En, ie DC ur, - + re S HN OTe NS SES ES a à ms où = eu me mme ENS ut AU + A: vu x L Vu L \ A : à d | n LR L- LRU 4 £ M4 ET VDS ARE # s “AA L, Ù UE: DT LM a , MÉMOIRES SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DUPOURBS MÉMOIRES SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS QUATRIÈME SÉRIE SEPTIÈME VOLUME 1872 BESANÇON IMPRIMERIE DE DODIVERS ET Ci, Grande - Rue, 87. 1873 HAAA AMEN RAUQ 20 JR TALT.E 0 \7 HAITI MOMÉQUE. _ PAT PT EDITIONS #4 ju 2 STE ANT NOT ST OR 12 7 “8EE MÉMOIRES D LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS 1872 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES Séance du 13 janvier 1872. PRÉSIDENCE DE MM. Emize DELACROIX ET SIRE. Sont présents : Bureau : MM. Delacroix (Emile), président sortant, élu premier vice-président; Sire, deuxième vice-président, élu président; Grand, premier vice-président sortant; Ducat, élu deuxième vice-président; Jacques, trésorier sortant; Varaigne, archiviste sortant, élu trésorier; Faivre, vice-secrétaire réélu ; Gauthier, archiviste élu ; Castan, secrétaire décennal ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Androt, Bial, Bosseux, Boullet, Chotard, Cuillier, Delacroix (Alphonse), Denizot, Garrig, Tissot, Vézian. Les procès-verbaux des séances des 13 et 14 décembre 1871 sont lus et adoptés. Les élections faites le 13 décembre dernier se trouvant ainsi ratifiées, M. le président Delacroix, après avoir remercié la Compagnie d'une bienveillance qu'il a essayé de justifier, déclare le nouveau conseil d'administration installé et cède le fauteuil à M. Sire. (ei Procédant au dépouillement de la correspondance, le secré- taire donne lecture de la dépêche suivante, écrite en retour d'une communication faite au Conseil fédéral de Berne des témoignages de gratitude envers la Suisse qui s'étaient pro- duits à l'occasion de notre fête récente : « Berne, le 29 décembre 1871. » LA CHANCELLERIE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE A LA SOCIÉTÉ D EMULATION pu Douss. » Messieurs, » Le Conseil fédéral a pris connaissance, avec un vif intérêt, de la lettre que vous avez adressée, le 22 courant, à M. le Pré- sident de la Confédération, et par laquelle vous lui communi- quez les paroles sympathiques à la Suisse qui ont été pronon- cées dans vos réunions des 13 et 14 décembre 1871. » La Chancellerie soussignée a été chargée de vous remer- cier de cette communication à laquelle le Conseil fédéral a été . très sensible, et de vous dire que M. Jeannot-Droz, président de la Société helvétique de Besançon, a été le fidèle interprète de ses sentiments dans le discours qu'il à prononcé au sein de votre Société. » Agréez, Messieurs, avec nos vœux pour le bonheur et la prospérité de la France, l'assurance de notre considération très distinguée. » AU NOM DE LA CHANCELLERIE FÉDÉRALE SUISSE : » Le Chancelier de la Confédération, » (Signé) SCHIESS. » Par une lettre, en date au Locle du 20 décembre 1871, M. Jules Jurgensen nous prie d'accepter l'hommage d'un volume publié par lui, lequel se compose de trois poèmes relatifs à la dernière guerre. Le secrétaire fait ressortir l'intérêt de ces nobles pages où s'affirment, avec un vrai talent, le saint amour de l'humanité, Re — e l'admiration la plus vive pour la vertu du dévouement, le mépris des odieux calculs de ces modernes Vandales dont la fausse bonhomie a si longtemps trompé « un pays ayant seul, dit l’auteur, la gloire de ne pas appartenir à ses enfants exclusivement. » M. Jurgensen ayant exprimé le désir d’appartenir à notre Société comme membre correspondant, il est décidé que sa candidature sera l'objet d'un accueil particulièrement cordial. Lecture est faite d’un appel de M. le Général commandant. l'Ecole d'application d'artillerie et du génie, relativement à la reconstitution d’une bibliothèque pour cet établissement dont les livres, en grande partie restés à Metz, sont devenus la proie des Prussiens. La Société, désireuse de contribuer en toute circonstance à la réparation de nos pertes nationales, décide qu’un exemplaire complet de ses Mémoires sera mis à la disposition de l'Ecole d'application, et que la bibliothèque de cet établissement sera, pour l'avenir, inscrite sur la liste des dépôts qui reçoivent nos volumes. La Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, nous a très obligeamment communiqué une notice manuscrite de M. Chopard sur un squelette de saurien découvert près de Poligny, en 1862. . M. Vézian, chargé par le conseil d'administration d’exa- miner cet opuscule, en donne le compte-rendu suivant qui est retenu pour le procès-verbal : « Ce mémoire, destiné par son auteur à être lu dans notre dernière séance publique, n’est parvenu à notre secrétaire que lorsque le programme de la séance était irrévocablement arrêté. C'est le résumé d'un rapport présenté à la Société de Poligny en 1862 : ce qui fait que ce travail, bien que renfer- mant des constatations d’une véritable imporlance, manque d'actualité. La mention de moraines aux environs de Poligny, et la découverte dans le keuper d’un reptile du type des dino- sauriens, pouvaient être d'un haut intérêt il y a dix ans; Émis er LE ARS he 24 Here + End. 2 0 wi-à » ir RS rÉATRrAaTE 2 nn rt « TR PIN er * b a mais, depuis lors, des traces de glaciers ont été signalées dans tout le Jura, et le Dimodosaurus poligniensis, principal objet du mémoire de M. Chopard, a été décrit dans les Comptes- rendus de l'Académie des sciences (1862) et dans l'ouvrage du frère Ogérien sur la Géologie du Jura. » En conséquence, M. Vézian propose à la Société : 1° de remercier M. Chopard de son intéressante communication ; 20 de l’engager à nous présenter de nouveau ce mémoire, après qu'il l'aura développé et pour ainsi dire rajeuni par de plus amples observations. Ces conclusions sont adoptées. Au nom d'une commission nommée dans la précédente séance, M. Bial lit un rapport sur un ouvrage manuscrit intitulé : Traité de fortification, d'attaque et de défense des places, par Philon de Byzance, traduit, commenté et accom- pagné de textes explicatifs, par M. Albert de Rochas d'Aiglun, capitaine du génie et membre correspondant de la Société d'Emulation du Doubs. Ce travail a pour objet le plus important, mais en même temps le plus obscur, des traités de poliorcétique produits par les anciens. Pour essayer d’'éclaircir ce texte, les connaissances philologiques ne suffisaient pas : il fallait en outre une sorte de sentiment divinatoire résultant de longues méditations sur l’art des siéges. M. de Rochas possède amplement, nous le savons, la seconde de ces qualités : il a acquis la première en se faisant helléniste, ayant à cet égard pour conseillers des savants tels que MM. Egger et Caillemer. L'œuvre de M. de Rochas formera deux livraisons. La pre- mière, celle qui nous est présentée, se compose elle-même de deux parties : la traduction commentée de Philon de Byzance, puis un recueil d'extraits d'auteurs ayant inspiré Philon ou pouvant servir à interpréter son texte. La seconde livraison montrera, par la traduction de quelques récits de siéges cé- lèbres et la description de fortifications caractéristiques, com- EU e? ment les anciens ont appliqué les préceptes donnés par leurs auteurs didactiques. On le voit, dit l'honorable rapporteur, c’est la traduction de Philon de Byzance, avec l’histoire comparée de la fortification et des siéges dans l'antiquité. Cette première moitié de l'ouvrage formera environ quinze feuilles d'impression; de nombreux dessins, gravés sur bois sous les yeux de M. de Rochas, serviront à l'intelligence et à l’'ornement du texte. La commission considérerait comme une bonne fortune pour la Société l'impression de ce travail, qui est d'un intérêt très réel et dont la publication serait fort opportune. Après délibération, la Société déclare accepter, pour son volume de 1870-71, la première livraison de l'ouvrage de M. de Rochas, laissant toutefois à la charge de l’auteur la fourniture des bois gravés à introduire dans ce travail. Une lettre de M. Tuetey, sur l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg durant le siége de 1870, entrera également dans ce volume. M. Boullet lit une première partie de sa Notice sur le physi- cien Petit, destinée à former un nouveau chapitre des Savants modernes de la Franche-Comté, travail dont la Société a édité le début en 1869. MM. Delacroix (Alphonse) et Castan demandent le titre de membre correspondant pour M. Théodore Jung, capitaine d'état-major, à Paris. Un scrutin secret ayant eu lieu sur les candidatures décla- rées dans la précédente séance, M. le président proclame : Membres résidants, MM. Goauezy (Charles), propriétaire ; Hezz (Thiébaud), négociant ; JéGo, contrôleur des bois de la marine; Lecras (Armand), négociant ; Musseun, comptable ; 2e 4 Membre correspondant, M. JurGensen (Jules), littérateur, au Locle (Suisse). Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance du 10 février 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Sont présents : Bureau : MM. Sire, président; Ducat, vice-président, Va- saigne, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Gauthier, archiviste; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Berr de Turique, Bosseux, Cuillier, Chotard, Debauchey, Delacroix (Alphonse), Garrig, Goguely, Jégo, Lacoste, Paillot, Vézian. Le procès-verbal de la-séance du 13 janvier est lu et adopté. L'ordre du jour appelle la désignation de trois membres, étrangers au conseil d'administration, pour contrôler la gestion du trésorier pendant l'exercice 1871 : l'Assemblée nomme à cet effet MM. Bougeot, Goguely et Francois Renaud, ce der- nier chargé du rapport. Le secrétaire présente un modèle de ruche à segments mo- biles, permettant de suivre et de diriger le travail des abeilles, don fait à la Société par notre confrère M. Pierre Faivre, de Seurre, qui a joint à son envoi deux appareils, dits mellifica- teurs, pour opérer la fonte du miel et sa séparation d'avec la cire. Cet intéressant outillage, déposé depuis une quinzaine de jours dans la salle de nos séances, a été visité par la plupart des apiculteurs de Besançon. Le secrétaire pense qu'il y aurait lieu de confier la ruche à un membre de la Société, qui vou- drait bien la garnir d’abeilles et nous rendre compte de cette expérience. M. Debauchey ayant consenti à se charger de ce soin, il est décidé que la ruche lui sera remise. er 0 VAE = Des remerciments sont votés à M. Pierre Faivre. M. Alphonse Delacroix lit une description de l'aurore boréale exceptionnelle qui à illuminé le ciel pendant la soirée du 4 février. A propos des hypothèses qui partagent le monde savant quant à la cause des aurores boréales, M. le président Sire fait part des expériences récentes de M. Plateau, physicien belge, sur la question de savoir si les globules de vapeur sont creux ou pleins; il ajoute qu'il étudie lui-même ce problème et qu'il ne tardera pas à instruire la Société du résultat de ses obser- valions. La Compagnie, vivement intéressée par cette double com- munication, retient pour ses Mémoires la note de M. Delacroix, en promettant le plus sympathique accueil au travail annoncé par M. Sire. M. Castan, rappelant une notice lue par lui, au mois d'avril dernier, sur les origines et l’auteur de la facade du Palais de justice de Besançon, exprime le désir de faire précéder ce mor- ceau d’un chapitre relatif aux origines des bâtiments qui se lient au Palais et servent encore actuellement d'Hôtel de Ville. Lecture ayant été faite de ce chapitre, la Société autorise l'auteur à le joindre au travail dont l'impression a été précé- demment votée. M. Gauthier demande une allocation de trente francs, im- putable sur le crédit ouvert aux recherches scientifiques, pour opérer, de concert avec notre confrère M. l'abbé Chatelet, des fouilles dans les sépultures burgondes qui entourent la cha- pelle dite de Saint-Vaast, sur le territoire de Cussey. M. Gauthier ayant exhibé des plaques et boucles de cein- turon, en fer et en bronze, provenant dudit cimetière, la Société n'hésite pas à voter l'allocation demandée. Est présenté pour entrer dans la Société, comme membre résidant, par MM. Cuillier et Castan, M. Victor Burnichon, ancien élève de l'Ecole forestière, négociant à Besançon. A la suite d'un scrutin favorable, M. le président proclame : ER ER PE A RS CAD RS PET ES TN ES DUC Re CU D VE NN EN IS LINE à. L s. ' À « oi | î ; a — VII — Membre correspondant, M. JuxG (Théodore), capitaine d'état-major, à Paris. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance du 9 mars 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Sont présents : Bureau : MM. Sire, président; Delacroix (Emile) et Ducati, vice-présidents; Faivre, vice-secrétaire ; Gauthier, archiviste; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Androt, Bial, Bosseux, Chotard, Cuillier, Debauchey, Delacroix (Alphonse), Dunod de Charnage, Eloy, Grand (Charles), Jégo, Marion, Monnier, Paillot, Zeller. Le procès-verbal de la séance du 10 février est lu et adopté. Par une circulaire en date du 23 février, M. le Ministre de l'Instruction publique annonce qu'une réunion des délégués des sociétés savantes, pour les travaux scientifiques seulement, aura lieu à la Sorbonne le lundi 1° avril et jours suivants. Des billets de voyage à prix réduits devant être mis à la dispo- sition des personnes déléguées à cette réunion, M. le Ministre demande que les listes de délégation lui soient notifiées avant le 20 mars courant. La Société apprend avec satisfaction que M. le président Sire prépare une communication pour le congrès dont il s'agit; elle accueille également Le désir exprimé par un certain nombre de ses membres de se rendre à Paris pour cette circonstance. La liste des délégués demeurera ouverte jusqu'au 18 mars, date à laquelle il en sera fait envoi au ministère. Par une dépêche en date du 29 février, M. le Général commandant l'Ecole d'application de l'artillerie et du génie déclare accepter avec reconnaissance l'offre que nous lui avons faite, pour la bibliothèque qu'il reconstitue, d’un exemplaire complet de nos Mémoires. M. l’archiviste est chargé de préparer cet exemplaire et de le transmettre à M. le Colonel directeur d'artillerie à Besançon. M. Joufifroy, d'Ornans, ancien précepteur, a présenté à la Compagnie trois mémoires de sa composition, dont voici les titres : 1° Tableau synoptique des connaissances humaines d’'Am- père, amplifié, simplifié et mis à la portée des élèves des basses classes ; 2° Petit traité d'acoustique; 3° Grand solfège, ou tableau synoptique des connaissances musicales. Le conseil d'administration a cru devoir renvoyer préala- blement ces travaux à celui de nos confrères qui, par la nature de ses études, est le plus compétent sur les matières traitées par M. Jouffroy. De l'examen auquel a bien voulu se livrer M. Alphonse Delacroix: il résulte que l’auteur, « tout en déployant beau- coup d'intelligence, s'est mu dans un ordre d'idées tout opposé à celui qui anime la Société d'Emulation. En une préface, accompagnée d’une vingtaine de vers, il expose la pensée qui a présidé à ses compositions : c’est d'enseigner un ensemble de connaissances acquises par un patient labeur, mais mal- heureusement puisées en arrière du courant actuel de progrès des sciences. I] y aurait d’ailleurs des empêchements de prin- cipe qui s'opposeraient à la satisfaction du désir de M. Jouffroy, car la Société n’édite ni les livres de l’enseignement scolaire, ni les compilations, ni les pièces de vers. » L'Assemblée, adoptant ce rapport, décide que M. Jouffroy sera remercié de sa gracieuse attention et que ses manuscrits lui seront rendus. M. le président Sire résume, à la grande satisfaction des membres présents, les nombreuses descriptions et interpré- tations auxquelles a donné lieu l’aurore boréale du 4 février dernier. Une question divise les savants à ce sujet, celle de savoir si le phénomène s'est produit dans notre atmosphère, ou s'il procède de régions sidérales étrangères à notre planète : CE SN Lu re né "ea ol es PSC ITR IE LP OR PEN PIN SURES Es Ua DE — X — on est allé, dans ce dernier sens, jusqu’à émettre l'opinion que l'aurore aurait eu pour cause des éruptions volcaniques du globe solaire. Quoi qu'il en soit, il est certain que notre enveloppe atmosphérique tout entière a été atteinte par le phénomène, puisque dans l’autre hémisphère, où la lumière du jour empêchait d'observer l'aurore par les yeux, on s'en est aperçu par les perturbations de l'aiguille aimantée. M. Castan entretient la Société d’une observation qu'il a faite au sujet de la magnifique Vierge de Fra-Bartolomeo, que possède notre cathédrale. Chacun sait que ce tableau décorait, avant 1674, la chapelle que les Carondelet possédaient dans l'église de Saint-Etienne de Besançon, et il est certain que le personnage figuré à genoux et en robe rouge, à la place qu'oc- cupe le donateur dans les compositions de ce genre, est l’un des membres de cette illustre famille. Mais quel est précisé- ment celui des Carondelet qui se fit ainsi peindre ? Bien que vêtu d’une robe rouge, le donateur a auprès de lui un surplis, une aumusse de chanoïine et un bréviaire; de plus, il tient à la main une calotte : donc il appartenait tout ensemble à l'ordre clérical et à la magistrature. Mais deux frères Caron- delet se trouvaient dans ce cas : Jean, qui était haut-doyen du chapitre de Besançon, et Ferry, qui en était grand-archidiacre, tous deux siégeant d'ailleurs comme conseillers au conseil supérieur des Pays-Bas. Il s’agit de savoir lequel de ces deux frères est représenté dans notre peinture. Une remarque, faite par M. Castan, paraît de nature à trancher la question. Parmi les cinq figures de bienheureux groupées au-dessous de la | Vierge, une seule est agenouillée et montre du doigt le dona- teur en intercédant pour lui : évidemment, c'est le patron de celui qui commanda le tableau ; et comme cet intercesseur est saint Jean-Baptiste, il devient certain que le donateur s’ap- pelait Jean. Rapprochant ensuite du portrait peint par Fra- Bartolomeo le portrait de Jean Carondelet qui a été supérieu- rement gravé pour le Bibliotheca belgica de Foppens, M. Castan trouve, en tenant compte d’une différence d'âge, qu'il y a —— identité parfaite entre les traits des deux visages. Toutes les présomptions d'ailleurs sont d'accord avec cette attribution, car c'est surtout de Jean que les églises de Besançon recurent les cadeaux princiers qui ont fait vivre dans leurs annales le nom des Carondelet. Le secrétaire offre, de la part de M. Joseph Piguet, une lame de dague en fer, à un seul tranchant, objet trouvé dans le Doubs, près d'Osselle, et qui paraît dater du quinzième siècle. Des remerciments sont votés à M. Piguet. Un exemplaire de l'Annuaire du Doubs et de la Franche- Comté pour 1871 et 1872 nous ayant été envoyé par son auteur M. Paul Laurens, membre résidant, la Société éprouve le plus vif plaisir à voir reparaître cet excellent recueil. En effet, l'Annuaire, parvenu à son cinquante-neuvième volume, cons- titue, pour chaque année, un répertoire fort utile de rensei- gnements pratiques, tandis qu'il demeure, pour les annales de la province, comme une série de tableaux achevés de la situation du département du Doubs à tous les points de vue. La Société, qui travaille à l'éducation et à l'histoire du pays, ne peut donc savoir trop de gré à M. Paul Laurens du zèle désintéressé et de la consciencieuse méthode qu'il met au service de la continuation de l’œuvre de son digne père. À la suite d’un scrutin secret sur le compte du candidat présenté dans la dernière séance, M. le président proclame : Membre résidant, M. Burnicaon (Victor), ancien élève de l'Ecole forestière, négociant à Besançon. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN, RON RS Te Ame fn np MS er MN PM Mt 1 Séance du 13 avril 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Sont présents : Bureau : MM. Sÿire, président; Ducat, vice-président; Gau- thier, archiviste; Castan (Auguste), secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Boullet, Burnichon, Chotard, Cuillier, Debauchey, Delacroix (Alphonse), Monnier, Paillot, Potier, Renaud (Francois), Trémolières. MEMBRES CORRESPONDANTS : MM. Castan (Francis) et Renaud (Alphonse). Le procès-verbal de la séance du 9 mars est lu et adopté. Une lettre de la Société d'Emulation de Montbéliard nous invite à envoyer des représentants à la séance générale, suivie d'un banquet, que cette Compagnie tiendra le 2 mai prochain. L'Assemblée accueille cordialement cette invitation, et charge le conseil d'administration de faire le possible pour qu'il y soit donné suite. M. Résal, membre honoraire, veut bien nous faire part du désir qui lui a été exprimé par M. Bertrand, de l’Académie des sciences, au sujet de l'envoi d'un exemplaire complet de nos Mémoires à la bibliothèque de l’Institut. La Société, très flattée d'une pareille marque d'estime et vivement désireuse d'y répondre, délibère qu'il sera proposé à l'Académie des sciences de compter parmi les compagnies qui correspondent avec la nôtre. Sous le bénéfice de l’acceptation . de cette offre et de la conclusion d'une réciprocité d’envois, l'exemplaire demandé par M. Bertrand sera expédié à la bibliothèque de l'Institut. M. Résal nous adresse en outre la minute de sa Carte géolo- gique au 40/1000 des environs de Salins, puis ses deux Rapports manuscrits sur les tourbières du Jura, enfin une Notice sur la RUE formation de la tourbe, laquelle résume les précédents rapports et pourrait peut-être entrer dans nos Mémoires. La Société, après avoir voté des remerciments à M. Résal, prie M. Paillot d'examiner les documents envoyés par cet honorable confrère. I1 sera répondu affirmativement à la demande que nous fait M. Eugène Hucher d’une souscription à la seconde partie, actuellement sous-presse, de son ouvrage sur l'Art gaulois. M. le président Sire fait un compte-rendu de ce qui l'a particulièrement frappé dans le congrès scientifique qui vient d'avoir lieu à la Sorbonne. La Société d'Emulation du Doubs a eu tous les honneurs de la distribution des récompenses qui a terminé le congrès, car trois distinctions ont été remportées sous ses auspices. M. Grenier a obtenu une médaille d'or pour l'ensemble de ses travaux en botanique, et tout spécialement pour sa Flore de la chaîne jurassique qui fait partie de nos Mémoires ; des médailles d'argent ont été décernées à M. Re- boul, pour ses découvertes en chimie, et à M. de Fromentel, pour ses études paléontologiques. M. Sire a fait en Sorbonne, comme délégué de notre Société, une communication sur un appareil hygrométrique dont la construction lui appartient, Il reproduit cette communication ; de plus, il intéresse vive- ment l’Assemblée en résumant un certain nombre des travaux scientifiques qui ont animé le congrès. La Société, après avoir remercié M. Sire de son savant rap- port, vote l'impression dans ses Mémoires de la communication relative à l'appareil hygrométrique construit par l'honorable président. Elle félicite MM. Grenier, Reboul et de Fromentel, au sujet des récompenses qu'ils ont obtenues et dont elle accepte avec gratitude le bénéfice moral. M. Gauthier lit un rapport sur les fouilles qu'il a opérées, avec M. l'abbé Chatelet, notre confrère, dans le cimetière burgonde de Cussey-sur-l'Ognon. Il caractérise les sépultures de ce gisement funéraire de l’époque mérovingienne, en dé- posant sur le bureau les objets recueillis parmi les ossements EN re 2 Br. NAN des squelettes. Il annonce, en outre, son intention de se livrer à une étude approfondie des sépultures du même genre qui abondent dans notre pays et dont l'exploration n’est encore qu'à peine effleurée. La Société retient pour ses Mémoires le rapport de M. Gau- thier; elle adopte sa proposition de déposer au musée d'ar- chéologie les objets résultant des fouilles faites à Cussey; puis elle assure l'honorable rapporteur de toutes ses sympathies pour l'exploration qu'il se propose d'entreprendre. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. Boullet et Castan, M. Waille, RE de ma- thématiques spéciales en retraite ; Par MM. Gauthier et Castan, M. Gigandet, no ntt es Et comme membres correspondants : Par MM. Chotard et Castan, M. Brelet, avocat, membre du conseil général du Doubs, à Baume-les-Dames ; Par MM. Gauthier et Castan, M. Jobin (Adolphe), avocat, à Lons-le-Saunier. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance du 11 mai 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Bureau : MM. Sire, président; Ducat, vice-président; Faivre, vice-secrétaire; Gauthier, archiviste; Castan, sécrétaire ; MEengrEs RÉSIDANTS : MM. Bertrand, Berr de Turique, Bial, Bouvard, Chotard, Cuillier, Debauchey, Denizot, Eloy, Goguely, Grand (Charles), Jacques, Klein, Monnier, Paillot, Péquignot, Tailleur père, Zeller. Le procès-verbal de la séance du 13 avril est lu et adopté. Une lettre de M. le Général commandant l'Ecole d'appli- RE cation de l'artillerie et du génie, actuellement installée à Fontainebleau, remercie la Société de ce qu’elle a bien voulu, par l'envoi d’un exemplaire complet de ses Memoires, coopérer à la reconstitution de la bibliothèque de cet établissement : l'honorable directeur exprime le désir de recevoir, pour la même destination, les volumes que publiera ultérieurement notre Compagnie. Il est résolu que ce désir sera satisfait. En raison du petit nombre des exemplaires complets qu'elle possède de ses Mémoires, la Société regrette de ne pouvoir faire un semblable cadeau à la ville de Saintes dont la bibliothèque a été incendiée; mais elle apprend avec satisfaction que des ouvrages existant en double dans le dépôt municipal de Be- sançon ont été offerts pour aider à réparer cette perte. Une Société d'Emulation s’organisant à Belfort, il est décidé que des relations amicales s’établiront avec elle. Parmi les dons arrivés à la Société depuis sa dernière séance, le secrétaire signale l’envoi fait par M. Eugène Hucher, à titre d'hommage, des planches qui manquaient à notre exemplaire de la première partie de son ouvrage sur l'Art gaulois : cet estimable érudit a bien voulu de plus nous adresser quelques- unes de ses consciencieuses études sur les productions artis- tiques du moyen âge. La Société, vivement reconnaissante de ces attentions, s’em- presse de souscrire à un exemplaire de l'édition que prépare M. Hucher du Roman du Saint-Graal, édition qui aura pour base un manuscrit provenant de la famille Mouchet, de Besançon. Des remerciments sont également votés à M. Henri Martin, membre honoraire, pour le présent qu'il a bien voulu nous faire de son beau volume intitulé : Etudes d'archéologie celtique. Il est décidé en outre que ce savant et patriotique ouvrage sera l'objet d’un rapport que la Société entendra dans l’une de ses prochaines séances : la rédaction ‘de ce rapport est confiée à M. Bial. | a CT RARES À ne due lé as ANT M. Gauthier rend compte de la mission qu’il a remplie, de concert avec M. Castan, le jeudi ? mai, auprès de la Société d'Emulation de Montbéliard. Il insiste particulièrement sur l'accueil des plus flatteurs fait aux délégués de Besançon, tant à la séance générale qu'au banquet qui en a été la suite. M. Castan a lu, dans la séance, une note sur la Méthode à employer pour extraire des noms de lieu les enseignements qu'ils peuvent fournir à l'archéologie et à l’histoire ; il a de plus répondu au toast chaleureusement cordial que la Société d'Emulation de Montbéliard, par l'organe de son vice-pré- sident, avait bien voulu porter en l'honneur de la Société d'Emulation du Doubs. M. Gaffarel nous ayant envoyé, avec demande d'insertion dans nos Mémoires, un travail intitulé : Eudoxe de Cyzique et le périple de l'Afrique dens l'antiquité, le conseil d’administra- tion a jugé qu'il n'avait rien de mieux à faire que de renvoyer ce manuscrit à l'examen de M. Chotard, le plus compétent des membres de la Compagnie sur les questions de géographie ancienne. M. Chotard présente à ce sujet un très intéressant ts qui se résume ainsi : « Nous connaissons Eudoxe par Strabon qui en parle d’après Posidouius d'Apamée, et encore par Cornelius Nepos, Pom- ponius Mela et Pline l’ancien. Sa vie a été certainement très aventureuse, et l’on conçoit que M. Gaffarel ait été tenté de la : reconstituer : c'est son expression. Mais les traits en sont peu nombreux, et elle n'aurait donné lieu qu'à un travail peu étendu, si l’auteur n'avait groupé autour d'elle tout ce qui, dans l'histoire de l’antiquité, s’en approche. C’est ainsi qu'il a décrit Cyzique et Alexandrie, et exposé les différents périples qui ont été entrepris autour de l'Afrique. » M. Gaffarel a peut-être écrit plutôt à propos d’Eudoxe que sur Eudoxe; mais son mémoire est instructif, intéressant, d'une lecture facile et agréable : il nous paraît digne d’être imprimé. » RNNIR Adoptant cette conclusion, la Société décide que le travail de M. Gaffarel entrera dans le volume que nous éditerons pour 1872. Au sujet du désir exprimé par M. Résal que la Société pût tirer parti de sa Notice sur les tourbières supra-aquatiques dw Haut-Jura, M. Paillot émet l'avis que ce travail lui paraît mériter l'impression. Il exprime toutefois le vœu que l’auteur soit prié de comprendre dans sa description, sinon toutes les tourbières de la Franche-Comté, au moins toutes celles du département du Doubs. Il croit aussi qu'il serait intéressant de ‘faire entrer dans l’étude dont il s’agit une nomenclature des végétaux qui forment la tourbe, et il se met, au point de vue de ce complément, à l'entière disposition de M. Résal. Il termine en faisant remarquer que les cartes qui accompagnent l’opuscule du savant ingénieur peuvent, à volonté, ou être supprimées comme étant des extraits de la carte de l'Etat- major, ou être éditées en une seule feuille sur laquelle des signes conventionnels en noir tiendraient lieu de teintes. La Société admet le principe de l'impression du mémoire de M. Résal, sauf à consulter l’auteur sur les questions si obligeamment soulevées par M. Paillot. Le secrétaire expose que M. Demongeot, inspecteur des écoles communales, lui a exprimé le désir de voir le comité des bibliothèques populaires, institué par la Société Le 18 juin 1870, reprendre son œuvre avec le concours des instituteurs publics de la ville. Les salles des écoles deviendraient ainsi les locaux d'installation des bibliothèques à créer, les instituteurs en seraient les gérants, et l’on aurait dans les écoliers d’excel- lents intermédiaires pour faire pénétrer dans les familles les livres moraux et instructifs : de la sorte, le comité, déchargé de tout souci quant à la conservation et au prêt des volumes, pourrait donner plus facilement ses soins au recrutement des souscripteurs, au choix des ouvrages et à la surveillance générale de l’entreprise. M. Berr de Turique, président du comité des bibliothèques b — XVII — populaires, déclare se rallier à l’idée très pratique émise par M. Demongeot : il a eu déjà quelques entretiens à ce sujet avec l'honorable inspecteur, et il se propose de les continuer ; il assure la Société qu'il lui Communiquera, dans l’une de ses prochaines séances, un projet d'arrangement sur les bases ci-dessus exposées. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. Tailleur père et Castan, M. Miot, Camille, négo- ciant, Grande-Rue, 62 ; Par MM. Cuillier et Castan, MM. Sommereisen, Charles, négociant, rue de Glères, 2, et Wilhelm, Benoît, “HFÉEUE rue Saint-Vincent, 25. À la suite d’un scrutin secret, sont déclarés élus : Membres résidants, MM. DemoxGsor, inspecteur des écoles communales ; GIGANDET, propriétaire ; WAïLLE, professeur de mathémat. spéciales en retraite; Membres correspondants, MM. Brezer, avocat, membre du conseil général du Dos à Baume-les-Dames ; Join (Alphonse), avocat, à Lons-le-Saunier. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance du 8 juin 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Sont présents ! Bureau : MM. Sire, président; Faivre, vice-secrétaire ; Castan, secrétaire Meugres RÉsIDANTS : MM. Alexandre, Berr de Turique, TS — XX — Boillot, Boullet, Chotard, Delacroix, Eloy, Gouillaud, Klein, Monnier, Paillot, Ravier, Tailleur père, Waille. Le procès-verbal de la séance du 11 mai est lu et adopté. Par une circulaire en date du 26 mai dernier, un certain nombre d'érudits invitent les sociétés savantes à appuyer une : pétition qu'ils ont adressée au Gouvernement et à l’Assemblée nationale, pour déterminer l'Etat à acquérir le riche médailler gaulois formé par M. de Saulcy et aujourd'hui déposé au Britisch-Museum. La Société pense qu’elle n’a pas les éléments nécessaires pour apprécier cette question : la situation de la France exige d'ailleurs la plus grande réserve en matière de dépenses publiques, et il convient que les sociétés savantes évitent de présenter à l'Etat des requêtes qu'elles ne seraient pas en mesure de justifier. Le secrétaire fait connaître que M. Résal accepte avec gra- titude le concours offert par M. Paillot pour la publication de son mémoire sur les Tourbières, donnant en outre plein pou- voir au conseil d'administration quant aux additions ou re- tranchements qu’il serait convenable de faire à cet opuscule. M. Berr de Turique expose que Le comité des bibliothèques populaires s'est réuni sous sa présidence, le 1° juin dernier, à l'effet de s'entendre avec M. l'inspecteur Demongeot pour l'organisation prochaine de dépôts de livres dans les écoles de la ville. D'après les explications fournies par l'honorable ins- pecteur, l'administration de l'instruction publique se réser- verait entièrement le contrôle des livres à acquérir ou à accep- ter pour les bibliothèques qui vont être créées. Néanmoins ces bibliothèques ne seraient pas exclusivement réservées aux écoliers et à leurs parents : tout individu pourrait, en souscri- vant aux conditions du règlement, venir y demander des livres. Ce serait, en un mot, l’œuvre que désirait le comité, fondée et gérée par le personnel de l'instruction primaire de la ville. Or, si le comité n'a pas jugé qu'il lui convenait d'accepter une direction autre que celle de la Société dont il PE RP EN TOUTE 2 TN POLAR Ve OR ir ON RE TE ES, 0 Ve PUR CSN DIR émane, il a pensé aussi qu'il ne devait pas risquer, par une création rivale, de gêner la marche d’une entreprise qui atteindra probablement le but que lui-même se proposait. En conséquence, le comité a ajourné ses opérations, se réservant la faculté de les reprendre, tant au point de vue des biblio- thèques qu’à celui des conférences, dans le cas où la Société estimerait, après expérience faite, que l'institution qui se* prépare ne répond pas entièrement aux besoins qu'il y a lieu de satisfaire. Pour que la Société puisse être à même de suivre la marche de cette institution et de s'associer à son dévelop- pement par des dons de livres, le comité propose qu'il soit nommé une commission permanente dont le mandat consis- terait à nous instruire des résultats obtenus, et à provoquer notre intervention dans le sens le plus conforme à nos vues. La Société, approuvant les résolutions de son comité, dé- signe MM. Berr de Turique, Demongeot et Faivre pour former la commission permanente des bibliothèques populaires. M. Castan entretient l'Assemblée d'un groupe de monnaies celtiques qu'il considère comme appartenant à la peuplade: séquanaise. Les Gaulois n'ont pas eu de génie propre en matière de numismatique : entre eux les transactions se bor- naient à des échanges; ils n'ont fabriqué de monnaie que pour leurs rapports commerciaux avec les nations étrangères, et l’on conçoit qu'ils aient cherché à donner à cette monnaie l'allure de celle des peuples en vue desquels ils l'émettaient. Les monnaies gauloises étant des contrefacons; et les mots qui s'y lisent ne présentant le plus souvent qu'un sens douteux, les caractères extérieurs de ces pièces sont insuffisants pour déterminer des attributions. C'est donc fort justement qu'un érudit de notre voisinage, M. P. de Saint-Ferjeux, a pensé qu'en matière de monnaies gauloises, les attributions devaient être principalement basées sur la fréquence des trouvailles de : tel type dans telle circonscription. Une enquête, ouverte par ses soins dans la région de l'Est, a déjà donné de précieux résultats. M. Castan a témoigné dans cette enquête, et il désire Re OI en appliquer les principes à la détermination des types moné- taires produits par les Séquanes; c'est dans ce but qu'il a dessiné les monnaies gauloises que le sol franc-comtois fournit en plus grande abondance, son intention étant de multiplier ce dessin par la photographie, afin de pouvoir le communiquer aux personnes capables de contribuer à éclaircir la question. Un scrutin secret ayant eu lieu sur le compte des candidats antérieurement présentés, M. le président proclame : Membres résidants, MM. Mior (Camille), négociant ; SOMMEREISEN (Charles), négociant; WIiLHELM (Benoît), négociant. Le President, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance du 13 juillet 1872. PRÉSIDENCE DE M. Sir. Sont présents : Bureau : MM. Sire, président; Ducat, vice-président ; Faivre, vice-secrétaire; Gauthier, archiviste; Castan, secrétaire; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bial, Bougeot, Chotard, Cuillier, Grand (Charles), Jégo, Klein, Lancrenon, Waille. Le procès-verbal de la séance du 8 juin est lu et adopté. M. Bial présente le rapport qui lui avait été demandé sur les Etudes celtiques récemment publiées par M. Henri Martin. Il analyse successivement les différents morceaux qui com- posent cet ensemble, et fait ressortir le point de vue qui les relie. Le but de l'éminent auteur a été de rendre intelligibles pour tous les éléments épars qui concernent les origines de la race gauloise et les manifestations spontanées de ses aptitudes. Comparant les opinions des physiologistes avec les descriptions ARR et les portraits qui nous restent de nos ancêtres, il montre que les Gaulois n'avaient pas un type corporel plus uniforme que celui qu'offrent les Français de nos jours. Il réfute ensuite la prétention de ceux qui voudraient attribuer à un autre peuple qu'aux Gaulois ces gigantesques tombeaux et ces immenses cercles de pierres levées si abondants dans les deux Bretagnes, et autour desquels s’accomplissent encore des cérémonies tra- diionnelles ; il explique, par les indices subsistants du sym- bolisme gaulois, certaines dispositions caractéristiques de ces monuments. Il interprète, au moyen de ce que l’on sait des croyances religieuses de la Gaule, les emblèmes qui se voient sur n0s plus anciennes monnaies nationales. Il fait connaître enfin les fragments, conservés par les derniers Bardes gallois et irlandais, de la doctrine qu’enseignaient les Druides, mon- trant ainsi que la philosophie gauloise égalait comme spiritua- lisme celle des plus nobles écoles de la Grèce, mais, plus que toute autre des temps antiques, tenait en honneur la vertu du dévouement. En somme, l'ouvrage de M. Henri Martin, si bien fait pour répandre des notions saines sur le passé de notre race, mérite d'être appelé patriotique et opportun. En effet, rien n'est plus essentiel, au milieu des terribles épreuves contre lesquelles nous luttons, que d'inspirer à tous une foi sérieuse dans les destinées du pays, et l'évocation du génie de notre vieille Gaule ne peut qu'accélérer le réveil de ce sen- timent. Adoptant les considérations qui précèdent, la Société re- mercie M. Bial de son intéressant rapport. ° M. le vice-président Ducat expose que le square archéolo- gique, objet de la sollicitude de la Compagnie, n'est pas loin d’être terminé : il n'y manque plus que la grille d’encadre- ment, les clôtures pour fermer les souterrains, les bancs indis- pensables dans une promenade, enfin quelques plantations d'arbres verts, de végétaux grimpants et de fleurs. Les dé- penses actuellement faites excèdent les recettes de près de cinq mille francs, et une somme d'environ huit mille francs est = SX — nécessaire pour l'exécution de ce qui reste à accomplir. Les délégués de la Societé sont en instance auprès du conseil municipal, à l'effet d'obtenir que la ville veuille bien prendre à sa charge ces deux ordres de dépenses. Ils ont l’espoir fondé que leur demande sera favorablement accueillie; car il est évident pour chacun que, sans les terribles événements qui ont entravé l’entreprise, les dépenses auraient été beaucoup moindres et le produit de la souscription publique infiniment plus considérable. Malgré ces traverses, l’œuvre obtiendra son achèvement, et il en résultera, pour la ville, un titre de plus à la considération des étrangers, en même temps qu'une salu- taire révélation de la puissance du patriotisme local. La Société, continuant ses sympathies à une création dont l'initiative lui appartient, appuie de tous ses vœux la requête que ses délégués ont présentée au conseil municipal. En nous adressant son mémoire imprimé sur Delémont, savante monographie qui n’a été tirée à part qu'à 32 exem- plaires, M. Quiquerez, membre correspondant, nous commu. nique la copie d’une charte, en date du mois de décembre 1304, relative aux droits de justice des Templiers de Bure (en Bourgogne) sur le village de Poinson. La Société remercie M. Quiquerez de ce double envoi. Elle accepte le volume imprimé pour sa bibliothèque; mais elle estime que la copie du traité concernant Poinson intéresserait plus immédiatement que nous la commission des antiquités de la Côte-d'Or : aussi exprime-t-elle Le désir que M. Quiquerez l’autorise à transmettre le document en question à cette asso- ciation voisine et amie. M. de Tribolet, géologue à Zurich, a bien voulu détacher de ses études, à l'intention de nous l'offrir pour nos Mémoires, une description géologique du mont Châtelu, qui appartient aux chaînes jurassiques. Sur le rapport de M. Alphonse Delacroix, dont le secrétaire donne lecture, la Société juge que ce travail, remarquable comme méthode et comme précision, peut servir à la fois 7 DATANT ni LE CHE sS À vf ir ETE RFF TON d'exemple et de modèle à ceux qui voudraient reprendre en sous-æuvre la description géologique de nos contrées. Il est décidé, en conséquence, que la notice de M. de Tribolet fera partie de notre recueil de 1872. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance du 10 août 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Sont présents : Bureau : MM. Sire, président; Oudet, maire de la ville, membre honoraire; Ducat, vice-président; Gauthier, archi- viste ; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bougeot, Burnichon, Debauchey, Diétrich, Gaudot, Goguely, Jégo, Klein, Lacoste, Michel (Brice). Le procès-verbal de la séance du 13 juillet ayant été lu et adopté, le secrétaire prie M. le Maire de vouloir bien instruire la Société des dispositions du conseil municipal relativement aux demandes faites dans l'intérêt de l'achèvement du square archéologique et du paiement de la somme qui reste due aux collaborateurs de cette entreprise. M. le Maire répond que l'administration municipale va incessamment pourvoir aux clôtures, bancs et plantations qui doivent compléter la promenade. Quant au paiement de l’ex- cédant de dépenses, M. le Maire déclare que son opinion per- sonnelle est que cette charge doit incomber à la ville; mais 1l pense aussi que, pour le moment présent, il ne serait pas facile, en raison de la situation budgétaire, d'obtenir à cet égard un vote favorable du conseil municipal : si l’on atten- dait jusqu'à la session de novembre, l'affaire aurait plus de chance d'être bien accueillie. XX En remerciant M. le Maire de ses dispositions bienveillantes, la Société recommande à toute sa sollicitude les créanciers de l'entreprise qui, par leur concours aussi intelligent que désin- téressé, ont rendu possible l'achèvement d'une création très honorable pour la ville. Par une dépêche en date du 19 juillet dernier, M. le Mi- nistre de l’Instruction publique nous informe qu'il accorde à notre Compagnie, comme encouragement, une allocation de 000 francs. L'Assemblée s'associe aux remerciments adressés à ce pro- pos à M. le Ministre par le conseil d'administration. Une lettre de la Société Belfortaine d'Emulation nous exprime sa gratitude pour l'empressement que nous avons mis à l'inscrire sur la liste des compagnies qui correspondent avec la nôtre. : L'Association française pour l'avancement des sciences, en nous avisant qu'elle tiendra sa première session provinciale à Bordeaux, du 5 au 12 septembre, invite notre Société à se faire représenter dans ces assises. M. le maire Oudet offre à la Société une série d'échantillons des laves, scories et cendres résultant de la dernière éruption du Vésuve, l'une des plus considérables des temps modernes : deux photographies, qui accompagnent ces spécimens, mon- trent, au plus fort de leur action, les cratères du volcan, ainsi que le désastreux effet des coulées sur les habitations des villages exposés à ce fléau. M. Oudet promet en outre un certain nombre de journaux italiens contenant des descrip- tions du phénomène. Il explique lui-même combien ces docu- : ments sont instructifs pour l'intelligence des cataclysmes qui ensevelirent les villes d'Herculanum et de Pompéi. La Société, vivement intéressée par ce qui précède, remercie M. Oudet de sa communication, en exprimant le vœu que les documents qui s'y rattachent soient étudiés et commentés, au point de vue géologique, par M. le professeur Vézian. En l'absence de M. François Renaud, rapporteur de la A A CP me VE CN PO ET 2 de TER ES RS DU ne. CR, ie pe Y ALLS A ae. osé + di = MEXNE = commission des finances, M. Goguely donne lecture du rap- port suivant sur la gestion du trésorier pendant l'exercice 1871 : « Messieurs, » Votre commission des finances a examiné les comptes du trésorier pour l’année 1871. » Les résultats reconnus font ressortir à nouveau, en caisse au 1% janvier 1872, la somme de 2,588 fr. 40 c. » Voici le résumé des opérations : » Recettes. » En caisse au 1%Jjanvier 18711.,,.. eue 274. » Subvention de l'Etat, afférente à l'exercice 1870 500 » » Id. id. 1871 000 » » Cotisations des membres résidants........... 2002 » Id. correspondants ..... 1,164 » MÉDroiS dé PGO 2 ap trie Pope Non ne et eue 26 » » Intérêts du capital inaliénable placé ......... 127 50 » Intérêts du compte de dépôt chez MM. Bretillot COR A TL etre een UNE CE SE NU D 26 55 » Recettes accidentellesssi x «see. sure Vigo » Total... 4,741 05 » Dépenses. » Achat de rente sur l'Etat pour placement du capital IDALETADIO EM RON MN TUNER 556 50 D LTIDPÉS SIMS ne see 2e mb ti PU 324 20 » Frais de bureau, chauffage, éclairage........ 365 70 » Frais divers et séance publique............. 481 25 » Allocation à l'agent de la Société .........., LED = D » Recherches scientifiques. ........:........ 200 » » Total..." 2,152.09 » Excédant des recettes sur les dépenses. ...... 2,588 40 — XXVIIL — » Le capital inaliénable provenant des cotisations rachetées représentait au 31 décembre 1870............ :: 3,480,» » Les recettes sur ce chapitreontété, en 1871, de. 240 » ‘al Otals 56. 3,120 073 » Des placements en rentes sur l'Etat ont été effectués pour une première somme de......:.....h2.....2.2,930,15 » Et pour une deuxième somme de ........... 096 50 R » Ensemble... 3,486 65 » Ce qui donne un solde inaliénable de 233 fr. 35 c. en plus des 2,588 fr. 40 c. de roulement en caisse au 1° janvier 1872. » Des cotisations ayant été rachetées depuis cette époque, 1l conviendra sans doute de ne pas différer d'en réunir le mon- tant à ce solde, pour opérer l'achat de nouvelles rentes. » Les cotisations qui restent à percevoir, antérieurement à 1872, se montent, pour les membres résidants, à.. 15079 » Et pour les membres correspondants à....... 464 » »Tatal:s : 600 » qui viendront, au moins pour une bonne partie, s'ajouter aux recettes. » Vous voyez, messieurs, que les finances de notre Société sont en bon état. » Les 250 fr. votés pour frais de bureau, chauffage et éclai- rage, ont été dépassés. La dépense s’est élevée à 365 fr. 70 c., par suite d'achats imprévus, notamment d'un timbre humide et d'un coffre-fort scellé au mur. » Les 300 fr. alloués pour frais divers et séance publique ont aussi été insuffisants : la dépense a été de 481 fr. 25 c. Sur d'autres articles du budget, des économies ont été réalisées. » Reconnaissant l'utilité des achats faits et la haute conve- nance de bien recevoir à la séance publique et au banquet annuels, votre commission vous propose de sanctionner les dépenses sorties des limites des sommes qui avaient été votées, » Dans le cours de son travail, votre commission a remarqué LT TEE 2 éftta spl à Er g LS SRE el AT : re. 0.01 65 QE la comptabilite claire et régulière dont le trésorier, M. Va- raigne, est l'auteur; de nombreuses cotisations arriérées , surtout de celles du dehors, ont été recouvrées grâce à un zèle persévérant qui est la qualité essentielle d'un trésorier. » Aussi votre commission n'hésite pas à vous proposer d'approuver les comptes de 1871 et de voter des remerciments bien mérités à M. Varaigne, notre honorable collègue. » Besançon, 29 juillet 1872. » (Signé) Ch. Gocuezy; E. BouGror; F. RENAUD, rapporteur. » Adoptant les conclusions de ce rapport, la Société remercie ses Commissaires, puis se joint à eux pour décerner un témoi- gnage de gratitude à M. le trésorier Varaigne. À ce propos, le secrétaire fait connaître que M. Varaigne est sur le point de changer de résidence, ce qui nous privera, au moins temporairement, de ses excellents services. Toutefois, l'époque de son départ n'étant point encore fixée, l'Assemblée juge qu'il n’y a pas actuellement lieu de pourvoir à son rem- placement : elle préfère donner une marque de sa confiance à l'honorable trésorier, en le chargeant de déléguer un membre de son choix pour gérer, depuis le moment de son départ jusqu'aux élections de décembre prochain, la caisse de la Société. M. le président Sire fait fonctionner un appareil à niveau constant pour l'essai des matières d'argent par la voie humide. Il montre comment, avec cet appareil de son invention, la pipette se remplit d'elle-même et demeure régulièrement chargée, ce qui permet à l'opérateur d'en utiliser le contenu quand il veut, et sans avoir eu besoin de verser et de main- tenir le liquide : de la sorte, l'essayage gagne en célérité et en précision. M. Sire ayant déposé une notice sur son appareil, accom- pagnée d'un dessin, la Société accepte ce travail pour ses Mémoires. — XXIX — Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. Cuillier et Castan, M. Charlet (Alcide), avocat; Par MM. Chotard et Castan, M. Mathieu (Emile), professeur à la Faculté des sciences ; Par MM. Gauthier et Castan, M. Arnal (Amédée), avocat ; Par MM. Lacoste et Perrier, M. Fournier (Louis), employé des ponts et chaussées ; Par MM. Grand et Bertin, M. Dupuy, propriétaire. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance du 9 novembre 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Sont présents : Bureau : MM. Sire, président; Ducat, vice-président; Gau- thier, archiviste; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bertrand, Boullet, Burnichon, Cuenin, Debauchey, Demongeot, Grangé, Jégo, Lacoste, Pequi- gnot, Petitcuenot, Renaud (Francois), Saillard, Willemin. MEMRRE CORRESPONDANT : M. Ligier. Le procès-verbal de la séance du 10 août est lu et adopté. En conséquence d’une délibération faisant partie dudit procès-verbal, le conseil d'administration notifie à la Société que la gestion de ses finances, pour la fin de l'exercice courant, a été remise par M. Varaigne aux mains de notre confrère M. Zaremba. Il est donné connaissance d'une lettre de M. le Ministre de l’Instruction publique, annonçant l'allocation d’une somme spéciale de mille francs, pour permettre à la Société de conti- nuer les publications et les fouilles en cours-d’exécution. = RE. — Les remercîiments transmis à M. le Ministre, au sujet de ce nouvel encouragement, sont ratifiés à l'unanimité. Le secrétaire expose que, par suite d'un arriéré de compte à solder sur le prix de revient du volume de 1869, comme aussi par le fait du paiement effectué d'une fourniture concernant le volume de 1872, le crédit de 3,000 francs, inscrit pour les impressions au budget de l'exercice actuel, ne suffit pas à l'entier acquittement des factures relatives au volume qui se distribue ; il demande, en conséquence, que la Société veuille bien autoriser le contrôleur des dépenses à faire peser le déficit dont il s’agit, au moyen de virements, sur les chapitres non épuisés du budget de 1872. Cette autorisation est accordée. L'ordre du jour appelant la Société à composer son budget pour l'exercice 1873, M. le président soumet le travail prépa- ratoire qui a été fait à cet égard par le conseil d'administration. Les divers articles et l'ensemble du projet ayant été approuvés, M. le président déclare le budget de 1873 établi dans la: forme suivante : Recettes présumées. 1° Encaisse prévu au 31 décembre 1872. . . . . . .. 2,100 2° Subvention de-L'Hiaf . 6 EU CUS geo Ta 900 J — du départementi. :. "00 0Le er 300 4 — dela villes. EEE AN IG Se 600 be Cotisations des membres résidants . . . . . «7 USNBUE 6° _— correspondants . . . . .. 400 7° Droit de diplôme, recettes accidentelles . . . . . . oÙ 8° Intérêts du capital des cotisations rachetées (rentes SPAS DEN PORTE A Penn | 200 Total. . : . 6,450 — XXXI — Dépenses. 1° Achat d’un nouveau titre de rente représentant des COUSAHONS LACOSTE en: 850 LE TRES EP ER RE OR 3,000 Mere de, Livres ee te A ts ta A ie à 200 4° Frais de bureau, chauffage et éclairage . . . . . . 300 5° Frais divers et séance générale . . . . . .. Pr A UT 6° Traitement et indemnité pour recouvrements à labent dos nr ee. le) stade 225 7° Crédit pour recherches scientifiques . . . . . . . . 500 Total des dépenses. . . . . . 5,975 Excédant de recettes. . . . . 475 La Société décide ensuite que sa séance publique et son banquet annuels auront lieu, conformément aux traditions établies, le jeudi 19 décembre prochain ; elle donne au conseil d'administration plein pouvoir pour régler les détails de cette double solennité. Sur quoi, une conversation s'engage au sujét des lectures qui devront remplir la séance. En dehors du discours d’ou- verture de M. le président, nous avons la promesse d'une lecture de M. Chotard : MM. Boullet et Saïllard feront le possible pour apporter leur tribut, et, si cela est indispensable, le secrétaire paiera, pour la septième fois, de sa personne. M. Sire présente le dessin d’une pipette à capacité variable, permettant de tenir compte, dans la prise du liquide néces- saire à un essai, de la dilatation ou de la contraction résultant de la température : c’est un perfectionnement apporté à l'ap- pareil que la Société a vu fonctionner dans sa précédente séance. La Société autorise M. Sire à ajouter une description de sa nouvelle pipette au mémoire relatif à l'appareil ainsi perfec- tionné. Sont présentés pour entrer dans la Société : XXIe Comme membres résidants : Par MM. Delacroix (Alphonse) et Castan, M. Delafond (Fré- déric), ingénieur des mines ; Par MM. Cuillier et Castan, M. Delagrange (Charles), litho- graphe, rue Morand, 7 ; Par MM. Paillot et Castan, M. l'abbé Devaux, professeur au collége Saint-François-Xavier ; Par MM. Bertin et Bouttey, M. Guenot (Auguste), négo- ciant, rue du Chateur, 17; Par MM. Chotard et Reboul, M. Suint-Loup, professeur à la Faculté des sciences ; Comme membres correspondants : Par MM. Paillot et Castan, M. l'abbé Jeannin, curé de Déservillers ; Par MM. Bossy et Castan, M. Viard (Alexandre), notaire et maire, à Hortes (Haute-Marne) ; Par MM. Gauthier et Castan, M. Viellard (Léon), proprié- taire, à Morvillars (Haut-Rhin). Sont élus, à la suite d’un scrutin secret : Membres résidants, MM. ARNAL (Amédée), avocat ; CxarLer (Alcide), avocat ; Dupuy, propriétaire ; Fournier (Louis), employé des ponts et chaussées; Marxieu (Emile), professeur à la Faculté des sciences. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. he. NI LE Séance du 18 décembre 1879. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. Sont présents : Bureau : MM. Sire, président ; de Mandrot, délégué des sociétés savantes de Neuchâtel ; Le Brun-Dalbanne, délégué de la Société académique de l'Aube; Baille (Charles), président de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny ; Jur- gensen (Jules), membre correspondant; Faivre, vice-secrétaire ; Gauthier, archiviste; Zaremba, trésorier intérimaire; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arnal père, Arnal (Amédée), Bial, Bertin, Bouttey, Brelin, Canel, Chotard, Cuillier, Denizot, . Dupuy, Faucompré père, Goguely, Grand (Charles), Grosjean, Guillin, Haldy, Hell, Henry, Huart, Klein, Micaud, Potier, Renaud (Francois), Saillard, Willemin. Le procès-verbal de la séance du 9 novembre est lu et adopté. En réponse aux invitations faites pour la séance publique et le banquet, la Société a recu l'assurance que la plupart de ses membres honoraires de droit prendront part à cette double solennité, et que des délégués de Neuchâtel, de Belfort, de Montbéliard, de Poligny et de Troyes veulent bien se rendre dans le même but à Besançon. Par ‘une lettre en date du 21 novembre, M. le Maire € a accordé la grande salle de l'hôtel de ville pour la tenue de notre séance publique. M. Carme, membre correspondant, nous ayant adressé une note, accompagnée d’un plan, le tout ayant pour objet de préciser le point où ont été trouvées les antiquités sépulcrales envoyées par lui au mois de janvier 1869, le conseil d'admi- nistration a pensé que ces documents complémentaires ne pouvaient être mieux placés qu'au musée d'archéologie, à côté des vestiges auxquels ils se rapportent. Une lettre de M. le C — XXXIV — secrétaire de la commission d'archéologie nous remercie de ce dépôt, et préalablement l'expression de notre gratitude avait été transmise à M. Carme. La Compagnie autorise ensuite l'inscription au procès-verbal dé la note suivante de M. Travelet, membre correspondant, sur deux voies antiques inconnues du nord-ouest de la Franche- Comté : € DELAIN (canton de Dampierre-sur-Sâlon). — A partir de la ferme d’Andrevin-le-Bas, aux lieux-dits les Bouleaux, entre- la-Coupe-et-le-Bois, Champ-la-Dent, on suit, sur une longueur de 1,100 mètres, les restes très distincts d'une voie pavée, que l’on perd au bois des Follots. C'était un rameau de la grande route de Langres à Besancon, par Seveux, quittant celle-ci aux environs de Vaite. » CiNTREY : le chemin de Champlitte. — Aïnsi s'appelle un chemin de défruitement, lieu dit aux Longues-Raies, où l'on distingue çà et là les traces d'un chemin pavé. On croit qu'il passait au canton dit les Jardinets, pour rencontrer, un peu plus loin, un autre chemin pavé, actuellement détruit. I y a lieu de croire que, de Cintrey, ce chemin de Champlitte allait à Charmes-Saint-Valbert où, vers 1835, on découvrit les restes d’une mosaïque, et qu’il passait ensuite par Bourgui- gnon, Farincourt, Argillières et Pierrecourt, pour gagner Champlitte. Dans cette hypothèse, il aurait PRÉ à Piste court, la grande voie de Langres à Besançon. Le secrétaire fait connaître qu'il a recu de M. Alphonse Renaud, membre résidant, deux notes, l'une relative à cer- tains noms de lieux qui peuvent servir à jalonner le parcours des voies romaines de notre contrée, l’autre présentant une série de locutions franc - comtoises complétant le catalogue dressé par M. Gascon. L'Assemblée charge le secrétaire de remercier M. Alphonse Renaud et de faire profiter nos Mémoires de sa double commu- nication. M. Paillot ayant déposé le manuscrit d’un troisième fascicule OREXV — de son répertoire botanique, intitulé Flora Sequaniæ exsiccata, il est décidé que cette suite d'un intéressant travail entrera ‘ dans notre volume de 1872. M. Gauthier expose que la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny a pris l'initiative de l'érection, sur l’une des places publiques de cette dernière ville, d'un buste en bronze reproduisant les traits de l'historien Chevalier. Cet hommage, rendu à la mémoire d'un consciencieux annaliste et d’un homme de bien, doit rallier les sympathies de tous ceux qui s'intéressent aux études rétrospectives. Notre Société ayant eu, plus d'une fois, l’occasion de citer dans ses Mémoires des documents édités par Chevalier, il semblerait convenable qu'elle s’associàt à l’entreprise dont il s’agit. Adoptant ces considérations, la Compagnie vote une somme de cinquante francs comme souscription à l'œuvre du buste de Chevalier. Cette somme sera imputée sur le crédit affecté aux recherches scientifiques: Le contrôleur des dépenses fait observer que, malgré les virements autorisés par une délibération prise à la dernière séance, une somme de 250 fr. 15 c. reste à trouver pour solder définitivement le compte d'impression du volume qui vient de paraître. Le secrétaire ayant expliqué que ce déficit provient du puie- ment anticipé d'une planche destinée au volume qui est sous presse, la Société estime qu'il y a Heu de prélever le reliquat en question sur le crédit des impressions de l'exercice 1873. La Société archéologique du Midi de la France, qui a son siége à Toulouse, nous a fait hommage de cinq livraisons de ses Mémoires : il est décidé que cette Compagnie prendra rang parmi celles qui reçoivent nos travaux. Il est ensuite procédé à un vote d'ensemble touchant les candidatures posées dans la précédente séance. Tous les can- didats ayant été favorablement accueillis, M. le président proclame : ERA Er me CCE Membres résidants, MM. Deraronp (Frédéric), ingénieur des mines ; DELAGRANGE (Charles), imprimeur-lithographe ; l'abbé Devaux, professeur au collége St-François-Xavier; GUENOT (Auguste), négociant ; SainT-Lour, professeur à la Faculté des sciences ; Membres correspondants, MM. l'abbé Jeanniw, curé de Déservillers (Doubs); Viarp (Alexandre), notaire et maire, à Hortes (Haute- Marne); VreLzLARD (Léon), propriétaire, à Morvillars (Haut-Rhin). Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membre résidant, par MM. Alphonse Delacroix et Ducat, M. François-Marcel Boutterin, adjoint à l'architecte de la ville et professeur à l'Ecole municipale des Beaux-Arts; Comme membres correspondants : par MM. François et Alphonse Renaud, M. Eusèbe Ringuelet, industriel, à Trécourt (Haute-Saône); par MM. Ducat et Castan, M. Ernest Vermot, capitaine de frégate de la marine nationale. L'ordre du jour appelle La Société à renouveler son conseil d'administration. - Les scrutins, successivement ouverts à cet effet, donnent Les résultats suivants : Pour le président, 31 votants : M. Ducat, 29 voix ; M. Sire, 2 voix. Pour le premier vice-président, 28 votants : M. Sire, 28 voix. Pour le deuxième vice-président, 28 votants : M. Chotard, 28 voix. Pour le vice-secrétaire, 28 votants : M. Faivre, 28 voix. Pour le trésorier, 28 votants : M. Zaremba, 26 voix ; — XXXVIL — M. Dupuy, 2? voix. Pour l’archiviste, 28 votants : M. Gauthier, 28 voix. En conséquence, M. le président déclare le conseil d’admi- nistration de 1873 ainsi constitué : PÉNALES uses ME DucéT : Premier Vice-Président. ................ M. SIRE; Deuxième Vice-Président.............,.... M. CHoTaR»; Secrétaire décennal ............. D date Re e NE OUBSTAN Vice-Secrétaire et contrôleur des dépenses... M. FAIVRE ; PT AI R TEE SRE RER PRE PRE TR OU M. ZAREMBA ; POIDS TO NS LT Nana nue ee à OMS GA UDÉTEES Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. Séance publique du 19 décembre 1872. PRÉSIDENCE DE M. SIRE. La séance s'ouvre extraordinairement à deux heures et demie de l'après-midi, dans la grande salle de l’hôtel de ville de Besancon. Sont présents : Bureau : M. Sire, président annuel; MM. le PREMIER PR£- SIDENT DE LA COUR D'APPEL, le PRÉFET pu Douss, le RECTEUR DE L' ACADÉMIE, le PROCUREUR GÉNÉRAL, l’'INSPECTEUR D'Aca- DÉMIE, membres honoraires; M. le colonel fédéral de Mandrot, délégué des sociétés savantes de Neuchâtel; M. Parisot, maire de Belfort et vice-président de la Société Belfortaine d'Emu- lation; M. le docteur Cucuel, maire de Montbéliard; MM. Bou- thenot-Peugot et Favre, vice-président et secrétaire général de la Société d'Emulation de Montbéliard; M. Le Brun-Dalbanne, délégué et ancien président de la Société académique de l'Aube; MM. Charles Baille et le docteur Sauria, président et À ,4-ca) dat dist Sa me 2 NUE archiviste de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny ; M. le colonel de Bigot, chef d'état-major de la divi- sion militaire; M. Jules Jurgensen, membre correspondant; M. Emile Delacroix, premier vice-président annuel; MM. Du- cat et Chotard, président et vice-président élus pour 1873; MM. Faivre, vice-secrétaire ; Zaremba, trésorier ; Gauthier, archiviste; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Arnal père, Bertin, Bertrand, Besson, Bial, Blondon, Bossy, Bougeot, Boullet, De- bauchey, Delacroix (Alphonse), Demongeot, Faucompré père, Gassmann, Girod (Victor), Goguely, Grand (Charles), Grosjean, Guillin, Haldy, Huart, Jacques, Klein, Maire, Pétey, Potier, Proudhon (Léon), Renaud (Francois), Reynaud-Ducreux, Saint- Grinest, Willemin ; MEMBRES CORRESPONDANTS : MM. Curé, Mourot et Viard. Un nombreux auditoire, comprenant beaucoup de dames, achève de remplir la salle. Avant l'ouverture de la séance, M. le Général de division et M. le Maire se sont excusés de ne pouvoir, à leur grand regret, occuper les siéges qui leur étaient réservés. Le secrétaire fait connaître le programme des lectures qui doivent composer la séance, programme qui est ainsi Conçu : Travaux de la Société d'Emulation du Doubs en 1872, par M. SIRE ; | Des monuments commémoratifs, par M. Ducar; La géographie en France et en Allemagne, par M. CHoTARD ; De l'intérêt des pierres gravées pour l'étude de l'antiquité, par M. Le BRUN-DALBANNE ; Comment Besançon échappa aux réformateurs religieux du seizième siècle, par M. CAsTAN. Cet ordre du jour ayant été suivi et se trouvant épuisé, la séance est levée à quatre heures trois quarts. Le Président, Le Secrétaire, G. SIRE. A. CASTAN. KIA Banquet de 1372 Ce second acte de la fête s'est passé, comme de coutume, dans le grand salon du palais Granvelle. La décoration de ce splendide local était exceptionnellement réussie. L'aspect de la table avait quelque chose de féerique : l'œil était ébloui et charmé par une forêt de plantes rares auxquelles se mêlaient d'opulents candélabres en bronze doré, des vases et coupes en porcelaine de la Chine et du Japon. Au centre se dressait un sroupe monumental de crustacés, véritable buisson ardent qui flamboyait au jeu des lumières. Les portes et les fenêtres étaient ornées de draperies en velours rouge à crépines d'or. Sur des faisceaux d'étendards français, suisses et bisontins, ressortaient les armoiries de la Société et celles des villes dont nous possédions des délégués : Neuchâtel, Belfort, Montbéliard, Troyes et Poligny. L'arrangement de la table avait été l’œuvre d’un horticul- teur émérite, également habile dans l’art de cultiver les plantes et dans celui de les disposer : nous avons nommé M. François Lépagney. Le mobilier décoratif était sorti des riches magasins de M. Louis Baud. Le menu ne laissait rien à désirer comme ordonnance et comme perfection : il avait été dicté par MM. Klein, Goguely et Faivre, puis exécuté par la maison Colomat. M. Sire, président de la fête, avait à sa droite M. le Premier président de la Cour d'appel et à sa gauche M. le Recteur de l’Académie. De l'autre côté de la table, M. Ducat, président élu pour 1873, était assis entre M. le Préfet du Doubs et M. le Procureur général. Parmi les convives, au nombre de près de quatre-vingts, on remarquait en outre : M. l’Inspecteur d'Académie ; MM. Pa- risot et Cucuel, maires des villes de Belfort et de Montbéliard ; M. le colonel fédéral de Mandrot, délégué des sociétés savantes nus À RE A a à das, * Dé ES Mers de Neuchâtel; MM. Bouthenot-Peugeot et Favre, vice-prési- dent et secrétaire général de la Société d'Emulation de Mont- béliard ; M. Le Brun-Dalbanne, ancien président et délégué de la Société académique de l'Aube; MM. Charles Baiïlle et Sauria, président et archiviste de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny; M. Jules Jurgensen, le poète danois si sympathique à la cause de la France; M. Emile Delacroix, premier vice-président annuel ; M. Chotard, vice- président élu pour 1873; M. le colonel de Bigot, chef d'état- major de la division militaire, MM. Boullet, Boysson d'Ecole, Alphonse Delacroix, Faucompré et Charles Grand, anciens présidents ; M. Reynaud-Ducreux, membre fondateur ; M. le commandant Bial, ancien secrétaire général de l'Exposition de 1860; M. Gouillaud, professeur de physique à la Faculté des sciences ; M. Arthur Picard, président de la commission administrative du culte israélite; M. Huart, substitut du pro- cureur général ; M. l'ingénieur Paul Bataille; M. Gassmann, rédacteur en chef du Courrier franc - comtois ; M. Brelin, membre du Conseil municipal; M. Demongeot, inspecteur des écoles communales; M. Joseph Boussingault, chimiste ; M. le docteur Curé, de Pierre-en-Bresse; M. Viard, maire de la commune d'Hortes (Haute-Marne), etc. Au dessert, M. le président Sire prononcça l’allocution sui- vante : < « Messieurs, » Ce n'est pas l’une des moindres prérogatives de votre président, que celle de prendre la parole le premier dans cette solennité ; et en usant de cette prérogative, j'ai hâte de vous exprimer mes sentiments de profonde gratitude pour la haute confiance dont vous m'avez investi. » En m'appelant à l'honneur de présider vos réunions men- suelles pendant l’année qui va finir, vous m'avez fourni l'oc- casion de mieux apprécier l’admirable unité de notre Société, XI ainsi que les projets généreux que son esprit libéral lui sug- gère, et que sa forte organisation lui permet de réaliser. » J'ai pu me convaincre que si, à la fin de chaque année, nous éprouvons le désir de nous réunir dans un cordial ban- quet, c'est avec la satisfaction qu'un but utile a été atteint, c'est avec la conscience qu'un devoir a été accompli. » Aimer et honorer le travail, est une devise que notre Société a constamment mise en pratique, et elle lui doit les remarquables résultats d'utilité publique qu’elle a obtenus. Pour ce qui intéresse son administration, je ne saurais trop applaudir à la judicieuse application qu’elle vient de faire de cette devise, dans le choix de mon honorable et sympathique successeur. » Ayant le bien et l’utile pour seuls mobiles, notre associa- tion laissera, en restant unie et persévérante, des témoignages impérissables de sa vigilante initiative. » Pour la seconder dans ses entreprises, elle peut compter, et elle en a recu de fréquentes preuves, sur le concours des administrations, dont nous avons le plaisir de posséder au- jourd'hui parmi nous les plus haytes personnifications. » Aimons et honorons le travail! C'est par ces mots de ralliement que je vous convie, messieurs, à boire à la pros- périté de notre Compagnie et à ses succès. » M. le Préfet du Doubs se leva ensuite et s’exprima ainsi : « Je m'estime heureux d’avoir pu pour la seconde fois assisier à votre réunion anuelle, et aussi de trouver l’occasion la plus favorable pour féliciter votre Société des remarquables succès: qu'elle a obtenus cette année au congrès des Sociétés savantes à Paris. » La vanité n'est bonne nulle part assurément; cependant elle peut avoir quelquefois son excuse. Vous me permettrez donc, aujourd'hui, de vous dire que je suis fier de vos succès au nom du département que j'ai l'honneur d'administrer. =) XLIT — » Les réunions telles que celle à laquelle nous avons assisté dans la journée, sont pour les hommes qu’absorbent d’arides travaux, de vrais délassements, la source des plus doux plaisirs. » En effet, si, à mesure qu'on avance dans la carrière, on aperçoit plus clairement combien est grande la somme des choses que l'on ignore, le désir que l’on éprouve d’en dimi- nuer le nombre chaque jour, le besoin que l’on ressent de faire passer à d'autres, moins favorisés, une partie du peu que l’on sait, Comptent assurément parmi les grandes jouissances de cette vie. » Dans le nombre des excellentes lectures qu'il nous a été donné d'entendre à votre séance, le travail que vous a présenté M. Le professeur Chotard m'a particulièrement frappé; d’abord, parce que je porte le plus vif intérêt à l'extension dans les écoles primaires de cette branche, trop négligée en France, de l'instruction la plus indispensable; et puis parce que les preuves que le savant auteur a accumulées dans son travail, avec un zèle patriotique, sont de nature à nous convaincre que nous ne sommes pas ayssi en retard sur l'étranger que nous étions portés à le dire depuis nos récents malheurs. » Il nous a prouvé que si les éléments matériels nous font défaut plus qu’à nos voisins, du moins les hommes ne nous manquent point. — Eh bien ! puisque nous avons les hommes, ce qui est l'essentiel, ne perdons pas courage. Bientôt les moyens ne nous manqueroût pas non plus, et nous nous relèverons sur ce point comme sur tous les autres, je l'espère. Unissons donc nos efforts. Ceux que fait votre Société sont au nombre des plus précieux. » J'ai l'honneur d’avoir à mes côtés un membre étranger, bien connu de vous pour ses travaux sur la géographie : M. le colonel de Mandrot. En lui je salue le représentant de la Suisse, notre amie plus encore que notre voisine. Je salue aussi le collaborateur distingué qui, en travaillant en ce mo- ment à doter la Franche-Comté d’une excellente carte qui — XLIN — nous manquait, se crée un titre de plus à l'estime et à la gratitude de votre Société. » À M. le colonel de Mandrot... ! » À la Société d'Emulation du Doubs... ! » M. le secrétaire Castan adressa les paroles que voici aux délégués des sociétés savantes : « Messieurs, » Dans le travail de rénovation universelle dont nous sommes les témoins, aucune force n'aura joué un rôle plus considérable que l'esprit d'association. C'est à cet esprit, aussi vieux que le monde, mais vivifié par les idées modernes, que nous devons les chemins de fer, les institutions de crédit et de prévoyance, les compagnies industrielles et savantes, en un mot tout ce merveilleux outillage qui multiplie les sources et équilibre les lois de la production. » Malheureusement l'association n’est pas seulement l’auxi- liaire du bon génie des peuples; elle est au même degré l'ins- trument de ces passions malsaines qui, en éveillant les appé- tits, détruisent la notion du devoir. » Quel remède opposer à ce mal? La violence, auraient répondu. nos anciens maîtres; la concurrence, répondrons- nous aujourd'hui, car l’histoire est là pour nous apprendre que les persécutions n'ont abouti qu'à faire la fortune de ceux qu'elles prétendaient étouffer. » Abstenons-nous donc de persécuter, et cherchons à con- vaincre. À la coalition des haïines, répondons par la fédération des dévouements ; et si le bien tarde quelque peu à en sortir, ne nous décourageons pas. Souvenons-nous qu'il a toujours été plus long d’édifier que de détruire, et que tel de nos monu- ments, dont la construction avait duré plus d’un siècle, a pu être anéanti en quelques heures par la torche incendiaire des: méchants. » Notre manifestation d'aujourd'hui comptera parmi ces IV bons exemples collectifs qui feront, peu à peu, pénétrer dans les masses le goût des jouissances élevées et honnêtes. Soyons fiers d'un tel apostolat, car il est éminemment opportun. Nous avons d'autant plus de chances d’y réussir, que le programme de nos travaux embrasse la totalité des connaissances utiles, que nos rangs sont ouverts à tous les hommes de bon vouloir, que, grâce à ce rajeunissement perpétuel, nous sommes assurés d’être toujours de notre temps et de notre pays. » C'est le témoignage qu'ont voulu nous rendre ces savants délégués de sociétés amies, en venant, malgré la saison et Les distances, nous décerner la récompense de leur appui moral. » En votre nom, messieurs, j'ai l'honneur de porter un toast de gratitude : » Aux Sociétés savantes de Neuchâtel, de cette sœur de notre Besançon, qui, durant nos récentes infortunes, nous a prodigué les trésors d’une sollicitude que nous n’oublierons jamais |! » À la Société d'Emulation de Montbéliard, la courtoise rivale de la nôtre, qui applaudit à nos efforts comme nous aimons à nous réjouir de ses succès ! » À la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, dont l’activité soutenue entretient un précieux foyer scienti- fique dans le plus riche des arrondissements du Jura ! » À la Société académique de l'Aube, si hautement consi- dérée pour ses belles études sur l'histoire de l'art, études dont nous avons recueilli, aujourd'hui même, un savant écho ! A la Société Belfortaine, qui semble naître, sous le canon d’un ennemi impitoyable, pour affirmer que le génie ne | tuel de la France n'a rien à redouter des annexions ! » Je me résume, en buvant à la prospérité de ces utiles compagnies, à leur entente cordiale avec la nôtre pour la propagation des immortels principes du vrai, du beau et du bien. » La première réplique fut faite par M. le colonel de Mandrot. Prenant texte du témoignage de gratitude qui venait d'être — XEVE— rendu à sa patrie, le savant militaire répondit que la Suisse, en ouvrant son cœur et son territoire aux infortunés soldats de la France, n'avait fait qu'accomplir un devoir. La Suisse n'en est pas moins flattée des sentiments affectueux qui récompensent si largement sa conduite : elle y voit le gage de relations plus intimes avec un peuple dont l’inépuisable vitalité fait l'admiration du monde. La France, instruite et régénérée par les épreuves terribles dont elle est sortie, sera désormais pour la Suisse non plus seulement, comme autre- fois, une puissante et sympathique voisine, mais avant tout une cordiale amie, en même temps qu'une généreuse émule dans l'intelligence et la pratique des sages libertés. Réponse de M. Bouthenot-Peugeot, vice-président de la Société d'Emulation de Montbéliard : » Permettez-moi quelques mots pour vous remercier des paroles sympathiques que votre honorable secrétaire a bien voulu adresser à la Société que j'ai l'honneur de représenter. » C'est la septième fois que les délégués de la Société d’'E- mulation de Montbéliard assistent à vos réunions générales. Ces années passées, nous venions avec un double désir : répondre à une gracieuse invitation et nous instruire auprès de nos anciens. Aujourd'hui, un sentiment plus doux nous ramène au milieu de vous : c’est l'AMITIÉ. , » À notre époque inquiète et agitée, où tant de questions divisent les esprits et les cœurs, il en est une qui a encore l'heureux privilége de les réunir et de les concilier : c’est celle de l'instruction. Aussi, lorsqu'il s'agit de société d'émulation, de conférences, de société des bibliothèques populaires, de création d'école, ne nous informons-nous pas si l'on vient de Besançon ou de Montbéliard, des bords du Doubs ou des . rives de l’Allan. Nous sommes UN AVEC Tous. » C'est là notre force, messieurs, et je puis ajouter que c’est l'honneur de nos sociétés franc-comtoises. Nous tous donc, qui voulons le progrès sérieux et durable, unifions, dévelop- ha pons l'esprit d'association qui rend plus intimes les rapports entre les citoyens : par lui on apprend à se connaître, à s’ai- mer, à se respecter, et au besoin à se supporter. Par le travail, l'instruction, l'amitié, nous contribuerons pour une large part à relever cet ascendant intellectuel et moral que la France a exercé avec tant d'éclat, et qu’elle peut, qu’elle doit retrouver encore. » Je suis sûr d'être l'interprète des sentiments de mes collègues et de répondre à vos propres vœux en buvant à la Société d'Emulation du Doubs, à l'union fraternelle des so- ciétés de Besancon et de Montbéliard. » Réponse de M. Parisot, maire de Belfort et vice-président de la Société Belfortaine d'Emulation : « Messieurs, » Aujourd'hui, pour la première fois, la Société Belfortaine d'Emulation est représentée à votre séance publique annuelle. Je suis heureux d'être son délégué pour vous remercier de l'accueil si cordial que vous lui avez fait, et vous dire en même temps quelques mots sur le but principal de sa création. » Le territoire de Belfort, seul lambeau resté français de notre chère Alsace, naturellement désigné pour être le refuge des Alsaciens fuyant la domination prussienne, devait pouvoir offrir en même temps qu’un asile aux personnes, un centre de ralliement aux idées, aux aspirations françaises, restées si vives dans la province que nous avons perdue. » Strasbourg, Colmar, Mulhouse, possèdent des sociétés que nous connaissons tous par leurs travaux; mais il est à craindre que ces associations ne puissent pas longtemps publier des œuvres qui porteraient ombrage à l'absorbante avidité des Allemands. » Il faut donc que nos infortunés compatriotes trouvent un bulletin toujours disposé à recevoir leurs productions : tel sera le caractère essentiel de notre recueil. = XEVI — » Je ne veux pas, messieurs, vous proposer un toast; mais permettez-moi de vous demander un souvenir de sympathie pour les sociétés alsaciennes qui, malgré les barrières imposées par la politique, resteront toujours nos amies et nos sœurs. » Réponse de M. Le Brun-Dalbanne, ancien président et délégué de la Société académique de l'Aube : « Messieurs et chers confrères, » Je suis profondément touché de l'accueil que vous avez bien voulu me faire. J'en porterai le sympathique témoignage à la Société académique de l'Aube, que j'ai l'honneur de représenter au milieu de vous. Elle y sera très sensible, et elle en demeurera très fière. » Aujourd'hui que la barbarie armée voudrait faire reculer la civilisation, c’est la mission de notre noble France, qui n'y a jamais failli, de repousser la barbarie en tenant plus haut le flambeau des choses de l'intelligence, de la générosité, du dévouement, et c’est l'honneur de votre Société d’y concourir de tous ses efforts. » Je porte donc, au nom de la Société académique de l'Aube, un toast à la vaillance, au savoir et aux succès croissants de la Société d'Emulation du Doubs. » Un poète danois, M. Jules Jurgensen, que la Société a la bonne fortune de compter parmi ses membres, prononça, avec l'accent du cœur, l’éloquente allocution dont voici le texte : « Messieurs, - » Mettez-vous un instant à la place d’un homme que son éducation, ses goûts, ses sympathies, ses aspirations, ses études, ses souvenirs de famille, ses tendances, ses ambitions lécitimes ont fait Français de cœur. Supposez que cet homme habite une terre hospitalière, mais qui n'est pas son pays et qui n’est pas la France non plus. Représentez-vous cet homme, qui a souffert de vos malheurs autant qu'aucun d'entre vous, Rx EUT == qui a pris part à vos luttes, à vos sacrifices et à vos angoisses, mais que le devoir et les circonstances retiennent ailleurs, venant, en une heure bénie, s'asseoir, après tant de larmes, ‘au joyeux et patriotique banquet d'aujourd'hui !.. Quelle fête pour son cœur | » Ici, du moins, plus de contradiction, plus de barrières à l'effusion des sentiments, plus de contrainte, pas d’arrière pensée. Des visages amis, des mains ouvertes, la même pensée dans tous les cœurs, l'amour de cette France chérie, plus chérie que jamais depuis ses malheurs ! » Laissez-moi savourer un instant la joie intime et profonde d'être avec vous et ici! L'expression de cette joie n’est-elle pas un hommage librement rendu, et n’en connaissez-vous pas la source ? » Et, de plus, voyez jusqu'où s'élèvent mes prétentions : j'ose affirmer que, pour être spontanée, pour avoir passé dans mon âme et dans mon sang, ma sympathie pour la France est aussi le fruit de ce que Dieu m'a donné d'intelligence et de raison. » Un nuage peut cacher le soleil et intercepter ses rayons; il n’anéantit pas l’astre. Il faut prendre en pitié les hurlements de ces peuplades sauvages dont on raconte le désarroi pendant les éclipses. C’est à la fois de l'ignorance, de la bêtise et de la pusillanimité. L'éclipse dure plus ou moins longtemps; mais la tache noire redevient ce qu'elle était, pure et brillante. Le fantôme a passé... : bien plus, au soir de la journée, il n'est plus sinistre lui-même, il se colore de la lumière qu’il avait un instant voilée à nos yeux. » Ce n’est pas d'hier que la France, reine aussi par la géné- rosité, prodigue aux peuples les bienfaits. Si l’état civil me faisait votre compatriote, je penserais là-dessus sans parler. Mais, quand je pense à vos alliés ou à vos protégés, je me sens libre de chanter les hosanna ! que d’autres taisent ou murmurent trop bas. » Pourtant, ici, je fais une double réserve : la France a L2 EX peut-être trop donné sans compter, et ceux qui ont reçu d'elle ne paraissent pas avoir tenu des notes bien précises. » Heureusement que l'histoire, cette grande et inévitable justicière, saura rétablir les choses et les chiffres. Ce sera alors la fin de l'éclipse, quelles que soient, au reste, les péripéties de l'avenir. » L'avenir |... éternelle question de nos esprits anxieux ! L'avenir ! quel sera-t-il pour nous ? Permettez-moi de croire, après avoir exprimé ma foi dans l’absolue et toute-puissance de Dieu, que, sous cette haute protection, la France a le droit et le devoir de regarder avec confiance devant elle, mais à une condition, condition expresse et qui dépend de ses enfants. Je ne viendrai point ici arborer le drapeau d’un parti, ni sonner le clairon des revanches incertaines, ni me leurrer avec vous d'illusions décevantes et de triomphes problématiques. Permis à chacun de rêver; mais gardons-nous des illusions sans objet, donnons un corps à notre but, assainissons nos pensées, légi- timons nos désirs en y associant l'esprit de sacrifice, travail- lons sagement, comme le cheval qui laboure, et non comme le cheval du cirque qui se cabre ou tourne sans cesse dans un cercle vide. » Prêcher l'union, la concorde... quelle banalité ! Comme on tombe vite dans d’éternels lieux communs! Oui, mais aussi que d’'éternelles vérités dans ces éternels lieux communs! » Or, savez-vous que si l’histoire du passé sert parfois d’ali- ments et de prétextes aux animosités du présent, cette histoire éclaire aussi les perspectives de l'avenir, en même temps qu'elle anime le patriotisme et qu’elle devient l’école du bon sens, l’école qui commande un saint respect pour les choses dignes d'être à jamais respectées, l'école du vertueux mépris pour ce que l'honnête homme flétrira toujours de sa répro- bation. » Conservez les saines traditions, les souvenirs touchants, la mémoire des héros et des hommes utiles; honorez vos grands noms, gravez sur des monuments de marbre ou d’ai- d Ver AE rain le récit des grands faits, la liste des braves; élevez la piété du souvenir à la hauteur des bienfaits légués par le génie L'honneur est une vertu essentiellement française. En con- servant cette vertu chevaleresque, vous êtes Les conservateurs de cette France qui eut de bons et de mauvais jours, mais qui fut toujours la première à détester ses fautes passagères et à les laver dans des siècles de grandeur et de loyauté. 4 » Croyante, religieuse, alliant le plus imperturbable bon sens aux plus absolus dévouements, experte et productive en mille sorte d'héroïmes, la France donne à la chrétienté ses prêtres et ses sœurs de charité, à la patrie une armée où le courage est vertu banale, à la science des pionniers et des perfectionneurs, aux lettres des richesses sans pareilles. » Mais, trop prodigue au milieu de cette abondance, elle méconnaît la véritable valeur de ce qu'elle possède, jetant aux ouragans d'une discorde parfois insensée les trésors des siècles et les merveilles conquises. De quel œil inquiet n’ai-je pas suivi, depuis cinq ou six ans (et l'histoire m'avait prévenu déjà), la route fatale où l'esprit frondeur lançait la plus noble, la plus riche, la première des nations. J'ose le dire, avant d'être vaincue par les masses allemandes, la France s'était déchiré le flanc elle-même. La critique malicieuse, mais dangereuse quand elle devient systématique, des actes émanant du pou- voir semble devoir procurer aux Francais le plaisir de prouver aux gouvernants que les gouvernés seraient dignes d’être à leur place. Vaine parade d’un esprit public trop aiguisé, arme à deux tranchants qui se retourne contre celui qui s'en sert ! » J'affirme qu'en 1870 la France a été victime de sa géné- rosité d'abord, d'illusions qu'elle seule, en Europe, prenait pour des réalités, enfin des intrigues étrangères contre sa grandeur, intrigues qui trouvaient en France même un appui inconscient. » Or, quand la France est vaincue, le progrès et la civili- sation ont les jambes rompues, » Je prie Dieu que votre patrie puise dans le riche arsenal de son passé, dans le dévouement de tous ses enfants, la force pour reprendre son rôle nécessaire et redevenir ce qu'elle était il y a quatre ans! » Enfin, M. Ducat, président élu pour 1873, fit en ces termes son remerciment d'entrée : « Messieurs, » Appelé, par vos suffrages, à succéder au savant dont vous avez entendu deux fois, aujourd'hui, la vive et brillante parole, je ne puis que vous exprimer ma profonde gratitude et regretter de n’avoir pas de meilleurs titres qui me méritent un pareil honneur. » Pour que la tâche que vous m'imposez me soit possible, vous serez obligé de m'accorder constamment votre concours et votre bienveillance. Mais si, dans l’année qui va s’écouler, je reste, pour la science et pour le talent, trop au-dessous de mes prédécesseurs, je sens que je pourrai les égaler tous dans le dévouement aux intérêts de notre chère Société. » Permettez-moi, messieurs, de‘porter un toast à sa prospé- rité comme à celle des autres sociétés qui sont sœurs de la nôtre, et dont nous avons ici les représentants, enfin de remercier, avec les sentiments de la plus vive reconnaissance, les éminents magistrats et les hautes autorités qui veulent bien, sans cesse, nous seconder de leur appui. » En finissant un très aimable compte-rendu de la solennité dont nous venons d’esquisser la physionomie, notre confrère M. Gassmann à cru pouvoir écrire : « Et ainsi s’est terminée, après les plus vives et les plus cordiales effusions de l’âme, cette fête vraiment digne d’être appelée la fête de la Société d'Emulation du Doubs. » ARE CAS Re As ÿ 4 s pa Q MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1872 Discours d'ouverture de la séance publique DU JEUDI 19 DÉCEMBRE PAR M. GEORGES SIRE Président annuel, Messieurs, Pour me conformer à l'usage, je viens, avec le sentiment de mon insuffisance, vous exposer la situation de la Société d'Emulation du Doubs pendant l'année 1872, et vous rendre compte de ses travaux, de ses succès. Le rôle de notre Société est, comme vous le savez, d'éditer et de propager les productions des travailleurs de bonne volonté, que leur isolement condamnerait au silence, et dont les observations ou les recherches seraient par suite perdues pour la science. Sous ce rapport, les sociétés savantes de province rendent des services signalés, en ouvrant leurs bulletins à des travaux que leurs auteurs hésiteraient souvent à envoyer aux recueils spéciaux. En enregistrant dans leurs annales des documents dont l'intérêt ou l'utilité ne paraît pas immédiat, elles répon- dent à un besoin impérieux; car, dans une époque d’applica- tion comme la nôtre, rien, scientifiquement parlant, ne doit être tenu secret. 15,55) Bon gré mal gré, notre siècle est essentiellement scienti- fique, et, à ce titre, beaucoup de personnes lui reprochent son esprit positif, sa prédilection pour l'observation des faits, ses tendances de plus en plus accentuées pour l'application de la science. Oui, c’est vrai, le mouvement des esprits se porte avec une préférence marquée vers les applications scientifiques : chacun veut être ou au moins paraître savant. C'est le fait des prodiges de la science, c'est le résultat du prestige des découvertes modernes. Mais est-on bien fondé à reprocher à notre siècle sa prédi- lection pour l'observation des faits, quand l'histoire est là pour attester que le phénomène le plus insignifiant en appa- rence, peut avoir par la suite une portée immense ? Qui ne sait, par exemple, que la chute d'une pomme a déterminé la découvérte des lois de la gravitation universelle, que les sou- bresauts du couvercle d’une marmite en ébullition ont été le point de départ de la machine à vapeur, que la télégraphie électrique a son origine dans les contractions musculaires d'une grenouille, et, ce qui est plus surprenant encore, que la récente théorie de la thermo-dynamique, si remarquable par sa fécondité, a sa source dans la différence de couleur du sang des fiévreux sous les tropiques et dans les contrées plus sep- tentrionales ? L'énumération des prodiges de la science est devenue presque banale aujourd'hui, et il ne se passe pas de jour sans que de nouvelles applications viennent amélorer les conditions de notre existence, par une plus grande satisfaction donnée à nos besoins. Est-ce une raison pour crier au matérialisme ? On ne manque pas d'objecter que les lettres adoucissent les cœurs, élèvent les esprits, polissent les sociétés, et que, tandis qu'elles vivent dans la contemplation du beau et aspirent à l'idéal, la science est absorbée par l'étude du monde physique et la recherche de l’utile. Tout ce qu'on peut regretter, c'est que le progrès moral ne TR ee soit pas en rapport avec la marche générale de la civilisation ; et, malheureusement, les lettres, pas plus que les sciences, ne peuvent étouffer le germe des passions qui fermentent au cœur de l’homme. Si les passions violentes, qui de tout temps ont agité l'humanité, n’ont pas cessé de troubler les sociétés modernes, serait-il juste d'en rendre seule responsable la science ? On peut abuser de tout, des lettres comme des sciences ; s’il y a une fausse science, ou plutôt une science incomplète qui égare l'esprit, n’y a-t-il pas aussi une littéra- ture malsaine qui corrompt les cœurs ? Toutefois, on est heu- reux de constater qu'à toutes les époques il s’est trouvé des hommes qui, par l'autorité de leur exemple, par une vie entièrement consacrée à la science et à la vertu, ont su faire repousser l'abus ou l'exception et faire prévaloir la règle et le bon usage. Le nombre est grand des savants qui ont été aussi sincères dans leur foi que profonds dans leur science ! Les hommes religieux de l'Angleterre, dit M. Dumas (1), « constatent que Newton et Faraday, qu'ils considèrent, l'un comme le plus élevé des géomètres, l'autre comme le plus heureux des expérimentateurs, n'ont rien vu dans l'étude de la nature qui pût ébranler leur croyance. Newton, pénétrant dans les profondeurs des cieux, assujettissant pour toujours la marche des astres au calcul et révélant à l'homme les lois du système du monde; Faraday, pénétrant dans les entrailles de la matière, faisant jaillir du choc de ses particules invisibles ou de la rencontre des forces insensibles qu'elles recèlent des pouvoirs merveilleux ou redoutables, ont également gardé, disent-ils, les pieuses convictions de leur enfance. L’orgueil du succès ne les a jamais enivrés, et tandis que leurs propres découvertes servaient, à côté d'eux, d'arguments aux incré- dules, leur conviction personnelle ne s’est pas démentie un instant. » (1) Eloge de Faraday. ae BE La fausse science est d’ailleurs facile à discerner ; ses théo- ries sont étayées de sophismes trop nombreux pour être inat- taquables, ses assertions sont trop affirmalives pour s'accré- diter. La vraie science a plus de modestie. Le pur amour de l'étude qui anime les vrais savants, la noble curiosité qui les porte à sonder les mystères de la nature, ne les empêchent pas, quelle que soit l’audace de leurs entreprises, d'avouer humblement qu'il ne nous appartient pas de jouir en ce monde de toutes les splendeurs de la création. Et c'est avec raison que Montaïgne a dit « qu'en de certaines mains la science est un sceptre, et dans d’autres une -marotte. » Il est toutefois fort regrettable que les préjugés contre la science soient encore si fort enracinés, et que beaucoup de gens, sans nier la plupart de ses bienfaits, lui imputent la plus grande partie des dérèglements de la société actuelle. Le reproche serait mérité si la science était encouragée au détriment des lettres, mais il n’en est pas ainsi. À aucune époque les moyens d'étudier et de s'inspirer des chefs-d'œuvre de la littérature, tant ancienne que moderne, n'ont été plus faciles et plus à la portée de tous. Tout a été entrepris pour développer le goût des lettres, rien n’a été fait pour le paralyser. D'ailleurs, sous le rapport littéraire, notre siècle est loin d’être aussi mal doté qu'on se plait à le répéter. Il faudrait certes une autre autorité que la mienne pour prouver cette assertion : aussi rappellerai-je simplement que notre époque a produit des orateurs, des poètes, des historiens et des moralistes, dont les œuvres sont tenues en grande estime et témoignent hau- tement contre l'abandon des lettres. Mais il y a plus : notre siècle fournit de nombreux exemples d'une heureuse alliance des lettres et des sciences. Loin de se nuire ou de s’absorber mutuellement, elles se complètent; et la fécondité de cette union est telle, qu'on ne saurait trop désirer voir les sciences vivre plus souvent sous le régime de cette communauté. PSE Sans doute, on préfère aujourd'hui une conférence sur l’é- lectricité à une tragédie de Corneille ou de Racine, et on est plus curieux de se rendre compte des merveilleux effets de la vapeur et de la photographie que de contempler les exploits des héros de l'antiquité ou de la chevalerie. Mais c'est le fait du temps qui modifie et change toutes choses. La science du bien ayant sa raison d'être comme toutes les aspirations nobles de l’activité humaine, il n’est pas surprenant qu'à une époque donnée la majorité des esprits s'y rallient de préférence. Du reste, il faut le reconnaître, il n'y a plus guère que l'esprit de routine qui ose contester la légitimité du but que poursuit la science contemporaine. Et, comme l’a si bien exprimé une des sommités de la magistrature francaise, « on n’est pas difficile sur les preuves, lorsqu'il s'agit d'accorder crédit à un état de choses dont on se croit intéressé à ne pas se départir, et avec lequel on est familiarisé par une longue tradition (1). » On conçoit très bien que des esprits soient peu bienveillants pour les découvertes dont la manifestation primordiale se tra- duit par de dangereux effets, mais qui ne sont, pour la plu- part, que le résultat de l’inexpérience des premiers éclaireurs. Les préventions cesseraient bientôt si on voulait se rappeler que, par ses recherches incessantes, la science finit toujours par dominer ce qui au début avait semblé indomptable, et par manier impunément les plus redoutables substances. On ne saurait donc trop se prémunir contre cette tendance qui consiste à condamner de parti pris les découvertes mo- dernes, à n'accorder qu’un faible crédit aux avantages réels qu’elles peuvent offrir, et à exalter sans discernement les inconvénients constatés ou le mauvais usage qu'on en peut faire. Céder à cet entraînement, serait aboutir à vouloir dé- fendre la fabrication Ges cordes, sous prétexte qu’on peut se pendre avec elles. (1) Le droit prime la force, discours de rentrée de la Cour de cassa- ton, en 1872, par M. Rexouarp, procureur général. je LA Et au 5 mr Ci os LS Loin 1m be is AE 7 RE Non, messieurs, on ne peut nier les bienfaits de la science à tous les points de vue : et contribuer à reculer les limites de nos connaissances, en stimulant l'ardeur pour les études sui- vant l'aptitude et les goûts de chacun, est le plus bel apanage des sociétés savantes. En ce qui concerne les sociétés de province, il y avait à craindre que leur isolement ne devint funeste à leur esprit d'initiative; que, malgré l'échange réciproque de leurs pro- ductions, leur ardeur première ne finit par se ralentir, et que la lassitude ne dégénérât en indifférence. Susciter entre les diverses sociétés une sorte d'émulation, en les conviant toutes à un congrès annuel dans la capitale, affirmer les succès des plus laborieuses et leur accorder des récompenses dans des assises solennelles, tel a été le bienfait dont uous jouissons depuis 1861. | Dans ces tournois pacifiques, où de nombreux délégués se sont rendus, notre Société a vaillamment combattu, et plu- sieurs fois elle y a été victorieuse. Mais c'est avec un légitime orgueil que je puis dire qu'au congrès d'avril dernier, elle a eu tous les honneurs dans la distribution des récompenses; car trois distinctions, obtenues sous ses auspices, ont attesté le mérite de ses travaux et les efforts persévérants de ses collaborateurs. : Oui, messieurs, le premier nom proclamé est celui de M. Charles Grenier, plusieurs fois président de notre Compa- gnie, à qui une médaille d’or a été décernée pour l’ensemble de ses travaux de botanique, et particulièrement pour sa Flore de la chaîne jurassique, insérée dans nos Mémoires. En disant que le livre peut servir de modèle, le rapporteur du jury, M. Blanchard, ne pouvait faire un plus bel éloge de l’œuvre du savant doyen de notre Faculté des sciences. M. Reboul, professeur de chimie à la même Faculté, a obtenu une médaille d'argent pour ses intéressantes recherches sur les hydrogènes carbonés. Enfin, un autre membre de la Société d'Emulation du 4 de di CHA Le, SRE Doubs, M. de Fromentel, de Gray, a également recu une médaille d'argent pour ses études paléontologiques. Si notre Compagnie s'enorgueillit du bénéfice moral qu'elle recueille de ces succès, c'est qu'elle a l'assurance que ses collaborateurs redoubleront d'efforts pour lui conserver son rang par la conquête de nouvelles couronnes. Mais notre Société n'est pas seulement un laboratoire d’é- tudes scientifiques : c’est aussi un foyer d'idées généreuses, dont quelques-unes ont eu leur part d'influence sur l'éduca- tion et la prospérité du pays. Nous avions pris, en 1870, l'initiative d'une création de bibliothèques populaires, destinées à mettre dans les mains de tous des livres moraux et instructifs. Cette entreprise, inter- rompue par la guerre, va être remontée par les soins de l’ad- ministration des écoles communales : nous nous proposons de suivre les progrès de l'œuvre et de lui procurer des livres et des adhérents. Nous avons contribué, par le don d’un exemplaire complet de nos Mémoires, à la reconstitution d'une bibliothèque pour l'école d'application de l'artillerie et du génie qui s’installe à Fontainebleau. Comme par le passé, les collections publiques de la ville ont été favorisées de nos dons. Le musée d'archéologie, qui nous doit une bonne partie des pièces qu'il renferme, va s'enrichir des objets métalliques sortis du sol de la place Saint-Jean, et du produit des fouilles faites, par les soins de M. Jules Gau- thier, dans le cimetière burgonde de Cussey-sur-l'Ognon. La transformation de la place Saint-Jean en un square archéologique est une œuvre qui nous appartient. En dehors du travail gratuit que plusieurs d’entre nous lui ont consacré, notre caisse y a contribué pour une large part. Le conseil général a bien voulu s'associer, l'an dernier, à cette entreprise par le don d'une somme importante, et tout récemment l’ad- ministration municipale s'est empressée de voter la construc- tion d'une grille qui doit encadrer ce champ de nos investi- e D NTT ON RER, VPN Pete L'LUTEU Vrr QT. 9 PP ET EP ENS TT, LAN SN ET CES VU M ; , re ] d ag." DR, ar gations. Nous ne saurions remercier ces honorables assemblées d'une manière trop chaleureuse, et nous espérons que le ré- sultat, qui est à la veille d'être complètement atteint, ne leur fera pas regretter leurs généreuses subventions. Il était, en effet, d’un sérieux intérêt moral pour le chef-lieu du départe- ment, pour l'antique Vesontio, que ces vestiges pleins d'en- seignement fussent exposés aux regards des générations mo- dernes. Ils deviendront, pour notre ville, un titre de plus à la considération des étrangers, en même temps qu'ils seront le symbole d’une énergique protestation contre les actes de van- dalisme dont Paris a été la récente victime. Comme corollaire de cette œuvre conservatrice, nous avons résolu d'acquérir, pour décorer les portiques des édifices de notre ville, un certain nombre de dalles funéraires, qui repré- sentent, sous de pittoresques costumes, plusieurs membres de nos grandes familles du moyen âge. Nos publications, ralenties par de douloureux événements, ont retrouvé aujourd'hui leur ancienne activité. Un fort volume est actuellement en distribution : il renferme nos travaux des années 1870 et 1871. dont mon honorable prédécesseur vous a fait l'énumération l’an dernier. Le volume de 1872, qui est déjà sous presse, ne sera pas moins intéressant que son aîné. Vous jugerez de son contenu, tant par les lectures qui rempliront la présente séance, que par l'indication suivante des travaux dont les manuscrits sont entre nos mains. | Un mémoire de M. Gaffarel, intitulé : Eudoxe de Cyzique et le périple de l'Afrique dans l'antiquité. La vie aventureuse de ce voyageur, retracée confusément par quelques historiens grecs et latins, a fourni à M. Gaffarel l’occasion de grouper autour des actes de ce personnage tout ce qui, dans l'antiquité, s’y rapporte ou y ressemble. C'est ainsi qu'il a été conduit à décrire Cyzique et Alexandrie, et à exposer les différents périples qui ont été entrepris autour de l'Afrique : il en est résulté une étude intéressante, d'une lecture facile et agréable. EVE Une notice de votre président sur un hygromètre perfec- lionné, destiné à favoriser les recherches sur l'humidité de l'atmosphère, donnée si importante au point de vue de la chmatologie, et malheureusement trop délaissée de nos Jours. Une autre note, du même auteur, sur un appareil à niveau constant pour l'essai des matières d'argent par la voie humide. De M. Résal, une notice sur les tourbières supra-aquatiques du Haut-Juras, dans laquelle sont décrites les principales tour- bières de la Franche-Comté. M. Paillot, qui a bien voulu joindre à ce dernier travail une nomenclature des végétaux absorbés par nos tourbières, nous continue en outre ses précieuses communications sur la Flore de notre région. à Nous devons à l'esprit d'observation et de synthèse de M. Alphonse Delacroix une élégante description de la splen- dide aurore boréale du 4 février dernier. M. de Tribolet, géologue à Zurich, nous a gracieusement offert une ‘lescriplion géologique du Mont-Chatelu, qui fait partie des chaînes jurassiques. Remarquable comme méthode et comme précision, cette étude pourrait servir de guide à ceux qui voudraient élucider les points géologiques douteux de nos contrées. | Je mentionnerai enfin le mémoire, si impatiemment attendu, de MM. Ducat et Castan, sur la découverte et les fouilles du théâtre de Vesontio. Je n'ai pas besoin de faire ressortir le mérite spécial de l'œuvre de ces deux zélés collaborateurs. Vous savez tout ce qu'on peut espérer du goût artistique du premier, tout ce qu'on doit augurer de la savante érudition du second. indépendamment des travaux de premier ordre dont il enrichit nos Mémoires, M. Castan saisit toutes les occasions d'intéresser nos réunions mensuelles. Tout dernièrement, il nous à entretenu des tentatives faites par lui pour déter- miner la part revenant à la Séquanie dans la catégorie des monnaies gauloises : détermination pleine de difficultés, par Le pes suite du manque absolu d'un caractère spécial aux monnaies celtiques. En effet, d'après notre savant confrère, les Gaulois, réglant entre eux leurs transactions par voie d'échanges, n’ont dû fabriquer de monnaies que pour leurs rapports commerciaux avec les nations étrangères, et l'on comprend qu'ils se soient efforcés de donner à cette monnaie l'allure de celle des peuples en vue desquels ils l'émettaient. Les Gaulois n’ont pas eu de génie propre en matière de numismatique; par suite leurs monnaies sont de grossiers pastiches dont les caractères exté- rieurs sont insuffisants pour déterminer des attributions. Aussi est-il de l'avis de M. de Saint-Ferjeux, qui pense qu'en matière de monnaies gauloises, les attributions doivent être principalement basées sur la fréquence des trouvailles de tel type dans telle circonscription. Et c’est pour contribuer à l'éclaircissement de cette question que M. Castan nous a pré- senté le dessin des monnaies gauloises que le sol franc-comtois fournit en plus grande abondance, dessin qu'il se propose d'adresser aux personnes qui poursuivent la solution de cette importante recherche. M. Oudet, maire de Besancon, nous a fait une intéressante communication : elle consiste dans un groupe de divers spé- cimens, tels que laves, scories et cendres, provenant de la dernière éruption du Vésuve. Ces échantillons étaient accom- pagnés de deux photographies : l’une représente une scène de dévastation causée par un courant de lave dans les environs du village de San-Sebastiano; l’autre, qui est une vue du volcan prise de l’île de Capri, montre l’immense gerbe de vapeur, de fumée, de pierres et de cendres, qui s’élançait.du cratère lors de ce gigantesque phénomène. Comme dans toutes les circonstances analogues, on a beau- coup exagéré les diverses phases et les conséquences de cette dernière éruption. Une étude imparfaite et les récits erronés qui ont été donnés des effets volcaniques, ont fait supposer à tort que, à l'intensité près, cette éruption avait la plus grande EPST, le analogie avec celle qui, l’an 79 de notre ère, occasionna la destruction d'Herculanum et de Pompéi. Or, on sait que ces deux cités n'ont pas été englouties sous des laves, maïs bien, suivant Pline le jeune, par un horrible bouleversement, par une explosion formidable qui aurait jeté une partie de la mon- tagne à la mer; en sorte que les deux villes ont été ensevelies sous des ävalanches de débris ponceux qui existaient anté- rieurement sur les flancs de cette montagne. Cette explication est d'autant plus probable, que le Vésuve lui-même n’a jamais produit un atome de ces débris qui couvrent encore aujour- d'hui, jusqu'à une grande hauteur, toute la pente extérieure de la Somma et même toute la Campanie (1). Quoi qu'il en soit, les échantillons si gracieusement offerts par M. Oudet ont été acceptés avec reconnaissance, pour être l'objet d'une étude géologique approfondie. M. le colonel fédéral de Mandrot continue avec persévérance l'exécution d’une carte de Franche-Comté, à laquelle notre Compagnie à fait le plus sympathique accueil. A l’aide de teintes conventionnelles, l'auteur élimine tout ce qui peut donner matière à confusion dans la lecture d’une carte : il fait ressortir le relief du sol, distingue les lieux découverts des surfaces boisées, établit une différence bien nette entre les cours d’eau et les voies de communication. Les teintes, ingénieusement combinées, forment un ensemble d’une vue agréable. En appliquant cette méthode à la confection d’une carte du canton de Neuchâtel, M. de Mandrot a fait un travail supé- rieur à tout ce que le pays possédait en ce genre, et qui se recommande par le triple mérite de la science, de l’art et du patriotisme. En entreprenant la construction d'une carte de notre province, d'après les mêmes principes, il s'est acquis les titres les plus sérieux à notre estime et à notre reconnaissance. La liste des sociétés savantes qui correspondent avec nous (1) Beupanr, Eléments de géologie. 8 £ Lea ae s’est encore accrue cette année : il en a été de même de celle des membres résidants et correspondants. Si notre Compagnie a été heureuse d'accueillir de nouveaux adhérents, elle a le regret d'avoir fait des pertes sensibles. M. Bosseux, professeur de rhétorique au lycée de Besancon, était des nôtres depuis peu de temps; mais il s'était fait remar- quer par son assiduité à nos réunions et par l'intérêt qu'il prenait à nos travaux. Sa mort prématurée nous prive d’un confrère estimé de tous et qui promettait de devenir un pré- cieux auxiliaire. Dans la personne de M. Philippe Percerot, nous avons fait une perte non moins sensible. Architecte d’un mérite réel «et essentiellement dévoué à la chose publique, il fut un des pre- miers à se rallier au petit groupe d'hommes de bonne volonté qui fondèrent notre Société, et il ne cessa de s’associer avec un dévouement complet à toutes les entreprises dont elle peut revendiquer la paternité. Hélas! nous les perdons un à un ces dignes travailleurs des premières années; mais il est consolant pour nous de penser que presque tous ont eu la satisfaction de voir leur création se développer et s'accroître sans cesse. Continuez, messieurs, de faire grandir et prospérer leur œuvre : c'est Le plus bel hom- mage à rendre aux survivants, comme la meilleure manière de vénérer la mémoire de ceux qui ne sont plus. Puissé-je dans ces quelques pages avoir réussi à démontrer que notre Société est laborieuse, que les libéralités qu'elle recoit se convertissent en œuvres utiles, qu'elle justifie toutes les sympathies qui l'honorent et dont elle est fière ! Plus que jamais, j'en ai la certitude, elle s’efforcera de per- pétuer dans son sein la tradition du travail et du dévouement à la science; et, fidèle à son passé, elle restera, quoi quil advienne, la Société d'Emulation, de l’'émulation des bons exemples. EUDOXE DE CYZIQUE ET LE PÉRIPLE DE L'AFRIQUE DANS L'ANTIQUITÉ PAR PAUL GAFFAREL Docteur ès-lettres, Agrégé de l'Université. Séance du 11 mai 1872 = 5 De à FHOVEAU SICTON af se LUE VIN] 16 6: s "al HE TTION 1455 just ir race euros 0-3 b-e50 bit ere 0 se : Daft dosre ste LU . 6bigeni es L où ro, FOUT wi Sn au ato li GE Fr 3€ sé INTRODUCTION Posidonius d'Apamée, philosophe et mathématicien, dont plusieurs Romains illustres, Cicéron, Balbus, Pompée, s’ho- noraient de suivre les lecons, avait composé de nombreux ouvrages : quelques fragments seuls (1) sont parvenus jusqu'à nous. Un de ces ouvrages était intitulé : Etude de l'Océan. Ce devait être un curieux traité de météorologie, de géographie physique et peut-être aussi d'économie politique. Le géographe Strabon (?) a fait à cet ouvrage de nombreux emprunts. Un de ces extraits a vivement frappé notre attention. Posidonius y parle d’un certain Eudoxe de Cyzique, grand voyageur, aven- turier intrépide, qui aurait cherché à faire par mer le tour de l'Afrique. Cornélius Népos, Pomponius Méla et Pline l'ancien mentionnent aussi cet Eudoxe. Nous avons cherché à recons- tituer la vie et les voyages de ce hardi devancier de Vasco de Gama, mais en rattachant à ses aventures les traditions et Les faits historiques qui se rapportaient au périple de l'Afrique dans l'antiquité. (1) Posinonu Raonur Reliquiæ docltrinæ, edit. J. Bake: ace. D. Wytten- bachii annotalio. Leyde, 1810, in-8°. (2) SrraBon, liv. IT, chap. 11, 2 4-5; édition Didot, pp. 81-84 : nous avons toujours cité l'excellente traduction de M. Tardieu, dont le monde savant attend avec impatience les derniers volumes. PCT € 11 RAA EUDOXE DE CYZIQUE ET LE PÉRIPLE DE L'AFRIQUE DANS L'ANTIQUITÉ PREMIÈRE PARTIE VOYAGES D'EUDOXE DANS L'OCÉAN INDIEN CHAPITRE I EUDOXE A CYZIQUE La ville de Cyzique était, cent cinquante ans avant la nais- sance du Christ, une des cités les plus riches et les plus pros- pères de l’Asie-Mineure. Tantôt alliée d'Athènes ou de Sparte, tantôt soumise aux Perses ou jouissant de son autonomie, elle partagea la bonne ou la mauvaise fortune des villes de l’Hel- lespont. Le commerce avait fait sa grandeur. Bâtie sur une des petites îles qui occupent la côte méridionale de la Propon- tide, mais rejointe à la terre ferme (1) par deux ponts, elle avait successivement jeté, comme autant de bras, quatre ports autour d'elle. Celui d’Artaki @), véritable avant-port, (1) SrraBon, XII, var, 11. — Aujourd'hui les remous des deux golfes et les terres chariées des montagnes ont accumulé les algues et les + galets, et fait un isthme d'un mille et demi de large. 2) Aujourd'hui village de dix-huit cents à deux mille âmes. On y cul- tive la vigne. SE ER PT ee 9 PONT ON 0 PU VU UP TE PT SES n'existait plus au temps de Pline (1), mais reprit de l’impor- tance avec les empereurs byzantins. Le port d'Amauly, ou Hamaly, était le plus important des quatre. Panormo et les Grenades ®?) n'étaient que des ports de secours, de véritables rades foraines qui servaient de refuge aux petits bâtiments surpris par les orages de la Propontide. La ville était considérable : du temps de Strabon, elle avait cinq cents stades de circuit. Les ruines (3) qui subsistent attestent sa grandeur passée. De nombreux monuments avaient été bâtis aux frais du peuple. On vantait sa citadelle (4), ses murailles, ses tours de marbre, que n'avaient pas encore en- dommagées les béliers de Mithridate. Une de ces tours est encore debout. On la nomme tour de Balkiz (5). Elle com- mandait peut-être un des ponts jetés sur le canal étroit qui séparait la ville du continent. Un grand mur se rattache à la tour et se dirige à angle droit vers l'est. Un vaste amphithéâtre, monument fort rare en Asie, servait aux solennités littéraires ; car les habitants de Cyzique semblent avoir préféré les amu- sements de l'esprit aux brutales et sanguinaires distractions qui prévalurent plus tard. Les ruines de cet amphithéâtre subsistent (6). Trente-deux vomitoires en blocs de granit étalent encore leurs larges escaliers et leurs voûtes colossales. Le temple de Cybèle attirait surtout l'attention. Il occupait le (1) Pune, Hist. nat., v, 32. (2) Tà ‘Poôta. (3) Les ruines de Cyzique ont été visitées par un grand nombre de touristes. En 1749, Peyssonnel, consul de France à Smyrne, en rapporta une collection d'inscriptions, qui toutes ont été insérées dans le second volume du Recueil d'antiquilés du comte DE Cavyzus (7 vol. in-49, 1761- 1767). M. Edmond Texrer, dans son grand Voyage en Asie Mineure, a, de nouveau, visité et en partie dessiné ces ruines (t. IT, pp. 167 et suiv.). (4) FLorus, m1, 5 : «Cyzicum, nobilis civitas, arce, mœnibus, porta, tur- ribusque marmoreis, Asiaticæ plagæ littora illustrat. » (3) TEXIER, ouvr. cit., p. 167. (6) In. planche cvr. — Presque toutes les inscriptions conservées sont relatives à des jeux publics. (CayLus, pl. Lx, LXI, LxIT, etc.) de rai 4 Ado sommet d'une des deux collines qui dominaient la ville, le mont Dindymum, d’où la déesse avait le nom de Cybèle Din- dymène; la seconde colline s'appelait le mont aux Ours, réputation depuis longtemps usurpée, car les repaires des bêtes fauves avaient fait place à ces villas élégantes, à ces somptueuses bastides, que les négociants grecs ont toujours aimé à bâtir autour de leurs cités, pour s’y livrer aux douceurs du far niente, sans jamais perdre la mer de vue. Ce temple de Cybèle Dindymène avait une grande réputation. On y rendait à la déesse un culte particulier. Elle passait pour être la divi- nité tutélaire de la ville (1). C'était surtout à l'époque des mystères que les cérémonies sacrées attiraient à ce temple de nombreux visiteurs. Le Scythe Anacharsis, qui y assista, fut tellement ému par la pompe de la cérémonie, qu'il forma le vœu d'établir dans son pays, s'il y revenait, une veillée reli- gieuse en l'honneur de la mère des dieux (?). La constitution de Cyzique, plus encore que sa position ou ses monuments, faisait sa grandeur et sa gloire. Cyzique avait un gouvernement démocratique qui passait pour excellent. Les citoyens, divisés en six tribus dont les noms rappellent ceux des tribus d'Athènes G), Géléontes, OEnopes, Argades, Hoplites, Ægicores, Bores, parvenaient à tour de rôle à la prytanie. La prytanie comptait six cents prytanes élus dans les six tribus et fonctionnant cinquante par mois. Chaque col- _lége de prytanes était présidé par un épistate ou boularque (), en sorte que tous les citoyens arrivaient successivement aux affaires ; et, comme ils n’y passaient qu'un temps fort limité, ils ne cherchaient que le bien commun de la cité sans se préoccuper de leurs intérêts propres. L'édifice où se réunis- saient les prytanes était magnifique : il s'élevait au centre de © — 2 ——————— — (1) Cavzius, ouvr. cit., t. II, p. 198. (2) HÉRODOTE, 1, 76. (3) ee planches Lx, LxI, LXI1, LXX, t. Il, p. 204. (4) In., pl. Lxvir. el sie: fe che à oil Lie SN UN D Li éd à dé do gd À és éd ÉET. VTT - - On 7e = A) EE la ville; de larges portiques l'entouraient, où les prytanes prenaient en public leurs repas dans des vases d'or (1). Parmi les prytanes, on en distinguait deux, les grammates ou gref- fiers, dont le premier, tiré au sort à chaque prytanie, gardait les décrets et les actes publics, et le second était élu pour conserver les lois (2). Trois fonctionnaires existaient encore, qu'on trouve rare- ment dans les autres cités grecques : les surveillants de trois dépôts publics, l’un pour les armes, l’autre pour les ma- chines, et le troisième pour le froment qu'on empêchait de se corrompre en y mêlant de la terre chalcidique(G). Une inscrip- tion mentionne encore un garde ou inspecteur des vins (4); mais cette charge peut n'avoir été exercée que temporairement. C'est dans cette ville que naquit Eudoxe. Il est bien difficile de fixer la date de sa naissance. Nous savons seulement qu'il vint en Egypte dans les dernières années du règne de Ptolé- mée VII Evergète Physcon (65). Or, Evergète Physcon régna de 146 à 117. Si nous admettons qu'Eudoxe était dans la force de l’âge, c’est-à-dire avait environ trente-cinq ans lors- qu'il vint pour la première fois en Egypte, à la fin du règne ‘ de Physcon, de 120 à 117 avant J.-C., il dut naître à Cyzique vers 155 ou 160 avant J.-C., quelques années avant la des- truction de Carthage et de Corinthe. Eudoxe était de grande naissance, car il fut revêtu des dignités de théore et de spondophore, qui ne s'accordaient : qu'aux citoyens les plus honorables (6), Il avait de la fortune, car ces fonctions étaient gratuites, et nous le verrons accom- plir à ses frais des voyages coûteux. Il avait reçu une 1) Tire-Live, x11, 20. 2) Cayzus. pl. XLVI1-LY. 3) STRABON, XII, vu, 11. 4) CavyLus, pl. zv. >) STRABON, IL, 1, 4, (6) Taucvoine vi, 16; — ANDOGIDE, adv. Alcib., xxxH-XxxX1H1 ; — SPaN- HEIM @d Callimachi hymn. in Del., 314. ( ( ( ( ( de ES Mie instruction fort développée, et il était au courant des pro- blèmes scientifiques qui préoccupaient alors le monde savant. Esprit curieux, amoureux de la nouveauté, il recherchait les occasions de s’instruire, et, comme les Anglais de nos jours, ne reculait pas à la pensée d’un voyage lointain, s'il pouvait croire que son instruction en serait augmentée. Nous ne savons rien des premières années de sa vie ; mais nous pouvons affirmer que sa jeunesse ne fut pas inactive. Il est probable qu'il s'adonna au commerce, ainsi que tous ses compatriotes. Cyzique avait, en effet, des relations de com- merce très étendues. Strabon (1) compta dans son port jusqu'à deux cents loges pour les navires de diverses nations. Sa monnaie avait cours dans tout l'Orient, ce qui prouve qu'on avait confiance dans la bonne foi des Cyzicéniens. Le type de ces monnaies représentait, d'un côté, une tête de femme, de l’autre une tête de lion : la femme était Proserpine et le lion rappelait Cybèle. La réputation des statères cyzicéniens était si bien établie qu'elle s’est transmise à travers les âges, si toutefois il est vrai que le mot sequin dérive de Cyzique. Nous le croirions d'autant plus volontiers que le sequin fut une monnaie vénitienne, et que Venise, plus que toute autre ville de la Méditerranée, fut en relations, au moyen-âge, avec les cités d'Asie qui avaient conservé la monnaie de Cyzique (). Eudoxe ne se contenta pas de diriger les opérations de sa maison en restant à Cyzique : il s’initia de bonne heure à la science nautique, et parcourut lui-même les villes où il avait soit des comptoirs, soit des correspondants, ainsi que les con- trées visitées d'ordinaires par les Cyzicéniens ; mais nous ne pouvons que soupconner ces voyages, rien autre ne les attes- tant que la facilité de ses déplacements et le bon accueil qu'il recevra plus tard sur divers points de la Méditerranée. Le STRABON, XII, Vi, 7. MÉNAGE, Dictionnaire étymologique de la langue françcoise, t. IT, 4, — D'AgcaxcourTt, Notes de sa traduction de l'Anabase. eh. ve 7 DE 7 D , PA t °# pe premier renseignement certain que nous ayons sur lui, c'est «qu'on le vit arriver en Egypte, sous le règne d'Evergète II, en qualité de théore ou de spondophore aux jeux coréens (1). » On appelait théores des sacrificateurs spéciaux, chargés d'offrir des sacrifices particuliers au nom des dieux nationaux. Leurs fonctions (? constituaient un sacerdoce temporaire. C'étaient de véritables pontifes, revêtus par leur caractère de l'inviolabilité la plus absolue @). On les choisissait toujours parmi les citoyens les plus riches et les plus honorables des états qui les députaient. Quant aux spondophores, c’étaient des ministres du culte chargés de verser les libations, ou tout au moins de porter les vases de libations qui faisaient partie de tout sacrifice solennel. Les fonctions de théore et de spon- dophore étaient souvent réunies; car on donnait indistincte- ment le nom de théores à tous les membres de la députation sacrée, et, quand avait lieu le sacrifice, tous les théores en faisaient partie et pouvaient par conséquent remplir l'office de spondophores. Eudoxe fut donc à la fois théore et spondophore aux jeux coréens. Certains éditeurs, embarrassés par ces jeux coréens, ont proposé de lire corinthiens. On sait, en effet, qu'à Corinthe, tous les trois ans, se célébraient des jeux splendides, ces fa- meux jeux isthmiques dont Pindare immortalisa le souvenir. Ces jeux étaient en l'honneur de Neptune, et Cyzique, ainsi que toutes les villes maritimes, rendait un culte spécial au dieu de la mer : dès lors il devenait naturel que les Cyzicéniens envoyassent une théorie à ces jeux. Mais les manuscrits n’au- torisent pas cette lecon, et d’ailleurs a-t-on oublié que Corinthe était alors en ruine depuis sa destruction par les Romains (146), qu'elle ne sera rebâtie et repeuplée que par César et Auguste, (1) STRABON, IL, 111, 4 : ’Audotupo DE rad” eïvor ofoacs xai EÜdoËOv tva Kutrenvov Oewpôy nai onmovüopopoy Toù T@v Kopsiwy ày@vos 8Mdetv eic Atyvnrov ioropet xatà Toy Geûrepov Edepyérny. (2) Demosrt., Pro liberis Lycurgi, ? 