SNS nr AR DE art bmp: j« NE AB mn, ALP ATEN re ; Ve La d à: ere gas 4 ès ” 2 PAPE AA que 7 MÉMOIRES SOCIÈTÉ D'ÉMULATION Dr DOUBS SIXIÈME SÉRIE | DEUXIÈME VOLUME IMPRIMERIE DODIVERS ET Cie Grande-Rue, 87. BESANCON 1888 at Dr 2 em) Es VE os —_ | A tu | me | É : = © op à nn = à CE] | | # pese MÉMOIRES DE LA SOCIETÉ D'ÉMULATION DU DOUBS SIXIÈME SÉRIE DEUXIÈME VOLUME BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET Cie Grande - Rue, 87. 1888 MÉMOIRES LA SOCIÊTÉ D'ÉMULATION 1887 ROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES Séance du 15 janvier 1887. PRÉSIDENCE DE MM. DUCAT ET COLSENET. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, président sortant, élu premier vice- président pour 1887; Colsenet, deuxième vice-président sortant, élu président pour 1887; Boyer, élu deuxième vice-président; Castan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire; Faivre, vice- secrétaire, Guillemin, trésorier; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Barbier, Baudin, Bonnet, Bous- sey, Demolombe, Guenot, Guillemin (Victor), Jégo, Paul Laurens, Lieffroy, Ledoux, Girardot, Vernier. Les procès-verbaux des séances des 15 et 16 décembre 1886 ayant été lus et adoptés, M. Ducat remercie la Société de la bienveillance qu’elle lui a témoignée durant son année de pré- sidence, et exprime le vœu de la voir se maintenir dans la voie de prospérité et de progrès où elle se trouve engagée. Il invite ensuite le nouveau président élu M. Colsenet à lui succéder à la présidence. M. Colsenet, ainsi installé, prend à son tour la parole pour Ml es remercier la Compagnie de l’honneur qu'elle lui a fait enle plaçant à sa tête. Il espère du reste que l’accomplissement de sa mission lui sera facilité par le concours de ses collègues du bureau, auxquels il fait le plus chaleureux et le plus aimable appel. Ces paroles ayant été accueillies par des applaudissements, on procède à la désignation des commissaires qui doivent véri- fier les comptes du trésorier. Les membres nommés à cet effet sont MM. Arnal, Demongeot et Sire. M. Besson rend compte de l’ouvrage de M. Tuetey sur La sor- cellerie dans le pays de Montbéliard au xvrIe siècle. Ce compte- rendu prendra rang dans nos Mémoires, et la Société autorise en outre son insertion dans un journal de la localité. M. Alfred Vaissier résume ensuite une conférence récemment faite à Londres sur la situation de l’industrie horlogère dans cette ville. Son auteur, sir John Bennett, qui dirige en Angleterre l’une des principales maisons d’horlogerie, et qui, à ce titre, a été commissaire pour son pays à l’Exposition universelle de 1878, soutient depuis quelque temps déjà, par la plume et par la parole, une lutte acharnée pour conjurer la rume de l’industrie horlogère de Londres. Cette industrie y a Connu, en effet, une situation prospère, et si cette prospérité est ao Dedi bui amoin- drie, pour la reconquérir, les horlogers anglais devront adopter complètement le système suivi en Suisse : emploi des machines outils, division extrême du travail, développement des écoles industrielles pour la jeunesse , utilisation du travail des femmes. Ces conseils très sages, très utiles, et dont d’autres in- dustries locales pourraient elles-mêmes faire leur profit, sont parfaitement résumés par M. Vaissier, que la réunion remercie de son intéressante communication, en décidant que mention en sera faite au procès-verbal. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET. E. BESSON. — VIE = Séance du 12 février 1887. PRÉSIDENCE DE M. COLSENET. Sont présents : BUREAU : MM. Colsenet, président, Ducat et Boyer, vice-pré- sidents; Castan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire, Guil- lemin, trésorier; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bouttey, de Chardonnet, Gosson, Delacroix, Demongeot, Girardot, Guenot, Guillemin (Victor), Haldy fils, Henry, Jégo, Licffroy, Margaine, Paillot, Saint- Ginest. Le procès-verbal de la séance du 15 janvier 1887 ayant été lu et adopté, le secrétaire communique une circulaire de M. le Di- recteur des Beaux-Arts relative au prochain Congrès des Sociétés des Beaux-Arts qui se tiendra à Paris. Cette circulaire restera déposée sur le bureau de la Société. M. le comte de Chardonnet entretient ensuite la réunion de la Société française de Physique, dont le siège est à Paris et dont les publications présentent le plus grand intérêt. Il pense que ces publications pourraient être obtenues, en échange des nôtres, si la demande en était faite. Cette proposition est agréée : des remerciements sont votés à M. de Chardonnet, et le secrétaire est chargé d'adresser à la Société française de Physique la de- mande en question. M. Castan donne lecture de la première partie d’un travail relatif au sculpteur franc-comtois Pierre-Etienne Monnot. Ce travail, qui sera lu par son auteur au Congrès des Sociétés des Beaux-Arts, prendra rang dans nos Mémoires. M. Besson lit une pièce de vers de M. Charles Thuriet, intitu- lée Saint-Claude. Ce morceau est écouté avec intérêt, et des remerciements sont votés à son auteur. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres SE NIIT RE résidants, par MM. Paillot et Ducat : MM. Nicklès, pharmacien, Baudin, pharmacien ; Cornet, Joseph, docteur en médecine aux Chaprais. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET. E. BESSON. Séance du 12 mars 1887. PRÉSIDENCE DE M. COLSENET. Sont présents : BUREAU : MM. Colsenet, président; Ducat, premier vice-pré sident ; Castan, secrétaire honoraire ; Besson, secrétaire ; Guil- lemin, trésorier; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Barbier, Baudin, Boussey, Carry, Cosson, Delacroix Fauquignon, Girardot, Girod, Guillemin (Victor), Jégo, Ledoux, Lieffroy, Olivier, Pingaud, Saint-Ginest, Vernier. Le procès-verbal de la séance du 12 février 1887 ayant été lu et adopté, le secrétaire donne communication d’une circulaire de la Direction des Beaux-Arts annonçant que la onzième session des Sociétés des Beaux-Arts des départements, qui devait avoir lieu à Pâques, est reportée à la Pentecôte. Est ensuite communiquée une circulaire de M. le Ministre de l’Instruction publique indiquant également l’ouverture du Con- grès annuel de la Sorbonne à l’époque de la Pentecôte, et ce pour donner satisfaction aux vœux exprimés dans ce sens par la grande majorité des Sociétés savantes. A la circulaire est joint un programme des questions qui seront traitées au Congrès dans les cinq sections dont il se compose. M. le Ministre adresse en outre à la Compagnie une circulaire relative à la confection, par les soins des sociétés savantes des départements, d’une description de l’état administratif et éco- — IX — nomique de la France en 1789. Il s’y trouve joint aussi un projet de plan pour l’état descriptif d’une généralité ou d’une région de la France en 1789. M. Castan informe la Société qu’il a conclu avec le Musée Bri- tannique un marché par lequel cet établissement a acquis au prix de 250 francs un exemplaire complet de nos Mémoires. Ce marché est ratifié par la Société, qui remercie M. Castan. M. Frédéric Delacroix, membre résidant, donne lecture d’un travail intitulé : Un procès de tendance au dix-huitième siècle. Ce morceau est retenu pour notre prochain volume. M. Vaissier communique un dessin où il a représenté, sous ses différentes faces, le Vase priapique récemment entré au Musée de Besançon. Cette reproduction, très réussie, accom- pagnera, dans nos Mémoires, le commentaire que M. Castan a déjà consacré à l’objet. M. Castan donne lecture de la dernière partie du travail qu’il a consacré à la biographie du sculpteur franc-comtois Pierre- Etienne Monnot, morceau dont l'impression a été votée dans la dernière séance. M. Castan fait part en outre de l'intention qu’a M. Jules Collin, neveu et exécuteur testamentaire de la veuve du physicien Péclet, d'offrir à la ville de Besançon, en conséquence de l’une des dernières volontés de sa tante, un buste en marbre du savant illustre qui fut l’un des quatre fondateurs de l'Ecole centrale des Arts et Manufactures : homme excellent dont le grand chimiste Dumas a pu dire qu’il avait été « honnête entre les honnêtes, bon entre les meilleurs, utile entre les plus utiles ! » M. Castan estime qu'il y aurait lieu, à cette occasion, d'introduire dans notre prochain volume une étude sur la vie et les ouvrages de Péclet, l’un des savants dont Besançon a le droit d’être fier. Adoptant cette manière de voir, la Société décide que M. Sire sera prié de vouloir bien écrire la notice en question. Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres correspondants : = X == Par MM. Castan et Vaissier, M. F.-Justen Dulau, libraire à Londres ;, l'Administration du British Museum, représentée par la librairie Dulau et Cie, à Londres. Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le président proclame : Membres résidants, MM. NiCKLES, pharmacien; BAUDIN (Emile), pharmacien ; CORNET (Joseph), docteur en médecine. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET. E. BESSON. Séance du 23 avril 1887. PRÉSIDENCE DE M. COLSENET. Sont présents : BUREAU : MM. Colsenet, président; Ducat et Boyer, vice-pré- sidents;, Castan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire; Guil- lemin, trésorier; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arnal, Baudin, Boussey, Cordier, Delacroix, Girardot, Henry, Jégo, Lagarde, Ledoux, Mathey- Doret, Sire. Le procès-verbal de la séance du 12 mars 1887 ayant été lu et adopté, le secrétaire donne communication d’une circulaire de M. le Ministre de l’Instruction publique par laquelle se trouvent réglées les conditions du voyage des futurs délégués des So- ciétés savantes à la Sorbonne. Le secrétaire communique encore une circulaire de la Société française d'archéologie annonçant le prochain Congrès qu’elle tiendra à Laon et à Soissons, et invitant la Société d’'Emulation du Doubs à y prendre part. M. Sire informe la Compagnie qu’il a cru pouvoir négocier la EN — vente des deux thermomètres enregistreurs dont le regretté capitaine Trouillet se servait pour ses expériences de la grotte de Chaux-lez-Passavant, et qu'il les a cédés, sauf ratification, pour la somme de cinquante francs chacun, à MM. Lagarde et Henry. Ce marché, très avantageux pour la Société, est ap- prouvé par les membres présents, qui remercient M. Sire. M. Arnal donne lecture du rapport suivant sur la gestion financière de l’année 1886 : « MESSIEURS. » La Commission que vous avez nommée pour examiner la situation financière de la Société a vérifié les comptes du tré- sorier, qui donnent les résultats suivants : RECETTES. Solde en caisse au 31 décembre 1885............. 19179 Subvention du département du Doubs... ......... 000 » Id. delaville de Besançcon.::............ 600 » Cotisations des membres résidants.............. 2.340 » Rachat de cotisations de membres résidants... ... 200 » Cotisations des membres correspondants... ...... 818: 12) Rachat de cotisations de membres correspondants 180 » DROIT, CECI) ONCE Re 40 » Nente de Volumes Rd de hum 1292) Intérets des rentes Sur PEtat tt ne bre 410 » Intéréls du Capital en caisse... Lu. .4. in 243 77 Total: 5.600f 52 DÉPENSES. DES SION eee crade den sn éleienne .. 4.042f. 40 False ON RS 497 50 Frais de bureau, chauffage etc.......... 265f. 35 À déduire les frais de recouvrement... étléporudu volume: Lire 417 04 148f. 31 148 f. 31 Hudis divers et séance publique 70.0 619%" > A repurter..... 4.937 €. 21 — XII — Report 087001 Traitement de l’agent de la Société... ..........….. 300 » Recherches scientifiques 470 70 Cotisation à l'Association française pour l’avance- ment des Sciences... . 20 » 5 497 f.91 MOUVEMENT DE FONDS. Versé à la caisse d'épargne, capital et INÉCRÉIS EP Ne NM 3.343 {. 77 Retiré de la caisse d'épargne. .....… 19 200 00 Différence. 143 F. 77; ci : 143 f. 77 Solde en caisse au 31 décembre 1886............. 28 84 = ne mt Total égal à celui des recettes 5.600f. 52 » Si l’on compare les résultats de ce compte avec les chiffres prévus au budget de 1886, on trouve pour les recettes une plus value de 610 fr. 52. Cette augmentation est due à des rachats de cotisations, à la vente de volumes et à l’intérêt des sommes déposées à la caisse d'épargne. » Quant aux dépenses qui se sont élevées à...... 5.571 f. 68 elles n'étaient prévues au budget que pour une comme des 2. D de D Rene Dre 0 5.000 » D'ouune -Auementaion de 971 f. 68 » On a cependant réalisé des économies sur les crédits alloués pour frais de bureau et les recherches scientifiques; mais les frais relatifs à la séance publique ont dépassé de 119 fr. les prévisions du budget, et les frais d'impression, qui n’y figuraient que pour 3.300 fr., se sont élevés à 4.042 fr. 40, soit 742 fr. 40 en plus. Il est juste toutefois de faire remarquer que, dans ces 4.042 fr. 40, il se trouve une somme assez importante afférente aux exercices antérieurs, qui n’a été réglée qu’en 1886. SITUATION GÉNÉRALE. Solde en caisse au 31 décembre 1886............. 28 f. 84 Argent déposé à la caisse d’épargne.....:......… 45130 79 A reporter.....: 4.002103 Report... .. 4.602f. 65 Cotisations 4recouvrer 5.5... tou... 22) Pour mémoire, une rente de 410 fr., dont 135 fr. 4 1/2 0/0 et 275 fr. 3 0/0 POLAR SN et 4.624 63 »D AU 31 décembre 1885, il était de................ 4.701 71 » D’où il suit que les réserves de la Société ont di- MAÉ AT dede ae de sed ee sd de VU ee dos ee 77 14 » Il y aurait eu au contraire une augmentation si l’on n'avait dû radier de l’actif quelques cotisations arriérées, devenues ir- récouvrables, et qui avaient été maintenues comme bonnes dans le compte précédent, et si l’année 1886 n’avait eu à supporter des dépenses afférentes aux exercices antérieurs et dont il n’avait pas été fait mention. » La commission se fait un devoir de rendre hommage au zèle et au dévouement du trésorier, et vous demande de lui voter des remerciements. » Besançon, le 22 avril 1887. » Signé : ARNAL, DEMONGEOT, SIRE ». La Société, adoptant les conclusions de ce rapport, vote des remerciements à son trésorier. Elle remercie en outre la com- mission et son rapporteur, et décide l'insertion du rapport au procès-verbal de la séance dans laquelle il a été lu. M. Sire fait une conférence sur la rotation des corps, qui in- téresse vivement l'auditoire. M. le président se fait l'interprète du sentiment commun en remerciant le conférencier, dont la communication n’est du reste qu’un chapitre d’un travail géné- ral sur le même sujet qui sera inséré dans nos Mémoires. Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le président proclame : Membres correspondants, L’ADMINISTRATEUR DU BRITISH MUSEUM, représenté par la Maison Dulau et Cie de Londres ; M. F.-Justen DuLaAU, libraire à Londres. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET. E. BESSON. — XIV — Séance du 14 mai 1887. PRÉSIDENCE DE M. COLSENET. Sont présents : BuREAU : MM. Colsenet, président ; Ducat et Boyer, vice-pré- sidents ; Castan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire ; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin, Chabot, Girardot, Jégo, Paul Laurens, Ledoux, Lieffroy, Mercier, Henri Michel, Magnin, Paillot, Pingaud, de Sainte-Agathe, Sire, Tarby, Vernier. Le procès-verbal de la séance du 23 avril 1887 ayant été lu et adopté, M. Boyer présente un travail de M. Marcou, membre honoraire de la Compagnie, relatif aux cartes géologiques. M. Boyer veut bien se charger de rédiger, pour la prochaine séance, un rapport sur ce travail. M. Besson donne lecture d’une notice intitulée : La part de la Franche-Comté dans la formation du Cabinet des Chartes, d’après un récent ouvrage de M. Xavier Charmes. Cette notice prendra rang dans nos Mémoires. M. Magnin fait une communication ayant trait à quelques particularités relatives à la flore du Jura. Cette communication fait partie d’un travail qui figurera dans notre prochain vo- lume. M. Albert Girardot, dans une intéressante conférence, étudie les Coralligènes du terrain jurassique, supérieurs à l’étage coral- hen, dans la frontière du Mont-Jura qui appartient au dépar- tement du Doubs. Il signale l'existence de couches à polypiers dans l’Astartien (à Morteau, Sombacourt, Boujailles, Pontarlier), dans le Ptérocérien (à Pierrefontaine, Levier, Sombacourt et Boujailles), dans le Virgulien (à Longeville et à Morteau). Tous ces coralligènes sont de peu d'importance comparés à ceux du corallien. Depuis le dépôt de cet étage, les polypiers ont abandonné l’Ouest de la région et se sont étendus vers le Sud et vers l'Est. Cette conférence est écoutée avec grand intérêt, et M. le pré- sident remercie M. Albert Girardot. Au nom de M. le docteur Muston, M. Castan présente un ou- vrage sur le Préhistorique dans le pays de Montbéliard et dans les contrées circonvoisines, et en donne une rapide analyse. Ce compte-rendu détermine la Société à prier M. Albert Girardot d'examiner l’ouvrage en question au point de vue scientifique. Est présenté pour entrer dans la Société, comme membre correspondant , par MM. Castan et Besson, M. le docteur Muston, archéologue et historien à Montbéliard. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET. E. BESSON. Séance du 18 juin 1887. PRÉSIDENCE DE M. COLSENET. Sont présents : BUREAU : MM. Colsenet, président ; Ducat et Boyer, vice-pré- sidents ; Castan, secrétaire honoraire ; Besson, secrétaire , Guil- lemin, trésorier ; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin (Léon), Boussey, Carry, Chabot, de Chardonnet, Cotfignies, Delagrange, Fauquignon, Gauderon, de Gassowski, Guillemin (Victor), Henry, Jégo, Paul Laurens, Margaine, Henri Michel, Minary, Pingaud, Richard, Savourey. Le procès-verbal de la séance du 14 mai 1887 ayant été lu et adopté, M. le président Colsenet présente, au nom de M. Alfred Bovet, président de la Société d’Emulation de Montbéliard, un magnifique exemplaire de l’ouvrage intitulé : Lettres autogra- phes composant la collection de M. Alfred BoveT, décrites par Etienne CHARAVAY, ouvrage imprimé sous la direction de Fer- nand GALMETTES, in-4° de LvI-880 pages, avec un nombre con- sidérable des plus intéressantes reproductions. M. Alfred Bovet ne s’est pas borné à ce généreux témoignage de son estime pour la Société d'Emulation du Doubs : il a bien voulu apprécier en termes extrêmement gracieux notre fête du mois de dé- cembre 1886, et affirmer une fois de plus les liens cordiaux qui unissent notre Compagnie à la Société d'Emulation de Montbé- liard. Les membres présents sont unanimes pour charger le secrétaire de transmettre à M. Bovet l'expression d’une vive gratitude. M. Colsenet présente encore, au nom de M. le professeur An- toine Magnin, membre résidant, un travail sur la Flore du Beau- jolais, au sujet duquel des remerciements sont votés à l’auteur. M. Besson donne lecture d’un rapport sur le dernier