CR CRETE tele nes Re D LR 2 =, = GE - TETE Re PT PRE NAT ET SRE MÉMOIRES 6 DU DO U BS » MEMOIRES DE LA SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS QUATRIÈME SÉRIE SIXIÈME VOLUME 1870-1871 BESANCON IMPRIMERIE = DE DODIVERSNET/"C', Grande - Rue, 87. 1872 MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS 1870-187! PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES Séance du 8 janvier 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, vice-président sortant, élu président; Delacroix (Emile), élu vice-président; Jacques, trésorier réélu ; Faivre, vice-secrétaire réélu ; Varaigne, archiviste réélu; Cas- tan, secrétaire décennal ; : | MEMBRES RÉsIDANTS : MM. Alexandre, Bial, Bosseux, Canel Cordier, Courtot, Delacroix (Alphonse), Ducat, Gaudot, Gau- thier (Jules), Lancrenon, Levier, Noiret, Renaud ( Alphonse), Travers, Trémolières, Zaremba. | Les procès-verbaux de la séance ordinaire du 15 décembre 1869 et de la séance publique du lendemain ayant été lus et adoptés, M. Grand procède à l'installation du nouveau conseil d'administration et appelle au bureau M. le vice-président Emile Delacroix. Par une circulaire en date du 22 décembre 1869, le comité central d'agriculture de la Côte-d'Or nous informe qu'un congrès des éleveurs d'animaux de l'espèce ovine aura lieu à Dijon, au mois de mai prochain, à l'occasion du concours régional. a La Société, invitée à se faire représenter dans le congrès de Dijon, délègue à cet effet M. le commandant Faucompré. Le secrétaire communique un passage d’une lettre particu- lière de M. Jules Quicherat, membre honoraire, relatif à une entreprise que cet éminent érudit souhaiterait de voir s'’accom- plir sous le patronage de notre Compagnie : il s'agirait de la publication de petits traités pratiques à l'usage des biblio- thèques rurales de la Franche - Comté. « On arrêterait'en commun, dit M. Quicherat, le sujet, la dimension, le mode d'exposition de chaque ouvrage. Le programme serait d’être bref, simple, précis, de ne pas écrire un mot sans se demander comment il sera compris par ceux à qui l'on s'adresse, enfin d’être auteur en se mettant dans la peau d’un homme qui ne sait rien... Autant que possible, on donnerait à chaque partie le goût du terroir. » Tout en se montrant très sympathique à ce projet, l’As- semblée estime qu'il y à lieu préalablement de l’étudier au point de vue commercial, et elle charge le conseil d'adminis- tration de recueillir à cet égard les refeignements capables de l’éclairer. Le secrétaire met ensuite sous les yeux des membres pré- sents un spécimen, uniquement fait pour l'œil, de la carte de Franche-Comté, en lithographie à cinq teintes, dont M. le colonel de Mandrot poursuit activement l'exécution. La Société est unanime à reconnaître que ce travail, lorsque les erreurs de noms et de chemins en auront disparu, sera supérieur à tout ce que le pays possède en ce genre : aussi _réitère-t-elle à l’auteur ses sincères félicitations. L'Assemblée vote ensuite l'impression des quatre lectures qui ont rempli la séance publique. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membres résidants, Par MM. Delacroix (Alphonse) et Castan, M. Paul Bataille, ingénieur des ponts et chaussées et du contrôle du chemin de fer ; mt Par MM. Grand et Castan, M. le vicomte Edouard de Vezet, membre du conseil d'arrondissement, et M. Arthur de Périgny, officier surveillant du dépôt d'étalons ; Comme membres correspondants, Par MM. Faivre et Castan, M. Mourot, instituteur public, à Beure (Doubs) ; Par MM. Faucompré et Castan, M. Jourdy, lieutenant au 4° régiment d'artillerie, à Vincennes. À la suite d'un scrutin secret touchant les candidatures antérieurement posées, M. le président proclame : Membres résidants, MM. Berr de TuriQue, conseiller à la Cour impériale de Besançon ; CuiLier, relieur de livres. + Le Président, Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. Séance extraordinaire du 22 janvier 1870. PRÉSIDENCE DE M. BOULLET. Sont présents : Bureau : MM. Boullet, premier vice-président; Delacroix (Emile), vice-président; Jacques, trésorier; Varaigne, archi- visté; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Berr de Tu- rique, Bertin, Bial, Bosseux, Bourcherieite, Bouvard, Boysson d’Ecole, Bretillot (Maurice), de Chardonnet, Delacroix (Alph.), Diélrich, Dücat, Dunod de Charnage, Girod (Victor), Grosjean, Lancrenon, Lebreton, Mairot (Félix), Oudet, Perrier, Ravier, Renaud (Alphonse), Renaud (Francois), Rollot, Saillard, Saint- Eve (Charles), Tailleur père, Tissot, Travers, Zaremba. AE EE M. le premier vice-président Boullet annonce, en prenant la direction de la séance, qu’un deuil de famillé empêchera M. Grand d'occuper aujourd'hui le fauteuil. | Le procès-verbal de la séance du 8 janvier est lu et adopté. Sur le désir exprimé par quelques-uns des candidats pro- posés de prendre part à la discussion qui doit remplir la pré- sente séance, il est procédé en premier lieu aux élections. A la suite d’un scrutin secret, sont déclarés élus : we Membres résidants, MM. BaTarzze (Paul), ingénieur des ponts et chaussées et du contrôle du chemin de fer; À le vicomte ne Vezer (Edouard), membre du conseil d'arrondissement; pe Périeny (Arthur), officier surveillant du dépôt d’étalons ; Membres correspondants, MM. Mouwror, instituteur public à Beure (Doubs) ; Jourpy (Emile), lieutenant au 4° régiment d'artillerie, à Vincennes. Après quoi, MM. Edouard de Vezet et Arthur de Périgny prennent immédiatement séance. L'ordre du jour appelle la lecture d'une lettre de MM. Léon Bretillot, Boysson d’Ecole, Arthur de Périgny, Félix Mairot, Outhenin-Chalandre père, de Sainte-Agathe et Paul Laurens, demandant à la Société de prendre sous son patronage l'éta- blissement d’un champ de courses de chevaux à proximité de Besançon, et la priant de constituer un comité chargé de diriger l’entreprise. Est également communiqué le texte d’un rapport fait au Conseil général du Doubs sur cette même question, par M. le directeur du dépôt d'étalons, rapport qui a été suivi d’un vote favorable de l'assemblée départementale. M. le président ayant déclaré la discussion ouverte, M. Oudet prend la parole pour contester l'utilité des courses DE A . au point de vue de l'intérêt des éleveurs agricoles ; l'honorable orateur estime d'autre part que la Société d'Emulation sorti- rait un peu de sa mission d’études en intervenant dans cette affaire. | MM. de Périgny et de Chardonnet voient, au contraire, dans les courses projetées, un moyen d'établir autour de nous des relations commerciales pour la vente dés chevaux, ce qui serait de nature à multiplier le nombre des éleveurs; ils insistent sur ce point que les produits de notre sol seront le principal objet du concours hippique qu'il s'agit d'ouvrir. M. Castan, mettant à part la question générale d'utilité des courses, appuie le projet au double point de vue de l'intérêt municipal et de l'extension du rôle de la Société. Si Les courses n'ont pas lieu à Besançon, elles se tiendront autre part dans la province; les annexer à Besancon, c’est accroître d'un élément l'importance de notre ville et élever ainsi le chiffre d’affaires de ses commercants. Quant à la Société d'Emulation, ce sera pour elle une occasion d'utiliser l'activité et le bon vouloir d'un certain nombre d'hommes pratiques qu'elle possède et qui ne. prennent qu'une part de sympathie aux études spéculatives : les érudits resteront à leurs travaux habituels, et le comité des courses ne recevra de la Compagnie qu'une investiture morale qui recommandera son œuvre à la faveur de l'opinion. MM. Mairot et Emile Delacroix se prononcent dans le même sens. M. Oudet, sous la réserve de son jugement précédemment exprimé, se déclare disposé à servir tout ce qui pourrait con- tribuer à la prospérité commerciale de la ville ; il demande qu'une commission soit nommée à l'effet d'étudier la question à ce point de vue, comme aussi à celui du bénéfice moral qu'aurait la Société à couvrir l'opération de son patronage. M. Bouvard exprime le même vœu, en appelant l'attention des futurs commissaires sur les motifs qui ont pu faire désirer aux promoteurs de l’entreprise le patronage de la Société d Emulation. Déférant à la demande des honorables préopinants, le bureau forme une commission qu’il présente à l'acceptation de l’Assemblée. L'approbation ayant été unanime, M. le AE Heciare cette commission ainsi Composée : MM. Grand, président; Bial, Bouvard, Boysson d'Ecole, Bretillot (Maurice), dè Chardonnet, Delacroix (Alphonse), Girod (Victor), Mairot (Félix), Oudet, Poignand, de Vezet (Edouard) et de Périgny (Arthur), secrétaire. MM. Diétrich et Castan demandent le titre de membre résidant pour M. Get (Théodose), avocat. Le Vice-Président, Le Secrétaire, BouLLET. A. CASTAN. Séance du 12 février 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, président; Delacroix (Emile), vice- président ; Jacques, trésorier ; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Androt, Berr de Turique, Ber- trand, Bial, Bosseux, Bougeot, Bouvard, Bretillot (Maurice), de Chardonnet, Choffat, Delacroix (Alphonse), Ducat, Gaffarel, Gauthier (Jules), Marion (Charles), Métin, de Périgny, Renaud (Alphonse), Renaud (Francois), Tailleur père, Travers, de Vezet (Edouard), Viennet, Widal, Willemin, Zaremba. : Le procès-verbal de la séance extraordinaire du 22 janvier est lu et adopté. Il est donné lecture d'une circulaire ministérielle, en date du 24 janvier, nous informant que le congrès des délégués des sociétés savantes s'ouvrira, à la Sorbonne, le mercredi = 20 avril prochain; que des billets à prix réduits seront, comme les années précédentes, mis à la disposition des délégués et des lecteurs; que les travaux d'histoire et d'archéologie jugés par - les sociétés dignes d’être lus en Sorbonne, ainsi que les noms des délégués, devront être transmis au Ministre de l'Instruc- tion publique avant le 31 mars prochain. M. le président invite les membres de la Compagnie qui seraient dans l'intention, soit de faire des lectures, soit de se rendre à Paris dans cette circonstance, à se conformer aux prescriptions ci-dessus relatées. L'ordre du jour appelle le rapport de la commission chargée d'étudier la question de savoir si la Société doit accorder son patronage au projet d'établir un champ de courses de chevaux : à proximité de Besançon. M. de Périgny ayant donné lecture de ce rapport, l’Assem- blée en adopte les conclusions et prend à l'unanimité les résolutions suivantes : La Société accepte la proposition qui lui à été faite, le 22 janvier dernier, d'accorder son patronage au projet d'établir un champ de-courses de chevaux à proximité de Besancon ; Un comité, choisi parmi ses membres, sera immédiatement constitué, et chargé de provoquer et de recueillir les souscrip- tions au profit de l'entreprise ; Ce comité pourra élever le nombre de ses membres jusqu’au chiffre de 45, à la condition que les personnes ultérieurement adjointes seront ou deviendront membres de la Société d'E- mulation du Doubs; Les souscriptions engageront leurs auteurs pour trois années consécutives, et les annuités seront facultativement de 50 fr., de 20 fr. ou de 10 fr.; Si, aù 15 avril prochain, le montant des souscriptions n'atteignait pas un chiffre annuel de 8,000 fr., au moins, le projet serait abandonné comme ne convenant pas au pays ; Un avantage sera offert aux membres résidants et corres- pondants de la Société d'Emulation du Doubs : dans toute NT souscription de 50 fr. ou de 20 fr. émanant d'eux, la quittance de leur cotisation annuelle sera recue comme à-compte du paiement de l'annuité des courses. En conséquence de ce qui précède, le bureau propose et la Société arrête ainsi qu'il suit la composition du comité des COUTrSES : À MM. GRAND, président de la Société d'Emulation du Doubs; BarBaup (Auguste), adjoint au maire ; BELLAIR, médecin-vétérinaire ; BERTIN, négociant : Braz,, chef d’escadron d'artillerie ; De Br@or, chef d'escadron d'état-major ; Bouvarp, avocat ; Boyssox D Ecoce, trésorier-payeur général ; BRerTizLor (Léon), président du tribunal de commerce ; BreTiLLor (Maurice), banquier ; DE BussIERRE (Jules), président honoraire de la Société d'a- griculture ; DE CHARDONNET (le vicomte), ancien élève de l'Ecole poly- technique ; Decacroix (Alphonse), président de la Société des architectes du Doubs ; Drérricx (Bernard), membre du conseil des prud'hommes ; Ducar (Alfred), secrétaire de la Société des architectes du Doubs ; Eruis (Edmond), président de la Société nautique ; FEerNieR (Louis), président du conseil des prud'hommes: Girop (Victor), adjoint au maire ; LaAURENS (Paul), président de la Société d'agriculture ; Marror (Félix), membre du conseil d'arrondissement ; Ouper, avocat, membre du cpnseil municipal ; OUTHENIN - CHALANDRE père, administrateur des forges de Franche-Comté ; Picarp (Arthur), président de la commission administrative du culte hébraïque ; pe Périeny (Arthur), officier-surveillant du dépôt d'étalons ; PorGNanp, médecin vétérinaire, membre du cons. municipal . Renaup (François), négociant; DE SAINTE-AGATHE (Louis), membre du conseil municipal ; Tourner (Justin), propriétaire ; Travers, archiviste du département ; Veiz-Picarp, membre du conseil municipal ; pe Vezer (le vicomte Edouard), membre du conseil d'arron- dissement ; ZaREMBA, premier commis de la direction des domaines. Appelée ensuite à désigner trois membres étrangers au conseil d'administration pour vérifier les comptes du trésorier, l'Assemblée nomme à cet effet MM. Bougeot, Ducat et Renaud (François). M. Alphonse Renaud communique un travail de sa compo- sition sur la chaleur envisagée comme un corps simple. La Société confie l'examen de ce mémoire à MM. Bial, de Chardonnet et Gouillaud. : M. Castan lit une note ayant pour objet de démontrer que la rangée circulaire de dalles qui existe dans le sous-sol de la place Saint-Jean, et dont un notable morceau se yoit dans la cave des Frères-de-Marie, ne convient nullement à l'attribu- tion admise des restes d’un Forum, mais qu'au contraire elle représenterait bien les vestiges de l'hémicycle d’un théâtre romain. En effet, Vesontio a dû immanquablement posséder un théâtre, et la situation de cet édifice sur la place Saint-Jean serait d'accord avec les analogies observées ailleurs, tandis que l'on comprendrait difficilement l'existence d’un Forum en un lieu aussi excentrique : si quelques chartes latines donnent à ce terrain le nom de Forum, cela vient de ce qu’au moyen âge on tenait là le marché aux grains, et que le mot Forum signifiait couramment marché dans la langue latine de cette époque. — XX — M. Castan estimant qu'une tranchée faite sur la place Saint-Jean serait utile pour vérifier son hypothèse, la Société vote à cet effet un crédit de cent francs à prélever sur le cha- pitre des recherches scientifiques du budget de 1870. Le secrétaire fait part à la Compagnie du projet qu'a M. Jourdy, membre correspondant, de lui demander l’im- pression d'un travail géologique sur l'Orographie du Jura dolois : ce mémoire ne pourra être envoyé que dans le courant du mois d'avril prochain; mais l’auteur désire que, dès ce moment, il soit pris note de son intention. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membre résidant, " Par MM. Willemin et Bougeot, M. Rozet (Pierre), syndic ; Comme membres correspondants, Par MM. Grand et Castan, M. Benoit, vérificateur des poids et mesures, à Dole (Jura); Par MM. Gauthier (Jules) et Castan, M. de Mandrot (Ber- nard), élève de l'Ecole des Chartes, à Paris ; Par MM. Varaigne et Gauthier, M. Charpy (Léon), archéo- logue, à Saint-Amour ; Par MM. Varaigne et Castan, M. Poly, receveur des contri- butions indirectes, à Héricourt (Haute-Saône). La candidature posée dans la précédente séance ayant été soumise à un scrutin secret, M. Le président proclame : Membre résidant, M. GET (Théodose), avocat. Le Président, Le Secrétaire, , GRAND. A. CASTAN. Séance du 12 mais 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, président; Delacroix (Emile), vice- président; Faivre, vice-secrétaire ; Jacques, trésorier ; Castan, secrétaire ; Memgres RÉSsIDANTS : MM. Berr de Turique, Bial, Bossy, Bougeot, de Chardonnet, Choffat, Constantin, Cuillier, Delacroix (Alphonse), Diétrich ( Bernard), Dunod de Charnage, Gaffarel, Gaultier de Claubry, Get, Lancrenon, Lebreton, Michel (Brice), Travers, Vézian, Wallon, Willemin, Zaremba. Le procès-verbal de la séance du 12 février est lu et adopté. M. le président rend compte des premières opérations du comité des courses. Ce comité a tout d’abord formé son bureau, qui est ainsi composé : M. Bretillot, président ; MM. Boysson d'Ecole et Paul Laurens, vice - présidents ; MM. de Chardonnet et de Périgny, secrétaires ; M. Zaremba, vice-secrétaire ; M. Mairot, trésorier. Ces élections faites, M. le président a déclaré au comité que la Société d'Emu- lation considérait son action directe comme terminée dans l'affaire des courses, mais qu'elle n’en suivrait pas moins avec sympathie les efforts qui seraient faits pour la réalisation de l'entreprise. Le comité vient de répandre une circulaire, doublée d'une formule d'adhésion. La Société apprend avec plaisir que M. le baron de Farincourt, préfet du Doubs,'a mis le plus gracieux empressement à s'inscrire parmi les fonda- teurs des courses. _M. le président, prenant texte de l'idée émise par notre honorable confrère M. Jules Quicherat, relativement à l’ur- gence de produire des livres appropriés aux bibliothèques populaires, fait ressortir la valeur réelle qu'ont, à ce point de vue, deux volumes envoyés, à l'appui de sa candidature au titre de membre correspondant, par M. Benoit, vérificateur des poids et mesures à Dole. Ces deux volumes forment un Cours de législation usuelle, rédigé avec clarté et méthode, justifiant parfaitement son titre et capable de rendre de véri- tables services. M. le président regrette seulement que l'auteur y ait négligé les dispositions légales qui touchent aux succes- sions, et il espère que M. Benoit comblera un jour cette importante lacune. À son tour, le secrétaire fait remarquer, parmi les dons arrivés à la Compagnie, la thèse latine de M. Drapeyron, sur le Rôle politique de la Bourgogne à l'époque mérovingienne. Ce travail met en évidence la supériorité intellectuelle et morale de notre contrée à une époque où la force primait les éléments subsistants d'une civilisation antérieure : à cet égard, il inté- resse tout particulièrement la province dont Besançon est l’ancienne capitale, et la Société d'Emulation ne saurait oublier qu'il a pour origine une dissertation publiée, en 1866, dans ses Mémoires. Par une dépêche en date du 16 février dernier, M. le Recteur de l'Académie de Besancon demande à la Société de désigner un de ses membres pour entrer dans le jury chargé de décerner le prix de mille francs qui, en 1870, doit récompenser un tra- vail d'archéologie. Déférant à ce désir, l’Assemblée procède à un vote au scrutin secret, dont le résultat accorde 22 voix, sur 23 votants, à M. Alphonse Delacroix. En conséquence, M. Alphonse Delacroix est proclamé délé- gué de la Société pour juger le concours académique de 1870. La Société historique Algérienne, qui nous à transmis un fascicule de la Revue africaine qu'elle publie, demande à échanger ce recueil contre nos Mémoires. Cette proposition est accueillie. M. Vézian étant sur le point d'entreprendre, en collabo- ration avec M. Choffat, des fouilles dans les cavernes du — XI — département du Doubs, à l'effet d'y rechercher des traces de l'homme fossile, prie la Société de mettre à sa disposition, pour cet objet, une somme de 150 francs. La Société vote cette allocation, sous la réserve que les études résultant des fouilles dont il s’agit appartiendront à ses Mémoires, et que les vestiges recueillis seront déposés, par ses soins, dans les musées de la ville. M. Castan communique le texte et Les dessins d’une notice sur les Sceaux de la commune de Besancon. Les dessins, au nombre de neuf, ont été transformés en gravures sur bois par les artistes du Magasin pittoresque, et M. Castan s'est réservé la faculté de les reproduire dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs : il en résulterait ainsi, pour l’un de nos prochains volumes, une ornementation qui ne coûterait rien. ‘ . La Société ratifie cet arrangement, et vote l'impression de l’ensemble du travail. Prenant connaissance des désirs exprimés par divers membres au sujet du congrès de la Sorbonne, la Compagnie arrête ainsi qu'il suit la liste de ses délégués à cette réunion : MM. Grand, Boullet, Emile Delacroix, Berr de Turique, Bosseux, Chotard, Courlet, Diétrich, Ducat, de Fromentel, Gaffarel, Jules Gauthier, Camille Proudhon, Léon Proudhon, Sire, Travers, Wallon, Widal, Willemin et Zaremba. M. le président fait connaître, en outre, que le congrès annuel de l'Institut des Provinces aura lieu à Paris du 4 au 9 avril prochain, puis que le congrès scientifique de France s'ouvrira à Moulins le 1° août 1870 : les programmes de ces deux solennités sont à la disposition des membres de la Compagnie. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. de Chardonnet et de Vezet (Edouard), M. de Pé- rigny (Félix), directeur du dépôt d'étalons ; Par MM. Diétrich et Grosjean, M. Bader, bijoutier ; — XIV — à Par MM. Diétrich et Castan, MM. Boillot (Constant), gra- veur, et Werlein (Amédée), négociant. À la suite d’un scrutin secret, sont déclarés élus : Merabre résidant, M. Rozer (Pierre), syndic; Membres correspondants, MM. Bexotr, vérificateur des poids et mesures, à Dole ; Carpy (Léon), archéologue, à Saint-Amour ; DE ManproT (Bernard), élève de l'Ecole des Chartes, à Paris ; Pozy, receveur des contributions indirectes, à Héricourt, Le Président, Le Secrétaire, - GRAND. . A. CASTAN. - Séance du 9 avril 1870. PRÉSIDENCE DE M. BouLLET. Sont présents : Bureau : MM. Boullet, premier vice-président; Delacroix (Emile), vice-président; Faivre, vice-secrétaire; Castan, secrétaire ; | MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bial, Bosseux, Bougeot, Camel, de Chardônnet, Courlet, Delacroix (Alphonse), Diétrich, Dunod de Charnage, Gaultier de Claubry, Gauthier (Jules), Girod (Victor), Jacob, Lambert, Lancrenon, Michel (Brice), Paillot, Renaud (Louis), Trémolières, Wallon, Willemin, Zaremba. . Le procès-verbal de la séance du 12 mars est lu et adopté, M. le président communique une dépêche, en date du 31 mars, par laquelle Son Excellence le Ministre de l’Instruction publique nous informe que M. Résal, pour ses travaux sur la mécanique, devant recevoir, dans la prochaine solennité de la Sorbonne, une médaille d’argent, notre Compagnie, dont ee M. Résal a bien voulu réclamer le patronage, sera gratifiée à cette occasion d’une médaille de bronze. La Société apprend avec un vif plaisir ce nouveau succès, qui ne peut qu'accroître sa notoriété et l'encourager dans la voie des études sérieuses : aussi, voulant donner à M. Résal un témoignage particulier de son estime et de sa gratitude, elle élit, à l'unanimité, ce savant au nombre de ses membres honoraires. : En l'absence de M. Varaigne, le secrétaire expose que le conseil d'administration ayant pressé la rentrée des cotisations arriérées, la Société se trouve actuellement en mesure de reformer le capital inaliénable des cotisations rachetées, sur lequel avait été fait un emprunt de 2,000 francs. La Compagnie se montre satisfaite de cet état de ses finances, et elle juge le moment venu de consolider un capital qui est le gage de ceux qui ont voulu se lier perpétuellement à elle : en conséquence, elle décide que, par les soins de son président et de son trésorier, il sera fait dans ce but une acquisition de rente. | Il est donné lecture d’un rapport de M. Carlet sur le Traité théorique et pratique du levé des plans et de l’arpentage, dont l'auteur, M. Gouget (d’Andelot), membre correspondant, a offert un exemplaire à la Société. L'honorable rapporteur estime que l'ouvrage de M. Gonsess éliminant ce que la théorie offre de trop abstrait et n'indi- quant, pour les opérations pratiques, que des méthodes d’une application facile, est capable de rendre l'étude de la géodésie accessible à un plus grand nombre de personnes : c’est un bon livre de vulgarisation, moins ardu que les traités qui ne s'adressent qu'aux ingénieurs, Comme aussi plus étendu que ceux qui servent aux élèves des collèges. Au nom de la commission nommée pour examiner un travail de M. Alphonse Renaud, M. Bial témoigne que ce jeune confrère, en trouvant de lui-même une théorie sur la prétendue matérialité du calorique, à fait preuve de connais- — XVI — sances étendues et d'un talent réel; il ajoute que ces qualités, fort honorables pour M. Renaud, ne sauraient toutefois rele- ver un système qui, bien que soutenu par Lavoisier, Laplace et Guyton-Morveau, est universellement abandonné aujour- d'hui, soit à cause de son impuissance à expliquer certains phénomènes de l'optique, soit parce qu'il se trouve en contra- diction avec les lois les mieux établies de la physique. En conséquence, la commission propose à la Société de remercier M. Renaud de sa communication et de le féliciter d'un effort plein des plus sérieuses promesses. Ces conclusions sont adoptées. M. Jules Gauthier donne lecture d'une étude qu'il a faite sur la charte communale de Jougne, l'un des documents les plus caractéristiques que possède en ce genre la Franche-Comté. La Société vote l'impression de ce travail. Le secrétaire fait remarquer que M. Jules Quicherat, membre honoraire, vient de produire, dans les Mémoires de la Société des antiquaires et dans la Revue des Sociétés savantes, deux opuscules dirigés l’un et l’autre contre l'attribution d’'Alesia à Novalaise. Ce sont deux excellents morceaux de critique dont il est bon que nous retenions quelque chose, car la question débattue par M. Quicherat se rattache à la polémique soulevée, il y a tantôt quinze ans, au sein de la Société d'Emulation du Doubs et qui a fait le tour du monde. Le secrétaire propose donc que M. Alphonse Delacroix veuille : bien se charger de résumer, à l'intention de nos Mémoires, les deux dissertations dont il s’agit. Cette proposition est adoptée. M. Wallon dépose une note ayant pour objet de demander la création, sous les auspices de la Société, d’un cercle de lecture et de cours populaires, avec une bibliothèque particu- lièrement destinée à ceux à qui leurs ressources ne permettent pas d'acheter des livres. Une discussion s'engage à ce sujet : tout le monde est d'accord sur l'utilité de mettre les moyens d'instruction à la PAU IS portée de tous, mais plusieurs pensent aussi que la création proposée risquerait de devenir un centre de propagande au service de certaines idées étrangères au but que poursuit la Société. M. Wallon demande néanmoins que sa note soit soumise à un nouvel examen dans la prochaine séance, ce qui est accordé. MM. Louis Renaud et Paillot proposent d'admettre comme membre résidant M. Léon Girod, surnuméraire de l’enregis- trement ; MM. Grand et Jules Gauthier sollicitent la même qualité pour M. Biez, chef de cabinet du préfet du Doubs ; MM. Jules Gauthier et Castan demandent le titre de membre correspondant pour M. Louis Girod, docteur en médecine à Mignovillars. À la suite d'un scrutin secret sur les candidats antérieure- ment proposés, M. le président proclame : Membres résidants, MM. DE PériGny (Félix), directeur du dépôt d’étalons ; BADER, bijoutier ; Borzzor (Constant), graveur ; WERLEIN (Amédée), négociant. Le Vice-Président, ” Le Secrétaire, BouLLET. A. CASTAN. Séance du 14 mai 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM: Grand, président ; Boullet, vice-président ; Faivre, vice-secrétaire; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Barbaud (Auguste), Belot, Berr de Turique, Bertrand, Bial, Blondeau b — XVII (Léon), Bosseux, Bourier, Bouvard, Brelin, Bretillot (Léon), Canel, Carlet, Chenevier, Coulon, Cuenin, Cuillier, Delacroix (Alphonse), Ducat, Dunod de Charnage, Fernier, Gaffarel, Gaultier de Claubry, Gauthier (Jules), Girod (Victor), Gouillaud, Klein, Lebreton, Lumière, Mairot (Edouard), Mairot (Félix), Marchal, Métin, Micaud, Michel (Brice), Oudet, Perrier (Just, Petitcuenot, Piquet, Renaud ( Alphonse}, Renaud (Francois), Saillard, Saint-Eve (Charles), de Sainte-Agathe, Tissot, Travers, Tournier (Paul), Trémolières et de Vezet (Edouard). Le procès-verbal de la séance du 9 avril est lu et adopté. M. le président fait mention du succès obtenu par la Société dans le dernier concours de la Sorbonne : il rap- pelle les deux distinctions décernées antérieurement à la Compagnie dans cette lice; il dépose enfin sur le bureau la médaille qui lui a été remise par Son Excellence le Ministre, pour être conservée dans nos archives-et y perpétuer le souvenir de la récompense méritée, sous nos auspices, par M. Résal. Par l'organe de M. Bretillot, son président, le comité des courses fait connaître à l’Assemblée le résultat de ses tentatives pour l'établissement d'un hippodrome à proximité de Besan- con. Une souscription a été ouverte dans l'intérêt du projet, et le comité jugeait indispensable qu'elle produisit une somme de 8,000 francs : or, les 284 engagements recueillis ne repré- sentent qu'un chiffre de 5,946 francs. Le comité, qui s'était muni de tous les renseignements capables de l'éclairer, estime qu'il n’est pas possible, avec d'aussi minces ressources, d'ar- river à un résultat sérieux. En conséquence, il propose à la Société d’ajourner la question à une époque plus favorable, puis de remercier les souscripteurs, en les priant de conserver leurs sympathies à une idée que le comité n'a pas cessé de regarder comme utile et patriotique. Ces conclusions sont adoptées. M. Castan présente un exposé sommaire des résultats obtenus par les fouilles qu'il poursuit, comme délégué de la — XIX — Compagnie, sur la place Saint-Jean de Besançon. Confor- mément aux prévisions inscrites dans notre procès-verbal du 12 février dernier, le sol a montré, au lieu des vestiges d'un Forum que l'on y supposait, les débris d’un Thédtre romain. Cet édifice, ruiné par l'incendie, se compose actuellement d'une majestueuse estrade formant hémicycle, dont la courbe est continuée par un massif en blocage où l'on voit encore des restes de gradins : ces gradins étaient séparés de l'orchestre par une barrière en dalles posées de champ. Une colonnade, qui enveloppait par en haut le monument, a été précipitée dans la cavea : nous en exhumons les chapiteaux, les fûts, les bases, ainsi que des morceaux de l'entablement, le tout en pierre tendre et d'une remarquable élégance de ciseau. La région de la scène, fort ravagée pour la construction de l’église qui couvrit la place jusqu'en 1794, est scrutée avec soin; elle a déjà procuré des vestiges caractéristiques, entre autres un débris de sculpture représentant un masque de théâtre. M. Castan signale à la reconnaissance de la Société le précieux concours qui lui est prêté par M. l'architecte Ducat; il annonce aussi avoir soumis au conseil municipal l’idée de transformer la place Saint-Jean en un square archéologique, où les débris, qui ne cessent d'arriver, seraient disposés d’une façon analogue à ce qui existe dans le jardin qui entoure l'hôtel de Cluny. Ces fouilles ont excité vivement l'intérêt du public. Une souscription s'étant ouverte à l'effet d'en permettre la conti- nuation, le délégué de la Société eut la pensée d’appeler sur cet objet l'attention de l'Empereur. Sa Majesté ne tarda pas à répondre que, voulant encourager les efforts de notre Compa- gnie, Elle s’inscrivait pour une somme de mille francs sur la liste de souscription. À la suite de ce rapport, M. Berr de Turique demande que des remerciments soient votés à l’auteur de la découverte du Théâtre romain, et M. Oudet exprime le vœu qu'un appel puisse être fait en temps utile, dans l'intérêt de cette explo- ration, à la générosité des membres de la Compagnie. RE ee Ces deux propositions sont adoptées. M. Alphonse Delacroix dit quelques mots d’une commu nication faite à la Société par M. lé capitaine de Rochas, membre correspondant. Il s’agit d'habitations lacustres décou- vertes dans le lac de Paladru, en Dauphiné, par M. Gustave Vallier, etrécemment fouillées par M. Ernest Chantre, qui va publier un travail sur cet intéressant sujet. « L'ensemble des constructions, écrit M. de Rochas, est compris dans un cercle de 40 à 50 mètres de rayon. On reconnaît très distinctement une rue centrale, large de ! mètre 60 centimètres et dirigée suivant un diamètre du cercle, puis deux passerelles de même largeur qui, partant de deux points différents du rivage, se dirigent vers la position probable d'une place située à l'extrémité de la rue. Les pilots de chêne, équarris et appointés à la hache, sont disposés par groupes de quatre, de manière à retenir entre eux des poutres qui s'entre- croisent à mi-bois : celles-ci forment des cadres horizontaux, superposés depuis le fond du lac jusqu'à la hauteur du plan- cher des habitations. On a trouvé jusqu à cinq de ces cadres superposés. La longueur moyenne des grands côtés de ces cadres est de 10 mètres 50 centimètres; celle des petits varie entre 2 et 9 mètres. Aucun bois ouvré n'indique l'usage de la scie; nulle part on ne voit de traces de clous. Les pièces de bois présentent un grand nombre de restes de tenons, de mortaises et de feuillures, ce qui dénote une certaine habileté dans l'usage de la hache et du ciseau. Les poteries, assez nombreuses, sont d'une pâte gris-noirâtre, faites au tour et assez bien cuites; les tuiles sont celles de l'époque romaine. Quelques objets en fer ont été retirés, et parmi eux il y a lieu de remarquer des fers à clous pour chevaux de petite taille, ondulés par le refoulement résultant des étampures. La plu- part des autres stations lacustres paraissent avoir pris fin à la suite d'un incendie : celle-ci semble au contraire avoir été abandonnée volontairement par ses habitants, ensuite d'une élévation des eaux du lac. » ER oies La présence des fers de chevaux à clous, ajoute M. Delacroix, a fait penser aux explorateurs dauphinois que la station de Paladru ne remonterait pas au delà de l'époque mérovin- gienne; mais la Société d'Emulation du Doubs, qui a recueilli des fers analogues dans des milieux celtiques et sur les dalles romaines de la Grande-Rue de Besançon, a toute raison de croire que la ferrure des chevaux remonte, dans nos régions montagneuses, aux âges les plus reculés. Elle ne saurait dès . lors considérer comme une preuve d'âge relativement moderne la présence de fers de chevaux dans la station lacustre dont il s'agit. M. le capitaine de Rochas a joint à sa lettre un troncon des pieux de Paladru, des fragments de poterie, une dent de cheval, un grès ayant servi de pierre à aiguiser, plus un plan de la station et des dessins des principaux objets recueillis. La Société vote des remerciments à cet honorable corres- pondant, et décide qu'un sommaire de son intéressante com- munication sera inscrit au procès-verbal. Sur un rapport favorable de M. Gouillaud, la Société vote l'impression d'un mémoire de M. Résal, membre honoraire, sur la Détermination du travail mécanique nécessaire pour produire le tréfilage du fil de fer. | Une seconde production du même auteur est également renvoyée à l'examen de M. Gouillaud. L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de M. Wallon, relative à la création, sous les auspices de la Société, d'un cercle de lecture et de cours populaires. En l'absence de M. Wallon, M. Gaultier de Claubry expose les motifs qui ont inspiré ce désir : des établissements du même genre fonctionnent déjà à Besancon, mais par les soins d'associations dont les tendances sont exclusives ; ce qui manque ici, Cest un centre de propagande instructive, ne relevant d'aucun parti et n’ayant d'autre but que l'élévation du niveau intellectuel et moral de la classe laborieuse. L'ho- norable orateur demande qu'une commission soit nommée + XIE — pour étudier la question et faire à cet égard un rapport à la Société. L'Assemblée ayant adopté cette proposition, un scrutin secret est immédiatement ouvert pour l'élection des six membres qui, avec le président de la Société, composeront la commission. La pluralité des suffrages s'étant portée sur MM. Gaultier de Claubry, Victor Girod, Gouillaud, Berr de Turique, Oudet et Castan, ces six personnes sont proclamées membres de la commission dont il s’agit. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : " Par MM. Charles Saint-Eve et Perrier, M. Ernest Pequignot, monteur de boîtes, à Montjoux, près Besançon ; Par MM. Alphonse Delacroix et Castan, M. Joseph Potier, entrepreneur de plâtrerie. Sont élus, à la suite d'un scrutin secrèt : Membres résidants, MM. Brez, chef du cabinet du préfet du Doubs ; Lacoste, archiviste-adjoint du département ; Girop (Léon), surnuméraire de l'enregistrement ; Membre correspondant, M. Giron (Louis), docteur en médecine, à Mignovillars (Doubs). Le Président, ; Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. Séance du 11 juin 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, président; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire ; RAIN > Meugres RÉsIDANTS : MM. Berr de Turique, Bertrand, Bial, Bosseux, Bougeot, Bouvard, Bretillot (Léon), Cuillier, Delacroix (Alphonse), Ducat, Gaffarel, Gaultier de Claubry, Gauthier (Jules), Girod (Léon), Girod (Victor), Gouillaud, Klein, Lacoste, Lancrenon, Lebreton, Métin, Micaud, Oudet, Périard, Renaud (Alphonse), Renaud (François), Saillard, Tournier (Paul), Widal et Willemin. Le procès-verbal de la séance du 14 mai est lu et adopté. M. le président relate que le lendemain du jour de notre dernière séance, il lui parvenait une lettre de la Société pari- sienne d'archéologie, nous priant d'appuyer d'urgence, tant auprès de M. le préfet de la Seine qu'auprès de nos députés, le projet de conserver à la science les arènes gallo-romaines récemment découvertes à Paris. M. le président ajoute que le conseil d'administration, s'inspirant des traditions de la Société, n’a pas hésité à faire ces diverses démarches : c'était pour lui d’ailleurs une occasion de signaler au monde savant la décou- verte analogue qui nous appartient. Notre requête au préfet de la Seine a eu tous les honneurs d’une brochure qui vient de paraître sous ce titre : Opinion de la Province sur la question des arènes gallo-romaines de Paris. D'autre part, nos deux députés, MM. Ordinaire et Latour*lu-Moulin, ont promis d’avoir égard à la prière que nous leur avions faite. Par une lettre en date du 8 juin courant, M. le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besancon, nous informe que la Compagnie dont il est l'organe a voté, dans sa dernière séance, une somme de trois cents francs pour concourir à la dépense des fouilles commencées sur la place Saint-Jean. L'Assemblée, reconnaissante de cet acte de bonne confra- ternité, vote des remerciments unanimes à l'Académie de Besancon. La Société scientifique et littéraire d'Alais nous ayant adressé, avec son premier bulletin, la demande de compter MAX IV parmi nos compagnies correspondantes, il est délibéré que ce désir sera accueilli. | Au nom de la commission nommée pour vérifier les comptes de l'exercice 1869, M. Ducat lit un rapport qui renferme un exposé complet de la situation financière de la Société au 31 décembre dernier. Ce document est ainsi concu : « La commission nommée pour vérifier la comptabilité de l'exercice 1869, composée de MM. François Renaud, Eugène Bougeot et Alfred Ducat, après avoir vérifié les comptes de M. Jacques, trésorier, a établi ainsi qu'il suit la situation financière de la Société : » Î[. COMPTE D'ORDRE. » Situation des cotisations rachetées : » 1° Cotisations rachetées avant 1869 ......... 3,020 » » 2° Cotisations rachetées en 1869............ 400 » s Total. :..::13, 42000 » Cette somme est représentée : 1° Par le prêt fait à la Société et non productible d'intérêts. 2,000 » » 2 Par la somme versée par le trésorier à la recette générale et tomprise dans le compte courant jusqu'à concurrence de............ 1,420 » » Total pareil. :#61%% 3,420 » » II. COMPTE DES RECETTES ET DES DÉPENSES. » Recettes. » 1° Restant en caisse au 31 décembre 1868... 1,114 55 ». 2° Subvention de l'Etat :.....2.2....... 00 » EL — du département ............. 300 » » 4° — de la ville Peer E 600 » » 5° Cotisations recouvrées sur des membres résidants : +... : . MAPS ER 5.2 ER EE 02 14000 RAR VRS Report... 4,654 55 » 6° Cotisations ue sur des membres correspondants. ...... Gt AN NAN ss désansat 044 5 » 7° Droits de diplôme et vente de volumes... D9 » » 8° Recettes accidentelles....... TD UE à 1 5 0 M DU FHIOTELS ABLCADIAUX. . «ue ee doc oomme se : rat ME » 10° Cotisations rachetées ; sue de 400 fr. déjà portée au compte d'ordre... (Mémoire) » 11° Créances arriérées recouvrées en 1869 ... 1,378 50 » Total des recettes... 6,707 05 » DÉPENSES. » 1° Impressions et lithographies...... Mare 4,482 05 » 2° Traitement de l'agent de la Société....... 200 » » 9° Frais de bureau, correspondance, port de volumes, chauffage, éclairage, banquet ..... 765 30 pa HU 4 feat 5,447 35 » BALANCE. » Les recettes de 1869 s'élèvent à............. 6,707 05 » Les dépenses à............ A 2 DO ME 0,447 39 » Reste en caisse au 31 décembre 1869... 1,259 70 » Après s être assurée de l'exactitude de la situation finan- cière de la Société, telle qu'elle est établie ci-dessus, la com- mission de comptabilité croit devoir faire connaître que cette situation est exceptionnelle, en ce qu'elle comprend un article important de cotisations arriérées dont on a obtenu le recou- vrement, grâce au zèle de MM. Jacques et Faivre, et surtout de M. Varaigne, qui a rendu un vrai service à notre Société, soit en concourant à faire réaliser des créances anciennes et douteuses, soit en établissant un mode de comptabilité qui préviendra à l’avenir toute confusion dans les exercices des recettes et des dépenses. ; ANUS » Au moyen de ce nouveau mode, M. le trésorier pourra, sans doute, comme nous en exprimons ici le désir, donner dans le compte annuel la nomenclature des dépenses par article et dans l'ordre du budget. » Nous espérons aussi que le vœu, émis par la Société, de reconstituer le capital des cotisations rachetées pourra recevoir un commencement d'exécution dans un avenir très prochain. » Besançon, le 11 juin 1870. » (Signé) E. BoucroT; F. Renaun; A. Ducar. », La Société ratifie les conclusions de ce rapport et approuve les vœux qui y sont exprimés. À ce propos, M. le président fait connaître que, dans le courant de la semaine prochaine, un titre de rente sera acquis, conformément à la délibération du 9 avril dernier, à l'effet de consolider la majeure partie du capital inaliénable résultant des cotisations rachetées. L'ordre du jour appelle le rapport de la commission des bibliothèques et conférences populaires. M. Berr de Turique, rapporteur de cette commission, motive dans les meilleurs termes l'adhésion des commissaires de la Compagnie au projet de créer dans notre ville une bibliothèque populaire. D'après les vues de la commission, cet établisse- ment consisterait en un dépôt de livres instructifs et moraux qui serait administré, autant que possible, par les délégués de ceux auxç(uels l'œuvre s'adresse. Les livres seraient emportés à domicile pour être lus en famille, et les associés-lecteurs paieraient une cotisation de dix centimes par mois. L'asso- ciation comprendrait en outre des membres donateurs et des membres souscripteurs, ces derniers devant payer une presta- tion de cinq francs par an ; les centpremiers donateurs et les cent premiers souscripteurs seraient déclarés fondateurs de l'œuvre et investis comme tels de la mission d'en voter le règlement. Pour la mise en train de l’entreprise, la commis- JV sion. propose à la Société de nommer immédiatement un comité qui -serait chargé de provoquer, à Besancon et au dehors, des adhésions, versements et souscriptions; elle estime que l'œuvre pourra commencer à fonctionner dès qu'on aura obtenu un fonds ou premier versement de 2,000 fr. et un nombre de cent souscripteurs annuels à cinq francs. Adoptant ces principes, la Société délibère qu'elle se réu- nira extraordinairement le samedi 18 juin, à l'effet d'élire un comité de vingt-cinq personnes pour l’objet ci-dessus expliqué; elle prie la commission actuelle de préparer, en vue de ce vote, une liste de noms qui sera remise aux sociétaires lors de leur entrée dans la salle et pourra être modifiée, séance tenante, au gré de chacun. Quant à la question des conférences populaires à ouvrir concurremment avec la bibliothèque, la commissio® , tout en reconnaissant l'utilité de ces entretiens publics pour développer le goût de la lecture, à jugé convenable de ne pas compliquer présentement le projet par cette surcharge d'une organisation peut-être difficile. ; L'Assemblée se prononce dans un autre sens; elle croit que rien ne saurait mieux que les conférences achalander la bibliothèque, et elle émet le vœu que le comité à nommer poursuive avec une égale sollicitude les deux parties du pro- gramme formulé par M. Wallon. Le secrétaire informe la Société que le conseil municipal, dans sa séance du 10 juin courant, a décidé que la place Saint-Jean serait transformée en un square archéologique, regrettant- toutefois de ne pouvoir affecter à cet objet qu'une somme de neuf mille francs. Le secrétaire ajoute qu'un géné- reux citoyen, désirant venir en aide dans cette circonstance au bon vouloir du conseil municipal et procurer ainsi la réalisation entière du plan étudié par M. Ducat, plan dont le devis s'élève à quinze mille francs, offre à notre Société la somme complémentaire de six mille francs. Le donateur, qui ne veut pas être connu, a mis à son offrande les deux condi- QU tions suivantes : 1° La susdite somme de six mille francs ne sera employée qu'après épuisement de celle de neuf mille votée par le conseil, et au fur et à mesure des besoins qu’entraînera le complément du travail; 2° l’ensemble de ce travail se fera sous la direction de MM. Delacroix, Ducat et Castan. La Société applaudit unanimement à cette libéralité et souscrit aux Conditions gracieuses qui l’accompagnent. Sont présentés comme membres résidants : Par MM. Grand et Victor Girod, M. Guillin, libraire ; Par MM. Cuillier et Castan, M. Charles Gauthier, négociant en fournitures d’horlogerie ; Par MM. Chenevier et Saillard, M. Grosrichard, phar- macien ; : Par MM. Saillard et Tournier, MM. Gillard, avoué près la cour impériale, et Alfred Périard, négociant. Sont élus, à la suite d’un scrutin secret : Membres résidants, à MM. Porter (Joseph), entrepreneur de plâtrerie ; PequiGxor (Ernest), monteur de boîtes. Le Président, ; Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. Séance extraordinaire du 18 juin 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents t Bureau : MM. Grand, président; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire ; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Berr de Turique, Besson, Bial, Boillot, Bosseux, Bougeot, Bouvard, Bourdy, Delacroix (Alph.). Ducat, Gaffarel, Gaudot, Gaultier de Claubry, Gauthier (Jules), Girod (Léon), Girod (Victor), Gounand, Lebreton, Marion (Charles), Métin, Potier, Renau‘ (Alphonse), Renaud (Franc.), Saillard, Tournier (Paul); Trémolières, Vivier (Edmond). Es XAXIXI— Le procès-verbal de la séance du 11 juin est lu et adopté. Un mémoire de botanique, envoyé par M. Francois Leclerc, est confié à l'examen de M. Paillot. Sur le désir que M. le président lui en exprime, M. Ducat entretient la Compagnie du square archéologique qui s'exé- cute, d’après ses dessins, sur la place Saint-Jean : il décrit les principales lignes de cette promenade qui réunira l'intérêt à l'agrément et dont les travaux de fouilles ne peuvent manquer d'enrichir la science de nos antiquités locales. M. Berr de Turique, rapporteur de la commission des bibliothèques et conférences populaires, présente une liste préparatoire du comité définitif à constituer pour asseoir les bases de l'entreprise. La délibération du 11 juin courant limi- tait à vingt-cinq personnes la composition de ce comité; mais la commission, désireuse de comprendre dans sa liste des représentants de la plupart des catégories sociales, n'a pu atteindre ce but qu'en proposant d'élever à trente membres le nombre des futurs gérants de l'œuvre. Le président de la Société, membre de droit de toutes les commissions, aurait en outre séance dans le comité. L'Assemblée ayant ratifié cette manière de voir, il est procédé à un scrutin secret pour l'élection de trente membres devant composer le comité : la liste préparatoire de la com- mission, dont chacun reste libre de modifier à son gré la teneur, est reçue comme bulletin de vote. À la suite du dépouillement de l'urne, M. le président déclare que le comité, composé de sa personne et des trente membres ayant obtenu la pluralité des suffrages, se trouve constitué de la manière suivante : MM. ce Présipenr de la Société, GAFFAREL, BarBaup (Auguste), GAULTIER DE CLAUBRY, BERR DE TURIQUE, GÉRARD (Jules), Braz, Girop (Victor), BLonpEAU (Charles), GouILLAUD, — “XXX — MM. Bosseux, K£EIn, BouLLET, LEÉBRETON, BouTTEY, ManioN (Charles), BrerTizcor (Léon), OupEr, CaRLÉT, SAILLARD, CASTAN, SaINT-Eve (Charles), CHOTARD, SIRE, Decacrôrx (Alphonse), TourNier (Paul), Farvre (Adolphe), VeiL-PicAR», FaucomPré père, WIDAL. Fernier (Louis), < Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. Victor Girod et Bourdy, M. Boussingault, chi- miste, essayeur de la garantie, à Besancon ; Par MM. Bertin et Castan, M. Jules Martin, manufacturier, à Casamène. Sont présentés comme candidats au titre de membre cor- respondant : É Par MM. Ch. Grand et Castan, M. Edouard Grenier, litté- rateur, à Paris ; Par MM. Jules Gauthier et Castan, M. Maurice Poisot, avocat, à Dijon. A la suite d’un vote favorable sur les candidatures précé- demment annoncées, M. le président proclame : Membres résidants, MM. GauTuier (Charles), négoc. en fournitures d’horlogerie; GILLARD, avoué près la cour impériale ; GROSRICHARD, pharmacien ; Guizuin, libraire ; PÉRIaRD (Alfred), négociant. Le Président, Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. — AXE — Séance du 9 juillet 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, président; Faivre, vice-secrétaire ; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Berr de Turique, Bertrand, Bial, Bosseux, Bouvard, Choffat, Gaffarel, Gaudot, Gllard, Lancrenon, Lebreton, Noiret, Potier, Renaud (Alph.), Rozet, Saïllard, Tournier (Paul), Vézian, Vuilleret, Willemin. Le procès-verbal de la séance du 18 juin est lu et adopté. M. le président informe la Compagnie que le comité des bibliothèques et conférences populaires, nommé dans la dernière séance, s’est constitué et a élu pour son président M. Berr de Turique: Il a été et demeure entendu que la Société d'Emulation, tout en continuant son patronage moral à l’œuvre que va poursuivre le comité, ne confondra point ses intérêts matériels avec ceux de cette entreprise, que celle-ci aura une caisse distincte et vivra des ressources que le zèle et le dévouement de ses gérants sauront lui procurer. Une lettre de M. l’archiviste appelle l'attention de la Société sur les excellents services rendus par notre agent pour le re- couvrement des cotisations des membres résidants ; il estime que le surcroît de courses qui en résulte doit être rémunéré et qu'il y a lieu d’allouer à l'employé dont il s'agit, en dehors de son traitement de 200 fr., une prime pour recouvrement. Cette prime annuelle serait de 25 fr., dont 20 fr. se paieraient après l’encaissement du montant total, moins 100 fr., des cotisations des membres résidants, et les 5 fr. complémentaires se solderaient après recouvrement des derniers cent francs. Cette proposition est adoptée. La Société des sciences naturelles, des lettres et des beaux- arts de Cannes et de l'arrondissement de Grasse nous ayant RON adressé le premier volume de ses bulletins, il est décidé que cette association sera portée sur la liste des compagnies cor- respondantes. Par un rapport écrit, dont M. le vice-secrétaire donne lecture, M. Paillot déclare que, tout en n'étant pas d'accord avec M. Leclerc sur la théorie botanique qui fait l’objet du récent mémoire de cet honorable confrère, il n’hésite pas à en demander l'impression. Cette conclusion est ratifiée. Au nom d'une commission formée par le conseil d’admi- nistration pour l'examen d’un travail considérable de M. Emile Jourdy sur l'Orographie du Jura dolois, M. Choffat fait con- naître que deux membres de ladite commission ont lu le mé- moire et le jugent digne d'entrer dans notre prochain volume. | Un troisième membre, qui a eu des motifs personnels pour ne pas prendre connaissance de l'œuvre de M. Jourdy, soulève diverses objections contre le vote proposé par ses collègues : le mémoire n'est pas encore complet, il y manque tout le troisième chapitre, et l’auteur annonce la possibilité d’une suite dont on ne saurait préjuger l'étendue; d'autre part, une carte géologique est jointe au travail, et le prix d'exécution en chromolithographie de cette planche absorberait des res- sources qui pourraient être utiles à des entreprises géologiques d'un intérêt plus immédiat. Se plaçant en dehors de toute considération personnelle et ne retenant que la question de principe, la Société est d'avis de ne pas délibérer sur un travail dont le manuscrit est encore incomplet. En conséquence, M. Jourdy sera prié de commu- niquer la fin de son œuvre, et lorsque ce complément sera reçu, la commission pourra être entendue de nouveau dans le sens d'une résolution définitive. M. Vuilleret, désirant entretenir la Société dans les géné- reuses dispositions qu'elle à toujours eues à l'endroit du musée archéologique, communique une série de bracelets et de plaques estampées en bronze, objets appartenant à RATE — l'époque celtique et provenant de tumulus qui viennent d'être fouillés sur le territoire d'Amondans (pourtour d’Alaise). La Compagnie voit avec intérêt dans ces récentes trouvailles une suite de l’exploration qu'elle a poursuivie, pendant sept années consécutives, sur les sépultures du pays d’Alaise ; elle remercie M. Vuilleret de son dévouement à la cause de l’Alesia franc-comtoise et le félicite de son zèle pour l'accroissement d'un musée qui fait le plus grand honneur au pays. Le secrétaire annonce que Madame la marquise de Moustier, voulant s'associer au souvenir que la Société consacre à l'homme éminent dont elle 4 été la digne compagne, a bien voulu nous offrir, pour entrer dans le prochain volume des Mémoires, un tirage à 700 exemplaires du portrait lithographié de l'illustre défunt. . L'Assemblée, vivement touchée de cette continuation d’une sympathie qui l'honore, décide que l'expression de sa respec- tueuse gratitude sera transmise à Madame de Moustier. Le secrétaire met ensuite sous les yeux de ses confrères deux photographies exécutées d’après les fouilles de la place Saint-Jean par M. Maurice Bretillot; il ajoute que cet habile artiste, après avoir offert gratuitement les épreuves jugées nécessaires pour la divulgation de l’entreprise, a fait abandon à la direction des travaux de ses deux clichés si bien réussis, en autorisant la vente au profit des fouilles de toutes les épreuves que le public pourrait désirer. Des remerciments sont votés à M. Maurice Bretillot. En raison de l'approche des vacances, la Société décide que sa prochaine réunion aura lieu le samedi 6 août. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. Tournier (Paul) et Saillard, MM. Albert Grévy, Perruche de Velna et Arthur Huart, avocats ; Par MM. Faivre et Saillard, M. Brusset, notaire; . Par MM. Chotard et Gaffarel, M. Millet, professeur de phi- losophie à la Faculté des lettres ; 0.0.0 1 Par MM. Gaffarel et Tournier (Paul), M. Boll, propriétaire. Sont élus, à la suite d’un scrutin secret : Membres résidants, MM. BoussiNGauLT, chimiste, essayeur de la garantie ; Marrin (Jules), manufacturier, à Casamène ; Membres correspondants, MM. Grenier (Edouard), littérateur, à Paris ; Poisor (Maurice), avocat, à Dijon. Le Président, Le Secrétaire, GRAND. 3 A. CASTAN. Séance du 6 août 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, président; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Androt, Bérr de Turique, Ducat, Füsch, Gaffarel, Lebreton, Pequignot, Renaud (Alphonse), Saillard, Tournier (Paul), Willemin. Le procès-verbal de la séance du 9 juillet est lu et adopté. M. le président informe la Société de la perte douloureuse qu’elle vient de faire, avec le pays tout entier, dans la per- sonne de l’un de ses membres honoraires, M. le général de division Abel Douay, mort 2lorieusement à Wissembourg, le: 3 août, en combattant pour la France. M. le président rappelle le vif intérêt que M. le général Douay portait aux travaux de notre Société; il ajoute avec émotion qu'ayant reconduit à son départ pour l’armée ce brave et digne chef militaire, la dernière parole échangée entre eux avait consisté dans un rendez-vous cordial à notre banquet du mois de décembre prochain. — XXXV — La Société étant unanime à partager ces sentiments, il est décidé que leur expression sera consignée au procès-verbal. Par une dépêche en date du 22? juillet, M. le Ministre des Lettres, Sciences et Beaux-Arts a bien voulu nous annoncer qu'il mettait à la disposition de notre Compagnie une somme de mille francs, destinée à lui venir en aide pour le dégage- ment du théâtre romain de Besançon. La Société s ‘empresse de ratifier les remerciments transmis à ce propos par le conseil d'administration à Son Excellence. M. Berr de Turique notifie à la Société que le comité des bibliothèques et conférences populaires, en présence des graves événements qui absorbent l'attention publique, a jugé conve- nable de suspendre le travail d'organisation de son entreprise. Au sujet d’un travail de M. Résal, intitulé : Considérations philosophiques sur la chaleur, M. Gouillaud a transmis le rapport suivant : « La connaissance exacte de la nature même de la chaleur préoccupe beaucoup'et depuis longtemps les physiciens et les géomètres de nos jours. Ils cherchent à expliquer la consti- tution intime de cet agent et à pénétrer dans l'essence même de cette force. Depuis la découverte de l'équivalent mécanique de la chaleur, c'est-à-dire depuis qu'on sait qu'une quantité déterminée de chaleur peut se transformer en un travail mécanique également déterminé, et que réciproquement le même travail à son tour peut reproduire la même quantité de chaleur, tous les hommes de science, ou à peu près, con- viennent que les effets calorifiques sont dus à un mouvement rapide des molécules ou dernières particules de la matière. Il reste à préciser la nature de ce mouvement. Partout on voit écrit : la chaleur est un mouvement. Mais quel mouve- ment ? C’est ce qu'il faut trouver. » Tant qu'il ne s'agit que de la chaleur rayonnante, qui se comporte exactement comme la lumière, on n'est pas embar- rassé : l'hypothèse des ondulations, qui explique si bien tous les phénomènes lumineux, s'étend naturellement dans ce cas 0.0.6. 4 EC aux phénomènes calorifiques et en donne la raison la plus satisfaisante. Mais pour la chaleur statique, celle qui produit les variations de température, de volume et d'état des corps, elle ne saurait trouver son explication dans des phénomènes analogues, puisqu'il n'en existe point. Il faut donc ici cons- truire la théorie de toutes pièces, et en s'appuyant uniquement sur les phénomènes connus qui s’y rapportent. En realité, on ignore complètement la nature de ce mouvement moléculaire qui produit les sensations de chaud et de froid, les dilatations, fusions, vaporisations, etc. Cependant, quand il s’agit seule- ment des gaz, on a fait revivre récemment une théorie pro- posée, dans le siècle dernier, par un des Bernouilli, laquelle rend assez bien compte des phénomènes et des propriétés concernant cette classe de corps. Suivant Bernouilli, les mo- lécules des gaz seraient de petits corps très élastiques, animés d'un mouvement rectiligne plus ou moins rapide qui se con- tinuerait jusqu'à la rencontre d’un obstacle, comme la paroi d’un vase, par exemple. La molécule alors, en vertu de son élasticité, reviendrait en sens inverse avec la même vitesse jusqu’à la rencontre d'un autre obstacle, et ainsi de suite. La vitesse serait d'autant plus grande que la température serait plus élevée, et la sensation de chaleur qu'on éprouve en mettant la main dans un gaz chaud, dans de la vapeur d'eau bouillante, par exemple, ne serait pas autre chose que le résultat du choc des molécules contre la main : on serait alors, suivant l'expression du professeur Tyndall, exposé à un vrai bombardement moléculaire. Cette manière étrange de se représenter la chaleur dans les gaz, perd beaucoup de sa singularité quand on voit avec quelle facilité elle rend compte de toutes les lois qui régissent les propriétés spéciales de ces corps. Toutefois, il n’en est pas question dans le mémoire de M. Résal que vous m'avez chargé d'examiner, et dans lequel ce savant se propose précisément de montrer ce que c’est que la chaleur statique dans les solides, les liquides et les gaz. » M. Résal ne distingue pas ces différents états des corps. =" XXXV TZ Pour lui, comme pour tout le monde, la chaleur est un * mouvement moléculaire. Mais le caractère de sa théorie est de supposer que ce mouvement est circulaire et que chaque molécule tourne dans le même cercle autour de sa position moyenne, tant que la température est constante. Quand la température s'élève, le rayon du centre s'allonge; quand la température s’abaïisse, le rayon diminue : s'il devient nul, la molécule reste en repos et le corps est sans chaleur, il est au 0 absolu. » En soumettant cette hypothèse au calcul, M. Résal montre qu'elle explique tous les phénomènes de dilatation dans les corps, et qu'elle en détermine la loi assez exactement. Son travail peut donc être considéré comme une nouvelle page de thermodynamique, page qui ne sera pas déplacée dans le recueil de notre Société. » A la suite de la lecture de ce rapport, faite par M. le vice-secrétaire, l'Assemblée vote l'impression du mémoire de M. Résal. M. Gascon, membre correspondant, offre à la Société un travail manuscrit intitulé : Glossaire de quelques locutions usitées en Franche-Comté et particulièrement à Dole. Cet opuscule est renvoyé à l'examen de M. Castan. Un scrutin secret ayant eu lieu sur le compte des candidats ‘ présentés dans la dernière séance, M. le président proclame : : Membres résidants, MM. Bozz, propriétaire ; BRUSSET, notaire ; Grévy, Albert, avocat ; HuarT, Arthur, avocat ; Mrzzer, professeur de philosophie à la Faculté des lett.; PERRUCHE DE VELNA, avocat. Le Président, Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. » = XXXVIIE — Séance du 10 décembre 1870. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, président; Boullet et Delacroix (Em.), vice-présidents; Jacques, trésorier ; Castan, secrétaire; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Berr de Turique, Blondeau (Charles), Bosseux, Bourcheriette, Bouttey, Canel, Carlet, Courtot, Coutenot, Cuillier, Ducat, Faucompré, Gaffarel,.. . Girod (Victor), Haldy, Lebreton, Marion, Noiret, Potier. Le procès-verbal de la séance du 6 août est lu et adopté. M. le docteur Delacroix rend compte d'un manuscrit déposé par M. Paillot, membre résidant, et dont le titre est : Flora Sequaniæ exsiccata. C'est l'inventaire de l'herbier local que M. Paillot a formé, et qu'il ne cesse d'enrichir avec une rare persévérance et un remarquable esprit d'observation. Le cata- logue qu'il en fournit se borne à une simple indication pour les plantes déjà suffisamment connues, et il n’accorde de notices qu'aux plantes jusqu'ici peu ou point décrites. Ce travail, consciencieusement fait, deviendrait, en prenant place dans nos Mémoires, un utile complément de la Flore jurassique de M. Grenier, et l'honorable rapporteur n'hésite pas à en demander l'impression, celle-ci ne devant d’ailleurs entraîner qu'une dépense des plus modestes. Cette conclusion est adoptée. M. Castan dit quelques mots du Glossaire des locutions doloises, dressé par M. Gascon, membre correspondant. Parmi les termes qu'a recueillis l’auteur, il en est qui appartiennent au fond commun de l’ancienne langue française, d'autres qui sont empruntés à l'argot des grandes villes, un certain nombre enfin qui sont de vrais idiotismes locaux et offriraient, par cela même, quelque intérêt aux amateurs de curiosités philolo- giques. En extrayant du recueil dont il s'agit les expressions L C4. 6. 0. u DE se rattachant à cette troisième catégorie, l'objet que s’est pro- posé l’auteur serait pleinement atteint. La Société adopte cetté manière de voir, et charge M. Castan de préparer, en vue de ses Mémoires, un extrait de l’opuscule de M. Gascon. L'ordre du jour appelle la Compagnie à arrêter son budget de l’année 1871. M. le président présente le document préparatoire éläboré dans ce but par le conseil d'administration. Aucune objection ne s'étant produite contre les propositions du conseil, M. le président les déclare adoptées dans la forme suivante : RECETTES PRÉSUMÉES. MPutrénnon: dette: LAL ICE CURE 900 f. Dr: du département...... AR AIR OR A 300 se Id. de Ja ville "05 ce MOT MR 600 4° Cotisations des membres résidants......,...... 2,000 9° Id. correspondants ....... 700 6° Droit de diplôme, recettes accidentelles . ....... 90 7° Intérêts de la partie non empruntée du capital des cotisations rachetées. 5404070 07 rie 120 Total... 4,270 f. DÉPENSES. 1° Remboursement au capital inaliénable des cotisa- tions rachetées (emprunt du 16 novembre 1867). 670 f. RÉRDAOTESSIOMS En. 12 Lee ru ist OMR Le dial sie le 2,400 3° Frais de bureau, chauffage et éclairage......... 250 4° Frais divers et séance générale...........,.... 300 0° Traitement et indemnité pour recouvrements à l'asentide:la:Sasiété saines Lénine 225 6° Crédit pour recherches scientifiques ........... 250 Total des dépenses....... 4,095 f. Excédant de recettes ...., 1:19 La Société procède ensuite au renouvellement annuel de son conseil d'administration. Les scrutins réglementaires ou- verts à cet effet donnent les résultats suivants : Pour le président, 20 votants : M. Emile Deiacroix, 16 voix ; M. Berr de Turique, ? voix ; M. Victor Girod, 1 voix; M. Sire, 1 voix. Pour le premier vice-président, 21 votants : M. Charles Grand, 18 voix ; M: Berr de Turique, 1 voix; M. Victor Girod, 1 voix; M. Coutenot, 1 voix. Pour le deuxième vice-président, 21 votants : M. Sire, 12 voix; M. Ducat, 8 voix ; M. Lebreton, Î voix. Pour le vice-secrétaire, 20 votants : M. Faivre, 18 voix ; : M. Coutenot, 2 voix. Pour le trésorier, 20 votants : M. Jacques, 19 voix ; M. Grosrichard, 1 voix. Pour l’archiviste, 20 votants : M. Varaigne, 20 voix. En conséquence, M. le président déclare le conseil d'admi- nistration de 1871 composé comme il suit : Président ...... nie Dr RON MEN ste . M. Em. DELracRoIx,; Premier vice-président... ........... M. Charles GRAN»; Deuxième vice-président............. .. M. SRE; Secrétaire: décennal.... x... M. CASTAN ; Vice-secrétaire et contréleur des dépenses . M. FAIVRE; TRÉSOREE AD RU EE PR M. JACQUES ; Arche er ma ne at de M NVARAÏGNE: RUE _ Avant de lever la séance, M. le président fait connaitre à l'Assernblée que le conseil d'administration, en considération de la crise douloureuse qui afflige le pays, a cru devoir s'abstenir de préparer, pour cette année, la séance publique habituelle et de provoquer le banquet qui en est ordinaire- ment la suite. Cette mesure de haute convenance est ratifiée par tous les membres présents. | Le Président, Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. Séance du 22 avril 1871. PRÉSIDENCE DE MM. GRAND ET EMILE DELACROIX. Sont présents : , Bureau : MM. Grand, président sortant, élu premier vice- président; Delacroix (Emile), deuxième vice-président sortant, ‘élu président; Jacques, trésorier réélu; Castan, secrétaire décennal ; Mengres RÉsipanTs : MM. Alexandre, Berr de Turique, Brusset, Chotard, Delacroix (Alphonse), Ducat, Dunod de Char- nage, Gaffarel, Girod (Victor), Guillin, Lancrenon, Monnier, Saillard ; MEMBRE CORRESPONDANT : M. Tuetey. La séance ayant été ouverte par M. Grand, le procès-verbal de la réunion du 10 décembre 1870 est lu et adopté. Avant de quitter le fauteuil et après avoir remercié la Com- pagnie d’une bienveillance dont il se tiendra toujours pour honoré, M. Grand notifie la mort de M. Luc Wetzel, président de la Société d'Emulation de Montbéliard et membre corres- pondant de celle du Doubs. L'Assemblée témoigne qu'elle est vivement affligée de cette perte. Elle ne saurait oublier les consciencieux travaux de >: — XLI — M. Wetzel sur l’histoire de l’ancien comté de Montbéliard, ni le zèle infatigable de ce regretté collègue pour organiser et accroître les collections scientifiques de sa ville natale; mais elle doit savoir un gré particulier à M. Wetzel des relations cordiales qu'il a provoquées et établies entre l'intelligente association de Montbéliard et la nôtre : le fidèle souvenir que nous garderons de cet homme de bien sera un trait d'union de plus entre les deux compagnies. Il est également communiqué une lettre de faire part an an- nonçant le décès de M. le docteur Guillanme de Haïdinger, directeur de l'Institut géologique d'Autriche, illustre corpo- ration qui échange ses publications contre les nôtres. M. Grand procède ensuite à l'installation de son successeur, M. Emile Delacroix, lequel, à son tour, assure la Société de sa gratitude et de son dévouement. M. Sire, l’un des vice-présidents élus, avait exprimé par écrit son regret de ne pouvoir, pour cause de maladie, assister à la séance. L'ordre du jour appelle la désignation d'une commission de trois membres étrangers au conseil d'administration, pour vérifier les comptes du trésorier. L'Assemblée désigne à cet effet MM. Renaud (François), Bougeot et Ducat, ce dernier chargé des fonctions derapporteur. M. le président Delacroix provoque la nomination de trois commissaires à l'effet d'examiner une courte statistique médi- cale des eaux de Luxeuil qu'il a produite, opuscule qui pour-. rait entrer dans nos Mémoires, comme corollaire de l'important ouvrage sur cette même localité que nous avons publié en 1867. Les commissaires désignés pour cet examen sont MM. Cou- tenot, Faivre et Saillard, ce dernier chargé du rapport. M: Castan donne lecture d’une Note sur la facade du palais de justice à Besançon. L'Assemblée vote l'impression de cet opuscule. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants ‘: AN XDIIE.— Par MM. Berr de Turique et Castan, M. Henri Eloy, avocat général près la Cour d'appel; Par MM. Gaffarel et Castan, M. Carrau, professeur de phi- losophie à la Faculté des lettres ; Par MM. Chotard et Cuillier, M. XKrebs, inspecteur des contributions directes. | Le Président, Le Secrétaire, E. DELAcRoIx. A. CASTAN. Séance du 27 mai 1871. PRÉSIDENCE DE MM. ALPHONSE DELAGRO1IX ET GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, premier vice-président; Castan, . secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Bial, Boillot, Bosseux, Boullet, Cuillier, Delacroix (Alphonse), Ducat, Gaffarel, Gaudot, Gauthier (Jules), Girod (Victor), Gouillaud, Guillin, Lancrenon, Pequignot, Potier, Saillard ; | MEMBRE CORRESPONDANT : M. Truchelut. Au début de la séance, le secrétaire, se trouvant seul au bureau, prie M. Alphonse Delacroix, l’un des fondateurs de la Société, d'occuper le fauteuil. Le procès-verbal de la réunion du 22 avril ayant été lu et adopté, communication est faite d’une lettre de la Société d'Emulation de Montbéliard, nous demandant d'envoyer des délégués à la séance générale qu'elle tiendra le jeudi {°° juin. L'Assemblée se montre disposée, plus que jamais, à sym- pathiser avec nos collègues de Montbéliard, les circonstances commandant impérieusement une fédération des courages honnêtes pour la reprise de la grande tâche, si fatalement interrompue, de l'éducation du pays. En conséquence, M. Victor Girod est prié de se concerter. CRAN avec les membres disponibles, ainsi qu'avec M. l'inspecteur primaire Delavelle, pour organiser la délégation dont il s'agit. Le secrétaire présente, de la part de M. le docteur Morel, un mémoire médical sur un cas remarquable d'accouchement. Cette communication est renvoyée à l'examen de MM. les docteurs Coutenot, Faivre et Saillard, déjà chargés de donner leur avis sur un travail de M. Emile Delacroix. M. Grand, venant prendre la présidence, entretient la Société d’un projet, conçu par M. le docteur Saillard et ayant pour but la préparation, en vue de nos Mémoires, d'une statis- tique raisonnée de l'état sanitaire et des services médicaux à Besançon durant la période d'invasion prussienne. La Compagnie, accueillant favorablement cette proposition, confie le soin d'y donner suite à une commission ainsi COm- posée : M. Emile Delacroix, président de la Société, MM. Ber- trand, Blondon, Eugène Bodier, Bruchon, Chenevier, Cou- tenot, Faivre, Gaudot, Gounand, Grenier, Jacques, Lebon, Morel, Oudet, Parguez, Périard, Saillard et Paul Tournier. M. Jules Gauthier lit une note sur l'église du prieuré béné- dictin de Lieu-Dieu, près Quingey. Get édifice, englobé dans une ferme et absolument inconnu aujourd'hui, a cependant ” des droits à l’attention des archéologues : il paraît être le seul spécimen représentant, dans nos contrées, les églises fomanes à coupole. L'Assemblée engage M. Gauthier à transformer sa note en une étude qui pourrait avantageusement figurer dans nos Mémoires. La Société florimontane d'Annecy voulant bien nous adres- ser la Revue savoisienne qui paraît sous ses auspices, il est décidé que cette compagnie sera inscrite sur la liste de celles qui recoivent nos publications. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membre résidant, par MM. Cuillier et Castan, M. Louis Garrig, lieutenant au 17° régiment d'infanterie provisoire ; = pr ES Comme membre correspondant, par MM. Grand et Castan, M. Stanislas de Blondeau, maire de Saint-Hippolyte. A la suite d’un scrutin ayant pour objet les présentations faites dans la dernière séance, M. le président proclame : Membres résidants, MM. Carrau, profess. de philosophie à la Faculté des lettres; Ecoy (Henri), avocat général près la Cour d'appel ; Kress, inspecteur des contributions directes. Le Vice-Président, Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. Séance du 15 juillet 1871. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, premier vice-président ; Sire, vice- président; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Castan, secrétaire ; MeuBres RÉSIDANTS : MM. Berr de Turique, Bial, Bosseux, Chotard, Delacroix (Alphonse), Gaffarel, Gauthier (Jules), Girod (Victor), Lacoste, Potier, Sancey, Trémolières, Willemin. Le procès-verbal de la séance du 27 mai est lu et adopté. M. le docteur Faivre, secrétaire de la commission médicale nommée dans la précédente séance, annonce que cette com- mission s'est constituée, qu'elle a élaboré un questionnaire que tous les médecins de la ville seront priés de remplir, qu'elle a enfin chargé quelques-uns de ses membres de solli- citer de l’Etat-major de la division et de l'Intendance tous les renseignements utiles au travail projeté. Cette communication ayant été accueillie avec satisfaction, le secrétaire de la Société fait savoir que notre confrère M. Paillot prépare une œuvre de botanique qui sera, en quelque sorte, le corollaire du travail de la commission — XLVI — médicale : il s'agit de la récolte et de la détermination d'une notable quantité de plantes exotiques qui croissent autour de la gare de Besancon et dont les graines proviennent des four- rages d'origines diverses qui suivaient nos armées. Comme un certain nombre de ces plantes se naturaliseront chez nous, l’Assemblée pense, avec M. Paillot, qu'il est utile de constater la cause et le moment de l'introduction de ces végétaux dans notre flore locale. M. Castan fait un rapport verbal sur les travaux archéolo- giques de la place Saint-Jean. Il rappelle les précédents de la question, montre comment, par le fait du succès des recher- ches et des sympathies qu'elles excitèrent, l’entreprise, qui ne devait être au début qu'un modeste sondage, prit graduelle- ment les proportions d'une œuvre d'édilité, réalisée en grande partie par voie de souscription publique. Bien que les travaux aient été interrompus par suite des catastrophes militaires, ce qui-était accompli, lorsque la paix nous revint, avait une telle importance que l’on ne put songer à remettre les lieux dans leur état primitif. Le seul parti à prendre, celui qui fut résolu, consistait à achever, dans les conditions les plus économiques, le square commencé. Deux de nos confrères, M. l'architecte Ducat et M. l'entrepreneur Voisin père, se dévouent à cette tâche, tandis que M. Castan fait de son mieux pour provoquer et recueillir de nouvelles souscriptions. Aujourd'hui que la colonnade romaine, aveé ses magnifiques chapiteaux corin- thiens, est presque entièrement dressée, on peut juger de l'effet grandiose que produiront, en se mariant à Porte-Noire, les vestiges de notre théâtre antique. Cet ensemble, unique dans la région de l'Est, vaudra de nombreux visiteurs à notre ville, renforcera chez ses habitants le culte de la terre natale, inspirera enfin aux jeunes générations urbaines ce respect des monuments qui fait si tristement défaut à notre éducation publique. La Société d'Emulation du Doubs, l’une des vigi- lantes gardiennes du patriotisme local, ne saurait être insen- sible à ces résultats : le square archéologique qui s'exécute est ANR d’ailleurs sa propriété morale, puisque c'est du foyer d'études qu'elle entretient qu'est partie l'idée de la résurrection du théâtre de Vesontio, puisque c'est de sa caisse que sont sortis les premiers fonds employés aux recherches. Adoptant ces considérations, la Société vote une somme de deux cents francs pour contribuer, dans la limite de ses res- sources actuelles, à l'achèvement du square archéologique de la place Saint-Jean. Cette somme sera prélevée sur la bonifi- cation résultant pour nos finances de l'absence d'impressions pour 1870. M. Jules Gauthier communique les dessins, exécutés par lui, de plusieurs tombes de nos grandes familles comtoises du moyen âge, qui proviennent de l’abbaye de Bellevaux et sont employées aujourd'hui comme dalles dans les granges du village de Cirey. Les monuments de ce genre sont nombreux dans notre province, et il serait temps de songer à la conser- vation de ceux qui ont un cachet artistique ou rappellent de : mémorables souvenirs. Au premier rang des dalles funéraires qui remplissent ces deux conditions, M. Gauthier place la tombe de celui de nos La Baume qui mourut à la journée de Granson. Cette belle pierre, sortie de l’abbaye du Mont-Sainte- Marie, est aujourd'hui la propriété d'un sculpteur de Pontar- lier, qui la céderait pour une somme d'environ 80 francs : et cette acquisition serait d'autant plus urgente à opérer que le morceau dont il s'agit intéresse également les Suisses qui, on le sait, ont un goût très vif pour les monuments de leur histoire. La Société engage M. Gauthier à continuer son recensement des pierres tumulaires de la province, et à noter celles que nous pourrions avantageusement acquérir : la ville de Besan- Con a, sous les portiques de ses édifices publics, des surfaces qui seraient, par ce moyen, décorées d’une facon très heureuse et fort instructive. Voulant, dès à présent, donner un gage de ses intentions à cet égard, la Compagnie met à la disposition de M. Gauthier, sur le crédit affecté aux recherches scienti- — XLVIIL — fiques, une somme de 40 à 50 fr., le priant de faire le possible pour obtenir une subvention de même valeur de l’adminis- tration du musée municipal d'archéologie, puis d'employer le tout à l'achat et au transport à Besancon de la tombe qui existe à Pontarlier. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. le comte Joseph de Jouffroy et Castan, M. Louis de Jouffroy d’Abbans, étudiant ; Par MM. Victor Girod et Sancey, M. Alphonse Fady, chef d'atelier de la maison Philibert. Sont élus, à la suite d'un scrutin secret : Membre résidant, M. GarriG (Louis), lieutenant au 17° régiment d'infanterie provisoire ; Membre correspondant, M. pe BLonpeau (Stanislas), maire de Saint-Hippolyte. Le Vice-Président, Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. Séance du 12 août 1871. PRÉSIDENCE DE M. GRAND. Sont présents : Bureau : MM. Grand, premier vice-président; Sire, deuxième vice-président; Jacques, trésorier; Castan (Aug.), secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Berr de Turique, Bougeot, Ducat, Gauthier (Jules), Klein, Lebreton, Renaud (François), Rollot, Vézian, Willemin ; Mzgre coRREsPoNDANT : M. Castan (Francis). Le procès-verbal de la séance du 15 juillet est lu et adopté. MDI — L'ordre du jour appelle la commission des finances à faire un rapport sur les comptes de l'exercice 1870. M. Ducat, rapporteur de cette commission, donne lecture de l'exposé suivant : « Messieurs, » Votre commission des finances à examiné les comptes de M. le trésorier pour l'exercice 1870 ; elle en a reconnu l’exac- titude. » La situation financière, au 31 décembre 1870, était la suivante : » ΰ COMPTE DU CAPITAL INALIÉNABLE. » Au 31 décembre 1869, le capital inaliénable A na a 2 ce ae na ONE MS UAAO: » » Sur cette somme il avait été fait un emprunt de. 2,000 » » Restait comme encaisse effectif au 31 décembre 1869......... 1,420 » » Les recettes de 1870 ont été : » Cotisation rachetée .........,... 60! » } » 1 remboursement sur l'emprunt. 1,510 15 ): ne » Total des recettes... 2,990 15 » Le 28 juin 1870, il a été fait acquisition d'une _ rente 3 */, de 120 fr., suivant inscription n° 4217, au moyen : 2,930 15 De l’encaisse effectif au 31 déc. 1869. 1,420 » D'un 1*remboursem!sur l'emprunt. 1,510 15 » Reste comme encaisse en numéraire au 51 décembre 18106. 5:24, jou BOX » 0 » À ajouter : le solde de l'emprunt à rembourser, 489 85 » Total du capital inaliénable restant à placer au 31 décembre 1870..,..... 549 85 — EL — » 2° RECETTES. .. » L'encaisse au 1°" janvier 1870 se composait de : » 1° Capital inaliénable non emprunté 1,420 - » | 9 679 70 » 2° Fonds disponibles. ..... LÉ 1,259 70 » Les recettes de 1870 ont été de : » 1° Subvention du département... 300 » » 2° Id. de la ville......... 600 » » 3° Cotisations des membres rési- ÉDITER ne M LEA Ra A à 2,332 5 3829 » » 4° Id. des membres correspondants 438 » | » 5° Intérêts du capital inaliénable.. 60 » » 6° Droit de diplômes et recettes AÉCITENIBIIOS 20: re re eee 111000 » Total de l'actif au 31 décembre 1870... 6,518 70 » A déduire : » 1° Capital inaliénable, non em- prunté, en caisse au 1" janvier Pr Men d rpaes Fe FR CURES » 2° Cotisation rachetée en 1870.... 60 » » Reste disponible... 5,038 70 » » 3° DÉPENSES. _ » Les dépenses de 1870 ont été de : » 1° Remboursement sur l'emprunt de 2,000 fr. 1,510 15 » LPO ARE EE Ar is Afyé.e 2,630 35 » 3° Frais de bureau et de recouvrements, chauf- lape'et-éclairase fupne sente same ads 92 10 RRPETAIS Myers x PNR Re int 08 79 » 9° Traitement de l'agent de la Société. ....... 200 » » 6° Allocation pour recherches scientifiques . 100 » » Total des dépenses... 4,591 35 » Report du reste disponible... 5,038 70 » Excédant des recettes disponibles sur les dé piotééé 447 35 » À ajouler : capital inaliénable non placé... 60 » » Encaisse général au 31 décembre 1870 .... 507 35 OU PAR » La commission dés finances a constaté la régularité de la comptabilité claire et Simple qui a été établie l’année dernière. Elle a aussi remarqué la bonne mesure, prise par M. le pré- sident Grand, de viser mensuellement l’état des finances. 11 est procédé avec soin à la rentrée des cotisations. » Be solde de l'emprunt sur le capital inaliénable, qui était de 489 fr. 85 cent. au 31 décembre dernier, a été remboursé naguère; la Société est ainsi affranchie de son emprunt de 2,000 fr. contracté en 1867. » Votre commission, Messieurs, vous propose -d'admettre comme définitifs les comptes vérifiés de 1870. » Besancon, le 12 août 1871. » (Signé) F. Rexaup; E. BouGzorT; A. Ducar. » Les conclusions de ce rapport ayant été mises aux voix et adoptées, M. le président fait part à la Société des résolutions suivantes prises par le conseil d'administration au sujet des finances : 1° Quant à l'emprunt fait en 1867 sur Je capital inaliénable des cotisations rachetées, une somme de 489 fr. 85 c., suffi- sante pdur éteindre totalement cette dette, a été prélevée sur les fonds disponibles et va être convertie en une nouvelle acquisition de rente ; 2° Pour les fonds encaissés ou à encaisser par le trésorier, il a été décidé qu'à la diligence-de ce fonctionnaire, tout argent disponible sera désormais placé en compte de chèque chez un banquier : le trésorier ne conservera que la menue somme strictement nécessaire pour solder les petites dépenses cou- rantes, telles que les frais de bureau et le traitement de l’agent de la Société. L'Assemblée donne son entière approbation à ces mesures. Par une lettre, en date du 26 juillet dernier, M. Duruy, membre honoraire, annonce l'envoi, pour la bibliothèque de la Société, des deux volumes parus d’une nouvelle édition de . MU ES son Histoire des Romains, le troisième volume, prêt à paraître, ne devant pas tarder également à nous parvenir. « Plus que jamais, nous écrit l'éminent historien, nous devons dire comme Septime Sévère : Laboremus ! travaillons, pour échapper aux douleurs du présent et préparer les espé- rances de l’avenir. — Ah! si notre jeunesse pouvait prendre pour mot d'ordre cette devise : Discipline et travail, nous aurions bientôt, par le canon ou par les idées, recouvré ce que nous avons perdu. — Aux anciens qui donnent le conseil, de fournir aussi l'exemple; c’est ce que je tâche de faire, dans la mesure de mes forces. » La Compagnie, heureuse d’avoir l'occasion de renouer des rapports sympathiques avec celui des anciens ministres de l'instruction publique qui a fdit la plus grande somme d'efforts pour réveiller la vie intellectuelle dans les provinces, vote des remercîiments unanimes à M. Duruy et déclare s'approprier le généreux mot d'ordre qui lui est venu de si bonne source. Parmi les dons arrivés depuis la précédente séance, le se- crétaire fait remarquer la Monographie du sonnet, par M. Louis de Veyrières, deux volumes aussi distingués comme travail d'érudition consciencieuse que comme produit d'élégante ty- pographie. L'exemplaire que nous en avons est un cadeau de notre confrère M. Georges Garnier, ami de l’auteur et l’un de ses collaborateurs dans l’œuvre dont il s’agit. En remerciant M. Garnier de son gracieux envoi, la Société lui sait gré des indications qu'il a fournies à M. de Veyrières sur quelques sonnetistes appartenant à la Franche-Comté. La Société de statistique de Marseille nous ayant adressé deux volumes de ses Mémoires, avec prière d'user envers elle de réciprocité, il est délibéré que cette association recevra les volumes parus de notre quatrième série et comptera désormais au nombre des compagnies qui correspondent avec la nôtre. Un scrutin secret ayant eu lieu sur les candidatures annon- cées dans la précédente séance, M. le président proclame : AM Membres résidants, MM. pe Jourrroy p'ABBans (Louis), étudiant ; Fany (Alphonse), chef d'atelier de la maison Philibert. Le Vice-Président, Le Secrétaire, GRAND. A. CASTAN. Séance du 11 novembre 1871. * PRÉSIDENCE DE M. EMILE DELACROIX. Sont présents : Bureau : MM. Delacroix (Emile), président; Grand et Sire, vice-présidents ; Faivre, vice-secrétaire ; Jacques, trésorier ; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Berr de Tu- rique, Bial, Bosseux, Cuillier, Ducat, Dunod de Charnage, Eloy, Faucompré père, Fady, Gauthier (Jules), Girod (Victor), Guillin, Haldy, Klein, Krebs, Lacoste, Monnier (Paul), Trémo- lières, Vézian et Zaremba. Le procès-verbal de la séance du 12 août est lu et adopté. Le secrétaire annonce que M. le Ministre de l’Instruction publique a non-seulement ordonnancé au profit de la Société l'allocation de 500 fr. concédée l'an dernier, mais a bien voulu nous accorder un subside de pareille somme pour l’année 1871. La Société, vivement touchée de ce double encouragement, témoigne sa reconnaissance à l’intelligent ministre qui en est l’auteur. , Deux associations savantes de l'Amérique, l'Institut Smith- sonien de Washington et la Société d'histoire naturelle de Boston, qui viennent de nous faire l’une et l’autre de remar- quables envois, expriment le désir de posséder le plus grand nombre possible des volumes édités par nos soins; elles nous ee TR promettent en retour de nouvelles richesses pour notre bibliothèque. La Société estime qu'il y a lieu de prendre en considération ces avances , et elle charge le conseil d'administration d'y répondre d’une manière convenable. M. le président pose à la Société la question de savoir si elle veut cette année, comme elle en avait l'habitude avant la guerre, tenir une séance publique, suivie d’un banquet, dans le courant du mois de décembre. La Société, désireuse de fournir sa part d'exemple à la reprise si désirable de la vie intellectuelle dans nos contrées, décide qu'elle tiendra une séance publique le jeudi 14 dé- cembre prochain, que ce même jour aura lieu le banquet d'usage, que le conseil d'administration est autorisé à prendre les mesures nécessaires pour que cette double solennité s'ac- complisse dans les meilleures conditions. Le secrétaire communique un timbre qu'il a dessiné et fait graver, pour remplacer un ancien signet dont le style et la légende n'étaient en rapport ni avec l'importance actuelle, n1 avec le point de départ de la Société. L'Assemblée adopte ce nouveau type, qui servira désormais à authentiquer ses actes. M. Ducat présente un rapport sur les travaux d'achèvement du square archéologique de la place Saint-Jean. Après avoir rappelé les précédents de cette création, dont Finitiative appartient à notre Société, 1l expose les efforts faits, durant les vacances, pour mener à bonne fin une œuvre qui hono- rera la ville aux yeux de l'étranger et propagera chez ses habitants le goût des études sérieuses. Par-dessous la colon- nade corinthienne qui se racccorde d'une façon si heureuse avec l'arc triomphal de Porte-Noiïre, on est parvenu, en sur- montant des difficultés sans nombre, à mettre en évidence le bassin de déversement et de distribution des eaux d’Areier, lequel fut, au début de l'époque chrétienne, le baptistère primitif de l'Eglise de Besancon. De la scène du théâtre de EU Vesontio, il ne reste qu’un mur de substruction; mais ce vestige est important pour déterminer le caractère de l'édifice antique : un escalier tournant a été fait pour y accéder. Afin de marquer le centre de la courbe à laquelle appartient le ‘ podium et permettre d'en apprécier le développement, on construit, vers l'entrée inférieure de la promenade, un groupe, d’une hauteur de neuf mètres, dans lequel sont agencés, d'a- près le caractère de chacun d'eux, les débris d'architecture et de statuaire non utilisés pour la colonnade : sur la face prin- cipale de ce groupe, une table de pierre blanche portera en gravure le plan des monuments antiques révélés par les fouilles. Les terrassements du jardin ne sont pas loin d'être achevés, et le gazonnement des talus est en voie d'exécution. M. Ducat rend témoignage de l'excellent concours que lui prêtent MM. les membres de l'association Voisin et Cie, qui sont tous nos confrères : ces intelligents constructeurs riva- lisent de zèle et de dévouement avec ceux qui ont été institués directeurs des travaux. L'honorable rapporteur termine en demandant à la Société de continuer son patronage et ses subsides à une œuvre dont la propriété morale lui restera. M. Castan explique comment, dans l’entreprise du square, les prévisions de dépense ont été notablement dépassées. Avant d'arrêter un plan d'arrangement, il a fallu savoir sur quelle quantité de vestiges on pouvait compter : de là une chasse souterraine aux antiquités qui a été fort coûteuse. Puis, les tentations du chercheur se mettant de la partie, on n'a pas toujours su rigoureusement se borner : il faut dire aussi que sans ces poursuites supplémentaires, on n'aurait rencontré n1 le bassin des eaux d’Arcier, ni une portion notable du podium, ni le mur de scène du théâtre. Evaluant le chiffre de la dépense qui reste à faire, tant pour couvrir les entrepreneurs de leurs avances que pour terminer le square et l’encadrer de grilles, M. Castan estime que 8,000 francs sont. encore à trouver. S inspirant des considérations et des renseignements qui =AUVISSS précèdent, la Société juge qu'il est de sa dignité de contribuer, dans la plus large mesure du possible, à l'achèvement d'une création qui n'a cessé d'être poursuivie sous ses auspices : aussi adopte-t-elle unanimement la proposition , faite par MM. Faucompré et Adolphe Faivre, d'inscrire, au budget de 1872, la somme de mille francs pour subvention à l'œuvre du square archéologique. Cette allocation ayant été introduite dans le projet de budget préparé par le conseil d'administration, M. le président met successivement en délibération les divers articles de ce docu- ment; puis, après un vote approbatif sur chacun d'eux et sur l’ensemble du projet, il déclare le budget de 1872 arrêté dans la forme suivante : | RECETTES PRÉSUMÉES. 1° Encaiïsse prévu au 31 décembre 1871 .......... 2,600 f. 2° SUDVERMIOMAS TPE EN. EE RAR EIRE 600 de Id. du département ........... Le Het 300 49 Id. detasllent fie nb Lx Diane 600 5° Cotisations des membres résidants ............ 2,300 6° Id. correspondants ....... 400 7° Droit de diplômes, recettes accidentelles........ 90 8° Intérêts du capital des cotisations rachetées (rentes EN D AL APPRIS RON NET AT PEAR PARAEUNE 150 Totale se 6,900 f DÉPENSES iekimpressions ruse nl at Esne 3,000 f. LABRENUTES oies Er ec utinngarenne PRE 400 3° Frais de bureau, chauffage et éclairage..... ... 300 4° Frais divers et séance générale................ 300 5° Subvention pour l'achèvement du square archéo- een ter Me Dr De 1,000 6° Traitement et indemnité pour recouvrements à PARA TE A SOLIBIÉ. 52 2 Lu Due den cure 225 7° Crédit pour recherches scientifiques. .......... 250 Total des dépenses...... 9,479 Excédant de recettes..... 1,425 f. = VHS M. Victor Girod demande l'autorisation de négocier l'achat, pour le compte de la Société, d'un chronomètre de l'horloger Perron, de notre ville, cette pièce étant intéressante à faire entrer dans la collection spéciale d'horlogerie qui est annexée au musée d'archéologie de la ville. M. Girod est autorisé à conclure cette acquisition, moyen- nant une soixantaine de francs, somme remboursable sur le crédit ouvert pour recherches scientifiques dans le budget de 1871. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membres résidants, Par MM. Chotard et Castan, M. Zeller, professeur d'histoire au Lycée ; Par MM. Alexandre et Gauthier, M. Denizot, receveur de l'Asile départemental ; Par MM. Klein et Jacques, M. Debauchey, pharmacien : Par MM. Alphonse Delacroix et Castan, M. Paul Desroches, ingénieur-constructeur de chemins de fer, rue du Hâvre, 9, à Paris ; Comme membres correspondants, Par MM. Faivre et Gauthier, M. Jules Bey, horticulteur, à Marnay (Haute-Saône) ; Par MM. Klein et Castan, M. Francis Charmoille, maire d'Oiselay (Haute-Saône). Le Président, ; Le Secrétaire, E. DELACROIX. A. CASTAN. Séance du 13 décembre 1871. PRÉSIDENCE DE M. Emize DELACROIx. Sont présents 3 Bureau : MM. Delacroix (Emile), président; Grand et Sire, vice-présidents ; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire ; Varaigne, archiviste ; Castan, secrétaire ; am 1t\5150e— MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Androt, Belot, Berthelin, Berr de Turique, Bial, Boillot, Bourcheriette, Chotard, Courtot, Cuillier, Delacroix (Alphonse), Eloy, Faucompré père, Garrig, Girod (Victor), Haldy, Klein, Lacoste, Monnier, Pequignot, Petitcuenot, Potier, Renaud (François), Renaud (Louis), Saillard ; MEMBRE CORRESPONDANT : M. Gallotti. Le procès-verbal de la séance du 11 novembre est lu et adopté. Il est donné connaissance des réponses faites, tant par les membres honoraires que par les sociétés savantes du voisinage, aux invitations relatives à la séance publique et au banquet. A l'exception de Son Eminence le Cardinal-archevêque et de M. le Maire de la ville, qui se sont l’un et l’autre excusés par écrit, les membres honoraires invités ont répondu affir- mativement. Les Sociétés de Montbéliard et de Poligny ont promis l'envoi de délégués; mais, par le fait d'un certain nombre d’empé- chements personnels, il ne nous viendra aucun représentant de la Suisse. Cette circonstance semble à tous particulièrement regret- table; car la Suisse, qui a si bien mérité de la France par sa généreuse conduite envers les infortunés soldats de la France, avait cette fois des droits spéciaux à nos hommages. La Compagnie jugeant opportun que l’une des places d’in- vités soit occupée par un dignitaire de nationalité suisse, il est décidé que M. Jeannot - Droz, président de la Société helvétique de Besançon, sera prié, à ce titre, de vouloir bien accepter l’un des siéges d'honneur à la séance publique et au banquet. Par une dépêche télégraphique, M. Pierre Faivre (de Seurre), membre correspondant, annonce qu'il nous amène un certain nombre de bouteilles des meilleurs crûs de la Bourgogne, dont il veut enrichir le menu de notre banquet. Cette nouvelle est accueillie avec reconnaissance et satis- faction, DIX —— M. Paul Desroches, candidat présenté dans la dernière séance, propose à la Société d'encaisser une somme de quatre cents francs pour le rachat perpétuel de ses cotisations et de celles de son neveu, M. Léon Gallotti, tous deux ayant l'in- tention de figurer sur la liste des membres résidants. * Une somme de deux cents francs étant suffisante pour ce double rachat, il en résulte que M. Paul Desroches donne à la Société, comme cadeau de bienvenue, la somme de deux cents francs. Cette libéralité est acceptée, et des remerciments sont votés à son auteur. La Société n’est pas moins sensible à l'intention qu'exprime M. Paul Desroches de favoriser, dans l'intérêt des sciences naturelles et de l'archéologie, les recherches auxquelles pour- raient donner lieu ses futurs travaux de construction des nou- velles lignes de chemins de fer du département du Doubs. Par une lettre en date du 29 novembre dernier, la Société des Amis des Beaux-Arts nous a fait connaître qu'elle venait de voter une somme de cinquante francs pour sa part de con- tribution à l'achèvement du square archéologique. La Compagnie, désireuse de n'avoir que de bons rapports avec les associations qui travaillent comme elle à l'éducation du pays, ne peut qu'être flattée de ce gracieux procédé de la Société des Amis des Beaux-Arts. Le secrétaire dépose sur le bureau un récit de l'incendie de la bibliothèque de Strasbourg, écrit par M. Tuetey, membre correspondant. L'audition de ce morceau est renvoyée à la prochaine séance. L'Assemblée décide l'insertion au procès-verbal de la note suivante sur les Proverbes historiques du canton de Vitrey, due à M. Travelet (de Bourguignon-lez-Morey), membre corres- pondant : « Les murs de Langres. — C'était ainsi que les habitants de Morey et de Saint-Julien désignaient, il y a encore peu d'années, le camp romain de Bourguignon. Cette locution free indiquerait-elle que notre camp serait un ouvrage du lingon Sabinus, lors de son invasion en Séquanie (70 de notre ère) ? » C'est un Fortkatz (par corruption Froucasse). — Se dit d'un Homme ou d’un enfant turbulent, en souvenir du colonel Fortkatz, chef d’un corps de cavalerie croate qui, en 1636, opéra contre l’armée franco-suédoise en Franche-Comté. » Autant l’armée de Gallas ! — Se dit d'une foule innom- brable, par allusion aux 30,000 hommes du général des Impériaux Gallas, sous les ordres duquel était Fortkatz, qui campèrent, au mois de septembre 1636, entre Jussey et Champlitte. Les villages francais de la frontière champenoise, victimes de cette guerre de dépopulation, ajoutaient aux lita- nies des saints l’invocation que voici : À Forthatz, Gallas et Piccolomini libera nos Domine ! + » Damné comme un Weymarien. — $Se dit à propos d'un homme méchant, en mémoire des atrocités commises en Franche-Comté, durant dix années consécutives (1632-1642), par les soldats de Bernard de Saxe- Weymar, ancien lieute- nant de Gustave-Adolphe, devenu ensuite l'instrument de l'ambition de Richelieu. ». Aller en France. — Se dit encore de ceux qui vont de la Franche - Comté dans l’ancienne province de Champagne, celle-ci ayant été réunie plus anciennement que la nôtre au royaume de France. » M. Paillot nous adresse, sous forme d’un nouveau fascicule de son Flora Sequaniæ exsiccata, la description des plantes exotiques semées aux abords de la gare de Besancon par les fourrages qui suivaient nos malheureuses armées. La Société, précédemment édifiée sur le mérite de ce travail, retient pour ses Mémoires la communication de M. Paillot. Le secrétaire annonce quil va recevoir une importante étude de M. de Rochas d’Aiglun, membre correspondant, sur Philon de Byzance et la poliorcétique des Grecs; il ajoute que l'auteur, désirant être fixé promptement sur les intentions de la — LXI — Société à l'endroit de son œuvre, demande qu'une commission d'examen soit nommée dès aujourd'hui. Cette commission est immédiatement composée de MM. Ber- thelin, Chotard, Faucompré et Bial, ee dernier chargé du rapport. M. l'architecte Delacroix donne connaissance d'un travail qu'il vient de terminer et qu'il intitule : Besançon place forte. La Société estime que ce commentaire historique de la carte de France, en ce qui concerne nos contrées, intéresse au plus haut degré les projets stratégiques qui s’élaborent : aussi s’empresse-t-elle d’en voter l'impression. Il est ensuite ouvert un scrutin sur les candidatures posées dans la dernière séance. Tous les suffrages ayant été affirmatifs, M. le président proclame : Membres résidants, MM. DeBaucey, pharmacien ; Dexrzor, receveur de l’Asile départemental ;: Desrocxes (Paul), ingénieur-constructeur de chemins de fer; ZeLLER, professeur-agrégé d'histoire au Lycée ; Membres correspondants, MM. Bey (Jules), horticulteur, à Marnay (Haute-Saône); CHarMoiLLe (Francis), maire d'Oiselay (Haute-Saône). Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membres résidants, Par MM. Girod (Victor) et Potier, M. Jégo, contrôleur des bois de marine ; Par MM. Cuillier et Castan, MM. Hell (Thiébaud) et Legras (Armand), négociants ; Par MM. Trémolières et Vézian, M. Musselin, comptable ; Par MM. Sire et Castan, M. Goguely (Charles), propriétaire; Comme membre correspondant, — LXI — : Par MM. Siré et Castan, M. Jurgensen (Jules), littérateur, au Locle (Suisse) ; L'ordre du jour appelle la Société à composer son conseil d'administration pour l’année 1872. M. le docteur Jacques ayant exprimé l'intention d'être déchargé du mandat de trésorier, l'Assemblée lui exprime sa gratitude pour les peines qu'il s’est données en remplissant, pendant dix ans, ce laborieux emploi. Après quoi, il est procédé aux élections, dont les scrutins donnent les résultats suivants : Pour le président, 27 votants : M. Sire, 25 voix ; M. Berr de Turique, { voix ; M. Ducat, 1 voix. Pour: le premier vice-président, 29 votants : M. Emile Delacroix, 26 voix ; M. Sire, 2 voix; M. Berr de Turique, { voix. Pour le deuxième vice-président, 29 votants : M. Ducat, 28 voix ; M. Chotard, 1 voix. Pour le vice-secrétaire, 29 votants : M. Faivre, 28 voix ; M. Jacques, 1 voix. Pour le trésorier, 29 votants : M. Varaigne, 28 voix ; M. Jacques, 1 voix. Pour l’archiviste, 28 votants : M. Gauthier, 28 voix. En Conséquence, M. le président déclare le conseil d'adimi- uistration de 1872 ainsi constitué : — EXIN — | Prasidenenn \ nues aubaines ses ss ME ÊTRE; Premier vice-président.......,.,.... M. Em. DELACROIx; Deuxième vice-président............. M. DucarT; Secrétaire décennal. .......,..1...., M. CASTAN; Micersecrétaire 1, uns iunt sers Me FAIRE; Trésorier... ......1.4,..4.. 44. M VARAIGNE; Anohbiste. 14.4. ukiue. tac M. GAUTHIER. Le Président, Le Secrétaire, E. DELACROIx. A. CASTAN. Séance publique du 14 décembre 1871, Dans la grande salle de l'hôtel de ville de Besançon. PRÉSIDENCE DE M. EMILE DELACROIX. Sont présents : Bureau : M. Delacroix (Emile), président annuel; MM. le . (ÉNÉRAL COMMANDANT LA T° DIVISION MILITAIRE, le PRÉFET DU Douss, le RECTEUR DE L'ACADÉMIE, le PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA (COUR D'APPEL, L'INSPECTEUR D'AGADÉMIE, membres honoraires ; M. le baron Parguez, adjoint au maire de Besan- con; M. le colonel de Bigot, chef d'état-major de la division ; M. Ch. Grand, premier vice-président annuel; MM. Sire et Ducat, président et vice-président élus pour 1872; MM. Faivre, vice-secrétaire; Jacques, trésorier ; Varaigne, archiviste; Castan, secrétaire ; MM. Eloy, Gauthier et Vézian, membres résidants auteurs de lectures ; Mengres RÉsIpanTSs : MM. d’Arbaumont, l'abbé Bailly, Ber- thelin, Berr de Turique, Besson, Bial, Boillot, Bossy, Bougeot, * Boullet, Carlet, Chotard, Courtot, Coutenot, Daclin, Delacroix (Alphonse), Dubost, Faucompré père, Garrig, Gassmann, Gaudot, Girod (Victor), Grand (Jean-Antoine), Grangé, Guillin, Haldy, de Jouffroy (Louis), Lieffroy, Michel (Brice), Monnier, Oudet, Petitcuenot, Potier, Renaud (Louis), Reynaud-Ducreux, Tissot, Willemin, Zaremba ; RU) C AY MEMBRES CORRESPONDANTS : MM. Gallotti et Perron (de Gray); DÉLÉGUÉ DE LA SOCIÉTÉ D AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS DE PoriGny : M. Baïlle (Charles). Un nombreux public remplit la salle. Quelques instants avant l'ouverture de la séance, M. le président est informé télégraphiquement.que MM. les délé- gués de la Société d'Emulation de Montbéliard ne pourront, par suite d’un encombrement de la voie ferrée, se trouver à Besancon que vers cinq heures du soir. La séance est ouverte à deux heures et demie. Le secrétaire ayant énoncé l’ordre du jour, les lectures se succèdent de la manière suivante : 1° Travaux de la Société d'Emulation du Doubs en 1870 et 1871, par M. le président Emile Delacroix ; 2 Le Jura pendant la période glaciaire, par M. Vézian ; 3° Le Théâtre de Vesontio et le square archéologique de la place Saint-Jean de Besançon, par M. Auguste Castan ; 4° Les chefs de la justice de France issus de la Franche-Comté, par M. Henri Eloy ; b° Simon de Quingey el sa captivité dans une cage de fer, par M. Jules Gauthier. La séance est levée à quatre heures et demie. Le Président, Le Secrétaire, E. DELACROIX. A. CASTAN. NT — Banquet de 1871 Le jeudi 14 décembre, la Société se réunissait de nouveau à six heures du soir; mais cette fois dans le grand salon du palais Granvelle, autour d'une table de 80 couverts. Sous l'intelligente direction de M. Varaigne, habilement servie par le pinceau de M. Androt, le salon avait été richement décoré. Le menu, préparé par la maison Colomat, était réussi à souhait. Il comprenait, en dehors de ce que l'on avait pu prévoir; une quarantaine de vénérables bouteilles extraites des archives souterraines de l'hôpital de Beaune et amenées, comme cadeau, par un honorable correspondant, M. Pierre Faivre (de Seurre). Au milieu de la table, s'élevait un biscuit monumental représentant les vestiges du théâtre romain de Vesontio, ces belles ruines dont la découverte et la conser- vation sont à l'ordre du jour des travaux de la Société. M. Emile Delacroix, président du festin, avait à ses côtés M. le GÉNÉRAL COMMANDANT LA 7° DIVISION MILITAIRE et M. le PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR D'APPEL. En face, M. Sire, président élu pour 1872, était assis entre M. le PRÉFET Du Douss et M. le REcTEUR DE L'AGADÉMIE. Venaient ensuite : M. le PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA Cour D APPEL et M. l'Ixs- PECTEUR D ACADÉMIE; M. Ch. Grand, premier vice-président; M. Jeannot-Droz, président de la Société helvétique; MM. le docteur Bernard, Favre et Roux, délégués de la Société "'E- mulation de Montbéliard; MM le comte de Jouffroy et Oudet, membres du Conseil général ; MM. Boullet, Boysson d’Ecole, Alphonse Delacroix, Faucompré, Victor Girod et Vézian, an- ciens présidents de la Compagnie; M. le professeur Reynaud- Ducreux, membre fondateur; M. le colonel de Bigot, chef d'état-major de la division; M. Gallotti, ancien professeur à l'Ecole d'état-major; MM. Pierre Faivre, correspondant à Seurre, et Perron, correspondant à Gray: M. le conseiller. Berr de Turique et M. l'avocat général Eloy: M. l'ingénieur en e UE chef Berthelin; M. Ducat, vice - président élu pour ,1872 ; M. Gouillaud, professeur de physique à la Faculté des sciences ; M. Chotard, professeur d'histoire à la Faculté des lettres : M. Brelin, membre du Conseil municipal; M. Henri Coulon, avocat; M. Gassmann, rédacteur en chef du Courrier franc- comtois, etc., etc. Le moment du dessert étant venu, M. le président a pris la parole en ces termes : « Messieurs, » C'est dans les temps diffieiles, et quelquefois même au milieu des plus anxieuses préoccupations, qu'on se laisse aller, par un de ces mouvements de tendresse rétrospective inséparables de la nature humaine, à remuer d'anciens sou- venirs. Attribuons à un de ces sentiments pour un de vos plus vieux confrères, l'honneur que vous m'avez fait en décembre dernier, pendant de trop mémorables épreuves, en m'appelant à la présidence de la Société d'Emulation du Doubs. » Etrange sinécure en Ce qui concernait nos séances ! Car alors tous, où à peu près tous, nous avions à obéir à des devoirs plus impérieux et sacrés, qui nous faisaient oublier jusqu’à l'existence de notre lieu habituel de réunion. Durant tout l'hiver, une tempête ennemie, nous menaçant de sub- mersion, poussant flots sur flots, nous laissait la peste et le ravage. Et cette fois, à la honte des temps modernes, c'était la science elle-même, un moment détournée de sa route, qui s'était rendue complice du génie de la destruction ! » Heureusement, rien n’est changé dans le système du monde, et l’homme le plus méchant n'y saurait porter la main. Le cours des saisons n'a été nullement interrompu, et notre vieille France est toujours à sa place! Avec l'espoir et le printemps, nous avons dont, en avril dernier, repris nos séances, en même temps que les autres sociétés françaises ayant souci de l'avenir. NV » S'il est vrai, comme on l’a dit, que Dieu ait voulu nous punir de notre orgueil, en déchaînant contre nous toutes les passions terrestres, humilions-nous. Mais tôt ou tard, en mar- chant à force de travail à la conquête de la vraie science, nous saurons bien rentrer en grâce. Dans cet antagonisme perpétuel entre deux principes, dont l’un ramènerait l'homme aux limbes et à la barbarie, notre choix n'est pas douteux : nous sommes pour la science du bien. » Un jour ainsi, au lieu de porter la terreur à l'étranger, à la façon des vieux Gaulois, nous pourrions lui porter la lumière : ce serait notre vengeance ; et tout fait présumer que la Société d'Emulation du Doubs ne serait pas la dernière dans ce mouvement général de la civilisation. » Déjà nos bons voisins de la Suisse, en nous secourant si bien dans un moment d’infortune, nous ont montré tout ce qu’un peuple libre et uni peut faire pour le respect des saintes lois de l'humanité. Grâces leur en soient rendues ! » À peine rentrés dans nos travaux, Messieurs, après des pertes cruelles, nous avons eu la consolation la plus vraie qui pût nous être accordée : dans une liste nombreuse d’associés nouveaux, nous comptons de vaillants collaborateurs. Tout nous assure aussi que les nouveaux membres honoraires qui nous sont donnés, et qui pour la première fois ont bien voulu accepter notre invitation à ce banquet, nous continueront cet appui si cordial que leurs prédécesseurs avaient rendu tradi- tionnel. » Vous avez toujours été des nôtres, monsieur le Général, puisque de vieux souvenirs vous rattachaient à notre pays de Franche-Comté. » Et vous, monsieur le Préfet, nous avons à vous remercier déjà du concours intelligent et généreux que vous nous avez accordé dans nos relations avec l'administration supérieure et le conseil général du Doubs. » Quant à vous, monsieur le Recteur , vous êtes notre interprète naturel auprès de M. le Ministre de l'Instruction AVI publique, et vos travaux distingués dans la science nous sont un sûr garant de l'encouragement que vous nous donnerez. » Remettant à de plus habiles mains la présidence de la Société d'Emulation du Doubs, je remplis, en sortant, la plus douce prérogative de la fonction. » Au nom de la Société, je porte le toast de bienvenue à nos nouveaux membres honoraires. » M. le Préfet a répondu ainsi : « Monsieur le Président, » Je vous remercie des paroles bienveillantes que vous venez de m'adresser. Votre gratitude doit remonter au conseil général :.c'est lui qui, dispensateur des ressources départe- mentales, a voté cette année une allocation extraordinaire au profit de votre budget. Pour moi, en lui proposant cette libé- ralité, en l'appuyant de mon mieux, je n'ai fait que mon devoir, qui est de répondre le plus possible au sentiment public. Ge devoir m'a été d'autant plus doux à remplir que je satisfaisais en même temps à mes sentiments personnels. En effet, Messieurs, dès mon arrivée dans le département, j'ai compris toule l'importance de cette association qui, depuis plus de trente ans, a produit de si remarquables travaux, rendu de si grands services à la science, aux lettres, aux arts, à l'industrie, qui a jeté une si vive lumière sur l'histoire de la Franche-Comté et contribué si puissamment à dissiper, du moins aux yeux du plus grand nombre, les incertitudes qui existaient sur l'emplacement où ont eu lieu ces combats mé- morables livrés au nom de la liberté de la Gaule, c'est-à-dire pour la liberté de la patrie. » Je me tiens comme très honoré du titre de membre d'une société si utile, et je m'estime heureux d’avoir été accueilli au milieu de vous par le savant distingué autant que modeste qui préside cette assemblée, et qui a pris une si grande part à la fondation de votre Société et à ses nombreux travaux. I 9 DCS » Je suis encore sous l'impression de la belle séance à laquelle nous avons assisté aujourd'hui, et Je félicite haute- ment ce pays d'entretenir avec tant d'ardeur un foyer d’acti- vité intellectuelle d'où rayonnentde si précieux enseignements, où se ravivent l'amour de la patrie, le culte de la justice, tous ces nobles sentiments qui font les grands peuples. » Continuez votre œuvre, Messieurs, avec ces traditions. En éloignant d'elle la politique qui divise, vous serez toujours unis, wnis et dès lors puissants pour le triomphe de ces grands intérêts qui vous sont si justement chers. » À la prospérité de la Société d'Emulation du Doubs ! » M. le Recteur a exprimé ensuite toutes ses sympathies à la Société, en assurant ceux de ses membres qui travaillent de la sollicitude du Ministre de l'instruction publique. M. Ch. Grand, premier vice-président, a souhaité, dans les termes suivants, la bienvenue aux délégués des sociétés savantes du voisinage : « Messieurs, » Après les jours de deuil que nous venons de traverser, la Société d'Emulation du Doubs est heureuse de revoir et d'accueillir les délégués des sociétés savantes des régions jurassiques ; elle est heureuse aussi de pouvoir donner un témoignage public de sympathie et de gratitude à nôs excel- lents voisins de la République helvétique. Leurs cœurs, leurs bras, leurs foyers se sont ouverts à nos soldats malheureux ; nos enfants ne l'oublieront pâs. Jamais les protocoles de la diplomatie n'auront cimenté l'union de deux peuples par des traités plus solides. » Et vous, chers confrères de Montbéliard et de Poligny, vous avez bien voulu braver, pour venir à nous, les rigueurs d'un hiver exceptionnel ; nous en sommes profondément tou- chés et reconnaissants. » Oui, nous avions besoin de nous revoir, de resserrer les # —- LXX — liens pacifiques et fraternels qui nous unissent, de prouver à tous, par notre manifestation d'aajourd'hui, que les forces vives de l'intélligence ne feront jamais défaut au pays. Tra- vaillons et espérons ! Là est le salut de la France; que ce soit aussi notre devise commune. » À l'étroite union et à la prospérité de nos sociétés ! » Réponse de M. Jeannot-Droz, président de la Société helvé- tique de Besançon : « Messieurs, » Je nai aucun titre pour représenter auprès de vous les délégués de la Suisse romande dont je constate à regret l’absence. | » J'ai Cru cependant de mon devoir d'accepter l'invitation dont vous avez bien voulu m'honorer, parce que cet honneur s’adressait à mon pays. C'est donc au nom de ces couleurs fédérales dont chaque Suisse est fier; c'est au nom de ma patrie, petite en superficie, mais grande par le cœur, que je prends la liberté de vous dire : Merci, messieurs, des éloges que vous voulez bien décerner à mon pays. » Au milieu du choc épouvantable de deux grandes nations et des calamités déchaînées par la guerre la plus sanglante des temps modernes, la Suisse ne pouvait remplir qu'une mission : aimer ceux qui pliaient sous les coups du malheur, sympathiser avec ceux qui souffraient, pañser les plaies de tous, et montrér que l'humanité et la charité subsisteront toujours, malgré le débordement des passions humaines. _ » La Suisse a rempli son devoir humblement, avec simpli- cité; on la trouvera toujours au poste de l'honneur et du péril, partout où il y aura une grande infortune à soulager. » Les vrais amis demeurent fidèles, surtout dans la mauvaise fortune : aussi les relations amicales, séculaires, de la Suisse romande et de la Franche-Comté, cimentées par le malheur, ne pourront que s'étendre et se consolider dans l'avenir. ROUE » Je porte donc un toast à la prospérité croissante des deux pays et à l'amitié inaltérable de la Suisse et de la France! » À son tour, M. le docteur Bernard, vice-président de la Société d'Emulation de Montbéliard, applaudit à la reprise des rapports cordiaux entre les associations sœurs des deux principales villes du département du Doubs; il confesse cha- leureusement sa foi dans le salut de la France par le dévelop- pement de l'instruction, seul remède moral qui soit capable de fortifier en guérissant. M. Guillin, membre résidant, boit égalemeñt à la prospérité de l'instruction primaire, en faisant ressortir combien est encore faiblement rémunéré, insuffisamment considéré, l’ins- tituteur primaire, ce modeste et courageux défricheur des in- telligences, à qui seul pourtant est dévolu le soin de combattre l'ignorance, capital fléau de toute société démocratique : d’où il résulte que la noble- profession d’instituteur est délaissée, même dans notre département; car, au dernier concours d’ad- mission à l'Ecole normale du Doubs, il ne s’est présenté que 16 candidats pour 19 places disponibles. M. Sire, président élu pour 1872, a fait le compliment d'entrée que voici : « Messieurs, .» Après une interruption, suffisamment justifiée par la gravité des événements dont notre patrie a été le théâtre, la Société d'Emulation du Doubs est tout heureuse de préluder à la reprise de ses réunions et de ses travaux. D'ailleurs son titre oblige, et il faut reconnaître que, depuis sa fondation, elle s'est toujours efforcée de le justifier. » En se recrutant d'hommes de bonne volonté, en ouvrant - ses publications à toutes les aptitudes, elle facilite la mise au jour d'une foule de faits intéressants qui resteraient ignorés, en même temps qu'elle concourt fréquemment à la révélation de savants et d'écrivains d’un mérite incontesté. Aussi le bilan MONS intellectuel de notre compagnie se traduit-il annuellement par la publication d’un volume de travaux originaux qui vient s'ajouter à la collection déjà très importante des mémoires antérieurement édités, collection dont les sociétés savantes des deux mondes s’empressent de rechercher læ possession. Assurément le mérite de nos publications ne pouvait recevoir une consécration plus authentique et plus éclatante. » Faire progresser la science par l'émulation partout et toujours, tel est le noble but poursuivi par notre compagnie, telle est la tradition scrupuleusement conservée par mes honorables et savants prédécesseurs. Appelé par vos suffrages à l'honneur de leur succéder dans cette mission, je ne pour- rai la mieux remplir qu'en m'inspirant de leur exemple, encouragé d'ailleurs par la certitude que je ne ferai pas uu vain appel à leurs conseils et à leurs lumières. En me confé- rant le mandat de présider vos réunions, vous m'avez donné, messieurs, la plus grande marque d'estime et de sympathie que j'aie reçue; je vous en témoigne ici même la plus sincère gratitude. » Plein de confiance dans l'avenir et la prospérité de notre Société, je suis particulièrement heureux de constater l'esprit de concorde qui anime ses membres. Je n'en veux pour preuve que l'empressement avec lequel la plupart ont répondu à l'invitation d'assister à ce fraternel banquet. » Je crois donc être l'interprète des sentiments de tous eu portant un toast à la prospérité de la Société d'Emulation du Doubs et à l'estime mutuelle de ses membres. » M. Alphonse Delacroix, ancien président, trouva de bonnes paroles pour rendre hommage à la distinction de M. Pierre Faivre dans l’art de choisir des vins exquis et dans l’à-propos avec lequel il sait les offrir. M. le premier président Loiseau, en sa qualité de doyen des membres honoraires présents, remercia la Société de l'affec- tueuse hospitalité qu'elle offre annuellement à ceux qui repré- — LXXII — sentent dans la ville le pouvoir central. La Société affirme par là que ses dispositions dans le sens du progrès s'accordent avec le culte des saines traditions qui sont la garantie de l'unité nationale et le sage d’un avenir meilleur pour la France. Invité par ses confrères à parler au nom de l'œuvre du square archéologique, M. Castan exprima sa gratitude pour les sympathies toujours croissantes qui ont rendu possible cette entreprise. Individuellement, il ne désirait que la somme de cent francs pour vérifier une attribution qu'il avait conçue; et voilà que, grâce à une coalition de bons vouloirs provoquée par une intelligente conception de M. l'architecte Ducat, la dépense atteindra le chiffre de trente mille francs. M. Castan voit dans ce fait une nouvelle preuve des avantages de l'asso- ciation : aussi termine-t-il en buvant à la régénération de la France par le développement de l'esprit collectif et l'effacement des personnalités. M. le procureur général Varambon se leva aussitôt pour dire qu'un grand coupable venait de se déclarer et de dénoncer comme son complice un petit coupable, tous deux dès long- temps soupconnés d'avoir recours à la magie pour tirer du sol d'antiques merveilles et faire sortir de la bourse d'un chacun l'argent nécessaire à l’exhibition de leurs trouvailles. En vertu de son ministère, M. le procureur général requiert la Compa- gnie d'infliger aux coupables la peine... de la reconnaissance à perpétuité. Après le dîner, les causeries intimes retinrent longtemps les convives dans la salle, et ce fut seulement vers onze heures que chacun emporta chez soi le souvenir d’une bonne et belle soirée. TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOURS EN 1870 gr 1871 Discours de présidence lu à la séance publique du 14 décembre 1871 Par M. EMILE DELACROIX. Messieurs, La Société d'Emulation du Doubs compte aujourd’hui son trente - unième anniversaire. Chaque année son président sortant ayant à vous remercier de l'honneur qu'il a recu, je remplis ce devoir de gratitude avec d'autant plus d’effusion que mon principal, sinon mon unique, titre était d’avoir appartenu à cette première phalange d'hommes de bonne volonté, qui ont ouvert en silence un sillon que d’autres ont si fructueusement continué. Souvenons-nous de la modestie de nos débuts, qui d'abord n'annonçaient pas une prospérité rapide. Simple association, w’aspirant qu'à tirer de son isolement l’homme laborieux d'un coin de province, à lui faciliter les frais d'une sorte de lecture en commun, qui lui permit de suivre le courant des travaux scientifiques et de se procurer ainsi l'aliment quotidien de l'intelligence, notre Société, comme la ruche, envoyait ses ouvriers sur tous les points de l'horizon. Mais bientôt, opérant sur elle-même, elle eut aussi ses constructeurs, ses savants, ses explorateurs heureux. Déjà ses propres travaux étaient lus 1 NV et consultés ; les compagnies les plus honorées de nos pro- vinces, et ersuite les plus lointaines, lui offraient échange et concours : elle avait cru faire son tour de France, elle avait fait son tour du monde. Ainsi se justifie encore une fois le mot de Virgile, agriculteur : Labor omnia vinctt. Voilà, Mes- sieurs, et sans trop de métaphores, le secret de la singulière fortune de la Société d’'Emulation du Doubs. Elle a bien con- quis le droit de frapper ses produits d'un timbre où l'abeille laborieuse figure en tête des attributs. A la fin de l'année 1870, mon honorable prédécesseur, que nous ne saurions trop remercier de son zèle à mettre nos intérêts dans l’état le plus prospère, M. Charles Grand, n’a pu vous rendre compte de nos travaux. De trop douloureuses préoccupations les avaient suspendus! Cette fois, ce n’était plus l'étude pacifique des progrès de la science et des intérêts de la civilisation qui nous appelait, c'était la grande voix même de la patrie désolée; tous, et chacun de nous selon ses aptitudes et ses forces, nous lui devions notre entier dévoue- ment. Oublions, s’il se peut, ces jours néfastes. N’avons-nous pas appris, nous qui avons eu à explorer, sur notre propre territoire de Séquanie, tant de champs de bataille que le temps avait effacés, tant de glorieux monuments de vainqueurs en- fouis sous des décombres ; ne savons-nous pas que l'esprit gaulois se réveille toujours, que la France ne périt jamais ? Reprenons donc en toute confiance, et avec une courageuse sollicitude, notre part modeste, mais active, dans les œuvres de réparation et de progrès. Un des hommes qui ont le plus fait pour l'instruction publique, un de nos plus honorables associés, un de ceux qui avaient été les premiers à voler à la défense de la patrie, M. Duruy, nous rappelait, en nous en- voyant au mois d'août dernier un exemplaire de son Histoire des Romains, ce mot de Septime-Sévère : Laboremus ! Il ajou- tait : « Travaillons pour échapper aux douleurs du présent et préparer les espérances de l'avenir. » Oui, reprenons notre travail un moment suspendu. A re Ce n’est pas seulement par ses études et la publication de ses propres travaux que la Société d'Emulation du Doubs s’est distinguée; elle à constamment tenu à honneur d'accueillir et de propager toute idée saine et généreuse, émise chez elle ou autour d'elle. Déjà en 1860, par une exposition universelle dont elle eut l'initiative et la direction, elle avait attiré l'attention du monde entier sur nos diverses industries, principalement sur notre belle industrie horlogère. Entretenue dans un état d'activité constante par la diversité de ses relations, notre Société, quoique occupée avant tout de recherches dans les sciences, l'histoire et l'industrie, a pu être appelée à l'étude de questions d'intérêt public. En 1870, elle a donné ainsi son concours à deux projets soumis à ses délibé- rations. Invitée à prendre part à l'étude d'un champ de courses, dont le but principal devait être l'encouragement aux amé- liorations de la race chevaline en Franche-Comté, elle a fait de son mieux, à l'aide d'une commission d'élite, active et toute dévouée, pour que cette utile institution, qui malheu- reusement nécessitait d'assez grands frais, ne fût pas trop ajournée. Mais il ne suffit pas de faire des vœux, d'accorder même toute son attention aux moyens de mettre en pratique les meilleurs projets : l'état où nous avons laissé la question des bibliothèques populaires et des conférences l'indique assez. Dans une ville comme la nôtre, où les grandes collections publiques offrent sans doute d'inépuisables trésors au travail- leur le plus robuste, où déjà l’enseignement des sciences, des lettres, des beaux-arts et de l’industrie, est distribué libérale- ment à qui veut y prendre part, on pouvait dire qu'en cela nous étions largement pourvus. Mais tant de personnes, et notamment d'ouvriers, n'auraient que le soir à donner à L'é- tude, que notre Société, sans trop sortir de ses attributions ni dépasser la limite de ses forces, a voulu bien faire en confiant ANRT à une commission de trente membres l'étude de l’organisation d’une bibliothèque populaire et de conférences. Fidèles aux antécédents qui nous ont valu déjà d’honorables distinctions, nous avons envoyé vingt délégués au congrès des sociétés savantes de la Sorbonne, en avril 1870. M. Résal y remportait une médaille d'argent pour ses remarquables itra- vaux sur la mécanique, et la Société recevait une médaille commémorative du prix obtenu par l'un des siens. Pour le concours archéologique ouvert dans le ressort de l’Académie universitaire, nous avions à désigner un membre du jury. M. Alphonse Delacroix a été chargé de cette mission; mais la guerre en à mis en suspens le résultat. Notre prochain volume, Messieurs, contiendra plus d’un travail instructif. M. Résal nous donne un mémoire sur la Détermination du travail mécanique nécessaire pour produire le tréfilage du fil de fer, et un autre intitulé : Considérations philosophiques sur la chaleur. M. Gauthier, une étude sur la Charte communale de Jougne, l’un des documents les plus caractéristiques de ce genre que possède la Franche-Comté; plus une note sur le prieuré bénédictin de Lieu-Dieu, près Quingey. M. Paillot, le Flora Sequanizæ exsiccata, inventaire cons- ciencieux, herbier descriptif des plantes les moins connues de la région, avec des notes curieuses sur d'autres plantes qui, transportées de loin et semées accidentellement par les four- rages, à la suite de nos armées, ont paru s’acclimater aux environs de la gare de Besancon. M. Castan, notre infatigable secrétaire, une notice sur les Sceaux de la commune de Besançon, une sur la Façade du palais de justice, et enfin le compte-rendu si intéressant de sa découverte du Théâtre romain de Vesontio, qui déjà, de partout, attire la curiosité des visiteurs et l'attention du monde savant. Üne commission, chargée de recueillir à bonnes sources les documents les plus précis, nous prépare une Statistique Dex: Re raisonnée de l’état sanitaire et des services médicaux de Besançon pendant cette lamentable période de guerre et d’épidémies, dans laquelle nos médecins de la ville et.de la banlieue ont donné tant de preuves de leur dévouement. A ces mémoires, nous aurons à joindre les lectures de la séance actuelle; plus un exposé, dû à M. Alphonse Delacroix, des antécédents et probabilités éventuelles du rôle de Besançon place-forte. Quant aux communications qui nous ont été faites dans un laps de temps de deux années, leur nombre est trop considé- rable pour que nous entreprenions d'en faire ici la revue, même rapide. En voici cependant que nous ne saurions passer sous silence : M. Jules Quicherat, dans deux opuscules contre Novalaise, a continué sa lutte, si pleine d'arguments sévères et de haute érudition, en faveur de notre Alesia franc-comtoise. M. de Rochas nous tient au courant des recherches faites aux habitations lacustres du lac de Paladru, en Dauphiné; puis il écrit, en vue d’une publication dans nos Mémoires, un savant commentaire sur le traité du poliorcète Philon de Byzance. M. Vuilleret nous a montré une nouvelle et riche série de bracelets et de plaques estampées en bronze de l’époque cel- tique, provenant de tumulus fouillés sur le territoire d’Amon- dans (pourtour d'Alaise). ; M. Emile Jourdy nous avait offert les prémices d'un travail considérable sur l’Orographie du Jura dolois, que publie la Société géologique de France. M. Gauthier, à la recherche de ces belles tombes du moyen âge et de la renaissance, qui ont d'ailleurs un assez grand intérêt historique et ne sont pas rares en Franche-Comté, a signalé d’abord à notre attention celles qu'on a distraites de l’abbaye de Bellevaux et qui servent aujourd'hui à daller des granges. Il en est qui méritent d’être recueillies dans nos musées. | — 6 — | Depuis notre dernière séance publique, cinq sociétés sa- vantes ont encore enrichi le cercle de nos relations. Ce sont, dans l'ordre des dates : La Société historique algérienne, publiant la Revue afri- caine ; La Société des sciences naturelles, lettres et beaux-arts de Cannes et de l'arrondissement de Grasse ; La Société scientifique et littéraire d’Alais; La Société florimontane d'Annecy, qui nous envoie la Revue savoisienne ; : L'Académie de Caen, échangeant également avec nous ses Mémoires. Ainsi,. notre bibliothèque, incessamment accrue de publi- cations qui nous tiennent au courant de la plupart des travaux contemporains, forme déjà une collection très précieuse, au- tant que rare en son genre. Notre Société n’a jamais été dans un état plus prospère. Aucun de ses appuis naturels ne lui fait défaut. Le conseil municipal de Besancon, le conseil général du Doubs, le ministre de l'instruction publique, tous ont des titres à sa gratitude. Aussi, s'inspirant de sa confiance en l'avenir, et sans com- promettre ses ressources du moment, a-t-elle pu faire acte de largesse et de bon exemple, en souscrivant pour une somme qui aurait pu paraître au-dessus de ses forces à la continua- tion de ce monument de la place Saint-Jean, qui sera, aux yeux de l'étranger, un des principaux embellissements de l'antique cité bisontine. Mais pourquoi faut-il, Messieurs, qu'il n y ait sur cette terre aucune satisfaction qui ne soit mêlée de quelque amertume ? Nous aussi, nous avons à compter nos morts. Dans le nombre, il en est au moins trois que nous devons rappeler à votre souvenir. Dans notre séance du 6 août 1870, nous recevions avis de la perte du général Abel Douay, tué le 3 de ce mois à Wissem- LAN DCE bourg. Il était mort glorieusement, au champ d'honneur, comme l'on dit,.mais plutôt au champ du martyre; car il avait résolument livré tout son sang pour la France, en expiation de fautes qui, dans l’origine au moins, n'étaient pas les siennes. Cet homme si bon et si brave, si modeste et si énergique, n'avait cessé, pendant sa résidence à Besancon, de prendre une part attentive à nos travaux. Quand il partit pour la frontière, notre président l'avait conduit jusqu’à la gare, et en avait recu, hélas! dans ce dernier adieu, la promesse d’un rendez-vous confraternel à notre banquet de fin d'année! Durant le cours de nos désastres, nous nous demandâmes, plus d'une fois, comment il se faisait que les échos des champs de bataille ne nous apportaient pas le nom du valeureux et savant colonel Sarrette. Hélas! nous l'ignorions, ce digne officier supérieur était mort, dans l'exercice de ses devoirs, le 6 septembre 1869, au camp de Lannemezan. Tout en déplorant sa perte et en gardant fidèle mémoire du concours qu'il prêtait avec tant d'ardeur à nos études archéologiques, nous ne pou- vons le plaindre de n'avoir pas été le désolé témoin de l'infor- tune militaire de la France : son patriotisme gaulois en eût trop souffert ! En avril 1871, autre perte bien sensible : c'était celle de M. Luc Wetzel, président de la Société d'Emulation de Mont- béliard et membre correspondant de la nôtre. Ses travaux consCiencieux sur l’ancien comté de Montbéliard, son zèle infatigable pour l'accroissement des collections scientifiques de sa ville natale, et particulièrement les relations cordiales qu'il avait su provoquer et si bien entretenir entre l’intelli- gente Société de Montbéliard et la nôtre, nous ont laissé de cet homme de bien un affectueux souvenir. Mais que ce souvenir de ceux qui ont si bien mérité notre estime et nos regrets nous serve avant tout d'exemple! Notre tâche à nous n'est pas finie. C’est en portant les yeux en haut et en avant, que nous serons dignes de la continuer, + LES BIBLIOTHEQUES INCENDIÉES DE STRASBOURG Lettre à M. AUGUÔTE CASTAN Secrétaire de la Société d'Emulation du Doubs PAR M. ALEXANDRE TUETEY Archiviste aux Archives nationales. Séance du 13 décembre 1871. Paris, le 7 décembre 1871. Mon cher confrère et ami, S'il ne m'est donné de prendre part à votre fête intellec- tuelle, je veux du moins m'associer pour ma faible part à vos travaux, en appelant votre attention sur un sujet qui, malgré la rapidité avec laquelle s’enfuient les événements les plus douloureux, est et restera toujours pour nous une triste et pénible actualité. Vous avez encore présents à la mémoire tous les désastres qui, dès le début de la guerre terrible dont nous sortons à peine, sont venus fondre sur notre malheureux pays; et, parmi ces désastres, nul, j'en suis sûr, n'a été ressenti plus vivement par vous que la ruine irréparable des bibliothèques de Strasbourg, ruine que nous devons, comme nous ne le savons que trop, à la sauvage barbarie des envahisseurs. Vous vous souvenez aussi Combien, lors des quelques instants que nous avons passés ensemble au commencement de septembre 1870, nous avons déploré cette lamentable destruction, dou- blement regrettable pour nous, comme Français d’abord, CSC: LES ensuite à notre titre d'amis du temps passé. J'ai sous les yeux l'excellente lettre de M. Rodolphe Reuss, sur les bibliothèques publiques de Strasbourg (*), que je voudrais voir répandue à profusion, dans notre chère Franche-Comté surtout, qui elle aussi a subi la souillure étrangère, et au milieu de laquelle l'embrasement de Strasbourg a eu tant de retentissement. Cette lettre, rédigée avec la sûreté de critique qui distingue M. Reuss, ne s'adresse pas seulement anx savants et érudits; elle a une autre portée. Par le sentiment éminemment patrio- tique qui l'a inspirée, elle s'adresse à tous : aussi permettez- moi d'entrer à son sujet dans quelques détails. Aujourd'hui que les bibliothèques publiques de Strasbourg, cest-à-dire la bibliothèque de la ville et celle du séminaire protestant, sont irrémédiablement perdues pour la science, la notice de M. Reuss, qui remonte à l'origine de ces collections et nous en retrace l'historique, a pour nous tout l'attrait d’un objet qui nous conserve le souvenir d’un mort chéri; elle nous rappelle toute l'importance des deux établissements, qui comptaient l'un trois cent mille volumes, l'autre près de cent mille : c'est une œuvre de plus de trois siècles, fruit des efforts soutenus de bien des générations, qu'une seule nuit a vu dé- truire. Que de trésors à jamais disparus ! Ce que nous avons perdu , ce n’est pas seulement un ensemble de collections imprimées qui pourraient à la rigueur se reconstituer; il y avait là des manuscrits uniques au monde, que l'Europe entière nous enviait. C'étaient l'Hortus deliciarum de Herrade de Landsperg, manuscrit splendide, enrichi de miniatures, véri- table chef-d'œuvre que l’on se faisait gloire de montrer à tous les curieux ; le Codex argenteus, ce livre de prières écrit en caractères d’or et d'argent sur vélin pourpre, et tant d'autres volumes d'un prix inestimable, aujourd'hui réduits en cendres. () Cette lettre, publiée dans la Revue critique d'histoire et de littéra- ture, dans la Bibliothèque de l'Ecole de; Chartes et dans plusieurs autres recueils, vient d'être éditée à part, en un vol. in-8°, 2, pe Mais la perte la plus regrettable est sans contredit celle des mayuscrits relatifs à l'histoire locale : la bibliothèque de Strasbourg était particulièrement riche en chroniques rela- tives à l'Alsace, pour les xv°, xvi° et xvri° siècles, qui devaient offrir à l’'érudit une mine inépuisable, restée malheureuse- ment inexplorée. De tant de monuments précieux 1l ne sub- siste rien aujourd'hui, sinon quelques rares extraits, quelques courtes analyses. Ce qu'il faut aussi déplorer, c'est l'anéan- tissement d’une collection splendide d'’incunables, au nombre desquels se trouvaient des ouvrages rarissimes que bien peu de bibliothéques possèdent maintenant : entre autres le Codex rationalis divinorum officiorum de Durand, impriméà Mayence par Schæffer, en 1459; le De officiis de Cicéron, imprimé par Fust en 1462; la Bible allemande de 1466, imprimée par Men- telin, de Strasbourg, etc. I ne faut pas oublier que les salles des bibliothèques strasbourgeoises renfermaient également diverses collections d'antiquités du plus haut intérêt (!), qui ont disparu sans laisser de trace. Tous ces vieux souvenirs populaires, si chers à Strasbourg, tels que la bannière répu- blicaine du xv° siècle, le bonnet rouge dont on avait orné la flèche de la Cathédrale pendant la Terreur, le fameux pot de bronze apporté en 1576 à Strasbourg par les Zurichois comme preuve d'attachement à leurs alliés, toutes ces reliques du passé, que j'avais eu tant de plaisir à voir au début de mes études historiques, ont péri dans cette épouvantable catastrophe qui à frappé si soudainement l’infortunée ville de Strasbourg. La destruction en un mot a été complète, aussi complète que les Allemands pouvaient la désirer. Ici nous abordons une question de la plus haute gravité, que M. Reuss nous parait avoir vidée à fond dans son patrio- () Entre autres celle formée par Schæpilin, dont faisait partie une borne milliaire dédiée à Trajan et énoncant la distance d'Epomanduo- durum à Vesontio, monument trouvé à Mandeure en 1718 et donné par le duc de Wurtemberg, prince de Montbéliard, à l’illustre historien de l'Alsace. QT ee tique travail : « L’incendie du 24 août at-il été le résultat d'un funeste hasard, ou bien n'est-ce pas de sang-froid que tous les trésors anéantis par l'ennemi ont été voués à la destruction ? » Oui, il faut le dire à la honte d’une nation qui prétend mar- cher à la tête de la civilisation, cet incendie, allumé par les obus prussiens, à été froidement prémédité et accompli avec cette précision mathématique que les Allemands ont toujours à leur service, surtout quand il s’agit de faire le mal. [n'y a aucun doute possible : le bombardement prussien n’a point épargné les bibliothèques de Strasbourg, parce qu'il entrait dans le plan du général aSsiégeant, de l'illustre Werder, de réduire en cendres méthodiquement les uns après les autres tous les édifices publics; et les Allemands n'ont que trop bien réussi à les cueillir successivement, suivant l'expression si Juste de M. Reuss. C'était une pression psychologique et morale (que l’on voulait exercer sur les habitants pour hâter la reddi- tion de la place. Pourrait-on admettre l'effet du hasard, quand on voit la merveilleuse habileté des artilleurs allemands qui, le 25 septembre, réussirent à toucher au troisième coup la croix en pierre surmontant la Cathédrale et à la briser ? Une excuse pareille est d'autant moins admissible que le Temple- Neuf, où se trouvaient placées les bibliothèques, était, après Notre-Dame, l'édifice le plus élevé de Strasbourg; il dominait les maisons d’une quinzaine de mètres au moins, et par con- séquent devait s'apercevoir de fort loin. Serait-ce encore par pur hasard que, pendant l'incendie du Temple - Neuf, les Prussiens firent pleuvoir toute la nuit des obus et boîtes à balles au milieu du brasier et aux alentours, afhi d'en empé- cher l'approche ? Une dernière question que M. Reuss se pose est celle-ci : « A-t-on fait tout ce qu'on pouvait pour sauver les bibliothèques aujourd'hui perdues? » La réponse à cette question est mal- heureusement négative : les précautions indispensables ont été complètement négligées ; il faut bien en convenir et recon- naître que l'on aurait pu conjurer le mal en sauvegardant ce CE |: CRE qu'il y avait de plus précieux. Nous n'en voulons pour preuve que la préservation des archives municipales, due au soin et au dévouement de M. l'archiviste Brucker, qui les descendit dans les caves de l'Hôtel-de-Ville sombardé, de même que les archives de la Préfecture, qui furent en partie déposées dans la crypte de la Cathédrale. Si l’on ne peut excuser, on com- prend jusqu'à un certain point cet oubli des précautions né- cessaires, quand on songe au désarroi administratif qui suivit les désastres si soudains du début de la guerre. Quoi qu'il en soit, les Allemands ne pourront jamais se laver de ce crime de lèse-civilisation, qui sera pour eux un opprobre éternel. Ils auront beau recourir au mensonge et faire courir le bruit que les manuscrits et volumes les plus précieux auraient échappé au désastre du 24 août et seraient aujourd'hui cachés dans quelque dépôt de Paris ou de Stras- bourg. M. Reuss prend la peine de démentir cette imputation, en déclarant formellement que l’on n’a rien sauvé, ni avant, ui.pendant, ni après l'incendie. Enfin, les Allemands auront beau faire sonner bien haut la générosité avec laquelle ils reconsttuent la bibliothèqu brülée, l'empressement que leurs libraires et savants mettent à offrir des volumes pour dédom- mager Strasbourg de ce qu'elle a perdu; rien ne saurait remplacer l'ensemble admirable que présentaient les deux bibliothèques disparues, rien ne pourra faire oublier la perte de tant de manuscrits, de chroniques inédites si précieuses pour l'Alsace. Tout cela est bien perdu, irrévocablement perdu, et tant que le nom de France existera, rien ne pourra effacer le souvenir de la barbarie systématique avec laquelle les Allemands, dignes continuateurs des Alains et Vandales, ont froidement détruit ce que les Strashourgeois avaient de plus cher, ce que ni l'or, ni l’argent ne remplaceront jamais. Je n'ai pu lire sans éprouver une émotion profonde les phrases dans lesquelles M. Reuss stigmatise, comme il le mérite, le savant système de pression morale si habilement exploité par les Prussiens, Je répéterai avec lui que «le souvenir de ces PRES trésors froidement anéantis suffirait seul pour nourrir dans nos cœurs, à côté de la douleur la plus profonde, le plus iné- branlable mépris pour tous ceux qui ont concouru à cette destruction sans nom, pour tous ceux .qui l'ont approuvée, pour tous ceux qui chaque jour encore essaient de la défendre. » Deux mots encore qui serviront de conclusion. Le sort qui menace les documents les plus précieux de notre histoire doit être pour nous un enseignement. Combien de monuments de la plus haute valeur au point de vue historique sont encore inédits ou à peine connus! Vienne une Catastrophe semblable à celle qui a fait disparaître la bibliothèque de Strasbourg, ils seront détruits sans laisser de trace. N'est-ce pas une invita- tion, à nous qui sommes voués aux choses du passé, de mettre au jour le plus possible de documents originaux ? C’est une réflexion que fait naître en moi la vue de toutes les ruines accumulées autour de nous par la démence et la furie des hommes, ruines que l'on n'aurait pas cru possibles de notre temps et qui ramènent à quinze siècles en arrière. En voyant le présent, il est bien difficile de ne pas se demander avec tristesse et inquiétude : Que nous réserve donc l'avenir ? Agréez, etc. A. TuETery. BESANCON PLACE FORTE PAR M. ALPHONSE DELACROIX. Séance du 17 décembre 1871. « La force de Bourgougne ( Franche-Cnmté) consiste aux rivières et aux montagnes; Besançon tient les rivières de Doubs, Louhe et Oignon : de l’un il tient le passage du pont dans la cité , et les autres sont à ses flancs, et il tient l'entrée des montagnes en un endroit qu'elles lui sont ouvertes de loutes parts, Ainsy quand toute la Bourgougne serait conquise et Besançon nous resterait, nous la recouvrerions. » (GiRaRDOT DE BEAUCHEMIN, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgougne, p. 179.) Loin d'ignorer que toute question doit être traitée par des hommes spéciaux, je commence par me déclarer convaincu que les solutions prises en dehors de leur autorité pèchent constamment par les côtés les plus essentiels. En parlant de Besancon considéré comme place forte, je n’aurai donc point la prétention de m'établir en concurrent du Génie militaire, représenté aujourd’hui dans cette ville par les officiers du mérite le plus éminent. Mon but est simplement de décrire en quelques mots les éléments exceptionnels de défense que présente le pays, et qui, mal connus même de la plupart des résidents, ne se manifesteraient pas spontanément au plus clairvoyant des advenus. Je m'efforcerai de mettre sous des yeux compétents ce que, nonobstant mon incompétence, j'ai pu acquérir par de longues études, après avoir beaucoup vu et constamment vécu avec les plus habiles. Aïnsi formé, mon sentiment sera, j'ose l’espérer, pour les uns l’utile expres- sion des traditions locales sur une grave matière, pour les autres une source de renseignements qu'il serait imprudent de dédaigner. L. LE JURA. Les monts Jura, auxquels appartient Besancon, forment, de la rive gauche du Rhin à la rive droite du Rhône, tant sur le sol suisse que sur la France, une espèce de forteresse naturelle, subdivisée elle-mème en compartiments, qui sont autant de places fortes. Malheur à l’armée qui s’y engagerait sans les connaître! Malheur à qui croit les connaître pour avoir voyagé dans ces régions par les grandes routes! Ces compartiments sont le résultat de longues lignes de montagnes presque toujours parallèles, allant en général du sud-ouest au nord-est, et transversalement coupées par des fossés d’une grande profondeur que les cours d’eau y creusent, notamment dans leur descente vers la Saône. Aïnsi, pour passer d’un compartiment à un autre dans le sens lon- gitudinal du Jura, il y aura toujours à traverser un fossé dont les bords sont habituellement des précipices d’une cen- taine de mètres de profondeur, mais pas de chaînes de mon- tagnes ; et au contraire, pour aller dans le sens transversal, il faudra nécessairement franchir une ligne dé faites souvent défendus du côté du nord-ouest par des escarpements, sou- vent aussi accompagnés d’un énorme sillon, comme ceux du Doubs et de l’Ain. On rencontrera donc déjà une difficulté considérable à marcher dans l’une ou dans l’autre des di- réctions; on la rencontre grande surtout si la marche a lieu depuis les plaines de la Saône jusqu’à la frontière suisse, où le Jura, après s’être élevé par une série de gradins formant de larges plateaux successifs, atteint son maximum de hau- teur. Les compartiments taillés dans ces gradins offrent gé- néralement des surfaces planes et à fond solide, qui sont à leur tour fréquemment excavées par la naissance de simples ruisseaux, dont les rives peuvent être de très-importantes murailles. Le Dre Nonobstant ces accidents, tous les points du territoire sont reliés entre eux par de bons chemins, convenablement pré- parés pour la circulation des chars, mais qu’il serait facile de couper au passage d’un compartiment à un autre, soit sur une rampe, soit sur un pertuis. Ainsi donc, propre au mou- vement comme au séjour des armées, le Jura ne livrera ses secrets qu’à une étude détaillée de sa conformation. MOYENS D'ÉTUDE. Il ne faudrait pas compter absolument sur le secours des cartes topographiques actuelles pour entreprendre une étude du Jura. La meilleure d’entre elles, celle qui semble avoir été faite pour nos armées et que l’on connaît partout sous le nom de Carte de l’Etat-Major, ne donne pas une idée claire de la disposition du Jura. Inexacte quelquefois sur les points les plus essentiels quant à l'écriture des cotes d’altitude, elle a le défaut plus grave encore de manquer totalement de qualité synoptique et de provoquer même ainsi des erreurs d'analyse quand elle rend compte du relief d’un pays acci- denté. Cet inconvénient, si dangereux pour une appréciation - militaire à faire loin des lieux, se manifeste dans l’ensemble comme dans les détails. Je ne citerai qu’un seul exemple à l'appui de mon assertion, persuadé qu'il sera concluant pour prouver l'insuffisance de la carte de l’Etat-Major à fournir des renseignements dignes d’une confiance illimitée. Durant cette longue lutte archéologique où les partisans d’Alaise ont eu tant de peine à rester maîtres du champ de bataille, la résistance de leurs adversaires ne provenait pas uniquement de l'espoir des faveurs dont elle était presque toujours récompensée ; elle avait aussi pour point de départ des plus honorables convictions les vices de la carte de l’Etat- Major ; et le résultat fut de porter l’erreur dans les travaux historiques du chef même de l'Etat. Certes, Napoléon III avait à sa disposition tous les moyens possibles de vérifica- tion et une autorité véritablement suprème sur ses collabo- rateurs. Nul ne jouit plus que lui d’un facile accès au dépôt — 17 — du ministère de la guerre, où se trouvaient les précieux élé- ments de la carte de l’Etat-Major et les meilleurs interprètes de ces documents. Nul ne posséda mieux le pouvoir d’em- ployer pour ses œuvres les topographes et les graveurs les plus habiles. Qui devait donc, en pareille matière, mériter plus de créance que l'Empereur certifiant conforme à la réalité une pièce destinée à servir de monument straté- gique ? Et cependant, lorsqu'à l’appui du second volume de l'Histoire de Jules-César, Napoléon III -produisit la carte où est figurée la Séquanie, les fautes affluèrent dans ce docu- ment. La contrée qui occupe la rive droite de la rivière de l’Oignon (Ligno), entre la terre de Villersexel et Voray, et qui est une immense vallée largement ouverte aux flancs du Jura, fut naïvement transformée en un mont colossal, plus élevé que les ballons des Vosges, en un rival sinon du Mont- Blanc, du moins de la Dôle, que l’on regarde comme le point culminant de l’ancienne contrée séquanaise. Cette bévue ne resta pas sans influence sur les considérations stratégiques de l’auteur, car il n’hésita pas à s’exprimer ainsi : « Le pays (entre Besancon et l’Alsace) se compose de deux parties bien distinctes. La première comprend la vallée du Doubs depuis Besancon jusqu’à Montbéliard, la vallée de l’'Oignon et le pays intermédiaire, contrée montagneuse, acci- _ dentée.…. César, commeil l'avait annoncé, partit le lendemain du jour de son allocution, et décidé à conduire son armée (de Besancon) par un pays ouvert, il contourna la région montagneuse el tourmentée dont nous venons de parler, faisant ainsi un circuit de cinquante mille pas qui est repré- senté par une demi-circonférence dont le diamètre serait la ligne menée de Besançon à Arcey ; elle suit la route actuelle de Besancon à Vesoul jusqu’à Pennesières, et se continue par Vallerois-le-Bois et Villersexel jusqu’à Arcey. » Or, loin que la rive droite de l’Oignon eût été impraticable pour une armée, et que, pour y éviter une « contrée mon- tagneuse, accidentée, » il fallût faire un détour par Penne- sières et y chercher le « pays ouvert, » lequel au contraire r . — 18 — cesse peu à peu à cette limite, voici la forme du terrain occupée par la prétendue montagne de la carte impériale. De Pennessières à la rive de l’Ognon la plus rapprochée, la distance est d'à peu près un myriamètre. Entre ces deux points les altitudes au-dessus du niveau de la mer sont suc- cessivement : À Pennessières, d'environ 300 mètres ; A Quenoche, de 267 dans la prairie et de 300 sur les col- lines ; À Aubertans, de 260 dans la prairie et de 274 sur les collines. A Cenans, de 235 au bord de l’Ognon et de 296 sur les collines. Or, un pays ainsi constitué est ce qu'en Franche-Comté on appelle le pays bas, ce que César désigna réellement comme le pays ouvert, ce qui, dans la dernière guerre, a été parcouru sans obstacles naturels par les armées prussiennes et fran- caises. L'usage de la carte de l'Etat-Major a donc été pour l’Em- pereur et pour ses dessinateurs l’occasion de commettre la plus monstrueuse des erreurs topographiques. On doit comprendre, d’après ces précédents, comment le Jura francais n’étant pas connu en France, et la topographie officielle ayant fourni des documents sujets à des erreurs d'appréciation des reliefs, notre armée de l'Est s’est trouvée trop souvent, dans son propre pays, jouer une affreuse partie de Colin-Maillard, luttant avec un bandeau sur les yeux contre des officiers prussiens éclairés d'avance par des études traditionnelles et par des explorations. Il convient donc, je le répète, pour une contrée comme le Jura, d’user de la carte de l’Etat-Major avec défiance. Il con- viendrait mieux encore qu’à l’avenir on exécutât, pour le dé- partement du Doubs et pour une partie de ceux de la Haute- Saône et du Haut-Rhin, la représentation en relief du pays telle qu’elle a été déjà entreprise du reste pour le département du Jura. Le dépôt d’une pareille carte dans les bibliothèques militaires de Besancon et des places de guerre voisines serait De DÉO ee le plus puissant moyen de ramener l’attention sur une contrée non moins difficile à étudier qu'importante à connaître dans ses détails. IMPORTANCE HISTORIQUE DU AURA: Le géographe Strabon est le seul des écrivains anciens qui ait livré directement le secret de l'importance politique de la Séquanie, à laquelle appartiennent les chaînes des monts jurassiens. Il s'exprime en peu de mots, maïs ces mots sont caractéristiques. « TOUTES LES INVASIONS GERMAINES, dit-il, ONT RÉUSSI- LORSQU'ELLES ONT EU POUR ELLES L'AIDE DES SÉQUANES ; ELLES N'ONT JAMAIS RÉUSSI SANS LE CONSENTEMENT DE CETTE NATION. » (Quant au sens que lé géographe attribuait au mot de Germain, il ne faut pas oublier que l'emploi de ce surnom, pour ne plus spécifier désormais que les populations trans- rhénanes, date de Jules-César seulement, qui le voulut ainsi. Les armées germaines, qui, antérieurement à Strabon, avaient eu besoin du consentement des Séquanes, étaient simplement des troupes gauloises signalées sous ce dernier nom plus général par les historiens. Celles qui s’emparèrent de Rome, et qui, selon Polybe (car Tite-Live n’a dit que des fables à cet égard), après en avoir été les seuls possesseurs pendant huit mois, se retirèrent volontairement vers les bords de l’Adriatique pour y fonder une colonie, provenaient de la contrée située entre le Rhin et le Rhône. C’étaient les Helvètes et les Séquanes qui étaient ainsi désignés, ces mêmes Helvètes et Séquanes que les an- ciens appelaient les vieux ennemis de Rome. Lorsque la bibliothèque de Constantinople existait encore et que les lacunes n'étaient pas aussi nombreuses qu'aujourd'hui dans l'histoire romaine, Besancon était signalé comme ayant été la patrie de Brennus. Le sénat romain représentait à l’empe- reur Claude que cette partie de la Gaule chevelue fournissait jadis des chefs aux nations ennemies, hostilium nationum duces. « De tout temps disait Salluste, les Romaïns ont eu cette DD règle de conduite : prendre la vertu pour guide dans toutes les affaires ; mais, contre la Gaule, lutter sans avoir souci de l'honneur. » Cet indigne procédé, appliqué à la nation en- tière, expliquera plus particulièrement encore comment Rome a: pu s'emparer du pays de ses vieux ennemis les Séquanes et les Helvètes. Attaquer de front des Gaulois n’eût pas été prudent; « car, d’après Appien, les Romains étaient surpassés par les Gaulois dans les armées, comme par les Grecs dans les lettres. » Le sénat de Rome mit donc en œuvre longtemps d'avance les sourdes menées de la poli- tique, | Rien ne trahissait aux yeux des Séquanes le profond ressentiment qui subsistait contre eux, lorsqu'une grande armée des Cimbres et des Teutons vint se briser contre Marius dans les plaines d'Aix. Voulant diriger la retraite des vaincus par la Séquanie, le roi Teutoboch y fut fait pri- sonnier par les habitants du pays et livré avec d’autres chefs aux Romains. En retour de cette mesure, qui lui fut si utile, voici comment agit le sénat de Rome. Deux ligues ennemies s'étaient for- mées dans la Gaule pour le règlement des droits de péage sur la Saône. À la tête des nations de la rive droite se trou- vaient les Edues ; les Séquanes étaient les plus intéressés sur la rive gauche : ceux-ci eurent pour alliés à l’ouest les Arvernes, à l’est les Suèves, nation transrhénane commandée par Arioviste. Le sénat, prétendant reconnaitre qu’à toutes les époques les Edues avaient été ses fidèles amis, s’empressa de leur donner un témoignage public de sa gratitude en les déclarant frères du peuple romain. Mais pendant ce même temps, il soudoyait secrètement Arioviste, qui était devenu le principal chef du parti séquane, et lui accordait, pour exciter son ambition, le titre de roi. Arioviste crée une armée permanente, obtient de ses alliés les Séquanes la permission d’établir chez eux, sur le tiers de leur territoire contigu au Rhin, des colons suèves. Bientôt, usant de son pouvoir, il introduit sur les bords de la Saône des bandes harudes, et demande pour elles le droit de 2 (2 s'installer en colons sur un second tiers du pays. Ses plans ambitieux se démasquaient. Il voulait, avec la Séquanie pour base, conquérir tont l'Occident. En effet, les nations de cette vaste contrée n'étant plus aussi bien organisées pour les exercices de la guerre que les peuples de la Saône, du Rhin et des Alpes, semblaient être une proie facile à saisir, nonob- stant la valeur personnelle de l’homme, laquelle poussait religieusement le Gaulois, dit Diodore de Sicile, à combattre nu et sans armes pour faire preuve de bravoure. Un chef édue propose à la Séquanie et à l'Helvétie d'entreprendre en commun cette conquête. Les Helvètes seuls se laissent per- suader, et partent accompagnés des Séquanes-Rauraques, chez lesquels dominait particulièrement Arioviste, et d’une peuplade de Boïens, Gaulois transrhénans. Le fait lui-même de l'attaque imprévue opérée par les Romains contre cette masse de population traversant la Saône pour aller se fixer au pays des Santons, est assez connu. Les Helvètes, écrasés et ruinés, rentrent dans leur pays, mais demeurent frappés pour longtemps d’impuissance. Aïnsi débarrassés d’une moitié de leurs vieux ennemis, les Romains tenaient déjà les autres à leur merci. En effet, ils s'étaient fait admettre comme des protecteurs par les Séquanes-Ambarres à l'occasion du passage des Helvètes. Les Séquanes-Rauraques n’aspiraient qu’à secouer la domination d’Arioviste. Quant aux Séquanes- Mandubiens, ils avaient conservé Besancon, le principal oppidum des bords du Doubs. Mais, ne voyant plus d’autre moyen de se défaire des Suèves et des Harudes, ils accep- tèrent dans leur désespoir la proposition que fit Jules-César d’abattre à son tour le complice de Rome, cet Arioviste qui voulait garder pour lui seul la proie acquise par une fraude commune et payée par les présents du sénat. Ils aimaient mieux devenir les alliés de la République romaine, comme toutes les autres nations du bassin du Rhône l’étaient déjà, que sujets du traître et cruel roi des Suèves. Celui-ci était alors occupé à préparer une invasion du pays belge par de nouvelles bandes suèves; il était donc sur le Rhin, centre de ses possessions, lorsqu'il apprit les projets de César. Le DE DA Romain, au terme de la poursuite qu'il venait de faire contre les Helvètes jusque sur le territoire de la nation lingone, devait se trouver près de Dijon. Entre les deux prétendants régnait, au contact du massif ballonné des Vosges avec les interminables chaînes du Jura, une position stratégique où allait bientôt se vider la querelle. Mais elle se trouvait, par suite d’une organisation naturelle des lieux déjà connue, subordonnée à la possession de la forteresse de Besançon. Qui donc, par une mesure préliminaire essentielle, réussira d’abord à occuper cette ville, dont la garde devra dominer'la marche des évènements ? Voici, en effet, la disposition générale du pays qui allait servir d'arène. Le Doubs, avant d'arriver à Besançon, où il se trouve contenu, au sud-est, sous les abrupts dè la chaîne du Lomont, au nord-ouest, par le flanc le moins rapide de la chaîne du Chailluz, a puisé ses eaux, d’une part, dans le Jura, d’autre part dans les Vosges. Les contrées de Mandeure, de Montbéliard et de Belfort, qui occupent en- semble toute la largeur nord-est de la dépression, appar- tiennent par leurs eaux au système du Doubs, comme, du reste, tout l’arrondissement actuel de Belfort. Les deux chaines du Chaïlluz et du Lomont, rapprochées l’une de l’autre à Besancon (8 kilomètres entre les faites), le sont donc beaucoup moins au nord-est (32 kilomètres). Aussi la pre- miere va-t-elle passer à Belfort, après avoir, sur tout son parcours, dominé d’une grande hauteur le pays bas arrosé par les eaux de l’Oignon. La seconde va s’interrompre sur le passage du Doubs à Pont-de-Roide. De ce dernier lieu jusqu’à Besancon, le Lomont ne domine pas moins la vallée du Doubs, que la chaine du Chailluz ne domine elle-même les plaines de l’Ognon. Mais sur le flanc sud-est du Lomont, et sur toute sa longueur, règne un plateau qui fait pendant à la vallée du Doubs à un niveau plus élevé de 130 à 150 mètres. La conséquence de ces dispositions est que les armées, dans le sens de Besancon à Belfort, ont, selon le besoin, deux chemins couverts : l’un en suivant le flanc sud- ET, Re est de la chaîne du Chailluz, l’autre en suivant le flanc sud- est du Lomont ; elles ont, entre ces deux remparts et sous leur protection, la voie naturellement navigable du Doubs, ainsi que des moyens sûrs, quoique très incidentés, de com- munication par terre. Besancon a donc le privilége de commander non-seulement le bassin du Doubs, mais encore indirectement ceux de Montbéliard et de Belfort, que nous avons vu en faire partie, au moyen de leurs affluents, savoir : l’Allaine, puis, trans- versalement greffés sur cette rivière, le Rupt, ruisseau plus important par le relief de ses bords que par son mince filet d’eau ; en second lieu la stratégique Lisaine, qui remplit à son tour le rôle du Rupt, en s’avançant beaucoup plus près du massif vosgien ; enfin la Savoureuse. Celle-ci, prenant son origine au-dessus de Giromagny, complète la bordure flu- viale depuis ce point jusque sous le Mont-Bart, où le Doubs vient de son côté recevoir toutes les eaux de la contrée, après avoir accompli, dans le sillon d’un des fossés les plus infran- chissables du Jura, une marche de 150 kilomètres, suivant une courbure dont le centre serait Besancon, sur lequel il va se replier. Cette ville est ainsi la gorge d’un che- nal dont l’évasement s’allonge, à gauche sur les sommités des Vosges, à droite sur les hauts plateaux du Jura, pour ÿ recueillir des cours d’eau munis de rivages toujours prêts à une défense. L’embouchure du chenal, en amont du confluent du Doubs et de l’Allaine, se réduit à cet espace parfaitement propre à une résistance, quoique seul vul- nérable, qui règne entre le point extrême du .Chailluz vosgien et l'interruption du Lomont au-dessus de Pont-de- Roide. En somme, et comme pour affirmer le dire de Strabon, ce chenal, possédé tout d’une pièce, forme la place d'armes la plus puissante de l’Europe occidentale, pour l'offensive et pour la défensive contre les directions de l’ouest, de l’est et même du nord, en raison de sa nature et de sa position dans des lignes jurassiques en tête des monts vosgiens. Dans ce système, Besancon a toujours prévalu comme SNQUREE centre forcé des affaires commerciales et militaires, et cela par le fait d’un concours de causes géologiques auxquelles on a dù le rapprochement sur ce point des chaînes du Lo- mont et du Chaïlluz, auxquelles on a dû d’autre part une dépression légère, maïs féconde en incidents, qui passe trans- versalement sur les chaînes du Jura, s’étendant au loin de Langres à l’entrée du Valais, auxquelles on a dû enfin que les trois longues vallées du Doubs, de la Loue et de l’Oignon viennent, sans se réunir, se toucher en quelque sorte près de la ville, pour s’en éloigner ensuite dans des sens divers, et établir par cette disposition six rayonnements de cours d’eau à partir du même lieu. « Besancon était, dit Jules César, la principale place forte de la Séquanie. Tout ce qui pouvait convenir à des opérations militaires s’y trouvait réuni à souhait. Il était fortifié par la nature des lieux de manière à donner une grande. facilité pour l’entreprise de la guerre. » Cette guerre commencée contre les Helvètes, poursuivie contre les (rermains, allait être la conquête des Gaules. : Arioviste et César s'étaient mis en marche le même jour, l’un pour aller au devant des Germains, l’autre pour occuper Besancon. Maïs trois jours après, ayant connu le dessein d’Arioviste, César pensa qu’à tout prix il fallait en empêcher la réussite, et dans ce but, faisant de longues marches de jour et de nuit, il arrive à la place forte et y met une garnison. La vue des lieux satisfit singulièrement César, car ses Commentaires en donnent une description méthodique. Mais un détail qui indique combien ce célèbre stratégiste était positif dans ses études de topographie, malgré la rapidité de ses marches, c’est qu'attribuant à la gorge de la presqu'ile de Besancon une largeur de 1,600 pieds romains, il a réellement dit la dimension exacte. Or, cette entrée étant occupée par un rocher dont les escarpements impraticables rendaient un mesurage direct impossible, l'opération n'avait pu être faite que par un procédé plus long et qui dénote l'emploi de géomètres, ainsi qu’un usage sérieux de la topo- graphie, Nous sommes loin aujourd'hui d'agir avec autant DE. de soins dans les opérations militaires qui exigent de la promptitude. L'époque ce Jules César fut, il est vrai, celle du plus haut point de l’habileté dans l’art de la guerre. Un géné- ral romain était alors un ingénieur consommé et un diplo- mate, un pourvoyeur pratique et un chef de bataille. César était en outre l'écrivain le plus habile à s’exprimer. Ce qu'il a dit d’une contrée au point de vue politique et militaire doit être pris à la lettre ; car chaque mot de lui porte coup, même quand il a intérêt à dissimuler, son procédé consistant alors, non pas à mentir, mais à disséminer les fragments de son récit pour le rendre insaisissable au lecteur inattentif. Il est donc intéressant au plus haut point de suivre, ayant en main une carte (qui ne soit pas celle de l'Empereur) et un compas, l'opération offensive partie de Besancon, base indispensable, contre Arioviste venant du Rhin. La route la plus directe était celle du Doubs. Mais les mar- chands et les Gaulois firent une telle peinture de ce chemin plein de profonds défilés et couvert d'immenses forêts, sur lequel pouvait apparaître le terrible Arioviste, qu'ils effrayèrent les plu: braves d’entre les Romains. Les uns faisaient leûrs testaments, les autres complotaient de déser- ter. Après s'être fait instruire de la disposition des lieux, César prit le parti de marcher au devant d'Arioviste en suivant d’abord une direction trop au nord. Mais elle le conduisait dans le pays ouvert que l’on voit s’étaler au loin vers le nord-est. Le chemin qu’il suit, chemin naturel des armées, passe à Châtillon-belle-vue, qui est un promontoir sur les plaines au sortir de Besançon, et qui semble dominer tout le pays ouvert à parcourir. César s’avance de là directement vers le point de rencontre des Vosges et du Chaïilluz, lequel est précédé du défilé si remarquable appelé Pas-de-Ron- champ; celui-ci est la porte étroite et biaise par laquelle le Rahin, affluent de l’Oignon, sort du large bassin de Cham- pagney et de Ronchamp pour se jeter dans la plaine de Lure, extrémité du pays ouvert. Il est l’entrée de la trouée dont Belfort serait la sortie, et qui, passant entre les sources de la rot Lisaine et les pentes des Vosges, puis au travers de la chaîne du Chaïlluz, coupée par tronçons à l’approche de la Savou- reuse, offrait, avant l'invention des armes de tir à longue portée, un passage unique pour les armées, résultant, si l’on . peut s'exprimer ainsi, d’un défaut de la cuirasse. La plaine de Ronchamp occupe une moitié du triangle qui git ainsi entre la base arrondie des monts vosgiens et la ligne tan-. gente du Chaïlluz. L’autre moitié consiste en un terrain inégal, sur lequel planent le Chérimont et, au devant de lui, comme sentinelle, la motte d'Etobon. La défense à opposer contre un ennemi venant du Rhin eût été formée, en-decà de la barre fluviale, par les hauteurs de Champagney, le front du Chérimont, le Mont-Bart et la presqu'ile de Man- deure. Mais Arioviste, signalé à César comme maître des oppidum de la Séquanie, n'avait-il pas des troupes préposées à la garde de quelqu'un des points de ce passage indispen- sable pour sa domination sur le Rhin et sur la Saône? Les ruines actuelles des châteaux forts de Champagney, d’Eto- bon, de Montbéliard; les restes de retranchements au con- fluent du Doubs et de l’Allaine, l’importance des monuments de l’antique Mandeure, attestent encore le prix attaché au- trefois à cette ligne. La marche de César, dans son détour par les plaines de lOignon, conduisait son armée vers le Pas-de-Ronchamp. « Le circuit opéré, disent les Commentaires, fut de plus de cinquante mille pas. » Or, cette mesure, prise de Besançon et poursuivie le long du pays ouvert, aboutit à la plaine de Champagney, par-dessus laquelle le château de ce nom et Chérimont se regardent à six kilomètres l’un de l’autre. L'armée romaine, ne voulant certainement pas traverser la ligne dangereuse sous laquelle il eût été possible de la couper, s'arrêta, suivant l’opinion parfaitement fondée du colonel Sarrette, et suivant le résultat des études que j'avais faites dans le même temps, sur la hauteur de Champagney. Les blés des Séquanes et des Edues lui arrivaient par une seule direction, qui était assurément celle du Doubs, employée déjà pour les transports. Les pays de Langres et de Toul lui en- or voyaient leurs charriots par un chemin que l’on voit encore derrière la chapelle de Ronchamp, dans la direction de Luxeuil. Arioviste, devancé par César dans ses projets d'occuper Besancon, prit un parti qui recélait certainement un piége, où l’ennemi ne tomba point. Il fit camper ses troupes en arrière de la barre fluviale et attendit les évènements. Les deux chefs eurent ensuite une entrevue à mi-chemin, entre leurs camps, qui étaient éloignés l’un de l’autre de vingt- quatre mille pas, conséquemment à douze mille pas du chà- teau de Champagney, dans une grande plaine sur laquelle se montrait un éumulus naturel assez spacieux, que le compas marque sur les vastes prairies de la Savoureuse, près de Sevenans-sous-Belfort. L’entrevue n'ayant eu pour résultat que de fournir égale- ment aux deux ennemis l’occasion de deviner leurs projets mutuels, César conserva son campement avec obstination. Puis Arioviste, qui avait d’abord suivi le même système, jugea te moment enfin venu de s’en départir, et s’avanca jusque sous le Salbert, à six mille pas des Romains. Le len- demain, pour leur couper les vivres que fournissaient les Séquanes et les Edues, il descendit dans le bassin large et plat de Ronchamp, en débordant ainsi de deux mille pas le camp de César. Celui-ci, pour ressaisir l'avantage perdu, choisit à son tour une position excellente à six cents pas en- decà des Germains, sur la motte de la chapelle de Ronchamp, et y établit un camp supplémentaire de deux légions. Ario- viste, qui était dans la plaine, ne put, malgré ses efforts, em- pêcher ce mouvement, car César l’avait opéré sans quitter le versant des Vosges; et ce fut de ces hauteurs qu'il attaqua enfin les Germains décidés à rester dans leurs camps jusqu’à la pleine lune, sur la recommandation des devineresses. Vainqueur , César poursuivit l'ennemi jusqu'à cinquante mille pas encore, où les fuyards se jetèrent dans le Rhin. Le voyage entier des Romains avait été ainsi, en«premier lieu de 30,000 pas, en second lieu de 30,000 autres pas, en tout de 100,000, dont il y a 2,000 à déduire à cause de la — 28 — contremarche nécessitée par le dernier campement des Ger- mains. Or, la distance de Besancon à la partie du Rhin la plus rapprochée est, en passant par la vallée de l’Oignon et par Ronchamp, de 98,000 pas à peu près, comme le veulent les Commentaires. Cette solution n’est point celle que donne l’auteur de l'Histoire de Jules-César ; maïs on a pu voir, par ce qui a été dit de sa carte topographique, comment d’une erreur capi- tale il a dü tomber dans une autre non moins capitale. Telle est la plus ancienne lecon de l'emploi stratégique du pays séquane que nous ait laissée l’histoire : la lutte soutenue entre le Lomont et les Vosges, la force vitale à Besancon. Après la conquête des Gaules, les Romains s’y fortifièrent, et contre les soulèvements des vaincus, et contre les ennemis d’outre-Rhin. Les mesures stratégiques auxquelles ils s’arrê- tèrent nous ont été signalées beaucoup moins par des attesta- tions historiques directes que par les points nommés dans les tracés des routes militaires antiques, et par la vue de l’ensemble des vieux châteaux forts, ceux-ci conservant presque toujours dans leurs substructions des objets de date romaine. CHAINES STRATÉGIQUES DU LOMONT ET DU CHAILLUZ. La stratégie romaine ne permettait pas aux troupes de voyager par un chemin quelconque, et à leur gré; car, avec un chef malhabile, et, du reste, par le seul penchant des hommes à choisir toujours la voie la moins fatigante, les armées s’exposeraient journellement à suivre les terrains en plaine qui accompagnent le plus souvent les cours d’eau, et à s'engager conséquemment dans le fond des vallées. Ce défaut, qui est encore aujourd’hui le nôtre, nous était déjà reproché par César, bien qu’il en tirât profit. De Besancon à Mandeure, la route militaire suivait done la chaîne du Lomont. Tous les points accessibles de cette crête ont été gardés par des castellum. Et comme chacun d’eux a été occasionné par une fracture transversale de la montagne, fracture qui a toujours traversé en même temps la chaîne du 0 Chailluz ainsi que le bassin du Doubs, il résulte de cette dis- position que de Besancon à Mandeure règne une série de compartiments reliés entre eux par la voie fluviale et par la route militaire, et dont la science des anciens temps a fortifié les lignes de défense naturelles. Châleau de Vailes. — Cette petite forteresse, dont les ruines se dressent sur des escarpements du Lomont, domi- nant de là le cours du Doubs et la gare du chemin de fer de Laissey, et auprès de laquelle on voit encore, sur la droite, les antiques terrassements de la Motte, appartient à la pre- mière dépression transversale que l’on rencontre à partir de Besancon. Une petite vallée sèche de Roulans à Pouligney, puis à la suite le ruisseau de la Corcelle, qui se jette dans l'Oignon, tel est le dessin de la fracture. En-decà, s'élèvent l'énorme pic d’Aigremont, le tertre tronqué de Châtillon- Guyotte et la masse interrompue du Chailluz bisontin. Les castellum de cette barre étaïent, outre celui de Vaites, ceux de Roulans et de Châtillon-Guyotte. La route commerciale romaiñhe de Mandeure passait sous ce dernier; elle trahit ainsi une certaine facilité d’accès du territoire de Besancon de ce côté. Dans le système actuel des armes de tir à longue portée, la défense de cette barre comporte l’occupation de trois points importants : le double pic d’Aigremont, que l’on doit regar- der comme inexpugnable à cause de sa hauteur et de ses abords ; le plateau de Châtillon-Guyotte, espèce de table de pierre sur un soubassement de marnes, qu’en raison de sa nature géologique on pourrait appeler une le corallienne (il n’est aucun spécimen de ce genre, commun cependant en Franche-Comté, qui n’ait fourni l’occasion d’un campement ou d’une construction militaire) ; enfin la sommité du Chailluz, au-dessus de Venise, autrement la Chazelle ou le Chazeau. Le quadrilatère que comprennent entre elles les crêtes du Chaïlluz et du Lomont, en-decà de la barre du Chazeau à Vaites, appartient directement à la place de Besancon, et peut y abriter les rassemblements militaires les plus considérables. Loposagium.— La seconde barre transversale que l'antique — 30 — . route militaire de Besancon à Mandeure rencontre, en suivant le Lomont, est le point même où cette chaîne se trouve coupée dans toute sa hauteur par le fossé profond de l’Audeux et du Cusancin réunis. C'était la plus admirable position mi- litaire que la nature eût jetée en avant de Besancon. Elle avait été fortifiée sur les deux rives du Doubs : la Poissenotte et Châtard sur la rive gauche du Doubs, Chüteau et le camp de Buremont sur la rive droite, un gué dé la rivière entre les deux groupes. Aujourd’hui.que le système des armes est changé, l’occupation du Mont-Domage commanderait le bassin entier de Baume-les-Dames, les roches escarpées, les vallons et le plateau du voisinage. La sommité règne entre le Doubs, qu'elle domine de plus de 300 mètres, et la crevasse de roches aux flancs abrupts que suit l’Audeux dans la direc- tion du sud, jusque sous les hauteurs des châteaux de Côtebrune et de Magny-Châtelard. Sur la chaîne du Chailluz, au nord de Loposagium, un groupe de castellum faisait pendant à ce dernier : c’étaient Montmartin et Rougemont, sur la gauche, et les châteaux de Nans, sur la droite. Loposagium était à treize mille pas gaulois, vingt-huit kilomètres et demi de Besancon. Il servait de station militaire pour les armées romaines. Velatodurum. — À vingt-deux mille pas gaulois du même Besancon, la chaîne du Lomont présente de nouveau une dépression, mais peu profonde; un camp romain s’élève sur une éminence vers le milieu de cet abaïissement de la crête : on l'appelle Camp-Brési. Le territoire appartient à la com- mune de Vellerot. C’est là que viennent passer plusieurs chemins de la Montagne, se dirigeant sur Mandeure, Mont- béliard, Héricourt, Villersexel. C'était l'emplacement de la seconde station militaire à partir de Besancon; c’est Velato- durum. Le promontoire d’Armont, qui, sur ce point, sépare le Lomont et le Doubs, voit par-dessus cette rivière, vers le nord, la ligne du Chailluz découpée par nombre de ruisseaux qui vont se jeter dans l’Oignon, et dessinée par une série de ne faites, autour desquels abondent les sépultures militaires de lofquite. Ces points culminants, appuyés du côté du Doubs par des terres élevées, dominent d’une grande hau- teur tout le pays bas. Les plus rapprochés du groupe fortifié de Nans sont ceux de Fallon et de Grammont, auxquels on allait depuis l’Armont, soit en passant le Doubs sous Saint- Georges, en face du petit castellum appelé la Tente-de-Jules- César, soit en faisant plus loin cette traversée par Pompierre, et, au-delà, en franchissant les collines de Mancenans. Vient ensuite la hauteur de Courchaton ; dont la sommité est tra- versée par une route romaine qui semble descendre à l’Isle- sur-le-Doubs, pour remonter à Camp-Brési par une vallée droite et assez régulièrement inclinée, sur la flanc de laquelle on remarque le nom d'un Bois-de-Guerre, accolé à la côte d’Armont. Si, de cette dernière, on poursuit de l’œil la série des hauteurs du Chaïilluz, on la voit bientôt perdre son unité de faîtes sur la ligne transversale dont il a été parlé déjà et que signalent le Chérimont, Etobon, les hauteurs de Porte-d’Enfer, Saint-Julien et le Mont-Bart. Par rap- port à ces divers points, Velatodurim se trouvait comme une puissante arrière-garde, pouvant aller dans toutes les directions avec sécurité, et assise sur l’inexpugnable Lomont. Aussi cette position a-t-elle donné lieu, comme celles de Loposagium et de Nans, à un groupe de fortifications : Camp- Brési d’abord, puis, au devant du Lomont, sur une onde géologique parallèle, contiguë et constamment subordonnée à cette chaîne, malgré de nombreuses alternances avec les profondes érosions du Doubs, la côte d’Armont sur la rive gauche de la rivière, et Montfort sur la rive droite. Entre les roches d’Armont et de Montfort, gît dans un trou, exactement comme le Rivotte, ou le Tarragnoz de Besancon, et par les mêmes causes géologiques, la petite ville de Clerval, avec son pont, sa grève, et aujourd’hui avec sa gare de chemin de fer, au pied de deux citadelles comme la nature sait les donner en Franche-Comté. Hs Te Camp-Brési, Montfort, Montby et les châtels de Nans for- maient la barre de Velatodurum, du Lomont au Chailluz. Cinq kilomètres en moyenne séparent ces quete points l’un de l’autre. Epomanduodurum, Mandura, Mandeure. — À vingt kilo- mètres au-delà de Velatodurum, Mandeure étalait, à l’époque antique, ses monuments empreints d’une finesse architecto- nique exceptionnelle, qui dénotait le séjour habituel des per- sonnages romains préposés à la garde des frontières rhé- nanes. Son théâtre, fruste aujourd’hui comme œuvre d'art, mais complètement conservé par ses lignes de gradins et les ruines de la scène, est aussi vaste que le furent ceux de Rome même. Il était évidemment fait pour une armée per- manente ; et cette armée, si l’on en juge par le mot préfixe Epo, auquel s’attache le sens de cheval, et qui accompagnait celui de Manduodurum, ou de Mandura, devait être princi- palement un dépôt de cavalerie. On ne saurait imaginer effectivement, pour un pareil but, __entre les Vosges et le Lomont, un lieu mieux disposé par la nature que la presqu'île de Mandeure. Sur une lieue de dia- mètre elle est formée par le Doubs à son issue des mon- tagnes, et près de son point de jonction avec l’Allaine. L’enceinte ainsi dessinée se compose d’un plateau qui s'élève en moyenne de 40 à 50 mètres au-dessus du Doubs, tandis que des plaines occupent la majeure partie de la rive opposée. C'était là, sans grand besoin de fortifications, le Belfort de l'antiquité. On y descendait depuis le Lomont par Camp-Brési, ou par les hauteurs de Neuchâtel et de Pont-de-Roide. Man- deure est donc en dehors du Lomont, quoique la route mili- taire antique ne quitte guère cette chaîne, si importante en stratégie. Grammatum. — La station eine suivante se retrouve de nouveau sur le prolongement du Lomont dans le pays de Porrentruy, à Grammatum ou Mont-Gremay, si connu par son promontoire le Mont-Terri (Mons Theoderici), dont on a fait le Mont-Terrible et le nom d’un ancien département. Grammatum, point stratégique important, défendait l’espace DE AË CE assez étroit compris entre le grand fossé du Doubs et la naissance de celui qui conduit au Rhin les eaux de la Sorne, _ affluent de la Byrse. Dans le système antique de la défense du pays entre le Lomont et les Vosges, la position de Belfort n’était qu’une partie d’un grand ensemble. Les évènements de notre récent désastre ont prouvé que l'état ancien des choses n’était pas entièrement changé aux yeux des Allemands. S'ils n’ont pas pu occuper la presqu'île de Mandeure, c’est que des troupes françaises y avaient été sagement envoyées de Be- sancon. Mais je suis certain qu’un plan des lieux était, un an avant la dernière guerre, contrôlé sur place par deux officiers allemands, et que l’atlas renfermant ce plan portait pour unique suscription et en lettres d’or le mot Camr. Mandeure et le Lomont étaient les objectifs de l'ennemi. Belfort a pu être tourné. La ligne de la Lisaine, soutenue par les hauteurs de Champagney, d’Etobon, de Chérimont, "et du Mont-Bart, ainsi que par la presqu’ile de Mandeure, n’eût pas été franchie, si elle eût été fortifiée. Cette vérité, qui semble être une lettre morte pour la génération militaire actuelle de la France, avait au contraire parfaitement con- servé sa valeur traditionnelle sur la terre de l’ancien empire germanique. En 1632, l’un des lieutenants de Gustave-Adolphe; après avoir conquis l'Alsace et enlevé Belfort, était descendu jusque devant Lure pour en faire le siége. Il disposait du comté de Montbéliard et du pays de Mandeure, qui étaient alors en dehors du parti de la Franche-Comté. Celle-ci, du côté de Belfort, avait pour limite Granges et Ronchamp. Or, il suffit à son parlement, dans un pays où chacun était soldat, de faire lever en vingt-quatre heures une petite troupe et de l'envoyer promptement sur ces mêmes pentes de Ronchamp, que l’on a vu précédemment avoir été occupées dans un cas assez analogue par César. Aussitôt l’armée ennemie, jusque là victorieuse, se replia en Alsace avec la rapidité d’une fuite ; tant il est vrai que les bonnes positions stratégiques sont de tous les temps! 3 — 34 — ie ANCIEN RÔLE MIXITAIRE DE BESANCON: Strabon nous a fait connaitre quelle avait été l'importance exceptionnelle de la Séquanie dans les évènements militaires de la haute antiquité. César et Arioviste nous ont désigné celle de Besançon, par leurs marches simultanées sur cette ville. Nous avons dit comment une véritable place d'armes régnait entre les chaînes du Chaïilluz et du Lomont, ayant à Besancon sa citadelle, sur la presqu'île de Mandeure et la ligne de la Lisaine ses avant-postes. Quelques faits conservés par l’histoire achèveront de démontrer ce qu'était et ce que doit être encore Besancon. A la mort d’Auguste, Germanicus voulant assurer l'empire à Tibère, fit prêter serment aux Séquanes d’abord, puis aux Belges et aux légions du Rhin. L'esprit de révolte contre la tyrannie de Néron commen- cant à se manifester, la Gaule se mit en tête du mouvement. Les légions du Rhin, par esprit de patriotisme latin seule- ment, se prononcaient en sens contraire sous la direction de Verginius Rufus. Bien loin de celles-ci, dans les provinces méridionales, les cohortes gauloises avaient pour chef l’Aquitain Julius Vindex. Or, en quelle cité les deux armées vinrent-elles proclamer leurs résolutions? Elles n’allèrent ni à Rome, capitale de l'empire, ni à Lyon, devenu la plus grande ville de la Gaule. Elles vinrent se livrer bataille de- vant Besancon, sur les Champs latins, le Bois-Néron et d’autres lieux des communes de Fontain et de Pugey. On sait une autre révolte des Bataves et des Gaulois, sous la conduite de Civilis et de Sabinus. Ce dernier voulait être empereur, Où vint-il essayer de se faire proclamer? En Sé- quanie. Ayant transféré le siége de l'empire à Byzance, Constantin crut devoir s'assurer de la fidélité des Séquanes. Il faisait, Late ainsi que son épouse l’impératrice Hélène, des dons à la ville de Besançon. Il confia à une légion appelée Maxima sequanica le fameux étendard, le Labarum. Son fils Constance suivit une politique toute contraire, mais qui ne dénote pas moins l'importance qu'avait à ses yeux la Séquanie. Ne pouvant détruire ni les Vosges, ni le Jura, il résolut de ruiner toutes leurs villes et de dépeupler le pays jusqu’à quarante lieues du Rhin. Ce que l'ennemi n’eût pu accomplir, le souverain le mit à exécution au moyen de son armée composée d’Alamans. Puis, comme ceux-ci, Gau- lois d’outre-Rhin, paraissaient vouloir se fixer eux-mêmes en ce lieu désolé, il les fit exterminer à leur tour par Julien, qui fut plus tard empereur. On a de ce dernier une lettre qui peint l’état de ruine absolue de Besancon et célèbre les roches de sa citadelle «-à peine accessibles, disait-il, aux oiseaux eux-mêmes. » L'histoire militaire de la ville perd toute importance durant des siècles après cet acte monstrueux de dépopulation de la Séquanie. Mais il ne put être complet et ne fit qu’un temps d'arrêt dans la propagation d’une race que protégeaient en sa misère des milliers de cavernes, des escarpements boisés et surtout ces îles coralliennes, dont il a déjà été parlé, in- destructibles oppidum, et qui, habités ou non, devraient tou- jours être classés, par prudence, parmi les places fortes éven- tuelles, sinon permanentes. L'empire romain eut longtemps pour limite les deux rives du Rhin. Son système de défense était tout entier sur la rive gauche du fleuve. I] fut composé de trois divisions militaires, appelées Germaines, dont l’une a porté le nom de Maxima Sequanorum, comme la légion chargée du Labarum de Cons- tantin, et comprenait, entre autres places fortes, Besançon, qui formait de la sorte une arrière-garde inséparable de la frontière. Route militaire de Besançon à Langres. — De Besançon à Langres, il y eut deux routes militaires différentes sur une partie du parcours. La plus ancienne paraît avoir été par Vaux, Placey, où est _— 36 — un camp rond sur une hauteur ; Ruffey, qui fut un oppidum sur un petit et rare escarpement des bords de l’Oignon, les vieux chemins de la colline de Colombin, que la tradition locale désigne comme un champ de bataille de César contre les Gaulois, entre Avrigney et Charcenne; Apremont, devant les premiers gués de la Saône, avec la presqu'île où furent une ville antique, un port, un aræ, groupe le plus précieux de la célèbre rivière aux yeux des stratégistes de tous les temps; Vars /Varsia), autour duquel se voient encore de grandes traces de campement et notamment celles du Mont- Verrat. C’est à ce dernier point que la route de Langres redevenait commune avec une autre ligne, celle de Châtillon-belle-vue, Cussey, Montboillon, Malbuisson près de l'ile corallienne d’Oiselay, Segobodium (Seveux sur la Saône). Après ce long détour la route regagnait Varsia. Seveux et Vars étaient deux stations romaines. Route militaire de Besançon à Chalon-sur-Saône. — La route militaire de Besancon à Chalon-sur-Saône a varié aussi. Elle parait être primitivement sortie de la place forte par le col de la Jorande, au-delà de la ferme de ce nom, pour aller gagner ensuite Arguel et la montagne, la descente rapide du Chemin-des-Romains sur Aveney, puis un gué du Doubs sous la Peyrouse d’Avanne. Elle se continuait par Grand- fontaine et Routelle, où elle rencontrait une ville d'Enguin, aujourd’hui effacée du sol, puis un nouveau gué très-solide, qui donnait entrée dans la forêt de Chaux sur la rive gauche du Doubs. Mais la route donnée par la Table de Peutinger marque sur la rive droite une station de Crusinia, au confluent du Doubs avec le ruisseau de l’Arne, à 15 lieues gauloises de Besancon. C'était un camp considérable, connu sous le nom de Camp-d'Orchamps, mais qui, dans les terriers de la com- mune de Lavans, auquel il appartient, est appelé Jura. On gagnait la station suivante par la rive droite du Doubs, et on arrivait, après un trajet de 19 lieues gauloises (42 kilomètres), à un passage du Doubs, en amont du confluent de cette rivière CNY 1 Re et de la Saône, passage gardé par la station nommée Ponte- Dubris, aujourd’hui Pontoux. La route de Pontoux à Chalon avait encore une longueur de 14 lieues gauloises (31 kilomètres), qu’elle parcourait sans quitter la rive gauche de la Saône. Le tracé de cette route de Besancon à la Saône, au travers d’un pays découvert, avait pour objet de couvrir la navigation | du Doubs. Mais des traces parfaitement nettes et bien con- nues signalent deux autres routes militaires, convergeant aussi vers la Saône : l’une sur la rive gauche du Doubs, par Routelle, la forêt de Chaux, Rahon, Saint-Barraing, As- nans, Beaumeix, lieu fortifié, avant d’arriver à la forêt de Dissey, enfin par Pierre; l’autre sur la rive gauche de la Loue d’abord, de Port-Lesney à Rahon. Cette dernière com- plétait ainsi, au travers de l’immense plage, entre les mon- tagnes du Jura et celles de la Côte-d'Or, cette voie naturelle que dessine une falaise de sable continne, haute d'environ 30 à 40 mètres, qui accompagne sans interruption les rives gauches de la Loue et-ensuite du Doubs, depuis l'extrémité du Lomont jusqu’au bord de la Saône, et domine con- stamment la plaine où coulent ces rivières. Cette importante falaise fut la ligne à laquelle vint s’arrêter la grande bataille, dont on ignore le nom, mais dont les tra- ditions locales ont parfaitement conservé le souvenir. Le courant de cette bataille venait de l’embouchure de l’Ouche sur la Saône. Il a laissé son empreinte dans les vocables des terriers communaux de Saint-Jean-de-Losne à Asnans. Comme souvenir de la victoire, un tertre de terre fut élevé sur le Mont-Allègre et consacré à saint Victor. C'était proba- blement la fameuse bataille des Francs et des Bourguignons, dans laquelle Clovis vit une partie de l’armée ennemie se rallier subitement à lui. Or, la rive gauche de la Saône et tout le pays que baiïgnaïent le Doubs et la Loue étaient alors repeuplés par des colons, aïeux des soldats de Clovis, c’est-à- dire par des Amaves, des Attwares, et d’autres Wares, qui ont laissé après eux sur la Franche-Comté les désignations de pagus Amaviorum, pagus Altwariorum, pagus Varasco- ELLE "Re rum, etc. La falaise de la rive gauche du Doubs avait donc été dans la grande bataille, non pas uné occasion de défaite, mais au contraire de victoire pour les indigènes, puisqu'ils s'étaient ralliés à l'ennemi venu de la vaste plaine qui s’éten- dait depuis la Saône jusqu’au tertre du Mont-Allègre. Il ne faut pas oublier, à propos de cette plaine, que, tra- ” versée par la Belaine, espèce d’égoût fangeux dont le cou- rant est trop faible pour le volume des eaux, elle peut être rendue marécageuse par quelques barrages de terres jetées * de loin en loin sur le lit de cette rivière. La route militaire par Crusinia et Ponte-Dubris offrait donc des dangers qui n’existaient pas pour la rive gauche du Doubs relativement à un ennemi venant du nord. Routes militaires de Besançon à Lyon. — La route de Chalon-sur-Saône conduisait à Lyon; mais il y eut deux autres voies non moins importantes, selon les époques, l’une passant par Nyon (Colonia Equestris), sur les bords du lac Léman, l’autre par la rive nord-ouest des monts Jura. Le chemin militaire par Nyon était commun avec celui d'Iverdun (Suisse) sur une partie du trajet. Il ne quittait celui-ci que sur le plateau de la Chaux-d’Arlier pour gagner de là Perrena sur les Planches, puis les Rousses. Sa sortie de Besancon avait lieu par la Bro, Fontain, Montrond et le plateau d’'Amancey, dont il franchissait la montagne à la Brosse, près de Déservillers. Il laissait sur sa gauche le massif du château d’Ornans, presqu'île corallienne tellement inacces- sible qu’elle fut proposée durant une guerre d’extermination comme propre à sauver une partie de la population franc- comtoise. On doit encore signaler sur ce chemin le plateau d'Aman- cey, qui est le plus vasté oppidum naturel et le plus fort qui puisse être rencontré nulle part. On doit tenir un grand compte aussi du défilé sur les Planches, à l'extrémité des rochers du Couard. C’est l'angle formé par deux lignes remarquables. L’une qui est une longue chaîne de rochers bordant, sur 50 kilomètres de longueur, ce que l’on appelle communément le plateau de Pontarlier ; l’autre, au contraire, — 39 — qui consiste en un fossé profond avec des escarpements con- tinus : c’est le lit de la Seine, petite rivière à cascades, qui, après avoir dessiné de concert avec l’'Emme le grand oppidum de la Chaux-des-Crotenay, mêle ses eaux à celles de sa com- pagne et va se jeter dans l'Ain. Sur le parcours du chemin de Nyon se montrent deux îles coralliennes : la plus petite, qui portait le château de Montrond; la principale, sur laquelle reposait avec ses tours la ville de Nozeroy. Entre les routes de Lyon, par Chalon ou par Nyon, a existé la voie intermédiaire, sans stations connues, qui suit la rive nord-ouest des monts Jura. C’est, à proprement parler, une série de refuges contre les grandes invasions du pays. Nous négligerons donc d’abord la voie qui, partant de Besancon et passant par Fontain, suivait sur la crête du Mont-de-Lune, entre les rives rapprochées du Doubs et de la Loue, le Chemin-des- Romains, puis gagnait successivement les Jovinets, le castrum d’Abbans-Dessus, et, un moment interrompue près de Lombard par la dépression du Lomont, reprenait ensuite son niveau élevé jusqu’à Port-Lesney; en ce dernier endroit, le Lomont est coupé par le passage de la Loue, et ne se relève plus que pour s’éteindre avec les collines de Mouchard. Mais une ligne plus importante est celle qui, de Fontain, allant traverser la Loue à Chenecey, longeait ensuite la colline du Landet, des Gaux et de By, ce que dans les débats d’Alaise-Alesia on appelle la colline extérieure, pour gagner directement le Mont-Poupel de Salins. Cet oppidum naturel, d’un aspect théâtral, et qui semble avoir été créé pour l'état actuel des armes de tir à longue portée, est le complément capital de Salins place forte. Il domine les forts de Belin, de Saint-André, la ville, et de plus, quoique à une longue dis- tance, la gare actuelle du chemin de fer de Mouchard. Il do- mine aussi les chemins naturels d’ascension du pays bas vers les hauteurs du Jura, chemins qui passent sous le massif d’Alaise à Myon, où, dans la dernière guerre, ane armée prus- sienne est venue, après avoir répété, pas à pas, le mouve- ment stratégique de César à la poursuite de Vercingétorix. Il AD EE domine enfin l’esplanade, redoutée jadis des hommes de guerre, qui s'étend du fort Belin aux ruines de la puis- sante forteresse de Sainte-Agne. L’esplanade est close du côté d’Alaise par la vallée de Saïzenay à Nans, du côté opposé par le bassin de Dournon. Elle barre le passage. Mais comme de Myon, il est facile de monter par le Bergeret, puis par les - Gaules ou même par le Champ de Guerre de Coulans, sur le plateau d’Amancey, c’est Myon lui-même qu’il convient de battre depuis Poupet. - Les chars peuvent gravir Poupet depuis le village de Saint-Thiébaud, traverser sa sommité et redescendre vers Salins par le territoire de Saizenay. On peut évaluer à près d’un kilomètre carré la surface très-irrégulière, il est vrai, qui constitue le Peu ou Podium de Poupet. L'eau n’y est pas abondante. On ne devrait y compter que sur des citernes à établir, soit sous une petite source, soit sous des versants de terrain qui seraient appropriés à cet effet. Mais, en des- sous des rochers escarpés qui forment les crêtes nord, nord- ouest et sud-ouest de l’oppidum, règnent de longues pentes de marnes pleines de sources, et dont l’abord serait protégé par l’occupation de la sommité. Au-delà de Salins, sur un plateau qui règne entre la vallée de l’Aïn et l’immense plage du pays Bressan, s’élève un pli de terrain, large à peine d’un demi-kilomètre, pentes com- prises, et qui court presqu’en ligne droite du nord-nord-est au sud-sud-ouest, affectant, dans un trajet de plusde cinquante ‘kilomètres, l'aspect d’un rempart. C’est, non: pas géologi- quement, mais au point de vue stratégique, la continuation de la défense naturelle qu'offrent le Lomont, de Besancon à Pont-de-Roïde, ainsi que la colline extérieure alésienne entre les montagnes de Besançon et celles de Salins. On l’ap- pelle l’Euthe, l’Heute où Leute, suivant qu’elle traverse telle ou telle contrée. On l’a fortifiée jadis sur tous les points où elle se trouvait rompue. Elle accompagne sur une assez grande longueur les bords de l’Aïn, qui prennent ainsi jus- qu’au Rhône le rôle dont la nature avait doté le Lomont jusqu’au Rhin. L’Eute, d'une part, la ligne des escarpements RP T RSS qui règne sans interruption de Salins sur les villes d’Arbois, de Poligny et de Lons-le-Saunier, d’autre part, constituent entre eux un plateau singulièrement bien approprié pour . servir de refuge à des provinces entières contre les invasions des temps barbares. Tous les abords de ce plateau ont été fortifiés. Les fractures de l’Eute, à Montrond, puis à Mirebel et à Verge et Binans, ont donné lieu à des châteaux forts qui dominaient le bassin de l’Ain. Les forteresses de Grimont- sur-Poligny et de Château-Châlon défendaient le bord nord- ouest du plateau. Les castramétations antiques de Sermu, sur Baume-les-Messieurs, de Coldre, sur Lons-le-Saunier, enfin des Poits-de-Fiole, où aboutissent les routes antiques du pla- teau dans la direction du sud, complétaient le système de la défense du lieu. Le sol est aujourd’hui presqu’entièrement occupé par une immense forêt, dans laquelle existe une ca- verne dite de Saint-Bilbalbo, qui a pu servir d'asile, même dans le siècle actuel, à de nombreuses populations. Des milliers de tombelles de l’époque celtique couvrent le sol aux abords des fractures de l’Eute, et témoignent par leur présence de luttes gigantesques dans les temps antiques. En retrait de ce plateau, du côté du sud-est, se trouvent d’autres défenses du Jura non moins puissantes. En face de la trouée de l’Eute ou Montrond, s'élève la plus magnifique des {les coralliennes, celle de Montrivel. C’est une plate-forme triangulaire, d’un kilomètre de côté, élevée de 200 à 250 mètres au-dessus des plages environnantes ; elle ne serait dominée par rien, même dans le système actuel du tir à longue portée, si, à quatre kilomètres de distance, à l’est, n'existait pas la crête, plus haute encore, de la montagne de Fresse. | Route militaire de Besançon à Iverdun et à Orbe. — Quoi- que les villes d'Orbe et d’Iverdun, toutes deux séquanes à l'époque romaine, soient aujourd’hui sur la terre helvétique, la route militaire et garnie de stations qui conduisait dans ces localités mérite d’être tenue en considération. Elle était, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, commune avec la route de Nyon, jusqu’à la Chaux-d’Arlier, d’où elle gagnait le ES 49 — massif du Laveron. Celui-ci est circonscrit par les marais du Drugeon, par le Doubs de Pontarlier au lac Saint-Point, par cette grande nappe d’eau, enfin par la vallée de Sainte-Marie ‘et de Bonnevaux. Une ancienne tradition dit : Entre le Doubs et le Drugeon, Mourut Gérard de Roussillon. Le grand nombre des tumulus que l’on voit en ce lieu dénote l'importance militaire dont il a joui. On descendait du Laveron pour traverser, par un gué perpétuel, l'extrémité nord dulac Saint-Point, où se trouve le Chemin-des-Sar- razins. La route se continuait date après avoir franchi la vallée de Fontaine-Ronde, vers un col très-élevé entre la sommité du Suchet et l’Aiguille de Baume. Ce point, situé sur territoire suisse, y affecte le nom de Porte-de-César. La partie française contiguë est appelée Bramafan, mot qui, du reste, plus ou moins altéré, semble s'être attaché à des stations sur la partie culminante d’une chaîne de montagnes ; on le retrouve sur les Alpes au moment de descendre dans la vallée d’Aoste. A la Porte-de-César se .trouvait probablement la station d’Abiolica, que des documents mal relevés m'avaient fait supposer près de Levier, ancienne Ariarica de l’Ilinéraire d’Antonin. De Bramuafan à Iverdun, où se trouvait la station suivante, la distance est, conformément à la Table de Peutinger, de 6 lieues gauloises, ou de 13 à 14 kilomètres. C’est également de cette hauteur que l’on descendait à Orbe. La Porte-de-César est une entrée facile de Suisse en France. On peut de là, en évitant le fort de Joux, tirer à droite vers les Verrières et gagner les Portes-d’Orchamps, ou tirer plus à gauche pour passer entre les lacs Saint-Point et de Remo- ray, où le pont Sainte-Marie n’est défendu _ par son ma- récage. Chemins contraires à l’intérét dela Place. — La voie stra- tégique la plus contraire aux intérêts de Besancon est celle qui, des gués de la Saône déjà signalés près d'Apremont, = À$ — gagnait ceux du Doubs à Routelle, et de là soit à gauche, les Chemins-de-Jules-César vers Myon et Alaïse, soit à droite, celui qui, après avoir traversé les bois de Mouchard, gravissait la pente du Mont-Begon au-dessus de Marnoz. Sous les noms de Chemin-de-la-Bataille et de Chemin-du-Mercier, le dernier tra- versait les hauteurs au sud-ouest de Salins, sans toucher à cette ville, gagnait Supt, puis les montagnes du Jura. Une autre voie, qui ne parait pas avoir été purement commerciale, car ele s’appelle par endroit Chemin-de-Jules- César, allait de Loposägium à Aïssey, rencontrait dans les prés du Valdahon la Vie-aux-Bœufs, autre route antique allant de Besancon à Vercel et au-delà, puis, traversant le Valdahon, montait peu à peu vers Saint-Gorgon et la plaine de Pon- tarlier. R TIT. RÔLE MILITAIRE DE BESANCON DANS LES TEMPS MODERNES. Au temps des guerres d’agrandissement de la France, Richelieu voulait avoir la Franche-Comté, sans laquelle il ne lui était pas possible d'entreprendre la conquête de l’Alle- magne ; et la maison d'Autriche, alors unie à celle d'Espagne, tenait à garder la Franche-Comté par un sentiment contraire. Ainsi qu'on peut le voir dans les précieux mémoires de Girardot de Beauchemin, véritable homme d'Etat du parti ger- manique, et auquel il fut donné de très-bien connaitre, rela- tivement à cette province, la politique militaire de l'empire d'Allemagne, il était de tradition : Que de la possession de la Franche-Comté dépendait l’en- trée ou la clôture de l'Allemagne ; Que cette possession dépendait à son tour de celle de Be- sançon ; Que Gray était, entre les mains allemandes, la clef de la France; car de ce point à Paris, Orléans et Lyon, il n°’ÿ avait EN Vire plus «ni montagnes, ni forêts, ni rivières, ni forteresses. » On ne tenait pas compte de Langres, capable pourtant de faire obstacle. Pour utiliser les défenses naturelles du pays, on mettait habituellement toute la population franc-comtoise sous les armes, et, au premier ordre du parlement, chacun gagnait les lieux stratégiques accoutumés. Aujourd’hui que le régime unitaire de la France ne per- met plus à un homme de rester dans son coin de terre pour le défendre, le pays de Franche-Comté a perdu certainement une partie de sa valeur. Il convient néanmoins d’en étudier les parties capitales. La différence des armes et des usages depuis les temps antiques n’a rien enlevé à son impor- tance essentielle. L’annexion de la Savoie à la France a même rendu à Besancon la possibilité de rétablir, par le débouché de là rivière de l’Aïn sur le Rhône, le moyen le plus sûr de recevoir du Midi les ressources nécessaires contre le Nord. Mais, d’un autre côté, l’ancienne Séquanie d’abord, puis la Franche-Comté, ont été singulièrement subdivisées. La Suisse en possède une partie notable, puisqu’au nord elle occupe, sous les noms de Jura bernois et de canton de Bâle, toute la largeur des monts Jura, et qu’à partir du département du Doubs, elle possède les hauteurs sud-est de ce vaste massif, ENTRÉES DE LA SUISSE SUR LE DÉPARTEMENT DU DOUBS. Des entrées faciles ont été données à la Suisse sur la France, dans le département du Doubs : 41° De la Franche-Comté bernoïse, par ce que l’on appelle le Clos-du-Doubs. C’est une presqu'île, enclavée en quelque sorte dans le territoire francais, entre la rive gauche du Doubs et la rive droite du Dessoubre. — La défense de la France, par rapport au Clos-du-Doubs, se trouve reportée sur la rive gauche du Dessoubre et sur l’espace étroit qui sépare de la vallée de Morteau le pays de Venne. 9° De la Franche-Comté neuchâteloise, sur Morteau et sur (ST ECS - Pontarlier. — Sur toute cette longueur, la défense est réduite à la rive gauche du Doubs, derrière laquelle ont existé, un peu en arrière, des castellum depuis le Haut-Cicon jusqu’au passage des Ages et à Venne. 3° Du canton de Vaux par la Porte-de-César, dont il a été déjà fait mention. Mais comme un ennemi venant de Suisse pouvait, à sa con- venance et selon les cas, choisir son point d’entrée, on avait coutume, depuis cet état des choses, de ne compter que sur Besançon, disposé par la nature pour résister et prêter sa résistance aux longues lignes de montagnes qui s’enchaïnent de là vers le nord et le nord-est, vers le sud et le sud-ouest. Le danger d’une invasion par la frontière suisse se trouvait ainsi annulé. CHEMINS ACTUELS DU PAYS. Les anciens chemins naturels, ou Chemins-du-Mercier, pas- sant habituellement sur les hauteurs ou sur les points de partage des eaux, ont presque généralement cessé d’être utiles aux habitations actuelles. Ils n’ont conservé qu’une valeur d'indication stratégique. Comme les chemins vicinaux sont aujourd’hui aussi nombreux que les communes, comme ils sont toujours en bon état et réunissent ensemble tous les villages du pays, il est évident qu’ils remplacent, pour les troupes en marche, les chemins militaires de l'antiquité. Mais leur emploi peut occasionner de durs mécomptes, s’il n’est pas dirigé par le sentiment des directions générales, et par l'horreur antique des marches militaires au fond des vallées, dans un pays comme le Jura. CHEMINS DE FER: L’élablissement des chemins de fer en France, ayant précédé | l'éducation des hommes préposés à ce genre d'étude, se trouve affecté de vices regrettables. Ces vices ont été ag- ET gravés encore, dans les départements de l'Est, par le sentiment excessif des intérêts privés des compagnies concessionnaires, en face de la concurrence et surtout en face du régime gênant des places fortes. Aussi le tracé -des voies ferrées, dans la division militaire de Besancon, s’est-il trouvé, par un malheureux concours de circonstances, avoir été établi, au point de vue stratégique, exactement comme si l'ennemi l’eût fait préparer pour la dernière guerre. | Au lieu de suivre les anciennes lignes administratives de circulation, les lignes des malles-postes, et de créer un chemin de fer direct de Paris à Lyon, et un autre de Paris à Besançon, il a été construit un troncon intermédiaire, bifurcant depuis Dijon, et destiné dès lors à faire d’une ville ouverte, trop peu éloignée de la frontière, le centre principal du mouvement dans l'Est. Cette première faute opérée n’a pas été l’unique. Les intérêts rivaux de la compagnie de Lyon et de la com- pagnie de l’Est n’ont pas permis et ne permettront peut-être pas, si le gouvernement n’y met bon ordre, qu’il existe jamais un chemin de fer direct de Langres à Besancon, et de Besan- con au fort de Joux. Il en existe un déjà, — cela est vrai, — de Langres à Gray; mais de cette ville à Besancon, il sera continué avec un long détour et approprié, au moyen de courbes à court rayon et de pentes rapides, pour des demi- convois seulement. Il en sera de même pour le chemin de fer, autorisé par une loi, de Besancon à Morteau, et qui, jusqu’à ces derniers temps, semblait destiné à ne préparer en rien l'avenir d’une voie sur Pontarlier et sur le fort de Joux. Ainsi se trouvait condamnée d’avance la ligne stratégique qui eût uni Langres et Besancon, en passant sinon au point si im- portant d’Apremont et de Mantoche, du moins par Gray, qui touche ces localités. Et cependant cette voie serait la route directe de Paris à Milan par le Simplon! Langres n’a pas été mis en meilleur rapport avec Auxonne, ni Besancon avec Salins. Mais à un myriamètre, soit de Langres, soit d’Auxonne, soit de Salins, soit de Besançon, des gares de bifurcation ont LÉ — 47 — été créées. Chacune d'elles est assise comme si elle avait été imaginée sous l'influence de l’ennemi. Elle donne à l’en- vahisseur l'approche de la place forte correspondante, et le passage à l’abri des feux de celle-ci. Elle fournit en outre le moyen de l’isoler par rapport aux autres, l’usage s'étant établi en France de n’avoir plus de communications que par les voies ferrées et la télégraphie électrique. Elle prive la forteresse de secours et d’approvisionnements. Eh bien! ce problème si complexe s’est trouvé, dans la dernière guerre, avoir été complètement résolu, et cela avec tous les avantages imaginables pour l'invasion germanique. En effet, de la Lorraine un chemin de fer conduit à Port- d’Ateley sans rencontrer d’obstacle. De là on bifurque sur Vesoul et sur les derrières de Belfort, par la ligne de gauche ; sur Chalindrey, à un myriamètre de Langres, par la ligne de droite ; sur Franoïs, à un myriamètre de Besançon, par la ligne intermédiaire de Gray-Ougney-la Barre; sur la Marche, à un myriamètre d'Auxonne, également par Gray; sur Mouchard, à un myriamètre de Salins, par la Barre, Dole et Arc-et-Senans. De Chalindrey, on construit un chemin de fer sur Dijon ; mais en attendant qu'il soit terminé, l'ennemi trouve à la Marche une bifurcation sur cette même ville. À Franois il coupe les communications de Besançon avec les bassins de la Seine, de la Loire et du Rhône, ainsi qu'avec les forts de Salins, de Joux et des Rousses. Il isole entièrement la ville, si ce n’est du côté de Belfort, mais à condition encore que le Pas-de-Ronchamp et la Lisaine resteront entre nos mains. De Mouchard, grand centre de ramifications, l'ennemi va à Franois, à Dole, à Lons-le-Saunier, à Champagrole; et par une attention pleine de prudence, la voie qui s'élève vers Pontarlier depuis Mouchard, au lieu de passer sur la petite vallée de Pretin et sous le fort Saint-André de Salins pour aller à la station de Pont-d’Héri, évite entièrement le canon de la place en passant par le flanc sud du massif de Begon, pour arriver cependant au même point, et avec la même longueur de trajet. HR ES Comme, entre les forteresses de Belfort, de Langres, d’Auxonne, de Besancon et de Salins, le point stratégique le plus important pour une armée d’invasion consiste dans les gués de la Saône, sous Apremont et Mantoche, pour l’en- nemi le fragment stratégique le plus important des chemins de fer sera conséquemment celui de Gray à la Barre. Gray sera dans l’Est son point central. NATURE DES VOIES FERRÉES. Le réseau de voies ferrées, que l’on pourrait appeler de Franche-Comté, consiste assez généralement en chemins à une seule voie. Des gares d’évitement disposées dans chaque station servent à abriter un train tandis que le passage est livré au train venant en sens contraire. Tel-est le caractère commun à toutes ces voies. Mais elles sont divisées en deux classes. Les unes, dotées de courbes et de pentes normales, peuvent recevoir des convois entiers; les autres, en raison de la raideur des pentes et de la restriction des courbes, ne sont pratiquables que pour des demi-couvois au plus. Un train ordinaire s’y brise et obstrue la voie. De ce genre de chemin de fer est celui qui, de Besançon à Lons-le-Saunier, occupe la ligne directe de Lyon à Belfort. Aussi dans la der- nière guerre, le service de cette voie a-t-il trompé les pré- visions de l’autorité militaire, de l’intendance et des popula- tions, les unes et les autres étant mal informées de cet état - des choses. La ligne de Gray à la Barre est également un chemin pour des demi-convois. Il en est de même de la voie, à peine terminée, de Besancon à Vesoul. Le zig-zag projeté de Mise- rez-Besancon à Gray sera probablement dans les mêmes con- ditions, afin que la voie Paris-Langres-Gray, qui appartient à la compagnie de l'Est, ne puisse pas être utilement pro- longée jusqu’à Besançon et à Pontarlier, et profiter, au dé- triment de la compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée, d’une abréviation qui serait d'environ 35 kilomètres de parcours. Les voies à courbes et à pentes normales, comme celle de — 49 — Dole à Besançon, restent exposées, dans le cas exceptionnel de presse que commande la guerre, à une autre sorte de danger. Ordre ayant été donné, dans la dernière guerre, de suppléer à l'insuffisance de la voie directe de Besançon-Lons- le-Saunier par l’emploi de la ligne de Dole, sous la menace de l'ennemi, on jeta sur cette dernière voie des convois doubles. Les Prussiens, parfaitement avisés, en laissèrent passer. Mais lorsque vint le moment du retour, et qu'il fallut abriter des convois de 80 wagons dans les gares d’évi- tement, celles-ci n’ayant pas une longueur suffisante, la voie était obstruée par le débordement du train garé. Cet accident livrait à l'ennemi la masse des convois en retard. Il est encore une autre conséquence beaucoup plus grave du défaut de prévision stratégique dans l’organisation des chemins de fer de cette région. C’est qu’il y a deux espèces de gares, celles d'intérêt local, et celles d’un intérêt plus général où se trouvent les longs paliers pour stationnement, les vastes magasins tant pour le trafic que pour le maté- riel. Or, chacune des places fortes de l'Est que déservent les chemins de fer a été dotée d’une simple gare d'intérêt local. Les grandes gares sont à Dijon, à Dole, à Chalindrey, à Gray, à Port-d’Ateley, à Mouchard même, c’est-à-dire en villes ou- vertes ou dans des. villages. Il faut donc, au moment d’une invasion, ou que les compagnies sauvent leur bagage en l’expédiant au loin, ou qu’elles l’abandonnent à l'ennemi. Elles ont fait l’un et l’autre dans nos récents désastres. Be- sancon, sans être assiégé, a été à plusieurs reprises privé de ses moyens d’approvisionnement. Quant à ceux de la der- nière armée de l'Est, ils sont restés ou à la disposition de l'ennemi, ou constamment loin des troupes. ORGANISATION STRATÉGIQUE DES CHEMINS DE FER: Pour réorganiser les chemins de fer de l'Est, il convien- drait de faire trois genres d'opérations : 4° Etablir dans les places fortes de l’Est, lesquelles sont aussi dans chaque contrée les centres les plus importants de 4 he 00 population, des gares suffisantes pour abriter, le cas échéant, . tout le trafic et tout le matériel du réseau; 2° Rendre directe et propre à transporter les grands con- vois, la voie projetée de Gray-Miserey-Besancon ; disposer la voie autorisée de Besancon à Morteau de telle sorte qu’elle s'accorde avec une ligne sur Pontarlier et Jougne, dans des conditions d’une bonne exploitation ; 3° Rectifier les courbes et les pentes de la voie de Besançon à Lons-le-Saunier et à Bourg, pour la rendre propre à rece- voir de grands convois ; 4° Enfin prévoir dans l'avenir une voie éminemment stra- tégique, laquelle relierait le Doubs et Besancon au Rhône par la vallée de l’Aïn, l’une des vallées les mieux abritées qui soient en France contre les entreprises ennemies. Elle aurait pour objet de fournir un courant d’approvisionnement con- tinu depuis le midi de la France vers le nord-est. Partant de Besançon par les plateaux, elle serait dirigée sur les hauteurs de Salins, gagnerait la ligne déjà faite d’Andelot à Cham- pagnole, et descendrait avec l’Ain jusqu’à la vallée du Rhône. Par cette reconstitution, sur des bases normales, des rap- ports qui doivent exister entre les places fortes de l'Est, et de celles-ci vers le sud, on parviendrait peut-être encore, ce qui n’est pas superflu, à rappeler dans Besancon le commerce des blés nécessaires comme appoint à la consommation suisse. La malheureuse combinaison, qui avait jeté sur l’Est deux compagnies rivales et créé deux intérêts primitifs contraires, a par cela même stérilisé, dès leur début, la grande voie ferrée dite du Pied-du-Jura, et l’embranchement établi du milieu de cette ligne vers la Suisse. Il y eut un intérêt de Mulhouse à Belfort, un intérêt de Belfort à Bourg; et il fallut une troisième compagnie pour supprimer la solution de continuité de Bourg à Lyon. Au moyen de correspondances mal établies, parce qu’elles l’étaient à contre-cœur, il devint impossible de compter sur un trajet direct continu de Lyon à Mulhouse. Au moyen de l’organisation du fragment Besan- con-Bourg en chemin à demi-convois, on rompit la possibi- m8; {Med lité de maintenir le trafie séculaire qui, au temps du roulage, avait fait la fortune de la longue ligne du Rhône au Rhin. Enfin on imagina de transporter à Mouchard un centre du commerce suisse qui était à Besancon. Or, le grand commerce de blé dont cette ville jouissait, pour alimenter les cantons de Berne, de Zurich, de Neuchâtel et de Vaud, se trouva déplacé, non pas au profit de la gare de Mouchard, mais à celui de Bâle. En effet, la Suisse avait eu le temps d'établir, malgré d'assez mauvaises conditions de tracé, sur le pied sud-est du Jura, ce que la France avait négligé de fonder sur le pied nord- ouest de ces montagnes. Le commerce des blés, ruiné à Besancon par la maladresse de l'administration francaise, cesse d'offrir dans cette place l’approvisionnement toujours prêt qu’en temps de guerre on eùt été heureux d'y rencon- trer et qu'il convient de recouvrer dans l’avenir. DÉFENSES DE BESANCON. , Comme toutes les places fortes, celle de Besancon doit être préparée contre l'ennemi, quelle que soit son origine. Mais elle doit être prémunie, et contre cette Allemagne du sud dont elle faisait partie à l’époque des villes libres impériales, et principalement contre les plages de la Baltique, où jadis erraient, suivant Hérodote, les Scythes européens. Les descendants de ces derniers, deshérités comme eux d’un climat fructifiant, ou des facilités du commerce direct par l'Océan, jettent sans cesse un œil avide sur les pays plus favorisés que baïgnent le Rhin, la Seine, la Loire et le Rhône. La civilisation, qui renaît sans cesse d’elle-même dans ces régions tempérées, semble n'être qu’un fruit exotique dans l’ancien pays des Scythes. Elle peut y atteindre le mérite d’un haut perfectionnement, mais non celui de l’indigénat. Car il y aura toujours dans la partie pauvre de l’Europe quelque chef mécontent de son lot, employant le labeur de ses sujets à organiser la guerre, pour se ruer au moment opportun à la conquête d’une demeure sur le Grec et le Gau- lois. Il y aura sans cesse un barbare de race blanche dans le RE Ru nord-est. C’est contre ses entreprises que la France doit se tenir constamment armée. Aujourd’hui le sort de la France tient de trop près à celui de Paris pour que cette grande capitale, trésorière des nations, objectif certain de l’ennemi, ne soit pas mise à l'abri de tout danger. Mais les fortifications dont on l’entourera, quelle qu’en soit la puissance, ne rempliront, s’il m'est permis de m’exprimer par une image, que le rôle d’un bouclier. C’est à Besancon que la nature a placé la poignée de l'épée. Le bras qui tient l’arme s’avance depuis les rives du Rhône; la pointe est sur le Rhin; la garde est à la hauteur du confluent du Doubs et de l’Allaine. L’épée atteindra de flanc, par der- rière les Vosges, l’ennemi qui marcherait du nord vers la Seine. Pour employer un langage moins figuré, je dirai qu’une invasion opportune de l'Allemagne est le seul moyen d’em- pêcher celle de la France; et que dans ce but Besancon doit être approprié pour emmagasiner, dans les proportions les plus considérables, tout ce qui est utile à ce genre de guerre, et pour former à l’abri de ses montagnes une grande armée offensive. | Quand César disait de Besançon : Idque natura loci sic muniebatur, ut magnam ad ducendum bellum daret faculta- tem, deux choses n’existaient pas, qui sont aujourd’hui du plus grand poids dans la guerre : les chemins de fer et les armes de tir à longue portée. Ces deux innovations, loin d’atténuer la vérité de ce que disait le conquérant des Gaules, n'ont fait que la confirmer. FORTIFÉCATIONS DE LA PLACE. Le général Donzelot, à qui les îles loniennes ont dû d’être fortifiées et de résister à la puissance maritime anglaise tout le temps du premier empire, se plaisait à se figurer une défense de ce Besancon où il avait été élevé. Il arrivait à NA, LIRE penser alors qu'avec 10,000 hommes de bonnes troupes, et des chefs qui connaîtraient parfaitement les méandres du Doubs combinés avec les pentes et les escarpements des mon- tagnes si variées du pourtour, on tiendrait victorieusement tète à 100,000 assiégeants. Aujourd’hui, il ne conviendrait plus de conserver en leur état rudimentaire ces défenses na- turelles extérieures, et la puissance des armes récentes com- mande en outre la suppression d’une partie des remparts existants qu'elles ont rendus inutiles. La citadelle, bien que dominée de toutes parts et pouvant être battue du haut en bas, n’a pas cessé d’être inexpugnable. L’impossibilité de la prendre est trop connue pour que l'ennemi se décide jamais à en faire le siége. [1 lui manquait des casemates capables d’abriter les munitions et les hommes au repos. Les grottes Calcis, dont le prolongement de Tar- ragnoz à Rivotte, au travers du massif du rocher, vient d'être prouvé par l’administration du Génie militaire, four- niront à la citadelle le complément d’abri désiré. Le lit du Doubs en forme de cercle, qui entoure la vieille ville, ne la préserverait pas d’un bombardement; mais il constitue une défense qui n’a jamais fait défaut. Louis XIV a tenté de la forcer depuis le pied de Chaudane, mais il a échoué. Les remparts de la presqu'île n’ont plus d’autre valeur que celle d’un quai; mais cette enceinte, accompagnée du Doubs pour fossé, forme au-devant de la citadelle une seconde ligne infranchissable. Il n’en est pas de même des remparts de la rive droite : leur inutilité devant les armes actuelles est évidente. Il ne reste plus d'autre mode de fortification pour l’ensemble de la ville que dans la création d’une nouvelle enceinte très- étendue et très-simple de forme, protégée par des forts avancés. A Besancon, la vue des lieux commande tellement le sys- tème général de la défense, qu’à la réserve des détails, dont la connaissance appartient exclusivement aux hommes spé- ciaux, et de quelques parties moins bien arrêtées que les ER du autres par la nature, une opinion publique a pu se former sommairement sur le choix des points à fortifier. Cette opinion ne peut pas être infaillible ; elle ne doit pas être loin du vrai: essayons de l’exprimer. ENCEINTE CONTINUE. On assigne généralement à la nouvelle enceinte de Besan- con, le fort des Justices, comme tête avancée vers le nord- ouest. Une ligne serait tirée de là vers Rognon, ou par la Butte, ou en enveloppant Saint-Ferjeux dans son parcours. Inutile de dire que ce dernier système serait préféré, afin de ne pas laisser à la disposition de l'ennemi un groupe d’un millier d'habitants ainsi qu’une série de combes protectrices pour des batteries ennemies. Du fort des Justices, une autre ligne s’étendrait vers l’est, en couvrant le groupe de Saint-Claude, jusqu’au Point-du-Jour. De ce point élevé, elle descendrait en suivant, dans la direction du fort de Palente, les parties les plus saillantes du terrain, et gagnerait ainsi la rive culminante du bois de Chalezeule. La ligne devrait-elle envelopper le hameau de Palente? On le désirerait, mais on sent qu’il y a là une difficulté de nature à ne pàs être abordée de prime-saut par des personnes incom- pétentes; car cette combinaison rendrait nécessaire l’établis- sement d’un ouvrage de quelque importance sur le faite qui précède la trouée ouverte entre les combes de la forêt de Chaïilluz et le village de Thise. Or ce faîte, quoique muni du côté le plus convenable d’abrupts et de pentes rapides, ne dépasse pas en altitude le mont situé de l’autre côté de la trouée, derrière le village. Il en est même dominé de quel- ques mètres, et non pas de cent et quelques mètres, comme l’a dit par erreur la carte de l’Etat-Major. La difficulté me paraît néanmoins pouvoir être résolue par les hommes spé- ciaux, et, admettant qu’il en soit ainsi, je poursuis. L’enceinte serait tracée, depuis le fort de Palente, en sui- vant constamment le sommet des pentes qui descendent rapi- dement dans la plaine de Ghalezéule et sur les bords du DEN". pas Doubs. On la continuerait ainsi par Clemtigney, puis le long du petit escarpement du mont de Bregille, jusqu’au point où il se détache à angle droit du faite de la montagne pour descendre à la Roche-Boimie et au barrage de Saint-Léonard. L’enceinte continuée au-delà de la rivière, sur la rive gauche du Doubs, occuperait nécessairement, puisqu'elle est toute faite par la nature, les crêtes des Sabanas, de la Bro, du fort des Buis et du fort de la Jurande. Elle pourrait se con- tinuer jusqu’à la déclivité subite de la crète de la Jurande, où passe un ancien chemin transversal, et redescendre sur Casamène qu'elle couvrirait, ainsi que Velotte, en regagnant Rognon. Le petit fort de cette montagne formerait un angle rentrant de l'enceinte. Ainsi dessinée, celle-ci comprendrait beaucoup de pentes rapides qu'il serait impossible d’habiter ; mais elle fournirait pour longtemps la place nécessaire à l'extension de la popu- lation et de ses industries. La banlieue de Besancon ne ren- fermait guère que 2,000 âmes il y a un demi-siècle ; elle en va compter quinze mille, puis dépasser ce chiffre, si le mou- vement d’accroissement ne s’arrête pas. Dans cette ville, située au pied d’une région montagneuse et froide, il suffit d'offrir un salaire pour qu'un preneur descende aussitôt des villages du Jura. En effet, ces villages, en raison de leur grande salubrité, ont une mortalité assez faible, et sont obligés de livrer à un courant continu d’émigration le tiers, la moitié même de chaque famille. Si Besancon ne s’est pas accru en proportion des facilités que lui présentait cet état de choses, c’est que l’intérieur de la ville n’offrait pas une surface de rez-de-chaussée suffisante pour les industries les plus habituelles, et que celles-ci ont longtemps redouté de se répandre dans la banlieue, où les parties les plus avantageuses étaient soumises aux servitudes militaires. Ce qui a le mieux réussi dans cette ville, ce sont les industries qui, comme l’horlogerie, occupent les étages des maisons, — 56 — ENCEINTE DES FORTS DÉTACHÉS. A peu d’exceptions près, les points convenables pour l'éta- blissement des forts détachés ont été marqués, durant la dernière guerre, par les ébauches de travaux de l’adminis- tration du Génie militaire, ou par des postes de troupes pré- posées à la défense de la place. Ces dispositions diverses, nonobstant les difficultés de l’improvisation , ont obtenu un succès réel et qui ne saurait être oublié. La quiétude des habitants devant les manœuvres de l’ennemi eût été complète avec un Chailluz et un Planèze armés, ce que les ressources laissées daris la place ne permettaient sans doute pas d’entre- prendre. Le système naturel de la grande défense de la place doit reposer en effet sur trois forteresses à fonder aux sommets de Montfaucon, de Chaïlluz, de Planèze. De l’une à l’autre, l'enceinte serait complétée par des forts intermédiaires. Forteresse de Montfaucon. — Cette sommité, qui bat le che- min couvert de Besancon au pays de Mandeure le long du Lomont, domine en même temps : Les gués du Doubs à Chalèze, et l’unique chemin à voiture qui de ce village montait jadis sur la plate-forme du Lomont pour se diriger soit sur le château de Montfaucon, soit au village actuel, et redescendait de là, ou à droite par la Charrate et Vaussevin, dans la direction de la Porte-Taillée, ou à gauche vers la voie romaine du marais de Saône et de Pierre-Ecrite, laquelle, aux temps gaulois, aboutissait à la Bro, puis aux temps romains passait à la Chapelle-des-Buis ; Les abords des sources d’Arcier, qui alimentent la ville; Palente, emplacement naturel d’un camp ennemi dans les blocus de Besancon, ainsi que l'indique le nom de Camp resté à une partie du territoire, et ainsi que le fait s’est reproduit en 1814; Les derrières du Mont-de-Bregille et sa plate-forme ; La ville et la citadelle; A AR La crête et les flancs de la montagne de la Chapelle-des- Buis; La crête et les flancs de la montagne du Trou-au-Loup, de Pierre-Ecrite et de Fontain; Le marais de Saône. Le marais de Saône est une plaine d’un fond extrêmement solide, sans pente d'aucun côté, et où la stagnation de l’eau a produit, du côté de la Vèze, une excroissance de tourbe. Les sources qui le parcourent viennent toutes se réunir au Creux-sous-Roche, où elles tombent dans une caverne habi- tuellement couverte de détritus. Cette caverne a passé d’abord sous le village de Saône, en y montrant, sur une vingtaine de mètres d’étendue, un beau ruisseau. Dans les temps de très- fortes pluies qui produisent les inondations, le ruisseau devient une rivière, inonde le marais de Saône et le convertit parfois en lac durant des mois entiers. On est convaincu que si la caverne du Creux-sous-Roche était définitivement fer- mée, le marais de Saône resterait un lac. Au moyen d'un souterrain d’un kilomètre de longueur, qui serait établi de Morre au marais de Saône, on dériverait toutes les sources qui descendent dans cette plaine. On en recueillerait dix à douze litres de bonne eau à la seconde dans les plus grandes sècheresses, à une hauteur suffisante pour abreuver même la citadelle, résultat à ne pas négliger, quoique cette dérivation doive être faite au détriment de. l’aqueduc d’Arcier. Mais le résultat stratégique de cette opération serait de permettre, pour la défense de la place, de transformer à volonté le marais de Saône en un lac de 6 kilomètres de longueur au devant de Montfaucon et de la montagne de Pierre-Ecrite. En outre du bénéfice de sa grande hauteur sur le Lomont, Montfaucon possède encore celui d’avoir, au-dessous de ses escarpements du nord-ouest, des sources qui ne peuvent pas lui être disputées, et souterrainement une assez grande ca- verne que l’on pourrait rendre abordable depuis la forteresse, soit au moyen d’un puits muni d’un escalier, soit par l’éta- MENT" EE blissement d’un chemin taillé en encorbellement dans la partie la plus abrupte des rochers. De la caverne, un second puits plus étroit irait puiser l’eau sur-un banc de marnes liassiques. La forteresse de Montfaucon semble comporter une lon- gueur double de celle qu’occupe l’ébauche actuelle. La ca- verne se trouverait sous la partie à prolonger. Forteresse de Chailluz. — À peu près dé même hauteur que Montfaucon, Chailluz, sur les roches de Bonnay, domine les plaines de l’Oignon d'environ 400 mètres. Ce qui carac- térise cette montagne, c’est la continuité de ses abrupts sur une grande étendue. Cet accident, en prolongement d’une forteresse, produirait contre une armée l'effet auquel est destinée une jetée dans la mer contre des navires ennemis. Il étendrait au loin la défense de la place et empècherait les mouvements tournants. Si la brume des plaines et des vallées n’y mettait obstacle, l'œil découvrirait, depuis les sommités de Chaïlluz, le cours entier de l’Oignon, son origine dans les Vosges, son embou- chure sur la Saône. Par un temps clair, on distingue de là les hauteurs fortifiées de Belfort, l’éminence de Langres et le fort Belin de Salins. Des signaux de nuit pourraient même, par une atmosphère propice, être établis entre ces points. Encadré entre le Doubs, l’Oignon, le ruisseau de la Cor- celle et Besancon, le tronçon de Chailluz, qui appartient à la région de cette ville, offre à une armée une formidable dé- fense. Il suffirait d'élargir le sentier de la crête du mont pour que de là le canon, circulant sans obstacle, püt battre à une courte distance 15 à 20 kilomètres de longueur de l’Oignon. Dans la dernière guerre, l’ennemi ayant trouvé fermé autour de Mandeure le chemin couvert du Lomont, essaya d'attemdre Châtillon-belle-vue, dit aussi Châlillon-le-Duc, lequel est un promontoire du Chaïlluz. Il existe, en effet, sur cette hauteur, une sorte de haute vallée limitée au nord- est par un contrefort du Chailluz, au nord-ouest par la rive escarpée des Rancenières, au sud-est par la petite crête de LE 10e Saint-Genugoux, au sud-ouest par les deux mottes de Valen- tin. Ce quadrilatère renferme Châtillon-belle-vue, Fallenay et les habitations des Rancenières. Il est en partie occupé par des marnes, qui alimentent sur toute la longueur un petit ruisseau souterrain. Cette voie humide, que j'ai eu l’occasion de faire connaître et de mettre au jour pour les jardins de l'asile d’Ecole, fournirait des puits abondants. Tel qu'il est, le terrain offre à un ennemi une position voisine de Besan- con, bien défendue riaturellement et qui pourrait abriter une armée de 20,000 hommes destinée soit à bombarder d’une part la ville, soit à couvrir d'autre part une invasion par le pays ouvert. Le groupe Châtillon-Tallenay était évidemment un objectif de l’armée ennemie. Dix-sept mille Prussiens vinrent pour l’occuper alors qu’il n’était pas encore défendu. Mais ils en furent repoussés par 2,000 hommes et quelques habitants du lieu, accourus en toute hâte sur la ligne lége- rement escarpée de Châtillon, au Calvaire de Miserey. Deux canons, amenés au dernier moment avec une vitesse extrème, suffirent pour compléter cette belle défense, qui coûta de grandes pertes à l'ennemi. On voit, à la traversée de la crête de Saint-Gengoux par l’ancienne voie romaine, des rudiments d’une fortification légère qui défendit ce passage. L'importance de ces lieux a été consacrée par un dicton populaire de Besancon : Châtillon me chätie. Après leur échec de Châtillon-belle-vue, les Prussiens paraissent avoir voulu recommencer leur tentative d'un autre côté. Des ordres auraient été donnés pour ramener de Belfort les pièces de siége et les diriger sur Besancon. Elles auraient quitté la route près de Marchaux, pour se diriger sur Braillans et suivre jusqu’à Tallenay le chemin dit du Bas-de-la-Côte, lequel conduit au travers de la forêt jusqu’à Saint-Gengoux, à Tallenay, ou même à la hauteur de Champagne, d’où l’on domine et Châtillon et Besançon. Ce chemin du Bas-de-lu- Côte mérite d’être observé. Forteresse de Planèze. — Le mont Planèze, ou Planoise, est un troncon de l’onde géologique à laquelle appartiennent AO les autres troncons de Rognon, de Chaudane, de la citadelle et de Bregille. C’est la plus haüte de ces cinq montagnes alignées. Sauf des dimensions principales plus considérables, dues à une plus haute émersion de l’onde sur ce point, Pla- nèze est une reproduction du rocher de la citadelle. C’est un Gibraltar. Il affecte la forme d’un carré long. Deux de ses côtés plongent sur le Doubs, les deux autres regardent Be- sancon et la plaine de Saint-Ferjeux. Ce dernier est le plus accessible : c’est par lui que l’on gravit la montagne depuis le village d’Avanne et depuis la Malcombe. Un troisième chemin conduit encore sur la sommité : il part également de la Malcombe, passe sous les escarpements du nord-est, con- tourne l’angle oriental de la montagne, et en atteint le som- met, après avoir gravi une rampe de 15 à 20 pour 100. Le pays bas commence à se prononcer depuis le pied de Planèze. On le voit s'étendre avec les vastes plaines qui sé- parent le Jura et les côtes de la Bourgogne. A droite, il donne la vue des plaines de l’Oignon, par-dessus la colline des Tilleroyes. | Planèze, plus élevé et plus large que Rognon et que Chau- dane, voit, par-dessus leurs sommets étroits et par leurs côtés, les abords de la citadelle en contact avec le Lomont, d’une part, les abords de Besançon rive droite, d'autre part. La masse de la ville ainsi que la citadelle lui restent seules cachées. Mais ses avantages stratégiques sont énormes. Complètement défilée par rapport aux montagnes d’où pourrait lui venir une attaque, sa plate-forme penche lége- rement vers les terres de Saint-Ferjeux, comme pour fouiller mieux les inégalités de cette plaine mal dressée. Par-dessus la colline du Saint-Esprit et des Tilleroyes, Planèze domine la vallée de la Chaille et de Pirey. Il bat de 3 kilomètres et demi de distance la gare de Fra- nois, où bifurquent les chemins de fer conduisant à Mouchard, à Dole et à Gray. Il bat le gué du Doubs sous la Peyrouse d'Avanne, et un peu plus loin celui des Rapides de Rancenay, que gardait jadis un camp fortifié sur le Mont-Rapin. Là était une formi- EAU QE dable presqu'île, dont les armes nouvelles ont diminué la valeur. . Il bat le Chemin-des-Romains, continuation du gué de la Peyrouse, et qui, d’Aveney, s'élève sur les hauteurs du Lomont par une pente rapide, autrefois unique. Il bat les routes de Dole, de Salins, et de la Montagne par Beure. | Il bat les deux flancs de la montagne escarpée de Montfer- rand. Il bat le flanc des rochers d’Arguel et la rive gauche du Doubs, jusqu’au territoire de Vorges. | Il bat la vallée des Mercurots, jusqu’au devant de la Cha- pelle-des-Buis, ainsi que le flanc nord-ouest de la montagne de Fontain. Il bat le bois de Peu et toute la Jurande. Sur sa plate-forme, Planèze peut avoir de l’eau par le moyen de puits qui seraient creusés au fond d’une combe, et qui atteindraient un faîte souterrain de marnes liassiques. Une petite source existe déjà au fond de cette combe. EORTS ACCESSOIRES: Entre les trois forteresses de Montfaucon, de Chaiïlluz et de Planèze, des forts moins importants ont leurs places mar- quées. Fort de Thise. — Il est battu par Chaïlluz et par Mont- faucon, à quatre kilomètres ; par Palente et le Relançon, à deux kilomètres. Il bat la route de Marchaux et de Baume, l'entrée du souterrain du chemin de fer sous le bois de Cha- lezeule, toute la plaine de Thise, la gare du chemin de fer à Roche, le gué du Doubs et l’antique chemin des hauteurs à Chalèze, tout le versant nord-ouest du Lomont, dont il éclaire les rentrants jusqu'aux sources d’Arcier, et même jusqu’au Grand-Vaire. Il plonge dans une sorte de vallée transversale du bas de la forêt de Chaïlluz, et bat par ce pertuis le flanc de la haute montagne. Relançon sur les Montarmots. — Cette extrémité orientale — Dr de la côte des Montarmots domine la forêt de Chaïlluz; elle est plus élevée que le fort de Thise, le soutient, et complète son action particulièrement dans le sens du revers du Chailluz. C’est derrière le Relancon qu’en 1814 l’ennemi avait massé des troupes, hors de la vue de Besancon, et de ma- nière à garder les communications du gué de Chalèze au gué d'Avanne. Du Relancon à la sommité de Chaïlluz existe le chemin dit de Bonnay, qui est presque direct. Châtillon-belle-vue. — Cette ancienne forteresse apparte- nant essentiellement au système de Chailluz, il en a été déià fait mention à propos de ce dernier. Son rôle, en outre de ce qui a été dit, doit être de contribuer, avee les forts dont il va être parlé, à la garde de la station du chemin de fer de Mi. SÉTEY- Ut Mont-Chailloz, Framont ou Château, la Coulue. — Ces trois points, situés sur Miserey, Pouilley et Pirey, sont des faîtes qui continuent au sud-est les lignes géologiques de Châtillon; ils deviennent nécessaires pour protéger la gare de bifur- cation des chemins de fer placée à Miserey. Un intérêt nou- veau s'ajoute à cette considération, si importante déjà par elle-même : c’est qu'une saline, sur l'énorme gissement trouvé d’après mon indication, va être établie en-decà de la gare, et que la place de Besancon pourra être ainsi approvi- sionnée de sel sans nulle peine. Cette denrée minérale était autrefois, en Franche-Comté, l'équivalent d’un trésor inépui- sable; car à ces époques de communications lentes, bien différentes de la rapidité, sinon de la sécurité des chemins de fer, le parlement s’empressait, en taxant le sel à un prix élevé, de faire contribuer l’ennemi lui-même aux frais de la guerre, nul ne pouvant se passer de cet appoint de tout ali- ment commun. Aujourd'hui la nécessité d'avoir dans une place forte, à un moment donné, une quantité considérable de sel n’a pas entièrement cessé. Cette matière conserve la chaïr des bestiaux, en temps de siége, plus sûrement que le fourrage ne parvient alors à conserver ceux-ci en état de vie. Le Mont-Chailloz, Framont et la Coulue, tous trois situés sur ER TS les bancs inférieures du calcaire oolithique, peuvent être dotés de puits creusés jusque dans les marnes liassiques, à des profondeurs parfaitement admissibles. En dehors de cette ligne de forts extérieurs, l’ennemi ne trouverait d’abri couvert, du côté de l’Oignon, que derrière les collines des Auxons et de Chaucenne. Mais ces points sont tous plus bas que le groupe dont il vient d’être parlé d’au moins 70 mètres quant à leurs sommités, et de 100 à 150 “mètres quant aux vallées. Gravier-Blanc, Montboucon, Saint-Esprit. — Ces trois points occupent les deux extrémités et le centre d’une colline assez doucement ondulée pour une montagne jurassienne, mais forte néanmoins par sa position et parfaitement placée pour soutenir l’arrière de la ligne dont il vient d’être question. Son office serait d’une part de clore par les feux du Gravier-Blanc l'intervalle du Chaïlluz et des Montarmots, d'autre part de garder la gare de Franoïis depuis la hauteur du Saint- Esprit. La colline masque entièrement à l'ennemi qui serait dans le pays bas la vue de la ville de Besancon et de sa banlieue. Arguel. — Les ruines de l’ancienne forteresse d’Arguel ont été armées dans la dernière guerre; mais elles sont dominées par la continuation de la même montagne vers le sud-ouest. Vu l’escarpement des lieux dans tous les sens et la conser- vations des anciennes substructions, Arguel pourrait encore servir à un poste pour battre le haut vallon de Pugey. Mais il serait avantageusement remplacé par un autre fort que l’on établirait au signal d’Arguel. Fontain-Arquel.— Durant les péripéties de la même guerre, un rudiment de redoute a été placé sur une éminence entre Fontain et Arguel. Cette sommité, qui s'élève à 270 mètres au-dessus de la ville, n’en est distante que de quatre kilo- mètres. Elle bat le haut vallon de Pugey ainsi que le versänt du col de ce nom qui n’est pas vu de Planèze. Elle com- mande la porte qui, de la Cluse de Pugey, s'ouvre sur l’an- tique champ de bataille de Julius Vindex, et sur le premier plateau du Jura. Elle domine la route militaire antique que APE = l’on voit s'étendre par-dessus le fossé de la Loue, vers les milliers de fumulus des champs de bataille d’Alaise et le mont Poupet de Salins, distant de 95 kilomètres seulement. Elle garde les sources de Pugey et de Fontain, sans les- quelles une armée campée sur les Champs-Latins, le Bois- Néron et les prés-bois du chalet d’Arguel périrait de soif. L’une des sources, celle du bas de Fontain, a conservé autour d'elle une fortification de terre dont, à l’époque romaine, il avait paru nécessaire de protéger son chétif, mais précieux produit. Les retranchements opérés sur la sommité Fontain-Arguel ont recu de la part du public le nom de Fort-Rolland. Fontain. — Sur la même crête de montagne, à deux kilo- mètres plus au nord-est, se trouve marquée naturellement, en raison de son altitude, de son escarpement, d’une part, et de ses pèntes rapides, d’autre part, la place d’un fort destiné à servir d'appui au précédent, du seul côté où celui-ci serait abordable, et à couvrir la ligne d'enceinte du bois de Peu. Pierre-Ecrite. — Le passage des chemins antiques de la . Ghapelle-des-Buis et de la Bro donnait autrefois une impor- tance militaire extrême au point de jonction conservé par la nature entre la crête de la Jurande et celle du mont de Fontain. On a même souvent regretté que la citadelle de Besancon n’eüt pas été ‘installée en cet endroit, lorsque Louis XIV en fit reconstruire les fortifications. À l’époque du blocus de 1814, l’ennemi avait élevé, sur le mamelon du Treuchot un terrassement d’où il pût voir la citadelle et envoyer des obus sur la ville. En raison des marnes liassiques auxquelles appartient la majeure partie de cette sommité, il est facile de s'y procurer de l’eau. Roche de Morre et Rochefort. — En dessus du village de Morre, mais au dessous de celui de Montfaucon, existe une plate-forme, menacçante surtout pour la citadelle et pour Bregille, si elle était laissée aux mains de l’ennemi. Elle peut, étant fortifiée, fournir un excellent trait-d’union entre Pierre-Ecrite et Montfaucon. Du point culminant de cette lo- Dh | RE calité, on bat le vallon de Morre, un peu celui du vieux château de Montfaucon, assez mal la partie du marais de Saône la plus rapprochée. La sommité dite de Rochefort ne jouit pas, au ARE du premier de ces avantages, mais elle bat toute la plaine de Saône et tout le flanc sud-est de la chaîne du Lomont. C'est vers ce point que venaient se croiser les anciens chemins de la Charrate et de la Peyrouse. On peut avoir de l'eau de source au pied de Rochefort, et établir des puits sur la marne oxfordienne qui passe dans cette région. LA CITADELLE, BREGILLE, CHAUDANE: Le rocher de la citadelle, avec ses deux acolytes, Bregille et Chaudane, formeraient un réduit entre les forteresses de l’enceinte, et les soutiendraient. La citadelle est une forte- resse qui peut être foudroyée, selon la poétique expression de Boileau, mais qui, munie de cavernes pour abriter les appro- visionnements, ne pourrait pas être prise sans le consen- tement de l’assiégé. Bregille était vulnérable par l’accès depuis Chalezeule, avant les armes de tir à longue portée; il est plus solide au- jourd’hui contre cette unique voie d'attaque. Chaudane, qui domine de 120 à 180 mètres le cercle des vallées dont il est enveloppé, demeure néanmoins exposé, comme la citadelle et Bregille, à recevoir des projectiles lancés de plus haut que lui; mais, soutenu par des approvisionne- ments, il est susceptible d’une défense de la plus longue haleine. En somme, le groupe de la citadelle, de Bregille, de Chau- dane, avec la presqu'île de la vieille ville, abandonnés à eux-mêmes, pouvaient être aussi facilement défendu contre l'ennemi que facilement écrasé par ses projectiles. [l leur . faut aujourd’hui une enceinte de forts protecteurs, sur les faites élevés d’où leur viendrait cette unique menace. — 00 — IV. LES CAMPS. La place de Besancon, rendue inexpugnable par l’établis- sement d’une grande enceinte de forts détachés, mise à l'abri des dangers d’un investissement par la prise de possession des crêtes du Chaïlluz et du Lomont qui prolongent au loin leurs barres insurmontables contre tout système de circon- vallation, protégée enfin par la direction de ces barres entre les méandres du Doubs, de l’Oignon et de la Loue, devient ainsi un abri exceptionnellement propre soit à l’organisation d’une grande armée pour l'offensive, soit à la réorganisation d’une armée en retraite. 3 Le campement des armées amies se faisait, dans les temps antiques, ainsi que l'indique le nom de lieu 1n castris, devenu en chastre, sur le revers occupé par les glacis de Charmont et de Battant, par la gare du chemin de fer et par les terrains de Montjou. C’est encore là que l’armée de l'Est, à sa retraite des bords de la Lisaine, est venue, comme tout naturellement s’acculer pour deux ou trois jours. Chastre s'étendait sans doute dans les premiers temps jusqu’au bord du Doubs, afin de donner aux chevaux l’eau de la rivière, et aux hommes celle de la source de la Mouillère qui est au pied de la côte. Le site était éminemment sain, à cause de la siccité du sol et de sa pente vers le sud-sud-est. Au moyen âge, une armée franc-comtoise, venue en aide à la ville libre qu’assiégeait l’empereur Rodolphe de Habs- bourg, campa maladroïitement au pied du mont de Bregille, sur les bords du Doubs. L’armée ennemie occupait la mon- tagne. Les Suisses de Rodolphe, descendant de la hauteur, se jetèrent spontanément sur les alliés de Besancon, et les délogèrent. Néanmoins la ville ne fut pas prise. Elle eut Vous 9 7 x mème l’audace de ne pas tenir fermées un seul instant ses portes. Les campements des armées ennemies autour de la ville furent plus nombreux. Nous avons déjà dit, à propos de la bataille de Vesontio, qu’elle eut lieu sur les territoires de * Fontain et de Pugey. Comme la ville n’avait pas voulu rece- voir les légions romaines, Verginius Rufus, leur chef, peut _être considéré comme un ennemi, et son camp comme une . position choisie dans un but hostile. Or, les Romains pa- raissent avoir occupé, sur le Lomont, et un peu sans doute - en raison des sources, le versant de la montagne de Fontain. Les Gaulois de Julius Vindex, attendus par les Bisontins, en étaient séparés par les légions romaines qu'ils ne croyaient pas, du reste, avoir à combattre. Ils campèrent donc sans défiance où ils se trouvaient, au sud des Champ-du-Débat et des Champs-Latins, sur cette terre sans eau qui s'appelle encore le Bois-Néron, en patois lou B6-Nairon, et que l’Etat- Major indique, d’après une plaisanterie d’un géomètre du cadastre, sous le nom de Bonnet-Rond. J'attribue à cette pri- vation d’eau le mouvement que firent les Gaulois, en se rap- prochant sans hostilité des Romains, probablement pour entrer par la porte de la Cluse de Pugey sur un terrain à sources; ce qui fut cause de la collision subite des deux ar- mées, les Latins se croyant attaqués et s'étant rués sur leurs prétendus adversaires qui ne s’attendaient pas à ce choc. La bataille eut lieu sans les chefs, qui étaient alors en pourparler, et fut terminée au profit des légions par une charge de ca- valerie de leurs auxiliaires Bataves. Si l’on examine les noms des lieux : Bois-Néron et Champs-Latins, qui représentent le parti de l’empereur romain; Champs-Julien, vocable dans lequel il est bien permis de reconnaître celui de Julius, chef du parti gaulois, enfin Champs-du-Débat, ce qui rappelle le lieu d’un conflit plutôt que celui d’une bataille ordinaire, on verra que le carnage s’étendit dans l’espèce de plaine com- prise entre le territoire de Fontain (Bois-Néron) et les côtes de Pugey. En 356, alors qu’il fallait repousser les invasions ger- ro maines, c’est à Besancon que l’empereur Julien fit former son armée. On ne possède aucun indice du lieu où se trou- vèrent les campements. Lorsqu’Attila vint assiéger Besançon, il établit son camp sur le mont de Bregille, dont la partie basse, où se trouve le fort Beauregard, a conservé en latin le nom de Mons . Vandalorum, devenu par des corruptions successives les Mandeliers. C’est peut-être à quelqu’une de ces circonstances critiques, où la citadelle de Besancon demeurait intacte, que l’on dut l'établissement d’une petite muraille de pierres sèches sur toute la crête de la Jurande. On en reconnait à peine la trace vers la Bro et la Chapelle-des-Buis, mais on la retrouve mieux conservée en entrant dans le bois de Peu; et enfin le mur existe encore en partie sur un saillant de cette crête en face de Fontain. Cette clôture parait avoir été celle d’un camp retranché. Dans les temps relativement modernes, Besancon vit l’ar- mée du duc de Bourgogne, puis celle d'Henri IV camper sur Saint-Ferjeux. Lors de la tentative de siége prescrite par Richelieu contre Besançon, en 1637, l’armée d'attaque, sous les ordres de Bernard de Saxe-Weymar, campa dans les villages de Cha- lèze et Chalezeule, sur deux rives du Doubs, dont l’eau fut jugée nécessaire pour abreuver une nombreuse cavalerie. L'armée de secours, commandée par le marquis de Conflans, fut établie à Velotte, «lieu fourny d’eau et de bois.» Au moyen de deux ponts jetés sur le Doubs, l’un à l’île Malpas, l’autre vis-à-vis Beure, sous la protection du château d’Arguel, cette armée pouvait rapidement secourir le sud de la ville et con- server d’utiles communications avec la haute montagne. « Weymar, dit un contemporain, alla luy-mesme reco- gnoistre tous les postes autour de Besancon, et cogneut qu’il est impossible d'y former un siége régulier, à cause des montagnes et replys de la rivière et APE du terrain des costés d’Arènes, Charmont et Battand. > Comme son Gien Henri IV, ce fut encore à Saint-F PM e 2 169) que vint se placer Louis XIV. Une tradition donne exacte- ment l'indication du lieu de l’un de ses campements. Il occu- pait à Cornandoue, aujourd’hui Saint-Laurent, les champs qui s'étendent en plate-forme au sud de l'habitation, et qui bordent le territoire d’Avanne. Le camp gardait ainsi le gué de la Peyrouse et le moyen de gagner par là les hauteurs d’Arguet et de Fontain. Aux temps où nous vivons, les belles routes, qui suivent de préférence les plaines et les vallées, ont fait abandonner sur les hauteurs boisées des montagnes les anciennes voies stratégiques. Les chemins de fer sont venus ensuite enlever aux routes elles-mêmes ainsi qu’aux voies fluviales le privi- lége des transports. Il ne s’agit donc plus, comme autrefois, pour le choix de l'emplacement d’un camp, de voir si l’armée n’y serait jamais forcée d'accepter le combat, si elle pourrait se dégager facilement au contraire pour aller le chercher, si le terrain serait convenable pour la salubrité, si les eaux n’y manqueraient pas. Il faut en outre aujourd’hui que l’armée soit assise au centre d’un réseau de chemins de fer, condition essentielle d’approvisionnements et de relations au dehors. La perfection pour un camp serait d'ajouter au mérite des anciennes conditions stratégiques, celui d’être assis le long d’une voie ferrée qui fournit à chaque troupe en sa place les munitions, les vivres, l’eau, les moyens d’enlever prompte- ment les malades et de transporter journellement au loin toutes les sortes d’immondices. Mais cette perfection ne sera jamais possible, en raison des circonstances accessoires: Une armée en retraite trouverait, à l’abri de Montfaucon, de Chailluz et de Planèze fortifiés, la sécurité nécessaire pour sa réorganisation. Une armée que l’on organiserait pour l'offensive trouve- rait, selon son importance et les circonstances : En premier lieu, un campement avantageux d’Avanne à la plaine de Thise, en couvrant les trois chemins de fer de Dole, de Vesoul et de Belfort, le premier entre Saint-Ferjeux et la limite de protection des feux du fort Saint-Esprit, le se- cond de Saint-Claude à la crête de la colline d’Ecole, le troi- FES sième sur le revers circulaire que suit la voie ferrée, depuis la percée de Chalezeule jusqu’à Thise par les Andiers ; En second lieu, un campement sur les communes de Pirey, d’Ecole, de Tallenay et de Châtillon, tout le long d’un ruis- seau, tantôt souterrain, tantôt à ciel ouvert, qui suit toute cette ligne, à l’abri des attaques du dehors, par le seul fait de la disposition de cette vallée au-dessus d’une série d’abrupts protecteurs contre l’accès du pays bas, défendu par des forts, enfin assis sur le chemin de fer de Gray et de Vesoul; En troisième lieu, un campernent de cavalerie parfait au- tour de la plaine de Thise. Quant à ces vastes camps de manœuvre où, dans les temps de paix, les troupes doivent être exercées par masses de centaines de mille hommes, ils doivent trouver leur place, sinon dans l’enceinte même d’une forteresse comme devra l'être Besancon, du moins dans un lieu voisin et toujours en communication avec la ville par des chemins sûrs. Deux localités se présentent au choix pour ce service. La première est le plateau dit de Saône, compris entre le Lo- mont d’une part et la chaîne des collines qui passent à Mamirolle d’autre part, limité au nord-est par le fossé de l’'Audeux, au sud-ouest par celui de la Loue. Cet espace est couvert de vastes paturages sur une terre peu profonde et sèche, La plus grande masse de ces prés-bois est sur la rive droite de la Loue, de Rurey à Chennecey. Néanmoins du fossé de l’Audeux à celui de la Loue, il existe de nombreux villages avec quelque culture et des bois. Des sources sur- gissent sur le plateau de Saône et s’y perdent promptement dans des gouffres. Elles sont comme rangées sur une seule ligne parallèle au Lomont et distantes de lui de 2 à 3 kilo- mètres. Indépendamment de ces eaux, il en sort des filets moins abondants des êles coralliennes de Rurey, de Montrond, d'Epeugney et de Tarcenay. Le plateau prendrait une plus grande valeur pour un camp de manœuvre, s’il était traversé par le chemin de fer projeté et autorisé de Morteau, et si les travaux de cette voie dessé- chaient cette plaine, au fond solide, que l'on appelle en ce DR ra moment le marais de Saône. C’est autour de cette vaste arène que serait marquée la place des campements. La seconde localité, de beaucoup préférable à celle du plateau de Saône, est la forêt même de Chaux. On connaït ce bois, l’un des plus vastes de la France, et qui, avant l’éta- blissement du chemin de fer de Dole à Salins, n’était traversé ni par une seule route, ni par un chemin fréquenté. C'était la forêt de chasse de Frédéric Barberousse, au temps où l’Empire d'Allemagne s’étendait jusqu’à la Saône. La masse de la forêt appartient à l'Etat. Le sol est au fond un gros sable solide, amené des Alpes par d’antiques diluvions, _siliceux, peu fertile, et conséquemment ne fournissant pas les broussailles qui forment partout le sous-bois souvent impraticable des forêts jurassiennes. Un cavalier peut cir- culer sous les arbres de la forêt de Chaux. Or il est facile de tailler dans la forêt, loin de tout village, un vide aussi considérable que la plus grande armée puisse l’exiger, muni de ruisseaux et d’une rivière, plat sur une dune toujours sèche, sain à cause de sa position #égèrement éminente, et dont l’accès soit défendu à tous passants. Pour les essais de tir à longue portée, on pourrait établir dans ce vide une arène d’un myriamètre de longueur, beaucoup plus spacieuse encore, s’il le fallait. Les Allemands, dans la dernière guerre, ont paru fort étonnés de ne pas voir la forêt de Chaux occupée comme position militaire. Elle possède en effet, le long du Doubs, d'Osselle aux portes de Dole, cette ligne déjà mentionnée d’un plateau dont le pied est baigné par le Doubs. Elle a une communication toujours sûre avec Besancon par les mon- tagnes de la rive gauche, par cet isthme élevé qui sépare le Doubs de là Loue et conduit d’Abbans-Dessus à Larnod et à Fontain. Elle a aussi des moyens de communication plus courts et qui ne manquent pas de sécurité, soit par les voies, antiques de Routelle ou d’Osselle, vers Grand-Fontaine, qui serait déjà sous le canon de Planèze, soit en quittant à Torpes la ligne de montagne qui s’étend jusque là depuis Osselle, et en passant le Doubs sur les ponts du chemin de fer à Tho- — 72 — À raise, pour gagner Montferrand, puis les lieux couverts par les forts avancés de Besançon. Encadré à courte distance dans le triangle des chemins de fer Dole-Mouchard-Franoiïs, le campement dans la forêt de Chaux pourrait être desservi à peu de frais par une voie ferrée que l’on souderait aux lignes existantes, soit près de la Vieïlle-Loye, soit plutôt à Hire et qui desservirait tous les quartiers de l’armée. L'espace de forêt qui eme devoir être essarté s’éten- drait de la montagne de Château-le-Boiïs, en prenant son entrée depuis la Corne-de-Chaux, jusqu’à un myriamètre dans le cœur de la forêt, et passerait par la ligne de partage des eaux entre la Clauge et les sources des Neuf-Fontaines. Il pourrait, sans grand dommage pour les ressources de l'Etat qui tire peu de revenu de ses bois relativement aux surfaces occupées, s’étaler au besoin sur 100 kilomètres carrés de terrain, planté d’arbres où cela serait nécessaire, décou- vert où cela serait préférable, isolé comme l'enceinte d’une caserne. # V. RÉSUMÉ: En résumé, Besancon créé place forte, non par la volonté des hommes, mais par la nature, et aussi facile à défendre aujourd'hui depuis la vaste enceinte des montagnes envi- ronnantes qu’elle l'était dans son célèbre réduit avant l'in- vention des armes de tir à longue portée, n’a pas cessé d’être la forteresse capitale de l'Occident européen. Il redevient, comme à l’époque de l’Empire romain, la base des opérations militaires soit pour la conquête des Gaules, soit pour leur défense contre les perpétuelles entreprises de l'Orient. Le moment est passé où cette place pouvait être neutralisée par le seul fait de son état de ville libre, indépendante même de ne —— la Franche-Comté dont elle était le centre de population. Rentrée dans son grand rôle stratégique depuis les innova- tions modernes, elle devra être au plus tôt appropriée : 1° Pour recevoir sur les faîtes de ses montagnes des canons qui éloignent les feux de l'ennemi; 2° Pour abriter, dans une enceinte protectrice, la majeure partie du matériel des chemins de fer de l'Est; 3° Pour garder les approvisionnemens de 500,000 hommes; 4° Pour former en sécurité une armée qui déboucherait au moment opportun entre les Vosges et le Jura ; 5° Pour être le lieu de station où se ferait le renouvellement des hommes et des choses appelés du Midi, par le chemin couvert de la vallée de l'Ain. Besançon , 8 octobre 1871 I. TABLE. LE JURA. : Moyens d'étude. . Importance historique du Jura. ue Ghaïnes stratégiques du Lomont et du Chailluz. . Château de Vaites . Je EE LP Arr Loposagium. sien VelatodüEunr re 0 Epomanduodurum. . . . Grammatum. II. ANCIEN RÔLE MILITAIRE DE ne HIT. IV. V. Route militaire de Besançon à Langres. ‘ de Besançon à Chalon-sur-Saône. Routes militaires de Besançon à Lyon. . . Route militaire de Besancon à Iverdun et à Orbe. Chemins contraires à l'intérêt de la place. RÔLE MILITAIRE DE BESANCON DANS LES TEMPS MODERNES. . Entrées de la Suisse sur le sépare da Doubs. Chemins actuels du pays. ; SUR Chemins de fer. . a Nature des voies ferrées. - Organisation stratégique des chemins de fer. Défenses de Besancon. nl teste Fortifications de la place. RÉ TR Enceinte continue. . . CTP RS Tele Enceinte des forts détachés. Forteresse de Montfaucon. . Id. de Chailluz. . Id. de Planèze. . Forts accessoires. STEE Thise. : Relancon. . . Ch Ë Châtillon-belle-vue. ue Mont-Chailloz, Framont ou Château, ‘Ja ‘Coulue. Ë Gravier-Blanc, Res Saint- tÉsprit. . Arguel. . . - Fontain-Arguel. . Fontain. : Pierre-Ecrite. . ele Roche de Morre et Rochefort. STORE La Citadelle, Bregille et Chaudane. - DESCAMPS ETES te D um EN Aero RÉSUMÉ EN ete OR in tp ele mie LT de FLORA SEQUANIÆ EXSICCATA OÙ HERBIER DE LA FLORE DE FRANCHE-COMTÉ Par MM. J. PAILLOT et X. VENDRELY. Séances des 10 décembre 1870 et 13-décembre 1871. ue | Sous ce titre, nous nous proposons de publier, en livraisons successives, un Herbier renfermant toutes les plantes qui croissent en Franche-Comté (Haute-Saône, Doubs et Jura), afin de fournir à l'étude les types bien dénommés des végétaux de cette province. ; © M. E. Michalet a entrepris, il y a quatorze ans, sous le titre - d’Herbier de la Flore du Jura, un semblable travail qu'il devait étendre à toute la chaîne jurassique ; la mort est venue arrêter cet infatigable explorateur presque au début de sa carrière. Notre publication reprendra son œuvre en l’étendant à toute la Franche-Comté. * Des botanistes illustres ont exploré une grande partie de notre circonscription, et ont consigné dans de nombreux ou- vrages le résultat de leurs recherches; maïs ils ont laissé de côté de vastes champs d'exploration, la Haute-Saône, par exemple, qui est peu connue et fort mal représentée dans les herbiers. Cependant ce département, qui fait la jonction entre les Vosges granitiques et le Jura calcaire, et participe des caractères géologiques des deux chaînes, ne peut manquer de posséder des espèces remarquables, SES Faire connaître les plantes oubliées ou peu connues des montagnes et celles non moins importantes de la plaine, depuis l'Ain, qui forme en partie nos limites au midi, jus- ‘qu'aux Vosges, qui nous bornent au nord, depuis les sommets du Jura à l’est jusqu'à la Bourgogne, qui nous limitera artifi- ciellement à l’ouest, tel est le but que nous nous proposons. Quoique nous donnions la description des espèces nouvelles ou que nous. faisions suivre d'observations celles qui nous paraissent en avoir besoin, notre travail est essentiellement différent des trop nombreuses Flores descriptives qui ont été publiées sur le Jura; mais il leur servira comme de contrôle et de complément. Aujourd'hui qu'on s'adonne plus particulièrement à l'étude des espèces affines formées aux dépens des types linnéens, nous ferons notre possible pour que ces espèces soient bien représentées dans notre publication. Nous ne négligerons rien pour qu'elles soient rigoureusement déterminées. Mais en livrant à nos correspondants ces nouvelles espèces, qu'il est nécessaire de connaître pour les discuter, nous réservons notre opinion sur leur valeur spécifique, ainsi que sur celles des plantes nouvelles que nous croirons devoir signaler. Le moment n’est peut-être pas venu de se prononcer sur la question de savoir s’il faut conserver comme types distincts les nouvelles espèces érigées dans ces derniers temps. Ce que nous voulons donc, c’est fournir des échantillons authentiques recueillis en Franche-Comté, pouvant servir à l'étude de ces nouveaux types, et apporter ainsi notre part d'éléments à la solution du problème. Voici les plantes qui composent les six premiers fascicules : PREMIER FASCICULE. 1 Ranunculus paucistamineus Ta. 5 Raphanus Raphanistrum L. 2 -- Flammula L. var. 6 Sinapis arvensis L. [reptans L.? 7 — arv. var. retrohispida Bor.! 3 Corydalis solida Smith. 8 et 8 bis Cheiranthus Cheiri L. 4 Fumaria Vaillantii Lois. 9 Arabis alpina L. , — 11 — 10 Cardamine hirsuta L. 31 Alsine hybrida Jord. 11 Turritis glabra L. | 32 Stellaria uliginosa Murr. 12 Thlaspi erraticum Jord. 33 Holosteum umbellatum L. 13 Capsella gracilis Gren. 34 Tilia platyphylla Scop. 14 Senebiera coronopus Poir. 35 — sylvestris Desf. 15 Helianthemum pulverulentum 36 Oxalis stricta L. 16 Viola virescens Jord. [DC. 37 Cytisus Laburnum L. 17 — confinis dord. 38 — capitatus Jacq. 18 — agrestis Jord. 39 — decumbens Walp. 19 — sudetica Willd. 40 Trifolium scabrum L... 20 Drosera rotundifolia L. 41 — arvense L. 21 Parnassia palustris L. ED — agrarium L. 2? Hypopitys glabra DC. 43 et 43 bis procumbens L. 23 Polygala oxyptera Rchh. 44 Lathyrus aphaca L. 24 — amara Jacq. RUES ensifolius J. Gay, 25 © — austriaca Crtz. 46 Coronilla Emerus L. 26 Dianthus cœsius Sm. 47 — montana SCop. 27 Saponaria ocymoides L. 48 Potentilla Güntheri Pohl. 28 Spergula vulgaris Bænng. 49 Rosa fæœcundissima Munch, 29 Sagina patula Jord. 50 — damalis Bechst. forma vi- 30 — nodosa Fenzl. {rens. DEUXIÈME FASCICULE. 51 Rosa andegavensis Bor. 76 Aster Novi-Belgii L. 52 — sphœærica Gren. 77 — brumalis Nees. 533 — Deseglisei Bor. 78 Erigeron acris L. 54 — comosa Ripart. 79 — Canadensis L. 5 — insidiosa Grenier! 80 Arnica montana L. * 56 Rubus Idæus L. var.ribæfolius. 81 Bellidiastrum Michellii Cass. 57 Sanguisorba serotina Jord. 82 Gnaphalium silvaticum L. 58 Epilobium hirsutum L. 83 — luteo-album L. . 59 Isnardia palustris L. 84 Filago spathulata Presl. 60 Lythrum hyssopifolia L. 85 Tragopogon orientalis L. 61 Telephium imperati L. 86 Crepis virens Vill. 6? Illecebrum verticillatum L. 87 Hieracium sparsum Jord. 63 Scleranthus annuus L. 88 — umbellatum L. GE : — biennis Reut. 89 Campanula rotundifolia L. 65 — perennis L. 90 Jasione montana L. 66 Sedum annuum L. 91 Calluna vulgaris Salisb. 67 — album L. 92 Primula Auricula L. 68 Peucedanum Oreoselinum Mch. 93 Androsace lactea L. 69 OEnanthe Phellandrium Lam. 94 Gentiana excisa Pres]. 70 Galium decolorans G. et G. 95 — verna L. T1 — silvaticum L. 96 — Pneumonanthe L. 72 Valerianella auricula DC. 97 Myosotis strigulosa Rchb. 2 — : Morissonii DC. 98 — versicolor Pers. 74 Aster Amellus L. 99 — hispida Schlecht. 75 — frutetorum Wimm. 100 Echinospermum lappula Leh. D TROISIÈME FASCICULE. 101 Heliotropium europæum L. 102 Veronica serpyllifolia L, var. [trilocularis. 103 Gratiola officinalis L. 104 Euphrasia cupræa Jord. 105 Odontites verna Rchb. 106 et 106 .bis — serotina Rchb. 107 Erinus alpinus L. 108 Orobanche Cervariæ Suard. 109 — Hederæ Vauch. 110 Lathræa squamaria L. 111 Lavandula spica L. 112 Mentha silvestris L. 113 Salvia dumetorum Andrz. 114 Nepeta‘Cataria L. 115 Stachys arvensis L. 116 Galeopsis arvatica Jord. 117 — dubia Leers. 118 Scutellaria minor L. 119 Brunella vulgaris Mœnch. 120 — alba Pall., var. pinna- [tifida K. {121 Amaranthus retroflexus L. 122 Chenopodium Vulvaria L. 123 Rumex pulcher L. £ 124 Polygonum biforme Wahlb. 125 Polygonum mite Persicaria F. — mite Schrank. [Sch. 127 — Hydropiper L., var.ela- 123 — HydropiperL. [tum. 129 Euphorbia exigua L. 130 — helioscopia L. 131 — vireticola Jord. 132 — ararica Jord. 133 Ficus Carica L. 134 Quercus sessiliflora Sm. 135 Leucoium vernum L. 136 Narcissus pseudo-narcissns L. 137 Muscari racemosum DC. 138 — neglectum Guss. 139 — botryoides Mill. 140 — comosum Mill. 141 Spiranthes autumnalis Reich. 142 Ophrys aranifera Huds. 143 Potamogelon natans L. 14% —_ perfoliatus L. 145 Fypha latifolia L. 146 Triglochin palustre L. 117 Schœænus nigricans L. 148 Cladium Mariscus R. Br. 149 Carex digitata L. 150 — ornithopoda Willd. QUATRIME FASCICULE. 151 Anemone Hepatica L. 152 Helleborus fætidus L. 153 Papaver Argemone L. 154 et bis Arabis arenosa Scop. 155 Arabis Thaliana L. 156 Erophila hirtella Jord. 157 — Krockeri Rchb. 158 — ambigens Jord. 159 — subnitens Jord. 160 — muricola Jord. 161 et bis Alyssum vagum Jord. 162 Teesdalia Iberis Bor. 163 Thlaspi lotharingum Jord. 164 — improperum Jord. 165 — arvense L. 166 Capsella agrestis Jord. 167 — rubella Reut. 168 Lepidium Draba L. 169 Viola permixta Jord. 170 Viola multicaulis Jord. 171 — Riviniana Rchb. 172 — peregrina Jord. 1793 — ruralis Jord. 174 Dianthus Carthusianorum L. 175 — saxicola Jord. 176 Alsine tenuifolia Crantz. 177 Cerastium semidecandrum L. 178 Linum tenuifolium L. 179 Althæa hirsuta L. 180 Geranium pratense L. 36 bis Oxalis stricta L. 181 et 181 bis Rhamnus alpina L. 182 Genista pilosa L. 183 Anthyllis montana L. 184 Medicago minima Lam. 185 Trifolium ochroleucum L. 186 _ minus Relhan. 187 Prunus insititia L. 188 Prunus erubescens Paill. 189 — Desvauxi Bor. 190 — rosiflora Paill. 191 — densiflora Jord. et Fourr. 197? — virescens Paill. 193 — cerasiflora Paill. 194 — Mahaleb L. 195 Prunus Cerasus L. 196 Potentilla verna L. 197 — argentata Jord. 198 Comarum palustre L. 199 Rosa villosula Paill. 200 Sorbus Aria Crantz. CINQUIÈME FASCICULE. 20! Herniaria glabra L. 20? Ribes rubrum L. 203 Chrysosplenium oppositifo- 204 Daucus agrestis Jord [lium L. 205 Orlaya grandiflora Hoffm. 69 bis OEnanthe Phellandrium 206 Athamanta cretensis L. [Lam. 207 Bupleurum falcatum L. 208 — rotundifolium L, 209 Hydrocotyle vulgaris L. 210 Cornus mas L. 211 — sanguinea L. 212 Galium anglicum Huds. 213 Knautia dipsacifolia Host. 214 Scabiosa pratensis Jord. 215 Solidago glabra Desf, 216 Anthemis nobilis L. 217 Gnaphalium pilulare Wahlb. 218 Calendula arvensis L. 219 Arnoseris pusilla Gærtn. 220 Chondrilla juncea L. 221 Hieracium rarinævum dJord. 222 — præcox C. H. Sch. 223 — 224 Gentiana campestris L. 225 Pulmonaria longifolia Bast. 226 — obscura Dumort. maculisparsum Jord. 227 Myosotis intermedia Link. 228 Lycium trevianum R. et Sch. 229 Datura Stramonium L. 230 — Tatula L. 231 Antirrhinum Orontium L. 23? Linaria vulgaris Mœnch. 233 —. Cymphalaria Mill. 234 Veronica arvensis L. 235 — persica Poir. 236 — hederæfolia L. 109 bis Orobanche hederæ Vauch. 237 Mentha parietariæfolia Beck. 238 Galeopsis bifida Bœnn. 239 — leucantha Jord. 240 — angustifolia Ehrh. 241 Stachys annua L. 212 — ambigua Sm. 243 Teucrium Scordium L. 244 et bis Plantago serpentina Vill. 245 Globularia vulgaris L. 246 Daphne Laureola L. 247 Euphorbia falcata L. 131 bis — vireticola Jord. 248 Buxus sempervirens L. 219 Salix capræa L. 250 — repens L. SIXIÈME FASCICULE. : 251 Populus tremula L. 252 Alnus incana DC. 253 Alisma natans L. 139 bis Muscari botryoides Mill. 254 Allium acutangulum Schrad. 143 bis Potamogeton natans L. 255 et bis Najas major All. 256 Caulinia fragilis Willd. 257 Lemna polyrhiza L. 258 Acorus Calamus L. 259 et bis Luzula maxima DC. 260 — campestris DC. 261 Scirpus setaceus L. 262 Eleocharis ovata R. Br. 263 et bis Carex diandra Schrank. 264 — echinata Murr. 265 — tomentosa L. 266 — humilis Leyss. 267 — montana L. 268 — ferruginea Scop. M ve 269 Leersia oryzoides Soland. 270 Phalaris canariensis L. 271 Alopecurus pratensis L. 272 Sesleria cærulea Ard. 273 Setaria glauca P. B. 274 — verticillata P.B. 275 Andropogon Ischæmum L. 276 Phragmites communis Trin. 217 Aira multiculmis Dumort. 278 Avena pubescens L. 279 — flavescens L. 280 Glyceria aquatica Wahl. 281 Poa Chaixi Vill. 28? Eragrostis megastachya Link. 283 Vulpia pseudo-myuros S. W. 285 Elymus europæus L. 286 Lolium italicum A, Br. 287 Nardus stricta L. 288 Ceterach officinarum Willd. 289 Polypodium vulgare L. 290 Aspidium aculeatum Dœæll. 291 Polystichum Filix-mas Roth. 292 Asplenium Halleri DC. 293 — Trichomanes L. 294 — septentrionale Sw. 295 Scolopendrium officinale Sm. 296 Lycopodium clavatum L. 297 — inundatum L. 298 Chara contraria A. Br. 299 Riccia eudichotoma Bischof. 300 — natans L. 284 Hordeum pratense Huds. Observations sur quelques plantes publiées _ dans les six premiers fascicules. 8 et 8 bis CaerranTaus CHeiri L. — Cette plante est parfai- tement indigène dans les lieux d’où nous la publions; elle se retrouve sur nombre d’autres points de la province. 13 CapseLLA GRAciILIs Gren. — Je regarde comme bonne espèce cette plante hybride entre les C. rubella Reut. et C. agrestis Jord., et qui par conséquent devrait porter le nom de C. rubello-agrestis ou C. agresti-rubella. I est vrai que les Capsella rubella Reut. et C. agrestis Jord. ont aussi leurs formes gracilis, surtout au premier printemps, au commen- cement de leur floraison, alors que les froids ou les pluies ne permettent pas à la fécondation de s’opérer. Mais ces formes retournent promptement au type et portent presque toujours quelques siliques fertiles et normalement développées. La croissance presque indéfinie des tiges florifères du C. gracilis, ses fleurs, son port, ses siliques toujours développées, mais petites et stériles, le lieu de croissance entre les parents dont il est toujours très distinct, ne permettent pas de confondre le C. gracilis avec les formes grêles et stériles des autres espèces. Ce qui a pu amener du doute dans l'esprit de certains L71) ee botanistes, c'est qu'ils n’ent pas rencontré, je crois, le vrai C. gracilis, mais seulement des formes avortées et stériles des autres Capsella. 15 HELIANTHEMUM PULVERULENTUM DC. — La découverte, à Saint-Vit, de cette plante si commune aux environs de Dijon, et nouvelle pour notre département, est due à ME. Poux. 17 Viora conrinis Jord. — La plante que nous avons publiée sous ce nom n’est pas le V, confinis, qui n'a pas les sépales hérissés; je l'ai prise pour V. gracilescens; mais M. Boreau la rapproche du V. Prevostii, et si ce m'en est une forme, il pense que ce serait une espèce à nommer. Nous reviendrons sur cette espèce après des études plus appro- fondies. 27 SaPpONARIA ocyMoIDEs L. — Cette espèce descend très bas dans la vallée de la Loue; mais jusqu'ici elle n’avait pas été signalée dans la vallée du Doubs plus bas que Pont-de- Roide. La localité de Montferrand, où nous l'avons décou- verte, est donc très intéressante au point de vue de la géosra- phie botanique de cette plante. On peut, en outre, recueillir à Montferrand plusieurs autres plantes très intéressantes, telles que Herniaria hirsuta L., Sedum rubens L. (J. Cordier), Cheiranthus Cheiri L., Sedum maximum Sut.? Sempervivum Lamottei Bor., Viola alba Bess., V. scotophylla Jord., V. permixta Jord., V. multicaulis Jord., Myosotis hispida Schl., Scrophularia alata Gilib., Orobanche hederæ Vauch., Lathræa squamaria L., Iris fœtidissima L., Ruscus aculeatus L., Riccia natans, etc. 35 Ticra syLvesrris Desf. — Deux formes de fruits : les uns sont cylindriques, acuminés au sommet et fortement velus ; les autres à cinq angles bien marqués, ombiliqués au sommet et seulement pulvérulents-velus. Y aurait-il deux espèces ? À 6 DR es 36 bis Oxaruis srricra L. — CGetfe plante est fréquemment 7 rencontrée dans les jardins et Les décombres autour des habi- tations. Jordan la regarde comme indigène en Europe et lui donxe le nom d'O. europæa. Je suis parfaitement de l’avis de ce savant quant à son indigénat dans notre province, Car on .la trouve abondamment dans les champs, où elle est aussi envahissante par ses stolons souterrains que par les graines qu'elle projette au loin. Nous l'avons rencontrée sur des points très divers, à Vy-les-Lure dans la Haute-Saône, à Rougemont, la Forêt-de-Fontain, Mérey, etc. 49 Rosa FEcuNDISSIMA Münch. — Cette espèce paraît bien naturalisée aux environs de Besancon, où elle est assez com- mune. J'ai, en juillet 1867, recueilli au bois de Bregille un rameau du Rosa baltica, plante signalée dans les sables de l’'embou- chure de la Loire. Si je n'avais l'échantillon, vu par des bota- nistes compétents, je ne pourrais croire à cette trouvaille sur laquelle, au reste, il m'a été impossible de remettre la main. Plusieurs de nos Rosa publiés devront être complétés dans la suite ou donnés à nouveau. 6 Rugus Ipæus L. var. RIBÆroLIUS. — Cette plante, lors d'une herborisation dirigée par M. Grenier dans la forêt de la Serre, a attiré l'attention de.tout le monde. Son port est abso- lument celui d’un Ribes sanguineum; les feuilles sont toutes trilobées ou trifoliolées, très rarement quelques-nnesreviennent au type et sont pennées. < 75 ASTER FRUTETORUM Wimm. — Nous avions cru cette plante identique à l’Aster salignus Willd. des environs de Strasbourg; mais M. Boreau a bien voulu nous renseigner à cet égard. C'est l’Aster frutetorum Wimm., 4. salignus Wimm.., F1. siles. (non alior), naturalisée en Silésie, et qui paraît assez répandue dans l’est de la France. Elle est très abondante et paraît bien naturalisée au lieu où nous l'avons recueille. x — 83 — L] 102 VERONICA SERPYLLIFOLIA L. forma TRILOGULARIS. — Cette forme est curieuse par ses capsules à 3 loges disposées en étoile. Toutes les capsules ne sont pas ainsi transformées, mais il y en a la majorité sur tous les pieds. 113 Sauvia pumeroruM Andrz. — Répond parfaitement à la description de M. Boreau, et serait, d’après cet auteur, Le véritable S. dumetorum Andrz. M. Boreau a bien voulu exa- miner toutes nos plantes ; sa longue expérience, ses relations suivies avec M. Jordan, le mettent à même de contrôler sûrement toutes nos espèces critiques. Nous sommes heureux de lui témoigner ici toute notre gratitude pour son bienveil- lant concours. 148 CLanrum mariscus R. Br. — Cette jolie cypéracée a été découverte par J. Cordier, le 25 juin 1865, au maraïs de Saône. Elle ne fleurit que les années chaudes et lorsque le marais est en partie desséché. Cela expliquerait pourquoi les nombreux botanistes qui ont visité le marais de Saône ont pu ne pas l’apercevoir. 164 Tazaspr 1MPROPERUM Jord. — Notre T. perfoliatum L. comprend deux espèces bien distinctes, 7. improperum Jord., Diagnoses, p. 250, et T. erraticum Jord., Pug., p. 12. Ce dernier, publié n° 12, est d'un vert gai, glauque, à feuilles entières ayant le sommet et les oreillettes arrondies; fleurs assez grandes, à calice vert-jaunàtre; pétales blancs, étalés; srappes fructifères lâches allongées; silicules étalées horizon- talement, plus longues que larges, à échancrure petite (1/5 de la silicule). | Le T. improperum, plus précoce de 10-15 jours que le T. erraticum, est d'un vert sombre, rougeâtre, glauque ; ila les Liges plus basses, plns rameuses-diffuses ; les feuilles den- ticulées ont les oreillettes et le sommet aigus; fleurs petites à calice rougeâtre; pétales petits, peu ouverts; grappes fructi- fères denses, à silicules rapprochées, redressées sur le pédon- Rp cule, aussi larges que longues, à échancrure large (envir. 1/3 de la silicule). Ces plantes croissent souvent neerrimne et il est alors im- possible de les confondre. 190 Prunus RosIFLORA Paill. Bullet. soc. bot. de France, = p. xvi (sine descript.). Arbrisseau très épineux, de 0,50-2 mètres, très rameux, à rameaux supérieurs longs et munis de forts aiguillons, écorce grise, lisse. Bour- geons florifères lisses, portant 1-3 fleurs qui naissent en fascicules rap- prochés, très denses sur les épines et les jeunes rameaux. Pédoncules de 2-4 millimètres, verts ainsi que le calice à tube court, élargi réguliè- rement de bas en haut, conique, à stries peu visibles; sépales courts, ovales, arrondis au sommet, réfléchis, à bord blanc étroit, érodé et comme denté; sinus arrondi. Bouton à fleur ovoiïde, vert-jaunûtre. Pétales 5-9 ovales-orbiculaires (5-6 mullim. de large sur 6-7 de long), d’un blanc mat, à onglet presque nul, étalés, se recouvrant par les-bords ; étamines égalant les pétales ou plus courtes qu'eux, dépassées par le style; anthères roses ; fleurs grandes, de 15-18 millim. de diamètre, d'un beau blanc, en glomérules denses (plus par l'ampleur des fleurs que par leur nombre). Feuilles lancéolées de 15-40 millim. de long sur 5-15 de large, snbaiguës ou arrondies au sommet, généralement atténuées à la base, glabres et d'un beau vert non luisant en dessus, plus pales, mais d'un vert tendre en dessous où elles sont munies de quelques poils à l’aisselle des nervures dont la médiane seule est saillante, assez largement dentées en scie dans leur pourtour, à dents mucronées; pétiole court éga- lant environ 1/6 du limbe de la feuille, canaliculé et muni en dessus de poils qui remontent sur les bords inférieurs du limbe, arrondi glabre en dessous, violacé. Jeunes rameaux légèrement pubescents (portant à l'automne des feuilles grandes, largement ovales, crispées). Fruits courte- ment pédonculés, sphériques, de 10-12 millimètres de diamètre, noirs, couverts d'une efflorescence glauque; noyau petit, ovoide lenticulaire. Hab. Besançon, entre Trois-Châtels et: Chapelle-des-Buis. 193 PRUNUS CERASIFLORA Païll. (loc. cit. p. xvr). Arbrisseau de 1-3 mètres, diffus, à écorce grise, lisse si ce n’est sur le vieux bois, très épineux, à épines longues étalées et même divariquées et formant des rameaux florifères l'année suivante. Fleurs paraissant avec les feuilles, en glomérules lâches, presque solitaires, d’un blanc verdâtre, disposées le long des rameaux, à pédoncules dé ?-5 millimètres, d'un beau vert, ainsi que le calice à tube très court, arrondi obtus, mar- qué de stries qui se prolongent sur les sépales ovales étroits, à peine plus longs que larges, subobtus, à sinus large arrondi, légèrement blanc FES ” ) scarieux et dentés aux bords; boutons à fleurs gros, globuleux, ver- dâtres, donnant aux buissons l'aspect d’un Cerisier aigre {Prunus vul- garis). Pétales cuculliformes de 4-5 millim. sur 8-9, ovales arrondis aux deux extrémités, sinués aux bords, à onglet court, d'abord étalés-dressés et contigus, rarement étalés-réfléchis et non contigus, car les fleurs s'ouvrent souvent mal, Etamines d'abord repliées, courtes et dépassant très rarement le milieu des pétales, à anthères jaunes; fleurs grandes, de 15-18 millim. de diamètre. Feuilles d'un vert gai, de 24-45 millim. de long sur 10-22 de large, ovales-rhomboïdales, aiguës au sommet, atté- nuées à la base, luisantes en dessus, plus pâles en dessous et munies de quelques poils sur les nervures, dentées en scie lans tout leur pourtour et ciliées, à pétiole de 4-10 millim., velu surtout en dessus et canaliculé. Jeunes rameaux pubérulents - velus. Fruits courtement pédonculés, sphériques, de 16-18 millim. de diamètre, couverts d'une efflorescence glauque. Noyau lenticulaire ovale, très rugueux. Hab. Besancon, Pont-du-Secours. Le groupe des Prunus domestica L. et P. spinosa L., pré- sente dans nos environs plusieurs espèces nouvelles. Outre les deux que nous venons de décrire, et celles décrites précé- demment dans le Bulletin de la Société botanique de France , il en reste encore quelques-unes à l'étude. Voici comment nous classons celles de ces plantes sur lesquelles nous sommes fixé : A. CALICE VELU INTÉRIEUREMENT. P. poMEsTica L., et var. B. CALICE GLABRE INTÉRIEUREMENT. a. Pédoncules souvent géminés, velus. P. ssititiA L., P. rrurTicans Weihe, et var. b. Pédoncules solitaires, glabres ou finement pubérulents. * Anthères rouges ou roses (dans la fleur fraîchement épanouie). P. gRuBESCENS Paill. Bull. soc. bot. de Fr., XI, p. xv. Fleurs moyennes, en fascicules denses ; pétales 5, presque une fois anssi longs que larges, non contigus; feuilles ovales lancéolées, sub- aiguës aux deux extrémités. Hab. Très commun dans les haies et les buissons de tout le département. — 86 — P. Desvauxr Bor. FI. du centr., 3° éd., p. 182, n° 705. Fleurs petites, en fascicules appauvris ; pétales 5 lancéolés, du double plus longs que larges, distants par les bords; feuilles lancéolées, aiguës au sommet, longuement atténuées à la base. . Hab. Besançon, à Trois-Châtels, au bois de Peu, etc. P. rosrFLora Paill. (loc. cit. p. xvi). Fleurs grandes, en fascicules denses; pétales 5-9, orbiculaires, aussi larges que longs, se recouvrant por les bords; feuilles ovales-lancéolées, arrondies ou subaiguës aux deux extrémités. Hab. Besancon, Trois-Châtels. “+ Anthères jaune vif ou orangé (dans la fleur fraîchement épanouie). P. pensirLora Jord. et Fourr. Brev. plant., I, p. 24. Fleurs petites, en fascicules très denses; pétales ovales, arrondis au sommet, 1/3 plus longs que larges, non contigus; étamines de la longueur des pétales; feuilles lancéolées, aiguës ou arrondies au sommet, insensi- blement atténuées dans les 2/3 inférieurs. r Hab. Besancon, Pont-du-Secours, la Malate, etc. P. virescENS Paill. Bullet. soc. bot. de Fr., XI, p. xvi. Fleurs assez grandes, en fascicules très denses: pétales ovales arrondis au sommet, un peu plus longs que larges, ordinairement contigus, éta- mines aussi grandes que les pétales; feuilles ovales subaiguës aux deux extrémités, ou arrondies obtuses. Hab. Haies et buissons, commun. P. cERASIFLORA Paill. (loc. cit., p. xvi). Fleurs grandes, en glomérules très lâches, presque solitaires, s'ouvrant mal; pétales suborbiculaires ovales, cuculliformes, ordinairement con- tigus ; étamines ordinairement de moitié au moins plus courtes que les pétales; feuilles ovales rhomboïdales, ordinairement arrondies au som- met et atténuées à la base. Hab. Besançon, Pont-du-Secours. 210 Connus mas L. — Rare dans les bois des environs de Besançon, mais abondant aux environs de Baume-les-Dames et dans toute la partie ouest de la Haute-Saône. 212 Gazium anczicum Huds. — Cette plante a été retrouvée par L. Chapuis au lieu même où E. Michalet l'avait découverte, pe Comme à cette époque, elle n'a paru que dans les terrains remués par le chemin de fer et seulement la première année. 215 Sozrpago GLABRA Desf. — 218 CALENDULA ARvENSIS L. — 228 Lycrum TREVIANUM R.S.— 229 DATURA STRAMONIUM L. — 930 D. Taruza L. — 270 PHALARIS GANARIENSIS L. — Ces plantes ne sont pas aborigènes dans notre province; mais elles y sont parfaitement naturalisées sur beaucoup de points et font aujourd'hui complètement partie de notre flore, ainsi que les Aster frutetorum Wimm., 4. novi-Belgi L. et À. brumalis Nees. 255 Nazas MAJOR AL — 276 Cauzinia FRAGizis Willd. — Le Caulinia fragilis a été depuis longtemps signalé à l'Isle, - dans le Doubs; je l'ai plus tard retrouvé à Clerval, et cetté année il était très abondant dans le Doubs au-dessus de Besan- con, ainsi que le Najas major, qui n'avait été rencontré qüe dahs les parties basses et chaudes de la province, la Bresse, la Saône. 282 ERAGROSTIS MEGASTACHYA Link. — 283 VuLPrA PSEUDO- myuros Soy.- Willem. — Plantes fugaces, plus communes dans la partie méridionale et chaude de la province que dans le nord. Elles paraissent tout à fait silicicoles. 292 AsPpzentIuM Hairert DC. — Cette plante, signalée dans le Haut-Rhin et dans le Jura, est très abondante däns les rochers d'Arguel où nous l'avons découverte et d'où: nous la publions. Nous l'avons également rencontrée à Gonsans Doubs), mais en petite quantité. Besançon, le-15 novembre 1870. SARA * SEPTIÈME FASCICULE. 301 Adonis æstivalis L. f. flava. 302 Ranunculus bulbifer Jord. 303 Aquilegia vulgaris L. 304 Aconitum vulgare DC. 305 Papaver confine Jord. 306 Raphanus Landra Moretti. 154 ter Arabis arenosa Scop. 307 Cardamine silvatica Link. 308 Nasturtium pyrenaicum R. Br. 309 Lepidium vagum Jord. 310 Rapistrum orientale DC. 311 Viola canina L. 311 bis — — 171 bis — Riviniana Reich. 312 — Reichenbachiana Jord. 313 . — tricolor hortensis DC. 314 Drosera intermedia Hayne. 315 Silene rupestris L. 316 — nutans L. 27 bis Saponaria ocymoides L. 317 et bis Geranium silvaticum L. 318 Trifolium incarnatum L. 319 — resupinatum L. 320 Ornithopus perpusillus L. 321 Alchemilla arvensis Scop. 32? Epilobium palustre L. 323 : — 324 Ribes alpinum L. rosmarmifolium Hck. 325 Saxifraga stellaris L. 326 — granulata L. 327 Meum athamanticum Jacq. 328 Adoxa moschatellina L. u 329 Bellis annua L. 330 Antennaria dioica Gærtn. 331 Filago arvensis L. 332 Scorzonera humilis L. 333 Oxycocos vulgaris Pers. 334 Vaccinium Vitis-Idæa L, 335 Pinguicula vulgaris L. 336 Phelipæa rambsa C. A. M. 337 Ajuga genevensis L. 338 Plantago Coronopus L. 339 Asarum europæum L. 340 Fagus silvatica L. 341. Salix cinerea L. 342 Gagea arvensis Schult. 343 Polypogon maritimum Willd. 34% et bis Alopecurus utriculatus [Pers. 345 Digitaria sanguinalis Scop. 273 bis Setaria glauca P. B. 346 — . viridis P.B. 347 Bromus mollis L. 348 Hordeum hexastichon L. 349 — maritimum With. 390 Lolium gracile Du Mort. HUITIÈME FASCICULE. 351 Ranunculus fluitans Lam. 35? Ficaria ranunculoides Mnch. 353 Delphinium Consolida L. 354 Sisymbrium Alliaria Scop. 355 Nasturtium sylvestre R. B: % Arabis hirsuta Scop. 7 Polygala depressa Wend. 398 — Lejeunii Bor. 359 — vulgaris L. 360 Dianthus prolifer L. 361 Stellaria Holostea L. 362 Malva parviflora L. 363 Acer Pseuda platanus L. 364 Medicago muricata Benth. 365 — sphærocarpa Bert. 366 Melilotus sulcata Desf. 367 Vicia dumetorum L. 368 Fragaria collina Ehrh. 369 Rosa kosinsciana Bess. 370 Sedum rubens L. 371 Chrysanthemum Myoconis L. 372 Lactuca perennis L. 373 Campanula glomerata L. 3174 et bis Vinca minor L, DE: 375 Erythræa pulchella Horn. 388 Carex vesicaria L. 376 Gontiana lutea L. 389 Phalaria nodosa L. 377 Solanum melanocerasum Wild. 390 Crypsis alopecuroides Schrad. 378 Parietaria oflicinalis L. 391 Aira præcox L. 379 Corylus Avellana L. 392 Kæleria cristata Pers. 380 Narcissus pœticus L. 393 Melica nebrodensis Parl. 381 Maiïanthemum bifolium DC. 394 Festuca arundinacea Schreh. 382 Orchis Morio L. 395 Bromus secalinus L. 383 Juncus squarrosus L. 396 Gaudinia fragilis P. B. 384 — filiformis L. 397 Polystichum Oreopteris DC. : 385 Luzula multiflora Lej. 398 Asplenium Ruta-muraria L. 386 Carex muricata L. 299 — Breymi Retz. 387 — paniculata L. 100 Equisetum arvense L. Nous avons cru intéressant de publier quelques-unes des espèces mentionnées dans la note suivante, bien qu'elles n'aient pas fait partie de notre flore jusqu'à ce jour. Note sur les plantes transportées par le mou- vement de nos troupes en 1970-1871. Ori a beaucoup dit et écrit sur les migrations dés plantes et sur les différents moyens qu'elles ont de se propager au loin. Un des moins contestables est le transport par l’homme, quelquefois volontaire ,' mais souvent fait à son insu. Les grandes migrations humaines ont toujours opéré un transport considérable de‘végétaux, dont beaucoup trouvant un sol et un climat favorables, ont fini par se naturaliser, au point qu'après plusieurs années il n'est plus possible de remonter à leur origine et de les séparer de la flore autochtone du pays. Les courses que nos troupes ont faites l'année dernière à travers la France, ont répandu de différents côtés bon nombre de plantes que le botaniste est surpris de rencontrer à des distances considérables de leur sol natal. J'ai cru utile de signaler à la Société celles que j'ai observées pour ma part sur les terrains incultes qui avoisinent la gare de Besançon, et dont plusieurs s’y sont développées en si grand nombre qu'il est très probable qu’elles demeureront acquises à notre flore... Je n'ai pu étendre mes observations sur d’autres points de notre province qui ont dû aussi donner hospitalité à nombre ne: VIE de ces végétatx étrangers transportés par les fourrages de nos mobiles, mais qui, à quelques exceptions près, doivent être les mêmes que ceux que j'ai à signaler ici (!). Du reste, le peu que j'ai à en dire sera suffisant pour constater l’origine de ces espèces jusqu'ici étrangères à notre pays, et que l'on doit retrouver partout où il y a eu des campements de troupes et de chevaux. | Nous ferons observer que les familles végétales qui four- nissent le plus de plantes fourragères au bétail sont celles qui ont été le plus richement représentées, telles sont les légwmi- neuses, les graminées, etc., bien que ces familles soient moins importantes en nombre queles labiées, les scrophulariacées, etc., qui ne nous ont apporté que un ou quelques représentants, et quelquefois point du tout. Et dans ces familles nous n'avons que les espèces qui composent la flore fourragère des pays d'où elles proviennent. Il est à remarquer aussi que le bouleversement social n'a pas imprimé son mouvement aux seuls végétaux des provinces éloignées, mais aussi aux plantes du pays, que l’on trouve ordinairement dans des stations tout à fait différentes, telles sont : ‘Brassica nigra Koch. Pulicaria vulgaris Gærtn. Alyssum vagum Jord. Centaurea nemoralis Jord. Camelina sylvestris Wallr. Echinospermum Lappula Lehm. Iberis arvatica Jord. Heliotropium europæum L. Silene gallica L. Marrubium vulgare L. Spergula aryensis Bœnn. Amaranthus retroflexus L. Spergularia rubra Pers. Polycnemum majus Braun. Erodium prætermissum Jord. Alopecurus utriculatus Pers. — permixtum Jord. Cynodon Dactylon Pers. Melilotus alba Lam. Vulpia sciuroides Gmel. Vicia lutea L. Bromus mollis L. — varia Host. — arvensis L. e Epilobium tetragonum L. — secalinus L. Corrigiola littoralis L. Lolium temulentum L. Matricaria Chamomilla L. — speciosum Bieb., etc. () M. Boreau, à qui j'ai soumis les plantes que je signale ici, m'écrit qu'aux environs d'Angers il a observé les mêmes espèces ; et M. Fran- chet me disait, dans le courant de l'été dernier, que dans le Cher il avait déjà recueilli 200 plantes méridionales et algériennes, st Mais tout en faisant partie de notre flore, ces plantes peuvent aussi nous avoir été apportées de loin. Plusieurs espèces sont cultivées dans nos jardins comme ornement; il est donc difficile de dire si elles sont provenues de cette grande migration ou sont simplement échappées de nos cultures, quoique cependant il soit plus probable qu'elles ont accompagné leurs payses; ce sont : Reseda odorata L. Silene Armeria L. Sida Abutilon L Coriandrum sativum L. Blitum capitatum L. Phalaris canariensis L. Panicum miliaceum L. Hordeum hexastichon L. Pimpinella Anisum L. Pinardia coronaria Less. Calendula arvensis L. Convolvulus tricolor L. Triticum turgidum L. Petunia violacea Hook. Amaranthus sanguineus L. Ces deux dernières sont d'Amérique. Quelques plantes sont cosmopolites et se rencontrent dax tous les pays. Parmi celles qui ne font pas partie de notre flore, nous avons à citer : Sinapis turgida Pers. Eruca sativa Lam. Erysimum perfoliatum Crtz. Diplotaxis tenuifolia DC. Melilotus alba Lam. Trifolium incarnatum L. Turgenia latifolia Hoffm. Chrysanthemum segetum L. Helmintia echioides Gærtn. Crepis setosa Hall. f. Cynodon Dactylon Pers. Bromus tectorum L. Gaudinia fragilis P. B. Plusieurs espèces appartenant à la région méditerranéenne se retrouvent sur les bords de l'Océan et suivent le littoral quelquefois jusque dans le nord; parmi elles, nous avons rencontré : Erodium malacoides Willd. Melilotus parviflora L. Trifolium angustifolium L. _ maritimum Huds. — panormitanum Presl. — ligusticum Balb. — resupinatum L. Coronilla scorpioides Koch. Torilis nodosa Gærtn. Anacyclus radiatus Lois. Scolymus hispanicus L. Trixago apula Stew, Eufragia viscosa Benth. Plantago Coronopus L. Phalaris paradoxa L. Polypogon maritimum Willd. — monspeliense Desf. Lagurus ovatus L. Briza minor L. Vulpia bromoides Rchb. — molliformis Lloyd. Bromus madritensis L. Hordeum maritimum With. Ægilops ovata L. —ODE Les espèces purement méditerranéennes nous ont fourni : Ranunculus trilobus Desf. Lathyrus Ochrus DC. Glaucium corniculatum Curt. Lythrum Græfferi Ten. Raphanus Landra Moretti. Bellis annua L. Sisymbrium Columnæ Jacq. Senecio leucanthemifolius Poirr. Reseda alba L. Chrysanthemum Myconis L. Malva parviflora L. Anthemis incrassata Lois. Lavatera punctata All. Hedypnois cretica W. Medicago orbicularis All. Hyosciamus albus L. — præcox DC. Plantago Lagopus L. — lappacea Lam. — albicans L. — tribuloides Lam. — Psyllum L. — sphærocarpa Bertol. Rumex bucephalophorus L. — -nigra Willd. Phalaris nodosa L. Lotus ornithopodioides L. Briza maxima L. Vicia disperma DC. Bromus rubens L. Les plantes de la région des oliviers et celles qui s'avancent un peu plus vers le nord ont été représentées par : Delphinium pubescens DC. Coriandrum sativum L. Diplotaxis Erucastrum G. G. Pimpinella Anisum L. Alyssum vagum Jord. Galium omissum Jord. — incanum IL. — anglicum Huds. Rapistrum rugosum All. — læve Thuill. — linnæanum Boiss. Chrysanthemum segetum. L. Silene Armeria L. Centaurea solstitialis L. Linum ambiguum Jord. Helmintia echioides Gærtn. Malva nicæensis All. Convolvulus tricolor L. Medicago ciliaris Willd. Echium plantagineum L. Melilotus sulcata Desf. Avena barbata Brot. Trifolium lappaceum L. Cynosurus echinatus L. — nigrescens Viv. Bromus intermedius Guss. Scorpiurus vermiculata L. Triticum ciliatum DC. — sulcata L. Lolium strictum Presl. - Quelques espèces ne sont pas indiquées en France, ou ne le sont que dans de rares localités : Papaver syriAcuM Boiss. et B1.? — Syrie, Midi. SISYMBRIUM PANNONICUM Jacq. — Alsace. RAPISTRUM ORIENTALE DC. — Orient, Corse. — PERENNE Berg. — Europe centrale. . SILENE DISTICHA W. — Aloérie, SPERGULARIA SALSUGINEA Fenzl. — Marseille. Mazva Mauriranica Desf, — Algérie. 07e Mazva miarocarpa Desf. C. — Hyères, Toulon. Lavarera TRiMEsTRIS L. — Toulon, Marseille. SIDA ABUTILON Li. — Beaucaire, Montaud, Hyères. ERODIUM LACINIATUM Cav. — Hyères. — LirrorenM Leman. — Narbonne, Montredon. ONoNIS MONOPHYLLA Desf. — Algérie. MepicAGO INTERTEXTA All. — Italie. — TURBINATA Willd. — Montpellier, Corse. — MURICATA Benth. — Montpellier, Marseille. MeuiLzorus Messanensis Desf. — Algérie, Toulon. — INFESTA Guss. — Corse. TRIFOLIUNM ISTHMOCARPUM Brot. — Algérie. — SPHÆROCEPHALUM Desf. — Algérie. TETRAGONOLOBUS PURPUREUS Mnch. — Ile S'°-Marguerite, ASTRAGALUE BOETICUS L. — Corse. OROBUS ATROPURPUREUS Desf. — Algérie, Sicile. ANETHUM SEGETUM Li. — Algérie. CATANANCHE LUTEA L. — Grèce, Algérie, Italie. PiNARDIA coRONARIA Less. — Algérie, Corse. CENTAUREA PULLATA L. — Montpellier. — ALBA L. 8. deusta. — Italie. CARLINA SULPHUREA Desf. — Algérie. APOSERIS FOETIDA Less. — Pyrénées et Alpes dauphinoïses. PLANTAGO ERI0OPHORA Hoffm. — Sables-d'Olonne. VULPIA GENICULATA Link. — Ussat, Collioures, Marseille. Et parmi toutes ces plantes, nous citons peu d'espèces vivaces qui mettent au moins un an avant de montrer leurs fleurs, et n'ont pu accomplir leur période de végétation. NH est bien à présumer que le froid de notre pays les détruira entiè- rement avant qu'on ait pu constater leur identité. Bien des espèces aussi de cette brillante colonie, ou trop délicates pour résister à notre climat, ou trop peu nombreuses en individus pour se perpétuer parmi nous, ne sont destinées qu'à une apparition très éphémère; mais quelques-unes se sont mon- trées avec une telle abondance, que tout porte à croire qu'elles 25 QUÈs se perpétueront dans notre pays et feront plus tard partie de notre flore. On peut citer de ce nombre :° | Raphanus Landra Moretti. Trifolium resupinatum L. Eruca sativa Lam. me panormitanum L. Alyssum incanum L. Bellis annua L. Rapistrum orientale DC. Chrysanthemum Myconis L. — rugosum All. Anthemis incrassata Lois. Linium ambiguum Jord. Helmintia echioides Gærtn, Malva parviflora L. Echinospermum Lappula Lehm. Medicago lappacea Lam. Plantago Coronopus L. — sphærocarpa Bertol. — Psyllum L. — muricala Benth. Phalaris nodosa L. Melilotus infesta Guss. Polypogon maritimum Willd. — parviflora Desf. Hordeum maritimum With. Trifolium incarnatum L. — hexastichon L. — maritimum Huds. Lolium strictum Pres]. Nous pensons utile de donner ici, par ordre de familles, la liste de toutes les espèces observées, tant par moi que par MM. Cordier et Pourtier, qui ont bien voulu me seconder dans mes recherches. Cette liste permettra d’embrasser d'un seul coup d'œil l'importance de notre petite colonie, les familles de plantes qui nous ont fourni le plus de représentants, et les pays qui ont le plus contribué à cette nouvelle flore. Les lettres A, AA, R, RR, indiqueront que les plantes étaient abondantes, très abondantes, rares ou très rares. RENONCULACÉES. RaNuUNCULUS TRILOBUS Desf. — RR. — Région méditerr. : DELPHINIUM PUBESCENS DC.? — RR. — Moissons du Midi. PAPAVÉRACÉES. PAPAVER SYRIAGUM Boïss. et BL.? — Syrie et Midi. GLAUCIUM CORNICULATUM Curt. — R.—— Région méditerran. CRUCIFÈRES. RapHanus Lanpra Moretti. — CC. — Littoral de la Méditerr. SINAPIS CHEIRANTHUS Koch. — R.— — TURGIDA Pers. — C.— Enuca sativa Lam. — C. — ERYSIMUM PERFOLMATUM Crtz.—RR.— DipLOTAXIS FENUIFOLIA DC. — R.— Signalés dans toute la France, mais ne faisant point partie de notre flore. LFB Drpcoraxis EnücasTruM GG. — RR. — Région des oliviers. | SISYMBRIUM COLUMNÆ Jacq. — RR. — Région méditerran. — PANNONICUM Jacq. — RR. — Alsace. ALYSssuM INCANUM L. — C. — Plante du nord, descendant jusqu’en Alsace et en Provence. — vaGuM Jord. — R. — Lyon. CameziNA syzvesrris Wallr. — C. — IBERIS ARVATICA Jord. — R. — RAPISTRUM RUGOSUM AI. — C. — Midi. — LINNÆANUM Bois. — C. — Lyon. —* ORIENTALE DC. — CC. — Orient, Corse. — PERENNE Berg. — RR. — Europe centrale. | Moissons. RÉSÉDACÉES ë ResEDA ODORATA L. — C. — Orient, cultivé partout. — ALBA L. — R. — Région méditerranéenne. CARYOPHYLLÉES. SILENE ARMERIA L. — R. — Midi, fréquemment cultivé. — pisricHa W. — RR. — Algérie. — GALLICA L. — C. — Moissons. SPERGULARIA RUBRA Pers. — R. — Moissons silicicoles. — SALSUGINEA Fenzl. — RR. — Marseille. LINÉES. LiNuM amBiGuuM Jord. — C. — Région des oliviers. MALVACÉES. MaLva NICÆENSIS All. — C. — Région des oliviers. — PARVIFLORA L. — CC. — Région méditerranéenne. — MICROCARPA Desf. — C. — Hyères, Toulon. — Mauriranica Desf, — R. — Algérie. LAvVATERA PUNCTATA All. — RR. — Région méditerranéenne. — TRIMESTRIS L. — RR. — Toulon, Marseille. SIDA ABUTILON L. — RR. — Beaucaire, Moutaud, Hyères. 00 — GÉRANIACÉES. ERODIUM PRÆTERMISSUM Jord. — C. — Champs. PERMIXTUM Jord. — GC. — Terrains siliceux. MALACOIDES Willd. — C. — Côtes de l'Océan et de la Méditerranée. LITTOREUM Lem. — R. — Narbonne, Montredon. LACINIATUM Cav. — RR. — Hyères. | Borrys Bertol. — RR. — Provence et Corse. LA PAPILIONACÉES. : ONonis MoxoPHYLLA Desf. — RR. — Algérie. MEDICAGO ORBICULARIS AIL. — RR. — Région méridionale. pRÆCOX DC. — R. — Région méditerranéenne. APICULATA Willd. v. confinis K.— C. — Moissons. LAPPACEA Lam.— CC. — Région méditerranéenne. ciLiARIS Willd. — C. — Midi. -INTERTEXTA All. — CO. — Italie. TRIBULOIDES Lam. — R. — Région méditerran.… TURBINATA Wild. — RR. — Montpellier, Corse. MURICATA Bnth. — CC. — Montpellier et Marseille. SPHÆROGARPA Bertol. — CC. — Région méditerran. NIGRA Willd. — RR. — Région méditerranéenne. MELILOTUS MESSANENSIS Desf.— RR.— Alsérie, Sicile, Toulon. — SULCATA Desf. — C. — Midi. INFESTA Guss. — CC. — Corse. PARVIFLORA Desf. — CC. — Midi et ouest. ALBA Lam. — R. — Moissons. TRIFOLIUM ANGUSTIFOLIUM L. — R. — Midi et ouest. INCARNATUM L. — CC. — Prés et champs. MARITIMUM Huds. — CC. — Littoral de la Médi- terranée et de l'Océan. PANORMITANUM Presl. — CC. — Littoral de la Mé- diterranée, Bayonne. LAPPACEUM L. — R. — Midi. OUR TriroziuM iGusTicuM Balb. — RR. — Littoral de la Médi- terranée et de l'Océan. — RESUPINATUM L. — CC. — Midi et ouest. — NIGRESCENS Viv. — R. — Région des oliviers. — ISTHMOCARPUM Brot. — R. Algérie. — SPHÆROCEPHALUM Desf. — R. — Algérie. TETRAGONOLOBUS PURPUREUS Mnch. — R. — Ile S'-Marguer. LoTus ORNITHOPODIOIDES L. — RR. — Région méditerran. ASTRAGALUS BOETICUS L. — RR. — Corse. Vicra LuTEA L. — OC. — Moissons. — pisPERMA DC. — R. — Littoral méditerranéen. Larayrus Ocxrus DC. — R. — Région méditerranéenne. OROBUS ATROPURPUREUS Desf. — RR. — Algérie, Sicile. SCORPIURUS VERMICULATA L. -— C. — Midi. :— SULCATA L. — R. — Midi. CoroNILLA scoRPIOIDES Koch. — RR. — Midi et ouest. LYTHRARIÉES. Lyrarux GRærrer Ten. — R. — Région méditerranéenne. PARONYCHIÉES. CORRIGIOLA LITTORALIS L. — R.— Sables au bord des rivières. OMBELLIFÈRES. TURGENIA LATIFOLIA Hoffm. — RR. — Moissons. Torizis Noposa Gærtn. — C.:— Midi et ouest jusque dans le nord. CORIANDRUM SATIVUM L. — R. — Midi. ANETHUM SEGETUM L. — RR. — Algérie. PIMPINELLA ANISUM L. — R. — Midi. RUBIACÉES. GaALIUM oMissuM Jord. — R. — Midi. — ANGLICUM Huds. — R. — Midi. — LÆVE Thuill. — R. — Midi. 1 HUE SYNANTHÉRÉES. Bezxis ANNUA L. — CC. — Région méditerranéenne. SENEGIO LEUGANTHEMIFOLIUS Poirr. — R.— Région méditerr. CHRYSANTHEMUM SEGETUM L.—C.— Moissons, surtout du Mid.i — Myconis L. — CC. — Région méditerran. PINARDIA CORONARIA Less. — C. — Corse, Algérie. ANACYCLUS CLAVATUS Pers. — RR. — Rég. médit. et ouest. ANTHEMIS MIXTA L. — C.— Midi et ouest. | MATRICARIA CHAMOMILLA L. — R. — Terrains siliceux. « CALENDULA ARVENSIS L. — R. — Champs, moissons. CATANANCHE LUTEA L. — R. Grèce, Algérie, Italie. CENTAUREA PRATENSIS Thuill. — R. — Ouest. — .consIMILIS Bor. — R. — Ouest. — NEMORALIS Jord. — R. — Bords des bois siliceux. — PULLATA L. — RR. — Montpellier. — SOLSTICIALIS L. — C. — Midi. — ALBA L. 6. deusta — RR. — Italie. CARLINA SULPHUREA Desf — RR. — Algérie. HELMINTIA ECHIOIDES Gærtn. — C.— France, surtout le Midi. Hepypnois cRETICA W. — C. — Région méditerranéenne. APOSERIS FOETIDA Less. — RR.— Pyrénées et Alpes dauphin. CREPTSOT re Os = uen. — SETOSA Hall. f. — C. — France. ous HISPANICUS L. — R. — Midi et ouest. CONVOLVULACÉES. CONVOLVULUS TRICOLOR L. — R. — Midi. BORAGINÉES. ECHIUM PLANTAGINEUM L. — RR. — Midi. EcxiINosPERMUM LaPpuLa Lehm. — C. — France. HELIOTROPIUM EUROPÆUM L. — R. — France. SOLANÉES. PETUNIA VIOLACGEA Hook. — R. — Amérique. Hyoscramus ALBUS L. — R. — Région méditerranéenne. 200 SCROPHULARIACÉES. TRixAGO-APULA Stew. — R. — Région méditerran. et ouest. EuFRAGIA viscosa Bent. — RR.— Région méditerran. et ouest. LABIÉES. MARRUBIUM VULGARE L. — R. — France. PLANTAGINÉES. PLanTaGo Coronopus L. — CCG. — Midi et ouest. — Lagopus L. — C. — Région méditerranéenne. — ALBICANS L. — RR. — Région méditerranéenne. — ERIOPHORA Hoffm. — R. — Sables-d'Olonne. — PsyzLum L. — C. — Région méditerranéenne. AMARANTACÉES. AMARANTUS CAUDATUS L. — C. — Amérique. PoLzycNEMUM MaJus À. Br. — R. — Champs. SALSOLACÉES. BLITUM cAPITATUM L. — R. — Midi. POLYGONÉES. RUMEX BUCEPHALOPHORUS L. — C.— Région méditerranéenne. GRAMINÉES. PHALARIS CANARIENSIS L. — C. — Midi, cultivé. — PARADOXA L. — C. — Région méditerran. et ouest. — NODOsa L. — CC. — Région méditerranéenne. ALOPECURUS UTRICULATUS L: — R. — Prés humides. PANICUM MILIACEUM L. — R. — Cultivé. — M. SEMINE NIGRO. — R. — Midi. Cynopon DacryLon Pers. — R. — France. POoLYPOGON MARITIMUM Willd. — _ RU MA — MONSPELLIENSE Desf.—CC.— LAGURUS OvATUS L. — R. — Briza MaxIMA L. — RR. — Région méditerranéenne. — MINOR L. — RR, — Midi et ouest. terranée et de l'Océan. — 100 — AVENA BARBATA Brot. — RR. — Région des oliviers. CyNosuRus ECHINATUS L. — RR. — Région des oliviers. VuLeIA GENICULATA Lnk.— R.— Ussat, Collioures, Marseille. — BROMOIDES Rchb. — RR. — Midi et ouest. — SCIURDIDES Gmel. — R. — France. Bromus TECTORUM L. — R. — France. — MADRITENSIS L. — C. — Midi et ouest. — RUBENS L. — RR. — Région méditerranéenne. — MOLLIFORMIS Lloyd. — R. — Littor. médit. et ouest. — INTERMEDIUS Guss. — C. — Région des oliviers. — PATULUS M. K. — R. — Midi. HonpeuM MarITIMUM With. — CC. — Littoral de la Méditer- ranée et de l'Océan. — HEXASTICHON L. — CC. — Cultivé et subspontané. Triticum TURGIDUM L. — RR. — Cultivé et subspontané. ee CILIATUM DC. — RR. — Région des oliviers. Æ&iLops OVATA L. — C. — Région des oliviers et ouest. GAUDINIA FRAGILIS P. Beauv.—CC.—: LOLIUM TEMULENTUM L. — C. — — sPpECIOSUM Bieb. — R. — — STRICTUM Presl. — CC. — France, moissons. Besançon (Chaprais), le 13 décembre 1871. QUELQUES EXPRESSIONS ET LOCUTIONS USITÉES EN FRANCHE - COMTÉ ET PARTICULIÈREMENT A DOLE (Jura) Recueillies par M. R.-E. GASCON, agent voyer à Fontaine-Française. Séance du 10 décembre 1870. AMPIGER, Où empiger. — Embarrasser, prendre par les jambes, empêcher de marcher. On dit d'une personne sans usage et dont la démarche et l'allure sont lourdes, qu'elle est ampigée. À Mor LA PEUR! — Expression que l’on ajoute ordinaire- ment à une phrase ou à un mot qui signifie qu'on ne croit pas à telle chose, qu'on ne veut pas la faire, etc. C’est un terme de dénégation et d'incrédulité. ARIE ! — Signifie Quelle idée ! Ce mot exprime aussi l'éton- nement, soit de douleur soit de pitié. A Paris, on emploie le mot aria, qui signifie contrariété, et à Salins, . M. Toubin, embarras, malheur. À TOUT PAS DE CHEMIN. — À tout moment, à chaque instant. AVANTIR, Ou aventre. — Attendre, prendre quelque chose de difficile à atteindre. AVELANE. — Aveline, noisette cultivée. AVENS, Ou avans. — Osiers jaunes dont on se sert pour faire des liens. BaAINER. — Vient probablement de baigner. C'est mettre des légumes secs, haricots, fèves, lentilles, etc., dans de l’eau chaude pour leur faire subir une première cuisson avant de les accommoder en ragoût ou autrement. — 102 — BAYESTRES, ou balistres. — Billes, gobilles, en pierre ou en marbre; jouet d'enfant. Bauzer. — Rouler, se rouler sur ou dans quelque chose. Je me suis baulé (roulé) dans la paille. BezLe-LuRETTE. — Longtemps. Il y a belle-lurette que cette chose s’est passée ! | BEurToN. — Burette à huile, buret, bureton. On dit aussi berton. BEuYyer, ou beuiller. — Regarder attentivement, longtemps et de près. . BiGor. — Houe à deux dents, instrument aratoire spécial aux vignerons. Brquer. — Embrasser d'amitié. BLeTTE. — Bette de jardin, betterave à sucre. Bor. — Gros crapaud, commun dans les jardins et autour des habitations. Bouizze, où bouillot. — Hotte en bois pour porter de la vigne au cuvier le raisin coupé en vendanges. On appelle encore -bouille un groupe de pampres de vigne avec leurs raisins qu'on veut conserver. Il est d'usage que chaque ven- dangeur emporte sa bouille et la pende au plafond. BousqQuiIGNER. — Pousser, battre, remuer fortement. BREDAQUE, ou beurdaque. — Etourdi, homme ou femme sans tête, qui agit avec une certaine turbulence et sans réflexion. BREQUILLE, ou brequillon. — Petit morceau de bois, menu fragment de fagot. Bucnaizze. — Eclat d'équarrissage ou d’abatage; ételle de bois. Burin. — Ce mot s'emploie généralement dans le sens de propriété, de meubles, de linge, etc. Pour dire une telle per- sonne est riche, bien meublée, on dit : elle a du butin, du beau butin. CABUCHON, ou gré. — Panier d'osier, en calotte sphérique, dans lequel on met la pâte de pain au sortir de la pétrissoire. 03 CACHICACHOT. — Jeu de cache-cache. CALBUTER. — Culbuter, tomber, faire choir. CaLLOT. — Noix, fruit du noyer. Cazor, cäle. — Petit bonnet, en indienne, d'enfant ou de femme. CamPÈNE. — Petite clochette qu’on attache au cou des vaches. Canr. — Petite cachette. CaRTABLE. — Carton à dessin, sac d’écolier. Cane. — Robinet en bois ou en cuivre pour tirer le vin. C'EST TOUT comme. — Expression employée pour la compa- raison des choses ou des objets. On dit : c’est tout conune cet homme qui allait, etc.; c’est tout comme tel objet. CHANTAGNE. — Châtaigne, petit marron. CHAPLE-cHoUu. — Couperet en fer à poignée horizontale. CHAPLER, — Couper en petits morceaux. CHapuser. — Couper du bois en menus éclats; travailler sans aucun goût. OHARABIA. — On emploie ce mot pour désigner une personne qui parle mal, ou un écrit illisible et incompré- hensible. CHARBOUILLER. — Brouiller, salir, mal faire. CHARBOUILLON. — Chose mal faite, en écriture ou en dessin ; celui qui brouille, qui salit son travail. QE CHATELOT. — Groupe de plusieurs fruits (pommes, noix) se touchant et placés à l'extrémité d'une branche. CHEnI. — Ordures à balayer; produit du balayage. Cain. — Le plus jeune, le dernier né d'une famille. CHouINER. — Pleurer en jetant de petits cris étouffés. Caous! — Terme employé pour chasser les poules, les chats, les chiens, etc. Cxosir. — Faire mal une chose, un ouvrage. CLaAIRER. — Bien brûler. Ainsi on dit : faire clairer le poêle ; ce bois claire bien. CouENxE, ou coine. — Bête, imbécile ; terme assez injurieux. Cet homme est une couenne, — 104 — CouenorTTe. — C'est le charancon des céréales et des légu- mineux. | CounorT. — Espèce de trompe en fer-blanc pour appeler les vaches et autres animaux domestiques. Cors, ou corps. — Tuyau de cheminée, de poêle. Couixer. — Rendre un son aigu mais assez doux ; les sou- liers neufs couinent. CouTuier. — Jardin potager situé aux abords d'une maison. On dit aussi meix. CoquELLE, où cauquelle. — Casserolle en fonte et à queue, presque toujours à trois pieds. CouroTTER. — Courir après quelqu'un. Deux enfants se courottent quands ils courent l’un après l’autre, surtout en jouant. Couvert. — On donne ce nom, sans distinction, à toutes sortes de couvercles. DANDINE. — Une volée de coups de poing, de bâton, etc. DÉBUTINER. — Déménager ; partir avec ses effets. DÉcARUCHER, ou dégringoler.— Tomber, rouler, s'effondrer. DÉCHARBOUILLER. — Nettoyer, laver, particulièrement le visage et les mains. DéGouziner. — Se dit de l’eau, du sable qui tombe ou qui roule sur une pente. DeLiRE. — Trier, séparer le bon du mauvais; s'applique surtout aux légumes : on delit de la salade, des haricots, etc. DIANTRE ! — L'analogue de diable ! comme terme d’impa- tience. Dresser. — Retirer les mets du feu et les servir. Ainsi on dit dresser la soupe, pour tremper lasoupe. Dans la cuisine, le mot dresser est employé pour dire arranger un mets, lui donner de la tournure sur le plat. Drorr. — Pour debout, ou pour juste, justement : droit là, droit ici. EcarouiLLer. — Ecraser, froisser. EcampiLLer. — Ecarter, disperser, étendre. — 105 — EcauBEer. — Enjamber. On égambe un fossé. EmBer1iricoTer. — Etre dans l'embarras, dans la peine, ne savoir que faire. EmBrouILLAMINI. — Embrouillement ; choses mal en ordre, . incompréhensibles. Emgruyer. — Lancer, mettre en train, commencer un mouvement qui se doit prolonger. EMEILLER (s’), ou s'émayer. — S'effrayer; craindre une chose, un malheur; redouter la peine. EMPATURER. — Empétrer, embarrasser. ENCHARBOTER.— Emmêler, embrouiller du fil, de la ficelle, ete. ENGAINER (s').— S'enfiler dans une rue, dans un espace étroit. ExroucHer. — Arriver au but dans le jeu de cache-cache. ENTRÔôÔLER. — Tirer au sort, au moyen d'une kyrielle de mots, pour savoir, au jeu de cache-cache, celui des joueurs qui doit chercher ses camarades. ENvIROULER. — Enrouler. FAIRE AU FOUR. — Faire chauffer le four, cuire du pain. FENEUILLER. — Chercher, ranger, puis déranger. On dit aussi ravdter. (Voir ce mot.) FEURGON, ou fourgon. — Perche pour attiser le feu dans le four à pain. FEURGONER, Où fourgoner. — Synonyme de bousquigner; on feurgone dans un trou, un creux, un four. Fossou, ou fesou. — Large pioche à manche court et très incliné, généralement employée à piocher la vigne; houe à charger les terres, le fumier. FROUILLER. — Frauder au jeu, tricher. FROUILLEUR. — Celui qui fraude au jeu. FurLUCHES. — Copeaux de chêne ou de sapin, formés par le rabot ou la varlope. : Gaine. — Jeu de bouchon ; le bouchon lui-même. GAUGER. — Se mouiller les pieds dans les flaques d’eau. GAvouILLer. — Barboter, remuer de l'eau sale, s'amuser avec de l'eau. — 106 — GÈNE, ou genne. — Marc de raisin. On lui donne ce nom aussi bien avant qu'après l'avoir distillé pour en tirer de l’eau-de-vie. Grczer, ou jicler. — Eclabousser, projeter quelque chose en l'éparpillant ; lancer avec force un filet d’eau ou d'un liquide quelconque. Gieries. — Bêtises, singeries : il ne sait faire que des gieries. GinGuEr. — Jouer, s'amuser; se dit particulièrement d’un chien ou d'un chat qui joue. GLEus, gluis ou gluy. — Paille de seigle réservée pour les liens ou les paillassons. Gzissor. — Glissoir; lieu où les enfants glissent sur la glace ou sur la neige. GNOGNOT, gnognotte. — Terme d'amitié donné aux enfants. GouILLAND. -- Homme de rien, vagabond, flâneur, mal ‘famé. GouILLANDER. — Vagabonder. GouiLLaT. — Creux d'eau sur un chemin, dans une rue. GouIsorTTE. — Serpe et serpette de vigneron. GoumEr. — Couver : le feu goume sous la cendre ou dans la paille avant de se déclarer en flammes; la colère goume avant d'éclater. GOURGANDIN, gourgandine. — Homme ou femme de rien, de mauvaise vie. GourGAnDINER. — Mener une vie déréglée, se débaucher. Gouri. — Cochon; on le dit d’une personne très sale. GRANDMILIGALOP. — Ventre-à-terre; un cheval court au grandmiligalop. GRÉ. — (V. cabuchon.) GREVILLER. — Remuer, faire de petits mouvements con- tinus : les vers grevillent. GriGou. — Homme de rien, mauvais sujet, ivrogne. En français, ce même mot signifie avare. Griors. — Seaux en bois, ordinairement de sapin. On crie dans les rues : « À relier les griots ! » — 107 — Gugurniais. — Avare, stupide, méchant. _ GuinGanT. — Coucou, primevère officinale; plante qui entre dans la composition de quatre fleurs. Iopor. — Au féminin iodine ou iaudine (dérivés de Claude et de Claudine), imbécile, sot, bête. JAUQUER. — Faire durer trop longtemps une partie en dépit de son adversaire. JE T'EN IoU. — Je t'en fiche; je t'en donnerai, cr xis-le! Appoint d'une formule de refus. JIQUENAUDE. — Pour chiquenaude. JosmariA ! — Jésus-Marie! Vraiment! mot d'admiration, de plainte, de pitié. Lamor! — Exclamation de plainte, de pitié (vient de hélas moi !). LANCELÉE.— Sac ou mesure servant à vendre la paille de maïs. LouRrIN, ou nourin. — Petit cochon de lait. Mart, ou mafoi. — C'est le dame des Parisiens. Ce mot exprime le doute ou l'affirmative, suivant l'intonation de la voix et l'emploi que l’on en fait. Maizzon. — Manche d'un fouet. Mer. — Pétrissoire, pétrin, meuble à pétrir le pain. Mraxarp. — Enfant qui crie ou qui pleurniche souvent. MraxEr. — Miauler, cri du chat. MINABLE. — Pauvre, sans aucune fortune. MouniN. — Moutard, enfant, homme petit. NaïLzces. — Dragées que l'on donne ou que l'on jette aux enfants à l'occasion d'un baptême. Nazim, ou nasir. — Rouir du chanvre ou autre objet dans l'eau. À Nraque. — Matière expectorée par le nez. Nraquer. — Se moucher salement, ou ne se pas moucher du tout; alors le nez niaque. NIGUEDANDOUILLE. -—- Nisaud, imbécile, idiot. Niocxe, où mioche. — Enfant peu dégourdi, tant soit peu nigaud. | — 108 — Niquer. — Méridienne ; sommeil court après le repas. OGo ! — Regarde! à l'impératif. Oua! — Synonyme de ouais, cri qui marque la surprise, la douleur, la fatigue. PazaiLe ! — O mon Dieu ! terme d’étonnement, d'admi- ration ou d'indifférence. Paxé. — Les enfants emploient ce mot lorsqu'ils ont perdu toutes leurs billes et tout leur argent; synonyme de rousti, mots souvent employés ensemble. PANTET. — Pan d’une chemise, particulièrement celui de derrière. On dit qu'on est en pantet quand on n’a que sa che- mise pour tout vêtement. PaRDié ! — Pardieu, parbleu, sans doute; affimation très familière. PENEUX, peneuse. — Personne interdite, abêtie, écrasée sous le raisonnement et l'évidence. | PENGUILLER. — Se dit d'un objet pendu flottant au vent. PERLINPINPIN. — C'est la primevère officinale. Peur, peute. — Vilain, affreux. Au moral, personne qui a un mauvais caractère, qui est ladre. PrauNER. — Piauler; se dit du cri des enfants qui se plai- gnent en pleurant. PIE. — Pépie, maladie de la langue des oiseaux. PILLOUCHER. — Prendre avec dégoût, indifférence, par petits morceaux ; mettre ses doigts dans son nez. PiTEAUx. — Matière durcie expectorée du nez. On dit : tirer les piteaux du nez, pour tirer les vers du nez. PLûre. — Epluchure ; la peau, le zest des fruits ou des racines. Pounorre.-— Mâche, salade d'hiver, nommée aussi doucette. Pour! — Fi donc! terme de dégoût, d’aversion. Pocxox. — Grande cuiller demi-sphérique à servir la soupe ou à transvaser des liquides. PoRTE-CHENI. — Oiseau en bois pour déposer et emporter les ordures. — 109 — PRôGEeoTTE. — Foisonnement, augmentation du volume au détriment de la qualité. “ PrÔôGER. — Faire foisonner. Pour faire préger le vin on y ajoute de l’eau. QuÉLELLER. — Prendre, voler, surtout au jeu de billes. QuécezLeur. — Celui qui triche, qui vole les billes des autres Joueurs. QUILLETTE, ou quillotte. — Petite vrille où petite cheville qu'on met aux tonneaux pour tirer et goûter le vin. Rapasse. — Forte averse, grande pluie, trombe d’eau. Rapresser. — Ranger, réunir ensemble; on radresse des assiettes, des outils, etc. - RaGouÉ. — Rassasié, satisfait à satiété. Raïns. — Parties menues des fagots; petites rames pour les jardins. Ramasser. — On dit ramasser une assiette, un plat, une casserole, pour dire prendre, manger, râcler ce qui reste d’un mets au fond d’une assiette, d’un plat, etc. RANcHE. — Rangée. Raquizzor. — Tout petit. On le dit aussi bien d’une per- sonne que d’un animal. Rarrouper. — Réuñir, amasser ensemble plusieurs choses. Ravarer. — Chercher, toucher à tout, déranger. On le dit encore d'une personne qui prononce des paroles sans suite et sans aucun sens. RazûrE. — Partie durcie et rôtie au fond d'une casserole de bouillie ou autre mets à la farine. ReBuTer. — Action de chercher à s'approcher le plus près du but pour jouer le premier dans un jeu, particulièrement dans celui que l’on appelle bouchon ou galine. RécHaquer. — Recevoir, attraper au vol. On réchaque une balle qui vous est jetée. ReLAvER. — Laver la vaisselle à l’eau chaude. RiBouizzr. — Savonnade de linges fins qui ont été ou non lessivés. — 110 — RirouGNoux. — Mal peigné, mal propre; celui qui a le poï: ou les cheveux sales et tout emmêlés. | ROPLANTIN, Ou ronplantin. — Plantin des oiseaux. Ronpe. — Espèce de cuvier, en sapin, petit et peu élevé. _ On s’en sert pour porter le lait au marché, faire de petites lessives, etc. Roquer. — Rencontrer, heurter, C’est un mot ancien, en- core employé au jeu d'échecs. Rore. — Pâtisserie en forme de couronne. SAVEUR. — Sert à désigner les légumes que l’on met dans le pot-au-feu. SEILLOT. — Petit seau en sapin, allongé, à une seule anse. SERCLEROT. — Serfouette, sarcloir, binette de jardinier. SERMENTS. — Branches sèches provenant du taillage de la vigne. Sraux. — On donne ce nom à tous les genres de seaux. Troc. — Tilleul, la fleur ou l'arbre. TopiNer. — Battre, secouer. Se topiner, se battre, se secouer fortement. TouT PIQUE, ou tout pic. — Complètement, tout à fait. C'est le portrait de son père tout pique. TRAMPOTTE. — Espèce de soupe au pain et au vin. Pain trempé dans du vin. TRaPPe. — Grande jatte évasée en terre vernissée. TREMBLEMENT. — Une masse de choses embarrassantes. C'est un tremblement ! TRIER. — Marcher dessus, écraser, fouler aux pieds. VariIR, Où varier. — On dit 'que le raisin varit quand il change de couleur. VAS TE FAIRE LENLIRE! — Va te promener, va-t-en | ViLAIN-TOULET. — On le dit d’une personne qui a des ma- nières détestables, qui est originale et inabordable. Viser. — Loucher. On dit de quelqu'un qui louche : c’est un visetle. n LD a HAN | ÿ F ‘0 r Ke M RAA TT MÈRE d - jt + d' ” Vs He Ta Ys CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES SUR ES CHAEEUR Par M. H. RÉSAL \ Ingénieur des mines Professeur à l'Ecole polytechnique. Séance du 6 août 1870. £ DE LA TEMPÉRATURE. La notion de la température est une conséquence des sen- sations que la chaleur produit sur nos organes. Ainsi la locution vulgaire : « Il fait plus ou moins chaud, » a pour synonyme, dans le langage des physiciens : « La température est plus ou moins élevée. » Indépendamment de toute hypothèse sur la nature de la chaleur, nous avons naturellement le sentiment de sa quantité; et, si nous considérons un même COrS dans des états calori- fiques différents, nous disons qu’il renferme d'autant plus de “chaleur que, par Le toucher, sa température nous paraît plus élevée. On est aussi naturellement conduit à poser en principe que la quantité de chaleur sensible d’un même corps est propor- tionnelle à sa température. Le rapport entre la quantité de chaleur sensible de l’unité de masse et la température corres- pondante, quelles que soient les unités admises, est donc une constante pour un même Corps, mais qui généralement variera d’un corps à un autre. — 113 — I1 nous reste maintenant à nous rendre compte de ce que c'est que la chaleur sensible. Le corps solide est le type général des corps qui existent dans la nature. Il est, en effet, pourvu d’une cohésion plus ou moins énergique. Lorsque cette cohésion vient à diminuer, le corps devient liquide en passant généralement par un état pâteux intermédiaire; puis, après avoir traversé un second état intermédiaire, celui des vapeurs, il se transforme en gaz pro- prement dit dont la cohésion est nulle ou négligeable. D'après les analogies {pour un certain nombre de phéno- mènes) qui existent entre la lumière et la chaleur, on peut considérer cette dernière comme étant due à des mouvements vibratoires des particules des corps. Mais, d'autre part, si l'on tient compte de la théorie mécanique de la chaleur, il faut admettre que la chaleur communiquée à un corps se divise en deux parties. La première a pour objet de vaincre les attractions molécu- laires qui donnent lieu à la cohésion, et l'effet des résistances extérieures qui pourraient agir sur le corps. Cette quantité de chaleur a recu le nom de chaleur latente, quoiqu'elle n'ait pas disparu et qu’elle ait tout simplement subi une transformation. La seconde, qui constitue ce que l'on appelle la chaleur sensible, a pour effet de mettre les particules matérielles en vibration ; son intensité doit alors être considérée comme proportionnelle à la demi-force vive des particules vibrantes. Il ne nous paraît pas inutile de faire à ce sujet un rappro- chement entre les sensations douloureuses produites sur les êtres organisés par les agents mécaniques et calorifiques. Une douleur extérieure provient : 1° soit d'un choc contre un obstacle, d’un coup de marteau, d’un coup de fouet, etc., en d’autres termes d’un travail mécanique équivalent à une demi-force vive communiquée, pouvant produire, suivant son énergie, une altération plus ou moins grande dans notre système organique; 2° soit de la chaleur qui produit des effets, sinon identiques aux précédents, du moins qui présentent 8 — 114 — avec ceux-ci une analogie incontestable ; 3° soit de l'électricité dont nous n'avons pas à nous occuper, etc. à Ainsi donc, un travail extérieur et la chaleur peuvent pro- duire sur nos organes des effets physiques similaires, et par conséquent sous ce rapport spécial on doit les regarder comme deux choses comparables ou de même nature. Les chocs résultant de mouvements vibratoires très rapides contre notre épiderme et répercutés par notre système nerveux, peuvent donc fort bien expliquer l'influence de la chaleur sur le corps humain dont les particules vibrent elles-mêmes en raison de la quantité de chaleur nécessaire à la vie, ou du moins comprise dans les limites qui lui sont assignées par la nature. Cela posé, si l'on commence à mesurer la quantité de cha- leur contenue dans l'unité de masse d’un corps à partir d’un état déterminé de ce corps, correspondant à la température ZÉTO, on voit que la quantité de chaleur sensible Q” à la température t ne serait autre chose que celle qu'il recevrait, en concevant que l’on maintienne son volume constant ou égal au volume primitif, pour acquérir la même température. En appelant c' une constante spécifique pour ce corps, on aura la relation | (lo ct. Le rapport c’, comme on le voit, n’est autre chose que la chaleur spécifique sous volume constant du corps considéré. Pour être logique, il faut donc employer un système de ? mesure pour Q’et ft, tel que le rapport = reste constant pour un même Corps. On sait que, à des différences négligeables près, tous les gaz permanents se comportent de la même manière au point de vue des dilatations, ce qui conduit à les regarder comme des corps essentiellement désagrégés, dénués de cohésion, ou comme des systèmes matériels dont les éléments sont trop éloignés les uns des autres pour qu'ils exercent entre eux des attractions moléculaires appréciables. Cette identité entre les gaz, sous le rapport de la dilatation, est déjà un motif pour mesurer les — 115 — températures par les augmentations qu'éprouve l'air atmo- sphérique en prenant pour 0 et 100 les états calorifiques per- manents respectifs de la glace fondante et de l’eau pure en ébullition sous la pression barométrique de 0"76. La division en 100 parties ou degrés de l'échelle est prolongée au-dessus de 100 et au-dessous de 0, en considérant les températures comme négatives. La chaleur contenue dans un corps est mesurée en plon- geant ce corps dans un poids connu d'eau à une température déterminée, et en observant l'augmentation de température éprouvée par ce milieu. La quantité de chaleur contenue dans un corps se trouve ainsi exprimée en calories, c'est-à-dire en quantités de chaleur nécessaires pour élever chacune d’un degré la température d'un kilogramme d’eau. En opérant de cette facon, Welter, Gay-Lussac et M. Re- enault ont obtenu des résultats tels que, d’après les principes de la thermodynamique, on arrive à conclure que la chaleur spécifique des gaz sous volume constant est constante; d’où il suit que le mode de mesure ci-dessus est conforme au prin- cipe établi plus haut. La cohésion ne jouant aucun rôle dans un liquide ou un solide chauffé sous volume constant, la même chose doit avoir lieu pour ces corps. Nous admettrons que, pour tous les corps, la chaleur spécifique sous volume constant est constante, en estimant la température au thermo- mètre à air et la chaleur en calories. IT LES ATTRACTIONS MOLÉCULAIRES FORMENT DEUX GROUPES. Les amplitudes des vibrations calorifiques sont extrêmement petites. Mais pour qu'il y ait mouvement oscillatoire, il faut que chaque molécule vibrante se trouve soumise à l’action d’une certaine force; cette force doit être d’une autre nature que celles qui donnent lieu à la cohésion, puisqu'elle doit — 116 — exister pour les gaz qui n'ont pas de cohésion sensible. Pour tout expliquer, il faut admettre que : 1° la cohésion des liquides et des solides est due à des attractions mutuelles entre leurs molécules, fonction de leur distance, dont l'intensité ne subit pas de variation appréciable par suite des déplacements relati- vement très petits qu'éprouvent ces molécules dans leur mou- vement vibratoire calorifique ; 2° les oscillations calorifiques de chaque molécule sont dues à des attractions des autres mo- lécules, d’une énergie incomparablement plus petite que celle des forces ci-dessus, de sorte qu'il n'y a pas lieu à tenir compte de leur travail mécanique ; les attractions ont une résultante fonction de la distance de la molécule à sa position moyenne. II NATURE DES VIBRATIONS. Lorsqu'un corps homogène est parvenu à un état d'équi- libre de température déterminé, l'hypothèse la plus simple que l’on puisse faire est que toutes les molécules décrivent des orbites circulaires d'un mouvement uniforme autour de leurs positions moyennes respectives. Si m est la masse d'une molécule, V sa vitesse, r le rayon du cercle décrit, mF (r) la force centrale qui la sollicite, on a 1 m = mF (r), ou Are SFr Soient { la température du corps ; A l'équivalent mécanique de la chaleur; c' la chaleur spécifique sous volume constant du corps, rapportée à l'unité de poids ; To Vo, les valeurs de r et V correspondant à la tem- pérature 0, à partir de laquelle on commence à mesurer positivement la quantité de chaleur sensible. | Eine AN — 117 — Comme, en vertu de l’homogénéité, toutes les molécules doivent se trouver dans les mêmes conditions, V et r doivent avoir les mêmes valeurs d’un point à un autre du corps, et l'on a, en égalant deux expressions de la quantité de chaleur sensible dans l'unité de poids du corps, ed ttans (2) T2 = (Gi: ES Es: — ÿ,? rE(r) SH AU tm gAc’ q. 2gAc'” __ TE(r) —170F (fe) de: ne UT Ta puisque l'on doit avoir { = 0 pourr = r, Si l'on pose se LME UT T=r+êr, pure on a, d'après la série de Taylor, ; | 5 r? el +ôr) or)" (r) 87 +8" (ro) Lo Si nous supposons maintenant que les rayons des orbites augmentent dans le même rapport que les distances de leurs Tr ; ‘ : : centres, =. représentera la dilatation linéaire A correspondant 0 à l'élévation f de la température. En posant Î a. (To) To Î 1 10 REA (re) 3 pa? 0 a, b,... étant des constantes, il viendra : (3) (= at art SH Pour que lé corps se dilate sous un accroissement de tem- pérature à partir de 0°, il faut que « soit positif, ou que la fonction & (r) soit croissante à partir de r —r.. Supposons, par exemple, que la fonction F(r) soit de la forme À Er 946 ra K et n étant des quantités positives, nous aurons COMORES HUE ne g(To) =—n(1—n) Ft Pour que a soit positif, il faut que n soit plus petit que l'u- nité et compris par conséquent entre 1 et 0, puisque les forces moléculaires, quelleque soit leur nature, paraissent croître quand les distances diminuent; b sera négatif, et si A ne dé- passe pas certaines limites, comme cela a lieu pour les solides et les liquides et tant qu'ils ne changent pas d'état, on aura | 1 _— — + — 2, d'où, comme premières approximations, A'—\'at ai et : A= ai — — 1? b par conséquent la dilatation doit croître plus rapidement que la température, ce qui s'accorde bien avec les faits observés ({). (*) En prenant les valeurs de A fournies par l'expérience entre { = 100° et t = 300°, on forme le tableau suivant : 86724 , 17013 Platine...... = 0 Ad” Nerre ss. = 78664 Ta? 10° 1021 Fer = 103904 ES US AT cr tete Si 10 Cuivre... A— 1 PSE 10° 100 Comme, pour les gaz, la dilatation cubique, par suite linéaire, sous pression constante, croît proportionnellement à la tempé- rature, 1l faut que +’ (r,) = 0, e”’(r.) — 0... où que + (r) soit linéaire ou enfin que F(r) soit de la forme F(r) =M+ A Tr . M et N étant des constantes dont la seconde seule pourra être nulle. | On conçoit qu’en donnant à F(r) une forme convenable, on puisse se rendre compte de l'anomalie que présente la dila- tation de l'eau. Ainsi on voit que l'hypothèse des‘vibrations peut très bien expliquer les différents phénomènes que présentent les chan- gements de volume des corps sous l’action de la chaleur. La formule donne pour le verre à 200°, À — pers 18450 AÉEUÉ et l'expérience La différence relative n'est ainsi que de 1/68. » CHARTE DES COUTUMES DE LA VILLE ET SEIGNEURIE DE JOUGNE (FRANCHE-COMTÉ) - PUBLIÉE AVEC UNE TRADUCTION ET DES NOTES Par M. JULES GAUTHIER Archiviste du Doubs. Séance du © avril 1870. Aucun document ne permet mieux de reconstituer la phy- sionomie pittoresque de nos vieilles villes franc-comtoises que les chartes de coutumes et de franchises rédigées aux x1r1°, xiv° et xv° siècles. Elles abondent en curieux détails sur la condition des personnes et des terres, sur le commerce et l'in- dustrie : à côté des traits principaux de la législation civile et criminelle et de l’organisation des tribunaux, on y recueille de précieux renseignements sur l'établissement du régime municipal et sur son extension rapide dans notre province. À la consécration de certains usages du passé se joignent la modification de certains autres et l'introduction de principes complètement nouveaux. Sous le régime qu'inaugurent ces chartes, la mainmorte disparaît peu à peu, le pouvoir absolu de la noblesse diminue de tout ce dont s'accroît la puissance . du tiers-état naissant, les bourgeois commencent à faire com- poser leurs maîtres, enfin des prestations régulières remplacent les impôts administratifs du passé. Ces principaux change- ments témoignent assez de l’importante révolution qui s'est accomplie. — 121 — Imposées aux grands seigneurs par la force des circons- tances, le plus souvent déterminées par le besoin d'argent, les concessions de franchises, devenues des spéculations intéres- sées, se généralisèrent promplement en Franche-Comté sous l'influence de nos comtes héréditaires, de leurs parents et leurs vassaux. Des bourgs et des villes, qui les premiers furent dotés de chartes communales, le mouvement se transmit aux villages et aux simples hameaux, dont les serfs transformés en bour- geois furent libérés de la mainmorte. Sous le gouvernement des ducs de Bourgogne, les affranchissements de communes ou de personnes se multiplièrent dans un but tout à la fois fiscal et politique; sous les empereurs d'Allemagne, ils se ralentirent sans s'arrêter. Après la conquête française, qui détruisit en grande partie les vieilles franchises de nos villes sans leur en concéder de nouvelles, les libérations de mainmorte par le roi ou les seigneurs continuèrent sans interruption jusqu'aux extrêmes limites du xvim° siècle : aussi, quand survinrent 1789 et les fameuses déclarations des Etats généraux, 1l ne restait plus en Franche-Comté d'autres mainmortables que ceux de l'abbaye de Saint-Claude, dans un coin retiré des Monts-Jura {!). Tous ces textes de coutumes et franchises existent encore à de très rares exceptions près; l'importance qu'y attachaient les intéressés en a assuré la conservation et multiplié les copies. Ce serait une utile entreprise que de les recueillir soigneuse- ment, d'en dresser une liste exacte, enfin d'analyser ou de publier entièrement ceux qui le mériteraient par leur ancien- neté et leur originalité. L'idée d'une semblable collection n’est point nouvelle; elle remonte à l'époque où l'on commença à apprécier sérieusement les chartes, à en observer les moindres détails, à en tirer par L @) Voir Carisrin, Dissertation sur l'établissement de l'abbaye de Saint- Claude, suivie de Mémoires présentés au roi par les habitants du Mont- Jura, livre un peu exagéré dans la forme et dans le fond; 1772, in-8°. — 122 — la critique tout ce qu'elles sont susceptibles de produire. Après Dunod, qui ne s'était guère préoccupé des affranchissements qu'au point de vue de l'intérêt juridique de la mainmorte, Perreciot le premier étudia d'une façon générale nos chartes de coutumes; le conseiller Droz fit faire, pour le Recueil général des Chartes, la copie assez peu correcte d’une soixantaine de ces documents, que Dom Grappin utilisa en même temps dans un petit Traité sur les origines de la mainmorte dans le royaume de Bourgogne. En 1838, sur l'initiative de Théodore Jouffroy, l’Académie de Besançon commença la publication, aujour- d'hui suspendue, de nos vieux priviléges. En 1858, notre confrère M. Castan publia, dans les Mémoires de la Société. d'Emulation du Doubs, un grand nombre de textes inédits des franchises et coutumes de notre capitale, à la suite de ses Origines de la commune de Besançon. Enfin, en 1864, un autre membre de la Société d'Emulation, M. Tuetey, fit paraître, avec l'histoire complète du droit municipal à Montbéliard, une étude générale sur un groupe de nos chartes communales ({). Un travail d'ensemble sur ce sujet, abordé seulement jus- qu'ici par des études de détail, aurait un réel intérêt; il sera facile à entreprendre le jour où, aux écrits que nous avons cités, viendront se joindre une table complète de tous les textes de franchises qui subsistent, et une publication consciencieuse des types les plus caractéristiques d’une pareille collection. C’est pour s’associer à cette idée que la Société d'Emulation a accueilli déjà dans ses Mémoires les chartes de Gy et d'Oiselay (?) @) Duxon, Traité de la mainmorte, in-4°, 1733; — PenREGIOT, Etat civil des personnes, 2 vol. in-4°, 1786 ; — D. Grappin, Traité de la main- morte, in-8°, 1779; — Documents inédits, publiés par l'Académie de Be- sançon, 6 vol. in-8°, 1838-1868 ; — Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 3° série, t. III, 1858; — A. Tuerex, Etude sur le droit muni- cipal en Franche-Comté, in-8°, 1864. (*) La charte de Gy a été publiée dans le tome IL de la 4° série des Mémoires de la Société d'Emulation; celle d'Oiselay dans le tome IV de Ja même Série. di dc bn. — 123 — ét qu'elle y publie aujourd'hui pour la première fois les Cou- tumes de la petite ville de Jougne ({). Située sur le versant nord-est du Jura, à la rencontre de deux vallées qui, du pied du Mont-d'Or, conduisent à Orbe et à Sainte-Croix, la vieille station romaine de Jougne (?) fut, durant tout le moyen âge, un des passages les plus fréquentés par les marchands italiens qui, à travers la Lombardie et la Suisse romande, venaient vendre leurs tissus et faire com- merce de leur or en Franche-Comté et en Bourgogne (?). Au xu° siècle, un péage établi sur la route antique d'Orbe à Pontarlier, qui traverse Jougne, enrichissait déjà quatre ou cinq familles féodales franc-comtoises ou helvétiques, qui, après s'en être longtemps disputé la possession, avaient fini par s'en partager les produits {‘. Réunies, au milieu du xin° siècle, par des acquisitions successives, au domaine du - comte Jean (*), toutes ces portions de seigneurie formèrent dès lors, par l'étendue de leurs dépendances et la somme de leurs revenus, une des plus belles terres de la province. Maintes fois des diplômes impériaux confirmèrent à l'opulente maison de Chalon la propriété de ce fief qui, par sa position géographique, était l’une des principales clefs du pays. À partir de ce moment, l'importance de Jougne grandit sans cesse. Deux châteaux, bâtis l’un sur une des cimes du Mont-d'Or, l’autre sur les bords de la voie romaine, défen- ® (4) Nous devons à l'obligeance de notre excellent ami et collègue M. A. Casran la communication de ce texte intéressant, conservé au- jourd'hui aux archives municipales de Jougne. (>) Jougne portait le nom romain de Junia au xrr* siècle. (*) Plusieurs chartes du xrr° siècle contiennent des tarifs pour les diverses marchandises qui passaient au péage de Jougne. (Archives du Doubs : anc. Chambre des comptes, J, 14, J. 20; Cagvaurer, Âistoire de -Poligny, t. I, pp. 372-373.) (*) Entre autres les familles de Bannans et de Vaumarcus. (5) Ces actes de vente sont conservés aux archives du Doubs et au château d'Arlay (Jura). Ils remontent aux années 1266 et 1289. (Chambre des comptes, J. 9; maison de Chalon, J. 1 et. 15.) — 124 — daient l'accès du défilé et assuraient la perception du péage. Près du second, qui fermait l'entrée du bourg du côté franc- comtois, se groupaient dans la grande rue l’église paroisssiale relevant du diocèse de Lausanne {!), un hôpital où, de toute ancienneté, étaient recus les voyageurs et les pauvres, une halle où chaque semaine se tenaient des marchés fréquentés. Autour de ces édifices, des maisons, construites en bois la plupart, se multiplièrent : bientôt une enceinte fortifiée les entoura; des artisans vinrent s'établir à l'abri de la forteresse, et le nombre des bourgeois s’accrut dans une assez grande proportion. C'est à ce moment que, pour favoriser cette extension et attirer de nouveaux émigrants dans sa terre, Jean de Chalon Arlay I (?), qui venait de doter Nozeroy, Bletterans et Abbans de lettres de franchises, en étendit le bénéfice aux bourgeois de sa ville de Jougne, et cela au mois de mars de l'an 1315. Rédigée en latin, modelée pour ses dispositions générales sur celle d'Abbans et celle de Nozeroy (*), la charte des cou- tumes de Jougne a un grand air de famille avec ces dernières; mais plusieurs détails curieux, le développement considérable de certaines parties, lui donnent sur elles une primauté d'in- térêt. Rangées dans un ordre peu méthodique, les dispositions que contient notre texte touchent à cinq sujets principaux : les droits des bourgeois, leurs devoirs envers le seigneur, la législation qui les régit, les tribunaux qui les jugent, enfin la réglementation spéciale des corporations d'artisans, des foires et des marchés. C'est là tout ce qu'on y prévoit et ce qu'on y règle. Les bourgeois de Jougne acquièrent leur titre soit par la naissance, soit par le double consentement du seigneur et des (:) Jougne releva de l'évêché de Lausanne jusqu'au dernier GonepreeE passé avec le Saint-Siége. () Fils de Jean l'Antique et de Laure de Commercy; il était seigneur d'Arlay et de Nesle : cette dernière seigneurie lui avait été apportée par Alix sa femme, fille de Raoul de Clermont. ::(*) Abbans, 1297 : t. II, Documents inédits, p. 503. — Nozeroy, 1289, Collection mss. de Droz, bibl. de Besançon. — 125 — prud'hommes de la ville. Un serment spécial, plus la résidence d'un an et d'un jour à Jougne, sont nécessaires pour être admis parmi les bourgeois et jouir de leurs immunités et priviléges. C'est un conseil électif qui règle les intérêts des habitants constitués dès lors en commune. En renonçant aux plus exorbitants de ces droits, le sire d'Arlay spécifie ceux qu'il se réserve : le droit d’aubaine, la banalité des fours et des moulins, le banvin, l'ost et la che- vauchée, enfin l’aide aux quatre cas; voilà, avec quelques menus impôts, ce qui survit à Jougne des anciens droits du seigneur. La partie la plus longue de nos coutumes est consacrée à une sorte de code de procédure et de pénalité criminelle dont le caractère germanique est fortement accentué. Le tarif d'amendes qu'on y promulgue est, à peu de chose près, le même que celui usité à cette époque dans le reste de notre province. On prévoit les crimes, les délits et les contraventions contre les personnes ou les propriétés. Une peine assez cu- rieuse est prononcée dans certains cas contre les voleurs trop pauvres pour payer l'amende : ceux-ci, condamnés par le juge, étaient dépouillés de leurs vêtements et promenés nus à travers les rues de Jougne. Quelques dispositions de droit civil, la proclamation du principe de l’absolue liberté de tester, la procédure du gage, un serment particulier à Jougne et, nee regiquina, achèvent ce résumé de législation. Pour l'appliquer, des juges, baillis, LITE et châtelains, nommés par le seigneur, siégent concurremment avec un jury composé de bourgeois. Au-dessus de ces tribunaux, la cour du seigneur suzerain rend, comme juridiction d'appel, des sentences en dernier ressort. Notre série de coutumes se termine par de curieux règle- ments sur les foires et marchés tenus chaque année ou chaque semaine, par des prescriptions et tarifs pour les boulangers; bouchers, cordonniers, taverniers et autres artisans. — 126 — Chaque article mériterait d'être analysé; mais nous ne voulons que tracer de ces institutions et coutumes une rapide esquisse, complétée par la traduction littérale d'un texte sou- vent difficile à interpréter. : TEXTE ET TRADUCTION DES COUTUMES DE JOUGNE Mars 1315 ( Nouveau style) Nos Johannes de Chalon, do- minus de Arlay et de Neele, no- tum facimus universis presens scriptum inspecturis quod nos jura sive libertates burgensium de Joigney et etiam franchesias et consuetudines ejusdem loci, prout in sequentibus apparebunt, ordinamus et constituimus in hunc modum, hiis servatis que inferius annotantur. Hec sunt scilicet jura seu li- bertates, franchesie sive consue- tudines de Joigney que sequntur, retento nobis directo dominio su- per omnibus. In primis debet jurare dominus servare jura dicti loci. Burgenses vero debent jurare domino jura et honores ipsius fideliter obser- vare. Si quis peregrinus aut viator apud Joigney venerit et ibidem intestatus moriatur, bona ipsius debent deponi in manu domini, et ipse debet ea custodire per annum et diem. Et si infra an- num et diem heres venerit legi- timus, debet habere bona pre- dicta. Si vero infra annum et diem heres non venerit qui re- quirat bona peregrini vel viatoris apud Joigney defuncti, dominus debet ea distribuere secundum voluntatem suam. Nous, Jean de Chalon, sire d'Arlay et de Nesle, savoir faisons à tous ceux qui verront les présenteslettres, que nous ordonnons et établissons comme il suit les droits et les liber- tés des bourgeois de Jougne, ainsi que les franchises et coutumes dudit lieu, nous réservant seulement les priviléges qui seront spécifiés plus bas. = Ce sont les droits et libertés, fran- chises et coutumes que nous recon- naissons aux bourgeois de Jougne, sur lesquels nous retenons toutefois notre droit de seigneurie directe. Et d'abord le seigneur de Jougne doit jurer de maintenir les coutumes du lieu ; les bourgeois, de leur côté, doivent jurer entre les mains du seigneur de respecter ses droits et ses privilèges. Si quelque étranger ou voyageur s'arrête à Jougne et y meurt intestat, ses biens tombent sous la mainmise du seigneur qui les devra garder un an et un jour. Si dans l'an et jour se présente un héritier légitime du défunt, la délivrance des biens lui sera faite; mais si, dans l'an et jour, nul héritier ne vient réclamer la succession du voyageur ou de l'é- tranger mort à Jougne, le seigneur peut disposer de l'héritage à sa vo- lonté. — 127 — Si quis venerit apud Joigney et fecerit ville juramentum et ibi fecerit moram per annum et diem, sciente domino suo, nec infra annum et diem fuerit re- quisitus, burgensis remanet. Si vero infra annum et diem fuerit requisitus, domino qui requisierit debet facere racionem; potest tamen in villa et infra terminos ville remanere. Si vero a villa recedere voluerit, villa ipsum et res suas debet conducere per diem et noctem. Forum de Joigney, qualicum- que die sit, conducit infra termi- nos libertatis castri de Joigney venientes ad forum, a die prece- dente sole oriente usque ad diem sequentem sole occidente. Illi qui veniunt ad forum ab ortu solis diei precedentis, vel recedunt vendendo, veniendo velredeundo, debent domino vendas de hiis que infra terminos libertatis castri de Joigney vendunt usque ad occa- sum solis diei sequentis. Si quis vero a dicto foro reces- ‘serit nec solverit vendas, debet reverti et illas solvere si poterit aut retransmictere per nuncium antequam reversus fuerit domui, et sic est quictus. Si vero reverti non poterit nec etiam ipsas ven- das retransmictere, debet dictas vendas secus viam reportare sub. tus lapidem et duos lapides hinc et inde in testimonium ponere ; et die octavo sequente debet re- Tout sujet d'une seigneurie étran- gère qui vient à Jougne y prête ser- ment de bourgeoisie et y séjourne un an et jour à la connaissance de son seigneur, sans être dans ce délai revendiqué par ce dernier, acquiert définitivement la qualité de bour- geois ; si son seigneur le réclame dans l'an et jour, il est obligé de faire droit à sa requête; il peut tou- tefois continuer à demeurer dans la: ville ou son territoire, et s'il quitte la ville, celle-ci lui doit sauf-conduit (protection) pour lui et ses meubles durant un jour et une nuit (à comp- ter de son départ). Tous ceux qui viennent au marché de Jougne, à quelque jour qu'il se tienne, ont droit au sauf-conduit dans les limites de la franchise de Jougne, et cela dès la veille du mar- ché, au soleil levant, jusqu'au len- demain au soleil couchant, Les mar- chands qui, entre le lever et le cou- cher du soleil, dès la veille du mar- ché en venant, ou le lendemain en s'en retournant, font commerce dans les limites de la châtellenie de Jou- gne, sont obligés, pour les ventes qu'ils font durant ces deux jours, d'acquitter envers le seigneur les mêmes droits qu'ils paient sur le marché même. Si quelqu'un quitte le marché sans avoir payé les droits, il doit, pour éviter l'amende, retourner lui-même, s’il le peut, les acquitter, ou en trans- mettre le montant par messager avant même d'être rentré chez lui. S'il ne peut faire ni l'une ni l’autre de ces choses, il doit enfouir cet argent sous une pierre, non loin du chemin, en plaçant de chaque côté deux autres pierres pour reconnaître l'emplacement : s’il revient dans la. — 128 — dire et habere secum duos probos homines et accipere vendas et reddere domino, et sic est quictus de vendis et de banno. Si quis vendas deportaverit alio modo quam dictum est, tenetur domino in sexaginta solidis et obolo. Qui vendit in villa de Joigney non debet vendas nisi in predictis tribus diebus. Burgensis, ex quo fuerit burgensis per annum et diem, non debet vendas. In nun- dinis vero de Joigney, et emptor et venditor, nisi fuerit burgensis, debet vendas, alias vero tantum venditor et non emptor. Quilibet potest vendere res venales in fe- nestra sua, exceptis rebus que in mascello venduntur. Si quis fran- git forum, tenetur domino in sexaginta solidis. Si burgensis rixatur in foro cum burgense, non tenetur do- mino in majori banno quam alia die. Si burgensis percutit in foro non burgensem, debet tres soli- dos. Si non burgensis percutit burgensem, debet sexagiuta so- lidos. Nemo debet capi infra terminos ville de Joigney nisi de consilio burgensium dicti loci, qui fuerint statuti ad ordinandum negocia” dicti loci, vel illorum quos accu- sator duxerit evocare, preter- quam latro vel proditor manifes- tus et homicida, vel alii qui ma- huitaine suivante reprendre son dé- pôt en présence de deux prud'hom- mes (l} et le rendre au seigneur, il sera quitte tout à la fois des droits de vente et de l'amende. Cette forme de restitution des droits non acquit- tés doit être employée à peine d'une amende de 60 sous 1 obole au profit du seigneur. Il n'est perçu de droits sur les ventes faites à Jougne que la veille, le jour et le lendemain des marchés; tout bourgeois, par cela seul qu'il est bourgeois depuis an et jour, est exempt du paiement des droits sur le marché de Jougne; le vendeur et l'acheteur sont tenus tous deux des droits de vente, s'ils ne sont bourgeois; dans le cas contraire, le vendeur seul et non l'acheteur en est tenu. Chacun peut librement vendre marchandises étalées sur sa fenêtre, à l'exception des marchan- dises de boucherie. Est puni d'a- mende de 60 sous quiconque enfreint les règlements du marché. Sur le marché, tout bourgeois qui en frappe uu autre doit au seigneur la même amende qu'il devrait un jour ordinaire. L'amende sera de 3 sous pour le bourgeois qui frappe un étranger un jour de mar- ché, mais elle sera de 60 sous si c’est un étranger qui frappe un bourgeois. Nul ne peut être arrèté dans les limites de la ville de Jougne sans l'avis des prud'hommes établis pour gérer les affaires dudit lieu, où des témoins produits par son accusateur, à moins toutefois qu'il ne soit voleur, homicide ou traître manifeste, ou n'ait été pris en flagrant délit pour (4) Prud'homme doit être pris ici dans son sens propre et non pas dans celui d’ECHBVIN, D'ADMINISTRATEUR HLU PAR LA COMMUNE. sa} — 129 — nifeste commiserint maleficium per quod debeant recipere penam corporalem. Dominus non debet in villa de Joigney super burgenses dicti loci bannum ponere, nisi de con- silio burgensium, nisi pro frac- tione fori aut cavalcata facienda et burgensis captione. Dominus non potest burgensem recipere, nisi de consilio burgen- sium, nec etiam burgenses, nisi consilio domini, nec etiam jura- mentum burgensis demandare. Si quis rixatur cum aliquo et percutit ipsum, probari potest per regiquinam (4) unius hominis vel mulieris, prestito juramento, nisi homo ille vel mulier sit liti- gator vel particeps litis. Litigan- tes et lLitis participes a regiquina repelluntur, Si quis voluerit ali- quem repellere a regiquina, di- cens ipsum esse litigatorem vel litis participem, debet hoc pro- bare per duos testes. Regiquina debet fieri ante probos homines, presente illo contra quem fiet re- giquina, si voluerit esse presens. Si ille qui fert regiquinam est burgensis, debet credi de regi- quina per juramentum quod fecit ville. Si vero burgensis non fuerit, tenetur jurare de veritate di- cenda. fait entraînant une peine corporelle. Le seigneur ne peut, dans la ville de Jougne, prononcer d'amende contre les bourgeois sans l'aris des prud'hommes, si ce n’est pour viola- tion des règlements du marché, refus d'obéir à une convocation pour la chevauchée, ou enfin séquestration illégale d'un bourgeois. Le seigneur ne peut, sans l'aveu des prud'hommes, recevoir en sa bourgeoisie, comme aussi les bour- geois ne peuvent admettre quelqu'un au serment de bourgeoisie, que de l'aveu du seigneur. Si quelqu'un est frappé dans une lutte, il peut établir le fait par le témoignage d’un homme ou d'une femme; ce témoignage devra être accepté après prestation de serment, si le témoin, homme ou femme, n'est engagé comme plaideur ou à autre titre dans un procès contre l’une des parties. Ceux qui sont plaideurs ou parties dans un procès de ce genre ne sont point admis à être témoins. Celui qui prétend écarter le témoi- gnage d'un autre en alléguant qu'il est partie ou plaideur en un procès pendant, devra prouver son dire en produisant deux témoins. Le témoi- gnage devra être reçu par des prud”- hommes en présence de celui contre lequel il est porté s'il en fait la de- mande. Si le témoin est un bour- geois, son témoignage fait foi par cela seul qu'il a prêté le serment de bourgeoisie; s'il n'est bourgeois, le témoin sera tenu de faire serment de dire la vérité. + (4) Ce mot REGIQUINA, que nous n'avons jamais rencontré dans d’autres textes que celui-ci, ne se trouvée expliqué dans aueun glossaire. Les personnes les plus compé- tentes consultées à ce sujet m'ont affirmé ne le point connaître. Quant au sens du mot lui-même, il n’est point douteux qu'il signifie TÉMOIGNAGE, DÉCLARATION FAITE SANS SERMENT PRÉALABLE, 9 — 130 — _ Qui percutit de baculo vel de alio gladio, fundat sanguinem vel non, tenetur domino in sexaginta solidis, et percusso, si clamam fecerit antequam regiquina tra- hatur, in triginta solidis : quia sine clama facta ante regiquinain non tenetur percusso, sed nichi- lominus in sexaginta solidis do- mino tenetur, facto confesso vel probato. Si quis rixatur cum aliquo et jactat lapidem, ita quod ictus la- pidis appareat in lapide sive mu- ro, in terra vel pariete, licet non percusserit,.tenetur domino in sexaginta solidis, et illi super quem trahit sive contra quem jactavit triginta solidis, per cla- mam factam ut supra. Qui rixando trahit cutellum vel hensem super aliquem, vel trahit lanciam extra domum unam cu- bitatam, tenetur domino in sexa- ginta solidis, et illi super quem trahit in triginta solidis, per cla- mam ut supra. Et si vulnus fece- rit, cui vulneri medicus competat, tenetur solvere expensas medici et expensas vulnerati; et si extra mensuram vulneratus exstimare voluerit operas -sive expensas, dominus, vel qui loco domini in- terfuerit, debet taxare et amen- surare predicta, habitis secum duobus probis hominibus de Joi- gney. Qui percutit de pugno, tenetur domino in tribus solidis, et per- cusso in decem octo denariis. Quiconque en frappe un autre de son bâton ou d’une épée, qu'il y ait ou non effusion de sang, doit au sei- gneur une amende de 60 sous; le battu a droit aussi à une amende de 30 sous, s'il porte plainte avant qu'aucun témoin n'ait déposé sur le fait; le battu perd son droit si sa plainte ne précède le témoignage, mais le seigneur n'en a pas moins droit à l'amende de 60 sous, le fait une fois avoué ou constatè. Si quelqu'un, dans une rixe, lance une pierre contre son adversaire assez violemment pour que la pierre lancée laisse des traces sur une autre pierre ou sur un mur, sur la terre ou sur une paroi, le coupable paiera, qu'il ait ou non manqué son coup, une amende de 60 sous au seigneur. Celui contre lequel il aura levé ou lancé la pierre aura droit à une somme de trente sous, pourvu qu'il ait porté sa plainte en temps utile, comme il est dit plus haut. Tous ceux qui, dans une lutte, auront tiré soit un couteau, soit une épée contre leur adversaire, ou qui, de l'intérieur de leur maison, auront dirigé contre lui une lance dont le fer aura dépassé la façade d'au moins une coudée, devront 60 sous au seigneur et 30 sous au battu, s'il porte plainte comme il est dit plus haut ; s'il y a blessure nécessitant l'appel d'un médecin, son auteur de- vra payer les dépenses du médecin et du blessé; si toutefois ce dernier estime trop haut les frais et les soins nécessités.par sa blessure, le sei- gneur ou son représentant, assisté de deux prud'hommes de Jougne, appréciera et taxera les dépens. Celui qui frappe quelqu'un du poing doit au seigneur 3 sous et au battu 18 deniers. = 181 — Qui de palma, tenetur domino in quinque solidis, et percusso in -triginta denariis, nisi fundat san- guinem, quia tunc tenetur do- mino in sexaginta solidis, et per- cusso in triginta solidis, si san- _guis fluendo appareat. Qui tirat ambabus manibus, tenetur domino in decem solidis, et illi quem tirat in quinque so- lidis. Qui percutit de pede, tenetur domino in decem solidis, et per cusso in quinque. Qui dilacerat vestes, in decem solidis domino tenetur, et passo in quinque solidis. . Qui capit rem alterius violenter vel qui devestit, tenetur domino in sexaginta solidis, restitutis re- bus captis deveslito sive passo violenciam, in triginta solidis. In predictis bannis tenetur qui domino, sed non tenetur percusso sive passo, nisi clamam fecerit ante regiquinam. Qui percutit aliquem infra do- mum suam, vel facit aliquam vio- lenciam, tenetur domino in sexa- ginta solidis, et percusso in tri- ginta solidis; si vero clamam non fecerit, tenetur domino et non percusso. Mulier non debet nisi dimidium bannum viri. Si quis dixerit alicui avutre, vel pugnaïs, vel leprosus, et non sit, tenetur domino in decem solidis, et illi cui dixerit, per clamam ut Supra, in quinque solidis. Celui qui frappe du plat de la main, sans qu'il y ait effusion de sang, doit au seigneur 5 sous d'a- mende et 30 deniers à celui qu'il a frappé; s'il y a effusion de sang l'amende sera de 60 sous pour le seigneur, de 30 sous pour le battu. Celui qui traine à deux mains son adversaire doit 10 sous au seigneur et 5 sous à la partie lésée. Celui qui frappe quelqu'un du pied devra 10 sous au seigneur, 5 sous à l'individu frappé. Celui qui déchire les habits d'un autre doit 10 sous au seigneur, 5 sous à celui qui a subi le dommage. Celui qui enlève par violence la chose ou les vêtements d'autrui, de- vra 60 sous au seigneur, restituera les objets dérobés et paiera en outre 30 sous à celui qu'il aura dépouillé violemment de ses vêtements ou de ses meubles. Toutes les amendes ci-dessus pro- mulguées sont en tous cas acquises au seigneur, mais les dommages-in- térêts ne sont acquis à la partie ci- vile que si elle porte plainte avant que le témoignage légal ne soit re- cueilli. Celui qui frappe quelqu'un, ou lui fait violence en sa maison, devra 60 sous au seigneur et 30 sous à sa victime; si cette dernière ne porte plainte, le seigneur seul à droit à l'amende. Toute amende est réduite à moitié quand le coupable est une femme. Si quelque bourgeois dit à un autre bâtard, puant, lépreux, et que ce dernier ne le soit pas, l'amende sera de 10 sous pour le seigneur, de 5 sous pour l'homme insulté, s'il a porté plainte en temps utile. — 132 — Si quis, garcio vel garcia, ali- cui probo homini vel probe mu- lieri dixerit aliquid turpe, et ille vel illa dat ei alapam, non tene- tur in aliquo. Si quis dixerit alicui {u es fur vel proditor, nisi dixerit de quo, non tenetur eidem respondere, nec, si clamam fecerit, in manu domini assecurare,; si vero dixe- rit de quo, tune tenetur se deffen- dere, per se vel per alium nun- cium suum, vel per aliam excu- sabilem racionem, et in manu domini assecurare, si super hoc fuerit requisitus ; et si ille qui appellavit retraxerit se ab appel- lacione sua, antequam ipsam fir- maverit in manu domini, non tenetur domino nisi in sexaginta solidis, et appellatum tenere pro probo homine, negando quod dixit. Si burgensis clamam fecit de aliquo, non tenetur assecurare, nisi in causa appellacionis belli- cose ; omnes de quibus clama facta est tenentur assecurare vel facere statutum ville. Qui tenet duas mensuras, unam parvam et aliam magnam, et emit ad magnam et vendit ad parvam, in misericordia domini est. Nun- cius domini debet omnes mensu- ras scindere et facere sub signo suo. Et dominus velejus nuncius, quociens voluerit, potest ipsas facere venire ante se et parvam mensuram frangere; et tenetur domino in tribus solidis, si nun- cius domini ipsam scinderit; si Si un homme ou une femme hon- nêtes frappent un gars ou une garse qui les ont injuriés, ils ne sont tenus d'aucune amende. Si quelqu'un dit à autrui : Tues un voleur ou un traître, sans préci- ser les faits qu'il reprôche, il n'est point responsable de ses paroles, et si plainte en est portée, le seigneur ne peut exiger de lui des gages. Si les faits ont été spécifiés et qu'il y ait plainte portée, le défendeur devra comparaître lui-même ou par procu- reur, fournir des excuses admissibles et donner des gages au seigneur s’il l'exige ; le demandeur qui rétracte sa plainte avant d'en avoir établi la preuve au tribunal du seigneur, de- vra payer à celui-ci une amende de 60 sous et tenir l’accusé pour hon- nête homme en rétractant ses pre- miers dires. Si un bourgeois porte plainte con-" tre quelqu'un, il n'est point tenu de donner gage, sauf lé gage de bataille quand il y a lieu à combat judi- ciaire; tous ceux contre qui plainte -est portée sont tenus de dépôser gage entre les mains du seigneur, ou de prêter le serment de bourgeoisie. Tout marchand qui tient deux mesures, l’une petite pour vendre, l'autre grande pour acheter, est à la merci du seigneur (1). Le délégué du seigneur vérifiera et timbrera toutes mesures d'une marque spé- ciale ; le seigneur ou ce délégué pourront quand ils le voudront se faire apporter toutes mesures et briser celles qui se trouveront trop petites; quand le délégué du sei- gneur timbrera les mesures, un droit (4) Les coupables laissés par les coutumes à la merci du seigneur étaient punis d’une peine complétement arbitraire. — 1933 — vero nuncius domini ipsam non scinderit et reperiatur falsa, te- netur domino in sexaginta solidis. Mascellarii non debent lucrari nisi unum denarium in solido. Mascellarius debet exponere et dicere emptori cujusmodi carnes ipse vendit : alioqui teneretur domino in decem solidis, et emp- tori in quinque solidis. Mascella- rius credendus est deexposicione - carnium per suum juramentum, cum uno sequente idem jurante : quod si facere noluerit, emptori per suum juramentum. Mascel- larii non debent custodire carnes recentes nisi a die sabbati usque ad diem lune sole occidente, et ita intelligitur de continuacione aliorum dierum; et si amplius servaverint, tenentur domino in . tribus solidis, et carnes amictunt: et hoc intelligendum est a festo Pasche usque ad festum beati Michaelis. Si quis mascellarius aliquem renem farsiverit, tenetur domino in tribus solidis, et carnes farsitas amictit. Item si vendiderit carnes animalis morbidi, teneretur do- mino in sexaginta solidis, si pos- _sit probari per duos (fide-dignos) qui jurent illud idem, et illos dominus compellat ut veritatem dicant et de hiis veritas inqui- ratur. de marque de 3 sous lui sera payé; et une amende de 60 sous au profit du seigneur punira ceux qui se ser- viront de mesures fausses et non timbrées. Les bouchers ne doivent bénéfi- cier sur leur marchandise que d'un denier par sou (1). Tout boucher doit exposer sa viande et indiquer à l'a- cheteur sa qualité et sa nature; s'il le trompe, il subit une amende de 10 sous au profit du seigneur, de 5 sous au profit de l'acheteur. Tout boucher doit être cru quand il donne par serment des renseignements sur sa marchandise, pourvu qu'il pro- duise un second témoignage à l'ap- pui du sien; s'il ne veut prêter ce serment, le serment de l'acheteur : fera foi contre lui. Les bouchers ne doivent garder de viande fraîche que du samedi au coucher du soleil du lundi suivant, et ainsi de suite pour les autres jours de la semaine: s'ils en conservent plus longtemps, ils seront punis d'une amende de 3 sous et de la confiscation de leur viande. Ces prescriptions ne sont applicables que de la fête de Pâques à la Saint-Michel. Si un boucher confectionne de la charcuterie (2), il est puni de 3 sous d'amende et de la confiscation de sa . marchandise au profit du seigneur. Si un boucher met en vente de la viande provenant d'un animal mort de maladie, il doit 60 sous d'a- mende, si deux témoins digne de foi affirment la chose à la requête du seigneur et que la vérité du fait res- sorte de leur témoignage. (4) Le sou valant 12 deniers, le bénéfice des bouchers se trouve limité à 4/12. (2) L'expression de basse latinité sr quis RENEM FARSIVERIT, que nous traduisons par CONFECTIONNER DE LA CHARCUTERIE, signifie littéralement FABRIQUER DES SAUCISSES. On pré- voit dans cet article une usurpation de fonctions commise par le boucher au détriment du charcutier. — 134 — Bolengeria non debet lucrari nisi duos denarios in cupa ultra suum capitale. Molendinarius debet molire pro vicesima quinta parte. Furnerius debet coquere cu- pam pro uno denario, et debet portare medas ex una parte et ille cujus est pasta ex altera, aut conducat. Omnes debent molire ad mo- lendinum domini et coquere ad furnum ipsius, et expectare per diem et noctem. Post vero diem et noctem, possunt molire et co- quere ubicumque voluerint. Nul- lus potest habere molendinum .vel furnum in pertinenciis de Joigney, nisi dominus. Latrones, proditores domino sunt, nisi aliqua evidenti ratione se poterint excusare. Usurarii manifesti in miseri- cordia domini sunt. Tensa casalium sitorum infra Joigney debent domino in festo beati Andree duos denarios. Ille cujus est domus potest ip- sam vendere sine licencia domini habitatoribus loci tantum. Emp- tor domus tantum tenetur domi- no solvere unam cupam vini. Bolengiera debet quolibet anno duos solidos et unum denarium domino in festo beati Andree. Et dominus, quocienscumque viderit panem non sufficientem, potest ipsum accipere et ostendere bur- — — Nul boulanger ne doit avoir béné- fice net de plus de 2 deniers par coupe de blé (1). Nul meunier ne doit prendre pour sa mouture plus d'un vingt-cin- quième du grain moulu. Tout fournier doit cuire le pain à raison d'1 denier par coupe de fa- rine; en outre, il doit contribuer pour moitié au transport à domicile de la fournée qu'on lui confère. Tout bourgeois doit moudre au moulin seigneurial et cuire au four banal; il est tenu d'attendre son tour un jour et une nuit. Après ce délai d'attente, chacun est libre de fare moudre et cuire où bon lui semble. Nul ne peut tenir four ou moulin dans le territoire de Jougne, fors le seigneur. Les larrons et traîtres sont à la merci du seigneur, à moins qu'ils ne puissent s'excuser par quelque motif plausible. Les usuriers manifestes sont à la merci du seigneur. Tout détenteur de chasal (2) situé à Jougne doit, chaque année, au seigneur ? deniers de cense payables à la Saint-André. Tout propriétaire de maison la peut vendre sans licence du sei- gneur, pourvu que ce soit à un habi- tant du lieu; mais l'acheteur sera tenu, pour droit de vente, de donner au seigneur une coupe de vin. Tout boulanger doit chaque année au seigneur ? sous et 1 denier de cense à la Saint-André. Chaque fois que le seigneur voit à l'étalage d'un boulanger un pain qui n’est pas de bonne qualité, il le peut prendre et (4) La coupe de blé représente la vingt-quatrième partie de la mesure connue sous le nom de quarte de Charlemagne et ayant un poids d'environ 48 livres. (2) Emplacement bâti ou à bâtir. — 135 — gensibus ; et si burgenses dixe- rint panem non sufficientem, do- minus potest ipsum frangere et dare pauperibus. Sutor debet domino in festo beati Andree unum par sotula- rium de melioribus quos inve- nerit penes sutorem, exceptis duobus paribus. Mascellarius, tres solidos. Et tabernarius, unam cupam vini. In villa Joigney, non debet quis augmentare precium vini, nisi per dominum ei burgenses ; et si aliter fecerit, tenetur domino, pro qualibet mensura, in tribus solidis. Si quis vinum suum cla- mare fecerit, debet illud totum vendere pro illo precio vel pro minori; et si aliter fecerit, tene- tur domino in tribus solidis, et dominus debet ipsum compellere ut vinum redeat in priori statu. Dominus debet habere bannum vini per mensem Augusti. Venditores victualium tenentur credere super vadiis que valeant terciam partem ultra credilum, nisi vadium sit laceratum sive sanguinolentum. Tabernario credendum est de taberna sua usque ad quinque solidos per suum juramentum, dum modo ille a quo poscit debi- tum de taberna sua aliquid se a taberna recognoscat deportasse. Ille qui deportat pagam taber- narii, invicto tabernario et con- le montrer aux bourgeois. Si ceux- ci trouvent ce pain de mauvais,aloi, le seigneur peut le rompre et le dis- tribuer aux pauvres. Tout cordonnier doit au seigneur, à la Saint-André, une paire de sou- liers des meilleurs cçue celui-ci trou- vera dans la boutique, excepté tou- tefois deux paires que le cordonnier peut mettre à part. Tout boucher doit payer 3 sous à la même époque. Tout tavernier une coupe de vin. Dans la ville de Jougne, nul ne peut hausser le prix du vin fors le seigneur d'accord avec les bourgeois; celui qui contreviendra à ce règle- ment paiera 3 sous d'amende pour chaque mesure par lui vendue. Si quelqu'un vend son vin à la criée, il doit le vendre en entier pour le prix annoncé, ou pour un prix moin- dre; s'il agit autrement, le seigneur lève sur lui 3 sous d'amende, et peut en outre le contraindre à reprendre son vin en remboursant les ache- teurs. Le seigneur a le banvin durant le mois d'août (1). Tout marchand de victuailles est tenu de vendre sur gages qui dé- passent au moins du tiers la valeur du crédit qu'il fait, à moins que ces gages ne soient déchirés ou ensan- glantés. Touttavernier est cru sur son ser- ment pour faits relatifs à son com- merce jusqu'à concurrence dune somme de à sous, pourvu toutefois que le débiteur auquel il réclame le montant de sa créance reconnaisse avoir pris quelque chose en sa ta- verne. Celui qui quitte une taverne (1) Le banvin est le monopole de la vente du vin. — 136 — tradicente, ponente bannum ta- berng, tenetur domino in sexa- ginta solidis, si probetur per duos testes (fide-dignos) ipsum sic a taberna recessisse. Burgensis potest vadiare in foro de Joigney et alias de debito recognito et confesso. Si vero vadiatus negat debitum, et va- dians ipsum debitum potest pro- bare per duos testes, non debet bannum domino : alioqui tenetur domino in sexaginta solidis. Si vi vadiaverit ipsum infra termi- nos libertatis dicte ville, aliter non tenetur. Dominus per se vel per nun- cium suum potest viare pascua per burgenses quociens voluerit, et ille qui imbroliavit pascua te- netur domino in tribus solidis. Burgenses debent cavalcatam domino per octo dies, moram -contrahendo in ejus cavalcata ad proprias expensas. Burgensis non debet vendere domino carius quam aliis. Vadium domini debet custo- diri quadraginta diebus ante- quam vendatur, et vadium militis sive domicelli in Joigney resi- dentis, quindecim diebus. Si vero vadium alicujus venditur, etille cujus est vadium revocat vendi- tionem, dicens vadium non esse venditum secundum usus ville si sans payer le prix de sa consomma- tion, et cela malgré les protestations du tavernier qui le lui réclame, de- vra 60 sous au seigneur, si deux té- moins dignes de foi attestent le fait. Tout bourgeois peut gager (1), sur le marché de Jougne et ailleurs, pour dette reconnue et avouée. Si celui que l'on gage nie la dette, et que son créancier la puisse prouver par deux témoins, ce dernier est quitte de l'amende de 60 sous qu'il paierait au seigneur à défaut de preuve. Dans les limites des fran- chises de Jougne, la règle est la même, qu'il s'agisse de la prise de la personne même du débiteur ou de la saisie du simple gage. Le seigneur ouses officiers peuvent, quand ils le veulent, imposer aux bourgeois la garde des pâturages ; quiconque usurpe à son profit quel- que portion de ces pâturages doit 3 sous d'amende au seigneur. Tout bourgeois doit au seigneur le service mililaire à cheval durant huit jours, mais aux frais de ce der- nier; celui qui met du retard à obéir au ban de chevauchée est obligé de servir à ses propres frais. Nul bourgeois ne doit vendre au seigneur plus cher qu'il ne vend à un autre. Le gage donné par le seigneur ne peut être vendu qu'après un délai de quarante jours; celui d'un che- valier ou damoiseau demeurant à Jougne ne peut l'être qu'après quinze jours. Si le gage donné par un tiers est vendu par son détenteur et que le tiers réclame l'annulation de la vente, en prétendant que le gagen'a —_————————_—_—_—_—_—_———— (1) Gacer, c'est prendre entre les mains d'un débiteur un objet que le créancier conserve en garantie de sa créance; c'est en quelque sorte prendre hypothèque sur des meubles, — 137 — fuerit in patria, debet illi qui vendidit vadium presentare sum- mam pecunie pro qua tenebat vadium, et vadii infra quatuor- decim dies vendicionis justiciam petere, et ille tenetur reddere vadium nisi possit sé deffendere dictum vadium legitime vendi- disse et super vendicionem tene- tur eidem credere suo juramento. Si vero ille cujus est vadium fue- rit extra patriam, hoc idem debet facere infra quadraginta dies, quia post non valeret revocacio, vendito vadio. Ille cujus est va- dium ipsum potest recuperare infra octo dies, soluto debito et dato obolo pro solido. Quicumque product testes de- bet expectare illum contra quem producit usque ad nonam; post vero nonam, potest producere, licet ille sit absens contra quem producit, et debet jurare quod producit bonos testes, et debet producere coram domino vel co- ram probis hominibus qui inter- fuerint judicio, si dominum ha- bere non poterit. Famuli domini ad regiquinam non admictuntur, neque famuli illius pro quo fit regiquina. Si aliquis uxoratus inveniatur cum aliqua uxorata in lecto bra- cis tractis tenetur domino in sexa- ginta solidis. Pater non tenetur dare filio porcionem nisi unum carterium de pane vel unum album bacu- pas été vendu conformément aux usages du lieu, deux cas peuvent se présenter. Ou bien le tiers était à Jougne au moment de la vente, et alors il n'a que quatorze jours pour réclamer en justice la restitution du gage en présentant au vendeur la somme que garantissait le gage, et le vendeur doit lui restituer cet ob- jet, à moins qu'il ne prouve qu'il l'a légitimement vendu; son serment . suffit à faire foi de cette allégation. Ou bien le tiers était absent au mo- ment de la vente, et alors le délai est de quarante jours, après lésquels il ne peut plus exercer de revendi- cation si le gage a été vendu. Huit jours après tout délai, le proprié- taire du gage le peut encore recou- vrer en payant sa dette et en donnant en sus une obole par sou, Tout bourgeois qui, en un procès, produit des témoins doit attendre celui contre lequel il les produit jusques à l'heure de nones (3 heures de l'après-midi). Cette heure une fois passée et malgré l'absence du dé- fendeur, les témoins pourront être entendus ; le demandeur doit tout d'abord affirmer par serment qu'il produit de bons témoins, et le té- moignage de ceux-ci doit être porté en présence du seigneur ou des pru- d'hommes qui siégent comme jury, si le seigneur n'est présent. Ni les serviteurs du seigneur, ni ceux du demandeur ne sont admis à porter témoignage. Si un homme marié est surpris en flagrant délit d'adultère avec une femme mariée, l'amende qu'il paiera au seigneur sera de 60 sous. Le père n’est point tenu de laisser à son fils d'autre part d'héritage qu'uné miche de pain ou un bâton — 138 — lum. Pater non tenetur de facto filii si noluerit. Ili qui apud Joigney sunt et erunt pro domino, ballivus, cas- tellanus, prepositus, tenentur apud Joigney judicare et etiam cognoscere de consilio burgen- sium ejusdem loci. Et si burgen- ses noluerint, vel nescierint, seu discordent, ille qui pro domino est potest habere consilium et recurrere ad curiam domini. Et si aliqua pars se sencierit aggra- vatam, potest appellare ad domi- num. Alter alterum ad diem juris debet expectare usque ad vespe- ras : quibus transactis, dominus potest presentem investire de querela sua. Si alter absens fue- rit, racionem faciendo de violen- cia et devestitura, testes sunt producendi. De. universis clamis factis do- mino, debet dominus facere fieri racionem antequam recipiat ban- num. Qui facit homicidium in villa, infra terminos ville, non debet remanere in villa nec intrare vil- lam nec terminos ville, nisi evi- denti racione se possit excusare. Qui intrat ortum seu virgultum alicujus sine licencia illius cujus est ortus seu virgultum, nisi se- quendo animal suum sive avem suam, si clausi fuerint, tenetur de die domino in decem solidis, et illi cujus est ortus sive virgultum in quinque solidis ; et si solvere non poterit, debet currere nudus per totam villam. Qui de nocte blanc. Le père n’est responsable des actes de son fils que s'il le veut bien. Tous ceux qui remplissent ou rem- pliront à Jougne, au nom du sei-- gneur, les offices de bailli, châtelain, prévôt, sont tenus de prendre l'avis des bourgeois du lieu, quand ils au- ront à connaître d'une affaire ou à la juger. Si, dans ce cas, les bourgeois sont d'une opinion contraire, ou que leurs avis soient douteux ou parta- gés, l'officier peut prendre conseil ét recourir à la cour du seigneur. Toute partie qui se croit lésée par un juge- ment rendu de cette sorte a droit d'en appeler au seigneur. Au jour fixé pour le jugement, tout plaideur doit attendre sa partie adverse jus- qu'à l'heure de vêpres (6 heures de l'après-midi); cette heure une fois passée, le seigneur peut adjuger par défaut l’objet du débat au plaideur qui est présent. La partie qui, pour justifier son défaut, allègue une vio- lence ou une spoliation, devra pro- duire des témoins du fait. Pour toute plainte faite au sei- gneur, l'amende n’est exigible que quand le seigneur a fait düment constater les faits. Quiconque commet un homicide à Jougne ou dans sa banlieue ne peut rester dans la ville et son territoire ou y entrer, s'il n'a pour se justifier des excuses tout à fait plausibles. Quiconque, en dehors du cas où il poursuit son animal ou son oiseau, pénètre en un jardin ou verger clos sans permission du propriétaire, de- vra, si l'escalade a lieu de jour, 10 sous au seigneur et 5 SOUS au pro- priétaire : si le délinquant est insol- vable, il devra courir nu dans toutes les rues de la ville. Si le fait a lieu de nuit, l'amende est de 60 sous = id = intraverit, tenetur domino in sexaginta solidis, et illi cujus est ortus sive virgultum in decem solidis. Sequendo vero animal suum vel avem suam, tenetur tantum dampnum resarcire. Et hoc debet probari per juramen- tum illius cujus est ortus sive virgultum, vel per juramentum unius ydonee persone. Item si dominus chevalchiam vel exercitum habuerit, burgensis qui, audito domini banno, cum armis, ut decet, non ierit aut miserit, tres solidos debebit. Et qui ad retrobannum non ierit, debebit sexaginta solidos domino, nisi infirmitatem vel aliam legiti- mam excusationem pretenderit et probaverit. Item si dominus hereditates, possessiones seu redditus acqui- sierit pro precio mille librarum stephanensium, vel equivalentis monete currentis pro tempore, vel fillam suam maritaverit, aut ultra mareire voluerit, burgenses de Joigney debent ipsum juvare ad arbitrium quatuor meliorum et prudentiorum de villa de Joi- gney. Debet autem burgensis, ad arbitrium domini et burgensium, munitus remanere. In cujus rei testimonium, nos predictus Johannes de Chalon, dominus de Arlay et de Neele, perpetuo ratificando premissa que predictis burgensibus volui- mus et volumus specialia, hiis presentibus sigillum nostrum duximus apponendum. (1) Segvice à pied et à cheval. pour le seigneur, de 10 sous pour le propriétaire :. dans le cas où le délin- quant aura escaladé l'enclos en pour- suivant son animal ou son oiseau, il - n'est tenu que de réparer le dom- mage causé. Le serment du proprié- taire de l’enclos ou de quelque autre idoine personne fera foi sur toutes ces circonstances, Si le seigneur va en ost ou en chevauchée (1), tout bourgeois qui, après avoir entendu le ban du sei- gneur, ne s'y sera point rendu en armes ou n'aura point envoyé quel- qu'un à sa place, devra 3 sous d'a- mende. Celui qui n’obéira pas à l’ap- pel du rière-ban, devra 60 sous, à moins qu'il n'allègue et ne prouve sa maladie où quelque autre cause légitime d'excuse. Si le seigneur acquiert héritages, terres ou rentes, au prix d'au moins mille livres estevenantes, ou de monnaie équivalente ayant cours à ce moment; s'il marie sa fille, ou s'il veut aller outre mer, les bour- geois de Jougne devront l'aider de leur argent; le taux de leur contri- bution sera établi par les quatre meilleurs prud'hommes de la ville. Cet impôt devra toutefois laisser à tout bourgeois le nécessaire, qui sera déterminé d'accord entre le seigneur et les prud'hommes. En témoignage de toutes ces cho- ses, nous Jean de Chalon dessus dit, sire d'Arlay et de Nesle, avons fait apposer notre sceau aux présentes lettres pour assurer à tout jamais l'exécution de ces coutumes, qui res- teront propres et spéciales aux bour- geois de Jougne. er OR AN LEE #3 + Mr AL ARE Si m1 EL .... | #4 _ TE Ve Ts , 1 £ 12) 1e " X 4 ff A a Ti LP * Fe É | » { EXPÉRIENCES SUR LA DÉTERMINATION _ DU TRAVAIL MÉCANIQUE NÉCESSAIRE POUR PRODUIRE LE TRÉFILAGE DU FIL DE FER Par M. H. RÉSAL Ingénieur des mines Professeur à l'Ecole polytechnique. Séance du 14 mai 1870. 1! HISTORIQUE. Il n'existe nulle part, à ma connaissance du moins, de règles relatives à l'établissement d’une tréfilerie, au point de vue de l'évaluation à priori de la puissance motrice qui lui est néces- saire. | Les premières recherches expérimentales faites à ce sujet sont dues à J.-B. Guillemin, décédé il y a une dixaine d'an- nées, et qui, d’abord simple ajusteur, devint le créateur de l'important atelier de construction de Casamiène. Chargé, en 1822, de remonter la forge de Châtillon-sur- Lizon (Doubs) et d'y établir une tréfilerie, il fut conduit à faire une série d'expériences pour déterminer le travail voulu pour passer d’un numéro de fil de fer au numéro suivant. Il dressa un tableau que son fils aîné, actuellement directeur de Casa- mène, a bien voulu me communiquer, et qui a été fort utile à ce dernier dans l'établissement des nombreuses tréfileries qu'il — 142 — a montées dans l'Est de la France. Le procédé employé par cet expérimentateur était fort simple. Sur deux colonnes suffi- samment élevées et rapprochées l’une de l'autre, il avait dis- posé horizontalement une filière par laquelle il faisait passer, au moyen du chien du tréfileur, une longueur suffisante de fil de fer pour que l'on puisse adapter un plateau à son extrémité. Ce plateau était chargé de poids jusqu’au moment où le tréfi- lage se trouvait déterminé d’un mouvement à peu près uni- forme. Il reconnut d'abord que la vitesse la plus convenable pour le tréfilage (à la circonférence du tambour, si l’on veut) était de 030 pour la moitié supérieure des numéros des fils de fer (gros diamètres), et de 0,40 et 0,50 pour l’autre moitié, chiffres qui sont adoptés dans la pratique. Actuellement on tréfile à l’eau: mais à l'époque où J.-B. Guillemin faisait ses expériences, on employait la graisse comme lubréfiant. Si l'on désigne respectivement par d,4,, dh les diamètres évalués en millimètres des fils de fer des numéros consécutifs, n + letn, et par 7, le nombre de kilogrammètres néces- saires par seconde pour passer du premier de ces numéros au suivant, on a, d'après J.-B. Guillemin, le tableau suivant : Nos du fil de fer da da Ha Ta 26 ‘hs 25 7.0 156 159%m 24 6.4 7.0 138 23 9.8 6.4 117 22 Die 9.8 107 21 4.5 9.2 90 20 4.0 4.5 75 19 3.6 4.0 o1 18 3.3 3.6 48 17 3.0 3.9 37 16 2 ;1 3.0 30 Nos du fil de fer da FAIRE ÿ 14 15 Pr A r A | het 14 22 2.4 g1 13 PAM, AL. 19 qe 1.8 20 14 11 0 ‘1.8 12 10 445 1.6 11 9 1.4 d55 8.9 8 10 154 1.3 7 t2 1 RME) 6.10 6 sr He St 5 1:0 ti 5.00 4 0.9 1.0 4.09 3 0.8 0.9 3.42 2 LG és: 0.8 3.00 1 0.6 (NZ 2:90 0 05 0.6 J'ai essayé d’interpoler ces résultats en partant de certaines considérations théoriques que je développerai plus loin, mais en étudiant de près la question, j'ai reconnu qu'il me man- quaïit certains détails d'expérience qui n'ont pas été conservés, et qu'il est nécessaire de faire entrer en ligne de compte lorsque l’on veut établir une règle empirique comportant une exactitude convenable. C'est ainsi que j'ai été conduit à reprendre les expériences de Guillemin à la tréfilerie de Quingey (Doubs), avec le concours de MM. Dessertine père et fils. IT NOUVELLES EXPÉRIENCES EXÉCUTÉES A LA TRÉFILERIE DE QUINGEY. — MODE D'EXPÉRIMENTATION. La filière était placée horizontalement, à un premier étage; “sur un bâtis en bois. — 144 — L'extrémité du fil de fer, tréfilé à la main sur une petite longueur, était pincée par une tenaille (chien du tréfileur) terminée inférieurement par un crochet, dans lequel s'enga- geait un anneau réunissant les quatre chaînes angulaires d'une caisse destinée à recevoir les poids nécessaires pour produire l’étirage. La charge, en raison de certaines résistances qui s’opposent toujours au démarrage (frottement au repos un peu supérieur à celui qui a lieu pendant le mouvement, ondulations du fil à son entrée dans la filière, etc.), était toujours supérieure à celle qui est strictement nécessaire pour que le mouvement de la caisse soit uniforme. Mais la correction relative à l’accé- lération du mouvement a pu facilement se faire en mesurant la hauteur de chute (qui a varié de 2,35 à 2,40), et le temps écoulé correspondant. EU FORMULE DE CORRECTION RELATIVE A L'ACCÉLÉRATION DU MOUVEMENT. Soient À la hauteur de la chute; t sa durée; Q la charge totale ; P l'effort statique nécessaire pour produire l’étirage, ou équivalent aux actions moléculaires déve- loppées. n L’accélération due à Q — P étant =. on a — P) gi h — (Q 0 ) > d’où (1) p=0 (1-5) — 145 — PV DE L'INFLUENCE DU FROTTEMENT DANS LE TRÉFILAGE. On sait qu'une filière est une plaque d'acier dans laquelle on pratique transversalement des ouvertures. Chaque ouver- ture est formée d'un tronc de cône par où entre le fil à tréfiler et suivi d’un cylindre dont le diamètre est celui du fil tréfilé. Soient : N la pression normâle par unité de surface exercée sur le fil de fer par le tronc de cône en chacun des points de la circon- férence du rayon r; s la. portion de la génératrice du tronc de cône déterminée par cette circonférence et celle de la grande base ; À l'angle que forment les génératrices du tronc de cône avec son axe; f le coefficient du frottement du fil de fer contre la filière ; V la vitesse moyenne de la charge. On voit facilement que, pour toute la zone tronconique dont la circonférence moyenne a le rayon r, et dont la génératrice est égale à ds, les forces W et Nf donnent, suivant l'axe de la filière, la composante 2 nr (Nsini—+ Nfcosi) ds —?7 sin à (1 + fcoti) Nr ds. Par conséquent, l'effort de traction P, nécessaire pour pro- duire le tréfilage, a pour expression (2) P— 2x sin à (1 + fcoti) Î Nr ds, l'intégrale étant relative à la longueur totale de la génératrice du tronc de Cône. En désignant par F l'effort de traction qui serait suffisant, . s’il n’y avait pas de frottement, on a F— 2x sin i f Nrds, P d'où (3) FN — TEfcti 10 — 146 — En multipliant les deux membres de cette équation par Y, remarquant que 7, = F V est Le travail utile par seconde, tandis que T7, — PV est le travail moteur dépensé, il vient se T° PDT ete Cette formule montre que, au point de vue de l'effet utile, il ne faut pas que l'angle à descende au-dessous d’une certaine limite. D'autre part, si cet angle était trop considérable, la réduction des sections du fil deviendrait trop rapide et il y aurait déchirement, suivi de rupture dela matière. Dans les tréfileries comtoises, la hauteur du cône auquel appartient la partie tronconique de l'ouverture est égale à l'épaisseur de la plaque, et le diamètre de la base de ce cône est de 15 millim.; il résulte de là (4) T A = 1/4coti — 3,61, 36 P T1+8,87f Pr ARE : - 1+3,87f Il est clair que les quantités F et T, ne doivent dépendre que de la nature et du degré de recuit du fil employé et du diamètre du-fil avant et après l'étirage. Il a bien pu se faire que le graissage n'ait pas été uniforme dans toutes nos expériences et que f ait varié de 0,02 à 0,04; de sorte qu'en définitive chaque expérience ne nous donnerait pas les valeurs exactes de F et de T,, mais bien des valeurs approchées comprises entre des limites définies par les deux inégalités suivantes d'où (5) F (6) F _T = 0,866 PT E=0; 568 qui donnent les éléments nécessaires pour pouvoir discuter convenablement les résultats de l'observation. — 147 — v HYPOTHÈSE. On pourrait arriver à réduire le-diamètre d'un fil de fer en exerçant une pression uniforme suffisamment énergique sur sa surface. Soient 2 la longueur du fil; r Son rayon; N la pression normale par unité de surface. Le travail élémentaire Correspondant à la réduction dr du rayon est 2rriNdr. Le travail moléculaire par seconde, dans une filière qui aurait pour effet de réduire le rayon r de dr, s'obtiendra évidemment en supposant que l soit égal à la vitesse V du tréfilage, ce qui donne VèrrNdr. Pour une même nature de fer au même degré de recuit, la pression N ne dépendra que de r.. L'hypothèse la plus simple que l’on puisse faire sur NW, est de supposer que cette pression est constante ou est indépen- dante de r, et c’est celle qui paraît le mieux s’accorder avec ‘les faits observés. Pour passer du n° {n + 1) au n° n, ou du rayon Dai fau rayon »”,, il faudra donc vaincre par seconde un travail molé- culaire représenté par (D Ta =RNV (4,2 — rm?) d'où, F=rN LME is = T2). Si nous appelons d,,,, d\ les diamètres CHR 0e, el Si nous posons ; (a) 7 = K, nous obtenons — 148 — Pis (8) dpi de = K, rapport qui, d'après notre hypothèse, ne devra dépendre que de la nature du fer employé et de son degré de recuit. Cette formule peut encore se mettre sous la forme P ; De amet ne en posant (8) ve FU tie 1+footi Nos expériences, discutées conformément aux considé- rations précédentes, nous ont permis d'établir les tableaux suivants dans lesquels on à continué à exprimer les d, en millimètres : Pl K« 16 15 | 2.65] 2 401 92 2.40! 2.61 85.4| 68 2.6| 85.4! 68 2.8| 86.3| 68 2.8| 83.3] 68 Mojenne 68 15 140024102141 575 "10-201" M4-81163.61"67 2.40 8| 63.6| 67 Moyenne 67 14 13 | 2.12] 1.98| 55 2.43| 1.8| 46.5| 81 54.5] 2.43] 2.0| 47.9) 82 Moyenne 81.5 e 13 12 | 1.96| 1.78] 44.6! 1. 3] 10.4) 43.5) 65 45.6| 2.00| 14 45.2| 67 46.1| 2.75] 4.4! 44.7] 68 46.1! 2.00] 2.0] 40.6! 60 Mojemne| 64.5 12 11 1:781.1:60! 46.6) 2301 9/01 "26-41176 46.6| 1.00! 4.5! 46.1! 76 47.1| 2.33| 6.8| 46.6] 76 47.1| 2.40! 6.0| 46.6| 76 46.9] 2.40| 5.0| 46.0| 75 47.41 2.401 4.01 46.01 75 n + n dn+; dn Q h t P K' 1.78] 1.61, 47.4] 2.36, 4.4| 46.0) . 81 178194740900) SP A5EDIN 71 47.4| 2.40! 4.01 46.0, 72 47.5| 2.37| 2.9| 42.9] 77 1:78/11.62| 47.5) 2:39/.2:91 498) 77 Moyenne] 76 11 108 6210511834 61R22 2.0! 30.4| 88 1"e série. 31-0119, 2.0| 30.4) 88 L 34.6| 2.4 2.0| 30.4] 88 Moyeme| 88 1631 MP 5018707 1:8/031#5|0077 2° série. L 36-02 2.012522 079 300012? 220152221870 SOMIIRRE 2.0! 31.8) 78 36111094 2:DIMS1S 8 1AUTS 36% NC 2.0! 31.8| 78 93040 1N27 2.0 31.3, Yi 34211N9% 2.0| 30.0! 74 F3 61297 3-41539:91070 32.6| 2. BIRT UE RON Moyenne] 77 10 ON 14710 3711230619; 141029-9 1070 1re série. 30.6| 2. 1.4 22.2 78 IM250)M6856 12826109; b.0| 38.0, 70 2° série 200 0.0| 29.6| 74 30.6| 92. 3.2| 29 4 73 31.6| 2.! 221827750075 21-0182: 2007) | SA LEA TTC 1.8! 26.4 6 SUV INC 1581826642 10076 ete LIENE 1.8| 26.41 76 Moyenne 75 9 SU TIM 2707 DINOr 1.8| 23.4| 88 1re série. ATAO NO 2 'DIP222818088 27 0102; 1.8] 23.4] 88 Moyenne| 88 1235 1MR27T 28 "GRO 1.20110.88| 89 2° série. 27.6| 2.41] 1.40120.70| 98 27.6| 2.411 1.40120.70| 98 28-119. 1/90 18.54) 88 28.1! 2.42] 1.20118.54! 88 Moyenne 92 FA a [SA [= | n An+ 1 n +1 8. dn 7 | 1.30! 1.18 6 | 1.22] 1.06 1.08 1.09 1.11 d12 EURE 5.01-11|1 0:78 4 | 1.00! 0.90 0.92 3 | 0.9 | 0.85 2 | 0.82| 0.67 0.69 Q == [e) = > OO re oo RINIRIPIPI III PI FI 2I | TS (=) = +2 F2 22 2 22 LEE QC OO Qt ot ot | > > 9 19 = C2 29 RD PI ID POI | mioorœok = [er] Le OO LIOOQ-= ot Moyenne 16.8 16.8 16.4 » » Moyenne 16.4 16.4 12.6 14.3 Moyenne 6.0 6.0 6.0 Moyenne 11.8 11.4 10.6 12 9 12.0 Moyenne > Cette série n'est mention- née que pour mémoire, car le fil de fer était mal recuit, criqué et par site très irré- gulier pendant le tréfilage. a n +1 n dn+: dn Q hk | (A P K 2 1 0.70] 0.591 9.61 2.45! 1.4] 72.0! 51 » » » 120 9.1|. » » 68.0| 48 » » » 68.0| 48 8.6| » 20e 54 8.6| » 227-054 Moyenne| 91 On voit ainsi que la valeur de K’ a varié entre 92 et 51 kilogrammes. Supposons que les deux valeurs extrêmes corfespondent respectivement aux limites supérieure et inférieure du frotte- ment; nous aurons K=92:><0,568 = 51 K = 51 X 0,866 — 46, ce qui semble indiquer que X est indépendant du diamètre, si l'on considère que tous nos fils de fer n'étaient pas de la même provenance, qu ils n'avaient pas probablement le même degré de recuit. Si, pour plus de sécurité, on prend la plus grande valeur de K’, on aura Lo = sn) et en admettant une vitesse moyenne de 0,40, (10) == 308 (d'in dd2)n ou en chevaux, en nombre rond, (END RES NE AT OR EET A) 05e c'est-à-dire qu’il faut un demi-cheval par seconde pour réduire d'un millimètre carré, par la filière, le carré circonscrit à la section d'un fil de fer. En partant des chiffres donnés par J.-B. Guillemin, ce chiffre ne serait que de 1/3 de cheval, ce qui n’a rien d'incompatible avec la plupart des résultats que nous avons obtenus. ; — ere VI APPLICATION A UN PROJET D'ÉTABLISSEMENT DE TRÉFILERIE. Le poids du fil de fer tréfilé par seconde est 7788 . Aero ou en supposant V — 0,40 24467 107 Le travail par seconde correspondant au tréfilage d’un kilo- gramme sera, par suite, 205 [te 1] 2} Supposons que l'on veuille établir une tréfilerie qui pro- duise annuellement une quantité déterminée de fils de fer de différents numéros, et soient Q, le poids du fil n° n; la puissance nécessaire pour obtenir cette production devra être calculée en tenant compte du déchet, pour ne pas s’exposer à se trouver au-dessous de la réalité; ce qui revient à considérer - @ comme étant la production annuelle du n° n. Nous admettrons 300 jours de travail dans l’année, réduits à 8 heures effectives pour le tréfilage, pour tenir compte des interruptions dues au retapage des filières, et du mouvement des matières à tréfiler et tréfilées. Le poids du n° n fabriqué par seconde sera ainsi ë Qn 7 864 x 104? et en admettant que la perte de travail due aux frottements des arbres et des engrenages soit de 1/5, on reconnait sans peine que le travail T, disponible sur l'arbre de couche devra être égal à RATE sert oO is ao ) (I Be gr si MN Ne FRA à Mo PR 1) | = TS. ( re) m = 26 étant le numéro de la verge cylindrée pour laquelle d25 = 7,6 et le signe $ se rapportant à tous les numéros par lesquels il faut passer pour arriver au numéro final n. Cette formule étant d'une application un peu longue, on peut la remplacer par la suivante LOUE On log nep dm 10 "9774 da qui s'en déduit, en considérant la somme $ comme étant une intégrale (!) : en faisant usage des logarithmes vulgaires 15 da Prenons pour exemple le cas d'une tréfilerie produisant annuellement 1,000000, ce -qui n'a rien d’extraordinaire , puisqu'il suffirait de quatre feux d’affinerie pour l’alimenter. Admettons de plus que l’on veuille produire par parties égales seulement les n° 20, 15, 10, 5,on a dy —= 20 de? A dit ASS dis 40 3 Qn —-250000, et l'on trouve pour la force motrice cherchée Tr Æ Tio Ti5 + Too = 85 Chevaux. Si l'on prend un moteur hydraulique rendant 65 °/,, 1l faudra que l’on puisse disposer moyennement d’une chute de 131 chevaux. | (:) En effet, si l'on pose dn +1 =%, An—=æ—dx,ona (— x) -: 24x x — dx DUTY — 154 — Le tréfilage absorbe donc une puissance motrice énorme; aussi, aux prix auxquels se vendent les fils de fer, il est com- plètement impossible d'employer pour les produire des ma- chines à vapeur, et les tréfileries doivent surtout s'établir sur des cours d’eau réguliers, comme cela a lieu en Franche- Comté. On explique ainsi pourquoi, il y a un certain nombre d'années, deux tréfileries à la vapeur de l'Est de la France ont rapidement succombé. GŒTHE ET LE LIVRE DE LA MÉTAMORPHONE DES PLANTES Par M. FRANÇOIS LECLERC (de Seurre). Séance du 9 juillet 1870. L'exposition de la théorie de la. Métamorphose des plantes (désignation adoptée par son auteur) date de 1790. Les bota- nistes qui sont devenus partisans de cette théorie, en ont loué la découverte, discuté les principes, publié les vicissi- tudes, et quelques voix à peine se sont élevées pour la rejeter. M. Charles Martins, après en avoir entrepris la critique (!) quatre ans après la publication de son édition des Œuvres d'histoire naturelle, déclare (1854) abandonner cette question, dont la solution n’est pas, dit-il, d’une si haute importance qu'on à pu le croire (?). Ce savant professeur aura pensé qu'une critique en règle entraînait la proposition d'une théorie neuve et qui fût appuyée d'assez de faits pour balancer la valeur scientifique de celle de Gœæthe. Le présent mémoire est une suite critique de la conception abstraite de Gœthe. Cette conception est écrite d’un style où se fait sentir une forte empreinte métaphysique du langage. La partie botanique des Œuvres d'histoire naturelle du célèbre écrivain de Weymar se compose de l'écrit de l’auteur, avec @) Encyclop. nouv., art. végétal, livrais. 1841. (*) Précis d'hist. nalur., p. 224. — 156 — un atlas et un texte par Turpin (1837). Nous n’extrairons de l'ouvrage principal que les lignes où l'écrivain philosophe définit les différents cas de métamorphose. . L'introduction donne cette phrase au début : « Tout homme, » pour peu qu'il ait suivi quelques plantes dans leur accrois- » sement, doit avoir observé que certains organes situés à » l'extérieur se métamorphosent, et revêtent, en tout ou en » partie, la forme des organes voisins. » La liaison secrète qui unit les folioles, le calice, la corolle, » les étamines, appendices de la plante qui se développent l'un » après l’autre et, pour ainsi dire, l’un de l’autre, est admise » depuis longtemps par la plupart des observateurs ; elle a » même été le sujet d'études spéciales, et la propriété en vertu » de laquelle un seul et même organe se présente à nous » si diversement modifié, a été appelé la métamorphose des » plantes. » Cette métamorphose se manifeste de trois manières : elle est normale, anormale ou accidentelle. La métamorphose normale peut être aussi appelée progressive; la métamorphose anormale peut prendre le nom de rétrograde. Gœthe distingue encore la métamorphose des organes inférieurs (métamorphose descen- dante) de celle des organes supérieurs (métamorphose ascen- dante). | Les quinze chapitres qui suivent contiennent autant de propositions sur lesquelles repose la doctrine de la métamor- phose; toute la théorie de l’auteur sur la formation du végétal, théorie qu'il s’est efforcé de justifier dans la suite et de vérifier par des preuves qui, au fond et selon nous, n’ont pour base que des probabilités. Sa compréhension a été laborieuse, même pour un inventeur, ainsi qu'il l’avoue dans l'épigraphe placée en tête de son ouvrage. Il s’est principalement appuyé sur les SE cn 22 CC — 157 — botanistes et les savants qui ont montré de la sympathie pour son œuvre. Auguste Saint-Hilaire figure parmi ses plus zélés commentateurs; ce dernier épouse également sa doctrine sur l’affaiblissement de la végétation de la plante dans la forma- tion de la fleur (1). Ce que je citerai de ses Leçons de morpho- logie entrera en concordance avec les idées de Gœthe sur la matière : ainsi il établit la comparaison des parties d'une même plante d'après les théories de la métamorphose. « C’est, » dit-il, par la comparaison des parties d'un même végétal » ue nous sommes arrivé à nous convaincre que ses organes appendiculaires sont tous des modifications plus ou moins sensibles d'un seul type. Peu d'espèces isolées nous eussent . conduit à l'idée complète de métamorphose ; mais lorsque nous avons vu dans une plante les cotylédons se nuancer par des dégradations insensibles avec les feuilles les plus développées, ailleurs celles-ci se fondre avec les bractées, ailleurs encore les bractées se marier avec le calice, dans une autre espèce celui-ci ne point offrir de limite entre lui et les pétales, ou ces derniers n’en présenter aucune entre eux et les étamines, lorsqu'en s’ouvrant les carpelles du Stercularia platanifolia ont étalé à nos yeux leur forme lancéolée, nous n'avons pu nous. empêcher de reconnaître chez ces différents organes la feuille plus ou moins dégui- sée (2). La comparaison nous a ainsi montré la tige dans le rameau, dans le pédoncule le réceptacle de la fleur; le cor- » don ombilical et toutes ces parties n'ont été pour nous que » des axes plus accourcis ou plus allongés (*). » ÿ ÿ ÿ ÿ ÿ ÿ D) ÿ ÿ Ÿ > ÿ ÿ LA ÿ ÿ (t) Leçons de botan. et de morpholog., in-8°, 1847. (2) Nous avons eu occasion de citer (Théorie de l'Anaphytose) une définition de la pensée de Goœrxe par M. Charles Martins, et que voici: «Tous les organes appendiculaires des végétaux ne sont que la trans- formation d'un seul et même organe, la feuille; et le végétal lui-même se réduit à un âxe ascendant et descendant, portant des feuilles méta- morphosées. » (Encyclop. nouv., art. végétal.) (5) Leg. de bolan. et de morphol., pp. 774-75. — 158 — Plus que Gœæthe et Auguste Saint-Hilaire, Turpin applique au mot métamorphose une définition de principe : « La méta- » morphose, selon lui, a lieu par une suite insensible et gra- » duée de changements et de formes les unes dans les autres. » Partant de là, la métamorphose est donc une chose générale, » elle est donc manifeste, au moins chez tous les corps tempo- » raires de l'Univers (!). » En considérant ce phénomène du point de vue très général de l'identité, à la manière de Turpin, on s'éloigne notablement de la signification propre qu'on doit lui imposer en botanique, car le nom de dégénérescence substitué par Decandolle à celui de métamorphose n’est pas synonyme de ce dernier; le célèbre botaniste de Genève ne nous semble pas avoir voulu lui faire signifier autre chose que celle de changement en un autre organe, transformation qui ainsi répondrait à celui de méta- morphose, en donnant au mot de prédilection de Gœæthe une portée moins étendue que celle qu'il lui avait donnée. Auguste Saint-Hilaire dit qu'il n'y a métamorphose que de la feuille déjà formée, laquelle se transforme en un autre organe, et non pas transformation des organes les uns dans lés autres. La morphologie est, selon lui, l'organographie expli- quée par les transformations auxquelles sont soumises les parties des végétaux (?) : au reste, dans la théorie de Gœæthe (que son auteur fait parfois reposer sur la faculté d'intuition) (#), la feuille qui s’est prêtée à la formation d'un nouvel organe reste toujours la feuille ; qu'il y ait dilatation ou contraction, c'est toujours la feuille qui est l'élément, la trame de la plante. Auguste Saint-Hilaire semble vouloir jouer sur le mot lorsqu'il exprime que le nom métamorphose ne doit se prendre en bota- nique que dans le sens métaphorique ; Gœæthe, cependant, @) Voir Esquisses d'organographie, dans l'OEuvre botanique de Gœrue, in-fol., p. 7, fig. (>) Leçons de botan., disc. prélim., p. xvur. (5) Œuvre botanique, p. 312. ” — 159 — s’offense avec raison de trouver dans une appréciation de son œuvre le mot métaphore au lieu de métamorphose. Ainsi que cela a été plusieurs fois remarqué, il y a à distin- guer dans le système de Gœthe les faits qui appartiennent à la métamorphose, et ceux que l’on range parmi les monstruosités, tels que la rose prolifère, qui ne présente pas de métamor- phose. Gœthe invoque la loi de spécialité pour étayer sa théorie. On est forcé, dit-il, d'admettre que tout organe, toute forma- tion nouvelle se développe dans les plantes en vertu des lois de la métamorphose, et suivant une tendance spirale combinée avec la tendance verticale (t). Il connaissait aussi bien que Buffon (2) la production du végétal résultant d'une série suc- cessive de bourgeons, de nœuds et de feuilles par développe- ment isolé (*), et Turpin donne en peu de mots la théorie de la segmentation. C’est cette théorie, appuyée sur des faits pal- pables dont Gœthe n’a point fait usage, qui constitue toute la doctrine du développement du végétal (l'articulation et la ramification, d’après M. Schultz-Schultzenstein). Gœthe avait dit : « Dans beaucoup de plantes, chaque nœud procède de » celui qui est situé au-dessous de lui; cela est palpable sur » les chaumes dont la cavité est creuse dans les intervalles qui » séparent les nœuds l’un de l’autre, ceux des Céréales, des » Graminées, de certains Arundo, etc.; dans quelques autres » plantes où la tige est fistuleuse dans toute sa longueur, et » dont le centre est rempli par une moelle plutôt que par un » tissu cellulaire particulier, le fait est moins évident ({). » (1) Œuvre botanique. p. 330. (2) Burron considérait les arbres comme formés par une multitude d'individus. (*)'« Si nous examinons la végétation de plus près, nous verrons que » la plante, en se continuant de nœud en nœud, de feuille en feuille, et » en poussant des bourgeons, effectue un genre de reproduction différent » de celui qui se fait d’un seul coup, en ce qu'il est successif et se mani- » feste par une série de développements isolés. » (0Euv. botan.) (+) Goœrne, Œuvre botanique, texte de TÜRPIN. — 160 — En invoquant la métamorphose rétrograde, Gæœthe nous fait voir des styles et des stigmates de nouveau changés en pétales (‘). Selon ce naturaliste, le Ranunculus asiaticus de- vient double, parce que ses styles et ses stigmates se changent en pétales, tandis que les étamines se trouvent en dedans de la corolle à leur état normal. Enfin, si l'on en croit ce même observateur et ses partisans, la métamorphose est une fonction des plantes et non un accident. En 1831, Gœthe se préoccupait toujours des moyens de répandre la connaissance de sa doctrine dans les livres et parmi les savants. Il s’alarmait de l'indifférencé, et plus encore d'un mot de critique qui atteignait son livre; d'un autre côté, il voyait avec plaisir que l’on consacrât un chapitre sur la métamorphose des plantes dans les Eléments de botanique qui se publiaient. Dès 1826, il put être informé de l'accueil que lui faisaient les botanistes français, car peu d’entre eux pro- testèrent contre sa doctrine. Le physiologiste Brisseau-Mirbel: fut celui qui mit le plus de persistance dans son opposition. La théorie de l'expansion et du resserrement, soit pour que des étamines se changent en pétales, ou que ceux-ci deviennent étamines, est signalée par lui comme l'idée la plus étrange que l’on rencontre daus le livre de Gœthe. Mirbel, en faisant observer que l’analogie n'est pas l'identité et que dire que tout est feuille n'éclaircit rien, oppose la substitution à la métamorphose, lorsque, selon lui, l’organe produit n'est pas celui que la position indiquait selon la marche ordinaire de la végétation (?). « Sans doute, dit encore Mirbel, pour aborder » le principe, l'unité organique réside dans l’utricule ou la. (:) Comme nous ne voudrions pas qu'on nous accusât de poursuivre ici une idée systématique, nous déclarons que nous ne nions pas certains cas de transformation, tels que celui des étamines en pétales, ou celui des étamines en carpelles, ceux en un mot qui ont lieu entre des organes homologues. * (2) Voir la Note de Ch. Martins. n° 24, p. 247 de son édit. des Œuvres de GŒTHE. . — 161 — » cellule; mais une masse d’utricules ne peut pas recevoir le » nom propre d'organe; » et à ce propos il fait remarquer que Gæthe ne s’est pas fait une juste idée de l'unité organique, et qu'il a cherché l'identité et les métamorphoses là où il n'exis- tait en réalité que des analogies et des substitutions. Pour Gœæthe, le phénomène de la végétation d'une plante était dans tout son cours une métamorphose normale (!). Cette explication, quant au mot de métamorphose, est tout autrement positive que celle d'Auguste Saint-Hilaire, qui le réduit à une signification métaphorique (?). Avec Gœthe et ses partisans, la métamorphose est une fonction des plantes : dès lors les monstruosités n'intéressent qu'indirectement la question de la métamorphose; ce ne sont plus que des accidents. Nous avons vu que Gœthe regarde les cotylédons comme les premières feuilles caulinaires. La tigelle, dit A.-P. Decan- dolle, est toujours dépourvue de feuilles ; une exception existe cependant pour celle des Euphorbes qui offrerit des bourgeons au-dessous des cotylédons. On peut donc affirmer, dit ce botaniste, que la tigelle est dépourvue de feuilles; nous en inférerons que la tigelle, premier article ou premier segment de la plante, est née sans le secours de la feuille. Gœæthe cite le cas de la germination du genre Pinus, chez lequel la tige qui s'élève du centre des cotylédons porté une collerette de folioles aiguës qui semble former un calice. On lit à la page 219 de la Botanique : « On a remarqué que » l'abord trop abondant de sucs alimentaires: retardait la flo- (:) Œuvre botanique, p. 210. (*) Pour nous, nous reconnaîtrons sans peine une métaphore dans la feuille de GœTxe; les métamorphoses si saisissantes dans les insectes et les reptiles avaient frappé l'esprit de GŒTHE, au point de lui faire avancer cette proposition comme une loi : Toul est mélamorphose dans la Nature. Turin, commentant la pensée de l’auteur, développe cette croyance d'un grand penseur, et la considère comme une conception fondée sur l'invincible vérité dans son application à la botanique; il la montre à la hauteur de doctrines de l'identité. 11 — 162 — » raison, tandis qu’une nourriture modérée, avare même, la » favorisait. Ceci, ajoute Gœæthe, prouve la puissante influence » des feuilles caulinaires. » Cette influence sera pour nous un argument contre plusieurs faits de métamorphose. Les mots de fluides grossiers, de sucs élaborés, servent à Gœthe pour démontrer la mutation des feuilles en calices, pétales, etc., ainsi que les progrès successifs de la végétation de la plante à mesure qu’elle approche de la floraison en perfectionnant ses organes. Ce mot de métamorphose, qui fascine l'imagina- tion du morphologiste de Weymar, lui fait envelopper dans une même cause les effets variés qui résultent d'influences internes, ou des agents extérieurs sur le végétal, tels que les difformités, les avortements. « Que les organes, dit-il, s’allon- gent ou se raccourcissent, se soudent ou se divisent, s'élar- » gissent ou se contractent, s'arrêtent ou se devancent, se » développent ou s'atrophient, tout se passe en vertu de cette » loi si simple de la métamorphose qui produit des parties » symétriques ou irrégulières, fécondes ou stériles, et des » phénomènes compréhensibles et incompréhensibles (1). » Comme on voit, cette théorie embrasse métamorphoses et monstruosités, lesquelles donnent lieu à des phénomènes inex- plicables. En observant les changements divers que subissent les animaux inférieurs, on a pu voir ce qu'ils étaient, et voir ensuite, toujours avec les yeux, ce qu'ils sont devenus, quelles formes ils ont perdues pour en prendre d’autres. Dans les plantes, il manque un élément de vérification pour justifier cette même théorie, c’est qu'on n'y aperçoit pas ce qu'elles ont perdu en acquérant un calice, des pétales, des étamines; en un mot, la feuille qui, dit-on, est toujours présente pour fournir des éléments d'organes, demeure invisible : tel est le côté mystique de la théorie de Gœæthe. Or, l'évolution avec épigénèse de la graine est visible aussitôt que les tissus élé- mentaires ont donné lieu à la formation de la radicelle et de ÿ Q) Œuvre botanique, pp. 313-14. — 163 — la tigelle, quel que soit le végétal auquel cette graine a donné naissance; d'où suit l'apparition de l'article avec sa feuille, puis successivement le phénomène de la segmentation des organes par la répétition d'un même organe, l’Anaphyte, qui à son tour devient le générateur de l'articulation et de la ramification. Suivant notre -epinion, les monstruosités végétales doivent être étudiées dans chacun des axes respectifs, en vue des parties similaires. Or, les feuilles n'ayant point d’analogie avec les pétales, sinon par la forme, elles n'entrent pour rien dans ce qu’on appelle les métamorphoses qui se produisent dans l'axe floral; et, vice versa, pour expliquer le fait de la floraison des plantes à hampe nue {Primula, Hypochæris), 1 faudrait avec la feuille admettre l'explication de Turpin et Decandolle, l'axe formé de feuilles, ce que rejette Auguste Saint-Hilaire (!). Pour nous, cette hampe est un jet unique du collet, un anaphyte (Schultz-Schultzenstein). Ce que Gœthe appelle métamorphose rétrograde ne nous présente nullement un retour à la feuille; elle se montre d'ordinaire avec la monstruosité, et c'est dans ce cas que les pétales, les étamines ou les pistils éprouvent des déformations plus ou moins étranges, qui font croire les premiers revenus à la forme d'étamines, ou les pistils changés en pétales. Les calices eux-mêmes, qui tiennent de près au pédoncule, ne se changent jamais en vrais pétales, quoi qu'on en dise; les parties se contournent, se rétrécissent, se déforment, changent de couleur, voilà tout, mais sans qu'il y ait métamorphose. Ainsi, nous ne pensons “pas que l’on puisse voir autre chose qu'une déformation habituelle, et non une métamorphose dans la forme des staminodes du Cannellier / Cinnamomum zeylanicum), de même que dans le Lopezia racemosa (?). Nous parlons ici de la forme, car on devra reconnaitre, et c’est l'avis (:) Leçons de botanique. (?) DucHarTRE, Elém. de botan., p. 624. — 164 — de la plupart des morphologistes, que la fonction l'emporte par ses caractères physiologiques et ses produits sur les appa- rences de la forme, dont, au reste, les théoriciens de la méta- morphose ont beaucoup abusé. Au n° 34 (p. 220 de la Botanique), Gœthe donne à com- prendre que les pièces du calice et de la corolle {p. 221) n'ont été rapprochés que par soudure, ou que, formant originaire- ment plusieurs pièces, elles ont été rapprochées, puis unies dans un contact parfait. Une théorie plus vraie donne à penser que certains organes que nous voyons s'être formés d'une seule pièce, et que Gœæthe n’admet pas, se montrent en opposition avec les principes de ce morphologiste, pour qui tout organe a une origine foliaire; Car nous croyons pouvoir avancer que la monochlamidie est un désaveu de l'intervention de la feuille: le nectaire du Narcissus poeticus, l'utricule des Carex, la gaine foliacée des Prèles (Æquisetum), les disques annulaires du Galium mollugo, de la Pivoine en arbre, le disque épygine des Ombellifères, protestent contre cette illusion. L’analogie des tissus étant très sensible dans les Monococ- tylés, les organes floraux ne diffèrent souvent des organes caulinaires, dit l’auteur, que.par quelques caractères ou formes (pp. 224 à 466). Les partisans du régime de la feuille aiment à dire que dans les Liliacées, par exemple, la corolle n’est que le prolongement d’une feuille (celle de l'Hémerocalle, de l’A- rum vulgaire, si l'on veut). Pour nous, la différence se re- marque en Ce que la corolle, dans ces plantes, est caduque bien avant les feuilles, et que dans l’Arum le voisinage du limbe a perdu la couleur verte de la fleur à sa base. En général, lorsqu'il y a multiplication d’un organe, il y a en même temps motif de déformation ou de soudures d'un ou plusieurs organes voisins, dans lesquelles déformations on a vu trop facilement des métamorphoses; même phénomène, lorsque la violence de l’axe introduit un pédoncule foliacé dans l'appareil floral. Or, ce faitne prouve nullement, comme — 165 — le veut Moquin-Tandon (!), la très grande analogie des parties florales et des organes foliacés : analogie de forme, parfois, mais qui se borne là. Dans la multiplication d'une Rose, la Rose à cent feuilles, par exemple, il y a autant de motifs de voir la multiplication des étamines que celle des pétales, car le plus souvent on compte de 35 à 50 étamines et plus dans cette fleur très double, non comptées celles qui, au centre, n'étaient qu'imparfaitement développées. Une Rose simple onne 89 étamines environ; or, dans la Rose double, la foule de pétales serrés dans un espace très rétréci a entravé le développement de près de la moitié des étamines, et causé des avortements bien plus que des métamorphoses. En définitive, si la métamorphose était une conception fréquemment réalisée par des faits, elle ne serait toujours qu'une loi secondaire opposée à celle de la symétrie; elle ne présente à l'esprit que des accidents divers dont peuvent être atteints les arbres et les plantes dans le cours de la végétation ; elle est donc, comme nous venons de le dire, accidentelle, dans ce règne, tandis que dans l'organisation animale elle est nécessaire. AU Après avoir dirigé la sévérité de la critique contre la théorie de Gæthe et montré ce qu’elle a d’exagéré dans les termes et les résultats, nous avons dû revenir à cette proposition régu- latrice du raisonnement : qu'il n’y a rien d’absolu. C'est en vertu de ce motif qu'il est permis de chercher à établir des lois dont on se sert pour distinguer les faits normaux de ceux qui viennent rompre la règle. Or (pour exemple), est-ce un fait établi que la production du fruit par l’axe ? Donnerons-nous comme absolue la distinction que nous nous efforcons de faire reconnaître entre les fonctions de l'appareil axile et celles de l'appareil floral ? Et cependant, cela faisant, nous nions la A) Elém. de tératologie végét. * — 166 — possibilité de la métamorphose de la feuille en pétale ou en étamine. Lorsqu'on a signalé les organes similaires parmi les organes fondamentaux, on n a pas fait autre chose qu'énoncer un fait d'organisation des plus visibles. Avec le dessein d’ana- lyser d'une manière à peu près complète l'ouvrage de Gæthe et sa théorie, il nous sera difficile de ne pas tomber dans des répétitions. Nous avons dû nous occuper d'abord d’éloigner des métamorphoses proprement dites les monstruosités qui sont des métamorphoses ou des déviations irrégulières et for- tuites; puis d'examiner dans les deux appareils respectifs les phénomènes de déformation qui touchent de plus près aux métamorphoses, et il nous a été facile de voir que les plus fréquents de ces phénomènes ont pour cause tantôt la substi- tution, tantôt l'exubérance. Au sérieux, la fameuse Rose pro- lifère, rangée par Gœthe parmi les métamorphoses les plus évidentes (voir l'Atlas de Turpin), n’est considérée aujourd'hui que comme l'effet d'une simple irruption de l'axe. Pareille- ment, M. Duchartre ne donne pas le fait de la double fleur de la Cortuse de Chine pour autre que l'irruption du pédoncule au travers de la première fleur, car il n'y a dans ces deux cas aucune apparence de métamorphose. On nous a présenté obli- geamment un exemple pris dans de nombreux pieds d’Anagallis arvensis, et que l’on considère comme un fait detransformation. Ces pieds avaient tous les verticilles floraux transformés en feuilles, et souvent ces verticilles étaient espacés : ils auraient été méconnaissables si, sur quelques-uns, on n'avait encore aperçu les étamines dont les anthères étaient foliacées, ou bien les feuilles qui tenaient la place des étamines munies d’une anthère à leur sommet; les ovaires étaient remplacés par des feuilles ; du centre de chaque fleur ainsi transformée partait la branche qui continuait son évolution. Dans le Fraisier de Plymouth, dans le Ranunculus abortivus, les pétales sont aussi remplacés par des feuilles. Or, toutes ces transformations, qui sont frappantes, se montrent toujours affectées de déformations dans leurs produits, ainsi que le fait observer Decandolle, — 167 — Qui pourra dire si, dans la majorité des cas, ces transforma- tions ou métamorphoses sont plus effectives qu'apparentes ? En défalquant les faits de métamorphose (entre organes ho- mologues) de ceux de la monstruosité par exubérance, ceux-ci se réduisent à un bien petit nombre, et les métamorphoses des organes accessoires (épines, vrilles, poils) seront les plus communes. Evidente dans l’évolution primitive (Protococcus), et même dans celle qui réunit les cellules, puis plus tard dans la for- mation des premiers organes des Cryptogames (!), ce n’est pas à dire qu'on devra nier la métamorphose dans les végétaux supérieurs d'une manière absolue; mais, au milieu de tout cela, faire de la métamorphose appliquée aux plantes une grande loi de la nature (Turpin), c'est aussi donner dans l'absolu. Auguste Saint-Hilaire à dit qu'il ne fallait prendre le mot de métamorphose que dans le sens métaphorique ; Gœthe a donc, selon Auguste Saint-Hilaire, débuté par une métaphore ? M. Turpin ne nous semble pas logique lorsqu'il fait le mot substitution synonyme de métamorphose. La méta- morphose est, d'après lui, la transformation ou le changement d'une forme dans une autre forme (?). Or, lorsqu'on parle de substitution, on désigne l'apparition directe d'une forme rem- plaçant une autre forme, et cela sans métamorphose. M. Charles Martins, tout en parlant au nom de la science officielle ($), n'était pas du nombre des esprits convaincus. Ses doutes sur la formation du fruit et de la cavité que renferme ce fruit, lui font dire qu assimiler la graine qui contient l'em- bryon, c'est-à-dire la plante en miniature, à un simple bour- geon, c'est peut-être dépasser les limites de l’analogie. Plus haut (‘), il exprime ses doutes sur la nature foliacée des étamines ; puis il ajoute : « Qui pourrait croire au premier @) Voir Payer, Botaniq. cryptogamig., in-4°, 1850. (2) Esquisses d'organisat. végétale, dans la Botanig. de GŒTKE, (5) Encyclop. nouv., article végétal, 1841. (4) Id., ibid. — 168 — abord qu'un grain de blé, une pomme, un potiron, ne sont qu'une feuille ou un assemblage de feuilles modifiées ? » Par conséquent le fruit : une feuille repliée sur elle-même (dans l'Asclepias vincetoxicum); dans les siliques des Crucifères, deux feuilles accolées l’une à l'autre; le fruit d'un arbrisseau {le Mayna brasiliensis) est formé par les feuilles de la plante, qui ne sont nullement modifiées, celles-ci se recouvrant mutuel- lement et leurs extrémités libres formant les six styles qui couronnent le pistil. Mais le fruit renferme les graines. « Ici (dit encore M. Ch. Martins) sont les véritables difficultés, les seules qu'on puisse opposer à la doctrine de la métamorphose. » Mais ailleurs, parlant librement en son nom, ce même bota- niste, dans un ouvrage plus récent {!), se livre à la critique de la théorie de Gœæthe, et j'ai moi-même protesté contre cette théorie sous l'autorité de ce professeur (?). Il répète que, dans l’état actuel de nos connaissances, il était difficile de faire rentrer complètement la graine dans le domaine de la méta- morphose. Cela, dit-il, est vrai de l'embryon, car le périsperme qui l'entoure est évidemment une feuille transformée (selon le langage classique). Enfin, ce même professeur reconnaît que jamais la feuille ne s’unit à la corolle, nr le calice à l'étamine ou la corolle au fruit, malgré leurs points de contact; car, dit-il, ils ne sont pas des organes similaires; et, en effet, il n’y a pas là homologie. A l’époque (il y a quarante ans) où la théorie séduisante de Gœthe commençait à régner dans l'opinion, des critiques s'éle- vèrent contre cette proposition un peu nuageuse, en opposant le mot de substitution à celui de métamorphose ; c'était déjà un pas de faif vers la réalité. Le mot substitution signifiait, en effet, que si l’axe se montrait parfois avec sa feuille en nature, d'autres fois, à son tour, l'axe floral produisait ses pièces sans perturbation, et qu’il n’y avait pas à y voir de métamorphose. () Précis élément. d'hist. natur., 1855. (2) Monograph. de l'appar. fructif. de l'Ipomæa purp., février 1867. — 169— . ; Or, le malentendu de cette conception vint de ce qu'on ne distingua pas dès lors l’axe foliaire de l'axe floral. Dans l'axe ou appareil primaire, l’action végétative fournit la sève et le tissu cellulaire que chacun des deux appareils approprie à son usage : ici pour émettre des bourgeons et des feuilles; là pour faire naître calice, ovaire, corolle, étamine, etc., sans qu'il y ait ni confusion ni transformation de parties. Des pétales déformés, des styles étalés en forme de pétales ne démontrent pas la métamorphose, et l'absence des étamines ne prouve souvent qu'un fait de substitution de celles-ci par des pétales, une irruption, ou une exclusion d'un organe par un autre. Nous avons rapporté que la constitution de l'ovaire avait ré- sisté à toutes les explications avancées par les métamorphistes : toujours on argue de la feuille dans la formation des organes floraux ; mais l'action végétative est: chargée de produire des expansions cellulaires et fibreuses, des tissus qui n'ont pas de rapports avec les organes axiles. La feuille, organe de ramifi- cation, n'est jamais indépendante à l'origine (Schultz-Schult- zenstein) ; elle précède et accompagne le premier jet (tige et feuille), organe que Gœæthe donne pour élémentaire, et qui est un organe composé. À l'égard des nervures que l’on a signalées comme provenant d’une feuille, parmi les pièces de l'ovaire, Auguste Saint-Hilaire avoue qu'elles ne présentent plus la même direction ; ce ne sont donc pas des nervures provenant d'une feuille. ; La doctrine de la transformation ou le métamorphisme de la feuille, c'est comme, avec la psychologie de Condillac, la transformation de la sensation. On a objecté la substitution (Mirbel) : ce n'est pas assez; il fallait ajouter la violence vésétative de l'axe faisant irruption dans un autre système d'organes. De fait, la culture ou la nutrition abondante donne la preuve de l’envahissement de l'ordre floral; il n’en faut pas d'autre. D'un autre côté, la formation toujours incomplète d'un pétale en feuille démontre la prédominance du système axile, et en même temps un ralentissement dans l'activité du - . — 170 — système floral, de telle facon qu'il y a balancement entre l'un et l'autre. La doctrine de la feuille est vacillante chez A.-P. Decan- dolle : son observation sur l'origine du bourgeon floral en est une première preuve. L'irruption qui a lieu par le fait du système axile se montre d'ordinaire au centre de l'inflores- cence. Ce système, ainsi que le fait remarquer Decandolle, tend, par sa nature, à reproduire les organes qui lui sont essentiels, et à s'assimiler les organes appendiculaires. Decan- dolle reconnaît que la conversion des organes, soit de feuilles à l’état pétaloïde, soit de pétales à l'état foliacé, est un phéno- mène plutôt physiologique qu'anatomique; il affirme néan- moins que tous les organes floraux ne sont que des verticilles de feuilles dans un état particulier; puis, plus loin, il modifie son assertion en constatant l'influence réciproque de l'un des systèmes sur l’autre, et disant que l’état des verticilles dont l'inflorescence se compose n'est en général modifié que de proche en proche. Aïnsi, ajoute-t-il, les bractées ne deviennent pétaloïdes que lorsque les calices le sont aussi; les étamines ne deviennent foliacées que quand les pétales sont déjà passés à cetétat. Enfin, s'exprimant encore sur le même phénomène, il dit : « L'état foliacé est celui dans lequel les organes servent » à la nutrition; l’état pétaloïde tend avec*plus au moins » d'énergie à les rapprocher de la sexualité (1). » L'objection faite par ce grand botaniste sur la différence entre le bourgeon foliacé et le bourgeon floral, se dressait contre l'affirmation de Gœæthe, qui prétendait voir la plus grande liaison entre les différentes parties du bourgeon pro- prement dit, ou le bourgeon foliacé et les diverses pièces de la fleur; ce qui est faux en principe, le bourgeon floral étant, comme dit Decandolle, né avant la feuille. (2) Organograp. végét., t. II, pp. 543-44. Cette pensée linnéenne, des plus ingénieuses, a été goûtée de la plupart des botanistes, et de Gœæthe iui-même. — 171 — M. Charles Martins (!) fait observer que nombre de cotylé- dons n'ont pas de rapports avec la morphologie de la feuille, qu'il y a différence de structure, quoiqu'il s'en présente de minces, comme ceux du Frêne. Les monstruosités et les ano- malies, dit ce botaniste, mises en regard de l’ordre habituel, servent aux morphologistes à reconnaître l'identité originelle de tous les organes appendiculaires. M. Duchartre reconnaît pleinement la complète dissem- blance qui existe eutre une feuille normale et un pétale de Rose ou de Pivoine (?); mais en formant une transition de l’une à l’autre, des modifications graduelles établissent, dit-il, une chaîne continue entre ces deux extrêmes. Or, ce travail de transition est, selon nous, aussi pénible dans l'examen des feuilles et des fleurs, quant aux ressemblances qu'elles peuvent offrir, que celles que veulent rechercher certains ethnagraphes entre les principales races du genre humain. Le même bota- niste s'efforce de prouver (*), toujours par la métamorphose, qu'il y a une complète analogie entre une feuille et une éta- mine, qu'il déclare néanmoins différer complètement. Cette idée de transformation, soit foliacée des organes floraux, soit celle en métamorphose descendante (Gæthe), c'est-à-dire le changement de l’étamine en pétale, qui n’est qu'un exemple de déformation ou de multiplication, il la poursuit dans de nombreux faits qui ne sont que spéeieux pour sa thèse, et font rentrer celle-ci dans l’abstraction. Toutefois il n'accorde pas à Gæthe que, dans la série des formes que revêtent les organes foliacés, ceux-ci subissent une contraction et une expansion. Y a-t-il identité de composition entre une feuille de Rosier et un pétale de fleur de ce même rosier? Ici l'argument trans- formation, métamorphose, n’est plus admissible : nous soute- nons qu'il y a là, comme dans la plupart des cas, indépen- ee (5 Encyclop. nouv., article végétal. (?) Elém. de botan., p. 439. (5) Zd., pp. 439 à 449, — 172 — dance pour les deux appareils du végétal {sans parler de celui. de la racine). Il est reconnu que la contexture de la feuille présente d’une manière à peu près constante une différence sensible avec celle de la fleur (!), laquelle doit son origine à d'autres tissus que ceux qu'admet la feuille normale. Decan- dolle a constaté que le bourgeon floral ne résulte pas de feuilles métamorphosées; il n'y a pas davantage métamorphose lorsqu'on active la végétation pour convertir ce bourgeon en bourgeon foliacé. On sait, de reste, que les plantes, arbris- seaux etarbres, dont les fleurs paraissent avant les feuilles, ne permettent pas de conclure du fait qu'il y a ralentissement dans l'activité de l’axe pour favoriser une floraison hâtive. Est-ce aussi épuisement de l'axe, ce phénomène que présentent les apétales dans nombre de familles de cette classe où les fleurs sont, non-seulement incomplètes, mais très petites ? Ainsi l'influence de l'axe foliaire se borne à l'invasion du pédoncule au travers de la fleur (Poirier, Rosier, Primevère), et il est facile de voir qu'il n’y a pas métamorphose. Pour revenir un moment sur le parallèle de la feuille et de la fleur, comment comparer à une feuille ce feuillet délicat de tissu cellulaire pur qui embrasse si légèrement le fruit de la Datte; comment mettre en comparaison les fleurs de la plupart des Iridées, des Juncaginées, des Cypéracées, ainsi que celles des espèces monopétalées en général, avec des feuilles allon- gées et épaisses, ou des feuilles cylindriques ? Il faut faire effort pour comprendre comment, dans l'Aristoloche-siphon, ‘ la fleur peut être le produit transformé d'une feuille de cette plante. En outre, les pélories de l'appareil floral sont l'opposé .des avortements, et ceux-ci sont souvent l'effet de l'exubérance () DucHARTRE, tbid. — En outre, ce botaniste, tout en constatant les différences qui existent entre les cotylédons (ceux du Frène qui sont très petits, ceux de l'/pomæa purpurea et les feuilles de ces deux végétaux), dit néanmoins que les cotylédons ne sont pas autre chose que les pre- mières feuilles de la très jeune plante réduite à l'état d'embryon. (Elém. de bot., pp. 115-16.) — 173 — d'un autre organe, sans qu’il ait été donné lieu à une méta- morphose. Moquin-Tandon finit par être d'avis, avec Decan- dolle, qu’il n’y aurait à voir de métamorphoses que dans les changements qui ont lieu entre deux organes fondamentaux (!); toute l'histoire des prétendues métamorphoses se réduit à celle des déformations, déviations, pélories et exubérances, avec les avortements correspondants (?). IT De l’homologie des organes. — Si, par la distinction en deux axes dans le végétal, on obtient ainsi deux classes d'organes ayant chacune une origine différente, on peut leur appliquer, sur constatation des faits, le nom d'organes similaires ou ‘ homologues. C’est ainsi, dit M. Ch. Martins (*), que dans les végétaux, les soudures n’ont lieu qu'entre des organes iden- tiques ou similaires, jamais entre des parties dissemblables, Les feuilles, les bractées, les sépales, les pétales, les étamines, les carpelles, s'unissent entre eux chacun de leur côté, de même que les étamines se soudent avec la corolle, le calice avec le péricarpe, le péricarpe avec la graine, en obéissant à la grande loi tératologique de Geoffroy Saint-Hilaire {la loi de soi pour soi); mais jamais la feuille ne s'unit à la corolle, ni le calice à l’étamine ou la corolle au fruit, malgré leurs points de contact, parce qu'ils ne sont pas des organes similaires. - Ces indications nous montrent déjà deux séries d'organes provenant de deux fonctions distinctes dans la végétation; (:) Elém. de téralolog. végét., pp. 198-99. / (?) Ibid., pp. 201 et suiv. — Dans le développement nombreux des pétales (Roses doubles, Pavots, Anémones, etc.), il est oiseux d'invoquer la métamorphose d’étamines qui ne sont pas présentes ou ont été exclues ; mais il n'y faut voir qu'une exubérance avec multiplication de pétales : pour l'Anémone Sylvie, les pistils peuvent parfois se trouver remplacés par des pétales. : (5) Encyclop. nouv., article végélal. — 174 — elles exeluent en même temps tout motif de communication et de métamorphose entre des organes qui n'appartiennent pas à la même série. Telle est la question importante qui se présente : l'origine respective des organes du végétal. Jusqu à ce jour l'idée de la métamorphose a captivé le plus grand nombre des botanistes; elle constitue la doctrine de l'école. Moquin a énoncé l'expression de parties homologues, mais n'en a rien déduit; car il continue à avancer qu'il existe une très grande analogie entre la nature des parties florales et celle des organes foliacés (1). Et cependant cette considération des parties homologues fait voir de suite comment une feuille ne peut en aucune manière (sinon mystiquement) se changer en pétale ou.en étamine. Par suite de la théorie que s'était faite Auguste Saint-Hilaire sur l'épuisement du végétal, théorie , qu'il soutient pertinemment tout le long de ses Leçons de bota- nique, voulant définir la fleur, il dit qu'elle se compose des productions appendiculaires de la tige ou dü rameau, qu'elle est le résultat d’un bourgeon terminal métamorphosé, qu'enfin elle offre une réunion de feuilles plus ou moins altérées dispo- sées autour d'un axe commun en cercles ou verticilles super- DOÉBB Se e0t : elle est, pour mieux dire, l’abrégé de la plante (?). Nous voyons ici un effet frappant de l'abus des comparaisons; c'est une preuve que la routine finit par nous faire croire à ce qu'il y a de moins intelligible. Nous avons donc à reconnaître dans la constitution des végétaux trois faits de principe : l'in- dépendance des deux systèmes, axile et floral; l’homologie respective des différents organes; la segmentation par articles de l'individu, fait capital dont il nous reste à parler (#). ‘ () Elém. de tératolog. végél.. (2) Lecons de botanique, chap. xvur, p. 328. (8) Voir notre appendice. — 175 — IV De la segmentation organique dans les végétaux. — D'après tout ce qui précède, nous pouvons poser comme corollaire : qu'il n'y a pas pour le développement du végétal de métamor- phose de la tige, pas plus que de la feuille; qu’on ne peut tenir compte de l’idée d'affaiblissement de la plante presque dès le moment où elle se produit par l'émission de sa tige et de sa racine, d'après Auguste Saint-Hilaire; que la cellule n'étant pas un organe constitué ne peut être, comme le veut Turpin, l'origine du développement de la plante. En outre, l’indépen- dance du rameau est une suite de l'indépendance du bourgeon foliacé qui l’a produit ; les bourgeons terminaux sont dans le même cas que les bourgeons latéraux : ce sont des individus entés sur d’autres individus par exsertion (on sait que l’idée de leur individualité est ancienne), et l'embryon est déjà un individu (1). Selon M. Schultz-Schultzenstein, professeur à l'université de Berlin, les bourgeons foliacés sont l'expression continue de la ramification, et la feuille qui s’y développe, loin d’être un élément simple, «est en réalité un objet très complexe, un » produit de l'articulation et de la ramification (?). » Lorsque, par la suppression de rameaux, on parvient à changer un bouton à fleur en bouton foliacé, c'est tout sim- plement, comme nous l'avons dit, un etfet d'exubérance de la sève, et sans métamorphose. Tout ce qu'on a dit des ovules comme se transformant en feuilles, n’est que le résultat d'une observation fautive, d'une illusion; c'est encore un jeu de l’exubérance de l'axe. M. Schultz-Schultzenstein fait observer * () Malgré ce caractère d'individu composé, GoœTxe attribuait plus d'importance à la feuille qu'à l'embryon. (OEuv. botan.; — Mélamorph. des plantes.) (?) Théorie de l'Anaphylose, dans le volume : Congrès international de botanique, novembre 1867. | = 190 = que les vraies feuilles ont sur la même plante une contexture si différente de celle des fleurs et des fruits, que ceux-ci ne peuvent pas être une simple transformation des premiers. La chlorantie de la Rose verte n’est pas une déformation ni une métamorphose ; ce n'est qu'une irruption de la chlorophylle dans le tissu des pétales : d'où l’on ne saurait conclure à l'identité de ces derniers avec la feuille du Rosier auquel ils appartiennent. M. Schultz-Schultzenstein a fait du segment organique dans le végétal, ou de l’anaphyte, le principe du développe- ment du sujet, et le constate dans les végétaux inférieurs de même que dans les plus élevés. Ainsi, à l'instar de la zoonite (Moquin, Dugès), reconnue pour l'élément organique de l’ani- mal et dont la génération successive a lieu par épigénèse, le savant botaniste, sans redouter le nom de Gœæthe, s’est mis résolument à battre en brèche sa doctrine des plantes. Il démontre le fait nécessaire de leur constitution dans la réu- nion des anaphyta en une unité corporelle, et l'indépendance des ‘individus isolés. Faute d’un organe central intérieur de conservation comme chez les animaux, les individus plantes ont besoin d'être réunis en un sorps pour offrir de la résistance au monde extérieur et former ainsi une unité organique. Or, cette unité étant obteïñue par la ramification (anaphytosis), celle-ci compense l'organe central dont les plantes manquent. Le tronc, par suite, forme unité dans le système entier de la ramification. On rencontre une unité organique, semblable à celle de la tige, dans les autres étages de la plante qui forment sur le tronc un système achevé de ramification, de sorte que l'unité de la formation des feuilles existe en elle-même par l'union des nervures avec le pétiole, ou par celle des folioles avec la nervure principale dans les feuilles ramifiées; de même pour l'unité de ramification des racines, de la ramifi- cation sans feuilles des Champignons et des Conferves. Dans les fleurs et Les fruits, on voit aussi naître une unité de système de ramification pour laquelle ne conviennent nullement ni la ; : — 177 — notion mécanique d'axe, ni la notion mécanique d’appendices que fournit l'hypothèse de la métamorphose (‘). Enfin, la ramification, d’après le même professeur, possède avec l’arti- culation l'importance la plus grande pour le règne vésétal ; elle porte en elle-même le plan de la création et la loi ie formation des plantes. La ramification exprime le caractère général de la plante, et l’on peut, dit l’auteur, définir la plante : « Un être qui se ramifie. » Il ajoute cette autre définition : « Nous considérons la ramification comme le véritable prin- » cipe morphologique de la plante (?). » La science des végétaux tend donc à s'approprier la doctrine zoologique basée sur un élément anatomique, la zoonite, énon- cée d'abord par Moquin et appliquée méthodiquement par Dugès et le docteur Serres (*) : cet élément sera représenté en botanique par l’anaphyton ou l’anaphyte. A cette donnée se Joint celle de l'épigénèse, qui exprime le mode d’accroissement successif par addition de nouvelles parties que représentent autant d'articles ou d'anaphytes. Cette théorie d’accroissement s'applique tout aussi naturellement à la morphologie des Cryptogames. Un anaphyte peut se présenter très raccourci, comme dans les mousses, les plantes phanérogames de petite stature, tandis que pour les grands végétaux et les arbres (Canne de Provence, Rotin, Palmier) chaque pousse annuelle est beaucoup plus allongée. La pousse d'un arbre vert {Pin silvestre, Pin Laricio), la flèche ou l'anaphyte terminal, sur- tout dans les jeunes sujets, offre une longueur de deux mètres et au delà; or, en examinant la formation anatomique d'un arbre, on voit qu’il s'élève chaque année par l'addition d'un anaphyte (*). () Théorie de l'Anaphytose. , (2) Zbid., pp. 105, 113, 114, 115. (5) Ducës, Conformité organique dans l'échelle animale, et Physiologie comparée ; — SERRES, Encyclop. nouv., art. tératologie. (#) DucHarTRE, Élém. de botan., p.139, fig. 68.— L'Hypochæris radicala, plante synanthérée, émet en quelques jours un jet ou tige nue de 33 cen- timètres, au sommet de laquelle apparaît la fleur. 12 — 178 — y On fait généralement grand honneur à l’illustre Gœæthe de la fhéorie de la métamorphose, sans remarquer qu'il serait plus à propos, et en même temps plus glorieux pour lui, de lui rapporter la découverte et l'étude de ces mêmes métamor- phoses, car les observations positives restent, tandis qu’une théorie s'évanouit.. Si la doctrine de la métamorphose des plantes a fait son chemin, nous croyons qu'elle à aussi fait son temps, et. que sa durée n’a pas grandement contribué, comme on l'a dit, aux progrès de la physiologie végétale. Or, aujourd'hui, après quarante ans de persistance, elle a donné lieu à l’accoutumance, à la routine et au parti pris, c'est-à-dire au préjugé, tous obstacles difficiles à aborder. En ce moment, la réaction des botanistes allemands contre l’œuvre de Gæthe est un fait considérable, qui nous démontre que l'opposition a pris une certaine consistance. Les idées que se sont formées Gæthe et Auguste Saint- Hilaire sur la théorie du végétal mènent à cette conclusion : que la végétation étant un phénomène naturel des plus com- plexes, et se passant entre la métamorphose, la faiblesse et l'épuisement, on ne doit pas s'étonner des anomalies dont nous sommes témoins durant cet acte, et qu'à l'égard des produits réguliers dans la floraison et dans la maturation des fruits, la finalité soit si rarement satisfaite. Tout cela, dans le jeu de la feuille, n’a donc pas lieu d'une manière graduée et suivant une progression mathématique (Aug. Saint-Hilaire). Mais la nature, qui met de la symétrie et de l'harmonie dans ses ouvrages, aurait-elle soumis la plante à une aussi pénible élaboration ? problème redoutable, même pour la puissante et féconde nature ! En résumé, il faut qu à son tour, et cela est dans l’opportu- nité des faits acquis, que la zoologie prête à la botanique ses Ji — 179 — conceptions quant au mode de développement des êtres; que cette dernière partage avec elle la théorie des zoonites fondée sur l’épigénèse; qu'elle évite, autant que l'expérience le per- mettra, de donner dans la panspermie, doctrine qui ferait jouer au pédoncule le rôle de générateur des ovules et de l'ovaire ; qu'elle redoute l'expression de métamorphose dont fait emploi la zoologie, et pour raison , sans la rejeter pourtant quant à la formation première des végétaux inférieurs, où ce phénomène est évident. Toutefois ce que l’on nomme métamorphose en zoologie, parfois n'est autre qu'une coalescence plus intime des organes (1). Nous croyons avoir suffisamment développé, tant dans notre prémier mémoire (?) que dans le présent écrit, la théorie sommairement exposée par M. Schultz-Schultzenstein sur l’'anaphytose et en avoir fait sentir assez la valeur, pour qu'on la considère comme pouvant remplacer utilement dans la science celle qui eut, au nom de Gœthe, un si grand reten- tissement. Quoique le botaniste allemand n'ait rien dit de la théorie de l’épigénèse, il est évident que sa conception repose sur ce phénomène normal. Le motif à l'ordre du jour dans la science officielle, c'est la théorie de la cellule, en tant que réunion de cellules et formant un corps complexe; là est le foyer d'activité vitale. Or, nous ne croyons pas que pour obtenir les phénomènes de la végétation, pas plus que les mille nuances de la pensée, il faille recourir au jeu immédiat de la cellule, soit des plantes, soit du cerveau, sinon en y voyant une théorie moléculaire. Cet état primitif d'organi- sation des cellules ne constituerait pas un organe, ce ne serait () Feu Payer, ce laborieux morphologiste, avait fait une ingénieuse application de la théorie des analogues à la eryptogamie, en faisant voir que dans, la formation fœtale des végétaux supérieurs et celle des mousses et des champignons, ces deux séries se montrent analogues, avec la différence que souvent l'organisation permanente de telle ou telle cryptogame ne se présente que transitoirement et passagèrement dans les plantes supérieures. {Botanique cryptogamique, pp, ?-3.) (3) Théorie de l'Anaphytose + qu'une préparation à un ou plusieurs éléments d'organes. Il nous paraît plus logique et plus scientifique en même temps de procéder par les éléments d'organes, puis par les orga- nismes, plutôt que par les éléments primordiaux de ces orga- nismes. Ainsi, dans la plante, les segments anatomiques ou les anaphytes sont autant d'éléments d'organes comparables, jusqu'à un certain point, à la zoonite, et qui, mis en rapport réciproque, forment un organisme; Car, pour qu'une fonction s’accomplisse, il faut un organe constitué, permanent, à fonc- tion spéciale avec modes divers, l'état cellulaire n'exprimant que des capacités fonctionnelles générales dans des organismes inférieurs et très simples. Les fonctions du végétal ne peuvent avoir lieu que lorsqu'il s’est formé du tissu cellulaire, du tissu vasculaire et du tissu fibreux; ceci est classique. Il est à remarquer au fond que la théorie de la métamor- phose semble favorable aux doctrines darwinniennes, le transformisme, à la différence cependant que celui de Gæthe est journalier, tandis que celui de Darwin exige de longues périodes de temps. Mais si l’idée fondamentale de Gœæthe, poursuivie de l’âpre critique de Mirbel, est une métaphore, on ne peut guère lui accorder un mérite scientifique, sinon pour les classes inférieures ; or, son œuvre d'incessantes per- turbations ne permet pas de croire qu'elle puisse conduire à la sélection, à la manifestation intégrale de la loi de symétrie. VI Appendice. — Après quelques critiques de là part des bota- nistes français, qui ont eu peu de retentissement, un sévère examen s'est produit en Allemagne contre la doctrine de Gœthe. La valeur scientifique du travail de M. Schultz-Schult- zenstein nous a déterminé à prendre part à cette polémique (!), () Théorie de l'Anaphytose des plantes, vol. du Congrès de botanique, Paris. 1867, in-8°. ; — 181 — avec l'espoir de contribuer à la solution du problème qui a pour objet la formation du végétal. Nous avons en outre la bonne fortune d'être soutenu dans cette tâche par un jeune” et zélé botaniste, déjà connu des amis de la science. Nous extrayons d’une note publiée par lui (1) les passages suivants : « La fleur a une nature propre, et ses pièces ne sont pas des » feuilles métamorphosées ; sans doute il faudrait être aveugle » pour nier les analogies de formes qui existent parfois entre _» les feuilles et certaines parties de la fleur, mais cette ressem- » blance ne doit pourtant pas faire conclure à une identité » d'organes. » L'organogénie a montré que les pièces florales apparaissent » sur les bords du réceptacle en petits mamelons isolés qui » s'allongent et deviennent plus tard les diverses parties de la » fleur. Quand la corolle est d'une pièce, c'est-à-dire mono- » pétale, un tube membraneux émerge du réceptacle et soulève » ces mamelons en les continuant par le bas. Les partisans de » la métamorphose veulent que ce tube soit formé par les » pétioles soudés des feuilles florales, et que la corolle soit, » non pas monopétale, mais gamopétale. Payer, qui se range » à cet avis, reconnait cependant que ce tube naît tout d'une » pièce, et qu'à aucune époque il n'a pu le voir divisé en » parties qui se sont soudées plus tard. Une soudure aussi » hypothétique (?) n’est guère admissible, et j'attribue l'appa- » rition de Ce tube à un dédoublement et un surhaussement » circulaires. La même interprétation est appliquée aux calices » monosépales. » Les défenseurs de la métamorphose sont d’ailleurs forcés » de convenir que, dans beaucoup de cas, le pistil, ou quatrième (1) Bulletin de la Société des sciences natur. et hist. de Semur, 4° année, 1867. | (? L'honorable docteur Grenrer est convaincu, avec M. Duvaz-Jouve, contrairement à l'opinion de Payer, que l’utricule accrescent des Carex est formé par une seule glumelle fournie par l'axe secondaire, et non par deux folioles connées. Flore de la chaine jurass., p. 827.) — 18 » verticille floral, ne provient pas d’une feuille, mais bien.d'un » prolongement de l'axe du réceptacle, Payer veut même que, » dans tout pistil, les cordons placentaires aient cette nature » axile, parce qu'ils portent.les ovules, fonction qu'il ne sau- » rait attribuer aux feuilles. » Avec la théorie de la métamorphose, on se rend difficile- » ment compte, chez les plantes à feuilles sessiles, de la pré- » sence d’un tube dans.le calice ou dans la corolle, et de la “» présence d’un filet dans les étamines. — La disposition de la » plupart des pièces florales ou verlicilles soulève des diffi- » cultés quand les feuilles sont alternes ; et quand les feuilles » sont opposées par deux ou les multiples de deux, pourquoi » le nombre impair cinq reste-t-il le nombre type des yerti- » cilles floraux ? Comment les feuilles pinnées peuvent-elles » former des sépales et pétales entiers, ou des anthères n'ayant » que deux loges ? Rien d’ailleurs dans la plupart des étamines » ne rappelle la feuille; en vain alléguera-t-on que la méta- » morphose est plus ‘radicale, parce que le verticille est plus » interne; le verticille pistillaire est des quatre le plus inté- » rieur, et ses pièces pourtant s'éloignent moins de la forme » des feuilles que les pièces du verticille staminal..……. » On m'opposera les cas tératologiques où les diverses pièces » de la fleur se transforment en feuilles ; on en conclut que, » dans les fleurs normales, ces pièces ne sont, à vrai dire, que » des feuilles; mais je conclus, au contraire, que ces pièces » ne sont rien moins que des feuilles, puisqu'elles ne de- » viennent telles que par une profonde perturbation de la » végétation. Une anomalie ne peut qu'induire en erreur sur » la forme et la nature d’un organe, car par elle cet organe est » précisément ce qu'il ne doit pas être. Connaît-on l'anatomie » par l'examen et la dissection de membres monstrueux ? La » théorie de la métamorphose, en s'appuyant ainsi sur des » anomalies, c’est-à-dire sur des exceptions, doit inspirer de » justes défiances; elle accorde trop de valeur aux cas tératolo- » giques, et les interprète d'une manière abusive. » POLIORCÉTIQUE DES GRECS TRAITÉ DE FORTIFICATION D’ATTAQUE ET DE DÉFENSE DES PLACES PHILON DE BYZANCE TRADUIT POUR LA PREMIÈRE FOIS DU GREC EN FRANÇAIS COMMENTÉ ET ACCOMPAGNÉ DE FRAGMENTS EXPLICATIFS TIRÉS DES INGÉNIEURS ET HISTORIENS GRECS PAR Le M. ALBERT DE ROCHAS D'’AIGLUN capitaine du Génie PREMIÈRE PARTIE Séances des 13 décembre 1871 et 13 janvier 1872 AVANT-PROPOS I Malgré le grand nombre d'ouvrages qui ont été publiés sur l'art militaire des anciens, on ne connaît encore que fort imparfaitement ce qui a trait à leurs fortifications et à leurs machines de guerre; c'est que, jusqu'à ce jour, on s’est géné- ralement contenté des notions vagues que l’on pouvait puiser chez les historiens, et que l'on a négligé d'avoir recours aux traités spéciaux laissés par les ingénieurs grecs. Ces traités cependant étaient bien connus des érudits. Dès 1693, Thévenot, sous-bibliothécaire du roi, les avait édités (1), en accompagnant la plupart d’entre eux d’une version latine. Malheureusement les savants hellénistes chargés de ce travail n'étaient rien moins qu'ingénieurs : aussi leur traduction, souvent vide de sens, trompant les curieux sur la véritable valeur des ouvrages qu'ils avaient eu la louable intention de (1) Le volume de THÉvENOT comprend : lo Le traité D'ATHÉNÉE sur les machines : 2 Les Poliorcétiques d'APoLLobore ; 3° Les deux traités de PaiLox, réunis sous le titre du premier : De la construction des machines de trait; 4° Le traité de Biron sur les machines : 5° Le traité de Héron, disciple de Ctésibius, sur la Construction des machines de trait; 6° Les Pneumatiques de HÉron d'Alexandrie ; : 7° Le traité sur la Construction des automates, du même auteur; 8 Les Cestes de JULES L'AFRICAIN ; 9° Un traité anonyme sur la Défense des places. Tous ces traités, sauf les deux derniers, sont accompagnés de traduc- tions latines. Les traductions d'ATHÉNÉE, de PHiLon, d'APozLopoRrE et de Brrow, sont dues en grande partie à l'abbé pe VaLois et à COTELIER. 186 AVANT-PROPOS. vulgariser, n'eut guère d'autre résultat que de meubler les rayons les plus poudreux de nos bibliothèques. En 1805, le célébre linguiste d’Ansse de Villoison fit une nouvelle tentative pour les rendre accessibles au public : il pria Paul-Louis Courier, l'homme le plus propre du monde à cette besogne, d'en donner une traduction française. La réponse de Paul-Louis nous a été conservée dans sa corres- pondance (1) : « Vous me tentez, Monsieur, en m'assurant » qu'une traduction de ces vieux Mathematici me couvrirait » de gloire. Je n’eusse jamais cru cela. Mais enfin vous me » l’assurez, et je saurai à qui m'en prendre si la gloire me » manque après la traduction faite; car je la ferai, chose sûre. » J'en étais un peu dégoûté, de la gloire, par de certaines gens » que j'en vois couverts de la tête au pieds et qui n’en ont pas » meilleur air; mais celle que vous me proposez est d'une » espèce particulière, puisque vous me dites que moi seul je » puis cueillir de pareils lauriers. Vous avez trouvé là mon » faible : à mes yeux, honneurs et plaisirs, par cettequ alité » d'exclusifs, acquièrent un grand prix. Ainsi, me voilà décidé; » quelque part que ce livre me tombe sous la main, je le tra- » duis pour voir un peu si je me couvrirai de gloire. » Sa traduction, si elle fut faite, n’a jamais été publiée; mais je suis porté à croire que le livre de Thévenot ne tomba pas sous la main de Courier; cet ouvrage est, en effet, devenu tellement rare que le docteur Fr. Haase, voulant entreprendre une édition des écrivains militaires de l'antiquité, ne put jamais se le procurer, et dut le copier tout entier de sa propre main dans une bibliothèque publique (?). N En 1853, MM. Kæchly, helléniste de Zurich, et Rustow, le savant historien des guerres contemporaines, tentèrent de (1) Barletta, 8 mars 1805. (2) Quo factum est ut totum illud volumen, satis amplum, formæ maximæ, quo Veteres Mathematici continentur, mea manu describendum fuerit. (De Militarium scriptorum..…… editione instituenda narratio ; Berolini, 1847, p. 49.) AVANT-PROPOS. 187 mettre à exécution le projet de M. Haase : ils publièrent le texte grec de quelques traités, en l’accompagnant d'une tra- duction allemande et d'excellents commentaires; malheureu- sement leur œuvre resta inachevée (1). : Quelques années après, M. Minoïde Mynas ayant rapporté du mont Athos un manuscrit des Mathematici Veteres, beau- coup plus ancien et plus correct que tous ceux que l'on con- naissait jusqu'alors, l'administration de l'imprimerie impériale chargea M. Wescher d'en préparer une édition pour l'expo- sition universelle de 1867. Cette édition parut en effet sous le titre de Poliorcétique des Grecs et excita l'admiration des con- naisseurs par son exécution typographique (). M. E. Miller, rendant compte de cet ouvrage dans le Journal des Savants, s'exprime ainsi : « Malgré l'abondance et la richesse des matériaux qu'il » (M. Wescher) a eus à sa disposition, malgré de nombreuses » et importantes améliorations, il est facile de reconnaître que » les textes de la Poliorcétique des Grecs laissent encore à » désirer sous le rapport du sens et de la correction. Aussi je » m'explique pourquoi M. Wescher n'a pas osé, n’a pas voulu » y joindre une traduction française, ou même latine... Les » difficultés insurmontables devant lesquelles il s’est trouvé » tiennent à la nature même du sujet. Qu'on réfléchisse au » caractère particulier de ces ouvrages, aux termes techniques » dont ils sont hérissés; qu'on se rappelle ensuite la succession » de copies par lesquelles ils ont dû passer avant d'arriver » jusqu'à nous, on comprendra facilement qu'ils doivent être (1) Les deux seuls traités de cette collection qui s'occupent de polior cétique sont : le Traité de la défense des places d'Æxeas, et les Straté- giques de l'ANONYME DE Byzance. Les autres regardent la stratégie et la construction des machines de trait. (2) Le volume édité par M. Wescxer contient : 1° le fraité d'ATHÉNÉE sur les machines ; ? celui de Brrox sur le même sujet; 3° celui de HÉRON d'Alexandrie sur les machines de trait ; 4° les Poliorcétiques d'ApoLLo- DORE ; 5° les Poliorcétiques de Héron de Byzance; 6° divers extraits des anciens historiens, relatifs surtout à la guerre de siége. 188 AVANT-PROPOS. » très défectueux. Dans de pareilles conditions, une connais- » sance approfondie de la matière, jointe à une critique et à » une science philologique consommées, suffirait à peine pour » aider à comprendre et à rétablir des textes aussi difficiles et » aussi Corrompus. Sans ces qualités, qu'il est presque impos- » sible de trouver réunies dans un seul savant, quel guide » suivra un éditeur ? Comment obtiendra-t-il un résultat satis- » faisant, s’il ne comprend ni le sens spécial des expressions » qu'il adopte, n1 leur suite logique et tèchnique ? » Il y a un certain nombre d'années, une ouverture me fut » faite pour que j'entreprisse une traduction française des » traités contenus dans le recueil de Thévenot. Je m'empressai » de reconnaître et de déclarer ma complète incompétence…. » Bien que je n’aie aucune prétention à être le rara avis souhaité par M. Miller, et précisément parce que je n'ai aucune réputation à compromettre, j'ai osé tenter l'œuvre que le célèbre helléniste a jugée au-dessus de ses forces. Le traité dont je donne aujourd'hui la traduction francaise a été publié par Thévenot, sous le faux titre de PxiLonis Telifactiva, lib. V. C'est le plus ancien et sans contredit le plus important de ceux que contient le recueil des Veteres Mathematici; mais, hélas ! il en est aussi le plus incorrect, à tel point que ni MM. Kæchly et Rustow, ni M. Wescher n'ont jugé à propos de le rééditer. « Le cinquième livre de Philon, disent les premiers (1), est tout à fait illisible, sans construction grammaticale, et plusieurs phrases indiquent d'une facon péremptoire qu'il y a eu au texte primitif des additions ultérieures tirées en partie d'autres ouvrages. » On verra plus loin, dans la notice sur Philon, que M. Haase partage ce sentiment. Si je n'ai point reculé devant une tâche si difficile aux yeux des gens les plus compétents, ce n'est point par suite d'une folle présomption ; c’est parce que je suis convaincu que, dans (1) T. I, p. 198. AVANT-PROPOS. 189 un ouvrage technique, profondément altéré comme celui qui nous occupe, les règles ordinaires de la philologie deviennent complètement impuissantes. Le sens général seul, tiré des considérations qui ont fait l'objet des études de toute ma vie, peut guider le traducteur dans la tentative d'une restitution. D'un autre côté, mon essai, quelque imparfait qu’il puisse être, aura du moins cet avantage de ramener l'attention sur une œuvre injustement oubliée, et de faciliter ultérieurement le travail des hellénistes en leur donnant les conjectures d'un homme du métier. Je n'ai du reste rien négligé pour rendre à mes successeurs la besogne aussi aisée que possible. Depuis plusieurs années, je donne à ce travail les rares loisirs que me laisse mon service, et je lui dois d’avoir pu quelquefois oublier un instant les malheurs de ma patrie dans les heures si longues et si douloureuses de la captivité. M. Egger, membre de l'Institut, professeur de littérature grecque à la Sorbonne, dont le nom vénéré servira d’égide à mon livre, a daigné consacrer une partie de son temps si précieux à revoir les premiers chapitres de ma traduction. M. Caillemer, professeur à la Faculté de droit de Grenoble, déjà connu par des études sur les institutions juridiques d'Athènes, a bien voulu achever cette révision interrompue par la guerre. Les lieutenants-colonels de Villenoïsy et Prévost, dont les ouvrages sur l’histoire de la fortification sont aujour- d'hui classiques, m'ont fait l'honneur de discuter la valeur technique de mes interprétations dans les passages les plus obscurs. Enfin, M. Auguste Castan, secrétaire de la Société d'Emulation du Doubs, et le docteur Gaston Lallier, professeur au lycée de Chambéry, ont mis à ma disposition, avec une obligeance que je ne saurais oublier, les richesses de leur science archéologique et de leur bibliothèque. Puisse ce livre, né sous leurs auspices, contribuer pour sa faible part à montrer que l'Allemagne n'a point le monopole des travaux d'érudition dont elle se montre si fière ! 190 AVANT-PROPOS. IT DIVISION ET ANALYSE SOMMAIRE DE L'OUVRAGE. - Le présent ouvrage se composera de deux volumes. Le premier, que nous publions seul cette année, contient la traduction du cinquième livre de Philon et un recueil d'extraits d'auteurs didactiques, destiné à montrer les sources auxquelles à puisé l'ingénieur byzantin ainsi que les em- prunts qui lui ont été faits. Le cinquième livre de Philon traite de la fortification, des approvisionnements, de la défense et de l'attaque des places. Bien que le texte, tel qu’il nous est parvenu, ne présente aucune division, j'ai cru devoir, pour plus de clarté, en faire quatre chapitres distincts, et subdiviser chaque chapitre en alinéas. Le chapitre I°' est le SEUL TRAITÉ DE FORTIFICATION Que nous aient légué les anciens. On ne peut, en effet, donner ce nom ni aux quelques préceptes contenus dans le premier hivre de Vitruve ou le quatrième livre de Végèce, ni aux cha- pitres IX et X des stratégiques anonymes, dont on trouvera dans ce volume la première traduction française. Après avoir posé le principe du flanquement latéral et donné quelques détails sur la construction des courtines et des tours, Philon aborde l’étude des divers tracés et en décrit cinq plus ou moins complètement; il montre ensuite comment on doit améliorer les anciennes places et fait diverses prescriptions sur la manière de diriger les travaux; puis il passe à l’étude des dehors et des communications, et il termine par des préceptes sur l’appli- cation de la fortification au terrain. Je n'insisterai point ici, me réservant de le faire dans le second volume, sur la valeur technique de ce chapitre et sur les conclusions à en tirer; Je me contenterai de faire remarquer aux ingénieurs que, il y a deux mille ans, on prescrivait déjà : AVANT-PROPOS. 191 1° La hauteur de dix mètres pour les escarpes et la largeur de trente mètres pour les fossés ; 2° Le défilement des maconneries au moyen de couvrefaces eneterre: 3° L'éloignement, à l'aide d'ouvrages extérieurs, du premier établissement des batteries de l’assiégeant au delà de leur portée efficace ; R 4° Le flanquement latéral, les tours bastionnées, le tracé en crémaillère ; 5° Les demi-lunes ; 6° Les traverses pour le défilement des courtines ; 7° Le blindage en fer pour la tête des casemates ; 8° L'application du système de fortification à la nature du -terrain, condition capitale que l’on a négligé si longtemps de formuler dans les traités modernes. On verra en outre que les anciens avaient constaté les avantages des voûtes adossées aux escarpes, et l'importance de l'angle de 60° comme limite minimum de résistance pour les maconneries, ainsi que l'utilité d’une vaste zone de défense à l'intérieur et à l'extérieur du rempart. Le chapitre IT présente surtout un intérêt archéologique. 11 forme, avec l'extrait de la compilation sur la défense des places, que nous publions dans la deuxième partie, tout ce qui nous reste des anciens sur la question des préparatifs de guerre; car le livre qu'Ænéas avait publié sur ce sujet est aujourd'hui perdu. Le chapitre IIT a rapport à la défense des places. Comme les autres parties du cinquième livre, il est plutôt un aide-mémoire qu'un véritable traité. L'auteur y indique successivement, et d'une façon sommaire, quel doit être l'armement de la place, comment on doit combattre les diverses machines de l'attaque et construire les retranchements intérieurs. Il donne ensuite des préceptes sur l'organisation du service de la garnison et 192 AVANT-PROPOS. sur les mesures à prendre pour la défense des divers quartiers de la ville, une fois que l'ennemi se sera emparé de l'enceinte. Il termine par l'étude des moyens spéciaux à employer pour la défense des villes situées sur les montagnes et des ports de mer. Ce chapitre est plus complet et surtout beaucoup plus précis que les ouvrages composés sur le même sujet par Ænéas et Héron de Byzance, ouvrages dont on trouvera plus loin des extraits. Le chapitre IV s'occupe de l'attaque des places. L'antiquité avait une foule d'écrits sur cette matière. Ceux de Pyrrhus de Macédoine, de Dyadès, disciple de Polyeidos de Thessalie et ingénieur d'Alexandre, d’Agésistrate, disciple d'Apollonius, tous cités par Athénée, sont aujourd'hui perdus. Mais il nous reste ceux d'Apollodore, d’Athénée, de Héron de Constanti- nople, de l'empereur Léon et d'Onosander, chez les Grecs ; ceux de Vitruve et de Végèce, chez les Romains. Ces divers traités sont extrêmement sommaires, ou composés uniquement de descriptions de machines; celui de Philon seul forme un tout complet, rédigé clairement et dans de Justes proportions. L'auteur examine séparément l'attaque ‘par sur- prise, l'attaque en forme, soit par terre soit par mer, et le blocus ; il donne sur la conduite des troupes et sur les négo- ciations propres à la guerre de siége des préceptes dont j'ai pu par moi-même apprécier la justesse pendant le blocus de Metz. Je ferai remarquer, sans pouvoir l'expliquer, que Philon ne dit pas un mot, ni dans son traité de défense, ni dans son traité d'attaque, des terrasses (x@ux, agger), qui furent cepen- dant d'un usage si fréquent dans l'antiquité, dès le temps d'Alexandre le Grand. On sait que ces terrasses étaient d'é- normes cavaliers formés de terre, de pierres et de bois; on Îles construisait en mettant des travailleurs à l'abri au moyen de tentures suspendues à de grands mâts que l'on déplaçait au fur et à mesure de l'avancement dé l'ouvrage. Ces terrasses servaient quelquefois à remplacer les tours d'attaque ; on éta- AVANT-PROPOS. 193 blissait à leur partie supérieure des batteries qui, plongeant dans l'intérieur de la ville, protégeaient l'approche des autres engins. Le plus habituellement, elles étaient employées contre les places bâties sur des rochers escarpés ; elles formaient alors une vaste rampe qui permettait d'amener, de la plaine au pied du mur, les engins propres à faire brèche. Le second volume aura surtout pour but de montrer com- ment les anciens ont mis en pratique les préceptes donnés par leurs auteurs didactiques ; il comprendra : 1° Un certain nombre de notes qui, à cause de leur lon- gueur, eussent difficilement trouvé place’auprès des textes auxquels elles se rapportent ; 2° La description des principales fortifications de l'antiquité, telles que Tyrinthe, le camp retranché des Léléges, sl Nicée, Pompeïa, Rome, etc.; 3° Une traduction nouvelle des récits de siéges les plus caractéristiques, donnés par Thucydide, Arrien, Polybe, Dio- dore de Sicile, etc. L'ouvrage se terminera par deux tables : l’une qui, je l’es- père, sera accueillie avec faveur par les hellénistes, formera un dictionnaire raisonné des termes techniques grecs contenus dans les textes publiés; l'autre sera un index alphabétique et détaillé des matières, permettant au lecteur de retrouver facilement dans les deux volumes tout ce qui se rapporte au même ordre de faits, et lui donnant la possibilité de ne lire que ce dont il aura besoin pour ses études spéciales. 13 TRAITÉ DE FORTIFICATION D’ATTAQUE ET DE DÉFENSE DES PLACES PAR PHILON DE BYZANCE PRÉCÉDÉ D'UNE NOTICE SUR PHILON ET D'UNE TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES NOTICE ET TABLE NOTICE BIOGRAPHIQUE On attribue à Philon de Byzance deux traités relatifs, l'un à la construction des machines de projection, l'autre à la forti- fication et à la guerre de siége. Dans le premier, l'auteur nous donne quelques détails sur sa vie; il nous apprend que ce fut à Rhodes qu'il étudia l'ar- chitecture sous d'habiles maîtres et qu'il alla ensuite se per- fectionner dans la mécanique à Alexandrie, où il connut le célèbre mathématicien Ctésibius (1). D'après son propre témol- snage, le traité d'artillerie formait le quatrième livre d'un grand ouvrage intitulé Mnyavwñ Eüvraë, dont il ne nous est resté que des fragments. Le premier livre, qu'il appelle livre d'introduction, paraît avoir été un traité de mathématiques pures (2. Le troisième avait trait à la construction des ports (3). Philon ajoute (4) qu'après avoir parlé de l'artillerie, il trai- tera de la pneumatique, et il a réellement composé ce traité, car Héron, disciple de Ctésibius, en parle (5); Fabricius s'est : trompé en l’attribuant à Philon de Thyane, mathématicien du 1° siècle après notre ère, connu par des citations de Pappus (6). (1) Veteres Mathematici, p. 51, ligne. 17. (2) V.M., p.52, 1.1; p. 56, 1, 10 et suiv.— PAppus D'ALEXANDRIE, Mmathé- maticien, qui a rassemblé dans ses livres plusieurs découvertes éparses dans les ouvrages de ses devanciers, y fait allusion en plusieurs passages. GE. p.49, 1 1: CORÉEN" p.77, 1017. (5) V. M., p. 263, L. 9 et pass, (6) Biblioth. græca, lib. VIII. 198 NOTICE BIOGRAPHIQUE. Philon avait même fabriqué une machine automatique, destinée à mettre en scène la fable de Nauplius; mais, suivant le même Héron, cette machine n'avait pas réussi. Dans son cinquième livre (ch. 1v, ? 65), il renvoie à un traité qu'il a l'intention de composer sur les messages secrets, et (ch. 1v, 2 72) à un autre déjà paru sur les préparatifs de guerre. Tels sont, avec une phrase de Vitruve, qui cite notre auteur au nombre de ceux qui ont écrit sur les machines, les seuls renseigne- ments que l'antiquité nous ait légués à son égard (1); ils suffisent pour déterminer l’époque où il vécut. En effet, suivant le témoignage d'Aristoclès, cité par le grammairien Athénée (2), Ctésibius était contemporain de Ptolémée Evergète IT, connu aussi sous le nom de Ptolé- mée VII dit Physcon, qui régna de l’an 146 à l'an 117 avant notre ère. , Quelques critiques distingués (3), se fondant sur une épi- gramme d'Hédylus citée par ce même Athénée (4, veulent que Ctésibius ait vécu un siècle plus tôt, sous Ptolémée IT Philadelphe, époux d'Arsinoé Zéphyritis, et prétendent qu'il aurait seulement terminé ses jours sous Ptolémée IIT (Ever- gète [*), qu'Aristoclès aurait confondu avec Ptolémée VII (1) Préface du livre VII. — La bibliothèque Bodleienne renferme un manuscrit arabe {Codex CMLIV) dont le titre peut se traduire ainsi : « Ce qu'Héron a tiré des livres des Grecs Philon et Archimède sur la traction des fardeaux, les machines qui lancent les projectiles, les moyens pour faire monter l'eau, la recueillir et autres choses semblables. » Il est reconnu aujourd'hui que c’est à tort qu'on attribuait à PuiLon DE Byzance l'opuscule sur les Sept merveilles du monde, qui, en réalité, est dù à HERENNIUS PuxiLow, historien du n° siècle de notre ère. (2) Banquet des sophistes, IV, 22, 2 75. (3) Saxu Onomasticon lilterarium; — Faprici Biblioth. græca, t. IV, p.234; — BurTrman, Veber die Wasserorgel und Feuersprütze der alten, dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, 1810, p. 169 ; — PARTHEY, Vas Alexandrinische Musæum, p.185, Berlin, 4833, in-8° ; — LETRONNE, Re- cherches sur les fragments d'Héron d'Alexandrie. 1"° partie, liv. I, chap. I, pp. 26-27 (4) Banquet des sophistes, IX, 13, 2 27. NOTICE BIOGRAPHIQUE. 199 (Evergète II); mais on a répondu avec raison (l) que cette épigramme, où il est question d'une machine fabriquée par Ctésibius pour le temple d'Arsinoé, ne prouverait en aucune facon que la fabrication remontât à l'époque où mourut cette princesse. D'un autre côté, Philon faisant observer dans ses écrits que la supériorité des mécaniciens d'Alexandrie tient au bonheur qu’ils ont eu d'avoir DES RoIS passionnés pour la gloire, il est naturel d'en conclure que ces deux mathémati- ciens n’ont pas vécu sous le deuxième et le troisième roi de la dynastie égyptienne, mais bien sous le septième, comme l'in- dique Aristoclès. Ajoutons encore qu'il est fort probable que l'Ariston, auquel notre auteur a dédié son ouvrage, était le fils naturel du dernier roi de Pergame, qui, à cette époque, disputait aux Romains l'héritage d’un trône à l'ombre duquel avaient longtemps fleuri les lettres et les sciences (2). Quoi qu'il en soit de la question de détail que nous venons de discuter, il n'en reste pas moins clairement établi que Philon de Byzance vivait au plus tôt dans la seconde moitié du n° siècle avant notre ère; c'est donc à tort que Thévenot 6) et, après lui, quelques érudits l’ont confondu avec Philon d'Athènes. Ce dernier, selon le témoignage de Vitruve (4), florissait au temps où Démétrius de Phalère commandait à Athènes (318- 308 av. J.-C.); il orna de colonnes la facade du fameux (1) Vexrurr, Comm. soprà la sloria e le teorie dell otica : Comm. IT, Vita ed opere di Erone, p. 77; — ScHWEIGHAUSER, Animadv. in Athenæi Deipnos, t. Il, pp. 637-638 ; — Th. Henr-Marnin, Recherches sur la vie et les ouvrages d'Héron d'Alexandrie, dans les Mémoires de l'Académie des inscrip: et belles-lellr. (Savants étrangers, 1"° série, t. IV, pp. 22-26.) (2) Ce prince est souvent appelé Aristonic. On pourrait faire observer, à l'appui de la première opinion, qu'il existait du temps de Ptolémée Philadelphe un célèbre navigateur, nommé Ariston, qui fut chargé par le roi d'Egypte de reconnaitre et de décrire les côtes de l'Arabie, depuis le promontoire de Posidion jusqu'à l'Océan. DD. D: xT. (4) Préface du livre VII. 200 NOTICE BIOGRAPHIQUE. temple de Cérès et de Proserpine à Eleusis (l), et construisit au port du Pirée un arsenal pouvant contenir l'armement de mille navires (?) qui fut brûlé par Sylla G). Il à laissé un livre, aujourd'hui perdu, sur la proportion des temples et sur l'arsenal dont nous venons de parler (4); Cicéron se demande s'il ne doit pas être plus célèbre encore comme orateur que comme architecte (5). Les anciens ne nous ont rien appris de plus sur son compte; mais je crois pouvoir ajouter qu'il avait composé un Traité de poliorcétique, dont le cirquième livre de Philon de Byzance n'est que l’abrégé. Nous trouvons, en effet, dans le livre des machines d’Athé- née (6) une citation de Philon d'Athènes, à propos de la tortue pour les terrassiers. Or, le passage cité se retrouve dans Philon de Byzance, auquel Athénée est postérieur, puisque cet écri- vain fait mention quelque part de Ctésibius d’Ascra, qui ÉTAIT mécanicien à Alexandrie (). Donc, ou bien Athénée a commis une erreur en attribuant à Philon d'Athènes ce qui avait été écrit par Philon de Byzance, ou bien les deux Philon ont écrit sur le même sujet; c'est cette dernière hypothèse que l'on admettra, si l’on remarque que Héron le jeune cite, dans les Poliorcétiques, à la fois Philon de Byzance (8) et Philon d'A- ; thènes (9), et cela à propos de choses différentes de celles qui font le sujet de la citation d'Athénée. (1) Vitruv., loc. cit. (2) Pure, ist. nat., VIL 38. (3) PLurarque, Vie de Sylla, ch. xx. (4) Vitruve, préf. du livre VII. (5) « Neque enim, si Philonem illum architectum, qui Atheniensibus armamentarium fecit, constat perdiserte populo rationem operis sui reddidisse, existimandum est, architecti potius artificio disertum, quam oratoris, fuisse. » (De Oratore I, c. 14, 2 62.) (6) Edit. Wescher, p. 15, I. 13. (7) Id., p. 29, 1. 9. — On a vu plus haut que Philon de Byzance était contemporain de Ctésibius. (8) Id:, p. 260, L. 5. (COLA DER EMER NOTICE BIOGRAPHIQUE. 201 Il est du reste évident pour l'observateur le moins attentif que le quatrième et le cinquième livres édités par Thévenot ne sont point dus à la même plume. Dans l'un, il y a peu de méthode; certaines parties sont à peine efileurées, d’autres sont traitées avec des détails que ne comporte point leur peu d'importance ; l’auteur y parle souvent de lui, et l'on recon- naît à chaque instant le. mécanicien préoccupé avant tout de faire valoir ses inventions. Dans l’autre, au contraire, la per- sonnalité de l'écrivain disparaît complètement ; on ne trouve que des prescriptions exposées avec une méthode parfaite, dans un style net et concis, qui serait parfaitement clair sans les altérations du texte et les omissions dues sans doute à l'abréviateur. Cette particularité avait déjà été signalée en ces termes par M. Haase (1: « Quæ autem præterea feruntur quinti libri nomine inscripta, ea demonstravi ex duobus als libris, qui Hapasxevacriumd ef Hokopxnruwé continebant, ta conflata esse, ut plurimis omissis ea tantum excerperentur, quæ viro militari præcipue placerent; qua in re ille adeo rebus studuit, ul orationem non raro perderet aut certe admodum obscuraret ; cm enim sæpe ordinem oralionis turbaret, nexum solveret, vincula necessaria abjiceret, ipse sane, qui integrum Philonem accurate legisset, ea quæ sine arte excerpsit, intelligere potuilt ; nos idem efficere sæpe non possumus, nec spes ulla ostenditur, fore ut plenior alius et emendatior Philonis codex reperiatur. » Cette manière de faire les livres à coups de ciseaux était fort en usage chez les Grecs de l'Orient, qui nous en ont laissé de nombreux exemples. Elle était de plus naturellement. indiquée pour un ouvrage dans le genre de celui de Philon, qui formait, nous l'avons vu, une encyclopédie des applica- tions de la mécanique ; mais notre auteur en prenait un peu trop à son aise, et il ne se donnait même pas la peine de mettre son édition à la hauteur de la science contemporaine : ainsi, pour les signaux, il n'indique qu’une vieille méthode ensei- (1) De mailit. script. editione instituenda narraltio; Berolini, 1847, p. 37. 202 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. gnée depuis près de deux siècles dans les écrits d’Ænéas, tandis que Polybe, son contemporain, nous apprend que des procédés beaucoup plus perfectionnés étaient depuis longtemps en usage. Je crois donc pouvoir tirer de ce qui précède les conclusions suivantes : 1° Philon d'Athènes, célèbre architecte, vivait à la fin du 1v*° siècle avant notre ère (c'est-à-dire quelques années après Alexandre le Grand); il a composé un traité de poliorcétique en résumant les prescriptions d’Ænéas et en y ajoutant les éléments fournis à l’art militaire par les conquêtes de Philippe de Macédoine et de son fils. 2° Philon de Byzance, mécanicien, vivait au milieu du 11° siècle avant J.-C.; il a composé une encyclopédie mécanique dont un des livres n'est que le résumé de l'ouvrage de Philon d'Athènes. Il NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE Le manuscrit de Minoïde Mynas, qui a permis de restituer le texte de la plupart des traités contenus dans le Veteres Mathematici à peu près tel qu'il était au temps de Vitruve (1), ne contient malheureusement pas l'œuvre de Philon de By- zance. Les plus anciens des manuscrits qui nous la donnent ne font que reproduire le résultat d'une récension faite dans le courant du x° siècle, à Constantinople, par ordre de l’em- pereur Constantin Porphyrogénète, dans le but de composer une encyclopédie militaire. Le texte y a été considérablement altéré, par suite de l'ignorance des scribes, et les erreurs n'ont fait que s'accroître par la succession des copies. Une collation (1) VirRuve, dans son dixième livre, n'a guère fait que traduire en latin les traités sur la construction des machines dus à Athénée et à Philon, | ! NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. 203 intelligente des différents manuscrits eût certainement fourni de nombreuses corrections ; mais cette collation, bien qu'elle ait été faite, ne m'a pas été communiquée, et j'ai dû m'en tenir au texte publié par Thévenot, d'après l'un des manus- crits de la bibliothèque nationale. Il serait à désirer, si le savant helléniste qui a fait le travail dont nous venons de parler ne se décide point à le donner au public, qu'un autre homme spécial prît la. peine de le recommencer; c'est dans cette espérance que je crois utile d'indiquer ici, d'après M. Wescher, les manuscrits qui reproduisent le texte de Philon. Manuscrits principaux. 1° Manuscrit du Vatican (Codex græcus Vaticanus 1164). — Ce manuscrit, sur vélin, in-folio, composé de 261 feuillets, a été l'objet d'une savante notice de M. Haase. Il porte sur un des feuillets (fol. 120 v°) la date de l'an du monde 6791 qui, d'après l'ère de Constantinople, répond à l'année vulgaire 1283. Cette note, écrite de seconde main, est postérieure au manuscrit, elle fixe la date d’une récension qui a été faite au xn° siècle. L'écriture du manuscrit lui-même remonte beau- coup plus haut et paraît être du xr° siècle. Il contient, du fol. 139 v° au fol. 154 r°, un traité intitulé : Ex tov Pilowvos Behomoux@y À6Yoc ‘A. La place des figures est laissée vide, comme dans tous les manuscrits de Philon. Du fol. 154 r° au fol. 166 v°, il contient un autre livre de Philon sans titre qui, comme le précédent, commence par la phrase : Düuv ’Apiorwv yaipev. Ce livre finit par les mots aYNxEOTOY Tabwy. 2° Manuscrit de Paris (Codex Parisiensis græcus 2442). — Ce manuscrit, qui a appartenu à Catherine de Médicis et qui est relié aux armes de Henri IV sous la date de l'an 1603, est sur vélin, in-folio, et composé de 125 feuillets d’une belle écriture du xre siècle. Le texte est le même que dans le 204 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. manuscrit du Vatican, sauf quelques omissions et quelques lécères différences dans les détails. Les deux manuscrits ne. sont point cependant une copie l’un de l’autre; ce sont seule- ment deux documents de la même famille et de la même époque , provenant d'une source commune , la récension byzantine du x° siècle. Le manuscrit de Paris porte en marge des annotations d’une écriture du xrrr° siècle, petite et à peine visible, qui corrigent un certain nombre de passages avec une hardiesse parfois heureuse. Il contient, du fol. 92 v° au fol. 114 r°, le IV® livre de Philon sous le même titre que dans le manuscrit du Vatican. À la suite se trouve, du fol. 114 r° au fol. 125 v°, l’autre livre de Philon, sans titre, et se terminant aux mots roroovou xarà ôt...; le reste manque. Manuscrits secondaires. 1° Manuscrit du Vatican, n° 219. — Ce manuscrit, sur papier de coton, in-folo, relié en bois recouvert de maroquin rouge, est composé de 421 feuillets; il a été écrit dans les premières années du xv° siècle et contient les deux traités de Philon (fol. 67-109); mais il donne le IV® livie sans début et sans titre. Cette particularité, qui n'existe ni dans l’ancien manus- crit du Vatican ni dans celui de Paris, se trouve reproduite dans la plupart des manuscrits secondaires, notamment dans les suivants: Codex græcus Urbinas 79 (Vatican) ; Codex Lugdunensis Vossianus 3 (Lyon) ; Codex Bodleianus Barocianus 187 (Oxford) ; Codex regius Napolitanus 143 (Naples) ; Codex regius Bavaricus 195 (Munich); Codex Cæsareus Vindobonensis olim 114 nunc 24 (Vienne); Codex regius Taurinensis 60 (Turin); Manuscrit 2438 de l’ancien fonds grec, tn Manuscrits 2437 et 2441 de l’ancien fonds grec, tationale Manuscrits 26 et 244 du fonds grec supplémentaire, } 7% NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. 205 Tous ces manuscrits ont été exécutés dans le courant du xvr° siècle. Ils donnent un texte plus ou moins altéré posté- rieur à la récension byzantine, mais qui, comme dans leur type le manuscrit 219 du Vatican, ne dérive d'aucun des deux textes principaux que nous avons signalés, 2° Le manuscrit du Vatican 220 et le manuscrit de Paris 2445, copiés tous les deux sur l'ancien Codex Vaticanus 1164. 3° Le manuscrit de Paris 2435, qui a servi de type à l’édi- tion Thévenot pour la série des Poliorcétiques et qui dérive du manuscrit 2442 de Paris. Le texte, de date récente et de main occidentale, n’est ni correct ni fidèle, et il porte en plus d'un endroit les traces d’altération arbitraire. Les variantes inscrites à la marge valent généralement mieux que le texte. 1 206 TABLE ANALYTIQUE. I TABLE ANALYTIQUE DU TRAITÉ DE PHILON. CHAPITRE Er. —— FORTIFICATION. Tours. — Leurs fondations (1), leur emplacement et leurs formes diverses (2-7). RuE DU REMPART. — Sa largeur (8). CourTines. — Leur épaisseur (9); leurs matériaux (10); leur hauteur (11); chaînages en bois (12). Leurs diverses espèces : courtines couvertes (13); courtines sans chemin de ronde(14); courtines avec contreforts et voûtes (15). SYSTÈME RHODIEN. — Description de la courtine (15); épaisseur et nature des murs des tours (16); dans quelles tours et dans quelles parties des tours il faut percer des embrasures (17-19); passages dans les tours (20); hauteur des tours (21). PAREMENT DES TOURS ET DES COURTINES (22). INFLUENCE DU TERRAIN SUR LE TRACÉ (23). Barrertes de diverses espèces dans le corps de place et dans l'enceinte avancée (24). PorTerxes dans les flancs des tours et dans les fossés secs (25-28). Pazissapes (29). SYSTÈME A HÉMICYCLES ; Sa description (30-31) SYSTÈME EN FORME DE SCIE de l'ingénieur Polyeidos ; sa des- cription (32). SYSTÈME A COURTINE DOUBLE; sa description (33-34) ; demi- lunes (33). DISPOSITION DES ENCEINTES EXTÉRIEURES dans les systèmes précédents (35-36). ù TABLE ANALYTIQUE. 207 SYSTÈME À COURTINES OBLIQUES. — Sa description; son emploi pour les camps permanents (37). AMÉLIORATION DES ANCIENNES PLACES. — Adjonction de tours neuves avec angles saillants; renforcement des courtines ; saillies des créneaux; éperons en avant des anciennes tours carrées (38). CoNDUITE DES TRAVAUX. — Il ne faut pas relier les tours aux courtines (39); il faut distribuer à l'avance des panneaux aux tailleurs de pierre (40). CHEMINS DE RONDE ET APPLIQUES au pied des remparts; leur utilité (41). Fossés. — Leur nombre, leur espacement, leur Rrequr. leur profondeur, leur utilité (42-45). DÉFILEMENT DES MAÇONNERIES au moyen des remblais (46). DÉFENSES DES APPROCHES. — Avant-murs; palissades; poteries enfouies; fosses recouvertes; arbustes épineux; mares arti- ficielles (47-49). Communications. — Routes aboutissant aux portes; capon- nières ; chemins couverts (50 et 53). PRÉPARATIFS CONTRE L'ESCALADE ET L'ASSAUT. — Tours mo- biles; machines et chicanes diverses (51-52-54). APPLICATION DES DIVERS SYSTÈMES DE FORTIFICATION AU TER- RAIN (55). DÉBILEMENT DES COURTINES PAR LA CONSTRUCTION DES TOURS (56). OUVRAGES EXTÉRIEURS (57). CHAPITRE IL — APPROVISIONNEMENTS. PROVISIONS DE BOUCHE. — Leur nature et leur préparation (f). CONSERVATION DES GRAINS. — Construction des greniers et silos (2-11). RECETTES DIVERSES. — Pâte épiménidienne (12-19) ; pain de figues (20); extraits de viande (21-22); pain d'avoine (23). JARDINS ET PLANTES POTAGÈRES (24). 208 TABLE ANALYTIQUE. APPROVISIONNEMENTS D'ARMES, D OUTILS ET DE MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION (25-27). APPROVISIONNEMENTS PHARMACEUTIQUES (28). — Moyen de purifier les eaux corrompues (29). TÉLÉGRAPHE A EAU (30). CHAPITRE III. — DÉFENSE DES PLACES. ProJecTILEs. — Leur répartition le long de l'enceinte (1); précautions contre ceux de l'ennemi (3). | ARTILLERIE. — Proportion de celle de la défense avec celle de l'attaque (4). | CONTREMINES (5). PROGÉDÉS A EMPLOYER POUR DÉTRUIRE LES MACHINES DE L'AT“ TAQUE. — Tubes, tours de charpente, antennes, pétroboles, embrasures servant à lancer ou faire tomber des pierres ; sorties pour mettre le feu aux travaux d'approche ; roues hydrauliques pour les inonder; lanceur (6-9). CONSTRUCTIONS ET RETRANCHEMENTS A ÉLEVER AU POINT D'AT- TAQUE. — Contre-bélier; gquérites de cuir (10-12); disposi- tions à prendre quand l'ennemi s’est emparé d'une portion de l'enceinte (13). DISPOSITIONS DE DÉFENSE A L'INTÉRIEUR DE LA VILLE. — Postes et rondes ; mots d'ordre et contre-signes (14-25). ÉTRANGERS. — Comment on doit traiter ceux qui défendent la ville (26). tue ATTAQUE SUR UN TERRAIN EN PENTE. — Moyens à employer contre elle (27). ATTAQUE PAR MER. — Moyens à employer contre elle : Défenses accessoires établies aux lieux de débarquement (28) ; ferme- ture et défense de l'entrée des ports (29-34); fausses brayes ou digues pour protéger le pied des murs baignés par une mer profonde (35); plongeurs pour percer les coques ou couper les cordages d’ancre des navires ennemis (36). Traverses pour défiler les courtines (38). TABLE ANALYTIQUE. 209 HéLÉPOLE ET PONTS VOLANTS : procédés divers pour s'opposer ‘à leur marche et à leurs effets (39-41). BATTERIES DE LITHOBOLES de trente mines (42). Mépecins (43). CHAPITRE IV. —- ATTAQUE DES PLACES. ATTAQUE PAR SURPRISE (1). INVESTISSEMENT. — Etablissement du camp; détournement des eaux qui alimentent la place ; dégât dans les environs (2-6). ATTAQUE BRUSQUÉE (7). ATTAQUE EN FORME. — Fortification du camp; construction des tours de siége; préparation des approches; proclama- tions aux assiégés (8-12); approche des tours et de l'artillerie de l'attaque (13) ; fausses attaques (14); galeries d'approche pour les troupes (15); rôle du général (16). . OPÉRATIONS SUR MER (17-24). Mines (25). ENGINS DE L'ATTAQUE. — Leur description : tortues d’osier, tortues-bateaux, tortues de terrassiers, tortues-bélières (26-30). ENGINS DE LA DÉFENSE. — Comment on doitles combattre(31-48). RUSES POUR TROMPER L'ASSIÉGÉ ET L'ATTIRER DANS DES EMBUS- caADES (49-52). — Coxsrizs au général assiégeant sur la conduite générale du siége, et sur les précautions à prendre pour éviter les retours offensifs de l’assiégé après la prise de la ville (53-58). EscaLADE. — Procédés divers en usage (59-61). TRAHISON. — Manières de communiquer avec l'intérieur de . la ville et d'y provoquer des troubles (62-66). BLocus : circonvallation (67). — Conduite à tenir par le général assiégeant contre une armée de secours : 1° lorsque ses forces sont inférieures à cette armée (68) ; 2° lorsqu'elles lui sont égales ou supérieures et qu'il a à résister à une attaque par terre (69-75) ou à une attaque par mer (76-81). TRAITÉ DE PHILON CHAPITRE Ie LA FORTIFICATION Philon à Ariston, salut. 4. — Le premier soin de ceux qui ont à construire des tours doit être de creuser jusqu'au roc, ou bien jusqu'à l'eau, ou à une couche quelconque du sol, et alors de consolider fortement ce lieu de manière à y établir le mieux possible des fondations avec du gypse (1), afin que, d’un côté, les murs ne (1) Les anciens, qui ne pouvaient distinguer les corps que par léurs caractères physiques, confondaient sous le nom générique de gypse (yéVos) trois substances différentes : 1° le sulfate de chaux ou plâtre ordinaire ; 2° certains ciments naturels comme le plätre-ciment de Bou- logne ; 3° une terre marneuse qu'on appelait gypse de Tymphée et qui jouissait de la propriété de former directement avec l'eau un composé durcissant à l'air. On trouve dans la carrière de Clipton (comté de Nor- thampton, Angleterre) une substance de cette espèce connue sous le nom de calæ nativa. D'après ce que m'a dit M. de Voiïze, ancien consul général en Orient, il en existerait aussi à Santorin. — Voir à ce sujet : TaéoParAsTE (Traité des pierres) ; Puine (H. N., liv. XXX VI, chap. 59); Note sur le ciment de Boulogne, dans le ?° volume du Mémorial de l'officier du génie. Pune ne spécifie pas la variété de gypse qu'il faut employer, mais on sait que certains sulfates de chaux résistent parfaitement aux intem- péries. A Paris, les maçons se servent de plâtre au lieu de mortier, et l'on voit des murs de facade, bâtis de cette manière, porter six ou sept : rangs de planchers et des combles au-dessus sans avoir plus de 050 d'épaisseur. A Digne, on emploie le plâtre ferrugineux du pays pour faire les montants des portes et des fenêtres, en guise de pierre de taille. Le gypse de Grèce était au moins aussi bon. «On s'en sert, dit THÉo- V . M, n°08: 212 PHILON. puissent être brisés par suite de la rupture de leurs fondations, . et que, d'un autre, les remparts ne puissent être minés par dessous (1). 2, En second lieu, il faut construire les tours suivant la nature des lieux. Les unes seront, non pas complètement rondes, mais arrondies seulement à l'extérieur et présenteront à l’intérieur une face plane, comme un cylindre coupé en deux par [un plan perpendiculaire à] sa base (). Les autres ET —— —— ——————…—… ——…— —— —— —— PHRASTE, dans les bâtiments pour faire des enduits, et on l'applique sur les endroits particuliers qu'on veut fortifier. Ge ciment est très fort, et souvent tient bon même après que les murailles sur lesquelles on l'a appliqué se sont fendues, et et que le mortier avec lequel on a joint les. pierres se‘trouve réduit en poussière. » | Taveypine rapporte que les pierres de taille des murs du Pirée étaient cimentées avec du gypse; il en était de même, suivant DI10DORE DE Srerce (liv. II), des briques qui formaient les voûtes des jardins suspen- dus de Babylone. On se sert souvent encore aujourd'hui, en Orient, du plâtre en guise de mortier, et cette préférence est due évidemment à l'influence délétère qu'exercent les climats secs et chauds sur le durcissement des composés de chaux et de sable. On sait, en effet, que les maçonneries des Romains qui, dans nos pays, présentent une si merveilleuse dureté, n'ont presque laissé aucune trace sur les bords du Nil. (1) Le mineur assiégeant cherchait à pénétrer dans la ville assiégée soit en passant en galerie par-dessous le rempart, soit en faisant écrouler le mur au moyen d’une chambre creusée sous les fondements. L'assiégé prévenait la première de ces attaques en faisant aller son rempart jus- qu'à l'eau ou au roc, et la seconde en cimentant fortement la fondation, de telle façon que la partie du mur suspendue sur le vide se soutint par sa cohésion avec les parties voisines. Tour de l'enceinte romaine (2) Cette disposition est à la fois à Strasbourg (plan). économique et conforme à l'un des ERR grands principes d ela fortification, SONNVENENSOSENNRE = c. à e RSKK qui consiste à PEOCAEER Ja plus NL grande mobilité possible à la dé- s S NS NS ( fense. Il faut, en effet, que la tour A forme saillie à l'extérieur pour le ; ee FRERE flanquement, mais elle doit s'aligner B RNNNS à l'intérieur sur la rue du rempart pour ne point gêner inutilement la circulation. — La figure ci-contre, qui représente le plan d'une des tours de l'enceinte romaine de Strasbourg, répond à la description de PHILoN: LA FORTIFICATION. RS seront hexagonales, pentagonales ou tétragonales ; on les x construira de manière à présenter un saillant à l'ennemi (éxruBévra xarà piav yuwviav), afin que, d’un côté, elles se secourent les unes les autres au moyen de traits envoyés des flancs (x rôv rhayiuv) contre les tours de charpente (unyavauara) (1) ame- nées pour l'attaque, et afin que, d'un autre côté, elles ne souffrent point quand elles seront frappées par les héliers et les pétroboles. En effet, les coups qui arrivent sur les faces produisent beaucoup d'effet, tandis que ceux qui viennent se briser contre l'angle saillant perdent presque toute leur force. 3, — Il convient de construire les tours rondes et les tours tétragonales comme on le fait aujourd'hui (?)....…. Pour celles qui sont auprès des portes de la ville (xarà vob; roxe&vas), 1l faut les faire hexagonales, afin que les angles soient plus résistants et ne soient point endommagés par les projectiles, que les traits envoyés de tous côtés vers les sorties ne viennent point À et B sont deux murs en maçonnerie qui contiennent entre eux une couche de terre C; le mur B est interrompu au droit de la tour, de façon à ne permettre le passage que sur un pont volant en planche. (1) Le mot unyévnua a, chez PHiLon, un sens tout spécial; il signifie une four en charpente élevée pour les opérations du siége, soit par la défense, soit par l'attaque. (2) D'après M. Eccer, le texte présente ici une lacune : la régularité de la construction appelle, en effet, après le mot oixodopodvro, une dési- gnation de lieu qui fasse opposition au xatà Trobs moke@vas du paragraphe suivant. Il est en outre probable que Puicow, après avoir indiqué l'em- placement des tours rondes et des tours carrées, parle de celui des tours pentagonales et passe enfin aux tours hexagonales. Je suppose donc que le texte primitif contenait une phrase présentant le sens suivant : «On bâtira les tours circulaires et tétragonales, comme on le fait aujourd'hui, dans les parlies les moins accessibles de l'enceinte et aux angles saillants : on placera les tours pentagonales sur les fronts à peu près en ligne droite; quant aux tours hexagonales, on les mettra auprès des portes. » Pour les tours carrées, il est en effet difficile de concevoir comment, en présentant un saillant à l'ennemi, elles pourraient être placées ailleurs qu'aux points où l'enceinte forme des angles voisins de 90°: dans les parties à peu près en ligne droite, les flancs auraient sur la courtine des inclinaisons inadmissibles. 214 PHILON. battre les portes et rendre le passage difficile, et enfin pour que le champ de tir s’étende dans toutes les directions (1). V.M., p.80. 4, — Si tu bâtis des tours en briques, il faut les faire tétra- | gonales en rendant l'angle saillant légèrement aigu. Les côtés seront raccordés à la gorge par un arc de cercle, de facon à adapter leur base à l'extrémité des courtines (?). re ed ee ne ce (1) L'axoNvME de Byzance explique (ch. xI1, 2 32) ce que l'on doit entendre par tours hexagonales : ce sont des tours dont la base est un hexagone régulier, où l’un des angles est tourné vers l'ennemi et où les deux côtés qui forment l'angle opposé sont remplacés par une droite unique. —On voit que ce ne sont en somme que des tours pentagonales où deux des angles sont droits et les trois autres de 120°. La figure ci-contre montre suffisamment comment elles présentent sur les tours pentagonales régulières les avantages décrits par Paicox. Dans ces dernières, les angles exposés à l'ennemi sont plus aigus et par suite moins résistants ; les flancs qui s'inclinent sur la courtine donnent aux traits qui ricochent une direction qui leur permet d'enfiler la porte, et ils n'ont aucune vue sur l'extérieur. Cette distinction peut paraitre subtile, mais on sait combien l'esprit des Grecs était géométrique et spéculatif. (2) Eùv dè mauwivouc oixoôo- UNS TeTpaywvous dei mouEiv, Ha TOOEXTIDÉVAL [LAPOV LT’ OÉElav YHVIAV, AUTU HÜXXOU TUŸULX GUV- anmTOUTAS TOC (LEGOTUPYÉOL , Wwote araprilely aÙTovTAY Bat TÉ TÉPATL TOV [LETATUPYÉWV. Le texte correspondant aux paragraphes 4, 5. 6 et 7 est évidemment altéré : je sup- pose quil y a eu interver- sion entre le 22? 5 et 6. Ce dernier se trouve dans le texte après le 3 4 : un co- piste négligent l'aura d'abord sauté ; un collationneur l'aura écrit en marge, et un second Plan de la plale-forme supérieure. Reslitulion d'une tour de briques d'a- près Pico. / EE copiste sera venu ensuite qui l'aura rétabli dans le texte, mais pas tout à fait à sa place. SORT NUM Les 2 4 et 5, mis à la suite LA FORTIFICATION. 215 5. — Quant à ces courtines, elles s'infléchissent avec les murs de flanc qui aboutissent à la gorge des tours (1). 6. — Pour qu'elles ne puissent être ébranlées par aucune espèce de coup, il faut que les dernières pierres soient reliées entre elles avec du plomb, du fer (2) ou du gypse, de telle facon que les coups des pétroboles puissent glisser sans entamer les créneaux... | ASE Ils (les passages) doivent avoir une largeur de deux coudées (092), afin, d’un côté, que l'on puisse facile- ment emmener les blessés, et que, d'un autre, les coups qui pourraient arriver dans les passages (Sloëovs) aient de la peine à briser les poternes (ruxiôas). 8.— Que le rempart soit à une distance de soixante coudées (2760) des maisons de la ville, pour qu’on puisse facilement faire circuler les projectiles, envoyer des secours le long de l'un de l’autre, quoique n'étant pas très clairs, me semblent indiquer une disposition analogue à celle qui est figurée ci-dessus; il y en avait d'à peu près semblables au moyen âge (Prévost, Etudes historiques, p.69.) Le peconépyuoy, que la plupart des écrivains militaires confondent avec le metanbopyiov, paraît avoir dans PniLon une signification différente et indiquer la gorge de la tour. (Cf. chap. 1, Z 32). Peut-être faut-il lire seulement ici toiç mécots mupytots. M. le lieutenant-colonel Prévost voit, dans les arcs de cercle dont parle le texte, l'indication d'orillons, et il interprète ainsi ce passage : « Une tour en briques, en forme de quadrilatère, doit avoir son angle aigu tourné vers la campagne, et ses côtés raccordés avec la courtine par des portions demi-circulaires.. Ces arrondissements combinés avec des brisures de courtines servent à créer des passages de deux coudées de longueur aboutissant à des poternes cachées aux vues du dehors et par lesquelles les blessés peuvent rentrer dans la place. » Je ne partage pas cette manière de voir, et je pense, avec M. pe ViLLExOIsy, que la disposition en arc de cercle n'est qu'une affaire d'appareillage. Les constructeurs savent bien, en effet, que les joints obliques présentent avec les briques des difficultés particulières que ce raccord semi-circu- laire a pour but d'éviter. Quant au ? 7, il se rapporte sans doute aux passages qui reliaient les tours avec les courtines : l'auteur recommande de les faire assez larges pour permettre de transporter facilement les blessés, mais pas trop cependant, parce qu'une grande porte résiste bien moins facilement qu'une petite au choc des projectiles. (1) Ta dE peranüpyra, Emxautias Éyovra x T@v mAayiwy Toiywv, ol &mè LéGWY Toy TÜpywV &yBÉVTES. (2) Des crampons de fer scellés avec du plomb, 216 PHILON l'enceinte, et creuser, si cela devient nécessaire, un retran- chement (ruppeiav) suffisant (1). 9, — On doit donner aux murs au moins dix coudées (4260) d'épaisseur (2). 40. — Il faut les construire avec des pierres de taille posées dans du gypse : pour les parties les plus exposées des cour- tines, on emploiera des pierres plus dures, et, si l'on n'en a pas, on emploiera des pierres avec bossages (3); de la sorte on diminuera autant que possible l'effet des pétroboles. 14. — On leur donnera au moins vingt coudées (920) de hauteur, pour les mettre à l'abri de l'escalade (4). 42. — Il faut noyer longitudinalement dans la maçonnerie des courtines et des tours des poutres de chêne assemblées bout à bout. Ces chaïnages, espacés verticalement de quatre (1) Cette largeur est énorme en comparaison de celle que l'on admet aujourd’hui : la loi du 10 juillet 1791 a, en effet, fixé la largeur de la rue du rempart à 4 toises (7°84). Cette différence provient de ce que, dans les temps modernes, les courtines étant protégées par la saillie des demi- lunes et des bastions, l'attaque a lieu sur les faces ou les flancs des bastions, et le retranchement intérieur se fait à la gorge de ces ouvrages. Autrefois, au contraire, on faisait brèche aux courtines trop peu proté- gées par les tours, et il fallait alors se ménager en arrière un vaste espace pour y élever le retranchement qu'indique PxiLow, C'est cet espace que les Romains avaient consacré aux dieux et qui, conjointement avec une zone extérieure au rempart où l'on ne pouvait ni cultiver ni bâtir, portait le nom de Pomaærium. (2) Cette épaisseur est sans doute celle que l'expérience avait démontrée suffisante pour résister aux pétroboles d'un talent, tirant à la distance en deçà de laquelle l'ennemi ne pouvait, dans les systèmes de fortifica- tion de Picon, établir des batteries de brèche, à moins de tenter le comblement des fossés. (Cf, chap. I, 22 42-45.) (3) Voir, pour l'explication de l'utilité de ces bossages, chap. I, 2 22. (4) Pour escalader un mur de neuf mètres de hauteur, il faut des échelles qui aient au moins dix mètres de long et qui présentent une solidité suffisante pour supporter le poids de six ou sept hommes armés les chargeant à la fois. De telles masses ne sauraient être portées facile- ment sous les traits de l'ennemi et à travers les obstacles de toute nature qui défendent le pied de l’escarpe : aussi l'expérience at-elle démontré que des murs d'environ dix mètres de haut présentaient un obstacle suffisant à l'escalade, et c'est la hauteur encore admise aujourd'hui. LA FORTIFICATION. 217 _coudées (1"85), sont destinés à localiser l'effet des projectiles de l'ennemi sur le mur et à faciliter les réparations (1). Restitution d'un mur de courtine avec chaïinages en bois, d'après PuiLon (coupe). Restitution d'un mur de courtine avec chemin de ronde mobile, d'après Pro (coupe). (1) VITRUVE recom- mande également de noyer des pièces de bois dans la maçon- xerie (liv. I, ch. v); mais on remarquera que l'architecte ro- main emploie ces pou- tres perpendiculaire- ment à la surface du mur, afin de relier les deux parements, tan- dis que l'ingénieur grec les place paral- lèlement à cette sur- face pour maintenir les parties supérieu- res dans le cas où l'ennemi parviendrait à faire une trouée dans le bas. Ce dernier mode d'emploi a prévalu au moyen âge. On trouve dans presque toutes les constructions du vi® au x* siècle la trace des pièces de bois noyées longitu- dinalement dans l'é- paisseur des murs en élévation et même en fondation, Ces pièces de bois avaient un équarrissage variant de 0"12- à 0"30. La plupart ont fini par se détruire à l'air en laissant des vides que des archéologues trop ingénieux ont pris 218 PHILON. 13. — On fera les murs couverts d’un toit (xuréoreya) (1) et munis de créneaux où cela sera nécessaire. 14. — Il convient aussi d'élever en certains lieux des cour- tines avec des créneaux, mais sans chemin de ronde (xapédous); on aura soin alors de sceller dans le mur, pendant la construc- tion, des corbeaux (xépwv) (2) formant saillie sur le parement intérieur, de façon à pouvoir étendre sur ces supports des poutrelles et des madriers qui formeront un plancher mobile où il sera facile de circuler et de combattre au moment du besoin. En enlevant le plancher, il suffira de quelques hommes pour garder cette partie de l'enceinte ; car, si l'ennemi parve- nait au sommet du mur, il ne pourrait descendre du côté de la ville ; il serait alors forcé de se retirer, ou bien il ne tarde- rait point à succomber sous les traits de la défense (3). 45. — Pour d'autres courtines, on construira, comme cela s'est fait à Rhodes, un chemin de ronde large de sept coudées (322) au: dessus d’une série de voûtes. Des corps de garde à sept lits (gulaxtépux Exréxiva) seront établis sous ces voûtes, dont pour des conduits acoustiques, destinés à porter à l'oreille du maître les moin- dres paroles des habitants du château. (1) Les remparts d'Athènes présen- Œ taient cette disposition. À | (2) Le grec porte xpt&v. Je crois qu'il ï faut lire xépwv. Le mot xépaç est du reste employé avec le même sens dans l'inscription relative aux fortifications 0 0) D LÇ 3 NN S ES : ; 2e RS d'Athènes que nous reproduirons dans RSS S _ ; SQ S Je ?° volume. — Dans tout ce para- TT. HELD graphe le texte a été altéré; le sens n'est pas douteux, mais la phrase n'est pas correcte, (3) Il y avait probablement un plan- cher de cette nature au mur intérieur 7 S de Pompeï. (Voir la figure à la page > précédente.) et voutes, d'après Puizon (plani. ç4 Reslitution d'un mur, de courtine avec contreforts LA FORTIFICATION. 219 les pieds droits doivent avoir dix coudées (4"62) de largeur sur autant d'épaisseur. On donnera aux murs transversaux la même largeur (4"62), mais seulement trois coudées (158) d'épaisseur. Ce mode de construction est beaucoup plus éco- nomique que les autres, tout en procurant une solidité suffi- sante; car les murs épais de dix coudées n'ont rien à craindre des coups des lithoboles, et ceux de trois coudées peuvent se réparer très facilement s'il leur arrive quelque dommage 1). 416. — On construira les tours de la même manière, en se servant de pierres de taille cimentées avec du gypse, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut; leurs murs ne doivent pas” avoir moins de dix coudées (462) d'épaisseur. 17. — On ménagera dans les murs de flanc (èx r&v mhayiwv roiywv) des embrasures (Bupiôxs) étroites à l'extérieur, larges à l'intérieur et se rétrécissant vers le milieu : la partie inférieure sera inclinée du dedans au dehors (xaratñpous) (2); de la sorte, (1) « Les anciens avaient reconnu, dit le général Trrprer (la Fortifi- cation déduile de son histoire, p. 29) que les vibrations sont une très grande cause de destruction dans les maçonneries, et que ce qui est le plus nécessaire pour en atténuer les effets est moins d'augmenter leur épaisseur que de leur procurer des points d'appui qui empêchent les oscillations. Ils savaient que ces points d'appui s'obtiennent avec facilité et économie en opposant des murs perpendiculairement les uns aux autres, parce qu'ils n'oscillent que dans ce sens. C'est ainsi qu'ils ont élé amenés à adosser à leurs murs primitifs d'enceinte des pieds droits et à jeter entre ces pieds droits des voûtes pour en contenir les vibra- tions. ». Ce système a de plus l'avantage de fournir des abris à la garnison et de procurer des vues rasantes sur les approches au moyen d'embrasures. Les murs de Carthage et l'enceinte d'Aurélien à Rome étaient construits - sur ces données. Citons encore, d'après M. L. Bcesson (p. 53-55), l'en- ceinte de Smolensk commencée en 1595, celle de Ginzig sur l'Aar, celle de Cologne et celle de Trèves près de la Porte-Noire. On avait proposé un mur analogue, en 1841, pour former à Paris une enceinte de sûreté. (2 Les derniers éditeurs du Thesaurus d'Henri ESTIENNE paraissent n'avoir pas remarqué ce passage de Pxicow, car ils ne proposent aucune interprétation satisfaisante pour le mot xardënpos (aridus). Cependant le sens est à peu près certain, surtout si l'on compare ce passage avec le 8 7 du ch. IT, où Pæicox dit que l'on doit se servir de ces sortes d'embrasures V. M., p. 81 220 PHILON. 22 les défenseurs seront à l'abri et pourront, en avançant la tête des traits dans les embrasures, pointer les pétroboles et les catapultes dans la direction qu'ils voudront. 48. — Il faut qu'il y ait des embrasures pour le tir des catapultes et des lithoboles dans les tours, au rez-de-chaussée desquelles on doit établir des batteries (1); c'est grâce à ces batteries que les tours pourront se prêter un mutuel appui contre les tours de charpente de l'ennemi, soit que celui-ci les pour faire rouler des pierres d'un talent sur la tête de l'en- ie nemi. Peut-être y a-t-il là HR 1 une figure snotoURS à celle qui a donné naissance à une foule de nos expressions tech- niques ? Une surface exposée à la pluie est relativement sèche lorsqu'au lieu d'être ho- rizontale elle est inclinée de telle facon que l'eau n'y sé- journe pas. Peut-être aussi faut-il faire venir le mot xatc- Enpos du verbe xataëéw, polir, gralter, tailler, la pierre du bas de l'embrasure ayant été délardée pour donner l'ineli- naison de la paroi inférieure ? La figure ci-contre repré- sente une embrasure d'une des batteries casematées du grand boulevard de Schaffhausen, construit au commencement du xvi° siècle. Il y a, à l'intérieur, dans l'épaisseur de la maçonnerie, une chambre voûtée des- tinée à contenir la pièce; l'ébrasement du dehors est disposé en ovale avec redans curvilignes pour détourner les projectiles lancés par l'as- siégeant. (1) Les dimensions gigantesques des machines des anciens, les chocs violents que produisait leur mise en action et l'énorme dépense qu'entrainaient leur construction et leur entretien, ne permettaient pas de les répartir à peu près indifféremment sur tout le pourtour de l'en- ceinte, comme nous le faisons aujourd'hui pour nos pièces d'artillerie. L'ingénieur qui fortifiait une place devait étudier, avec le plus grand soin, en quels lieux l'action de ces machines pouvait être le plus efficace, et construire alors des tours suffisamment grandes pour les porter ou les contenir. Embrasure du moyen âge (plan). 4 # VU L L AAA 22 y 7 22 LA, | | | y LA FORTIFICATION. 291 amène contre l’une des tours du même front, soit qu'il les dirige contre une des tours détachées de l'enceinte (1). L'assiégé pourra les battre avec des pétroboles qui tirent au travers des flancs ou au travers des courtines (peraxvoyiôwv) (2) : aussi doit-on ménager dans celles-ci des embrasures telles que nous les avons décrites, ainsi que des archères (roëxai), les unes directes, les autres obliques (3), mais toutes rétrécies à l'extérieur, de (1) On voit par ce passage que les anciens employaient des pièces détachées de l'enceinte pour occuper les positions importantes. L'histo- rien Josèpne n'est pas moins explicite à cet égard. e Manassès, dit-il (liv. x, ch. 3, 2 2), pour assurer sa capitale, fit réparer avec le plus grand soin les anciens murs, construisit un deuxième mur d'enceinte, bâtit des tours très hautes et munit les forts qui étaient en avant de la ville (Ta mpù rc médewc ppoupta) de toutes sortes de vivres et de moyens de défense. » On remarquera que l'étymologie du ppouptov (rpù 6paw) est précisément la même que celle du mot ravelin, par lequel on désigna dans l'origine nos demi-lunes, et qu'on s'accorde à faire venir du verbe italien rivelare, parce que ces ouvrages servaient à révéler l'approche de l'ennemi. Au moyen âge on appelait aussi barbacanes ces tours déta- chées. La grande barbacane de Carcassonne décrite par M. VrozLetr-LE- Duc en est un des exemples les plus connus. — Cf. Stratégiques, ch. 1x. (2) M. Door, l'un des éditeurs du Thesaurus d'H.ESTIENNE, propose, au mot peranüpytc, de lire ici meranupytov; le mot metanüpy ne se retrouve plus, en effet, ni dans PaiLon, ni, à ma connaissance, dans aucun autre auteur. — Il ne serait point cependant impossible que ce fût une expression technique destinée à désigner spécialement la partie de la courtine formée par les murs de masque et où étaient percées les embrasures. (3) Parcox distingue les embrasures (vptôec) pour les grosses machines de jet, des archères ou meurtrières (roëwxat) pour les armes de main. Les embrasures obliques servaient à flanquer les faces des tours con- curremment avec les flancs qui, vu leurs dimensions, ne donnaient pas une protection suffisante; c'est ce que l'on peut aussi remarquer dans les premiers tracés bastionnés au xvrr° siècle. On sait que les embrasures percées dans les courtines ne furent en usage que fort tard, du moins dans la Grèce; PLUTARQUE (in Marcello) cite comme une invention d'ARCHIMÈDE les trous que cet ingénieur avait fait percer dans les murs de Syracuse au moment du siége (212 av. J.-C.) ; ces trous, comme les embrasures de PuxiLon, allaient en s'élargissant à l'intérieur et ne présentaient qu'une palme (0"08) d'ouverture à l'exté- rieur. Les bas-reliefs découverts dans les ruines de Ninive montrent que les embrasures et les meurtrières, dans la partie inférieure des 222 © PHILON. telle façon que les défenseurs puissent blesser ceux qui s'ap- prochent et briser les masques des mineurs (1) (rùç rpocribeuéves Soxiôas), ainsi que les tours de l'attaque, sans avoir rien à redouter eux-mêmes. 19. — On revêtira les embrasures avec des plaques de fer munies de côtes saillantes tout autour, de façon à éviter d'un côté les effets destructeurs des projectiles, et de l'autre à rendre difficile la pénétration des traits le long des joues dans l'intérieur (?). | tours et des courtines, étaient, au contraire, très communes en Orient dès la plus haute antiquité. Tortue pour les mineurs, fig. ext. de Hérox. an Hot ee contre (le mur). En- core aujourd'hui , quand le mineur veut faire brèche à un mur mal flanqué, il va, pendant la nuit, s'é- tablir au point où il est le mieux défilé, et ïh il Se couvre avec un ÿ abri composé de dix madriers en chêne de 3"00 de longueur, 030 de largeur et 0"10 d'épaisseur re- vêtus de ferblanc, ou de tôle, ou au moins de peaux de bœufs fraichement tués, qu'il place dans une position inchnée le long du mur, de façon à leur donner 1"50 de pied. Ce masque s'emploie surtout dans les attaques brusquées. Dans les attaques pied à pied, les anciens employaient un système analogue, mais tout monté à l'avance: cette machine, qui s'amenait sur des roulettes jusqu'au pied du mur, s'appelait la tortue des mineurs (yekwvn ôp6xrns). APozLoporE et, d'après lui, HÉRON LE JEUNE l'ont décrite en détail. (2) Zectônpouévas yap, rai aupmheüpous Tac Oupiôas aùTév rotñowmev. La question du blindage, on le voit, n'est pas nouvelle. HÉGÉSIPPE (v, ?) raconte même que les murs de Jérusalem étaient revêtus de fer ou LA FORTIFICATION. 225 20. — Ayant ainsi construit les tours (rotaérns Sè oùons rc rexomouus Tv rÜpywv), NOUS y établirons des passages (très dt68ouc) aussi grands que possible et en forme de voûte, pour que les pétroboles puissent facilement y pénétrer et les traverser quand il le faudra. 21. — Il faut faire les tours, devant lesquelles l'ennemi pourra amener des tours de charpente hautes et solides ; il suffira de donner aux autres l'élévation nécessaire pour n'avoir rien à craindre de l'escalade. En effet, les premières, qui sont trop hautes, ne servent à rien (1) et les pétroboles les renversent d’airain. Je crois que c’est une erreur, d'autant plus que Josèp#E ne fait aucune mention de ce fait; de pareils revêtements eussent été du reste trop coûteux. Quand Taucynipe (1, 93) dit que les murs du Pirée, cons- Coupe d'un créneau de la truits par Thémistocle, étaient formés cathédrale de Béziers. de pierres de taille, et que celles de l'extérieur étaient réunies par du fer et du plomb (o1ûñpw mpèc &A nous tù ÉEwbey xai 101060 dedéuevor), il veut parler des crampons qui, placés sur les lits, re- 4 liaient les pierres du parement (voir ci- oc dessus, ? 6), et non pas, comme l'ont compris cerlains traducteurs et com- mentateurs, des couvre-joints placés sur le parement lui-même. On doit, je crois, comprendre de la même manière ce que dit Dion (in Severo) des remparts de Byzance dont le parement (6 Owpak) était consolidé par des plaques d'airain (Th&Ë y&hmatc). M. Viozcer-Le-Duc donne, à l'article créneau, dans son Dictiônnaire d'archi- teciture, un curieux spécimen de l'em- ploi des côtes saillantes, analogues à celles qu'indique PuiLon, pour empêé- cher les traits de l'ennemi de pénétrer dans les embrasures. Ces côtes sont en pierres de taille et contournent les créneaux de la cathédrale de Béziers. Les cannelures de l'embrasure, dont il est question dans une note du 3 17, ont également pour but de dévier les projectiles ennemis. (1) Le texte ne dit pas seulement qu'il est inutile de faire des tours élevées quand on n'en a pas besoin; il spécifie que ces tours ne valent V. M., p. 82. 224 PHILON. plus vite, tandis que les autres sont efficaces et supportent facilement les dommages. Il faudra donc s'attacher d’abord à faire les murs des tours et les tours elles-mêmes très épais, et c'est à cela, plutôt qu'à la hauteur, qu'on devra consacrer l'argent dont on peut disposer. 22. — Dans toutes les courtines et dans toutes les tours, la partie la plus exposée aux coups des lithoboles doit être formée de pierres aussi dures que possible, avec des bossages saillants d'une palme (0"08) et assez distants l’un de l’autre pour ne point permettre aux projectiles lancés par les pétroboles d'un talent d'arriver jusqu'au mur proprement dit et de lui causer ainsi quelque dommage (1). — [Ces pierres, qui auront leur pas les autres (ol yàp &yav bYnaot dvoypnorétepot etai). Cette phrase me confirme dans l'opinion, souvent combattue par les ingénieurs modernes, que les anciens avaient une idée très nette du flanquement latéral. Pour que ce flanquement ait lieu, il faut en effet qu'il y ait certaines relations entre la longueur de la courtine, la hauteur des flancs et l'inclinaison maximum des pièces flanquantes. La longueur de la courtine étant don- née, les plates-formes des tours doivent être suffisamment basses pour que les machines, inclinées autant que le permet leur affût, viennent battre le milieu de cette courtine. Comme le front est symétrique, il est clair que, si cette condition n'était pas remplie et que les projectiles pussent passer en ce point à une trop grande hauteur au-dessus du sol, il y aurait là un espace complètement à l'abri des coups de la défense. Je dois ajouter cependant que ces relations n'étaient point aussi rigou- reusement indiquées, inéme en théorie, dans l'antiquité que de nos jours. Les catapultes étaient d'un usage trop difficile pour servir efficacement au flanquement ; on ne pouvait les incliner que d'un très petit angle, sous peine de voir le projectile glisser, et il est fort probable qu'on se flanquait surtout au moyen des armes de main et des petites machines de jet abritées dans les casemates. (1) Il existe encore à Rome un mur construit de cette manière dans l'enceinte d'Honorius = ET nn (Nissy, Muri di Roma, p. 334). Giorgio Mar- SZ TINI, ingénieur du xv* siècle, dans son curieux CE traité édité par M. Promis, donne la figure SS d'une tour dont le parement présente une dé- se fense analogue (liv. V, ch. 1x). *” S > Cette disposition se retrouve dans plusieurs MS édifices du moyen äge, notamment à la tour 2 = “ A] DT IE de Ratières et à celle de Crest, en Dauphiné. Dans cette dernière, les bossages n'ont pas moins de 0“15 de saillie. LA FORTIFICATION. 225 parement non taillé, (mais seulement) dégrossi au marteau taillant, seront placées de manière à former boutisses (1).} 23. — Les emplacements (ai éxbérex) de tous les remparts ainsi que leurs inclinaisons (ai éylise), leurs courbures (+ ëmxéume) et leurs élargissements (ai e6puywpta), doivent toujours être déterminés par la nature des lieux. 24, — Au pied des murs et des avant-murs, on construira des batteries pour les projectiles les plus gros et les plus nom- breux. Les unes seront creusées [dans le sol ou] de plain-pied et ménagées dans la partie inférieure des murs; les autres seront enterrées de manière à avoir une grande plate-forme et à mettre les artilleurs à l'abri. Ces derniers frapperont ainsi l'ennemi sans être vus, et ne seront point exposés à devenir inutiles lorsque l'assiégeant s’approchera de la place, faute de pouvoir faire converser leurs machines (?). _—— (1) Je suppose que le texte a été ici corrompu et que le membre de phrase que j'ai mis entre deux crochets doit être rétabli où le place ma traduction. Dans le texte, tel que nous l'avons, il se trouve après le 8 23. Voici, du reste, en grec ce membre de phrase qui est assez obscur : ai Aot GpyouéTunor renehexpevor èni uixos Tibevra. (2 Kai xaTwBEv Tv Tety@v ai TOY mpotetytopäétwv Tois pLEyioTou xul mdeiotou Béleoty ai Belootacec xatacxeudtovtat * ai LÈv épuxtal, Érimedo, xa xarépuyor * ai GÈ Üméyeror mpdc Tù ebpuywplav Éyety mov, xal Tods &plevtas LA TiTpooxecbar, xai aûrTobs &ônhovs Tobc Évavrious tpaumatiteuv, xai OTav oi mohëuot mAnctétwot à Gypeious yiyvecar Tods xatareTapÉTas RÔVVATOUVTES XATATTPÉPELV. _ Ce paragraphe n'est pas très clair et le texte est probablement un peu altéré; pour le comprendre, il faut se reporter aux dimensions gigantesques des machines des anciens. Les oxybèles destinées à lancer des traits se construisaient de tous les . Calibres, et la plupart pouvaient trouver leur place sur les remparts et dans les tours; mais les plus petites pélroboles en usage, celles de 10mtnes, avaient environ 3"60 de haut; celles de 1 talent, qui correspondaient à notre canon de siége, 6"50 : enfin celles de 3 talents, les plus grosses dont on se servit, avaient jusqu'à 9"35 de haut. Ces nombres, quelque étonnants qu'ils puissent nous paraître € au pre- mier abord, résultent d'indications précises laissées par HÉRON et PHILON dans leurs traités d'artillerie. Je rappellerai au lecteur que toutes les dimensions de ces machines se calculaient d'après le diamètre de leur 15 226 PHILON 25. — On ménagera de nombreuses poternes dans les flancs pour effectuer facilement les sorties, et aussi pour que les soldats, quand ils battront en retraite, ne soient pas obligés, en faisant demi-tour, de découvrir le côté non protégé par le bouclier ; une file (X6x0ç) sortant par une première poterne rentrera par une seconde et toutes les autres files suivront le même mouvement (1). 26. — Pour les poternes, on fait les unes avec des brisures et les autres avec des portes fermant au verrou (2). faisceau moteur ; pour les DAPMERISR ce diamètre s’obtenait en doigts au moyen de la formule D pur 1 de où a représente le poids du projectile ‘exprimé en mines, et la machine entière occupait, d'après les calculs de M. Rusrow, un espace de 17 diamètres en hauteur, ?0 en longueur et 13 en largeur. Il suit de là que les pétroboles de 3 talents s'établissaient directement sur le sol en arrière des courtines du corps de place hautes de 20 coudées (924) et tiraient par-dessus le parapet; que celles de 1 talent et les plus petites pouvaient s'installer dans l'épaisseur des murs ou entre les con- treforts intérieurs et tirer à embrasure, en ayant soin, dans certains cas, de leur creuser des plate-formes, afin de diminuer leur hauteur au-dessus du terre-plain. — Gette précaution était de rigueur quand on voulait les placer derrière les ouvrages avancés moins élevés que ceux en arrière el souvent composés d'une simple palissade. Les machines tiraient alors toujours à barbette, ce qui leur donnait la facilité de suivre le mouvement de l'artillerie de l'attaque dans sa marche progressive vers la place, à condition toutefois qu'on eût soin de creuser une plate-forme assez vaste pour leur permettre de pivoter. (1) « Il faudra pratiquer sur le côté droit des tours des petites portes par lesquelles on fera sortir les fantassins qui, étant bien couverts de leurs boucliers et protégés par les traits qu'on jettera des défenses, iront s'emparer des machines des ennemis. Ces poternes doivent être bien gardées, et ne s'ouvrir qu'au moment où l'on veut sortir.» (LÉON, emper., Inst. XV.) (2) Tôv dë nuMdwWV, al pv axoka, ai dë wAeïtouv motodvrar. — Il faut remarquer que, pour que les assiégés puissent sortir de leurs murs et y rentrer sans être obligés de se retourner et de présenter à l'ennemi le côté droit non protégé par le bouclier, ils doivent sortir par une porte percée dans le flanc droit d'une tour, et rentrer par une porte située dans le flanc gauche de l'une des tours placées à droite de la première. Toutes les poternes percées dans les flancs droits seront donc destinées unique- LA FORTIFICATION. 227 27, — En avant de toutes ces poternes, on élèvera des constructions (oixoôowuara) tant pour les garantir de l'incendie et des pétroboles que pour empêcher l'ennemi de s'en appro- cher; en outre, quand les assiégés voudront faire quelques sorties, on pourra en dissimuker ainsi les préparatifs (1). ment aux sorties; toutes celles percées dans les flancs gauches, aux rentrées. Les premières doivent présenter une issue facile aux gens venant de la place; elles seront donc directes et simplement fermées par des-portes munies de verroux à l'intérieur. Les secondes doivent satisfaire à cette double condition d'être toujours ouvertes aux défen- seurs fuyant devant l'ennemi et de ne pouvoir être forcées par ce dernier : on les fera donc sans portes, mais étroites et avec des coudes, de manière à ce qu'il suffise d'une sentinelle pour barrer complètement le passage. On peut, je crois, expliquer par des considérations analogues la disposition singulière que l'on remarque dans les murs pélasgiques de Tyrinihe. En certains des points où le rempart est à l'extérieur Galerie d'un abord facile, il est percé d'une sorte de galerie de Tyrinthe. d'escarpe qui communique avec le dehors par une LE série de portes espacées d'environ ? mètres. Quand mnt les défenseurs voulaient tenter une sortie, ils se mas- Côté saient d'abord en secret dans la galerie longitudinale de la campagne. et se précipitaient ensuite tous ensemble sur les as- siégeants par les ouvertures transversales. Quand ils rentraient, ils péné- traient à l'intérieur du rem- part par toutes ces ouver- tures et se hâtaient de se dé- rober aux coups des ennemis en se cachant derrière les in- tervalles des portes. Si ceux- ci tentaient de les poursui- vre, ils ne pouvaient s'avan- cer pour ainsi dire que un à un dans cesétroits couloirs et tombaient isolément sous les coups des assiégés qui les frappaient au côté droit, au moment où ils dépassaient les murailles.— On retrouve une disposition analogue dans l'enceinte de Sardes. (1) « Faire des sorties par les basses embrasures de chaque tour qu'il faudra un peu ouvrir davantage à cette Restitution d'une tour penlagonale d'après PHILON. sr PHILON. 28. — Les fossés que l'on creusera, si le sol n'est pas humide, seront maintenus secs et minés (ümévop) (1) aux endroits convenables, de facon que les assiégés puissent de l'intérieur [de la place] retirer, soit de jour, soit de nuit, tout ce que les assiégeants y jetteraient pour les combler. 29. — Les palissadements (ai xapaxwoets), eXCepté Ceux qui sont plantés devant un épaulement (ékw rc npùs rè vefyioua Aapfa- vévens) (2), seront tous verticaux. Il faut que les palissades (à xépaxa) soient difficiles à franchir et à renverser : elles seront difficiles à franchir, si on ne peut en aucune facon les enjam- ber; elles seront difficiles à renverser, si, même quand on les tire, elles gardent leur solidité; or, en les reliant avec des cordes, il arrive quelquefois qu'on finit par rompre une de ces cordes plutôt que d’arracher le pieu (rè oxékoxa) lui-même. Il faut seize cents palissades (yépaxe) de moyenne grosseur pour palissader une longueur d'un stade (3). 30. — Il y a un autre système de fortification qui ne le cède en rien au précédent : il se compose d'hémicycles dont la concavité est tournée vers l'ennemi; les extrémités des arcs doivent venir s'appliquer contre les tours, de facon à s'adapter considération : et faire un petit carré de murailles ou de palissades au devant de chacune. » (Vaugaw, {nstructions pour les fortif. de Colmars.) (1) Minés, c'est-à-dire munis de galeries de mines, partant de l'intérieur de la place et aboutissant au fond du fossé. Les chevaliers de Saint-Jean- de-Jérusalem ont fait un grand usage de ce moyen de défense lors du siége de Rhodes par Soliman, en 1480. (2) Suppléez &pyñv après Lau£avévons (EGGer). — Les palissades que Palissades et fraises modernes. l'on place en avant d'un re- tranchement en terre (xet- xoux) se plantent générale- ment à la jonction du rem- blai et du déblai dans une pr position inclinée ; elles pren- nent alors le nom spécial de fraises. La figure ci-dessus, tirée de l'aide-mémoire du génie, indique dans quels cas en emploie aujourd'hui ces diverses espèces de palissades. (3) Ce qui revient à dire que les palissades ont en moyenne 0#11 de diamètre : c'est encore à peu près la dimension ordinaire. LA FORTIFICATION. 229 à leurs angles et de manière que la distance des parements extérieurs de ces extrémités soit précisément égale à la largeur du mur qui forme la base [de la tour] du côté de l'in- térieur. On fera reposer les poutres de toutes ces tours sur les murs perpendiculaires, afin que si un des murs exposé à l'ennemi venait à s’écrouler sous les coups, les couvertures restassent debout (1) et que nous pussions de nouveau recons- truire ce mur. (1) ‘Etépa dé vus éotè rupyomotia, tabrns oÙBÈV yetpwv, Èx TOv ALuUxAwY OUVIOTAULEVN, Ha Ta xOAX mpôs Tods nokeutouc paiveclar. ’Evÿ Tà mépara Tv TUNUATWY JEU cuvéntety Toïs Üpyotc, Wore anaprifeuv Tac Ywvias aÜTHV, ka Xaubavey &malnhwv Oiéornua Ts Élu meptyepelus, 6o0v àv AY Tù TÀWTO Toù Édw toiyou Th Bécewc. ‘Andyrwy D& Tobc Doxods èmi Tods 0pÜodç toiyouc émtbetéov éortiv, lv Éavnep 6 mpdc Tods moheuious xaBHXWY TOÏOG TUTTÉLLEVOS néon, Lévwouw ai opopai. — Les explications sont si obscures quänd on est privé de l’aide des dessins dont l'auteur les avait accompagnées, que je n'oserais affirmer que ma restitution soit bien exacte. C'est pourquoi Restitution du tracé à hémücycles, j'ai reproduit le texte même, afin d'après PuiLox. que les curieux puissent chercher s'ils ne trouveraient pointeux-mêmes une solution meilleure. D'après ce que j'ai compris, les courtines sont circulaires, et le diamètre À B de la - concavité qu'elles présentent à l'en- nemi est égal à la largeur B C du mur de base des tours. La courtine se trouve ainsi former un rentrant très prononcé et présenter une courbure propre à amortir les coups de . l'ennemi : de plus, chaque saillant porte avec lui son retranchement Fortifications de Wismar. intérieur. — de dois dire en fa- veur de ma traduc- tion, que M. EGcer l'a approuvée, et que, au dix-septiè- me siècle, il y eut, en Suède, une école d'ingénieurs qui avait adopté pour les places fortes un système de fortifi- cation tout à fait analogue à celui ri Æ RTS: ES V. M., p. 83. 230 PHILON. 34, — On fera aussi des embrasures (@vpiô«c) (1) dans ces murs (2)..., de manière que, pour les sorties, les défen- seurs ne soient point obligés de présenter aux assaillants le côté non protégé par le bouclier, et que les portes ne soient point exposées aux coups des lithoboles. Les autres consiruc- tions se feront comme celles que nous avons décrites plus haut. 32, — Ce tracé ressemble au tracé en forme de scie que l’on dit avoir été inventé par l'ingénieur Polyeidos, dans lequel on renforce les positions favorables en construisant, à la gorge des saillants, des tours pentagonales. On jette ensuite des poutres d'un mur à l'autre, comme nous l’avons indiqué plus haut, et l'on obtient ainsi des constructions analogues (3). que j'ai cru trouver dans les écrits de Purox. Il suffit, pour s'en con- vaincre, de jeter les veux sur le tracé ci-dessus qui représente une partie de l'enceinte de Wismar dans le Mecklembourg. — Voyez aussi l'enceinte de Stettin dans l'atlas de Derer, et le tracé de Filley, fig. 62 des Etudes historiques du colonel Prévost. Je sais bien que les dimensions ne sont plus les mêmes, mais ce que je veux établir, c'est que des ingénieurs ont adopté, pour le nombre des saillants et la longueur des rentrants, cette même proportion qui, au premier abord, paraît inadmissible. (1) Peut-être faut-il lire tuXôdac, poternes; mais il serait très possible aussi que le mot 6vptôüas füt correct; on faisait, en effet, quelquefois les embrasures basses des flancs des tours assez grandes pour servir au besoin de poterne. (Voyez ci-dessus la note du 8 27.) (2) M. Eccer pense avec raison qu'il y a ici une lacune où devaient être mentionnés les petits orillons destinés à couvrir soit les poternes, soit les embrasures basses qui en tenaient lieu. (3) AûTn GE rprovwTn raparhñoroy oÙca ruyydver, nv IloküetÔov paoiv eboetv Tv pnyavomordv, Êv Th LLET4 Tivas TGV ÉTXAIPOY TOTWV, TAp’oiç XA TUPYOUS olxoGouetv revraywvouc, xuta To Giakeluxta TOY LETOTUPYÉwV, &p’@v xaÔGTEp elpntou npôtepov, dox@v EmBAnberodv, Tata Tà xarasxevdopata ÉcTau. — Si, dans le tracé à hémicycle dont j'ai donné la restitution, on supprime le mur de gorge B C des tours, on obtiendra un tracé qui a, en effet, la forme d'une scie. Pozyernos remplaçait ce retranchement intérieur dans les endroits qu'il voulait renforcer par une tour pentagonale dont les côtés étaient parallèles à ceux du mur bastionne ; il restait ainsi, entre la tour et la partie correspondante de l'enceinte, un couloir qu'on couvrait à l’aide d'un blindage en bois, LA FORTIFICATION. 251 33. — Il y en a qui recommandent un autre système (1) dans lequel les courtines légèrement cintrées ont cent coudées (46"20) de longueur, douze (5"50) d'épaisseur et six orgyes (11"00) de hauteur. La partie supérieure du mur exposée à l'ennemi doit se composer de deux murs {assez résistants) pour n'avoir rien à craindre des coups des lithoboles. Ces murs seront à huit coudées (3"70) l'un de l’autre et à douze au moins (?)..... En jetant, au-dessus, des voûtes ou des pou- (1) Iapà 8ë Taûrnv &XAANV TivÈç mupyomotiav Doxélouaiv, Ev à puxpdy éxxhivoyta Ta peTanbpyta HxobéUNTAt ÉxATÈV Tnyév TÔ LAxO; * TÔ DÈ Téyoc Gwbena, TÔ dE Uoc EE opyuwv. To DE mods Tods nodepiouc xaBfxov Toryéxpavov Bet mioupov, dimkoüv xaracxeudtev, Îva dd tüv ABoB6)wY TUTTOULEVOY UNÔÈV néoyn, anéxov Darepov Oarépou nyers dure * Em Éhatrov 0 Gwbexx AvwEV els Valldas auyuketolévrwv, À doxGy énmirebero@v oixoGopeïtar qUAGXT AUX. ni Ôè T@v diefoôwv muMdes émribevrat * wat DE Td pécov adtov, répyot Bapeis olxodopovrat, HAT TOUS ÉTIXAIPOUS TOTOUS HEVTÉYW VOL. Restitution du système double de Puirox (2) M. Eccer suppose ici (plan el coupe). une lacune après le mot ôw- Ôexa. Le sens général de la phrase indique suffisamment comment on doit la combler: il faut lire que le double mur qui termine supérieurement la courtine doit commencer à douze coudées au moins au- dessus du sol extérieur; de cette facon, en effet, la base qui est massive peut résister au choc du bélier. Sans doute Puicox dit ensuite que, de distance en distance, on doit réumr les deux murs supé- rieurs par des contreforts; ce serait alors sur ces contreforts qu'on jetterait les voûtes ou les poutrelles. Cette dernière disposition est bien préférable à celle que, par respect pour le texte acluel, j'ai adoptée dans ma restitution, où la chute du mur exposé à l'en- nemi peut entrainer la chute ET En , de la plate-forme supérieure. Echelle de 60 mètres pour le plan. On a dû remarquer que, dan LAN W 00 pr--n. 232 PHILON. trelles on construira des corps de garde. On percera des po- ternes pour les sorties. Enfin, au milieu des courtines, on élèvera des tours massives pentagonales dans les lieux favo- rables (1). 34. — Une enceinte ainsi construite se trouve donc munie d'un double mur et de plus protégée par des tours, de sorte qu'elle n'a à craindre aucun dommage sérieux. Les assiégés peuvent, en effet, facilement défoncer les masques que les mineurs appliquent contre les murs (ràs mpoctufeuévas Soxidaç) et renverser les tours de charpente que l'ennemi peut amener le 3 30 du présent chapitre, PxILoN recommande d'éviter cet inconvé- nient. Les poternes, dont parle notre auteur dans le membre de phrase suivant, seraient en ce cas non des portes de sortie, mais des portes de communication percées dans les contreforts; d’un autre côté, les contre: forts gênent la circulation, et l'on verra dans la restitution des fortifica- tions d'Athènes que la toiture est bien appuyée sur le mur de façade. On peut rapprocher aussi de ce système de courtines celui qui est indi- qué par VauBan pour Colmars. Pxicox n'indique pas si le parapet doit être plus épais que le parados, mais il ressort des dimensions qu'il donne que l'épaisseur des deux murs doit être ensemble de quatre coudées, ou six pieds. Il est probable que le parapet avait quatre pieds et le parados deux. On remarquera que Puicon fixe, dans ce système, la longueur de la courtine, ce qu'il a négligé de faire dans les autres. La longueur de cent coudées qu'il donne correspond probablement à la portée de la flèche, ainsi que l'indique Vrrruve. Cette longueur n'était pas universellement admise, car Josèrue (Guerredes Juifs, v, 13) nous apprend qu'à Jérusalem les tours d'Agrippa étaient distantes de deux cents coudées, et nous lisons dans APpreN qu'il en était de même à Carthage. C'est que, dans l'antiquité comme dans les temps modernes, il y avait en fortification deux écoles, l'une fondant l'espacement des flancs sur la portée des grosses machines, l'autre sur celle des armes de main. Puizon, comme l'école française, n'admet que ce dernier flanquement ; on ne doit en effet compter que sur l'arme que l'on est assuré de posséder partout où l'on trouvera des soldats, et non sur des machines plus ou moins compliquées dont le service est relativement très lent et qui sont le plus souvent hors d'état d'agir au moment décisif. Dans ma traduction, je n'ai pas tenu compte du mot uéoupov dont il m'a été impossible de deviner le sens dans le cas actuel. (1) Ce sont nos demi-lunes modernes. ParLon en fait déjà mention dans le ? 18 du présent chapitre. à LA FORTIFICATION. 233 (xù mpocayépeva unyavhuata), ainsi que les portiques qu'il conduit vers la place (très xposwxoBounuévas atoéc), en les frappant de côté avec des lithoboles et des béliers; de plus ils tueront facilement les mineurs et les soldats qui s’abritent sous les machines. Il sera également aisé de jeter des nœuds coulants autour de la tête des béliers, de les saisir et de s’en rendre maître. Enfin, les assaillants présenteront toujours à l'ennemi un côté sans défense, tandis que les assiégés pourront effectuer leurs sorties et leurs retraites en n'exposant que le côté protégé par le bouclier. Tous ces avantages sont, du reste, communs aux autres tracés. 35. — Il faut faire les avant-murs (ràù mporeuyiouara) de ces divers tracés très forts et les construire de la même manière que les murs. 36. — Quant aux autres ouvrages (oixodouiac) et aux palissa- dements (yapaxbsex), on les construira comme nous l'avons dit plus haut. 37. — Il y à un autre tracé qui est extrêmement simple et qui cependant présente une force suffisante : c'est celui dans lequel on construit des courtines obliques et où les tours ont deux anèles, l’un aigu et l’autre obtus, tous deux adjacents au mur (1). En les construisant ainsi; elles peuvent se protéger les unes les autres contre l’attaque des engins. C'est aussi de cette manière qu'il faut se fortifier (regoroumtéov) dans les camps si l'on craint d'y être assiégé. (1) Edyepeorérn d’éort tetyomorix, nat &ogéheuav lxavhv Éxouox, Ev % Ta petanÜpyux ÀoË oixoGouweïtor, xai mÜpyot v «ÜTY xaTacxevdtovrar, TAV LÈV dÉetav, Tv Ô auBhetay Ywviay nouodvTes Tac TposnxobGA TpÔç TÔ TELYOG. FLorrant, qui a écrit un traité d'attaque et de défense des places imprimé à Venise en 1654, décrit (p. 96) un système semblable pour fortifier les camps; la figure suivante est extraite de son ouvrage. On y remarquera que les courtines sont bien obliques par rapport à la ligne à fortifier, et que les tours ont deux angles adjacents au mur, l'un aigu, l'autre obtus. Ce tracé n'est du reste autre chose qu'un tracé à crémail- lère, qui s'emploie encore très fréquemment en fortification passagère, et V. M., p. 84. 234 | PHILON. : 38. — Dans les restaurations d'anciennes places (1), il faut construire des tours qui n'auront qu'un angle en saillie; quant aux courtines, on les renforcera selon la méthode rhodienne. On fera surplomber les créneaux au moyen de trois assises, de facon à ce que-les défenseurs puissent, du haut de ces avances, frapper ceux qui s’approcheront de dont on se sert, en fortification permanente, pour fortifier les longs côtés en ligne droite. (Voir ? 55 de ce chapitre.) Tracé à coùrtines obliques, FLorrant donne 150 pas géométriques (de d'après FLORIANt. 5 pieds) à la ligne de défense, 7 ou 8 au flanc, Z de 7 à 12 pas de largeur au fossé suivant les lieux, et de 6 à 7 de profondeur. Il veut, en À outre, qu'au devant des flancs on approfon- disse le fossé de façon à y former une coupure qui empêche l'ennemi donnant l'assaut de s'emparer en même temps de l'enceinte et des | flancs qui la protégent. On pourra comparer à ce tracé celui de l'enceinte attribuée aux Lélèges, près Z d'Iassos, en Asie-Mineure, que l'on trouvera décrit dans le second volume du cet ouvrage. M. Texrer, dans sa notice, ne sait comment expliquer l'origine de cette fortification placée dans un lieu où jamais il n'y eut de ville, sur e rivage, et fermée seulement du côté de la Z terre. Le passage de PurLon permet d'affirmer, à peu près à coup sûr, que c'était tout simple- ment un camp retranché destiné à protéger ; un débarquement. (1) Ev OË vais àpyatoic teryomorlatc det Todc TÜPYOVS mpoextibévar xaTà Uiav ywviav, T& dE peconvpyta oixodopetv xabdnep wç èv ‘Podw xates- edacôar * Tüv OÈ Émaltéwv Tac DEV ÜTooTacelc et mouetv Tpéwv rAvbiwv, etc. On sait que la plupart-des vieilles enceintes : grecques n'ont point de tours; Puine attribue 112 l'invention de ces dernières aux Tyrinthiens. «xs D'après le colonel PRÉVOST, PaiLon indique- rait qu'on doit construire en avant de ces vieilles enceintes, non point des tours ordi- naires présentant un saillant à l'ennemi, mais de simples redans ou tours triangulaires dans le genre de celles que les Italiens employèrent au © x “ LA FORTIFICATION. 235 l’avant-mur; les supports ainsi construits se brisent difficile- ment (1). En avant des tours carrées, on juxta-posera des tours triangulaires et équilatérales, afin que les projectiles des litho- boles, ricochant sur l'angle saillant qui est massif et suffisam- ment ouvert pour résister aux chocs, ne puissent renverser les tours ainsi protégées. moyen âge sous le nom de puntoni (pointes). Je crois que M. Prévosr s'est mépris sur le sens des mots xarà play Ywviav, ainsi qu'on pourra s’en convaincre en comparant cette phrase avec le ?2 du présent chapitre. Puron a indiqué (? 15) comment était construite l'enceinte de Rhodes. Restauration des anciennes enceintes, Les vieilles places. ’après PHiLox. dans l'antiquité comme au moven âge, n'avaient qu'un sim- ple mur qu'on rènfor- çait par des contre- forts intérieurs, réu- nis par des voûtes ou des planchers sur les- quels on établissait un chemin de ronde. Au dix-septième siè- cle, les murailles de Smolensk furent réparées de cette manière, et, de nos jours, on avait proposé d'organiser pour la défense, par une disposition analogue, l'an- cien mur d'octroi de Paris. Les anciennes tours carrées étaient munies sur la face extérieure d'un éperon massif; dans le dessin ci-contre, les teintes noires indiquent l'ancienne enceinte avant la restauration, et les hachures montrent les constructions nouvelles. (1} Les machicoulis étaient-ils connus des anciens? C'est là une ques- üon qu'il est assez difficile de résoudre, car on n'a d'autres textes y fai- sant allusion que ce paragraphe de PuiLow, qui n'est point très explicite, et un autre passage à peu près aussi vague des Séralégiques de l'Ano- nyme de Constantinople (chap. x11, 2 3), où se trouve le mot üro6Xépapa, qui se traduirait bien par machicoulis, mais qui ne se reproduit nulle part ailleurs. De plus, comme aucune des fortifications de l'antiquité ne nous est parvenue sans être découronnée, il est impossible de trancher direc- tement la question. Ce qui est certain, c'est qu'en Grèce, aussi bien qu'à Rome, en Egypte et en Asie, les tours et les courtines étaient habituellement munies de créneaux faisant saillie sur le parement; les bas-reliefs de Ninive, les 236 PHILON. ” 39. — Il ne faut pas relier les tours aux courtines; car, le poids des constructions n'étant pas le même dans les premières que dans les secondes [le tassement serait inégal], et iln'y aurait pas la même cohésion entre les parties supérieures et les parties inférieures (1!) de la maçonnerie des tours et des courtines. Si ces ouvrages étaient Joints, il en résulterait des lézardes dans les remparts, et, s'il venait à arriver quelque dommage aux courtines, cela pourrait entraîner les murs des tours (2). 40. — Quand on a à édifier des tours semi-circulaires, pour que le travail se fasse avec rapidité et précision, 1l faut tracer à l'avance l'appareil de la construction d'après la cir- conférence extérieure et distribuer aux tailleurs de pierres des panneaux en bois (3 pour leur servir de modèle. De cette manière, les remparts s’élèveront sans perte de temps et les villes se trouveront très bien fortifiées : d'un côté, parce que l'on aura conduit le travail comme nous l'avons indiqué; de l’autre, parce que les projectiles des lithoboles ricochent sur la surface des tours, et que les pierres des assises, étant plus étroites à l’intérieur qu'à l'extérieur, ne peuvent s’enfoncer. Il faut, du reste, que les pierres qui se trouvent aux angles, et L médailles tyriennes, les peintures égyptiennes et celles d'Herculanum en font foi. Il est de plus extrêmement probable que l'idée de percer des meurtrières plongeantes a dû venir aux anciens, qui étaient au moins _ aussi ingénieux que nous. Au moyen âge, l'une des manières les plus habituelles d'établir les machicoulis consistait à faire reposer le mur formant parapet sur des corbeaux composés de trois longues pièces avançant l'une sur l'autre. (CosseRoN DE ViLcENoisy, Essai historique sur la fortificalion, p. 24.) Les châteaux de Bonnaguil et de Pierrefonds, cités par M. VIoLLET-LE- Duc, en présentent des exemples. Suivant M. Promis {Mem. stor., p. 253), chaque machicoulis était, au xrv° siècle, en Italie, carré et soutenu par deux modillons qu'il était de règle de composer de trois pierres l'une sur l'autre et saillant également pour prévenir tout accident pouvant résulter de pailles ou autres défauts dans les pierres. (1) Lisez Beuélotç pour Beuévoi. (2) Lisez r@v nupy@y pour tv Bapüy. | (EGGEn). (3) Lisez Evhivous pour Enkivous. LA FORTIFICATION. 237 ainsi que ‘celles du parement extérieur, soient aussi grandes et aussi dures que possible et taillées sur leur face (1). 41. — Au pied de toutes les tours et de tous les ouvrages détachés, en avant des angles, il faut construire des murs qui viennent s'appliquer contre les angles saillants, afin que les défenseurs puissent avoir une sorte de cavalier pour com- battre ®. Autour de ces murs, il faudra encore élever des avant-murs ou des palissades : de la sorte, quand bien même cet avant-mur viendrait à être abattu, l'ennemi qui l'aurait dépassé ne pourrait saper le rempart en appliquant contre lui le masque des mineurs. 42, — Quel que soit, du reste, le système de fortification, il faut qu'il n'y ait pas moins de trois fossés (révpwv), dont le premier doit être à une plèthre (31"00) du mur ; le deuxième (1) Les pierres des tours semi-circulaires doivent être très lisses sur leur parement pour faciliter le glissement des projectiles. Quand le rempart était composé de faces planes, on donnait, au contraire, souvent aux pierres de forts bossages destinés à amortir le coup. (Cf. 2 22.) Les pierres d'angles dont parle ici PaiLox sont celles des angles formés par la courtine et la tour. — Vaupan proposa, en 1700, des tours rondes pour fortifier le poste d'Oulx, au pied du mont Genèvre. «Il ne faut pas, dit-il, regarder ces tours avec mépris ni comme une nouvelle fantaisie : étant à trois étages et fort solides, elles fournissent plus de flancs que les bastions dont ce lieu peut être capable, et on n'y sera pas vu par dedans; à l'égard de la rondeur, elles résisteront mieux au canon que quand elles n'opposent au canon que des corps plats, et en leur faisant des angles flanqués, il n'y aurait aucun point dans le circuit de la place qui ne fût bien défendu. » (Lettre du 18 sept. 1700, datée d'Embrun.) - (2) Tüv Où Bapdv xaù Tv rupyGv révTwv, xGOWÔEY mapà TAç YwvÉAÇ Toiyouc &nTomévous äxpwy Tv Yovtwy mposouxodouetv Lva dréataouv Éxwotv ol xtv- OUVVEUOVTEC. J'ai traduit Ba«p&v par l'expression ouvrages détachés, faute de trouver un mot rendant mieux ma pensée. Ce mot est complètement nouveau dans le sens technique que je lui attribue; mais, en rapprochant ce paragraphe du ? 33, on arrivera, je crois, à conclure qu’il désigne les tours pleines que l'on plaçait devant les courtines, ou, en termes mo- dernes, les demi-lunes. — On appelle cavalier, en fortification, une hauteur artificielle dont on se sert pour prendre des vues plongeantes sur l'ennemi. V. ML, p.85. 238 PHILON. sera distant du premier de quarante coudées (18"50); il y aura le même espace de quarante coudées entre le deuxième et le troisième (1). 43. — Dans les intervalles ainsi conservés ( ävauéooy Tüv tacrnpérwv , Sur une longueur de vingt-huit coudées (13"00), on devra enfoncer des piquets (oxélomaç xaranñë), creuser des coupures (épéysara roc) et planter des paliures (2, afin que, si l'ennemi venait à s'emparer du premier fossé, il n'eût pas de place pour établir sur la braye (3) une pétrobole d'un talent (4). Le canal (à oépuyt) de cette pétrobole a, en effet, douze coudées (5"50), et le levier (à oxvréan) quatre (180), de sorte qu'il ne resterait pas d'espace pour ceux qui font tourner le treuil (roc mepiéyouor rèv ôvov) (5). 44. — 1] faut faire les fossés aussi profonds que possible, et ne pas leur donner une largeur moindre que soixante-dix coudées (32"00) (6). 45. — Là où l’on fera des fossés de cette dimension et disposés ainsi que nous l'avons dit, l’assiégeant mettra beau- coup de temps pour les combler, et les pétroboles d’un talent, qui sont les plus dangereuses pour les murs, ou bien n’attein- dront pas ceux-ci, ou bien manqueront de force pour les (1) Syringe, ville d'Hyrcanie, avait, suivant Poryse (x, 4), trois fossés concentriques défendus chacun par une enceinte en maçonnerie. Car- thage avait également trois fossés et trois enceintes; mais les deux pre- mières seulement étaient en maçonnerie et la troisième était en terre. (2) Paliure, arbuste épineux. (Cf. 1, 49; 1v, 41.) (3) On a appelé braye dans le moyen âge, contregarde et tenaille dans la fortification moderne, la digue qui sépare deux fossés. (4) Lançant des projectiles de 258 kilogrammes. (5) Quelques ingénieurs modernes veulent les contregardes fort minces, afin de ne point présenter, après leur prise, un emplacement favorable aux batteries ennemies; d’autres, au contraire, veulent qu'elles soient assez vastes pour offrir un champ de bataille à la garnison et se prêter à l'organisation de la défense intérieure. On voit que PuiLon, grâce aux palissades, aux trous-de-loup et aux coupures, conserve à ses dtasrnuétx l'avantage de ces deux solutions. (6) On admet encore aujourd'hui pour les fossés secs la même largeur. LA FORTIFICATION. 239 endommager; les portiques ne pourront être conduits vers la ville, et enfin le bélier, quand bien même quelques fossés seraient comblés, ne pourrait frapper les tours (1). 46. — Ceux qui creusent les fossés doivent employer la terre qu'ils retirent du premier à faire une levée en avant du rempart (2); la terre qui vient des autres sera rejetée sur le milieu des brayes, afin de rendre les palissadements plus solides et afin que les brayes, en s ‘élevant, puissent protéger le mur et l’avant-mur. 47. — En avant du deuxième fossé et du troisième (3), on élèvera des palissadements et pas d’avant-murs, afin de ne point fournir de cavalier (üréotasiv) à l'ennemi. 48. — En avant du premier, on enfouira des vases de terre debout et vides et on en bouchera l'ouverture avec de la mousse; c’est la matière la moïns sonore (4). Ces vases seront fournis en partie par les citoyens, en partie par la cité; on les recouvrira ensuite de terre, de façon à permettre aux hommes de passer au-dessus sans danger, mais de telle manière que le sol s'effondre sous le poids des tortues et des tours de charpente. (1) Je suppose que ce dernier membre de phrase, où il est question du bélier, se rapporte au paragraphe suivant qui dit que les murs seront protégés par une levée de terre. (2) ’OpÜrrovras Oë Det tas Téppous, TAç DEV TpwTns TAV avaboAny notetoôar où roiyou mp rod velxouc: tv DE &Xwv ei Tà dvaoTpara àvauécov. "va bre 6 yépat aopañce tilnra, xal Uboc AapGävoyra Tà GiaoTiara aopéherav TUPÉANTEL TO TPOTELIOMOTL, Ka TU TElyEL. Le défilement des maçonneries n'est point, on le voit, une invention nouvelle. Négligé pendant tout le moyen âge, il fut remis en honneur par Vaupan, et il est aujourd'hui l’une des plus grandes préoccupations du Génie militaire. On remarquera l'analogie que présente le système de Pæicon avec le troisième système de Vaugan : tous deux se composent d'une enceinte en maçonnerie avec tours bastionnées et d'une enveloppe en terre inter- rompue par des coupures. (3) Les deux extérieurs. (4) “Hrrov yép éort. « Il y a une lacune dans le texte après le mot ftrov qui veut dire moins et suppose un adjectif après lui. Je conjecture Yopwôex ou un adjectif de ce sens : moins bruyant.» (Note de M. EcGer.) — Cf. PuiLon, 1V, 34; HÉRON, 1, 9. 240 | PHILON. 49. — On creusera aussi, en un grand nombre de points, des mares autour desquelles on plantera des paliures (1) pour rendre les approches de l'ennemi aussi difficiles que possible. 50. — Ceux qui creuseront les fossés auront soin toutefois de réserver, au travers, des voies carrossables bien aplanies (?), afin que nous puissions amener des champs dans la ville tout ce dont nous aurons besoin. . 51. — Il est utile d'avoir des triboles (rp66%ouc) avec lesquelles on dépique le blé (3) et des poutres munies de crochets d’ancre (1) Paicon applique ici ce principe, qu’il faut restreindre le plus pos- sible le nombre des points d'attaque. (2) "Op6%ç Éxouoas 600oÙç auaënkarous !xavas. Le membre de phrase n'est pas correct; le traducteur latin, faisant abstraction du participe éxoüoa, lit simplement : 6pôàs 60oûç, vias rectas; mais ‘un ingénieur ne peut accepter cette solution. De tout temps, en effet, il a été admis en fortifi- ‘cation que les routes placées en avant des portes devaient être sinueuses afin que l'assaillant qui s'y engagerait se présentât de flanc et non de front aux coups de la défense, et de manière aussi à éviter les trouées qui exposeraient ces portes aux vues dé l'ennemi. Portarum itinera non sint directa, sed sæva, a dit VITRUVE. Peut-être faut-il lire ici : 6pous éyoücas, munies de bornes, pour éviter les accidents que peuvent faire craindre les trois fossés larges et profonds que traverse la route, OPOYE et OPOAE pouvant facilement se confondre dans l'écriture onciale. M. Eccer pense que le texte primitif portait : dp6@ç éxodous, en bon état, bien aplanies : c'est la version que j'ai adoptée par respect pour l'autorité de ce savant. Les altérations du texte sont en certains endroits si considérables qu'il n'y a pas lieu de rejeter a priori une troisième hypothèse par laquelle on lirait tyvous éxoüous, munies de rainures, comme l'étaient la plupart des routes dans l'an- cienne Grèce. (3) Autrefois, pour retirer le blé de l’épi, on répandait les gerbes sur l'aire; on en formait une couche d'environ 50 centimètres d'épaisseur ; on les faisait ensuite fouler par les pieds des bêtes de somme marchant circulairement et trainant en général une machine à égrener. Cette machine, à ce que nous apprend VarroN (De re rustica. 1, 52), se compo- sait d'une planche hérissée de cailloux ou de pointes de fer et sur laquelle était placé un poids considérable. Elle est encore en usage dans presque toute l'Espagne sous le nom de trillo, et le comte pe LASTEYRIE la décrit dans sa Collection de machines employées dans l'économie rurale ; le trillo a environ deux mètres de long sur un mètre de large; ses dents sont habituellement faites avec des éclats de silex. (Voir encore : Coru- MELLE, 1, 21; Puine, Hist. nat., xvurr, 72.) LA FORTIFICATION. 241 ou de fourche, afin d'éloigner et de renverser les échelles qu'on cherche à placer contre le mur (1). 52. — Il faut encore des tours de charpente mobiles sur des roues (pnxavhuata ürétpoya); il convient d'en avoir deux, ou au moins une, afin qu'elles puissent facilement donner leur appui partout où le besoin s'en fera sentir. 53. — II faut établir des communications sûres, soit directes, soit transversales (rapéôous xai Géôouc) (2), pour porter secours aux palissadements, de peur que l'ennemi, venant à établir ses pétroboles sur le bord du fossé, ne s’en serve comme d’un rempart (épüpar), ce qui lui serait très avantageux. 54. — Nous aurons grand soin d'établir des retranchements (rappeia) (3) surtout autour des avant-murs, des fossés et des palissadements (rep ra mpovetyiouura nai réppous xal rèç yapaxwaetc); car c'est au moyen des lithoboles et des portiques que se prennent le plus facilement les places (4). On s’efforcera donc de rendre aussi résistants que possible les avant-murs et les palissadements et de faire les fossés très larges et très profonds ; si toutes ces choses sont convenablement établies , la ville n'aura rien à craindre. 55. — Il faut, du reste, choisir les systèmes de fortification suivant la nature des lieux où on doit les construire : tel con- (1) On se servit de ces sortes de fourches dans la défense d'Oringe, en Espagne, contre Scipion. (2) C'est ce que nous appelons maintenant des chemins couverts et des caponnières. Ces dernières étaient probablement disposées pour le flan- quement des fossés, flanquement dont le texte actuel ne fait mention nulle part, sans doute par suite d'omission; car il n'est pas présumable qu'un ingénieur comme Puarcox l'ait négligé. (3) Le mot tappeta exprime chez Pico l'ouvrage qne nous désignons par le mot r'etranchement, en fortification passagère, c’est-à-dire l'obs tacle composé d'un parapet et de la fosse qui a fourni les terres. (Cf. ch. r, & 8.) Notre auteur désigne par régpos le fossé proprement dit d'une place, et par épuyua ce que nous appelons coupure. (Cf. 1, 42, 43.) (4) On dit encore aujourd'hui : C’est par les tranchées et le canon que se prennent les places. 16 FE, p. 86. 249 PHILON. vient ici, tel autre là. C'est ainsi que le système à méandres (1) doit être employé dans la plaine; celui qui est composé d’hé- micycles ou qui est en forme de scie sera bon lorsque le terrain qu'on veut enceindre est accidenté (2); il faut se servir du système double (3) lorsque la ville que l’on a à fortifier présente des sinuosités et des rentrants prononcés ; celui qui a les courtines obliques (4) convient aux formes triangulaires; enfin (1) Les architectes grecs appelaient patavôpos un entrelacement de lignes droites se coupant à angle droit; c’est l’ornement que nous nom- mons aujourd'hui grecque où guillochis. La figure que nous avons donnée en note du.? 15 du présent chapitre permet de comprendre comment cette dénomination pouvait être appliquée au système rhodien. (2) Ces deux systèmes, qui ont des courtines très courtes, permettent, en effet, desuivre d'une facon très serrée les inflexions du sol, d'occuper ‘ tous les points saillants par des tours, et de se refuser dans les parties basses au moyen des courtines concaves. (Cf. Prcow, 1, 30, 31, 32) (3) Pxizon appelle système double celui qu'il a décrit ch. 1, 2 33, où le rempart se compose, à la partie supérieure, de deux murs séparés par une galerie couvérte. Il est clair que cette partie supérieure offre beau- coup moins de résistance aux coups des lithoboles queles murs massifs des autres systèmes ; il y a donc avantage à ne placer les premiers que dans les rentrants, parce qu'alors l'ennemi ne peut les battre que de loin et de côté. (4) Le système à courtines obliques est décrit -ch. 1, # 37. Une place triangulaire est celle qui, pour un même développement, présente les plus longs côtés en ligne droite, et c'est en effet pour fortifier les lignes N. 50 100 200 M d'après PuarLo ystèmes de fortification terrain, loi des divers s la nature du suivant 2 A droites que nous employons encore le tracé en crémaillère. Dans le dessin qui accompagne cette note, les crémaillères sont mal tracées ; il faut tou- jours que les flancs voient le terrain en contrepente. Emp LA FORTIFICATION. 243 celui qu'employaient les anciens (1) est encore bon pour les terrains arrondis (?). 56. — Il faut prendre garde, toutes les fois qu'on construit des tours, qu'aucune partie des courtines ne soit vue à revers (3). 57. — On aura soin également de construire en forme de tours les tombeaux que l’on élèvera aux hommes éminents et les nécropoles (Get 8 xoi roy &yaPüv àvôp@y rod régouc, nai rovdvôge rüpyous xarasxeväteuv); de la sorte on renforcera la ville, tout en donnant à ceux qui se sont fait remarquer par leurs vertus Ou qui sont morts pour leur palrie une sépulture honorable dans leur pays (4). 0 0 D RP Re (1) Le système dont veut parler Pnicox est celui qui se compose sim- plement de tours rondes ou carrées reliées par des murs pleins. La place - étant circulaire et le terrain uniforme, il n'v a pas de point d'attaque déterminé à l'avance ; il suffit donc de présenter à l'ennemi une résis- tance égale partout au moyen d'un obstacle servant de piédestal à l'ar- tillerie. Cette idée est la base des derniers systèmes de MONTALEMBERT. (Cf. Pro, 1, 38.) (2) Oplws dE dei tas tetyomotias motsiolart mpoopwvra Todc tomous * &}AN yèe GXn dopétre otov à pÈv uaavopoënc Th rnèvñ * À DE Ex TOY ApuxU- MY, xaÙ TptovWT}, ÜTav Ô TOROS cxodS Ov EG Det neprhaGeTv: À OÈ dim AN, Otav 46ÀTOUG Aa avaywphoers Éyn Td TOMoUa, dou Det xTtSÔvat ‘ À DÈ AoËd T& METOnÜPyLX ÉxOUOX Tois Totywvots Eldeouv * À d'apyaix Toic mepipepéot Xwpious. (3) Edu6ntéov Tv’ Éotiv év nacaus Taic nupyomoriatc, iva xai UMÔÈV Tù Teïyoc aupt60\ov otkOÏOUTTEL. Cette prescription correspond à ce que nous appelons le défilement par le tracé; il n'est pas toujours facile de l'appliquer: on a alors recours soit aux traverses, soit au parados. Ges sortes d'abris se construisaient quélŒquefois à l'avance, comme à Pompéi; mais le plus souvent on les élevait, au moment du besoin, avec des pièces de bois et des couvertures. (CF. PxiLon, 1x, 37.) (4) J'ai rendu par nécropole, faute de terme plus précis, le mot æokvav- ôgte, qui signifie proprement le tombeau élevé à beaucoup d'hommes. Après la bataille de Saint-Privat, les Allemands ont réuni en monceaux les cadavres de leurs soldats, auprès de Sainte-Marie-aux-Chènes, et leur ont élevé un polyandre. Au sujet de ces tombeaux en forme de tour, on pourra voir une note de notre second volume. (Cf. ÆxNÉASs, xvi.) 244 PHILON. 58. — On trouvera dessinés dans ce livre, pour en rendre l'intelligence plus facile, tous les systèmes de fortification (Tüv rupyomotiwy) que nous venons de décrire (1). (1) Ces dessins, nous l'avons dit, ont été malheureusement perdus. LES APPROVISIONNEMENTS. 245 CHAPITRE II LES APPROVISIONNEMENTS 4. — Il convient de faire des approvisionnements, tant V. 4, p.86. dans les édifices publics que dans les maisons particulières ; mais il ne faut garder que les choses qui ne sont point sujettes à se corrompre, telles que de l'orge, du blé en gerbes, des pois chiches, du lupin, de l’hippaque (1), des lentilles, ainsi que du sésame et des pavots pour la confection des médicaments; on se pourvoira également de millet et de pains de dattes (?). On devra mettre en réserve, à l'usage des citoyens aisés, des viandes qui seront conservées, les unes en suspension dans de la lie de vin, les autres dans du sel; ces viandes ne sont point d'un médiocre secours pour nourrir et fortifier, et elles peuvent suffire seules, n'ayant besoin ni de préparation ni d’assaisonnement ; on gardera encore des vesces, torréfiées si cela se peut, sinon telles qu’on les aura, ou bien imbibées de marc d'huile; car, préparées de cette facon, elles ne sont point exposées à se gâter. On salera et on fera sécher à l'ombre des’ foies d'animaux autres que le porc, en y laissant le fiel; ils demeurent ainsi à l'abri de la corruption (6). Il faut réunir toutes ces provisions en les réclamant des cuisiniers et des simples particuliers au moyen d'une réqui- sition. (1) ‘Innéxnv; ce mot désigne une sorte de fromage fait avec du lait de jument et une plante dont les lexiques ne spécifient pas la nature. (2) Tods gouwxrodc &ovouc : des pains de dattes ou des pains phéniciens? (3) « Le foie se garde très longtemps, et les siéges nous ont fourni des » exemples de foies conservés sept ans, » {Puie, Hist. nal., x1, 76.) 246 PHILON. 2.— Il faut nettoyer avec beaucoup de soin les orges et les blés; puis, après les avoir fait dessécher le mieux possible, on les enfouira dans des silos (verpoëc) creusés à ciel ouvert et très . profonds, dont on revêtira le fond, sur quatre doigts d'épais- seur, ainsi que les parois, d’un enduit composé d'argile battue avec de la paille hachée et du mare d'huile : on versera dans l’argile un mélange de deux parties de poussière (de four à chaux ?) et d'une partie de sable (1). Il est bon d’amasser du grain. dans ces silos, car il s'y dessèche admirablement. Le froment une fois introduit, on enfoncera, à la partie centrale et jusqu’au col, un vase de terre rempli du plus fort vinaigre (?) qu'on pourra se procurer, puis on mettra sur le tout une couverture. en forme de cône, faite de briques, dont on revêtira la surface extérieure avec l'enduit que nous venons d'indiquer : de cette façon, le grain se conserve sans se corrompre. 3. — On peut également le placer dans les étages supérieurs des maisons, en ayant soin d'enduire avec du mare d'huile (3) les murs et le plancher. Il doit y avoir des fenêtres et des soupiraux nombreux tournés du côté du vent du nord et munis de grillages, afin d'empêcher les oiseaux et autres bêtes (1) Kat toütwv to te Édapoc &hstbavras Ooov èmi Tésoupas OuxtTUdOUS TO Bd0osc, tai x0ZAW mepradeibavracs TnÀAG ÊLELPYAGUÉVE, Ha SANS VW AUOGY" Ectu ÔÈ Ta (LËv Oo (LÉpn HVOÙS, To OÈ Év duos, els TÔV TnAÔV ÉL6EGNLÉVE. Tous les constructeurs connaissent la dureté extrème qu'acquiert, au bout d'un certain temps, un sol argileux sur lequel on à fabriqué du mortier. (2) «Il y en a qui emploient de grands vases de terre contenant encore » du vinaigre; ils les frottent avec de la cendre, et, après les avoir placés » sur un lit de la même matière (urceis cineri substratis ), 11s rangent par » dessus les légumineuses en monceaux, pensant que de cette PR » il ne s'y engendrera aucun insecte nwisible {non nasci maleficia). (Pune, Hist. nat., xvurr, 73.) (3) « Les aires à battre le grain doivent être ee avec du marc » d'huile d'olive famurca), pour éloigner les fourmis et empêcher les » crevasses. Le crépissage, le plafond et le pavé des greniers à blé » doivent en être enduits, ainsi que les vestiaires, afin d'être préservés » des teredo et autres insectes nuisibles, » (Puine, ist. nat., xv, 8.) LES APPROVISIONNEMENTS. 247 d'y entrer (1). En y mettant de plus du vinaigre, comme nous l'avons dit plus haut, le blé ne se corrompt point. 4. — Si les bois sont rares, on construira les greniers de la manière suivante (2) : Lorsque nous aurons posé les fonda- tions de l'édifice à élever, nous prendrons la moitié de sa largeur et nous ferons un demi-cercle de même hauteur. Pour cela, nous construirons des ares de briques (&p{das muvbivxc) distants de trois coudées (140) de mur à mur. Les fondations doivent avoir une largeur de deux coudées (0"93), et les briques reposeront sur ces fondations; il faut donner aux arcs un pied iÆ, (1) « Les ouvertures des chambres à blé doivent être à l'exposition » du nord, parce que cette exposition leur procure la température la » plus sèche et la plus froide. Ces ouvertures doivent d’ailleurs être » bouchées avec des châssis grillés, à mailles très fines, pour que les » oiseaux ni les souris » ne puissent pénétrer » par là dans l'intérieur | | [777 » des chambres. » (DE nr ss 111177 » Perrauis, Architec- Lo ture rurale.) (2) La figure ci-contre LUS explique comment je comprends le texte. Les curieux, qui voudraient juger à quoi on peut Restitution, d'après Parcon, d'une travée de grenier (plan et élévation). GE . TELL 7 4 LC] LE 1] SANS e =S arriver, en fait d inter SNS prétation, quand on n'a NN ANSE pour comprendre un auteur technique que les ressources de la philolosie, feront bien de lire ce paragraphe dans la traduction la- tiné éditée par Tné- venor, et dans la tra- duction française de M. Vincent, publiée dans les Comptes-ren- dus de l'Académie des © #7 ——— Inscriptions et Belles- P k + $ * À. Jejtres en 1870, 248 PHILON. (031) de largeur et deux pieds (0"63) d'épaisseur. On pourrait également faire ces arcs en pierres qui seraient polies, soit avec un instrument, soit par frottement réciproque, et aussi grandes x que possible, afin de résister à la charge. Lorsque les arcs serent construits, en élèvera sur les fondements des murs verticaux, et on remplira de briques l’espace entre le mur et les arcs, de facon à avoir des constructions tétragonales de même hauteur que les arcs. On jettera ensuite, d'un arc à l’autre, de très fortes solives (orpwräpas) (1), et par-dessus un lit de roseaux que l’on enduira de mortier (xoi ävwley xéapov, _#aù xarahetyau) le mieux possible (?. Là dessus vous construirez, (1) M. le comte pe Lasrevrte, dans son Recueil de constructions rurales, indique ces arches en briques comme étant d'un usage fréquent en Italie; il s'étonne que nos architectes, qui traversent si souvent les Alpes pour se perfectionner dans leur art, n'aient pas introduit en France ce mode de construction, qui peut apporter une grande économie lorsqu'il s'agit d'élever de vastes bâtiments, comme des granges, des écuries et des celliers. — Voici comment on les emploie ordinairement aujourd'hui : En faisant les quatre murs de la pièce que l'on veut construire et en leur donnant la hauteur désirée, on élève, de distance en distance, ces Arcs en briques employés pour la construction arches sur les- des greniers en Ilalie. quelles on pose 3 soliveaux qui supportent avec les murs laté- raux toute la toi- ture. L'une des solivesreposesur des billots établis au sommet des arches ; les deux autres sont à égale distance SATA AAA MUR NTM T SPAM entre cette solive to trare dyros du faite et les murs; on éloigne les arches de cinq à six mètres suivant la longueur des pièces de bois dont on dispose. Ce système, outre l'économie de bois qu'il apporte, permet de donner une moins grande épaisseur aux murs, et procure la facilité, si l'on élève plusieurs étages, d'avoir dans ceux-ci des murs de cloisons sans en établir au rez-de-chaussée. (2) Il me semble, d'après le texte, qu'il n’y avait point de planchers LES APPROVISIONNEMENTS. . 249 si vous voulez, un grenier; puis, avec des poutres et des solives (Goxodç Grafleis xaÙ orpuripas ëmé6alv), VOUS jetterez un toit que vous couvrirez avec des tuiles ou avec un enduit; toute- _ fois, si vous vouliez borner là votre construction, vous pour- riez jeter des espèces de voûtes [entre les arcs en briques] et au-dessus des solives jetées entre les arcs, mais bien une aire faite de roseaux enduits de mortier. Bien que la charge des grains soit considé- rable, il n’y a là rien d'impossible, pourvu que les solives soient assez ranpprochées. Pnicon ajoute que si les greniers s'établissent au rez-de- chaussée et non à l'étage, il n'y aura pas besoin de solives, et qu'on pourra se contenter de construire, entre les arches, des voûtes dont il ne spécifie pas la nature. Il est à croire que ces voûtes étaient semblables ‘à celles que décrit Virruve, pour un mode de construction analogue, où des arcs en planches remplacent les arcs en briques. « On prépare, dit-il » (liv. VIII, ch. ur), une série d'arceaux au moyen de planches posées » de champ et découpées suivant la courbure qu'on veut donner à la » voûte. On place ces arcéaux verticalement et on les relie entre eux » ainsi qu'au plancher et au toit par des liernes de bois dur peu suscep- » tibles de se corrompre par les vers ou l'humidité, ni de se tourmenter. » On y attache, avec des cordes de sparte d'Espagne, des roseaux/grecs » écrasés en leur faisant suivre la courbure de la voûte. Par-dessus, on » met une couche de mortier de chaux et de sable, afin que les gouttes » d'eau qui viendraient à tomber des planchers ou des toits puissent » être retenues. Si le roseau grec manquait, il faudrait avoir recours » aux roseaux minces des marais; on en ferait des bottes qui auraient » une longueur convenable avec une grosseur bien égale; on les atta- » cherait avec les mêmes cordes de sparte, de manière qu'entre chaque » nœud il n'y eût pas plus de deux pieds de distance; elles seraient » attachées aux cintres, comme nous l'avons dit plus haut, et fixées » avec des chevilles de bois; le reste se ferait comme il a été dit ci- » dessus. » Dans les constructions soignées, on crépissait ensuite l'intérieur de la voûte avec du plâtre, on l’aplanissait avec du mortier de chaux et de sable, enfin on la polissait avec une composition de chaux et de craie ou de marbre. De Briour, commentateur de Virrüve, pense que le roseau grec dont parle cet auteur est la grosse canne qui croît abondamment en Grèce et en Italie, et surtout aux environs de Rome. On se sert, du reste, communément encore de nos jours, en Italie, de ces roseaux écra- sés en guise de liteaux. Voir, dans les Oisivelés de Vausan (Maxzimes pour ceux qui font bâtir, 8 101), la description des voütes sur solives employées dans le pays de Liége. 250 PHILON. vous n'auriez pas besoin des solives. Pour que vos arches aient la proportion que vous désirez, tout en conservant le même rapport entre leur ouverture et leur flèche, il faudra d'abord élever les fondements à la hauteur convenable, puis donner à l'arc en brique, au-dessus de ces fondements, la hauteur que nous avons indiquée (1). 5, — Si l'on ne veut pas faire le linteau de la porte d'une seule pierre (2), ou même de bois par crainte d'incendie, après avoir donné à l'ouverture les dimensions que l'on désire, on comblera cette ouverture avec des briques (3); on posera en- suite, au-dessus de ces briques, des pierres de taille inclinées les unes à droite les autres à gauche, et l’on fermera le milieu au moyen d'une clef en forme de coin, étroite d'en bas et large d'en haut. Cela fait, on pourra enlever les briques qui sont dans le passage et le linteau ne bougera pas (4). Ce procédé (1) On voit que Paizon désigne sous le nom de fondements (Beue%ior) à la fois les fondations et les pieds-droils des voûtes. (2) Lisez povoBoy pour povéBupov. (3) Lisez nAivôovus pour müpyovs. PaiLon prescrit, quelques lignes plus bas, d'enlever, après l'achèvement du travail, ces briques qui tenaient lieu d'échafaudage pour construire la plate-bande. (4) Cette mention de la plate-bande est digne de remarque. de crois Construction des plates-bandes, que les édi- restituée d'après PriLon. fices grecs ÉnAdee présentent peu d'exem- ples de ces sortesmide voûtes; tou- tefois on en voit encore à Rome dans certains mo- numents, dus, selon toute proba- bilité, à des architectes suivant les traditions de l'école grecque; par exemple, dans le tombeau de Cecilia Metella. LES APPROVISIONNEMENTS. 251 est utile même dans la construction des tours, quand on veut y percer des poternes sans se servir de voûtes. 6. — Telle est donc la maniæe dont il faut construire les greniers; du reste, en fait de blé, celui-là est moins sujet à se corrompre qui a été semé dans une terre convenablement labourée, qui a été moissonné bien sec et qui est resté le plus longtemps possible en gerbes (1). 7. — J1 y a encore un autre moyen de conserver le blé, cest de garnir avec des brassées de paille disposées en cercle le pourtour intérieur des silos (?), puis de recouvrir cette paille d'un lit argileux, et enfin de placer les grains dans la fosse en ayant soin d'y mélanger du foie de cerf _ et coupé en su morceaux (3), . — On préservera aussi très bien de la corruption le blé, . et les légumes en broyant les fruits de la trigonelle (4) (1) « Qn ne doit jamais perdre de vue que plus le blé sera resté long- » temps au gerbier et mieux il se conservera dans le grenier. » (Rozter, Maison rustique.) : (2) C'est de cette manière que furent construits par M. TERNAUx, en 1819, les premiers silos que l'on ait vus en France. (3) « L'odeur de la corne de cerf et plus encore celle du styrax met les » serpents en fuite.» (PLINE, /1. N., X, x.) — « Personne n'ignore que les » serpents ont pour ennemis les cerfs qui les tirent de leur trou pour les » dévorer. Inanimés et isolés, les membres du cerf ne sont pas moins » redoutables pour ces reptiles. La fumée de la corne brülée les met en » fuite. Au contraire, que l'on brûle les os supérieurs du gosier de l’ani- » mal, les serpents se rassemblent. Etendu sur des peaux de cerf, on » peut dormir sans craindre l'approche de ces reptiles. On fait fuir les » serpents en portant sur soi une dent de cerf, ou en se frottant de » moelle ou de graisse soit de cerf, soit de veau. » (Pur, A. N., XX VIII, xLu.)— Puine donne une autre recette de même valeur pour éloigner des greniers les animaux malfaisants : c'est de suspendre une grenouille rubète par les pattes de derrière. (4) Trigonelle, fenugrec ou senègre, de la famille des légumineuses. Cette plante produit des graines mucilagineuses qui donnent par l'écra- sement une huile d'odeur pénétrante utilisée en parfumerie. On a cru jusqu'à ces derniers temps que certaines odeurs mettaient en fuite le charançon, ce grand ennemi des grains. — Je rappellerai, à ce propos, un usage assez singulier que firent de la trigonelle les Juifs au siége de V. 1, p. 88 252 PHILON. entre deux pierres et en mettant dans le silo les fruits susdits, ou bien de la conyze (1), ou de l'origan (? à l'état naturel. 9. — Si, de plus, au moyen d’un canal extérieur, tu em- pêches l'eau de pénétrer dans les magasins, tu ne permettras pas aux grains de se corrompre. 40. — I] faut que ces sortes de constructions soient munies de trémies au milieu de leur couverture, afin que l’on puisse y introduire à volonté le grain et le faire couler sans peine à la partie inférieure. 44. — Il convient d'approvisionner de blé la ville au moins pour un an; on doit l'acheter à l'époque où il est au plus bas prix. L'année écoulée, il faut livrer à la consommation l’an- cien et-en acheter du nouveau par précaution contre le cas de siége ou de disette. 42. — Il sera bon aussi de conserver dans les maisons par- ticulières des scilles et des oignons, et d'en cultiver soit dans la ville, soit autour des remparts. On pourra alors composer la pâte d'Epiménide (3), grâce à laquelle on épargnerait aux citoyens les souffrances de la faim, s’il survenait une disette. 43.— Voici la recette de cette pâte : on fait cuire la scille (#), Jotapata : suivant JosÈèpxe, ils en faisaient bouillir les graines et les jetaient sur les ponts dont les Romains se servaient pour escalader les murailles, afin de les ren Îre glissants et de provoquer les chutes chezles assaillants. (1) Conyze, plante de la famille des flosculeuses. On emploie la conyze odorante dans l'Inde en guise de tabac ; la conyze vulgaire s'appelle, en France, herbe aux moucherons, herbe aux mouches, herbe aux punaïses, herbe aux puces, à cause de la propriété qu'on lui attribue de chasser ces insectes. Le pyrèthre du Caucase, ou insecticide Vicat, est une variété de conyze. (2) Origan ou marjolaine, plante parfumée de la famille des Zabices. Les habitants du Nord s'en servent en guise de tabac. Puine lui attribue (A. N., x, 70) la propriété de tuer les fourmis. (3) Lisez érevidetou pour ëmwoëtou. Cette recette et la suivante se lisent, avec quelques variantes, en marge du traité. d'Hérox le jeune dans le manuscrit d'Oxford (fol. 134 v°— 135 ro). On les trouve en latin dans la traduction de Barocus (note f° 3,:v°). (4) Ici, d'après le manuscrit d'Oxford, il faudrait intercaler oxthne ai mAuvetonc Üdart xai Enpavüsions. En termes de cuisine, cela se traduit par. LES APPROVISIONNEMENTS. 253 on la hache très menu, on la mélange avec un cinquième de sésame et environ un quinzième de pavot; on broie le tout ensemble en y ajoutant du miel aussi bon que possible, et on en fait des boulettes de la grosseur des plus fortes olives. En prenant une de ces boulettes vers la 2° heure (8 h. du matin) et une autre vers la 10° (4 h. du soir), ôn ne saurait souffrir de la faim. 14. — Il y a encore une autre composition analogue à celle-là qui doit être préparée de la manière suivante : On prend un demi-setier {4 325) de sésame attique, un demi- conge (11636) de miel, un cotyle (0!270) d'huile, une chenice (11079) d'amandes douces épluchées; on torréfie le sésame, on pile et on tamise les amandes ; on épluche ensuite des scilles en rejetant les racines et les feuilles, on les coupe en petits morceaux que l’on met dans un mortier où on les broie de facon à les réduire en pâte; après cela, on pile de nouveau les scilles avec le miel, puis avec l'huile (1), et on verse le mélange dans une marmite que l'on place sur des charbons pour le faire cuire. Quand ce mélange commencera à bouillir, on y jettera peu à peu le sésame et les amandes jusqu'à ce que le tout soit employé (2. Lorsque la préparation se sera suffisam- ment épaissie, on l'enlèvera du feu et on la divisera en petites boulettes. En en mangeant une le matin et une le soir, on sera bien suffisamment nourri. Cette préparation est excellente pour les expéditions, car elle est agréable au goût, nourrissante et n’altère pas. 15. — On compose encore un aliment avec de la mauve et le fruit de la scille mélangés par parties égales, broyés dans un mortier et pétris avec du miel cuit. On en fait des boulettes on fait blanchir la scille dans de l’eau, on l’égoutte, on la hache, etc. Les proportions indiquées par PuaiLon sont celles-ci : scille, 1k000 ; sésame, 0k200; pavot, 0k068. (1) Le manuscrit d'Oxford ajoute {oov, par parties égales. 2) Le manuscrit d'Oxford porte évw, au lieu de éu6»n6%. V. M. p. 89. 254 | PHILON. semblables à celles dont nous avons parlé plus haut et qui peuvent suffire pour la nourriture dans une place assiégée. 46. — On mange aussi la scille en la cuisant et en l’accom- modant comme un oignon, c'est-à-dire en la plaçant sous la cendre et en la pelant quand elle est convenablement rôtie. 47. — On peut encore la couper et la mélanger avec quan- tité égale de farine d’ers.….. (1), puis la boire dans trois cotyles (0710) de vin trempé. 48. — Quand on ajoute au vin ainsi préparé du miel, de façon à obtenir la consistance de la purée de Sicyone, on a un- aliment suffisamment nutritif et dont la propriété diurétique n'est point sans une heureuse influence sur la santé. 49. — On en fait encore du pain en la soumettant à une triple cuisson et en la mêlant à du spaste (prxeions tpivw péper oxastoë ?) dans la proportion d'un tiers. Préparée de cette manière, elle fournit une nourriture solide (?). 20. — De même, si l'on coupe des figues en morceaux, qu'on les mélange avec des grains de raisin sec et qu'on tasse le tout dans de petits cabas en enduisant de fenouil G) la partie supérieure, on aura une excellente nourriture pour le cas d'un siége; cela est bien connu. 24.— Il y a une nourriture qui ne le cède à aucune autre : ce sont des viandes très cuites et hachées, puis mélangées avec du beurre et du miel. Ce (1) Je suppose ici une lacune. (2) M. VINCENT traduit ainsi ce paragraphe : « On en fait une espèce » de pain en la faisant bouillir par trois fois jusqu'à ce qu'elle soit bien » fondue et réduite d'un tiers. Le pain ainsi obtenu est d'une nature » fortifiante. » Dans la traduction de M. Vincenr, le mot elle se rapporte non à la scille, mais à la préparation dont il a été question dans le para- graphe précédent. (3) Mxpédoc, anetum, fenouil, plante de la famille des ombelhfères dont la racine est apéritive. On retire des graines une huile essentielle qui jouissait autrefois d'un grand renom dans la pharmacie et surtout parmi les gladiateurs. Ceux-ci s'imaginaient non-seulement qu'elle assou- plissait leurs membres, mais encore qu'elle les fortifiait. LES APPROVISIONNEMENTS. 955 22. — Il en est de même du suc de toutes ces viandes con- servé dans des vases bien propres. 23. — Il est également utile de faire cuire doucement (1) de l’ægilops (2, dans une marmite neuve, sur la cendre, et de le recouvrir d'huile. On obtient ainsi non-seulement un aliment, mais encore un remède contre la dyssenterie. 24. — I] importe aussi d'établir des jardins soit dans les maisons particulières, soit dans les citadelles, soit dans les lieux consacrés aux dieux (3). La santé publique s'en trou- vera bien, et de plus ces jardins seront très utiles en cas de siége, car on y plantera des figues, des palmiers; si le terrain le permet, on y sèmera des citrouilles soit de l’Inde, soit de la Grèce, des gouets (!), des choux, des laitues et d’autres espèces de plantes potagères, ce qui ne sera pas d'une mé- diocre ressource. 4!) Lisez paaxüs pour pahaxñc. (2 On désignait sous le nom d'ægilops (æiythwb) non-seulement l'a- voine, mais encore une sorte de plante bulbeuse dont on ignore aujour- d'hui l'espèce; Pine en fait mention (liv. XIX, ch. xxx), et d'après lui elle était employée, mélangée avec du vin et de l'eau de pluie; comme remède contre la dyssenterie (XX, xL). (3) Teuévn rov Oéwv, enceinte consacrée aux dieux (de téuvw, séparer). Les anciens y placaient quelquefois des autels. Homère dit (Odyssée, chant vurr, vers 362) : « La riante Vénus prend le » chemin de Chypre et se rend à Paphos où elle a un {émène et un autel » Sur lequel les parfums exhalent une fumée odorante.» Ces biens étaient affermés pour subvenir aux frais des sacrifices et à d'autres dépenses, à moins que quelque malédiction n'empêchät de les cultiver. (Bœxx, Econ. pol. des Alh., livre III, ch. u. Voir encore Taueynine, IV, xc; Lyeurçues, contre Léocrate, Z 16.) Chez les Romains, ces enceintes s'ap- pelaient sacella : « Sacella dicuntur loca diis sacrata sine tecto. » (Fesrus.) Les cromlechs des Celtes sont des enceintes analogues. (4) "Apov, arum, gouet, plante de la famille des aroïdes. Plusieurs espèces sont vénéneuses, d'autres sont comestibles. Dans l'arum colo- casia qui se cultive en Egypte, on mange les feuilles en friture, et l'on retire de la racine une fécule nourrissante et douce. L'arum maculatum, vulgairement appelé pied-de-veau en France, donne également, avec sa racine, une fécule nutritive très usitée en temps de disette, avec laquelle on peut faire de bons potages, des bouillies, du pain, de la colle, de l’'amidon. V.M., p. 90. 256 PHILON. 25. — Il faudra, pour les opérations du siége, faire des approvisionnements d'armes, de fer, d’airain, de pierres à bâtir, de projectiles (1) (fn), de pétroboles (xerpo6élouç) et de catapultes oxybèles (ofufedsts xaramélras); on se procurera des mécaniciens et des servants nour l'artillerie (upnyavomotods, nai &vôpas où ypñouwor toïs opydvois Écovra); On rassemblera aussi de grandes corbeilles (xogivous), des houes à deux pointes (SéxsXhac), des seaux (äuac) (2), des chars (&uééac), des haches {&fiva:) et des outils de mineurs {sxayéu). Toutes ces choses doivent être essayées en temps convenable, de peur que, le jour où l’on en aura besoin, elles ne se brisent et ne deviennent inutiles (3). 26. — On aura encore dans la ville des gabions (yopwoëc) aussi nombreux et aussi solides que possible, afin que si quelque partie du mur d'enceinte venait à être endommagée, les défenseurs pussent se mettre à l'abri en les remplissant de terre. 27. — Outre cela, il faut emmagasiner des peaux, de la résine, du plomb, du soufre, des cordes (osxowta) de toute grosseur, des pieux de palissade (xépaxa), de la mousse, de l’étoupe, du vin, de l'huile, du vinaigre, des semences (4), de très grandes provisions de bois de chauffage et de bois pour la - marine, les uns en grume, les autres équarris, des rames, des rondins de palmier (povxivas oavidas) (5) et des torches (3äôus ). 28. — Il faut aussi se procurer des médicaments d'Arabie (6), (1) Voir, pour la signification précise de ces différents termes, le Ü . lexique de notre second volume. (2) Je suppose qu'il faut lire ici äuac, seau, au lieu de &uuas, amarres, car Pico, dans le Z 27, parle des cordes (ayouwvix) de toute grosseur. (3) Ce précepte devrait être écrit en lettres d’or sur la porte de nos arsenaux et magasins publics. (4) Etépuara me parait douteux (EGGEeR). (5) Voir, pour l'emploi de ces rondins, PxiLon, mn, 3. (6) Pure (liv. XXIV, ch. x) indique l'épine d'Arabie comme remède contre les hémorrhagies. L'auteur des Cestes recommande, pour arrêter le sang des plaies, d'appliquer sur celles-ci une poudre obtenue en faisant sécher au soleil le sang humain (ch. xzn). LES APPROVISIONNEMENTS. 257 de ces coquilles qu'on trouve dans un étang situé à cinquante stades environ de la mer, et du gui (1). 29. — Il est nécessaire également d'avoir des salamandres, du venin de vipère et d’aspic, du naphte de Babylone et de l'huile de poisson pour empoisonner les ennemis dans leurs excursions. En employant ces substances, quand le danger se présentera, soit pour y tremper nos flèches, soit pour incendier les engins de l'ennemi, nous rendrons les blessures mortelles et nous porterons la terreur parmi ceux qui s'approcheront de nos murs (?). 30. — Si nos eaux venaient à se corrompre, il faudrait: prendre de l'orge torréfié (xpffivov 6epu6v), en mettre la valeur d'un cyathe dans deux conges {environ deux cuillerées par litre) d’excellent vinaigre et réduire le tout par l’ébullition ; eräce à cette préparation, les eaux ne tarderont pas à redevenir potables. (1) Pure (Hist. nat., XXIV, 1v) indique le gui comme remède. (2) Cf. Puicon, 1v, 72. L'auteur des Cestes donne différents procédés pour empoisonner l'ennemi : 1° Par l'eau (ch. 1x1, V. M., p. 290, col. 2), au moyen de suc de tithymale, ou d'une certaine huile de poisson: 2 Par le vin (ch. ut, td.), avec du buis, de la lessive et du salpètre ; 3° Par l'air (ch. 1v, td.), en faisant pourrir dans des vases fermés et exposés au soleil certains serpents très venimeux, puis en ouvrant ces vases quand le vent souffle du côté de l'ennemi ; 4° Par le pain (ch. 11, id.), en frottant celui-ci au moyen d'un onguent composé de la manière suivante : On prend un crapaud et une vipère, on les enferme dans un vase jusqu'à ce qu'ils tombent en pourriture et on pile le résidu. Je ne sais s'il y avait d'autres recettes; mais je suis tenté de croire qu'elles étaient toutes de la même force, à en juger par celle que Diopore DE Scie nous a laissée pour le philtre donné par Nessus à Déjanire, philtre qui se composait d'huile mélangée avec le sperme et le sang du centaure (1v, 36). — Cependant les anciens regardaient ces prescriptions comme très sérieuses. « Vous aurez grand soin, dit l'empereur LÉON (Inst., xvnr), que les soldats ne touchent point au pain et au vin qu'ils trouveront avant qu'on en ait fait l'essai au moyen de captifs à qui on les donnera. Vous agirez de même à l'égard des eaux de puits et de citerne qui souvent sont empoisonnées. Cela peut encore arriver pour les grains, ce qui fait périr beaucoup de chevaux quand on n'y prend pas garde. » 17 958 PHILON. 34. — On doit avoir des vases à orifices, soit en airain, soit en terre, de la contenance d'au moins quatre métrètes (150 lit.) ; on inscrira sur ces vases et en certaines parties les mots : froment nouveau, bois, armes, soldats, enfin tout ce dont on peut avoir besoin, soit qu'on ait négligé de le préparer avant le siége (1), soit qu'on n'en ait déjà plus. Ces choses étant écrites, on remplira le vase d'eau; puis, la nuit étant arrivée, on fera, à l’aide de torches enflammées, les signaux conve- nables à l'armée, à La ville, ou au poste avec lequel on veut communiquer. Il faut en outre que, dans les lieux susdits, il y ait des vases égaux à ceux dont vous vous servez, avec des ouvertures égales et ayant les mêmes inscriptions dans les mêmes parties, afin que l’on puisse reconnaître ce dont les assiégés ont besoin, grâce aux signes dont on est convenu (?). — . (1) Lisez à, au lieu de xarà, avant tapacxevatopévev. (2) Cette description est trop écourtée pour être intelligible; mais Pozyse a reproduit, dans son livre X, une explication beaucoup plus claire de ce procédé, empruntée à un ouvrage aujourd'hui perdu d'Æ- NÉAS. « Ceux, dit-il, qui veulent s'informer mutuellement par des fanaux de ce qui se passe, n'ont qu'à prendre des vases de terre, également » larges et profonds, et munis d'un orifice; il suffit qu'ils aient trois cou- » dées (1"50) de hauteur et une (0"50) de largeur. Qu'ils prennent ensuite » des morceaux de liége un peu plus petits que la section intérieure des » vases, et qu'ils fichent au milieu de ce liége une tige sur laquelle, de » trois doigts (0"06) en trois doigts, ils fixeront une enveloppe bien » apparente, et qu'ils écrivent sur chacune de ces enveloppes les choses » qui arrivent le plus ordinairement pendant une guerre. Sur l'une, par » exemple, il est arrivé de la cavalerie; sur l’autre, il est arrivé des » hoplites; sur une troisième, des psiles; sur la suivante, de l'infanterie » et de la cavalerie; sur une autre encore, des vaisseaux; ensuite des » vivres; et, de même, sur toutes les autres enveloppes, tous les autres » événements qu'ils pourront prévoir à juste titre devoir arriver, eu égard » à la guerre qu'on aura à soutenir. Que, de part et d'autre, on adapte » à ces vases des tuyaux exactement pareils, en sorte qu'il ne puisse » s'écouler ni plus ni moins d'eau par les uns que par les autres; qu'on » remplisse les vases d'eau, qu'on pose dessus les morceaux de liége avec » leurs bâtons et qu'ensuite on ouvre les tuyaux. Il est clair que les » vases étant égaux, le liége descendra et les tiges s'enfonceront dans » les vases à mesure que ceux-ci se videront. Quand on aura vérifié ce = 2 LES APPROVISIONNEMENTS. 259 fait de concert, on portera les vases aux endroits où l'on doit donner et observer les signaux et on y mettra le liége. Quand il arrivera quel- qu'une des choses qui ont été écrites sur les bâtons, on lèvera un fanal et on le tiendra élevé jusqu'à ce que, de l'autre côté, on en lève un autre; on baissera alors le fanal et on ouvrira les tuy aux ; quand l'en- veloppe, où la chose dont on veut avertir est écrite, sera descendue au niveau du bord des vases, on lèvera le flambeau, et, de l'autre côté sur. » le-champ, on bouchera le tuyau et on regardera ce qui est écrit sur la partie de la tige qui est à la hauteur du bord du vase; alors, si tout a été exécuté de part et d'autre avec la même promptitude, de partet d'autre on lira la même chose. » On remarquera que PuaiLox ne fait pas mention de la tige fixée verti- calement sur le liége et qui porte les inscriptions; mais il dit que ces inscriptions doivent être faites sur le vase. Il est probable que le liége portait alors une petite lampe qui permettait de voir exactement l'instant où le niveau de l'eau venait affleurer, par exemple, le bas des lettres tracées sur la paroi intérieure, et c'est alors qu'on donnait le signal. On peut consulter, au sujet des signaux par le feu, le chap. vin de l'ANONYME DE BYzANcCE et le chap. Lxxvi des Cesles. V. A1. p. 90 V.L., p. 91. 260 PHILON. CHAPITRE II LA DÉFENSE DES PLACES 1, — Ces préparatifs étant faits, on rassemblera avant le siége les projectiles de toute nature, en ayant soin de les répartir dans les lieux où chacun doit trouver son emploi (1). 2. — Il faudra, dans les combats qui pourront avoir lieu, ménager autant que possible la vie des soldats et des citoyens, et ne pas leur permettre de s'exposer témérairement à être blessés, afin que, à l’occasion, on ne manque pas d'hommes prêts à affronter les dangers (?). 3. — De plus, contre les traits incendiaires (robe rupo66ouc) (3), il sera bon d’avoir des rondins de palmiers (èx r&v porvixwv cuvios) que l’on suspendra jointivement en avant des remparts (4); (1) « Ici on s'occupait de réparer les murailles, là on entassait des pierres. » (Drop. DE Sic., XX, Lxxx1v : Préparatifs de déf. des Rhodiens.) (2) Ce paragraphe paraît interpolé. (3) Suppléez pô avant vtobç nupo66douc. Cette partie du texte a été altérée ; l'interpolation du paragraphe précédent en est une preuve. — Cf. PurLon, 1v, 40. , (4) Ces bois ne sont point placés au devant du mur pour protéger la ma- connerie de l'escarpe, comme on pourrait le croire d'après la description que j'ai traduite à peu près littéralement, mais au-dessus des créneaux; ils sont destinés à empêcher les traits incendiaires de passer par-dessus le rempart pour aller mettre le feu à la ville. On lit dans l'institution xv de l'empereur Léon, ? 10 : «Si les maisons de la ville sont de nature à prendre feu aisément, vous y jetterez beaucoup de dards enflammés, surtout par un grand vent. Vous ferez jeter aussi par des mangonneaux, dits alakatia, des paquets de goudron liés à une flèche, ou bien des pierres pleines d'une matière brûlante. Pendant que les assiégés s'occu- peront à éteindre le feu, vous approcherez des échelles pour ESCATR QE les remparts. » — Cf. ÆNÉAS, xxxII, #; XXXIII, 3. LA DÉFENSE DES PLACES. 261 ces rondins sont solides et brûülent difficilement. Puis, devant ces bois et afin de préserver leurs lignes de contact du choc des projectiles, on placera des corps mous (paréyuarz) (1) retenus : -dans des filets de corde ou contenus dans des sacs. Ces rondins et ces corps mous sont suspendus à des poutres qui font saillie au haut du mur; il faut couvrir tous ces objets avec des peaux pour les empêcher d’être brisés par les projectiles des machines ennemies. 4. — Il sera utile de contrebattre chacune de celles-ci par deux lithoboles de dix mines (4363); et l'on mouvra ces machines de facon à pouvoir toujours les faire agir [simulta- nément] sur Chacun des engins de l'attaque (?. Di Pour s ‘opposer aux travaux de mines (mpùç tès peraleb. seu), il faut creuser, entre le mur et l'avant-mur, un fossé qui aille jusqu'au nivèau des fondements de ce dernier, afin de surprendre les mineurs (ot üropérrorss) à découvert, de les tuer facilement et d'empêcher qu'on n'approche du mur 6). 6, — Pour combattre les portiques et les tours de charpente, il faudra, au moyen de tubes (cwñva) faisant saillie de l’une des tours, soit de charpente, soit de maçonnerie, servant à la défense, projeter sur eux des pierres de trois talents (78 kilos). L'extrémité de chacun de ces.tubes est munie de deux portes mobiles sur des gonds et retenues par des cordes; quand on lâche les cordes, les portes s'ouvrent sous la pression et la pierre tombe sur les portiques; puis, refermant les portes au moyen des câbles, on agit de même avec une autre pierre (4). (1) L'empereur LÉéox dit (/nst. xv, 4 33) : «On préparera les machines » et aussi tout ce qu'il faut pour se garantir des pierres que les assié- » geants lancent avec leurs mangonneaux. On se sert à cet effet de cilices » ou toiles de crin qu'on suspend au-dessus des créneaux et qui pendent » en dehors du mur; de grosses voiles, ou de tissus de cordes de jonc » (rien ne résistant mieux aux traits et aux pierres), de claies ou autres » mahtelets de bois. » — Cf. Æx£as, xxx11, 3; STRAT. AN., x1nt, 18, 19, 26. (2) CF. PurLon, 1, 24, note; 1v, 13. — On remarquera que Philon admet la supériorité en artillerie de la défense sur l'attaque. (3) CF. ParLow, 1V, 25; ÆNÉAS, xxxXVII; STRAT. AN., xi1, 6; XII, 8, 12, (4) Lisez &\oç pour 606. 262 PHILON. 7. — On fera tomber également de très grosses pierres à l’aidé des tours de charpente et des antennes (ärè r&v unyavnuéæruv ra &mè r@v xspaGv) 1); on en lancera d’autres avec des pétroboles palintones et monancones (rots merpoB6hotg troie nœlvroviots ka Toïc uovæyxst) (2); on jettera aussi par les embrasures plongeantes (à roy xaratñpwv Oupédwv) des pierres d’un talent (26 kilos). On s'efforcera de cette manière soit de briser les couvertures des machines de l'attaque avec les pierres qui les atteindront par dessus ou par devant, soit de renverser ces machines ellés- mêmes par des coups latéraux (3). 8: — Si les portiques sont construits en bois, on jettera aussi contre eux des matières incendiaireés (mupoyépous), et, saisissant le moment favorable, on fera des sorties pour y mettre le feu (4). 9. — S'ils sont creusés dans le sol (èàv ôt oi opuatat), On lès inondera en y versant l’eau de la mer, à l’aide de roues éléva- toires, à défaut d'autres moyens (5), et on s'efforcera de brisér leurs couvertures en les frappant d'en haut avec le lanceur (r® éverñps) (6) et avec les pétroboles. 10. — Pour résister aux tours d'attaque de l'ennemi quand elles auront joint le mur, ou aux béliers et aux ponts (rpùc ôè rà pnyavhuara drav yyds % nai vobs probe ua ras émBGñpas), il faudra, (1) « On se sert encore de grosses pierres taillées en pointe qu'on laisse » tomber sûr la tortue pour l'écraser et l'ouvrir. Comme elles sont atta- » chées à des cordes ou à des chaines qui tiennent à une grue, on les » relève au moyen de contre-poids ou d'un tour. » (L'empereur Léow Inst. xv. 34). — Cf. STRAT. ANON., xurr, 27, 28 ; Puizon, 1v, 39. (2) C’est la seule fois que l’on trouve mention des pétroboles monan- cônes, soit dans les deux traités de Philon, soit dans les ouvrages à peu près contemporains. (3) CF. PHiLon, 1v, 42. (4) CF. Puizon, 1v, 26. (5) Déplacer le point dans le texte. On remarquera cetle mention très explicite des tranchées. — Cf. Pico, 1v, 43; HÉRON, 1, 4. (6) Je n'ai trouvé nulle part la description de cette machine. — Cf. PuiLow, 1v, 39. LA DÉFENSE DES PLACES. 263 au point attaqué (1), élever le rempart, non pas (?) en détrui- sant l’ancien parapet (rodç mpouay&vas), mais en édifiant au- dessus une autre construction, qu'on couronnera par un nou- veau parapet de façon à en avoir deux au moment du besoin (3). Si l'ennemi jette un pont, nous pourrons facilement l'incendier de l'étage inférieur; s’il cherche à détruire notre parapet supé- rieur en amenant des béliers et des lacets (Bpoyous) devant l'es- pace qui se trouve entre les deux parapets, nous organiserons facilement cette partie pour la défense en perçant soit le parapet, soit le rempart aux endroits convenables, et en éta- blissant des rouleaux mobiles dans les embrasures ainsi cons- truites; nous pourrons alors, en nous servant d'un contre- bélier, frapper, au-dessus du cadre en charpente qui forme leur base, la tour d'attaque, le bélier, le trépan (rè re6ravoy) (4), (1) Lisez témov pour Tpémov. (2) Suppléez à : le sens et la conjonction &\Aà en tête du membre de phrase suivant autorisent cette restitution. (3) Lisez qneo pour ônep (EGGER). (4) Le trépan était une espèce de bélier que VivRuvE (liv. X) décrit ainsi d'après ATHÉNÉE : « Cette machine {{erebra) consiste en un canal » supporté par des pieds comme dans les catapultes ou les balistes ; sa » longueur est de cinquante coudées et sa largeur d’une seule. Un treuil » se place en travers; en avant, à droite et à gauche, on attache deux Trépan, fig. ext. d'ATUÉNÉE. ER? ES Em En TT, RÉ ES = TT Ra PASEN Irrese® » poulies par le moyen desquelles on met en mouvement dans ledit » canal une pièce de bois munie d'une tête de fer. Sous cette poutre et » dans le canal même, on enferme des rouleaux qui servent à Jui impri- » mer une impulsion plus rapide et plus violente. Au-dessus de la poutre » ainsi placée, on organisera, le long du canal, de nombreux demi-cerceaux » pour soutenir les cuirs frais qui couvrent la machine, » V. M., p. 92. 264 * PHILON. ainsi que les corbeaux (rà xépaxa) (1), et les détruire facilement si l'ennemi les approche. Des poutres cylindriques seront placées transversalement dans les embrasures, pour que le bélier puisse être facilement poussé en avant et retiré en arrière (2), les rouleaux accompagnant le mouvement. Il faut disposer avec beaucoup de soin cette batterie de béliers (xpt6c- ras), pDOUT que ceux qui manœuvrent la machine puissent, étant commodément établis, produire tous les résultats dont ils sont capables (3). * 11, — On doit également élever en arrière de cette partie (1) C£. Puarzon 1v, 39. (2) « Lisez Éfwey te a mdliv Écwbey, au lieu de éÉwbévres a nœtv Egwbev. » (EGGEr. ) (3) Æxéas décrit le contre-bélier (x, 10); mais je n'ai retrouvé cet engin de défense indiqué dans aucun autre ouvrage didactique, pas plus que dans aucun récit de siége. L'exhaussement des murs était, au con- traire, fréquent. Vécèce dit (liv. IV, chap. xix) : « Si l'assiégé menace » quelque partie du mur, élevez au-dessus un autre mur de briques, de » torchis, de charpente même si vous n'avez point d'autres matières... » L'empereur Léon ne parle que de tours élevées au moment du besoin : « Vous ferez lancer contre les tours de l'attaque du feu et des pierres » par les machines; si cela ne suflit pas, les assiégés élèveront de leur » côté d'autres tours, soit de charpente, soit de maçonnerie. » {xv, 35.) Æxéas s'exprime à peu près de mème dans le 3 ? du chapitre xxx1r. ARRIEN dit qu'au siége de Tyr, Memnon le Rhodien avait fait élever, sur la partie du rempart qu'il défendail, une tour de bois en face d’une des tours de l'attaque. Quinte-Curce rapporte que, au fur et à mesure que les travaux d'Alexandre le Grand s'élevaient devant les murs de Gaza, les assiégés élevaient leurs remparts. César cite le même trait à propos du siége de Bourges. Joskpue fit exhausser le mur de Jotapata de dix coudées, et on verra, par le récit des siéges que nous donnons dans le deuxième volume, comment cette opération pouvait se faire sans trop de danger. AMMIEN MaRcCELLIN raconte qu'au siége d'Amide, l’un de ces échafaudages élevés par les assiégés, ébranlé depuis long- temps par les coups de l'attaque, finit par s'effondrer, les débris tom- bèrent dans le fossé et formèrent un pont par lequel les Perses péné- trérent dans la ville, (x1x, 8,) On remarquera que PxiLon recommande (1, 52) d'avoir des tours de bois mobiles sur des roues qu'on pourra porter rapidement aux points menacés, el qui produiront un résultat analogue aux constructions qu'il décrit dans le présent alinéa, — Cf. Parcon, 1v, 39. LA DÉFENSE DES PLACES. 265 de l'enceinte un mur triangulaire, c’est-à-dire en forme de coin (1), dont les côtés latéraux seront percés de nombreuses poternes, afin que, si la courtine venait à être endommagée (?), les assaillants fussent, à leur entrée dans la place, accablés de tous côtés par les traits de la défense, ainsi que par les sorties de la garnison et même des citoyens (3). 42. — Il faut aussi lancer du haut des guérites de cuir (x r@v xap6arusvwy) (4) des pierres aussi grosses que possible sur ceux qui s’approcheront du mur. (1) Tpéywvoy teïyos Tù Eu6odov Éynv, dit PriLox. Il y a là une altération évidente du texte. Je suppose qu'il faut lire toéywvoy teïyos (Tù oyñua Eu6odov éyov), la partie entre parenthèses n'étant qu'une explication du mot tptywvoy ajoutée par quelque copiste. — Cf. Srrar. AN., XI, 13, 14.) (2) Lisez rovñ pour rec. (3) Les retranchements intérieurs ont été de tout temps un des élé- ments essentiels d'une bonne défense. La loi prescrit encore aujourd'hui aux commandants de place d'en élever en arrière des bastions attaqués. Ces retranchements servent non-seulement à prolonger la défense, mais encore à obtenir une capitulation honorable. Dans l'antiquité, les villes assiégées n'étaient reçues qu'à merci quand elles attendaient pour se rendre que le bélier eût entamé la brèche (si aries muruim letigisset), à moins qu'elles n'eussent un retranchement intérieur. Les assiégés en élevaient souvent plusieurs les uns derrière les autres : au siége d'Ostende (de 1601 à 1603), il y en eut ainsi sept ou huit. De nos jours, ces travaux Se font généralement bastionnés; autrefois, ils étaient soit en forme de triangle, comme l'indique Purcow, soit en forme de croissant. Les principaux siéges où l'on en fit usage sont ceux de Tyr et d'Halicarnasse par Alexandre le Grand; celui de Sagonte, en Espagne, par Annibal fils d'Amilcar; celui de Rhodes, par Démétrius Poliorcète: celui de Massada, par Sylva, et d'Ambracie, par Fulvius Nobilior. — Cf. ÆNÉAS, xxxI7, 5. (4) Je suppose qu'il s'agit ici de guérites en charpente recouvertes de peaux placées en encorbellement sur les murs et analogues aux échau- guettes du moyen âge. On voit dans les planches du grand ouvrage sur l'Egypte (Ant., t. IT), la représentation d’un combat naval, et, au sommet de l'un des mâts, on remarque un hunier à peu près de la forme d'un v grec, dans lequel est placée une vigie. Dans le même ouvrage /Ant., t. I, pl. 31), au sommet de la plus haute tour d'une forteresse, on aperçoit un hunier semblable. On trouvera dans PuaiLon (1v, 54) la preuve que ces postes élevés s'employaient aussi dans l'attaque des places. Au moyen âge, on appelait bertesche (bertesca) un panier qu'on élevait à l'aide d'une . 266 PHILON. 143. — Si l'ennemi venait à s'emparer d'une partie du rem- part ou des tours, on devrait immédiatement détruire les plates-formes qui se présentent d'abord à lui et se servir des décombres pour barricader celles qui se trouvent à droite et à gauche des tours. Il faut toutefois laisser subsister celles qui sont à la gorge des tours et conserver ainsi à la défense les moyens de faire des retours offensifs dans ces tours et de faire périr ceux qui s’y seraient introduits; Car, si nous pouvons effectuer ces retours, l'ennemi, qui est arrivé par escalade sur une tour ou sur une courtine, se trouve dans l'impossibilité d'avancer, il ne peut guère reculer et reste complètement exposé à nos coups (1). 14. — On munira de parapets (rpouay&vas) les maisons qui bordent la rue du rempart (2); on établira des portes (3) à droite corde et d’une poulie le long d'un arbre ou d'un mât; dans ce panier se trouvait un guetteur qui, par ce moyen, cherchait à reconnaître la place (Carlo Promis, Mein. stor., II, xr). — Voir la planche 379 du tome IV des. Monuments de l'Egypte et de la Nubie, par CHAMPOLLION. (1) Ce paragraphe n'est pas très compréhensible, sans doute parce que nous n'avons pas une idée bien précise de la disposition des tours dont parle Puizox. Je suppose que ces tours avaient leur escalier à la gorge, dans une cage qui formait une sorte de retranchemerit intérieur comme à Pompéi. Voici, du reste, le texte : ’E&v Ôé r toù teiyouc À Tov mÜpywv dicuntat, &moomastéoy TÉ ÉOTL TAV TaiotTnv Tac TpWTAc ÔpOpXc, Hoi Tac xwÜatpéets &varperéov, érowmodophouvtra, Tac ÉLATÉPHÔEY OÜGAÇ TOY nÜpywv * Tac ÔÈ mpès Ta Écwev conbpyta brapyobücas xaradermtéov, va Éxupey trois nÜpyous Taûtn Bonbodvrec uretveuv Tobc fBratopévous adroüc. (2) Taïc xafnxoüaars mpdc To reïyos oixelas npouay@vas. Je suppose qu'il faut lire oëxtaic. Peut-être faut-il traduire : Les maisons adossées au rem- part. PaiLon recommande bien (r, 8) de conserver une rue du rempart ; mais cette prescription n'était sans doute pas plus observée de son temps qu'au moyen âge; du reste, nous avons à Lépréon un exemple de mai- sons accolées au mur de la ville. (£æp. scient. de Morée.) — Cf. Tarnex- DIDE, IV, 69. (3) On sait que rien n'était plus commun dans l'antiquité que de voir des villes divisées en plusieurs quartiers munis chacun d'une enceinte fortifiée. Antioche en avait quatre (SrraBon, X VI, 11, 638); Syracuse cinq, connus sous les noms d'Æpipole, Néapole, Ostygia, Achradine et Tigue. Il est facile de se rendre compte de cette particularité par ce qui se passe encore sous nos yeux, Tout le monde peut voir comment, au bout LA DÉFENSE DES PLACES. 267 ét à gauche dans les différents quartiers, et l'on percera des meurtrières (ox&) dans les murs transversaux qui les séparent, afin que, si l'ennemi venait à envahir le quartier, an püt le frapper de flanc avec des javelots (&uovriou), des épieux (£n8ñvous) et des broches à bœuf (fourépou 66eMoxow). On fortifiera de mêmé les maisons qui bordent les places et qui forment la céinture des différents quartiers. 15. — On doit désigner maison par maison ce dont chacune d'elles doit être munie en fait de lances (éyyas), d'arés (roëeopara), de pierrés soit de grandes dimensions, soit propres à être lancées à la main. On donnera à chaque quartier, aux frais de la ville, une lithobole de dix miñes (4K363) et deux cata- pultes de trois palmes (0"22); on distribuera des armes à ceux qui n'en ont point et qui ne peuvent s’en procurer. 16. — On établira des postes pour la nuit (ëxxoias) et des rondes {époôtas) pour surveiller ces postes ; dans les rondes, on se sérvira de lanternes de bois, afin d'éclairer seulement les pieds des soldats et ne point donner l'éveil à l'ennemi (1). V.M. p.93. 47. — Il faut que les stratéges donnent à ceux qui font les rondes, ainsi qu'aux chefs de quartiers (roïs äusodpyus), des signes de reconnaissance (ouvhiuara) et des contre - signes (ürocuviiuara) : les uns seront muets, les autres se feront avec de quelques années, la population de nos places fortes, trop à l'étroit dans sa ceinture de pierres, déborde le rempart, s'établit le long d'une route et finit par former un faubourg (&uyoëov). Autrefois, au moindre bruit de guerre, les faubourgs se protégeaient par un rempart qui venait se souder en deux points différents à l'enceinte primitive ; et quand plusieurs annexes s'étaient ainsi accolées à la cité, on finissait par les englober dans une nouvelle enceinte concentrique à la première, mais généralement plus forte, parce que la ville était devenue plus importante, Les portes dont parle Paicox étaient destinées à assurer la communi- cation entre les divers quartiers placés, comme on le verra plus bas, sous les ordres de chefs différents nommés äupoôdpya. Quant aux para- pets, ils devaient couronner les façades des maisons voisines du rempart, ainsi que l'indique la fin du 2 17, et former ainsi un retranchement inté- rieur dominant les brèches. (1) CF, ÆxËas, ch. xxvr, 3, 268 PHILON. la voix (1. Enfin, les portes des différents quartiers seront fermées aussi bien que celles de la ville elle-même. Grâce à ces dispositions, si un parti ennemi faisait irruption dans la ville, soit de jour, soit de nuit, et s'établissait en quelque point, il serait accablé de toutes parts d'abord par les catapultes, puis par les traits et les pierres : les citoyens et les soldats, soit des postes, soit des autres quartiers, arriveraient ensuite en bon ordre et sous la conduite de leurs chefs au secours du quartier en danger et attaqueraient l'ennemi quand ils jugeraient le . moment opportun; s’il leur arrivait malheur, ils sauraient où se réfugier, puisque chaque quartier a ses portes; enfin les enfants, les servantes, les femmes et les jeunes filles pour- raient concourir elles-mêmes à la défense de la ville en frappant les assaillants du haut des toits de leurs maisons (2). 148. — Il sera bon également de creuser en certains endroits, à l'intérieur, des fossés (évôoBev &vrirappederv) que l’on dissimu- lera, afin que, si une brèche permettait aux ennemis de se répandre dans la place, ceux-ci trouvassent en partie la mort dans ces embüûches dont ils ignoreraient l'emplacement (3). (1) Cf. Æxéas, ch. xxrv et xxv. — Voir le développement de ces pres- criptions plus bas, 2? 21 et 22. F (2) Cf. Dropore DE Sicice, x (Siége de Sélinonte). ‘ (3) Ce système d'embüches, assez singulier, est déjà indiqué par ÆxÉAs (ch. xxxrx, 2 2). L'auteur des Cestes le recommande dans son chapitre Lvr. Les Chinois emploient un procédé de même famille : ils placent, au seuil des portes ou dans les couloirs, des madriers horizontaux qui se confon- dent avec le reste du sol, mais qui, munis d'un axe horizontal et d'un contrepoids, basculent sous le pied du passant et se referment après l'avoir lancé dans un cul de basse fosse. M. ne ViLLENoIsy a vu à Luxem- bourg, dans les fortifications élevées par les Prussiens, des escaliers de pierre dans lesquels les marches étaient coupées par moitié sur une certaine partie de la voie; le passage «e trouvait ainsi seulement rétréci à droite, par exemple, mais était subitement interrompu à gauche, de sorte que si l'on descendait rapidement de ce côté-là, on trouvait le vide et on tombait sur la volée inférieure. On lit dans les Commentaires, que Pompée, résolu d'abandonner Brindusium à César qui l'assiége, et craignant que l'ennemi ne force la ville au moment de son départ, «en » fait boucher les portes, barricade finædifical) les places et les avenues LA DÉFENSE DES PLACES. 269 49, — Quand le rempart a souffert en quelque point, il faut, aussitôt que possible, renforcer la partie faible (rporetxtoue xaracxevésai), en plantant des palissades ou en remplissant des corbeilles (gouos) (1) avec de la terre. 20. — Qu'il s'agisse de citoyens ou de soldats, il sera bon de changer [parfois] leur tour de garde de nuit comme de jour (ès Emxourlag aod rèç puhaxç) ; il ne faut pas non plus leur indiquer en quels points du rempart ils doivent être de garde, afin qu'ils ne puissent livrer la ville aux ennemis (?). 24. — Il faudra aussi, de temps en temps, changer les mots d'ordre (rà ouvbiuara), afin que, s'ils venaient à être livrés par quelques traîtres de la ville à des ennemis qui seraient par- venus à s'approcher la nuit du rempart, ils ne leur fussent d'aucune utilité (3). 22. — Si l'ennemi surprenait le mot après ce changement (4), ceux qui escaladeraient le mur n'en seraient pas moins recon- nus, grâce aux contre-signes. Ces contre-signes (5) se feront de la manière suivante : celui qui demande le mot doit ôter son chapeau, son bonnet ou son casque s’il l’a sur la tête, ou bien saisir le manche de son poignard ou toucher sa chlamyde; ]celui qui est interrogé donnera le mot et fera l’un de ces gestes convenus à l'avance (6). Du reste, on doit donner des signes (ouvbfuara) nouveaux et doubles pour que l'ennemi puisse moins facilement les découvrir. » creuse des fossés au travers des rues et y fait enfoncer des pieux et des » bâtons pointus, les couvre de claies légères et fait jeter de la terre » par-dessus. » (De bell. civ. 1, 27.) (1) Le mot mpoteixtoua me fait supposer qu'il s'agit peut-être ici, non pas d'un retranchement intérieur, mais d'une sorte d'ouvrage avancé construit au pied de l'ouvrage qui a souffert, pour en interdire l’accès.— C£. PurLow, 1v, 38, (2) Cf. ÆNÉAS, xxIv. (3) Cf. ÆNÉAS, XXV. (4) Il y a dans le texte une transposition. (5) Lisez ürocuvbuara pour cuvhiuare. (6) I y a ici une lacune évidente dans le texte, lacune que nous avons comblée en ajoutant avec ÆxÉas, chez lequel PuiLon a puisé ce qui V. M. p. 94. 270 PHILON. 23, — Si l'on entendait quelque bruit au pied du rempart, on renverserait sans peine le masque des mineurs, ainsi que les échelles, en les frappant de côté avec les lithoboles, ou bien on les écraserait du haut du rempart, ou bien encore on les incendierait avec du naphte, si l'on en avait, ainsi qu'avec des torches. On devra également embraser les tortues et les tours de charpente de l'attaque, quand elles seront arrivées au pied du mur; on jettera sur elles des matières incendiaires (nupopé- pou) en quantité aussi grande que possible, et des chausse- trapes (rp66dou) garnies d'étoupes enflammées (1). 24, — ...(?) pour des embüches répétées et pour des attaques, soit de jour, soit de nuit, toutes les fois que cela te paraîtra opportun; tu finiras ainsi par faire lever le siége. 25. — Pendant l'incendie des tours de charpente et des tortues, [et] pendant les attaques qui pourraient avoir lieu, il faut que tous les hoplites et tous les psiles qui ne sont point nécessaires à la défense des remparts soient répartis derrière l’avant-mur (+r$ rporeyiouau), de facon à pouvoir obéir rapide- ment et avec précision aux ordres du stratège. 26. — Quand des étrangers sont blessés, il faut en prendre grand soin et leur fournir tout ce qui peut leur être utile. S'ils n'ont personne pour les soigner, il faut les recueillir dans les maisons des citoyens; s'ils se sont comportés brave- précède : Tv d épwrwpevov, To OÈ oûvOnua dmoxpivdodar nai ToUTwY TE mposuyxeluevoy roñoas. Voici comment, deyx mille ans plus tard, s'expri- mait sur le même sujet l'Ordonnance sur le service des armées en cam- pagne (art. 88) : « Il est souvent utile, pour éviter que les sentinelles » soient surprises, que des signaux remplacent ou précèdent le mot de » ralliement ; les sentinelles de pose, les sentinelles volantes, les pa- » trouilles, les rondes, doivent alors frapper dans la main, ou sur une » autre partie de l'armement, ou exécuter tout autre signal convenu... » — « Lorsqu'on veut dérober à l'ennemi la connaissance de l'emplacement » des sentinelles, des signaux peuvent remplacer les qui vive? Dans ce » cas, les sentinelles font les premières un signal; il leur est répondu » par le signal convenu. » (1) Cf. Purzow, 1x, 30; 1v, 26, 38, 79 ; — ÆNÉAS, XXXIII, À ; — STRAT. AN., XIII, 25. - (2 I ya ici une lacune. LA DÉFENSE DES PLACES. 271 ment, on leur accordera des terres, des récompenses et des couronnes (1); si quelques-uns viennent à succomber à leurs blessures, on les ensevelira aux frais du trésor avec la plus grande pompe; s'ils laissent des enfants ou des femmes, on assurera largement leur sort (2). Les étrangers s’attacheront ainsi à leurs chefs, ainsi qu'aux citoyens, et combattront bravement. 27. — Si le terrain sur lequel s’avance l'ennemi va en montant vers la ville, on fera rouler sur la pente des roues garnies de faux et de grosses pierres; de cette façon on arrive, en peu de temps, à causer beaucoup de mal aux assiégeants (3). 28. — Si l'approche (4 xposaywyt) se fait par mer, on placera dans les endroits où l'ennemi doit débarquer des portes garnies de clous et dissimulées à la vue (#. On sèmera des chausse- (1) Ces sortes de récompenses étaient en usage chez les Athéniens : sur la proposition d'Alcibiade, Lysimaque, fils d'Aristide, obtint, en mémoire de son père, 100 mines d'argent, 200 plèthres de terrain en Eubée et en outre une pension de 4 drachmes par jour. Les couronnes s'accor- daient souvent ; elles étaient tantôt en métal précieux, tantôt en verdure. On couronnait d'or, à la fin de l'année, le Sénat des Cinq-Cents lorsqu'il s'était convenablement acquitté de sa charge; ceux qui, après l'anarchie, ramenèrent le peuple de Phylé à Athènes reçurent des couronnes de verdure. (@) D'après la loi de Pisistrate, ceux qui étaient estropiés dans une guerre devaient être nourris aux frais du trésor public. On décernait de grands honneurs à ceux qui étaient tués par l'ennemi, ainsi qu'à leurs parents et à leurs enfants. On rapportait leur corps à leurs maisons, on ‘les ensevelissait aux frais du trésor public, on leur composait une orai- son funèbre et on fondait, en souvenir d'eux, des jeux et des chapelles: on vengeait leurs parents de toutes les injures qu'ils pouvaient recevoir ; on élevait enfin leurs enfants jusqu'à l'âge de puberté où on les renvoyait dans leurs familles avec don d’une armure complète. Les Rhodiens, assiégés par Démétrius, votèrent des lois analogues. (Drop. Sic., xx, 84.) (3) Cf. HÉRoN, 1, 2; PHILON, 1V, 33. (4) Cf. Pico, 1v, 35; ÆNÉAS, vint, 3; HÉRON, 1, 2. — On remarquera que Héron parle de portes placées sur des fosses de manière à s'enfoncer sous le poids des chevaux et des machines, tandis que Pæicon indique des portes munies de clous analogues à celles dont nous avons fait un si grand usage en Afrique pour la défense des blockhaus contre les Arabes qui marchent pieds nus. M 0p 05: 212 PHILON. trapes (rpt6hovc) soit de fer, soit de bois. On interceptera avec des palissades les passages d'accès facile. 29. — On fermera les entrées des ports avec des clôtures à travers lesquelles on puisse faire circuler même des vaisseaux de transport. Pour cela, il faudra, en certains points, des chaînes de fer ou des grilles (1), et ailleurs on coulera, au fond de l’eau, de très grosses pierres s’entrecroisant autant que possible. Sur ces pierres, on fixera des pieux (oravpoÿs) de fer disposés obli- quement et reliés les uns aux autres en forme de treillis; leur extrémité supérieure ne doit pas arriver au niveau de l’eau, mais s'arrêter à environ une palme (008) au-dessous; on pourra encore placer, vis-à-vis, des navires (hote) armés en guerre, et, si l'on n'en a pas, il faudra mouiller, les uns près des autres, des lembes (éu6ouc) et les autres petites embarcations que vous pourrez vous procurer; on les réunira à l'aide de poutres longues de quatre coudées (1"85) adaptées en avant de la proue et fixées les unes aux autres de facon à ne former qu'un tout; leurs pointes devront être munies d'éperons (?). (1) Le texte est ici corrompu : Tà Ôë otopata Tüv MpÉVOY ppATTEu A toïs xAetôpors, Év ofs Eloi mepirpétouor ua otpoyyÜAat, ctÔnpodc dÈ xOATOUS Exoboas À 2cydpus ëml roù tomou Tribecbai. — J'ai donné dans ma traduction seulement le sens que je crois probable. Il est clair que les clôtures des ports ne devaient pas être partout infranchissables, et qu'en certains points on devait pouvoir entrer et sortir même avec les gros vaissaux de transport qu'on appelait vaisseaux ronds (orpoyyla), par opposition aux navires de guerre auxquels leur forme allongée faisait donner le nom de vaisseaux longs (uaxpà); c'était près de ces ouvertures (feüyuata) que les assiégés accumulaient tous les moyens de défense énumérés dans le paragraphe suivant. — Cf. Pmicon, 1v, 19: Æxéas, vur, 4. Voir, dans Dropores DE SrciLe (xu11, 78-79), le récit des préparatifs de défense faits au port de Mytilène par Conon, général des Athéniens, et, dans ThucypIpE "(liv. VID), le récit du siége de Syracuse.— Le port de Thasos est un curieux exemple de port antique fortifié. (Archives des missions scientifiq. et litt., 2SÉrIe, LL, pp. 76 et 77) (2) Si j'ai bien compris ce passage qui est assez obscur, il faut lire dox@y rAzuwy tecoépuwv, des poutres longues de quatre coudées, au lieu de doxdv nayéwv teccdpwv, de quatre poutres épaisses. Ces poutres étaient fixées en avant des embarcations comme un éperon, et leur extrémité était garnie d'une pointe de fer; de plus, elles étaient réunies les unes LA DÉFENSE DES PLACES. 273 30. — Auprès de ces fermetures (xeï6pa) et de ces passes (teéyuara), 1l faut arrêter les barques dites acalias (mhoïta &uéria), pleines de poix, de soufre et de chausse - trappes garnies d’étoupes. On préparera de même des olcas (élmédes) (1). 34. — On établira enfin, pour chacune des entrées (otôu) et de chaque côté de l'entrée, des pétroboles de vingt mines (8726). ss 32. — De cette manière, si quelques-uns des navires de guerre (?) de l'ennemi venaient à forcer l'entrée des ports, ils seraient ou incendiés, ou percés par les éperons, ou submergés par les amphores de plomb (uoX6oi; &upopeëa) et par les projec- tiles des pétroboles. 33. — S'il y a un grand intervalle [à l'entrée du port], on construira, au milieu, une tour dans laquelle on placera une pétrobole de quarante mines (17500). 34. — Contre les tours de charpente que l’on amènera (3) et contre les navires qui s’avanceront, il faut se servir surtout de pétroboles, de machines incendiaires (rvpovépous) et de dory- boles (4). aux autres au moyen de cordages et de moises, ainsi que semblent l'in- diquer les deux mots auyxoghery xal ouvôebévrwv. On lit dans ARRIEN (iv. ID) : « Alexandre n'essaya point de forcer l'entrée du port qui regarde Sidon, trop étroite et défendue d'ailleurs par des trirèmes dont la proue menaçait. » — Cf. Comp. sur la déf. des places, 20 ; Gæsar, De bell. civ.1,?5. (1) Je suppose qu'il y a ici une lacune dans le texte. En effet, le 3 3 cite comme défenses de l'entrée du port, outre les éperons dont nous venons de parler et les pétroboles dont parle le ? 31, les amphor'es de plomb dont le texte actuel ne fait aucune mention. Ces amphores étaient des machines analogues à celles que Taueyorne décrit ainsi (livre. VII, chap. xzx) : « Les Athéniens mis en fuite se réfugiaient dans leur station en passant entre les bâtiments de charge. Les Syracusains ne les pour- suivaient pas jusqu'à ces bâtiments : les antennes suspendues au-dessus des espaces intermédiaires par lesquels on pouvait entrer et qui portaient des dauphins de plomb les en empêchaient. » — Cf. PiLon, m1, 23 ; 1v, 40 ; — ARRIEN, Siége de Tyr. (2) Lisez uéxpwy pour uixpwv, Voir la note (1) page précédente. (3) Suppléez unyavuate. ? (4) CF. PiLon, 1v, 17, 18. 18 eV NS 72 tant +2 à 274 PHILON. 85. — Si les murs sont baignés en quelque endroit par une mer profonde, il faudra protéger le pied de ces murs au moyen d'une jetée (xposxwuar.), pour que l'approche n'ait pas lieu de ce côté-là, et afin que l'ennemi ne puisse détruire les remparts au moyen de l’éperon de ses grands navires, ou s'emparer de quelque tour en y jetant des ponts (D. 36. — Pendant la nuit et quand la mer sera houleuse, il faudra envoyer des plongeurs pour couper les cordages d’ancre des navires qui sont au mouillage et percer leur coque; c'est le meilleur moyen d'empêcher l'ennemi de rester en station devant la ville (?). 37. — On pourra, du reste, très utilement employer contre ces sortes d'attaque tous les procédés qui s'emploient contre les attaques par terre. 38, — Si, à cause de l'éloignement de la ville, il y a quelque partie du rempart qui soit vue à revers (augt86lov), il faudra la couvrir au moyen d'un mur, ou bien à l'aide de peaux, ou de tentures d'étoffes (aïlaius), afin que les défenseurs qui s'y tiendront ne soient pas exposés à être blessés par derrière (3). LORIE Quand l'ennemi aura préparé la route pour l’ap- proche de sa tour de charpente (unxaväuar:), il faudra projeter sur cette route, avec les pétroboles, les pierres les plus grosses que l’on pourra trouver, pas rondes toutefois, afin qu'il ne puisse amener l'hélépole (ràv &éronv) (4). 40. — Il est aussi très utile d’avoir tout prêts de solides (1) Cf. PiLowN, 1V, 24; — STRAT. AN, XI, 3; — Comp. sur la déf. des places, ?0. (2) CF. Pico, 1v, 44. 45; — ARRIEN, Siége de Tyr, iv 1e (3) Quand une fortification présente des saillants prononcés, le rempart peut être vu de la campagne des deux côtés, à moins que les construc- tions de la ville ne viennent masquer ces vues; c'est ce qui arrive souvent aux faces de nos bastions. On a recours alors soit à des traverses comme celles que l’on voit déjà à Pompéi, soit à des parados comme l'indique Parzox. — Cf. PiLon, 1, 56 ; — ÆNÉAS, XXXIT, 4; — STRAT. AN., XI, 18-21. (4) Ce paragraphe ne laisse aucun doute sur l'acception qu'il faut donner au mot unyävnua. — Cf. PuiLow, 1, ?, note; 1v, 19, 26. LA DÉFENSE DES PLACES, 275 NO filets de lin pour s'opposer à l'escalade des remparts à l'aide d'échelles portant des ponts; car on saisit facilement avec ces filets ceux sur qui on les jette, pourvu qu'on ait soin de courir en sens contraire aussitôt qu'on les a jetés (1). 41. — On se servira également avec fruit de piques en forme de hamecon (&yxorpwrà éu6él); car, en les lançant d'en haut avec des cordes, puis en les retirant, on pourra, si l'on parvient à accrocher des corps mous (uaïé&yuara) où des plan- ches, en arracher ainsi une grande quantité. 42. — Mais, avant tout, il faut s'occuper avec le plus grand : soin des lithoboles de trente mines et des hommes qui doivent manœuvrer ces machines, ainsi que de l'établissement, dans les meilleures conditions possibles, de leurs batteries (B:lootä- se). Car, si les lithoboles sont bien construites, si leurs batteries sont faites dans les endroits propices et suivant les règles de l'art, si enfin leurs servants sont des artilleurs habiles, il n'y aura ni tortue d'osier (yeppoxeévn), ni tour de charpente (unxévnux), ni portique (sroé), ni tortue... (2), qui puisse s'avancer sans grandes difficultés; et, les amenât-on jusqu'aux remparts, elles ne pourraient rien faire, battues qu'elles seraient par toutes ces pièces. Les projectiles doivent être parfaitement proportionnés et de matières fort dures, afin de produire des chocs aussi violents que possible. Tout s’exé- cutant ainsi régulièrement, la ville n'aura rien à craindre d'un siéce. 43. — I] faut avoir dans l'intérieur de la place d'excellents médecins, habiles dans l’art de soigner les blessures et d’ex- traire les flèches. Ils devront être munis de tous les remèdes (1) Le mot äuet6Anorpoy désigne un filet semblable à notre épervier.— Cf. PozyEN, 1, 25. — On lit dans DioporE : « D'autres se servaient de » filets de pêcheurs pour envelopper les hommes qui combattaient » sur les ponts volants, et, les privant de l'usage de leurs mains, les » faisaient tomber aux pieds des murs. » (Siége de Tyr, xvin, 43.) (2) Le texte est très corrompu en cetendroit, plusieurs mots sont sautés, il est probable qu'il faut lire : nt tortue de comblement, ni tortue bélière. V. M. p. 96. 276 PHILON. et de tous les instruments nécessaires ; mais la ville leur four- nira le cérat, le miel, les compresses et les emplâtres. Les soldats blessés guériront ainsi rapidément et pourront de nou- veau être utiles dans les combats; ils s'y conduiront du reste d'autant mieux qu'ils sauroht qu'on les soigne et qu'on sub- vient à leurs besoins quand ils sont blessés. Cela suffit souvent à sauver la ville (1). (1) Ce passage est marqué dans le manuscrit du Vatican par un signe qui veut dire wpatoy : excellent. Il est hors de doute que, dès qu'il y eut des armées constituées, ces armées possédèrent, des médecins chargés de soigner les soldats malades ou blessés. On voit dans l'/iade que Machaon et Podalire, fils d'Esculape, accompagnèrent Agamemnon de- vant Troie, et rendirent de si grands services comme chirurgiens, qu'on les combla d'honneurs et qu'on les exempta de tout service militaire. XÉNoPuoN nous apprend ‘que Cyrus prit soin d'attirer à lui, dans la guerre qu'il entreprit contre son frère, les plus habiles médecins que l'on connût alors. Je crois qu'on n'a aucun détail sur leur position et sur leur nombre dans les armées grecques; mais on sait que les diverses républiques de la Grèce en avaient constamment à leur solde (XÉNoPHoN, Méin. Socr., 1V, 2, 5; — PLaTon, Gorgias, % 23, Sur la solde; — STRABON, 1V; — Diopore, x11, 13), et que ces médecins formaient des valets, ordinaire- ment esclaves, pour les remplacer auprès des pauvres (PLAToN, Lois. I] est extrêmement probable que ce sont ces médecins qui, au moment de la guerre, accompagnaient leurs clients habituels devenus soldats. Nous avons plus de détails sur l'organisation médicale des armées romaines ; de nombreuses inscriptions rapportées par GruTEer et Mura- roR1 prouvent que chaque cohorte avait un médecin, et que la légion possédait en outre un médecin principal. L'ATTAQUE DES PLACES. 97? CHAPITRE IV L'ATTAQUE DES PLACES 4. — Voici comment on doit se préparer pour faire un V.M., p 9%. siége. Si l'on veut s'emparer d'une ville, il faut choisir, pour l'at- taquer, l'un des jours où les citoyens ont coutume de célébrer quelque fête en dehors de leurs murs (1), ou bien le temps de la moisson, ou celui de la vendange. Quand tu auras, grâce à ces circonstances, capturé dans la campagne la plus grande partie des habitants, tu te rendras plus aisément maître de la place. Tu pourras encore attendre une nuit d'hiver, ou bien un moment où les ennemis seront pris de vin à la suite de quelque fête publique; alors, ayant des échelles toutes prêtes (2) et t'approchant secrètement du mur, tu t'empareras d’un cer- tain nombre de tours. 2. — Si ces moyens ne réussissent pas et que la ville soit bâtie sur le bord de la mer, il faudra l’entourer complètement du côté de la terre, et, si tu as de grandes chaloupes, tu les placeras à l'entrée du port pour en interdire l'accès. 3. — Si la ville n’est pas sur le bord de la mer, tu établiras tes troupes dans les positions les plus favorables, que tu entou- es em (1) Cf. Æxéas, xvrr. On sait que les anciens avaient un grand nombre de cérémonies religieuses caractérisées par des processions qui se fai- saient en dehors de la cité. Telles étaient les fêtes de l'enceinte (ambur- balia) et celles du territoire (ambarvalia). PausaniaS (1, 30) décrit les courses-aux flambeaux que l'on voyait à Athènes dans une foule de circonstances et qui s'exécutaient au delà du mur d'enceinte dans les jardins de l'Académie. (2) Cf. Pærcon, 1v, 99, 278 . PHILON. reras d'un palissadement de forme circulaire (nepryapoxwous x6xw) (1), autant que faire se pourra; puis tu placeras tes avant-postes (güaxac) et tu commenceras le siége. 4. — D'abord, il faudra défendre aux soldats, par une pro- clamation, la déprédation et le pillage; ensuite, après recen- sement exact, on distribuera les champs entre les différents corps d'infanterie et de cavalerie. De cette manière, les soldats auront en abondance tout ce qui leur est nécessaire, et les citoyens seront plus disposés à faire ce que tu voudras, leurs biens n'étant pas trop dévastés (2). (1) J'ai lu quelque part, dans un auteur moderne, que les Grecs avaient l'häbitude de donner la forme ronde à leur camp; mais je n’en ai trouvé d'autres preuves, dans les auteurs anciens, que ce passage de PxiLon. Oxosanper la recommande bien, il est vrai {le Général, chap. xt), en donnant pour raison que cette forme permet moins facilement que les autres à l'ennemi d'évaluer les forces renfermées dans le camp; mais l'auteur des Cestes (ch. Lxxvi, Vet. Math., p. 314) la rejette, « Il n'est pas » bon, dit-il, de donner à un camp la forme circulaire, à cause de la » facilité qu’elle fournit à l'ennemi de l'entourer dans son attaque. II » vaut mieux la tracer en carré; alors les ennemis, ou bien n'attaqueront » qu'un côté, ou bien seront forcés d'étendre et de diviser leurs forces » pour en attaquer deux, trois où même quatre. L'avantage de cette » figure se montre encore lorsqu'on peut protéger un côté en l'appuyant » soit à quelque ravin, soit à quelque autre obstacle sûr. Dans ce cas, il » faut donner au quadrilatère des côtés inégaux, afin de placer le plus » grand du côté du fleuve » Nous ferons observer que Pxicox n'indique le camp de forme ronde que pour le cas où l'on n'a pas à redouter les entreprises de l'ennemi; dans le cas contraire, il prescrit (1, 37; 1v, 69) le tracé en crémaillère, qui ne s'applique convenablement qu'à des côtés en ligne droite. (2) On dit dans PoLyen [Timothée v) : « Timothée, ayant assiégé une » certaine ville, marqua un certain espace dans lequel il permit à ses » soldats de faire du butin. Dans tout le reste du pays, il fit enlever ce » qu'il y avait de bon et le vendit. 11 ne voulut pas qu'on démolit aucune » maison ni cabane; il défendit de couper aucun arbre fruitier et voulut » qu'on se contentät d'en prendre les fruits. Sa vue était, dans cette » conduite, que, s'ils étaient vainqueurs, les tributs seraient plus abon- » dants; que, si la guerre trainait en longueur, ils auraient toujours » des vivres et de quoi se loger; enfin, et c'était là l'important, qu'on » s'attirerait par cette modération la bienveillance des habitants. » x TS UPPE y ’ LE - L'ATTAQUE DES PLACES. 279 5. — Après cela, tu détruiras ou tu ruineras tout ce qui peut servir soit au bien-être, soit à la sécurité de la ville. Tu détourneras les eaux qui arrivent dans la place; c'est le meilleur moyen, d’une part de n'en point laisser aux assiégés, d'autre part de t'en assurer l'usage; car, avec tes machines, tu pourras t'en servir à ton gré. 6. — Si un fleuve baigne les murs de la ville (1)... , afin que la chute d'une courtine ou d'une tour te permette de t'emparer de la ville. 7. — Si tu ne peux y arriver ainsi, il faudra, après avoir préparé toutes tes armes de jet (r& Béin mévra), faire proclamer par la voix d’un héraut que tu donneras de brillantes récom- penses à celui qui sera monté le premier sur les remparts ennemis, ainsi qu'au second et au troisième. Tu tenteras ensuite une première attaque contre les points les plus faibles du mur, au moyen d’échelles et de masques de mineurs; les citoyens, encore inexpérimentés dans les opérations d'un siége,. seront peut-être assez effrayés pour que tu puisses enlever immédiatement la place de vive force : sinon, tu connaîtras au moins le nombre des défenseurs, leurs dispo- (4) Il y a ici une lacune évidente, et je crois qu'il faut ainsi restituer la phrase : Si un fleuve baigne les murs de la ville et que ceux-ci soient en briques crues, il faut barrer le fleuve pour en élever le niveau, afin que la chute, ete. Plusieurs villes de l'antiquité avaient, en effet, leurs remparts composés de briques crues avec un soubassement en maçon- nerie; c'est ainsi notamment qu'étaient construits ceux d'Athènes (O. Müzzer, De munimentis Ath.) et de Mantinée (Xénopnon, Hell., v, 2, 4; Pausanias, vur, 8, 5). Les anciens avaient déjà remarqué que les murs de briques résistaient mieux aux chocs que les murs de pierre (Pausanras, loc. cil.; ViTRUVE, 11, 8, 9); mais les briques, quand elles étaient crues, avaient un très grand inconvénient, celui de se désagréger sous l'action de l'eau. X£ÉNOPHON {/. c.) raconte que, quand les Spartiates, sous la conduite d'Agésipolis, assiégèrent Mantinée (385 av. J.-C.), ils coupèrent par une digue le fleuve qui baigne la ville, et forcèrent ainsi le niveau de l'eau à s'élever jusqu'au-dessus du soubassement en pierre des murailles; celles-ci, détrempées à leur base, finirent par s'écrouler. Ce ne peut être qu'à un événement de ce genre que PuiLon fait allusion, FM. DE CORP NNIEE 280 PHILON sitions morales et la manière dont ils se comportent dans le danger. 8. — Cela fait, si les citoyens n'écoutent pas tes propo- sitions, tu établiras un parapet muni de créneaux au-dessus de ton retranchement palissadé (Era ëri rod xépaxoc Béuevos) et tu entoureras le camp d’un double fossé (1), 9.— Il faudra construire les tours de charpente dans les.…. Tu les feras mobiles sur des roues et pouvant tourner en tous (1) On remarquera la double opération qu'indique Purzon pour l'éta- blissement du camp. La première consiste à élever tout à l'entour une palissade destinée à parer le plus tôt possible aux surprises. Par la seconde, on complète cette barrière insuffisante en creusant deux fossés : on rejette les terres en arrière de façon à former une banquette élevée dont les palissades constituent le revêtement extérieur, en ayant soin de fortifier ces palissades par des piquets et des harts placés dans l'intérieur du remblai; puis, sur la banquette, on établit une nouvelle palissade, que l'on relie à l'ancienne et que l'on clayonne de façon à former des Restlitution du profil d'un retranchement de camp, d'après PaiLon. | À Ü Sù ATLANTA RTE UT LAS Sat Cu ITU 2 ——+—— nue À —- - | ' + è » 5 so M. créneaux et des merlons. Les anciens employaient généralement un double fossé devant leurs retranchements, ainsi qu'on peut le voir encore au siège d'Alesia par César. Cela tient, je crois, à ce que, grâce à l'élévation de leur banquette, ils pouvaient plonger dans le fossé exté- rieur et lancer leurs javelots sur l'ennemi qui y était arrêté. On pouvait encore y avoir recours, pour un motif analogue, quand les grenades à main étaient en usage ; mais aujourd'hui que nous n'employons plus que | des armes à longue portée et la baïonnette, un large fossé unique est à -peu près aussi efficace et présente beaucoup moins de difficultés pour sa construction, — Cf. VÉG., 1, 24; STRAT. AN., XXIX, | L'ATTAQUE DES PLACES. 281 sens, avec des rondins de palmier pour qu'elles résistent aux chocs (1). 40, — Tu commenceras à élever des portiques et à creuser des mines aux points favorables; si le pays est pluvieux... (2). : L PÉPCRRENRS Ou bien, amenant des tortues de terrassier, tu combleras les fossés en évitant de ravager les champs, ce que tu seras toujours à même de faire lorsque cela te sera utile. Si tu ne peux les combler à cause de leur largeur et de leur profondeur, tu feras approcher une tortue de térrassier munie d'un radeau, à l’aide duquel tu feras passer tes soldats où tu voudras (3). 12. — Tu feras ensuite les proclamations suivantes, de telle facon que les ennemis puissent les entendre : « Si quelqu'un indique l'emplacement des mines ou des tours de charpente ou d’autres choses semblables (4); si quelqu'un, après avoir tué un fabricant de machines, ou quelque tireur renommé, ou un homme influent dans les conseils, vient à nous, on lui donnera des honneurs et des richesses. Si c'est un esclave, il recevra la liberté; si c'est un soldat (orpatwwrnv), il sera promu à un grade plus élevé; si c’est un hoplite métèque (S), on lui décernera une couronne et des présents proportionnés à l’ex- ploit qu'il aura accompli. » Ces proclamations troublent très (1) Je restitue ainsi le texte : tà Ôë unyavuata sis Ta... Ümétpoya «al TEPIAUTA HATATAEULEUV xa pouvixvas cavidac ÉYOVTE. (2) Tas otoùs oinodopeiv, nai Tobç ÉnmITnÔELOUS TOTOUG UTOPUTTELV, Éd V pLÈV Ürou6pos ñv 6 Ténos. Je suppose ici une lacune.— Cf. STRAT. AN., In, 4. (3) Cf. Poliorcétiques de HÉRON, xx, 1. (4) Le texte est ici corrompu; il faut sans doute lire onpatverv au lieu de océônpov. — L'assiégé partait souvent en galeries de mines pour aller creuser le sol au-dessous des tours de l'attaque et les faire effondrer ( Vécëce, 1v, 20). De plus, quand il voyait ces tours s'approcher du mur, il en élevait lui-mème en charpente pour se conserver l'avantage du commandement, et quelquefois, par ruse, il les dissimulait derrière le rempart, afin que l'ennemi ne fùl pas porté à élever davantage les siennes; puis, au dernier moment, il les soulevait avec des câbles et des poulies. — Cf. Vécèce, 1v, 19. (5) Métèque, étranger autorisé à lixer son domicile dans la ville. DR. 282 PHILON. fort les esprits des ennemis et font que les assiégés ne donnent des armes niaux métèques ni aux esclaves, tout en étant obligés de leur fournir les choses nécessaires à la vie, choses-si pré- cieuses en ces circonstances. De la sorte, le nombre des com- battants sera moins considérable; on dépensera une plus grande quantité de vivres; peut-être même y aura-t-il une V.M., p.98. sédition dans la ville. Quant aux personnes inutiles qui vien- draient à Loi, garde-toi bien de les recevoir. En les accueillant, tu permettrais aux assiégés de faire durer plus longtemps leurs vivres (1), 43. — Lorsque tu auras fait toutes ces choses, tu ouvriras des routes et tu y feras passer le cylindre !?) pour faciliter l'approche des tours de charpente; puis tu t'efforceras de les amener le plus vite possible près des murs, après les avoir- cuirassées avec des rondins de palmier, des lames de fer et des corps mous, et y avoir établi des tuyaux (4oXé8p«ç) (3) propres à conduire de l’eau jusqu’à la partie supérieure. Enfin, tu y (1) On sait avec quelle impitoyable rigueur les Romains assiégeant Alesia (César, De Bell. Gall., vin) et les Prussiens bloquant Metz repous- saient dans ces malheureuses villes tous ceux que la famine en chassait. (2) ‘Oôonououc, Lai palayywons Tùs TPOGAYWYÈS TOÏS UNAAVALAETL..... — Cf. PriLow, ut, 39. — Le rouleau des ponts et chaussées n'est pas, on le voit, d'invention nouvelle. — Cf, VITRUVE, x, 2. (3) CF. Pærcow, 1v, 26. — On lit dans ApoLLopoRE : « Il faut, dans les parties des tours exposées aux projectiles incendiaires, se servir, à la place de tuyaux, d'intestins de bœuf pour conduire l'eau aux étages supérieurs ; des outres pleines d'eau sont placées à l'extrémité des tuyaux; comprimées et pressées, elles envoient l'eau. Si le feu venait à prendre à quelque partie éloignée où il fût difficile d'accéder et-que l'on n'eût pas la machine dite siphon, il faudrait prendre des roseaux comme ceux dont se servent les oiseleurs; en les réunissant bout à bout, on enverrait l'eau où l'on voudrait. » (Edit. Wescouer, p.173.) — Le siphon dont parle APoLLoporE n’est pas autre chose que notre pompe à incendie que Hérox d'Alexandrie décrit sous ce titre : ot Gë cipuves oùs yp@vra Eic rod éuronouoûs (V. M., p. 180). — Au siége d'Egine, Philippe de Macé- doine avait fait placer au premier étage des tours d'attaque « de grands récipients. contenant de l'eau et les autres munitions nécessaires pour éviter tout incendie. » ( POLYBE, IX, 8.) L'ATTAQUE DES PLACES. 283 placeras des pétroboles et des oxybèles, de façon à contrebattre chaque lithobole de douze mines (5“235) et chaque [dorybole| de cinq spithames (115) (1). 14. — Ne laisse point deviner le lieu où tu comptes pousser ta véritable attaque; fais des démonstrations d'un côté et amène tes tours de charpente d'un autre, pour que l'assiégé s'épuise en préparatifs de défense. 15. — Fais porter au devant des colonnes d'attaque le plus grand nombre possible de tortues d'osier, afin que tes soldats puissent s’avancer en sûreté jusqu'au moment où ils auront à combattre. 16. — Quant à toi, te tenant dans les plus solides de tes retranchements, ton principal soin devra être d'envoyer des secours partout où cela sera nécessaire et de veiller à l’en- semble des opérations. 47. — Tu suivras une marche analogue quand tu auras à faire une attaque par mer. Tu placeras tes tours de charpente sur des olcas et des lembes et tu t'approcheras de la place (?). Puis, lorsque, avec les plus grandes de tes chaloupes (oxéen), tu auras forcé l'entrée du port, tu engageras, si tu as des navires pontés (xarappéxrn vas), la- lutte avec l’aide de ceux de tes soldats qui seront les plus aguerris aux combats sur mer. 18. — Il faut rompre les barrières et les clôtures des ports, ou bien en les choquant avec les éperons des vaisseaux (raïç ëpéoat &v ve&v), Où bien.en les tirant au moyen d'ancres remorquées par des olcas l3). 19. — Lorsque les tours de charpente auront été amenées près des remparts, tu rassembleras les soldats et tu leur feras connaître la proclamation citée plus haut (2 7); puis tu com- menceras l'attaque sur tout le pourtour de la ville, par terre et aussi par mer, si la mer baigne quelque endroit des murs. (1) Cf. Purcon, 1, 4, 42. (2) Cf. HÉRON, xxv. (3) CF, PuiLow, 1x, 29, 30, de I, p.929: TE Drag als. 284 PHILON. Tu inspireras ainsi plus de terreur à l'ennemi et tu diviseras mieux ses forces. 20. — Sers-toi, à la fois par terre et par mer, de tous les engins que la nâture des lieux te permettra d'employer : pro- jectiles de toute espèce, béliers, trépans, corbeaux et ponts. 21. — Fais que les colonnes d'attaque se succèdent sans interruption, de manière à avoir toujours en ligne des troupes fraiches; n'épargne rien pour que le combat continue sans relâche avec toute la violence possible (1). 22. — Aie soin que l'on fasse beaucoup de bruit et de tumulte, et que les trompettes ne cessent de retentir vers les points les mieux fortifiés de la ville; les ennemis croyant qu'on attäque ces parties de l'enceinte, y courront en foule en abandonnant les courtines et te permettront d'enlever ainsi la place de vive force (?). 23. — Quant à toi, il ne faut jamais t'exposer; car l’aide que tu apporterais aux tiens en combattant en personne ne saurait être mise en balance avec la fâcheuse position où ils se trouveraient si tu venais à être blessé. 24. — On devra choquer les courtines avec les éperons des navires les plus grands parmi les moins utiles, si la mer est suffisamment profonde, et s'il y a au devant du mur des jetées : (rpoo6Anré) assez faibles dont la rupture HAN entraîner la chute du rempart (3). 25. — Il faudra également avoir recours, avec le plus de mystère possible, à la mine (ÿopékes) des remparts, telle qu'ont coutume de la pratiquer aujourd'hui les mineurs (oi meraXkebovres). Si la galerie (rù ‘puyux) des contre-mineurs (r@v àvriuerahheuévrwv) vient à rencontrer de face ou à croiser de très près celle de l'attaque, il faudra se servir de broches à (1) Voir dans Dronore de Sicile (xu1, 54-56) le récit du siége de Sélinonte. (2) Cf. HÉRON, 1, Î. (3) Cf, PHiLON, 11, 35; STRAT. AN., X!, 3; Comp. sur la déf. des places, 20. C2 2 L'ATTAQUE DES PLACES. 285 embrocher les bœufs (Bourépo), de fortes javelines (yaïsow) (1), d'épieux (t6uvais), de catapultes de trois palmes (0"32) et de pétroboles de dix mines (4*363). On enfumera aussi ceux qui se trouvent dans les mines (év voïç mer&hou). Ces procédés sont du reste communs aux assiégés et aux assiégeants (2). 26. — Pour que ni les tours de charpente, ni les ponts, ni les tortues, ne puissent être incendiés, on doit les recouvrir de lames de fer, d'airain ou de plomb; on se servira aussi d'algues enfermées dans des filets, d'éponges humides et de peaux imbibées de vinaigre, d'eau ou de glu; ou bien encore on oindra de sang pétri avec de la cendre les bois du côté où ils sont le plus exposés au feu (3). 27. — Les tortues d'osier (at yepgoxeüvæ) se font avec des branches d'’osier entrelacées, de facon à former une arête à la partie antérieure et à la partie supérieure; on les couvre de peaux. Le cadre inférieur est composé de poutrelles à section (1) Le texte porte yépoou, qui n'est pas grec et que le traducteur latin a rendu par virgis. Cette leçon est évidemment mauvaise, car le bâton n'est pas une arme suffisante. Le yaïoov, forte javeline toute en fer, était l'arme nationale de nos pères les Gaulois; mais Srace, dans sa T'hébaïde {1v, 64), nous apprend qu'elle était également en usage chez les Grecs. (2) Cf. Purzon, 11, 5; 1V, 10; — HÉRON, 1, 12; — ÆNÉAS, XXXVII. (3) Cf. PaiLon, 1v, 13; — HÉRON, v, xx, 5; — ÆXNÉAS, xxx1v. — L'auteur des Cestes (ch. 38) dit qu'on préserve les murailles de l'action du feu en les humectant de vinaigre. On lit dans le Journal des savants (avril 1847, p. 214) un article de M. Casvreur, qui montre le degré de confiance que l'on doit avoir dans Tortue d'osier, fig. extr. la plupart des recettes analogues. « Les de HÉRON. anciens, dit le savant chimiste, attribuaient au vinaigre, à l'exclusion de l'eau, l'effet d’éteindre plusieurs mélanges incendiaires, et ils croyaient que le vinaigre, doué de la faculté de mouiller et même de dissoudre les matières inflammables résineuses, de- vait en éteindre la flamme... A cette asser- tion, nous ne ferons qu’une objection, c’est que le vinaigre ne dissout les résines qu'à l'état concentré (acide acétique radical) et :qu'alors il est lui-même inflammable, » 286 PHILON. carrée et les montants de poteaux cylindriques solidement assemblés. Leur légèreté fait que les soldats les portent faci- lement (1). ; 28. — Les tortues que l'on établit sur les embarcations appelées lembes sont arrondies et recouvertes d'épais madriers à la partie supérieure; elles sont munies à la partie antérieure d’un sabord (ôrépavou) pour le tir des lithoboles (?. 29. — Les tortues de terrassier (at yworpiôes) sont construites de la même facon que les précédentes ; mais elles sont de plus montées sur des roues et munies par devant d’un toit destiné à protéger ceux qui se servent de cette machine pour combler les fossés (3). 30, — Quant aux tortues bélières (ai xpiov6poi), elles ne pré- sentent aucune de ces deux dispositions du côté de l'ennemi (4); mais elles sont également portées sur des roues (bmétpoyor) el arrondies [par dessus]. On les munit, à la partie antérieure, d'amarres et de piquets{?|] (ä&vrérova) pour s'opposer à l’action des filets jetés [par les ennemis] (9). 34, — On s’opposera encore à l'action de ces filets, soit en les éloignant avec de longues perches placées obliquement contre le mur, soit en les brülant avec des torches, soit en les Tortue de terrassier, fig. extr. (1) GE'HÉRON,E, 5° de HÉRON. (2) Voir le siége de Rhodes par Démétrius Poliorcète dans Dro- porE de Sicile (ch. xx), et les ob- servations de FoLanrp à ce sujet (Comm. sur Polybe, t. II, p. 53). (3) CF. HÉRON, 1, 8. (4) Elles n'ont ni le sabord des tortues construites sur des bar- ques, ni le toit des tortues de terrassier. (5) Ces amarres et ces piquets servaient à fixer au sol la partie antérieure de la tortue que les L'ATTAQUE DES PLACES. 287 coupant avec des sabres recourbés en forme de faux (1) que l’on devra porter en guise de poignard. 32. — Cette sorte de glaive est encore utile pour faciliter les escalades et pour couper le jarret aux ennemis. 33, — Pour se garantir des roues et des pierres que les assiégés font rouler, il faut faire avancer les tortues d'osier (2). 34. — Pour découvrir les vases de terre et les fosses cou- vertes (3), on sondera le sol avec des siromastes (4). 35, — Pour ne point être blessé par les portes couchées et a —— assiégés cherchaient à soulever en accrochant avec des filets soit la tortue elle-même, soit la tête du bélier: Tortue bélière, fig. ext. d'APorLonore. (1) Cette arme, appelée tipoëpéravov en grec et ensis falcatus ou hamatus en latin (Ovine, Métam., 1, 718; 1v, 726; v, 80), se voit souvent dans les peintures et bas-reliefs antiques entre les mains de (( Mercure et de Persée, ou seule sur des tauroboles. La figure ci- I contre représente une de ses formes les plus ordinaires. () Cf. Parcow, 111, 27 ; 1V, 15; — HÉRON, 1, 2. (3) Cf. Pico, 1, 48; 111, 8; — HÉRON, 1, 9, 4 (4) La siromaste (ceipoudora) était, suivant HÉsycxius, une espèce de lance. Ducanes, dans son Glossaire grec, prouve qu'elle devait être assez semblable aux sondes dont se servent les employés de l'octroi. Elle était en usage chez les Hébreux. Josèpne dit que Roboam, fils de Salomon, amassa dans la ville de Juda : Bupsode na cerpoudoras sic moe nupiéèac. V. M., p. 100. 288 PHILON. par les chausse-trapes, il faut se servir d'endromides (1) comme chaussures. Quand on aura découvert une de ces portes, on la _ déterrera à l'aide de hoyaux fourchus (àxéikus) 2); on enlèvera les chausse-trapes avec des râteaux de jardinier. 36. — Pour franchir les fossés creusés P l'ennemi], on jettera des ponts. 37. — On s'opposera à l'effet des pierres que l'assiégé fait tomber, en saisissant avec des mains de fer (yeïpac oënpäs) les chaînes qui les retiennent (3). (1) L'endromide (èvôpouls) est une espèce de brodequin montant jus- qu'à la naissance du mollet et lacé par devant. L'extrémité du pied est découverte et les orteils ont le jeu libre. Cette chaussure était portée, | dans l'origine, par les chasseurs de Crète, et elle fut adoptée par les artistes grecs pour Diane chasseresse. — Hérox le jeune dit {Po- liorcétiques, 1, 10) qu'il faut’avoir, pour se pré- server des chausse-trapes, des semelles de bois; l’empereur Léon répète ia même pres- cription ; l'auteur des Cestes conseille (ch. Lx1x) des plaques de plomb sous les souliers. — La gravure ci-contre est tirée d'une vieille édition des Machines de querre de VALTURIUS. @) Cf. Puicon, 11, 28. — Un des Soldat Fig. eut. LA at (rapes. lus curieux exemples de l'emploi de ces portes garnies de clous dans l'antiquité se rapporte au siége de Mégalopolis par Polysperchon. — Au siége de Metz, en 1552, « on avait piqué, dit VIEILLEVILLE, un nombre infini d'aisses (ais) semés de pointes, de dagues et d'espées, de chausse- trappes, et mille inventions pour la deffense d'une brèche. » (3) On appelait main de fer un crampon fixé à l'extrémité d'une chaine de fer.— Le corbeau (xépat) était un engin analogue dans lequella chaine de fer était remplacée par un manche. Les historiens anciens confondent souvent ces instruments entre eux et avec le harpon (&pn&yn ou &pnaë, en latin harpago). — Cf. Pricon 1v, 39. — Un instrument de cette caté- gorie a été recueilli, en 1862, sur le champ de bataille où Verginius Rufus défit Vindex. (A. Casrax, La bataille de Vesontio et ses vestiges, dans les Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, 3 série, t. VIT, p. 488.) L'ATTAQUE DES PLACES. 289 38. — Contre les chausse - trapes et les poutres que l'on suspend (1), et contre les corbeilles que l’on dispose en avant (rodç mpostibemévouc goowovs), les assiégés devront se servir de faux {Spérava) 12). 39. — (Contre les béliers, les faux et les corbeaux 6), il faudra avoir recours aux lanceurs (roïs éverñpot) (4), aux an- tennes (5), aux filets destinés à les saisir (roï mepéallouévors Beéxois) (6), et enfin à d’autres béliers. } 40. — Contre les matières incendiaires, contre les chausse- trapes enflammées (7), contre les torches et contre les contre- mines (8), on emploiera les moyens que nous avons déjà décrits. 44, — Quant aux paliures (9), ou bien on les enfoncera sous des remblais, ou bien on les coupera pour combler les fossés. —_— (1) Cf. Pniow, 1, 3, 23. — ÆNÉAS, xxx11, 3. — « On suspendra, dit l'empereur Léon (/nst., xvi), aux créneaux ävec des cordes de grosses poutres, des tronçons d'arbres et des meules pour les laisser tomber sur les échelles de l'assaillant. » — Au siége d'Utique par Scipion, l'assiégé amortissait le choc du hélier au moyen de poutres suspendues transver- salement. (2) Cf. Pro, 1, 19 ; — Diop. de Sic., Siége de Tyr. — Au siège de Massada par Vespasien, Josèpus, qui défendait la place, avait fait pendre devant le mur, pour amortir le choc du bélier, une grande quantité de sacs remplis de paille : les Romains coupèrent, avec des faux emman- chées de longues perches, les cordes qui retenaient les sacs. (Josèpar, Antiq. Jud., 1, 15.) — On lit encore dans Pozyex (chap. x, 2 15) : « Ti- mothée assiégeait Torone. Ceux de la ville élevaient des cavaliers fort hauts par le moyen de poches de cuir et de corbeilles pleines de sable. Timothée prépara de grandes machines, où il y avait des mâts avec des pointes de fer et des faux. Par le moyen des pointes, on déchira les poches de cuir et avec les faux on rompit les corbeilles. Les Toroniens, voyant cela, se rendirent. » | (3) Cf. Purzon, 111, 10; 1v, 37, note. (4) Cf. Paco, 111, 9. (5) CF. Picon, x, 1; — STRAT. AN., XI, 8. (6) Lisez Bpoyoïc pour rpoyoïc. (7) Cf. Purcon, 1x, 3, 8, 23, 44. (8) Cf. Purcon, 1x, 5: 1v, 25. (9) Cf. Parxon, 1, 42. 19 290 | PHILON. 42, — Pour garantir les portiques des coups des pétroboles, on usera de l'un des deux moyens suivants, selon que les projectiles arriveront par dessus ou par côté : dans le premier 15 c cas, on couvrira les portiques d’un triple clayonnage (yépéa em&), et l’on mettra au-dessus des corbeilles remplies de paille et d'algues (1); dans le second, on abritera les parois de la galerie par une levée de terre jusqu'à la couverture en osier. Contre les autres coups de toute nature, on se servira de corps mous (?). 43. — Pour s'opposer à l'effet de l'eau que l'ennemi fait couler [sur le terrain des approches], il faut creuser des canaux d'écoulement (3). 44. — Pour empêcher les assiégés. de couper les cordages des ancres, on se servira de chaînes, si le mouillage est peu profond ; mais si (4)... (1) César (De bell. ciy. Il), parlant du siége de Marseille par son lieu- tenant Trébonius, dit que cette ville était si bien pourvue de machines qu'il n'y avait pas de mantelets d'osier qui pussent y résister. « Leurs balistes lançaient des poutrelles de 12 pieds de long garnies de pointes de fer par le bout, lesquelles perçaient quatre rangs de claies et entraient encore assez avant dans la terre : on fut donc obligé de couvrir les gale- ries de pièces de bois d'un pied d'épaisseur, à l'abri desquelles on se passait de main à main ce qui était nécessaire pour la construction de la terrasse. » (2) Cf. Purcon, 11, 8, 9; — HÉRoN, 1, 4. — Voir, dans Pozyses, le siége d'Egine par Philippe. (3) Cf. Prcow, nr, 9; — ÆNéas, xxx, 4, note. — ViTRUvE (liv. X, ch. xvr) raconte que les Rhodiens empêchèrent l'hélépole de Démétrius de s'ap- procher de leurs murs, en couvrant d'eau, d'’immondices et de terre glaise, au moyen de tuyaux traversant le rempart, le sol sur lequel elle devait passer. (4) Cf. Purcow, ut, 36. — Ce paragraphe a été altéré, et je n'ai pu trouver un sens plausible au second membre de phrase dont voici le texte : mods dE Ts normes Tv yxuvplwv, dv Bpaxds Ô TOmoc, GAUGEL * Éd ÔË redlovec Tac &yxbpos Toy nÜpywy y@vor xabé£ouor. — Il y à, dans ARRIEN (liv. IL, Siége de Tyr), un passage qui se rapporte à cet ordre d'idées : « Les Tyriens s'avançaient d'ailleurs sur des vaisseaux couverts, se glis- saient jusqu'aux câbles des ancres qu'ils coupaient et s'opposaient à l'abord de l'ennemi. Alexandre, couvrant de mème plusieurs triacon- L' ATTAQUE DES PLACES. 291 45. — Pour qu'on ne perce pas les navires, il faut surveiller les plongeurs ennemis en plaçant des gardes sur toute la cir- conférence du bâtiment, et faire flotter, autour de la coque, des madriers garnis de tridents du côté de l’extérieur (1). 48. — Pour se débaïrasser des enrochements sous-marins (ümoywse) (2) et des pierres que les assiégés envoient du haut des murs et des avant-murs sur les attaques de terre, il faudra employer, sur mer, des dragues à nettoyer les ports et des harpons (é&préyas) de fer (3); sur terre, quand on sera arrivé à ces obstacles, on devra avoir recours à des tortues de terras- sier, à des pinces, à des hoyaux fourchus et à des chars (4). 47. — Si quelqu'une de tes tours de siége vient à avoir l’un de ses côtés endommagé, il faudra tourner vers l'ennemi un côté en bon état et refaire celui qui a souffert. 48, — Quand il se présentera d’autres circonstances, guide- toi sur ce que Je viens de te dire et ingénie-toi pour y parer. tères, les disposa en flanc pour défendre les ancres de l'approche des Tyriens. Alors leurs plongeurs venaient couper les cordes entre deux eaux; pour les éviter, les Macédoniens furent réduits à jeter l'ancre avec des chaînes de fer. » : . (1) Cf. Pgipow, 1x, 36. (2) Lisez droywoets pour dnoywpñoes. — Cf. Pnion, 11, 29, 35; 1v, 24: — Virruve, liv. X, chap. xvi, Siége de Chio : — Drop. de Sic., liv. XX, ch. Lzxxxvir, Siége de Rhodes. (3) CF. Purcow, 1, 35, 39. — On lit dans ARRIEN (liv. Il, Siége de Tyr) : « Les bâtiments de charge et les trirèmes qui devaient porter les ma- chines des assiégeants au pied des murs étaient arrêtés par les quartiers de roc jetés par les Tyriens pour en barrer l'approche. Alexandre or- donna de la débarrasser; mais il était difficile d'ébranler ces masses, vu que les vaisseaux n'offraient qu'un point d'appui mobile. Cependant, à l'aide de câbles, on tira des eaux les quartiers de pierre accumulés devant la place; les machines les rejetèrent au loin à une distance où ils ne pouvaient plus nuire; l'approche des murs devint facile. » (4) «Démétrius fit construire, en outre, deux tortues, l’une pour protéger les terrassiers, l'autre pour le bélier; il y ajouta des portiques où les ouvriers pouvaient travailler en sûreté, et il employa les équipages des. navires à niveler, dans une étendue de quatre stades, le sol sur lequel les machines devaient passer. » (Drop. de Sic., Siége de Rhodes, xx, 91.)— Cf. STRAT. AN., XII, 24. PE. 101: 292 PHILON. 49. — Si tu peux faire durer longtemps le siége, tâche de persuader aux ennemis que tu n'as que peu de temps à rester devant leur ville, afin qu'ils consomment leurs provi- sions sans économie, qu'ils ne se préparent point aux attaques futures et ne fassent point venir de troupes auxiliaires. + 59. — Si, au contraire, tu ne disposes que de peu de temps, il faut menacer les ennemis d’un long siége, afin que, effrayés de ce qui se prépare dans l’avenir, ils t’'accordent plus tôt ce que tu leur demandes. 51. — Efforce-toi de te procurer les ressources qui sont à l'intérieur de la ville, soit en les faisant soustraire, soit en faisant acheter sur le marché aux meilleures conditions pos- sibles (1), soit enfin en inventant, pendant les armistices, quelque bon prétexte pour persuader aux assiégés que tu n'enverras plus de cavalerie dans l'intérieur [du pays], et que tu cesseras de faire surveiller les lieux où ils ont l'habitude de: mener paître leurs troupeaux ; tu leur dresseras alors des embuscades et tu les laisseras tranquillement s'avancer jusqu à ce qu'ils arrivent près de tes troupes. Parais à ce moment et empare-toi d'eux (?). 52, — Ne laisse gaspiller aucune des choses qui pourront être utiles pendant la durée du siége, comme la paille ou le (1) Cf. Comp. sur la déf. des places, 3. — Ces prescriptions se rap- portent sans doute surtout à l'époque qui précède le siége. — Les lois d'Athènes défendaient l'exportation de tous les produits du territoire, l'huile exceptée (PLuraro., Solon, 24; Uzpien, Disc. de Dém. ce. Timoc., p. 122), ainsi que des matières utiles à la construction et à l'équipement des vaisseaux, telles que bois de charpente, ancres, cordages, outres, ete. (AnIsSropx., les Grenouilles, 365-367 ; — SUIDAS, àcxwuute.) (2) Les anciens n'avaient aucune idée du droit des gens à la guerre. Le Lacédémonien Phœbidas, en pleine paix, s'était emparé de la cita- delle des Thébains; on interrogeait Agésilas sur la justice de cette action : « Examinez seulement si elle est utile, dit le roi; car, dès qu'une action est utile à la patrie, il est beau de la faire.» Un autre roi de Sparte, Cléomène, disait que tout le mal qu'on pouvait faire aux ennemis était toujours juste aux yeux des dieux et des hommes. Les Prussiens seuls, parmi les nations civilisées modernes, ont conservé ces barbares théories. . à 4 1 LL ] L'ATTAQUE DES PLACES. 293 foin : on s'en servira pour nourrir les troupeaux, si précieux au point de vue de l'hygiène et de l’alimentation, à cause du lait qu'ils fournissent et de leur chair que l’on peut découper et vendre en détail; leurs peaux servent, en outre, très avan- tageusement à recouvrir les tours de charpente, les béliers, et à d’autres usages importants. &3. — Ne regarde pas à l'argent soit pour corrompre tes ennemis, soit pour faire d'autres dépenses; car, en prenant Ja ville, tu rentreras bien largement dans tes déboursés. 54. — I] te faut avoir des ouérites de Cuir (xxp6arivar oixko) (1), et veiller à ce que ceux qui lancent des projectiles du haut de ces guérites (ot êx rüv xupBativeov B&ddovres), ainsi que les servants . des lithoboles (ot 10066201), les archers (ot roëéru) et les frondeurs (ot pevôovir), soient très nombreux et très habiles, afin de blesser dans les attaques le plus grand nombre possible d’en- nemis; Car, pour toi, que les ennemis soient morts ou sim- plement hors de combat, le résultat est le même. 55. — Quant à toi, te tenant hors de la portée du trait ou accompagnant tes troupes sans t'exposer, tu exhorteras les soldats, tu distribueras des éloges et des récompenses aux braves; tu accableras d'injures et tu puniras les lâches. De cette façon, tous se conduiront vaillaanment au moment du danger. 56. — Lorsque la ville sera prise, il faudra avoir grand soin que les soldats ne s'élancent point au pillage; car ils s'exposent ainsi à s'entretuer, ou à se faire massacrer par l'ennemi et rejeter hors de la place. De plus, ils exaspèrent les habitants et Les rendent incapables de supporter les réqui- sitions et les impôts, de sorte que toutes tes peines se trouve- raient sans résultat et les richesses gaspillées. Tu te verrais enfin exposé à la haine de tous sans pouvoir seulement donner les vivres et la solde à tes troupes. 57. — Quand on s'empare d'une ville, il faut d'abord occu- (1) CF. PuiLon, un, 12. V. M DA 294 PHILON. per les remparts, la Citadelle, la place publique, la caserne (x oroarémedov) et les autres lieux qui pourraient être fortifiés. Si tes troupes ne sont pas assez nombreuses, tu ‘établiras seulement des postes dans les tours et les autres lieux les plus propres à te maintenir dans la place. 58. — Si tu ne peux prendre la ville à force ouverte parce qu'elle est trop bien fortifiée, tu essaieras tous les moyens de t'en emparer [soit par surprise], soit par trahison, soit par famine. 59. — Pour t'en emparer par surprise, tu feras amener la nuit des échelles de cuir, qui sont cousues comme des outres et dont les coutures sont oïntes avec de Ja graisse. On fixe à leur partie supérieure des échelles de corde qui sont nouées . et cousues comme des filets; celles-ci ont à leur extrémité des crochets pour saisir, quand on les jette, les pointes des créneaux (Tà dxpa r@v roopaywvev) (L). AN L (1) Cf. HÉRON, 11. cui Er re ie il UT fé TU ANT RU TE in TC Y Echelle de cuir, fig. ext. de H£ËrON TS L'ATTAQUE DES PLACES. 295 60. On se sert aussi de clous de fer trempés et aiguisés, que ceux qui montent enfoncent, avec des maillets de fer, dans les fissures naturelles des rochers, dans les joints des murs de pierre et dans les murs de briques (1). 61. — On peut encore lancer sur les parapets des crochets de fer munis de cordes à nœuds, le long desquelles des soldats exercés montent très facilement; c'est ce qui se pratique en Egypte. 82. — On prend les villes par la trahison, soit en faisant venir quelqu'un des citoyens comme pour traiter des condi- tions de la paix, soit en envoyant dans la place des ambassa- deurs ou des hérauts avec des lettres secrètes, et en distribuant des signes de reconnaissance (s5u6oax) (?) et de l'argent. 63. — Les lettres secrètes s’écrivent sur un chapeau de feutre (sis xavstav) neuf (3) ou sur la peau, avec une infusion de noix de galle concassée. Quand les caractères sèchent, ils —_—_——— 2 —_——————_—_———— 16 0 (1) Cf. HÉRON, xx1. EH fig. ext de HÉRON. ll [HA > — Escalade à l'aide de clous, (2\ Le symbolon était un objet quelconque, le plus souvent une petite tablette de bois, que les gens qui avaient à communiquer plus tard bri- saient en deux. Le porteur d'un de ces fragments n'avait qu'à le pré- senter au détenteur de l'autre pour se faire reconnaître d'une façon certaine. (3) Le causia était un chapeau de feutre à haute forme et à larges bords; il était surtout porté par les Macédoniens : sur certaines mé- dailles, Alexandre est représenté coiffé de ce chapeau. V.M., p.103 296 | PHILON. . deviennent invisibles; il suffit pour les voir reparaître de les mouiller avec une éponge imbibée d’une dissolution de sulfate de cuivre (4a2405 äv8o<), comme quand on prépare l'encre (éoxep 2y Üdatt TÔ WLÉhaV). | 64. — Tu pourras aussi Les écrire sur une petite membrane que tu colleras à la partie supérieure d’un chapeau à double fond, ou à l'intérieur de la couronne [d’un casque] (1), ou bien sur un petit morceau de cuir que tu coudras entre les deux semelles d’un soulier, ou bien encore sur une vessie que tu feras entrer dans une fiole vide (?} d'une dimension conve- nable ; puis tu gonfleras la vessie en soufflant dedans, tu l'humecteras, tu l'égoutteras, tu la fixeras près du goulot à l'intérieur avec de la colle et tu la rempliras d'huile pour qu’elle devienne invisible; tu l’enverras alors, et celui qui la recevra pourra lire facilement ce qui est écrit dessus. 65. — Il y a bien d'autres manières d'envoyer des lettres en secret, comme je le montrerai dans mon traité des Messages secrets. 66.— Si, avec des lettres envoyées secrètement, tu n'aboutis à rien, adresses-en d’autres à ceux qui dirigent les affaires de la cité; tu leur promettras de l'argent et de grandes récom- penses. Ces lettres venant à être connues ne tarderont pas à exciter une sédition dans la ville. 67. — Pour prendre la ville par la famine, il faudra d'abord l’enfermer dans des lignes palissadées (repryapanwous ); puis, choisissant dans les environs une forte position, tu l’entoureras d’un mur (mepwrexioas) et tu y posteras un corps d'observation dans lequel tu.auras pleine confiance : ces troupes devront veiller à ce que rien ne puisse entrer dans la cité ni par terre ni par mer. Après avoir pris ces dispositions, (1) On appelait couronne, dans certains casques, un ornement qui formait sur le front une sorte de visière relevée, analogue à celle des toques espagnoles. (2) Lisez xevny pour xavñv. Cette description est tronquée ; on la trouvera bien plus intelligible dans Æxéas, xxx1, 10, L'ATTAQUE DES PLACES. 297 tu pourras vaquer à d'autres affaires et tu finiras par t’'emparer de la ville, soit en la réduisant par la force, soit en la domptant par la faïin, sans éprouver de retard dans le reste de tes entreprises. 68. — Si tu apprends que des troupes se préparent à porter secours aux ennemis et que tu ne te sentes pas la force de leur résister, traite au plus tôt avec la ville, si elle y consent ; impose-lui la plus forte contribution possible et retire-toi avant que l’armée de secours ne s'approche. Mais, si les assiégés refusent de te donner de l'argent, pille et dévaste leur territoire, puis pars en prenant toutes les précautions nécessaires pour lever le camp en sûreté. 69. — Si, au contraire, tu as des troupes soit égales, soit supérieures à celles qui s'avantent, il faudra, dans le cas où tu devrais être attaqué par terre, te fortifier de tous côtés et le plus solidement possible par des palissades, par des fossés et même par des murailles (roonota) (1). 70. — Tu amèneras ensuite dans ton camp les viandes, le fourrage, le blé et tout ce qui peut servir à la nourriture; puis, après avoir formé autour de ces approvisionnements une enceinte munie d'une palissade et d’un fossé, tu y mettras en réserve ce que tu jugeras convenable. Une partie de ce qui restera sera vendue, et l’autre sera distribuée par corps à l'in- fanterie et à la cavalerie. 74. — Quant aux fourrages et au blé que tu n'aurais pu apporter dans ton camp, il faudra les brüler. 72. — On empoisonne aussi les vivres et les sources quand l'ennemi s'approche; nous avons indiqué comment on doit sy prendre dans notre traité sur les Préparatifs de guerre “dv toïc rapacxevaotixoïs) (2). (4) Purcox (1, 37) dit que, dans ce cas, on doit entourer le camp d'une enceinte en maçonnerie tracée en crémaillère. (2) Purzon (nt, 28) ne parle que très sommaïrement de ces procédés. Il est très probable que le livre auquel notre auteur fait allusion n'est pas ce que j'ai réuni sous la rubrique du chapitre II, mais formait un traité V. AL, p. 101. 298 À PHILON. 73. — Cela fait, tu établiras aussi solidement que possible tes srands-gardes (g5raxes) (1); il est nécessaire en outre d’avoir de petits postes (ëxourée) (2?) pour la nuit. Pendant le jour, tu devras occuper les lieux favorables pour observer le pays et envoyer en avant des vedettes (xarasxémovus) (3) sûres et pru- dentes, afin qu'aucun corps ennemi ne puisse s'approcher à ton insu. : 74. — Avant tout, essaie de corrompre les généraux ou les autres chefs (robes orpurnyods à robe ñyeuévas), en leur donnant de l'argent et en leur promettant des récompenses ; car, si tu parviens ainsi à les mettre de ton côté, tu es sûr de la victoire. Il n'y a pas de stratagème qui puisse être comparé à celui-là; ef, quand la ville sera: prise, tu t'indemniseras largement de tes dépenses sur les biens des vaincus. 75. — Si tu ne peux y arriver, tu corrompras les guides de l’armée (rodc Ayoupévous roù orparonéôou) (4); tu dresseras alors des embûches ou tu t’empareras des positions favorables pour tomber sur les ennemis, à la faveur de la nuit, au moment où ceux-ci traceront le camp, avant qu'ils n'aient creusé le fossé et planté les palissades. C'est le moment le plus favorable pour les tailler en pièces. 76. — Si tu dois résister à une attaque par mer, ferme, si tu le peux, par une jetée l'entrée du port. Si cela n’est pas possible, il faudra l’obstruer avec des olcas et tous les navires qui seront susceptibles de servir à cet usage; puis, avec les bois que tu auras sous la main, tu construiras un radeau spécial aujourd'hui perdu; à moins toutefois que PHILoN, copiant un auteur qu'il a abrégé, n'ait laissé subsister par inadvertance ce membre de phrase. (1) Cf. Service des arm. en camp., titre vx, 8 84. (2) Cf: Jd., 85. (3) Cf. Zd., 88. (4) Litt. ceux qui précèdent l'armée ; il s'agit du groupe d'officiers que nous appelons aujourd'hui le campement. — Cf. Serv. des arm. en camp. ur, 34. L'ATTAQUE DES PLACES. 299 [organisé pour la défensé] (sxeôtav) (1) que tu fixeras à ces embarcations. 77. — Observe attentivement les signaux qui seront faits au moyen de flambeaux allumés (roùs gpuaroûc) et fais bonne garde, surtout la nuit, afin que l'armée de secours ne te sur- prenne pas en entrant dans la ville du côté opposé à la mer. 78. — Si tu te trouves avoir des forces navales à peu près équivalentes à celles de ton adversaire, tu devras tenter le combat. Tu choisiras dans tes troupes les soldats les plus vaillants et les plus expérimentés, et tu les placeras sur les (1) Le mot oyeôta paraît toujours désigner, chez les ingénieurs grecs, un radeau organisé défensivement avec un parapet. APOLLODORE, et d'après lui Héron de Byzance, décrivent cet engin à propos du passage des fleuves devant l'ennemi. César, qui avait étudié l'art militaire èn Grèce, raconte en ces termes comment il ferma l'entrée du port de Brindisium où il assiégea Pompée: « César, craigrant que Pompée ne erût pouvoir tirer du secours de » l'Italie, commença par fermer l'entrée et la sortie du port de Brindi- » sium; voici comment il s'y prit. Dans l'endroit où l'entrée du port » était la plus étroite, il fit faire un môle et une digue (molem aique » aggerem) de chaque côté du rivage, car la mer tait basse en ces » endroits. Ensuite, comme la profondeur de l'eau l'empêchait de » pousser sa digue aussi loin qu'il le voulait, il fit, pour la continuer, » avancer de trente pieds en mer de chaque côté plusieurs radeaux » doubles (rates, duplices) et les fixa par les quatre coins avec des ancres » pour que les vagues ne pussent pas les ébranler. Ceux-ci étant achevés » et mis en place, il leur joignit d'autres radeaux de moyenne grandeur » qu'il couvrit de terre et qu'il munit d'un rempart ({erra alque aggere » integebat), afin qu'on püt facilement les aborder et les parcourir pour » les défendre; il les garnit de masques et de clayonnages (pluteis atque » cratibus) sur le devant et de chaque côté ; enfin, de quatre en quatre, » il fit élever, au-dessus, des tours à deux étages pour pouvoir mieux les » défendre contre le choc des navires et l'incendie. À cela, Pompée » opposa de gros navires de charge (naves onerarias) qu'il avait trouvés » dans ce port; il fit élever, au-dessus, des tours à trois étages, les rem- » plit de quantité de machines de projection (formenta), ainsi que de » toutes sortes de traits, et les envoya contre les radeaux de César pour » les briser et ruiner les travaux : il en résulta que, tous les jours, on » se batlit à l'aide de frondes, de flèches et d'autres traits. » (CæÆs., Bell. civ., 1, 25 et 26.) — Cf. Pæizon, 1v, 29 à 34; — Taucyo., vi, 99; — ARRIEN. 1, 20; vi, 91 ; — Appren, vint, 96; — Drod. Sic., xx, 89, 300 PHILON. ponts des navires; tu donneras des ordres pour qu'on ne cherche ni à désarmer (äxpornprätew), n1 à aborder (ävaëaivev) les vaisseaux ennemis, mais pour qu'on les coule avec l’éperon (T$ xaxwpar päcu). Tu attaqueras ensuite, en disposant ta flotte en forme de croissant (1) : les navires les meilleurs, ceux qui obéissent le mieux soit à la voile, soit aux rames, seront aux ailes ; les navires non pontés (rà äppauru) et les bateaux de charge (rà ünnpemuxé) seront au milieu à côté du radeau. 79. — Quand tu seras à portée de l'ennemi, tu embraseras ses navires avec des matières incendiaires (roïs nupoyépouxs), des chausse-trapes enflammés (roïs fuyévous rpt66dou) (2), de la poix, si tu en as, et des torches. Il faut que tes marins lancent la plus grande quantité possible de flèches et d’autres projectiles. Tu tâcheras de couler et d'incendier les bâtiments des ennemis, soit à l'aide des machines qui sont à terre, soit avec des tours de charpente portées sur des bateaux, soit enfin en les brisant à l'aide d’autres navires. Quand tu auras ainsi porté la plus grande confusion chez ton adversaire, soit qu'il résiste, soit qu'il se retire, tu engageras la mêlée en réunissant tes aïles ; tu submergeras ses vaisseaux en les prenant de flanc, ou bien tu briseras et tu incendieras, comime nous l'avons dit plus haut, ceux qui t'attaqueront de front. 80. — Si tu les surprends naviguant à la débandade, tu t'avanceras sur eux avec toute ta flotte rangée en ordre; tu t’efforceras de couler et d'incendier ceux qui te résisteront. Quant à ceux qui tenteront de fuir, il faudra, après les avoir pris, briser leur gouvernail, enlever leurs rames et les conduire à terre. 81. — Si tu n'as point de flotte, sers-toi du feu et des traits pour empêcher l'ennemi de faire quelque chose; on peut, de cette facon, continuer à assiéger la ville sans être trop incom- modé par la flotte de secours. (1) Cf Vécëce, v, 15; Léon, emp., /nst., xix, 31. (2) CF. Parzon, 1x, 23, 30; 1v, 38; — Léon, emp., {nst., xIx, 43, TRAITÉS DIDACTIQUES DEUXIÈME PARTIE EXTRAITS DU TRAITÉ SUR LA DÉFENSE DES PLACES PAR ÆNÉAS PRADUCTION NOUVELLE PRÉCÉDÉE D'UNE NOTICE NOTICE SUR ÆNEAS Le Traité sur la défense des places, le plus ancien des ouvrages militaires que nous possédions, est tout ce qui nous reste des œuvres d'Ænéas. Il résulte de divers passages de ce traité, de Polybe et de Suidas, que l’auteur vivait au commencement du règne de Philippe de Macédoine, père d'Alexandre le Grand, et qu'il avait composé, outre l'ouvrage qui nous occupe, plusieurs autres écrits relatifs à l'art militaire et ayant les titres suivants : Des signaux par le feu (Polybe, x) ; Des stratagèmes (Suidas, p. 38, éd. Bernhardy); Des préparatifs de guerre (Ænéas, vu, vint, XXI, XL); Des finances (Ænéas, xrv) ; De la castramétation (Ænéas, xx1). Le traité sur la défense des places, tel qu'il nous est par- venu, n'est même probablement pas l'œuvre originale, mais bien l’abrégé qui, au dire d’Elien {Tactique, 1), en fut fait, quelques années après, par Cynéas de Thessalie, général et confident de Pyrrhus, roi d'Epire. On connaît cinq manuscrits de cet ouvrage : 1° le manus- crit du Vatican, qui n’a encore été collationné par aucun éditeur; 2° le manuscrit de Médicis qu'a décrit Bondini Cat. codd., græc. bibl. Laur., 11, pp. 218-238) ; 3°, 4° et 5° les ma- nuscrits 2435, 2443, 2522 de la Bibliothèque nationale de Paris, qui sont des dérivés du manuscrit de Médicis. 304 NOTICE SUR ÆNÉAS. C’est d'après le manuscrit 2443 que Casaubon l’a publié pour la première fois en 1609 { Paris, in-fol.), en l’accompa- enang d’une version latine. Depuis, il a été imprimé plusieurs fois à la suite des principales éditions de Polybhe. En 1757, le comte de Beausobre, maréchal de camp, en donna une élégante traduction française que l’on peut classer au nombre des belles infidèles. Les Allemands en ont publié diverses éditions; la plus ré- cente est due à MM. Kæchly et Rüstow (Leipsig, 1853, in-8°); elle est accompagnée d'une bonne traduction allemande et de commentaires. a ] fs: EXTRAÏTS DU TRAITÉ SUR LA DÉFENSE DES PLACES CHAPITRE VII DES MOYENS DE RENDRE L ACCÈS DE VOTRE TERRITOIRE DIFFICILE A L'ENNEMI 1. — Quand un corps d'armée puissant et nombreux se dirige vers votre pays, il faut lui en rendre l'accès difficile, et s'arranger de telle facon qu'il ne puisse aisément ni s’y établir, ni s y procurer des vivres. 2. — Il faut augmenter le nombre des cours d’eau [en ouvrant des canaux], et détruire les gués et les ponts. 3. — Si le sol est sablonneux ou fait d'un terrain ferme, il faut, pour arrêter la marche de l'ennemi, établier cà et là des piéges, en tenant compte de la nature des lieux (1). 4. — S'il y a des ports dans le pays et dans la ville, il faut les munir de clôtures, afin d'empêcher l'ennemi soit d'y (1) Dans les terrains sablonneux, les meilleurs piéges sont les chausse- trapes, que l'on cache sous de petits monticules qui ont l'air d'être dus à l'action du vent. Les chausse-trapes ne valent, au contraire, pas grand chose sur les terrains solides, parce que l'on ne peut guère les dissimuler autrement que sous des feuilles; mais on emploie alors avec succès les trous de loup. (2 Les Syracusains renfermèrent ainsi dans leur propre port la flotte athénienne qui était venue les assiéger ; ils obstruèrent l'entrée de ce port, qui avait 8 stades d'ouverture (près de 1,500 mètres), en y mettant à l'ancre des trirèmes, des vaisseaux de charge et des barques. (Taucyp.. vit, 59.) 20 Cf. PHILoN, A LE Cf. PHILoN, III, 28. Cf. PuiLox, IE, °20) CF. PHILON, IL. Cf. PxiLow, DS 306 ÆNÉAS. 5. — Quant aux choses qu'on sera forcé de laisser dans la campagne et qui pourraient servir à l'ennemi, telles que les matériaux de construction pour les retranchements, les cam- pements ou autres choses semblables, il faut autant que pos- sible les détruire, ou, si on ne les détruit pas, les cacher. 6. — Pour ne point donner à ce traité des développe- ments considérables, je m'abstiendrai de dire ici comment on doit agir relativement aux aliments, aux boissons, aux fruits des champs, aux eaux dormantes qu'il faut rendre impotables, et enfin aux chemins que l’on doit rendre impraticables pour la cavalerie; nous en avons parlé en détail dans notre traité des Préparatifs de querre (1). (Trad. nouvelle.) CHAPITRE XVI DES SORTIES Si votre pays est d’un accès facile et que l'ennemi puisse l'envahir de plusieurs côtés, il faut occuper les points straté- giques de la contrée (xarahaGeïv rfc xwpas rérovc), de façon à disputer la route de la ville à l'ennemi. Si ces points vous manquent, il ne vous reste qu'une chose à faire, c’est d'occuper près de la ville des positions qui vous permettent de combattre’ avec avantage, ou de battre en retraite sans danger quand vous voulez vous retirer dans la ville. (Trad. nouvelle.) DRE ET RE EE” 1 muet OO (1) ÆxÉas avait déjà fait mention de ce livre sur les préparatifs de guerre (èv th naoacxevacttxf fB{6)1w) dans le chapitre précédent (ch. vu), à propos de la manière dont on doit donner les signaux de feux. — Voyez encore ÆNÉAS xx1, l: XL, 5. DÉFENSE DES PLACES. 307 CHAPITRE XXI DE LA PRÉPARATION DES ARMEMENTS ET DES AUTRES CHOSES 1. — Nous ne dirons rien ici sur la préparation des arme- ments, ni sur tous les établissements qu'il faut faire en pays ami, ni sur la manière de faire disparaitre dans les campagnes ce qui s’y trouve ou de le rendre inutile à l'ennemi; car nous en avons déjà parlé à fond dans notre livre des Préparatifs de guerre. 2. — Nous avons traité aussi, dans notre livre intitulé De la castramétation, de la manière de placer les gardes de nuit, des rondes, des terreurs paniques, des synthèmes (ouvinuérwv) et des parasynthèmes (rapasuvänuérwvy); nous en parlerons cependant encore un peu (1). = (Trad. nouvelle.) CHAPITRE XXI DE LA POSE DES GARDES 8. — Il faut que les escaliers (ai ävaéésex), qui onde sur le rempart, ne soient pas ouverts à tout venant, mais fermés à clef de telle façon qu'il ne soit pas permis à un traître, qui aurait l'intention de livrer la ville aux ennemis, de monter à volonté sur le mur pour leur préparer les voies; de plus, les gardes, que tu auras choisis toi-même, seront forcés d'y rester et ne pourront en descendre ; [grâce à ces précautions] si quelques hommes parviennent du dehors à escalader la inuraille sans être découverts, ils ne pourront pas passer faci- (1) Voir ÆNÉas, xxiv et xxv. Li pe PRES. : 308 ÆNÉAS. lement et avec rapidité du rempart dans l’intérieur de la ville, ou bien ils se verront contraints, soit de s’exposer au danger de sauter les uns sur les autres, soit de se découvrir, soit enfin d'être prévenus dans leur dessein. (Trad. nouvelle.) CHAPITRE XXIV DES SYNTHÈMES CE PHILON, Me Quand l'on donne un synthème, il faut, si l'armée ui, (7,1, 22 est composée de soldats de différentes nations, bien faire attention que ce synthème ne puisse pas être compris de deux manières; car il pourrait en résulter des erreurs dangereuses. 9. — Iphicrate voulait qu'on ne donnât pas le même syn- thème aux rondes (rèv repéoëov) et aux gardes (rà glaxa), Mais qu'on leur en donnât de différents; ainsi, la ronde interrogée d'abord répondra : Jupiter Sauveur; et, si c'est bien le mot, la garde interrogée à son tour devra répondre Neptune, par exemple. Gräce à cette précaution, on est moins facilement trompé par l'ennemi, et le mot a moins de chance de lui être 7. — Il faut que l'on exige des synthèmes aussi bien des gardes que des rondes; car il deviendrait complètement inutile de demander le synthème si l'ennemi pouvait l'apprendre en jouant le rôle d'une ronde (1). (Trad. nouvelle.) (1) Supposons que deux rondes A et B se rencontrent; la ronde A crie : Qui vive ? la ronde B se fait reconnaitre en donnant le mot d'ordre: puis la ronde A se fait reconnaitre à son tour en donnant le mot de raliiement. S'il n'y avait eu qu'un mot, la troupe B l'eût livré sans qu'il lui eût été possible de constater que la troupe A n'était pas un parti ennemi qui l'attendait au passage pour le lui demander. DÉFENSE DÉS PLACES. 309 CHAPITRE XXV DES PARASYNTHÈMES l. —Iyena qui se servent de parasynthèmes, à cause des terreurs paniques, et pour reconnaître plus facilement les amis. . ot 2. — Il faut que ces parasynthèmes remplissent bien leur but et que l'ennemi ne puisse pas facilement les découvrir. En voici des exemples : Dans les nuits obscures, on demandera le synthème, et'en même temps on y ajoutera quelques paroles, ou l'on se fera reconnaître par quelque bruit; celui qui est interrogé répondra le synthème, et y ajoutera quelque parole convenue à l’avance, ou se fera reconnaître par quelque bruit. Dans le jour, celui qui demandera le synthème ôtera son chapeau, ou, s’il l’a à la main, il le mettra sur sa tête; il l'approchera de son visage ou l'en éloignera; il plantera sa pique En terre ou il la passera à sa gauche; il la saisira avec la main ou il l'élèvera. Celui qui est interrogé donnera le mot et fera celui de ces gestes qui aura été convenu. (Trad. nouvelle.) CHAPITRE XXVI DES RONDES 1. — Dans les circonstances critiques, il faut que deux des escouades (Xéxor) réunies au marché fassent, convenablement armées, une ronde au pied des remparts, en marchant dans deux sens opposés; elles doivent bien prendre garde au para- synthème, afin de se reconnaître. 2. — Ceux qui font les premiers la ronde doivent la faire avant d'avoir soupé; car la ronde qui a lieu immédiatement après le repas, se fait d'ordinaire négligemment et moins en ordre. Cf. PxiLox. TE, 17 99 y Am Cf. PHILON, rt, 16. Cf. PuiLon, 1v, 62-66. EL SRE ÆXÉAS. 3. — Il est bon de faire la ronde sans lanternes, à moins* que l'hiver ne soit fort rude et les nuits fort obscures. I] faut alors que la lampe ne projette aucune lumière en haut; pour cela, on la couvrira d’une facon quelconque, de manière à n'éclairer que le sol et ce qui se trouve en avant des pieds des soldats. 4. — Dans les villes où il y a des chevaux et où l'on peut marcher à cheval, ce seront des cavaliers qui feront les rondes pendant l'hiver; car, dans les grands froids, les grandes pluies et les nuits longues, la ronde se fait et se répète plus souvent à cheval qu’à pied. 5. — Quelques-uns la font faire en même temps sur les remparts, afin qu'une partie des rondes observe ce qui se passe au dedans pendant que l'autre observe ce qui se passe au dehors. Ceux qui font la ronde sur le rempart pendant les nuits obscures, auront des pierres et en jetteront de temps en temps dehors; mais il y en a qui blâment cet usage par la raison que nous avous indiquée plus haut. 6. — Lorsque les citoyens se défient les uns des autres, 1l faut que les rondes se fassent en bas des murs, et que les soldats ne montent pas sur le rempart, excepté ceux qui sont TEINTE % (Trad. nouvelle.) CHAPITRE XXXI DES LETTRES SECRÈTES {. — Pour ce qui regarde les lettres que l'on envoie en secret, il y a différertes manières de les faire parvenir; mais il faut auparavant que ceux qui s'écrivent soient convenus de quelques points. Les exemples suivants sont les plus sûrs à imiter. 0 2 DÉFENSE DES PLACES. 11 2, — On avait mis un livre parmi plusieurs vases et autres effets ; on avait fait des points sur les caractères de ce livre, qui, étant rassemblés, composaient tout ce qu'on voulait mander : ces points doivent être petits. Or, le livre étant parvenu à celui à qui on l'avait adressé, il copia de suite, d'une ligne à une autre, d'une page à une autre, tous les caractères D D , qui étaient pointés, et en composa la lettre qu'on eût voulu lui écrire, et dont on avait seulement indiqué les caractères. 3. — Si l'on na que peu de choses à marquer à quelqu'un par une lettre, on peut aussi se servir de ce moyen qui ressemble fort au premier. En remplissant une lettre fort longue de plusieurs choses communes, on pourra faire la même chose dans cette lettre, en mettant des marques sur les caractères qui signifieront tout ce que vous voudrez : que ces marques soient mises cependant de facon qu'on n'ait pas sujet d'y faire attention; par exemple, servez-vous de points ou de petits traits. De cette manière, personne ne prendra de soup- con; et il n y aura que celui à qui la lettre aura été Me ée pui pourra la déchiffrer. 4. — Autre manière. Qu'on envoie un homme porter de vive voix des nouvelles indifférentes ou une lettre qui ne contienne que des choses fort ordinaires, mais que l’on mette à son insu dans ses souliers la lettre secrète; et, afin que ni la boue ni l'eau ne gâtent ce qui est écrit, il faut écrire sur du plomb blanchi qui ait été battu fort mince, de crainte que les lettres ne soient effacées. Lorsque l'exprès sera arrivé, que celui à quiilest adressé profite de son sommeil pour découdre ses souliers pendant la nuit, qu'il en tire la lettre, y substitue la réponse, raccommode le soulier, et que, le léndemain, il renvoie cet exprès avec une lettre ostensible. De cette manière, personne, pas niême l’exprès, ne saura quelle est la ruse qu'on emploie; mais il faut avoir soin que ces coutures soient faites de manière que rien n'y paraisse. 5. — On porta des lettres à Ephèse, et on les fit passer de la manière suivante : on envoya quelqu'un ayant une lettre 312 ÆNÉAS. écrite sur des feuilles, et ces feuilles étaient attachées sur un ulcère que cet homme avait à l'os de la jambe (1). 6. — On pourrait aussi faire passer des lettres en les pen- dant aux oreilles des femmes dans de petites plaques de plomb que l’on prendrait pour des boucles d'oreilles. 7.— Un traître s'est aussi servi de ce moyen pour faire passer une lettre dans le camp des ennemis. Entre plusieurs cavaliers qu'on avait envoyés ravager le territoire ennemi, on avait caché une lettre sous l'extrémité de la cuirasse de l’un d'eux, et on avait ordonné à ce cavalier que, lorsqu'il approcherait des ennemis, il se laissât tomber de son cheval, comme malgré lui; qu'il tchât de se faire prendre, et qu'après être parvenu au camp des ennemis, il rendit la lettre à qui elle était adressée. 8. — Un autre, ayant envoyé un cavalier, fit mettre une lettre dans la bride du cheval. 9. — Voici un cas d’une espèce tout opposée. On assiégeait une certaine ville; le porteur de la lettre, y étant entré, ne rendit point la lettre aux conjurés à qui elle était adressée, mais la porta au chef de la ville. Celui-ci, ayant jugé du fait, ordonna à cet homme de la porter à ceux à qui elle était adressée, mais de lui en rapporter la réponse, si ce qu'il lui disait était vrai. L'espion fit ce qu'on lui ordonna. Le magis- trat ayant donc recu la réponse des conjurés, les fit venir, et leur montra leur signature, qu'ils furent obligés de recon- naître. Alors, il lut les lettres devant eux, et les convainquit de leur trahison. 11 me semble que ce magistrat fut fort ingé- nieux à découvrir toute la vérité, en ce qu'il n'avait pas voulu recevoir la lettre de l'ennemi et la regarder Comme une preuve; (1) À Metz, un paysan vint proposer au commandant supérieur de faire passer des dépêches à travers les lignes prussiennes en les roulant dans un étui d'argent qu'il devait introduire dans le séton de son âne. Nos premiers journaux arrivèrent de l'extérieur dans les bottes d'un sapeur, conducteur du 1° régiment du génie , échappé de Sedan. — A Mézières, les journaux arrivèrent dans le collier du cheval d'un con- voyeur. DÉFENSE DES PLACES. 313 car les conjurés auraient pu nier la correspondance et dire que c'était des embüches qu'on leur tendait. Mais, comme 1l tenait entre ses mains la réponse qu'ils avaient faite à cette lettre, il découvrit tout le complot et convainquit les conjurés. 10. — On transporte encore les lettres de cette manière : Faites sécher une vessie de la grandeur nécessaire. Après l'avoir euflée et bien liée à son col, écrivez dessus avec de l'encre à laquelle vous aurez ajouté un peu de gomme. Lorsque Les lettres seront sèches, désenflez la vessie ct la faites entrer dans une bouteille; après cela, remplissez cette vessie d'huile, elle s’appliquera parfaitement à l'intérieur de la bouteille; coupez ensuite ce qui déborde la bouteille, appli- quez-en le col si bien à celui de la bouteille qu'il n'en paraisse rien, et il ne paraîtra y avoir que de l'huile. 11. — Ceci arriva aussi autrefois. Quelqu'un ayant écrit sur une tablette de bois, l'enduisit ensuite de cire et écrivit après cela d’autres choses sur cette cire : cette tablette étant parvenue à celui à qui elle était adressée, il en ôta la cire et ayant lu ce qui était écrit, il renvoya le porteur avec une réponse écrite de même. 12. — On dit aussi que quelqu'un, äprès avoir écrit sur une tablette de buis avec une encre très parfaite, en desséchait si parfaitement l'écriture qu'il n’en paraissait plus un trait; ensuite il enduisait cette tablette d’un vernis blanc, et lors- qu'elle était parvenue au correspondant, celui-ci la plongeait dans un vase d’eau, et tout ce qui avait été écrit y paraissait clairement (1. . 13. — L'on peut encore écrire ce que l'on veut sur la toile qui sert aux peintres, et, après l'avoir euduite d'un vernis blanc, y peindre un cavalier ou telle autre chose, comme, par exemple, des habillements blancs, un cheval blanc, ou, si vous (1) On prétend que les lettres écrites avec du jus de tithymale, ou une dissolution d'alun, deviennent apparentes quand on les trempe dans de l'eau. 314 ÆNÉAS. aimez mieux, de quelque autre couleur, pourvu que ce ne soit pas du noir; il faut ensuite donner ce tableau à quelqu'un pour le porter dans le premier temple qui se trouvera hors de la ville et l'y suspendre comme un don auquel il se croyait obligé par quelque vœu. Lors donc qu'on voudra lire ce qui y a été écrit, il n'y aura qu à aller au temple, et, reconnaissant le tableau par une certaine marque dont on sera convenu, on l'apportera chez soi et on le tremipera dans de l'huile : tout ce qu'on y aura écrit sera lisible. 14. — Voici, enfin, la manière la plus secrète d'envoyer des lettres, mais aussi la plus difficile à exécuter. Percez vingt- quatre trous dans un dé, c'est-à-dire percez quatre de ses faces de six trous chacune; que ces trous marquent les vingt-quatre lettres de l'alphabet grec. Souvenez-vous de quel côté se trouve la première lettre «, et celles qui la suivent immédiatement. Si vous voulez, par exemple, donner l'avis : ai Suvdpers émeoticuv (les forces ont manqué), faites passer des fils par ces trous. En passant ces fils, commencez par le côté de l'« et passez le fil par le trou qui marque cette lettre; sautez les lettres suivantes jusqu'à ce que vous soyez venu au côté où est l’«; passez de rechef votre fil par le trou de l’:; sautez ensuite les lettres suivantes Jusqu'à ce que vous soyez revenu au à et passez-y votre fil. Laissez encore toutes les lettres qui suivent cette dernière jusqu'à ce que vous ayez retrouvé l'v et passez-y votre fil comme auparavant. Continuez de même pour les autres lettres de toute la phrase. Par ce moyen, au lieu d'écrire, vous passez des fils par toutes les lettres, comme si tout ce que vous aviez écrit n'était qu'un seul mot. Ce que l'on enverra de cette manière sera donc comme un peloton de fil autour du dé; et il faut que celui qui voudra lire ce qu'on lui marque, écrive successivement sur ses tablettes les lettres désignées par ces trous. La sortie de ces.fils doit se faire d'un ordre contraire au premier. Il n'y a aucune difficulté à ce que les lettres se trouveront écrites à rebours sur les tablettes, car cela n'empêehera pas qu'on ne connaisse de quoi il s'agit, DÉFENSE DES PLACES. 319 quoiqu il y ait plus d'ouvrage à connaitre ce qui a été marqué qu'à le marquer. On fera la même chose, avec encore moins d'embarras, si l'on prend un morceau de bois d'un demi-pied ou d'un tiers, et qui ait autant de trous, et qu’ensuite on passe _les fils par ces trous. Toutes les fois qu'il faudra passer le fil par le même trou deux fois de suite, comme lorsque la même lettre se répète, tournez le fil une fois autour du bois avant de le passer une seconde fois dans le même trou. On fera encore la même chose de cette manière : polissez une boule de bois, ou bien un petit bâton; percez ensuite autour vingt-quatre trous (dans une sorte de suile), et afin d'éviter que l'on ne soupconne quelque chose, percez aussi çà et là quelques trous iüutiles au milieu de la boule; passez ensuite voire fil conime ci-devant par les trous disposés de suite. Mais quand il y aura une lettre à marquer deux fois de suite; ayez soin de passer le’ fil dans les trous inutiles du milieu; après quoi vous le passez de nouveau dans le même trou pour marquer une seconde fois votre mème lettre. 15. — On s'est servi encore de cette méthode : ayant écrit sur une earte extrèmement mince des lignes composées de lettres extrêmement fines, on cacha cette petite carte sous la robe du porteur, au-dessus de l'épaule, en repliant la robe. Par ce moyen, cette espèce de lettre pourra être transportée et le porteur éviter tout soupçon, soit qu'il ait mis sa robe, soit qu'il la porte à la main. 16. — On peut donc montrer par des exemples qu'il est très difficile de parer à toutes les ruses qu'on peut employer pour faire parvenir des lettres; car les habitants d'Ilium, qui tra- vaillent depuis très longtemps à découvrir ces sortes de ruses et qui y sont extrêmement attentifs, n'ont pas encore pu empêcher que les Locriens, favorisés de quelques citoyens, n'entrent dans leur ville. 17. — Les anciens se sont aussi servis de cette ruse. Timoxène voulant livrer la ville de Potidée à Artabaze, l'un et l’autre étaient convenus d’un lieu dans la ville, et d’un 316 ÆNÉAS. autre lieu dans le camp, d'où, s'ils avaient quelque chose à se faire savoir, ils devaient se tirer des flèches empennées autour desquelles leurs billets seraient ajustés. Mais il arriva que la fraude de Timoxène, qui trahissait Potidée, fut décou- verte; car la flèche d’Artabaze ayant blessé un homme de Potidée à l'épaule, une foule de gens s'assembla autour du blessé, et quelqu'un ayant ramassé la flèche, on vit ce qui en était et on l'apporta sur-le-champ aux magistrats. 18. — Histiæus voulant faire savoir quelque chose à Aris- lagoras, et n'ayant pas d'autres moyens pour le faire, puis- qu'il était presque impossible que celui qui porterait la lettre échappät aux gardes distribués sur les chemins, fit raser la tête au plus fidèle de ses domestiques, fit imprimer quelques lettres avec un fer chaud sur la tête de ce chauve, et le tint caché jusqu'à ce qu'une partie de ses cheveux fût revenue : ce qui étant arrivé, il l'envoya à Milet, ne lui donnant d'autre ordre, qu'après qu'il serait arrivé à Ephèse, il allât trouver Aristagoras, et lui dit de sa part de faire raser la tête marquée au fer chaud et de l’examiner : les marques du fer désignaient ce qu'il y avait à faire. 19. — On peut aussi se servir de cet expédient. IL faut convenir auparavant de se servir de points au lieu de voyelles; je veux dire en mettre autant qu'il en faut pour marquer laquelle des voyelles il faut choisir entre toutes. Par exemple : GE Din:.:s L:-b:.:.".:. (Que:Denis le1bea) visa :r.cl".-d: (vienne à Héraclide). On peut s'y prendre d’une autre manière, en substituant quelque autre chose à lasplace des voyelles. Mais il est néces- saire de faire déposer secrètement les billets qu'on envoie dans un endroit connu du correspondant, afin que, dès qu'il sait que l’exprès est venu dans la ville comme pour y acheter ou vendre quelque chose, il sache que des lettres lui sont arrivées et qu'elles sont cachées dans l'endroit marqué. De cette manière, ni celui qui l'apporte, ni personne, ne saura à qui elle est adressée. 317 20. — Plusieurs Epirotes se servent de chiens de cette ma- nière : ils s'en vont avec un chien en laisse; ils lui attachent ensuite un collier dans lequel on a écrit ce qu'on voulait mander, et le renvoient. Ce chien ne manque pas de retourner à l'endroit d’où on l’a emmené. On dit que les Thessaloniciens ont inventé cet usage. 21. — Au reste, il faut ouvrir ces sortes de lettres à l'instant même qu'on les recoit. On avait envoyé une lettre à Astyanax, tyran de Lampsaque, qui l’avertissait de la conspiration par laquelle il périt : parce qu'il n'avait pas lu cette lettre au premier moment et qu'il s’occupait d'autres affaires, il fut tué la lettre à la main. Cadmée tomba dans les mains des Thébains par la même négligence; et la même chose arriva à Mytilène dans la Lesbie. | 22. — Un pilote de Perse, nommé Glus, allant trouver le roi, devant lequel il n’est pas permis d’avoir aucun écrit en main, et ayant à parler au roi de mémoire sur beaucoup de choses importantes, il en écrivit les principaux chefs sur les membranes de ses doigts. 23. — Le garde d'une porte doit donc être très soignenx sur toutes ces sortes de ruses, de crainte qu'il n'entre dans la ville ou des armes ou des lettres. . (Traduction du comte pE B&AUSOBRE.) DÉFENSE DES PLACES. s CHAPITRE XXXII DE CE QU'IL FAUT OPPOSER AUX MACHINES DES ASSIÉGEANTS (AVTUNHAVALETS ) 1.— Contre les attaques des ennemis, voici comment il faut se défendre, soit à l’aide de machines, soit à l’aide de soldats. 2. — D'abord si l'ennemi attaque à l’aide de tours (réoyov), de mâts (ior&v), ou d'autres procédés analogues, il faut lui opposer des constructions semblables, et les protéger autant que possible par des couvertures formant un rideau continu Cf. PuiLox, tt, 10. . Cf Pico, 126, 0,710. 318 ÆNÉAS. et convenablément fixé. Il faut aussi se servir de matières combustibles capables de produire beaucoup de fumée et un feu très violent. On pourra encore élever, pour les combattre, soit des tours de bois (répyous Evaivous), soit d’autres éminences faites avec des corbeilles (+oou&v) remplies de sable, de pierres ou de briques (1). Des treillis de roseaux mis en long et en travers, serviront à amoriir les traits. | 3. — Il faut préparer des défenses contre les machines (unyaväpasiv) destinées à attaquer les murs, telles que le bélier et autres semblables; ce seront, par exemple, des sacs remplis de paille et suspendus le long des murs, des ballots de laine, des outres de cuir de bœuf frais enflées ou remplies de diverses choses, et enfin une foule de matières analogues. Lorsque l'ennemi cherche à percer une porte ou un mur, il faut relever la pointe de sa machine avec un lacet, afin que celle-ci ne puisse y arriver. Il faut aussi préparer une grosse pierre, de celles qui forment à elles seules la charge d’un chariot, afin de briser le trépan (+è rpéravov): on fera tomber cette pierre à l'aide de poutres saillantes auxquelles elle sera suspendue au moyen de pinces; pour être sûr de ne pas manquer le trépan, il faudra se servir d'un fil à plomb, et quand on aura rencontré le trépan, on lâchera la pierre. Mais ce qu'il y a encore de mieux pour résister aux attaques contre le mur, c'est le moyen que voici : lorsque vous connaïtrez le point où le mur doit être attaqué, vous préparerez à l'intérieur un contre-bélier (ävrwpwév); vous percerez le mur jusqu'auprès du parement extérieur, de telle manière que les ennemis ne s'en aperçoivent pas; puis, lorsque leur machine aura été approchée, vous la 1) «Timothée assiégeait Torone ; ceux de laville élevaient des cavaliers fort haut par le moyen de poches de cuir et de corbeilles pleines de sable. Timothée prépara de grandes machines où il y avait des mâts avec des pointes de fer et des faux. Par le moyen des pointes, on déchira les poches de cuir, et avec les faux on rompit les corbeilles, et le sable s'écoula. Les Toroniens, voyant cela, se rendirent. » (Porvex, liv. II, ch db) DÉFENSE DES PLACES. 319 frapperez de l’intérieur avec le contre-bélier; de cette us c'est le contre-bélier qui aura l'avantage. 4. — Pour s'opposer aux grands engins (ueyé&la pnyxavitaræ), sur lesquels on place plusieurs corps de troupe, d'où on lance des traits et d’autres projectiles, où l'on établit des catapultes (xuroméire), des frondes (spevôévau) (1) et des arcs ‘rupgépa roteüpata) pour incendier les maisons faites en roseaux, il faudra d'abord que ceux de la ville creusent secrètement des mines sur la route de ces engins, afin que leurs roues, en défoncant le sol, s'énfoncent dans la cavité (2. Il faudra ensuite élever à l'inté- rieur un cavalier (éouua), à l’aide de corbeiïlles remplies de sable, de pierres et d’autres matériaux convenables, afin de dominer l'engin et de faire taire l'artillerie de l'ennemi. 5. — Il faut tendre en même temps des tapis et des voiles flottants, qui serviront de défense contre les traits ennemis et arrêteront ceux qui arriveraient au-dessus du cavalier : on pourra alors facilement les ramasser, et il: n'en tombera point à terre. On agira de même au-dessus du mur, là où les” traits pourraient blesser Les soldats de service ou les habitants qui circulent dans la ville. *6. — Si une tortue parvient à percer le mur et à en faire crouler une partie, voici les préparatifs qu'il faut faire pour y remédier. Allumez un grand feu auprès du trou et creusez en arrière un fossé correspondant à la brèche, afin que les “ennemis ne puissent entrer; et, si vous ne pouvez vous défendre ee (1) Il s'agit ici non des frondes, mais des machines monancônes appe- lées plus tard onagres. + (2) C'est ce qui arriva, d'après VÉGècE (1v, 20), au siége de Rhodes par Démétrius Poliorcète. Virruve (livre x) raconte la chose autrement. Il dit que les assiégés avaient percé leur mur du côté de la machine et que, par cette ouverture, ils avaient fait passer un canal au moyen duquel ils répandirent toute une nuit de l'eau, de la boue et des excréments sur le chemin que devait suivre l'hélépole. Le lendemain, quand la machine se mit en mouvement, avant même qu'elle fut arrivée au pied du mur, elle enfonça si profondément dans cette terre délayée, qu'il fut impossible de l'approcher davantage et de la ramener en arrière. Cf. PxiLon, re IL1, 48. CF. Pico, Ill, 38. Cf. Puicox, IT, ile Cf. PiLoN, Ill, 23. Cf. PuiLon, 11 0 LA Cf. Pico, LA) 320 ÆNÉAS. autrement, hâtez-vous d'élever en arrière un nouveau mur avant que le premier ne soit renversé ou seulement percé. (Trad. nouvelle ) 4 CHAPITRE XXXIII DE LA MANIÈRE DE METTRE LE FEU AUX MACHINES DES ASSIÉGEANTS 1. — Lorsqu'une tortue se sera approchée du mur, il faudra jeter dessus de la poix, de l'étoupe et du soufre, et descendre sur elle, au moyen d'une corde, un fagot incendiaire et en- flammé. Toutes ces choses doivent être préparées à l'avance, pour être lancées du haut du rempart sur les engins que l'attaque fera avancer. 2. — Voici encore ün moyen de les incendier : on prépare un morceau de bois dans le genre d'un pilon, mais beaucoup plus grand; aux extrémités du bois on enfonce de grandes pointes de fer; dans toutes les autres parties, soit en haut, soit en bas, on distribue les matières les plus propres à engendrer l'incendie; l'objet doit alors avoir la forme que l'on attribue-à la foudre. Il faut jeter cet objet ainsi préparé sur l'engin que l'on approchera, de facon qu'il s’y fiche et que le feu qu'il y aura mis ne s’éteigne pas facilement. 3. — S'il y a dans la ville des constructions en bois, ou que quelque partie du rempart soit faite de cette matière, il faut étendre au-dessus des créneaux des cuirs frais et des étoffes de feutre, pour empêcher que l'ennemi n'y mette le feu. 4. — Si l'ennemi met le feu aux. portes, rassemblez beau- coup de bois et faites en arrière un feu aussi violent que possible, jusqu'à ce que vous vous soyez retranché à l'intérieur par un fossé. Vous prendrez pour cela tout ce qui sera à votre disposition, et même, s’il vous manque encore quelque chose, yous le prendrez dans les maisons voisines. (Trad. nouvelle. DÉFENSE DES PLACES. 321 CHAPITRE XXXIV DE CE QUI SERT A ÉTEINDRE LE FEU 1. — Si les ennemis s'efforcent de vous incendier au moyen Cf. Parrow, de matières incendiaires, il faut vous y opposer à l’aide du 1" ?6: vinaigre, car il empêche de brûler facilement. Il serait cepen- dant plus avantageux qu'on eût mouillé à l'avance avec du vinaigre ce qui est exposé à brüler, car le feu ne prend pas aux matières imbibées de ce liquide. 2. — Il faut que ceux qui, des lieux élevés, sont chargés d’éteindre l'incendie, aient devant le visage un masque pour les empêcher de souffrir des flammes qui s'élèvent vers eux. (Trad. nouvelle.) CHAPITRE XXXV DES MATIÈRES INCENDIAIRES Pour produire un embrasement qu’on ne pourra éteindre d'aucune manière, prenez de la poix, du soufre, de l’étoupe, des grains d'encens et de ces ratissures de bois gommeux avec lesquelles on prépare les torches; faites-en des boules, mettez-y le feu et jetez-les contre ce que vous voulez réduire en cendres. (Trad. nouvelle.) CHAPITRE XXX VII DE LA MANIÈRE DE RECONNAITRE ET DE REPOUSSER LES MINEURS 1. — Voici comment il faut arrêter les mineurs (robe ümopüs- + pH covras). Si vous vous apercevez que l’on mine, il faut creuser 15e en dehors un fossé aussi profond que possible, afin que la mine (rù dropiyux) vienne y déboucher et que les mineurs | 21 322 é ÆNÉAS. soient découverts. Si cela est possible, il faut aussi construire dans ce fossé un mur de médiocre hauteur, mais très solide et composé de très grosses pierres (1). 2. — Si vous ne pouvez faire cette construction en pierres, il faudra préparer un amas de toute sorte de bois, et lorsque la mine débouchera dans votre fossé, vous y jetterez ces bois et ces broussailles en y mettant le feu; puis vous couvrirez le tout de facon que la fumée se dirige vers l'entrée du sou- terrain (rè ôépuyuæ) et incommode ceux qui seront dans la galerie (ëv & ôpéyuar). Il en résultera qu’un grand nombre de mineurs périront asphyxiés (2). 3. — On a également fait entrer par l'ouverture des guëêpes et des abeilles qui ont maltraité ceux qui étaient dans la mine (3). 4. — 11 faut aussi, quand vous saurez vers quel point les ennemis dirigent leur mine, creuser de ce côté une contre- mine (ävôvropüssew), aller au-devant d'eux et mettre le feu à tout ce qui se trouvera dans leur galerie. 9. — On raconte cette vieille histoire : Amasis, assiégeant les Barcéens, commenca à fouiller la terre; les Barcéens furent très inquiets, craignant qu Amasis ne parvint jusqu'à eux sans être découvert. Un forgeron, réfléchissant là-dessus, trouva cet expédient: 1l prit un bouclier d’airain et, le portant le long des murs, il le posa à terre en divers endroits en y appliquant l'oreille; ayant entendu du bruit en un certain point, il jugea que l'ennemi s'avançait de ce côté. Les Barcéens y creusèrent une contre-mine (&vropüocovrezs), rencontrèrent les mineurs assiéceants et en tuèrent un grand nombre. C'est ainsi que (1) Ce mur était un rempart à l'abri duquel les assiégés attendaient le débouché des assiégeants. — Cf. Siége de Marseille par les Romains (Vare., x; VÉGÈCE, 1v, 5.) (2) Cf. Siége d'Ambracie (Pozyee, xxu; Tire -JLave, xxx, 4-7; PoLYEn, vi). (3) CF. Siége de Themiscyre par Lucullus (Appian. De bello Mithrid.. XLIV ). [A DÉFENSE DES PLACES. 323 l'on agit aujourd'hui pour reconnaître l'endroit où les mineurs travaillent (1). 6. — Voici maintenant le moyen de construire l'abri le plus solide pour ceux qui doivent miner. Il faut lier les timons de deux chariots à deux roues (äuat&v), de telle sorte que les pointes soient en haut et que le derrière des chars soit fiché en terre; disposez ensuite sur ces deux chariots réunis toute sorte de bois, de roseaux et autres choses propres _ à faire un blindage, et enduisez le tout de terre glaise (xn6). Vous pourrez pousser et ramener cette machine où vous vou- drez, à cause de ses roues, et vos mineurs seront à couvert (?). ——_— CHAPITRE XXXIX DES RUSES 1. — Les assiégés doivent se servir de moyens tels que ceux-ci : 2. — Dans les [chaussées des] portes (ëv raïç müdouc), et, autant (1) Héropote (1v, 200) raconte le même fait presque dans les mêmes termes. L'äonis avait la forme d'une assiette à soupe, d’une circon- férence capable de couvrir un homme du cou au mollet. Cette forme et le métal dont il était composé lui donnaient une grande sonorité. Les anciens se servaient d'ustensiles tout à fait analogues, sauf les dimensions, dans les bains publics, pour avertir les clients que leur eau était prête. (Voir le Dictionnaire des antiquités romaines et grecques d'A. Ricx, aux mots : clypeus, æs thermarium.) L'architecte Tryphon employa des vases d'airain pour reconnaître les mineurs au siége d’Apol. lonie par Philippe III de Macédoine, en 214 av. J.-C. ( Virruve, x.) En 1450, les habitants de Croye, assiégés par Mahomet IL, perfectionnèrent ce procédé en tendant une peau sur le vase d’airain et en plaçant des balles sur la peau. Aujourd'hui, nous employons un tambour avec des pois secs ou des billes qui ressautent à la moindre trépidation du sol. (2) Cette machine n'était point destinée à remplacer la tortue des mineurs (épuxtpis xelwvn) que l'on appliquait contre le mur pour le saper ; elle eût été trop faible : elle devait servir seulément à protéger l'ouverture du puits d'attaque, quand on ne pouvait dérober celle-ci aux vues de l'assiégé par suite d'un pli de terrain. Cf. PxiLow, ui, 18 324 i ÆNÉAS. que possible, à l'intérieur [du couloir] de ces portes, on creuse un fossé en laissant un passage à droite et à gauche; puis on fait sortir quelques soldats qui attaquent l'ennemi et l'attirent vers la ville. Les escarmoucheurs rentrent alors dans la place, au moyen de passages ménagés de chaque côté du fossé, entraînant à leur poursuite les ennemis; ceux-ci, n’ayant aucune connaissance du fossé que l’on aura.eu soin de dissi- muler, y tomberont infailliblement et y périront. Il faut, dans ces cas-là, qu'il y ait à l’intérieur de la ville des troupes rangées en bataille dans les rues de traverse (èv taïs Gt6dou), ainsi qu’en avant des coupures (mpès voïc opüyuas) et sur les places qui précèdent les portes (raïs tv nul&y x6patc). 3. — Si un grand nombre d’ennemis entraient malgré cela dans la place et qu'on voulüût les faire prisonniers, il faudrait suspendre en haut, et au milieu du couloir des portes (roù uecondov), une porte formée de solives aussi épaisses que pos- sible et garnies de fer; lorsqu'on voudra arrêter les assaillants qui se précipitent vers la ville, on laissera retomber la porte verticalement. Par ce moyen, on blessera d’abord un certain nombre d’ennemis, puis on empêchera ceux qui sont pris à° l'intérieur de battre en retraite. Dans le même temps, ceux qui sont sur le rempart doivent tirer sur les ennemis qui s'approcheraient des portes (is ie NRC GUESS (Trad. nouvelle ) 1) On voit que la herse était connue du temps d'Æxéas, et par suite du temps de PæLox qui a négligé d’en parler. VÉGÈGE (1v, 4) la décrit sous le nom de cataracta (xarapbäoow, tomber brusquement), mais il la place dans un petit ouvrage (propugnaculum) en avant de la porte, tandis que Æxéas la suppose dans le couloir même, comme cela s'est pratiqué au moyen âge. On voit distinctement les coulisses où elle jouait dans la porte d'Herculanum à Pompéi, et dans des portes anciennes à Rome et à Tivoli. Son emploi est mentionné par Tire-Live (xxvu, 28) et APpien (Bell. civ., 1v, 78). DÉFENSE DES PLACES. 329 - CHAPITRE XL. DE LA MANIÈRE DE DÉFENDRE UNE VILLE AVEC PEU DE MONDE . 1. — $i la ville est grande et que les troupes ne soient pas Cf. Pmzow, en nombre suffisant pour en défendre toute l'enceinte; si, ne. d'un autre côté, vous ne voulez employer que les forces que vous avez sous la main, il faut, dans tous les endroits de la ville qui sont d'un accès facile, élever des barricades (Ym&) avec toute sorte de matériaux, de facon que si quelques-uns des ennemis venaient à escalader ces barricades par surprise ou de vive force, ils ne pussent en descendre et fussent alors obligés de se retirer faute de pouvoir aller en avant. Le long de ces constructions, vous établirez, de distance en dis- tance, des postes formés de quelques-uns de vos soldats, afin de tuer tous ceux qui chercheront à descendre des barricades (1). — Nous avons exposé, dans notre Te des Pré FA dé guerre, ce qui regarde les aliments, le“blé et les autres choses dont les assiégés ont besoin, de même que la manière dont on peut corriger les mauvaises eaux et les rendre polables. (1) Ge passage est un curieux témoignage de l'importance que les anciens accordaient à la contrescarpe comme obstacle. EXTRAITS DES STRATÉGIQUES DE L’ANONYME DE BYZANCE TRADUITS POUR LA PREMIÈRE FOIS DU GREC EN FRANÇAIS | te NOTICE Le traité des Stralégiques se trouve, sans nom d'auteur, dans le manuscrit LV, 4, dit de Médicis, provenant de la bibliothèque de Laurent II, à Florence, pp. 77-130, et dans le manuscrit n° 2522 de la Bibliothèque nationale de Paris, 218 v° — 280 v°. Il se compose de trente-trois chapitres. Le premier traite de l’organisation de la cité el de la distinc- tion des diverses classes de citoyens. Le deuxième a pour objet les gardes (oi goaxes). Le troisième concerne Les signaux par le feu (oi rupsoi) : l’auteur y décrit un procédé beaucoup plus, primitif que celui qui est indiqué par ÆnÉas et PHiLox. Le quatrième est intitulé : æept ppoupiwv, des forts d’observa- tion. Le cinquième et le sixième traitent de la fortification et de la défense des places. C'est sans doute pour ce motif que, dans le catalogue imprimé de la Bibliothèque nationale, ce traité est intitulé : Anonymus de uwrbibus condendis et adversus hostes muniendis. Les chapitres suivants ont trait presque tous à l'armement, à l'organisation et à la manœuvre des troupes, ainsi qu'à la conduite de la querre en général. Je signalerai néanmoins aux ingénieurs le chapitre x1x qui regarde le passage des fleuves, et le chapitre xxix où il s’agit de la construction et de la garde des camps. Ce traité a été étudié pour la première fois, en 1854, par M. Th.-Henri Martin, dans sa dissertation sur les Héron. Ce savant l’a indiqué comme l’une des sources où avait puisé Héron le jeune. En 1855, MM. Kæchly et Rüstow en ont publié le texte avec une traduction allemande et des notes, 330 NOTICE. Ces érudits ont modifié la division en chapitres, et nous avons adopté leur système dans les extraits suivants. . On ne connaît pas le nom de l’auteur; mais on peut inférer de diverses allusions semées dans le cours de son ouvrage, qu'il avait composé un traité de poliorcétique et qu'il vivait sous le règne de Justinien (527-565). On remarquera, notamment à propos du chapitre vin, combien l’art militaire avait déchu depuis l'époque de Philon; néanmoins l’Anonyme de Byzance offre, dans certaines par- ties, un intérêt réel pour l'ingénieur : il donne, sur le choix de l'assiette des places fortes et sur leur rôle dans la défense des frontières, les seuls détails qu'aient laissés à ce sujet les auteurs didactiques de l'antiquité. EXTRAITS DES STRATÉGIQUES DE L’ANONYME DE BYZANCE CHAPITRE VI DE LA DÉFENSE DES PLACES (1) 1. — Lorsque l'ennemi nous menace, nous devons, en premier lieu, établir des postes et des avant-postes (quranas ai mpopÜhaxas), allumer des feux pour servir de signaux (nupoèv ävénrew), et organiser des tours d'observation (poüpue), afin d'annoncer son approche. 2. — En second lieu, pour se mettre à l’abri de ses attaques, nous élèverons des remparts (retyn), nous construirons des forti- fications avancées (rporetyiouara), et nous creuserons des fossés (réppouc), de sorte que, lorsque l'ennemi arrivera, nous pour- rons rassembler la multitude à l'intérieur de nos murs, ou lui fournir les moyens de gagner les hauteurs, de se retirer dans les îles, dans les cavernes, ou dans tout autre lieu capable de protéger ceux qui y chercheront un refuge. 3. — En troisième lieu, il faut occuper les positions d’où il est le plus aisé de surveiller l'ennemi, et les environner de palissades (xapaxwuara), de fossés (régpouc), de chausse-trapes (ret66%ouc), de trous-de-loup (B6tpouc), de piquefs (cxéhomus) et d'autres défenses semblables. (1) Ce chapitre, sans titre dans le texte grec, n'est qu'une sorte de table où l’auteur indique ce qui lui paraît le plus intéressant à traiter relativement à la défense des places. Les chapitres vn, vin et 1x ne sont que le développement du ? 1; le chapitre x correspond au ? ?, et ainsi des autres, 332 ANONYME DE BYZANCE. 4. — En quatrième lieu, lorsque l'ennemi marche contre nous et que nous sommes trop faibles pour lui résister, nous devons faire diversion, soit en soulevant contre lui les peuples voisins, comme l'a fait notre roi, soit en nous montrant dis- posés à attaquer son propre pays; non pas que cette attaque .doive se faire réellement, quoique cela ait eu lieu plus d’une fois, mais dans le seul but de l’éloigner de notre territoire. Cet artifice a souvent réussi; ainsi, il est arrivé qu'un général voulant éloigner les ennemis, leur a envoyé, sous forme de transfuges, des prisonniers ou des esclaves avec mission de leur annoncer qu'il faisait des préparatifs pour aller attaquer leur propre pays : les ennemis quittèrent alors notre territoire pour aller défendre le leur. 5. — En cinquième lieu, lorsque nous sommes dans l’im- possibilité absolue de rien opposer à l'ennemi, nous devons prendre le parti de la paix, bien qu'il en résulte pour nous quelque dommage; car de deux maux il faut choisir le moindre. C'est d'ailleurs le moyen le plus sûr de conserver ce que l’on possède : aussi doit-on préférer la paix à tout le reste. 6. — En dernier lieu, et cela est cependant le commente- ment et la fin de toute défense, il faut s'occuper avec le plus grand soin de tout ce qui concerne le boire et le manger, non-seulement quand on est dans les camps, mais encore quand on est dans les villes. CHAPITRE VII DES QUALITÉS DES SENTINELLES ET DES DIFFÉRENTES POSITIONS OU ELLES DOIVENT S'ÉTABLIR 1. — Il faut que ceux à qui nous confions les postes et les avant-postes (Tac quhaxès ua mpoguhaxés) aient naturellement de la prudence et du courage, qu'ils soient habiles dans leurs conjectures et peu enclins au sommeil; qu'ils aient en partage la force du corps et qu'ils soient légers à la course, IL faut de EXTRAITS DES STRATÉGIQUES. 70 FE plus qu'ils aient, à la maison, femme et enfants, et qu'ils possèdent plus de bien que les autres soldats; qu'ils prennent leur sommeil ordinairement pendant le jour et le moins pos- sible pendant la nuit; encore faut-il qu'ils ne dorment pas tous à la fois : les uns dormiront d’abord, les autres après. Ils doivent aussi recevoir des gratifications, surtout lorsque c'est au fort de l'hiver qu'ils sont occupés à découvrir la pré- sence de l'ennemi. Il est également nécessaire de choisir les lieux qui paraissent les plus propres à servir de postes d'ob- servation (eis xatacxomñy ). 2. — Or, parmi les lieux qui se présentent, il en est qui n'ont ni arbres ni aucune espèce de végétation; d'autres ont des arbres; d'autres sont marécageux. Les lieux les plus favo- rables sont ceux qui offrent des espaces unis et entièrement nus; car, alors, les sentinelles ne manqueront pas de s’aper- cevoir de l'approche de l'ennemi. Si, au contraire, les lieux ne sont ni unis ni dépourvus de végétation, s'ils sont mon- tueux, il faudra connaître la profondeur des vallées qui sépa- rent les hauteurs, afin de savoir si les ennemis peuvent les franchir sans être aperçus par les postes. . 3. — Les chevaux des soldats qui font la garde doivent être . hongres (Baëtas) et légers à la course : d’un côté, afin qu'ils ne hennissent point, d'un autre pour qu'ils ne se laissent point prendre. Souvent les ennemis, voulant se rendre maître des sentinelles, feignent d'être des prisonniers de notre parti; ils s'avancent, déguisés sous notre costume, et lorsqu'ils sont arrivés près de nos sentinelles, ils s'en emparent. 4. — Ensuite, d’autres ennemis, venant par une autre voie, tombent sur le dos de nos gardes et les font prisonniers. C'est “à un grand danger pour ceux qui comptent sur la protection de leurs gardes. Cf. Pico, lie Et à: ANONYME DE BYZANCE. CHAPITRE VII DES SIGNAUX PAR LE FEU ET DE LA MANIÈRE D'EN USER 1. — Il faut que les signaux par le feu (roèç mupcots) soient donnés autant que possible des points les plus centraux, afin que tout le reste de l’armée puisse voir de loin l'avertissement donné par la flamme ou la fumée. 2. — Ceux qui sont chargés des signaux par le feu doivent ressembler, eux aussi, aux sentinelles, surtout par le courage, afin que la crainte de l'ennemi ne les oblige point à fuir avant le temps.et ne les empêche pas de faire connaître son approche soit par le feu soit par la fumée. 3. —- Ils doivent apporter à l'avance des broussailles, du chaume, des branches d'arbres, de l'herbe sèche; ils n'oublie- ront pas de se munir de pierre à feu (X8ov rupirnv). 4. — L'étoupe que l'on jette sur le feu est la matière la plus propre à produire une grande flamme accompagnée d’une épaisse fumée qui s'élève fort haut. 9. — Il faut allumer deux fois les signaux lorsqu'on ne. peut distinguer suffisamment si la troupe que l’on aperçoit se compose de bêtes sauvages, d'hommes qui cherchent un refuge ou d'ennemis. S'il est bien reconnu que ce sont des ennemis qui s’avancent pour nous attaquer, il faut allumer les signaux : à trois ou quatre reprises, et même davantage si les ennemis sont en grand nombre. 6. — Ilest, en effet, possible, ainsi que cela ressort de très anciens écrits, de faire connaître, non-seulement que les ennemis approchent, mais encore quel en est le nombre; il suffit pour cela d'allumer les signaux autant de fois qu'on croit voir de milliers d'hommes. 7. — Il est bon de savoir que souvent l'ennemi se montre pendant le jour, qu’il se retire pendant la nuit et demeure alors en repos pendant quelques jours, et qu'il répète ce EXTRAITS DES STRATÉGIQUES. 339 manège à plusieurs reprises. Les feux, que l’on allume à chacune de ses apparitions, font d'abord fuir les gens du pays ; mais après avoir été trompés plusieurs fois, ceux-ci ne s'inquiètent plus des signaux et finissent par rester tranquilles chez eux; enfin, un beau jour, l'ennemi s’avance sérieuse- ment et les fait tous prisonniers. 8. — Aussi, lorsque l'ennemi fait ses premières apparitions et ne se montre que partiellement, il faut rester tranquille, tout en allumant les feux une ou deux fois, et faire tenir la multitude prête à fuir, mais sans l'obliger à quitter ses demeures. Si l'ennemi se montre en grand nombre, il faut doubler ou multiplier les feux pendant la nuit et les famées pendant le jour. Il est donc nécessaire que la multitude sache bien ce qu'indiquent les signaux, et qu'ainsi ces signaux soient bien connus de ceux qui les font et de ceux qui doivent fuir. CHAPITRE IX DES FORTS D'OBSERVATION 1. — Les forts (rà opovaux) (1) sont destinés, premièrement à découvrir la présence de l'ennemi, secondement à servir de refuge aux déserteurs, troisièmement à protéger nos troupes quand elles battent en retraite, quatrièmement enfin à faciliter par leur nombre des invasions sur les frontières de nos enne- mis, moins pour faire du butin que pour savoir ce qui se . passe chez eux et les projets qu'ils méditent contre nous. | 2. — Il faut placer ces forts dans le voisinage des frontières et pas trop loin de la base d'opération (rñs r4v65ov) de l'ennemi, pour que leurs garnisons ne puissent ignorer ses mouvements. Cette dernière condition ne doit pas cependant les faire mettre trop dans la plaine, parce qu'alors nos ennemis, trouvant un SIP r (1) Ppoôpra, de zoù épaw, je vois en avant. 336 ANONYME DE BYZANCE. terrain favorable, camperaient tout auprès de nos postes, et, s'y établissant pour longtemps, empêcheraient, si cela leur était utile, qui que ce fût d'entrer dans les forts ou d'en sortir. 3. — On ne doit pas moins les fortifier par l’art que par la nature de leur assiette; on ne doit n1 y renfermer des valeurs, ni y rassembler un grand nombre de personnes, afin de ne point exciter la convoitise de l'ennemi, qui alors s'arrêterait pour les bloquer. Pendant ce temps, nous n'amènerions que très difficilement nos troupes sur le théâtre de la guerre, tandis que cela serait facile à nos adversaires, à cause des préparatifs qu'ils doivent avoir faits en vue de la retraite. 4. — Le commandant de la garnison, à qui est confié le - soin de‘tout ce qui se trouve dans le fort, doit se distinguer entre tous par sa piété et par les autres qualités qui con- viennent à un chef. Les habitants des forts ne doivent avoir avec eux ni leurs femmes ni leurs enfants, qui seront ordi- nairement dans une autre province; le désir de revoir les leurs les empêchera de fuir à l'ennemi ou de livrer les forts. D. — La garnison ne doit pas toujours se composer des mêmes hommes. On doit relever de temps en temps ceux-ci; et, pendant que les uns retournent dans leurs foyers, les autres arrivent de chez eux dans les forts. 6. — Quand les forts sont assez résistants pour ne pouvoir être pris d'aucune facon et que leur ravitaillement est facile, rien ne s'oppose à ce que les défenseurs y passent leur vie avec leurs familles. 7. — Il ne faut se fier pour la garde des forts à aucun homme qui aurait été prisonnier, ou qui aurait encore un de ses proches chez les ennemis, ou qui aurait été puni pour quelque méfait. 8. — Les forts doivent être abondamment pourvus d'eau, et ne manquer d'aucun des moyens d'existence nécessaires pour tout le temps que l'ennemi peut camper sous leurs murs. EXTRAITS DES STRATÉGIQUES. 441 CHAPITRE X DE L'ÉTABLISSEMENT D'UNE VILLE 1. — Ceux qui veulent bâtir une ville doivent d’abord se préoccuper de l'assiette (rù xwptov) et voir si, à raison de cette assiette, les remparts que l’on élèvera ne seront pas exposés aux surprises des assiégeants. 2. — Il faut, en second lieu, qu'ils songent à trouver de l'eau, et qu'ils examinent si l'on pourra s'en procurer, sans danger, pour boire et satisfaire abondamment aux besoins de la ville et de tous ceux qui, à l’occasion, viendront y chercher un refuge. Si l'eau se trouve en dehors des remparts, il faut choisir un autre emplacement, ou s'arranger de telle façon que les hommes qu'on enverra à l’eau n'en soient point empêchés quand l'ennemi arrivera dans le pays (1). -3. — Il faut, en troisième lieu, que cet emplacement four- nisse de la pierre qui puisse être exploitée facilement, ou qui le soit déjà (2); il ne faut pas qu’on soit obligé de la faire venir de loin avec beaucoup de dangers. Il faudra de même que le bois ne soit pas éloigné et puisse être amené à travers des lieux”pas trop difficiles, de telle façon que les édifices ne soient pas exposés à rester inachevés. 4. — Il faut examiner, en quatrième lieu, si le pays produit (1) Pausanias (x, ch. 18, Z 1-3) raconte que les Achéens assiégeant la ville étolienne de Phana, et ne pouvant s'en emparer, consultèrent l'oracle de Delphes. L'oracle leur répondit que, pour se rendre maitres de la ville, il fallait observer combien d’eau les habitants consommaient. Les Achéens, n'entendant rien à l'oracle, désespéraient et allaient lever le siége, lorsqu'ils surprirent une femme qui était allée puiser de l'eau à une fontaine en dehors des murs. Cette femme leur raconta que les assiégés n'avaient plus d'eau dans la ville, et qu'ils étaient obligés de renouveler leur provision toutes les nuits. Les Achéens troublèrent alors l'eau de la source et réduisirent les habitants par la soif. (2) À proximité des ruines d’une ville abandonnée ? CF. PHiLow, M1 30; 1V, 24, 338 ANONYME DE BYZANCE. du blé, ou si l’on peut en tirer d’ailleurs, et voir de plus si ce blé pourra suffire aux habitants. 5. — Si toutes les conditions que nous venons d’énumérer sont remplies, on peut sans crainte bâtir la ville ; sinon il vaut mieux y renoncer. CHAPITRE XI OU IL FAUT FONDER UNE VILLE 1. — Quand on a à fonder une ville, surtout dans le voisi- nage immédiat des frontières, il faut choisir son emplacement de préférence sur les hauteurs, de facon que les escarpe- ments de la montagne en interdisent l'accès de toute part; ou bien auprès d’un très grand fleuve qui l’entourera naturelle- ment, ou par lequel on pourra la faire entourer; ou bien encore, auprès soit de la mer soit des grands fleuves, sur des isthmes qui ne se rattachent au continent que par une mince langue de terre. | 2. — Mais, dans ces derniers cas, il faut que le rempart ne soit pas complètement sur le bord de l’eau; car alors il serait facile, à l’aide d’un navire, soit de le renverser en le minant par en bas, soit de s'en emparer par le haut en lui donnant l'assaut, ainsi que cela est indiqué dans les Poliorcétiques. 3. — On ne doit pas l'éloigner de l’eau de moins de trente coudées (12"86), afin que les ennemis, après avoir élevé des tours sur leurs vaisseaux (rèc vaÿs nupyororicavres), ne puissent se servir de machines (unxavaï) pour monter sur le rempart; il ne faut pas non plus que l’espace soit de.plus de cent coudées. (46"20). Les limites que nous venons de prescrire sont avan- tageuses à la ville et incommodes pour les ennemis, qui s’ex- poseront à beaucoup de blessures en débarquant de leurs navires, et qui ne pourront qu'avec les plus grands dangers se retourner et fuir vers ces navires. Les traits et les pierres lancés du haut des remparts ne sauraient manquer de les VASE ; { c : , ES. 6 EXTRAITS DES SW STÉGIQUES 339 atteindre; car, obligés de. itadre de leurs navires, d'y remonter et de battre en retra.: en se couvrant de leurs bou- cliers, ils ne peuvent se mouvoir avec la même rapidité que s'ils couraient dans une plaine. Tout ce que nous venons de dire a trait à la force des lieux, autant que cela dépend de la nature physique du terrain. 4. — Je n’ignore point que beaucoup de gens ont surtout en vue le bien-être et pensent qu'on doit se le procurer par tous les moyens possibles. Ils se préparent alors à fonder de grandes villes, s'inquiétant beaucoup moins de la sûreté que de la beauté. C'est pourquoi on les construit souvent dans les plaines, en les ornant de jardins, de parcs et de prairies. : 5. — Pour nous, qui avons égard aux incertitudes que réserve l'avenir, et pour qui la sûreté domine l'agrément, nous préférons bâtir les villes et les entourer de remparts (relyn nept6adetv) dans les endroits: où les engins (unyaviuara) des assiégeants sont impuissants. 6. — On peut néanmoins bâtir dans la plaine une ville, forte par la grandeur des pierres, le mode de construction des remparts, et aussi par le tracé (rè sxñua) et d'autres précautions, quand bien même il n'y aurait ni fleuve, ni mer, ni escarpe- ments pour lui donner de la résistance. 7. — Mais de pareilles villes doivent, èn premier lieu, être établies aussi loin que possible des frontières, afin de ne point être exposées à des attaques subites et imprévues; il faut de plus les construire de la manière suivante. CHAPITRE XII COMMENT IL FAUT CONSTRUIRE UNE VILLE 1. — TN faut que les remparts aient au moins cinq coudées (2"3T) en épaisseur et vingt (924) en hauteur, afin que, d’un cf. Pmcow. côté, ils ne soient point ébranlés par le choc des béliers et des 1% 11: pierres que lancent les machines pétroboles, et que, del’autre, 340 ANONRURUE BYZANCE. on ne puisse pas facilemen;]}; “T üer des échelles au mur et arriver sans danger, grâce à 5, dans l’intérieur de la place. 2. — La force des remparts dépend beaucoup du tracé des tours et des murs. Quant aux tours, il faut leur donner, à l'extérieur, la forme d'un {[parallélipipède rectangle élevé sur un] hexagone régulier dont un des angles est tourné vers l'ennemi, et dont on a remplacé les deux côtés qui forment l'angle opposé par une droite unique qui réunit les côtés paral- lèles de l'hexagone. A l'intérieur, les tours seront cylindriques depuis les fondements jusqu'à la hauteur du centre de la voûte hémisphérique qui sert de toit, et sur laquelle se tiendront ceux qui. doivent combattre l'ennemi. 3. — Il faut faire les créneaux des remparts à angles (èrédéerc _éyywviouc), de facon à avoir des machicoulis (6xo6)éçapa) d'au moins trois spithames (0"69) de profondeur (1). De la sorte, Coupe suivant À B. (1) L'auteur entend pro- bablement, par cette expres- - sion éndhéerc éyywviouc, des < ] Fr a (re IR]... D retour, comme à Pompeia N IN | 2 ALL (voir le second volume: Des- \ | | [ D mA ut (roi Le second volume: D me ption des murs de Pom NN ! peia). Peut-être aussi s’agit- K il | il des angles que forment les M à KR supports des machicoulis NÙ 1 N avec le parement du mur.— N Le mot üro6)épapa est nou- PE ANONYME DE BYZANCE NT [) il NT NZ A ‘ veau ; il signifie littérale- ment qui sert à regarder: Pan suvanr CD au-dessous. Les anciens rem- plaçaient généralement ce genre de défenses par des couvertures tendues devant les créneaux, ainsi que l'in- dique notre auteur (ch. xin, 8 19). — Cf. Pxizon, 111, 3, 38. — On voit ci-contre un cro- quis des dispositions indi- quées dans le texte. — Com- parez avec la fortification de Nicée (2° volume). Restitut. d'une tour, d'après l EXTRAITS DES STRATÉGIQUES. 341 d'un côté, les créneaux seront plus solides et souffriront moins du choc des projectiles de l'ennemi; de l'autre, les défenseurs qui seront placés aux créneaux pourront se reposer à l'inté- rieur de ces espèces de niches, sans être dérangés par les pas- sants et sans être eux-mêmes un obstacle à la circulation. 4. — I] faut faire autant que possible la partie inférieure de toutes les constructions, jusqu'à sept coudées (3723) au-dessus du sol, en pierres de très fortes dimensions; ces pierres, très grosses et très solides, doivent être reliées les unes aux autres et avoir leur plus grande longueur dans le sens de l'épaisseur du mur, afin d’être moins facilement ébranlées par les béliers ou sapées à l’aide des tortues. 9. — Il faut aussi s'occuper avec soin des avant - murs (r@v nporewiouérwv), parce que, d'un côté, ils servent de refuge aux gens des environs fuyant des campagnes vers Les remparts, etqu'ils empêchent ainsi l'encombrement de la ville; parce que, d’un autre côté, ils permettent à ces fuyards de prendre part, eux aussi, à la défense de la cité; enfin et surtout parce que les béliers et les tortues viennent se heurter contre eux et ne peuvent alors s’avancer facilement vers le-rempart. 6. — Il est bon de creuser en avant de ces avant-murs un fossé (régpov), afin que le rempart se trouve ainsi protégé par un avant-mur et un fossé. On donnera à ce fossé une largeur d'au moins quarante coudées (1850), et une profondeur supé- rieure ou au moins égale à celle des fondations du rempart, afin que, si les ennemis tentaient quelque entreprise souter- raine, ils pussent être découverts et repoussés au moment où ils auraient conduit leur travail jusqu'à l’aplomb de l’excava- tion ainsi préparée. 7. — I] faut rejeter et égaliser, entre le mur et l'avant-mur, le remblai (rèv xoùv) que l'on retire du fossé ; on formera ainsi une plate-forme, large et élevée, d'où les défenseurs pourront avantageusement combattre les ennemis. | 8. — La profondeur indiquée plus haut convient aussi aux fossés des places qui sont situées dans la plaine; mais, si ces Cf. PuiLow, 1, 35, 47 ; 1n, 20: Cf. PxiLow, Ill, D. Cf. Pico, 1, 46. Cf. Pico, 111,09 ; 1V, 29. 342 + ANONYME DE BYZANCE. places sont assises sur des collines dont les pentes soient abordables par les ennemis, on les protégera moins bien par un fossé que par des ouvrages dans le genre des suivants : 9. — A trente ou quarante coudées (1385 à 18"45) du mur, on entoure la ville d'un remblai obtenu en creusant le sol verticalement et en rejetant les terres vers l'extérieur, de manière à obtenir un talus très raide. De la sorte, on oppose à la marche de l'ennemi deux obstacles : la coupure qui ne doit pas avoir moins de trois coudées (140) de profondeur, et le remblai qui rend le terrain adjacent plus escarpé et d'un parcours plus difficile. Profil d'un ouvrage extérieur en pays de montagne (restitution) CHAPITRE XIII COMMENT IL FAUT METTRE UNE VILLE EN ÉTAT DE RÉSISTER 1. — Comme nous ne nous proposons pas seulement de bâtir une ville, mais bien aussi de la mettre en état de résister aux mathines des assiégeants, il faut bien que vous me per- mettiez d'aborder encore ce sujet. 2.— Les assiégeants percent les remparts (Gtopérrouoiv rà reiyn) en enlevant les pierres par assises, ou bien, si ces pierres sont trop grandes, en faisant cà et là des brèches dans lesquelles EXTRAITS DES STRATÉGIQUES.. 343 ils placent verticalement des bois résineux ou d'autres propres à cet usage, étayant de cette manière la partie supérieure de la construction pour l'empêcher de s’ébouler sur les mineurs. 3. — Quand ils voient le rempart près de s'ébouler, ils. mettent le feu au bois résineux et aux autres bois, et se retirent; quand le feu a consumé ces bois, le mur s'écroule. 4. — Tantôt ils procèdent à la facon des taupes, et creusent le sol jusqu'à ce qu’ils rencontrent sous terre le rempart, en ayant soin de commencer leur galerie hors de la portée des pierres lancées du haut des remparts et de tous les traits dont on peut se servir contre les assiégeants; tantôt ils préparent des tortues de sapeurs (ôtwpuxräpas yekôvas), et alors, à ciel ou- vert, ils approchent ces tortues du rempart, s'en servent pour le creuser et agissent comme nous l'avons indiqué plus haut. 9. — Quand les assiégeants voient le mur s’écrouler, ils s'assemblent en poussant de grands cris devant la brèche; car c'est pour arriver à ce résultat qu'ils ont miné le mur. 6. — Je vais indiquer maintenant comment les citoyens de la ville doivent s'opposer à cette machination (roù rotoürou unya- VAUT). | 7. — Il faut dire d’abord que ceux qui creusent le sol, de peur que les citoyens ne s’apercoivent de cette machination, se servent de certains couverts (reoxa6uuast), en avant de l’ou- verture de leur galerie, pour masquer leur travail. Aussi. pourrons-nous prévoir que les ennemis préparent quelque machination de ce genre, quand nous verrons soit des déblais (rdv yoùv) s’amonceler, soit les assiégeants se servir de tentures (ToonetTaopLaot ). 8. — Les ennemis ne font pas toujours leur mine (ràv ätwpuétv) en ligne droite; quelquefois ils l'obliquent de façon telle que l'assiégé ne puisse reconnaitre vers quel point du rempart ils se dirigent. C’est pourquoi l’on doit, à une distance d'au moins dix coudées (4"60) du rempart, creuser un fossé (réppov) (1) (1) L'auteur dit plus loin (? 12) que cette prescription ne s'applique qu'au cas où la place n'a point de fossé creusé à l'avance, Cf. PxiLon, tr, 1 344 . ANONYME DE BYZANCE. parallèle à ce rempart, et dont la profondeur soit égale à celle des fondations de la partie adjacente du rempart. Où sur- prendra ainsi certainement les mineurs, et l'on pourra soit les noyer avec de l'eau, soit les asphyxier avec de là fumée. - 9. — On peut aussi faire coucher sur le sol quelqu'un qui prêtera l'oreille tantôt ici, tantôt là, afin de percevoir: les bruits souterrains. Lorsqu'on aura entendu quelque chose, on devra chercher à déterminer de la facon la plus exacte possible la position des mineurs et s’efforcer de les arrêter. 10.— Cela est utile : que les mineurs soient arrivés ou non jusqu'au rempart; car alors, ou bien nous leur enlèverons l'envie d'aller plus loin, ou bien nous leur couperons la retraite s'ils persistent à avancer. 11.— On ne doit pas rejeter les déblais du fossé du côté du rempart, mais sur le bord opposé, de telle manière que les sapeurs soient protégés par le remblai (ürè roù yéywaros) contre les traits de l'ennemi. De plus, le mur sera rendu ainsi bien plus difficilement attaquable; car les ennemis trouveront un obstacle à leur approche, d'abord dans le remblai, ensuite dans le fossé. 12. — Nous indiquons ce procédé pour le cas où la ville n’est pas entourée d'un fossé; car, s'il y en avait déjà un, il suffirait de l'approfondir pour surprendre facilement les mineurs. É ï 13. — Si une partie du rempart venait à s’écrouler, par suite de la grande négligence des assiégés qui n'auraient pas su découvrir la présence de l'ennemi, nous devrions, pour nous isoler de la brèche, construire rapidement à droite et à gauche un ouvrage (rivè oixoëouñv) qui, Commençant d'un côté du mur écroulé, irait jusqu'à l’autre. | 14. — La forme de ce mur doit être un triangle auquel il manque un côté représenté par la brèche, afin que si les ennemis s'emparent de la portion de rempart attaqué, ils ne deviennent point, par la même occasion, maîtres de tout le rempart; ils ne pourront se servir de pétroboles contre le EXTRAITS DES STRATÉGIQUES. . 9340 nouveau mur et marcher contre lui, exposés qu'ils seraient de chaque côté aux coups des assiégés. 15. — Nous avons exposé dans les Poliorcétiques comment on construit les tortues de sapeur; nous allons expliquer maintenant comment on doit les combattre. 16. — Nous dirons d'abord comment on les combattait avant nous : tantôt on versait dessus de l’eau bouillante, tantôt on les arrosait de poix fondue, tantôt on les couvrait de flammes. Le plus souvent on prenait des poutres à l'une des extrémités desquelles on. fixait des épées, et, du haut des remparts, on s’en servait pour frapper les tortues; quelquefois on jetait sur ceux qui les poussaient de la cendre c ou de la chaux vive (äo6eorov) pulvérisée. 17. — Voilà ce qu'on faisait avant nous; mais nous avons découvert quelque chose de nouveau, qui peut s'employer avec succès surtout contre les tortues; c'est pourquoi nous allons en parler. 18. — Premièrement, il faut, quand on voit les tortues de l'ennemi prêtes, prévoir vers quelles parties du rempart on pourra les approcher, et suspendre alors devant les créneaux une grande quantité de couvertures en poil, laine, ou lin, de la longueur qu'on voudra, mais d’une largeur suffisante .pour pouvoir protéger contre les traits ceux qui sont sur le rempart. 19. — Nous fixons ces masques au haut des créneaux à l’aide de chevilles, puis nous rejetons l'étoffe au dehors et nous la laissons tomber sur le mur de telle manière que, d’un côté, protégés par Ces couvertures, nous n’ayons rien à craindre des traits de l'ennemi, et que, d’un autre côté,.elles ne nous empêchent point de combattre l'ennemi lorsqu'il s'approchera du rempart, ou lorsqu'il comblera le fossé, ou lorsqu'il amè- nera certaines de ses machines contre le re = part. 20. — Souvent aussi les ennemis, se couvrant de leurs boucliers, tentent de s'approcher du rempart par derrière les engins de siége (r&y rokopxnruxüv pnyavnuétwv); ils cherchent Cf. Puizox. 111,023: Cf. PriLox, 110, 3080 Cf. PxrLoN, IV, 46. Cf. Pico, Ut, 20e, L 346 ANONYME DE BYZANCE. alors, les uns avec des frondes, les autres avec des arcs (t), à chasser les défenseurs des remparts, pour que ceux-ci ne puissent s'opposer d’en haut à la marche des engins. 21. — Si, alors, nous n'avons pu tendre nos masques , il faudra, de toute nécessité, avoir recours aux couvertures dont les citoyens se servent la nuit pour dormir et que l'on se pro- curera facilement; mais on devra auparavant faire ce qui suit. 22. — On construira la nuit un fossé à l’intérieur de celui qui existe déjà, et on rejettera les terres qui proviennent de cette excavation du côté du rempart. De la sorte, les tortues auront plus de difficulté, puisqu'elles seront ainsi arrêtées d'abord par le fossé, ensuite par le remblai. 23. — Si les assiégeants parvenaient à surmonter tous ces obstacles, et si, favorisés par la négligence des assiégés, ils “préparaient le chemin à leur tortue en comblant le fossé et en: coupant le remblai, ils éprouveraient à ce moment de très grandes pertes, exposés qu'ils seraient à des coups venant d'en haut et de très près. Nous devrions alors profiter du retard que ces pertes apporteraient à leur marche, pour faire certains préparatifs de défense dont jusqu'à ce moment nous ne nous étions pas occupés. 24. — Et d’abord, quand bien même la vigilance des ennemis nous aurait empêchés de creuser le fossé, nous n'en. devrons pas moins nous efforcer d'opposer une digue (x@uo) à leur tortue, en jetant de la terre du haut du rempart; car, arrêtée par cette digue, elle ne pourra avancer. 25. — Si, cependant, l'ennemi vient encore à en triompher (j'admets que la négligence et le découragement des assiégés puissent arriver jusqu'à permettre de tels résultats), il faudra jeter du haut des remparts, sur la tortue, de la paille, ou des branches d'arbres, ou des roseaux secs que nous enflamme- rons. Les ennemis ne pourront surmonter cet obstacle, à moins qu'ils ne soient assez hardis pour braver une mort (1) En grec, avec des trails (Békeor). EXTRAITS DES STRATÉGIQUES. 347 presque certaine; car, si le feu est convenablement entretenu de combustible, il durera assez pour brûler non-seulement la tortue, quand bien même elle serait recouverte de laine mouillée, mais encore ceux qui se trouveront au dessous. Il conviendra d'attiser la flamme et d'en augmenter le volume d'une manière formidable, en répandant de la poix sur le foyer. 26. — Nous amortirons le choc des pierres que lancent les machines pétroboles (ai metpo6édot unyavaf) de la manière sui- vante : Nous tresserons en filets des câbles d'au moins un doigt (0"02) d'épaisseur, et nous les ferons pendre, d'en haut, à deux coudées (092) en avant des remparts, en ayant soin de les transporter toujours devant les points menacés. Au moyen de leur souplesse, nous pourrons amortir le choc des pierres. 27. — Les procédés que nous venons d'indiquer contre les tortues peuvent s'employer également contre les béliers. Mais ce qu'il y a encore de mieux, c'est d’avoir une très grosse pierre que l’on soulèvera avec une machine et qu'on laissera ensuite retomber sur la tortue ou sur le bélier. 28. — Que cette machine ait la forme suivante : On aura pour base un cadre en bois mobile sur des roues ; les côtés seront réunis deux à deux par des traverses. De chaque angle partiront des montants inclinés les uns vers les autres et reliés par des traverses semblables à celles de la base. Au milieu de la base s’élèvera un mât vertical, tenu en place par le plus petit des cadres formés par les traverses qui relient les montants. Sur ce mât vertical, on fixera par son milieu un autre mât incliné qui formera balance, et à l’une des extré- mités duquel on attachera la pierre; il suffira alors de tirer en - bas l’autre extrémité pour élever la pierre. Quand celle-ci sera arrivée aussi haut que la machine pourra le permettre, alors on la laissera retomber; mais il faudra le faire de cette manière: les câbles qui retiennent la pierre doivent se réunir en un seul et passer à la partie inférieure à travers une noix (ôt& ruvès xapÿov), de sorte qu’en tirant la corde la pierre tombe. Cf. PxiLon, TI Cf. PuiLow, TOME, 2,10 69. L 348 ; ANONYME DE BYSANCE. CHAPITRE XXIX DES RETRANCHEMENTS ET DE LEUR GARDE 1. — Dès que les soldats ont dressé leur tente et pris leur repas, ils doivent tracer les fossés et les creuser, en ayant soin de rejeter les terres à l'intérieur, de telle manière que l'épau- lement, ainsi formé à côté de l’excavation (rdv yépaxa pet thv äwpuya), atteigne une hauteur de frois pieds; quant au fossé lui-même, il doit avoir cinq pieds de largeur et autant de profondeur (1). ; 2. — On tracera le fossé et l'épaulement suivant un rec- tangke, de telle facon que les tentes (rès sxnvés) soient disposées les unes à côté des autres dans l’ordre de bataille de la pha- lange. Tous ceux qui sont sur un des côtés du camp peuvent alors se présenter à la fois aux assaillants : ce qui ne serait pas possible si l'on conduisait circulairement le remblai, parce qu'alors ceux-là seuls contre lesquels l'attaque serait directe- ment poussée pourraient prendre part au combat. : 3. — Il est utile, en outre, de désigner, pour chacune des faces du camp, une réserve de soldats, destinée, dans le cas d'une attiäque nocturne, à porter secours au point menacé et à en renforcer la garde ordinaire. On évitera ainsi que le (1) Ces dimensions sont tout à fait un minimum.— Au camp de César, sur l'Aisne, le remblai avait huit pieds de hauteur, et le fossé en forme de V dix-huit pieds de largeur sur dix de profondeur {Histoire de César, pl. 9). — D'après VÉGëce (I, xxiv), le fossé rapide /{umultuaria fossa), que l'on exécute lorsqu'on est pressé par le temps, doit être large de neuf pieds et profond de sept, tandis que le fossé régulier flegitima f[ossa) a douze pieds de largeur et neuf de profondeur. — Aujourd'hui, ce ne sont plus les dimensions du fossé, mais bien celles de Fépauienens qui nous guident. On trouvera un excellent mémoire du commandant Braz sur les Camps romains, dans le 7° vol. de la 3° série des Mémoires de la Société d'Emu- lation du Doubs (1862). EXTRAITS DES STRATÉGIQUES. 849 désordre ne se mette dans les troupes, tout le monde courant cà et là sans aucune espèce de commandement. 4. — Il est encore bon de couvrir, de nuit, par un retran- chement (ävopérrew), les portes qui se trouvent aux extrémités des rues du Camp (r&v éd@v roù orparomédou ), de telle facon que le fossé et l’'épaulement présentent un obstacle continu. L’en- nemi ne sera point ainsi encouragé par la facilité de l'accès à une attaque de nuit. MS Re 0 Le ces RH PPANEE LS ore EU 6.— On doit aussi semer des re -trapes tout le long 1 la contrescarpe; et, à vingt-cinq coudées en avant de celles-ci, on tendra, à l’aide de petits piquets, de minces cordelettes auxquelles seront suspendues des sonnettes. L'ennemi qui chercherait à s'approcher secrètement la nuit ne saurait man- quer de les mettre en branle, et annoncerait ainsi son arrivée. 1 x KV PMP NPA ee PE NRA A 8. — Ea sera une excellente mesure sûreté quetde fire camper un certain nombre de compagnies (tas) de façon à servir en quelque sorte d'ouvrages avancés (rpoxieyiæ) : on les formera de deux files (orixovs), le front tourné vers le dehors ; ces files ne devront pas être isolées du retranchement, mais en communication avec lui. Il ne faut pas que les hommes qui les composent prennent leur repos au hasard; on les associera par couples pour dormir : ce sera d'abord le chef (rdv iépynv) avec celui qui le suit dans la file, puis le troisième homme et celui qui le suit, et ainsi de suite jusqu'aux der- niers serre-files. De cette façon, si l'ennemi s’avançait vers le retranchement entre ces troupes, celles-c1 pourraient le frapper de droite et de gauche avec leurs traits et lui faire subir de grandes pertes. On devra, du reste, creuser un fossé autour d'elles, et prendre pour ces ouvrages les mêmes précautions que pour le camp proprement dit (1). (1) A Novalaise (Savoie), M. Fivez a retrouvé les traces d'un immense camp retranché situé sur un plateau élevé : de distance en distance, des fossés normaux à l'enceinte partent du fossé principal. Ils étaient peut- 350 ANONYME DE BYZANCE. 9. — Il sera bon encore, pour tromper l'ennemi, de faire sortir, au coucher du soleil, par les différentes rues du camp, les troupes qui sont campées le long de ces rues. Elles iront jusqu'à deux ou trois portées d’arc; puis, lorsque la nuit sera tombée, elles rentreront chacune en silence dans leurs tentes avant que les portes du camp ne soient fermées. Cette ma- nœuvre donnera à supposer aux ennemis qu'ils seront atta- qués pendant la nuit, et leur fera craindre, s'ils marchaient eux-mêmes contre ce camp, d'être pris sur leurs derrières par les troupes qui en sont sorties le soir. être simplement destinés à abriter des défenseurs, comme l'indique ici l'ANONYME; ou bien encore ils servaient de caponières pour aller à des redoutes analogues à celles que César avait établies aux abords d'un de ses camps situé sur une colline près de l'Aisne : « Ab utroque latere ejus collis transversam fossam obduxit circiter passuum cp; et ad'extre- mas fossas castella constituit, ibique tormenta collocavit. » (Bell. Gall., IL, vins; Histoire de César, t. IX, p. 102, pl. 8 et 9. — Cf. Hirr., Bell. Afr., 38; Bell. Alex., 30.) Ce genre d'ouvrages, outre le flanquement qu'il procurait, avait de plus l'avantage de diviser les attaques, de les cloisonner, pour ainsi dire, pendant que la défense conservait toute sa mobilité. Il se retrouve non- seulement dans la fortification-passagère, mais encore dans la fortifica- tion permanente des anciens : on peut en voir des exemples à Messène et à Lépréon. (Expédition scient. de Morée.) EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES DE HÉRON DE CONSTANTINOPLE TRADUITS POUR LA PREMIÈRE FOIS DU GREC EN FRANCAIS | NOTICE En 1572, François Barozzi, patricien de Venise, publia, sous le titre De machinis bellicis, la traduction latine d’un traité grec sur les machines de siége, qu'il avait trouvé dans un manuscrit de la bibliothèque Saint-Sauveur à Bologne {Codex Bononiensis Sancti Salvatoris; 587). Ce manuscrit, copié au xvi* siècle sur un original probablement perdu aujourd’hui, attribue l'ouvrage à un auteur du nom de Héron. En 1854, M. Th.-Henri Martin a donné le texte grec et la traduction française d'un certain nombre de fragments d'après un manuscrit de la bibliothèque d'Oxford (Codex Oxoniensis Bodleianus Barocianus, 169), qui avait appartenu à Barozzi et qui n’est qu'une copie de celui de Bologne, moins les figures. M. Henri Martin a de plus clairement établi, par divers pas- sages de l'ouvrage lui-même, que l’auteur était bien réelle- ment Héron de Constantinople, dit Héron IIT ou le jeune, savant chrétien qui vivait à Constantinople au commencement du x° siècle de notre ère, et qui a composé, outre un traité des Cadrans solaires, aujourd'hui perdu, et les Poliorcétiques dont nous nous occupons, une Géodésie (1), c'est-à-dire un recueil de problèmes de géométrie pratique, et très probablement aussi un certain nombre de compilations relatives à l’art militaire (2). (1) La traduction latine du traité de Géodésie a été publiée par Barozzr, en même temps que le traité De machinis bellicis. (2) Voir la notice qui précède les extraits de la Compilation sur la défense des places. 23 354 NOTICE. En 1867, M. Wescher a publié, d’après le manuscrit de Minoïde Mynas, écrit au commencement du x° siècle, le texte complet sous Ce titre : ’Avwvôuou frot "Hpwvos Butavtiou Iolopxnte4à, ëx T@v "Aünvaiou, Brwvoc, "Hpwvoc ’AXctavôpéws, ’Amo]lodwpou xai Dilwvog; Poliorcétique anonyme ou de Héron de Byzance, extraite des œuvres d'Athénée, Biton, Héron d'Alexandrie, Apollodore et Philon. Les figures qui accompagnent le texte sont dessinées en perspective : elles constituent une interprétafon élégante, mais souvent peu exacte, des dessins géométriques donnés par les anciens ingénieurs. M. Wescher a collationné, pour son édition, le texte de Mynas avec celui des deux manuscrits de Barozzi, cités plus haut, et avec les deux suivants qui dé- coulent également du manuscrit de Bologne : Codex Vaticanus 1429, avec figures; Codex Lugdunensis Vossianus 75, sans figures. J'indiquerai, pour terminer cette énumération des manus- crits des Poliorcétiques de Héron, un manuscrit de l’Escurial, signalé dans le catalogue qu'a donné M. Miller du fonds grec de cette bibliothèque (p. 112, n° 136), et un autre, écrit au xv1° siècle, avec figures coloriées. Ce dernier, composé de 49 feuillets in-f°, a passé, en 1764, de la bibliothèque du collége de Clermont dans la bibliothèque de Meermann, dont la vente s’est faite à Leyde en 1824. J'ignore ce qu'il est devenu depuis cette époque. L'ouvrage de Héron le jeune est une paraphrase complète du traité d’Apollodore tel qu'il subsiste de nos jours, avec quelques emprunts faits à Philon de Byzance, Héron l'ancien, Athénée et Biton ; l'auteur paraît avoir eu, en outre, sous les yeux les livres aujourd’hui perdus de Hégétor de Byzance, de Dyadès et de Chéréas. EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES DE HÉRON DE CONSTANTINOPLE PRÉAMBULE 1.— Beaucoup de machines de siége présentent de grandes difficultés ; car les dessins en sont compliqués et obscurs, ou bien les pensées des auteurs qui en traitent offrent quelque chose de difficile, ou, pour mieux dire, d'impossible à saisir pour le commun des hommes, et peut-être même d’accessible seulement. à une grande sagacité, attendu que la vue des figures ne suffit pas pour rendre claires et intelligibles ces pensées, qui ne sont ni aisées à comprendre, ni connues de tout le monde, ni faciles à réaliser par l’art du constructeur et du charpentier, et qui ont besoin d'explications et de com- mentaires que les mécaniciens, auteurs de l'invention et de la description, pourraient seuls donner. Telles sont, par exemple, les machines décrites dans le traité des Poliorcétiques, adressé par Apollodore à l’empereur Hadrien; dans les Commentaires relatifs à l'art des sièges, adressés par Athénée à Marcellus, et rédigés par lui d'après les écrits d'Agésistrate et d’autres hommes habiles; et (1) dans le traité des projectiles de querre, (1) M. Wescuer pense avec raison que le passage imprimé en italiques est tronqué et altéré, parce que l'on n'y trouve aucune mention ni de Héron d'Alexandrie, ni de ParLow, dont les écrits sont cependant cités à plusieurs reprises dans le cours de l'ouvrage. Il propose de lire : 356 HÉRON. adressé par Biton à Attale, traité concernant la fabrication des machines de guerre et compilé par lui dans les écrits de divers mécaniciens antérieurs. Il en est de méme.des machines à oppo- ser aux assiégeants et de divers préceptes concernant les précau- tions à prendre et le régime à suivre, ou bien la construction el l'attaque des portes de villes. Tout cela est devenu entièrement étranger à la plupart des hommes et difficile à comprendre, . soit à cause de l'oubli que le temps a amené avec lui, soit parce que les termes scientifiques se trouvent inusités dans le langage vulgaire. C'est pourquoi il nous a semblé que tous ces objets ne pouvaient convenablement trouver place dans le présent volume, d'après la méthode d'exposition générale et savante dès orateurs de l'antiquité; car les obscurités fré- quentes qui s’y rencontrent, concentrant sur elles toute l’atten- tion des lecteurs, auraient pu ne pas laisser à l'esprit la force de discerner même ce qui est clair. Nous nous bornons donc aux machines de siége d’Apollodore, que nous avons expli- quées d'un bout à l’autre par nos travaux et nos réflexions subsidiaires, en y ajoutant de notre propre fonds beaucoup d'inventions analogues. En outre, nous avons choisi cà et là, chez les autres auteurs, quelques préceptes faciles à connaître et à saisir avec vérité, préceptes qui sont, suivant l'expression d’Anthémius, des axiomes du sens commun, et qui peuvent être compris sur l'énoncé du problème et à la simple inspection de la-figure, sans avoir besoin d'aucun enseignement ni d’au- cune interprétation : d'ailleurs, par l'emploi de termes vul- ta Bitwvos moûc "Atraloy nepi xatacaeuñs ToEUAGY OpYAVWY x 0LAPOpOY ouhEyÉVTE mpoyevectépuwy unyavx@v" [rà Hpowvos ’AkeËavôpéwc] Behonoutxd”" xaù Tù [Pilwvo:] roûc rolopuiav ävriumyaviuara puAaatiud Te xai DLATNATIXd, êmi Te ovorécet 4aÙ GAwoet TÜpYwV iépopa rapayyékuata x. t. À : dans les compilations sur la construction des engins de guerre faites par Biron dans les écrits de divers mécaniciens antérieurs el adressés par lui à Attale; dans le trailé des projectiles de querre par HÉRON D'ALEXANDRIE; et dans les préceples donnés par Puicon, sur les machines à opposer aux assiégeants, ainsi que sur les précautions à prendre et le régime à suivre, ou bien encore sur la construction et l'attaque des tours, etc. e « EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. | 3907 gaires, par la simplicité de notre style, nous les avons rendus tellement clairs qu'ils pourront facilement être mis en pratique par le premier constructeur et le premier charpentier venus. Nous les avons intercalés, aux places convenables, au milieu des préceptes d’Apollodore, et nous y avons joint, avec des définitions bien claires, les figures qui s’y rapportent; car . nous savons que les figures bien définies peuvent, à elles seules, faire disparaître toutes les difficultés et toutes les obscurités d’une construction. 2. — Or, on a besoin, pour le siége, des engins (unyzavnuérev) suivants : des tortues (xewv&y) d'espèces et de formes diverses, telles que celles à l'usage des mineurs (opuxrpiôwv); celles à l'usage des terrassiers (xwotpiôwv); celles qui portent un bélier (xptopépuv); celles qui ont une roue en avant (rporpéywv); celles qu’on nomme boucliers (has), qui sont extrêmement légères, de nouvelle invention et faites de branches entrelacées; celles qu'on nomme éperons (iu86luv), et qui sont en forme de coin pour protéger contre les masses roulées par les ennemis; [enfin] celles d'osier (yepéoxelwv&y). On a besoin encore de herses (ro:66lwy) en bois, longues de cinq coudées (2#30); de béliers (xa1@v), formés d’une seule pièce de bois ou de plusieurs pièces; de tours de bois (£vaomueyiwv) portalives; de diverses espèces d’échelles (xyéxwv), faciles à se procurer, composées de plusieurs pièces et très légères. Il faut des abris contre la chute des masses élevées en l'air par les ennemis et contre les incendies allumés par les machines qui lancent du feu (rupo66lwv). Il faut des observatoires (sxoxoi), du haut desquels on puisse voir tout ce qui se passe à l'intérieur des villes; des instruments (ätopuyat) (livers pour percer diverses espèces de murailles; des ponts volants (ôta6éfpu) commodes pour tra- verser les fossés de toute espèce; des machines (unxavat) pour monter sans échelles sur les murs; des engins de siége (roMop- #ntipta) qui ne puissent être renversés, pour l'attaque des villes maritimes ; d’autres enfin sur lesquels des armées très nom- breuses puissent traverser des fleuves, en masse et avec ordre, 398 HÉRON Ale. Il faut savoir construire toutes ces choses d'après les anciens architectes, au moyen de matériaux faciles à se procurer, avec des formes variées sous des dimensions aussi petites que pos- sibles, de peu de poids, susceptibles d’être faites par des ouvriers quelconques, aisées à réparer, difficiles à enlever de vive force, d'un transport commode, sûres, difficiles à briser, aisées à monter au besoin et à démonter. Toutes ces connaissances, qui peuvent fournir des ressources faciles à l’art stratégique pour le siége des places, en ce qui concerne soit la construc- tion soit l’usage [des machines], se trouvent déposées dans ce livre, où nous les avons mises par écrit les unes à la suite des autres et ayec ordre. 3. — Et qu'un éplucheur de mots, curieux de trouver ici la diction d’un atticiste, ou bien l’art, la beauté, l'harmonie du style et l'emploi habilement calculé des figures, ne vienne point critiquer ce qu'il y a d'humble et de vulgaire dans nos expressions! Qu'il écoute plutôt les savants hommes de l’anti- quité lui dire que tout traité sur l'art des siéges doit être rendu clair et facile à comprendre par des redites, des répétitions, des explications subsidiaires pour faciliter l'intelligence des pensées et des opérations, mais que les préceptes de la dialec- tique et les préceptes correspondants [de la rhétorique] n'y sauraient trouver une application convenable. Qu'il apprenne aussi que, suivant le témoignage de Porphyre, si avancé dans la sagesse, le grand Plotin écrivait sans aucun égard pour la calligraphie, sans même diviser clairement ses syllabes et sans s'inquiéter de l'orthographe, mais en ne se préoccupant que de la pensée et des choses exprimées; car il savait qu'il y à trois genres de fautes, savoir : dans les mots, dans les pensées et dans les choses; que celui qui se trompe dans les mots ne doit pas être blâmé, atfendu que les pensées et les choses n'en éprouvent aucun dommage; que celui qui commet une faute dans les pensées mérite de sévères reproches, comme parlant d'une manière insensée sur les choses exprimées par les mots; et qu’on doit être plus rigoureux encore pour l'homme aveuglé L e EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 359 sur les choses elles-mêmes, parce que c'est un fou qui écrit des faussetés, et qui tombe dans cette ignorance habituelle que Platon nomme une ignorance double, en ce qu'elle con- siste à savoir que l'on connait et à ne pas savoir que l'on ignore. D'un autre côté, l'historien Callisthène dit : « Celui qui entreprend d'écrire ne doit pas s'écarter de son rôle, mais assortir sa pensée à sa personne et au sujet qu'il traite. » Certes, pour développer un sujet, on retirerait plus de profit de ce précepte que de ceux de Philolaüs, d'Aristote, d'Isocrate, d'Aristophane, d’Apollonius et d’autres auteurs semblables. Car ceux-ci ne paraîtront pas, sans doute, inutiles à des jeunes gens studieux qui voudront se former aux exercices élémentaires; mais, pour ceux qui voudraient se livrer à un travail sérieux, ces préceptes seraient très éloignés de fournir des connaissances vraiment pratiques. C’est pourquoi Héron le mathématicien, comprenant le précepte de Delphes qui nous rappelle d'épargner le temps, et sachant aussi qu'il faut connaître la mesure du temps, parce que c'est le terme de la sagesse, pensait que la partie la plus importante et la plus nécessaire des études philosophiques était celle qui concerne la tranquillité : elle est encore aujourd'hui, disait-il, l'objet des recherches de beaucoup de philosophes, et il assurait que jamais on n y parviendräit par des paroles. Mais la mécanique, surpassant par des actes l'instruction en paroles, a enseigné à tous les hommes l’art de s'assurer une vie tranquille, et cela par une seule partie de cette science; par celle qu'on nomme construction des projectiles de guerre (ràv fexomotiav). Car par elle on se met en état de ne jamais craindre les invasions des adversaires et des ennemis, soit pendant la paix, soit pendant la guerre, pourvu qu'en tout temps et en toute circonstance, outre les provisions de bouche pour les siéges et les expédi- tions, outre les préparations dites d'Epiménide, dont une petite quantité suffit-à l'estomac, outre certains aliments qui, pris à faible dose, calment la faim et préviennent la soif, on se procure aussi avec le plus grand soin tout ce qui est nécessaire Cf. PuiLor, 1, 12-93. 360 HÉRON. à la fabrication des projectiles de guerre. Puisque, d’ailleurs, ceux qui savent bien d'une manière générale ce qui concerne l'établissement des siéges, savent aussi les moyens dy résister, et que ces deux choses, quoique contraires, ne forment en réa- lité qu'une même science, par conséquent ceux qui, à l’aide de la mécanique, à l'aide de l’art de préparer pour chaque jour des aliments dont une petite quantité suffise à l'estomac, et à l’aide d'un régime pratiqué en commun avec un ordre parfait, seront en état de former ou de faire lever un siége, ceux-là passeront leur vie dans la tranquillité. Aussi, contre ces écrivains si féconds, qui perdent leur temps en discours futiles, qui déploient une élocution fleurie pour orner de vaines déclamations consacrées à développer la définition d'un objet inanimé, à faire l'éloge ou la satire‘ d'un animal, non d'après son mérite, mais de manière à faire parade de la variété de leurs connaissances, contre ces écrivains, dis-je, l'indien Calanus de Taxile a pu dire avec convenance : « Nous ne ressemblons point aux philosophes grecs, chez qui, sur des sujets minces et sans importance, 1l se fait une énorme dépense de discours pleins d'habileté : nous, au contraire, sur les sujets les plus importants et les plus utiles à la vie, nous avons coutume de donner des préceptes aussi courts et aussi simples que possible, afin que tout le monde puisse les retenir aisément. » (Traduction de M. Th.-Henri Marrix modifiée) (1). (1) Je n'ai presque rien changé à la traduction de M. Th.-Henri Martin; jai dû cependant prévenir le lecteur de ces modifications, afin d'en prendre la responsabilité. EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 361 CHAPITRE 1° DU SIÉGE DES VILLES SITUÉES SOIT SUR DE HAUTES COLLINES, SOIT EN PLAINE, ET DES MACHINES NÉCESSAIR S POUR CELA 1. — Le général, très habile dans la conduite des armées, conservé par la Providence suprême à cause de sa piété, tou- jours soumis aux ordres, aux intentions et à la sagesse de nos divins empereurs, et dont le devoir est d'assiéger dans leurs places fortes les ennemis et les rebelles, doit d'abord, dans ses excursions, observer exactement la position des villes; il doit, avant tout, garder exemptes de tout dommage les troupes qu'il commande; il doit ensuite entreprendre le siége des villes Cf. Paizox, ennemies, et, se préparant ostensiblement à donner l'assaut PACE (xasrpopayeiv) d'un côté, pour que les ennemis, induits en erreur, apprêtent de ce côté-là leur résistance, faire avancer d'un autre côté ses machines ; il doit diriger ses attaques vers les parties les plus faibles des murailles, de telle sorte que les corps de troupe se succèdent sans interruption; il doit troubler sans cesse les assiégés en les attirant de côté et d'autre, et faire retentir pendant la nuit le bruit des trompettes vers les pqints les plus fortifiés, afin que la multitude des ennemis, croyant ces intervalles enlevés, quitte les courtines pour s'enfuir avec les autres. 2. — Si les villes sont situées sur des collines ou sur des Cf. Purox, hauteurs escarpées et difficilement abordables, il faut se pro- ” HT téger contre les masses que les ennemis peuvent rouler d'en haut, telles que des pierres rondes, des colonnes, des roues, des moellons, des chariots à quatre roues chargés de fardeaux, différentes espèces de paniers de claie pleins de cailloux ou de terre damée, ou bien certaines machines formées de planches jointes circulairement et serrées extérieurement par des liens conrme les tonneaux que l'on construit pour contenir du vin, Cf. PxiLow, IV, 42. 362 " HÉRON. de l'huile ou d’autres liquides, et tous les autres moyens de défense que les ennemis peuvent imaginer. 3. — Pour s'opposer à ces moyens destructeurs, il faut pré- parer des herses de bois, longues de cinq coudées (2"30), que quelques-uns nomment herses en forme de lambda (\aëdapaiue), et dont chaque branche ait une grosseur d'environ deux pieds de tour, de telle sorte qu'elle ne puisse être brisée ou fendue, mais qu'elle résiste au choc des masses pesantes ; il faut cons- truire ces herses en nombre suffisant pour pouvoir les disposer sur trois rangs ou même sur quatre rangs. En effet, en entou- rant ainsi les lieux escarpés et difficiles à gravir, on peut monter sans autre danger que celui d’être exposé aux projec- tiles; car l'impétuosité violente des pierres vient s’'amortir contre le bec des herses (1). 4.— Il y a encore un autre moyen de se préserver du choc violent des masses roulées d'en haut. Il faut, en commençant au pied de la colline, creuser des fossés obliques, en se diri- geant eten montant vers certaines parties des murs. Ces fossés doivent avoir une profondeur d'environ cinq pieds (1"50) et avoir un épaulement qui s'élève à l’aplomb de la tranchée sur la gauche, de telle sorte que les masses roulées d'en haut viennent se heurter contre cet épaulement qui sert ainsi de rempart (xporeixoue) et de bouclier aux assaillants. Les sapeurs doivent fortifier de la manière suivante la partie du fossé déjà creusée : ils doivent aiguiser par le bout inférieur, en forme de pieux, des pièces de bois d'environ six coudées (2"75), ou des troncs de jeunes arbres (veéa), et les enfoncer en terre en avant de l'épaulement formé par le remblai sur la gauche, afin de présenter de la résistance, les inclinant du côté du sommet de la colline ; ils doivent ensuite placer des planches extérienrement à ces pieux, et réunir ceux-ci au moyen de clayonnages faits avec des branches d'arbres ; enfin, jetant de ce côté tous les matériaux qu'ils retirent en creusant, —_— ————————————— —— (1) Extrait d'ATHÉNÉES, EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. : . 363 ils doivent préparer des routes droites pour faire monter les tortues. Ces tortues que l'on approchera doivent être en épe- rons (éu66ovc) à la partie antérieure, c'est-à-dire en forme de coin ; elles ont pour base un triangle ou un pentagone avec un angle aigu en avant, et, construites sur cette large base, elles vont en se rétrécissant jusqu’à l’arête qui forme le faite de la machine, de telle sorte qu’elles ressemblent par devant à des proues de navire posées à terre et serrées les unes contre les autres. 11 faut qu’elles soient petites et nombreuses, pour | qu'elles puissent être préparées promptement et facilement et être portées sans peine par un petit nombre d'hommes. Elles doivent avoir à leur base des pointes de bois poli, longues d'un pied, ou des clous de fer au lieu de roues, afin que, posées à terre, elles s’y fixent et ne puissent être entraïnées en bas par un choc. De plus, chacune d'elles doit avoir en tête une pièce de bois oblique, comme celle que les chars ont à leur timon, pour l'arrêter et la maintenir en place quand elle va reculer sur la pente, surtout lorsque ceux qui la font avancer en montant sont las et ont besoin de se reposer un peu. Il arrivera donc, ou bien que les masses lancées d'en haut, tom- bant dans le fossé, seront détournées de leur direction, ou bien que, venant frapper contre les pieux inclinés oblique- ment, elles seront arrêtées dans leur course, ou bien que, se heurtant contre le bec des tortues éperons, elles seront rejetées d'un côté ou de l'autre et que l’espace intermédiaire sera à l'abri de leurs coups (1). D. — Mais il vaut mieux faire avancer aussi les tortues dites tortues d'osier (yepéoxslwve), plus légères que les tortues éperons; elles sont de même forme, et on les fait en entre- laçant des branches d’osier fraiche- (1) Extrait d'APoLLODORE, ment coupées, ou bien des branches Cf. PxiLow, IV AT 304 HÉRON. de tamaris ou de tilleul; elles sont aussi terminées en angle aigu en avant et jusqu’à l’arête qui forme le faîte de la machine. 6. — Quant aux tortues boucliers (haïoai) (1), extrêmement légères et faciles à construire, faites aussi de sarments de vigne ou de baguettes (Bepy&v) fraîchement coupées qu'on entrelace en dos d'âne, il ne faut pas-les porter dans les lieux en pente rapide et escarpée, de peur que, incapables de résister au choc de trop fortes masses, elles ne causent la mort de ceux cui les conduisent. Mais il faut plutôt s’en servir quand les villes sont situées dans des plaines et en rase campagne, car c’est alors qu'elles pourront rendre de bons services. 7. — Les troupes qui montent à l'assaut (6 GE xpèc Av xuotpo- uayxiav à&vepyômevos Xaés) marcheront derrière les éperons, c'est- à-dire les tortues, dont la largeur les protége, et elles seront à l'abri des traits ou des pierres de fronde sous les tortues nom- mées vignes (äprekoyekéva) dont voici la structure : les hoplites portent des pieux verticaux ; ces pieux sont alternativement de deux longueurs inégales; leur grosseur est d'environ douze doigts (0"20) de ‘tour; ils sont attachés à cinq pieds (050) de - - distance les uns desautres ” fois et demie et les plus + £ — courts plus d’une fois la hauése d'un homme. Recouverts en dessous, ils ressemblent à une treille de vigne à cause de leur inégalité (). L'espace (1) Le mot Auoñtoy désignaif une espèce de bouclier léger. (Voyez. Homère, {liade, v, 453, et x, 426: Héronote, var, 91, et une scholie dans ATHÉNÉE, XV, p. 695 F.) Héron reparle de cette sorte d'abri et en donne la figure au chapitre xx. (2) Ces LES s'appelaient également en latin vineæ ( VÉGÈGcE, 1v, 14; César, B. G., 11, 2; Ter. Lav., xxxvut, 26). Leur forme est en effet celle des treilles carrées fvineæ compluviatæ) dont parle Puis, xvn, 35 (21), n° 6. EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 365 compris depuis le haut de la tortue éperon jusqu'aux pieux inégaux recouverts sera vu ensemble dans la figure. Les pieux portés par les hoplites devront avoir à leur extrémité inférieure comme des épées qui, s'enfonçant en terre, permettront aux porteurs de se reposer. On y suspend, en dehors et en tête, des peaux ou des toiles de lin bien épaisses ou des étoffes velues, etsur les pieux d'inégale hauteur on place des peaux doubles, non pas tendues de manière à présenter une surface unie, mais un peu ramassées et relâchées entre les pieux inégaux, afin que, cédant aux projectiles qui les frappent, ælles en amortissent la force, et qu'à l'intérieur les soldats restent à l'abri de tout mal (1). 8. — Si les villes sont situées en plaine et en rase campagne, il faut faire avancer les tortues protectrices des terrassiers (ràc Lwotpiôas yelwvac), tortues portées sur des roues (brorpéxous oÙoœe) et couvertes par devant, ‘afin que ceux qui coniblent les fossés ne puissent être frappés par les ennemis, ou bien les tortues boucliers dont il a été question plus haut, tortues très légères et utiles pour combler les raître par un nivellement toutes les mares voisines des murs, de telle sorte que l'approche des machines soit facile et exempte de dangers. 9.— I] faut examiner avec une grande attention les passages de plain-pied qui se présentent sur les fossés, parce que sou- vent les ennemis y ont caché sous terre des vases d'argile, et qu'ainsi le chemin, qu'on a trouvé commode et sans danger pour les hommes, se défonce sous le poids excessif des ma- (1) Extrait d'APOLLODORE, Cf. PrLoN, IV 20e Cf. PxiLox, 1, 49. Cf. PuiLox, 1, 48, 50. Cf. PHILON, IV, 34. Cf. PxiLo, L'ETÉ Cf. PxiLow, IV, 32. Cf. PuiLo, NPC II, 0. 366 HÉRON. chines, et se déchire par le brisement et l’affaissement des vases d'argile qui se trouvaient au-dessous. Il faut donc, avec des javelots solides, armés de fortes pointes de lances, ou bien entièrement en fer, ou bien avec certaines tarières (revrévw) propres à cet usage, sonder le terrain. 10. — Pour se préserver des chausse-trapes (rpt66%ovs) invi- sibles, semées cà et là par les ennemis et, mêlées à la terre, il A 2 faut mettre sous la chaussure A. des semelles de bois qui per- mettent de marcher sur les chausse-trapes sans se faire de mal, ou bien il faut en net- toyer le terrain avec des rà- teaux armés de dents que quelques-uns nomment des griffons (yerpavas ). 11. — Quant aux portes (8ÿpas) posées sur des fosses (BoBozÿ- was), il faut les découvrir en sondant et les déterrer avec des hoyaux à deux dents (ôtxénrous). 12. — Il faut aussi que les mines (üropée) Creusées sous terre près du rempart lesoient d’une manière cachée et profonde vers les fondations du mur, et non à fleur de terre, de peur que les ennemis, s'en étant aperçus, ne fassent une contre- mine (&vrogitwoi) à l'intérieur, et, qu'ayant percé le rempart à l’opposite, ils ne fassent périr par la fumée et par l'eau ceux qui travaillent dans la galerie (ràv épuyäv). 13. — Tous les objets qui viennent d’être décrits se trouvent ci-dessous rangés par ordre et avec leurs figures (1). (Traduction de M. Th.-Henri MarrTiN modifiée.) (1) Les figures publiées par Taévexor et M. Wescuer sont évidemment incomplètes et tronquées : aussi n'ai-je reproduit que celles qui touchent de plus près à notre sujet; on les a placées dans la traduction au milieu des descriptions auxquelles elles se rapportent. EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 367 CHAPITRE II DES ÉCHELLES DE CUIR ET DES ÉCHELLES RÉTICULÉES. 1. — Celui qui veut s'emparer facilement d’une ville doit, d'après Philon d'Athènes, envahir subitement le territoire ennemi, en choisissant de préférence l’époque des vendanges ou bien le jour d’une fête célébrée en dehors de la cité. Car, la plupart des habitants étant alors sortis de la ville, il fera beaucoup de prisonniers et il lui sera aisé de prendre la ville ou de la soumettre à un tribut, parce que les citoyens restés dans l’intérieur des remparts seront poussés par leur affection et par leurs liens de parenté à lui accorder ce qu'il sollicitera en échange des prisonniers. 2.— Si nous voulons nous emparer par surprise et pendant la nuit d’une ville, alors que les citoyens ignorent notre arri- vée et n’ont aucun soupcon, il faut choisir ou bien la saison d'hiver, parce que, à ce moment, la plupart des habitants, à cause du froid, se renferment dans leurs maisons et ne sont pas prêts à combattre, ou bien une fête générale célébrée dans la ville (1). Lorsque, vers la fin de la fête, la foule se livrera aux jeux et sera abattue par l'ivresse, nous préparerons et nous approcherons des murs les échelles de cuir. Ces échelles sont cousues comme des outres; elles sont soigneusement enduites de graisse sur toutes les coutures, de facon à ne pas laisser échapper l'air; car il faut que, lorsqu'on les gonflera et qu'on les remplira de vent, l'air ne trouvant aucune issue, _elles soient forcées de se dresser par l'air même pour permettre l'escalade. Si le mur est plus haut que, ces échelles, on placera au-dessus d’elles des échelles de cordes; ces échelles sont préparées avec des cordes entrelacées et cousues formant un (1) Cf. Pozvse, Siége de Syracuse, fragments inédits publiés par M. WESCHER. Cf. Pxiron, IVSUE Cf. PuiLow, IV A0 Cf. PxiLow, IV, 26. 368 HÉRON. filet, comme celui qu'on appelle sar- cine ( cépxva ). La partie supérieure de ces échelles sera munie de crochets, afin qu’elles puis- sent s’accrocher au mur lorsqu'on les lancera, et faciliter ainsi l'ascension à ceux qui en seront chargés. La figure des échelles est des- ” sinée ici. JIM UN If} ul CHAPITRE V DZ LA CONSOLIDATION DES TORTUES 1. — Sur la face supérieure des chevrons de ces tortues, on enfoncera d'en haut des clous à tête plate , longs de huit doigts (0"15) ou des broches en fer travaillées avec soin. Ces clous ou broches ne seront enfoncés que de quatre doigts et auront par suite une saillie de quatre doigts; on remplira les intervalles d’un enduit d'argile gras et visqueux (rnrèv Mmapèv #xa xo6èn), mélangé de poils de porc ou de bouc, de telle manière que cet enduit ne puisse ni se déchirer n1 se fendre. La force des clous et la forme aplatie de leur tête contribueront ‘du reste à le consolider. 2. — Sur les côtés [des tortues] on suspendra des lambeaux EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 369 d'étoffe grossière (£&xn) (1) ou des peaux, afin que l’assiégé ne puisse faire couler sur les hommes qui travaillent à l'intérieur ni du sable chaud, n1 de la poix, ni de... (can) bouillant, ni leur verser d'en haut de l'huile, liquide qui a la propriété de s'échauffer rapidement et de se refroidir lentement; ces sub- stances, aussi bien que le feu, consumeraient la chair des hommes. 3. — Ainsi construites, les tortues ne seront point exposées à être incendiées par les brandons (rupoyépov) et les matières enflammées qu'on jettera d'en haut. De plus, les liquides brülants qu'on versera sur elles ne pourront s'infiltrer à travers leurs couvertures. 4. — T1 faut de même protéger les clayonnages (rù méyuaro) des tortues boucliers Qaïcu) et des tortues en osier (yegoze}Gvae) au moyen de peaux encore fraîches de bœufs récemment égorgés, de telle facon qu'ils puissent braver l'action du feu. 9. — Toutes ces tortues doivent re- cevoir leur enduit hors de la portée des pierres ou des traits lancés par les machines (180661wv dpyAVwY tai ToÉOG À S- à u&v). Une fois ter- Di ? minées et montées sur des roues (üxé- rooxot), On les fera avancer ensemble contre les rem- parts. — Le dessin est ci-contre. (1) Ce mot est toul à fait l'équivalent du mot latin centones : « Coria autem, ne rursus igne ac lapidibus corrumpantur, centonibus contegun- tur. » (Cæsar, Bell. civ., IL, 1x.) « Crudis ac recentibus coriis vel cento- nibus operitur. » (VEG., De re mil., IV, xv.) On appelait également cen- tones les vêtements faits de pièces et de morceaux qu'on donnait aux esclaves, et les couvertures grossières qu'on plaçait sous le bât des bêtes le somme. L'industrie des centonarii était fort importante à Rome. 9 / = + Cf. Pico. 1, 92; It, 6, 10; 34,39; 1v,09/ 13, 26. 370 | HÉRON. CHAPITRE XIII DE LA CONSTRUCTION DES TOURS SELON LA MÉTHODE DE DYADÈS ET DE CHÆRÉAS, DISCIPLES DE POLYEIDOS DE THESSALIE 1.— Dyadès et Chæréas, disciples de Polyeidos de Thessalie, mécaniciens qui prirent part à l'expédition d'Alexandre de Macédoine, furent les premiers qui inventèrent les tarières pour percer les murs (rà rpürava), les ponts volants (ràç Gtaëdñpac) et les tours de bois (robe EvAivouc mépyouc) portées sur des roues. 2. — Ils donnaient aux plus petites de ces tours une hauteur de soixante.coudées (2770), une base carrée de dix-sept cou- dées (7"90) de côté tant en longueur qu'en largeur, et dix étages, dont le plus élevé se rétrécissait en un carré qui avait pour superficie le cinquième de celle comprise entre les quatre côtés de la base, ainsi qu'il sera montré ci-après. 3. — Ils donnaient à d'autres tours, plus grandes que les précédentes dans le rapport de 3 à 2, quinze étages et une hauteur de 90 coudées (41"60), et à d'autres tours, doubles _des premières, vingt étages et une hauteur de 124 coudées environ (57"30). 4. — Ils construisaient les grandes et les petites tours d’après les mêmes proportions, en augmentant et en diminuant les dimensions des pièces de bois, c'est-à-dire la longueur, la largeur et l'épaisseur, et, de même, ils proportionnaient les divisions des étages avec la hauteur des tours. 5. — Ils les faisaient à six roues et quelquefois à huit roues, à cause de leur masse considérable. | 6. — Ils faisaient en sorte que la surface supérieure füt toujours le cinquième de celle de la base. s (Traduction de M. Th.-Henri Martin.) EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. ai CHAPITRE XIV FRAGMENT Poux ce qui concerne les divisions des tours en En nee et É élévations de ces étages, Dyadès et Chæréas, comptant par coudées, donnaient au premier étage d'en bas, à partir de la base, une hauteur de sept coudées et douze doigts (350), à chacun des cinq étages au-dessus du premier une hauteur de cinq coudées seulement (2"40), et à chacun des étages supé- rieurs une hauteur de quatre coudées et un tiers (2"00). L’é- paisseur totale des planchers des étages, le plancher de la base et le faîte de la tour étaient compris dans le calcul de la hau- teur. De même, dans la tour la plus petite, la division des étages gardait les mêmes proportions par rapport à la hauteur. (Traduction de M. Th.-Henri MarTIN. CHAPITRE XIX DE L'ÉCHELLE MOBILE SUR DES ROUES ET PORTANT UN PONT (ëm6@ôpa) 1. — Il y a aussi une échelle d'une autre forme, montée sur des roues, faite de bois forts et légers, à la partie supé- rieure de laquelle s'adapte extérieurement, au moyen d’un axe, une autre échelle destinée à servir de pont. 2. — Les extrémités de l'axe qui sont engagées dans les montants de la première doivent être cylindriques, et leur circonférence doit être polie de façon à permettre à cette seconde échelle de se rabattre facilement, quand on veut la rapprocher de la pièce inférieure; et aussi pour qu'on puisse la redresser aisément, quand on la tire de l'arrière avec des cordes disposées symétriquement et munies de machines Cf. PxiLon, nt, 10. 372 | HÉRON. appelées moufles (à puyyévwv tüv heyouévuy néluoméotwy). Ces moufles sont des poulies (xapeta) disposées à la suite les unes des autres, de manière à produire une grande force pour tendre ou relâcher les cordes. 3. — Il faut, à la partie supérieure de la première échelle, établir des arrêts et certaines saillies pour empêcher que la seconde, quand elle sera dressée, ne se renverse et ne tombe sur ceux qui la font mouvoir. | 4. — Si l'échelle du bas est d’une seule pièce, il faut que chaque échelon dépasse les montants, et que ces parties en saillies soient percées de manière à faire passer par ces-trous une corde bien tendue qui empêche l'échelle de se briser. Si elle est composée de plusieurs pièces, on la construira comme les échelles dont on a parlé plus haut. 9.— Quant à l'échelle supérieure, il faut qu'elle soit couverte d'un plancher dans toute sa longueur, ét renforcée encore par des cordes qui l'entourent, de facon à présenter un passage solide une fois qu'elle sera appuyée contre le mur. On l'élè- vera au-dessus de l’autre, on la dressera bien verticalement, et on les approchera toutes du rempart en même temps. 6. — L'échelle inférieure, qui est munie d'échelons pour permettre de monter, doit être placée en face du mur, à une distance telle qu'en lâchant les cordes dans une certaine mesure, l'extrémité de l'échelle planchéiée vienne, en s’abais- sant, tomber sur le mur et fournir ainsi un passage aux assaillants. 7. — La largeur de l'échelle et du pont doit être telle que cinq, quatre ou au moins trois hommes puissent passer de front sur le pont et combattre ensemble contre les défenseurs qui se tiennent sur la muraille. 8. — Il faut mettre des armatures de cuir sur les deux côtés de l'échelle et du pont, de manière à amortir les coups qui viendraient de côté. Il faut encore assurer l'échelle inférieure avec des pieux fichés en terre et la fixer avec des cordages tendus. Cette échelle doit être plus élevée que le rempart d'au EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 373 rait le contraire. — La figure est ci-dessus. CHAPITRE XX moinstrois pieds, pourique lestraits qui viennent du- dit rempart ne puissent arriver jusqu'aux por- teurs qui sont en bas et frapper ceux qui Manœu- vrent les corda- ses; de plus, le pont s'abaissant du côté du mur, les soldats n'au- ront qu'à descen- dre et seront pleins de courage et d'ardeur; si l’échelle était moins élevée que le mur, il arrive- DE LA TORTUE PORTANT UN PONT 1.— On fera aussi un pont très commode et qui seul porte le nom de àäta6dôpa, lorsque l'on aura à traverser des fossés larges ou profonds et pleins d’eau qu'il sera impossible de combler (1). (1) Héron distingue ici le pont qui se lance en travers (à&) d'un fossé, d'avec celui qui se lance sur (ëxt) un mur et dont il a parlé dans le cha- pitre précédent, sous le nom de émt6bpa. Cf. PHiLow, IV, 90. Cf. PHiLow, IV, 20. 374 HÉRON. 2.— Ce pont aura une longueur égale à la largeur du fossé etsera rendu facilement mobile comme nous l'avons indiqué (1). 3. — Il sera dressé à l'avant d'une tortue de terrassier (405- rei8oc xehwvns) et manœuvré de l'arrière par des cordes ou bien par les moufles dont nous avons parlé plus haut (? , lorsque les dimensions ou les poids l’exigeront. 4. — Quand, à l’aide de la tortue qui le porte, on l'aura approché du bord extérieur du fossé, on détendra les cordes qui sont par derrière, et l'extrémité du pont, en s'abaissant, ira tomber sur le bord opposé, et fournira ainsi un passage sûr à ceux qui s’élanceront pour traverser le fossé, munis des tortues boucliers (Aaïcu). 5. — Celles-ci seront enduites d'argile sur le clayonnage et protégées, par un mélange de cendre êt de sang ainsi que par des cuirs frais de bœuf, contre les matières incendiaires (rà rvpo66lu) et les liquides bouillants que l'on jette du haut du mur. 6. — De même que pour les tortues de sapeurs (r&v épuarpiôwv xehwv&), ainsi que nous l'avons montré plus haut (3), de même pour ces tortues boucliers, il faut que la distance entre les diffé- rentes tortues ne soit pas de plus de vingt pieds (720), et c'est à trois pieds (0v9?) au-dessus de terre que les travailleurs de- vront commencer à percer le mur. — La figure est ci-dessous. QUE Ne men NI \ lemme NE LEZ PAGE NN Se LIN | (ll li LL SSSIE QE (1) Héron, x1x, 1. — (2) In., x1x, 2. — (3) [n,, v. EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 375 CHAPITRE XXI DE LA TORTUE DE TERRASSIERS MUNIE D UN RADEAU SELON PHILON DE BYZANCE 1. — D'après Philon de Byzance, on approche de ces sortes de fossés des tortues de terrassiers (4ekwvas yworpiôac), munies de radeaux (oxeôtas) (1) au moyen desquels on dirige les soldats vers Ja partie du mur que l'on veut attaquer. 2. — Ces soldats enfoncent des chevilles de fer trempé qui pénètrent dans les joints et dans les fentes (? des briques et des pierres; ils frappent ces chevilles à coups de marteaux de fer à mesure qu'ils montent. 3. — On a aussi des crochets, munis de cordes et de filets, qu'on lance sur les créneaux et qui les saisissent, de façon que les soldats, quand une fois ils en ont l'habitude, ne se refusent pas à cette escalade. C’est ce mode d'attaque qu’em- (1) Il s'agit ici, non point d'un radeau ordinaire, mais d'un radeau sur lequel on a établi un fortin en charpente que figure le cube placé près de la tortue. ApozLopore en décrit la construction (pp. 189-193 de l'édition Wsscuer). Cette description est reproduite par H£éroN dans son ch. xxvi (éd. Wescxer, pp. 271-276). (2) Je lis àtagüoerx comme dans PæiLow, au lieu de cuueboess donné dans le texte de M. Wesoxer, CF. PuiLoX, ; EVA Cf. PuiLow, 1V,,60. Cf. PxiLow, iv, O1. 2 1 COCO < ARE LR, 376 HÉRON. ploient d'ordinaire les Egyptiens, pour s'emparer sans grande peine des places qui ne sont point préparées à se défendre, qui ne sont pas très fortes et dont les remparts n’ont qu'une médiocre hauteur. La figure est ci-dessus. CHAPITRE XXI DE QUELQUES REMARQUES AYANT TRAIT A TOUTES LES ÉCHELLES ET A TOUS LES PONTS Cf. PurLo, {. — Il faut, chaque fois qu'on se servira d'échelles, ou de I: 0. ponts, ou d'autres procédés d'escalade, bien prendre garde aux épais filets de lin que les assiégés auraient pu préparer à l'avance. Car, en lançant ces filets et les retirant aussitôt, on saisit vivants ceux qui grimpent [le long des murs], où qui s’'élancent sur les ponts [volants], et qui tombent ainsi au pouvoir de leurs ennemis. Cf. Parcox, 2. — Il faut veiller à ce que l'ascension au moyen d'’échelles or soit exempte de dangers, comme nous l'avons dit lorsque nous avous traité en détail des poutres ancrées et des corps pesants ob lance duhaut des MUPrS,..: 5.0: ANNE PT. CHAPITRE XXV DES MACHINES NAUTIQUES PROPRES A L'ATTAQUE DES VILLES D AB ox, 1. — Il y a certaines machines (unyavés) que l'on fait agir ut, 31; 1V, 17. de dessus des embarcations {mhotwv); quelques personnes les appellent sambyques (oau6ixas), à cause de leur analogie avec les instruments de musique qui portent ce nom; elles sont semblables au tube («ÿ6) que nous venons de décrire, sauf qu'elles ne présentent pas la disposition en forme de voûte. EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES. 37 Athénée dit qu'elles ne méritent point une description, parce que tout le monde les connaît et que leur mode de construc- tion saute aux yeux. Souvent il vaut mieux ne pas en avoir que de les construire contrairement aux principes et dans de mauvaises proportions. Lors du siége de Chio, on s'en était rapporté au coup d'œil pour déterminer leur grandeur : aussi se trouvèrent-elles plus hautes que les tours, et les soldats qui étaient montés sur les sambyques périrent tous par le feu, ne pouvant ni descendre sur le mur à cause de cette trop grande hauteur, ni abaisser d'aucune facon la machine elle-même. Si cet incendie n'avait pas eu lieu, les barques auraient été renversées, parce que le centre de gravité de l'appareil était placé trop haut. C’est pourquoi il convient que ceux qui sont chargés de construire de telles machines ne soient point étran- sers à la science de l'optique. 2. — Quelques ingénieurs (äpyrrexréve) se servent aussi, lorsqu'ils veulent prendre une ville maritime, de deux em- barcations qu'ils relient. Ils dressent au-dessus la tour de charpente (rù pnyévnua) et la font ainsi avancer par les temps calmes contre les murs de l'ennemi. Mais, si les embarcations sont surprises par un vent contraire et qu’elles viennent à être battues par le ressac, la tour établie au-dessus d'elles vacille et se disloque sous l'influence de ces secousses. Les deux barques n'ont pas toujours, en effet, le même mouvement; il peut arriver que l’une d'elles soit au sommet de la vague, tandis que l'autre sera dans le creux; et, si notre engin, ainsi secoué, vient à se briser par l'effet même de nos propres combinaisons, la confiance et l'audace de nos ennemis s'en accroîtront certainement. L'esprit humain étant fertile en ressources, il faut non-seulement que nous connaissions les belles inventions des autres, mais encore que nous en trou- vions de nouvelles par nous-mêmes : aussi aurons-nous soin, pour lester notre machine, de fixer au milieu du plancher qui recouvre les deux barques ce qu'on appelle une guenon (mov) ; c'est un poids analogue comme dimensions à celui 378 HÉRON. qu'on voit dans la figure. On le suspend à la partie inférieure de l’appareïl qu’on veut équilibrer ; et, quand les flots agités viennent de tous côtés battre les embarcations, l'engin reste droit et ne vacille pas. 3. — Il faut également prendre ses dispositions pour résister aux vents contraires, ainsi qu'aux assiégés; on préparera donc de petites hélépoles (£kexérex), semblables à certains mantelets (Bwpaxia), en forme de tour, ou bien des engins d'escalade (ëmé6arhpu) de hauteur convenable et faciles à manier, de telle façon que, quand les embarcations seront près du rempart, ces engins puissent être dressés au moyen de câbles et de moufles, comme nous l'avons dit plus haut, et donner accès FILM AM ER 65) 054 00) ASE ESA ne CR RES Toutes les choses dont nous venons de parler sont repro- duites dans les figures ci-dessous. DT or EXTRAITS DES POLIORCÉTIQUES, [l — < NS EN AN D ———— 2) Ê—— 2 pe Se PATES © a = AN EE — N — —N = \ LR | | TT rs {L er nn A = un A L DER Œ — 379 380 HÉRON. CONCLUSION DE L'OUVRAGE Telles sont les machines de siége que nous avons réunies avec ordre et choix pour les décrire en détail. C’est en les faisant construire avec calcul et avec une vigilance continue et attentive que les chefs des expéditions militaires, faisant briller partout l’image de la justice divine, honorés pour leur caractère juste et pieux, fortifiés et protégés par la main puis- sante, le concours et la coopération des princes de Rome (1), de ces princes adorateurs de Dieu et amis du Christ, pourront surtout facilement prendre les cités d'Agar, sans éprouver eux-mêmes aucun dommage irrémédiable de la part de ces ennemis dévastateurs des temples de Dieu. (Traduction de M. Th.-Henri Marin.) (1) Les empereurs de Constantinople gardaient le titre d'empereurs romains en leur qualité de successeurs de Théodose le Grând. (H. M) AT COMPILATION ANONYME DÉFENSE DES PLACES FORTES TRADUITE POUR LA PREMIÈRE FOIS DU GREU PAR M. E. CAILLEMER NOTICE Le volume des Veteres mathematici se termine par un mor- ceau incomplet, relatif à la Défense des places (pp. 317 à 330 et pp. 361 à 364), qui a pour titre : "Oruws xp Tov Ts molopxouévns nékews arparnydv rpèç Tv moAopxlay &vritattrecôat ai olotc émrndeUupaot TaUtnv aroxpobEGO at. Ce morceau se trouve dans un assez grand nombre de ma- nuscrits grecs dont voici les principaux : | Bibliothèque de Paris, 2435, 2437, 2441, 2445; Id. de Munich, 195; Id. de Turin, 60 ; 19 de Vienne, 114. Dans ce dernier manuscrit, le fragment qui nous occupe se trouve à la suite d'un ouvrage intitulé : "Hpwvos rapex66lu, etC., avec le titre : Toù aûtoù 6mws ypà Tèv Tñç rokopxoumévnc, etC. M. Th.-Henri Martin (1) établit, au moyen de la grécité du texte et de diverses citations historiques faites par l’auteur, que cet auteur est bien Héron de Constantinople, qui com- posa les Poliorcétiques dont nous avons donné des extraits. . Tous ces traités auraient, d'après l'opinion dü savant que nous venons de citer, fait partie d'une sorte d’encyclopédie composée vers le milieu du x° siècle par ordre de Constantin Porphyrogénète. Le morceau sur la défense des places de guerre se compose de deux parties distinctes. La première est relative aux Préparatifs de défense; elle est fort intéressante pour nous, parce que C’est le seul ouvrage qui nous permette de juger de ce que pouvaient être les livres, aujourd'hui perdus, qu’Ænéas et Philon avaient composés sur ce sujet. (1) Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-leitres, 1" série, t. IV, 1854, pp. 324-329. 384 NOTICE. La seconde partie est une compilation d'exemples, souvent extraits textuellement de Polybe, d'Arrien et de Flavius Josèphe, liés ensemble par les réflexions et les préceptes de l’auteur. Le texte tel que l'ont publié Thévenot et Lahire est extrè- mement incorrect; il fallait toute la science et toute la sagacité de M. Caillemer pour pouvoir retrouver la pensée de l’auteur dans ces phrases sans ponctuation, où la plupart des mots sont complètement travestis. A. R. La traduction du traité anonyme, attribué à Héron de Constantinople, que M. de Rochas nous a demandée et qu'il publie aujourd'hui, laisse beaucoup à désirer, et notre premier soin doit être de faire appel à l’indulgence des lecteurs. Les hommes les plus éminents, préparés par des études techniques spéciales et ayant à leur disposition plusieurs manuscrits à l’aide desquels ils ont pu reconstituer les textes, ont souvent échoué dans leurs tentatives de traduction des ingénieurs grecs : M. Vincent lui-même n'y a pas toujours réussi, comme le prouve le fragment de Philon que M. Ruelle a communiqué, le 4 novembre 1870, à l'Académie des inscrip- tions et belles-lettres. Il ne faut donc pas être surpris si notre œuvre est très imparfaite : non-seulement nous étions aux prises avec les difficultés qui ont arrêté nos prédécesseurs, mais encore nous abordions un sujet étranger à nos études habituelles, et nous avions pour toute ressource l'édition très défectueuse des Mathematici veteres. Si, mettant de côté tout amour-propre, nous laissons imprimer cet essai, c'est qu'il pourra servir de base à des travaux de rectification : aussi nous acceptons à l'avance les critiques qu on voudra bien nous adresser. Nos annotations personnelles sont peu nombreuses. Elles ne se confondent pas avec celles de M. de Rochas, que suivent les initiales du nom de leur auteur. E. CAILLEMER. COMPILATION ANONYME SUR LA DÉFENSE DES PLACES FORTES DES MOYENS QUE LE GÉNÉRAL D'UNE VILLE ASSIÈGÉE DOIT EMPLOYER POUR SOUTENIR LE SIÉGE ET POUR TRIOMPHER DES ASSIÉGEANTS. 1. — L'’assiégé ne doit pas se décourager, lors même que le siége durerait depuis longtemps. Car, peut-être, les différents corps de l’armée assiégeante ne resteront pas toujours en bonne intelligence; ou bien l'hostilité de leurs voisins, pro- voquant des diversions, les rappellera dans les pays auxquels ils appartiennent. Ils souffriront peut-être de la famine ou de maladies pestilentielles, causées par le séjour trop prolongé de nombreux corps d'armée dans le même pays; enfin, le général de l’armée assiégeante, si distingué et si puissant qu'on le suppose (l), pourra être mis dans l'impossibilité absolue de rien faire et de riex supporter par beaucoup de circonstances, même fortuites. 2. — C'est pourquoi, Dieu aidant, vous devez avant tout, Général, vous renseigner sur les premiers mouvements des ennemis, soit par des déserteurs, soit par des espions; et 1l est toujours possible de le faire en un jour. 3. — Vous devez aussi, en tenant compte de la durée pro- bable du siége (durée qui peut être de six mois ou d'un an), (1) L'édition Taé£venor donne : xa Tùv &p4nyôv Toù oTpaTo &voy, OVTa Aoi dvvapevoy.. Ce texte est inintelligible : aussi, au lieu de &vov, 6vre, nous croyons qu il faut lire &vovra. 2ù V. M. p. 317. Cf. Pico, IT, LUOV/aDIE me 0 RAS COMPILATION ANONYME. préparer tout ce qui sera nécessaire à la nourriture et à l'en- tretien, non-seulement des soldats, mais encore de ceux qui . ne peuvent pas porter les armes, si le pays offre beaucoup de ressources, et si les ennemis ne sont pas venus le ravager et l'incendier dans le courant de l’année, ainsi qu'il est habituel _ de le faire lorsqu'on se propose de mettre le siége devant une ville (1). — Si, au contraire, la localité est misérable, si les environs sont peu fertiles, s’il n’existe pas, à proximité, d'îles pouvant fournir ce qui manquera, et, dans le cas où il en existerait, si les ennemis peuvent espérer qu'ils seront maitres de la mer et empêcheront les importations (?), alors le fonc- tionnaire préposé aux entrepôts devra distribuer, après les avoir mesürés, aux négociants et aux citoyens riches, le blé, l'orge et toutes les autres espèces de récoltes, pour que ces denrées soient ajoutées aux récoltes de l'année. L'épiscope de la ville (3) et quelques citoyens influents seront ensuite chargés du soin de répartir ces provisions entre tous les habitants; ils remettront à chacun la quantité de vivres nécessaire pour un mois, d’après une règle qui sera fixée et publiée. Les esclaves que leur maître aura laissés seuls dans sa maison,et les habi- tants du pays qui n'auront pas de vivres suffisants pour plus (1) Quelques jours avant les événements qui amenèrent la fatale guerre de 1870, les Prussiens, qui avaient leur plan de campagne parfaitement arrêté, firent, dit-on, faire à Metz des achats considérables de blé, et di- minuèrent ainsi d'autant les ressources de la ville qui allait être bloquée. (A. R.) (2) On lit dans THÉveNoT : of Ôë éy6poù Oahasooxpateiv éAnitovrat. Kai HWÂVELY TAPAXOUÔAV YPÀ TOV GÎTOV.....…. Nous croyons qu'il faut lire : Balacsokparetv Siritovrar za xw Ve rapaxomiÈnv, Xp Toy oitov...—Ilnous paraît inutile de mentionner spécialement toutes les rectifications de ce genre que nous avons jugées nécessaires pour rendre intelligible le texte de l'auteur. (3) On pourrait être tenté de voir dans l'éricxonos tñç méhewc l'évêque de la ville; mais il s'agit plutôt de ce fonctionnaire civil dont la charge est citée, parmi les munera civilia, dans l'énumération laissée par le jurisconsulte Arcanius CHarisius : « Episcopi, qui præsunt pani et cæte- ris venalibus rebus quæ civitatum populis ad quotidianum victum usui sunt. » (L. 18, 27, D., de muneribus et honoribus, 50, 4.) DÉFENSE DÉS PLACES. 387 de trente jours, devront être avertis par des proclamations d'avoir à se faire connaître au général. 4. — Si les circonstances l’exigent, le général invitera une partie des habitants à se préparer rapidement à l’émigration, parti utile et salutaire, non-seulement à ceux qui s’éloigne- ront, mais encore à ceux qui resteront dans la ville. Quant aux personnes qui seraient alors dans l'impossibilité de com- battre pour la défense de la ville, par exemple, les vieillards, les infirmes, les femmes, les mendiants, et ceux qui, à cause de leurs propres besoins, ne peuvent fournir aucune aide aux défenseürs de la place, il les expulsera de la ville et les enverra dans un autre pays. Cette mesure sera une mesure protectrice pour les défenseurs de la place, en même temps qu'elle sau- vera Ceux mêmes qui en seront atteints. Il ne faut pas, en effet, que vous soyez obligé, lorsque les ennemis auront investi la ville, de leur livrer ces personnes, comme le fit le roi Achéus (1). 9. — Parmi les personnes qui, bien que privées de res- sources, peuvent cependant servir l'intérêt général par leur industrie particulière, les armuriers, par exemple, les mécani- ciens, les cordonniers, les tailleurs, les calfats, les architectes, les tailleurs de pierre, les astronomes qui se rendent utiles en prédisant la pluie et la direction des vents, il faut choisir les plus habiles, et, loin de les repousser, les encourager et stimuler leur zèle.— Ainsi, les armuriers, travaillant nuit et jour, se livreront sans relâche à leurs occupations habituelles : ils fabriqueront des boucliers, des flèches, des épées, des casques.— Les ouvriers en airain feront des pointes de flèches, des épieux, des javelots et des mains de fer destinées à saisir certains objets au dehors et à les attirer dans la ville. Il en sera de même pour toutes les autres choses que les circonstances rendront nécessaires et dont la réflexion démontrera l'utilité. Les inventions de l’en- nemi seront, en effet, multiples et variées; mais une expé- (1) Cf. Service des armées en campagne, titre xx, ? 215. Cf. PxiLox, LVAAE V.M., p. 318. Cf. P&rLow, TT Cf, Parcon, ni 2: ‘ 388 COMPILATION ANONYME. rience et une pratique prolongées sauront reconnaître les moyens qui conviennent à chaque jour et à chaque heure, et créer les machines nécessaires à une défense prudente et habile à varier ses moyens. — Les mécaniciens s’occuperont de la construction des machines, telles que tétrares (rerpapaiac), mangonneaux, celles que l'on appelle ilacates (eilaxéracs) et chiromanganes (xetouéyyava); ils fabriqueront aussi des an- tennes à l’aide desquelles, du haut des créneaux, on laissera tomber de lourdes pierres en avant des remparts. — Les tail- leurs prépareront des plastrons pour mettre sur les cuirasses, et d'épais bonnets, qui, s’il Le faut, pourront être employés en guise de casques. — Les rameurs s'exerceront à naviguer et à combattre sur mer. — Le concours des architectes sera surtout très utile; car ils répareront les parties des murs qui auront souffert du choc des béliers, et ils construiront de nouveaux remparts à la place de ceux qui auront été ren versés. — Si l’on peut utiliser leurs services, il est bon aussi d'avoir des pêcheurs. 6. — Lorsque la ville et le pays avoisinant offrent une grande abondance de vivres, et qu'il est possible, avant l'arri- vée des ennemis, d'introduire dans la place tout ce dont on pourra avoir besoin, il ne faut pas s’exposer, soit à troubler l'ordre à l’intérieur, soit à mécontenter des amis, en forçant une partie des habitants de la ville à émigrer à l'étranger. 7.— S'il y a de l'argent dans le trésor public, on le prendra pour acheter, non-seulement du blé, de l'orge, du vin, des légumes, du fromage, de la viande, de l'huile, du millet, mais encore du fer, de l’airain, des armes, de la poix liquide et de la poix sèche, du soufre brut, des étoupes, des cordes de . lin ou de chanvre, des torches, de la laine, du Baïv&dwov (?), du lin, du foin, de la paille. 8. — Si le trésor public est vide et qu'il y ait des citoyens riches, il faut adresser à ces citoyens des réquisitions d'argent, et, avec l’argent qu'ils verseront, faire les acquisitions dont nous venons de parler. 9.— Avec le prix qu'on retirera de la vente des comestibles, DÉFENSE DES PLACES. 389 autres que ceux qui seront employés à la nourriture des sol- dats, on remboursera les sommes que l’on aura prises et on comblera les vides du trésor. — Quant à la nourriture des soldats, à leur paie et aux dépenses qu'ils pourront occasion- ner, c’est le trésorier public qui devra faire face à ces charges. 10. — On agira de même pour le fer et pour les autres choses analogues. 11. — I] faut prescrire à tous les citoyens d'introduire dans la ville des fascines et de se procurer du bois pour six mois, sinon même pour un an. Pour plus de sécurité, on annoncera que quiconque ne se sera pas, dans un délai déterminé, pourvu des choses prescrites, sera puni de la peine capitale. 12. — I] faut aussi avoir soin de se procurer de l’eau en abondance, remplir les citernes et généralement tous les réci- pients disponibles. Lorsque la disette d'eau se fera sentir, on distribuera aux citoyens, en la leur mesurant, l'eau des réservoirs, en procédant de la même manière que pour le blé. 13. — On introduira également dans la ville ce qui est nécessaire à la fabrication des armes, telles que boucliers, épieux et flèches; c’est-à-dire des planches, des troncs de jeunes arbres, des perches et tout ce qui peut servir à réparer les armes. On doit faire en sorte que chaque soldat armé de javelots puisse disposer par jour de dix projectiles, que chaque archer ait cinquante flèches. Quant aux soldats armés d'épieux et qui doivent en venir aux mains, chacun d'eux devra être pourvu de cinq épieux. 14. — Il faut faire aux flèches des entailles, afin que les ennemis ne puissent pas s'en servir contre nous (1). 15. — On doit aussi rassembler de petites baguettes et des branches d'’osier ou de myrte, pour faire des clayonnages destinés à protéger les soldats qui seront placés sur les ma- chines de guerre. 16. — Il faut ensuite mettre les murs en état et y placer les (1) Grâce à ces entailles, les flèches se brisent en tombant. (A.R.) Cf. PxiLow, nt, 19. PM, Extraits des Stratégiques de l’'ANONYME de Byzance. Notice. Ch. 6. — Défense des places. Ch. 7. — Des sentinelles. Ch.*8. — Des signaux par le feu. Ch. 9. — Des forts d'observation. Ch. 10. — De l'établissement d’une ville. Ch. 11. — Où il faut fonder une ville. Ch. 12. — Comment il faut construire une ville. Ch. 13. — Comment il faut mettre une ville en état de résister. Ch. 29. — Des retranchements et de leur garde. 3° Extraits des Poliorcétiques de HÉRON de Constantinople. Notice. Préambule des Poliorcétiques. Ch. 1. — Du siége des villes et des machines nécessaires pour cela. Ch..2. — Des échelles de cuir et des échelles réticulées. Ch. 5. — De la consolidation des tortues. Ch. 13 et 14. — De la construction des tours. Ch. 19. — De l'échelle mobile sur des roues et portant un pont. Ch. 20. — De la tortue portant un pont. Ch. 21. — De la tortue des terrassiers munie d'un radeau. Ch. 22. — Remarques ayant trait aux échelles et aux ponts. Ch. 25. — Des machines nautiques propres à l'attaque des villes. Conclusion des Poliorcétiques. 4 Compilation anonyme sur la défense des places fortes, traduite par M. E. CAILLEMER. Addenda et corrigenda. & OT EX UNTE , se SIPAUT He pate Le LES SCEAUX DE LA COMMUNE L'HÔTEL DE VILLE ET LE PALAIS DE JUSTICE DE BESANCON PAR M. AUGUSTE CASTAN Séances des 12 mars 1870, 22 avril 1871 et 10 février 1872. SIGILLOGRAPHIE DE LA COMMUNE DE BESANÇON (1). De même que l’on n'arrive sûrement à saisir l'étymologie d'un mot qu'en suivant, à travers les textes, les variantes de prononciation et d'écriture qui ont affecté ce mot, de même aussi le sens des symboles héraldiques ne peut se déduire que d’un examen scrupuleux des monuments figurés qui portent ces emblèmes. Les monuments dont il s’agit, les sceaux, ont, pendant un srand nombre de siècles, tenu lieu de la signature; plus tard ils servirent encore à l’authentiquer et à la corroborer. (1) Une première rédaction de ce chapitre ayant paru dans le“Wagasin pilioresque (août 1870, pp. 259-262), l'administration de cet intelligent recueil a bien voulu nous concéder gratuitement des clichés de chacun des bois qu'elle avait fait graver d'après nos dessins : de son côté, notre ami M. Varaigne, qui s'occupe avec distinction de galvanoplastie, s’est empressé de nous fournir des exemplaires doubles de ces mêmes gravures, — 444 — Nous voudrions montrer, par un exemple caractéristique, le parti que l'on peut tirer de ces objets d'art pour trouver la raison d'être d'une armoirie; et nous avons choisi, dans ce but, la série, encore à peu près inédite (1), des sceaux dont “usa la commune de Besancon depuis ses origines jusqu'à nos jours (). Après la ruine de Besancon par les Barbares, au quatrième siècle, l'autorité de l'évêque se substitua dans cette ville au fonctionnement anéanti du municipe romain. Ce qui survivait de la vieille population gallo-romaine conserva la liberté per- sonnelle, mais en devenant, quant à ses biens, tributaire de l'Eglise. Autre fut la situation des campagnards qui vinrent s’abriter derrière les murailles relevées par les soins du clergé : ceux-là furent réputés les hommes du prélat, taillables et corvéables à sa volonté, assujettis à cette condition de demi- servage dont le caractère saillant était la mainmorte. Lorsque le vent de la révolution communale descendit, au douzième siècle, du nord sur l’est de l'ancienne Gaule, ces deux classes d'individus se donnèrent la main pour secouer le joug de la domination cléricale. A la suite d’une série d'in- surrections soutenues par l'aristocratie laïque de la province, la mainmorte et les tailles arbitraires furent abolies et conver- ties en redevances fixes que dut payer la masse des citoyens. Cet arrangement fut sanctionné par un diplôme de l’empereur Frédéric Barberousse, en date à Colmar du 9 maï 1180. , Aucune distinction d'état civil n'existant plus entre les (1) Jean-Jacques Cuarrrcer* dans son Vesontio (I, p. 58), et M. Ed. Czerc, dans son Essai sur l'histoire de la Franche-Comté (t. I, 1"° édit. pp. 448 et 47%; 2° édit., pp. 454 et 456), ont reproduit cinq de ces monu- ments, mais d'une manière absolument inexacte. (2; En 1761, l'Académie de Besançon avait mis au concours cette ques- tion : Quel a été le gouvernement politique de Besançon sous les empereurs d'Allemagne, el quelles ont été les raisons particulières de la devise de celte ville, de ses armoiries el de celles de ses quartiers ou bannières ? L'avocat Egenod obtint le prix, les bénédictins Berthod et Coudret eurent des accessits. Leurs mémoires, restés manuscrits, ne renferment, sur les points qui nous occupent, que des conjectures sans valeur. — 445 — citoyens, la population laïque forma désormais un ensemble compacte, lié par la solidarité des intérêts, mû par l'unanimité des tendances. La première pensée collective de cette associa- tion fut de renouer avec les souvenirs gallo-romains, pour se saisir des anciennes propriétés municipales sur lesquelles les habitants de Besançon n'avaient cessé d'exercer des droits d'usage. On vit ensuite ce tiers-état s'intituler ouvertement commune, frapper des impôts, en recueillir le produit dans une caisse publique, accaparer un beffroi paroissial pour y suspendre une bancloche, enlever du chevet de l'archevêque les clefs des portes urbaines, organiser un gouvernement civil, et en confier l'exercice à des prud'hommes élus annuellement par les citoyens (1). Toutes ces conquêtes s’opérèrent pendant les vingt dernières années du douzième siècle et les vingt premières du treizième : à chacune d'elles les archevêques opposèrent une vive résis- tance. L'un de ces prélats, Gérard de Rougemont, fut expulsé de la ville par le populaire, et mourut en comptant sur la vengeance que lui promettait l'empereur d'Allemagne (?). Son successeur, Jean Halgrin, fut un instant plus heureux : il parvint lors de son entrée, en 1225, à dissoudre la commune; mais il fit un étrange abus de sa victoire : cent des principaux citoyens durent venir lui demander pardon et recevoir la flagellation de sa main G). Une réaction terrible suivit cette humiliante exécution; Jean Halgrin n’échappa au ressenti- ment public qu'en échangeant son siége contre une dignité de la cour de Rome (4). (1) Voir, sur ce qui précède, nos Origines de la commune de Besançon, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 3e série, t. IL, pp. 183-382. (2) Hurzzarn-BréHoLLes, Historia diplomatica Friderici II, tom. IT, pp. 487-489, 817-819. (3) Pièce justificative n° I. (4) Ucxeut, ltalia sacra, t. I, col. 169-170; — PerrTr-Ranez, Notice sur Jean Halgrin, dans l'Hist. littér. de la France, t. XVIII, pp. 162-177; — Hauréau, Gallia christiana, t. XN. col. 62-64. — 446 — La noblesse du comté de Bourgogne, intéressée à l'amoin- drissement des archevêques, pactisait toujours avec la com- mune , s'autorisant de cette alliance pour saccager les do- maines ecclésiastiques. En vain l'archevêque Guillaume de la Tour ,. chassé de la ville et poursuivi dans son diocèse, invoquait-il l'appui des Césars éphémères qui se disputaient le trône impérial. Réduit aux armes spirituelles que la papauté lui fournissait en abondance, mais n'ayant pas à son service un bras séculier qui les fit mouvoir, force lui fut de composer. Sur les instances du pape Alexandre IV (1), le roi de France Louis IX, «li om dou monde qui plus se traveilla de paiz (?), » consentit à être le médiateur. Il se rendit dans ce but à Besançon (), et ce fut « par son pourchas » que l'archevêque put regagner son palais. La commune était définitivement fondée : un gouvernement laïque allait régir la population civile, le clergé ne devant plus exercer de juridiction temporelle que sur les suppôts des églises. Longtemps encore les archevêques prétendront ressaïi- sir leur domination absolue sur Besancon : aussi la commune entendra-t-elle fréquemment gronder sur sa tête les foudres ecclésiastiques. Mais le pouvoir populaire ne manquera pas — (1) Pièce justificative n° III. (2) Jomnvicze, Histoire de saint Louis, édit. de Vailly (Soc. de l'hist. de France), p. 245. (3) On avait cru jusqu'à présent que Louis IX avait agi dans cette circonstance, non de sa personne, mais par l'intermédiaire de l'abbé de Citeaux (Ed. CLerc, Essai, t. I, ?° édit., p. 454). Une note contemporaine du fait, relevée au siècle dernier par le chanoine Fleury sur un antique lectionnaire de l'église de Sainte Madeleine de Besançon, témoigne d'un déplacement du pieux monarque. Cette nole est ainsi conçue : « Anno Domini M. cc. xuix, tertio nonas juñii, venrT nobilis vir rex Francie. » Il y a dans cette note un lapsus bien facile à corriger : il faut lire 1259 au lieu de 1249. En 1249, saint Louis était à la croisade, tandis qu'en 1259, il était dans son royaume, occupé d'œuvres de paix. D'ailleurs l'appel que lui fit le pape en faveur de notre archevêque, document publié ici pour la première fois (Pièce justificative n° HI), n'est que de deux mois et trois jours antérieur à la date ainsi restituée de la présence du roi de France à Besancon. s — 447 — de gens instruits à qui les études universitaires auront appris l’art de distinguer, et ceux-ci ne se feront pas faute d'enseigner à tous que l’excommunication, lorsqu'elle procède d'une partie qui fulmine dans sa propre cause, est essentiellement récusable et n’atteint pas la conscience. On verra ainsi les mêmes hommes vénérer profondément l'archevêque à l'autel, tandis qu'ils le combattront à outrance dans ses prétentions terri- toriales. Cette disposition des esprits se lit déjà d'une façon très nette sur le plus ancien sceau de notre commune. On y voit, en effet, les images de deux reliquaires insignes : le bras de saint Etienne et la croix processionnelle appelée crux pretiosa, appartenant l'un et l’autre à celle des églises cathédrales de Besancon qui était vouée au premier martyr (1). Malgré les signes religieux qui le décorent, ce sceau avait été mis au nombre des abus commis par les Bisontins, et dénoncé comme tel dans une bulle du pape Alexandre IV, en date à Anagni du 29 janvier 1259. « Ils ont fait fabriquer, disait le pontife, un sceau à leur usage..….; ils y ont inscrit non les mots : Sceau de la commune, mais ceux-ci : Sceau de tous lés Bisontins @). » (1) Besançon eut, dès les premiers temps de la prédication évangélique, deux églises cathédrales, situées l'une au pied, l'autre au centre du pla- teau rocheux qui servait de citadelle à la ville : la première est dédiée à saint Jean l'Evangéliste, la seconde l'était à saint Etienne. Il y eut, au moyen âge, de grosses et longues querelles entre les chapitres de ces deux églises pour la possession «exclusive du trône archiépiscopal : le pape Calixte IT, fils d'un de nos comtes de Bourgogne, trancha la ques- tion en faveur de Saint-Jean; puis, en 1253, les deux chapitres furent réunis en un seul. Il y a lieu de penser que cette fusion, décrétée par un légat apostolique, n'éteignit pas la vieille haine qui animait l’un contre l’autre les clergés' des deux églises : aussi est-il à croire que les suppôts de Saint-Etienne virent sans trop de douleur la commune travailler à l'abaissement d'un pouvoir qui faisait la gloire de leurs rivaux. Cette connivence expliquerait pourquoi la commune, avant à représenter des symboles religieux sur son sceau, préféra les reliquaires de Saint-Etienne à ceux de Saint-Jean. (2) Pièce justificative no IT. — 448 — Un contre-sceau, dont ne parle pas la bulle, apparaît au dos de la plupart des empreintes de ce monument. L'image qui y figure, entourée de la légende siGILVM VERITATIS, consiste en quatre colonnes avec un toit conique, lequel est surmonté Grand sceau et contre-sceau de la commune de Besancon (milieu du treizième siècle). — Dessin de A. Castan. et accosté par trois croix. Pour comprendre le sens de cette représentation, il faut savoir qu'au centre du plateau rocheux 19 — qui servit en tout temps de citadelle à Besançon, se dressaient quatre énormes colonnes provenant du portique d’un temple _gallo-romain (1). Le populaire faisait grand cas de ces vestiges : ils symbolisaient à ses yeux tout un passé de libertés muni- cipales dont la restauration était le mot d'ordre du moment. En associant, sur le contre-sceau qui nous occupe, les colonnes romaines et le signe de la foi chrétienne, la commune résu- mait d'une facon très expressive les deux points essentiels de son programme. Peu après 1290, la commune jugea convenable de modifier son grand sceau. Le second type ne différa sensiblement du 2522 y LAN bre AD ANA 2 À DNS ER 00 ROUE BONE À 00 T0 : 2e Grand sceau de la commune de Besançon (fin du treizième siècle). Dessin de A. Castan. (1) Voir la description et l’image qu’en donne J.-J. Carrrcer {Vesontio, I, pp. 56 et 57). 29 — 450 — premier que par l'addition d'une aigle couronnée (1), placée en regard du bras de saint Etienne. Ce nouvel emblème exprimait un changement considérable qui venait de s’accom- plir dans la situation de la commune. En 1289 (22-29 août), l'empereur Rodolphe de Habsbourg, jaloux de soustraire Be- sançon à l'influence des émissaires du roi de France, avait inutilement tenté d'emporter militairement cette place. L'année suivante, Jean de Chalon-Arlay, beau-frère et lieutenant du même Rodolphe, était parvenu, au moyen d’un blocus, à faire composer les citoyens. Mais, en échange de sa soumission à l'Empire, la commune demanda la reconnaissance légale de son existence et la confirmation de franchises qu'elle préten- dait avoir recueillies dans la succession du municipe romain. Un diplôme apocryphe de l'empereur Henri VI, fabriqué pour la circonstance, témoigna de cette possession. La super- cherie réussit à merveille; et Rodolphe, qui avait d’ailleurs à cœur de s'attacher les Bisontins, homologua le coutumier que lui présentait la commune (?. Besançon fut par le fait constitué en république et assimilé aux villes impériales libres de l’Alle- (1) M. Ed. Crerc, qui n'a pas aperçu la couronne posée sur la tête de l'aigle, considère cet animal comme le symbole de saint Jean l'Evangé- liste, patron de l’une de nos deux cathédrales (Essai, t. I, 2e édit., p.456). Il est cependant bien connu que l'aigle évangélique était toujours, au moyen âge, représentée plus ou moins de profil, la tête environnée d'un nimbe, avec un volumen ou un codex dans les serres. (2) Voir notre étude sur Le Siége et le blocus de Besancon par Rodolphe de Habsbourg et Jean de Chalon-Arlay, en 1289 et 1290, dans les Mémoires de la Société d'Emulalion du Doubs, 4° série, t. IV, pp. 329-420. — M. Ed. Czerc (Essai, t. I, 2° édit., pp. 487-488) prétend, d'après les plus légers indices, que l'empereur Rodolphe aurait refusé sa ratification au traité passé entre son lieutenant et la commune. Voici un témoignage qui détruit cette présomption : « Dicit audivisse dici ab avo suo, vocato Johanne de Sancto-Jacobo, quod quidam imperator romanus, de cujus nomine non recordatur, cui plena obedientia in dicta civitate non fiebat, obsedit dictam civitatem cum magna multitudine hominum armatorum ; tamen non cepit, posteaque fuit facta concordia inter ipsum et cives dicte civitatis. » (Déposition de Huguenin Cornettle, âgé de 105 ans, en 1435, aux Archives de la ville de Besançon.) — 451 — magne. Or, il était de règle que celles-ci fissent entrer l'aigle de l’Empire dans leurs emblèmes officiels : notre commune dut se conformer à cet usage, et ce fut la raison qui la déter- mina à renouveler son grand sceau (1). Vers 1315, la commune fit graver, à l’usage de ses contrats avec les particuliers, un petit sceau qu'elle intitula sceau secret. On y reproduisit, en le rajeunissant quant au style, le motif qui décorait l’ancien contre-sceau. Les colonnes traditionnelles furent reliées cette fois par trois frontons gothiques, chacun surmonté d’une Croix. Petit sceau de la commune de Besançon (début du quatorzième siècle.) — Dessin de A. Castan. . Cependant, d'année en année, la politique de la commune s’accentuait dans le sens d’une séparation complète du reli- gieux et du civil. Toujours très dévoués à la foi chrétienne, les citoyens n’en poursuivaient pas moins la revendication de toutes les prérogatives temporelles qui restaient encore aux archevêques. Conséquente avec cet esprit et fière de la protection que lui accordaient les Empereurs d'Allemagne, le commune bannit du champ de ses sceaux toute image religieuse, ne voulant plus avoir d'autre symbole que l'aigle (1) C'est ce que disent très explicitement les témoignages réunis sous le n° IV de nos Pièces justificatives. — 452 — germanique (1). Cette innovation apparut pour la première fois sur un petit sceau gravé vers 1390. On n'y figura qu'une aigle éployée, avec une légende conçue dans un latin qui n’est pas précisément classique : SEGIELLVM CIVIVM BISYNTINVM. asso ao: RÉAL PPrReree Petit sceau de la commune de Besançon (fin du quatorzième siècle). Dessin de A. Castan. En 1434, la commune arbora plus solennellement le même symbole. Elle fit, à cette époque, graver un grand sceau où s’'épanouissait également une aigle. L'espace le permettant, on trouva bon de figurer, par-dessous l'oiseau, le rocher de Saint-Etienne avec les colonnes antiques qui y existaient. Le temps avait miné ces colonnes, et leur nombre se trouvait réduit de moitié : nous ignorons la date à laquelle tomba la première ; mais-nous savons positivement que, le 25 janvier 1397, il s’en écroula une sur trois seulement qui restaient (?). (1) Voir les dépositions qui composent notre Pièce justificative n° IV. (2) « L'an nostre Seigneur mil cac Lxxx et saze, le jour de la feste de la Conversation (sic) saint Pol, cheut par terre l'une des trois columpnes de Saint-Eslienne, c'est assavoir celle devers la porte de Revette. » (Registres municipaux de Besancon.) — L'une des deux colonnes subsis- tantes ayant été renversée par le vent le 26 septembre 1488, la munici- palité erut devoir la faire redresser ; mais, le 26 décembre 1497, un nouvel ouragan précipita sur le sol les deux colonnes qui, cette fois, ne furent plus rétablies.(Cnrercer, Vesontio, IL, p. 16.) — Jusqu'à l'époque de la construc- tion dela citadelle par Vauban (1674-1688), les quatre bases restèrent sur leurs lits de pose, environnées de fragments des fûts et chapiteaux corinthiens dont elles étaient jadis surmontées. {Vesontio, I, p.57.) — 453 — - On s'explique ainsi cette représentation de deux colonnes posées sur un roc et accostant les serres d’une aigle éployée. Autour du tableau on lit en légende : SsiGILLVM MAGNvu VNIVERSITATIS CIVIVM BISVMTINORVM. Ce grand sceau servit, jusqu'à la Révolution française, à authentiquer les actes importants de la commune de Besancon. Grand sceau de la commune de Besançôn (1434). Dessin de A. Castan. À partir de la création de ce type, les deux colonnes devin- rent, dans les combinaisons héraldiques de notre commune, l'appendice obligé de l'aigle (1). Le petit sceau de la fin du quatorzième siècle ne comprenant que cette dernière figure, on le remplaca par une gravure mieux en harmonie avec le grand sceau. Mais le champ n'étant point ici assez vaste pour (1) Voir ce que disent, au sujet des armoiries de la ville, les témoins dont les dépositions forment notre Pièce justificative n° IV, : — 454 — comporter la représentation d’un rocher, on se borna aux deux colonnes, sans supports, qui ressortirent sur les ailes et les serres de l'aigle. La légende fut exactement celle du petit sceau précédent. Petit sceau de la commune de Besancon (1434). — Dessin de A. Castan. Le latin barbare de cette légende ne tarda pas à offusquer les gens lettrés, qui devenaient de plus en plus nombreux dans le conseil de la commune. Cette considération fut, croyons-nous, la seule qui détermina, vers 1450, un renou- vellement du petit sceau; car la modification ne porta que sur la légende, laquelle alors fut ainsi conçue : Sigulfum api Bisunhinorun. Ce petit sceau se plaquait encore, dans les derniers temps de l’ancien régime, au bas des lettres de citoyen que délivrait la commune (1). Petit sceau de la commune de Besançon (milieu du quinzième siècle.) Dessin de A. Castan. (1) Voir la formule d'une de ces lettres dans nos Pièces justific. (n° X). — 455 — 7 Les deux éléments constitutifs des armoiries de Besançon avaient été trouvés par le quinzième siècle; mais le siècle sui- vant dut être choqué par la facon maladroite dont on les avait associés. Le goût aussi bien que la logique condamnaient cette disposition de deux colonnes lancées dans l’espace et n'ayant aucune liaison avec l'aigle dont elles suivaient le vol. Les ar- tistes de la Renaissance étaient assez ingénieux pour trouver un remède à cette bizarrerie : l’expédient qu'ils imaginèrent, consista dans le repos des bases des colonnes sur les serres de l'aigle. Cette modification heureuse futinaugurée par un signet, à l'usage de la correspondance de la commune, que l'on grava dans la première moitié du seizième siècle, et autour duquel On lit : SIGILLVM CIVITATIS IMP. BISVNTINÆ. Signet de la commune de Besançon (première moitié du seizième siècle). — Dessin de A. Castan. Cette image laissait encore à désirer au point de vue de la vraisemblance ; car les colonnes s’y montrent posées, dans un équilibre d'une nature peu stable, sur un seul doigt des serres de l'animal. Une dernière correction restait à accomplir : elle fut l'œuvre d'un graveur des monnaies que frappa la commune, en vertu d'un privilége de l'empereur Charles-Quint, à partir de 1537. Ce graveur eut le bon êsprit de retourner les pattes de l'aigle et de faire entrer les bases des colonnes dans les serres de l’oiseau (1). Les belles armoiries de Besançon recurent ainsi leur formule définitive. Ce fut ainsi qu'on les figura sur un signet gravé en 1679 (), (1) Pcanter et JEANNez, Essai sur les monnaies du comté de Bourgogne, pp. 197-213, pl. vri-x. (2) « Quatre frans six gros payés à Joseph Deloisy, graveur, pour un cachet aux armes de la cité, par lui fait, » (Compte de 1679, aux Archives de la ville de Besançon.) — 456 — cinq ans après l'annexion définitive de Besançon à la France. De cité impériale: qu’elle avait été pendant près de quatre siècles, Besançon était devenue cité royale, d'abord sous le protectorat des rois d'Espagne (1665), puis sous la domination absolue de celui que l'on appelait le plus grand des rois. Ce changement de situation fut exprimé, sur le pourtour du nou- veau signet, par la légende : vESUNTIO GIVITAS REGIA. Signet de la commune de Besançon (1679). Dessin de A. Castan. Des priviléges qui avaient fait, sinon son bonheur, au moins son orgueil, Besancon ne sauva guère que ses armoi- ries traditionnelles. Celles-ci furent reconnues par ordonnance du conseil héraldique, en date du 19 décembre 1698, et enre- gistrées, moyennant la somme de cent dix livres, à l'Armorial général du royaume (1). La Révolution, qui fonda l’unité française sur les ruines des libertés locales, n’excepta pas les armoiries des villes de la proscription qu’elle décréta contre tous les symboles qui pouvaient rappeler l’ancien régime (?) : aussi vit-on les mu- nicipalités mettre un empressement, que l'on appelait alors patriotique , à envoyer leurs sceaux à la fonte et à faire marteler les écus qui décoraient les frontons des maisons communes. (1) Pièce justificative n° IX. (2) « La Convention nationale, sur la motion d'un membre, décrète que dans la huitaine, à compter de la publication du présent décret, toutes les maisons, édifices, parcs, jardins, enclos, qui porteraient des armoiries, seront confisqués au profit de la nation, » {Loi du 1°" août 1793.) . — 457 — Mais, comme l'avait dit le sage Necker, « ce n'est jamais par une loi que l’on peut détruire les antiques opinions dans un royaume aussi vaste que la France; ces opinions sont l'ouvrage du temps, et le temps seul peut les détruire : tous les grands changements ont besoin d'être préparés (1). » Les sauvageries révolutionnaires firent applaudir aux bru- talités du plus absolu despotisme qui ait pesé sur là France. L'inventeur de ce régime, qui s’entendait à spéculer sur les faiblesses humaines, ne devait négliger aucun moyen de se concilier la vanité des personnes et des corporations : pour les unes et les autres, il ressuscita les armoiries, mais en s'instituant l'arbitre de la reprise de ces emblèmes. Les muni- cipalités furent autorisées à présenter des projets d’armoiries, à la condition toutefois que ni l'aigle ni les abeilles, apparte- nant aux armes et enseignes de l'Empire, ne figureraient dans ces projets (2). En conséquence de cette restriction, notre ville dut sacrifier son aigle et recevoir du bon plaisir impérial un nouvel écu ainsi blasonné : d’or au lion rampant de sable, adextré et sénestré d’une colonne de queules, surmonté d'une croix de sable, au chef des bonnes villes, qui est de queules à trois abeildes en fasce d'or G).' La Restauration nous rendit (4) nos vieilles armoiries 6), et depuis aucun gouvernement n'a songé à les modifier. Tout dernièrement, notre municipalité, ayant jugé conve- nable de renouveler son matériel sigillographique, a fait graver (1) Supplément au Moniteur universel du ? juillet 1790. (2) Pièces justificatives n°° XI et XII. (3) Pièce justificative n° XIII — Un sceau fut gravé d'après ces données étranges : l'original en est conservé aux Archives de la ville. Ce monument sortant du cadre de la tradition dont nous avons voulu faire l'histoire, il nous a paru inutile de le reproduire ici. (4) Moyennant paiement de 150 francs pour droit du sceau et de 40 fr. pour droit des référendaires, conformément au tarif arrêté par l'ordon- nance royale du 26 décembre 1814. (5) Pièce justificative n° XIV. — 458 — ce même symbole sur un sceau et des timbres dont voici la reproduction : Sceau et timbres actuels de la ville de Besançon. — Compo- sition et dessin de A. Castan. L'VTINAN, inscrit au bas du sceau et des timbres nouvelle- ment gravés, est une devise qui, tantôt sous sa forme latine, tantôt rendue en français par les mots PLEVT A DIEV, aCCOm- pagne fréquemment les anciennes représentations des armoi- ries de notre ville (1), sans pourtant en avoir jamais été offi- ciellement une partie intégrante. Cette devise a son origine dans les premiers essais du monnayage municipal, en 1537. Les graveurs, chargés d'étudier des types, imaginèrent deux devises, dont l’une, DEO ET GÆSARI FIDELIS, exprimait la grati- tude des citoyens pour le récent bienfait accordé à la ville, et dont l'autre, PLEVT A DIEV, exprimait un vœu pour la prospé- rité indéfinie de la chose publique (?. Ces deux devises furent retenues : on plaça l’une au-dessus de la principale porte d'entrée de l'hôtel dé ville, et on fit ressortir l’autre sur la frise de la niche qui, dans la même facade, abritait la statue en bronze de l'empereur Charles-Quint. (l) Voir une estampe gravée sur bois en 1566, que j'ai fait encadrer pour la bibliothèque de Besançon; voir en outre le frontispice du Vesontio de Cxirrcetr (1618), ainsi que les titres des deux opuscules de Thomas Vanrin : Besançon toute en joye (16359), et Narré fidèle (1664). (2) PLanter et JEANNEZ, Essai sur les monnaïes du comté de Bourgogne, pl. vu, fig. 11; pl. var, fig. 1. — 459 — Une devise plus ancienne figurait, au quinzième siècle, dans la livrée des sergents de la ville ; elle se composait des deux mots : POR OBÉIR (1). On la traduisit plus tard par cette phrase latine : OBEDIENTIA FELICITATIS MATER, et C'est ainsi qu'on peut encore la lire sur la facade intérieure des bâtiments municipaux. Il HÔTEL DE VILLE. La commune de Besançon, résultat des empiétements suc- cessifs du populaire sur le pouvoir temporel des archevêques, n'eut un fonctionnement régulier qu’à partir de 1259. De cette époque date son premier sceau (9, et c'est alors seulement qu'elle put ouvertement procurer un logis à son conseil. Cette assemblée siégea longtemps dans des locaux d'em- prunt. Les plus anciens souvenirs nous la montrent installée dans une maison qui dépendait de l'hôpital de Saint-Antoine (3). Plus tard, mais pour sûr avant 1290, la commune amodia, dans les mêmes parages, une maison plus confortable, appar- tenant à la famille Porcelet, et que l’on appelait la Cheminée (4). Cet immeuble, adossé au logis du tribunal de la vicomté (5), est représenté aujourd'hui par la maison qui porte le numéro 8 (1) Pièce justificative n° IV. (2) Voir le premier chapitre de ce travail. 3) Pièce justificative n° IV: (4) Voir notre pièce justificative n° IV et celle n° XXXIX du Siége de Besançon par Rodolphe de Habsbourg. — L'acte de vérification par la commune des pouvoirs de noble Thiébaud de Batterans, nommé par le comte-duc de Bourgogne châtelain de Châtillon-lez-Besançon, fut passé «l'an mil trois cenz quatre-vinz et treize... le xxvirr° jour du mois de novembre, ..…. en la maison que fut Guiot Porcellot, jadix citien de Besançon, assise ou bourg de Besançon, en laquelle les gouverneurs de la citey de Besançon ont acostumez de tenir leur conseil...» (Archives de la ville de Besançon.) (5) Pièce justificative n° IV. — 460 — de la rue des Chambrettes (1) : la tradition s’est conservée que là fut jadis l'hôtel de ville, et les restes d’une chapelle gothique, qui se voient dans la seconde cour de cet édifice, sont un té- moignage de son ancienne affectation. Cependant la commune avait fait tourner à son profit le principe, issu de la législation germaine, qui voulait que tout accusé pût exiger d'être traduit devant ses pairs (?) : il conve- nait dès lors que la municipalité eût des prisons sérieusement garanties (3), et elle ne pouvait les avoir que dans un local lui appartenant en propre. Une circonstance fut, en 1381, le pré- lude de la satisfaction de ce besoin. L'abbaye de Saint-Vincent recueillit alors, dans la succession d’un de ses créanciers, une maison qui faisait face à l’église Saint-Pierre et conséquem- ment au clocher où, depuis sa constitution définitive, la com- mune avait fait suspendre la bancloche qui annonçait ses assemblées. L'abbaye n'étant pas disposée à conserver cette maison, le conseil communal l’acheta pour une somme de cinquante livres, et ses mandataires en prirent possession par la remise que leur fit le sacristain de Saint-Vincent du verrou qui servait à fermer et à ouvrir la porte du logis (4). Cette acquisition, premier pas du corps municipal dans le sens d'un changement de domicile, inspira, l’année suivante, une libéralité qui dut couper court à toute hésitation. L'un des plus anciens et des plus considérables parmi les membres du conseil, Vauchier de Saint-Paul, avait perdu son fils unique et allait s'étendre lui-même. Ayant à disposer d'une assez grande fortune, il eut la consolante pensée de faire acte de bienfaiteur envers sa ville natale dont il avait, pendant vingt (1) Actuellement possédée .par M. Bourcheriette, entrepreneur de peinture, membre de la Société d'Emulation du Doubs. (2) Origines de la commune de Besançon, 1. c., pp. 255 et suiv. (3) Pièce justificative n° IV. | (4) «.…. per traditionem vectis, gallicè verroille, hostii seu porte ipsius domus, ipsis portam apperiendo et claudendo. » (Acte du 23 août 1381 aux Archives de la ville de Besançon.) — 461 — ans et plus, géré les affaires. Après avoir fondé, par son testa- ment, une chapelle dédiée à la Vierge, en l’église Saint-Pierre où dormait son bien-aimé fils et où il voulait aussi reposer, le patronage de ladite chapelle devant appartenir au conseil communal et au curé de la paroisse, il ajoutait au même acte la clause que voici : « Item je donne et lègue perpétuellement, après le décès de ma bru Etiennette, la maison que j'habite, avec son fond et ses dépendances, à mes chers seigneurs et frères les recteurs ou gouverneurs de la cité de Besancon, pour l'usage de la commune et cité susdite, pour y tenir le consistoire accoutumé desdits gouverneurs et y garder les actes de la cité, si toutefois cette destination plait au con- seil (1). » La maison dont il s'agit regardait également l'église et touchait celle précédemment achetée. Ces deux immeubles parurent toutefois insuffisants pour l'installation d'une municipalité qui voulait être souveraine en matière d'administration et de justice. On estima donc qu'il serait nécessaire d'acquérir encore une maison, de démolir le tout et de construire à neuf un hôtel sur les trois morceaux de . terrain réunis. Pour négocier l’achat du troisième immeuble, il y avait difficulté grande : le propriétaire était maître Etienne Pique, chanoine de Reims et frère de ce Richard Pique, dit de Besançon, qui, après avoir été l’une des lumières des con- seils du sage roi de France Charles V, était devenu par son mérite archevêque de Reims et premier pair ecclésiastique du © — (1) « Item do et lego imperpetuum, post decessum dicte Stephanete (filie Stephani de Cambio, condam civis Bisuntini, relicteque Stephani, condam filii mei), domum meam quam inhabito, cum fondo et pertinen- ciis ejusdem, dilectis dominis et fratribus meis rectoribus seu guber- natoribus civitatis Bisuntine, ad opus communitatis et civitatis predicte, et pro consistorio ipsorum in ipsa domo tenendum, ut consuelum est, et ad reponendum et custodiendum gallicè les acleillemant dicte civitatis, si eisdem placuerit dictum consistorium tenere et gallicè les actillemant custouire in eadem. » {Testament de Vauclrier de Saint-Paul, publié le 26 juin 1382 : Archives de la ville de Besancon.) — 462 — royaume très chrétien (1). On ne pouvait traiter sans envoyer un mandataire à de tels personnages. Le conseil s'y résolut : il expédia sur Reims, avec de l'argent pour payer comptant, un clerc nommé Etienne Truchet, dé Baume, lequel ne tarda pas à rapporter un contrat d'acquisition en bonne forme. IL fallut, en même temps, faire courir après un écuyer, nommé Henri de Frasne, à qui revenait les droits de lods de ce con- trat : la quittance de ce gentilhomme est datée, à Montpellier, du 7 juillet 1383. Tout compte fait, la maison se trouva reve- nir à 393 francs (?). Soit qu'il ait fallu attendre la mort de l’usufruitière Etien- nette pour commencer la démolition des trois vieux logis, soit que les finances de la commune n'aient pas permis d’entre- prendre immédiatement l’œuvre, la municipalité demeura dix ans encore sous un toit de location. C'est un acte du 6 oc- tobre 1393, relatif à l'achat d’un droit de mitoyenneté, qui fournit la première mention de l'hôtel neuf de la ville, situé en face de l’église Saint-Pierre (3); nous savons, en outre, par le témoignage des contemporains, que cette construction ne fut achevée que vers 1397 (4), La municipalité ne négligea rien dans la suite pour augmenter les dépendances de son hôtel et en reculer les limites jusque sur la rue Saint-Vincent : ce résultat, obtenu par des acquisitions successives, ne fut totalement atteint qu'en 1521 (5). Dès 1520, « ou lieu du vieulx maisonnement lors ruyneux et tombant par terre, » la municipalité commenca la bâtisse de l'avant-corps de logis actuel, avec sa facade en pierres à (1) Voir l'Znventaire après le décès de Richard Picque, archevéque de Reims, 1389, publ. par la Société des bibliophiles de Reims, 1847, in-18. (2) Archives de la ville de Besancon. (3) Ibid. (4) Pièce justificative n° IV. (5j Contrats des 22 janvier 1405, 3 avril 1491, 12 mars 1507, 6 décembre 1521, aux Archives de la ville. — 463 — bossages (1), ce qui fut terminé en 1522. En 1528 et 1529, on restaura le second corps de logis, on relia les deux bâtiments par des constructions latérales (2), tandis que, du côté de la rue Saint-Vincent, s'élevait un arsenal d'artillerie, surmonté de greniers pour emmagasiner les blés d'approvisionnement (3). Au temps où ces choses se firent, la commune était régie par deux hommes d’une incontestable intelligence, mais d’une rare äpreté de caractère : c'étaient Simon Gauthiot d'Ancier, l’ancien maître d'hôtel du félon connétable Charles de Bourbon, et le notaire Jean Lambelin, secrétaire d'Etat de la cité. En politique, ces deux hommes travaillaient à annexer la Franche- Comté aux cantons suisses ; en administration, ils prétendaient faire peser sur le clergé des charges égales à celles que sup- portaient les simples citoyens; en religion, ils voyaient sans horreur les progrès de la secte luthérienne, allant jusqu’à sou- tenir que l'incontinence des chanoines était bien pour quelque chose dans le déchaînement de la colère de Dieu. Ils irri- tèrent ainsi tout à la fois le gouvernement impérial, l'autorité ecclésiastique et les nombreux privilégiés que la ville comptait dans ses murs. Une réaction fut préparée à la longue contre leur pouvoir : elle éclata en 1538, Gauthiot parvint à s'évader et à en être quitte pour la confiscation des biens qu'il avait sur le territoire de la ville (4). Lambelin, accusé de malversation et d’hérésie, fut condamné à mort (5), après avoir été torturé avec d'affreuses mitaines de bois dont il était, hélas ! l'inven- teur (6). 11 fut décapité, le 12 juin 1538, sur un échafaud dressé devant la facade qui avait été l'objet de ses soins. (1) Pièce justificative n° V. (2) Pièce justificative n° VI. (3) Compte de 1529. (4) Voir, sur Simon Gauthiot, l'Histoire de la ville de Gray, par les abbés GarTiN et Besson, pp. 370-371. (5) Voir, sur Jean Lambelin, la Franche-Comté anc. et mod. (par Hucon D'AUGICOURT), t. II, p. 44. (6) « À ce propos, je suis souvenant que, sont passez quarante-huict ans, maistre Jean Lambelin, de Jussey, secrétaire de la cité de Besancon, — 464 — Trente ans plus tard, cette façade recut une décoration fort originale : à côté de son portail, s'ouvrit une grande niche, abritant un groupe en bronze qui représentait Charles-Quint enfourchant une aigle à deux têtes dont les becs jetaient de l'eau en temps ordinaire, et du vin les jours de fête publique. Marque de l'imprimeur Jean Exertier (1591), représentant la statue de Charles-Quint dans la niche du portail de l’hôtel de ville de Besançon. — Dessin de A. Castan. J'ai dit ailleurs les motifs qui inspirèrent l'érection de ce monument; j'ai rapporté aussi l'absurde prétexte dont on se servit pour l’anéantir (1), ne me doutant pas alors que les communeux de 1871 dépasseraient, en fait de vandalisme, les sans-culottes de 1793. « inventa et feit faire des mitainnes de bois, propres pour y donner la question : advint tost après que ledit Lambelin, estant audit Besançon détenu prisonnier pour plusieurs grands cas dont il fut accusé, fut le premier appliqué à ladite question par luy ainsi inventée, et depuis audit lieu fut décapité; ladite question, encore ce jourd'hui, est appelée Les mitainnes Lambelin.» (Claude Bern, Discours sur le procès criminel, faict en la Cour souveraine de Parlement à Dole, de l'exécrable parricide cominis en la personne de Claude Milley ; Dole, Jean Ravoillot, 1588. in-8°, p. 72.) k (1) L'Empereur Charles-Quint et sa statue à Besancon, dans les Mém. de la Soc. d'Em. du Doubs, 4° série, t. III, 1867, pp. 185-219. — 465 — III PALAIS DE JUSTICE. Parmi les rares monuments d'architecture qui sollicitent dans notre ville l'attention de l'étranger, il n’en est pas de plus remarqué que la facade qui occupe le fond de la cour de l'hôtel de ville et sert de front au Palais de Justice (1). Ce gracieux spécimen du style de la Renaissance est très aimé parmi nous : beaucoup de gens, désirant qu'il fût mis en plus complète évidence, ont, à diverses reprises, émis le vœu de voir disparaître le sombre corps de logis communal qui prive les promeneurs de cette vue réjouissante. On connaît l'édifice, on devine aisément à quelle période de l’histoire de l’art il appartient; mais jusqu'ici personne n'a précisé la date de sa construction et n’a indiqué le nom de son très méritant auteur. Mes recherches viennent de me procurer _ des réponses positives à ces deux questions. C'est au printemps de l’année 1581 que la municipalité songea à reconstruire, entre l’avant-corps de son hôtel et les locaux qui servaient d’arsenal, un bâtiment affecté à la tenue du conseil et des audiences de justice. On eut d’abord l’u- nique pensée de se procurer un édifice solide : aussi s’a- dressa-t-on simplement à l'un des principaux maîtres maçons de la ville, nommé Richard Mayre, pour avoir un plan et un devis. La municipalité ayant adopté le projet fourni par cet ouvrier, un marché fut passé avec lui, le 23 août 1581, et les travaux commencèrent immédiatement. L'autorité municipale était exercée à Besancon par deux compagnies annuellement élues : celle des vingt-huit notables, (1) Voir le dessin ci-joint de cette façade, exécuté, d'après M. l'archi- tecte Ducar, par un de ses bons élèves, M. E. Mrcuei, et traduit en chro- molithographie par M. Cours, de Dole. 30 — 466 — issue du suffrage universel, puis celle des quatorze gouver- neurs, nommée par les vingt-huit notables. Les quatorze avaient le pouvoir exécutif, mais ils devaient s’adjoindre les vingt-huit dans toute délibération d’un intérêt majeur. Or, cette adjonction, quand elle avait lieu, pouvait réduire à néant les volontés de la compagnie supérieure : aussi les quatorze ne convoquaient-ils les vingt-huit qu à leur corps défendant. Mais les vingt-huit avaient une faculté de revanche : libres d'ajourner, après leur élection, la formation du gouvernement nouveau, il leur était loisible de réformer, durant l'interrègne, ce que le populaire jugeait mauvais dans la gestion du gou- vernement qui venait de finir (). Aïnsi arriva-t-il au sujet de l'édifice dont Richard Mayre poursuivait l'exécution : les vingt-huit de l'année 1581 n'ayant pas été appelés à délibérer sur les plans du maître-macon, ceux de 1582 imposèrent au gouvernement qu'ils allaient élire l'obligation de les consulter sur une aussi grave affaire. Les travaux furent en conséquence suspendus. Comme au fond de toutes les querelles politiques, il y avait, par-dessous la question de principe que posaient les vingt-huit, un jeu d'intérêts personnels. L’adjudication, trop avantageuse, paraît-il, tranchée au profit de Richard Mayre, avait éveillé des jalousies. Les rivaux s'étaient mis en campagne : leurs menées consistèrent à attirer pour quelques jours un archi- tecteur renommé de la ville de Dijon, et à lui demander un projet qui, par son allure élégante, séduisit l'œil des moins connaisseurs. La façade de Richard Mayre partait d’une vieille - bicoque qui servait de chapelle à la municipalité, et de là tirait perpendiculairement contre le mur bordant une ruelle (notre rue de l’'Arbalète actuelle) que la municipalité venait de faire ouvrir. Le plan venu de Dijon supprimait la vieille chapelle, (1) Voir: Variations du régime municipal à Besançon, à la suite de notre Monographie du palais Granvelle, dans les Mém. de la Soc. d'Em. du Doubs, 4° série, t. IT, 1866, pp. 151-157. rétablissait celle-ci au-dessus de la porte du bâtiment projeté, ce qui donnait prétexte à un couronnement en manière de campanile. Aucune comparaison n'était possible entre les deux projets : le premier annonçait une œuvre de maçonnerie ; le second promettait une œuvre d'art. Cependant, pour donner suite au projet de Dijon, il fallait démolir la vieille chapelle et renverser les assises déjà posées par Richard Mayre : double sacrifice auquel le gouvernement de 1581 n'avait pas voulu se résoudre. Le gouvernement de 1582 y fut contraint par les vingt-huit. 11 se présentait d'ailleurs des maçons qui offraient d'entreprendre l'exécution du nouveau plan au prix stipulé dans l’ancien marché, moyennant toutefois que la ville four- uirait les quatre colonnes qui devaient entrer dans le portail, ainsi que les pierres tendres et celles de couleur, et qu'elle paierait en outre deux cents francs pour frais de démolition de l’ancienne chapelle. Ces conditions ayant été acceptées en conseil communal, le 21 juillet 1582, il fut immédiatement décidé que les fondations sorties de terre seraient abattues ou mises d'accord avec les lignes du nouveau plan. Une assem- blée des maïîtres-macons ayant eu lieu, le 24 août suivant, pour éclairer le conseil sur la manière de réaliser le projet, les travaux furent adjugés, quatre jours après, aux maçons Pierre Vitte et Hugues, son fils. Le pauvre Richard Mayre, totalement évincé, n'obtint comme compensation qu’une in- demnité de vingt francs, en sus de dix francs qu'il avait déjà reçus : il ne dut pas voir d'un bon œil l’architecteur de Dijon toucher, à titre de paiement du nouveau projet, deux sommes de quarante-cinq francs, puis celle de trente-six francs pour divers dessins. On ne mit pas moins de quatre années à construire et à décorer le bâtiment qui nous occupe; et sa bonne conservation actuelle témoigne que l’on n’y fit entrer que des matériaux choisis. Les colonnes du portail furent extraites des carrières de marbre rouge de Sampans, les pierres de taille ainsi que les pierres rouges pour panneaux furent tirées des carrières de é — 468 — Pouilley, les pierres blanches pour sculpture de masques et de rinceaux furent amenées de Naisey; la pierre noire fut prise à Rancenay, la chaux à Fontain, les tuiles aux tuileries de Saint - Ferjeux et de Palente; les bois de chêne furent coupés dans les forêts communales de Chaïlluz et d’Aglans, ceux de sapin vinrent de la forêt de Maillot. Deux menuisiers de la ville se chargèrent des sculptures en pierre de vergenne : Pierre Chenevyère exécuta deux écussons, l’un aux armes de Besançon, l’autre à celles de l'empereur d'Allemagne, suze- rain de la république bisontine , tandis que son confrère Gédéon Coillot produisait les deux statues de la Justice et de la Force qui occupent encore les niches de la partie supérieure du portail (1). Il convient maintenant de dire le nom de cet architecteur de Dijon qui vint, si à propos pour l'embellissement de notre ville, troubler le sommeil du maçon Richard Mayre. Cet architecteur, comme il s’intitulait lui-même, n'était rien moins que maître Hugues SAMBiN, l'un des meilleurs élèves de Michel-Ange, l’auteur du fameux portail de Saint-Michel de Dijon, œuvre originale et savante dans laquelle se trouvent mariés avec une habileté supérieure les procédés architecto- niques de l'antiquité et du moyen âge (2). Lorsque, par le fait de la conquête française, Besançon échangea sa situation de cité libre contre celle de capitale d'une province dont elle était le centre naturel, un quartier de l'hôtel de ville dut servir à l'installation du Parlement qui, jusqu'alors, avait siégé à Dole (3). La municipalité, dont les (1) Voir, pour ce qui précède, les documents réunis sous le n° VII de nos Pièces justificatives. (2) Voir le chapitre consacré à Hugues Sambin dans les Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l'ancienne France, par Ph. pe CHeNEvières-Pointez, t. IT, pp. 31-39. (3) « Nous avons... transféré et transférons notred. cour de Parlement du comté de Bourgogne, à présent séante en lad. ville de Dole, en celle de Besançon : voulons et Nous plait que tous et chacun les officiers de lad. cour s’y rendent au plutôt, et qu'ils tiennent leurs séances dans l'hôtel — 469 — attributions étaient considérablement réduites, se replia sur l'avant-corps de ses logis et en augmenta l'importance (1). Le transfert du Parlement ayant eu lieu en 1676, les diverses chambres de cette cour souveraine, ainsi que le tribunal du bailliage (2, ne purent se contenter du bâtiment qu'avait fourni la ville; l'édifice du seizième siècle fut doublé et flanqué de vastes constructions élevées, sur le terrain municipal, entre les années 1745 et 1749 : durant cette période, le Parlement siégea au Palais Granvelle. Bien que ces derniers locaux ne se recommandent à l'exté- rieur par aucun caractère architectural, ils se composent inté- rieurement de fort belles salles. La principale, celle que l’on appelait jadis la grande audience et qui sert aujourd'hui à la tenue des audiences solennelles de la cour d'appel de Besançon, a des proportions réellement grandioses. Délabrée par les spé- culateurs-patriotes de 1793, elle a été magnifiquement restau- rée, en 1858, sous la direction de M. l'architecte Ducat. C'est au même artiste que l’on doit la composition d'une charmante grille (3) en fer forgé, exécutée par M. Charles Saint- Eve, laquelle remplit l’arcade percée au centre de la façade du Palais de Justice et s’encadre à merveille dans l'œuvre de Hugues Sambin. commun de la ville, comme le lieu le plus propre et commode à cet effet... Enjoignons aux magistrats de fournir sans délai, dans ledit hôtel commun de lad. ville, les salles et chambres convenables..….. » (Lettres- palentes de Louis XIV, en date du 22 août 1676, dans le Recueil des édits publiés au Parlement de Besançon, t. 1, p. 26.) (1) Pièce justificative n° VIIL . (2) Leltres patentes portant établissement du bailliage de Besançon, 26 août 1676. (Recueil des édits.) (3) Voir le dessin de cette grille, joint au présent travail. — 470 — PIÈCES JUSTIFICATIVES Sentence de l'archevêque Jean Halgrin, prononçant la dissolution de la commune de Besançon et condamnant, pour réparation, cent des prin- cipaux citoyens de la ville à venir dans la cathédrale, en chemises et pieds nus, pour être battus de verges par la main du prélat. .. (Cartulaire de l'archevéché de Besançon.) . JOHANNES, Dei gratia archiepiscopus Bisuntinus, omni- bus Christi fidelibus presentes litteras inspecturis salutem in vero salutari. Ecclesiarum nostrarum paci et tranquillitati perpetue pro- videre volentes, universitati vestre duximus declarandum quod, post nostram consecrationem, accedentibus nobis ad nostram civitatem Bisuntinam, nec tamen intrare volentibus civitatem pro eo quod a predecessore nostro bone memorie domino Gerardo, propter certas injurias, cives Bisuntini longo tempore interdicti et excommunicati fuissent, predicti cives occurrerunt nobis extra portas et postulatum a nobis absolu- tionis beneficium obtinuerunt sub hac forma : « De civibus siquidem predictis, viginti quos nominavimus, de communi aliorum assensu, in suas et omnium civium Bisuntinorum, animas juraverunt quod, super omnibus querelis quas prefatus predecessor noster adversus eos habuerat, nostre de mise- ricordie pariter et mandato. Nos autem postmodum, É nels diligenter causis pro qui- bus interdicti et excommunicati fuerant, requisito et habito consilio reverendi in Christo patris Romani, Dei gratia sancti Angeli diaconi cardinalis, sedis apostolice tunc legati, et alio- rum venerabilium patrum et dominorum nostrorum episCo- porum, ac multorum prudentum virorum, mandatum nostrum — AT — formavimus predictis civibus injungendum; et, convocatis in palatio nostro apud Bisuntium capitulis nostris, personis et clericis civitatis, civibus quoque Bisuntinis per preconem vocatis, nostrum pronunciamus mandatum in hune modum : « Vos cives Bisuntini, fide firmastis et jurastis super sanctas reliquias quod viginti de vobis quos nominavimus, qui de voluntate omnium vestrum in animas omnium juraverunt quod, super omnibus offensis de quibus conquerebatur de vobis predecessor noster bone memorie Gerardus, staretis mandato et misericordie nostre; et nos, de consilio domini nostri Cardinalis Romani, sedis apostolice legati, et aliorum bonorum virorum, vobis damus in mandatis quatenus, pro eo quod predecessôr noster a civitate Bisuntina, que sua erat, a vobis fuit expulsus nec intra portam receptus, ab illa porta, propter honorem Dei et Ecclesie et ob remissionem peccati vestri apud Deum, veniatis usque ad centum de majoribus vestris, nudis pedibus, in tunicis, ad ecclesiam sancti Joannis, utillic, expoliati in camisiis et ad pedes nostros inclinati, cum virgis a nobis recipiatis disciplinam. » Super illo autem articulo, scilicet de colligatione a vobis per juramentum firmata, scitis quoniam dominus noster Ale- mannie Rex illustris, per judicium curie sue et principum Alemannie, declaravit jus suum et nostrum esse : quod in hac civitäte nostra Bisuntina, sine consensu suo et archiepiscopi, non poterat fieri communitas nec aliqua obligatio fide vel juramentosfirmari; et hoc dominus Imperator firmavit. » Nos igitur, qui juravimus jura domini Regis et Imperti et sedis nostre Bisuntine, nec possumus ire contra juramentum nostrum et judicium antedictum, per sententiam dicimus et vobis mandamus in mandatis, sub religione juramenti et fidei quam nobis prestitistis, ut dicto judicio domini Regis et prin- cipum obediatis, et fides et juramenta que fecistis contra hoc quod judicavit habeatis amodo pro non factis, et nos omnes vos et singulos ad invicem per illas fides vel juramenta dici- mus non teneri, quoniam illa fuisse illicita, judicamus, et — 472 — . de cetero sine assensu archiepiscopi vestri talia nullatenus attentatis. » Hoc est igitur mandatum nostrum quod vobis precipimus, sub religione fidei et juramenti que nobis prestitistis et sub pena excommunicationis,-perpetuis temporibus observari. » Hoc siquidem mandatum nostrum dicti cives, sine aliqua contradictione, receperunt, acceptaverunt et laudaverunt. De emendis autem nostris fecimus cum ipsis misericordiam, et ipsi nostre satisfecerunt voluntati. Ad’perpetuam vero hujus facti memoriam, presentes litte- ras scripsimus etsigillo nostro fecimus muniri, in testimonium futuris temporibus permansurum. Actum in palatio nostro, apud Bisuntium, anno Domini TE e QU'A IT 1259 (29 janvier) Commission donnée par le pape Alexandre IV aux évêques d'Autun et d'Auxerre, pour contraindre les citoyens de Besançon à abolir leur commune et à respecter l'éngagement souscrit par eux à cet égard envers l'archevêque Jean Halgrin. (Cartulaire de l'archevéché de Besancon.) ALEXANDER episcopus, servus servorum Dei, venerahi- libus fratribus Eduensi et Autissiodorensi episcopis, salutem et apostolicam benedictionem. Porrecta nobis venerabilis fratris nostri W., archiepiscopi Bisuntini, petitio continebat quod orta olim, inter bone memo- rie Gerardum, Bisuntinum archiepiscopum, predecessorem suum, ex parte una, et cives Bisuntinos, ex altera, super eo quod ipsi cives quasdam communitates, constitutiones, Con- ventiones et novitates in Bisuntina fecerant civitate et fidei interpositione firmarant motu proprio voluntatis, in Bisun- tine sedis, ad quam temporalis jurisdictio civitatis ejusdem pertinet, prejudicium manifestum, materia questionis, per clare memorie Henricum, Romanorum regem, et pares — 473 — Romani Imperii, à quo sedes ipsa jurisdictionem predictam obtinet, fuit inter alia sententialiter declaratum quod dem cives, sine consensu Bisuntini archiepiscopi, nullas communi- tates, conventiones et novitates in civitate predicta facere vel attemptare valebant. _ Postmodum quoque bone memorie Johannes, archiepis- copus Bisuntinus, successor ipsius G., predictis civibus, qui super eo quod contra sententiam hujusmodi temere venientes premissa in eadem civitate attemptaverant de parendo ipsius Johannis mandatis prestiterant jusjurandum, injunxit, sub debito hujusmodi juramenti, quod de cetero talia nullatenus attemptarent, que iidem cives voluntarie approbarant. Porro ipsi, et sententiam dicti Regis et religionem juramenti predicti ausu temerario infringentes, et ad messem dicte sedis per ‘infestationis injuriam manus avidas extendentes, ad regimen predicte civitatis, que duntaxat per archiepiscopum Bisunti- num vel quemcunque ipse deputat regi solet, duodecim ex seipsis quos probos homines nominant deputarunt, et, assumpta sibi custodia clavium civitatis ejusdem que ad ipsum noscitur pertinere, quandam communitatem paraverunt ibidem, et fecerunt sigillum ad opus illius etiam fabricari; sed ut hec fecisse minime videantur, communitatem ipsam proprio non vocant nomine, sed, quadam varia circumlocutione utentes, in eodem sigillo, non Sigillum communitatis, sed Sigillum omnium Bisuntinensium fecerunt sculpi. Ad hec, in predicta civitate insoli{as et indebitas collectas imponunt, et eis sepe com- munem pecuniam.congregant, qua, Contra ipsum archiepis- copum prosequentem contra illos Ecclesie sue jura, propriam iniquitatem, quotiens eis expedire videtur, defendere ac tueri presumunt; predictam quoque jurisdictionem dicte sedis et ipsius archiepiscopi enervantes, civibus Bisuntinis oppressis ne, ad eundem archiepiscopum vel locum ejus tenentes recur-. sum habeant interdicunt; nonnullas constitutiones in predicta civitate ausu proprio temeritatis edunt, et continuas adinve- uiunt novitates in hiis et aliis contra prefatam sententiam et — 474 — juramentum prestitum , ac contra fidelitatem qua Bisunti- nenses utuntur Ecclesie temere venientes, in ipsius archiepis- copi dicteque Ecclesie, qui ex ipsis incurrerunt dampna plurima et expensas, prejudicium manifestum. Super quibus idem archiepiscopus apostolice providentie remedium imploravit. Quo circa fraternitati vestre, per apostolica scripta, manda- mus quatenus, inquisita super premissis, de plano, sine stre- pitu et solempnitate judicn, sollicita veritate, quicquid, per hujusmodi deputationem predictorum duodecim virorum à creationem communitatis, sigilli fabricationem, impositionem collectarum et communis pecunie congregationem, et per interdictum etiam premissum, ac editionem constitutionum, et adinventionem hujusmodi novitatum, etaliàs contra prefatam sententiam et temporalem jurisdictiouem ad archiepiscopum ipsum in civitate sepedicta spectantem, in ejusdem archiepis- copi et commisse sibi Ecclesie prejudicium, temere inveneritis attemptatum , in statum debitum ratione previa revocetis ; cives predictos, quoad de premissis dampnis et expensis eisdem archiepiscopo et Ecclesie debitam satisfactionem impendant, et prefatam sententiam per ipsos, ut supra dicitur, approba- tam, ut tenentur, observent et custodiant, diligenter monentes ac districte mandantes, et si necesse fuerit eos per censuram ecclesiasticam, appellatione postposita, compellendo; ad hec, carissimorum in Chrisio filiorum nostrorum Francie et Na- varre Regum illustrium, ac dilecti filii nobilis viri H., ducis -Burgundie, auxilio, prout opus fuerit et protervitas eorundem civium exegerit, invocato; non obstante aliqua sedis apostolice indulgentia, cuicunque persone sub quavis verborum expres- sione concessa, per quam effectus presentium impediri possel vel etiam retardari, etiamsi de ipso plenam et expressam oporteret in presentibus fieri mentionem. * Quod si non ambo hiis exequendis potueritis interesse, alter vestrum ea nichilominus exequatur. Datum Anagnie 11° kal. februari, pontificatus nostrianno Y, — 415 — IT * | 1259 (31 mars) Lettre du pape Alexandre IV, réitérant au roi de France Louis IX la prière de prêter main-forte à l'archevêque de Besançon contre les sei- gneurs du comté de Bourgogne alliés de læ commune de Besançon. (Cartulaire de Sainte-Madeleine de Besançon.) ALEXANDER episcopus, servus servorum Dei, carissimo in Christo filio Regi Francorum illustri, salutem et apostolicam benedictionem. Pro venerabili fratre nostro archiepiscopo Bisuntino, contra quosdam tirannos sue civitatis et dyocesis ipsum et Ecclesiam sibi commissam persequentes crudeliter, eumque in immane exillum compellentes, venerabili fratri nostro episcopo Authi- siodorensi nostras sub certa forma litteras dirigimus, et man- damus in illis contra nobiles ipsos, prout eorum protervitas exegerit, tuum auxillum invocari; per alias nostras litteras, pietatem regiam exorantes ut dictis archiepiscopo et Ecclesie, contra insolentias talum, oportunum et debitum auxilium largiaris. Sed quoniam, invalescente de die in diem persecu- tione predictorum, vix superest, post Deum, eidem archiepis- copo et Ecclesie nisi in tuo patrocinio spes salutis, magnitu- dinem tuam, per 1terata scripta, rogamus attentius et horta- mur quatinus affectum, quem soles ad oppressos habere, ad archiepiscopum et Ecclesiam supradictos expandens, ab ipso- rum sorte violentorum virgam per oportunum auxilium, pro nostra et apostolice sedis reverentia,: studeas amovere; fœædere seu etiam jurejurando quocunque, si quo es, ne potestatem tuam in fines extendas Imperii, fortassis astrictus, nequaquam obstante; cum in prefatis archiepiscopo et Ecclesia contra - oppressores eorum, si adversus ipsos tue fortitudinis dexteram erexeris, non videantur ledi jura Imperii, sed servari; maxime cum 1d exigat necessitas pietatis. Datum Anagnie, 11 kalendas aprilis, pontificatus nostri anna quinto, — 476 — IV 1435 PSP concernant les origines de l'hôtel de ville et des armoiries de Besancon. (Archives municipales.) Déposition de Jean Petit, dgé de 105 ans, mémoratif de 90. : Dicit quod cives Bisuntini, a xxx annis citra, fecerunt et construxerunt quandam domum in civitate Bisuntina, quam vocant communem domum civitatis. Dicit quod ipse vidit arma dicte civitatis, ad signum aquile nigre CUM una COrona. Déposition de Jean Henry, chanoine, dgé de 56 ans, mémoratif de 45. Dicit quod vidit quod cives se intromictebant de regimine civitatis, faciendo rectores, habendo domum communenmi et carceres, quos et quam perantea non habebant, prout dici audivit, sed quandam domum locabant a Johanne Porceleti, que nunc est Johannis Danielis, in qua nullos carceres habe- bant; vidit etiam quod habebant communitatem, ad sonum campane se congregabant in dicta domo. Quilibet dictorum trium judicum habet suam sedem seu suum tribunal, in quo pro tribunali sedere solet et consuevit : videlicet judex Regalie, ante curiam Officialis Bisuntini; Vicecomes, prope conventum fratrum Minorum et retro do- mum Johannis Porceleti; et Major, circa hospitale Sancti- Spiritus. Deponit quod est quedam domus circa medium civitatis Bisuntine, ante ecclesiam:Sancti-Petri situata, que domus communilalis vocatur....… Interrogatus à quo tempore vidit dctam domum esse constructam ? dicit quod sunt lapsi xxxv anni, — 477 — Clientes pro villa portant in divisia, interdum Por obéir, et interdum signum colone. Vidit arma dicte civitatis, ad signum aquile nigre cum una columpna. . Déposition de Girard de Marnay, dgé de 50 ans, mémoratif de 40. Et in signum Jjuridicionis et superioritatis imperialis, sunt et fuerunt ab antiquo arma imperialia, videlicet acquille nigre in Campo aureo, tam super portis dicte civitatis quam turribus et aliis locis dicite civitatis. Deponit quod predicta civitas Bisuntina, civesque et guber- natores ejusdem, de tempore sue memorie, habuerunt, habent et habere solent..……. sigillum universitatis et contrasigillum, arma communia ad signum acquille nigre cum duabus co- lumpnis rubeis in campo aureo; habent etiam et habere con- sueverunt vexilla et banderias, et in una ipsa est acquilla nigra, et in aliis vero sunt alia certa signa. Déposition de Pierre Malmissert, dgé de 64 ans, mémoratif de 55. Interrogatus an viderit aut sciverit quod, alibi quam in loco ubi tenent de presenti dicti cives suam domum communem, fuerit tenta alia domus communis ? dicit quod audivit dici quod dudum dicti cives solebant congregari in domo Sancti- Anthonii, et postea in domo sive turri du Porcellot, quam vidit et in ea sepius fuit quesiturus patrem suum; nunc vero, a xXXIIII annis Citra vel circa, vidit et scivit quod dicti cives congregantur et congregati consueverunt in domo predicta, sita ante dictam ecclesiam Sancti-Petri, quam dicti cives acquisiverunt. Deponit quod cives et habitatores Bisuntini....…. habuerunt et habent.. septem bannerias seu vexilla, arma dicte civitatis ad signum scuti aurei et aquille nigre cum uno capite. — 478 — Déposition de Huguenin Cournuette, dgé de 105 ans, mémoralif de 90. Dicit se vidisse, de tempore sue memorie, quod cives et habitantes dicte civitatis se congregaverunt et convenire con- sueverunt in domo Sancti-Anthonï, et deinde in domo que tunc pertinebat Porcellot, et, tandem ac de presenti, in domo communi dicte civitatis, sita ante ecclesiam Sancti - Petri. Interrogatus an, tempore quo congregabantur in domibus predictis, haberent domum communem ? dicit quod non, sed locabant domos easdem ab illis quibus erant, et se convenie- bant quando volebant. Dicitque quod acquisiverunt domum in qua tenent de presenti domum communem, sunt XXxXV anni elapsi vel circa, et ab illo tempore citra fecerunt 1llam edifficari. Déposition de Jean d’Arguel, lieutenant des cours de vicomté et mairie, dgé de 75 ans, mémoratif de 60. Recordatur se vidisse in domo Johannis Porcelot, que voca- batur la Cheminée, in qua cives congregabantur pro negociis dicte civitatis tractandis, et pro ea solvebant singulis annis x vel x1 francos; et sunt Lx anni vel circa. Postea vero, xL anni vel circa elapsi sunt, quod ipsi cives emerunt nonnullas domos a personis particularibus et illas dirimi fecerunt, et postea construi fecerunt domum communem quam de pre- senti inibi constructa est, et a dicto tempore citra, et lapsi sunt XL anni, congregaverunt in domo communi que est de pre- senti. Interrogatus si abantea sciverit vel audiverit quod dicti cives habuissent domum ad se congregandum, quam in locis predictis ? dicit quod audivit dici quod solebant congregari in quadam domo existente retro domum Johannis Micaelis et ante ecclesiam Sancti-Anthonii. Deposuit quod predicti cives et universitas civitatis Bisuntine habent, habuerunt et habere debent..……. sigillum universitatis ad signum aquille...., arma, insignia et, videre suo, in Campo — 479 — aureo cum aquilla nigra, vexilla seu bannerias habentes sua signa, videlicet banneriam Sancti-Quintini ad signum aquille nigre ; alie vero bannerie habent alia signa diversa. Déposition de Thiébaud Parisot, dgé de 85 ans, mémoratif de 70. Interrogatus quomodo scit quod Imperator sit dominus hujus civitatis ? dicit quod vidit portari in banneria arma Imperatoris, que sunt aquilla nigra, et quod ita audivit dici ab antiquis; quodque, in signum hujus et quod sit civitas imperialis, cives hujus civitatis, anno quolibet, faciunt unum ex ipsis civibus Imperatorem , et de hoc faciunt magnum festum ; qui incedit per dictam civitatem in statu imperiali, sollempniter et honorifice, cum magna multitudine civium dicte civitatis, equitando et stando super equos per dictam civitatem; et, illa die, faciunt magnum et sollempne pran- dium, expensis illius qui efficitur Imperator; et solebat fieri dictum festum antiquitus in festo Circunsicionis Domini, sed postea fieri consuevit die Apparitionis Domini, quo fit festum Regum, et ita, per tempus sue memorie, vidit observari. Dicit et deponit quod cives et universitas ac communitas ejusdem civitatis Bisuntine, per tempus sue memorie, habue- runt et habent habereque consueverunt domum communem, que vulgariter domus ville appellatur et appellari consuevit ; in quaquidem domo cives dicte civitatis convenire et se con- gregari consueverunt pro negociis dicte civitatis tractandis, con- sulendis ‘et terminandis, quociens eis visum fuerit expediens, utile vel necesse, et ita vidit uti tempore sue memorie...…. Interrogatus si unquam de tempore suo vidit quod in loco in quo est de presenti domus communis, non esset domus com- munis ? dicit quod vidit quod non erat ibi domus communis. Interrogatus a quo tempore citra fuit incepta domus com- munis ? dicit quod sunt L anni vel circa, et a dicto tempore consilia ibi tenere consueverunt. Interrogatus si ante dictam domum acquisitam, de qua supra fit mencio, haberent ali- — 480 — quam aliam domum communem ? dicit quod perantea rectores et cives dicte civitatis, pro consiliis suis tenendis, se congre- gabant in domo Johannis Porcelat, quam ab eo a loquagio tenebant, et nominabant domus consistorialis ville. Interro- gatus si illa domus Johannis Porceleti erat domus communis ville ? dicit quod non, sed tenebatur de loquagio a dicto Porceleto. Deponit quod predicti cives et universitas civitatis Bisun- tine, per tempus sue memorie, habuerunt et habent.. sigillum universitatis ad signum aquile,.…. arma etiam aquile nigre… - Interrogatus si cives receperunt arma a seipsis vel ab Impe- ratore ? dicit quod nescit, sed ita vidit uti. Interrogatus si quarater est in sigillo ville ? dicit quod aquila Imperatoris. v 1520 Notice préliminaire du compte relatif à la reconstruction de l’avant-corps de l'hôtel de ville. (Archives de la ville de Besancon.) Despence faicte, par ordonnance de très honorez et doutés seigneurs messieurs les Gouverneurs de la cité impériale de Besançon, par Pierre de Chaffoy, trésorier de la dicte cité et en ce nom, au faict de certains édiffices et maisonnemens construictz et édiffiez en neufz en l'hostel de la ville pour illec, ou lieu du vieulx maisonnement lors ruyneulx et tom- bant par terre, plus commodément, à l'honneur de la cité et prouffit de la chose publicque d’icelle, y pouvoir tenir le conseil, et mesmement la saule emprès l'hostel et vielle salle consistorialle en laquelle l’on tenoit partie du froment de la- dicte cité, que fust derrièrement acquise de feurent maistre Jehan Tarrevellot et dame Jehanne de Cinqcens, le tout en- suyvant l'ordonnance et plaisirs de mesdictz sieurs les Gou- verneurs de ladicte cité, selon et par la forme et manière que s'ensuyt: ladicte despence commencée le lundi xx° jour du — 481 — mois de feuvrier mil cinq cens dix neufz, et finissant le der- _rier jour du mois de décembre suigant mil cinq eens et vingt, lesdictz jours inclus. Tous les frais missionnez et despenduz par ledict trésorier pour la susdicte despence sont descripz et mentionnez en ung carnot de papier contenant... fuilletz, advérez, certiffiez et signez, sepmaines après aultres, avec certains articles oultre lesdictes sepmaines, par monsieur le conterôle Jehan d'Auxon. VI 1528 (11 décembre) Délibération municipale instituant des commissaires pour suivre les travaux de restauration et de bâtisse nouvelle qui s'exécutaient à l'hôtel de ville. (Archives de la ville de Besancon.) Messieurs les Gouverneurs, pour faire édifier, tant en mu- railles, charpenteries que aultres choses nécessaires, les deux corps d'hostel estans entre les deux salles de l’hostel consis- torial, et perachever ce qu'est nécessaire pour la restauracion du grant vieulx corps où l’on souloit tenir le conseil, selon les marchiefz desjà faiz avec Pierre Robelin et Jehan Mathey, tant de charpentier que de massonnerier, et dont ilz ont desjà receuz du passé quelque argent, et semblablement avec les- ditz corps le poille de ladicte cité, ont député Symon Gauthiot sieur d’Ancier, Jaques Bonvalet sieur de Champaigney, et Pierre de Chaffoy, escuiers, et avec eulx Jehan Valiquet con- gouverneur, leur confrère, les quatre, les trois, deulx, et chascung d'iceulx que y pouront commodément entendre, ausquelx ilz ont donné et donnent entière commission et puissance deviser et ordonner lesdictz maisonnement, mar- chander d’iceulx, y commectre tous ouvriers, soient maçons, charpentiers, charrois et tous aultres, que, jusques à l’en- tière perfection desdictz ouvraiges, ilz ou chascung d’eulx congnoistront estre nécessaire ; et, pour ce faire, ont conclud 31 — 482 — et ordonné, et par cestes ordonnent expressément, à Nycolas Boncompain, trésorier de ladicte cité, payer tout ce que par lesdictz commis et Chascung d'eulx, pour lesdictz édifices, maisonnemens, et jusques, comme dessus, à l'entière per- fection d’iceulx, luy sera ordonné et signé par escript, dont ledict trésorier fera ung carnet séparé, et en rappourtant ces- tes avec la despense desdictz payemens signée et advérée par lesdictz commis ou l’ung d’eulx, ladicte despense luy sera pas- sée et allouhée en ses comptes. Donné en l'hostel consistorial dudict Besançon, le vendredi unzeiesme jour de décembre, l'an mil cinq cens vingt-huit. | (Signé) LAMBELIN. VII 1581-1587 Délibérations et extraits de comptes relatifs à la réédification du second corps de logis de l'hôtel de ville. (Archives de la ville de Besancon.) 1° DÉLIBÉRATIONS. Du jeudy 1x° de mars 1581. Pour adviser avec maistre Richard Mayre, masson, sur les ouvraiges et bastimentà faire encoires pour la maison de céans, selon le desseing et pourtraict ou pourject par luy faict et ce jourd'huy vehu, et pour la conduytte dtsdicts ouvraiges et y prendre égard, sont commis messieurs de Preigney, de Chavirey et Marquis. e Du mecredy xxur° d'aoust 1581. Messieurs ont faict marchef avec maistre Richard Mayre, masson, pour plusieurs ouvraiges à faire céans pour l’'embel- lissement, aysance et commodité, comm'il est porté par le marchef sur ce passé, receu et signé par le secrétaire : à la sollicitation et conduytte desquelz ouvraiges sont commis messieurs de Preigney, de Chavirey et Marquis. — 483 — Du jeudy premier jour du moys de février 1582. Messieurs, après plusieurs communications sur le faict du- dict bastiment, ont résolu que le marchef en faict avec mais- tre Richard Mayre, masson, tiendra, et sera commancée la fassade du front auprès du rond de la chappelle, sans attou- cher à icelle, pour dez là tirer à la muraille devers la ruelle neufve, commenceant le premier estaige plus hault que le vieux d'environ quatre piedz au regard de ladicte fassade : renvo- yans le faict aux premiers commis, scavoir messieurs de Preiguey, de Chavirey et Marquis, pour faire expédier l’œu- vre comm ilz verront convenir. Du mecredy xxvri° de juing 1582, par les sieurs Vingt-huictz. Quant il sera question de terminer d’affaires publiques, pour bastimens, réparations ou voyaiges pour ladicte cité, excédans la somme de cinq cens frans.……, debvront mesdicts sieurs appeler lesdicts vingtz-huictz, pour leur communiquer et avoir leur advis. Du jeudy (xxix° de juing 1582), à deux heu. es après-midy, séant tousjours au siége le sieur président des Vingt-huictz. Pour adviser si le nouveau bastiment de céans demeurera selon qu'il est commancé en conformité du marchef en faict avec maistre Richard Maire, masson, ou si l’on le debvra rabbatre pour le dresser selon le pourject en faict par maistre Huguet Sambin, sont commis : de messieurs les ‘gouver- neurs, messieurs Vigoreux et d'Ancier; et des vingt-huictz, monsieur Chifflet et maistre Jehan d'Auxon. Du vendredy xx° de juillet 1582. Pour résoldre sur le rapport de messieurs Vigoreux, Gaul- thiot, Chifflet et maistre Jehan d’Auxon, le xxvrr° de juing dernier commis pour le faict dudict bastiment.....….., seront — 484 — priez au conseil de demain, avec messieurs, céans, messieurs les anciens gouverneurs, les vingt-huictz, et d'une chascune bannière deux aultres personaiges notables. Du samedy xxr° de juillet 1582. Ouy le rapport des sieurs commis sur le faict dudict bas- timent, et vehu le marchef cy-devant faict avec maistre Richard Maire, attendu aussi qu'ilz se présentent massons pour en- treprendre l'ouvraige selon le pourject dressé par maistre Hu- guet Sambin, à mesme pris que celluy dudict marchef, fors la fourniture des quatres collonnes du portal et pierres de cou- leur qu'il fauldroit recouvrer hors le territoire, et oultre ce abbatre la chappelle et la redresser sur ledict portal, suyvant ledict pourject, pour deux cens frans, leur fournissant pierres de verjennes en cas il en seroit besoin, a esté résolu que (com- bien il n’y ayt lieu de calumnie à ce qu'a esté cy-devant négotié, touchant ledict bastiment, par les commis à ce, et que ce qu'en a esté conclud et faict, apparemment a esté à meure délibération en divers conseilz et pour ne faire trop grande despense, heu esgard aux aultres affaires importans où il est nécessaire d'employer grandz deniers) que ce qu'est jà commancé du nouveau front sera rabbatu et redressé selon ledict pourject et modelle que l’on en fera faire. Du mardy xurr° d'aoust 1582. En ce conseil sont esté mandez tous les sieurs anciens gouverneurs et vingtz-huictz de la cité, pour veoir ung mo- delle de ce qu'est à faire pour le nouveau bastiment que l'on désire dresser, ledict modelle faict par maistre Hugues Sam- bin. Desquelz sieurs ont comparu les sus registrez, et leur à esté monstré ledict modelle, puis communiqué à maistres Ri- chard Maire, Jehan son filz, Jaques Bourdet, Jehan Juran, Jehan Pierre, Pierre Vitte, Hugues son filz, massons, et Pierre Chenefvière, menusier, en présence dudict Sambin : lesquelz, désirans plus particulièrement veoir ledict modelle — 485 — et donner advis sur ce qu'ilz seront requis, se retreuveront céans au midy, par devant messieurs Vigoreux, Chifflet, Jehan d’Auxon le viez, et s'il plait à monsieur Jaquelin, président, ou lieu de monsieur d’Ancier, commis pour le faict dudict bas- timent. Du mardy xxvirre d’aoust 1582. Encoires que le bastiment à faire céans, selon le modelle faict par maistre Huguet Sambin, soit de grande importance, a esté résolu que l'on en passeroit marchef avec Pierre Vitte et son filz, massons, et que l'on les recepvroit sans caution, bien qu'il ne leur seroit délivré argent que sobrement et selon les ouvraiges qu'ilz feront. Du mecredy v° de septembre 1582. Messieurs de Chavirey, d'Anvers et Marquis estans jà reti- rez, a esté faict marchef avec Pierre Vitte et Hugues son filz, massons, pour ledict bastiment, selon qu'il est rédigé par es- cript, receu et signé par le secrétaire. 2° COMPTES. 1 juin 1580 — 31 mai 1581. Audict maistre Richard (Mayre) dix frans pour le porgect des ouvraiges et massonneryes qu’il convient faire audict hos- tel consistorial. À maistre Hugues Sambin, de Dijon, architecteur, quinze escuz d'or pour le bastiment que l’on prétend faire en l'hostel consistorial. < A maistre Pierre Chenevyère la somme de neuf frans pour les despens de quatre jours faictz en sa maison par ledict Sambin. 1er juin 1581 — 31 mai 1582. Item encoir vingt-cinq frans payez audict maistre Richard pour ses intérestz d’avoir creullé et muré les fondementz du nouveaul bastiment de l’hostel consistorial, — 486 — 1e juin 1582 — 31 mai 1583. À maistre Pierre Vilte, masson, et Hugue Vitte, son filz, la somme de cent frans en déduction de ce que leur sera dehu des ouvraiges de massonnerie qu'ilz ont merchandé pour le bastiment nœufz de l’hostel consistorial. Encoir audict Vitte et Pierre Pauthié, massons, pour reste et entier payement de la somme de quattre-vingt trois frans demy, tant pour achapt de quatre coulonnes, pour le basti- ment neuf, de pierre de Sampans, que pour leur voyaige au- dict Sampans, la somme de trente trois frans et demy. Audict (Richard) Maire la somme de vingt frans pour cer- tain plantz et portray ou pourgectz par luy faictz pour les dé- sent du nouveau édiffice et baptiment de l’hostel consistorial de ladicte cité. Audict Roussière (Outhenin, charpantier,) pour... abba- tre les sommiers, samblières et traictz de la cave du bapti- ment nœufz Jay commencé par maistre Richard Maire... Pour le charrois et le charpantaige de douze piedz de -bois de chasne admener et conduict en l’hostel consistorial, pour servir au baptiment nœufz, estant esté couppé ès bois de Chaillu appertenant à la cité, .….….…... la somme de quarante trois frans trois groz. À Claude Cannet, thuillier à Sainct-Ferjeux, en déduction de douze milliers de thuilles plombées qu'il doibt pour ledict bastiment nœufz, la somme de soixante frans.....…. À Hugue Sambin, architecteur, pour avoir faict ung mo- delle, ensemble des portraict, plan et néorité du baptiment nœufz de l'hostel consistorial, la somme de quarante cinq frans, que luy sont esté payez en quinze escus pistoletz, par ordonnance de messieurs, achetez à trois frans deux blans pièces du sire Claude Rochet. 1e juin 1583 — 31 mai 1584. Encoire ausdicts Vittes, tant pour forniture que despens d'avoir estez carrer de la pierre noire à Rancenay et de la — 487 — pierre blanche à Naiïsey, pour le bastiment nœufz de l’hostel consistorial, la somme de vingt quatre frans deux groz. À Jehan Tiret, masson demeurant à Naisey, vingt sept frans pour vingt deux quartiers de pierre blanche, rendu à ses frais en l'hostel consistorial de ceste cité, pour faire les masques, roleaux et fryze de front devant le bastiement neufz. Aux habitans de Fontain quatre vingtz quinze frans pour le payement de soixante quehues de chaulx vyves, admenez en l’hostel consistorial pour le bastiment neufz. À Jehan Mathey, demeurant à Poilley, masson, cinq frans pour traize pierres en couleur rouge et charroy d'icelles en ceste cité pour le bastiment neufz de l'hostel consistorial. Encoires audict Mathey sept frans neufz groz pour les quar- tiers de ladicte pierre rouge, perrière de Poilley, renduz en ceste cité à ses frais pour ledict bastiment neufz. À Guillaume Girard, de Bussy, trois frans en déduction des pierres rouges que a fournies pour ledict bastiment neuf. À dame Etiennette Marquis la somme de soixante et traize frans, tant pour sept milliers de thuilles de sa thuillerie de Palante, au pris de sept frans le millier, que pour trois milliers de carrons, au pris de huict frans le millier, deschargés en l’hostel consistorial pour la couverture du bastiment neufz. 1er juin 1584 — 31 mai 1585. À Jehan Mathey, de Poilley, la somme de vingt frans pour plusieurs pierres rouges de là perrière de Poilley, qui a déli- vré et rendu en l'hostel consistorial pour l’enrichisement du front du bastiment neufz. A maistre Pierre Chenevyère trante six frans pour avoir faict les armoiries de la cyté et ceulx de la Majestey imperial, en pierres eslevées, pour l’enrichisement du front dudict bas- timent neufz. | À maistre Jehan Vuillequart, charpentier, la somme de vingt frans en déduction des frais qui debvoit faire pour les sommiers de sapin que messieurs faisoient copper en la fourée de Maillo' pour le bastiment neufz de l’hostel consistorial. — 488 — À Jehan Vuillequart, charpentier, huict frans pour ses pei- nes et récompance des portraictz qui a faict pour l’édiffice de l'hostel consistorial, ayant donné les longueur et ÉHREORE de bois y nécessaires. 197 juin 1585 — 31 mai 1586. A maistre Hugues Sambin, architecteur, la somme de trente six frans en récompance de ses peines d'avoir pourtraict en plusieurs facons ladicte chappelle {du bastiment neufz), avec le chemin de la Crose, le devant de la maison de ville et les quatres grandz colonnes estanz sur la montaigne Sainct-Es- tienne. A Gédéon, archetecteur, la somme de dix huict frans en déduction de ce que luy sera dehu pour la figure de la Force, eslevée en pierre au naturel, de la haulteur et grosseur de la Justice jà faicte, et selon la forme et modelle qu'il a présenté à messieurs. Auxdictz Billard et Bouvier (charpantiers), pour huict cor- jons de chasne, de longueur de trente deulx à trente trois pyedz, qu'ilz ont faict ès bois d’Aglan pour servir à ladicte ramure dudict bastiment neufz, la somme de treize frans uatre groz. A Didié Chevriot, gepsié, la somme de vingt cinq frans cinq sroz trois blans, tant pour plusieurs journées d'ouvriers el filles à descouvrir la chappelle de l’hostel consistorial et ab- batu les cheminées de ladicte chappelle et chambre Lambelin, dépaver ladicte chappelle et chambre, et avoir fornir deux cent de tables pour ayder à paver le thésort. A maistre Pierre Chenevière, pour la grand porte neufve qu'il a faict pour le bastiment neufz, la somme de cinquante frans. Le juin 1586 — 31 mai 1587. À Gédéon Coillot, menusier, la somme de dix huict frans en déduction de quatorze escuz, à trois frans pièce, que luy — 489 — seront dehuz pour une figure de Force qu'il doibt faire en pierre vergenne. Audict Gédéon la somme de vingt neufz frans, tant pour reste desdictz quatorze escuz pour ladicte Force que pour l'avoir remasticquée en plusieurs lieux et fournir le masthic. À Jehan Maire et Jehan Jurain, massons, la somme de dix frans dèmy pour leurs peines d'avoir visiter, mesurer et tauxer le bastiment neufz de l’hostel consistorial. À Michiel Besancon et aultres charretiers ayans mis che- vaulx jusques au nombre de quatorze pour la conduicte d’ung sommier dois le bois d'Aglan jusques à Morre, pour le basti- ment neufz de l’hostel consistorial, la somme de trante frans. VIIL 1676-1683 Délibération et extraits de comptes relatifs à la réinstallation de la municipalité dans l'avant-corps de logis de l'hôtel de ville, le second corps étant occupé par le Parlement. * Du 13 octobre 1676. Messieurs les conseillers (municipaux) s'estants plaints de ce qu'on ne leur communiquoit rien de la despense qu'on fai- soit pour la bastisse et rabillage du quartier de l’hostel de ville regardant sur la place de Saint-Pierre, où le magistrat avec messieurs les notables se doivent assembler et M. le vicomte-maïeur y audiencer les causes, en place de celluy qu'occupoient jadis messieurs les gouverneurs, qu'on avoit cédé à messieurs du Parlement, et dit qu’ilz ne passeroient en compte plusieurs choses qu'on pourroit prétendre, attendu que messieurs les maïeur et eschevins ne pouvoient disposer du bien public plus haut que de cent solz sans leur partici- pation : de quoy M. l'Intendant ayant esté resservi, il a dé- claré qu'il suffisoit qu'on leur aye faict part de la bastisse et réparation à faire, sans qu'on soit obligé de les convoquer — 490 — pour chaque mandement qui seroit à faire, pour leurs com- muniquer. Compte de 1674-75. Dix francs neuf gros payés au sindic Galiot pour avoir faict descendre les armes de Sa Majesté Catholique estant au dessus de la porte de l'hostel consistorial. Trente-six francs payés à Clériarde Dangin, peintre, pour avoir faict les armes du Roy (de France) estant sur la porte de l'hostel consistorial. Compte de 1676. Deux frans trois gros payés à M. le révérend vicaire géné- ral, pour la permission obtenue.de luy de faire célébrer la messe en une chambre du quartier devant de l'hostel consis- torial. Compte de 1677. Trente-trois frans payés. .……. à Jean Cuene, maistre archi- tecte, pour avoir esté dans l'hostel de ville, où est à présent l'appartement de messieurs du Magistrat, en avoir dressé un plant et un divis pour la charpenterie et autres ouvrages. Vingt frans payés à Francois Henry, masson, pour avoir remis enestat les bases de deux piliers soustenants une partie du corps de logis où messieurs du Magistrat font leurs assem- blées. Compte de 1679. Dix-huict gros payés à Pierre Gillier pour ses peines d’avoir attaché des tapisseries de Bergame dans la chapelle de l'hostel de ville (1). Compte de 1681. La somme de mille soixante huict frans six gros pour les frais de la chapelle dressée dans l’hostel de ville, comme par passé en mise du 18 décembre 1680. Compte de 1682. | Cent sept frans trois gros payez à Jean-François Baudot, (1) Cette chapelle occupa, jusqu'à la Révolution française, la chambre où siège aujourd'hui le conseil municipal, — 491 — peintre, pour besongne de sa profession faitte en la chapelle de l’hostel de ville. La somme de cinq cent soixante deux frans quatre gros pa- yez au sieur Freilic, de Genève, marchand, pour la tapisserie de cuir doré de la chapelle de l’hostel de ville. Seize frans six gros payez au sieur Monnot ({) pour ses peines d’avoir déseignés les ornements faicts en la chapelle de l'hostel de ville. Compte de 1683. Cent frans à Hugue Morand, sculpteur, à compte du mar- ché faict avec luy pour poser les armes du Roy, en pierre, sur le portail de l'hostel de ville. j Deux cent septante et un frans trois gros payez audit Mo- 110 ARE pour entier payement de la facon et posage des ar- mes de Sa Majesté sur le portail de l’hostel de ville. IX 1698 (19 décembre) Brevet des armoiries reconnues à la ville de Besançon par le Conseil héraldique de France. Par ordonnance rendue le 19 du mois de décembre, l'an 1698, par les commissaires généraux du Conseil député sur le fait des armoiries, celles de la cité royale de Besancon, telles qu'elles sont ici peintes et figurées (2), après avoir été recues, ont été enregistrées à l'Armorial général, dans le re- gistre coté Département de Besançon, en conséquence du payement des droits réglés par les tarifs et arrêt du Conseil (1) C'est un nouveau détail à ajouter à la vie du célèbre sculpteur Pierre-Etienne Monnot, d'Orchamps-Vennes, sur lequel M. LANCRENON a donné récemment une intéressante notice dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs (4° série, t. V, 1869, pp. 357-365). (2) En tête du brevet se voit un écu d'or, à l'aigle éployée de sable, languée de gueules, portant dans ses serres deux colonnes de gueules posées en pal. — 492 — du 20 novembre de l'an 1696. En foi de quoi le présent brevet a été délivré à Paris par nous Charles »'Hozer, conseiller du roi et garde de l’Armorial général de France. NE (Signé) D'Hozrer. (Au dos est écrit) : Brevet d'enregistrement des armoiries, en conséquence du payement des droits réglés par l'édit de novembre 1696, pu- blié et enregistré au Parlement le 4 janvier 1697. Pour l'enregistrement des armoiries des villes où il y a archevêché, évêché ou compagnie supérieure : 100 livres ; Plus les deux sous pour livre de cette somme. X 1769 (9 décembre) Lettre de citoyen délivrée par la municipalité de Besançon. (Papiers de famille. Nous VICOMTE- MAYEUR LIEUTENANT - GÉNÉRAL DE POLICE, EcHEvins ET CONSEILLERS-ASSESSEURS DE LA CITÉ ROYALE DE BEsaNÇoN, savoir faisons que Antoine CasTan, originaire de Saint-Affrique-en-Rouergue, nous ayant présenté requête -tendante à être admis au nombre des citoyens de ladite cité, et suffisamment informés de ses bonnes vie et mœurs, de ses franchise et liberté, et de la profession qu'il fait de la religion catholique, apostolique et romaine, par le rapport de M. Liery, commissaire : à Ces Causes, nous avons reçu et admis, recevons et admettons ledit Casran au nombre des citoyens de ladite cité, pour jouir luiet les siens, nés et à naître en légitime mariage, des droits, fruits, profits, prérogatives, priviléges, exemptions et immunités attachés à cette qualité, à charge de payer la somme de 66 livres 12 sous 4 deniers, droit ordi- naire, et les menus droits ; et il a prêté le serment requis. En témoignage de quoi nous avons fait expédier les présentes par le sieur Jean-François BREssaND, avocat au Parlement, se- — 493 — crétaire de ladite cité, et y apposer le scel ordinaire d’icelle. — Donné au Conseil, le neuf décembre mil sept cent soixante- neuf. Par ordonnance : (Signé) BressanD. (Sceau imprimé en relief sur un large pain à cacheter renfermé entre deux carrés de papier.) XI 1809 (17 mai) Sommaire du règlement impérial relatif à la concession d'armoiries aux villes, communes et corporations. (Moniteur universel du 17 juin 1809.) Ce règlement, discuté en Conseil d'Etat, contient les dis- positions suivantes : 1° Aucune ville, commune, corporation ou association civile, ecclésiastique ou littéraire, ne jouira du droit d’ar- moiries qu'après en avoir recu de $. M. la concession expresse par lettres-patentes délivrées à cet effet. En conséquence, les sceaux des villes, communes ou corporations qui n'auront pas obtenu de concessions pareïlles, ne porteront, pour toute em- preinte, que le nom ou la désignation littérale desdites villes, communes Ou Corporations . 2° Les villes, communes ou corporations qui désireront obte- nir deslettres-patentes portant concession d'armoiries, pourront, après s'être fait préalablement autoriser en la forme ordinaire par les autorités administratives compétentes, s'adresser à S. A. S. le prince Archi-Chancelier de l'Empire, qui prendra les ordres de S. M. à ce sujet. 3° Ces demandes seront formées par le ministère d’un avocat au Conseil d'Etat, selon qu'il est ordonné par le décret impé- rial du 24 juin 1808, concernant les demandes en institution de majorat. — 494 — XI 1809 (6 novembre) Circulaire du Préfet du Doubs relative aux demandes de concession d'armoiries par les villes du département. (Mémorial administratif, t. V, p. 208.) Le Baron de l'Empire, chevalier-commandant de la Légion | d'honneur, PRéFeT du département du Doubs, Aux maires des villes et bourgs du département. Besançon, le 6 novembre 1809. Messieurs, 2, D'après la demande formée par plusieurs villes pour être autorisées à rétablir leurs anciennes armoiries, il a été décidé par le Conseil du sceau des titres : {° Que les conseils municipaux peuvent présenter des pro- - jets d'armoiries, et y reproduire une portion de l’ancien blason des villes ; 2° Que les pièces d’armoiries qui, comme l'aigle et les abeilles, appartiennent aux armes et aux enseignes de l'Em- pire, et ne peuvent être concédées que du propre mouvement de l'Empereur, ne doivent pas entrer dans la composition des projets d’armoiries présentés par les villes ; 3° Que les couronnes qui, de leur nature, sont incommuni- cables comme la souveraineté dont elles sont l'emblème, doivent écalement être exclues, ainsi que les pièces qui en- traient autrefois dans les armoiries de l’ancienne dynastie française, ou qui pourraient rappeler la sujétion récente à une domination étrangère de quelques départements nouvellement réunis. Je vous invite, etc. (Signé) J. DEsry. — 495 — XIII 1811 (6 juin) Letlres-patentes de Napoléon I‘ octroyant de nouvelles armoiries à la ville de Besançon. (Archives municipales.) NAPOLÉON, PAR LA GRACE DE DIEU, EMPEREUR DES FRAN- AIS, Ror D'ITALIE, PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN, MÉDIATEUR DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, A tous présents et à venir salut. Par notre décret du dix-sept mai mil huit cent neuf, Nous avons déterminé que les villes, communes et corporations qui désireraient obtenir des lettres-patentes portant concession d'armoiries, pourraient, après s'être fait préalablement auto- riser par les autorités administratives compétentes, s'adresser à notre cousin le Prince Archichancelier de l'Empire, lequel prendrait nos ordres à cet effet. En conséquence, le maire de notre bonne ville de Besançon, duement autorisé, s’est retiré par devers notre cousin le Prince Archichancelier de l’Empire, à l'effet d'obtenir nos lettres-pa- tentes portant concession d'armoiries. Et, sur la présentation qui nous a été faite de l'avis de notre Conseil du sceau des titres et des conclusions de notre pro- cureur général, Nous avons autorisé et autorisons, par ces présentes signées de notre main, notre bonne ville de Besançon à porter les armoiries telles qu'elles sont figurées et coloriées aux présentes, et qui sont: d’or au lion rampant de sable, adextré et sénestré d'une colonne de queules et surmonté d’une croix de sable, au chef des bonnes villes qui est de gueules à trois abeilles en fasce d’or; pour livrées, jaune, rouge et noir.Voulons que les ornements extérieurs desdites armoiries consistent en une couronne murale à sept créneaux, sommée d'une aigle naïs- sance pour cimier, le tout d’or, soutenu d'un caducée en fasce de même, posé au-dessus du chef, auquel sont suspendus deux — 496 — festons servant de lambrequins, l’un à dextre de chène, l'autre à sénestre d'olivier, d'or, noués et rattachés par des bandelettes de gueules. Chargeons notre cousin le Prince Archichancelier de l'Em- pire de donner communication des présentes au Sénat et de les faire transcrire sur ses registres. Car tel est notre bon plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, notre cousin le Prince Archichancelier de l’Empire y a fait apposer, par nos ordres, notre grand sceau, en présence du Conseil du sceau des titres. Donné en notre palais de Saint-Cloud, le sixième jour du mois de juin de l’an de grâce mil huit cent onze. (Signé) NAPOLÉON. Scellé le treize juin mil huit cent onze. | Le Prince Archichancelier de l'Empire, (Signé) : CAMBACÉRÈS. (Grand sceau de l'Empire, en cire rouge, sur rubans violet et jaune.) (Au dos): Transcrit sur les registres du Sénat, le quatorze juin mil huit cent onze. | Le Chancelier du Sénat, (Signé) C LAPLACE. XIV 1815 (18 novembre) Lettres-patentes de Louis X VIII portant renouvellement des anciennes armoiries de la ville de Besançon. (Archives municipales ; — Paul Laurens, Annuaire du Doubs pour 1843, pp. 85-86.) LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE Na- VARRE, A tous présents et à venir salut. Voulant donner à nos fidèles sujets des villes et communes de notre Royaume un témoignage de notre affection et perpé- — 497 — tuer le souvenir que nous gardons des services que leurs an- côtres ontrendus aux Rois nos prédécesseurs, services consacrés par les armoiries qui furent anciennement accordées auxdites villes et communes et dont elles sont l’emblême, Nous avons, par notre ordonnance du vingt-six septembre mil huit cent quatorze, autorisé les villes, communes et corporations de notre Royaume à reprendre leurs anciennes armoiries, à la _charge de se pourvoir à cet effet par devant notre Commission du sceau, nous réservant d’en accorder à celles des villes, com- munes ou corporations qui n’en auraient pas obtenu de nous ou de nos prédécesseurs ; et, par notre autre ordonnance du vingt-six décembre suivant, Nous avons divisé en trois classes lesdites villes, communes et corporations. En conséquence, le sieur Daczin, maire de la ville de Be- sancon, département du Doubs, autorisé à cet effet par délibé- ration du conseil municipal en date du trois février mil huitcent quinze, s'est retiré par devant notre Garde des sceaux, mi- nistre secrétaire d'Etat au département de la Justice, lequel a fait vérifier en sa présence, par notre Commission du sceau, que le conseil municipal de Besançon a émis le vœu d’obte- nir de notre grâce des lettres-patentes portant concession des armoiries suivantes : d’or à un aigle éployé de sable, lampassé de queules, portant avec ses serres deux colonnes de queules mises en pal, lesquelles lui avaient été accordées par les Rois nos illustres prédécesseurs. Et sur la présentation qui nous a été faite de l’avis de notre Commission du sceau et des conclusions de notre commis- saire faisant près d'elle fonctions de Ministère public, Nous avons, par Ces présentes signées de notre main, autorisé et autorisons la ville de Besançon à porter les armoiries ci-dessus énoncées, telles qu'elles sont figurées et coloriées aux pré- sentes. Mandons à nos amés et féaux conseillers en notre Cour royale de Besancon de publier et enregistrer les présentes. Car tel est notre bon plaisir. 32 — 498 — Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, notre Garde des sceaux y a fait apposer, par nos ordres, notre grand sceau, en présence de notre Commission du sceau. Donné à Paris, le dix-huitième jour de novembre de l’an de grâce mil huit cent quinze, et de notre règne le vingt- unième. (Signé avec une griffe) LOUIS. Par le Roi : Le Garde des sceaux de France, (Signé) BARBÉ-MaARBoïs. (Grand sceau du Royaume, en cire verte, sur lacs de soies verte et rouge.) Vu au sceau : Le Garde des sceaux de France, (Signé) BarBé-MarBois. (Au dos) : Enregistré à la Commission du sceau, registre V, fol. 7. Le Maître des requêtes, secrétaire général du Ministère de la Justice et du sceau, (Signé) Guizor. Lu et publié à l'audience de la Chambre civile de la Cour royale de Besançon, et enregistré aux actes importants, vol. I, fol. 76 recto. Le Greffier en chef de la Cour, {Timbre de la Cour) (Signé) F. RuTy. — 499 — TABLE I. SIGILLUGRAPHIE DE LA COMMUNE DE BESANCON. IT. HÔTEL DE VILLE. III. PaLais DE JUSTICE. PIÈCES JUSTIFICATIVES I. — 1225. — Sentence de l'archevêque Jean Halgrin, prononçant la dissolution de la commune de Besancon et condamnant, pour réparation, cent des principaux citoyens de la ville à venir dans la cathédrale, en chemises et pieds nuds, pour être battus de verges par la main du prélat. IT. — 1259 (29 janvier). — Commission donnée par le pape Alexandre IV aux évêques d’Autun et d'Auxerre, pour contraindre les citoyens de Besancon à abolir leur commune et à respecter l'engagement souscrit par eux à cet égard envers l’archevêque Jean Halgrin. IT. — 1259 (31 mars). —- Lettre du pape Alexandre IV, réitérant au roi de France Louis IX la prière de prêter main-forte à l’arche- vêque de Besançon contre les seigneurs du comté de Bourgogne alliés de la commune de Besançon. IV. — 1435. — Témoignages concernant les origines de l'hôtel de ville et des armoiries de Besançon. V. — 1520. — Notice préliminaire du compte relatif à la recons- truction de l’avant-corps de l’hôtel de ville. VI. — 1528 (11 décembre). — Délibération municipale instituant des commissaires pour suivre les travaux de restauration et de bâtisse nouvelle qui s’exécutaient à l’hôtel de ville. VIT. — 1581-1587. — Délibérations municipales et comptes HE à la réédification du second corps de logis de l'hôtel de ville. VIII. — 1676-1683. — Délibération et extraits de comptes relatifs à la réinstallation ‘de la municipalité dans l’avant-corps de logis de l'hôtel de ville, le second corps étant occupé par le Parlement. IX — 1698 (19 décembre). — Brevet des armoiries reconnues à la ville de Besançon par le Conseil héraldique de France. — 500 — X. — 1769 (9 décembre). — Lettre de citoyen délivrée par la municipalité de Besançon. XI. — 1809 (17 mai). —— Sommaire du règlement impérial relatif à la concession d’armoiries aux villes, communes et corporations. XII. — 1809 (6 novembre). — Circulaire du Préfet du Doubs relative aux demandes de concession d’armoiries par les villes du département . XIII. — 1811 (6 juin). — Lettres-patentes de Napoléon I“ octroyant de nouvelles armoiries à la ville de Besancon. XIV. — 1815 (18 novembre). — Lettres-patentes de Louis XVIII portant renouvellement des anciennes armoiries de la ville de Besançon. DESSINS . Onze gravures sur bois figurant les sceaux de la commune de Besançon, depuis le milieu du treizième siècle jusqu’à nos jours. Marque de limprimeur Jean Exertier (1591), représentant la statue de Charles-Quint dans le portail de l'hôtel de ville de Be- sançon. Facade du Palais de Justice de Besancon (lithographie en couleur). Grille en fer forgé appartenant à la même facade (lithographie). . SOCIÉTÉ PALAIS DE JUSTICE A BESANÇON \ÇADE PRIN Soc d'Emul. du Doubs. 1870-1871. Ye) A 4 \# 1P A É F4 À AY NS ; L L LÉ : LA É # L LA À H CZ 4 TT 1 NN pr DE \ AÉ : CCE ? (O\C) CE = 3 .\ CPE) Le È - À : = A \\ = | 422%) = ee a AYCNC) AN 2 LL AN 2 4 N