31. (3) Bœckx, Corp. inscript. græc., t. IT, n° 2270; t. IUT, n° 3656. CVrS { CT et par conséquent qu'il n’y avait plus de jeux corinthiens à l’époque où Eudoxe était théore ? Ces jeux coréens étaient des jeux en l'honneur de Proser- pine, que les Grecs adoraient sous le nom de Coré. Les Ptolé- mées, qui avaient conservé tous les usages de leur patrie et transporté en Egypte les cérémonies du paganisme grec, avaient institué des mystères, et, comme conséquence de ces mystères, des jeux en l'honneur de la déesse. Ils conviaient à ces solennités les représentants de la Grèce entière, d’après l'usage suivi à Delphes, à Olympie et naguère encore à Co- rinthe. Cyzique était spécialement consacrée à Proserpine : aussi envoyait-elle en Egypte une députation religieuse, une théorie, pour assister à ces jeux : Eudoxe fit partie de cette députation, et s'embarqua pour Alexandrie, où régnait Pto- lémée VII Evergète Physcon. CHAPITRE Il EUDOXE DANS LES INDES à 1. L’Indien naufragé. C'était alors une merveille que cette Alexandrie (1), une véritable Babel de langues et de costumes, ville à la fois grecque et égyptienne, où se rencontraient aux Confins de trois mondes les races les plus diverses. Le mercenaire Thrace y coudoyait le nègre du Khordofan ; le Juif s’y rencontrait avec le Gaulois et l'Ibérien. Dîners, fêtes, batailles mêmes s’y succédaient sans relâche. C'était comme le rendez-vous de toutes les religions, le centre de toutes les croyances. Le com- merce du monde ne sortait plus de l'Egypte, et Alexandrie était devenue la première ville de commerce, le point central d'où partaient et où aboutissaient voyageurs et négociants. Eudoxe, une fois arrivé dans cette capitale unique au monde, trouva bientôt l'occasion d'y satisfaire ses goûts. « Admis à l'honneur de conférer avec le roi et ses ministres, il s'en- quit tout d’abord des moyens de remonter le Nil, en homme avide de connaître les curiosités du pays, mais qui était déjà remarquablement instruit à cet égard (2). » Le problème des sources du Nil, en effet, irritait déjà la curiosité des savants. Depuis Hérodote (3), qui avait déclaré ne pas connaître ces sources, jusqu'à Eudoxe, de nombreuses explorations avaient été tentées ; mais le fleuve mystérieux gardait encore son se- 0 1) Voir Revue britannique, juillet 1841. (2) Srras., Il, 11, 4 : Suorañvor DE xaù té Baorhet ual Toîc mepèi aùrov xai péhiora uaTa Toùs dvamhovc Toù Netou, BaupLactixdv OVTE TV TOTUXGY i0LLETUOV GX KA OÙX ATADEUTOV. (3) Hé£roDore. 11, 28. EU E ; RER cret. Les Ptolémées n'avaient pas négligé ce problème : le second des Ptolémées, Philadelphe, avait même envoyé un de ses meilleurs capitaines, Timosthènes (1), à la recherche des sources du Nil : l'expédition n'avait pas réussi. Timosthènes avait remonté le Nil, et, en soixante jours, était arrivé de Syène à Méroë ; mais il avait été arrêté par ces marécages qui, trois siècles plus tard, arrètèrent encore les centurions de Néron (?), et que, de nos jours, Baker eut tant de peine à traverser. Eudoxe aurait peut-être eu le désir de renouveler la tentative de Timosthènes : ses demandes, ses entretiens, tout semble l'indiquer; et le souverain régnant, Ptolémée Ever- sète II, surnommé Physcon ou le Ventru, et surtout son pre- mier ministre, Hiérax, aimaient fort à encourager de sem- blables tentatives. Mais un événement fortuit changea le cours de ses idées, en dirigeant son attention vers d'autres pays et d'autres problèmes géographiques. Un naufrage avait eu lieu sur les côtes de la mer Rouge 6). Le navire avait été jeté à la côte, et, de tout l'équipage, un seul homme avait été sauvé, mais épuisé de fatigue et à demi mort de faim. Personne n’entendait sa langue. [1 ne s’expli- quait que par gestes. Les gardes-côte l’accueillirent avec em- pressement, lui donnèrent le temps de seremettrede ses fatigues, et l'envoyèrent à Alexandrie. Dans cette ville on le combla de soins et d’attentions. On lui donna même des maitres pour apprendre le grec. Dès qu'il parvint à se faire comprendre, il raconta qu'il était parti de l'Inde, mais qu'il s'était trompé.de route, et qu'après avoir vu tous ses Compagnons, Jusqu au dernier, mourir de faim, il était à la veille de périr quand on l'avait recueilli sur la côte d'Egypte. Vivement touché de la bonne hospitalité qu'il avait reçue, cet Indien donna sur (1) STrRABON, X VII, 1, 2. (2) SénèqQuE, Questions naturelles, VI, vin, 3. — Pine, À. N., vi, 29. — Baker, l'oyage à l'Albert Nyanza (Tour du monde, 1867). (3) STRAB, II, 1x, 4. Top son pays tous les détails qu'on lui demanda, et s'offrit, au cas où le roi voudrait envoyer une expédition dans l'Inde, à lui servir de guide. La proposition était séduisante, Depuis longtemps les Pto- lémées cherchaient à établir entre leur royaume et les ré- gions orientales des rapports suivis (1). Mais les dangers de la navigation dans la mer Erythrée et l'océan Indien, et l'absence de guides éprouvés, avaient arrêté le succès de ces entreprises. Sous le règne de Ptolémée Philadelphe (285-247), Timosthènes avait exploré les rivages du golfe Arabique (), Ariston (@) avait visité le Littoral de la péninsule Arabique; Satyros et Eudemos, et, sous son successeur Evergète (247-222), Mégas- thènes, Damaïlos, Dyonisios et Patrocles avaient entrepris de véritables voyages de découverte (4). Les deux ports de Béré- nice et de Myos Ormos, sur la mer Erythrée, étaient fréquen- tés par les marins des mers orientales. Mais ce qu'auraient surtout désiré les Ptolémées, c'étaient des rapports réguliers avec l'Inde. L'Inde était déjà le grand réservoir des richesses, la mine toujours exploitée et jamais épuisée. Les Ptolémées au- raient voulu accaparer à leur profit le commerce de l'extrême Orient : aussi la proposition de l'Indien fut-elle acceptée avec empressement. Une expédition fut organisée, et Eudoxe, tou- jours à l'affût des circonstances qui pouvaient satisfaire sa Cu- riosité, demanda et obtint d'en faire partie. : Strabon ne croit pas à ce récit; il semble même prendre plai- sir à lui opposer des objections. « Quelle apparence, écrit-il 6), qu'il soit arrivé à cet Indien si tragique aventure ? Le golfe Arabique, on le sait, est aussi resserré que le lit d’un fleuve, et s'étend sur une longueur de quinze mille stades environ, (1) Amerzxow, Commerce de l'Egypte sous les Plolémées, 1806, in-12. (2) StraBow, X VII, 1x, 6. (3) Dionore, III, xzxr, 1. (4) STRABON, IL, 1. (5) Strag., Il, xt, 5: Tic yap À niÜavérne mowroy uèv tic Lara Toy Ivôov TRELAIRETELUE ss jusqu'au canal encore plus étroit qui lui sert d'entrée ; il n’est donc pas vraisemblable que les Indiens naviguant hors de ce golfe aient pu y pénétrer par mégarde : le peu de largeur de l'entrée les eût infailliblement avertis qu'ils faisaient fausse route. Y auraient-ils au contraire pénétré sciemment et volon- tairement ? Impossible alors de prétexter soit une erreur de route, soit un caprice des vents. » Il est très vrai que le golfe Arabique est étroit à son entrée. Mais les Indiens du navire naufragé n'avaient peut-être jamais navigué dans ces parages, et pouvaient s'imaginer qu'après avoir franchi cette passe étroite, un golfe immense, tel que le golfe Persique, une mer intérieure, telle que le Pont-Euxin, s'ouvriraient devant eux. De pareilles erreurs sont fréquentes. Les navigateurs des mers polaires ne s’aventureraient jamais dans les ouvertures qui s'offrent à eux, s'ils n'avaient l'espoir de voir s'étendre une mer libre, ou se prolonger à l'infini le détroit où ils se sont engagés. Pourtant, que de fois ne sont-ils pas obligés de revenir sur leurs pas, arrêtés qu'ils sont par des murailles de glace! Ces pauvres Indiens, ignorants, et d’ailleurs chassés par la tempête, franchirent donc le détroit en croyant qu'une mer immense s'ouvrait à eux, Ils se trom- paient sans doute, mais n'en avaient pas conscience, et leur voyage n'est que trop vraisemblable. : Strabon n’est pas plus heureux dans une seconde objection(1). « Comment admettre aussi, écrit-il, que ces Indiens se soient tous laissés mourir de faim, un seul excepté ?» Mais il est plus que probable qu'ils n'ont accepté cette dure nécessité qu'à leur corps défendant. Lorsque, sur le radeau de la Méduse, les malheureux naufragés se demandaient s’ils ne sacrifieraient pas, pour se soutenir, les plus faibles d’entre eux, et allaient en venir à cette horrible extrémité quand leur apparut la voile libératrice, bien des leurs avaient déjà succombé, et tous, les (1) SrRar., IL, tr, 5 : Aup@ te nô: nepteïdov AmaYTac mohOUEVOUS os TAÂV ÉVOG..., LL98 uns après les autres, auraient également payé leur tribut à la nature : par conséquent, à un moment donné, un seul aurait survécu, comme survécut l’Indien à ses compagnons. Tout récemment, dans les déserts de l'Australie centrale (1), Burke et ses héroïques compagnons ne se laissèrent pas non plus mourir de faim. Tant qu'ils en eurent la force, ils se trainèrent à terre pour y chercher quelques racines et soutenir leur mi- sérable existence. Pourtant ils succombèrent successivement, et King, le dernier survivant, allait périr à son tour, quand 1l fut recueilli par une tribu indigène, et sauvé comme l’Indien naufragé le fut par les gardes-côte de la mer Erythrée. « Comment ce survivant, continue Strabon (), suffit-il à diriger à lui seul un bâtiment qui n'était pas apparemment des plus petits, puisqu'il avait été de force à résister à de si longues traversées? » D'abord rien n'indique la grandeur du navire, et de frêles barques ont parfois supporté d'énormes traversées. N'est-ce point, par exemple, avec des pirogues creusées dans des troncs d'arbres (3), et qu'ils nommaient des pros, que les Malais ont découvert et colonisé toutes les îles de la Sonde? Les habitants de la Nouvelle-Zélande, à l'époque où Cook (4) les découvrit, allaient jusqu’à Taïti, séparée d'eux par plus de deux millemilles. Admettons pourtant que ce navire était considérable : il deviendrait alors, en effet, très difficile, surtout à un homme épuisé par le besoin, de diriger une telle masse à lui tout seul. Mais Strabon se réfute lui-même en nous apprenant que le navire était échoué. L'Indien avait par conséquent re- noncé à le conduire ; il le laissait aller à la dérive, et le navire avait été jeté à la côte par la tempête ou par les courants, mais nullement par la mauvaise direction du nautonnier. Strabon s'étonne encore de la facilité avec laquelle cet (1) Vivien DE SaINT-MaRTIN, Année géog.; — Tour du monde (1862). @) Srras., IL, 111, 5 : Ilepyevôpevés ve nc inavôc nv mLôvos xateuDÜveLy ro mAOTOV où puxpôy OV, Té ye TnMxadTE meÂGyn duaipery ÜUVLEVOY.... (3) QuaTREMÈRE (Académie des Inscriptions, 1845, p. 381). (4) Cook, Voyages, édit. 1784, t. T, liv. 1, 28. LES : But. dec Indien apprit le grec, assez vite et assez bien pour persuader lui-même au roi d'Egypte qu'il était capable de conduire l’ex- pédition. Mais rien n’indique qu il se soit exprimé avec toute l'élégance d'un puriste alexandrin. Ses maîtres ont dû l'ac- compagner quand il fut présenté à Ptolémée, et au besoin lui servir d’interprètes. Nous ne savons pas non plus si cet Indien était intelligent où non, et nous n’apprendrons rien à personne en rappelant ici qu'il existe entre le sanscrit et le grec des rapports qui facilitent l'étude de ces deux langues ; enfin le meilleur des maîtres n'est-il pas la nécessité ? Jeté dans un pays inconnu, entouré de personnes dont il ne sai- sissait ue les intentions, cet Indien dut chercher avant tout à comprendre et à se faire comprendre. Ainsi feront tous les naufragés; ainsi Strabon lui-même, si quelque tempête l'avait jeté en Inde, se serait efforcé d'apprendre la langue du pays. Strabon (l) se demande encore comment un souverain aussi puissant, aussi éclairé que Ptolémée, a pu confier à un inconnu la conduite d'une pareille expédition, et cela dans une mer et des parages connus depuis longtemps. Les Pto- lémées, il est vrai, ont toujours été entourés des marins les plus hardis et des capitaines les plus expérimentés. Le fonda- teur de leur dynastie se glorifiait du surnom que ses ennemis lui avaient donné pour le ridiculiser, le capitaine de vaisseau, et ses successeurs eurent tous grand soin de continuer cette tradition de famille. Il est donc très certain qu'Evergète IT aurait pu donner à tout autre qu'à cet Indien la conduite d'une expédition de ce genre. Si pourtant il se décida à le faire, c'était que l’Indien lui inspirait de la confiance, et aussi que la contrée dont il était originaire n’était pas aussi connue que veut bien le supposer Strabon : autrement des relations se seraient antérieurement établies entre l'Egypte et la patrie de cet Indien. Or, puisque l’Indien ne connaissait pas la langue parlée en Egypte, et que, d'un autre côté, nul Egyptien ne (1) STraB., loc. cil. + he È CC mé AL Fete CS AT RE OR TT PE RO OT QU Er CE PL OUEST PEER D Fr FL 0 PRE comprenait son idiôme, c'est qu'il venait d'un pays éloigné et totalement ignoré. Aussi les détails qu'il donna sur cette région piquèrent-ils si vivement la curiosité du roi, qu'il voulut faire visiter la contrée décrite par le naufragé. Il nous faut d'ailleurs remarquer que, tout en acceptant ses services, il ne lui donna pas la direction exclusive de l'en- treprise, mais justement lui associa un de ces Grecs, auxquels les princes de sa dynastie aimèrent toujours à accorder des missions de Confiance. Ce Grec était Eudoxe, et un tel choix étonne Strabon. « Est-il possible, se demande-t-il, que ce spondophore, ce théore cyzicénien ait quitté sa patrie avec l'intention arrêtée d'avance d'entreprendre par mer le voyage de l'Inde, et qu'on lui ait confié en Egypte une mission de cette importance ? » Mais Strabon se trompe : Eudoxe, en débarquant à Alexandrie, n'avait aucune idée arrêtée : il venait remplir une mission religieuse ; mais, comme il aimait les aventures et avait des loisirs, il profita de l’occasion pour tenter une exploration de l'Inde. Rien ne le rappelait à Cyzique; rien ne le retenait en Egypte. Il trouvait le moyen de satisfaire ses goûts; il en pro- fita et fit bien. Quant à la mission que lui confia le roi, elle ne nous étonnera pas. Les souverains qui sont d'une autre race que leurs sujets, tels que les Ptolémées, et qui, conséquemment, ne sont rois que par la conquête, n'ont jamais grande confiance dans leur peuple. Ils aiment à s'entourer d'étrangers, suriout venant de leur patrie originaire. Les Ptolémées, n'oubliant jamais qu'ils venaient de Grèce, se firent un entourage presque exclusivement grec. Les capitaines qu'ils envoyèrent à la découverte dans les mers du sud : Timosthènes, Aristo- créon, Satyros, Eudemos, et cette légion d’intrépides explora-, teurs dont les voyages ont si prodigieusement étendu le champ des connaissances géographiques, Eratosthène lui-même, le directeur suprême de ces expéditions, tous étaient Grecs; et les Ptolémées les accueillirent avec autant d’honneurs que (A = GT nos compatriotes en obtinrent, dans le même pays et de nos jours, sous Méhémet-Ali et ses successeurs. Ce fut donc en sa qualité de Grec qu Eudoxe fut chargé par le roi d'Egypte de diriger cette expédition en Inde. 2 2. Premier voyage aux Indes. Eudoxe avait été prié par Evergète IT de distribuer des présents aux principaux personnages des villes et des contrées où il aborderait (1). Il s’acquitta de cette mission, et recut en échange de nombreux cadeaux qu'il rapporta en Egypte. C'étaient des parfums et des pierres de grand prix, « soit de ces pierres que les fleuves charient mêlées à de simples cailloux, soit de celles qu'on extrait du sein de la terre, sortes de concrétions aqueuses analogues à nos cristaux. » Tel est le seul délail que les anciens nous aient conservé sur le premier voyage d’Eudoxe aux Indes. Le mot /nde est tellement vague dans les écrivains antiques, il désigne tant de pays, qu'il est impossible de déterminer les régions que visita Eudoxe. On trouve des parfums sur la côte d'Arabie (?), dans ce qu'on nomme de nos jours les posses- sions de l'iman de Mascate ; on en trouve encore dans tout l'Hindoustan. Quant aux pierres précieuses roulées par les fleuves, les cours d’eau du Dekkan en fournissent de magnifiques échan- tillons ; mais les petits torrents de la côte du Béloutschistan en roulent aussi. Ces concrétions aqueuses, analogues à nos cristaux et extraites du sein de la terre, ressemblent aux stalactites et stalagmites des géologues; et Eudoxe pouvait bien avoir visité les grottes de l’île Salsette, ou même s'être enfoncé dans le pays jusqu à travers la chaîne des Ghaïüts occiden- (1) SrRABON, IL, ur, 4 : Iedoavra 0 per Dwpuwy étave)Deïv àvripopriod- LEVOY GPOLATAE.. (2) ParGrave, Voyage dans l'Arabie. D Eee den 22 99 = taux, qui renferment dans leurs cavernes une masse de pro- duits analogues. Mais ces données sont bien vagues : elles nous permettront seulement de conclure qu'Eudoxe a fait un voyage dans les régions orientales, chargé d’une mission politique ou plutôt commerciale par Ptolémée Evergète I, et qu'il est re- venu à Alexandrie avec une riche cargaison. Nous arrivons à un épisode singulier de la vie de notre héros. À peine avait-il débarqué, que le roi retint pour lui le chargement tout entier, à la grande déception d'Eudoxe qui se vit frustré dans ses espérances (1). Eudoxe aurait-il trahi la confiance dont on l'avait honoré ? Ou bien Evergète, qui avait armé le navire à ses frais, se croyait-il le droit de rentrer dans ses avances ? Le fait est douteux. Les négociants grecs n’ap- portaient pas de scrupules exagérés dans leurs opérations commerciales ; ils aimaient trop à confondre leurs intérêts avec ceux de leurs clients, surtout en Egypte, pays qu'ils considé- raient comme une ferme à exploiter. Malgré son honorabilité, malgré le rang qu'il occupait dans sa ville natale, Eudoxe avait peut-être élargi le sens de ses instructions, et travaillé trop pour lui, pas assez pour son maître. Mais Evergète IT, de son côté, ne passait pas pour un modèle de délicatesse. C'était un prince expéditif en matière contentieuse, car il se débarrassait par l’assassinat de tous ceux dont il était mécontent. Sous son règne, écrit Polybe @), on pouvait dire avec Homère G3) : « Par- courir l'Esypte, c’est une route longue et pénible.» Il est donc probable que, tenté par les richesses que rapportait Eudoxe, Evergète II voulut purement et simplement se les approprier Ce qui le prouverait, c’est qu Eudoxe ne fut condamné à au- cune peine infamante, comme l'eût été tout fonctionnaire con- vaincu de détournements ; qu'il eut la permission de rester à (1) SrrABON, IT, 111, 4 : Atubevobñvor dE tüy EAmiôwy" pehéchaL Yap aûTov &Tavro Toy poprov Tùv Evepyétnv. (2) PoLyBe, xxx1v, frag. 14. (3) Homère, Odyss., 1v, AST : Atyuntéy d'iévor dohynv 600v &pya)énv te. Pn . PNEUS TR pee + eur » CT M TT NAS UT CNE Far PT , - Re" AE Alexandrie, et que bientôt on recourut de nouveau à ses bons offices. à 3. Second voyage aux Indes. A la mort d'Evergète IT (117), sa veuve Cléopâtre, forcée de laisser le trône à Ptolémée Soter II, l'aîné de ses fils, qu’elle détestait, réussit à soulever contre lui le peuple d'Alexandrie et à l’exiler à Chypre. Elle donna la couronne au second de ses fils, à son favori Ptolémée Alexandre (106), et régna sous son nom; mais, fidèle aux traditions de sa dynastie, elle ne négligea pas les intérêts du commerce. Eudoxe était toujours à Alexandrie : la reine crut de bonne politique de réparer envers lui l'injustice de ses prédécesseurs, en augmentant par là le nombre de ses partisans. Elle le pria donc « de repartir pour l'Inde, mais cette fois avec de plus grands moyens d'action (1). » Eudoxe accepta avec empressement , heureux de revoir des pays qu'il avait déjà visités, et de refaire sa fortune. Nous n'avons encore aucun détail sur ce second voyage d'Eudoxe ; nous savons seulement « qu'au retour les vents le portèrent vers la côte qui s'éténd au-dessus de l'Ethiopie (?. » Ces vents sont les moussons qui, pendant six mois de l’année, de mai en octobre, soufflent du sud-ouest, et par conséquent poussent les navires des côtes Africaines vers les côtes In- diennes, et, pendant les six autres mois, de novembre à avril, partent du nord-est, «se courbent à l'approche des côtes qu'ils rencontrent, et accompagnent les navigateurs, sans in- terruption, depuis les rivages de l'Inde jusqu'au fond du golfe Arabique, ou le long des côtes orientales de l'Afrique 6). » On ne connaissait pas encore la périodicité de ces courants atmo- sphériques, puisque ce fut seulement à la fin du règne d'Au- guste que le pilote Hippalus la détermina avec précision; mais (1) Srrag., Il, on, 4 : él oùv nai nd Tadrnce meuvpôvar toy Eùdoëoy ueTà peflovos napacxeuñc. | (2) Srras., id. : Emaviovra d’avépoic mapeveyOnvar Ünèp tv Aibtoniav. (3) Gosse, Recherches sur la géographie des anciens, t. UT, p. 194. LÉ Pat NUS 6 Es ide SONT PAT CE LR D Dis a ete CS DS , * 2 : * - - # — 34 — Eudoxe en profita, et les moussons le portèrent sur la côte orientale de l'Afrique, probablement très au sud , car le pays était inconnu, et on ne comprenait pas la langue des naturels. Eudoxe « aborda successivement en plusieurs points, et sut se concilier l'esprit des indigènes, en partageant avec eux son blé, son vin, ses figues, toutes denrées qu'ils n'avaient pas(l). » Il était donc en un pays où jamais n'avaient pénétré d'Euro- péens; car, autrement, les naturels eussent connu le blé et le vin. Ces précieux aliments, une fois introduits dans une contrée, y obtiennent tout de suite droit de cité; et s'ils ne se rencontraient pas sur les rivages du continent Africain visités par Eudoxe, c'est qu'Eudoxe foulait un sol vierge encore de la présence des Européens. Le soin avec lequel Eudoxe relevait la côte, prouverait bien qu'il n'avait pas encore eu de devanciers dans cette partie du continent. Il ne s'avancait qu'avec prudence, et voulait que ses successeurs profitassent de ses découvertes. Aussi «avait-il grand soin de se faire indiquer les aiguades et fournir des pilotes (2). » Il prit même la précaution (et c'est vraiment la première fois que nous trouvons mentionnée dans l'histoire une observation de ce genre) « de se faire dicter un certain nombre de mots dans la langue du pays, à l'effet d’en dresser des listes. » Cette idée, toute moderne, semble étrange à Strabon (3). « Qu'avait-il donc besoin, se demande- t-il, de dresser ces vocabulaires Ethiopiens ? » Strabon parle ici avec le suprême dédain du civilisé pour le barbare; mais si d’autres capitaines avaient pris la même précaution , quelle inépuisable source de richesses philolo- aiques n’auriops-nous pas aujourd'hui entre les mains, el de quel secours ces vocabulaires empruntés aux langues bar- bares ne seraient-ils pas aux savants modernes ! sans compter (1) Srras., IL, 1, 4 : Ipocpepépevov dé tiot tomotc éÉowxeroüsar Todc &vOpuw- rovc peradôset outiwy Te xai olvou xal nuhaDidwv, Dv éxeivoLs OÙ [LE TV... (2) In: : ’Avri DE ToUtwy Dôpelas Te ruyxéveuv aa xaDoënyiac.…… (3) In. : ’Anoypdypeofor Te TOv ÉnLATOY EVIL. AR PAS qu'au point de vue tout pratique du commerce, Eudoxe frayait ainsi la voie à ses successeurs et leur fournissait le moyen d'entrer en relations directes et immédiates avec les peuples nouvellement découverts. C'est ainsi que dès lors ont procédé et procéderont tous les voyageurs sérieux. Eudoxe avait donc rendu au gouvernement qui l’employait d'importants services. Il méritait une récompense et espérait l'obtenir. Mais quand il revint en Egypte, sa protectrice, la reine Cléopâtre, ne régnait plus. Son fils Ptolémée Alexandre l'avait condamnée à mort. Le parricide fut bientôt puni : l’ar- mée et le peuple se soulevèrent; il fut obligé de fuir, et les Alexandrins rappelèrent de Chypre Ptolémée Soter II. Ce prince est connu dans l'histoire sous le nom de Lathyros ou pois chiche, qu'il devait sans doute à quelque signe particulier du visage. On était alors dans toute la fermentation de ces événements. Le nouveau roi ne se sentait pas encore solide- ment assis sur le trône. Ptolémée Alexandre avait de nom- breux partisans, etil cherchait à reprendre le pouvoir. Eudoxe avait servi sous les ordres de Cléopâtre, et par conséquent de Ptolémée Alexandre. Lathyros poursuivit-il en lui un ami de sa mère et de son frère, ou trouva-t-il l'occasion excellente pour s'emparer de trésors sur lesquels il ne comptait pas? on l'ignore ; mais on sait qu'Eudoxe fut, pour la seconde fois, dépouillé de ses richesses. Strabon (1) l’accuse, il est vrai, d'avoir été convaincu de détournements considérables ; mais cette accusation nous semble aussi peu fondée que la première. Dans l’un et dans l'autre cas, on le laissa jouir de sa pleine et entière liberté, et ce n’est pas ainsi qu on traite un coupable, surtout un récidi- viste. Ne vaut-il pas mieux croire qu'Eudoxe fut deux fois la victime d'injustes spoliations ? Evergète IT, un prince cupide, Soter IT, un prince vindicatif, le dépouillent tour à tour, et, pour colorer cette infamie, lui jettent à la face une accusation om (1) Srras., I, 11, 4 : Popalñvar Yap vevocpiouévoy roïa. De dis, MTL < note -, 2" Le CO VE tte D ee + MONT As CS Sr +5 APS AP Eee déshonorante. Mais ils n'osent point pousser jusqu'au bout cet acte odieux, et ils laissent la liberté à ce prétendu coupable. On peut donc l’affirmer : si quelqu'un fut lésé dans ses inté- rêts, ce ne furent point les souverains de l'Egypte, mais bien ce malheureux Eudoxe, poursuivi tout à la fois dans sa for- tune et dans son honneur. Len DEUXIÈME PARTIE VOYAGES D'EUDOXE DANS LA MÉDITERRANÉE CHAPITRE. III LES VOYAGES ANTÉRIEURS 4 1. L'éperon de navire espagnol. Eudoxe pouvait se consoler des injustes traitements des souverains de l'Esypte. Il avait rapporté de son dernier voyage, et il conservait, un trésor bien autrement précieux que tous ceux qu'on lui avait ravis : c'était un simple morceau de bois, un éperon de navire en forme de cheval. Cette grossière épave d'un naufrage inconnu lui avait été donnée comme le débris d’un navire venu de l'Occident et transporté à cette énorme distance de son point de départ par la tempête, ou par des courants, où simplement par la poussée incessante des vagues. Eudoxe avait soigneusement recueilli cet humble témoignage d'une navigation mystérieuse et se réservait d'en tirer parti. Deux questions se présentaient à son esprit : D'où vient cet éperon ? Quel chemin a-t-il parcouru ? D'où vient cet éperon ? Eudoxe le sut bien vite. Il n'eut qu'à se promener sur les quais d'Alexandrie, et (1) « lorsqu'il (1) Srrag., Il, ur, 4: Tù d’auxponpwpoy meogépovra àc Tù Euméproy, OetxyÜ var ie Toic vavxAñpou, yvGvar dÈ T'aderpirév ov….. ar SR eut bien montré son précieux éperon à tous les patrons de navires qu'il rencontrait, il apprit que c'était un débris de navire gaditan. Chez les Gaditans, indépendamment des gros navires que frétent les riches particuliers de la ville, il y a des embarcations plus petites, que les pauvres gens seuls équipent. On les nomme hippes ou chevaux, à cause de l'effigie qui orne leurs proues. On fait avec eux la pêche sur les côtes de Mauritanie, jusqu'au Lixus. » Les matelots espagnols qui se trouvaient alors à Alexandrie le confirmèrent dans cette opinion, et rien n'était plus naturel; car si le moins expéri- menté de nos marins d'aujourd'hui reconnaît sans peine, rien qu'à la mâture d'un navire, au gréément de ses voiles, à la forme de sa coque, le pays et presque le chantier où il a été construit, les matelots de l'antiquité pouvaient également re- connaître, surtout à un ornement aussi caractéristique qu'une tête de cheval sculptée, la nationalité d’un navire. Un des capitaines interrogés par Eudoxe fut plus explicite encore. Il prétendit que l’éperon appartenait à un navire ayant fait partie d’une escadre qu'on savait s'être aventurée au delà du Lixus, et dont on n'avait plus eu de nouvelles (1). Ici, je l'avoue, j'admirerai avec Strabon @) l'assurance de ce capitaine; mais. Eudoxe s'inquiétait peu du navire au- quel avait appartenu son éperon. Ce qu'il lui importait de connaître, c'était la provenance du navire, et, devant une telle unanimité de renseignements, le doute n'était plus possible : cet éperon avait appartenu à un navire gaditan. Mais comment cet éperon était-il arrivé dans la mer des Indes ? À moins de supposer que quelque mauvais plaisant l'eut déposé sur le rivage pour exercer la sagacité des voyageurs de son temps, il fallait bien admettre que les vagues l'avaient roulé tout le long des côtes Africaines. Il est vrai qu'à cette (1) SrraB., IL, au, 4 : ANG Tov Ôn vauxdpwy Tia YVwOpIout TÔ AXPOTPW- poy Evèc tv &no Toù AfËou notayoù moppwtepoy Thu AVTwY ka [LA GHÔÉVTOY dTapEuv. (2) Stras, IL, ut, 5 : ‘O dé yvwpious ouyi Orupastoc…… RENE 1" ts époque 1l existait (1) une communication directe entre la Médi- terranée et la mer Rouge, et que l’éperon aurait pu traverser le canal des Lagides. Mais ce canal était fermé par des écluses (?), et d’ailleurs l’éperon y aurait sans nul doute été remarqué et enlevé, tandis qu'il est dit expressément qu'on le trouva sur la côte Africaine. Pour nous, qui savons que l'Océan Indien et l'Atlantique ne forment qu'une seule mer, l'expli- cation est toute naturelle : cet éperon de bois, après un voyage ayant peut-être duré plusieurs années, avait doublé le cap de Bonne-Espérance. Mais Eudoxe en était encore réduit à des conjectures; et sa grande découverte fut justement de sup- poser, à la vue de cet éperon, que l'Afrique n'était pas inac- cessible au midi, que les Ethiopiens occidentaux et orientaux communiquaient par mer, en un mot qu'on pouvait faire le tour de l'Afrique. Avec cette promptitude d’intuition et cette netteté de vue qui caractérisent le génie, il pensa que l'énergie humaine permettrait à un vaisseau d'accomplir une traversée déjà faite par un morceau de bois, ballotté par les vagues et jouet de tous les vents. Il espéra qu'un bon navire, conduit par un pilote habile et résolu, triompherait de tous les obstacles, et démontrerait ce que le hasard seul avait jusqu'alors indiqué. Strabon ne croit pas à cet éperon. Il se répand en plaisante- ries sur la prétendue nécessité où se serait trouvé Eudoxe de rechercher, « à propos de cet éperon de bateau-pêcheur, de cuel point de l'horizon ledit bateau avait été jeté à la côte 6). » Venant de Strabon, qui s'est toujours montré si amoureux de la précision et a toujours cherché la cause des phéno- mènes (ui le frappaient, cette objection a tout lieu de.sur- prendre. Il n’ignorait pourtant pas que ce sont des accidents, 9 (1) Puxe, ist. nal., vi, 29: — Prurarque, Antoine, ? 69 ; — LePèRE, Description de l'Egypte, Etat mod., t. I, p, 60; Mémoire sur l'isthme de Suez. (2) Dropore pe Siciee, 1, 19; — Rrrr, sthme de Suez, p. 33. (3) Srrag., I, ut, 5 : Tévos xdpiv.... To &xpOmpwpoy énuvhdveto the aMÈA moûey Éxmécot. né AT ER LT ve 8 tt À AS Sim à ton Tu ab Rte at à 4, «st. & QE pour la plupart de nature vulgaire, qui, frappant l'attention d'un observateur de génie, l'amènent à une de ces décou- vertes qui changent la face de l'humanité. Il n'aurait donc dû ni blâmer n1 tourner en ridicule, mais bien plutôt louer cet esprit de curiosité scientifique qui, à propos de l’éperon d'un navire échoué, allait conduire Eudoxe dans une voie toute nouvelle d'investigations et de recherches fécondes. Aussi bien cette aventure n’est pas tellement extraordinaire que veut bien le supposer Strabon. Des apports plus étranges encore ont été constatés. Sans parler de ces bouteilles jetées à la mer par des marins en détresse et qui parfois ont décrit des itinéraires fantastiques (1), il paraîtrait qu'au temps où Caïus César, fils d'Agrippa, commandait sur Les bords du golfe Ara- bique, on trouva sur la côte les débris d'un navire espagnol naufragé. Ce navire, tout comme celui dont Eudoxe avait trouvé l’éperon, avait donc fait le tour de l'Afrique (2. Quel- ques siècles plus tard, et à peu près dans les mêmes parages, un historien arabe, Macoudi, le célèbre compilateur des Prairies d’or (3), rapportait un fait de même nature; mais, cette fois, les objets transportés avaient fait le voyage en sens inverse, non plus d’occident en orient, mais d'orient en occi- dent. « On a déjà trouvé, écrit-il, du côté de l'ile de Crète, des planches de bois de teck, percées de trous et reliées ensemble par (1) Zurcuer et MarGozzé, Monde sous-marin, p. 31, citant RENNEL (Re- cherches sur les courants de l'Allantique), et les cartes de l'ingénieur Daussy et du capitaine Becuer, sur lesquelles sont marqués les trajets d'un grand nombre de ces bouteilles, avec double date du jour où elles ont été jetées à la mer et du jour où on les a recueillies. Il en résulte que quelques-unes ont fait plusieurs fois le tour de l'Atlantique. (2) Pue, Hisl. nat., 11, 67: « In quo res gerente CG. Cæsare, Augusti filio, signa navium ex Hispaniensibus naufragiis feruntur agnita. » (3) Traduction Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, 5 vol. in-8°, Paris, 1861,t. I, p. 365. — RerxauD ({ntroduction à la traduction de la Géographie d'Aboulféda, p. 292) cite un fait analogue rapporté par un contemporain, Abou-Zeid. ce HUE des attaches faites de filaments de cocotier; elles provenaient de vaisseaux naufragés qui avaient été le jouet des vagues. Or, ce genre de structure n’est en usage que sur les côtes de la mer d'Abyssinie. Les bâtiments de la mer de Roum (Médi- terranée) sont fixés avec des clous, tandis que, dans la mer d'Abyssinie, les clous n'offrent aucune solidité : l'eau les ronge, les fait fendre, et les rend cassants, ce qui force les constructeurs à les remplacer, pour joindre les planches, par des filaments enduits de graisse et de goudron. On ne peut expliquer ce fait qu’en disant que la mer qui baigne les côtes * de Chine... va se joindre à l'Océan. » Cette communication des Océans, à laquelle croyait Ma- coudi, Eudoxe essaya de la démontrer. Le point essentiel avait été pour lui de déterminer et la pro- venance de l’éperon, et la direction qu'il avait suivie. Or on savait qu'il était gaditan : Eudoxe affirma qu'il venait des mers encore inconnues du sud, et il se chargea de le prouver. Mais il ne fallait pas s'engager à la légère dans une entre- prise aussi considérable, et le premier soin d'Eudoxe devait être de rechercher s’il avait eu des devanciers dans ces parages inexplorés, afin de profiter de leur expérience et de marcher sur leurs traces. 2 2. Ménélas. Eudoxe était Grec, nourri par conséquent de la lecture d'Homère. J'imagine pourtant qu'il ne s'arrêta pas longtemps au prétendu voyage de Ménélas autour de l'Afrique. « Ce n'est qu'après bien des infortunes, raconte le frère d’Aga- memnon au jeune Télémaque qui s'extasie sur la magnificence de sa demeure, et après huit ans de courses, qu'enfin je me suis procuré toutes ces richesses. J'ai été porté en Chypre, en Phénicie, en Egypte ; j'ai été chez les Ethiopiens, les Sido- niens et les Erembes ; j'ai parcouru la Libye, etc. (1).» (1) Homère, Odyssée, 1v, 81-85. PONT RE à RE 20 ot Nate un ED LS CA LS Le +, ds OUR PS Ce DECO RE dE © Jde AN y — A? — … Les commentateurs d'Homère s'étaient fort préoccupés de ces voyages de Ménélas, à tel point que l'un d'entre eux, le srammairien Aristonic, un contemporain de Strabon , com- posa, un siècle après Eudoxe, un ouvrage spécial sur ce sujet, intitulé : « Commentaire sur les erreurs de Ménélas (1). » Deux problèmes géographiques les avaient particulièrement intéres- s : Comment Ménélas a-t-il passé de la Méditerranée dans la mer Erythrée ? Où placer ces Erembes ? A cette première question on avait déjà donné plusieurs ré- ponses. Les uns faisaient franchir directement l'isthme de Suez par Ménélas, les autres le conduisaient par des canaux : dérivés du. Nil jusque dans la mer Rouge, ceux - là enfin « introduisaient l'idée d'un périple que Ménélas aurait exé- culé en faisant le tour de l'Afrique par Gadès jusqu'aux ri- vages de l'Inde, et cela sans doute pour essayer de propor- tionner la longueur du trajet à la durée si prolongée de l'ab- sence du héros, absence que Ménélas lui-même dit avoir été de huit années (?). » Mais pour expliquer cette absence de huit années, un voyage aussi considérable n'était pas nécessaire ; Strabon le remarque avec raison. « Il dut y avoir, en effet, dit-il, pour retenir si longtemps le héros éloigné de ses foyers, et des retards involontaires occasionnés par la difficulté même de la navigation, puisque Ménélas avoue n'avoir sauvé que cinq vaisseaux sur soixante, et des retards volontaires uti- lisés au profit de son avarice (3). » Ménélas n'a pas quitté le bassin de la Méditerranée ; mais " a souvent débarqué, et parfois s’est avancé dans l'intérieur du pays. « En général, il lui suffit d'avoir un jour abordé en tel ou tel point d'un pays pour dire qu'il l'a visité. Voilà donc comment Ménélas sera venu en Ethiopie. En Libye Hg res il Jui aura suffi de toucher à quelques points de la côte (4). » Strabon ne croit (1) Srrag., L 11, 31. (2) Isro.: — CË Court DE Gen, Monde prèmilif, t. VIIL, p. 47. (3) STRAB., 1, 11, 31. (4) Tsrp:, L'air, 32: — 43 — donc pas au périple de l'Afrique par Ménélas, et nous ne pou- vons ici que nous ranger de son avis. Mais les Erembes ! Que d'explications diverses ! On en fai- sait des Ethiopiens, des Pygmées, des Indiens. Ce sont pro- bablement des Arabes. Telle est du moins l'opinion de Stra- bon (1). Il rappelle que Zénon corrigeait le vers d'Homère en lisant Arabes au lieu d'Erembes, et il croit pouvoir affirmer que ce sont les Arabes Troglodytes, c’est-à-dire la partie de la nation Arabe établie sur la côte du golfe Arabique attenant à l'Egypte et à l'Ethiopie. Ces Arabes Erembes sont très voi- sins de l'Egypte, et, dès lors, il devient naturel que Ménélas les ait visités, sans qu'il soit besoin, pour expliquer cette vi- site, de recourir à un prétendu périple de l'Afrique par le héros grec. Mais, avant toute discussion, Ménélas a-t-il réellement existé ? ou bien, s’il fut autre chose qu'une fiction homé- rique, a-t-on oublié combien les connaissances géogra- phiques des Grecs, au temps de la guerre de Troie, étaient peu sérieuses? Si la flotte d’Agarmemnon perdait un temps pré- cieux à ravager la Mysie qu'elle prenait pour la Troade (?), combien est-il peu probable que Ménélas ait parcouru tant de contrées, et se soit aventuré dans des mers inconnues ! Le poète lui a attribué ses propres connaissances. Ce voyage est imaginaire, mais il prouve les progrès de la science. Eudoxe ne s'arrêta donc pas à ce voyage de Ménélas. C'était un esprit beaucoup trop pratique pour confondre les récits mythiques avec les données précises de la science ; mais les vers du poète le confirmèrent peut-être dans l’idée qu'il était possible de passer de la Méditerranée dans la mer Rouge sans toucher terre, c'est-à-dire en faisant le tour de l'Afrique. On savait qu'au delà des Colonnes d’Hercule la côte Africaine se prolongeait indéfiniment dans la direction du sud. Eudoxe ( Li Sera Air, 31. (2) STRAB., L, 1, 17. ee Xi avait vu de ses propres yeux, sur la côte orientale du conti- nent,'la mer libre s'ouvrir devant lui dans la même direction. L'Afrique n’était done rattachée à l'Asie que par un isthme; et le navigateur assez hardi pour suivre toujours les rivages Africains prouverait, sans aucun doute, que ce continent n'est qu'une presqu'île, et par conséquent que les mers qui le baignent communiquent entre elles. Telle fut la grande idée d'Eudoxe, et ce n’est assurément pas le récit des voyages de Ménélas qui lui inspira cette résolution de faire le tour de l'Afrique par mer. 2 3. Hannon. Eudoxe connut-il l'expédition du Carthaginoïis Hannon ? Rien n'est plus probable, car ce voyage eut un grand reten- tissement. On en traduisit le récit dans toutes les langues. Nous ne le connaissons plus aujourd'hui que par une traduction grecque (1), qu'Eudoxe eut sans doute à sx dispo- sition. Il y put lire que ce capitaine fut mis à la tête de soixante navires et de trente mille matelots ou colons, et chargé de fonder des colonies sur la côte occidentale de l'Afrique. Les Carthaginois s’avancèrent au delà d'un pro- montoire, qu'ils nommèrent le Char des Dieux, jusque dans un golfe appelé la Corne du Sud, mais ils ne purent aller plus loin, faute de provisions. Pline est le seul écrivain de l'anti- quité qui rapporte qu'Hannon fit le tour complet de l'Afrique. « Au temps de la puissance de Carthage, écrit-il, Hannon partit de Gadès et fit le tour de l'Afrique jusqu’à l'Arabie. Il a laissé la relation de ce voyage (). » Pline avait-il donc en main le récit complet et authentique de ce périple, qui ne nous est parvenu que tronqué et incom- plet ? Mais comment accorder ce voyage avec la mention si précise du retour à Carthage, faute de provisions ? Ou bien (1) Geographi Græci minores, edit. C. Muller, t. 1, pp. 1-14. (2) Pure, A. N., 11, 67 : « Hanno, Carthaginis potentia florente, cir- éumvectus a Gadibus ad finem Arabiæ, navigationem eam prodidit scripto. » RO OT TE MP PE PUS PT PT M A A OT RE PES MP PET 7 TURN CORRE CN ART TR EE ASS cet Hannon serait-il un autre voyageur dont Pline seul aurait conservé le souvenir ? En ce cas, son voyage n'aurait pas fait grand bruit. Le mieux à croire est que Pline s’est trompé. Il écrivait légèrement, compilait beaucoup, et n'avait pas un grand sens critique. De là cette erreur, qui n’a pas d'autre importance. Le voyage d'Hannon ne fut donc pour Eudoxe que d’une utilité indirecte; et si même il le consulta jamais, ce ne dut être qu à titre de simple renseignement sur la côte occidentale d'Afrique et sa prolongation dans la direction du sud. & 4. Les Phéniciens de Néchao. Arrivons enfin à des voyages authentiques, à ces expédi- tions que connut certainement Eudoxe, et qu’il étudia dans leurs moindres détails. La plus célèbre de ces expéditions avait été ordonnée par le roi d'Egypte Néchao. Merveilleuse- ment située entre deux mers, au seuil de trois mondes, fécon- dée par un fleuve gigantesque qui semblait comme la grande route naturelle de l'Afrique intérieure, peuplée par une race énergique et patiente , riche, bien administrée, l'Egypte devait être et fut la terre classique de pareilles entreprises. Sur les monuments qui couvrent ce sol (1), sont représentés de nombreux vaisseaux, des matelots et des rameurs. L'histoire est d'accord avec les monuments pour prouver que l'Egypte fut de tout temps, comme l'indique la Genèse (?), une contrée commerçante. Sans remonter au légendaire Danaüs, nous savons que Sésostris eut une flotte considérable. D'après Hérodote (3), ce fut lui qui le premier sortit du golfe Arabique avec des vaisseaux de guerre. [1 subjugua les peuples riverains (1) Jaz, Archéologie navale, 1°" mémoire ; — Description de l'Egypte, vol. À ; — CHampozLion Ficeao, (ist. gén. de l'Egypte, pl. 49 ; — Rosezuint, Monumenti dell Egitto e della Nubia, pl. M. c. cxxx1-cxxxIm ; — WiLKiN- son, Manners and customs of the ancient Egyptians, t. IIT. (2) GENÈSE, xxxvIx, 25-28. (3) Héron. 11, 102. > ei AG de la mer Rouge, et parvint en des parages où les bas-fonds arrétèrent sa flotte. D'après Diodore (1), le même souverain aurait détaché quatre cents navires sur la mer Rouge, et pris possession des îles ainsi que du pays littoral jusqu'à l'Inde. Ses successeurs l'imitèrent (?). Ils accueillirent favorablement les étrangers, et le nombre de leurs sujets qui s’occupaient du commerce et de la navigation devint si considérable, qu’au temps d'Hérodote ils formaient une des sept classes de l'Etat. Parmi ces souverains , il en est un surtout, Néchao, qui s'occupa des entreprises lointaines. C'était un esprit aventu- reux et hardi. Il eut, vingt-un siècles avant Gama et vingt- cinq siècles avant M. de Lesseps, comme la prescience des deux grands événements qui devaient, au xv° et au xix® siècle de notre ère, changer si radicalement les conditions économiques de l'humanité ; car il chercha à doubler l'Afrique par le sud, et à percer l'isthme qui lie ce continent à l'Asie. Nous n'avons à nous occuper ici que de la première de ces tentatives. Néchao avait fait construire un grand nombre de navires sur les deux mers qui baignaient les côtes de ses Etats. Héro- dote (3) rapporte que, de son temps, on voyait encore les chan- tiers de cette construction. Non content d'avoir des vaisseaux, le roi d'Égypte cherchait encore à attirer à lui de nombreux matelots. Tous les étrangers , les Phéniciens surtout, à cause de leur expérience nautique, étaient accueillis avec empresse- ment. Ce fut même à eux qu'il s'adressa pour une expédition dangereuse : il s'agissait de s'enfoncer dans les mers du midi, en longeant la côte Africaine, tant que nul obstacle matériel n'entraverait pas la course de ces audacieux explorateurs. Certes, l’entreprise était hardie : de sinistres histoires circu- laient déjà, qui devaient se perpétuer pendant plusieurs siècles, sur les périls de cette navigation. Là c'étaient des mon- (1) Diopore, 1, 55. (2) Héron., 1, 154, 179, 180. (3) Hérop., 11, 159. RE TA TT MERE D ee VER A2 Le SLR RES PEU SENTE M fe ne tagnes qui vomissaient des flammes, ici les ardeurs du soleil qui consumaient tout imprudent s'aventurant au delà d’une limite déterminée, plus loin des peuples monstrueux dont le seul aspect frappait de terreur les plus hardis. Mais _Néchao avait affaire à des matelots rompus à toutes les fatigues , habitués à tous les climats, et qui aimaient à se rendre compte par eux-mêmes des prétendus dangers de ces régions lointaines. Le voyage fut donc résolu, et les Phéni- ciens partirent. . Hérodote a conservé le récit de leur expédition, et, bien que fort écourtée, cette relation est si intéressante que nous la transcrirons tout entière (1) : « La Libye est évidemment entourée d’eau, sauf l’es- pace qui forme la frontière du côté de l'Asie; Néchao, roi d'Egypte, est le premier, à notre connaissance, qui l’ait dé- montré. Lorsqu'il eut renoncé à creuser le canal entre le Nil et le golfe Arabique, il envoya sur des vaisseaux des Phéni- ciens, à qui il ordonna de revenir dans la mer du Nord par les Colonnes d'Hercule, et de rentrer ainsi en Egypte. Les Phéniciens partirent de la mer Rouge et naviguèrent au sud. Quand vint l'automne, ils firent halte et ensemencèrent le lieu de la Libye où ils se trouvaient, car ils ne la perdaient jamais de vue. Là ils attendirent la moisson et se rembarquè- rent après avoir recueilli leur blé. Deux années s’écoulèrent; la troisième, ils traversèrent les Colonnes d'Hercule et arrivèrent (1) Héro»., 1v, 42, trad. Giguet, p. 231 : A160n uèv yàœp Ônhot Éautry Éodoa mepipputocs, mAnv Ooov aûtis npùs tv Acinv oûpiéer, Nex@ Toù Aiyurntiwy BaciAéos TpwTou Tv Aueic 10mey xaTadééavToc, Os Émelte TV dLbpuya éTaucuto dpÜcowy TAy x Toù Neilou diéyoucav eic Tov ’Apd6toy HXOÀTOV, Anéneube Doivixuc &vOpas mhotorot, Évrethduevos els Td Ômiow “Hpaxkéwy otnléwy duexrhwe Éws Èc Tv Bopninv 0dlacouv xai oÙtw eis Atyunrov émuvéecbat . ‘Opunhévres Gv où Dotvines èx ts Epvôpñc Oañdo- ons ÉtAwov TAv votiny 0dhacoav * Éxwc DE yivoiro YÜLYOTWPpOY, rpocio- xovTes dv oneipecxov Tv yAvV, lva Éxdotote tic At6Üns rAwovtec Yiotato, ral pévecxoy Tov äuntov ‘ Bepicuvtes d’av Tdv oîtov ÉthwoOv, wote ÔU0O ÉtéwYy dues )A00vTov Toftw Eter xaupavrec ‘Hopaxéac oTAhuc amixovro eîs Alyunroy. HE ee en Egypte. Ils ont rapporté un fait que je ne crois pas et que d’autres peut-être croient: en faisant le tour de la Libye, ils ont eu le soleil à leur droite. Ainsi la Libye fut pour la pre- mière fois connue. » On a fait contre ce voyage de nombreuses objections (D. La première et la plus importante est que la relation tout entière a été inventée par quelque prêtre égyptien. Hérodote n'aurait fait que répéter ce conte au milieu de beaucoup d’autres, et on doit y ajouter d'autant moins foi que ce sont des Phéni- ciens qui passent pour avoir entrepris ce périple. Or, nul n'ignore que les mensonges phéniciens étaient devenus pour ainsi dire proverbiaux. Mais si Hérodote, lui surtout qui ne croit guère à ce voyage, l’a rapporté dans son entier, c'estqu'il le tenait de gens sérieux et qui n'avaient aucun intérêt à le lui raconter. En effet, la vanité nationale ou la cupidité intéressée des prêtres égyptiens pouvaient s'exercer sur bien d’autres sujets que sur cette expédition sans résultats : aussi ne l'a-° vaient-ils racontée à Hérodote que pour satisfaire sa curiosité scientifique, et à simple titre de renseignement curieux. Le voyage n'a pas donc pas été inventé par un prêtre égyptien qui cherchait à mystifier son auditeur, ou par un capitaine phénicien jaloux d'augmenter le patrimoine de gloire de ses compatriotes. Le voyage par conséquent a, tout au moins, un fond de vérité. Mais, ajoute-t-on, Hérodote (?) est le seul auteur qui ait raconté le périple des Phéniciens. Pourquoi Pline et Pompo- nius Mela, qui citent souvent Hérodote, n'ont-ils pas men- tionné ce passage capital , lorsque justement ils cherchaient à prouver la possibilité du périple de l’Afrique ? C'est donc qu'ils ne prêtaient qu'une médiocre confiance à cette vague relation. Cette objection a une grande force. Mais de ce (1) Gosseuix, Recherches sur la géographie systématique el positive des anciens, t. I, p. 199. 5 (2) Ip., p. 206. T' PE De SO TOO CR EE PR UP ME ER ENS ER AL RE PT Rte TE PEL PU DE. ME ES qu'un ou plusieurs écrivains, qui veulent prouver une théorie, oublient un ou plusieurs faits importants qui viendraient à l'appui de cette théorie, a-t-on le droit de conclure que la théorie est fausse ou que les faits omis n’ont pas de consis- tance ? Evidemment non : on ne peut accuser que l’indiffé- rence ou la négligence de ces écrivains, mais jamais la non existence des faits qu’ils ont passés sous silence. Mela et Pline n'ont pas mentionné le peuple phénicien : nous le constatons ; mais n'y ont-ils pas cru, ou l’ont-ils volontairement laissé de côté, nul ne peut l'affirmer. Autre objection. L'école d'Alexandrie n’a pas cru à la pos- sibilité du périple. Hipparque et tous ses disciples ou conti- nuateurs ont enseigné que l'Afrique rejoignait l'Inde par le sud, et par conséquent que la mer des Indes était une mer fermée (1). Or, si jamais la réalité de ce voyage a dû être admise dans un pays, n'est-ce pas justement dans celui dont le sou- verain avait été le promoteur de l’entreprise ? et c’est l'école d'Alexandrie, la seule, à vrai dire, qui se soit occupée métho- diquement des problèmes géographiques, car elle était à portée de tous les renseignements, qui rejette cette croyance. Donc les Phéniciens n’ont jamais fait le tour de l'Afrique. — En effet, telle était la croyance de l'école d'Alexandrie; mais cette croyance n'était qu'une erreur, et, malgré les conjectures et les raisonnements de ces savants, il n’en est pas moins vrai que l'Atlantique et l'Océan Indien communiquent directement, et par conséquent que les Phéniciens ont pu faire le tour de l'Afrique au temps de Néchao. Mais, ajoute-t-on, sans boussole, avec des vaisseaux mal pontés, mal équipés, ce voyage est impossible. En effet, ce voyage devait présenter d'incroyables difficultés, surtout à cause des courants qui règnent le long des côtes Africaines et forcaient nos Phéniciens à prendre la haute mer. Mais pour- (1) SrraBon, livre I passim.— Cf. MaRGIEN D'HÉRACLÉE, À 46 (Geog. min., edit. Didot, t. II, p. 538). PS CDR TR OT A SES PR EDNES tant, dès l'antiquité, on s'exposait en pleine mer sans boussole. Les Canaries, Madère, les Acores, furent découvertes par des navigateurs qui n'avaient pas de boussole, et de simples barques affrontèrent des mers autrement dangereuses , telles que la Manche ou la mer du Nord. Quant à la petitesse de leurs bâtiments, pourquoi nous étonnerait-ellé? En 1539, le Portugais Diego Botelho s'embarqua à Goa sur une flûte de quatorze pieds de long sur huit de large, et de quatre de haut de la quille au pont. Avec cinq compagnons, il doubla le cap et arriva à Lisbonne après douze mois de navigation. Tout récemment, deux Américains ont traversé l'Atlantique sur - un simple canot que nous avons pu voir exposé à Paris dans l'avenue Montaigne. Les Phéniciens de Néchao ont donc couru de graves dangers, mais rien ne s'oppose à ce qu'ils en aient triomphé. Aussi bien c'étaient d’admirables matelots.. De l'extrémité de l'Europe au golfe Persique, de la mer Rouge à l'Océan glacial, partout on retrouve leurs traces, et partout ils ont fait preuve d’une audace qui n'exeluait pas la prudence. Dans ce voyage autour de l'Afrique, tout en s'aventurant dans des passages inconnus avec une témérité inouie , ils se gardaient bien pourtant de s'avancer sans pré- cautions : aussi mirent-ils trois ans à faire le tour de l'Afrique, et s'arrêtèrent-ils à plusieurs reprises pour renouveler leurs vivres. Ces précautions semblent inexplicables à un moderne con- tradicteur du périple. Gosselin (1) trouve que le voyage a duré trop longtemps. Il fait le compte des jours écoulés, et n'arrive pas à un résultat satisfaisant. Aussi en conclut-il que le voyage n'a pas eu lieu. Mais est-il bien facile, même actuellement, d'apprécier exactement une journée de marche, et n'est-ce pas pour un capitaine une règle de prudence vulgaire de ne s’avancer dans une mer inconnue que la sonde en main ? Lorsque Tasman ou Cook s'engagèrent dans les parages (1) I., p. 213. TT DE PE PP EVE EME R dre 0 EN D en 0 EU A UMIe OMR ET PER De UP EE EST eu CPE ER ee dangereux auxquels ils ont laissé leur nom, j'imagine qu'ils mirent à les franchir plus de jours qu'on ne met d'heures aujourd'hui. Voyez notre illustre contemporain Livingstone : lui aussi s'enfonce dans un pays inconnu; aujourd’hui il fera dix lieues, demain il s'arrêtera quelques semaines, mais il marche toujours, et, bien que ses voyages durent longtemps, les résultats en sont magnifiques. Si donc les Phéniciens de Néchao ne se sont avancés que lentement, en espaçant leurs journées, parfois même en stationnant, ils n’ont fait qu'obéir à l'instinct de conservation qui dirige nos actes, et si leur voyage a duré trois ans, c’est qu'il s'est effectué dans de bonnes conditions, et pas du tout qu'il n’a point eu lieu. Mais, continue Gosselin (1), ce qui prouverait encore la non- réalité du voyage, c'est que les Phéniciens semaient du blé en automne. Car, dans l'hémisphère austral, par suite de l’obliquité de l’écliptique, l'ordre des saisons est opposé au nôtre; si, en Egypte, on fait les semailles en automne et la récolte au printemps, au sud on sème au printemps et on récolte en automne. Donc, puisque les Phéniciens racontent qu'ils ont fait des semailles en automne, c'est qu'ils étaient dans l'hémisphère boréal, et ne se sont jamais avancés dans l'hémisphère austral. Cette objection est spécieuse. Remar- quons pourtant que, dans les langues anciennes, le mot au- tomne s'applique non-seulement à nos mois de septembre, octobre et novembre, mais encore à la saison où l'on sème. Automne peut donc ne pas être pris à la lettre, et s'entendre, non pas de l'Egypte ou des régions voisines, mais du pays où se trouvaient les Phéniciens quand ils semaient leur blé. Dès lors rien ne s'oppose à ce que les Phéniciens aient franchi l'équateur et soient entrés dans l'hémisphère austral; d'autant plus que la moisson dans ue terre chaude et fertile ne se fait . attendre ni longtemps, ni vainement. Au reste, cet usage de suspendre la navigation pour renouveler ses vivres était le Lot (1) Ip., p. 215. Éopoa de tout voyage au long cours. Les navires avaient un trop faible tonnage pour emporter de grandes provisions; et, dans un pays désert, ou du moins dans un pays avec lequel on n'était pas encore en relation d’affaires, il fallait de toute nécessité s'arrêter et attendre que la terre eût rendu ce qu'on lui avait confié. Mais il est un détail caractéristique, qui prouve jusqu'à l'évidence que les Phéniciens ont fait le tour de l'Afrique, et ce détail on ne peut en contester l'authenticité, puisque Hérodote ne le rapporte que pour s’en moquer, et l’allègue comme une preuve manifeste des mensonges phéniciens,. « N'ont-ils pas prétendu, dit-il, mais moi je n’y crois pas, qu'en faisant le tour de l'Afrique ils ont eu à un certain moment le soleil à leur droite (!),» En effet, pour un homme encore imbu, comme l'était Hérodote, des préjugés antiques, il est certain qu'un navire partant du golfe Arabique et se dirigeant vers le sud devait toujours avoir le soleil levant à sa gauche ; mais il ne pouvait comprendre qu'après avoir doublé le cap de Bonne-Espérance, et en remontant vers le nord, les Phéniciens devaient avoir fatalement le soleil levant à leur droite. Aussi ce qui pour Hérodote n'était qu’un men- songe phénicien, pour nous, au contraire, est la meilleure preuve de la réalité de ce voyage ; et si, au milieu de tant de détails négligés comme indifférents ou omis comme inutiles, celui-là seul nous est parvenu, c'est qu'il avait vivement frappé nos Phéniciens et que, par conséquent, il était vrai. Les modernes l'ont ainsi compris : Bougainville (?) va même jusqu'à avancer que l'ordre donné avec tant de précision par Néchao, que les précautions multipliées des Phéniciens, semblent indiquer que la navigation dans ces parages n'était pas nouvelle. Néchao cherchait à prouver scientifiquement ce n 1 (1) Héron., 1v, 42 : Ka Eeyov, pol pèv où miorà, dAlW ÔÈ 0h TEw, &c neptrhwovtes TAY Au6Ünv Tùv ALOV ÉcyOv ëc ra deËla. (2) Boucanvize (Mémoires de l'Académie des Inscriptions el Belles- Lettres, t. XX VIII, p. 309). 4 4 Dre que le hasard avait d'abord fait découvrir, et il confiait cette mission aux Phéniciens comme aux marins les plus capables de la comprendre et de l’exécuter. D’après Humboldt (1), juge si compétent en pareille matière, ce voyage est très vraisem- blable. Gosselin (?) seul ne se tient pas pour battu ; mais on voit à son langage, qui manque de précision, que le terrain se dérobe ici sous ses pas. [l prétend que les Phéniciens avaient l’habi- tude de se tourner vers l'ouest pour évaluer la direction de leur route ; alors ils auraient eu effectivement le soleil à leur droite quand ils se seraient trouvés au midi des lieux que cet astre éclaire perpendiculairement, et il n’est pas besoin, pour expliquer cette circonstance de leur voyage, de recourir à un périple de l'Afrique. Mais rien ne prouve que les Phéniciens aient choisi pour se guider la direction du couchant. Au con- traire, ils connaissaient le nord et l'étoile polaire, puisque Thalès (3), contemporain de Néchao, les connaissait. Cette objection de Gosselin ne peut donc se soutenir, puisqu'elle ne repose que sur une supposition gratuite. D'ailleurs Gosselin (4) a pris soin de se réfuter lui-même ; car il s'étonne que les Phéniciens, qui, dans le cours de leur navigation, perdirent de vue puis retrouvèrent ces constella- tions de la grande et de la petite Ourse, en passant d’un hémi- sphère à l’autre, n'aient pas mentionné ce détail important. Mais combien d’autres détails n’ont-ils pas omis ! Hérodote n’a jamais eu la prétention d'écrire une relation en règle de ce voyage. Il s’est contenté d'y faire allusion en quelques lignes. Si, dans vingt siècles d'ici, on lisait dans une histoire contemporaine que, sous le règne de Napoléon IIT, quelques Français ont entrepris un voyage d'exploration en Indo- (3) Droc. Laercr, Vie de Thalès, ? 1 : KaXiuayos d'adrov oidev edperàv (4) Gossezin, p. 214. Lo) FSC Etes Chine, cette indication serait fort utile aux futurs histonens du second empire : pourtant ils ne connaïtraient ni les descrip- tions, ni les traiis de mœurs, ni les péripéties diverses qui jettent un si vif intérêt sur la relation du voyage de MM. de la Grée et Fr. Garnier. Aussi, tout en regrettant qu'Héro- dote n'ait pour ainsi dire qu'effleuré un sujet si intéressant, devons-nous lui savoir gré de nous avoir au moins conservé le souvenir de ce périple de l'Afrique par les Phéniciens. ? o. Les expéditions persanes. Le voyage des Phéniciens est donc bien authentique : pour- tant cette expédition fut inutile. Est-ce que le Vasco de Gama qui la commandait n'eut pas de Camoëns pour chanter sa gloire ; ou bien les successeurs de Néchao ont-ils voulu con- centrer leurs ressources et leur activité en Egypte, et ont-ils renoncé à ces entreprises; ou bien encore les dangers d'un pareil voyage ont-ils effrayé d’autres navigateurs ? On l’ignore; mais les prêtres égyptiens, un siècle après l'expédition, re- gardaient déjà même la mer Erythrée comme inaccessible aux marins (1), et nous avons parlé plus haut des fausses théories de l’école d'Alexandrie relatives aux mers fermées. Malsré l'ignorance réelle ou affectée des prêtres égyptiens, et malgré le peu de résultats de l'expédition, le souvenir ne s'en perdit pas. La dynastie persane qui, depuis Cambyse, rem- placa en Egypte les souverains indigènes, adopta et continua en beaucoup de points la politique de ses devanciers. Un de ces princes surtout, Darius fils d'Hystaspes, qui régna de 523 à 485, semble avoir pris à tâche de marcher sur les traces de Néchao. Il aimait les entreprises lointaines. C'est lui qui envoya Scylax de Caryande (?) reconnaître le cours de l'Indus, depuis Caspatyrus dans la Pactyice (Kaschmyr) jusqu'à son embouchure, et longer les côtes de l'Arabie, dans un voyage me (1) Hérop., 1, 108. in (2) Geograph. min., edit. Muller, t. L PR RER ES A RES RE RS MT EP ee LEE SS de trente mois; lui qui répara le canal de l’isthme de Suez (1), déjà creusé par Néchao et Sésostris ; lui enfin qui songea de nouveau à naviguer autour de l'Afrique. Posidonius et Strabon sont explicites à ce sujet (?) : ils men- tionnent tous deux un périple de l'Afrique entrepris par cer- tains émissaires de Darius ; mais ils ajoutent qu'Hérodote en parle, et comme l'ouvrage entier d'Hérodote est entre nos mains et que nous n’y trouvons nulle part ce voyage, certains auteurs ont cru à une erreur des manuscrits, et ont proposé de lire Néchao au lieu de Darius. Matheureusement cette lecon n'est autorisée par aucun manuscrit, et peut-être Hérodote avait-il raconté tout au long ce voyage dans son histoire perdue des rois assyriens. Ce qui nous semblerait confir- mer cette opinion, c'est que, dans un de ses dialogues aujourd'hui perdus, Héraclide du Pont 6), philosophe, mathé- maticien et historien du quatrième siècle avant J.-C., intro- duisait à la cour de Gélon un mage qui prétendait avoir fait le tour de l'Afrique (4). Or Gélon régna à Syracuse de 492 à 473 : il fut donc le contemporain de Darius ; et comme il n'y avait de mages qu'en Orient, spécialement en Perse, ce mage pourrait bien être un des navigateurs envoyés par Darius pour faire le tour de l'Afrique. Sa présence à la cour de Gélon s’expliquerait tout naturellement lors de son retour. Mais nous n'avons sur ce voyage aucun autre détail, et sans doute il fit peu de bruit, puisque nul autre géographe ne l'a mentionné. : Les souverains persans paraissent avoir porté leur attention sur ces problèmes géographiques. Sous le règne du successeur (1) StrraBon, X VII, — Stèle bilingue trouvée à Chalouf {Revue archéo- logique, décembre 1866) ; — Rrrr, /sthme de Suez, p. ?8. (2) Srras. Il, rx, 4 : ‘Ho6ôorov UÈv otecai onciv bnd Aupeiou mepphévrac TUVS TEAÉGOL TÔV TEPÉTAOUV. (3) Hisloricorum græcorum fragmenta, edit. Muller, t. IT ; — DioGÈNE LAERCE, Vie de ce philosophe. (4) Srrag, I, 11, 4 : Hpoxetônv dE toy Ilovrimèv ëv dux)GYyw noteiv &quy pévoy napà l'élwvr uéyoy Tivà nepinAsüdar pécxovra. pi Es the: UE oi be Én te j ee ? ne EN ET LS se à + ET TA Prop de Darius, le fameux Xercès (485-472), arriva en Egypte un Perse de grande naissance, l’Achéménide Sataspès, fils de Téaspis. Il venait y chercher un navire et des matelots pour l'accompagner dans une aventureuse expédition (1). Il s'agissait de renouveler la tentative des Phéniciens de Néchao, et de faire par mer le tour de l'Afrique : seulement on voulait cette fois partir par la Méditerranée et revenir par le golfe Arabique. Ce voyage dangereux lui avait été imposé pour l'expiation d'un crime : il avait violé la fille de Zopyre, petite-fille de Mésgabyze, et Xercès l'avait condamné au pal ; mais sa mère, propre tante du roi, puisqu'elle était la sœur de Darius, «obtint sa grâce et promit de lui imposer elle-même une peine plus rigoureuse; elle le contraignit à faire par mer le tour de la Libye, de telle sorte qu'après l'avoir achevé il revint par le golfe Arabique @®). » Etait-ce que l’entreprise fût jugée im- possible ? Assurément non; car jamais une mère, bien que justement irritée contre son fils, ne l'envoie à une mort cer- taine. Mais c'était un voyage hérissé de difficultés, et l’enga- ser dans une pareille aventure c'était l'exposer à bien des dangers. Au moins croyait-on à la possibilité de cette naviga- tion ; c'est ce que nous voulions constater. Sataspès ne réussit pas. Avait-il mal pris ses précautions ? fut-il mal secondé par son équipage ? recula-t-il devant le danger ? On l’ignore, mais il n'accomplit qu’une partie de son programme. « Il franchit les Colonnes d'Hercule, et doubla le promontoire de la Libye qu'on nomme Soloïs (3), » Ce cap était surmonté d’un temple en l'honneur de Neptune; il parait correspondre au cap Blanc sur la côte du Maroc. Après avoir doublé cette poirite, Sataspès « descendit au midi, et, en plusieurs mois, traversa une vaste mer; mais quand il vit qu'il lui restait encore la plus vaste partie du trajet à (1) Héron. 1v, 43 : "Amuwôpevos eis Aiyurtov xa Ad6wy'véa Te «al VAUT. (2) In., tbid. (3) In., tbid. PT PTS D à M ES NS TT ET RE A LE I RER SRE re faire, il rebroussa chemin pour retourner en Egypte, d'où il revint près du roi Xercès. » Sataspès rapportait une ample moisson de curieux rensei- enements. « [l avait vu, disait-il, des hommes de petite taille, portant des vêtements de feuilles de palmier : quand le na- vire abordaïit, ces hommes fuyaient dans les montagnes, aban- donnant leurs villes. Ses matelots ne leur firent aucun mal; ils se contentèrent de leur prendre quelques brebis (1). » Sataspès aurait donc longé les côtes du Maroc, du Sahara, du Sénégal, et peut-être de la Guinée. Les naturels, en effet, y sont de taille médiocre, et leur cos- tume est souvent plus que rudimentaire. Bien que braves (ils l'ont assez prouvé dans leurs guerres contre les envahisseurs européens), ils fuient à l'approche des étrangers. La relation de Sataspès parait donc véridique, surtout par ce trait de mœurs antiques qui la termine, le vol de quelques brebis considéré comme un acte de grande modération ; car, avec les idées de l’époque, celui qui débarque en pays étranger à le droit de prendre tout ce qu'il trouve à sa convenance, pourvu qu'il soit assez fort pour le conserver. Il est d’autres détails qui nous frappent encore par leur exactitude. Sataspès ajoutait que, « dans ces parages, le vais- seau s'était arrêté, et que l'impossibilité de pousser plus loin l'avait empêché de faire entièrement le tour de la Libye (?). » Il éprouvait donc, au cinquième siècle avant le Christ, les mêmes mésaventures que les Portugais éprouvèrent deux mille ans plus tard. Eux aussi voulaient s'avancer dans le midi; eux aussi cherchaient à doubler ces côtes qui toujours s'allongeaient devant eux, et ils avaient #leur disposition des RL (1) Héron, /. c. : "Eheye où Tà npocwtéru &vbpomous ouixpobs rapar\weLv éoôfTe pouvant Ouuypewmévouc, oÙ Oxwcs opeis uaTayoiaTo Th Vnt PEUYENXOV mpùc Tù oÙpex heinovtes Ts moe * mÜToi DÈ GÜtméeuv OUOÈV ÉGLOVTES, TPOGWTE dE podva 8€ adtov Aau6dverv. (2) Hénop., tbid. : Toù dÈ un mepmAüoar AlGÜnv mavtehéws œitiov Toûe Êheye, td mhotoy Tù Tpôcw où duvardv ête eivar mpoGaiverv, GAN ÉVioyecbar. Dre navires bien autrement organisés que ceux de Sataspès, et des instruments de direction qui faisaient totalement défaut à ce dernier. Mais ils ne réussirent qu'après bien des tentatives à franchir ce cap redouté, auquel ils avaient donné un nom de circonstance, le cap Non. Pourtant chaque navigateur héritait de l'expérience et des découvertes de ses devanciers ; de plus ces Portugais étaient encouragés par un prince qui attachaïit à ces entreprises la gloire de son nom; au contraire, Sataspès, condamné à ce voyage, mal secondé, peut-être médiocrement instruit, allait pour ainsi dire à l'aventure. Il est donc pro- bable qu'il ne dépassa pas le cap Non, ou tout au plus le cap Bojador, et qu'il ne retourna en arrière qu'après bien des efforts pour s’avancer plus au sud. Mais, ainsi que le recon- nait un juge compétent, notre illustre Bougainville (1), « lors- qu’on range la terre de trop près, en suivant la côte occidentale d'Afrique, on rencontre des parages où, pendant plusieurs mois, règnent des calmes tels que le vaisseau demeure abso- lument immobile. C’est une épreuve faite par plus d’un pilote. En d’autres endroits de la côte, on trouve des courants si rapides qu'ils repoussent les vaisseaux, malgré l'adresse des manœuvres et l'effort des plus robustes rameurs. Tous les routiers en font foi. » Si donc les marins d'aujourd'hui sont encore arrêtés dans ces dangereux parages, à plus forte raison Sataspès qui vo- guait dans un océan inconnu, sur un navire mal ponté, encore plus mal gréé, et avec un équipage de mercenaires. Hannon avait soixante vaisseaux et trente mille colons à ses ordres, mais il ne s'avanca pas plus loin. Sataspès avait fait preuve de grand courage eæ s’obstinant à tenter le passage avec un seul navire. Il avait fait tout ce qu'il était humainement pos- sible de faire, et nous devons lui savoir gré de cette tentative, bien qu'elle soit restée infructueuse. Xercès ne le jugea pas ainsi : il crut ou feignit de croire (1) BoucaINvILLe, ouvr. cit., p. 310. Éd que Sataspès le trompait, et, au lieu de lui pardonner son crime pour le récompenser de son courage, il le fit empaler, sous prétexte que le voyage projeté n'avait pas été accompli dans son entier. Sataspès commençait ainsi la liste funèbre des grands navigateurs qui, pour prix de leurs découvertes, ont obtenu : Colomb, les chaînes dont le chargea son ennemi; Raleigh, la hache du bourreau ; Lapeyrouse, une mort obscure dans un îlot inconnu de l'Océanie; Francklin, un tombeau dans les neiges du pôle. Avec Sataspès cessent les voyages officiels autour de l'Afrique. Il se peut que quelques hardis négociants, dans l'espoir d'étendre leurs relations et d'augmenter leurs richesses, se soient aventurés au delà des régions connues; il se peut en- core que la tempête ou tout autre accident ait entrainé, bien au delà de la route qu'ils s'étaient fixée, les équipages de plusieurs navires ; mais ces négociants (1), pour éviter la concurrence, ont gardé le secret de leurs découvertes, et ces équipages naufragés ou bien n'ont jamais revu leur patrie, ou bien, s'ils l'ont revue, n’ont plus voulu s'aventurer dans des régions qu'ils avaient visitées par hasard. Jamais un souverain ne prit sur lui d'envoyer une expédition à la recherche de mers inconnues, comme l'avaient fait Néchao et peut-être Darius et Xercès; jamais un riche particulier, tel que Sataspès, n’é- quipa de navire et ne s'embarqua lui-même pour surprendre le secret si bien gardé du tour de l'Afrique : aussi non-seule- ment le souvenir de ces voyages s'éteignit peu à peu, mais encore de fausses notions sur la forme du continent, des ré- cits mensongers sur les périls courus par les navigateurs se (1) Tel fut Euthyménès de Marseille, chargé par la république massa- liote, vers 340, de côtoyer les rivages de la Libye, pendant que son com- patriote Pythéas visiterait les rivages extérieurs de l'Europe; mais on n'a sur ce voyage que des renseignements bien peu précis et souvent contradictoires. (Cf. SÉNÈQUE, Questions naturelles, 1v, 4-21 ; — PLur., De placitis philusophorum, 1v ; — ATHÈNÉE, u, 90; — ARISTOTE, Méléorologie, 1, 13; — Mancien D'HÉRACLÉE, Cité par ARTÉMIDORE.) an EE SE répandirent. Ces fausses notions prirent même une apparence scientifique quand l'école d'Alexandrie, en les adoptant, leur eut donné une sorte de consécration. Eratosthène ne se pro- nonçait pas encore bien nettement; mais il affirmait que per- sonne n'avait pénétré au delà de cinq mille stades dans la région Cinnamomifère, c'est-à-dire à peu près vers l'embou- chure du Zambèze. Un contemporain d’Eudoxe, Artémi- dore (i), affirmait qu'au delà du Notou-keras, c'est-à-dire du cap Roxo près des Bissagos, il ne pouvait relever aucun point, parce que là s’arrêtait sa connaissance des côtes. Plus tard, Marin de Tyr et Ptolémée écrivirent en toutes lettres qu'aux extrémités de l’Azanie, la côte Africaine tourne à l'est pour rejoindre l'Asie orientale. à O. Les Juifs d'Alexandrie. Tel était l'état de la question lorsque Eudoxe arriva à Alexan- drie : on avait oublié les voyages antérieurs, et des erreurs s'étaient accréditées. Mais Eudoxe était un curieux et un sa- vant. J'imagine volontiers qu'il profita de son séjour dans la capitale des Ptolémées pour visiter la splendide bibliothèque où les souverains du pays, protecteurs éclairés des choses de l'intelligence, avaient rassèmblé les ouvrages connus de tous les pays et de tous les temps. Il relut sans doute, dans Hérodote, la relation du voyage entrepris sous les auspices de Néchao, et celle de l'expédition malheureuse de Sataspès. Il y apprit qu'Alexandre avait, à plusieurs reprises, formé le projet de faire le tour de l'Afrique et de revenir dans la Médi- terranée par les Colonnes d'Hercule (?. Peut-être même trouva- t-il à la bibliothèque quelque ouvrage, aujourd’hui perdu, qui lui donna de précieux renseignements. Il dut aussi y ren- (1) SrraBon, X VII, 11, passim. (2) Bien que PLUTARQUE et ARRIEN soient postérieurs à EUDOXxE, nous devons renvoyer à trois curieux passages de leurs œuvres : ARRIEN, Vie d'Alex., liv. V, 8 26; liv. VII, 2 1; — PLur., Vie d'Alex. Lxvurt. rt ee contrer quelques-uns de ces Juifs grécisés que, depuis le règne de Philadelphe (285-247), les Ptolémées attiraient à leur cour, et qu'ils chargeaient du soin de traduire les ouvrages orientaux. On sait combien les Juifs tiennent à leurs tradi- tions nationales, et le culte de souvenir qu'ils rendent à leurs grands hommes. Bien probablement ils parlèrent à Eudoxe de cette Ophir mystérieuse, où leurs ancêtres, du temps de Salo- mon, allaient chercher de précieux produits. Où est cette région inconnue ? On a désigné de nombreux pays; mais il semble aujourd'hui prouvé qu'Ophir corres- pond (1) à l'Afrique australe, ou, si l'on préfère, au Zangue- bar, au Sofala et au Mozambique. En effet, les marchandises citées dans la Bible comme rapportées d'Ophir se retrouvent toutes sur la côte orientale de l'Afrique. Aïnsi, les bois pré- cieux (aise hdal mughim), sandal, aloës ou ébène, y sont encore l'objet d’un commerce important. Samuel Baker (2 et les voyageurs qui se sont enfoncés dans la contrée que baignent les grands lacs où le Nil prend sa source, rapportent que les indigènes y cherchent avec avidité les dents d’éléphant (schen habim) que les négociants de Salomon achetaient déjà sur la côte Africaine. Les pierres précieuses (ephen iecarah) S'Y trouvent encore : ce sont surtout des émeraudes ou des huîtres perlières. Les singes (kophins) étaient et sont encore en grand nombre sur tous les marchés d'Afrique G). Quant aux paons on n’en trouve pas, il est vrai, en Afrique; maisle mot thutkim, qu'on à traduit par paon, désigne peut-être toute sorte d’oi- seaux précieux, et l'on sait quelle prodigieuse variété de cou- leurs éclatantes le soleil fait miroiter sur le plumage des oiseaux africains. | (1) Hoœrer, Phénicie, p. 50 (Univ. pittoresque); — Huer, Commentaire sur les navigations de Salomon (Trailés géographiques, t. IT, p. 65). (2) Baker, Exploration des affluents abyssiniens du Nil (Tour du monde, 1870). (3) Bazowix, Chasses dans l'Afrique australe (Tour du monde, 1863), — Aupersac (ibid., 1860-1861). 5) “és RC le ta te Es de restée lt Cie Red Er SSP TER ST nn 5 En tr st) ii 02e Mais l'or, dira-t-on ? car les flottes juives allaient surtout chercher de l'or à Ophir. « Etant allés en Ophir (1), lisons- nous dans le livre des Rois, ils y prirent quatre cent vingt talents d'or qu'ils apportèrent au roi Salomon. » Et plus loin : « La flotte d'Hiram (2), qui apportait l'or d'Ophir, apporta aussi en même temps une quantité de bois très rare et des pierres précieuses. » — « Le roi Josaphat (3), lisons-nous encore, avait fait équiper une flotte, afin qu'elle fit voile en Ophir pour en apporter de l'or. » L'or d'Ophir était alors, pour les Juifs et les Phéniciens , ce que l'or du nouveau monde devint pour les Espagnols. Est-ce done que l'on trouve des mines d'or sur la côte de Mozambique ou de Sofala ? Assurément non; mais, dans l’intérieur du pays, il en existe de fort abondantes, et qui presque toujours ont été exploitées. Lors de la domination arabe surtout, elles étaient très connues. « La production la plus remarquable du Sofala, écrit Ibn- Alouardy (), est l'or natif qu'on y trouve en grains. » — «L'or du territoire de Sofala (5), ajoute Edrisi, surpasse en quantité comme en grosseur celui des autres pays, puisqu'on en ren- contre des morceaux énormes. » Quand les Portugais (6, parurent sur cette côte, à la fin du quinzième siècle, ils apprirent l'existence de nombreuses mines du précieux métal, et ils forcèrent tous les petits rois à leur payer tribut. Mais l’avidité des négociants et des fonc- tionnaires portugais souleva la haine des populations. Après des luttes sanglantes, les Portugais renoncèrent aux placers de l'intérieur, et se bornèrent à occuper quelques points forti- (1) Roïs, II, 1x, 28 : « Qui cum venissent in Ophir, sumptum inde aurum quadringentorum viginti talentorum detulerunt ad regem Salomonem. » (2) Rois, IIT, x, 11 : «Sed et classis Hiram, quæ portabat aurum de Ophir, attulit ex Ophir ligna thymia multa nimis et gemmas pretiosas. » (3) Rois, IL, xxu, 49 : « Rex vero Josaphat fecerat classes in mari, quæ navigarent in Ophir propter aurum. » (4) RernauD, ouvr. cit., p. 306. (5) Enrisi, Géographie, trad. Jaubert, t. I, p. 66. (6) Cape and Nalal news, cité dans le Tour du monde, 1866 et 1868. cs APR fiés de la côte. Peu à peu le commerce lucratif des nègres leur fit oublier les mines d'or. En 1847 et 1848, un négociant de Natal, M. Cato, retrouva Jes régions aurifères. Il vit des indi- cènes dont l’un buvait du café dans une coupe faite d’un morceau d'or de la grosseur de la moitié d'un œuf d’oie. Dès lors un vaste mouvement d'émigration a commencé vers ce nouvel Eldorado. Un voyageur contemporain, Mauch, a dé- couvert, lui aussi, des champs d'or (1) dans l'Afrique australe, et le célèbre R. Murchison n'a plus hésité à retrouver la posi- tion d'Ophir dans ce nouveau pays de l'or. Si toutes les productions citées dans la Bible comme venant d’'Ophir se retrouvent sur la côte orientale de l'Afrique, c'est qu'Ophir répond au Sofala et au Mozambique. Les Juifs d'A- lexandrie, qui se donnaient rendez-vous dans la bibliothèque, connaissaient sans nul doute la provenance de ces produits précieux, ou tout au moins savaient qu Ophir désignait les côtes de l'Afrique méridionale. Eudoxe dut à leurs doctes entretiens de précieux renseignements, dont plus tard il tira parti, et peu à peu, grâce à ses lectures, grâce aux indications de tout genre que lui donnaient les étrangers toujours si nombreux à Alexandrie, se forma dans son esprit la résolution bien arrêtée de partir à la découverte de pays ou d'océans nouveaux dans la direction du sud. Cœlius Antipaler. Un des contemporains d'Eudoxe, dont Pline (? cite le té- moignage, Cæœlius Antipater, affirmait avoir vu un négociant, qui, pour les intérêts de son commerce, allait d'Ibérie en Ethiopie. Ce négociant doublait donc le cap de Bonne-Espé- rance, et il avait sans doute l'habitude de ce voyage, puisqu'il l'entreprenait uniquement pour étendre ses relations commer- (1) Mittheilungen de PererMaNN, 1868, n° 4, pp. 145-148; /d., 1870, n°1 pp. 1-8 ; — Société de géographie de Paris, fév. 1872. | (2 Pur, 11. N\., 1, 67 : « Cœlius Antipater vidisse se qui navigavisset ex Hispania in OEthiopiam, commercii gratia.» def Eee LADA ciales. Il avait sans aucun doute des imitateurs et des rivaux, et Eudoxe dut être informé, à Alexandrie, de ces navigations pour ainsi dire périodiques. Malheureusement rien ne prouve ce voyage. Bien que Cœælius Antipater ait composé des annales qui avaient une grande réputation, bien que Valère Maxime l'appelle certus romanæ historiæ auctor (1), on l’accusait aussi d'avoir mêlé bien des fables à son histoire et d’avoir puisé ses renseigne- ments à des sources suspectes. De plus, de son temps, les con- naissances géographiques manquaient encore de précision. Le mot Ethiopie s'appliquait indistinctement à toutes les côtes de l'Afrique qui s'écartent de la Méditerranée. Il y avait une Ethiopie orientale dans le bassin supérieur du Nil, et une Ethiopie occidentale dans celui du Niger. Ce négociant espa- gnol n'avait, très probablement, de relations qu'avec les Ethiopiens occidentaux ; car, au temps d'Antipater, c'est du moins son contemporain Posidonius qui l’affirme, les Gadi- tans, qui étaient les marins les plus déterminés de l'Espagne, ne s'aventuraient guère au delà du Lixus, c'est-à-dire au delà des rivages du Maroc. Cœlius Antipater n'a donc vu qu'un Gaditan, plus hardi que ses compatriotes, qui s'est avancé jusque chez les Ethiopiens occidentaux, c'est-à-dire jusque dans la Guinée actuelle, mais qui n’a jamais doublé la pointe sud de l'Afrique pour commercer avec les Ethiopiens orien- taux. Autrement Eudoxe l'aurait certainement connu à Ale- xandrie, et le problème de la forme de l'Afrique n'aurait pas attendu Barthélemy Diaz et Vasco de Gama, quinze siècles encore d'ignorance et d'incertitude, pour être définitivement résolu. Lorsque Eudoxe eut pris tous ses renseignements, quand il eut étudié la question sous toutes ses faces, il se décida à ten- ter une expédition à son propre compte, car il avait trop appris. (1) Sazzusre, édition Corte, Wasse et Havercamp, avec fragments des Annales de Coscius ANTIPATER. HO à se défier des souverains qui payaient ses services par d’in- justes traitements. Il lui fallait tout d'abord quitter Alexan- drie, et ce n'était point aisé. « Personne n'avait, comme le remarque Strabon (1), la permission de sortir sans une passe : l'homme qui avait détourné les fonds de l'Etat moins que tout autre; et il n'y avait pas à songer à fuir par mer sans être apercu, vu la forte garde qui occupait et occupe encore aujourd'hui l'entrée du port et les autres issues de la ville. » Mais nous ne connaissons que très imparfaitement la vie d'Eudoxe. Si, malgré toutes ces difficultés, malgré les soupcons qui pesaient sur lui, il réussit à partir, c'est qu'il avait fait connaître son innocence, et dès lors sa sortie s’ex- plique naturellement, ou bien que, sous un déguisement et par un mensonge que nous ne connaissons pas, il s'échappa par une des nombreuses portes de la capitale. Aussi bien le fait en lui-même n’a qu'une importance secon- daire. Eudoxe quitte l'Egypte, où il a séjourné si longtemps, et, comme il a reconnu que son entreprise ne réussira pas dans un pays où de nombreuses défiances l'entourent, il prend la résolution de chercher fortune ailleurs. Ce moment est so- lennel dans la vie de notre héros : jusqu'à présent 1l a marché sur les traces d'autrui; il va maintenant s'engager dans une voie nouvelle et profiter, mais en son nom, d’une expérience longuement et péniblement acquise. (1) Srrag., II, ur, 5. PTT D SE TR Pen PO ON OS TEE OÙ AMAR AT AS A D à PRE UE Ve PE d Gr CHAPITRE IV VOYAGES D EUDOXE DANS LA MÉDITERRANÉE 2 1. Retour à Cyzique. De longues années s'étaient écoulées depuis qu'Eudoxe avait quitté Gyzique, mais il n’hésita pas à y revenir. Le culte de la patrie universelle et les théories soi-disant philanthro- piques n'avaient encore éteint ni les affections locales, ni les principes généreux et étroits du dévouement municipal (1). Persuadé que le voyage qu'il méditait rapporterait gloire et richesses à ceux qui l'entreprendraient, Eudoxe voulut en donner à ses concitoyens l'honneur et le profit. D'autres inté- rêts le rappelaient encore à Cyzique. À la veille de s'engager dans une carrière aussi hasardeuse, il avait besoin de concen- trer ses ressources, et, comme nous dirions de nos jours, de réaliser son avoir. Il est donc à présumer qu'il ne se contenta pas, une fois dans sa ville natale, de parler de son grand . projet, mais aussi qu'il vendit une partie de ses propriétés, en engageant ses amis et les membres de sa famille à s'associer à sés vues. Nous ne savons pas si ses espérances se réalisèrent. Mais jamais personne n'ayant été prophète dans son pays, il est à croire que les Cyzicéniens le traitèrent de visionnaire et refu- sèrent, en gens pratiques, de se lancer dans une aventure apparemment chimérique; ou bien encore lui prodiguèrent- ils des promesses, sauf à ne pas les tenir quand arriverait le moment de les réaliser ? N'est-ce point le sort de tous ceux qui se font les apôtres d’une idée nouvelle dans leur propre pays ? (1) Fusrez DE CouLanGes, La cité antique. NT roues Nous en avons eu tout récemment un exemple frappant dans la personne de cet infortuné G. Lambert, qui, lui aussi, avait sa grande idée et cherchait à la communiquer à ses compa- triotes. A la chaleur entraînante de son discours, au charme pénétrant de ses conjectures, les applaudissements ne firent pas défaut ; mais, après cinq ans de voyages continuels à tra- vers la France, il ne put jamais réunir une somme suffisante pour réaliser son projet; il alla mourir victime obscure de Ja dernière guerre, utile encore par sa mort à Ce pays qu'il aimait tant. | Eudoxe à Cyzique ne dut aussi recueillir que-des encou- ragements stériles ;-Car, nous le voyons bientôt (1), « après avoir mis tout son bien sur un navire, » parcourir la Médi- terranée en quêtant de port en port des associés et des com- pagnons. Sa première station fut à Dicæarchia, sur les côtes occiden - tales de l'Italie. Dicæarchia est le moderne Pouzzoles. On se demande avec étonnement pourquoi Eudoxe n'a pas cherché à lier à sa fortune quelques-uns de ces aventureux négociants de la Grèce, les ancêtres de ces hardis capitaines qui, de nos jours, se hasardent, sur de simples tartanes, à traverser l'Atlantique ; on se demande pourquoi il a laissé derrière lui le Pont-Euxin, et ne s’est arrêté ni dans les archipels de la mer Egée, ni en Grèce ? Et pourtant quel magnifique théâtre d’acti- vité commerciale ! Le monde grec était alors en pleine fièvre de travail. La Grèce s'était répandue sur les contrées orien- tales. À Alexandrie, à Antioche, dans le Pont, sur les rives de l'Euphrate et de l’Indus, partout régnaient des dynasties srecques. La langue grecque devenait la langue. universelle. Ce qu'il perdait en vertus politiques et en qualités aimables, le génie grec le regagnait par l'expansion prodigieuse de ses idées et l'étendue de sa domination morale. Pourquoi donc (1) SrraBow, Il, ri, 4 : Mopeubévra vlxade vv odaiov ÉvÜéUEvOY rücay ééopuñoat" xai noGrov LÈv etc Auxatapylay ÉXDetv, — 68 — Eudoxe négligea-t-1l les industrieuses cités qui bordent le Pont-Euxin, et avec lesquelles, sans aucun doute, Cyzique était en relations d'affaires? Byzance (1) qui, par sa merveilleuse position, préludait à ses futures destinées de capitale d'empire ; Odessus, déjà le grand marché des blés de Scythie ; Theo- dosia (?) et Panticapée, riches cités qui donnaient déjà leurs trésors au seul ennemi sérieux que Rome ait jamais rencontré avec Annibal, au roi Mithridate ; Dioxurias, où trois cents peuplades barbares confondaient leurs idiomes et vendaient leurs produits ; Phasis qui servait de débouché à tout le commerce oriental. Ces villes riches, populeuses, auraient certainement accueilli avec faveur Eudoxe. Dans le Pont, à Trapezus, à Cerasus, à Sinope, dont l'importance s'est per- pétuée jusqu'à nos jours, il aurait aussi trouvé des appuis. Pourquoi donc s'est-il rendu directement sur les côtes d'Italie ? Qu'il ne soit pas revenu en Egypte, où l’attendaient des ennemis ou des rivaux, qu'il ait négligé les côtes de Syrie, à cause de la concurrence des Phéniciens, on le comprend en- core, mais les ports magnifiques de l’Asie Mineure, et les îles de la mer Egée, comment se fait-il qu'il les ait négligés (3)? L'Asie Mineure regorgeait alors de richesses. Malgré les exac- tions des chevaliers romains, elle était encore la province la plus productive de la république. Pergame (4), avec son port d'Elée, Ephèse, Smyrne, Milet, Clazomène, étaient déjà ces fameuses échelles du Levant qui ont enrichi tant de généra- tions sans être jamais ruinées ; et les îles de la mer Egée, ces arches du pont gigantesque jeté par la nature entre l'Asie et (1) Pose, 1v, 38, 44, 45 ; — Arisrote, Polit., vu, 4, 2 1 ; — ELren, Hisl. var., 11, 14; — SrrAg., VII vi; XIL ur. (@) Srrag., VIL 1v; — CuorarD, Périple d'Arrien. (3) Grc., pro lege Manilia, vi: « Asia tam opima est et fertilis, ut et ubertate agrorum et varietate fructuum, et magnitudine pastionis, et mul- titudine earum rerum quæ exportantur, facile omnibus terris antecellat. » (4) Pune, A. N., v, 30, 126; — Tire-Live, xxx VIN, 40; XLIV, 18; XXXIT, 40 ; — Pozyee, xxx1, 172. — 69 — l'Europe, n'avaient jamais eu tant d'importance. Le seul droit de mouillage rapportait tous les ans à Rhodes un million de drachmes(1). Elle conservait avec ses colonies, Rhodes d'Ibérie, les Baléares, Gela et Sybaris, de fréquents rapports, et s'était réservé le monopole de la navigation dans le Bosphore et le Pont-Euxin. C'est elle qui approvisionnait de bétail, de miel, de cire et de viandes salées tous les ports de la mer Egée (2: pourtant Eudoxe ne chercha pas à s’y arrêter. En voici peut- être la raison. Si le commerce florissait alors, une autre industrie, dange- reuse et funeste, était aussi dans tout son éclat. La piraterie (3) était devenue une véritable institution, et elle s'exerçait de préférence dans ces contrées où Eudoxe ne voulut pas s'arrêter, sur les côtes d'Asie Mineure, dans le Pont-Euxin et dans la mer Egée. Son voyage précipité de Gyzique à Dicæarchia ne fut peut-être qu'une habile combinaison. L’Asie Mineure était le grand marché de l'esclavage, le Soudan de l'antiquité qu'a- limentaient les négriers d'alors, les pirates ciliciens ou crétois. La Crète n’était plus qu'un nid de corsaires, un véritable état barbaresque jeté un siècle avant le Christ au milieu de la Méditerranée. Délos jouissait du triste honneur d'être le marché le plus en renom de chair humaine : c'est là que les maquignons de l'antiquité venaient se fournir de sujets de choix. Aussi Eudoxe eut-il raison de fuir ces côtes inhospita- lières, ces îles perfides, où il n’eût rencontré que des ennemis, où peut-être il aurait été privé de la liberté. Il évita aussi les côtes de Grèce; car la Grèce proprement dite, à force de se répandre dans les autres contrées, avait singulièrement perdu de son importance. Athènes, qui jadis avait résisté toute seule aux forces réunies de la Perse, n'avait (1) PoLyBE, xxx, 7. (2) Pozyse, 1v, 38; xXxVII, 6. (3) Arpen, Guerre de Mithridate, xax-xovi; — Wazcow, Histoire de l'esclavage dans l'antiquité; — Mommsen, Histoire romaine, traduction Alexandre, t. V, p. 89. ES M Te WE PO EE OR I AT CE TE NE TT RCE LC + I ET 2 UT PE) he AT ON OL GE UP ER CETTE pri = Eu) s EACT: va plus de marine; à peine si quelques caboteurs allaient encore chercher les blés et les vivres que ne produisait pas son sol ingrat. Corinthe avait disparu : ses deux ports étaient aban- donnés, son territoire dévasté; et, malgré les avantages de son incomparable situation, elle ne s'était pas encore relevée de ses ruines. Les côtes de Laconie et de Messénie cachaient déjà dans leurs sinuosités des essaims de pirates, les ancêtres des modernes Maïnotes. Eudoxe passa donc rapidement le long de ces rivages déserts ou dangereux. Le même motif lui fit éviter la côte d'Illyrie. Malgré l'importance de Dyrrachium et d'Apollonie, il avait hâte de se mettre en sûreté; il cherchait un pays ami, une ville riche, intelligente, hospitalière, où 1l aurait chance d'exposer ses projets et de les voir réussir, et il se décida pour Dicæarchia. Peut-être choisissait-il cette ville parce qu'il y avait de nombreuses recommandations. Les né- gociants de Dicæarchia entretenaient, en effet, des rapports très suivis avec ceux d'Alexandrie, comme le prouvent les nom- breux vases égyptiens que l'on trouve encore tous les Jours à Pouzzoles, et bien certainement les Alexandrins qui connais- saient Eudoxe l'avaient adressé à leurs correspondants de Dicæarchia. 2 2. Eudoxe à Dicæarchia. L] Dicæarchia fut d’abord seulement l'arsenal maritime de Cumes. Les Romains, à l’époque d'Hannibal, y conduisirent une de leurs colonies, et, dès lors, la ville prit une grande extension. Elle était célèbre par de magnifiques bassins arti- ficiels, véritables docks de carénage et d’entrepôt pour les vaisseaux dont ses habitants avaient couvert la mer. « Uni à de la chaux en proportion convenable, le sable de cette côte acquiert une consistance, une dureté incroyable, et l'on n'a qu'à mêler du caillou à ce ciment de chaux et de sable pour pouvoir bâtir des jetées aussi avant qu'on veut dans la mer, et créer ainsi sur des côtes toutes droites des sinuosités où enfoncements qui deviennent autant d'abris sûrs ouverts aux oi ASS plus grands navires de commerce (1), » Les habitants de Dicæ- archia avaient donc inventé le béton; ils connaissaient l'usage de ces jetées qui permettent de doubler l'étendue d'un port et d'augmenter sa sûreté. Aussi la ville devint-elle le port le plus considérable de la côte et un des plus importants de la Médi- terranée (2). Naples a hérité de sa grandeur : au temps d'Eudoxe ce n'était qu'une ville de plaisance reliée à Dicæarchia par un tunnel de plusieurs stades de longueur, assez large pour que deux chars y passassent de front. Herculanum, Stabies, et toutes ces villes aujourd’hui enfouies sous la cendre, existaient aussi ; et nul ne pouvait prévoir leur ruine prochaine, car le Vésuve n'avait pas encore signalé sa dévorante activité : au contraire, sur ses flancs s'étalaient de riches cultures, mais on remar- quait déjà « que son sommet était stérile, et laissait voir par endroits la roche même percée, criblée de mille trous, toute noircie et Comme rongée par le feu (G).» Aux environs de la ville, jusqu'à Baïa et à Cumes, les traces de l’action des feux souterrains étaient encore visibles : tout le pays était rempli de soufrières, de fumaroles et de sources thermales, qui même répandaient dans l'air des vapeurs si méphitiques que les Romains avaient donné à leur colonie de Dicæarchia le nom ‘qui lui resta de ville puante, Puteoli ou Pouzzoles. À peine débarqué, Eudoxe « fit annoncer à son de trompe son entreprise. » Nous ne savons s'il réussit; mais comme ce port était un grand centre d'affaires et le rendez-vous de tous les négociants grecs et italiens qui, protégés par la garnison romaine, y trouvaient une sécurité ailleurs inconnue, il est probable qu'une entreprise aussi bruyamment annoncée y excita la curiosité de tous. Eudoxe promena sur les quais son fameux éperon de navire espagnol, et communiqua ses projets (1) SrraB., V, 1v, 6; — Cf. Puwe, A. N., xxxv, 47; Isip., Orig., X1, 1. (2) Fesrus, au mot minorem : « Minorem Delum esse Puteolos dixerunt, quod Delos aliquando maximum emporium fuerit totius orbis terrarum, cui successit postea Puteolanum. » (3) STRAB., loc. cit. Les et ee Ve: peindre RE gi 1 Mi ti El AS D. HUE DR ‘ A NES et ses espérances. Sans doute il réussit à entraîner quelques négociants auxquels il fit entrevoir, dans un horizon prochain, de fantastiques dividendes; peut-être encore attacha-t-il à sa fortune quelques-uns de ces aventureux matelots de l'Italie méridionale, dont les descendants devaient, treize siècles plus tard, être les premiers à se lancer dans les mers inconnues sur la foi de l'aiguille aimantée. Toujours est-il qu'il ramassa beaucoup d'argent à Dicæarchia, et put embarquer sur son navire de jeunes esclaves bons musiciens et des médecins (1). L'Italie du sud était déjà la terre classique de l'harmonie ®), et les Romains, trop occupés par les mille détails de leur colossale administration, abandonnaient à de jeunes esclaves les distractions de la musique. Pénétrés par cette harmonie qui, sous le soleil napolitain, se dégage pour ainsi dire de la nature environnante, ces jeunes esclaves apprenaient volon- tiers cet art dédaigné par leurs maîtres. Aussi Eudoxe eut-il soin de recruter quelques-uns de ces précieux auxiliaires qui devaient charmer l'ennui des longues traversées. 11 y ajouta quelques médecins, car déjà les médecins célèbres venaient de ces contrées où bientôt naîtra l'école de Salerne. Après avoir assuré de la sorte les plaisirs et la santé de son équipage, Eudoxe se décida à continuer ses voyages, en abor- dant d’autres villes où il pourrait, par la propagation de ses idées, augmenter ses ressources et faciliter son entreprise. Rome ne l'attirait que médiocrement. Elle était alors agitée par les dis- cussions intestines, et quand, par hasard, la paix régnait au forum ou dans les rues, aussitôt la cité guerrière s’occupait d'ajouter quelque province à son immense domaine : nul souci par conséquent des voyages de découvertes, ou des entre- prises du genre de celles que proposait Eudoxe. Les Romains étaient encore trop pratiques pour s'occuper de semblables spéculations. Eudoxe les connaissait sans doute, et savait à l’a- (1) Srrag., Il, ur, 4 : Ofc éuG6doucbor pouoixà matdioxdpux Hoi iarpoc. (2 Menexe, Vindiciæ Sirabonianæ, p. 10. + M ds - AR, CU vance que ses idées seraient peu goûtées à Rome. Aussi agit-il prudemment en ne s’y arrêtant pas. Les côtes où s'élèvent aujourd'hui tant de cités populeuses étaient alors désertes : la Ligurie était sauvage; Gênes n'était encore qu'un asile de pirates (1). Eudoxe évita ces rivages dan- cereux. Il évita aussi la Sardaigne, riche seulement en trou- peaux et en céréales (2), et la Corse, qui ne produisait encore que de la résine, de la cire et du miel G), et se dirigea droit sur Massalia. 2 3. Eudoxe à Massalia. Massalia était encore une ville d'origine grecque, le grand débouché du commerce de la Gaule intérieure, le port d’ex- portation des produits de la vallée du Rhône, qui s’accumu- laient dans sa rade si sûre et si profonde (4). Son port, le Lacy- don, était protégé au nord par la colline de Diane, sur laquelle se bâtit de nos jours la cathédrale, et au sud par le bois sacré, la silva bella, qui à disparu pour faire place aux quartiers aristocratiques de la moderne Marseille et au sanctuaire révéré de Notre-Dame de la Garde. Massalia s'était entourée d'une ceinture de colonies : Nicæa, Antipolis, Citharista, Tauroentum, Agathopolis. Elle avait par- tout fondé des comptoirs, en Ibérie, en Italie, à Syracuse sur- tout (3). Ses négociants, habitués aux grandes affaires, hardis par caractère, travailleurs par nécessité, devaient comprendre et favorablement accueillir l'audacieux capitaine qui cherchait à les associer à ses projets aventureux. Les Massaliotes ont tou- jours recu avec plaisir les étrangers ; nous n'apprendrons rien à personne en rappelant que le haut commerce de la (1) STragB., IV, vi,; — Dronore, v, 39. (2) Tire-Live, x11, 21. (3) STrABON, IL, 11, 4. (4) Améd. Taierry, Histoire des Gaulois, t. IX, p. 134. — Cf. DiononE, V, xxx, 1, XXX, virr, 54. (5) Démosraëxe, Discours contre Zénothémis, éd. Bekker, p. 980. Dre ville est, à l'heure actuelle, entre les mains de quelques fa- milles grecques échappées aux massacres de Chio. Eudoxe fut donc bien accueilli à Massalia : il s’adressait à une population vive d'intelligence, et, à la magie communi- cative de son ardente parole, bien des imaginations s’échauf- fèrent. Ce fut à Massalia sans doute qu'il recruta ces artisans de toute espèce dont parle l’auteur de la relation (1), car les Massaliotes étaient déjà, surtout dans les basses classes, fort amoureux du changement et prompts à s'expatrier. Massalia fut donc une étape importante dans le voyage d'Eudoxe : il y recut comme la consécration officielle de son entreprise. Simple capitaine il était entré dans le port; il en sortit chef d'expédition. 3 La navigation d'alors était fort timide. Les navires se ha- sardaient rarement à perdre la côte de vue, surtout dans le solfe du Lion, directement exposé à ce terrible vent du midi qui jette à la côte les navires qui osent l’affronter. Eudoxe se résigna donc prudemment à longer le rivage. Au reste, c'était pour lui tout à la fois affaire de prudence et d'intérêt; car il évitait les dangers de la mer et augmentait, chemin faisant, le nombre de ses partisans et ses chances de réussite, en s’arrêtant dans ces ports fameux qui faisaient de l'Ibérie comme les Indes de l'antiquité. Avec ses six fleuves navigables, dé- fendue par de hautes montganes et coupée par de fertiles vallées, l'Ibérie nourrissait alors une population beaucoup plus considé- rable que de nos jours. Au centre c'étaient de véritables métis, mélange d'Ibères et de Phéniciens, quise livraient aux travaux agricoles ou à l'exploitation des mines (?) : argent à Osca et surtout à Castulo, argent et mercure à Sisapon, cuivre et or à Cotinæ. Sur les côtes c'étaient des Grecs et des Phéniciens, industriels ou négociants. Comme nous savons qu'Eudoxe,. «après avoir quitté Massalia, longea tout le Littoral jusqu à (1) STrag., I, ui, 4. (2) SrraBow, XI, 111; — Puine, À. N., 11, 3, 5; xxx, 40, 3; — DiopoRE, v, 30 et se. Male LT SLA Gadès (1), » il est probable qu'il stationna dans quelques-uns des ports de la côte : dans la Tarraconaise, par exemple, où l'on fabriquait des toiles exportées jusqu'en Grèce (2); à Empuriæ, important débouché de produits indigènes; à Carthagène; à Malacca, la grande fabrique des salaisons (3). Enfin il franchit les Colonnes d'Hercule et arriva à Gadès. Ce devait être son dernier arrêt, son port de départ. Arrêtons-nous avec lui dans cette ville célèbre, sur ce rivage fameux d'où, par une singu- lière coïncidence, s’élanceront à la découverte d'un monde nouveau les hardis aventuriers du xv° siècle. (1) STRABON, IL, 11, 4: Ko vav 676 mapaliav péyor l'adetpwv. CPrNe, ANS ecux, 10: (3) PoLYBE, xxx1V, fragm. 8. Son DS chi Eat 14 DCiNE Et NP RE NP PT AE ER PS PR EN ES UC CRU PE PUNTS PAU ON PT 7 PCR CNT , TA F - Ÿ : Er PR TROISIÈME PARTIE VOYAGE D'EUDOXE DANS L’ATLANTIQUE CHAPITRE V PREMIER VOYAGE DANS L'ATLANTIQUE 4 1. Le départ. Gadès était le grand port de l'Atlantique. Cette ancienne colonie phénicienne bâtie sur une île, qu'un étroit canal sépa- rait du continent, « avait vu, grâce à l’intrépidité de ses ha- bitants comme hommes de mer et à leur attachement pour les Romains, sa fortune en tout genre prendre un tel essor que, malgre sa situation à l'extrémité même de la terre habi- tée, son nom avait fini par effacer celui des autres îles (1). » C’est à Gadès que s’approvisionnaient les capitaines au long cours, qui ne craignaient pas d'aller chercher fortune dans les îles de l'Océan ; c’est de Gadès que partirent Hannon et Himil- car pour leurs grands voyages de découvertes et de colonisa- tion. Tous les Gaditans, sans exception, s’adonnaient au com- merce. Aussi notre héros était-il assuré de rencontrer dans cette ville tous les renseignements et tous les secours dont il avait besoin ; d'autant plus que la ville était remplie de négo- ciants habitués aux grandes affaires et qui connaissaient très bien les côtes d'Afrique, puisqu'ils y envoyaient continuel- lement leurs navires, et que de simples bateaux pêcheurs s'aventuraient sur les côtes de Mauritanie jusqu'au Lixus (). ( 1) STrA8., IL, 1, 8. (2 SÉNÈQUE, Quest. nat., 1V, ?; — STRAB., loc. cil. — T1 —. Ce qui augmentait encore les chances d’'Eudoxe, c’est qu'on se souvenait à Gadès d'une expédition récente, entreprise par un Grec, l'historien Polybe. Scipion Emilien, le vainqueur de Carthage, l'ami particulier de Polybe, lui avait confié une flotte avec la mission de visiter les côtes d'Afrique bai- gnées par l’Atlantique(1). Polybe s’acquitta avec honneur de sa mission. Il en avait consigné le récit dans le trente-quatrième livre de son histoire (?), qui devait être fort curieux, car il se vante ailleurs d’avoir détruit bien des erreurs sur ces contrées, et d’avoir ouvert à ses compatriotes des régions nouvelles ; et, dans un autre passage 6), il déclare que la mer extérieure n’a été visitée que récemment, et qu'on y a trouvé des peuples fort étranges sur le compte desquels il se réserve de donner plus tard des détails. Maïs ce livre est perdu : nous nele connaissons que par quelques fragments, insérés dans les ouvrages de Strabon, Pline et Athénée. Jamais perte ne fut plus regrettable. Le sage Polyhe, comme l'appelle si bien Bossuet, nous aurait con- servé d'intéressants détails sur son voyage, et nous en sommes réduits à une sèche et froide analyse de Pline (, d’après la- quelle il paraîtrait que Polybe ne se serait pas avancé au delà des limites connues, seulement dix journées de navigation au delà du promontoire du Char-des-Dieux découvert par Hannon. Or ce promontoire correspond, selon toute probabilité, au cap Bojador, et c’est à peine si, à dix journées de marche au delà, on rencontre le Sénégal. Le voyage de Polybe n’a donc, au point (1) Puxe, 1. N., V, 1, 1: «Scipione Æmiliano res in Africa gerente, Polybius.…, ab eo accepta classe, serutandi illius orbis gratia circum- vectus, prodidit.….. » (2) Pozvyss, 11, 59 : “Iva, GtopBwodevor Tv TGV TpOYEYOVOTWY EYVOLAV Ev toto, yvwpua mouhowmev toic “EXinor xai Tadra Tù Lépn Tñs oixoupévnc. (3) PozyBe, m, 37: To OÈ map Tv ÉËw xai Le y4ANV TpocayopEvOLLÉ NV, HOLVAY LÈV odvouactav oÙx ÊYEL, DIX TO TPOGPATUS AUTWTTEUGDAL, XATOULEUTOL OÈ näv 00 Bapédowv E0v@v 4a rolvavÜpémwy * Ünèp DV ALES LETX TAÜTE Tôv xurà pépos À6yoy émodwsouwev. — Voir un passage analogue dans l'édit. Didot, Reliquiæ, p. 108. (4) Puis, A N., V, 1, 1: «.… Inde ad promontorium Hesperium naviga- tione dierum ac noctium decem.…. » 6 1 DE >otebalus" Eu Ds dis di D a ET GE éd SES NS DU En er 0 PUR 4 Éd ou pe 2 : =. G / LA er AQU = de vue des découvertes, qu'une importance très secondaire, et Polybe le reconnaît lui-même . « On passe rarement, écrit-il, par le détroit des colonnes d'Hercule : car les autres peuples ont peu de relations commerciales avec les nations qui habitent ces extrémités de l'Afrique et de l'Europe, et puis la mer extérieure est encore inconnue {l).» Mais il avait donné le signal des ex- plorations dans les mers Africaines, et, sur ses traces, s'étaient déjà avancés de nombreux négociants, heureux d'ouvrir des relations avec des peuples nouveaux. Gadès était donc pour Eudoxe une terre prédestinée, et peut-être le seul point du monde où ses projets, sérieusement discutés, müûrement appro- fondis, auraient chance de se réaliser. En effet, Eudoxe fut admirablement accueilli à Gadès. Il y ramassa en peu de temps assez d'argent pour équiper, outre son navire, deux transports semblables à des brigantins ou embarcations de pirates (?). Il les munit d’approvisionnements de tout genre, et y embarqua ses musiciens, ses médecins et ses artisans. On se lançait dans l'inconnu : pour peu qu'on abordât dans un pays dénué de ressources, il fallait bien avoir sous la main tout ce dont on avait besoin. Quand ces prépara- tifs furent achevés, les marins allèrent, selon l'usage, faire leurs dévotions au temple d'Hercule, et s'abreuver à la source sacrée ; puis on mit à voile (3). Strabon s'étonne qu'un simple particulier ait équipé de la sorte ce qu'il nomme « une flotte royale (%), » et il en conclut que l'expédition n'a pas eu lieu. Strabon vivait au temps d'Au- guste, et toute initiative privée avait alors disparu. Il n'y avait plus qu'une seule volonté, celle du prince; qu'un seul pouvoir, celui du prince. Mais il aurait dû, pour apprécier la tentative (1) Pozver, Xvi, 29 : TÔ dë xa0” "Hpaxdéouc oThhac ondviov Êyet Tv xpñouv, xai omavious, à Tv &venmuélav Tov Évov Tov npùc Toïs TÉPOGL HATOLXOUVTWV rñs At6Ünc xoù tas Edpomnc, xai ia Tv &yvwouay Tic ÉxTôc Galdrenc. (2) Srrag., I, ur, 4 : Katacueudsacôat rdoïov uéya xoi Épékua DUO Aé6OU AncTouwois O[LoLa. (3) Strag., ILL, v, 0. (4) Stras., IL, xx, 5. = 0 = d'Eudoxe, se dégager des préjugés contemporains, et ne pas oublier que jadis, alors que Rome n'avait pas encore absorbé à son profit toutes les énergies locales, de simples particuliers avaient conçu et exécuté de gigantesques projets, sans jamais être encouragés par les royaumes ou les républiques dont ils étaient originaires. Pythéas le Massaliote n’avait-il pas entre- pris à ses frais une excursion dans l'Océan septentrional ? Théoclès de Corinthe, Colæus de Samos, et tous ces hardis explorateurs de l'antiquité, n'étaient-ils pas des aventuriers qui risquaient leur fortune et leur vie, sans être aidés que par leur audace ? De même fit Eudoxe : il avait sur ses devanciers l'avantage d’une idée arrêtée, d’un plan sagement concu, et il s'adressait à des négociants qui partageaient ses idées et à des marins qui ne demandaient qu'à exécuter son plan : aussi devait-il trouver de nombreux auxiliaires; et il en trouva qui lui permirent d’équiper « sa flotte royale. » à 2. Le naufrage. Eudoxe gagna d’abord la haute mer (1). Le calcul était excellent, car les remous entretiennent sur la côte une dan- gereuse agitation, tandis qu'au large les courants et les vents réguliers permettent de suivre une direction normale. Mais il eut constamment des vents d'ouest qui le rapprochèrent du continent. Ses compagnons, déjà fatigués par la mer, et qui d’ailleurs n'avaient pas la hardiesse de leur chef, lui firent comprendre qu'ils se souciaient peu de lutter plus longtemps contre les vents, et qu’ils voulaient, au contraire, obéir à leur impulsion et se rapprocher de l'Afrique. Eudoxe, malgré ses répugnances, fut forcé d'y consentir, et donna l'ordre de ramer dans la direction de la terre. « Mais il le fit à contre- cœur, car il connaissait les dangers du flux et du reflux (?), » (1) Srras., IL mr, 4: Ieïv êni vav ’Ivôtxhv petéwpov Cegbpouc ouveyéou. (2) Srras. IL, mm, 4 : Kouvovrwv ÔE t@ nm Tüv cuvévTwY, GxoVTa étou- pour mods Yav, Deborxôta Tüc mANpUUNIDNC Ka TU AUMTEU. ERA OMS En effet, sur la côte Africaine qui s'étend du Maroc au Sénégal, la marée atteint parfois une force irrésistible. Les vagues déferlent avec fureur sur ces plages basses et sablon- neuses, qui prolongent jusqu'à la mer le grand désert du Sahara. Même de nos jours, de nombreux sinistres ont lieu dans ces parages, à cause des haut-fonds qu'on y rencontre et des bancs de sables mouvants. Eudoxe, sans doute, avait à son bord des pilotes pratiques de ces mers, qui l'avaient ren- seigné sur les dangers qu'on y. courait. Il est probable qu'il confia à un de ces pilotes la direction de la flottille; mais, malsré cette précaution, le gros vaisseau, celui même qu'il montait, toucha, « assez légèrement toutefois pour ne pas être mis en pièces du choc, ce qui laissa le temps de sauver les marchandises ainsi qu'une bonne partie de la carcasse même du bâtiment (1). » Ce contre-temps était fâcheux : il eût arrêté tout autre capitaine qu’Eudoxe; mais lui ne le considéra que comme une perte de temps. Les vies étaient sauves, les marchandises à l'abri; deux transports restaient encore; on avait même conservé les grosses pièces du navire échoué : rien donc n'était désespéré. L'équipage des trois navires, ranimé par les bonnes paroles du capitaine, le jugea ainsi. Il se mit résolu- ment à l’œuvre, et essaya de tirer parti des débris du navire naufragé. On ne sait pas sur quel point de la côte eut lieu cet accident : il est cependant probable que ce fut sur la côte du Sahara, entre le cap Bojador et le cap Vert; car cette côte est mauvaise, le pays désert, et rien n'indique que les indigènes soient venus au secours des naufragés. Grâce à l'énergie d'Eudoxe et à la bonne volonté de ses hommes, le malheur fut bientôt réparé (2. Un troisième transport fut construit avec la carcasse du bâtiment échoué S (1) Srrag, I, 11, 4 : Kobioor yàp Tù mhoïov, ñovyñ dE, dore und &bpouv duaAUO Ava, GAX Eva Ta popria cwbévra eic YAv, xai Tv ÉVAWY Tà mAcictTa. (2) Srrag., I, 11, 4 : EE y tptrov AéL60ov cuurnÉduEvOov nEvtnxoVTÉpE TÉRITOY ThEÏV. «= hérité ss D ere “ut des Ces most dis RE SD RS ee up TC ve 7 “ler É de « Le de Pt : ER ds. Æ , NL LED Ce Il avait à peu près la force d'un pentécontore, c’est-à-dire d'une galère à cinquante rames. Strabon n'admet pas que, sur cette côte déserte, Eudoxe ait pu construire ce troisième transport; mais il sest pour ainsi dire réfuté d'avance, en nous apprenant qu'on avait sauvé la carcasse du navire, qu'on transporta à terre les grosses pièces de la charpente, et qu'avec tous ces débris on construisit un navire non pas aussi considérable, mais de la force des deux qui avaient échappé à la catastrophe, c’est-à-dire des vaisseaux de transport; et on le fit d'autant plus aisément qu'il y avait à bord des artisans de tout genre, et parmi eux Certainement des charpentiers. De récents exemples prouvent que, même sur une côte déserte, on peut avec des débris échappés à des naufrages, se construire des embarcations. En 1856, lorsque le Duroc échoua (1), dans les parages de la Nouvelle-Calédonie, sur deux îlots de sable de 80 et de 50 mètres de circonférence, et cela à huit cents lieues de toute terre habitée, l'équipage, au lieu de s'abandonner au désespoir, transporta sur cet îlot tout ce qu'il put arracher à la mer, construisit une péniche, et, grâce à l'énergique im- pulsion du commandant de Lavaissière de Lavergne, parvint à se sauver. En 1863, M. Raynal et quatre hommes, jetés dans l'archipel désert des Auckland (?), privés de tout secours, épuisés par le manque de vivres, réussirent pourtant à cons- truire une petite barque et, après mille dangers, à rejoindre le continent. Eudoxe n'avait perdu qu'un seul de ses trois navires; il avait un nombreux équipage, des ouvriers, des provisions. Il pouvait donc s'arrêter et prendre son temps pour construire un troisième transport, dans des conditions telles qu'il pût tenir la mer et lui permettre de continuer son voyage. Il le fit et fit bien. (1) Revue maritime et coloniale, février 1868. (2) Tour du monde, 1869. noi ? 