Congrès des sociétés savantes à la Sorbonne. Ce morceau prendra rang dans nos Mémoires. M. Georges Boyer, vice-président, donne un aperçu de l'étude sur la Cartographie universelle de M. Jules Marcou, travail pré- senté à la Société dans sa dernière séance et dont la publica- tion est votée avec empressement. Au nom de M. Olivier Ordinaire, membre correspondant, M. Besson lit un morceau intitulé : Impressions de voyage au Pérou. Ce morceau figurera dans nos Mémoires. Est pareillement retenu pour l’impression un travail lu par M. Castan et intitulé : Le graveur François Briot, bourgeois de Montbéliard, analyse d’une étude de M. Alexandre Tuetey. Est présenté pour entrer dans la Société comme membre correspondant, par MM. Paillot et Besson, M. Roy, banquier à l’Isle-sur-le-Doubs. Après un vote d'admission du candidat antérieurement pro- posé, M. le président proclame : Membre correspondant, M. E. MUSTON, docteur en médecine, à Montbéliard. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET. E. BESSON. NN IE Séance du 9 juillet 1887. PRÉSIDENCE DE M. DUCAT. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, premier vice-président; Boyer, deuxième vice-président; Castan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire; ._ Guillemin, trésorier; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin (Léon), Bernard Dietrich, Carry, Gottignies, Delacroix, Fauquignon, Gauderon, Girardot, Guillemin (Victor), Jégo, Paul Laurens, Lieffroy, Mercier, Michel (Henri), Ripps, Sire. Le procès-verbal de la séance du 18 juin 1887 ayant été lu et adopté, le secrétaire communique une lettre par laquelle la Société d’histoire de Neuchâtel notifie la séance générale qu’elle tiendra à Cressier le mardi 19 juillet courant, et invite la Société d'Emulation à déléguer à cette fête quelques-uns de ses membres. M. Albert Girardot lit un rapport sur un ouvrage du docteur Muston intitulé : Le préhistorique dans le pays de Montbéliard. Tout en faisant quelques réserves sur les peintures un peu trop précises que l’auteur donne des mœurs d’une époque encore à peine entrevue, il rend justice à l’étendue des recherches qui ont servi de base à l’ouvrage. Il loue particulièrement et sans réserve la partie du livre qui est consacrée à la grotte de Rochedane et aux découvertes de premier ordre que M. Muston y a provoquées et dont il a été l’habile interprète. M. Georges Boyer lit une notice sur l’Orographie des Monts- Jura, qui prendra rang dans nos Mémoires. Est pareillement retenue pour l'impression une note d'hygiène urbaine intitulée : Les odeurs de Besançon, dont communication est donnée par M. le docteur Baudin. Est présenté pour entrer dans la Société comme membre b — XVII — résidant, par MM. Potier et Castan, M. Auguste Bétard, entre- preneur de serrurerie. Après un vote d'admission du candidat antérieurement pré- senté, M. le président proclame : Membre correspondant, M. Roy, banquier à l’Isle-sur-le-Doubs. Le Vice-président, Le Secrétaire, A. DUCAT. E. BESSON. Séance du 12 novembre 1887. PRÉSIDENCE DE M. COLSENET. Sont présents : BUREAU : MM. Colsenet, président, Ducat et Boyer, vice- présidents, Castan, secrétaire honoraire, Besson, secrétaire; Vaissier, archiviste ; Guillemin, trésorier. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin (Léon), Bertin, Bonnet, Boussey, Carry, Ghapoy, Cordier, Demongeot, Drouhard (Paul), Fauquignon, de Gassowski, Girardot, Gruter, Guenot, Guillemin (Victor), Henry, Paul Laurens, Ledoux, Lesbros, Mairot (Henri), Margaine, Pingaud, Ripps, Saillard, Savourey, Sire. Le procès-verbal de la séance du 9 juillet 1887 ayant été lu et adopté, le secrétaire donne communication d’une circulaire de M. le Ministre de l’Instruction publique transmettant les questions qui doivent être traitées au Congrès de la Sorbonne en 1888. Le secrétaire annonce en outre une décision du Ministre de la Guerre, en date du 12 octobre 1887, autorisant MM. Castan et Ducat à déraser une partie du cavalier de la porte d’Arènes, à l’effet de dégager les restes de l’Amphithéâtre romain que recouvre cet ouvrage et d'accroître ainsi l'importance des ves- tiges déjà découverts du plus grand des édifices publics de us 40 DC Vesontio. Une somme de mille francs a été allouée par le Con- seil général du Doubs, en vue de cette entreprise, dont le but est de créer, dans le canton nord de cette ville, un square ar- chéologique, analogue à celui qui a été créé, sous les auspices de la Société d'Emulation du Doubs, au voisinage de l’Arc-de- triomphe romain de Besançon. M. le président offre ensuite à la Société, au nom de leurs auteurs, les ouvrages suivants : De M. Edouard Besson, secrétaire décennal : Un criminaliste franc-comtois au xvilie siècle : Muyart de Vouglans, discours prononcé à l’audience de rentrée de la Cour d’appel, le 17 oc- tobre 1887. De M. le professeur Magnin, membre résidant : Quelques remarques sur la description du mont Pilat de Jean Du Ghoul. De M. Contejean, membre correspondant : De Constantine au désert, notes de voyage. De M. Edouard Gascon, membre correspondant : La chapelle du château de Fontaine-Française, extrait du Bulletin d’histoire et d'archéologie religieuses du diocèse de Dijon, mars-avril 1887. De M. Frédéric Moreau : Album Caranda (suite), fouilles de la villa d’Ancy, etc., 1886, fascicule gr. in-4°, avec douze planches en chromolithographie. La Société vote des remerciements aux auteurs de ces diverses publications. L'Institut Smithsonien de Washington ayant notifié la mort de son secrétaire M. Spencer Fullerton Baird, décédé le 19 août dernier, on décide qu’il sera adressé à cette Compagnie un té- moignage de la part prise à ce deuil par la Société d'Emulation du Doubs. M. Besson parle ensuite de la perte douloureuse qu'a faite la Société au cours des vacances dernières, dans la personne de son ancien président M. Léon Barbier, et donne lecture d’une notice consacrée au regretté défunt par notre confrère M. F. Champin. M. Ducat s’est de plus fait, sur la tombe de M. Barbier, l'interprète autorisé des sentiments de regrets que cette mort a causés à tous les membres de la Compagnie et dont il importe que nos Mémoires conservent le témoignage. En conséquence, = NY — la Société décide que la notice de M. Champin et le discours de M. Ducat prendront place dans ses Mémoires. M. Castan s'exprime de la manière suivante au sujet de la mort de M. l’abbé Maisonnet, ancien curé d’Alaise, membre cor- respondant de la Société : « Depuis sa dernière séance, la Société a perdu, dans la per- sonne de l’abbé Pierre-Justin Maisonnet, l’un de ses membres correspondants les plus dévoués. Curé d’Alaise au temps de la guerre archéologique de dix années qui eut lieu entre la Franche- Comté et la Bourgogne, le zèle qu’il mit au service de notre cause était devenu légendaire. Nos illustres confrères défunts Jules Quicherat et Henri Martin auraient pu dire, mieux que moi, combien ce simple honnête homme, patriote à sa manière, nous fut utile quand nous interrogions avec la pioche le plateau quasi-sauvage où était son presbytère. Le toit modeste et la table frugale de la cure d’Alaise furent alors au service de tous ceux qui venaient étudier ou simplement visiter l’oppidum révélé par Alphonse Delacroix. Les services rendus à l'archéologie par le bon curé lui avaient valu, pour toute récompense, le sobri- quet de Tumulus, que d’ailleurs il était loin de répudier; témoin le propos qu’il tint un jour, de concert avec sa brave domes- tique Françoise, en apprenant la perte d’une somme d'argent inconsidérément placée : « Si au moins nous avions mis encore ces mille francs là dans les tumulus! » L'abbé Maisonnet, né à Noidans-le-Ferroux, le 11 avril 1806, est mort à Audeux, lieu de sa retraite, le 5 août 1887, dans sa 82e année. Le souvenir de son cœur généreux appartient de droit à l’histoire des mé- morables fouilles d’Alaise, l’une des entreprises qui ont fait le plus d'honneur à la Société d’'Emulation du Doubs ». Les membres présents applaudissent à cette expression de sentiments qu'ils partagent et en décident l’insertion au procès- verbal. L'ordre du jour appelant la fixation du budget de la Société pour l’année 1888, le secrétaire soumet au vote de la réunion le projet suivant tel qu’il a été préparé par le conseil d’adminis- tration : NX RECETTES. 19 Encaisse prévu au 31 décembre 1887.......... 50 fr. » 20 Subvention du département du Doubs...*.... 500 » 3° Subvention de la ville de Besançon........... 600 » 40 Cotisations des membres résidants.......... 022250 1 90 Cotisations des membres correspondants...... 720 6° Droit de diplôme, recettes accidentelles...... : 100 » 7° Intérêts du capital en caisse et des rentes..... 600 » Lotal: 5.22 4.820 fr. » DÉPENSES HO MD EÉSSIDHS: dd Gen ani or e eu ess 3.200 fr. » DAAEUReS Sn... +1, Éd RE ne ï 70 » 3° Frais de bureau, chauffage et éclairage....... 150 » 1} Pridistivers êt Séance: -publique..=.::.....:.. 600 » o° Traitement et indemnité pour recouvrements à PATÉNOUC TAISOCIÉlÉ ae een. 300 » 6°=Crédit pour recherches scientifiques... ....…. 000 » Total... 4 890fr:5» Ce projet est adopté sans modifications. On fixe ensuite la date de la séance publique de 1887 au jeudi 15 décembre, et on en arrête le programme. M. Castan donne lecture d’un travail intitulée : Les noces d'Alexandre Farnèse et de Marie de Portugal, en 1565. Ce mor- ceau prendra rang dans nos Mémoires. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membres résidants, Par MM. le général Gresset et Edouard Besson, M. de Poma- ret, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées en retraite. Par MM. Sire et le docteur Ledoux, M. Régis Coutenot, doc- teur en médecine; Comme membre correspondant, Par MM. Georges Boyer et Castan, M. Etienne Pérez, Capi- taine au 4€ régiment d'infanterie de marine, à Toulon. Après un vote d'admission en sa faveur, M. le président pro- clame : er XXIT Membre résidant, M. BÉTARD (Auguste), entrepreneur de serrurerie. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET, E. BESSON. Seance du 14 décembre 1887. PRÉSIDENCE DE M. GEORGES BOYER. Sont présents : BUREAU : MM. Ducat, premier vice-président, Boyer, deuxième vice-président, Castan, secrétaire honoraire; Besson, secré- taire; Vaissier, archiviste. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin (Léon), Boname, Carry, Chapoy, l'abbé Drouhard, Demongeot, Fauquignon, Grosjean (Francis), Guenot, Girardot, Ledoux, Lieffroy, Paul Laurens, Margaine, Henri Michel, Mercier, Pingaud, Ripps. MEMBRE CORRESPONDANT : M. Jules Jurgensen. Le procès-verbal de la séance du 12 novembre 1887 ayant été lu et adopté, le secrétaire présente, au nom de leurs auteurs, divers travaux offerts à la Société : Une étude de M. le docteur _ Mercier, membre résidant, sur l’angine couenneuse; plusieurs études de M. Nicklès, membre résidant, sur la linguistique; enfin le discours prononcé par M. Bizos, membre correspondant, à la séance de rentrée des facultés d'Aix, discours ayant pour titre : Prévost-Paradol à Aix. Le secrétaire fait ensuite connaître les réponses faites aux invitations qui ont été adressées pour la séance publique et le banquet aux membres honoraires de la Compagnie et aux So- ciétés correspondantes. Quant aux membres honoraires, M. le Général en Chef, Msr l’Archevêque, et M. le Procureur-général se sont excusés pour cause d'absence ou d’empêchement imprévu; MM. le Pre- ee XNXTIE = mier président, le Préfet, le Recteur, le Maire de la Ville assis- teront aux deux réunions; M. l’Inspecteur d’Académie ne pourra assister qu’à la séance publique. Pour les Sociétés correspondantes : la Société d'histoire du canton de Neuchâtel sera représentée par M. Jules Jurgensen; la Société Vaudoise des sciences naturelles, par M. le docteur Marc Dufour; la Société d’Emulation de Montbéliard, par M. John Viénot; la Société d’agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, par M. Emile Longin; la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, par M. Gutzwiller. M. Boyer montre ensuite un spécimen de la carte orogéolo- gique du Jura bisontin, destinée à accompagner sa notice sur l’orographie des Monts-Jura. Cette carte, obtenue par le procédé phototypique, met bien en lumière les rapports intimes qui existent entre le modelé du sol et les divers éléments strati- graphiques. Elle a cet avantage, sur les cartes géologiques ordi- naires, de dégager les reliefs et de bien mettre en évidence les diverses dislocations qui particularisent notre région. Le prix de revient des 750 exemplaires destinés à nos Mémoires serait de deux cents francs. C’est dans ces conditions que la réunion vote l’exécution de la carte proposée. M. Ducat, résumant ensuite un travail de M. Jeannot, s’ex- prime de la manière suivante : « Sous le patronage de la municipalité de Besançon, M. Jean- not, directeur du service des eaux et de léclairage, vient de publier un Annuaire statistique et démographique, dont il offre un exemplaire à notre Société. » Ce travail présente, par tableaux chiffrés et graphiques, la situation de la France par rapport à d’autres contrées, et celle de Besançon comparativement à d’autres villes de France pour la natalité, la mortalité, les mariages, etc. Des classements par- ticuliers y sont faits pour établir les diverses causes des décès. » Il résulte des nombreux documents recueillis, que notre ville, qui n’occupe que le 29% rang en France d’après le nombre de ses habitants, est au 19e pour le chiffre de la mortalité gé- nérale et atteint le & pour celui des maladies épidémiques, er XV = » Paris, au contraire, qui est à la première place comme popu- lation, n’est qu’à la 17e en ce qui touche les épidémies. » Ces comparaisons montrent quelle tâche ont à remplir parmi nous nos comités de salubrité et d'hygiène. » L’une des principales causes des maladies annuelles à Besançon est certainement la disposition vicieuse de la plupart des fosses d’aisances, dont les émanations directes ne sont pas empêchées et dont les matières se répandent dans le sous-sol à chacune des crues du Doubs. » M. Jeannot a étudié le projet d’un égoût-collecteur destiné à parer, au moins en partie, aux doubles et graves inconvé- nients qu'offrent nos trop fréquentes inondations. Il y appli- querait le système dit : fout à l’égoût, qui cependant n’est pas définitivement admis, et à l'encontre duquel une grande société anglaise propose aujourd’hui la dénaturation et l'emploi dans l’industrie des matières provenant des fosses. » Pour cette dernière découverte, on peut ajouter que l’ori- gine en serait toute française. Elle est en effet revendiquée par un de nos membres correspondants de Paris, M. le docteur Ducat, qui, depuis plusieurs mois, a soumis à l’Académie des Sciences le résultat d'expériences faites à ce sujet, et a garanti ses droits en prenant des brevets français et étrangers. » Un exemplaire de la brochure publiée par M. Jeannot a été adressé à chacun des membres du corps médical de Besançon. Ce document est, pour ceux qui ont à veiller à la santé publique, d’un intérêt de premier ordre ». La Société applaudit au compte- renen de M. Ducat et en décide l'insertion au procès-verbal. M. Castan propose d'insérer, dans les prochains volumes de nos Mémoires, une série de documents concernant l’histoire de l'ancienne École des Beaux-Arts de Besançon, ensemble qu’il résume en une intéressante conférence. Sa proposition est acceptée par acclamation. Un scrutin ayant été institué au début de la réunion pour l'élection d’un président, de deux vice-présidents, d’un vice- secrétaire, d’un trésorier et d’un archiviste pour 1888, le dé- pouillement de ce scrutin donne les résultats suivants : — XXV — Nombre des votants : 28. Pour le président : M. Boyer, 23 voix. Pour le premier vice-président : M. Colsenet, 23. Pour le second vice-président : M. Chapoy, 22. M. Girardot. 1. Pour le vice-secrétaire : M. Faivre, 923. Pour le trésorier : M. Guillemin, 23. Pour l’archiviste : M. Vaissier, 25. En conséquence, le bureau de la Société, pour l’année 1888, demeure constitué ainsi qu'il suit : Resident, M. BoYER (Georges); Premier vice-président... .......... M. COLSENET (Edmond); Deuxième vice-président........... M. CHApoy (Léon); RS RCLEl IE D... M. BESSON (Edouard); PACE Secrétaire. ie ce: M. FAIvRE (Adolphe); SHFÉÉCIPRORES PS te EE M. GUILLEMIN (Joseph); A RGRIDISte. en. - D a + M. VAISSIER (Alfred). Est présenté pour entrer dans la Société comme membre correspondant, par MM. Charles Thuriet et Edouard Besson, M. Charles Edouard Kurtz, juge suppléant au tribunal de Saint- Claude. Après un vote d'admission en faveur des candidats antérieu- rement présentés, M. le président proclame : Membres résidants, MM. Henri DE POMARET, ingénieur en chef des ponts-et- chaussées en retraite; Régis COUTENOT, docteur en médecine; Membre correspondant, M. Etienne PÉROZ, capitaine au 4° régiment d'infanterie de marine. Le Vice-Président, Le Secrétaire, G. BOYER. E. BESSON. — XXVI — Séance publique du jeudi 15 décembre 1887. PRÉSIDENCE DE M. COLSENET. Sont présents : BUREAU : MM. Colsenet, président; Ducat et Boyer, vice-pré- sidents;, Gastan, secrétaire honoraire; Besson, secrétaire; Vaissier, archiviste. MEMBRES HONORAIRES : MM. Faye, premier président; Graux, préfet du Doubs; Nolen, recteur de l’Académie; Bruand, maire de la ville; Baillard, inspecteur d’Académie. SIÈGENT AU BUREAU COMME INVITÉS : M. l’abbé Perrin, vicaire- général honoraire, et M. Jules Collin, chef de bureau honoraire au Ministère de l’Instruction publique. DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS SAVANTES : MM. Jules Jurgensen, de la Société d'histoire de Neuchâtel; le docteur Marc Dufour, de la Société Vaudoise des sciences naturelles, John Viénot, de la Société d’Emulation de Montbéliard; Emile Longin, de la So- ciété d'agriculture sciences et arts de la Haute-Saône. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin (Léon), Boname, Bretillot (Maurice), Burin-Dubuisson, Carry, Chapoy, Cottignies, Demon- geot, Paul Drouhard, Girardot, l'abbé Gousset, Guillemin (Victor), François, Haldy père, Henry, Paul Laurens, Lieffroy, l'abbé Louvot, Alfred Maire, Léon Marquiset, Henri Mairot, Rémond, Henri Richard, Sire. La séance s'ouvre à deux heures et demie de l’après-midi dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville, et les lectures se suc- cèdent dans l’ordre suivant : La Société d’'Emulation du Doubs en 1887, par M. Edmond COLSENET, président annuel; Inauguration d’un buste du physicien Péclet de Besançon, dis- cours de M. Georges SIRE; Une capitale du Soudan occidental, mémoire de M. le capi- taine Etienne PÉROZ, lu par M. BOYER. Er XXNII — La nouvelle école d'anthropologie criminelle : Lombroso et son type du criminel-né, par M. le docteur BAUDIN. Louis de Ronchaud, poète, archéologue et critique d’art, notice par M. Edouard BESSON. