léo Lesquereux,
140 pages, soit 17‘, feuilles.
II. CATALOGUE DES MOUSSES DE LA SUISSE, par Léo Lesquereux, 54 pages. soit
13‘, demi-feuilles.
III. ANATOMIE DES SALMONES, par L. Agassiz et C. Vogt, 196 p. et titre, soit 25 feuilles.
(A ce mémoire sont annexées 14 planches).
IV. NOTICE SUR LES DIFFÉRENTES FORMATIONS DES TERRAINS JURASSIQUES DANS LE JURA
OCCIDENTAL, par Jules Marcou . .. .. . . . . . . . 3 feuilles.
V. TABLEAU DES HAUTEURS AU DESSUS DE LA MER DES PRINCIPAUX POINTS DU CANTON
DE NEUCHATEL, par M. d'Ostervald . . . . 30 pages, soit 3°, feuilles.
VI. NoTiGE SUR LA CARTE DU FOND DES LACS DE NEUCHATEL ET MORAT, par Arnold
7 PT ART EN NNE ENECE RC
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5e ù 10 pages.
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