3. Reconnaissance des côtes. Eudoxe a donc repris la mer; mais la relation de son voyage devient maintenant bien vague. Nous entrons dans l'inconnu, et, au lieu de préciser, il semble qu'on recule devant les détails : « Il poursuivit sa navigalion, lisons- nous, jusqu'à ce qu'il eût rencontré des populations dont la langue contenait les mêmes mots quil avait déjà re- cueillis dans ses listes. Il en conclut naturellement qu'elles étaient de même race que ces premiers Ethiopiens (1). » Nous savons en effet qu'Eudoxe avait eu soin de dresser des voca- bulaires indigènes lors de son voyage sur les côtes orientales d'Afrique; mais avons-nous le droit d'avancer qu'il a fait le tour du continent parce qu'il a retrouvé dans son voyage des naturels parlant le langage qu'il avait déjà observé dans un voyage intérieur ? Il est difficile de conclure de l'identité de certains mots à l'identité des races. Bien d'autres phénomènes que cette ressemblance de mots, peut-être fortuite, auraient dû frapper l'attention des explorateurs. Arbres nouveaux, ani- maux inconnus, climats différents, étoiles et constellations tout autres que dans notre hémisphère, Eudoxe n'a rien men- tionné, pas même les difficultés vaincues. I est vrai que nous n'avons qu'un résumé de sa relation ; mais c'est la partie la plus intéressante qui justement nous fait défaut, et nous ne pouvons que le regretter. « Est-il vraisemblable, demande avec raison Strabon !2), qu'un ardent et curieux explorateur comme lui n'ait pas éprouvé le désir de poursuivre son exploration jusqu'au bout, alors surtout qu'il pouvait penser n’avoir plus que peu d’es- pace à franchir ? » En effet, ce retour subit, et en un pareil moment, est à tout le moins étrange. Jusqu'à présent Eudoxe (1) Strag., IL, mt, L : "Ews &vôpwnors cuvémuée rà adtà pauato çheyyoué- VOLS, TEP HOÔTEPOY MOYÉYEUTTOL * ua ÊÈ TOÙTO YE YV@VOL, OTt Te où ÉVTaUDX &vbpwrot époevsic etev vois Aïfioduv éneivorc. (2) Srras., tbid. | SFR LE a toujours marché en avant; il n'a reculé devant aucun obs- tacle ; l'injustice des Ptolémées, la difficulté d'entraîner à une pareille entreprise des équipages et d’armer des vaisseaux, le manque d'argent, un naufrage même, rien encore ne l’a arrêté : et voici qu'au moment décisif, à la veille de voir ses efforts récompensés, 1l retourne en arrière et renonce aux bé- néfices de son entreprise. Quelle est donc la cause de cette dé- faillance inattendue ? Serait-ce le découragement ? Eudoxe, quand il donna cet ordre, se trouvait-il dans une de ces heures critiques auxquelles n'échappent pas les esprits les plus fortement trempés ? Serait-ce une précipitation inopportune ? Dans la joie de sa découverte, aurait-il voulu jouir de sa gloire avant qu'elle fût solidement et définitivement établie ? Pour- tant, sur un homme qui avait déjà traversé de si rudes épreuves, qui connaissait, pour l'avoir éprouvée, l’ingratitude humaine, ni le découragement ni l’'amour-propre ne devaient avoir de prise. J'imagine plutôt qu'il obéit à son équipage, fa- tigué par cette longue campagne, ou terrifié par les spectacles extraordinaires dont il était témoin; ou bien encore les provi- sions lui firent défaut, et il n'osa pas s'aventurer plus loin. Jusqu'à quel point Eudoxe s'est-il avancé ? On l'’ignore absolument. Les connaissances positives des Grecs et des Ro- mains semblent ne pas avoir dépassé la côte actuelle de Séné- sgambie. C’est là que s’arrètent les descriptions d'Hannon, de Polybe, d'Hipparque, de Strabon, de Marin de Tyr et de Ptolémée. Le voyage d'Eudoxe ne nous fournit donc aucune donnée nouvelle. Lui-même croyait « que les pays qu'il ve- nait de découvrir touchaient aux Etats du roi Bocchus (1), » c'est-à-dire à la Mauritanie. Il avait donc reconnu les côtes du Sahara et de Sénégambie, en partie celles de Guinée, et serait revenu sur ses pas, en voyant le rivage s'infléchir brus - quement vers l'est-sud-est, et s'étendre à l'infini dans la même direction. ee ee ee ee ee on (1) Strag, IL, ur, 4 : Kai ôtu éuopotev tr Béyou Busracia. er PDU Telle est, on peut l’affirmer, la partie certaine du voyage d'Eudoxe. C'est à Posidonius, cité par Strabon, que nous la devons tout entière ; et, comme le remarque Bougainville (1), «cette relation n'offre rien que de vraisemblable, et tout homme versé dans la lecture des voyages est frappé du caractère de vérité que porte celui-ci. Il en trouvera tous les détails si conformes aux témoignages des modernes sur la situation des mêmes lieux et la nature des mêmes mers, qu'il ne pourra croire un tel récit l'ouvrage de l'imagination. » Aussi n'abor- dons-nous qu'avec hésitation, uniquement pour être complet, d’autres détails fournis sur Eudoxe par de nouveaux écrivains. & 4. Les peuples fantastiques. Cornelius Nepos, qui fut presque le contemporain d'Eudoxe, avait composé une chronique en trois livres, véritable essai d’his- toire universelle, où figuraient la vieet les aventures d'Eudoxe. Cet ouvrage est perdu ; mais Pomponius Mela, dans sa des- cription de l'univers, en a conservé et cité plusieurs fragments. Un de ces fragments est relatif au voyage d'Eudoxe autour de l'Afrique. Malheureusement Mela est un compilateur sans critique ; sa géographie fourmille de lacunes et de grossières inexactitudes. Il n’a point tiré parti des précieux documents qu'il avait à sa disposition. C’est un orateur qui aligne de belles périodes, plutôt qu'un savant exact et consciencieux. Dans le fragment qui nous occupe (?), il débute par une erreur que Gosselin (3) affecte de prendre pour une contradiction avec le récit de Posidonius, et qu’il faut mettre uniquement sur le compte de ce malencontreux copiste. Il prétend en effet qu'Eudoxe fuyait Ptolémée Lathyre quand il s'embarqua sur le golfe Arabique et parvint à Gadès, après avoir fait le tour —— membres tete (1) Mém. de l'Acad. des inscript., t. XVIIX, p. 314. (2) Poupronrus MELA, De situ orbis, rx, 9. (3) Géographie dés anciens, t. I, p. 237. ES DA de l'Afrique (1); comme s'il était possible qu'un étranger, poursuivi par la colère d'un souverain, ait équipé, sur les côtes mêmes de son royaume, un gros vaisseau et deux trans- ports, rassemblé un nombreux équipage, des artisans de toute espèce, et réuni assez de provisions pour un aussi long voyage. Au contraire, tout s'explique naturellement dans la relation de Posidonius, qui écrivit quelques années après l'événement, et visita Gadès, où le souvenir de l'expédition était encore vi- vant. Mela, qui s'était contenté de lire rapidement la relation de Posidonius, confondit le voyage entrepris par Eudoxe sur les ordres de Cléopâtre et terminé par une exploration des côtes orientales de l'Afrique, avec le voyage entrepris par Eudoxe, à ses frais, et sur les côtes occidentales du même continent. Les deux voyages n’en firent plus qu’un dans son esprit, et ainsi s'explique la prétendue contradiction que pré- sentent la relation de Posidonius et le fragment de Mela. Ainsi s'explique également l'erreur de Pline (, qui répète à peu près textuellement les paroles de Mela. L'auteur de l'histoire universelle ne se contentait pas de faire lui-même des extraits de ses lectures; il chargeait parfois ses secrétaires de ce soin, et ses renseignements n'étaient pas toujours puisés à une source bien sûre. Il a donc reproduit l'erreur de son devan- cier, et, comme l'autorité d'un grand nom accrédite trop sou- vent de regrettables erreurs, on répéta dorénavant qu Eudoxe s'était embarqué sur le golfe Arabique pour se rendre à Gadès ; mais nous croyons avoir donné la preuve du con- traire. Méla ne se contente pas de ce faux renseignement. Il accu- mule encore les circonstances les plus invraisemblables et fait découvrir par Eudoxe toute une série de peuples fantas- (1) Mera, ui, 9 : « Eudoxus quidam, avorum nostrorum temporibus, quum Lathurum, regem Alexandriæ, profugeret, Arabico sinu egressus, per hoc pelagus (ut Nepos affirmat) Gades usque pervectus est. » (2) Pure, AL N., 11,67 : « Præterea Nepos Cornelius auctor est, Eudoxum quemdam, sua ætate, quum Lathurum regem fugeret, Arabico sinu egressum, Gades usque pervectum. » L He tiques. Ce sont presque les Astomes et les Arrhines, tribus sans bouches et sans nez, les Monophthalmes à l'œil unique, les Opistodactyles aux doigts retournés, les Pygmées qui dis- putent leurs aliments aux grues, et toutes ces créations d’une imagination en délire, dont se moque spirituellement Stra- bon (1). Qu'on en juge plutôt. « Au delà de ces contrées désertes, écrit gravement Mela, on rencontre des peuples qui ne se font entendre que par gestes. D'autres n'expriment au- cun son avec leur langue. Il en est même qui n'ont pas de langue. À ceux-ci les deux lèvres adhèrent; ils adaptent à leurs narines un tuyau, par lequel ils aspirent la boisson, ou, quand ils ont faim, avalent les productions du sol. On en trouve même qui, avant l’arrivée d'Eudoxe, ignoraient l’usage du feu, et l’aimèrent tellement, dès qu'ils le connurent, que c'était pour eux un plaisir d’embrasser les flammes et de les porter dans leur sein (?). » Il paraît que cette énumération frappa vivement les esprits; car, au troisième siécle de notre ère, un autre écrivain, Solin (3), la reprenait avec la même abondance de détails saugrenus, et presque avec les mêmes expressions. Il est vrai que les voyageurs aiment à exagérer leurs impressions (4. Mais à travers les fictions mensongères ou les (1) STras., IL, r, 9. (2) Mara, nr, 9: « Sunt autem trans ea, quæ modo deserta diximus, muti populi, et quibus pro eloquio nutus est; alii sine sono linguæ ; alii sine linguis; alii labris etiam cohærentibus, nisi quod sub naribus etiam fistula est, per quam bibere avenis, et, cum incessit libido vescendi, grana singula frugum passim nascentium absorbere dicuntur. Sunt quibus, ante adventum Eudoxi, adeo ignotus ignis fuit, adeoque visus mirum in modum placuit, ut amplecti etiam flammas, et ardentia sinu abdere, donec noceret, maxime libuerit. » (3) Sorun., De memorabilibus mundi, à 43 : « In ultimis Orientis monstrosæ hominum facies. Aliæ sine naribus æquali totius oris planitie informes habent vultus. Aliis concreta ora sunt, modicoque tantum foramine calamis avenarum pastus hauriunt. Nonnullæ linguis carent, in vice sermonis utentes nutibus motibusque. Quædam .... incognitum habuerunt ignis usum. » (4) Que n'a-t-on pas écrit sur la taille gigantesque des Patagons ou la d is vi Ml RARE embellissements de commande, un certain fond de vérité se dégage toujours. Parfois aussi les commentateurs (1), sans se préoccuper du sens littéral d'un texte, forcent le sens du récit, et se complaisent à transporter le lecteur dans des régions in- vraisemblables. [1 nous faut donc remonter froidement à l'ori- gine de ces contes, et rechercher ce qu'il y a de réel dans les découvertes d'Eudoxe, revues, corrigées et augmentées par Mela et ses continuateurs. Remarquons que nous sommes en Afrique, la terre classique des étrangetés, le pays dont les anciens disaient déjà avec rai- son qu'ils y trouvaient toujours du nouveau (?). Mais avec le temps tout s'explique. Les phénomènes inexplicables de- viennent simplement des phénomènes mal étudiés ; les peuples fantastiques, des peuples mal observés. Il est certain, par exemple, que les tribus sans nez, qu'Eudoxe aurait decou- vertes, ressemblent à sy méprendre aux tribus de l'Afrique australe dont, en effet, les lèvres épaisses cachent les nez épa- tés. Les peuplades qui ne parlent pas, nous les retrouvons sur les côtes occidentales du continent Africain, où les indigènes ont toujours été timides. Surpris par des étrangers dont ils ne comprennent pas la langue, et dont ils reconnaissent instinc- tivement la supériorité, ils se taisent ou cherchent à s'expliquer par des signes, comme le feront tous les barbares qui verront pour la première fois des étrangers. Ceux dont les lèvres ad- hèrent rappellent les Hottentots, Namaquas ou Damaras, qui se percent la lèvre supérieure et y introduisent une rouelle petitesse des Esquimaux? — Cf. Paw, Recherches philosophiques sur les Américains. — Tout récemment ne soutenait-on pas que les Nyams- Nyams de l'Afrique centrale étaient pourvus d'un appendice caudal qui réalisait presque le desideratum du phalanstère fouriériste ? (1) Ainsi le miniaturiste du manuscrit 8392 de la Bibliothèque natio- nale, l’auteur du livre des Merveilles, à propos des voyages de Marco Pozo et de MANDEVILLE. (2) Pure, A. N., var, 12: « Unde etiam vulgare Græciæ dictum : sem- per aliquid novi Africam afferre. » 200 eus d'ivoire. Vasco de Gama (1) avait déjà remarqué que les femmes de cette région se perçaient la lèvre en trois endroits et y in- troduisaient des morceaux d'’étain. De nos jours elles ont con- servé cette habitude. Pour un observateur superficiel, ces rouelles d'ivoire ou d'étain ressemblent de loin à ces tuyaux placés sous la narine qui servaient à l'alimentation des Afri- cains d'Eudoxe. Quant à ces peuples par trop primitifs qui ne connaissaient même pas l'usage du feu, bien que cette ignorance nous paraisse fabuleuse, d’autres la partagent. IL paraît que c'était le cas des insulaires des Mariannes, quand les Espagnols débarquèrent pour la première fois dans cet ar- chipel (?). Eudoxe s'est donc peut-être avancé plus loin que ne le com porterait la narration de Posidonius, et quelques-unes des tribus qu'il avait découvertes se retrouvent à la rigueur sur les côtes de l'Afrique australe ; mais rien n’est moins prouvé que ces découvertes, et nous renonçcons volontiers à ces pré- tendus renseignements de Mela, pour nous en tenir à la rela- lation si claire, si méthodique, si vraisemblable de Posido- nius. à 5. Le retour. « Dans son voyage de retour seulement, Eudoxe remar- qua une île déserte qui paraissait bien pourvue d'eaux et de bois. Il en releva exactement la situation (3). » Quelle est cette île ? Ici encore nous en sommes réduits à des conjectures. Ce ne peuvent être les archipels que les anciens désignaient sous le nom d'îles fortunées; car ces îles (Canaries ou Madère) étaient parfaitement connues, exploitées depuis longtemps par les habitants de la côte, et par conséquent peuplées. De plus, les anciens naviguaient en rangeant la côte d'aussi près que (1) Crarron, Voyageurs anciens et modernes, t. TL, p. 232. (2) Auerzuon, Commerce et navig. des Egypt., p. 137. (3) SrraBon, IL, ut, 4 : Ev 0È t@ mapémhw vicov ebüvÜpoy uni eUdEvOpOv r éphuny dora onpetwoacar. = / Es AOL possible. Toutes les fois qu'ils se lancent dans la haute mer, ils ont grand soin de le spécifier dans leurs relations. Si donc Eudoxe n'a rien dit, c'est qu'il se conformait à l'habitude, qu'il: revenait en longeant la côte. Dès lors nous n’avons plus que l'embarras du choix. Est-ce une des îles qui bordent la côte de Sierra, une des Bissagots, ou Gorée, ou Arguin, ou Pedra de Gale ? Comme nous ne pouvons rien affirmer, nous res- terons dans le vague où s’est complu l’auteur de la narration. Remarquons pourtant le soin avec lequel Eudoxe relève la si- tuation de l’île, et fait observer qu’elle est riche en bois et en aiguades, ce qui indiquait de sa part un projet bien arrêté d'y revenir. C'était en effet l'habitude des anciens, et des Phéni- ciens en particulier, de s'établir dans les îles voisines de la côte préférablement au continent. Une île est de plus facile défense, et ces prudents négociants aimaient à prendre leurs précautions. Cet usage phénicien a longtemps persisté sur la côte ouest de l'Afrique. Les Européens qui se sont succédé dans ces parages s’y sont conformés, assurément sans se dou- ter qu’ils continuaient une tradition antique. Français à Go- rée, Anglais à Sherboro, Espagnols à Fernandopo et Annobon, Portugais aux Bissagots ou à l’île du Prince, tous les peuples commerçants ont choisi les îles de cette côte pour leurs sta- tions navales. Car les usages commerciaux n’ont guère varié depuis des siècles. Nous n'avons sur le retour d'Eudoxe aucun autre détail : nous savons seulement qu'il ne rentra pas à Gadès. Avait-il été forcé, pour conserver son autorité, de sacrifier quelques- uns de ses matelots, dont beaucoup étaient Gaditans, et crai- onait-il la vengeance de leurs familles s'il retournait à Gadès ? ou bien cherchait-il un nouveau théâtre à son activité ? On l’ignore; mais nous le voyons débarquer en Maurusie ou Mauritanie, le Maroc actuel, vendre ses transports, ce qui prouverait qu'aucun malheur n’était arrivé à l'expédition lors du voyage de retour, etse rendre par terre auprès du roi de la . — 90 — contrée, Bocchus (1), dans l'espoir d'organiser une seconde exploration de l’Océan-Atlantique. AL (1) STRABON, 11, 3, 4 : Ewbévra O ei; tv Mœupouoiav, Gtabépevoy tobc Aépéovs nel xopiobñvar mods Tov Béyov. AT QUE CHAPITRE VI SECOND VOYAGE DANS L'ATLANTIQUE à 1. Eudoxe en Mauritanie. Le nom de Bocchus ou Bogus est commun à plusieurs sou- verains de Mauritanie. Le Bocchus auprès duquel se rendit Eudoxe est probablement celui qui prit deux fois les armes pour soutenir son gendre Jugurtha contre les Romains, et, deux fois vaincu par eux, finit par vendre son protégé au questeur Sylla (106 av. J.-C.). Il avait recu pour prix de sa trahi- son le pays qui va du Molocarth (Moulouïa) au hâvre de Sal- doe (1) (Bougie), et qui s’appellera plus tard la Mauritanie Cé- sarienne (provinces d'Oran et d'Alger). La Mauritanie devenait un grand état, admirablement situé pour une exploration de l'Atlantique, puisqu'il possédait des ports sur les deux mers qui le bordaient au nord et à l’ouest, et que les forêts de la côte offraient à la construction ou à la réparation des vaisseaux d'abondantes ressources. Eudoxe comprit bien vite les avan- tages de cette position, et, dans l'espoir d'en profiter, il se dé- cida à tenter fortune dans ce pays nouveau pour lui. Eudoxe arrivait en Mauritanie précédé par sa réputation. Son long séjour à Alexandrie, ses voyages dans les Indes, ses courses dans la Méditerranée, sa récente exploration de l’At- lantique, avaient attiré l'attention sur lui. Les despotes africains d’alors ne restaient pas étrangers au mouvement général des esprits. Le soupconneux souverain de Mauritanie avait des prétentions littéraires. Il accueillit avec plaisir Eudoxe. Bientôt même, séduit par le charme de ses (1) Moumsen, Aist. rom., trad. Alexandre, t. V. DDR récits, ébloui par les fantastiques horizons qne notre voyageur déroulait à ces yeux, il lui accorda toute sa confiance. Il lui promit même d’équiper une flotte aux frais du trésor royal, et lui en donna le commandement. Strabon s'en étonne : il n’admet pas qu'Eudoxe, « renon- cant à naviguer pour -son propre compte, ne rêve plus qu'une exploration faite au nom et aux frais de Bocchus (1). » La raison en est simple. Eudoxe n'avait pas réussi dans son premier voyage à travers l'Atlantique. Il ne pouvait pas songer à en entreprendre un second dans les mêmes conditions, c’est-à- dire à son propre compte. Mais s'il parvenait à communiquer son ardeur et sa fièvre de découvertes à quelque souverain qui voulût bien se charger des dépenses d’une expédition nouvelle, la question changeait de face. Eudoxe le comprit ainsi. Le capitaine grec et le despote africain s’associèrent dans une œuvre commune : Eudoxe avait conçu le projet, et Bocchus lui fournissait les moyens de le réaliser. Mais la faveur dont jouissait Eudoxe lui avait valu de nombreux ennemis. Dans les cours où tout dépend d'un ca- price du maître, les favoris deviennent promptement l’objet de la haine universelle. « On persuada à Bocchus qu'il avait tort de favoriser une entreprise qui ouvrirait le chemin de ses Etats à des étrangers aventureux et entreprenants (?) ; » on lui fit croire qu'Eudoxe n'était venu en Mauritanie que pour étudier les ressources du pays, et attirer sur ses traces une nuée d'étrangers nécessiteux. Le roi n’écouta plus que les conseils de l’écoïsme, et, avec une ruse tout africaine, chercha à se dégager de la parole donnée. Bocchus n’en était pas à son premier crime, et la vie d'un homme n'a jamais été estimée bien haut par un despote afri- cain. [ n'avait qu’un mot à dire, et l'expédition projetée n’a- (1) Srrag., IL 1, 5 : AA ei radra vs à Boyou vavaroiac énebüunoe. (2) SrraB., IT, 117, 4 : M ouu6 Tv ywopay edemt6oÿ}euroy yevéobat, deryOelonc napédou voïc ÉÉwbev émorpareverv édéAovouy. PE, COTE — 93 — vait jamais lieu. Au contraire, il continue à prodiguer à Eudoxe les témoignages d'affection, il équipe plusieurs na- vires, il met en mouvement de nombreux fonctionnaires, et fait de fortes dépenses. « Mais on avait en secret comploté de déposer Eudoxe dans une île déserte (1). » Voici pourquoi : Bocchus croyait à la réussite de l'expédition; mais il avait be- soin d'une direction intelligente, que seul pouvait lui donner le capitaine illustre qui venait de parcourir ces mers dange- reuses. Peut-être encore s’imaginait-il qu Eudoxe gardait par devers lui d'importants secrets, qu'il dévoilerait une fois en route. Il s'agissait donc d'exploiter ses services, sauf à le ré- compenser par la plus noire des trahisons. Tant qu'il sera nécessaire, on le comblera d'honneurs; mais, une fois qu'on n'aura plus besoin de lui, on aura bientôt fait de Le jeter dans une île déserte ! La méthode est commune, car ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on escompte à son profit les idées du pro- chain. Mais Eudoxe était rusé comme un Grec, et défiant comme un homme qui n’a pas à se louer des souverains qui l'ont em- ployé. Aussi se tenait-il sur ses gardes. Bien que les arme- ments continuassent, et qu'il fût toujours, officiellement, chargé de la conduite de l'expédition, il éventa bientôt le com- plot tramé contre lui. Strabon (? demande comment il eut connaissance de ce complot. Mais une indiscrétion est bier vite commise, et le hasard est un grand maître. Quelques paroles, des allusions saisies au vol, un rien, suffirent pour l'avertir. Dès lors il ne songea plus qu'à ne pas devenir la dupe de Bocchus. Un seul parti se présentait à Eudoxe : la fuite. Mais où por- ter ses pas ? La côte est soigneusement gardée et surveillée par les émissaires du roi; s'enfoncer dans le désert, c'est marcher (1) Strag., IT, nt, 4 : "Extelnoôpevoy eic épunv tiwva vñcov. (2) Stras., IL, 11, 5 : [lc Ô’Éyvwo thv XdBpa at’ aûTrod cuvioTauÉvny émi6ov}hv. 7 ne. Je au-devant d'une mort lente mais certaine. Heureusement Rome était, depuis peu, voisine de la Mauritanie. Son terri- toire s'ouvrait aux fugitifs, comme aux premiers temps de son histoire, et leur offrait asile et protection. Eudoxe connaissait le complot tramé contre lui: pour endormir la confiance de ses ennemis, il affecta la plus grande sécurité, et, comme on le laissait libre de ses mouvements, il en profita pour gagner un beau jour la frontière romaine (1). à 2. Second voyage. Si Carthage eût encore été debout, Eudoxe se serait adressé di- rectement aux hardis négociants de cette antique métropole du monde commercial. Mais Carthage n'existait plus depuis l'an 146. Ses ports étaient comblés (), sa citadelle détruite ; la vengeance romaine planait encore sur les ruines de la cité maudite (3). Le pays gardait, il est vrai, son admirable fertilité, et de nombreuses villes, héritières de la capitale ruinée (4, Utique, Leptis, Hadrumète, servaient à la fois d'entrepôts au commerce pour l'intérieur de l'Afrique, et de ports d’exporta- tion pour les céréales et les bestiaux de la province. Ces villes auraient pu fournir à Eudoxe de nombreuses ressources. Mais l'Afrique sortait à peine des longues agitations de la guerre de Jugurtha. Tout y retentissait encore du fracas des armes. Le moment eût été mal choisi pour demander des secours en fa- veur de l'expédition qu'il projetait. Eudoxe préféra quitter le sol d'Afrique où, à trois reprises, iln’'avaitéprouvé que des dé- boires. Il avait hâte de revoir le théâtre de ses anciens exploits, de revenir dans cette Ibérie qui l'avait si bien accueïlh, et d'y tenter fortune une seconde fois. Ses relations avec les souve- rains ne lui avaient pas porté bonheur. Dépouillé par les (1) Srrag., I, mx, 4 : Duyeiv eis Av ‘Poualwy Émxpértetav. (2) APPIEN, Guerres puniques, XV. (3) Macrose, Saturnales, x, 9. (4) PoLyBE, xIn1, 3. — 95 — uns des fruits de son travail, menacé de mort par les autres, il n'avait jamais réussi que par lui-même. Aussi, comme il était de la race de ces intrépides que rien ne décourage, il résolut de faire appel à l'initiative individuelle. Nous laissons ici la parole à l’auteur de la relation : « En Ibérie, Eudoxe équipa de nouveau un strongyle et un penté- contore, voulant avec l’un de ces bätjments tenir la haute mer, tandis qu'il reconnaîtrait la côte avec l’autre. Il embar- qua sur ces vaisseaux force instruments d'agriculture et des grains en quantité, engagea de bons constructeurs, et recom- mença la même expédition, se proposant, en cas de retard, d'hiverner dans l'ile dont il avait relevé naguère la position, d'y semer son grain, et d'achever son voyage, une fois la moisson faite, tel qu'il l'avait concu dans l’origine (1), » Exdoxe a donc réussi à équiper une flotte nouvelle dans cette Tbérie, où l’on n'avait pas oublié son premier voyage, et où 1l conservait de nombreux partisans, bien que sa précé- dente expédition eût échoué. Il à aussi amassé des provisions, et embarqué avec lui de bons constructeurs : on ne le prend donc pas pour un aventurier, puisque des négociants s'asso- cient pour compléter ses approvisionnements, et que de bons ouvriers s'engagent à le suivre. Strabon ne comprenait pas pareille audace : « Comment oser, écrit-il, entreprendre encore un voyage le long des côtes de Libye, et cela avec un attirail suffisant pour coloniser une île déserte (2) ? » Mais, au lieu de blâämer, il aurait dû admirer cette témérité, cette persévérance et cette foi robuste dans l'avenir, qui sont comme (1) STrag. Il, 1x, 4 : Tdi OÈ xaracxevacduevov otpoyyüdov mhoïoy xai LAHpÔv TEVTNAÉVTOpOV, oTe To MÈVv mehayiberv, To OÈ netpacdar Tic Yhs, évhépEvOy Yewpyumd Épyaheto za omÉpUaTa ua oixodOLOUS Opus TpÙ TÔV adTov mepimhouy * duayooupevov, ei Bpadbvorro 0 mhoûs, Évotayeméoar Tÿ TPOETHEMLEVNR VAGUW, x GRELpAVTA HAÏ WVEAOLEVOY TOÙS AAPTOÙS TEAÉTEL TÔV ÉyvoOpLÉVOV ÉË &pyñs TAOÛV. ; (2) Srras., LL, 11, 5 : és doûx Édersev.…., mheïv néhiy mapà Tv At6Ünv OÙV TOPATHEUŸ ÔUVAUÉVR GUVOLXITAL VAGOY. — 96 — les traits distinctifs du caractère d'Eudoxe. On ne rencontre pas tous les jours des hommes aussi vigoureusement trempés; et, vraiment, Ce hardi capitaine qui s'obstine, malgré l'in- succès, à poursuivre la réalisation de ses projets, offre, dans l'antiquité, un type peu commun de froide ténacité. Une fois en mer, avec quelle prudence il s'engage dans ces parages dangereux! On voit qu'il connaît, pour les avoir éprouvés, tous les périls de la côte. Un de ses vaisseaux, le plus grand, tient la haute mer, et l'autre, le plus petit, celui pourtant qu’il monte, explore les sinuosités du rivage et relève avec soin les moindres détails topographiques. On dirait un voyage entrepris sous les auspices de quelque société savante de l’Europe moderne! Toutes les précautions ont été prises. Pour ne plus être exposé aux privations qui, sans doute, ont abrégé son premier voyage, il résidera quelque temps dans l'île dont il a pris possession. Cette île sera pour lui comme un entrepôt de ravitaillement; mais il entend bien ne pas s'y fixer. Ce n'est pas une colonie qu'il veut fonder, ce sont de nouveaux pays qu'il veut découvrir. Aussi les grains qu'il à emportés, on les sèmera dans l'île, mais pour en charger la cale des navires, une fois qu'ils seront convertis en moissons abondantes. Les ouvriers qu'il mène avec lui construisent bien quelques abris provisoires dans l’île, mais ils reparti- ront tous avec le chef de l’expédition. Cette île, en un mot, ne sera qu'une station intermédiaire, et comme le port de départ pour de nouvelles découvertes. Tout était admirablement combiné. Rien désormais. ne pouvait arrêter Eudoxe. I1 comptait cette fois s'assurer par lui - même si les analogies qu'il avait remarquées dans les idiomes des tribus riveraines, étaient l'effet du hasard, ou la conséquence d'une conformité d'origine. Désormais aucun doute ne planerait sur le problème géographique dont il avait entrepris la solution. Ce problème, l'a-t-il jamais résolu ? A-t-1l fait le tour de l'Afrique avant Gama ? Nous ne pouvons rien affirmer. « Ici s'arrête, dit Posidonius, ce que j'ai pu appren- ET es dre des aventures d'Eudoxe : de ses courses ultérieures, on saurait sans doute quelque chose à Gadès et en Ibérie (1). » Comme nous n'avons pas la ressource de faire appel aux souvenirs des matelots Gaditans, nous imiterons la réserve de l'auteur de la relation. Il paraît cependant que les voyages d'Exdoxe avaient continué, puisque Posidonius convient qu'on pouvait, de son temps, avoir d'autres renseignements. Jusqu'où se sont-ils prolongés et dans quelle direction, nous l'ignorons tout à fait; mais n'oublions pas le mot caractéris- tique qui termine la relation : « Ce que j'ai raconté de ces voyages suffit à démontrer que l'Océan décrit un cercle autour de la terre habitée (2). » & 3. Eudoxe et Colomb. Eudoxe aurait donc, par ses voyages, prouvé que l'Océan entoure l'Afrique. C'est du moins ce qui ressort de l'aveu de Posidonius. S'il n'a pas fait lui-même le tour de l'Afrique, en tout cas il s'est avancé très au sud sur la côte orientale, aussi bien que sur la côte occidentale, et désormais les connaissances géographiques acquièrent sur ce point une stabilité et une précision remarquables. Quelques années avant Eudoxe, Po- lybe n'osait pas encore se prononcer. « L'Afrique, dit-il, est- elle un continent qui se prolonge dans la direction du midi, ou bien la mer l’entoure-t-elle? personne encore ne peut l’af- firmer (3).» Hipparque, son contemporain, était déjà plus explicite. « Toute la mer extérieure, écrit-il, ne forme qu’un seul et même courant; en d'autres termes, la mer Hespérienne (1) STRa8oN, IL, mr, 5: Eyo pèv odv méypt tüc mepè Tv EUGoéoy ioropiac ao : té d’Üorepoyv ouvé6n, Tobc x l'adetpwv ai ts ‘IGnpias eixdc eidévou. (2) Srras., Il, 1x, 5 : Ex mévrwy dà Toütwy delxvuoar, OLOTt À oixouuévn AÜXRW meprppeîtor T@ ’Queav. (3) Pozyse, 111, 38 : OÙdeic Eyer héyeuv drpeuGc Éwc Tov xa0’ Aus xaup@v, TÔTEPOV NRELPOÇ ÊTTL AUTY TO HUVEHEÈS TA mpdc TV Leonuépiav, à Patty TEPLÉYETOL. 0er -ou Occidentale et la mer Erythrée ne font qu'une (1). » Mais, après Eudoxe, on ne se contente plus d’énoncer une proba- bilité, on affirme une certitude. Strabon parle à plusieurs reprises de la communication des mers; il admet la possibilité du périple de l'Afrique (2. IL compare ce continent à un triangle rectangle, dont l'hypothénuse est déterminée par le rivage de l'Océan, qui s'étend de l'Ethiopie à la Mauritanie (3); enfin il remarque qu'on ne comptait pas autrefois vingt vais- seaux qui osassent sortir de la mer Erythrée, tandis que, de son temps, des flottes considérables s’expédiaient jusque dans l'Inde et aux extrémités de l'Ethiopie (4). Pomponius Mela parle résolument de l'Afrique, qui se termine en pointe (5). L'auteur du périple de la mer Erythrée, probablement un marchand qui vivait à la fin du premier siècle de notre ère, écrit ces mots significatifs : « Au delà de l’Azanie, l'Océan, jusqu'à présent inexploré, tourne à l’ouest, enveloppe des contrées qui regardent les parties méridionales de l'Ethiopie, de la Libye et de l'Afrique, et va rejoindre la mer orciden- tale (6). » Solin, au troisième siècle, affirme qu'on peut aller, mais avec un vent favorable, de Gadès aux Indes (7). Enfin, les Arabes, héritiers directs des traditions et de la science antiques, acceptent sans répugnance cette théorie (8). Sans (1) SrRaB, I, 111, 13 : Tv éxrèc Odlatrav äracay cÜpbouy eivar, dote Ho TV “Ecrépiov xai Ty EpuBpàv OdAattav piav eivau. (2) Stras., I, ui, 31. (3) StTras., X VI, 1x, 1. (4) Stras., X VII, 1, 13. (5) Pomponrus MeLa, 111, 10 : « In finem sui fastigantis se Africæ no- vissimus angulus. » (6) Geogr. græc. muin., t. I, p. 272 : ‘O yap perà Toÿrous Tobc Témous Queavdc &vepebvntros dv els TAv OUoLV GVALAUTTEL HA TOÏS ATEGTPALUÉVOLS uépeor tac Ailromioc nai A16Üns nai Apprañc XUTY TOY VOTOV TAPEATEÏVEY ei Tv ‘Ecnepiuv oupuioyer Odacou. (7) Souin, 2 70 : « Omne illud mare ab India usque ad Gades voluit intelligi navigabile, Cori tamen flatibus. » (8) LELEwWEL, Géographie du moyen âge. — 99 — doute, il se trouve toujours des partisans de l'opinion contraire. Ptolémée et toute son école, plusieurs Arabes même, entre autres Edrisi, ont traité d’absurde la croyance à la communi- cation des mers Atlantique et Indienne; mais ne sait-on pas combien d'années, de siècles même, sont nécessaires pour extirper un préjugé fortement enraciné ! À Eudoxe donc reviendrait la gloire, sinon d'avoir précédé Gama, en montrant à ses contemporains la route des Indes, au moins d'avoir reconnu une grande partie de la côte Afri- caine, et surtout d'avoir affirmé une fois de plus ce que peut la persévérance humaine aux prises avec les difficultés maté- rielles. Que manqua-t-il, en effet, à ce héros de la patience ? Un jour, une heure, et peut-être il trouvait un monde nou- veau. Lorsque Christophe Colomb sentait frémir sous lui son équipage révolté et se voyait réduit à implorer trois jours de grâce, si la terre n’eût apparu avant le délai fixé, la postérité connaîtrait-elle seulement le nom de l'illustre Génois, qui ouvrit à l'humanité un avenir nouveau en doublant son do- maine ? Qui sait si sur la flotte d'Eudoxe quelque drame sem- blable ne brisa pas la carrière de ce malheureux capitaine ? Lui aussi demanda peut-être ses trois jours; mais le délai fatal expira, et ses espérances furent anéanties. Encore fut-il heu- reux dans son malheur, puisque son nom a échappé à l'oubli. Nous rappelions le souvenir de Colomb. Aussi bien la com- paraison entre Eudoxe et lui s'impose fatalement. Nés tous les deux dans un port de mer, habitués de bonne heure à vivre de la mer, curieux, ardents, enthousiastes, ils parcourent le cercle des connaissances de leur époque. Peu à peu ils s'aven- turent au loin dans des voyages qui passaient pour dangereux. Aux courses d'Eudoxe dans l'Inde correspond le voyage de Colomb dans les mers du nord de l’Europe. Bientôt une même pensée les occupe : ils voudraient frayer à leurs compatriotes des voies nouvelles, et c'est le hasard qui les conduit tous deux à agiter ces intéressants problèmes. Ici l’éperon d’un navire espagnol, échoué sur la plage, fait supposer à Eudoxe que les PCR, RE 1 ST APE DRE CUS CRE: ER PR TNT TER CT ET OS OT l'O EE + . f — 100 — mers qui ont transporté ce navire sont en communication directe. Là des morceaux de bois sculpté, des roseaux d’une dimension extraordinaire, des troncs de pins énormes d’une espèce inconnue, lancent Colomb dans la direction de l'ouest. L'un et l’autre arrivent avec peine à réaliser leurs projets. Eudoxe s'adresse aux villes commercantes du bassin de la Méditerranée ; Colomb est obligé de recourir à divers princes. Ils montrent tous deux, dans un magique horizon, les richesses de l’Inde, et proposent d'aborder au même pays, l’un en fai- sant le tour de l'Afrique, l’autre à travers l'Atlantique. C'est en Espagne qu'ils réussissent, et, par une curieuse coïncidence, leur point de départ est presque le même : vingt lieues à peine séparent Gadès de Palos, et les deux ports se trouvent sur la même côte. Un gros vaisseau et deux transports, telle est la flotte d'Eudoxe. Une forte caravelle, la Santa-Maria, et deux grosses tartanes, la Nina et la Pinta, telle est la flotte de Colomb et de ses associés. Bocchus voudrait enlever à Eudoxe l'hon- neur et le profit de ses découvertes. Jean IT de Bragance, une fois maître des projets de Colomb, entreprend de les exécuter à son propre compte. Un complot se forme contre Eudoxe; Colomb est la victime d’une intrigue. Le premier revient sou- vent dans les mêmes parages; le second entreprend quatre fois le voyage d'Amérique. L'un et l'autre, enfin, subissent les mêmes traitements : on leur conteste des droits évidents, on les abreuve d'amertumes. Toute leur vie ils ont souffert, mais rien n’a lassé leur persévérance : ils se redressaient plus forts, comme le géant de la fable qui retrouvait sa vigueur en tou- chant la terre. Colomb a réussi : son œuvre est immortelle. Eudoxe est à peu près inconnu. Son grand malheur est peut-être d’avoir été trop hardi pour son époque. Il fut supérieur à ses contem- porains; il n'eut qu'un tort, mais n'est-ce pas le suprême honneur que d’encourir pareil reproche ? Il vécut seize siècles trop tôt! NOUVELLE DISPOSITION DE L'HYGROMÈTRE A CHEVEU Par M. Georges SIRE. Séance du 13 avril 1872. L'atmosphère renferme de la vapeur d'eau, et les phéno- mènes auxquels cette vapeur donne lieu, comme la rosée, la pluie, la neige..….., sont désignés sous le nom d’hydrométéores ou de météores aqueux. Il existe toujours de la vapeur d’eau dans l'air; sa présence est indispensable aux êtres vivants, végétaux et animaux. La quantité en est tantôt plus forte, tantôt plus faible, mais les variations ne sont faciles à discerner qu'autant qu'elles ont lieu avec une certaine intensité. Ainsi, on est plus sensible au froid quand l'air est très humide que quand il est relative- ment sec, parce queda vapeur d'eau accroît la conductibilité pour la chaleur. Le bois, l’ivoire, la corne, les fibres textiles des végétaux. et, en général, les substances organiques privées de vie, s’al- longent par l'humidité. Beaucoup de substances inorganiques absorbent l'humidité de l'air par suite d'une affinité pour l’eau : la potasse, la soude, la chaux, l’acide sulfurique et l'acide phosphorique en sont des exemples. D’autres substances précipitent l'humidité à leur surface par un effet de cohésion ; le verre est dans ce cas. 8 SO — 102 — C’est par la même raison qu'un grand nombre de corps réduits en poudre fine absorbent l'humidité de l'air, leur surface offrant une très grande étendue. Mais tous ces effels ne sont bien manifestes qu'au bout de quelque temps, ou lorsque la quantité de vapeur d’eau varie entre des limites assez étendues; les faibles variations ne peuvent être constatées qu'à l'aide d'instruments spéciaux. La partie de la physique qui s'occupe des moyens d'évaluer la quantité d'humidité de l'air, est désignée sous le nom d'hygrométrie. Le degré d'humidité ou l’état hygrométrique d'un volume d'air donné ne dépend pas de la quantité absolue de vapeur d'eau qu'il contient, mais du rapport de cette quantité à celle qu'il renfermerait s'il était saturé à la même température. Comme il faut d'autant plus de vapeur pour saturer l’air que sa température est plus élevée, il en résulte que l'air peut être très humide avec-peu de vapeur s’il est froid, et très sec avec une plus grande quantité de vapeur quand il est très chaud. Toute la science de l'hygrométrie revient à déterminer les deux termes du rapport qui vient d'être cité. On a imaginé un certain nombre de méthodes pour arriver à ce résultat; les appareils qui sont employés dans ce but portent le nom d’hy- gromètres. Les hygromètres sont de plusieurs sortes ; on distingue : 1° Les hygromètres fondés sur l'absorption de la vapeur d'eau par des substances chimiques, ou la méthode chimique ; 2° Les hygromètres à condensation ; 3° Les psychromètres ; 3 4° Les hygrométres par absorption. Méthode chimique. — Cette méthode est la plus rigoureuse. Elle consiste à déterminer directement le poids de la vapeur d’eau contenue dans un volume d’air connu, en faisant passer cet air dans des appareils renfermant des substances ayant une grande affinité pour l’eau; l'augmentation de poids de ces appareils donne le poids de la*vapeur condensée. — 103 — Si on désigne par V le volume de l'air, exprimé en litres, qui a passé dans les appareils, par # sa température et par / la tension de la vapeur; le poids p de la vapeur condensée est représenté par la formule 4) f __ V(0s,804) H] p— 0,62. Dee = Ten 00 Pour avoir l'état hygrométrique, il faut diviser le poids p par le poids P de vapeur à saturation qui serait contenue dans le même volume d'air à la même température, c'est-à-dire lorsque la force élastique de la vapeur est maximum ou F: ce poids serait VI0e",804) F 2 Be re NcTens (1H at) 760 par suite, l'état hygrométrique est . On voit que le poids P est obtenu par le calcul, au moyen de la densité théorique de la vapeur d'eau, ce qu'on peut faire sans inconvénient. Il résulte, en effet, des recherches de M. Regnault, que là densité de la vapeur à saturation aux basses températures peut se calculer d'après la loi de Mariotte, comme celle de l'air même à laquelle on la compare, bien que le rapport du poids de la vapeur à celui d’un égal volume d'air dans les mêmes conditions de température et de pression, soit un peu plus faible que la densité théorique de la vapeur. Mais si la méthode chimique est la plus exacte, elle exige une manipulation longue et compliquée, peu compatible avec des observations courantes : elle ne donne d'ailleurs qu'un état moyen de l'air pendant la durée de l'expérience; aussi l'emploie-t-on plutôt pour contrôler les autres hygromètres que pour un service journalier. Hygromètres à condensation. — Si l'on divise la formule [1] par la formule [2], on a — 104 — :V(0s",804) f do TS nt P V(0s,804 F (1H at) 760 ce qui prouve que, toutes choses égales d’ailleurs, les poids de la vapeur d'eau sont dans le même rapport que les forces élas- tiques ; par suite, pour déterminer l'état hygrométrique, on peut substituer le second rapport au premier : c'est le principe des hygromètres à condensation. A l'aide de ces appareils, on se propose de déterminer à quelle température l'air dont on veut connaître l'état hygro- métrique, doit être refroidi, pour que la vapeur d’eau qu'il con tient suffise pour le saturer. Dans ce but, on refroidit artificiel- lement et graduellement une partie polie de l'instrument jusqu'à ce qu’une légère couche de rosée vienne ternir cette surface; en un mot, l'opération revient à déterminer le point de rosée, c'est-à-dire la température à laquelle l'air doit être abaissé pour se trouver saturé à l'aide de la quantité de vapeur qu'il contient. De la connaissance de cette température et de celle de l'air ambiant, on déduit l’état hygrométrique. Si f représente la tension maximum de la vapeur à la température du point de rosée, et f” la tension maximum à la température Sa pr? ambiante, l’état hygrométrique sera Le de Les valeurs numériques de f et de f”’ sont données par les tables. J Je ne crois pas nécessaire de rappeler ici l'exactitude plus ou moins parfaite avec laquelle les hygromètres de Daniell, Pouillet, Belli, Savary ...…. , permettent de déterminer le point de rosée. De tous les hygromètres à condensation, celui de M. Regnault est le plus précis, mais, quoique d’un volume assez restreint et répondant parfaitement aux besoins de la science, bien des voyageurs lui préfèrent un psychromètre, ou un hygromètre à cheveu, à cause de la rapidité de leur instal- lation. — 105 — Psychromètres. — Les psychromètres ou hygromètres par évaporation, reposent sur la méthode mise en pratique par Leslie, pour déterminer le degré d'humidité de l'air, méthode qui consiste à observer la rapidité de l’'évaporation de l'eau à l'aide de l'abaissement de température qu'elle produit. Pour cela, on détermine les températures stationnaires indiquées par deux thermomètres, voisins l’un de l'autre, mais dont le réservoir de l'un d'eux est enveloppé de batiste continuellement mouillée d’eau. C’est à cette disposition que M. August, de Berlin, a donné le nom de psychromètre. Pour déduire l’état hygrométrique des températures obser- vées, M. August a établi une formule, en admettant que la boule humide du psychromètre est entourée d’une couche d'air, que l’on peut d’ailleurs supposer aussi mince que l'on veut, qui a la même température que cette boule et qui se trouve saturée d'humidité. Cette température est inférieure à celle de l’air extérieur. M. August suppose aussi que les cou- ches d'air qui arrivent ainsi successivement en contact avec le réservoir humide, prennent la température de ce réservoir et se saturent d'humidité. Ces couches arrivant avec une tempé- rature supérieure à celle du réservoir, lui abandonnent une certaine quantité de chaleur ; mais, d'un autre côté, elles va- porisent de l’eau à la surface, et par suite enlèvent au réser- voir une autre quantité de chaleur. La température station- naire du réservoir humide s'établit par l'égalité entre ces deux quantités de chaleur. En admettant, en outre, que le refroi- dissement du thermomètre mouillé est indépendant du mou- vement de l'air, et qu'il est proportionnel à la différence entre la tension de la vapeur à saturation et la tension telle qu'elle existe dans l'air, M. August arrive à la formule numérique suivante : 0.568 ( il — l') CE Ep MA 9 2e (il Eure Vif CE dans laquelle x représente la force élastique de la vapeur d'eau qui existe dans l’air, & la température de l'air ambiant donnée à ban de ri QE a ch TP PONT IT RE TORRENT RON PT. à a Sri ob Lis dE diner | 4. * Ste 4 es rue “ul — 106 — par le thermomètre sec, {’ la température indiquée par le thermomètre mouillé, f” la force élastique maximum de la vapeur pour la température {’, et À la hauteur du baromètre. Par suite, la fraction de saturation ou l’état hygrométrique est T° ‘f étant la force élastique maximum de la vapeur d’eau à la température £. En substituant à différents chiffres employés par M. August, des valeurs déduites d'expériences très précises, M. Regnault a obtenu l'expression plus rigoureuse 0,429 (4— rh... SR h; 610 — + qui peut même s'écrire l [4] = f" —0,0006246 (1 — 1) h. Les résultats numériques obtenus à l'aide de cette formule diffèrent rarement de plus de [05 de ceux que l’on déduirait de la formule théorique plus complexe. M. Regnault fait re- marquer que cette approximation est plus que suffisante dans tous les cas, car l’état hygrométrique de l'air est incessamment variable, et, par cela même, il n’est pas susceptible d’une détermination rigoureuse. Dans un travail plus récent, M. Regnault propose de mettre la formule précédente sous la forme g—=f —A(i—t)h, qui est plus générale, à la condition que pour chaque cir- constance on ait soin de déterminer, par des expériences directes, la valeur du coefficient 4. On reconnait, en effet, que les valeurs de x ne sont d'accord avec les résultats que fournit la méthode chimique qu’autant qu'on donne à 4 des valeurs différentes, et qui dépendent des circonstances dans lesquelles se trouve le psychromètre. — 107 — Ainsi, on a trouvé que dans une chambre lb ON AVANCE. MITLL ES. 5. LTTTA O0 Dans une vaste salle fermée ............. A = 0,00100. Dans la même salle lorsque deux fenêtres | opposées étaient ouvertes .................. À — 0,00077. Dans une grande cour carrée, entourée constructions élevées, le psychromètre étant exposé au nord...... ARR EE Te ORNE RE OOOTE. Dans la cour de l'auberge de Taverne, aux Eaux-Bonnes (Pyrénées): .........::1:.02 A = 0,00090. Ce qui précède suffit pour faire reconnaître que le psychro- mètre est un appareil empirique, dont les indications sont plus ou moins exactes suivant qu'on s'est donné la peine de déter- miner avec plus ou moins de soins la valeur du coefficient 4. Si l'instrument doit rester à poste fixe, dans un observatoire par exemple, on pourra faire cette détermination avec exacti- tude; mais s’il doit être fréquemment déplacé, s'il doit être employé dans des explorations scientifiques où les situations changent presque chaque jour, il devient impossible de pro- céder à une graduation précise, et on ne peut compter que sur des indications approximatives. Si, d'un autre côté, on envi- sage la grande fragilité des thermomètres à mercure, on com- prendra l’appréhension avec laquelle la plupart des voyageurs se résignent à se munir d'un psychromètre. On peut dire sans exagération que si, jusqu à ce jour, les observations hygrométriques ont été fort négligées, on le doit à l'absence de moyens expéditifs de déterminer le degré d’hu- midité de l'air. Si donc on veut favoriser le développement de ce genre de recherche, il faut offrir, soit pour les observations sédentaires, soit pour les voyages, un instrument suffisam- ment exact, d'une lecture facile, d’une installation prompte et appropriée à la plupart des circonstances, un instrument enfin qui puisse indiquer presque instantanément le résultat cher- ché. Il est évident qu'aucune des méthodes qui viennent d'être — 108 — rappelées ne satisfait à ce programme; mais il reste à examiner si, parmi les hygromètres d'absorption, il n'en existe pas un qui, convenablement modifié, présenterait quelques chances de rendre les observations plus fréquentes et par suite plus profitables. Hygromètres par absorption. — De tous les hygromètres par absorption, celui de Saussure a seul échappé à l'oubli général, dit M. Regnault, grâce à la persévérance de son inventeur, qui fit des expériences nombreuses pour rendre son instru- ment comparable. L'hygromètre de Saussure est empirique, mais il présente, pour les observations météorologiques, de si grands avantages sur les autres méthodes hygrométriques, que, malgré les préventions très fortes qu'il avait contre cet instrument, M. Regnault n’a pas hésité à faire des expériences très multipliées pour s'assurer jusqu'à quel point il pouvait donner des indications précises. Les études de cet illustre physicien ont produit des méthodes de graduation et de véri- fication plus pratiques et plus rigoureuses que celles que l'on possédait, et qui ont beaucoup augmenté l'exactitude des indications de l'instrument de Saussure. Hygromètre à cheveu de Saussure. — On sait que cet appareil est fondé sur la propriété que possèdent les cheveux convena- blement dégcraissés, de s’allonger par l'humidité et de se rac- courcir par la sécheresse. En raison de leur forme déliée, les cheveux se mettent promptement en équilibre d'humidité avec l'air ambiant. Quelle que soit la température, ils s'emparent toujours de la même quantité d’eau dans l'air saturé de vapeur, et s’allongent de la même grandeur. On s’en rend compte en observant que l’eau est retenue avec une force presque nulle, dans l'air saturé de vapeur, puisque la plus faible diminution de volume ou de température opère la liquéfaction d’une por- tion de cette vapeur. Dans ces conditions, l’affinité des cheveux pour l’eau n'étant contrebalancée par aucune autre force, cette substance précipitera toute l’eau qu’elle peut absorber ; quan- hs — 109 — tité qui est d'ailleurs très petite relativement à celle qui sature l'espace ambiant. s4at 1 Dans leur état ordinaire, les cheveux s’allongent de 200 ©’ passant de la sécheresse extrême au maximum d'humidité. = lorsqu'ils ont été dégrais- sés en les faisant bouillir pendant 30 minutes dans de l’eau L'allongement peut aller jusqu'à 1 . fai che contenant 100 de son poids de carbonate de soude cristallisé. Saussure recommande de choisir des cheveux fins, doux et non crépus, coupés sur une tête vivante et saine. Convenahle- ment lessivés, les cheveux sont nets, doux, brillants, transpa- rents et bien détachés les uns des autres. C'est un cheveu jouissant des qualités ci-dessus qui cons- titue la pièce essentielle de l'instrument de Saussure. Ce che- veu, d'environ 24 centimètres de longueur, est fixé par un bout à la partie supérieure d’un cadre métallique, et par son autre extrémité, à la gorge d'une poulie de 5 millimètres de diamètre; un petit poids, variant de 08"? à 0%5, est placé de facon à maintenir le cheveu constamment tendu; enfin sur l'axe de la poulie est fixée une aiguille dont l'extrémité se meut sur un arc de cercle divisé et accuse les variations qui se produisent dans la longueur du cheveu. Telle est, en abrégé, la disposition de l'hygromètre à cheveu de Saussure. Pourquoi, malgré l'appui inespéré que les recherches de M. Regnault ont donné à l’hygromètre de Saussure, cet ins- trument est-il si délaissé et son usage si peu répandu ? Les causes de cet abandon sont, à mon avis, la construction vi- cieuse de cet appareil, sa fragilité et son installation défec- tueuse dans la plupart des cas. Je viens de rappeler sommairement la construction ordinaire de l'hygromètre à-cheveu; j'ajouterai quelques mots sur les inconvénients que sa manipulation présente, afin de faire ressortir comment j'ai réussi à les éliminer dans la nouvelle disposition que j'ai l'honneur de proposer. — 110 — Un des premiers inconvénients que présente l'hygromètre ordinaire, c’est sa grande fragilité. Il arrive souvent, dans les déplacements de l'appareil, que l’attouchement involontaire des doigts, le choc des corps environnants, opèrent la rupture du cheveu qui n’est pas suffisamment protégé ; or, la rupture du cheveu est d'autant plus regrettable qu'elle fait perdre les bénéfices d'une graduation longue et minutieuse. Sans doute, le cheveu brisé peut être facilement remplacé, mais alors l'instrument réclame une graduation nouvelle, bien difficile à effectuer en dehors du matériel d’un laboratoire. D'un autre côté, le cadre métallique porte des pieds qui maintiennent tout le système à une très petite distance de la surface contre laquelle l’hygromètre est généralement sus- pendu. Une pareille mise en expérience me paraît très défec- tueuse, car le cheveu se trouve à peine à { ou 2 centimètres d'une paroi dont la nature peut modifier l'humidité de la couche d’air qui environne l'instrument, et à laquelle sont seulement applicables les indications observées. La trop grande proximité d’une paroi expose le cheveu à être parcouru par les insectes qui circulent sur les murs (mouches, araignées..…..), lesquels déposent à la surface des impuretés qui, à la longue, doivent nécessairement modifier ses propriétés hygroscopiques. Un effet analogue est produit par les poussières qui flottent sans cesse dans l’air, et qui finissent par adhérer d'autant plus au cheveu qu'il est plus fréquemment humide. Ces altérations se produisent surtout dans les intervalles relativement très longs qui séparent les observations, et sont en partie la cause dés différences que présente l'hygromètre à cheveu lorsqu'on le soumet à des vérifications régulières. On a cherché à remédier à ces causes d’altération, en dispo- sant l'hygromètre dans une boîte fermée antérieurement par une glace, et dont les parois latérales sont percées de trous, qui mettent l'intérieur de la boîte en communication âvec l'atmosphère ambiante. Cette disposition laisse subsister, si — 111 — toutefois elle ne l’aggrave pas, l'influence des parois trop rapprochées du cheveu, influence qui ne doit disparaître que lorsque l’air a circulé longtemps dans l'intérieur de l’étui, ce qui retarde les indications de l'instrument. La nécessité de tenir l’hygromètre dans une position bien verticale ne laisse pas’ que d’être fort gênante dans bien des cas. C'est une conséquence du petit poids qui tend le cheveu et qui ne produit bien sa fonction que lorsque le cheveu est vertical. Et si maintenant on envisage la valeur de ce poids, on reconnaît que beaucoup de constructeurs font bon marché des indications de Saussure, qui prescrivent de ne pas appli- quer à la tension du cheveu un poids dépassant 05"2. Une imperfection des plus grandes réside dans la dispro- portion de l'aiguille que le cheveu est obligé de faire mouvoir. Cette aiguille est généralement trop massive, quelque bien équilibrée qu'elle soit. Saussure fait observer qu'un cheveu qui est chargé seulement de 068'6, offre d’abord une marche assez régulière, mais qu'il s'étire au bout de quelque temps et devient irrégulier. Il est évident, d'après cela, que la grosseur exagérée des aiguilles de laiton qu’on observe dans les hygro- mètres à cheveu, est on ne peut plus nuisible; car les cheveux rencontrent dans la masse de ces aiguilles une résistance capable d’altérer leur marche après un temps plus ou moins long. Cette résistance est encore accrue par l’épaississement des huiles qui lubrifient l'axe de l'aiguille, de sorte que l’ins- trument ne tarde pas à devenir peu sensible, et qu'il est nécessaire de favoriser le jeu des différentes pièces en inpri- mant de légers chocs au système. Enfin, la nécessité absolue de fixer l'aiguille et le poids tendant lorsqu'il s’agit de trans- porter l'instrument, est, sans contredit, le défaut le plus grave qu'on puisse reprocher à sa construction actuelle. Elle cons- titue une sujétion dont l'ouxli peut être désastreux pour les divers organes de cet appareil. En effet, si cette fixité n'est pas obtenue d'une facon sérieuse, ou si elle n’est prati- quée que d’une manière imparfaite, elle est détruite par la — 112 — première secousse un peu violente, et les plus graves désordres résultent de l'enchevêtrement des différentes pièces. En présence de si nombreuses chances de détérioration, il n'est pas étonnant que la plupart des observateurs aient renoncé à faire usage de l'hygromètre de Saussure. Faire disparaître les inconvénients qu'on rencontre dans l'usage de l'hygromètre à cheveu ordinaire, et annuler en grande partie les causes d'altération et de dérangement de cet appareil, c’est ce que je crois avoir réalisé dans la disposition nouvelle dont je vais donner la description, et que j'ai pré- sentée à la réunion des délégués des sociétés savantes, à la Sorbonne, en avril 1872. Nouvelle disposition de l'hygromètre à cheveu. — Cette dis- position est représentée de face (fig. 1), et en coupe (fig. 2). Un tube de laiton AB de 25 centimètres de hauteur, attenant à la base B, qui peut à volonté se visser sur un pied ou socle P, constitue le support principal de l'instrument. Ce tube en con- tient un autre qui peut tourner concentriquement dans son intérieur, à l’aide du bouton b fixé à ce tube. Chacun de ces deux tubes est percé de trois fentes longitudinales, sur une hauteur de 18 centimètres, et sur une largeur un peu moindre que la sixième partie de leur circonférence; en sorte que si l'on déplace à droite ou à gauche le bouton b, qui glisse dans une rainure pratiquée dans le tube extérieur, on fait coïncider les ouvertures des tubes (fig. 3), ce qui permet une libre circulation de l'air dans leur intérieur ; ou bien l’on place les parties pleines du tube intérieur vis-à-vis les ouvertures du tube AB, ce qui constitue un tube complètement fermé (fig. 4). Installation du cheveu. — C'est suivant l'axe commun des deux tubes ci-dessus décrits qu'est établi un cheveu convena- blement préparé. Il est maintenu dans sa partie supérieure par une pince p faisant partie d’une vis de rappel, montée sur “un petit support fixé au tube extérieur. Cette partie de l'ins- trument est préservée par un chapeau G, qui se visse sur le tube A. L'autre extrémité du cheveu est fixée en m à une tige =. 113 — “faisant partie d’un levier spécial dont il va être fait mention. Entre les points p et m, le cheveu possède une longueur de 20 centimètres. Le point p étant fixe, les variations de longueur du cheveu sont accusées par l’abaissement ou l'élévation de son autre point d'attache m, variations qu’il est nécessaire d'agrandir et de rendre bien manifestes. Dans ce but, le point m se trouve à l'extrémité d’une petite tige implantée sur un levier L (fig. 1), lequel est mobile autour d’un axe I. Sur cet axe est disposé un petit ressort spiral R, dont la fonction est de tendre constam- ment le cheveu, mais sans l’étirer. Le levier L porte à l'une de ses extrémités un arc de cercle denté ou râteau qui engrène dans un pignon établi au centre du cadran. Sur l'axe de ce pignon est fixée une aiguille très légère en acier doré. On entrevoit de suite le jeu de ce mécanisme fort simple : toutes les fois que le cheveu éprouve une variation de longueur, elle est transmise au levier, lequel fait tourner d’une certaine quantité le pignon, et, par suite, détermine un déplacement plus ou moins grand de l'aiguille sur le cadran. La force qui met en jeu ces différentes pièces étant très faible, il était im- portant de donner à ces pièces la plus grande mobilité. Voici de quelle manière je crois y être parvenu. Le levier L n’a, pour ainsi dire, pas de masse : il est, du reste, parfaitement équilibré à l’aide d'un contre-poids d, en sorte que son attion, comme poids, est nulle sur le cheveu; il ne fait que transmettre à ce cheveu la force du ressort spiral. Or, ce ressort est choisi de facon qu'il n'exerce qu'une traction très faible et dans les limites prescrites par Saussure. On pourrait objecter que l’action de ce ressort spiral n’est pas constante; mais je ne vois pas qu'une tension uniforme du cheveu soit d’une nécessité absolue, bien au contraire. Il est très probable que le cheveu est d'autant plus facile à étirer qu'il est plus imprégné d'eau; par suite, il y a avantage à ce qu'il soit d'autant moins tendu qu'il s’allonge davantage par l'humidité. C'est précisément dans ce sens qu'agit le spiral, — 114 — puisque 5on angle de tension diminue avec l'allongement du cheveu, disposition qui me paraît plus avantageuse qu'une tension constante. Quant au pignon qui est au centre du cadran, il est cons- truit avec beaucoup de délicatesse et possède un diamètre calculé sur l'allongement du cheveu, comme on le verra plus loin. Sur le prolongement d'un des pivots de ce pignon est ajustée une aiguille très légère, d'égale longueur de part et d'autre de son axe de rotation, lequel passe par son centre de gravité. Cette aiguille et le pignon, n’opposent qu'une résis- tance insignifiante à leur mise en mouvement, et comme ce pignon engrène sans temps perdu appréciable avec l'arc denté du levier, il obéit aux plus petits déplacements de ce levier, c'est-à-dire que l'aiguille accuse les plus faibles variations dans la longueur du cheveu. La sensibilité de l'instrument est donc très grande : elle est encore accrue par la très grande mobilité des différentes pièces dont il vient d’être question, attendu que les axes de rotation sont constitués par des pivots très fins tournant dans des pierres dures. Toute cette partie délicate de l'instrument a été exécutée, avec autant d’habileté que d'intelligence, par M. Mathey-Doret, professeur à l'école d'horlogerie de Besançon. Enfin un thermomètre, fixé sur le tube extérieur A, permet de déterminer la température de la tranche d'air dans laquelle est plongé l'instrument. _ Graduation de l'hygromètre à cheveu. — Les deux points fixes de l’hygromètre sont déterminés, comme l'on sait, en soumettant d'abord l'instrument à la sécheresse extrême, puis à l'humidité extrême. Dans les deux positions respectives où l'aiguille est restée stationnaire, on marque 0 et 100. L'arc de cercle compris entre ces deux points est divisé en 100 parties égales qui sont les degrés de l'hygromètre. Tables hygrométriques ; anciennes méthodes. — Les degrés de l'hygromètre ne sont pas comparables entre eux, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas proportionnels aux différents états d’humi- dité de l'air. Saussure, Dulong, Gay-Lussac, Melloni ..…. ont — 115 — cherché par diverses méthodes à construire des tables, qui permettent de passer des degrés indiqués à l'état hygromé- trique correspondant. Les recherches de Gay-Lussac sur ce sujet ont prévalu jusque dans ces derniers temps. En plaçant l'hygromètre dans des atmosphères dont il faisait varier l'état hygrométrique à l’aide de dissolution saline diversement con- centrées, Gay-Lussac a obtenu 10 termes de la table cherchée. Les termes intermédiaires ont été obtenus par interpolation par M. Biot. En représentant par 0 la sécheresse extrême et par 1 la saturation complète, cette table est La suivante : Degrés Etats Degrés Etats Degrés Etats de h EE de nc de ; Re l'hygrom, | AYSrométriques. ||Physrom. hygrométriques. |]l'hygrom. hygrométriq. 0 0,0000 34 0,1710 68 0,4489 1 0,0045 39 0,1768 69 0,4604 2 ° 0,0090 36 0,1830 70 0,4719 3 0,0135 37 0,1890 71 0,4851 4 0,0180 38 0,1954 T2 = 0,498? 9 0,0225 39 0,2016 73 0,5114 6 0,0271 40 0,2078 74 0,5245 7 0,0318 A1 0,2145 75 0,5376 8 0,0364 4? 0,221? 76 0,9525 9 0,0410 43 0,2279 77 0,5674 0 0,0457 LA 0,2346 78 0,5824 11 0,0505 45 0,2413 79 05973 12 0,0552 46 0,2486 80 0,612? 13 0.0600 47 0,2559 81 0,6289 14 0,0648 48 0,2632 82 0,6457 15 0,0696 49 0,2706 83 0,6624 16 0,0746 50 0,2779 84 0,6792 17 0,0795 ol 0,2858 80 0,6959 18 0,0845 D? 0,2938 86 0,7149 19 0,0895 53 0,3017 87 0,7339 20 0,0945 54 0,3097 88 0,7529 21 0,0997 5D!°! 0,3176 89 0,7719 22 0,1049 56 0,3266 90 0,7909 23 0,1101 57 0,3357 91 0,8109 24 0,1153 o8 0,3447 92 0,8308 25 0,1205 59 . 0,3537 93 0,8508 26 0,1259 60 0,3628 94 0,8707 27 0,1314 61 0,3731 95 0,8906 28 0,1369 6? 0,3834 96 0,9125 29 0,1423 63 0,3936 97 0,9344 30 0,1478 64 0,4039 98. 0,9563 31 0,1536 65 0,4142 99 0,9781 32 0,1594 66 0,4258 100 1,0000 33 0,1652 67 0,4373 — 116 — Cette table, calculée pour une température de 10 degrés, a été regardée comme applicable à toute température comprise dans les limites thermométriques de l'atmosphère, en faisant abstraction de la dilatation du cheveu par la chaleur, qui est très petite, car 33° de différence de température ne font varier l’hygromètre que de 3/4 de degré. D'autre part, si à partir de la sécheresse extrême on consi- dère des augmentations d'humidité de 0,1, on reconnaît qu'elles correspondent à des allongements du cheveu qui sont sensiblement entre eux comme les nombres 22, 18,14, 11, AT Dee. s Ces allongements sont donc loin d'être proportion- nels aux états hygrométriques de l'air. Méthode de M. Regnault.— Parmi les deux méthodes de gra- duation de l'hygromètre à cheveu indiquées par ce physicien dans son étude sur l'hygrométrie (1), j'ai adopté celle qui m'a semblé d'un usage plus général, sans grande préparation d'appareils, c'est-à-dire à la portée de chaque observateur. En rejetant avec M. Regnault le point de sécheresse extrême comme n'étant atteint qu'après un grand nombre de jours, et qui d’ailleurs place le cheveu dans des conditions qui ne lui appartiennent pas dans son état normal, je ne commence la graduation de mon hygromètre qu’à partir de la fraction de saturation 1/5. Au surplus, il sera toujours facultatif de partir d’un point de saturation plus faible dans des cas parti- culiers. D'après les anciennes méthodes de graduation, lorsque l'état hygrométrique de l'air est de 0,20, l'hygromètre marque 40, c'est-à-dire qu'en passant de la sécheresse extrême à la fraction de saturation 1/5, la longueur du cheveu augmente des 0,4 de la quantité dont il s'allonge en passant de la sécheresse ex- trême à l'humidité extrème; en sorte que, pour indiquer les fractions de saturation subséquentes , il ne reste plus que les 0,6 de l'allongement total, qu'on sait être de 4 millimètres pour (1) Ann. de chimie et de physique, tome X V. — 117 — un cheveu de 20 centimètres de longeur. Ce sont ces 0,6 de l'allongement total, ou les 60 degrés ordinaires de l’hygromètre, compris entre 40 et 100, que j'ai répartis sur la demi-circon- férence supérieure du cadran, de telle sorte, que la ligne droit qui joint les points 40 et 100 est un diamètre du cercle graduée et passe par le centre de rotation de l'aiguille indicatrice. La demi-circonférence inférieure du cadran est réservée pour des indications dont l'utilité sera signalée plus loin. De ce qui précède, on déduit, qu’un cheveu de 20 centi- mètres de longueur s’'allonge, en moyenne, de ?2""4, en pas- sant de la fraction de saturation 1/5 à la saturation complète. Cet allongement est égal à la demi- circonférence dont le diamètre est de 1""53; c'est le diamètre que doit avoir la circonférence primitive du pignon qui engrène avec l'arc denté du levier L. Des recherches minutieuses ayant démontré à M. Regnault - l'impossibilité de calculer une table unique s'appliquant à tous les hygromètres à cheveu, il a indiqué le procédé que nous allons résumer, et qui permet à chaque observateur de faire la graduation de son hygromètre, ainsi que d'en faire la vérifi- cation aussi souvent qu'il le désire. Ce procédé consiste premièrement à préparer des mélanges d'acide sulfurique et d’eau en proportions définies, et qui, pour les limites de graduation que j'ai adoptées, sont les suivants : SO®15HO SOS+6HO SO:-+S8HO. SOL 10HO SOL12H0 SO:-L18H0. M. Regnault a déterminé avec le plus grand soin les forces élastiques de la vapeur aqueuse fournie par ces dissolutions, pour des températures comprises entre 0 et + 50 degrés. Ayant construit graphiquement les courbes données par ces expé- riences, et au moyen de trois déterminations également espa- cées, il a obtenu les Wois constantes qui entrent dans la for- mule f = &2 + & b!. 9 — 118 — Ayant obtenu de cette manière une formule d’interpolation pour chaque dissolution d'acide sulfurique, il a construit la table suivante qudonne les fractions de saturations produites par les mélanges ci-dessus, pour chaque degré du thermomètre centigrade, depuis + 5 degrés jusqu'à + 35 degrés. TABLEAU des fractions de saturation données par des mélanges d'acide sulfurique et d’eau. S03 Æ 5 HO. SO3 + 6 HO. SO: E 8 HO. Tempéra- 2 == — _— tures. Fractions Fractions Fractions de saturation. de saturation. de saturation. CRD DORE FORMES De EURE ECS REIN OMÉMRURE EU EU TENE EEECSNENENES | D? 0,1980 0,3271 0,4848 6 0,1999 0,3281 0,4856 7 0,2015 0,3289 0,4862 8 0,2031 0,3294 0,4867 9 0,2045 0,3299 0,4870 10 0,2057 0,3305 0,4873 11 0,2068 0,3309 0,4874 12 0,2078 0,3312 0,487 13 0,2088 0,3314 0,4876 14 0,2098 0,3317 0,4877 15 0,2196 0,3319 0,4877 16 0,2114 0,3321 0,4878 17 0,2121 0,3324 0,1879 18 0,2129 0,3328 0,4880 19 0,2135 0,3328 0,4881 20 0,2145 0,3329 0,4882 21 0,2152 0,3331 0,488? 2? 0,2157 0,3337 0,4888 23 0,2164 0,3342 0,4894 24 0,2173 0,3345 0,4900 25 0,2180 0.3351 0‘490% 26 0,2189 0,3357 0,4915 21 0.2196 0,3363 0,4924 28 0,2205 0,3370 0,4933 29 0,2214 0,3378 0,4944 30 0,2223 0,3387 0,4956 31 0,2232 0,3396 0,4969 32 0,2243 0,3406 0,4984 33 0,2254 0,3417 0,4999 34 0,2265 0,3429 0,9017 35 0,2277 0,3143 0,5036 — 119 — Suite et fin du tableau des fractions de saturation données pare des mélanges d'acide sulfurique et d’eau. à LOI DA VIRE CASDRRE CAES TE AU SOS — 10 HO. SOS H 12 HO. S03 +. 18 HO. Tempéra- = 21: tures. Fractions Fractions Fractions de saturation. * de saturation. de saturation. 9° 0,5305 0,6777 0,8384 6 0,5310 0,6841 0,8401 Ù 0. 0311 0,6892 0,8409 8 0,5309 0,6935 D 18413 9 0,6307 0,6974 0,8416 10 0 6303 0,7005 08414 11 0! 6297 0,7029 0,841? 12 0,6290 0,7049 0,8406 13 0,6283 0,7064 0,8398 14 0,6276 0! 7075 0,8390 15 0,6268 0,7083 à 0,8379 16 0,6257 0,7086 0,8370 17 0,6248 0,7088 0,8359 18 0,6238 0,7088 0,8348 19 0,6234 0,7086 0,8337 20 0,6227 0,1082 0,8327 21 0,6223 0,7078 0,8317 2? 0,6216 070 0,8309 23 0,6209 0,7066 0,8300 24 0,6207 0,7059 0,8293 25 0,6204 ‘0,7053 08287 26 0,6204 0,7047 0,8283 Pl 0,6203 0,7040 0,8279 28 0,6205 0,7034 0, 8277 29 0,6208 0,7027 0, 8277 30 0,6211 0,7022 0,8278 31 0,6216 0,7018 0,828? 32 Fe 0,7014 0 :8286 33 0,0231 0,7011 0,8293 34 0,6241 0,7009 0,8302 39 0,6252 0,7008 0 8313 Préparation et titrage des liqueurs. — La préparation des dissolutions normales d'acide sulfurique ne présente aucune difficulté. Suivant M. Regnault, la meilleure manière de les préparer consiste à prendre de l'acide sulfurique concentré du commerce et à lui ajouter une certaine quantité d’eau, de manière à l’amener à la dissolution SO$ + 4H0 : pendant cette opération, il se dégage beaucoup de chaleur et il y a toujours de l’eau vaporisée, de sorte que la liqueur ne présente — 120 — pas tout d'abord un titre exact. On détermine sa composition avec le plus grand soin par l'analyse chimique, et on se sert ensuite de cette liqueur bien titrée pour former toutes les autres dissolutions. Toutefois, pour éviter une perte de temps aux observateurs qui voudraient préparer de toutes pièces telle ou telle dissolu- tion, j'ai réuni dans le tableau suivant les éléments de cette préparation. : La température : re _|Fractions| Acide étant 45°. Pos Ales He ne sense Eau << sulfurique es péra-| &tura- u pour E£TES | anhydre g SEE : commerce 15 | de l’aréo- Ÿ dissolutions. | ture.| tion. | jour 400. | 100. Densités.| tre de | pour 400. Baumé. gr gr SOH+5HO | 6° | 0,20 | 57,65 | 42,35 | 1,480 | 467 | 47,06. SOSL6HO | 10° | 0,33 | 5213 | 47,87 | 14493 | 429 | 4955 SOsL8HO | 24e | 0,49 | 4375 | 56,925 | 1340 | 366 | 4571 SOL10HO| 10° | 0,63 | 37,69 | 63:31 | 1286 | 322 | 30:77 SOSL12H0| 10° | 070 | 33,10 | 66,90 | 1,248 | 9287 | 2702 SOsL18HO| 12° | 084 | 2420 | 75,80 | 1,176 | 16,5 | 19,80 Dans la première colonne se trouve indiquée la composition chimique des dissolutions acides; la deuxième colonne con- tient les températures auxquelles doivent être portées ces dis- solutions pour produire les fractions de saturation qu'on lit dans la troisième colonne. Dans la quatrième et la cinquième colonnes sont inscrites les quantités en poids d'acide sulfu- rique concentré du commerce et d’eau qu'il faut employer pour faire 100 grammes du mélange. La sixième et la septième colonnes indiquent respectivement la densité et le degré de l’aréomètre de Baumé plongé dans chaque dissolution amenée à la température de + 15 degrés centigrades. Enfin la dernière colonne contient le poids d'acide sulfurique anhydre p. °/, que doit renfermer chaque dissolution. S'il s’agit de préparer la série entière des dissolutions acides, il est plus simple d'employer le procédé indiqué par M. Re- gnault ci-dessus rappelé; néanmoins, dans ce cas, les chiffres du tableau précédent pourront encore être de quelque utilité. — 121 — Supposons qu'on se propose de composer la dissolution SO: + 5 HO. Le tableau précédent indique que pour 100 gr. de dissolution il faut mélanger 57865 d'acide sulfurique con- centré du commerce et 42835 d'eau pure. Ce mélange étant fait, son titre sera vérifié par une analyse chimique rigou- reuse ; elle doit accuser 47806 d'acide sulfurique anhydre pour 100. L'analyse chimique en question se réduit à ceci. On pèse exactement 5 grammes de la dissolution que l'on traite par un excès de chlorure de baryum. On sait que dans cette réaction l'acide sulfurique est précipité en totalité à l’état de sulfate de baryte anhydre. Le précipité est versé sur un filtre, lavé, séché et calciné au rouge blanc, puis pesé très exactement. Comme le sulfate de baryte renferme les 0,34293 de son poids d'acide sulfurique, on aura la quantité de, cet acide anhydre contenu dans les cinq grammes de liqueur essayée en multipliant le poids de sulfate de baryte obtenu par le nombre 0,34293 ; et pour avoir la quantité d'acide contenu dans 100 gr. de liqueur, il faudra multiplier le premier pro- duit par 20, ce qui revient à multiplier du premier coup le poids de sulfate de baryte trouvé par le nombre 6,8586 : le produit devra être égal à 47,06 si la liqueur essayée est au titre voulu. La différence en plus ou en moins indiquera suffisamment le sens de la correction, c'est-à-dire si c’est de l'eau ou de l'acide qui doit être rajouté. Le titre de la liqueur SO HE 5H0 étant strictement obtenu, voici comment on utilise cette liqueur pour la préparation des autres dissolutions. Pour préparer la dissolution SO* +6 HO contenant 42,55 pour cent d'acide sulfurique anhydre, on calculera la quantité de la liqueur SO? +5 HO qui renferme 42855 d'acide anhydre à l'acide de la relation 42,55: & 47,55 100 d'où x — 90642. — 122 — Ainsi en prenant 90842 de la dissolution SO + 5 HO et en y ajoutant 9858 d'eau, on préparera 100 grammes de l'hydrate SO® + 6HO. C'est à l’aide d’un calcul analogue au précédent qu'on à obtenu les poids de la dissolution SO* + 5 HO et d'eau qu'il faut mélanger pour obtenir les autres liqueurs. Ces poids sont contenus dans le tableau suivant : a = Composition Il faut employer pour 100 gr. Es EEE —— UPMÉROES SNS Ge SEC Eau. SOS 6 HO 90,42 9,58 S03 +8 HO 75,88 24,12 SO3 LE 10 HO 65,38 34,62 SO + 12 HO 97,41 42,59 SO3 H 18 HO 42,07 97,93 | Il ressort des chiffres ci-dessus que pour obtenir 100 gram. de chacune des six liqueurs adoptées, il faut tout d'abord pré- parer environ 450 grammes de l'hydrate SO? + 5 HO. Chaque dissolution doit être conservée dans un flacon bien bouché. Voici maintenant la manière d'employer ces liqueurs acides et l'usage qu'on doit faire de la table des fractions de satura- tion pour effectuer la graduation de l'hygromètre à cheveu. On commence par fixer le point 100, en placant l'hygromètre dans une très large éprouvette (fig. 5), au fond de laquelle on a versé une couche de ? à 3 centimètres d'eau pure, et dont l'ouverture se ferme exactement par un obturateur qui porte à son centre un crochet auquel est suspendu l'instrument. Pour activer la saturation de l'espace, on humecte préalablement les parois intérieures du vase de verre. Quand l'aiguille est sationnaire depuis un certain temps et qu'elle n’est pas rigoureusement sur le point 100 de la division du cercle, on l'y amène soit en la déplaçant sur son pivot, si la différence est un peu grande, soit en agissant simplement sur la vis de rappel v, si cette différence ne va pas au delà de ? à 3 divisions, — 123 — Le point 100 étant définitivement fixé, on remplace l'eau pure successivement par des couches de 2 à 3 centimètres de chacune des dissolutions d'acide sulfurique, et on note les decrés accusés par l'hygromètre, ainsi que la température donnée par le thermomètre au moment de chaque observation. Il faut se garder d'inscrire trop promptement les indications de l'hygromètre, car bien qu'on ait reconnu qu’il marque exactement le même degré dans l'air et dans le vide quand il est en présence de la même dissolution et à la même tempé- rature, sa marche est beaucoup plus rapide dans le vide. D'après M. Regnault, il suffit d'un petit nombre de minutes pour que l’hygromètre atteigne sa position stationnaire, lors même que la fraction de saturation est très petite ; c'est pour- quoi, toutes les fois qu'on le pourra, il sera bon d'adapter au couvercle de l’éprouvette une monture métallique sem- blable à celle représentée par la fig. 5, et qui permet de faire complètement le vide au moyen de la machine pneumatique. Mais que l’on opère dans une atmosphère d'air ou dans le vide, la précaution la plus essentielle consiste à placer le vase renfermant l'hygromètre dans un endroit où la température ne change que très lentement, afin que la liqueur présente bien la température indiquée par le thermomètre. Pour satis- faire à cette condition, M. Regnault recommande de placer l'éprouvette dans une caisse en bois, ayant une petite porte latérale que l’on ouvre seulement au moment de l’obser- vation. | Les températures étant ainsi soigneusement observées, on prend, dans la table spéciale rapportée ci-dessus, les fractinos de saturation qui leur correspondent pour chacune des disso- lutions employées. On a de cette manière les degrés marqués par l'hygromètre à cheveu pour des fractions de saturation exactement déterminées, et à peu près également espacées dans l'échelle : on possède alors tous les éléments nécessaires pour construire la table de l'hygromètre, soit par un calcul d'interpolation, soit par une courbe graphique. EN 1 CLR A SLT CL RS D diet it LA — 124 — Construction graphique. — Cette méthode est suffisamment risoureuse pour le genre de détermination dont il s’agit, et pour en faciliter l'emploi, je vais rapporter un exemple de construction d’une table d'hygromètre à cheveu déduite d’une courbe graphique. L'instrument ayant été placé sous l'influence des dissolu- tions acides et d’eau pure, on a obtenu les résultats numé- riques inscrits dans le tableau suivant : Nature Tempéra- Degrés de Fractions des dissolutions, tures. l’hygromètre. | de saturation, Eau pure 122 100 1,000 SO HE 18 HO PE 92 0,83 SOS LH 12 H0 10° 89 0,70 SO8 + 10 HO 10° 8l 0,63 SO8 LS HO 10° 71 0,487 SO: + 6 HO 10° 97 0,33 S03 + 5 HO 12° 41 0,21 Ces données une fois acquises, voici comment on a procédé. Sur une ligne droite horizontale AB (fig. 6), on a mesuré 60 parties d'égale longueur correspondant aux 60 degrés de l'hygromètre inscrits dans la demi-circonférence supérieure du nt A chacun des points de division, on a élevé une ligne perpendiculaire, et c'est à partir du pied de la perpendi- culaire élevée au degré marqué par l'instrument qu'on a porté une longueur proportionnelle à la fraction de saturation cor- respondante. Pour éviter les erreurs, on a eu soin d'inscrire sur le prolongement de chaque ordonnée, la composition de la liqueur acide, sa température et la fraction de saturation qui s'y rapporte tirée du précédent tableau. Ensuite, pour déterminer les fractions de saturation des degrés intermédiaires, on a fait passer une courbe par tous les sommets des verticales fournies par les expériences, et l'on a mesuré avec soin la longueur des perpendiculaires comprises entre la courbe et la ligne AB. Pour cela, on a pris la longueur > SR 0 — 125 — de chaque perpendiculaire avec un compas, dont l'ouverture a été portée successivement sur l'échelle divisée à droite de la figure 6. Les nombres de divisions de l'échelle, ainsi inter- ceptées entre les pointes du compas, sont évidemment propor- tionnels aux fractions de saturation cherchées. Ces fractions, inscrites en regard des degrés de l'hygromètre, ont formé la table qui permet de rendre les indications hygrométriques comparables entre elles. Cette table, déduite de la construction graphique de la fig. 6, est la suivante : ps Erasions re Fraqions Lt Fractions Re DA e SR e res e ERyErO saturation. HÉEEO saturation. | 1 ns saturation. | ES Cr D EL | | ETES LE | 10 0,207 60 0,361 | 80 0,615 al 0210 6l 0,372 sl 0,630 49 0,216 62 0,382 82 0,647 43 0,223 63 0,393 83 0,663 m 0,230 6h 0,405 84 0,680 45 0,237 65 OA14 85 0,700 46 0244 66 0,426 86 0,717 17 0,25 ! 67 0,438 87 0,734 8 025 68 2150 88 0,752 19 0,266 G9 0,461 89 0,771 50 0,274 70 O4 74 90 0,790 51 0281 71 0187 91 0,810 52 0 20 n 0:19) 92 0,830 53 2 514 93 0850 54 0,306 74 0,528 94 0,870 55 0,313 75 0541 95 0,890 56 0,322 76 0,557 96 0910 57 0,330 71 0,570 97 0,933 57 0,340 78 0,585 98 0,954 59 0,350 79 0,600 99 0,975 100 1000 L'exactitude de la méthode qui vient d’être employée est d'autant plus grande qu'on inscrit avec un plus grand nombre de chiffres décimaux les fractions de saturation déduites de l'expérience, et que leur représentation graphique est faite à une plus grande échelle. k Je ferai remarquer que si cette table offre la plus grande analogie avec celle que nous avons donnée en premier lieu, rite c'est presque l'effet du hasard. Cela vient de ce que l’allonge- ment du cheveu employé coïncidait d’une manière excep- tionnelle avec l'allongement moyen qui a servi à calculer les circonférences primitives de l’engrenage qui fonctionne au centre du cadran, et à la précision avec laquelle ledit engre= nage avait été réalisé. Plusieurs cheveux ayant agi sur le même engrenage ont accusé des allongements tantôt un peu plus faibles, tantôt légèrement plus forts. Le cheveu qui a. servi à la graduation que je viens de rapporter, a été pris sur la tête saine d'une jeune fille de 13 ans, ayant une chevelure châtain-claire, d’une longueur variant de 55 à 70 centimètres. Deux longueurs prises dans le même cheveu ne m'ont offert aucune différence d'allongement pour une même variation dans le degré d'humidité. à] Degrés de saturation indiqués par l'hygromètre. — A l’aide d'une table construite comme il vient d'être dit, il est facile de déduire des indications de l'hygromètre à cheveu les fractions de saturation correspondantes; mais très souvent cette table n'est pas sous la main de l'observateur, et il est maintes cir- constances où la connaissance immédiate de l’état hygrométri- que serait importante. C'est pour obvier à l'absence d’une table complète et pour servir à l'inscription d'une table abrégée, que j'ai réservé la demi-circonférence inférieure du cadran (fig. 1). Cette demi-circonférence est occupée par une échelle peu large portant des divisions comprenant entre elles cinq degrés de l'hygromètre, c’est-à-dire cinq divisions de la graduation supérieure du cadran. Cette échelle, fixée par trois vis, sert à maintenir une bande cintrée de papier blanc sur laquelle on inserit, vis-à-vis de chaque division, les fractions de saturation indiquées par la table complète. On a de cette façon une table abrégée, toujours présente, qui permet de déterminer très approximativement l'état hygrométrique pour une indication quelconque de l'instrument. En effet, supposons que l'aiguille de l'hygromètre marque 82 degrés, on déduit tout d'abord (à l'inspection du cadran) que l’état hygrométrique est intermé- — 127 — diaire entre 0,71 et 0,70. Si l’on veut une approximation plus grande, on admettra que, entre 80 et 85 degrés, les fractions de saturation croissent proportionnellement aux degrés de l'hygromètre, ce qui donne pour 83 degrés 0,61 + E- (0,70 — 0,61) — 0,664, qui est bien la fraction de saturation donnée par la table de la page 127, car si l'on prend la moyenne entre les fractions de saturation des 82 et 84% degrés de l'hygromètre, on trouve 0,647 + 0,680 2 la différence est de 0,001 et par conséquent négligeable. Si l'hygromètre subit une vérification qui modifie les chiffres. précédemment obtenus, la bande de papier est enlevée et rem- placée par une nouvelle portant les chiffres corrigés. D'après ce qui précède, il m'est donc permis d'affirmer que l'hygromètre à cheveu, modifié comme on vient de le voir, se prête d’une façon aussi prompte que facile à la détermination du degré d'humidité du milieu dans lequel il est plongé. Il se prête d'une manière exceptionnelle à ce genre de détermina- tion lors des explorations scientifiques où la simplification des installations et des manipultations sont d’un si grand prix, at- tendu que la rapidité des constatations offre le double avantage d'abréger le temps et de pouvoir multiplier les observations. Détermination de la quantité absolue de vapeur d'eau con- tenue dans un volume donné d'air. — L'état hygrométrique de l'air n'étant que le rapport entre la quantité de vapeur d'eau contenue dans cet air et celle qu'il contiendrait s'il en était saturé ; pour déterminer la quantité de vapeur qu'il contient réellement, il est nécessaire de connaître la tension maximum de la vapeur d’eau à différentes températures. C’est à cet effet que j'ai transcrit le tableau suivant qui donne cette tension pour des températures comprises dans les limites des varia- tions atmosphériques. - == 000: — 128 — Forces élastiques de la vapeur d’eau de — 20° à 40°, d'après M. Regnault. I Tempéra- Forces Tempéra- Forces Tempéra- Forces tures. élastiques. tures. élastiques. | tures. élastiques. mm mm | ETRRCOME mm | — 20° 0,841 1e 4,940 210 18,495 — 19 0,916 2 5,302 22 19,659 — 18 0,996 3 5,687 93 20,888 — 17 1,084 4 6,097 24 22,184 — 16 1179 k] 6,534 25 23,550 — 15 1,284 6 6,998 26 21,988 — {4 1,398 fi 7,492 27 26,505 — 13 1,521 8 8,017 28 28,101 — 12 1,656 9 8,974 | 29 29,182 — 11 1,803 10 SA 30 31,548 — 10 1,963 11 9,792 31 33,406 — 9 FA RS 12 10,457 V2 39,329 — 8 2981 13 11,162 33 37,411 — 7 2:53 14 11,908 34 39,069 — 6 2,198 15 12,699 39 41,827 — 5 3,004 16 13,536 36 44,201 — À 3,271 17 14,421 37 46,691 — 3 3,093 18 19 801 38 49,302 — à? 3,879 19 16,346 39 52,039 — 1 422 20 17,391 40 54,906 0 4,600 D'autre part, on a vu précédemment que, toutes choses égales d’ailleurs, les poids de vapeur sont dans le même rap- port que les forces élastiques, c'est-à-dire que l’on a 15 ad 3Ë FREE d'où D— (5) ‘2 formule dans laquelle _ est l’état hygrométrique de l'air considéré. Or, soit V le volume d'air exprimé en litres, { sa tempéra- ture, et F la force élastique maximum de la vapeur d’eau ; le poids de la vapeur qui saturerait cet air serait __ V(Or'804) F, Hole at 760 LT — 129 — mais comme cet air n'est pas saturé et qu’il est supposé avoir un état hygrométrique L — M, le poids de vapeur réellement contenue sera : nn VI0s",804) F . Es LE. 760! et si le volume d'air considéré est le mètre cube, on aura eo ARTE OR ER TE PTE Appareil météorologique portatif. — Préoccupé surtout de faciliter les observations météorologiques aux voyageurs, ainsi qu'aux personnes qui jusqu'à ce jour ont été rebutées par la longueur des manipulations qu’entraîne l'examen de plusieurs appareils séparés, j'ai eu l'idée de constituer un petit appareil météorologique portatif, en ajoutant à l’hygromètre modifié un baromètre métallique. Ce baromètre est représenté en K (fig. 2). Il est fixé au tube qui forme la colonne de l'instrument et ne change en rien l'instantanéité de la mise en expérience. Il peut aisément être détaché du reste de l’hygromètre lorsqu'il s’agit de procéder à la graduation ou à la vérification de ce dernier. Le baromètre métallique peut être un de ceux fondés sur les propriétés élastiques du tube de Bourdon, et que M. Félix Richard construit avec autant de science que d’habileté. Comme les propriétés de ce tube sont telles qu'il peut accuser des variations de pression d’une étendue petite ou grande, ‘l'instrument est réglé suivant qu'il est appelé à ne fonctionner que dans les conditions ordinaires de l'atmosphère, dont les variations, par les changements de temps, ne dépassent pas au plus 6 centimètres de mercure, ou selon qu'il est destiné à être transporté à des altitudes très différentes, et à accuser par conséquent des variations de pression de 15 à 20 centimètres dans la colonne mercurielle. Ainsi composé, l'appareil portatif offre de très grands avan- — 130 — tages , en ce qu'il réunit sous un petit volume des instru- ments précis, qui permettent de déterminer, à des intervalles de temps aussi rapprochés qu’on le désire, trois données mé- téorologiques importantes : 1° la pression de l'air; 2° sa tem- pérature ; 3° son degré d'humidité. Mesure des hauteurs. — Mon intention n’est pas de rappeler toutes les déductions qu'on peut tirer de la connaissance de la pression atmosphérique à un moment et dans un lieu donnés. Je supposerai seulement que le baromètre de l’appareil portatif est susceptible d’être transporté à des altitudes très différentes, et je vais indiquer une méthode à suivre pour faire servir ses indications à la mesure des hauteurs. Dans ce but, je transcris plus loin un petit tableau, dû à M. Félix Richard, qui permet de faire rapidement cette mesure à l’aide de ses appareils, sans préjudice de l'emploi des mé- thodes plus rigoureuses. En effet, M. Richard fait observer (1) que, chaque année, l'Annuaire du bureau des longitudes donne une formule et des tables qui permettent de faire cette opération dans toute sa rigueur à l’aide du baromètre à mercure. On y reconnait qu'il faut tenir compte de la température des milieux dans lesquels on opère, de celle des deux instruments employés, et même de la latitude du lieu, à cause des changements qui survien- nent dans l'intensité de la pesanteur. | Chacun pouvant avoir recours à cette table qui répond à la généralité des cas, je reproduirai seulement ici un petit tableau dressé d'après elle, par M. Richard, ainsi que les exemples qu'il indique comme application de sa méthode. A l’aide de ce tableau, on peut effectuer avec facilité la mesure des hau- teurs, Inais pour des altitudes qui n'excèdent pas 2,000 mètres, ce qui suffit amplement pour la plupart des opérations géodé- siques que l’on peut avoir à faire en Europe. Ce petit tableau n'indique aucune correction relative aux (1) Publication industrielle de M. Armençcaup aîné, X VIIT* volume. LRU — 131 — températures, car il est remarquable que le baromètre métal- lique n'est pas influencé par la dilatation thermale, de façon que les indications en soient troublées d'une quantité appré- ciable. | Le baromètre métallique dispense également de la correc- tion de latitude, qui a pour motif les variations qu'éprouve l'intensité de la pesanteur sur les différents points d'un méri- dien, car les sensations qu'éprouve ce baromètre ne résultent pas des conditions d'équilibre d’un corps pesant. Voici, en résumé, cette table dont je vais transcrire le mode d'emploi tel qu’il est expliqué dans la publication de Armen- gaud aîné : TABLE servant à la mesure des hauteurs, à l’aide du baromètre métallique. on Correction | Correction | Hauteurs,. pour { mêtre) Hauteurs. pour 4 mêtre| d’élévation. | d'élévation, | mm | mm | De 0 à 100 mètres 0,095 De 1000 à 1100 mètres 0,082 100 à 200 0,094 | 1100 à 1200 0,081 200 à 300 0,092 | 1200 à 1300 0,080 300 à 400 0,092 | 1300 à 1400 0,079 400 à 500 0,090 | 1400 à 1500 0,077 500 à 600 0,089 . | 1500 à 1600 0,076 600 à 700 0,087 | 1600 à 1700 0,075 700 à 800 0,086 1700 à 1800 0,074 800 à 900 0,085 | 1800 à 1900 0,073 | 900 à 1000 0,084 (| 1900 à 2000 0,071 Remarquable par son peu d'étendue, cette table est déduite de celles que publie l'Annuaire du bureau des longitudes, et d'autres qui ont été dressées par le célèbre Biot. La première colonne, intitulée hauteurs, indique, en effet, une série d’altitudes divisant la hauteur de l'atmosphère en étages de 100 mètres, de 0 à 2000 mètres. Les nombres inscrits en regard des premiers expriment le degré d'abaissement moyen qui se manifeste dans le baromètre en s’élevant de {4 mètre dans chaque étage atmosphérique de — 132 — 100 mètres, cette variation étant celle même que fournirait aussi le baromètre à mercure, mais à la température zéro. Aïnsi, par exemple, dans les premiers 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, l’abaissement du baromètre est en moyenne de 0095 par mètre d'élévation, soit moins d’un dixième de millimètre, et, par conséquent, de 9®»5 pour la première élévation de 100 mètres. Mais au fur et à mesure que l’on s'élève, la densité de l'air étant de plus en plus faible, l’abaissement du baromètre doit l'être également à hauteur d'ascension égale, et la table nous montre, en effet, qu'entre 1900 et 2000 mètres cet abaissement moyen n'est plus que de 0""(71 par mètre. Nous allons maintenant proposer des exemples du type d'opération que l’on peut faire à l’aide de cette table. x 1% exemple. — Soit que l’on se propose de déterminer la hauteur d'une falaise à partir du niveau de la mer. D'abord, si le temps nécessaire pour se transporter de la base au sommet est assez long pour qu'on puisse craindre une variation dans la pression atmosphérique, on fera bien d'opérer à deux pour constater la pression simultanément et avec deux baromètres, au pied et au sommet de la falaise en question. Admettons donc que deux observateurs aient trouvé dans ces conditions 772 millimètres en bas et 765 en haut. La différence entre ces deux pressions étant de 7 millimètres, nous en déduisons d’abord que la hauteur cherchée n'excède : pas de beaucoup 70 mètres, qu'elle serait exactement si l'a- baissement du baromètre correspondait aussi exactement à 1 dixième de millimètre par mètre d’'élévation; et cela nous apprend également qu'il nous faut chercher le chiffre correc- teur dans la table, en rapport avec le premier étage de 100 mètres. Or, on y lit que, dans cette série, 0"#095 d’abaissement du baromètre répond à 1 mètre d’élévation ou 9"5 à 100 mètres; nous n'avons donc, pour résoudre le problème proposé, qu'à poser les rapports suivants : — 133 — 7um œ — = —— ; 9,5 100 d'où la hauteur cherchée x égale : 100% 7 pee 2e exemple. — Admettons maintenant qu’une pareille opé- ration ait donné, comme pression observée, 760 au niveau de la mer et 745 à la station supérieure. La différence entre ces deux pressions étant égale à 15 milli- mètres, on aurait affaire à une hauteur de plus de 150 mètres. On devra donc chercher dans la table les corrections qui conviennent à 200 mètres, en ajoutant les corrections qui correspondent respectivement aux premiers et aux deuxièmes 100 mètres. T0: Correchon-de 04 100 metres. 2% 0. ame On5 Nes de 100200 metres ue cn Qm4 Somme. .... 189 Calculant ainsi comme ci-dessus, on trouve : i = pr D'où o = 158078. Faisons remarquer que, pour plus d’exactitude, nous au- rions dû composer la correction avec celle qui convient à 50 mètres de la deuxième série, puisque la hauteur cherchée était présumée plus approchée de 150 mètres que de 200, nous aurions eu alors : Correction pour les premiers 100 mètres... NN RSe 5 — pour 50 mètres de 100 à 200 —0794><50. 47 Somme..... 142 d'où ensuite 15 œ Ce dernier résultat, plus exact que le précédent, n’en diffère 10 — 134 — pas relativement d'une notable quantité; mais enfin c'est le dernier procédé qui doit être préféré. 3° exemple. — Supposons encore qu'une même observation soit faite, la station inférieure étant elle-même notablement au-dessus du niveau de la mer. Nous proposons cet exemple pour rappeler qu'il est toujours utile de prendre le chiffre de la correction précisément en rapport avec l'altitude absolue à laquelle on opère. Ainsi, admettons que la station inférieure soit située elle- même à 400 mètres au-dessus du niveau de la mer et que le baromètre y marque 720, qui serait en effet la hauteur moyenne en ce point lorsqu'il indique 760 au niveau de la mer, puis prenons que la pression observée à la station supé- rieure égale 650. La différence entre ces deux pressions étant de 70 milli- mètres, nous devons en conclure que la hauteur cherchée dépasse 700 mètres, dont les premiers 100 mètres sont eux- mêmes la cinquième centaine au-dessus de la mer. Donc, nous prendrons les corrections dans la table de 400 à 500 mètres, à 600, à 700, à 800, à 900, à 1000 et de 1100 à 1200, présumant que la hauteur cherchée s’approchera beaucoup de 800 mètres. Voici, d’après cela, le développement du calcul : DE AOD AIDER Ter ee Vers {my DOUA ODD ES ENTRE ARR AA ATS 89 RE ES Nes CR es PAR ODA ZSDD TS RENE PAUSE RNA 8"6 SOA TOME sn ATEN SANT ANT AISNE ie 0004 HO0ULE. IE LE FLORENT ane 84 1000 a 4 100 Te Lt eee rer 8n2" 1510074 1 2005 SLA R RER gui Somme. .... 68m4 Opérant comme à l'ordinaire, il vient : — 135 — 10" 68,4 800 On voit combien de pareilles opérations sont simples et de plus sont abrégées par la suppression de toute correction de température, influence à laquelle le baromètre métallique a été soustrait par un procédé de fabrication que nous n'avons pas à indiquer ici. Rappelons encore que cette table, dressée spécialement pour l'emploi du baromètre métallique, est formée de quantités qui répondent aux corrections applicables également au baromètre à mercure, mais à la température de zéro, que l'on a prise comme base de la compensation du baromètre métallique. Remarque. — A propos du dernier exemple dans lequel nous supposons une hauteur à mesurer à partir d'une station notablement élevée elle-même au-dessus du niveau de la mer, il n’est pas inutile de faire observer que, même dans une situation semblable, il est fort possible de trouver la pression inférieure égale et même supérieure à cette ere prise au niveau de la mer. Ainsi, par exemple, tandis que la pression moyenne à Paris est de 756 millimètres, il n’est pas rare de voir cette pression atteindre 760 et même 780, qui répond à ce que l'on appelle le beau fixe. Par conséquent, chaque fois en définitive que, dans la mesure d’une hauteur, la pression à la station infé- rieure atteindra ou dépassera même cette moyenne prise au niveau de la mer, on devra prendre les corrections dans la table à partir de la première centaine de mètres, comme si l'on opérait de ce niveau même, puisque c'est en quelque sorte la moyenne atmosphérique qui se trouve elle-même momentanément déplacée. Calcul d’une moyenne à l'aide de la table précédente. — Cette table est encore applicable à une détermination qui est Juste inverse de la précédente, et qui consiste, en effet, à trouver la moyenne ou le variable d'un lieu dont on connaît la situation par rapport au niveau de la mer. ; d'ou x — 818%71. — 136 — On sait, en effet, que les conditions climatériques déduites de la pression barométrique suivent la moyenne de ces pres- sions pour chaque pays, à laquelle moyenne on fait corres- pondre le variable. Supposons donc qu'il s'agisse de déterminer, par exemple, la pression moyenne ou le variable de Besançon, sachant que cette ville est située à 240 mètres environ au-dessus de la mer. On opérera, à l’aide de la table, de la manière suivante : Correction pour les premiers 100 mètres. .......... gas — ‘de 100 à 200 mètres... .......,... Qu£s — pour 40 m. dela 3° centaine 0""093><40— 3n72 Somme. .... 22»62 Retranchant cette somme de la pression moyenne 762 cor- rigée de la pesanteur au niveau de la mer, on a la moyenne cherchée, soit : 762 — 22,62 — 73838; or, la moyenne de 9 années d'observation a été trouvée égale à 740%% environ (1); la différence 740 — 738,38 — 1,62 est tout à fait négligeable, et montre que cette méthode de déter- miner le variable d’une localité offre une approximation bien suffisante. (1) Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, ?° série, 6° volume (1854). ML : 00 o, bo S ï LR Se NN = S mer (l ii EEE EREU ELEC LES 3 RE CEUSSE RE |. ee PPS ai OT DE L'INTÉRÉT DES PIERRES GRAVÉES POUR L'ÉTUDE DE L'ANTIQUITÉ Par M. LE BRUN-DALBANNE Membre et ancien Président de la Société académique de l’Aube. Séance publique du 19 décembre 1872. Messieurs, C'est un honneur redoutable que de prendre la parole devant un auditoire aussi imposant que celui qui nous entoure, pour moi surtout, inconnu de la plupart d'entre vous et qui ne puis guère avoir d'autre titre à votre bienveil- lante attention, que mon empressement à répondre à l'appel cordial que m'ont adressé quelques-uns de nos collègues, “ayant assurément plus écouté leurs sentiments d'amitié que songé à l'éclat de cette séance publique. Ce sera aussi, je l’es- père, mon excuse. Car oser parler de l'antiquité au milieu de savants qui sont mes maîtres, dans une ville qui s'appelait Vesontio, qui a eu son Capitole, son Thédtre, son Champ-de- Mars, et qu’on ne peut traverser sans voir un Arc-de-triomphe élevé par des mains romaines, c’est de la témérité et presque de l’imprudence. Ce qui me rassure pourtant un peu, c’est de penser que les monuments intéressants dont je vais vous entretenir, ont été les contemporains de vos grands monu- ments; que les pierres gravées qui font l’objet de cette com- munication, sont de la même époque que le Génie de la guerre, que Mars et Vénus trouvés dans votre Ovile (1), qu'elles ont peut-être embelli vos antiques demeures, en compagnie du (1) Casraw, le Champ-de-Mars de Vesontio, dans les Mém. de la Soc. d'Emulation du Doubs, 1869. — 138 — Morphée, de l'Antinoüs, de la Minerve, du Jupiter et des char- mantes statuettes de bronze qui ornent votre musée, ‘et que les mains patriciennes qui portaient les unes, mettaient les autres aux places d'honneur de leur logis ou sur leurs autels domes- tiques. Puisque les Romains ont été vos commensaux, permettez- moi de vous parler d'eux. Il y a longtemps déjà que l’ancien- neté de votre race, les éloges que votre cité a mérités de Jules César, vos monuments, ont fait une réalité du vœu inscrit sur votre devise : Utinam maxima Sequanorum ! Vous ne devez être jaloux d'aucune grandeur. I Il est assurément superflu de définir ce qu'on doit entendre par pierres gravées. Qui n'en a vu ou tenu quelques-unes ? celles-ci sculptées en relief, qu'on nomme camées, celles-là gravées en creux, qu'on appelle intailles, mais toutes d'assez petites dimensions et toujours exécutées sur pierres fines ou pierres précieuses. Le haut intérêt qu'offrent les pierres gravées, et, disons-le, la principale utilité de leur étude, c'est que, par elle, on peut remonter le cours des âges et être transporté d'un seul bond en pleine antiquité. Ainsi, ce sont elles qui nous ont le plus fidèlement conservé les traits des hommes illustres. Les gra- veurs en pierre fine ont donc secondé Plutarque en complé- tant sa galerie, et c'est grâce à eux que nous pouvons mettre une effigie ressemblante au bas de chacune de ses biogra- phies (1). (1) Le cabinet de Crozat renfermait 220 intailles représentant les rois et les hommes illustres de la Grèce, les poètes et les philosophes grecs, les Romains célèbres, et la suite complète des empereurs et des impéra- trices depuis Auguste jusqu'à Julien l'Apostat. Après la mort de Crozat, . arrivée en 1741, sa riche collection de pierres gravées, qui ne comprenait pas moins de 1,382 intailles et camées, devint en entier la propriété du duc d'Orléans, qui permit aux abbés de La Chau et Le Blond de faire graver par Saint-Aubin et de publier les 175 pierres lesplusremarquables, — 139 — C'est principalement à l'inaltérabilité des pierres gravées qu'est dû cet avantage. Les portraits n'y sont ni émoussés ni usés comme dans les marbres et les médailles antiques. Puis il faut dire que les intailles sur pierres fines ont toujours été mieux exécutées que les coins des médailles, aux honneurs desquelles, d'ailleurs, les souverains et les princes avaient seuls droit, et non tous ces hommes qui, seulement cou- ronnés par leur génie, l'éclat de leurs actions ou l'illustra- . tion de leurs écrits, n'avaient pas porté le sceptre ou ceint le diadème. Leur grand mérite, surtout, est de reproduire les plus belles statues, les groupes et les bas-reliefs fameux, et jusqu'aux tableaux les plus renommés de l'antiquité. Nous ne ferions là qu'une conjecture, qu’elle ne manquerait pas de vraisemblance; mais la certitude est complète, lorsqu'on voit le même sujet représenté nombre de fois et qu'il n’y a de différence que dans l'habileté de l'artiste qui l’a reproduit. Combien n’y a-t-il pas de copies sur pierres fines de l'Apollon du Belvédère, de la Vénus de Médicis, de l'Hercule Farnèse, de l'Antinoüs, du Faune dansant, du Centaure dompté par l'Amour! Ainsi, nous trou- vons dans la collection des pierres gravées de la cathédrale de Troyes, la Minerve du Parthénon, de Phidias, et deux des Apol- ons du temple de Delphes : l'un est le Citharède de Pythagore de Léontium. La belle Vénus de Cnide, qui était le chef-d'œuvre de Praxitèle, est reproduite sur une agate, qu'on voyait au siècle dernier dans le cabinet du duc d'Orléans. On voit au musée des Uffizi, à Florence, une intaille qui représente le Colosse de Rhodes, de Charès de Linde, élève de Lysippe; et la statue de Praxitèle, que Pline a célébrée sous le nom du Sauroctone, parce qu'elle figurait un jeune homme poursui- vant à coups de flèches un lézard, se trouve gravée sur une émeraude du musée d'Amsterdam. Le Diomède enlevant le Palladium est si souvent reproduit dans la même attitude, qu'il y a bien lieu de croire qu'il représente un bas-relief célèbre. Et le Laocoon se rencontre dans une intaille antique STD RU PT RENÉ DE CITE VO Ce IN TRE ECC CU Re CNRS L'ENCRE — 140 — dont le cabinet des médailles de Paris possède une belle copie du xvr° siècle. Tous ces exemples, que nous pourrions multiplier, prouvent donc que les intailles reproduisent une foule de groupes et de statues antiques, et nous pouvons en toute assurance conclure de celles que nous connaissons à celles que nous ne connais- sons pas, Où qui ont péri sans être venues jusqu'à nous. Les oraveurs sur pierres fines trouvaient à ces reproductions plus d'un avantage : elles satisfaisaient ceux qui leur demandaient des pierres gravées, et, sans grands frais d'imagination, ils étaient plus assurés de réussir. Enfin, les pierres gravées ont cela de commun avec les autres monuments de l’antiquité, qu'elles ont servi à éclairer plusieurs points obscurs de la mythologie, de l’histoire et des coutumes anciennes : en sorte que si l’on pouvait réunir toutes les pierres gravées qui sont éparses dans les collections, je ne doute pas qu'une foule de symboles, de fêtes, de jeux et d'u- sages, encore incertains ou obscurs, sortiraient pour toujours éclaircis de la comparaison. I L'art de la gravure sur pierres fines est très ancien ; nous n'en voulons pour preuve que la célèbre pierre ovoïde baby- lonienne, du cabinet des médailles de la Bibliothèque natio- nale (1), dont la partie supérieure est ornée de symboles chal- déens, le bas, sur les deux faces, de longues inscriptions cunéiformes du plus ancien système babylonien. Quant aux 271 cylindres et aux 355 cônes, scarabéoïdes, ellipsoïdes, etc., appartenant à la même collection, qui proviennent tous de la Chaldée, de l’Assyrie, de la Médie, de la Perse, de la Chara- cène et de la Phénicie, ils réprésentent soit les dieux, soit les symboles religieux des peuples de ces anciennes contrées, el (1) Trouvée par le voyageur Michaux, sur les bords du Tigre, au milieu des ruines d'un palais immense, que l'on nomme les Jardins de Sémi- ramis. (Cæasouizzer, Calaloque des camées de la Bibliothèque, no 702.) — 141 — remontent à de si hautes époques qu'ils n’ont pas encore pu jusqu ici être expliqués. On ne peut étudier ces monuments sans être frappé de la prodigieuse habileté et souvent aussi de la perfection avec laquelle des artistes appartenant aux peuples les plus ancien- nement connus, incisaient et gravaient les matières les plus dures, en paraissant se jouer des difficultés. Leurs noms sont vraisemblablement mêlés aux symboles et aux légendes sa- crées inscrites sur ces intailles; on parviendra peut-être à les déchiffrer quelque jour, et on demeurera étonné des révéla- tions qui en sortiront et qui démontreront une fois de plus combien sont lointaines et profondes les racines de l’art chez tous les peuples, puisque ces graveurs de cônes et de cylindres n'étaient déjà plus eux-mêmes que les successeurs très éloi- gnés de ces étonnants artistes des temps anté-historiques, qui parvenaient, malgré les dures conditions de leur vie te tro- glodytes, à ciseler, à fouiller, à graver, avec des outils de pierre ou la pointe d'un silex, le schiste, le bois de renne fossile, ou la pierre, pour en faire sortir les images si vraies, si saisis- santes et si fières, des grands pachydermes, des mammouths et des immenses reptiles leurs contemporains. C’est bien le cas de s'écrier : Ars longa, vita brevis. Oui, la vie de l’homme est courte; mais son âme a toujours été grande, et l'art, cette manifestation de l'idéal, a fait son apparition avec lui dès les premiers jours du monde. Dieu, en le faisant à son image, lui en a donné l'instinct, que dis-je! le sentiment; et comme il se savait d'origine divine, quelque misérable et dépourvue que fût son existence, il a toujours porté haut la tête et regardé le ciel : Os homini sublime dedit, cœlumque tueri Jussit, et erectos ad sidera tollere vultus ; et c'est de là que lui viennent ses premières inspirations. N'entrons donc dans le détail des pierres gravées, ni des Chaldéens, ni des Assyriens, ni des Mèdes, ni des Perses, ni des Phéniciens, ni des Égyptiens, puisque, n'ayant pas plus — 142 — une date qu'un nom à mettre en face de leurs œuvres, nous serions perdus au milieu d’un océan d'incertitudes; arrivons donc de suite aux Grecs. IT Il est vrai qu'Homère, qui est si exact dans ses descriptions, n'a jamais fait mention, dans ses poèmes, d’anneaux, de cachets, ni de rien qui puisse y ressembler : attendu que lorsqu'il parle de fermer une lettre ou de mettre en sûreté sous une enveloppe un objet précieux, au lieu d'un sceau, il indique toujours une simple ligature. C'est Pline (!) qui en fait la remarque; ce fait l'a même tellement frappé, qu'il n'hésite pas à en conclure que les Grecs, au siége de Troie, ne connaissaient pas encore les cachets. Toutefois est-ce bien certain, lorsque nous voyons Plutarque parler, d’après d’autres documents, de l'anneau d'Ulysse, sur lequel ce héros avait fait graver un Dauphin, en souvenir du secours que son fils Télémaque avait recu dans un naufrage d'un de ces humides amis de l'homme (2)? Puis, est-ce que Hélène n'avait pas une bague dont le chaton gravé représentait un poisson mons- trueux (3)? Et Polygnote, l’un des plus anciens peintres de la Grèce, qui vivait vers la 90° olympiade (420 ans avant J.-C.), n'avait-il pas, dans un tableau représentant la descente d'U- lysse aux enfers, peint le jeune Phocus portant à l’un de ses doigts une intaille enchâssée dans un anneau d'or (4)? Tout cela ne prouve-t-il pas que, dans les temps les plus éloignés, les Grecs connaissaient l'art de la gravure sur pierre ? C'était, en effet, leur aptitude native que les arts : beaux, intelligents, impressionnables comme ïls l'étaient tous, et vivant au milieu du plus magnifique climat du monde. Platon (1) Puis, Hist. natur., livre XX XIIT, chap. 1v. (2) PLurTARQUE, Œuvres morales : De l'intelligence des animaux. (3) ProcËmée Hépnesrion, Hisloires, livre vu, dernier paragraphe. (4) Pausanras, Descriplion de la Grèce, livre X, ch. xxx. — 143 — disait donc vrai, d'après la vieille chanson de Simonide, lors- qu'il nous apprend que les Grecs ne formaient (que trois souhaits : jouir d'une bonne santé, — avoir une belle figure, et posséder des richesses bien acquises. Ils n'avaient que trop aimé les champs de bataille, et cependant ils goûtsient plus que les autres peuples les choses qui demandaient de l’ima- gination, du savoir et de l'habileté. Ils étaient naturellement poètes, artistes, orateurs, discoureurs même, et l’on ne saurait dire combien l’Agora recevait chaque jour et a dévoré de gens d'esprit (1). C'était d’ailleurs un art qui répondait à des goûts innés et à un besoin général, que celui de graveur sur pierres fines. L'usage des anneaux et des pierres gravées n'Stait pas, comme à Rome, limité aux classes élevées. La vanité univer- selle y trouvait son compte et brillait avec lui. Pline raconte(2) qu'Isménias, de Thèbes, qui n'était qu'un joueur de flûte, avait de très belles pierres gravées. Dionysiodore, son con- temporain et son émule, s’empressa de l'imiter, de même que Nicomaque, autre musicien du même temps : «Ce qui est bien fait pour humilier, ajoute Pline, ceux qui forment de pareilles collections, puisque leur gloire ne dépasse pas celle de ces joueurs de flûte. » Cette leçon rétrospective, capable peut-être de toucher les patriciens de Rome, n'était pas faite pour les Athéniens. Aussi, lorsqu'ils n'avaient pas d'actions d'éclat à raconter : un capitaine, de victoire, un poète ou un athlète, de prix rem- portés aux jeux olympiques, à célébrer, ils faisaient graver un emblème, leur portrait ou celui de ces brillantes et spirituelles hétaïres, qui, laissant les ouvrages de laine et le gynécée aux femmes légitimes, trônaient sous les portiques ou dans des banquets, au milieu d'honimes, comme Périclès, Thémistocle, Alcibiade, Platon, Sophocle, Aristote, et la jeunesse dorée de (1) « Les vingt mille citoyens d'Athènes, dit DÉMOSTHÈNES, ne cessent de fréquenter la place publique, occupés de leurs affaires ou de celles de l'Etat. » (Démosrx., Première harangue contre Aristogilon, chap. xuix.) (2) Pure, Hist. natur., livre XXX VIT, chap. mr. PERRET ID À des ER SN EE OR ES UPS DRE PTE OT TER TIR TAGS — 144 — l'époque. Que de prétextes à petits vers, à odes, à billets am- brés, à camées et à intailles ! Les graveurs n’y suffisaient pas, non plus qu'aux demandes de tous ceux qui, voulant intéresser les dieux au succès de leurs entreprises, portaient sans cesse leur image sur eux. Les Juifs seuls, ce peuple convaincu, qui a traversé le monde antique sans s'y mêler, chantaient dans leurs fêtes religieuses : Simulacra gentium, argentum et aurum, Opera manuum hominum, et le temps n’était pas encore venu pour les autres peuples de les comprendre. IV Pendant longtemps, chez les Romains, les anneaux furent une distinction sociale : les anneaux de fer aux plébéiens et aux esclaves, les anneaux d’or aux sénateurs et aux chevaliers. Dans les commencements de la République, ils furent très simples. Mais, après les conquêtes des Romains en Grèce et en Asie, les hautes productions de l’art s'étant révélées à eux, ils ne mirent plus de bornes à leur passion pour les belles choses et notamment pour les pierres gravées. Aussi, non contents d'en avoir dépouillé la Grèce, ils attirèrent à Rome ses artistes, Dioscoride, Solon, Hyllus et tant d'autres. La multiplicité des anneaux avait jusque-là été défendue. Leur nombre devint illimité. On en chargea tous ses doigts et même chaque phalange de chaque doigt. Lucien parle d'un riche Romain qui portait seize bagues, deux à chaque doigt, celui du milieu excepté; et Martial d'un autre Romain, dont il voile le nom sous celui de Charinus, qui portait six bagues à chacun de ses doigts et qui ne quittait pas plus ces précieux bijoux la nuit, qu'il ne les quittait au bain. Et comme on demandait pourquoi, c'est qu'il n'avait pas d’écrin (1). Le pauvre homme ! Les Romains devinrent donc des écrins ambulants, et fini- (1) Marta, Epigr., livre xt, 59. Es — 145 — rent par mettre tant de recherche dans le choix de ces bijoux, qu'ils eurent des garnitures de bagues différentes pour chaque saison, plus légères en été, plus pesantes en hiver. « Pourrait- on, dit Juvénal, se refuser à la satire, lorsqu'on voit un échappé des bourbiers d'Egypte, un Crispinus, autrefois esclave dans Canope, rejeter nonchalamment sur ses épaules la pourpre tyrienne, et, les doigts en sueur, agiter dans l'air ses bagues d'été, trop délicat pour porter des anneaux plus pesants (1) ? » Lors donc que les Romains ne pouvaient se procurer une pierre fine, ils faisaient monter sur leurs anneaux un morceau de pâte de verre gravée ou moulée sur une intaille de prix. C'est ce qui explique l'intérêt qui s'attache à certaines pâtes de verre antiques, parce qu’elles représentent souvent des sujets remarquables dont les originaux ont disparu. C'était principalement à fermer leurs lettres que les Romains employaient leurs anneaux. Un symbole, une allusion au nom de la personne, une inscription, son propre portrait, celui d’un ancêtre ou de quelque homme illustre gravé sur une pierre, tenaient lieu de signature et rendaient la pièce authentique. «Je viens d'affranchir Nasta, signe. — Mieux vaudra demain, Lupercus, je réserve aujourd’hui mon cachet pour ma bouteille (2). » Tout décret, tout acte de l’autorité, un contrat, un testament, sans cachet n'avaient ni force ni valeur, et c'est des Romains que nous avons pris l'usage de marquer d’un sceau particulier les actes émanés de l'autorité publique. Aussi, à Rome, depuis l'empereur et les hauts dignitaires de l'Etat jusqu'au moindre citoyen, chacun avait un cachet pour valider ses dépêches. Le cachet de l’empereur et celui d’un consul ne différaient que par le degré d'autorité que lui communiquait le caractère de la personne à qui il appartenait. C'était presque toujours sur un confident ou un ami que le souverain se déchargeait du soin laborieux de sceller ses (1) Juvénaz, Satir., I, v. 26 et suiv. (2) MarriaL, Epigr., livre 1x, 88. — 146 — missives. Ainsi, le père de Trogue-Pompée, qui avait accom- pagné Jules-César dans les expéditions militaires, était le gardien de son anneau (!). Agrippa, Mécène, étaient les dépo- sitaires de celui d'Auguste (?}, et Mutianus, en l'absence de Vespasien, scellait des ordres devant lesquels les peuples s'inclinaient, parce qu'ils étaient revêtus du sceau de l’em- pereur (3). Jules-César, qui croyait descendre de Vénus par Enée, avait fait graver sur son anneau l'image de Vénus armée d’un javelot. Au commencement de l'Empire, Auguste se servait d’une pierre sur laquelle était gravé un Sphinx (image, disons- le en passant, qu'on retrouve sur ses médailles). Mais les Romains ayant glosé sur l'ambiguité de certains décrets au bas desquels était apposé le sphinx (4, il prit pour cachet une tête d'Alexandre le Grand, par Pyrgotèle, à laquelle il sub- stitua dans la suite son propre portrait, qui demeura long- temps le sceau des Césars ses successeurs : Dioscoride l'avait gravé (5). Le cachet du grand Pompée représentait un Lion armé d'une épée (6) : après sa défaite, il le jeta à la mer, dans la crainte que ses ennemis n'en abusassent contre lui. On voyait une Grenouille sur celui de Mécène (7). Cette grenouille - à causait plus de frayeur aux Romains que tous les lions réunis de la Libye et de la Numidie, parce qu'elle n'apparaissait jamais que pour leur annoncer de nouveaux impôts. Néron portait sur le sien Apollon et Marsyas 8). Etait-ce à cause de ses prétentions d'artiste, qui le faisaient se comparer à Phébus- Apollon; et le peuple romain, qu'il traitait si dédaigneuse- (1) Jusrin, Âistoires, livre XLIIT, chap. v. (2) Dion Cassrvs, livre LI, ch. x. (3) I., LX VI, ur. (4) Pune, Hist. nat., livre XXX VI, c. 1v. (5) SuÉrowE, Vie d'Auguste. (6) PLuranQuE, Vie de Pompée. (7) Pure, livre XXX VII, c. 1v. (8) Suérone, Vie de Néron. — 147 — ment, n'était-il pour lui que le pauvre satyre, digne, comme l’autre, d’être écorché vif par César-Apollon ? La Bibliothèque nationale a une intaille d’Apollon et Marsyas. Elle ne date cependant que du xvi* siècle, mais elle peut être considérée comme la copie d'un antique. Les intailles servaient non-seulement de parure et de ca- chets aux hommes, mais encore aux femmes, qui ne se con- tentaient pas toujours de leurs clefs pour assurer toutes choses dans leurs maisons et les mettre à l'abri de leurs esclaves. Elles scellaient donc leurs armoires et leurs coffres, sans oublier les vases et les amphores qui contenaient le vin. Quintus Cicéron nous l'apprend; car il dit qu'il avait une mère si vigilante, qu’elle scellait jusqu'à ses cruches vides, de peur d'être trompée (1). Les anciens n'avaient rien de plus précieux ni de plus sacré que leurs anneaux. Ils en prenaient de grands soins et ne dormaient jamais ni n'entraient au bain sans en dépouiller leurs doigts. Ils les quittaient également dans les moments de deuil; et, quand ils voulaient s'engager d’une manière solen- nelle, ils déposaient leurs anneaux entre les mains de celui qui recevait leur promesse. Dans les grandes occasions de la vie, les Romains échan- geaient entre eux des anneaux. C'était alors et c’est encore aujourd'hui pour les jeunes époux un gage de la foi promise. De là tant de pierres gravées antiques sur lesquelles se voient des mains entrelacées. Horace, dans son ode à Thaliarque, parle des jeux de ces amants, qui se donnent et se reprennent tour à tour une bague, et c'est si joli que je ne résiste pas au plaisir de la citation : Nunc et latentis proditor intimo, Gratus puellæ risus ab angulo, Pignusque dereptum lacertis, Aut digito male pertinaci (2). (1) Lettres de Cicéron, livre xvi, 26. (2) Horace, Odes, liv. I, 1x. . 4 Lo r sr 2.2, UE, DER PT EE TRE TES — 148 — « Viens, attiré par Ce rire charmant qui trahit la jeune fille dans le coin obscur où elle se cache, lui ravir ces gages d’a- mour, ornements de son bras ou de son doigt qui résiste à regret. » Crozat possédait une agate-onyx sur laquelle un amant souhaitait une longue vie à sa maîtresse. Il avait aussi le portrait gravé d'une femme, accompagné de cette légende : Souviens-toi de Claudia. Ovide dit, dans ses Tristes, qu'il sait que son portrait est au doigt d’un ami; c'est un adoucissement à ses peines (1). Les pierres gravées servaient également à orner les vête- ments. C'était leur grand mérite pour les Romaines. Artistes pour elles-mêmes, l’art avait leurs prédilections lorsqu'il ajoutait à leur beauté. Leurs cheveux, leurs bracelets, leurs colliers, leurs agrafes, leurs ceintures et leurs robes étaient parsemés de pierres fines. C’est ce qui fait qu'il y a eu à Rome tant d’intailles sur cabochons d’émeraude, de saphir, de topaze, d'améthyste, de grenat et de rubis, que leur épaisseur ou leur saillie rendait impropres à être montés en bagues. Il en est de même de toutes les pierres gravées de grandes dimensions, ainsi que des camées, ces sculptures ou ces bas-reliefs en raccourci, qui devaient concourir, mieux encore que les pierres gravées, à enrichir les vêtements des dames romaines. y Après la conquête de la Grèce et de ses colonies, c'est-à-dire vers la fin de la République, les Romains commencèrent à former des collections. A la différence des Grecs, qui ne réunissaient des objets d'art que pour leurs temples et leurs monuments publics, les Romains eurent tous les goûts des curieux, À Athènes, le Lycée, l’'Odéon, l’Aréopage, le Par- thénon, un grand nombre de temples, étaient de véritables (1) Ovin., Trist., Liv. I, élég. vrr. | brest — 149 — musées. « Ainsi, le Parthénon, dit Ampère, contenait une collection de pierres gravées ; au gymnase de l’Aréopage, on voyait les bustes des philosophes célèbres. Delphes avait sa galerie de tableaux. Les temples de Junon à Olympie, de Minerve à Platée et à Syracuse, étaient de vrais musées (1). » En Grèce, le citoyen savait s’effacer devant la chose publique. C'était tout différent à Rome. Là fleurissait et s’épanouissait à plaisir le collectionneur. Si les Romains n’avaient pas le génie créateur en partage, ils n'en avaient pas moins un sentiment très vif du beau. Aussi, lorsque les guerres samnites et puni- ques eurent donné à Rome Syracuse, Capoue, Tarente, toute la Grèce et la Sicile, avec les merveilleux chefs-d'œuvre que les artistes grecs y avaient semés à profusion, ses rudes soldats se sentirent subjugués pour la première fois. Quels beaux triomphes que ceux de Sylla, de Scipion l’A- siatique, de Mummius, de Pompée, qui firent passer sous les yeux des Romains éblouis tous les chefs-d’œuvre et tous les trésors d'Athènes, de Corinthe, de la Sicile, de la Grèce entière, de la Macédoine, de l'Asie mineure, et avec eux les artistes, les uns résistants et captifs, les autres n'ayant pas pu se séparer de ce qui était leur âme et leur vie! L'art grec émigra alors, et le génie d'Athènes en pleurs voulut le suivre Jusque dans Rome. ? Les Romains commencèrent alors à faire des collections de pierres gravées. Ils les plaçaient dans des écrins qu'ils nom- maient dactyliothèques. Pline dit que Scaurus, gendre de Sylla, fut le premier à Rome qui eut une dactyliothèque, toute remplie de pierreries qui lui provenaient sans doute de la riche succession de son beau-père (?). Elle demeura long- temps unique à Rome, jusqu’à ce que Pompée eut dédié au Capitole celle qui avait appartenu à Mithridate (3), le plus fastueux des princes vaincus par les Romains. La collection (1) AMPÈRE, ist. romaine à Rome, tom. III, pp. 609 et 614. (2) Pune, Hist. nat., lib. XXX VII c. v. (3) 1bid. Il — 150 — du roi de Pont, si l'on en croit Varron, était beaucoup plus précieuse que celle de Scaurus, et l’on y voyait une quantité infinie d’anneaux, de bagues, de cachets, de camées et d’in- tailles d'un travail exquis. César, à l'exemple de Pompée, dédia six écrins remplis de pierres gravées dans le temple de Venus ÿenitrix, son aïeule; et Marcellus, ce fils d'Octavie que Virgile a chanté, en placa un dans le petit temple d'Apollon, sur le mont Aventin (1). Verrès avait une admirable dactyliothèque. Cicéron en parle dans sa harangue de Signis. Il l'avait formée pendant qu'il était préteur de la Sicile. Sa manière était d’ailleurs aussi simple qu'expéditive. Il prenait partout, dans les maisons, dans les édifices publics et même dans les temples, tout ce qui avait le mérite de lui plaire. Voyait-il au doigt de quelqu'un un anneau de prix ? il demandait à l’examiner et ne le rendait plus. Lorsqu'il recevait une lettre, il considérait l'empreinte, et si elle lui révélait une œuvre de maître, on s’exposait beau- coup en ne lui envoyant pas de suite le cachet. Ses désirs étaient des ordres, et ses ordres des arrêts de proscription ou de mort, quand ils n'étaient pas obéis. Cela dépendait de la résistance (?). Antoine avait lui-même une magnifique collection; il l'avait cômmencée en Egypte, et Cléopâtre n’y avait peut-être pas été étrangère. Il faut convenir que c'étaient de terribles collec- tionneurs que tous ces généraux et proconsuls romains. Lorsque Antoine voulait une pierre, tous les moyens lui étaient bons pour l'obtenir. « Quel entêté que ce Nonius de tenir ainsi à un objet qui le faisait proscrire! » dit Pline, en ajoutant naivement : « Les animaux sont plus sages, ils aban- donnent au chasseur les parties de leurs corps pour lesquelles ils savent qu'on les poursuit (3). » (1) Pune, Hist. nat., lib. XXX VIL, c. v. (2) Cicéron, Seconde action contre Verrès, livres 1v et v. (3) Pue, ist. nat., livre XXX VII, c. xx. — 151 — Pollion, favori de l’empereur Auguste, avait aussi réuni une belle dactyliothèque. D'ailleurs, nous n’en finirions pas, si nous voulions citer toutes celles qui eurent de la célébrité. La mode en était devenue générale. Tout homme riche avait la sienne; les femmes elles-mêmes s'en mêlaient, et jusqu'aux joueurs de flûte, choraulæ, qui se piquaient d’avoir de belles. pierres et d'en former des cabinets. Le luxe, un luxe effréné, envahissait toutes les classes de la société. Maïs le jour n'était pas loin où les Romains regretteraient leur antique simplicité; car C'était le luxe, en amollissant tous les caractères, qui devait venger l'univers : POSE e PTE PME TIEUCCD ARRETE sævior armis Luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem, a dit l’implacable Juvénal. C'est ici que nous nous arrêtons. Il nous semble que nous en avons assez dit pour montrer l'intérêt de l'étude des pierres gravées. Si nous n'avons pas mieux su répondre à votre attente. notre insuffisance plus que le sujet en est la cause. Permettez- nous cependant d'espérer que vous ne nous refuserez pas cette indulgence qu’on accorde toujours à la bonne volonté. AURORE BORÉALE DU 4 FÉVRIER 1872 DÉCRITE PAR M. ALPHONSE DELACROIX. Séance du 10 février 1872. Le 4 février 1872, au moment où le soleil, descendu sous l'horizon , jetait encore des lumières dorées sur quelques écharpes de nuages demi-transparents, il se formait du côté opposé, à l'orient, une sorte de lueur crépusculaire comme celle qui précède le lever de la lune. Or, l'apparition de l’astre ne devait avoir lieu qu'après minuit; il allait donc se passer quelque chose d'insolite. Depuis la colline de la Grange-Hu- guenet où J'étais à me promener solitairement, tourné tantôt vers l'une des scènes du spectacle, tantôt vers l’autre, mon intérêt d'observateur ne tarda pas à croître de minute en minute. La lueur du levant absorba bientôt mon attention. Elle changeait à chaque instant de forme et même de place, sans quitter néanmoins un champ limité. Une demi-heure plus tard, la nuit étant complète, le ciel entier, à la seule exception d’un segment de l'horizon méri- dional, se trouvait envahi par une aurore boréale, comme de mémoire d'homme il n’en avait paru dans la contrée bisontine. Sur le fond très sombre du firmament d’où étincelaient les étoiles, s’étendirent des teintes immenses d’un rouge ponceau variant sans cesse d'intensité. — 153 — Ces teintes n'étaient point ce que l'on appelle plaquées, mais formées de stries dont chacune semblait avoir sa vie propre, s’éclairant ou s’éteignant comme par caprice. Ayant acquis une vieille habitude des lignes de perspective en usage chez les dessinateurs, je ne tardai pas à reconnaître que toutes les stries concouraient vers un point de vue marqué au sud du zénith, à peu de distance de la place où passait par le méridien la constellation des pléiades. Si les stries avaient été verticales, c'est exactement au zénith qu'eût été le point de convergence. [Il résultait néanmoins déjà de ce fait, d’une manière évidente, que de la région elle-même sur laquelle se trouvait le spectateur émergeaient les lignes de lumière rouge vues par lui, et qu'elles s'élevaient à une prodigieuse hauteur. Tandis que les teintes rouges, par les variations d'éclat des stries, attiraient principalement l'attention, un arc immense de lumière assez claire, de la couleur complémentaire du rouge ponceau, s'établissait du levant au couchant. La partie orien- tale de l'arc était précisément ce qui avait frappé mes yeux immédiatement après le coucher du soleil. Le côté occidental ne se manifesta qu'en proportion de l'effacement de la lumière crépusculaire du soir. Le sommet de la courbe me sembla n'avoir pas atteint la hauteur du point de vue perspectif des stries rouges. ù Semblable par sa couleur à une ceinture que l’on aurait découpée de jour dans la lisière de la calotte céleste, le grand arc lumineux allait des deux parts au delà de l'horizon. , Deux autres arcs parallèles au premier, mais plus petits, essayaient de se former, l’un au nord, l’autre au sud, celui-ci sans succès. Comme l'étoile polaire brillait au-dessus de l’arc septentrional, mais à droite du sommet, il fut facile de voir, sans instruments de contrôle, que l'axe des trois cercles était dans le méridien magnétique. Un fait éclaircissant l'autre, je constatai ensuite sommai- rement, mais avec assez de précision pour ne pas craindre une erreur, que la direction des stries, penchée, comme nous — 154 — l'avons dit plus haut, vers le sud, était perpendiculaire au pôle magnétique. L'éclat spéculaire, mobile, fantasque de telle ou telle partie des arcs, leurs apparitions et leurs extinctions successives, devaient correspondre en sens inverse aux variations de lumière non moins capricieuses des teintes rouges. Un incident digne du spectacle est venu à plusieurs reprises animer encore cette solennité météorologique. De beaux aérolithes, lancés dans la direction du couchant, mais avec une vitesse très modérée, ont apparu successive- ment. La lenteur de leur projection semblerait indiquer une direction vraie différente de la direction préjugée. Leur éclai- rage, leur explosion, dans les circonstances extraordinaires du moment, étaient d'un effet splendide sur le sombre décor du sud. Parmi les explications diverses qui ont été données des aurores boréales, phénomène assez commun au pôle dont il a pris le nom, mais très rare dans nos climats, je m abstiendrai de faire un choix, croyant que l'inconnu domine encore dans cette question météorologique. La grande majorité des hommes, même au dix-neuvième siècle, n’a pas de pareils scrupules. Pour les astrologues et devins sans le savoir qui abondent encore dans toutes les classes de la société, les aurores sont des signes, des pronostics certains de l'événement ultérieur un peu grave auquel il sera donné d'apparaître le premier. Je prie ces honorables contem- porains d'excuser mon inhabileté dans un jeu d'esprit auquel je me sens impropre. Je me contenterai, pour ceux dont la contrée n'aura pas été favorisée d’un ciel découvert durant l'apparition du météore, de décrire les signes dont j'ai été l’indigne témoin. A l'occident, sur le centre de la France, se montra la plus grande gerbe de stries rouges. Elle était animée, resplendis- sait des plus beaux feux et frappait d'admiration le spec- tateur. — 155 — Du côté de l'Italie et de l'Espagne, c'étaient des taches phosphorescentes sur une plaie sanglante et sombre. Au levant, la douce continuation du grand arc lumineux par-dessus le Danube. Au nord, un tigré monotone de teintes rouges sans grand éclat comme sans ombre remarquable. ds LA GÉOGRAPHIE EN FRANCE ET EN ALLEWAGNE PAR M. HENRY CHOTARD Professeur d’histoire à la Faculté des Lettres de Besançon Vice-Président de la Société d'Emulation du Doubs. Séance publique du 19 décembre 1872. Depuis deux ans, la France s’est fait une habitude d'être sévère à l'égard d'elle-même. Frappée plus cruellement peut- être qu'aucune nation ne l'a jamais été, atteinte en même temps dans sa grandeur militaire et dans sa grandeur territo- riale, elle est rentrée dans sa propre conscience et en a fait l'examen. Le coup avait été d'autant plus dur qu'il avait été plus soudain et plus inattendu, et, un moment étourdie et comme renversée, elle a paru désespérer d'elle-même : elle s'est bientôt remise; elle s’est redressée, et, maîtresse de sa pensée, elle s'est demandé pourquoi elle avait été si malheu- reuse, et pourquoi elle avait été si surprise de son malheur. Certes, on peut dire qu'en s’examinant et en se jugeant, elle ne s'est pas ménagée. Elle a même offert au monde un éton- nant spectacle. Une nation longtemps victorieuse, que des succès récents pouvaient encore animer et exalter, s'est Con- trainte à oublier ses guerres heureuses pour ne se souvenir que de celles où elle a été vaincue; elle s’est complue à se rappeler ses désastres, et non pas seulement ceux du commen- cement du siècle, dont elle compte encore des témoins parmi les plus âgés de ses enfants, mais ceux du siècle précédent, moins grands, mais infligés par le même ennemi, et d'autres — 157 — encore en remontant dans le cours de son histoire jusqu'aux guerres du xvi° siècle et jusqu'à la terrible guerre de cent ans au moyen àge. Dans ce pénible retour en arrière, elle a trouvé un enseignement et un espoir; elle a appris à supporter digne- ment et noblement son malheur, et voyant qu'elle avait sur- vécu à tant de convulsions et à tant de crises, elle a pensé qu'elle survivrait encore à celles au milieu desquelles elle se débattait. On l’a donc vue porter intrépidement partout la lumière, faire ses comptes, établir, pour ainsi dire, son bilan. Avec une franchise persévérante, elle a voulu savoir si ce qu'elle croyait force en elle-même n'était pas faibless2, et si ce qu’elle appelait des qualités n'étaient pas des défau!'s. Elle était moins bien préparée, moins bien pourvue que son adver- saire; mais n'était-elle pas moins bien instruite ? On a dit que ce n'étaient pas les armées de l'Allemagne qui l'avaient vaincue, mais ses universités et ses écoles, et elle s'est mise résolument à considérer et à apprécier ce qu'on enseignait et ce qu'on apprenait chez elle; elle a touché à chaque branche des études qu'elle professe pour en juger la force et la solidité, et, plus qu’à aucun autre peut-être, à la géographie. Cette science nous était-elle si complètement inconnue qu'on l'a dit? Etait- elle si familière à l'étranger qui nous envahissait? Nous croyons que, dans les deux armées opposées, beaucoup de braves gens ont combattu vaillamment sur les bords de rivières dont ils n'avaient pas étudié le cours, et sont morts honora- blement sur des terres dont ils ignoraient le nom. Nous nous sommes trouvé au milieu d'un mouvement de troupes prus- siennes, et nous avons entendu un officier qui avait passé la nuit sous le même toit que nous, s'informer à son départ du nom du village qu'il quittait. Sans récuser de prime-saut notre infériorité, nous avons tout au moins le droit d'examiner si réellement nous sommes inférieurs à nos adversaires et dans quelle mesure nous le sommes. La géographie en France et en Allemagne, tel est donc le sujet que nous nous proposons d'étudier, en le considérant = 158 — sous un double point de vue, les découvertes et la propagation des découvertes. Nous rechercherons ce que la géographie a été et ce qu’elle est encore dans les deux pays ; nous ferons à chacun sa part, et nous espérons qu'aucun sentiment ne nous empêchera d'être juste et sincère. Nous ne parlerons pas des quatre premiers siècles des dé- couvertes maritimes; nous prendrions en les racontant un avantage trop facile. L’honneur des premières explorations et des plus considérables appartient, en effet, tout entier aux peuples occidentaux et maritimes de l’Europe; les peuples continentaux n'y ont aucune part. Aucun nom d'au delà du Rhin ne se mêle à ceux des marins dont s’honorent la France et les nations qui l’avoisinent. Nous ne nous en étonnons pas, et nous n'avons point ici l'intention d'exprimer un reproche. Pour qu'un peuple soit navigateur, il faut qu'il ait des côtes et des ports, et même des côtes assez étendues et des ports assez nombreux. Tel empire qui ne touche la mer qu’en un point, tel autre dont les côtes sont inhospitalières, ou retirées et éloi- gnées, multiplieront en vain leurs efforts pour devenir mari- times. Leurs génies et leurs forces s’y refuseront. La mer ne reconnaît pour maîtres que ses enfants; à eux seuls elle se soumet et s’abandonne, eux seuls peuvent en saisir le sceptre qui, suivant l'expression d’un poète, est le sceptre du monde. Quand s'ouvre le xix° siècle, le monde est comme découvert; ce qu'il cache encore est perdu dans l’immensité des océans ou erifermé dans les glaces du pôle. La fatigue et le danger augmentent et la récompense est plus rare. Aussi le but change-t-il, ainsi que le mobile qui y pousse. Le navigateur est dès lors un savant qui étudie le globe, qui en examine les races, les productions diverses; il veut tout connaître et tout comprendre. Pourquoi la mer est-elle traversée par de grands courants d’eau, et l'atmosphère par de grands courants d'air ? d’où viennent ces courants ? quelle cause les produit? pour- quoi sont-ils chauds ou froids ? comment se fait-il que les pôles magnétiques ne se rencontrent pas aux vrais pôles du LL. — 159 — monde? et ces pôles eux-mêmes sont-ils impénétrables? n'est-il pas un chemin qui conduit vers eux ? n'assure-t-on pas que la mer y est libre ? Dès lors quelles nobles entreprises ont été tentées, au milieu desquelles la mort, comme partout, exerce ses fureurs! Mais les larmes qu'elle fait couler n’ont rien d’a- mer : à la douleur qu'on éprouve de pertes glorieuses se mêle une secrète joie et une juste admiration pour tant de courage légitime, tant d'audace justifiée. Dans cette seconde œuvre, la France n'a pas manqué à elle-même. Plus qu'aucun autre peuple, elle s'est appliquée à connaître scientifiquement le globe. Elle a fait entreprendre ces grands voyages de circumnavigation qui ont tant frappé les esprits et illustré quatre de ses hommes de mer, Freycinet, Duperrey, Dumont-d'Urville et Dupetit-Thouars. Duperrey traçait ses excellentes cartes magnétiques; Dumont-d'Urville retrouvait, en passant, les traces du malheureux La Pérouse, égorgé par les naturels de Vanikoro. Ce n'est pas tout : nous suivons les Anglais et les Russes au pôle sud et au pôle nord. Dumont-d'Urville encore laisse à trois terres antarctiques les noms français de Louis-Philippe, de Clarie et d'Adélie; le dernier est le nom de sa femme. Bellot accompagne dans les mers arctiques les Anglais qui recherchent Franklin, et meurt englouti dans une crevasse. L'Angleterre reconnaissante lui a élevé une colonne sur les bords de la Tamise, dans son hôpital de Greenwich. Cette colonne, portant sur le sol anglais une inscription française, est le plus juste hommage rendu au courage et au génie de notre patrie. Mais bientôt on n'a plus qu'une pensée, atteindre le pôle nord. Tous les peuples y prétendent; et, pour la première fois, les Allemands paraissent sur les mers au premier rang. Ils sont dirigés dans leurs courses par un de leurs savants, le docteur Petermann, qui est comme le directeur de la géogra- phie en Allemagne. Trois expéditions se sont accomplies suc- cessivement, mais sans résultat, bien que la dernière, formée de la Germania et de la Hansa, aït longtemps navigué. La mer PE à — 160 — libre du pôle est bien gardée, et derrière ses rivages glacés, elle demeure encore inviolable. Un Français, qui depuis long- temps en avait étudié les accès, espérait cependant l’atteindre; la France entière, répondant à son généreux appel, lui avait donné navire et provisions ; le Boréal était à l'ancre au Hâvre. Mais la guerre est venue terrible et inexorable; le navigateur a été séparé de son vaisseau. Il voulait franchir des murailles de glace, il a été retenu dans des murailles de pierre. Aussi intrépide sur terre que sur mer, il a combattu en maint endroit autour de Paris; la délivrance de la France, c'était pour lui la liberté de s'embarquer et de naviguer vers ce pôle qu'il voyait dans sa pensée. Hélas! il ne lui était pas réservé de tenter même le voyage; il est mort héroïquement sur un champ de lutte tout autre que celui qu'il s'était choisi! A ces traits, qui n'a-reconnu Gustave Lambert ? Le domaine de la géographie n’est pas réservé uniquement aux navigateurs. Il est de grandes terres où les voyageurs seuls peuvent pénétrer. L'Amérique, l'Afrique surtout dont les côtes ne présentent ni golfes proprement dits, ni presqu'iles, ne livrent à la curiosité des marins qu'un champ limité. L'O- céanie elle-même renferme un continent presque sans décou- pures, l'Australie grande comme l'Europe. Aussi, quand l’ar- deur des découvertes maritimes se calma par leur extension même, on reprit des voyages commencés dès le moyen âge et longtemps interrompus. Au xvirr° siècle, on les borna à l'Asie, où nous rencontrons trois Français, Chardin, Tavernier et Tournefort, qui a donné sur la Perse de si curieux documents, et deux Allemands, Niebuhr, qui le premier a visité l'Arabie, et Pallas, qui a fait en Sibérie des recherches que la Russie a généreusement protégées. Le x1Ix° siècle revendique la gloire des grandes découvertes terrestres et en attribue la plus grande part à l'Angleterre, qui a fait son bien de l'Australie entière, et qui s'est comme réservé le centre et le sud de l'Afrique. Partout ailleurs, à côté des Anglais, on rencontre des Américains, des Français, — 161 — des Allemands. Plus hardis voyageurs que marins, plus entreprenants sur la terre ferme que sur la plaine liquide, les Allemands ont parcouru le nord-ouest de l'Afrique et plu- sieurs parties de l'Amérique et de l'Asie. Nous ne saurions avoir pour eux la sévérité de nos voisins d'outre-Manche, et ce n’est pas sans étonnement que nous avons vu applaudir, dans un discours de M. Stanley, ce généreux Américain qui a retrouvé au centre de l'Afrique l’illustre docteur Livingstone, ces mots qui, s'ils étaient complètement vrais, seraient un terrible jugement : « Un Anglais ou un Américain ne peut pas mettre le pied sur une terre sans qu'il n’y soit suivi par un Allemand qui s'efforce de partager la gloire de ses travaux, qui parfois même réussit à la devancer en les annonçant. » Cet Allemand, que ne nomme pas M. Stanley, c'est M. Schwein- furt qui marche à son tour au-devant du docteur Livingstone. Un langage si âpre dépasse la vérité. Qu'importe après tout le moment où l’on arrive? Qu'importe si, à la dernière heure, on espère être mieux récompensé ? Les services de l'Allemagne ne peuvent être contestés. Barth et Vogel ont exploré l'ouest de l'Afrique et le Soudan; les frères Schlangenweit, l'Indous- tan et l’'Hymalaya en Asie; le célèbre Humboldt, les deux Amériques, et particulièrement la chaîne des Andes. Ce der- nier est bien connu en France, et il mérite de l'être. Nous estimait-il beaucoup ? c’est ce qu'on ne saurait affirmer; mais il estimait nos livres. Dans un des voyages qui ont illustré son nom, il remontait la Magdalena; les difficultés de la navi- gation s’'augmentant de jour en jour, il fallait ou redescendre ou alléger l’embarcation. Le savant n’hésita pas à abandonner au fleuve ses bagages, une caisse après l’autre, à mesure que les eaux diminuaient de fond et augmentaient de rapidité; il ne conserva que ses instruments, ses notes et quelques livres français, entre autres Racine. La France est-elle restée en arrière dans ces expéditions ? Loin de là. M. de Humboldt avait un Français pour compa- gnon, Bonpland. D'autres Français ont exploré à travers mille DEEE CS nt di oies dre DS LÉ Et ar nt AC “ere dt ane SEE ES lee < TS éd Né — 162 — périls les deux Amériques : ce sont Boussingault, Alcide d'Orbigny. Bonpland lui-même n'a-t-il pas payé, par une longue captivité, la connaissance du Paraguay ? Il a intéressé à son sort l'Europe entière, émue de la cruauté du docteur Francia. En Asie, le Thibet est visité par l'abbé Huc, l'Indoustan par Jacquemont, l'Arabie par Palgrave, un Anglais que la France a adopté ; et naguère encore, qui n’a suivi avec anxiété : cette expédition du commandant de Lagrée dans l’Indo-Chine, où Henri Mouhot l'avait précédé? Le Cambodge a été remonté; ses vieilles villes, aux étonnants monuments, ont été retrou- vées sous les eaux; les sources inconnues du fleuve ont été presque atteintes, et au milieu de quels dangers et de quelles fatigues ! Le commandant de Lagrée a succombé ; mais son second, M. Garnier, a pu traverser la Chine et atteindre Shanghaï. En Afrique, Guillaume Lejean a refait les voyages de Bruce au Nil bleu, et sur le Nil blanc il a rejoint l’Anglais Baker. Le lieutenant Lesaint avait résolu de pénétrer dans l'Afrique centrale : il est mort à Khartoun; sa place a été soudain prise par M. de Bizemont. Madagascar, cette île où nous avons eu de si beaux comptoirs, n'avait jusqu'ici laissé voir que ses côtes ; l'intérieur vient d'être révélé à la science par un intré- pide et savant voyageur, M. Grandidier. Enfin, un jeune homme, M. Henri Duvivier, a visité le Sahara et nous a fait assister à la résurrection de ce désert tant redouté. Il a trouvé partout la trace des eaux; il a suivi le lit desséché de grands fleuves. Ainsi, le temps a existé où ces sables étaient fertiles et habités : Ià où errent aujourd'hui des tribus nomades, vi- vaient des peuples sédentaires, sans doute les Nasamons d'Hé- rodote; et l’on ne peut plus rejeter sans examen au milieu des fables cette légende d’un grand fleuve qui venait de l’ouest se jeter dans le Nil. Le parallélisme du Nil et du Danube peut, après plus de deux mille ans, redevenir une vérité. Les voyageurs français ont donc été dignes des navigateurs — 163 — leurs aînés : la réputation que les uns se sont faite dans les mers torrides et dans les mers hyperboréennes, les autres l'ont soutenue dans les vallées marécageuses de l'Indo-Chine et dans les sables brülants de l'Afrique ; et l'estime que l'opinion de l’Europe refuse parfois à nos rivaux, est venue comme d'elle-même nous trouver, juste récompense de nos généreux efforts et de nos succès désintéressés. La terre est conquise ; reste à en répandre la connaissance au moyen des livres, des cartes et des globes. C'est une autre tâche, non moins importante, quoique moins périlleuse, et nous devons nous demander comment et jusqu'à quel point la France et l'Allemagne ont contribué à l’accomplir. Jusqu'au xvre siècle, la géographie est bien humble; c’est à peine si elle se montre à côté de l’histoire. Tout à coup, en France et en Allemagne, paraissent deux hommes, dont les ouvrages annoncent au monde qu'une science nouvelle est créée : ce sont d’Anville et Busching. Le premier est surtout un géographe historien; il étudie l'antiquité, le moyen âge, les temps modernes, et aplanit des difficultés qui jusqu'à lui étaient insurmontables ; le second s'attache à la géographie de son temps et en fixe les éléments. La voie est ouverte, et dans les deux pays se publient d'excellents ouvrages. Si, d’un côté, nous avons à citer Humboldt, Bertuch, Hassel, Mannert, Heeren et Klaproth, de l’autre nous rencontrons Gosselin, Fleurieu, Rémusat, Malte-Brun, dont le nom est si populaire, et enfin Balbi, un Italien qui a surtout écrit pour la France et en français. Nous pouvons dire, sans être accusés de trop de complaisance pour nos livres, qu'ils sont plus répandus que ceux de l’Allemagne, sans doute parce que notre langue l’est elle-même davantage. C’est notre langue que chaque peuple sait le mieux après la sienne. On recherche nos livres parce qu’on les comprend, et sans doute aussi parce qu'ils ont de la valeur. L’étranger peut ne pas nous aimer, mais il aime ce que nous écrivons; et si le plus souvent c’est seulement avec nous et par nous qu'il s'amuse, c'est avec nous et par + LR Las. LL 5 — 164 — nous qu'il s’instruit. Nous reconnaîtrons toutefois avec loyauté que les livres allemands sont bien faits, même les plus petits, et que ces mémoires savants, où se traitent les questions les plus ardues, sont égaux, sinon supérieurs, à ceux que publient les autres nations. Ils se recommandent par une érudition profonde, une méthode rigoureuse, et ils sont accompagnés de cartes d’une exécution remarquable. Les cartes, on le sait, sont la reproduction sur le papier de la terre entière ou d’une de ses parties. Ce n’est pas en Alle- magne que l’art de les construire a pris naissance, mais en Italie, dans ces écoles nombreuses et brillantes d’où sont sortis tant de marins illustres, et surtout dans celle de Florence, où s’est formé Christophe Colomb. Des villes italiennes, il a été semé dans tous les ports de l'Europe par les navigateurs, et soutenu de leurs encouragements et de leurs exigences. L’Al- lemagne s’attribue sans doute quatre des plus grands élèves des cartographes italiens, Sébastien Munster, Ortelius, Gérard Kaufmann, bien plus connu sous le nom de Mercator, et Hermann Conring. Mais Sébastien Munster, né à Ingelheïm, a passé sa vie à Bâle; Ortelius est d'Anvers; Mercator, enfant du Holstein, a grandi dans les villes hanséatiques; enfin, Hermann Conring, dont s’honore la ville hanovrienne de Norden, n'a dû qu'à la France les loisirs qui lui ont permis d'achever ses grands travaux; il a été le pensionnaire de Louis XIV. La France cultivait elle-même la science qu'elle encoura- geait à l'étranger. Samson et Delisle, les premiers, ont donné chez elle à la géographie une précision mathématique, une exactitude rigoureuse, une élégance de dessin jusqu'alors in- connue, et par suite une clarté indispensable. Honorons avec eux leurs dignes élèves, d’Anville, Brué et Lapie. Ce sont ces hommes qui ont instruit nos pères, et c’est avec une émotion sincère que nous retrouvons dans nos bibliothèques leurs œuvres usées et même tachées par les mains qui les ont feuil- letées. La géographie a même eu en France d’illustres adeptes: 4 — 165 — nos archives, nos musées conservent des cartes et des globes qui ont été témoins d'instructions données par de grands ministres, par des rois, et reçues par des hommes dont notre pays est encore fier aujourd'hui. Que dis-je? n’avons-nous pas été Les instructeurs de tous les peuples ? Sans doute, nous devons nous garder de tout sentiment orgueilleux ; et ce n’est pas dans les jours où nous sommes que nous devons réveiller avec complaisance d'anciens souvenirs de victoire et de puis- sance. Suivant la parole du poète : Ayons de nos aïeux un souvenir modeste. Mais on ne peut cependant effacer les faits de notre histoire. Pendant quatre siècles, nous avons été partout dans l’Europe et dans le monde, en Italie, en Allemagne, en Russie même, en Egypte.fen Asie, et partout nos officiers ont relevé les cartes des pays que nous parcourions. Nous avons eu successivement pour alliés dans.nos guerres, et non pas seulement au com- mencement de ce siècle, mais au xvir*, au xvr° siècle, tous les peuples européens qui, contraints ou gagnés, se joignaient à nous, et nous avons dans ces temps divers formé leurs ingé- nieurs. Les cartons du ministère de la guerre font foi de ce que nous avançons, et l’on peut y suivre la trace de tous les progrès accomplis dans la science géographique, sous notre influence, par des nations qui maintenant se font un plaisir et une joie de nous renier, N'est-ce pas en 1808, alors qu'à la suite d'entreprises que nous n'avons pas à juger iCi, nos départements s’étendaient du Garigliano à la Baltique, et se couvraient à l’est d'Etats feudataires, que fut émis à Paris l'ordre de construire la carte topographique de l'Europe fran- çcaise ? On sait par quelles causes cet ordre fut vain. Ce n'est qu'en 1818 qu'il fut renouvelé, et c’est en 1833 que parut la première feuille de ce grand travail qu'il serait superflu de louer. Malgré ces retards, la France est arrivée assez tôt pour donner un modèle qui depuis n'a été que suivi et imité. C'est en ces mêmes temps toutefois que se manifeste chez 14 Ne. LAS D p-bE 017 PS ARLES UE on RS à EC Et, — 166 — nous une infériorité que nous devons reconnaître et expliquer. On sait sous l'empire de quelles idées les Allemands se sont appliqués aux sciences et aux arts, et particulièrement à cet art terrible qui apprend aux hommes à se détruire. Autour de cet art, ils ont même groupé tous les autres devenus ses aux1- liaires, et ils n’ont pas méconnu l'importance de la géographie. Il faut être familier avec le pays qu'on attaque, et, au moyen de cartes, en fouiller, pour ainsi dire, tous les coins et recoins. De là ces cartes, ces atlas, faits en si grand nombre et avec un si grand soin. En 1817, à Gotha, Stieler commença son atlas dont nous avons vu donner, en 1867, une édition jubilaire. Il eut bientôt autour de lui comme une pléïade de cartographes habiles, Théodore Menke, Spruner, Berghaus, Sydow, et combien d'autres, Kiepert, Reïcart, etc. Loin de nous la pensée d’abaisser leur mérite, nous le connaissons trop; mais peut-être, sans le connaître aussi bien, beaucoup de Français les ont-ils loués outre mesure. On s’engoue facilement chez nous des mérites étrangers : oui, ces Français, qu'on juge si sévèrement, qu'on accuse de vanité, de forfanterie, font, à de certains moments, si bon marché de leurs propres qualités, qu'ils ne prisent que celles des autres. Ils accueillent avec - passion les étrangers et tout ce qui vient d'eux; ils prodiguent les éloges et l'enthousiasme. Témoins ces temps où nos écri- vains renjiaient notre littérature, et, rejetant au loin et Cor- neille et Racine, ne juraient que par Shakspeare, Gæthe et Schiller. Certes, avec Les poètes, on introduisait chez nous les prosateurs, les philosophes, les savants, les érudits, et enfin les géographes et les cartographes. Quand nous reconnaissons partout des maîtres, il est naturel qu'on nous prenne au mot; on se hausse à mesure que nous nous abaissons. Etrange sentiment, en vérité, qui prouve que nous n'avons pas l’hu- meur si revêche! On nous dit si raides, si hautains, et, de moment en moment, nous nous faisons si doux, si modestes; nous voudrions nous métamorphoser, n'être plus nous-mêmes et devenir autrui. N'est-ce pas un exemple que nous donnons — 167 — encore maintenant? Dans notre sévérité envers nous-mêmes, ne dépassons-nous pas les justes bornes? Ne nous traitons- nous pas avec une rigueur démesurée ? Quelle tristesse, quel chagrin de lire dans certains journaux des articles tels que l’en- nemi le plus impitoyable ne saurait en écrire de plus cruels 1! En quel abîme serions-nous tombés si nous avions raison de nous traiter ainsi! Nous nous jugeons comme notre heureux adversaire ne nous juge même pas : aussi doute-t-il de notre sincérité. Tout en doutant, il assure ses profits; on n’estime que ce qui se fait chez lui, il s'empresse de le fournir, et ses atlas arrivent en grand nombre. Nous avons cependant des cartes, œuvres d'hommes vraiment distingués, dont je dirais les noms si on les appréciait plus justement. Pourquoi les négliger? On ne les trouve pas assez récentes; on leur reproche de ne pas être au courant des découvertes et de la science. Je conviendrai de ces défauts, d'autant plus volontiers que les auteurs n’en sont pas responsables. En France, les graveurs sont exigeants et chers; les éditeurs, par économie, font tirer tout d’un coup un grand nombre d'exemplaires qu'ils émettent et tiennent à un prix élevé, et qui nécessairement restent les mêmes, la vente durà- t-elle vingt ans. Le public s'éloigne d'ouvrages coûteux, qui ont bientôt une date ancienne et qui, exacts pour la géographie physique, ont cessé de l'être pour la géographie politique. Le graveur allemand, au contraire, se contente de salaires modé- rés; par suite, l'éditeur fait souvent retoucher les planches et ne tire qu'à mesure de la vente des exemplaires qu'il livre à des prix relativement peu élevés; et le public, attiré par ces avantages, se présente plus nombreux et achète avec plus de confiance et d'empressement. L'éditeur s'enrichit et les auteurs gagnent en renommée. Ils ne sont peut-être ni plus savants, ni plus habiles que les nôtres; mais ils sont mieux secondés, et d'autre part si bien unis entre eux, si bien disciplinés. Car la discipline n'existe pas seulement dans les armées de l’Alle- magne, elle est partout. La géographie a son chef, que j'ai ERET LE — 168 — nommé, le docteur Petermann, et elle a sa capitale, ou si l’on aime mieux son centre, à Gotha, et son ministère, puis-je dire, dans la librairie de Justus Perthes. De là partent les ordres et la direction, tous les savants, quel que soit leur âge, leur mérite ou leur réputation, se soumettent, et chacun, dans une sphère plus ou moins élevée, plus ou moins modeste, accom- plit ce dont il est chargé. Voilà un bataillon, un régiment, une armée peut-être de travailleurs, bien exercés et obéissants, dont les efforts sont communs et tendent vers un même but. Les questions sont partagées, étudiées, traitées ici dans de savants mémoires, là dans des livres élémentaires, ailleurs sur des cartes, sur des globes. La science est ainsi servie avec un ensemble rare, malgré les détails infinis dans lesquels elle entre et au milieu desquels elle se disperse. Nous ne parlons pas seulement de la science géographique ; toutes les sciences ont ainsi leur organisation. La force résulte de la communauté de pensée et d'action, et elle se manifeste dans une formi- dable unité qui n'est que l’idée allemande, idée que, dans ses moyens et suivant ses ressources, tout Allemand doit soutenir et pousser jusqu'au triomphe. Ne savons-nous pas ce qu'a été l'histoire entre les mains de ces travailleurs audacieux et tenaces ? une machine de guerre. La géographie, comme l'histoire, s’est mise au service des ambitions royales et des rancunes populaires, dans ses atlas, dans ses dissertations savantes, dans ses ouvrages élémentaires. Nous avons eu entre les mains un petit livre destiné aux écoles. Il est divisé par bassins de rivières, suivant la méthode française de Bali; dès lors l'Allemagne renferme les cours du Rhin, de la Meuse et de l’'Escaut; elle a pour limite à l'ouest la ligne de mon- tagnes qui, partant du Saint-Gothard, se termine au cap Gris- Nez. La France n'est donc plus que la France de Louis XI. Les enfants de l'Allemagne voient ainsi leur patrie s'étendre et se prolonger sur les cartes, et, parvenus à l’âge d'homme, ils ont à cœur de mettre leur pays en accord avec leurs livres. Que n’avons-nous une généreuse émulation pour atteindre KES — 169 — ces lutteurs qui nous devancent? Sommes-nous si loin d'eux? Leurs cartes sont très complètes, mais elles sont obscures et d'un dessin parfois incertain ; elles sont trop chargées, em- brouillées et d’une lecture difficile. Il faut y être bien habitué pour s’en servir prestement. Les nôtres, plus précises et plus nettes, mettent les pays en lumière et comme en relief; l’art yest achevé. Je ne parle, on le comprend, que des cartes savantes ; elles sont traitées avec une délicatesse et une per- fection infinies, avec une correction et une élégance qu'on ne trouve au même degré que dans les cartes anglaises : la grâce n'exclut pas la force, et elle rend aimable la science. La France l'a prouvé et le prouvera encore. Ne voit-on pas qu'elle se recueille, et qu'en même temps elle se règle et se discipline ? Une commission scientifique, issue de l'Institut et de la Société de géographie, prend déjà chez elle, par le juste droit que lui donnent les ouvrages et le talent de ses membres, la place qu'occupent en Allemagne le docteur Petermann et ses auxi- liaires. Non-seulement elle dirige les travaux de la science pure, mais elle fait faire des ouvrages élémentaires; elle agit en même temps sur les enfants et sur les hommes. Rien ne se soustrait à sa main, mémoires, livres, cartes murales, cartes en relief, sphères. Elle est le précepte, elle est aussi l'exemple. Elle soutient ses instructions par ses livres et par ses atlas. Elle a même fait construire un globe d'une dimension sûre, fidèle image de notre terre réduite à 1/40,000,000 de sa gros- seur. L'Allemagne doit nous l’envier. Les globes allemands, en effet, ne valent pas les cartes; ne les a-t-on pas vus, en grand nombre et de toutes les tailles, à Londres en 1862, à . Paris en 1867? Ils attirent l'œil par de vives couleurs, mais ils ne le retiennent pas par le dessin. Il en est plusieurs qui donnent le relief du sol, mais avec une exagération qui fait sourire, surtout quand on sait que la plus haute montagne du monde, le Gaurisankar, qui s'élève dans l'Himalaya à 8,840 mètres, doit, sur un globe d'un mètre de circonférence, ressortir à peine d'un quart de millimètre. Re LL 2 LR - è à Ql # à — 170 — Résumons cette étude déjà longue. La France, supérieure à l'Allemagne par ses découvertes, l'égale par ses livres et par ses globes, et ne lui est inférieure que par ses cartes. Encore cette infériorité est-elle toute mercantile, si je puis dire. Elle tient moins aux auteurs qu à ceux qui les emploient. Que les éditeurs apprennent donc à bien diriger leurs efforts, à utiliser les sacrifices qu'ils s'imposent. Qu'ils n'oublient pas surtout que la durée des publications les affaiblit et les discrédite. La géographie vieillit vite : elle change d'année en année, et sou- vent de mois en mois; il ne s’agit pas de la fixer, maïs de la suivre. Corriger et corriger sans cesse, remettre vingt fois sur la planche et le burin et la carte, abaisser les exigences, convier souvent le public à des échanges et à de nouveaux achats, c'est assurer le succès; agissons ainsi, et nous pourrons alors, comme à Gotha, faire briller une étoile sur le frontispice de nos atlas. 3 sftestl de NOTICE GÉOLOGIQUE SUR LE MONT-CHATELU PAR M. MAURICE DE TRIBOLET Docteur éês-sciences. Séance du 13 juillet 1872. Le Chätelu ou Chdtelot est une de ces localités comme la Perte-du-Rhône ou les marnières de Hauterive, renommées par l’abondance des fossiles qu’on y trouve. Connue de Bour- guet, l’auteur du Traité des pétrifications, du pasteur Cartier (de la Chaux-du-Milieu) son collaborateur, de Gagnebin {de la Ferrière), elle a été de tout temps visitée par les géologues franc-comtois et neuchâtelois qui venaient y recueillir des fossiles appartenant à un terrain envisagé alors comme le corallien. I nous a semblé que la prodigieuse abondance des fossiles qu'on y recueille et qui appartiennent à un horizon géologique encore peu connu dans le Jura, méritait de fixer l'attention. Puisse ce faible essai mériter l'indulgence des maîtres de la science et contribuer à faire avancer d’un pas la connaissance des terrains de notre Jura ! I Les premières notions géologiques sur le Mont-Châtelu sont contenues dans le Traité des pétrifications dont nous venons de parler. Dans les soixante planches qui accompagnent ce volume, il n’est pas difficile de reconnaitre un bon nombre d'espèces — 172 — provenant du Châtelu, où on les trouve encore en abondance. Bourguet lui-même signale dans son /ndice de divers endroits des quatre parties du monde où l’on trouve des pétrifications, le Châtelu, en Franche-Comté. M. le professeur Jaccard, dans sa Description géologique du Jura vaudois et neuchätelois (1), a présenté un aperçu accom- pagné d'un profil géologique des couches du Châtelu. Les listes des fossiles du Corallien et du Pholadomien (@) indiquent aussi un Certain nombre d'espèces de cette localité. I Le Mont-Châtelu est situé à une demi-lieue de la Brévine (canton de Neuchâtel) et se présente en quelque sorte comme une borne entre le territoire suisse et le département du Doubs, à la limite duquel il se trouve. Son point culminant est à 1,303 mètres au-dessus de la mer et ne domine que de 150- 200 mètres le vallon de la Brévine. Son versant nord, tourné du côté français, est abrupt et domine la profonde vallée du Doubs : aussi cette montagne est-elle renommée comme un site d'où l'on jouit d'une vue très étendue sur une grande partie du plateau franc-comiois et sur la partie méridionale des Vosges. Au point de vue orographique et suivant la nomenclature de Thurmann, le Châtelu n'est ni un crêt, ni une voûte, c'est un îlot resserré entre deux combes qui indiquent elles-mêmes l'axe de deux chaînons presque parallèles, l’un au N.-0., celui des Sarrazins, l’autre au S.-E., celui des Roussottes. Il s'élève entre une double combe, comme une île allongée et isolée de toutes parts. Il est séparé de toutes les hauteurs environnantes par des dépressions du sol plus ou moins prononcées. (1) Voyez page 201. (2) Voyez mème ouvr., pp. 204 et 207. Li dr) nat E OURS D 2 - À — 173 — Ses assises étant à peu près horizontales (1), il est évident que nous avons affaire à un relief produit par la dénudation et l'érosion des masses avoisinantes. C’est un Cas assez rare dans le Jura pour qu'il vaille la peine d’être remarqué. Nous ajouterous encore qu à quelques kilomètres plus à l'ouest se présente un autre relief assez accusé, le Grand-Mont, qui n’est autre chose qu'un lambeau de terrain jurassique supérieur, lequel a dû faire autrefois partie du massif du Châtelu; mais on n y remarque point les profondes déchirures qui minent constamment l’abrupt N.-0. de ce dernier. Ce sont ces accidents qui mettent à nu la tranche des couches, qui facilitent la désagrégation des fossiles que nous y trouvons, et qui nous permettent d'en faire une étude plus complète qu'il ne serai possible de le faire sur tout'autre point du pays. II En se dirigeant vers le Mont-Châtelu depuis la Brévine, on rencontre d'abord formant la surface du sol, la tourbe, qut dans cette vallée, paraîtrait reposer sur la molasse marine, d'autant que l’on peut en juger par les rares puits disséminés cà et là. A moitié chemin entre la Brévine et le chaînon des Rous- sottes, se trouve une source ferrugineuse assez fréquentée. Cette eau a la propriété de se décomposer très vite, ce qui la fait agir d'autant plus sur les maladies du sang. Selon toute probabilité, elle provient de la limonite du Valangien, qui, relativement, ne doit pas se trouver à une grande distance du sol. Au-dessus de cette source s'élève le chaînon des Roussottes, au pied duquel se trouve une petite carrière abandonnée, qui seule a pu me fournir des indications sur la direction et l'in- clinaison des couches de ce chaînon. Ces dernières plongent ici (1) Exactement elles sont inclinées d'environ 10° $.-0. 13 — 174 — S.-S.-E. et sont inclinées d'environ 35°. Le calcaire affleurant est brun - roux à l'extérieur, d’un blanc pur à l’intérieur. Sa cassure est conchoïde, un peu esquilleuse. La nature de la roche et les concrétions polypi-ou fucoïdiformes qui se trouvent à la surface des couches, caractérisent le Portlandien inférieur à Nérinées et dents de poissons. À quelque distance du sommet du chaînon, les couches en place affleurent de nouveau dans le pâturage. J'y reconnus le calcaire ptérocérien qui en forme la crête. De l’autre côté de la combe, entre les deux chalets du Châ- telu, affleure, dans un coin grand comme une table, un cal- caire grisâtre, argileux, d'une odeur de ciment, représentant du Pholadomien. Derrière la seconde ferme apparaît le calcaire astartien, dur, compacte, oolitique, à cassure conchoïde. Il contient quelques fossiles empâtés dans la masse, tels que Térébratules, Huîtres, Cidaris, Montlivaltia. Quoique les couches paraissent ici à première vue d'œil horizontales, elles sont réellement incli- nées de 10° au S.-O. Plus haut, non loin du sommet de la montagne, je rencon- trai le calcaire ptérocérien faisant suite à celui du chaïnon des Roussottes et incliné comme le calcaire astartien précédent de 10° $.-0. De à, redescendant dans la direction du Nid-du-Fol, je trouvai de nouveau le calcaire astartien. Remontant ensuite vers le sommet, j'observai non loin de ce dernier des marnes grises, alternant irrégulièrement avec d'autres marnes finement feuilletées. Ces marnes, que je retrouvai encore plus loin, sont situées à la partie supérieure de l’Astartien et sont séparées du sommet ptérocérien par un massif calcaire d'une puissance d'environ 5-6 m. Je trouvai dans ces marnes les fossiles suivants : — 175 — Serpula gordialis, Goldf. 2(1) Hinnites velatus, Orb. 3 Phasianella striata, Orb. 3 Ostræa nana, Et. 4 Perna astartina, Et. 3 Rhynchonella pinguis, Rœm. 2 Pecten lens, Sow. 2? Cidaris florigemma, Rœm. 2 Pecten subtextorius, Mü, 4 Cupulospongia, sp.? 1 L'identité du facies pétrographique et les fossiles me firent conclure l'analogie de ces marnes avec celles que je trouvai plus tard, où l’Apiocrinus Meriani se trouvait en masse. C'est ainsi que je nommai cette assise, marnes à Apiocr. Meriani. De là redescendant sur le Nid-du-Fol, je rencontrai un peu au-dessus des maisons, le calcaire astartien caractérisé par : Aslarte supracorallina, Orb. 3 Rhynchonella inconstans, Orb. 4 Lima astartina, Th. 2? Terebratula humeralis, Rœm. 2 Pecten solidus, Rœm. 2 Ce calcaire, le même que j'avais rencontré précédemment à deux reprises, apparaît immédiatement au-dessous des marnes à Ap. Meriani. Il est composé de couches épaisses et a une puissance d'environ 60 m. C'est lui qui, avec les marnes à Ap. Meriani et le petit massif calcaire qui leur est superposé, forme au Châtelu notre Astartien. Remontant vers le sommet de la montagne, je rencontrai pour la seconde fois les marnes à Ap. Meriani, séparant le grand massif calcaire inférieur du petit massif supérieur. Leur facies est tout à fait semblable à celui des précédentes. J y récoltai : . * (2) Serpula gordialis, Goldf. * Phasianella striata, Orb. Stomatia carinata, Orb. Pholadomya truncata, Ag. * Rhynchonella pinguis, Rœm. — sünilis, Ag. Terebratula suprajurensis, Th. 4 * Ostræa nana, Et. 1 l 1 2 Astarte suprajurensis Orb. 1 * Cidaris florigemma, Phill. 2 4 4 3 — cfr. quadrata, Et. — Sp.? Trigonia monilifera, Ag. — philastarte, Th. * Perna astartina, Et. Apiocrinus Meriani, Des. * Pecten sublextorius, Mü. Pentacrinus Desori, Th. * Hinnites velatus, Orb. Montlivaltia dilatata, E. et H. CO æè O1 C9 C9 ee me OT 9 O1 (1) 1 = Très rare; 2 = rare; 3 — assez commun, 4 = commun; 5 = très commun. (2) L'astérisque indique les espèces communes avec le précédent affleurement de ces marnes, Vends ni |. fée El, ZE ont NN fé PE ANS UE LR NROIETR Te l7 2 « D — 176 — Immédiatement au-dessus de ces marnes se trouve le massif calcaire supérieur qui atteint une puissance de 5 m. Une mince couche de calcaire un peu marneux, très oolithique et très désagrégeable, contenant une foule de petites Huïîtres, lui est superposée et forme le passage au Ptérocérien, dont les bancs calcaires forment, sur une épaisseur d'environ 20 m., le sommet de la montagne. La base du grand massif calcaire inférieur est formée par une couche de ? m. composée de marnes à l'extérieur bleuâtres, à l'intérieur grises, argileuses et très plastiques. Elles ne con- tiennent que des Pentacrines accompagnés de petites Huîtres et de radioles d'Oursins peu nombreux et relativement très rares. Je trouvai dans ces marnes, que je qualifie de marnes à Pentacrines, les fossiles suivants : Serpula subflaccida, Et. 1 Cidaris Parandieri, Ag, 2 Ostræa nana, Et. 2? Pentacrinus cingulatus, Mi. 5 — subnana, Et. 2 Balanocrinus (Pentac.) subteres, Hemicidaris crenularis, Ag. 2 Des. 5 Cidaris florigemma, Phill. 2 Notre Astartien du Mont-Châtelu se composerait ainsi de assises, qui du bas en haut sont les suivantes : QT 1. Marnes grises à Pentacrines. Puissance : ? m. 2. Grand massif calcaire inférieur à Ast. supracorallina et Rh. incons- tans. Puissance : 60 m. * 3. Marnes grises à Ap. Meriani. Puissance : 5 m. 4. Petit massif calcaire supérieur, analogue au n° ?. Puis$ance : 5 m. 5. Banc calcaire, un peu marneux; desagrégeable, composé d'oolithes et d'un triturat de fossiles. !Puissance : 1 m. Au-dessous de la première assise astartienne vient une couche calcaire de 1-1 1/2 m. Ce calcaire est à sa partie supérieure très dur et compacte et ne contient que très peu de fossiles, seulement quelques Rhynchonelles (R. pinguis, Rœm.). Il devient vers la base de plus en plus marneux et abonde en fossiles. Toute cette couche renferme beaucoup de fer sous la forme d'hydrate d'oxyde de fer en masses pulvé- rulentes, d’un brun-rouge, disséminées dans le calcaire en Yhr WI É — 177 — veines ou même en rognons. Sa partie inférieure est sur- tout caractérisée par des Coraux et par de grosses Pernes. C'est la couche à Coraux qui m'a fourni les fossiles sui- vants (1) : Annélides. (2) Serpula tricarinata, Goldf. 3 Serpula medusida, Et. 3 * — Ilium, Goldf. 3 *f— gordialis, Goldf. 4 — Filaria, Goldf. 2 * — lacerata, Phill. 2 Éd — Deshayesi, Mi. 5 Gastéropodes. + Chemnitzia athleta, Orb. ? _* Turbo princeps, Rœm. 2 * — Heddingtonensis, Orb. 2 — bicostatus, Et. 2 Nerinea, sp.? 1 — viviparoides, Rœm. 2 Natica Eudora, Orb. 2. *f — Meriani, Goldf. 2 — dubia, Rœm. 2 Pleurotomaria, sp.? 2 Nerila, sp. ? 1 Plerocera subbicarinala, Orb. 1 Trochus, sp.? il Pélécypodes (Acéphales). Goniomya major, Ag. 3 Cucullæa oblonga, Sow. 3 + Analina striata, Orh. 2? Arca subpectlinata, Phill. 2 Astarte communis, Zitt.et Goub. 4 Modiola scalprum. Goldf. - 3 Trigonia mazima, Ag. 4° Mytlilus jurensis, Mer. { * — monilifera, Ag. 3 — striatus, Goldf. 4 — clathrala, Ag. 3 * — subpectinatus, Orb. Lo Ft — Meriani, Ag. 2? Lithodomus socialis (3), Th. o Cardium fontanum, Et. 3 * Lima proboscidea, Sow. 3 Nucula Deialquei, Opp. ? *+f— rigida, Sow. 4 Isoarca mullistriata, Et. 2 Fe — semielongala, Et. (1) Je dois adresser ici mes sincères remerciments à M. le professeur Jaccard, qui a bien voulu me communiquer sa collection de fossiles du Mont-Châtelu, sans laquelle mes listes de fossiles n'auraient pu étre aussi complètes. (?) Les fossiles marqués d'une astérisque sont caractéristiques du terrain à chailles ou Corallien inférieur; ceux marqués d'une croix le sont pour le Corallien proprement dit ou Dicératien (Corall. sup.). (3) Ce fossile, très commun dans cette couche, forme des espèces de concrétions pyriformes couvertes pour la plupart du temps de Coraux ; ce qui le fait prendre à première vue d'œil pour une espèce de ces derniers- 7. SN À tite el Lutte apté OO ce Qu — 178 — Lima Salzgoviæ, Th. — notala, Goldf. — Bonanomii. Et. 2? *+ Pecten lens, Sow. 2? * — subfibrosus, Orb. 2 *f — solidus, Rœæm. “— tumida, Rœmn. 2 * + Hinnites velatus. Rœm. — læviuscula, Desh. 3 Ostræa nana, Et. * Gervilia aviculoides, Sow. 4 ff — subnana, Et. — tetragona, Rœm. l — cfr. suborbicularis, Rœm. Perna complanata, Orb. 5 — Sp.? — plana, Hartm. 5 Exogyra auriformis, Gf. — quadrala, Goldf. 5 — bruntrutana, Th. * + Pecten subspinosus, Sch. 3 — mulliformis, K. et D. 3 OT OT OT QU > es QT OU CO en 29 C0 L *T — articulaius, Sch. T — spiralis (1), Gf. *+ — sublextorius, Mü. 2 Brachiopodes. + Rhynchonella pinguis, Rœm. 4 *+ Terebratulainsignis, Ziet. 2 Terebratula suprajurensis, Th. 2? - *+ — humeralis, Rœm. 3 ° Ur Galliennei, Orb. 2 Echinodermes. "+ Cidaris florigemima, Phill. 5 Penlacrinus cingulatus, Mü. 3 — philastarte, Th. 4 * Balanocrinus (Pentacr.) subte- *f — Parandieri, Ag. 3 res, Des. 3 * Hemicidaris crenularis, Ag. 3 Polypiers. => * Ellhipsosmilia Thurmanni, Et. 1 Astræa, sp. ? * Montlivaltia dilatata, E.etH. 2? + Thamnastræa concinna, Et. 1: FT — subcylindrica, E. et H. Reel Vis microconos, Et. 2 Cladophyllia, sp.? Microsolena expansa, Et. il *+ Stylina decipiens, Et. _ Sp. ? l — lobala, Orb. Agaricia granulata, Michelin. 3 Calamophyllia, sp.? — boleliformis, Gf. l Anomophyllum Münsteri, Rœm Comoseris, sp. ? Il nee Cette faune de la couche à Coraux contient ainsi 92 espèces de fossiles, dont 31 sont caractéristiques du terrain à chaïlles et 26 du Corallien supérieur. Ces données paléontologiques nous forcent, peut-être à tort, à voir dans cette couche les (1) Ces 4 espèces d'Exogyres, ainsi que les 0. nana et subnana, sont si fréquentes dans cette couche, qu'elles forment à elles seules des bancs entiers disésminés çà et là. ‘ 'rttias sl = — 179 — deux divisions du Corallien représentées. Ce mélange des faunes a déjà été reconnu, en 1862, par un géologue allemand, M. Waagen, qui s'exprime à cette occasion, dans un de ses ouvrages, comme suit (1): « Dans le canton de Neuchâtel et dans les contrées voisines de la France, le Corallien supérieur ou Dicératien se trouve réuni au terrain à Chailles, de telle sorte que les deux faunes sont mélangées. » M. Jaccard, en mentionnant cette couche du Corallien infé- rieur, ne veut y voir que l'équivalent du terrain à chailles, en sorte que le Corallien supérieur ou Corallien proprement dit ferait défaut (?). L’Astartien reposerait ainsi, selon lui, immédiatement sur le terrain à chaiïlles ! M. Greppin veut voir dans cette couche de l'Astartien. Dans ce cas, le Corallien tout entier manquerait; car immé- diatement au-dessous de cette couche vient le Pholadomien. Si, comme le veut M. Greppin, le Corallien manquait au Mont-Châtelu, toutes nos faunes coralliennes du Jura neu- châtelois seraient aslartiennes et l’Astartien reposerait dans tout ce canton directement sur le Pholadomien. Au-dessous de cette couche à Coraux vient un banc de marnes bleuâtres, stériles, de 2-3 m. de puissance. Puis suc- cèdent des couches de calcaire marneux, grisâtre, contenant encoré quelques traces d'hydrate d'oxyde de fer, d'une puis- sance de { m., alternant très régulièrement avec des couches de marnes stériles. Ce sont ces couches marneuses affleurant sur le versant N.-0. de cette montagne qui rendent ce côté si marécageux. Les fossiles que je recueillis dans ces bancs calcaires sont les suivants : (1) Le Jura en Franconie, en Souabe et en Suisse, comparé d'aprés ses horizons paléontologiques; Munich, 1864, pp. 170 et 218. (2) Voyez ouvr. cité, p. 201. Serpula gordialis, Gf. 4 — 180 — Annélides. Serpula Deshayesi, Mi. — Îlium, Gf. 4 Céphalopodes. Ammoniles bipleæ, Desh. 3 Belemnites hastatus, Biv. — sp. ? 1 Gastéropodes. Natica globosa, Rœm. ? Pleurotomaria cfr. Münsteri, — plicata, Rœm. 2 Rœm. he cochlita, Th. 2? *Pleurotomaria Antoniæ, Et. Phasianella striata, Orb. 3 PBulla cfr. elongata, Phil. Turbo funiculatus, Phil. PE Pélécypodes (Acéphales). Pholadomya cincla, Ag. — læviuscula, Ag. — pelagica, Ag. — similis, Ag. — Protei, Ag. _ paucicosla, Ag. — exallala, Ag. — flabellata, Ag. — cardissoides, Ag. — cingulata, Ag. — birostris, Ag. Goniomya sulcala, Ag. — litlerata, Ag. Arcomya helvetica, Ag. — latissima, Ag. Pleuromya tellina, Orb. _ donacina, Ag. — varians, Ag. — recurva, Ag. Thracia pinguis, Ag. Gresslya sulcosa, Ag. Anatina helvelica, Desh. Gastrochæna gracilis, Et. — cfr. corallensis, Buv. Psammobia rugosa, Rœm. Tellina incerta, Th. Astarte vocetica, Mæsch. 3: NOUS ÉE CS & CC Co © à = © QG Co Go Co + Ê — communis, Zitt. et Goub. 3 Astarte Mayeri, Trib. — Couloni, Trib. Trigonia cfr. Bronni, Ag. — matima, Ag. — geographica, Ag. Lucina Elsgaudix, Th. Unicardium globosum, Ag. Area æmula, Phil]. — Contejeani, Et. — concinna, Phill. — sublerla, Et. — granulata, Mü. Pinna lanceolata, Sow. — fibrosa, Mer. Modiola, sp.? Mytilus sirialus, Gf. — imbricalus, Or. — longævus, Et. — subæquiplicatus, Gf. Lima rigida, Sow. — tumida, Rœm. — notala, Gf. — astartina, Th. — proboscidea, Sow. - Avicula argoviensis, Mæœsch. Pecten articulatus, Sch. — subcingulatus, Orb. Plicatula semiarmata, Et. = O0 = O9 M D OO RO Co Me r9 © me NO NO NO NO OU Ho > me M 9 NO 19 MONT- CHÂTELU. I. Dés AU N'O. Li(n. Dodivers & C1? à Besançon 2. so. D'ÉMUL" DU DOUBS. 1872 à MONT- CHÂTELU. 1 . CE Prof. I. Couvre ou Mont Cuärezu, DE LA BRÉVINE aux CRASs. Prof. IL Coure ou Monr-Cunärezu pu S:E au N-0.. Lith Doaïvers & C# à Besançon SOC. D'ÉMUL'DU DOUBS, 1872. | MONT- CHÂTELUII. g Ce Terrains. | Caractéristique. S Ptérocérien (|20” F3 Calc. massif (0) (vi) | NES | qu EE ———— Calc. desagrééeabtle. (9) De id Calc. massif sup. (®) o = Marnes à Ap.Merianc. (7) Aslartien 2jitee) ÉNRS HR re ( v) Cale. massi[ in{ (6/ are) > Marnes à Fentacrines (5, Corallien Qlv) M2 | Cale. marr ferruginenxr ( 4) Calc marneux alternané À régulièrement avec desbanes de marnes slertles(5) D HEDeUp Ne = rs (In) \ ST Pholadomien inférieur. AUPAR Cale fydraulique(2) (n) Calc maerreux(Z/ Spongitien. |10mÉ (1) LE Prof. II. PrRoriL THÉORIQUE pes Coucxes DU MonNT-CHÂTELU. PISE re rés 20 A AT SAONE TBGOLA S Go #! RAM art (En ce #3 apart a ou, Eu bo AT ANTON QE RIMINSSnT à 48 + nations -nfañof PR ATOUT SU 2 € 0 AIT NONNE INDE LNSNNIIQS Eee 2 C2 ao post : RATE r0 sir AS dsl € à Mutons ENT sad ofiol hadi EL ateunn | VOL D 46 hé LEE Ur ét tir Ai ait Luc AT NE NAS moin), eb6qored esyroBslon ne AO'LT è é (HOT OUT) ES ee ee EE Re ui035400% ‘AI Ÿ NHIMUMA ‘seg-SÂq S0p ‘S *SOTISSOJ SUES 79 ON bISBLBAJUI 2S04pP |" * *UOISSOA S919 ‘A ‘UIUY np 9WAISÂS ‘AUUAS VT *AUIOT-LA-ANOVS — 227 — Loire, représentent les divers étages des terrains houiller et permien. La formation que nous désignons sous le nom de schistes d'Autun se compose de schistes bitumineux intercalés dans une masse de poudingue et d’arkose ayant près de 100 mètres d'épaisseur et accompagnés quelquefois d'une mince assise de calcaire gris compacte. Cette formation renferme deux bancs de houille de mauvaise qualité. Elle repose en stratification concordante sur le terrain houiller auquel elle semble se rat- tacher par des alternances. Il existe pourtant, outre cette for- mation et le terrain houiller, une discordance d'isolement indiquant qu'après le dépôtde ce dernier terrain, le bassin qui l'avait recu s'est un peu déplacé vers le nord. La flore des schistes d'Autun se distingue de celle du terrain houiller ; elle renferme des conifères silicifiés, des psaronites ; les fou- gères persistent, mais les Sigillaria manquent et les Walchia deviennent plus répandues. L'abondance des Palæoniscus dans les schistes d'Autun achève de leur imprimer un faciès par- ticulier qui ne permet pas de les confondre avec le terrain houiller. La ressemblance des schistes d'Autun avec ceux de Thuringe les avait d'abord fait considérer comme en étant l'é- quivalent ; mais actuellement les géologues sont d'accord pour les placer entre le terrain houiller et le grès permien. Dans le bassin de Saône-et-Loire, l'horizon des schistes d'Autun est représenté par des grès grisâtres, micacés, alter- nant avec des argiles brunes et des schistes bitumineux. Ces roches, qui renferment des débris de Walchia Scholtheimii et de W. hypnoïdes, forment une assise qui a été rencontrée no- tamment dans un puits foncé à Charmoy. La formation des schistes d'Autun (dont l'existence à la Serre reste indécise jusqu'à ce que les travaux entrepris pour la recherche de la houille aient été terminés) doit se retrouver dans les Vosges ou du moins à Ronchamp. Dans cette der- nière localité, non seulement on n'aperçoit pas de discor- dance de stratification entre le terrain houiller et le grès per- di elec Mt CS re à mit — 228 — mien, mais, en outre, on constate un passage insensible entre les deux. Ce passage est établi par des grès colorés en rose violacé comme ceux du grès permien, et alternant avec des schistes noirâtres prenant de plus en plus le faciès de ceux du terrain houiller. Cette circonstance indique que l’ac- tion sédimentaire n'a pas été suspendue, aux environs de Ronchamp, entre l'époque houillère et l'époque permienne; sur ce point, l'horizon des schistes d’Autun doit être repré- senté, et il ne peut l'être que par les couches de passage du terrain houiller au terrain permien. Le terrain permien dans le bassin jurassien; zone mor- vando-vosgienne de terrain paléozoïque. — [Le terrain per- mien manque dans les Alpes ou du moins dans la partie des Alpes voisine du Jura; il n'existe pas non plus dans la partie orientale du plateau central. Mais il se montre largement développé dans les Vosges, à la Serre et dans le département de Saône-et-Loire. Si nous appliquons la méthode dont nous nous sommes servi jusqu à présent, nous en conclurons que le terrain permien occupe, vers la partie nord-occidentale du Jura, une zone qui ne s’avance qu'à une faible distance au- dessous de ce massif, et qui, probablement, n'atteint pas le Jura méridional. D'après les faits que nous venons de rappeler, on peut dire que, dans Le bassin jurassien, les assises qui appartiennent au terrain paléozoïque n'existent que dans sa partie nord-occi- dentale. Ce mode de répartition est en rapport avec divers mouvements du sol dont nous allons rendre compte et qui se sont accomplis, pendant la seconde moitié de la période paléo- zoïque, entre les Vosges et le Morvan. On a vu que, pendant toute la période paléozoïque, le bassin jurassien avait été émergé. Pourtant, dès le commencement de la période houillère, un affaissement du soLavait com- mencé à se manifester dans une zone qui se prolongeait des Vosges jusque dans le département de Saône-et-Loire, et qui RE DT à DS OS ET QE I A eee Ua EG Cglie SS PT NI PT € NS Vies PE NET EE RE TORTUES = 999 — pourrait être distinguée sous le nom de zone morvando-vos- gienne. Il en est résulté une dépression ou vallée orientée dans le sens du système du Hundsrück (E. 31° N. — O.31° S.) — Dans cette vallée se sont d'abord établis les bassins maréca- geux correspondant aux gisements houillers de Saône-et- Loire et de Ronchamp, ainsi qu'aux autres gisements dont l'existence peut être soupconnée dans la zone intermédiaire. Vers le commencement de la période permienne, cette dé- pression s’est agrandie ; elle a acquis assez de profondeur pour que les eaux océaniennes l’aient envahie. Plus tard, elle a éprouvé vers Le sud une légère extension et alors elle a recu le terrain représenté par le grès vosgien et l’arkose sans fossiles de la Serre et de Saône-et-Loire. Lors de la période permienne, cette dépression était en- tourée d'un vaste continent, comprenant non seulement le Jura, mais aussi la France presque tout entière. Que se pas- sait-il sur ce continent ? Les lacs où la houille s'était accu- mulée avaient disparu, ou du moins, les sigillaires, cause essentielle de la formation de ce combustible, avaient cessé de faire partie de la flore terrestre. Les calamites continuaient à croître dans les marais, qu'entourait une zone de fougères, tandis qu’au delà, vers les hauteurs, les conifères et surtout ceux du genre Walchia constituaient de grandes forêts. Le Jura était, comme pendant les époques antérieures, le siége de phénomènes d'érosion très énergiques; les produits de ces dénudations étaient entraînés par le cours d’eau dans la mer permienne dont nous venons d'indiquer l'emplacement. Ce sont ces débris que nous retrouvons dans le nouveau grès rouge et le grès vosgien; ils en forment le principal élément pétrogénique. L'absence ou du moins la rareté de débris d'animaux dans le nouveau grès rouge, ainsi que dans le grès vosgien, nous autorise à penser que les mers successives où se sont déposés ces terrains étaient défavorables au développement de l’orga- nisme. Cet état de choses était dû aux émanations pétrogéni- J de Can le Me sea ein 5 TC ac Me 2 ae 40 Ode di dl 5 e Rir D S: s TR PAT OP PET D RL DU 2 FE VAT — 230 — ques et métalhifères qui fonctionnaient avec une grande énergie pendant les périodes permienne et vosgienne. Mais probablement d'autres causes intervenaient pour s'opposer à ce que des animaux vécussent dans la mer permienne. Cette mer formait sans doute un bassin étroit et allongé comme la mer Baltique ; elle recevait comme elle un grand nombre de cours d'eau qui rendaient les eaux saumâtres, ou mieux tantôt douces, tantôt salées, et, par conséquent, dans tous les cas, plus ou moins impropres aux manifestations vitales. Cet état de choses devait remonter à l’époque des schistes d'Autun, qui ne renferment d’autres débris organiques que ceux des Palæoniscus ; or, les Palæoniscus étaient des poissons qui, par leur organisation, se rapprochaient beaucoup des esturgeons et, comme eux, vivaient indifféremment dans l’eau douce ou dans l’eau salée. Une dernière cause achevait de rendre cette mer permienne complétement inhabitable : c'était l'agitation de ses eaux, attestée par la nature des sédiments qu'elle a reçus. « Le terrain permien doit former une nappe qui se prolonge sans solution de continuité depuis les Vosges jusque dans Saône-et-Loire, car on le retrouve largement développé à la Serre (1). (1) « Dans la partie inférieure du grand dépôt arénacé des Vosges, on observe des couches qui diffèrent très notablement du reste de la masse, à laquelle ils se lient cependant par une dégradation insensible des caractères et par la continuité de la stratification. Elles sont moins solides et contiennent peu ou point de ces galets de quartz arrondis qui se font si généralement remarquer dans le grès des Vosges. Leurs élé- ments sont ordinairement plus grossiers, moins bien agglutinés et plus diversement colorés que dans le restant de la masse. Souvent leur cou- leur rouge est plus foncée, et souvent aussi elles offrent des parties jaunes ou d'un gris blanchâtre. Certaines couches sont presque argi- leuses, et présentent des strates fissiles et couvertes de mica blanchâtre, qu'on ne rencontre que très rarement dans le grès des Vosges propre- ment dit, mais qu'on retrouve en abondance dans le grès bigarré. Cette partie inférieure du dépôt arénacé des Vosges a une ressemblance frap- pante avec le rothliegende des Allemands. » (Elie bE BEAUMONT.) ; + PRESS QE PONT MONTS FL ESA" MT DL PONT Te." À TENTE PR PS AN TORES, ER * 2 a E — 231 — D'après un travail récemment publié par M. Ledoux, ingé- nieur des mines, il présenterait sur ce dernier point les mêmes caractères pétrographiques qu'à Ronchamp, et sa puis- sance serait de 600 mètres, tandis que, d’après Thirria, ce terrain n'aurait que 300 mètres d'épaisseur dans la Haute- Saône. r Enfin, le terrain permien se prolonge jusque dans le dépar- tement de Saône-et-Loire, toujours sous la forme de grès à Walchia. Au-dessus du terrain permien se place, dans les trois ré- gions que nous avons en vue, la formation constituée par le grès vosgien. Celui-ci, d'après Thirria, diffère. du grès bi- garré par le peu d'abondance de son ciment, par l'absence de tout débris d'être organisé, par la présence de cailloux de quartz dans la plupart de ses assises, par son défaut d’alter- nance avec des couches d'argile et par la rareté du mica. Il diffère du grès rouge par sa plus grande consistance, par le défaut d'alternance avec des couches d’argilolite, et par l'ab- sence de taches noires dont est parsemé le grès rouge dans ses assises supérieures. Ajoutons que le grès vosgien et les forma- tions entre lesquelles il est intercalé sont encore séparés par des discordances d'isolement. Au grès vosgien correspond, à la Serre et dans Le départe- ment de Saône-et-Loire, un terrain qui possède à peu près tous ses caractères pétrographiques, qui est, comme lui, totale- ment dépourvu de fossiles et que l’on désigne sous le nom d'arkose. L'absence de débris de corps organisés dans cette arkose et sa situation géognostique ne permettent pas de la confondre avec les arkoses qui se montrent à d’autres niveaux géologiques. Nous ferons remarquer l'absence du zechstein, tout au plus représenté dans les Vosges par un banc qui a 3 à 4" d'épaisseur et qui est formé de rognons dolomitiques. L'absence du zechstein, dans la contrée que nous avons en vue, est-elle réelle ou apparente ? Si le zechstein s'y trouve, n'existe-t-il ae L NW t — 232 — qu'à l'état rudimentaire, ou affecte-t-il un faciès différent de celui qu'on lui connaît en Allemagne ? C’est une question du même ordre qui se présentera de nouveau à notre examen lorsque nous parlerons du trias et de l'infralias. Nous croyons devoir en différer l'examen, jusqu'à ce que nous puissions la traiter en nous plaçant à un point de vue gé- péral. Substratum du bassin jurassien. Roches éruptives. — D'a- près les faits que nous venons de rappeler, on voit que le substratum de la formation géogénique correspondant au bassin jurassien, est essentiellement constitué par le granite, le gneiss et les schistes cristallins, terrains qui entourent l'é- corce terrestre d'un revêtement continu. Il se complète par la superposition au terrain azoïque : 1° d’un lambeau de terrain dévonien et carbonifère qui, partant des Vosges, s'avance jusqu’à une faible distance au-dessous du Jura ; 2° de quel- ques bassins houillers répartis çà et là ; 3° d'une zone de grès rouge et de grès vosgien qui doit pénétrer au-dessous de la partie nord-occidentale du Jura,et qui des Vosges se dirige vers le département de Saône-et-Loire. Sur ce substralum se place le premier terme de la série des terrains du bassin juras- sien ; ce premier terme est Le trias dont nous parlerons dans le chapitre suivant. La période paléozoïque a été, pour le bassin jJurassien, une première période d'émergement pendant laquelle il n'a reçu presque aucun dépôt. Aucun terrain de sédiment n'a pu sy constituer de manière à conserver la trace des événements qui s’y sont accomplis. S'il nous est donné de nous faire une idée de la longueur des temps correspondant à cette période, ce n’est qu'en tenant compte de ce qui s’est passé dans des con- trées plus ou moins éloignées. IL est seulement permis de se représenter les érosions énergiques et persistantes auxquelles le sol de la contrée qui devait devenir le bassin jurassien a été soumis pendant de longs siècles géologiques. De nombreux 0 — 233 — débris de roches, pour la plupart antérieurs à la période paléozoïque, et ne pouvant appartenir qu'aux terrains grani- tique et strato-cristallin, ont dû s’accumuler dans les dépres- sions du sol, sous forme d’alluvions et de dépôts terrestres qu'on ne saurait retrouver en place quand bien même il serait possible d'observer ce qui se passe au-dessous des formations postérieures. Ces anciens terrains de transport ont été dé- truits et remaniés par les eaux de la mer triasique au moment où elle a envahi le bassin jurassien. | Dans ce chapitre, je n'ai eu en vue que les roches sédimen- taires ; ce serait trop m'éloigner du but de ce travail que de m'occuper des roches éruptives. Ces roches n'apparaissent pas dans le Jura. Si l’on fait abstraction de la petite région de la Serre, on peut même dire qu’elles manquent également dans les contrées limitrophes. Elles ont surgi exclusivement sur le pourtour du bassin jurassien, dans les Alpes, les Vosges, le Morvan, etc. Elles se montrent, par conséquent, sur des points assez éloignés du Jura pour que nous n’ayons pas à. les énu- mérer ici. Les actions éruptives sont des phénomènes dont le géologue jurassien n’a pas à se préoccuper. Il peut se borner à savoir de quelles régions proviennent les débris de roches éruptives qu'il retrouve parmi les matériaux diluviens charriés dans le Jura. Plus tard, nous pourrons porter un instant notre attention sur les époques d'apparition de roches éruptives ; ce sera dans une des Etudes que nous comptons consacrer à la stratigraphie systématique du Jura. Mais l'examen au- quel nous nous livrerons sera suffisamment justifié par la né- cessité de bien déterminer l’âge relatif des lignes stratigraphi- ques qui traversent le bassin jurassien. VAT ZA Ve N “Ris ‘dé — 234 — Tableau III. TERRAINS Infraliasique.…. iasique. Tri KEUPER... —— JURA NORD-OCCIDENTAL. A HR B. Groupe du gypse. * +: Calcaire cloisonné, dolomitique. Schistes bitumineux à Posidonies. Grès et arkose infraliasiques. Argiles irisées supérieures ou à reptiles. Gypse supérieur. Troisième banc de dolomie. Gypse moyen. Aroiles lie-de-vin. Deuxième banc de dolomie. Lignite du keuper. Gypse inférieur. Premier banc de dolomie. À. Groupe du sel gemme. MuscHeLkaLk (CALCAIRE CONCHYLIEN). GRÈS BIGARRÉ (BUNTER-SANDSTEIN). Vosgien (Grès vosgien ; arkose sans fossiles). Cu — 235 — CHAPITRE II TERRAIN TRIASIQUE. — INFRALIAS. Division du trias en étages. — On sait que l'expression de trias a été introduite dans la science par d'Alberti qui, en 1834, après avoir étudié le bunter-sandstein, le muschelkalk et le keuper dans le Wurtemberg, démontra qu'ils forment un seul et même ensemble qui reçut de lui, à cause de sa compo- sition ternaire, le nom qu'il porte aujourd'hui et dont il faut oublier la signification première. Cette disposition ternaire, que le trias présente en France comme en Allemagne, n'existe pas en Angleterre, où le trias se montre plutôt divisible en deux groupes. Dans le massif alpin, et notamment dans sa partie orientale, le trias possède, de même que dans d’autres contrées de l'Europe, un quatrième terme, ayant pour types le calcaire de Saint-Cassian et les couches de Hallstadt. C'est la disposition ternaire qu'offre le trias du Jura, du moins sur les points où il se montre à découvert, c'est-à-dire dans sa partie septentrionale et occidentale. Maïs cette dispo- sition doit se modifier à mesure que le trias, passant sous le Jura, se rapproche des Alpes. Ce qui nous porte à penser qu'il en est ainsi, C'est que le terrain triasique des Alpes et celui du Jura s'étant déposés dans la même mer doivent former une masse continue. Tous les termes de la série triasique des Alpes sont certainement représentés dans le Jura. C'est ce que l'on est contraint d'admettre, à moins de supposer que cette der- nière région était émergée lorsque se déposait ailleurs le qua- trième terme de la série triasique. Or rien ne vient confirmer cette hypothèse. Lorsqu'on observe minutieusement le passage du terrain triasique au lias, on voit que rien n'indique, entre l’un et és hit, Di te: = 26 l'autre de ces terrains, aucune suspension dans l’action sédi- mentaire. Mais 1l est probable que, vers la fin de la période triasique, la mer avait très peu de profondeur dans le Jura. Les dépôts qui s'y constituaient étaient très minces, soumis à des destructions locales et partielles. Si l’action sédimentaire n a pas été suspendue dans ces contrées pendant la quatrième époque du trias, elle y a été considérablement ralentie. Le terrain représentant cette quatrième époque y existe, mais à l'état rudimentaire. Caractères généraux du terrain triasique. — Les caractères pétrographiques du trias sont la conséquence de l'énergie avec laquelle, pendant qu'il se déposait, l’action détritique et l’ac- tion geysérienne se sont manifestées en même temps. Ce ter- rain se compose, dans des proportions qui varient pour chaque région et pour chaque étage, de grès, d'argiles, de conglomé- rats, c'est-à-dire de roches détritiques, et de dolomies, de calcaires, de gypse et de sel gemme, c'est-à-dire de roches résultant d’une sédimentation chimique. L'abondance des roches détritiques dans le trias est sans doute en relation avec le climat de la période triasique, climat qui devait être très pluvieux et relativement froid. Mais le. nombre et le volume des éléments détritiques existant surtout à la partie inférieure du trias dépend aussi, ainsi que nous l'avons fait remarquer, des conditions qui ont présidé au dépôt des premières assises de ce terrain. Nous avons déjà parlé des érosions énergiques et persistantes auxquelles le sol du bassin jurassien avait été soumis pendant la période paléozoïque. De nombreux débris de roches antérieures à cette époque et appartenant pour la plupart aux terrains granitique et strato- cristallin, ont dû, après s'être accumulés dans les dépressions du sol sous forme d’alluvions et de dépôts terrestres, être repris et remaniés par les eaux envahissantes de la mer triasique. Pendant que l’action détritique amenait la formation de couches puissantes et nombreuses, l'action geysérienne fonc- — 237 — tionnait avec énergie et apportait aux roches triasiques les éléments qui leur donnent leurs nuances vives et variées. Des sources d’eau très chaude jaillissaient à la manière des geysers et des soffioni, et se montraient sur un grand nombre de points, sur le sol émergé aussi bien que sur le sol immergé. Elles étaient par moments saturées de sel gemme et de sulfate de chaux, et le gypse ainsi que le chlorure de sodium qu'elles entraînaient, étaient mélangés de matières boueuses. Ces sources, en élevant la température des eaux océaniennes au milieu-desquelles elles jaillissaient, et en y répandant des émanations nuisibles aux animaux, se sont opposées aux ma- nifestations vitales sur un grand nombre de points, et c’est là sans doute la cause de l'absence ou de la rareté des fossiles dans le keuper du Jura. Nous venons d'indiquer les caractères généraux du terrain triasique considéré dans son ensemble. Mais ces caractères éprouvent d'une contrée à l’autre des variations que l'on peut exprimer : 1° en indiquant comment, dans certains pays, l'action détritique a prévalu sur l’action geysérienne, tandis que l'inverse a eu lieu sur d’autres points; 2° en recherchant, lorsque l’action géysérienne a prévalu, dans quelles conditions elle a fonctionné. Dans le trias de la partie occidentale de l'Europe, il y à prédominance des argiles, des grès et des conglomérats, tandis que les dolomies et les calcaires ne jouent, dans la constitution pétrographique de cette région, qu'un rôle secondaire. Le terrain permien y donne lieu à une remarque semblable. De là l'absence du zechstein au milieu du système permien, et celle du muschelkalk au milieu du trias. Dans un des cha- pitres suivants, nous essaierons d'indiquer les causes qui ont imprimé leurs principaux caractères pétrographiques aux diverses formations qui, dans l'Europe occidentale, appar- tiennent au système permien et à la série mésozoïque. Dans l'Europe centrale, les roches détritiques et les roches d'origine geysérienne ont coopéré, à peu près par égale part, — 238 — à la formation des ‘strates triasiques. I en est à peu près de même pour le bassin jurassien; mais, dans ce bassin; l’action seysérienne semble s'être manifestée, lors de l'époque keupé- rienne, avec une grande énergie et peut-être même dans des conditions particulières. Ce qui nous conduit à penser ainsi, c'est l'abondance des amas de gypse et de sel gemme dans le keuper du Jura occidental; c'est aussi et surtout l'absence presque complète, dans ce terrain, des débris de corps orga- nisés. Dans la région des Alpes, et surtout dans sa partie orientale, l’action geysérienne a présenté une certaine inten- sité, mais elle s'y est manifestée dans des conditions qui ne s'opposaient nullement au développement de l'organisme. La faune triasique du Tyrol et de la Lombardie est, en effet, d’une grande richesse. Dans cette région, l’action geysérienne a fonctionné comme elle devait le faire plus tard, pendant la période jurassique, dans le bassin jurassien, c'est-à-dire en déterminant la formation de puissantes assises calcaires. Le trias dans la partie occidentale et septentrionale du bassin jurassien. — Dans le nord-est de la France et dans les Vosges, le trias présente les mêmes caractères qu'en Allemagne. Nous ne pouvons mieux faire, pour donner une idée de sa consti- tution géognostique, que d'emprunter à M. E. de Beaumont la description suivante : « La partie inférieure du grès bigarré est composée d'un grès a grains fins, le plus souvent d'un rouge amaranthe, contenant de petites paillettes de mica disséminées irréguliè- rement. Ces premières couches sont fort épaisses et fournissent partout de très belles pierres de taille. En s'élevant davantage dans la formation, on en trouve de plus minces, qui sont exploitées pour faire des meules à aiguiser. Plus haut encore, il en existe de très minces et de très fissiles, qu'on exploite comme dalles pour paver les maisons et comme ardoises pour les couvrir. Elles deviennent quelquefois très peu consistantes, et passent même à une argile bigarrée qui est employée comme — 239 — terre à brique. Les assises supérieures de la formation du grès bigarré renferment souvent des couches peu épaisses de cal- caire marneux et de dolomie, premiers rudiments d’un système de couches qui lui est superposé. À mesure qu'on s'élève, ces couches sont plus rapprochées et finissent par remplacer entiè- rement le grès. La formation du muschelkalk se compose généralement d'un calcaire compacte gris de fumée, tantôt à cassure conchoïde et tantôt à cassure unie en grand et inégale en petit. Les assises supérieures de cette formation présentent fréquemment une marne schisteuse grise qu'on voit, en s'éle- vant, prendre une teinte verdâtre de plus en plus décidée. Bientôt la disposition schisteuse diminue, la teinte verdâtre devient de plus en plus prononcée, et est interrompue cà et là par des taches rouges. C'est alors qu'on passe aux marnes irisées, qui se composent ordinairement d’une marne bigarrée de rouge lie de vin et de gris verdâtre ou bleuâtre, qui se désagrége en fragments à formes conchoïdes, dans lesquels on ne reconnaît aucune trace de disposition schisteuse. Vers le milieu de l'épaisseur des marnes irisées, on rencontre cons- tamment un système composé de couches d'argile schisteuse noirâtre, de grès à grains fins et terreux, de couleur gris bleuâtre et d’un rouge amaranthe, et de dolomie compacte, grisâtre ou jaunâtre, à cassure esquilleuse, quelquefois cellu- leuse. Les couches de grès et d'argile schisteuse renferment souvent des couches de combustible; quant aux masses de sel gemme, elles sont situées pour la plupart dans la partie infé- rieure des marnes irisées. On remarque aussi des masses de gypse à cette hauteur, tandis que d’autres, moins constantes, se montrent dans la partie supérieure du système. » (Explica- tion de la carte géologique de France.) Si l’on s'éloigne des Vosges pour se diriger vers la partie septentrionale et occidentale du Jura où se montrent les seuls affleurements de trias appartenant à l’intérieur du bassin juras- sien, on voit persister les caractères généraux qui viennent d'être indiqués. Ge qui varie, c’est la puissance de chacun de PR PA OT PRE IR CET I LR ET SC OS EU TRE ed OR Eee he — 240 — ses étages, et l’on constate que leur épaisseur augmente à mesure que l'on s'éloigne du massif vosgien. C'est ainsi que la puissance du grès bigarré et du muschelkalk qui n’est, dans la Haute-Saône, que de 20 mètres pour le premier et de 15 m. pour le second, atteint, à la Serre, 30 et 35 mètres. Dans la Haute-Saône, le keuper a 80 mètres d'épaisseur, 120 environ dans le nord de la Suisse et plus de 200 dans le département du Jura. Nous dirons tout à l'heure quelques mots du trias du Jura nord-occidental. Auparavant, continuons cette revue du ter- rain triasique en suivant les bords du bassin jurassien. Nous retrouvons le trias dans le département de Saône-et- Loire, mais son aspect est un peu modifié. On y constate l'absence du muschelkalk, et ce caractère qui a déjà attiré notre.attention persiste le long d'une zone qui, du Morvan, se prolonge jusqu'en Angleterre. Le keuper renferme du gypse exploité, mais non du sel gemme, comme en Franche-Comté. Des lambeaux de terrain triasique existent dans le Lyon- nais : il semble y prendre quelques-uns des caractères qu'il présente dans les Alpes. « Sa puissance varie de 20 à 60 mètres. Il se compose de grès passant tantôt à l'arkose, tantôt au macigno. Des marnes panachées de rouge, de vert et de violet, solides ou friables, accompagnent ces grès. Le trias des environs de Lyon comprend, en outre, des calcaires magné- siens, roses, rouges ou jaunes et mouchetés de manganèse, qui se montrent surtout vers la partie moyenne du terrain auquel ils se rattachent et qui forment quelquefois des bancs solides et puissants. » (LEYMERIE et FOURNET.) Le trias dans le massif alpin. — C'est M. Fournet qui, le premier, a signalé, d'abord en 1843, puis en 1850, l’exis- tence du trias dans les Alpes; c’est à M. Escher et surtout à M. Favre qu'il faut-attribuer l'honneur d’avoir mis hors de doute, par des observations précises, l'existence de ce terrain dans ce pays. « J'ai pris dans les Alpes de la Savoie, dit — 241 — M. Favre, un certain nombre de coupes parfaitement nettes et bien établies, qui démontrent avec une grande évidence la présence d’un groupe de couches dans lequel on retrouve les caractères des terrains triasiques des autres régions. Le trias, dans les Alpes, est immédiatement placé au-dessous de l’in- fralias et au-dessus du terrain houiller. Il peut se décomposer en quatre groupes qui sont de bas en haut : « 1° un grès sili- ceux que l'on nomme arkose et dans lequel. on voit presque toujours des fragments de quartz rose. Ce grès a beaucoup de rapport avec les roches qui, dans les diversès’ parties de la France, sont classées dans le trias; 2° une mince‘couche d’ar- doise qui manque souvent; 9° un schiste argilo-ferrugineux vert et rouge; il ressemble beaucoup aux marnes irisées quoi- quil soit plus dur; 4° un groupe comprenant du gypse, de l’anhydrite, du sel gemme et des cargneules comme dans le keuper de la France. » ._ Le nom de M. Favre fait autorité en ce qui concerne la géologie des Alpes; nous pouvons donc adopter sans réserve sa manière de voir et en tirer la conclusion suivante. Il n’y a rien de téméraire à considérer chacun des trois premiers groupes comme Correspondant respectivement au grès bigarré, au muschelkalk et aux marnes irisées. Pour le premier et le troisième groupe, certaines relations pétrogra- phiques autorisent même ce rapprochement. Dans le trias, de la Savoie, un quatrième terme commence à se montrer d'une manière plus nette que dans le Jura; c'est la conséquence de ce que la Savoie est plus rapprochée de la Lombardie, où l'existence de ce quatrième terme est incontestable. Enfin, le sel gemme, qui dans le Jura appartient évidemment au terrain keupérien inférieur, se placerait dans la Savoie à sa partie supérieure, ce qui n'a pas lièu de nous étonner, puisque des argiles salifères et de petits amas de sel gemme se trouvent dans les dernières assises du trias du Wurtemberg. M. l'abbé Stoppani, dans sa Paléontologie lombarde, a mon- tré que, sur les deux versants des Alpes, en Savoie comme en D AELS — 242 — Lombardie; tous les terrains compris entre le lias et le terrain houiller inclusivement et, par conséquent, le trias lui-même, présentent des caractères stratigraphiques, pétrographiques et paléontologiques complétement semblables. Des grès arkoses, les poudingues rouges à grains de quartz (de Sales), les grès rouges schisteux de Servino, des quartzites, forment, en Lom- bardie comme en Savoie, un même ensemble à la base du trias ; c’est le bunter sandstein. Les schistes ardoisiers du col de la Roue et les calcaires, ainsi que les schistes qui les accompagnent en Savoie, correspondent, en Lombardie, à la dolomie dite inférieure, au marbre de Varenne et aux schistes à poissons de Perledo; ces divers dépôts représentent le mus- chelkalk. Les schistes argilo-ferru2ineux de la Savoie ont pour termes correspondants, dans la Lombardie, les grès panachés et les calcaires marneux de Gorno et de Dossena et se placent avec eux au niveau des marnes irisées. Enfin, le quatrième groupe du trias alpin est constitué, en Lombardie, par le calcaire à faune d’Esino et par la dolomie moyenne placée entre ce calcaire ef la zone à Avicula contorta. Le terrain triasique dans le contre du bassin jurassien. — La nappe de terrain triasique qui, ainsi que nous venons de le voir, se relève vers les massifs montagneux, est partout cachée, dans le centre du bassin jurassien, sous les formations postérieures. Sur quelques points seulement, les forces anté- rieures ont agi avec assez d'énergie pour la mettre à décou- vert. Ces points s'échelonnent les uns à la suite des autres le long d’une zone qui accompagne la lisière occidentale et sep- tentrionale du Jura. Le trias n'y apparaît avec ses trois étages que dans la partie nord-occidentale du Jura et à la Serre que l'on peut rattacher à la zone dont il vient d'être question; partout ailleurs il n’est représenté que par la partie supérieure du keuper. Nous terminerons ces considérations générales relatives au trias, par quelques mots sur le keuper du Jura nord-occidental et sur la nappe de sel gemme qui lui est sub- ordonnée. — 243 — Le keuper du Jura nord-occidental nous semble pouvoir être divisé en deux groupes caractérisés : le groupe inférieur, par la présence du sel gemme, et le groupe supérieur, par l'a- bondance du gypse. Le groupe inférieur, dont l'épaisseur moyenne est de 80", ne se montre à découvert que sur deux points : à Laffenet, au pied du Mont-Poupet, du côté du sud, où il est recouvert par la végétation, et aux Nans sous Gardes-Boïis (Jura). Il est- formé de marnes salifères mélangées de petits lits de calcaire dolomitique et de gypse. Vers la partie inférieure de ce groupe, des bancs nombreux et puissants de sel gemme alter- nent avec les marnes salifères. Le groupe supérieur, dont la puissance est de 120 mètres environ, peut se diviser en trois assises débutant chacune par un ou plusieurs bancs de dolomie et renfermant une zone où le gypse se montre tantôt sur un point, tantôt sur un autre. La première assise, ou assise du lignite, après avoir débuté par un banc de dolomie, supporte des amas de gypse exploité dans quelques localités du département du Jura. Elle est ca- ractérisée et se termine par une ou deux couches de lignite dont l'épaisseur totale ne dépasse pas 1" 50, et se réduit sou- vent à quelques centimètres. C’est ce lignite que l'on désigne quelquefois à tort sous le nom de houille du keuper. Il est re- marquable par sa consistance et il forme un très bon horizon géognostique. Des grès et des schistes micacés l'accompa- gnent. Sa faible épaisseur, sa mauvaise qualité et l'abondance des pyrites permettent rarement de l'exploiter. L'assise moyenne où des marnes lie de vin est caractérisée par des argiles gypseuses d’un rouge vineux, intercalées entre un banc assez épais de dolomie et un horizon gypsifère qui la termine. Cet horizon est celui où se trouvent la plupart des exploitations de gypse dans le Jura. L'assise supérieure débute également par un banc de do- lomie, se continue par un troisième horizon gypsifère et finit LS - L à Lg À de 8) 2 ANT SR UE - LL dé à Pi MONITOR PES TL PONS FORTS — 244 — avec les marnes irisées supérieures ou les argiles à reptiles qui peuvent donner leur nom à toute l'assise, Ces argiles doivent leur dénomination aux débris de grands sauriens qu’on y ren- contre assez fréquemment. Ces débris indiquent que, vers la fin de la période triasique, telle que nous la délimitons ici, la vie commençait à prendre un certain développement dans le bassin jurassien (1). * Les argiles à reptiles correspondent probablement au qua- trième étage du trias dont elles sont le représentant rudimen- taire dans le Jura. Elles forment le dernier terme de la série triasique ; tout ce qui est au-dessus, en commençant par le grès à Avicula contorta, appartient à l’infralias. Sel gemme du keuper. — Le produit le plus remarquable de l’action geysérienne, pendant la période triasique, a été, dans le bassin jurassien, la formation des bancs de sel gemme qui alimentent les exploitations des départements du Doubs et du Jura. Probablement, le sel gemme forme, au-dessous du Jura, une masse Continue. Sur un grand nombre de points sa pré- .sence est attestée soit par les sondages qui ont été pratiqués pour son exploitation, soit par les sources salées qui jaillis- sent dans diverses localités de la partie nord-occidentale du Jura. Si ces sources ne se montrent pas dans les autres parties de cette région, c'est que le trias y est partout recou- vert par une nappe épaisse de terrain jurassique qui s'accroît, sur quelques points, du terrain crétacé. é La masse de sel emme, exploitée à Lons-le-Saunier (Mont- morot), à Grozon et à Salins, se prolonge dans le département du Doubs, ainsi que le prouve le sondage pratiqué, 1l y a (1) Parmi ces grands sauriens se trouvait le Dimodosaurus Poligniensis dont la taille devait être gigantesque, puisque l'humérus mesurait 0",80 de longueur. Tout porte à croire, disent avee raison MM. Chopard et Pidancet, qui ont décrit ce reptile, qu'il vivait dans les estuaires et que les courants transportaient les cadavres au milieu de la mer keupé- rienne. * J — 245 — quelques années, à Miserey, près de Besancon. De là elle va Jusque da»s le département de la Haute-Saône, où elle donne lieu à l'exploitation de Gouhenans. Vers l’ouest, la zone salifère ne doit pas se prolonger très loin, car rien n'indique la présence du sel gemme à la Serre, où le trias affleure pourtant en entier ; le sel gemme manque également dans le keuper de Saône-et-Loire. Vers le sud, la zone salifère va au moins jusqu à Bex, canton de Vaud, où le sel est exploité. Elle pénètre même dans les Alpes, car les assises qui s'y rattachent au keuper renferment des amas de sel gemme; c'est à ces assises qu'appartiennent les amas exploités dans la Tarentaise. Pourtant, si l'on tient compte de la remarque que nous avons faite relativement à la composition du terrain triasique dans la Savoie, ces amas pourraient bien, tout en se plaçant dans les marnes irisées, appartenir à un horizon plus élevé que celui de la Franche- Comté. Vers l'est, cette zone n'arrive pas jusqu'en Suisse, puisque le sel gemme qu'on a signalé dans le nord de ce pays est suhb- ordonné au muschelkalk. Les considérations précédentes permettent de se faire une idée assez nette de l'étendue de la nappe salifère de la Franche- Comté. Elle s’est constituée dans une région placée à égale distance des massifs montagneux qui entourent le bassin ju- rassien et dans la partie centrale et la plus profonde de ce bassin. La zone salifère dont nous venons d'indiquer l'étendue pro- bable va-t-elle se souder à celle de Lorraine? Une coupe allant du Ballon d'Alsace à Langres montre que le terrain keupérien est rejeté à une assez grande distance des Vosges pour nous auloriser à penser que non seulement la zone sali- fère, mais aussi le terrain qui le renferme éprouve, entre la Lorraine et la Franche-Comté, une solution de continuité. Peut-on supposer que le terrain keupérien s’avançait jadis plus près des Vosges, qu'il a disparu par suite d’une dénuda- — 246 — tion, et qu'avant cette disparition il y avait continuité entre le bassin salifère de la Franche-Comté et celui de la Lorraine ? La saillie de terrain qui sépare actuellement la Lorraine de la Franche-Comté et qui forme une espèce de seuil souterrain, correspond à une région où la mer keupérienne avait peu de profondeur et où le sol sous-marin pénétrait dans la zone d'a- gitation des eaux. Les substances amenées par les émissions salifères devaient être facilement entraînées par les vagues et les courants marins loin de la saillie de terrain qui séparait la Lorraine de la Franche-Comté, et ce n'était que dans les parties profondes du bassin jurassien que les bancs de sel gemme pouvaient se constituer d'une manière définitive. Par conséquent, en supposant que le keuper ait existé dans la zone comprise entre Langres et le Ballon d'Alsace, il est permis de penser qu'il n’était pas salifère. D'après ce que nous venons de dire on peut conclure que les gisements de sel gemme de la Lorraine et de la Franche-Comté, bien que da- tant de la même époque et bien qu'ayant été reçus dans des mers communiquant entre elles, forment et ont toujours formé deux masses distinctes. Je n’insiste pas davantage à ce sujet, mon intention étant d'y revenir lorsque je m'occuperai des conditions géogéniques qui ont présidé à la formation des strates jurassiennes. Dans le Jura helvétique et dans le nord de la Suisse, les marnes lrisées, avons-nous dit, ne renferment pas de sel gemme. Les bancs salifères atteints par les sondäges dans l’'Argovie et dans le canton de Delle appartiennent au mus- chelkalk. Si de la Suisse on se dirige vers le centre de l’Alle- magne, on constate que les gisements de sel gemme se trou- vent également dans le muschelkalk. En Lorraine, le sel gemme existe dans les marnes irisées, et cest dans cet étage que sont placés les bancs exploités à Dieuze et à Vic. Mais la présence du sel gemme y a été égale- ment reconnue dans le muschelkalk, et ce second gisement a donné lieu à une exploitation à Salzhronn (Moselle). Il n'est e — 247 — pas impossible que le muschelkalk du Jura salinois et bisontin soient également salifères comme en Lorraine, mais les son- dages n'ont pas permis de le constater. Sur le versant nord-est des Alpes et dans le nord de l’Alle- magne, l'horizon salifère descend encore plus bas et ne se rencontre que dans le grès bigarré. Si nous portions notre pensée en dehors du terrain dont il est ici question, nous ver- rions que, dans la Russie et en Angleterre, c'est au terrain permien que sesubordonnent les amas de sel gemme. On peut donc dire avec M. d’Archiac que la répartition de cette sub- stance est tout à la fois stratigraphique et géographique. Infralias: bone-bed. — Le nom d'infralias a été introduit dans la science, en 1838, par M. Leymerie, pour désigner le choin-bâtard des environs de Lyon, ainsi que les assises qui lui sont subordonnées dans ce pays, et ses équivalents dans diverses contrées. Depuis lors, le terrain ainsi dénommé a recu une extension plus grande et s’est accru de diverses as- sises successivement empruntées au trias. Lorsqu'on tient compte de la manière insensible dont le trias passe à l'infra- lias, on conçoit que la question des relations existant entre ces deux terrains ait donné lieu à une vive controverse. Mainte- nant les géologues s'accordent de plus en plus à voir dans l'infralias le premier terme de la série jurassique et non le dernier terme du trias. L'infralias se divise en deux étages : 1° l'étage rhétien, com- prenant le bone-bed et le lias blanc de l'Angleterre, le grès et l’arkose infraliasiques de diverses contrées et le grès de Ké- dange; 2 l'étage hettangien, auquel correspondent le choin- bdtard de Lyon, le calcaire de Valognes, le grès d'Hettange, etc. L'infralias présente une constitution pétrographique très variée ; il renferme des arkoses, des grès quartzeux, calcari- fères ou psammitiques, des argiles, des marnes schistoïdes, des calcaires et des dolomies. Il monire réunis les divers caractères pétrographiques et paléontologiques du trias et du terrain ju- rassique entre lesquels il est intercalé. OPEN - — 248 — Ce que nous avons dit relativement au mode de répartition du terrain triasique s'applique également à l'infralias. Les mers où ces terrains se déposaient avaient presque les mêmes rivages et présentaient les mêmes variations dans leur profon- deur. Comme les mers du trias, celles de l’infralias commu- niquaient librement entre elles, et atteignaient leur maximum de profondeur dans le nord de l'Italie. Dans le bassin juras- sien, un bombement du sol continuait à exister sur l’empla- cement actuel de la Serre. D'après M. 3. Martin, toutes Les assises liasiques déposées avant l'apparition du calcaire à gryphées arquées se divisent, en Bourgogne, en trois groupes principaux : l'arkose (qu'il nous paraît utile de distinguer par l'épithète d’infraliasique, afin de ne pas la confondre avec d’autres arkoses appartenant à di- vers niveaux de la série géologique), la lumachelle et le calcaire foie de veau. Le groupe de l’arkose est l’ensemble des strates gréseuses;, arkosiennes ou marneuses comprises entre les marnes irisées et les lumachelles ; il renferme tout ce qui, au-dessus du trias, est arkose dans l'acception minéralogique du mot. Le groupe de la humachelle forme un certain nombre de lits peu épais sénéralement argilo-calcaires, quelquelois gréseux, séparés entre eux par des marnes qui, par leur bigarrure, rappellent souvent les marnes irisées. Les innombrables coquilles dont la lumachelle est pétrie la rendent facile à distinguer des autres assises. Enfin, le groupe du calcaire foie de veau est un dépôt argilo-calcaire très riche en fossiles, les uns spéciaux à cette zone, les autres passant dans le calcaire à gryphées. Dans les départements du Doubs et du Jura, les trois as- sises que nous venons de mentionner sont respectivement re- présentées par les marnes et les grès à Avicula contorta (grès de Boisset, Marcou), par les schistes bitumineux à Posidonies, et par les argiles, les grès et les calcaires siliceux à Pecten va- loniensis (calcaire à roseaux, Marcou). Cette division de l’infralias en trois assises, telle que nous Un — 249 — venons de la constater en Bourgogne et dans la Franche- Comté, nous paraît pouvoir s'appliquer à tout le bassin ju- rassien et même aux régions voisines. Nous ne doutons pas que de futures observations ne conduisent à remplacer la di- vision de l’infralias en deux étages, telle que nous l'avons indiquée tout à l'heure, par la division ternaire telle que nous l'avons vue exister pour le bassin jurassien. Comme le trias, l'infralias présente, sur Les deux versants des Alpes, la même composition. Dans le Tyrol septentrional, il acquiert une puissance considérable et une erande ri- chesse paléontologique. Il est formé par les lits de Dachstein, -dont la puissance est de 600 mètres, qui se superposent au cal- caire de Hallstadt, et qui sont formés d’un calcaire blanc ou grisâtre en bancs d’un mètre environ d'épaisseur. Au-dessus des lits de Dachstein viennent Les lits de Koëssen, d'une épais- seur totale de 15 mètres et consistant en calcaire gris et noir, avec marnes calcaires. Sous le nom de bone-bed ou de couche à ossements, on dé- signe, en Angleterre, un lit qui n’a souvent que quelques cen- timètres d'épaisseur, mais qui se développe, sans solution de continuité, depuis Axmouth jusqu’à Worcester. Il est presque exclusivement formé d'écailles, de dents, d’os et de coprolites de poissons, auxquels se mélent des restes de sauriens et d'ichthyosaures. Quelquefois les débris organiques sont rares et alors le bone-bed est remplacé par un grès blanc micacé. Le bone-bed de l'Angleterre est évidemment une formation côtière qui marque le littoral de la mer infraliasique. Mais comme ce bone-bed se montre constamment au-dessous du lias blanc, c'est aussi un horizon géognostique qui a sa place marquée dans l'échelle des terrains. Il n'en est pas toujours de même sur le continent. Dans le bassin jurassien et les ré” sions voisines, les grès de l'infralias sont fréquemment pétris d'écailles, de dents et d'os de poissons et recoivent le nom de bone-bed. Mais ces roches ne constituent plus qu'un faciès, parce qu’elles existent à tous les niveaux de la série infralia- had vagues et des courants. — 251 — CHAPITRE IV CLASSIFICATION DU TERRAIN JURASSIQUE. Méthodes de classification applicables au terrain jurassique.— Parmi les diverses méthodes sur lesquelles on s’appuie pour classer et caractériser les terrains, les seules quidoivent attirer notre attention sont les méthodes pétrographique et paléon- tologique. Nous indiquerons tout à l’heure les avantages et les inconvénients de chacune d'elles; le résultat de cet examen sera de nous montrer l'utilité de leur emploi simul-, tané et le profit que l’on peut retirer de la mise en œuvre d'une méthode éclectique. Quant aux méthodes stratigra- phique et orogénique, nous ne devons les citer que pour mémoire. Le Jura et probablement le bassin jurassien tout entier n'offrent aucun exemple de discordance de stratifica- tion entre les diverses assises de la série jurassique. D'un autre côté, l'emploi de la méthode orogénique qui consiste à faire commencer chaque époque géologique après l'apparition d'un système de montagnes, n'est pas applicable au terrain jurassique. Les systèmes de soulèvement qui ont surgi en si grand nombre pendant les périodes paléozoïque et néozoïque, ont été plus rares pendant la période mésozoïque et surtout pendant l'époque jurassique. On ne cite eycore, comme datant de cette époque, que les deux systèmes de l'Oural et de la Vallée du Doubs, qui ne paraissent pas avoir laissé à la surface de l'Europe une empreinte très prononcée. La méthode pétrographique consiste à placer les lignes de séparation là où les strates changent d'aspect et de nature. Le nombre des terrains dont les noms sont empruntés aux ro- ches qui les constituent en totalité ou en majeure partie, dit — 252 — assez que la méthode pétrographique est largement employée depuis longtemps. Son utilité est d'autant plus grande que la contrée à laquelle on l’applique est moins étendue; mais lorsque cette contrée est très vaste, cette méthode devient d’un emploi difficile, parce qu'elle expose alors à réunir dans le même groupe des strates d'un âge différent et à placer dans des groupes différents des strates qui appartiennent à la même époque. Elle est surtout très avantageuse dans le tracé des cartes géologiques ; elle permet de séparer les unes des autres des masses qui, en offrant la même nature minéralogique, jouent le même rôle dans la constitution hydrographique, orographique et géognostique d'un pays. Conybeare est un des premiers géologues qui aient fait une application systématique de la méthode pétrographique. Il divisait le terrain jurassique en trois grands systèmes: chacun de ces systèmes, disait-il, est basé sur une formation argilo-calcaire qui constitue toujours une ligne de démarca- tion très nette , les roches oolitiques de chaque système, for- mant une rangée de collines distinctes, séparées des collines des autres systèmes par une large vallée ou combe argileuse. MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont ont divisé le terrain Ju- rassique en quatre systèmes, et c'est afin de les faire com- mencer chacun par une assise argileuse qu'ils ont placé les marnes supraliasiques dans le sysième oolitique inférieur. C'est également la méthode pétrographique que Thurmann a mise en œuvre lorsqu'il a divisé Le terrain jurassique en quatre grands groupes. La méthode pétrographique est trop dédaignée par quelques géologues; si elle a ses inconvénients, elle présente aussi de sérieux avantages. Elle n’a rien d'empirique comme on l’a prétendu. Elle est tout aussi rationnelle, quoique d'un em- ploi moins général, que la méthode paléontologique. Les ro- ches, de même que les fossiles, peuvent accuser une partie des changements apportés dans les climats, la configuration du sol, le caractère des phénomènes géologiques, etc. Comme les pre Lai . D. : .. — 253 — fossiles, les roches sont susceptibles d'indiquer par leurs va- riations le moment où une période finit et celui où une autre commence. C'est un fait que mettrait complètement en évi- dence l'étude rationnelle des conditions géogéniques qui ont présidé au dépôt des strates du terrain jurassique dans le bassin jurassien. C’est la méthode paléontologique que l'on met le plus fré- quemment en usage ; c’est elle aussi qui sert de sanction et de contrôle aux autres méthodes, et qui avertit le géologue, lors- qu'il réunit des strates offrant la même composition minéra- logique, mais appartenant à des époques distinctes, ou lors- qu'il sépare des assises appartenant à la même époque, mais différant par leur composition. Quelquefois la méthode pa- léontologique est la seule à laquelle on puisse avoir recours ; il en est ainsi lorsque des strates nombreuses se succèdent sans varier dans leur nature et sans montrer de discordances de stratification. À mesure que la paléontologie stratigraphique progresse et que le nombre de fossiles s'accroît, on voit de mieux en mieux que toutes les faunes passent, comme les couleurs de l’arc-en-ciel, des unes aux autres d’une manière insensible ; on est de plus en plus porté à penser qu'elles forment une série continue sans lacune et sans hiatus. Par conséquent, lors- qu'on demande à la méthode paléontologique de nous indi- quer les points par où l'on doit faire passer les lignes sépara- tives des terrains, les renseignements qu’elle nous fournit ne peuvent pas avoir toujours une netteté et une précision qui n'existent pas dans la nature. Un certain arbitraire accom- pagne souvent le choix de ces lignes, et, quel que soit le ni- veau par où on les fait passer, elles laissent presque toujours au-dessous d'elles des espèces qui se retrouvent au-dessus. Il ne faut donc pas accorder une valeur absolue aux arguments que les géologues, surtout les auteurs de monographies, sont encore portés à invoquer lorsqu'ils réunissent des assises que rattachent entre elles des caractères paléontologiques com- — 254 — muns; la conclusion à laquelle ces géologues seraient con- duits s'ils étaient conséquents avec eux-mêmes, ce serait la né- cessité de réunir tous les terrains dans un seul et même en- semble. Dans l'application de la méthode paléontologique à la carac- téristique des terrains, on doit presque toujours tenir compte de l’ensemble de la faune correspondant à chaque formation et ne pas attribuer trop d'importance aux fossiles pris isolé- ment. Peu de fossiles, surtout lorsque l’on a en vue une con- trée d’une certaine étendue, ont le privilége d'être à eux seuls des coquilles guides où caractéristiques (leit-muscheln). L'em- ploi des espèces supposées telles conduit toujours à la confu- sion ou à des malentendus. « Les fossiles, dit M. Marcou, ne sont pas internés invariablement dans le même groupe de strates, ils sortent de ces strates s’élevant ou descendant dans des strates d’âges différents ; et cela a lieu non seulement pour des localités situées à de grandes distances les unes des au- tres, mais aussi sur un même point donné; et pour montrer par un exemple la vérité de ce fait, je dirai que l'Evogyra virquia descend dans la Haute-Saône (Gray) dans tout le groupe ptérocérien. » Bornuons-nous à ajouter un seul exemple à celui mentionné par l'auteur des Leitres sur le Jura. Sous le nom de marnes à Ostrea acuminata où marnes vésu- liennes, les géologues franc-comtois ont toujours désigné une assise placée au-dessous de la grande oolite et immédiatement au-dessus du calcaire à entroques. Dans le Jura neuchâtelois, l'Ostrea acuminata remonte jusque dans le cornbrash, et nous voyons dans quelques publications relatives à cette partie de la Suisse, la désignation de marnes vésuliennes appliquée à une assise qui renferme l'Ostrea acuminata, mais qui se rat- tache à la dalle nacrée et qui surmonte non seulement la grande oolite, mais aussi le forest-marble. Nous n'insisterons pas davantage sur ces questions de géologie systématique qui se présenteront de nouveau à nous dans l'Etude suivante. 5 5 RSS — 255 — Signification qu'il faut donner à l'expression de terrain fu- rassique. — L'expression de terrain jurassique, si usitée en France et sur le continent, n'est presque jamais employée par les géologues anglais, qui lui préfèrent l'expression de terrain oolitique. Jusqu'à présent, le lias a été considéré par eux comme formant la base de l’oolite. {ls commencent à lui ac- corder une plus grande importance, soit qu'ils voient en lui un quatrième terme distinct des trois systèmes oolitiques pro- prement dit, soit qu'à l'exemple de sir Lyell ils en fassent un groupe à part ayant, dans la série secondaire, la même valeur que le trias, l’oolite et le terrain crétacé. C'est Humboldt qui a contribué à introduire dans la science l'expression dont nous cherchons à préciser le sens. Il em- ployait, vers 1795, la dénomination de calcaire du Jura, qui se cChangeait plus tard en celle de calcaire jurassique. Sur le continent, l'expression de terrain ou de formation jurassique sert et a servi à désigner tantôt l’ensemble comprenant le lias et l'oolite, tantôt rien que l'oolite. La premiere manière de voir est seule rationnelle; elle sera bientôt adoptée par tous les géologues, et nous ne prévoyons pas que de futures décou- vertes ou de nouveaux points de vue introduits dans la science puissent la modifier. L'expression de terrain jurassique doit être affectée à cette longue série d'assises, à caractères pétrogra- phiques et paléontologiques assez uniformes, qui commence avec l'infralias et finit avec le terrain lacustre supra-oolitique. À l’époque où il publiait sa Statistique de la Haute-Saône, c'est-à-dire vers 1833, Thirria placait au-dessus du terrain lia- sique formant un ensemble à part, le terrain oolitique auquel il affectait le nom de terrain jurassique. Pourtant les relations incontestables qui rattachent le lias à la série oolitique n'é- chappaient pas à son attention ; il faisait observer que la meil- leure classification consisterait à comprendre dans la forma- . tion jurassique les marnes superposées au calcaire à gry- phées ; de là à placer le calcaire à gryphées lui-même dans le terrain jurassique, il n'y avait qu'un pas. PO EL UN I AR OP OP n' À Là. sf ME be a nas "2e où À RE 4e 3 ; Û — 256 — Dans son Essai sur les soulèvements jurassiques de Porren- truy, publié en 1831, Fhurmann établissait également une distinction très nette entre les terrains liasique et jurassique. En 1848, M. Marcou, dans son Mémoire sur le Jura salinois, se plaignait de ce que les géologues ne fussent pas d'accord sur les limites du terrain jurassique et particulièrement sur sa limite inférieure. Il reprochait aux savants qui se sont oc- cupés du Jura d’avoir exclu le lias de la formation jurassique. Pour lui, cette formation se composait de quatre étages aux- quels il donnait les désignations suivantes : terrains liasique, oolitique inférieur, aolitique moyen, oolitique supérieur. M. Marcou accordait donc à l'expression de terrain juras- sique le sens que presque tous les géologues lui donnent main- tenant, mais il ne mettait pas en évidence la disposition bi- paire que l’on reconnaît à ce terrain, lorsqu'on le divise en lias et en oolite. Nous voyons cette distinction entre les deux principaux termes de la formation jurassique nettement établie dans les ouvrages publiés récemment en Suisse; mais nous constatons en même temps, dans quelques cas, l'affectation spéciale du mot jurassique au terrain oohtique. C'est ainsi que MM. Gresely et Desor, dans un mémoire publié, en 1859, sur le Jura neu- chdtelois, et M. A. Jaccard, dans son ouvrage sur le même pays, après avoir considéré les terrains liasique et oolitique comme étant complètement distincts l’un de l’autre, divisent ce dernier en trois groupes sous les noms de groupes jurassi- ques inférieur, moyen et supérieur. L'expression de terrain jurassique employée pour désigner une formation d'où le lias est exclu, se retrouve dans d’autres publications des géologues suisses. La légende de la carte géologique de la Suisse, par Studer et Escher de la Linth, comprend bien le lias, sous une même accolade, dans le terrain jurassique, avec la lettre J!; mais la désignation de Jura inférieur, avec la notation J°, y est affectée à ce qui est exclusivement compris entre le lias et le terrain oxfordien. La tendance que nous constatons chez nn = les géologues suisses à exclure le lias de la série jurassique ou à lui donner dans cette série une place à part, est la consé- quence de l'opinion adoptée en Angleterre, à l'époque où cette opinion a été importée sur le continent. Elle s'explique aussi lorsqu'on se rappelle que le lias se montre rarement à découvert en Suisse et ne joue dans la constitution géognos- tique de ce pays qu'un rôle très effacé, surtout si l'on fait abstraction de ce qui s'observe dans le massif alpin. Division du terrain jurassique en deux séries et en cinq systèmes. — Nous venons de préciser le sens qu'il faut donner à l'expression de terrain jurassique. En même temps, nous venons de rappeler comment ce terrain peut, lorsqu'on se place à un certain point de vue, se partager en deux séries : le lias et l'oolite. Ajoutons, pour compléter cette classification, qu'on peut le diviser en cinq systèmes. De ces cinq systèmes, il en est deux qui correspondent à la série liasique : l'in/ralias et le lias proprement dit. Quant à l’oolite, on y distingue gé- néralement trois systèmes : l'oolite inférieure, l'oolite moyenne et l'oolite supérieure. Les géologues admettent pour ces trois systèmes les mêmes limites : le désaccord n'existe réellement que par rapport à la ligne de séparation entre les terrains ooli- tique moyen et oolitique supérieur. M. Marcou, influencé par cette idée que, dans le Haut- Jura, le terrain corallien tend à se confondre, au point de vue pétrographique, avec les étages suivants, en un même massif calcaire, le comprend dans le groupe oolitique supérieur. Cette manière de voir a été adoptée par les divers géologues qui ont eu à s'occuper du département du dura et dont l'opinion a été influencée par la circonstance que nous venons de mentionner (Etallon, Boyé et Résal, le frère Ogérien). M. Contejean, après avoir réuni toutes les assises du groupe oolitique supé- rieur, sous la désignation collective d'étage kimméridien, fait commencer cet étage avec le calcaire corallien supérieur. D'autres géologues, au contraire, comprennent dans le terrain 20 — 258 — corallien le calcaire à astartes (étage séquanien), ainsi que le faisait Thirria. Pour nous, comme pour un grand nombre de géologues, l’oolite supérieure commence avec ce calcaire à astartes. Cette manière de voir, intermédiaire entre celles que nous venons de mentionner, est adoptée par M. A. Jaccard, dans son beau travail sur le Jura neuchâtelois. Division du terrain jurassique en trois group:s — Avant d'indiquer comment les systèmes peuvent se diviser en étages, nous ferons remarquer qu'il y aurait convenance, en se pla- çant à un certain point de vue, à réunir l’oolite inférieure et l’oolite moyenne en un même ensemble sous la désignation (qui recevrait ainsi une signification précise) de terrain ju- rassique moyen. L'expression de terrain jurassique inférieur deviendrait synonyme de celle de lias et le terrain jurassique supérieur serait l'équivalent de l'oolite supérieure. Nous verrons que le système oolitique inférieur et le sys- tème ooltique moyen offrent de nombreux rapprochements dans leurs caractères paléontologiques et pétrographiques, ou, du moins, dans la manière dont ces caractères varient. Les mêmes faciès y apparaissent et se répètent d’uné manière uni- forme, soit dans le sens vertical, soit dans le sens horizontal. L'ensemble, résultant de la réunion des systèmes oolhtiques moyen et inférieur, se distingue aussi nettement que possible du système liasique; c'est là un fait trop évident pour que nous ayons besoin d'insister à ce sujet. Mais il se distingue aussi très bien du terrain jurassique supérieur, ou, ce qui re- vientau même, du terrain oolitique supérieur. Les roches, mi- partie marneuses et mi-partie calcaires dans le terrain juras- sique ‘moyen, deviennent presque exclusivement calcaires dans le terrain jurassique supérieur. Les polypiers et les am- monites, qui se montrent en si grand nombre dans le premier de ces deux terrains, disparaissent presque complètement dans le second et sont remplacés par une faune de gastéropodes et d'acéphales. Enfin, chose de la plus grande importance à nos — 259 — yeux, tandis que la mer qui a recu le terrain jurassique moyen était ouverte dans tous les sens, celle du terrain juras- sique supérieur était complètement ou à peu près complète- ment fermée. La classification, dont nous venons de signaler les avan- tages, n’est pas d’ailleurs exclusive de celle qui a été précé- demment exposée; le tableau n° IV fait voir comment on peut les concilier. Le lias et l'oolite supérieure conservent dans les deux cas leur indépendance et leurs mêmes limites. La différence entre les deux classifications se ramène à ceci : c'est que les systèmes oolitiques inférieur et moyen, séparés dans un cas, sont réunis dans l’autre en un même ensemble. Terrain jurassique marin et lacustre. — Parmi les grandes divisions du terrain jurassique, il en est une que nous aurions pu indiquer en premier lieu. Les strates dont ce terrain se com- pose dans le bassin jurassien sont toutes d'origine exclusive- ment marine, à l'exception de la formation lacustre qui se place au-dessus du terrain portlandien. (Voir notre chap. VI). On s'accorde maintenant à rattacher cette formation lacustre à la série jurassique et non à la série crétacée. Nous sommes ainsi conduit à diviser le terrain qui fait l'objet de ce chapitre en deux groupes d'importance très inégale, mais dont les carac- tères paléontologiques et géogéniques sont bien opposés : un terrain jurassique marin et un terrain jurassique lacustre. Ce dernier vient prendre place dans le tableau n° IV, avec une valeur qui reste indéterminée ; il constitue tout à la fois un système, un groupe et un étage. Division du terrain jurassique en étages. — Si lon peut dire que l'accord est bien près de s'établir parmi les géolo- gues, quant aux grandes divisions du terrain jurassique, il n’en est plus de même lorsqu'il s'agit de la décomposition de ce terrain en étages et en assises. Les divergences d'opinion portent sur le nombre des étages, sur leur délimitation et sur M tu vie: GE EEE Del eee nd — 260 — la manière de les caractériser. Ce désaccord résulte non seu- lement de l'état incomplet de nos connaissances sur la consti- tution géologique du bassin jurassique, mais aussi de plu- sieurs causes que nous allons indiquer. Rappelons-nous d’abord que toutes les assises du terrain jurassique sont liées entre elles par des passages insensibles aux points de vue pétrographique et paléontologique. D’ail- leurs, entre les divers étages du terrain jurassique, on ne coustate pas de discordance de stratification. Il existe bien des discordances d'isolement, mais très souvent elles sont plus apparentes que réelles; elles résultent de phénomènes de dé- nudation, plutôt que de mouvements du sol contemporains du dépôt du terrain jurassique. Ces diverses circonstances ren- dent inutile, et, dans une certaine mesure, arbitraire, le tra- vail relatif à la division du terrain jurassique en assises et en étages. D'un autre côté, chaque géologue a une tendance, jusqu’à un certain point légitime, de donner, dans ses classifications, une trop grande importance relative aux assises qui existent dans le pays qu'il étudie ou qu'il habite ; il tient rarement un compte suffisant de ce qui se passe dans les pays voisins. Dans la division du terrain jurassique en étages, nous avons voulu nous tenir à égale distance des deux partis extrêmes qui se présentaient à nous : suivre purement et sim- plement une classification générale, sans nous inquiéter si elle s’appliquait bien au Jura, ou faire à nouveau une classi- fication locale, sans nous préoccuper de ce qui se passait dans des contrées plus ou moins éloignées. Le tableau n° IV, après avoir indiqué les grandes divisions du terrain jurassique, nous le montre partagé en treize étages. L'infralias, considéré d'une manière générale, comprend deux étages : l'étage rhétien et l'étage hettangien. Cette classifi- cation est parfaitement admissible, lorsqu'il s'agit d'un pays comme les Alpes, où ce terrain acquiert une grande impor- tance. Mais l'infralias, bien qu'offrant un certain -développe- PIE SE AL EC OPA CRE CR CR C9 TT CT PR Pr POP RS OO RER EEE CEE — 261 — ment dans la Bourgogne, se montre réduit à l’état rudimen- taire dans le Jura. Et comme c'est le Jura que nous avons exclusivement ici en vue, il nous parait convenable de ne donner à l’infralias, dans notre classification, que la valeur d'un étage, sous le nom d'étage infraliasien. Nous conservons pour le lias la classification et la nomen- clature adoptées par A. d'Orbiguy, bien que l’une et l’autre puissent prêter à la critique. On sait qu'il divisait le lias en trois étages auxquels il donnait les noms d’étages sinémurien (de Semur, Sinemurium), liasien (Has proprement dit) et toar- cien (de Thouars, Toarcium). La division la plus naturelle de l’oolite inférieure, du moins pour le Jura, est celle qui consiste à la diviser en trois étages : un étage inférieur et un étage supérieur, tous les deux en totalité ou en majeure partie calcaires, et un étage moyen, en majeure partie marneux. Cette différence dans la composition pétrographique de ces étages se retrouve dans leurs caractères paléontologiques, leur mode de répartition et le rôle qu'ils jouent dans la constitution topographique de la contrée. Nous adoptons pour ces trois étages les désignations que M. Marcou a proposées et qu il a empruntées au Jura. Le premier étage est l'étage lédonien, de Ledo, Lons-le-Saunier; le second étage est l'étage vésulien, de Vesoul, Vesulium ; le troisième étage est l'étage mandubien, de Mandubii, nom des anciens habitants des bords du Doubs. Les deux premiers étages correspondent à l'étage bajocien de d'Orbigny; le second est à peu près l’équi- valent de son étage bathonien. Nous divisons le système oolitique moyen en deux étages : l'étage oxfordien et l'étage corallien. Quant à l'étage kellovien, il n'existe dans le Jura qu'à l’état rudimentaire; nous croyons devoir le considérer comme formant simplement l’assise infé- rieure de l'étage oxfordien. L'oolite supérieure présente, du moins dans les localités du Jura où elle ne prend pas le faciès exclusivement calcaire, une disposition spéciale résultant de la régularité avec laquelle ne 8 des 4 bronlié és, ALT, NS. EE ES SSSR D Gé Qatar “act . x 0 à L > 4 — 262 — s'y effectuent les alternances de marnes et de calcaires. On y distingue nettement trois horizons, composés chacun d'une assise marneuse et d'une assise calcaire. Il y a, dans cette circonstance , l'indication d’une division naturelle en trois étages, que nous désignons sous les noms d'étage séquanien (de la Séquanie, Franche-Comté), d'étage kimméridien (Kim- meridge, en Angleterre) et d'étage portlandien (Portland). Enfin, un dernier étage, l'étage dubisien (le Doubs, Dubis), représente dans le tableau n° IV la formation lacustre qui termine la série jurassique. Le lecteur remarquera que nous nous sommes abstenu de tout néologisme pour désigner les treize étages énumérés dans le tableau n° IV. Nous avons maintenu les désignations qu'il n'y avait pas convenance absolue à remplacer et qui ont pris définitivement place dans la science. Dans quelques cas, nous avons adopté des désignations que d’autres que nous avaient proposées et qui nous offraient le mérite d'être empruntées à des localités du Jura. Le travail de la division du terrain jurassique en groupes de moins en moins importants, nous Conduirait des étages aux assises. Mais nous croyons devoir nous arrêter ici, en remettant à l'Etude suivante l'énumération des assises que l'on peut distinguer dans chacun des étages dont l’ensemble constitue la série jurassique. Classifications diverses du terrain jurassique. — Nous venons d'indiquer la classification qui, dans l'état actuel de nos con- naissances, nous paraît la plus convenable pour le terrain jurassique. Nous allons maintenant compléter cet exposé en rappelant sommairement quelques-unes des classifications qui ont été proposées depuis W. Smith jusqu'à nos jours. Ces considérations s'adressent aux personnes encore peu avancées dans l'étude de la géologie. Dans le Tableau des strates des environs de Bath, dressé, en 1799, par W. Smith, les assises dénommées par lui apparte- — 263 — Tableau n° IV. TERRAIN JURASSIQUE UNSDYDLJUT | UILUNUQUNS U91SDVT UIVI100 J, UAVU0pIT U911NS9 À U91QNPUDIL U91p.10/70 U917/0.109 uarunnbas UIPLIULUIM UIPUDA10d unsIQNA 4 *IMOTHOJU] ‘u9Â0N ‘In9H9UnS "SH LA SE ne PS OMTIVETNE ‘Jp juotuordoid svIrT *‘AUAAIUAANS ALIIO() °°° *ANNAHAON ALITO() “ “AUATIUTANS TLITO() CCR CCE RC SANTLSAS -*-SUTT NIV | ‘871100 | ‘HHLSAOVT | STIUAS HAÔISSVANE NIVHUAL, "LI CET EPP VV y STE RE OAAREST "Un ARNAUD STE — 264 — paient pour la plupart au terrain jurassique. Ce tableau a été reprodyit avec quelques modifications, d'abord en 1812, puis en 1816. En 1822, W. Conybeare et W. Phillips, après avoir tracé une série comprenant à peu près les mêmes termes, y distinguaient, en se laissant guider par des considérations pétrographiques , trois systèmes qu'ils désignaient sous les noms de upper, middle et lower oolitic systems. Le premier système comprenait les couches de Purbeck jusqu'au kimme- ridge clay (oaktree clay de Smith); le second, le coral rag . (pisolite de Smith), jusqu'à l'oxford clay (clunch clay de Smith), et, le troisième, toute la série oolitique, depuis le cornbrash jusqu'au lias inclusivement. Plus tard, Labèche, dans son Manuel de Géologie, réunissait ces trois systèmes sous la dénomination de groupe oolitique. Dans la classification et la nomenclature adoptées, en 1855, par le Geological survey, les trois divisions principales sont limitées de la même manière que l'avaient fait Convheare et Phillips. Dans leur classification publiée en 1841, les auteurs de la Carte géologique de la France partagent d’abord le terrain ju- rassique en deux systèmes, le système liasique et le système oolitique ; ils divisent ensuite le système oolitique en trois autres systèmes, et rangent à la base du système inférieur les marnes du lias. En adoptant cette dernière disposition qui n’a pas eu l’assentiment des géologues, MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont avaient pour but de placer à la base de chaque système une assise argileuse et de donner à leur classification plus de régularité. D'Orbigny partageait le terrain jurassique en dix étages ainsi désignés : étages sinémurien, liasien, toarcien, bajocien, bathonien, kellovien, oxfordien, corallien, kimméridien, port- landien. Cette classification est fréquemment mise en usage par les géologues. Elle offre, sans doute, une certaine simph- cité, mais, précisément à cause de ce caractère, elle ne se trouve nullement en harmonie avec ce que l’on observe dans la nature lorsque l’on voit l'écorce terrestre présenter dans — 265 — sa structure une grande complication. Ge défaut provient notamment de l'absence de divisions intermédiaires entre ce que Al. d'Orbigny appelait terrains et étages. Un reproche que l’on a également adressé à ce géologue, c'est de ne pas avoir assez tenu compte de ce principe de géologie systéma- tique que, dans toute classification, un terrain quelconque doit, autant que possible, occuper une place proportionnelle à son épaisseur et à son importance relative. Quant à la classification adoptée par Thurmann, elle était très imparfaite, dans ses grandes divisions, au point de vue de la géologie systématique. Cet éminent géologue se préoccu- pait surtout du rôle que les terrains jouent dans la constitution pétrographique du pays qui faisait l'objet de ses travaux. Après avoir établi une distinction entre les terrains liasique et Jurassique, 1l divisait ce dernier en quatre parties, aux- quelles il donnait les noms de groupes oolitique, oxfordien, corallien et portlandien. Mais, dans la subdivision de chacun de ces groupes, il accordait une valeur exclusive au caractère paléontologique. Ses essais de classification, repris et com- plétés par Etallon, les ont conduits à distinguer, dans les systèmes oolitique moyen et supérieur, qui acquièrent un grand développement dans le Jura bruntrutanien, plusieurs groupes dont la dénomination est empruntée à un fossile. Chacun de ces groupes se décompose en trois sous-groupes ; le sous-croupe moyen porte le nom du groupe avec l’adjonc- tion du mot zone, tandis que les deux autres ont le même nom précédé des mots hypo et épi. Par exemple le groupe virgulien (ainsi dénommé à cause de l'Exogyra virgula) com- prend le sous-groupe épi-virgulien, la zone virgulienne et le sous-groupe hypo-virqulien. Parmi les classifications qui ont été proposées en Allemagne pour le terrain jurassique, je me bornerai à mentionner celles de Quenstedt et d'Oppel. Quenstedt partage le terrain jurassique en trois grands groupes : 1° le Jura noir (schwarzer Jura), comprenant le lias; ST — 266 — 2 le Jura brun (brauner Jura), correspondant à l'oolite infé- rieur et au terrain oxfordien ; 3° le Jura blanc (weiser Jura), comprenant le terrain corallien et toute l'oolite supérieure. Quenstedt divise ensuite l’ensemble de ces trois groupes en dix-huit assises qu'il désigne en affectant à chacune d'elles les lettres de l'alphabet grec. Dans cette classification, la no- menclature est très simplifiée, puisque le nom d’un terrain n'est autre chose que la lettre de l'alphabet indiquant sa place “relative dans l'échelle géologique. Ce système offre, par sa simplicité même, quelque chose de séduisant, Mais son adop- tion apporterait dans la nomenclature géologique une grande sécheresse et beaucoup de monotonie. Ce qui achève de le rendre peu admissible, c'est l'impossibilité qu'il présente de se prêter à de nouvelles intercalations chaque fois que les découvertes des géologues les rendent nécessaires. Quant à Oppel, il distinguait dans la série jurassique 33 zones dont chacune était caractérisée par un fossile qui Jui donnait son nom. Bien que l'auteur n'ait publié sa classifi- | cation- qu'après des études comparatives poursuivies en Alle- . magne, en France et en Angleterre, nous doutons que son travail puisse être d'une grande utilité pratique, à cause des difficultés que présente la détermination de chaque fossile caractéristique, et de la tendance qu'ont toutes les espèces à se montrer à des niveaux différents suivant les localités. = At = CHAPITRE V CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU TERRAIN JURASSIQUE. Mers de la période jurassique. — Afin de donner une idée de la manière dont les terres étaient réparties en Europe lors de la période jurassique, faisons un instant abstraction des divers changements que leurs rivages ont subis par suite de déplacements locaux ou de l'exhaussement général de tout le continent européen. Dessinons en même temps sur une carte les limites des régions que ces mers ont occupées, soit d’une manière constante, soit par intervalles. Nous verrons les eaux océaniennes recouvrir presque tout le centre et le sud du con- tinent européen et former un vaste bassin ouvert du côté du sud, mais complètement fermé du côté du nord par un conti- nent résultant, comme lors de la période triasique, de la sou- dure du massif breton, de l'Angleterre, de l’Ecosse, de la Scandinavie et de la partie centrale et occidentale de la Russie. Au milieu de ce bassin surgissaient plusieurs îles dont les principales étaient les Pyrénées orientales réunies à la Cata- logne, les montagnes des Maures et de l'Estérel se prolongeant jusque vers la Corse, le plateau central, le massif alpin, enfin la partie montagneuse de l'Allemagne, augmentée de l’Ar- denne et des Vosges. Toutes ces îles existaient presque dès le commencement de la période jurassique, à l'exception du massif alpin dont le premier émergement ne date que du commencement de la période oolitique inférieure. Quant à l'île placée au centre de l'Allemagne, elle paraît avoir été scindée en deux parties jusqu'à la fin de la période liasique, au moyen d’un détroit qui faisait communiquer la mer juras- sique du Hanovre avec celle de la Bavière et du Wurtemberg. D'après d'Archiac, la communication de la mer jurassique éd: — 268 — du nord de l'Allemagne avec celle du sud paraît être encore énigmatique : « peut-être, dit-il, avait-elle lieu le long des roches triasiques par Gottingue, Eisenach, Gotha, Cobourg et Cassel; la comparaison des groupes moyen et supérieur du sud et du nord prouve au moins que les deux mers, si elles ont été en relation pendant la période du lias, ont cessé de l'être ensuite. » La mer dont nous venons de tracer les rivages atteignait sa plus grande profondeur dans le bassin jurassien. « Si nous partons de la chaîne du Jura et de ses ramifications à l’est et à l'ouest, nous pourrons la considérer comme occupant la zone du plus grand développement normal des dépôts de cetie période. Nous voyons ceux-ci diminuer d'importance et se simplifier à mesure que nous avançons vers l’est, de manière à ne plus être représentés sur les frontières de l'Europe et de l'Asie que par un seul des termes de la série. Il est également remarquable qu'il en est de même à l’ouest, au delà de l’At- lantique, comme, au sud, au delà de la Méditerranée et même sur ses bords. On a donc eu toute raison de choisir l'expression de formation jurassique. » (D'ARGHIAC.) Vers le nord-est de la Russie existait une autre mer; celle-ci était fermée vers le sud et s'ouvrait vers le nord, contraire- ment à ce qui se passait pour la mer du centre de l'Europe. Cette mer, du reste, ne s’est montrée qu'avec la période kello- vienne et a disparu après le dépôt du terrain corallien. Dès le commencement de la période du lias, la mer juras- sique du centre de l'Europe avait déjà sa plus grande exten- sion. À dater de ce moment, le sol de l'Europe centrale a été en s'exhaussant, soit en vertu d’un mouvement d'ensemble auquel ce continent obéissait, soit par suite de l’exhaussement des îles et des continents sortant peu à peu des eaux. La conséquence de ce phénomène a été l'augmentation de la terre-ferme aux dépens du sol immergé, et, en dernier lieu, l'émergement de tout le continent européen, et l'apparition des bassins lacustres supra-oolitiques qui existent dans cer- == D = taines régions, telles que le Hanovre, le Jura et le département de la Charente. Pendant que s’opérait l'exhaussement général de l’Europe, les îles placées au milieu de la mer jurassique se réunissaient entre elles et se soudaient aux continents voisins; les détroits qui les séparaient les unes des autres étaient rem- placés par des isthmes; les mers, d'abord largement ouvertes, se refermaient de plus; elles se transformaient plus tard en méditerranées où en mers caspiennes, et, en dernier lieu, cédaient la place à des bassins lacustres. C'est ce qui s’est passé dans le bassin jurassien, de même que dans les autres centres de sédimentation de l'Europe. Nous venons de dire quels changements avait subis, pendant la période jurassique, le mode de répartition des terres et des mers. Ces changements sont en parfaite relation avec la division de la période jurassique en trois époques. Pendant la première époque, tous les bassins de l'Europe communiquent librement entre eux et avec les grandes mers environnantes. Pendant la troisième, tous ces bassins sont complètement ou à peu près complètement séparés les uns des autres. Pendant la deuxième époque, s'opère le passage entre ces deux états de choses. Mers de la période jurassique dans le bassin jurassien. — Dans les considérations précédentes, nous avons voulu mon- tret comment le mode de répartition des mers avait varié, en Europe, pendant la période jurassique. Nous allons mainte- nant concentrer notre pensée sur le bassin jurassien, et, sans modifier en rien les indications générales précédemment for- mulées, rechercher quels sont les changements que la confi- guration de ce bassin a éprouvés pendant la même période. Lors de la période jurassique inférieure ou liasique, la mer jurassienne présentait à peu près la même étendue que pen- dant la période du trias. Elle continuait à être limitée par une enceinte interrompue, formée par la partie orientale du plateau central, le Morvan et les îlots correspondant aux Vosges, à la — 270 — Forêt-Noire et aux Alpes. L'uniformité des caractères pétro- graphiques et paléontologiques que présente chacune des assises du las nous autorise à penser que cette mer variait peu de profondeur entre deux points rapprochés. Le sol sous- marin ne se relevait que d'une manière peu sensible soit vers les bords du bassin, soit vers le bombement de la Serre qui continuait à s'exhausser. Pendant la période jurassique moyenne (époques oolitique inférieure et oolitique moyenne), le mode de répartition des terres et des mers était à peu près le même que pendant l'é- poque précédente. Seulement les terres émergées entourant le bassin jurassien avaient augmenté d'étendue. Les mers étaient moins largement ouvertes et le bassin jurassien se trouvait mieux délimité. Le plus important des changements qui se sont produits vers le commencement de la période jurassique moyenne, a été le premier émergement du massif alpin. On est conduit à rattacher à cette période le premier émergement de ce massif, lorsqu'on tient compte de ce fait que, dans les Alpes, ainsi que l'a fait remarquer M. Lory, les assises infé- rieures de l'étage oxfordien reposent sur les assises supérieures du lias, sans que l’on puisse distinguer entre elles un groupe de couches qui représente nettement le groupe oolitique infé- rieur. M. Lory fait observer, en outre, que le groupe oolitique - inférieur, si puissant dans le Jura et jusqu'aux environs de Bourgoin, manque à Crussol, ou du moins y est représenté tout au plus par une couche de 0®,40 d'épaisseur. Aux envi- rons de Privas, cette partie du terrain jurassique, entre la base de l'étage oxfordien, qui renferme le minerai de Veyras, etles couches supérieures du lias, n’est indiquée que par quel- ques couches de calcaire sableux rempli de débris d’encrines dont l'épaisseur totale est le plus souvent d’un mètre. D'après cela, nous pouvons conclure que, pendant la période oolitique inférieure {c'est-à-dire pendant la première partie de la période jurassique moyenne), le massif alpin était soudé au plateau central par un isthme occupant à peu près l'em- Fr # — 271 — placement du Dauphiné. Le massif alpin et le plateau central ainsi réunis formaient une terre-ferme qui scindait la mer de la période oolitique inférieure en deux bassins où se déposaient des terrains présentant de part et d'autre des caractères diffé- rents. L'isthme dont il vient d'être question a été remplacé, pendant l’époque oolitique moyenne, par un détroit qui a rétabli la communication préexistante entre la Méditerranée et le bassin jurassien. Mais, peut-être, au lieu d’un isthme, n’exislait-il, entre le plateau central et le massif alpin, qu'un haut-fond, une espèce de seuil qui était au-dessous du niveau de la mer, mais où aucun dépôt ne pouvait se constituer d’une manière définitive à cause de la faible profondeur des eaux. (Voir notre chap. IX.) . Une communication a dû d'ailleurs persister entre 1 bas- sins jurassien et parisien pendant toute la période jurassique moyenne, puisque des lambeaux des terrains oxfordien et corallien se montrent sur les parties les plus élevées de la Côte-d'Or. Dès le commencement de la période jurassique supérieure, il s’est manifesté, dans le bassin jurassien, une tendance à devenir une mer intérieure. La réapparition d’un isthme dans le Dauphiné, entre les Alpes et le plateau central, a isolé défi- nitivement ce bassin de la mer qui occupait le sud de l'Europe. Sans doute, vers le même moment, a eu lieu l'émergement définitif de la Côte-d'Or, sur l'emplacement même où, depuis le commencement de la période triasique jusqu'à la fin de la période jurassique moyenne, un détroit avait fait commu- niquer le bassin jurassien avec le bassin parisien. La mer, occupant le premier de ces deux bassins, devait ressembler à la mer Noire, tout en offrant de moindres dimensions. Climat, faune et flore du bassin jurassien pendant la période jurassique. — Pendant la période jurassique, le climat du bassin jurassien, de même que celui du monde entier, était chaud. L'aspect de la faune, et notamment la présence des ; 4 polypiers à récifs, ne permettent pas d'avoir aucun doute à ce sujet. Cette élévation de la température était d'abord la consé- quence de l’état thermométrique général de tout le globe. Elle provenait aussi, en ce qui concerne le bassin jurassien et l'Europe centrale, de quelques circonstances que je vais si- gnaler. M. Marcou a émis l'opinion que, pendant la période juras- sique, un continent plus grand que tous ceux qui existent ac- tuellement, était placé sous l'équateur et dans la zone tem- pérée. Ge continent unissait l'Amérique, l'Afrique et l'Aus- tralie. Sans admettre une pareille extension dans cette masse continentale, sans admettre surtout que ce continent fût formé de déserts auprès desquels le Sahara, suivant M. Marcou, ne serait qu'un oasis délicieux, il est permis de supposer que des terres très étendues se développaient au sud des mers euro- péennes, comme l'Afrique le fait de nos jours. Ces terres con- tribuaient à élever, dans une forte proportion, la température des régions comprises entre elles et le pôle boréal. Mais une autre circonstance, qui a été également signalée par M. Marcou, agissait dans le même sens (1). La mer jurassique du centre de l'Europe offrait, dans sa configuration générale, une certaine analogie avec le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes. En outre, cette mer juras- sique était traversée, comme le golfe du Mexique, par un guif stream. Le qguif stream est un phénomène général et permanent, qui se rattache à la physique du globe et qui a dû (1) « Je suis conduit, dit M. Marcou, à regarder la mer jurassique de l'Europe comme une espèce de golfe du Mexique, s'ouvrant vers l'orient, avec une péninsule podolienne analogue à la Floride, et une île grecque à l'entrée comme l'ile de Cuba. Une pareille disposition a dû donner à ce bassin européen une température élevée qui a été distribuée assez uniformément par des courants chauds, un vrai qulf stream, s'élevant des côtes d'Afrique, êt balayant tous les golfes des côtes de l'Angleterre, du Luxembourg, des Vosges, du Schwartzwald, etc. » (Leltres sur les roches du Jura, p. 328) — 273 — se manifester pendant toutes les époques géologiques. L'hypo- thèse que nous invoquons, en admettant que le qulf stream ou un des gulf stream de la période jurassique passait par la mer centrale de l’Europe, n’a rien que de très naturel. Ce gulf stream pénétrait dans cette mer en passant à travers les îlots qui, lors de la période liasique,-marquaient le futur emplace- ment des Alpes. Il franchissait ensuite le détroit séparant les Vosges du Morvan, pénétrait dans le bassin parisien et s’en échappait par un autre détroit placé entre le plateau central et la Bretagne. Pendant la période jurassique, l'Europe avait une constitu- tion topographique insulaire. Par suite du voisinage de la mer, l'atmosphère, dans chaque île ou dans chaque portion de terre émergée, était plus ou moins chargée d'humidité, comme permet de le penser le rôle important joué par les fou- gères dans la flore jurassique. Mais l'absence, réelle ou appa- rente, de cordons littoraux, ainsi que la rareté des roches dé- tritiques dans le terrain jurassique, démontre que, pendant la période correspondant à ce terrain, il ne se produisait jamais, à la suite de saisons pluvieuses, des courants entraînant vers la mer des débris de roches arrachés aux îles et aux conti- nents. On peut conclure de là que le climat de la période ju- rassique était très sec. 6 Les considérations précédentes s'appliquent surtout av centre et au midi de l'Europe. Le climat était moins sec et moins chaud dans la région qui entourait la mer du nord-est de la Russie, si l’on en juge soit par la constitution pétrogra- phique des dépôts que cette mer a reçus, soit par la nature des débris de corps organisés que ces dépôts renferment. Dans toute l'étendue comprise entre l'Oural à l’est, la mer glaciale au nord, la Laponie et la Finlande à l’ouest et le massif gra- nitique du Dniéper au sud, les couches du terrain jurassique sont sableuses et argileuses; le calcaire n'y est qu'un acci- dent. Malgré l'abondance des fossiles sur quelques points, les polypiers, les radiaires, les échinides, les stellérides et les 21 4 à jet ol AE du éeut tte dar Te ru GRR Sn ré thus Cris CSC Léa‘. at OUEN € 2 ES Pin ee ce “| — 274 — crinoïdes y sont excessivement rares. Les différences climato- logiques existant entre la mer du centre de l'Europe et la mer du nord-est de la Russie, résultaient sans doute de ce que celle-ci s'ouvrait vers le nord et recevait les courants froids venant des régions circumpolaires, tandis que l’autre, ouverte ’ vers le sud, recevait le gulf stream de la période jurassique, ou, tout au moins, des courants chauds venant de la région équatoriale. Nous pensons qu'il ne sera pas inutile, pour quelques-uns de nos lecteurs, de compléter ces considérations sommaires re- latives au climat du bassin jurassien par quelques mots au sujet de sa faune et de sa flore. Des bois de fougères se groupaient au bord de la mer et formaient le long du littoral une zone continue. Ces bois étaient remplacés dans l’intérieur des terres par des forêts de conifères et de cycadées. Nulle part n’apparaissaient des végé- taux ayant l'aspect et les caractères des angiospermes, c'est-à- dire des arbres dont se composent la majeure partie des forêts de l’époque actuelle. Aucune plante à fleur très apparente, ou colorée d’une manière plus ou moins vive, ne venait inter- rompre la monotonie du tapis végétal qui recouvrait les îles et les continents de la période jurassique. La faune des vertébrés se composait surtout de reptiles qui se montraient très nombreux en individus et en espèces; quel- ques-uns atteignaient une taille colossale. Tandis que les mo- nitors, qui sont aujourd’hui les plus grands sauriens, dépassent à peine la taille de 6 pieds, le mégalosaure mesurait 40 pieds de longueur et le pélorosaure 70. Ils avaient pour la plupartun régime carnivore et exerçaient sur les autres animaux une do- mination comparable à celle des mammifères pendant la pé- riode néozoïque et de l’homme pendant la période actuelle. Enfin, ces nombreuses espèces de reptiles offraient une telle variété dans leur organisation, que les unes ou les autres s’a- daptaient à tous les milieux où peuvent vivre les animaux. Les ptérodactyles, organisés pour le vol, peuplaient l’atmo- Ce PT OS OR RE E AE PU NE VV n” TR OMIS TL CR ON ee PPT) RO" T0 NS Pre Nr ETIENNE ORAN — 275 — sphère ; leurs pieds postérieurs étaient assez forts pour qu'ils aient pu, comme les oiseaux, se percher sur les arbres, tandis que les griffes et les doigts courts de leurs mains les mettaient à même de grimper contre les rochers. Les plésiosaures et les ichthyosaures, organisés pour vivre dans les eaux, habi- taient dans les estuaires et le long des côtes. La grandeur des yeux des ptérodactyles, des ichthyosaures et des plésiosaures permet de supposer que ces reptiles étaient nocturnes ou cré- pusculaires comme nos chauves-souris; le soir ils sortaient de leur retraite et allaient pourvoir à leur alimentation. Quant à la faune marine, elle était principalement caracté- risée par l'abondance des ammonites et des bélemnites, dont les nombreuses légions voguaient dans toutes les directions et servaient peut-être à la nourriture des ichthyosaures vivant par troupeaux le long du littoral. Pendant les époques corres- pondant aux terrains calcaires, les céphalopodes devenaient moins abondants ; les polypiers édifiaient leurs récifs et cou- vraient d'immenses nappes les parties du sol sous-marin très rapprochées de la surface de l'eau; sur les points plus profonds se développaient les prairies animées formées par les encrines. Une vie luxuriante animait le bassin jurassien et établissait un contraste complet entre ce que ce bassin était alors et ce qu'il avait été pendant la période du trias. Pendant la période oolitique supérieure, la faune marine avait conservé toute sa richesse; mais le changement introduit dans la configuration de la mer occupant le bassin jurassien, avait réagi sur le caractère de cette faune. Les céphalopodes et les polypiers qui, à tour de rôle, avaient pris un grand dé- veloppement, étaient devenus moins nombreux et cédaient la place aux acéphales et aux gastéropodes. Les ichthyosaures et les plésiosaures continuaient à animer la scène de la vie; mais la fin de leur règne approchaïit, et déjà le bassin juras- sien comptait au nombre de ses habitants les tortues des genres £mys et Chelone. — 2176 — Caractères stratigraphiques, puissance et distribution géo- graphique du terrain jurassique. — Le terrain jurassique forme une vaste nappe qui occupe tout le Jura, excepté sur les points où elle est cachée par le terrain crétacé et sur ceux où les forces intérieures l'ont déchirée en mettant à découvert le terrain triasique. Elle disparaît ensuite sous les formations post-jurassiques des régions basses qui entourent le Jura, et se montre de nouveau dans les massifs montagneux qui dessinent l'enceinte du bassin jurassien. Le terrain jurassique doit avoir, dans le haut Jura, c’est à dire dans la région qui, lorsque ce terrain se déposait, était le centre du bassin jurassien, plus de mille mètres de puissance. A partir de ce point, l'épaisseur du terrain jurassique, consi- déré dans son ensemble, va en diminuant. Cette diminution de puissance provient soit de l’amincissement des divers étages de la série jurassique (voir chap. 1x), soit de leur disparition. Dans les Alpes, le lias acquiert une puissance bien plus considérable que dans le Jura; mais l'accroisse- ment en épaisseur qui pourrait résulter de cette circonstance pour le terrain jurassique est contrebalancé, en partie, par la disparition du terrain oolitique inférieur et même, dans quel- ques localités, du terrain oolitique supérieur. Toutes les strates du terrain jurassique ont été dérangées de leur situation première, puisqu'elles se trouvent à une alti- tude bien supérieure à celle des points où elles se sont dépo- sées. En certains cas, ce{soulèvement s’est effectué dans des conditions telles que l’horizontalité et la continuité primitives des strates ont persisté. En d'autres cas, elles ont été tantôt plus ou moins redressées et renversées sur elles-mêmes, tantôt plus où moins disloquées par les failles. L'étude de ces modi- fications apportées dans l'allure des strates jurassiques trou- vera naturellement sa place dans une autre partie de ce tra- vail. Quant à présent, il doit nous suffire de faire remarquer que toutes les strates du terrain jurassique sont en concor- dance de stratification, et que cette concordance de stratifica- — 271 — tion n'a pu être modifiée par les actions dynamiques aux- quelles elles ont été soumises après leur dépôt. C'est là un fait important qui nous indique pourquoi il n'y a pas possibilité de faire intervenir les discordances de stratification dans la dé- limitation des étages dont le terrain jurassique se compose. Caractères pétrographiques du terrain jurassique. — Le terrain jurassique du bassin jurassien est caractérisé, sous le rapport pétrographique, par la rareté des roches détritiques et par l'abondance des calcaires qui tantôt se montrent seuls et tantôt alternent avec des marnes et des argiles. On ne rencontre presque jamais de roches conglomérées dans le terrain que nous avons en vue. Ce fait, en ce qui con- cerne spécialement le Jura, ne présente, croyons-nous, qu'une seule exception; elle est fournie par un poudingue calcaire à éléments alpins qui, sur divers points, et notamment à Dé- servillers et à Trois-Châtels près de Besançon, se place à la partie supérieure du terrain portlandien. Les roches gréseuses acquièrent un faible développement. Des assises assez puissantes de grès se montrent bien dans l'infralias, mais on ne les retrouve plus qu'à de rares inter- valles, à la partie supérieure du lias (grès superliasique) et dans l'étage séquanien, par exemple. Ce faible développement des roches gréseuses, joint à l'absence presque complète des conglomérats, nous dit assez que, dans le bassin jurassien et pendant la période jurassique, les phénomènes d'érosion et de transport ont eu très peu d'importance. Ils se sont principale- ment manifestés par le transport de matières argileuses prove- nant de la décomposition des roches silicatées qui existaient dans les continents voisins. Le caractère essentiel du terrain jurassique est fourni par les alternances d'assises marneuses et d'assises calcaires qui se succèdent depuis le lias jusqu’à la formation supra-oolitique. C’est ainsi que le terrain oolitique inférieur, le calcaire coral- lien, le calcaire à astartes, etc., sont superposés immédiate- — 278 — mentà des horizons marneux respectivement constitués par les marnes liasiques, les marnes oxiordiennes, les marnes à as- tartes, etc. Ce fait ne peut pas servir exclusivement de base à une classification du terrain jurassique; mais il offre une grande importance en ce sens qu'il indique, dans le climat, la faune et le mode de manifestation des phénomènes géologi- ques, des variations se succédant d'une manière régulière. IL conduit à distinguer, dans la période jurassique, des époques correspondant les unes aux terrains marneux, les autres aux terrains calcaires. Il est probable que, pendant les premières, le climat était moins sec; des pluies plus ou moins abondantes, sans être diluviennes, déterminaient la formation de courants fluviatiles apportant aux terrains marneux l'élément détritique qui entre dans leur composition. Nous venons de dire que le rôle très effacé joué par les ro- ches gréseuses et conglomérées dans la constitution du terrain jurassique, permet de considérer ce terrain comme étant formé exclusivement d’alternances marneuses et calcaires. Ajoutons que la série jurassique débute par un puissant massif: mar- neux, le lias, et se termine par un énorme massif calcaire qui, dans le Haut-Jura, comprend le terrain corallien et l’oolite supérieure. On remarque en outre que les assises alternative- ment marneuses et calcaires sont disposées de telle sorte que l'épaisseur des horizons marneux va en diminuant de basen haut, tandis que celle des calcaires va en augmentant dans le même sens. On observe enfin, à mesure que l'on s'éloigne des bords du bassin jurassien, que les assises marneuses vont en diminuant d'épaisseur, tandis que les assises calcaires prennent plus d'importance. C'est ainsi que, dans le centre du bassin, on voit bien persister les deux principaux horizons mar- neux du terrain jurassique, c'est-à-dire les marnes liasiques et les marnes oxfordiennes; mais les horizons marneux secon- daires disparaissent, notamment dans l'oolite supérieure ex- clusivement formée, dans le Haut-Jura, de roches calcaires. Dans l'Etude suivante, nous aurons l'occasion de montrer — 279 — comment ces alternances impriment au Jura son principal caractère; nous verrons quelle influence elles exercent sur la constitution topographique du pays, sur l'aspect de la végé- tation et sur le régime hydrographique souterrain ou super- ficiel. Pour achever de donner une idée sommaire de la constitu- tion pétrographique du terrain jurassique, nous rappellerons les changements de coloration qu'il présente dans le sens ver- tical. Ces changements de coloration, que les Allemands ont mis à profit dans leur classification du terrain jurassique, ne sont pas spéciales à ce terrain; on les retrouve dans d'autres formations de divers pays. Ces formations se composent de deux parties : la partie inférieure est bleuâtre ou noirâtre, tandis que la partie supérieure est jaunâtre. Nous allons citer à l'appui de ce fait des exemples assez nombreux pour prouver qu'il n’est pas le résultat d’une cause accidentelle. Les marnes bleues du terrain oxfordien supportent, en Franche-Comté, le terrain à chailles remarquable par ses nuances jaunâtre et rougeâtre. Le terrain miocène des bords de la Méditerranée se divise en deux parties : le bleu est plus spécialement affecté au terrain miocène inférieur, et le jaune à l'étage supérieur. Dans le bassin de la Gironde, les faluns jaunes se placent au- dessus des faluns bleus. Le terrain subapennin des bords de la Méditerranée débute par une masse puissante de marnes bleues, au-dessus desquelles viennent des sables quartzeux jau- nâtres. Pendant la première période glaciaire, il s'est produit en Ecosse un dépôt d'argile bleue compacte, tandis qu'à la se- conde période glaciaire appartient un dépôt roux, argileux, plus friable. La même chose s'observeen Suisse: ainsi, aux environs de Lausanne et de Vevey, l'argile erratique des premiers gla- ciers est bleue et compacte, tandis que celle du second glacier, quoique présentant la même composition, est plus friable et d'une couleur rousse. Evidemment, les changements de coloration dont nous ve- nons de citer des exemples sont dus à ce que l'air atmospheé- — 280 — rique a eu, dans les parties à nuances claires, un accès plus fa- cile que dans les parties à nuances foncées. Cet accès de l'air, s’effectuant soit pendant, soit après le dépôt des strates, a pour résultat de faire disparaître une partie du carbone et des substances hydrocarbonées qui donnent ordinairement aux roches leurs couleurs sombres et plus ou moins noirâtres. L'arrivée de l'air atmosphérique et l'oxydation qui l'accom- pagne constituent un même phénomène, dont l'activité varie avec la nature des roches et surtout avec la profondeur des eaux où ces roches se sont déposées. Les mers du bassin ju- rassien ont diminué d'étendue et de profondeur depuis le com- mencement jusqu'à la fin de la période jurassique. Cette cir- constance nous aide à comprendre pourquoi les roches du terrain jurassique présentent des nuances de plus en plus claires à mesure que l'on s'élève dans l'échelle géologique. Mais il est deux autres Causes qui ont coopéré aux change- ments réguliers dans la coloration du terrain jurassique, et ces deux causes sont : {° la diminution dans la quantité de ma- tière organique retenue par les roches; 2° le ralentissement de l’action geysérienne et l'abondance de plus en plus grande des roches calcaires. À conditions égales, c'est-à-dire pour des terrains déposés à la même époque, sur les mêmes points et dans les mêmes cir- constances, les marnes sont ordinairement plus fortement co- lorées que les calcaires. Elles ont souvent une couleur noi- râtre et bleuâtre, que l’on retrouve dans la vase et qui est due au mélange de la matière organique. Cette proportion plus grande de la matière organique dépend elle-même de ce que les animaux, ou les débris qu'ils laissent après leur mort, pénè- trent plus facilement dans la vase, la marne et l'argile, que dans les roches compactes comme les calcaires. Ce fait, une fois admis, nous permet de retrouver une des autres causes qui ont déterminé les changements de coloration du terrain jurassique; nous savons, en effet, que les horizons marneux diminuent en nombre et en importance à mesure que l'on — 281 — s'élève dans la série des étages dont ce terrain se compose. Quant aux roches calcaires, si l’on se rappelle que la sub- stance dont elles sont surtout formées est naturellement blanche, si l'on tient compte, en outre, du ralentissement de l'action geysérienne (voir chap. 1x) à mesure que la période Jurassique s’avançait, on comprendra comment, vers la fin de cette période, les émissions calcaires, ayant seules persisté, ont donné origine à des roches dont la nuance se rapprochait de plus en plus du blanc. Ces roches tendaient à se dépouiller notamment des nuances brunâtres ou rougeûtres déterminées par le mélange des matières ferrugineuses. L'action geysérienne a été plus intense pendant la période triasique que pendant la période jurassique. Les roches du trias présenient des nuances quelquefois plus foncées et tou- jours plus vives et plus variées que celles du terrain juras- sique. Aussi pourrait-on ajouter à cette série comprenant le Jura blanc, le Jura brun et le Jura noir, un quatrième terme qui serait le trias. Caractères paléontologiques du terrain jurassique. — Un des côtés les plus intéressants de l'étude du terrain jurassique, dans le bassin jurassien, est celle des faciès que présentent les diverses assises dont il se compose. Le faciès d’un terrain est l'ensemble de ses caractères pétrographiques et paléontologi- ques, en tant que ces caractères résultent des conditions qui ont présidé au dépôt de ce terrain. Cette définition implique nécessairement une relation intime entre la constitution pé- trographique du terrain que l'on a en vue et la nature des dé- bris organiques qu'il renferme. L'étude des faciès permet de retrouver l’ancien état des choses, en partant de ce principe que chaque couche, ou chaque série de couches, prise dans le sens horizontal, est le fond d’une ancienne mer. En tenant compte de l'aspect des roches et surtout de la nature des fossiles, on peut se représenter comment la profondeur de la mer variait d'un point à un — 282 — autre, quelles étaient la nature du sol sous-marin, la direction des courants, etc. Nous ne pouvons, dans notre première Etude, aborder cette question des faciès du terrain jurassique; nous nous borne- rons à rappeler les relations qui existent entre les caractères paléontologiques des diverses assises de ce terrain et leur na- ture pétrographique, tantôt calcaire, tantôt marneuse. Les terrains marneux sont caractérisés par l'abondance des ammonites et des bélemnites et par l'extrême rareté des poly- piers. Les terrains calcaires, au contraire, renferment peu d'am- monites et de bélemnites, mais les polypiers coralligènes y prennent une grande extension. C'est ainsi que le lias, où les ammonites et les bélemnites se montrent à profusion, ne pré- sente qu'un seul polypier, le Cyathophyllum mactra, qui est d'ailleurs de petite taille et dont les individus ne sont jamais agrégés. Les marnes oxfordiennes donnent lieu à une re- marque semblable ; elles sont très riches en ammonites et en bélemnites, et ne renferment qu'un seul polypier très rare et appartenant au genre Cyathophyllum ou à un genre voisin. Le terrain oolitique inférieur, qui recouvre les marnes lia- siques, et le calcaire corallien, placé au-dessus des marnes oxfordiennes, renferment, au contraire, très peu d’ammoniles et de bélemnites, mais présentent à chaque instant des récifs de polypiers plus ou moins étendus. Les légères modifications climatologiques, qui avaient pour conséquence la constitution de terrains alternativement marneux et calcaires, devaient exercer une influence directe sur le caractère de la faune ; mais elles agissaient encore indirectement en changeant la na- ture du sol sous-marin qui, d'abord mou et vaseux, devenait ensuite calcaire et résistant. Aux essaims d'ammonites et de bélemnites, succédaient les récifs de polypiers et les prairies vivantes d’encrines. Terrain lacustre supra-oolitique. — Sous le nom de terrain lacustre supra-oolitique (marnes de Villars, Renevier ; terrain — 283 — dubisien, Desor et autres géologues suisses ; étage purbechien, Jaccard), nous désignons une formation contenant des fossiles d'eau douce, reposant toujours sur la dolomie portlandienne et servant de base au lerrain néocomien, excepté dans les ré- gions basses du département du Doubs, où le terrain néoco- mien repose directement sur le terrain jurassique. Ce terrain, dont la puissance moyenne est de 15 mètres, se compose de marnes argileuses, grumeleuses, d'un gris un peu foncé, tirant sur le verdâtre, et de calcaires gris compactes qui alternent avec les marnes et finissent par dominer à la partie supérieure. Les environs de Villars-le-Lac ont fourni de nombreux débris de corps organisés présentant un mé- lange de formes terrestres (tortues), d'eau douce, telles que Physa Bristovii, P. Wcaldiana, Planorbis Loryi, saumâtres, telles que Corbula alata, et enfin marines, telles que gastéro- podes indéterminés et poissons ; on y a également rencontré des gyrogonites. A la Brévine, à la Rivière, à Foncine, etc., le terrain lacustre supra-oolitique contient des amas de gypse exploité, avec dolomies cloisonnées et marnes bigarrées. C'est en 1847 que l'existence de strates comprises dans le Jura, entre le calcaire portlandien et le terrain néocomien, fut signalée pour la première fois par Pidancet. C’est en 1849 que M. Lory rencontra dans ces strates des fossiles d'eau douce et reconnut ainsi que les terrains jurassique et crétacé sont séparés par une formation lacustre. Depuis lors cette im- portante découverte a été généralisée; on a constaté que, dans d’autres contrées de l'Europe, dans le Hanovre et le dé- partement de la Charente, par exemple, une assise lacustre se place entre les terrains jurassique et crétacé et que, sur le continent pas plus qu’en Angleterre, ces deux terrains ne for- ment une série continue de strates marines. Il est donc permis d'admettre qu'entre les deux périodes correspondant au dépôt de chacun de ces terrains, il s’est écoulé un inter- valle de temps dont la durée a varié pour chaque pays et pen- dant lequel les eaux marines ont déserté le sol de l'Europe. art és en Pic + br: — 284 — On avait d’abord supposé que cette formation lacustre appar- tenait au terrain wealdien d'Angleterre; mais depuis on s'est convaincu que ce terrain wealdien est représenté sur le conti- nent par le terrain néocomien. Le terrain lacustre supra-00li- tique du Jura se place sur le même niveau que la formation de Purbeck de l'Angleterre. La présence, dans le terrain port- landien de la Franche-Comté, de l'Hemicidaris Purbeckensis qui se trouve dans la formation de Purbeck, permet de penser que la partie inférieure de cette formation pourrait corres- poudre à la partie supérieure du terrain portlandien du Jura. Immédiatement après le dépôt de la dolomie portlandienne, les eaux salées ont entièrement disparu et ont été rempla- cées par des eaux saumâtres, puis par des eaux lacustres. C'est alors qu'un lac est venu succéder aux mers qui avaient oc- cupé le bassin jurassien. Ce lac recouvrait tout l’espace cor- respondant à la partie orientale du Jura. Vers le nord, 1l allait jusqu'à Neuchâtel. Vers le sud, il se prolongeait jusqu’à Yenne, en Savoie, et jusqu'à l'Echaillon près de Grenoble, où M. Lory a constaté l'existence du terrain lacustre supra-00li- tique. La largeur de ce lac n'était pas considérable ; ce terrain lacustre n'existe pas dans la partie occidentale des départe- tements du Doubs et du Jura, et rien n'indique qu'il se pro- longe jusqu'en Suisse. L'apparition du lac supra-oolitique a été la conséquence d’un exhaussement du sol qui, tout en diminuant l'étendue de la mer oolitique supérieure, l'avait portée au-dessus du niveau de l'océan. Le changement des eaux salées en eaux douces ne peut s'expliquer qu'en admettant que ce lac com- muniquait avec une mer au moyen d'un fleuve, ainsi que cela existe pour les lacs de la Suisse et de l'Amérique. 4, th UM el 4D MERE de À dé - OS Pre NC à ar hé late Me « à PPT NT) D'IAPR à \ ui Ï - ee de — 285 — CHAPITRE VI TERRAIN CRÉTACÉ. Division du terrain crétacé en systèmes et en étages. — On divise ordinairement le terrain crétacé en trois systèmes, qui sont : le système inférieur où néocomien, le système moyen ou du grès vert, et le système supérieur ou de la craie blanche. Cette division, parfaitement naturelle lorsque l’on se place à un point de vue général, l'est beaucoup moins lorsque l'on ne considère que le bassin jurassien. La division en deux sé- ries nous paraît, dans ce dernier cas, préférable, parce qu'elle s'adapte mieux, ainsi que nous allons le voir, à la distribution géographique du terrain crétacé et à la répartition des mers où il s’est déposé. C'est cette division que M. Elie de Beaumont a indiquée depuis longtemps, lorsqu'il a montré que « le ter- rain crétacé est divisible en deux groupes séparés par l'appa- rition du système du Mont-Viso, et très distincts par leurs ca- ractères géologiques et leur distribution sur la surface de l'Eu- rope : l’un comprenant la partie inférieure du terrain crétacé jusques et y compris la craie tufau ; l'autre comprenant seu- lement une partie de la craie marneuse, la craie blanche et les couches qui la suivent. » Dans le bassin jurassien, les mers correspondant à chacun de ces deux groupes n'avaient pas la même configuration et n’occupaient pas le même emplacement. La mer néocomienne était bien plus étendue que celle de la craie blanche ; elle communiquait, à l'est, avec le bassin du Danube, et au sud, avec celui de la Méditerranée. [l en était de même pour la mer du grès vert. Mais la mer de la craie blanche était placée plus à l’ouest dans le bassin jurassien ; elle ne paraît avoir eu au- cune communication avec le bassin du Danube ; elle se diri- De ARS - : — 286 — geait vers la Méditerranée en formant un golfe étroit et al- longé, assez semblable à la mer Rouge. On ne rencontre pas dans le bassin jurassien de représen- tants de l'étage turonien (craie marneuse), et encore moins de l'étage provencien (craie à hippurites), si largement développé dans le midi de l'Europe. La superposition immédiate de la craie blanche à la craie chloritée ne permet guère de recourir à l'hypothèse d'une action dénudatrice pour expliquer l’ab- sence de ces deux étages. Le bassin jurassien a donc été émergé pendant que les étages turonien et provencien se dé- posaient dans d’autres contrées. Cette circonstance nous fournit un nouvel argument à l'appui de la division du terrain cré- tacé du bassin jurassien en deux groupes bien distincts, l’un antérieur et l’autre postérieur au système du Mont-Viso. Mais, cette division une fois établie, nous nous trouvons en présence de deux groupes dont l'un a bien plus d'importance que l’autre. Nous sommes ainsi conduit à subdiviser le premier en deux sous-groupes, et nous revenons, bien que par un autre chemin, à la division du terrain crétacé en trois systèmes. On peut, dans l'état actuel de nos connaissances, diviser la série crétacée en neuf étages, qui sont les étages néocomien, urgonien, aptien (grès vert inférieur), albien (gault), cénoma- nien. (grès vert supérieur ou craie chloritée), turonien (craie tufau), provencien (craie marneuse, terrain à hippurites), sé- nonien (craie blanche), danien (calcaire pisolitique, craie de Maëstricht). Nous avons déjà dit que les étages turonien et provencien n'existent pas dans le bassin jurassien. [1 en est de même pour l'étage danien dont l'absence s'explique facilement en admet- tant soit un émergement du bassin jurassien à l'époque où l'étage danien se déposait ailleurs, soit l'ablation de cet étage à la suite de puissantes dénudations qui ont fait disparaitre presque toute la craie blanche. Par contre, dans le tableau V, où nous avons voulu représenter la composition générale du terrain crétacé du bassin jurassien, nous donnons une place à PT PART ES 2 PO D VO DO AT SE PE TES DER LL LP UN RO TSI LAID PDP ENT NE — 287 — l'étage valangien que la plupart des géologues suisses consi- dèrent comme un étage distinct à la base de la série néoco- mienne. Mers, climat, faune et flore de la période crétacée dans le bassin jurassien. — Peu après le commencement de la période crétacée, les eaux océaniennes, après s'être avancées par la vallée du Rhône, ont pénétré de nouveau dans le bassin juras- sien; mais elles y ont occupé moins d'espace que lors des pé- riodes antérieures. Pendant la période crétacée inférieure, la mer recouvrait toute la plaine helvétique et la presque totalité du Jura. De cette mer se détachait, vers le nord-ouest, un golfe où se déposaient les strates qui, dans le département de la Haute- Saône et dans la partie basse de celui du Doubs, appartiennent au terrain néocomien inférieur, au gault et à la craie chloritée. Où était situé le détroit qui faisait communiquer ce golfe avec la mer helvétique? C'est ce qu’il est impossible d'indiquer d'une manière précise. Mais, d'après ce que nous avons dit sur l'existence à la Serre d’un bombement du sol, il est pro- bable que ce détroit se plaçait entre la Serre et les Vosges. Immédiatement après le dépôt de la craie chloritée, le bassin jurassien a éprouvé un émergement qui a persisté pendant les époques correspondant aux étages luronien et provencien. Puis, au moment où le dépôt de la craie blanche allait s'effec- tuef, la mer est revenue dans le bassin jurassien, mais elle n'a eu ni la même étendue ni les mêmes rivages que les mers néocomienne et du grès vert. Elle se trouvait placée un peu plus vers le bord occidenial du bassin jurassien ; elle recou- vrait la partie centrale du Jura, en se maintenant à l’ouest d'une ligne correspondant au grand cercle de comparaison du système du Mont-Viso. Elle se prolongeait vers le sud jusque dans le département du Var, en formant une zone étroite. Cette mer, dont la profondeur devait être très faible, a sans doute disparu avant la fin de la période crétacée. Probable- ju À a: PS PEN ER STE SR. Ed Le. — 288 — ment elle n'existait plus lorsque l'étage danien se constituait sur d’autres points de l'Europe. Le bassin jurassien a subi, à la fin de la période crétacée, comme à la fin de la période jurassique, un émergement général; mais il n'a pas été occupé par un lac jouant, par rapport au terrain Crétacé, le même rôle que le lac supra- oolitique par rapport au terrain jurassique. Cet émergement a persisté pendant la première moitié au moins de la période éocène. Toutefois, ce serait une erreur de croire que, dès le commencement de la période tertiaire, le Jura et la partie intérieure du bassin jurassien avaient déjà quelques-uns des traits de leur configuration actuelle. Probablement, le Jura constituait alors, avec les régions voisines et notamment avec la Suisse, un plateau peu accidenté s'appuyant sur la crête montagneuse qui, en allant des Vosges au Morvan, formait déjà, d’une manière définitive, la ligne de partage entre les versants océanien et méditerranéen. Ce plateau s'inclhinait doucement du nord-ouest vers le sud-est, jusqu à sa rencontre avec la mer nummulitique des Alpes. Le climat de la période crétacée ressemblait beaucoup à celui de la période jurassique; pourtant le moindre dévelop- pement des polypiers et la plus grande abondance des roches à éléments détritiques nous autorise à penser qu'il était un peu moins chaud et un peu plus pluvieux. Les lignes isothermes s'accentuaient progressivement à la surface du globe. A ce sujet, nous rappellerons une particularité qui nous montre que, pendant la période crétacée, les bassins jurassien et parisien n'avaient plus tout à fait le même climat, et que la température était plus élevée dans le premier que dans le second. Nous voulons parler des rudistes qui vivaient dans toutes les mers de l'Europe et y formaient des bancs puissants et très étendus; ils se sont également montrés dans le bassin jurassien, mais ils paraissent avoir habité à peine le bassin parisien. Il nous semble naturel d'établir une relation entre la distribution géographique de ces animaux et les différences — 289 — qui devaient exister dans le climat des diverses régions de l'Europe. Le tapis végétal qui, pendant la période crétacée, recouvrait les parties émergées du bassin jurassien, ressemblait beau- coup à celui qui avait appartenu aux mêmes contrées pendant la période jurassique. C'étaient les mêmes bois de fougères le long du littoral, ou de cycadées dans l’intérieur des terres ; c'étaient les mêmes forêts de conifères sur les plateaux ou dans les régions montagneuses. Mais à ces formes vésétales se mêélaient déjà des palmiers et des arbres de la famille des amentacées, destinée à prendre une importance sans cesse croissante pendant les périodes suivantes. La faune, comme la flore, conservait la majeure partie des caractères qu'elle avait eus pendant la période jurassique, mais elle comprenait certaines formes indiquant déjà une tendance vers les types actuels; c'est ainsi que les poissons téléostéens apparaissaient pour la première fois et étaient même très abondants. Les mammifères et les oiseaux ne comptaient pas encore au nombre des habitants de notre pla- nète. Les ptérodactyles, les ichthyosaures, les plésiosaures, les reptiles à taille gigantesque, tels que l’Zguanodon et le Mosa- saurus, peuplaient les airs, les eaux et le sol émergé; mais leurs diverses espèces allaient s'éteignant les unes après les autres, et presque toutes avaient cessé d'exister avant la fin de la période crétacée. Les ammonites et les bélemnites vivaient encore, mais elles étaient moins nombreuses et, par inter- valles, cessaient même de se montrer dans le bassin jurassien. Les polypiers coralligènes n’édifiaient plus leurs récifs dans ce bassin, mais leur disparition était le résultat d'une modifi- cation climatologique et non la conséquence des lois qui pré- sident aux rénovations organiques. À leur place, les rudistes et les orbitolines intervenaient parfois pour fournir la majeure partie de leurs éléments pétrogéniques à des bancs plus ou moins étendus. Signalons enfin, comme imprimant un carac- tère particulier à la faune de la période crétacée, la présence 22 Mon: 4 ol) CRC An), à : spé tisane. été à + «db ei PR ARTS, LS D OR a Céder b cn St ah js UN ve — 290 — de ces rudistes, type tout à fait spécial à cette période (1), et celle de certaines formes nouvelles d'ammonitides, telles que les genres Hamites, Scaphites, Baculites et Crioceras. Stratigraphie générale et distribution géographique du terrain crétacé. — Afin de bien définir le rôle que le terrain crétacé joue dans la constitution géognostique du bassin jurassien, nous rappellerons d’abord qu'il sert de recouvrement au Jura, et que de Saussure le considérait comme étant l'écorce de ce massif montagneux. Mais cette écorce a été déchirée et manque sur un grand nombre de points. A cause de la place qu'il occupe dans l'échelle des formations jurassiennes, le terrain crétacé a été soumis plus qu'aucun autre à l'influence des agents de dénudation. Il occupe dans le Jura trois zones assez distinctes. Dans la zone orientale, les systèmes crétacé infé- rieur et moyen sont très développés, mais le système supérieur manque complètement. La zone nord-occidentale comprend les petits lambeaux qui se trouvent dans la Haute-Saône et dans les parties basses du Doubs ; le système supérieur n’y existe pas plus que dans le Jura oriental; les deux autres systèmes y sont représentés, mais ils n'y offrent qu'un faible développement. Enfin, dans la zone occidentale, les systèmes inférieur et moyen sont encore plus réduits que dans le dépar- (1) L'étude de la répartition chronologique des rudistes a conduit à distinguer dans la série crétacée des niveaux où ils prennent un déve- loppement considérable ; le nombre de ces niveaux, ou horizons de rudistes, est en proportion de celui des étages que chaque géologue distingue dans le terrain crétacé. Les rudistes se montrent pour la pre- mière fois avec l'époque urgonienne, disparaissent momentanément pendant les époques aptienne et albienne, et se montrent de nouveau avec l'époque cénomanienne pour persister jusqu'à la fin de la période crétacée. L'étage urgonien est le seul horizon de rudistes qui existe dans le bassin jurassien. Les étages cénomanien et sénonien, correspondant l'un au deuxième horizon, et l'autre au cinquième, n'y renferment pas de roches à rudistes. Quant aux horizons correspondant aux étages turo- nien, provencien et danien, ils n'y sont pas représentés, par la bonne raison que ces étages eux-mêmes n'y existent pas. PP PE A DUR VRP ET TOR PNR ES NN RECU — 291 — tement du Doubs; mais c’est la seule région du Jura, de la Suisse et de la vallée de la Saône où apparaisse le terrain cré- tacé supérieur. D'après ce qui précède, on peut dire que le terrain crétacé du Jura atteint son plus grand développement dans la partie de ce massif montagneux voisine de la Suisse. À mesure que l'on se dirige vers l’ouest, on voit ce terrain perdre rapidement de son importance , n'avoir plus qu'une vingtaine de mètres d'épaisseur et enfin disparaître entièrement. Au delà de la ligne qui limite le Jura vers l’ouest et vers le nord-ouest, le terrain crétacé n'est plus représenté que par quelques lam- beaux qui se montrent dans la Haute-Saône. Vers le nord-est, il ne dépasse pas la latitude de Soleure ; il manque complète- ment dans la partie du bassin jurassien qui dépend des Vosges et de la Forêt-Noire. Le terrain crétacé, après avoir constitué une zone qui accompagne le versant suisse du Jura, plonge au-dessous des formations tertiaires de la plaine helvétique et reparaît sur le versant septentrional du massif alpin. Ces deux bandes de terrain crétacé, s'appuyant l’une contre le Jura et l’autre contre les Alpes, se rapprochent de plus en plus vers le sud- ouest et se rejoignent dans la Savoie et le département de l'Isère. Le Dauphiné est la partie du bassin jurassien où le terrain crétacé acquiert son plus grand développement ; les montagnes de la Chartreuse et la chaîne du Vercors sont en majeure partie néocomiennes. Toutes les assises du terrain Crétacé sont, dans le bassin jurassien, en stratification concordante. Toutefois, comme les divers étages dont ce terrain se compose n y ont pas toujours la même distribution géographique, on est autorisé à dire qu'ils sont séparés par des discordances d'isolement; les mers où ils ont été reçus, pas plus que celles où se sont déposées les diverses assises de la série jurassique, n'avaient pas exacte- ment les mêmes rivages. Le terrain crétacé est également en stratification concordante avec le terrain jurassique ; c’est un — 292 — fait actuellement hors de contestation. Il a été soumis, en même temps que lui, aux mêmes actions dynamiques. Dans la partie orientale du Jura, il participe aux mêmes mouve- ments du sol et il intervient au même titre dans les divers ac- cidents orographiques, tels que les soulèvements en voûte. Caractères pétrographiques et paléontologiques du terrain crétacé. — Les caracicres pétrographiques du terrain crétacé ressemblent beaucoup à ceux du terrain jurassique. Cette remarque est surtout exacte quand on ne considère que le système néocomien qui forme à lui seul la masse principale du terrain Crétacé du Jura. Ce sont les mêmes alternances de marnes et de calcaires, avec interposition, à divers intervalles, des mêmes calcaires siliceux ou ferrugineux. La principale différence à signaler consiste dans une moindre rareté des roches détritiques, qui prennent même un assez grand déve- loppement dans le système crétacé moyen. Ce sont, en effet, les roches arénacées qui, surtout dans le nord de l’Europe, jouent le rôle le plus important dans la constitution pétrogra- phique de cette portion du terrain crétacé; ce sont elles qui, même dans les cas où, comme pour le sud-est de la France, les roches calcaires sont assez abondantes, impriment au terrain crétacé moyen son caractère distincüf. Elles se pré- sentent à l’état de sables ou de grès ferrugineux, plus ou moins colorés en vert par le fer silicaté. C'est par des roches de cette nature, mêlées à des argiles, que débute le système crétacé moyen (grès vert inférieur). Au-dessus viennent des argiles ordinairement bleuâtres, noirâtres ou verdâtres qui, tantôt seules, tantôt mêlées à des grès, constituent un horizon peu puissant, mais d'une grande constance : c'est le gault. Puis apparaissent d'autres grès (grès vert supérieur), souvent remplacés par des calcaires glauconieux (craie chlo- ritée). Ces calcaires glauconieux établissent une transition entre les roches détritiques verdätres des assises inférieures et les calcaires qui dominent dans le terrain crétacé supérieur. — 293 — Ceux-ci, d’abord ocreux, marneux ou siliceux, tendent à se dépouiller de leurs éléments étrangers et finissent par passer à l'état de craie blanche. Nous avons déjà donné une idée des caractères paléontolo- giques du terrain crétacé en disant quelques mots de la faune de la période correspondant à ce terrain. Nous avons vu que la persistance des ammonites et des bélemnites maintient entre les terrains jurassique et crétacé une certaine similitude que tendent à affaiblir diverses circonstances, telles que la disparition des roches à polypiers, la moindre abondance des ammonites et des bélemnites, et les formes nouvelles que ces céphalopodes présentent parfois (bélemnites plates, ammonites du groupe des fleœuosi). Quelques caractères paléontologiques du terrain crétacé indiquent une tendance vers l'état actuel des choses. Ces caractères résultent d'abord de l'apparition de certaines formes organiques inconnues dans le terrain jurassique; les acéphales et les gastéropodes sont plus répandus dans les strates fossi- lifères; enfin, les roches à orbitolines de l'étage aptien consti- tuent un faciès dont les exemples, tels que le calcaire à num- mulites du terrain éocène, sont de plus eu plus nombreux dans les formations post-crétacées. Quant aux caractères paléontologiques tout à fait spéciaux au terrain Crétacé, nous les avons déjà mentionnés en parlant des rudistes et en rappelant les formes bizarres et variées qu'y prennent certains genres d’ammonitides. Dans les considérations précédentes, nous avons eu prinei- palement en vue le centre du bassin jurassien. En réalité, il y a lieu de distinguer, en ce qui concerne le système néoco- mien et peut-être tout le terrain crétacé jusqu'à la craie blanche exclusivement, deux faciès : Le faciès alpin, caracté- risé par l'abondance des céphalopodes, et le faciès ordinaire, où prédominent, comme dans le Jura, les gastéropodes, les acéphales et les rayonnés. Evidemment l'existence de ces deux faciès est due à des différences de profondeur dans la mer — 294 — crétacée. Nous avons constaté un fait semblable pour le trias et l'infralias, et, pour la mer crétacée comme pour celles où ces deux terrains ont été recus, nous croyons pouvoir admettre que les eaux étaient bien plus profondes dans la région des Alpes que dans celle du Jura. C'est un fait en relation avec la puissance considérable du terrain crétacé inférieur et moyen dans le Dauphiné. Système crétacé inférieur ou néocomien. — Le terrain n60- comien, considéré dans la partie orientale du Jura, et surtout aux environs de Neuchâtel, est divisible en trois étages. L'étage valangien comprend deux assises : 1° une assise inférieure (calcaires infra-néocomiens, Lory; calcaires et marnes à Strombus, Ogérien ; roches d'Auberson, Marcou) formant, en stratification concordante avec le terrain lacustre supra-00li- tique, un massif dont les roches ressemblent, sous le rapport lithologique, à celles du terrain jurassique : il se compose en majeure partie de bancs calcaires, alternant quelquefois avec des lits d'argile bleuâtre ou grisâtre; 2° une assise supérieure (calcaire roux du néocomien inférieur, Lory; limonite de Méta- bief, Marcou; calcaire à Pygurus rostratus, Ogérien) : cette assise se compose principalement de calcaires rouges, bruns ou même jaunâtres, souvent lumachelliques ou finement oolitiques, en couches minces, avec oolites de limonite en quantité quelquefois suffisante pour donner lieu à des exploi- tations. L'étage néocomien se divise naturellement en deux assises bien distinctes par leur composition pétrographique. L'assise inférieure (marnes d'Hauterive, Marcou ; marnes à Ostrea Cou- loni, Ogérien; Néocomien marneux, À. Jaccard) est composée de marnes bleues, quelquefois grises et jaunes et toujours très fossilifères. L'assise supérieure (roches de l'Ecluse et calcaire jaune de Neuchätel, Marcou; calcaires jaunes à Ostrea Bous- singaultii, et calcaires chloriteux à Nautilus pseudo-elegans, Ogérien; Véocomien calcaire, À. Jaccard) débute par des cal- — 295 — caires jaunes, avec taches vertes de chlorite, alternant vers le bas avec des marnes et contenant vers le haut des rognons de silex blanc; elle se termine par un massif exclusivement formé de calcaires bien stratifiés, d'une belle couleur jaune, dont on se sert à Pontarlier et à Neuchâtel comme pierre à bâtir. L'étage urgonien (calcaire à rudistes, Studer; calcaire à Chama, divers auteurs; groupe de Noïrvaux, Marcou) est entièrement calcaire. Il se lie intimement avec l’assise précé- dente, et il serait impossible de tracer une limite entre eux sans le secours de la paléontologie. Ainsi que M. A. Jaccard le fait remarquer, cet étage se compose de deux assises dis- tinctes : une assise inférieure ou calcaire jaune à échinodermes, et une assise supérieure ou calcaire à rudistes. C'est à l'étage urgonien qu'appartiennent les gisements d'asphalte exploités dans le Jura oriental; cette substance se retrouve aussi dans quelques roches de l'étage aptien inférieur. Son synchronisme avec les strates qui le renferment est actuellement mis hors de doute. Quant à son origine, il est assez difficile de l'indiquer d’une manière précise; nous nous bornerons à rappeler l'opinion que nous avons formulée, sous toutes réserves, en admettant que ces gisements d'asphalte sont en relation avec un bassin houiller qui aurait été soumis à l'influence des roches éruptives. Si nous recherchons ce que devient le système néocomien à mesure que l'on s'éloigne du point où nous venons de le con- sidérer, on le voit disparaître vers l'est sous la mollasse de la plaine helvétique ; vers le sud, il prend une importance de plus en plus grande, tandis que vers l'ouest et le nord-ouest, les diverses assises et les étages dont il se compose s'amincis- sent de plus en plus et finissent par disparaître. Dans la partie basse du département du Doubs et dans la vallée de l'Ognon, les étages valangien et néocomien n'existent plus; l'étage néo- comien est seul représenté : il est constitué par une assise marneuse, avec Ostrea Couloni, et une assise d’un calcaire — 296 — blanchâtre ou jaunâtre, chlorité sur quelques points et pre- nant quelquefois une texture oolitique ou lumachellique. Système crétacé moyen ou du grès vert. — Dans la partie sud-orientale du Jura, on rencontre des dépôts appartenant aux trois étages aptien, albien et cénomanien ; ainsi que nous l'avons déjà dit, des divers étages du système crétacé moyen l'étage turonien est le seul qui ne soit pas représenté. L'étage aptien comprend deux assises : l'assise inférieure (terrain rhodanien, Renevier) se compose de marnes et d'ar- giles jaunes, bleues, vertes ou grises : c'est elle qui se montre particulièrement riche en orbitolines (Orbitolina lenticularis); l'assise supérieure se compose de grès compactes ou marneux, quelquefois imprégnés d’asphalte. M. A. Jaccard distn oue dans l'étage albien trois assises. « L’assise inférieure, dit-il, est composée de sables siliceux à peu près purs, renfermant des fossiles nombreux à l’état de moules phosphatés noirs, ainsi que des rognons et des con- crétions de la même roche. C'est l'horizon le plus constant et le mieux connu de l'étage albien; par la présence de ses fos- siles, que l’on retrouve à l’état remanié dans tous les gise- ments de mollasse du Jura, nous acquérons la certitude que les dépôts de ce groupe se sont effectués dans toutes les vallées du Jura, quoique sur nombre de points ils aient aujourd'hui disparu. L'assise moyenne se compose de marnes argileuses, plastiques, de couleurs variées, jaunes, rouges, grises ou bleues; elle renferme des fossiles ordinairement pyriteux, d’'é- clat métallique. L'assise supérieure (terrain vraconnien, Rene- vier) n’est représentée dans le Jura ue par un seul gisement, celui de la Vraconnaz, près de Sainte-Croix ; mais on sait, par des travaux récents, qu'elle existe sur divers points du bassin anglo-parisien et dans les Alpes. A la Vraconnaz, elle forme une masse puissante, irrégulièrement stratifiée, de grès mar- neux, jaunâtre ou verdâtre, occupant une étendue de quelques centaines de mètres carrés. » — 297 — Quant à l'étage cénomanien, il se compose principalement de calcaire crayeux, d’un blanc grisâtre, accompagné de marnes crisâtres ou gris-verdâtre. Son peu d'épaisseur et sa faible importance ne permettent pas de le diviser en assises. Dans les départements de l'Isère et de la Savoie, non-seule- ment l'étage turonien, mais aussi l'étage aptien, font défaut; le gault se montre dans un grand nombre de localités et notamment à la montagne des Fis (Savoie), où il a été signalé depuis longtemps par Brongniart. Si nous nous dirigeons vers le nord-ouest, nous verrons le système crétacé moyen perdre insensiblement de son impor- tance, comme le système crétacé inférieur. Cette moindre im- portance s'explique aisément lorsqu'on tient compte des cir- constances qui rendent plus énergique l’action dénudatrice exercée sur les terrains. (Voir chap. x.) Dans le département du Jura, d’après le frère Ogérien, l’é- tage aptien {calcaire marneux à Ostrea aquila) ne se montre que sur la pente du mont Rizoux. L'étage albien (argile sa- bleuse à Ammonites mamillatus) y offre deux assises : en bas, des sables siliceux bariolés, souvent micacés, avec fragments de quartz, rognons de fer hydraté et grains de fer silicaté; puis une assise supérieure, existant souvent seule et formée de calcaire marneux, verdûtre, sableux par place, passant sou- vent à l'état de grès assez dur, lequel est souvent accompagné ou remplacé par une argile plastique bleuâtre. Quant à l'étage cénomanien (craie sableuse à Turrilites costatus), il n’a été rencontré qu'à Lains où, de même qu'à Leissard et près du lac Gertin, elle repose sur le gault et est recouverte par un lambeau de craie blanche. Enfin, dans la partie basse du Doubs et dans la Haute- Saône , il y a absence de l'étage aptien. L’étage albien y est composé d’une assise de sables verts, supérposée à une assise d'argile bleue plastique et recouverte par un calcaire crayeux d'un blanc grisâtre (craie chloritée). Tableau V. TERRAIN CRÉTACÉ. SYSTÈME SUPÉRIEUR | OU DE LA CRAIE BLANCHE. SYSTÈME MOYEN OÙ DU GRÈS VERT. SYSTÈME INFÉRIEUR OU NÉOCOMIEN. Etage danien (Calcaire pisolitique). (Manque.) Etage sénonien. — {Craie blanche.) Etage provencien (Terrain à hippurites). (Manque.) SYSTÈME DU MonT-Viso (Emergement momentané du bassin jurassien). Etage turonien (Craie tufau). (Manque.) Etage cénomanien (Grès vert supérieur; craie chloritée). Etage albien (Gault). Etage aptien (Grès vert inférieur). Etage urgonien Formation lacustre Etage néocomien wealdienne Etage valangien de l'Angleterre. — 299 — Système crétacé supérieur ou de la craie blanche. — Dans le bassin jurassien, la craie blanche n'est représentée que par des lambeaux que diverses circonstances ont mis jusqu'à pré- sent à l'abri de toute dénudation. Ces lambeaux occupent une zone qui se prolonge depuis le département du Jura jusqu'en Savoie et dans le Dauphiné. Un de ces lambeaux se montre, sur une longueur d’un ki- lomètre, dans le département du Jura, entre Laïns et Saint- Julien, où il a été découvert par M. Defranoux. Il est formé par un calcaire crayeux, blanchâtre, souvent en minces feuil- lets. Il renferme des fossiles de la craie blanche, tels que Anan- chytes ovata et Galerites albo-galerus. Inférieurement il se pé- nètre de rognons siliceux. Deux lambeaux de craie blanche sont connus dans le dé- partement de l'Ain. L'un d'eux a été signalé, pour la première fois, par M. E. Benoît. Il s'observe à Leissard , dans la vallée dé l'Ain, sur un espace de trois kilomètres de longueur et de 400 mètres de largeur; il est épais de 30 à 40 mètres, et se compose d'un calcaire blanc, subcrayeux, en lits minces, con- tenant des silex et des veines de calcaire siliceux; les bancs les plus inférieurs sont chlorités et contiennent des rognons ferrugineux. L'autre lambeau , découvert par M. d'Alleizette, se trouve près du lac Genin, au-dessus de Chaix; la craie blanche y forme une assise de 9" 50. Ce géologue, ayant ren- contré dans un ravin venant de la combe d’Evoaz, des ro- gnons siliceux semblables à ceux de Leissard et du lac Genin, est porté à penser qu'à Evoaz la craie blanche existe au-des- sous de la mollasse marine. M. d’Alleizette signale, au-dessus de la craie blanche de Leissard et du lac Genin, une couche d'argile d’un très beau rouge, de 1m à 1" 50 d'épaisseur; cette argile, très pure et très plastique à sa base, contient seulement, dans sa partie supérieure, quelques petits rognons siliceux bruns ou noi- râtres. Le frère Ogérien a également constaté, au-dessus de la craie blanche de Lains, un calcaire rougeâtre, tendre, em- — 300 — pâtant un cailloutage calcaire plus dur, d’un rouge plus foncé, et des grains de fer hydraté. Il n'hésite pas à synchroniser ce calcaire avec le terrain sidérolithique. C'est une opinion que nous croyons devoir également adopter pour la couche sem- blable qui recouvre les lambeaux de craie blanche du dépar- tement de l'Ain. Nous sommes ainsi autorisé à penser que le bassin jurassien a subi un émergement aussitôt après l'époque sénonienne. Dans tous les cas, si des dépôts appartenant à l'étage danien y avaient existé, leur ablation aurait dû être complète avant le milieu de la période éocène, ce qui nous paraît peu admissible. 1 — 301 — CHAPITRE VII TERRAIN TERTIAIRE. Division du terrain tertiaire en systèmes et en étages. — La classification qui nous paraît la plus convenable pour le ter- rain tertiaire est celle que M. J. Desnoyers avait proposée il y a plus de trente ans. Elle consiste à scinder ce terrain, non en trois groupes, ainsi qu'on le fait habituellement depuis les publications de Deshayes et de Lyell, mais en deux séries correspondant aux deux principales oscillations que le sol de l'Europe a subies pendant la période néozoïque. La division ternaire, généralement admise, n'est pas en relation avec la succession des phénomènes géologiques qui se sont accomplis pendant la période néozoïque, ni avec les modifications qui ont été apportées à la faune des mammifères. Elle a d’ailleurs le tort de ne pas donner une importance rela- tive assez grande au plus ancien des trois systèmes que l’on est convenu de distinguer dans la série tertiaire, c’est-à-dire au système éocène. Aussi croyons-nous devoir persister à adopter la classification que nous avons proposée, lorsque nous avons dit que le terrain tertiaire devait se partager en deux grandes séries : la série nummulitique et la série probos- cidienne. (Voir Prodrome de Géologie, t. II.) Cette classification est complètement admissible, non-seule- ment lorsqu'on veut l'appliquer à l’Europe entière, mais aussi au bassin jurassien tel que nous l'avons délimité. Le terrain éocène y est, en effet, représenté par l’importante formation nummultique des Alpes. Mais si l’on concentre sa pensée sur le Jura, la vallée de la Saône et la Suisse nord-occidentale, on voit que la partie inférieure du terrain éocène y manque entièrement, et que la partie supérieure de ce même terrain — 302 — n’y acquiert qu’un faible développement. Nous pouvons donc admettre que, pour le Jura et les régions limitrophes, une lacune ou hiatus vient, dans l'échelle géologique, prendre la place de la majeure partie du terrain éocène. Par conséquent, si on se met à un point de vue exclusivement jurassien, sans se préoccuper de ce que l’on observe dans des contrées plus ou moins éloignées, on est conduit à adopter la division du terrain tertiaire en trois systèmes, ainsi que nous le ferons dans ce travail. Des divers étages que l'on distingue ordinairement dans le terrain éocène, un seul est représenté dans le Jura et les régions voisines : c'est l'étage parisien supérieur. Nous verrons tout à l'heure comment il se décompose en assises. Le système miocène, considéré d’une manière générale, se divise en trois étages dont nous retrouvons les équivalents dans la région que nous avons en vue. Ce sont : 1° l'étage tongrien ; 2° l'étage falunien inférieur; 3° l'étage falunien supé- rieur. Dans le tableau VIT, l'étage falunien supérieur est inscrit sous le nom d'étage helvétien ; l'étage falunien inférieur est divisé en deux : l'étage aquitanien et l'étage mayencien. J'em- ploie cette classification et cette nomenclature, parce que les géologues suisses me paraissent leur donner la préférence, et parce qu'elles se prêtent mieux à une description du terrain miocène dans le bassin jurassien. Quant au système pliocène, nous indiquerons, dans ce cha- pitre, les motifs qui nous engagent à adopter sa division en trois étages désignés sous les noms d'étages sahélien, tortonien et astien. Considérations générales sur le terrain tertiaire du bassin jurassien. — Pendant la période néozoïque, l’action sédimen- taire s’est exercée de préférence dans deux régions correspon- dant l’une à la vallée de la Saône et l’autre à la plaine helvé- tique augmentée de la partie orientale du Jura. Ces deux régions, entre lesquelles s'élevait la partie occidentale du — 303 — Jura, ont recu des dépôts qui se correspondent terme à terme de part et d'autre. Nous verrons par la suite que le Jura est divisible en deux zones séparées par une ligne qui, partant des environs de Quirieu (Isère), passe par Nantua, Pontarlier, Russey, et va se terminer à Porrentruy. Nous indiquerons plus tard les caractères distinctifs de ces deux zones. Ce que nous devons constater dès à présent, c'est que leur histoire géologique, lors de la période tertiaire, n’a pas été absolument la même. Pendant cette période, la partie occidentale du Jura s'est maintenue au-dessus des eaux marines ou lacustres : aussi le terrain tertiaire ne s'y montre nulle part. Quant à la partie orientale, elle avait participé à l’affaissement subi par toute la plaine helvétique avant la fin de la période éocène, et elle s’est maintenue comme elle au-dessous des eaux marines ou lacus- tres jusqu'à la fin de la période miocène. C'est dans cette zone orientale que les divers représentants de la série néozoïque dans le Jura se trouvent répartis d’une manière irrégulière, toujours très amoindris par les agents d’érosion et souvent séparés par des discordances d'isolement. Les formations appartenant au terrain tertiaire du Jura et des régions limitrophes n'ont pas été reçues dans le même milieu. Sous ce rapport on doit distinguer trois horizons lacustres et deux horizons marins. Les trois horizons lacustres correspondent : le premier, à l'étage parisien supérieur; le second, aux étages aquitanien et mayencien réunis; le troi- sième, aux trois étages du système pliocène. Quant aux deux horizons marins, ils correspondent, l’un à l'étage tongrien, l'autre à l'étage helvétien. Ces formations n'ont pas la même distribution géogra- phique ; elles sont séparées par des discordances d'isolement. Ce fait résulte non-seulement de ce qu’elles se sont déposées dans deux bassins différents, mais aussi de ce que les mers et les lacs qui ont occupé chacun de ces bassins n’ont jamais eu les mêmes rivages. — 304 — Les roches dont se compose le terrain tertiaire sont princi- palement des conglomérats, tels que les nagefluhes mollas- sique et jurassique, des grès tels que la mollasse, et des argiles souvent plus où moins plastiques. Toutes ces roches se res- semblent parce qu'elles proviennent de la destruction des mêmes masses préexistantes;, souvent elles ne sont qu'un remaniement les unes des autres. Mais, entre les roches du terrain tertiaire et celles des terrainis qui jusqu'à présent ont attiré notre attention, il existe un contraste complet, en ce sens que, pendant la période néozoïque, l'action geysérienne s’est considérablement ralentie, tandis que l'action détritique s’est manifestée avec une grande énergie. Le terrain tertiaire présente, au milieu du bassin helvétique, une puissance considérable qu'on ne peut évaluer à moins de plusieurs centaines de mètres. Mais, à mesure que l'on se rapproche du Jura, cette puissance diminue rapidement, sur- tout dans les localités où certains étages se montrent isolés. C'est ainsi que, dans le Haut-Jura, où la mollasse marine existe seule, l'épaisseur du terrain tertiaire se réduit à une vingtaine de mètres. Enfin, lorsqu'on pénètre dans le Jura occidental, le terrain tertiaire cesse complètement. Dans la Haute-Saône, un grand nombre d'étages de la série tertiaire ne sont pas représentés, et l'épaisseur totale de ce terrain ne dépasse jamais 30 mètres. Mais, dans la partie de la Bresse correspondant au département de l'Ain, il n'y a rien d'exagéré à admettre que le terrain tertiaire a une puissance de plus de 100 mètres, puissance qui doit s’accroître rapidement à mesure que l’on se dirige vers le sud à travers la vallée du Rhône. D’après ce qui précède, les diverses formations qui, dans le bassin juras$ien, se rattachent à la série tertiaire, se distin- guent les unes des autres par leurs fossiles, leur constitution pétrographique, la nature du milieu qui les a reçues, par leur distribution géographique et par des discordances d'isole- ment. C'est ce que nous allons indiquer en énumérant les principales formations qui, dans le bassin jurassien, repré- ER PO PPT EE CO PR ER PT RO TS EE CRE EU CN) PE ET va À cl = à È s ' ñ F. — 305 — sentent la série néozoïque. Enfin, pour achever de mettre en évidence l’autonomie des étages inscrits dans les tableaux VI, VII et VIII, nous avons mentionné les divers systèmes de soulèvement qui séparent ces étages Les uns des autres. Terrain parisien supérieur. — Nagelfluhe et sables siliceux éocéniques. — L'affaissement du sol qui, vers le milieu de la période éocène, s'est manifesté sur plusieurs points du bassin jurassien, a eu pour conséquence la reprise de l’action sédi- mentaire. Mais cet affaissement n’a pas été suffisant pour ramener les eaux marines : de là le caractère exclusivement lacustre et terrestre des formations qui, dans le Jura et les régions voisines, correspondent au terrain éocène supérieur. Les sédiments de la période éocène supérieure ont été reçus dans un lac dont nous croyons pouvoir indiquer la configu- ration et l'étendue, en disant qu'il se prolongeait depuis les environs de Gray jusque dans la Bresse; il recouvrait la partie méridionale du Jura et s’'avançait ensuite vers les Alpes. Les dépôts qui ont été recus dans ce lac se partagent en deux assises : 1° Les sables siliceux inférieurs ou éocéniques ; 2° les argiles bigarrées ou sidérolitiques. La continuité probable des argiles sidérolitiques avec la for- mation lacustre du midi de la France et les caractères fournis par leur faune mastozoïque, ne permettent pas d'hésiter sur la place qui doit leur être assignée dans l'échelle géologique. Elles sont contemporaines de la formation d'eau douce qui renferme le gypse de Montmartre. Quant aux sables siliceux inférieurs ou éocéniques qui sont au-dessous des argiles sidé- rolitiques, ils se rattachent à celles-ci d’une manière si intime, qu'on doit les placer à un niveau qui ne saurait être bien inférieur au leur et qui n’atteint pas, dans tous les cas, l'hori- zon des sables de Beauchamp. « Les sables siliceux inférieurs reposent indifféremment sur le terrain jurassique, le terrain néocomien, le gault et la craie. Ils sont très irréguliers de puissance et de stratification. On 23 Tableau VI. SYSTÈME DE LA Corse. a 6 Ÿ a S. DE LA VALLÉE © à pu RHÔNE. EE faee 2 | 8 Ge f4 e) 12 © INFÉRIEUR. = FA md Ce S. des PYRÉNÉES. o Ê Anté-pyrénéen ou suessonien. BE SUPÉRIEUR. : = JURA, Hte-SAONE, BRESSE, SAVOIE, Argiles bigarrées (éocéniques 4 océnique. la masse principale de terrain sidérolitique et supportant dans la Bresse les couches à lignite avec Palæotherium. , Terrain sidérolitique. Sables siliceux ou éocéniques. inférieurs Nagelfluhe jurassique (Lacune.) ou sidérolitiques) renfermant]. à CE ALPES. BASSIN DE PARIS. Gypse de Montmartre. Calcaire de Saint- Ouen ou travertin inférieur. Sables = Beauchamp. Flysch de la Suisse. — Grès supra- nummulitiques| Caicaire grossier. Terrain Argile plastique nummulilique | de Paris el sables anté-pyrénéen. SUesSOniens. gd déc fs AT EL rt CE st Li ed bee Sr Le ES LOS ee RS De LE Se dy: — 307 — n'y à jamais signalé de fossiles. Ils sont toujours cristallins, souvent très purs, ordinairement d’un jaune pâle, quelquefois blancs. Quand ils sont impurs, ils sont toujours mélangés d'argile et de fer hydraté, car ils sont alors tachés de rouge vif et bigarrés de diverses couleurs, ou bien ils prennent une teinte verdâtre. Ils ne contiennent jamais de calcaire; ils ren- ferment souvent des silex épars ou disposés en lignes strati- formes. » (E. Bexoîr, Bull. Soc. géol., t. XVII, p. 395.) Les sables siliceux éocéniques se retrouvent dans la partie de la Bresse correspondant au département du Jura. Ils doivent présenter absolument les mêmes caractères que ceux dont il vient d'être question, car le frère Ogérien leur applique mot pour mot la description qu’en donne M. E. Benoît, lorsqu'il parle des sables siliceux inférieurs de la région comprise entre les Alpes et le Jura. Ils ne se montrent pas à découvert dans la Bresse proprement dite; mais ils nous paraissent y être représentés par Ceux qu'on a rencontrés dans un sondage pratiqué à Bourg-en-Bresse en 1845. Les quelques lambeaux de sable blanchâtre, micacé, mélangé de marnes, existant aux environs de Foncine-le-Haut et de Châtel-Blanc, sont proba- blement des témoins qui rattachent les sables siliceux du versant oriental du Jura à ceux du versant occidental. La faible importance de ces lambeaux ne doit pas nous étonner; ce qui peut nous surprendre, c'est que, malgré leur faible cohérence, ils aient pu résister aux agents d’érosion qui ont opéré avec tant d'énergie dans le Jura. Enfin, la description que Thirria, dans sa Statistique de la Haute-Saône, fait du terrain sidérolitique, nous autorise à penser que les sables si- liceux inférieurs existent dans ce département, bien que n'y constituant qu'une nappe très amincie. Les sables siliceux in- férieurs manquent dans tout le restant du Jura; en Suisse, on ne les retrouve qu'aux environs de Genève. Argiles bigarrées; terrain sidérolitique. — Les sables éocé- niques passent par une transition insensible aux argiles bigar- TU LR ni "-sulé 25 4 Y PONT TNT DC PRET CERTES ANT CNE ON — 308 — rées, qu'on peut aussi désigner sous le nom d'argiles sidérolitt- ques, puisque c'est dans leur épaisseur que se trouve engagée la masse principale du terrain sidérolitique proprement dit. Dans le département du Jura, « les argiles bigarrées consti- tuent un dépôt très inconstant dans son allure et son épais- seur. Elles forment une masse argileuse, colorée très fréquem- ment en vert, en rouge, en brun, rarement en violet. Infé- rieurement, elles renferment des grains de quartz anguleux, translucides, des silex nectiques, et une multitude de paillettes de mica d'un blanc argentin. Quant aux matières ferrugi- neuses du terrain sidérolitique, elles se montrent souvent en grains arrondis, rarement en grumeaux ou en masses SCOri- fiées noirâtres. Quelquefois le dépôt ferrugineux envahit toutes les argiles bigarrées et atteint les.argiles à lignite ou à Palæothe- rium. Celles-ci terminent le terrain éocène; elles sont bleuà- tres ou noirâtres, très plastiques et renferment du bois passé à l’état de lignite plus ou moins exploitable. On y a rencontré des ossements de Palæotherium minus et P. medium. » (Frère Ogérien.) - Plus au nord, dans la Haute-Saône, l’assise dont il vient d'être question est représentée par la formation que Thirria a décrite sous le nom de terrain de minerai de fer pisiforme. Le terrain parisien supérieur se prolonge vers le sud le long de la vallée de la Saône et du Rhône. Dans la Bresse, il com- prend des argiles blanches, jaunes, rouges ou marbrées, que l’on observe aux environs de Mâcon et à Curis, au pied du Mont-d’Or lyonnais, et que des sondages ont permis de re- trouver à Pont-de-Vaux et à Bourg, au-dessous de la mol- lasse. Dans le Dauphiné, il est constitué par de l'argile plas- tique et des sables bigarrés. De là, il va sans doute se réunir au terrain lacustre qui, dans la Provence, contient le gypse d'Aix et d'Apt. La révolution qui, vers le milieu de la période éocène, a amené un nouvel état de choses dans le bassin jurassien, a été accompagnée du réveil de l’action geysérienne. Celle-ci a — 309 — donné origine aux dépôts que l’on réunit sous le nom de ter- rain sidérolitique; c'est elle aussi qui a imprimé aux roches de la période éocène les nuances vives et variées qui les ca- ractérisent. Quant à l’action détritique, elle s'est manifestée en déterminant la formation non-seulement des sables sili- ceux inférieurs, mais aussi du nagelfluhe jurassique. On sait que les géologues suisses désignent ainsi des terrains de trans- port constitués sur le versant oriental du Jura aux dépens des roches jurassiennes. Ces terrains se montrent principalement à la base des argiles bigarrées, mais ils reparaissent à d'autres niveaux de l'étage parisien supérieur, et peut-être vaudrait-il mieux les considérer non comme une assise distincte, mais comme un faciès de cet étage, faciès qui serait plutôt terrestre que lacustre. L’épithète de jurassique, dont on fait accompa- gner le mot de nagelfluhe , est employée pour le distinguer des roches analogues qui se trouvent à divers niveaux de la série tertiaire. Pour éviter toute équivoque, il serait sans doute convenable de remplacer cette qualification par celle d’éocénique. Système miocène. Caractères généraux. — Pendant la pé- riode miocène, la configuration du Jura n’a pas subi de mo- difications profondes. Ce massif montagneux a continué à former une espèce de presqu île se rattachant aux Vosges et sélevant entre deux dépressions : ta plaine helvétique et la plaine bressane. Les changements ont consisté surtout dans des dénivellements de plus en plus considérables entre le Jura qui s’exhaussait et les régions voisines qui s’affaissaient d’une manière progressive. Dès l'époque miocène, le Jura, sans doute limité déjà vers l'ouest par une assez forte faille, s'in- clinait vers l'est pour disparaitre insensiblement sous les eaux . de la mer helvétique. Sur le littoral de la Méditerranée, É terrain miocène est ex- clusivement constitué par des formations marines. Mais, dans les autres contrées de l'Europe, et notamment dans le bassin JURA ÉTAGES. BRESSE , SUISSE. CR AE TS rdc |/BASSINFDERPANTS! OCCIDENTAL. ORIENTAL | S. de l'Erymanthe. Mollasse marine Lambeaux de mollasse Faluns supérieure ou coqui ou coquillière. marine se succédant | de Touraine. depuis Seyssel jusque . dans le Jura soleurois. SUPÉRIEUR .| Helvétien. inférieure. S. du Vercors. | Moss necn marine | |S. de l'île ü Corse. É Mollasse grise — | & ou mollasse lacustre S ? Calcaire (=) Q Mayencien. | e la Suisse. — Calcaire = = = = lacustre A De) lacustre de Coligny (Ain). K 7 \ Moyen.....S. du Sancerrois. & Pre je de la ea RES Lignite d'Oron. — Calcaire _ Calcaire d'eau douce ien. : ; , à auce FA L bitumineux d'Oulens. d'Auberson. , Beauce: E ts S. du Tatra. à = qe : | Marnes et calcaire m1o- Grès ; céniques de Delémont.— | 46 Fontainebl ë | ; ? ontainebleau. INFÉRIEUR. oSsEes l Nagelfluhe des Brenets | avec Ostrea callifera. Tableau VII. — 311 — jurassien, il est représenté par des formations alternativement marines et lacustres. Cette disposition résulte de ce que les mers de la période miocène étaient, en Europe, peu étendues et peu profondes. Les moindres oscillations du sol suffisaient tantôt pour élever les eaux marines au-dessus du niveau de l'océan et les transformer en lacs, tantôt pour ramener les lacs au-dessous de ce même niveau et les changer en bassins marins. Ces mouvements du sol paraissent s'être manifestés surtout de bas en haut pendant la première moïté de la pé- riode miocène, et de haut en bas pendant la seconde; c’est ainsi que l’on peut s'expliquer la prédominance des forma- tions lacustres vers la partie moyenne du terrain miocène. Les roches dont se compose le terrain miocène offrent, pour la plupart, un aspect qui indique qu'elles se sont déposées dans des eaux agitées et peu profondes. Même lorsqu'elles ré- sultent d'une sédimentation chimique, et qu’elles sont en ma- jeure partie ou en totalité calcaires, elles ont presque toujours une texture plus ou moins grossière. Il est vrai que les roches miocéniques que nous pouvons observer ont été recues dans des bassins très resserrés ou sur le bord de mers plus vastes. Si, dans ce dernier cas, il nous était donné de les étudier à une certaine distance des côtes, nous les verrions acquérir une compacité plus grande, une stratification plus régulière, et prendre, dans une certaine mesure, le faciès des roches juras- siques ou crétacées ; il doit en être ainsi notamment pour les roches miocéniques du centre de la Méditerranée. En Suisse, le terrain miocène est presque en totalité consti- tué par une roche qui a recu des géologues de ce pays le nom de mollasse, et qui est un grès quartzeux avec ciment argilo- calcaire et grains verdâtres. À cette roche se mêlent des cou- ches argileuses et quelques bancs calcaires. Elle passe, du côté des Alpes, à un poudingue à gros éléments dont le Righi est formé, et qui a recu le nom de nagelfluhe mollassique, dési- gnation qui fait sans doute allusion à la nature pétrographique de ce nagelfluhe et à son âge. D'ailleurs, la formation de ro- — 312 — ches détritiques à gros éléments avait également lieu du côté du Jura. Terrains tongrien et falunien inférieur. — Dans le val de Delémont, on observe au-dessus du nagelfluhe éocénique des marnes et des calcaires renfermant les espèces des sables de Fontainebleau et des marnes marines de Montmartre. Ces roches se sont déposées dans une mer qui se prolongeait, vers le nord, jusquà Mayence et Francfort. Vers le sud, elle allait jusqu'aux Brenets. Près de cette localité, se trouve une formation qui se rattache au terrain tongrien et que M. A. Jaccard décrit comme étant un nagelfluhe ou poudingue avec cailloux gisant dans un limon sablonneux et appartenant aux roches jurassiques et néocomiennes. Un véritable lit de grosses huîtres (Ostrea callifera) est subor- donné à ce dépôt. La surface du dernier banc calcaire sur le- quel s'appuie ce poudingue est criblé de pholades qui ont éga- lement perforé les cailloux. La mer tongrienne ne devait pas se prolonger beaucoup au delà des Brenets. Entre cette localité et la Méditerranée, se dé- veloppait une région émergée comprenant une partie de la Suisse, le Jura et toute la vallée de la Saône. Dans cette région, s’il existe des représentants du terrain tongrien, ces représentants doivent avoir une minime importance et pré- senter un faciès tout à fait terrestre ou lacustre. Les mouvements du sol qui se sont manifestés à la fin de la période tongrienne, ont eu pour résultat la disparition de la mer qui du Jura se prolongeait jusqu’au pied du Taunus. Avec cet événement a coincidé l'apparition d'un ou de plu- sieurs lacs qui, pendant toute la période miocène moyenne, ont recouvert presque toute la Suisse et la partie nord-orien- tale du Jura. Les dépôts recus dans ces lacs présentent des caractères pétrographiques et paléontologiques très variés. Ils se groupent en deux étages : 1° l'étage aquitanien, avec Anthracotherium magnum et À. minimum; 2° l'étage mayencien — 313 — ou de la mollasse grise, avec Rhinoceros incisivus et R. minutus. En Provence, le système miocène moyen et même le système miocène inférieur existent; mais ils sont représentés par des formations lacustres, ce qui est en relation avec ce que nous avons dit de l’'émergement, pendant la période ton- grienne, de toute la contrée comprise entre la partie nord- orientale du Jura et la Méditerranée actuelle. Ces formations lacustres, correspondant à plusieurs étages du système miocène, se retrouvent dans le Dauphiné et de là se prolon- gent jusqu'en Suisse. Mais jusqu'à quelle distance remontent- elles dans la Bresse ? C’est ce qui n’a pas pu encore être con- staté. L'indice de son existence dans la plaine bressane nous est fourni par un calcaire lacustre qui a été observé à Coligny par M. E. Benoît. Ce calcaire butte horizontalement contre la roche jurassique redressée; il est blanc, crayeux, avec quelques vagues rognons siliceux, confusément stratifié, intercalé d'argile plastique. [1 contient un grand nombre de petites coquilles qu'on ne peut obtenir qu'à l'état d'empreintes et parmi lesquelles Deshayes a reconnu le Cerithium Lamarchir. Ce fossile appartient au calcaire lacustre supérieur du bassin de Paris ; en Provence, il caractérise un horizon qui se place immédiatement au-dessous de la mollasse marine. Terrain falunien supérieur. — Immédiatement après le dépôt des formations lacustres dont il vient d’être question, la mer a envahi toute la partie de la Suisse comprise entre les Alpes et le Jura; elle a même empiété sur la partie orientale de ce dernier massif. Cette mer prenait, vers le nord, deux directions différentes : d’une: part, elle se dirigeait, par la Bavière, du côté de Vienne, et de l’autre, vers Mayence, en passant à travers la vallée du Rhin. Du côté du sud, elle formait d’abord un détroit entre les Alpes et la partie émergée du Jura, puis, après avoir envoyé vers le nord un petit golfe qui remontait au delà de Bourg, elle recouvrait toute la vallée du Rhône pour sé réunir enfin à la Méditerranée. Cette der- — 314 — nière mer date du commencement de la période miocène, et elle a persisté jusqu'à nos jours sans subir aucun émergement. Les strates reçues dans la mer falunienne de la Suisse se divisent en deux groupes : la mollasse marine et la mollasse coquillière ou grès coguwillier. « Dans la plaine vaudoise, la mollasse marine forme une masse puissante, confusément stratifiée, alternant vers sa . partie supérieure avec des schistes marno-sableux et renfer- mant des empreintes de feuilles. Cette assise est très pauvre en fossiles animaux, mais sa flore est très riche. La mollasse marine passe insensiblement à la mollasse coquillière. Celle- ci est formée en majeure partie de grès blanc ou verdâtre, avec ciment calcaire, et, dans quelques cas, renfermant de petits cailloux arrondis. Les fossiles consistent surtout en bivalves (mactres, cythérées), auxquels se mêlent des dents de squales, des fragments de palais de poissons voisins des raies, des fragments de carapace de tortues marines, terrestres et lacustres, enfin des débris de Rhinoceros incisivus. » (A. Jaccard.) | Le terrain miocène se montre, dans la zone orientale du Jura (voir page 303), par lambeaux qui augmentent en nombre et en importance à mesure que l'on s'éloigne de l'extrémité sud de cette zone pour se rapprocher de son extrémité nord-est. Un des lambeaux appartenant au dépar- tement de l’Aïn, celui qui existe à Saint-Martin-de-Bavrel, peut être pris pour terme de comparaison ; il a été décrit par M. E. Benoît de la manière suivante : A la base se trouve un conglomérat de 1 à 3 mètres d'épaisseur, formé de galets calcaires, en grande majorité néocomiens, les autres jurassi- ques , très roulés et de toute grosseur jusqu’à 30 centimètres. Au-dessus du conglomérat vient une assise que M. E. Benoît désigne spécialement sous le nom de mollasse inférieure et dont la composition est assez variable. Apparaît en dernier lieu un grès grossier avec lits de charriage subordonnés, que M. E. Benoît considère comme correspondant à la base de la - LORS SSP CS OP 2 + 7 ER mé pe VUS LS : e à — 815 — mollasse coquillière de la Suisse. Ce grès forme un banc très solide, de texture grossière, parsemé de paillettes de mica, cimenté par un empâtement sableux et argileux, très calcaire par place et même spathique. La stratification est confuse, marquée quelquefois par de petits lits de galets de provenance alpine et jurassique. Toute: la masse est pétrie de grandes huîtres, souvent brisées, et de fragments de coquilles ; on y trouve aussi des dents de Lamna. Dans le Jura vaudois et neuchâtelois, dit M. A. Jaccard, la mollasse présente les divers faciès de celle de la plaine, mais avec une puissance généralement bien moins considé- rable. Elle offre, suivant les localités, des différences qui sem- blent accuser des mouvements du sol pendant la période de son dépôt. Tous les gisements connus dans cette partie du Jura présentent cette particularité de contenir des fossiles roulés et remaniés provenant du grès vert et aussi, quoique moins souvent, des roches néocomiennes. On sait, ajoute M. A. Jaccard, que certaines assises sableuses de la mollasse ont de grands rapports de composition et d'aspect avec les sables du grès vert, ce qui porterait à croire que ce dernier a fourni les principaux matériaux de l'étage helvétien. La mollasse marine apparaît dans la partie de la Bresse dépendant du département du Jura ; elle se montre à décou- vert dans les escarpements des bords du Doubs, de la Loue et de la Seille. Elle se prolonge, en s’amincissant de plus en plus, jusque dans l’arrondissement de Dole. Elle n’a fourni jusqu'à présent, en fait de fossiles, que des dents de requin (Lamna elegans et Othodus obliquus). Vers le sud, la mollasse marine disparaît sous les forma- tions supérieures. On ne peut l'observer que sur les bords de la Bresse proprement dite, où sa limite inférieure, d’après : M. E. Benoît, est souvent marquée, comme dans le Jura, par un conglomérat de cailloux exclusivement calcaires ét quel- quelois plus gros que la tête d’un homme, Lis — 316 — Système pliocène ; caractères généraux ; division en étages.— Le commencement de la période pliocène a été marqué par la disparition de la mer falunienne, qui a déserté toute la Suisse el toute la vallée du Rhône, et dont le rivage s’est trouvé re- porté à Bollène, dans le département de Vaucluse. Les eaux douces ont également abandonné la plaine helvétique; elles ne s'y sont maintenues que dans le petit lac d'OEningen, où. se sont déposées les strates si célèbres par les débris organi- ques parfaitement conservés qu'on y a recontrés. A l’ouest du Jura, elles formaient un vaste lac qui s'étendait depuis Tournon jusqu'à Gray. Deux autres lacs se montraient dans l'intérieur du Jura : l’un, sur l'emplacement actuel de la vallée du Surand, dans le département de l'Ain, et l’autre, vers la partie nord-orientale du Jura, aux environs du Locle et de la Chaux-de-Fonds. Mentionnons enfin les deux lacs qui existaient, l'un dans le Sundgau, l'autre dans la Haute- Saône, et qui se plaçaient, par rapport au Jura, à peu près dans la même situation que le lac bressan. D'après ce que nous venons de dire, on voit que le système pliocène est exclusivement constitué dans le bassin jurassien par des formations lacustres. Les lacs que nous venons de mentionner n'étaient pas ri- goureusement contemporains. Afin de mieux apprécier les relations chronologiques qui rattachent entre elles les strates qu'ils ont recues, nous croyons devoir entrer dans quelques considérations générales relatives au terrain plhocène. Nous pensons arriver ainsi à établir un cadre dans lequel nous n'aurons plus qu'à rechercher la place des formations lacus- tres qui vont attirer notre attention. On sait que le terrain pliocène est très développé sur le lit- toral de la Méditerrannée. En Italie, il occupe une zone qui s'étend au pied de la chaîne des Apennins, depuis le Piémont jusqu'en Calabre. Ce terrain qui, près de Parme, atteint jusqu'à 600 mètres de puissance, se montre parfaitement di- visible en deux parties : la partie inférieure est constituée par ÉTAGES. BRESSE. Hte-SAONE, JURA SEPTENTI. FORMATIONS SYNCHRONIQUES. D En | RE Lea EE S. des Alpes Principales, Calcaire lacustre de , Bancs fluvio-lacustres SUPÉRIEUR. | Meximieux. — Partie ; 6 Re Éé = à _ de Dusino.— Sables d'Asti (Astien. ) supérieure des argiles £ | © É et de Montpellier. ma de la Bresse. ee = A S. du Mont-Serrat. | = = Pen © © Co cn , | ® Argile à lignites de la 7 — Marnes bleues subapennines F= à MoYEx. Bresse, de la Tour-du- Ê supérieures, avec gypse e) Z (Tortonien.) Pin, de Soblay. e à Volterra. | > = Marnes bleues de Cucuron E à (Vaucluse). = S. des Alpes Occidentales | es] | Terrain lacustre de la ë « INFÉRIEUR. Marne argileuse Haute-Saône. — Formation | à | Marnes bleues subapennines (Sahélien..) à Paludina Bressana. | lacustre de la Chaux-de-Fonds,| inférieures. — Ter. tacustre À À c } ; ? avec Dinotherium giganteum. d'UEningen : fe S. de l'Erymanthe. = > = a E A œ = — 318 — des marnes bleues, quelquefois brunâtres, grisâtres ou blan- châtres, fréquemment mélangées de mica; la partie supé- rieure est formée de sables quartzeux ordinairement colorés en jaune. M. Pareto a proposé de distinguer, sous les noms d'étages tortonien et astien, les deux parties dont se compose, en Italie, le système pliocène. Mais cette division peut être poussée plus loin, et pour faciliter l'étude des formations pliocéniques du bassin jurassien, nous croyons devoir nous livrer ici à ce tra- vail de subdivision. | Sur le versant septentrional de l’Appenin, le système plio- cène inférieur peut se partager nettement en deux assises : l’assise inférieure renferme des bancs peu épais d’une mol- lasse marneuse gris bleuâtre, et se montre très riche en poly- piers ; l'assise supérieure est caractérisée par la présence du gypse et offre des alternances de couches marines avec des couches renfermant des coquilles d'eau douce ou saumâtre, ainsi que de petits lits de lignite et de bois bituminisé. C’est à l’assise supérieure que nous serions porté à réserver la dé- signation d'étage tortonien. Quant à l'assise inférieure, nous la désignerons sous lenom d'étage sahélien, parce que nous ne serions pas éloigné d'y voir l'équivalent du terrain que M. Pomel a désigné sous le même nom en Algérie, et qui, dit-il, ne se rapporte ni aux mollasses marines, ni au terrain pliocène. Sur le pourtour de la Méditerrannée, le terrain sub- apennin offre, dans sa partie supérieure, des nodules argilo- calcaires quelquefois assez volumineux pour constituer, par leur juxta-position, des bancs marneux avec coquilles d’eau douce. Ce sont ces couches lacustres qui, plus développées à Dusino (Piémont), ont été désignées par M: Sismonda sous le nom de bancs pliocènes fluvio-lacustres, et qui, en Toscane, constituent le calcaire marneux fétide, avec planorbes et palu- dines, surmontant le sable marin pliocène ou alternant avec lui. Je rappelle ces faits pour montrer la tendance qu'a le — 319 — terrain pliocène à prendre, vers sa partie supérieure, un faciès particulier. Terrain pliocène de la plaine bressane. — Pendant la pé- riode tertiaire supérieure, un vaste lac, avons-nous dit, s'é- tendait depuis le Dauphiné jusque dans le département de la Côte-d'Or, entre le Jura et le bourrelet montagneux qui ac- compagne actuellement la rive droite de la Saône. Dans ce lac s'est déposé un terrain que quelques géologues ont voulu rattacher au système miocène supérieur, mais que l'on s’'ac- corde maintenant à placer dans le système pliocène. Des considérations stratigraphiques suffisent d'ailleurs à montrer combien cette manière de voir est fondée. Le terrain bressan (c'est ainsi que nous désignons, pour un instant, le terrain qui s’est déposé dans le lac dont nous venons d'indiquer l'étendue), recouvre immédiatement la mollasse marine supérieure ; vers le haut, il se rattache par un passage insensible au conglomérat bressan qui forme le premier terme de la série quaternaire. Comme, d’un autre côté, l’action sédimentaire n'a pas été in- terrompue dans le lac bressan, nous sommes conduit à cette conclusion que les trois étages distingués par nous dans la série pliocène du littoral méditerranéen, doivent être repré- sentés dans le terrain bressan. La masse principale du terrain bressan est constituée par des argiles bleuâtres ou noirâtres, avec bancs d'un lignite exploité à la Tour-du-Pin (Isère) et à Soblay dans le département de l'Ain. Les fossiles, assez rares et difficiles à déterminer, sont des lymnées, des planorbes et la Melanopsis buccinoïidea. Cette masse principale correspondrait, selon nous, à l'étage torto- nien, ou, si l'on veut, au terrain pliocène moyen. Quant au terrain pliocène inférieur ou étage sahélien, nous avons pour le représenter l’assise que le frère Ogérien a dé- signée sous le nom de marne argileuse à Paludina Bres- sana. Cette assise, épaisse de 1 à 4 mètres, se compose de marnes, d'argile plastique ou sableuse, avec de minces lits — 320 — dé petits cailloux roulés ; elle repose sur la mollasse marine. D'un autre côté, pour montrer dans le terrain bressan le terme correspondant à l'étage astien, nous ferons remarquer que, dans ce terrain, les argiles, vers sa partie supérieure, sont plus fréquemment jaunâtres ou blanchâtres que bleuâ- tres; les sables remplacent quelquefois les argiles, et sur cer- tains points passent à l'état de grès; de petits bancs de cail- loux roulés annoncent le voisinage du vaste terrain de trans- port qui constitue le conglomérat bressan. Ne pourrait-on pas, enfin, considérer le calcaire de Mont- luel et de Meximieux comme jouant, au-dessus du terrain à lignite de la Bresse, le même rôle que les couches de Dusino, par rapport au terrain pliocène d'Italie ? I1 me semble qu'il est permis, sous quelques réserves, de répondre par l’affirma- tive à cette question, car, d'après M. E. Benoït, ce calcaire surmonte immédiatement l'argile à lignite et s'enchevêtre en haut avec les assises sableuses et graveleuses du conglomérat bressan. Quant à ce conglomérat bressan, il appartient à la période quaternaire, et c’est à tort que quelques géologues l'ont considéré comme formant le dernier terme de la série tertiaire. Autres formations lacustres de la période pliocène. — Il existe aux environs du Locle et de la Chaux-de-Fonds, une forma- tion lacustre qui, depuis le travail publié en 1816 par L. de Buch jusqu'à nos jours, a attiré l'attention d'un grand nombre de géologues, à cause de l'incertitude qui règne relativement à ses relations stratigraphiques. On peut même dire que, malgré les excellentes observations de M. A. Jac- card, cette incertitude n'a pas encore complètement dis- paru. « Le terrain d’eau douce de la vallée du Locle présente une succession de dépôts excessivement variés, superposés les uns aux autres, ou bien offrant, aux mêmes niveaux, divers faciès dus aux circonstances dans lesquelles ces divers dépôts se — 321 — sont effectués. Il est aussi à présumer que ses couches ont mis un temps fort long à se déposer, puisqu'elles ont plus de cent mètres d'épaisseur. Parmi les caractères particuliers qui le distinguent des autres formations tertiaires, nous remarquons la prédominance exclusive des éléments calcaires ou siliceux purs. Aucune couche d'argile, de sable ou de mollasse ne vient, comme par exemple dans le val de Delémont, inter- rompre la succession des couches calcaires. Cependant la mol- lasse marine, sur laquelle repose le terrain lacustre du Locle, est exclusivement sableuse, gréseuse ou argileuse. Evidem- ment le dépôt s’est formé dans un bassin fermé de toutes parts, alimenté par des cours d’eau exclusivement jurassiques. Vers sa partie supérieure, il renferme des ossements de Rhi- noceros incisivus, R. minutus, Mastodon Simorense, Dinothe- rium giganteum, etc. » Le terrain lacustre de la Haute-Saône repose sur le terrain jurassique et est recouvert par le terrain diluvien ; il occupe un bassin de 36 kilomètres de longueur sur une largeur de 12? kilomètres. Sa puissance est d'environ dix mètres. Sa si- tuation géognostique, ainsi que ses caractères pétrographiques et paléontologiques, nous conduisent à penser qu'il est con- temporain du terrain lacustre de la Chaux-de-Fonds, et qu'il appartient comme lui au terrain pliocène inférieur. Le tableau VIII montre sur le même niveau que les deux formations lacustres dont il vient d’être question (et consti- tuant avec elles l'étage sahélien dans le bassin jurassien) le terrain d’eau douce d'OEningen. Ce terrain lacustre, comme ceux du Locle et de la Haute-Saône, paraît résulter d'une sédimentation tranquille et régulière; il est constitué par deux strates très minces, presque toujours fissiles et se divisant même en feuillets dont chacun correspond sans doute à une des crues annuelles des rivières qui se jetaient dans le lac où il s’est déposé. Ce terrain débute par une assise de grès grossier bleuâtre, avec quelques veines de lignite, et se ter- mine par une autre assise de sable argileux jaunâtre ; entre 24 — 322 — ces deux assises se trouvent une vingtaine de bancs calcaires dans la partie inférieure, et marneux dans la partie supé- rieure. M. A. Jaccard range le terrain lacustre du Locle à la partie supérieure du système miocène, sous le nom d'étage œningien. Ce qui a sans doute contribué à lui faire adopter cette opi- nion, C'est la présence, dans ce terrain, des Rhinoceros incisi- vus et minultus, que l'on trouve également dans l'étage mayen- cien. Je n'insisterai pas sur cette question de stratigraphie systématique, dont l'examen m'entrainerait trop loin; je me bornerai à ajouter que le terrain lacustre du Locle, bien que se plaçant à la base du terrain pliocène, est pourtant, selon nous, inférieur aux marnes bleues de Cucuron (Vaucluse). 4 < . LEUR EN 7 CHAPITRE VII MOUVEMENTS DU SOL QUI ONT SUCCESSIVEMENT MODIFIÉ LA CONFIGURATION GÉNÉRALE DU BASSIN JURASSIEN. Principes servant de base à l'étude des mouvements qui ont affecié le bassin jurassien, — Si, pendant tout le temps qu'ont exigé le comblement du bassin jurassien et le dépôt des strates qui en forment le sol géologique, l'écorce terrestre n'avait éprouvé, dans cette contrée, aucune impulsion de bas en haut ni de haut en bas, — si, en d’autres termes, le mode de répar- tition des terres et des mers n'avait jamais changé, — toutes les formations auraient la même extension et la même distri- bution géographique; elles se recouvriraient les unes les au- tres et on ne pourrait observer à la surface du sol que le ter- rain qui se serait déposé le dernier. Mais il s’en faut de beau- coup qu'il en soit ainsi. Les terrains superposés dans le bassin jurassien sont loin d'occuper le même emplacement et de pré- senter la même étendue. On constate notamment que l'exten- sion de chaque terrain dans le sens horizontal est d'autant plus grande que ce terrain est plus ancien. Nous tirons de ce fait une première conclusion : les mers qui ont successive- ment occupé le bassin jurassien ont toujours diminué d’'éten- due. Nous en concluons, en outre, que les massifs monta- gneux ont sans cesse obéi à une impulsion de bas en haut, et nous sommes conduit à admettre l'existence d’un exhausse- ment périphérique par rapport à ce bassin. Les terrains n’ont pas la même distribution géographique ; c'est paur nous l'indice que les anciennes mers du bassin ju- rassien n'ont pas toujours eu les mêmes rivages. Leurs dépla- cements successifs ont été la conséquence de mouvements du ot sol indépendants de ceux auxquels nous venons de faire allu- sion. Enfin, puisque certains terrains manquent complètement dans Je bassin jurassien, il est naturel d'admettre que ce bassin était momentanément émergé lorsque ces terrains se déposaient sur d'autres points de l’Europe. D'après ce que nous venons de dire, la connaissance des déplacements des mers est basée.sur l'étude du mode de ré- partition des terrains; d’un autre côté, la connaissance des mouvements du sol est un corollaire de ce que nous savons sur le déplacement des mers. Réciproquement, on peut quel- quefois, sans s’enfermer dans un cercle vicieux, raisonner sur le mode de répartition des terrains en se basant sur cé que nous savons relativement aux mouvements du sol et à la con- figuration des mers anciennes. Il y a, entre ces divers ordres d'idées, une relation intime de cause à effet; c'est le même objet que l’on étudie successivement sous des points de vue différents. | = Dans les questions qui se présenteront à notre examen, nous admettrons que les limites des terrains coïncident avec les rivages des mers où ces terrains ont été recus. Evidem- ment ce principe, appliqué d’une manière absolue, est inexact, et, dans son emploi, il faut, pour ainsi dire, faire intervenir un coefficient de correction. Les rivages des anciennes mers s'étendaient au delà des limites assignées par les terrains qui leur correspondent. Mais il est naturel d'admettre que les phé- nomènes de dénudation se sont exercés sur les rivages des anciennes mers du bassin jurassien à peu près avec la même énergie ; en d'autres termes , il est probable que le coefficient de correction auquel nous venons de faire allusion serait le même pour les mers correspondant à chaque terrain. Les ter- rains représentent, pour ainsi dire en raccourci, les an- Ciennes mers ; par Conséquent, ce que nous allons dire sur la situation relative des anciennes mers du bassin jurassien et sur la manière dont se sont effectués leurs déplacements, est — 325 — exact. Les phénomènes d’érosion ont pu modifier l'étendue des zones correspondant aux divers terrains, mais non l'ordre dans lequel ils se succèdent. Les phénomènes de dénudation ne doivent donner lieu à d'autres débats que ceux qui se présentent lorsqu'on recherche si telle mer a occupé telle ou telle contrée. L'absence d’un terrain sur un point quelconque peut s'expliquer, en effet, tantôt en admettant que ce point était émergé lorsque s’est effectué le dépôt de ce terrain, tantôt en faisant intervenir une action dénudatrice postérieure à ce dépôt. Comme exemple, je rappellerai la question relative à l'époque du soulèvement de la Côte-d'Or, époque pendant laquelle toute communication a été définitivement interrompue entre les bassins jurassien et parisien. Cet événement a-t-il eu lieu après le dépôt du ter- rain corallien ou après celui du terrain jurassique tout entier ? Les opinions peuvent être divisées à ce sujet; mais ce qui nous paraît incontestable, c'est que, dès le commencement de la période crétacée, si ce n'est avant, la séparation entre les deux versants océanien et méditerranéen était accomplie. Caractères généraux des mouvements étudiés dans ce cha- pitre. — Les mouvements généraux subis par l'écorce ter- restre sont, à part les secousses séismiques ou tremblements de terre, de deux sortes. Les uns agissent sur des surfaces plus ou moins étendues ; ils ne sauraient rompre ni fracturer le sol : ils impriment à l'écorce terrestre des flexions dont la courbure est assez faible pour que cette écorce puisse les subir sans éprouver de déchirurés ni de solutions de continuité. Pour qu'une impulsion amène la rupture de l'enveloppe solide du globe, il faut que cette impulsion se manifeste d'une manière relativement brusque, et qu'elle affecte des lignes et non des surfaces. L’impulsion susceptible de pro- duire ce résultat est précisément celle qui préside au soulè- vement des chaînes de montagnes, et que, pour ce motif, nous désignons sous le nom de mouvement orogénique. Ce mouve- ai af paänE 208 té Sle de — 9326 — ment s'est manifesté dans le Jura et le bassin jurassien en y donnant naissance aux deux principaux accidents stratigra- phiques qu'on y observe : les failles et les soulèvements en voûte. Les actions dynamiques, qui ont produit les failles et les soulèvements en voûte, ont eu pour conséquence de rompre la continuité primitive des strates ; elles leur ont en même temps fait perdre leur horizontalité première en leur impri- mant une inclinaison plus ou moins prononcée, en les redressant jusqu'à la verticale et en les renversant quel- quefois sur elles-mêmes. Ces divers changements ont pu s'opérer sans que l'altitude des strates ait été nécessairement modifiée. Les autres mouvements ont eu, au contraire, pour effet essentiel de porter les strates à une altitude différente en respectant leur situation relative et même, dans quelques cas, leur continuité et leur horizontalité premières. Le sens dans lequel ces mouvements s’opéraient avait pour résultat l'appa- rition ou la disparition des eaux océaniennes; en outre, la différence dans la direction des impulsions subies par des contrées voisines {dont l’une s’abaissait tandis que l’autre s'exhaussait) déterminait la formation des massifs monta- eneux sur certains points, et, sur d’autres, le creusement des dépressions qui recevaient les eaux douces ou salées et où se manifestait l’action sédimentaire. Il existe, entre les mouvements que nous Comparons, une dernière différence que l'on constate si l'on se place à un point de vue chronologique. On remarque en effet que, dans le bassin jurassien et surtout dans le Jura, les failles et les sou- lèvements en voûte sont de date assez récente ; ils sont dûs à des actions qui ont opéré d'une manière plus ou moins violente et pendant une époque qui correspond à la fin de la période miocène et au commencement de la période pho- cène. Au contraire, les mouvements qui affectent des sur- faces plus ou moins étendues se sont fait sentir d’une manière lente mais continue; ils ont persisté pendant toute la durée PO OP DENTS ae PR ‘3 out te 2 £ 0 - — 927 — des temps géologiques et notamment pendant les époques cor- respondant aux terrains dont l'énumération a fait l’objet des chapitres précédents. Dans ce chapitre, nous ne nous occuperons pas du mouve- ment orogénique ; ce sont les mouvements généraux, affec- tant des surfaces, qui vont seuls attirer notre attention. Mais, avant d'aborder leur étude, nous croyons devoir achever de bien préciser leur mode de manifestation, en rappelant ce qui se passe de nos jours dans la presqu'ile scandinave. Des observations précises ont fait connaître dans la Baltique l'existence d’un mouvement de bascule en vertu duquel toute la partie située au sud de la latitude de Solvitzhorg s’affaisse, tandis que la partie située au nord de Stockholm s'exhausse ; la partie comprise entre ces deux villes reste stationnaire. La vitesse du mouvement est d'environ un mètre par siècle. Si ce mouvement persiste, il finira par amener l’'émergement du golfe de Tornéa, puis du golfe de Bothnie ; probablement le centre d’oscillation ira en se déplacant vers le sud, et la mer Baltique subira le sort réservé au golfe de Tornéa. Ce mou- vement remonte au moins au commencement de la période quaternaire. C'est lui qui a déterminé la disparition de la mer qui, lors de la première période glaciaire, recouvrait tout le nord de l'Europe et entourait la Scandinavie encore non rattachée au continent. Le soulèvement de la partie septen- trionale de la Suède est d'ailleurs attesté par les terrasses et les dépôts coquilliers modernes qu'on y rencontre dans l'in- téricur des terres, à des distances plus ou moins grandes des rivages. (Voir pl. I, fig. 1.) Le mouvement de bascule, dont nous venons de citer un exemple, semble être inhérent à toute impulsion subie par l'écorce terrestre. Il n'est pas un point du globe qui ne s'exhausse sans qu'un autre point plus où moins rapproché ne s’abaisse. C’est un fait général, dont nous ferons l’applica- tion à l'étude des mouvements qui se sont succédé dans le bassin jurassien. Li 2 En et dt ic ie PS LE hr) NE at E dé ES LES 6 oué cho nn COTÉES à Sa : c À | : Fra — 328 — L'étude de ces mouvements nous amènera à considérer d'abord une première période correspondant au terrain mésozoïque ou secondaire, et comprenant les trois époques triasique, jurassique et crétacée. Pendant cette période, le bassin jurassien, tout en conservant son unité, a subi des impulsions assez variées que l’on peut classer en distin- guant : 1° Un mouvement d'exhaussement périphérique ; 2° Un mouvement d'affaissement central ; 3° Un mouvement d'exhaussement latéral ; 4° Un mouvement d'exhaussement local autour de la Serre ; 5° Un mouvement général d'oscillation. Les divers mouvements que nous venons d'énumérer se sont effectués en même temps et quelquefois sur le mème point. Ils ont déterminé des impulsions tantôt dirigées dans le même sens et alors s’ajoutant les unes aux autres, tantôt en sens contraires et pouvant alors s'annihiler. Pour bien comprendre ces phénomènes de géologie dynamique qui se sont accomplis dans le bassin jurassien comme dans toute autre contrée, il est nécessaire de ne pas perdre de vue l’axiome de mécanique connu sous le nom de principe des mouvements simultanés. Mouvement d'exhaussement périphérique et mouvement d'affaissement central, — Supposons que le soulèvement d'un bassin géogénique ne se soit effectué qu'après le dépôt de tous les terrains qui l'ont insensiblement comblé ; supposons aussi que ce soulèvement se soit opéré tout d’un coup. Les terrains reçus dans ce bassin offriront alors la disposition indiquée dans la figure n° 1. Ils seront tous en stratification rigoureusement concordante : les plus anciens d'entre eux ne se montreront pas sur les bords du bassin et se déroberont complètement à l'observation ; on ne pourra étudier que ceux qui, étant les plus rapprochés de la surface, auront été atteints par les agents d’érosion ; en outre, chaque terrain occupera, RORR PSE OT ST SE VERS CUP ET Ra 6 do et 7 NE ES à a dc ie — 329 — dans le sens horizontal, plus d'étendue que celui qu'il re- couvre et qui le précède chronologiquement. Admettons maintenant que l'émergement d'un bassin se soit effectué à plusieurs reprises et pour ainsi dire par sac- cades ; admettons, en outre, que cet émergement ait été la conséquence du soulèvement progressif des massifs monta- gneux qui entourent le bassin. Les terrains offriront la dis- position représentée dans la figure ? : dans la partie centrale du bassin, ils seront disposés comme dans la figure {, mais ils se relèveront sur les bords du bassin en formant des gra- dins rangés d’après leur ordre chronologique ; ils occuperont, dans le sens horizontal, une étendue d'autant plus faible qu'ils seront plus récents. (Voir pl. I.) Dans les considérations précédentes, nous nous sommes placé à un point de vue théorique. Si on transporte les idées que nous venons d'exprimer dans le domaine de l'application, on voit que les massifs montagneux qui entourent les bassins parisien et jurassien ont obéi à un exhaussement progressif; mais cet exhaussement ne s'est pas toujours et partout effectué avec autant de régularité et de symétrie que nous venons de l'admettre. M. Elie de Beaumont a fait remarquer quelle était la dis- position générale des terrains dans le bassin de Paris. « Ce bassin, dit-il, est occupé par une succession d'assises à peu près concentriques, comparables à une série de vases qu'on fait entrer les uns dans les autres pour occuper moins d'es- pace. Ces vases sont bien semblables, mais ils n'ont pas la même dimension, et comme ils sont empilés par ordre de grandeur, il en résulte que ceux qui sont au-dessous débor- dent par rapport à ceux qui sont au-dessus. Cette partie, ainsi mise en évidence, permet à chaque terrain d'être représenté à la surface du globe, et d'y occuper une zone qui entoure le bassin géogénique auquel elle se rattache. Ces zones, lors- qu'on étudie leur situation relative, apparaissent disposées de telle sorte que celles qui appartiennent aux terrains les plus PS ER RL EN ON ON LOC Re SE RTS OPA 0 OT CRE PORT LOT — 330 — anciens, sont plus rapprochées de la périphérie du bassin; les unes et les autres se succèdent de dehors en dedans sui- vant leur ordre d'ancienneté, ou, ce qui revient au même, suivant leur ordre de superposition. » (Voir la figure 3 repré- sentant la structure du bassin parisien, d’après M. Elie de Beaumont.) Nous retrouvons, dans le bassin jurassien, la même dispo- sition que dans celui de Paris; mais cette disposition, par suite de circonstances que nous mentionnerons tout à l'heure, y affecte moins de régularité. Les lignes concen- triques, qui limitent les terrains ainsi emboîtés les uns dans les autres, y présentent moins de symétrie; elles ne se rappro- chent pas autant du parallélisme que celles qui jouent le même rôle dans le bassin parisien. Mais nous n'en voyons pas moins le trias, l’oolite inférieure, l’oolite moyenne et l'oo- lite supérieure, former des zones successives qui se produisent partout dans le même ordre, à part des modifications locales résultant de l'inégalité avec laquelle se sont soulevés les mas- sifs montagneux entourant le bassin jurassien. Les premiers de ces terrains, ceux du trias, du lias et de l’oolite inférieure, con- tournentles massifs montagneux des Vosges; du Morvan, etc.; les autres viennent ensuite, et les lignes qui les limitent, en s'éloignant de plus en plus des massifs montagneux, ten- dent à se disposer concentriquement par rapport au centre du bassin jurassien, comme les mers au fond desquelles ils se sont constitués. Un observateur qui, à la fin de la période crétacée, serait parti du centre du bassin jurassien pour se rendre sur ses bords, aurait constaté que les terrains se suc- cédaient par ordre d'ancienneté et formaient des zones suc- cessives tendant à se disposer en retrait les unes par rapport aux autres; cette disposition est mise en évidence par la simple inspection d’une carte géologique. Pendant que le comblement du bassin jurassien s’effectuait, les massifs montagneux dont il était entouré ne cessaient pas d'obéir à une impulsion de bas en haut, qui avait pour effet — 331 — de les rapprocher par leur base les uns des autres et de- . vait finir par amener leur soudure. Par suite de ces mouve- ments, les mers qui ont successivement occupé le bassin ju- rassien pendant les époques triasique et jurassique, et qui étaient d'abord largement ouvertes dans tous les sens, se sont rétrécies de plus en plus et ont fini par se transformer en une mer intérieure ou méditerranée, peut-être même en une mer caspienne. Cette dernière transformation a eu lieu un peu avant la fin de la période jurassique. L'apparition du lac supra-oohitique n'a pu interrompre cette succession de phéno- mènes, puisque le remplacement des eaux salées par les eaux douces n'a été que la conséquence de l’action générale et con- timue en vertu de laquelle le bassin jurassien allait en s'exhaussant, tandis que les mers qu'il rénfermait se rétré- cissaient de plus en plus. Lorsque les eaux de la mer crétacée sont venues à leur tour, par suite d'un nouvel affaissement du sol, envahir le bassin jurassien, elles n'en ont occupé que la partie centrale. La mer nécomienne et celle du grès vert ont eu toutes les deux les mêmes rivages. Celle de la craie blanche s'est placée un peu à l’ouest de la précédente. Mais toutes les trois se sont dis- posées de telle sorte que la loi que nous venons d'énoncer, comme ayant présidé à la distribution des terrains et au dé- placement des mers, ne se trouve pas infirmée. Pendant la période crétacée, comme pendant la période jurassique, les mers ont tendu à occuper un espace de plus en plus restreint et à se maintenir dans la partie centrale du bassin jurassien. Nous désignons sous le nom de mouvement d'exhausse- ment périphérique, le phènomène général qui a déterminé les déplacements que nous venons de décrire. Cette désignation nous paraît parfaitement convenable, puisque ce phénomène a été la conséquence du soulèvement progressif des massifs montagneux qui entouraient le bassin jurassien. Mais le phènomène que nous avons ici en vue peut encore être désigné sous le nom de déplacement centripèle des mers. Pr enr 2 TORRES, 22 CR ET ee PRE Gin at oisà Pre y TEST AU TNT EN op — 332 — Celles-e1 ont obéi à un mouvement centripète par rapport au centre de ce bassin, ou, si l'on veut, centrifuge par rapport aux massifs montagneux qui le limitent. Les rivages ont tendu à dessiner des lignes sinueuses, à peu près parallèles, concen- triques d’abord par rapport aux massifs montagneux, puis, à . partir du commencement de la période oolitique supérieure, concentriques par rapport au centre du bassin. Si chaque massif montagneux s'était soulevé de la même hauteur à chaque époque géologique, si, en outre, cette am- plitude de soulèvement avait toujours été la même pour tous les massifs montagneux, les zones de retrait correspondant à chaque terrain auraient toutes la même largeur, et cette lar- seur serait la même pour chacune de ces zones sur toute son étendue. Mais il n'en est pas ainsi. Nous concluons de ce fait que le soulèvement des divers massifs montagneux qui Hmi- tent le bassin jurassien, n’a pas été le même pour tous à chaque époque, et qu'il a varié pour un même massif d'une époque à l’autre. D'un autre côté, si le mouvement dont il vient d'être ques- tion s'était fait sentir aussi dans Le centre du bassin jurassien, celui-ci n’eût pas tardé à être émergé. Le même effet se serait produit indirectement, quand bien même le centre du bassin fût resté immobile, car alors l'action sédimentaire eût rapide- ment amené le comblement de ce bassin. 11 faut donc ad- mettre que le mouvement ascensionnel de la partie périphé- rique du bassin jurassien était accompagné d’un mouvement en sens contraire dans sa partie centrale. Il en résultait un mouvement de bascule comme dans toutes les impulsions subies par l'écorce terrestre (1). (1) Les figures 1, 2 et 3 (pl. II) ont pour objet d'achever de faire com- prendre la nature des deux mouvements qui viennent d'être mentionnés, et la manière dont leur action se combine. Dans ces figures, la lettre. G correspond au centre du bassin, tandis que les lettres B en désignent les bords; des lienes ponctuées et des flèches indiquent le sens dans le- quel s'opèrent les mouvements. Fig. 1. — Mouvement d'exhaussement périphérique. Les points B PT TS EP PTT DRE RE ED Pet Le SU MT NP NS MERDE I PRET ET SES — 9333 — Exhaussement latéral du bassin jurassien. — [La puissance du trias et du lias va en augmentant, à travers le bassin ju- rassien, dans la direction du N.-0. vers le S.-E., c'est-à-dire depuis la Côte-d'Or jusque vers les Alpes. Ce fait démontre que, lors du dépôt de ces terrains, les forces intérieures ten- daient à soulever la partie nord-occidentale du bassin juras- sien et à abaisser la partie sud-orientale. La même tendance a dû persister pendant les époques qui ont suivi la période lia- sique, car une coupe, allant de la Côte-d'Or vers les Alpes, nous montre les terrains augmentant d'importance à mesure qu'ils sont plus récents et qu’on se rapproche du massif alpin. En s'’éloignant de la Côte-d'Or, il faut même dépasser la Saône pour rencontrer le terrain crétacé inférieur ; le terrain de la craie blanche n'apparaît que dans la partie centrale du Jura, et le terrain nummulitique ne se montre pour la pre- mière fois qu'au pied des Alpes. Evidemment, depuis la pé- riode triasique jusqu'à la période nummulitique inclusive- ment, les mers ont tendu à se déplacer du nord-ouest vers le sud-est. viennent de part et d'autre se placer en B’; le point G reste immobile. Fig. 2. — Mouvement d'affaissement central. Les points B restent im- mobiles ; le point GC vient en C. Fig. 3, — Combinaison des deux mouvements précédents. Les points B s'élèvent et vont en B’, tandis que le point C va en C'et s'abaisse. Le point O, placé sur le trajet de la ligne BC, est immobile. Il se produit, en définitive, autour du point O un mouvement de bascule absolument semblable à celui qui s'observe en Scandinavie. Cette figure a pour objet d'indiquer la nature et la relation des mouvements, plutôt que l'étendue des régions affectées par eux. Nous avons supposé le point O situé au milieu de la ligne BC; mais on conçoit qu'il puisse être situé plus près du point C ou du point B. On conçoit aussi que d'une époque à une autre il se soit déplacé. Comme ces mouvements devaient se ter- miner vers la fin de la période jurassique et vers la fin de la période crétacée, par l'émergement progressif du bassin jurassien, il est naturel de penser que ce point O a été en se dirigeant vers le centre du bassin. Il est d’ailleurs une autre hypothèse qui se présente à l'esprit : c'est de supposer que l'émergement du bassin jurassien a été purement et sim- plement le résultat du mouvement oscillatoire dont il sera question tout à l'heure. — 334 — Cette circonstance explique pourquoi les sones de retrait, dont il a été précédemment question, atteignent leur maximum de largeur vers la partie nord-ouest du bassin ju- rassien. Ce fait est dû à ce que, vers la Côte-d'Or, le soulève- ment du sol, du moins pendant les périodes antérieures à la période miocène, a été plus énergique que sur les autres points du pourtour de ce bassin. Nous y voyons l'indication d'un mouvement que nous désignerions volontiers sous le nom d’exhaussement latéral du nord-ouest vers le sud-est, en le distinguant d'un autre exhaussement latéral qui s’est mani- festé plus tard dans un sens inverse. On peut s'en faire une idée en se représentant un vaste plan incliné dont la base se- rait située vers les Alpes, qui s'appuierait sur une ligne allant des Vosges au Morvan, et qui tournerait autour de sa base comme autour d'une charnière. La figure ?, pl. II est destinée à représenter graphiquement ce mouvement d'exhaussement latéral. Le point Ba reste im- mobile; le maximum d'exhaussement est au point Bb; la ligne BB’ dessine un plan incliné le long duquel la quantité d'exhaussement va en augmentant de Ba en Bb. Centre de soulèvement de la Serre. — Parmi les impulsions locales qui se sont produites dans le bassin jurassien, nous devons mentionner celle qui a donné naissance au petit centre de soulèvement de la Serre. Ge centre secondaire de soulè- vement se montre à l'ouest de Besancon; il a pour limites naturelles l'Ognon, la Saône et le Doubs. Il est trop rapproché de la partie nord-occidentale du Jura pour que notre attention ne s'arrête pas un instant sur lui. Il correspond à une région comprenant, outre la montagne de la Serre, les envi- rons de Besancon, de Salins et de Poligny. C'est à la mon- tagne de la Serre que les forces intérieures ont acquis leur maximum d'énergie, puisque c'est là que le granite a pu percer les terrains de sédiment. L'existence de ce centre de soulèvement nous paraît pouvoir NE 4 sh: Co TS Cl Sr A CO 1 M den ts OC RÉ dE à EE RS dr ed à nn ‘ ” ‘ = L — 335 — être d’abord établie sur la présence du granite qui, avec le nouveau grès rouge et le trias, forment un ilot au milieu du terrain jurassique. Autour de ce pointement granitique se groupent, vers l'est et le sud-est, des pointements keupéro- liasiques qui surgissent, cà et là, dans les environs de Poligny, de Salins et de Besançon. La faible épaisseur du trias, l'absence réelle ou apparente du quatrième terme de ce terrain, l'état rudimentaire de l’in- fralias, indiquent suffisamment que ce centre de soulèvement existait déjà peu après l'apparition du bassin jurassien. Sans doute, il n’était pas encore émergé pendant la période juras- sique; il ne formait pas un ilot au milieu de la mer de cette période; mais le peu d'épaisseur que le terrain jurassique y présente est, pour nous, la preuve que, lors du dépôt de ce terrain, le centre de soulèvement de la Serre continuait à former un plateau sous-marin. Dans tous les cas, il nous pa- raît probable que l'émergement de la Serre était déjà complet pendant la période crétacée. Depuis lors, ce petit massif n’a plus été recouvert ni par les eaux douces, ni par les eaux salées. Mouvement général d'oscillation. — Nous désignons ainsi le mouvement en vertu duquel tout le bassin jurassien et les massifs montagneux qui le circonscrivent se sont alternati- vement abaissés et soulevés ,; en même temps, dans le même sens, avec la même vitesse, en un mot, en conservant leurs relations mutuelles. Ce mouvement oscillatoire a surtout contribué à déterminer l'apparition et la disparition des eaux océaniennes , ainsi que leur remplacement, lorsqu'elles s’é- loignaient, par des lacs ou des surfaces continentales. Il a eu notamment pour conséquence l’'émergement du bassin juras- sien pendant les périodes supra-oolitique, turonienne et de la craie blanche. Mouvements accomplis dans le bassin jurassien après le soü- lèvement du Jura. — Les mouvements dont il vient d'être CT question, et qui se sont produits pendant la période mésozoïque ou secondaire, ont persisté pendant la période néozoïque ou tertiaire, mais en se modifiant un peu, sinon dans leur allure et leur mode de manifestation, du moins quant à la situation et à l'étendue des contrées soumises à leur influence. L’exhaussement des massifs montagneux limitant le bassin jurassien a continué, et, avec lui, le déplacement centripète des mers, qui ont toujours tendu à se placer vers le centre du bassin. La mer nummulitique fait exception à ce fait géné- ral, parce que le mouvement de déplacement latéral est venu contrebalancer le mouvement d'exhaussement périphérique. Mais la mer de la mollasse, en occupant la plaine helvétique et la dépression bressane, formait en quelque sorte, dans la partie centrale du bassin jurassien, une seule mer du milieu, de laquelle le Jura s'élevait comme une presqu'ile. L'action dynamique, dont la tendance était d’édifier, au milieu du bassin jurassien , un centre secondaire de soulève- ment, s’est manifestée sur une plus grande étendue. L'appa- rition du Jura, et le dédoublement du bassin jurassien en. deux autres bassins bien moins importants, a été, pendant la période tertiaire, la conséquence de ce phénomène. Quant à l'affaissement de la partie centrale de ce bassin, il .a persisté, mais il s’est coordonné par rapport, non à un seul point placé vers le milieu du bassin, mais à deux points placés l'un en Suisse et l’autre dans la Bresse. Pendant la période tertiaire, le bassin jurassien a continué aussi à obéir à une impulsion latérale, comme pendant la pé- riode secondaire, mais cette impulsion a été dirigée en sens contraire. Le mouvement latéral dont j'ai parlé en premier lieu avait eu pour dernière conséquence l'expulsion de la mer qui, après avoir déserté le Jura, s'était trouvée reléguée vers les Alpes pendant la période nummulitique. Dès la fin de cette période, les mouvements du sol ont commencé à se ma- nifester dans une autre direction. On peut, en effet, distin- guer dans la série des temps géologiques, depuis le trias jus- . = RS 7 OR ET ET D A OP OR UE ET LS RP TT DS ES AN PAP RE TN L'ONU MINE ET LT — 331 — qu’à nos jours, deux périodes, pendant chacune desquelles, sur l'emplacement du Jura, l'écorce terrestre a obéi à un mouvement de bascule successivement dirigé dans deux sens opposés. Pendant la première période, c'est la partie située vers la Côte-d'Or qui s’exhausse, tandis que celle qui est du côté des Alpes s’abaisse ; pendant la seconde, le contraire a lieu : le côté des Alpes s’exhausse, tandis que l'autre s'abaisse. Ces deux impulsions différentes ont agi, dans le Jura, l'une sur le mode de distribution des terrains, l’autre sur la confi- guration du sol et les variations d'altitude. La première nous permet de comprendre pourquoi, dans le Jura, l'ancienneté des terrains va en diminuant du nord-ouest vers le sud-est, tandis que la seconde nous dit pourquoi l'altitude de ce massif montagneux va en augmentant dans le même sens. Enfin, le mouvement oscillatoire , tel que nous l'avons dé- fini, a persisté pendant la période néozoïque; c’est lui qui a déterminé, dans les plaines helvétique et bressane, la succes- sion des époques alternativement lacustres et marines corres- pondant à cette période ; il a également contribué à l'émerge- meut définitif du bassin jurassien vers la fin de la période miocène. Concordance de stratification entre les terrains qu'on ob- serve dans le Jura. — Il est un fait auquel nous attachons, une grande importance, et que nous énoncons en disant que tous les terrains dont se compose le Jura sont en concordance de stratification, depuis le plus ancien, le trias, jusqu'au plus mo- derne, le terrain miocène supérieur. Jamais, jusqu'à présent, l'observation n’a signalé de discor- dance de stratification, non seulement entre les assises dont se composent les terrains triasique, jurassique et crétacé, mais aussi entre ces terrains eux-mêmes. Le terrain tria- sique se lie intimement au terrain jurassique ; nulle part on n'a constaté de discordance de stratification entre Île trias, l'infralias et le lias. Le terrain crétacé succède régulière- 25 — 338 — ment au terrain jurassique. « Aucun hiatus, aucune discor- dance de stratification ne vient s'interposer entre les deux formations. Si la présence des couches nymphéennes semble établir une limite, celle-ci n’est point absolue, car l'on voit, en haut et en bas, une faune saumâtre former la transition aux faunes marines du jurassique supérieur et du crétacé inférieur. » (A. Jaccard, Jura neuchätelois, p.173). Dans le Haut-Jura, le terrain miocène est même en concordance de stratification avec le terrain néocomien et avec les formations antérieures. On peut donc poser en principe, d'une manière générale, que toutes les strates qui, en se superposant les unes aux au- tres, constituent le massif jurassien, sont normalement en stratification concordante ; celles qui se trouvent sur le même point ont obéi aux mêmes impulsions et ont éprouvé les mêmes dérangements. Si un examen attentif conduit plus tard à reconnaître des discordances de stratification entre quelques-unes de ces strates, ce ne sera que sur des points peu nombreux et dans des localités d’une faible étendue ; on n'aura là que des exceptions qui ne sauraient infirmer le fait général que je viens de rappeler et dont il est permis dès lors de tirer diverses conséquences. Cette concordance de stratification existait lorsque le Jura a commencé à subir les actions dynamiques que nous allons décrire; les événements ultérieurs n’ont pu le détruire, et, quelles que soient les in- flexions variées que présentent les strates, on peut dire que cette concordance de stratification a persisté virtuelle- ment. Quelques circonstances semblent, au premier abord, rendre inadmissible cette concordance de stratification. Le sol du Jura, pendant que s'opérait le dépôt des strates dont sa masse se compose, s’est soulevé et s’est abaissé plusieurs fois. Chacun de ces mouvements a eu une amplitude considérable, puisqu'ils ont été suffisants, tantôt pour chasser les eaux océaniennes, tantôt pour les ramener. Toutefois, la concor- —" 339 — dance de stratification entre toutes les strates indique que ces oscillations se sont effectuées avec ensemble et d’une manière uniforme pour toutes ces contrées. Pendant que ces strates se déposaient, l'écorce terrestre n'était certainement pas immo- bile; mais elle éprouvait, dans tout le bassin jurassien, des oscillations lentes et générales qui, affectant en même temps et de la même manière toutes les strates, n'avaient d'autre ré- sultat que de les exhausser et de les abaisser à des niveaux différents, sans amener de discordance de stratification entre les couches déjà déposées et celles qui allaient les recouvrir. Les strates obéissaient bien à un mouvement de bascule tel que les parties situées près du bord du bassin jurassien, et par conséquent près des massifs montagneux, s'exhaussaient, tandis que celles qui étaient vers le centre s’abaissaient de plus en plus. Il semble, au premier abord, qu'il devait en ré- sulter, pour une même assise (A, fig. 3) se dirigeant du centre du bassin vers sa périphérie, une légère inclinaison, de sorte que l’assise suivante B, dont le dépôt s’effectuait immédiate- ment après le faible soulèvement subi par la première assise À, devait se trouver en stratification discordante avec elle. Un examen attentif de ce qui s'est passé dans ces circon- stances conduit à admettre que, dans ce cas, la discordance de stratification est assez faible pour pouvoir être considérée comme n’existant pas. {Voir pl. III.) Supposons qu'une strate À ait une pente d'un millième et qu'elle soit recouverte par une strate horizontale B, il ny aura pas possibilité de constater entre les deux une discor- dance de stratification, et pourtant la faible pente de l’assise sous-jacente sera suffisante pour qu'entre deux points séparés par une distance de 50 kilomètres seulement, il y ait une dif- férence de niveau de 50 mètres. Cette différence de niveau ira jusqu'à 500 mètres, si la pente de l’assise sous-jacente est de un centimètre par mètre. Bien que dans ce cas, pas plus que dans le cas précédent, il ne soit possible de constater une discordance de stratification, l’assise sous-jacente pourra con- — 340 — stituer une montagne au pied de laquelle l’assise suivante viendra se déposer. Il sera pourtant permis de reconnaître une discordance d'isolement, qui se produira à une certaine distance du point où l’on se trouve : cette distance sera évi- demment d'autant plus grande que le degré d'inclinaison de l’assise sous-jacente sera plus faible. Le raisonnement que nous venons de faire, pour démontrer que l’idée de la concordance de stratification entre tous les terrains du Jura n’est pas inconciliable avec ce que nous avons dit sur les mouvements du sol pendant que ces terrains se déposaient, ce raisonnement, disons-nous, peut aussi être employé pour expliquer comment cette idée n’est pas exclu- sive des discordances d'isolement entre deux terrains consécu- tifs. Elle n'implique pas nécessairement que les mers où se sont déposées les strates jurassiennes aient eu les mêmes ri- vages. Nous pensons que cette concordance de straüfication, qui nous paraît incontestable en ce qui concerne le Jura, existe également, quoique dans une moindre mesure, pour le bassin jurassien tout entier. Des exceptions plus ou moins nom- breuses apparaissent surtout dans les massifs montagneux formant l'enceinte du bassin jurassien. Une autre exception se montre dans le centre de ce bassin, car le terrain tertiaire de la Bresse vient s'appliquer, en stratification discordante, contre les strates jurassiques de la falaise occidentale du Jura, bien que sur la partie orientale elles soient en stratification concordante avec les formations antérieures. Mais ces excep- tions ne sauraientinfirmer le fait que nous avons voulu mettre en évidence dans ce paragraphe, et qui sans doute est plus général qu'on ne pourrait le penser au premier abord. — 341 — CHAPITRE IX PHÉNOMÈNES QUI ONT DÉTERMINÉ LE COMBLEMENT DU BASSIN JURASSIEN ; ACTIONS GEYSÉRIENNE ET DÉTRITIQUE. Division des roches stratifiées en deux groupes. — Les ro- ches stratifiées du bassin jurassien, comme celles d’une con- trée quelconque, se partagent en deux groupes dont nous allons indiquer les principaux caractères. Le premier groupe comprend les conglomérais, les grès, les sables, les argiles, les marnes, etc., c'est-à-dire les roches ré- sultant d'une sédimentation mécanique. Ges roches se sont formées par voies d'action détritique, aux dépens des roches préexistantes successivement détruites à mesure qu'elles étaient soumises à l'influence des agents atmosphériques. Elles ont recu la majeure partie de leurs éléments constitutifs de la surface du globe. Ces éléments, qui sont par conséquent d'origine externe, ont été transportés par les courants superfi- ciels fluviatiles ou marins, jusqu'au point où leur dépôt devait s'opérer. Ils ont été maintenus dans l'eau à l'état de suspen- sion; leur grosseur varie beaucoup, mais, quel que soit leur degré d'atténuation, ils ont presque toujours un volume su- périeur à celui de la molécule chimique. Dans un second groupe viennent se placer les roches résul- tant d’une sédimentation chimique. Elles se sont constituées à la suite d'une action geysérienne plus où moins énergique qui leur a apporté de l'intérieur du globe les matériaux dont elles sont formées. Ces matériaux sont, par conséquent, d'ori- gine interne. Ils ont été maintenus dans l'eau à l’état de disso- lution et leur volume est celui de la molécule chimique. Entre ces deux groupes, se trouvent des roches d'un carac- tère mixte par leur origine comme par leur aspect et leur — 342 — composition. Nous n'avons pas à en tenir compte, parce que notre intention n'est pas ici d'établir les bases d’une classifi- cation pétrologique. Nous voulons surtout indiquer la nature des phénomènes qui ont présidé au comblement du bassin ju- rassien et à la formation des terrains qu'on y rencontre. D'a- près ce que nous venons de dire, on est autorisé à conclure qu'aussitôt après l'établissement d’une dépression destinée à devenir un bassin géogénique, deux sortes de matériaux co- opèrent à son comblement ; il en a été ainsi pour le bassin Ju- rassien. Action détritique; en quoi elle consiste. — L'action détri- tique, dans le bassin jurassien, s'est manifestée en corrodant et en érodant la surface des massifs montagneux qui entourent le Jura, c'est-à-dire les Alpes, les Vosges, le Morvan, etc. Les débris de ces massifs ont été, à chaque époque, entraînés par les cours d’eau jusqu'au bord de la mer. Là ils se sont mêélés à ceux que les vagues arrachaient soit aux rivages, soit aux portions du sol sous-marin assez peu profondes pour se trouver dans la zone d'agitation des eaux. Les uns et les autres ont été charriés par les courants marine, qui les ont promenés çà et là jusqu'à ce que leur dépôt définitif ait pu s'effectuer sur un point ou sur un autre. Cette succession de phénomènes permet de comparer un centre de sédimentation à un vase se remplissant aux dépens de ses propres parois. Les agents de destruction ont opéré de deux manières diffé- rentes : mécaniquement et chimiquement. Lorsqu'ils ont opéré mécaniquement , ils ont déterminé la formation des conglomérats et des roches grésiformes. Dans le bassin jurassien, de même que dans les autres contrées, l'élément de ces roches est toujours la silice ou une substance silicatée, très rarement le carbonate de chaux. Sans doute, les massifs montagneux qui entouraient le bassin jurassien ren- fermaient, comme aujourd’hui, des roches calcaires, et la des- truction de ces roches devait alimenter la formation de cail- LR pie D ON CSS re ETS A ER à re E% se F — 343 — loux de la même nature. Mais, pendant leur transport, ces cailloux s’usaient au contact non-seulement les uns des au- tres, mais aussi des cailloux siliceux en compagnie desquels ils voyageaient. L'influence dissolvante de l'acide carbonique, contenu dans l’eau qui charriait les débris calcaires, contri- buaïit également à leur destruction. Lorsque les agents d'érosion ont opéré chimiquement, ils ont amené la décomposition soit des roches calcaires, soit des roches silicatées. Le carbonate de chaux, résultant de la dé- composition des roches calcaires, est allé se confondre dans la masse du carbonate de chaux amené par les sources pétrogé- niques. Quant aux roches silicatées, leur décomposition a dé- terminé, en totalité ou en partie, la formation des marnes et des argiles. C'est ainsi que le feldspath des roches granitiques et porphyriques des Alpes, du Morvan et des Vosges, s’est dé- composé en ses deux éléments essentiels. Le silicate de po- tasse a été dissous et entraîné par l'eau; le silicate d’alumine a persisté et a déterminé la formation des marnes et des ar- giles. Quelle est La part qui revient au Jura dans cette masse de matériaux détritiques qui ont été entraînés dans les dépres- sions qui l'entourent ? Au pied du Jura et sur tout son pour- tour, on rencontre fréquemment, en amas isolés ou mélangés à d’autres roches, des cailloux calcaires. Ces cailloux ont fourni notamment les éléments constitutifs du nagelfluhe ju- ‘rassique. Aux cailloux calcaires se mêlent quelquefois des cailloux siliceux, parmi lesquels on reconnaît ceux qui pro- viennent de la craie blanche ; la présence de ceux-ci est en relation avec l'action dénudatrice qui s’est exercée avec tant d'énergie sur ce terrain. Pendant que les roches calcaires du Jura alimentaient par leur destruction la formation des cailloux que nous retrou- vons sous forme de conglomérat et de nagelfluhe, leur dé- composition chimique donnait origine au carbonate de chaux qui pénètre les roches grésiformes du terrain tertiaire de la — 344 — Suisse et de la Bresse, qui leur sert quelquefois de ciment et les fait passer à l’état de mollasse, ou mieux de maciguo. Comment l'action détritique a varié dans son intensité. — L'action détritique n’a pas eu toujours la même intensité ; elle a subi, sous ce rapport, des variations que l'on peut ap- précier en tenant compte de la masse de matériaux qu'elle a charriés à chaque époque. Il ya, au point de vue pétrographique, un contraste complet entre le trias et le terrain jurassique. Les roches détritiques sont très abondantes dans le trias ; cette abondance est en re- lation avec le climat de la période triasique pendant laquelle des pluies diluviennes déterminaient chaque année des phéno- mènes d'érosion et de transport de beaucoup d'énergie. Mais rappelons- nous que, dans ce grand développement de roches détritiques, nous avons vu aussi la conséquence de ce fait que, pendant un temps très prolongé (toute la période pa- léozoïque), la surface du sol s'était recouverte de nombreux débris de roches accumulés sous forme de terrains de trans- port. Ce sont ces débris qui, remaniés, triturés et arrondis, ont fourni au terrain triasique ses principaux éléments. Lorsque la période jurassique a commenté, l'enlèvement des débris antérieurement accumulés était terminé; et comme pendant cette période le climat était sec, il en résulta que les phénomènes de désagrégation et de transport se ralentirent. Aussi les roches détritiques jouent-elles un rôle très effacé dans la constitution du terrain jurassique. Cette rareté des roches détritiques est d'autant plus remarquable que, pen- dant la période jurassique, la surface sur laquelle les agents d'érosion s'exercaient avait augmenté, tandis que l'étendue des bassins qui recevaient les débris provenant de cette action érosive avait diminué. Pendant l'époque jurassique, l'action détritique s’est manifestée en apportant une partie de leurs éléments aux roches marneuses qui alternent avec les roches calcaires. Et, bien que l'élément marneux entre pour une pro- Es ra done t à AE 7 nl Leg AIT na tt JE Endé Op iris HE ur n PS el RARE TE PTT RE es Ér 'AES NEC à TA UVNE LP PIUN AT PRE SCA ” — 345 — portion considérable dans la constitution pétrographique du Jura, il n’en est pas moins évident que la rareté des roches grésiformes dans le terrain jurassique accuse un ralentisse- ment de l’action détritique. Dans ce terrain, les roches aré- noïdes ne sont représentées que par quelques grès, ordinaire - ment argileux, à grains fins, souvent micacés, dont nous avons cité quelques exemples. Nous avons également men- tionné le terrain de transport, pour ainsi dire exceptionnel, que l'on rencontre sur quelques points de la partie nord-occi- dentale du Jura, et qui est formé de cailloux calcaires d'ori- gine alpine. (Voir chap. v.) Pendant la période crétacée, l'action détritique a continué à fonctionner avec moins d'énergie que l'action geysérienne; pourtant elle à commencé à prendre une certaine importance lorsque se sont constituées les roches qui, sous le nom de grès vert, entrent dans la composition du terrain crétacé moyen. (Voir chap. vr.) Pendant la période tertiaire, l'action détritique a repris une nouvelle énergie, soit parce que les conditions climatologiques sont redevenues favorables à sa manifestation, soit parce que la surface émergée soumise à l'influence des agents atmo- sphériques s'est considérablement accrue. Les débris charriés des Alpes, des Vosges, du Morvan, etc., étaient entraînés tantôt au fond des lacs, tantôt au fond de la mer; ils déterminaient la formation des mollasses, tantôt marines, tantôt lacustres, qui remplissent la plaine helvétique et la plaine bressane. En même temps se constituaient les nagelfluhes et les roches con- glomérées qui accompagnent les mollasses. Pendant l'ère jovienne, par suite de l'extension et de la surélévation des masses continentales, par suite aussi du re- froidissement du climat, l’action détritique a pris une nou- velle énergie, Les phénomènes diluviens marquent le mo- ment où cette action à atteint son maximum d'intensité. En même temps, l'intervention directe ou indirecte de la glace, comme agent de transport ou d'érosion, a imprimé à l'action — 346 — détritique une allure qu'elle n'avait pas eue jusqu'alors, et en a fait en réalité un phénomène spécial. Variations dans la nature des matériaux dus à l’action dé- tritique. — Toutes les roches détritiques du bassin jurassien se ressemblent beaucoup au point de vue détritique. Gette si- militude s'explique d'elle-même, puisque les éléments dont elles sont formées ont tous la même origine et résultent de la destruction et du remaniement des mêmes masses préexis- tantes. Pourtant cette tendance des roches détritiques à pré- senter le même aspect n’a pas toujours été réalisée d’une ma- nière complète. Nous allons indiquer comment les roches dé- tritiques ont pu, dans une certaine mesure, varier pour chaque contrée et chaque époque. Les massifs montagneux qui entourent le bassin jurassien n'ont pas tous exactement la même composition pétrogra- phique. On concoit, par conséquent, que les produits de l’ac- tion détritique variaient à chaque moment, suivant qu'elle s'exerçait avec plus d'énergie sur un point ou sur un autre. Des changements dans la direction des courants marins ame- naient des changements dans la nature des matériaux charriés. Enfin, un lavage plus ou moins prolongé pouvait dépouiller les sables de l'argile qu'ils contenaient et occa- sionner la formation de grès quartzeux plus ou moins purs. | À tn Mais c’est surtout l’action geysérienne qui, en se combinant avec l’action détritique, contribuait le plus à faire varier l’as- pect des roches détritiques. Les grès et les argiles du terrain triasique reçoivent un faciès tout à fait caractéristique des substances que l’action geysérienne a mélangées avec leurs éléments constitutifs. C’est au fer ou au silicate de fer d'ori- gine geysérienne que le grès vert doit sa coloration. C'est le carbonate de chaux, amené en totalité ou en partie par les sources pétrogéniques, qui à fait passer à l'état de marnes les argiles des terrains jurassique et crétacé; c’est lui, enfin, qui rs BULLE RS | LE he — 347 — a imprimé à la mollasse de la Suisse un de ses caractères dis- tinctifs. Action geysérienne ; en quoi elle consiste. — Nous appe- lons action geysérienne le phénomène en vertu duquel des sources, pour la plupart thermales, ont apporté, de l'intérieur du globe ou des profondeurs de l'écorce terrestre, les substances dont sont composées la plupart des roches résultant d'une sé- dimentation chimique. Les éléments minéralogiques qui en- trent dans la composition de ces roches sont surtout, en ce qui concerne le bassin jurassien, le carbonate de chaux, Le carbo- nale de magnésie, la silice, le sulfate de chaux, le chlorure de sodium, le fer à l’état d’hydrate, de sesquioxyde ou de sili- cate. En d'autres termes, les sources auxquelles il est permis d’affecter la désignation de sources pétrogéniques peuvent être classées, d'après la nature des éléments qu'elles charriaient, de la manière suivante : sources (ou émissions) calcaires, ma- gnésiennes, siliceuses, gypseuses, salées et ferrugineuses. Cette série d'émissions se complète par les émissions métallifères autres que le fer. Nous n'avons pas à nous en occuper ici. Elles n'ont déterminé, dans le Jura et dans les régions voi- sines, la constitution d'aucun gisement à l’état de filons ou sous une autre forme. Pour en trouver des exemples, il fau- drait nous transporter jusque dans les massifs montagneux qui limitent le bassin jurassien. Nous ne tenons pas compte non plus de quelques substances, telles que le phosphate de chaux, qui ont également une origine geysérienne, mais qui ne constituent au milieu des roches que de simples accidents minéralogiques. L'action geysérienne est la conséquence de deux phéno- mènes distincts : 1° un phénomène résultant de ce que les substances qui se trouvent dans les profondeurs de l'écorce terrestre ou dans la pyrosphère, tendent souvent à revenir vers la surface du globe à l’état gazeux ou de liquéfaction ignée; 2° un phénomène produit par la circulation de l’eau à travers SE ren AT PEU PU ST RCT - FRERE AUTOS Te A OT AA NO RÈT RE Es LEE à à us — 348 — la croûte du globe, circulation provenant de ce que l'eau des- cend d'abord en vertu de son propre poids et remonte ensuite à l'état de vapeur. Quelle a été la nature des réactions qui ont amené la forma- tion des substances que nous retrouvons dans les roches ré- -sultant d'une sédimentation chimique ? C’est là une question que nous jugeons inutile de traiter ici, et dont l'examen nous entraînerait trop loin. Notre but se borne à indiquer le point de provenance des éléments d’un grand nombre de roches, et à montrer dans quelles conditions ils sont arrivés jusqu'à nous. Presque toujours, les substances apportées par l'action geysérienne ont été amenées à l'état de dissolution dans l'eau, et lorsque cela a été nécessaire, leur dissolution a été favorisée ou déterminée : {° par la haute température de l'eau servant de véhicule aux matériaux charriés; 2° par la présence des acides et surtout de l'acide carbonique. Si nous prenons pour exemple les émissions calcaires qui ont fonctionné avec tant d'énergie lors du dépôt du terrain jurassique, nous sommes conduit à admettre que l'eau appor- tant le carbonate de chaux était à une haute température. La dissolution de ce carbonate de chaux était d’ailleurs favorisée par la pression et par un excès d'acide carbonique qui dispa- raissait en arrivant à la surface du sol. En un mot, pour nous faire une idée de ce qu'étaient les émissions calcaires, 1l faut nous représenter le phénomène actuel des sources incrus- tantes qui jaillissent dans les pays volcaniques, et notamment à San Vignone et à San Filippo, en Toscane. Ces sources in- crustantes ont produit et produisent encore le travertin, qui ne diffère du tuf calcaire de nos pays que par une plus grande compacté et a fourni la plupart des matériaux avec les- 4 quels ont été construits les édifices de Rome ancienne et mo- | derne. La majeure partie des principes calcaires charriés par les sources inscrustantes d'Italie est entraînée par les cours d'eau au fond de la Méditerranée, oùelle va constituer, des PSE Nr 2 DETTE ? a — 349 — bancs dont l'aspect doit être absolument semblable à celui des calcaires du Jura. Les substances plus ou moins insolubles ont pu être en- traînées à l'état de suspension dans l’eau, ou bien à l'état de boue, lorsqu'elles étaient mélangées avec des matières argi- leuses. 11 a dû, dans ces cas, 'se produire une action dont les salzes et les volcans boueux de l’époque actuelle nous donnent une idée. C’est ainsi qu’une partie des argiles bariolées qui accompagnent le gypse et le sel gemme auraient peut-être, comme ces substances, une origine geysérienne. Dans quelques cas plus rares, les éléments constitutifs des roches sont arrivés à l’état de fusion ignée. C'est ce qui a pu avoir lieu quelquefois pour le sel gemme. On sait, en effet, que le sel gemme se distingue du sel obtenu à la suite d'une évaporation, par certaines propriétés physiques et notamment parce qu il ne décrépite pas au feu ; il ressemble complète- ment au sel obtenu par voie de fusion. La théorie de l'origine geysérienne des roches résultant d’une sédimentation chimique , telle que nous l'avons exposée dans une autre circonstance (voir Prodrome de Géologie, t. I) et telle que nous venons d'essayer d'en donner une idée, est encore repoussée par quelques géologues. Je crois convenable de répondre à quelques-unes des objections dont elle a été l'objet, bien que la nature de cet ouvrage ne nous permette pas d'accorder beaucoup de place à une controverse. Les roches résultant d’une sédimentation chimique s’ac- compagnent fréquemment, se remplacent ou s’entremêélent, ce qui démontre qu'elles ont une commune origine. Les bancs de sel gemme, par exemple, sont toujours dans le voi- sinage des amas de gypse, et quelquefois des roches dolomi- tiques. Celles-ci, sur d’autres points, alternent avec des as- sises calcaires. Par conséquent, les hypothèses spéciales que l'on a faitintervenir dans chaque cas particulier pour expliquer l’origine de chaque roche, doivent être rejetées, non-seulement à cause des objections de détail dont chacune de ces hypo- — 350 — thèses est susceptible, mais aussi parce qu'elles sont contra- dictoires, ou du moins ne se rattachent pas à un même ordre d'idées. L’objection que je viens de formuler n'en serait pas une s’il était permis d'admettre, comme le font quelques géolo- gues, que toute roche procède de la destruction d'une roche préexistante, Cela est exact pour les roches résultant d’une sédimentation mécanique, mais nullement pour celles que nous avons ici en vue. Cette manière de voir ne fait d'ailleurs que déplacer la difficulté, puisqu'il reste toujours à indiquer l'origine des roches primordiales, à moins qu’en adoptant les idées de Hutton, on ne déclare que, dans l’état actuel des choses, on ne saurait apercevoir ni les traces d'un commence- ment, ni les menaces d'une fin. D'un autre côté, comment faire au bassin jurassien l'application de cette hypothèse, et comment admettre que les massifs montagneux qui, lors de la période jurassique, limitaient ce bassin et étaient comme aujourd'hui formés de terrains siliceux ou silicatés, com- ment admettre, dis-je, que ces massifs aient pu, par leur des- truction, déterminer la constitution des puissantes assises cal- caires du Jura, tout en ne donnant origine qu'à des assises gréseuses insignifiantes ? Pendant la période azoïque, alors qu'un océan sans ri- vages recouvrait le globe tout entier et que l'écorce terrestre, encore à l'état rudimentaire, était réduite à sa zone grani- tique, toute la masse puissante des sédiments qui est venue compléter celte écorce n'existait pas encore. Où se trouvaient ses futurs éléments constitutifs ? On ne peut pas supposer que ces éléments étaient contenus à l’état de suspension dans les eaux de l’océan, à moins d’en revenir aux idées de Werner et d'admettre que cet océan était à l’état boueux. Dire que ces éléments ont été successivement fournis par l'écorce terres- tre, par voie de désagrégation, à mesure que son émergement s’est opéré, c’est formuler une manière de voir qu'il serait impossible de mettre en relation avec les faits et de changer y À P de, — 351 — en corps de doctrines. On en est donc réduit à déclarer que tous les éléments des futures roches sédimentaires étaient ren- fermés, et pour ainsi dire tenus en réserve, dans l’intérieur du glche; et c’est cette idée fondamentale qui constitue pour nous le point de départ de la théorie geysérienne telle que nous la concevons, c’est-à-dire sans restriction comme sans extension non justifiées. Changements éprouvés par l'action geysérienne dans son énergie et son mode de manifestation. — L'action geysérienne a-t-elle toujours eu la même énergie depuis le commence- ment des temps géologiques jusqu'à nos jours ? Evidemment non. Toutes les roches appartenant à la période azoïque sont, sans exception, d'origine geysérienne, et c'est ce qu'il est aisé de comprendre. L'action détritique n'a fonctionné con- curremment avec l’action geysérienne que lorsque l'écorce terrestre, par suite des impulsions auxquelles elle a toujours obéi, a pu atteindre la zone d’agitation des eaux océaniennes, et mieux encore, lorsque sur certains points elle a dépassé le niveau de l'océan, sous forme d'îles ou de continents. Si nous portons notre attention vers l'époque actuelle, l’ob- servation des phénoménes géologiques dont nous sommes les témoins nous autorise à reconnaître que l’action geysérienne est sur son déclin. Dans un avenir peu éloigné, géologique- ment parlant, elle finira par disparaitre, tandis que l'action détritique prendra un développement de plus en plus grand. Maintenant, les phénomènes que nous réunissons sous le nom d'action geysérienne ne sont plus représentés que par les sources thermales, les geysers d'Islande, les soffioni et les sources inscrustantes qui, dans quelques contrées volcani- ques telles que l'Italie, déterminent la formation du tuf et du travertin. Quant aux dépôts de tuf que l’on rencontre dans le Jura, ainsi que dans toutes les contrées à sol calcaire, ils ne résultent pas nécessairement d'une aclion geysérienne 1 tie pale DÉS Lo D RE + dr cr bu di A CE De ca uv — 352 — proprement dite. Le carbonate de chaux qui alimente la for- mation du tuf, est fourni par les roches superficielles ; l'eau qui le charrie a la température moyenne du pays et n'arrive pas d’une grande profondeur ; enfin, l'acide carbonique, à la faveur duquel le carbonate de chaux se dissout, provient, non des profondeurs de l'écorce terrestre, mais tout simple- ment soit de l'atmosphère d’où les eaux pluviales l’entraînent, soit du sol où il est produit par la décomposition des matières végétales. Les sources qui déterminent la formation du tuf n'ont pas une origine geysérienne, pas plus que les sources salées qui prennent leur chlorure de sodium aux bancs de sel gemme qu'elles traversent, pas plus que les sources fer- rugineuses qui doivent le fer qu’elles contiennent à la dé- composition des pyrites. Le passage entre les deux états de choses que nous venons de comparer, s’est effectué d'une manière insensible pendant toute la durée des temps géologiques. Peu à peu l’action geysérienne a perdu de son intensité, tandis que l’action dé- tritique prenait une importance plus grande. Indiquons, en peu de mots, comment, dans le bassin jurassien, l’action geysérienne a varié dans son énergie et ses produits, de- puis le commencement de la période triasique jusqu'à nos jours. Nous avons déjà dit avec quelle intensité l’action geysé- rienne a fonctionné dans le bassin jurassien pendant la pé- riode triasique. La partie centrale de ce bassin devait être le siége d’un ensemble de phénomènes dont il serait difficile de se faire une idée, si l’on se bornaït à prendre pour terme de comparaison les régions où, pendant l’époque actuelle, l’action volcanique fonctionne avec le plus de violence. . Pendant la période jurassique, l’action geysérienne s'est ralentie ; en outre, les produits qu’elle a portés à la surface du globe ont été moins variés. Ce sont les émissions calcaires qui ont eu le plus d'importance, et il est probable que, pen- dant cette période, ces émissions n'ont pas cessé de se mami- LE 18 ù x] SX UE rx its) — 353 — fester, bien qu'à divers intervalles elles aient pu se produire avec plus ou moins d'activité. On pourrait supposer qu'elles ont subi une interruption pendant les moments où se dépo- saient les terrains essentiellement marneux, tels que les marnes liasiques et les marnes oxfordiennes. Mais n'est-il pas permis de penser que, dans ce cas, le carbonate de chaux, ap- porté par les sources calcaires, était employé, ainsi que nous l'avons dit, à faire passer à l’état de marnes des dépôts qui, sans cela, seraient restés à l'état d'argiles? Ces émissions cal- caires étaient accompagnées, à divers intervalles, d'émissions siliceuses ou ferrugineuses. Ce que nous venons de dire de la période jurassique est également applicable à la période crétacée, pendant laquelle l’action geysérienne a continué à fonctionner à peu près dans | les mêmes conditions. La nature pétrographique du terrain tertiaire démontre que l’action geysérienne a été en s’affaiblissant rapidement à partir de la fin de la période crétacée. La zone où l'action geysérienne va chercher la majeure partie des éléments qu’elle met en œuvre, c'est-à-dire la pyrosphère, s'éloigne de plus en plus de la surface du globe, à mesure que les temps géologiques s'écoulent. Les substances qui s'en dégagent ont un plus long trajet à parcourir pour arriver jusqu’à nous, el l’eau est obligée de pénétrer plus profondément pour aller à la rencontre des matériaux qu'elle doit ramener avec elle. Tandis que l’action geysérienne allait en se ralentissant pendant la période tertiaire, elle se manifestait sur certains points dans des conditions nouvelles. Nous faisons ici allusion aux phénomènes qui ont déterminé la formation du terrain sidérolitique. Comment l'action geysérienne a varié dans la nature de ses produits. — Nous venons de rappeler d'une manière sommaire comment l’action geysérienne avait varié dans son énergie et son mode de manifestation. Pour achever de montrer com- 26 — 354 — ment elle a varié dans ses produits, esquissons en peu de mots l'histoire géologique des diverses émissions énumérées au commencement de ce chapitre. Les émissions salifères n'ont fonctionné que pendant l'époque correspondant au muschelkalk, puis vers le commencement de l'époque keupérienne. Les émissions qgypsifères, après avoir déterminé la forma- tion des amas de gypse du keuper, ont complètement cessé pour ne reparaitre que pendant la période supra-oolitique. Elles ont alors donné origine à quelques amas de gypse ex- ploités à Foncine, etc. La présence de concrétions et de veines de gypse dans les marnes liasiques et oxfordiennes, ne saurait autoriser à dire que des émissions gypsifères ont fonctionné pendant la période jurassique, à part l'exception que nous ve- nons de rappeler. Ces concrétions sont des accidents minéra- logiques, provenant de réactions exercées sur les pyrites que les marnes liasiques et oxfordiennes renferment. Les émis- sions gypsifères ont fonctionné une troisième fois, mais avec très peu d'intensité, pendant le dépôt de la mollasse lacustre inférieure, et ont eu pour conséquence la formation de quel- ques petits amas de gypse dans la Suisse occidentale. Les émissions magnésiennes, après avoir été abondantes pen- dant l'époque triasique, ont reparu un instant lors de l’époque infra-liasique, puis vers la fin de la période jurassique. Les émissions magnésiennes, qui ont coopéré à la formation de la dolomie portlandienne, sont sans doute les mêmes qui, peu après, ont formé les calcaires magnésiens dont le gypse supra- oolitique est accompagné. Il ne serait pas impossible que ces émissions magnésiennes qui, à la fin de la période jurassique, se sont manifestées en même temps que les émissions gypsi- fères, aient été également accompagnées d'émissions salifères. S'il en était ainsi, on serait conduit à reconnaître que les phé- nomènes geysériens de la période keupérienne se sont repro- duits avec les mêmes caractères, quoique dans de bien plus petites proportions, à la fin de la période jurassique. Mais, dans ce cas, d'où viendrait l'absence du sel gemme ? Cette ab- sence est très aisée à comprendre; il est, en effet, permis de penser que, lors de la transformation de la dernière mer ju- rassique en lac d’eau douce, les causes qui avaient amené la disparition du chlorure de sodium dissous dans l’eau, ont été suffisantes pour enlever le sel nouvellement apporté par les sources salifères. Les émissions calcaires ont commencé à fonctionner pendant le dépôt au muschelkalk ; mais c'est lors de la période juras- sique, avons-nous dit, qu’elles ont atteint leur maximum d’é- nergie. Elles ont persisté pendant la période crétacée, pour cesser presque complètement pendant la période tertiaire. Les émissions ferrugineuses semblent avoir été continues pendant la période triasique ou, du moins, pendant les dépôts du grès bigarré et du keuper. Ce qui nous porte à le penser, c'est que les roches de ces deux terrains sont toujours plus ou moins imprégnées de substances ferrugineuses. Mais, à partir de la fin de la période keupérienne, les émissions ferrugi- neuses se sont manifestées, d'une manière interrompue, à des époques séparées par des intervalles plus ou moins longs, et dans des conditions telles qu'il en est résulté des amas sus- ceptibles d'exploitation. Les eaux qui apportaient ces sub- stances ferrugineuses étaient sans doute à une haute tempéra- ture ; mais elles jaillissaient d’une manière lente et régulière. Pendant la période tertiaire, des émissions ferrugineuses ont fonctionné à divers intervalles comme pendant les périodes jurassique et crétacée. Mais elles ont pris un caractère parti- culier, que nous essaierons de définir, en disant que les phé- nomènes sidérolitiques sont aux sources pétrogéniques ce que les éruptions volcaniques proprement dites sont aux éruptions plutoniques des temps antérieurs à la période tertiaire. ! Ce que je viens de dire des émissions ferrugineuses s’ap- plique aux émissions siliceuses. Celles-ci se sont manifestées ésalement à des époques séparées par des intervalles plus ou moins grands. Elles ont persisté, bien qu'en perdant de leur . — 396 — importance, jusqu à la fin de la période tertiaire, puisque le terrain lacustre de la Haute-Saône renferme des rognons sili- ceux. Mentionnons, enfin, les émissions de fer silicaté qui, pendant la période crétacée moyenne, ont apporté aux divers dépôts réunis sous le nom de grès vert et aux roches dites chloritées, la substance qui leur donne leur coloration ou les pénètre ac- cidentellement. Terrain sidérolitique. — Ssus le nom de terrain sidéroli- tique (Bohnerz des Allemands), on désigne des amas d'argile et de pisolites ferrugineuses remplissant des cavités dont la forme est très variable et trés irrégulière. Ces cavités ont été, à l’origine, des failles, des fentes ou fissures produites dans les mêmes circonstances que celles qui correspondent aux filons ; mais elles diffèrent de ceux-ci, parce qu’elles ont été considérablement agrandies par les eaux corrosives qui les ont parcourues. Leur mode de formation les rapproche beaucoup plus des grottes que des fentes filoniennes, et c’est pour cela sans doute qu'elles existent ordinairement dans les terrains crétacé et jurassique. Les substances qui entrent dans la composition du terrain sidérolitique sont l'argile, la silice et le fer. L’argile offre de nombreuses nuances disposées par taches ou par zones qui lui donnent un aspect bigarré : le plus souvent rouges, elles sont également jaunâtres, bleuâtres, blanchâtres, verdâtres. La silice se présente tantôt en petits grains, tantôt en con- crétions ; elle est quelquefois combinée avec le fer. Le fer existe à l’état d'hydrate; il se montre en grains à texture sou- vent fibreuse; la grosseur de ces grains, égale à celle d’un pois, peut dépasser celle d'une noix; parfaitement arrondis lorsqu'ils ont un faible volume, ils deviennent tuberculeux à mesure que leurs dimensions augmentent. Le phénomène des éruptions sidérolitiques a évidemment son siége à une grande profondeur ; les eaux qui jailissaient — 357 — pendant ces éruptions possédaient done une température très élevée. Ces eaux ont profondément corrodé et altéré les parois des conduits par où elles ont passé ; elles devaient leur acidité soit à l'acide carbonique, soit à l'acide sulfurique provenant de la décomposition des pyrites. L'argile et la silice résul- taient de la décomposition ou de la désagrégation des roches rencontrées par ces eaux. Le fer était apporté en vertu d'une action geysérienne très intense; mais tout ce qu'on sait sur les phénomènes d’oxydation qui s’accomplissent à la surface du globe, ne permet pas de douter qu'il ne fût amené très près de la surface du globe à l'état de sulfure. M. Gressly a constaté que quelques gisements sidérolitiques offrent des masses globuleuses de fer pyriteux aciculaire de la grosseur d’une noix ou d'un œuf, émpétrées dans une argile ocreuse. M. Mortillet, qui a également signalé ce fait en Savoie, rat- tache même les sources sulfureuses de ce pays aux gisements de terrain sidérolitique, qui alimenteraient des courants d'hydrogène sulfuré par la décomposition de leurs pyrites. Quel était le caractère général des éruptions sidérolitiques ? Si on les compare à ce qui se passe de nos jours, on recon- naîtra qu'elles étaient tout à la fois des geysers, des soffioni, des volcans boueux et des sources saturées de fer. Si on les compare à ce qui s’est passé pendant les temps géologiques, on les rattachera au jaillissement des sources pétrogéniques et au remplissage des filons. Pour exprimer, en peu de mots, les analogies et les différences qui existent entre ces phéno- mènes, je dirai que le jaillissement des sources sidérolitiques est, par rapport au jaillissement des eaux filoniennes ou pé- trogéniques, ce que les éruptions volcaniques sont par rap- port aux éruptions plutoniques. Ce qui semble corroborer cette manière de voir, c'est que les éruptions sidérolitiques ont commencé à se manifester lors de l'époque éocène supé- rieure, c’est-à-dire précisément vers le moment où les phéno- mènes volcaniques proprement dits ont apparu. Les premières éruptions sidérolitiques, et les plus impor- — 908 — tantes, ont eu lieu pendant l’époque qui correspond au gypse de Montmartre. Le fer qu'elles ont apporté a imprimé leur coloration aux argiles du terrain éocène de la Bresse. Depuis cette époque, ce phénomène s’est reproduit plusieurs fois pen- dant la période tertiaire. Sa dernière manifestation date sans doute du milieu de la période quaternaire. L'époque la plus moderne qui ait été marquée par une recrudescence dans le jaillissement des sources ferrugineuses, a précédé de fort peu la seconde apparition des glaciers. Ces sources, qui ont déter- miné la formation du plus récent des terrains sidérolitiques du Jura, ont également produit le dépôt de la couche d'argile ocreuse qui règne sur tout le pourtour de la Méditerranée et de ses îles. Ce dépôt ocreux appartient au même niveau que l'argile ocreuse appelée ferreto, si abondante dans la Brianza (Lombardie). Il date aussi de la même époque que le dilu- vium rouge de la vallée du Rhône; la nuance rouge de ce diluvium indique son synchronisme avec le dernier terrain sidérolitique. Le terrain sidérolitique s'observe principalement dans la partie orientale et septentrionale du Jura. On le retrouve dans les Ardennes, le grand-duché de Bade, l'Albe du Wurtemberg, en Suisse, en Savoie, en Carinthie, etc." Il se rattache à une action géologique remarquable par sa généra- lité. Les émissions sidérolitiques ont fonctionné indifférem- ment sur le sol exondé, ou recouvert par les eaux douces ou marines. Seulement, dans le premier cas, les produits amenés par elles ne sont pas restés sur place, et les traces de leur ap- parition se bornent alors aux cavités qu'elles ont comblées et qui leur ont livré passage. Ces produits ont été entraïnés par les eaux pluviales et par les cours d’eau, dans les bassins où nous les retrouvons sous forme d'amas plus ou moins étendus et plus ou moins exploitables. — 359 — CHAPITRE X RÉPARTITION GÉNÉRALE DES SÉDIMENTS. == PHÉNOMÈNES POSTÉRIEURS A LEUR DÉPÔT. Que les substances dont se composent les roches du bassin jurassien soient venues de l’intérieur de l'écorce terrestre ou de la surface du globe; que les sources pétrogéniques aient jailli sur le sol émergé ou sur le sol sous-marin; que les élé- ments constitutifs des roches détritiques aient été enlevés de la surface des continents ou arrachés, par les vagues, du lit- toral et des points peu profonds de la mer ; — peu importe. Ces matériaux, destinés à être mis en œuvre par l’action sé- dimentaire, sont repris pêle-mêle par les eaux océaniennes qui les promènent dans toutes les directions et les répartissent dans le sens horizontal, suivant des lois dont quelques-unes vont pendant un instant attirer notre attention. Nous dirons ensuite quelques mots des changements que les actions mo- léculaires apportent lentement dans l'aspect et la texture des roches. Il ne nous restera plus qu'à montrer comment les ro- ches sont exposées à être tôt ou tard détruites. Quant aux ac- tions dynamiques qui s’exercent sur les strates, elles feront l’objet du chapitre suivant. Répartition géographique des sédiments. — Lorsque, dans le chapitre précédent, nous avons décrit le mode de réparti- tion des matériaux sédimentaires, nous nous sommes placé à un point de vue exclusivement chronologique. Nous avons recherché comment l’action geysérienne et l'action détritique avaient varié à chaque époque, soit dans leur intensité, soit. dans la nature des éléments pétrogéniques fournis par cha- cune d'elles. Nous avons vu quelle influence ces variations — 360 — exerçaient sur l'aspect et la composition de chaque terrain. Nous avons montré aussi comment, dans une même forma- tion géogénique, les matériaux sédimentaires sont répartis, dans le sens vertical, de manière à constituer un in/frastratum, un tinterstralum et un superstratum. I} nous reste à formuler quelques considérations relatives à la distribution géogra- phique des roches de sédiment et à leur répartition dans le sens horizontal. Nous rappellerons d'abord que les matériaux détritiques se sont toujours coordonnés par rapport aux massifs montagneux dont ils provenaient. Ils se sont disposés par amas formés d'éléments détritiques, de plus en plus atténués et de moins en moins abondants à mesure qu'ils s’éloignaient de leur point de départ. Les dépôts résultant de leur accumulation sont en relation par leur nature minéralogique avec la consti- tution géognostique des régions élevées d'où ils proviennent, tandis que leur importance dépend de l’étendue de ces mêmes régions. Quant aux roches d’origine geysérienne, elles ont tendu à se constituer autour des points où émergaient les sources qui leur apportaient leurs matériaux constitutifs. De là la dispo- sition en amas lenticulaires de certaines roches, telles que le gypse et le sel gemme. Cette circonstance explique également pourquoi les substances ferrugineuses, siliceuses et autres, qui existent au milieu des masses calcaires du terrain juras- sique, se montrent, dans certaines directions, de moins en moins abondantes, et finissent même par disparaître pour ap- paraître de nouveau un peu plus loin. Nous ferons d’ailleurs remarquer que les eaux qui détermi- naient la formation des roches d'origine geysérienne, ne jail- lissaient pas toujours sur les mêmes points et dans les mêmes contrées. Il s’est produit un phénomène que l’on pourrait dé- signer sous le nom de déplacement latéral des sources pétrogé- niques, et dont nous parlerons dans le paragraphe suivant. Du reste, il est souvent difficile d'indiquer d’une manière — 361 — précise Les régions où émergeaient les sources pétrogéniques, parce que les matériaux sédimentaires qu'elles apportaient étaient souvent entrainés, en vertu de leur ténuité extrême, à de grandes distances de leur point de provenance. Nous avons vu que la masse de sel gemme keupérien occupait la partie centrale et la plus profonde du bassin jurassien. C'est aussi sur ce point que les assises calcaires apparaissent plus abondantes et plus puissantes. Ces deux faits ne nous autori- sent pas à déclarer que les émissions salifères et calcaires aient eu plus d'importance au milieu du bassin jurassien que sur ses bords; ils s'expliquent en admettant que, dans la partie centrale de ce bassin , le dépôt de sel gemme a pu s’ef- fectuer d'une manière définitive, c'est aussi sur ce point que les sédiments calcaires ont pu s’accumuler en plus grande proportion. Nous terminerons ce rapide exposé par quelques remarques sur la relation qui nous paraît exister entre certains carac- tères appartenant aux terrains de la série mésozoïque dans les bassins jurassien et anglo-parisien d’une part, et, d'autre part, l'existence d'un vaste continent limitant ces bassins du côté de l’ouest. Ce continent était traversé par des cours d’eau très puissants. Ceux-ci devaient apporter dans les bassins juras- sien et anglo-parisien une masse considérable de matériaux détritiques , et repousser à une grande distance des côtes les matériaux qui auraient pu former des calcaires et des roches résultant d'une sédimentation chimique. De là l’absence ou l'état rudimentaire, en Angleterre, de roches ayant le faciès du zechstein, au milieu du terrain permien et du muschelkalk dans le trias. De là aussi l'absence du zechstein dans le ter- rain permien de la zone morvando-vosgienne, et le faible dé- veloppement du muschelkalk dans le trias du bassin juras- sien. Au voisinage de ce continent nous attribuons également le faciès particulier que les diverses assises du terrain jurassique de l'Angleterre prennent dans quelques localités. Nous ne — 362 — saurions entrer à ce sujet dans de longs détails. Nous nous bornerons à faire remarquer : {° Le faciès marneux et sableux que le terrain jurassique présente en Angleterre ; 2° le mé- lange de formations lacustres et de formations marines que l'on observe souvent dans les divers étages de la série juras- sique, depuis l'infralias jusqu'à la formation de Purbeck. Ce mélange se rattache à l'existence d’estuaires et, par conséquent, de grands fleuves. Nous ferons observer en dernier lieu que le terrain néocomien est exclusivement constitué en Angle- terre par une formation lacustre. Déplacement latéral des sources pétrogéniques. — Un exemple de ce déplacement des sources pétrogéniques nous est fourni par les horizons ferrugineux qui s'intercalent dans le massif des roches jurassiennes, et notamment par celui qui appartient aux couches infra-oolitiques de la Franche-Comté. Dans cette province, ainsi que dans la Haute-Marne et la partie orientale des départements de la Côte-d'Or et de Saône-et-Loire, la couche ferrugineuse exploitée correspond à la couche à Pecten personalus, synchronique du calcaire à fucoïides du Lyonnais. Pourtant, dans la Nièvre, la couche ferrugineuse se place au-dessus du calcaire à entroques et pé- uètre dans le calcaire à polypiers. D'autres contrées, au con- traire, nous montrent le banc ferrugineux situé dans le lias. À Villebois (Ain), à la Verpillière (Isère), au Mont-d'Or (Rhône), la couche du minerai de fer, bien caractérisée par ses fossiles, se trouve toujours intercalée entre les marnes supérieures du lias et l'oolite inférieure ; il reste seulement à décider auquel de ces deux groupes elle appartient. M. Lory la rattache à la partie supérieure du lias, et la place à un ni- veau un peu plus bas que celui du minerai oolitique de la Franche-Comté; cette opinion est adoptée par d'Archiac. Dans la Moselle, le banc ferrugineux est également dans le lias, immédiatement au-dessous du calcaire à Pecten personatus et des couches infra-oolitiques. Les divers gisements ferrugi- — 303 — neux qui existent à la partie supérieure du lias et à la base de l'oolite inférieure dépendent, selon nous, d'une même émission ferrugineuse. Seulement les conduits par où s'échap- paient les eaux ferrugineuses, sur un point et à une époque déterminés, ont fini par s'obstruer, et alors les eaux pétrogé- niques ont cherché une issue sur d'autres points plus ou moins rapprochés. | Le phénomène du déplacement latéral des sources rappelle celui que présentent les actions volcaniques qui, après s'être manifestées dans une même contrée pendant un temps plus ou moins long, cessent tout à coup et vont agiter une région qui, jusqu'alors, était restée tranquille. Un autre exemple de ces déplacements, dans les contrées successivement visitées par l’action geysérienne, nous a été fourni lorsque, à propos des eisements de sel gemme, nous avons rappelé que les émis- sions salifères avaient fonctionné successivement dans des pays différents. Nous rappellerons encore que les roches do- lomitiques, qui interviennent pour une forte part dans la con- stitution pétrographique du terrain jurassique des Alpes et du midi de la France, manquent complétement dans le ter- rain jurassique du Jura; car elles n'y sont représentées que par le mince banc de dolomie portlandienne, qui est un cal- caire à peine magnésien. Nous concluons de là que les émis- sions magnésiennes, qui ont été presque nulles dans le bassin jurassien proprement dit, se sont montrées plus abondantes dans le massif alpin. Ce fait est sans doute en relation avec la fréquence des éruptions magnésiennes (ophite, serpentine, protogyne, etc) dans les Alpes. Par suite du phénomène dont nous venons de donner une idée, certains dépôts, les dépôts ferrugineux, par exemple, peuvent dessiner, dans une coupe géologique, une zone qui, au lieu d'occuper un seul et même horizon, traverse diago- nalement des strates différentes par leur âge. Le déplacement latéral des sources pétrogéniques constitue un phénomène qu'il faut avoir présent à l'esprit dans l'étude des terrains et — 364 — leur détermination. Les dépôts identiques par leur nature minéralogique n'appartiennent pas toujours, dans une même contrée, à un même horizon el ne sauraient servir à caracté- riser cet horizon d’une manière certaine. Leur emploi, dans le diagnostic des terrains, ne peut avoir lieu que lorsque l'é- tude géologique d'un pays a démontré que cet emploi est sans danger. Répartition des matériaux dans le sens horizontal. — Pour nous rendre un compte exact du mode de répartition des dé- pôts dans le sens horizontal, représentons-nous d'abord une mer dont la profondeur va en augmentant d'une manière régulière, depuis les bords jusqu’à la partie centrale. Admet- tons, en outre, que, dans celte mer, il y ait absence de cou- rants généraux et que les eaux ne soient agitées que par les marées, le mouvement des vagues et les courants fluviatiles qui s'avancent plus ou moins loin des côtes. Les sédiments seront entraînés à une distance d'autant plus grande qu'ils seront plus légers et, par conséquent, moins denses et moins volumineux. Il se produira ainsi un premier triage, en vertu duquel les grès et les conglomérats se déposeront près des côtes, tandis que les sédiments n'ayant que le volume de la molécule chimique seront entraînés à une grande distance du littoral. On est donc conduit à distinguer dans un même bassin trois zones que l'on désigne sous les noms de zones : 1° des dépôts littoraux ou côtiers ; 2° des dépôts pélagiens; 3° des dèpôts thalassiques. Les dépôts littoraux se rattachent aux formations terrestres par les diverses parties de l'appareil littoral, dunes, deltas, etc., qui offrent souvent des alternances de sable marin amoncelé par le vent ou par les vagues et de couches alluviales amenéés par les fleuves. D'un autre côté, quelle que soit la force et l'étendue des courants marins, il existe certainement, dans l'océan, des régions éloignées des terres où les matériaux détachés des continents ne par- viennent pas. Si, sur ces points, il n'y a pas jailissement — 365 — de sources pétrogéniques, il ne se formera aucun dépôt. Quelle modification les courants généraux apportent-ils dans le mode de répartition des dépôts tel que nous venons de l'indiquer ? Ils ont surtout pour effet d'augmenter la largeur des zones littorale, pélagienne et thalassique ; ils contribuent également à déranger le parallélisme des lignes qui séparent ces zones les unes des autres; ils peuvent, enfin, constituer loin des côtes des dépôts ayant un caractère détritique plus ou moins prononcé. La répartition des dépôts dépend encore de la manière plus ou moins brusque dont le sol sous-marin va en augmentant de profondeur, à mesure que l'on s'éloigne du littoral. Les zones littorale, pélagienne et thalassique auront d'autant plus de largeur que la pente du sol sous-marin sera plus faible ; les lignes qui séparent ces zones les unes des autres s'éloigneront d'autant plus du parallélisme que cette pente sera plus irrégulière. Il ne peut nous venir à la pensée d'appliquer les lois géné- rales que nous venons de rappeler aux mers qui ont succes- sivement occupé le bassin jurassien, depuis le commencement de la période triasique jusque vers la fin de la période mio- cène. Il nous suffira de formuler quelques considérations sommaires. Chacune des mers qui se sont montrées dans le bassin ju- rassien avait une faible étendue par rapport aux mers non seulement de l’époque actuelle, mais aussi des temps géolo- giques. Par conséquent, l’action sédimentaire devait s'exercer sur tous les points du bassin jurassien recouverts par les eaux océaniennes ; il ne s'y produisait pas d'exemple du phé- nomène auquel nous avons fait allusion lorsque nous avons parlé de la possibilité d’une suspension de l'apport des sédi- ments, si le point considéré se trouve à une grande distance du litto:al. La faible étendue des mers du bassin jurassien nous permet également d'admettre que les dépôts thalassi- ques n'y ont jamais pris qu'un faible développement, surtout — 306 — à partir du commencement de la période néozoïque. L'étude des anciennes mers du bassin jurassien conduit surtout à re- connaître l'existence des dépôts pélagiens et littoraux. Ces mers se partagent en deux groupes : celles de la période mésozoïques et celles de la période néozoïque. Les dépôts des mers de la période mésozoïque ont surtout le caractère péla- gien ; la zone des dépôts littoraux y manque presque complé- tement, soit parce que les agents de dénudation les ont fait disparaître, soit parce que le climat n’a pas été favorable à la manifestation des caractères pétrographiques qui nous font reconnaître un dépôt littoral. Les dépôts des mers de la période néozoïque sont, au contraire, presque tous des dé- pôts littoraux ; tel est du moins le caractère des formations .qui, dans le Jura et les parties voisines, se rattachent à cette période. La partie centrale du bassin helvétique ‘peut seule être considérée comme se rattachant à la zone pélagienne. Quoi qu'il en soit, ce sont là des questions que nous ne fai- sons que poser, et que nous croyons devoir réserver pour une des Etudes suivantes. Puissance des dépôts proportionnelle à la profondeur des eaux qui les ont reçus. — Lorsque l’on compare entre elles plusieurs formations appartenant à la même époque, ou lorsqu'on observe une même formation sur des points plus ou moins éloignés les uns des autres, on remarque, dans leur épaisseur, des différences que nous croyons pouvoir expliquer en formulant le principe suivant : La puissance des dépôts con- stitués Sur un même point dans un intervalle de temps donné est, à conditions égales, proportionnelle à la profondeur des eaux où ces dépôts se sont constitués. Evidemment ce principe n'est rigoureusement vrai que lorsque l’on compare des ter- rains qui se sont déposés dans un même bassin ou dans des bassins communiquant entre eux; en dehors de ces cas, à n'a plus qu'une valeur approximative ou, si l'on veut, condi- tionnelle. : 5 Papa Pour démontrer le principe que nous venons de formuler, et dont l'application immédiate peut être faite aux roches du Jura, il faut d'abord se rappeler que, dans un bassin quel- conque, mer ou lac, la masse des eaux se divise en deux zones superposées : l'une, supérieure, où les eaux sont toujours agitées par les vagues, les marées ou les courants; l’autre, inférieure, où les eaux sont d'autant plus tranquilles que leur profondeur est plus grande. Dans la zone supérieure, sans cesse traversée par les courants, les éléments pétrogéni- ques ont peu de chances de se déposer, du moins d’une ma- nière définitive. Is sont toujours repris par ces courants, re- maniés par eux, et les dépôts qu'ils peuvent former sont sans cesse exposés à être détruits. C’est ainsi que, dans les fleuves, les amas de sable et de gravier se déplacent à chaque in- stant; lorsqu'ils s'arrêtent sur un point quelconque, ce n'est que pour un temps très court et pour reprendre ensuite leur mouvement de progression. De relai en relai, ils vont jusqu’à la mer, où leur dépôt peut alors s'effectuer d'une manière dé- finitive. Des phénomènes de même ordre se produisent dans la zone superficielle de l'océan. Mais, à mesure que les élé- ments pétrographiques, charriés par les courants marins, pé- nètrent dans la zone profonde, ceux-ci forment des dépôts de plus en plus puissants, de plus en plus nombreux et de moins en moins soumis aux chances de destruction. Dans la zone supérieure, non seulement il ne se produit pas de dépôts, du moins d’une manière définitive, mais il peut arriver au contraire que des terrains antérieurement déposés soient dénudés. C’est un fait dont l'exactitude est d'ailleurs attestée par l'observation de ce qui se passe dans les mers actuelles. « Les dépôts recus par les côtes sous-marines de la France ne les recouvrent pas à beaucoup près d’une manière uni- forme et continue. Souvent ils sont nuls ou rudimentaires sur les parties du fond qui se trouvent en saillie, et l'on peut faci- lement le constater autour de la Bretagne. Il en est de même __ is — dans les parties qui sont balayées par des courants énergi- ques ; c’est, par exemple, ce qui a lieu dans la Manche et sur- tout dans le Pas-de-Calais. Des roches antérieures à l'époque actuelle se rencontrent aussi près des rivages abruptes et bordés par des falaises ; souvent encore elles marquent la réunion des îles à la terre-ferme, comme on l'observe pour l'ile de Jersey. Elles continuent d'ailleurs sous la mer les roches qui sont émergées sur les rivages. Le fond de la mer peut d'ailleurs présenter soit des roches cohérentes, telles que le granite, le grès, le calcaire ; soit des roches meubles ou se dégradant facilement par l’action de l'eau, telles que l'argile, le schiste, la marne, la craie, le sable, le gravier. Si elles sont recouvertes par des dépôts ou si des mollusques viennent s'y fixer, elles seront par cela même protégées contre la des- truction. Si, au contraire, elles sont décapées par les cou- rants, elles ne recevront pas ou presque pas de dépôts. » (DE- LESSE, Lithologie du fond des mers, p. 317.) D'après ce quenous venons de dire, 1l est permis de distin- guer, dans l'océan ou dans une mer quelconque, deux zones : l'une où règne un calme complet et où l'action sédi- mentaire se manifeste avec une grande énergie; l’autre, sans cesse agitée et où aucun dépôt ne peut se constituer d’une manière définitive. Mais, entre ces deux zones s'en place une troisième, où règne un état intermédiaire; l'agitation des eaux y est moindre que dans la zone supérieure, et les courants y font moins sentir leur influence. Les ondulations du sol sous- marin y déterminent des angles saillants et des angles ren- trants : dans la partie correspondant aux angles saillants, les choses se passent comme dans la zone supérieure ; dans les angles rentrants, des dépôts peuvent s'établir, mais ils sont moins puissants que dans la zone inférieure. De ce qui précède on peut tirer les conclusions sui- vantes : 1° La puissance des strates et celle des terrains qu'elles constituent sont en raison de la profondeur des eaux où ces — 369 — terrains ont été reçus. Un terrain ayant une épaisseur consi- dérable peut s’amincir de plus en plus à une certaine distance, et finir par n'être représenté que par une couche de quelques centimètres d'épaisseur, qui pourra même passer inaperçue. C'est ainsi que le quatrième étage du trias et l’infralias, si puissants l’un dans le Tyrol et l’autre dans la Lorraine, sont réduits, dans la partie nord-occidentale du Jura, à un état tellement rudimentaire que leur existence a été quelquefois contestée. 2° L'absence d’un terrain sur un point déterminé peut pro- venir de ce qu’il a été enlevé par voie de dénudation, ou de ce que la mer ne recouvrait pas ce point lorsque le terrain en question se constituait ailleurs. Toutefois cette absence peut résulter aussi de ce que le point considéré se trouvait bien sous les eaux, mais à une faible profondeur. 9° Les dépôts, envisagés dans leur ensemble, vont en aug- mentation d'épaisseur à mesure que l’on s'éloigne des côtes, puisque la mer devient de plus en plus profonde. Les dépôts littoraux doivent donc avoir moins de puissance que les dé- pôts pélagiens et thalassiques. C’est surtout exact pour les for- mations anciennes. Mais, de nos jours, l'action détritique a pris une grande importance, tandis que l’action geysérienne s’est considérablement affaiblie. Or, c’est surtout l’action dé- tritique qui alimente l’action sédimentaire près du littoral, tandis que les produits de l'action geysérienne vont s'accu- muler à une distance plus ou moins grande des côtes. Par conséquent, le principe que nous venons d’énoncer en troi- sième lieu ne conserve pas toute sa généralité, lorsqu'on veut l'appliquer aux terrains les moins anciens et surtout aux for- mations sédimentaires de l'époque actuelle. Actions moléculaires postérieures au dépôt des sédiments. — D'après ce que nous avons dit, soit dans ce chapitre, soit dans les chapitres précédents, on peut se représenter les princi- pales circonstances qui impriment à une roche ses caractères 27 TE Re Te UN BND DS EU SL VANNES De DS DE DONS El NES PE DPI SENTE ARR — 310 — pétrographiques. Les unes déterminent la proportion des élé- ments détritiques et geysériens qui la composent, ainsi que la nature minéralogique de chacun d'eux; les autres inter- viennent dans la manière dont ces éléments, surtout ceux d'origine geysérienne, obéissent à la force de cohésion et se soudent entre eux. Celles-ci sont avant tout la consé- quence de la plus ou moins grande agitation des eaux au sein desquelles la roche s’est formée. Si les eaux sont agitées, la roche sera peu cohérente, et ses éléments constitutifs offriront peu d’adhérence entre eux; dans quelques cas particuliers, l'agitation des eaux déterminera la formation des roches ooli- tiques. Si les eaux sont complètement tranquilles, la roche sera compacte et, quelquefois même, partiellement cristalline. Dans ces divers cas, il y a presque toujours une relation entre l'aspect de la roche et la profondeur plus ou moins grande "des points où elle s’est formée, puisque l'agitation des eaux diminue avec la profondeur. D'un autre côté, il faut se rap- peler qu’en thèse genérale, cette profondeur va en augmen- tant avec l'éloignement des côtes. Les circonstances qui viennent d’être rappelées, et d'autres qui auraient pu attirer notre attention, exercent leur in- fluence au moment même où une roche est en voie de se former. Mais, postérieurement à leur dépôt, toutes les roches subissent des modifications plus ou moins profondes résul- tant de ce que la matière inorganique, de même que la ma- tière organique, n'est jamais à l’état de repos. Ces mouve- ments moléculaires acquièrent leur maximum d'énergie lors- qu'ils sont favorisés par la chaleur, par la pression et par d’autres circonstances dont l'intervention détermine les phé- nomènes connus sous le nom de métamorphisme. Les roches du Jura ne portent nulle part des traces de métamorphisme. Nous n'aurons donc en vue que les actions moléculaires qui opèrent dans les conditions ordinaires et par la seule puis- sance de l’affinité. En vertu de ces actions, les molécules de même nature, — 311 — dans une masse hétérogène, tendent à se rapprocher, tandis que les molécules de nature différente tendent à se séparer. Il en résulte que des molécules engagées et disséminées dans une masse de nature différente à la leur se réunissent pour former des amas tuberculeux, à forme aplatie ou sphéroïdale. C'est ainsi que des molécules calcaires, engagées dans une masse argileuse, déterminent les rognons calcaires disposés en bancs au milieu des marnes liasiques et oxfordiennes. Ce phénomène est absolument identique à celui qui a déterminé l'apparition des rognons tuberculeux (kupfstein ou lehmkind- chen, enfants du lehm) dans le lehm du Rhin. Un phénomène de la même nature, mais se manifestant dans un ordre inverse, a déterminé la formation des ro- enons siliceux au milieu des masses calcaires ; nous signa- lerons comme exemples les chaiïlles du terrain corallien infé- rieur, les charveyrons du terrain oolitique inférieur et les silex de la craie blanche. | Les actions moléculaires ont également pour effet d'aug- menter la compacité des roches ; la pression exercée par les strates surjacentes doit agir dans le même sens. On constate, dans les molécules de même nature, non seulement une ten- dance à se grouper entre elles, mais aussi à prendre une forme cristalline. L'aspect cristallin de certains calcaires, la texture cristalline des rognons siliceux, sont dus à cette action. C’est, enfin, par des déplacements moléculaires accomplis dans les conditions que je viens d'indiquer, qu'on doit expliquer la for- mation des veines de carbonate de chaux spathique à travers les bancs calcaires, et le remplissage des cavités géodiques dans les mêmes roches. Il s’est effectué, dans ces cas, une espèce de sécrétion sur les parois intérieures des vides produits dans la roche à la suite de diverses causes. Les roches, de même que toutes les substances minérales, possèdent des lignes de moindre résistance, suivant lesquelles elles se brisent lorsqu'elles sont soumises à une action mé- canique. Les actions moléculaires dont je viens de parler — 372 — ont pour effet, en augmentant la compacité et, par suite, la densité des roches, derendre apparentes ces lignes de moindre résistance, et de les transformer en solutions de continuité. C'est ainsi que certains calcaires prennent une structure bré- choïde ou schistoïde. Le mouvement de retrait résultant des actions moléculaires a encore pour effet de déterminer les lignes de clivage. Nous désignons ainsi les lignes de séparation qui coupent un banc tout entier, dans un sens transversal, et qui, en se combinant avec les plans de stratification, divisent la roche en fragments cubiques, prismatiques ou rhomboédriques. Phénomènes d'erosion et de dénudation ; ablation des ter- rains. — Dans l'étude des circonstances qui ont précédé, ac- compagné et suivi le comblement d'un bassin géogénique, on est d'abord amené à considérer, ainsi que nous l'avons fait, un phénomène général de construction en vertu duquel les strates se superposent les unes aux autres. Mais il est un autre phénomène qui succède au premier et dont il nous suf- fira de dire quelques mots ; nous voulons parler de l’ensemble des actions diverses, les unes peu énergiques, mais inces- santes, les autres intermittentes, mais violentes, qui inter- viennent comme puissances de destruction. Celles-ci désagrè- gent et décomposent peu à peu les strates dont les débris vont se réunir sur d’autres points pour former de nouvelles roches. Cette succession de phénomènes rappelle ce que l’on observe dans le monde organique, où l’on voit les éléments d’un corps qui n'est plus se retrouver dans un corps vivant, de telle sorte que la mort sert de prélude et, pour ainsi dire, d'aliment à la vie. ë Chaque roche subit l'influence des agents de destruction dès que, bien qu'étant encore au-dessous du niveau de la mer, elle pénètre dans la zone des eaux agitées. Toutefois, les phé- nomènes d'érosion n’acquièrent une importance réelle qu'à partir du moment où les masses sur lesquelles ils s’exercent — 373 — sont émergées. Il y a pour chaque bassin géogénique, et pour chacune des régions dont il se compose, deux périodes : une période d'immergement et une période d'émergement, corres- pondant l’une à la formation des roches et l’autre à leur des- truction. Tous les traités de géologie contiennent des détails relatifs à la manière d'opérer des agents dont la mission semble être de niveler la surface des continents. Il nous suffira de rappeler quelques-unes des circonstances où, dans le bassin jurassien, ces agents ont pris une énergie exceptionnelle. Les mers qui, depuis le commencement de la période tria- sique jusqu'à la fin de la période miocène, se sont montrées dans le bassin jurassien, n'ont pas changé successivement de rivages sans déterminer la destruction de nombreuses strates. C'est ainsi, par exemple, que la mer néocomienne, lors- qu'elle a pris possession du bassin jurassien émergé depuis le dépôt de la dolomie portlandienne, a déterminé l'ablation des roches jurassiques contre lesquelles ses eaux envahissantes venaient se heurter; cette action destructive s'exerçait princi- palement contre celles de ces roches qui, les unes après les autres, formaient les bords de la mer néocomienne à mesure qu'elle s'avançait. Ce que nous venons de dire de la mer néocomienne, nous pourrions le répéter pour les autres mers qui ont occupé le bassin jurassien, et surtout pour celles qui apparaissaient dans ce bassin après qu'il avait été émergé pendant un temps plus ou moins prolongé. Pendant chacune des deux périodes glaciaires, et sous l’in- fluence de causes tout à fait nouvelles, les phénomènes d’é- rosion ont pris momentanément une extension et une énergie dont il est difficile de se faire une idée. D'énormes masses de glace glissant sur la surface du sol et de puissants courants d’eau, sans cesse alimentés par la fusion des neiges, ont, pen- dant de longs siècles, érodé, raboté et lavé toutes les parties du Jura, depuis sa base jusqu'à ses sommets les plus élevés. On conçoit, d'après cela, que les agents de dénudation, — 314 — opérant seuls ou combinant leurs effets avec Les actions dyna- miques, aient amené la disparition de masses considérables. Mais ces ablations des terrains ne se sont pas produites par- tout avec la même énergie et dans les mêmes conditions. Les terrains formés de roches faciles à se délayer dans l'eau ou à se désagréger, ont subi plus facilement l’action dénuda- trice. C'est ce qui explique, dans le Jura occidental, l'abla- tion du terrain oxfordien dans un grand nombre de localités, et la mise à découvert de l'oolite inférieure sur de vastes étendues. C’est encore à cause de sa constitution pétrographi- que, que le terrain crétacé moyen a été, à conditions égales, plus fortement dénudé que le terrain crétacé inférieur. Les agents de dénudation ont opéré principalement sur les terrains les plus rapprochés de la surface du sol ; évidemment chaque strate n’est exposée à être détruite qu'après la dispari- tion des strates qui la protégent et la recouvrent. L'ablation presque complète de la craie blanche dans le Jura, et le peu d'extension que le terrain crétacé moyen acquiert dans sa partie occidentale, proviennent de la situation superficielle de ce terrain. La nappe formée par le trias est, au contraire, in- tacte et ne subira de longtemps l'influence des agents de dé- nudation. Enfin, ces ablations de terrain ont affecté, dans de plus grandes proportions, la zone littorale de chaque formation. En effet, cette zone est ordinairement formée de roches peu te- naces et faciles à se désagréger. En outre,.ces roches s'étant déposées à une moindre profondeur ont dû, à conditions égales, c’est-à-dire en supposant un exhaussement uniforme, être émergées les premières, et, par conséquent, se trouver sou- mises pendant plus longtemps à l'influence des agents exté- rieurs. On se rappelle que cette disparition, plus rapide sur la partie littorale de chaque terrain, nous a conduit à rechercher dans quelle mesure on peut dire que les limites des terrains: coïncident avec les rivages des mers correspondantes. RE A TR RS PE OS AL NE CRT TE TO RS Te à LE L L E ? vy CHAPITRE XI STRATIGRAPHIE GÉNÉRALE, — ACTIONS DYNAMIQUES DATANT DE LA PÉRIODE TERTIAIRE. Considérations préliminaires sur la stratification. — La stra- tigraphie générale est l'étude des divers caractères géométriques des strates. Par caractéres géométriques, il faut entendre ceux que nous observons dans les strates, lorsque nous les considé-- rons sous le rapport de leur continuité, de leur ordre de su- perposition, de leur direction, de leur nombre et de leur épaisseur. Nous rappellerons, pour les personnes qui n'ont pas de connaissances bien précises en géologie, que les roches sédi- mentaires ne forment pas de masses continues. À divers in- tervalles, ces roches se montrent divisées, par des plans de sé- paration, en parties planes qu'on appelle des strates, des bancs, des couches ou des lits. Cette disposition est la consé- quence de ce que l'action sédimentaire éprouve, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, des moments de suspension; ces moments de suspension se produisent chaque fois que l'ap- port des sédiments est interrompu à la suite d’un change- ment dans la direction des courants, ou de toute autre circon- stance, telle que le déplacement d’une ou de plusieurs sources pétrogéniques. Lorsque ‘l'action sédimentaire reprend son cours sur un point donné, les nouveaux dépôts ne se soudent pas intimement à ceux qui se sont antérieurement déposés et qu'ils viennent recouvrir. De là les plans de séparation ou de stratificalion dont nous venons de parler. C'est ainsi que le limon du delta du Nil se divise en feuillets, dont chacun cor- respond à une crue du fleuve. Fe ce Parmi les caractères géométriques des strates, il en est qui résultent des circonstances mêmes qui ont présidé à leur dépôt ; ces caractères ont attiré déjà notre attention dans les chapitres précédents. Ce qui doit surtout nous occuper mainte- nant, c'est l'étude des caractères géométriques qui se sont ma- nifestés dans les strates postérieurement à leur dépôt. Les strates, d'abord horizontales, parallèles et continues, perdent tôt ou tard la continuité, l’horizontalité et le parallélisme qu'elles possédaient en premier lieu. Nous indiquerons som- mairement à quelle époque et dans quelles conditions ces changements se sont effectués dans le Jura et le bassin juras- sien, nous réservant de montrer plus tard quelle influence ils ont exercée sur la structure intérieure et la configuration générale du sol. Les faits que nous avons eu l’occasion d’énumérer jusqu’à présent et le principe que nous avons posé à la fin du cha- pitre vi, nous permettent de nous rendre compte de ce qu'était la constitution stratigraäphique du Jura et du bassin jurassien au commencement de la période tertiaire. Les strates possédaient encore cette continuité, cette horizontalité et ce parallélisme que nous venons de mentionner. Mais, à dater du commencement de la période tertiaire, les strates ont été soumises à des actions dynamiques, en vertu desquelles leur situation et leur allure primitives ont été profondément modi- fiées. Sur un grand nombre de points, les failles ont fait dis- paraître l'ancienne continuité des strates, en déterminant entre elles des dénivellements qui, dans le Jura, atteignent 500 mètres, et sont bien plus considérables dans les Alpes. Presque partout, les bancs se montrent plus ou moins inclinés par rap- port à l'horizon : fréquemment ils présentent les inflexions les plus variées ; ils sont recourhés en CG, plissés en V, ployés en voûte ou en fond de bateau; d’autres fois, enfin, ils sont re- dressés jusqu'à la verticale, brisés, disloqués, renversés sur eux-mêmes ou disposés en éventail. La cause essentielle, géhérale, de ces accidents réside dans — 311 — les actions dynamiques qui ont leur point de départ au-des- sous de l'écorce terrestre. C'est à ces actions, qui ont varié dans leur énergie et leur mode de manifestation, que se ratta- chent les accidents stratigraphiques et topographiques qui impriment au Jura sa structure intérieure et sa constitution topographique : je veux parler des failles et des soulèvements en voûte. Leur étude nous. conduira à présenter un résumé des principaux événements géologiques qui se sont accomplis, dans le bassin jurassien, postérieurement à ceux que nous avons décrits jusqu ici. Les failles du Jura ; leur âge et leur mode de formation. — Dans l'Etude suivante, qui sera exclusivement consacrée au Jura, nous traiterons en détail la question relative aux failles et aux soulèvements en voûte. Nous nous bornerons ici à dire quelques mots de leur distribution géographique et de l’é- poque de leur apparition ; nous présenterons en même temps un résumé de ce que nous dirons plus tard de leurs carac- tères, de leur origine et de leurs relations mutuelles. Dans le phénomène de la formation des failles, il faut dis- tinguer deux actions successives. À l'origine, les failles ne sont que des fissures verticales, résultant de mouvements mo- léculaires qui déterminent dans l'écorce terrestre des solutions de continuité. Ces fissures rappellent par leur allure, sinon “par leur origine, celles que l’on observe dans le basalte re- froidi ou l'argile desséchée. Plus tard, la faille quitte son état latent ; elle acquiert une existence réelle lorsque les forces, qui ont leur siége au-dessous de l'écorce terrestre, agissent contre la face inférieure de cette écorce. Elles opèrent de manière à porter les deux côtés de la faille à des niveaux différents; après la période de l’état latent vient la période de dénivellation. Les strates, primitivement continues, cessent de se correspondre; et, à la surface du sol, des terrains d'âges différents, mis en contact immédiat, aver- tissent le géologue qu'il se trouve sur le trajet d'une faille qui, — 318 — sans cela, resterait inapercue. On voit que nous établissons une distinction très nette entre ces deux états successifs d'une même faille ; c'est ce que le lecteur ne doit pas perdre de vue, afin de mieux comprendre les considérations que nous serons conduit à formuler relativement aux failles, soit dans cette Etude, soit dans l'Etude suivante. Du reste, l’inter- valle entre les deux périodes qui marquent la formation d’une faille peut être très court. Il devient même nul lorsque la dé- chirure de l'écorce terrestre se manifeste, sous l'impulsion des forces intérieures, en même temps que la dénivellation de ses deux côtés. Les failles, par leur entrecroisement, dessinent un réseau qui découpe le Jura en fragments prismatiques placés les uns contre les autres. La première idée qu'il faut se faire de la structure du Jura peut être exprimée en le comparant à une marqueterie ou à une vaste mosaïque. Mais, sous l’im- pulsion des forces intérieures, les diverses pièces de cette mo- saïique ont été dérangées. Elles ont glissé les unes contre les autres de manière à faire saillie à la surface du sol; ces sail- lies n'ont été qu'imparfaitement effacées par les agents d'é- rosion, de sorte que la mosaïque n'a pas été complètement polie et rabotée. De quelle époque datent les failles du Jura ? — Puisque nous avons admis que toutes les strates dont se compose le Jura sont en stratification concordante, nous devons tirer de ce fait une conséquence naturelle, c'est que, tant que le dépôt des strates dont se compose le Jura n’a pas été complet, les lignes que nous avons considérées comme de simples fentes ou des failles à l’état latent, n'ont pu se transformer en lignes de dénivellement, c'est-à-dire en failles proprement dites. Il est évident, en d’autres termes, que les failles n'ont pu se pro- duire qu'après le dépôt des strates qu'elles affectent; il en ré- sulte que les failles sont toutes postérieures au moins au ter- rain crétacé, puisque, dans la partie nord-occidentale du Jura, elles ont dérangé les strates appartenant à ce terrain. — 319 — Dans Il appréciation de l’âge d’une faille, il ne faut pas ou- blier qu'une faille peut résulter de plusieurs impulsions suc- cessives, dont chacune a contribué à augmenter le dénivelle- ment de ses deux côtés. Les failles ont commencé à se pro- duire, dans le Jura, vers le milieu de la période éocène; elles ont acquis toute leur dénivellation vers la fin de la période miocène. : Soulèvements en voûte ; leur origine et leurs relations avec les failles. — Le principal effet des failles est d'interrompre la continuité des strates, de les déchirer pour ainsi dire; quant aux soulèvements en voûte, nous verrons que leur caractère essentiel est d'imprimer aux strates une courbure plus ou moins prononcée et toujours, du moins dans le Jura, à petit rayon, Mais les strates, parfaitement continues dans la partie inférieure de l’arceau constitué par l'ensemble des strates re- courbées en voûte, présentent souvent, dans la partie supé- rieure, une déchirure plus ou moins profonde. Cette déchirure se produit lorsque les strates superficielles, fortement recour- bées et distendues, atteignent leur limite d'élasticité ; elle dé- termine la formation d'une crevasse plus ou moins profonde, que les agents atmosphériques élargissent ensuite de plus en plus. Les hypothèses sur l'origine des soulèvements en voûte sont au nombre de deux. L'une fait procéder les soulèvements en voûte de refoulements latéraux; nous essaierons de dé- montrer combien elle est peu admissible, du moins en ce qui concerne le Jura. L'autre, que nous adopterons, considère les soulèvements en voûte comme résultant, non d'impulsions latérales déterminant un refoulement, mais d'impulsions ver- ticales agissant de bas en haut et ayant leur point de départ dans la pyrosphère, directement au-dessous du point où le soulèvement s’est produit. L'application de cette hypothèse au Jura présente une difficulté, qui résulte de l'épaisseur considé- rable de la croûte du globe par rapport à celle des strates re- — 380 — courbées, et du faible rayon de courbure des voûtes ou des dômes. Mais nous verrons qu'on peut surmonter cette diffi- culté, en supposant aussi rapproché que possible de la surface du globe le point d'application de la force intérieure. Il suffit, pour cela, d'admeltre que les soulèvements en voûte corres- pondent à des fentes ou fissures qui, tout en commençant à une grande profondeur, n’atteignent pas la surface du sol. Ces fissures ont permis à la matière éruptive de venir très près de la surface du globe, et c'est ainsi que la force qui a produit les soulèvements en voûte s'est trouvée très rapprochée des points où apparaissent ces accidents. Cette action géologique est absolument de la même nature que celle qui édifie les cratères de soulèvement. On voit que les failles et les soulèvements en voûte com-. mencent de la même manière, c'est-à-dire par une fente ou fissure ; là se borne l'analogie. Ces accidents diffèrent par les effets qu'ils ont produits sur les strates, par leur âge et par leur répartition eéographique. Sous un certain rapport, on peut même dire qu’ils s'excluent. I est un principe qui a été formulé par Pidancet, ancien préparateur à la Faculté de Besançon, et que l’on peut énon- cer en disant que les failles ont opposé un véritable obstacle au développement des soulèvements en voûte. La conséquence de ce principe est l’antériorité des failles par rapport à ces soulèvements en voûte. Mais il ne faut pas perdre de vue que l'on peut distinguer dans la formation d’une faille plusieurs périodes, et si les failles ont commencé à se dessiner à la sur- face du Jura avant les soulèvements en voûte, il n'en est pas moins exact d'admettre que l'époque de l'apparition des soulè- vements en voûte est aussi celle où les failles ont acquis tout leur relief, c'est-à-dire la fin de la période miocène. Les failles et les soulèvements en voüte en dehors du Jura; leur distribution géographique. — Les faits que nous venons de mentionner s'appliquent au Jura; nous pensons qu'ils sont PAG . . HÉÉRES — 381 — également vrais pour l'intérieur du bassin jurassien. Mais ils perdent de leur généralité à mesure que l’on pénètre dans les massifs montagneux qui limitent ce bassin. Sur toute l'étendue du bassin jurassien, les failles se sont produites dans les mêmes conditions, mais non dans le même moment. Si les failles de la partie nord-occidentale du massif alpin sont de la même époque que celles du Jura, il est pro- bable, au contraire, que les failles qui découpent le massif vossien et accidentent les montagnes de la rive droite de la Saône, sont bien plus anciennes. Nous n'insisterons pas davantage sur ce sujet, afin de ne pas trop nous écarter de notre champ de travail. Nous termine- rons ces considérations générales par quelques mots relatifs à la répartition géographique des failles et des soulèvements en voûte. Thurmann avait déjà fait remarquer que les soulèvements en voûte sont plus abondants et se manifestent avec plus d'ampleur dans la partie orientale du Jura, tandis que les failles sont plus nombreuses et plus fortement prononcées dans sa partie occidentale. Cette circonstance est évidem- ment en relation avec ce qui se passe dans les régions voi- sines. On connaît le grand développement qu'ont pris dans les Alpes les phénomènes qui ont donné naissance aux soulève- ments en voûte. La structure du massif du Mont-Blanc est devenue parfaitement intelligible depuis les recherches persé- vérantes de plusieurs géologues, et surtout de M. Favre. On sait maintenant qu'il est constitué par un grand soulèvement en dôme au centre, avec ploiements onduleux sur les côtés. On a sur ce point un accident stratigraphique qui est la re- production grandiose de ce que l'on observe dans la partie voisine du Jura, c’est-à-dire dans sa zone orientale. Il semble que les actions dynamiques qui ont déterminé l'apparition des soulèvements en voûte aient constitué un phénomène spé- Cial qui a eu dans les Alpes son maximum d'énergie, mais voie Sue den TE nt es COS ER ot D dé AE NE TRA RE R Arh d LÉ ds D ar 3 OST nt à PORN PET A < 4 — 982 — qui s'est prolongé vers le nord-ouest en perdant de son inten- sité et de son ampleur. Dans les Vosges et dans le département de la Haute-Saône, c'est-à-dire dans des régions voisines du Jura, mais placées du côté opposé à celui où se trouvent les Alpes, les soulève- ments en voûte disparaissent et sont remplacés par des failles. On sait que dans les Vosges les failles sont fréquentes et for- tement prononcées. Dans la Haute-Saône, nous voyons que « les assises jurassiques ont une stratification régulière; elles inclinent vers le sud-sud-ouest, sous un angle de 4 à 10 degrés, et elles n'offrent que rarement des contournements, des in- flexions et des contre-pentes. Ce terrain offre plusieurs failles dirigées du sud-ouest au nord-est. » (Thirria, Statistique de la Haute-Saône, p. 134.) Le Jura, placé entre la région où les failles s'observent presque seules et celle où dominent les plissements et les contournements des strates, présente, on le conçoit, des exem- ples de ces deux sortes d'accidents. De là une certaine com- plication dans la constitution stratigraphique de ce pays. On conçoit aussi que le mode de répartition de ces accidents dans le Jura soit pour ainsi dire le reflet de ce qui se passe dans les pays voisins. Evénements géologiques accomplis, dans le bassin jurassien, pendant la période tertiaire. — Vers la fin de la période mio- cène ou vers le commencement de la période pliocène, des actions dynamiques d'une grande énergie se sont manifestées non-seulement dans le Jura, mais aussi dans le bassin juras- sien, surtout du côté des Alpes. Dans cette dernière région, les forces intérieures ont opéré avec une telle violence qu'on serait porté à penser, à tort sans doute, que les mouvements du sol qui ont affecté le bassin jurassien n'ont été que le contre-coup de ce qui se passait dans les Alpes. Pendant que le massif alpin et une partie du bassin jurassien étaient ainsi fortement agités, une tranquillité relative régnait dans la de ant 2356015 rl DE É SC CG gg ed ni * NS à - f ’ é , A + — 383 — zone qui s'étend depuis les Vosges jusque dans le Morvan, et de là jusque vers les montagnes du Lyonnais. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, le siége des forces intérieures s’est déplacé, dans le bassin jurassien, dès la fin de la période éocène, et c’est là un des principaux traits de son histoire 260- logique. Nous allons énumérer les actions dynamiques auxquelles nous venons de faire allusion ; nous dirons quelques mots de chacune d'elles, et nous rechercherons ensuite les liens géogé- nique et chronologique qui les rattachent entre elles. 1° Emergement définitif du bassin jurassien. — Nous sommes autorisé à admettre que cet émergement a eu lieu vers la fin de la période miocène, puisque dans tout le bassin jurassien on ne rencontre aucun dépôt marin postérieur à cette période. Et comme pendant la période miocène, les eaux marines re- couvraient toute la Suisse, la plaine bressane et une partie du Jura, il faut en conclure que tout le bassin jurassien a obéi, vers la fin de cette période, à un mouvement ascensionnel. 2° Exhaussement de la partie des Alpes voisine de la Suisse, depuis la Savoie jusque vis-à-vis le lac de Constance. Le mouvement ascensionnel dont il vient d’être question n’a pas eu partout la même amplitude. Au milieu de la plaine helvé- tique , le terrain miocène n’a été porté qu'à une altitude de 3 à 400 mètres; mais, dans les Alpes, il a été soulevé à une hauteur bien plus grande; c'est ainsi qu'au mont Righi, on le trouve à une altitude de 2,200 mètres. Il est donc permis d'ad- mettre que, vers la même époque où un mouvement ascen- sionnel s'opérait sur toute l'étendue du bassin jurassien, une partie des Alpes subissait une impulsion qui s’ajoutait à celle de ce mouvement. 3° Apparition, dans les Alpes, des contournements de strates et des plissements en V dont la partie nord-occidentale de ce massif montagneux offre de nombreux exemples. Ces acci- dents stratigraphiques sont la reproduction, dans des propor- tions gigantesques, de celles que nous aurons l’occasion d’é- — 904 — tudier dans le Jura, au contact des failles; ils se rattachent également à des failles qui, dans les Alpes comme dans le Jura, ont acquis tout leur relief vers la fin de la période mio cène. Il y a, de part et d'autre, identité dans la nature du phénomène, comme dans l’époque où il s’est manifesté ; la dif- férence résulte des proportions qu'il a prises dans le massif alpin. 4° Apparition de la ligne anticlinale de la Suisse. Cette ligne, qui traverse toute la Suisse dans le sens du sud-ouest au nord- est, est comparable, suivant les localités, à une gigantesque félure, ou à un coup de charrue qui a soulevé les strates à - droite et à gauche et leur a imprimé une double pente (1). 9° Surexhaussement de la partie orientale du Jura. Pendant les périodes éocène et miocène, le Jura n'avait qu'un faible relief. I] se terminait vers l’ouest par une falaise moins élevée que celle qui aujourd'hui le limite du côté de la Bresse; vers l'est, il formait un plan doucement incliné disparaissant (1) « Cette ligne anticlinale, dit M. Al. Favre, s'observe dans la mol- lasse tertiaire de la Suisse. Elle n’est pas rectiligne, mais ondufée et à peu près parallèle aux chaines extérieures des Alpes. Elle correspond à une fente ou dislocation, longue de 370 kilomètres, qui se prolonge de la Bavière jusqu'en Savoie, en traversant toute la Suusse et en subissant une interruption entre Thoune et Lausanne. J'ai retrouvé le prolonge- ment de l'axe anticlinal de la mollasse près du hameau de Bonnatraix, à l'ouest de Thonon. Le mont Salève peut être rattaché à l'axe anticlinal de la mollasse ; cette montagne est constituée par un massif de roches jurassiques et néocomiennes, séparant des couches de mollasse, plon- geant, celles qui sont du côté des Alpes, vers le sud-est, celles qui sont du côté du Jura, vers le nord-ouest. Le mont Salève et la ligne anticli- nale qui traverse la Suisse ‘ont la mème origine et sont une seule et même manifestation d'un grand phénomène de plissement qui a eu une part très large dans le relief des Alpes et des contrées voisines. M. Studer regarde cette ligne comme une preuve de la pression latérale exercée par les Alpes sur le sol tertiaire, et cette origine se lie pour lui au fait très connu de la superposition des terrains crétacé et jurassique sur le terrain tertiaire, fait qui se voit sur une très grande longueur dans la chaine extérieure des Alpes. » (Alp. Favre, Dibl. de Genève, 1. XIV, D'A21) À — 385 — sous les eaux de la mer qui recouvrait toute la Suisse en oc- cupant en même temps l'emplacement correspondant à la moitié du Jura. À un certain moment, qui ne peut être qu'im- médiatement postérieur à la période miocène, la partie orien- tale du Jura s’est exhaussée et a été portée à une altitude su- périeure à celle de sa partie occidentale. L’amplitude de cet exhaussement peut être mesurée en tenant compte de la hau- teur à laquelle le terrain miocène a été soulevé; elle est au moins de 1,500 mètres. Du reste, ce que nous avons dit, rela- tivement à l'exhaussement de la partie nord-occidentale des Alpes, peut s'appliquer aussi à l'exhaussetent de la partie orientale du Jura par rapport non-seulement à sa partie occi- dentale, mais aussi à la plaine helvétique. 6° Dénivellement des failles du Jura. Nous avons distingué, dans la production des failles, deux phénomènes successifs , dont le dernier, c'est-à-dire celui en vertu duquel les deux côtés de la faille sont portés à des niveaux différents, peut se répéter plusieurs fois. Ce qui s'observe dans le Jura oriental, et la concordance de stratification qu'on y constate entre le terrain miocène et les formations antérieures, nous autorisent à penser que le dernier dénivellement des failles du Jura, et sans doute le plus important, s’est effectué à la fin de la pé- riode miocène. T° Apparition des soulèvements en voûte dans le Jura, et sur- tout dans le Jura oriental. Ce phénomène se rattache égale- ment à la fin de la période miocène, car chaque fois que le terrain miocène se trouve dans le voisinage d'un soulèvement en voûte, on reconnaît qu'il a obéi à l’action dynamique qui a déterminé ce soulèvement. Nous pouvons également invo- quer en faveur de cette opinion la concordance de stratifica- tion qui existe entre le terrain miocène et les formations sous- Jacentes. Relations géogéniques et chronologiques entre les phéno- mènes qui viennent d'être énumérés. — Le plus général de 28 — 386 — ces phénomènes a été celui qui a eu pour conséquence l'é- mergement de tout le bassin jurassien, par suite d'une impul- sion dirigée de bas en haut. Mais ne peut-on pas rattacher à ce phénomène l’exhaussement de la partie nord-occidentale des Alpes et de la partie orientale du Jura ? Pour cela, il suffit d'admettre que l'impulsion, ayant son point de départ au-des- sous de la croûte du globe, a été plus énergique dans les Alpes et le Jura que dans les plaines helvétique et bressane. Rappelons-nous maintenant ce que nous avons dit de l'in- fluence exercée par les failles sur la structure de l'écorce ter- restre qu'elles découpent en prismes placés les uns contre les autres. Nous trouverons une corrélation intime entre ces deux phénomènes : le dénivellement des failles et l’exhaussement de la partie orientale du Jura. Il nous suffira d'admettre que, par suite de l'inégalité de pression exercée contre la face infé- rieure de l'écorce terrestre, les fragments prismatiques résul- tant de l’entrecroisement des failles ont été portés à des hau- teurs différentes ; de là le dénivellement des failles. Et comme cette pression a été d'autant plus énergique qu’elle s’exercait sur un point plus rapproché de la partie orientale du Jura, on s'explique comment ce phénomène de dénivellation des failles a pu se confondre avec celui qui a déterminé l'exhaussement de la partie du Jura voisine de la Suisse. On s'explique enfin comment, dans chaque faille du Jura, le côté alpin est géo- gnostiquement plus élevé que le côté français. Si nous continuons à nous appuyer sur la même hypothèse, c'est-à-dire à considérer les divers phénomènes que nous pas- sons en revue comme résultant d'une impulsion ayant son point de départ dans la pyrosphère, nous serons amené à nous demander si, dans quelques cas, la matière éruptive ne s’est pas fait jour et ne s’est pas montrée à la surface du sol. Il en a été ainsi probablement dans le massif alpin, et nous ne se- rions pas éloigné de penser que les roches éruptives qui ont le plus contribué à imprimer au massif du Mont-Blanc son relief actuel datent de la fin de la période miocène. Quoi qu'il en soit, age Gui Bol phin uns RS Ed LC du dd a es “à ? ÿ + \ Le F3 — 387 — aucune roche éruptive datant de cette époque n'existe dans le Jura, et même dans aucune partie du bassin jurassien, en de- hors du massif alpin. Toutefois, les mouvements du sol que nous avons en vue n'ont pu se produire, et la cause qui les a déterminés, c'est-à-dire la poussée exercée par la matière py- rosphérique, n’a pu fonctionner sans que cette matière ait tendu à se rapprocher de la surface du globe à travers les fis- sures de l'écorce terrestre. De là les soulèvements en voûte; de là aussi la formation de cette grande déchirure qui constitue la ligne anticlinale de la mollasse suisse. Par conséquent, dans l'ensemble des divers phénomènes qui viennent d'attirer nôtre examen, nous reconnaissons une seule cause : c'est une impulsion, une poussée exercée par la matière intérieure contre l'écorce terrestre, sur toute la partie correspondant au bassin jurassien. L'unité dans la cause ne s'oppose pas à la variété des effets. Cette variété a été la con- séquence de ce que la poussée n’a pas été la même dans toute l'étendue du bassin jurassien : dans la plaine helvé- tique, elle a été moins forte que dans les régions voisines; elle a atteint son maximum dans le massif alpin, tandis que, dans la partie nord-occidentale du bassin jurassien , elle a été très faible, peut-être nulle. La variété dans les effets, reconnaissant pour cause première une impulsion intérieure, a été encore déterminée par des dif- férences dans la structure des parties de l'écorce terreslre contre lesquelles cette impulsion s'exerçait. Là où existaient des failles, la poussée intérieure avait pour résultat d'augmen- menter leur dénivellement. Sur les points où des fentes tra- versaient l'écorce terrestre sans arriver jusqu'à sa surface, la matière éruptive déterminait la formation des soulèvements en voûte. L'étude séparée de chacun des phénomènes que nous avons en vue, nous a conduit à reconnaitre qu'ils dataient d’une époque voisine de la fin de la période miocène ou du com- mencement de la période pliocène. Les relations géogéniques — 388 — qui, ainsi que nous venons de le constater, les rattachent les uns aux autres, ne permettent guère de douter qu'ils soient synchroniques. Si nous n’indiquons pas d’une manière plus précise l'époque de leur apparition, c'est parce qu'ils n’ont pas présenté un véritable caractère de paroxysme; leur manifes- tation a exigé une assez longue suite de siècles, qui a com- mencé avant la fin de la période miocène et a persisté pen- dant le commencement et peut-être une partie de la période pliocène. Déformation des nappes correspondant à chaque terrain. — I] serait superflu d’insister pour montrer l'influence que les ac- tions dynamiques qui viennent d'être énumérées ont exercée sur la configuration du sol. Nous nous bornerons à rappeler quel aspect avait le bassin jurassien pendant la période mio- cène, c'est-à-dire un peu avant le moment où ces actions allaient se manifester. Ce bassin était déjà à peu près ce qu'il est de nos jours dans sa partie nord-occidentale, s'étendant depuis les Vosges jusque vers le Lyonnais: Nous avons dit ce qu'alors était le Jura ; il formait un plan doucement incliné vers la Suisse, et légèrement relevé du côté de la Bresse qu'il dominait à peine. La plaine helvétique, presque en totalité sous les eaux, formait une vaste surface qui empiétait d’une part sur le Jura et de l’autre sur les Alpes. Si, à la fin de la période miocène, un simple soulèvement du sol avait eu lieu sous l'influence du mouvement oscillatoire, la disparition des eaux océaniennes aurait amené le remplacement de la mer helvétique par une plaine semblable à celle qui existe aujour- d'hui, mais bien plus étendue et dominée par des massifs montagneux moins élevés que ne le sont de nos jours les Alpes et le Jura. Cette moindre étendue de la plaine helvé- tique et cette plus grande altitude des Alpes et du Jura, pen- dant l'époque actuelle, sont la conséquence des actions dyna- miques qui viennent d'appeler un instant notre examen. Ces actions dynamiques, avons-nous dit, ont également imprimé — 389 — aux strates les inflexions et les accidents qu'elles nous présen- tent. Ce sont elles enfin qui ont amené la déformation exces- sive des nappes correspondant à chaque terrain. Si l'on faisait abstraction de ces actions dynamiques, en d’autres termes, si l'on se reportait par la pensée à une époque antérieure à la fin de la période miocène, on pourrait consi- dérer chacun des terrains qui ont été successivement recus dans le bassin jurassien comme étant représenté par une feuille de papier découpée de manière à reproduire en réduc- tion sa forme et sa dimension. En superposant les feuilles les unes aux autres d’une manière convenable, on se ferait une idée exacte de la constitution géognostique du bassin juras- sien. Chacune de ces feuilles serait un peu relevée sur ses bords et plus ou moins gauchie dans sa partie intérieure, afin de représenter les légères déformations résultant des mouve- ments antérieurs à la période pliocène. Mais lorsqu'on cherche à se rendre compte des déformations subies par chaque nappe correspondant à un terrain quelconque, on voit que ces défor- mations sont bien plus considérables qu'on ne serait porté à le penser de prime abord. Le lias, dont l'altitude n’est quelquefois que de 200 mètres dans la partie nord-occidentale du Jura, s'élève jusqu'à 1,500 mètres au crêt de Chalam. Entre ces deux points, il ÿ a donc une différence d'altitude de 1,300 mètres. Si on admet que, dans le Haut-Jura, le lias s’est déposé dans une mer profonde de 500 mètres, on constate qu'il a été porté à une hauteur de 1,800 mètres, ce qui nous donne la mesure de la déformation qui a été éprouvée par la nappe correspondant au terrain lia- sique. A la combe d’Evoaz, près du crêt de Chalam (Aïn), la mol- lasse marine atteint une altitude de 1,235 mètres. Elle a été portée à cette hauteur d’une manière subite, car ces grands mouvements du sol que nous avons en vue se sont manifes- tés, avons-nous dit, vers la fin de la période miocène et, par conséquent, aussitôt après le dépôt des strates que nous re- — 390 — trouvons sur des points aussi élevés au-dessus de la zone où leur formation s'était opérée. À mesure que l'on se rapproche des Alpes, les déformations éprouvées par ehaque terrain se montrent de plus en plus prononcées, parce que les forces intérieures qui ont agi, à la fin de la période miocène, dans le bassin jurassien, ont atteint, dans le massif alpin, leur maximum d'énergie. « Le peu d'ancienneté de la forme actuelle des Alpes est certainement au nombre des vérités les plus incontestables que les géologues aient constatées. Le point de vue d'après lequel M. Jurine avait donné le nom de protogyne à la roche granitoide qui domine dans le massif du Mont-Blanc, a été tacitement abandonné aussitôt qu'on a reconnu que les cou- ches les plus tourmentées des Alpes, celles même qui couron- nent les escarpements qui regardent le Mont-Blanc, appar- tiennent à des formations de sédiment très récentes. ........ Ne .... Le nagelfluhe (terrain miocène) s'élève, au Righi, à la hauteur de 1,875 mètres au-dessus du niveau de la mer. ... Près de Lyon, les couches de la mollasse coquillière s'é- tendent horizontalement sur les roches primitives du Forez, tandis que ces mêmes roches s'élèvent et se redressent de toutes parts en approchant des Alpes ..... Ce genre de phéno- mènes distingue les Alpes d'une grande partie des montagnes qui les entourent. » (Elie DE BraumonT, Notice sur les syst. de mont., page 539.) — 391 — CHAPITRE XII LE BASSIN JURASSIEN PENDANT LA PÉRIODE QUATERNAIRE. Lo bassin jurassien au commencement de l'ère jovienne: brusque refroidissement du climat. — Il est un principe gé- néral ou, si l'on veut, un axiome pleinement confirmé par l'observation, qui nous paraît devoir servir de base à l'étude des phénomènes géologiques qui se sont accomplis dans le bassin jurassien pendant la période quaternaire (èrejovienne). Nous énoncons ce principe en disant que, dès le commence- ment de cette période, le bassin jurassien était déjà ce qu'il est aujourd'hui. Depuis lors, aucun mouvement du sol n’est venu modifier la forme et l'altitude des massifs montagneux ; les plaines se sont maintenues au même niveau; les failles n'ont éprouvé aucune dénivellation; la courbure des soulè- vements en voûte ne s'est pas accrue, et aucun changement n'a été apporté à la direction des cours d'eau. [es phéno- mènes d'érosion ont pu dénuder quelques saillies de terrain, creuser où élargir quelques vallées ; ils n'ont constitué que des actions dont l'influence peut être appréciée à sa juste valeur et est toujours peu importante pour un intervalle de temps relativement court. Mais, dès le commencement de l'ère jovienne, il s’est pro- duit dans le Jura, de même que sur toute la surface du globe, un abaissement de température assez faible d'une manière absolue, suffisant toutefois pour amener l'apparition de phé- nomènes géologiques qui ne s'étaient pas encore manifestés à la surface du globe, et pour imprimer soit une autre allure, soit une plus grande énergie aux phénomènes qui existaient déjà. — 392 — Il serait hors de propos, dans un ouvrage de la nature de celui-ci, d'examiner toutes les hypothèses que l'on a succes- sivement émises pour expliquer un refroidissement dont la surface du globe jusque-là n'avait pas offert d'exemple; je m'en tiendrai aux remarques suivantes. Deux causes ont préparé et favorisé l'abaissement de tem- pérature qui, à deux reprises différentes, s’est manifesté pen- dant la période quaternaire. Ces deux causes sont : 1° le refroidissement cosmogonique, c'est-à-dire le refroidissement lent et continu de notre planète ; 2° l'accroissement des mas- sifs montagneux en altitude et en étendue. On sait, en effet, que ces massifs sont toujours des sources de froid pour les régions environnantes. La cause essentielle, spéciale, qui a déterminé l'apparition d'une période glaciaire, a été un refroidissement momentané, et relativement brusque, dans le climat. Ce refroidissement lui- même ne peut avoir qu'une explication, et cette explication, basée sur les idées de Poisson, nous paraît très naturelle. La terre et tout le système dont elle fait partie, obéissent à un mouvement de translation dont la nature n'est pas connue, mais dont les effets ne s'en manifestent pas moins. Or, n'est-il pas permis de penser que notre système planétaire, dans sa course à travers l’espace, se trouve ainsi transporté dans des régions dont la température varie, et qu'il a traversé pendant chaque période glaciaire des régions relativement froides ? On sait que les glaciers ne s'alimentent qu'au moyen d'a- bondantes chutes de neige; ces chutes de neige ne peuvent être abondantes que dans le cas où les régions voisines sont le siége d'une évaporation très active, qui ne peut, à son tour, être que la conséquence d’un climat plus ou moius chaud. Ce raisonnement, très juste en lui-même, avait conduit quelques savants, et notamment Lecoq, à voir dans la période glaciaire une période de chaleur. Au fond des idées les plus para- doxales, il y a fréquemment quelque chose de vrai, et c'est ce qui arrive ici. Pendant chaque période glaciaire, le soleil — 393 — conservait toute sa puissance calorifique; sous l'équateur, l'évaporation était au moins aussi active que de nos jours. Mais l'eau, une fois transportée à l’état de vapeur vers les régions de l'atmosphère placées en dehors de la zone inter- tropicale, y rencontrait une température assez basse pour que sa condensation et sa transformation en neige dussent s'effectuer avec facilité. L'explication des phénomènes ola- ciaires n'est possible qu’en faisant intervenir en même temps deux causes agissant dans des régions plus ou moins éloi- gnées, et contribuant l’une à élever la température et l’autre à l'abaisser. Division de l'ère jovienne en périodes et époques. — L'ère jovienne comprend deux périodes assez distinctes : l’époque paléolitique où de la pierre éclaiée et non polie, et l'époque néo- litique où de la pierre polie. L'époque paléolitique est celle à laquelle on affecte plus spécialement le nom de période qua- ternaire, tandis que l’époque néolitique est à proprement parler l’époque actuelle. Les glaciers ayant pris, pendant l'époque paléolitique, une grande extension à deux reprises différentes, il en résulte qu'on peut la diviser en deux périodes glaciaires séparées par une période inter-glaciaire. La première période glacia ‘re commence dès que les glaciers prennent possession du massif alpin, ou, du moins, dès que leur existence est signalée dans les régions environnantes par l'apparition des dépôts diluviens qui en proviennent. Elle se termine lorsque les glaciers, après s'être montrés dans la ma- jeure partie de l'Europe, rétrogradent vers leur point de dé- part, et persistent tout au plus sur les points les plus élevés : des Alpes et dans les régions voisines des pôles. La période inter-glaciaire est comprise entre le moment où les premiers glaciers ont achevé d'effectuer leur retraite et celui où ils se sont mis à progresser de nouveau. Elle est marquée par une élévation dans la température et par la dis- ec") parition des glaciers, qui peuvent persister dans le massif alpin, mais qui abandonnent certainement le Jura, les Vosges et la plaine helvétique. Le Jura finit même par se trouver au-dessous de la limite des neiges perpétuelles. La deuxième période glaciaire correspond à l'intervalle de temps pendant lequel les glaciers ont acquis une nouvelle extension. Elle a commencé dès que les glaciers ont repris leur mouvement en avant; elle a cessé dès qu'ils sont revenus à leur point de départ. Cette division de l’époque paléolitique peut être poussée plus loin. Chaque période glaciaire a été précédée et suivie d'un diluvium, de sorte qu’elle se décompose en trois sous- périodes correspondant, la première au diluvium antérieur, la seconde au maximum d'extension des glaciers, et la troi- sième au diluvium postérieur: Quant à l'époque néolitique, elle se divise naturellement en deux époques : les temps anté-historiques et les temps histori- ques. Les temps anté-historiques se subdivisent en trois épo- ques, qui sont l'ége de la pierre polie, l'âge du bronze et l'âge du fer. Enfin, les temps historiques sont ceux que nous pou- vons étudier, en prenant pour base soit la tradition écrite ou parlée, soit les monuments épigraphiques et les ressources que nous fournit la philologie comparée. D'après ce que nous venons de dire, les phénomènes gla- ciaires jouent le rôle le plus important dans la classification des formations correspondant à la période quaternaire. On ne peut leur refuser cette importance, soit qu'on les considère en eux-mêmes et dans leur cause essentielle, soit qu'on tienne compte de l'influence qu'ils ont exercée sur la faune, la flore, le climat et les divers phénomènes géologiques. Nous disons « le climat, » car les glaciers ont été en même temps cause et effet. Une fois installés dans les massifs montagneux, 1ls n’ont pas cessé d’être une cause de refroidissement pour les contrées voisines. Les expressions de première période glaciaire, période inter- — 395 — glaciaire, seconde période glaciaire, indiquent la part qui a été faite, dans la nomenclature, aux caractères fournis par les phénomènes que nous avons ici en vue. Cette part pourrait être encore plus grande. La période néolitique, ou période ac- tuelle, pourrait aussi être désignée sous le nom de période post-glaciaire, puisqu'elle est postérieure à la dernière exten- sion des glaciers. D'un autre côté, l'intervalle de temps que nous avons considéré comme correspondant au diluvium an- térieur à la première période glaciaire, pourrait être désigné sous le nom de période anté-glaciaire, si de futures observa- tions conduisaient à lui donner plus d'importance qu'elle n'en présente dans l’état actuel de nos connaissances. Le climat du bassin jurassien pendant la période tertiaire. — Avant de rechercher quel était le climat du bassin juras- sien pendant la période quaternaire, avant de décrire les va- riations que ce climat éprouvait à mesure que les glaciers se rapprochaient ou s'éloignaient des massifs montagneux, nous pensons qu'il sera convenable de donner une idée de ce qu'é- tait, pendant les périodes qui ont précédé l'ère jovienne, le climat du bassin jurassien ; c'est ce que nous allons essayer de faire en peu de mots. Le lecteur pourra ainsi mieux appré- cier le contraste que l’on est amené à reconnaître, lorsque l’on compare la période quaternaire aux époques immédiatement antérieures. Nous ferons commencer cette étude rétrospective avec l’époque éocène, en ayant soin de joindre aux considé- rations sur les climats diverses remarques sur la flore, puisque c'est sur l'observation de cette flore que sont basées nos ap- préciations sur le climat de chaque époque. Pendant l’époque éocène, le climat était moins chaud que pendant les époques antérieures ; pourtant la température était encore très élevée, puisque les palmiers croissaient en Europe et faisaient partie de la flore du Jura. Les forêts qui le recouvraient étaient surtout formées de conifères, mais ceux-ci appartenaient à des genres des régions tempérées et — 396 — non tropicales. À ces conifères se mélaient déjà quelques plantes à fleurs très apparentes, telles que des légumineuses et des malvacées. Les angiospermes commencaient du reste à prendre de l'importance. Toutefois, ces dernières apparte- nalent encore, pour la plupart, aux espèces à feuilles persis- tantes. D'après M. G. de Saporta, les végétaux à feuilles ca- duques ne jouaient qu'un rôle très secondaire dans la flore éocène : ils étaient distribués en individus isolés et de petite taille; c'étaient plutôt des arbustes que des arbres véritables. Parmi les familles d'angiospermes à feuilles persistantes, celle des protéacées était une des plus répandues. Les protéacées étaient des arbres de taille médiocre ou des arbrisseaux à feuilles toujours vertes, à fleurs apétales avec calice coriace et coloré. Aujourd'hui elles n'existent plus en Europe; elles sont abondamment représentées dans l'hémisphère austral en Amérique , mais surtout au Cap et en Australie, où elles for- ment un des traits caractéristiques de la végétation. La nature détritique des roches qui, pendant la période miocène , se sont déposées dans chacune des dépressions qui entouraient le Jura , est sans doute en relation avec la vaste étendue des terres émergées où les phénomènes d’érosion pouvaient se développer avec énergie. Mais elle indique aussi que le climat était pluvieux, sinon pendant toute l'année, du moins pendant une saison. La température s'élait abaissée, puisque les palmiers avaient disparu de l'Europe centrale; mais elle était encore supérieure à celle de notre époque. La flore avait un caractère sub-tropical, surtout pendant l'époque tongrienne ; mais, pendant l’époque falunienne inférieure, les formes du nord de l'Amérique, telles que les saules, les bou- leaux, les érables, les aulnes, les liquidambars, devenaient abondantes ; enfin, pendant l’époque falunienne supérieure, les formes américaines étaient encore plus nombreuses et se mélangeaient de formes actuellement représentées dans la région méditerranéenne et dans les îles de Madère, Acores et Canaries. — 397 — D'après M. O. Heer, la flore de la période pliocène, tout en conservant son caractère américain, avait perdu ses types tro- picaux, qui avaient disparu pour faire place à des formes des régions tempérées. Les observations de M. de Saporta (1) peu- vent donner une idée du climat du bassin jurassien pendant la période pliocène. Ge climat était resté à peu près le même que pendant la période miocène ; mais il avait subi un léger refroidissement, annonce sans doute du refroidissement plus considérable qui allait se manifester dès le commencement de la période suivante. Le climat du bassin jurassien pendant la première période glaciaire. — Peu après le commencement de l'ère jovienne, les glaciers prennent rapidement possession du massif alpin, débouchent par toutes ses vallées et envahissent la plaine helvétique qu'ils recouvrent d’une vaste nappe de glace. Cette masse glacée vient ensuite se butter contre le Jura qu'elle prend pour ainsi dire d'assaut; elle le franchit sur les points (1) « La moyenne de la chaleur annuelle indispensable pour faire vé- géter les lauriers, les vignes et les figuiers que nous venons d'observer en Provence pendant la période qualernaire, ne saurait être évaluée à moins de 15 degrés. En nous plaçant en pleine période pliocène, c'est auprès de Lyon que nous rencontrons ces mêmes végétaux, auxquels il faut en ajouter d'autres d'un caractère encore plus méridional. Le lau- rier rose fleurissait alors sur les bords de la Saône et s'y mariait au laurier des Canaries, au bambou, au magnolia, au chène vert. Cet en- semble, composé d'essences dont les exigences climatériques sont faciles à apprécier, assigne à la contrée qui les voyait croître une moyenne an- nuelle de 18 degrés centigrades. La moyenne actuelle de Lyon étant de 11 degrès seulement, on peut juger aisément la différence qui sépare les deux époques. Cette différence ne saurait d'ailleurs être fixée d'une ma- nière plus précise, puisque l'on connaît très bien le degré de chaleur nécessaire pour que le laurier rose développe ses fleurs et le degré de froid suffisant pour faire périr le laurier des Canaries. Le climat qui permettait à ces deux arbres d'être réunis dans une même contrée peut être défini avec autant de certitude que s'il s'agissait de celui d'un pays que nous habiterions. » (G. DE Saporra, Revue des Deux-Mondes, 1° juil- let 1870, p. 220.) — 398 — où le sol déprimé se présente sous forme de brèche et lui livre une issue. C'est ainsi qu'elle pénètre à travers le col de Jougne et arrive au moins jusqu à Pontarlier. Elle franchit également la crête du Jura aux environs de Châtillon-de-Michaille. Elle se soude aux glaciers spéciaux au Jura, et peu s’en faut qu'elle n'aille, vers le nord, se réunir aux glaciers des Vosges. Vers le sud, les glaciers alpins contournent le Jura, et débouchent par la vallée du Rhône et par la dépression qui sépare le Jura des Alpes dauphinoises. Ils s'épanouissent en un cône de glace qui se prolonge jusqu'à Lyon, et laissent, sur le plateau de la Croix-Rousse, comme un témoignage irrécusable de leur visite, un grand nombre de blocs qu'ils ont transportés des Alpes. Ce cône de glace recouvre tout le Dauphiné et une partie de la Bresse. Les glaciers s'installent aussi dans les Vosges et même le Morvan; dans le Jura, ils descendent à l'ouest presque jusque sur les bords de la plaine bressane, tandis que vers l'est 1ls vont se confondre avec la nappe de glace venue des Alpes. Recherchons quel a été l’abaissement de température qui a suffi pour amener un état de choses dont le bassin jurassien, et sans doute toute la surface du globe, n'avaient pas jusqu’a= lors offert d'exemple. La limite inférieure des neiges perpétuelles, dans les Alpes, n'est pas rigoureusement la même pour chaque année ; elle varie également d'un point à un autre. On peut admettre qu'en moyenne elle se trouve à une altitude de 2,800 mètres. Cette même limite, lors de la période du grand froid, était descendue à une altitude de 350 mètres dans la partie du Jura placée à peu près sur la même latitude que les Alpes. Il y a donc entre ces deux limites une différence de 2,450 m. D'un autre côté, d'après les observations faites par Gay-Lussac, dans ses ascensions en ballon, on sait que la température dé- croit d'un degré par 188 mètres de hauteur. Le résultat de la division de 2,500 par 188 est, en négligeant les décimales, 13, nombre qui exprime, en degrés centigrades, la différence ) — 399 — entre la température de la première période glaciaire et celle de notre époque, dans la région que nous avons en vue. La température moyenne actuelle du Jura, calculée par rapport au niveau des plaines voisines, est : pour l’année, 109,3; pour l'hiver, {°,1; pour l'été, 18°,7. En tenant compte de la différence de température entre les deux époques que nous comparons, différence que nous venons de voir être de 13°, on en déduit la température moyenne de la période du grand froid. Cette température moyenne était de — 2°,7 pour l'année, — 11°,9 pour l'hiver, et + 5°,7 pour l'été. Le ther- momètre descend quelquefois, dans les environs de Besançon, à — 24°; il est donc probable que’, lors des hivers les plus rigoureux, le point de ‘congélation du mercure était souvent atteint, sinon dans les parties basses du Jura, du moins sur les plateaux et, à plus forte raison, vers les hauts sommets. Le climat du Jura était intermédiaire entre celui du Spitz- berg et celui du cap Nord, point le plus septentrional de la Norwége; il était moins froid que le premier, moins chaud que le second. C'était le climat d'une contrée que l'on sup- poserait placée à l’entrecroisement du 20° degré de longitude et du 75° degré de latitude, dans le voisinage de l’île Cherry. La limite des neiges perpétuelles, qui, dans la Norwége sep- tentrionale, est à 800 mètres d'altitude, descendait dans le Jura à 300 m., mais n’atteignait pas, comme au Spitzberg, le niveau de l'océan. Tandis que le Spitzherg et la Norwége ont des climats ma- rins, le Jura avait, pendant la première période glaciaire comme de nos jours, un climat continental. Les hivers y étaient relativement froids et les étés relativement chauds. Peut-être serait-il convenable de modifier les appréciations que nous venons de formuler et d'abaisser la température de l'hiver pour élever la température de l'été ? D'après cela, on serait fondé à penser que le Jura avait, pendant l'hiver, le climat du Spitzberg, et, pendant l'été, celui de la Norwége. En comparant ces diverses régions, nous n'avons en vue — 400 — que leur température. Le Jura n'avait pas, chaque hiver, comme l'île Cherry, une longue nuit de plus de trois mois; pendant l'été, il ne recevait pas du soleil, comme le Spitzhberg, des rayons obliques par rapport à l'horizon, et dépourvus de leur chaleur perdue pendant leur passage à travers l’atmo- sphère. Tandis qu'une nappe de glace venue des Alpes s’appliquait contre le versant oriental du Jura, l'autre versant présentait divers caractères qui auraient permis de le diviser en deux régions. Dans la première région, comprenant les hauts som- mets, la température se maintenait pendant toute l’année au- dessous de zéro, et le sol restait couvert d'une couche de neige sèche et poudreuse. Dans la deuxième région, la température s'élevait, pendant l'été, et au moins le jour sinon la nuit, au- dessus de zéro. Sur les plateaux, les alternatives de gel et de dégel faisaient passer la neige à l’état de névé ou de neige grenue, et ces plateaux devaient ressembler tout à fait à ceux qu'on désigne en Norwége sous le nom de Fonden. Dans le fond des vallées se constituaient les glaciers spéciaux au Jura. Le Jura était un vaste désert de neige et de glace, et toutes les régions voisines, aussi loin que le regard pouvait se porter, présentaient le même aspect. Partout, un silence absolu, à peine interrompu par la chute de quelque avalanche; pas un être organisé pour animer cette solitude, car l'océan ne se trouvait pas là, comme dans les régions polaires, afin de pourvoir à son alimentation. Pendant l'hiver, une bise glacée et continue, un ciel serein avec quelques brumes à l'horizon, un soleil blafard et sans chaleur. Pendant le printemps, de formidables tempêtes de neige, lorsque le vent du sud rempla- cait la bise. Pendant l'été, quelques torrents boueux, alimen- tés par la fonte partielle des neiges, charriant des glacons et s'écoulant entre des rives formées par la masse glacée. Ces. torrents se dirigeaient vers le bassin de la Saône, qui consti- tuait une plaine marécageuse; et, dans cette plaine, parsemée — 401 — de tourbières, croissait cà et là une végétation appauvrie, ne montrant que des saules nains, des bouleaux au feuillage tremblant et au tronc blanchôätre. A un certain moment, le Jura était comme un bloc inerte de neige et de glace. À une époque ultérieure, cette masse glacée, constituant le stock des neiges tombées pendant une longue suite de siècles, s'est convertie en eau sous l'influence d'un adoucissement de la température. Pendant un intervalle de temps, dont il est difficile d'apprécier la durée, le Jura a présenté un climat tel que, pendant l'hiver, d'abondantes chutes de neiges continuaient à avoir lieu, tandis-qu'’au prin temps survenaient des pluies diluviennes. L'eau, résultant soit de ces pluies, soit de la fonte des neiges hivernales, s’é- coulait rapidement en déterminant des courants d’une puis- sance qu'il serait difficile d'apprécier. Variations du climat dans le bassin jurassien pendant la pé- riode quaternaire. — Nous venons de dire quel avait été le climat du bassin jurassien peu après le commencement de l'ère jovienne. Pendant la seconde période glaciaire, les gla- clers ont pris une moindre extension que pendant la première. Les glaciers des Alpes n’ont pas atteint le Jura et n'ont pas dépassé les environs de Genève; ils ont eu pour limite le milieu de la plaine helvétique, où ils ont laissé des moraines comme témoignage de leur ancienne existence, Les glaciers ont reparu dans les Vosges, mais ils ne paraissent pas s'être montrés dans le Jura. Cette moindre extension des glaciers a-t-elle été la conséquence d'un moindre abaissement de la température, ou d'une moindre durée dans la seconde pé- riode de froid ? On concoit que, dans ce dernier cas, les gla- ciers n'aient pas eu le temps de reprendre leur ancien dé- veloppement, et que l'heure de la retraite ait sonné pour eux avant qu'ils eussent pénétré dans le Jura. Il est dif- ficile de répondre d'une manière bien précise à cette ques- tion; nous adopterons, sous toutes réserves, la première pa j — 402 — hypothèse, et, en employant la méthode dont nous nous sommes servi dans le paragraphe précédent, nous en conclu- rons qu'un abaissement de température de 5° serait suf- fisant pour ramener au pied du Jura (1) les glaciers de la vallée de Chamounix. La température moyenne du bassin jurassien étant de 10° environ, la température moyenne de la même région, pendant la seconde période glaciaire, a dû être approximativement de 5°. Quant à la température de la période inter-glaciaire, nous ne serions pas éloigné de penser qu’elle a été un peu supé- rieure à celle de notre époque. Rien n’indique du moins que les glaciers aient eu alors l'étendue qu'ils conservent de nos jours. Ils s'étaient réfugiés dans les plus hautes vallées des Alpes, comme l'ennemi qui rentre dans ses forteresses, tout prêt à ravager les pays voisins dès que l’occasion s’en présen- tera. [1 nous semble assez naturel de penser que la tempéra- ture de la période inter-glaciaire était intermédiaire entre la température de la période pliocène et celle de notre époque. S'il en est ainsi, en prenant la moyenne entre les deux nom- bres que nous avons adoptés pour représenter ces deux tem- pératures (18° et 10°), on arrive à conclure que la température moyenne, pendant la période inter-glaciaire, était, dans le bassin jurassien, de 14°. Flore de la période quaternaire dans le bassin jurassien. — Cette flore différait peu de celle qui existe aujourd'hui. Sou- vent les espèces dont elle se composait habitent encore les pays où on les rencontre à l’état fossile ; d'autre fois, elles ont émigré et se retrouvent dans des régions plus ou moins éloi- gnées de leur point d'origine; rarement elles ont complète- (1) M. Ch. Martins a calculé qu'un abaissement de 4° aurait pour résultat de ramener les glaciers à Genève. Cet abaissement, suflisant pour expli- quer le phénomène glaciaire alpin, ne l’est pas pour rendre compte de l'existence des glaciers sur d'autres massifs montagneux, et notamment dans les Vosges. — 403 — . ment disparu de la surface du globe. Ces remarques géné- rales sont certainement applicables au bassin jurassien, et nous permettent de nous représenter d’une manière très exacte l'aspect du tapis végétal qui recouvrait cette région pendant la période quaternaire. À l'appui de cette opinion, nous allons emprunter à M. O. Heer les deux passages sui- vants où il est question de la flore quaternaire dans deux lo- calités, dont l'une se trouve en Suisse et l’autre sur un point peu éloigné du bassin jurassien. La tourbe d'Utznach date de la période anté-glaciaire. « Cette tourbe a fourni le sapin (Pinus abies), le pin (Pinus sylvestris), et le bouleau {Betulus alba), qui se confondent avec ceux de notre époque, du moins pour ce qui concerne les es- pèces. On en peut dire autant des jones (Scirpus lacustris), des roseaux {Phragmites communis) et du trèfle des marais (Me- nianthes trifoliata), auxquels nous pouvons encore ajouter le mélèze (Pinus lariæ). Il est cependant quelques espèces dis- parues, entre autres un noisetier dont je n'ai pu trouver l'a- nalogue parmi les noisetiers vivants. Ajoutons que tous les marais tourbeux ont une flore très monotone, et qu'à n’en pas douter les collines et les montagnes voisines d'Utznach étaient revêtues d’une végétation plus riche, et qu’elles possédaient probablement plusieurs espèces qui se sont perdues depuis ou du moins ne sont point parvenues à notre connaissance. » Dans la vallée de Stuttgart et de Kaunstadt, existe un tuf où de nombreux ossements du mammouth et du rhinocéros velus sont enfouis avec des débris de plantes dont l'étude peut nous fournir des renseignements sur la flore de la période inter-glaciaire. « La flore avait alors à peu près le même ca- ractère qu'elle a maintenant dans le pays. On y trouve des sapins rouges et des sapins blancs , Le hêtre, le chêne pédon- culé, le tremble et le peuplier blanc, des bouleaux et des or- meaux; et, parmi les arbustes, des saules, des noisetiers, des nerpruns et des cornouilliers. On y rencontre cependant quelques espèces qui manquent aujourd’hui à cette contrée : — 404 — tels sont l'érable de montagne, le buis et l’airelle des marais, puis deux espèces perdues, savoir un peuplier (Populus Frasi ) à feuilles très grandes et rappelant par sa forme le peuplier baume d'Amérique, et un chêne très remarqnable ( Quercus mammouthi) qui portait des feuilles magnifiques et de gros glands. » Il existe entre la flore et le climat d'un pays une relation intime, résultant surtout de ce que les végétaux sont soumis aux vicissitudes climatologiques bien plus que les animaux, parce qu'ils ne peuvent pas, comme ceux-ci, émigrer pen- dant un temps plus ou moins long pour reparaître ensuite lorsque le climat redevient favorable à leur existence. Cette relation permet de rendre compte de ce qu'était le climat d’un pays pendant une époque déterminée, quand on sait quelle était sa ‘flore. C’est la méthode que nous avons em- ployée jusqu’à présent pour nous renseigner sur la flore des époques antérieures à la période quaternaire. Mais, pour ap- précier aussi exactement que possible les variations que le climat du bassin jurassien avait éprouvées pendant cette pé- riode, nous avons dû, à cause de l'absence de matériaux, re- courir à une autre méthode : les phénomènes glaciaires nous ont fourni les renseignements indispensables. Les considérations précédentes, quelque sommaires qu'elles soient, nous permettent de nous représenter les va- riations climatériques qui se sont manifestées pendant la période quaternaire et le caractère général de la flore. Mais, par suite des changements successifs apportés dans la tem- pérature, les végétaux dont se composait cette flore ont obéi à de nombreux déplacements qu’il ne sera pas sans intérêt de rappeler en peu de mots. Rappelons-nous! d’abord quelle était la végétation des Alpes, du Jura et desrégions'voisines pendant la période pliocène. Le laurier-rose, le laurier des Canaries, le bambou, le chêne- vert, croissaient auxgbords'de la Saône. Une végétation ana- logue à celle qui existe actuellement dans la vallée de la — 405 — Saône devait occuper tout le Jura, dont les parties les plus élevées étaient recouvertes de chênes et d’où les sapins étaient exclus. Ceux-ci formaient des forêts près des hauts sommets des Alpes, dont les points culminants, encore vierges du con- tact de la neige, présentaient une végétation alpestre. Vers le commencement de la période quaternaire, peut- être un peu avant, les premières chutes de neige ont blanchi les hauts sommets des Alpes. Les neiges, d’abord hivernales, sont devenues perpétuelles et ont formé ensuite une nappe dont l’étendue a été sans cesse en croissant. Les glaciers se sont montrés à leur tour et ont suivi les neiges dans leur mou- vement d'expansion. Cette progression des neiges perpétuelles et des glaciers à eu pour conséquence le déplacement lent et séculaire des zones de végétation rétrogradant devant l'invasion du froid, jusqu'au moment où elles ont entièrement disparu ; alors le riche tapis végétal qui recouvrait tout le bassin jurassien et les massifs montagneux voisins, de plus en plus réduit, a complètement cessé d'exister. Puis, au commencement de la période inter-glaciaire, un mouvement en sens inverse s’est produit, et lorsque les gla- ciers et les neiges perpétuelles ont déserté le bassin jurassien et le Jura pour persister tout au plus sur les plus hauts som- mets des Alpes, les zones de végétation se sont trouvées ré- parties dans le même ordre que de nos jours, mais portées à des altitudes un peu plus élevées. Ces déplacements successifs, que les changements de climat amenaient dans les zones de végétation, se sont ré- pétés pendant la seconde période glaciaire et pendant la pé- riode post-glaciaire. On est conduit, malgré soi, à les comparer au mouvement de la colonne de mercure qui s'élève et s'a- baisse dans le thermomètre quand la température varie. La faune obéissait aux mêmes changements que nous ve- nons de constater pour la flore; les animaux devaient émi- grer à chaque modification de climat, gravir les montagnes ; | — 406 — lorsque la température s'élevait, descendre vers la plaine lorsque la température s'abaissait. Une double circonstance déterminait ces migrations : l'influence climatologique d'a- bord, puis le déplacement des végétaux qui servaient à l'ali- mentation des animaux, directement pour les animaux her- bivores, indirectement pour les animaux carnassiers. Faune de la période quaternaire. — La dénomination de période homozoïque, employée comme synonyme de celle de période quaternaire, trouve sa Justification dans le caractère même de la faune de l'ère jovienne. Les animaux dont se compose cette faune appartiennent aux mêmes genres et sou- vent aux mêmes espèces qui constituent la faune actuelle. Pourtant, les espèces différentes qui ont vécu pendant cha- cune des époques dont la série forme l'ère jovienne, sont. assez nombreuses pour qu'on puisse distinguer : 1° une faune anté-glaciaire où antérieure aux premiers glaciers, quoique ne se confondant pas avec celle de la période pliocène ; 2° une faune inter-glaciaire, ayant vécu entre les deux périodes gla- ciaires ; 3° une faune post-glaciaire, postérieure aux derniers glaciers. L'étude de la faune quaternaire, on le voit, conduit à une division de l'ère jovienne un peu différente de celle que nous avons adoptée en nous plaçant à un point de vue purement géogénique. Quelques mots suffiront pour faire comprendre la cause de cette différence. Chaque période glaciaire con- stitue un même ensemble, une même série de phénomènes qui débutent et se terminent par un diluvium en se coor- donnant, au point de vue chronologique, par rapport à une époque pendant laquelle se produisent le maximum de froid et le maximum d'extension des glaciers. La cause qui déter- mine ce maximum d'extension des glaciers n’agit pas subi- tement; son énergie va en augmentant pour diminuer en- suite. Sous les rapports chronologique et géogénique, le mo- ment correspondant au maximum d'extension des glaciers coïncide avec le milieu d’une période, tandis que, sous le rap- port biologique, il en marque la fin ou le commencement. Le maximum de froid, en effet, amène la disparition d’un certain nombre d'espèces, ét lorsque la température s'élève et que le climat se radoucit, de nouvelles espèces remplacent celles qui se sont éteintes; par suite de ces deux circonstances, le carac- tère de la faune est modifié dans une certaine mesure. La faune anté-glaciaire est caractérisée par la présence si- multanée des mastodontes qui se montrent pour la dernière fois, et des éléphants qui font leur première apparition. Les mastodontes sont représentés par les Mastodon arvernensis et dissimilis, dont les débris ont été rencontrés, à Vincelles, entre Beaufort et Lons-le-Saunier, à travers une tranchée de chemin de fer pratiquée dans le conglomérat bressan. Avec ces deux espèces vivaient en France l'Elephas antiquus et l'Elephas meridionalis ; mais nous ne pensons pas qu'on ait rencontré dans le bassin jurassien des débris de cette dernière espèce; quant à l’Ælephas antiquus, on en a recueilli des dé- bris, ainsi qu'un squelette entier de Rhinoceros leptorhinus, dans la tourbe de Durnten. Il est, du reste, aisé de comprendre pourquoi la faune anté-glaciaire est à peine représentée dans cette région. Les amas de neige et de glace qui, pendant la première période glaciaire, recouvraient tout le bassin juras- sien, ont pour ainsi dire décapé et raboté le sol. Non seule- ment les débris d'animaux renfermés dans les dépôts de la pé- riolde anté-glaciaire, mais ces dépôts eux-mêmes, ont disparu. La faune inter-glaciaire, bien plus riche que la précédente, ne possédait plus de mastodontes ; elle était surtout caractéri- sée par l'Zlephas primigenius où mammouth, dont on retrouve les débris à chaque instant, tantôt dans une localité, tantôt dans une autre. L’Elephas primigenius avait une taille un peu supérieure à celle de l'éléphant des Indes; sa peau était re- couverte d’une laine épaisse mêlée de crins longs de 15 pouces. Avec cet éléphant existaient l'ours des” cavernes { Ursus spelæus), d'un tiers plus grand que l'espèce vivante, le loup — 408 — Tableau IX. Néolitique ou PÉRIODE POST-GLACIAIRE...... s ds DEUXIÈME PÉRIODE GLACIAIRE ÉPOQUIES RE JOVIENNE ou PÉRIODE QUATERNAIRE Paléolitique.../ PÉRIODE INTER-GLACIAIRE..... PREMIÈRE PÉRIODE GLACIAIRE Terre végétale. “ de ÉSLORIQUES..: . 4e RDS nl Aa ne noie = UT RANORURE Eboulis. = Lee te L rer Dépôts de tuf. HE US ROUE 5 | ON RSSTSRS Habitations lacustres de la pierre polie. ..... de la Suisse, de la Sa- voie. Limon sous-végétal. — Lehm du Rhin et dépôts lehmiens.— Terre à pisé de la vallée du Rhône. Moraines en Suisse et dans les Vosges. — Alluvions anciennes avec Elephas primigenius dans le Jura. Terrain sidérolitique quaternaire. — Diluvium rouge sans fossiles de la vallée du Rhône. — Remplissage des cavernes à ossements. Marne argileuse lacustre, avec débris d'éléphant et coquilles fluvia- tiles et lacustres, dans la partie de la plaine bressane correspondant au département du Jura. Diluvium à quartzites de la vallée du Rhône et du pourtour du Jura. Diluvium vosgien {en partie). Blocs erratiques alpins dans le Jura oriental et méridional.— Moraines et terrain glaciaire des glaciers spéciaux au Jura. Conglomérat bressan et de la forêt de Chaux (Jura). — Diluvium vos- gien (en partie). — Tourbières de Durnten et d'Utznach, en Suisse. — 410 — actuel /Canis lupus), la Lutra antiqua (espèce éteinte), l'hyène des cavernes (Hyena spelæa), le lion des cavernes (Felis spe- læus), le rhinocéros à narines cloisonnées /Rhinoceros ticho- rinus), l'hipparion, le cheval fossile (£quus fossilis), le sanglier de l’époque actuelle (Sus scrofa fossilis), le cerf gigantesque (Cervus giganteus), un daim de grande taille (Cervus dama gi- gantea), l'élan (Cervus alces), un antilope, le bœuf primitif (Bos primigenius), etc. * D'après ces indications, le lecteur peut se faire une idée de ce qu'était la faune de la période inter-glaciaire dans le bassin jurassien. Les débris de cette faune se trouvent dans les ca- vernes à ossements, dans les alluvions anciennes, dans les dépôts lehmiens, et, d'une manière générale, dans les forma- tions datant de la seconde période glaciaire. Ce serait, pour- tant, une erreur de croire que ces animaux n'ont vécu que pendant cette période; mais c'est alors seulement que leurs ossements ont rencontré des circonstances favorables à leur fossilisation. Quant à la faune de la période post-glaciaire, elle était composée des mêmes espèces qui vivent actuellement en Europe et même, pour la plupart, dans le bassin jurassien. Si elle diffère de la faune qui habite aujourd'hui le Jura et les régions voisines, c’est par suite de la disparition de cer- taines espèces dont l'homme a déterminé la destruction. C'est ainsi que le cerf, le castor, l’aurochs, etc., ont cessé d’habiter le Jura et les plaines voisines ; il en sera bientôt de même de l'ours, du sanglier, du chevreuil. Cet appauvrissement per- sistera jusqu'à ce que l'homme ne soit plus entouré que des animaux que leur utilité l’engagera à protéger. Formations correspondant à la période quaternaire dans le bassin jurassien. — Le cadre que nous nous sommes tracé ne nous permet pas de présenter ici une description même som- maire des formations qui, dans le bassin jurassien, datent de l'ère jovienne. Nous avons dû nous borner à énumérer, dans — 411 — le tableau IX, les principales de ces formations, en les ran- geant d’après leur ordre chronologique. Ce tableau nous montre la première période glaciaire divisée en trois époques. La première époque, comprenant les terrains de transport antérieurs aux premiers glaciers, est représentée : 1° par la tourbe de Durnten et d'Utznach, la plus ancienne que l’on connaisse, puisque l'ère jovienne est la seule époque pendant laquelle la tourbe se soit formée ; 2° par une partie du dilu- vium vosqien recu dans la vallée de l'Ognon, par le terrain de transport de la forêt de Chaux (Jura), également d'origine vosgieune, et par le conglomérat bressan. Ce conglomérat marque le commencement de la période quaternaire et non la fin de la période tertiaire, car il a été produit par les cou- rants diluviens auxquels les glaces et les neiges perpétuelles - ont donné naissance dès leur première apparition dans les Alpes. A la seconde époque correspondent : 1° le terrain glaciaire se rattachant aux glaciers spéciaux au Jura; 2° les blocs erra- tiques alpins qui, sur le versant oriental du Jura, forment comme une gigantesque moraine. La troisième époque, comprenant les terrams de transport immédiatement postérieurs aux premiers elaciers, est repré- sentée par une partie du diluvium vosgien, ainsi que par le diluvium à quartzites de la vallée du Rhône et du pourtour du Jura. Les formations se rattachant à la période inter-glaciaire ont presque toutes disparu à la suite des phénomènes d’'érosion dus aux glaciers et aux Courants diluviens de la seconde pé- riode glaciaire. Elles né sont guère représentées que par les dépôts fluviatiles ou lacustres que leur situation au fond de la plaine bressane a mis à l'abri de toute destruction. Il n'en a pas été de même pour les dépôts existant dans les autres parties du bassin jurassien, et notamment dans la plaine hel- vétique. Du reste, les formations de la période inter-glaciaire HORS devaient ressembler tout à fait à celles qui se constituent de nos jours. La seconde période glaciaire, comme la première, comprend trois époques. À la première époque correspondent le terrain sidérolitique quaternaire et le diluvium rouge sans fossiles de la vallée du Rhône. Ce diluvium doit sa coloration aux substances que les phénomènes sidérolitiques, au moment de leur dernière manifestation, apportaient avec eux. De cette époque date également le remplissage des cavernes à ossements. La deuxième époque est représentée, dans la plaine helvé- tique et sur le pourtour des Vosges, par le terrain erratique et par des moraines parfaitement conservées. A cette époque ap- partiennent aussi les alluvions anciennes du Jura et des ré- gions limitrophes. Ces alluvions se distinguent des dépôts diluviens proprement dits, parce qu’elles ne se rattachent pas, directement ou indirectement, aux glaciers. Leur situation topographique et la présence des débris d’Elephas primigenius achèvent de les caractériser. Enfin, à la troisième époque appartiennent le lehm du Rhin, la terre à pisé de la vallée du Rhône et le limon qui sépare ordinairement la terre végétale de la roche en place. Les formations que nous avons énumérées dans le ta- bleau IX comme datant de la période post-glaciaire ou actuelle, ont pour caractère commun d'être presque exclusivement spé- ciales à cette époque. Sans doute, il s’en est constitué de sem- blables pendant les périodes antérieures, et notamment pen- dant la période inter-glaciaire; mais, par suite de leur situa- tion superficielle, de leur peu d'épaisseur et de leur faible cohérence, celles d’entre elles qui existaient antérieurement ont été rapidement détruites. Les éboulis, la tourbe, la terre vé- gétale, sont toujours de date récente et, dans quelques cas, ne remontent pas au delà des temps historiques. INTRODUCTION, ,,.......4 LAN RENE CAL DL MONET: D 195. PREMIÈRE ÉTUDE. — LE BASSIN JURASSIEN. CHAPITRE I centre de sédimentation constitué par le bassin jurassien, formation géogénique correspondante. Centres de soulèvement et centres de sédimentation. — Apparition si- multanée des bassins parisien et jurassien. — Formation géogénique correspondant au bassin jurassien : substratum, infrastratum, inter- stratum, superstratum, dépôts superficiels. — Absence de superstra- tum dans le Jura ; formation géogénique incomplète. — Relations entre les anciens bassins géogéniques et les bassins hydrographiques de l’époque actuelle. — Plan de cette Etude, ,,,,.44..1.41.0s00. P: 201. CHAPITRE IT constitution géogénique du bassin jurassien. — Terrains antérieurs à la formation jurassique, Classification des terrains adoptée dans ces Etudes. — Constitution géo- gnostique du bassin jurassien. — Roches éruptives. — Substratum des formations anté-triasiques. — Le bassin jurassien pendant la pé- riode paléozoïque. — Terrains trilobitique, houiller et permien.— Zone morvando-vosgienne; formations qu'on y observe; terrain houiller, nouveau grès rouge, schistes d'Autun, grès vosgien,...,,.,,,, p. 217. CHAPITRE II Terrain triasique, — Infralias. Division du trias en étages ; quatrième terme représenté par le calcaire de Saint-Cassian. — Caractères généraux du terrain triasique. — Le trias dans le centre du bassin jurassien, dans sa partie occidentale et septentrionale, et dans le massif alpin. — Terrain triasique du Jura; marnes irisées; sel gemme du keuper. — Infralias; arkose infralia- sique ; lumachelle; bone-bed.,,,,,,45..pssevevvnnenoseonsore D. 295. — 414 — CHAPITRE IV classification äu terrain jurassique. Signification qu'il faut donner à l'expression de terrain jurassique. — Méthodes de classification applicables à ce terrain. — Sa division en deux séries : lias et oolite, en cinq systèmes et en treize étages. — Di- vision en trois groupes : terrain jurassique inférieur, moyen et supé- rieur.— Terrain jurassique lacustre.— Classifications diverses. p.251. . CHAPITRE V Caractères genéraux du terrain jurassique. Mers de la période jurassique en Europe et dans le bassin jurassien. — Climat, faune et flore de la période jurassique. — Caractères stratigra- phiques, pétrographiques et paléontologiques du terrain jurassique. — Sa puissance el sa répartition géographique. — Formation lacustre supra-oolitique ; émergement momentané du bassin jurassieñ. p. 267. CHAPITRE VI Terrain crétacé. Division du terrain erétacé en systèmes et en étages. — Mers, climat, faune et flore de la période crétacée dans le bassin jurassien. — Stra- tigraphie générale et distribution géographique du terrain crétacé. — Ses caractères pétrographiques et paléontologiques. — Système cré- tacé inférieur ou néocomien. —- Système crétacé moyen ou du grès vert. — Système crétacé supérieur ou de la craie blanche. — Nouvel émergement du bassin jurassien,..,,,.,,,.,....,,,,,.,..,,.4 D. 280. CEACP TDR EVA Terrain tertiaire. Considérations générales sur le terrain tertiaire; sa division en systèmes et en étages. — Terrain parisien supérieur ; nagelfluhe et sables sili- ceux éocéniques ; argiles bigarrées; terrain sidérolitique. — Système miocène; ses caractères généraux, — Terrains tongrien et falunien inférieur. — Terrain falunien supérieur. — Système pliocène : carac- tères généraux; division en étages. -- Terrain lacustre de la Bresse, du Locle et de la Haute-Saône. -— Emergement définitif du bassin jurassienanen nee nt ed ta TOO Al CHAPITRE VIII Mouvements du sol qui ont successivement modifié la forme du bassin jurassien. Principes servant de base à l'étude des mouvements qui ont affecté le bassin jurassien. — Mouvement d'exhaussement périphérique. — Mou- vement d'affaissement central. — Exhaussement latéral du bassin ju- rassien. — Centre secondaire de soulèvement de la Serre. — Mouve- ment général d'oscillation. — Mouvements accomplis dans le bassin jurassien pendant la période tertiaire et après le soulèvement du Jura. — Concordance de stratification entre tous les terrains qu'on observe CASE ANA nn no lee say ee ge que eee TO UE I A ET CHAPITRE IX . Phénomènes qui ont déterminé le comblement du bassin jurassien: actions geysérienne et détritique. Division des roches sédimentaires en deux groupes : sédimentation mé- canique, sédimentation chimique. — Action détritique ; comment elle a varié dans son intensité et dans la nature de ses matériaux. — Ac- tion geysérienne ; changements qu'elle a éprouvés dans son énergie ; son mode de manifestation et la nature de ses produits. — Diverses émissions —Terraim sidérONIQUE. 5 «4 eue comes cernes NOEL CHAPITRE X Répartition générale des sédiments. — Phénomènes postérieurs à leur dépôt. Distribution géographique des sédiments. — Leur répartition dans le sens vertical et dans le sens horizontal. — Puissance des dépôts pro- portionnelle à la profondeur des eaux qui les ont reçus. — Actions moléculaires postérieures au dépôt des sédiments. — Phénomènes d'érosion et de dénudation; ablation des terrains...,,.,,.,.,., p. 359. CHAPITRE XI stratigraphie générale. — Actions dynamiques datant de la période tertiaire. Les failles et les soulèvements en voûte : leur âge, leur mode de for- mation, leur distribution géographique et leurs relations mutuelles. — Evénements géologiques accomplis, dans le bassin jurassien, pendant la période tertiaire. — Relations géogéniques et chronologiques entre ces événements. — Déformation des nappes correspondant à chaque LS 700 OT I OS TO MONO NTI p. 379. Ho TA CHAPITRE XII Le bassin jurassien pendant la périede quaternaire. Le bassin jurassien au commencement de la période quaternaire. — ; Brusque refroidissement du climat. — Division de l'ère jovienne en , périodes et époques. — Périodes paléolitique et néolitique. — Le climat du bassin jurassien pendant les périodes tertiaire et quaternaire. — Faune; flore. — Formation correspondant à la période quaternaire dns le DASSIN JUPES, RE nerve Laser OS pairé Bo si Le énonce fe: nai | pois. 10 'rreteesiôia TE Moine po su Hinoërs baie op 1e otfbimat-sshol dy eo! Satp.efo Es : Bl-4 15407 TT 2 CN j à Su OU Ef 8P ne jgAl NM °ZLIW CMOS NAT] SIY4) SITUFSUIY SZNTY (ocg 6eL4 ) C gl 1 $J _— 3 | (PES DEL 1 ) | / ta l'Id 2772 Z2 7029 3/81 sqn0oqnp INWT,p 206 Soc. d'Emul. du Doubs, 1872 Géol du dura. Pal: 1. . = nm T L 4 . Li Î : es LI tré — 4 L - » PRE, DE be LER-v'er __— l F Le: . >» ï ms à z. 2 CS me ne : 50) nee mr nt me — + È ; £ 4 É = és Ne Get véu/ ÉPCRTAS L-+ dRRAe ci + ee jé Geo du Jura. PI. IV. rlassin Mont-Blanc k Plain: : D Mer Nummulitique. Soc. d'Emul! du Doubs 1872 Géo! d'u Jurë PI.IV dessous de celle qui lui correspond dans 3NYo] F ci 2 < è COUPES # Mont-Blanc ù S (S] D_— tÈ î Se dirigeant, du sud-est vers le nord-ouest Côle d'Or Ë J ure 5 Plaine Helvétique D — = à < << à travers le bassin jurassien, el passant en : 5 = cù par le Mont-Blanc, le Haul-Jura, le Mont- ——— = — — = = = (NC _— ES eu Poupet . la Serre el la Côte-d'Or. Ces [um —— EE —— — ” È coupes donnent une idée des changements ° = È qui ont été successivement apportés dans È È la configuration générale du bassin juras- Mer Falunienne Helvéti >: = = $ sien. Elles montrent notamment comment a à de = — F4 S les mers ont diminué d'étendue el se Er = St $ sont déplacées du nord-ouest vers le sud- = Cu © est. Dans ces coupes, la partie noire re- : & DT DES présente l'espace recouvert par les eaux, [mr = = 5 :} S È chaque région est placée directement au- S D PFresphere le diagramme du bassin jurassien pendant = ee l'époque actuelle. F M er Néocomienne VIII Époque actuelle. ŒSPER: € D “ VII. _ falunienne. = Es Le — nummulitique. 1 a ei lienne ee \er Aiimmerlidienne à Ne — de la craie blanche. 1 —_—— SE & I ONOS71/A10 € _ IV — néocomienne & ui. — kimméridienne. = È« x D S SR: IL. — lédonienne 5 | rs" à $ IL. — lriasique. : {| S Tr f ESS Mer I D à | ALES [| œ—— SIMON DE QUINGEY PAGE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE ET PRES ONNIPER,, DE LOU Fe UE -PAR JULES GAUTHIER ARCHIVISTE DU DÉPARTEMENT DU DOUBS. Séance publique du 14 décembre 1871. 30 dé LAN rer! c | 3 ; Pa No Te ve: FANS * , ‘TE “ho 9 pt bte à : : : Ta ratio TT je : ‘ f 2) Ra RICO D EU IAIT Pe TNLe L L . : > ya te | DE 4 : Ah ; ! À AU 1} } Les ua Ep ris 2411500008 g' 60. e11a)tV 1880 He + PR EU PE PP RS PE EE TU M SIMON DE QUINGEY Page de Charles le Téméraire et prisonnier de Louis XI Il est un certain nombre de personnages qui, par l'émi- nence de leurs talents, le brillant de leurs qualités, l’impor- tance des résultats de leur passage, remplissent à eux seuls toute une époque de l’histoire : tels sont, au quinzième siècle, Charles le Téméraire et Louis XI. L'un de ces rivaux, par l’impétuosité de ses passions 9heva- leresques, l'audace ou le succès de ses entreprises, la magni- ficence inouïe de son luxe, a exercé sur tout son siècle une fascination dont ses malheurs et sa mort n’ont pu rompre le charme ; l’autre, par les ressources infinies de son esprit, le machiavélisme de sa politique, le sombre mystère de ses in- trigues ou de ses crimes, a inspiré à ses sujets comme à ses ennemis une méfiance et une terreur que leurs descendants ont partagées. Tous deux, par des moyens divers, ont prodi- sieusement frappé l'imagination de leurs contemporains; tous deux ont eu cette heureuse fortune d'être de leur vivant même , transformés en héros de légende, et d'obtenir de la faveur po- pulaire une consécration que l’histoire ne saurait donner. Ceux qui, autour de ces grands noms, ont joué seulement un rôle secondaire, empruntent quelque reflet à leur gloire. Amis ou serviteurs de princes auxquels la renommée a fait — 420 — une si large part, les traits saillants de leur vie ont quelque droit d'être connus et quelque chance d'éveiller un instant l'intérêt. C'est ce qui m'a fait entreprendre d’esquisser briève- ment la biographie d'un Franc-Comtois oublié, Simon de Quingey, qui, dans le cours d'une carrière aventureuse, fut page de Charles le Téméraire, resta trois ans prisonnier de Louis XJ, et mourut conseiller de Marguerite d'Autriche (1). Simon de Quingey appartenait à une vieille famille plé- béienne des bords de la Loue, qui, par des charges de magis- trature ou des fonctions militaires, s'était élevée, sous nos premiers comtes, jusqu à l'aristocratie, et avait transformé en titre de noblesse son nom d'origine (2). Ses ancêtres obtinrent par leur mérite une situation que beaucoup ne doivent d'or- dinaire qu'au hasard de la naissance : l'un, Eudes, était de- venu baïlli général de la province, et était resté longtemps le plus intime conseiller de Phihppe le Hardi ; un autre, Guil- laume, avait été pris par les Turcs à Nicopolis (G), en même temps que le comte de Nevers (1395). Son aïeul et son père, après avoir guerroyé dans les armées de Jean-sans-Peur et de Philippe le Bon, et y avoir conquis leur titre de chevalier, avaient acheté, dans la vallée de l'Ognon , un vieux château où s'installa leur famille. Ce fut dans la tour de Monthoillon (1) Une notice sur Simon de Quingey et sa captivité dans une cage de fer, composée par feu André Sazmon sur des documents puisés aux archives municipales de Tours, a été publiée dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, année 1853. En introduisant dans notre histoire franc-comtoise les éléments que m'a fournis cette notice, j'ai pu com- pléter la biographie du prisonnier de Louis XI par de nombreux détails que j'ai trouvés dans les dépôts de Besançon, Dole et Dijon, ou qui m'ont été envoyés de Bruxelles et de Lille par l’obligeance d'éminents con- : frères. (2?) Les premiers chevaliers de la maison de Quingey apparaissent au xum° siècle sous la comtesse Alix, et, plus tard, figurent dans la cour du comte Othon IV. (Nobiliaire de Duvernoy; — Archives des Jacobins de Quingey.) V. Pièces justificatives, n° I. (3) Guillaume de Quingey était encore prisonnier en Turquie le 18 juillet 1397. (Chambre des comptes de Dijon, B. 11715.) ‘ — 421 — ou au château de Quingey que dut naître, en 1448, Simon, fils de Pierre de Quingey et de Béatrix de Rye. L'enfant, resté de bonne heure orphelin par la mort de son père et le second mariage de sa mère, fut, par le crédit de sa parenté, admis comme page à la cour de Bourgogne. On l'initia au métier des armes ; mais en même temps la distinc- tion naturelle de son esprit fut rehaussée par une certaine éducation littéraire, et à quinze ans on l’attacha à la maison du jeune comte de Charolais (1). Cet événement décida de ses destinées, qui restèrent liées à celles de Charles le Téméraire. Deux ans plus tard, à la bataille de Montlhéry, où la fortune de Bourgogne l'emporta sur celle de France, Simon de Quin- gey combattait aux côtés du vainqueur de Louis XI : un ins- tant la mêlée fut épouvantable; le cheval de Charles tombe mortellement frappé, les ennemis entourent le prince et vont le faire prisonnier, mais son compagnon le dégage en lui cé- dant sa monture et en lui ouvrant un chemin à la pointe de l'épée @). Le comte de Charolais, devenu duc de Bourgogne, n’oublia pas son libérateur ; il le nomma son échanson, lui donna la capitainerie du château de Quingey, en le retenant toujours auprès de sa personne. Cette faveur lui valut de prendre une part active et glorieuse aux expéditions tour à tour heureuses et néfastes de Flandre et de Picardie (3),,Dans cette dernière, (1) En 1460-65, Simon de Quingey était déjà inscrit dans la maison du comte de Charolais. (Gocuur, Mémoires historiques, édit. Duvernoy, col. 1191.) Chege 11 changea incontinent de cheval et luy en baïlla on ung qui estoit à son paige, qui avoit nom Simon de Quingey, qui depuis a estè bien congneu (16 juillet 1465)... » (Communes, édit. Dupont, t. I, p. 43, — Gorrur, col. 1216.) (Bhrers. A Simon de Quingey, escuier eschancon de Monseigneur, la somme de xxxu livres (de xz gros) pour don à luy fait par icellui sei- gneur pour aucuns aggréables services qu'il luy a faiz dont il ne veult plus ample déclaration icy estre faicte. » (Comple de Guizeert ne RUPLE, argentier du duc de Bourgogne, pour l’année 1168, no 1968, fol. xx r°; TN NT TP OP OP es DT NS PP ES D BU , JT OUT TITI — 422 — le duc, abandonné par la fortune, dut s’humilier devant le roi de France : le seul diplomate envoyé pour traiter des condi- tions d’une trêve fut encore Simon de Quingey, qui, à peine âgé de vingt-trois ans, avait, dans de précédentes occasions, su mériter toute la confiance de son maître {mars 1471) (1) La trêve de Picquigny fut signée; mais, pour arriver à la conclusion d’une paix durable, de longs pourparlers étaient nécessaires : Simon resta chargé de cette mission délicate et dut, à plusieurs reprises, venir conférer avec Louis XIE (2. II ne nous est resté qu'une seule de ses correspondances adressée à un officier du roi; en voici un passage, qui contient sur Charles le Téméraire des détails curieux, rendus piquants par le style naïf de son ambassadeur : « Monsieur l'écuyer, jay présenté vostre homme à monsei- gneur le duc, lequel vous fait réponse sur chacun des articles; mais pour ce qu'il l'a fait de sa main, il l'a mis au plus court Registres des Chambres des comptes, aux archives de Bruxelles.) — Si- mon de Quingey est porté comme capitaine et châtelain de Quingey dans les comptes du domaine de 1468 à 1475. (B. 1765 et 1777; Ch. des comptes de Dijon.) {1) «….… En ces entrefaites envoya le duc de Bourgongne ung paige nommé Simon de Quingey, qui depuis a esté baïllif de Troye. » /Com- Mines, édition Dupont, t. I, p. 225-226); — Chronique de Moxier, col. Buchon, t. IL, p. 45. — L'année précédente Simon avait été déjà envoyé en ambassade auprès du roi de France « pour affaires secrètes. » CRE A Simon de Quingey, escuier eschançon de Monseigneur, la somme de Lvin livres xvr sols, qui deue luy estoit pour xzix jours, com- manchans le xxvin* jour de mars LxIx et finissans le xv*° jour du mois de may Lxx, qu'il a esté, du commandement d'icellui seigneur, avec les seigneurs de Créqui, maistres Jehan Carondelet et Jehan Meurier, en ladicte ambassade pour ladicte cause, dans ce temps pendant avoir esté sr par les escroes. » (Compte de Guizsert DE Rupce, année 1470, 1995, fo 11 eLxxvrr, aux Archives de Bruxelles.) (2) « Le roi a envoyé devers mondit seigneur, et Monseigneur a ren-- voyé devers lui par trois fois en une semaine un nommé Simon de Quin- gey, qu'est eschançon de mondit seigneur. » (Lettre du 19 avril 1471, dans l'Hist. de Bourgogne de D. PLanoner, t. IV, p. eco; — Commis, t. I, p- 281.) — 423 — qu'il a pu, car vous savez qu'il écrit mal et malgré lui. Et pour ce, il m'a dit que je vous écrive que vous dites hardi- ment au roi qu'il se trouve assuré que le roi n’a si petit capi- taine de qui il se serve si bien ni si à sa volonté qu'il fera de Jui (1). » Malgrè ses belles promesses, Louis XI hésitait à se lier par un traité définitif : aussi un an plus tard la paix n'était pas conclue. Simon de Quingey attendait à Paris l'engagement formel du roi, quand la mort subite du duc de Guyenne, prin- cipal allié de la Bourgogne, vint rompre violemment tous ces préliminaires. Les dépêches de Simon avaient à peine prévenu son maître de ce funeste événement, que « presque aussitôt, raconte Commines, le roy renvoya ledict Simon avec très maigres parolles, sans rien vouloir jurer, ce dont le duc se tint fort mocqué et mesprisé, et en eut très grant dépit (2). » Dès lors les événements politiques se précipitent : l'ambi- tion démesurée de Charles lui tourne la tête et le lance dans de folles entreprises qui, habilement exploitées par son rival, entrainèrent fatalement sa chute. Simon de Quingey, devenu gentilhomme de la Chambre du prince (3), suivit son maître en Allemagne, en Alsace, en Lorraine; il était à Morat et à Granson, et avait contribué à lever les dernières troupes qui, devant Nancy, dans une dernière bataille, périrent avec le grand duc d'Occident. Louis XI triomphait : la mort de son ennemi lui livrait sans défense quatre florissantes provinces ; l'héritage de Charles le Téméraire tombait entre les faibles mains d’une jeune fille, soutenue uniquement par son bon droit et la fidélité de quel- ques serviteurs que ni l'or ni les promesses n'avaient pu cor- rompre. Simon de Quingey était au nombre de ces derniers. a —— —— (1) Commines, t. IIT, pp. 6-7. (2) Comminess, t. I, p. 278. (3) Il l'était en 1472. (Etat de la maison de Charles le Téméraire, fo 13 f°;— COoMMnES, t. I, p. 43.) — 424 — Echappé au désastre de Nancy, il était rentré en Franche- Comté pour y préparer la résistance : déjà les Français y avaient pénétré. Appelés aux armes par Marie de Bourgogne, qui bientôt épousait Maximilien d'Autriche, les Franc-Com- tois se soulevèrent et chassèrent les garnisons ennemies : le prince d'Orange, Simon de Quingey, Claude de Toulongeon recrutèrent des troupes en Suisse et dans les terres d'Empire; les villes fortifièrent leurs remparts, la défense s'organisa. Mais l’armée d'invasion, victorieuse à Marnay et à Emagny, parut en un instant devant la capitale de la province. Au mois d'août 1477, Dole, où Simon de Quingey s'était retranché avec 2,000 soldats alsaciens, était investie par des forces six fois supérieures : l'argent et les vivres manquaient dans la place ; mais Ceux qui y Commandaient se tournèrent par intelligence, disent les auteurs contemporains qui ont raconté les péripéties du siége et les exploits des combattants. Stimulés par le cou- rage personnel de leur chef, soutenus par les ingénieuses res- sources de son esprit, les Dolois firent merveille, au dire du chroniqueur Jean Molinet (1). Au bout de huit jours d’assauts et de canonnades inutiles, une sortie, aussi vigoureuse qu'im- (1) « …… Dans la ville de Dole estoit principal capitaine le seigneur de Montballon, et le chevalier de Berne, accompagné de 900 suissers avec aulcuns autres jusques au nombre de deux mille combattans françois, par l'espace de huit jours continuels battirent la muraille et minèrent tellement qu'ils estoient dessoubs les murs de la ville, puis donnèrent plusieurs assaults, Allemans par dedans la ville avoient faict un merveilleux abloc de bois; si laissèrent monter leurs ennemis jus- ques au nombre de neuf cents cuidans avoir gaigné, pour tant qu'ils estoient sur les murailles. » Mais quand bon sembla aux Allemans de besougner, ils dechargè- rent leurs engins tout à ung coup, et renversèrent les François de haul- teur au dedans les fossés; puis par une secrète voye sortirent hors de leurs forts et les occirent au nombre de huit à neuf cents. Adonc furent François fort eslouney et desconfiz, tellement que tost après levèrent leur siége, boutèrent lé feu en leurs tentes et pavillons, et habandon- nèrent leur artillerie, c'est assavoir les trois frères de Beugres, le chien d'Orléans, une bombardelle et aultres engins ; puis se tirèrent en la ducée. » (Chronique de Mouier, t. II, p. 4), col. Buchon.) — 495 — prévue, déconcerta les assaïllants qui, après avoir perdu 1,000 hommes, s'enfuirent en abandonnant au vainqueur leurs tentes, leurs bagages et toute leur artillerie. Ces succès en Franche-Comté, comme les victoires rem- portées par Maximilien dans les Flandres,,amenèrent une suspension d'armes ; mais, quand les hostilités reprirent, les premiers efforts du lieutenant de Louis XI furent dirigés contre Simon de Quingey, qui devait rudement expier ses triomphes de Dole. Cerné dans Verdun-sur-Saône, où il ne pouvait opposer qu'une faible troupe à toute l’armée de Chau- mont d’'Amboise, le partisan comtois soutint héroïquement une lutte inégale (1). Fait prisonnier, on le conduisit sous bonne escorte jusqu’en Touraine, auprès du roi, aux yeux . duquel sa capture avait la portée d’un événement; en effet, sa loyauté, son énergie, sa fidélité à la maison de Bourgogne, non moins que son habileté militaire, le rendaient redoutable au roi de France, qui, maître de sa personne, tenta vainement de corrompre sa conscience et de le gagner à sa cause. Sa ré- sistance aux volontés royales, aussi bieñ qu'une tentative d'évasion qui faillit réussir, lui valurent une captivité plus étroite, et lui méritèrent un supplice presque réservé jusqu a- lors aux seuls princes du sang (@). Entre tous les instruments de torture inventés par Louis XI, (DH Chaumont d'Amboise, après la prise de Dole, Auxone, etc, se rend maitre de la province. Quelques places se rebellent : Beaune, Semur, Verdun. Ceux qui vinrent les occuper donnent temps au gou- verneur de faire son amas et de marcher sur Verdun. Ils y entrent cuy- dant aller à Beaune, et estoient tant de cheval que de pied six cents hommes esluy Allemans de la conté de Ferrette, conduits par aucuns saiges gentilz hommes de Bourgoingne dont Symon de Quingey en estoit ung. Ils s'arrètèrent à l'heure qu'ils povoient bien passer et se mettre audict Beaune, qui n'eut point esté reprenable sur eux si une fois y eussent entrés. Faulte de bon conseil, les fait séjourner une nuict trop où ils furent assiégés et prins d'assault. » Communes, t. Il, pp. 196-197.) (2) Sazuox, Notice sur Simon de Quingey, dans la Bibliothèque de lE- cole des Chartes, t. XIV, 1853. — 426 — il en est qui sont restés justement célèbres : ce sont les cages de fer dans lesquelles il enfermait ses victimes. Ces cages, composées d'une solide charpente de bois, reliée et couverte au dehors comme au dedans par d'épais barreaux de fer, étaient presque carrées, hautes de six pieds, longues et larges de sept ou huit ; d'énormes serrures les fermaient. Inventées, dit-on, pour le cardinal La Balue, elles servirent à empri- sonner encore les ducs d'Alencon et de Nemours, Philippe de Commines et bien d’autres (1). Ce fut dans un cachot de ce genre que l'on enferma le prisonnier comtois après son essai d'évasion Dans cette étroite cellule, trop basse pour qu'avec sa haute taille il pût se tenir debout, de lourdes chaînes scel- lées autour de sa jambe entravaient encore la liberté de ses mouvements. Du château de Plessis, où depuis Verdun il était resté captif, un ordre royal le fit confier à la garde des bourgeois de Tours, au mois de mars 1480. Il fallut abattre et reconstruire des murailles pour faire pénétrer sa cage de fer dans l'intérieur d'un donjon. Là, deux hommes d'armes le surveillaient nuit et jour, outre deux geôliers qui gardaient les clefs de sa prison et de ses fers : un valet, payé par la ville, lui passait sa nourriture à travers les barreaux de sa cage, d'où jamais on ne le vit sortir; mais en dehors de ces gar- diens et des messagers qui de la part du roi venaient prendre de ses nouvelles, nul n'approchait du prisonnier. Bientôt, accablé par les douleurs morales et les souffrances physiques, Simon de Quingey éprouva les atteintes d’une grave maladie. Inquiet de son existence, Louis XI lui fit enlever ses chaînes et lui envoya un médecin : on élargit la charpente de sa cage pour que le malade pût se tenir debout, et, grâce à ces me- sures d'humanité et à sa robuste constitution, plus qu'aux se- (1) Un compatriote de Simon de Quingey, Jacques Carondelet, subis- sait en même temps une aussi dure captivité, et suivait, enchaîné sur un chariot, le roi partout où il se rendait. (Fragments des Comptes de Louis XL.) À L DES EN A RE OUTRE ROUEN AO ORNE PAPE OR PO ER PR PO AL EN EEE — A2 — cours douteux de la médecine d’alors, il ne tarda point à se rétablir. Quelque instant il put espérer la fin de ses infor- tunes : un jour la cage de fer est placée à grand’peine sur un lourd chariot trainé par quinze chevaux, et une nombreuse escorte l'accompagne jusqu'à Plessis-lez-Tours. Le roi de France voulait tenter un dernier essai de séduction sur cet homme dont la captivité avait pu briser l'énergie, et essayer encore une fois de l’attacher à son service en l’associant à ses desseins. Comme tous les despotes, Louis XI croyait peu au dévouement de son entourage, et la conquête d’un homme demeuré si fidèle à ses maîtres lui semblait une utile entre- prise. Mais si de semblables tentatives avaient pu réussir au- près d’âmes vulgaires, elles ne pouvaient agir sur l’âme ré- solue et vigoureusement trempée de Simon de Quingey. Après trois jours de conférences avec le roi, qui ne put vaincre sa conscience ni acheter sa soumission, Simon et sa maison roulante furent renvoyés à Tours; en jroute, le chariot qui portait la cage se rompit sous ce poids énorme, et il fallut de longs et pénibles efforts pour rétablir le captif dans la prison où paraissait devoir s'éterniser son supplice (1). Tandis que cette captivité se prolongeait, la conquête des deux Bourgognes s'était accomplie : d’Amboise, digne exécu- teur des volontés royales, n'avait épargné pour réussir aucun des moyens d'intimidation ou de rigueur qu'un vainqueur (1) « Item le xxvrr jour dudict moys d'avril, en suivant que le roy s'en estoit party de la dicte ville xv jours d'avant pour aller au pays de Gas- tinoys, sire Loys de la Mèzière, maistre d'ostel dudict sire, dist audict maire que le roy luy avoit enchargé que Symon de Quingé, prisonnier en la caige de fer en l'ostel dudict maire, fust defferré par maistre Lau- rens qui avoit la clef de la fillette, et aussi que la dicte caige fust ouverte par les almens qui en avoient la clef, pour savoir si ledict de Quingé estoit point blecié en la jambe où estoit ladicte fillette et aussi s'il avoit nulle autre malladie, pour ce que très fort se plaignoit, et que ce jour ledict maistre d'ostel et autres souppèrent en l'ostel dudict maire pour faire ce que dit est, ce que fut fait et y fust despendu.....…. xvir * 1xdt, » (Pièce justificative n° 13 de la Notice sur Simon de Quingey, par SALMON.) — 428 — barbare prend plaisir, nous le savons, à infliger à ses victimes. Ceux qui avaient organisé la défense étaient morts ou prison- niers. La capitale de notre province était détruite, les villes et les châteaux (y compris celui de Montboillon) (1) brûlés, le pays dépeuplé; la haute noblesse s'était vendue à prix d'hon- neurs ou d'argent; Louis XI régnait en Franche-Comté. Soudain la paix d'Arras, amenée par des nécessités politi- ques, rétablit un semblant d'union entre la France et l'Au- triche, et prépara indirectement le retour de notre pays à ses légitimes souverains (1483). Parmi les diplomates qui vinrent à Arras négocier le ma- riage du dauphin et de Marguerite d'Autriche, plusieurs an- ciens conseillers de Marie de Bourgogne s'intéressaient au sort de Simon de Quingey : les démarches qu'ils tentèrent auprès de Louis XI eurent un plein succès; car, peu de temps avant la mort du vieux roi, Simon était mis en liberté (2). Charles VITE eut quelque égard pour le prisonnier si cruel- lement traité par son père : il lui restitua de suite une partie de ses biens confisqués en 1478 au profit de seigneurs fran- ais (3), et en attendant qu'il pût lui rendre sa terre de Quin- gey, aliénée par le domaine, il lui donna la charge de baiïlli royal de Troyes (). Neuf ans s’écoulèrent : l'accord entre l'Au- triche et la France fut de nouveau rompu par le mariage de Charles VIII et d'Anne de Bretagne, et Simon de Quingey vint rejoindre, sous la bannière de Maximilien, ses compa-. gnons d'armes de Dole et de Verdun. En 1493, nous le retrou- vons commandant une partie des troupes comtoises qui chas- sèrent de Franche-Comté les derniers soldats de Baudricourt re (1) En 1557 le donjon de Montboillon était en ruines, par le fait des dernières guerres. (Archives du Doubs; Ch. des comptes, nouv. fonds, M. 178.) (2) Pièces justificatives, n° VI. (3) En L481 et 1482, la châtellenie de Quingey était entre les mains de Pierre d'Aulx. (Ch. des comptes de Dijon, B. 1786.) (4) Gozzur, col. 1398 ; — Commines, t. I, pp. 225-226. À é nn dE CR and sains La LE: CARO RE. nf . 2 SÉi # = A War À + Li + = en: “à ] ms «4 Er Se ns Frs 3 x Tr ; S % | Vs #1 d f q pe L 4 . Ç " en LE et le x. \ ” és JE x a ‘ v? y . » # le Le TES “E 7 ( i ÿ | ira tre CFA , Æ $ 2 L FaTE FR 11 F* t LE / Î L 1 è AA v to 2 è EX . LA Fa j £ | \ 1€ 1 . ; LIVES RÉ Ve ÿ ge LA % ê . nl : (3 P) aan fjE sava.. CERE HIS, # e x 13 GNT SN A TER CES URLS) | LE THEATRE DE VENONTIO ET LE SQUARE ARCHÉOLOGIQUE DE BESANCON. “Onov d’algects ÊctTt nôokewv, ovdel àv Ehouo Tv Aaurpotépay Édoas TAV TaTpiÈa- « La ville que l'on préfère, que l’on trouve belle entre toutes, est pour cha- cun celle qui se nomme la patrie. » . (Lucien, Eloge de la patrie, à 2.) Le 19 décembre 1867, je lisais, devant la Société d'Emula- tion du Doubs, une dissertation ayant pour objet d'établir que le capitole de Vesontio, dont on supposait les vestiges sous le sol de notre place Saint-Quentin, existait de fait au centre de la partie plane de la presqu'ile de Besançon : je montrais ses ruines englobées dans une terrasse, qui s'élève de huit mètres au-dessus du sol romain et présente un volume de plus de cinq mille mètres cubes ; je prouvais que le vocable Monti- culus capitolii, qui se rencontre dans le rituel de saint Pro- thade, que le lieu dit Capitolium, inscrit dans plusieurs chartes des douzième et treizième siècles, ne pouvaient s'ap- pliquer qu'à cette terrasse ; j'établissais que le nom de la rue du Chateur, laquelle longe toute une face du monticule en question, dérivait en droite ligne du mot Capütolium par les intermédiaires Chatol, Chatoul et Chatour (). (1) Le Capitole de Vesontio et les capitoles provinciaux du monde ro- main, dans les Mémoires de la Sociélé d'Emulation du Doubs, 4° série t. IV, 1868, pp. 201-235, avec 3 pl. 77e TRS — 464 — Cette solution semblait contredite par une phrase de la lé- gende de l’évêque saint Maximin, de Besançon, phrase ainsi conçue : « Il Consacra au culte de saint Jean-Baptiste une église dans le forum de la cité, auprès du capitole(l). » Or l'é- glise dédiée à saint Jean-Baptiste occupa, jusqu'en 1794, une surface qui n'est séparée de la place Saint-Quentin que par une ligne de maisons : d'où l’on concluait que l'église dont il s'agit étant, de par la légende, assise dans le forum de la cité, la place Saint-Quentin, qui en était voisine, avait été indubi- tablement l'assiette du capitole de Vesontio. Malencontreuse- ment pour ce système, la légende de saint Maximin, son: unique base, appartient à une époque où l'on ne savait plus rien des choses de l'antiquité : en effet, le saint qu’elle con- cerne n'ayant commencé à avoir de culte officiel que dans la première moitié du quinziéme siècle, le récit de sa vie, écrit en vue d’une inserdon dans le bréviaire du diocèse, ne peut être antérieur à cette époque (); il fallait donc en inter- préter les termes d’après les habitudes du style imagé qui avait cours à la fin du moyen âge. Or, dans ce style, le mot marché se traduisait par forum &), et le mot citadelle par capi- tolium (4). Notre légendaire avait à peindre la situation de l’éelise de Saint-Jean-Baptiste. Contre cet édifice se tenait (1) « Ædem sacram in foro civitatis Bisuntinæ, juxta Capilolium, con- secravit in honorem divi Joannis Baptistæ. » (Breviarium Bisunt.) (2) Preuve ne IT. (3) Dans le latin ecclésiastique des xive et xv° siècles, faire un bon mArcué se disait facere bonum rorum (Voir Ducance, au mot Forum). Nos chartes de coutumes de la même époque se servent également du mot forum pour désigner un marché où une halle : « Forum de Joigney,» dit et répète la charte de Jougne, en 1315 (Mém, de la Soc. d'Emul. du Doubs, 4° série, t. VI, 1870-71, texte édit. par M. d. GauTaiER); « Forum est in burgo statutum, » dit la charte de la Rivière, en 1349 (Droz, Bour- geoïsies du rot, p. 89); « Forum Sancti-Quinlini, » disent les Actes du cha- pitre métropolitain de Besancon, en 1411 et 1442, à propos du vieux marché aux grains de cette ville. (4) Voir notre dissertation sur le Capitole de Vesontio, ch. vr. + de dif 1A-R, pe " OPEN ARE LE A LS LE ete à] RS nn dent a. — 465 — alors le marché aux grains de la ville (1), et le monument ou- vrait sur une rampe qui conduit à la citadelle. Voulant noter ces deux circonstances en se servant du latin fleuri de l'é- poque, le rédacteur ne pouvait éviter de rendre le mot marché par forum et le mot citadelle par capitolium. Ainsi datée et comprise, la légende de saint Maximin était mise hors de service quant à l'éclaircissement de la topographie gallo-ro- maine de notre ville : dès lors elle ne faisait plus obstacle aux textes antérieurs qui, d'accord avec le témoignage de ruines splendides, attestaient que le temple capitolin de Ve- sontio s'était élevé ailleurs qu'auprès de l'église de Samnt-Jean- Baptiste. | Une objection subsistait néanmoins. Des creusages opérés aux dix-septième et dix-huitième siècles, pour des construc- tions parallèles au flanc d'amont de l'église de Saint-Jean- Baptiste, avaient mis en évidence une suite de grandes dalles, dressées sur un soubassement de moulures dont le socle se terminait en mauière de gargouille. Ces dalles avaient une disposition curviligne et étaient adossées à un blocage. Par derrière cette précinetion, se montrait une bâtisse plus élevée, faite en pierres de petit appareil et présentant ie caractère (1) Dans un acte d'amodiation des droits de l'abbaye Saint-Paul de Besançon sur les revenus du marché aux grains de notre ville, en 1363, le terrain affecté à la tenue du marché est ainsi délimité : « Qui locus durat et intelligendus erit duraturus.…., ab EcGLESIA SANCTI-JOHANNIS- Baprisre Bisunrint usque ad turrim Sancti-Quintini Bisuntini, et usque ad capellam Sancte-Brigide et domum Petri de Claravalle, clerici, no- tarii curie Bisuntine, et non ultra. » (Arch. du Doubs, fonds Saint-Paul, cart. XXL.) — Ce fut seulement en 1435 que l'archevêque abolit ce mar- ché en plein air, pour construire, avec la participation de la commune, une halle aux grains sur la rive droite du Doubs. Or, la légende de saint Maximin traitant de forum l'emplacement de l'église de Saint-Jean- Baptiste, il est certain que ce texte est antérieur à 1435; mais comme, d'autre part, il n'est pas question du culte officiel de saint Maximin, évèque de Besançon, avant l'année 1410, époque de la consécration d'un autel rural sous le vocable de ce pontife, la rédaction de la légende est forcément posterieure à cette dernière date. (Voir Saint Maximin, par l'abbé Sucxer, pp. 29 et 30.) 33 — 466 — singulier de trois ou quatre étages de murs en retrait les uns sur les autres. À ces ruines étaient associés les débris d'une colonnade. De cetensemble, les constructeurs n'avaient laissé debout que huit dalles, qui subsistent encore dans la cave des Frères de Marie. Comme le canal romain, qui amenait dans Vesontio la source d’Arcier, cotoyait ces vestiges, les con- temporains de la découverte n'’hésitèrent pas à voir, dans la muraille à étages, un réservoir organisé pour marquer l'ac- croissement ou la diminution des eaux, et, dans les grandes dalles surmontées d'une colonnade, le pourtour d'une nau- machie alimentée par le canal et destinée à donner aux ha- bitants le spectacle de joutes nautiques (1). Ces explications étranges furent bien vite oubliées : la légende de saint Ma- ximin, considérée à tort comme un texte antique, imposait aux chercheurs l'obligation de restituer à un forum romain tout ce que renfermait le sous-sol de la place Saint-Jean. En 1847, ‘un historien de la province, ayant cru remarquer une analogie entre la ligne courbe des dalles de la place Saint-Jean et une rangée parfaitement droite de dalles qui se voit, en un coin du forum de la capitale du monde romain, proposait à notre Conseil municipal d'acheter une portion de la cave des Frères de Marie, puis d'ouvrir, pour y descendre, une entrée distincte que l’on surmonterait de cette inscription en lettres d'or : Restes du forum romain de Besançon ®. Donc, pour avoir complètement raison de la légende de saint Ma- ximin, ou plutôt des interprétations erronées auxquelles elle avait donné lieu, il était nécessaire que je démontrasse qu'il n'avait pas plus existé de forum sur la place Saint-Jean que de capitole sur la place Saint-Quentin. Un creusage fait, durant l'été de 1870, sur toute la lon- gueur de la portion de notre Grande-Rue qui longe la place Saint-Quentin, creusage poussé jusqu'à une profondeur de (1) Preuve n° V. (2) Ed. Cerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 29.51, — 467 — quatre mètres et demi, devait se charger de donner un dé- menti formel à la prétention de loger sur ce point le capitole de Vesontio : cette fouille, en effet, n'a mis en évidence que des substructions vulgaires bordant la rue antique, et il n'en est pas sorti le moindre fragment de matière précieuse ou élé- sgamment travaillée (1). S'il suffisait d’une constatation négative pour achever la ruine du système qui voulait faire de la place Saint-Quentin l'assiette du capitole de Vesontio, il fallait un plus grand effort pour déraciner le forum dont on prétendait, en vertu de la légende de saint Maximin, gratifier la place Saint-Jean. Là se montraient, dans la cave des Frères de Marie, les vestiges d'un monument romain de premier ordre : il y avait donc lieu, sous peine de laisser à la légende une portion de son crédit, de prouver que ces ruines résultaient d’une construc- tion n'ayant rien eu de commun avec les forum de l'anti- quité. ; J'examinai attentivement, à cet effet, le circuit de dalles existant dans la cave des Frères de Marie, et j'arrivai bien vite à la conviction que ce fragment n'avait jamais pu appar- tenir au pourtour d'un forum. En effet, les forum, places pu- bliques où les négociants causaient de leurs affaires, où les oisifs perdaient leurs pas, étaient situés au centre ou au bas des villes, mais nullement dans des positions élevées et dé- clives comme eût été la place Saint-Jean par rapport à l’en- semble de Vesontio. Les forum étaient rectangulaires, ayant généralement un tiers de plus en longueur qu'en largeur; ils étaient encadrés par des portiques et non circonscrits par des estrades : c’est Vitruve qui en témoigne, et les forum de (4) La place Saint-Quentin est de création relativement moderne; elle fut commencée en 1410 et à peu près achevée en 1512. Antérieure- ment, ce terrain était couvert de maisons qui s'alignaient sur la Grande- Rue. Tel était déjà l’état du lieu à l'époque romaine, car les fouilles de 1870 y ont fait voir une série non interrompue de substructions bordant la grande voie publique. Tout concourt donc à ruiner le capitole imagi- naire de la place Saint-Quentin. — 468 — Pompéi et de Rome confirment en cette matière les asser- tions de l'architecte d'Auguste (1). Le forum de Vesontio, dont je crois avoir retrouvé l'emplacement, parait être également en harmonie avec ces préceptes (2). Tout droit en ce bas monde a pour corrélatif un devoir : si je m'étais permis de déposséder la place Saint-Jean de son forum imaginaire, je me sentais obligé de faire le possible pour substituer à l'erreur détruite une vérité définitivement acquise. Voici comment je raisonnai pour tâcher d'obtenir ce résultat. Le circuit de dalles de la place Saint-Jean, en partie visible dans la cave des Frères de Marie, provenait de l'un des mo- numents publics du Besancon romain : les proportions grandioses de ce fragment ne permettaient pas à cet égard le moindre doute. Or, parmi les monuments publics des villes romaines, 1l n’y avait que quelques rares temples et les locaux à specta- cles qui eussent leurs maîtresses lignes disposées en courbes; ces locaux étaient de quatre sortes : les naumachies, les cir- ques, les amphithéâtres et les théâtres. Les temples étaient des édifices complètement couverts, et les matériaux de toiture dont disposaient les constructeurs ro- mains ne leur permettaient pas d'abriter de bien grands es- paces circulaires. Cr, le fragment de la cave des Frères de / Marie appartenait à une courbe de vingt-six mètres quatre- vingts centimètres de rayon, ou de cinquante-trois mètres soixante centimètres de diamètre. Le Panthéon d'Agrippa, le plus vaste temple rond du monde romain, est de plus de dix mètres au-dessous de ces mesures. Il n’y avait donc pas lieu de croire à l'existence, au sein d'une. ville provinciale, d’un monument religieux dépassant ce que Rome offrait de plus considérable en ce genre. (1) Preuve n° I. (2) Preuve no IIT. ÿ — 469 — Attribuer les vestiges romains de la place Saint-Jean au pourtour d’une naumachie, c'était oublier que Besancon n’a jamais cessé d’avoir une rivière pour ceinture, circonstance qui devait y écarter l'idée d'établir la lice des joutes nautiques sur un flanc de montagne. En supposant une tête de cirque sur la place Saint-Jean, il faudrait imaginer les carceres, c'est-à-dire le lieu des départs à environ trois cents mètres en aval : or il n’est pas admissible que l'on ait, pour un tel objet, prélevé un morceau de terrain aussi considérable sur le cœur d'une ville où le défaut d'espace libre s’est toujours fait sentir. La piste d’un cirque se serait d'ailleurs fort mal accommodée d’une surface en pente. L'attribution d’un amphithéâtre était à rejeter pour une raison péremptoire : Vesontio avait, sur la rive droite du Doubs, un édifice de cette nature; on en connaît l’'emplace- ment et les dimensions, notre musée en a recueilli des ves- tiges, le nom de notre rue d'Arènes qui y aboutissait en per- pétue le souvenir. Aucune ville du monde romain, à l’excep- ton de Rome, n'ayant renfermé plus d'un amphithéâtre, il n'eût pas été rationnel d'en chercher un second dans les ruines de Vesontio. | Restait hypothèse d'un théâtre. Jamais construction de cette sorte n'avait été repérée sur un point quelconque du territoire de notre ville. Et cependant on pouvait être certain que Vesontio, ancienne capitale d’une nation celtique, de- venue ensuite chef-lieu d’une province romaine et siége d’une colonie militaire, avait dû posséder un monument scénique : beaucoup de petites bourgades romaines en étaient pourvues, et l'on n'a pas d'exemple d'une grande ville du même âge qui n'ait pas eu son théâtre. Pour ce genre d’édifice, les archi- tectes romains suivaient des traditions empruntées aux Grecs, et ils les appliquaient partout où le sol n’y mettait pas abso- lument obstacle. Ces règles, selon Vitruve, étaient les sui- vantes : éviter que les spectateurs fussent exposés au vent et au soleil du midi; asseoir le théâtre en terrain sec ; établir, RAP Pa UT — 470 — autant que possible, l'hémicycle sur une pente, afin de rendre par là moins coûteux et plus solide le travail d'étagement des gradins (0). L'existence d’un théâtre dans le Besançon romain n'étant pas douteuse, il fallait, pour avoir chance d'en trouver les restes, interroger celle des portions anciennement bâties du territoire qui cadrait le mieux avec les indications de Vitruve. S'il y avait, dans l'intérieur de Besancon, un mor- ceau de terrain situé en lieu haut, descendant vers le nord en pente douce, dont le sol fût d’un creusage facile, ce devait être là que les architectes romains avaient implanté le théâtre de Vesontio. Or, dans la partie haute de Besancon, se rencontre une zone qui répond de point en point au signale- ment fourni par Vitruve : cette zone est bornée par la cathé- drale et la rue du Clos, par les rues de Rivotte et de la Vieille-Monnaie ; la place Saint-Jean en occupe à peu près le centre. Dans la cave de l’une des maisons alignées sur cette place, se voit un fragment de grand édifice décrivant une courbe, adossé à une pente sur laquelle on avait constaté plusieurs étages de précinctions et les débris d'une colon- nade, dispositions architectoniques qui sont communes à tous les théâtres de l'antiquité. Il y avait donc accord suffi- samment parfait entre les vraisemblances topographiques et les débris d'architecture, pour que je me crusse autorisé à dire que la place Saint-Jean avait été l'assiette d'un théâtre, et non point celle d'un forum. Voulant donner à mon attribution un caractère plus com- plet d'évidence, j'eus le désir de faire une fouille qui dé- montrât que les dalles de la place Saint-Jean appartenaient à l'hémicycle d’un théâtre, qu'elles étaient en conséquence le parement extérieur d’une estrade curviligne, et qu'elles n'a- vaient jamais servi, comme on voulait le supposer, à l’enca- , drement d’un forum circulaire, qui eût été en dehors de toutes les règles. (1) Preuve n° I. — A1 — Une somme de cent francs m'ayant paru suffisante pour opérer ce contrôle, j'eus l'honneur de la demander à la So- ciété d'Emulation du Doubs et la satisfaction de l'obtenir im- médiatement (1). Le Conseil municipal m'octroya, non moins gracieusement, l'autorisation d'ouvrir un trou de quatre mè- tres carrés sur l'endroit de la rue Saint-Jean où je pensais devoir rencontrer l'une des extrémités de l'estrade et l’un de ses angles de retour vers la pente où l’on avait assis les gra- dins. Les choses se montrèrent comme je les avais annoncées. Ma fouille eut la bonne chance de tomber droit sur l’un des points où finissaient les dalles, de montrer une portion de celles-ci soudées au blocage qui les réunissait en estrade, de témoigner que cette estrade supportait un dallage horizontal et avait pour couronnement une corniche dont les moulures étaient en harmonie avec celles de la base déjà connue. De ce creusage sortirent aussi des fragments de chapiteaux corin- thiens, ce qui promettait de sérieuses conquêtes à une fouille plus ample (2). Pour mon compte personnel, j'étais pleinement satisfait de ce que javais vu et fait voir; mais l'opinion publique fut plus exigeante que moi : une souscription s’ouvrit spontané- ment pour me fournir les moyens de continuer les recher- ches, et je dus rester sur la brèche. IT Une première galerie souterraine fut conduite dans le sens de la descente de la place : elle montra qu'au delà de l’es- trade la courbe était continuée, sur les ailes de l'édifice, par une rangée de dalles isolées, formant barrière, et posées de champ sur un soubassement en moellons de petit appareil. Ce A = — mn, (1) Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, 4° série, t. VI : procès-verbal de la séance du 12 février 1870. (2) 1bid. ; séance du 14 mai 1870. == morceau complémentaire, qui n'a aucune valeur architectu- rale, nous parut un raccommodage datant d’une époque où les belles traditions de l’art étaient oubliées ; nous le trouvâmes interrompu par le passage transversal des murs de léglise de Saint-Jean-Baptiste. Cette galerie nous procura, entre autres débris, un chapiteau corinthien, plus la partie inférieure d'un grand médaillon sculpté en bas-relief, faisant le pendant d'un autre médaillon à l'effigie de Minerve, retiré autrefois des mêmes parages. Parallèlement à la facade des Frères de Marie, nous ou- vrimes d’autres cheminements souterrains, et là se trouvè- rent, espacés de cinq mètres en cinq mètres, des groupes de tambours de colonnes avec bases et chapiteaux : deux de ces derniers, provenant de l'extrémité orientale de la fouille, sont à l’état d'ébauche, tandis que les autres sont très délica- tement travaillés dans le style corinthien. A quelques pas en avant du point de rencontre de la maison des Frères de Marie et de celle de M. de Boursières, nous déblayâmes une nou- velle section de notre estrade, fragment composé de quatre dalles reposant sur leur socle de moulures. L'église de Saint-Jean-Baptiste étant venue, dès les origines du christianisme, occuper toute la partie du théâtre qui faisait face à l’hémicycle des spectateurs, il nous restait peu de chance de trouver des vestiges de la seène. Nous les cher- châmes néanmoins avec persévérance, et notre peine ne fut pas tout à fait perdue. L'une des parois de l'église était creffée sur une muraille de construetion romaine, trop éloi- gnée de l'hémicyele pour avoir fait partie du théâtre propre- ment dit, mais néanmoins assez voisine de l'édifice pour être considérée comme substruction d'un local annexe. Nous avons suivi ce mur sur une longueur de douze mètres, jusqu'au point-où il s'engage dans les fondations de la maison Bruand et y rencontre un massif de maconnerie romaine, d'une du- reté telle qu'il avait fallu, pour creuser les caves de ladite maison, recourir à la mine. À son autre extrémité, Ce mur . ü tu se ta qu 2 PCA er Etre ie US 18 — finit verticalement, et sa tranche est revêtue d'un fin crépis- sage. Une seconde muraille, beaucoup plus grossière, vient s'appuyer contre ce mur et former avec lui un angle droit : ce pourrait être ici encoreun raccommodage d'une basse époque. Au delà de la tranche crépie, nous avons, en tenant compte d'un certain intervalle que faisait supposer cette tranche, cherché la continuation du mur; mais tout avait été démoli dans cette région, et l'existence de notre mur n'y était ac- cusée que par des moellons épars. Cette recherche de la scène nous a procuré quelques menus objets d’une importance réelle : un morceau de sculpture en haut relief qui repré- sente la partie supérieure d'un masque scénique, une tes- sère en ivoire (1) pouvant avoir servi de billet d'entrée au théâtre (?). Pendant que nous opérions ainsi, le hasard amenait, dans le milieu le plus retentissant qui soit au monde, une décou- verte analogue à la nôtre. Il s'agissait des arènes de Lutèce retrouvées en plein Paris. Comme, à l'époque romaine, Eu- tèce n'était qu'une bourgade relativement à Vesontio, il de- vait y avoir eu, eutre les monuments antiques des deux villes, une disproportion égale à celle qui existe aujourd'hui en sens inverse. En effet, les arènes de Lutèce ne montrèrent rien d'architectural ; elles n'avaient été qu'une série de pré- cinctions étagées et construites en petits moellons. Néan- moins l'opulent Paris ne dédaigna pas cette relique de son modeste berceau : 11 y fut même un instant question d'ac quérir au prix de plusieurs millions le terrain qui recouvrait l'amphithéâtre de la rue Monge. Besancon, qui venait de rencontrer mieux, ne put être insensible à cet avantage ré- trospectif obtenu sur la capitale actuelle de la France. I n’y eut bientôt plus qu'une voix, parmi nos concitoyens, pour (1) Cette tessère, lisse sur l'une de ses faces, est décorée sur Fautre de cercles concentriques. (2) Voir la nomenclature des objets divers récoltés dans nos fouilles (Preuve no VIT). APP UT ETES ALT LOL OR 4, | 2 4 Hilaire dater c ee, Er Et MR nn Se tr + demander la conservation, sur le terrain même de la dé- couverte, des vestiges que nous avions exhumés. M. l'archi- tecte Ducat, qui jusqu'alors avait prêté à mes recherches un concours amical, répondit à ce vœu de l'opinion par le sédui- sant projet de convertir la place Saint-Jean en un square archéologique. L'habile architecte alla lui-même soumettre ses plans au Conseil municipal ; il obtint de l'honorable as- semblée le vote d’une somme de 9,000 fr. pour exécuter une partie de ce qu'il avait concu. Dès le lendemain, je recevais d'un anonyme, dont le nom fut bien vite deviné (1), une lettre de crédit de 6,000 fr., ayant pour objet de compléter la somme que l'on supposait alors devoir suffire à l’entier ac- complissement du projet. EX Les travaux commencèrent immédiatement, et ils furent poussés avec une activité telle que, les désastres militaires venant les interrompre, il n’y eut plus, au retour de la paix, possibilité de songer à remettre les lieux dans leur ancien état. Comme il arrive toujours en pareille matière, les prévi- sions de dépenses avaient été notablement dépassées. Le chercheur ne résiste pas facilement aux tentations ; mais s'il trouve, on l'absout volontiers. Notre odyssée est une nouvelle preuve de ce que j'avance; car personne n’a encore fait un reproche, pas plus à mon collaborateur qu'à moi, d'avoir dé- pensé plus pour trouver davantage. Grâce aux sympathies persévérantes de l'opinion publique, au concours pécuniaire de tout ce que notre province compte de gens éclairés, à divers subsides fournis par l'Etat et les corps constitués du pays @), au bon vouloir de constructeurs (1) M. Adolphe Værz Prcarp, l'un des plus généreux bienfaiteurs de la ville de Besancon. (2) Preuve no VIII. — 475 — intelligents et désintéressés {1}, nous avons pu mener à bonne fin une entreprise qui fait honneur à la ville et dont la dé- pense, s’élevant à 34,815 fr. 50 c., n’est supportée que pour moins des trois cinquièmes par la Caisse municipale. De cette réunion d'efforts résulte la création que je vais sommaire- ment décrire. Pour rétablir, dans la partie haute de la place Saint-Jean, la circulation coupée par nos fouilles, on a jeté, au dessus du principal morceau d'estrade découvert, une voûte en laves d'une seule volée : l'un des pieds-droits de cette voûte est dé- coré par des tombes du moyen âge qui concourent, avec un groupe spécial de débris, à rappeler l'existence de l’église de Saint-Jean-Baptiste (?. L'autre section d'estrade, inscrite dans l'angle des maisons de Boursières et des Frères de Marie, a été mise en évidence au moyen d'une fosse ouverte. En face de l’archevêché, nous avons délimité la promenade par une muraille légèrement courbe, qui supporte les co- lonnes que nous y avons rétablies. Nos colonnes sont au nombre de huit, dont quatre tronquées, et quatre surmontées d'élégants chapiteaux corinthiens : ces dernières atteignent huit mètres de hauteur ; deux d’entre elles sont reliées par un morceau d'entablement complet. Les substructions romaines trouvées sur l’un des flancs de l'église, en regard de l'hémicycle du théâtre, servent de pied- droit à un couloir voûté, auquel on accède par un escalier tournant. Pour marquer le centre de la courbe à laquelle appartient l’estrade, on a construit, au bas de la promenade, un groupe de neuf mètres de hauteur, dans lequel sont agencés, d'après (1) MM. Voisin père, Brice Mrcuez, Charles Sanr-Eve. — Je dois éga- lement reconnaitre l'utile assistance que m'ont prètée, pour la conduite des fouilles, M. le commandant OrninaiRe, M. Jules ArraatD et M. Jo- seph POTIER. @) Voir notre coup-d'œil sur les sépultures qui se pressaient autour et dans l'intérieur de cette église (Preuve n° VD). — 476 — le caractère de chacun d'eux, les débris non absorbés par la colonnade. Tout un flanc de ce groupe est composé de frag- ments d’une architecture très riche, ayant eu pour supports des colonnes et pilastres cannelés : nous rapporterions volon- tiers cette décoration à une entrée d'honneur percée dans le mur d’enveloppe des portiques. On a ménagé des caissons dans le piédestal du groupe, afin d'y enchâsser divers mor- ceaux de marbres et de porphyres, en plaques ou en mou- lures, qui concouraient à la décoration de l'édifice an- tique. Par-dessous la colonnade, s'ouvre un souterrain de 40 mètres de circuit, dans lequel le visiteur rencontre une série d’inté- ressants vestiges. C’est d'abord le bassin de distribution des eaux qui abreuvaient Besancon à l'époque romaine, con struction logée dans l’un des flancs du théâtre et dont per- sonne jusqu'ici n'avait su fixer l'emplacement (1). Postérieu- rement à la ruine de Vesontio par les Barbares, les margelles de ce bassin ont été en partie démolies {?}, et leurs pierres, encore pourvues d'échancrures de déversement, utilisées pour un édifice qui n'était rien moins que le baptistère pri- mitif de l'église de Besancon : en effet, nos plus anciens do- cuments ecclésiastiques donnent le nom de baptistère à l'église qui recouvrait les vestiges de ce bassin, et ils affirment que le premier monument chrétien de notre ville fut édifié « dans (1) J.-J. Carreuer, le P. Prosret D. Berraop plaçaient ce château d'eau beaucoup plus bas, à l'angle de la Grande-Rue et de la rue Ronchaux (Vesonlio, 4, p. 122; Hist. ms de Besancon, p. 84; Disserlation sur les dif- fér. positions de Besancon, dans les Documents inéd. sur l'histoire de la Franche-Comté, t. I, p. 237). Duxos et le P. Prupexr en voyaient les restes dans ce que nous indiquons comme les vestiges du théâtre (Hist. du comté, t. 1, p. 128; Dissertation sur les antiquités rom. de Franche- Comté, dans les Doeum. inéd, t. I, p. 66). MM. Ed. Crerc et S. Droz le supposaient enfoui sous les bâtiments de l'archevêché (La Franche- Comlé à l'époque rom., p. 29; Fontaines publiques, p. 55). (2) Dans ce qui reste en place du rang inférieur des blocs de pierre qui composaient la margelle du bassin, on remarque les deux pertuis carrés par où l'eau gagnait les canaux de distribution. — AT — le lieu où une source d’eau vive, amenée en la cité par un aqueduc, émergeait du sol (1. » A quelques pas des restes de ce baptistère, on voit le troncon extrême du canal et son dé- bouché dans le bassin. Vient ensuite un échantillon des blo- cages qui supportaient les gradins de la cavea du théâtre. Enfin l'on sort en côtoyant tout un flanc de notre majes- tueuse estrade. Dans le prolongement de la gargouille qui circule au pied de cette estrade, on a découvert un puits, soigneusement con- struit en petits moellons appareiïllés et foré jusqu'au niveau du Doubs, c'est-à-dire atteignant une profondeur verticale de douze mètres. Ce puits a dû servir tout à la fois à perdre le trop-plein du bassin des eaux d’Arcier et à dégorger la gar- gouille de l'édifice scénique. Après avoir curé cet avaloir, nous avons dirigé sur lui les descentes d'eaux de la prome- nade. Tout à côté de ce puits, à deux mètres au-dessous du pavé de l'ancienne église de Saint-Jean-Baptiste, apparut une nou- velle couche de ruines. Nous étions là dans le voisinage de l'une des deux portes latérales du théâtre, celle qui ouvrait sur notre grande voie romaine et avoisinait le bassin des eaux. Nous avons recueilli trois claveaux de cette porte : ils se composent d’une section d’'archivolte très ornée, au-dessus de laquelle se dressaient plusieurs personnages de grandeur naturelle, sculptés en bas-relief dans une manière large et sobre. Une jambe, enveloppée dans les plis d’une robe fémi- nine et accolée à un bouclier, paraît être le débris d’une re- présentation de Minerve ; une autre jambe, celle-ci complète- ment nue et vivement crispée, pouvait appartenir à une figure d'Hercule. Ces pierres avaient été sculptées sur leurs deux faces, mais l'une de celles-ci ne conserve plus que des vestiges de bandelettes. Un autre morceau en bas-relief, extrait du même gise- (1) Preuve n° IV. — T8 — ment, a également ses deux faces sculptées, mais dans un style sensiblement inférieur : l'un des côtés montre le haut du corps d'une Renommée, l'autre un vieux Fleuve assis et appuyé sur une urne découlante ; les deux figures étaient de erandeur naturelle. Mentionnons enfin un fragment de bas-relief, d’un travail assez habile, où se voient, dans les proportions de la demi- nature, la tête d'un homme et la main de cet individu chargée d'une pierre qu’elle s’apprète à lancer. Ces fragments décoratifs sont enchâssés dans un groupe qui se dresse en avant de notre estrade, sous la voûte que nous avons construite. Ils se raccordent avec des bas-reliefs trouvés jadis dans la même région et déposés au musée de la ville : ces derniers représentent des Renommées, ainsi qu'un Amour naviguant sur le. dos d’un dauphin. Par l’ensemble que nous venons de détailler, il est visible que l’une des entrées de notre théâtre, celle qui côtoyait le château d’eau, était ornée de figures qui symbolisaient à la fois les jeux publics et le bienfatt de l'abondance des eaux. Des grilles en fer forgé règnent autour du square et y ferment les entrées des souterrains. IV Tandis que mon excellent collaborateur, M. Ducat, étudiait, pour les restituer à leur destination, les nombreux vestiges résultant de nos fouilles, je passais une revue attentive de tous les dessins à moi connus des théâtres antiques, afin d’as- signer au nôtre un rang, au moins approximatif, d'importance et de date. | De cet examen comparatif résultent les observations que voici. Si l'on considérait l’estrade que nous avons dégagée comme la précinction inférieure de la cavea d'un théâtre, on aurait une amplitude d'orchestre tout à fait inusitée et en désaccord — 479 — avec le peu d’espace qui aurait existé par en haut pour loger des gradins. D'un autre côté, il est certain que nos colonnes s’élevaient sur l’estrade : il y a, en effet, concordance parfaite entre la courbe que décrit cette estrade et celle de l’entablement qui surmontait les colonnes; de plus, on à remarqué, sur l’une des pierres de la corniche de l’estrade, la trace du repos d'une des bases; enfin les débris de la colonnade se sont trouvés tellement ramassés au pied de l’estrade, qu'il n'a pas été possible-de les supposer descendus d’une région plus élevée qu'elle. . Or, dans les théâtres de l'antiquité, il n’y avait qu'un seul groupe de gradins qui fût abrité par des portiques : c'était la zone supérieure, celle qui était généralement réservée aux femnies. Notre théâtre ne se composant que de ce seul élément, et des sondages ayant démontré qu'il n'avait rien été construit plus bas que l’estrade, il est devenu évident que nous avions affaire à un édifice incomplet. L'existence de deux chapiteaux laissés à l'état d'ébauche dans le portique, l'inachèvement des moulures du flanc de retour de l'estrade, sont encore deux accidents qui témoignent dans le même sens. Il est incontestable que le plan primitif comportait un creusage beaucoup plus profond de la place pour l’établis- sement d'une cavea destinée à faire asseoir de nombreux spectateurs, comme aussi la construction d'une scène monu- mentale. ; Notre théâtre avait été commencé dans des proportions erandioses, à peu près celles du principal théâtre de Pompéi. L'enveloppe extérieure de la partie construite, calculée d’après l'axe de l'estrade et la ligne tangente de la grande voie romaine, avait environ 120 mètres de développement. De sorte que, tout inachevé qu'il était, ce monument pouvait, indépendamment des gradins en bois qui sans doute s'y ajoutèrent, contenir environ 3,000 spectateurs, c'est-à-dire le — 480 — double de ce que renferme la salle de spectacle de Besançon moderne. Malgré son inachèvement, le théâtre de Vesontio fut utilisé par nos antiques édiles. Autrement on ne comprendrait pas les rapiècements que nous y avons observés. Aïnsi ce n'est pas sans motifs que l'on avait planté des dalles pour continuer la courbe de la colonnade, et que l’on avait rempli par un blocage les couloirs qui, suivant les données du plan primitif, permettaient la circulation sur chacun des flancs de l'estrade. Chez nous comme ailleurs, on employa le théâtre pour d'autres assemblées que les représentations scéniques : la tradition veut, en effet, que le martyre de nos apôtres Ferréol et Ferjeux ait eu lieu sur l'emplacement de l’église de Saïint- Jean-Baptiste (D ; et l’on sait que, dans le monde romain, les théâtres servirent quelquefois à la tenue d’audiences judi- ciaires qui intéressaient toute une population (?). Le théâtre de Vesontio est contemporain de l’aquedue d’Ar- cier, Car il y avait amalgame entre les deux constructions; et comme toutes les probabilités sont pour que l’aqueduc appar- tienne au temps de Marc-Aurèle (), il y a aussi toute raison de croire que le théâtre fut entrepris sous ce règne. C'est l’époque où Vesontio recut dans ses murs une colonie militaire (colonia Sequanorum) (4), circonstance éminemment + à 0 cr (1) Dans l'autel d'une petite chapelle dédiée à sainte Brigitte, qui n'était séparée de l'église de Saint-Jean-Baptiste que par la largeur d'une ruelle, existait une colonne à laquelle on disait que nos premiers martyrs avaient été attachés durant leur supplice (Carrcer, Vesontio, IX p. 23). Ge fût de colonne, vraisemblablement trouvé lors du creusage des fondations de la chapelle, était certainement un débris de notre théâtre. (2) Apucer Melamorphoseon, lib. IT. (3) Duxon, Hist. du comté de Bourgogne, t. TI, pp. 126-130 ; Ed. Crere, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 25; A. Casran, Le Champ de Mars de Vesontio, dans les Mém. de la Société d'Emul. du Doubs, 4° série t. V (1869), p. 35. : (4) Voir nos études sur le Capitole et sur le Champ de Mars de Ve- sontio, dans les Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, 4° série, t. IV (1868) p. 207: t. V (1869), p. 35. # — 481 — favorable aux travaux d'utilité et d'embellissement. Tout ce que la Gaule a possédé d'édifices grandioses de l’âge romain, elle le devait à ces infatigables légionnaires, aussi ardents à bâtir qu'ils avaient été intrépides à combattre. L'inachèvement de notre théâtre s'expliquerait, croyons- nous, par une dissolution probable de la colonie séquanaise; lors de la débandade militaire qui suivit de près la mort du sage et valeureux Marc Aurèle. Bien qu'incomplet, l'édifice paraît avoir été entretenu jus- qu'à l'époque où un nouveau culte, essentiellement hostile aux représentations théâtrales (1), réforma les mœurs et les institutions issues de la conquête romaine. Le théâtre, consi- déré dès lors comme un monument diabolijue (?), dut être entamé à diverses reprises par les constructions d'églises (3). Mais sa ruine définitive fut l'œuvre des hordes de-la Ger- manie, qui incendèrent Vesontio en 355, et firent descendre cette grande ville au rang d’une humble bourgade (#. Les traces de cet incendie apparaissaient dans les décombres que nous avons remués, et à la quantité des charbons énormes qui s’y rencontraient, il était visible que la toiture de nos por- tiques avait péri par le feu. Nous avons recueilli les ossements d’une victime de ce désastre : c’étaient ceux d'un chien de ns (1) «In theatris vero, nihil horum realu vacat, quia et concupiscentiis animus, et auditu aures, et aspectu oculi polluuntur..…. Quicquid im- munditiarum est, hoc exercetur in theatris. » (SAzvran1 de Gubernatione Dei, lib. VI.) | (2) « Theatrum proprie sacrarium Veneris est.....; sed Veneri et Libero convenit,; duo ista dæmonia conspirata et conjurata inter se sunt ebrie- tatis et libidinis. » (Terruzrrant de Spectaculis.) (3) C'est ainsi que le clergé d'Arles, « se faisant un devoir de dépouiller un cénacle de luxure au profit de l’ornementation des basiliques des saints, » fit arracher les plaques de marbre et démolir les entablements du théâtre de cette ville. (Vila S. Hilarüi, 4 xx, ap. Acta SS., maïit. I, p. 31.) (4) Juzranr imp. Epislolæ, inter ejusd. Opera, Lipsiæ, 1666, in-fol., pp. 278-719 et 414. — Voir notre étude sur le Champ de Mars de Vesontio, ê IX. : 34 forte race écrasé eur la ne Fa PE e moment où ses instincts de gardien fidèle lui ii protestation bruyante contre la barbarie de nos envahisseurs. Li Miaà ds tué ES PART DAT OU PU MT D Cr ge On COOP ALT UE AVE PEL Sa at An AD M De dE EU a nc 01 = " cn ‘ ; x y ; gl CRUE Le Qi A pe Le av pi e Re « $ 1 : — 483 — Préceptes de Vitruve sur les lieux à choisir pour asseoir les forum et les théâtres. « Divisis angiportis et plateis constitutis, arearum electio, ad opportunitatem et usum communem civitatis, est expli- canda ædibus sacris, foro reliquisque locis communibus. Et si erunt mœnia secundum mare, area ubi forum constituatur eligenda proxime portum; sin autem mediterranea, in o0p- pido medio. » (Architectura, Ub. I, c. vir.) 4 « À majoribus consuetudo tradita est gladiatoria munera in foro dari. Igitur circum spectacula spatiosiora interco- lumnia distribuantur, circaque in porticibus argentariæ tabernæ, méœænianaque superioribus coaxationibus collo- centur, quæ ad usum etad vectigalia publica recte erunt dis- posita. Magnitudines autem ad copiam hominum oportet fieri, ne parvum spatium sit ad usum, aut ne propter ino- piam populi vastum forum videatur. Latitudo autem ita finiatur, uti longitudo in tres partes cum divisa fuerit, ex his duæ partes ei dentur. [ta enim oblonga erit ejus formatio, et ad spectaculorum rationem utilis dispositio. Columnæ su- periores quarta parte minores quam inferiores sunt consti- tuendæ...... » (Id., üb. V, c.r.) ass — 484 — € Cum forum constitutum fuerit.........., eligendus est locus theatro quam saluberrimus..,........ Providendum est ne impetus habeat a meridie........ Idco maxime vi- tandæ sunt his rebus vitiosæ regiones et eligendæ salubres. Fundamentorum autem, si in montibus fuerit, facilior erit ralo.» (1d., 1bid., C. 111.) IT Sur la valeur historique de la légende de saint Maximin. De graves écrivains, tels que les Bollandistes (1), ont ré- voqué en doute l'existence des évêques Maximin et Paulin, qui figurent, parmi nos plus anciens pontifes, dans les deux catalogues publiés par Dunod (2), mais ne sont invoqués ni dans les litanies ni dans les acclamations de notre diocèse G), documents qui semblent remonter à une époque plus reculée que les catalogues. Deux évêques de ce même nom ont successivement occupé le siégæade Trèves ; et comme ils étaient révérés dans toute la chrétienté, leur mémoire fut inscrite dans les plus vieux ca- lendriers de notre diocèse, avec la simple mention de leur titre épiscopal. Or, nos catalogues ayant été dressés en des temps où la critique historique n'était pas encore née, leurs rédacteurs ont fort bien pu considérer comme appartenant au diocèse de Besançon des saints que l’on y vénérait traditionnellement en qualité d’évèques. Cette méprise expliquerait comment, lorsqu'on voulut, à (1) Acta SS., maiit. VI : Analecta de S. Maximino Trevir.. 2 15 et 16. (2) Histoire du comté de Bourgogne, i. I, preuves, pp. u-vr; Histoire de l'Eglise de Besançon, t. I, preuves, pp. 1-1v. (3) Id, îd,, pp. LIV-LvIt ; pp. vI-xur. PISE une époque relativement récente, honorer comme évêques de Besancon les saints Maximin et Paulin, on se contenta d’a- jouter un qualificatif local aux mentions que nos calendriers liturgiques faisaient des deux illustres évêques de Trèves qui portaient également ces noms. Il en est résulté que nos évê- ques Maximin et Paulin ont des fêtes communes avec celles de leurs homonymes de Trèves. Cette circonstance est, aux yeux des Bollandistes, une preuve décisive que les auteurs de nos catalogues se sont mépris en attribuant à l’église de Be- sancon des évêques appelés Maximin et Paulin (1). Quoi qu'il en soit, il est certain que ces pontifes, réels ou imaginaires, n'ont pris rang que fort tard parmi ceux des évêques de Besançon à qui l'on rendait un culte spécial dans le diocèse. Ils sont absents de nos antiques litanies et accla- mations, et leur naturalisation, au point de vue liturgique, n'apparaît que dans des calendriers écrits ou interpolés au quinzième siècle (2). C'est d’ailleurs seulement dans les bré- viaires imprimés depuis 1489, qu'il est question de leur mé- moire (3). Or, la légende de saint Maximin de Besançon, évidemment rédigée en vue d’une insertion dans le bréviaire du diocèse, ne saurait dater d’une époque plus ancienne que celle où naquit le culte du personnage qu'elle concerne, et cette époque est le début du quinzième siècle. Les Bollandistes, bons connaisseurs en cette matière, ont exclu de leur re- cueils, comme texte apocryphe, la légende de saint Maximin de Besancon (1). Un savant ecclésiastique, auteur d’un récent travail sur le (1) Acta SS:; loc: cit. (2j Cette observation est fondée sur le dépouillement scrupuleux que j'ai fait d'une cinquantaine de calendriers manuscrits précédant des livres liturgiques du diocèse de Besançon. (3) D. Ferrow, Chronologie des éviques de Besançon, dans les Docum. inéd. pour servir à l'hist. de la Franche-Comté, t. IL, p. 129. (4) Acta SS., loc. cit. — 486 — ’ culte de saint Maximin, reconnaît loyalement que le nom de cet évêque « ne se trouve pas inscrit dans l’ancien martyro- loge de Besancon, rédigé au onzième siècle par les soins de Hugues I* (1). » Il aurait pu ajouter qu'on ne le rencontre pas davantage dans notre plus ancien rituel (?), où cependant on n'a oublié aucun des pontifes qui passaient pour fonda- teurs des diverses paroisses de Besançon. La légende de saint Maximin, qui n'est entrée dans nos bréviaires qu’à partir de 1653 (3), est donc un texte sans va- leur au point de vue de la topographie de Besancon à l'époque gallo-romaine. II Sur l'emplacement du forum de Vesontio. Il n'y avait pas, dans le monde romain, de ville si petite qui n’eût une place publique appelée Forum : c'était un es- pace rectangulaire et oblong, d'un tiers plus long que large, et encadré par des portiques. Là se rendait la justice et se fai- saient les transactions commerciales. « Si la ville, dit l'archi- tecte Vitruve, a des remparts qui bordent la mer, on choisira pour le forum une place rapprochée du port; s’il s'agit d'une ville située au milieu des terres, le forum devra être établi au point central. » L’assiette de Vesontio étant délimitée par une boucle de rivière, et cette rivière ayant été à l’époque antique une ar- tère commerciale (4), le forum de la ville avait dû être établi (1) L'abbé Sucaer, Saint Maximin (1865), p. 33. (2) Ordinarium antiquum, dans Duxon, Aisl. du comité, pr., pp. xvuret suiv. à (3) L'abbé Sucuer, Saint Maximin (1865), p. 15. (4) “Pet OÈ ai 6 "Apap x T@y “Alnewv,.………. TapalaGov © Üorepov Tv AodGuv êx Tov adt@y dp@y pepôuevoy mhwtév.... —"O uév ye Podavès mod — 487 — dans la partie de la presqu'île qui avoisinait le pont par où arrivaient les chariots et le port où se déchargeaient les ba- teaux. Or, le pont de l’époque romaine est encore debout (),. et l'emplacement du port est précisé par la dénomination de port que conservent toutes les ruelles qui, en amont et en aval du pont, aboutissent à la rivière du Doubs. Dans cette région basse de la ville, qui en est encore le quartier commercant, existe une rue qui s'embranche en biais sur la grande voie de l’époque antique et qui, avant de s'appeler rue des Chambrettes, portait le nom de vicus de Foro (?). On sait le sens que ce mot forum avait pris au moyen âge : aussi, quoiqu'aucun marché n'existât dans cette rue 6), son débouché principal s'appelait-il le puits du mar- re Éxer TÔv avdmAouy ai meydhous poprioi xai ni noAd LÉpn TG pas DL Tr toùs éuninrovtas els aÙTov morapodc Ünépyev mAwToës -xal dxdéyecbar tÔv @éprov mAsioTtov 6 à "Apap Éndéyerar xai Ô AodGu 6 els roütov êu- 6ahlwv. STRABONIS Geographica, lib. IV, c. 1, 8 11 et 14.) — Voir en outre Mémoire historique sur l'ancienne navigation du Doubs, par L. Coste, dans le Magasin encyclopédique, 1810. (1) P. Marworts, Mémoire sur la voie romaine qui traversait Besançon» dans les Mémoires de l'Acad. de Besancon, août 1852 ; — A. DELACRoIx, Fouilles des rues de Besancon en 1863, dans les Mém. de la Soc. d'Emul, du Doubs, 3° série, t. VIII (1863), pp. 214-216 ; — E. Hyewxe, Notice sur le pont de Battant, dans l'Annuaire du Doubs pour 1868. (2) Domus sita in burgo Bisuntino et stabulum dicte domus : quod quidem stabulum se extendit deversus vicum DE Foro. » (Acte du 10 mai 1287, aux Archives du Doubs, maison de Chalon, B. 1.) — Isabelle, veuve de Hugues Roland, donne au chapitre de Sainte-Madeleine une rente annuelle de dix sous qu'elle assigne « supra domum suam sitam Bisun- ii, in vico DE Foro. » (Acte de 1320, dans le Cartulaire de Sainte-Ma- deleine.) — Voir en outre les Documents inédits publiés par l'Acad. de Besançon, t IL, p. 89. (3) La place Saint-Jean étant considérée par. tous nos devanciers comme l'ancien forum de Vesontio, il fallut supposer, pour expliquer le nom de vicus de Foro porté par la rue des Chambrettes, qu'un marché avait existé au moyen-àge en cet endroit de la ville. (Documents inédits publiés par l'Acad. de Besançon, t. III, p. 89.) Cette conjecture fut basée sur une charte de 1256, où il serait question de cameræ BUTIGULARES do- mini archiepiscopi, situées dans ces parages. Or ce document, qui fait partie du Cartulaire de Sainte-Madeleine, parle des cameræ BUTICULARIr — 488 — ché (1). Cette version populaire était la contre-partie du thème des lettrés qui qualifiaient de forum le marché aux grains tenu dans le voisinage de l'église de Saint-Jean-Baptiste. Ce n'est pas tout. Lors des fouilles faites en 1851 pour l’é- tablissement des égouts de la ville, les creusages de la rue des Chambrettes ont mis en évidence « les restes d’une colon- nade qui semblait avoir appartenu à une galerie longeant cette rue ; toutefois sa direction déviait considérablement de l'alignement moderne..... J'ai trouvé, ajoute M. l'architecte Marnotte, encore debout et en place quatre troncons de co- lonne. Ils étaient sans base, espacés à trois mètres d'axe en axe : ils avaient 35 centimètres de diamètre et reposaient, à deux mètres 80 centimètres en contrebas du sol, sur une large assise en pierre de vergenne (?). » M. l'architecte Delacroix m'a dit avoir fait conserver ces vestiges dans l’une des parois de l'égout qui passe en cet endroit. . Voilà donc une ligne de portiques constatée sous le sol d'une rue qui, traditionnellement et sans l'intervention d'au- cune cirtonstance moderne, s'appelait vicus de Foro, RUE pu Forum. Et comme de plus l'emplacement de cette rue répond aux conditions que l'on dut rechercher pour établir le forum d'une ville telle que la nôtre, je n'hésite pas à croire que cette rue recouvre les restes du forum de Vesontio. domini archiepiscopi, c'est-à-dire des maisonnettes qui composaient le fief du boulteiller de l'archevêque, d'où notre rue de la Bouteille a tiré son nom : «vicus @ Botoillier, per quem itur a Grangiis ad vicum de Burgo. » (Charte de 1320, aux Archives du Doubs, fonds Saint-Vincent, 181 ° (1) «Maison assise en la citey de Besancon, devant la place dou Pors pu Marcuié. » (Acte de septembre 1314, aux Archives du Doubs, maison de Chalon, B. 1.) (2) P.MarwoTTE, Mémoire déjà cité. IV Sur l'emplacement du baptistère primitif de l'Eglise de Besançon. La tradition s'était conservée dans notre ville que le plus ancien sanctuaire chrétien de Besancon avait été fondé « dans le lieu où une source d'eau vive, amenée en la cité par un aquedue, émergeait du sol (1). » En effet, cette église ayant dù être avant tout un baptistère, et le baptême s’administrant alors par immersion, le bassin de déversement de l'aqueduce antique était, à une époque où l'on ne savait plus construire, une piscine baptismale toute trouvée. L’imagination des légendaires du moyen âge, puis celle des historiens modernes, se sont exercées sur cette tradition ; et comme les uns et les autres n’admettaient pas qu'il püût y avoir une église primant Comme ancienneté les deux basiliques archiépiscopales dédiées à saint Jean et à saint Etienne, le sanctuaire primitif fut cherché dans l’intérieur ou dans le pourtour immédiat de ces deux églises. On alla jusqu'à supposer que l'église dédiée à saint Elienne, avant d'être assise sur le rocher de la citadelle, était primitivement située au pied de cette montagne, à l'endroit où se déversait le canal romain d’Arcier (?). D'autres, qui tenaient pour l’an- tiquité de l'église vouée à saint Jean, indiquèrent, comme. emplacement du baptisière primilif, une chapelle située un peu plus haut que cette basilique et placée sous le vocable de saint Oyan 3). Mais Le problème n'était résolu par aucune de (1) « Interim ecclesia … ædificatur : videlicet eo loco ubi fons aquæ vivæ, per aquæduetum veniens in civitatem, ab ipsis terræ meatibus evisceratur. » (Legenda S. Hilarii : J.-J. Cuirrzer, Vesontio, IL, p. 35.) (2) C'est l'interprétation de l'auteur de la légende de saint Hilaire et de celui des actes de saint Célidoine. (Zbid., p. 104) (3) Currrer et Duo affirment que cette chapelle était appelée, dans ESS n° ” COM SA tnt Ne PRE TT ‘ “: + f.": A, (EN TS TRS. 2 PES FR, "Ten = ces hypothèses : la première était une supposition gratuite, née du désir d'appuyer les prétentions de la basilique de Saint-Etienne à la maternité; la seconde résultait d'une fausse conjecture sur l'emplacement du château d’eau gallo-ro- main. Cependant, tandis que les écrivains étaient aveuglés par le parti qu'ils prenaient dans la lutte de concurrence qui ne cessa d'exister entre les suppôts des basiliques de Saint-Jean et de Saint-Etienne, la vérité demeurait enfouie dans le plus vénérable des documents de notre histoire ecclésiastique. Nous voulons parler du ÆRituel de saint Prothade, dont la ré- daction fondamentale remonte au septième siècle. Ce précieux texte mentionne, jusqu'à sept fois, une église paroissiale du baplisière (ECGLESIA BAPTISTERH) , Où le clergé des deux cathé- drales se rendait en plusieurs circonstances, mais particuhè- rement pour les époques du baptême des catéchumènes et à l’occasion des fêtes de la nativité et de la décollation de saint Jean-Baptiste (1). Or, la coutume était que les chapitres mé- certains documents, primitiva capella, et ils en concluent qu'elle avait été le primitif baptistère. (Vesontio, I, p. 15; Hist. du comté, t. I, p. 36: Hist. de l'église, t. I, p. 27.) Mais, outre que cette chapelle n'était pas dans un lieu où pouvait arriver l'eau de la source canalisée, elle n'avait jamais été dédiée à saint Jean-Baptiste, vocable caractéristique de tous les baptistères. L'appellation prümiliva pourrait tout au plus signifier que l'on considérait cette chapelle comme le plus ancien des oratoires qui avoisinaient la cathédrale de Saint-Jean-l'Evangéliste : « oratoria, dit le Ailuel de saint Prolhade, quæ sunt juxla majorem ecclesiam. » (1) « Zn vigilia Nalalis Domini….. veniant ad ecclesiam baptisterii. — Feria 1v post dominicam in media quadragesima…. fit scrutinium septi- mum in baptisterio. — 7n sabbalo sancto…. parochianus presbiter pro- videat de fontibus et de ornatu ecclesiæ baptisterii, et ipse congreget cathecumenos. in ecclesia baptisterii. — Sabbalo (post Pascha) in bap- tisterio (cantetur major missa), et post missam ejicitur aqua a fontibus, nec postea venitur cum processione ad ecclesiam baptisterii. — /n vigilia Pentecostes. parochianus presbiter provideat de fontibus et de ornatu ecclesiæ baptisterii, et ipse congreget cathecumenos.— Vigilia sancti Joannis-Baptistæ… Hac die, post vesperas, totius ürbis clerus et populus ad baptisterium convenial. — lecollatio sancli Joannis-Baplisiæ.. : in — 491 — tropolitains allassent célébrer dans les diverses paroisses de la ville la fête du patron de chacune d'elles : donc, si les cha- noines de Saint-Jean et de Saint-Etienne descendaient, à l'occasion des fêtes de saint Jean-Baptiste, dans une église paroissiale appelée /e baptistère, cette église ne peut avoir été que celle qui était vouée au précurseur du Christ; et si cette même église de Saint-Jean-Baptiste avait retenu le nom de baptistère, c'était sans aucun doute parce qu'elle avait encadré la première piscine baptismale qu'il y ait eu à Besançon. Mais une tradition voulait que ce primitif sanctuaire eût existé « dans le lieu où une source d'eau vive, amenée en la cité par un aqueduc, émergeait du sol. » L'emplacement de l'église de Saint-Jean-Baptiste concordait-il avec cette donnée traditionnelle ? Voilà ce qu’on ne pouvait décider tant que la situation de l'antique bassin des eaux demeurait incertaine. Nos fouilles ayant fait voir que ce monument était recouvert par les ruines de l’église de Saint-Jean-Baptiste, il ne saurait plus y avoir de doute sur la position du primitif baptistère. Ainsi, à Besancon comme daus toutes les villes d'antique chrétienté, les premiers baptêmes s'administrèrent au lieu où était l'eau (ubi est aqua) (1), et le sanctuaire construit à cet effet fut dédié au saint qui avait été le promoteur de la régé- nération baptismale. vigilia, vesperæ decantantur in baptisterio. » (Ordinarium antiquuin ecclesiæ Bisuntinæ, apud Edm. MartTenxe, De antiqua Ecclesiæ disci- plina, et dans Duxon, ist. du comlé, t. I, preuves.) (1) « Quicunque persuasi fuerint et crediderint adducuntur a nobis ubi esl aqua, atque, eo regenerationis modo quo ipsi regenerati sumus, regenerantur. » (JUSTINI martyris Apologia secunda.) AL e—. © Cia. re Témoignages relatifs aux ruines romaines trouvées dans le voisinage du bassin des eaux d'Arcier. CmrFLeT, Vesontio (1618), I, p. 122. « Ubi autem ad primitivam ecclesiam $S. Stephani (quæ nunc S. Joannis) aquæductus noster pervenerat, ibi, prope Portam Nigram, lacus publicus, ingentis magnitudinis (ut ruinæ detectæ nuper indicarunt in vicinis ædibus), ovalis figuræ, fuerat exstructus, in quem aquæ, per vicinum aqjute- ductum, ad castellum et minores lacus properantes, dum lubebat deducebantur ad publicas (ut quibusdam placet) et navales pugnas, velut in mari parvo. » Prost, Histoire (manuscrite) de Besançon (1732), pp. 83-84. « Lorsque l'eau étoit arrivée au dessous du Capitole, elle se jettoit dans un bassin de figure ovale, d'une grandeur extraor- dinaire, comme on en a jugé par les ruines que l'on a décou- vertes en terre en plusieurs endroits de ce quartier là. Ce qui en reste dans la maison de M. Boitouset nous en peut encore découvrir la magnificence. Il étoit donc tout de grandes pierres d'environ six pieds d'hauteur et de trois de largeur : le bas étoit tout de moulures, à peu près comme les corniches; le dessus étoit surmonté de colonnes, mais on ne sçait s'il y en avait plusieurs ordres les unes sur les autres. S'il est permis néantmoins de conjecturer, il est à croire que les nau- machies n'étant, non plus que les amphithéâtres, destinés que pour les spectacles publics, il y avoit plusieurs ordres-en celle-cy pour placer les spectateurs. Tout près du bassin de la naumachie, on a encore découvert dans la maison de — 493 — M. Boitouset un réservoir d'environ quinze ou seize pieds d'hauteur depuis le bas jusqu'au haut : il est distingué comme par trois ou quatre différents étages, que forme la muraille en s'élargissant de temps en temps pour marquer l'accroissement ou la diminution des eaux ; il est tout de petites pierres de la même grandeur et beaucoup plus longues que larges; elles sont liées par un ciment qui semble n'en faire qu'un même corps. Mais je n'ay pu deviner pourquoy le réservoir étoit partagé par une muraille, si ce n’est peut-être que s'étant fait autrefois quelques édifices en cet endroit là, on a été obligé d'y bâtir une muraille pour servir de fondement : c'est ce qui me paroît d'autant plus vraisemblable que cette muraille, toute ancienne qu'elle est, n’est point de la même structure que le reste et paroît beaucoup plus moderne. » Almanach historique de Besançon pour 1754, pp. 9-10. « Auprès de l'Arc de triomphe, autrement la Porie-Noire, les eaux se dégorgeoient dans un bassin ovale d'une grandeur extraordinaire. Ce réservoir étoit construit de grandes pierres de 6 pieds de hauteur et de 3 pieds en largeur. La base étoii ornée de moulures du plus beau goût romain; le dôme ou la couverture de ce bassin étoit soutenu par des colonnes dont l'architecture répondoit à la grandeur et à la beauté de tout l'ouvrage. On en découvrit les grands restes en 1711, lors- qu'on creusa les fondations d’une maison qui est auprès de l'Arc de triomphe ou Porte-Noire, vis à vis de l'archevéché. Au dessous de ce grand réservoir, on avoit déjà déterré un autre bassin vers le commencement du dernier siècle : celui-ci avoit 15 ou 16 pieds de hauteur; il étoit distingué en trois ou quatre étages formés par les retranchemens de la muraille, de distance en distance, et ces retranchemens marquoient la crue ou la diminution des eaux. Il étoit construit de petites pierres d'égale grosseur et de même grandeur, beaucoup plus — 494 — longues que larges; elles étoient liées par un ciment admi- rable qui n'en faisoit qu'un même corps. » Duxop, Histoire du comté de Bourgogne, t. 1 (1735), p. 128. « Le canal (d’Arcier) finissoit au côté droit de l'arc de triomphe, dans un lieu assez élevé pour que les eaux pussent être distribuées dans tous les quartiers de la ville basse... » J'ai vu les restes d'un vaste réservoir, des colonnes et . d’autres pièces d'architecture, dans les fondations d’une mai- son que l’on bâtissoit pour le secrétaire du chapitre et à laquelle l’aqueduc aboutissoit. Je crois que les eaux d'Arcier tomboient dans ce réservoir, qui étoit couvert d’un dôme soutenu par des colonnes, d'où elles étoient distribuées dans la ville. Les débris de cet édifice m'ont paru plus simples et d'un meilleur goût que l'arc de triomphe. » VI Les sépultures de la place Saint-Jean. Pour ne pas surcharger de menus détails l'exposé de notre découverte du théâtre romain de Vesontio et la description du square qui en encadre les restes, il nous à paru conve- nable de relater à part les trouvailles accessoires que les fouilles de la place Saint-Jean nous ont procurées. Quelle était la physionomie de ce terrain avant son affecta- tion à l’un des grands édifices de la ville gallo-romaine? Nos creusages ne nous ont rien révélé qui soit de nature à tran- cher cette question. Cependant, sur deux points où la pioche de nos ouvriers s'est enfoncée dans des couches que les con- structeurs romains n'avaient pas atteintes, nous avons re- cueilli des vestiges appartenant à l'époque gauloise. Telle est une hache en pierre de serpentine polie, rencontrée en fai- — 495 — sant les fondations de l'arcature par où l'on entre dans notre souterrain supérieur. Au bas de la place, à l'endroit où le mur rectiligne se raccorde à angle droit avec une autre muraille plus grossière, le corps d'un Gaulois se trouvait inhumé : ce personnage portait à son cou une dent d'ours percée d’un trou de suspension, tandis que-l’un de ses poi- gnets était cerclé d’un bracelet de bronze dont la verge, qui s'ouvre par l'élasticité du métal, est décorée d'une série régu- lière de renflements imitant des annelets. Dès que la prédominance de l'élément chrétien dans la ville eut condamné notre théâtre à l'abandon, le sanctuaire baptismal, qui se logea dans l’un des flancs de cet édifice, transforma bientôt les parties non construites du terrain en un champ de sépultures privilégiées. Le caveau d’une de ces sépultures a été rencontré par nos fouilles : il consiste dans une fosse macçonnée dont les parois, légérement en talus, plongent jusqu'à la profondeur de un mètre 30 centimètres dans le gravier d’alluvion qui formait le sol de l’ancien or- chestre théâtral. Ce caveau était rempli d’un déblais parsemé de nombreux clous de charpente. ° Lors de la destruction générale de la ville par les sauvages d'outre Rhin, en 355, le théâtre ne fut pas épargné. Les ruines de ses portiques, accumulées dans l'orchestre, exhaus- sèrent de près de deux mètres le niveau du terrain qu'avaient foulé les acteurs gallo-romains. L'église baptismale fut re- coustruite sur ce nouveau sol, et les sépultures se remirent à abonder autour d'elle. L'une de ces sépultures nous a frappé par son caractère étrange. L'individu qu'elle concernait avait été déposé dans un sarcophage dont cinq côtés étaient formés de larges tuiles plates à rebords, tandis qu’une rangée de tuiles faitières faisait fonction de couvercle : ces tuiles prove- naient de l'édifice antique. Conformément à la coutume chrétienne, ce mort avait les pieds dirigés vers l’orient. Dans les décombres où existait cette sépulture, on a recueilli plusieurs monnaies des empereurs Valens et Magnus PPT Ce SUR — 496 — Maximus, ce qui donne à penser que l'iihumation remon- tait aux dernières années du quatrième siècle. De la même époque datait une chétive demeure, composée de deux murs formant un angle et dirigés l’un et l’autre contre l'estrade gallo-romaine qui servait de troisième paroi à ce logis presque triangulaire. Le pourtour de l'église de Saint-Jean-Baptiste n'ayant cessé qu'en 1792 de recevoir les corps des défunts de la pre- mière des paroisses de la ville, le terrain que nous avons exploré était littéralement saturé d'ossements humains. Mais l'espace se trouvant restreint par rapport au nombre des corps qu'il fallait inhumer, il en était résulté des refouille- ments continuels qui avaient désorganisé à peu près toutes les sépultures. Quelques-unes remontaient aux temps méro- vingiens, car notre cimetière a livré des grains de colliers en ambre et en terre cuite, objets fréquents dans les tombeaux burgondes, puis un anneau sigillaire en bronze, de cette même époque, dont le chaton porte une signature gravée en creux qui n à pu être interprétée. Pour l’inhumation de deux personnes, vraisemblablement deux époux, on avait utilisé un sarcophage gallo-romain, creusé dans une seule pierre de vergenne; mais la taille des nouveaux hôtes étant supericure à celle des précédents habi- tants, on avait abattu la cloison de l’une des extrémités du sarcophage, et celui-ci avait été prolongé et recouvert avec des dalles brutes. | Dans des couches sépulcrales paraissant remonter au sei- zième siècle, on remarquait des lits de chaux qui avaient pris l'empreinte des linceuls : les ossements y étaient plus serrés qu'ailleurs, et aucune trace de bois de cercueil ne s'y rencon- trait. Ces inhumations si nombreuses et si sommaires nous ont rappelé ces périodes lamentables où la peste, née de l- gnorance des lois de l'hygiène, élisait presque chaque année domicile à Besançon et y faisait de cruels ravages. Des décombres de l’église de Saint-Jean-Baptiste, nous se ne à — 497 — avons extrait un assez grand nombre de débris de dalles tu- mulaires, les unes décorées de figures ou de symboles, les autres ne présentant que des épitaphes. Les plus anciens de ces monuments appartiennent au treizième siècle. Nous ne saurions assigner de date à une pierre, pourtant bien curieuse, qui est également sortie des substructions de l’église. C'est une forte dalle oblongue dont les quatre flancs sont taillés en doucine : vers l’un des angles de la surface extérieure, se voit l’image en creux d’un fer de cheval. Etait-ce la dalle funéraire anonyme d’un maréchal ferrant ; ou bien faudrait-il ranger ce monument dans la catégorie de ceux où le populaire croyait voir l'empreinte d’un pas de la mule de saint Martin ou du cheval de Roland ? VII CL Objets divers sortis des fouilles de la place Saint-Jean. ÉPOQUE CELTIQUE. Petit marteau en silex blond, grossièrement taillé. Troncon d’une lame de couteau à double biseau sur l’une de ses faces, en silex rougeûtre. Hache en serpentine verte polie. Dent d'ours percée d'un trou à sa racine pour étre sus- perdue. à Débris d'un torques en bronze, orné de stries et de renfle- ments. Bracelet de bronze, s'ouvrant par l’élasticité du métal, dé- coré d’une série régulière de renflements figurant des an- nelets. Bracelet formé d'un fil de bronze orné de groupes de stries et s'amincissant vers les extrémités qui s’accrochent l’une à l’autre. . Fragments de deux bracelets en bronze. 39 — 498 — Monnaies des Séquanes, en potin : six au type d'une tête grossière, diadémée ou laurée, avec un animal cornu au re- vers; une autre ayant au droit une tête échevelée, et au re- vers un sanglier sur une hampe d'étendard ; une autre pré- sentant au droit une tête casquée, au revers un lion courant, et sur les deux faces la légende TOC. Une monnaie en bronze, ayant au droit une tête diadémée avec la légende TVRONOS ; au revers un cheval accompagné du mot CANTORIX. . Trois monnaies en bronze du chef gaulois GERMAN VS, fils d'INDVTILLIVS. ÉPOQUE GALLO-ROMAINE. Figurine en bronze représentant un ours assis. Petit buste d'Amour en bronze, ayant un cœur gravé sur le sein gafthe. Débris du harnachement d'une statuette de cheval en bronze. Feuille de laurier en bronze, provenant d'une couronne votive. Tessère en ivoire, ayant l’une de ses faces lisse et l’autre décorée de cercles concentriques. Petit dé à jouer, en ivoire. Pavillon d’une flûte en os, décoré de stries. Stile en bronze sans ornements. Têtes en spatule de deux stiles de bronze. Petit stile en os, dont la tête est un bouton légèrement conique. La moitié d’un stile en os à tête ronde. Elégante cuillière à onguent, en bronze. Débris de six fibules en bronze. Six épingles de toilette en bronze. Débris d'un petit bracelet de bronze, dont la verge plate est décorée de stries qui se croisent pour former des lo- sanges. — 499 — Fragments de deux bracelets en verre bleu, dont l’un est agrémenté de rayures jaunâtres. Deux petits hémisphères en verre bleu, l'un transparent, l’autre opaque avec des raies grisâtres. Bouton à deux têtes, en bronze. Bouton en bronze creux, doublement renflé et muni d’une queue. Deux calottes de bouton en bronze. Trois petites agrafes en bronze, terminées latéralement par deux crochets en forme d’hamecon. Terminaison de ceinture, ayant la forme d’une feuille oblongue et’arrondie, et portant en tête deux clous rivés (bronze). Plaquette oblongue en bronze, munie latéralement de deux pincettes propres à retenir des lanières de cuir. Poignée de tiroir d’un petit meuble : anse en bronze, com- posée de deux dauphins mordant un disque qui les réunit. Rosace en bronze à quatre feuilles découpées : derrière le renflement central est un anneau permettant de fixer cet orne- ment. Pièce d'assemblage en bronze, avec clous rivés, de l'angle d’un coffret de bois. Chandelier dont la tige en fer, à peu près détruite, repose sur un trépied de’ bronze formé par trois figures grossières d'un cerf et de deux biches. | Pied de marmite en bronze ayant la forme d’une jambe de cheval. | Clochette en bronze. s Petit creuset en bronze. Cône allongé en bronze ayant servi de pointe à une grille. Débris d’une plaque mince en corne fondue, ayant peut- être servi à protéger une lanterne. Deux ascia (erminette pour tailler la pierre tendre) en fer. Lance en fer, haute de 64 centimètres, composée d’une — 500 — bande de métal appointée par en haut et se terminant par en bas en manière de douille. Couteau en fer, haut de 20 centimètres, dont la lame a la forme d'une équerre. Pommeau en bronze ayant servi de tête à une broche. Ciselet en bronze. Ciselet en fer. Cheville en os. Crochet de serrurier, en fer. Gonds de porte et clous de charpente, en fer. Scellements en plomb pour relier entre elles des pierres de taille. : Débris de crépissage de couleurs bleu clair et rougeûtre. Résine mise en gâteaux par la chaleur. Cube allongé en pierre de vergenne, percé d’un trou pour être suspendu et faire l'office de contrepoids. Pyramide tronquée en terre cuite rouge, munie d’un trou vers son sommet et ayant fait fonction de poids ou de con- trepoids. Débris de vases tournés dans un orès de couleur vert clair. Marques de potier. Lettres en relief dans un cartouche creux, RRQ sur le fond intérieur d'un plateau en terre fine du plus beau noir. / XI Lettres en creux sur un cartouche en re- IE lief, dans le flanc d'un bole en terre rouge sigillée. SV A R À Lettres en relief dans un cartouche creux, sur le fond extérieur d'un vase en fine terre rouge. FT Lettres en relief dans un cartouche creux KZ INT Met , : : AN Ain sur le fond intérieur d’un petit bole en fine terre rouge. PRI OFGRARELVC — 901 — Lettres en relief dans un cartouche creux, sur le fond intérieur d'un vase en fine terre rouge. Lettres en relief dans un cartouche creux, sur le fond intérieur d'un plateau en fine terre rouge. Lettres en creux sur un cartouche en re- tief, dans le flanc d'un vase en terre rouge sigillée. Lettres em creux sur un fragment de tuile mince. (1/2 grandeur.) Lettres en relief dans un cartouche creux, sur un fragment d'amphore en terre rou- geûtre. (Id.) ; Lettres en relief dans un cartouche creux, sur un débris d'amphore en terre rou- geûtre. (Id.) e Lettres en relief dans un cartouche creux, sur l’anse d'une amphore en terre rou- geâtre. Lettres en relief dans un cartouche creux, sur l'anse d'une amphore en terre rou- geûtre. . Monnaies. Panorme, colonie carthaginoiïise de Sicile, moyen bronze ayant pour revers une tête de cheval. Leptis (Afrique), colonie romaine, moy. br. Nîmes, colonie romaine, moy. br. (une pièce entière et deux demi-pièces). Auguste, moy. br. (2 pièces). Famille Luria (monétaire d'Auguste), moy. br. Agrippa, moy. br. Tibère, moy. et pet. br. (2 pièces). Vespasien, moy. et pet. br. (2 pièces). Hadrien, gr. br. (2 pièces). Antonin, moy. br. Faustine mère, gr. br. Commode, gr. br. Lucille, moy. br. Julia Domna, arg. Philippe père, moy. br. =» Dèce, arg. Gallien, pet. br. (5 pièces). Victorin père, pet. br. (3 pièces). Tétricus père, pet. br. (10 pièces). Claude IT, pet. br. (6 pièces). Tacite, pet. br. Probus, pet. br. Maximien-Hercule, moy. br. (2 pièces). Constanee-Chlore, moy. br. Maximin-Daza, moy. br. Constantin I, pet. br. (3 pièces). Constantin II, pet. br. (7 pièces). Constance IT, pet. br. (6 pièces). Constant I, pet. br. Valentinien I, pet. br. (4 pièces). Valens, pet. br. (10 pièces.) Gratien, petit. br. Valentinien IT, moy. br. Magnus-Maximus, pet. br, (2 pièces). Théodose I, pet. br. Arcadius, pet. br. (2 pièces). Douze petits bronzes frustes. — 503 — ÉPOQUE CHRÉTIENNE. Anneau mérovingien, en bronze, avec cha- ton portant une signature. Anneau grossier en fer, avec chaton. Anneau simple en fer. Trois petites bagues en bronze. Petit anneau en verre jaunâtre, avec chaton. Grains de collier : un en verre bleu avec rayures jaunes en peinture, un en ambre, deux en terre cuite. Trois culots de matière rouge vitrifiée pour l’'émaillerie. Bande d'ivoire sculptée et découpée (rx° siècle); quatre su- jets encadrés dans une bordure de doubles filets nattés : La Crèche, les Bergers en adoration, le Baptème du Christ, les Anges à genoux. Statuette de saint Pierre tenant les clefs : demi-relief en bronze émaillé, provenant de la décoration d’une châsse de reliques, travail du xu° siècle. Monnaies des temps carlovingiens, du moyen âge et de la renaissance. VIII Liste des souscripteurs à l'œuvre du Square archéologique. Bavit pe BESANCON MIRE EU 1 AE 2046000) La SoctÉTÉ »'EMULATION pu Dougs........ Lou 13004 LE CONSEIL GÉNÉRAL DU DÉPARTEMENT DU Dougs. 1,000 » L'EMPEREUR NAPOLÉON IIL......... A AL SREE +: co Q00EEP) LE MINISTÈRE DES BEAUX-ARTS ............... 1,000 » L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS: DE BESANCON RP Al 2 7 e 300 » —= 504 = LA 2 BATTERIE D'ARTILLERIE DE L'ANCIENNE GARDE NATIONALE SÉDENTAIRE...... s BATTRE La SOCIÉTÉ DES AMIS DES BEAUXx- ARR REA NC à LA SocIÉTÉ D'EMULATION DE MONTBÉLIARD ..... MM. ALEXANDRE, secrétaire du cons. des prud hommes. ARNAUD, professeur de musique............... PANONAME. ar PEAR RS RES NA 4 2 TIR LATE EAU | AE ent RIRE: NAN RO TS : EE) à DAS PAR ER er TU ES RS PEN LE SE CDR LIRE SIE rad nn Dieu LE à DEUX CAPITAINES D’ARTILLERIE........ Din te VER Barzzy (l'abbé), maître des cérémonies de la ca- (HO DEN NRESE MANCRPA GES TA S NA UDIIS Re Va BaALanDRET (l'abbé), curé de Sur-la-Seigne .…. BarBaup (Auguste), ancien adjoint au maire ..…. BarBier, membre du conseil des prud'hommes... BarBier (Léon), ancien sous-préfet. ...... L'LUM BATAILLE (Paul), ingénieur des ponts et Houl Baup, maire de Gonsans.......... NEltaer Aie Beramy (Théodore), propriétaire .............. BELor, essayeur du commerce ...... 6e SHTAITDE BENEYTON (Amédée), percepteur........l12,.1,.1 BERGER, vétérinaire d'artillerie en retraite. .,.... BerGter, fabricant d'horlogerie, membre du con- seil des prud'hommes #ri.1. et, SET BerxaRp (Victor), capitaine d'artill. de marine... BerR DE TurIQUE, conseiller à la Cour d'appel . Resson:(l'abbé)chanüine. 04060 Re BESSON, avoué. ..... our 8 SFA rer in Broner (Jules), fabricant d’ ae membre du conseil municipal ... ...... JUS Borzcor (Constant), graveur en ne DOET 93 25 — 505 — Bonner (J.-C propriétaire, 1 2e LEE LE Û Boss, fabricant d’horlogerie ........... dE Bossu (l'abbé), profess. au collége St-Fr.-Xavier. Boupor (Léon), artiste peintre ........... ne BourRCHERIETTE, propriétaire...... DC AUSTIN EE DE BoursièRes, ancien conseiller à la Cour ..... BoussinGAuLT, essayeur de la garantie ......... Bouvarp, avocat, membre du conseil municipal. Boyssox-Dp'Ecoze, trésorier-payeur général ..... BRELET, avocat, membre du conseil général du DD EN Tate SRE PRE L SAN RAR BRezIN, négociant, membre du cons. municipal. BrerTiLLor (Léon), ancien maire de Besancon... BrerTiLzcotr (Maurice), banquier..... EEE as BRETILLOT (Paul), id. JT S MAEIEAR Brior, docteur en médecine, à -en-Varais.. Brucxow, professeur à l'école de médecine ..... BRULARD, notaire, aneien adjoint au maire .... Caxor, rédacteur en chef de la Franche-Comté . CasTan (Auguste), bibliothécaire. ............. CasTan (Francis), capitaine d'artillerie ....... 5 DE CHARDONNET {le vicomte), aucien élève de l’E- cole polytechnique .........4.1 PÉLEGRE Gite Caanrer ouvrier, relieurs.s die 1600 CHATELET (l'abbé), curé de Cussey-sur-l'Ognon.… CHEN£VIER, professeur à l'école de médecine, membre du conseil général et du conseil muni- CIPAE... . ALAN NEMRe Rice EN met Crirzer (le vicomte), président de la Société des uns des. Beaux ADS CPE ER ENMERrIQN ES Coran, profess. d'hist. à la Faculté des lettres. Garist (MI Eninise)e, AR Oo 0 12 MILLE IR Czerc (Edouard), présid. hon. à la Cour d'appel. CLerc (l'abbé), profess. au séminaire de Luxeuil. 20 » >) » — 906 — GLEert{Nicolas), propriétaire ets et ei CLERG-JEANHENRIOT, ..... EE De ue 2 CLERC-JEANHENRIOT (M1) ....... TS AP PNA Cocxer (César), constructeur de chemins di Fe CoziN (Gustave), membre du conseil général du Das sr A ARC AT RENTRER eu LE VIRE so CourLeT, proviseur honoraire du Lycée........ Cuiréier, releur'delivresenut oil SUR Lu # Daczin (le baron), juge au tribunal, membre du conseil général du Doubs ........ S'MROETENE Davip, notaire, adjoint au maire......... (8 DEBaAucHEY, ancien pharmacien............... DEGuERRE (l'abbé), curé de Cléron ............ Deracroix (Alphonse), architecte de la ville .. Dezacroix (Emile), étudiant chimiste. ......... DEMOLOMBE > négociants ATARI LAN RENT iv DENIZOT, receveur Fe départemental ..... Derosxe (Charles), maître de forges, à Ollans... DEsTREMAU, capitaine d'état-major ............ Dirrasre(Just)}propriétaire, MUC RHIN Dérrey {ME Justine)o2tm our Aû. Tune YTAIE Drérrica (Bernard), ne du Doi nas prud'hommes 0.4 } He ER Dopivers (Joseph), imprimeur............ ue Dora, chef de bataillon en retraite............ DORA TE etes neue ee AUMINPIQOMEMANE Drouxarp (l'abbé), prof. au collége S'-Fr.-Xavier. Drouxarp (Paul!, vérificateur de l'enregistrem'.. Droz, ancien directeur d'école prim. supérieure. DRuHEN aîné, professeur à l'école de médecine .…. Bevor.fle baron): re buse LMOODEMPERNREN Dugour& (Paul), négociant, membre du.conseil municipal. er 20% dite S ATMBRIOSMR ER ; 20 » — 907 — Ducar, architecte des bâtiments de l'Etat ...... LEE on AA EOTRE AS ES PRRER QUE «I Dunop DE CHARNAGE, avocat........... SEA LS Dur, propriétaire ra. af au TE Ne Dosrezer (MER nas mer. LL. en DAME ALT € DUvVEANET, DropriélaLres.L eus ne Ezoy (Henri), avocat général... .............. Etuis (Edmond), membre du conseil municipal. Faivre (l'abbé), aumônier de l'asile départem!.. FALcoNNeT, propriétaire, à Saint-Antoine ...... Faucowpré, chef d'escadron d’artill. en retraite. . Favrer (l'abbé), prof. au collége S'-Fr.-Xavier.. Fernier (Gustave), fabricant d’horlogerie ...... FErREUx (Jules), capitaine d'artillerie ......... no OMR 12 ROUES TR RE Frrscx (Léon), entrepreneur de maconnerie . Fournier (Louis), employé des ponts et chauss.. ÉRICRER,, AVOUE. se Éeloe a ut SR ALAN GAUTHIER (Alphonse), avocat ........ “CETETS GauTHIER (Jules), archiviste du Doubs......... Gizer, voyer-adjoint de la ville... Nr SAT Grrop (Victor), ancien adjoint au maire........ GocueLy (Charles) propriétaire................ GouiLLauUD, professeur de physique à la Faculté desisciences cr Return ar Te GRAND (Charles), directeur des domaines. ...... GROSJEAN, ancien bijoutier. .......,,... die te GUENOT (Auguste), négociant. ......... (os GuiBarD (l'abbé), aumônier de la citadelle... .., GurcHarD (C..et. X.), négociants, ,,.n,.,%,4:2: — 508 — Guicaarp (Albert), pharmacien, juge au tribunal detbmmérsezs::.:..r21R0r2 ter PR EURE A GurcharD (Paul), négociant.......,....... SRE GuyARD, négociant. .+.,::4%.7.,....,.208 He HuarT then). an du procureur général. HYEnxE, employé des ponts et chaussées ....... JANET (Camille), agent de change, à Paris ..... DE JALLERANGE (Paul), ancien magistrat........ JEANHENRIOT (M! Stéphanie)............ re JEANNEZ, Conseiller à la Cour d'appel........... JEANNEZ (ME) ... Ni EURE une A UIE JEANNOT-Droz, fabricant d’ Rérbécie Pt ae Per JoBARD, président à la Cour d'appel............ JoLY, inspecteur des télégraphes...",.."#... DE JOUFFROY (comte Joseph), membre du conseil HOUP PAU IDD ARR e athée te à 0 DO ECS KceN (Aueusté);"propriéfiner 3, 5 PNENNSANEEE KRACHPELTZ, graveur en horlogerie............ LABRUNE, docteur en médecine..........,,.... Lacosre, archiviste-adjoint du département . LAEPAER SAVOIE ru LEE OR AN NERER d LarrTaier (Charles), négociant.....:1.4..... : LAMBERT (Léon), ingénieur en chef des ponts et chaussées en reiraile.. {1e nr LANCRENON, conservateur du musée, correspon- dant de l'Enstitut. 2/48: fe AA LANGLoIs, ingénieur des mines..... EST R LEBoN, docteur en médecine......... it LEGHTEN OUVTIÉr TOleuT 22 tee VAE Pr ne 30 » 5 » 5 » PAF PIRE 5 » D PES 20 ES 2516 VD PES 20 He: 1077 25: 20:24 55 0e 5 » 20540 5 » 9 ( » Î » 206 92:08 20 » 10 » 10,,:5 2 » pe, 250) — 509 — Luoume, ancien notaire. .............4..50 LIEFFROY, propriétaire......... CRETE SALAACRE Loiseau, premier président de la Cour d'appel .. MacxarDp (Alexandre), pensionnaire Suard de 1PAeatémie de Besancon. 27-02. ae ieber Mare (Mn née Lagrange)..." NS DL Marror (Félix), banquier ....... St Re ED Mano (Henri id" #0. ARS CIE Nr US ve), 1 ce nr. 22 pda ct Matsonxer (l'abbé), curé de Villers-Pater . .... S MaAiTREJEAN, employé des contribut. indirectes. . MaLLié (Albert), propriétaire . ....... SAIS EEE DE Marmier (le duc), membre du conseil général dela Haute-Saône... Dh de LU SAS MArNorrE architectes Rte pe ee ur Manoviser. (Camille) propriétaire 2244602 MarqQuiser (Léon), membre du conseil général de PAIE SAOne es AM RD ne ce co ON Manœin (Léonce), avoué... 2.442002. ENT: MARTIN (JB). 2... SAR EE MST Masson (M"°), propriétaire, à Pagney..:....... Maraieu, émailleur, :... me umliao.lLas.e Hire MAURICE (GENRE dit} propriétaire 5:20 05e0ve MAURICE, juge au tribunal............. Eh ne ne Mérone (le comte Werner), député à l’As- semblée nationale .:....... Sert NUE AS PATES Mrcxaux, architecte, à l'Isle-sur-le-Doubs .. ... Mrroczio (Alphonse), officier d'administration. . Monxor (Laurent), propriétaire. ........ RE DA MoxNoT-ARBILLEUR, député à l’ MR Hanoi Morez (Ernest), docteur en médecine.......... Morey (l'abbé), curé de Baudoncourt.......... MouTRizce (Alfred), banquier .............. De MoureiLce (Jules), propriétaire, .........,.... — 510 — Mounier (Auguste), propriétaire. ....... Musseuin, membre du conseil municipal MAMIE ER RE ER CCC .. NarBey (l'abbé), prof. au sémin. de Consolation. Nicop, représentant de commerce ............. Nicouin (l'abbé), curé de Saint-Maurice. ..... ORDINAIRE (Léon), chef d’esc. d'arlill. en retraite. p'OrivaL (Léon), propriétaire......:.. : Ouper, avocat, maire de Besancon... OUTHENIN-CHALANDRE père, manufacturier ..... _..... ParGuez {le baron), docteur en médecine, adjoint au maire..... Rs ae cie Dre CUT MENTON Pécor (l'abbé), profess. au séminaire d'Ornans.. PezuizzARo, marchand d'estampes........ A! Se Pequiexor (Ernest), monteur de boites......... Pequienor (Just), id. RARE Perrier (Just),.employé à la nr Perrusrer. propriétaire, à Morteau........ PE Pérey,"chirurgien-dentiste....2.100mu EL Permr\(Jean),statuainete 968026 APCE . PerTiTeuenoT (Paul), avoué...... LEE M A PERONNE, conservateur des hypothèques ..... Prcarp (l'abbé), curé de Saint-Ferjeux......... Prcor-p'AuiGny (Henri), ancien magistrat..... ; : Prnancer, médecin, à Beure....... SEA LE LR à Prpoux, avocat, ancien député...... AR CEA" Procxe (l'abbé), prof. au collége S'-Fr. Per Pro, conseiller à la Cour d'appel .........1.... DE PoIncTEs-GEVIGNEY (M) ......., CREUSE PorTERET, agent principal d'assurances........ ‘Poucxer (l'abbé), curé de Montfaucon....,, .. Pouror, banquier. » » » — 911 — Prérter (l'abbé), curé de Traves............... DE PRUDHOMME (Léopold), ancien cons. à la Cour. RexauD, complable de la caisse d'èpargnes.. RenauzrT (Narcisse), propriétaire . ...:......... Rrazpo, professeur de dessin àu Lycée........ ; Ricny (l'abbé), prof. au collége S'-Fr,-Xavier.…. RoserrT, directeur des contributions directes... DE RONFAND (M"°)...... A A CUER TNIQNN RE ROUrEAED (Mes eue ss 4 4 RTS ONE Roussezor (Paul), inspecteur d'Académie...... Roy (Jules), répétiteur à l'Ecole des haut. études. DE SAGEey-Boussières (Mm° la vicomtesse) ...... SAILLARD, direcieur/des postes 7,2 .1053.: RC SaINT-Eve (Louis), fondeur ......... RENE DE SAINT-JUAN (M')........:.. HR ETES A OREREE DE SAINTE-AGATHE (Louis), anc. adj. au maire. RACE LOUIS) SPC E. FOIRE TER ,DE SANDRaws {le baron), préfet du Doubs....... SAVOIE (Charles), fabricant d'horlogerie ........ SEGUIN, recteur de l’Académie............ HE SIRE (Georges), docteur ès-sciences, essayeur de JE ET En Ce SR PR RP CR LE LE DREUTEE SUCHET (l'abbé), supérieur du sémin. d'Ornans . TAILLEUR aîné, propriétaire............. ARE TS DAT AELENAY (ME) SSPRIRRIEARTE RIRE TERRIER DE SANTANS (le marquis), propriétaire. Terrier pe Loraÿ (le marquis), membre du con- serébnéral. du Doubs. een BRU Taicen(Eéonce), notalrer es M TATEME Taiégaup (l'abbé), chanoine..... AUTEUR RUE Travers, conseiller de préfecture.............. TriBouLEz, notaire, à Rigney.......,......,... 10 40 100 29 10 10 — 512 — Trio, censeur au Lycée.....:.... ere D'0m Trimaizze (l'abbé), prof. au collége S'- Fr. -Xavir. D'uL tre TriparD, conseiller à la Cour d’appel.......... 20 a VazrRey (Jules), rédacteur au Moniteur universel. 10:12 DE VAULCHIER (René), propriétaire ............ 102% Verz-Picarp (Adolphe), banquier. ........ ... 6,050 » VIEnnerT, surveillant sénéral au Lycée......... RRT: DE Vezer (le comte), propriétaire.........,.... 10 » WAILLE, profess. de mathématiques spéciales... Da Weiz (Henri), doyen de la Faculté des lettres, correspondant de l'Instituf..::.:........14 5 5» WILLEMIN, propriétaire ..... NN 2 bp: Total général... 34,815. 50 BERTHELOT, chimiste : offre d'exécution gratuite d’une inscription en relief sur marbre, à encastrer dans le principal groupe du square archéologique. BLonpeau (Charles), président du conseil des prud'hommes : offre de fourniture gratuite des lames de bois pour les bancs de la promenade. Brertizzor (Maurice) : exécution gratuite de photographies représentant les fouilles et don d'exemplaires de chacune d'elles. SanT-Eve (Charles), entrepreneur de serrurerie : pose gratuite d'une grille fermant l'entrée du principal souterrain. D + 1780 L RARE ac ait LAN 1Io6 7 CSS RUE lt . ! nr | ‘ LA Éethe t , D LA, > EU PAT CELA TEE RTE D Me à vi pee | LT % tu Fate DA sr. D LR pt Dre se LC 0 sim FT: ll cd . CE PAL et NE = BL ÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS 1872. SOCI gTABLISSEMEN TE A auvnaiog ww 30 | 7 NOGSIVM ‘Saäoav SANAT AQ LA SANINU SA AIAWASNA.Q NVId OILNOSAA A4 NIVWOX AXIVAHL Ë HIOLAIF PIN 2D SUSSOD Sep SdB, p fop) ar 'rèn0)-equon dhj p ir EP PPH'T A ET RE AN NEDIRT dan SEAL à: 8000 (Rp xn8a Sap ansceg ap sugep Sap Jeu "ayit/ onrasue)) ul 6154 deq À ‘aueuuoieur ua 988001 19 U0I3Q US an AI SM JIT ‘ambnue a568Q ef SUP ajtey uonemeqsas aun 8 queuauedde 2$80X II “sauydmos 9246 grejuod pust$ un.p sq I 'SJOUI0R SJUOUIDEQ Sa] JUSJUOSAIVAL SALON SAIYIEY SET Ç£ “afr-usAou ne augiecée juele ja soyou -D IN panofng""""" "pr"; opasaader ounel jure} 5T F4 Senbque SUONONYSU0D Say Juenbiput SafnL SALAOEY S2T QT HONAHOAT Auris ns . tæ SOCIÉTE D'ÉMULATIO Fi on de LA L LD / " SSSSSSSSESSSS III LÉGENDE 1 DÉVELOPPEMENT DE L'ENSEMBLE OÙ SOUBASSEMENT Ï Angie de la Maison de Boursières IT Caves des Frères de Marie II &IV Place S! Jean ® LIL, Constructions primitives id... posténeures & KE ae = S NS sms NS RKRKKK Face & Coupe des deux sys- NS mes de Constructions. . Michel, dei. d'aprés les dessins de A DUCAT, Architecte HPDOUBS — 1872: PI. II 7 M7 à LOL LL MZ, ai YJ: OS, F LS SSSR 22 4 EL versoir dé ARCIER AQUEDUC D aboutissant a un 4 CLS, placé près du Monument 4 P LD D ERSALE 02 p° 1 mètre COUPE TRANSV Echelle de 0" LLCLL DO LL DL CL LITTLE LCL UN LD Litk. & Typ Courbe-Rouxet, Dole. BE VESONTIO | Colonnade. LE L RS IT ‘Id TL 8 l — ‘S4 no 0 no NOIL v1 nw 3 0 JL 31 J0 S CRAN RS 29 Nous sommes loin, sans doute, des merveilleuses collec- tions burgondes formées avec les cimetières de Suisse par M. Troyon, avec ceux de Bourgogne par M. Baudot; mais nous avons déjà, dans nos musées de Besançon, de Lons-le- Saunier, de Vesoul et de Montbéliard (1), un point de départ sérieux pour l'étude archéologique de cette époque, et nous possédons dans notre sol des mines inépuisables à exploiter. . Cinquante-six localités franc-comtoises (2) ont déjà révélé des sépultures barbares de l’époque mérovingienne, dont la découverte, purement fortuite, n’a donné lieu le plus souvent à aueune vérification régulière et scientifique. Ce sera l'œuvre de nos sociétés savantes d'explorer successivement tous ces cimetières par des fouilles intelligentes, et de recueillir ainsi peu à peu les éléments d'une étude complète sur nos sépul- tures barbares de Franche-Comté. (1) Le musée le plus riche en antiquités burgondes est celui de Besan- çon ; celui de Lons-le-Saunier vient ensuite avec ses plaques de Coldres, de Saint-Maur, Montmorot, etc.; celui de Vesoul, avec le produit des fouilles de Beaujeu; celui de Montbéliard, avec les dépouilles des cime- tières de Peseux et d'Allenjoie. « (2) Ces cinquante-six localités sont par ordre alphabélique : Allen- joie, Arlay, Barésia, Beaujeu, Besançon (Port-Jouan, Bornay, Bucey- lez-Gy, Chaffois, Chargey-lez-Gray, Chavanne, Chevigney-sur-l'Ognon, Clairvaux, Clucy, Coldres, Colombe, Courlaoux, Cramans, Cussey, Dam- benoit, Dammartin, Grèze, Lavernay, Lavigny, Lods, Lons-le-Saunier. Macornay, Marnoz, Maynal, Menétru, Menoux, Meurcourt, Miserey, Montmorot, Montrond, Palise, Perrigny, Peseux, Plainoiseau, Pont- des-Arches, Ranchot, Rougemont, Saint-Germain, Saint-Gorgon, Saint- Maur, Salins, Sarraz, Soye, Soyria, Tresilley, Uzelles, Grand-Vaire, Valeroy, Vellechevreux, la Villette, Voiteur, Vuillecin. ESS MONUMENTS COMMÉMORATIFS Par M. Alfred DUCAT, architecte. Séance publique du 19 décembre 1872. Parmi les dates qui compteront désormais dans les annales françaises, nous avons à inscrire celle de 1870-71, date fu- nèbre, lugubre, sous laquelle nous avons vu, en quelques mois, la guerre avec l'étranger, l’'écroulement d'un empire, la famine dans des places assiégées, l'exigence d’une rançon sans exemple, et, pour touronner le tout, la guerre civile. À peine, aujourd'hui, commençons-nous à cicatriser nos plaies. Après de telles catastrophes, il faut que nous songions à instruire les générations qui vont nous suivre : nous devons leur montrer quelles ont été les ruines causées par l'invasion et par la démagogie ; nous avons à leur répéter combien a souvent été grand l'héroïsme de nos soldats. Pour perpétuer la mémoire de ces faits, des monuments commémoratifs s'é- lèvent maintenant sur les points du territoire qui ont été les principaux théâtres des combats. Ces pierres parleront; leçons toujours vivantes, livres toujours ouverts qui diront au pas- sant : Souviens-toi ! Depuis l'antiquité la plus reculée, les légendes racontées de père en fils furent accompagnées, bien souvent, de mani- festations matérielles, aidant à la mémoire par des signes du- rables. Dans une famille, on plantait un arbre lors de la nais- sance d'un enfant; dans une tribu, après un combat, on éle- — 529 — vait un tertre sur les corps des victimes ; dans d’autres cir- constances, on dressait une pierre et l'on offrait des sacrifices à la divinité. Constitués en nation, les hommes ont toujours voulu con- server le souvenir des grands faits de leur histoire, ainsi que des hommes généreux qui se sont dévoués pour leurs sem- blables. Dans ce monde, où tout passe si vite et nous échappe avec tant de rapidité, il y a dans les érections de monuments com- mémoratifs, non-seulement une pensée de famille ou de pa- trie, mais l'aspiration à quelque chose de stable, d’indestruc- tible. Sur un cadavre qui s’anéantit, la tombe que l’on élève est une affirmation de notre croyance à l’immortalité. Il peut être intéressant de passer en revue un certain nombre de monuments historiques, en cherchant des types apparte- nant à diverses époques et aux climats les plus variés (1); là, en effet, on lit sur la pierre, le marbre ou l’airain, les véri- tables annales de l'humanité. I ÉPOQUES PRIMITIVES. En remontant aux âges les plus reculés, on peut dire que les tables de la Loi, rapportées aux Hébreux par Moïse à sa descente du Sinaï, étaient déjà un monument commémoratif destiné à conserver sur la pierre les Commandements divins. C'est pour renfermer ces tables que furent construits, d’abord l'arche d'alliance, puis plus tard le splendide temple de Salo- mon. Les monuments les plus primitifs, servant soit de tombeaux, soit simplement de signes commémoratifs, sont certainement les tumulus où amas de pierres. On rencontre de ces monti- (1) Art monumental, par BarTissrer, etc. 37 — 530 — cules factices dans toutes les contrées du globe. Dans quelques pays, même, on a encore conservé l'usage d'indiquer par une de ces agglomérations de pierres quelque fait extraordinaire. En étudiant les monuments celtiques, on a cru remarquer que certains men-hirs avaient dû être comme des trophées marquant la place d'une victoire : plusieurs grands tumulus n'ont peut-être pas eu d'autre destination. Ïl y a eu, en second lieu, des monuments taillés sur le flanc ou dans l'intérieur des montagnes. Ainsi, dans la chaîne arabique, on a su utiliser les nombreuses cavernes formées par les carrières ouvertes pour la construction de Memphis. Ces excavations sont intéressantes par les inscriptions et les stèles que l’on y retrouve : documents de la plus haute anti- e quité et donnant les dates des travaux, avec l'indication des édifices pour lesquels les pierres ont été préparées. Parmi d’autres exemples, que l'on aurait à rappeler en foule, on doit citer un spéos ou temple souterrain, situé à Silsilis, près du Nil, et qui forme un vrai musée par la quan- tité des bas-reliefs qui en décorent les parois. Ceux-ci, taillés dans le roc, se rapportent à la conquête de l'Ethiopie et sont très remarquables. En Perse, au milieu des débris couvrant la plaine où fut Persépolis, on trouve des inscriptions qui, d'après les savants orientalistes Burnouf et Lassen, indiquent que Xercès et Da- rius, fils d'Hystaspe, firent élever des monuments sur lesquels se trouvaient, à la suite de leurs noms et de leurs titres, toute l'énumération des peuples soumis à leur puissance. Sur un autre point, au-dessous des tombeaux de Nakschi- Roustam, des artistes grecs ont sculpté, sur le versant de la montagne, des bas-reliefs de dimensisns colossales en l’hon- neur des monarques persans : l'un des groupes représente le triomphe de Sapor sur l’empereur Valérien (l'an 200 de J.-C.). Les ruines de la Syrie et de l'Asie mineure, notamment celles de Palmyre et de Baalbeck, ont donné des restes très caractérisés de monuments honorifiques. — 531 — Les bas-reliefs exhumés des ruines de Ninive contiennent aussi un grand nombre de figures dont certaines, placées en cortége les unes à la suite des autres, semblent se rapporter au triomphe d’un roi d'Assyrie el à la soumission de quelque nation vaincue. La plupart des obélisques de l'Egypte étaient des monu- ments uniquement historiques. Dressés deux à deux, en avant des palais et des temples, 1ls servaient à rappeler par leurs hiéroglyphes tout ce qui se rattachaït à la fondation de ces édifices et aux titres comme à la généalogie de leurs fonda- teurs. Dans la Nubie inférieure, le grand temple d'Ibsamboul, creusé dans le massif d'un mont, offre dans la première de ses vastes salles une suite de bas-reliefs commémoratifs rap- pelant les conquêtes de Rhamsès-le-Grand en Afrique et en Asie. Le pharaon, monté sur son char de triomphe, est repré- senté accompagné de prisonniers nègres et nubiens; le tout est de grandeur naturelle et forme une magnifique composi- tion. Les autres salles sont garnies de bas-reliefs religieux et de statues. ï Le royaume de Siam possède, à présent encore, près de Juthia, une pyramide gigantesque formée de plusieurs étages et surmontée d’une haute et élégante aiguille. Cet édifice, qui est d’une grande richesse d'ornementation, rappelle aux Sia- mois une victoire remportée par leurs pères sur le roi de Pégu. Après les exemples que nous venons de citer et qui se rap- portent à des contrées si différentes de la nôtre, nous pouvons plus facilement établir par groupes ce qui nous reste à passer en revue. La plupart des monuments commémoratifs, construits à des époques plus rapprochées de la nôtre, sont compris dans quatre types principaux : 1° Le tumulus ou le tombeau recou- vrant les restes d’une personne ou ceux d'un groupe d'indi- vidus; 2° la siatue dressée sur un piédestal et représentant soit un homme célèbre, soit quelquefois une figure allégorique ; — 932 — 3° la colonne qui, touen portant souvent à son sommet la figure d'un personnage, donne sur le fût et en longs dévelop- pements la représentation d'une série de faits; 4° l'arc de triomphe, qui, sous la forme d’un grand portail isolé, composé de une, deux ou trois arcades, est revêtu sur ses différentes faces de bas-reliefs, de statues et d'inscriptions. En plus, nous aurions encore à parler des médailles, des pierres gravées, et enfin des édifices renfermant à eux seuls plusieurs des éléments qui précèdent. Les courtes limites de ce travail ne permettent pas d'entrer dans les développements que comporterait le vaste sujet qui nous occupe. TL DES TOMBEAUX. La première catégorie, celle des tombeaux, formerait à elle seule une étude importante; nous n’en pourrons dire que quelques mots. Plusieurs des peuples de la Grèce adoptèrent l'usage d'in- humer leurs morts dans des grottes creusées dans le roc et qui devenaient parfois de véritables nécropoles. Les inscrip- tions qui y sont restées gravées ont aidé plus tard à éclairer bien des faits historiques. Les sépultures de Patrocle, d'Achille, de plusieurs des héros célébrés par Homère, n'étaient que de simples tumulus ayant la forme d’une colline plus ou moins élevée. Il n’en reste que peu ou pas de vestiges. Chez les Romains, on conservait religieusement, dans le tablinum des maisons, les images des ancêtres, les généalogies et les archives des aïeux. Beaucoup de tombeaux étaient, chez eux encore, des édifices très importants et qui devenaient des monuments commémo- ratifs de personnages et de faits remarquables. Le plus ma- gnifique d’entre eux a été le mausolée d’Adrien, devenu depuis — 533 — le château Saint-Ange ; il rappelait, par sa forme et sa déco- ration, le fameux tombeau de Mausole et les bÜchers pyra- midaux. Outre les monuments élévés sur un ou sur plusieurs morts, il y eut un genre d'édifices seulement commémoratifs et que l'on nommait cénotaphes. Il y a eu aussi des édicules à la fois funéraires et religieux, construits en l'honneur d'anciens chefs de familles. JIT DES STATUES. Mais, ailleurs que sur des tombeaux, on voulut aussi con- server l'image des hommes qui s'étaient rendus célèbres : dans quelques habitations particulières, et surtout dans les lieux publics, on éleva des statues à ceux dont on tenait à ho- norer l4 mémoire. . Dans l'Egypte, par exemple, les deux colosses dits statues de Memnon représentaient chacun un pharaon assis; ils avaient été érigés par Ménophis IT, en avant de son palais et en l'honneur de son père Ammon. En Grèce, où le sentiment des populations eut un caractère spécialement national, l'art s'appliquait peu à favoriser le luxe et les rivalités particulières ; 1l se consacrait beaucoup plus au eulte religieux et à la glorification des hommes illustres. Les villes victorieuses employèrent souvent les produits de la dépouille des peuples vaincus à élever des édifices publics, parmi lesquels étaient des temples magnifiques. Tà, sur les fûts des colonnes, ou contre les frises des entablements, on suspendait des boucliers sur lesquels étaient peints les por- traits des citoyens qui avaient bien mérité de la patrie, Dans les palestres, attenant aux gymnases, les murs d'en- ceinte étaient couverts de peintures murales dont les sujets historiques occupaient l'imagination des jeunes gens, en même temps que ceux-ci se livraient aux exercices du corps. — 534 — On alla plus loin encore : à Rome comme à Athènes, l’art du sculpteur fut employé pour transmettre à la postérité les traits de ceux qui remportaient les prix de la force ou de l’a- dresse dans les jeux du gymnase. En même temps, les ar- chives publiques, les inscriptions, les chants des poètes célé- braiïent le triomphe de ces vainqueurs, que l’on élevait presque à la hauteur des héros. À Rome, Hadrien fit bâtir plusieurs temples en l'honneur de Trajan et de trois des personnes de sa famille. Puis, à son tour, Hadrien eut des statues que les principales villes de la Grèce firent placer à Athènes en son honneur, dans le temple de Jupiter Olympien, achevé par ses soins. Dans les temps modernes, on a toujours maintenu l'usage d'élever des statues historiques aux savants, aux hommes cé- lèbres, aux bienfaiteurs de. l'humanité. La pierre ou le métal ont reproduit les traits de Jeanne d'Arc, à Rouen; de Gut- tenberg, à Strasbourg; de Jacquard, à Lyon; de saint Ber- nard, à Dijon; de saint Charles Borromée, à Milan; de Bel- zunce, à Marseille; de Washington, à New-York; de Louis XIV et de sa pleïade d'hommes illustres, dans la grande cour de Versailles; les femmes célèbres de la France, à Paris, dans le jardin du Luxembourg, etc., etc. CNE DES COLONNES. Cependant cette glorification par des statues n'a pas tou- jours suffi. Quand on a voulu ajouter à la représentation d'un personnage des sculptures et des inscriptions rappelant des séries de faits, on a imaginé des colonnes dont les anneaux ou les spirales décorant l'enveloppe se prêtaient aisément à . cette destination. Les Assyriens avaient été les premiers à élever des colonnes en l'honneur de leurs dieux. Les Grecs, qui les imitèrent, en — 535 — érisèrent aussi sur lesquelles on gravait les lois et les décrets du peuple ou du sénat. A Rome, sur les grands chemins, des colonnes milliaires indiquaient non-seulement des distances et des renseignements géographiques, mais aussi le nom du consul ou de l’empereur qui avait fait construire ou réparer la voie. £ On fit des colonnes chronologiques portant des dates et des inscriptions historiques, des colonnes rostrales auxquelles on suspendait les proues des navires pris à l'ennemi, des colonnes honorifiques rappelant la mémoire des citoyens morts pour le service de l'Etat, etc. Déjà, sous Tullus Hostilius, on avait érigé, près du forum romain, une colonne prismatique à laquelle on avait suspendu les dépouilles des trois Curiaces. Le marbre de Numidie fut employé pour la colonne que se dédia César en plein forum. Plus tard, Trajan et Marc-Aurèle firent élever des colonnes enrubanées de bas-reliefs, qui rappelaient leurs victoires sur les Daçes et les Marcomans. Sous Théodose I* et Arcadius, on vit se dresser à Constantinople plusieurs colonnes, dont l'une entre autres, celle de Théodose, était décorée de bas- reliefs en marbre. Parmi les colonnes modernes, rappelons celle du Congrès, à Bruxelles, celle de l’Immaculée Conception, à Rome, celle de la Bastille, à Paris, et enfin cette malheureuse colonne de la place Vendôme, qui, élevée pompeusement en des jours de gloire, fut renversée ignoblement en des jours de honte, sur un lit de furier ! V DES ARCS DE TRIOMPHE. Aux diverses époques dont nous venons de parler, des por- tails, formant à eux seuls des monuments commémoratifs, ont été très fréquemment employés. Dans l'origine, construits en — 936 — bois et à la hâte pour le retour d'un vainqueur, ils étaient décorés avec les trophées pris à l'ennemi. Mais quand vint le désir de conserver à la postérité la représentation des faits glorieux qui illustraient la nation, on remplaca le bois par la pierre, celle-ci souvent même revêtue d'ornements en marbre ou en bronze. Les peuples de l'Orient avaient, depuis longtemps, adopté un usage analogue, et ils l’ont conservé. Ainsi, en Chine, à l'entrée d’une ville, d'une rue, ou simplement devant un bâ- timent important, on rencontre fréquemment de grands por- tails isolés, construits en bois ou en pierre; des dorures et de vives couleurs y rehaussent l'effet des sculptures, Très souvent, ces monuments sont élevés aux frais de l'Etat, en l'honneur d'hommes recommandables par leurs vertus ou leurs talents. A l’époque romaine, et depuis l'emploi de l'arcade, l'arc triomphal fut spécialement destiné à orner les avenues et les places publiques. Sous Auguste, la restauration des grandes voies qui abou- tissaient à Rome fut suivie de la construction d'arcs à Rimini et à Fano, pour conserver le souvenir de ces entreprises. Après les victoires de Titus sur les Juifs, le sénat et le peuple votèrent un arc de triomphe en l'honneur de ce prince et de son père Vespasien. Au moment où Trajan mourut à Sélinunte, on lui élevait un arc en mémoire de ses dernières conquêtes. D'autres arcs furent encore dédiés au même empereur, à Bénévent et à Ancône. Rome accorda également un arc de triomphe à Marc-Au- rèle, puis à Septime-Sévère, au sujet des victoires qu ils avaient remportées sur les Perses. Les négociants en construisirent un autre, au premier de ces princes, dans le forum baorium. Le troisième Gordien eut aussi son arc. Enfin, pour célébrer la victoire de Constantin sur Maxence, le sénat et le peuple se réunirent pour voter ensemble un arc au vainqueur. — 937 — Les pays soumis à la domination romaine suivirent ces exemples. En Gaule, on bâtit les arcs d'Orange, de Carpen- tras, de Cavaillon, de Saint-Remy, de Saint-Chamas, de Saintes, de Langres, de Reims, d'Autun et de Besancon. Dans le nord de l'Afrique, on rencontre encore aujourd'hui plusieurs arcs très importants bâtis sous la domination ro- maine. En établissant à Byzance le siége de son empire, Gonstan- tin dota de plusieurs arcs sa nouvelle capitale. “Notre Paris moderne a également ses arcs de triomphe. Les portes dites de Saint-Denis et de Saint-Martin, construites de 1672 à 1675, rappellent, l’une la campagne de Hollande, l’autre la conquête de la Franche-Comté par Louis XIV. En- - fin l'arc du Carrousel, et surtout le gigantesque arc de l'Etoile, témoignent des glorieuses campagnes de Napoléon [°. VI DES MÉDAILLES. En souvenir de l'érection d’un monument, lors de la pose solennelle de la première pierre, on a souvent frappé des mé- dailles commémoratives, dont l’une s’incrustait dans l'édifice et dont les autres se distribuaient aux dignitaires ou se ven- daient à la population. Beaucoup de faits remarquables ont donné lieu à la produc- tion de médailles. Cet usage s’est continué jusqu'à nos jours. VII DES PIERRES GRAVÉES. La glyptographie, ou l'étude des pierres gravées, fournit également, à elle seule, des documents excessivement inté- ressants et des plus importants. Les peuples les plus anciens — 538 — cultivèrent l'art de graver sur pierre. Par des inscriptions et par des figures, faites tantôt en relief et tantôt en creux , ils ont donné sur les pierres les éléments de leur législation, de leur religion, de leurs arts et de leurs sciences; on y trouve les portraits de leurs grands hommes, et même la reproduc- tion sommaire d'édifices où de précieux objets d'art (1). VIII $ DES GRANDS ÉDIFICES. Nous terminerons cette élude trop sommaire par l’indica- tion de quelques monuments commémoratifs qui, au lieu d'être de simples édicules isolés, étaient des bâtiments impor- tants. À Lyon, sous la domination romaine, l'assemblée gé- nérale des peuples de la Gaule consacra ses actes par l'érection d'un temple dédié à Rome et à Auguste. Dans Rome même, Vespasien fit élever un temple à la Paix; il ÿ déposa les: dé- pouilles rapportées de la Judée. Au moyen âge, beaucoup d églises, de chapelles et d'éta- blissements religieux furent fondés en mémoire d'événements. remarquables, ou à la suite de vœux prononcés dans des mo- ments de dangers particuliers ou de malheurs publics. C'est à cette époque que l’on éleva la Sainte-Chapeile de Paris, la Sainte-Chandelle d'Arras, Notre-Dame d'Auray, et, sur les bords de la mer, Notre-Dame de la Garde, Notre-Dame de Bon-Secours, etc. L'intérieur de ces édifices était rempli lui-même d'objets commémoratifs : peintures murales, sculptures, verrières de couleur, eæ-voto, tout parlait aux yeux et racontait des faits extraordinaires. La tradition de ce genre de manifestations a (1) Une étude pleine d'intérêt sur les pierres gravées a été lue par M. Le BruN-DaLBanxe, de Troyes.-dans la séance même où se produi- sait le présent opuscule, AU: “il — 539 — été ralentie par intervalles ; elle semble aujourd'hui reprendre une nouvelle vie. Enfin plusieurs monuments, construits d'abord pour une destination très ordinaire, sont devenus historiques et com- mémoratifs par les faits qui s' y.sont passés, par les person- nages qui les ont habités, ou par les artistes qui ont contribué à leur décoration. De ce nombre étaient plusieurs des monu- ments de Paris, que les Vandales de 1871 ont détruits : ainsi, le palais des Tuileries, qui remontait à Catherine de Médicis; l'Hôtel de Ville, qui avait été commencé sous Francois I‘; le Palais-Royal, construit par Richelieu ; le Palais de Justice, dont certaines parties avaient abrité nos anciens monar- ques, elc. Dans ces palais, dans ces galeries, toutes les cours de l'Eu- rope avaient été recues pendant les expositions de 1855 et de 1867, et fréquemment la France y donnait une hospitalité digne d'elle aux potentats des deux mondes et aux célébrités scientifiques et artistiques. | è n Ces édifices, que l'étranger venait admirer, qu'il nous en- viait, ont disparu en un jour néfaste : le pétrole enflammé les a transformés en ruines. Cette honteuse dévastation avait eu pour prélude le renversement de la colonne de bronze qui ra- contait les exploits de nos pères. Puisque des mains françaises, et parmi elles des mains franc- comtoises, ont osé commettre publiquement de pareils for- faits, qu'il soit permis aujourd'hui à une bouche francaise, franc-comtoise, de protester hautement contre ces infamies, et d'appeler de tous ses vœux une époque de réhabilitation et de lumière, de concorde et de paix. MONNAIES GAULOISES DES NÉQUANEN Par M. Auguste CASTAN. Séance du 8 juin 18,72. Pas plus en numismatique que dans toute autre branche des arts industriels, les Gaulois n'ont eu d'inspirations origi- nales. La religion des Druides, essentiellement idéaliste et contemplative, interdisait à ses adeptes la représentation des êtres animés. L'enseignement était oral et n'avait d'autre dé- pôt que la mémoire de ceux qui le recevaient. Les transactions ne consistaient qu'en échanges, dont la loyauté réposait uni- quement sur la parole donnée. En un mot, 11 Gaule, au temps de sa sauvage indépendance, ne connut pas la monnaie et ne fit point usage de l'écriture. Ce ne fut que quand cette nation eut été pénétrée par le gémie mercantile des Grecs et entamée par le glaive conquérant de _Rome, qu'elle dut réformer ses instincts naturels et aviser aux moyens soit de commercer, soit de parlementer avec ses cupides envahisseurs. Alors elle essaya de peindre son lan- gage avec l'alphabet des Grecs, et elle se mit à calquer les monnaies que les Phocéens et les Latins lui livraient en échange de denrées. Les monnaies gauloises n'étant pour la plupart que des imitations, plus ou moins maladroïtes, des espèces grecques ou romaines, et les mots qui se rencontrent sur quelques- unes d’entre-elles ayant rarement un sens saisissable, ce n’est ni par leur cachet artistique, encore moins par la significa- tion de leurs légendes, que le plus grand nombre de ces pièces — 54 — peuvent être restituées aux diverses peuplades qui les ont émises. C'est pourtant à ces deux ordres de considérations que l’on eut tout d'abord recours pour classer les monnaies gauloises : aussi nombre d'attributions en cette matière ont-elles été ren- versées par la critique locale. Pour avoir lu SANT au lieu de SAMI sur un groupe considérable de pièces gauloises, un numismatiste très connu avait donné aux Santons, peuplade de l’ouest, des monnaies qui ne se rencontrent que dans l'est de la Gaule (1). En interprétant la légende KAL qui se lit sur une classe de monriaies gauloises, certains érudits avaient attribué ces pièces aux Calètes, tandis que d’autres chercheurs, se fondant sur le style de la fabrication de ces mêmes espèces, les donnaient aux Sénons, aux Edues et aux Leukes : il est cependant avéré que les monnaies ainsi légendées se trouvent toutes dans l’ancien territoire des Lingons (?). « M. Weiss, écrit M. de Saint-Ferjeux, avait eu l'obli- geance de demander pour moi des renseignements sur. les monnaies des Séquanais au conservateur du musée de Besan- con, qui avait bien voulu me communiquer la note suivante : « Les médailles gauloises en argent qui se rencontrent le » plus souvent sur le sol de la Franche-Comté sont les éduennes. » Celles en potin qu'on retrouve le plus sont les leuci. » . » D'après cette note, ajoute M. de Saint-Ferjeux, il paraï- trait qu'on ne trouve dans la province séquanaise que les mé- dailles des Eduens et des Leukes, ce qui signifierait que les Séquanais n'avaient point de monnaie à eux, et se servaient des monnaies des Eduens et des Leukes, ou que toutes les monnaies des Séquanais ont disparu. On voit qu'il s'était passé, pour les Séquanais, ce qui, comme on l'a vu, avait eu lieu pour les Lingons, c'est-à-dire qu'en se fondant sur des (1) Revte numismatique, 1838, p. 1, pl. IL. (2) Th. P. De Sanr-Ferseux, MWolice sur les monnaïies des Lingons et sur quelques monnaies des Leukes, des Séquanais et des Eduens, 1867, p. 14. — 542 — analogies dans les types, sur des légendes ou sur toute autre indication, on avait donné aux Eduens et aux Leukes les mé- dailles des Séquanais, comme on avait aussi donné aux Eduens, aux Tricasses, aux Leukes, les monnaies des Lingons, et les Bisontins avaient accepté ces attributions étranges sans penser à les contrôler (1), » Frappé de cette confusion et désirant y mettre un terme, M. de Saint-Ferjeux entreprit une nouvelle enquête: Cette fois, il ne demanda plus à ses correspondants des opinions, mais uniquement l'indication figurée des monnaies gauloises qui se rencontrent le plus fréquemment dans telle circon- scription territoriale. « J'ai pensé, disait-il, que si dans vingt, trente, quarante découvertes de médailles gauloises faites dans une même lo- calité ou dans une même province, on trouve presque tou- jours les mêmes médailles, et ces médailles en bien plus grand nombre que les autres, les découvertes toujours renouvelées de ces médailles ne peuvént être expliquées qu'en admettant qu'elles appartiennent à la province dans laquelle elles sont trouvées. Les lésendes, les types paraîtraient-ils devoir faire supposer le contraire, qu’on ne pourrait pas ne pas se rendre à l'évidence, au fait matériel (?). » La méthode était simple et logique; c'était celle que Lam- bert, de Bayeux, avait émployée déjà pour déterminer les monnaies gauloises de la région armoricaine (3). D'après les renseignements qui lui furent fournis par le docteur Sallot, de Vesoul, par M. Anatole de Barthélemy et par moi, M. de Saint-Ferjeux (4) crut pouvoir sûrement attribuer aux Sé- quanes six types monétaires, ceux qui figurent, dans la planche ci-jointe, sous les numéros 3, 7, 9, 10, 11 et br (1) Th. P. De Sant-Ferseux, Nolice précitée, p. 25. (2) Th. P. pe Sant-FerJeux, Notice, p. 9. (3) Ed. LamBenr, Essai sur la numismatique gauloise du nord-ouest de la France, 1844, pp. 1 et 2. (4) Notice, pp. 24 et 25. Fe — 543 — J'avais retenu les excellents principes formulés et mis en pratique par M. de Saint-Ferjeux, et je m'étais promis de les appliquer à une recherche encore plus complète des monnaies que les Séquanes avaient émises. Une occasion s’offrit à moi pour-entreprendre cette tâche. J’eus à classer l'important mé- dailler de la bibliothèque de Besançon, composé d’au moins 15,000 pièces, parmi lesquelles je distinguai 390 monnaies gauloises, la plupart trouvées sur le territoire de Vesontio, le maximum oppidum des Séquanes. Ce groupe monétaire com- prenait 65 types distincts : de sorte que si chacun de ces types avait été représenté par un nombre égal d'exemplaires, nous aurions eu six pièces de chaque type. Mais il en était autre- ment, et l'abondance des exemplaires de certains types m'in- diqua bien vite quels étaient ceux que je devais restituer aux Séquanes. La petite monnaie de potin à la légende &OC(1) (fig. 9) compte-dans notre collection 13 exemplaires. Le grossier type en potin ayant pour revers une sorte de cheval cornu (?) (fig. ?, 6, 7, 10, 11 et 13), est représenté par 59 pièces. Les variétés, toutes en potin, réunies dans la fig. 12, nous ont fourni 48 exemplaires. Les monnaies coulées en potin, au revers d’un sanglier sur un couronnement d’étendard (äg. 4, 5, 8, 14 et 15), se nom- brent par le chiffre 31. Nous possédons 10 exemplaires de la petite monnaie d’ar- gent aux légendes Q.DOCI SAMI (fig. 3). Il n'existe dans notre collection qu’une seule pièce d’ar- gent à la légende SEQVANOIOTVOS (fig. 1) G); mais cette monnaie, toute rare qu'elle paraît être dans la contrée sé- (1) Voir la représentation grandie d'une variété de ce type, dans l'Art gaulois, par M. Eug. Hucxer, ?° partie, p. 106. (2)- Voir le même ouvrage, p. 107. (3) Voir l'Art gaulois ou les Gaulois d'après leurs médailles, 1"° partie, pl. LxxvInx, fig. 2. — d44 — quanaise, ne saurait nous être contestée, puisqu'elle est la seule qui soit signée du nom des Séquanes. : La plupart de ces monnaies avaient été reconnues, dans ces derniers temps, pour appartenir aux Séquanes; mais per- sonne n'avait encore attribué à ce peuple les espèces coulées qui ont pour revers le sanglier-étendard, et cependant on a pu voir qu'elles sont assez abondantes dans le médailler de la bibliothèque de Besançon. En revanche, cette collection n’a pas un seul exemplaire des monnaies d'argent à la légende TOGIRIX, ni de celles à la légende K@IOC, que leur analogie de type avec les espèces signées Q.DOCI avaient fait attribuer aux Séquanes (1). Des KQIOC, je ne connais aucun exemplaire trouvé en Franche- Comté. Quelques TOGIRIX se sont rencontrés à Beaujeu- sur-Saône (?); mais cette localité étant sur les confins des Lingons et des Séquanes, les espèces gauloises qui en sortent pourraient être considérées comme provenant de l'une et de l’autre de ces peuplades. En consignant ici les remarques qui précèdent, je n'ai point prétendu faire de la doctrine sur un sujet qui ne pourra être élucidé que par les observations d’un grand nombre de cher- cheurs, J'ai voulu seulement poser les termes d’un problème qui intéresse nos origines provinciales, en même temps que provoquer les recherches qui peuvent conduire à sa solution. « Espérons, avec M. Eugène Hucher G), que l'avenir nous - réserve l’élucidation des points encore obscurs de cette série de médailles. » (1) F. ne Sauzcy, Numismatique des Eduens et des Séquanes, dans la Revue archéologique, 2° série, t. X VII, 1868, pp. 134-135. (2) A. Gevrey, Calalogue des monnaies gauloises et romaines trouvées à Beaujeu dans les fouilles de 1861. (Mém. de la commission d'archéologie de la Haute-Saône, 1862.) (3) L'Art gaulois, ?° partie, p. 107. 8 Juin 1879 1 a SR, E Tr S CN =. À, e\. SEA 1 À NT 4 S5 x ED T7ES MONNAIES ATTRIBUÉES AUX SÉQUANES, (Collection de la Bibliothèque de Besançon). ue el 14 vd QT , TA ous ts EN re. f 20 28 À) pe TOME ie + Ÿ Te, 4 É a. “ 2 & | fn) : 01 PF . PE % ‘143 Wie" F3 4 : Br A Fr: Re g L Cr 7 / “ Fe y $ eue e + (G fait ve ok 1 1 RUES ÿ , # a : 4 p D IE LT EE “ho lat 19” ai APE L PRES Ÿ e ul Le » À nl ‘ “ ls dé CH ÿ 7 3 4 Mrte vos : cu LU t + Ê Sant AUOLNILES nai “) 4 re h: PRESENT BY 16 Et: ATOME PET RAS #90) bit à ASE + œ re ant ann CURE CR — 545 — Dons faits à la Société en 1872. Par M. le MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE., 1,500 f. Parle DEPARTEMENT DD DOUBS.....5.5 2400 300 Par la VILLE DE BESANCON ...... Re LME 600 Par M. le MinISTRE DE L'INSTRUGTION- PUBLIQUE, Revue des Sociétés savantes, 5° série, t. II (octobre-décembre 1871), t. III (janvier-juin 1872), — Rapport fait à l'Académie des Inscrip- tions et Belles-Lettres sur le concours des antiquités de la France pour 1871, par M. Ch. Jourdain, in-4°; — ÆExtrait d'un mé- . moire sur les armées romaines et leur emplacement, par M. Ch. Robert, in-4°; — Rapport sur les pertes éprouvées par les _ bibliothèques. publiques de Paris en 1870-1871, par M. Bau- drillart, in-8°. Par LA CHAMBRE DE COMMERCE DE BESANCON, Compte-rendu . des années 1870 et 1871, in-4°. a Par°MM. Jurcexsex (Jules), membre correspondant, ses ouvrages inti- tulés : Pendant la guerre, trois poèmes, Genève, 1871, in-1?; Traduction des contes danois d'Andersen, Genève et Paris, 1861, in-12; Une campagne artistique dans le Jura : les Loclois à Pontarlier en 1868, broch. in-8°; Le soir du combat, récit d’une infirmière, poème dramatique, Genève, 1871, broch. in-8°; Les orgues du temple réformé français du Locle, Neuchâtel, 1860, broch. in-8°. ; ; 38 — 546 — Par MM. Laurens (Paul), membre résidant, son Annuaire du Doubs et de la Franche-Comté pour 1871 et 1872, in-80. CHANTRE (Ernest), son Mémoire sur les palafittes, ou construc- tions lacustres du lac de Paladru' (Isère), Grenoble, 1871. in-4°, 13 pl. lithogr. Querezer (Adolphe), cinq brochures publiées par lui sur les Phénomènes célestes observés en Belgique pendant les années 1868 et 1869, in-8°. Duruy, membre honoraire, le t. IIT de son Histoire des Ro- mains, Paris, 1871, in-85. . Hucxer (Eugène), les livraisons 6, 7 et 8 de la première partie de son ouvrage sur l’Art gaulois, plus ses brochures inti- tulées : Collection de sceaux des archives de l’Empire, compte- rendu, 1863; Catalogue de la collection de sceaux-matrices de M. Eugène Hucher, 1863; Sigillographie du Maine, 1871; Le jubé du cardinal Philippe de Luxembourg à la cathédrale du Mans, 1870; Compte-rendu des travaux de la commission d'archéologie de la Sarthe, 1872. Mari (Henri), membre honoraire, ses Etudes d'archéologie celtique, Paris, 1872, in-8°. VIVIEN DE SAINT-MarTIN, membre correspondant, son Année géographique, 9° et 10° années, 1870-71. Deuzui (Eugène), membre correspondant, à Epernay : Mis- cellanées champenoises (Discours de la défaite des Bourgui- gnons à Villefränche, le 4 août 1597; — Les protestations faites au roi par les habitants de Chdieau-Thierry, le 2 no- vembre 1615) ; deux plaquettes réimprimées en 1872 (exem- plaire de présent sur papier vert d’eau). Quiquerez, membre correspondant, sa notice sur Delémont, le Vorbourg et la Vallée, Delémont, 1872, broch. in-8°. SiRE, président annuel : Quinze livraisons des Mémoires de la Société, de 1844 à 1856. Casran, secrétaire décennal, Précis des travaux de l’Académie de Rouen, 1866-1871, 6 vol. in-8°. — 547 — Par MM. Bonxez (J.-F.), son Essai sur les définitions géométriques, Paris, 1870, broch. in-&°. Résaz, membre honoraire, son Mémoire sur les volants des machines à vapeur à détente et à condensation, Paris, 1872, broch. in-8°. ConTEJEAN, membre correspondant, ses Fables écrites dans le palois de Montbéliard, Porrentruy, 1872, broch. in-8°; et son Essai d'une classification des mammifères, Montpellier, 1872, broch. gr. in-8°. CHorarp, membre résidant, sa Petite géographie du départe- ment du Doubs à l'usage de l'enseignement primaire, Paris, 1872, in-12. Piceorre (Léon), son Etude sur les travaux d'achèvement de la cathédrale de Troyes (1450-1630), Paris, 1870, in-fol., fig. ne Preuzr (Joseph) : Dague en fer du xv® siècle, trouvée dans le Doubs, près d’'Osselle. — 048 — Envois des Sociétés correspondantes en 1872, Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifique de France, année 1872. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et ar ls de Poligny, 12° année (1871), n°° 3-12; 13° année (1872), ns 1-7. Mémoires de l'Académie de Caen, 1870-1871. Société des sciences médicales de l'arrondissement de Gannat, 1871 et 1872. Bulletin de la Société Dunoise, n°5 10- si 1871-1872. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, t. XXIV (2° série, t. IV), 1870, t. XXV (2° série, t, V),-1871, t. XXVI (2° série, t. VI), 1872, Procès-verbaux de la Société des lettres, sciences et arts de l’A- veyron, t. VII (1868-1870). Revue Africaine, n°5 89-95 (1871-1872). Revue Savoisienne, 12° année (1871), n° 12; 13° année (1872), nr 1=14, Mémoires de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or, t. VITE, {re livraison. Mémoires de l’Académie de Besançon, séances des 28 janvier 1870 et 29 janvier 1872. Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, 1869-70. Actes de la Société jurassienne d'Emulation, réunie à Delémont le 3 octobre 1871; — Table des Mémoires de cette Société, de 1849 à 1869. Annales de la Société d'Emulation de l ee 1871. Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 39° année, 2° série, t. XXVII-XXX, 1869-1870 ; — Annuaire de cette. Acadé- mie, 1870 et 1871. Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, — 549 — t. XX XII (7° série, t. IT), 1870-1871; t. XX XIII (7° série, BAIE 1872 EX XXI V (Te série, LIN); HOT Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, t. VIII, 1872, 2° et 3° cahiers. L’Horticulteur Lyonnais, journal de la Société d'horticulture pratique du Rhône, 1872, n°5 5-21. , Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XX XII (4° sé- rie, t. IL); — Bulletin, ann. 1871, 1872 [1* et 2 trimestres). Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles, 2e série, t. XI (1871-1872), feuilles 1-20. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1871-1872, CPI AROBE Société académique des Hautes-Pyrénées, 12° année (1869-1870), 13°-15° années (1870-1872). Bulletin de la Société Algérienne de climatologie, complément de la 8° année (1871); 9° année (1872), n°5 1:3. Mémoires de la Socisté académique de l'Aube, t. XX XIII (3e sé- rie, t. VI), 1869; t. XX XIV (3° série, t. VIT), 1870-71. Annuaire de la Société philotechnique, 1870-71, t. XXXIHT. Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. XX (1870-1871); t. XXI (1872), 1" Livr…. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, t. XXI (2° série, t. XIII), 1871-1872, 1* et 2° trimestres de 1872. Publications de l'Institut royal grand-ducal de Luxembourg (sec- tion des sciences naturelles et mathématiques), t. XI, 1869 et 1870. Bulletin de la Société d'Emulation de l'Allier, t. XII, livraisons 1 et”2. Mémoires de l'Académie du Gard, 4869-1870. Annales de la Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles-leitres du département de la Loire, à Saint-Etienne, NV lS It | Mémoires de la Société des sciences naturelles et historiques de Cannes, t. II, 1872. E — 390 — Mémoires de la Sociélé académique de Maine-et-Loire, t. XXV et XXVI. Bulletin de la Société industrielle et agricole d'Angers, 42° an- née, 1871 (3° série, t. XII). Annales de la Société d'Emulation des Vosges, t. XIIT, 3° cahier (1870). Mémoires de la Société Eduenne, nouvelle série, t. I, 1872. Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d’ar- chéologie de Genève, t. XVII (1871), liv. 3; t. XVIU (1872). Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, 1871, ?° sem. Mémoires de la Société littéraire de Lyon, 1870-1871. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute- Saône, 3° série, t. III, 1872. ° Nouveaux mémoires de la Société helvétique des sciences natu- relles à Zurich, t. XXII (3° série, t. III), 1869. Académie royale des sciences de Stockholm : Handlingar, Bd. VIT, n° 2 (1868); Bd. VIII (1869); Bd. IX (1870), in-4°; — Of- vérsigt, Bd. XXVI (1869); Bd. XX VII (1870), in-8° ;, — Lefnadsteckningar, Bd. I, n° 2 (1870), in-8°. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchdtel, t. IX (2° cahier), 1872. Annales de la Socièté d'agriculture de Lyon, 4° série, t. Jet IT (1868-1869). ” Mémoires de l'Académie de Lyon : classe des sciences, t. XVIIT; classe des lettres, t. XIV. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg, t. XVI (2° série, t. VI), 1871-1872. Journal d'agriculture de la Côte-d'Or, publié par le comité cen- tral de Dijon, 1871, n° 1-4; 1872, n° 1. Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, 1870-1871. Bulletin de la Société d'agriculture de Joigny, juillet 1871- juin 1872. Bulletin de la Société des sciences naturelles et historiques de l'Ardèche, n° 6, 1872. Lé — 501 — | Mémoires de la Société archéologique du midi de la France, à Toulouse, t. IX (1870-72), 6° et 7° livraisons ; t. X (1872), {re et 2° livraisons ; — Bulletin, n° 2, 1869-70. Annual report of the Smithsonian Institution, 1870. Bulletin de l'Institut national Genevois, n° 36, t. XVII (1872), pp. 1-216. Vierteljahrsschrift der naturforschenden Gesselschaft in Zürich, 1870, 1-4. Abhandlungen herausgegeben vom naturwissenschafilichen Ve- reine zu Bremen, Bd. IT, 1872. Verhandlungen der schveizerischen naturforschenden Gessel- schaft in Einsiedeln, 24-26 august 1868. Mittheilungen der naturforschenden Gesselschaft in Bern, 1868. — 552 — MEMBRES DE LA SOCIÉTE Au i5 décembre 1878. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l'année de sa réception dans la Société. es membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuélles &ont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l'article 21 du règlement. . Conseil d'administration pour 1873. PPS MENT Me MONS ME ere HS eee MONE DUEATS Premier Vice-Président........ Hat SIRE ; Deuxième Vice-Président............ CHOTARD ; Secrétaire décennal .......... DR CASTAN ; Vice-Secrét. et contrôleur des dépenses. FAIvVRE; TTÉSOTETE ESS ET R ET : ZAREMBA ; APCRODISLE AD, QUDOPN ILE MER ES GAUTHIER. Secretaire RoOnOnAIreL ee ere M. Bavoux. Membres honoraires (24). MM. Le Généraz commandant le 7° corps d'armée et la 7° divisior militaire. Le Premier Présipenr de la Cour d'appel de Besançon. L'ArcHEVÈQUE du diocèse de Besançon. Le Prérer du département du Doubs. Le Recteur de l’Académie de Besançon. — 953 — LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon. Le Marre de la ville de Besancon. L'IxsPecreur d'Académie à Besançon. Bayze, professeur de paléontologie à l'Ecole des mines; Paris. — 1851. BLANCHARD, Em., membre de l’Institut {Académie desscienc.), professeur au Muséum d'histoire naturelle; Paris. — 1867. Coquaxn, Henri, professeur de géologie; Marseille. — 1850. Device, Henri-Sainte-Claire, membre de l'Institut (Académie des sciences) ; Paris. — 1847. Devoisins, ancien sous-préfet; Paris, rue Monsieur-le-Prince, _ 48. — 1842. Dougcenay, Henri, entomologiste; Epping, comté d'Essex (Angleterre). — 1853. Duruy, Victor, ancien ministre de l'Instruction publique ; membre de l’Institut (Académie des inscript.); Villeneuve. Saint-Georges (Seine-et-Oise). — 1869, Goucer, docteur en médecine ; Dole (Jura). — 1852. Lézur, membre de l'Institut (Académie des sciences morales) ; Paris, rue Vanneau, 15. — 1866. Magie (M5), évêque de Versailles. — 1858. *. MarTin, Henri, membre de l’Institut { Académie des sciences morales), député à l’Assemblée nationale; Paris-Passy, rue du Ranelagh, 54. — 1865. Paravey, ancien conseiller d'Etat; Paris, rue des Petites- Ecuries, 44. — 1863. QuiceraT, Jules, directeur de l'Ecole nationale des Chartes; Paris, rue Casimir-Delavigne, 9. — 1859. Résaz, Henri, membre de l'Institut [Académie des sciences}, ingénieur des mines, professeur à l'Ecole polytechnique ; Paris, rue de Condé, 14. — 1853. SERVAUX, Chef de üivision au ministère de l’Instruclron pu- blique. — 1873. Wey, Francis, inspecteur général des archives de France; Saint-Germain-eu-Laye, rue de Mareil, 57. — 1860. — 5954 — Membres résidants (228) (|). MM. ALEXANDRE, secrétaire du conseil des prud'hommes, rue d’An- vers, 4. — 1866. ALVISET, président de chambre à la Cour d'appel, rue du Mont-Sainte-Marie, f. — 1857. ANDRÉ, chef de bureau à la préfecture, quai de Strasbourg, 33. — 1800. D'ARBAUMONT, chef d'escadron d'artillerie en retraite, rue Sainte-Anne, 1. — 1857. ARNAL, économe du Lycée. — 1858. ARNAL, Amédée, avocat, rue des Bains-du-Pontot, 3.— 1872. Baper, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870. * Barzzy (l’abbé|, maître des cérém. de la cathédrale. — 1865. BargauD, Auguste, ancien adjoint au maire, rue Saint-Vin- cent, 43. — 1857. Barpier, Léon, ancien sous-préfet; Baume -les - Dames (Doubs). — 1873, BaTaizze, Paul, ingénieur des ponts et chaussées, Grande- Rue, 106. — 1870. * Bavoux, Vital, contrôl. des douanes, à Valenciennes (Nord). BezLair, médecin-vétérinaire, rue de la Bouteille, 7. — 1865. BELoT, essayeur du commerce, rue de l’Arsenal, 9. — 1855. BERR DE TURIQUE, conseiller à la Cour d'appel, rue Neuve, 24. — 1870. BERTHELIN, Charles, ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite, rue de Glères, 23. — 1858. BerTIN, négociant, aux Chaprais (banlieue). — 1863. * BERTRAND, docteur en médec., rue des Granges, 9. — 1659. a (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidants, afin de payer le maæimum de la cotisation et de contribuer ainsi d'une manière plus large aux travaux de la Société. Le AE: — 9595 — MM. Besson, avoué, place Saint-Pierre, 17. — 1855. Braz, Paul, chef d’escadron d'artillerie, rue Sainte-Anne. — 1858. Brcxer ,.Jules, fabricant d'horlogerie, membre du conseil municipal, rue du Mont-Sainte-Marie, 17. — 1873. DE Bicor, lieutenant-colonel, chef d'état-major de la division, rue de la Préfecture, 31. — 1868. BLonpEau, Charles, entrepreneur de menuiserie, RE ri conseil des prud’hommes, rue Saint-Paul, 57. — 1854. BLonpow, docteur en médecine, rue des Granges, 68.— 1851. Borzcor, Constant, graveur, place Saint-Amour, 1. — 1870, Bossy, Xavier, fabricant d'horlogerie, rue des Chambrettes, 6. — 1867. BouceorT, Eugène, sous-chef de bureau- à l'hôtel de ville, secrét. du bureau de bienfaisance, rue Battant, 20. — 1868. BouLLer, inspecteur d'Acad.; Melun (Seine-et-Marne).— 1863. BouRGHERIETTE dit POURCHERESSE, entrepreneur de peinture et propriétaire, rue des Chambrettes, 8. — 1859. Bourpy, Pierre, essayeur du comm., rue de la Lue, 9.— 1862. BoussiN&auLT, Joseph, chimiste, essay. de la garantie.— 1870. BouTreriN, Francois-Marcel, adjoint à l'architecte de la ville et professeur à l'Ecole municipale de dessin, rue des Cham- brettes, 19, — 1873. Bourrey, Paul, fabricant d'horlogerie, juge au tribunal de commerce, rue Moncey, 12. — 1859. Bouvarn, Louis, avocat, membre du conseil municipal, Grande-Rue, 95. — 1868. Boyssox p'Ecoe, trésorier-payeur général du département, rue de la Préfecture, 22. — 1852. BreLuin, Félix, sculpteur, membre du conseil municipal, fau- bourg Tarragnoz. — 1868. BrerizLor, Eugène, propriétaire, rue des Granges, 46. 1840. Brerizcor, Léon, banquier, ancien maire de la ville, président du tribunalide commerce, rue de la Préfecture, 21.— 1853. — 596 — MM. BrerTicoT, Maurice, propr., rue Saint-Vincent, 18. — 1857. BRETILLOT, Paul, propr., rue de la Préfecture, 24. — 1857. Brucxow, professeur à l'Ecole de médecine, médecin des hos- pices, rue des Granges, 16. — 1860. BRuGNON, anc. notaire, administrateur des forges de Kranche- Comté, rue de la Préfecture, 12. — 1855. Brunswick, Léon, fabricant d'horlogerie, Grande-Rue, 28.— 1859. BRusSSET, notaire, Grande-Rue, 14. — 1870. Burnicaon, Victor, ancien élève de l'Ecole forestière, Grande- Rue, 31. — 1872. DE BUSSIERRE, Jules, conseiller honoraire à la Cour d’appel, président honoraire de la Société d'agriculture, rue du Clos, 33. — 1897. CaxeL, chef de bureau à la préfecture. — 1862. CarLET, Joseph, ingénieur des ponts et chaussées, rue Neuve, 13. — 1858. Carrau, professeur de philosophie à la Faculté des jte place Saint-Amour. — 1871. CasTaN, Auguste, conservateur de la bibliothèque et des ar- chives de la ville, Grande-Rue, 88. — 1856. DE CHARDONNET (le vicomte), ancien élève de l'Ecole poly- technique, rue du Perron, 28. — 1856. CHarzerT, Alcide, avocat, Grande-Rue, 135. — 1872. CxauveLor, professeur d’arboriculture, rue des Granges, 99. — 1858. CHEVILLIET, professeur de mathématiques spéciales, rue du Clos, 27. — 1857. CHorarp, professeur d'histoire à la Faculté des lettres, rue du Chapitre, 19. — 1866. CHRÉTIEN, Auguste, directeur des transmissions télégraphi- ques, palais Granvelle. — 1869. Corpter, Jules-doseph, employé des douanes, rue de la Pré- fecture, 26. — 1862. - Let, LR D à — 557 — MM. Couzon, Henri, avocat, rue de la Lue, 7. — 1856. Courror, Théodule, commis-greffier de la Cour d’appel; à la Croix-d’Arènes (banlieue). — 1866. CouTENoOT, professeur à l'Ecole de médecine, médecin en chef des hospices, Grande-Rue, 44. — 1852. CueniN, Edmond, pharmacien, rue des Granges, 40. — 1863. Cuizzrer, relieur de livres, Grande-Rue, 88. — 1870. Dacux (le baron), juge au tribunal de première instance, membre du conseil général, rue de la Préfecture, 23.—1865. Davip, notaire, adjoint au maire, Grande-Rue, 107. — 1858. DeBaucHey, ancien pharmacien, aux Chaprais. — 1871. Decoumois, Ch., directeur d'usine; la Butte (banlieue). — 1862. | Decacroix, Alphonse, architecte de la ville. — 1840. DELAGRANGE (Charles), imprimeur-lithographe, rue Morand, 7. — 1872. DEMONGEOT, inspecteur des écoles communales, rue du Lycée, 14. — 1872. Dex1z0T, receveur de l’Asile départemental, rue des Granges. 60. — 1871. * Desroces, Paul, ingénieur-constructeur de chemins de fer; Paris, rue du Hâvre, 9. — 1871. DéTrey, Just, banquier, Grande-Rue, 96. — 1857. DEvaux (l'abbé), professeur au collége Saint-François-Xavier, rue des Bains-du-Pontot, 4. — 1872. Driérrica, Bernard, négociant, membre du conseil des pru- d'hommes, rue de la Préfecture, 10. — 1859. Dusosr, Jules, maître de forges, rue Sainte-Anne, 2.— 1840. Ducar, Alfred, architecte, rue Saint-Pierre, 19. — 1855. Duxop DE CHARNAGE, avocat, rue des Chambrettes, 8. — 1863. Dupuy, propriétaire, rue de la Préfecture, 23. — 1872. Durer, géomètre, rue Neuve, 28. — 1858. Erms, Edmond, propriétaire, membre du conseil municipal, Grande-Rue, 91. — 1860. — 558 — MM. Ermis, Ernest, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1855. Eris, Léon, sous-inspecteur des forêts, rue de la Préfecture, 25. — 1862. Fay, directeur d'usine, rue Neuve-Saint-Pierre, 13. — 1871. Farvre, Adolphe, professeur à l'Ecole de médecine, Grande- tue, 76. — 1802. FaucouprÉ, chef d’escadron d'artillerie en retraite, lauréat de la prime d'honneur au concours régional agricole de Besancon en 1865, rue de la Vieïlle-Monnaie, 16. — 1855. Faucowpré, Philippe, professeur d'agriculture du département du Doubs, Grande-Rue, 86. — 1868. Fernier, Louis, fabricant d'horlogerie, ancien maire de la ville, député à l’Assemblée nationale, rue Ronchaux, 3. — 1859. FEuvrier (l'abbé), professeur au collége Saint-Francois-Xa- vier, rue des Bains-du-Pontot, 4. — 1856. Foix, agent principal d'assurances, Grande-Rue, 107. — 1865. * FoRTUNÉ, Pierre-Félix, employé aux forges de Franche- Comté, Grande-Rue, 105. — 1865. Fou, Auguste, mécanicien, rue de l’Arsenal, 9.— 1862. * GazzoTTi, Léon, ancien professeur à l'Ecole d'état-major, rue du Hävre, 9, Paris. — 1866. Fournier, Louis, employé des ponts et chaussées, rue de la Préfecture, 10. — 1872. Francois, Camille, professeur d'histoire au Lycée, rue Saint- Vincent, 1. — 1873. | GarriG, Louis, lieutenant d'infanterie, faubourg Rivotte, 14. — 1871. GassmanN, Emile, rédacteur en chef du Courrier franc-comtois, rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1867. Gaupor, médecin, membre du conseil d'arrondissement et du conseil municipal; Saint-Ferjeux (banlieue). — 1861. GAUFFRE, receveur principal des postes en retraite, rue Mo- rand, 11. — 1862. — 559 — MM. GAUTHEROT, entrepreneur de menuiserie, rue Morand, 9. — 1865. * GAUTHIER, Jules, archiviste du département du Doubs, rue Neuve, 6. — 1866. | GÉRARD, Edouard, banquier, ancien adjoint au maire de Besancon ; Genève, quai du Mont-Blanc, 5. — 1854. GérarpD, Jules, professeur à la Faculté des lettres, rue Neuve, 5. — 1865. GiGANDET, propriétaire, rue Sainte-Anne, 8. — 1872. Girarpor, Régis, banquier, rue Saint-Vincent, 15. — 1857. Grrop, Achille, propriétaire ; Saint-Claude (banlieue).— 1856. Girop, avoué, rue Moncey, 5: — 1856. Girop, Victor, ancien adjoint au maire, Grande-Rue, 70. — 1859. Grirozer, Louis, dit ANDRoT, peintre-décorateur, à la Croix- d'Arènes. — 1866. Gzorcer, Pierre, huissier, Grande-Rue, 58. — 1859. Goauezy, Charles, propriétaire, rue Saint-Antoine, 4.— 1872. GouizrauD, professeur à la Faculté des sciences, rue Saint- Vincent, 3. — 1851. Gran, Charles, directeur de l'enregistrement et des domaines, Grande-Rue, 68. — 1852. ; Gran», Jean-Antoine, greffier de paix du canton sud de Be- sançon, rue Morand, 12. — 1868. GranGÉ, pharmacien, rue Morand, 7. — 1859. Grenier, Charles, doyen de la Faculté des sciences et profes- seur à l'Ecole de médecine. — 1840. Gresser, Félix, colonel d'artillerie, propriétaire, Grande-Rue, 53. — 1866. Grévy, Albert, avocat, député à l’Assemblée nationale. —1870. GROSJEAN, ancien bijoutier, rue des Granges, 21. — 1859. GrosricHAxD, pharmacien, place de l’'Abondance, 17.— 1870. GscawinD, ancien notaire, rue de Glères, 6. — 1873. Guexor, Auguste, négociant, rue du Chateur, 17. — 1872. — 060 — MM. GUERRIN, avocat, rue de la Préfecture, 20. -— 1855. GuicHarp, Albert, pharmacien, rue d'Anvers, 3. — 1853. GUILLEMIN, ingénieur-constructeur ; Casamène (banlieue). — 1840. Guizuin, libraire, rue Battant, 3. — 1870. Hazpy, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Jean, 3. — 1859. H£ELzz, Thiébaud, négociant, Grande-Rue, 32: — 1872. Henry, Jean, professeur de physique au Lycée, place Saint- Amour, 12. — 1857. Hory, propriétaire, rue de Glères, 17. — 1854. Huarr, Arthur, substitut du procureur général près la Cour ; d'appel, rue de la Préfecture, 13. — 1870. Jacquarp, Albert, banquier, membre du conseil municipal, rue des Granges, 21. — 1852. JEANNINGROS, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1864. JEANNOT-Droz, Alphonse, fabricant d'horlogerie, Grande- Rue, 103. — 1870. JÉGOo, contrôleur des bois de la marine, à la Butte (banlieue). — 1872. | DE JOUFFROY (le comte Joseph), membre du conseil général au château d'Abbans-Dessous et à Besançon, rue du Cha- pitre, 1. — 1853. DE JOUFFROY (le vicomte Louis), rue du Chapitre, 1. — 1871 KLEIN, Auguste, propriétaire, rue Saint-Vincent, 28. — 1858. Lacoste, archiviste-adjoint du département du Doubs, rue Rivotte, 10. — 1870. LaNCRENON, conservateur du Musée, correspondant de l'Ins- titut (Acad. des beaux-arts), rue de la Bouteille, 9. — 1859. LamBerT, Léon, ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite, rue Moncey, 12. = 1852. Lauper, conducteur des ponts et chaussées, rue Ronchaux, 10. — 1854. LAURENS, Paul, président de la Société d'agriculture du Doubs, ancien adjoint au maire, rue Saint-Vincent. 22. — 1854. — 561 — MM. * LeBEAU, négociant, place Saint-Amour, 2 bis. — 1872. Leson, Eugène, docteur en médecine, Grande-Rue, 88. — 1855. | LEBRETON, direct. de l'usine à gaz, Grande-Rue, 97. — 1866. LecenprE, Louis, ancien chef de bureau à l’hôtel de ville, rue du Chateur, 15. — 1866. Lecras, Armand, négociant, Grande-Rue, 32. — 1872. LIEFFROY, Aimé, propriétaire, rue Neuve, 11. — 1864. DE LONGEvILLE (le comte), propriétaire, rue Neuve, 7.— 1855. Louvor, Hub.-Nic., notaire, Grande-Rue, 48. — 1860. Marre, ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue Neuve, 15. — 1851. MaïRoT, Félix, banquier, ancien président du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 17. — 1857. Marror, Edouard, propriétaire, Grande-Rue, 88. — 1865. MaïsonxET, négociant, rue Saint-Pierre, 7-9. — 1869. Mar1oN, mécanicien ; Casamène (banlieue). — 1857. MarioN, Charles, libraire, place Saint-Pierre, 2. — 1868. Marzcer, Adolphe, secrétaire général de la préfecture de la Nièvre. — 1852. È MarTin, Jules, manufacturier; Casamène (banlieue). — 1870. Marmieu, Emile, professeur à la Faculté des sciences, rue Proudhon, 2. — 1872. Marnior, Joseph, avocat, rue des Granges, 17. — 1851. Mazoyuie, ancien notaire, rue des Chambrettes, 12. — 1840. . Micau», Jules, directeur en retraite de la succursale de la Banque, ancien juge au tribunal de commerce, place Saint Amour. — 1855. Mrcxez, Brice, architecte paysager; Fontaine-Ecu (banlieue). — 1865. Mior, Camille, négociant, Grande-Rue, 62. — 1872. Moxnier, Paul, correcteur d'imprimerie, rue Saint-Vincent, 21. — 1868. Morez, Ernest, docteur en médecine, rue Moncey, 12.— 1863. 39 — 562 — MM. MourriLze, Alfred, banquier, rue de la Préfecture, 31.—1856. Mussezin, comptable, membre du conseil municipal, Grande- Rue, 82. — 1872. Norrer, voyer en retraite, rue de la Madeleine, 19. — 1855. D'Orivaz, Léon, propriétaire, rue du Clos, 22. — 1854. D'Oriva, Paul, conseiller à la Cour d'appel, place Saint-Jean, 6. — 1852. Ouper, Gustave, avocat, maire de la ville, rue Moncey, 2. — 1855. OUTHENIN - CHALANDRE, fabricant de papier et imprimeur, membre et ancien président de la Chambre de commerce, rue des Granges, 23. — 1843. OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, ancien juge au tribunal de commerce, rue des Granges, 38. — 1856. ParzLor, Justin, pharmacien, aux Chaprais. — 1857. Parauez (le baron), docteur en médecine, adjoint au maire, Grande-Rue, 106. — 1857. PEouienor, Ernest, monteur de boîtes; Montjoux (banlieue). — 1870. Pérrar», Alfred, négociant, rue des Granges, 9. — 1870. PErNARD, négociant, rue de Chartres, 8. — 1868. Pérey, chirurgien-dentiste, Grande-Rue, 70. — 1842. PeriTeuenoT, Paul, avoué près la Cour d'appel, Grande-Rue, 107. — 1869. Prcarp, Arthur, banquier, Grande-Rue, 48. — 1867. Preuer, Emm., fabricant d'horlôgerie, place Saint-Pierre, 9. — 1856. Porter, Joseph, entrepreneur de plâtrerie, rue d’Arènes, 93. — 1870. pe Prinsac (le baron), employé des télégraphes. — 1873. Proupaon, Camille, conseiller honoraire à la Cour d'appel, rue des Granges, 23. — 1856. Proupxox, Léon, ancièén maire de la ville, rue de la Préfec- ture, 25. — 1856. — 563 — NM. Racine, Louis, négociant, ancien adjoint au maire, rue Bat- tant, 7. — 1857. Race, Pierre, négociant, rue Battant, 7. — 1859. Ravier, Francçois-Joseph, ancien avoué ; Saint-Claude (ban- lieue). — 1858. | ResouL, professeur de chimie à la Faculté des sciences, rue Neuve, 8. — 1861. * RenauD, Alphonse, licencié en droit, premier commis de la direction de l'enregistrement ; Lyon. — 1869. RexauD, Francois, négociant, abbaye Saint-Paul. — 1859. Rexaup, Victor, agent comptable de la caisse d'épargne, rue de la Préfecture, 16. — 1865. j Rexaupiw, Jules, négociant, Grande-Rue, 42. — 1873. Reynaun-Ducreux, professeur à l'Ecole d'artillerie, rue Ron- chaux, 22. — 1840. Rrazpo, profess. de dessin au Lycée, rue du Clos, 16.— 1869. SAILLARD, Albin, professeur à l'Ecole de médecine, Grande- Rue, 136. — 1866. SAINT-EVE, Ch., entrepreneur de serrurerie, place Granvelle. — 1865. SAINT-GINEST, Etienne, architecte du département du Doubs, rue de la Préfecture, 18. — 1866. DE SaINT-JuAN {le baron Charles), rue des Granges, 4. — 1869. SAINT-Lour, Louis, professeur à la Faculté des sciences, Grande-Rue, 77. — 1872. DE SAINTE-AGATHE, Louis, ancien adjoint au maire, rue - d'Anvers, {. — 1851. * Sancey, Louis, propriétaire, syndic des faillites, rue du Clos, 9. — 1855. Sicarp, Honoré, négociant, rue de la Préfecture, 4. — 1859. SIRE, Georges, docteur ès-sciences, essayeur de la garantie, place Saint-Amour. — 1847. SOMMEREISEN, Charles, négociant, rue de Glères, 2. — 1872. TAILLEUR, propriétaire, rue d’Arènes, 33. — 1858 — 564 — MM. Tarzzeur, Louis, prof. d'allemand, rue d’Arènes, 33.— 1867. TaréBaup (l'abbé), chanoine, Grande-Rue, 112. — 1855. Tissor, économe de l’Asile départemental, rue des Granges, 23. — 1868. Tivier, Henri, professeur de littérature francaise à la Faculté des lettres. — 1873. TRrÉMoLIÈRES, Jules, avocat, rue des Martelots, 1. — 1840. VARAIGNE, Charles, inspecteur des contributions indirectes ; Orléans (Loiret). — 1856. VAUTHERIN, Jules, membre du conseil général, rue du Cha- teur, 20. — 1853. À Veiz-Picarp, Adolphe, banquier, commandant des sapeurs- pompiers, Grande-Rue, 14. — 1859. DE Vezer (le comte Edouard), rue Neuve, 17 ter. — 1870. Vézran, professeur à la Faculté des sciences, rue Neuve, 21. — 1860. VIENNET, surveillant général au Lycée, rue de la Préfecture, 10. — 1569. Voisins, Claude-Francois, propriétaire et entrepreneur, rue d'Anvers, 4. — 1869. Voisix, Pierre, propriét., directeur de la société d'entreprises Voisin et Ci; Montrapon (banlieue). — 1855. , VouzEAU, conservateur des forêts, rue des Granges, 38.—1856. VuiLcerET, Just, juge au tribunal, secrétaire perpétuel de l’Académie, rue Saint-Jean, 11. — 1851. WAïLLe, professeur de mathématiques spéciales en retraite, rue du Lycée, 9. — 1872. WERLEIN, Amédée, négociant, rue des Granges, 44. — 1870. Wipai, prof. à la Faculté des lettres, rue Neuve, 8. — 1868. Wizuezw, Benoît, négociant. rue Saint-Vincent, 25. — 1872. WiLLEuN, propriétaire, rue de la Madeleine, 20. — 1868. ZAREMBA, premier commis de la direction de l'enregistrement, rue des Chambrettes, 11. — 1869. ST Membres correspondants (202). MM. Baïzzy, pharmacien ; Vauvillers (Haute-Saône). — 1867. BaLANCHE, Stanislas, ingénieur-chimiste; Boudry (canton de Neuchâtel). — 1868. DE BANCENEL, chef de bataillon du génie en retraite; Liesle Doubs). — 1851. > Barraz, pharmacien, ancien maire de la ville de Morteau (Doubs). — 1864. BarTarzLarp, Claude-Joseph, Le Champagney, par Audeux (Doubs). — 1857. Becrrémieux, agent de chang®; La Rochelle {Charente-Infé- rieure. — 1856. Bexorr, Claude-Emile, vérificateur des douanes; Paris, rue du Faubourg-Saint-Martin, 188. — 1854. BENGiT, vérificateur des poids et mesures; Dole (Jura).—1870. * BerraauD, professeur de physique au Lycêe de Mâcon (Saône-et-Loire). — 1860. * BERTHOT, ingénieur en chef en retraite; Chagny (Saône- et-Loire). — 1851. Berrranp, Alexandre, conservateur du Musée national de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise). — 1866. * Besson, directeur des salinés de Salins (Jura). — 1859. Bgrren», Abel, imprimeur-ltthographe ; Lure (Haute-Saône). 7 1802. * Beuque, triangulateur au service de la topographie algé- rienne; Constantine. — 1853. Bey, Jules, horticulteur ; Marnay (Haute-Saône). — 1871. Brxio, Maurice, agronome, rue de Rennes, 93, Paris.—1866. BLancu£, naturaliste et avocat; Dijon (Côte-d'Or). — 1865. DE BLONDEAU, Stanislis, membre du Conseil général du Doubs et maire de Saint-Hippolyte. — 1871. Borssecer, archéologue; Vesoul (Haute-Saône). — 1866. — 966 — MM. Borssox, Emile, propriétaire ; Moncley (Doubs). — 1865. * BouiLzeT, Appolon; Paris, rue de Grenelle-Saint-Honoré, 18. — 1860. | BouTHENOT-PEUGEOT, vice-président de la Société d’Emulation de Montbéliard; Valentigney (Doubs). — 1869. Bouvor, chef de bataillon du génie en retraite ; Salins (Jura). — 1864. BranGer, conducteur des ponts et chaussées; Paris, boulevard de Neuilly, 92. — 1852. * BreniN, professeur au Lycée de Vesoul (Haute-Saône). — 1857. BreLET, avocat, membre du conseil général du Doubs, an- cien maire de Baume-les-Dames. — 1872. * Brior, docteur en médecine; Chaussin (Jura). — 1869. * Bucugr, Alexandre, propriét.; Gray (Haute-Saône). — 1859 Carpor pe LA Burke, bibliophile; Paris, boulev. de Neuilly 92 (Batignolles). — 1873. l CarME, conducteur de travaux de chemin de fer; Cercy-la- Tour (Nièvre). — 1856. CARTEREAU, docteur en médecine; Bar-sur-Seine (Aube). — 1858. CasrTAN, Francis, capitaine d'artillerie à la poudrerie du Bou- chet (Seine-et-Oise). — 1860. * CHAMpIN, ancien sous-préfet; Baume-les-Dames. — 1865. Cuapuis, Louis, pharmacien ; Chaussin (Jura). — 1869. CHaRMoILLE, Francis, maire d'Oiselay (Haute-Saône). —1871. Carry, Léon, archéologue; Saint-Amour (Jura). — 1870. CuareLer, curé de Cussey-sur-l'Ognon (Doubs). — 1868. * CHazAUD, archiviste du département de l'Allier; Moulins. — 1865. CHERBONNEAU, directeur du collége arabe, correspondant de l'Institut; Alger, Tournant-Rovigo, 74. — 1857. CHErviN aîné, directeur-fondateur de l'Institution des Bègues; Paris, avenue d’'Eylau, 90. — 1869. [RE 56È— MM. * CHorraAT, Paul, élève de l'Ecole polytechnique ; Zurich (Suisse). — 1869. Craupon, Félix, curé de Lods (Doubs). — 1873. * GLoz, Louis, peintre; Lons-le-Saunier (Jura). — 1863. Cozarp, chef d'institution; Ecully (Rhône). — 1857. Cozarp, Charles, architecte ; Lure (Haute-Saône). — 1864. Couix, Gustave, membre du conseil général; Pontarlier (Doubs). — 1864. * CoNTEJEAN, Charles, professeur à la Faculté des sciencés de Poitiers (Vienne). — 1851. Cosre, docteur en médecine et pharmacien de première classe ; Salins (Jura). — 1866. * CoTTEAU, juge au tribunal de première instance ; Auxerre (Yonne) — 1860. * Couraerur, Aristide, notaire ; Lure (Haute-Saône). — 1862. * CRÉBELY, Justin, employé aux forges de Franche-Comté ; Moulin-Rouge, près Rochefort.(Jura). — 1865. Curé, docteur en médecine : Pierre (Saône-et-Loire). — 1855. DarLor, ingénieur-opticien; Paris, rue Chapon, 14. — 1864. ELAGROIX, Emile, professeur honoraire à l'Ecole de médecine de Besancon, médec-inspect. des eaux de Luxeuil. — 1849. DELaroxp, Frédéric, ingénieur des mines; Mâcon (Saône-et- Loire). — 1872. DELEULE, instituteur; Jougne (Doubs). — 1863. Déprerres, Auguste, avocat, bibliothécaire de la ville de Lure (Haute-Saône). — 1859. * DesserTines, direct. des forges de Quingey (Doubs). — 1866. Derzex, ingénieur en chef des ponts et chaussées; Niort (Deux-Sèvres). — 1851, * DEULLIN, Eugéne, banquier; Epernay (Marne). — 1860. Devarenxe, Ulysse, capitaine de frégate de la marine natio- uale ; Toulon (Var). — 1867. Devaux, pharmacien ; Gy (Haute-Saône). — 1860. Déy, conservateur des hypothèques; Laon (Aisne). — 1853. — 908 — MM. DonerT, chef de service de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon; Paris, boulevard Mazas, 20. — 1857. Dornier, pharmacien ; Morteau (Doubs|. — 1873. Drapeyron, Ludovic, docteur ès-lettres, professeur d'histoire au Lycée Charlemagne; Paris, rue Clotaire, 3. — 1866. Ducar, Auguste, docteur en médecine, médecin du bureau de bienfaisance du 19° arrondissement de Paris. — 1873. DuworTier, Eugène, négociant; Lyon, avenue de Saxe, 27. — 1857. S Faivre, Pierre, apiculteur ; Seurre (Côte-d'Or). — 1865. * Fazor fils, architecte; Montbéliard (Doubs). — 1858. * Favre, Alphonse, profess. à l'Académie de Genève (Suisse). — 1862. FozTÈTE, curé de Verne (Doubs). — 1858. * DE FROMENTEL, docteur en médecine; Gray (Haute-Saône). — 1857. Garrarez, docteur ès-lettres, professeur d histoire au Lycée d'Angers. — 1868. Garnier, Georges, avocat; Bayeux (Calvados). — 1867. Gascox, Edouard, agent voyer d'arrondissement; Fontaine- Françaisé (Côte-d'Or). — 1868. GauTHiEer, doct. en médec.; Luxeuil (Haute-Saône). — 1869. GEvrey, Alfred, procureur de la République à la Réunion le Bourbon). — 1860. GiNdRE, docteur en médecine; Pontarlier (Doubs). — 1869. * GIRARDIER, agent voyer d'arrondissem.; Pontarlier (Doubs). — 1856. Giro, Léon, receveur de l'enregistrement; Pont-de-Roide (Doubs). — 1870. * Giro», Louis, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1851. Grron, Louis, docteur en médecine; Mignovillars (Jura). — 1870. * Goprow, doyen de la Faculté des sciences de Nancy (Meur- the). — 1843. — 569 — MM. * GoquEL, Ch., manufacturier, au Logelbach (Alsace). — 1856. GoquEL, pasteur; Sainte-Suzanne, près Montbéliard (Doubs). — 1864. * GRanDMoOUGIN, architecte de la ville et des bains de Luxeuil (Haute-Saône). — 1858. : GRENIER, Edouard, littérateur; Paris, rue Jacob, 3.— 1870. GuizLeuN, Louis, attaché au ministère des affaires étrangères, membre du conseil général du Doubs ; Rougemont {[Doubs). — 1873. * GuizcewoT, Antoine, entomologiste; Thiers (Puy-de-Dôme). — 1854. Huaox, Charles, littérateur; Moscou (Russie). — 1866. . Hucox, Gustave, maire et suppléant du juge de paix de Nozeroy (Jura). — 1867. | * Jaccarp, Auguste, professeur de géologie à l'Académie de Neuchâtel (Suisse) ; au Locle. — 1860. JEANNENEY, Victor, professeur de dessin au Lycée de Vesoul (Haute-Saône). — 1858. JEANNIN (l'abbé), curé de Déservillers (Doubs). — 1872. Join, Alphonse, avocat; Lons-le-Saunier (Jura). — 1872. Jourpy, Emile, lieutenant d'artillerie, licencié ès-sciences naturelles, à la direction d'actillerie de Paris. — 1870. JuxG, Théodore, capitaine d'état-major; Paris, rue de Gre- nelle-Saint-Germain, 82. — 1872. * JURGENSEN, Jules, littérateur, au Locle (Suisse). — 1872. Jussy, Eugène, notaire; Moissey (Jura). — 1869. KLEIN, ancien juge au tribunal de commerce de la Seine, ancien adjoint au maire du {6° arrondissement de Paris; Passy-Paris. — 1858. * KogcaLiN, Oscar, chimiste; Dornach (Alsace). — 1858. KouLer, Xavier, président de la Société jurassienne d'Emu- lation ; Porrentruy, canton de Berne (Suisse). — 1864. * KoHLuanx, receveur du timbre; Angers (Maine-et-Loire), — 1861. “ — 570 — MM. | * Kozzer, Charles, constructeur ; Jougne (Doubs). — 1856. - * LamorTe, directeur de hauts-fourneaux ; Ottange, par Au- metz (Lorraine). — 1859. * LanGLors, juge de paix ; Dole (Jura). — 1854. LanNTERNIER, Chef du dépôt des forges de Larians ; Lyon, rue Sainte-Hélène, 14. — 1855. * LAURENT, Ch., ingénieur civil; Paris, rue de Chabrol, 35. — 1860. LE BRUN-DALBANNE, archéologue; Troyes (Aube). — 1868. LecLerc, François, archéologue et naturaliste; Seurre (Côte- d'Or). — 1866. * Leras, inspecteur d'Académie; Auxerre (Yonne). — 1858. Laouue, Victor, directeur des douanes; Epinal ( Vosges). — 1842. LiGrer, Arthur, pharmacien ; Salins (Jura). — 1863. Lorv, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Grenoble (Isère). — 1857. LumièRE, photographe; Lyon, rue de la Barre, près de l'Ecole de médecine. — 1865. MacarD, Jules, peintre d'histoire, ancien pensionnaire de l'Académie" de France à Rome. — 1866. * Marzcarp, docteur en médecine; Dijon (Côte-d'Or). — 1855. Marsonner, curé de Villers-Pater (Haute-Saône). — 1856. * DE Manpror, colonel fédéral; Neuchâtel (Suisse). — 1866. DE Manoror, Bernard, archiviste-paléographe ; Paris, boule- vard Haussmann, 148. — 1870. Marcou, Jules, géologue; Paris, boulevard Saint-Michel, 81. — 1845. DE MArier (le duc}, membre du conseil général de la Haute- Saône; Paris, rue de l'Université, 39.— 1867. Marquiser, Gaston, propriét.; Fontaine-lez-Luxeuil (Haute- Saône). — 1858. MarTIN, docteur en médecine; Aumessas (Gard). — 1855. . — 971 — * Marxey, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856. DE MENTHON, René, botaniste; Menthon [Haute-Savoie). — 1854. MéTix, Georges, agent voyer d'arrondissement; Baume-les- Dames (Doubs). — 1868. * Mrcxez, Auguste, instituteur communal ; Mulhouse (Alsace). — 1842. Mrexezor, ingénieur en chef des ponts et chaussées; Paris, rue de la Chaise, 24. — 1858. MiGNaRrp, correspondant du minist. de l'Instruction publique; Dijon (Côte-d'Or). — 1868. Monter, Eugène, architecte; Paris, rue Billault, 19.—1866. Mowxrer, Louis, principal du collége de Pontarlier. — 1873. Moquery, ingénieur des ponts et chaussées; Vesoul {Haute- Saône). — 1873. More, Eugène, homme delettres; Courchaton (Haute-Saône). — 1873. MoréTin, docteur en médecine; Paris, rue de Rivoli, 68. — 1857. Mouror, instituteur public; Saône (Doubs). — 1870. Muenier, Henri-Auguste, ingénieur-architecte; Paris, rue du Faubourg-Saint-Denis, 176. — 1868. Mounier, médecin; Foncine-le-Haut (Jura). — 1847. DE Nervaux, Edmond, directeur de la sûreté générale au mi- nistère de l'Intérieur ; Paris. — 1856. ORDINAIRE DE LACOLONGE, chef d’escadron d'artillerie en re- traite; Bordeaux (Gironde). — 1856. * ParaNDIER, inspecteur général des ponts et chaussées; Paris, rue de Berri, 43. — 1852. Paris, docteur en.médecine, Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. Parisor, Louis, pharmacien et maire de Belfort. — 1855. PATEL, ancien maire de Quingey (Doubs). — 1866. Pécouz, Auguste, archiviste-paléographe, secrétaire d'ambas- sade; château de Villiers, à Draveil (Seine-et-Oise).— 1865. — 57? — MM. ; .* PERRON, conservateur du musée de la ville de Gray (Haute- Saône). — 1857. PERRUCHE DE VELNA, procureur de la République à Saint- Claude (Jura). — 1870. * Pessrères, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1853. Perir, Jean, statuaire ; Paris, rue d’Enfer, 89. — 1866. Perir , Jean-Hugues, chef de section du chemin de fer; Ve- soul (Haute-Saône). — 1869. PEuceoT, Constant, ancien membre du conseil général; Au- dincourt (Doubs). — 1857. Prerrey, docteur en médec.; Luxeuil ([Haute-Saône).— 1860. PiNaïRE, Jules, juge de paix ; Clerval (Doubs). — 1868: Poisor, Maurice, avocat; Dijon (Côte-d'Or), rue Buffon, 4. — 1870. Pozy, négociant; Breuches (Haute-Saône). — 1869. Pôxe, docteur en médec., ancien maire de Pontarlier (Doubs). — 1842. Pouzaix, chef de bataillon, commandant du génie à Salins (Jura). — 1873. PourTier, Jules, employé des contributions indireetes; Arc- et-Senans |Doubs). — 1866. | Prosr, Bernard, archiviste du Jura; Lons-le-Saunier (Jura). — 1807. Proupxox, Hippolyte, membre du conseil d'arrondissement, maire d'Ornans (Doubs). — 1854. * QUÉLET, Lucien, docteur en médecine ; Hérimoncourt (Doubs). — 1862. QuiquEerez, ancien préfet de Delémont; Bellerive, canton de Berne (Suisse). — 1864. Racine, P.-J., ancien avoué; Oiselay (Haute-Saône). — 1856. REBILLARD, pasteur ; Trémoins (Haute-Saône). — 1856. ReëppeT, commis des douanes; Jougne (Doubs). — 1868. * RenauD, Alphonse, officier princ. d’admin. des hôpitaux militaires en retraite; Paris, rue d'Amsterdam, 69, — 1855. ER han en LS. ne it Re di ns M SR — 513 — MM. * Rexaup, Edouard, capitaine au régiment des sapeurs-pom- piers de Paris, boulevard du Palais, 9. — 1868. Rexau», doct. en médec.; Goux-lez-Usiers (Doubs). — 1854. Revox, Pierre, banquier; Gray (Haute-Saône). — 1858. RicHarD, Ch., docteur en médecine; Autrey-lez-Gray (Haute- Saône). — 1861. RINGUELET, Eusèbe, industriel; Trécourt (Haute-Saône). — 1873. | RogerTi, Achille, bibliothécaire de la ville de Valence (Drôme). — 1873. DE ROCHAS D'AIGLUN, Capitaine du génie ; Grenoble (Isère). — 1866. ] Roucer, docteur en médecine; Arbois (Jura). — 1856. Roy, Jules, archiviste-paléographe, répétiteur à l'Ecole des hautes études; Paris, rue Vaugirard, 70. — 1867. Rurrier, architecte ; Dole (Jura). — 1873. SARRAZIN, propriétaire de mines; Lons-le-Saunier (Jura). — 1862. * DE SAUSSURE, Henri, naturaliste; château de la Charnéa, près Bonne-sur-Ménage (Haute-Savoie). — 1854. SAUTIER, Chef de bataillon du génie en retraite; Vesoul (Haute- Saône). — 1848. * THénaR» (le baron), membre de l'Institut {Académie des sciences ; Talmay (Côte-d'Or). — 1851. | Tuaierry, Gilbert, ancien auditeur de 1"° classe au Conseil d'Etat; Paris, rue St-Dominique-S'-Germain, 76. — 1868. Tarerry, Jacques, capitaine d'état-major ; Clermont-Ferrand. — 1873. Taurier, Charles, juge de paix; Rougemont (Doubs).— 1869. Tissot, correspondant de l'Institut, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Dijon (Côte-d'Or). — 1859. Touaix, Charles, professeur au collége arabe d’Alger.— 1856. Tourer, Félix, percepteur; Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs). — 1854. — 574 — MM. * Tournier, Ed., docteur ès-lettres, sous-directeur à l'Ecole des hautes études; Paris, rue de Vaugirard, 92. — 1854. TournieR, Paul, docteur en médec.; Morteau (Doubs).—1866. TRAvELET, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez- Morey (Haute-Saône). — 1857. * Travers, Emile, conseill. de préf.; Caen (Ca!vados).— 1869. TRUCHELUT, photographe ; Paris, rue Richelieu, 98. — 1854. Tusrey, Alexandre, archiviste aux archives nationales; Paris, place Wagram, 4. — 1863. Vazrrey, Jules, rédacteur au Moniteur universel: Paris, rue Treilhard, 3. — 1860. VENDRELY, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône).—1863. VEruoT, Ernest, capitaine de frégate de la marine nationale; Paris, rue de Moscou, 23. — 1873. Viarp, Alexandre, notaire et maire, à Hortes (Haute-Marne). — 1872. Vreizze, Emile, libraire, maison Victor Masson; Paris, rue de l’Ecole-de-Médecine, 17. — 1862. ViezLarD, Léon, propriétaire et maître de forges ; Morvillars (Haut-Rhin). — 1872. VIVIEN DE SAINT-MaRTIN, vice-président de la Société de géo- graphie ; Paris, quai Bourbon, 15. — 1863. * WILLERME, Colonel des sapeurs-pompiers de Paris en retraite. — 1869. ZELLER, professeur d'histoire au Lycée de Nancy. — 1871. — 975 — SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (101). —— Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations FRANCE Comité des travaux historiques et des sociétés savantes près le Ministère de l'Instruction publique (deux éjemploices des Mémoires). sm. sacs ee sise 1856 Ain Société d'Emulation de l’Ain; Bourg..........,.... 1860 Aisne Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agriculture et industrie de Saint-Quentin.......... 1862 Allier Société des sciences médicales de l'arrondissement de Gannat:. PAGE AR able ete Sc EE 1851 Société d'Emulation du département de l A Ier: Mou- D ROM ER Te 08 ER DR SVO AL SPRL PIC ECS SRE EUR: 1860 Alpes-Maritimes Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ; NICE D RAR DER sa LR E CRI ere 1867 Ardèche Société des sciences naturelles et historiques de l’Ar- (SC NE PS A ER ro cb de CAO IER DÉPASSE nt 1863 Aube — 576 — Bouches-du-Rhône Société de statistique de Marseille ......,............ Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille. Calvados Société Linnéenne de Normandie; Caen............. « ANcadérte de Caen Re LE ANR RES ETE NET Charente-Inférieure Société d'agriculture de Rochefort............. Re Côte-d'Or Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon... Société d'agriculture et d'industrie agricole du dépar- mentde la Côte-d'Or;-Dijon .f:0023, ua eur Commission des antiquités du département de la Côte- DOTÉ OM TR PRESS ruse me see dées DE 0 ME Doubs Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon. Société d'agriculture, sciences natureHes et arts du dé- partement.du-Doubs ;: Besancon... 6.204 Commission archéologique de Besançon......,...... Société d'Emulation de Montbéliard ............. Société de médécine de:Besançon:.:.51 7. 40utenne 8 Société de lecture de Besancon ..................... ‘Eure-et-Loir Société Dumaise: Chéteudions TU SE acer oo Gard Académie dnGani, NimES: 2. ie ee ELEC OR Société scientifique et littéraire d'Alais.............. Garonne (Haute-) Société archéologique du midi de la France; Toulouse. 1856. 1841 — 577 — Gironde Commission des monuments de la Gironde; Bordeaux. Société des sciences physiques et naturelles de Bor- Hérault Académie de Montpellier..........:....: TRE LIL Société archéologique de Montpellier ......... ne ra Indre-et-Loire Société française d'archéologie; Tours............... Isère Société de statistique et d'histoire naturelle du dépar- tement de l'Isère ; Grenoble :..:............,,... à Jura Société d'Emulation du département du Jura; Lons- RÉSAUIRE EE RE ER ane d'os date eue nt Cie Loire Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire; Saint-Etienne.. Loiret Société archéologique de l'Orléanais; Orléans........ Maine-et-Loire Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire ; Angers .....4444.. sed et su Société académique de Maine-et-Loire ; Angers...... Manche Société des sciences naturelles de Cherbourg....,.... Marne Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne ; Châlons.......... ŒRRE 1866 1867 1869 1869 1861 1857 1844 1860 1866 1851 1855 1857 1854 1856 r— 978 — Mayenne Société de l’industrie de la Mayenne; Laval ......... Société d'archéologie, sciences, arts et belles-lettres du département dela Mayenne; Mayenne......,..... Meuse Société philomathique de Verdun .............,,... Morbihan Société polymathique du Morbihan; Vannes...... Oise Société d'agriculture de Compiègne................. , Pyrénées (Basses-) Société des sciences, lettres et arts de Pau........... Pyrénées (Hautes-) Société académique des Hautes-Pyrénées : Tarbes... Pyrénées-Orientales Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales ; Perpignan. ....... Net sg ie AS MINE | Rhin (Haut-) Société Belfortaine d'Emulation.....,...,.....,.... Rhône Société Linnéenne de: Liyonit 2e #4 a Société d'agriculture, . d'histoire naturelle et arts utiles de LYQD: 52H 8 ARTS Ne HE NE HT MER Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. Société d’horticulture pratique du département du Rhône BYyong Er. PEN TOME EL TS Société Liéraire de LD Re re ee Saône-et-Loire - Société Eduenne : Autun..:.... MARAIS NS PAT EE 1856 1872 1849 1850 1850 1853 1866 — 579 — Société d'archéologie de Chalon-sur-Saône....,..,... 1857 KNeadémie dé MACON: SAP PRPRELETE Se. 3020118068 Saône (Haute-) Commission d'archéologie de la Haute-Saône; Vesoul. 1861 Sarthe Société d'agriculture, sciences et arts ; le Mans......, 1869 Savoie * Académie de Savoie : Chabrol sua. se 1869 Savoie (Haute-) Société Florimontane; Annecy. ui +: cs ncssse 1871 | Seine Académie des sciences de l’Institut de France. ...... 1872 Société géologique de France ; Paris. ............... 1847 Société de secours des amis des sciences ; Paris....... 1863 MSSOCiAtion SCIenHque) PATISS PMU ES. 2.7 1866 Société des antiquaires de France; Paris......,....... 1867 Seine-et-Marne Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Seine- crMarne Mélun. ile LE nee SAR re 1865 Seine-Inférieure Commission départementale des antiquités de la Seine- Inférieure ; Rouen ...... DS SM RSS te 1869 Somme Société des antiquaires de Picardie; Amiens......... 1869 Tarn Société scientifique et littéraire de Castres........... 1860 Var Société des sciences naturelles, des lettres et des beaux- arts de Cannes et de.l’arrondissement de Grasse .... 1870 — 580 — Vienne (Haute-) Société archéologique et historique du Limousin ; LAID P ESS ee PRES Ed ee à nes ef Ne TEE Vosges Société d'Emulation du département des Vosges ; Epinal. Yonne Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne A UEPTTES, an 0e en TS due tn ee SR Société d'agriculture de-Joignyisd ra... 50.400 00R ATLSACE-LORRAINE Société d'histoire naturelle de Metz................. Société des sciences naturelles de Strasbourg... ....... Société d'histoire naturelle de Colmar............,.. ALGÉRIE Société de climatologie algérienne; Alger ........... Société historique algérienne ; Alger................ ALLEMAGNE Académie royale des sciences de Bavière à Munich (Kænigl. bayer. Akademie der Wissenschaften zu München), représentée par M. Scheuring, libraire, AE NON he Gr AMAR UT NOTE Société des sciences naturelles de Brême (Naturwissen- schaftlicher Verein zu Bremen) ................. Société des sciences naturelles et médicales de la Haute-Hesse (Oberhessische Gesselschaft für Natur Hellkunde); Giessenser) are Re eNDERRe Société royale physico - économique de Kænigsberg (Kænigliche physikalisch-ækonomische Gesellschaft zu Kœnigssberg) ; Prusse . 5.444.250. 000 AUTRICHE Institut impérial et royal de géologie de l'empire d'Au- 1852 1355 1852 1865 1845 1866 1860 1867 1870 1865 1866 1858 1861 — 981 — triche (Kaiserlich-kæniglich geologische Reichsan- BAL NAN ee RUN UE EL DOTE AMÉRIQUE Société d'histoire naturelle de Boston, représentée par MM. Gustave Bossange et Cf, libraires, quai Vol- ÉTÉ NO DA PES OS LR Eee ete PAT IE RAR Institut Smithsonien de Washington, représenté par MM. Gustave Bossange et CGis.,.....,......1...., ANGLETERRE Société littéraire et philosophique de Manchester (Lite- rary and philosophical Society of Manchester) ..... BELGIQUE Académie royale de Belgique; Bruxelles ....,....... LUXEMBOURG Société des sciences naturelles du grand - duché de Purembonures Lire MmbOG LE NL MAN Te cet RIT SUËDE Académie royale des sciences de Stockholm, représen- tée par M. Otto Lorenz, libraire, rue des : Beaux- PNR DAS NE Ale ere Es ns ANR PER SUISSE Société d'histoire naturelle de Bâle ( Naturforschenden GesellschafiintBaselanenn re ea EEE Société d'histoire naturelle de Berne (Bernerische Na- turiorschendennGesellschatt mere SUIS ANR + Société jurassienne d'Emulation de Porrentruy, canton (ES ER ARE AE ARS LL AE € ee SEAL ERP CRE Se Société d'histoire et d'archéologie de Genève......... Iustituimauonal TA GenÈve TER AMI Re a. Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne... Société neuchâteloise des sciences naturelles ; Neuchâtel 1895 1865 1869 1859 1868 1854 1869 1866 1859 1861 1863 1866 1847 1862 — 582 — Société d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel... ..... 1865 Société helvétique des sciences naturelles (Allgemeine schweizerische Gesellschaft für die gesammten Na- turwissenschatien] AUACHER SN SENS 1857 Société des antiquaires de Zurich.........,.....,..: 1864 — 983 — Bibliothèques publiques (17) Ayant droit à un exemplaire des Mémoires Bibliothèque de la ville de Besançon. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. “Id: Id. Id. Id. Id. cac Id. EG: de l'Ecole d'artillerie de Besançon. de la ville de Montbéliard. de la ville de Pontarlier. de la ville de Baume-les-Dames. de la ville de Vesoul. de la ville de Gray. de la ville de Lure. de la ville de Luxeuil. de la ville de Lons-le-Saunier. de la ville de Dole. de la ville de Poligny. de la ville de Salins. de la ville d’Arboïis. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. Mazarine, à Paris. de l'Ecole d'application de l'artillerie et du gé- nie, à Fontainebleau. wa ; 2 Ai 2 SES SM , HET, 14 LANTÉÉTGESILEr 2 DUREE h TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME. PROCÈS-VERBAUX Remerciments du Conseil fédéral helvétique, au sujet des paroles sympathiques adressées à la Suisse dans le RRQUEPde TOI ER Es RM al Anse Pl Hommage fait par M. Jules JuRGENSEN de son volume de poésies intitulé : Pendant la guerre... ..... ‘ps I A Don d’un exemplaire de nos Mémoires à a bibliothèque de l’Ecole d'application de l’artillerie et du génie. pp. II, XIV, XV Ruche à segments mobiles, construite et offerte par M. PIS re FAIVRE dei SeUrEG ae een ee ARR ee P. vi Réunion des délégués des Sociétés savantes à la Sor- bonne, en 1872 : appareil hygrométrique communiqué à ce congrès par M. le président SIRE; médaille d’or décernée à M. GRENIER ; médailles d'argent obtenues par MM. REBOUL et DE FROMENTEL. ue . PP. VIN, XIII Observation de M. Casran sur celui “al date qui figure dans la Vierge de Fra-Bartolommeo, à la cathé- drale de Besançon........… ? dehta eo PDO Félicitations à M. Paul oies au la 4 re réappa- rition de son Annuaire du Doubs. .......... P. XI Séance générale de la Société Sd Ernulaton de Montpee -_ liard: lecture et toast faits à cette occasion par M. DCE D NE RO ERA PE RO a Er EN ER On PP. XII, XVI Reprise de l’œuvre des bibliothèques populaires par les soins du personnel des écoles communales....... +. PP. XVII-XX Rapport de M. Braz sur les Etudes celtiques de M. Henri MARTIN Te A Pam end eu ja 20e Joe PP. XXI-XXII Achèvement du square archéologique : vœux exprimés à cet égard par la Société. .......... PP. XXII-XXIII, XXIV-XXV — 586 — Deux allocations, l’une de 500 fr., l’autre de 1,000 fr., accordées à la Société par M. le MINISTRE DE L’Ins- TRUCTION PUBLIQUE.. ....... sé sente ee DD REV AIRES Renseignements sur “ a bel upon du Vésuve, communiqués par M. Ounet. Cie coma VE Pr YEN Rapport sur la gestion nantare de 1871. PP. XXVI-XXVIL Bndget de TOI EE LS RER Dao or Dale fete À PP. XXX-XXXI Documents envoyés par M. CARME sur les sépultures ger- maniques des environs de Chaussin (Jura) .... pp. XXXIII-XXxIV Note de M. TRAvELET sur deux voies antiques du nord- ouest de la Franche-Comté. LTÉE us: + Pr Souscription de la Société à ie du tuer à l'histo” rien Chevalier, de Poligny... Me dass sutte 200 RE Election du conseil alu de 1873. . PP. XXXVI-XXXVII Séance publique de 1872... ........ 0, "pp: XXXVIE EMI Banquet de 1872 : discours prononcés à cette occasion par MM. Georges SIRE, le PRÉFET pu Dougs, Auguste CASTAN, DE MANDROT, BOUTHENOT-PEUGEOT, PARISOT, LE BRUN-DALBANNE, Jules JURGENSEN et Alfred DucaT. p. xxxIx MÉMOIRES La Société d'Emulation du Doubs en 1872, par ° M. Georges SrRe, président annuel............ Dit Eudoxe de Cyzique et le périple de l'Afrique dans l’an- fiquité, par M. Paul GAFFAREL 1 0 pris Nouvelle disposition de l'hygromètre à cheveu, par MhGeorses Sue DL) Sn en p. 10! De l'intérêt des pierres gravées pour l'étude de l’anti- à quité, par M. LE Brun Dane Put de p.497 Aurore boréale du 4 février 1872, par M. Alphonse DELAGRODE EE SU ROBE A LM PTT RE SR ARE p.452 La Géographie en France et en Allemagne, par M. Henry CHOTARET LT en M Re LE x. Pat — 587 — Notice géologique sur le Mont-Chätelu, par M. Maurice Dés DRiBoLer(@ plie). 5e ee Sur un appareil à niveau constant pour l'essai des ma- tières d'argent par la voie humide, par M. Georges St RDE ere nl ee d'a US ae Le Jura franc-comtois, études géologiques ; première étude, par M. Alexandre Vézran (4 pl.) .......... Simon de Quingey, page de Charles le Téméraire et pri- sonnier de Louis XI, par M. Jules GAUTHIER. . ..… Notice sur les tourbières supra-aquatiques du Haut- À AT DE 2 OA RE HS ERA re AU AR EE Le Théätre de Vesontio et le square archéologique de Besançon, par M. Auguste Casran (5 pl.) ........ Herbier de la flore de Franche-Comté (livre HI), par NET PATELOL SPA MIRE EE MERE ee Ne Note sur le cimetière burgonde de Cussey-sur-l’Ognon, par M. Jules GAUTHIER (1 pl.).. RER RELNE Des monuments commémoratifs, par M. Alfred Ducar. Monnaies gauloises des Séquanes, par M. Auguste CASDEN ADS near eee Le COTON RS Dons faits à la Société en 1872............. Envois des Sociétés correspondantes... ................. Membres de la Société au 15 décembre 1873............. Sociétés correspondantes ne Bibliothèques recevant les Mémoires. 2 ———————— BESANCON, IMPRIMERIE DODIVERS ET Cie. GRANDE-RUE, 87. p. D. TO TS UT . 461 . 14 522 HU20 940 545 548 992 . 075 583 SE RER 22 AA -.#4 w York B AL LUTTE 9185 00288 ENS