DUT LAN ART FRAUEN RER TES ca ED az 1 : ane 12 nl Ron Crt DAS ES 5 AN 688 MÉMOIRES DE LA | SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS SIXIÈME SÉRIE PREMIER VOLUME 1886 A BESANCON | 1e. IMPRIMERIE DODIVERS ET Cie . Grande-Rue, 87. MÉMOIRES. SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DE DOUES SIXIÈME SÉRIE PREMIER VOLUME 1886 BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET Cie Grande-Rue, 87. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS 1886 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES Séance du 9 janvier 1886. PRÉSIDENCE DE MM. BARBIER ET DUCAT. Sont présents : BUREAU : MM. Barbier, président sortant, élu 1er vice-prési- dent ; Ducat, 2% vice-président, élu président pour 1886; Col- senet, élu 2e vice-président pour 1886 ; Castan, secrétaire ho- noraire ; Besson, secrétaire ; Vaissier, archiviste réélu. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bon, Boussey, Chapoy, Delacroix, lVabbé Drouhard, Foin, Girardot, Girod (Victor), Guillemin (Victor), Jégo, Margaine, Paillot, Pingaud, de Sainte-Agathe, Trouillet. Les procès-verbaux des séances des 16 et 17 décembre 1885 ayant été lus et adoptés, M. Barbier, qui a pris place au bureau comme président, remercie ses confrères en termes élevés et émus du concours qu'ils lui ont prêté pour l’accomplissement de sa mission, mission qu'il est heureux de pouvoir remettre aux mains expérimentées de son successeur M. Ducat. Ainsi installé comme président, M. Ducat remercie à son tour la Société de l’honneur qu’elle lui a fait en le plaçant à sa tête pour la seconde fois, Il exprime de plus sa ferme confiance qu’elle se montrera à l'avenir digne de son passé, et qu’elle se maintiendra dans la voie de progrès dont elle n’a pas dévié depuis sa fondation. Ces paroles ayant été accueillies par les applaudissements de la réunion, M. Castan, secrétaire honoraire, prend la parole en ces termes : « J'ai l'honneur et le regret de notifier à la Société d'Emula- tion du Doubs la mort de l’un de ses correspondants et colla- borateurs artistiques, ‘le peintre Victor Jeanneney, décédé à Vesoul, le 22 décembre dernier, dans sa cinquante-troisième année. » Victor JEANNENEY était né à Besançon, dans cette rue Saint-Paul dont on voudrait abroger le nom qui évoque cepen- dant plus d’un souvenir se rattachant à notre histoire. Son père était imprimeur lithographe; il devint dessinateur dans cette même profession et fut l’un des élèves aimés du peintre Lancrenon, le maître consciencieux qui, dans notre modeste école de dessin, a dirigé les premières études de trois artistes franc-comtois parvenus au grand prix de Rome, MM. Giaco- motti, Machard et Chartran. » L’annonce de l'Exposition universelle de 1855, éveilla chez Jeanneney la volonté de faire œuvre d’artiste : il produisit alors, entièrement de verve, un vaste paysage qui résumait, comme en une synthèse, les traits caractéristiques de la nature franc- comtoise. Pour que cette toile pût être envoyée gratuitement à Paris, ii lui fallait un passe-port de la commission départemen- tale du Doubs. L'auteur n’avait pas de notoriété, la commission hésitait ; mais Lancrenon, qui venait de suivre avec intérêt l’entreprise audacieuse de son élève, n’hésita pas à recom- mander la toile qui en résultait. De toutes les œuvres d'art en- voyées à Paris sous les auspices de la commission départemen- tale du Doubs, celle-là fut la seule que le haut jury retint pour l'Exposition universelle. Je l’y vois encore. placée dans un salon qui, en dehors de ce paysage franc-comtois, était exclu- sivement rempli des œuvres magistrales d'Horace Vernet. » À la suite de ce succès, Jeanneney vint à Paris et fréquenta quelque temps l’atelier du peintre Gleyre; mais les conve- NI nances d’un mariage précoce qu'il avait contracté le rame- nèrent dans sa ville natale. Plusieurs des maîtres de l’art l’en- courageaient pourtant à persévérer dans une voie qui aurait pu le conduire au prix de Rome pour le paysage. » Voué dès lors à l’enseignement du dessin, d’abord comme maître libre, puis comme professeur au lycée de Vesoul, il apporta dans ce fonctionnement des aptitudes supérieures, qu’un exercice assidu ne fit que perfectionner. Dans les con- cours généraux entre les lycées de France, aussi bien que dans les plus vastes expositions scolaires, l’apport des élèves de Vesoul obtenait constamment les premiers succès. Jeañneney reçut en conséquence des distinctions flatteuses : le Ministère lui envoya, comme témoignage de sa haute satisfaction, de _ beaux livres d'art, puis les palmes d’officier d'académie, et enfin celles d’officier de l'instruction publique. On lui confia même, durant une maladie de l’éminent sculpteur Barrias, la mission d’inspecter l’enseignement du dessin dans le ressort de l’académie de Dijon. » Plusieurs élèves de Jeanneney sont devenus des artistes de première valeur. Parmi ceux-là, nous pouvons citer, comme faisant honneur à notre province, le paysagiste Alexandre Rapin et le peintre d’histoire Gustave Courtois. L’enseigne- ment de Jeanneney était d’ailleurs grandement estimé par un de nos illustres compatriotes, le peintre Léon Gérôme, qui se plaisait à donner au professeur de Vesoul la qualité de pour- voyeur en chef de son atelier d'élèves. _ » Passionné pour la divulgation des doctrines artistiques, Jeanneney réussit à créer, sous les auspices de la municipalité de Vesoul, une école de dessin et les premiers éléments d’un musée. Ces deux institutions, qui ne peuvent que grandir, feront vivre avec honneur, dansle chef-lieu de l’un des départe- ments comtois, le souvenir d’un artiste remarquablement doué et qui s’ingénia sans cesse pour rendre intelligibles à tous les règles du goût. » Quelques jours après la mort de Victor Jeanneney, le 27 dé- cembre, la Société perdait un autre de ses correspondants, l’un de ceux qui s’intéressaient le plus vivement au succès de l’œuvre commune : je veux parler de M. Alphonse RENAUD, UNIES ancien officier principal de première classe des hôpitaux mili- taires, officier de la légion d'honneur, décédé à Paris, à l’âge de 75 ans. Deux frères de cet excellent compatriote apparte- naient, en même temps que lui, à notre association et comp- taient parmi ses membres les plus fidèles. Une seconde géné- ration de la même famille accorde à notre œuvre un nouvel et honorable attachement. M. Alphonse Renaud, qui a contribué à créer cette tradition parmi les siens, était le camarade d’enfance de la plupart des fondateurs de notre Société. Il avait le cœur ouvert aux sentiments généreux et l'intelligence sympathique aux nobles entreprises. Tous ceux qui l’ont connu garderont mémoire fidèle des délicatesses de son aimable courtoisie. » Les membres présents applaudissent à cette expression de sentiments qu'ils partagent et en décident l’insertion au procès- verbal. L'ordre du jour appelant la désignation de trois membres étrangers au conseil d'administration pour vérifier les comptes relatifs à l'exercice 1885, le choix de la Compagnie se porte sur MM. Arnal, Demongeot et Sire. M. Pingaud donne lecture d’un intéressant mémoire sur l’Instruction publique à Besançon avant 1789. Ce travail figu- rera dans notre prochain volume. Est pareillement retenue pour l'impression une notice de M. Castan, secrétaire honoraire, sur le Musée d'art de Besançon. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres résidants : Par MM. Girardot et Paillot, MM. André fils, carrossier; Xa- vier Gevrey, vétérinaire, naturaliste-préparateur; Victor Car- pentier, pharmacien. Comme membre correspondant, Par MM. Durupt et Emile Beltzer, M. Alfred Bardet, notaire à Vuillafans. Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le président proclame : Membres résidants, MM. TarBy, professeur au Lycée; MM. L'abbé RIGNY, curé de Saint-Pierre, chanoine honoraire de Nimes; COTTIGNIES (Paul), avocat-général à la cour d'appel; Fazy (William), directeur du Crédit lyonnais, à Besançon. Membres correspondants, MM. Louis BoiTEUx, docteur en médecine, à Baume-les- Dames ; DuUFOUR, docteur en médecine, à Lausanne. Le Président, Le Secrétaire, A. DUCAT. E. BESSON. Séance du 13 février 1886. PRÉSIDENCE DE M. DUCAT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président ; Barbier et Colsenet, vice- présidents ; Guillemin, trésorier; Vaissier, archiviste ; Castan, secrétaire honoraire remplaçant le secrétaire empêché. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Amberger, Carry, Chapoy, l'abbé Drouhard, Dunod de Charnage, Fauquignon, Fazy, Girardot (Albert), Girod (Victor), Guenot, Jégo, Minary, Perruche de Velna, Ripps, Tarby, Renaux (Camille), Sire. Le procès-verbal de la séance du 9 janvier ayant été lu et _ adopté, il est communiqué deux circulaires de M. le Ministre de VInstruction publique concernant les questions proposées à l’étude des sociétés savantes des départements par les sections de géographie et des sciences économiques du Comité des tra- vaux historiques et scientifiques. Ces circulaires sont déposées sur le bureau, et les membres qu’elles intéresseraient sont invités à en prendre connaissance. Trois sociétés savantes des plus honorables ont désiré entrer en relation d'échanges avec la nôtre. Ces compagnies sont : l’Académie d'archéologie de Belgique, qui a son siège à Anvers; — XX — la Société historique de Compiègne, et la Société d'archéologie du Chàtillonnois. La première de ces sociétés annonce un envoi très prochain : tout pouvoir est donné au Conseil d'administration pour y ré- pondre ; la seconde a adressé six forts volumes : il lui sera offert en retour la cinquième série de nos Mémoires ; la troi- sième société enfin a envoyé six fascicules : on lui expédiera les deux derniers parus de nos volumes. Pour l'avenir, les trois sociétés désignées ci-dessus compteront parmi celles qui reçoi- vent nos Mémoires. M. le Président fait connaître que M. le DUC D’AUMALE a bien voulu adresser à la Société un exemplaire de son Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et xvVIIe siècles : 4 volumes in-8v, avec portraits gravés et atlas in-fol. composé de sept cartes. M. Castan fait un rapport sur ce bel ouvrage. Par un certain nombre de citations, spécialement choisies dans le troisième volume, la Compagnie est mise à même d'apprécier hautement les qualités distinctives de l’œuvre : la sobre éloquence des récits, le relief vigoureux des portraits, la perspicacité fine autant que droite des aperçus, enfin la mâle originalité d’un style qui procède de celui de Henri IV et n’est pas sans affi- nités avec celui de Saint-Simon. Le parallèle entre les Bourgui- gnons ardents et les Comtois tenaces, la narration du siège de Dole, intéressent vivement l’assistance, qui, à juste titre, con- sidère ces morceaux comme définitivement acquis aux annales de notre province. Les extraits ainsi communiqués font revivre la mémoire des paroles vibrantes de patriotisme que M. le duc d’Aumale prononça dans notre réunion du 18 décembre 1873, au lendemain de sa prise de possession du grand commande- ment militaire, dont l’exercice si distingué lui a créé des droits à la reconnaissance de tous les vrais Français. M. le général Wolff, qui continue dignement l’œuvre entre- prise par M. le duc d’Aumale, n’a pas été moins aimable que son éminent prédécesseur envers notre Compagnie. A la suite d’une lecture qu'il avait bien voulu faire dans l’une de nos séances publiques, la qualité de membre honoraire lui fut dé- cernée comme témoignage de gratitude. M. Castan pense qu’une réciprocité du même genre doit suivre le gracieux envoi spontanément fait à notre association par M. le duc d’Aumale. S'inspirant des considérations et souvenirs dont l’exposé pré- cède, l'assemblée décide, par acclamation et à l’unanimité des membres présents, que M. le général DUC d'AUMALE, membre de l’Académie française, ancien commandant en chef du 7e corps d'armée, sera prié de vouloir bien accepter la qualité de membre honoraire de la Société d’Emulation du Doubs. Une Etude sur l’apparition du mélodrame en France, publiée dans les Annales de la Faculté des Lettres de Lyon, nous a été envoyée par son auteur, M. Gaston Bizos. Il est décidé que M. Edouard Besson sera prié de rendre compte de ce morceau. Dans la brochure intitulée Rentrée solennelle des Facultés de l'Académie de Clermont-Ferrand en 1884,le secrétaire hono- raire signale un remarquable discours de notre confrère M. Paul Girod, sur le monde des infiniment petits. Mention est également faite du succès que vient d'obtenir en Sorbonne notre confrère M. Edouard Droz, par des thèses bril- _lantes pour l’obtention du grade de docteur ès lettres qui lui a été conféré. M. Minary fait l'exposé d’une Nouvelle interprétation de la théorie des marées. Au moyen d’un très ingénieux appareil, il prouve, contrairement à la théorie de Delaunay, que si les marées de la face du globe terrestre qui regarde la lune sont dues à la force d’attraction produite par cet astre, les marées de la face opposée du globe doivent être attribuées à la force centrifuge résultant de la rotation du globe et s’exerçant en sens contraire de la force d'attraction lunaire. M. Minary ayant un mémoire rédigé sur cette intéressante question et voulant bien le mettre à la disposition de la Société, les membres présents sont unanimes à en voter l’impression. La Société autorise ensuite la reproduction dans ses Mémoires de la traduction française d’un article dans lequel M. le docteur Frimmel, de Vienne (Autriche), a donné l’adhésion la mieux nt AC os motivée à la découverte, faite par M. Castan, de la véritable date du Saint-Tldefonse de Rubens. La Société vote enfin des remerciements à M. Alfred Vaissier, son archiviste, pour l’entreprise utile et méritoire d’une table analytique du contenu des dix volumes de la 5e série de nos Mémoires. Sont présentés pour entrer dans la Société, comme membres résidants : Par MM. Colsenet et Chapoy, M. Charles Chabot, professeur de philosophie au Lycée ; Par MM. Chapoy et Castan, M. Henri Michel-Brice, architecte paysager. A la suite d’un vote favorable sur le compte des candidats antérieurement présentés, M. le président proclame : Membres résidants, MM. ANDRÉ (Charles), carrossier ; GEVREY (Xavier), vétérinaire et naturaliste ; CARPENTIER (Victor), pharmacien ; Membre correspondant, M. BARDET (Alfred), notaire, à Vuillafans (Doubs). Le Président, Le Secrétaire honoraire délégué, A. DUCAT. A. CASTAN. Séance du 13 mars 1886. PRÉSIDENCE DE M. DUCAT. Sont présents : « BUREAU : MM. Ducat, président ; Castan, secrétaire honoraire ; Besson, secrétaire ; Guillemin, trésorier ; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Amberger, Androt, Baudin, Bon, Carpentier, de Chardonnet, Cottignies, Delacroix, l'abbé Drou- . ei — hard, Fauquignon, Girardot, ne Rétif, Schœndærffer, Trouil- let, Vernier. Le procès-verbal de la séance du 13 février 1886 ayant été lu et adopté, le secrétaire donne lecture d’une lettre par laquelle M. le duc d'Aumale répond à la notification qui lui a été faite du vote de la Société d’'Emulation lui conférant le titre de membre honoraire. Cette lettre est ainsi conçue : « Chantilly, 18 février 1886. » Monsieur le Président, » Ce que vous me dites, au nom de la Société d’Emulation du Doubs, m'a réellement touché. » Je tiens à honneur d’appartenir à cette Société qui m'a si cordialement accueilli lorsque J'ai pris possession de mon com- mandement en 1873. » Soyez mon interprète auprès de vos collègues et recevez l'assurance de mes plus affectueux sentiments. » (Signé) H. D'ORLÉANS. » a La Société applaudit à cette expression de sentiments si flatteurs pour elle et en décide l'insertion au procès-verbal. Est de même communiquée une lettre de M. H. Monin, déjà imprimée dans la Revue de Géographie de M. Drapeyron, et que ce dernier nous à adressée. L'auteur y fait diverses proposi- tions relatives à un congrès de sociétés savantes qui se tien- drait à Paris lors du centenaire de 1789. Ces propositions n’ayant trait qu'à des éventualités dont la réalisation n’est pas encore absolument certaine, la Société en renvoie l’examen à une époque ultérieure. La Société d'archéologie lorraine demandant à entrer en relations d'échanges avec la nôtre, cette demande est agréée avec empressement. M. l’abbé Rossignot, curé d’Argillières, entretient, par lettre, la Société de fouilles faites dans la caverne à ossements de Farincourt (Haute-Marne}, et sollicite un secours pécuniaire pour mener à bien les travaux commencés. M. le docteur Gi- IN rardot fait observer que la Faculté des sciences dispose de fonds spéciaux destinés à venir en aide aux auteurs de recherches paléontologiques, et que c’est auprès d’elle que la requête de M. l’abbé Rossignot aurait le plus de chance d’aboutir. Adop- tant cette manière de voir, la Société charge M. le docteur Gi- rardot d'appuyer cette demande auprès de M. le doyen de Ia Faculté des sciences de Besançon. L'ordre du jour appelant la désignation des membres de Ia Compagnie qui la représenteront au prochain congrès de la Sorbonne, sont délégués à cet effet : MM. Alfred Ducat, Alexandre Grosjean, Edmond Francey, Paul Cottignies, Frédéric Rétif, Frédéric Delacroix, Edouard Besson. Le secrétaire est en outre chargé de notifier les noms de ces délégués au Ministère de l’Instruction publique. MM. Castan et le comte de Chardonnet communiquent un extrait du compte-rendu de la séance de l’Académie des sciences où il a été rendu un si éclatant hommage à notre illustre com- patriote M. Pasteur, au sujet de ses belles découvertes sur la rage. Les deux honorables membres expriment en outre l’opi- nion qu'au moment où les souscriptions abondent pour la fondation de l’Institut où seront appliquées les méthodes du savant Franc-Comtois, la Société d’Emulation ne saurait se désintéresser d’une œuvre qui fait tant d'honneur à notre pro- vince. Ils proposent en conséquence que la Société souscrive une somme en rapport avec sa situation financière. Cette pro- position est acceptée par acclamation, et l’on fixe à cent francs la somme qui sera adressée par le secrétaire à M. Pasteur. M. Castan donne lecture de quelques articles d’un nouveau Catalogue des Musées de Besançon qu’il prépare en ce moment. Ces morceaux, qui traitent de l’origine et de l'historique des principales pièces de nos collections, intéressent vivement l'auditoire, et M. le président Ducat se fait l'interprète des sen- timents de tous en remerciant avec chaleur M. Castan. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres correspondants : 1 - DONNE Re Par MM. l’abbé Louvot et Paillot, M. l'abbé Mourey, aumônier des Ursulines à Montmartin. Par MM. Paillot et Albert Girardot, M. Alfred Milliard, archéo- logue, à Fédry (Haute-Saône). Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le Président prociame : Membres résidants, MM. CxaABor (Charles), professeur de philosophie au Lycée; MICHEL-BRICE (Henri), architecte paysager. Le Président, Le Secrétaire, A. DUCAT. E. BESSON. Séance du 10 avril 1886. PRÉSIDENCE DE M. DUCAT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président ; Castan, secrétaire hono- raire ; Besson, secrétaire ; Guillemin, trésorier. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Androt, Arnal, Boussey, Boyer, Carry, Girardot, Jégo, Laurens (Paul), Margaine, Renaux, Rétif, Sire, Vernier. Le procès-verbal de la séance du 13 mars 1886 ayant été lu et adopté, le secrétaire communique une lettre de M. Pasteur, par laquelle lillustre savant franc-comtois remercie la Société de l’envoi de la somme de cent francs qui lui a été adressée comme témoignage de sympathie donné à la création de l’Ins- titut pour le traitement de la rage. Cette lettre est accueillie par d’unanimes applaudissements, et on décide que mention en sera faite au procès-verbal. M. Besson ajoute, au nom de plusieurs de ses confrères et au sien qu’en dehors de la souscription offerte par la Société elle-même, il serait opportun d'ouvrir parmi les membres une Souscription individuelle, dont les résultats seraient adressés à — XVI — M. Pasteur lui-même avec la liste des souscripteurs. Cette pro- position est adoptée, et M. Besson est chargé d'adresser à tous les sociétaires une circulaire destinée à leur faire connaître l'ouverture et l’objet de la souscription. . M. Arnal, nommé rapporteur de la Commission chargée de vérifier les comptes du trésorier, s’exprime de la manière sui- vante : : « Votre commission des finances, après avoir vérifié les livres du trésorier et examiné les pièces comptables à l’appui des dépenses, a constaté les résultats suivants pour l’exer” cice 1885 : : RECETTES. 4° Solde en caisse au 31 décembre 1884 . . . . . 376 20 20 Subvention du département pour 1884 . . 500f 1.000 » id. Aide 18892 1000 30 Subvention de la ville . . . . . on 600 » 49 Cotisations des membres sidaite .. 2.460f 9.560 » Rachat de cotisation. . . . 100 59 Cotisations des membres con srondonte 798 f 858 » Rachat de Cotisation HER See Se 00 CDD AerdiplOMmeESs EN. PEER Re 34 ) 10 Vente de volumes: ." ‘2 Re Re Rd RE 90 » 8° Intérêts des rentes sur L'Etat rente HO » 90 Intérêt du capital déposé à la caisse d'épargne. . 2929 81 Total des recettes. . |. . . 6158101 DÉPENSES. LoNETAS:d'impression:.: dr rm ee LA ne 295 00 DoReliuress. ts Re LR NUE SAR na oem 52 50 90 Frais de bureau, ne GÉCA re ae NOTE À déduire les frais de recouvrement FEMPOUTSÉS 42 RSR NN SP STD Ce qui réduit cette dépense à. . . . . 409 75 409 75 na divers eb Séance DUDIQUEN TP PANNE ER bp1 60 soTraitement dé l'agent de la Société eme 270 » À reporter. . . . .. 4.440 00 AVI Hi Pecherches scientifiques . . . . . à 79 Cotisation à l'Association française pour l’avance- cement des sciences . . . MOUVEMENT DES FONDS. Déposé à la caisse d'épargne y compris l'intérêt au D DÉTENTE SRE AR 2 ni 4.329 81 HEURE de la tres d neue 93.400 » 3 490 10 id. de la maison Bretillot. 20 10 | Différence à ajouter en dépense. . . . 909 71 Solde en caisse au 31 décembre 1885 . . Total égal des recettes. Les recettes de l'exercice 1885, déduction faite du solde au 31 décembre 1884, sont Île ste Re PR eee TC oi Elles devaient être, d’après les prévisions dhabudset de dons 0..." 0 000) teéstune plus-value de, . : .. . , -.:,, 781 81 Mais il convient de faire remarquer que dans les recettes figurent exceptionnelle- ment deux subventions du département (1884 et 1885), plus l'intérêt des sommes placées à la caisse d'épargne qu’on n’y mettait pas jusqu'ici. Les dépenses, déduction faite du solde au slhdécembre 1885, sont de. 4... 0. 6.708 26 Le budget n'avait prévu qu’une dépense de 5.000 » C’est une augmentation de dépenses de. . 1.078 26 D'où il sort que les dépenses ont dépassé les recettes DE LAURE ARR CR RE ER TESTER TRS En retranchant cette somme du solde en caisse au 31 décembre 1884 qui était de . A reporter. 909 71 10) 7e . - 6.158 O1 181 81 1.078 26 296 45 376 20 376 20 — XVII — REDON. ES 976 20 On trouve le solde en caisse au 31 décembre 1835, | SD A cit ile 2 ii or 79 45 L’augmentation de dépense sur les prévisions du budeetiquiparait ètre de. nn 0% 0 1078126 est pour ainsi dire fictive; car si l’on éiranéhe la SOMME de. er... SR Ho 909 71 qui représente les dé pôle faits à la caisse nn et qui constituent un actif pour la Société, cette duUeMÉNtAtION Se réduit à 1686-59. PR 168 55 » Votre Commission se plaît à reconnaitre que le bureau s’est attaché à réduire les dépenses au strict nécessaire, car il a réalisé des économies sur presque tous les articles du bud- get, sauf pour les impressions qui ont occasionné une augmen- tation de 455 francs 90 cent., et les recherches scientifiques une augmentation de 108 fr. 55. » Pour compléter notre mission, il nous reste à vous faire connaître la situation générale de la Société au 31 décem- bre 1885. » Indépendamment de la rente de 410 francs qui n’y figure que pour mémoire, l'actif de la Société comprend : 19 Le solde en caisse au 31 décembre 1885 . . . . 79 75 20 L'argent déposé à la caisse d'épargne . . . . . . 4.480 02 39 15 cotisations à percevoir sur des membres rési- DANS ue SU SARA ARR 150 » 49 7 cotisations à percevoir sur des Len be corres- DONOAMUS ES ENTRE MEN NN RAR RER Ar 42 » Total #1 rio Cet actif au 31 décembre 1884, n’était que de . . . . 4.052 60 Il a donc auementé de > 649 17 » Pour terminer, nous demandons à la Société de voter à notre trésorier les remerciments que mérite l’activité qu'il a déployée dans l’accomplissement de la tâche dont il a bien voulu se charger. » Besançon, le 10 avril 1886. » Signé : À, ARNAL. » nn NEX 7e S’associant à ces conclusions, la Société vote des remerci- ments à son trésorier et décide l'insertion au procès-verbal du rapport de M. Arnal, qu’elle remercie lui aussi, ainsi que les deux confrères chargés avec lui de vérifier les comptes. MM. Girardot et Vaissier présentent ensuite un rapport sur les objets d'histoire naturelle et d'archéologie légués à la So- ciété par M. l'ingénieur Albert Travelet. « M. Albert Travelet, » disent-ils, « étaient un amateur éclairé, plutôt géologue que paléontologiste : il recherchait moins le nombre des pièces que leur valeur intrinsèque. Aussi la collection qu’il nous a léguée est-elle presque entièrement formée de beaux échantillons et de fossiles peu répandus. La période quaternaire avait surtout fixé son attention : si nous ne le savions déjà par ses publica- tions, sa collection nous l’enseignerait ; elle nous apprendrait qu’il ne négligeait aucune occasion pour recueillir des maté- riaux. nombreux et pleins d'intérêt sur l’époque préhistorique : en mettant à profit les travaux dont il avait la direction comme ingénieur. L'âge de la pierre est représenté dans sa collection par une remarquable série de silex travaillés provenant de dif- férents gisements de la Haute-Saône et de la Côte-d'Or, des camps de Cita et de Charriez, de Mont-des-Etrelles et du mont Vaudois. Quelques pièces d'archéologie gauloise et romaine, trouvées dans les travaux de canalisation de la Saône et de la Vingeanne, pourront être aussi utilement rapprochées de leurs analogues dans les collections du musée. » Cette communication est complétée par l’exhibition d’un grand nombre d'objets provenant des collections léguées et dont la vue intéresse les membres présents, qui arrêtent l’in- _sertion au procès-verbal du rapport de MM. Vaissier et Girardot, et chargent en outre le secrétaire de la Société de transmettre à madame veuve Travelet l’expression de leurs sentiments de gratitude et de respectueuse condoléance. M. Besson rend compte de ia thèse de doctorat présentée à la Sorbonne par notre confrère M. Edouard Droz, sur le Scep- ticisme de Pascal. Ce compte-rendu est retenu pour nos Mé moires. M. Besson signale en outre un remarquable travail, publié par un autre membre de la Société, M. Gaston Bizos, doyen de la Faculté d'Aix, dans l’Annuaire de la Faculté des lettres de Lyon. Ce travail, qui a trait à l’apparition du mélodrame en France au xvrrie siècle, suit les progrès de ce nouveau genre littéraire , depuis les imitations de Shakespeare mises à la mode par Voltaire, jusqu'aux drames de la Révolution. On y trouve :de fines appréciations du talent des Saurin, des de Belloy, des Baculard d’Arnaud, des Laya, des Monvel, qui ont préparé les voies aux maîtres définitifs du genre, les rois ac- tuels de notre scène. Les membres présents remercient M. Besson de son compte- rendu et décident que mention en sera faite au procès-verbal. Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le président proclame : Membres correspondants, MM. l’abbé Mourey, aumônier des Ursulines, à Montmartin ; MILLIARD (Alfred), archéologue à Fédry (Haute-Saône). Le Président, Le Secrétaine A. DUCAT. E. BESSON. Séance du 15 mai 1886. PRÉSIDENCE DE M. DucaAT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président; Besson, secrétaire ; Vaissier, archiviste, MEMBRE HONORAIRE : M. Regnault, procureur général. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin, Boname, Carry, Cordier, Girardot, Renaux, Rétif, Vernier. Le procès-verbal de la séance du 10 avril dernier ayant été lu et adopté, le secrétaire communique une lettre par laquelle notre Compagnie est invitée à se faire représenter à la séance publique que la Société d'Emulation de Montbéliard tiendra — XXI — le 20 mai prochain, et au banquet qui suivra cette solennité. M. Besson invite ceux de ses confrères qui voudraient se rendre à cette aimable invitation à se faire connaître dans le plus bref délai. M. Vaissier, présentant un ouvrage de M. Tripplin, membre correspondant, s'exprime ensuite en ces termes : « Messieurs, M. Julien Tripplin, l’un de nos correspondants qui réside à Londres, fait hommage à la Société d'Emulation du Doubs d’un exemplaire de sa traduction en langue anglaise du Traité his- torique et pratique d'horlogerie moderne de M. Claudius Sau- nier. » Cest d’abord un élégant spécimen de typographie anglaise, associé aux nombreuses planches sur cuivre coloriées et aux bois gravés de la publication française antérieure d’une quin- zaine d'années. On y trouve ensuite une abondante matière où les recherches sont singulièrement facilitées par la confection très consciencieuse d’un Index contenant plus de 2.000 réfé- rences. » On comprend le bon accueil fait en Angleterre à cette tra- duction, qui est venue combler une lacune dans la littérature didactique professionnelle de ce pays. » La Société, tout en remerciant un sympathique confrère de ce témoignage de bon souvenir, le félicitera de lentreprise d’un travail intelligemment conduit à bonne fin. » Dans ce Traité très étendu qui comprend l'exposé d’inven-. tions et d'améliorations dues à des savants et à des horlogers de nationalités diverses, la plume française de M. Claudius Saunier n’a rien négligé pour mettre en lumière la part qui re- vient à la France. » L’échange international des procédés et des usages de fa- brication est surtout à souhaiter dans l'intérêt d’une industrie qui, comme celle de l'horlogerie, se condense dans un nombre limité de centres d'activité. » Le fabrication routinière qui spécialise chacun de ces centres rend plus difficile l'introduction et même la concession des mo- difications que nécessitent les exigences de certains marchés. _» Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, la fabrique bisontine, avec ses types locaux, a eu de belles années de prospérité; — XXII — néanmoins elle n’a jamais pu prendre pied sur le marché de l'Angleterre, en raison surtout de sa fidélité à l'emploi presque exclusif de l’échappement à cylindre, pendant que la clientèle anglaise n’admet presque absolument que l’échappement à ancre (lever escapement). Aussi M. Tripplin, et son collabora- teur M. Edward Ring, essayeur de la monnaie royale, ont eu soin de consacrer, dans leur volume, une treizième planche à cet échappement, suivant la construction adoptée par les hor- logers anglais. » La divulgation, par l’enseignement des écoles profession- nelles, et par la lecture des traités et des publications étrangères, | peut, dans une certaine mesure, combattre les effets de l’isole- ment des centres de fabrication. À ce même effet, M. Tripplin pourrait encore nous rendre de réels services, s’il nous faisait part des désiderata du marché anglais, quant au mode préféré de confection des montres. La fabrique bisontine, si éprouvée par la crise générale actuelle, aurait certainement à bénéficier de telles instructions. » La Société applaudit à la lecture de cet excellent rapport et décide qu’il figurera en entier au procès-verbal. Elle vote de même des félicitations et des remerciments à M. Tripplin. M. Besson expose à cette occasion qu'il existe à Londres une Société s’occupant spécialement de travaux analogues à ceux qui font l’objet du livre dont il vient d’être question : c’est la Société des Arts avec laquelle il estime qu’il y aurait lieu d’en- trer en échange de publications. Il suffira d’une simple demande pour arriver à ce résultat, M. Tripplin en ayant donné l’assu- rance aux membres de la Compagnie qui ont fait récemment le voyage d'Angleterre, Adoptant cette manière de voir, les mem- bres présents chargent le secrétaire de faire les démarches utiles pour arriver à un résultat favorable relativement à cet échange. M. le président Ducat prend alors la parole pour rendre compte du dernier congrès des sociétés savantes de la Sor- bonne, où il a lui-même représenté la Société d'Emulation. Notre éminent secrétaire honoraire, M. Castan, y a fait lire d’intéres- sants extraits de l’œuvre de talent et d’érudition qu’il prépare = RNIIE =— sous le titre modeste de Catalogue des musées de Besançon. Cette communication a été fort bien accueillie, et les princi- paux organes de la presse, le Journal Officiel, la Revue poli- tique et littéraire, en ont fait les comptes-rendus les plus flat- teurs. M. Ducat donne lecture de ces appréciations élogieuses et ajoute que M. Castan a communiqué, peu auparavant, à l’Aca- démie des inscriptions et Belles-Lettres un travail sur les Arènes de Vesontio, qui a reçu de ses confrères de l’Institut et des journaux parisiens un accueil non moins sympathique. M. le président parle enfin de la flatteuse distinction dont M. le capitaine Trouillet vient d’être l’objet au congrès de la Sorbonne, où il a été nommé officier d’'Académie. Cette distinc- tion était bien due au savant officier qui a rendu à la Société tant de services, a enrichi ses Mémoires de travaux si remar- quables, et dont le caractère est à la hauteur du talent. M. Du- cat propose en conséquence un vote de félicitations pour MM. Castan et Trouillet, à l’occasion de leurs succès au con- grès de la Sorbonne. Cette proposition est adoptée par accla- mation. ; M. Besson donne lecture, au nom de M. Charles Sentupéry, d'un opuscule intitulé: Un terroriste avant la Terreur, dont l'insertion dans nos Mémoires est immédiatement votée. Est pareillement retenu pour nos Mémoires un rapport de M. Besson relatif à un nouveau travail sur Mirabeau à Pon- tarhier, dû à la plume de M. Georges Leloir. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membre résidant, par MM. Castan et Besson, M. Paul Lallemand, conseiller à la cour d'appel : Comme membre correspondant : Par MM. Besson, Tripplin et Vaissier: Sir John Bennett, membre du Conseil municipal et du Conseil supérieur d’édu- cation de Londres, chevalier de la Légion d'honneur. Le Président, Le Secrétaire, À. DUCAT. E. BESSON. — XXIV — Séance du 12 juin 1886. PRÉSIDENCE DE M. DUCAT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président; Colsenet, vice-président; Castan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire ; Guillemin, trésorier, Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : — MM. Baudin, Beuret, Bonnet, Boudot, Carry, Chapoy, Cordier, Cottignies, Cretin, Delacroix, Delagrange, Demongeot, Drouhard (Paul), l'abbé Drouhard, Girardot, Guillemin (Victor), Haldy, père, Haldy, fils, Larmet, Laurens (Paul), Ledoux, Magnin, Michel (Henri), Paillot, Pin- gaud, Rétif, Sandoz, Tridon, Vernier. MEMBRES CORRESPONDANTS : MM. Quélet et Varaigne. Les membres de la Société mycologique de France, à laquelle la Société d’Emulation a été heureuse d'offrir son local et la publicité de sa séance mensuelle, assistent à la réunion. Le procès-verbal de la séance du 15 mai 1886 ayant été lu et adopté, le secrétaire communique une invitation adressée à la Compagnie par la Société helvétique des sciences naturelles pour sa 69e session qu’elle tiendra à Genève dans les journées des 9, 10, 11, et 12 août prochain. Le secrétaire invite en outre ceux de ses confrères qui voudraient être délégués à cette fête scientifique à se faire connaître dans le plus bref délai. M. Besson parle ensuite de la mort récente du regretté capi- taine Trouillet et dépose sur le bureau le discours qu'il a pro- noncé au nom de la Société sur la tombe de notre distingué confrère. Ce morceau prendra rang dans nos Mémoires. M. Bes- son ajoute que, depuis ce triste événement, il a reçu de M. l’ins- tituteur de Chaux-les-Passavant une lettre formulant certaines observations au sujet des recherches scientifiques poursuivies par le savant officier dans la grotte de la Glacière, et formule avis que ces recherches ne pouvant être continuées, il v D XV —— aurait lieu de confier à M. Girardot, associé aux travaux de M. Trouillet, le soin de liquider cette affaire. Cet avis est immé- diatement adopté. M. le président Ducat prend alors la parole pour souhaiter la bienvenue aux membres de la Société mycologique présents à la réunion. Cette Compagnie, qui s’occupe de l’étude des champignons et de leur distinction en champignons comestibles et en champignons vénéneux, rend, au point de vue de l’alimen- tation des campagnes, des services auxquels M. Ducati rend un éloquent hommage. Notre compatriote M. le docteur Quélet, d'Hérimoncourt, président de la Société mycologique, répond en excellents termes, et après lui M. le docteur Mougeot fait une intéressante conférence relative aux travaux de cette société, et où il donne des explications détaillées sur les diverses espèces de champignons dont les échantillons sont exposés sur des tables placées autour de la salle. Cette conférence intéresse vivement l’auditoire, et M. le président Ducat se fait l’inter- prète des sentiments communs en remerciant M. le docteur Mougeot. M. Cottignies, qui nous a représentés à la séance publique ré- cemment tenue par la Société d’'Emulation de Montbéliard, lit un compte-rendu de cette réunion qui figurera dans notre pro- chain volume. Est pareillement retenu pour nos Mémoires un travail de M. le docteur Baudin intitulé : La fièvre typhoide à Besançon : considé- rations éliologiques. : . M. Castan lit enfin une étude sur un portrait de la « National Gallery », de Londres restitué à son véritable auteur, Scipione Gaetano (1). Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le président proclame : Membre résidant, M. LALLEMAND (Paul), conseiller à la Cour d’appel de Besan- çon; (1) Ce travail a été publié dans le Courrier de l’Art, n° du 95 juin 1886. — XXI — Membre correspondant, Sir John BENNETT, membre du Conseil municipal et du Con- seil supérieur d'éducation de Londres, chevalier de la Légion d'honneur. Le Président, Le Secrétaire, A. DuCaAT. E. BESSON. Séance du 10 juillet 1886. PRÉSIDENCE DE M. DucaAT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président; GColsenet, vice-président ; Castan, secrétaire honoraire ; Besson, secrétaire, Guillemin, tré- sorier; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Fauquignon, Girardot, Laurens (Paul), Rétif, Schœndærjfer, Vernier. Le procès-verbal de la séance du 12 juin 1886 ayant été lu et adopté, le secrétaire donne communication de trois circulaires de M. le Ministre de l’Instruction publique. La première, relative au programme du prochain congrès de la Sorbonne et aux questions qui doivent y être traitées, demeu- rera déposée sur le bureau de la Société. La seconde invite les membres de la Compagnie à répondre à un questionnaire, quis’y trouve joint, relatif aux prix actuels des denrées alimentaires, avec rapprochement des prix de quelques époques antérieures, sans remonter au delà de 1809. M. Paul Laurens accepte le mandat de satisfaire au désir ex- primé par M. le Ministre et de remplir le questionnaire commu- niqué. La troisième circulaire a trait à la question d’un changement d'époque du congrès des sociétés savantes qui se tient chaque année à la Sorbonne. M. le Ministre s’enquiert du point de savoir si la date de la Pentecôte ne serait pas préférable à celle de Pâques jusqu’à présent adoptée. Délibérant à ce sujet, les en DOI membres présents estiment à l'unanimité que la date de Pâques, correspondant à celle des vacances de la plupart des fonction- naires membres de compagnies savantes, convient mieux que toute autre pour une réunion dont il importe de faciliter l'accès aux esprits cultivés. L’époque de la Pentecôte ne présenterait pas le même avantage, les vacances données à cette date aux fonctionnaires des divers services publics ne permettant pas en général un voyage de plusieurs jours à Paris. Cette délibé- ration prise, le secrétaire est chargé de la transmettre à M. le Ministre. M. Besson communique en outre une lettre par laquelle la Société des Arts de Londres accepte l’échange qui lui avait été proposé entre ses publications et les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs. M. Castan présente un travail de M. le docteur Mevnier relatif aux Limites des anciennes divisions de la Séquanie. Ce travail dont M. Castan reconnaît la valeur, au point de vue de la sûreté des recherches et de la précision des documents cités, est retenu pour l’impression. M. le docteur Girardot, qui a reçu mission de régler d’une manière définitive le compte des travaux entrepris, sous les auspices de la Société, dans la grotte de Chaux-les-Passavant, par le regretté capitaine Trouillet, présente à ce sujet un rap- port d’où il résulte que les instruments qui servaient aux expé- riences sont actuellement réintégrés à Besançon et que la situation est absolument nette. Le rapporteur propose néan- moins d’allouer une indemnité aux diverses personnes qui se sont fait, de leur plein gré, les collaborateurs de M. Trouillet et lui ont prêté une précieuse assistance au cours de ses re- cherches , surtout à M. l’instituteur de Chaux-les-Passavant dont la collaboration a été particulièrement active. Cette propo- sition est adoptée, et l’on fixe à une somme de cinquante francs l'indemnité en question. M. Castan lit une notice relative aux Origines anglo-françaises de la chevalerie franc-comtoise de Saint-Georges. Ce travail est retenu pour nos Mémoires. — XXVIT — Est présenté pour entrer dans la Société comme membre résidant, Par MM. Coutenot et Saillard, M. le docteur Gauderon, pro- fesseur à l'Ecole de médecine. : Le Président, Le Secrétaire, A. DUCAT. E. BESSON. Séance du 13 novembre 1886. PRÉSIDENCE DE M. DuUcaArT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président; Barbier, 1er vice-président; Castan, secrétaire honoraire ; Besson, secrétaire ; Faivre, vice- secrétaire ; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bertin, Boyer, Boysson d'Ecole, Carpentier, Cordier, Cottignies, Demongeot, Fauquignon, de Gassowski, Guenot, Guillemin (Joseph}, Guillemin (Victor), Gi- rardot, Ledoux, Laurens (Paul), Margaine, Michel (Henri), Mi- nary, Saillard docteur, Savourey, Sire. Le procès-verbal de la séance du 10 juillet 1886 ayant été lu et adopté, le secrétaire donne communication d’un arrêté mi- nistériel en date du 12 juillet dernier, classant parmi les monu- ments historiques les vestiges romains du square archéologique de Besançon (1). (1) Cet arrêté est ainsi conçu : « LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DES BEAUX-ARTS ET DES CULTES arrête : » Article premier. — Les monuments ci-après désignés sont classés parmi les Monuments historiques, savoir : DouBs. — BESANÇON : Restes de Monuments romains dans un square public. » Article deux. — Aucun travail, de quelque nature qu'il soit : conso- hdation, réparation, décoration, restauration, agrandissement, grattage, badigeonnage) ne pourra être exécuté à ces Monuments sans que les pro- Ca nn DOUCE Est pareillement communiquée une circulaire ministérielle appelant l’attention de la Société sur l’étude des Assemblées générales de communautés d'habitants ayant cu pour objet de délibérer sur.des intérêts religieux. Cette pièce demeurera dé- posée sur le bureau de la Compagnie. La Direction des Beaux-Arts ayant, elle aussi, adressé une eireulaire à la Société pour lui demander soù avis sur la question de modifier l’époque des congrès annuels de la Sorbonne, le secrétaire déclare qu’il a répondu à cette question au moyen d'un extrait de la délibération précédemment prise à ce même sujet par la Société. L'ordre du jour appelant la fixation de la date de la séance publique et du banquet de 1886, le bureau propose, et la Société adopte, pour cette date, celle du jeudi 16 décembre prochain. Les morceaux à lire à la séance publique seront les suivants : 4 Discours d'ouverture de M. le président DUCAT ; 90 La Minerve de Besançon au château de Chantilly, par M. Cas- TAN ; 30 Le comte d'Artois en Franche-Gomté et en Lorraine, dans les premiers mois de 1814, par M. Jules VALFREY ; 4 Un épisode de l’histoire géologique des Monts-Jura, par M. Georges BOYER : 50 Rayons d'hiver, poésies de M. Edouard GRENIER. Au sujet de la lecture qu’il doit faire et qui trouvera place dans nos Mémoires, M. Castan propose que ce morceau y Soit accom- pagné d’une planche extraite de la Gazette des Beaux-Arts, et dont un tirage spécial serait livré par ce recueil à un prix mo- déré. Cette proposition est acceptée. jets aient été préalablement approuvés par le Ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes. » Article trois. — Le Préfet du département et le Maire de la commune sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté. » Paris, le 12 juillet 1886. » (Signé) : René GOBLET. » Pour ampliation : » Le Directeur des Beaux-Arts, » (Signé) : À. KÆMPFEN. » — XXX — On discute ensuite le budget de 1887, et l’on adopte le projet suivant tel qu’il est présenté par le conseil d'administration. RECETTES. : lo/Encaisse prévu au sl décembre 1886... 4: 150 f. 9 Subvention du département du Doubs. . . . . . 500 3e Subvention de la ville de Besançon . . . . . . . 600 4 Cotisations de membres résidants. . . . 01% 2;400 5° Cotisations de membres correspondanis. . . . . 800 6° Droit de diplôme, recettes accidentelles. . . . . 100 70 Intérêts du capital en caisse et des ee et 600 - Total 2 210. DÉPENSES. 1 TMIPTeSSIONS ES ee ne > OU. 20 Reliure? 0 UE 70 30 Frais de bureau, at ee et Fe tee 150 4 Frais divers et séance publique. . . . >” à 550 2° Traitement et indemnité pour a L à : l'agent dela Société . . . : . ne Un 300 6° Crédit pour recherches Sc houes A 480 Fotal:: Nix RES ISO M. Vaissier communique à la Société un vase romain en verre, décoré de figures en relief, dont ila reconstitué, dans la limite du possible, les débris retrouvés à Besançon par des ouvriers occupés à la construction d’un édifice appartenant à M. Wilson. Ce vase, un des beaux spécimens qui existent de fa verrerie de luxe à l’époque d’Auguste, a été donné au musée de notre ville par M. le député Wilson, dont ces débris étaient la propriété. La Société félicite M. Vaissier de l’heureuse restau- ration qu'il a opérée, et vote des remerciements à M. Wilson pour sa libéralité. Elle remercie également M. l'architecte Gus- tave Vieille, dont la vigilante intelligence a assuré la conserva- | tion des précieux débris si bien raccordés par M. Vaissier. | M. Cottignies fait un rapport sur la séance tenue aux Ponts- de-Martel par la Société d'histoire de Neuchâtel, et où il a re- — XXXI — présenté la Société d’'Emulation du Doubs. Ce morceau est retenu pour nos Mémoires. M. Georges Boyer présente une carte géologique en relief des environs de Besançon. Il y joint de très intéressantes explica- tions, dont le texte figurera dans notre prochain volume. La So- ciété remercie M. Bover de son intéressante libéralité. M. Henri Michel-Brice, qui a longtemps résidé au Pérou, en- tretient la réunion de quelques plantes qu’il a rapportées de ce pays et acclimatées dans la banlieue de Besançon. Cette com- munication intéresse vivement l’auditoire, et un résumé en est demandé à l’auteur pour les Mémoires de la Compagnie. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membres résidants, Par MM. Paul Laurens et Léon Sandoz, M. Surleau, directeur de la succursale de la Banque de France ; Par MM. le docteur Faivre et Guenot, MM. Edmond Robert, fabricant d’aiguilles de montres ; Charles Ortet fils, négociant : Par MM. Barbier et Lieffroy, M. Henri Richard, ingénieur des arts et manufactures; Par MM. le docteur Faivre et Emmanuel Louvot, M. Maurice Demolombe, agent général de la compagnie le Phénix ; Par MM. Margaine et Barbier, M. Cosson, trésorier-payeur général à Besançon ; Comme membre correspondant, Par MM. Castan et Ducat, M. Joseph-Prosper Routhier, attaché à la préfecture de la Seine. Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le Président proclame : Membre résidant, M. le docteur GAUDERON, professeur à l'Ecole de médecine. Le Président, Le Secrétaire, A. DUCAT. | E. BESSON. Pa iQ Det Séance du 15 décembre 1886. PRÉSIDENCE DE M. DUCAT. Sont présents : BUREAU: MM. Ducat, président annuel; Barbier, premier vice- président ; Colsenet, deuxième vice-président ; Castan, secré- taire honoraire; Besson, secrétaire; Faivre, vice-secrétaire : Durupt, trésorier honoraire ; Guillemin, trésorier; Vaissier, ar- chiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Boyer, Carry, Cottignies, Demon- geot, Dunod de Charnage, Fauquignon, de Gassowski, Girardot, Grosjean (Francis), Guenot, Guillemin (Victor), Haldy père, Haldy fils, Ledoux, (docteur), Pabbé Louvot, Mairot (Henri), Margaine, Mathey, Rétif, Ripps, (docteur) Saillard, Savourey, Sire, Tridon. MEMBRE CORRESPONDANT : M. Gascon. M. Jurgensen, délégué de la Société d'histoire de Neuchâtel, assiste à la séance. Le procès-verbal de la réunion du 13 novembre 1886 ayant été lu et adopté, le secrétaire donne communication des réponses qui ont été faites en conséquence des invitations adressées pour la séance publique et le banquet. Parmi les membres honoraires de la Compagnie, assisteront aux deux réunions : M. le premier Président, M. le Maire, M. le Recteur et M.l’Inspecteur d’Académie ; Mgr. l'Archevêque n’as- Sistera qu'à la séance publique; M. le général Wolff, M. le Préfet et M. le Procureur général se sont fait excuser comme absents. Les Sociétés savantes de la région qui seront repré- sentées à la double fête sont : la Société d'histoire de Neuchâtel, par M. Jurgensen ; la Société helvétique des sciences naturelles, par M. le docteur Dufour ; la Société d'Emulation de Montbé- liard, par MM. Alfred Bovet, Bouthenot-Peugeot et John Viénot; la Société d'Emulation du Jura, par M. Rousseaux ; la Société d'Agriculture, sciences et arts de. la Haute-Saône, par MM. de Beauséjour et Longin. PP RTE. LL TE Me TR ARS ee PE RS AT ES RS = 10 OO CDI RES M. Castan donne ensuite lecture d’un morceau intitulé : Des- cription de l’aiguière priapique du musée de Besançon. Ce mor- ceau figurera dans nos Mémoires. Est pareillement retenu pour l'impression le rapport iu par M. Edouard Besson, sur le Congrès scientifique tenu à Genève au mois d'août 1886, et où il a représenté la Société d’Emulation du Doubs, avec MM. Rétif et Cottignies. M. Castan lit enfin une pièce de vers de M. Charles Thuriet, membre correspondant, intitulée : La Fontaine de la Rochette, à Saint-Claude. Cette pièce figurera, elle aussi, dans notre pro- chain volume. Un scrutin ayant été ouvert au début de la réunion pour l’é- lection d’un président, de deux vice-présidents, d’un vice- secrétaire, d’un trésorier et d’un archiviste, le dépouillement de ce scrutin donne les résultats suivants : Nombre des votants : 35. Pour le président : M. Colsenet, 32 voix. Pour le premier vice-président : M. Ducat, 32 voix. Pour le deuxième vice-président : M. Boyer, 32 voix. Pour le vice-secrétaire : M. Faivre, 32 voix. Pour le trésorier : M. Guillemin, 33 voix. Pour l’archiviste : M. Vaissier, 33 voix. En conséquence, le bureau de la Société demeure ainsi cons- titué.pour l’année 1887 : RES UTENt End. ane M COLSENET (Edmond): Bnemniercuice-président... >. -/-1M: Ducar (Alfred); Deuxième vice-président . . . . . M. Boyer (Georges); Secrétaire décennal : : "1. M. BESSON (Edouard) ; MucesSecrétaire 5 0 0,0, 0x M. FAIVRE (Adolphe); PS OO RE EU SNS an VENT GUIELEMIN (Joseph) AURAS OEM . M. VAISSIER (Alfred). Après un vote dadntsciont en our des candidats antérieu- rement présentés, M. le Président proclame : Membres résidants, MM. Cosson (Maurice), trésorier-payeur général du Doubs : C D OOCNEEE MM. SURLEAU, directeur de la succursale de la Banque de France ; RICHARD (Henri), ingénieur des arts et manufactures ; DEMOLOMBE (Maurice), agent général du Phénix ; ROBERT (Edouard), fabricant d’aiguilles de montre; ORTET (Charles), fils, négociant. Membre correspondant, M. ROUTHIER (Joseph-Prosper), attaché à la Préfecture de la Seine. Le Président, Le Secrétaire, À Ducar. E. BESSON. Séance publique du jeudi 10 décembre 1886. PRÉSIDENCE DE M. DUCAT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président, Colsenet, vice-président ; CGastan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire; Faivre, vice- secrétaire ; Vaissier, archiviste. MEMBRES HONORAIRES : M. Faye, premier président de la cour d'appel, M8 Foulon, archevêque de Besançon; M. Micé, recteur de l’Académie ; M. Bruand, maire de la ville; M. Bail- lard, inspecteur d’Académie. SIÉGEANT AU BUREAU COMME INVITÉ : M. le général Faure, commandant supérieur du génie militaire. DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS SAVANTES : MM. le docteur Dufour, délégué de la Société helvétique dés sciences naturelles ; Jules Jurgensen, délégué de la Société d'histoire de Neuchâtel; Henri de Beauséjour et Emile Longin, délégués de la Société d’agri- culture sciences et arts de la Haute-Saône ; Alfred Povet, Bouthenot-Peugeot et John Viénot, délégués de la Société d’E- mulation de Montbéliard ; Rousseauxi, délégué de la Société d'Emulation du Jura. 2 NAXV ‘ MEMBRES RÉSIDANTS : MM. l’abbé Bailly, Baudin, Bonnet, Boyer, Boysson d’Ecole, Carpentier, Carry, GChapoy, Cosson, Demongeot, Paul Drouhard, Fauquignon, de Gassowski, Girar- dot, Victor Guillemin, Haldy père, Haldy fils, Henry, Paul Laurens, Lieffroy, Henri Mairot, Miot, Fipps, Eugène Sail- lard, Saint-Ginest, Sire, Tridon. MEMBRES CORRESPONDANTS : MM. Derosne, Gascon, docteur Gauthier, Lanternier. M. le président DucAT ouvre la séance par un discours résu- mant les travaux de l’année courante ; M. CASTAN donne lecture d’un morceau de critique d’art inti- tulé : La Minerve de Besançon au château de Chantilly. M. Jules Valfrey lit un travail intitulé : Le Comte d'Artois en Franche-Comté et en Lorraine, dans les premiers mois de 181%. M. Georges Boyer retrace un Episode de l’histoire géologique des Monts-Jura, communication rendue saisissante par un ta- bleau à l’aquarelle de M. Alfred VAISSIER. | Deux pièces de vers, extraites du nouveau recueil de M. Edouard GRENIER, intitulé Rayons d'hiver, sont lues par M. CASTAN. ; Tous ces morceaux prendront rang dans nos Mémoires. La séance est levée à quatre heures et demie. Le Président, Le Secrétaire, À. DUCAT. E. BESSON. VA NAMIS BANOUET BE Tee Cette fête de famille a eu lieu, suivant une habitude déjà an- cienne, dans la grande salle du Palais Granvelle, magnifique- ment ornée, sous la direction de M. Ducati, par les soins de MM. Dubois-Chevaidel et Calame. Autour de la table, fort bien servie par la maison Colomat, soixante-quinze convives avaient pris place. Ces agapes se terminèrent, comme d'usage, par une série de toasts. M. le président Ducat en commença la série par des sou- haits de bienvenue aux membres honoraires. M. Faye, pre- mier président, M. le docteur Micé, recteur de l’Académie, et M. Bruand, maire de la ville, lui répondirent par des paroles fort aimables pour la Société. M. Besson, secrétaire décennal, s'adressant ensuite aux délé- gués des Sociétés savantes venues à Besançon, les remercia de cette démarche si flatteuse pour notre ville. Parlant spécia- lement aux délégués de la Suisse, il leur rendit grâce de l’hos- pitalité que les représentants de la Société d'Emulation avaient reçue chez eux, dans les réunions où ils étaient conviés, prin- cipalement au congrès scientifique tenu à Genève au mois d'août dernier et qui fut l’occasion de fêtes si magnifiques. MM. Alfred Bovet (de Montbéliard), Henri de Beauséjour (de Vesoul), Rousseaux (de Lons-le-Saunier), parlèrent au nom des Sociétés savantes de ces différentes villes. ; Puis MM. Jules Jurgensen, comme délégué de la Société d'histoire de Neuchâtel, le docteur Dufour, comme membre de. Ja Société helvétique des sciences naturelles, prononcèrent des discours fort applaudis. Enfin M. Colsenet, président élu pour 1887, exprima en un langage élevé sa gratitude à ses confrères. Ce dernier discours mit fin à la réunion, et l’on se sépara en gardant le meilleur + GE LA A OR RE ut 2 À » LL D) A SALE DEA ASE EE Na et EE SUR # 1 S PAL S Eire PA Er ROUE \ w { — NRNVIT — souvenir de cette fête si cordiale, des enseignements recueillis et surtout des bons sentiments échangés. Toast de M. DUCAT, président annuel. MESSIEURS ET CHERS CONFRÈRES, En me retrouvant, une fois encore, à cette place d'honneur où vous m'aviez déjà appelé en 1873, je dois tout d’abord vous remercier de cette faveur qui, je le sens et le disais ici, il y a un an, aurait dû s'appliquer à celui d’entre nous qui fuit sans cesse cette distinction et qui se plaît, au conträire, à détourner de lui votre aitention pour la porter soit sur un de ses collabo- rateurs, soit sur un autre des travailleurs de notre Société d’E- mulation. Vous devinez, je n’en doute pas, que je veux parler de M. Cas- tan. Sur ce point, mais sur celui-là seulement, lui et moi n’a- vons pas encore pu nous mettre d'accord. Quoi qu’il en soit, mes chers confrères, je vous resterai reconnaissant de ce que vous avez bien voulu, deux fois, faire pour moi, et je ne cesserai de donner aux œuvres de cette So- ciété mon plus dévoué concours. Arrivé au terme de l'honorable mandat que vous m’aviez con- fié, j'ai aujourd’hui la satisfaction de remettre en de meilleures mains la fonction de votre présidence. Le cours de philosophie que mon successeur professe avec tant de distinction à la Fa- culté des lettres, garantit à notre Compagnie une direction ferme et élevée. J’adresse à M. Colsenetl mes sincères vœux de bienvenue. Permettez-moi maintenant, Messieurs, de jeter avec vous un coup d’œil en arrière et de comparer notre situation d’aujour- d’hui à celle d'il y à treize ans. Si nous consultons les tables analytiques décennales faites à deux reprises par MM. Waille et Vaissier, il nous est facile de nous convaincre que notre Société d’Emulation, encouragée, appuyée et maintenue sans cesse dans d'excellentes limites, s’est développée graduellement jusqu’à ce qu’elle atteigne des conditions qui assurent son avenir. Elle a, avant tout, conservé NN NET intact le bon et large esprit de ses fondateurs. Elle a suivi, autant que ses forces le lui permettaient, les questions scien- tifiques du jour. Elle a su, en même temps, se tenir constam- ment éloignée de toutes celles qui irritent et qui divisent. Sa porte est restée constamment et facilement ouverte à tous les hommes de bonne volonté et de cœur. Elle a accueilli avec empressement ceux surtout qui lui semblaient être les mieux disposés à contribuer au relèvement moral du pays. Il ya treize ans, autour de cette même table d’où je vous adresse la parole, se trouvaient déjà groupés, comme à présent, nos principaux membres honoraires, les chefs des grandes ad- ministrations. Depuis cette époque, plusieurs de ces dignitaires nous ont quittés. Mais ce qui était et qui est toujours demeuré le même, c’est le sentiment de profonde bienveillance avec lequel les hauts représentants de l'Etat, du Département et de la Ville nous ont prodigué, tous sans exception, leurs encoura- gements, en aidant de tout leur pouvoir à la marche de notre œuvre. Pour la fête de ce jour, des nécessités de service nous privent, malheureusement, de la présence de quelques-uns de nos membres d'honneur, et en particulier de celle du commandant du 7e corps d'armée, M. le général Wolff, qui appartient à un double titre à notre Société d'Emulation. Que ces absents veuillent bien accepter l'expression de nos regrets! Je me fais également l'interprète de mes confrères pour adresser des remerciements à chacun des membres honoraires qui se trouvent ici et qui se sont si gracieusement rendus à notre invitation pour les deux séances de la journée. J’ajou- terai que M. le Maire, qui met avec tant dobligeance les plus belles salles municipales à notre disposition, a droit à un spé- cial hommage. En reprenant mes souvenirs de 1873, je serais inexcusable, Messieurs, si je ne rappelais que notre solennité annuelle d'alors . fut honorée de la présence d’une illustre personnalité qui, dès le jour même de la prise de possession de son commandement militaire, nous témoignait sa sympathie et répondait à la nôtre par des paroles toutes vibrantes de patriotisme. La magnifique donation, dont l'Etat fixe à présent même l’acceptation et dont ram PROC DCS l’Institut réglera désormais lemploi, ne m'aurait pas permis de paraître, aujourd’hui, indifférent ou oublieux. Dans les comptes-rendus et les descriptions des fêtes helvé- tiques, nos confrères nous disaient que là chaque grand banquet se termine par le toast à la Patrie, Bons voisins de la Suisse, nous devrions vous emprunter cet excellent usage, et, pour mieux rendre en cet instant ma pen- sée, j'évoquerai le souvenir d’un symbole que vous connaissez tous. La ville de Paris qui, trop complètement peut-être, dispose des destinées de la France, porte dans ses armoiries munici- pales un vaisseau voguant à pleines voiles; au-dessous, se trouve la devise : Fluctuat nec mergitur. Ne semble-t-il pas, Messieurs, que ce navire soit bien l’image de notre patrie ?.. Les venis ei les flots l’agitent souvent; mais le vaisseau finit toujours par retrouver son équilibre. La grande cause de cette puissance n'est-elle pas toute mo- rale, et n’existe-t-elle pas dans l’esprit même de la nation ? On a dit de la France qu'elle est, par dessus tout, la ferre des géné- reux dévouements, soit qu'elle envoie ses enfants combattre ou même mourir pour elle sur des plages lointaines, soit qu'elle les conserve sur son sol, partout éclatent en eux des sentiments qui font et feront toujours son honneur et sa gloire. Combien sont admirables nos compatriotes si éprouvés dans l'extrême Orient! Quelles sympathies nous inspirent ces personnes vertueuses auxquelles l’Académie française distribuait naguère les prix Monthyon pour d’'héroïques dévouements ! Eh bien ! on peut le dire avec certitude et c’est là une pensée consolante : « Une nation ne peut pas en étre à su fin quand elle possède de tels éléments de vitalité. Un pays ne meurt pas quand il enfante sans cesse des héros. » Pour nous en particulier, mes chers confrères, qui pouvons nous considérer comme étant des matelots du navire dont je vous parlais tout à l'heure, notre tâche est toute tracée. Sur un vaisseau, quelque caché que soit le rôle du dernier des ma- telots , l’ensemble de tous les actes individuels contribue à assurer la marche du bâtiment et parfois à sauver l’équipage. Chacun de nous peut et doit avoir de cette même manière une part dans les destinées de la patrie ! Je précise plus encore par une courte et dernière compa- raison : Dans nos souvenirs du sa'on de 1873 et de l'Exposition uni- verselle de 1878, nous revoyons le beau groupe dû au talent du sculpteur Antonin Mercié. L'ensemble se compose de deux figures. L’une d'elles, un génie, sous les traits d’une femme forte et noblement fière, personnifie la gloire. Elle est debout : ses grandes ailes étendues et ses pieds posant à peine sur le sol montrent qu’elle est prête à prendre son élan. Elle emporte dans ses bras un jeune homme qu’elle a ramassé blessé, presque expirant, sur le champ de bataille ; il tient à la main son épée brisée avec laquelle il a vainement tenté de sauver le pays qui Va vu naître. Au bas de cette émouvante allégorie, l'artiste a écrit : Gloria victis! Ces deux mots, si extraordinairement associés, l’antiquité païenne ne les avait jamais connus : elle ne vous avait transmis que le cri barbare : Malheur aux vaincus ! La pensée exprimée par le patriotique auteur du groupe est, au contraire, toute pleine d'espérance ; elle rend le courage. Permettez que je m'en inspire avec confiance, pour porter un toast à l’avenir de notre chère Patrie et aux succès des efïorts libéralement concertés de tous ses enfants! Toast de M. le docteur DurouR, délégué de la Société helvétique des sciences naturelles. MONSIEUR LE PRÉSIDENT, MESSIEURS, Je suis touché des paroles aimables que votre secrétaire, M. Besson, a bien voulu adresser aux délégués suisses et à la Société helvétique des sciences naturelles en particulier. Je suis heureux de venir au nom de celle-ci, vous assurer de l'intérêt constant avec lequel elle suit vos travaux et se réjouit de nos bonnes relations. | Destinées l’une et l’autre à étendre le domaine de nos con- naissances, nos Sociétés sont cependant un peu différentes dans — XLI — la nature de leur extension. La Société helvétique embrasse un champ géographique relativement grand, dans cette Suisse où les étendues sont si petites ; mais elle concentre son activité dans une partie seulement, partie vaste encore, des travaux de l'esprit : l'étude des sciences naturelles. La vôtre, Messieurs, comprend un espace géographique plus restreint, c’est l’étendue de votre province; mais dans ces limites, vous embrassez toutes les manifestations de l’esprit, — et je sors ravi d’une séance où des travaux, tous intéressants, de géologie, d'histoire, d’archéo- logie, ont été couronnés pour finir par les lauriers de la poésie. - Croyez bien, Messieurs, que, dans ces relations si excellentes que les travailleurs de l'esprit des deux côtés du Jura entretien- nent, ce sont vos voisins qui ont le plus à se Le monde des idées, dans la Suisse française surtout, est dans une large mesure le tributaire de votre pays, et presque tous nos travailleurs de la pensée ont grandi pour avoir bu le lait intellectuel que cette grande nourrice, votre patrie, nous a libéralement donné. Et, en effet, à ce commerce toujours agréable que nous entre- tenons avec les savants français, nous pouvons gagner des qua- lités qui nous manquent, et de toutes celles qu’on pourrait citer je n’en dirai qu'une : la précision, la netteté de la pensée. La précision de la pensée et le besoin de formuler celle-ci d’une manière exacte, concise et nette, voilà un des traits caractéris- tiques de votre nation. La France, pourrait-on presque dire, a l'esprit géométrique. Elle l’a peut-être même un peu trop : ainsi quand elle apporte l'esprit géométrique dans les faits sociaux, où elle rencontre l’homme, « cet être ondoyant et divers ». On ne peut pas dans les sociétés humaines pousser partout une vérité jusqu’à ses dernières et plus rigoureuses conséquences; et quand on se présente dans les choses sociales avec l’esprit du géomètre qui vous fait ressembler à un cristal bordé d’arêtes et de pointes, alors on risque de rencontrer d’autres cristaux et de faire des brèches ou d’en recevoir. Mais quant à nous, Messieurs, nous ne profitons que du bon côté de l’esprit net et précis de votre pays. Notre pensée et notre langue sont plus vagues, et nous avons besoin de votre contact. Et, puisque nous avons appris aujourd’hui, par le TT ee charmant travail géologique de M. Boyer, que, depuis plus de quarante siècles, la glace est non seulement rompue, mais fondue entre les deux versants du Jura, nous nous permettrons de con- tinuer, suivant nos modestes forces, le travail de la nature, et nous boirons ensemble au réchauffement progressif des relations intellectuelles de nos deux pays. Toast de M. Jules JURGENSEN, délégué de la Société d'histoire de Neuchâtel. MESSIEURS ET CHERS CONFRÈRES, Il m'est d'autant plus agréable de vous apporter le salut tra- ditionnel de la Société neuchâteloise d'histoire et d'archéologie, que j'ai revêtu, cette année, l'honneur de la présidence, et que nous devons vous remercier d’avoir délégué à notre grande séance annuelle, en juillet, aux Ponts-de-Martel, un confrère aussi distingué qu'aimable en la personne de M. l'avocat général Coitignies. Me retrouvant avee lui et notre éminent secrétaire décennal à Genève, dans le mois d'août, nous y scellâmes une fois de plus les liens confraternels qui vous unissent aux sociétés savantes de la Suisse. — La Société helvétique des sciences natu- relles siégeait plénièrement dans la vieille cité gallo-lémanique, et la présence de confrères français de la plus haute valeur fut dignement remarquée. C'est à la Société d'Emulation, c’est à mon illustre ami M. Au- guste Castan, qui m'a initié aux richesses artistiques, historiques et archéologiques de Besançon, que je dois indirectement l'honneur d’une visite franc-comtoise dont Je suis très fier. Vers la mi-juillet, au fort de ce splendide été, sur les bords du Haut-Doubs, j’eus la fortune de voir venir à moi, accompagné de son fidèle Achate, le peintre Jean Gigoux, le plus jeune d’entre nous, je gage, puisqu'à son âge déjà respectable il par- courut à pied les gorges de Moron et du Châtelot, les hauts plateaux des Recrettes, se retrouvant le soir frais et dispos, pour se lever dès l’aube et suivre les divers épisodes de la fête des écoles locloises, s’y mêler, s’y intéresser avec une verve et un entrain dignes de la vingtième année. AD ITR Puisque le maître bisontin pense à vous léguer, en tout ou en partie, les inestimables richesses picturales accumulées dans sa maison des Champs-Elysées, il fait bien de vous faire goûter, par avance déjà, quelques-unes des joies tenues en réserve pour vous. Il se pourrait, en effet, si nos vœux sont exaucés, et selon les apparences, que vous soyez loin encore d'entrer en jouissance complète. Mais, au fond, c’est à cette heure même que vous possédez le réel privilège, celui d'assister à la glorieuse et active vieillesse de votre bienveillant compatriote, de le savoir en plein Paris, toujours accueillant pour vos jeunes artistes et de le voir présider lui-même à l'établissement des collections qu'il surveille et qu'il complète avec un soin jaloux. Vous me saurez gré, j'en suis certain, d’avoir associé le sou- venir de M. Jean Gigoux à l'heure présente, à la fin de cette journée, si riche en plaisirs délicats et en moissons scientifiques et artistiques nouvelles. _ Pourquoi ne prononcerais-je pas encore le nom de Tuetey, le digne élève de l’Ecole des Chartes, devenu chef de section aux Archives Nationales, le dénicheur de sorcières dans le pays de Montbéliard, l’érudit archéologue? Il pense à nous à cette heure, et l’hôte assidu des Gaudes, à Paris, voudrait bien être des nôtres en cette solennelle circonstance. Franc-Comtois fidèle, M. Tuetey vient passer ses vacances au château de Mont- lebon, à deux kilomètres de Morteau. Décidément les chemins de fer stratégiques ont du bon! Maintenons, maintenez, à notre plus grande joie, ces tradi- tions de bon voisinage, Messieurs et chers amis : nous avons tout à y gagner sans que vous risquiez d’y rien perdre. Nous, petits, rêvons de vous annexer. Cest le privilège des humbles, que d’oser ces grandes entre- prises, interdites aux puissants. Puisque nous parlions tantôt de Genève, permettez-mci de vous citer un mot de la plus plaisante outrecuidance, ce qui ne. vous étonnera qu'à moitié lorsque vaus saurez comment il fut prononcé. Remontons à 1838. — Celui qui fut Napoléon III n’était alors que simple citoyen thurgovien, capitaine d'artillerie suisse. Le gouvernement français intimait à Berne l’ordre d’expulser PR PR TE SP ER es Le RAA ROM TR STE SENTE QE EME NEA ES ? J è #% LRO TIRE Ge De ENS Ve Rte * F CLIN ce prétendant au trône de l'Empereur. Refus d’obtempérer, notes menaçantes, levées de troupes. — Le prince s’exila volon- tairement, ce qui mit fin au conflit. Mais, à son moment le plus aigu, un soir que deux miliciens genevois montaient leur faction à la porte de Cornavin, chacun à proximité de sa guérite, ils devisaient, tout en croisant leur garde, sur les choses du jour. — « Eh bien ! » exclama l’un, de ce ton gouailleur qui n’ap- partient qu'au cabinot.er (1) génevois. — « Eh ! Jean-Jacques ! voilà l'affaire entamée, ou à peu près..….….; quand nous aurons pris la france, qu’allons-nous en faire ? » « Parbleu ! C’est hien simple, elle deviendra le vingt-troisième canton. » Vous êtes en passe de réaliser vous-mêmes, de plus ou moins bonne grâce, la prophétie de la sentinelle. Vous passez par toutes les alternatives démocratiques et cantonales, recom- mençant de cruelles expériences, essayant un peu de tous les systèmes en matière de suffrage, d'impôts, de budgets et de fonctionnaires. Je vous chéris de tout mon cœur, Français mes frères, comme Palouetite aime le soleil. Permettez-moi donc de formuler mes Vœux pour vous, quinze jours avant le nouvel-an. Puissiez-vous ne pas retomber dans les errements condamnés * par l'expérience ou par l’expérimentation ! Puissiez-vous, vingt- troisième canton des Etats-Unis d'Europe, ne pas permettre aux minorités violentes de vous imposer leurs caprices en guise de lois! Puissiez-vous ne plus avoir de proscrits (comme en Suisse) et reprénudre dans le monde, non le premier rang, Car vous ne l'avez pas perdu, mais la bienfaisante influence que les jalousies du dehors et les tiraillements intérieurs entravent ou compro- mettent trop souveni! Mais encore une fois, et toujours, vive la France ! (1) Ouvrier horloger en chambre, ou cabinet. — KXLY es: Toast de M. Alfred BOvVET, président de la Société d'Emulation de Montbéliard. MESSIEURS, Ce serait assurément un périlleux honneur de prendre la pa- role devant cette savante Compagnie, si fa parfaite courtoisie de votre accueil et les fleurs dont votre éminent secrétaire gé- néral vient de couvrir vos hôtes, ne laissaient place dans leur cœur qu'à un sentiment unique, sentiment qui bannit toute crainte — celui de la reconnaissance. Votre cordiale approbation est notre meilleure récompense, et si la Société d’'Emulation de Montbéliard mérite en quelque me- sure les éloges que vous voulez bien lui adresser, c’est sans nul doute parce qu’elle s’est toujours efforcée de suivre... à dis- tance, comme il convient aux cadets, les excellentes traditions de sa brillante et docte sœur aînée, la Société d'Emulstion du Doubs. L'Emulation, noble devise que vous réalisez si compléte- ment, et qui nous transporte dans ces régions idéales et sereines où tous les talents et toutes les boanes volontés peuvent se tendre une main fraternelle, car dans nos luttes pacifiques, s’il est des vainqueurs, il n’y a jamais de vaincus ! Permettez-moi donc, Messieurs, de boire à cette Émulationu féconde, en y associant très spécialement l’expression de la reconnaissante affection que nous vous avons vouée dès long- temps, et dont j'ai la bonne fortune d’être l’interprète auprès de vous. Toast de M. Henri DE BEAUSÉJOUR, vice-président de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône. MESSIEURS, La Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône place très haut l'honneur de se faire représenter à votre réunion solennelle. Ses délégués y trouvent un grand charme et je vous prie, =— XLVI — Messieurs, d’agréer nos sincères remerciements de votre si cor- diale hospitalité. Notre Société tout entière profite de votre confraternité : nous avons mission de lui faire un rapport sur les lectures que les absents ont eu le regret de ne point entendre; vos Mémoires sont attendus avec impatience et lus avec empressement. Le meilleur moyen d'encourager le travail de notre Compagnie n'est-il pas de lui montrer de beaux exemples? _ Pour concevoir et produire une œuvre belle et durable l'artiste ou l’écrivain n’a-t-il pas besoin d’être entouré des modèles du maître ? À propos de cette charmante Minerve de Besançon, dont votre savant directeur nous a fait connaître aujourd’hui l’intéressante odyssée, l’honorable M. Castan aurait pu vous dire que les hommes de Sparte, épris comme tous les Grecs de la vigueur et de la beauté du corps, entouraient leurs femmes des plus belles statues de leurs dieux, afin que la perfection de ces formes idéales Se transmit aux enfants que les mères portaient dans leur sein. Nous faisons de même, Messieurs, à l'égard de votre Société. Dans toutes les branches de nos études, soit que nous appli- quions les progrès de la science à l’agriculture ou à l’industrie, soit que nous cherchions à arracher du sol le secret des âges préhistoriques ,; ou que nous apprenions à connaître notre chère Comté, nous avons toujours devant les yeux les travaux que votre Société nous fournit comme exemples et comme mo- dèles. Notre plus vive ambition est d’être votre émule. C'est vous dire le prix que nous attachons aux excellentes relations que vous voulez bien entretenir avec nous. Permettez- moi donc de porter un toast à l’union étroite et fraternelle des deux Sociétés sœurs du Doubs et de la Haute-Saône. Toast de M. Edmond COLSENET, président élu pour 1887. MESSIEURS, Mon tour est venu de prendre la parole, et je le fais d'autant | CNIL plus volontiers que j'ai à cœur d’adresser d’abord de bien sin- cères remerciements à tous ceux dont les bienveillants suffrages m'ont confié l'honneur de présider notre Compagnie pendant année qui va suivre. Ceux-là sans doute ont pensé qu'après avoir volontairement abandonné le pays du soleil pour revenir dans ma ville natale, je serais heureux, si l’occasion se présentait, de lui donner des preuves de mon intérêt et de mon attachement; et 1ls ont eu raison. | Mais en recevant l'investiture de mes nouvelles fonctions des mains de l’honorable M. Ducat, que par deux fois déjà vous avez appelé à présider vos délibérations, je sais à queile tradi- tion de talent discret et d’affabilité prévenante vous êtes habi- tués, et mon seul désir serait de ne pas la faire oublier. Laissez-moi exprimer en passant à mon sympathique prédé- cesseur ma vive gratitude pour les paroles trop élogieuses qu’il vient de m'adresser, et dont s’effaroucherait ma modestie si je ne savais de quel fond d’inépuisable amabilité elles sont sorties. Heureusement, Messieurs, dans cette présidence sans péril, sinon sans honneur, il est une chose qui me rassure, c’est que si les présidents passent, ici du moins les ministres restent. Je n'ignore pas de quels collaborateurs zélés et actifs je suis en- touré, dont le concours me sera précieux, sans compter celui qu’on a justement appelé tout à l'heure l’âme de la société, âme que ma philosophie est loin de renier, et dont l'influence, invi- Sible et présente, inspire la EURE grande part de vos œuvres et en assure le succès. Messieurs, peut-être aussi avez-vous songé, en me donnant Vos voix, que la Société d'Emulation, par les travaux indépen- dants dont elle enrichit tous les ans ses Mémoires, est en Franche-Comté lauxiliaire de l'Enseignement supérieur. Vous êtes encore nos alliés, Messieurs, parce que, au moment où une grande tentative de décentralisation intellectuelle se fait dans toute la France, alors que sous une impulsion libérale les cités les plus démocratiques rivalisent d’ambition et d’ardeur pour créer dans leur Sein un foyer de hautes et libres études, vous faites comprendre à ceux qui seraient tentés de l’oublier, — XLVIN — que vous ne voulez pas laisser effacer au profit de cités plus actives et plus entreprenantes l'honneur d’un passé glorieux. Par votre exemple, votre initiative, votre goût des ct oses de l'esprit, vous rappelez qu'en perdant son Parlement et son Uni- versité d'autrefois, notre vieille ville n’a pas entendu abdiquer son rôle de centre intellectuel, qu’elle ne se résignerait pas à n'être plus qu’une agglomération besogneuse et inféconde. Messieurs, je bois à la prospérité intellectuelle de Besançon ! Er SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1886 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 16 décembre Par M. Alfred DUCAT PRÉSIDENT ANNUEL. MONSEIGNEUR (1), MESDAMES, MESSIEURS, En vous voyant réunis dans cette enceinte, vous qui dans notre cité formez ce public spécial dont le principal plaisir est d'encourager les œuvres de l'esprit; puis, en remarquant autour de moi la plupart des hauts fonctionnaires ayant au- torité sur la Franche-Comté, permettez que je sois l’in- terprète de notre Société, pour vous remercier tous de la sympathie que vous voulez bien accorder à ses travaux. Cette preuve de votre estime est, je puis l’assurer, un stimu- lant aimable, en même temps que la meilleure des récom- penses accordées à nos efforts. À cette expression de vive gratitude, faite au nom de notre Compagnie et s'adressant à l’ensemble de l’auditoire dis- tingué qui nous écoute, je dois ajouter quelque chose de spécial jour vous, Messieurs les délégués des Sociétés savantes de la Suisse romande et de la région franc-comtoise. Malgré l'éloignement de vos résidences et en dépit des intem- (1) S. G. Mer FouLox, archevêque de Besançon. 0 péries d’une saison exceptionnellement rigoureuse, vous n'avez pas craint de venir prendre part à notre solennité. Ce rendez-vous annuel, auquel vous restez ainsifidèlement atta- chés, maintient entre vos associations et la nôtre les liens d’une sincère et cordiale confraternité. Au début de cette séance et comme introduction aux lec- tures qui vous ont été annoncées, l’usage me fait un devoir de vous exposer sommairement les travaux auxquels la Société d’'Emulation du Doubs s’est livrée pendant l’année qui va finir. L’aridité forcée de ce rapport sera excusée, je l'espère, par l'intérêt que vous portez à nos œuvres; elle sera compensée, je n’en doute pas, par l’audition des mor- ceaux qui suivront ma préface. Afin de mettre un certain ordre dans la revue que nous allons passer ensemble, nous prendrons comme point de départ ce qui se rattache aux études scientifiques. Les sciences, en effet, avec la variété et l’immensité de leurs applications, constituent le véritable fonds commun de l’hu- manité. Leurs découvertes se transmettent et s'appliquent d’un bout du monde à l’autre ; elles appartiennent, sans réserve, à tous les régimes possibles. Leurs données s’allient à celles que fournissent l’histoire, la littérature et les beaux- arts. Considérées dans un ordre élevé, leurs précisions ma- thématiques nous rapprochent de plus en plus des vérités im- muables. Dans leur ensemble, elles possèdent tout ce qui peut aider et améliorer la vie physique, agrandir l'esprit, enfin procurer à l’âme de douces et légitimes satisfactions. C’est en considérant à ces divers points de vue les ques- tions de sciences et d'art, c’est en reliant ces mêmes ques- tions les unes aux autres de la manière la plus généralement utile et en même temps la plus digne, que notre Société poursuit sa marche. Elle vient de publier le quarante-troi- sième volume de ses Mémoires. 9 Si nous suivons maintenant, pour ce qui concerne les sciences naturelles, l’ordre dans lequel les travaux nous ont été fournis pendant cette année, nous trouvons d’abord une Nouvelle interprétation de la théorie des marées, par M. l'ingénieur MiNARY. L'auteur appuie ses démonstrations sur des expériences faites à l’aide d’un appareil inventé par lui. Il aboutit à ce résultat que, si les marées de l’hémis- phère du globe terrestre faisant face à la lune sont dues à la force d'attraction produite par cet astre, les marées de l’hé- misphère opposé du globe doivent être attribuées à la force centrifuge résultant de la rotation de notre sphère et s’exer- çant en sens contraire de la force d’attraction de la lune. Cette conclusion, qui modifie sérieusement la théorie de De- launay, a, par le fait, une haute importance. Nous arrivons ensuite aux recherches très curieuses entre- prises, dès l’année dernière, par M. TROUILLET, capitaine du Génie, et reprises par lui au commencement de 1886. Ses nombreuses observations permettent d'établir les causes d’un des phénomènes les plus extraordinaires de notre pays, celui de la production permanente de la glace dans la grotte de Chaux-lez-Passavant, connue sous le nom de Glacière de la Gräce-Dieu. La mort prématurée du savant officier a interrompu le cours de ses observations ; mais son intelligent collaborateur, M. le docteur GIRARDOT, a bien voulu se charger d’un groupement final des documents recueillis. Dans plusieurs de nos volumes, la géologie de la Franche- Comté a occupé une large place. Cette science, relativement moderne, continue à être en honneur parmi nous. Notre con- irère M. Georges Boyer, qui lui consacre ses loisirs, nous a fait hommage d’une carte en relief, dont il est l’auteur, carte destinée à rendre facile la connaissance des couches diverses qui composent le terrain, si accidenté, du territoire de Besançon. Vers la fin de la présente séance, et à l’aide d’un pit- toresque tableau très habilement peint par M. VAISSIER, M. Boyer nous décrira lun des épisodes de l’histoire géo- logique des Monts-Jura. La botanique, compagne inséparable de la géologie, sera rappelée dans le prochain volume de nos Mémoires par d’in- géneux aperçus de M. Henri Micnez-Brice. Ce jeune et vail- lant confrère, après un séjour des plus accidentés de dix années au Pérou, a rapporté de ce lointain pays, sifort enso- leillé et où fleurissent tant et de si belles plantes, un certain nombre de graines dont il essaie l’acclimation dans la banlieue de notre ville. Quelques dessins accompagneront les notes qu'il nous a fournies à cet égard, | Parmi les membres correspondants qui saisissent toutes les occasions d’être utiles à notre Société, une mention est bien due à M. l'abbé Auguste RossIGNOT, curé d’Argillères, qui a fait d’intéressantes explorations dans la caverne à osse- ments de la commune de Farincourt (Haute - Marne) et a bien voulu faire bénéficier nos musées du résultat de ces recherches. Ces mêmes musées ont également recueilli les échantillons minéralogiques et les objets de parure de l’époque gauloise, légués à notre Compagnie par M. l'ingénieur Albert TRA- VELET, enlevé trop jeune à des études qui avaient beaucoup à attendre de sa belle intelligence. Bien que s'intéressant considérablement au passé, notre Compagnie ne dédaigne pas les observations qui ont pour objet l'amélioration de la santé publique. M. le docteur BAU- DIN a occupé l’une de nos réunions mensuelles par des con- sidérations étiologiques très judicieuses sur l’épidémie de fièvre typhoïde qui, deux fois depuis un an, a sévi dans notre ville. Arrivant aux travaux historiques et littéraires qui ont occupé nos séances, je mentionnerai en premier lieu les nombreux et savants rapports de M. Edouard BESSON, notre AR Et secrétaire décennal, sur divers ouvrages offerts à notre biblio- thèque, tels que Mirabeau à Pontarlier, de M. Georges Leloir, et le Scepticisme de Pascal, de M. Edouard Droz, thèse brillamment soutenue devant la Faculté des lettres de Paris pour l'obtention du grade de docteur ès-lettres. _ Cest également à la suite d’un rapport de notre docte secrétaire que vous avez voté l’impression d'un opuscule de M. Charles SENTUPÉRY, mettant au jour une requête obsé- quieuse du sanguinaire Dumas cadet, à une grande dame, alors sa protectrice, qu’il devait plus tard, comme président du tribunal révolutionnaire, envoyer à l’échafaud. Chacun sait combien, à notre époque, les questions rela- tives à l’enseignement sont à l’ordre du jour de la curiosité publique. M. PINGAUD , l’éminent professeur d'histoire mo- derne à la Faculté des lettres de cette ville, a rédigé, pour nos Mémoires, un tableau de ce qu'était l’enseignement à Besançon dans les années qui précédèrent la Révolution française. Ce travail, dont les éléments sont puisés aux meil- leures sources, contribuera, pour sa part, à rectifier les préjugés si généralement répandus sur cet ordre de ques- tions (1). | En rendant au talent de M. Pingaud un hommage mérité, nous sommes heureux de féliciter publiquement notre con- frère de l’honorable mention qui vient de lui être décernée par PAcadémie française, pour son nouvel ouvrage sur Les Français en Russie et les Russes en France. Cest par l'entremise de M. Pingaud que nous avons reçu de M. le docteur MEYNIER, membre correspondant, un tra- vail qui fixe, d’après les réminiscences des chartes du moyen âge, les Limites des anciennes divisions de la Séquanie. Un (1) Un travail, publié officiellement il y a quelques années, mentionnait, contre toutes suppositions préalables, que le nombre de personnes sachant lire et écrire était de 71 c/, au dix-huitième siècle et que, après s’être bien abaissé, 1l n'était encore remonté qu’à 72 o/, en 1870. (Recherches faites dans la Haute-Marne, par M. FAYET, inspecteur d'Académie.) pe rapport de M. Castan nous a permis d'apprécier la valeur de ce morceau. Je viens de prononcer un nom qui est particulièrement cher à chacun de nous, puisqu'il appartient à l’infatigable travailleur, justement regardé comme étant l’âme de notre Société. M. CASTAN, en effet, ne cesse de nous prodiguer les trésors de son exceptionnelle érudition. Essayons, si cela est possible, de le suivre au moins dans ses principales produc- tons de l’année. Par sa notice consacrée aux Origines anglo-françaises de la chevalerie franc-comtoise de Saint-Georges, il a réveillé chez nous le souvenir des belles boiseries de la salle où cette institution provinciale tenait ses assemblées, non loin de notre promenade Granvelle. Au printemps dernier, à la suite d’une visite aux musées de Londres, M. Castan publiait un article de critique d'art ayant pour objet de restituer à Scipione Gaetano un por- trait de la National Gallery, en faisant ressortir l’analogie absolue de cette œuvre d’art avec l’image du cardinal de Granvelle, également peinte sur cuivre, que possède le musée artistique de la ville de Besançon. En parlant de nos musées, comment ne mentionnerais-je pas la sixième édition du Catalogue de ces précieux dépôts, qui vient d’être donnée, sous les auspices de la municipalité de Besançon, par M. Castan ? Il s’agit, en effet, d’un vaste travail d’érudition, dans lequel chaque morceau d’art ou d’ar- chéologie a son histoire faite d’après les sources les plus certaines. Des extraits de ce travail avaient été lus à la Sorbonne, comme contribution de notre Compagnie au congrès annuel des sociétés savantes des départements. Quelques jours plus tôt, M. Castan avait communiqué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Institut de France, un résumé de sa dissertation sur les Arènes de Vesontio, lue à notre séance publique de 1885. L'Académie, PER 2e 2 MER. ©, -7 nn es = 1 dont notre confrère a l’honneur d’être correspondant, a eu ainsi l’occasion d'apprécier des efforts analogues à ceux qu’elle fait elle-même pour le dégagement et la conservation des Arènes de Lutèce. Ce rapprochement entre deux intéressantes exhumations du même genre, n'est-il pas de nature à nous faire exprimer un vœu ? En effet, depuis l’année dernière, un arrêt s’est produit -dans les travaux de déblaiement des terres qui recèlent les débris de notre grand amphithéâtre. Ces travaux avaient eu pour objet l’assainissement d’une caserne, en même temps qu'ils procuraient à la population bisontine la satisfaction de voir réapparaître les débris d’un édifice antique dont l’un des importants quartiers de la ville a retenu le nom. Espérons que le souci d’un complément de salubrité pour la caserne, joint à l'intérêt qui s'attache aux résurrec- tions intelligentes des monuments de lantiquité, permettront à bref délai la continuation d’un dégagement que chacun de nous désire. L'expression de ce vœu concorde d’ailleurs avec la notifi- cation qui nous à été faite d’un arrêté par lequel M. le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts a classé comme monument historique le square archéologique créé, il y a seize ans, sous les auspices de notre Compagnie. Dans la dépêche officielle relative à cette mesure, M. le Préfet du Doubs a bien voulu nous dire : « Je me félicite de cette déci- sion qui consacre l’importance d’une découverte due à un membre éminent de la Société d'Emulation du Doubs. » M. Castan peut donc conserver l’espoir de doter le quar- tier nord de la ville d’un autre square, qui équilibrera le pre- _mier et sera, pour l'étranger qui passe, un motif nouveau de s'arrêter à Besançon. Dans le volume que nous avons distribué ces jours der- niers, une large place est occupée par un travail de M. Castan sur les Capitoles provinciaux du monde romain, travail destiné à revendiquer les droits de l’érudition française sur ou une question traitée ici même en 1867 et reprise, en 1883, par un docteur de l’Université de Berlin. Les opinions sou- tenues par M. Castan ont obtenu des adhésions infiniment flatteuses, celle, entre autres, du prince des érudits italiens, M. le commandeur Jean-Baptiste de Rossi. Concurremment avec cette importante publication, M. Cas- tan a fait, pour l’Inventaire des richesses d'art de la France, une description raisonnée et méthodique de toutes les œuvres saillantes que renferment les musées et autres établisse- ments publics de la ville de Besançon. En attendant que cette description paraisse sous les aus- pices de l'Etat, notre confrère vient de caractériser, pour nos Mémoires, deux joyaux artistiques sorts du sol de Besançon. Il s’agit d’abord d’un vase romain en verre, décoré d’une scène priapique; cet objet, du plus beau style et d’une insigne rareté, a été rencontré, par M. l'architecte Gustave VIEILLE, dans les fouilles d’un bâtiment construit pour M. le député Daniel Wilson, qui a fait hommage de cette précieuse épave au musée des antiquités de la ville. La seconde notice de M. Castan, qui va vous être lue, concerne le bronze grec connu sous le nom de Minerve de Besançon, l’üne des perles du futur musée de Condé, au château de Chantilly. Il nous a semblé juste que le seul correspondant qu’ait l’Ins- titut dans la région franc-comtoise, prit texte de cette petite merveille archéologique pour rendre hommage au don splen- dide que vient de recevoir la plus illustre des Compagnies intellectuelles de la France, largesse dont profiteront, à l'avenir, des générations indéfinies de travailleurs, savants et artistes. Le nouveau volume de nos Mémoires, que j'ai plusieurs fois mentionné, a pour appendice une table analytique faite avec le plus grand soin par notre excellent archiviste, M. VAISSIER. | En dehors de ce travail des plus utiles, des plus méritoires, A. Vaissier n’a pas cessé de se dévouer au musée des anti- RÉ Re Ce gs FD TE RTE Rand HE ERA E dl + jt. 1 iméty: 2 PRE e ge quités. Il nous a d’ailleurs présenté des rapports sur des “objets ou des ouvrages offerts à la Société. C’est ainsi qu’il rendait compte dernièrement de la traduction anglaise du Traité d’horlogerie de M. Claudius Saunier, par notre confrère M. julien Tripplin, en accompagnant ce rapport de commentaires pleins d'intérêt pour la fabrique bisontiné d'horlogerie, Notre volume qui est sous presse tirera grand honneur de la reproduction des pages qui vont nous être communi- quées par un écrivain de premier ordre, notre compatriote M. Jules VALFREY, récemment élevé au grade de ministre plénipotentiaire, en récompense des services distingués qu'il avait rendus, comme sous-directeur politique, au Mi- nistère des Affaires étrangères. Dans notre recueil, aussi bien que dans cette séance, son morceau avoisinera les poésies charmantes qui nous ont été envoyées par un lit- térateur franc-comtois hautement réputé, M. Edouard GRE- NIER, nombre de fois lauréat de l’Académie française. Notre contingent poétique de l’année s’est d’ailleurs enrichi hier d’une gracieuse pièce de vers de M. Charles THURIET, sur la Fontaine de la Rochette, à Saint-Claude du Jura. Au cours de cette année, un incident aimable a introduit de la variété dans les occupations habituelles de nos séances. La Société mycologique de France, qui s'occupe d'étudier et de classer les nombreuses espèces de champignons, est venue tenir ici sa session annuelle. Nous avons trouvé plaisir et intérêt à abriter ses séances ainsi que l'exposition de ses récoltes. Par une sorte de réciprocité, notre Compagnie a dû plu- sieurs fois se faire représenter, au dehors par des délégués. L'un d'eux, M. l'avocat général Paul COTTIGNIES, nous a spi- rituellement narré les agréables journées qu'il avait passées aux réunions tenues à Montbéliard par la Société d’Emulation de cette ville, ainsi qu'aux Ponts-de-Martel par la Société 10 — d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel. Le président annuel de cette dernière Société était M. Jules Jurgensen qui, de-* puis longtemps, est l’un de nos plus fidèles et de nos plus sympathiques collaborateurs. Par l’accueil qu’il a fait à notre ambassadeur dans sa charmante résidence, il a donné une fois de plus la mesure de son affectueuse et délicate cour- toisie pour nous. | Une autre délégation, où se retrouvait M. Cottignies, ac- compagné cette fois de MM. Edouard Besson et Frédéric Rétif, nous a dignement représentés dans le congrès scien- tifique international qui s’est tenu à Genève, au mois d’août dernier. M. Edouard Besson nous a fait participer à cette fête de la science, au moyen d’une description élevée de pensée et élégante de style. La science, on le voit, ne se présente pas toujours sous un aspect grave et sévère. Elle aide volontiers, au contraire, à établir des liens, non seulement entre les citoyens d’une même patrie, mais encore entre des peuples qui, sans elle, n'auraient que trop d'occasions de nourrir des sentiments d'hostilité réciproque. Des liens puissants ont été créés dans ce sens par les grandes expositions internationales : espérons que les peuples civilisés ne les laisseront pas se détendre. Ma tâche serait accomplie, s’il ne me restait pas un dernier devoir à remplir envers les confrères, trop nombreux hélas! que nous avons perdus dans le cours de l’année : tous à des titres divers ont été les collaborateurs de notre œuvre; il est donc juste que nos annales, en même temps que nos cœurs, conservent leur souvenir. La première de ces pertes a été celle de M. Victor JEAN- NENEY. Enfant de Besançon, il s’était livré de bonne heure à l’étude de la peinture ; mais ilse voua particulièrement à l’enseignement du dessin. Son professorat, tant au lycée de Vesoul qu'à l’école municipale de dessin fondée par lui dans cette ville, a obtenu de brillants et féconds résultats. Il est di — mort dans le chef-lieu du département de la Haute-Saône, à l’âge de 53 ans. M. Castan, qui avait été l’un de ses cama- rades d'enfance, lui a consacré une petite notice que l’on trouvera dans notre volume de 1886. Un autre de nos correspondants, M. Alphonse RENAUD, ancien officier principal de {re classe des hôpitaux militaires, est mort à Paris, âgé de 75 ans. Ce compatriote avait été très lié avec plusieurs des fondateurs de notre Société, et il était l’un de ceux qui suivaient nos travaux avec le plus de sollicitude. M. Emile GASSMANN, lui aussi, avait quitté Besançon pour occuper une place dans la rédaction du Moniteur uni- versel. Il continuait néanmoins à alimenter l’une des feuilles publiques de notre ville, ayant su constamment, comme pu- bliciste, se tenir dans les justes limites de la modération et des convenances. Quelques jours après ce décès, nous perdions M. VIENNET, retiré depuis peu de temps au voisinage de Quingey. On l'avait connu, pendant de longues années surveillant général au lycée de Besançon. Des générations entières d'élèves ont été soumises à son contrôle paternel, en éprouvant les salutaires effets de son infatigable dévouement. L'un des auditeurs assidus de nos séances publiques, M. le médecin Auguste VAILLANDET, également correspon- dant de notre Société, a été enlevé en peu de jours à sa nombreuse famille, dans sa maison de Pin-lEmagnvy. Il était médecin de la compagnie du Chemin de fer, et il pos- sédait, dans les environs de sa résidence, une très nombreuse clientèle, pour laquelle il ne regardait à aucune fatigue. Pendant la période de la guerre, il se montra d’un dévoue- ment absolu. Dans ses rares loisirs, il s’est occupé de recherches sur une petite imprimerie rurale, de la première moitié du dix-septième siècle, dont le principal produit, devenu absolument introuvable, s'appelait les Heures de Pin. M. Léon CHArpy, de Saint-Amour (Jura), a compté éga- lement parmi ceux qui se dévouëèrent ici, au service des ambulances, pendant la guerre de 1870. Alliant le savoir du géologue à la sagacité du numismatiste, il avait obtenu au concours la double fonction de bibliothécaire et de directeur du musée d'Annecy. C’est dans cette ville qu’il a succombé, sans avoir pu mettre à exécution les projets qué son érudi- tion lui aurait permis d'accomplir. Pour clore cette liste funèbre, je rappéllerai à vos sympa- thiques souvenirs le nom dé M. Louis TROUILLET, officier distingué de l'arme du Génie. Cet excellent confrère avait enrichi les Mémoires de lu Société d' Emulation de Montbé- liard et les nôtres d’un certain nombre d’études de topo- graphie et d'histoire militaire. Déjà chevalier de la Légion d'honneur, ses aptitudes d’érudit venaient d’être reconnues par le titre d’officier d’Académie ; maïs les insignes de cette nouvelle distinction n’ont guère pu figurer que sur son cer- cueil. À ses funérailles, M. Edouard Besson a prononcé un dis- cours, qui entrera dans nos Mémoires et rappellera digne- ment les nombreux titres qu'avait le défunt à l’estime de ses confrères. Puisse Dieu lui avoir accordé, ainsi qu’à tous ceux que nous avons perdus, les récompenses promises aux hommes qui ont passé sur cette terre en faisant le bien ! Je termine en vous remerciant, Monseigneur, Mesdames et Messieurs, de la patiente bienveillance que vous m'avez accordée. L'intérêt que vous témoignez à notre Compagnie et à ses travaux nous inspirera de nouveaux efforts et nous permettra de réaliser cette ancienne devise aussi brève que ferme : Toujours mieux ! Ce LE CAPITAINE DU GENIE BOLES TROUILLET DISCOURS PRONONCÉ A SES OBSÈQUES Par M. Edouard BESSON SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS. Séance du 12 juin 1886. Le jeudi 10 juin 1886, à dix heures du matin, ont eu lieu les obsèques de M. le capitaine du génie Ta enlevé à l'affection des seins par une longue et cruelle maladie. Cette cérémonie funèbre avait rassemblé un grand concours de personnes, toutes désireuses de témoigner à une famille si gravement éprouvée leurs douleureuses sympathies. On y remarquait MM. Faure et Demay, généraux du génie et de l'artillerie, les chefs et presque tous les officiers des divers corps actuellement en résidence à Besançon. L'élément civil y était lui aussi largement représenté. Les cordons du poële étaient tenus par trois officiers du grade du défunt apparte- nant au génie, à l'artillerie et à l'infanterie, et par M. Besson, représentant la Société d'Emuiation du Doubs, dont le capi- taine Trouillet était un des membres les plus actifs et les plus distingués, Au cimeüère, M. le colonel Percin, chef immédiat du défunt, a retracé sa carrière en termes éloquents et émus : il a rendu un juste hommage aux rares qualités de l’homme et surtout du soldat devant lequel s’ouvrait le plus brillant ave- nir. Sa péroraison, qui évoquait la pensée d’une mère, d’une femme et d'enfants si cruellement frappés dans leurs plus chères affections, a fait couler bien des larmes. 14 Après lui, M. Besson a pris la parole en ces termes : «€ MESSIEURS, « Je ne puis laisser se refermer cette tombe encore en- tr’ouverte sans adresser au nom des membres de la Société d’'Emulation du Doubs, tous associés à notre deuil commun, un adieu suprême à l'ami, au collaborateur actif et dévoué, au savant aussi distingué que modeste qu'elle va nous ravir pour jamais. | » Une voix plus autorisée que la mienne vient de vous dire, bien mieux que je ne pourrais le faire, ce que Trouillet fut dans sa carrière de soldat, Cette carrière, la plus belle et la plus noble de toutes, faite d’abnégation, de dévouement et d’héroïsme, il l'avait abordée par un côté particulièrement viril et austère, celui de la science appliquée à la défense de la Patrie. Entré dans cette arme du génie qui, depuis sa fon- dation relativement récente, a donné au pays tant de soldats intrépides, à la science tant d’esprits laborieux et sagaces, il ne se contenta jamais de remplir avec courage et exactitude les graves et difficiles devoirs de son état, combattant à peine sorti des écoles pour la défense de la France envahie, contribuant ensuite à lui refaire cette frontière d’airain que Vauban nous avait donnée et que ses successeurs nous ont rendue plus belle et plus forte après nos désastres, étudiant les moindres reliefs de notre sol au point de vue de l'attaque et de la défense en prévision des luttes à venir; mais il éten- dit encore le cercle de ses travaux, et fut toujours de ces hommes rares rêvant un idéal supérieur au terre à terre journalier de la vie, et pour qui le meilleur des repos con- siste dans le culte de la science pure et le labeur désin- téressé. Il appliquait seulement à ses recherches nouvelles les sévères méthodes qu’il devait à sa forte éducation et à ses habitudes de travail quotidien. » Ces provinces frontières, qui sont le rempart naturel du pays, il ne les'avait pas seulement étudiées au point de vue PRES EE Dre EU TNT ENS RRPEN nn technique et professionnel ; il en avait approfondi l’histoire, et se plaisait surtout à y rechercher les plus lointains vestiges des vieilles civilisations disparues. Nul notamment n’avait mieux que lui repéré les restes de nos chemins gaulois et surtout de ces voies d’un travail si achevé qui sillonnaient nos régions au temps de la domination romaine. Il nous a maintes fois fait profiter de ses connaissances à cet égard. Si le temps lui eût été donné, il voulait publier sur la matière un travail complet qui nous fait encore défaut, et qui serait pourtant singulièrement utile à l’érudit et à l'historien. Lui- même, d’ailleurs, avait montré par un frappant exemple les fruits qu’on peut tirer de cet ordre de recherches pour la solution des problèmes du passé. Dans un mémoire remar- quable publié par la Société d’Emulation de Montbéliard, il était parvenu, en se basant sur le système des voies de com- munication alors existant, à préciser le lieu encore si incer- tain où se produisit la rencontre des légions de César et des bandes d’Arioviste. L’impérial auteur de la vie du conquérant romain faisait de l'Alsace le théâtre de cette grande lutte. Trouillet l’a placée dans la partie de la Haute-Saône qui avoi- sine Montbéliard, et cette solution nous semble basée non seulement sur les plus solides conjectures, mais sur des preuves irréfutables. » Il appliquait d’ailleurs son esprit d'investigation aux genres de recherches les plus divers. Topographe par pro- fession, il cultivait la géologie par goût, et faisait admirable- ment ressortir les étroits rapports de cette science avec celle qu'il était chargé d'appliquer. Dans ie même ordre d'idées, nous avons imprimé de lui un savant et ingénieux travail sur le phénomène de la production et de la conservation de la glace en toute saison dans la Glacière de la Grâce-Dieu. Ce phénomène si curieux, qui préoccupa même l’Académie des sciences au dernier siècle, s’y trouve expliqué de la manière à la fois la plus simple et la plus conforme aux notions scien- üfiques acquises actuellement. 1 = » Le savant et le penseur, chez notre confrère, étaient doublés d’un écrivain distingué et original. Il vérifiait bien ce vieil adage qui fait du style l’image de l’homme lui-même. Le sien était grave, simple et ferme, sans affectation et sans faux ornements, toujours convenable au sujet traîté. Sa con- versation elle-même, quand ils nous entretenait de ses recherches et de ses travaux, avait le charme qui s’attache à la parole de l’homme pénétré de son sujet, et voulant com- muniquer à autrui la chaleur de ses propres pensées. » Aussi bien, quoi qu'il ne fût des nôtres que depuis peu, les hasards de sa carrière l’ayant conduit à Besançon seule- ment en 1882, il était parmi nous universellement connu, apprécié et surtout aimé. Car, derrière le soldat et le savant, nous n'avions pas tardé à trouver l’homme grave, réservé, même d’une froideur apparente, mais chez qui l’on sentait tout d’abord le charme d’une exquise distinction naturelle, et l’on goûtait bientôt les qualités d’un cœur qui ne savait pas se donner à demi. Tous, nous prenions part à ses succès. Récemment encore, nous étions heureux d'applaudir à la flatieuse distinction que ses travaux lui ont valu au dernier congrès des sociétés savantes de la Sorbonne. » Aussi sa mort, survenue peu après, dans de s1 doulou- reuses circonstances, a-t-elle produit dans les rangs de notre Compagnie une émotion profonde, partagée d’ailleurs par la cité tout entière. » Et qui donc ne serait ému en voyant tant de force, tant de jeunesse, tant d’espérances si cruellement et si prématu- rément détruites ? » Pour nous, Messieurs, quand nous songeons à la carrière de Trouillet, à l’avenir qui l’attendait, à ce talent si jeune et si vigoureux dont il ne nous avait encore donné que les pré- mices, aux affections profondes qui l’ont entouré jusqu’au dernier instant, et qui sont aujourd’hui brisées, nous aimons à croire que notre ami ne se survit pas seulement dans ses jeunes enfants, fleurs écloses près d’une tombe pour consoler eh ceux qui restent et leur être le gage d’un avenir meilleur, mais que la longue et terrible maladie à laquelle il a suc- combé n’a détruit chez lui qu’une enveloppe grossière et et qu'il en subsiste toujours une âme immortelle. » :.." MIRABEAU A PONTARLIER. : RAPPORT SUR UNE ÉTUDE BIOGRAPHIQUE DE M. GEORGES LELOIR Par M. Edouard BESSON. Séance du 15 mai 1886. MESSIEURS, Tout le monde connait, au moins d’une manière générale, les épisodes de la vie de Mirabeau, qui marquèrent son pas- sage à Pontarlier. Depuis la fameuse correspondance de Vin- cennes, où ils sont racontés par leurs principaux acteurs, on a beaucoup écrit sur le même sujet, mais sans avoir recours aux documents essentiels et vraiment originaux. Le principal de ces documents est sans contredit le dossier des diverses procédures suivies contre Mirabeau, à l’occasion de l’enlève- ment de Me de Monnier, dossier conservé au greffe du tri- bunal de Pontarlier, et qui s’y trouve encore actuellement. On sait, en effet, que le futur orateur de la Constituante subit, devant le balliage de cette ville, plusieurs actions judiciaires. Condamné à mort après sa fuite et exécuté en effigie sur la place des Casernes, il vint, aussitôt hbéré de sa captivité, se constituer prisonnier et purger sa coutumace. De là deux procès distinets, dont les pièces originales per- mettent de reconstituer d’une manière sûre et indiscutable la trame mème des événements. Ces pièces cependant n’a- vaient été jusqu'ici, à ma connaissance, uülisées qu’une fois, et d’une façon tout à fait superficielle et incomplète, pour l’histoire des faits qui leur avaient donné naissance. II y avait donc là une omission à réparer, et c’est ce que vient de faire avec grand talent un magistrat distingué, doublé d’un lettré de la bonne école, M. Georges Leloir, procureur de la République à Pontarlier. Son travail ne se recommande 19 pas seulement par l'abondance, la précision et l'exactitude des informations, on y sent encore la main de l’homme du métier écrivant sur sa spécialité. L'exposition est claire, les difficultés techniques sont résolues avec aisance, le style à la sobriété qui convient à la matière, et l'intérêt se soutient et va croissant jusqu'au terme, sans effort apparent de la part de l’auteur. A la vérité, le sujet prêtait beaucoup par lui-même. Ne semble-t-elle pas tenir du roman, l’histoire de ce jeune homme à l'esprit d’une activité ardente, au cœur passionné, poursuivi par la haine de son père de prison en prison, in- terné au fort de Joux, qu'il appelle, dans sa langue imagée, « un nid de hiboux égayé par quelques invalides »; trouvant aans l'amour d’une femme jeune et malheureuse comme fui, mariée à vingt ans à un septuagénaire, une consolation à son infortune ; luttant longtemps contre sa passion, y succom- bant enfin, malgré ses efforts et ses tentatives pour s’arra- cher à un séjour devenu si dangereux; s’enfuyant au milieu des plus dramatiques péripéties avec ele qu’il aime, pour aller demander à la Hollande un asile bientôt violé, et aboutir enfin à cette captivité de Vincennes qui, du moins, » Yaudra à notre littérature un monument immortel ! Gest précisément à la correspondance échangée entre les deux amants, durant leurs captivités respectives, que le lecteur a recours d'ordinaire pour connaitre les faits qui donnèrent lieu à leur emprisonnement. Mais on juge mal un événement sur le seul témoignage de ses principaux acteurs. Les Mémoires de Mirabeau ne renseignent pas mieux à cet égard. Leur auteur, M. Lucas-Montignvy, avait trop d’obliga- tions au grand orateur et lui tenait de trop près pour faire de Son ouvrage, si complet et si instructif d’ailleurs à tant de points de vue, autre chose que ce qu'il en a fait, un panéey- rique qui laisse trop souvent dans l'ombre le côté blämable des actes de son héros. Les pièces juridiques n’ont pas de ces scrupules. Elles rapportent les faits jour par jour, parfois D) à heure par heure, sans fausse pudeur et sans réticences, tels que les ont constatés des témoins oculaires, le plus souvent désintéressés. À la vérité, la mémoire de Mirabeau ne gagne pas à une aussi minutieuse enquête. On trouve, notamment, trop de questions d'argent mêlées à ses aventures galantes. Mais l’histoire n’est pas faite pour cacher les fautes et les faiblesses des grands hommes; elle ne leur doit, comme à tous, que la vérité. D'ailleurs, si, au point de vue moral, la conduite du futur tribun prête trop souvent à la critique, on ne peut qu'admirer davantage, à mesure qu’on les connaît mieux, les aptitudes étonnantes, le merveilleux talent dont il fit preuve dans les débats judiciaires auxquels il se trouva mêlé, jeune encore, et sans y avoir été préparé par aucune étude spéciale. Sans doute, il ne se révéla pas alors, ainsi qu’il le fit peu après devant le Parlement d'Aix, dans son procès avec sa femme, comme le premier orateur de son temps. Mais il se montre déjà d’une habileté et d’une science consommées dans ses interrogatoires, où il embarrasse ses juges au point de les réduire au silence, et surtout dans ses trois mémoires juridiques, rédigés dans une geôle infecte où il resta enfermé six mois, au milieu de fiévreux et de vo- leurs, qui n’en confondent pas moins ses avocats eux-mêmes, et dont il peut écrire avec un légitime orgueil : « Si ce n’est pas là de l’éloquence inconnue à nos siècles esclaves, je ne sais ce que c’est que ce don du ciel si séduisant et si rare. » On n’en demeure pas moins surpris, au premier abord, qu'après des faits patents connus de toute l’Europe, comme ceux qui avaient motivé sa première condamnation, Mira- heau ait pu sortir du procès non-seulement indemne lui- même, mais après avoir stipulé pour sa complice les condi- tions les plus avantageuses. Pour faire comprendre un pareïl résultat, il n’était pas trop de toute la science juridique de M. Leloir, qui, mieux que personne, était à même de dé- brouiller les questions compliquées nées des règles de compétence, d'instruction criminelle, d'administration des Hop preuves, alors en vigueur, et qui furent mêlées aux débats de cette grave affaire. Ces débats nous intéressent encore au point de vue de ceux de nos compatriotes qui y prirent part, et dont plusieurs jouèrent eux-mêmes un rôle impor- tant. Ainsi, au sujet d’un incident de la procédure qui fut portée devant le Parlement de Franche-Comté, Mirabeau eut pour principal conseil à Besançon Courvoisier, le père du futur garde des sceaux, homme lui-même remarquable par la science et par le talent, tandis que M. de Monnier suivait les avis de l'avocat Blanc, le futur représentant de notre ville à la Constituante. On peut dire, en effet, que, grâce aux in- fluences considérables dont disposaient les parties en cause, ce procès partagea le pays tout entier. Le parquet de Pon- tarlier lui-même était divisé : le procureur du roi Michaud tenait pour l'accusé et était son principal appui, tandis que le substitut Simbarde multiplhiait contre lui, non seulement les actes de procédure, mais même les démarches personnelles. Un travail aussi consciencieux, aussi définitif que celui de M. Leloir, est donc un véritable service rendu à l’histoire de notre province. L'histoire générale en bénéficiera, elle aussi; car 1] importe de connaitre en ses moindres détails la car- rière d’un homme qui pesa d’un si grand poids dans les des- tinées de la France. Le savant magistrat, au cours de son mémoire, exprime le regret que la mort ait empêché M. de Loménie de terminer son grand ouvrage sur les Mirabeau, et l'ait arrêté au moment précis ou, après avoir fait sortir de la légende l’histoire si originale et si curieuse de la famille du grand orateur, il allait aborder le récit de sa vie elle-même. Il y a là, sans doute, une lacune regrettable, et qui sera dif- ficile à combler. Mais on pourra y parvenir à l’aide de mono- graphies comme celle que nous venons d'analyser, qui doit son intérêt surtout à la plus scrupuleuse exactitude, et ne sacrifie jamais à ce romanesque de mauvais aloi qui a si sou- vent tenté les historiens de Mirabeau. LE SCEPTICISME DE PAS CONSIDÉRÉ DANS LE LIVRE DES PENSÉES RAPPORT SUR LA THÈSE DE DOCTORAT ES LETTRES DE Y. ÉDOUARD DROZ Par M. Edouard BESSON. ne Séance du 12 juin 1886. ed MESSIEURS, De tous les écrivains célèbres qui, au xva® siècle, ont renouvelé à la fois la langue et la pensée françaises, Pascal est peut-être le plus lu, le plus admiré, le plus populaire. C’est à coup sûr celui sur le compte duquel on a le plus écrit, et dont les œuvres ont donné lieu aux interprétations les plus diverses. Surtout à l’époque actuelle, il est peu de pen- seurs, peu d'amis des lettres, qui ne lui aient consacré au moins quelques pages. Plusieurs même, et non des moin- dres : les Cousin, les Havet, les Vinet, les Sainte-Beuve, ont fait de sa pensée, de ses doctrines, de son style, l'objet de travaux aussi considérables qu’autorisés. Est-ce à dire pour autant qu'une matière si riche et si féconde se trouve épuisée aujourd'hui, et qu’il faille s’écrier avec le moraliste : « Tout est dit, et lon vient trop tard »?-Notre excellent centrère M. Edouard Droz ne l’a pas pensé. L'ouvrage qu'il présen- tait naguère à la Sorbonne comme thèse de doctorat, et quil a bien voulu nous offrir, est lui aussi relatif à Pascal. Encore ne l’embrasse-t-il pas tout entier, et na-t-il trait qu’à un côté de ses doctrines philosophiques. Pascal était-il sceptique ? s’est demandé M. Droz après beaucoup d'autres. La réponse à cette question forme la matière de son livre. On sait comment a pris naissance la thèse du scepticisme de Pascal. Il en avait sans doute été touché auparavant Où quelque chose. Mais c’est Victor Cousin qui le premier la posa d’une manière nette et vraiment scientifique. En 1842, dans un rapport écrit de ce style retentissant et quelque peu théâtral dont il avait le secret, le célèbre philosophe faisait ressortir devant ses confrères de l’Académie française la nécessité d’une édition nouvelle et complète des œuvres de Pauteur des Provinciales. Ainsi amené à appprécier chez Pascal l'écrivain et le penseur, il se montrait sévère pour le dernier, allant jusqu’à refuser l’esprit créateur à l'inventeur du calcul des probabilités, de la roulette et de la machine arithmétique, à l’auteur des expériences du Puy-de-Dôme, à l’homme qui, dès l'enfance, avait, suivant le mot de Cha- teaubriand, refait la géométrie avec des barres et des ronds. Quant à ses doctrines philosophiques, elles étaient plus mal- iraitées encore, ou plutôt elles était niées purement et simplement, comme émanant d’un esprit qui avait prompte- ment désespéré de ses propres forces, et qui, renonçant à toute certitude rationnelle, avait fini par se réfugier dans la religion pour v trouver un abri contre les orages du doute. - Cette thèse hardie, présentée avec lautorité quis’attachait alors au nom du fondateur de l’éclectisme, et que son auteur reprit plus tard dans une série d’études détaillées, plut tout d'abord par son aspect paradoxal. Pascal sceptique, l’auteur des pensées, le fervent chrétien, l'ascète exalté et presque fanatique rongé par le doute, et demandant à la religion un terme à ses angoisses, cela séduisit par le contraste et par un aspect de ce romantisme alors fort à la mode. Il y avait là quelque chose des souffrances d’un René ou d’un Werther, dont le spectacle habilement dramatisé était bien fait pour gagner les sympathies. Comme toujours, d’ailleurs, les con- clusions du maitre furent encore exagérées par les disciples, et il ne manqua pas d'écrivains pour prétendre que non seulement Pascal était sceptique en philosophie, mais que ses convictions religieuses elles-mêmes n'avaient rien de bien ferme, et que l’abus des pratiques ascétiques, qui marqua De les dernière années de sa vie était l’indice des luttes inté- rieures auxquelles il s’efforçait d'échapper. La mémolre du grand géomètre ne resta pourtant pas sans défenseurs. Il y éut des protestations graves et nombreuses, et, à la thèse du septicisme, on opposa celle du dogmatisme philosophique de l’auteur des Pensées. Ainsi insütué, le débat se prolongea jusqu’à nos jours avec des alternatives de succès pour chacun des partis contraires. Si la matiere n'était pas si délicate, et s’il nv avait pas là un de ces sujets devant, par leur nature même, constamment rester ouverts aux disputes humaines, nous dirions que l'ouvrage de notre confrère marque le terme de la discussion, et que) par la sûreté des données, la précision des arguments, l'ampleur d’érudition qui s’y manifestent, il apporte à la question en litige une solution définitive. Ce qui rend la doctrine de Pascal difficile à pénétrer dans le livre des Pensées, ce sont d'abord les conditions dans les- quelles ce livre nous est parvenu. On sait en effet qu'à la mort de Pascal, ce livre, qui devait être son œuvre de pré- dilection, et dont il voulait faire une apologie de la religion chrétienne destinée à ramener les athées et les incrédules, n'était encore qu’à l’état d’ébauche. Formé de feuilles déta- chées où l’auteur inscrivait ses idées telles qu’elles lui ve- naient aux moments les plus divers, en phrases courtes et souvent sans liens entre elles, il était même difficile d'en faire un ouvrage proprement dit. Ce n’était pas un livre, comme l’a dit Charles Nodier, « c'était matière de livres, » matière modifiable s’il en fut jamais et qui se serait néces- » sairement modifiée. » De là viennent les différences essen- tielles que l’on observe entre les éditions successives qui en ont été données. De là vient aussi la difficulté qu'il y a à ac- corder des idées parfois divergentes, dont l’auteur n’a pas pris soin lui-même d’adoucir ou de modifier l'expression, pour ne pas heurter son lecteur par des contrastes trop vifs. Il n’v a pas, dans l’ensemble à peu près informe qui nous a est parvenu, ce travail de mise en œuvre, de composition, essentiel même aux productions du génie et dont le défaut fait facilement errer les commentateurs. Que si toutefois l’on veut, sous ces divergences et sous ce vague apparent, retrouver la véritable doctrine de Pascal, Pesprit inspirateur de son livre, il ne faut perdre de vue n1 le but qu'il s’est proposé, ni la méthode au’il a suivie pour atteindre. Son but, nous l’indiquions tout à l’heure. Il n’a pas voulu faire un traité dogmatique de philosophie pure, analogue au Discours de la méthode ou aux Mosdilations de Descartes. Il a voulu ramener et convertir les athées et les incrédules. De cette différence dans le but devait résulter une différence dans la méthode, et tandis que Descartes, raisonnant à froid, s’adressait surtout à l'esprit et fai- sait à peu près exclusivement usage d'arguments d'ordre métaphysique, Pascal ne parle en général qu’au sentiment ; il cherche à remuer toutes les fibres de âme humaine, depuis celle de lintérêt jusqu’à celles des aspirations de l’ordre le plus élevé. Ainsi s'expliquent de sa part certains arguments qu'il ne faut pas juger d’après leur plus ou moins de justesse au point de vue de la théorie pure, mais par leur efficacité pratique. Le célèbre argument des partis, sur le- quel on a tant discuté en est un frappant exemple. Certes, si lon n’envisage que le côté logique du raisonnement, ce nest pas une bonne méthode pour résoudre un problème que de rechercher parmi les solutions dont il est susceptible, la plus avantageuse à l'humanité. Mais si l’on se place au point de vue humain, la chose est bien différente, l’homme étant naturellement porté à trouver vrai tout ce qui favorise ses intérêts. Voilà aussi pourquoi Pascal, au sujet de la question si grave de Pexistence de Dieu, a négligé non seulement les preuves métaphysiques connues, mais même celles tirées de l’ordre naturel du monde, propres sans doute à con- vaincre des esprits non prévenus, mais non pas à toucher et à entrainer les cœurs. :Ôna beaucoup insisté, pour établir le scepticisme du grand écrivain, sur la complaisance avec laquelle il s’attache à dé- velopper d’une manière spéciale les arguments propres à faire ressortir la faiblesse de l'esprit humain. Mais cela rentre évidemment dans son dessein de prouver à l'homme qu'il ne peut par ses seules forces arriver à la vérité, et que si en par- ticulier 1l veut parvenir à résoudre le grand problème de la vie, c’est à la religion qu'il doit demander secours. Aussi bien, si le livre des Pensées, en un grand nombre de ses pas- sages, semble “surtout destiné à prouver la faiblesse de l’homme, il Pexalte dans d’autres, sans aucune réticence. L'auteur nous donne lui-même à cet égard le secret de sa méthode. « S'il s'élève », nous dit-il en parlant de l’homme, « Je l’abaisse ; s’il s’'abaisse, je lélève. » Tout le monde con- nait cette pensée admirable : « L'homme n’est qu'un roseau » le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il » ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une » vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand » Punivers lécraserait, l’homme serait encore plus noble que » ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l'avantage que » l'univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. » ; Toute la méthode de Pascal se trouve résumée dans ces quelques lignes. Il proclame notre faiblesse, c’est vrai; mais comme son but véritable n’est pas de nous avilir, il se hâte aussitôt de nous prouver notre grandeur. Il ne veut pas non plus nous faire désespérer des forces de notre raison, et la preuve, c’est qu'il ajoute aussitôt : « Toute notre dignité con- siste donc en la pensée. » De même, si l’on veut isoler certaines phrases de l'ouvrage qui nous occupe, il n’est à vrai dire pas difficile d'établir le prétendu scepticisme de son auteur. On y trouvera par exemple des déclarations aussi précises que celle-ci : « Le » pyrrhonisme est le vrai. » Mais tournons la page, et nous lirons « qu'un véritable phyrrhonien n’a jamais existé. » Et d’une manière plus explicite : « Nous connaissons la vérité, 7e » non seulement par la raison, mais encore par Île Cœur : » c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les pre- » miers principes, et c’est en vain que le raisonnement qui » n’y a point de part essaie de les combattre. Les phyrro- > niens qui n’ont que cela pour objet y travaillent inutile- » ment. » | Le dogmatiste le plus convaincu ne dirait pas mieux. Sans doute, comme on l’a souvent observé, Pascal a beaucoup emprunté à Montaigne, mais c'était un esprit assez supérieur pour ne pas s’asservir même au meilleur des modèles, Ce qu’il prenait à Montaigne, c'était, en dehors du tour vif de la pensée et de certaines images qu'il a reproduites presque textuellement, tout ce qui pouvait servir à sa propre thèse. Or cette thèse consistait à opposer entre eux les systèmes philosophiques, non pas seulement le dogmatisme et le scep- ticisme, mais beaucoup d’autres : l’épicuréisme et le stoïcisme par exemple, afin d'établir, par leur faiblesse propre et sur- tout par leurs contradictions relatives, l’immense supériorité de la religion chrétienne. De quel droit va-t-on là dessus rrendre un dé ces Systèmes pour en faire le sien, alors qu’il n’a semblé le soutenir tout d'abord que pour le rui- ner ensuite? Et aussi bien, si la critique de la raison hu- maine suffisait à faire ranger ses auteurs parmi Îies scep- tiques, on devrait appliquer ce terme à tous les Pères de l'Eglise, à tous les apologistes du catholicisme, depuis Lac- tance et saint Augustin jusqu'à Bossuet lui-même ; car tous ont prétendu amener l’homme à la religion en lui montrant la nécessité d’un secours divin pour le protéger dans sa fai- blesse et sa misère originelles. Pascal n’a pas fait autre chose ; mais comme il l’a fait sous l'influence de convictions religieuses ardentes, qu'il a apporté à son œuvre la vivacité de son tempérament et la véhémence habituelle de son style, encore accrue par la forme qu'il donnait à ses pensées et qui en faisaient comme une série de ces maximes alors très à la mode, exprimées en une langue forte et précise nn propre à les mieux graver dans l’esprit, il en est résulté cer- taines exagérations apparentes qui ont pu donner le change sur sa doctrine véritable. Cette doctrine, M. Droz nous semble l'avoir parfaitement saisie et reconstituée au moins dans ses lignes essentielles. Il en a fait ce qu’elle était réellement, celle d’un des disciples les meilleurs et les plus fervents de cette grande école de Port-Royal, d’un dogmatisme si ferme et parfois si intrai- table, si hostile par sa nature à tout scepticisme, même en matière philosophique. I ne la pas seulement d’ailleurs étudiée en elle-même; il n’a négligé aucun des nombreux commentaires qu’elle a inspirés, et en a recherché les traces dans les écrits des amis, des compagnons, des contempo- rains du grand penseur. Il a lui-même, pour ainsi dire, vécu à Port-Royal dans le commerce intime des Arnauld, des Nicole, de tous ceux qui furent les maîtres de Pascal, si tant est qu'un tel génie puisse avoir des maitres. Ce minutieux travail préparatoire n’a pas seulement valu à notre confrère une connaissance complète et approfondie de son sujet : il en à fait l’homme de l’époque dont il avait à pénétrer l’un des esprits les plus puissants et les plus origi- naux, linitiant non seulement aux opinions générales, mais aux courants d'idées, aux polémiques qui troublaient l’at- mosphère intellectuelle et philosophique d'alors. Il a donné aussi à son style une pureté et une vigueur qui subissent hien quelques défaillances au début de son ouvrage, mais qui s’accentuent toujours davantage à mesure qu'on avance vers le terme. Le chapitre où sont exposées les conclusious de l’ensemble du travail est notamment un morceau achevé. Quant à la méthode suivie, on ne peut lui reprocher que d’être trop démonstrative. Dans les diverses parties de sa thèse, l’auteur revient peut-être un peu sur les mêmes arguments. Nous l'avons dit, il est vrai, le sujet était d’une nature délicate, et l’on ne peut irop prouver en une telle matière. Pénétrer la pensée d’un esprit grand et vigoureux 00. sans doute, mais qui fut souvent en proie à d’étranges ano- malies, et cela dans un livre qu'il a laissé à l’état d’ébauche, à l’aide de lambeaux d'idées à peine esquissées et le plus souvent sans liens entre elles, n’était pas chose facile. Nous croyons cependant que M: Droz y est parvenu dans la limite du possible, et qu'en tranchant comme 1l l’a fait une ques- tion qui a donné lieu à des controverses si vives, il a rendu un éminent service à la philosophie et aux lettres. LA FONTAINE DE LA ROCHETTE | A = GER " Pièce de vers de M. Charles THURIET Lue à la Société d’'Emulation du Doubs dans sa séance du 1s$ décembre 1886. À ERNEST KFIGUREY. Fies nobilium tu quoque fontium. (HORACE.) O Fontaine de la Rochette, Cachée au pied du mont Bayard, J'aime le murmure que jette À l’écho ton flot babillard. J'aime, sous le roc séculaire: Et les grands arbres du couvent (1), À voir bondir ton eau si claire, Dans son lit de sable mouvant. Rien n’égale ta transparence. Plus limpide que le eristal, On dirait une glace immense, Dans un cadre monumental. Du bosquet voisin, la fauvette À ton bassin vient se mirer. De ta coupe une gouttelette Suffit pour la désaitérer. L'hiver, qui peut enchaîner l’onde, Ne t’atteint pas dans sa rigueur ; L'été te laisse aussi féconde; Il n’ôte rien à ta fraicheur. (1) Les Capucins, aujourd’hui le Collège. le On dit que tes rives discrètes, Lorsque la nuit succède au jour, Offrent de paisibles retraites Pour les mystères de l’amour. Mais qu’on l’affirme ou qu'on le nie, L’œæil des jaloux n’y peut rien voir. Voici nombreuse compagnie Sous le portique du lavoir. Allons, nos laveuses, courage ! Je vous le dis sans plaisanter : Tout en faisant beaucoup d'ouvrage, On peut jaser, rire et chanter. Si, pour médire avec délices, Le démon vous tente souvent, Autant vous dites de malices, Autant en emporte le vent. Mais ornez plutôt la fontaine : Il faut des couleurs au tableau. Etendez au loin, par centaine, Vos beaux linges sortant de l’eau. Le sarrau bleu, les mouchoirs roses, Les blancs rideaux et les foulards. Quel étalage ! que de choses Pour le plaisir de nos regards! Voyez, au soleil, à la brise, L’éclat de ce jupon brodé, Et cette élégante chemise Près de ce pourpoint démodé. Ici, comme sur le Parnasse, Habile est parfois le hasard. Ce désordre n’est pas sans grâce : il est presque un effet de l’art. Horace, un jour de fantaisie, Chez les Sabins, ayant chanté ee La fontaine de Bandusie, Lui fit une célébrité. Aujourd'hui, l’on en parle encore. Ces vieux vers latins sont si beaux, Qu’en passant par ton luth sonore, Ernest, ils sont toujours nouveaux. Moi, que puis-je, avec ma musette, Chanter doucement, à l'écart? La fontaine de la Rochette, Qui coule au pied du mont Bayard. Saint-Claude, 8 novembre 1386. Les AE je p TRE yo RARES ARE TT A nu . RU Re PT LT et copies pie PA È ETS LP PL LES À LE Pn E; SS k Dus x SN SSSR S à* N \, CY SISSS LA MINERVE DE BESANÇON AU CHATEAU DE CHANTILLY Par M. Auguste CASTAN CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), LECTURE FAITE EN SÉANCE PUBLIQUE DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS, LE JEUDI 16 DÉCEMBRE 1880. _ La première fois que j’eus l'honneur d’être reçu à Chan- tilly, l’illustre historien des Condé, qui vient d'assurer à sa bien-aimée patrie la possession des trésors littéraires et artistiques rassemblés par ses soins dans cette incomparable résidence, M. le due d’Aumale, dis-je, voulut bien faire trève un instant à des occupations sérieuses, pour me mettre im- médiatement en présence des quatre morceaux qu'il consi- dérait comme les perles insignes de la partie visible alors de ses collections (1). Le Prince me conduisit d’abord devant le portrait de sa mère, œuvre exquise de Ary Scheffer, dont M. Antonin Mercié s’est inspiré récemment pour sculpter, à côté de la (4) C'était au printemps de 1879 ; les tableaux et dessins étaient presque tous entreposés dans le Jeu de Paume, avec beaucoup d’autres chefs- d'œuvre qui depuis ont pris place dans des locaux spécialement faits pour les encadrer : je veux parler des vitraux qui représentent l'Histoire de Psyché, de ceux de la chapelle d'Ecouen qui décorent actuellement la chapelle de Chantilly, de l'autel sculpté par Jean Goujon qui est au centre de ce même sanctuaire, des tapisseries qui ornent l’incomparable salle à manger du château, des bijoux qui scintillent dans le cabinet des gemmes, eic., etc. Le Prince n'avait pas encore acquis son délicieux Memling, non plus que les Trois Gräces de Raphaël, payées 625,000 francs. Ca] Le) 20e Pie SN ART A rer CPS ES STE A PRES. I ER M RL Ve 2 ; D'ART TRE NERVEUX SAS ï ER e Vans à re MENT ER 5 PES TT TE SN PET DRE AE AVE NA A D vivante image du roi-citoyen, cette figure agenouillée qui est un idéal de majesté sainte (1). Je vis ensuite la Vierge de la Maison d'Orléans, « ce doux et fier petit panneau de Raphaël (2 », « un des ouvrages de sa jeunesse les plus authentiques et les plus exquis & », « charmant et cent fois précieux par la délicatesse, par l’in- timité de l’exécution (© », « petit chef-d'œuvre de poésie et de peinture P. » Puis ce fut le tour des « très riches heures du duc de Berry. », frère du sage roi Charles V, « incomparable vo- Ilume » dont les principales miniatures, exécutées au début du quinzième siècle, n’ont rien qui leur soit supérieur en ce genre Q ni pour l'élévation de la pensée, n1 pour l’originalité de la composition, ni pour la délicatesse de l’exécution 6). » Enfin je pus contempler la statuette célèbre que l’on a sur- nommée la Minerve de Besancon, morceau dont un éminent archéologue avait pu dire : (Je ne connais pas de monument qui prouve mieux combien la grandeur, dans les œuvres de l'art, est indépendante des dimensions. Elle n’a pas vingt centimètres de hauteur, et pourtant elle frappe l’esprit de la même impression qu’une statue colossale. Tout y est réuni, la puissance et la pureté du style, l'élévation de la pensée, le mélange d’idéal et de vie qui fait la beauté suprême, l’har-- (1) Groupe en marbre pour le tombeau du roi Louis-Philippe et de la reine Marie-Amélie : salon de 1886 ; no 4298 de l'Explication des ouvrages exposés. _ @) Ph. Burry, Salon de 1869, gravure : dans la Gazette des Beaux- Arts, 2 période, t. II, p. 161. (3) Georges LAFENESTRE, Le Château de Chantilly et ses collections: dans la Gazetle des Beaux-Arts, 2% pér., t. XXII, 1880, p. 379. (4) Ch. BLANC, La Galerie Delessert : dans la Gazelte des Beaux-Arts, 2e pér., t. I, 1879, p. 106-107. (5) Georges LAFENESTRE, article cité. (6) L. DELISLE, Les livres d'heures du duc de Berry : dans la Gazette des Beaux-Arts, 2% pér., t. XXX, 188%, pp. 401-404. Quatre des princi- pales miniatures de ce « roi des livres d'heures du duc de Berry » accom- pagnent le lexte si judicieusement érudit de M. Léopold Delisle, POP EE monie rythmée des lignes générales et la perfection des plus menus détails, une conception sublime et une exécution qui a la finesse exquise de celle d’un bijou (1). » « C’est bien là », me disait le Prince, « la figure virginale de la Sagesse s’élançant tout armée du cerveau de Jupiter, comme une sorte d’Immaculée-Conception de la Grèce an- tique ! » _ Eneffet, a écrit M. Maxime Collignon (), « dans les monu- ments appartenant à la pure tradition hellénique, Athéna est toujours la vierge aux traits charmants et sévères, à l’ex- pression méditative ; elle est lidéal parfait qui résume les plus hautes qualités du génie athénien. » La Minerve de Bésançon appartient incontestablement à cette « pure tradition heliénique » : elle remonte au cin- quième siècle avant notre ère, à l’époque dite des « derniers précurseurs », période dans laqueile la science du procédé n'avait pas encore tari la source de l'inspiration naïve G); elle se rattache donc à cette catégorie de monuments dont on a pu dire (4 : € par la date, ils appartiennent déjà à l’é- poque de perfection, mais leur style se ressent encore de l’archaïsme qui vient de finir. » Ce style est exactement l'analogue de celui qui accentue les œuvres de la manière florentine de Raphaël : ia Minerve de Besançon est donc * (1) François LENORMANT, La Galerie Pourtalès : antiquités grecques et romaines : dans la Gazette des Beaux-Arts, t. XVIT, 1864, p. 486. Cet article est accompagné de la belle eau-forte de Jules JACQUEMART, qui est également jointe au présent travail. (2) Max. COLLIGNON, Mythologie figurée de la Grèce, p. 80. (3) François LENORMANT exprimait une opinion quelque peu différente de la mienne, lorsqu'il parlait de ia « célèbre Minerve Pourtalès, sortie de France pour aller faire l’ornement du cabinet de Msr le duc d’Aumale..……., œuvre grecque de l’époque la plus avancée et la plus parfaite du dévelop- pement de l’art, où l’on a conservé, dans une intention hiératique, certaines traditions d’archaïsme dans la pose de la figure et dans l'ajustement des draperies tombant en plis droits et réguliers. » (Gazette des Beaux-Arts MX X, 41800, p. 174 (4) Max. COLLIGNON, L’Archéologie grecque, p. 146, HS bien une sœur artistique pour la Vierge de la Maison d’Or- léans. « On doit regretter la perte des bras de cette ravissante sta- tuette, et celle àe l’aigreite probablement très surélevée qui décorait le casque de la déesse {). » Teile qu'elle est cepen- dant, et malgré les nombreuses excoriations que le temps a fait subir à son épiderme, cette figurine a le droit de compter parmi les productions supérieurement belles de la statuaire grecque. | La fille de Jupiter est représentée debout, prenant grave- ment une marche légère, comme il convient à une divinité qui, dans l’Olympe antique, représentait à la fois l’audace du Génie et la réflexion de la Sagesse. Sa tête est coiffée d’un casque à visière diadémée qui a perdu son cimier. Ses yeux avaient été creusés pour recevoir une incrustation d'émail, comme celle qui anime les veux des six Danseuses trouvées à Herculanum, œuvres grecques remontant également au cinquième siècle 2). Ses cheveux, qui retombent en chignon sous le casque, sont serrés par les enroulements d’une large bandelette, « à peu près comme chez les jeunes filles athé- niennes dans la frise du Parthénon et dans les vases repré- sentant des Hydrophories (3), » Elle est « vêtue d’une tunique talaire, qui se colle à ses formes avec une légère nuance de (1) Antiques du cabinet du comte de Pourtalès-Gorgier, décrites (sic) par Théodore PANOFKA, Paris, Firmin Didot, 183%, 1 vol. in-fol., avec 1 planches. La planche IV représente la Minerve de Besançon vue de face et vue de dos. La description de cette statuette et de trois autres bronzes, trouvés en même temps qu'elle dans la banlieue de Besançon, occupe les pages 26, 27 et 28. L'ouvrage de Théodore Panofka, tiré seu- lsment à cent exemplaires, est devenu très rare. L’exemplaire dont je me sais servi appartient à la Bibliothèque publique de Neuchätel (Suisse) : il ïn'a été communiqué avec le plus gracieux empressement Jar le savant co aservateur de ce dépôt, M. J.-H. Bonhôte. {2) B. HaussouLLIER, Nofice sur les Danseuses en bronze trouvées à 4 3rzulanum : dans le tome I des Monuments de l’art antigue publ. par OÏ. RAYET. | (3) Th. PANOFKA, ouv. cité, p. 27. TR EN fes 17 pe. PTE ÆiT- Ta HOT manière et de coquetterie, et d’un ampéchonium à plis gauf- frés, qui laisse une de ses épaules découvertes et drape Pautre comme dans un manteau (1). » Un bouton d'argent attache la tunique sur l’épaule gauche, et des cordons en argent lient les sandales. Le style de l’ensemble offre la plus grande ana- logie avec les métopes d’Olympie qui € accusent une date antérieure à celle des métopes du Parthénon (2 », comme aussi et surtout avec l’Arthémis et l’Athéna du Musée de Naples 6), statues dans lesquelles l’archaïisme des grandes lignes n'exclut pas la délicatesse du modelé et la grâce des mouvemer:3 « Mais », ainsi que l’a dit François Lenormant (4), « la Mi- nerve de E con n'était point, comme celle de Naples, dans une attitude guerrière et menaçante ; le mouvement aes épaules ne permet pas de le supposer. Appuyée d’une main sur sa lance, elle devait tenir l’autre étendue en signe de protection : c’est l'attitude de la Pallas de Velletri, statue qui, bien que traitée largement et sans affectation, garde aussi, par sa gravité et sa pose régulièrement bcnendiene laire, un certain souvenir du style archaïque. » Un Jupiter, trouvé en même temps que la Minerve, fait également partie des trésors de Chantilly 5). « C’est encore un bronze purement grec, d’un bon style et d’une extrême finesse de travail, un bronze qui brillerait s’il n’était pas dans un tel voisinage (6), » Le roi des dieux est debout et nu, sauf un petit manteau jeté sur l'épaule gauche; sa main droite abaissée tient un foudre, tandis que sa main gauche a pour appui une haste pure. Le naturalisme de cette figurine (1) F. LENORMANT, La Galerie Pourtalès, art. cité, p. 486. (2) Max. COLLIGNON, Archéologie grecque, p. 174. (3) Max. COLLIGNON, Mythologie figurée de la Grèce, pp. 7 et 108. (4) La Galerie De. art. cité, p. 487. (5) Cette figurine a été représentée sur la planche II de l'ouvrage de Théodore PANOFKA. (6) F. LENORMANT, La Galerie Pourtalès, art. cité, p. 487. — 938 — contraste avec l’idéalisme de la Minerve, et l’on ne saurait voir aucun lien de parenté artistique entre ces deux bronzes qui procèdent de deux sources d'inspiration parfaitement dis- tinctes (). La Minerve a l’immatérielle beauté des grandes œuvres de la sculpture athénienne, tandis que le Jupiter, avec ses formes plus réelles, se rattacherait à Pécole d’Argos, qui s’entendit excellemment à traduire la musculature du corps humain (2). Aïnsi le Jupiter de Besançon pourrait appar- tenir à la même famille que le Doryphore de Polyelète, tandis que sa divine compagne semblerait participer à la fois de la manière un peu rigide des sculptures du temple de Thésée et du style si gracieusement pur de la frise du Parthénon. De la même fouille de Besançon deux autres bronzes étaient sortis : une statuette assise de l’Abondance, tenant la corne d’'Amalthée appuyée contre son épaule gauche, et un petit cerf. C’étaient et ce sont encore probablement de jolies figu- rines, mais d’un mérite très inférieur à celles que nous avons décrites. Les quatre.objets faisaient partie du cabinet formé par le comte fames-Alexandre de Pourtalès-Gorgier, collection qui fut vendue aux enchères à Paris, pendant les mois de février, mars et avril 4865 (3). (1) Je m’écarte ici de l'opinion que Théodore PANOFKA exprimait en ces ermes : « Nous regardons comme des bronzes grecs le Jupiter et la Mi- nerve du cabinet Pourtalès. De ces deux statuettes, la seconde est évidem- ment supérieure à la première. Mais toutes deux présentent une telle ana- logie de métal et de travail, qu’on ne peut hésiter à les croire produites presque en même temps par le même artiste. » (Antiques du cabinet Pourtalès, p. 27.) (2) « La chair bien plus que l’idée palpitait dans ses figures. » (Henry JOUIN, Le Génie de l’Art plastique : dans le volume intitulé La Sculpture en Europe, Paris, 1879, in-80, p. 4.) — Voir aussi Eugène GUILLAUME, Lettre sur le Doryphore de Polyclète : dans le tome I des Monuments de l'Art antique, publ. par O. RAYET. (3) Catalogue des objets d'art et de haute curiosité, antiques. du moyen-äge et de la renaissance, qui composent les collections de feu M. le comte de Pourtalès-Gorgier et dont la vente aura lieu en son Pr te = ETS SN le DRE VA PT me RC ADR: Le * Le 30 La Minerve fut l’objet d’ardentes convoitises, M. Thiers et le représentant de M. le duc d’Aumale se la disputèrent vive- ment : elle finit par être adjugée au Prince pour la somme de 19.200 francs. Le cabinet de M. Thiers ayant été légué au Musée du Louvre et les trésors artistiques de M. le duc d’Au- male devant un jour appartenir au Sénat intellectuel de la France, on peut dire que la Minerve de Besançon était dou- blement assurée de rester entre des mains françaises. Lorsque ce précieux joyau parvint à Twickenham, rési- dence de M. le duc d’Aumale pendant son premier exil, le Musée britannique essaya d'obtenir la Minerve de Besançon, en faisant à son propriétaire l'offre d’une somme de 50.000 fr. Ce renseignement m'a été donné par M. le duc d'Aumale, à l’époque où 1l exerçait à Besançon le commandement du 7e Corps d'armée, avec une supériorité dont l’équitable his- toire ne laissera pas altérer le souvenir. À cette époque, la Minerve et le Jupiter de Besançon avaient déjà pris place à Chantilly, dans une vitrine où plusieurs sta- tuettes en terre cuite, provenant de Tanagra, leur faisaient gracieusement cortège. On aurait cru cet ensemble arrivé en bloc de la Grèce, et c’est conséquemment le cas de re- produire ici ce qu'écrivait, à propos de la Minerve et du Ju- piter, l’auteur de la description des antiques du cabinet Pour- talès (1) : « Certes il n’est point d’amateur ou d’artiste en Eu- rope qui, à la vue de ces statuettes, ne les crût une relique précieuse arrachée à l’Attique ou à la Grande-Grèce : quel ne serait point leur étonnement d'apprendre que ces deux figures ont été découvertes en France, dans les environs de Besancon ! » Sur l’époque et les circonstances de cette découverte, les hôtel, rue Tronchet, n° 7, le lundi 6 février et jours suivants ; Paris, in-80, x11-292 pp., avec un bas-relief gravé en tête de la page 1, et 5 plan- ches au trait représentant des vases, — Numéros 533 (Jupiter), 556 (Mi- nerve), 634 (Abondance), 555 (Petit cerf). (4) Th. PANOFKA, p. 96. nt plus étranges inexactitudes se sont produites. Le Cataloque des objets d’art du cabinet Pourtalès indique l’année 1820 comme date de la trouvaille (1) ; et quant aux circonstances de celle-ci, la métamorphose légendaire en avait déjà fait sa proie lorsque François Lenormant les rapportait dans les termes que voici : « Il est des hasards heureux dans la vie des collection- neurs, mais on en voit bien rarement un aussi merveilleux que celui qui s’offrit une fois à M. Pourtalès. Il traversait en chaise de poste les montagnes du Jura pour se rendre à sa terre de Gorgier, en Suisse. Dans les environs de Besan- çon, il montait un matin une côte à pied, lorsqu'il fut appelé par un paysan qui voulait proposer à l’étranger de passage des antiquités qu’il venait de découvrir dans une fente de rocher, en travaillant à sa vigne. C’étaient quatre figurines ue bronze Pas n’est besoin de dire que l'acquisition de ces quatre pièces d’un travail exquis fut immédiatement consommée et que, lorsque M. Pourtalès remonta dans sa voiture, il emportait, comme des trophées opimes, les bronzes qui ont contribué pour une si grande part à la célé- brité de sa collection (2). » Une anecdote aussi bien contée mériterait d’être véridique :. malheureusement la part d’exactitude qu’elle contient se borne au fait de la découverte de quatre statuettes en bronze dans les environs de Besançon; le reste est de la broderie pure. Le catalogue de la vente du cabinet Pourtalès ne fut pas mieux avisé lorsqu'il indiqua les statuettes comme trou- vées en 1820 : son rédacteur avait pris le moment de l’ac- quisition pour celui de la découverte. En effet, celle-ci re- montait au printemps de l’année 1805, et les statuettes étaient restées pendant quinze ans sur là cheminée du pro- : priétaire de l'immeuble où l’exhumation avait eu lieu. Ce (1) Catalogue déjà cité, p. 108. (2) Gazette des Beaux-Arts, t. XVII, 1864, p. 475. = propriétaire était un honorable négociant de Besançon, M. Félix Muguet, à qui la municipalité de cette ville avait cédé un communal en forme de mamelon, au lieu dit le Gra- vier-Blanc, dont le défrichement occupait ses loisirs. Ce fut dans ce terrain, situé à quatre kilomètres au nord de Besan- con, qu’eut lieu la découverte des quatre bronzes, décou- verte qui fit un certain bruit, car le Moniteur universel l’en- registra dans son numéro du 7 septembre 1805 (1). L'année suivante, une notice circonstanciée de cette même découverte fut donnée, dans le Rapport des travaux de la Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département du Doubs, par Girod-Chantrans 2), le tuteur des talents précoces de Charles Nodier. Cette notice est en quelque sorte Pacte officiel de la découverte qui nous occupe; je ne puis donc me dispenser d'en extraire les quelques lignes essen- tielles dont voici les termes : « M. Félix Muguet, négociant et membre de la Société d'Agriculture, Commerce et Arts du Doubs, faisant tirer de la terre l’année dernière, dans sa campagne située au Gra- vier-Blanc, montagne à un demi-myriamètre au nord de Besançon, crut d’abord attaquer un sol vierge dans une fis- sure de rocher, lorsqu’à la profondeur de deux à trois mètres, l’on trouva des ossements humains en partie calcinés, qui rebutèrent les ouvriers et firent cesser la fouille, devenue d'ailleurs trop étroite. » La même terre ayant été étendue quelques mois après l'extraction, l’on y découvrit trois petites statues de bronze, dont la première, de seize centimètres de hauteur, repré- sente un vieillard nud, sauf un manteau jetté sur l’épaule (1) Gazette nationale ou le Moniteur universel : 20 fructidor an xHr. — Voyez en outre le Magasin encyclopédique, année 1805, tome VE, p. 179. (2) Notice sur quelques antiquités découvertes à Besançon, par M. Gr- ROD-CHANTRANS, Z 3 (Rapport des travaux de la Sociélé d'Agriculture du Doubs, n° VII, an x1v-1806, pp. 201-203). D — gauche, avec une grande barbe au menton, un foudre dans la main droite et une espèce de bâton brisé dans l’autre. Il _est placé sur un piédestal de quatre centimètres de hauteur, et l’on s'accorde à supposer que cette figure, très-belle d’ail- leurs, représente Jupiter. » Un second bronze représente une belle femme, coiffée d’un casque très simple, vêtue d’une longue robe ou tuni- GHHÈ Cette seconde figure, ainsi que la précédente, a la prunelle des yeux percée, ce qui donne à l’une comme à l’autre un aïr de vie. Celle-ci a dix-huit centimètres de hau- teur. L’on conjecture qu’elle représente la Justice. (nya plus rien à conjecturer : cette figure représente Minerve, c'est-à-dire la Sagesse.) » La troisième figure est une femme assise, vêtue d’une robe drapée très simplement ; elle a les cheveux bouclés en rond et ceints d’un bandeau. Elle tient de la main gauche une corne d’abondance surmontée de fruits. Sa main droite est placée comme pour s'appuyer sur un bras du siège dont on n’a retrouvé que la base, qui porte encore l’empreinte des pieds. Cette petite statue, de dix centimètres et demi de hau- teur, n’a point la prunelle des yeux percée. L'on croit qu’elle doit représenter Pomone. (Depuis elle s’est appelée l’'Abon- dance.) | » C’est au possesseur de ces trois bronzes (ajoutait Girod- Chantrans) que je suis redevable des détails qui m'ont servi à les décrire, et que je lui ai demandés dans la crainte de n’être pas aussi bien servi par ma mémoire, n'ayant vu lesdits objets qu’une seule fois l’année dernière. » L'on à aussi trouvé, dans le même local, un petit cerf en cuivre, de six centimètres de longueur sur huit de hauteur jusqu’à la sommité de son bois, et dont les jambes manquent entièrement. » + À l’époque où cette trouvaille fut faite, la ville de Besan- çon ne possédait pas encore le moindre musée : les pein- tures que les flambées révolutionnaires n'avaient pas atteintes 1 étaient empilées dans des locaux insalubres (1), et les anti- quités que restituait le sol de Vesontio es un instant la joie de quelques rares curieux, en attendant que les offres séduisantes des amateurs de passage enlevassent au pays ces témoins des événements de son histoire. Cette situation précaire dura jusqu’au moment où un grand exemple fut donné à ses compatriotes par l'architecte Pierre- Adrien Paris, ancien dessinateur du cabinet de Louis XVI, éminent artiste que je n’ai pas craint d'appeler « le plus généreusement délicat des bienfaiteurs de la ville de Besan- con (2). » Revenu dans son pays natal, après avoir dirigé à Rome l’Académie de France, il voulut que son héritage d’ar- üste contribuât à éclairer l'esprit et à former le goût de ses concitoyens. À cet effet, il institua la Bibliothèque de Be- sancon légataire de ses merveilleuses Etudes d'architecture, des témoignages d'amitié qu'il avait reçus d’un certain nombre de grands artistes, enfin des antiquités rassemblées par lui dürant trois longs séjours en ftalié. L'architecte Paris mourut le 4er août 1819. II fut aussitôt décidé que les objets d’art et d'archéologie de son cabinet formeraient un musée, qui serait ouvert en outre aux anti- quités provenant du sol franc-comtois (3). Ce musée devant être une dépendance de la Bibliothèque municipale (#), le conservateur de ce dépôt eut à s’enquérir des antiquités lo- cales qui pourraient être utilement ajoutées aux collections du bienfaisant architecte. À ce point de vue, mon aimable (1) À. CaAsrTAN, Catalogue des musées de Besançon, Te édit., 1886 : notice historique. (2) Autobiographie de l’architecte Pierre-Adrien Paris: dans le re- cueil des lectures faites à la Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des départements à la Sorbonne. 9% session, 4885, p. 193. (3) Ch, Weiss, Catalogue de la bibliothèque de M. Paris, suivi de la description de son cabinet, Besançon, 1821, p. 148. (4) En 1833 on a réuni au Musée d'art de la ville les tableaux et dessins encadrés du legs de l'architecte Paris ; en 1862, les antiquités de la même collection ont été annexées au Musée d'archéologie. nn prédécesseur, Charles Weiss, ne put manquer de faire sa cour au possesseur des statuettes trouvées au Gravier- Blanc : il réussit à déterminer chez M. Félix Muguet lin- tention de donner, un jour ou l’autre, à la ville les quatre bronzes qui étaient, depuis 4809, l’ornement de son foyer. Malheureusement pour cette convoitise patriotique de mon prédécesseur, M. Muguet avait un frère qui faisait la banque et était en relations d’affaires avec la puissante maison Pour- talès, de Neuchâtel. Ce fut par là que les statuettes trouvées au Gravier-Blance vinrent à la connaissance du comte James- Alexandre de Pourtalès, qui « s'était proposé de former une série de monuments assez complète pour indiquer les diffé- rentes phases de l’art ancien, depuis son enfance jusqu’à son plus beau développement et sa décadence (1). » On conçoit qu'avec un pareil programme en tête et des ressources en man pour le réaliser, le comie James: Alexandre de Pourtalès () ait eu le désir de s’annexer à tout prix la Minerve grecque si étrangement sortie du sol de la banlieue de Besançon. “ Passant dans cette dernière ville, en 1820, pour se rendre depuis Paris à sa terre de Gorgier 6), il alla faire une visite à M. Félix Muguet en même temps qu’à ses bronzes. Voici, d’après les souvenirs que Charles Weiss m'a trans- mis, le dialogue qui eut lieu en cette circonstance : — « Il me faut absolument ces bronzes! » aurait dit l’opu- lent amateur. | — « Mais », aurait répliqué M. Muguet, « je les ai à peu près promis à M. Weiss pour le Musée de la ville. » (1) Th. Paxorka, Antiques du cabinet Pourtalès : avertissement. (2) Une notice sur le comte James-Alexandre de Pourtalès se trouve dans la Biographie neuchäteloise, par F.-A.-M, JEANNERET et J.-H. BON- HÔTE, Locle, 1863, t. II, p. 256. (3) « Il devint propriétaire, en 1813, de la terre seigneuriale de Gorgier, qui lui fut inféodée en vertu d’un rescrit de S. M. Frédéric-Guillaume I, du 39 novembre 1814. » (Biographie précitée.) je — «Si cependant une somme bien ronde vous en était oirerte » — «Certainement il y aurait une limite que mes moyens ne me permettraient pas de franchir pour faire un cadeau. » —_ (Par exemple ? > — « Par exemple, si ces bronzes valaient deux mille IrAnCs:;... > — «Deux mille francs : les voilà ! » Ce fut ainsi que le comte James-Alexandre de Pourtalès, acquit, en 1820, « les bronzes qui », suivant l’expression de François Lenormant, « ont contribué pour une si grande part à la célébrité de sa collection. » Nous savons donc d’une façon précise les étapes du che- min suivi par la Minerve de Besançon pendant soixante an- nées de son existence, c’est-à-dire entre le moment de son obscure découverte au Gravier-Blanc et celui de son entrée triomphale dans les collections de M. le duc d’Aumale. Il serait sans doute encore plus intéressant de connaître l’ilnéraire antérieur de cette même figure, pour venir depuis la Grèce, son pays d’origine, trouver un asile souterrain dans une crevasse des rochers de la banlieue de Besançon. À cet égard, on ne saurait que hasarder de bien timides conjectures. : Les quatre bronzes du Gravier-Blance ont été trouvés dans une fissure de rochers, avec des ossements humains en partie calcinés, sous une épaisseur de deux à trois mètres d'une terre qui paraissait vierge. Un enfouissement ainsi pratiqué rentre dans la catégorie des cachettes, et s’il fallait expliquer celle-ci, on songerait naturellement à quelque épisode des représailles qu’'exerça le christianisme victorieux contre les ministres des cultes qui avaient autrefois persécuté ses apôtres (1). Un archéo- (1) À l'appui de mon sentiment sur l’époque et les circonstances de l’en- fouissement des divinités de bronze retrouvées au Gravier-Blanc, je crois logue distingué a dépeint ainsi les effets de cette réac- tion (1) : « Lorsque Théodose eut interdit dans tout l'Empire la pratique des cultes païens, et que des bandes de chrétiens, conduites souvent par des moines, se répandirent dans les. campagnes, pillant, saccageant, brûlant les anciens sanc- tuaires, les païens s’efforcèrent en beaucoup d’endroits de cacher les statues qu'ils vénéraient, pour les soustraire aux profanations et dans lattente de jours meilleurs. » La colline du Gravier-Blanc se prêterait-elle à la supposi- tion qu’un temple aurait été, vers la fin du 1v° siècle de notre ère, saccagé et incendié dans son voisinage ? Ce monticule forme l’une des parois du col par où passait l’une des grandes routes de la Séquanie romanisée, celle qui reliait Langres à l’'Helvétie en traversant Besançon (2). Plu- sieurs établissements romains ont été constatés sur les bords du tronçon de cette route qui avoisinait Vesontio. C’est ainsi qu’à 800 mètres à peine du Gravier-Blanc, dans pouvoir invoquer une constatation très analogue faite dans l'ile de Chypre et relatée par M. le marquis DE VoGüé, dans les termes suivants : « À une petite distance d’une viile ou d’un sanctuaire, dans un endroit écarté, un ravin, sans que rien vienne trahir à la surface du sol la présence d’objets antiques, existe un dépôt souterrain qui renferme les restes de la décora- tion de cette ville ou de ce sanctuaire, véritable nécropole de statues où, sous qüelques pieds de terre, gisent péle-méle les œuvres de plusieurs siècles, monuments de la piété ou de l’orgueil, de la vanité ou de la re- connaissance, idoles, portraits, symboles, tous mutilés à dessein. Iei vingt têtes dans un seul trou, ici des bras, des torses ; là des ex-voio de la na- ture la plus singulière. Il est évident qu’à une certaine époque on a brisé systématiquement toutes les statues et on les a jelées dans des fosses creu- sées près des temples qui les renfermaient. C'est probablement au qua- trième siècle, lors du triomphe définitif du christianisme, que cette grande destruction aura eu lieu. » (Fouilles de Chypre : Ie à M. Ernest RE- NAN, dans la Revue archéologique, nouvelle série, t. VI, 1862, pp. 244- 245.) (1) Olivier RAverT, Notice sur le Mars en bronze trouvé à Todi: dans le tome Il des Monuments de l’Art antique. (2) CHEVALIER, Mémoire sur les voies romaines dans le. Comté de Bourgogne : tome I des Mémoires sur Poligny. pp. Lit-Liv. — Ed. CLERC, La Franche-Comté à l’époque romaine, pp. 119-120. io e la direction de Vesoul, un pli de terrain considérable, qui appartient à la commune de Valentin, est couvert de tuileaux antiques. Si de là on revient sur ses pas, pour s'engager dans le vallon que borde la petite chaine de collines à laquelle appartient le Gravier-Blane, on rencontre, à envi- ron 1,000 mètres du pied de cette hauteur, le village d'Ecole, où se trouvent également des vestiges d’édifices romains (lb. Le nom d’Ecole, qui dérive du latin Schola @), a ses origines dans la période romaine de notre histoire. À cette époque, le mot Schola servait à désigner le lieu de réunion des cor- porations civiles ou militaires, et tout établissement de ce genre comprenait nécessairement un temple (3). Si l’on se reprenait à marcher dans la direction de Langres, on ren- contrerait, au bout de quatre kilomètres, le village d’Auxon- Dessus, où s’est trouvé, parmi des ruines romaines, un monument religieux voué à Mercure et à Apoilon (). Quant à la possibilité que les statuettes du Gravier-Blanc aient été comprises dans le mobilier de l’un des temples du paganisme romain, il me suffira de faire remarquer que deux de ces figurines, celles précisément qui sont à Chantilly, représentent Jupiter et Minerve, c’est-à-dire deux divinités de la triade capitoline, ce groupe, canonique entre tous, des dieux de la religion officielle de Rome. Le style grec de ces statuettes ne pouvait d’ailleurs qu’accroitre leur prestige aux yeux des colons romains du territoire de Vesontio. On sait, en effet, que les Romains avaient reçu leur éducation artistique des Grecs, et qu'ils professaient un véritable culte pour les chefs d'œuvre de la sculpture hellénique. € À mon humble avis », écrivait naguère l’un des érudits (1) Carte jointe à l'ouvrage précité d'Edouard CLERC. (2) Escoule (1955, 1262), Escole (1271, 1981, 1286). (3) Pirisci Lexicon aniiquit. roman., t. IT, pp. 319-350. — Boucué- LECLERCOQ, Manuel des institutions romaines, pp. 320, 328, 475. (4) DunOD, Histoire de l'Eglise de Besançon, t. Il, pp. 511-514, — Ed. CLERC, ouvrage cité. ep | conservateurs du Louvre, M. Louis Courajod (1), « tous les monuments importants de nos musées devraient avoir un dossier dans lequel seraient réunis tous les renseignements nécessaires pour les faire parfaitement connaitre. » La Minerve de Besançon, devenant l’un des monuments principaux du futur Musée de Condé, j'ai cru n'être pas inutile en contribuant à lui créer un dossier. C'était aussi pour moi l’occasion de dire que ma chère province de Franche-Comté ne pouvait rester indifférente au don magni- fique par lequel le réorganisateur de sa défense militaire a fait, une fois de plus, acte de Grand Français. (1) Le dossier de la statue de Robert Malatesta au Musée du Louvre : dans la Gazette des Beaux-Arts, 2 pér., t. XXVII, p. 226. UN TERRORISTE AVANT LA TERREUR LETTRE DE DUMAS CADET FUTUR PRÉSIDENT DU TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE ÉCRITE EN 1789 À L'UNEÉ DE SES VICTIMES DE 1793 Publiée par M. Charles SENTUPÉRY. Séance du 15 mai 1880. S il est un homme qui eut une large part de responsabilité dans les meurtres odieux qui déshonorèrent la Révolution et reculèrent pendant plus d’un demi-siècle létablissement possible de la République en France, c'est sans contredit René-Francois Dumas. Et pourtant le nom de Fouquier-Tinville est resté plus volontiers dans la mémoire du grand publie comme le type du bourreau, de l’homme de sang, tandis que Dumas cadet, comme 1l s'appelait, ou Dumas le Rouge, comme on le nom- mait en Franche-Comté, devrait incontestablement lui arra- cher ce triste honneur. Accusateur publie, Fouquier-Tinville demandait les têtes ; président du tribunal criminel révolutionnaire, Dumas les donnait, Îl v a là certainement un degré dans le crime. Une lettre autographe de ce sanglant personnage, que j'ai entre les mains, m'a paru jeter sur lui un jour nouveau. La façon dont il s'y dépeint à sa protectrice, deux mois après la 4 ne prise de la Bastille, ce qu’il y raconte de sa situation, de son caractère, explique en quelque sorte sa conduite future. On y sent l’homme aigri par la mauvaise fortune, l'ecclé- siastique sans bénéfice, l’avocat que ne peut nourrir sa pa- role, et l’on se dit qu'un tel homme est prêt à tout. Quelques lignes biographiques sur notre personnage parai- tront peut-être utiles, les voici : René-François Dumas serait né à Jussev, d’après les au- teurs de l’histoire de Jussey (page 305), le 14 décembre 1753; mais d'après la lettre que nous publions, il faut reculer à 1756 ou 4757 la date de sa naissance, puisqu'il se donne 32 ans en 1789. Ajoutons que le Moniteur universel le dit àgé de 37 ans, lors de son exécution (juillet 1794). Son père, lieutenant de maréchaussée, l’emmena fort jeune hors de son pays natal, et il fut élevé à Lons-le-Sau- nier : ce qui fait dire à tort, à l’auteur de l’histoire d’Arlay, qu'il était né sur les terres de cette seigneurie. Après avoir embrassé l’état ecclésiastique, il jeta le roc et se fit avocat. Le métier ne le nourrissant pas, il suivit la pente ordinaire et se lança dans la politique. Il embrassa les opinions révo- lutionnaires avec violence et fut élu maire de Lons-le- Saunier le 20 mars 1791. À la suite de cette nomination, le colonel et 33 officiers de la garde nationale donnèrent leur démission, et des compa- gnies entières refusèrent le service. : LetJura état à celte époque tres divise et deux parts s’y faisaient une guerre acharnée, les qe et les Ja- cobins. _ Dumas se signala par son ardeur jacobine : aussi, lorsque la Convention voulut augmenter les chambres du tribunal révolutionnaire, songea-t-on de suite à Dumas. Le 28 septembre 1793, il fut nommé d'emblée vice-prési- dent, et devint président le 22 prairial, lors d’une nouvelle réorganisation. Et Il fut l'instrument docile de Robespierre ; son complice, Fouquier-Tinville, prétend dans sa défense (page 37) que Dumas « allait tous les matins chez Robespierre se concer- ter avec lui. » Aussi, lors de la chute du dictateur, fut-il, sur la proposi- ion de Billaud-Varenne,décrété d'accusation, le 9 thermidor, arrêté et enfermé à l’Hôtel-de-Ville, le même jour, puis mis hors la loi et exécuté le 10, avec Robespierre et ses amis. Ce fut Dumas qui condamna la Reine, Madame Elisabeth, les Girondins, Danton, Camille Desmoulins, et aussi, ne l’oublions pas, la destinataire de la lettre que nous publions, Elisabeth-Pauline de Gand, comtesse de Lauragais. Fille d’Alexandre-Maximilien de Gand, comte de Mérode, frère cadet du maréchal prince d’'Isenghien, et de Pauline- Marguerite de la Rochefoucauld-de-Rove, elle avait hérité des biens des maisons de Chalon et d’Isenghien, ce qui lui constituait un revenu de 900,000 livres. Elle épousa, le 11 janvier 1755, Louis-Léon-Félicité de Brancas, comte de Lauragais, l’un des plus brillants seigneurs de l’époque, grand ami des artistes, mais qui ne fut point un époux mo- dèle. Aussi l'union fut-elle promptement suivie d’une sépa- ration. La comtesse vivait, depuis 1775, la plus grande partie de l'année dans ses possessions de Franche-Comté, à Arlav, dont elle avait rebâti le château et où elle donnait des fêtes princières, ne faisant pas d'économies sur ses superbes revenus. Lorsqu'éclata la Révolution, après l’émigration d’une _ partie de sa famille, elle quitta la Franche-Comté pour aller s'établir à son château d’Oignies, près d'Arras. Le proconsul Joseph Lebon la fit arrêter sous la double accusation d’avoir fait passer son argenterie à ses cousins qui avaient émigré en Espagne et de € vouloir amener la » famine en convertissant ses champs en prés » ! On la conduisit à Paris, où le tribunal révolutionnaire condamna, le 48 pluviose an IT, elle et son homme d’affaires, Pierre-Louis Pierre, à la peine de mort, comime convaineus, dit le Moniteur universel, € de correspondance et d’intelli- gences avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la Répu- blique ». Elle avait 56 ans. : À ce moment, que n’eüt-elle peut-être donné pour lire au Tribunal révolutionnaire, ce qui eût été sans doute inutile, mais certainement piquant, la lettre que Dumas lui avait adressée cinq ans auparavant ? Cette lettre la voici : « Madame, » Une correspondance infiniment agréable m'a appris que vous aviez éprouvé le désir de m'être utile. Je voudrais n'avoir qu'à vous remercier d’une disposition dont je sens le prix et qui me flatterait bien plus si je n'avais aussi à l’invoquer : vous l’avez permis, Madame, Je puis Poser. » L'esprit éclairé fournit aisément au cœur les moyens de satisfaire ses penchants les plus doux : la bienveillance surtout est ingénieuse ; mais il est des convenances qui lui échappent, je dois vous les découvrir; en apprenant ce que je suis, vous saurez ce que l’on peut faire de moi. » Il est bien pénible, Madame, d’avoir à parler de soi; cependant l'estime de soi-même réglée par la raison et la délicatesse défend aisément d’une illusion sans but. Si la vérité nous flatte, c'est surtout quand elle nous intéresse : la déguiser, ce serait m’abuser moi-même. » Je suis âgé de trente-deux ans, d’une taille ordinaire, d’une constitution médiocre, d'une figure peu avantageuse, cepen- dant, mon extérieur a rarement prévenu contre moi. Sans froi- deur niindifférence, la raison et expérience ont peut-être plus contribué que la nature à former en moi un caractère doux et facile. J'aime à me communiquer et ne suis pas sans méfiance. J’estime difficilement, peut-être suis-je un peu trop prompt à blâmer. La sensibilité dans moi n’est pas sans aiblesse et la fermeté sans obstination. Exempt d’o rgueil, Re ne lhumiliation est ce qui m'affecte le plus vivement. Actif. et soigneux, le travail pénible ne me rebute point et je fais assez bien ce que je fais. Mon ambition ne porte de regards jaloux ni sur une grande fortune, ni sur une grande gioire ;: aisance et l'honneur de ma condition fixent mes désirs. » Les facultés de mon esprit ne sont ni brillantes, ni très communes. Je n’ai ni le génie qui invente, ni la sensibilité qui charme ; mais j'ai cette intelligence qui conçoit avec fa- cité, qui juge sainement, qui saisit assez promptement même les nuances délicates des objets. Jai la mémoire fa- cile et peu ornée; l’instruction n’a produit en moi qu'une meilleure trempe d'esprit et cette fécondité dans laquelle nous confondons les idées acquises avec les idées produites. Si je possédais un talent particulier, ce serait celui de parler et d'écrire ; je l’emploierais avec un égal avantage dans la chaire et au barreau ; peut-être ces deux qualités ne se- raient-elles pas employées sans quelque suecès à la politique ou à la philosophie. La facilité et l'expérience, peut être une certaine prudence, me rendent propre aux affaires, à la correspondance, à l'administration. » Si ce n’est pas là mon portrait, je me suis trompé de bonne foi; pour ne pas l’ètre, Madame, supposez-moi quelques faiblesses de plus, et réduisez à des extrêmes arbi- traires les qualités que vous pourriez me refuser. » Sans présomption, j'ai cru pouvoir aspirer à ces avan- tages dont tant de personnes jouissent avec des qualités ordi- aires ; ma situation me fait une loi d’v songer, peut-être ne la trouverez-vous pas sans intérêt. » J'ai dû de tout tems regarder une éducation soignée comme mon seul patrimoine ; cette façon de penser, déter- minée encore par des circonstances particulières, m'a fait adopter des erreurs, embrasser des partis peu réfléchis, adopter de vains projets. Dix ans d’études et de peines n’ont produit pour moi qu'un lien sacré, inutile puisqu'il est sans fruit, onéreux puisqu'il m'engage et me ferme des ressources RE EE qui eussent été à ma portée. À vingt-cinq ans, abandonnant une voie sans but, j'ai déposé jusqu’à l’habit éclésiastique et je suis entré au barreau. Fy ai eu des succès ; mais une si- tuation bien bornée et devenue incertaine par bien des cir- constances, ne satisfait pas ma modeste ambition. Jugez-en, Madame : y a-t-il de l’imprudence de former d’autres projets, quand à trente-deux ans et tel que je suis, l’on est éclésias- tique sans bénéfice, sans patrimoine, et réduit à la sphère la plus étroite des avocats ? Tant d'hommes doivent le change- gement de leur sort au hazard ; ne puis-je raisonnablement tenter ces hazards”? Si l’on obligeait comme l’on désire, mon espérance ne serait pas vaine. » Vous savez, Madame, de quoi un éclésiastique est sus- ceptible : peut être le tems et les circonstances apporteront dans cet ordre des changements dont on parle, mais qui ne sont pas effectués. Les choses suivent aujourd’hui leur cours ordinaire, et bientôt sans doute vos heureuses dispositions trouveront des obstacles déjà prévus. Mais si l’homme d'église était sans espoir, lPavocat éclésiastique ne serait-il propre à rien? Il est tant de moyens d'employer celui qui ne désire que le travail, qui est capable de quelque chose : des relations respectables en fournissent tant d'occasions. Je n'ai pas des vues très étendues : tout ce qui peut me conduire à l’aisance, sans m’humilier, me convient; c’est, Madame, ouvrir une carrière bien vaste à votre bienfaisance. » L’indiscrétion est, Madame, le vice des sots ; J'aurais voulu m'en garantir, et peut-être en ai-je donné une preuve à la personne à qui je craindrais le plus de paraitre tel. Je sens que ma démarche est singulière, je sais à peine quel sentiment l’a emporté sur toutes mes réflections. » Sije ne m'abuse pas, une confiance extrême qu'il est doux de sentir, qu'il est beau d’inspirer, a semblé me pro- mettre sinon un accueil favorable, du moins une indulgence facile : j'ai cédé sans peine au sentiment qui m’a guidé, ou à Pillusion qui m'a séduit. on » Votre indulgence, Madame, exciterait encore en moi de nouveaux sentimens de respect et d’'admiration. » {Signé) DUMAS cadet, avocat. » À Paris, rue et hôtel des Prouvaires, le 23 septembre 1789. » RAYONS DHLVEE Poésies de M. Edouard GRENIER Lues en séance publique de la Société d'Emulation du Doubs, le jeudi 16 décembre 1886. Un poète qui fait honneur à la Franche-Comté en même temps qu’à la France, notre éminent confrère M. Edouard GRENIER, a passé l’hiver de 1885-1886 à Alger. Ses impres- sions et rêveries, sous le ciel bleu de l'Afrique française, ont été traduites en beaux vers, dans lesquels l’auteur du chef- d'œuvre qui a pour titre l’£Elkovan se retrouve tout entier. M. Edouard GRENIER à bien voulu désirer que deux ou trois des pièces de cette charmante série, qu'il mtitule Rayons d'hiver (1), fissent partie du programme de notre séance pu- blique. La Société a d'autant mieux accueilli cette offre, que l’une des pièces désignées par l’auteur était un délicat hom- mage à la mémoire de son frère Jules GRENIER, l’incom- parable peintre des ciels poétiques, dont l’œuvre, unique en son genre, compte parmi les principales richesses d'art de la ville de Besancon. AC À L'AUBE. Dans le ciel pàlissant le jour venait de naitre ; Tout sommeillait encor : j’entrouvris ma fenêtre. Un flot d’air frais et pur n’effleura doucement, Et je vis s’éveiller cet Alger si charmant, (1) Ce recueil, éclos dans les premiers jours de décembre, n’a été tiré, par l'imprimerie Paul Jacquin, de Besançon, qu'au nombre de 50 exem- plaires qui ne se vendent pas. en = Sous son beau ciel, au bord de son golfe aux eaux calmes. Près de moi, les dattiers, froissant leurs larges palmes, Et les frêles bambous sur leurs tiges tremblants, Frissonnaient; à deux pas, la mosquée aux murs blancs, Avec son muezzin suspendu dans l’espace, Puis le duc d'Orléans, seul, veillant sur la place, Et derrière le port et les phares éteints, La mer, la vaste mer roulant ses flots lointains Vers la France... Quel cadre unique! et, pour le clore, Les sommets de l'Atlas, d’où s’élançait l'aurore. Tel est cet horizon sublime qu’un ciel pur S’apprètait au zénith à couronner d'azur. Longtemps je contemplai les jeux de la lumière Qui sont l’enchantement de cette heure première: Et, tout en regardant le soleil se lever, Je me mis à penser — ou plutôt à rêver. Je me disais tout bas : quel magnifique empire Que ce pays d'Afrique où le bonheur respire, Qui commence à Marseille au nord et qui se perd Dans le monde inconnu des sables du désert ! Et cet étrange Alger, ce vieux nid de pirates, Qui contient aujourd’hui deux mondes disparates, Où se mêlent sans choc deux peuples sans liens, Arabes et Français, musulmans et chrétiens ! Oui, cet empire est grand, jeune et plein d'espérance: C’est le plus beau fleuron de notre vieille France. Mais à qui devons-nous ce trésor d'avenir? Le présent n’est pas tout; sachons nous souvenir ! À quoi sert d’être ingrats? L'ingratitude est vile, Sotte même, et provient au fond d’un cœur servile. Honneur à vous, Français! matelots et soldats, Princes et généraux, chefs des premiers combats! Vous aussi, paysans qui veniez sur leurs traces, Et fécondiez ce sol de vos labeurs tenaces ! | Longtemps vous avez cru tous ces efforts trahis: Mais tous vous avez bien mérité du pays : Les vieux chefs, Cavaignac, Bugeaud, Lamoricière, Les jeunes d'Orléans et leur ardeur princière, Lo Les soldats libérés qui se faisaient colons, Vignerons des coteaux, laboureurs des vallons,. Recevez de nos mains la couronne civique! Qu'elle ait nom monarchie, empire ou république, La France de nos jours est celle de jadis, Et, vieux républicain, je bénis Charles dix! A CLAUDE-JULES GRENIER. Puisque ton souvenir et ta chère pensée Veillent toujours au fond de mon âme blessée, Comme ces lampes d'or qui brûülent jour et nuit Dans les temples sacrés, loin du monde et du bruit, O mon frère, je veux que ta pure mémoire Et ton nom ignoré, qui méritait la gloire, Iuminent ce livre, où sans crainte j'ai mis Le meilleur de mon cœur pour mes meilleurs amis. Je veux, quelle que soit la sphère où Dieu te cache, Te dire qu’envers toi j'ai su remplir ma tâche, Et que les Jours, les mois, les ans ont beau passer, Rien n’atteint ton image et ne peut l’effacer. Je tressaille à ton nom, et je ne puis l'entendre Sans être pris au cœur d'un regret triste et tendre, Et me sentir monter des larmes dans les yeux. Tu n’es qu'absent pour moi; tu me suis en tous lieux, Sur la mer, dans les bois, les monts et la campagne, Ton souvenir vivant est là qui m’accompagne. Mais une heure surtout t’appartient dans le jour, Et te rend plus présent encore à mon amour : C'est cette heure de calme et de mélancolie Où le soleil, voilant sa lumière pâlie, S'incline à l’horizon majestueusement. Personne n’a traduit comme toi ce moment. Nul peintre d’un pinceau plus habile et plus leste N'a mieux redit cette heure et son charme céleste. Nul, sauf ton homonyme et confrère lorrain, D'un sentiment plus vrai, plus sûr et plus serein, 0 N'a poursuivi dans l'air ces vapeurs fugitives, Qui s'élèvent des monts, des plaines et des rives, Et forment dans l’éther ce lit de pourpre et d’or Où le soleil se couche en rayonnant encor. Nul n’a peint mieux que toi la grande poésie Et ce recueillement dont la terre est saisie, Lorsque le crépuscule, apaisant tous les bruits, Prélude dans les airs au silence des nuits. Comme il avait raison, le cher et grand poète Qui t’appelait le Roi du Giel ! Oh! quelle fête Ceût été pour ton âme ainsi que pour tes yeux, De voir ici la mer, ces coteaux et ces cieux Si vastes et si doux, cet Atlas qui les touche, Et surtout, à cette heure où le soleil se couche, Cette lumière intense et diaphane, enfin Ce fond de l’air si pur, si profond et si fin, Cette teinte rosée et lentement pâlie Que l’on ne voit pas même aux couchants d'Italie ! Oh ! comme cette Afrique et toutes ses beautés, Cher frère, nous auraient ravis et transportés ! Hélas ! tu n'es plus là ; je parle en vain dans l'ombre, Et d’une ombre ! La mort, la mort aveugle et sombre, Qui t’a pris sur mon cœur pour te mettre au linceul, Me voile les splendeurs d’un monde où je suis seul ! LA FAUVETTE. Petite fauvette qui chantes Dans ce bois d’où l’on voit la mer, Sais-tu que tes notes touchantes Me rendent l’exil moins amer ? D’où viens-tu ? Ton chant me rappelle Tant de lieux remplis de douceurs, La vieille maison maternelle Et mon jardin plein de tes sœurs. — 60 — Qui sait même, c’est toi peut-être De ta douce voix de cristal Qui gazouillais sous ma fenêtre, En Europe, au pays natal? Oh ! si c’est vrai, pauvre exilée, Qui fuis comme moi nos hivers, Chère petite amie ailée, Parlons de tant d'objets si chers ! Te souviens-tu de la tourelle Qui s’avance sur le chemin, Où venait nicher l’hirondelle, Près des rosiers et du jasmin ? Et la glycine et la bignonne Qui, jusqu'au faite s’attachant, Couvrent la maison en automne De grappes de fleurs au couchant ? Et le jardin et la charmille, Où peut-être un jour tu nichas, Où j'ai défendu ta famiile Contre les enfants et les chats ? Et les tombes du cimetière Où dorment tous mes bien-aimés, Où sous leurs pieds m'attend ma pierre... J'irai bientôt : Dormez ! dormez ! IT La vieille maison est fermée, Triste, elle réve à mon retour, Aucun bruit, aucune fumée Ne trahit sa vie alentour. Laissons-la dormir sous la neige, Jusqu'au printemps, et dici-là Que Dieu me guérisse et protège Ce nid d’où sa main m’exila ! Gt — Et puisque au loin il nous rassemble, Pauvre oiseau, je veux l’en bénir : Tous les deux puissions-nous ensemble Au pays natal revenir ! Viens ! tu chanteras sür les branches De mes vieux pommiers à plein vent, Sans regretter les villas branches Ni cette mer au flot mouvant ; Ni ces monts à teinte opaline, Le soir au coucher du soleil, Ni la Kasbah sur sa colline D'un ton mat au marbre pareil. Notre nid à nous est en France, Dépéchons-nous d’y revenir. Le tien est rempli d'espérance, Le mien, des pleurs du souvenir. Oui, partons ! contentons nos àmes ! Retournons bien vite là-bas ! Loin de la terre où nous aimämes L’exil est partout sous nos pas. LA PROVENANCE ANGLO-FRANCAÏSE DU RELIQUAIRE PRIMITIF DE LA CHEVALERIE PRANC-COMTOISE DE SANG O RC Par M. Auguste CASTAN CORRESPONDANT DE L'INSTITUT (Académie des Inscriptions et Belles-Leftres) Séance du 10 juillet 1886. S'il était besoin de prouver que les tendances normales des populations peuvent être absolument déviées par cer- taines fatalités qui résultent des combinaisons de la politique ou des hasards de la guerre, l’histoire de la Franche-Comté fournirait à cet égard des arguments indiscutables. Parmi les provinces qui appartiennent de fait et de droit au terri- toire national de la France, aucune plus que la Franche- Comité n'avait des attaches multipliées et lointaines avec cette grande patrie ; et pourtant elle fut l’une de celles qui eurent le plus de peine à consommer une fusion tout à la fois sensée et inévitable. Cette répugnance dérivait beaucoup du souvenir conservé par la province des traitements barbares que Louis XI et Richelieu lui avaient fait subir ; mais l’habi- tude prise d’une certaine indépendance, bien que mal équi- librée et encore plus mal garantie, n'avait pas médiocrement contribué à entretenir ce sentiment répulsif. Néanmoins, quand le sort des armes eut irrévocablement annexé la Franche-Comté au territoire de la France, il se trouva que toutes les institutions de cette province étaient en harmonie paies parfaite avec celles des plus anciennes portions du territoire français. Cela tenait à ce que les institutions publiques de Ja Franche-Comté avaient été conçues par celui des souverains de cette province qui s'était ruiné pour servir la France, en sacrifiant sa couronne et les intérêts de son fils à l'ambition d’avoir pour gendres deux des fils du roi Philippe-le-Bel, l’un des principaux fondateurs de l'unité française. Ce fut à Paris, où il était fréquemment l’un des familiers du palais de la Cité, que le comte Othon IV, épris d’admiration pour le Parlement, la Chambre des Comptes et l'Université de la capitale française, eut la pensée d'organiser des corps ana- logues dans la province qui devait être la dot de sa fille aînée, mariée au futur roi de France Philippe V. Ces institutions, que le comte Othon IV avait laissées à l’état d’ébauches, reçurent leur perfectionnement de. la main d’un prince qui était le chef d’une branche de la maison de Valois à laquelle appartenait le trône de France. Ce prince, que l’histoire a surnommé le bon due Philippe, fut l'arbitre des destinées de la France, durant ceite lamentable période où les hontes de la guerre civile et les calamités de linvasion anglaise sem- blèrent se concerter, pour anéantir le pacte national qui unissait déjà le plus grand nombre des provinces tributaires du langage français. Parmi les gentilshommes de Ia Franche-Comté qui, sous les auspices du duc de Bourgogne, leur puissant maitre, eurent accidentellement un rôle dans lPadministration que le roi d'Angleterre avait instituée pour régir souverainement la France, Phistoire aurait oublié Philibert de Molans, si cet écuyer de l'écurie de Philippe le Bon, un instant maitre et visiteur de l’artillerie du roi de France et d'Angleterre, n'avait eu la pieuse pensée d’associer en confrérie la noblesse du pays de ses origines. En analysant un codicille du fils de ce fondateur de la chevalerie franc-comtoise de Saint- Georges, je crois avoir démontré, après lérudit Charles NC: ZE Tr 1 PQ EF 7 SE ne + S =$ D RE PRE NPA EME + EE 2: 4 À NET 75 4 Le. Ge Duvernoy, mais par des arguinents distincts des Sens, que la création de Philibert de Molans n’était guère antérieure à l’année 4440 (D), Mais quel avait été la cause ou plutôt l’occa- sion de cette entreprise? À cet égard, rien de positif n’était indiqué par ceux de nos historiens provinciaux qui avaient parlé de la chevalerie franc-comtoise de Saint-Georges. € D’après la tradition, avais-je pu dire, Philibert de Molans aurait accompli deux pèlerinages dans la Terre-Sainte et serait revenu de l’un d'eux avec des reliques de Saint- Georges ; il aurait fait construire, pour abriter ces reliques, une chapelle près de l’église de Rougemont, et sa pieuse entreprise, secondée par la noblesse du pays, aurait été le prétexte d’une réunion de gentilshomimes qui se serait transformée en association. » Une tradition est toujours plus ou moins légendaire : aussi l'historien qui en use ne doit-il négliger aucun des do- cuments susceptibles de la contrôler. En ce qui concerne les origines de la chevalerie de Saint-Georges, les registres de cetie association seraient le plus précieux des éléments de contrôle, puisque Îles inscriptions y remontaient à l’an- née 1448, c’est à dire que les plus anciennes n'étaient que de huit ans postérieures à la date présumée de l’entreprise de Philibert de Molans. Mais ces registres n'avaient pu manquer d’être compris dans l’une des flambées de l’inquisition révo- lutionnaire. Le marquis de Saint-Mauris, qui en constatait la perte, déclarait en même temps que l'ouvrage de Gollut était ainsi devenu l’unique source d’information sur les ori- gines de la chevalerie franc-comtoise de Saint-Georges @). Le marquis de Saint-Mauris aurait été heureux d'apprendre qu'à cet égard il était dans l'erreur. (1) Les origines de la chevalerie franc-comtoise de Saint-Georges : dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 5e série, t. VU, 1883, pp. 88-105. (2) Apercu succinct sur l’ordre des chevaliers de Saint-Georges du Comté de Bourgogne : 1833; Vesoul, juillet 183%. p. 5. : LE yergtl HÉROS RES NES AN AR EEE 1 PA PATTES Mr DURS % En Les registres de la chevalerie comtoise ont certainement péri; mais, avant cette destruction regrettable, ils avaient été compuisés par divers érudits ou curieux, par Thomas Varin, entre autres, le collaborateur de Pierre de Loisy pour la publication, faite en 1663, d’un Estat de l’illustre Con- frérie de Saint-George, autrement dicte de Rougemont, en la Franche-Comté de Bourgongne. Thomas Varim, que son collaborateur disait animé d’une « vénération toute particulière pour messieurs de la Noblesse et notamment de cette illustre Compagnie », projetait sans doute de faire un exposé des annales de l’association nobiliaire dont ül était Padmirateur, car il avait copié le texte et décrit les peintures des premières pages du plus ancien registre de l'institution. J’ai retrouvé cet extrait descriptif (D, et il m'a paru que lon pouvait en tirer quelques éclaircissements nouveaux sur les origines de la plus vivace des chevaleries provinciales de l’ancienne France (2). (1) L'écriture de cet extrait est absolument conforme à celle des notes d'état civil couchées sur les feuillets de garde et les marges d’un livre d'heures du quinzième siècle, par Thomas Varin d'Audeux, qui à signé la plupart d'entre elles. Ces notes ont élé écrites entre les années 1645 et 1666. Leur auteur, né à Besançon le 8 février 1610, mourut en cette ville le 27 octobre 1668. Mon prédécesseur Charles WEIss lui à donné un article dans la B'ographie universelle. Le livre d'heures, annoté par Thomas Varin, est la propriété de M. Félix Varin d'Ainvelle, qui a bien voulu me le communiquer, (2) Cet extrait descriptif est suivi de listes, empruntées également aux registres de l'association de Saint-Georges. L'une de ces listes, donnant les noms des confrères, est datée de 1649 ; l'autre, qui énumère les bâton- mers de l'association, s'arrête à l'année 1663. Ces listes sont de la même écriture que l'extrait descriptif : d’où il suit que notre copie de ce docu- ment à été faite vers le moment où Thomas Varin fournissait des notices au graveur Pierre de Loisy, pour la publication de son Estat de l’illustre Confrérie de Saint-George, publication qui eut lieu en 1663. — Nous donnons, à la suite du présent mémoire : 40 l'extrait descriptif concernant les reliques de la chapelle de Saint-Georges à Rougemont; 2 la partie concernant les quinzième et seizième siècles d’une liste des confrères de Saint-Georges, établie en 1649, d'après les livres de l'association ; 3° une liste des bâtonniers de cette même institution dressée en 1663, également D 1876, pp. 204, 954-955, en EG Les premières pages du plus ancien registre de Saïnt- Georges présentaient un catalogue des reliques du trésor de la chapelle fondée à Rougemont par Philibert de Molans, fondation qui avait été le prétexte du recrutement, de fa confrérie nobiliaire. Ce catalogue était non seulement en- richi du blason des personnages ayant procuré les reliques, mais il indiquait le lieu d’origine et la date d'arrivée de chacun des reliquaires : de sorte que, par le fait de la copie qui vient d'être retrouvée, on aura désormais un témoi- gnage autorisé quant à la provenance et à l’époque de ré- ception du reliquaire qui avait motivé Pexistence à Rou- gemont de la chapeile que Philibert de Molans donna pour berceau à l'association nobiliaire de Saint-Georges. Par le catalogue des reliques de la chapelle de Saint- Geor: ges de Rougemont, on apprend tout d’abord que saint Nicolas était le patron de l’église dont la chapelle faisait partie, Ceite église, dite du Crotot, dépendait du château lort que possédait sur la hauteur de Rougemont la puissante famille féodale dont Philibert de Molans était l'un des vas- saux. Les habitants de Rougernont avaient leur église paroissiale placée sous le vocable de la Sainte-Trinité et située au delà des murs du bourg, dans le hameau de Rou- gemontot (1). Il est donc certain ie Philibert de Molans n'avait pas fait construire un édifice spécial pour abriter des reliques de saint Georges, mais qu’il s'était contenté de fonder en l’honneur de ce martyr une chapelle, dans l’église qui dépendait du château fort de Rougemont. Cette chapelle existait déjà le 8 février 1434, ainsi qu'en té- d’après les livres de la confrérie nobiliaire, liste que nous avons pu conti nuer, non sans quelques lacunes, jusqu'à l’année 1703, au moyen du: lement manuscrit joint à l’un des PRENDRE de la publication de Pierre de Loisy. (4) Ch. Taurier, Etude historique sur le bourg de Rougemont, ch. xI: dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 5° série, t. FE 67 — moigne le codicille du fils de celui qui l'avait fondée (1). Mais Philibert de Molans avait-il, suivant la version tradi- tionnelle, rapporté de la Palestine les reliques de saint Georges dont 1l s'était autorisé pour établir ou raviver à Rougemont le culte de l’un des patrons de la chevalerie? Les reliques que lon rapportait de la Palestine, au xv® siècle, étaient habituellement celles qui rappelaient quelques circonstances de la vie et de la passion du Christ. Les reliques de saint Georges étaient alors de longue date répandues dans lOcei- dent : dès le onzième siècle, en effet, il n’y avait guère en Franche-Comté de château fort ayant quelque importance qui n'eût sa chapelle placée sous le vocable du protecteur canonique des exploits chevaleresques @). En 1347, le roi d'Angleterre Edouard II avait placé sous l’invocation de ce martyr l’ordre de chevalerie qu'il instituait pour exciter l’émulation guerrière parmi les vassaux de sa couronne. Une création du même genre fut faite, en 1429, par le du de Bourgogne Philippe le Bon; mais doi . la Toison d'Or eut saint André, et non saint Georges, pour pairon. Comment la noblesse de la Franche-Comté, composée des Vassaux et arrière-vassaux du duc de Bourgogne, fut-eile conduite à préférer le patron de la chevalerie d'A ue à celui de l’ordre institué par le souverain dont elle relevait? Toutes ces questions sont résolues par le catalogue du trésor de la chapelle de Saint-Georges de Rougemont,. Dans ce document, les reliquaires sont énumérés suivant l’ordre chronologique des donations qui en avaient été faites, Or, le plus ancien reliquaire mentionné est « un Saint- George tout d'argent, auquel y a une jointe du doit de monsieur saint George. » Le document ajoute que ce reli- quaire avait été donné par le roi d'Angleterre Edouard IT, (1) Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, 5° série, 1. VIII, 1883, pp. 100- 102. (2) J. MoreY, Chronique de l’église de Vesoul, 1°86, in-&, pp. 10 et 11. PTT Len: E 1,7 M re Sr En ES le fondateur de la chevalerie anglaise de Saint-Georges, à son prisonnier le roi Jean de France; qu'après la mort de Charles VE, le garde des joyaux de ce monarque, nommé Jean Chapelain, seigneur de la Motte, avait offert l’objet à Philibert de Molans. Quel était ce Jean Chapelain, et comment avait-il pu, même étant garde des joyaux du roi de France, s’adjuger un reli- quaire qui appartenait à Ja portion la plus intime du trésor de son maitre ? Chapelain était le surnom de Jean de Puligny, originaire des environs de Beaune, qui avait été, dès sa jeunesse, altaché comme échanson à la cour des dues de Bourgogne (). Il fit ainsi partie de la troupe des fonctionnaires bour- guignons que le duc Jean Sans-Peur imposait à l'insensé roi de France Charles VI, quand le part de Bourgogne par venait à écraser dans Paris la faction d’Armagnac. Celle- ci, victorieuse à son tour, expulsait ou massacrait les Bour- guignons. Ce fut ainsi que Jean de Puligny, dit Chapelain, se trouva compris dans la liste du banissement que le Châtelet de Paris prononcça le 13 décembre 1413 (@). Mais le duc de Bourgogne ayant réoccupé Paris et mis de nouveau le roide France en tutelle, Jean Chapelain eut une large compensation de sa mésaventure, Non seulement on lui donna la fonction de garde des coffres et joyaux du roi, (4) « Testament de Henri de Puligny : il lègue, entre autres choses, à Jean Chapelain, dit de Puligny, son fils, «une houppelande noir, son har- nois à armer. » (J. GARNIER, Inventaire des Archives départementales de la Côle-d’Or, t. V, p. 157, col. 2.) — « Jean de Puligny, dit Chaplain, échanson du duc au commencement du quinzième siéele..…. » (Ch. Br- GARNE, Les Capitaines du château de Beaune : dans les Mémoires de la Société d'histoire de Beaune, ann. 1884, p. 151.) — « Messire Jean de Puligny, dit Chappelain, chevalier, seigneur de la Mothe de Tilly, con seiller, chambelan. Compte de Mathieu Regnault, de 4498. » (Etat des ofliciers de Philippe. dit le Bon, duc de Bourgogne : dans les Mémoires pour l’histoire de Bourgogne, Paris, 1729, in-#%0, t. II, p. 186.) (2) Douer D'ARCQ, Choix de pièces inédiles relatives au règne de Charles VI, t. I, p. 369 : collection de la Société d'Histoire de France, Go devenue vacante par l'expulsion de celui qui l'avait occupée pendant la domination des Armagnacs, mais il obtint encore la propriété des biens confisqués sur le fonctionnaire qu'il remplaçait (D. Avant de plus la qualité de premier valet de chambre du roi, 1 accompagna ce fantôme de monarque à ia conférence de Troyes, où le nouveau duc de Bourgogne, Philippe le Bon, vengea le meurtre de son père, en faisant conférer au roi d'Angleterre la régence du royaume de France et les droits éventuels de succession qui apparte- naient au dauphin. Pendant que Charles VI ratifiait incons- ciemment ce honteux marché de pacification, les coffres qui renfermaient ses joyaux, tant au château de Vincennes qu’à la bastille Saint-Antoine, avaient été forcés et leur contenu mis au pillage. Rentré à Paris en même temps que son maître, Jean Chapelain provoqua, pour sa décharge, la con- fection officielle d’un nouvel inventaire de ce qui restait dans les coffres royaux (2). Cette opération faite, il ne fut plus légalement comptable envers la couronne des joyaux passés en mains étrangères et qui purent revenir entre les siennes. Charles VT ayant terminé sa fatale existence le 22 octobre 1492, Jean Chapelain, son premier valet de chambre, cessa naturellement de compter parmi les officiers royaux ; mais la maison de Bourgogne, dont il avait servi fidèlement les intérêts, ne le laissa pas sans honneurs. En 1498, il avait la double qualité de conseiller et de chambellan du duc Phi- lippe-le-Bon. À ce titre, il lui fut alloué, en 1430, « six que- hues de vin, quatre chars de foin et trente francs de gages, pour festover les gens de monseigneur et aultres @). » Ce fut vraisemblablement alors que Philibert de Molans, écuyer d'écurie du duc de Bourgogne (®), reçut de Jean Chapelain le (4) Douer D'ARCQ, Choix de pièces. t. If, pp. 125-196. D 'ÉEID- 7b1d.p. 300. (3) Ch. BIGARNE, Les Capilaines du chäleau de Beaune. ouvrage cité plus haut, p. 151. (4) Etat des officiers de Philippe, dit le Bon, duc de Bourgogne : Mémoires cités, t. Il, p. 237. ie reliquaire qui servit de prétexte à la fondation de la chapelle de Saint-Georges dans l’église du château de Rougemont. _En effet, le catalogue du trésor de cette chapelle dit que le reliquaire primordial avait été donné à Philibert de Molans après la mort du roi de France Charles le Bien-Aimé, lequel, ajoute le catalogue, « itrespassa l’an 1439. » Charles VI, nous l'avons dit, était mort le 22 octobre 1422; mais notre cata- logue ayant été dressé vers le milieu du quinzième siècle (1), dans un pays étranger à la France, il ne serait pas surpre- nant que son rédacteur eût confondu la date d’entrée du plus insigne des reliquaires de Rougemont avec celle du décès royal qui avait rendu possible Ia donation de ce joyau. Et l’année 1430 paraït bien avoir été la date de la création cu trésor de la chapelle fondée à Rougemont sous le vocable de saint Georges, car le second reliquaire donné à cette chapelle par Philibert de Molans, son fondateur, est formel- lement indiqué, dans l’article du catalogue qui le concerne, comime ayant été déposé en 1431. ; Ce second reliquaire renfermait « de la vraye croix et plu- sieurs autres reliques » ; mais ce n’était pas de la Palestine que Pluhbert de Molans avait rapporté ces vestiges : ils lui avaient été donnés à la Sainte-Chapelle et à Notre-Dame de Paris, à Saint-Denis en France, à Meaux et à Chartres. La tradition des deux pèlerinages de Philibert de Molans en Palestine est-elle done à mettre au rang des légendes? Oui, si l’on veut que ces voyages aient été le prélude de la création de la chapelle qui donna maissance à l'association nobiliaire et franc-comtoise de Saint-Georges. Non, si Pon se place au point de vue du prestige qui permit à l’écuyer Philibert de Molans de grouper autour de lui la noblesse de toute une province. (1) Avant 1467, car Philippe le Bon y est appelé, à deux reprises, « mon souverain seigneur monseigneur de Bourgongne », expressions qui prouvent que ce prince vivait encore quand le document où elles se rencontrent fut rédigé, ne En effet, le catalogue qui nous occupe mentionne, comme troisième dépôt fait à Rougemont par Philibert de Molans, « un pilier d’arg gent » renfermant quelques parcelles de Ia colonne de la flagellation et une épine de la sainte couronne. Ces reliques, rapportées de Jérusalem par Philibert de Mo- lans, en 1434, avaient été par lui mises dans un pilier d’ar- gent et offertes, en 1435, à la chapelle de Saint-Geor ges. __ Nous savons ainsi que Philibert de Molans avait fait au moins un voyage en Palestine et qu'il était revenu de cette pérégrination en 1434. D'ailleurs, le 8 février de cette même année, Jean de Molans, fiis de Philibert, parlait, dans son codicille, du « saint voyaige d’oultremer » où il avait naguère été. Donc le père et le fils avaient fait ensemble un v oyage de Palestine, dans le cours de l’année 1433, et il en était ré- sulté un notable prestige pour leurs personnes ainsi que pour la chapelle dont le trésor s’enrichissait des reliques rapportées de cette pérégrination. Ce prestige fut réellement la cause du groupement qui se fit autour de la chapelle fondée à Rougemont sous le vocable de saint Georges. Dès 4457, Jean de Vy, dit Buriate, y dépo- sait un tebernacle d'argent, destiné à recevoir les reliques jadis données à la chapelle par la femme défunte de Philibert de Molans. L'année suivante, un cadeau collectif, fait à la même cha- pelie, semblerait avoir été Poccasion d’un premier groupe- ment de gentishommes autour de la chapelle de Saint- Georges. Les auteurs de ce cadeau se nommaient Philibert de Molans, Etienne de Scey-Chantonnay et Jean- Guillaume de Rougemont. Celui-ci avait à son tour entrepris le voyage de. Palestine et en était revenu avec des reliques qui motivaient la confection d’une châsse en formede bras. Deux de ses amis firent avec lui les frais de ce reliquaire, que notre catalogue appelle « un bras de bois couvert d'argent et de pierre- ries. » L’offrande en fut faite le jour de la fête de saint Georges de l’année 1438. A +! À Male ds: ne — Philibert de Molans, nous lavons vu, était allé lui-même, en 1433, cueillir en Palestine des reliques qu'il avait déposées dans le trésor de Saint-Georges de Rougemont. En 1438, il avait coopéré à l’enchâssement de nouvelles reliques égale- ment venues des Lieux-Saints. Gette coopération a bien pu lui être comptée comme un second voyage, et ainsi se serait faite la légende du double pèlerinage accompli par le fonda- teur de la chevalerie comtoise de Saint-Georges. À la suite de &e cadeau collectif, qui semble marquer le premier symptôme d’un groupement de gentilshommes au- tour de la chapelle fondée par Philibert de Molans, le trésor de ce sanctuaire s’enrichit encore d’autres présents. Deux reliquaires y sont déposés en mème temps l’année suivante : l’un renfermait € la moitié de la jointe du bras de monsieur saint George », l’autre « trois mailles de la cotte » du même martyr. La première de ces reliques provenait d’un roi d'Aragon ; la seconde, qui consistait en trois mailles d’une cotte d'armes miraculeuse, avait été prélevée sur un lot d'objets pieux que le pape Eugène IV venait d'envoyer au duc de Bourgogne, par l’entremise d’un gentilhomme franc- comtois, Philibert de Vaudrev. Après l'enregistrement de ce double dépôt, fait à l’occasion de la fête de saint Georges de l’année 1439, le catalogue ne mentionne plus qu'un seul présent reçu par le trésor de la chapelle. Cette dernière libéralité ne porte pas de date ; mais comme la mention qui en est faite vient immédiatement après celle d’un double dépôt effectué en 1439, on peut croire que ce complément du pieux trésor y avait fait son entrée en 1440. Alors l’association nobiliaire était fondée, car le donateur du dernier reliquaire est qualifié, par le cata- logue, « prieur de la confrérie de Saint George. » Déjà Charles Duvernoy, se basant sur les dates certaines d'existence de plusieurs gentilhommes indiqués, par Gollut, comme ayant été les «premiers confrères » de Saint-Georges, se prononçait ainsi sur l’époque de la naissance de cette asso- a." po ciation : « Nous ne pensons pas qu'elle remonte au delà des années 1435 à 1440 (1). » Ayant à mon tour constaté que Jean Molans, fils du fondateur de Saint-Georges, mort en 4437, n’avait jamais figuré sur les listes de l’association, J'avais bre de ce fait la conséquence que l'association était postérieure à l’année 1437. D'autre part , les annales écrites de l'association re montaient à l’année 1448 ; mais vingt-huit confrères étaient déjà morts à l’époque de louverture du premier registre. « Donc, disais-je, la conirérie, postérieure à 1437, était antérieure d’un certain nombre d'années à 1448, date des plus anciens témoignages écrits du fonctionnement de Pins- titution. » J’ajoutais, en manière d’induetion : « L'année 4440 semblerait conséquemment pouvoir être indiquée comme date très approximativement certaine des origines de l’association nobiliare dont s'honorait Pancienne Franche- Comté. » Cest encore l’année 1440 qui semble indiquée, par les derniers articles de l’inventaire du trésor de Saint-Georges, comme avant été la date initiale du fonctionnement de Pas- sociation franc-comtoise placée sous ce vocable. Quand trois supputations consécutives, ayant une même solution pour objectif, sont basées sur des moyens absolument distinets et aboutissent à un résultat identique, il y a les plus grandes probabilités pour que ce résultat soit exactement conforme à la vérité. On peut donc considérer lannée 1440 comme date cer- taine de l’organisation de la confrérie nobiliaire qui engendre la chevalerie franc-comtoise de Saint-Georges. Tout en consolidant cette date, je crois avoir apporté des éléments nouveaux pour la recherche des circonstances qui inspirèrent la création de Philibert de Molans. Trois asso- ciations du même genre, également placées sous l’invocation (4) Note 1 de la colonne 1455 de la nouvelle édition de GOLLEUT, Re y CRE 2 M de Saint-Georges, existaient dans le duché de Bourgogne antérieurement à la naissance de la confrérie nobiliaire de _Rougemont : l’une d’entre elles au moins remontait aux der- nères années du xive siècle. Philibert de Molans s'était cer- tainement inspiré de ces confréries, qui fonctionnaient dans une province voisine de la Franche-Comté et appartenant comme elle au domaine des puissants dues de Bourgogne. Quel avait été le prototype de ces confréries bourguignonnes, et d'où procédait le vocable de saint Georges sous lequel on les avait placées ? Nous avons vu que la confrérie franc- comtoise, créée vraisemblablement à limitation de celles de la province voisine, avait eu pour point de départ de sa fon- dation un reliquaire de Saint-Georges, autrefois rapporté d'Angleterre par le roi Jean de France. Ne faudrait-il pas se souvenir à Ce propos que, durant sa captivité en Angleterre, le roi Jean eut pour compagnon fidèle et vaillant soutien le quatrième de ses fils, Philippe, fait prisonnier avec son père sur le champ de bataille de Poitiers”? Leur capüvité, qui dura plus de trois ans sur le sol anglais, fut adoucie par les nom- breux gentilshommes de France, également prisonniers de. guerre, qui eurent toute facilité de les visiter ). Philippe avant ensuite obtenu de la tendresse reconnaissante de son père le duché de Bourgogne, pour lui et pour ses hoirs, dut nécessairement attacher à sa personne quelques-uns des gentilshommes qui avaient partagé sa captivité en Angle- terrre. À l’imitation du roi Jean, ces gentilshommes avaient prié devant les reliques du martyr que l'Angleterre recon- naissait pour patron; bien plus, en allant visiter le monarque (4) « Un peu apriès fu li rois de France translatés.. ou chastiel de Win- desore, et tous ses hostels. Si aloit voler, cacier et déduire et prendre tous ses esbatemens environ Windesore, ensi que li plaisoit, et messires Phe=. lippes, ses fils, ossi; et tous li demorans des aultres signeurs, contes et barons, se tenoient à Londres, més il aloïent veoir le roy toutesfois quan- tesfois 1l leur plaisoit, et estoient recreu sus leurs fois tant seulement. » (FROISSART, Chroniques, édit, KERVYN DE LETTENHOYE, t. VI, pp. 18-19.) 4 + Ne NN MR SRE captif et son fils au château de Windsor, ils avaient été té- moins des réunions que tenaient dans la chapelle de ce ma- noir, sous l’invocation de saint Georges, les membres de l’ordre de la Jarretière, récemment établi pour créer un lien de confraternité entre les plus illustres chevaliers de l’An- gleterre. De là nous pouvons induire que les associations nobiliaires du duché de Bourgogne, placées sous le vocable de saint Georges, avaient été faites à limitation de l’ordre qui fonctionnait en Angleterre avec le même saint pour pa- tron. Pour ce qui concerne la confrérie nobiliare de Franche- Comté, cette filiation est encore mieux accusée. En effet, le prétexte de l'institution de cette confrérie fut un reliquaire qu'avait rapporté de Windsor le roi Jean de France, et son fondateur appartenait à ce groupe de fonctionnaires bourgui- gnons qui étaient, sur le sol français, aux gages du roi d’An- gleterre et reconnaissaient ce monarque comme roi légitime de la France. Ainsi la chevalerie franc-comloise de Saint-Georges déri- vait d’un emprunt fait à l'Angleterre par les gentilshommes français qui avaient partagé dans ce pays la captivité du roi Jean. Donc les origines de cette association n'étaient guère moins françaises que celles du Parlement, de la Chambre des Comptes et de l’Université de la même province. Sen mener ee à 2 INVENTAIRE DU TRÉSOR DES RELIQUES DE LA CHAPELLE DE SAINT-GEORGES A ROUGEMONT. (Bibliothèque de la viile de Besançon : notes extraites des registres de Saint-Georges.) P1 Extraict êles livres de la Confrérie de Saint-George. Dans un livre couvert de cuir rouge est escript au premier feuillet ce que s’ensuyt, en vielles lettres gothiques : « Cy après s’ensuyvent les reliques qui sont en la chapelle de monsieur St George, fondée à Rougemont par Philibert de Molans, escuier d’eseuyerie de monseigneur de Bourgongne, général maistre et visiteur des artilleries du Roy de France et d'Angleterre; et est ladicte chapelle en l’église de Rogemont que l’on apelle au Cracnout, fondée en l'honneur de ne gneur sainct Nicolas. » Et premièrement une croix toute d'argent sans bois, et n’y a aucunes reliques. » Et au bas dudict feuillet, où est dépeinte la forme de ladicte croix, sont deux escussons : l’un d’or à trois molettes d’espe- rons de gueulle (1); l’autre de mesme, party d'or à trois demy- lyons d’asur, lampassés de gueulle (2). Audict premier feuillet verso, y a escrit ce que eut. en bas de l’efligie d’un S. George armé; auquel feuillet s’y voit en hault un escusson d’or chargé d’une escrivisse de gueulle, et (1) Armoiries de Philibert de Molans. (2) Ces armoiries, intimement associées aux précédentes , étaient celles de la femme de Philibert de Molans, qui, dans le codicille de leur fils, est appelée « damoiselle Amphely de Comflans. » dé ee au bas de la page deux escussons comme les Sus-mentionnez : « Item un St George tout d'argent, auquel y a une jointe du doit de monsieur St George (1); et fut donné audit Philibert par messire Jean Chapellain, seigneur de La Moutte et garde des joyaux du roy de France Charles le Bien-Avmé, qui trespassa Pan 1450.-Et/estoit venuz ledit doit du roy d'Angleterre, qui l’avoit donné au roy Jean quant il fut pris en Angleterre, et si le garda toute sa vie; et après Charle le Bien-Aymé, son flz (2), ‘le garda tant qu'il vesquit ; et après sa mort, ledit seigneur de La Motte le donna audit Philibert, » En un autre feuillet où se voyent les mesmes escussons, au bas, se lit aussi ce que s'ensuit : « Item un petit tableau d’or, auquel y a de IR vrave croix et plusieurs autres reliques, qui furent données audict Philibert en la Sainte-Chapelle, à Saint-Denys, et à Nostre-Dame de Paris, et à Meaux et à Chartres; et donna toutes les choses devant dites ledit Philibert à ladite chapelle, la veiile de monseigneur St George l’an de grace 1431. » En la page suivante du mesme feuillet, où se voyent deux escussons , l’un d’or à trois mouleties d’esperons de gueulle, qui sont les armes de Molans, et l’autre parti de celles de Rou- gemont brisez d’un baston d’asur chargé de trois hesantz d’or (3), l’on lit ce que s’ensuyt : « Ttem un pillier d'argent, où il y a de la pierre du pillier où Nostre-Seigneur fut battus et une espine du bois où fut couppé le chappel de Nostre-Seigneur, c’est à sçavoir la couronne, et l’aporta ledit Philebert de Hiérusalem, l’an 1434, et le bailla le jour de la Saint George d’après, l’an 4435. » En un autre feuillet, au bas duquel se voyent trois escussons (1) Jointe, articulation : « petit reliquaire où 11 a une jointe de $. Denys (1372). » (GODEFROY, Dictionnaire de l’ancienne langue française, t. IV, p. 649.) (2) Charles VI, dit le Bien-Aimé, mort le 22 octobre 14922, était le petit- fils, et non le fils, du roi Jean. (3) Philibert de Molans avait pour aïeule maternelle Guyette de Rouge- mont, ce qui explique l'accouplement des armoiries de ces deux familles. Les armoiries de la maison de Rougemont étaient d’or à l'aigle éployée de gueules, membrée, becquée et couronnée d'azur ; la seconde branche de celte famille, celle dont Guyette était issue, avait pour brisure une barre d'azur chargée de trois besants. 2 Do aux armes de Vy, celuy du milieu brisé d’un lambel de trois pendantz d’or, et le dernier brisé d’une estoille de gueulle au premier quanton de l’escut, qui est d'argent au lyon de sable, couronné et armé d’or, lampassé de gueulle (i), on y lit ce que s’ensuyt : ic Jiem, la Saint George après, l’an quatre cent trente sept, Jean de Vy dit Bourlatte donna un tabernacle : les quatre pil- liers et tout le demeurant est d'argent fin, que quatre verrières de quoy il est enclos; et dedans y a une bource, là où il y a de. plusieurs reliques que Auffelis de Conflans, femme dudit Phile- bert, avoit donné paravant. » Au mesme feuillet verso se voyent trois escussons d'armes peints au bas : le premier est de Molans susdit; l'autre de Scey, l’autre de Rougemont à la brisure susmentionnée, et y a escrit : « Item le jour de la Saint George 1438, ledit Philibert, Estienne de Scevy sire de Chantonnay (2) et Jean-Guillaume de Rouge- mont (3) donnèrent un bras de bois couvert d'argent et de pier- reries, tant vermeilles comme d’autres couleurs; et y a plu- sieurs reliques que ledit Jean-Guillaume a donné, et les aporta — =cr — (1) € Vx-LES-LURE : ce village à donné son nom à la maison de Vy, qui passoit pour cadette de celle de Ferrette..…..; elle portoit d'argent au lion de sable, armé et couronné d'or. » (Duxop, Hist. du comté de Bourgogne. t. [IE, p. 299.) — « Messire Jean de Vy, dit Burlatte-le-Vieux, en 1437, por- joit d'argent au lion de sable, armé, allumé et lampassé de gueule, cou- ronné lon... Messire Pierre de Vy, en 1437, étoit frère du précédent; brisoit son écu d’un lambel à trois pendants d’or. Messire Guy de Vy, seigneur de Mangevelle, en 1437, frère des deux ci-dessus, brisoit ses armes d’une étoile de gueule. » (POUTIER DE GOUHELANS, Statuls Je l’ordre de S. George, elc., Besançon, 1768, in-80, p. 31.) — « Jacaues de Vy, écuyer, châtelain de Rougemont », fut, en 1499, l'un des exécu- -teurs testamentaires de Catherine de Rougemont, dame de Neufchâtel. (GUILLAUME, Hist. des sires de Salins, t. TL, p. 126.) (2) « Etienne de Cey (le nom de sa maison s’écrivoit ainsi de son tems), damoiseau, seigneur de Chantonay..……. : il avoit épousé Alix de Molans, veuve de Jean de Bucey, écuyer. » (GUILLAUME, Sires de Salins, t. I, p. 192.) Ses armoiries étaient de sable, au lion d’or, couronné de même, armé et lampassé de gueules, l'écu semé de neuf croisettes recroisetées au pied également fiché d'or. (3) Dans la liste, donnée par GoLLuT, des premiers membres de la con- frérie de Saint-Georges, le second rang est occupé par « Jean-Guillaume de Rougemont, escuyer. » (Mémoires de la République séquanoise., édit, Duvernoy, col. 1456.) , ge = ue Jérusalem, de Cypres et Rhodes, el de plusieurs autres lieux. » En un autre fœuillet se voyent en hault deux escussons : l’un _aux armes pures de Rougemont et l’autre auxdites armes par- es de celles’ de Vienne (4): ei deux autres en bas, l’un aux armes de Molans parties de celles Ge Rougemont avec la brisure susdite ; et s’y voit escrit : « ILem le jour de la St George l’an-1439, donna ledit Philibert un os de bois couvert d'argent, et au bout de l'os, la moitié de la jointe du bras de mons. St George, qui venoit du roy d’'Ara- gonr ; et avoient esté donnez audit Philibert par le seigneur de Rougemont et Ruffey. » Audit feuillet verso se voyent les armes pures de Roug emont parties de celles de Saux . je “> en bas celles de Vaudrey (3) et de Molans, comme dessus, parties avec Rougemont avec Ia Dri- sure et est escrilt : 4 Le jour de la Saint George 1439 que dessus, Thiébaut, sei- oneur de Rougemont et de Ruffey (4), a donné trois nee de la cotte de monsieur St George, et sont envaisselez en une petite cotte d'argent faite comme d'acier, et a donné Philibert (1) Dans sa liste des plus anciens membres de la confrérie de Saïint- Georges, GOLLUT donne le neuvième rang à « dame Henriette de Vienne- D Ublant femme de E sieur de Rougemont, morte en 1453. (Mémoires, édit. Duvernoy, col. 41456.) La famille de Vienne, dent les origines se confondaient avec des souverains de la Franche-Comté, portait un écu de gueules à l'aigle éployée d’or. (2) D'azur au lion d'or, armé et lampassé de gueules. — Thiébaud VI de Rougemont, dont il va être question, « avoit épousé, le 3 juin 1437, Gau- thière de Saux, fille de Gérard de Saux, seigneur de Vantoux, et de Jeanne de Rye. » en. Sires. de Salins, t. I, p. 196.) (3) « Vaudrey porte de gueules, emmanché d'argent de deux pièces. » (unon, Hisi. du Comté, t. II, p. 230.) (4) Thiébaud VI de Rougemont, chevalier, seigneur de Ruffey, « fut du mombre des seigneurs qui accompagnèrent le duc de Bourgogne dans le voyage qu'il ft d'Arras à Saint-Denis en France, sur la fin du mois de Janvier de l’année 1413 ; il servoit, en 1417, sous la bannière de Thiébaud de Neufchaâtel, en qualité d'écuyer-banneret..…. Il fut fait prisonnier, l'an 1430, à la bataille d'Anton..…. Il défendit l'an 1443, avec Pierre de Bauffre- mont, comte de Charny, chevalier de la Toison d'Or, chef de l'entreprise, un pas d'armes entre Auxonne et Dijon... » (GUILLAUME, Sires de Salins, lp 126 PS0 de Vaudrey (4) lesdites trois mailles audit seigneur de Rouge- mont; et les aporta ledit Philibert devers Nostre Saint Père le pape Eugène, en son 8e an (2) : il envoyoit plusieurs par ledit Philibert à mon souverain seigneur monseigneur de Bour- _gongne, lequel Philibert donna lesdites trois mailles à mondit seigneur de Rougemont et de Ruffv, et porta le demeurant à mondit souverain seigneur de Bourgongne. » En l’autre feuillet suyvant, se trouve escrit : « Messire Jean de Nant (3), prestre, prieur de la confrérie de S. George, fondée à ladite chapelle, a donné la Pucelle qui tient le serpent par le col, et en l’une de ses mains, au bout d’une chainnette, tient de l’espaule de $S. George un osset (4), que fut madame Marguerite de Nant, dame de Clere (5), luy donna assés tost après la conqueste de Normandie faite par le roy Henry d'Angleterre, mary de dame Marie de France (6); et fut ledit osset pris du reliquaire de Clere, auquel estoit l’aproba- tion d’iceluy. » (D) « Philibert de Vaudrey, premier du nom, chevalier, seigneur de Montboson..…, fut bail ur au Comté de Don gouverneur du Tonerrois, conseiller chambeiïlan du duc Philippe et maitre de son artil- lerie. » (Dunop, Hist. du Comté, t. UI, p. 224.) — « Le duc de Bourgogne le (Didier de Cicon) nomma, l'an 1440, conservateur des frontières du Comté de Bourgogne du côté de la Lorraine, et lui donna pour adjoint dans cette importante commission Philibert de Vaudrey, baïlly d’Amont. » (GUILLAUME, Sires de Salins, t. I, p. 142.) (2) Eugène IV, couronné le 6 mars 1431, accomplit la huitième année de son pontificat entre le 6 mars 1438 et le 5 mars 1439. (3) Dans sa liste des plus anciens membres de la confrérie de Saint- Georges, GOLLUT place au huitième rang « messire Jean de Nant, chantre Bon. » (Mémoires, édit. Duvernoy, col. 4456). (4) La pièce capitale de l’ancien trésor de l’église de Vesoul . une statue de saint Georges, représenté à cheval, terrassant le dragon et dé- livrant la pucelle exposée dans une caverne ; la pucelle portait une chaine d'or à laquelle un Agnus Dei était suspendu. (J. Morev, La chronique de l’église de Vesoul, p. 92.) (5) « Marguerite de Nan, épouse de George de Clere, morte sans enfans en la même année (1427) et inhumée à Bellevaux. » (Dunon, Histoire du | Comté, t. IT, p. 283.) — La dalle funéraire, portant en gravure l’image de cette personne, est à la Bibliothèque de la ville de Besançon. (A. CASTAN, Monographie de la Bibliothèque de Besançon. dans l'Inventaire des richesses d'art de la France : province, t. IT, p. 265.) (6) La conquête de Normandie par Henri V, roi d'Angleterre, avait eu 0) — Il & LES NOMS, SURNOMS DES CONFRÈRES DE L'ILLUSTRE CONFRÉRIE DE LA NOBLESSE DE BOURGONGNE, SOUBS L’INVOCATION DE SAINT GEORGE, DOIS LA FONDATION JUSQUES EN LA PRÉSENTE ANNÉE 1649, TIRÉEZ SUR LES LIVRES DE LADITE CONFRÉRIE (1). » (Bibliothèque de la ville de Besançon : notes extraites des registres de Saint-Georges.) 1452 Messire Philibert DE MOLANS, fondateur et premier baston- nier de la confrérie Thomas DE GRANDMONT (2) Symon D'ORSANS, seigneur dudit lieu Mee Thiébault, sire DE ROUGEMONT, Ruffev (3) Dame Jaquotte DE ROUGEMONT Huguenin DE VILLAFANS, s' de Say Nicolas DE VEREY (4) Regnauld D'ORSANS, sr de Belmont Estienne DE MoNTRoSsT, sr de Velleroy le Bois M. Henry pe St AUBIN, sr de Conflandey TI. Jean DE RYE, s' de Tilchastel Estienne DE St MARTIN = }- lieu en 1417 : trois ans après, fort de l'appui du duc de Bourgogne, ce mo- narque avait épousé Catherine, fille du roi de France Charles VE, dont il s'était fait déclarer héritier, à l'exclusion du dauphin. (1) Nous ne publions de cette liste que la partie qui concerne les quin- zième et seizième siècles : ce qui vient ensuite est d'accord, quant à la succession des noms, avec le catalogue que POUTIER DE GOUHELANS à édité en 1768. (2) Ne figure pas dans la liste de Poutier et occupe le vingt-deuxième rang dans celle du marquis de Saint-Mauris. (3) C'est à tort que Poutier (n° 7) et le marquis de Saint-Mauris {n° 82) ont confondu ce personnage avec l'archevêque Thiébaud de Rougemont, en donnant l’année 1449 comme date de réception de ce prélat dans la confrérie de Saint-Georges. À cette date, il y avait vingt ans que l’arche- vêque était mort. (4) « Messire Nicolas de Vair, reçu en 1454 », est inscrit, sous le n° 37, dans la liste de Poutier!, | ( Ro Pierre DE ROUGEMONT Jean-Guill. DE ROUGEMONT M. Henry D'ACCOLANS, sr de Beveuge Jean DÉ SEMONSTIER, Seigneur de Sourans Est. DE SCEY, s' de on | . M: Guill: pe CHAUVIREY, st urchantre puis archidiacre 2e Lyon M. Jean De NANT, surchantre de Guyot DE MONT St LIGIER (1) Jean DE Vy, dit Burlatte, l'ancien (@) Huguenin Das VESOUL (3) Estienne DE DOMPRELZ (4) Nicolas DE BUFFIGNECOUR Thiébault DE GRANDMONT Dame Henriette DE VIENNE, dame de Rougemont (puis de Balançon) (5) Jean DE Vy, sr de Longevelle (6) Regnart DE BRESSEY (7) (1) Gollut lui donne le quatrième rang de réception; Poutier l’a passé sous silence ; le marquis de Saint-Mauris l’a inscrit sous le n° 3%. (2) Gollut le nomme en sixième ordre, tandis que Poutier l'inscrit im- médiatement après Philibert de Molans ; le marquis de Saint-Mauris ne lui donne que le soixante-quinzième rang. (3) Gollut indique, à deux reprises, Symon de Vesoul, seigneur de Frotey, comme reçu à Saint-Georges en 1470 ; Poutier mentionne aussi, sous le n° 67, « Simon de Vezoul, dit Cheneveuille, seigneur de Frotey, h penans, etc., reçu en 1470 »: le marquis de nt Mani inscrit, sous le n° 70, « messire Henri de Hesdl seigneur de Frotey »; mais aucun de ces au< teurs ne compte un Huguenin de Vesoul parmi les plus anciens confrères de Saint-Georges. (4) Transcrivant « plusieurs noms de gentils-homes escripts (sur les registres de Saint-Georges)... non en lignes et ranes....., mais indifférem- ment », Gollut mentionne « Estienne de Domprey. » ; (5) Cette personne est ainsi désignée dans la liste de Poutier {n° 93, : « Dame Henriette de Vienne, femme d’ de Rougemont, ensuite de Jean de Rye; reçue en 1419, morte en 1453. (6) Dans la liste du marquis de Saint-Mauris Hs 13 et 78), deux Jean de Vy sont consécutivement inscrits et qualifiés seigneurs de Longevelle. Les listes de Gollut et de Poutier mentionnent plusieurs membres de la famille de Vy, mais sans concordance de prénom et de titre avec celui qui est l’objet de la présente note. (7) Gollut indique, comme reçu en 1450, « Regnard de Bressey », et — 83 — ie Jeanne DE CHAUVIREY, dame de Beveuge (1) François DE Don de (2) Jean FRIANT de Faverney (3) Regnauld DE NOYDANS Pierre DE VERCEL Jean DE VY, dit Burlaite, le jeune (4) Ant. DE BAUMOTTE M. Ant. seigneur DE MONTMARTIN Jean DE LEUGNEY Jean D'ANDELOT Jean DE VY, Sieur de Messey (5) Jean DE THORAISE, s' de Torpes Guill. D'ORSANS (6) Hugue DE VELLEFAUX (7). 1453 Frère Elion DE LANTENNE, abbé de Lure (8); Poutier (n° 28) mentionne « messire Renard de Bressev, reçu en 1450, mort en 1451. » (1) Portée sur la liste de Gollut, Ch. DUVERNOY lui à consacré les lignes suivantes : « Elle était femme de Henri d’'Accolans, qu'elle avait épousé en 1410. Deux filles nées de ce mariage furent unies, l’une à Pierre de Hagenbach, décapité en 1474, et l’autre à Jacques de Franquemont, dit de Montbéliard, puis à Philippe de Vaudrev. » (GOLLUT, édit, DUVERNOY, col. 1456, note 2.) (2) « Messire F... de Longeville » est indiqué par le marquis de Saint- Mauris (n° 31), mais les listes de Gollut et de Poutier ne mentionnent que des Longevelle. (3) Sous le n° 25, Poutier mentionne « messire N... Le Friand de Fa- verney, reçu en 1449, mort en 146$. » Gollut avait également donné cette indication. (4) Ce personnage est appelé Jacques ou Jacquot dans les listes de Gollut. de Poutier {n° 29) et du marquis de Saint-Mauris (n° 79). (5) Porté en ces termes sur la liste de Poutier {n° 45) : « messire Jean de Vy, seigneur de Mercev, reçu en 1452, mort en 1463. » Mentionné de la même manière par Gollut. (6) Le nom de Guillaume d’Orsans ne figure pas dans les listes de Gollut et de Poulier. Le marquis de Saint-Mauris en fait la mention suivante, sous le n° 39 : « messire Guillaume d'Orsans, seigneur dudit lieu, marié à Catherine de Leugney. » (7) Aucune des trois listes imprimées ne mentionne Hugues de Vellefaux. (8) Gollut et Poutier donnent l'année 1454 comme date de la réception à er | Guillaume D'AMONCOUR, abhé de Bèse (1) Mess. Jean D’ASUEL (2). e. Perrin DE LA ROCHE M. Othenin DE CLAIRON. 1454 Pierre DE HACHEMBAK (3) Jean DE PORT. Thiébault D'ASUEL, frère dudit Jean (4) Huguenin DE LONGEVILLE (9). 1455 Huguenin DE VERCHAMPS dit Bagouille (6) Jean DE CHARME Symon DE CLAIRON Guillaume DE GEVIGNEY (7). 1463 Jaquot DE VENÈRES. Saint-Georges de frère Elion de Lantenne, abbé de Lure entre les années 1438 et 1452. — Sur le gouvernement de ce prélat, le Mémoire sur l’ab- baye de Lure de l'abbé L. Besson (actuellement évêque de Nimes) est à consulter (pp. 79 et 197 (4) Elion de Labioans ui le gouvernement de l’abbaye de Lure pour prendre celui de l’abbaye de Bèze, près de Dijon : il y mourut le 29 août 1473 et y fut inhumé {Gallia christiana. t. IV, col. TI). La mention d'un Guillaume d’'Amoncour., avec les qualités d’abbé de Bèze et de confrère de Saint-Georges, est doublement erronée : elle fait maladroitement Peur emploi avee la mention précédente. | (2) « Messire Jean d'Azuel, chanoine de la métropole de Besançon reçu en 1453, mort en 1474... . 36 de la liste de Poutier). Cette même indi- cation avait été oc par Gollut. (3) Pierre de Hagenbach : c'était ce terrible baïili que Charles le Témé- raire avait imposé à la haute Alsace et dont celle-ci s'affranchit en lui fai- sant couper la tête à Brisach, le 9 mai 1474. Gollut l'indique comme recu à Saint-Georges en 1443. (4) C'est-à-dire du chanoine Jean d’Asuel, reçu en 1453. (5) Les listes imprimées disent « Huguenin de Longevelle. » (6) « Boiquoillet », suivant Gollut, et « Bagnollet », suivant Poutier. (1) Guillaume de ce n'aurait été reçu qu’en 1463, suivant Gollut et Poutier. . É I RE ER ES BU ENT Qi nr or SEE AE à À : Se ÿ M. DE MONTRICHIER (1). 1469 M. DE VARAMBON (9) Jean DE GRANDMONT, seigneur de Veset (3) Pierre DE BRESSEY (4). 1470 Mee Estienne. DE GRANDMONT (5) Jean D’ANDELOT de Liele Claude DESCHAMPS Mee Louys DE MONTMARTIN Est. DE VILLAFFANS Jean DE MONTROST Symon DE VESOUL dit Genevreuile (6) Jean DE CHENECEY Jean DE VERCHAMPS Jean DE VAUDREY Jean DE VILLERS Jean DE MONTUREUX … Jean D'ANDELOT de Pesmes Guillaume D’ANDELOT Guillaume DE GRACHAULX M. Guillaume DE GRANDMONT. (4) « Messire Henri de Montrichier, reçu en 1463, mort en 1468 » (n° 55 de la liste de Poutier). (2) « Messire Philibert-Philippe de la Palud, chevalier, comte de la Roche, seigneur de Varambon, Richemont, etc, conseiller et ehambellan de Phi- lippe, duc de Bourgogne, reçu en 1470, mort en 1473 » (n° 58 de la liste de Poutier). . (3) Reçu en 1470, suivant Poutier. (4) Recçu en 1470, suivant Poutier. (5) Reçu en 1456, suivant Gollut et Poutier. _ (6) Cheneveuille, suivant Poutier. (7) Recu en 1473, suivant Poulier. 1473 Pierre DE BAUMOTTE Guillaume DE GRANDMONT, s' de Veset Jean DE BEAUJEU M. Charles DE NEUCHASTEL, s' de Chemilly (1) Philibert DE MONTROST Symon DE SAGEY (2) Artault DE LONGEVILLE (3) Guillaume DE SAINT-SEIGNE Jean DE LAMBREY Jean DE ROMAIN. 1474 Philibert DE VAUDREY Thierry DE CHARMES Henry D’ORSANS Guillaume D’ANGOULEVENT Jacque DE FLAMERANS Claude p'Occors, sr de Chay. 1478 M. DE GRIGNAN (4). Pierre DE St MAURIS (5) Mee Nicolas DE LAMBREY (6). 1479 Antoine DE VERCHAMPS (7) Guillaume DE Vy. (1) I] y a eu ici amalgame de deux noms parfaitement distincts : celui de Jean de Chemilly, abbé de Theuley, reçu en 1473, mort en 1489, et celui de Charles de Neufchâtel, archevêque de Besançon, également reçu en 1473 et mort en 1498. (Voyez les nos 82 et 8% de la liste de Poutier.) (2) Ce personnage n’est mentionné dans aucune autre liste. (3) Longevelle, selon Gollut et Poutier. | (4) « Messire Bernard de Chalons, seigneur de Brignon » : n° 100 de la liste de Poutier. (3) La liste du marquis de Saint-Mauris (n° 142) mentionne également un Pierre de Saint-Mauris reçu en 1478. (6) Aucune des listes imprimées n'indique Nicolas de Lambrev. (7) Reçu en 1478, suivant Poutier, Gi si ee 7 Jaque DE VY (1) Estienne DE LEUGNEY Symon D'ANGOULEVENT Mee George DE MONTUREUX Louvs D'AMANCE - Pierre DE VELLEGUINDRY M. Pierré DE BAUFFREMONT, sr de Scer Claude DE MONTMARTIN Guyot JAQUELIN. 1486 = Jean D'ACHEY, bailly d'Auxois Jean DE PIERREFONTAINE (9) Philippe MANGEROZ (3) Guill. DE MAILLERONCOUR Ant. DE LEUGNEY Guill. DE LAMBREY (4) Guill. DE St MARTIN Huguenin DE VILLERS Jean BERCHENET DE St MAURIS. 1487 Estienne DE VOiIsEY > Adrien DE MAILLY Symon DE QUINGEY : Guill. D'ESPENOY Claude DE LA PALU, s' de Varambon (5) Guill. MOUCHET (4) « [aques de Ville », suivant Gollut; « Jacques de Viilé », selon Poutier. (2) Gollut et Poutier disent « Richard de Pierrefontaine. » (3) « Philippe de Mangeroz », suivant Gollut, et « Philippe de Mange- rost », d'après Poutier, (4) Gollut et Poutier indiquent Guillaume de Lambrey comme reçu et mort en 1485. ART (3) Gollut et Poutier l’indiquent comme reçu seulement en 1489, = 6 — Arnoul DE BLITERSVIC Pancras DE PETITEPIERRE (1). 1488 Thiébault DE CHALON (2) Estienne DE FALLETANS (3) M. Louys MOUCHET (4) M. Jaque DE MONTMARTIN (5). 1491 Ant. D'AMANCE (6) Pierre DE S! SEIGNE (7). 1495 Perceval DE GRANDMONT Jean FRIANT (8) Anatoille DE GEVIGNEY Jean DE VILLE, s' de Fontette (9) Guill. DE SALINS, sr de Rans Hugue DE RYE (10). 1496 Estienne D'ORSANS Guichard DE St SEIGNE, (1) Gollut l'indique comme reçu en 1480, et Poutier le fait entrer seule- ment en 1489. (2) Poutier l'indique comme reçu en 1487. (3) Gollut et Poutier le font entrer en 1487. (4) Idem. (5) Gollut le dit entré en 1485 et Poutier en 1487. (6) Reçu seulement en 1492, d’après Poutier. (7) Reçu en 1492, d’après Gollut et Poutier. (8) « Jean le Friand de Faverney », reçu en 1470, suivant Gollut et. Poutier. | (9) « Messire Jean de Villé, seigneur de Fontaine » : n° 187 de la liste de Poutier. (10) « Messire Hugues de Rye, seigneur de Balançon, reçu en 1500, mnt en 1507 » : n° 175 de la liste de Poutier. —_ 1497 Adrien DE Vy Mee Fernande DE NEUCHASTEL Mee Guill. DE VERGY Mee Charles DE MONTMARTIN Mee Ant. DE MONTUREUX Radat D'ORSANS (1) Jean DE GRANDMONT Jean ARMENIER Thiébault DE GEVIGNEY Jean DE NEUCHASTEL: 1498 Estienne DE VESOUL Claude DE BRESSEY Louys D'ORSANS Estienne DE MONTMARTIN Jean DE GRANDMONT, selgr de Chastillon Gaspard DE SAUX. 1499 Mee Gérard DE VIENNE, sr de Ruffey Jean D’ASUEL Jean DESCHAMPS Adriain BERCHENET dit DE St Morts Antoine DE LUGRIN (2) Claude DE MONCLER Antoine DE VAIVRE (3) Pierre DE LAVONCOUR. 1500 François DE RAY, seigr de Belica (4) (1) « Messire Rodolphe d’Orsans, reçu en 1497, mort en 1515 » : n° 146 de la liste de Poutier, qui est d'accord avec Gollut. (2) « Antoine de Leugney », d’après Gollut et Poutier. (3) « Anatoile de Vaivre » : n° 163 de la liste de Poutier. (4) « Messire François de Ray, seigneur de la Ferté et Beanjeu », sui- vant Poutier. | . 5: 00 Pierre DU VERGIER, sr de Ruffey-sur-Loingnon (1) Mee Thiébault DE GRANDVILLERS (2) Claude DE Vy Thomas DE GRANDMONT Mee Claude D'ARBERG, s' de Vallengin Regnauld DE BOINGNE Louys DE Vy Thierry DE BLISTERVICH Jean D'ORCHAMPS Hugue DE RYE, seigr de Balançcon François DE RAY, seiar de Seveux Mee Hélion D’IGNY (3). LI LISTE DES BATONNIERS DE L'ASSOCIATION NOBILIAIRE DE SAINT-GEORGES, DE 1440 A 1703. (Bibliothèque de la ville de Besançon : notes extraites des registres de Saint-Georges, et continuation manuscrite de l’un des exemplaires du recueil de Pierre de Loisy.) L'association nobiliaire de Saint-Georges fut, à son point de départ, une confrérie pieuse, dont le chef annuel s’inti- tulait modestement prieur : le chanoine Jean de Nant est ainsi qualifié dans lfnventaire des reliques publié ci-dessus. Primitivement les femmes y furent admises, et l’une d’elles, Jacquette de Rougemont, eut son tour de rôle pour diriger: l'association. La dernière femme admise fut Jeanne de Chau- (1) Poutier et le marquis de Saint-Mauris ont compris qu'il s'agissait d’un « Pierre de Vergy ». L'indication si précise que donne notre liste est incontestablement préférable : Pierre du Vergier est représenté, conjoin- tement avec Gauthière d'Asuel, sa femme, sur une dalle tumulaire gravée, qui a été extraite de l'église de Rulfey et sert actuellement de piédestal à une croix placée vers l’une des entrées de ce village. (2) « Messire Thiébaud de Grandvillars, reçu en 1500, mort en 1513 » : n° 167 de la liste de Poutier. « (3) Ce qui suit de cette liste ne diffère pas des catalogues antérieurement publiés. Dh virey, mariée à Henry d’Accolans, reçue en 1450. « Elle à esté, disent nos manuscrits, la dernière qui a esté admise en la confrérie, probablement pour éviter Ia confusion qu'eût pu causer à l’advenir le mélange qui estoit fort à craindre, eu esgard à ambition et à la foihlesse naturelle de ce sexe. » L'association songeait aussi dès lors à compter parmi les institutions publiques : de là vint sans doute la substitution du titre de bâtonnier à celui de prieur. Dans les statuts de lassociation, délibérés en 1485 et dont Gollut nous à conservé l'analyse, 1l était dit que «le baston- nier seroit le premier de tous confrères, et, son an passé, demeureroit le dernier. » Les statuts ajoutaient que « le baston seroit donné par ordre de réception, et ne pourroit estre advancé ny esloigné, sauf par requeste que Fon pour- roit présenter aux confrères. » Le bâton était en argent et portait à son sommet l’image de saint Georges à cheval. La transmission de cet insigne avait lieu le jour de la fête de saint George, date de lassemblée générale annuelle, pen- dant le chant du Mügnificat de vêpres. Quand on était arrivé au verset Deposuit potentes, le bâtonnier sortant faisait, de- vant l’autel, la remise à son successeur élu des insignes de la dignité dont il était déchu, c’est-à-dire du bâton d'argent et du manteau de drap d’or, moucheté de noir, à queue trai- nante. [Il avait été statué que « le sieur bastonnier donneroit la collation ledict jour sainct George : à disner de bouly seu- lement, et à souper le rousty et deux sortes de vin pur et net, et ce sans excès, autrement le sieur procureur de la confrérie prendroit le surplus et le distribueroit entre les paoures ; et encore au lendemain dudict jour sainct George, seroit donné collation comme la précédente; et pour sup- porter lesdicts frais, lesdicts frères donnerotient au baston- nier six groz viels par teste. » En 1487, on ajouta aux statuts que « le bastonnier donneroit le souper la veille de samet George, au lieu de la collation, en recepvant d’un ehasqu'un six blancs, et le disner le lendemain de la feste, moïennant autres six blancs. » En 1518, on délibéra qu’en-cas de mert du bâtonnier élu... Cle héritiers: feroient les repas que le deffuncet estoit tenu de faire, à peine de cinquante livres. » Mais il fut statué, en 1552, « qu’au banquet n’y hauroit sinon chair de bœuf, mouton, veau, cabris, porcs, chapons, poules, poulets, pigeons et au dessoubs, sans pâtisseries, sauf de tartres pour dessertes; en temps de poisson, seulement le poisson que l’on recouvre facilement. » En dehors du bâton- nier, dont le fonctionnement était annuel et surtout honori- fique, l'association eut très anciennement un gérant de ses intérêts, que lon appela d’abord procureur. Par le fait du caractère permanent de son emploi, ce fonctionnaire tendit à devenir prépondérant. Dès 1570, sa qualité de procureur se change en ceile de gouverneur, sans toutefois que ce titre. prenne une autre signification que celle d'administrateur. En 1663, le bâtonnier annuel avait encore le pas sur le gou- verneur, qui ensuite précédait tous les autres membres de l’association : le livre publié à cette date par Pierre de Loisy s'exprime là-dessus d’une manière formelle. Mais il n'en fut plus ainsi lorsque l'association eut éprouvé le contact des inslitutions autocratiques de la France. La nécessité d’un chef permanent s’imposa dès lors à l’association, et son gou- verneur, élu à vie,1lut déclaré président de lordre= Ier ba tonnier annuel n’occupa plus que la seconde place. Le pre- imier gouverneur ayant joui de cette situation nouvelle fut Claude-Louis de Faletans, élu en 1679 et mort en 1700. Comme la charge de bâtonnier comportait une certaine dé- pense, Claude-Louis de Faletans tint à honneur de ne pas vouloir s’y soustraire : aussi cumula-t-il, pour l'année 1697, la dignité de gouverneur avec la fonction de bâtonnier. D'après quelques indications glanées dans les fistes de Gollut et de Poutier, le marquis de Saint-Mauris avait dressé lébauche d’une liste des gouverneurs de l’ordre de Saint= Georges. Pour les bâtonniers, véritables chefs canoniques «* de l'institution, il n’existait que les mentions faites par Tho- M 0e inas Varin, dans le recueil de Pierre de Loisy, mentions ne remontant qu à l’année 16926 et s’arrêtant à l’année 1663. Le tronçon de liste qui va suivre ne saurait done manquer d’in- térêt au point de vue de la reconstitution des annales de la chevalerie franc-comtoise. Mee Philibert DE MoLANs Symon DE VESOUL 1491 fut le premier baston- Guillaume D’ANDELOT 1492 nier, comme estant fon- Philibert DE MONTROST 1499 dateur de ceste iliustre Ârtauld DE LONGEVILLE 1500 confrérie [vers 1440] Estienne DE” GRAND- Mee Jean DE NANT, prestre, MONT (2) 1542 prieur de la confrérie de Mee Florent DE VAUDREY 1543 Saint-George [vers 4440F Antoine DESCHAMPS 1544 Jacquette DE ROUGEMONT Philippe DE LAINANS (3) 1545 bastonnière 1451 Baptiste DE Vy 1546 Henry DE SAINCT-AUBIN 1455 M. Claude DE VERGY (4) 1547 - Jean DE RYE 1456 Jean-Guillaume DE BRü- Estienne DE SAINCT MAR- _NECOFF 1548 TIN 1457 Jean DEPIERREFONTEINNE 1549 Jean DE RYE (pour la se- Claude DE SCEY 4550 conde fois) 1462 Marc DE ST Moris 1551 Pierre DE VERCEL 1465 - -M. GUYOT DE MONTUREUX 1552 Pierre D’ACHEMBACH 14475 Gérard D’AROZ 1099 Guill. DE GEVIGNEY (1) 4485. M. Guyot DE VAUDREY 1554 Jean DE GRANDMONT 14860 Nicolas DE MONTMARTIN 1555 . (D) © H se treuve avoir esté bastonnier et faict la confrérie en 1485, laquelle avoit cessé dois l'an 1479, à raison des guerres survenues en la province entre dame Marie, héritière de Bourgongne,.……. et le roi de France Louis onzième, qui s’estoit emparé par foree de la pluspart du Comté de Bourgongne. » (Noles extraites des registres de Saint-Georges : ms de la Bibliothèque de Besançon.) (2) « Messire Etienne de Grammont-Melisey, seigneur de Gesans, reçu en 4515, mort en 1578 » : n° 262 de la liste de Poutier. (3) « Messire Philippe de Lanans, reçu en 1518, mort en 1561 » : ne 279 de la liste de Poutier. (4) « Messire Claude de Vergy, comte de Champlyte, gouverneur du comté de Bourgogne, chevalier de la Toison d'Or, reçu en 1520, mort en 1559 » : n° 285 de la liste de Poutier. CO ee Claude DE LEUGNEY, mort bastonnier (1) 1556 Jhiébault DE S. MoRIS 1557 Claude DE VAUDREY 1558 Henry DE PIERREFON- TEINNE 4155) Guillaume DE CITEY, ayant le baston et décédé (2) 1560 Mee Aymé De BALAY 1561 Jean DE LAVIRON 1562 Claude DU TARTRE 1563 Claude LE BLANC (3) 1564 Mee Jean D’ACHEY 1563 Jean DE GRANDMONT, s' de Chastillon 1566 Antoine D'AUBONNE 1567 Jean D'AUBONNE 1568 Jean DE VAUDREY 1569 Est. DE GRANDMONT (4) 1570 R. S. Rodolf DE STEURE (5) mort ayant le baston, 1570, pour l'an 1571 Thomas DE PLAINNE 1572 M. Claude DE RAY Jean DE BOINGKE (6) Pierre DE CULZ 1578 Mee Antoine D’OISELER Mee Claude D’OISELER, mort ayant le baston pour AS Symon DE CHANTRANS (7) 1578 Philibert DESCHAMPS 1579 Adam DE BrAN ne La fit (8) [1580] François DE LEUGNEY 1581 Claude DESCHAMPS 1382 François DE CHAMPAGNE 1583 Jean DE VAUDREY, s' de Valleroy 1584 Claude REINCOUR (9) 1585 Guillaume DE GRANDMONT 1586 Valentin DE LA ROCHE 1587 Claude D’AIGREMONT 1588 Alexandre DE LA TOUR 1589 M. François DE VERGY (10), comte de Champlitte Claude de CIEON 1590 1591 2 (1) « Messire Claude de Leugney, reçu en 1526, mort en 1555 » : n° 316 de la liste de Poutier. (2) « Messire Guillaume de Citey, recu en 1530, mort en 1569 » : n° 335 de la liste de Poutier. (3) «€ Messire Claude Le Blanc, reçu en 1537, mort en 156% » : no 365 de la liste de Poutier. (4) C'est plus probablement Guillaume de Grammont, reçu dans l’asso- ciation en 15064. (5) Jean-Rodolphe Stœr, abbé commendataire de Lure et de Murbach, de 1540 à 1570. (L. BESSON, Mémoire historique sur l’abbaye de Lure, pp. 96-105.) (6) « Messire Jean de Turey dit de Bougne, seigneur de Naïisey, Mal- ley, etc., reçu en 1546, mort en 1574 » : n° 405 de la liste de Poutier. (7) C'est donc à tort que les diverses listes de lassociation font mourir en 1554 Simon de Chantrans, (8) Adam de Byans ne remplit pas sa fonction à la fête annuelle de 1580. _ (@) Claude de Raincourt. (10) Gouverneur de la Franche-Comté et chevalier de la Toison d'Or, — — 95 — Marc DE BEAUJEU 1592 Gabriel. DE CLÉRON 1607 Dele DE MELLIGNY 4593 M. Jean pe VAUDREY (1), Hugue DE PLAINNE 1594 s' de Valeroy 1608 La confrérie ne fust tenue ès Claude DE RAINCOURT 1609 années 1594, 1595 et 1596, (Claude D’AIGREMONT 1010 à raison des querres. M. Louys DE LA TOUR 1611 Gaspard DE GRANDMONT, M.-Cleriadus DE VERGY (2), seiger de Chastillon 1597 comte de Chambplitte 1612 Claude DE Vy 1598. M. Hiérosme D’ACHEY, sr Nicolas DE VILLERS, seigr de Thoraise 1613 _ de Citey 1599. M. Jaque Ant. DE Joux dit Bonaventure DETAQUELIN, de Grandmont 101% seier de Jasney 1600 M. Claude DE SEROZ 16145 Pierre DE GRACHAUT, sr de Jean CI. DE MUGNANS 1616 Raucour 1601 Martin DE VILLERS 1617 D. Guillaume DE MANDRE, François DE VAUDREY 1618 abbé de Teulley 1602 Jean DE St Monis (3) 1619 M. Thomas DE PONTAILLIE, Desle DE MOUSTIER 1620 baron de Vaugrenans 1603 M. CI. Ferd. LE BLANC dit M. Ant. D'HARAUCOUR, sr d'Andelot 1621 de Fresnoy 1604 François DE S. MORIS 1622 Jean DE SACQUENEY 1605. M. Hardoin DE CLERMONT, Claude DEscHAMPS, sr de baron de Rupt 162: Gesiers 1606 Thiébauld PRÉVOST 1624 « En l’an 1579, dit GOLLUT {nouv. édit., col. 1453), fut ordoné par lasso- ciation)..….. que le sieur de Vergy (venant d'y être reçu) ne seroit tenu d’ob- server l’ordre, siège et ranc de sa réception, mais, pour révérence de la Majesté du Roy et de sa qualité, pourroit aller devant tous où après, comme il luy sembleroit ; ne seroit tenu aussi d'offrir les espées et escussons des trespassés ; mais, s'il luy plaisoit, seroit conduiet à l’offrande par le sieur gouverneur de la confrérie, et reconduict en sa place ; puis le bastonnier et confrères marcheroïient, veu que, estant gouverneur du païs, il repré- sentoit le Prince, duquel en tous lieux l'on doibt havoir souvenance et debvoir de révérence. » (1) S'il s'agit ici de « Jean de Vaudrey, chevalier, seigneur de Valleroy, reçu en 1551 », ce serait à tort que Poutier l'indiquerait comme mort en 1568. (2) Gouverneur de la Franche-Comté et chevalier de la Toison d'Or. (3) Il s’agit vraisemblablement de « messire Mare de Saint-Mauris-Sancé, grand prieur et aumônier de l’abbaye de Saint-Claude, reçu en 1592, mort en 1628 » : n° 546 de la liste de Poutier. = M. Henry DE PIERREFON- TAINE 1623 M. Franç. DE PONTAILLIE, baron de Vaugrenans 1626 ‘M. Aymé DE - BALAY- SAULX (1) 1627 M. Antoine DE GRAND- - MONT 1628 Mee Ermenfroy-Françe. ba- ron D’OISELET 1629 Mee Anthide DE GRAND- MONT 1630 Adriain DE ROSIÈRES, s' de Sourans 1631 M. Christofle DE CUL, sr de Saint-Boing Rme Jean DE VATTEVILLE, évesque de Losanne (2) 1633 Claude DE MONTRICHARD, sr de Fertans Charles D’ACHEY (sans au- cunes résolutions , al- tendu les courses el vo- leries (3)) Elyon D’ANDELOT (4 Rou- gemont) Jean-Baptiste DE JOUr- FROY, chanoine de Be- 1632 1634 1635 1636 sançon : ayant recom- mencé la confrérie par anticipation et permis- Sion après les guerres (à Besançon) 1647-1648 Gaspard DE PRÉVOST (Be- sancon) Claude DE POLIGNY, baron de Traves (Vesoul) 1650 Mathieu DE LEsAY (Salins) 1651 Jean-François DE Vy (Ve- soul (4)) Louys DE MAISIÈRES (à Vesoul) 1649 1652 1653 Mee Pierre DE CLÉRON, abbé de Cherlieu (à Dole) 1654 Claude-Franc. DE GRAND- MONT, baron de Fallon (à Vesoul) 1655 Jean-Adriain DE SALIVES, sr de Cere (à Vesoul) Jean-Baptiste DE THON, s' de Rantechaux (à Ve- sOUl) 1657 1656 _Affricain DE MONTAGUT (à Vesoul) Humbert-Louys DE VE- SOUL (à Vesoul) 1659 1658 (1) Poutier (n° 558) l'appelle : Pra, seigneur de Longvy. » « messire Edme de Palais dit de @ Jean de Watteville, abbé de la Charité en Franche-Comté, fat sacré évêque de Lausanne, ie l’église d'Arbois, le 18 avril 1640 ; il mourut à Besançon le 22 juillet 1649 et fut inhumé à l’abbaye de la Charité (ScHMITT et GREMAUD, Mémoires historiques sur le diocèse de Lausanne, t. T, pp. 493-435). (3) Allusion à cette guerre horrible qui détruisit les neuf dixièmes des. habitants de la Franche-Comté. (4) « En l'année 1652, où Jean François de Vy faisoit l'office de La nier aussi bien que Le gouverneur. » (Æstat de l’illustre Confrérie de Saint-George, p. 27.) où — Claude-Antoine DE VAU- DREY, baron de Beveu- ges (à Vesoul) Marc DE MONTAGUT (à Sa- lins) 1661 Gérard DE ROSIÈRES, sei- oneur de Sourans, Breu- rey (à Vesoul) Gaspard DE MOUSTIER, sr de Cubry (aux Carmes de Besancon) (i) Eléonor-Philibert DE VAU- DREY (aux Jacobins de Besançon) 1664 Claude - Louis DE FALE- . TANS (aux Cordeliers de Besançon) Philippe DE LA BAUME (à Gray) Jean-Baptiste DE GILLEY, - baron de Marnoz (aux Carmes de Besançon) Jean-Antide DE MONTAGU (aux Cordeliers de Be- sançon) Michel DE VILLERS - LA- FAYE (à Besançon) Hardouin D’'AMANDRE (à Besançon) Thomas DE LEZAY (à Be- sancon) Ferdinand DE VISEMAL (aux anciens Carmes de Besançon) 1688 1660 1662 1663 10665 1667 1669 1671 1672 1674 A Claude DE VESOUL (au: anciens Carmes de Be- sançon) Jean-Baptiste D’EMSKERK (aux anciens Carmes de Besançon) Jean-Claude DE SCEY (aux anciens Carmes de Be- sancon) Thomas DE VyY (aux an- ciens Carmes de Besan- con) Ferdinand D'ISELIN (aux anciens Carmes de Be- sancon) Claude-Louis DE FALETANS (aux anciens Carmes de Besançon) 1097 Claude-Marie DU PIN (aux anciens Carmes de Be- sançon) Joseph-Jofroy DE JOUr- FROY (aux anciens Car- mes de Besançon) Claude-Joseph DE SALIVES (aux anciens Carmes de Besançon) Jean-Claude pu LOUVEROT (aux anciens Garmes de Besancon) Prosper-Ambroise DE PRE- CIPIANO (aux anciens Carmes de Besançon) 1691 1692 1694 1695 4696 1698 1699 4700 1701 1703 (1) La liste qui accompagne l’'Inventaire des reliques s'arrête à Gas- pard de Moustier. Ge qui va suivre est emprunté à une continuation ma- nuscrite de l’un des exemplaires de l'ouvrage intitulé : Estat de l’illustre Confrérie de Saint-George, aux frais de Pierre pE Loisy, Besançon, 1663, in-fol, _ LIMITES DES ANCIENNES DIVISIONS DE LA SCOWA NME LL Par M. le docteur J. MEYNIER Séance du 10 juillet 1886. « Le diocèse de Besançon, dit Perreciot, dans sa Disser- » tation sur le comté d'Elsgau, qui renfermait autrefois cinq » grands comtés, comprenait également cinq archidiaconés, On sait que chaque comté était sous-divisé en trois pagelli se » et chaque archidiaconé en trois doyennés. La distribution » ecclésiastique, qui imita sans doute la distribution civile, » servirait à nous faire retrouver celle-ci, si on eût laissé les » archidiaconés et les doyennés tels qu’ils étaient autrefois + » Malheureusement, lorsque la féodalité eut détruit la divi- sé » sion civile, les archidiaconés et les doyennés furent dis- ei » tribués sur un plan presque partoui différent de l’ancien, L. » de manière que les pouillés du diocèse de Besançon, = : » dont le plus ancien n’a qu'environ quatre siècles, ne four- | » nissent que de faibles éclaircissements sur l’ancienne to- » pographie de la province. » à Une étude approfondie de la question nous a démontré que Perreciot a beaucoup exagéré (D. En rapprochant les (1) Un doyenné, celui de Sexte, a considérablement usurpé sur les. autres. On y a annexé, dans le cours du moyen âge, Villers-sous-Mon- ere trond, Tarcenay, Trepot, Foucherans, l'Hôpital-du-Gros-Bois de l’ancien doyenné des Varasques, et les villages des deux rives de l'Oignon, de Chambornay-les-Bellevaux à Bonnay, qui appartenaient antérieurement au comté de Port et au doyenné de Luxeuil. Le doyenné d’Ajoie a perdu de bonne heure les villages de la rive droite du Doubs, de Beaufond à Saint- Ursanne. L'abbaye de Saint-Ursanne était encore du diocèse de Besançon en 1096. V. Duxon, Comté, t. II, pr. p. 585. 00 textes, où il est fait allusion aux grandes divisions de la Séquanie, de ceux qui ont trait aux grandes circonscriptions ecclésiastiques du diocèse de Besançon, uous avons pu nous convaincre que pagi, comitatus et archidiaconés coïncidaient à peu près exactement. | Les civitates de l’époque romaine, qui avaient, elles- mêmes, remplacé les nations gauloises, sont devenues, après les invasions, les pagi ou gau des rois bourguignons et mé- rovingiens, plus tard désignés sous le nom de comitatus ou comtés. Ces pagi ou comtés portaient, comme les archidia- conés correspondants, les noms d’Alisgaudia ou Aliscau- gia À), Elisgaudia, Elisqaudium, ou Elisgaugium @) (Als- gau, Elsgau, Ajoie), de Varisquudia (Waresgau, Varais), de Scodineum ou Scodingum (Scoding, Escouens), d’'Amavus (Amaü, Amaous, Amous), et de Portus (Port), et de Pagus ou comitalus, Alisgaudiensis, Aliscaugiensis, Alisgogien- sis (3), Pagus ou comitatus Varascensis (4), Guaraschensis (5), Varascus, Varascorum, de Varesco, de Pagus où comitaius Scodingensis, Scutingensis, Scudincum, Seudincorum (6), de Pagus où comitatus Amavensis, Amausensis (1), Amo- sensis (8), Amavus, Amavorum, de Pagus où comitatus Portensis O0), Portisiorum. (1) Vers 610 {Actes de saint TImier). V. un Bréviaire manuserit de la Bibliothèque de Berne cité par TROUILLAT. (2) Vers 639 (Vifa Sancti Wandrigisili). V. Act. SS. du 22 jului et D. Bouquer, Rec. des Hist, de France, t. HE, p. 552. (3) En 1040 (Donation de Hugues Fe, archevêque de Besançon. à l’abbaye de Baume-les-Dames). V. GRANDIDIER, t. 1, pr. 597. (4) V. Ibid. (3) En 109% {Confirmation par Rodolphe, roi de Bourgogne, à Er- memburge, femme de Humbert de Salins, de ses donations à Lambert, son père’. V. GUILLAUME, Sires de Salins, t. I, pr. p. 12. . (6) En 870 (Diplôme de Lothaire Ir. V. Duxon, Comté, t. IN, pr. p. 084. (7) En 9%9 (Donation de Letalde, comte de Bourgogne, au Chapitre de Besançon). V. Dunop, Egl. de Bes.. t. I, p. 81, et Comté, t. Il, pr. p. 994. (8) En 1040. V. ci-dessus la note 3. (9) En 903. V. Dunop, Comité, t. IL, pr. p. 584. — On'les trouve encore désignés dans les chartes sous les: noms d'Elisgow, Elischow, Elischow, Elisgaw, Elsgaw, . Waresgove, Wareschowe, Waresgaw, Warasch, Guarasch, Varasc, Varasco, Scodingue, Escoens, Emaüs (). ete. L’Alisgaudia ou Ajoie doit évidemment son nom à lAidua, Alis ou Elis, Els, Allan, qui en arrose une grande parüe et qui traverse les villes de Porrentruy, de Delle et de Montbé- liard. Ce canton correspond exactement aux doyennés d’A- joie, de Granges et de Rougemont de l’ancien diocèse de Be- sançon. Les localités qui sont citées comme lui appartenant, dans les documents des ve, 1x, x et x siècles, sont: Delle (727 @ et 913 G), Bavilliers (727 @), Saint-Dizier (727 et 913 GC), Sainte-Marie (730 (6)}, Cheveney, Courte- doux (814 (1)), Courtemaiche (884 (8)), Montreux (884 et 962), Saænte-Suzanne (913 ()), Dambelin, Roye, Tavel (970) (10), Bethoncourt, Granges (fin du xe siècle), Saint-Hippolvte, Dampierre-sur-le-Doubs, Saint-Maurice, Châtey, Monté- cheroux, Roche-les-Blamont, Ecot, Fontaine, Soye (1049) CH), (4) « Elischove, Warasch, Scudingum, Emans, » en 870 (Partage des états de Lothaire). V. D. Bouquer, loc. cit., t. VEIL. (2) « Datür'a. » (Fondation de l’abbaye de Murbach). V. GRANDIDIER et SCHŒPFLIN. (3) « Dadira, id est Datenried. » (Diplôme de l’empereur Conrad Ie pour l’abbaye de Murbach}). V. ibid. : (4) « Battovillaris. » V. ibid. (5) « Sanctus Desiderius, Petrosa. » V. ibid. (6) Ecclesia Sanctæ Mariæ (Donation d'Ebrard d'Alsace à l’abbaye de Murbach}. V. ibid. (7) « Villæ Chaviniacus et Curtis Udulphi. » (Polyptique d'Irminon). (8) « Curtem Metiam. » (Donation de Charles-le-Gros à l’abbaye de . Grandfey. (9) « Sancta Suzanna. » V. ci-dessus la note 3. (10) « Domnus Benignus. Reves, Tavahes. » (Diplôme de Po roi de France, en faveur de l’abbaye de Lure). (1) « he pago Alsgogiensi, altare Sancti Ypoliti et altare de Domno Petro, illud que de Sancto Mauricio, Sancta Maria in Castro ei de Monte Escherolo. altare de Rupibus et de Scottis, de Fontanis et de SOSiS,.. » V. GRANDEDIER, t. [, p. 597. = 40 — Mandeure, l’Epomamduodurum des Gallo-Romains, est mentionné, sous le nom de Mandourum Cüastrum, dans une charte de l'an 748 par laquelle Boronus, comte dAjoie, donne à l’abbaye de Honau des biens situés dans son comté et en Alsace. Il est encore cité dans l'Ano- nyme de Ravenne, qui l'appelle Mandroda, et par l’au- teur de la Légende de Saint Ermenfroy, qui le nomme Mandorum Castrum. Montbéliard {Mons Biliardae) et Cham- pagney (Campaniolae) figurent dans la Légende de Saint- Valbert (vi®|, Porrentruy dans ceile de Saint-[mier, Saint- Ursanne dans celle de Saint- Vandrille (vrie siècle), Lure dans le Dénombrement d'Aix-la-Chapeile (817) et le Par- tage des états de Lothaire (870) (D. L’Ajoie était limité, au nord-ouest, par une première ligne qui, partant du ballon de Servance, suivait d’abord le contrefort des Vosges et la série de collines qui séparent les bassins de l’Oignon et de la Saône, allait rejoindre la première de ces rivières au-dessus de Moimay et d’Autrey-le-Vay, et en suivait le cours jus- qu'au méandre qu'elle décrit à l’ouest de Montferney; par une seconde ligne sinueuse qui, partant de ce méandre, lais- sait au nord-est les villages de Chaselot, Gondenans-les- Moulins Nans, Cubry, Bournois, Montby, Viéthorey, Fon- taine, Rang, Saint-Georges, Lanthenans, Valonne, Vernois- les-Belvoir, Provenchère, Belleherbe, Bretonvillers, Plaim- bois-du-Miroir, Bonnétage, Cerneux-Monnot et aboutissait au Doubs vis-à-vis le village suisse de Beaufond (2) ; par une troisième ligne qui suivait d'abord le chainon du Jura suisse bordant à l’est le bassin du Doubs jusqu’au Mont Terrible et aboutissait à l’étroit espace qui sépare, près de Lucelle les (1) V. D. BOUQUET, loc. cit. (2) D’après Perreciot, on voyait encore, au siècle dernier, dans le lit du Doubs, au-dessous du village de Beaufond, une grande borne qui servait . de point de départ aux limites des diocèses de Besançon, de Bâle et de Lausanne, limites de la Séquanie, de la Rauracie et de l'Helvétie gallo- romaines. = 10 = bassins du Rhône et du Rhin; enfin, par une quatrième et dernière ligne suivant d’abord la série de collines qui unis- sent le Jura aux Vosges, en passant entre Vendelincourt et Courtavon, Beurnevezain et Pfettershausen, gagnant le contrefort des Vosges qui sépare les vallées de la Savoureuse et de la Doller et aboutissant au ballon de Servance, point de départ de la première ligne. Le canton du Varais ou des Varasques, du nom de la tribu burgonde qui s’y fixa au ve siècle, est, comme celui d’Ajoie, très fréquemment cité dans les chartes du vrre au x° siècle. Il correspondait aux doyennés de Baume-les-Dames, de Sa- lins, et des Varasques. Les lieux les plus connus dans les premiers siècles du moyen âge étaient : Baume-les-Dames (817 et 870), Mouthier-Haute-Pierre, Poligny (870) (1) Dom- pierre, Cicon, Bracon, Salins, Aresche, Chamblay, Usier, 942), Tourmont (969), Aubonne, Saint-Gorgon, Leugnevy, (1098) (2), Vaux-sur-Poligny (1029), Cour, Saint-Juhan, Vil- lers-le-Sec (1040) @), Orsans, Villers-Saint-Lazare (1045), Tarcenay (1049, (4, Arbois (1051), Besain, Groson, Molain, Pupillin (1069), Roulans (1080), Pontarlier (1083)... Baume- les-Dames figure, en 817, dans le Dénombrement d’Aix-la- Chapelle, et, en 870 dans le Partage des états de Lothaire, Mouthier-Hautepierre et Poligny dans le second de ces do- (1) © Villam Poliniacum sitam in comitatu Warasco. » (Donation d'Adélaide, mère de Boson, roi de Bourgogne, à l’église de Saint- Nazaire d'Autun). V. Dunor, Comié, p. 103-4 et aux preuves, p. 599. (2) « Ecclesia Sancti Gorgonii in villa Albonna in comitalu Gua- raschensi, ecclesia in villa dicta Luniaco. » (Confirmation par Ro- dolphe, roi de Bourgogne, à Ermemburge. femme d'Humbert de Sa- lins, de ses donations à Lambert, son père). V. GUILLAUME, loc. cit., LT pr 47 (3) &« In pago Varascensi, Curia, aliare de Villari Sicco, altare de Sancto Johanne, Verna.» V. GRANDIDIER, t. I, p. 597. (4) « Aliam lecclesiam) in honorem Sancti Martini sacrataim in pago Varasco sitam in villa quæ nuncupatur Terceniacus. » (Testament de Hugues Ier, archevêque de Besançon). V. Dunon, Egl. de Bes., t. I, pr. P. XXXIV. DEN St 7 V1 1- RC PATRON 2 EN > tœ JY AE | ë x À res — 103 — cuments (4), Salins dans l’acte d’inféodation de la seigneurie de Salins par Maynier, prévôt de l’abbaye d’Aganne (Saint- Maurice en Valais), à Albéric de Narbonne, comte de Mâcon (942, ®. Le Varais était limité au nord, par l’Ajoie, à l’est par l’'Helvétie, au sud par le Scodingue, à l’ouest par PAmous, puis par une ligne partant de Mesmay et passant à l’ouest de Pointvillers, Goux-lés-Quingey, Courcelles, Rurey, Epeu- gney, Montrond, Mérey-sous-Montrond, Tarcenay, Trépot et l'Hôpital-du-Grosbois pour se diriger ensuite, de ce dernier point sur la première chaîne du Jura, en laissant à l'est Gon- sans, Bouclans, Osse, Arnagney et Corcelles-Mieslot. La ligne qui le séparait du Scodingue était d’abord celle du partage dés eaux du Doubs et de l’Aïn : elle se détachait du Noir- mont entre Bellefontaine et la Chapelle-des-Bois, suivait la troisième chaîne du Jura jusqu’à un point situé entre Bon- nevaux et Bief-du-Four, gagnait la chaine du Sçay et la sui- vait jusqu'à la Haute-Joux; à partir de la Haute-Joux, elle passait entre Pont-d’Héry et Andelot, laissait Vallempoulières et Monrond à l’ouest, Besain, Poligny, Tourmont, Mon- tholier et Aumont au nord-est. La ligne que le séparait de l’Amous passait au nord-ouest de la Ferté, Villeneuve d'Aval, Mouchard, Port-Lesney, et suivait la seconde chaîne du Jura jusqu’à Mesmay. Enfin, la ligne qui le séparait du comté de Port, partant de la première chaine du Jura, passait à l’ouest de Rigney, Vandelans, Baumotte, Roche-sur-Li- notte, Fontenois-les-Monthoson, Cognières et Chassey. Le nom du Varais, comme celui de l’Ajoie, a survécu a la division territoriale à laquelle 1l appartenait. Une charte de l’année 1245, par laquelle Jean de Chalon l’Antique fait de nombreuses donations à Amé de Montfaucon, son neveu, (4) « Polemniacum, …. Balmam.… Altam Petram.…. » V. D. BOUQUET. loc. cit. ui (2) V. cet acte dans Dunop, Comté, t. IN, pr. p. 596, et GUILLAUME, loe tit pr. (p.0. — 104 — place dans le Varais (terrae de Varesco) Vuillafans, la Rivière, Vernierfontaine, Lods, Aubonne, le Val de Leugney, Vercel, Gonsans, Laissey, etc (. Une charte de Guillaume de la Tour, archevêque de Besançon, parle de Durnes, d’'Etalans et de Vaite (Durnec, Athalans, Vaytes) comme étant dans le Varais (in terrd de Varesco) en 1955 (2). Châteauneuf-de- . s’est appelé longtemps Neufchâtel - en - Varais (Neufchastel-en-Varest) 3), et la Villedieu-les-Vercel, l'H6- pital de la Ville-Dieu-en-Varais (Li Hospitaul de la Ville Dieu en Varest) 4) ; un des deux Scey s’appelle encore Scey-en-Varais. Le pays de Scodingue ou des Scodingiens parait avoir eu pour chef-lieu Lons-le-Saulnier, Ledo, quiest resté celui d’un des doyennés du diocèse de Besançon. Les autres doyennés du Scodingue étaient celui des Montagnes et celui d’Hubi- liacus (?), qui a été distrait du diocèse de Besançon à la formation de celui de Chalon-sur-Saône dans le courant du Ve siècle. Les villes et villages les plus anciennement connus sont: Mièges (522), Château-Chalon (817), Crotenay, Onoz-et- Siroz (852), Baume-les-Messieurs, Alièze, Champagney, Che- vigny (870) ©}, Saint-Marcel-lès-Chalon (885), Morges (901), Eouhans, Sagy, Saint- Martin-du-Mont, Savigny-en-Rever- mont (930), Domblans, La Muire, Le Vernois (1078)... Mièges (Miegens) a fait partie des donations faites, en 592, par le roi de Bourgogne, Saint-Sigismond, à baie d’'Agaune. Château-Chalon (Castellum Carnonis) est nommé dans le (1) V. GUILLAUME, loc. cit., t. E, pr. p. 145. OVMDoc red, tv AEhp: 31, (3) En 1268 ee de fief à Amé de Montfaucon, par Valle dit de Nant, fils de Thiébaud de Cicon). V. PERRECIOT, Etat civ., t. UE, p. 82. (4) En 1994 (Donation de Jean de Montfaucon à l'abbaye de Mont- benoît). V. Droz, Pontarlier. (5) « Cavennacum, Campanias. Alisiacum. Abbatia Carnonis Castri in pago Scodincorum una cum cella Vulgo Balma. » (Diplôme de Lo- thaire Ier), V. Dunop, Comité, t. II, pr. p. 584. = A0 — Dénombrement d’'Aix-la-Chappelle (817), Crotenav (Croto- nacum), Onoz (Hagonoscum), et Siroz (Siguroscum), dans un diplôme de Lothaire Ir en faveur de l’abbaye de Saint-Ovan- de-Joux (Saint-Claude) de l'année 852, Baume-les-Mes- sieurs (Balma)] Abbatia Balmensis) dans le partage des états de ce prince en 870. D’après Aimoin, Saint-Marcel-lès-Chalon était l’ancien Hubiliacus {propé Argentomagensis agger). Le Scodingue était limité au nord par ie Varais d’abord, puis par une ligne qui laissait au sud Oussières, Colonne, Chaumergy, la Chapelle-Volant, Bouhans, Mervans et Toute- nans ; à l’ouest par la Saône jusqu’à son confluent avec la Seille ; puis par la ligne de partage des eaux de la Salle ei et du Solnan, enfin par une ligne qui passait au sud de Maynal, Pymorin, Dramelay, Arinthoz et Cernon; à l’est, par le Cours de l’Aïn jusqu’à la Tour-du-Meix, puis par la ligne de partage des eaux de la Bienne et de l'Ain. L’Amaous, Amous, où canton des Amaves, ainsi nommé d’un tribu germanique que Constance Chlore y cantonna au au vie siècle, avait probablement pour capitale ce Didatium. dont la situation n’a pu encore être déterminée, que les uns mettent à Dole, les autres à Dammartin près de Pesmes. Les premières localités de l’Amaous, citées dans les titres du vire au xIe, sont: Annoires, Santans, Pourlans, Auxange, Chissey, Chevigny, Châtelay, Longwvy, Peseux, Sauvigney, Gendrey, Amange, Jalange, Germigney, Pagney, Ougney (785) (D), Gray @), Pontaillier-sur-Saône rive gauche (950) @), (1) « Alnoras, Sentincus, Perlingus, Autsidingus., Cassiaÿgo, Cavi- niaco. Gattiliago, Longovico, Pisaditio, Saviniaco, Generiaco, Eme- ningas,… Jadangos,.… Germiniaco,.… Pagniaco, Audiniacum. » (Carta de pago Amaorum). V. RoussSET, Diction. des com. de Franche-Comté, June, tt, p: 182; (2) « Ecclesiam sitam in villa quæ vocatur Gradiacus in comitatu Amaousensi. » (Donation de Lélalde, comte de Bourgogne. au CGha- pitre de Besançon). NV. Dunon, Egl. de Bes., t. II, p. 8, et Comté, t, I, pr. p. 994. (3) « Pontiliacus. » V. ibid, 106 Falletans, Dammartin (1040) (!), Belmont, Dole (1085), Bucey, Choye, Gy (1090)... L’Amaous correspondait aux trois doyennés de Dole, de _ Gray et de Neublans. Il avait pour limites : au nord-est, le Varais : au sud, le Scodingue ; au nord-ouest, la Saône, depuis son confluent avec le Doubs jusqu’à l'embouchure du Vannon près de Seveux ; au nord, la ligne de partage des eaux de la Romaine et de la Saône ; à l’est enfin, la ligne de partage des eaux de l’Oignon et de la Saône, de Fondremand à Brussey, puis une ligne qui traverse l’Oignon, laisse à l’ouest Ruffey, Burgille, Jallerange, Romain, Evans, traverse le Doubs, longe la forêt de Chaux et va tomber dans la Loue en amont de Liesle et de Buffard, vis-à-vis de Port-Lesney. Enfin, le canton de Port ou des Portisiens avait pour capi- tale Portus Abucinus ou Bucinus, Port-sur-Saône. La popu- lation était en grande partie gallo-romaine. À l’époque de l’é- tablissement de la division ecclésiastique, il forma les doyen- nés de Faverney, de Luxeuil et de Traves. Les localités les plus anciennement mentionnées dans les chartes sont : Port- sur-Saône, Bourbonne-les-Bains (nie siècle), Corre (1ve s.), Faverney, Luxeuil (870), Vesoul, (890), Frôtey (930) @), Vieilley, (1049) 6), Traves (1080), Vellefaux (1695). Port-sur-Saône est le Portus Bucinus de la Légende de Saint- Valère (260), le Portus Abucinus de lIfinéraire d’Antonin. Bourbonne, Borvona, est mentionné par l’Ifiné- raire. Corre est le Colera et Seveux est le Segobodium de la Table Théodosienne. Faverney et Luxeuil sont mentionnés 2 (1) « In comitalu Amaousensi,.….. in villa Faletens,.… ad Domnum Martinuim. » V. GRANDIDIER, t. [, p. 597. (2) « Frontiniacum in pago Bo en, » (Donation de Gerfroy, arche- vêque de Besançon, à Atelle de Scey et à ses fils). V. Dunop, Comté, t. II, pr. p. 614, et Nobiliaire, p. 211. (3) « Ecclesiam unam in honorem Sancti Leodegarii dedicalam in comilatu Portensi in villa quæ dicitur Villiacus sitam. » (Testament de Hugues Lex, archevêque de Besançon). V. Dunon, Egl. de Bes, t., pr. p. XXXIV. = 107 — dans le Partage des Etats de Lothaire. On croit que Luxeuil existait déjà à l’époque de la conquête romaine. Favernev parait être la Faverniacum castrum où le patrice Wulf fut tué, en 613, par l’ordre de Brunehaut. Le canton de Port était limité au nord par les Vosges ; au sud-est, par les cantons d’Ajoie et du Varais et la première chaîne du Jura; au sud-ouest, par une ligne allant de Vieilley à Fondremand, puis par le canton d’Amous ; à l’ouest, par la ligne de séparation des bassins du Salon et äu Vannon jusqu’à Raucourt, puis par celle des bassins du Vannon et de la Ronde jusqu’à Suaucourt, enfin par une ligne qui passe entre Morey et Bourguignon, la Rochelle et Pressigny, les deux Chauvirey, traverse l’Amance et laisse à l’est Rosières, Voisey, Bourbonne, Serqueux, Tignécourt et Darnev. Besançon n’est jamais mentionné comme faisant partie de l’un ou de l’autre de ces pagi et toutes les localités de l’an- cien doyenné de Sexte ou de Besançon, à l'exception de Tar- cenay et de Vieiley, sont dans le même cas. Ce doyenné parait avoir été le dernier vestige de la Civitas Bisuntina limitée par les Pagi Portisiorum, Varascorum et Amavo- rum. Les lieux les plus anciennement cités du Territorium Vesuntionense sont, après Besançon (66 ans av. I. C.): Bonnay , Chambornay-lez-Pin, Cussey - sur - lOgnon (4), Geneuille, Marchaux, Pouillev-les-Vignes, Saint-Vit, Serre- les - Sapins (967) , Arcier, Morre, Noironte , Velotte , Vorges (1049), Nancray (1069), Montfaucon (1078), Arguel, Avanne, Thise, Voray (1092)... Grandfontaine est le Grandi- fons, où saint Germain, évêque de Besançon, fut mariyrisé en 366. Bregille figure, en 870, sous le nom de Bergilliae (Ab- batia Bergilliarum), dans le Partage des Etats de Lothaire, Devecey, en 890, sous celui de Divitiacum, dans une dona- tion de Thierry 1°, archevêque de Besançon, à son église. (1) « Ex territorio Vesunciensi.…. villa Cussiacus. » (Chron. de Saint- Bénigne.) V. Acnern Spicileg., t. I, p. 371, ee On voit que ces divisions ne comprenaient pas : d’une part, l'arrondissement actuel de Saint-Claude et le sud de celui de Lons-le-Saunier (canton de Saint-Amour en entier et partie de ceux de Beaufort, de Saint-Julien et d’Arinthoz), et, d'autre part, la partie de lParrondissement de Gray qui est au-delà de la Saône, de Mantoche à Autet. Cest qu'en effet ces deux régions n’ont pas appartenu à la Séquanie romaine : la première faisait partie de la Première Lyonnaise et appartint, après linvasion burgonde, au Pagus Salmo- ringum ; la seconde à appartenu aux Lingons et a fait partie du Pagus Attuarionum ou pays des Attuariens. Elle ne font qu'une tardive apparition dans l’histoire de la Franche- Comté. Enfin, quatre communes du Doubs, celle de Jougne, des Hôpitaux, de Métabief et des Longevilles, et cinq communes de la Haute-Saône, Betoncourt, Chauvirev-ie-Châtel, Ouge, La Quarte et Vitrey ont appartenu à des pays complètement étrangers d’ailleurs à la province, Les premières étaient situées dans le Paqus Vuldensis et appartenaient encore, en 1789, au diocèse de Lausanne ; les secondes étaient du Bassigny (Pagus Bassiniacensis) et du diocèse de Lan- gres. De même que chacun des archidiaconés du diocèse de Besançon était subdivisé en irois doyennés, ainsi les pagi bourguignons étaient divisés en pagelli ou turmae, qui devinrent les fines, puis les baronnies primitives. Nous n'avons plus les noms que d’un très-petit nombre de ces pagelli, qui ont généralement usurpé le titre de pagus. Un seul des noms des pagelli de lPAjoie nous est parvenu c'est celui de la Finis Datirensis (). Le pagellus qui corres- pondait au doyenné des Varasques a laissé trace dans les (4) C'est le pays de Delle, ainsi nommé, sous la date de 727 ou 728, dans la charte de dotation de l'abbäye de Murbach. V. GRANDIDIER et SCHŒP- FLIN, —_ 100 — documents de l’époque sous le nom de Turma Jurensis (). Le doyenné des Montagnes a été le Pagus Heriacensis. Le Finis Lastriacensis de l'Amous était le. doyenné de Dole (2). Enfin, le doyenné de Faverney paraît correspondre au. Pagus GColerensis (pays de Corre) cité par Frédegaire et dont on a voulu faire l'équivalent du Pagus Portensis. La Terre de Saint-Claude a constitué, sous le nom de Pagus Conda- tiscensis, un des pagelli du Saimoringum, et le doyenné de Bèze, sous celui de Pagus Besuensis, uñ de ceux de lPÂttonar. Les pagelli, turmae ou fines, se divisaient en fiscum, au nombre invariable de quatre d’après la loi salique; et les fiscum, en un nombre indéterminé de centenies, de cinquan- tenies et de dizenies. Nous avons conservé les noms de la plupart des fiscum ou seigneuries, qui sont devenus les fiefs dominants de l’époque féodale; mais, chose singulière, le nom d’une seule centenie, celle de Nods (Centenia Nodin- tensis), est parvenu jusqu’à nous. (1) V. l'acte d'inféodation de la seigneurie de Salins à Albéric de Nar- bonne: Dunop, Comfé, t. Il, pr.-p. 596, et GUILLAUME, t. Ï, pr., p. 5. (2) V. V. la Caria de pago Amaoruwm : ROUSSEL, Communes, t. II, p. 182. RAPPORT SUR LA SÉANCE GÉNÉRALE COCIÊTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DE NEUCHATEL EN 1886 Par M. Paul COTTIGNIES, avocat général DÉLÉGUÉ DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS. Séance du 13 novembre 1886. MESSIEURS, C’est la seconde fois que j'ai Phonneur d’avoir été votre délégué auprès d’une société amie, et je viens vous rendre compte de mon mandat. Depuis mon entrée dans vos rangs, j'étais poussé par un curieux désir d'assister à une de ces fêtes Suisses, qui différent tant des nôtres, et j'ai saisi avec empressement l’occasion qui m'était offerte en me rendant, le 21 juillet, à la séance générale annuelle de la Société d'histoire et d'archéologie du canton de Neuchâtel. J'aurais désiré ne pas être seul dans cette mission, et puisque les invitations qui parviennent à la Société d’Emu- lation du Doubs sont à peu près chaque année les mêmes, le personnel de vos délégués pourrait peut-être être recruté assez longtemps d'avance pour qu’il soit assuré et augmenté. Ces missions au dehors ne se rattachent-elles pas étroite- ment au but que poursuit une société qui est plutôt, vous me permettrez de le dire, une société de vulgarisation que ce qu’on est convenu d'appeler une société savante ? L’ac- cueil qui est fait partout à vos délégués est du reste fait pour en augmenter le nombre, et il est aisé de s’apercevoir que la. Société d’'Emulation du Doubs a bénéficié du prestige de quelques-uns de ses membres. — 114 — Après avoir parcouru la route de Besançon aux Brenets, délicieuse préface de Fexcursion, je suis arrivé au Locle où m'attendait l'hospitalité si connue de M. Jules Jurgensen, dont l'éloge n’est plus à faire à Besançon et surtout devant vous. Au jour fixé pour mon arrivée, la tour du Châtelard portait le drapeau fédéral et le drapeau français ; huit jours auparavant, le corps entier des sous-officiers de l'état-major et du recrutement en garnison à Besançon s'était transporté à l'improviste au Châtelard et y avait été recu par M. et Me Jules Jurgensen. Cette anecdote prouve plus que je n’en pourrais dire sur la notoriété à Besançon de lhospitalité du châtelain des Brenets. En passant au Locle, votre délégué est allé visiter l'Exposition de la Société suisse des Beaux- Arts. Les œuvres d'art exposées étaient au nombre de 499, pour la plupart des tableaux, quelques gravures et peu de sculptures. La société fait exposer de ville en ville les ta- bleaux qui lui sont confiés, et après l'exposition, le montant des prix d'entrée et des billets de loterie permet l'achat d’un certain nombre d'œuvres. C'est un salon ambulant, perma- nent, et qui en même temps qu'il fait connaître les artistes, leur donne la facilité de trouver des acquéreurs pour leurs œuvres, et dans le public et dans la société elle-même. L’ex- position est internationale, mais les œuvres françaises y sont rares. Une moitié est Suisse, l’autre est presque en entier Allemande et surtout Bavaroise. L'école française n’était re- présentée que par un portrait, deux tableaux de genre et quatre gouaches. Besançon était représenté par un magni- fique étalon de ses haras, peint par une demoiselle du Locle. Espérons que la publicité de vos annales amènera nos peintres franc-comtois à envoyer quelques paysages à la Société suisse des Beaux-Arts. Et quel plus beau paysage que celui qu'on découvre de la terrasse du Châlelard ! Au- tour de soi de riants parterres de roses, au dessus les lignes sombres des sapins, et au fond, dans une éblouissanie lu- mière, les lacets du Doubs et le coquet village des Brenets. — 112 — Îl fallut s'arracher à cette contemplation pour se rendre aux Ponts-de-Martel, lieu choisi cetie année pour la séance solennelle de la Société d'histoire. Vous savez que la fête de cette société est célébrée chaque année dans une commune différente du canton, que le président annuel est chargé de faire l’histoire de la commune où l’on se réunit, et qu'ainsi, lorsque la société, qui a déjà plus de vingt ans d'existence, se sera transportée dans toutes les communes du canton, elle aura retrouvé et rassemblé, par ses monographies dé- taillées, l’histoire toute entière du canton de Neuchâtel. On comprend que, dans ces conditions, la séance de la société devienne la fête de la commune. Tout le monde y prend part; ce n’est pas une réunion de salon ou d'académie en habit de cérémonie, c’est la fête de tous, devant tous et pour tous. Dire que la commune des Ponts, qui compte douze cents habitants, était pavoisée, n’est pas une expres- sion qui puisse rendre l'effet produit, car toutes les maisons disparaissaient sous les drapeaux, les guirlandes de feuillage, les tentures, les inscriptions, les transparents, les lanternes vénmtiennes et les fleurs. Partout le drapeau fédéral, le dra- peau cantonal avec lies trois couleurs, le vieux drapeau à chevrons de Neuchâtel, le drapeau français et le drapeau de la Société de Tempérance. Il ne faudrait pas s’imaginer qu’à l’image des sociétés de Tempérance anglaises, les sociétés de Tempérance suisses aient pour but l’abstinence ; ce serait iméconnaîitre le caractère national. Les sociétés de Tempé- rance ont pour but, au contraire, de procurer des aliments à ceux qui sont dans le besoin, à l’aide des cotisations qu’elle. obtient de ceux qui retranchent une partie du superflu de leur table. C’est une société d'alimentation populaire à prix réduit, une installation de fourneaux économiques, et elle . 4 s'intitule de Tempérance parce que, demandant aux uns de : 4 se priver de certaines boissons ou aliments de luxe pour” garnir du nécessaire la table de l’ouvrier, elle tempère ainsi les résultats de la fortune et de la gêne. “4 — ho — À chaque extrémité de la commune des Ponts, se dressait un arc de triomphe, l’un en verdure avec cette inscription : « Honneur aux étrangers »; l’autre en tourbe du pays, et c’est la première fois, Je crois, que les morceaux inégaux de cet humble produit auront servi de matériaux à un arc de triomphe. Avant l'ouverture de la séance, on visite l’'Exposi- tion historique ; car en même temps qu’elle fait l’histoire de la commune, la société invite les habitants à réunir en une sorte de Musée les objets anciens, rares ou curieux que cha- cun peut posséder, et elle crée ainsi une histoire de l’Art et un inventaire détaillé de toutes les richesses du canton. Le Musée provisoire des Ponts contenait de vieilles faïences, de vieilles armes, des étoffes anciennes, des meubles antiques et de vieilles horloges. Citons surtout les collections d’his- toire naturelle des Benoît et les cadrans peints par eux. Mais le canon résonne ; le cortège se forme, musique en tête, et se rend au temple où a lieu la séance : M. le président Jur- gensen souhaite la bienvenue aux délégués étrangers et fait l’histoire de la commune des Ponts. Après la lecture de cet important, sincère et savant travail, M. Philippe Godet, de Neuchâtel, entretient l'auditoire de Madame de Charrière pendant son séjour à Colombier. L'intérêt de cette étude, finement écrite, est encore rehaussé par la correspondance de Madame de Charrière, communiquée par sa famille, à la condition de ne pas publier les passages qui touchent à l'in- timité de la vie. Ce travail littéraire, absolument français, trouvera sa place dans le Musée neuchätelois, que reçoit votre bibliothèque. Quelques minutes après avait lieu le ban- quet, en plein air, et comme toujours, en Suisse, le premier toast a été porté à la Patrie : M. Jurgensen est monté à la chaleureuses paroles. Le major de table a donné lecture des lettres de M. Numa Droz, conseiller fédéral, et de M. Lardy ministre de la Confédération helvétique à Paris, s’excusai tous deux de ne pouvoir assister à la réunion ; ensuite 8 4 3 {- LE — 114 — M. Chapuis, président du conseil municipal des Ponts, a souhaité la bienvenue à la Société d'histoire. Son tour étant arrivé, votre délégué a bu à la fraternité entre la Société d'Emulation du Doubs et la Société d'histoire de Neuchâtel, en exprimant le souhait que cette fraternité soit en petit l’image de celle qui doit exister entre la France et la Suisse. Il m'appartenait aussi de remercier M. Jurgensen de son hospitalité, de rappeler que la Suisse avait toujours été, et notamment en 1870, le pays légendaire de l'hospitalité, et de remercier mes hôtes du spectacle unique de ces réunions en même temps scientifiques et populaires. Rien ne man- quait, en effet, à la fête, ni le décor formé par un pittoresque panorama, ni l’'empressement de toute une population assise à la même table : femmes du monde, savants, artisans, tous confondus dans une émulation sans envie, sur la terre clas- sique de l’Egalité. M. Fritz Berthoud, bien connu de la plu- part d’entre vous, avec un enjouement ému et une spirituelle bonhomie, répondant à mon toast de la fraternité, a constaté que les Franc-Comtois et les Neuchâtelois étaient bien de la même race, et son discours humoristique a obtenu le plus grand succès. M. Philippe Godet porte à la commune des Ponts un toast en vers, qui défie l’analyse, et que vous aurez, j'en suis sûr, autant de plaisir à entendre que moi à vous le lire : Je viens ici, Messieurs, Mesdames, Convives en fracs, en Jupons, Prier toutes vos nobles âmes De chanter avec moi les Ponts. Pour un jour, amis de l’histoire, En un lieu, chaque an, nous campons, Mais l’accueil le plus méritoire, N'est-ce pas, c’est celui des Ponts ? Ils n’ont rien négligé, nos hôtes, Ni fleurs, ni drapeaux, ni pompons, Ni des chars pour monter les côtes... Car c’est diablement haut, les Ponts. — 115 — En nous voyant venir, ces braves - Ont tué veaux gras et chapons, Et tiré de leurs vieilles caves Un vin... digne de croître aux Ponts. L'étreinte de leur main robuste Nous retient, — pareille aux crampons — Et nous songeons, comme de juste, À ne jamais partir des Ponts. De ce sol, fait de bonne tourbe, Ce soir si nous nous échappons, Ce sera par un chemin courbe, Pour quitter lentement les Ponts. Car chacun nous rit avec grâce En ce village — où les poupons — Présagent une forte race Qui tiendra haut l'honneur des Ponts. Quand, là-bas, l'hiver nous accable, Nous serions gelés, j'en réponds, Sans ce produit bien remarquable Appelé la tourbe des Ponts. Et leurs cœurs, non moins combustibles, Leurs francs regards — un peu fripons — Ont des attraits irrésistibles Pour quiconque s’arrête aux Ponts. Aussi, je vous invite à boire, De ce bon vin que nous lampons Un plein verre, amis, à la gloire, À la prospérité des Ponts. Après cette poésie, la transition était facile pour M. Per- nod qui a porté le toast aux dames, aussi obligatoire que celui de la Patrie. Enfin, après un dernier toast de M. Borel, la réunion entière, précédée de la musique des Ponts, s’est rendue à la Joux, où la commune de Neuchâtel, héritière des princes, avait préparé un lunch sous les magnifiques om- brages de la forêt. M. Jurgensen remercia la commune de Neuchâtel, M. Philippe Godet remercia les musiciens qui ne nous avaient pas quitté depuis le matin, et, peu de temps 10 après, la voiture qui m’emportait à travers la forêt me sépa- rait du groupe qui retournait aux Ponts, de ces loyaux amis d’un jour, de cette gaieté de bon aloi, de cette population accueillante que les divisions politiques, religieuses et so- ciales auront peut-être repris le lendemain, mais qui s'était unie un jour dans une même acclamation pour la Science et pour la Patrie. UN ÉPISODE DE L'HISTOIRE GÉOLOGIQUE He MONTS-JURA Par M. Georges BOYER. LECTURE FAITE EN SÉANCE PUBLIQUE DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS LE 16 DÉCEMBRE 1886. Engagé par le plus érudit de mes confrères à faire, dans cette séance, une lecture rappelant les études qui avaient contribué à assurer les premiers succès de notre Compagnie, j'aurais décliné cet honneur si je n’avais espéré trouver au- près de vous une bienveillante attention, pendant quelques instants. Observateur par circonstance, lors de mes pérégrinations dans la chaine du Jura, je devrais m’effacer devant les sa- vants professeurs qui occupent parmi nous le premier rang et qui eûssent mieux réussi à vous intéresser. Pour me venir en aide, un très aimable et habile confrère, M. Alfred Vaissier, dont le zèle et le talent sont inapprécia- bles, a bien voulu dessiner, d’après mes indications, une vue cavalière avec coupe dans laquelle sont représentés les Alpes, leurs contreforts savoisiens, le massif du Jura méridional et les plaines Iyonnaises. Au premier plan est le profil de la région comprise entre Lyon et le Mont-Blanc. Les points les plus saillants du relief sont : les hauts plateaux du Bugey; le grand Colombier près de Culoz; la montagne du Gros-Foug sur la rive droite du lac du Bourget ; le Semnoz près d'Annecy ; la Tournette ; les rochers de l’Etale dans le massif du Mont-Charvin ; le Mont- Joly et enfin le colosse des Alpes, le Mont-Blanc. La nappe des anciens glaciers est figurée dans ce profil, NT EE CHU PE Fe $ 2% fe Din de: Ter s EE à rs Me + GR D'ici RARES PEER LT ES NERO Len CE TRE CR LAE- FE NES ra RÉDTET, ASRAMEMES ET RE té légérement teintée en bleu et parsemée de petites taches noires indiquant les blocs erratiques tombés des pics et des aiguilles à la surface des glaciers, puis emballés dans la coulée de glace et entraînés avec elle dans le mouvement de progression et de marche en avant. Entre le Mont-Blanc et le Jura, parmi les hautes cimes qui émergeaient de cet immense champ de glace, citons les plus connues : le Brévent, le Buet, la Dent de Morcle, le Môle. Près de Genève, le Salève était presque totalement recou- vert ; les traces du niveau atteint par le glacier ont été re- trouvées à la cote de 1308 mètres ; or, l'altitude de la plaine suisse étant en moyenne de 400, l'épaisseur des glaces n’é- tait pas moindre de 900 mètres ! Le lac de Genève était comblé par un culot inerte de glace. Dominant ce vaste horizon, la longue falaise du Jura, qui s'étend du grand Colombier à la Dôle et au Mont-Tendre, se terminait par un chapelet d’ilots. C’étaient les sommets de la dent de Vaulion, du Suchet, des aiguilles de Baulme, du Chasseron, du Creux-du-Vent, du Mont-Damin et du Chas- seral. Cette vue idéale du paysage des temps glaciaires, embras- sant quarante lieues d’étendue, est prise d’un point fictif do- minant de très haut les Alpes, en arrière du Mont-Blanc. Tel devait bien être l’aspect des Monts-Jura par une journée ensoleillée de la saison estivale ; les abrupts calcaires avaient, pour un moment, dépouillé leur manteau de neige ; mais les vallées et les plateaux demeuraient ensevelis sous une épaisse couche de glace. Bien que sommaire, cette description de la région repré- sentée dans le tableau que vous avez sous les yeux, vous permettra de mieux saisir les détails du sujet dont je vais donner lecture. | — 119 — Quels sont les événements qui se sont succédé dans la région où le massif du Jura exondé profile au loin la ligne bleuâtre de ses crêtes”? Quel nombre de siècles les changements survenus ont-ils exigée pour le façonner et le modeler ? Aussi loin que l’histoire peut fouiller dans le passé, vingt siècles nous ramènent à peine à l’époque de la Gaule indé- pendante ; vingt autres, quarante et plus peut-être, marquent l’aurore des temps préhistoriques. Et après, en poussant plus loin encore dans ce passé si éloigné, quel terme fixer à l’ap- parition de l’homme et des grands mammifères de la fin des temps tertiaires. Ces événements pourtant datent d'hier, comparés à ceux qui ont marqué la durée de la période jurassique ! Nous devons avouer en toute humilité notre impuissance à répondre à ces questions, mais nous devons être fiers de pouvoir relater une partie des faits accomplis et présenter, pour quelques-uns des âges, une esquisse de la configura- tion de la région qui nous occupe et un tableau de ses divers aspects ; nous pourrons même, dans une certaine mesure, tracer les grandes lignes du paysage de ces temps si reculés et reconstituer en partie la faune et la flore qui leur étaient propres. C’est à la géologie, cette science toute nouvelle qui a pour base l’observation attentive des couches, leur ordre de su- perposition et leur description détaillée, que nous sommes redevables des connaissances qui nous permettront de sou- lever un coin du voile qui cache l’histoire du passé de notre globe. L'étude des fossiles ensevelis depuis des milliers de siècles dans les strates, apporte aussi une vive lumière dans la solution des problèmes à résoudre. Comme les médailles — 120 — qui caractérisent une époque historique, ils servent à déter- miner l’âge relatif des couches qui les renferment. Il est des régions rebelles à tout examen, telles les grandes plaines voisines du Jura, couvertes en partie d’alluvions, où l’observateur ne voit qu’un limon, des sables, des graviers et des cailloux roulés. D’autres contrées, par l’uniformité des éléments stratigraphiques, ne laissent voir que la couche su- perficielle sur de longs espaces ; celles-ci ne se prêtent qu'à une étude partielle. Le Jura est une des régions les plus favorables aux re- cherches géologiques ; sa constitution géognostique est des mieux développée; il présente bien large ouverts ses ruz et ses cluses où le géologue peut se livrer à une véritable ana- tomie des strates. Combien sont venus puiser à cette source toujours renouvelée et abondante les remarquables fossiles de la période jurassique ! Que de coups de marteau ont en- taillé ses roches pour l’ausculter et lui faire livrer ses secrets ! Aussi ce n’est que justice si honneur de donner son nom à l’une des plus importantes périodes géologiques lui à été ré- SeTvé. | : Mais ce n’est pas seulement pour la reconstitution des an- ciennes faunes que les Monts-Jura offrent des éléments d’é- tudes ; l’orographie entrevue et révélée par Thurmann vien- dra à notre aide pour disséquer les paysages les plus variés. Nous saurons pourquoi un lac est ici; pourquoi cette belle rivière se perd dans une cavité pour revenir au jour plus resplendissante ; pourquoi là une combe avec un marais: | pourquoi cette crête se dresse superbe au dessus d’une noire forêt de sapins. | de Les chaînes de montagnes sont toutes d’âges très diffé- rents, et par cela même les masses minérales qui les cons- tituent sont de compositions diverses. Telle chaîne émergée dès les premiers âges, n’a pas cessé de rester terre ferme;. ses annales pourraient être résumées en quelques lignes. Telle autre, après une existence insulaire, au milieu des plus A Fe. SRE" Se ve — 191 — anciennes mers, a disparu lentement ou par intermittence sous les flots. Les discordances de stratification ou de trans- gressivité sont là pour témoigner des envahissements suc- cessifs des eaux océaniques. Des mouvements de flexion ou de bascule, répétés alternativement à travers les âges, ont amené tantôt le retrait, tantôt le retour des eaux marines. La chaine du Morvan peut être citée comme un exemple de la marche de ces phénomènes. Si des régions ont subi assez puissamment l’action des forces intérieures pour voir surgir, à travers les strates des terrains sédimentaires, les roches granitiques qui forment la charpente du globe, d’autres sont restées dans un calme re- latif pendant la plus longue durée des âges géologiques. Il en à été ainsi pour le bassin ou immense cuvette dans laquelle se sont déposées les assises des terrains qui com- posent le massif du Jura. Les forces mises en jeu n’ont pas agi sur tout le fond du bassin avec assez d'énergie pour ame- ner au Jour le socle granitique sur lequel ce massif monta- gneux repose. | À l’exception de la basse montagne de la Serre près de Dôle, où les terrains primitifs ont pointé comme au travers d’une vaste boutonnière, aucune partie de la chaine du Jura n’a été éventrée ; sa masse est constituée par une série de plateaux étagés à diverses altitudes, comme les gradins d’un vaste amphithéâtre ; seulement ces gradins sont échelonnés du côté de la convexité. L'histoire géologique du Jura embrasse toute la durée des àges pendant lesquels les assises qui le constituent se sont déposées au sein des mers. À partir de son émergement, il n’a cessé de subir de pro- fondes modifications. Ses annales continentales, pour être des dernières, n’en sont pas moins des plus intéressantes. Nous ne nous arrêterons aujourd’hui qu'à lun des princi- paux épisodes de cette longue histoire, l'extension des an- ciens glaciers. | — 122 — IT Cette belle région montagneuse, toute parée des forêts luxuriantes des âges tertiaires, allait bientôt disparaître sous un linceul de glace et de neige. Ici se place, dans l’histoire de notre globe, un épisode des plus saisissants. L’homme-doucement acclimaté dut fuir au loin et abandonner, par étapes, les retraites qui avaient abrité ses premiers âges ; les grands troupeaux de mammifères furent chassés des magnifiques forêts vierges dont les arbres renversés, déracinés, couvrirent les plaines de leurs épaves. C’est l’époque glaciaire dont la légende du Déluge est un des échos, époque des grandes inondations toujours renaissantes pendant une longue série de siècles, et semant chaque été la désolation et la mort. Ce que fut l’action destructive des agents d’érosion pen- dant cette phase, dans la chaine du Jura et les plaines envi- ronnantes, nous allons essayer de le décrire. Un abaissement étrange de température marqua la fin des temps tertiaires; d’abondantes chutes d’eau dépassant en intensité les pluies tropicales les plus fortes qu'il nous soit donné de constater de nos jours, commencèrent le déman- tèlement du Jura en ravinant et creusant les hautes vallées. Au début de l’action alluviale, les matériaux charriés par les eaux restèrent confinés sur les plateaux et y formèrent des barrages successifs donnant lieu à autant de petits lacs. Pro- gressivement ces matériaux furent entrainés plus au loin. Les cluses et les ruz, à peine esquissés par les torsions des strates lors des dislocations des chaînons, furent agrandis par les eaux torrentielles ; les vallées se creusèrent davan- tage, enfin les cours d’eau assurèrent leur direction en char- riant, jusqu’en dehors de la chaîne, une masse d’alluvions, débris arrachés aux roches calcaires encaissantes. — 193 — En même temps que les rivières du Jura apportaient leur contingent aux masses graveleuses qui couvrent les grandes plaines voisines, le phénomène alluvial prenait, au pied des Alpes, une extension considérable. Deux grands fleuves le Rhône et le Rhin, démesurément gonflés, débouchaient dans les plaines et y entassaient des nappes prodigieuses de galets et de graviers, débris tombés des cimes des Alpes et entrai- nés par les eaux. Toute la Dombe et les bas plateaux dauphinois sont cou- verts d’une nappe de cailloux roulés variant de 50 à 80 mètres d'épaisseur, apportés par les diverses branches du Rhône qui attérissait et édifiait un immense cône de déjec- tion. Le Rhin, après avoir attéri entre Bâle et Belfort, mit alors à profit la vallée du Doubs qui servit de déversoir à ses eaux. Les amas de galets vosgiens et hercyniens qui couvrent le sol de la forêt de Chaux près de Dôle, ainsi que les cailloux roulés quartzeux de même provenance que nous avons dé- couverts, presque au sommet de la citadelle de Besançon, sont là pour témoigner de la direction suivie par une des branches de ce fleuve. Alors le niveau des eaux, dans la vallée du Doubs, était à près de 80 mètres au dessus du lit actuel de la rivière. Dans le même temps que les grands cours d’eau du Rhône et du Rhin charriaient des masses d’alluvions, les glaciers prenaient possession des cirques élevés des Alpes et des hautes vallées des massifs montagneux. Le Mont-Blanc blanchit le premier, puis progressivement tous les sommets qui lui font cortège. Lorsque la limite des neiges persistantes fut descendue à 1500 mètres, les hautes crêtes du Jura se couvrirent aussi d’un manteau de glace _ dont les plis s’étendirent successivement aux chainons moins élevés ; puis un désert de glace succéda au riche tapis végétal dont les lambeaux arrachés et corrodés furent entrainés au Join. Le Jura, à cette époque géologique la plus rapprochée — 124 — de nous, devait avoir l’aspect de lintérieur du Groënland. Un silence de mort régnait partout; tout être vivant avait disparu de ces solitudes glacées. On eût pu croire que la longue arête qui dessine la conca- vité du Jura du côté des Alpes, et dont Paltitude moyenne varie entre 1400 et 1500 mètres, aurait opposé une barrière infranchissable aux puissants glaciers alpins qui sont venus la heurter. Il n’en a rien été. Pareille à une fantastique marée, la prodigieuse coulée de glace descendue des cirques élevés des Alpes déborda sur plusieurs points. Une véritable lutte s’engagea entre les glaciers spéciaux au Jura et ceux des Alpes qui prirent le contact. Les phases de cette lutte, alternatives d'avancement ou de recul, sont marquées dans les hautes vallées par lenchevêtrement ou la superposition des moraines. La victoire ne pouvait être indécise ; énorme puissance des glaciers alpins eut raison des résistances. Dans le val Romey et aux environs de Bellegarde à la perte du Rhône, les moraines jurassiennes à matériaux essentiel- lement calcaires, sont recouvertes par les moraines alpines à matériaux silicatés. L. Le Jura fut aussi escaladé aux environs de Neuchâtel, où à | toutes les crêtes inférieures à 4400 mètres ont conservé les M preuves de cet assaut. Un semis de blocs erratiques couronne la cime du Mont-Damin où aboutissait la ligne de faite de la grande coulée de glace qui débouchait du Valais. C'est le point le plus élevé atteint par le glacier sur la lisière orien- tale du Jura. Dans cette partie de la chaine, les glaciers jurassiens ont. ; été recouverts par le glacier alpin jusqu'aux environs de M Pontarlier, ainsi que l’attestent les moraines placardées sur à les flancs des vals de Jougne, de Sainte-Croix et de Travers. « Les blocs erratiques répandus dans cette région sont si vo- ‘4 lumineux qu’ils ont donné et donnent encore lieu à une fruc- tueuse exploitation. Les glaciers spéciaux au Jura ont relayé M et convoyé les matériaux alpins à de plus grandes distances, M A he — 195 — dans l’intérieur de la chaîne jusque sur les plateaux d’Aman- cey et sur ceux dominant Ornans et Salins. Le Jura méridional, aux environs de Belley, fut franchi entièrement ; la masse de glace venue du Valais, refoulée par les glaciers de la Savoie, s’insinua sous forme de digi- tations dans les vallées jurassiennes, puis s’éleva au dessus des plus hautes barrières et vint toucher à la colline de Kour- vière près de Lyon, où de nombreux blocs erratiques témoi- gnent du développement des phénomènes glaciaires. Le panorama dessiné par M. Vaissier représente les gla- ciers alpins à l’époque de leur plus grande extension. Après avoir franchi le Jura, les glaces se sont épanouies en éven- tail et ont couvert toute la basse région, depuis Vienne jus- qu’à Lyon et Bourg. Pendant toute une longue série de siècles, des érosions considérables modifièrent profondément le relief des massifs montagneux. Si l’on peut affirmer que les Alpes ont perdu une notable partie de leur altitude première, et pour cela il suffit de reconstituer par la pensée leur relief, en y ratta- chant tous les terrains de transport qui couvrent les plaines subordonnées, on peut dire que le Jura n’a pas échappé non plus à l’action destructive des glaces et des torrents qui s’en échappaient. Encore mieux que les Alpes, il a dû subir des modifications profondes qui ont, altéré sa confi- guration. Les glaciers, nous le savons, burinent les roches, y creu- sent des cannelures, les rabotent sur de larges surfaces ; les traces de leur passage sont marquées en caractères indélé- biles sur les rochers du Jura. La trituration des calcaires et le lavage des assises marneuses aMhenèrent souvent l’abla- tion de plusieurs horizons géognostiques. Sur les vastes plateaux de la région occidentale, les ter- rains les plus supérieurs de la série des dépôts ont disparu ; on ne retrouve le plus souvent des lambeaux de ces étages que sur le bord des failles où en suite d’affaissement et d’en- Ce TT ie — 196 — cadrement dans des terrains plus anciens, ils ont été mis à l'abri des érosions. Ainsi, pendant les périodes préglaciaire et glaciaire, le Jura à été livré à une désagrégation violente, résultat des érosions pratiquées sur toute la surface du relief et à tous. les niveaux par la marche des glaciers et la circulation des eaux de fonte. Si la phase de développement des glaciers a été caracté- risée surtout par une puissante action alluviale, celle du re- trait n’a laissé aucun indice d’action torrentielle. Le limon jaune ou terre à pisé, produit du lavage des boues glaciaires, le prouve suffisamment par la nature même de sa composition. Tout porte à admettre que les glaciers ont fondu lentement et que la lévigation générale qui a suivi a constitué, par places, sur les plateaux du Jura, un manteau limoneux dont les éléments sont principalement tirés des: formations marneuses. III Malgré l’apparence désastreuse de cette longue période glaciaire et les calamités engendrées par la rudesse du cli- mat et la périodicité des inondations estivales qui obligeaient les premiers habitants à vivre d’une existence précaire, sur quelques collines éloignées du domaine des glaciérs et assez élevées pour ne pas être submergées par les eaux de fonte des glaces combinées aux pluies torrentielles, il est certain que dans ses résultats l’action glaciaire fut un bienfait, et qu’il est sorti de cet état de choses comme une préparation du sol qui allait être livré aux mains de l’homme. . Ne voyons-nous pas que le tapis végétal, sur les plateaux calcaires rabotés et usés, n’est constitué le plus souvent que. d’une couche de limon, produit de la lévigation des glaces ou par des amas de boue glaciaire ! En général, il n'existe pas PL Tente PO OO ss D — 197 — de sol cultivable, en dehors de ces dépôts, sur les plateaux du Jura. Les sapins et les épicéas peuvent seuls s’accom- moder des crêtes et des abrupts calcaires, et végéter en en- serrant les têtes de rocs de leurs racines. Quant aux plaines d’alluvions, leur richesse est trop connue pour que nous insistions davantage ; il est de toute évidence que l’action glaciure, dans l’œuvre de la préparation du sol, a joué un rôle prépondérant et d’une utilité incontestable. Un état de choses nouveau s'établit dès lors pour persister jusqu’à nos jours. Cette phase est marquée par une recru- descence de l’activité humaine. L'homme obéit à la loi qui régit tous les êtres ; il évolue depuis l’époque de son appari- tion ; mais cette évolution, qui ne semble pas affecter sensi- blement la structure de ses organes, se manifeste surtout par le développement des fonctions cérébrales; elle est toute morale et intellectuelle. De nouveaux changements dans la répartition des terres et des mers amèneront-ils, dans l'avenir, une série de modi- fications des formes animales et végétales”? La science peut- elle assigner un terme à notre époque et prévoir l'extinction de tous les êtres dans un temps donné ? Dans cet ordre d'idées, toute hypothèse est téméraire ; les plus hardies conceptions ne peuvent conduire qu’à des ré- sultats contestables. On a souvent parlé de la fin du monde; des esprits cha- grins en parleront encore ; quelques savants même n’ont pas craint de pénétrer dans le domaine purement spéculatif et ont cherché à expliquer comment cet événement se réalise- rait. À côté des cataclysmes prédits figure une nouvelle phase glaciaire qui dépasserait en intensité ses devancières. Selon leurs prévisions, il viendra un temps où la tempéra- ture se trouvera trop basse pour que les êtres organisés puissent exister : ce sera lorsque les glaces des deux régions polaires, étendant de plus en plus leur domaine, iront se souder à l'équateur. Alors le globe, recouvert d’une nappe — 198 — continue de glace, sera complètement dépourvu d'habitants. Mais les promoteurs de ces explications ne pensaient pas que pour amener l'extension des glaces, il ne suffisait pas de produire un grand froid. Au contraire, de semblables. conditions climatériques tueraient en quelque sorte les gla- ciers. Pour faire de la glace, il faut de la chaïeur. Sans la va- porisation de l’eau sur tel ou tel point, la neige ne pourrait se former et le développement des névés deviendrait chose impossible. Nous avons quelque peine à nous représenter les derniers survivants de l’espèce parqués dans les régions équatoriales, entre deux murailles de glace, et agonisants sous la menace d’être à tout instant écrasés dans une dernière et formidable étreinte. Si l'homme est destiné à disparaître un jour du théâtre de la nature, — et en cela il obéirait à la loi générale qui a régi l'apparition, le développement, puis l'extinction de certaines séries du règne animal et du règne végétal, — si, disons- nous, l’homme doit disparaitre, après avoir tenté toutefois de résister, en s’adaptant à de nouveaux milieux et après avoir réussi à reculer cette triste échéance, on peut admettre qu’une nouvelle phase glaciaire ne le surprendrait pas com- plètement désarmé comme à ses premiers âges. Les vicissi- tudes à traverser seraient certes encore nombreuses, mais avec les progrès de la science, l’homme qui bouleverse la sur- face du globe, qui abat des montagnes et perce des isthmes, défendrait son domaine pied à pied et arriverait à circonscerire l'aire de progression des glaces. Nul doute qu’il ne sorte en- core une fois vainqueur de cette lutte. . Quoiqu'il arrive, soit que l’espèce, perdant peu à peu sa vitalité, ait, comme l'individu, une limite à son existence; soit que la Terre ne puisse plus un jour nourrir ses habi- tants ; soit enfin que des éléments inexorables viennent con- courir à l’œuvre de destruction, l'instant du dénouement fatal ne peut être fixé. OPINIONS DES ÉRUDITS DE L'AUTRICHE SUR LES ORIGINES ET LA DATE DÜ SA/NT-ILDEFONSE DE RUBENS RETROUVÉES PAR M. Auguste CASTAN CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE ASSOCIÉ DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE ET DE L’ACADÉMIE D'ARCHÉOLOGIE D'ANVERS. — Séance du 13 février 1886 et séances suivantes. Dans un premier supplément à ma dissertation sur Les Ori- gines et lu date du Saint-Ildefonse de Rubens (), j'avais en- registré les adhésions données à ce travail par deux savants de la Belgique des plus autorisés : Alexandre Pinchart, en- levé prématurément à ses pénétrantes recherches sur les artistes de l’école flamande ; M. Max Rooses, le vaillant auteur d’une histoire descriptive de l’Œuvre de Rubens. Je ne connaissais pas encore alors un autre suffrage, non moins flatteur, qui m'est venu de la même contrée, celui de M. Charles Piot, l’érudit archiviste général du royaume de Belgique (2). | Mon travail apportant quelques éléments utiles à introduire dans la biographie du grand coloriste, il était à prévoir que les compatriotes de Rubens, si intelligemment soucieux de leurs gloires nationales, me prêteraient une attention bien- (1) Une visite au Saint-Ildefonse de Rubens : dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 5e série, t. IX, 1884, pp. 108-113. (2) Bulletins de la Commission royale d'histoire de Belgique, 4e sér., t. XII, 188%, pp. 148-149, Me OÙ RE EE EN Lee PAT PET A: ES * DENTEN ÿ se # Dar re El à 5 Pa ee EL ARR ER à + Fée y FRA k RO CR ALP EEE LR El DR CE 7 ES FRE Ni nS4 1 PREYTS ER LÉ > DAT LR MOUSE We « 0 £ . > r rer es 2 3 ù FN EE Vas” KE = ET: si Sr Etes ES > ex H ? À 3 s FN Rene yat) \ 4 : * 4 L F >" Ma }; Et 1 , IL æ \ SR CR ts 2e dre Par — 131 -— veillante. Mais le même travail ayant pour objet esentiel d'éclairer d’un jour nouveau les origines de celle des produc- tions de Rubens que l’on à pu appeler « le chef des chefs- d'œuvre du maître (1) », mes révélations concernant cet ou- vrage devaient fixer encore plus particulièrement l'attention des critiques d'art de la noble ville qui considère à bon droit le Saint-Ildefonse comme le premier des joyaux de sa célèbre Galerie du Belvédère. En conséquence, une analyse des plus gracieuses de mon travail fut publiée dans le journal La Presse de Vienne, par M. le docteur Th. Frimmel, l’un des savants conservateurs de la collection d’Ambras ; puis M. le chevalier Edouard de Engerth, directeur de la Galerie du Belvédère, me fit Phon- neur de prendre prétexte de ce même travail pour refondre la notice qu’il avait consacrée au Saint-Tidefonse, dans le magnifique catalogue des richesses d'art confiées à ses soins (2). M. le chevalier de Engerth, qui unit les talents d’un peintre d'histoire du plus haut mérite aux qualités d’un consciencieux érudit, a bien voulu m'’associer à la préparation de son nouvel article, en me demandant un examen complémen- taire de quelques points spéciaux touchés dans ma disserta- tion. (1) « L'Apparilion de la Vierge à Saint-Ildefonse, du Belvédère, me semble le chef des chefs-d’œuvre du maître. » (L. VrARDOT, dans la Ga- zette des Beaux-Arts, 2% période, t. Il, p. 291.) (2) Voici la description bibliographique de ce catalogue, en 3 volumes in-8, qui est au premier rang des ouvrages intéressant l'histoire de l’art : Kunsthistorische Sammlungen des allerhæchsten Kaiserhauses. — GE- MÆLDE. — Peschreibendes Verzeichniss von Eduard R. v. ENGERTH. — I. BAND : Ualienische, spanische und franzæsische Schulen ; LXxxIx-480 S. 1882. — IT. Band : niederlændische Schulen; vi-578 S. 1884. — II. Band : deutsche Schulen; vi11-387 S. 1886. — La nouvelle rédaction de la notice sur le Saint-L[ldefonse fait partie d’un supplément au deuxième volume de l'ouvrage que nous venons de décrire. Ge supplément à pour titre spécial : 1 Nachtrag zum Il Bande des beschreibenden Verzeich- nisses ; Wien, 1886, in-8°. — 132 — Cet examen, auquel je me suis livré, n’a fait que me con- firmer dans une opinion qui m'avait été logiquement imposée, en 4884, par la découverte de témoignages directs sur les cir- constances et l’époque de la production du célèbre triptyque. Entre cette solution nouvelle et les indications légendaires dont j'avais démontré la fausseté, M. le chevalier de Engerth a Cru pouvoir adopter un moyen terme. Il lui paraît impos- sible que la tête de l’archidue Albert, peinte sur l’un des volets du triptyque, soit autre chose qu'un portrait fait d’après le personnage vivant : de là une série d’hypothèses pour concilier ce sentiment avec les témoignages précis qui donnent au Saint-Ildefonse une date de dix ans postérieure à la mort du prince que l’on y voit représenté. J’ai donc eu le regret de ne pouvoir que faiblement souscrire aux hypo- thèses ingénieuses de M. le chevalier de Engerth; mais comme l'exposé de son système comprend des appréciations d’une incontestable valeur sur la peinture dont nous avons essayé l’un et l’autre d'éclairer l’histoire, il m’a paru que cet exposé accompagnerait utilement la publication des lettres qui con- tiennent les objections adressées par moi à son éminent auteur. Je-dois conséquemment remercier M. le chevalier de En- gerth de m'avoir permis de joindre une traduction française de son intéressant artiele à la traduction de l’étude de M. le docteur Th. Frimmel sur ma dissertation de 1884, ainsi qu'aux lettres par lesquelles j’ai de nouveau commenté les textes qui se rapportent à la merveille de coloration dont s’enorgueillit la Galerie impériale du Belvédère. LA FÉ PO PR CR es 7, | RS ET TE F1 1 ER è — 133 — LE SAINT-ILDEFONSE DE RUBENS AU BELVÉDÈRE Par M. le docteur he. FRERMEL.. (Extrait du journal Die Presse de Vienne, n° du 21 décembre 1885 (1)). « Notre ville impériale est exceptionnellement riche en chefs-d’œuvre de la peinture. Il y à là un ensemble à la fois très connu et très ignoré, suivant l’acception que l’on voudra donner à ces mots. Pour le petit groupe des érudits en matière d'art qui ont passé en revue les musées et les galeries de lEurope entière, l'importance des nombreux chefs- d'œuvre que possèdent les collections publiques et privées de Vienne est depuis longtemps constatée. Le public, lui aussi, semble avoir quelque idée de la richesse de nos musées. Cependant il serait téméraire de prétendre que les trésors artistiques qui nous appartiennent sont connus et appréciés du public, aussi bien que du monde savant, au même degré que les trésors analogues de telles autres capi- tales et grandes villes. Il ne s’agit pas aujourd’hui de recher- cher les causes de cette insuffisance de notoriété. Ce qui va nous occuper, c’est une peinture qui est incontestablement l’objet de l'admiration générale. » Qui n’a pas vu au Belvédère le Suint-[ldefonse de Ru- bens ? Qui ne s’est extasié devant cette incomparable merveille de coloration ? Et qui n’a lu à l’occasion, dans quelque notice, que ce tableau fut peint par le grand maitre anversois pour la confrérie de Saint-Ildefonse à Bruxelles, sur la demande om | (1) Je dois la traduction de cet article à l’affectueuse obligeance de mon ami M. Paul LAURENS. — 134 — de larchiduc Albert et de son épouse [sabelle - Claire- Eugénie ? » Ces deux personnages, l’un et l’autre en brillant cos- tume, sont peints sur les volets latéraux du retable d’un maître-autel. Le panneau central représente, à n’en pas douter, le miracle fait en faveur de saint Idefonse : pour récompenser sa dévotion toute spéciale à la Vierge Mère de Dieu, celle-ci apparut un Jour à l’évêque de Tolède et lui offrit une magnifique chasuble. Les revers des volets laté- raux ont été réunis, depuis les premières années du siècle dernier, pour former un seul tableau, qui représente la Sainte-Famille, dans un paysage où se trouve un grand pommier. » Sur le compte de ces peintures, il existait une hypo- thèse, qui avait fini par être à peu près adoptée comme vérité : c'était que le jeune Rubens les avait faites peu après son retour d'Italie, c'est-à-dire vers l’année 1610, pour une chapelle de l’église de Saint-Jacques de Caudenberg, à Bru- xelles. En admettant cette date, il fallait supposer que Ru- bens avait acquis avec une rapidité surprenante cette com- plète indépendance arüstique et ce talent tout personnel que nous admirons dans ses œuvres les plus müries. En effet, le tableau de Suint-Tldefonse est d’un maitre dont le talent, absolument individuel, est arrivé à son apogée. » Sans doute, en attribuant la production du A fonse à une époque aussi reculée, il était difficile de faire coïincider la manière suave et moëlleuse de cette peinture avec la manière quelque peu sèche et dure d’autres œuvres certainement peintes par le maître peu après son retour. d'Italie. À cet égard, nous indiquerons le tableau assez po- pulaire de la Pinacothèque ancienne de Munich, où le jeune maitre s’est représenté assis à côté d'Isabelle Brandt, sa première femme, sous un berceau de chèvrefeuille. Ce ta- bleau parait dater de 1609, c’est-à-dire de l’année qui pré- céda le mariage de Rubens avec Isabelle. L’exécution en est — 135 — consciencieuse, mais un peu dure ; c’est à peine si l’on y pressent le Rubens de plus tard, celui que les Viennois ne se lassent pas de visiter au Belvédère et à la galerie Lich- tenstein, le Rubens qui leur est connu par la Pelisse et la Fête de Vénus. » Comme termes de comparaison d'époque plus récente, on peut citer les deux grands retables qui comptent, à juste titre, parmi les plus célèbres œuvres d’art de la ville d’An- vers : je veux parler de l’Elévation de la Croix, peinture exécutée en 1610, et de la Descente de Croix, qui date de 1611-1612. Dans ces deux tableaux, qui sont à la cathédrale d'Anvers, on ne trouve pas encore la fluidité et l’éclat puis- sant de coloris qui distinguent les œuvres postérieures de Rubens. Même plus tard, par exemple dans les tableaux datés de 1615 et de 161% qui sont au musée de Cassel, Ru- bens n’a pas encore atteint cette magie dans le coloris et ce velouté dans les contours que les œuvres postérieures du maître font admirer. Aucun des tableaux de cette première période ne promet encore ce peintre au talent si absolument personnel, à la facture large et moëélleuse qui se manifeste dans le Saint-Ildefonse. » Pour les logiciens, ce fait constituait une anomalie, une énigme en quelque sorte ; mais, il faut l’avouer, faute de recherches approfondies, on passait outre trop légèrement ; et puis cela ne diminuait en rien l’admiration générale à l’é- gard de cette splendide peinture. ..» Depuis quelques années, l’histoire des arts, d’origine encore bien récente, se conforme de plus en plus aux règles d’une méthode plus perfectionnée, au moyen de la recherche et de la vérification des faits de l’histoire. Sans se préoccuper de la touche des pinceaux et du trait des crayons, elle a élu domicile dans les archives et dans les bibliothèques : c’est ainsi que ce,qui était un dilettantisme moitié esthétique et moitié artistique, constituant un ensemble assez mal défini, devient une véritable science. Aujourd’hui presque tout le — 136 — monde reconnaît que cette science, qui en si peu d’années a acquis un tel degré de certitude, est manifestement en voie de progrès : aussi fort restreint est le nombre de ceux qui contestent encore les résultats de l'information méthodique. » Cest au résultat d’une enquête méthodique, faite à la lumière des documents, que nous sommes redevables d’un éclaircissement de la plus haute importance sur l’époque réelle de l'exécution du tableau de Saint-Ildefonse, actuelle- ment au Belvédère de Vienne et que l’on considère à juste titre comme le chef-d'œuvre de Rubens. Auguste Castan, l’érudit conservateur de la Bibliothèque de Besançon, qui, de même que Eugène Müntz et quelques rares savants de la France, est entré dans la voie la plus sérieusement assurée en ce qui concerne l’histoire de Part, a, dans une brochure récemment publiée (), fourni la preuve irréfutable que notre retable de Suint-lldefonse n’est pas une des premières, mais est au contraire une des dernières œuvres du grand peintre. Des documents, contemporains de Rubens lui-même, en ont fourni la preuve. Castan commence par exposer dans sa bro- chure l’état de la question avant l’introduction des documents qui ont été la base de son enquête. Ce que lon connaissait auparavant ne pouvait en aucune façon servir à démontrer l’ancienneté de lexécution du tableau. Les renseignements les plus lointains qu’on ait sur Rubens ne font pas la moindre allusion à la peinture d’un Saint-ldefonse que le jeune ar- tiste aurait faite dès son retour d'Italie. La première mention connue de ce tableau datait de 1763, et encore ne concernait- elle que la Sainte-Famille, l'une des parües de l'ouvrage, dont l’auteur de la description parlait comme d’une des der- nières peintures de Rubens. Quant au fait de la présence dans l’ouvrage des figures de l’archiduc Albert et de l’infante (1) Les origines et la date du Saint-Ildefonse de Rubens; Besançon, Dodivers, 1884 : ouvrage dédié à S. E. le comte Franz FOLLIOT DE CREN- NEVILLE, — 137 — Isabelle, il n’y a rien à en arguer pour déterminer la date de Pensemble. Ces personnages auraient pu être morts, et leurs portraits avoir été néanmoins introduits par Rubens dans son retable. Ce sont de ces portraits historiques, comme le maître en fit beaucoup. De ce nombre est le Maximilien [er que nous avons au Belvédère. À qui pourrait-on faire admettre que Rubens avait peint ce portrait d’après nature? » Tout ce qui précède, et bien d’autres considérations encore, rendaient absolument invraisemblable l’opinion gé- néralement admise sur l’ancienneté de date du tableau de Saint-[ldefonse. Mais Castan fit intervenir des mentions pré- cises de ce tableau, mentions des années 16530 et 1636, et alors la date autrefois admise devint radicalement impossible à soutenir. Nous allons résumer ce que sa brochure nous a appris. » En l’an 1629, la confrérie de Saint-[ldefonse à Bruxelles, qui était une continuation de celle qu'avait fondée à Lisbonne l’archidue Albert, au temps de sa vice-royauté de Portugal, conçu le dessein d’embellir sa chapelle par la construction d’un autel remarquable. Un document de l’année 1630 donne l'inscription projetée pour cet autel, inseriplion dans laquelle l’infante Isabelle est indiquée comme donatrice et comme veuve : l’archiduc Albert était mort en 1621. Toutefois le nom de Rubens ne se lit pas dans ce document. Mais néan- moins, il s’agit bien de notre tableau : Castan nous en donne la première preuve au moyen d’un autre document par lui découvert dans les collections de la bibliothèque de Besançon. Ce second document, qui date du 33 janvier 1636, dit posi- tivement que la confrérie de Saint-Fdefonse a érigé un autel en marbre, orné d’une peinture de Rubens, pendant les der- nières années de la vie de l’infante Isabelle. Or Isabelle mourut en décembre 1633. » Ce qui précède donne la certitude que le retable de Saënt- Ildefonse, loin d’être une œuvre de la jeunesse de Rubens, appartient au contraire à la catégorie des ouvrages de 74. ER A Fa ? 24 BEN PET RE Et RU RSS es JE RAS LE S PER ARE 02 “ AT = — 138 — la dernière période de lexistence du maïtre. Il est présu- mable que l’infante Isabelle commanda ce tableau lors du passage de Rubens à Bruxelles, au mois de mai de 1629. Ce- pendant lartiste ne put guère en entreprendre l’exécution qu'après être revenu de Londres, où il avait rempli une mis- sion diplomatique. Son retour à Anvers eut lieu en.avril de 1630. Nous avons ainsi des points d'appui suffisants pour pouvoir établir, avec les plus grandes probabilités d’exac- titude, la date de lexécution de ce splendide tableau, date qui aura pour termes extrèmes le milieu de l’année 1639 et les abords de Pannée 1632. : » Quant aux autres éléments démonstratifs que Castan apporte, il nous paraît inutile d’en faire l'analyse, car ils sont beaucoup moins directs que ceux qui viennent d’être ré- sumés. Ainsi, par exemple, Castan veut reconnaitre, dans l’une des figures du panneau central, les traits de la seconde femme de Rubens, Hélène Fourment, que lartiste installa dans son logis en 1630. Je ne puis admettre cette remarque comme argument, car la ressemblance invoquée me parait très incertaine : je la jugerais sans importance au point de vue de la rectification de la date dont il s'agit. » Quoi qu'il en soit de ce détail, Castan a démontré et prouvé que l’exécution du Saint-Ildefonse de Rubens appar- tient à une époque plus récente que celle qui lui était assi- gnée : nous lui sommes ainsi redevables d’une sérieuse con- quête. Ses investigations ont expliqué l'énigme qui résultait pour nous du contraste entre la manière des premiers ta- bleaux de Rubens et les procédés employés par cet artiste pour peindre le Saint-Ildefonse. Nous ne saurions avoir assez. de gratitude envers Castan : c'est grâce à ses efforts que nous sommes fixés d’une manière certaine sur la date de la plus belle œuvre de peinture qu'il y ait dans tout Vienne (). » (1) Une analyse plus sommaire de mon travail a été donnée en outre, par M. le docteur Th. FRIMMEL, dans le Repertorium fur Kunstwissen- — 139 — schaft, Bd. VIII, S. 381, et cet article a été cité dans la Geschichte der Malerei de WoERMANN (Bd. IIT, S. 418). En insistant sur la valeur des do- cuments que j'ai mis en lumière, le savant docteur s'exprime en ces termes : « On ne peut rien opposer à de pareils documents. Quiconque a suivi la démonstration de Castan ne peut plus penser à une origine du tableau an- térieure à celle qu'il indique... Actuellement que l’on a en main la preuve historique de cette origine postérieure, le tableau vient tout naturellement prendre rang dans la série des créations de la période de maturité de Ru- bens..……. Les révélations historiques de Castan provoqueront plus d’un tra- vail nouveau des critiques d'art... » D à pres mm ar qu 1 — IH DEUX LETTRES A M. LE CHEVALIER ÉDOUARD DE ENGERTH, DIREC- TEUR DE LA GALERIE IMPÉRIALE DU BELVÉDÈRE, SUR LE SAINT- ILDEFONSE DE RUBENS. Besançon, le 16 septembre 1886. Monsieur et cher collègue, - Vous m'avez fait l'honneur de prendre en sérieuse et bien- veillante considération le travail que j'ai publié, en 1884, pour révéler Les Origines et la date du Saint-Ildefonse de Bubens. Déjà les conclusions de ce travail avaient été tenues pour bonnes, après contrôle, par le regretté Alexandre Pin- chart, puis par M. Max Rooses, l’érudit historien de l'Œuvre de Rubens, enfin par votre savant compatriote M. le docteur Th. Frimmel, l’un des conservateurs de la collection d’Am- bras. . En adhérant aujourd'hui vous-même à quelques-unes de mes conclusions, vous voulez bien désirer connaitre mon sentiment sur une hypothèse qui vous semblerait de nature à concilier, pour un détail de l’histoire des origines du Saint- Ildefonse, la version légendaire que je crois avoir renversée et les notions qui découlent des documents que j'ai décou- verts. En effet, deux des points d'appui de l’ancienne doctrine vous paraissent encore mériter attention : il s’agit d’abord d’une notice relativement ancienne qui dit que l’archidue Albert « fit dresser... autel magnifique... dans le tableau duquel on voit saint Idefonse » ; il s’agit ensuite de la diffi- culté d'admettre que la figure de ce prince, représentée sur l’intérieur de Pun des volets du tableau, n’ait pas été peinte d’après nature. Je rappellerai à ce propos que l’œuvre d'art — 14 — dont il s’agit passait pour un ouvrage produit en 1610, asser- tion qui se trouva formellement contredite par les docuu- ments que je retrouvai et d'où il résultait que ce tableau avait été un présent fait à l’église bruxelloise de Saint-Jacques de Caudenberg, entre les années 1630 et 1634, par l’infante Isabelle-Claire-Eugénie, alors veuve de larchiduc Albert, qui était décédé le 15 juillet 1621. Pour attribuer à l’année 1610 une peinture exécutée dans une manière que son auteur n'avait adoptée que vingt ans plus tard (1), on se basait sur un passage de l'Histoire de Rubens, publiée en 1771 par le licencié Michel; mais on supposait naturellement que cet écrivain avait eu sous les yeux un document autorisant son allégation. Le document qu'il avait eu sous les yeux, c'était une notice dont il existe une copie aux Archives impériales de Vienne et dont je viens d'examiner l'original aux Archives du royaume de Belgique, cireonstance qui me permettra de vous en parler avec connaissance de cause. Ce document est le « Livre nouveau de la hermendad ou confrérie de Saint-[ldefonse, confirmée dans l’église de Cau- denberg, par l’archidue Albert, en 1603. » On n'a malheu- reusement plus le « Livre de linstitution de la confrérie », où l’on voyait en miniature la Vierge Marie tenant l'Enfant Jésus, avec saint fldefonse et saint Albert agenouillés à leurs pieds. Le « Livre nouveau » n’a pas le caractère d’un registre original ; ce n’est qu’une compilation divisée en deux par- ties : on y trouve en premier lieu la nomenclature des sei- gneurs et officiers de la cour de Bruxelles qui avaient compté parmi les membres de la confrérie ; en second lieu, viennent les listes annuelles des directeurs de l'association (), avec (1) M. Max ROOSES fait remonter à l’année 4626 l’origine de cette troi- sième manière, qu'il caractérise supérieurement dans quelques passages dont nous avons enrichi l’Appendice de la présente publication, (2) Dans ma première dissertation, j'avais écrit, d’après une note qui comportait une légère erreur, que « chaque année la conférie... élisait un = D — quelques résumés des comptes rendus par ces derniers et plusieurs inventaires du mobilier de sacristie que la confrérie possédait. Ces inventaires, dont le dernier est de 1716, énu- mèrent les ornements d'église que l'association devait à l’infante Isabelle, mais il n’y est jamais fait mention du trip- tyque peint en l’honneur de saint Ildefonse. Il y a dès lors certitude que la confrérie n’avait aucun droit de propriété sur le tableau, et que celui-ci était regardé comme faisant partie du bâtiment de l’église, à la façon d’un immeuble par destination. Le « Livre nouveau de la confrérie de Saint-Tldefonse » a été créé en 1692 et continué jusqu’en 1716. C’est à la pre- mière de ces dates que l’on doit rapporter la notice qui sert de préface à chacune des parties du « Livre », notice dont le licencié Michel s'était certainement inspiré pour faire re- monter au temps de l’archiduc Albert l'exécution du retable dédié à saint Tldefonse. Cette notice avait été rédigée plus de soixante-dix ans après la mort de l’Archiduc et cinquante- neuf ans après la mort de l’infante Isabelle. À de pareilles distances, les échos traditionnels sont déjà quelque peu confus : il ne pouvait manquer d'en être ainsi quant aux ori- gines d’un tableau qui n’appartenait pas spécialement à la confrérie de Saint-[ldefonse et auprès duquel on avait né- gligé de graver ou de peindre l'inscription préparée, en 1630, pour établir la provenance et la date de cette œuvre d'art. bureau de cinq dignitaires. » Après examen direct du Livre nouveau de la confrérie, aux Archives du royaume de Belgique (abbayes de Brabant, n° 1990), je puis dire que ce bureau annuel se composait de siæ personnes : un juge, un trésorier, deux majordomes, un secrétaire et un procureur. Ce livre donne ainsi la composition du bureau élu en 1629 : « Juge, mon- sieur D'ANDELOT; thessorier, Jean MonTFoRT; mäyor-domos, Manuel NunEz et Sebastian BINVELAS ; secrétaire, Francisco DEL BONO; procu- reur, Jean DE BREY. » Le bureau élu en 1630 est ainsi enregistré : « Juge, le comte Ottavio VISCONDE ; thessorier, Martin PEREZ ; mayordomos, Migel DE SorRivas et Gabriel BERGES ; secrétaire, Pedro DIAS DE ARCAYA ; pr'0- cureur, Henric D'ALCHET. » = 448 — Le compilateur du « Livre nouveau » voulait glorifier , soixante-dix ans après sa mort, le fondateur de la con- frérie : ce fondateur était l’archiduc Albert ; la notice lui attribua en bloc tout ce que l’association devait au gouver- nement de ce prince et à celui de sa veuve, l’infante Isabelle. De là ce vague exposé relatant que l’archiduc Albert « fit établir ladite confrérie dans l’église de Saint-Jacques (à Bruxelles). …, et pour la rendre plus célèbre, fit dresser, à l’honneur du même saint [ldefonse et à la gloire de sa confrérie, l'autel magnifique de la chapelle la plus voisine du palais, dans le tableau duquel on voit saint [ldefonse recevoir des mains de la Sainte- Vierge, accompagnée de plusieurs saintes, une chasuble travaillée de ses propres mains..., et aux deux côtés les portraits dudit seigneur Ar- chiduc et de madame l’Infante, avec les patrons de l’un et de l’autre. » Dans cet exposé, rédigé plus de soixante-dix ans après la mort de l’Archiduc. aucune indication n'existe ni sur la date D approximative de l’autel dédié à saint Idefonse, ni sur le peintre qui avait exécuté le retable de cet autel. Pour l’éclair- cissement de ces deux points, j'ai donc eu raison de pré- férer à une version légendaire le témoignage direct d’un chapelain de linfante Isabelle, de Philippe Chiflet, qui fré- quentait Rubens et était avec lui lun des commensaux de Balthazar Moretus, propriétaire de la célèbre imprimerie plan- tünienne d'Anvers (1). Le témoignage de Philippe Chiflet remonte au 23 ianvier 140636 : il n’est que de deux ans et re J ) (1) Sur les relations de Philippe Chiflet avec la maison Plantin-Moretus et conséquemment avec Rubens qui en était l’un des familiers, on peut consulter : Titres et portraits gravés d’après P.-P. Rubens pour l’Im- primerie Plantinienne (texte de M. Max Rooses), Anvers, 1877, in-fol.; Mathieu de Morgues et Philippe Chifflet, par Auguste CASTAN et Paul IENRARD (Bulletins de l’Acad. roy. de Belgique, ann. 1885;; La cor- respondance de Philippe Ghifflet et de Balthazar Moretus I, par Paul “HeNRARD (Annales de l’Académie d'Archéologie d'Anvers, ann. 1886). — Voir en outre, à la suite de la présente publication, quelques extraits — 144 — quelques jours- postérieur au décès de l’infante Isabelle. Cette relation précise, d’un témoin absolument autorisé (1), enlève toute valeur à une version légendaire écrite cimquante- six ans plus tard. € Du vivant de l’archidue Albert et par son ordonnance », dit Philippe Chiflet, « avoit esté érigée une confrérie de domestiques de sa maison, en l’honneur et soub la protection de saint fdefonse, en une chappelle de Nostre- Dame qui est à Cauberghe, à flanc de l'Evangile du grand autel, en une des ailes de ladite église : laquelle chapelle a esté ornée peu à peu, MAIS PRINCIPALEMENT SUR LES DER- NIÈRES ANNÉES DE L'INFANTE ISABELLE, que les confrères y érigèrent un autel de marbre, EMBELLY D'UN TRÉS RICHE TABLEAU DE LA MAIN DE PIERRE-PAUL RUBENS. » Si l’on rapproche de ce texte les termes d’une inscription dans laquelle on disait, en 1630, que le tableau, alors pré- paré pour décorer l’autel dédié à saint [defonse, était le cadeau d’une PRINCESSE VEUVE, il sera tout à fait impos- sible d'accorder la moindre considération au texte anonyme de 1692, qui fait dériver de larchiduc Albert lautel et son retable. Que le fondateur de la confrérie de Saint-Ildefonse ait eu, de son vivant, l'intention de cette double libéralité, c’est chose très probable ; mais il y a certitude que l’autel et son retable furent exécutés après la mort de l’Archidue, sous les auspices de Pinfante Isabelle, sa veuve, entre les années 1630 et 1631. de lettres inédites qui témoignent de l'intérêt que prenaient Jean-Jacques et Philippe Chiflet aux faits et gestes de Rubens. (4) Philippe Chiflet était au courant des moindres détails de l'existence d’'Isabelle-Claire-Eugénie; témoin ce passage d’une lettre qu'il écrivait, le 20 octobre 1628, au nonce apostolique Guidi di Bagno : CS. A. prend un soin extrême des affaires de l’Estat, quelque petites qu’elles soyent. Tout le faix repose sur ses espaules ; et, pour en parler sainement, per-. sonne ne les entend comme elle, C’est chose estrange que ce qu’elle ex- _pédie, de ce qu’elle escrit de sa main, et de sa vigilance. Encore aujour- d’huy, de fresche mémoire, elle s’est allé coucher à quatre heures du ma- tin, après avoir travaillé toute la nuict. » (Bibl. nat., fonds Baluze, n° 162.) — 145 — Les portraits qui décorent les volets du retable sont à cet égard en parfaite harmonie avec les textes que j'ai découverts. L’Archiduc a derrière lui son patron, saint Albert, drapé dans un vêtement cardinalice de couleur violette, tandis que la patronne de l’Infante porte le costume des religieuses fran- ciscaines, c’est-à-dire lPhabit qu’adopta la princesse elle- même dès le premier jour de son veuvage. « Ces vêtements de deuil du patron de l’Archiduc, avais-je pu écrire, mis en regard de l’habit monacal porté par la patronne de lArchi- duchesse, ne concordent-ils pas avec le texte de 1630 qui dit que le retable de Saint-ldefonse est un cadeau fait par une princesse veuve : € HANC TABVLAM A PRINCIPE VIDVA DONA- TAM » ? En effet, ajouterai-je, ces costumes assombris n’é- taient pas ceux que les imagiers donnaient, du vivant de Parchiduc Albert, aux patrons des souverains qui tenaient leur cour à Bruxelles. On peut en juger par lune des grandes verrières de la cathédrale d'Anvers, œuvre d’art qui est antérieure de cinq années à la mort de l’Archiduc et porte la date de 1616. Exactement comme sur les volets du retable de Rubens, l’Archiduc et l’Infante sont agenouillés, chacun ayant debout derrière lui son protecteur céleste. Mais les vêtements qu'ont ici les bienheureux diffèrent essentielle- ment des habits qu’ils portent dans les images du retable : sur la verrière de 1616, saint Albert, en costume pontüfical, a sous sa chape d’évêque une soutane cardinalice du rouge le plus éclatant; sainte Elisabeth de Hongrie, placée derrière l’Infante, est vêtue en reine et fait l’aumône à un malheureux. Du rapprochement de ces figures avec leurs analogues des volets du retable, il ressort que Rubens s'était volontaire- ment écarté des habitudes traditionnelles pour représenter les patrons de l’Archiduc et de lInfante. S'il avait ainsi donné à saint Albert le vêtement de deuil des cardinaux, s’il avait représenté sainte Elisabeth sous le costume sombre des religieuses franciscaines, ce n’était certes point parce que son pinceau répugnait à traduire des draperies écar- 10 — 146 — lates et des parures étincelantes. Il avait simplement trouvé une facon expressive de symboliser, sur les volets du retable commandé par une PRINCESSE VEUVE, le deuil monacal que portait l’Infante depuis la mort de l’archidue Albert. Ce rébus ingénieux pourrait bien ne pas avoir fait partie de la composition primitive du Saint-Tldefonse, car dans l’es- quisse de ce tableau qui appartient à la galerie de l’'Ermitage et dont l’Académie des Beaux-Arts de Vienne possède une mauvaise copie, le patron de l’Archiduc est coiffé d’un cha- peau rouge et vêtu d’un manteau cardinalice de même cou- leur (1). Cette variante est-elle de nature à faire supposer que la composition primitive du Suint-Ildefonse remonterait au temps où l’archiduc Albert était encore vivant, et pourrait-on s’en autoriser pour croire que Rubens avait dès lors fait une étude de la tête de ce prince, en vue du tableau dont l’exé- cution ne devait avoir lieu que beaucoup plus tard ? Vous ne pensez pas, cher Monsieur, que Rubens ait pu peindre de souvenir les portraits d'Albert et d'Isabelle qui ornent les volets du triptyque de Saint-Ildefonse, et il vous paraîtrait probable que le grand artiste avait fait, du vivant de l’Archiduc, des études préparatoires en vue de ces por- traits futurs ). Une telle hypothèse n’a rien d’invraisem- blable. L’archiduc Albert, fondateur de la confrérie de Saint- (4) « La composition actuelle du triptyque est différente de la conception originaire, telle que nous la trouvons dans la splendide esquisse du Musée de l'Ermitage (n° 557), où elle est traitée avec beaucoup de soin et un rare fini. Rubens avait eu d’abord l'intention de réunir dans une seule compo- sition le sujet principal et les portraits des Archiducs. La Vierge apparaît à saint fldefonse dans son église; les Archidues, agenouillés près d'un pilier au premier plan, assistent à la scène. » {Oscar BERGGRUEN, L’ Œuvre de Rubens en Autriche, dans le journal L'Art, XIIe année, t. II, 1886, p. 103.) (@@) « Croyez-moi, cher collègue, m'écrivait M. le chevalier DE ENGERTA, pas même Rubens n'aurait été capable de peindre cette tête si magnifi- quement caractérisée de l’Archiduc, sans avoir fait d'avance une étude d'après nature, dans le même profil et dans la même lumière. » (Lettre du 21 septembre 1886.) — 147 — Ildefonse, aurait bien pu demander à Rubens le projet d’un retable pour la chapelle qui devait être € ORNÉE PEU A PEU », et rien n’empêcherait de supposer des études préparatoires faites, en conséquence de cette demande, par l’éminent ar- tiste. La variante entre l’esquisse et le tableau, dont j'ai fait ci-dessus la remarque, semblerait même venir à l'appui de lhypothèse que vous avez le premier formulée à cet égard. Quant à l’exécution définitive du triptyque, tous les témoi- gnages directs concordent pour la placer entre le milieu de l’année 16390 et le milieu de l’année 1631. Il y a d’ailleurs une parenté très évidente de manière entre cette œuvre d'art et plusieurs autres peintures produites par Rubens après l’année 1650 : je veux parler du Martyre de saint Lié- vin, au Musée de Bruxelles, de la Sainte-Thérèse, au Musée d'Anvers (), du grand Portrait d'Hélène Fourment, au Musée de Munich (2). La « moëlleuse harmonie @) » du coloris de ces ouvrages resplendit à un degré supérieur dans le triptyque de Saint-lldefonse, et c’est encore un motif de (1) Après avoir constaté l’étroite parenté qui unit le Sainti-Tdefonse aux deux tableaux que je viens de citer, je désirai savoir si mon sentiment à cet égard n'était pas en désaccord avec les éléments recueillis pour la classification des ouvrages de Rubens. Une question posée dans ce sens à M. Max Rooses me valut, de la part de ce savant collègue, une réponse ainsi conçue : « Les dates de la Sainte-Thérèse et du Saint-Liévin ne sont pas connues par documents. Je les place de 4630 à 1635, plus près de la première que de la seconde de ces années. Je suis donc parfaitement d'accord avec vous pour classer ces deux tableaux dans la même période que le Saint-Tldefonse. » (Lettre du 17 septembre 1886.) _ (2) Ce merveilleux portrait, qui date des premiers temps du second ma- riage de l'artiste, est certainement postérieur à 1630, le second mariage de Rubens ayant eu lieu le 6 décembre de ladite année. (3) L'une des meilleures appréciations du Saint-Tldefonse est conçue en ces termes : ( Parmi les toiles pieuses de Rubens que possède la collection du Belvédère, il faut placer au premier rang le triptyque de Saint-Ilde- lonse.. La noble simplicité de la composition, la tranquillité majestueuse des formes, les expressions habilement graduées, depuis l'enthousiasme extatique du saint jusqu’à la grave piété des Archiducs ; un coloris, dont la vérité, la splendeur et la moëlleuse harmonie n’ont jamais été surpas- — 148 — rattacher cette peinture à la dernière des évolutions du pro- digieux talent de Pierre-Paul Rubens. En vous remerciant de la gracieuse indulgence dont vous n’avez déjà donné tant de preuves, je vous prie d’agréer, cher Monsieur, le nouvel hommage de mes sentiments de haute estime et d’absolu dévouement. À. CASTAN. Besançon, le 4 octobre 1886. Monsieur et cher collègue, Votre lettre en date du 21 septembre dernier et son post- scriptum du 25 m'ont été des plus agréables, car je ne saurais me montrer indifférent à l'honneur que vous m’ac- cordez d’être pour quelque chose dans le perfectionnement d’un article de l’ouvrage si éminemment distingué que vous avez consacré à la Galerie du Belvédère. Permettez qu'à ce point de vue J'ajoute quelque chose à ma lettre du 16 septembre dernier. En effet, J'avais omis de vous entretenir de la figure d'Hélène Fourment, seconde femme de Rubens, que Je retrouvais auprès de la Vierge donnant la chasuble miraculeuse à saint Ildefonse. Cette figure fait partie du groupe de deux femmes ‘enlacées , munies toutes deux d’une palme et associées intimement à la contemplation du miracle qui s'opère sous leurs yeux. Les figures qui composent ce groupe m’avaient paru repro- duire les traits des deux femmes du grand coloriste, Isabelle Brandt et Hélène Fourment. Cette seconde femme étant la nièce de la première, l’association intime de leurs images dans le tableau n'aurait rien eu d’anormal; et comme, sées, se réunissent pour produire un effet d'ensemble que le génie seul est capable d'atteindre. » (Betty Paozr, Wien’s Gemældegallerien, 1865, p. 199 : traduct. franc. dans Rubens et l’école d'Anvers d'Alfred MICHIELS;, %e édit., pp. 173474) _ HIS RNCS ASS dns = É” _ | d » à <: LA — 149 — d'autre part, j'ai démontré que l’exécution du Saint-Tldefonse est contemporaine du second mariage de Rubens, la pré- sence du portrait d'Hélène Fourment dans cette composition me semblait non seulement possible, mais encore vraisem- blable. Ca été pourtant le seul point de ma doctrine que M. le docteur Th. Frimmel ait contesté. La ressemblance de la figure en question avec celle d'Hélène Fourment ne lui paraît pas suffisamment établie. Il est vrai que parmi les nombreux portraits d'Hélène Fourment, ceux qui sont à Vienne se prêteraient moins que tous autres au rapproche- ment que J'ai cru pouvoir établir. Ces portraits, dont l’un appartient au Belvédère et l’autre à la Galerie Lichtenstein, sont des études d'académie, exécutées principalement en vue de fixer des effets de carnation : aussi la musculature y compte-t-elle beaucoup plus que la physionomie des visages. En somme, c’est à titre de modèle d'atelier que la seconde femme de Rubens se trouve représentée dans ces deux belles études anatomiques. La ressemblance dont je parle m'est garantie par des portraits d’un tout autre caractère, c’est-à-dire par ceux où le peintre s'était attaché à reproduire lépanouissement du visage et l’éclat des parures de sa seconde femme. Je n’ai pas souvenance d’avoir vu à Vienne aucun de ces portraits : c’est à Munich que j'ai dû les chercher, et ils y sont en ma- gnifique abondance (1). : | Dès l’instant où j'eus acquis, par des documents, la certi- tude que le Saint-lldefonse avait été peint à l’époque du second mariage de Rubens, je me crus en mesure d'affirmer que la figure d'Hélène Fourment devait pouvoir être repérée Se (1) Cinq portraits d'Hélène Fourment sont à la Pinacothèque de Munich, sous les numéros 794-798 (Katalog der Gemaætlde-Sammlung der kgl. ælteren Pinakothek in München [von Ad. BAyYERSDORFER] ; München, 1984, in-12, S. 159-160.) — 150 — dans cette œuvre d'art (1). Au moyen de reproductions pho- tographiques du tableau de Saint-Tldefonse et de plusieurs portraits d'Hélène Fourment, je reconnus cette belle per- sonne dans lune des deux femmes enlacées qui contemplent le miracle. Mais, en même temps, il me parut certain que l’autre femme de ce groupe avait les traits d’'fsabelle Brandt, la première compagne dont Rubens avait si vivement re- gretté la perte. Ayant depuis visité le Belvédère de Vienne et la Pinaco- thèque de Munich, je fis de nouvelles comparaisons, et celles- ci confirmèérent le sentiment qui résultait à la fois de mon induction première et du contrôle des épreuves photogra- phiques. Il y a quelques semaines, J'ai été encore plus vivement im- pressionné dans le même sens. Je voyais pour la première fois le Musée de La Haye, et je ne pus manquer de m'y arrêter devant les portraits des deux femmes de Rubens, exécutés d’un seul jet par le peintre, pour être mis en pen- dant. Ces deux morceaux fournissent la preuve que Rubens associait ouvertement les réminiscences de son premier ma- riage aux joies de son union nouvelle avec la nièce d'Isabelle Brandt. Les deux portraits, de dimensions absolument sem- blables, datent au plus tôt de l’époque du second mariage de Vartiste : leur exécution pourrait done avoir été contempo- raine de celle du Saint-Ildefonse. Ils sont d’ailleurs large- . ment touchés et ressemblent plutôt à des ébauches, faites en eme nee mme Ronnie: (2 mg armee | ects cut une RE EU RER et Do mn (1) De même que l’on pourrait classer chronologiquement les grands tableaux de Paul Véronèse par la supputation de l’âge que dénote la tête de l'artiste qui y ést toujours représentée, de même les ouvrages de Ru- bens, postérieurs à 1630 et comprenant des figures féminines, pourraient être approximativement datées par l’âge apparent qu'y affecte la figure d'Hélène Fourment, seconde femme de l’artiste, invariablement repré- sentée dans cette catégorie de tableaux. Ayant eu recours à ce critérium pour supputer la date de production du Festin d’'Hérode de Rubens, je donne ci-après, en appendice, la lettre que j'ai écrite, au sujet de cette. peinture, à M. Hermann Linde, son possesseur. — 151 — manière d’études, qu’à des ouvrages destinés aux apparte- ments du maitre. Celui de ces portraits qui représente Isabelle Brandt est, comme attitude et comme expression, tellement identique à l’une des femmes du groupe contem- plaüf qui se voit dans le Saint-Tdefonse, qu’on le considére- rait volontiers comme une étude préparatoire faite en vue de la figure qui lui ressemble si parfaitement dans le tableau. Si le souvenir d'Isabelle Brandt est rappelé dans la compo- sition du Saint-lldefonse, comme ce tableau date incontes- tablement de l’époque du second mariage de Partiste, à plus forte raison le visage souriant d'Hélène Fourment doit-il s’y rencontrer. Or, cette figure du tableau, que l’on dirait cal- quée sur le portrait d'Isabelle Brandt, est étroitement unie à celle d’une jeune personne dont la ressemblance avec les portraits d'Hélène Fourment me semble de plus en plus certaine. Entre le portrait d'Hélène Fourment qui est à La Haye et la figure du groupe contemplatif à laquelle je l’assi- mile, il n’y à pas cette corrélation de posture que je signalais à propos du portrait d'Hélène Brandt; mais si l’on abaisse, par la pensée, les veux de cette seconde image, son identifi- cation avec la tête blonde du groupe contemplatif se fera sans la moindre difficulté. En somme, la peinture du Saini-Ildefonse étant contem- poraine du second mariage de Rubens, si la figure d'Isabelle Brandt, première femme de l'artiste, est constatée dans cette œuvre d'art, ce que le portrait du musée de La Haye met hors de doute, il y a lieu d’y chercher aussi la figure d'Hélène Fourment. Or, il existe au Musée de La Haye un portrait, qui est le pendant du premier et qui accuse des affinités évi- dentes avec la figure que le peintre a voulu souder étroite- ment à l’autre pour former son groupe contemplatf. Aïnsi associée et caractérisée, cette figure à chevelure blonde me parait devoir s'appeler Hélène Fourment. J'ai l'intention d'ajouter quelques notes à la présente lettre et à celle que je vous ai précédemment écrite, pour les pu- er — blier, dansles Mémoires de lu Société d' Emulation du Doubs, à la suite d’une traduction française de l’article consacré par M. le docteur Th. Frimmel à mon travail de 1884. Si vous vouliez bien m'accorder la faveur de joindre à cet ensemble une traduction française de la nouvelle rédaction que vous m'annoncez de votre notice sur le Saint-Ildefonse du Bel- védère, vous me fourniriez une agréable occasion de faire connaître à mes compatriotes les sentiments de haute estime avec lesquels j'aimerai toujours à me dire, Monsieur et cher collègue, le plus obligé de vos dévoués serviteurs. A. CASTAN. ane. een ES CE 15 — IT SUPPLÉMENT A LA NOTICE SUR LE SAINT-ILDEFONSE DE RUBENS Par DM, le chevalier Edouard de ENGERTH Directeur de la Galerie impériale du Belvédère de Vienne Correspondant de l’Institut de France, etc., etc. (Article extrait du Supplément au deuxième volume du Catalogue de la Galerie impériale du Belvédère : tra- duction française faite par l’auteur . « Peu de temps après l’impression et la publication du se- cond volume de notre catalogue, M. Auguste CASTAN publia une brochure intitulée : « Les Origines et la date du Saint- » Ildefonse de Rubens, Besançon, Dodivers et Cie, 1884 (D) », dans laquelle, s’appuyant sur des documents nouvellement découverts, il établissait que le triptyque de Saint-Ildefonse n'avait pas été, comme on l’admettait jusqu'alors, terminé en 1609 ou 1610, mais qu'il avait été créé seulement en 1650. Comme les indications données sur les origines de ce retable par notre catalogue (vol. II, p. 372) avaient été uniquement puisées dans les imprimés spéciaux et dans les documents conservés aux Archives impériales et royales de la Cour et de l'Etat de Vienne, il nous paraît urgent de nous occuper des dates nouvellement révélées par M. Castan. Toutefois, avant d'entrer dans cet examen, nous croyons utile d'indiquer suc- cinctement les opinions antérieures, pour rendre intelligible la question qui nous occupe. » Le premier écrivain qui ait parlé de ce retable est Mansaert, (1) L'année suivante, le même auteur élargissait le cadre de son étude par la publication d’une brochure ayant pour titre : € Une visite au Saint- lidefonse de Rubens, Besançon, 1885. » 1e Role — 154 — en 1763. Vint ensuite Descamps en 1769. Mais ce fut seule- ment J.-F.-M. Michel qui, dans son Histoire de la vie de P.-P. Rubens, en 1771, fit un récit des circonstances et de la date d’origine du tableau. Ses affirmations passèrent incon- testées jusqu’à nos jours : les sommités littéraires et artis- tiques les acceptèrent pleinement en les reproduisant dans leurs écrits. Il faut citer en outre les renseignements fournis par les dépèches et pièces officielles conservées aux Archives impériales el royales. Ces documents nous renseignent sur les nombreuses démarches qui aboutirent à Pachat, fait par l’impératrice Marie-Thérèse, du retable du Saint-lldefonse ; ils nous donnent, de plus, des indications sur l’origine et le sort ultérieur de cette œuvre d'art. » fl est à croire que Michel, en 1771, avait connu les ori- ginaux de ces documents dont les copies se trouvent à Vienne, car ses indications sont à peu près identiques à celles four- nies par les actes que nous venons de mentionner. » De ces actes, nous allons extraire un passage concer- nant la description d’une fête instituée par l’archiduc Albert en l’honneur de saint Idefonse, description qui se trouve aussi dans une brochure imprimée à Bruxelles, en 1706, chez P. de Dobbelar (1), Voici ce passage : « Le sérénissime Albert, de glorieuse mémoire, gouver- » nant le royaume de Portugal pour Sa Majesté Catholique » Philippe second, l’an 1588, poussé tant d’un zèle de charité » pour sa famille roïale, que de respect et de confiance » envers le glorieux saint [idefonse, archevêque de Toledo, » institua une confrérie en son honneur, pour la protection A LS (1) M. Castan, qui tout récemment a examiné les actes originaux de Ja confrérie de Saint-Hdefonse, à Bruxelles, a eu l’obligeance de m’apprendre que le texte dont je vais donner un extrait fait partie du « Livre nouveau de la hermandad de Saint-[idefonse » en l'église de Caudenberg, livre commencé en 1692. Cette notice sur la donation d’un autel et d’un tableau par l’Archiduc, bien que enregistrée plus de 70 ans après la mort de ce prince, conserve néanmoins le caractère d’une rédaction officielle. — 155 — » de sa famille, dans la ville de Lisbone, dont il ordonna une » grande solennité le 23 janvier de chaque année, qui est le » jour que l’église en célèbre la fête: — Ensuite de quoy » ledit seigneur Archiduc étant devénu souverain des Etats » du Pays-Bas (1), avec la sérénissime princesse Isabelle- » Claire-Eugénie d'Autriche, infante d’Espagne, son épouse, » et fille de ce grand roy (Philippe second), animé du même » sentiment, fit établir ladite confrérie dans l’église de Saint- » Jacques, paroiche de la Cour (2 ; et pour la rendre plus » célèbre, fit dresser, à l'honneur du même saint Ildefonse » et à la gloire de sa confrérie, l'autel magnifique de la cha- » pelle la plus voisine du Palais, dans le tableau duquel on » voit saint Ildefonse recevoir des mains de la Sainte-Vierge, » accompagnée de plusieurs saintes, une chasuble travaillée » de ses propres mains, comme le raconte son histoire, et » aux deux côtés les portraits dudit seigneur Archiduc et de » madame l’Infante, avec les patrons de l’un et de Pautre, DÉC CIC: » Pour Michel, qui évidemment n'avait pas connu les do- cuments découverts depuis peu par M. Castan, limterpréta- ton de ce passage ne put être que très simple et il n’eut aucun motif d'y chercher un sens caché. Il ne pouvait sup- poser, en effet, que l’Archiduc avait érigé un autel pour laisser vide, pendant une dizaine d'années, l'emplacement du retable obligatoire. À ses veux donc, le Saint-Ildefonse fut le second tableau peint par Rubens après son retour d'Italie. De là l'hypothèse de la date 1609 ou 1610, généra- lement admise jusqu’à notre temps. » Voici maintenant les documents les plus importants de ceux que M. Castan a découverts à la Bibliothèque de Be- | SaAnÇOn : » 40 Projet d’une inscription pour l’autel de la chapelle (1) En 1596. (2) 1604. — 156 — consacrée à saint Ildefonse, à occasion de son achèvement ou de sa restauration, en 1630 : D20 2M; HONORI ET CVLTVI S. IDELFONSI EPISCOPI TOLETANI, HISP. CHRYSOSTOMI SODALITAS PALATINORVM MINISTRORVM [PIETATE mot biffé] ALBERTI ET ISABELLAE ARCHIDVCVM AVST. BELG. PRINCIPVM PIETATE INSTITVTA, EXEMPLO ANIMATA, HANC ARAM VIDVAM, ET HANC TABVLAM A PRINCIPE VIDVA DONATAM, MARMORE, ET MAGIS AFFECTV IN PATRONVM ET PRINCIPES, ORNAVIT : PRIMICERIO D. FERDINANDO D'ANDELOT, SEQVANO, EQ. PRIMAR. AVLAE PRAEF. ANNO CHRISTIANO M. DC. XXX. » 20 Extrait du Diaire des choses arrivées à la Cour de Bruxelles, de 16553 à 1636. — 93 janvier 1636. « Du vivant » » » » » » » » » » » » » de l’archiduc Albert et par son ordonnance, avait été érigée une confrérie des domestiques de sa maison, en l'honneur et sous la protection de saint [defonse, en une chappelle de Nostre-Dame qui est à Cauberghe, à flanc de l'Evangile du grand autel, en une des ailes de ladite église : laquelle chappelle a esté ornée peu à peu, mais principalement sur les dernières années de l’infante Isa- belle, que les confrères y érigèrent un autel de marbre, embelly d’un très riche tableau de la main de Pierre-Paul Rubens, etc., ete. — Cette année (1632) fut achevé l'autel de marbre de Cauberghe. Dès le commencement, Son AI- tesse y contribua largement et fit présent au prévost d’une crosse et d’une mithre. » » Certes ces documents possèdent une valeur démonstra- tive de beaucoup supérieure aux notices de date plus récente contenues dans nos Archives de Vienne. Toutefois la primei- pale question ne semble résolue ni par lun ni par l’autre de ces deux ordres de documents. » Les papiers de Besançon ne répondent pas à la question de savoir qui avait commandé le tableau et quand Rubens l’a- vait peint. Ils affirment seulement que le tableau avait été offert — 157 — par l’Archiduchesse veuve. D’après les documents de nos Are chives impériales et royales, c’est l’Archiduc qui fit dresser un autel où l’on avait réservé la place d’un tryptique devant représenter saint Idefonse avec la Sainte-Vierge, etaux deux côtés les portraits de l’Archiduc et de l'fnfante, sans toutefois qu'il y ait indication de l’époque à laquelle ce tableau fut peint. Donc les documents de Besançon et ceux de Vienne ne s’excluent point d’une manière absolue. Il se peut fort bien que le tableau ait été commandé du vivant de lArchiduc et achevé après sa mort, et que l’érection de l’autel ter- minée, cette œuvre d'art ait été installée à la place réservée pour elle dans lencadrement du retable, comme un cadeau fait par la Régente, en 1630. Le passage du texte de Besan- con, daté de 1656, qui dit : « laquelle chapelle a été ornée peu à peu », témoigne en faveur de notre hypothèse. Mais si l’on désirait une réponse péremptoire à la question de savoir quand Rubens commença le tableau, on la chercherait en vain dans les documents réunis sous nos yeux. Dans un tel cas (et les cas analogues ne sont rien moins que rares), la seule ressource est de nous en rapporter à ee que la peinture elle-même nous enseigne. » Eticiil nous faut avant tout mettre à profit une remarque bien judicieuse de M. Castan. L’archidue Albert reçut au baptème le nom d'Albert, en l'honneur de saint Albert le Grand, dominicain et évêque de Ratisbonne. Or, ce n’est pas ce saint qui, dans le tableau, se trouve à côté de l’Archi- duc : c’est le cardinal Albert de Liége, lequel, à l’occasion du transfert de sa sainte dépouille, en 1643, avait été choisi par l’Archiduc pour nouveau patron (1. Or, comme le patron de l’Archiduc est déjà revêtu des insignes cardinalices sur l’'esquisse de notre tableau qui est à Saint-Pétersbourg, il est (1) Le savant distingué dont nous analysons le travail a encore redressé une erreur : la patronne de l'Infante, représentée sur le tableau, n'est pas sainte Claire, mais bien sainte Elisabeth de Hongrie. — 156 — de toute évidence que cette œuvre d'art n’a pu être entre- prise avant le début de 1614. Après quoi, il n’est plus permis de répéter que l’origine du tableau remonte à 1609 ou 1610, ni d'accorder confiance au récit fait par Michel d’après le « Livre nouveau » de la confrérie, récit suivant lequel la commande du tableau aurait eu lieu immédiatement après le retour d'Italie de l'artiste. Grâce donc à cette constatation de M. Castan, l’origine du tableau doit être incontestablement reculée. » Mas plus on étudie cette œuvre magnifique, plus on demeure convaincu que le portrait de l’Archidue a été fait du vivant de ce prince. Tous les critiques d’art concordent pour déclarer que ce portrait de l’Archidue et celui de lIn- fante sont au nombre des plus beaux, des plus nobles por- traits du maître. On sait que les portraits qui ne sont pas faits d’après nature, émanassent-ils d’un Rubens (1), ne sup- portent pas la comparaison avec ceux peints en face de l'original vivant. Or, le portrait de l’archidue Albert a, de tout temps et par tous les connaisseurs, été proclamé comme chef-d'œuvre de personnalité rendue. » La minute d'inscription retrouvée à Besançon servira elle aussi, à notre étude sur le célèbre triptyque. Depuis la publication de Descamps, il fut généralement admis que la » Sainte-Famille sous le pommier », qui ornait l’extérieur des deux volets du retable de Saint-Ildefonse, avait été peinte plus tard que le tableau principal. Or, linstallation complète de l'autel en 1630 témoigne de la justesse de cette opinion. La € Sainte-Famille » doit évidemment avoir été peinte dans cette année même. » M. Castan veut que le tableau principal ait été égale- ment peint en 1630. Il trouve mème que lune des jeunes saintes représentées dans ce tableau a la figure d'Hélène Fourment, seconde femme de Rubens : d’où il tire un argu- (1) Par exemple, celui de l’empereur Maximilien Ier, au Belvédère. — 159 — ment de plus en faveur de la date tardive de l’ensemble de la peinture. » 51 lon envisage dans leur ensemble les données, naguère considérablement accrues, qui se rapportent au tableau dont nous nous occupons, on arrive aux hypothèses suivantes : » L’archiduc Albert , de concert avec l’archiduchesse Isabelle, désira probablement que la chapelle consacrée aux exercices religieux de la confrérie de Saint-fldefonse, chapelle qu'il s'agissait de décorer, possédât un tableau représentant le patron de la confrérie, et Rubens fut alors invité à s’en occuper. Comme le texte de 1636 nous apprend que les travaux de décoration ne s’achevèrent que « peu à peu», il y à lieu de croire que Rubens fit (mais non certainement avant 1614) une ou deux esquisses, et qu'après avoir été fixé tant sur les détails de la composition que sur la forme du triptyque, il entreprit les études des deux portraits de lAr- chiduc et de l’Infante. Il est impossible d’être édifié sur la marche très lente des travaux de décoration de la chapelle, et il semble que l’on se risquerait en précisant l’année de lPa- chèvement du tableau principal, lequel fut peint après la mort de l’archiduc Albert. Toutefois il semble extrêmement probable que Rubens avait fait les portraits, les têtes au moins,ou tout de suite sur le panneau, ou à part comme études préparatoires, du vivant de l’Archidue. Cette présomption s'applique surtout au portrait du Prince, dont il a dû avoir été peint une esquisse d’après nature, du même profil et du même effet de lumière (). Lorsque dix ans après la mort de er (1) M. Castan accepte mon hypothèse à cet égard. « Vous ne pensez pas », cher Monsieur, m'écrit-il, « que Rubens ait pu peindre de souvenir les portraits d'Albert et d'Isabelle qui ornent les volets du triptyque du Saint- Tdefonse, et il vous paraïtrait probable que le grand artiste avait fait, du vivant de l’'Archiduc, des études préparatoires en vue de ces portraits futurs. Une telle hypothèse n’a rien d'invraisemblable. L'archidue Albert, fondateur de la confrérie de Saint-Hidefonse, aurait bien pu demander à Rubens le projet d’un retable pour la chapelle qui devait être ornée « peu à peu », et rien n’empécherait de supposer des études préparatoires faites, — 160 — l’Archidue, l'autel, décoré de marbre, fut prêt à recevoir le tableau, comme cadeau de lPArchiduchesse, le maître aura probablement parachevé son œuvre en y ajoutant, avec la verve d'un artiste arrivé à l'apogée de son talent, la peinture d’une € Sainte-Famille sous le pommier ». » Tout le monde admire la manière expéditive de Rubens : de sorte que l’idée qu’il aurait employé tant d'années pour créer le triptyque de Saint-Ildefonse pourrait choquer maint lecteur. Nous rappellerons cependant que Rubens, durant la période dont il s’agit, fut surchargé de commandes, et que les tableaux qu'on sait avoir été exécutés alors en peu de temps, sont ceux qu'il fit avec le concours de ses élèves. Notre triptyque, au contraire, est de l'exécution la plus soi- gnée et d’une facture incomparable. Considérons de plus que la mort de l’Archiduc arriva quand les travaux d’établis- sement de lPautel étaientà peine commencés, circonstance qui put bien occasionner un temps d’arrêt ayant duré jus- qu’au jour où l’Archiduchesse veuve, devenue unique régente, enjoignit à Rubens de terminer son œuvre. Remarquons enfin que l'artiste, entre les années 1622 et 1630, passa beau- coup de temps en voyage, ce qui dut faire subir des interrup- tions prolongées aux travaux qu’il avait entrepris dans sa patrie. » La facilité de travail qui distinguait Rubens n’est pas une raison de penser que ce grand maître achevait d’un trait et sans interruption toute œuvre commencée par lui. Gette cé- lérité ne put se produire qu'exceptionellement. Dans un atelier où beaucoup de travaux sont entrepris simultanément avec l’aide de nombreux collaborateurs, le maître doit néces- sairement se partager entre la conception des ouvrages, en conséquence de cette demande, par l’éminent artiste. La variante entre l’esquisse et le tableau, dont j'ai fait ci-dessus la remarque, semblerait même venir à l'appui de l'hypothèse que vous avez le premier formulée à cet égard. » — 161 — leur composition, les retouches à y introduire, en même temps qu'il doit vaquer à ses propres affaires. Les œuvres promptement terminées ne laissent voir dans leur exécution aucun changement de procédé. Et pourtant dans le Saint- Ildefonse, dont toutes les parties sont de la propre main de Rubens, il est visible que les portraits de l’Archiduc et de lArchiduchesse n’ont pas été peints en même temps que la « Sainte-Famille » qui ornait le revers de ces portraits. La finesse d'étude et de coloration de ces portraits est essentiel- lement distincte de la touche plus robuste, bien que très spirituelle, du tableau extérieur. » De mme em de TROISIÈME LETTRE A M. LE CHEVALIER DE ENGERTH AU SUJET : DE SA NOTICE SUR LE SAINT-IGDEFONSE DE RUBENS. Besançon, le 23 octobre 1886. Monsieur et cher collègue, J'ai eu l'honneur de recevoir et de lire attentivement les épreuves d'imprimerie de la rédaction nouvelle de votre notice sur le Saint-Tldefonse de Rubens. Je crois bien faire en me hâtant de vous dire que lun des raisonnements essentiels de ce très intéressant morceau me semble pivoter sur un axe fragile. Vous voulez que le tableau ait été créé, au moins en parie, du vivant de l’archiduc Aïbert, parce que le portrait de ce prince, qui s'y trouve compris, ne peut, selon votre senti- ment, avoir été peint de souvenir. Pour mettre d'accord ce sentiment avec l’histoire, vous imvoquez un récit dans lequel lParchiduc Albert est indiqué comme ayant fait ériger l'autel de Saint-[ldefonse en l’église de Caudenberg, à Bruxelles : d'où vous induisez qu'il avait aussi commandé le tableau, appendice nécessaire de cet autel. | Mais ce récit, dont vous faites un pivot de raisonnement, n’est que l’extrait d’une préface écrite en 4692 pour le « Livre nouveau » de la confrérie de Saint-Fldefonse , préface qui est de soixante-dix ans postérieure à la mort de l’archidue Albert. - À ce récit quasi-légendaire, j’oppose les indications pré cises d’un témoin oculaire, qui le contredit en ces termes de … la façon la plus absolue : « laquelle chapelle (de Saint-tlde- 224 fonse) », écrivait en 1636 Philippe Chiflet, «a esté ornée peu à peu, mais principalement sur Les dernières années de Pin- — 163 — fante Isabelle, que les confrères y érigèrent un autel de marbre, embelly d'un très riche tableau de la main de Pierre-Paul Rubens. » Dans un autre texte, remontant au début de l’année 1632, le même témoin oculaire enregistrait ainsi le fait de l'achèvement de l’autel de Saint-fdefonse : « cette année (1652) fut achevé l’autel de marbre de Cauber- ghe. Dès le commencement Son Altesse y contribua large- MES. » Il résulte de ces deux textes, sortis d’une même plume, que Pautel de Saint-[ldefonse, en l’église de Saint-Jacques de Caudenberg, n'avait pas été commencé du vivant de l’archiduc Aïbert, puisque Philippe Chiflet, témoin de l’entreprise, dit que « dès le commencement Son Altesse (c’est-à-dire l’in- fante Isabelle) y contribua largement. » Si PArchiduc y eùt été pour quelque chose, l’attentif chapelain aurait certaine- ment dit Leurs Altesses. Quelle fut la contribution de l’In- fante à cet autel de marbre ? L'inscription commémorative, préparée en 16390, nous renseigne là dessus de la façon la plus absolue : les marbres de l'autel avaient été fournis par la caisse de la confrérie des officiers du Palais de Bruxelles, et le re- table (« de la main de Pierre-Paul Rubens », comme dit Philippe Chiflet) représentait la part contributive de l’In- fante, « princesse veuve », comme lPappelle l'inscription. En présence de teis témoignages, les propos vagues de la préface du « Livre nouveau », préface écrite une soixantaine d'années plus tard, perdent absolument toute valeur et ne méritent pas plus de considération que le roman inspiré par cette même préface au licencié Michel. Donc, cher Monsieur, il n’y a pas de conciliation possible entre ce que vous appelez « les documents de Vienne », qui ‘consistent simplement en une copie de la préface du « Livre nouveau », et les documents de Besançon, qui sont des té- moignages contemporains, précis et autorisés. Le tableau lui-même est, selon moi, d'accord avec ces té- moignages : j'ai remarqué, en effet, que les vêtements de DAV CL 7 — 164 — deuil, donnés par le peintre aux patrons qui assistent l’Ar- chiduc et lInfante, sur les volets du retable, semblaient de nature à prouver que quand le tableau fut peint, le premier q de ces personnages était mort et l’autre personne était de- venue veuve. Je vous concèderai très volontiers que Rubens ait pu, du vivant de l’Archidue, faire une étude de la figure de ce prinee, en vue du retable dont le projet avait pu dès lors préoccuper la Cour de Bruxelles. A cette hypothèse, que le premier vous avez énoncée, J ai fourni, Je crois, une base sérieuse, en fai- sant observer que sur l’esquisse du Saint-lldefonse, qui est au Musée de l’'Ermitage, le patron de l’Archiduc est revêtu de la pourpre cardinalice, au lieu du vêtement de deuil que porte ce saint sur le retable définitif (). Le Saint-lidefonse ne serait pas le seul des tableaux de Rubens dont la composition aurait devancé d’un certain nombre d'années Pexécution définitive. On sait, par exemple, que le Christ montant au Calvaire du même auteur, com- mandé en 1634, placé en 1637, avait été composé avant 4632, puisqu’à cette dernière date Pontius en exécutait la gravure d’après une grisaille du maitre (2). Mais quant à supposer que le Saint-lldefonse aurait été peint par morceaux séparés, à des dates éloignées les unes des autres, c’est une hypothèse qui ne cadrerait pas avec ce que l’on sait de la promptitude qu'apportait Rubens à l’exécu- tion des commandes qui lui étaient définitivement confiées. Le Saint-Ildefonse, a toujours été, et avec raison selon moi, considéré comme une œuvre homogène, dans laquelle aucun détail ne semble avoir été tributaire de l’hésitation ou du raccordement. La « moëlleuse harmonie » de cet ouvrage est (4) Et pourtant, dans cette esquisse, sainte Elisabeth, patronne de l'In- fante, porte déjà le costume des religieuses franciscaines, c’est-à-dire celui que revêtit Isabelle-Claire-Eugénie depuis la mort de l’archidue Albert. (2) Edouard Féris, Catalogue du Musée royal de Belgique, 5° édit., 1882, p. 427, — 169 — d’ailleurs en concordance parfaite avec la manière des ta- bleaux exécutés par Rubens depuis son retour d'Espagne, qui eut lieu au mois de mai de l’année 1699. Quant à la différence de facture des trois morceaux de l’in- térieur du retable et de la € Sainte-Famille au pommier », peinte sur lextérieur des volets de ce même tableau, elle me paraît pouvoir s'expliquer autrement que par l’hypothèse, très invraisemblable, d’un long intervalle mis entre la pro- duction des deux parties du triptyque. Cette différence, en effet, ne porte pas sur une modification dans la manière de peindre : elle tient seulement à une exécution intérieurement plus finie, extérieurement plus sommaire, bien que, de part et d'autre, obtenue par des précédés identiques. Dans les œuvres d'art de même que dans les produits industriels, la décoration de ce qui doit être l'enveloppe n’est jamais aussi raffinée que celle de la partie qui donne son nom à l’ensemble de l'ouvrage. Je persiste donc à regarder le Saint-Idefonse comme ayant été totalement produit entre le milieu de l’année 1630 et le milieu de l’année 14631. Malsré ces réserves, Je continue d’être très honoré de la bienveillante estime que vous avez accordée à mon travail de 1884, et je suis heureux de cette nouvelle occasion de me dire, cher Monsieur, votre tout dévoué collègue et très obligé serviteur. À. CASTAN. APPENDICE INFORMATIONS REÉCUEILLIES PAR LES FRÈRES JEAN-JACQUES ET PHILIPPE CHIFLET SUR LES FAITS ET GESTES DU PEINTRE RU- BENS. ; Philippe CHIFLET au nonce apostolique GUIDI DI1 BAGNO (1) : Bruxelles, 21 mai 4627. — « Rubens faict conte de partir pour Rome environ ce temps là (septembre 1627) (2), après qu’il aura parachevé piusieurs tableaux qu’il a entrepris pour S. À. Il em- portera avec soy dix ou douze mille florins pour employer en statues antiques. Ceux de Rome ne sont guère curieux de per- mettre qu’on distraye de la sorte les plus beaux ornements de leur ville. Rubens ne les veut achepter que pour les revendre et gagner dessus. » (BIBLIOTH. NATION., fonds Baluze, no 162) Philippe CHIFLET à GUIDI DI BAGNO : Bruxelles, 25 juin 1627. — «J’ay veu en cette ville un nommé Gaud, de Paris, lequel porte quelques pierres assez belles. Mais ce qu'il avoit de plus rare, il la troqué avec Rubens contre des peintures. » (FBID.) Philippe CHirLEer à GUIDI DI BAGNO : Bruxelles, 6 août 1627. — « El y a quelques jours que Rubens, sur une lettre qu’il a reçue du due de Buckingham, est parti pour Angleterre, ayant pris congé de S. À, et du marquis (3), et S’estant au préalable abou- (1) De ce personnage RUBENS écrivait le 22 avril 1627 : « Il nuncio apos- tolico Mons. Bagni è uno degli miei maggior padroni et amici ch'io ho in questo mondo, che veramente io giudico, e per la phisionomia et modi di _ fare tanto obliganti, oltra d’altre sue virtü solide, esser un soggetto papa- bile e degno e capace d’ogni gran fortuna. » (GACHET, Lettres inédites de Rubens, p. 106.) — Le grand artiste partageait done avec les deux frères pan 1 Chiflet l'amitié du futur cardinal Guidi di Bagno. (2) Ce voyage n’eut pas lieu. oi GE Ambroise de Spinola, celui qui € avoit accoustumé de dire » de Ru — 167 — ché avec un ambassadeur d'Angleterre en Hollande (1). » (EB1D. ) Philippe CHIFLET à GUIDI DI BAGNO : Brüxelles, 10 septembre 1627. — «Je ne sçay si j’auray desjà adverti Vocue Seigneurie Ilustrissime que la commission de Rubens pour Angleterre fut révoquée, à cause qu'en mesme temps le François demande du secours par deça, dont Rubens est bien malcontent, et dit que nous faisons une folie bien grande de nous liguer avec le Fran- ÇOis, qui ne tient sa parole qu’en tant qu’elle luy est nécessaire pour l’accomplissement de ses desseins, et que l’Anglois n’en eust pas faict de mesme et eust tenu sa parole, au lieu que nous nous fions à une nation qui n’a point de foy. Cela s’ac- corde avec ce que fut le cardinal de Granvelle escrivoit de l’hu- -meur volage du François et de son instabilité en ses promesses. J'en ay donné l'original à Monsieur le ‘cardinal de la Cueva (2), et j'en garde la copie. » (IB1D.) Jean-Jacques CHIFLET à GUIDI DI1 BAGNO : Bruxelles, 11 mai 1629. — « Otho Vænius est mort (8). » ([1Br1b.) _ dJean-Jacqués CHIFLET à GUIDI DI BAGNO : Bruxelles, 18 mai 1629. — « Monseigneur, dimenche dernier 13e de ce moys, Ru- bens arriva icy par la poste avec les portraits du roy, des roynes et des infantes. On dit qu'il doibt passer en Angleterre. Il a laissé le marquis à Madrid, prest à partir pour l'Italie, où l’on dit que le roy l’envoye pour accommoder les différents (4). (IB1D.) Philippe CHIFLET à GUIDI pI BAGNO : Bruxelles, 9 février 1630, bens « quil voyoit reluire tant de beaux talens dans l’âme de ce grand homme, qu'il croyoit qu'un des moins considérables estoit celuy de la peinture. » (Roger DE PiLes, Vie de Rubens, 1681, p. 81.) (4) Lord Dadley Carleton. — Les lenteurs soupçonneuses de la Cour de Madrid empéchèrent Rubens de partir cette fois pour l'Angleterre {GA- CHARD, Histoire politique et diplomatique de Rubens, pp. 60-69). Le dépit qu’en éprouva le grand artiste est accentué dans le passage qui vient après celui auquel se rapporte cette note. (2) « Alonso de Bedmar, cardinal de la Cueva, qui avait été ambassa- deur de Philippe IT auprès des Archidues et qui continuait de remplir cette charge auprès de l’infante Isabelle. » (GAcnaARD, Histoire citée, p. 24, note 3.) (3) Cet artiste, qui fut le maitre de Rubens, mourut le 6 mai 4629. (Henri Hymans, Commentaires sur CAREL VAN MANDER : Livre des peintres, édit. M tu IDEp#9270:) (4) Voyez GACHARD, ne citée, p.W4, en note, « as one Le pes dr ARE ES VAE PNA" — 168 — — «Monsieur le marquis de Mirabel s’en est retourné par delà... Le comte de Castro s’en va aussy. Il n’a point paru icy et n’a tenu aucun poste, à cause qu'il n’avoit à rendre aucune ambas- sade. S. À. luy a faict présent d’une belle tapisserie d'invention de Rubens. » (1BID.) Mathieu DE MORGUES à Philippe CHIFLET : Anvers, 5 août 1635. — «Jai appris de M. Rubens qu'il y avoit plusieurs lettres en cette ville, écrites depuis trois mois de Nimègue, Arnhem et de la Bétune, qu'on y avoit vu des grands prodiges en Pair et, entre autres, une armée conduite par un fort beau jeune-homme, et que depuis ce temps beaucoup de spectres avoient paru dans Lille et dans les places voisines : ce qui est témoigné par des personnes religieuses et autres très dignes de foi, qui ont été sur les lieux ou qui produisent les lettres qu'on leur à écrites sur ce sujet. » (BIBLIOTH. DE BESANÇON, Lettres de Mathieu de Morgues, n° 28.) Mathieu De MORGUES à Philippe CHIFLET : Anvers, 24 octobre 1638. — «M. Rubens se porte mieux ; on l’attend en cette ville. » (IB1p., no 139 bus.) Il LETTRE SUR LA DATE PRÉSUMÉE DU Festin d'Hérode DE RUBENS ÉCRITE À M. HERMANN LINDE. Besançon, le 6 décembre 1886. Monsieur, Par une lettre, en date du 2 décembre courant, vous m'avez fait l'honneur de me demander mon sentiment sur la date pré- sumable de la confection du tableau de Rubens qui vous appar- tient et représente le Festin d’Hérode. Je connais ce tableau pour l’avoir vu, au mois de septembre dernier, à l'exposition que l’on avait organisée à Bruxelles au profit de la caisse des artistes belges. La belle photographie que vous avez bien voulu m’en envoyer me le remet en mé- moire d’une façon absolument complète. Il en existe, d’ailleurs, une très bonne copie sur cuivre au Musée de Besançon, et, dans le catalogue récemment publié de cette collection, j'ai mentionné l’original qui vous appartient, il ne m'était alors connu que par une indication de mon collègue et ami M. Max Rooses. ra) A) — 169 — Vous avez certainement raison, Monsieur, de trouver des analogies entre la manière de votre tableau et celle du Saint- Tidefonse : ces deux morceaux appartiennent évidemment à la dernière phase des évolutions du talent de l’incomparable co- loriste. L'une des figures de la scène principale du célèbre triptyque réapparaît d’une manière frappante dans votre tableau. Je veux parler de la jeune personne vue de profil, à côté de la Vierge remettant la chasuble; c’est bien également ele qui, dans votre tableau , présente à Hérode la tête de saint Jean-Baptiste. Or, j'ai démontré que la peinture du Saint-[ldefonse avait été faite entre le milieu de 1630 et le milieu de 1631. Incontestablement aussi, c’est Hélène Fourment qui a servi de modèle pour l’Hérodiade assise de votre tableau. Les photo- graphies des portraits d'Hélène Fourment qui sont à Munich, rapprochées de la photographie du tableau qui vous appartient, déterminent absolument cette conviction. Toutefois l’Hélène Fourment du Festin d’Hérode est une personne encore fraîche, mais déjà grasse, c’est-à-dire ayant pour le moins 25 ans. Or, Hélène Fourment, née en 1613, eut 25 ans en 1638. Le Festin d’Hérode me semblerait donc avoir été peint peut- être en 1638, plus probablement en 1639, Rubens étant mort le 90 mai 1640. En vous remerciant de votre envoi de l’intéressante photo- sraphie qui a pris une belle place entre les documents que je possède sur l'Œuvre de Rubens, je vous prie d’agréer, Mon- sieur, l'assurance de ma considération très distinguée. A. CASTAN. IIT LA TROISIÈME MANIÈRE DE RUBENS CARACTÉRISÉE PAR M. MAX ROOSES. (L' Œuvre de P.-P. Rubens : histoire et description de ses tableaux et dessins, t. [, pp. 5, 6, 12, 277-278.) « Si le grand artiste a peu varié la conception de ses sujets, il en a, par contre, continuellement transformé l'exécution; le dessin change peu, le coloris varie sans cesse. Ses tableaux de 1611 présentent avec ceux de 1626 et de 1640 des différences telles qu'un œil peu exercé serait tenté d'attribuer les produc- tions de chacune de ces dates à des maîtres différents. Sa touche = 150 © se modifie d'année en année; mais pour plus de facilité, nous distinguerons seulement trois époques dans sa carrière, COr- respondant à trois manières distinctes... » À parür de 1626 et jusqu’à la fin de la vie de l'artiste, sa troisième manière règne. Elle se distingue par plus de har- diesse, plus de réalisme dans le dessin. Les accidents de la forme sont plus soigneusement observés, le souci de la correc- tion et de la régularité diminue, les contours perdent de leur netteté et s’effacent toujours de LL en plus. À cette évolution correspond un changement analogue dans le coloris : ici encore la sévérité, l’unité disparaissent pour faire place aux variétés, aux demi-teintes. Les empatements et les glacis jouent un rôle plus considérable et, à la fin, prépondérant. La liberté, la légè- reté du pinceau à ue dose de magique. Le maitre effleure sa toile en se jouant, en éparpillant à l'infini les nuances, les reflets, les touches et, de cette incessante variété de tons re pus, il fait naître harmonie la plus suave, le coloris le plus brillaut. En même temps, les ombres deviennent plus transpa- rentes et peu à peu s'évanouissent, la blonde lumière envahit et inonge tout... » Ces changements, ne s’opérant pas brusquement, sont à peine sensibles d'une œuvre à l’autre; ils s'effectuent lente- ment, mais avec régularité, de sorte qu'entre les peintures du commencement et celles de la fin d’une même période la diffé- rence est fort sensible. L’œil exercé s’habitue aisément à re- connaître les diverses étapes et à fixer de cette manière, à deux ou trois années près, la date de la production du lea » Au commencement de sa carrière, il juxtapose hardiment les couleurs pleines et fait naître de leur combinaison une tona- lité vigoureuse ; plus tard, il recherche une harmonie plus dé- licate par la finesse des nuances, par le réfléchissement des tons ; ce ne sont plus les accords larges et puissants qui reten- tissent dans ses symphonies picturales ; c’est la fusion, le jeu, en apparence capricieux, mais au fond très savant, de mille teintes rompues et affinées qui se fait admirer. Sa vue s’est. sa main est devenue d'une habileté prodigiense, il e cherche plus les effets dans les grandes masses, mais dans à tonalité et l'harmonie générales. » Dans le principe, la lumière livre comD at. aux ombres: CIE . vainc graduellement et finit par régner en a ab- solue, 4 In = » La Madone avec des saints : autel de la chapelle mortuaire de Rubens. — Quelle différence entre ce travail et ceux d’un quart de siècle plus tôt! TI faut le comparer à un chef-d'œuvre de cet autre temps, la Descente de croix, pour voir le chemin qu'a parcouru le maître en trente ans. Dans la merveille de sa première époque, des contours nets, des masses de couleurs unies et hautes de ton, une lumière vive et claire, des ombres fortes et bien tranchées; dans le travail des derniers jours, une lumière chaude, des ombres transparentes, des lignes effacées, des couleurs rompues et reflétées à l'infini... » Par sa carnation chaude et rosée, la Vierge rappelle celle du Saint-Ildefonse ; une grande analogie se remarque entre la Madeleine et la Salomé du Banquet d'Hérode ; le saint cardinal rappelle par sa pose le saint Ildefonse, dans le triptyque de ce nom. » Il est certain que le tableau est ur des derniers que Rubens exécuta, qu'il ie peignit entièrement et le destina à orner sa chapelle sépulcrale. Il s’est représenté lui-même dans le saint Georges, sous des traits amaigris et flétris, signes de son âge avancé, de sa santé délabrée. » Dès que le tableau de la chapelle sépulcrale de Rubens, à Saint-Jacques d'Anvers, est justement reconnu pour l’un des derniers ouvrages produits par l'artiste, si l’on constate dans ce morceau des traits accentués de ressemblance avec la page intérieure et essentielle du Saint-Ildefonse, il en ré- sulte un nouveau et sérieux motif de considérer comme ac- quise la date relativement tardive que j’assigne à l'exécution de l'ensemble du triptyque qui trône au Belvédère de Vienne. 19 janvier 1887. INTRODUCTION, par À. CASTAN. I. Le Saint-lldefonse DE RUBENS AU BELVÉDÈRE, par M. le docteur Th. FRIMMEL. CNE IT. DEUX LETTRES À M. LE CHEVALIER EDOUARD DE ENGERTH, SUR LE Saint-lldefonse bE RUBENS, par A. CASTAN. IIL. SUPPLÉMENT A LA NOTICE SUR LE Saint-Tldefonse DE RUBENS, par 254 M. le chevalier Edouard DE ENGERTH. IV. TROISIÈME LETTRE à M. LE CHEVALIER ÉDOUARD DE ENGERTH, AU SUJET DE SA NOTICE SUR LE Saint-Ildefonse DE RUBENS, par À. CASTAN. ce : APPENDICE. — Informations recueillies par les frères Jean-Jacques et Phi= hppe CairLer sur les faits el gestes du peintre Rubens. — Lettre sur la date présumée du Festin d’'Hérode de Rubens, par A. CASTaN. — La troisième manière de Rubens caractérisée par. M. Max Rooses. | LES DERNIÈRES OBSERVATIONS DU CAPITAINE LOUIS TROUILLET A LA GEACIÈRE DE CHAUX-EES-PASSAVANT Par M. Albert GIRARDOT. a ee nes Séance du 10 juillet 1886. —_—__—— Dans la séance du 17 janvier 1886, M. le capitaine Trouillet nous avait entretenu de ses recherches à la Glacière, au moyen de thermomètres enregistreurs mis à sa disposition par la Société. Ces observations confirmaent les prévisions théoriques qu’il avait émises antérieurement (), et il comp- tait à bon droit que la caverne de Chaux lui livrerait promp- tement son dernier secret. Nous partagions tous sa confiance dans un résultat complet et prochain, quand sa mort préma- turée est venue anéantir nos communes espérances. Cepen- dant si ses observations, longtemps continuées, ne peuvent encore nous donner la solution entière du problème qu’il s'était posé, elles jettent néanmoins un grand jour sur les phénomènes thermiques qui s’accomplissent à l'intérieur de la célèbre grotte, et pour cette raison elles ne doivent pas tomber dans loubli. Aussi ai-je pensé qu'en les publiant je ferais œuvre utile, en même temps que je remplirais un pieux devoir envers la mémoire de mon ami et collaborateur recretté. Je rappellerai tout d’abord que les appareils enregistreurs furent mis en place dans le courant d'octobre 1885, et que (1) Voir, pour plus amples détails, les études publiées antérieurement sur la glacière de Chaux-lès-Passavant dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 5° série, t. IX, 1884, et t. X, 1885, FT — 174 — les observations, commencées de suite, prirent fin seule- ment en juin dernier. Ces recherches ont pu être poursui- vies, sans interruption, pendant plus de six mois, grâce au concours dévoué que MM. Journot, instituteur communal, el Brio, iermier de, là slacière, ont bien voulmprerer à M. . Lui-même avait ie spécialement notre atten- tion sur le rôle de ces collaborateurs, et nous avait exposé longuement toutes les difficultés et même les dangers de la. tâche qu'ils accomplissaient chaque semaine. Déjà, sous son inspiration, nous avons adressé des remerciements aux obser- vateurs de Chaux, mais je suis certain d’être l'interprète de toute notre Compagnie en leur renouvelant iei le témoignage de notre gratitude. Je ne reviendrai pas sur la disposition des appareils ni sur leur mode de fonctionnement, M. Trouillet nous les à fait connaitre ; je me bornerai à rappeler que la température a été inscrite directement, pour chaque moment de la journée, par les thermomètres eux-mêmes, sur des bandes de papier disposées à cet effet. Les nécessités de l'impression ne me permettant pas de reproduire en entier les renseignements obtenus ainsi, j'indiquerai seulement le degré marqué pour les heures de minuit, six heures du matin, midi et six heures du soir (1). Les thermomètres enregistreurs sont des instruments dé- licais, susceptibles de modifications dans leur fonctionne- ment et de variations dont les causes sont souvent difficiles à apprécier tout d’abord ; leur réglage demande en outre une certaine habitude qui ne peut s’acquérir qu'à la longue. Aussi, pour ces divers motifs, leurs indications n’ont-elles parues assez exactes qu'à la date du 25 novembre, après un temps d'essai de plus d’un mois. Je les reproduirai seule- ment à partir de cette époque. nt 1) (1) Toutes ces feuilles d'observations, ainsi que les notes de M. mo sont déposées dans nos archives. . détachent par moments — 175 — J'ai réuni toutes les observations dans deux tableaux, le premier (Planc. I, IT, IIT), sous forme de diagramme, repré- sente la marche de la température à l'extérieur et à -Pinté- rieur de la glacière (1). L'emploi d’un tracé figuratif est in- dispensable pour comparer les deux températures tant que le thermomètre intérieur reflète, par ses changements, les oscillations du thermomètre extérieur, c’est-à-dire pendant les mois d’hiver quand Pair extérieur peut pénétrer dans la caverne. Au printemps l'air extérieur venant à s’échauffer ne peut plus s’y introduire, dès lors le thermomètre inté- rieur varie très peu et le diagramme devient inutile; aussi ne suis-je contenté, pour cette période, d'inscrire simple- ment les chiffres sur le second tableau (pages 178 et 179). Ces tableaux présentent quelques lacunes dues pour la plupart à la nécessité où se sont trouvés les observateurs, d'interrompre le fonctionnement des appareils pour pouvoir les régler, opération longue et souvent difficile. Malgré tous leurs soins et toutes leurs précautions, quelques irrégularités se sont produites, de temps à autre, dans la marche des ins- ments, mais si elles n’ont pu être prévenues, elles ont été du moins très exactement signalées. Je vais les exposer dans une sorte d'historique des observations. Du 25 novembre 1885 au 7 janvier 1886, les appareils fonc- tionnent régulièrement; mais le 7 janvier M. Journot ne peut arriver à régler le thermomètre intérieur qui marque deux de- orés de plus que l’étalon. Cette différence reste la même pen- dant sept jours. M. Trouillet à corrigé le tracé et je reproduis Sa correction. Le 14 janvier, le thermomètre intérieur ne peut être remis à Sa place habituelle parce que les stalactites de glace, qui se , Compromettent sa sécurité; on lins- talle, à moitié distance entre le fond et l'entrée, à un mètre au (1) M. Trouillet avait réuni dans un tableau du même genre les observa- tions effectuées du 25 novembre au 31 décembre 1885. Ce tableau n'a pas été publié dans nos Mémotres en mème temps que leur compte rendu, — 176 — dessus du sol. Le 98 janvier, l'augmentation du nombre des gla- cons qui pendent de la voûte nécessite un nouveau change- ment, et on fixe l'instrument contre la paroi du fond. Enfin le 18 février, on peut le remettre à sa première place. Le 24 février, le réglage du thermomètre intérieur ne peut se faire d’une façon satisfaisante, la température qu'il indique, à partir de ce jour et jusqu’au 5 mars, paraît manifestement trop élevée à M. Trouillet, qui efface le tracé. \ Le 41 mars, les appareils ne peuvent être amenés à marcher d'accord avec l’étalon, et M. Journot doit les emporter chez lui pour les régler à loisir. Malgré tous ses efforts il ne peut y parvenir, et le tracé fourni par le thermomètre intérieur, du 15 mars au 8 avril, est trop élevé de deux degrés. M. Trouillet, d’après les indications de M. Journot, a corrigé cette erreur, et je donne pour la période correspondante le tracé tel qu'il la modifié. Le 15 avril, les observateurs ne jugent pas prudent de re- placer le thermomètre intérieur dans la grotte, parce que les Stalactites de glace qui se détachent de la voûte, à chaque ins- tant, constituent une menace constante pour l’instrument et un danger réel pour celui d’entre eux qui doit chaque semaine le déplacer pour le régler; ils l’établissent dans le vestibule, sur une planchette disposée à cet effet, où il demeure jusqu'au 8 mai. Les observations effectuées entre ces deux époques ne peuvent présenter la même valeur que les précédentes, je les rapporte néanmoins telles que l'appareil les a inscrites. Le 8 mai, le thermomètre intérieur s'élève brusquement à partir de cinq heures du soir, il atteint huit degrés à six heures puis s’abaisse graduellement jusqu’à quatre heures du matin, remonte alors de deux degrés et s’abaisse de nouveau très vite pour arriver au zéro le 9 à six heures du matin, tandis que le thermomètre extérieur descend de dix-neuf à zéro dans le mème espace de temps puis se maintient à zéro jusqu’au 43 mai. Ces oscillations, absolument insolites, sont expliquées par une note de M. Journot : Le samedi 8 mai, à cinq heures du soir, le thermomètre, placé habituellement à l'extérieur (n° 2583), est descendu dans le vestibule, et le thermomètre, installé pré- cédemment dans le vestibule (n° 2377), est monté à l'extérieur, puis le lendemain, dès le matin, l'instrument n° 2377 est porté par erreur au fond de la grotte, où il reste jusqu’au 13 à six heures du matin. LS — 177 — Cette erreur va nous permettre de comparer la température du vestibule avec celle de l’intérieur de la glacière pendant ces quelques jours (1). INTÉRIEUR. 6 XII | 19 1/2 |— 1/2 —1/2 —1p2 1/2 |—1/2 — 1/2 —1/2 1 19 19 00 0 La différence, comme on le voit, est assez sensible et atteint un degré ou un degré et demi. Ceci confirme ce que je disais précédemment des observations effectuées du 15 avril au 8 mai. Du 20 au 26 mai, le thermomètre intérieur se maintient entre — 30 et — 3° 1/2; l’explication de ce fait n’a pas été donnée par les observateurs, elle est sans nul doute dans une indica- tion défectueuse de l’instrument, car la température extérieure ne s’est pas abaissée pendant ces six Jours au dessous de + 6. Il s’est produit ici un dérangement analogue à ceux que j'ai signalés plus haut, mais en sens inverse. Les renseignements donnés par l’instrument étant évidemment erronés, je ne les reproduirai pas. Du 26 mai au 8 juin, les appareils fonctionnent régulièrement, (1) Dans ce tableau, le chiffre 12 indique l'heure de minuit, 6 six heures du matin, XII midi et VI six heures du soir. 12 HN Température du 9 avril au 8 juin (1). TEMPÉRATURE EXTÉRIEURE. TEMPÉRATURE INTÉRIEURE. PS |/0 1 =0 74007 13/42 RES DAS 4 te 6 500 Co 119° 1 | 10 10 1 04 440 41 | 080071 0m M1 1449 AP 4e 1 D PTE CE ARE DS 0 4: 4. 419 1100/2006 De 4 1 419 Toi 6 er 1442 1192. 9 1191 6 6 10 1 11/9 1190 9, oh Su [119-449 © 41191 704 60 2 1 tr à | 1 1 D ne 0 | 4 1 Si 9 Lo6 2 0 ueer 1119 41499 4900 2 DD 10 00 be 02. 0 00 din 6e Se 0e 0 200 CA OS D Oo © 6 0 0 0: 0 42 #0 5 SNA 0 0 «do. 0 3 0 pan | 19 0 1208 0000 14/9 000 1500 5 D, 0 120 lasers 02020 40 040 ls Do D 0 419 1.0 Pa see — (1) Dans ce tableau, comme dans le précédent, les chiffres placés au dessus des colonnes indiquent les heures de la journée : 12 minuit, 6 six heures du matin, XII midi, VI six heures du soir, TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE INTÉRIEURE. EXTÉRIEURE. Malgré les erreurs et les irrégularités que je viens de signaler, ces observations, continuées pendant 495 jours, donnent des résultats certains pour 440, non comprise la période du 45 avril au 8 mai pendant laquelle le thermo- mètre, placé dans le vestibule de la caverne ne pût fournir, d'indications bien exactes. Ges jours sont ainsi répartis 9 en novembre, 30 en décembre, 30 en janvier, 24 en février, 20 en mars, 15 en avril, 9 en mai et 8 en juin. Nous sommes loin des seize observations que j'avais réuni à grand’peine, il y a deux ans, et de la théorie de Grenier, et nous pou- vons apprécier par là combien M. Trouillet a éclairci la ques- tion de la Glacière. Nous savons aujourd’hui, d’une façon absolument certaine, quand et dans quelles conditions se forme la glace et nous connaissons, dans tous ses détails, le phénomène de sa production, L’échauffement de la grotte, _par la chaleur propre de la terre, que Thury seul avait en- trevu parmi les anciens observateurs, est maintenant dé- montré expérimentalement. Quelques observations de plus et les appareils enregistreurs nous eussent très probable- \ ment révélés l'existence de ces gelées d'été dont notre re- gretté confrère nous avait prouvé la possibilité théorique. De pareils résultats nous font ressentir, plus vivement encore, toute l'étendue de la perte que vient d’éprouver notre SO- ) Giéle: | iu ET OP 72 Societe le on aDoule 1886. COMPARAISON DES TEMPÉRATURES EXTÉRIEURES ET INTÉRIEURES DANS LA GLACIÈRE DU 25 NOVEMBRE 1885 AU 7 AVRIL 1886, | Les traits verticaux Sont espaces de six en six heures, les gros traits indiquent llieure cle mir Températures extérieures ï Températures intérieures ____________._… 25 Novembre 26 FDOBhOoRSS ‘ll Sociète d'!mulation du Doubs. 1886. III 10 11 15Mars 16 17 18 = | ÈS F7 du :1 Fee | 94 25 26 27 28 29 30 31 1 Avril © 3 4 5 6 7 18 | | 16 {4 / 14 42 12 à Ne I : 8 8 F4 | | 4 2 | 2 i N, | + — SE ED DR D DS DES DE —}—#{#° et 1 . = Mr. morte tr FNOR+O Société d'Emulation du Doubs 1ldanvier 12 | IT 13 14 15 16 17 18 19 20 91 22 5) 24 25 26 12 Eu 28 @ & # D ON 29 30 31 1 Février 2 3 4 5 6. 7 8 9 40 11 UN CONGRÈS SCIENTIFIQUE À GENÈVE EN 1886 Rapport fait à la Société d’Emulation du Doubs Par M. Edouard BESSON. Séance du 15 décembre 1886. MESSIEURS, Au mois d'août dernier, nous avons eu l'honneur, M. Ré- tif, M. Cottignies et moi, de vous représenter au Congrès que tenait à Genève la Société helvétique des sciences naturelles. Nous répondions ainsi à une invitation des plus aimables qu'il nous eût été d’ailleurs bien difficile de repousser. Sans parler de la perspective d’un charmant voyage fait en agréable société vers des sites qu’on aimera toujours à voir et même à revoir, le nom seul de Genève évoque l’idée d’une hospi- talité large, courtoise et toujours ouverte. Si en effet ce pays, petit par l’étendue, mais si grand par les souvenirs et le rôle qu'il a joué dans l’histoire, a un caractère distinct qui lui donne son originalité propre, c’est le caractère cosmopolite provenant des apports constants qu'il doit à toutes les na- tions de l’Europe. Durant le cours entier de son histoire, Genève n’a pas cessé d’être un asile pour tous les proscrits, - un port ouvert aux épaves de tous les naufrages. Pour ne parler que de nous, durant nos guerres de religion, sous la Terreur, ou sous le premier Empire, combien n’a-t-elle pas abrité de victimes de la fureur des partis ou du despotisme d’un homme ? Comme cela arrive toujours tôt ou tard, sa gé- nérosité lui a d’ailleurs été profitable. Beaucoup de ceux qu'elle a recueillis de la sorte sont devenus les meilleurs de ses enfants, et ont mieux que personne maintenu dans ses 12. murs ces traditions de large sympathie et d’affectueux accueil dont nous étions appelés à faire l’attrayante expérience. . Et puis, ne devait-ce pas être un plaisir d'entendre parler de la nature dans un pays qu’elle à si particulièrement favo- risé, et qui en revanche Pa si bien étudiée et comprise, dans la patrie des Saussure, des Pictet de la Rive, des Bonnet, des Candolle, et surtout des Jean-Jacques Rousseau qui ne fut pas sans doute, comme écrivain scientifique, un naturaliste de premier ordre, mais qui sut donner dans toutes ses œuvres aux mille voix du monde extérieur une expression dont lécho s’est depuis retrouvé dans la littérature de tous les peuples | À la vérité, nous n’allions pas à Genève comme proserits, ni même, je le dis humblement, du moins en ce qui me con- cerne, comme savants. Nous étions surtout des curieux, dé- sireux d'étudier, dans une des manifestations les plus impor- tantes de sa vie intellectuelle, un peuple que son voisinage et la ressemblance de ses institutions avec les nôtres nous ren- daient particulièrement intéressant. Le Congrès de la Société helvétique des sciences naturelles est en effet, pour la ville de Suisse qui en est le théâtre, une véritable solennité. Fondée à Genève même en 1815, cette Société a, chaque année, un lieu de réunion différent, et c’est là une occasion de ces fêtes dont nos voisins savent si bien, en général, ordonner et réaliser le programme. Elle compte d’ailleurs dans tout le pays un très grand nombre de membres, dont plusieurs jouissent d’une autorité scientifique universellement reconnue. : Genève, qui se considère à bon droit comme la capitale intellectuelle de la Suisse, avait tenu à donner au Congrès de cette année un éclat particulier. Elle avait étendu au loin le cercle de ses invitations , auxquelles 1l avait été répondu de presque tous les principaux centres intellectuels de PEu- rope. Sans parler de la Suisse elle-même dont les savants gaominaient naturellement au Congrès, Rome, Bologne, Turin, — 183 — Londres, Upsal, Madrid, Vienne, Berlin, Leipzig et beaucoup d’autres grandes villes y avaient envoyé des délégués. La France y comptait de nombreux représentants venus sur- tout des régions voisines de notre frontière. L'Institut avait délégué deux de ses membres les plus éminents : M, Hébert, le savant géologue, et M. Marcel Déprez, au nom duquel ses récentes découvertes mécaniques ont donné une célé- brité si étendue. Il ne faudrait pas d’ailleurs que lexpression de Société de sciences naturelles fût prise dans un sens trop restreint et trop absolu. En dehors des sciences naturelles proprement dites, nous avons entendu au Congrès des communications relatives à la médecine, à la physique, à la chimie, à l’éco- nomie politique, à la géographie, à esthétique même. C’est du moins à cette dernière science qu'était consacré le dis- cours d'ouverture du président annuel, M. Louis Soret. Ecrit avec autant de distinction et d'élégance que de profondeur, ce morceau, sous le titre modeste d’Impressions réitérées, résumait les lois qui président à la naissance et au dévelop- pement du sentiment du beau. Il a du reste été reproduit en entier par la Revue scientifique de Paris. Les communications se sont ensuite succédé, et nous n’a- vons pas ici la prétention de les résumer, ni même de les énumérer toutes. Le Congrès n’a pas duré moins de quatre jours, et encore s’était-il divisé en sections qui fonctionnaient en même temps dans les diverses salles du magnifique palais universitaire de la ville. On y entendait parler le plus sou- vent français, mais l'allemand y avait aussi sa place; car, à part même les savants étrangers, les délégués de la Suisse allemande, bien que sachant parfaitement le français en gé- néral, préféraient user de leur idiome originaire très bien compris par tous nos voisins. Leur facilité à entendre et à manier l’une et l’autre langue est telle, que nous en avons vu, improvisant un discours, le commencer en français et le terminer en allemand, ou réciproquement. Quoi qu’il en soit, un ordre parfait n’a pas cessé de régner au milieu des lectures et des conférences très nombreuses et d'ordre très varié qui ont été faites au Congrès. La France y tenait un rang des plus honorables dans la personne de ses savants présents à Genève et même des absents, et c’est avec un véritable orgueili national que nous avons entendu des étrangers faire justice, au milieu d’applaudissements unanimes, des attaques ineptes dont les récentes décou- vertes de notre illustre compatriote M. Pasteur ont été l’objet. On à de même écouté avec la plus vive sympathie M. Marcel Déprez racontant et commentant en détail ses admirables expériences de Creil sur le transport de la force par lélectricité. MM. Hébert, de la Sorbonne, Scheurer- Kestner, de Paris, Amagat, de Lyon, Lory, de Grenoble, n'ont pas été moins bien accueillis. Mais le principal succès oratoire a été pour M. Alglave, Péminent directeur de notre Revue scientifique , qui était venu poursuivre à Genève l’apostolat méritoire qu'il a entrepris depuis quelque temps déjà contre l’alcoolisme. Je doute que ses idées, consistant, comme on sait, à confier dans chaque pays à l'Etat le mono- pole de la vente des alcools, aient trouvé beaucoup d’écho chez nos voisins qui n’admettent aucun monopole, pas même celui du tabac. Mais il était difficile de mettre plus d’élo- quence, plus de verve, plus de brio au service d’une thèse peut-être discutable, mais qui n’en à pas moins préoccupé les gouvernements et les hommes d'Etat. Si M. Alglave n’a pas converti tout son auditoire à ses opinions, il n’y a ren- contré en revanche que sympathie pour sa personne et ad- miration pour son talent. On comprend que dans un Congrès scientifique tenu à Genève, les savants genevois aient voulu marquer leur place. La science locale était en effet très brillamment représentée, et l’on retrouvait avec plaisir dans les sections les noms des Candolle, des Saussure, des Pictet de la Rive. Ces noms sont en effet ceux de véritables dynasties scientifiques établies et F — 185 — se continuant à Genève, et dont les membres s'efforcent de maintenir et de développer les grandes traditions qu'ont créées leurs glorieux fondateurs. L’aristocratie intellectuelle du pays compte aussi des hommes nouveaux, et, parmi eux, nous nommerons en première ligne l’éminent naturaliste Charles Vogt, allemand de naissance, mais Genevois, j'allais dire Français, d'esprit et de cœur, professant d’une manière générale les doctrines de Darwin, mais sans fanatisme n1 idées préconçues, et sachant au besoin combattre certaines théories du maitre, comme nous le lui avons entendu faire dans une causerie pleine de verve et d’entrain. On doit encore citer parmi les communications les plus remarquables qui ont été faites au congrès : une conférence sur la cécité du célèbre oculiste de Lausanne, M. le docteur Dufour, dont la Société d’Emulation pouvait apprécier l'an dernier, à pareille époque, la parole chaude et imagée, jointe à des connaissances aussi variées qu'étendues ; un travail fort applaudi du docteur His, de Leipzig, sur l’origine des fibres nerveuses chez l’embryon humain; enfin un exposé très complet et très détaillé de la géographie intérieure du Léman, dû à M. le professeur Forel, de Morges. Sans doute, au point de vue esthétique, les bords enchanteurs du lac pré- sentent un intérêt supérieur. Mais il n’est pas moins curieux de connaître d’une manière exacte et scientifique le fond d’un vase dont la nature a si richement orné les parois exté- rieures. La géographie était du reste un des principaux objets des travaux du congrès. En dehors des nombreuses communica- tions qui lui étaient consacrées, M. Henri Moser, de Schaf- fhouse, qui a beaucoup voyagé dans l'Asie centrale, et qui a consacré à ces Imtéressantes régions de si remarquables ou- vrages, avait formé une exposition des objets rapportés par lui de ses explorations lointaines. Lui-même voulait bien _se faire auprès des visiteurs le cicérone aussi bienveillant qu'autorisé des nombreuses curiosités qu'il avait réunies 12, Te il eue avec le goût d’un artiste joint à la compétence d’un savant. J'en ai fini, Messieurs, avec le Congrès de Genève, du moins en tant que congrès scientifique proprement dit. Mais si je vous ai donné en une légère esquisse le fond même du tableau, reste à vous en exposer le cadre et comme le décor. Ce cadre, vous le connaissez déjà d’une manière générale. C’est Genève et son lac admirable qu'ont chanté tous les poètes. et pur lequel toutrarétéedi Quant à la ville elle- même, elle a beaucoup gagné depuis quelque temps et gagne encore tous les jours. Déjà matériellement transfor- mée sous la dictature intelligente de James Fazy, elle a ré- cemment bénéficié des magnifiques libéralités posthumes du duc de Brunswick dont elle a su faire le meilleur et le plus intelligent usage. Elle à en particulier tiré un très heureux parti du progrès scientifique général. L'établissement des forces motrices du Rhône, qu’on nous a fait visiter en détail, est une des merveilles de l’industrie moderne. Que dire de son théâtre, un des plus beaux du monde, et d'autant plus surprenant qu'il s'élève dans une ville dont le premier écrivain a combattu la fondation des théâtres avec une éloquence égale à celle de Bossuet? Si les compatriotes de Rousseau n’ont pas suivi ses austères conseils, et leur ont préféré ceux plus humains de d’Alembert, ils auront voulu sans doute excuser leur faiblesse en rendant plus beau et plus attrayant le temple qu’ils consacraient aux arts profanes. Aussi bien, à Genève, peut-on souvent reconnaitre un étrange contraste entre le présent et le passé. Les souvenirs qu'évoque ce passé sont ceux d’une austérité assez rude, et la ville de Calvin nous apparaît dans l’histoire sous un aspect quelque peu monacal et ascétique. d’ignore si les Genevois: ont conservé d'aussi graves traditions pour leur usage per- sonnel. Mais j'affirme que ce ne sont pas celles qui président aux réceptions qu'ils font à leurs hôtes. Je ne parle pas ici de l'hospitalité privée qui nous a été offerte. Nous avons ainsi contracté une dette du genre de celles qui ne s’acquit- 4 î £ ; DU > JÉ É A ù — 187 — tent pas en public. Je parle des fêtes générales dont le Con- grès a été l’occasion et dont tous ses membres ont bénéficié. Ces fêtes n'étaient pas seulement aussi bien ordonnées que courtoiseméent offertes; elles avaient un cachet de remar- quable distinction. Dès notre arrivée, nous faisions connaissance avec la meil- leure société de la ville réunie au palais Evnard. Cet édifice, bâti et orné dans le style Empire, a vu passer sous son toit, à l'époque des traités de 1815 qui ont rattaché Genève à la Suisse, la plupart des célébrités politiques de l’Europe. $es salons, dont les dames de Genève faisaient le plus bel orne- ment, ses jardins brillamment illuminés où jouait une excel- lente musique, formaient un ensemble très bien approprié à cette première entrevue qui, grâce au sympathique accueil dont nous étions Pobjet, surtout de la part de monsieur et de madame Soret qui présidaient fort gracieusement à la fête, nous à de suite donné chez nos hôtes un droit de cité au moins provisoire. | | _ Le lendemain, nouvelle réception, cette fois à la campagne. _ Un train spécial nous conduisait vers cinq heures du soir à Malagny, chez M. le docteur Marcet, dont le vaste parc, s’é- tendant en pente douce jusqu’au bord du lac, avait été pré- paré pour recevoir et héberger ses visiteurs au nombre d’en- viron un millier. Ici, du moins pour la première partie de la soirée, la nature avait fait les principaux frais du décor. À —._ nos pieds le lac immobile. Devant nous, les montagnes de Savoie que domine le Mont-Blanc, profilant sur un ciel sans » nuages les arêtes de ses cimes neigeuses. A la pâle lumière —_ du crépuscule. elles se colorent de ces teintes rosées qui J ; sont leur plus belle parure, jusqu’à ce qu’elles s’effacent et - disparaissent peu à peu de la base au faite dans l’ombre de la nuit envahissante. Mais alors s’allument autour de nous d'innombrables lueurs. Ce sont des lanternes vénitiennes - mêlées au feuillage des arbres, ou des feux de Bengale brü- lant sur la pelouse que traversent en tous sens de gaies fa- — 188 — randoles menées par la jeunesse genevoise aux sons d’un | très bon orchestre. Des orateurs improvisés remercient M. le | docteur Marcet de sa magnifique hospitalité, à laquelle l'heure | fixée pour le départ vient trop tôt mettre un terme. | Nous eùmes encore le jour suivant une fort agréable soirée | au théâtre, où l’on nous fit entendre de très belles voix jointes | à d'excellente exécution musicale. Mais les réunions les plus animées, celles où s’établissaient le mieux entre ies membres du Congrès les liens d’une sym- pathie mutuelle, étaient les banquets qui se donnaient au palais électoral après chaque séance scientifique. Ils se ter- minaient, suivant l’usage local, par un grand nombre de toasts et de discours, dont plusieurs fort remarquables. Le | toast à la Patrie qui, en Suisse, est toujours prononcé le pre- inier, avait en M. le président Soret un interprète aussi élo- quent qu'autorisé. On a de même beaucoup applaudi le toast aux dames de Genève de M. le professeur Charles Vogt, chez lequel le savant est loin d’avoir étouffé l’homme d’esprit et d'imagination. Nous avons ainsi vu défiler à la tribune la plupart des cé- lébrités locales, notamment M. le conseiller d'Etat Carteret, dont le nom a pendant un certain temps rempli la presse européenne, et chez lequel il est facile de reconnaitre au pre- mier abord un puissant orateur habitué à dominer les foules par la parole. Les délégués des autres villes n’ont pas voulu demeurer en reste, surtout pour remercier leurs hôtes, et ce qui nous a principalement frappés dans cette prolusion générale d’éloquence, c’est combien il nous restait encore à faire en France pour arriver à parler les langues étrangères comme les étrangers parlent la nôtre. Nous avons entendu: en particulier des discours de professeurs italiens, improvisés en français avec une pureté de style et une élégance de dic- tion vraiment remarquables. Vous pourriez être surpris, Messieurs, que parmi les membres de votre délégation, qui comprenait entre autres POSPR PROPRES CPE LE ln re à de à ar 77 k Ù Lee : " 1 128 7 ne — 160 — deux représentants du ministère public, aucun n’ait songé à donner des conclusions et à entrer dans une lice oratoire si largement ouverte. Mais nous avons pensé que dans une réunion d’un caractère purement scientifique, où la France comptait des savants d’une si grande valeur, il ne nous ap- partenait pas de nous faire leurs interprètes, et que ce rôle convenait à des voix plus autorisées que les nôtres. Ce fut M. Lory, l’éminent doyen de Grenoble, qui parla au nom des Français présents à Genève. Il le fit en fort bons termes, avec simplicité et à propos. Cependant les plus belles réunions ont leur terme, et le moment était venu de nous séparer de nos hôtes. La sépa- ration n'eut pourtant pas lieu à Genève, mais à Lausanne où Von nous avait reconduits d’une manière aussi originale qu’a- gréable. Sur le bateau le Mont-Blanc, splendidement orné pour la circonstance, et couvert de drapeaux parmi lesquels les drapeaux français et italiens occupaient la place d’hon- neur, un'dernier banquet nous avait été offert avec accom- pagnement de musique. Nous naviguâmes de la sorte quatre ou cinq heures sous un ciel radieux, charmés du spectacle qui s’étendait au loin à nos regards, comme aussi de celui que nous trouvions à nos côtés, les dames de Genève ayant bien voulu prendre part à cette dernière fête. Le bateau stop- pait de temps à autre pour permettre aux orateurs attardés de prononcer encore quelques discours. Jamais voyage ne nous sembla plus court et n’eût été plus gai si nous n’avions dû à son terme quitter des hôtes, j'allais dire des amis, dont la réception nous a laissé un profond et impérissable sou- venir. Aussi bien ce qui nous a frappé surtout, dans les fêtes dont je viens de vous tracer la physionomie générale, c’est ce que pouvait faire, dans une occasion comme celle qui nous réu- nissait, une ville de cinquante mille âmes, chef-lieu d’un Etat qui en compte à peine cent mille. À la vérité, 1l y règne un véritable esprit publie, et ses habitants ont la passion de tout — 190 — ce qui touche au progrès scientifique et au développement général de la pensée. Or, quoi de plus utile à un tel point de vue que ces grands congrès qui sont comme les assises de la science, qui rapprochent les esprits et les cœurs et initient le grand nombre aux résultats de recherches qui sont, en thèse générale, le privilège de quelques-uns”? Les encoura- gements qu'on leur donne et l’éciat dont on les entoure sont à la fois un hommage rendu aux grandes idées qu’ils répan- dent et une excellente garantie de leur succès auprès des populations. De telles réunions ne manquent pas en France, mais c’est, comme pour tout le reste, la capitale qui le plus souvent en bénéficie seule. Néanmoins nous possédons, depuis quelque temps déjà, une association, analogue à la Société helvétique des sciences naturelles, qui, chaque année, tient ses assises dans une ville de province différente. C’est l'Association fran- çaise pour lavancement des sciences, dont les congrès pré- sentent un vif intérêt et sont des plus avantageux pour la ville qui en est le théâtre, à la fois en y provoquant l’éveil des esprits et en appelant lattention publique sur la région dont elle est le centre, ses beautés et ses ressources natu- relles, son commerce et son imdustrie. Elle se réunissait l’an dernier à Grenoble et cette année même à Nancy. Un grand nombre de nos compagnons de voyage, en se séparant de nous en Suisse, se rendaient dans cette dernière ville pour prendre part aux travaux du congrès qui allait sy ouvrir. Pourquoi, je le demande, ne se réunirait-elle pas à Besançon et pourquoi ne ferions-nous pas, en vue de cette éventualité, les démarches nécessaires”? Sans doute, si ce vœu se réali- sait, nous ne pourrions offrir à nos hôtes ni lac, ni Mont-. Blanc, ni surtout les splendeurs de la réception que je viens de décrire. Mais notre pays a aussi ses beautés naturelles. Il a ses industries sur lesquelles il serait bon d'appeler l’atten- tion, ne füt-ce que pour les tirer d’une torpeur que nous aimons à croire passagère, [l a surtout, lui aussi, cet amour lumières qu'il importe. d'entretenir et de est le DAS et plus fort des liens qui RAPPORT SUR LA SÉANCE GÉNÉRALE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DE MONTBÉLIARD Par M. Paul COTTIGNIES, avocat général DÉLÉGUÉ DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS. D 0e Séance du 12 juin 1886. MESSIEURS, J'ai l'honneur de venir vous rendre compte de la mission que jai remplie pour vous représenter à la réunion an- nuelle de la Société d'Emulation de Montbéliard, qui s’est tenue le 20 mai dans la salle du musée de cette ville. La plupart d’entre vous connaissent le musée, ou plutôt. les musées, qui servent de siège social à la Société de Mont- béliard, et ils ont admiré, comme moi, de quelles ressources disposaient nos voisins, qui ont installé dans quatre à cinq salles leurs collections scientifiques et archéologiques, leurs œuvres d'art et leur bibliothèque, et qui ont aménagé une salle de réunion autour de laquelle sont placés des mé- daillons portant les noms des enfants illustres du pays. — Si les locaux qui sont mis à notre disposition par la munici- palité bisontine rehaussent l’éclat de nos réunions solen* elles, 1l faut avouer que lorsque nous nous trouvons entre nous, et chez nous, nous sommes loin d'attendre au luxueux confort de nos amis de Montbéliard. — Je constate cette infériorité au seul point de vue de l’émulation, car l’'émulation qui existe entre les membres d’une société doit — 193 — _ exister aussi de société à société, et nos collègues de Mont- béliard nous en ont donné un exemple dans la séance même dont je dois vous rendre compte, lorsque par l’organe de leur secrétaire général, M. John Viénot, pasteur, ils ont in- _ sisté sur la nécessité de varier les objets d'étude qui sont examinés dans chaque séance, en prenant pour modèle la Société d'Emulation du Doubs. Après ce remarquable rapport, on a procédé au renou- vellement des membres sortants du bureau. — Notre hono- rable secrétaire décennal, rendant compte un jour de la fête annuelle de la même Société, disait dans son rapport aue nos collègues de Montbéliard « eussent facilement évité les longueurs de ces formalités minutieuses en consacrant à ces détails d'organisation intérieure une séance préparatoire. » — Il est certain que ces scrutins répétés ont peu d'intérêt pour les étrangers ; mais sommes-nous des étrangers ? Les noms qui sont proclamés ne sont-ils pas des noms connus de nous, et n'est-ce pas même en nous faisant assister à ces élections intimes qu’on nous montre que nous sommes bien de la même famille ? L'ordre du jour appelait d’abord une lecture de M. Ben- jamin Favre sur « La conversation en France dans certains salons du xvrre siècle. » Dans ce travail, semé d’anecdotes piquantes, quelques-unes inédites, M. Favre a rappelé les mots et les traits d'esprit des femmes qui ont tenu le sceptre de la conversation dans ce siècle de l'esprit, et il a insisté sur l'influence funeste pour la conversation des sièges trop symétriquement rangés dans un salon. — Lorsque le vo- + Q { CO TLTé 3 1 Q Ce jai ar .lume des Mémoires de la Société d’'Emulation de Monthbé- hard, pour l’année 1886, vous sera parvenu, je vous engage à lire cet intéressant travail dont le genre défie l’analyse. M. Roby, président de la Société jurassienne d’'Emulation, _parla ensuite des « Coralliens jurassiques », qu'il étudie spé- cialement depuis un certain nombre d'années, et les nou- elles classifications dues aux travaux de ce savant géologue 13 NT ET IT RO 1 ON SE PUS CE Sen Eee dE PEUT ER 0 OS Ne, AN ANS ER CS PESTE Z — 194 — suisse furent saluées par d’unanimes applaudissements. — M. Roby offrit en même temps à la Société les premiers fas- cicules de son ouvrage sur les polypiers jurassiques. — Après lui, M. Henri L’Epée communiqua les résultats des fouilles de Mandeure pendant l’année 1885-1886. — Des croquis et des plans de grande dimension permettaient aux assistants de se rendre compte de la direction des fouilles et de l’endroit précis où venaient d’être trouvées deux statuettes antiques dignes d’être présentées à la Société des anti- quaires de France. La séance avait duré assez longtemps pour ne laisser que le temps de se rendre à l’hôtel de la Balance, où le banquet était dressé. — L'heure des toasts ayant sonné, le président sortant, M. Henri L’Epée, prenant pour devise ces mots de la légende : « Marche, marche toujours », porta un toast au progrès, dont les Sociétés d’'Emulation forment la milice, progrès auquel l’homme travaille depuis les temps les plus reculés et dont le point final ne sera jamais atteint. — Cette allocution fut terminée par un souhait de bienvenue aux sociétés voisines et à leurs délégués. J’ai exprimé à notre tour à nos amis de Montbéliard les sentiments de bonne confraternité et d'estime que vous m'a- viez chargé de leur transmettre ; j’ai exprimé le regret de ne pouvoir leur apporter que mes ardentes sympathies, en Pab- sence des savants que compte dans son sein la Société d'Emulation du Doubs. — Permettez-moi de vous rappeler à cette occasion que M. le capitaine au génie Trouillet, dont nous pleurons la perte, a été un de ceux qui sont allés nous représenter à Montbéliard, qu'il y avait laissé les souvenirs les plus affectueux et qu’à l'annonce de sa maladie, dont on. ne prévoyait pas alors l’issue fatale, bien des visages s'é- taient assombris. | | Etranger à votre département, il m'appartenait de dire aux habitants de Montbéliard que je n'étais pas étranger à ses gloires, qui sont des gloires de la Patrie française. et en l.> n à 1) particulier de saluer en Montbéliard une des plus anciennes citadelles de la liberté de conscience. — Les applaudisse- ments qui m'interrompirent alors prouvent qu'aujourd'hui, comme dans toutes les périodes de leur histoire locale, les -Montbéliardais donnent une importance capitale aux ques- tions qui se rattachent à la liberté religieuse. — L’habitude du libre examen a développé chez nos voisins limtative et l’activité intellectuelle ; ce n’est pas seulement la science, c’est aussi la science appliquée à l’industrie, comme à Pelle, à Montbéliard, à Voujeaucourt, à Audincourt, à Valentigney, qui font de cet arrondissement un pays privilégié, auquel la Russie a souvent emprunté des ingénieurs, des professeurs et des officiers. — Après un souvenir respectueux rendu aux noms qui décorent la salle des séances, et particulièrement au grand Cuvier dont le génie a reconstitué des mondes dis- parus et a deviné l’histoire des temps qui ont. précédé Pau- rore de l’histoire, j’ai remercié le Président de son chaleu- reux accueil, j'ai bu à la Société d'Emulation de Montbéliard et à son étroite union avee la Société d'Emulation du Doubs, union cimentée par le temps et la réciprocité d'affection. — Enfin, j'ai bu à la ville de Montbéliard, dont la beauté pitto- resque est due au château flanqué de tours féodales qui la dominent, et qui m'était apparue si gaie alors que je l'avais parcourue la veille, dorée par le frais soleil du printemps. Après moi, M. Droz, professeur de mathématiques à Porrentruy, dans un toast plein de chaude cordialité, a bu à Pémulation en général ; M. Alfred Bovet, élu le matin prési- dent, a remercié ses collègues avec finesse et à propos; M. John Viénot, reprenant la thèse qu'il avait exposée à la Séance, a comparé le champ de l’émulat'on à un vaste jar- din dans lequel toutes les plantes peuvent et doivent être cultivées, à l’exceptio de celies qui se trouvent aans deux plate-bandes dont lune se nomme 12 Religion et l’autre la Politique. — Après quelques paroles de M. de Chambrier et de M. Favre, en réponse aux toasts précédents, et deux vieux — 196 — contes ou «€ rioles » débités avec humour par M. Perdrizet, principal du collège, la majeure partie des membres qui avaient assisté au banquet s’est transportée au Gercle, bel édifice, que bien des grandes villes envieraient à Montbé- hard, et où votre délégué a été reçu avec la plus grande cor- dialité ! — Malheureusement l'heure du départ approchait, et deux membres de la Société, M. Favre et M. Bouthenot- Peugeot, ont poussé l’aménité de leur accueil jusqu’à m'ac- compagner à l’hôtel et ensuite à la gare. Il me reste à vous remercier, Messieurs, d’avoir bien voulu m'accepter pour votre représentant, moi si nouvellement entré dans vos rangs et si indigne de vous représenter au milieu de la phalange de savants qui m’entourent, et de m'avoir aussi permis d'assister à cette fête de l'intelligence et de la fraternité. OROGRAPHIE DU TERRITOIRE DE BESANCON Par M, Georges BOYER. Séance du 13 novembre 1886. L'absence d’un relief géologique du territoire, dans les musées d’un centre universitaire tel que Besançon, m’a”paru constituer une lacune qu’il appartenait à notre Compagnie de combler sans plus de retard. Persuadé qu’en entreprenant un travail de ce genre, je répondrais au vœu intime de la Société, j'ai exécuté, à lPé- chelle de _— le relief en plâtre que vous avez sous les veux. J'aurais désiré faire mieux et plus grand; mais avec les seuls moyens dont je disposais, j'ai dû limiter le cadre de ce relief aux abords de la ville. Néanmoins, tel que je vous le présente, ce relief comprend la région la plus pittoresque et la plus importante à étudier au point de vue des formes orographiques. Mais avant de donner quelques explications sommaires sur les dislocations nombreuses et variées que l’examen de ce relief mettra en évidence, permettez-moi de vous rappeler, en quelques mots, quels sont les accidents orographiques de Ja chaine. Le Jura, très nettement limité par la saillie de son relief, sauf dans la région mamelonnée qui relie la Haute-Saône aux Vosges, se présente sous la forme d’un vaste croissant dont la concavité est tournée vers les Alpes. Les crêtes les plus élevées, toutes situées à la lisière orientale, ont une altitude variant entre 1200 et 1700 mètres. Les magnifiques belvédères du Weissenstein, du Creux du Vent, du Chasse- 13. — 198 — ron, du Mont Tendre, de la Dôle, du Reculet et du Colom- bier de Gex offrent à L vue un Be éblouissant sur les pics “élancés des Alpes. Quoique moins grandiose, le pano- rama qui se déroule du sommet moins élevé de la falaise . occidentale, n’est pas moins digne de fixer l’attention. Les forces intérieures qui ont agi sur le massif jurassien, ont eu pour premier effet de découper profondément les strates en une série de fragments prismatiques dont les hgnes de séparation se coupent sous différents angles, et s’entrecroisent quelquefois. Des impulsions souvent répétées ont finalement provoqué le dénivellement de ces longs frag- ments. En même temps, le massif alpin envoie d’exhausse- ment accentua, par de fortes poussées latérales, le dénivel- lement déjà ébauché et amena la formation, sur les surfaces non découpées par les failles, de bombements plus ou moins accusés, de plissements ou de grands ploiements des strates qui subirent parfois de véritables torsions, où se redressèr ent jusqu’à la verticale. Des contournements en V des couches superficielles, des décollements de bancs de rochers, des glissements verticaux à la faveur des formations marneuses, sont des accidents très nombreux dans toute la chaîne. Les plissements et les ploiements consütuent le genre d'accident orographique le plus répandu dans le Jura sep- tentrional ou Jura bernois. C’est dans cette région que Thur- mann à pris tous les types de soulèvement qui ont servi de base à sa classification des chainons du Porrentruy. Les expressions qu’il a employées pour désigner les di- w verses, formes orographiques ont généralement été adoptées. Les mots voûtes, épaulements, crets, combes, pointements, " se retrouvent dans tous les ouvrages spéciaux au Jura. ©: Je vous rappellerai aussi que les dépôts sédimentaires de M l’époque jurassique sont constitués, dans notre région, par deux grandes masses calcaires ayant chacune à leur base une puissante assise marneuse. L'ensemble de ces dépôts 4 . n’est pas moindre de 700 m. d'épaisseur. 4 l we S À Ê TT ST CNE NE M TT ROUE] PPT Ut BON IT PES 0 ee + — 199 — Dans les ploiements Jurassiques, chacune de ces forma- tions joua toujours le même rôle par rapport aux autres. Le lias et l’oxfordien, étages marneux, forment les combes et les talus. À loolithe imférieure ou supérieure appartient la disposition en voûtes ou en crets. Ces seules remarques permettront de reconnaitre facile- ment, dans une région où les ploiements accidentent le re- lief, quelles sont les grandes lignes du paysage ; elles aide ront à faire une sorte de synthèse des évènements qui lui ont imprimé le cachet qui lui est propre. Les ploiements, comme les dénivellements, ont générale- ment affecté des surfaces plus étendues en longueur qu’en largeur. De là cette disposition rectiligne des arêtes orien- tées, dans chaque région du Jura, parallèlement à la corde des ares des grands secteurs du croissant Jurassien. Partout où l’observateur se placera, il verra le Jura profiler au loin la ligne bleuâtre de ses crêtes. Mais ce n’est pas seulement dans le Jura bernois que les plissements et les contournements de strates se sont déve- loppés ; aux environs de Besançon, les rochers de la cita- delle, notamment, offrent un magnifique exemple de cette forme orographique qui se poursuit au sud, le long de la fa- laise occidentale, jusqu’au mont Poupet, près de Salins. Dans tout le massif, ces accidents se retrouvent, limitant les aires des plateaux étagés des Monts-Jura, et encadrant par de longues arêtes rectilignes les vals ou vallons de la région orientale. Ces dispositions orographiques rappelées, revenons à notre relief. Dans ce cadre restreint, presque toutes les formes orogra- phiques sont représentées. Le plissement, puis la rupture des couches de Poolithe inférieure qui forme l’antichinal de Rognon, ont amené au jour les marnes du lias sur les flancs de ce piton et au sud de Chaudanne. Sur le versant nord de Chaudanne, les strates ployées — 9200 — n’ont pas été fracturées. La citadelle couronne de ses mu- railles un lambeau du ploiement oolithique isolé par les cluses de Rivotte et de Tarragnoz. Ce ploiement plonge et disparait sous le mont Bregille. | Les deux cluses ébauchées à la suite des torsions subies par les strates, lors de la dislocation, ont été l’œuvre des puissantes érosions qui se sont manifestées dès la fin de l’é- poque tertiaire. Il est aussi à remarquer que lPanticlinal du ploiement pré- sente, du sommet de Rognon Jusqu'à Bregille, des couches d'âge de plus en plus récent, à mesure que l’on se rapproche du point ou les couches oolithiques inférieures plongent et disparaissent. Au mont Bregille, ces couches sont normale- ment recouvertes par les marnes bleues de loxfordien sur- montées d’un cret corallien qui supporte le fort. Les demi-combes oxfordiennes et les crets coralliens exis- tent à Beauregard, au sommet et sur les flancs de Bregille, au Pont de Secours et près de Velotte. Au nord du ploiement, les érosions ont fait disparaitre toutes les assises plus récentes que la grande oolithe. De Morre à Maillot, un ploiement plus accentué a amené la rupture de toute la masse calcaire qui recouvre le has. Des pointements keupériens sont même venus au jour aux approches de ce hameau. Dans toute la longueur de la combe, la faille de Montfaucon a dénivelé les sous -étages du las dont les assises marneuses ou calcaires (calcaire à gryphées arquées) sont presque verticales le long de la crête du Mont des Buis, tandis qu’elles sont diversement inclinées sur le versant opposé (PI. D). : Au dessus du mamelon des Mercuraux, est resté un petit lambeau de l’oolithe inférieure. Entre la citadelle et la crête des Buis, divers accidents par- ticukers sont à noter. Lors du ploiement des couches oolithiques de la citadelle, les étages supérieurs, oxfordien, corallien, astartien, kimmé- NS È - FÉES ARTE AN TE LAINE TO ERNEST " Mt ST SH be à ee on d Dore O0 # ni COUPE prise DE LA CITral # ÊZTEL TT À o Citadelle Ploiement. COUPE PRISE SUR LA ROUTE DEA La faille de Trôchatey court entre le Ietle 2e plan. Ligne TÉMORCE 2 eme = Niveau du Doubs N'AOMPortlanmcien, N° 9 Virqulien. N° 8 Kimméridien. N° A Startien NE EN Rauracien(Facres corraligène) D 1 5 es AE ET LR: issement À , Fai lie A Î s : ète desBu de Les Mercurkux- Cembe hasique. SA Cr Buis. Montfaucon, " 4 ñ 4 : D | PL tr 4 : He = DE MAJOR TE RIVOTTE AU à, L'UNNEL Ÿ a . ARS DE — N°5 Oxfordien. N° #4 Grande oolithe. N° 3 Tullers-earth. NO de neneure Need supérieur, L | | À { 1 RER à Es INTER a us EE € mo im on ridien et portlandien suivirent l'impulsion et se renversèrent en conservant une inclinaison de moins en moins accentuée jusqu’au point où le porlandien vient buter contre la faille de Trôchatey (PL. IT). En ce point, on peut voir sur la route de Morre, à la hauteur du troisième tunnel, les couches du kim- méridien et du portlandien légèrement inclinées, se re- dresser par un coude brusque et atteindre la verticale au contact de la faille. I y a là des flexions, des décollements de strates ou des torsions vraiment remarquabies. La lèvre orientale de la faille a par contre conservé l’horizontalité de ses strates astartiennes. Du bord de cette lèvre à la crête des Buis, se place le con- tournement en V signalé depuis longtemps par les géologues qui ont étudié cette région, notamment par M. Grenier (PI. D). Une branche du V est formée par les rochers de la crête des Buis qui sont presque verticaux, par l’oxfordien, te corallien et une partie de l’astartien dont les sirates présentent de ce côté le même degré d’inelinaison. Sur le plateau de Frôcha- tey, la disposition de la seconde branche n’est appréciable que par l’horizontalité des strates astartiennes au contact de la faille. Ce contournement en V est plus accentué dans le voisi- nage de Beure. M. Marcel Bertrand, ingénieur des mines, auteur de la carte géologique revisée de la Franche-Comté, s'exprime ainsi au sujet de ce genre spécial de complications stratigraphiques. « Les couches ont été repliées sur elles-mêmes en V;ily a eu brisure suivant l’arête et la branche supérieure a été refoulée sur l’inférieure en donnant ainsi l'apparence d’une faille presque horizontale, » Je termine cette esquisse rapide de la région bisontine en rappelant qu'une remarquable étude, publiée dans les Mé- moires de la Société par M. le doyen Vézian, donne tous les développements désirables sur lorographie des environs de Besançon. Je n'apporte aucun fait nouveau, j'ai cherché uni- À 9 JD. JeAN DE BRAY SES RELATIONS AVEC CHARLES NODIER ET CHARLES WEISs (1) Par M. Léonce PINGAUD, ms Séance du 9 mai 1885. Après avoir été mêlé aux plus tragiques événements de la Révolution, Jean De Bry, nommé préfet du Doubs, devint, au dire de son meilleur ami comtois, € sage comme Pexpé- rience » ; il mit son ambition à restaurer, en les rajeunissant suivant lesprit du temps, la plupart des choses qu'il avait contribué à détruire. Il rétablit en particulier et ranima de son mieux, comme un foyer nécessaire de vie intellectuelle, l’Académie de Besançon, et il s’appliqua à y faire vivre côte à côte la tradition et le progrès, les survivants de l’ancien régime et les représentants des idées nouvelles. La Compa- gnie reconnut ses services, au moins après sa mort, et, par la bouche d’un ancien ministre de Charles X, lui rendit à cet égard un complet hommage : « M. De Bry, disait Cour- voisier à la séance publique du 28 janvier 1834, contribua puissamment à ranimer l’amour de l’étude, à donner aux esprits un vif et généreux élan... il attirait le mérite, il P’honorait, il l’entourait des témoignages empressés de son ÉStime, Sa parole échauffait les jeunes élèves ; il n’éveil- lait pas en eux l’ambition qui s’aveugle, la présomption qui (1) Les lettres qui m'ont servi à composer ce travail m'ont été obligeam- ment communiquées, celles de Jean De Bry à Wéiss, par M. Estignard ; celles de Weiss à Jean De Bry et de Jean De Bry à Nodier, par M. de Boyer de Sainte-Suzanne. Les lettres de Nodier à Jean De Bry ont été publiées par M. de Boyer de Sainte-Suzanne père, dans un livre imprimé à petit nombre et intitulé Notes d’un curieux (Monaco, 1878), — 9204 — s’emporte, la manie de dominer l’âge mûr et de régenter l'Etat des bancs de l’école; il leur inspirait la noble émulation de se distinguer par le mérite et de s’élever par des services ; il leur montrait l'honneur et la gloire, le bonheur individuel et la prospérité commune dans la pratique des vertus pu- bliques et privées... » Parmi ceux dont il encouragea la vocation et qui entrèrent, grâce à lui, à l’Académie, deux fse sont fait depuis, à des degrés divers, un nom dans les lettres, Charlés Nodier et Charles Weiss. Lorsque Jean De Bry arriva à Besançon, l’un et l’autre, à peine sortis de l'Ecole centrale, tenaïent la tête d’un groupe de jeunes gens fort libres d'esprit, amis de létude et du plaisir, et, sous un gouvernement ombrageux, soupçonnés de conspirer, parce qu'ils voulaient rester maitres absolus de leur conduite, de leur langage et de leur plume. Tous deux, à la suite d’une manifestation de place publique plus bruyante que raisonnée, avaient passé quelques semaines de lan VIT sous les verroux. Après le 18 brumaire, Weiss, grâce aux bons offices de sa geôlière — une femme de bien qui mérita d’être honorée à l’égal de la célèbre sœur Marthe — était entré dans les bureaux de la municipalité, et employait ses loisirs à cultiver ses aptitudes naissantes de lettré et de bibliophile O. Charles Nodier partageait son existence entre sa ville natale et Paris, ses études entre l’histoire naturelle, la philologie et le roman. Il était en même temps poète à ses heures, par amour de je ne sais quelle vague république athénienne sans aucun rapport avec la république directoriale ou consulaire. Une ode intitulée la Napoleone, publiée à Londres en 4802 et colportée en France sous le manteau, eut autant de succès parmi les irréconci- liables de l’ancien régime et de la Terreur, quand « ce siècle avait deux ans », que le volume des Châtiments à l’avène- (1) CASTAN, Notice sur Weiss (Mémoires de la Société d’'Emulation du Doubs, 1868), — 905 — ment du second Empire. Charles Nodier, comme plus tard Victor Hugo, son compatriote d'occasion, eût voulu faire servir la littérature à la revanche du droit contre la force, Il ne réussit qu'à se faire incarcérer quelque temps à Sainte- Pélagie ; puis Fouché, qui avait connu son père au collège de l’Oratoire à Lyon, le renvoya au foyer paternel, sous la surveillance de la police. Là, Nodier recommença ses mani- festations inoffensives, et s'appliqua à mériter tous les quali- fications politiques en usage de son temps et du nôtre, ex- cepté celle de bonapartiste. Le jeune étourdi fut traité de nouveau en suspect; du moins le préfet du Doubs, en se fai- sant par ordre son persécuteur, apprit à le connaitre, et, sans doute au grand étonnement de l’un et de l'autre, finit par le nommer son ami. Voici quelle fut, selon un des biographes de Nodier, lori- gine de leurs relations. Une nuit, la police fit irruption chez le jeune écrivain et lui enleva ses papiers qui furent portés au préfet. Gelui-ci s'attendait à y découvrir les pièces d’un complot, et se trouva fort surpris de n’v trouver qu’un Dic- hionnaire des onomatopées et autres travaux du même genre. Réflexion faite, il manda Nodier, le gronda assez doucement pour conquérir sa confiance, et de son côté lui voua désor- mais un attachement sincère (D. Quoi qu’il en soit de cette anecdote plus piquante qu'authentique, le préfet impérial et l’auteur de la Napoteone furent mis en rapport par la poli- tique, puis peu à peu attirés l’un vers l’autre par la commu- nauté des études et des goûts. Par son père, Nodier tenait au monde révolutionnaire, par lui-même au monde littéraire ; double titre pour être le bienvenu auprès d’un ancien dis- ciple de l'Encyclopédie et de la Gironde. Même au temps où le jeune homme, obstiné dans son attitude nréconcihable, poursuivait les papillons à travers le Jura, et y jattirait les gendarmes à sa suite, Jean De Bry veillait paternellement (1) F. Wey, Notice sur Charles Nodier. — 206 — sur lui, et lui faisait parvenir, par l’inter médiaire de Weiss, quelques secours. Enfin, vers 1807, Nodier renonça à sa vie errante, et se laissa envoyer en surveillance à Dole. Le surveillant était un sous-préfet qui ne manquait lui-même ni d'esprit ni de litté- rature ; C'était de Roujoux, connu depuis par quelques utiles travaux. Pour avoir mieux œil sur son hôte involontaire, il le mit quotidiennement à sa table en tête à tête avec lui. Ainsi, et sans quitter son masque mi-parti de chouan et de girondin , Pauteur des Proscrils, assuré du lendemain, tra- vaiila autant qu’une Académie ; il butina à son gré, durant plus d’une année, à travers les vastes domaines de là philo- logie, de la littérature et des sciences naturelles, et le 4 juil- let 1808, il ouvrait, dans l’ancien couvent des Cordeliers, un cours public de belles-lettres. À l’occasion, un ami, Léo- nard Dusillet, auquel il prédisait complaisamment la succes- sion de Jean-Baptiste Rousseau et de Lebrun, et dont la ré- putation n’a guère dépassé l'horizon de sa ville natale, le sup- pléait ; c'était de plus un fidèle auditeur, et ses notes, qui ont été conservées, nous font connaitre au moins le plan et les idées principales du cours (). Nulle part le professeur ne s'échappe, comme dans ses écrits postérieurs, en dévelop- pements ingénieux ou en propositions paradoxales; il parcourt les sentiers battus d’un pas égal et ferme, suivant Pitiméraire prescrit par la tradition. Cà et là tout au plus se trahit une note personnelle, un souvenir donné aux joyeux chanson- niers dont il était naguère à Paris le compagnon et l’émule ; un hommage à son père, qu'ii considère comme son initia- teur à la vie littéraire ; un autre à son protecteur, l’ancien membre du Tribunat, en qui il salue le dernier survivant des orateurs de la période révolutionnaire @). Comme Weiss, l'ami fidèle, Jean De Bry était tenu au Cou- (1) Bibliothèque de Dole, mss., n° 272. (2) « Quand J'ai parlé de vous, je ne m'en suis pas tenu à des nolices rant de ses espérances. Il eût voulu assurer son avenir, et essaya de le faire entrer dans administration, comme secré- taire du préfet du Jura, dans l'Université comme professeur de rnétorique au coilèee de Pohigny. Nodier déclina ces offres -bienveillantes, ear jamais homine n’a plus aimé à mtroduire limprévu, l'impossible même dans son existence. Il servait déjà exclusivement la folle du logis, cette imagination vaga- bonde et parfois fantasque qui le promènera des broussailles arides de la grammaire aux régions vaporeuses hantées par Trilby et la Fée aux miettes. On l'entend alors souhaiter, tantôt une chaire d'histoire naturelle à Ia Facuité des sciences de Besançon récemment fondée, tantôt la direction d’un jou- nal littéraire patronné par la préfecture du Doubs, se faisant fort d'associer à son entreprise les collaborateurs les plus divers, depuis Volney à de Bonald. Le corps suivit bientôt lPesprit, à la recherche de rêves nouveaux et de terres in- connues. En 1809, à peine délivré de la surveillance qui pe- sait sur lui, Nodier part pour Amiens, en qualité de secré- taire d’un Anglais maniaque, et là encore Jean De Bry verile sur lui, par lintermédiaire de son compatriote Quinette, préfet de la Somme (2, À peine rentré dans le Jura, à Quin- tigny, le mobile écrivain caresse un jour la perspective d’une émigration en Louisiane ; il sollicite ensuite une place à Paris, à la rédaction des Débats ; et en définitive il est nommé biblio- thécaire et rédacteur du journal officiel à Laybach, dans les provinces flyriennes, Partout où le porta, durant les dernières années de l'Em- pire, son humeur aventureuse , il resta en correspondance avec celui qu'il appela d'abord son noble patron, puis son noble ami. Il recevait de lui, en excellent style, les encoura- courtes et sèches, comme celles que je crois devoir à Hypéride et à Lv- Sias. » (30 avril 1809.) (2) « Vous me donnez encore un autre vous-même à Amiens, et votre protection a cela de commun avec celle de la Providence, » (8 octobre 4809.) — 9208 — gements les plus flatteurs (1), et lui répondait en consé- quence : € J’ai besoin de votre amitié, de vos conseils, de vos recommandations. Ne les épargnez pas, car je les justi- fierai toutes... Pardonnez-moi de ne vous écrire Jamais que pour des grâces. Jai besoin de tant de choses, et vous pouvez tant (2)! » Aussi dans ses lettres affecte-t-il une cer- taine recherche d'esprit et comme une certaine coquetterie de sensibilité ; c’est pour lui la meilleure, la seule manière de s'acquitter envers un homme dont il est en plus d’une façon l’obligé. En 1809, au lendemain de son mariage, le gouvernement retenait encore sous le séquestre le peu qu'il possédait; sa situation de fortune, aggravée par une incurable insouciance , était précaire ; il sollicita de Jean De Bry quatre cents francs, qu'il promettait de rendre au bout de trois mois. Les trois mois écoulés, il prolongea de lui-même sa créance de trois autres : € Cest, je crois, dit-il pour s’ex- cuser, la seule qui ne m’ait pas pesé, parce que je trouve du bonheur à vous être obligé de toutes façons. Au reste, si l’on peut s'acquitter à la longue à force d'affection et de dévoue- ment, je ne serai pas trop en arrière G). » La phrase était jolie et lui valut pendant plusieurs années un crédit indéter- miné. On verra plus loin quand et comment il devait éteindre cettendette. Heureusement ses lettres ne sont pas seulement des pla- cets ; elles sont aussi des confidences littéraires. Un jour Nodier communique à Jean De Bry son Précis de l’introduc- tian à la connaissance des langues par le moyen d’une ortho- graphe monumentale, un autre jour il lui dédie et lui envoie un opuscule inspiré par la piété filiale, intitulé Apothéose a (1) « Tu n’as pas idée des choses que me dit M. De Bry. On ne peut rien voir de plus flatteur. » (Lettre à Weiss, sans date, non publiée par M. Esti- gnard.) (2) Lettre du 15 septembre 1812. (3) Cette lettre non datée me paraît avoir été reportée à tort, par l'édi= teur des Notes d'un curieux, au delà de 1810. — 209 — etimprécations de Pythagore, et tiré à dix-sept exemplaires, chacun portant le nom d’un souscripteur spécial. Ce dernier ouvrage servit à le faire entrer!, non sans peine, comme membre correspondant, à lPAcadémie de Besançon. Enfin, s’il demande beaucoup pour lui, il tient à faire participer ses amis à sa faveur. Il recommande tour à tour au puissant préiet Rossigneux, un de ses élèves, l'avocat Goy de Lons- le-Saunier, le secrétaire-général du Jura Béchet, et enfin son cher Weiss, qui « joint beaucoup de science à beaucoup de modestie, et qui a, par dessus tout cela, le mérite plus vrai d’être le meilleur des hommes (1). » Weiss, moins mobile dans ses goûts où moms ambitieux _ dans ses aspirations, était déjà devenu sur place le protégé, presque le commensal de Jean De Bry. Après avoir passé quelque temps à la sous-préfecture de Pontarlier, il avait re- trouvé son emploi de secrétaire à la mairie de Besançon. En 1808, il s’assit à son tour au milieu du vénérable aréopage académique, et y lut une satire, qu’on voudrait croire dégagée de toute allusion personnelle, contre la paresse. Mais il Tui manquait encore la faculté de se livrer exclusivement à ses travaux favoris. Jean De Bry la lui procura. Coste, à la fois bibliothécanre de la ville et receveur des hospices, mourut en 1811 ; son fils, ayant à choisir une des deux parts de la suc- cession paternelle, choisit la plus lucrative. Weiss eut la se- conde, la plus littéraire, et ik entra ainsi dans cette biblio- thèque où il devait servir avec autorité pendant plus de cinquante ans les intérêts de la patrie la plus chère à son cœur, la patrie comtoise @). Presque en même temps, il devenait le rédacteur officieux, le metteur en pages du Mémorial administratif, qui était À Besançon, en ce temps de silence, ce que le Moniteur était à tout l'Empire. Ce journal, orné à sa première page de cette (1) Lettre du 8 octobre 1809. (2) L. Besson, Notice sur Weiss (Annales Franc-Comtoises, 1866). 14 CSD pe PS RU Mn re en VAN ge 2 HE PE AS MEET — 910 — épigraphe significative : € Tous les Français doivent consi- dérer comme salutaire et sacrée la loi de la conseription, » n'avait guère contenu jusque là, outre les décrets impériaux et les Bulletins de la grande armée, que les arrêtés et les allocutions du préfet. Weiss essaya de lui donner une appa- rence littéraire, en s’assurant la collaboration anonyme de Nodier, en insérant çà et là quelques annonces de livres, quelques nouvelles académiques. De là entre la préfecture et la bibliothèque un échange fréquent de demandes et de bons offices : si rapprochées qu’elles fussent, leurs hôtes s’écrivaient sous divers prétextes ; un livre réclamé ou en- voyé, un entretien à poursuivre, un Jugement esquissé de vive voix à préciser, un aimable compliment à faire. Weiss commençait sa longue collaboration à la Biographie Mi- chaud ; Jean De Bry lui communiquait volontiers ses impres- sions sur lPesprit général de louvrage ou sur la valeur de tel ou tel article, et, bien que prévenu contre certains rédac- teurs coupables à ses yeux de partialité réfléchie, 11 imterve- nait à l’occasion auprès du gouvernement en faveur de cette entreprise littéraire. Touché par ces marques de faveur, le jeune bibliothécaire exprimait avec effusion au préfet tout ce qu’il ressentait pour lui : « Je vous estime pour le bien que vous avez voulu faire et pour celui que vous avez réellement fait à mes concei- toyens ; je vous aime pour les qualités de votre cœur, parce que vous êtes le plus tendre des pères, le meilleur des époux, un ami chaud, loyal, dévoué... Je n’ai jamais entendu personne parler avec plus d’abondance, plus de facilité, et ja le plus grand plaisir à vous suivre dans Patelier des artistes ou dans le cabinet d’un puissant, à vous voir analyser les mystères du lait ou les ressorts de la politique, à vous en- tendre discuter sur le manichéisme ou sur l'opéra nouveau En me laissant aller je me trouve tour à tour gai et sérieux, grave et enjoué, et quand je vous quitte, je suis enchanté de tout ce que j'ai vu et entendu, de vous et de moi (D. » (1) Lettre du 8 octobre 1812, Le 48, il le remercie de l’envoi de son portrait. — 911 — Cette admiration si chaleureusement exprimée n’était pas celle d’un témoin absolument désintéressé ; il sy mêlait, il en fait l’aveu, la gratitude d’un disciple involontaire : « Je vous dois l’idée de la méthode que j'espère adopter pour mes lectures ; mais j'attends moins du profit des livres que de votre conversation. Un mot de vous, placé comme par hasard, n'a fait souvent plus rèver qu'un traité entier de philoso- phie. Cest sur vos idées que je bâtis dans Pavenir, mon cher maître, et si je ne parviens pas à produire quelques ou- vrages utiles, ce ne sera pas la faute de l'architecte, mais celle de l’ouvrier... Je vous aime de tout mon cœur, malgré toute la distance: qui nous sépare dans le monde. Je vous avais bien prévenu que je finirais par prendre cette liberté, mais c’est votre faute. Continuez à me regarder comme tout à vous et à tout événement (D). » L'événement qui devait éprouver leur Hiaison était plus proche qu'ils ne croyaient l’un et l'autre. Avec l'année 1844 commença le blocus de Besançon, et quand il cessa trois mois après, Jean De Bry trouva ressuscités devant lui les terribles souvenirs qui dominaient son passé, celui du 2? jan- vier 1793 et celui du 9 floréal an vi, le frère de Louis XVI sur le trône et les Autrichiens, ses meurtriers de Rastadt, canpés à sa porte. Le trouble où le jeta cette situation explique, sans le justifier, l'empressement avec lequel ül arbora la cocarde blanche et se rallia au gouvernement nou- veau : démarche malheureuse, qui ne le garantit point de la disgrâce. Tout au plus obtint-il une retraite honorable, et Weiss contribua éntre tous à lui rendre sa chute moins humiliante, et sa nouvelle vie moins pénible. | Comment le protégé de la veille devint-il le protecteur du lendemain? Il se trouvait, par hasard ou à dessein, à l’ar- rivée du marquis de Champagne, commissaire royal, son ancien condisciple; et il fut requis à l’improviste de Pabou- 1 (1) Lettre du 17 novembre 18192. — 919 — cher avec le préfet impérial, qu’il venait relever de ses fonctions. Grâce à Weiss, l’ancien émigré et Pancien con- ventionnel se üirèrent sans trop d’embarras d’une situation délicate pour tous deux, et lorsque Jean De Bry brusque- ment remplacé par un de ses anciens administrés se mit en route pour Paris furtivement, la mort dans l’âme, j'imagine que Weiss dut être des derniers à demeurer auprès de lui, et, le moment du départ venu, un des premiers à lui tendre la main. Toute victime des révolutions a à compter en plus avec l’inconstance des hommes; Jean De Bry le savait bien, et, du fond de sa retraite, il attendait en silence de ses com- mensaux de la veille quelque témoignage de fidélité au passé. Weiss, qui continuait à rédiger la feuille de la préfec- ture, parut oublier quelque temps l’ancien maître du logis ; puis, se voyant traité en suspect par le nouveau, il retrouva au fond de son cœur les sentiments qu’il exprimait si volon- tiers naguère, et, par un intermédiaire bienveillant, en fit renouveler verbalement l'expression à celui qui en était l’objet. La réplique ne se fit pas attendre (l), et, de Paris à Besançon, la correspondance reprit, aussi active qu'aux Jours heureux, jusqu’au printemps de 1815. Le préfet recom- mençait, avec une vivacité qu'explique sa disgräce, sa polé- mique contre les tendances royalistes de la Biographie Michaud ; et le bibliothécaire exprimait discrètement sa douleur d’être traité, quoi qu’il fit, en créature du gouverne- ment déchu. La littérature, on le pense bien, demeurait le thème favori de leurs entretiens. Chez Jean De Bry, l’homme d'étude s'était retrouvé bien vite sous l’homme public condamné au repos; mais quand il chercha sur les rayons de sa biblio- thèque ses auteurs de prédilection, il s’aperçut qu’il les avait oubliés à Besançon, dans le trouble de son départ, et ül (1) V. l’Appendice, I. — 243 — émploya son correspondant à les lui faire parvenir : CIl est dur, disait-il, de voir les morts eux-mêmes s'enfuir et me quitter (1). » En attendant leur retour, il gémissait à la pensée d'être contraint par son nouvel état de fortune à ne plus acheter de livres : « Je ne regrette pas mon luxe personnel ; quant au leur, c’est différent ; j’aimais à les voir beaux, bien habillés ; mon superbe Virgile ne me paraissait pas trop magnifique, n’eût-il fait que ces vers : Non ignara mali, miseris succurrere disco... Ignoscenda quidem, scirent si ignorare..…. En quo discordia cives Perduxit miseros..…. et cent, et cinq cents et deux mille autres (@). » Jean De Bry pensait alors à aller relire ses classiques, à la campagne, dans son pays natal, là où 1l espérait être encore mieux protégé par la solitude contre ses propres souvenirs, et il se faisait promettre par Weiss, pour cet heureux temps, une visite où ils pourraient se consoler mutuellement et deviser à l’aise. Tout au moins eût-il voulu attirer à Paris l’obstiné Bisontin, dans une position stable, et le soustraire ainsi à des tracasseries nées de l’esprit de parti, contre les- quelles 1 ne pouvait plus le défendre. Cependant lami commun, Nodier, était revenu d’Illyrie à Paris : L’avez-vous vu, mande Weiss, et il reçoit pour ré- ponse un non laconique, puis une prière de négocier auprès de lingrat le remboursement de la somme avancée en 1809. Une lettre de Nodier assez embarrassée fut sa seule réplique ; hors d'état de s'acquitter, il se sentait gêné par un souvenir pénible à son amour-propre dans l’expression de sa grati- tude (3), Les relations avec son ancien protecteur, brisées par (1) Lettre du 14 janvier 1815. (2) Lettre du 1% décembre 181%. (3) V. l'Appendice, IT. Cette lettre a été omise dans le recueil publié par M. Estignard. 0 ce pénible incident, ne devaient se renouer que treize ans plus tard, de la façon la plus honorable pour l’un et pour l’autre. Avec Weiss, Jean De Bry resta en correspondance régu- lière jusqu’au milieu de 1815. Nommé pendant les Cent-jours préfet du Bas-Rhin, 1l trouvait encore le temps, au milieu de | ses occupations multiples, de raviver ses souvenirs comtois : « Je penserai longtemps, écrit-il à Weiss, aux dix premières années de mon administration en Franche-Comté, rara tem- porum felicitale.. Donnez-moi de vos nouvelles et de celles de Besançon ; . n’y intéresserai toujours comme à ma patrie. adoptive (D. » La . Restauration venue, Jean De Bry, mis non seulement hors la faveur, mais hors la loi, rélégué à Mons en Belgique, ne reçut du pays où il avait régné si longtemps pas le moindre témoignage de sympathie. Il savait d’ailleurs le bibliothécaire de Besançon condamné à un silence prudent à son endroit, occupé qu'il était à se défendre lui-même, au milieu de ses livres, contre les défiances du parti royaliste. En revanche lami qu’il croyait perdu se préparait à revenir à lui, poussé par sa sympathie chevaleresque et invincible pour les causes vaincues. En 1818, au moment où le parti libéral relève la tête, et où la question du rappel des pros- crits de 4816 s’agite dans la presse et à la tribune, Charles Nodier publie sa brochure Des Exilés ; il y plaide, avec une chaleur qui valut à son opuscule les rigueurs de l’adminis- tration, la cause de la conciliation et de l’oubli, et il cite avec une prédilection visible, parmi les bannis dignes de la clémence royale, l’homme qui avait été dans le Doubs «le plus tolérant, le plus sage des administrateurs, dans un temps où la modération était encore du courage. Devenu un écrivain écouté et influent, Ro se sentait toujours sous le poids d’une double dette envers celui qui (1) Lettre du 24 avril 1815. — 915 — avait tendu la main à sa jeunesse imprudente et impré- voyante, et il voulait saisir toutes les occasions de le dé- iendie, de le ressusciter pour ainsi dire, én vers et en prose. En 1827, il publie un volume de Poësies, et dans une pièce intitulée lAmbre, probablement antidatée de Dole, 1807, où il énumère ses amis et ses protecteurs d'autrefois, il écrit ces vers : De Bry, trop mal connu, mais que plaindra l'histoire, Jetait sur mes malheurs le manteau du prétoire. Ce passage tomba sous les veux du proscrit, car je lis, en marge de la lettre d'emprunt de 1809, cette quittance, datée du 14 juillet 1827 : « Charles ! vous avez acquitté et au-delà, en deux vers, le petit service que j'ai eu le bonheur de vous rendre ; c’est moi qui suis votre redevable. » IT fit davantage, rompit la glace, et écrivit à l’ancien professeur de Dole, devenu bibliothécaire de lPArsenal par la grâce du comte d'Artois. Nous n'avons pas sa lettre, mais nous savons qu'il v joignait à l'expression de sa reconnaissance des confidences amicales sur sa famille et ses études , toutes puissantes consolations de son exil. La réponse suivit de près, et Nodier retrouva sans peine, pour charmer le proscerit, le style caressant et un peu apprêté de ses lettres d'autrefois ; 11 Papnelait encore son cher et illustre protecteur, mais il se croyait en droit d'ajouter désormais au-dessus de sa signature : Votre ami. Courrier par courrier, Jean De Bry accepta ce titre dans une lettre où il tenait à son tour à prouver que les années n'avaient engourdi ni son cœur ni sa plume (1). Depuis ils (1) V. l'Appendice, IL. Le 3 juin 1898, Nodier transmet à Weiss le bon souvenir de Jean de Bry € qui, dit-il, s’est avisé dans ses vieilles années d'un sentiment qui nous avait toujours portés lun vers Fautre, et qui, après l'innocent plaisir de lire dans les astres, science qu'il possède éminemment, n'a plus, dit-il, d'autre plaisir que de me lire mes lettres et de m'en écrire. Infortuné! quel homme excellent un moment d’aberration à perdu ! Et juge du bonheur de l’exilé de 1808, ie puis lui rendre une patrie, » ANUS — 9216 — échangerent encore, d’une façon trop irrégulière au gré de lPexilé, l'expression de leurs idées et surtout de leurs sou- venirs. __ Quelques fragments écrits par Jean: De Bry, un peu au hasard et sans plan arrêté, sur les hommes et les choses de la Révolution, passerent sous les veux de Nodier. Celui-ci préparait alors ses Souventrs et en publia les premières pages en 1829 dans la Revue de Paris. En réponse à des félicitations venues de Mons à ce sujet, il répliqua par une lettre qu'il eût dû joindre à son œuvre comme préface ou comme épilogue. On ly entend exposer à son correspon- dant, avec autant d'art que de verve, comment il entend l’histoire de cette terrible époque ; il le proclame un des ins- pirateurs inconscients de son œuvre, il lui demande de prendre la plume à son tour, et d'écrire, sous forme de mé- moires personnels, une déposition réfléchie propre à servir de règle, étant donné leur auteur, aux jugements de l’ave- nir (1). Charles Nodier ne se borna pas à cette marque d'intérêt stérile pour un homme dont il appréciait le mérite et dont il eût voulu prolonger ia réputation au-delà de la vie. Le 12 mai 1898, il lui ouvre son cœur ; jusqu'iei il n’a rien sollicité du pouvoir, mais il se croit en mesure de réussir auprès du nouveau ministre Martignac, quoi qu'il demande. Or il y a une pensée qui le poursuit depuis longtemps, qu'il voudrait voir passer dans la réalité, et qu’il formule en deux mots : &« Voulez-vous venir à Paris ? » Voici la réponse de Jean De Bry : «€ J'ai eu besoin de vingt-quatre heures pour me remettre de l’émotion que m'a causée votre lettre. Après treize années de proscription, voir la barrière s’abaisser ! Recevez, bon et sensible Nodier, recevez avec mes remerciements les plus vrais ceux de ma femme et de mes enfants. Votre offre géné- (1) V. l’Appendice, IV, on — reuse, et cette noble simplicité qui caractérise si bien l’ha- bitude des actions élevées, nous ont pénétrés de reconnais- sance ; mais ne soyez pas surpris, Si Je vous prie de ne pas aller au-delà... Je ne servirai point de prétexte aux inter- prétations calomnieuses des incorrigibles ennemis de nos libertés; de mon aveu du moins, mon nom ou ma présence ne leur fourniront pas l’occasion d’inculper ün ministre qui ne marche pas dans leurs voies, ni d’offenser dans mon ami l’un des talents les plus imdépendants de notre littérature actuelle (1)... » L’exilé refusait de paraitre solliciter, même indirectement, une grâce ; 1l sentait venir le moment où la liberté du retour viendrait à lui comme une légitime réparation. Mais ce qu'il avait refusé pour lui, une démarche auprès des puissants du jour, il l’eût volontiers risquée pour son fils aîné, alors en quête d’une situation sociale ; il espérait dans l'intervention de son ami auprès de Courvoisier, alors garde des sceaux, avec lequel lui-même avait été fort lié. Jignore si Nodier fut pressenti directement à ce sujet; en tout cas il se laissait aller un peu à la légère, sur la fin de 1829, à annoncer son voyage en Belgique. La Révolution de Juillet le dispensa de tenir sa promesse. Au lieu de le recevoir à Mons, Jean De Bry rendu à sa patrie vint le trouver à l’Arsenal. IT n°y fut sans doute pas un visi- teur très assidu, car ce demeurant incorrigible de la littéra- ture et de la philosophie du xvirre siècle devait être un peu dépaysé dans ce quartier général du monde romantique. On . l'y trouve à table, un soir de juin 1831, entre Jouy, Alexandre Duval, Taylor et David d'Angers. Nodier s’efforçait de le con- soler des déceptions qui avaient suivi son retour (2) ; il s'em- (1) Cette lettre a êté publiée dans les Notes d'un curieux avec celles de Nodier. On voit par là que F. Wey, dans sa notice sur Nodier, se trompe en affirmant que la grâce du proscrit fut alors sollicitée et obtenue de Mar- tignac. (2) « Vous venez retrouver dans ce foyer de petites machinations et Ps — 918 — ployait même à renouer ses relations depuis si longtemps in- terrompues avec la Franche-Comté. Il eût souhaité le voir entrer à la chambre comme député du Doubs, et tout au moins recevoir quelque signe de vie de leur ami commun : « Une lettre de toi l’aurait touché jusqu'aux larmes, écrit-il à Weiss; Je t’'ordonne de l'écrire, et cela de toute mon au- torité sur ton cœur. » Weiss obéit-il à cette injonction amicale ? Je ne sais; J'aime toutefois à croire que ce fut lui qui fit rétablir sur les listes de l’Académie de Besançon le nom de son second fon- dateur. Quant à Nodier, il ne perdit pas une occasion de le prononcer, et de reconamander à la mémoire de ses lecteurs celui qui lui avait ouvert la carrière. En 1831, il publie ses Recherches sur l’éloquence révolutionnaire, et il songe à l'ami présent plus qu'au tribun de 1792, quand il présente à l’histoire, au milieu des modérés de Ia Convention, cet homme « dont l’esprit harmonieusement vaste embrasse une multitude d'idées et de connaissances qu'il sait rendre et communiquer avec une élégance facile et ferme (1) ». Dès 1827, une imagination heureuse, toute réserve faite des droits de l’histoire, lui a montré les Girondins condamnés à mort exhalant, dans la liberté d’un dernier banquet, leurs regrets, leurs indignations et leurs espérances; et en 1833, lorsqu'il met la dernière main à cette légende funèbre, 1l fait appa- raitre Jean De Bry, dans la pensée de ses héros, « jeune et ardent comme les ardents et les jeunes, puissant par la pa- role comme les orateurs, riche des acquisitions de lesprit comme les savants, pénétré déjà de hautes idées morales et religieuses comme un sage. » | À la fin de cette même année, l’auteur du Dernier banquet d'ambitions ridicules une nouvelle espèce d’exil plus amère et plus révol- tante que l’autre. » (29 septembre 1830.) (4) « En vérité, écrivait-il à Weiss dès 1811, je ne connais personne qui possède mieux que lui les ressources du style et qui le varie plus heureu- sement, » (Rec. Estignard, p. 87.) _ Hd — des Girondins prononçait son discours de réception à l’Aca- démie française ; parmi les personnes empressées, au sortir de la séance, à le féliciter était l’homme qui jadis, en pro- vince, lui avait valu sa première distinction académique ; puis le vieillard rentra chez lui, et saisi presque aussitôt par la maladie, expira quelques jours après, le 6 janvier 1834. La politique, heureusement pour lui, fut absente de ses funé- railles ; Pamitié le célébra à l’écart, dans un journal, par une courte et vibrante oraison funèbre (1). Ainsi Jean De Bry avait bénéficié jusqu'au delà de la tombe de laffection qu'il avait demandée et inspirée trente ans auparavant à Charles No- dier. Cette affection avait été pour lui vraiment comtoise, c’est-à-dire, sauf un nuage passager, Invinciblement fidèle ; elle l'avait adopté tout entier, avec les erreurs de sa jeunesse et les épreuves de ses derniers jours, et après lavoir flatté au temps de sa grandeur éphémère, elle se retrouvait enfin, au terme de sa vie, comme un souvenir vivant du pays où il avait été le plus heureux, et où il avait fait le plus de bien. (1) V. l’Appendice, V. — 220 — ARE NETCE JEAN DE BRY À WEiss. Paris, 28 novembre 1814. Monsieur, M. Marquiset, en vous faisant connaître quel était l’objet et la nature de mon mécontentement, ne vous a pas laissé ignorer qu’à la simple Tecture de la lettre que vous lui écriviez, je lPa- vais entièrement oublie. Je vous le réitère, je ne conserve point de haine contre mes ennemis, c’est vous dire que je saisirai avec empressement toutes les occasions de prouver à ceux qui se sont montrés mes amis que les témoignages de leur atta- chement l’emporteront sur tous les motifs opposés. Votre lettre m'a fait un vrai plaisir, et je vous en remercie. Quoique je me sois fait à ma situation, je n’en apprécie pas moins les adou- cissements inattendus que je puis recevoir. Je suis fâché d’ap- prendre que vous éprouviez des tracasseries ; c’est à quoi mal- heureusement il faut s'attendre quand on vit avec les hommes. Le mérite, la solidité de caractère et la rectitude de principes seraient peut-être moins estimés s'ils étaient plus communs. Consolez-vous et regardez deux amis, un ami, comme un con- trepoids suffisant à cent méchants, et puis vous avez les amis qui ne changent point, les bons livres, c’est avec eux qu’il faut vivre. Avant cent ans, cinquante ans, les bons et les méchants qui s’agitent ou qui souffrent ici-bas seront également ense- velis : ah! doit-on se donner tant de peines pour ce qui passe si vite ? L’illusion du bien r’est-elle pas aussi une illusion ? Je compte partir pour aller vivre dans les bois après l'hiver, et je vous jure que rien au monde ne me tirera de ma retraite. Si je puis vous être bon à quelque chose, disposez de moi. Je. mène ici au sein de ma famille bien aimée une vie qu'il ne oi tiendrait qu'à moi d'appeler philosophique, mais son vrai nom est la vie paresseuse : elle a bien ses charmes, surtout après des traverses et des persécutions, mais je sens qu'il me faut autre chose, et sans avoir été au pays d’Eldorado, je trouve comme Candide qu'il est bien doux de cultiver son jardin. Vous pouvez m'écrire, mon cher Weiss, je recevrai vos lettres comme une compensation. Profitez pour cet objet quand il y en aura d'occasions sûres (sic), comme je le ferai moi-même, non pas que je redoute l'inspection même la plus sévère, mais pour épargner les frais de port. Je vous renouvelle l'assurance des sentiments d'attachement que j'ai eu tant de plaisir à vous offrir. If. CHARLES NODIER A WEISS. - Mon bon ami, Tes lettres ont pris pour moi un mauvais aspect. Tu es de- venu triste et grondeur. Si j'étais heureux, tu te chargerais de mes compensations ; mais jai des compensations plus sûres et qui rendent celle-là inutile. Je L’écris sur du mauvais papier, avec une mauvaise plume et hors de chez moi; mais partout où je me trouve, j'aime à causer avec toi, et je fais souvent cette conversation-là dans les endroits où tu Vattends le moins à me trouver. J'ai une femme et deux enfants, et tu es resté une de mes cinq premières pensées. Je voudrais vider avec toi l'affaire de M. De Bry, parce que je te regarde comme notre intermédiaire essentiel, et il y à six mois que je ne m'en serais pas douté. Je suis très réellement son débiteur de 400 et non pas de 500 franes, et je ’en convain- crai par la lettre qui accompagna cet envoi généreux et sponta- né, quand la somme de 400 francs me devint nécessaire pour donner suite à mon cours de littérature sous le régime de l’Université. Tu la recevras par la plus prochaine occasion. Il ne s’agit pas de savoir jusqu'à quel point la bonté de M. De Bry a voulu relâcher ma latitude en me rendant un ser- vice important, mais de la possibilité que j'ai eue depuis de sa- tisfaire à cette deite. Grevé comme je l’étais, je n’ai pu que vivre et payer à grand’peine les dettes qui emportaient con- ANR LE DEEE RE ORR e UrEn T desert ne RNA PONT ASE de er dé AE 4 ete CR — 999 — trainte. Aujourd’hui j'en ai une encore à supporter et je mai aucun moyen de m'y soustraire. Voilà pourquoi je suis encore le débiteur de mes amis, quoique j'aie eu souvent dans les mains des sommes qui m'auraient acquitté envers eux. Ma conduite morale envers M. De Bry est heureusement plus facile encore à expliquer. À l’arrivée de M. De Bry j'avais ma- nifesté une couleur très modérée, mais très prononcée en royalisme, et je n’hésitais cependant pas à le voir, parce que je me croyais certain que la reconnaissance n'allait pas essentiel- lement jusqu’à l’abnégation des principes.-/allai quatre fois chez lui, deux fois à la rue Sainte-Apolline n° 9, deux fois à la rue du Bac n° 100. La première fois, je ne laissai rien qui la constate, suivant mon usage. La seconde fois. je laissai mon billet (c'était peut-être la troisième ou la dernière). Une des deux autres, je vis Madame De Bry, qui eut la bonté de me recevoir avec amitié ; une autre fois, M. De Bry fils qui me fit l'honneur de venir dîner chez moi avec un de ses camarades. Je le retrouvai huit jours après, et il ne me parla point. M. De Bry n’eut pas la complaisance de m'envoyer son nom ou de me témoigner qu'il voudrait bien me recevoir. Convaincu que cela tenait à un mécontentement d'opinion que je ne voulais pas discuter, je me suis tenu à l’écart, en attendant l’occasion de témoigner à M. De Bry un dévouement que je n’ai jamais pro- mis en vain à personne, et qui devient pour moi une religion à l'égard de mes bienfaiteurs. Voilà les faits. Je ne sais ce que tu entends par le prospectus de l'Histoire des Sociétés secrètes. Le fait est que j'ai revu le manuscrit de l'ouvrage, qui m’a été présenté par un officier, qui passe pour l'ouvrage dun autre, et auquel j'ai fourni quelques pages par complaisance pour Nicolle que j'aime beaucoup, et qui a un peu abusé de mon nom pour faire valoir aux yeux de quelques personnes un livre écrit dans un esprit qui n’est pas le mien, quoique j'y sois gauchement pour près d’un einquième. Quant au prospectus, c'est probablement l'écrit indécent contre lequel l’auteur réclame aujourd’hui en signant par son nom, que tu verras sans que je le copie. Mon attachement au roi est trop connu pour qu'on puisse m'accuser d’une manœuvre aussi gauche contre les principes que j'ai servis pendant dix ans. Si tu étais ici, nous parlerions à découvert des idées sur les- quelles tu parais disposé à me quereller. Je ne sais pas ce que. je te prouverais en politique, mais je te prouverais aisément — 295 — que je suis aimé et estimé des libéraux, des illibéraux et des honnêtes gens de toutes les classes. Je te prouverais surtout, et cela ne serait pas si difficile que tu le crois malgré tes pré- ventions, que je n'ai jamais eu d'ami plus cher que toi et Deis. Tout à vous, Charles NODIER. III JEAN DE BRY A CHARLES NODIER. Mons, 1er février 1828. Je ne veux pas, malgré ma paresse habituelle, mon cher Nodier, tarder plus longtemps à vous marquer tout le plaisir que m'a fait votre excellente lettre : c’est absolument vous, j'ai eru, en la lisant, vous voir et vous entendre ; et ce sentiment que ma femme a partagé, nous l’avons fait comprendre à celle de mes filles restée avec nous, et votre compatriote puisqu'elle est née à Besançon. Ses deux sœurs aînées, mariées ici à des officiers hollandais, sont en quelque façon les deux ancres qui, définitivement, je l’espère, fixent ma pauvre pirogue Sur cette côte hospitalière. Mes deux fils sont en France, mais faute d’occupations, ne tarderont pas à se rejoindre à nous. Dans trois mois au plus, je serai probablement en même temps aïeul pour la neuvième fois, et bisaïeul pour la première : je vous donne la statistique de ma famille. Vous aussi, Charles, vous êtes père, je lai appris dans une des pièces fugitives de madame Tastu, et je l'aurais deviné au ton de votre lettre, mais surtout à ce goût profond pour la vie intérieure, le seul avec l’amour de la liberté, le seul peut-être (da veniam) qui ait le droit d’être romantique, sans cesser d’être naturel. Dans ces religions de l'enfance du monde, où, pour plus de facilité, on tenait les dieux en quelque sorte sous sa main, les vœux et les bénédietions prononcés par linfortune reconnaissante avaient je ne sais quoi d'imposant et de solen- nel, sans doute parce que l’on pensait qu'ils pouvaient être en- tendus et exaucés de suite : eh bien, je me suppose à cet âge de la civilisation, et je souhaite à votre chère enfant le même senre de bonheur qu'après une expérience de près d’un demi- Siècle, je désire pour les miens. Qu'elle soit toujours tendre- ment aimée, et qu'elle n’excite jamais ni la pitié ni l’envie ! CEE LORS — 994 — Ah! bonne fée, enseignez-nous Où vous cachez votre baguette ! Que me parlez-vous, mon ami, des justes motifs d’irritation qu'à diverses époques l'instabilité des hommes et des événe- ments a pu vous causer ? Où est-il done ce phénix inconnu qui a passé trente ans de sa vie sans se tromper une seule fois ? « Celui qui va en la presse, dit Montaigne, il faut qu'il gau- chisse, qu'il serre ses coudes, qu’il recule ou qu’il avance, voire qu’il quitte le droit chemin, selon ce qu’il rencontre... Platon dit que qui échappe brayes nettes du maniement du monde, c’est par miracle qu'il en échappe. » On jouerait un bien mau- vais tour à ces faiseurs de catégories, à ces épurateurs éternels qui n’amènent les autres sur la sellette que pour se dispenser d’y monter eux-mêmes, si on établissait en dogme politique irréfragable indulgence aux indulgents. Ce dont on a le plus besoin quand de longs troubles politiques tirent à leur fin, c’est. d’un Thrasybule dont la main puissante, élevant un mur d’ai- rain entre le passé et le présent, fonde une garantie inébran- lable pour lPavenir. Parlez-moi de vos travaux, de vos loisirs, de vos affections; rien de vous ne me sera étranger. La vie de famille était ma vie, même au temps où j'avais un rôle dans le grand drame; elle a été pour moi dans l'exil ce que fut pour le rat des Levantins l'asile hollandais qu'il avait choisi. Toutefois Je ne veux pas lui ressembler entièrement, car, bloquée ou non, : je m'intéresse à Ratopolis comme si j’y vivais encore. Je suis fort aise que vous ayiez attaché votre nom à la jolie édition que vous avez donnée des fables de l’inimitable qui .… peignit la nature et garda ses pinceaux. Du Bonhomme que mon département, celui de l'Aisne, met avec transport à la tête de ses plus illustres enfants et hors de toute ligne. Le souvenir de M. le chevalier de Roujoux m'est infiniment précieux. Comment l’aurais-je oublié ? Je lai connu sous de si bons rapports lorsque nous étions en confraternité de besogne! Fils d’un père aussi instruit que ferme et recommandable, avec. qui j'étais uni de principes à l’Assemblée législative, au Tribunat et en préfecture, je suis de plus son obligé. J'ai sous les yeux en ce moment lPouvrage distingué dont il m'a gratifié lorsque j'étais en Franche-Comté, ouvrage aussi méthodiquement conçu — 9295 — qu'il est élégamment écrit, qu’on lit sans la moindre fatigue, qu'après avoir parcouru et relu même, on peut encore con- sulter avec fruit, et auquel je peux appliquer, moi, la réflexion qui termine l’analyse de votre gracieux recueil de poésies : Une bonne action va très bien avec de beaux vers. Vous vovez que je lis la Revue encyclopédique. La plume du chevalier de Rou- joux, dites-vous, est sa fortune, je l’en félicite, je ne connais pas de domaine plus noble que celui qui sort de notre intelli- gence ; et bien qu’il soit loin de moi de dépriser d'aucune ma- nière une opulence honorablement acquise, j'aimerais mieux cependant, j'aimerais mieux mille fois entrer dans une législa- ture porté sur l'Esprit des lois ou sur l'Exposition du système du monde que porté sur un million de rentes. Ah! l'Exposition du système du monde! Cest vrai, Charles, j'arrive à mes dernières amours, à l’objet de mes plus chères études, à la science qui, pour le peu que j'en ai pu con- naître, a agrandi la sphère de toutes mes idées, et a couvert du charme inexprimable de la vérité cherchée pour elle-même ces longues journées de l'exil que, sans elle, l'ennui, le chagrin et loisiveté auraient dévorées. Le spectacle des cieux est le livre du néant et de la grandeur de l’homme. Ce livre, Laplace la mis à la portée des intelligences ordinaires. Son Exposition n’est, comme on l’a dit, que la traduction en langue vulgaire de sa Mécanique céleste, ouvrage qui lui a mérité de nos rivaux cet éloge qui les honore eux-mêmes que « la race humaine pouvait se faire de cette admirable production un titre de gloire. » {Revue d’'Edimbourg). Eh bien, mon ami, je tàcherai de saisir un jour où Je présumerai que je ne vous serai pas inportun, un Jour où moi-même je serai sans indolence et sans préoccupation, et je vous raconterai comme quoi, me constituant vieil écolier à Soixante ans, et me raidissant contre les difficultés au risque d’en perdre l’esprit, j'ai réussi, non pas à parcourir. mais à ad- mirer dans ses principales proportions cet édifice magnifique, si justement et si éloquemment qualifié par l’homme à jamais célèbre que je viens de nommer: « L’astronomie, par la dignité de son objet et la perfection de ses théories est le plus beau monu- ment de lesprit humain, le titre le plus noble de son intelli- gence. » On a dit de Diderot qu'il faisait les livres qu'il lisait : iei jai suivi son exemple, j'ai accommodé mes livres ecclésiastiques à mon usage, et après m'être fait, tant d'examen que de con- fiance, un fonds de principes bien compris, j'en ai déduit, soit 15 — 996 — par la méthode de l'induction, soit par celle des probabilités, les corollaires qui me convenaient : appliquant ensuite les résul- tats aux recherches historiques, à la philosophie, à la politique et aux cultes, je me suis ouvert un champ d'exploitation qu'as- surément je n’explorerais point quand (ce qu'à Dieu ne plaise) J'aurais encore un demi-siècle à passer sur ce globuscule, le- quel soit dit en passant fait bien moins de figure dans la fa- brique de l’univers qu'un grain de sable auprès du Chimborazo. Allons, à vous revoir, mon cher Nodier, il ne me reste plus de place que pour vous remercier de tout mon cœur de vos bonnes intentions pour mon brave Muller. Je bavarde comme un solitaire, c’est la coutume. Soyez bien assuré de mon atta- cnement et de ma gratitude, comme vous l’êtes de toute mon estime. Conservez-moi la vôtre ; je fais la même demande à M. de Roujoux. Mais surtout que pour aucune considération, nos relations ne vous exposent à la plus légère observation ou critique ; je ne me le pardonnerais jamais, et c’est une chance, qui, bien qu’'involontaire, suffirait pour empoisonner le reste mes jours. Je vous embrasse et finis sans formule. Tout à vous, votre ami de cœur. Jean DE BRrY. IV CHARLES NODIER A JEAN DE BRY. 19 décembre 1829. Mon cher et noble ami, J'ai reçu seulement il y a quatre ou cinq jours la lettre que vous m'avez adressée par M. Lagrenée et j'ai été si malade depuis ce temps-là qu’il m’a été impossible de tenir une plume. J'étais cependant bien pressé de vous exprimer le plaisir que j'éprouve à vous lire, et à m'assurer que la distance et le temps ne m'ont point effacé du souvenir d’un des hommes que j'aime et que je vénère le plus. La dernière ligne seule de cette dernière lettre m'a laissé une douloureuse impression. Pourquoi cet adieu que rien ne presse, au moins de votre part, et qui, dans la per- pétuelle incertitude de ma vie sans lendemain, me paraît à moi- même trop prématuré ? Soixante-dix ans ne sont pas un grand àge, et Lagrenée nr'affirme qu’il ne s’est pas fait en vous Île — 997 — plus petit changement depuis que nous ne vous avons vu. Cette fàächeuse pronostication que vous avez jetée entre nous n’a pas quitté mon chevet depuis l’autre jour, et je crois qu’elle y serait encore si je n'avais pris le parti de la chasser avec une forte résolution. Si Je suis en état de me mouvoir au mois d'avril ou de mai prochain, j'irai passer deux jours avec vous à Mons. Il est vrai qu'aujourd'hui rien ne promet que je puisse être alors Si ingambe, mais d’un plaisir incertain, l'espérance au moins en est bonne, et je vais vivre trois mois là-dessus. _ Je suis bien aise que vous n’ayiez pas.été trop mécontent de mes Esquisses de la Révolution, et à dire vrai, c’est en grande partie pour vous que je les écris. Depuis longtemps j'ai adopté une méthode de composition quine prête aucune garantie au talent, mais qui me semble très bien trouvée pour maintenir l'esprit dans une assiette ferme et consciencieuse. Je m'imagine que je lis tout ce que j'ai fait, à mesure que j'y mets la dernière main, dans un petit cercle de quatre personnes qui exercent sur moi une influence presque égale par la supériorité de leurs lumières et la sûreté de leur goût, mais que des circonstances diverses ont placées dans la société de manière à leur faire envisager toutes les parties de mon travail sous les aspects les plus différents qu’elles puissent offrir, Cette épreuve décisive pour moi n’est pas sans solennité. Je fais ma lecture à haute voix, dans un salon bien éclairé, devant quatre fauteuils où mon imagination n’a pas de peine à voir mes quatre auditeurs. Ils ont été si présents à toute ma vie par leurs excellentes leçons ou par leurs bienfaits ! Vous y siégez en première ligne à côté de mon père, que vous avez à peine vu, mais qui, je vous jure, m'était aussi supérieur par l’étendue de ses connaissances et l'éducation de son esprit que par la perfection de ses mœurs et de son caractère, Mes deux autres arbitres suprèmes ne sont pas moins dignes de vous être associés dans ce jury intime et familier. . Vous pouvez bien juger qu'ils ont tout droit de m’interrom- pre, mais vous n’imagineriez pas avec quelle sévère autorité ils en usent, avec quelle docile résignation je me soumets à leurs critiques, bien souvent en dépit de mes petites vanités d'auteur et de mes petites préventions d'homme du monde. Il est vrai qu'ils sont fort indulgents pour la forme, et que tout en exigeant le mieux quand ils m'en croient capable, ils ne vont pas jusqu’à me demander ce qui passe la portée de mon faible nn talent, mais sur le fond des idées et des sentiments, je vous les garantis inexorables. Ainsi ce n’est pas ma faute si j'écris depuis deux ou trois ans des choses qui n’ont pas votre appro- bation, car vous étiez parfaitement maître de me la refuser. Plaisanterie à part, vous me feriez un vrai chagrin de me retirer cette illusion. Cest en vérité le seul charme et le seul prix de mon travail, et je regrette seulement de m'y être livré trop tard, car elle m'aurait épargné bien des sottises. Au reste, je n'ai point de regrets. La vie d’un homme qui s’est condamné à communiquer Journellement avec les autres par la manifesta- tion de sa pensée a d’étranges conditions. Il faut bien des er- reurs successives pour composer ce qu'on appelle la Sagesse et bien des faux pas pour apprendre à marcher. Le principal n’est pas l’infaillibilité, ce serait folie d'y prétendre. Le prin- cipal, c’est la bonne foi. Sous ce rapport, je suis très-content de men lot, quoi qu’en disent mes amis qui prétendent que j'ai manqué ma vie. Ma vie a été tout ce qu’elle devait être. Si elle avait tourné autrement, ce serait aux dépens de ma loyauté. On finit d'imprimer un livre de moi dont vous entendrez avant peu dire beaucoup de mal, et qgi mérite qu’on en dise tout le mal possible. Celui-là, je ne vous l'ai pas lu, et je vous saurai quelque gré de ne pas le lire, quoique bien convaincu qu'un mauvais ouvrage de plus ne m’expose pas à perdre la place que j’occupe dans votre amitié. Voici, entre nous, toute mon excuse pour cette aberration, mais c’est un nouveau ba- vardage qu'il faut vous décider à subir. Il y a longtemps que je vous parle de mon état de maladie, sans vous dire en quoi il consiste, et c’est ici un secret pour tout le monde, sauf le médecin philosophe qui n’a jugé assez bien pour ne pas m'en faire mystère. L’infirmité nerveuse qui me tourmentait dans ma jeunesse a fini par se calmer avec l’âge, mais cette habitude prolongée de convulsions «héroïques et sacrées », comme il plaisait aux historiens d'Hercule de les appeler, n’est jamais sans résultats. Elle a produit en moi une lésion grave du premier organe de la vie, c’est-à-dire une espèce d’agonie permanente, dont le dénouement est partout et nulle part, comme le héros de je ne sais quel roman poétique de M. d’Arlincourt. Dans ce malheureux statu quo, on m'a interdit toute espèce de travail qui pourrait exciter en moi la vie d’émo- tions, et donner lieu à des ébranlements trop fatigants ; mais comme je ne puis vivre sans travailler, et vivre s'entend ici dans — 9299 — toutes les acceptions du mot, on m'a autorisé à faire ce qui m'amuserait, c'est-à-dire des riens, genre d'occupation pour lequel j'ai eu de tout temps une singulière aptitude. Par mal- heur, je ne me suis pas avisé d’abord des histoires fantastiques et des contes de fées qui font maintenant mes délices, et je me suis jeté dans un de ces plans à bâtons rompus, où il n’est pas permis d’être médiocre. Aujourd'hui que le livre est fait, et qui pis est imprimé, je sens à merveille qu'il est aussi mauvais que possible. C’est une suite de rêveries, œgri somnia, au milieu desquelles je m’égare en trois personnes, c’est-à-dire sous les trois figures principales que tous les hommes cultivés peuvent distinguer dans le phénomène de leur intelligence, l’imagination, la mémoire et le jugement. Dans ma spécialité, cette trinité mal assortie se compose d'un fou bizarre et capricieux, d’un pé- dant frotté d'érudition et de nomenclatures, et d’un honnête garçon faible et sensible dont toutes les impressions se sont modifiées par l’un et par l’autre. Gette idée toute métaphysique est certainement la meilleure, pour ne pas dire la seule du livre, mais elle est si mal exprimée, si confuse, et perdue dans un canevas si décousu, que j'ai hâte d’être le premier à en faire justice. Ajoutez à cela qu'avec un fil pareil dans la main, je ne pouvais que n'égarer dans un labyrinthe extrêmement péril- leux où mon indépendance universelle et mon indifférentisme systématique ne sauraient faire un pas sans heurter plus ou moins quelques idées reçues, quelques institutions et quelques personnes, de sorte que c’est miracle si cette rapsodie ne me cause pas plus de soucis que sa composition ne m'en à fait oublier. Je vous dis tout cela, mon cher ami, parce que vous êtes une des quinze ou vingt personnes tout au plus que je crois capables de lire jusqu’au bout, je ne dis pas sans un mortel ennui, mais sans le secours d’un glossaire, cet énorme fatras polyglotte et polytechnique. Quant à nos journalistes, qui le jugeront de haut, selon leur usage, je vous suis caution qu’ils n’y verront pas plus clair que dans un livre iroquois. Il est donc bien entendu, et c’est à ne vous le pas céler, le but de cette longue précaution oratoire, que si l'Histoire du roi de Bohême et de ses sept chäleaux tombe par hasard entre vos mains, vous ne m'en parlerez pas dans vos lettres. Des trois bêtes qui vivent en moi, la bête qui fait des livres est sans com- paraison celle dont le sort m'occupe le moins, mais j'ai besoin d'elle, et je crois que je lui tordrais le cou si elle me mettait — 930 — mal dans votre esprit. D'ailleurs, toutes vos lettres sont lues ici, où l’on sait à peu près que je suis auteur, comme on sait que je suis malade, mais où l’on ne connaît, grâce au ciel, ni le nom de mes ouvrages, ni le nom de ma maladie. Les Esquisses de la Révolution sont presque faites, mais jai dû n’en laisser paraitre que ce qui pouvait voir le jour de mon vivant sans inconvénient pour ma position. Ce qui reste inédit sera beaucoup plus curieux, car ce rôle d’entremetteur poli- tique entre les partis, que ma jeunesse et mes formes liantes mavaient fait conférer au commencement de l’Empire, et que vous caractérisiez d’une manière si heureuse dans mon inter- rogatoire, en m’appelant le trait-d’union des jacobins et des royalistes, m'a mis à portée de voir bien des caractères et bien des intrigues à nu ; le bonheur de mon organisation, qui, dans ce temps-là même, me faisait prendre toute intrigue et toute fausseté en horreur, m’a permis aussi de voir les hommes et les choses sous leur véritable côté, à ce point que je ne pense pas qu'il y ait un seul de mes contemporains qui puisse à bon droit se croire aussi impartial et aussi désintéressé que moi dans ses jugements. Je dirai plus:je ne suis pas de ceux qui réclament le bénéfice de cette prière évangélique : « Pardonnez- leur, Seigneur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Je connaissais à merveille la témérité et la folie de mes démarches. Mon excuse sera dans cet autre passage des Saintes Ecritures : «Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu’il a beaucoup aimé. » Mon activité si obscure, et cependant mille fois plus occupée que vous n'avez jamais pu le craindre, n’était qu'une fatalité d'affection. Vingt-deux coups de lance m'avaient tout à fait affranchi de ce séidisme sans réserve, le jour de la bataille de Wagram, et la suite m'aurait trouvé aussi impassible que je le suis maintenant, si une ignoble et atroce vengeance de police à laquelle je sais combien vous fûtes étranger n'avait pris ce temps-là pour assassiner mon père. Je sens que dans tout ceci il n'y a encore qu'une énigme pour vous, mais Je Suis sûr que cette énigme ne sera pas sans attrait pour votre curiosité, et je m'engage à la débrouiller au moins à vos yeux, avant d'aller chercher le mot d’une autre énigme plus importante pour tous les hommes. Je vous étonnerai sur beaucoup de faits dont quelques-uns vous ont touché de très près, et dont plusieurs passages de vos lettres me donnent à penser que vous n'avez jamais trouvé la solution. Cependant, telle a été mon invisibilité — 9231 — dans les affaires que les récits que je laisserai manqueront à tout jamais de l'autorité qu’on attribue, je ne sais pourquoi, à des compilations sans conscience et sans critique. On a peine à concevoir que les personnages les plus remarquables d’une époque se rendent un compte si imparfait des événements dont ils ont été les acteurs et quelquefois les artisans. Il n’y à toute. fois rien de plus naturel, et c’est une chose qui marque bien l'incertitude et l'insuffisance de l’histoire. Pour bien voir les scènes d’un drame aussi intrigué, aussi compliqué que la Révolution, il faut peut-être n’en avoir pas été distrait par son action personnelle. Les comparses qui figurent dans une tragédie se rendent cent fois mieux raison de l'effet général de la pièce que les auteurs essentiels, dont l'attention a été absorbée depuis le commencement jusqu'à la fin par l'intérêt beaucoup plus intime de leur rôle, et quine savent, à vrai dire, s'ils veulent être sincères, que ce qu'ils ont fait et que ce qu'ils ont dit, pendant que tout agissait autour d'eux. Ceux-ci sont indispensables à consulter sur la part indi- viduelle qu'ils ont prise à la représentation, car personne ne peut en juger avec plus de certitude ; mais, hors de cette indi- vidualité, il ne faut rien leur demander de positif, parce qu'ils n’ont eu ni le temps ni le moyen de s’en informer. Il n’y a pas un spectateur qui ne le sache plus distinctement qu'eux. Ce qui est vrai pour une action théâtrale, dont toutes les cireons- tances sont irrévocablement prévues, est nécessairement bien plus vrai encore pour un événement historique dont l’ensemble a pu être soumis d'avance à quelques calculs, mais dont la marche et les développements ne dépendaient que du hasard. Vous savez, mille fois mieux que je ne pourrais le dire, qu’il n’y a pas une de ces journées toutes faites de la veille dont la Révolution est remplie qui se soit accomplie comme elle avait été préparée, pas un coup d'Etat qui se soit entièrement exécuté comme il avait été conçu, pas une conspiration qui ait réussi par les moyens sur lesquels on comptait, ou qui ait échoué de- vant les obstacles qu'on avait pressentis. Voilà pourquoi il reste à dire sur la Révolution tant de choses vraies qui auront cependant le mérite d’être absolument nouvelles ; mais c’est là un grand œuvre qui exige la rencontre de deux conditions très- rares, une grande probité et un grand talent, c’est-à-dire un orand homme. Si quelque chose de pareil peut nous être donné, c’est à vous qu’on le devra, et je vous le dis sans flat- — 932 — terie, vous pouvez en être sûr. Quand vous étiez tout-puissañt pour me perdre ou pour me sauver, je vous ai lassé par mon inflexibilité fanatique. Aujourd’hui que je ne vois en vous qu'un ami rebuté et méconnu, vous ne devez me supposer aucun motif de vous tromper. Alors, je dois le dire, vous m'im- posätes cependant du premier regard, parce que je vous me- surai, mais le sentiment même que j’emportai de vous contri- bua beaucoup à me fortifier, parce que je savais qu'en me punissant, vous ne pourriez vous empêcher de m'estimer, et c'est ce qui est arrivé. Vous êtes aussi le seul homme de ce temps-là qui m'ait inspiré un respect profond et un attachement qui ne finira qu'avec ma vie. Pendant toute la durée de mes justes malheurs, il n’y a pas un jour où je ne me fusse battu pour vous, et vous me rendrez cependant cette justice que je ne me suis livré à vous avec une entière soumission de cœur que depuis que les vôtres ont commencé. Rapportez-vous en done à moi, mon cher De Bry. Je crois qu’il est impossible que vous n'ayez pas songé à écrire vos Mémoires. Si cela n’est pas fait, faites-le. Vous devez à votre famille, à vos amis, de ne pas abandonner votre nom aux témérités de l’histoire. Ceux de Le- vasseur de la Sarthe ont eu du succès, quoique Levasseur m’ait pu s’y montrer que ce qu'il était sur la crête de la Montagne, que ce qu'il est resté dans le monde, c’est-à-dire qu'un patriote de bonne foi, mais qu’un sophiste hargneux, entêté et bavard, aux vues étroites, à l’âme sèche, préoccupé par obstination plus que par sentiment des théories extravagantes et déplorables qui ont tué sa république. (Je suppose ici que vous le jugez comme moi; si cela n’est pas, j'ai tort). Il faut une autre portée de regard pour contempler un monde qui se renouvelle. Soyez certain que vous vous prépariez involontairement à écrire l’histoire de la Convention, quand vous, le plus disert comme le plus éclairé de ses membres, vous vous contentiez, témoin silencieux, de la suivre de quelque triste pensée dans le vague où elle essayait ses créations imparfaites. Cest que le génie est. comme la nature. Il abhorre le vide. Cest à vous, je le répète, à saisir cette matière avec votre puissance d'âme et de talent, à nous montrer vos amis et vous, tels que la Révolution vous avait faits, avec vos pures intentions, avec votre dévouement digne de l'antiquité, avec vos erreurs, vos fautes, vos excès, qui ont été en grande partie le malheur d’une époque, et que nul n’a plus le droit d’avouer parce que nul ne les a rachetés — 9233 — par de plus grandes vertus, Cest à vous à faire admirer, à faire aimer le républicain, même de ses ennemis les plus pré- venus, Si je m'en rapporte à mon cœur qui ne m'a jamais trompé, cela ne vous sera pas difficile. Cest tout au plus s’il me reste assez d'espace pour vous parler de ma situation intérieure, à laquelle vous conservez, je n’en doute pas, un vif et tendre intérêt. Elle est tout ce qu'elle peut être aujourd'hui, c'est à dire bonne sous le rapport des affections, et pire que jamais sous celui de la fortune. Ce n’est pas que la littérature soit devenue un mauvais métier, tant s’en faut, mais elle ne fait prospérer que les intrigants de toute cou- leur qui savent exploiter la reconnaissance ou la crainte des hommes puissants, et je n’ai pas plus envie d’exciter l’une que l’autre. Padore l’écho et le foyer, et ce n’est guère là qu'on va prendre mesure d’un habit brodé aux conseillers d'état et aux académiciens. Tout considéré, je préfère mon sort au leur, quoi- qu'il fasse peu d'envie. J'ai fait à mon amour pour la retraite et l’oubli le sacrifice de la plus jolie bibliothèque qui ait jamais orné le cabinet d’un homme de lettres, sans en excepter celles de Mirabeau et de Chénier, et j'ai été tout étonné de me trouver en cette occasion une espèce de philosophe, comme Valincour qui se flattait d’avoir assez profité de ses livres pour savoir s’en passer. Heureusement le caractère et l’éducation de ma chère fille Marie peuvent lui tenir lieu de dot aux yeux d’un honnête homme. Ce n’est même plus là l'illusion d’un pauvre père qui cherche à s’aveugler sur son infortune. Elle a été demandée en mariage par un jeune homme peu riche, mais d’une famille honorable, d’une excellente éducation, d’une aptitude infati- gable au travail, et pour comble de bonheur, il lui a beaucoup plu, ce qui était, comme vous pouvez croire, la condition essen- tielle de son établissement, qui aura lieu dans le courant de janvier. Voilà donc ma vie complète, et je suis assuré de la finir avec douceur, puisqu'ils ne me quitteront pas. Maintenant je me soucie fort peu qu'elle se prolonge plus où moins pour moi, et je ne vois pas trop de quel intérêt cela serait pour les autres. Mon nouveau fils (les autres sont morts) s'appelle Jules Men- nessier. Il faut bien que vous sachiez le nom d’un ami de plus qui vous arrive, et l’homme qui n’accepterait pas cette portion de mon héritage n’épouserait pas ma fille. Puisque vous aimez encore mes lettres, mon cher et noble RES - — 934 — ami, vous ne vous plaindrez pas de celle-ci. Elle comptera pour plus d’une, car je désespère que vous puissiez la lire en moins d'une semaine; mais vous à qui l'injustice du sort a fait trop de loisirs, pourquoi ne m’écrivez-vous pas plus souvent et plus longuement ? J’ai toujours un peu de temps en réserve pour mes plaisirs, et je ne saurais trop vous répéter que je n’en préfère aucun à celui de converser avec vous. Je vous remercie de vos excellents fragments, mais ce ne sont que des fragments. Vous me devez davantage. Et puis, rappelez-moi au souvenir de madame la baronne De Bry, dont je me rappelle avec une vive reconnaissance les par- faites bontés, et à celui de tous vos enfants par qui j'aime à me croire connu. Songez que je veux vivre.un peu dans tout ce que vous aimez, et croyez moi, sans formule, votre tendre et dévoué Charles NODIER, à l’Arsenal. V LETTRE DE CHARLES NODIER AU JOURNAL Le Temps, SUR LA MORT DE JEAN DE BRY. Jean De Bry, né à Vervins en 1760, ancien député à la Con- vention nationale, ancien préfet du Doubs et du Bas-Rhin, est mort à Paris le 6 janvier. Au moment où j'écris ces lignes, on l’emporte à sa dernière demeure, où je ne me sens pas la force d’accompagner.ses amis ; mais je ne dévorerai pas toutes mes larmes, j’en mouille- rai unie de vos pages. L'histoire impartiale jugera le jeune député de Vervins ; elle fera la part de l’âge et des circonstances. L’exil racontera de quelles utiles leçons il a nourri sa saine et virile vieillesse. Il ne m'appartient à moi que de le pleurer. ‘ La fougue, les écarts peut-être d’une adolescence orageuse avaient attiré sur moi les violences du pouvoir. Je fus placé pendant trois ans sous la surveillance de Jean De Bry, et je trouvai en lui un protecteur. Je perdis mon père, et je trouvai en lui la tendresse et les soins d’un père. Nous fûmes séparés depuis par l’espace comme nous l’étions — 9235 — par l’opinion, et jamais le moindre nuage ne troubla notre amitié. Le 26 décembre dernier, j'étais heureux d’un bonheur ines- péré. Mon bonheur fut aussi celui de Jean De Bry; le respec- table vieillard m'attendait sur mon passage pour m'embrasser, et je ne savais pas qu’il m'embrassait pour la dernière fois ! Je le verrai cependant encore. Jean De Bry croyait au Dieu que je crois, et jamais voix humaine peut-être n’a exprimé la foi du sage avec une onction plus pénétrante. Jean De Bry, couventionnel, plénipotentiaire, administrateur pendant vingt ans, Jean De Bry est mort pauvre. Voilà pour sa philosophie pratique. Jean De Bry, éclairé par l'expérience et la raison sur toutes les vérités de la vie, n’avait rapporté de la proscription que des idées de modération politique, de pitié bienveillante pour tous les malheurs, d’indulgence pour toutes les fautes. Voilà pour ses théories philosophiques. Doué au plus haut degré du talent d'écrire et d'exprimer élo- quemment les plus nobles pensées, Jean De Bry n’a point laissé pourtant d'ouvrage suivi, parce que, dans sa modeste sagesse, il se défiait encore de son impartialité; mais il a laissé des pages sublimes de style et de sentiment, et la femme incompa- rable qui portait si dignement son nom ne peut en faire tort à l'avenir. On trouvera là Jean De Bry tout entier, c’est-à-dire une âme désabusée de tout ce qui était mal, et perfectionnée en tout ce qui était bien, qui joignait dans l’énonciation de ses idées une forme toujours heureuse à une conception toujours élevée, et qui revêtait les lecons de Marc-Aurèle et d’Epictète des cou- leurs de Fénelon. Cet excellent homme est mort ; que toutes les haines se dé- sarment sur sa tombe ! Il n’en avait point à redouter dans son séjour futur. Depuis longtemps celles-là étaient désarmées par ses vertus. Qu'il repose en paix! (Temps du 9 janvier 1834, reproduit par l'Impartial de Be- sançon du 12.) u 4 À Le LE COMTE D'ARTOIS EN FRANCHE-COMTE ET EN LORRAINE DANS LES PREMIERS MOIS DE 1814 Par M. Jules VALFREY. Séance publique du 16 décembre 1886. ee Sous ce titre, M. Valfrey a fait à la séance publique de Ia Société d'Emulation du Doubs du 16 décembre 1886 une lecture fort intéres- sante, détachée du grand ouvrage qu il prépare sur Talleyrand el les traités de 1815. On sait qu un des épisodes les plus curieux de la première invasion, ce fut l’arrivée à Ve- soul du Comte d’Artois, au moment où les con- ditions de la paix générale entre l'Empereur Na- poléon et la coalition se discutaient à Châtillon- sur-Seine, en congrès. Comment le Comte d’Ar- tcis avait-il réussi à se mettre en relation avec les puissances étrangères? C'est ce qu'on igno- rait jusqu ici, et Cest ce que M. Valfrey a pu mettre en lumière, grâce aux documents iné- dits dont il a eu communication au Ministère des Affaires étrangères. La lecture faite par M. Valfrey débute par un tableau de l’Europe dans les premiers mois de l’année 1814; puis, — 931 — arrivant au cœur de son sujet, l’auteur con- iünue en ces termes : Muni de lettres patentes par lesquelles Louis XVIIT lui conférait le titre de lieutenant-général du royaume, le Comte d'Artois s’embarqua pour le continent ; il n’emmenait avec lui qu'un seul compagnon de route, le comte François d’Es- cars. Les dépêches de la chancellerie russe signalent son passage à Francfort entre le 4 et le 7 février. De là il re- monta le cours du Rhin jusqu’à Bâle, et il arriva à Vesoul le 21 février. « Mes amis », avait dit le Prince aux habitants de la ville qui étaient venus le saluer, « me voici en France : je n’en sortirai plus. » Mais si le Comte d'Artois se flattait de n'avoir plus à quitter le sol de la patrie, il ne trouva à Vesoul aucune des facilités dont il avait besoin pour remplir sa mis- sion. La ville et le département, occupés par les alliés, étaient placés sous le commandement d’un général autri- chien, en apparence peu sympathique à la cause des Bour- bons. Celui-ci refusa de viser les passeports du Comte d’Ar- tois et de sa suite, et s’opposa à l’organisation des relais qui devaient permettre au Prince de continuer sa route ; de telle sorte que le lieutenant-général de Louis XVIIT fut retenu prisonnier pendant trois semaines sur la frontière française, au milieu des circonstances les plus décisives pour la fortune de sa maison. Cette inaction forcée dut être pour le frère de Louis XVTIT une des formes les plus cruelles de Padversité ; elle n’avait pas seulement pour effet de le condamner à l'impuissance, dans un moment où l’avenir tout entier de la restauration monarchique semblait reposer sur sa tête, elle indiquait trop clairement aussi aux populations devant lesquelles les Bour- bons se présentaient en libérateurs, l'indifférence, la mau- vaise volonté, le dédain même de l’Europe pour la famille de leurs anciens rois. — 938 — Dans l’impossibilité de s'échapper de Vesoul et d’atteindre le quartier-général de l'Empereur de Russie, qui était alors au cœur de la Champagne, le Comte d’Artois se résigna à envoyer un agent auprès des alliés. On vit surgir alors un personnage dont l’histoire ignorait jusqu'ici profondément l’existence et dont le nom a, pour ainsi dire, disparu dans la grandeur des événements auxquels il s’est trouvé mêlé par le hasard des choses. Ce diplomate d’une heure s’appelait Wildermeth, et il avait été désigné au choix du Comte d’Ar- tois par un ami du Prince qui s'était joint à lui lors de son entrée en France, M. de Monciel. Originaire de Bienne, petite ville du Jura bernois rattachée sous l'Empire au dépar- tement du Haut-Rhin, M. de Wildermeth raconte lui-même qu’il était à la veille d'entrer au service de la Prusse, lors- qu'il reçut les ouvertures de M. de Monciel. Il les accueillit, sous la condition que, s’il tombait victime de son dévoue- ment, Monsieur s’occuperait de sa famille, et qu’il obtiendrait un emploi honorable si la cause des Bourbons triomphait. Ces préliminaires réglés, M. de Wildermeth fut muni d’une lettre de créance à l'adresse du prince de Metternich. Elle était ainsi conçue : « Je prie le prince de Metternich de prendre une entière confiance dans tout ce que M. de W*” lui dira de ma part »; elle portait la signature de Charles- Philippe, Comte d'Artois, et la date du 9 mars 1814. Verba- lement, le Prince avait défini ainsi la mission de son envoyé : « Engager le prince de Metternich à épouser la cause légi- time des Bourbons en la lui faisant considérer sous son vrai jour, comme le moyen unique et certain qui pourrait ra- mener une paix durable en Europe ». « En quoi », avait ajouté le Comte d'Artois, « les Princes n'étaient guidés par aucune vue intéressée, mais uniquement par la pensée de favoriser par leur rétablissement une pacification générale » ; et M. de Wildermeth était autorisé à faire auprès des ministres, autres que le prince de Metternich, « tout ce que les circonstances pourraient exiger, sans correspondre par écrit à ce sujet. » — 939 — M. de Wildermeth quitta Vesoul avec un de ses compa- triotes de Porrentruy, le 143 mars 1814. Le lendemain 14, il arrivait à Chaumont, où diverses formalités l’arrêtèrent pen- dant plusieurs jours, et c’est seulement le 17 qu'il put at- teindre la ville de Troyes, où étaient réunis les souverains et leurs premiers ministres, pendant que les négociations officielles de la paix se poursuivaient encore avec Napo- léon Eer à Châtillon-sur-Seine, mais pour être rompues défi- nitivement quarante-huit heures après. Wildermeth, comme nous l'avons dit plus haut, avait des relations personnelles avec la chancellerie prussienne ; il alla donc frapper tout d’abord à la porte du prince de Harden- berg et réclamer ses bons offices pour obtenir une audience du prince de Metternich. Reçu immédiatement par le pre- mier, Wildermeth lui exposa l’objet de sa mission, qui comprenait à la fois des demandes et des offres. Les offres, c'était la maison des Bourbons, représentée à l’heure pré- sente sur le territoire français par M. le Comte d’Artois avec le titre de lieutenant-général du royaume, se déclarant prête à signer la paix aux conditions qu'on voulait obtenir de Na- poléon [er, à n’opérer dans la constitution française et le droit public que les changements jugés nécessaires, surtout pour donner à l’Europe une tranquillité assurée, enfin à prendre vis-à-vis des biens nationaux et de leurs propriétaires, des divers corps d'Etat et en général de toutes les personnes en place, les engagements les plus convenables. Puis au dessus de ces questions, comme se plaçait peut-être chez l’Empe- reur d'Autriche la juste préoccupation de régler honorable- ment le sort de sa fille, l’Impératrice Marie-Louise, Monsieur adhérait d'avance à toutes les conditions qui lui seraient faites sur ce sujet, et il signerait même sans le lire lécrit qu'on lui proposerait, le cas échéant. S1 les offres du Comte d'Artois, sauf sur un point, ne pré- sentaient qu’un caractère assez vague, en revanche ses de- manñdes étaient très précises, et elles tendaient toutes à pro- FES — 940 — curer aux Bourbons l'assistance ouverte et effective des puissances coalisées. Le Comte d'Artois était dévoré par l'impatience d'agir; mais pour agir efficacement, il lui fallait l'autorisation d’adresser au peuple français une proclamation qui serait appuyée par quelque déclaration des cours euro- péennes, et de faire arborer la cocarde blanche dans tous les départements du royaume occupés par les alliés. Le Prince réclamait de pius une garde d'honneur, à la formation de laquelle concourraient toutes les puissances, afin de ma- nifester clairement aux populations les sentiments de l’Eu- rope à l’égard des Bourbons ; des subsides fournis en bons garantis par la coalition, ou l'administration directe de cer- taines provinces pour solder les troupes, salarier les em- ployvés et subvenir aux dépenses du Prince; la faculté d’ou- vrir partout, et même en Suisse, des registres de recrute- ment ; la liberté de se transporter librement où il jugerait sa présence utile ; le droit de se faire représenter officiellement auprès des puissances ; enfin le pouvoir de sommer les places fortes assiégées de se rendre à Louis XVIIF. Hardenberg écouta avec attention, avec sympathie même, le développement de ce programme. Personnellement le pre- mier ministre de Prusse était tout dévoué aux intérêts des Bourbons, et, selon le mot de M. de Wildermeth, il se montra pendant tout le cours de la négociation bien plus le ministre du Comte d'Artois que celui du roi Frédéric-Guillaume. © Il n'a mis, raconte Wildermeth, en relations particulières avec tous les ministres, en me donnant un couvert à sa table. » Mais Hardenberg ne jouait pas à beaucoup près le premier. rôle dans les conseils de la coalition, et il prévoyait dela part de celle-ci une répugnance insurmontable à entrer sans examen dans les vues des Bourbons. « On pourra d’abord essayer, répondit-il, mais non pas se déclarer entièrement. » Le chancelier prussien promit à M. de Wildermeth de lui faire connaître le lendemain matin à quelle heure il serait reçu par le prince de Metternich. = On — Le lendemain, c'était le 18 mars, c’est-à-dire le jour où le congrès de Châtillon déclarait les négociations de paix ter- minées par le gouvernement français », et le surlendemain 49, la rupture de l’Europe et de Napoléon était officiellement consommée. On s'explique facilement que, pendant ces deux journées si dramatiques, le prince de Metternich, encore retenu à Troyes, n'ait pu disposer d’un seul instant pour accorder une audience à M. de Wildermeth. Enfin, ayant quitté Troyes, le 20 mars, le chancelier autrichien rencontra le plénipotentiaire du Comte d'Artois à un quart d'heure en avant de Bar-sur-Seine et lui donna rendez-vous dans cette ville pour le soir même à six heures. Mais, depuis l’avortement des conférences de Châtillon, léchiquier sur lequel reposaient les instructions du Comte d'Artois à son envoyé était complètement bouleversé, et il n’y avait pour ce dernier aucun moyen de s’en procurer de nouvelles. Néanmoins Wildermeth ne se laissa pas troubler par ces contre-temps. Mis en présence du prince de Metter- nich, il lui communiqua ses lettres de créance, comme si rien d’extraordinaire ou d'imprévu ne s'était passé depuis le 9 mars, et lui exposa l’objet de sa mission. « En se présen- tant », continua-t-il, « les Princes (de la maison de Bourbon) ne sont mus que par l'espérance de terminer les maux de la guerre ; ils sont disposés, pour parvenir à ce. but, de faire tout ce que les circonstances exigeront. La famille royale de France a vivement partagé les douloureuses résolutions que des événements majeurs ont forcé l'Empereur d'Autriche à prendre, celle de sacrifier sa fille à l'intérêt de ses Etats. La famille royale a si bien senti l'effet pénible de cette contrainte, qu'elle est disposée, lorsqu'elle en aura la faculté, à faire re- vivre les anciennes liaisons intimes qui existaient entre les deux Cours... Monsieur sait qu'il n’est pas de Cour en Eu- rope qui soit, plus que l’Autriche, intéressée et à laquelle apparlienne mieux l’influencer le choix du souverain qui doit oëcuper le trône de France. fl sait aussi que ce Cabinet éclairé 46 — 249 — est dirigé par Votre Altesse; que si les Bourbons remontent sur le trône de France, ils vous le devront, et que le nom de Votre Altesse passera dans les annales de l’histoire à la pos- térité avec le récit de cette grande œuvre politique. » Arrivant ensuite aux questions d’ordre intérieur, c’est- à-dire à l'examen des idées politiques qui devaient trouver leur application dans la nouvelle monarchie, Wildermeth se monira aussi affirmatf que pressant. La première pensée de Louis XVIIT, selon lui, serait de donner à la France une cons- titution adaptée à sa position actuelle ; le pouvoir du souve- rain et les droits de la nation trouveraient des garanties «dans un corps respectable composé des plus riches pro- priétares, des hommes qui ont le plus d'influence par leur génie et leur réputation. » En un mot, le roi modélerait son gouvernement «sur l'esprit des Français et l’état de la France, qui ont passé par vingt ans de révolution et de guerre. » — « Oubliant la France de 1789, il la reprendra telle qu’elle est en 1814. » Il cherchera à conserver à son service les hommes marquants de Napoléon, mais toujours avec le discernement que commandent les circonstances ; il se préservera du dan- ger d'employer trop d’émigrés, surtout dans les commence- ments de son règne; on n’en verra aucun dans les places supérieures jusqu’à ce que le nouveau gouvernement ait pris de la consistance. Le langage de Wildermeth ne manquait ni de sens poli- tique, ni d'habileté. On ne pouvait notamment glisser avec plus d'adresse sur la longue série de contre-temps, de péri- péties et de désastres qui, depuis l’union du roi Louis XVT, alors Dauphin, avec une archiduchesse d'Autriche, jusqu'à la dernière invasion de la France par les alliés, avaient sou- is à tant de vicissitudes la fortune des Bourbons et des Habsbourg en altérant leurs rapports traditionnels. Mais, l'avenir dont Wildermethsoulevait sicomplaisamment le voile, était encore très incertain. Pour que Louis XVIIT de- vint un allié de choix et de prix aux yeux de la Cour d’Au- — 9243 — triche, ïl fallait que Napoléon fût définitivement vaincu et renversé, et tant que ce résultat ne serait pas assuré, ni le Cabinet de Vienne, ni ses alliés, ne songeaient à prendre pied sur des combinaisons que les accidents de la guerre ou les retours de la destinée pouvaient anéantir du jour au len- demain. En d’autres termes, avant d'arrêter les décisions du surlendemain , le prince de Metternich ne voulait régler sa conduite que sur les probabilités du lendemain, et pour lui le Comte d'Artois, qui parlait déjà en lieutenant d’un monarque régnant, demeurait jusqu’à nouvel ordre le porte-parole d’un simple prétendant, avec lequel rien ne pressait de contracter des engagements positifs. Pour préciser, Metternich n'était pas hostile à la restauration des Bourbons, mais il se deman- dait jusqu’à quel point la France leur était favorable. « Le peuple français », répondit-il à Wildermeth, « est fatigué de Napoléon et désire s’en débarrasser ; voilà son vœu. Mainte- nant il s’agit de faire choix d’un autre souverain. L'idée na- turelle se présente de placer un Bourbon sur le trône, mais non point pour reprendre l’ancien ordre de choses, ce qui produirait inévitablement un nouveau bouleversement, mais tout simplement pour prendre la place de Napoléon. Cepen- dant, il faut avant tout que le peuple se prononce; les puis- sances ne prendront jamais sur elles de donner à la France un roi contre son gré. » Examinant ensuite la position de PAu- triche et des autres puissances européennes à légard de la France, Metternich définit en quelques mots fort judicieux les devoirs et les intérêts de chacune d'elles. « La position de l'Autriche relativement à la France », dit-1l, Çest toute dif- férente de celle des autres Cours, et il n’est pas douteux que son influence sur la question de savoir si lon doit réintégrer les Bourbons ou non est prépondérante ; mais la marche de sa politique, même dans les temps les plus difficiles, a tou- jours été lente et calculée. N’imaginez pas, par exemple, que l'Autriche, dans ses intérêts, puisse ce qui s'appelle sacrifier son dernier sou et son dernier soldat pour replacer les Bour- on. bons sur le trône. La Prusse est, relativement à ses finances, dans une position qui ne lui permet de sacrifice que dans cette circonstance unique, pour ramener la paix en Europe. Elle n’est pas la moins intéressée à un règne paisible en France, mais elle est forcée par sa position de suivre l’im- pulsion de la Russie ou celle de l'Autriche. Politiquement, la question devient presque étrangère à la Russie. Cette campagne se terminera par des succès ou par la perte de son armée. Dans ce dernier cas, elle retourne tranquillement dans ses Etats, où, de longtemps, on ne viendra plus lin quiéter, tandis que lPAutriche seule, tenant le premier rang dans le midi de Europe, ne peut se dispenser de prendre part à toutes les guerres. ». Ce n’était là, sans doute, qu'un premier entretien; mais l’agent du Comte d'Artois n'avait pas lieu de s’en montrer très satisfait. Sans répugnance théorique pour la restaura- tion des Bourbons, Metternich la subordonnait cependant au - vœu du peuple français ; 1l la redoutait même, si elle devait faire revivre à un degré quelconque le système gouverne- mental que rappelait l’ancien régime et que personnifiait l’'émigration. À quelques nuances près, il demeurait tou- jours enfermé, dix jours avant l’entrée des alliés à Paris, . dans le programme qu'il avait tracé au prince de Schwar- zenberge au début de la campagne de France et avant l’ou- verture du congrès de Châtillon. €... Les puissances », écri- vait-il alors, « regardent le changement de dynastie er France comme un objet du domaine de la France : ..... elles sont. convenues de ne pas le provoquer et de ne pas l’empécher. Si un parti se déclare, si ce parti détrône Napoléon, si Louis XVIII est proclamé par la grande majorité de la na- tion, on traitera avec lui. Nous serons enchantés de l’y voir; mais comme nous ne comptons pas le soutenir envers et contre tout le monde, comme nous ne confondrons pas nos vœux avec le but de nos efforts, nous ne pouvons pas aller au delà de la tolérance. » C'était donc de la tolérance et non BR DS cd — 945 — du zèle que Metternich témoignait en faveur des Bourbons. En sortant de l'audience de Metternich, Wildermeth se rendit chez le Comte de Nesselrode. L'accueil du ministre russe fut très réservé, presque froid. La Russie était d’ac- cord avec ses alliés sur les principes adoptés en commun vis-à-vis des Bourbons, mais elle s’en remettait aux autres Cabinets du soin de conclure avec Louis XVIIT : déclaration du reste en contradiction absolue avec les faits, puisque la préoccupation dominante de l'Empereur Alexandre était au contraire de jouer un rôle personnel décisif dans le dénoue- ment de la campagne militaire et diplomatique de la coali- tion. Quant au plénipotentiaire anglais, lord Castlereagh, la rupture du congrès de Châtillon lui permettait de parler en toute franchise : son gouvernement avait toujours répugné à signer la paix avec Napoléon, et il était désormais ouver- tement acquis à la cause des Bourbons. Aux sollicitations de Wildermeth, il répondit donc sans hésiter : € Dites à Mon- sieur qu'il ne peut pas douter de la satisfaction que j'ai de voir que les intérêts de l’Europe et ceux de sa politique puissent enfin être d'accord avec le sentiment qui m’anime . pour la légitime cause des Bourbons. Notre manière de voir à cet égard a toujours été uniforme; mais il fallait que le temps et les circonstances nous aidassent à parvenir au point où nous en sommes. J'ai toujours prévu que cela arri- verait, d'après la marche que Napoléon suivait. » Lord Castlereagh était plus encourageant que Metternich et surtout que Nesselrode ; mais, pas plus que ses deux col- lègues, le ministre anglais n’était sorti des généralités. Du moins, rien dans ses paroles n’autorisait le Comte d'Artois à se porter en avant sur le territoire français et à y faire acte de représentant du roi légitime avec la protection des puis- sances coalisées. Cette protection lui était cependant indis- pensable jusque dans les moindres détails du rôle qu'il avait ambition de jouer; car, pour commencer son action, le Comte d'Artois avait le dessein de se rendre à Lyon, d’y — 246 — convoquer de suite, au nom des Bourbons, le Corps légis- latif, sous la présidence de M. Lainé, et d'inviter le Sénat à se Joindre à cette assemblée dans la seconde ville de France, qui deviendrait ainsi, pour quelque temps, la capitale du royaume. La mission de Wildermeth semblait done condamnée à un insuccès à peu près complet, si les événements ne venaient bientôt, par une marche précipitée, effacer les scrupules et stimuler les lenteurs de la diplomatie européenne. Ce fut la chance suprême de l’envoyé du Comte d'Artois. Le congrès de Châtllon ayant fait toucher du doigt à la coalition l’impos- sibilité de signer la paix avec Napoléon, les Bourbons de- vinrent aussitôt la carte indispensable dans le jeu des Cabi- nets. Quelques jours auparavant, le Comte d’Artois, après avoir passé vingt-trois Jours à Vesoul, dans une séquestra- tion humihiante, avait réussi à gagner Nancy et trouvé auprès du gouverneur russe de la Lorraine, M. d’Alopeus, sinon plus de zèle en faveur de la restauration des Bourbons, du moins plus d’égards pour sa personne et de facilité pour ses mouvements. Puis, dans les premiers temps qui avaient suivi son entrée à Nancy, le Prince avait pris contact indi- rect avec les alliés : le baron de Vitrolles, arrivant de Troyes, de Bar-sur-Seine et de Bar-sur-Aube, après avoir reçu tour à tour les confidences de l'Empereur de Russie, de Metter- nich, de Castlereagh et de Nesselrode, était venu, comme il le dit lui-même avec plus de fougue que de modestie dans ses curieux Mémoires, lui apporter un royaume. Le Comte d'Artois pouvait donc attendre sans trop d’impatience les ré- sultats de la mission de M. de Wildermeth, au milieu des espérances que lui avait fait concevoir celle de M. de Vi- trolles. | rupture du congrès de Châtillon ? On se rappelle que ses lettres de créance étaient délivrées sur le prmce de Metter- nich, et l’histoire constate qu'après la délibération du grand NC DL Mais où était et que faisait M. de Wildermeth depuis la is PT LIN SE RES TE PT et SL NT re PET Ee Ru — 9241 — conseil de guerre de Bar-sur-Aube, où fut arrêtée chez les alliés la résolution de marcher rapidement sur Paris, PEm- pereur d'Autriche et son premier ministre, laissant carte blanche à l'Empereur Alexandre avide de jouer un rôle en vue dans la capitale de la France, vinrent s'établir à Dijon : tout naturellement Wildermeth les y suivit, pour reprendre les entretiens de Bar-sur-Seine et arriver à une conclusion au sujet de la restauration des Bourbons. À Bar-sur-Aube, Metternich avait dit, sous toutes les formes, qu'il ne se prononcerait en faveur des Bourbons qu'autant qu'il y serait encouragé par le peuple français lui- même. Or, le 27 mars, vingt-quatre heures après son arrivée à Dion, le chancelier d'Autriche y recevait deux nouvelles appelées à exercer une certaine influence sur son esprit. Le Comte d'Artois n’était plus sous séquestre à Vesoul; il avait réussi à s'installer au cœur de la Lorraine, au centre d’un groupe chaque jour grossissant d'amis fidèles et de partisans actifs. Bien plus, le Duc d'Angoulême, à l'ombre du drapeau anglais, ou tout au moins grâce aux complaisances de Wel- hington, avait fait acclamer, le 142 mars, sa personne et la cocarde blanche par la municipalité et la population de Bor- deaux, et ce coup de théâtre n’assurait rien moins aux Bour- bons, d’après la rumeur générale, que le concours politique de toutes les populations du midi de la France. Alors Metternich crut le moment venu de laisser tomber tous ses scrupules, et il ne refusa pas plus longtemps aux Bourbons le gage officiel de protection qu’ils réclamaient de lui. Entouré de lord Castlereagh et du prince de Hardenberg, qui étaient venus le rejoindre dans l’ancienne capitale de la Bourgogne, le chancelier d'Autriche consentit à adresser un message au Comte d'Artois, en réponse aux propositions et aux démarches de son envoyé. Le texte de ce précieux document manque jusqu’iei à l’his- toire; mais Wildermeth, qui avait assisté à sa rédaction, l’a résumé avec une fidélité contre laquelle aucun doute raï- — 18 — sonnable ne peut s'élever. L'Europe, selon Metternich, était prête à appuyer le rétablissement des Bourbons ; toutefois elle y mettait quatre conditions : en premier lieu, Louis XVIII serait un roi constitutionnel, ensuite 1l ratifierait la vente des biens nationaux, puis le libre exercice des cultes serait con- firmé, enfin les situations des fonctionnaires seraient main- tenues ainsi que la dette publique. Le 31 mars, Wildermeth, accompagné du comte de Bom- belles, attaché à la chancellerie du prince de Metternich, se mettait en route pour Nancy, porteur de la lettre officielle dont il vient d’être question. L’agent du Comte d'Artois avait réussi dans sa mission ; mais il faut convenir que les événe- ments lui avaient témoigné plus de bon vouloir que les hommes, et qu’il avait tiré meilleur parti de la coïncidence des choses que de l’habileté de sa diplomatie. | Société d'Émulation du Doubs. = à % Développement en grandeur réelle de la panse du vase | Email blanc sur verre violet. | CÉRÉMONIE PRIAPIQUE REPRÉSENL Reduction de l'ensemble du vase SUR UN VASE ROMAIN TROUVÉ À BESANCON. LE VASE PRIAPIQUE EN VERRE DU MUSÉE DE BESANCON DESSINÉ PAR DÉCRIT PAR M. Alfred VAISSIER M. Auguste CASTAN CONSERVATEUR ADJOINT CORRESPONDANT DE L'INSTITUT du Musée des antiquités de Besançon. (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres). Séance du 15 décembre 1886. Le vieux sol de Vesontio vient de restituer à la ville mo- derne de Besançon la majeure parte d’un vase en verre à deux couches, de style gréco-romain, qui semble dater du premier siècle de notre ère. Ce vase, qui appartient à la catégorie de ceux que les Grecs appelaient Œnochoëé, est en verre d’un violet très foncé, sur lequel ressort, avec un faible relief, un « décor en verre opaque blanc, travaillé à la facon des camées. On admet généralement que le procédé technique est celui du verre doublé, ce qui laisserait supposer que toute la surface (violette) aurait été revêtue à chaud d’une couche de verre blanc opaque dans laquelle on a ciselé la composition, après quoi on aurait usé la couverte dans les fonds jusqu’à la ren- contre du verre (violet), qu'on aurait enfin poli pour lui rendre son aspect primitif () », C’est le procédé que Pline assimile à la ciselure des vases d'argent (argenti modo cæ- latur (2), et que Quintilien appelle sculptura vitri @). La formule de construction du vase est celle d’un œuf qui aurait sa pointe engagée dans une moulure annulaire lui ser- rer rennens (4) GERSPACH, L'Art de la verrerie, 1885, p. 54. @} Hist. nat., lib. XXXVI, LxvI. (8) Lib. IT, xxr, 9. N — 950 — vant de pied, et dont l’autre bout serait déprimé pour fournir la base de l'ajustement d’un col. Depuis le dessous du pied jusqu’à la naissance de ce col, le vase mesure quatorze centimètres : la hauteur totale, quand le col existait en entier, devait être de vingt-trois cen- timètres ; les figurines qui décorent la panse ont huit centi- mètres comme plus grande hauteur. L’épaisseur du verre est de trois millimètres à la panse du vase; elle atteint un centimètre au renforcement qui précède la naissance du col. Apprécié par transparence, ce verre est parfaitement homo- gène, et lesplans de l’anse, ainsi que ceux du col, ont des arêtes franches qui accusent le travail de la meule. De ce vase, brisé d’ancienne date, nous ne possédons que d'importants fragments, c’est-à-dire quelques amorces du col, sept centimètres de la tige de l’anse, environ les deux tiers de la panse, plus un morceau de la moulure annulaire du pied. Le point de jonction de l’anse avec le corps du vase est marqué par un petit tiret auquel se rattachent, en sens op- posé, deux feuilles d'ornement : l’une, qui est élancée, s’al- longe sur le dos de l’anse ; l’autre retombe comme une langue dont le bout serait retroussé. Cefretroussis domine un mas- caron qui représente un visage féminin vu de face et entouré d’une chevelure, dont les deux parties ondées se rejoignent sous le menton en y formant un nœud : si des serpents étaient associés à cette chevelure, on dirait une tête placide de Méduse. Les personnages qui entourent la panse du vase accom- plissent une cérémonie en l’honneur de Priape, le dieu de la Fécondité. Ces fêtes étaient appelées Priapées. Le terrain sur lequel se passe la scène est une zône rocheuse, à trois rangs de blocs muraillés, faisant le tour du vase vers le bas de sa panse. Sur ce terrain, à côté du mascaron que nous avons décrit, un vieux laurier, très écoté, se dresse. Sous l’une des branches qui porte un rameau feuillé, un Faune — 951 — nu, à musculature puissante, ayant les oreilles pointues et une petite queue frisée au bas du dos, est vu de profil, tour- nant le dos à l’arbre et plongeant le bas de son visage dans une Jjatte que tiennent les doigts écartés de sa main gauche, tandis que de sa main droite 1l montre le ciel à un enfant nu, placé devant lui, qui se hausse sur la pointe des pieds, en élevant les deux mains pour avoir sa part du breuvage : ce petit être a de longs cheveux qui lui cachent les oreilles ; le bas de son dos est pourvu de la queue des Faunes,. Derrière cet enfant et en face du Faune qui boit, le dieu en l'honneur duquel cette consommation s’accomplit, c’est- à-dire Priape, est représenté à mi-corps, ajusté sur une gaine de cariatide, qui elle-même a un piédestal pour soubasse- ment. Priape a le front proéminant, le nez arqué, les oreilles et la barbe pointues : il est vêtu d’une chemise sans man- ches, dont il retrousse la partie inférieure avec les deux der- niers doigts de sa main gauche pendante. Son phallus énorme est en érection, et son bras droit tient un cornet braqué en regard de ce membre viril. _ Derrière le dieu, un petit autel se profile au pied d’une colonne qui supporte la statuette d’une divinité féminine, privée de ses bras, vêtue de deux tuniques superposées et serrées à la taille. La colonne sert d'appui à un long thyrse, posé diagonalement, ayant sa hampe décorée d’une écharpe et sa pomme de pin dirigée presque contre la nuque de Priape. Au pied de la colonne une torche flamboyante, oblique- ment renversée vers le sol, semble destinée à allumer le petit autel qui en est voisin. Cette torche était tenue par une prêé- tresse dont il ne nous reste que le bas d’une tunique talaire à plis serrés, Immédiatement à la suite de ce vestige de figure, un se- cond arbre, également vieux, a son feuillage disposé en plu- mets, ce qui le fait reconnaître pour un pin. En avant de cet arbre est une table dont les trois pieds ont individuellement 20 la forme d’une cuisse de bouc. Sur cette table, un pot de fleurs est accosté d’un vase à deux anses et d’une jatte. De- bout, en regard de la table, un second Faune, nu, jeune et très vigoureux, tient dans sa main droite le pied d’une massue qui se recourbe en avant, tandis que sa main gauche entoure d’une bandelette à cordons la tête de cet instrument. On n’ignore pas que la massue était l’un des attributs de Priape, en tant que protecteur des jardins, parce qu’elle ser- vait à assommer les voleurs qui s’introduisaient dans la pro- priété d'autrui. Par le fait d’une cassure verticale qui a fendu le vase de haut en bas, nous n'avons plus que la moitié antérieure du corps de ce second Faune. Entre le dos disparu de cette figure et le deuxième côté (joue droite) du mascaron féminin placé au bas de l’anse du vase, l’espace actuellement vide est de neuf centimètres. Get espace était certainement rem- pli, soit par un troisième arbre, soit par une figure complé- mentaire de la Priapée. | Ces figures décoratives sont du meilleur stvle, et la délica- tesse savante de leur modelé fait songer aux plus beaux ca- mées du temps d'Auguste. Les vases de verre ainsi décorés étaient, à l’époque ro- maine, des objets du plus grand luxe. Dans le petüt nombre de ceux qui subsistent, deux sont universellement connus : celui qui provient d’un tombeau de la campagne romaine et a pris rang au Musée Britannique, sous le nom de Vase de Portland (); celui qui s'appelle, au Musée de Naples, le Vase de la Vendange @) et avait été trouvé à Pompéi, rempli des cendres et des ossements d’un mort. « Les vases de Portland et de la Vendange », a dit M. Gers- ——- (4) Sur le Vase de Porland, voyez : Magasin pittoresque, 1835, pp. 20%-205, 372; DEVILLE, Histoire de la verrerie dans l’antiquité, pp. 72- 7%, pl. LXXXVI-LXXX VII; GARNIER, Histoire de la verrerie et de l’émaillerie. pp. 35-36. (2) Sur le Vase de la Vendange, voyez : DEVILLE, pp. 20-21, pl. X-XI; CT | al 0 — pach, «autant par l'élégance et le style de la composition que par le travail de lPartiste, sont des œuvres d'art d’un ordre élevé; ils constituent l'apogée, non-seulement de la verrerie antique, mais de la verrerie de toutes les époques et de tous les pays () ». Si le vase de Besançon était intact, il pourrait soutenir la comparaison avec les deux urnes célèbres que je viens de mentionner. Les fragments de ce vase ont été trouvés, au mois de sep- tembre 1886, dans un creusage fait pour asseoir les fonda- tions de l’immeuble qui se construit, aux frais de M. le dé- puté Daniel Wilson, vers l’extrémité orientale de la presqu'ile de Besançon. Ce terrain, dans lequel une rue vient d’être percée, était le jardin d’uh ancien couvent d’Annonciades. On n’y a trouvé aucune substruction romaine : de sorte qu'il est présumable que le vase, déjà fracturé, y était venu avec des terres rapportées d’un autre quartier de la ville, peut- être de l’ancien Champ de Mars, aujourd’hui Chamars, où un riche cimetière du premier siècle de notre ère avait existé (2. En rajustant ces fragments avec son habileté ordi- naire, M. Alfred Vaissier, conservateur adjoint du Musée des antiquités de Besançon, a d’ailleurs observé que les princi- pales cassures du vase avaient leurs bords irisés et qu’elles indiquaient ainsi que l’objet avait fait depuis sa fracture un séjour prolongé dans le sol. Un seul petit éclat paraitrait devoir être imputé à la pioche des terrassiers modernes. Il est donc à croire que la recherche des fragments qui nous manquent aurait été sans résultat. Domenico Monaco, Guide général du Musée national de Naples, n° 13.521, 4e édit. 188%, pp. 110-111 ; Jules MaArTHA, Manuel d'archéologie étrusque et romaine, p. 287 ; GARNIER, p. 37. (1) GERSPACH, L'Art de la verrerie, p. 58. (2) A. Casran, Le Champ de Mars de Vesontio, dans la Revue archéo- logique et dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, ann, 1869, : — 954 — | Cest grâce à l’intelligente sollicitude de M. l'architecte Gustave Vieille que les fragments qui nous restent ont été. réunis, et que leur propriétaire, M. le député Wilson, a pu les offrir, avec un empressement dont nous ne saurions trop le remercier, au Musée des antiquités de la ville de Besan- Con. NOUVELLE INTERPRÉTATION DE LA THÉORIE DES MARÉES M. E. MINARY eee Séance du 13 février 1886. PREMIÈRE PARTIE DÉFINITION DES MARÉES. Les populations qui habitent le littoral de l’Océan et celui de toutes les grandes mers sont témoins chaque jour, deux fois, d’un spectacle majestueux et imposant, c’est celui de la marée. Sous l'influence d’une force irrésistible et cachée, les eaux de l'Océan, à un intervalle régulier et périodique de 12 heures 25 minutes, se soulèvent, montent, et envahis- sant les plages basses, refoulant le courant des fleuves, remplissant les ports, étalent leur niveau élevé : c’est le flux; à ce moment, le mouvement ascendant et l’agitation des eaux ayant cessé, le flot a disparu, le calme s’est fait, c’est l'heure de la pleine mer. Peu après, cependant, le niveau s’abaisse, le mouvement de décroissance s’accentue, l’agitation reparaît, le flot se reforme, c’est le reflux. Peu à peu le niveau fort abaissé redevient stationnaire, les plages précédemment inondées sont abandonnées par les eaux, et une nouvelle période de calme se produit ; les navires qui, quelques heures avant se balançaient gracieuse- ment dans les ports, ont baissé par la retraite de la mer, ils reposent maintenant immobiles sur le fond vaseux des bassins, et leurs positions inclinées, ainsi que leurs mâtures penchées montrent que c’est à la solidité de leurs amarres qu'ils doivent la conservation de leur stabilité : c’est l'heure de la basse mer. 17] — 958 — La période du flux est généralement plus courte que celle du reflux, les eaux mettent plus de temps à descendre qu’à monter, de sorte que lheure de la pleine mer ne partage pas exactement en deux parties égales la période de 12 heures 25 minutes qui correspond au double mouvement des eaux d’une marée ; toutefois cette différence n’est pas la même pour les divers points du littoral. Le phénomène des marées n’a d’ailleurs de régulier que la durée de sa période entière, qui est invariablement de 12 heures 25, quant à son intensité, c’est-à-dire à sa grandeur, elle varie suivant les lieux et les époques où le phénomène se produit, ainsi que nous le verrons plus loin. Mais dans quelque mesure qu’il se produise, ce phéno- mène n’en est pas moins, par sa grandeur et sa puissance, un spectacle imposant qui impressionne vivement lPimagi- nation. Quelle est la cause de ce grand phénomène ? Quelle est la nature de cette force invisible, immense, qui soulève ainsi deux fois par jour la masse énorme des eaux de la mer? Cest ce que nous nous proposons d'étudier et d'exposer dans cette note en nous efforçant de rendre compréhensible pour tous les lecteurs, le jeu, le mécanisme de ce phéno- mène. Les peuples de l'antiquité, presque tous groupés autour des mers intérieures ou dans l’intérieur des continents, ne commencèrent à connaître le phénomène des marées que lorsque les armées d’Alexandre atteignirent la mer des Indes, et beaucoup plus tard quand les Romains, après la conquête de la Gaule, s’arrêtèrent sur les rives de Océan Atlantique. La simple observation de la périodicité du phénomène et sa concordance à un retard près et constant de 36 heures environ avec les passages de la Lune au méridien suflirent pour faire reconnaître une relation entre les mouvements de la mer et ceux de notre satellite. : De nouvelles observations poursuivies pendant un long F PÉTER SN CRE b ad did at it RE DT oh jt ps dé Eu espace de temps fireni découvrir encore une nouvelle rela- tion de ces mouvements de la mer avec les passages du Soleil au méridien ; on fut ainsi conduit à reconnaître l’exis- tence de marées solaires, comme précédemment on avait reconnu les marées lunaires ; mais en même temps on püt se convaincre que cette dernière était près de trois fois plus grande que l’autre et par suite, que l’action lunaire principa- lement déterminait la production de la marée, l’action so- laire n'ayant pour effet que d'augmenter ou de réduire amplitude du phénomène, d’avaneer ou de retarder l'heure à laquelle il devait avoir lieu, suivant les positions rela- tives de ces deux astres à l'égard de la terre et vis-à-vis l’un de l’autre. Mais comment s’exerçait cette action ? Par quel moyen, par quel lien invisible mais réel, la Lune et le Soleil trans- mettaient-ils cette action aux eaux de la mer ? Les anciens ne l’ont jamais su; cette action est restée pour eux mystérieuse, inexplicable, ils durent se borner à une simple constatation du phénomène. _ La découverte de l'attraction universelle par Newton en 1666-1682, découverte d’une portée immense, avait été pres- sentie déjà depuis longtemps par quelques savants d'élite : parmi les anciens Anaxagore, Epicure, Plutarque; dans le xve siècle (1473 à 1546) Copernic ; Bacon au xvi® siècle a prononcé le mot attraction, Galilée et enfin Kook qui à cher- ché, sans la découvrir, la loi de l'attraction, mais aucun d'eux n'avait réussi à la préciser, ni à la démontrer. L’at- traction vint montrer le lien qui rattache entre eux tous les astres de l’univers, les assujettit réciproquement à une cer- taine dépendance, et, enfin fit saisir le moyen par lequel le Soleil et la lune exercent une influence sur tous les corps terrestres et notamment sur les eaux de la mer, dont les masses en équilibre à la surface du globe sont particubèré- ment dans des conditions favorables à la manifestation de cette influence. (A — 60 — L’immortel Newton découvrit donc que tous les atomes de la matière s’attirent réciproquement dans la nature, et que la résultante de toutes ces attractions sur notre globe était cette force que l’on désigne sous le nom de pesanteur. Il donna à cette propriété générale de la matière le nom d’at- traction universelle ou de gravitation. Il découvrit aussi la loi qui la régit, et c’est dans le mou- vement de la Lune autour de la Terre qu’il trouva la preuve de ses prévisions. C’est d’après le mouvement de notre sa- tellite qu’il put formuler ainsi cette loi : L’attraction est en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances. On doit au célèbre auteur de la mécanique céleste, à l’il- lustre astronome Laplace, la méthode de calcul et la for- mule au moyen de laquelle on peut déterminer à l’avance, et pour tous les ports, l'heure et la grandeur de la marée pour une époque quelconque. Le bureau des longitudes, chargé de ce soin, publie chaque année dans son Annuaire et dans la Connaissance des temps, trois ans d'avance les heures précises et les hauteurs des marées dans un grand nombre de ports, pour tous les jours de l’année, La précision de ces indications et l'exactitude avec les- quelles elles concordent avec les phénomènes observés, prouvent la justesse de la méthode et la certitude de la théo- rie mathématique établie. Mais combien peu de personnes sont aptes à comprendre et à suivre cette théorie transcendante, abstraite, accessible seulement aux intelligences d'élite, fortement initiées à ces hautes et difficiles études. Le langage mathématique, de même que ses artifices in- génieux et savants, sont absolument incompréhensibles au très grand nombre et, exiger d’un homme intelligent mais étranger aux mathématiques de croire sur parole aux for- mules qu’il ne comprend pas, c’est exiger de lui un acte de — 9261 — foi peu compatible avec les allures indépendantes et libérales _ d’un esprit cultivé. D'ailleurs, toute vérité qui trouve son expression dans le langage des mathématiciens, doit aussi pouvoir être exprimée dans le langage ordinaire ; un raisonnement logique doit pouvoir suivre parallèlement le raisonnement mathématique, celui-ci ayant sur celui-là l’avantage de donner la mesure des grandeurs et des rapports qui existent entre les divers élé- ments de la question, entre les causes et les effets; mais, à cela près, des déductions logiques et rationnelles analogues doivent être tirées et doivent ressortir des deux modes de raisonnement. La vue d’un grand phénomène de la nature, comme celui des marées, éveille dans l’esprit de tous ceux qui sont admis à le contempler, un désir de savoir, de con- naître la cause qui produit les effets si émouvants que l’on a sous les yeux. La nature de l’homme est ainsi: qu'il ne lui suffit pas de voir, mais qu’il lui importe bien davantage de savoir le pourquoi et le comment. Pour l'esprit humain, c’est une déception profonde et pé- nible que d’être témoin d’un phénomène naturel et de ne pouvoir en pénétrer la cause. Nous allons donc essayer de traduire cette théorie en lan- gage ordinaire, c’est-à-dire que nous allons indiquer les causes du phénomène, en expliquer le jeu et montrer que le mouvement des eaux des mers n’est que la conséquence na- turelle, l'effet immédiat de ces causes et de leur mode d’ac- ‘tion. Ce que nous nous proposons est surtout une explication simple, claire, compréhensible, n’exigeant que les lumières du bon sens et non celle d’une culture intellectuelle avancée et scientifique qui n’est, jusqu'ici, que l’apanage d’un très petit nombre. On n’est certes pas venu jusqu’à ce jour sans donner de ce phénomène une théorie à l’usage du monde, comme celle que nous nous proposons d'exposer. — 9262 — Dès que la théorie mathématique a été faite, on a voulu sa- tisfaire la curiosité du publie à cet endroit, on a senti la né- cessité, le devoir, de lui donner une interprétation, une tra- duction en langage ordinaire, afin de vulgariser cette admi- rable étude, d’exciter l’admiration des masses pour la puis- sance d'investigation des sciences mathématiques et la pré- cision de ses déductions, enfin pour établir ainsi l’autorité de la science sur la base incontestable de sa supériorité et de sa certitude. Mais a-t-on réussi ? Ce but a-t-il été atteint ? C’est au lecteur qu’il appartient de répondre à cette ques- tion. Voici l'interprétation qui a été donnée de la théorie des marées et que j'emprunte à lasironomie populaire de François Arago, page 106, 25e ligne. | « Le grand Newton fit jaillir la lumière de cet aperçu de. Képler en rattachant le premier le flux et le reflux des eaux de la mer à la théorie de l'attraction universelle. Newton considéra la mer comme un fluide de même densité que la terre, il supposa qu'il la recouvre complètement et alors il montra que ce fluide doit prendre sous l’action du Soleil la figure d’un ellipsoide dont le grand axe est dirigé constam- ‘ment vers l’astre radieux ; la plus grande hauteur de la mer dans chaque port, le Soleil étant supposé à lPéquateur, doit arriver à midi et à minuit, le plus grand abaissement des eaux ‘doit avoir lieu au lever et au coucher de cet astre. » (Ce qui veut dire incontestablement que sous l’action du soleil, la mer prenant la forme d’un ellipsoide, il y a haute mer à chaque extrémité du grand äxe à midi et à minuit, et. basse mer à chaque extrémité du petit axe, soit à 6 heures du matin et 6 heures du soir; mais comme le niveau des eaux se rapporte à la surface du noyau solide de la terre qui reste invariable, il faut nécessairement que le miheu du grand axe de l’ellipsoïde coïncide avec le centre terrestre CE n’est qu'’ainsi que les quatre marées pourront se produire.) « Il est facile de se rendre compte de cette action: Sile — 263 — Soleil animait de forces égales et parallèles les molécules de . la mer, le globe tout entier et les eaux quile recouvrent obéi- raient à ces forces, d’un mouvement commun, et l’équilibre de l’Océan ne serait point troublé. Mais il n’en est pas ainsi : une molécule de la mer placée en conjonction par rapport au Soleil et au centre de la Terre, est plus attirée que le centre de notre globe par le Soleil ; sa pesanteur à la surface ter- restre en est ainsi diminuée ; un demi-jour après, cette mo- lécule se trouve en opposition avec le Soleil qui l’attire alors plus faiblement, et la force qui attache la molécule à la sur- : face de la Terre est encore diminuée par l'attraction solaire ; à cause de la grande distance du Soleil à la Terre, relative- ment au rayon terrestre, la diminution de la pesanteur dans les deux cas est à peu près la même. L'action de la Lune sur la mer y produit un ellipsoïde semblable à celui que produit l'action du Soleil, mais il est plus allongé parce que l’action lunaire est plus puissante etc., etc. » Plus loin, page 108, au bas de la page, on lit encore : _ « La théorie des marées donnée par Newton avait besoin d’être perfectionnée pour tenir compte de toutes ces circons- tances. Les plus illustres géomètres s’occupèrent tour à _ tour de cette importante question. Daniel Bernouilli, Euler, Maclauvin, d’Alembert, concoururent à vaincre les difficultés que présentait le mouvement des fluides ; Laplace acheva d’en donner la véritable solution et il montra que des obser- vations attentives, faites en chaque lieu, pendant quelques années, combinées avec les résultats de la théorie, permet- taient de prédire presque toutes les circonstances des marées longtemps à l’avance avec une certitude mathématique. » Mais si cette théorie, bien qu’en réalité inexacte, paraît expliquer d’une manière satisfaisante la première partie du phénomène, celle qui concerne les marées directes, c’est-à- dire. celles qui se produisent dans les lieux sur le méridien desquels se trouvent la Lune et le Soleil, il n’en est pas de même de la deuxième partie de ce phénomène, car pour — 964 — celle-ci qui concerne les marées diamétralement opposées aux premières et qui se produisent simultanément de l’autre côté du globe, cette théorie est de tous points inexacte et inadmis- sible. Elle omet en effet de faire intervenir la principale force qui concourt à la production du phénomène de ce côté, et y substitue une hypothèse dont la condition essentielle n'étant jamais réalisée, ne peut évidemment avoir aucun effet, ce qui lui enlève toute valeur explicative. Aussi cette théorie laisse-t-elle dans l’esprit de toutes les personnes qui l’é- tudient sérieusement, une obscurité complète, d’où résultent une profonde incertitude, un doute invincible. Cependant, grâce à la grande et incontestable autorité des illustres savants, auteurs de cette théorie qui date dèjà de loin, comme on le voit, elle a été admise par tous, et depuis son apparition elle est enseignée dans les cours, et est repro- duite dans tous les traités de cosmographie ; elle est expli- quée et représentée par un beau dessin dans le livre intitu- tulé Le Ciel, de M. Amédée Guillemin ; enfin on en retrou- vera une explication détaillée dans l’Annuaire du bureau des longitudes pour 1868. Nous allons reproduire cette notice de l'Annuaire et la note additionnelle qui l'accompagne. « En passant en revue, comme nous le faisons, les prin- cipales conséquences auxquelles donne lieu pour nous la présence de la Lune à une si petite distance de la Terre, nous ne pouvons nous dispenser de dire un mot du phénomène des marées qui est dû en grande partie à l’action de cet astre voisin sur les eaux de l’Océan. Si la Terre était un corps entièrement solide, elle céderait tout d’une pièce à l’attraction que la Lune exerce sur ses diverses parties, sans qu'il en résultât la moindre altération dans sa forme. Mais il n’en est pas ainsi, la surface de la Terre est recouverte en partie par les eaux de la mer qui, en raison de leur fluidité, peuvent facilement se mouvoir sur cette surface, sous l’action des Ce ER er er } — 265 — forces qui leur sont directement appliquées. Or les diverses parties de ces eaux répandues tout autour du globe terrestre et par conséquent placées à d’inégales distances de la Lune, ne sont pas également attirées par elle. Dans la région de la surface du globe qui est tournée du côté de la Lune, les eaux de la mer sont plus fortement attirées que la partie solide de la Terre considérée dans son ensemble; dans la région opposée, les eaux de la mer sont au contraire moins fortement attirées que cette partie solide, il en résulte que les eaux situées du côté de la Lune sont portées vers elle par suite de cet excès d'attraction, et que du côté opposé de la Terre, les eaux tendent à rester en arrière, relativement à la masse du globe qui est plus fortement attirée qu’elles. En conséquence, les eaux viennent s’accumuler du côté de la Lune et y forment une proéminence qui n’existerait pas sans la présence de cet astre; de même elles s'accumulent du côté opposé à la Lune et y forment une proéminence pareille. Joignez à cela que la Terre, en vertu de son mouvement de rotation sur elle-même, amène successivement les diverses parties de son contour dans la direction de la Lune, ce qui fait que les deux protubérances liquides dont nous venons de parler, pour occuper toujours la même position par rap- por t à la Lune, changent continuellement de place sur la surface du globe terrestre ; et vous verrez qu’en un même point de cette surface, en un même port, on doit observer successivement deux hautes mers et par conséquent aussi deux basses mers pendant que la Terre fait un tour relative- ment à la Lune, c’est-à-dire en 24 heures 49 minutes. Le Soleil produit un effet analogue sur les eaux de la mer; mais la masse énorme de cel astre est plus que compensée par la grande distance à laquelle il se trouve de la Terre; de sorte qu’en définitive la marée due à l’action du Soleil est beaucoup plus faible que celle dont nous venons de parler et qui est due à Paction de la Lune. Le phénomène, dans son allure générale, se règle donc sur la position de la Lune par rapport — 966 — à la Terre ; l’action du Soleil ne fait que le modifier, tantôt en avançant, tantôt en retardant l'heure de la pleine mer, tantôt en augmentant, tantôt en diminuant l'intensité du phénomène, suivant que le Soleil occupe dans le ciel telle ou telle position par rapport à la Lune ». Telle est la théorie en vogue et vulgarisée partout, nous _allons l’examiner. in Nous ferons remarquer d’abord que cette théorie n’expli- que absolument que la production des marées du côté de la Lune et du Soleil, théorie qui d’ailleurs se comprend sans effort, mais elle n’explique pas la production des marées du côté opposé. Cette idée de l’Océan restant en arrière du globe terrestre paraît étrange, son invraisemblance frappe l'esprit, tant elle paraît peu naturelle, elle ne saurait donc être admise sur une simple énonciation. Nous devons dire aussi que, pour plus de simplicité dans Pexplication du phénomène, on admet que lorbite décrit par la Lune est circulaire et non pas elliptique, comme il l’est réellement ; cette hypothèse ne change rien au raisonnement, mais elle le simplifie et le rend plus facile à comprendre. Considérant que cet orbite est circulaire, et que par con- séquent la distance de la Lune à la Terre, qui est considérée comme le rayon de cet orbite, ne varie pas de longueur. Que par suite ces deux astres restent constamment à la même distance l’un de l’autre, et qu'il n’y a pas de chute réelle de la Terre du côté de la Lune, partant pas de retard. Qu'il ne suffit pas d’une chute fictive pour expliquer un fait matériel physique, tel que le soulèvement des eaux de la mer en sens contraire de l'attraction, lors même qu’on présente l'Océan comme restant en arrière du globe terrestre, qui n’a fait aucun mouvement en avant. L'auteur de la notice a bien senti lui-même linsuffisance de cette théorie pour rendre compte de cette marée opposée à la direction de l’astre atti- rant, il pressent qu'il ne sera pas compris, il se croit obligé d'y revenir et d’insister sur ce point. Nous allons reproduire io la note F qu'il a cru nécessaire d'ajouter à la précédente notice, puis nous discuterons tous ces documents, nous montrerons les erreurs qu'ils renferment ainsi que les inexactitudes sur lesquelles elles sont étayées. - Note F relative à la page 467 de la notice de l'Annuaire du Bureau des longitudes pour 1868 : « On éprouve souvent une grande difficulté à se rendre bien compte de la manière dont la Lune oceasionne le phé- nomène des marées. On conçoit bien sans aucune peine que les eaux de l'Océan, attirées par la Lune, se soulèvent et forment une pleine mer sur la partie du globe qui est tour- née du côté de notre satellite ; mais ce qu’on ne conçoit pus aussi bien, c’est que sous cette action attractive de la Lune, les eaux se soulèvent de même pour former une autre pleine mer du côté du globe qui est diamétralement opposé au pre- mier, Comme s1 ces eaux étaient repoussées par la Lune au lieu d'être attirées comme les premières. Cette difficulté provient de ce qu’on regarde instinctivement la Terre comme fixe, et les eaux de la mer comme seules libres, en vertu de leur fluidité, de céder à l'attraction de la Lune. S'il en était réellement ainsi, si la masse solide de la Terre était fixe, il est bien vrai que ces eaux tendraient de toutes parts à se rapprocher de la Lune, qu’elles s’accumuleraient sur la par- tie de la surface de la Terre tournée vers son satellite, et abandonneraient au contraire la partie du globe diamétrale- ment opposée. Mais ces idées reposent sur une base erronée. * La Terre n'est pas fixe ; elle est libre aussi bien que les eaux de la mer de céder à l'attraction que sa masse entière éprouve de la part de la Lune ; la Terre, en un mot, tombe à chaque instant vers la Lune, aussi bien que les eaux qui sont réparties sur sa surface. Cest cette chute incessante de la Terre vers la Lune dont il faut tout d’abord se rendre bien compte. | : » Si à un instant donné la Terre et la Lune se trouvaient dépourvues de vitesse dans l’espace, leur attraction mu- 22 — 268 — tuelle les mettrait en mouvement l’une vers l’autre ; elles tomberaient directement l’une sur l’autre et ne tarderaient pas à se rencontrer. » Dans cette chute simultanée, les deux corps ne seraient pas animés de vitesses égales. En vertu du principe de l’é- galité de l’action et de la réaction, la force totale provenant de l'attraction de toutes les parties de la Terre sur la Lune est égale et directement contraire à la force totale provenant de l'attraction de la Lune sur la Terre. Mais deux forces égales, À agissant sur des masses différentes, leur communiquent des 4 vitesses inversement proportionnelles à ces masses. Si l’on ù 1 L admet 30 pour le rapport de la masse de la Lune à celle de hi | la Terre, la vitesse de la Terre serait à chaque instant quatre- vingt fois plus pette que celle de la Lune. À » Ces deux corps tournant l’un autour de l’autre (outre leur mouvement d'ensemble autour du Soleil) en vertu de vitesses de sens contraires dirigées à peu près perpendicu- lairement à la ligne qui les joint; leurs centres décrivent chacun un orbite presque circulaire autour du centre de gravité moyen du système des deux corps, et les rayons des deux orbites sont inversement proportionnels aux masses RASE TE LS ARE SET RS. #5 NME EURE LS eV Mr | de ces corps (rapport de 1 à 80 si l’on admet So Pour la masse de la Lune rapportée à celle de la Terre prise pour unité.) » C’est dans ces mouvements de révolution simultanés de k la Terre et de la Lune autour de leur centre de gravité com- : mun que l’on doit voir une chute incessante de la Terre et de la Lune vers ce point central, et par suite une chute de : ces deux corps l’un vers l’autre. . | » D’après les conditions que présentent les vitesses des deux corps à un instant quelconque, si chacun d’eux conti- nuait à se mouvoir en vertu de sa vitesse seule, c’est-à-dire uniformément et en ligne droite suivant cette vitesse, la dis- # À a Se dé Ee 24 ” |! .-"r3-Epgalie ONE se e — 9269 — tance de ces deux corps irait en augmentant progressive- ment et ils seraient bientôt très loin l’un de l’autre ; s'ils ne s’éloignent pas ainsi indéfiniment, si leur distance reste à peu près la même, c’est que leur attraction mutuelle combat cette tendance naturelle à l'éloignement, en les faisant conti- nuellement tomber l’un vers l’autre. » Ilest bien clair d’après cela que la Terre tombe sans cesse vers la Lune, de même que la Lune tombe vers la Terre. Mais les eaux situées sur les diverses parties de la surface de notre globe, à différentes distances de la Lune, sont atti- rées par elle les unes plus fortement, les autres moins for- tement que la masse de la Terre considérée dans son en- semble. Du côté où se trouve la Lune, elles tendent à tomber plus vite que la masse totale de la Terre, d’où résulte une première protubérance liquide ; du côté opposé elles tendent à tomber moins vite que cette masse totale de la Terre, elles restent en arrière par rapport à elle dans leur chute com- mune vers la Lune, d’où résulte une seconde protubérance liquide diamétralement opposée à la première sur le globe terrestre. » Toute l'argumentation de cette note F, ainsi que celle de la notice à laquelle elle sert de complément, repose entièrement sur l’idée de la chute incessante du globe terrestre dans la direction de la Lune, ainsi que sur la lenteur des eaux à suivre ce mouvement : or si nous démontrons que dans le cas même où cette chute serait bien réelle, bien effective, que cette chute aurait lieu avec la plus grande vitesse qu’il plaira d'imaginer, cet effet de retard des eaux ne pourrait absolument pas se produire, nous aurons incontestablement ruiné tout le système de raisonnement si péniblement écha- faudé pour expliquer les marées qui se produisent simulta- nément aux antipodes des premières. | Nous allons faire cette démonstration. Déterminons d’abord quelle est la forme d'équilibre de la masse liquide des eaux recouvrant le globe terrestre, que » - AL (RE px FT RE he RS LUE & en = > L — 9210 — nous supposons immobile dans l’espace et subissant l'in- fluence attractive de son satellite la Lune. HE Le vice de l'argumentation de Ja notice est de faire abs- traction de la pesanteur terrestre et de considérer la masse d’eau du côté de la lune, la Terre et la masse d’eau du côté. opposé, comme trois corps indépendants l’un de l’autre qui, obéissant inégalement à l'attraction continue de la Lune, prennent chacun un mouvement accéléré dont l’effet certain serait d'accroître leurs distances primitives. Or ce n’est pas ainsi qu'il faut les considérer ; la pesanteur à la surface ter- restre, près de trois cent mille fois plus forte que l’attrac-. tion lunaire, ne peut être négligée et mise de côté; ce que l’on doit chercher d’abord, c’est la condition d'équilibre de toutes les molécules mobiles à la surface terrestre, sous Paction simultanée de toutes les forces existantes. Pour déterminer cette condition et trouver la forme qui corres- pond à cet état d'équilibre, il faut donc tenir compte de toutes les forces qui sollicitent les corps mobiles à la surface de la Terre dont la principale est la pesanteur. 51 l'attraction lunaire n’existait pas, les eaux répandues à la surface du globe ne seraient soumises qu’à l'attraction d’une seule force.qui est la pesanteur et dont la direction est celle du rayon terrestre en chaque lieu. Pour que la con- dition d'équilibre existe dans ce cas, il faut que tous les points de la surface liquide soient exactement à la même distance du centre terrestre ou d'attraction, car alors seu- lement, la pesanteur à la surface sera uniforme, les molé- cules s’équilibreront et la surface des eaux affectera la forme sphérique. Il est inutile d’insister sur ce point évident par lui-même. Faisons intervenir une force extérieure, telle que Pattrac-. ton de la Lune. | Sous cette influence, les conditions d'équilibre changent; les molécules de la surface liquide ne sont plus sollicitées seulement par une force unique, mais par deux, et comme — 271 — lumeésde/ces lorces, la pesanteur, a toujours pour direction le centre terrestre, tandis que l’autre a une direction exté- rieure unique, il en résulte que ces forces se composent entre elles pour donner à la surface des eaux une forme et une disposition différente de la première. Pour mieux faire comprendre cette condition d'équilibre, nous aurons recours à la figure ci-après : Pré. 1. © Soit T le centre du globe terrestre, dont le noyau solide est représenté par la circonférence de rayon T m ; la surface de la couche liquide qui le recouvre est indiquée par la cir- conférence de rayon T b. Soit L la lune située à la distance de 60 rayons terrestres. Dans l’hypothèse de l’état de repos et d'isolement du globe terrestre, dans l’espace dont nous avons parlé, la sur- face des eaux, comme nous l’avons dit, affecte la forme sphérique. En effet, les molécules a bd «a b” sont toutes soumises à l’action de la pesanteur que nous représentons par g et dont la direction dans tous les points de la circonférence est le centre de la terre T; cette force est égale pour tous les points situés à une égale distance de ce centre, les molé- cules de la surface ne seront donc en équilibre qu'autant qu’elles seront situées sur une même surface sphérique, qui ‘est la seule où cette condition soit réalisée. Faisons intervenir maintenant l'attraction extérieure de la — 9279 — Lune dont la direction moyenne pour tous les points de la terre est de T en L. La molécule a située à la surface liquide et sur le prolongement de la ligne T L subit à la fois l’action de la pesanteur terrestre g plus celle de l'attraction lunaire que nous représentons par g. Ces deux forces ayant la même direction s'ajoutent l’une à l’autre, et leur résultante est g +g. La molécule & diamétralement opposée à la première située par conséquent du côté de la Lune et sur la même ligne, subit à la fois l’action de la pesanteur g dans la direc- tion de a T et celle de l'attraction lunaire g dans la direction de Ta L, c’est-à-dire en sens opposé. Ces deux forces agis- sant en sens contraire, la plus faible est à déduire de la plus forte, et la molécule « est sollicitée dans la direction du centre terrestre par la résultante g — g.. Il suit de là que les conditions de l’équilibre sont chan- gées, les molécules superposées en a sur toute l'épaisseur de la couche fluide, étant attirées sur le centre terrestre par une force —g—+g sont plus pesantes que celles soumises seulement à la force g' comme en b et b’, Elles sont alors comme si leur densité était plus grande et il faudra une hauteur moins grande de liquide pour faire équilibre aux couches soumises à la seule force g en b et b. Il y aura donc abaissement de la surface de ce côté, en a (suivant la circonférence ponctuée). Les molécules superposées en «' n’étant au contraire solli- citées du côté du centre terrestre que par la résultante g— g" seront moins pesantes, ce sera comme si la densité de ces molécules était diminuée, et il en faudra une plus grande hauteur pour faire équilibre aux couches soumises à la force centripète g. Il y aura donc exhaussement et on aura la valeur g +g'>g—9g,cest-à-dire la pesanteur des eaux plus grande en «a et plus faible en «’, le niveau sera donc affaissé en a et exhaussé en «' (suivant la circonférence ponctuée); la valeur de cet exhaussement comparée à l’abaissement du — 273 — niveau en « sera de (g +q) attractive lunaire (). La forme d'équilibre ne sera donc pas celle que l’on pré- tend, c’est-à-dire une sphère ayant une protubérance de chaque côté, mais bien celle d’une sphère déformée par une protubérance du côté de la Lune et par une dépression de la surface du côté opposé. Pour parler plus exactement, le périmètre de cette figure est une section conique et la forme générale, celle d’un ellipsoïde. Telle sera la forme d'équilibre de la masse des eaux à la surface terrestre sous l’action combinée de la pesanteur et de l'attraction lunaire; elle est loin d'offrir les deux protubé- rances indiquées dont on prétend à tort trouver la cause dans l'influence attractive de la Lune, ainsi que dans celle - du Soleil, et qu’on a cherché à expliquer théoriquement par des arguments dont nous venons de montrer l’inexactitude. Nous avons supposé pour notre démonstration que la terre était en repos; mais le mouvement de rotation de la terre sur son axe ne peut contredire nos déductions. Il est facile de comprendre que la rotation terrestre ne changeant pas la position relative de [a lune et de la terre ne modifiera nullement la forme que nous avons déterminée, puisque les mêmes forces agiront toujours avec les mêmes intensités et les mêmes directions. Les résultantes de ces forces seront rigoureusement les mêmes et comme ce sont elles qui déterminent la forme d'équilibre, cette forme res- tera invariable comme elles. Dans le cas de la chute de la Terre du côté de la Lune, si réellement elle pouvait avoir lieu, le rapprochement des deux corps qui en serait la conséquence immédiate, aurait (g—g =929) ou 2 fois la force (1) Nous négligeons la diminution de la force attractive due à l’ac- croissement de distance de la lune, car cette force est en réalité d'environ 1 0,065 millièmes, ou FE plus faible en à qu’en à’. 18 en — pour unique résultat d’accentuer davantage la déformation dont nous avons parlé, par une dépression plus grande du niveau d’un côté et un exhaussement ou proéminence plus considérable de l’autre. La puissance attractive de notre satellite augmentant avec son rapprochement, tandis que la pesanteur terrestre reste- rait constante, les marées acquerraient une grandeur pro- portionnelle, mais toujours une marée basse aux antipodes correspondrait à une marée haute du côté de la Lune et le phénomène que l’on observe actuellement ‘de deux hautes mers diamétralement opposées sur le globe et se correspon- dant ne trouverait pas dans ces conditions nouvelles une cause capable de le produire. Mais on a tant insisté sur l’hypothèse de la chute de la Terre dans la direction de la Lune pour expliquer l'existence de deux marées opposées, ou autrement dit deux protubé- rances qu’il me parait nécessaire d'examiner cette hypothèse qui en définitive constitue le seul argument sur lequel repose la théorie des marées que nous critiquons et repous- sons. - Cette hypothèse de la chute permanente d’un corps dans la direction du centre d'attraction autour duquel il décrit une révolution à été imaginée par Newton, lorsqu'il démontra que la Lune est retenue dans son orbite par l’attraction de la Terre autour de laquelle elle tourne perpétuellement. Il s'agissait alors de prouver légalité absolue de la force attractive centripète et de la force centrifuge. Considérant que la Lune est animée d’une vitesse de translation qui sans l'attraction terrestre emporterait loin de nous en ligne droite cet astre à raison de plus d’un kilomètre par seconde ou de 15 lieues par minute (), ce qui depuis bien des siècles l’aurait fait disparaître dans les profondeurs infinies de l’espace, Newton montra que l’attraction terrestre (1) 21,600 lieues par jour. — 975 — fait incessamment dévier cet astre de la ligne droite et de son côté, d’une quantité égale précisément à celle dont son impulsion tend à l’éloigner de la terre. La Lune étant ainsi constamment déviée de sa direction décrit un cercle autour de nous, sans jamais plus se rapprocher ni s'éloigner de la Terre par suite de l'égalité parfaite de la force attractive terrestre et de la force centrifuge qui résulte de la vitesse de translation circulaire autour de ce puissant centre d’attrac- tion. | = Il rendit évidente sa démonstration par l'argument sui- vant : supposant que pendant un temps très court, l’attrac- tion cesse son action sur le corps en mouvement de révolu- tion, pendant cette courte interruption le corps continuera de se mouvoir en ligne droite, c’est-à-dire suivant la tan- gente au dernier point de la courbe décrite, en vertu de sa _ vitesse d’impulsion. Mais en suivant une ligne droite, le corps s’éloignera de la circonférence qu'il aurait décrite si l'attraction n’eût pas été interrompue, et la distance qui sépare le point où il s’est transporté sur cette ligne de celui où il serait parvenu dans ce même temps sur la circonférence représente exactement Ja valeur de la force attractive qui le fait dévier, ainsi que celle de la force centrifuge qui lui est. égale et contraire. _ Dans cette démonstration, on indique cette distance comme étant la hauteur d’où la Lune est tombée du côté de la Terre pendant le petit temps considéré. Elle est aussi la mesure de la hauteur dont la force centrifuge tend à élever la Lune ou à l’éloigner de la Terre dans ce même temps. Mais en réalité, il n’y a pas eu chute puisqu'il n’y a pas _eu rapprochement des deux astres, la Lune étant constam- ment restée sur la circonférence, à la même distance de la Terre située au centre ; ce n’est que par hypothèse que l’on a admis momentanément un éloignement imaginaire de la Lune, afin d'arriver à mesurer la grandeur de l'attraction terrestre à cette distance, et pour en déduire la loi qui la — 976 — régit. L’argument bien qu’il ne soit pas conforme à la réalité n’en est pas moins logique et ingénieux, il est rationnel parce qu'il suppose que pendant un petit temps la Lune quitte la circonférence pour suivre la tangente et que pen- dant ce temps par cette nouvelle direction elle s’éloigne de la Terre, d’où on conclut avec raison à l’élévation de la Lune de l’un de ces points à l’autre par la force centrifuge, et réciproquement à la chute de la Lune de cette même hauteur par l’attraction terrestre, quand au bout du temps considéré on la retrouve sur la circonférence primitive, d’où en réalité elle n’est jamais sortie. La justesse de ce raisonnement est incontestable, il donne clairement le moyen de déterminer la valeur de l'attraction terrestre à la distance de la Lune, quand on connaît cette distance en rayons terrestres, et la valeur de la pesanteur à la surface de la Terre; mais quand on emprunte ce même argument et qu'on prétend faire de cette fiction une cause réelle, physique, d’où résulterait une action mécanique, le mouvement de masses pesantes, on commet une grave erreur, on se met en contradiction flagrante avec la méthode scientifique qui ne permet jamais l’attribution d’un fait ma- tériel, physique, à une cause fictive et imaginaire. Avant d'appliquer largument en question au soulèvement du niveau des eaux sur la surface du globe diamétralement opposée à la partie qui est en face de la Lune, il faudrait d’abord établir que le centre de la Terre s’est réellement rapproché de la Lune, que ce mouvement ou cette chute permettrait de concevoir avant un examen plus minutieux, la possibilité d’un retard, d’une lenteur des eaux à suivre ce mouvement ; or, on sait que ce rapprochement n'existe . pas, qu’il ne peut pas exister, qu’il n’est qu'imaginaire, donc il n’y a pas eu et il n’y a pu avoir de retard de la part des eaux à suivre un mouvement qui n’a pas eu lieu, donc l’ar- gument est absurde et inadmissible et l’explication qui en découle est erronée. — 971 — Mais il n’est peut-être pas inutile de prouver que même en cas de chute de la Terre sur un centre d'attraction, les eaux de la mer ne resteraient pas en arrière d'elle, et ne formeraient pas une proéminence diamétralement opposée à celle qui serait produite en avant du côté du centre d’at- traction extérieur. Supposons, pour exagérer l'effet, que la Terre tombe sur le Soleil, dont la masse et par conséquent la puissance attractive est 324.479 fois celle de la Terre et faisons abstrac- tion de l’énorme température qu’il possède. Nous avons montré (page 271) que les molécules liquides échelonnées sur la longueur d’un diamètre terrestre dans la direction d’un astre attirant, sont soumises à l’action de deux forces g et g. La première g représentant la pesanteur terrestre, la deuxième g représentant l'attraction de l’astre plus ou moins éloigné, qui dans notre nouvelle hypothèse est le Soleil. Les molécules liquides échelonnées sur le rayon terrestre du côté du Soleil seront soumises à l’action de la pesanteur moins l’action solaire puisque celle-ci est de sens contraire à la re, soit 9 — g’. Sur le rayon opposé, les molécules seront soumises à la somme de ces actions, puis- qu’elles sont de même sens, soit g Lg’. Mais g est une force constante, la masse de la Terre étant invariable. Au contraire g qui représente l’action solaire va croître en raison inverse du carré des distances à mesure que dans sa chute la Terre se rapprochera du Soleil. La différence (g 4 g) —(g —g)=— 2 g va augmenter constamment de valeur, c’est-à-dire que la dépression de la surface des mers d’un côté du globe et le soulèvement de la surface du côté opposé vont constamment s’accroiître. | Nous pouvons facilement déterminer le point de l’espace où la pesanteur terrestre à la surface du globe serait neutra- lisée par l’attraction solaire de direction contraire. Prenons pour unité de masse la masse terrestre — {, et pour unité de distance au centre de la Terre, prenons le rayon terrestre — 978 — r — 1. La pesanteur terrestre à la surface du globe sera ex- te 110) À 1 primée par Di om : La masse solaire M — 3244179. L'équilibre existera à la M : surface terrestre lorsque l’on aura D 1, c’est-à-dire quand, par le rapprochement, le carré de la distance égalera M = 3244179 2 324479, et qu’on aura —1 dou — D? = 3944179 1324479 — 0697, 63. Donc lorsque dans sa chute, la Terre sera arrivée à 569, 63 rayons terrestres du centre solaire ou à 569,63 — 108 — 461", 63 rayons terrestres de la surface du Soleil (1), les corps à la surface terrestre du côté du Soleil ne pèseront plus sur la Terre, et dès que ce point sera dépassé, Patiraction solaire sera plus forte que la pesanteur terrestre et les eaux des mers, qui se seront déjà élevées à une très grande hauteur, s’écouleront sur le Soleil et abandonneront la Terre (voir fig. 2). Il en serait de même de tous les corps qui ne seraient pas fixés et maintenus énergiquement à la surface terrestre. Il est donc bien prouvé que même dans le cas de la chute de la Terre du côté d’un astre attirant, les eaux ne peuvent rester en arrière de son mouvement, mais tendent au con- traire à se porter en avant et à y former une proéminence de plus en plus élevée, jusqu’au point d'abandonner la Terre, si la puissance attractive de l’astre attirant acquiert par la dimi- nution de la distance une valeur supérieure à la pesanteur terrestre. Nous allons examiner l’assertion que nous avons sou- lignée (page 265) et dans laquelle l’action solaire est indi- quée comme étant beaucoup plus faible que celle de la Lune. Rappelons la loi de Newton ainsi conçue : L’attraction est (1) Le rayon solaire = 108 rayons terrestres. 070 — en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances. Dans la comparaison que nous allons faire des forces attractives de la Lune et du Soleil, nous prendrons pour unité de masse celle de la Lune, et pour unité de distance nous prendrons la distance de la Lune à la Nérre: Nous représenterons donc la masse lunaire par m = À, et la distance de la Lune à la Terre par d = 1. L'attraction de la Lune sur le centre terrestre sera donc exprimée par en d’autres termes l’attrac- tion de la Lune sur la Terre dans la comparaison que nous allons faire avec l’at- traction solaire, sera l’u- nité. La distance du Soleil au centre terrestre est — 386, 20 ; le carré de ce nombre est 148.750. La masse so- laire équivaut à 324,479 fois celle de la Terre, et celle-ci étant égale à 80 fois celle de la Lune, la masse du Sole — 524.479 >< 60 — 25.958.320 fois celle de la Lune. — He OR MER == gürlacs solaire ‘7— =. Chute hypothétique de la Terre sur le Soleil. Ecoulement des mers à la distance de 570 rayons terrestres du centre so- laire, ou 46i",63 de sa surface. Au point a la pesanteur terrestre est équilibrée par l'attraction solaire. — 280 — L’attraction étant directement proportionnelle aux masses et inversement au carré des distances, on trouve que l’at- traction solaire sur la masse terrestre est relativement à celle de la Lune de _- — 174 fois celle de la Lune = 1. L’attraction solaire sur notre globe est donc incontestable- ment très supérieure à celle de la Lune puisque cette force équivaut à 174 fois celle de notre satellite; comment a-t-on pu être amené à dire : que la masse énorme de cet astre est plus que compensée par la grande distance à laquelle il se trouve de la Terre. Le besoin d'expliquer la cause du phénomène des marées, et d'autre part, la coïncidence des mouvements de la mer avec les positions de la Lune et du Soleil, mais surtout avec celle de la Lune qui dans la production du phénomène à une influence prépondérante ont fait passer sur ce que cette explication a d’obscur et de contradictoire. Le phénomène présentant une concordance parfaite dans ses phases comme dans sa grandeur avec les indications de cette théorie, on s’en contenta et on la considéra comme justifiée par l’obser- vation. Îl ne suffit pas cependant que l’observation paraisse ainsi confirmer l’influence, en apparence plus faible, de l’at- traction solaire, pour admettre comme vraie et prouvée une assertion en contradiction aussi manifeste avec les lois de la gravitation universelle, contradiction si grande que le simple calcul des masses et des distances suffit à la démontrer. La concordance des faits de l’observation avec les déduc- tions d’une théorie ne peut suïlire à elle seule pour établir la justesse, et l’exactitude de cette théorie; il faut encore qu’elle soit rationnelle et que son évidence s'impose à l’es- prit par la logique du raisonnement et par la solidité et la justesse des arguments. Aussi malgré sa vulgarisation, malgré l'autorité incontes- table des savants illustres qui l’ont imaginée et soutenue, cette théorie n’a pas été goûtée ni comprise, ce qui effective- le à — 281 — ment ne doit pas étonner, et la grande majorité des per- sonnes à qui cette théorie a été expliquée est restée incré- dule, préférant modestement mettre sur le compte de leur insuffisance intellectuelle la répugnance qu’elles éprouvaient pour cette théorie, plutôt que d'admettre contre leur convic- tion intime un ensemble d'idées qui leur semblaient contra- dictoires avec les principes les mieux établis. Nulle autorité, nulle insistance, nulle habileté dans le lan- gage et dans la démonstration ne peuvent venir à bout de cette disposition réfractaire qu’oppose l'esprit humain à Padoption de certaines idées qui, malgré une apparente con- firmation par les faits vont à l'encontre des principes géné- raux universellement admis parce qu'ils sont simples, clairs, et qu'ils sont l'évidence même. Aussi M. Delaunay pressentant l'extrême défiance que cette théorie devait inspirer à la grande majorité de ses lec- teurs, croit nécessaire de revenir sur ce sujet dans sa note F, il y insiste de nouveau, mais sans plus de succès, et on pourrait induire même de cette insistance, que cette théorie ne se présentait pas à son esprit avec une netteté satisfai- sante et offrant un caractère bien tranché de certitude; il paraissait n'avoir qu’une confiance médiocre dans la valeur démonstrative de l'argument, c’est ce qui le ramenait à le présenter sous plusieurs formes. Nous devons encore faire remarquer ici que dans la théorie que nous ceritiquons, Pattraction de la Lune, puis en second lieu celle du Soleil sont indiquées comme étant les seules causes du phénomène des marées ; il n’est fait men- ton de l'intervention d'aucune autre force, de rien en un mot qui puisse en modifier ou limiter l’action, de sorte que lon doit considérer ces forces attractives comme agissant Sans obstacle sur la masse des eaux dans toute la plénitude de leur puissance, c’est-à-dire jusqu'à ce que le travail dépensé par le soulèvement des mers ait épuisé leur énergie. C'est en cela que cette théorie est surtout inexacte, comme 0 — 282 — nous l'avons dit, même en ce qui concerne les marées pro- duites directement du côté des astres attirants. Cette théorie passe sous silence et ne fait intervenir en aucune façon une force puissante, qui a pour effet de limiter étroitement la grandeur du phénomène et sans l’antagonisme de laquelle les marées acquerraient sous l'influence seule des forces attractives indiquées, un développement et une énergie très considérables, elles seraient sur le globe une cause perma- nente de désastres et de destruction. Il est facile de déterminer quelle est la valeur de la force attractive de la Lune à la surface terrestre et par suite quelle serait la hauteur qu’atteindrait la surface des eaux en dessus . et en dessous du niveau moyen des mers. En nombre rond, attraction lunaire à la surface du globe est la deux cent quatre-vingt-sept millième partie de latiraction terrestre ; elle correspond par conséquent, si la Terre était entièrement liquide, à un soulèvement du niveau de la mer de cette 63783930 même fraction du rayon équatorial terrestre soit —— — 1654 987015 — 922 mètres 49. La hauteur qu’atteindrait la moyenne pleine mer sous la seule influence de l'attraction totale lunaire serait donc 22,14 soit une différence de niveau entre la haute et basse mer de 44,38. C’est bien loin d’être d'accord avec l’observation qui ne constate en pleine mer que des variations de niveau de 0,80 à 1 mètre, mais cela tient à la faible profondeur des mers. On se figurera de même aisément l'énorme amplitude que prendrait le phénomène sous l'influence de Pattraction solaire, si elle aussi n’était limitée plus étroitement encore que celle de la Lune. Nous savons en effet que cette force attractive est 174 fois plus considérable que l’attraction lunaire. La hauteur de la dénivellation qui résulterait de l’action de cette force serait de plus de 3852 mètres, c’est-à-dire qu'à l'exception des — 283 — hauts sommets appartenant aux grands massifs montagneux du globe, tous les continents seraient chaque jour envahis et ravagés par une vague immense animée d’une vitesse prodi- gieuse qui aurait bientôt désagrégé et nivelé la surface de la Terre, dont la submersion permanente ne tarderait pas à se produire, ou plutôt serait depuis longtemps un fait accompli. Dans la note F que nous avons reproduite, l’auteur expose que la Terre et la Lune exécutent toutes les deux un mouve- ment de révolution autour d’un centre commun, avec des rayons inversement proportionnels à leurs masses respec- tives. Nous croyons devoir signaler à l’attention du lecteur cette dernière assertion de l’auteur, qui est absolument conforme à la vérité et aux principes de la mécanique. C’est en effet l'expression exacte des mouvements réciproques que la Terre et la Lune exécutent dans l’espace. C’est de l'existence même de ces mouvements que nous . allons déduire une théorie simple, rationnelle et accessible à tout le monde du phénomène des marées. A dm ro a ae + — 284 — DEUXIÈME PARTIE ÉTUDE DU PHÉNOMÈNE DES MARÉES. Quand l'illustre Newton imagina que la Lune dans sa ré- volution autour de la Ferre devait être retenue sur son orbite par l’action de la pesanteur, c’est-à-dire par l'attraction ter- restre, il entra dans la voie qui devait le conduire à la décou- verte de la gravitation universelle. En effet, si la Lune n’eût eu à subir l’influence d’une force centrale constante, tendant à la dévier constamment de la direction de son impulsion primitive, elle eût continué à se mouvoir en ligne droite et serait depuis longtemps perdue dans l’immensité des espaces. L’orbite presque circulaire qu'elle parcourt autour de la Terre et dont les modifications de formes sont renfermées dans des limites étroites et infran- chissables, inspira à Newton l’idée que cette force centrale à laquelle cet astre obéit n'était autre que la force de la pesanteur qui détermine la chute des corps à la surface de la Terre et dont à chaque instant on peut observer les mani- festations sur tous les points accessibles à l’homme. Mais jusqu'où s’étendait cette action de la pesanteur ? Jus- qu’à quelle distance de la Terre faisait-elle sentir son in- fluence et suivant quelle loi? C’est ce que l’on ignorait alors. Newton comprit que logiquement cette pesanteur devait être proportionnelle aux masses et, puisqu'elle se faisait sentir en tous sens, qu’elle rayonnait comme d’un centre en toutes directions, sa valeur devait être en raison inverse du carré des distances. — 285 — Il ne s'agissait donc que de vérifier si à la distance de la Lune cette force manifestait son action conformément à cette loi. La déviation du chemin en ligne droite que devait suivre la Lune et que, cependant, sous linfluence de Pattrac- tion terrestre elle paraissait éprouver puisqu'elle décrivait une courbe fermée qui la ramenait successivement à repas- ser par les mêmes points, fournissait le moyen de faire cette vérification. Newton y appliqua son génie. À cette époque on connaissait déjà assez bien la valeur de la parallaxe de la Lune qui est de 57 minutes 2 secondes ou 93422 secondes d'arc. Cette parallaxe est l’angle que forme- raient deux lignes droites d’égale longueur, partant chacune de l’extrémité d’un rayon terrestre et allant se rencontrer au centre lunaire. C’est sous cet angle qu’un œil humain placé à ce centre verrait la longueur d’un rayon terrestre placé directement en face de lui à la distance de la Lune à la Terre. Les mathématiciens savent qu’un triangle isocèle dans ces conditions a une hauteur, mesurée du sommet de l'angle au mileu de sa base, égale à 60 fois 27 centièmes la longueur de _ cette base. Si à cette époque la longueur exacte du rayon terrestre avait été connue, Newton eût pu reconnaître immédiatement que ses prévisions étaient fondées ; mais la mesure que l’on possédait alors était erronnée et Newton trouva que la diffé- rence donnée par le calcul pour la valeur de la pesanteur à la distance de 60 rayons terrestres avec la quantité de dévia- tion éprouvée par la Lune à chaque seconde était trop grande et dépassait trop les limites d'erreurs et d’observa- tions : il abandonna cette étude. Douze ans après, l’abbé Picard ayant repris la mesure d’un degré du méridien en France, par une méthode beau- Coup plus exacte que celle de ses prédécesseurs, détermina la valeur du rayon terrestre avec une approximation très- satisfaisante. En possession de cette nouvelle mesure Newton reprit — 286 — son travail et eut l'extrême satisfaction de voir les résultats du calcul de la déviation concorder avec celui de la gravita- tion basé sur la raison inverse du carré des distances. Pour déterminer la valeur de cette déviation du chemin en ligne droite de la Lune sous l’action de la pesanteur, le pre-. ES mier calcul à faire est de déterminer les dimensions de lor- bite lunaire dont le rayon — 60 rayons terrestres 27 cen- tièmes ; pour avoir la vitesse par seconde de l’asire sur son orbite, la durée de cette révolution étant connue avec préci-. sion, on a : (R est le rayon terrestre équatorial — 6378253") C027R >< Le 6378253n >< 60,27 <2K<31M6 1012m t 2360591 secondes ‘hé à 80 — vitesse par seconde, puis à diviser le carré de ce nombre .. Die eV? A02368 0 par le diamètre de l'orbite lunaire D — TESSAGÉ “À — 0m, 00155 cent millièmes, ce qui donne la quantité dont la tangente s'éloigne de la circonférence à la distance par- courue pendant une seconde de temps, ou en d’autres termes « la quantité dont la Lune s’est déviée de la ligne droite pour à se rapprocher du centre d'attraction terrestre pendant une seconde, ce qui lui a fait décrire un arc circulaire de 1043 mètres de longueur. É. Cette valeur de 0m,00135 cent millièmes de mètre repré- sente la hauteur de la chute de la Lune du côté de la Terre en … une seconde ; or, la force accélératrice terrestre ou force de la pesanteur à la distance de 60,27 rayons terrestres = m m ER: Tan = __— — 0m,00270 cent millièmes — g, va- à leur qui représente la vitesse acquise au bout d’une seconde pour le corps qui tombe à cette distance de la Terre, et COMME l’on sait que la vitesse acquise est double de l’espace parcourt | 0,00270 ) pendant l’unité de temps, on a : h = ————— _ - = 0",00135 cent millièmes de mètre; la concordance est parfaitement M exacte. — 9287 — L'émotion que ressentit Newton lorsque la marche du cal- cul lui fit pressentir une concordance très approchée des résultats lui causa un tel saisissement, qu’il ne put continuer ce travail, ses amis durent intervenir et achever le calcul d'où devaient ressortir les chiffres dont la concordance four- nissait la preuve désormais incontestable de la plus grande découverte que le génie humain ait faite jusque là. Depuis la découverte de la gravitation ou attraction uni- verselle par Newton, il fut prouvé et acquis que l'attraction terrestre était la force centripète qui retenait la Lune sur son orbite à une distance à peu près constante de Ia Terre, que c'était cette force qui faisait équilibre à la vitesse d’im- pulsion de la Lune, qui tendait à lui faire suivre une direc- tion tangentielle à son orbite et à l’éloigner de la Terre. On donne le nom de force centrifuge à cette force qui tend à éloigner cet astre de son centre d'attraction et de révolution. Ces deux forces s’équilibrent exactement et c'est cette con- dition d'égalité de l’attraction et de la force centrifuge qui assure la conservation indéfinie de l’orbite lunaire. | Mais bien que l’on admette que cet orbite est circulaire, en réalité l’orbite est elliptique, ainsi que tous les orbites connus en astronomie. Si l’on admet l'hypothèse des orbites circulaires, c’est qu’elle rend le raisonnement plus simple et plus facile à comprendre, mais il n’est pas inutile de montrer que ce raisonnement s'applique aussi bien aux orbites ellip- tiques qu’aux précédents. En effet, si l’on considère que l'orbite est réellement ellip- tique et que dans certaines parties de l'orbite la Lune se — rapproche de la Terre, l'hypothèse de la chute de la Lune dans la direction de la Terre et réciproquement de la chute de celle-ci dans la direction de la Lune, semble confirmer cette idée étrange que les eaux de la mer restent en retard sur le mouvement de chute de la Terre. Mais si cette prétendue chute paraît favorable à l'explication des eaux laissées en arrière de la chute terrestre, quand la Lune va “20 ” — 9283 — : de l'apogée au périgée, leffet inverse devrait se produire quand cet astre va du périgée à l'apogée et qu’au lieu de se rapprocher de la Terre les deux astres s’éloignent l’un de l’autre. Le retard des eaux dans un cas devrait changer de sens c’est-à-dire doubler de hauteur du côté de la Lune et. produire une marée basse du côté opposé. * Il n’en résulte rien cependant, et le phénomène des marées diamétralement opposées aux premières se produit avec la même énergie et la même valeur dans un cas que dans l’autre; ce qui prouve que cette hypothèse est toute gratuite et n’explique rien. Mais revenons aux orbites ellip- tiques; on peut dire que c’est la forme générale et univer- selle de toutes les courbes fermées que parcourent les astres dans le ciel ; il n’y a peut-être pas un seul orbite parfaite- ment circulaire dans l’univers. La raison peut en être donnée par le fait de l'impossibilité presque absolue de trouver un astre animé d’une vitesse d’impulsion qui soit dans un rap- port si exact, si précis avec la force attractive du centre autour duquel il tourne qu’il décrive une circonférence par- faite. Ce mouvement parfaitement circulaire serait comme un équilibre instable, que la moindre attraction des mondes extérieurs troublerait sans cesse et qui, troublé, ne pourrait plus se rétablir. La nature a bien d’auires prévoyances, elle n’a pas donné à tous ces systèmes stellaires une condition d'équilibre aussi instable que le serait celle d’une épée dressée verticalement sur sa pointe, système qui, vrai théo- riquement, est absolument impossible à réaliser. Elle a fait mieux, et si la courbe parfaite que l’on appelle circonférence n'existe nulle part, l’ellipse plus ou moins excentrée bien qu’elle n'offre pas la perfection de la circonférence, est la courbe décrite par tous les corps célestes. Cette courbe possède l’admirable propriété que, si ses formes sont sus- ceptibles d’une certaine altération, la force attractive cen- trale et la force centrifuge corrigent cette altération et limitent dans une certaine mesure les écarts dont ces courbes peuvent être affectées. — 289 — Quand la courbe est une circonférence, le rayon vecteur est constamment perpendiculaire à la tangente en tous les points de la courbe et l'attraction centrale en équilibre avec la force centrifuge du corps ne tend en aucune façon à accé- lérer ou à retarder la vitesse du mobile sur la circonférence qu’il décrit. Mais cette combinaison d’une attraction centrale dont la valeur est en raison inverse du carré des distances et celle d’une force centrifuge dont la valeur croit proportionnelle- ment au carré de la vitesse divisé par le rayon, constitue un système de régularisation extrêmement remarquable qui assure la conservation et la perpétuité de l'harmonie dans les mouvements des corps célestes. Le jeu de ces forces tend en effet à faire décrire par tous les astres des courbes elliptiques dont la forme et l’excentricité peuvent varier par l'influence d’autres corps célestes, mais toutes ces variations sont contenues dans des limites assez étroites et se régula- risent d’elles-mêmes. Ainsi dans le mouvement elliptique (fig. 3) la force attrac- tive a b fait avec la tangente à la courbe l’angle aigu b a cet se décompose en deux suivant sa projection « c sur la tan- gente, et a d sur la perpendiculaire à cette ligne. La compo- sante « c étant de même sens que le mouvement, s'ajoute à la vitesse d’impulsion et accroît la vitesse du mobile; l’autre composante « d est en opposition avec la force centrifuge et tend à accentuer la courbe de l’orbite. On observe la même décomposition de force en «ab'c'd', mais ici la composante ac est de sens opposé au mouvement, elle tend à réduire la “vitesse du mobile et la composante a'd' tend moins à inflé- chir la courbe. Mais avec l'accélération de la vitesse, c’est-à- dire pendant la première période, le mobile se transportant de N en M, la force centrifuge s’accroit comme le carré de cette vitesse et en raison de la diminution du rayon. Cette force centrifuge s'accroît de plus en plus et arrive à faire équilibre à l’attraction au point M, point où le mobile cesse 19 _— 290 — de se rapprocher du centre d’attraction et où, par l’accéléra- tion de la vitesse, la force centrifuge est devenue prépondé- rante et va faire éloigner le mobile d'autant qu'il s'était rapproché. La vitesse acquise par le mobile lui fait dépasser ce point à partir duquel il décrit une nouvelle courbe symé- trique de la première de M en N et identique dans ses d'attraction dimensions. Mais à partir de ce point la force attractive agit sur le mobile comme dans la première partie de la courbe décrite, avec cette différence que son action est en sens contraire du mouvement du mobile, de telle sorte qu’elle est retardatrice dans cette période autant qu’elle a été accélératrice dans la période précédente. La conserva- tion du mouvement elliptique est donc assurée, il se repro- duira ainsi indéfiniment et l’on voit que ce mouvement porte : en lui-même, par le jeu de la force attractive centrale et de la force centrifuge qui lui est opposée, un moyen efficace de régularisation. Toute action extérieure n'aurait pour effet que de faire varier les éléments de la courbe, mais elle resterait toujours > 0) — elliptique et ses écarts seraient compris dans des limites in- franchissables pour une même cause de perturbation. Depuis Newton il est donc prouvé et établi que c’est la force centrifuge résultant de la vitesse de révolution de la Lune autour de la Terre qui fait équilibre exactement à la force attractive terrestre qui tend à précipiter sur elle notre satellite avec une vitesse qui, dans la première seconde de temps, lui ferait parcourir une chute de 0",00135 cent mil- lièmes et acquerrait dans ce laps de temps une vitesse de 0m,00270 cent millièmes. De même il fut acquis que c’est la force centrifuge engendrée par la vitesse de révolution de la Terre autour du Soleil qui fait équilibre à Pattraction de celui-ci, la maintient à sa distance et l'empêche de tomber sur cet astre où elle serait pulvérisée, fondue et volatilisée au moment du contact par la transformation de son mouve- ment en chaleur, en même temps que par l'énorme chaleur solaire. Ces forces attractives et centrifuges se font équilibre avec une élasticité qui permet certaines modifications des courbes décrites, mais qui restent contenues entre des limites rigoureuses qui, comme nous l’avons dit, ne peuvent être dépassées. C’est ainsi que la stabilité des systèmes et la perpétuité de l’ordre et de l'harmonie qui règnent actuelle- ment dans l'Univers, sont assurées. C'est aussi dans l’action combinée de ces forces que nous allons trouver l’explication rationnelle du phénomène des marées, tant de celles qui se produisent directement, c’est- à-dire du côté des astres attirants, que de celles diamétrale- ment opposées à celles-ci et qui se produisent simultanément en sens contraire; mais il ‘convient de complêter ce que nous avons à dire de ces forces. : - La force attractive, comme nous l’avons dit, découverte par Newton, est une propriété générale de la matière en vertu de laquelle toutes les molécules s’attirent et tendent à se précipiter les unes sur les autres. Cest une force constante qui sollicite tous les corps à se mettre en mouvement dans — 992 — la direction du centre d’attraction. L’homme n’a aucun pou- voir sur cette force qu’il ne peut ni suspendre ni faire varier d'intensité ; il ne peut que l'utiliser. Cest la force attractive réunie dé toutes les molécules qui composent la Terre qui donne lieu à cette force que nous appelons la pesanteur et qui fait tomber à la surface de la Terre tous les corps imsuffi- samment ou imparfaitement soutenus. C’est cette force d’at- traction qui fait que tous les astres de l'Univers s’attirent et se précipiteraient les uns sur les autres si d’autres forces opposées à cette attraction ne les maintenaient à leurs : distances actuelles. + À la surface terrestre, la force de la pesanteur fait tomber F2 tous les corps dans le vide avec la même vitesse, quelles 5 que soient leur nature et leur forme, Dans cette condition la chute des corps a lieu d’un mouvement accéléré et la vitesse D. qu’ils acquièrent en une seconde de temps est de 9 mètres 8088 — V à la latitude de Paris et au niveau de la mer. La hauteur verticale dont les corps tombent pendant ce F. temps d’une seconde est la moitié de la vitesse acquise, soit À — 4m,9044. On donne à la pesanteur qui fait tomber ne les corps le nom de force accélératrice et on la représente par g = 9n,8088. La hauteur dont ils tombent est dite : hau- teur de chute. La loi qui régit cette force d'attraction qui porte le nom de gravitation universelle, quand il s’agit de son action générale sur tous les corps de l'Univers et que sur la Terre nous appelons la pesanteur, est, ainsi que New- ton l’a énoncé, proportionnelle aux masses et en raison in- verse du carré des distances. La pesanteur sera donc exprimée ainsi : P = m X À. La 4 distance D étant à la surface de la terre égale au rayon ter- ÿ restre, … ee La force centrifuge est une force qui procède du mouve- ment de rotation et plus exactement de toute déviation de la direction suivie dans l’espace par un corps en mouve- het» ré 2e beniert lens — 293 — ment. Elle tend comme son nom l’indique à éloigner le COr PS du centre de rotation ou de déviation, elle est par conséquent de direction contraire à l'attraction. Cette force est proportionnelle à la masse multipliée par le carré de sa vitesse, divisé par le rayon de courbure, 2 On l’exprime donc ainsi : F = m : : Mais avant de déterminer les valeurs des forces attrac- tive et centrifuge qui produisent le phénomène des marées, il est nécessaire de parler aux yeux et de montrer comment se comportent les corps en rotation. Lorsqu'un corps tourne sur lui-même librement, sa rota- tion s’exécute toujours autour de son centre de gravité, car ce n’est qu'à cette condition que les forces centrifuges, qui se produisent sur toutes les molécules des corps qui tournent, peuvent se faire équilibre. La force centrifuge est engendrée par le mouvement de rotation lui-même, puisqu'elle est la résistance opposée par l’inertie de la masse du corps en mouvement qui tend à se mouvoir en ligne droite, à l’action de la force attractive centrale qui incessamment loblige à changer de direction. Cette résistance est d’autant plus énergique que la vitesse des corps est plus grande et le rayon de courbure plus petit. Lorsque deux corps sont reliés par une force qui les maintient à une distance invariable ou qui tend à les préci- piter l’un sur l’autre, et que par une impulsion on les fait tourner l’un autour de l’autre, ces corps ne se comportent plus comme s’ils étaient libres et indépendants. Ainsi reliés lun à l’autre, ils constituent un système et le mouvement de rotation s’exécute autour du centre de gravité du système. Soit par exemple (fig. 4) les deux sphères À et B fixées chacune à l'extrémité d’une tige rigide et considérée comme sans pesanteur, qui les maintient à une distance invariable, ces deux sphères constituent un système, et si on commu- nique à ce système un mouvement de rotation dans un plan — 9294 — ; quelconque, le mouvement s’exécutera dans ce plan, sur le point même où, à l’état de repos, ce système pourra être tenu en équilibre, c’est-à-dire que la rotation aura lieu sur le centre de gravité du système. Un corps ou un système de corps supporté par son centre de gravité est constamment en équilibre dans quelque posi- tion que ee soit, le centre de gravité étant le point où passe la résultante de toutes les actions exercées par la pesanteur sur les molécules d’un corps, et ce même point étant aussi celui où s'applique la résistance qui lui est opposée par le support ou par le point d'appui. Si le centre de gravité du corps est au-dessous du point « d'appui, équilibre est dit stable, parce que dévié de sa posi- « tion il tend à y revenir, le centre de gravité tendant à se _ placer dans le plan vertical qui passe par le ou les points « d'appui. L'équilibre est dit instable lorsque le centre de gravité est plus haut que le ou les points d'appui, parce que si Paction de la pesanteur s’exerce en dehors du ou des points d'appui. elle tend à faire tourner le corps sur ceux-ci et à ramener le centre de gravité dans le plan vertical qui passe par ces. points. L'équilibre est dit indifférent quand le point d'appui, se confond avec le centre de gravité. L'équilibre des corps en repos est dit : équilibre statique. Pour que l’équilibre statique existe, il faut que les moments des forces qui agissent sur les corps soient égaux. On appelle moment d’une force l’action de cette force multi- pliée par la longueur du bras de levier à l'extrémité duquel elle agit (Voir fig. 4). | & — 995 — Soit M la masse de la sphère À et AC le bras de levier à l'extrémité duquel la force de la pesanteur agit sur cette masse M ; soit m la masse de la sphère B et CB son bras de levier. Le moment de la pesanteur sur la masse M est MK AC. Celui sur la masse m est mx CB. L'équilibre statique existera quand ces moments seront égaux, soit quand on aura M >< AC = m x CB. SR 4ret m—T1 on aura AC—1et CB—=4, soit 41 —=1%X 4. Telle est la condition de l'équilibre statique. Le point C sera le centre de gravité du système des deux corps ; ce point est situé sur la ligne qui joint les centres de gravité de ces corps à des distances inversement propor- : AC Om tionnelles aux masses de chacun d'eux CB =: Ce centre de gravité sera aussi le centre de rotation du système. Pour mieux faire comprendre l'équilibre des corps en mouvement, que l’on appelle équilibre dynamique, nous avons fait établir le petit appareil représenté par la figure 3. Il se compose de deux boules en métal, l’une plus pesante que l’autre, fixées toutes les deux aux extrémités d’une tige rigide d'acier de poids négligeable; un petit trou est creusé au point C servant au logement de la pointe d’un pivot sur lequel le système se tient en équilibre. Quand le sys- tème repose ainsi sur le pivot, si on lui communique un mouvement de rotation, l’appareil tourne sans manifester aucune tendance à se déplacer, ce qui prouve que lorsqu'un système réalise la condition de l’équilibre statique, qui consiste dans légalité des moments de la pesanteur sur les masses qui le composent, la condition de l’équilibre dyna- mique est aussi réalisée, car l'égalité des moments des forces cenirifuges qui seront engendrées par le mouvement de rotation existera. En effet on voit dans notre petit système que les bras de : levier deviennent les rayons des cercles décrits par les masses. ; — 296 — Or, ces rayons sont fonctions des vitesses, d’où l’on a V2 Ii 0] V* MK——=MX … qui est l'expression de l'équilibre dy- namique. À l’état de repos. Mais on peut rendre plus sensibles les effets des forces centrifuges sur les masses M et m des sphères À et B. Au lieu de faire reposer ce petit appareil sur la pointe d’un pivot on le suspend à un fil fin mais suffisam- ment résistant comme l’indique la fig. 5. Quel que soit le point de la tige de l’appareil par lequel on le suspend au fil, si on communique un mouvement de rotation l’appareil tourne sur le point C comme centre et lorsque la vitesse sera suffisante les deux sphères À et B décriront des cercles dans des plans hori- zontaux qui pour une vitesse infinie se con- fondront en un;seul et même plan horizon- tal. La figure 5 représente l'appareil suspendu à un fil au repos, la fig. 5 bis le montre à l’é- tat de rotation. L'appareil est suspendu très près de la petite sphère B de sorte qu'à l’é- tat de repos la sphère À occupe une position très basse et presque sur la verticale du point de suspension. Au contraire quand le mou- vement de rotation a atteint une certaine ra- pidité la sphère À s’est relevée, la sphère B s’est éloignée de l’axe de rotation qui est la verticale de suspension et la force centrifuge du système maintient contre l’action de la pesanteur la sphère À élevée fort au-dessus du point qu’elle occupait à l’état de repos. Si laïvitesseïde rotation était infinie, les centres des sphères À et B décriraient leur circonfé- — 9297 — rence dans un même plan horizontal, ainsi que l’indique la fig. 9 bis. PÈRE : a) \ À \ \\ ee re RTS == == \ \ ve s | 4 \ ice Ne DE 72 D S \ En mouvement de rotation. Les personnes qui ne s'occupent pas spécialement de mécanique apprécient trop peu généralement la valeur de 2 force centrifuge et sont loin de lui attribuer l'intensité d'énergie qu’elle possède. Supposons que la petite sphère B pèse 50 grammes et que le rayon du cercle qu'elle décrit soit de Om, 45 centimètres, la circonférence sera de O0, 94 centimètres; supposons qu'elle tourne avec une vitesse de 5 tours par seconde, soit 300 tours par minute, ce qui donne une vitesse de 0,94 K 5 = 4m,70 — V, qui est une vitesse nullement exagérée,la — 998 — : V2? formule de la force centrifuge F = m >< TR nous donnera la valeur de cette force. Dans cette formule, m représente la masse.en mouvement ; or le poids de la masse est le produit de l’action de la pesan- teur sur la masse m. On a donc p — m XX g. L'expression g représentant l’action de la pesanteur sur toutes les molécules de matières composant la masse m, g — 9",8088, d’où Le, q Si dans la formule F = Le R 2 nous remplaçons m par le poids = elle devient Fe >< À . Substituons les nombres Ok, 05087 29m 03 Om, 8088 * Om,15 137, c’est-à-dire une force capable d'élever 0k 737 grammes à 1 mètre de hauteur en 1 seconde, ou, en d’autres térmes, d'élever 15 fois le poids de 50 grammes à 4 mètre de hauteur en À seconde ; telle est l’énergie de cette force centrifuge. L'expérience de la rotation de ce petit appareil montre que l'équilibre des deux sphères n’est pas détruit par le mouvement de rotation qui leur fait décrire à chacune un cercle dont les rayons sont inversement proportonnels aux masses relatives des deux sphères. On doit déduire de ces faits relativement à la question qui nous occupe, que la Terre et la Lune reliées l’une à l’autre par l'attraction constituent un système de deux corps en rotation ; qu'ils tournent tous les deux sur le centre de gra- vité de ce système dans la période de temps qu’emploie la Lune à exécuter sa révolution autour de nous dans le ciel pour revenir passer au même point d’où nous l’avons vue partir. Cette déduction n’est d’ailleurs pas contestée, elle est conforme aux lois de la mécanique et elle est inscrite très aux lettres, on a F — — 0 kilogrammètre = 299 — clairement dans la note F déjà citée de M. Delaunay ; c’est de ce mouvement des deux astres, qu’il explique très en détail (page 507, 10e ligne et suivantes), qu’il eût pu faire ressortir la véritable théorie des marées et en donner une explication claire et simple qui eût été intelligible pour tout le monde. La force centrifuge étant la résistance qu’oppose l’inertie d'une masse animée d’une vitesse quelcenque à changer la direction en ligne droite qu’elle tend à suivre, il en résulte que toute masse qui décrit une courbe développe par ce fait même une force centrifuge. Or, nous venons de voir par expérience que pour qu’il y ait équilibre entre deux masses appartenant au même sys- tème en mouvement de rotation, 1l fallait que cette rotation ait lieu sur le centre de gravité commun aux deux masses, de sorte que chacune d'elles décrive des circonférences de rayons inversement porportionnels à ces masses. Appliquant ces principes au système formé par la Terre et la Lune, nous voyons par le mouvement très apparent de la Lune dans le ciel, qu’elle tourne autour de la Terre en 27 jours 7 heures 45 minutes 11 secondes = ou en 2360591,5 se- 2 condes de temps, et nous en concluons que la Terre exécute un mouvement semblable avec un rayon imversement pro- portionnel aux masses de la Terre et de la Lune dans le même temps, et qu'il doit se développer par ce mouvement une force centrifuge terrestre égale à l'attraction de la Lune sur le centre de gravité de la Terre qui lui fait exactement équi- libre, tout comme il a été démontré par Newton que la force centrifuge lunaire fait exactement équilibre à l’attraction ter- restre sur le centre de gravité de la Lune. Nous allons déterminer la valeur de cette force centrifuge terrestre et la position du centre de rotation d’après le rap- port des masses des deux astres. La masse de la Terre étant représentée par 80, celle de la = 300 — Lune qui n’en est que la quatre-vingtième partie est repré- sentée par 1. La distance des deux centres a été trouvée de 60 rayons terrestres 27. | La distance du centre terrestre au centre de gravité moyen du système sera indiquée par me — 0,744 millièmes de 80 + 1 rayon terrestre. Le centre de gravité lunaire sera à 60,27 — 0,744— 59r, 926 ou en d’autres termes, le rayon du cercle décrit par la Terre dans l’espace, symétrique et simultané de celui décrit par la Lune, sera —1 etle rayon du cercle décrit par la Lune sera — 80. La force centrifuge étant proportionnelle au rayon pour une même vitesse angulaire, il s’en suit que la force cen- trifuge développée par le mouvement de la Terre M sera —= 1 XX M — 80 et celle développée par le mouvement de la Lune m sera — 80 >< m — 80, les masses ayant pour valeur = 30 etm—t La force centrifuge de ces deux corps est égale de part et d'autre ; l'équilibre dynamique existe, et puisque nous avons vu que la force centrifuge lunaire faisait équilibre à l'attraction terrestre à laquelle elle est égale, ainsi que Newton Pa prouvé, nous en conclurons aussi que la force centrifuge de la masse terrestre est égale à l'attraction de la Lune et lui fait équilibre. Il peut paraitre étrange que la Terre 80 fois plus pesante que la Lune n'’attire pas celle-ci avec plus de force que la Lune n’atüre la Terre. Il est facile de se rendre compte de l’égalité de lattraction mutuelle des deux astres. Supposons au centre terrestre un globe de même masse que la Lune et sur ce globe 79 sphères creuses emboitées les unes sur les autres, et ayant chacune une masse égale à celle de la Lune, ces 80 parties égaleront la masse de la Terre, et cha- cune d'elles attirant la Lune avec la même force que celle-ci. l’atüire, l'attraction de l’ensemble sera 80 fois l'attraction & | L AS d à PL — 9 — particulière de chacune d’elles soit 80 ><1 et par conséquent la Lune sera attirée 80 fois; mais à son tour elle attirera chacune des 80 sphères également et l’ensemble de ces 80 sphères qui constituent la Terre, dans notre hypothèse, sera aussi attiré une fois ou 4 >< 80. La somme d'attraction de part et d'autre sera donc égale. La force attractive émane d’un centre de matières par lequel passent toutes les résultantes des forces attractives particulières de la masse groupée autour de ce point; elle irradie dans toutes les directions et ne manifeste son action que sur les masses situées autour de ce centre à toutes les distances jusqu’à l'infini; que ces masses soient plus ou moins nombreuses, son énergie n’en est nullement affectée, elle se fait sentir en raison inverse du carré des distances. La Terre n’a qu'un satellite, la Lune, elle en aurait plu- sieurs qu’elle les attirerait tous comme elle en attire un seul, sans que sa puissance d'attraction en soit aucunement diminué. Ces renseignements suffiraient déjà à la démonstration que nous voulons faire, mais il convient de donner les mesures de grandeur de ces forces et des actions qu’elles produisent. Déterminons la valeur de la force centrifuge terrestre et celle de la force attractive lunaire à laquelle elle fait équi- libre. La Terre décrivant un orbite 80 fois plus petit que celui décrit par la Lune est animée d’une vitesse 80 fois plus: fable que celle de ce satellite que nous avons déjà reconnu se mouvoir avec une vitesse de 1013" par seconde. La vitesse de translation circulaire de la Terre sera donc 1013" 80 étant les 0,744 millièmes du rayon équatorial terrestre , soit 4.745.490 mètres, la force centrifuge qui résultera de ce mouvement sur l’unité de masse sera exprimée par de — 19n, 66 par seconde. Le rayon du cercle décrit — 302 — 17e 19,66 >< 12",66 mx =— — 0",00003377 F mx 1 LS 10e 0®,00003377 cent milhonièmes. Or nous avons vu page 286 que l'attraction terrestre à la distance du centre lunaire faisait tomber les corps avec une vitesse de 0®,00270 par seconde. L’attraction de la Lune dont la masse est 80 fois plus faible que celle de la terre ferait tomber les corps de son côté à cette même distance avec une 0m,00270 80 L’attraction de la Lune sur le centre terrestre et la force centrifuge de la Terre dans son mouvement de translation circulaire autour du centre de rotation du système dont elle fait partie avec la Lune, ont donc toutes deux même valeur, elles sont égales, mais de directions opposées l’une à l’autre et par conséquent se font équilibre. (Voir fig. 6.) vitesse de — 0",00003377 en une seconde de temps. de at RT A Go,2 É / Red = -» l ; GE ! . ==... 6927 ia J ractive Excès. 115. 8299 Force a D = === 8877 mm = __—- Les deux astres s’attirent donc également et la force cen- trifuge qui résulte du mouvement de révolution de chacun gl k ‘> Af . ARTE AE PRET * ve AS" PAR "2 + U ME Te Ave 2 A CT Er, PT Dore — 303 — d’eux autour d’un centre commun s’oppose à leur rapproche- ment et les maintient constamment à la même distance l’un de l’autre, les orbites étant considérés comme circulaires. Cest le rayon terrestre équatorial qui est pris comme unité de mesure en astronomie, c’est celui que nous avons déjà indiqué et dont la valeur est de 6.378.953 mètres. La valeur de la pesanteur terrestre est à l’équateur et au niveau de la mer de 9n,7815 — g. Mais la rotation diurne du globe développe une force centrifuge qui étant en opposition avec la pesanteur diminue sa valeur de 0",0339 dix millièmes. Elle doit être ajoutée à celle-ci pour avoir la valeur réelle de l'attraction terrestre qui est — 9n,7815 + 0,0339 sur les Corps qui, ne participant pas à son mouvement de rotation, en reçoivent l’action entière. On représente cette action par G = 9,8154 à la distance d’un rayon terrestre du centre d’attraction, c’est-à-dire au niveau de la mer et sur l'équateur. Nous devons déterminer aussi la valeur de l’attraction lu- naire aux deux surfaces opposées du globe terrestre, comme nous l’avons déjà déterminé ci-dessus pour le centre de la Terre: nous avons trouvé ainsi cette valeur : = — - 80 + D)? G On,8154 ——————ñ"——_———2© = —————— —= ()j" 3 li = a 80 >< 60,273? 290596 0,00003377 cent millionièmes Inscrivons dans leur ordre naturel les 3 valeurs de la force attractive lunaire sur le globe terrestre on a (Fig. 6) : à 99",27 rayons terrestres, c’est-à-dire à la surface du globe qui a la Lune au zénith (au point €) 0",00003492 cent millionièmes à 60,27 rayons terrestres, c’est-à- dire au centre de la Terre (en T).. 0",00003377 ïd. à 61",27 rayons terrestres, c’est-à- dire à la surface du globe diamé- tralement opposée à la première (ÉTU) PR RE 0.107 00003268 id. Nous venons de voir que la force centrifuge fait exacte- — 9304 — ment équilibre à la force attractive lunaire au centre ter- restre. Ces deux forces ont une valeur égale et contraire de 0%,000.053.77 cent millionièmes, elles ne peuvent en ce point manifester d'autre effet que de maintenir le globe terrestre sur le cercle qu'il décrit symétriquement et simultanément avec celui décrit par la Lune autour de lui; mais en dehors de cette manifestation rien ne peut décéler leur existence. Mais si la force attractive lunaire n’a pas la même valeur sur tous les points du globe, si elle passe de 0m,000.034.92 cent millionièmes à 0",000.032.68 cent millionièmes c'est-à- dire si elle diminue de 0®,000.002.24 cent milionièmes sur la distance de 2 rayons terrestres, la force centrifuge est au contraire uniforme sur tous les points du globe, sa valeur reste constante à 0,000.033.77 cent muillionièmes et comme ces deux forces sont antagonistes c’est-à-dire sont de sens contraires et qu’elles ne sont égales qu’au centre terrestre il s'ensuit que ces deux forces ne se font équilibre qu’en ce point et que, partout ailleurs, étant d’inégale valeur, l’une pré- domine sur un hémisphère, l’autre sur lhémisphère opposé. L’atitraction lunaire surpasse la force centrifuge de Om,00000115 cent millionièmes à la surface terrestre qui est distante de la Lune de 59"27 et la force centrifuge à son tour surpasse de 0%,000000109 cent millionièmes la force attrac- tive au delà du centre sur la surface opposée distante de la Lune de 61r27. Mais nous devons démontrer que la force centrifuge est uniforme sur tous les points de la Terre. — 305 — Ces deux forces sont représentées fort amplifiées dans la figure 7, par la surface comprise entre les deux obliques ab, cd et par celle comprise entre les deux parallèles ef,.gh, qui montre du côté de la Lune L la force attractive en be > fh, et de l’autre côté la force centrifuge eg > ad la force attrac- tive. La figure 7 bis a pour objet d’in- _<æ.. ‘vis diquer que le centre de gravité 6 terrestre { { se transporte sur tous t \ les points de la circonférence dont <# AÀestle centre, mais que la Térre ; conserve toujoürs une même orientation. Cette orientation est ce indiquée par des aiguilles de bous- sole constarnment figurées dans la même direction. Le mouvement de la Terre, semblable et simultané du mouvement de la Lune, est ainsi un transport circulaire autour du centre d'inertie À du système Terre et Lune, mais sans rotation de la Terre sur elle-même. Le mouvement de révolution du système formé par la Terre et la Lune s'exécute sur le centre de gravité moyen À du système. Ce point est situé sur la ligne qui Joint les centres des deux corps à 0,744 millièmes de rayon terrestre, où à 4.745.490 mètres du centre de la Terre, c’est autour de ce point que le centre de gravité terrestre T décrit un cercle tt en 27 jours 7 heures, etc. Ce mouvement ne peut en aucune facon déterminer un mouvement de rotation du globe terrestre autour d’un axe quelconque passant par son centre de gravité. Le mouvement diurne de la Terre n'a rien de commun avec ce mouvement de révolution, il s’exé- cute dans un plan qui diffère de 5 degrés avec celui de cette révolution et par conséquent ne peut avoir la même origine. Le globe terrestre doit être considéré comme se déplaçant circulairement, mais en conservant constamment une même orientation, tout en se transportant sur le cercle 20 — 306 — qu’il décrit; tous ses points décrivant dans le même temps des cercles égaux dans le même plan ou dans des plans parallèles, de telle sorte qu'il se développe sur chaque point une force centrifuge égale et uniforme, tous ces points ayant une même vitesse et décrivant des cercles de même rayon dans le même temps. Le petit appareil que nous avons fait construire pour repré- senter le phénomène des marées va nous permettre de mon- tirer le mouvement de translation circulaire du globe dans l’espace sans rotation du globe sur lui-même. Un disque métallique repose par son centre de gravité sur une pointe fixe qui décrit un cercle de 74 m/" de rayon. Le mouvement circulaire de cette pointe transporte ce disque suivant la circonférence qu’elle décrit, sans lui imprimer aucun mouvement de rotation sur lui-même. Tous les points du disque décrivent donc dans le même temps des cercles de même grandeur, sont animés d’égale vitesse et par suite éprouvent une même force centrifuge, La raison de ce fait est que les impulsions successives et incessantes de la pointe contre le centre de gravité du disque rencontrent en ce point la résultante de tous les moments d'inertie des diverses parties du disque. Cette résultante est de direction contraire à celle des impulsions, elle passe par le centre de gravité et s’oppose à tout mouvement de rota- tion quelconque soit dans un sens soit dans un autre. Les lois de l’équilibre dynamique ainsi que l'expérience du disque transporté circulairement, sans rotation sur lui-même, confirment donc l'indépendance absolue du mouvement de révolution du système Terre et Lune autour de son centre de gravité moyen et de l’état de rotation ou de non rotation sur eux-mêmes des deux corps appartenant à ce système. C’est une nouvelle démonstration théorique et expérimen- tale du principe de l'indépendance des mouvements simul- tanés. Nous nous en tiendrons là pour ñe pas trainer en longueur 2 cette discussion, mais nous donnerons plus de développe- ments dans une note à la suite de la 3 partie. Donc (fig. 1) si la force centrifuge est uniforme pour tous les points de la Terre et que du centre lunaire, avec un rayon égal à la distance des centres des deux astres, on suppose décrite une surface sphérique xx qui coupe en deux le globe terrestre par son centre, la force attractive sera supé- rieure à la force centrifuge sur tous les points de la Terre situés à l’intérieur de cette section, et la force centrifuge sera supérieure à la force attractive sur tous les points du globe extérieurs à cette section. Les surfaces polaires de deux sections sphériques seront les parties où l'inégalité de ces forces antagonistes sera plus grande et où l’excès de force attractive du côté de la Lune atteindra 0",00000115 cent millionièmes de mètre, tandis que du côté opposé l’ex- cès de force centrifuge atteindra 0",00000109 cent millio- nièmes. Ces excès de forces n'étant pas équilibrés exercent leur action en sens opposés sur les corps mobiles ou fluides, et par conséquent sur la masse des mers en état d'équilibre à la surface terrestre ; ce sont ces excès de forces non équi- librés qui produisent les mouvements de la mer auxquels on donne le nom de marées. Ces excès ne représentent que : 115 : ee à 3199 — 0,0329, environ 33 millièmes de la force attractive 9 lunaire, et _. — 0,322, environ 32 millièmes de la force centrifuge terrestre. Il n'est donc pas exact d’attribuer les marées lunaires à ja seule force attractive de cet astre, quand en réalité ce phéno- mène, lorsqu'il a lieu du côté de la Lune n’est causé que par les 33 millièmes de cette force, dont les 967 millièmes restants sont neutralisés et n’y entrent pour rien. Il est encore moins exact, quant à la marée qui a lieu aux antipodes simultanément avec la précédente, de l’attribuer à l'attraction lunaire, puisque cette force n’y est absolument SAN En NT PORN TA TE LEE NO ERA EE — 308 — pour rien et que cette marée est dûe à l’excès d’une force centrifuge antagoniste de la force) attractive, excès qui ne s'élève guère au-dessus des 32 millièmes de cette force, le surplus étant employé à équihbrer la force attractive. Enfin combien cette explication est peu fondée dans ce cas, puisque le soulèvement des eaux aux antipodes est en sens contraire de lattraction; combien elle est incomplète et peu conforme à la réalité, quand elle ne soupçonne pas même l'existence de la force centrifuge, de cette force qui existe dès qu'il y a rotation, de cette force qui joue un si grand rôle dans ce phénomène et que cependant elle omet de faire intervenir, parce qu'elle ne voit ni n’apprécie l’ex- trême importance de son action. En effet cette force, qui procède du fait même de la rotation, intervient exactement pour moitié non seulement dans le phénomène apparent, physique, mais encore bien plus énergiquement dans l’action générale, d’une façon occulte, puisqu'elle neutralise les 967 millièmes de la force attractive lunaire qui, sans ce frein puissant, donnerait aux mouvements de la mer une puis- sance 30 fois plus considérable. Or, quand on considère les effets souvent dangereux des grandes marées qui jamais cependant n'atteignent en hauteur une fois et demie l’unité de hauteur des ports, se représente-t-on la violence et le véritable cataclysme que produiraient des marées 30 fois plus grandes ; et cependant c’est ce que produirait la force attractive lunaire si elle n’était pas neutralisée, pour les 967 millièmes de sa puissance, par la force centrifuge. Nous avons insisté précédemment sur indépendance du mouvement de rotation diurne de la Terre avec les causes des marées, c’est-à-dire avec les forces qui occasionnent le soulèvement du niveau des mers; ces causes sont absolu- ment étrangères au mouvement de rotation diurne et Îa démonstration de cette indépendance était nécessaire pour bien se rendre compte du phénomène; mais le jeu de ces forces et les conditions d'équilibre étant bien compris, il — 309 — importe de reconnaitre que la rotation terrestre est une cause occasionnelle, fqui a une très grande part dans la pro- duction du phénomène et qui le fait renouveler à de courts intervalles. En effet si la Terre ne tournait pas sur elle-même et con- servait toujours la même orientation, le mouvement apparent du Soleil autour de la Terre serait d’un tour par an et chaque jour son mouvement serait d’un peu plus de À degré d’arc. La marée solaire suivrait le déplacement journalier du Soleil et ne s’avancerait que d’un degré sur la surface terrestre, ce mouvement serait si peu apparent que cette marée serait insensible et ne paraîtrait pas. Quand à la marée lunaire elle accompagnerait le mouvement de la Lune, c’est-à-dire que le gonflement des eaux ferait le tour du globe en 27 jours 7 heures comme le fait la Lune, il n’y aurait en chaque lieu que deux hautes et deux basses marées dans cette période de temps, une dûe à l'attraction lunaire, l’autre à la force centrifuge terrestre. Mais il n’en est pas ainsi, la rotation diurne amenant suc- cessivement tous les points de la surface terrestre en face de la Lune dans une période de 24 heures 49 minutes, change constamment le théâtre où doit se produire le phéno- mène, et bien que cette rotation diurne ne participe en aucune façon au travail des forces qui soulèvent les eaux, elle est l’occasion qui détermine l'édification d’une forme d'équilibre des eaux que ces forces travaillent à élever tou- jours et que la rotation démolit sans cesse en faisant inces- samment changer les lieux où cette forme d'équilibre doit être édifiée. C’est à la rotation diurne que l’on doit la pro- duction de deux marées par jour ou du moins d’une marée toutes les 12 heures 25 minutes; l’une dûe à l’excès de Ia force attractive, l’autre à l’excès de la force centrifuge. Tout ce que nous venons de dire se rapporte à l’action de la Lune et aux marées lunaires. Le même raisonnement est applicable au Soleil et aux marées qu'il produit. Nous allons 610 — calculer la valeur de son action et comparer son importance à celle de l’action lunaire. La masse du soleil MS est égale à 324439 fois celle de la Terre ; sa distance, qui est le rayon moyen de l’orbite, est de 23288 rayons terrestres. La valeur de l'attraction que le Soleil exerce sur le centre de gravité de la Terre est exprimée par g XX MS 9m,8154 >< 324439 D? 23288r,14° cent millionièmes ; telle est la force accélératrice G du Soleil sur la Terre, dans l'unité de temps qui est la seconde. L'on sait que le nombre qui exprime la valeur d’une force cons- tante est double du chemin parcouru par les corps soumis librement à cette force dans l’unité de temps, on appelle ce chemin parcouru chute, dans ce cas on a pour hauteur de __ 0,00587187,5 AR La Terre sous Pinfluence de l'attraction solaire tombe donc à chaque seconde de 0,002.935.936.500 c’est la quantité dont elle dévie de la ligne droite qu'elle tend à suivre, et dont elle se rapproche du Soleil à chaque seconde, et c’est ‘la force centrifuge de même valeur qui résulte de cette déviation qui s'oppose à ce qu’elle s’en rapproche davantage, d'où résulte sa translation autour du Soleil suivant une courbe fermée, que nous considérons pour plus de sim- plicité comme étant une circonférence et à laquelle on a donné le nom d’orbite. La valeur de cette force centrifuge égale à la force accélé- ratrice solaire (0,005871873) s’obtient encore au moyen de la 1Æ formule F = m XK FR: nous allons la calculer comme con-* — G, c'est-à-dire — 0%,00587187,3 chute : À — 0%,0029359305. trôle de la valeur ci-dessus. Le rayon de l'orbite — 23988 rayons terrestres, sa circon- férence — 146334,041248. Cet orbite est parcouru en un an, 146334: ,041248 _ TRE : Te s d'où: — 2 — soit en 8765 heures 75 centièmes ; d’où 8765,75 = 16",6688 parcourus en 1 heure, ou — 311 — 16",6688 >< 6378253m 3600 secondes — 99539n,93 — V, qui représente la vitesse avec laquelle la Terre se meut sur son orbite en une seconde de temps, c’est- à-dire 29 kilomètres et demi environ. Appliquant la formule de la force centrifuge, D D 26283 |. 1485367080 ON Re 2088 0018080 872188520 — 0m,00587186 = F, — G, chiffre qui exprime la valeur de la force centrifuge égale, comme on le voit, à la force attrac- tive solaire sur le centre terrestre, c’est l'égalité d'action de ces deux forces qui maintient le globe sur l'orbite qu’il dé- crit autour du Soleil. D'où l’on voit que la Terre est retenue sur son orbite par l’antagonisme de deux forces égales et constantes, de directions opposées, qui agissent sur son centre de gravité et dont l’une, l'attraction solaire, tend à la faire tomber dans la direction du Soleil de près de 0,003 millimètres par seconde, et dont l’autre, la force centrifuge, tend à l’en éloigner d'autant dans le même temps. La conséquence de ces deux forces est le maintien du globe terrestre sur l'orbite, et un état d'équilibre qui ne permet aucune autre manifestation de l’une ou de Pautre force. Ces deux forces sont neutralisées l’une par l’autre, de telle sorte que l’on ne pourrait en soupçonner l'existence si elles n'étaient la conséquence incontestable des lois de la mécanique et du raisonnement. Mais cet état de parfait équilibre n'existe qu’au centre ter- restre et sur tous les points également éloignés du centre solaire, c’est-à-dire sur l'intersection, passant par le centre du globe, d’une surface sphérique dont le centre serait celui du Soleil, la figure 7 montre une section de la Terre analogue sur une surface sphérique XX qui a pour centre le centre lu- naire ; sur tous les points du globe en dedans et en dehors de cette surface sphérique l’équilibre n'existe pas, la force centrifuge restant uniforme sur tous les points, tandis que la — 312 — force attractive diminue avec Paccroissement de la distance au Soleil. Mais cette diminution est extrêmement faible, le rayon Le partie de la distance au centre d'attraction qui est le centre solaire, on conçoit que la varia- tion d'intensité de la force attractive sur la longueur d’un rayon terrestre doit être extrêmement faible. Le calcul donne pour les valeurs de l'attraction aux deux points extrêmes et au centre terrestre : terreste n'étant que la 1° À la surface terres- DIFFÉRENCES. tre du côté du so- ae illion. MR On,00587237,8 cet million. (202 227 mil 90 Au centre terrestre 0",00587187,3 il. ‘ 3° À la surface de la terre la plus éloi- 50,4 ül. DÉC ie de he 0m,00587136,9 il. Il faudrait pousser plus loin ces fractions décimales pour avoir des rapports plus approchés, mais ces résultats sont peu importants, il nous suffit de remarquer que la différence d'attraction solaire aux deux surfaces opposées de la Terre s'élève à 0",00000100,9 cent millionièmes, soit environ 90 cent millionèmes de différence de ces deux points au centre terrestre. Nous avons vu que la valeur de l'excès de la force attrac- tive lunaire était de. 0m,00000115 DIFRÉRENGES. que l’excès de force centrifuge antagonis- le étaitide 0 0m,00000109 que l’excès de force | Om,0000022% cent million. attractive solaire était CÉ Er ARN E 0®%,00000050,5 et l'excès de la force centrifuge antagonis- s id. bee ni AN. variée Om,00000050, 4: = 0 — | 2924 ce qui donne un rapport de — 2,22 représentant la 400,9 supériorité d'action de la Lune sur celle du Soleil prise pour unité. INSUFFISANCE DES CONDITIONS D'ÉQUILIBRE STATIQUE ET INSTANTANÉ DES MERS POUR EXPLIQUER LE PHÉNOMÈNE DES MARÉES, » Maintenant que nous possédons les valeurs numériques des diverses forces qui agissent sur le globe terrestre, ainsi que sur les masses fluides des mers, et dont les variations incessantes de directions et d'intensité tendent sans cesse à modifier l’état d'équilibre des eaux, nous pouvons détermi- ner la forme de cet équilibre ou, plus simplement, les éléva- tions du niveau des mers qui résultent de l’action de ces forces. Mais en admettant que pendant le temps considéré, et infiniment court, nous supposions le globe à l’état de repos et abstraction faite de tout résidu d'action antérieure de ces forces sur les masses liquides que nous supposons aussi en repos ; ces conditions sont celles de léquilibre statique. Admettant que les eaux recouvrent entièrement la Terre, il est évident que la forme d'équilibre des mers sera sphérique. La sphère ayant tous les points de sa surface à égale dis- tance de son centre qui est le centre d'attraction, c’est aussi la surface dont tous les points sont soumis à une pesanteur égale et où par conséquent l'équilibre existe ; aucune molé- cule ne peut dépasser le niveau de cette surface sans trou- bler l’équilibre de toutes les autres : la surface des mers dans cette condition serait celle d’une sphère parfaite. Nous savons que par suite de la rotation diurne et de la force centrifuge qui en résulte, la masse des eaux n’a pas cette forme sphérique mais bien celle d’une ellipsoide dont le diamètre équatorial est de 42 kilomètres environ plus — 314 — grand que l'axe polaire, ce qui fait que le niveau des eaux équatoriales est à 21 kilomètres plus haut que celui des mers polaires. Mais pour l’appréciation que nous nous proposons de faire des élévations du niveau des eaux sous l’action des forces attractives cosmiques, il est plus simple de considérer la masse des eaux comme ayant la forme sphérique et nous chercherons quelle modification y apportera l’action attrac- tive de la Lune. L'action de cet astre étant extérieure à la Terre agira évi- demment dans une seule et même direction sur les points opposés du globe, mais son action sera en sens contraire de la pesanteur terrestre sur la surface située en face d'elle, et dans le même sens que la pesanteur sur la partie de la sur- face opposée à la première. (Voir fig. 1, 1e partie). Supposons que le globe terrestre soit entièrement formé d’eau : la partie de la surface qui a la Lune au zénith recevant l’action attractive de cet astre en sens contraire de la pesan- teur, l’eau y sera moins pesante, et ce sera comme si sa densité était diminuée, il faudra alors une hauteur d’eau plus grande pour faire équilibre à la poussée des masses d’eau environnantes, qui au lieu d’avoir la Lune à leur zénith l'ont à leur horizon, c’est-à-dire à 90° de la verticale, condition dans laquelle elle n’influe nullement sur leur pesanteur, l’action de la Lune étant perpendiculaire à sa direction dans tous les lieux. Il y aura donc sur la surface considérée une élévation de niveau; si l'attraction de la Lune diminuait d’un millième la pesanteur, il est clair qu'il faudrait que la co- lonne d’eau soit exhaussée d’un millième pour faire équi- libre aux eaux environnantes, soit d’un mètre par kilomètre. Or, la Terre étant supposée liquide et ayant 6378 kilomètres de rayon, la proéminence de la surface devrait s'élever de 6378 mètres pour que l'équilibre existe. Mais nous savons que l'attraction lunaire à la surface terrestre est beaucoup plus faible, elle n’est que de 0m,00003492 cent millionièmes, tandis que la pesanteur — 9",8088, c’est-à-dire que l’attrac- GS | l | | l — 315 — tion lunaire n’est que TONGS = =. soit la 280893 partie de la pesanteur. Par conséquent, admettant que la masse soit entièrement liquide, l’exhaussement de niveau 6378253 280893 — 929m,70 ; mais le globe n’est pas formé d’eau, il en est re- serait de la 280893° partie du rayon terrestre, soit 3 couvert seulement sur les à de sa surface, la profondeur des : ele mers est beaucoup moins grande. On estime à 2 5 kilo- mètres la profondeur moyenne des eaux des mers ; ce n’est donc que sur cette profondeur que porte la diminution de AQU ESS lou pesanteur, et l’on a : 580893 — Om,0089 dix millièmes de mètre, soit environ 9 millimètres. On voit combien ce soulèvement de niveau est réduit, mais cette valeur est encore beaucoup trop forte, car nous n'avons pas fait intervenir l’action de la force centrifuge qui neutra- lise plus des - de l’action lunaire. Reprenons les nombres que nous avons trouvés. L’attraction lunaire étant à la surface terrestre de 0%,00003492, la force centrifuge qui agit en sens contraire est de 0M,00003377, la différence entre ces deux forces n’est plus que de 0m,0000115 cent millionièmes : c’est l'excès de force attractive non équilibrée. C’est cet excès seul qui agit sur l’équilibre des mers. Comparons cette force à la pesan- teur et nous trouvons Jo aUeen = és Cette force 0m,00000115 1 n’est plus que la 8529391° partie de la pesanteur; c’est de cette quantité que la masse devra être augmentée par un 900 À À ) accroissement de hauteur, soit pour POU 6509391 — 0m,000029 +16 — milionième de mètre (1), soit environ les 3 centièmes d’un millimètre. - Soit environ 3 centièmes de millimètre. Voilà à quoi se réduisent ce que l’on appelle les proémi- minences liquides causées sur la mer par l’attraction de la Lune : à peine l’épaisseur d’une feuille de papier de soie. L'action exercée par la force centrifuge étant légèrement plus faible puisqu'elle est les 0,9478 de l’excès de force attractive que nous venons d'examiner, il nous paraît inutile de recommencer les mêmes opérations et nous admettons sans tenir compte de Pinfinitésimale erreur, que le même ellfet sera produit par l’excès de cette force, sur les eaux qui couvrent l'hémisphère opposé au premier. De même nous ne rechercherons pas l’exhaussement de niveau produit sur les mers par l’action solaire plus faible encore que la moitié de l’action attractive de la Lune. Ces effets microscopiques sont de nulle importance. Nous résumons ainsi cette deuxième partie de notre étude: nous nous sommes appliqués dans cette deuxième partie à déterminer les valeurs numériques des forces attractives de la Lune et du Soleil; nous avons pu aussi déterminer les valeurs numériques des forces antagonistes à celles-là : Les forces centrifuges que jusqu'ici on avait omis de faire inter- venir dans un phénomène où elles agissent avec une grande énergie et à l'intervention desquelles les marées, au lieu d’être un fléau terrible, un agent de destruction redoutable, inces- sant et sans frein, ne sont qu’un balancement inoffensif des mers que l’on peut même qualifier d'utile et de salutaire. Ces valeurs numériques que nous avons obtenues avec toute la précision qu'il nous à été possible, nous ont permis 6378253" 8929891 millimètres pour la hauteur dont le niveau de la mer serait soulevé par l'excès d’attraction lunaire. — 0n,758 (1) Si le globe était entièrement liquide, on aurait : — 917 — de les comparer avec celles de la pesanteur à la surface ter- restre et de mesurer l’intensité de leur action sur l'équilibre des mers en opposition avec l’action de la pesanteur. Le résultat de ces comparaisons a été que : les modifica- tions de la forme d'équilibre des mers, telle qu’elle s'établit naturellement sous l’action de la pesanteur ne sont pour ainsi dire pas sensibles, l'élévation de la surface des eaux ne pou- vant atteindre la hauteur d’un millimètre. Il y a loin de là comme on le voit aux proéminances liquides dont parlent tous les auteurs de la théorie en usage, ainsi qu'aux figures ellipsoïdales dont on illustre les traités de cosmographie et dans lesquelles on accuse deux fortes proéminences des mers, diamétralement opposées. Il ressort clairement pour nous de l’infime petitesse des résultats auxquels conduisent les lois de l’équilibre statique, instantané, comparés aux majestueux et puissants effets que la nature présente chaque jour à nos yeux, que ce n’est pas dans les lois de la mécanique statique et dans cet ordre de raisonnement qu'on trouvera l'explication du phénomène. Si l’on considère la hauteur infinitésimale ou microscopique à laquelle les astres attirants élèvent le niveau des mers, il paraît impossible d'établir une relation quelconque entre ces variations de niveau infiniment petites et le développement de puissance infiniment grand que produit sur l’immense étendue des mers le phénomène des marées. Il faut donc reconnaitre que le problème est d’un autre ordre, et en effet sa solution doit être cherchée dans les lois de la dynamique. Le phénomène considéré instantanément est infiniment petit, mais 1l acquiert une immense grandeur par l’accumulation du travail mécanique des forces attrac- tive et centrifuge sur l’énorme masse des eaux dans des périodes de 6 heures 12 minutes pendant lesquelles elles opèrent sans cesse. À cette accumulation vient s'ajouter le résidu des forces qui ont produit les oscillations anté- rieures des mers et qui n'ayant pas élé épuisées accroissent — 318 — dans une notable mesure les effets produits. Cette accumula- tion de travail mécanique dans la masse des eaux explique tout naturellement aussi par l’inertie de la masse, le retard de 36 heures que l’on observe dans la production des marées sur l’époque précise où les positions astronomiques du Soleil et de la Lune tendent à les produire. Ce retard est dû à l’inertie des masses à mettre en mouvement, c’est le travail de ces forces sur l’inertie qui constitue l'accumulation. C’est une nouvelle étude à faire du phénomène des marées; ce sera l’objet de la 3° partie de ce travail. — 319 — TROISIÈME PARTIE LE PHÉNOMÈNE DES MARÉES EST DU A L'ACCUMULATION DU TRAVAIL MÉCANIQUE DÉVELOPPÉ PAR LES FORCES COSMI- QUES SUR LES EAUX DE LA MER. — IDENTITÉ DE L’'ORI- GINE DES SEICHES DES LACS. Nous venons de voir que la forme d’équihbre statique et instantané des mers sous l’action des forces attractives de la Lune et du Soleil ainsi que des forces centrifuges corres- pondantes ne diffère qu'imperceptiblement de la forme d'équilibre qu’elles affectent sous la seule action des forces permanentes de la pesanteur et de la force centrifuge due au mouvement diurne. Nous avons trouvé par le calcul que la hauteur dont pou- vait être soulevée la surface des mers par les forces attrac- tives lunaires et solaires ne pouvait dépasser 3 centièmes de millimètres environ pour une profondeur moyenne des mers de 2500 mètres. Un tel résultat est fort loin de correspondre à ce que nous montre la nature dans le mouvement imposant et grandiose des marées. On doit en conclure que les conditions de l’équi- libre statique et instantané sont insuffisantes pour rendre compte de ce phénoméne qui effectivement appartient par la grande étendue de la nappe liquide dans le plan de la rota- tion terrestre, à un autre ordre de faits. C’est en effet à l’hy- drodynamique et non à l’hydrostatique qu’il faut en deman- der la solution. Nous avons déjà dit quelques mots (page 292, 2° partie) de — 320 — la chute des corps sous l’action de la pesanteur et nous de- vons rappeler qu'à la latitude de Paris et au niveau de la mer, tous les corps, quelles que soient leur forme et leur nature tombent dans le vide d’une hauteur verticale de 4",9044 dans Pespace d’une seconde de temps et qu'arrivés au bas de cette chute la vitesse acquise est le double de cette hau- teur soit V — 9m,8088. Cest cette valeur qui a été prise pour mesure de la force de la pesanteur à la surface terrestre et qui figure dans les calculs par la lettre g — 9,8088 dix millièmes. Mais on peut se demander comment il se fait que tous les corps, indistinctement, tombant dans les conditions ci-dessus ne prennent ni plus ni moins de vitesse, mais acquièrent tous celle de 9",8088 dans l’espace d’une seconde de temps et franchissent exactement la même hauteur de 4n,9044. La réponse à cette question est : que toutes les molécules de la matière sont également aitirées par la Terre et que l’inertie de ces molécules, c’est-à-dire la résistance que leurs masses, lorsqu'elles sont à l'état de repos, opposent aux forces qui les sollicitent à se mettre en mouvement, ou lors- qu'elles sont en mouvement à reprendre l’état de repos, cette résistance qu’on appelle inertie a une valeur égale pour toutes les molécules de matière. D'où résulte que le travail de la pesanteur sur la masse de chaque molécule pendant une seconde de temps est la quantité de puissance dépensée et nécessaire pour faire franchir à chacune d'elles un espace de 4,9044 de hauteur verticale et pour lui communiquer cette vitesse de 9",8088. D'où il suit que l’inertie est cette résistance moléculaire qui mesure le travail des forces en raison des masses et dont la manifestation visible et effective est la vitesse que sous leurs impulsions prennent tous les corps de la nature. L’inertie est donc une propriété générale de la matière comme l'attraction, l’homme peut en utiliser les effets, mais ilne peut ni la réduire, nila modifier. L’inertie donne à la 4 ae — 001 — matière la faculté d’'emmagasiner, d’accumuler le travail mé- canique, mais à l'accumulation de travail correspond toujours du mouvement c’est-à-dire des vitesses en rapport avec le travail accumulé et la masse accumulatrice. Communiquer un corps une vitesse de 9m,8088 par seconde ou lélever dans ce même temps à une hauteur verticale de 4°,9044 constitue une égale dépense de force, ainsi qu’on va le voir. Si en effet le corps qui tombe dans le vide pendant une seconde de temps était sphérique et parfaitement élastique et qu'au bas de sa chute il rencontre un plan horizontal ab- solument inflexible et résistant, il rebondirait aussitôt exac- tement à la hauteur d’où il était tombé, soit à 4",9044 L'inertie aurait consommé et accumulé pendant la chute toutes les impulsions de la pesanteur sur la masse du corps ; l'accumulation de ce travail aurait déterminé le mou- vement et l’accélération de vitesse dans la direction de la pesanteur agissante et au moment du choc laccumulation du travail mécanique étant transmise aux molécules élas- tiques serait instantanément et intégralement restituée en sens contraire par lélastcité et le corps remontant avec une vitesse de 9",8088 atteindrait en une seconde de temps la hauteur de chute de 4%,9044 d’où il est tombé. Pendant cette ascension en sens contraire de la pesan- teur celle-ci épuiserait par la même succession d’impul- sions tout le travail mécanique accumulé par la chute pri- mitive ‘et la vitesse ascensionnelle diminuerait progressive- ment pour, à 4",9044 de hauteur, être réduite à zéro. De- puis longtemps l’industrie a utilisé des moyens d’accumula- tion du travail mécanique. L’emploi des volants dans les machines, les poids d'horloge que l’on remonte à de longs intervalles sont des accumulateurs ; il en est de même des ressorts de pendule et de montre. L'eau élevée dans des réservoirs pour alimenter des jets d’eau, des fontaines, ou pour faire fonctionner des monte-charges; le bandage des ressorts ; la compression 21 — 929 — des gaz ou de l'air dans des réservoirs très-résistants ; enfin et plus récemment les appareils qui portent le nom d’accumulateurs et dans lesquels l’eau est refoulée en grande quantité sous des pistons mobiles verticalement, et chargés de manière à produire des pressions de 20 ou 90 atmosphères, constituent autant de moyens d’actionner instantanément et en temps utile de puissantes machines ; ce sont de grands et précieux procédés d’accumulation de travail mécanique. Nous verrons plus loin que la masse des mers constitue aussi un accumulateur d’une puissance incalculable et d’une sensibilité réellement incomparable par le fait de l’inertie de ses masses immenses et par l’indépendance absolue et l'extrême mobilité de ses molécules liquides. Deux forces principales permanentes agissent avec une énergie constante sur cette masse en équilibre : ce sont la pesanteur terrestre et la force centrifuge résultant de la rotation de la Terre sur son axe. La première de ces forces dont la direction en chaque point est le centre de gravité de la Terre, tend à faire prendre à la mer une forme sphérique, qui est la seule où toutes les molécules de la surface se trouvent également attirées comme étant à égale distance du centre de gravité terrestre et d'attraction. La deuxième, dont l’action en chaque point est dans le plan de l'équateur ou dans des plans parallèles à celui-ci, et dans la direction du centre à la circonférence, possède une énergie plus ou moins grande, mais de sens contraire à la pesanteur, selon que le point considéré est plus ou moins rapproché du plan de l’équateur; en d’autres termes, cette force est maximum à l'équateur et nulle au pôle (nous avons déjà indiqué la valeur de cette force à l’équateur où elle est de 0%,0339 dix millièmes). L'action de cette force centrifuge diminue celle de la pesanteur, et sous l'influence de ces deux forces, les eaux de la mer prennent la forme d’un ellip- soïde de révolution dont le diamètre équatorial est d'environ DE LM LD us — 393 — _ plus grand que l’axe polaire. Cet ellipsoïde est la forme d'équilibre des mers sous l’influence de ces deux forces. Mais outre ces forces principales et permanentes, il en est d’autres d’origine cosmique, moins énergiques, il est vrai, mais dont l’action ne laisse pas que de modifier momenta- nément d’une manière sensible Ta forme d'équilibre dûe aux forces permanentes terrestres. L’attraction du soleil et la force centrifuge terrestre qui lui fait équilibre sur l'orbite que la terre parcourt, l'attraction lunaire et son antagoniste, la force centrifuge terrestre, exercent toutes les quatre leur action sur l’équilibre des mers, et la rotation de la Terre déplaçant constamment, pour les divers lieux de sa surface, la position de ces astres atti- rants, la forme d'équilibre change constamment, ce qui détermine perpétuellement des oscillations plus ou moins considérables des masses liquides auxquelles on donne le nom de Marées. La sensibilité prodigieuse de cet immense accumulateur qui obéit aux impulsions des plus faibles forces, résultant de l'extrême mobilité de ses eaux et de leur masse énorme, maintenue dans un état parfait d'équilibre à la surface ter- restre par la pesanteur, autorise à penser que l'attraction même des autres astres du système planétaire auquel nous appartenons, doit faire éprouver de légères modifications à cette forme d'équilibre des masses liquides, mais dans une si faible mesure que jusqu’à ce jour leur influence n’a pu être constatée. Quand Jupiter et Saturne sont en opposition, ils doivent dans une certaine mesure neutraliser une très faible partie de l’attraction solaire, tandis qu’en conjonction, leur action doit renforcer cette attraction et il ne serait pas impossible que plus tard, des moyens d'observation nouveaux et des instruments ingénieusement combinés et d’une grande sen- Sibilité ne permettent de constater l'influence infiniment — 3924 — petite de ces astres sur l'équilibre des mers, et la sensibilité merveilleuse de ce puissant et délicat accumulateur. Il résulte de là que toute force nouvelle qui vient exercer son action sur la masse des eaux détermine, dans la mesure de son énergie, une modification de la forme d'équilibre préexistante ; si cette force est variable en intensité et en direction, la modification de formes en suivra toutes les grandeurs et toutes les phases. Ces actions se composeront avec celle de la pesanteur de manière à satisfaire au principe de mécanique de l'Indépendance des mouvements simul- tanés. Si l’action de la force nouvelle vient à cesser, l’équi- libre antérieur se rétablit et le travail de l’inertie, dans le mouvement qui sopèrera pour revenir à cet équilibre anté- rieur, représentera exactement le travail que la force dis- parue avait exercé sur la masse des eaux. D’après ces considérations générales, on reconnait que quand, par son mouvement de rotation diurne, la Terre fait passer successi- vement sous les méridiens où se trouve la Lune toutes les portions de la surface d’une vaste mer, l'attraction lunaire bien qu'extrêmement faible agit successivement sur toutes les molécules liquides situées dans une étendue d’au moins 90° ou du quart de la circonférence équatoriale. Ces molé- cules sont attirées du côté de la Lune avec une énergie qui varie de zéro jusqu'à 0,00000115 cent millionièmes et dans des directions qui, d’horizontales, passent par tous les degrés d’inclinaison jusqu’à la verticale. Cette action s'exerce 1 pendant une période de temps de 6 heures 12 minutes 9 temps qui s'écoule entre le lever de la Lune à l’horizon et son passage au méridien du lieu considéré. Pendant cette. période de temps, l’attraction lunaire agit sur la totalité des molécules fluides et mobiles de la mer, réparties sur la lon- gueur de cet arc de 90° et tend à en opérer une sorte de trainage à la surface du globe. La modification de la forme d'équilibre sous cette influence commence à s'effectuer — 325 — insensiblement d’abord, puis en s’accélérant jusqu’à la fin de la période. Pendant 6 heures 12 minutes, ou 372 minutes, les eaux ont été attirées de l'Ouest à l'Est puis, pendant les 372 minutes suivantes, elles le seront de l'Est à l'Ouest. Or si le calcul de l’équilibre statique instantané n’accuse pour valeur de l’élèvation du niveau des mers que quelques cen- tièmes de millimètres, le travail mécanique de l'attraction lunaire, pendant 6 h. 12 minutes, soit pendant 22,309 se- condes de temps sur la partie de mer indiquée, acquiert au contraire une valeur réelle et de l’ordre de grandeur du tra- vail mécanique que l’on peut attribuer aux marées. Pendant cette période il se produit une accumulation con- . sidérable de travail qui est la somme de toutes les actions exercées par l’attraction sur toutes les molécules de la mer, distribuées sur l’étendue d’un quart de la circonférence ter- restre. Toutes ces molécules ont pris des positions particu- lières dans les formes d'équilibre qui se sont successivement succédées, quoiqu'invisibles et inappréciables à la vue, posi- tions ‘qui néanmoins sont toutes en opposition avec Pétat d'équilibre que détermine la pesanteur terrestre quand elle agit seule, état auquel elles reviendront quand la cause troublante aura cessé d'agir. Le travail mécanique dépensé par ces forces sur ces molécules pesantes pour constituer des systèmes en équilibre ne peut disparaitre et être réduit à néant sans avoir été épuisé par un travail résistant équi- valent. Or l’exitrême mobilité des molécules des masses liquides permet sans perte appréciable laccumulation du travail mécanique par le seul fait de l’arrangement et de la distribution des molécules dans de nouveaux systèmes d'équilibre, édifiés successivement sous l'influence de ces forces et de la pesanteur ou plus exactement de la résultante de toutes ces forces. La direction et l'intensité des forces attractives ou centrifuges variant sans cesse, la forme d’équi- libre des mers se modifie incessamment aussi. Ces varia- tions de formes correspondent à des mouvements molécu- — 9326 — laires, dont, en définitive, elles ne sont que l’expression et la figure. Ces mouvements moléculaires donnent lieu à des ondulations d’abord très petites et très nombreuses, mais qui peu à peu s'ajoutent et se superposent, grandissent et finissent par constituer des vagues de plus en plus hautes et de plus en plus larges à mesure de l’accroissement de l'accumulation, et l’on peut se représenter, ainsi que l’in- dique la figure 9, le profil de la surface des mers à l’extré- mité d’un arc d’un quart de circonférence terrestre, qui a subi l’action de la force attractive. Ligne de niveau ou horizontale, Depuis longtemps les marins ont reconnu l'existence de. flots de marée, se propageant avec des vitesses d'environ 200 lieues à l'heure, dans l'Atlantique, à la hauteur de 45 à 900 de latitude, et d'environ 300 lieues à l'heure à l'équateur. M. Chazalon, ingénieur hydrographe de la marine, parle, dans l'Annuaire des marées des côtes de France pour 1843, d’ondulations plus petites que celles que jusqu'ici on a con- sidérées comme produisant la marée. Il dit : « J’ai montré dans un mémoire adressé à l’Institut, en 1842, qu’outre les ondulations déjà reconnues par divers géomètres, il existe des ondulations assez considérables dont personne n'avait encore signalé l’existence et dont la période est = : - = 1 TC de jour lunaire. » Cette communication d’un ingénieur hydrographe chargé de la mission d’observer les mouvements des marées, d’en Ce — 927 — mesurer les hauteurs et d’en noter les périodes, n’a-t-elle pas un grand poids et ne vient-elle pas confirmer la production d’ondulations que nous indiquions comme conséquence du travail mécanique accumulé pendant les modifications de formes incessantes de l’état d'équilibre des mers. Indépen- damment du flot, de la vague-marée observée et connue de tout temps, voici un observateur outillé pour faire des obser- vations qui, un des premiers a fait construire des maréo- graphes, et qui observe 5 autres ondulations dont 1l mesure la hauteur et enregistre les périodes. Nous n’avions pas connaissance de cette communication de M. Chazalon à l’Institut, quand nous avons commencé cette étude. L'Annuaire des Marées de 1843 nous étant tombé entre les mains accidentellement, nous y avons trouvé ce document très important et qui arrive si opportunément pour être cité dans ce travail. L'existence constatée d’ondu- lations de _ et 5 de jour lunaire dans les ports de Dunker- que, Ostende et Flessingue (1) par cet ingénieur, montre que Je travail mécanique dépensé par les forces qui troublent l’é- quilibre des mers est accumulé par la formation d’ondula- tions dans la couche superficielle des mers, et si l’on n’en a observé qu’un petit nombre, c’est que les autres de moindre importance échappent à l’observation par leur faible hauteur, et sont presque constamment masquées par l’agitation per- pétuelle de la surface des eaux sous l’action des vents et d’une foule de causes. La formation de ces ondulations de plus en plus grandes et dont la période est, pour les plus courtes observées, de 2 heures, résulte évidemment de l’accumulation d’ondulations plus petites et de moindre durée; ces ondulations forment des séries progressives, et c’est ainsi que le travail mécanique se (1) Des observations analogues ont été faites par M. Wehvwell à Liver- pool. É 0e D PE RD AN SE M EE — 3928 — trouve accumulé dans la quantité de mouvements que pos- sède la couche superficielle des mers ainsi que dans limpul- sion, dans la direction de l'Ouest à l’Est que la masse entière des eaux a reçue des forces cosmiques dont nous avons par- lé. Nous possédons maintenant les données nécessaires pour apprécier, nous ne dirons pas approximativement, mais dans des limites vraisemblables, le travail mécanique dépensé par les forces troublantes et accumulé dans les masses liquides, dont l'élévation et la grandeur de la vague au niveau de la marée est la somme totale, celle qui déve- loppe à nos yeux un travail équivalent. L’excès d'attraction lunaire à la surface terrestre étant comme nous l'avons vu de 0%,00000115 cent millionièmes par seconde, sur son antagoniste la force centrifuge, cette force accélératrice correspond à une élévation des molécules atti- rées de 0,00000058 cent millionièmes de hauteur dans ce même temps et par conséquent de 0%,00000058 kilogram- mètre par kilogramme d’eau. Ce travail s’exerçant pendant 22300 secondes de temps s'élève pour cette période d’action qui correspond à la montée de la marée soit 22300 >< 0m,00000058 — 0ksm,012934 millio- nièmes soit par mètre cube 0",012934 >< 1000k° — 12 kilo- grammètres 934 millièmes. Soit L la Lune et T la Terre (voir fig. 10), si du centre L avec un rayon T L on décrit l'arc a T b, comme il a été dit — 929 — cet arc sera le lieu d'équilibre entre la force attractive lu- naire et la force centrifuge terrestre qui lui est opposée en direction, ces deux forces étant égales sur tous les poinis de cet are a T b. La force attractive étant en raison inverse du carré des distances, il en résulte que cette force ira en s’ac- croissant des points « et b en s’avançant vers le point C situé sur la ligne des centres. La force centrifuge étant uniforme sur toute la Terre et étant égale à l'attraction lunaire sur tous les points de l’arc a T b, est donc inférieure à cette force sur tous les points à l’intérieur de cet arc, et au contraire supé- rieure à cette force sur tous les points situés à l'extérieur de cet arc. Nous avons vu qu’au centre terrestre ces deux forces avaient chacune pour valeur 0"00003377 , et que Pat- traction de la Lune à la surface terrestre en face d'elle, atteignait la valeur de 0,00003499, et à la surface opposée 0",00003268 cent millionièmes ; l'excès de force attractive en G est donc de 0®,00000115 cent millionièmes, l’excès de force centrifuge en d est de 0",00000109 cent millionièmes. D'après cela une molécule située en b ne sera attirée ni du côté de la Lune, ni repoussée en sens contraire par la force centrifuge, ces forces s’équilibrant en ce point, mais sur tous les autres points dans l’arc b GC, l'attraction se fera de plus en plus sentir jusqu’à atteindre en C la valeur 0m,00000115 cent millionièmes; de même sur l’arc b d l’excès de la force centrifuge de plus en plus supérieure à la force attractive passera de 0 à 0®,0000109 cent millionièmes. Nous venons de calculer le travail de l’excès de force at- tractive sur la masse d’un mètre cube pendant la période de 6 heures 12 minutes, temps employé pour que cette masse si- tuée en « soit amenée par la rotation diurne en C ; mäis nous remarquons que si la force attractive vaut 115 cent millio- nièmes au point C, sa valeur en a est O0, la quantité de tra- 115 +0 9 vail mécanique doit être réduite de moitié, soit —_ 58 — 330 — cent millionièmes correspondant à une hauteur de chute de = — 99 cent millionièmes. La quantité de travail mécanique déployée sur un mètre cube d’eau sera donc de 19kgm,934 — — 6 kilogrammèires 477 pendant son transport de a en C. La masse des eaux sur laquelle l’action se sera développée sera celle comprise de C en « dont on ne comptera encore que la moitié, les seules molécules situées en C ayant reçu la totalité de l’action et celles arrivées en a ne l’ayant encore pas subie. Supposons donc une tranche de la mer ayant pour longueur le quart de la circonférence équatoriale, un mètre de largeur et une profondeur moyenne de 2500 mètres, on aura pour volume de cette tranche : 10m5,018,954n >< >< 1m XX 2,500 — 95billions 047,385,000 mètres cubes, et pour masse ayant subi l’action attractive en excès et l'ayant accumulée ou emmagasinée a — 12.5923.692.500 mètres cubes ou tonnes. Chaque mètre cube ayant accumulé Gksm 467, on aura pour le travail mécanique total : 192523692500 >< 6kgm,467 — 78.990.719.397 kilogrammètres. Teile est la quantité de travail mécanique déployée par l'excès d'attraction lunaire sur les molécules pesantes de la mer pendant un quart de jour lunaire pour en modifier la forme d'équilibre et pour lui communiquer une vitesse dans la direction de l’Ouest à l'Est qui en provoque un petit dépla- cement quand les rivages le permettent, et un soulèvement du niveau dans le cas contraire. Cette forme diffère évidemment de celle qui correspond à l’action seule de la pesanteur et, bien que le mouvement des molécules soit extrêmement petit et inappréciable par nous, ce mouvement des molécules néces- saire pour passer d'une forme d'équilibre à une autre est bien réel et, par le nombre infini des molécules pesantes, a une valeur effective considérable. CS ä es — 9331 — La durée régulière des marées est de 12 heures 25 mi- nutes, mais on remarque partout que la basse mer n’occupe pas le milieu de la période. La mer monte plus rapidement qu’elle ne descend. Au Hâvre le retard est de 2 heures 8 mi- _nutes. Il en est de même à Boulogne, mais à Brest ie re- tard n’est que de 16 minutes. Admettons le retard du Hävre, la période entière étant de 12 heures 25 minutes ou 44,700 secondes, nous en dédui- rons le retard de 2 heures 8 minutes, soit 7,680 secondes, il reste 37.020 secondes dont la moitié 18,510 secondes repré- sente le temps que la mer met à monter du niveau de la basse mer au niveau de la pleine mer. Mais remarquons que de ce temps, la moitié en est em- ployée à remonter de la basse mer au niveau moyen, par le seul fait du nivellement des eaux sous l’action de la pesan- teur et sans l’intervention du travail accumulé; ce nivelle- 18500 2 la surface des eaux s’élèvera au dessus de ce niveau moyen jusqu’à la hauteur limite de la pleine mer, mais dans ce cas par l’action du travail accumulé. Admettons que la hauteur de cette limite soit 2 mètres au dessus du niveau moyen; comme l’ascension commence à zéro pour atteindre 2 mètres au bout de ce temps, c’est comme si pendant tout le temps la hauteur du niveau était élevée de 1 mètre du commence- ment à la fin. Mais quand la surface d’une tranche d’eau est élevée d’un mètre, son centre de gravité n’est qu’à O"50,. Donc la tranche d’eau d’un mètre de large et atteignant un seul instant ia hauteur de 2 mètres équivaudra à l'élévation permanente de cette tranche pendant 9250 secondes à la hauteur d’un mètre ou à l'élévation du centre de gravité de cette tranche à la hauteur de 0"50, Mais cette tranche ne s’élève pas également ; d’une extré- mité à l’autre, elle part du niveau moyen à une de ses extré- mités pour s'élever à la hauteur de 2 mètres de l’autre, ment dure — 9250 secondes, et pendant un temps égal — 332 — contre le rivage par exemple. On peut admettre que le profil de ce gonflement d’eau est représenté par un triangle cou- ché sur le niveau moyen, ayant 2 mètres de hauteur verti- cale de ce côté et zéro de l’autre, le centre de gravité de cette figure sera de moitié plus bas que celui d’un rectangle de même base et de même hauteur ; or le centre de gravité de ce rectangle étant comme nous venons de le voir à une hauteur de 050, celui du triangle ne sera plus qu'à 0725 et le travail dépensé pour élever cette tranche d’eau à 025 sera le produit de son poids par la hauteur, soit par mètre cube : 4.000 >< 0,25 — 250 kilogrammètres. TIRE rs L Niveau de larmer de Miveaur moyen VE: NE CS PRIS = em ee — D a de lamer == a — fie Ve nuit remaee— = — 34 Rae 58 mètres nr Il est facile de déterminer maintenant quelle sera la lon- gueur de la base de ce triangle qui représente en coupe le flot de marée. La quantité de travail mécanique accumulée étant pour cette période de 78990719397 kilogrammètres dans la tranche d’un mètre de largeur, ce travail sera dépensé en 9250 secondes, 783990719397 9950” à dépenser par seconde ; or nous venons de voir que pour produire l’élévation d’une tranche d’eau à un mètre au des- sus du niveau, il fallait une consommation de travail de 250 kilogrammètres par mètre cube, on a donc : =. — 34158 mètres pour longueur de la tranche commençant au niveau moyen et s’élevant à l’autre extrémité à 2 mètres au dessus de ce niveau, ou autrement la surface de la tranche s’élevant de 2 mètres contre le rivage au dessus du niveau moyen, ce. n’est qu'à 34 kilomètres du littoral que sa surface reviendrait à ce même niveau de la mer. ce qui donne — 8nillions539537 kilogrammètres — 333 — Mais il est facile de montrer que la longueur de cette vague serait plus considérable encore. En effet, nous n'avons fait entrer en ligne de compte que le travail produit pendant les 6 heures 12 minutes de la pé- _riode, nous n’avons pas considéré que cette oscillation de la masse liquide, en s’affaissant sous l’action de la pesanteur, développe un travail mécanique équivalent à celui qui la produite et que, par le fait de sa vitesse acquise quand elle aura regagné le niveau moyen, elle le dépassera en-dessous d'autant qu’elle était plus élevée, c’est-à-dire de 2 mètres, d’où elle s’élèvera de nouveau pour remonter à la hauteur primitive de 2 mètres au-dessus de ce niveau moyen, et continuer ainsi une série d’oscillations de 4 mètres d’ampli- tude totale. Tel serait le système d’oscillation des eaux qui se repro- duirait perpétuellement par le fait d’une seule première os- cillation ou‘impulsion, si le frottement des molécules liquides sur elles-mêmes, sur les fonds et sur les rivages ne consom- mait pas une partie de la puissance par un travail résistant. Or, une petite fraction de ce travail mécanique est épuisée à chaque oscillation par ces frottements, assez faibles il est vrai, comparés aux masses en mouvement, mais en admet- tant que cette consommation de travail soit de 20 pour 0/0, il faudrait ajouter aux 8,539,539 kilogrammètres représentant on 80 le travail accumulé pour une oscillation les 00 du travail non épuisé de l’oscillation précédente, ce qui donnerait un total de 14,944,193 kilogrammètres et une longueur de flot 14,944,193 ; : 250 point encore là la limite, car le résidu de cette quantité de travail de près de 15 millions de kilogrammètres sera plus grand après la deuxième oscillation qu'après la première, de sorte que l'amplitude de ces oscillations irait toujours en s’accroissant jusqu'à ce que, par l’augmentation du mouve- de marée de — 59km,776 mètres. Mais ce n’est 10 A6. 74 — 334 — ment sur le fond et sur les rives, le travail nuisible du frotte- ment atteigne une valeur qui limite la grandeur des oscilla- tions. C’est à ce frottement des eaux de la mer sur le fond et contre les rivages que M. Delaunay à attribué la cause de l'accélération séculaire de 6 secondes dans le mouvement de la lune autour de la terre. Nous verrons d’ailleurs plus loin. que les oscillations des masses liquides sont régies par des lois dont toute infraction serait une cause de réduction du mouvement. Bien des circonstances peuvent aussi influer sur le déve- loppement plus ou moins grand du phénomène des marées. La profondeur des eaux, la forme et l'orientation des côtes, les îles plus ou moins nombreuses, mille choses enfin peu- “vent accroître ou diminuer le travail accumulé et limiter plus ou moins la hauteur du flot de marée. C’est ce qui ex- plique que sur certaines côtes la marée atteint jusqu’à 20 mètres de hauteur, tandis que sur d’autres elle n’atteint pas 1 mètre, sur les côtes du Pérou qui bordent l’océan paci- fique, la hauteur moyenne des marées est de Om 30c à Om 50e. Avant de terminer cette étude nous devons dire un mot d’un autre phénomène qui, dans notre opinion est analogue à celui des marées et qui est produit par les mêmes causes. Ce phénomène est un système d’oscillations à périodes régulières, permanentes, des eaux des lacs; ce système d’os- cillations a été désigné en Suisse où il a été observé d’abord, sous le nom de Seiches. Les lacs sont comme les mers des masses d’eau en état d'équilibre, mais celles-ci sont renfermées dans des bassins de grandeur et d'orientation diverses qui, relativement à la _surface des mers n’occupent que des espaces très restreints. : Or tous les lacs ont des mouvements oscillatoires de leurs eaux dont les périodes sont régulières pour chacun d'eux. Jusqu'à ce jour on a ignoré la cause de ces oscillations que primitivement on avait assimilées aux marées et dont on faisait remonter la cause à l’action de la Lune et à celle du — 335 — Soleil ; mais la non concordance des périodes d’oscillation, ainsi que de leur grandeur avec les positions de ces astres qui produisent les grandes et les petites marées a fait aban- donner cette idée et les savants qui s'occupent de cette ques- tion sont aujourd'hui en désaccord sur la cause des seiches ; les uns lattribuent à des mouvements oscillatoires du sol, d’autres à des différences de pressions barométriques, aux vents, eic. Il semble cependant que par suite de la permanence et de la régularité des périodes du phénomène, toutes causes dont la permanence et la régularité ne sont pas parfaitement constatées, devraient être mises de côté et écartées. Les mouvements du sol, les variations de pression baromé- trique, les vents et autres actions météorologiques ne pré- sentent aucun caractère de régularité. L'origine cosmique de cette cause semble au contraire satisfaire pleinement à ces conditions de premier ordre qui sont la permanence et la régularité. La non concordance des périodes d’oscillation avec les mouvements de la Lune et du Soleil ne prouve rien contre l’origine cosmique de la cause. Les lacs oscillent tous, et tous ont des périodes d’oscillation différentes, nous allons voir qu’il n’en peut être autrement. Les observations et les travaux de plusieurs savants qui ont étudié la question ont établi que les oscillations de l'eau dans des bassins obéissent à des lois particulières. Le doc- teur Frédéric Guthrie, professeur à l’école des mines de Lon- dres, a trouvé un certain rapport entre la durée de ces oscil- lations et celles d’un pendule. M. Mérian, de Bâle, a donné une formule qui, dans le cas d’une profondeur infinie, est l t =\/ m Un savant professeur de l’Académie de Lausanne, ——— l M. le docteur F.-A. Forel, a donné la formule t — ch ‘exprimant la durée de l’oscillation simple des lacs ; les nom- breux sondages qu’il a opérés sur la plupart des lacs de la Suisse se sont accordés d’une manière satisfaisante avec les indications de cette formule simple, que l’on peut considérer comme exprimant bien la loi qui régit ces oscillations. La durée de Poscillation est donc égale à la longueur en mètres de la nappe d’eau, divisée par la racine carrée de la profon- deur multipliée par 9%,8088 ; ou comme il le dit : « La demi période d’une oscillation -de seiche est le temps qui serait employé pour traverser la longueur du lac avec la vitesse qu'acquerrait un corps tombant d’une hauteur égale à la moitié de sa profondeur moyenne. » Les eaux des lacs oscillent donc conformément à des lois basées sur la longueur de la nappe et sur la profondeur, et pas autrement, de même qu’un pendule obéit à la loi expri- l mée par la formule {= 7r à’ quelle que soit la cause qui détermine l’oscillation du pendule, il oscillera conformément à cette loi; 1l en est évidemment de même pour les eaux des lacs : quelle que soit l’origine des impulsions qu’elles rece- vront, ces eaux oscilleront conformément à la loi qui régit ces oscillations. Or si nous prouvons que ces masses d’eau, en parfait état d'équilibre avec la pesanteur, reçoivent, deux fois par jour dans une période de 6 heures 12 minutes chaque fois, d’abord de l'Est à l'Ouest, puis de l'Ouest à l’Est, une impulsion par Pattraction lunaire, et deux fois encore pen- dant le même temps de semblables impulsions de la force centrifuge terrestre antagoniste, nous aurons prouvé que les lacs doivent osciller et produire le phénomène des seiches sous l'influence de la lune et de la force centrifuge. Le même raisonnement s’appliquera à l’action solaire beaucoup plus faible, mais qui, vu l’extrême sensibilité des masses liquides en équilibre à obéir aux forces extérieures les plus faibles, devra concourir plus ou moins à la produc- tion du même phénomène. On doit remarquer cependant que les périodes d’impul- — 331 — sion peuvent coincider ou non avec les périodes d’oscilla- tion, et suivant qu’elles seront synchroniques ou non avec elles, elles tendront à amplifier oufà restreindre les oscilla- tions sans en pouvoir changer la période. Pour ffaire comprendre ces impulsions, nous fe- L \ rons la figure ci-contre. À oi Là Euné, T là | Terre, aTb un arc de cer- cle mené du centre L avec un rayon LT, l’arc aTb est | le lieu d'équilibre entre la \ force attractive lunaire et la force centrifuge terres- ni tre. La force attractive est | \ prédominante sur tous les | | \ points de lhémisphère | compris à l’intérieur de \ Parc. Sa valeur au point : C = 0000001415 cent mil- | | \ lionièmes. Sur tout lhé- misphère à l’extérieur du même arc, c'est la force centrifuge qui est prédo- minante et qui tend à éloi- gner du centre d’attrac- tion lunaire les corps mo- biles à la surface terres- tre, sa valeur sur tous les points est uniforme, mais l'attraction en équilibre une grande partie et au point d elle est de On, 00000109. Soit quatre bassins ou 22 4 — 338 — lacs m,n,m,n', l'attraction lunaire sur la masse liquide m se décomposera en deux, une suivant le rayon terrestre et l'autre suivant la tangente, celle-ci sera égale à la projection de cette force sur cette ligne. Cette résultante horizontale XX indique une impulsion communiquée aux molécules liquides de l'Ouest à l'Est. Mais 6 h. 12° après, en n, la di- rection de l'attraction aura changé et l'impulsion sera de l'Est à l'Ouest; 6 h. 12° après la même masse liquide sera arrivée en m et recevra une impulsion de la force centri- fuge dans le sens de l'Ouest à l'Est, et 6 h. 12° encore après elle sera arrivée en n où la force centrifuge lui communi- quera une impulsion de l’Est à l'Ouest. Donc dans un jour lunaire la même masse liquide aura reçu chaque fois pen- dant 6 h. 42’ deux impulsions successives en sens opposé, par la force attractive et deux impulsions de la force cen- trifuge également successives et opposées de sens. Du côté de la Lune lintensité de la force attractive croitra de 0 à 115 cent millionièmes et du côté opposé la force cen- trifuge agira avec une intensité qui croitra de 0 à 109 cent millionièmes. La quantité de travail dépensé sera la même que celle calculée précédemment sur la tranche d’un mètre, sauf que la profondeur sera beaucoup moindre, ainsi que la ne longueur de la tranche qui sera celle du lac. Mais les mêmes . faits d’accumulation du travail mécanique se reproduiront, Ve on retrouvera 6 kilogrammètres 467 par mètre cube et par 1 seconde de travail mécanique accumulé pour produire les oscillations auxquelles on a donné le nom de seiches. La force attractive lunaire et la force centrifuge terrestre qui lui correspond exercent donc chacune successivement sur les eaux des lacs une action qui, deux fois par jour fe lunaire, les attire sur la rive Est et 6 heures après sur la rive Ouest ; l'intensité de ces impulsions s’élevant à environ 6 kilogrammètres 1/2 par mètre cube dans une période de | 6 h. 12’ qui sont à répartir entre le nombre des oscillations ou seiches qui ont lieu dans cette période et auxquelles il SERRE ES F 0) convient d'ajouter les quelques kilogrammètres qui n’ont pas été dépensés dans les oscillations précédentes. Telles sont les forces cosmiques qui incontestablement font sentir leur action sur les corps en parfait état d'équi- libre à la surface terrestre et dont la mobilité n’est pas con- trariée ou empèchée par le voisinage des corps immobilisés ou par un frottement trop considérable. Les masses liquides seules présentent ces conditions de parfait équilibre, de très grande mobilité et enfin de grandes masses pesantes et susceptibles d’accumuler le travail méca- nique exercé sur les molécules, par la production d’oscilla- tions des couches superficielles et par les changements de forme d'équilibre. Nous résumerons ainsi cette étude : Le phénomène des marées est dû à trois causes : La première qui est la puissance promotrice du phéno- mène, est l’action exercée alternativement en sens opposés sur les eaux des mers par les forces attractives de la Lune et du Soleil d’une part, et d'autre part par les forces centri- fuges antagonistes des premières, résultant des mouvements de translation circulaire de la Terre dans l’espace. Ces forces antagonistes sont égales en imtensité et se neu- tralisent réciproquement au centre terrestre et sur tous les points d’une section sphérique du globe passant par ce point, mais sont inégales sur les deux parties du globe en dedans et en dehors de cette section et d'autant plus que le point considéré en est plus distant. La deuxième cause est seulement occasionnelle. C'est la rotation diurne de la Terre qui amène successive- ment toutes les parties de sa surface et par conséquent l'étendue de toutes les mers, des points où règne l'équilibre de ces forces, sur les points, où cet équilibre n'existe plus et où les unes ou les autres sont prépondérantes et en excès. Ce sont ces excès non neutralisés qui modifient la forme d'équilibre des mers. — 340 — La iroisième cause enfin est amplificative ; elle permet la manifestation du phénomène. par un énorme accroissement de grandeur. Elle consiste dans la faculté d’accumulation du travail mécanique des forces que grâce à leur inertie et à leur parfaite fluidité possèdent les eaux des mers. Cette faculté fait passer le phénomène de l’ordre statique où ül n’est rien, à l’ordre dynamique où il devient immense. Cette faculté d’accumulation substitue à l’effet instantané et imper- ceptible de forces infiniment faibles, l'effet considérable du travail mécanique accumulé de ces forces pendant un quart de jour sur des masses d’eaux immenses. Cette énorme puissance accumulée se dépense à soulever le niveau des mers, soit contre le rivage, soit en pleine mer. — 341 — COMPLÉMENT RELATIF A L'ABSENCE DE ROTATION DE LA TERRE DANS LÆ PLAN DE L'ORBITE LUNAIRE ET A L'ÉGALITÉ DU TEMPS DE ROTATION ET DE RÈ- VOLUTION DE LA LUNE AUTOUR DE LA TERRE. Nous avons montré, par l'expérience du disque porté sur une pointe, que l'entrainement mécanique d'un corps dans un déplacement circulaire ne pouvait pas communiquer à ce corps un mouvement de rotation sur lui-même. Nous allons montrer qu’elfectivement la Terre ne possède pas ce mouvement. En effet, si la Terre avait un mouvement de rotation dans le plan de l'orbite lunaire dont l'axe différerait de 5° avec celui de la ro- tation diurne qui aboutit aux deux pôles, ces deux mouvements se com- poseraient ensemble et engendreraient un mouvement conique de l'axe terrestre dont l’angle au sommet du cône serait de 5° avec l’axe. Le pôle du ciel décrirait une circonférence de 10° de diamètre ; l’étoile polaire pa- raitrait décrire un cercle ondulé de 10° de diamètre en 27 jours. Toutes les étoiles du ciel, au lieu de paraitre se mouvoir suivant des ares de cercles réguliers au dessus de l'horizon, varieraient de hauteur et décriraient des arcs sinueux s’écartant de 5° en dessus et de 5° en dessous des arcs régu- liers qu’on leur voit décrire dans le ciel ; ces variations faisant absolument défaut, c’est une preuve que le globe ne possède pas de mouvement de ro- tation dans ce plan. Cependant la Lune fait un tour sur elle-même pendant qu'elle tourne autour de la Terre, et il semble étrange et inexplicable que le mouvement de rotation n'ait été communiqué qu’à un seul des deux corps qui cons- tituent le système. Les astronomes attribuent le mouvement de rotation de la Lune à la conservation du mouvement que possédaient les molécules de la nébuleuse qui l'a formée, et comme cette nébuleuse à aussi formé la Terre, on ne voit pas pourquoi celle-ci n’a pas conservé le mouvement de ses particules constitutives. C'est à notre savant ami M. Sire, docteur ès-sciences, auteur de plusieurs appareils de démonstration très ingénieux et spécialement du Polytrope, que nous devons la solution de cette difficile question. M. Sire la trouve dans la fixité des plans de rotation. La Terre possédait déjà, par sa sépa- ration de la nébuleuse solaire, le mouvement de rotation diurne qui nous donne le jour et la nuit, et dont le plan de rotation est incliné de 23° 27 sur l'orbite solaire. L'action de la Lune et de toutes les particules qui l'ont cons- a tituée a trouvé un obstacle invincible dans la fixité du plan de rotation de la Terre, et cette action agissant sur le centre de gravité lerrestre n’a pu. communiquer à celle-ci aucun mouvement autre que celui de révolution ou déplacement circulaire dans le plan où la Lune a pris son mouvement de rotation sur elle-même et dans lequel elle exécute sa révolution autour de la Terre. Les astronomes, ainsi que nous venons de le dire, prétendent que la Lune avait à l’origine un mouvement de rotation plus rapide qu’au- jourd'hui, et ils attribuent son ralentissement à l'attraction terrestre. Ce fait rentrant dans l’ordre du phénomène des marées, nous allons l’exa- miner dans sa généralité. | Bien que l'attraction totale de la Terre sur la masse lunaire soit égale à l'attraction totale de la Lune sur la masse terrestre, ainsi que nous l'avons démontré, l'attraction particulière de la Terre sur les corps situés à la sur- face lunaire n'en est pas moins 80 fois plus forte que l'attraction particu- lière de la Lune sur les corps à la surface de la Terre, le rapport des masses attirantes étant : 80 : 1. Donc à l’époque où notre satellite était passé de l’état gazéiforme à l'état liquide ou de fusion ignée, les masses fondues ont pris une forme d’équi- libre correspondante aux actions des forces qui agissaient sur elles. La pe- santeur sur le centre lunaire tendait à faire prendre à la masse la forme sphérique ; mais sa rotation sur elle-même tendait à lui faire prendre un léger renflement équatorial, et enfin l'attraction terrestre de son côté tendait à en soulever la surface tournée vers elle, de même que du côté opposé la force centrifuge de son mouvement de révolution tendait à lui faire soulever la surface lunaire d’une même quantité. La Lune est donc un corps à trois axes, qui sont : l’axe équatorial, l’axe polaire et l'axe qui a pour direction le centre terrestre, c’est-à-dire le diamètre qui coïncide avec son rayon vecteur. La rotation de la Lune sur elle-même en 27 jours ou en 2,360,591 se- condes 1/2 à causé un renflement équatorial de 21" 1/2. L'axe polaire doit donc être plus petit que le diamètre équatorial de 43 mètres. L'attraction terrestre à la surface visible de la Lune, située à 60 rayons terrestres du centre de la terre, est exprimée par % / , RU RE D° 607 X 60r : ci 0m,00272650 cent millionièmes Au centre lunaire à la distance de 60",273 On,815% 60,273 X 60,273 À la surface invisible à la distance de 60°,556 On8154 D 60,556 X 60,556 : La force centrifuge étant égale à l'attraction au centre lunaire, cette force a pour valeur 0,00270180. À la surface visible de la Lune l'excès de l’attraction terrestre sur la force centrifuge est donc de 0,0927265 — elle est de — 5. 000 0027018 id. elle est de nds oee se 0000267560 id. — 943 — 0,0027018 — 0,00002470. Du côté opposé, sur la surface invisible pour nous, l'excès de force centrifuge est de 9,0027018 — 0,0027766 = 0,00002520 cent milionièmes. Ces excès différent si peu qu'on peut les considérer comme étant égaux à la moyenne 0.00002495. Chacun de ces excès de force attractive terrestre et de force centrifuge lunaire correspond à un soulèvement du niveau des masses fluides à la surface de la Lune de 26" 50 de hauteur. L'axe lunaire situé dans la direction du centre terrestre est donc allongé d'environ 53 mètres dé plus que le diamètre équatorial. Mais nous verrons plus loin que cet allongement a été fortement accru par l'attraction so- laire. Ces valeurs de 26m 50 représentent la hauteur des marées que l’at- traction terrestre et la force centrifuge lunaire qui lui correspond produi- saient sur la lune à l’époque de sa fluidité. Voyons comment ces marées ont pu causer un ralentissement dans la vilesse de rotation de la lune. La terre à 60R. T 7 a) "ru 9 Soit L le centre, et ab a'b° la lune, soit a'T l'axe lunaire dirigé sur le centre terrestre. Il est évident que la ligne aT sera celle du maximum d'attraction terrestre, et que c’est au point a que le renflement occasionné par cette force attractive devrait avoir sa plus grande hauteur ; mais cette ‘force à à vaincre l’inertie des masses à soulever, ce n’est qu'après un cer- tain temps que le travail de la force attractive aura communiqué aux mo- lécules la force vive nécessaire pour s'élever à 26 mètres de hauteur. Quand le gonflement de la surface aura atteint cette hauteur, le mouvement de rotation aura entrainé le point a en b, l'attraction continuant d'agir atti- rera la masse soulevée en sens contraire de la rotation indiquée par les flèches, d’où ralentissement de cette vitesse. Le même effet sera produit en ab’ par la force centrifuge, ce qui doublera la cause du ralentissement, d’où l’on voit que les marées occasionnées par la Terre à la surface de la Lune ont épuisé une partie de sa vitesse de rotation. ” Mais cet elfet a été encore accentué par l’action solaire bien plus éner- gique sur la Lune que celle de la Terre. En effet, il importe de remarquer que dans le cours d’une révolution autour de la Terre, la distance de la 34e Lune au so'eil varie de 120 rayons terrestres. Au moment de sa conjonction, soit de la Nouvelle Lune, sa distance est égale au rayon de l'orbite terrestre moins 60r, soit 23288r — 60r — 232928. Au moment de son opposition ou à la Pleine Lune, sa distance est de : 23288r + 607 — 93348. La masse solaire étant 324439 celle de la Terre, sa puissance attractive sur la Lune à ces trois distances est donnée par : 318414985606 Eco 0n,0059022% ns MEL plus petite distance, — Nou- 2 HS ADi es velle lune conjonction. 2oure 931814984606 324139 X 9n,8154 = 4 moyenne distance. — 2% et — 232282 — 5390539984 3e quartier. D? = 93288? = 5412330944 931841981606 Le — 932482 — 5451299104 0910 — 00058165 plus grande distance. — Pleine lune, opposition. La force centrifuge est celle du centre de gravité du système et par con- séquent celle de la Terre dans son orbite = 0m,00587189, Le rayon lunaire étant de 1741263 mètres, la force attractive soulèvera la couche superficielle liquide de la Lune de 1741263 X 0,00003035 = 52n,84 et la force centrifuge soulèvera la surface opposée de 181263 X 0,00003024 — 92m 0); Ces marées sensiblement plus fortes que celles occasionnées par lac- tion de la Terre venaient s'ajouter aux précédentes, de sorte qu'aux époques des Syzygies, les marées lunaires, par le fait de l'accumulation prolongée du travail mécanique de la force attractive solaire sur les masses fluides de la Lune (1), devaient atteindre des hauteurs de plusieurs centaines de mètres quand le mouvement de rotation de la Lune s'est ralenti et s’est rapproché de sa rotation actuelle. L'action solaire a dù surtout être eflicace lors de la solidification des couches superficielles, lorsque ces couches, nouvellement consolidées, commençaient à résister à l’action de la marée terrestre, la marée solaire intervenant avec une puissance de plus en plus grande provoquait la rupture de cette surface, et par les interstices des blocs brisés, les masses en fusion de l’intérieur faisaient irruption et se répandaient au dehors, puis ren- traient dans lintérieur par les ouvertures qui leur avaient livré passage. (1) Les valeurs 26",50 et 52»,65 correspondent à l’équilibre statique ct instantané qui existe sur la Lune dont la même face est constamment tournée vers la Terre. Mais il en est autrement pour les marées de la Lune soulevées par l'attraction solaires La Lunc présentant successivement toutes les parties de sa surface au soleil, il en résulte un travail d’accumulation très considérable, qui deit produire une marée de plusieurs centaines de mêtre. « qi ju pee A | | | (il il ist | N pur EL AÙ LIN ll LU a À ill ill il JA va Ts ER st DIE ÉZ LR ; de #4 eZ er it enr Bron ii Ql RESSENTI AE | ss me LUI CPE ITTET TENTE a : ‘HSR] ‘Sanoq np uoHeTNUTp 28006 — 949 — À chaque période de marées solaires, ces mêmes effets se sont reproduits, ce qui a entretenu les orifices de sortie et constitué des bourrelets, des cirques que l’on avait pris pour des cratères volcaniques. Ces bourrelets s’accroissaient à chaque éjection par la solidification due au refroidisse- ment dans l'espace d’une parlie des matières extravasées. Cette période d’éjection a duré très longtemps et a produit des espèces de puits très profonds au fond desquels le refroidissement était très lent par suite du rayonnement des parois chaudes et du.faible champ de rayonnement sur le ciel. D'ailleurs chaque nouvelle marée solaire faisait briser le fond insuf- fisamment consolidé de ces puits et emportait les fragments brisés jusque sur la surface lunaire où ces blocs étaient abandonnés et où ils se voient encore, car la surface lunaire est couverte de blocs et de débris. Ces marées solaires paraissent bien confirmer l'opinion émise par M. Faye sur les cirques et les prétendus cratères volcaniques de la lune dont il con- teste absolument le caractère volcanique et dont il attribue la formation aux marées terrestres tel que nous venons de l’exposer ci-dessus. Mais le concours des marées solaires donne encore plus de vraisemblance à la théorie de M. Faye, parce que ces marées n'étant pas permanentes, mais périodiques, permettaient à la consolidation de se faire, et tout à coup aug- mentaient la violence des déjections de masses à demi solidifiées autour des bouches d’éjection. FO TE: SUR QUELQUES PLANTES AMÉRICAINES POUVANT ÊTRE ACCLIMATÉES EN FRANCE Par M. Henri MICHEL. Séance du 13 novembre 1886. Le Pérou est un pays privilégié au point de vue de la géo- logie et de la botanique. Les grands cataclysmes qui ont amené la formation de immense chaine de montagnes qui, sous différents noms, s'étend du détroit de Behring à celui de Magellan, ont tourmenté l’écorce terrestre dans l’Amé- rique méridionale plus que partout ailleurs. IT résulte de ces bouleversements que les stratifications les. plus disparates affleurent les unes à côté des autres et que de riches filons métallifères ont été amenés à la surface du sol. D'autre part, la configuration de ce sol et la situation géographique du pays font que les climats y sont aussi : variés que les terrains; ainsi, la côte du Pacifique (où la pluie est à peu près inconnue) est, en général, couverte de sables arides et brûülants, tandis que les sommets de la Cordil- lière des Andes, dont les pics atteignent et dépassent même 71000 m. d'altitude, sont couverts de neiges perpétuelles. Entre ces deux limites extrêmes, séparées par une distance de 100 à 120 kilomètres seulement, on rencontre presque tous les climats de la terre. On peut, en quelques heures de chemin de fer, passer brusquement de l’été à l'hiver. On comprend aisément que, dans de pareilles conditions, la flore péruvienne soit des plus variées. Bien qu’il ait été déjà exploré et décrit depuis longtemps — JAT — par de nombreux savants de l'Ancien et du Nouveau-Monde, ce curieux pays est peu connu et il est certain qu’il donnera encore de riches moissons aux botanistes et aux médecins. Trop ignorant en botanique pour pouvoir me hvrer à des études sérieuses, je me suis contenté, en parcourant pen- dant sept ans cette fertile région, de chercher à reconnaitre les avantages pratiques de certaines plantes et de recueillir une assez abondante collection de semences dans le but de tenter l’acclimatation de quelques végétaux utiles du Pérou. Je n’ai réussi qu’en partie, car beaucoup de mes graines, cueillies avant leur complète maturité, n’ont pu germer ; d’autres, ramassées depuis trop longtemps, avaient perdu leur faculté germinative. Enfin, quelques-unes, emballées avec trop peu de précautions, ont souffert d’une longue tra- versée en mer. J'ai eu néanmoins la satisfaction de voir sortir de terre le plus grand nombre de ces plantes, et j’ai même récolté de nouvelles graines cette année. Mâca (nom Quichua). — Cette plante appartient à la fa- mille des « crucifères »; elle a beaucoup de points de res- semblance avec le cresson alénois cultivé dans nos jardins, sa feuille est découpée et dégage une odeur forte. La tige ne monte pas au moment de la floraison, mais elle se ramifie et s'étale à la surface du sol. Sa racine pivotante est charnue, tendre et très sucrée; elle sert d’aliment aux indiens des hauts plateaux de la Cordillière des Andes (1). J ignore si cette plante potagère est connue en France et quel est son nom scientifique; les ouvrages consultés à ce sujet n’ont pu me renseigner en aucune façon. Huamanripa (Herbe du faucon, Quichua). — La Hua- (1) Mes graines ont été récoltées dans la Pampa de Junin, dont l'altitude varie entre 4.000 et 4,100 mètres au dessus du niveau de la mer et où 1l gèle absolument comme chez nous, — 348 — manripa est également originaire de la Cordillière où elle croit spontanément entre les altitudes de 3,090 et 5,000 mètres ; elle ne demande absolument aucune culture. Les femmes et les enfants vont la récolter entre les rochers dans les endroits les plus abrupts, au moment de la floraison et la font sécher au soleil. C’est une plante médicinale, de la famille des « compo- sées »; elle jouit d’une grande faveur, non seulement chez les indiens qui ont su découvrir ses propriétés remarquables, mais encore chez les créoles qui ne dédaignent pas d’em- ployer les remèdes de ces hommes que leur genre de vie met à mème d'observer les nombreuses vertus des simples, leurs seuls médicaments. C’est, du reste, aux indiens du Pérou que nous sommes redevables de la découverte du quinquina, du matico, du ratanhia, de la coca et d’une quantité d’autres produits d’une utilité incontestable. On emploie les feuilles de Huamanripa sous forme d’in- fusion pour combattre les refroidissements, extinctions de voix, rhumes, commencements de fluxions de poitrime, etc. Son action parait être pectorale et surtout sudorifique. Jen ai souvent fait l’essai sur moi et avec un plein succès. Mais. — Longtemps avant la découverte de l'Amérique, les indiens autochthones cultivaient le maïs qui est une plante indigène du Pérou, ainsi que la pomme de terre et beaucoup d’autres végétaux qui nous rendent d'immenses services. En effet, en faisant des fouilles dans diverses né- cropoles de l’époque incasique (Kollké, Pachacamak, Ancon), J'ai découvert, parmi les aliments déposés à côté des momies, des épis de maïs absolument semblables à ceux que récol- tent encore les indiens d'aujourd'hui. Ces nécropoles étant antérieures à la conquête espagnole, il est évident que le mais n’a pas été importé par les envahisseurs du Nouveau 22 Monde. : Le maïs était en grand honneur chez les Incas (comme — 9349 — l'était autrefois l'oignon chez les Egvptiens), il était l’em- blême de la fécondité et de labondance ; aussi retrouve-t- on à chaque mstant son image, peinte sur des vases, tissée dans des étofftes ou modelée dans l'argile. En langue Quichua, s0ra, Signifie in4is et plante par excellence. Je possède, dans ma collection, un fétiche sculpté dans un morceau de basalte et qui représente exactement une va- riété de maïs que les indiens appellent Yana-s0ora (). Cette espèce est non seulement comestible, mais encore elle est susceptible de fournir une belle teinture. L’enve- _ loppe du grain est très riche en matière colorante, tandis que la farine est du blanc le plus pur. En traitant l’épi tout entier par l’eau bouillante, on obtient une teinture pourpre des plus intenses et qui rappelle la couleur des gros vins du Midi. Cette matière colorante jouit de propriétés analogues à celles de Ia teinture de tournesol; les acides même très étendus d’eau la rougissent, les alcalis lui rendent d’abord sa couleur primitive puis la font virer à la teinte indigo. L’acide sulfureux se comporte comme avec la plupart des couleurs végétales, 1l décolore la substance, mais si son action se prolonge un peu; la teinture devenue invisible reparaît avec une belle couleur rose. Le chlore détruit la matière colorante. Appliquée sur du papier, la teinture a un aspect vineux, mais elle ne tarde pas à bleuir tout en augmentant d’inten- sité, elle est alors fixée au papier et résiste au lavage à l’eau ordinaire, ce qui pourrait faire recommander son emploi pour la fabrication d’une encre fixe. Le papier préparé à la teinture de maïs noir ést d’une remarquable sensibilité aux acides et aux bases et je crois qu’il remplacerait fort avantageusement le papier de tourne- sol dans les laboratoires de chimie, d'autant plus que cette (1) Avec cette particularité que l’épi est représenté double, phénomène qu’on observe très souvent dans cette variété de mais. Yana-noir (Quichua). — 390 — teinture se conserve mieux que celle de tournesol qui est moins intense et se décolore à la lumière. Cette substance étant parfaitement inoffensive est, de temps immémorial, utilisée au Pérou pour les usages domestiques; elle sert à teindre les gelées, confitures, bonbons et pâtisseries. Les indiens brassent une sorte de bière « la Chicha » qui, lors- qu’elle est faite avec le yana-sora, ressemble sinon par le goût, du moins par l'aspect au vin de Bordeaux. Enfin, lorsque le grain a abandonné sa matière colorante, après Cuisson, il n’a perdu aucune de ses qualités nutritives et il peut servir à engraisser les animaux de basse-cour. Yurak-sora (1). — Cette variété ressemble beaucoup à celle dite de & Caragua » qui est originaire du Mexique. Elle est remarquable par sa fécondité extraordinaire et sa taille géante (2). Le maïs Caragua (dent de cheval) ne mürit pas sous notre climat, tandis que le maïs blanc du Pérou mürit parfaitement et se reproduit. Le grain cueilli lorsqu'il est encore à l’état laiteux est très sucré et forme la base de nombreux mets fort appréciés des péruviens et aussi des européens qui ont été à même de les goûter. Quand au contraire le grain est récolté à sa complète maturité, on peut le faire griller pour le manger ainsi (c’est la méthode indienne), ou bien on le moud et il est alors utilisé par les pâtissiers. Il sert aussi à la préparation de la « Ghicha ». La tige du maïs blanc est très riche en sucre et peut donner un excellent fourrage. Kellüu-Sora (3). — Le maïs jaune est peut-être le plus es- timé de tous par les indiens, car il leur fournit la € cancha » (4) Yurac-blanc (Quichua). (2) Ce maïs a atteint ici une hauteur moyenne de 3" 50 en terrain ordi- naire. (3) Kellu-jaune. hi qui, avec la coca, leur sert de provision de route et leur per- met de parcourir des espaces considérables sans prendre d’autres aliments (1). On a prétendu souvent que la coca seule soutenait les forces des indiens du Pérou et de la Bolivie, mais les voya- geurs qui ont raconté cela n’ont certainement pas pris la peine d'observer attentivement les habitudes de ces hommes. Le « Gholo », coureur ou conducteur de lamas, parvient, il est vrai, à tromper la faim en mâchant des feuilles de coca addi- tionnées d’un peu de chaux vive ou de cendres alcalines, il peut renouveler la dose de l’excitant une et même plusieurs fois; mais il y a un terme à tout et au bout de quelques jours d'un régime à la coca, le plus robuste de ees indiens dépérirait rapidement s’il ne prenait, de temps en temps, quelque nourriture. Or pendant mes voyages à travers la Cordillière, j'ai vu que les indiens qui m'accompagnaient mangeaient une poignée de cancha entre deux chiques de coca. Le maïs est très nourrissant, de plus la graisse et le sel qui assaisonnent la cancha sont absolument indispen- sables à l’économie animale, et Je m'explique, de cette façon, la corpulence et l’embonpoint qui caractérise, en général, la race des Quichuas. Chamaïro. — Le chamairo est une liane et tout porte à croire qu’elle peut être classée parmi les « aristolochiées » ; elle croit dans les forêts vierges du Pérou, sur les rives du Paucartambo et du Péréné. Ce sont les indiens Campas et Chunchos qui m'ont fait connaître cette plante qui jouit de propriétés remarquables au même ütre que la coca. Les indiens coupent cette liane en menus morceaux et la font sécher après l’avoir fendue dans le sens de la longueur. Ils mâchent le chamairo comme ils font de la cocu, c’est- (1) On prépare la cancha en faisant griller les grains du maïs jaune que l'on graisse ensuite légèrement et que l’on saupoudre de sel fin. — 392 — à-dire en ladditionnant de quelques particules de chaux vive. Quelquefois ils emploient simultanément la coca et le chämairo. La chaux joue un rôle important dans cette mas- tication; elle sert à développer l’alcaloïde qui existe à l’état latent dans la plante et lui communique ses propriétés ae- tives. Quand on à mâché du chamairo pendant quelques minutes, on ressent dans la bouche une saveur fraîche et très agréable, en même temps que commence à se mamfes- ter un bien-être général qui a beaucoup de ressemblance avec un commencement d'anesthésie par la morphine. Le chamairo est donc un succédanné de la coca et peut- être a-t-il encore d’autres propriétés qui seront connues plus tard, quand les chimistes auront réussi à isoler l’alcaloïde qui forme la base de son principe actif. On pourrait faire venir une certaine quantité de ce produit afin d’en pratiquer une analyse sérieuse, mais il est inutile de songer à accli- mater en France cette dernière plante qui ne croît que dans les régions les plus chaudes de la terre. A LU ST UT CA Y gt r Le A L'ERMITE DE LA CITADELLE ” PIÈCE DE VERS LUE EN SÉANCE PUBLIQUE DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS, LE 11 DÉCEMBRE 1885 Par M. le docteur CHAPOY. «Mère, veux-tu que j'aille auprès du bon Ermite? » J'ai bien écrit ma page et bien dit ma leçon; » Et jai couru bien fort, en quittant Besançon, » Pour te revoir plus tôt et t’'embrasser plus vite. » Tout en parlant, l’enfant, les deux bras étendus, Le front perlé, l’œil vif, la poitrine haletante, S'élançait, appelant sur sa tête brûlante Les baisers maternels si longtemps attendus. Quand un malheur prochain menace leur famille, Les mères ont parfois un noir pressentiment : Rosine eut tout à coup comme un frémissement Et se prit à pâlir en embrassant sa fille. (4) À mi-côte du flanc oecidental de l’isthme rocheux qui supporte la citadelle de Besançon, au dessus du faubourg Tarragnoz, un logis, creusé au marteau dans le roc vif, a retenu le nom d’'Ermitage de la Citadelle. C’est le résuitat du travail opiniâtre d'un vétéran des armées du premier Empire, P.-E; Poux-Landry, qui commença ce creusage le 15 novembre 4835, alors qu'il était âgé de 65 ans, et eut la satisfaction de jouir, pendant une douzaine d'années, des petites largesses que lui faisaient les visiteurs de sa bizarre entreprise. Un portrait du vieux solitaire, assis devant sa demeure, en compagnie de sa marmite qui bout, a été lithographié, en 1841, par Alexandre BERTRAND, pour l’Albuin france-comtois de Clovis GUYOR: NAUD, 1842, in-40, 23 — 354 — « Pourquoi courir ainsi? » dit-elle, — et les deux mains Quelle tenait, la joue où s’appuyait sa lèvre, Lui semblaient recèler une chaleur de fièvre; — « Le soleil est ardent, poudreux sont les chemins! » Tu prendras mal un jour, ma pétite Marie! » Pour ton père et pour moi, quels instants douloureux! » Et si nous te perdons.. nous mourrons tous les deux, » Car toute notre vie est en toi, ma chérie! » Mais, comme on chasse un rêve aux sinistres couleurs, La pauvre femme émue écartait ses alarmes, Sefforçant de sourire, au travers de ses larmes, À l'enfant qui cachait son rire sous des pleurs. Tableau touchant, empreint d’une douce tristesse Que le père surprit, paraissant brusquement Sur le seuil de la porte : « Eh bien? » fit-il gaiement, « Est-ce bientôt mon tour d’avoir quelque caresse? » La mignonne aussitôt était entre ses bras, Enlacée à son cou, tandis que, l'œil humide, + Rosine s’avançait, soucieuse et timide, Et présentait son front en soupirant tout bas. «a Ah çà! nous avons done un gros chagrin dans l'âme! » Qui donc te l’a causé? Réponds-moi? » reprit-il En voilant son regard sous son épais sourcil ; « Je ne souffrirai pas qw’on t’attriste, ma femme. » « N’accuse rien que moi, » murmura-t-elle. « [ei » Puisque au moulin voisin tu surveiiles la meule, » Quand Marie est en classe, ici je reste seule, » Et, pour vous, j'ai le cœur toujours plein de souci. » Aujourd’hui plus encore, et lorsque, tout à l’heure, » Elle accourait riante, hélas! en l’embrassant, » J'avais cru voir la mort planer sur notre enfant, … » Pardonne-moi, Bernard, voilà pourquoi je pleure! » — 995 — À ces mots, malgré lui le meunier chancela Mal à l'aise, saisi d’une terreur secrète, Et pour cacher son trouble, il détourna la tête En disant : « Vision, femme, que tout cela ! » Regarde donc ce teint bruni mêlé de rose; » Palpe cette chair ferme... Est-ce que la santé » Dans un corps plus robuste a jamais végété ? » Quel chêne pour sept ans! Va, ne sois plus morose. » Qu'un air Joyeux succède à ton air accablé! » Avec mes percherons à la forte encolure, » Je vais conduire en ville une lourde voiture » De farine, et quérir une charge de blé. » Toi, reprends ton travail, ma fauvette, en chantant! » Voici venir le soir et c’est demain Dimanche; » Remets au feu tes fers et relève ta manche; » L’amidon se blieuit et la batiste attend. » À propos, il paraît que le vieux solitaire » Est en train de te faire un palais sans pareil, » Mariette, on le dit : allons, ton front vermeii » Mannonce que je viens de percer ton mystère. » C’est pour mieux stimuler l’ouvrier, qu’au faubourg » Tu délaisses les jeux des enfants de ton âge, » Et que tu vas passer, là haut, à l’Ermitage, » Tes heures de repos sur le déclin du jour. » Tu fais bien, montes-y tant que la feuille est verte! » Au revoir mes amours ! » Et, tandis qu’il parlait, Le bonheur dans la chambre à nouveau s’installait, . Entrant à pleins rayons par la porte entr'ouverte. IT. Non loin des murs noireis de l'antique cité Qui, du haut de ses forts, veille sur la Comté, — 390 — Et que le Doubs découpe en forme de presqu’ile, — Fer à cheval géant imprimé dans la ville; — Au point où la rivière, au soleil de midi, Irise son miroir sous un souffle attiédi; Puis, comme en hésitant, fait dévier son onde Et poursuit, à regret, sa course vagabonde; Sur le bord du chemin, quelques humbles maisons Orientent leurs toits vers de gais horizons. — Un moulin, animé par une roue immense Tourne et fait résonner ses battoirs en cadence; À côté, le pressoir ou le cuveau profond Ecrase la navette ou brasse le houblon Cest là que de. Bernard l’existence s’écoule Dans la paix du travail, loin du bruit de la foule. À Taragnoz chacun le connait. Son patron | Vous dira qu’il est brave autant que fort luron, Et qu’il n’en est pas un qui, le poing sur la hanche, Porte aussi bien les sacs pleins de farine blanche, Sa femme sait donner au linge le plus fin, Sans l’altérer jamais, des reflets de satin; Et, sous le fer chauffé, qu’elle éprouve à la joue, Lisser les petits plis dont son talent se joue. Et Mariette! Enfant gûtée! En ce faubourg, Vous auriez pu la voir s’en aller chaque jour, Avec quelques enfants, nés d'ouvriers comme elle, Fréquenter, tout l'été, l'Ecole maternelle: Et rentrer, en courant plus vite qu'aucun d’eux, Abandonnant au vent ses boucles de cheveux. Quelques instants après, vous lauriez vue encore, Pressant son petit pied sur la pierre sonore, En face du moulin, gravir l’étroit sentier Qui monte, en serpentant, à peine à la moitié Du côteau, dont la cime, à tout assaut rebelle, Pour diadème au front porte une citadelle. Dé depuis deux ans, dans les jours radieux, Mariette prenait ce chemin rocailleux, T7 1 on Au bout duquel venait de se créer un gîte Un vieillard inconnu qu’on appelait l’'Ermite. Comme il avait l’air pauvre, on mettait dans sa main La pièce de monnaie ou le morceau de pain. Son allure, ses traits au mâle caractère L’avaient fait accepter et rendu populaire. On aimait à le voir, et pourtant les parents Comme un épouvantail le montraient aux enfants. — Habitude grossière, injuste et condamnable ! Bernard ne suivait point cet exemple coupable. Il avait accueilli comme ami du bon Dieu Cet homme qui venait, n'ayant ni feu ni lieu, L'âge pour compagnon, le besoin pour escorte, Chercher, pour y mourir, un refuge à sa porte. Aussi, comme en retour de sa franche bonté Sa famille était chère à ce déshérité! Depuis qu’il était là, quand sortait Mariette, Rosine, à son travail, était moins inquiète. Au moindre appel jeté d’en bas par celle-ci, L’Ermite, de son roc, répondait : Ba voici! Le Vieillard et l'Enfant s’attirent : la Nature, Dans un contraste heureux aimant sa créature, Place la tête blonde auprès des cheveux blancs Comme auprès de l’hiver elle a mis le printemps. C'est sans doute pourquoi, toujours mystérieuse, Elle avait attaché l’écolière rieuse À l’indigent sévère, à l’obscur étranger Qui n'ayant pas un toit pour dormir, pour manger Presque rien que du pain, rien que de l’eau pour boire, Avait pourtant joué son rôle dans l’histoire. IT. C'était l’un des héros, l’un des vieux grenadiers De l’impériale épopée ; Avec la baïonnette il cueillait les lauriers Comme ses chefs avec l’épée. — 9308 — Marengo l'avait vu, sans souliers, en haillons, À trente ans, près des barbes grises, Combattant sur le front de nos fiers bataillons Et blessé jusqu’à trois reprises. La veille d’Austerlitz, une torche à la main, Sur la neige, dans la nuit sombre, Il guidait l'Empereur qui, le long du chemin, Semblait grandir avec son ombre. D’Eylau, de Friedland aux chocs impétueux, S'il se rappelait la victoire, Il gardait à Wagram un culte affectueux : C'était le temple de sa gloire. C'était là qu'il avait sauvé, presque expirant, Son général d’un péril grave Et que Napoléon, en traversant le rang Avait dit de lui « Cest un brave! » Le Niémen franchi, Moseou se calcina Sous une flamme destructive, Et parmi les glaçons de la Bérésina Il suivit Ney sur l’autre rive. Alors sanglant, livide, épuisé, dans l’horreur De la plus affreuse déroute, IF était revenu, comme son Empereur, Quêtant l’aumône sur sa route. » En vain à Leipsik, sous les plis du drapeau, Son cœur renaît à l'espérance; En vain à Champ-Aubert, en vain à Montereau, Il défend pied à pied la France. Il voit pâlir l'étoile... Au moment des adieux, Fontainebleau reçoit ses larmes ; Puis, au retour de l'Ile, il reprend, anxieux, Son shako, son sac et ses armes. RUE |. À CNRS — 999 — À À l’affreux Mont-Saint-Jean il tombait mutilé.. Mais de sang la coupe était pleine... Quand il revint à lui, l'Empereur exilé Expiait tout à Sainte-Hélène, Vingt ans avaient passé depuis lors, et cent fois | L’échappé de la Sibérie, Avait eu faim, sans qu'il rappelât ses exploits . À son oublieuse patrie. Mais un jour cependant se leva plus heureux Où la France reconnaissante, Avec quelque peu d’or, chaque année, à ce preux Tendit sa main compatissante. Alors, dans son village, aux pacifiques toits, Se trouvant trop éloigné d'elle, Comtois, il regagna le vieux rempart comtois, _ Besançon et la citadelle. Et là, seul, lui jadis qui gardait les palais, Mal abrité sous quelques planches, Il rêvait, dans la haine immense des Anglais, Aux plus éclatantes revanches. IV. Après une journée aux torrides ardeurs, D'un beau soir de juillet commençaient les splendeurs : Rosine consolée était à son ouvrage, Sur la route Bernard guidait son attelage, Et Mariette allait, montait, hâtant le pas, Sur la pente allongée; et, pendant ses ébats, Ouvrait naïvement, sans en chercher les causes, Sa poitrine à l’air pur, son àme aux belles choses. Des buissons d’églantine au sein de leurs berceaux Harmonisaient des chants d'insectes et d'oiseaux... Vers l’île de Malpas, dans la gorge enfermée, Casamène montrait son usine enfumée : — 360 — Plus près, en se groupant en pointe, comme un soc, Descendaient par gradins des aiguilles de roc; Pendant que, sous l’arceau d’une épaisse redoute, Grisaillait, à leur pied, la blancheur de la route; La barque du passeur enfin, sous le regard, Par la corde guidée, avançait sans écart. Quel spectacle au détour! Un décor magnifique S'illuminait de feux à la lueur magique... Le Doubs étincelait dans le lointain; Chamars Sous de brillants rayons dorait ses vieux remparts; Et le mont de Chaudane, à la verdure sombre, Dans un lac transparent laissait dormir son ombre. De longs bois de sapin reliés en faisceau En suivant le canal, flottaient au gré de l’eau, Vers de hauts peupliers, qui, balançant leurs têtes, Sur la pourpre imprimaient leurs noires silhouettes. Puis, dominant la porte et la petite tour Que réunit un mur au sinueux contour, Au delà de la ville aux teintes violettes, Les montagnes en bleu profilaient leurs arêtes. Mariette touchait à son but, au plateau Où finit le sentier sur le flanc du côteau. Devant elle s’ouvrait un profond précipice ; Derrière, l’oolithe offrait son frontispice Et paraissait gémir sous les coups répétés Du ciseau d’un maçon fouillant dans ses côtés. Sur un angle rentrant fait de deux blocs énormes, Un autre bloc s’avance arrondissant ses formes. Get abri naturel servait au vétéran Qui Pavait agrandi, d’abord en l’entourant De quelques bois grossiers et de fagots d’épines, Puis en creusant le roc sans se servir de mines. Mariette avait dit un jour : « Sous le rocher, » Que j'aimerais avoir un trou pour me cacher » Quand je suis près de vous et que gronde l'orage ! » Et dès lors le vieillard s’était rnis à l'ouvrage. — 361 — L’obstacle qu’il rencontre accroît sa volonté. Il a soumis son plan aux chefs de la cité : Le Génie inquiet veille : il faut se résoudre À tout faire à la main sans l’aide de la poudre. Le marteau suflira sur lequel est monté Un poinçon qu’un anneau fixe à l'extrémité. À l’œuvre, le renard creuse bien sa tanière! Et l’acier incisif, grinçant, mordant la pierre, Au tic-tac du moulin mêle son eri strident. Plus le calcaire est dur et plus l’homme est ardent! La roche qui fait feu sous l’outil qui l’entaille Tombe en poussière fine ou se lève en écaille. Quelle lutte ! Combien, dès le premier moment, Eussent cédé, vaincus, au découragement ! Le poignet fatigué se meurtrit : mais qu'importe! Voici déjà tracés les contours de la porte; À quelques pieds du sol la fenêtre apparaît. Les jours passent, les mois sans aucun temps d'arrêt. Aussi, sans se courber, sous un dôme de pierre, La fillette bientôt se cache tout entière. L'espace augmente encore; il devient assez grand Pour recevoir debout le corps du vétéran. Tous deux peuvent enfin pénétrer sous la voûte. Entendez-vous ce bruit que Mariette écoute ? Chaque coup est plus sourd, c’est qu'il est plus lointain ; Plus de doute, aujourd’hui le succès est certain ; Et l'artiste quittant vivement sa cachette, Tout couvert de débris des pieds jusqu’à la tête, Agitant ses deux bras, heureux et triomphant, S'écrie, en prodiguant ses baisers à l’enfant : Tout va bien! Maintenant, j'en suis sûr, ma petite, » Le logis achevé recevra l’eau bénite » Quand Noël lancera, sonores papillons, AR » Dans les airs, jusqu’au ciel, ses joyeux carillons. » Et, grâce à toi, ma fille, en ce lieu solitaire, Ÿ Jusqu'au dernier soupir, la gloire militaire » Au grenadier errant donnera garnison » Sous cet illustre fort devenu ma maison, » — 3602 — Cest qu'il t’aimait avec une fière tendresse Comme nous t’aimons tous, superbe forteresse ! V. Sur ton rocher massif, dont les flancs crevassés, Tous deux taillés à pic, s’enfoncent dans l’abîime; Citadelle vaillante, orgueil des temps passés! Combien n’as-tu pas vu d’ennemis terrassés ? Serpents présomptueux voulant user la lime, Sur toi leurs crocs se sont cassés. César appréhendait ton simple mur d'enceinte : Charles-Quint te rangeait parmi ses boucliers. Tu r’as jamais cédé par calcul ou par crainte; Tu triomphes sans faste et tu souffres sans plainte; Hostile aux oppresseurs, fidèle aux alliés, Franchise est ta devise sainte. Pour te vaincre, Condé, plein de fougue, a lutté, Louis a descendu les marches de son trône Jugeant que ta valeur égalait sa fierté. Diamant précieux par lui-même incrusté, Si tu brillais, d’un vif éclat, Sur sa couronne, Cest que Vauban t’avait sculpté. Désormais sans réserve attachée à la France, Ainsi qu’à ses succès mêlée à ses revers Tu fus, naguère encore, à la même souffrance. Mais, derrière tes murs, calmes en apparence, — Comme l’humble héros dont je parle en ces vers — Se dissimule l'espérance ! . VI. Novembre finissait. Travaillant sans relâche L'Ermite touchait presque à la fin de sa tâche. — 903 — A la grotte ébauchée en traits lourds et grossiers Succédait une chambre aux angles réguliers. Une excavation faisait au lit sa place; Là, du futur foyer se dessinait la trace. A droite de la porte il avait même ouvert Une sorte de niche, où les neiges, l'hiver, Et les torrents, l’été, qui filtrent par les failles, Devaient fournir un jet en sortant des murailles, Et, Se réunissant dans un trou souterrain, Donner l’eau la plus pure au nouveau suzerain. Il ne lui restait plus qu’à polir la façade Lorsque Bernard survint : « Mariette est malade. » Dit-il. En regardant son visage tiré, L'ancien soldat soudain eut le cœur déchiré. — Les hommes sont muets dont l’âme est au martyre — Bernard marchait devant : il suivit sans rien dire. À la fin de l’automne il existe parfois D'insolites chaleurs après les premiers froids. L'Ecole était si loin, qu’en ce temps de l’année, L'enfant, bien jeune encore, à ses jeux adonnée, Sans quitter le faubourg, passait tous ses instants En haut, près de l’Ermite, en bas, vers ses parents. Qu'elle était forte, agile, aimable et gracieuse ! De plus chacun trouvait qu’elle était sérieuse Et que l'intelligence éclatait dans ses traits;…. Trop, peut-être ; à sept ans, les enfants sont distraits : Tant d'esprit de leur part est un signe funeste. Mariette en donnait la preuve manifeste. Tout son être s'était transformé lentement Sans qu'on vit le pourquoi de ce sourd changement. Elle demeurait calme, elle jadis si vive; Etourdie autrefois, elle était attentive. Son corps s’amaigrissait : ses membres délicats Sensibles, fatigués, ployaient à chaque pas. Maussade sans motif, une brusque tristesse Arrêtait dans l’essor ses élans d’allégresse. Un grincement de dents plusieurs fois répété — 9064 — Agaçait, dans la nuit, son sommeil tourmenté ; Et comme ce symptôme inquiétait Rosine : « Oh! c’est qu’elle grandit! » avait dit la voisine; Et Bernard, qui voyait en rose l’avenir, Ne pensait pas qu’un jour son bonheur püt finir. Comme la gloire, hélas! la joie est éphémère! Et le soldat tremblait comme tremblait la mère. En ce moment l’enfant dormait. La veille, au soir, À la table elle avait refusé de s'asseoir. La fièvre s’allumait, intense à l’origine, — Feu dévorant qui brûle et détruit la machine! Au bruit que fit la porte en roulant sur le gond, La malade en sursaut se souleva, d’un bond. Un sourire effleura sa lèvre desséchée ; Sa mère le recut aupres delle penchée, Mais les deux arrivants, précipitant leurs pas, Le cherchèrent en vain, ils ne le virent pas. Le mal s’accrut. L'Ermite, aux lueurs de lPaurore, Descendait, et le soir le retrouvait encore Au chevet de l’enfant, où, brisés par l'ennui, Les parents tour à tour passaient toute la nuit. Le marteau se taisait. La gelée opaline N’imprégnait plus les fils de blanche mousseline, Et Bernard parcourait sans cesse le chemin Du moulin au logis, du logis au moulin. Le docteur, provoquant la stupeur générale, Avait diagnostiqué la fièvre cérébrale. C'était comme un arrêt de mort qu’il prononçait. Il avait ajouté : « C’est grave mais qui sait? » La vie a du ressort dans un corps de cet âge; » Un mieux peut survenir et changer mon présage. » Allons, obéissez aux conseils que voilà, » Et surtout, espérez! La Providence est là. » Hélas ! du médecin c’est le triste apanage, Même découragé de donner du courage. Quand son art ne peut plus soulager ni guérir, 2 66 Il a toujours son cœur pour aider à mourir; Et devant des douleurs qu'aucun mot ne console, Il demeure éloquent sans dire une parole. Mais que peuvent lPamour et les soins! Les baisers Les plus doux étaient tous vivement repoussés. Le délire apparut : sous la voûte du crâne Le cerveau s’irritait du mal de sa membrane. La pauvrette, au milieu d’'indicibles douleurs, Poussait d'horribles cris sans répandre de pleurs, Signe vraiment poignant d'une atroce torture ! Ses muscles convulsés donnaient à sa figure Un aspect qui navrait plus qu’il ne faisait peur... Le calme vint ensuite apparent et trompeur. Certain jour que la mère, immobile statue, Soutenait dans ses bras son enfant abatitue, Cherchant sur son front pâle une lueur d'espoir, Le docteur, qui passait, ne fit que l’entrevoir : « Ne troublons pas, dit-il, ee repos salutaire. » Mais entrainant Bernard et le vieux solitaire Il reprit l'escalier et quand il fut en bas Il leur dit, d’une voix qui vibrait comme un glas, Accompagnant ses mots d'une muette étreinte : « Quand la lampe est sans huile, elle est bientôt éteinte. Le père, inconscient, fit un geste et rentra. L’Ermite regagna son rocher et pleura. Il voulait, s’isolant avant l'instant suprême, Demander de la force à son angoisse même; Mais il était à bout et comme un corps de plomb S'affaissa sur son lit dans un coma profond. Il est nuit. Tout à coup le vieillard se réveille; Des plaintes et des cris ont frappé son oreille; Il sent dans le frisson dont il est agité Un signe avant-coureur de la réalité. Ses membres sont perelus : il se traîne à sa porte: — 3066 — Il entend des sanglots monter : Marie est morte! Il tressaille : il voudrait près d'elle s’élancer, Une dernière fois la voir et l’embrasser, Disputer au destin l'enfant qu’il à ravie En lui sacrifiant tout ee qu'il a : sa vie! Mais un voile de sang passe devant ses yeux... Il n’était plus besoin de faire des adieux . Leurs âmes habitaient au ciel la même étoile. Quand Rosine et Bernard, dans la plus douce toile Ayant placé l'enfant, firent chercher l’ami, On trouva le vieillard pour toujours endormi. Repose en paix, enfant ! repose, Solitaire! Toi, dans ton lit bien blanc! toi, sur la froide terre! Votre logis est prêt... .là-bas... dans deux sillons.…. Et Noël dans les airs jetait ses carillons ! VIL. Le lendemain, deux corps entraient au cimetière : L'un, grand, qu'on descendit d’un sombre corbillard ; La Morgue avait fourni le linceul et la bière ; Un drap noir en lambeaux recouvrit le brancard. L'autre, petit, porté par quatre jeunes filles, Etait crêépé de blanc, couvert de blanches fleurs. Personne ne suivait le premier; vingt familles Derrière le second versaient à flots des pleurs. Le grenadier passa, toujours à l’avant-garde. L’écolière aussitôt prit le même chemin; Et le père attéré, la figure blafarde, S'appuya sur l’ami qui lui pressait la main. Et, sur la double fosse, où le triste cortège Semblait accompagner l’un et l’autre cercueil, La Nature, étalant un voile épais de neige, Préparait aux deux morts un seul et même deuil. — 567 — La terre, en morceaux durs, soulevés par la pelle, Tomba, faisant ployer les planches de sapin; Puis une simple croix se dressa, sur laquelle, Modestement, le nom de Marie était peint. Et ce fut tout. Bernard, malgré sa peine amère, Quelques heures après conduisait ses chevaux ; Et, folle de douleur, l’inconsolable mère, Bien seule désormais, reprenait ses travaux. Qu'il est pénible et dur de travailler pour vivre Quand on n’a qu'un désir et qu’un espoir : mourir! Vers la tombe, le temps paraît court, sous le givre : Un seul jour au logis, c’est un siècle à souffrir !... Bernard a réuni les deux tombes ensemble : Des bouquets de buis en tracent le pourtour; Et de plantes des champs qu'en guirlande elle assemble, Rosine vient parer ce lugubre séjour. Rien n’a diminué le chagrin qui la ronge : Mai resplendit en vain dans les prés reverdis; En vain l’infortunée a cru voir dans un songe - Le vieillard emportant l’enfant au paradis. Un jour pourtant, la joie éclaira son visage, Aux chocs d’un nouveau fruit de l'amour le plus saint. Et bientôt Mariette, où du moins son image, Ebauchait un sourire, attachée à son sein. Quand Juillet de ses feux inonde la campagne, A l'heure du soleil couchant, En face du moulin, gravissez la montagne Témoin de ce drame touchant. Aux abords du chemin veille une sentinelle Près d’une poudrière aux rocheuses parois. Le sentier, par degrés, longe le citadelle Dans des espaces plus étroits, 3 : S- — 368 — Spectacle ravissant que jamais on n'oublie, Contemplez ce site enchanté : Puis entrez sous le roc plein de mélancolie Où l’Ermite s’est abrité. Et si vos chérubins vous font une prière, Ne les repoussez pas, songez au vétéran Qui creusa, de ses mains, ce réduit dans la pierre, Pour le caprice d’un enfant. À }y dev — 369 — DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ (4886-1887). Parle DÉPARTEMENT DU DOUBS: -...:::120 100... .. 500 f. PA VIRE DE BESANCON: 2e ee de us 600 Par M. le MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE : Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques : Archéologie, n° 3-4, 1886; Histoire et philologie, n°5 3-4, 1886; Sciences éco- nomiques et sociales, 1886; Travaux scientifiques, t. VI, nos 6-19, t. VII, no 1 et 2; Revue des études historiques, 4e série, t. VI; Enquête et renseignements relatifs à l'Enseignement supérieur, nos XXII-XXIV, Bibliographie des travaux historiques et archéo- logiques publiés pur les sociétés savantes de France, par MM. R. DE LASTEYRIE et E. LEFEBVRE-PONTALIS, 3 livr. — Le Comité des travaux historiques et scientifiques [histoire et ne par M. Xavier CHARMES, 3 vol. in-4. Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 5e et 6e livr. 1886, 1re et 3e livr. 1887: Journal de l’Ecole polytechnique, 56e cahier. Journal des Savants, novembre 1886 à juillet 1887. Annales du musée Guimet, t. XI et XII; Revue de l’histoire des religions, t. XIV et nos 1-3 du t. XV. Par MM. TUETEY (Alexandre), membre correspondant, les deux publica- tions suivantes dont il est l’auteur : La sorcellerie dans le pays de Montbéliard au xvrIe siècle, d’après des documents inédits; — Le graveur lorrain François Briot, d'après des documents inédits. 24 — 310 — MM. VIVIEN DE SAINT-MARTIN, membre correspondant, les 35, 36 et 37e fase. de son Dictionnaire de Géographie universelle. MAGNIN (le professeur), membre résidant, La Végétation dans la région lyonnaise et dans la partie moyenne du bassin du Rhône, 1 vol. gr. in-8, 7 cartes color. — Note sur les causes de la présence de plantes réputées calcifuges dans la région calcaire du Jura. — Note sur la flore des environs d’Arbois. — Enumération des plantes qui croissent dans le Beaujolais. KOHLER, membre correspondant, sa Conférence sur l’Instruc- tion publique à Porrentruy, du XVIe au xIXe siècle. GUILLEMOT (Antoine), Documents inédits sur Vollore. DEMONGEOT, membre résidant, son Rapport annuel pour l’an- née 1886 sur les écoles communales de Besançon. OLIVIER (Ernest), membre résidant, sa Flore populaire de l’Al- lier (noms vulgaires et patois) et son Catalogue des Lampy- rides faisant partie des collections du Musée civique de Gênes. JURGENSEN (Jules), membre correspondant, sa Notice sur les Ponts-de-Martel. Le PRÉéreT Du DouBs, Procès-verbaux et délibérations du Con- seil général, sessions d'août et novembre 1886. LAURENS (Paul), membre résidant, son Compte-rendu des tra- vaux de La Chambre de commerce de Besançon, 1886, 27e année. Bover (Alfred), un exemplaire sur papier vergé du recueil inti- tulé : Lettres autographes composant la collection de M. Alfred BoveT, décrite par Etienne CHARAVAY, 1 vol. in-4, 880 pages; Charavay frères, Paris, 1887, SAUSSURE (Henri Dx), membre correspondant, son mémoire in- titulé : Spicilegia entomologica Genavensis; Tribu des pam- phaaiens. £ phagiens, 2. Musron (le docteur), son ouvrage sur le Préhistorique dans le: pays de Montbéliard et les contrées circonvoisines, 1 vol. in-8; ps Fa ee ad Na FE Sn ENVOIS DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (1886-1887) Association scientifique de France, n°5 339-366. Bulletin de la Société de botanique de France : compte-rendu, n° 5, 1886, nos 1-3, 1887; revue bibliographique, D (1886), A (1887). — Session extraordinaire à Milhau en 1886. Bulletin de la Société zoologique de France, 2,3, 4 (1886). Annuaire de l’Association pour l’encouragement des études grec- ques en France, 1886. Bulletin de la Société géologique de France, 1886 et 1887, re partie. - Congrès archéologique de France, LIIe session à Montbrison en 1885. Annuaire de la Société de numismatique et d'archéologie, 1886. Bulletin de la Société philomatique de Paris, 1885-1886. Builetin de la Société d'anthropologie de Paris, 1886, janvier- mai 1887. Mémoires de la Société d'histoire de Paris et de l’Ile de France, t. XII. — Polyptyque de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, publiée d’après un manuserit de la Bibliothèque nationale, Îre partie, par A. LONGNON. Société générale des prisons, 1886-1887. Précis analytique des travaux de l’Académie des sciences, belles- lettres et arts de Rouen, 1885-1886. | Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur- Saône, t. VIE, ire partie. ù Bulletin de la Société libre d’émulation, du commerce et de l’in- dustrie de la Seine-Inférieure, exercice 1886-1887, ire partie. Bulletin de la Société académique de Brest, 2e série, t. XI (1885- 1886). Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, n° 3 et 4 (1886), et n° 1 (1887). Mémoires, 3 série. t. IX. — 312 — Mémoires de la Société archéologique et historique de l’Orléa- nais, t. XXI; — Bulletin, t. VIIT, nos 131-132. Mémoires de l'Académie nationale de Caen, 1886. Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 2e/série, t. XI: Mémoires de la Société des antiquaires du Gentre, t. XIV (1886- 1887). : Mémoires de la Société d’'Emulation de Montbéliard, t. XVI (suite) et t. XVIII. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts du départe- ment de la Haute-Saône, 3e série, n° 17. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, année 1886 et 1cr sem. 1887. Bulletin de la Société de viticulture et d’horticulture d'Arbois, nos À et 2, 1887. Le Sillon, organe de la Société d'encouragement à l’agriculture à Vesoul, 1886-1887. Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, nos 35 et 306 (1887). Annales de la Société d’'Emulation de l’Ain, 4° trim. 1886, et 1er sem. 1887. Bulletin de la Société d'EÉmulation du département de l'Allier, ge et 4e livr. du t. XVII. — Catalogue du musée départemental de Moulins. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, 2e série, n° 2. Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondis- à L À ë ‘4 % ‘: sement de Beaune, 1885. Bulletin de la Société des sciences de Nancy. 2 Série, t. VII, 20e fase. (1880). Bulletin de la Socété philomatique vosgienne, 1886-1887. Bulletin de la Société des sciences naturelles de l Yonne, 1886. Bulletin de la Société Florimontane d'Annecy ; Revue savoi- sienne, 1886 et 1er sem. 1887. j Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur- Saône, t. VIE, Ille partie. | Société d'histoire naturelle de Savoie, nos 1 et 2 (1887). Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Sa- — 3173 — voie, 3e série, t. XII, et 4e série, t. I. — Nouvelle description géologique el paléontologique de la colline du Lemeng sur Chambéry, par M. Louis PILLET. Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 4e trim. 1886, ler et 2 trim. 1887. | Bulletin de la Société d'agriculture de la Sarthe, 1885-1886, 4e fasc., 1er fasc. 1887. Bulletin de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, VIII vol., 1re et 2% livr. Bulletin de la Société archéologique et historique de la Charente, 1886. Bulletin de la Société PDunoise, n°5 71-73. Revie historique et archéologique du Maine, 2e sem. 1886. Bulletin de la Société industrielle d'Angers, 1886. Mémoires de l’Académie de Nimes, t. VII, 1885. Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles de Nimes, 1886. Soci iété archéologique du Midi de la France : Bulletin, nouvelle sémne, no Tet 2: = Mémoires, t. XIX, dre livr. Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 4e série, t. IX. Société archéologique de Bordeaux, t. XI, ter fase. Bulletin de la Société d'agriculture du département de l’Ar- dèche, 1886. Bulletin de la Société d’étude des Hautes-Alpes, n° 1, 2 et 5, 1887. — Publications : Introduction au mystère de saint An- thoni de Viennes par l’abbé Paul GUILLAUME; — fstoria Petri et Paulr, mystère en langue provençale du xve siècle, publié par M. Paul GUILLAUME. Recueil des travaux de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen, 2 série, t. X. Sociélé agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientules, 28e vol. Bulletin d'histoire ecclés astique du diocèse de Valence, etc., 1886, janvier et février 1887. — Publication : Compte de Raoul de Loupy, gouverneur du Dauphiné de 1361 à 1369, par M. Ulysse CHEVALIER. Mémoires de la Société historisue et archéologique de Lyon, 1886. Mémoires de l’Académie de Lyon {Sciences/, 28e vol. — 314 — Annales de la Société d'agriculture de Lyon, t. IX, 1886. Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, nou- velle série, n° 5. Bulletin de la Société des sciences physiques et naturelles de Toulouse, t. V, 1881-1882; t. VI, 1883-1884. | Mémoires de l’Académic de Montpellier : sciences, t. XI, 1er fasc. 1885-1886; lettres, t. VIIL, 1er fasc. 1886-1887. Recueil de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn- et-Garonne, t. Il, 1886. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire, t. IV, 4er fasc.: ti. VT 3e fasc. Mémoires de la Société académique du département de l’Aube, 1886. | Revue Africaine, n0s 179-180. Le Musée Neuchätelois, publié par la Société d'histoire et d’ar- chéologie de Neuchâtel, année 1886 et janvier-août 1887. Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles, vol. XXITe. Annuaire de la Société générale de l’histoire suisse [[ahrbuch :* fur schweizerische Geschiste, zwoelfterband), 1887. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel, t. XV, 1886. Compte-rendu des travaux présentés à la 69e session de la So- ciété helvétique des sciences naturelles réunie à Genève les 10, 11 et 12 août 1886. Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire et d’ar- chéologie de Genève, 2e série, t. I. Histoire monétaire de Genève, de 1335 à 1792, par M. Eugène DEMOLLE, t. I, 4e et dernier cahier. — Pas-relief du Collège à Genève, par M. Picrer DE SERGY, t. [, cahier 2. Société des antiquaires de Zurich, L-LTI, 1886. Société des sciences naturelles de Berne [Mittheilungen/, 1143- 1168. Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique, 4e série, t. I; Bulletin, nos VIII et IX. Société géologique de Belgique, assemblée générale du 21 no- _ vembre 1886. Bulletin mensuel de la Société des sciences, agriculture et arts de la Basse-Alsace, 1886 et 1er sem. 1887. — 319 — Publication de l’Institut royal grand-ducal de Luxembourg, section des sciences naturelles et mathématiques, t. XX. — Ob- servations métédrologiques par F. REUTER, 3° et 4e fasc. Commission für die Geologische Landes - Unterruchung von Elsass-Lothringen : Mittheilungen, Band 1, Heîft IT; £rlatüte- rungen, 1-2; Abhandenlungen, Band IIT, Heft Il. — Geologis- che ubersichtskarte : Luxembourg, Deutsch-Lothringen. Tahrbuch der kaïiserlich-kœniglischen geologischen Reichsand- stalt in Wien, B. XXXVI-XXX VII, 1886-1887; Verhandlungen, nos 19-18, 1886, nos 1-8, 1887. | Société physico-économique de Kænigsberg, 1886. Académie des sciences de Berlin (Sitzungberichte), XL-LIT, 1886, I-XVIIT, 1887. Société des sciences naturelles de Brême {Abhandentungen), IX Band, L (Schluss) Heft. Commission de la section des travaus géologiques du Portugal : Recueil d'études paléontologiques sur la faune crétacée du Portugal, vol. I, 4re série {p. 1 à 40), par M. Paul CHOFFAT. — Description des échinides, par M. de LoOrIoL, 1er fascicule. Journal de la Société des arts de Londres, n°5 1774-1814. . Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Boston, vol. IT, h°$ XII, XII. Procès-verbaux, vol. XXIIT, mars 1886 à janvier 1887. Mémoires de l’Académie royale de Modène, série rie, vol. Indici generali della serie 12. : dt — 316 — MEMBRES BE LA SOCIÉTÉ Au 1° septembre 1887. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l’article 21 du règlement. Conseil d'administration pour 1887. ARCS re MM. COLSENET (Edmond); Premier Vice-Président............ Ducar (Alfred); Deuxième Vice-Président........... BOYER (Georges); SeCrÉLUiIne déCERNAl en nee BESSON (Edouard; Vice-Secrétaire et contrôleur des dé- DENSES tu sn ne FAIVRE (Adolphe); LRÉSORMORNNES RE Ra ie AS GUILLEMIN (Joseph); ACROSS TE Re da VAISSIER (Alfred). Secrétaires honoraires : MM. BAvoux (Vital) et CASTAN (Aug). Trésorier honoraire : M. Durupr (Alfred). Membres honoraires (22). MM. LE GÉNÉRAL commandant le 7e corps d'armée (M. le général WOLFF). Le PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d'appel de Besançon (M. FAYE). — 9311 — MM. L’ARCHEVÈQUE DE BESANÇON (S. G. Mgr D'UCELLIER). LE PRÉFET du département du Doubs (M. GRAUX). LE RECTEUR de l’Académie de Besançon (M. Mic). LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon (M. REGNAULT). Le MaAïrE de la ville de Besançon (M. BRUAND). L'INSPECTEUR d’Académie à Besançon (M. BAILLART). Duc D’AUMALE (S. À. R. le Prince Henri D'ORLÉANS), membre de l’Institut (Académie française et Académie des Beaux- Arts), ancien commandant supérieur du 7e corps .d’armée ; Bruxelles, avenue de Charleroi. — 1886. BAYLE, professeur de paléontologie à l’Ecole des mines; Paris. — 1851. BLANCHARD, Em., membre de lInstitut (Académie des scien- ces), professeur au Muséum d'histoire naturelle; Paris. — 1807. CRENNEVILLE (S. Exec. le général comte François FOLLIOT DE), grand chambellan honoraire de $. M. I. et KR. Apostolique; orand chancelier de l’ordre impérial autrichien de Léopold ; Gmunden (Haute-Autriche). — 1884. DELIsLe, Léopold, membre de lPInstitut (Académie des Inscrip- tions), administrateur général de la Bibliothèque nationale. — 1881. DEVOISINS, ancien sous-préfet; Paris, quai d'Orléans, DR 1842. Duruy, Victor, ancien ministre de l’Instruction publique, mem- bre de l’Institut (Académie française, Académie des inscrip- tions et belles-lettres et Académie des sciences morales et politiques) ; Paris, rue de Médicis, 5. — 1869. GRENIER, Edouard, lauréat de PAcadémie française, ancien se- crétaire d’'ambassade; Paris, boulevard Saint-Germain, 174, et Baume-les-Dames (Doubs). — 1870. DE LESSEPS (le comte Ferdinand), membre de l’Institut (Aca- démie française et Académie des sciences); Paris, rue Saint- Florentin, 7. — 1882. MArRCOU, Jules, géologue; Salins (Jura), et 42, Garden Street Cambridge, Massachusetts (Etats-Unis d'Amérique). — 1845. — 318 — MM. . PASTEUR, Louis, membre de l’Institut (Académie française et secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences), Paris, rue d'Ulm, 45. — 1882. REÉSAL, Henri, membre de l’Institut (Académie des sciences), ingénieur en chef des mines, professeur à l'Ecole polytech- nique ; Paris, rue Saint-André-des-Arts, 58. — 1853. SERVAUX, Sous-directeur honoraire des sciences et lettres au Ministère de l’Instruction publique; Paris, boulevard Cour- celles, 1. — 1873. Le général WoLrr, commandant le 7e corps d'armée, membre du Conseil supérieur de la Guerre. — 1882. Q e e e » 0 e Membres résidants (247) (1). MM. ANDRÉ, Charles, carrossier, rue Saint-Paul, 26. — 1886. ANDROT, peintre décorateur, à la Croix-d’Arènes. — 1885. ARNAL, Alexis, ancien économe du Lycée, conseiller munici- pal, rue du Lycée, 15. — 1858. ARNAL, Amédée, sous-préfet de Lesparre (Gironde). — 1872: AUSCHER, Jacques, grand-rabbin, rue Charles Nodier, 6. — 1875. BADER, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870. * BAILLY (l’abbé), chanoine honoraire, maître des cérémonies de la cathédrale. — 1865. BAUDIN, Emile, pharmacien de 1re classe, rue Saint-Pierre,’ 19. — 1887. BAUDIN, Léon, docteur en médecine, place Saint-Amour, 4. m 1009) BARBAUD, Auguste, ancien premier adjoint au maire, directeur de la Caisse d'épargne, rue Saint-Vincent, 43. — 1857. (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d’une manière plus large aux travaux de la Société. EE ne 7 MS hagre dit Er Tierre on PER D ME rs G 2 È : SES : Elis 2 ÿ # : g'>£ 4 (4 : — 379 — MM. BARBIER, Léon, ancien sous-préfet; Baume-les-Dames (Doubs), et rue Saint-Vincent, 27. — 1873. * BaAvoux, Vital, receveur principal des douanes en retraite; Pontarlier (Doubs). — 1853. BEAUQUIER, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs ; Montjoux, banlieue de Besançon. — 1879. BÉJANIN, Léon, propriétaire, Grande-Rue, 39. — 1885. BELLAIR, médecin-vétérinaire, rue de la Bouteille, 7. — 1865. BELOT, père, essayeur du commerce, rue de l’Arsenal, 9. — 1865. | BELOT, Edmond, essayeur du commerce, rue de l’Arsenal, 9. — 1878. BELTZER, Emile, notaire, rue Saint-Pierre, 1. — 1884. BENOIST, Emile, président de la chambre syndicale d’horloge- rie, conseiller municipal, rue des Martelots, 3. — 1884. BERTIN, négociant, rue Neuve-Saint-Pierre, 15. — 1863. BESSON, Edouard, substitut du procureur général, rue Saint- Vincent, 27. — 1879. BEURET, François-Xavier, voyer de la ville, Grande-Rue, 131. — 1873. BLANCHE, Cnarles, fabricant d’horlogerie, rue Morand, 7. — 18797 : BLONDON, docteur en médecine, rue Charles Nodier, 15. — 1851. BoIssSon, Joseph, pharmacien de [re classe, professeur à l'Ecole de médecine et de pharmacie, rue de la Préfecture, 12. — > 1380, BONAME, Alfred, photographe, rue de la Préfecture, 10. — 1874. BONNET, Charles, pharmacien, Grande-Rue, 39. — 1882. Bossy, Xavier, fabricant d’horlogerie, rue des Chambrettes 6. 1867. Boucœau, Pierre, directeur des écoles de l’Arsenal à Besançon, rue Charles Nodier, 24. — 1879. BouDporT, Emile, rue Battant, 64. — 1876. BOURDY, Pierre, essayeur du commerce, rue de Glères, 21. — 1862. * BOUSSEY, professeur agrégé d'histoire au Lycée, rue Morand, _ 11. — 1883. | — 380 — MM. BOUTTERIN, François-Marcel, architecte, professeur à lEcole municipale de dessin, Grande-Rue, 3. — 1874. BOUTTEY, Paul, fabricant d’'horlogerie, juge au tribunal de com- merce, rue Monceÿ, 42, — 41859. BouvaRD, Louis, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, conseil- ler municipal, rue des Granges, 62. — 1868. : BOYER, Georges, percepteur des contributions directes, rue Proudhon, 6. — 1884. BOYSSON D’ECOLE, irésorier-payeur général en retraite, rue de la Préfecture, 22. — 1852. BRETENET, capitaine d'artillerie, rue Saint-Pierre, 15. — 1885. BRETILLOT, Maurice, propriétaire, rue Charles Nodier, 9. — 1857. BREMELOT, Paul, propriétaire; rue de la Préfecture 21 1857: BRUCHON, professeur à l’Ecole de médecine, médecin des hos- pices, Grande-Rue, 84. — 1860. BEULARD, Désiré, greitien du trbunalcivalb rue bPatanr, 1873. BRüNswICK, Léon, fabricant d'horlogerie, Grande-Rue, 28. — 1859. BRUSSET, notaire, membre du conseil général de la Haute-Saône, Grande-Rue, 44. — 1870. s BUCAILLE, Auguste, propriétaire à Valleroy (Doubs), canton de Marchaux et rue de Lorraine à Besançon. — 1883. BURLET (labbé), curé de Saint-François-Xavier, chanoine honco- raire. — 1881. DE BUYER, Jules, inspecteur de la Société française d’archéo- logie, Grande-Rue, 123. — 1874. CALAME, Georges, horticulteur-pépiniériste; à la Mouillère. — 1880. CARPENTIER, pharmacien, rue Morand, 7. — 1885. CARRY, Clément, propriétaire, rue Saint-Paul, 48. — 1878. CASTAN, Auguste, bibliothécaire de la ville de Besançon, cor- respondant de l’Institut, membre non résidant du Comité des travaux historiques et du Comité des sociétés des beaux-arts des départements, Grande-Rue, 86. — 1856. OR que — 9381 — MM. CAVAROZ, Narcisse, médecin-major de 1re classe en retraite, rue de la Lue, 6. — 1881. CHABOT, Charles, professeur de philosophie au Lycée, rue Mo- rand, 14. — 1880. CHAPOY, Léon, professeur à l'Ecole de médecine, rue des Gran- ges, 30. 1879, DE CHARDONNET (le comte), ancien élève de l’Ecole polytech- nique, rue du Chateur, 20. — 1856. CHARLET, Alcide, avocat, rue des Chambrettes, 10. — 1872. CHIPON, Maurice, avocat, ancien magistrat, rue de la Préfec- Lure 231878: * CHOTARD, professeur d'histoire et doyen de la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). — 1866. COILLOT, pharmacien, rue Battant, 2, et quai Veil-Picard, 1. — 188%. COLSENET, Edmond, professeur de philosophie à la Faculté des lettres, rue de Lorraine, 10. — 1882. CORDIER, Palmyre, agent principal d'assurances, Grande-Rue, 56. — 1885. CORNET, Joseph, docteur en médecine, aux Chaprais, rue du du Chasnot, 6. — 1887. CossoN, Maurice, trésorier-payeur général du Doubs, rue Charles Nodier, 30. — 1886. COTTIGNIES, Paul, avocat-général, Grande-Rue, 86. — 1886. COULAUD, Adolphe, comptable, rue de la Lue, 6. — 1875. COULON, Henri, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, rue de la Bue, 7. — 1850: COURGEY, avoué, rue des Granges, 16. — 1873. COURTIER, négociant, rue Battant, 18. — 1876. COURTOT, Théodule, commis-greffier à la Cour d'appel; à la Croix-d’Arènes (banlieue). — 1866. COUTENOT, professeur à l'Ecole de médecine, médecin en chef des hospices, Grande-Rue, 44. — 1852. CRETIN-GEORGES, Jules, négociant, Grande-Rue, 49. — 1885. CUENIN, Edmond, pharmacien, rue des Granges, 31. — 1865. DAGLIN (le baron), ancien conseiller à la Cour d'appel et ancien — 382 — MM. membre du Conseil général du Doubs, rue de la Préfecture, 93. — 1865. DELACROIX, Frédéric, conseiller à la Cour d'appel de Besançon, place Saint-Amour, 3 bis. — 1884. DELAGRANGE, Charles, imprimeur-lithographe , rue Saint-Paul, 07. — 1872. DELAVELLE, Victor-Aristide, notaire honoraire, ancien maire de . Besançon, Grande-Rue, 64. — 1856. DELEULE, Constant, professeur à l'Ecole primaire supérieure libre, rue Saint-Jean, 2. — 1803. DEMOLOMBE, Maurice, agent général de la Compagnie d’assu- rances le Phénix, rue de la Préfecture, 14. — 1886. DEMONGEOT, inspecteur honoraire des écoles communales , rue Charles Nodier, 24 bis. — 1872. DÉTREY, Just, propriétaire, rue Saint-Vincent, 27. — 1857. DIETRICH, Bernard, ancien négociant, Grande-Rue, 71 et Beau- regard (banlieue). — 1859. Dopivers, Joseph, imprimeur, Grande-Rue, 87. — 1875. DORNIER, Alfred, négociant, place Labourey, 18. — 1880. DREYFUS, Joseph, négociant, Grande-Rue, 66. — 1880. DROUHARD, Paul, conservateur des hypothèques, rue Saint- Vincent, 18° 1879; DROUHARD (l’abbé), aumônier du Lycée. — 1885. Droz, Edouard, docteur ès lettres, maître de conférences à la Faculté des lettres, rue Moncey, 7. — 1877. DuBosr, Jules, maître de forges, rue Sainte-Anne, 2. — 1840. Ducar, Alfred, architecte de l'Etat, conservateur du Musée des antiquités de la ville, rue Saint-Pierre, 3. — 1853. DUNOD DE CHARNAGE, avocat, rue des Chambrettes, 8 — 1863. DurerT, géomètre, rue Charles Nodier, 28. — 1858. x * DURUPT, notaire, rue des Granges, 46. — 1875. Etxis, Edmond, propriétaire, membre du conseil municipal, Grande-Rue, 91. — 1860. FApy, directeur d'usine, rue de Glères, 6. — 1871. FAIVRE, Adolphe, professeur à l'Ecole de médecine, Grande- Rue, 76. — 1862. ee sl ce, M à DT ARE — 383 — MM. FAUCOMPRÉ, Philippe, professeur d'agriculture du département du Doubs, Grande-Rue, 86. — 1868. FAUQUIGNON, Charles, receveur des postes et des télégraphes, rue de la Liberté, aux Chaprais. — 1885. FÉLIX, Julien, fabricant d’horlogerie, membre du conseil muni- cipal, rue Ronchaux, 12. — 1884. FERNIER, Gustave, fabricant d'horlogerie, membre du conseil municipal, rue du Clos, 31. — 1879. Firscx, Léon, entrepreneur de maçonnerie, président du con- seil des prud'hommes, aux Chaprais. — 1865. FLAGEY, Henri, négociant, membre du conseil municipal, Grande- Rue, 45. — 1883. FOIN, agent principal d'assurances, Grande-Rue, 111. — 1805. FRANCEY, Edmond, avocat, adjointau maire, rue Moncey, 1. — 1884. FRANÇOIS, Camille, proviseur du Lycée. — 1873. GALIMENT, Léon, capitaine de cavalerie en retraite, rue Victor Hugo, 4 — 1883. * GALLOTTI, Léon, ancien professeur à l'Ecole d'état-major; Ba- zas (Gironde) et Versailles, avenue de Paris, 62. — 1860. DE GASSOWSKI, artiste peintre, rue Charies Nodier, 8 — 1875. GAUDERON, Eugène, professeur à l'Ecole de médecine, Grande- Rue, 129. — 1886. * GAUTHIER, Jules, archiviste du département du Doubs, corres- pondant du Ministère de l’fnstruction publique, rue Charles Nodier, 8. — 1866. GEVREY, médecin vétérinaire, rue des Granges, 35. — 1886. GIGANDET, propriétaire, faubourg Farragnoz. — 1872. GIRARDOT, Régis, ancien banquier, rue Saint-Vincent, 15. — 1858. GIRARDOT, Albert, docteur en médecine, rue Saint-Vincent, 15. — 1876. GIRARDOT, Georges, artiste peintre, rue Saint-Vincent, 15. — 1882. GIROD, Achille, conseiller municipal, Saint-Claude (banlieue). — 1856. : — 384 — MM. GIROD, Victor, ancien adjoint au Maire, Grande-Rue, 66. — 1850. GOUSSET (l'abbé), aumônier de l’Asile départemental. — 1884. GROSJEAN, Alexandre, avocat, membre du conseil général du Doubs et du conseil municipal de Besançon, quai Veil-Picard, 5) — 1870. : GROSJEAN, Francis, ancien bijoutier, rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1899. GROSRICHARD, pharmacien, place de l’'Abondance, 17. — 1870. GRUEY, professeur d'astronomie à la Faculté des sciences, direc- teur de l'Observatoire de Besançon. — 18892. GRUTER, médecin-dentiste, rue Moncey, 12. — 1880. GUENOT, Auguste, ancien négociant, rue du Chateur, 47. — 1872. GUICHARD, Albert, négociant, président du tribunal de com- merce, rue d'Anvers, 3. — 18583. GUICHARD, Paul, négociant, rue des Chambrettes, 13. — 1884. GUILLEMIN, Victor, artiste peintre, rue de la Préfecture, 18. — 1884. * GUILLEMIN, Joseph, caissier de la maison de banque À. Jac- quard, square Saint-Amour, 5. — 1879. GUILLIN, libraire, ancien membre du conseil municipal, rue Battant, 3. — 1870. HALDY, Alexandre, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Jean, 3. — 1859. HALDY, Léon-Emile, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Jean, 3-5. — 1879. HATTENBERG, Victor, fabricant d'horlogerie, rue Proudhon, 16. — 1879: HENRY, Jean, docteur ès sciences, ancien professeur de phy- sique au Lycée, place Saint-Amour, 12. — 1857. HENRY (le baron Edouard), littérateur, rue de la Préfecture, 29, — 1870. HÉZARD, Albert, négociant, rue Neuve-Saint-Pierre, 21. — 1876. IHLER, Adolphe, banquier, rue Morand, 16. — 1880. JEANNIN (l'abbé), chanoine honoraire, directeur de la Semaine religieuse, rue Saint-Vincent, 19. — 188%, JÉGO, agent des bois de la marine, rue Charles Nodier, 8. — 1872, — 385 — MM. DE JOUFFROY (le comte Joseph), membre du conseil général; au château d’Abbans-Dessous, et à Besançon, rue du Chapitre, 1. — 1853. * KOLLER, conseiller municipal; aux Chaprais. — 1856. LACORDAIRE, Ernest, directeur des contributions directes. — 1884. | LAGARDE, Hlenri, professeur de physique à la Faculté des sciences, Grande-Rue, 71. — 1885. LALLEMAND, Paul, conseiller à la Cour d'appel, quai Veil- Picard, 47. — 1886.  LAMBERT, Léon, ingénieur en chef des ponts et chaussées en re- traite, rue Moncey, 12. — 1852. LAMBERT, avocat, ancien magistrat, quai de Strasbourg, 13. — 1879. * DE LAUBESPIN (le comte Léonel MOUCHET DE BATTEFORT) ; Pa- ris, rue de l’Université, 78. — 1878. . LARMET, Jules, vétérinaire, secrétaire de la Société d’agricul- ture du Doubs, rue de Glères, 6. — 1884. LAURENS, Paul, président honoraire de la Société d'agriculture du Doubs, ancien membre du conseil municipal de Besançon, rue de la Préfecture, 15. — 1854. * LEBEAU, administrateur de la compagnie des Forges de Fran- che-Comté, place Saint-Amour, 2 bis. — 1872. LEBRETON, directeur de l’usine à gaz, ancien président du con- seil des prud'hommes, Grande-Rue, 97. — 1866. LEDOUXx, Emile, docteur en médecine, quai de Strasbourg, 13. ._ — 1875. LEDOUx, Louis, capitaine d'artillerie; Paris, rue de Rennes, 144. — 1883. . LESBROS, fabricant d’'horlogerie, rue des Chambrettes, 6.— 1876. LIEFFROY, Aimé, propriétaire, administrateur des forges de Franche-Comté, rue Charles Nodier 11. — 1884. LIME, Claude-François, négociant, quai Veil-Picard, 15. — 1883. LouvorT, Emmanuel, avocat, Grande-Rue, 86. — 1885. LoUvor (l'abbé), Fernand, aumônier du Refuge. — 1876. MAIRE, ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite, rue Charles Nodier, 15. — 1851. NO ) — 386 — MM. | MAIRE, Alfred, conseiller à la Cour d'appel, rue du Chateur, 12. — 1810: - MAIRE, Célestin, avoué, rue des Granges, 14. — 1884. MAES, Alexandre, serrurier-mécanicien, rue du Mont-Sainte- Marie, 10° —"71679; ) MAGNIN, Antoine, professeur de botanique à la Faculté des sciences, rue du Chasnot. — 1885. | MAIROT, Félix, banquier, président de la Chambre de commerce, 1 rue de la Préfecture, 17. — 1857. MaAIROT, Henri, ancien président du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 17. — 1881. | : MAISONNET, Auguste, négociant, aux Cras-Chaprais. — 1869. MANDEREAU, médecin - vétérinaire, inspecteur de l’Abattoir, Grande-Rue, 117. — 1883. MARGAINE, directeur des douanes, rue de la Préfecture, 8 — 1883. * MARTIN, Jules, manufacturier, rue Saint-Vincent, 7. — 1870. Masson, Valery, avocat, rue de la Préfecture, 10. — 1878. MarHEy-Dorer, professeur à l'Ecole d’horlogerie, Grande-Rue, 101. — 1883. MariLe, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Pierre, 7. — 1884. Meazy, Ladreyt, pasteur protestant, rue du Lycée. — 1884. Mercier, Adolphe, docteur en médecine; aux Chaprais (ban- lieue). — 1881. MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement ; à Canot (mai- son Jobard). — 1868. MICHEL, Brice, architecte-paysagiste, à Fontaine-Ecu (banlieue). — 1865. | Micaer-Brice, Henri, architecte-paysagiste, à Fontaine-Ecu (banlieue). — 1886. Mipoz, Charles, électricien, rue Gambetta, 8. — 1885. MINARY, Emmanuel, ingénieur, rue Battant, 37. — 1879. M10T, Camille, négociant, membre de la Chambre de commerce, Grande-Rue, 104. — 1872. MONNIER, Louis, pharmacien, rue Ronchaux, 23. — 1876. MonN1ER, Paul, correcteur d'imprimerie, rue de Glères, 8. — 18060. — 387 — MM. MoreL, Ernest, docteur en médecine, Grande-Rue, 121. — 1863. MorEL, Paul, libraire, Grande-Rue, 65. — 1880. MUSSELIN, comptable, membre du conseil municipal, rue des Granges, 3. — 1872. NARGAUD, Arthur, docteur en médecine, rue de la Madeleine, 2, — 1875. : Nassoy, colonel de gendarmerie, rue de la Préfecture, 18. — 1885. NICKLÈS, pharmacien de {re classe, Grande-Rue, 128. — 1887. OLIVIER, Ernest, naturaliste, rue du Perron, 14. — 1878. * ORDINAIRE, Olivier, consul de France, à Tarragone (Espagne). — 1876. D'ORIVAL, Léon, propriétaire, rue du Clos, 22. — 1854. D'ORIVAL, Paul, président honoraire à la Cour d'appel, place Saint-Jean, 6. — 1852. ORTET fils, Charles, négociant, rue Saint-Pierre, 19. — 1886. OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, membre de la Chambre de com- merce, rue de la Préfecture, 46. — 1858. PARGUEZ (le baron), docteur en médecine, ancien adjoint au maire, Grande-Rue, 68. — 1857. PERRUCHE DE VELNA, conseiller à la Cour d'appel, rue du Per- ron, 26. — 1870. PETITGUENOT, Paul, avoué près la Cour d'appel, Grande-Rue, 107. — 1869. Peritr, Hugues, chef de section du chemin de fer Paris-Lyon- Méditerranée, rue des Chaprais, 9. — 1881. PIGUET, Emmanuel, fabricant d’horlogerie, place Saint-Pierre, 9. — 1850. * PINGAUD , Léonce, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres, rue Saint-Vincent, 17. — 1874. POTIER, Joseph, entrepreneur de plâtrerie; avenue de Fon- taine-Argent. — 1870. PouLerT, Emile, négociant, juge au tribunal de commerce, rue de la Lue, 6. — 1877. PROUDHON, Camille, conseiller honoraire à la Cour d'appel, rue des Granges, 23. —- 1856. RÉMOND, notaire, Grande-Rue, 31. — 1881. — 388 — MM. * RENAUD, Alphonse, docteur en droit, sous-chef à la direction générale de l'enregistrement; Paris, rue d'Amsterdam, 69. — 1869. RENAUD, Ernest, fabricant d’horlogerie, rue Rivotte, 8. — 1885. RÉTIF, directeur de l’enregistrement et des domaines, rue Charles Nodier, 11. — 1880. RETROUVEY, Charles, boulanger, rue de Chartres, 1. — 1877. RICHARD, Louis, médecin major; à Montrapon. — 1878. RICHARD, Henri, ingénieur, directeur de la Vinaigrerie, rue de la Mouillère (banlieue de Besançon). — 1887. RICKLIN, notaire, Grande-Rue, 99. — 1879. RIGNY (l'abbé), chanoine honoraire, curé de Saint-Pierre.— 1886. RiPPs, Paul, architecte, Grande-Rue, 27. — 1873. ROBARDET, commissaire -priseur, ancien membre du conseil d'arrondissement de Besançon, rue des Granges, 34. — 1879. ROBERT, Edmond, fabricant d’aiguilles de montres, rue Prou- dhon, 16. — 1886. ROESCH, étudiant en pharmacie; à la Viotte. — 1883. SAILLARD, Albin, professeur à l'Ecole de médecine et chirurgien en chef des hospices, membre du conseil général du Doubs, Grande-Rue, 136. — 1866. SAILLARD, Léon, négociant, rue des Granges, 59. — 1877. SAILLARD, Eugène, ancien directeur des postes du département du Doubs; Beauregard (banlieue de Besançon). — 1879. SAINT-GINEST, Etienne, architecte du département du Doubs, rue Granvelle, 28. — 1866. DE SAINT-JUAN (le baron Charles), rue des Granges, 4. DE 1869. DE SAINTE-AGATHE, Joseph, avocat, archiviste-paléographe, rue d'Anvers, 1. — 1880. SANCEY, Alfred, négociant, membre du conseil municipal, Grande-Rue, 9. — 1878. * SANCEY, Louis, comptable, à Montjoux. — 1855. SANDOZ, Charles, négociant en fournitures d’horlogerie, adjoint au maire, place Saint-Amour, 4. — 1880. SANDOZ, Léon, négociant en fournitures d’horlogerie, consul de la Confédération helvétique, à la Viotte. — 1879. — 389 — MM. SAVOUREY, Charles-Arthur, fabricant de boîtes de montres en or, rue des Martelots, 7. — 1874. SCHLUMBERGER, Emile, rue des Chaprais, 24. — 1884. SCHOENDOERFFER, ingénieur de {re classe des ponts et chaus- sée, Grande-Rue, 117. — 1885. SENDER, Xavier, négociant, rue Battant, 29-31. — 1885. SERRES, Achille, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1883. SIRE, Georges, docteur ès-sciences, essayeur de la garantie; aux Chaprais. — 1847. SONGEON, fabricant d’horlogerie, rue de la Préfecture, 4. — 1884. SURLEAU, directeur de la succursale de la Banque de France, rue de la Préfecture, 19. — 1886. : TARBY, professeur au Lycée de Besançon, Grande-Rue, 86. — 1886. : VAISSIER, Alfred, conservateur-adjoint du Musée des antiquités, Grande-Rue, 109. — 1876. VERNIER, Léon, agrégé de l’Université, professeur au Lycée, rue Sainte-Anne, 12. — 1883. VERMOT, Théodore, entrepreneur de maçonnerie; rue des Cha- prais. — 1879. DE VEzEeT (le comte Edouard), ancien lieutenant-colonel de l’armée territoriale, rue Charles Nodier, 17 ter. — 1870. VEZIAN, doyen de la Faculté des sciences, rue Charles Nodier, 21. — 1860. VIEILLE, Gustave, architecte, commandant du bataillon de sa- peurs pompiers, rue de Lorraine, 3. — 1882. VIENNET (l’abbé), professeur au collège Saint-François-Xavier. — 1884. VOIRIN, Jules, pharmacien, quai Veil-Picard, 23. — 1876. * VUILLEMOT, Albert, licencié en droit, ancien avoué, rue Saint- Vincent, 43. — 1876. VUILLERMOZ, avocat, ancien magistrat, rue Morand, 9. — 1878. WERLEIN, Amédée, négociant, rue des Granges, 39. — 1870. ZORN, Auguste, ancien professeur à l'Ecole d’'horlogerie, place Saint-Amour, 7. — 1877. — 390 — Membres correspondants (199). ANDRÉ, Ernest, notaire; Gray (Haute-Saône). — 1877. _ ALLEMAND, Victor, lieutenant du génie, à Montpellier. — 1882. * D'ARNEVILLE, Henri, chimiste ; au château d’Arguel. — 1878. BAILLE, Charles, président honoraire de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny (Jura). — 1877. BAILLY, inspecteur d'académie en retraite, ancien président du conseil général de la Haute-Saône; Vesoul. — 1875. * BARDET, notaire à Vuillafans. — 1886. BARTHOLOMOT, Alfred, président de Chambre à la Cour d'appel de Grenoble. — 1877. BATAILLE, Paul, ingénieur des ponts et chaussées ; Châlon-sur- Saône (Saône-et-Loire). — 1870. BENNETT (sir John), membre du conseil municipal et du conseil supérieur d'éducation de Londres. — 1886. * BERTHAUD, professeur de physique au lycée de Mâcon (Saône- et-Loire). — 1880. * BESSON, ingénieur de la Compagnie des forges de Franche- Comté; Courchapon (Doubs). — 1859. BETTEND, Abel, imprimeur-lithographe : Lure (Haute-Saône). — 1862. BERDELLÉ, ancien garde général des forêts; à Rioz (Haute- Saône). — 1880. BEURNIER, ancien inspecteur général des forêts, Montbéliard (Doubs), place Saint-Martin, 8. — 1874. BE, Jules, horticulteur-pépiniériste ; Marnay (Haute-Saône). — 18741° Bixio, Maurice, agronome, membre du conseil municipal de Paris ; Paris, quai Voltaire, 18. — 1866. ‘ BizZOS, Gaston, professeur de littérature française et doyen de la Faculté des lettres d'Aix. — 1874. BLANCHOT, Hippolyte, docteur en médecine, membre du conseil général de la Haute-Saône; Granvelle (Haute-Saône). — 1881. BOBILLIER, Edouard, maire de la ville et suppléant du juge de paix; Clerval (Doubs). — 1875. BOISSELET, avocat; Vesoul (Haute-Saône). — 1866. — 391 — MM. BoiTEUx, Louis, docteur en médecine; Baume-les-Dames., — 1886. BÔLE, Camille, professeur de mathématiques au collège de Baume-les-Dames. — 1885. * BOUILLET, Apollon; Paris, rue des Bois, 23 (Belleville). — 1860. BouLaAY (l'abbé), docteur ès-sciences, professeur à l’Université catholique de Lille (Nord), rue des Frères Vaillants, 9. — 1875. BOUTHENOT-PEUGEOT, vice-président de la Société d’émulation de Montbéliard; Audincourt (Doubs). — 1869. * BREDIN, professeur au Lycée de Vesoul (Haute-Saône). — 1857. * BRIOT, docteur en médecine, membre du conseil général du Jura; Chaussin (Jura). — 1869. * Bririsx MUSEUM, à Londres, représenté par la librairie Dulau and C°, Soho Square, 37. — 1887. BRUAND, Léon, inspecteur des forèts ; Compiègne (Oise). — 1884. BURIN DU BUISSON, préfet honoraire, à Cramans, Jura. — 1878. * BUCHET, Alexandre, propriétaire ; Gray (Haute-Saône).— 1850. CALLET, Albert, inspecteur des domaines de la ville de Paris; Ne dASSAS, 72 — 1882. CANEL, juge de paix à Montbozon. — 1862. CARDOT DE LA BURTHE, bibliophile; Paris, avenue de Villiers, 92, et au Val Saint-Eloi (Haute-Saône). — 1873. CARME, conducteur de travaux au P. L. M.; Vitteaux (Côte-d'Or). — 1856. CARRAU, maître de conférences à la Faculté des lettres de Paris; rue du Tronchet, 30, Paris. — 1871. ‘ CASTAN, Francis, colonel d'artillerie, directeur de la poudrerie du Bouchet, par Vert-le-Petit (Seine-et-Oise). — 1860. ° CHAMPIN, ancien sous-préfet ; Baume-les-Dames. — 1865. CHAPOY, Henri, avocat à la Cour d'appel de Paris ; Paris, rue des Saints-Pères, 13. — 1875. CHAPUIS, Louis, pharmacien ; Chaussin (Jura). — 1869. * CHOFFAT, Paul, attaché à la Section des travaux géologiques du Portugal; Lisbonne, rua do Arco a Jesus, 113. — 1869. CIZEL (l'abbé), professeur au collège libre de la Chapelle-sous- Rougemont (territoire de Belfort). — 1884. * CLOZz, Louis, artiste peintre; Lons-le-Saunier (Jura). — 1863, SFR LL ee CNRS, TR 2 Rs AE AC OS OT on € RS DRE SR ES EE RE NP SE nr 5 : à NT TE — 392 — MM. CONTET, Charles, professeur agrégé de mathématiques au Lycée de Saint-Quentin. — 1884. * CONTEJEAN, Charles, professeur à la Faculté des sciences de Poitiers (Vienne). — 1851. CORDIER , Jules-Joseph, contrôleur des douanes; Saint-Nazaire (Loire-Inférieure). — 1862. CORNUTY, contrôleur de la garantie; Pontarlier. — 1883. CosTE, Louis, docteur en médecine et pharmacien de {re classe; Salins (Jura), — 1866. * COTTEAU, juge au tribunal de première instance d'Auxerre (Yonne). — 1860. COURBET, Ernest, receveur municipal, trésorier de la ville de Paris; Paris, rue de Lille, 14. — 1874. * CRÉBELY, Justin, employé aux forges de Franche-Comté; Moulin-Rouge, près Rochefort (Jura). — 1865. CRETIN, Emile, professeur de mathématiques spéciales au lycée Saint-Louis; Paris. — 1876. DARÇOT, juge de paix à Champagney (Haute-Saône). — 1880. DAUBIAN-DELISLE, Henri, directeur des contributions directes, ancien président de la Société; Montpellier. — 1874. DÉPIERRES, Auguste, avocat; Luxeuil (Haute-Saône). — 1880. * DEROSNE, Charles, maître de forges; à Ollans par Cendrey. — 1880. ; * DESSERTINE, Edmond, directeur de forges ; Longchamp, par Clairvaux (Aube). — 1866. DETZEM, ingénieur en chef des ponts et chaussées ; Niort (Deux- Sèvres). — 1851. * DEULLIN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. DEVARENNE, Ulysse, contre-amiral : Paris, rue de la Bienfai- sance, 42. — 1867. * DEVAUX, ancien pharmacien, maire de la ville de Gy (Haute- Saône). — 1860. = DÉy, Aristide, ancien directeur des Domaines; Château-Thierry (Aisne). — 1853. | _ DoiNET, Félix; Paris, rue Richer, 4, et à Yerres (Seine-et-Oise). — 1857. * DORNIER, pharmacien; Morteau (Doubs). — 1873. Ca LÉHENES — 393 — MM. DRAPEYRON, Ludovic, docteur ès-lettres, professeur d'histoire, au Lycée Charlemagne, directeur de la Revue de Géographie ; Paris, rue Claude-Bernard. 55. — 1866. Ducar, Auguste, docteur en médecine; Paris, rue Compans 93, (Belleville). — 1873. * DüurAY, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875. * Durour, Max, docteur en médecine; Lausanne, rue du Midi. — 1886. * DuLAU, F. Justen, libraire; Londres, Soho Square, 37. — 1887. * FAVRE, Alphonse, professeur à l’Académie de Genève; cor- respondant de l’Institut de France (Académie des sciences); Genève, rue des Granges, 6. — 1862. FEUVRIER (l'abbé), chanoine honoraire, curé de Montbéliard (Doubs). — 1856. FLAGEY, Camille, ingénieur, ancien membre du conseil général du Doubs ; Constantine, Dar-el-Bey. — 1877. FoLrèTE (l'abbé), curé de Verne (Doubs). — 1858. * DE FROMENTEL, docteur en médecine; Gray (Haute-Saône). — 1857. GALMICHE, Roger, avocat, ancien président de la Société d’'agri- culture, sciences et arts de la Haute-Saône; Vesoul. —- 1885. GAFFAREL, professeur d'histoire à la Faculté des lettres de Dijon. — 1878. * GARNIER, Georges, avocat; Bayeux (Calvados), — 1807. GASCON, Edouard, agent-voyer principal et conducteur des ponts et chaussées; Fontaine-Française (Côte-d'Or). — 1868. GAUTHIER, docteur en médecine; Luxeuil (Haute-Saône). — 1868. GÉRARD, Jules, recteur de l’Académie de Grenoble. — 1865. GEVREY, Alfred, président du tribunal ; Montélimar (Drôme). — 1660. * GIRARDIER, agent voyer d'arrondissement ; Pontarlier (Doubs). — 1856. GIROD , Paul, docteur en médecine et ès-sciences, professeur à la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand. — 1882. GREMAUD (labbé), bibliothécaire cantonal de Fribourg (Suisse). GE GRESSET, Félix, général de division d'artillerie, membre du co- bières (Vosges). — 1873. GUTZWILLER, Louis, juge de paix ; Poligny. — 1878. HENRICOLAS, directeur des contributions directes ; à Bar-le- Duc. — 1878. HOFFMANN, imprimeur ; Montbéliard (Doubs). — 1873. HUART, Arthur, ancien avocat général; Paris, rue de la Faisan- _derie, 24. — 1870. HuGuer, docteur en médecine; à Vanne (Haute-Saône). — 1884. * JACCARD, Auguste, professeur de géologie à l’Académie de Neuchâtel (Suisse) ; au Locle. — 1860. JANET, Albert, négociant; Saint-Vit (Doubs). — 1872. JEANNIN (l’abbé), curé de Déservillers (Doubs). — 1872. JEANNOLLE, Charles, pharmacien à ane -Loup (Haute- -Saône).— 1876. | JOBEZ, Théodore, propriétaire; Chaussin (Jura). — 1877. JOBIN, Alphonse, avocat; Lons-le-Saunier (Jura). — 1872. JOLIET, Gaston, préfet de PAin ; Bourg — 1877. JUNG, Théodore, général de brigade, gouverneur de Dunkerque (Nord). — 1872. * JURGENSEN, Jules, littérateur, consul de Danemark; au Locle (Suisse). — 1872. = 50 — | MM. | | mité de l’arme; à Paris -et aux Tilleroyes-lez-Besançon. — 1866. GRIFFOND, Théophile, ancien magistrat; Paris, rue Notre-Dame des Champs, 66. — 1879. : GUILLET, Eugène, percepteur ; à Dormans (Marne). — 1880. * GUILLEMOT, Antoine, entomologiste; Thiers que Dôme). — 1854. 4 GUINET, Pierre, ingénieur, directeur de manufacture, à Plom- 3 * KŒCHLIN, Oscar, chimiste; Dornach (Alsace). — 1858. KOHLER, Xavier, président honoraire de la Société jurassienne * d'Emulation, Porrentruy (Suisse). — 1864. * LAMOTTE, directeur des hauts fourneaux; Ottange, par Aumetz (Lorraine). — 1859. LANTERNIER ; à Loulans-les-Forges (Haute- Saône). — 1855. LAURENS, Camille, ingénieur civil; Paris, rue Taitbout, 82. — 1881. FR — 395 — MM. * LAURENT, Ch., ingénieur civil; Paris, rue de Chabrol, 85. — 1860. LEBAULT, Armand, doct. en méd.; Saint-Vit (Doubs). — 1876. LE Mire, Paul-Noël, avocat; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura). — 1876. Le MONNIER, professeur à la Faculté des sciences de Nancy (Meurthe-et-Moselle). — 1875. * LERAS, inspecteur honoraire d’Académie ; Auxerre (Yonne). — 1857. LHOMME, botaniste, employé à l'hôtel de ville de Vesoul (Haute- Saône), rue de l’Aïigle-Noir, 30. — 1875. * LIGIER, Arthur, pharmacien, membre du conseil général du Jura; Salins (Jura). — 1863. LONGIN, Emile, avocat, ancien magistrat; Vesoul. — 1874. Lory, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté des scien- _ ces de Grenoble (Isère). — 1857. MACHARD, Jules, peintre d'histoire, ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome; Paris, rue Ampère, 67. — 1866. MaADioT, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). — 1880. * MAILLARD, docteur en médecine, Dijon (Côte-d'Or). — 1855. MAIRE-SEBILLE (l'abbé), curé de Vuillecin (Doubs). — 1880. MaïREY (l'abbé), professeur au séminaire de Vesoul. — 1874. MARCHANT, Louis, docteur en médecine, conservateur du musée d'histoire naturelle ; rue Berbisey, 31, Dijon (Côte-d’Or).— 1877. DE MARMIER (le duc), membre du conseil général de la Haute- Saône ; Paris, rue de l’Université, 39, et à Cannes (Alpes-Ma- ritimes. — 1867. MARLET, Adolphe, ancien conseiller de préfecture ; rue des Bons- Enfants, 6, à Dijon (Côte-d'Or). — 1852. * MARQUISET, Léon, avocat, ancien magistrat; à Apremont (Haute- Saône) et à Paris. — 1874. MARTIN, docteur en médecine; Aumessas, par Alzon (Gard). — 1855. MARTIN, Abel, capitaine adjudant major au 29° régiment d’in- fanterie, à Dijon. — 1881. * MATHEY, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856. — 396 — MM. DE MENTHON (le comte René), botaniste; Menthon (Haute-Savoie), et au château de Saint-Loup-les-Gray, par Gray. — 1854. MEYNIER, Joseph, médecin-major de dre classe à l'hôpital mili- taire du camp de Châlons. — 1876. MICHAUD, Emile, docteur en médecine; L’Isle-sur-le-Doubs. — 1875. MIGNARD, Prosper, correspondant du Ministère de l’Instruction publique; Dijon (Côte-d'Or), rue Franklin, +. — 1868. MiLzLiARD, Alfred, à Fédry par Lavoncourt (Haute-Saône). — 1886. * MONNIER, Eugène, architecte du gouvernement; Paris, rue Washington, 19. — 1866. * DE MoNTET, Albert; à Chardonne-sur-Vevey (Suisse). — 1882. MORÉTIN, docteur en médecine ; Paris, rue de Rivoli, 68. — 1857. MoucHerT, Léon, professeur à la Faculté de droit de Dijon (Côte- d'Or), ancien membre du Conseil général du Doubs. — 1879. Mourey (labbé), à Montmartin (Doubs). — 1886. MOUROT, instituteur en retraite; Trepot (Doubs). — 1869. DE MOUSTIER (le marquis), membre du Censeil général du Doubs; château de Bournel, par Rougemont (Doubs) et Paris, rue de l'Université, 82. — 187%: MUGNIER, Henri-Auguste, ingénieur-architecte; Paris, rue de Sévigné, 26. — 1868. | MUSELIER, notaire honoraire; Ornans (Doubs). — 1881. MUSTON, docteur en médecine, archéologue; Montbéliard. — 1887. DE NERVAUX, Edmond, ancien directeur au Ministère de l’Inté- rieur, Paris, rue d'Astorg, 27. — 1856. PAILLOT, Justin, pharmacien ; Rougemont (Doubs). — 1857. * PARANDIER, inspecteur général de première classe des ponts et chaussées en retraite, président de la Société de viticulture d’Arbois (Jura); Paris, rue des Ecuries d'Artois, 33. 1859; PARIS, docteur en médecine ; Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. ParisoT, Louis, pharmacien et ancien maire de Belfort. — 1855. PERRON, Charles, docteur en médecine; route de Baume (ban- level leur * PESSIÈRES, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1853. — 397 — MM. Peru Jean, statuaire; Paris, rue Denfert-Rochereau 759. — 1866. PETITCLERC, Paul, géologue; Vesoul (Haute-Saône), — 1881. PINAIRE, Jules, juge de paix, Clerval (Doubs). — 1868. . Pory, archéologue ; Breuches (Haute-Saône). — 1869. DE PRINSAC Île baron), ancien membre du conseil d’adminis- tration de la Société; château de Sadeillan, par Mont-de-Ma- rast (Gers). — 1873. PRoST, Bernard, rédacteur au Ministère de l'Intérieur (bureau des archives départementales) ; Paris, avenue Rapp, 3.— 1857. * QUÉLET, Lucien, docteur en médecine ; Hérimoncourt (Doubs). — 1862. RAMBAUD, Alfred, professeur à la Faculté des lettres de Paris, membre du Conseil général du Doubs. — 1881. * RECEVEUR, Jules, notaire; Cuse, près Rougemont (Doubs). — 1874. * RENAUD, Edouard, chef de bataillon d'infanterie ; Pau. — 1868. RENAULD, Ferdinand, botaniste, capitaine au dépôt de remonte; Aurillac (Hautes-Pyrénées). — 1875. * REVON, Pierre, banquier; Gray (Haute-Saône). — 1858. RICHARD, Charles, docteur en médecine ; Autrey-lez-Gray (Haute-Saône). — 1861. RICHARD, Auguste, pharmacien; Nice, rue de Paris, 15, et Autet (Haute-Saône). — 1876. Rrpps (l'abbé), curé d’Arc-les-Gray (Haute-Saône). — 1882. ROUTHIER, Joseph-Prosper, attaché à la Préfecture de la Seine; rue Flatters, 10, Paris. — 1886. ROuzZET, Louis, ancien ingénieur-voyer ; Dole (Jura). — 1874. Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes; Paris, rue des Saints-Pères, 12. — 1867 Roy, banquier; L’Isle-sur-le-Doubs. — 1887. * RoSsIGNOT (l’abbé), Auguste, curé d’Argillières (Haute-Saône). — 1885. * SAILLARD, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs). — 1877. * SENTUPÉRY, Charles, château de la Folie, Arc-lez-Gray (Haute- Saône). — 1879, — 398 — MM. * DE SAUSSURE, Henri, naturaliste; Genève, Cité 24. — 1854. TAILLARD, docteur en médecine, membre du Conseil d’arrondis- sement; Maiche (Doubs). — 1877. THURIET, Ch., président du tribunal civil; Saint-Claude (Jura). — 1869. THURIET, Maurice, avocat à Baume-les-Dames (Doubs). — 1885. sr TOUBIN, Charles, ancien professeur au collège arabe d'Alger; rue Foncet, 12, à Nice, et à Salins (Jura). — 1856. TOURGNOL, principal du collège de Saintes (Charente). — 1873. * TOURNIER, Ed., maître de conférences à l’Ecole normale, sous- directeur à l’école des hautes études; Paris, rue de Tournon, 16. — 1854. TRAVELET, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez- Morey (Haute-Saône). — 1857. * TRAVERS, Emile, ancien conseiller de préfecture ; Caen (Calva- dos). — 1869. TRIDON, Mathieu, censeur honoraire du Lycée de Besançon, à Buthiers (Haute-Saône). — 1878. ; * TRIPPLIN, Julien, représentant de lhorlogerie bisontine et vice-président de l’Institut des horlogers; Londres : Bartlett’s Buildings, 5 (Holborn Circus), E. C., et Belle-Vue (Heathfeld . Gardens Chiswick, W]. TRUCHELUT, président de la Chambre syndicale des photo- graphes de Paris; quai de Valmy, %, Paris. — 1855, TUETEY, Alexandre, sous-chef de la section législative et judi- ciaire aux Archives nationales; Paris, rue de Poissy, 31. — 1863. : VALFREY, Jules, ministre plénipotentiaire, ancien sous-directeur à la direction politique du Ministère des affaires étrangères ; Paris, rue du Faubourg Saint-Honoré, 140. — 1869. VAISSIER, Jules, fabricant de papiers; Marnay, par Azay-le- Rideau (Indre-et-Loire). — 1877. ; VARAIGNE, directeur des contributions indirectes ; à Limoges (Haute-Vienne). — 1856. VENDRELY, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône). — 1863. VERNEREY, notaire, Amancey (Doubs). — 1880. — 399 — MM. VIELLARD, Léon, propriétaire et maître de forges; Morvillars (Haut-Rhin). — 1872. * DE VIGNAUD, Eugène, littérateur; Paris. — 1875. VOISIN-DELACROIX, Alphonse, statuaire ; Montrapon (banlieue). — 1878. * WALLON, Henri, agrégé de l’Université, manufacturier; Rouen, Val d'Eauplet, 48. — 1868. * WILLERME, colonel des sapeurs-pompiers de Paris en retraite; Paris, rue de Sèvres, 4. — 1869. ZELLER, Jean, inspecteur d'académie à Laon. — 1871. mes mm mue PE LOI NE RE ES TP NT LE TRE AT 2 2 nr DATE LS OPEL MR ON RCE ÿ) EN Pi TS ee UPS A rt A A TES LOT RE PT A RTS PE ET M A EE I PE Hot “ : ane fe MO CASE À , DE FE A RON SPUR re 5 me \ — 400 — SOCIÉTÉS CORRESPONBANTES (435) Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations. SR VA a SRE y: + nn 2 r N * £ 1 = À» LES PF CES si LUTTE EP PP NE RE RER ER ER RP ES PE PS TR PT EE FRANCE. ES PRIE Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l’Instruction publique /Cinq CHR P EE des Mémoires) . Ain. Société d’'Emulation de l’Aïn ; Bourg. ._. Aisne. Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agri- culture et industrie de Saint-Quentin . Allier. Société des sciences médicales de larrondissement de Gannat . Forue Société d'Emulation du déparicmment de V'Allier : Mou- lins. Alpes-Maritimes Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ; Nice. . | Alpes (Hautes-). Société d'étude des Hautes-Alpes; Gap. Ardèche. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et lettres té RArdéches Arias ea, Eee Are — AO — Aube. Société académique de l'Aube ; Troyes . . Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. Bouches-du-Rhône. Société de statistique de Marseille. Académie des sciences, belles-lettres et te de Macile. Calvados. Société Linnéenne de Normandie ; Caen. Académie de Caen. Charente. Société historique et archéologique de la Charente; Angoulême . Charente-Inférieure. _ Société des archives historiques de la Saintonge et de IENUMS Saintes: 207 Cher. Société des antiquaires du Centre ; Bourges. Côte-d'Or. Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . Commission des antiquités du département de la Côte- Or Dijon... UN na ue Sd de. Société d'archéologie, histoire et de littérature de Beaune RS D à Société des sciences a. naturelles de un Société archéologique de Châtillon-sur-Seine . Doubs. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- BOIS Ed A re ARE O RE LE PAPA OR A RQ RE NS Société d'agriculture, sciences naturelles et arts du dé- parement du Doubs: Besancon-ri(ts. M es Urnes 26 1867 1876 1867 1867 1857 1868 1877 1883 1876 1856 1869 1877 1880 1886 1841 1841 — 402 — Société d'Emulation de Montbéliard. Société de médecine de Besançon. Société de lecture de Besançon . de ee Association scientifique des pharmaciens de Besançon Drôme. Bulletin d'histoire ecclésiastique et d’archéologie reli- gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Vi- viers; Romans (Drôme) . Eure-et-Loir. Société Dunoise, Châteaudun . Finistère. Société académique de Brest . Gard. Académie de Nimes . à . à Société d’études des sciences ne de Nine. Garonne (Haute). Société archéologique du Midi de la France; Toulouse. Société des sciences physiques et naturelles de Tou- louse . Gironde. Société des sciences physiques et naturelles de Bor- deaux. Société loose de Bor … Société Linnéenne de Bordeaux . Hérault. Académie de Montpellier. : Société archéologique de Monecllen Société des sciences naturelles de Béziers. . Isère. Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- ment de l'Isère ; Grenoble . 1854 1861 - 1865 1875 1880 1367 1875 1857 — 403 — Jura. Société d’'Emulation du département du Jura; Lons-le- Saunier . : Société ericulture. sciences et Le de on. Société de viticulture et d’horticulture d’Arbois . Loire. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire; Saint-Etienne. Loiret. Société archéologique de l’Orléanais ; Orléans : Lot-et-Garonne. Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen. Maine-et-Loire. Société industrielle d'Angers et du département de Maine- et-Loire; Angers. AN Société académique de Maine. et- oi , Angers . Manche. Société des sciences naturelles de Cherbourg . Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- _ partement de la Marne, Châlons . Société d'histoire brel de Reims . x Société d'agriculture, sciences et arts du département « de la Marne ; Reims. Marne (Haute-). Société archéologique de Langres. Meurthe-et-Moselle. Société des sciences de Nancy (ancienne Société des sciences naturelles de Strasbourg) . Société d'archéologie lorraine, à Nancy. Lu 1844 1860 1877 1866 1851 1884 1855 1857 1854 1856 1878 1878 … 1874 1866 1886 z RS DR TU ES) EL LS PE A CESR ET ES Aer d'a ie A 2 Ce NP GTS NDS DEA A PSE PR EI MR PR TRANS RNPIE > “AFS 128 — À404 — Meuse. Société polymathique de Verdun . Morbihan. Société polymathique du Morbihan; Vannes. Oise. Société historique de Compiègne. .... er | Pyrénées (Hautes-). Société des sciences, arts et lettres de Pau. Pyrénées (Basses-). Société des sciences et arts de Bayonne. Pyrénées Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales; Perpignan. Rhin (Haut-). Société Belfortaine d’Emulation. Rhône. Société d'agriculture, d'histoire naturelle et arts utiles de Lyon. SR ER D EE Académie des sciences, béiee. lee et arts de Lyon : Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. Saône-et-Loire. Société Eduenne ; Autun. \ a Société d’ oo et Re de ous PR. Société des sciences naturelles de Saône-et- -Loire ; Cha- lon-sur-Saône . Saône (Haute-), Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône ; NÉSONNETNAUr Fe Société d'éneciréeement à Vaste Vesoul 1851 1864 1886 1873 1884 1856 1872 1850 1860 1856 1846 1857 1877 1861 1881 — À05 — Sarthe. Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe; Le Mns ie : ; ar Société ordis et A du Maine - Le ue Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . Savoie (Haute-). Société Florimontane ; Annecy . . Seine. Académie des sciences de l’Institut de France. Association scientifique de France ; Paris . Société des antiquaires de France ; Paris. MER Société française de numismatique et d'archéologie; Paris . RS D Le CU Re Association ne pour an cent des sciences Société d'histoire de Paris et de l'Ile de France Association pour l’encouragement des études grecques en rance, rue Soutfiot, 22, Paris... Re en Société générale des prisons; place du arehé- Saint- Honoré, 26, Paris . . DS Rd D Société de botanique de France : rue de Grenelle, 24, - Ne SR, ca PR A NE Société d’ oboloeie de Lo. rue done Dibos. 4 . Société française de physique . . . ; Musée Guimet; avenue du Trocadéro, 20 | ee co ee Seine-Inférieure. Commission départementale des antiquités de la Seine- INédeure Ronen ee 0 0 du eu ent Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen Société libre d'Emulation de la Seine-Inférieure ; Rouen. Seine-et-Oise. Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et= Die VNersallés serre SET En oc RE Pme 1869 1879 1869 1871 1872 1866 1867 1878 1879 1884 1878 1879 1883 1883 1887 1880 1869 1879 1880 — 406 — somme Société des antiquaires de Picardie; Amiens. A Vienne. _ Société des antiquaires de lOuest;-Poitiers” ture Vienne (Haute-). Société historique et archéologique du Limousin; LiIMOBES nr A RS ne ones Vosges. : Société d'Emulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne ; Saint-Dié. . Yonne. Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. ALSACE-LORRAINE Société d'histoire naturelle de Colmar. A Société des sciences, agriculture et arts de la Basse- AISACe 2 SIPASDOUTE NN TR RENE Aeadémie de Metz. : +... ALGÉRIE. Société historique algérienne ; Alger . ALLEMAGNE. Académie impériale et royale des sciences de Berlin. Société botanique de la province de Brandebourg ; Berlin . Académie royale des sciences de … à Munich (Kœnigl. bayer. Akademie der ne ZU Munchen), représentée par M. Georg, libraire à Lyon . ie Société des sciences natur A de bième D ne chaftlicher Verein zu Bremen) : : : : Société des sciences naturelles et ee de la Haies _ Hesse (Oberhessische Gesellschaft für Natur und Heil- lunte) SGLeSSeN see EUR DE RD Ne 1869 . 1886 1852 1855 1876 1852 0 — _ Société royale physico-économique de Kœænisberg (Koœni- gliche physikalich-ækonomische Gesellschaft zu Kœæ- nigsberg); Prusse . AUTRICHE. Institut impérial et royal de géologie de l'empire d’Au- triche (Kaiïiserlich-kœæniglich-geologische Reichsanstalt) ; Vienne. . AMÉRIQUE. Société d'histoire naturelle de Boston. Institut Smithsonien de Washington . United states geological Survey. . ANGLETERRE. Société littéraire et philosophique de Manchester (Lite- rary and philosophical Society of Manchester). Société des arts de Londres (Journal of the Society of arts) . | BELGIQUE. Académie royale de Belgique; Bruxelles . . Société géologique de Belgique; Liège . Académie d'archéologie de Belgique; Anvers. PORTUGAL. Section des travaux géologiques du Portugal, de l’Aca- démie royale des sciences de Lisbonne, rua do Arco a _ Jesus, 113. ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . LUXEMBOURG. Société des sciences naturelles du grand duché de Luxem- bourg ; Luxembourg . 1861 1853 . © 1885 SUËDE ET NORVÈGE. Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . . . 1869 Université royale dé Christian 2 lin À SUISSE. Société des sciences naturelles de Bâle. . . . . . . . . 487 ’ Société des sciences naturelles de Berne . . . . . . . . 4855 Société jurassienne d’Emulation ; Porrentruy . . . . . . 1861 Société d’histoire et d'archéologie de Genève . . . . . . 1863 Institut national de Genève. 4 5.2 2, 50002806 Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne . . . 1847 Société d'histoire de la Suisse romande; Lausanne . . . 1878 Société neuchâteloise des sciences Re cl 1862 : Société d'histoire et d'archéologie de Néuchaiel 23 210600 Société helvétique des sciences naturelles; Zurich. - : 1857, Éociété dessantiquaires de Zone 0 ee _ : 10 Société générale d'histoire suisse (à la ounere de SO UTE) RE 10 cr — 409 — BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES (26) Recevant les Mémoires. Bibliothèque de la ville de Besançon. Id. populaire de Besançon. Id. de l’Ecole d'artillerie de Besançon. Id. des Facultés et de l'Ecole de médecine de Be- sançon. Id. du Chapitre métropolitain de Besançon. Id. du Séminaire de Besançon. Id. de la ville de Montbéliard. Id. de la ville de Pontarlier. Id. de la ville de Baume-les-Dames. Id. de la ville de Vesoul. Id. de la ville de Gray. Id. de la ville de Lure. Id. de la ville de Luxeuil. Id. de la ville de Lons-le-Saunier. Id. de la ville de Dole. Id. de la ville de Poligny. Id. de la ville de Salins. Id. de la ville d’Arbois. Id. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. Id. Mazarine, à Paris. Id. de l’Ecole d'application de l'artillerie et du génie, à Fontainebleau. Id. du Musée ethnographique du Trocadéro. Archives départementales de la Côte-d'Or. Id. du Doubs. Id. de la Haute-Saône. Id. du Jura. TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME. PROCÈÉS-VERBAUX. Notices de M. CASTAN sur le peintre Victor JEANNENEY et sur lofficier principal d'administration Alphonse RENAUD....., pp. VI-VIN Rapport de M. CasrTan sur l'Histoire des princes de Condé de M. le puc D’AUMALE, et offre du titre de membre honoraire à Pilustre auteur de CeliQUyLADES 7, 4 et see eue eee ce DD. X CLXI Lettre de M. le DUC D’AUMALE acceptant la qualité de membre honoraire qui lui à été offerte par la Société..,.,.....,...... p. XIII Souscription de la Société à la fondation de l’Institut Pasteur. p. XIV Remerciments faits à la Société par M. PASTEUR.........,.... p. XV - Rapport de M. ARNAL sur la gestion financière de l'exercice de ASS D de Det Le pp. XVI-XVIII Rapport de MM. VAISSIER à. GIRARDOT sur le lee d objets d’his- toire naturelle et d’ ee fait à la Société par l'ingénieur Albert TRAVELET., de a no nie dede p. XIX Rapport de M. Hiouard Ro sur un mémoire de M. Gaston Brzos concernant ue ition du mélodrame en ee au ITS. SÉCONE e - A se ENG Er p. XX par MM. Jen TReIPPLIN et Edward Dies du Mate d’horlo- gemerde Me:Claudius SAUNIER.-.....4.:24 eee. DD. XXI-XXIT Félicitations au capitaine Louis TROUILLET sur sa promotion au titre d’officier d'Académie. ..,..... ..... re PE te p: XXII Accueil fait à la Société mycologique : réponse de M. le docteur QUÉLET et conférence de M. le docteur MOUGEOT........., ë Dr XXV Arrêté ministériel classant parmi les monuments historiques les vestiges romains du Square archéologique de Besançon. pp: XXVITII-XxXIX Budget de la Société pour 1887........ RNA Ed ra D'RERX Présentation, par M. VAISSIER, des deux tiers d’un vase romain en verre, décoré d’une scène priapique en ciselure, fragments trouvés dans le sol antique de Besançon, par M. l'architecte Gustave VIEILLE, et offerts au Musée des antiquités de la ville par M. le député Daniel WILSON, propriétaire du terrain où la ÉTOUVANLe avale LÉ Ates TS AUR e en TLRO RREN TANT RAR à p. XXX — 12 — Election du Conseil d'administration de 4887. ...... ...... No S ED. XX Séance publique du 16 décembre 1886,..,......... se PP. XXXIV-XXXV Banquet de 1886 : toasts prononcés à cette occasion par M. le président Ducar, M. le docteur Durour (de Lausanne), M. Jules JURGENSEN (du Locle), M. Alfred Bover (de Montbéliard), M. Henri de BEAUSÉJOUR (de Vesoul), M. Edmond COLSENET, | président élu pour 1887..,...... D a ne PP. XXXIV-XLVIIT MÉMOIRES. La Société d’'Emulation du Doubs en 1880, par MPAred'Dvear président Annuel." "0 Le capitaine du génie Louis Trouillet : discours prononcé à ses obsèques par M. Edouard BESSON. Mirabeau à Pontarlier : rapport sur une étude bio- _ graphique de M. Georges LELOIR, par M. Edouard BESSON ee co ne nan Le Scepticisme de Pascal, considéré dans le livre des Pensées : rapport sur la thèse de doctorat ès lettres de M. Edouard Droz, par M. Edouard BESSON Re ne en one de. La Fontaine de la Rochette à Saint-Claude (Jura) : _ pièce de vers par M. Charles THURIET ........ La Minerve de Besançon au château de Chantilly, par M. Auguste CASTAN (1 planche)... ........ Un Terroriste avant la Terreur : lettre de Dumas cadet, futur président du tribunal révolutionnaire, écrite en 1789 à l’une de ses victimes de 1793, publiée par M. Charles SENTUPÉRY............ Rayons d'hiver : poésies de M. Edouard GRENIER. — M3 — La provenance anglo-française du reliquaire pri- mitif de la chevalerie franc-comtoise de Saint- Georges, par M. Auguste CASTAN.............. Limites des anciennes divisions de la Séquanie, par MEME docieur J'MEVNIER........... ..... Rapport sur la séance générale de la Société d’his- toire et d'archéologie de Neuchâtel en 1886, par ME EE COMIGNIES. 2... Un épisode de l’histoire géologique des Monts-Jura, ME M Georges BOYER... :.................. Opinions des érudits de l’Autriche sur les origines et la date du « Saint-Idefonse » de Rubens, par MASSE USte CASTAEN Se. Re Les dernières observations du capitaine Louis Trouillet à la glacière de Chaux-lez-Passavant, par M. ie docteur Albert GIRARDOT (3 planches). Un congrès seientifique à Genève en 1886 : rapport DO EdOUArA BESSON... Rapport sur la séance générale de la Société d'E- mulation de Montbéliard en 1886, par M. Paui COTON SR PR ER _ Orographie du territoire de Besançon, par M. G. Bosen-(l-planche)-: =... D A PRO A Jean de Bry : ses relations avec Charles Nodier et Charles Weiss, par M. Léonce PINGAUD........ Le Comte d'Artois en Franche-Comté et en Lor- raine dans les premiers mois de 181%, par M. J. NB RE ee RE Pre ie den Li RES p. De 10 : M7 . 430 173 “181 192 2 197 . 203 236 Note sur quelques plantes américaines pouvant être | : acclimatées en France, par M. Henri MICHEL... p. 346 ) i es “3 L’Ermite de la Citadelle : pièce de vers par M. le 74 HOCIEUL CHAPONS UE “ Dons faits à la Société en 1886.......... ni tue Rd D due Envois des Sociétés correspondantes. .................. ue Membres de la Société au 1er septembre 1887,............ Ga Sociétés correspondantes it ter mire ie Bibliothèques recevant les Mémoires. ..,.,...,...,.,...,.., Ho — REA Le Vase priapique en verre du Musée de Besançon, 7 dessiné par M. Alfred VAISSIER, décrit par M. Au- FE ouste CASTAN (A planche) he 2e p. 249 7 Nouvelle interprétation de la Théorie des Marées, : pas ME =MiNaRv (planche) ne Re D'ou 598 EDS BESANÇON, IMPRIMERIE DODIVERS. ARR Te EAU A TTA Nat RE UT ji Di D EAN POATNAT à avril 1863 : ee Le Société de est reconnue comme établissement, d'utilité + : Su but est de « concourir 'acbvement aux. ei. pui en faciliter le eo ne cotisation. ol ie par ne des ses ee ae chacun de ses membres Se elle. est. ot ER A ER n LENS 2 | à h ll * ‘2 ; = < à MR ENT RUN ; | Ÿ é À Lt : | ‘ Û c4 # L + FE ÿ x l n ; : , # RCE f À ou D 3 | 4 : nu NET ES DE y ur es pe $ f “ { ‘ ; (Fe. è VAE à 4 Na Sa L LS k An à WE Fe | ° 4 LE à \ œ LAS à BAL APAE # 1. ner ë ni i = hf | | …— ): \ À À | L ç ; ra E , ; | ! ! à ï Ë : vi * * j= 7, * > Le À % RERO PNA : l L Le. — 41, ï “ É SEC AS L Es LUN à | | je } ae rLS 5} #h IDUL C4 LE 1 ar: re j Aie \ t l 3 | " où ss N | Se ï | wat e R | (ME 4 1 » ê ess SP RAUTM ES . Dis + Vs à . , | DE # k Le vx 4 à | à ! * PS C ; s ) ME Nu : + À | AT À ré? | 7 Ÿ | * , . 3 9 de LÉ 4 HT n| ES te era | Gex e \ … n J | ñ : é sr: * Ce | Lo L ‘ sur #4 1 : k, de y if Ce s x a = es en "75 . is AgIUE un | 1 ss fai on pi Fi 16} ii ï il RE . ; 4 i js =: Rte hi. . ne ue il AMP HAL PMHMOQUUE À RRAT di ; : è Ul : NOCNTLE Ra j PL if Ne Hi 1 . DEAN DNS ñ jt qu ji 1 [HAL t mA ten li , ! Lu ! did, fix ain fon Fit en ui NUS ul va L4 li (] ÿ ji ‘ A ! à ds RON . 6 tree Do re : A »- == an fi il Fr Lo on pure th }| gs FL ee . hi . ï Ji | ati An ‘à pit + EE a à \ En if | \ Nul! LI \ ul isx tr) à 4. ds ne sh Al f is ae { L AL nu di 4 a RCA 1 EU ARTE I Lo, ar 114 1 vil ji j ait fly fl h, EN À li js LIEN jj an to ho: RS rl N'HAE EI ll, ie di i ll SUN Wt HE Pret d huit ji qi |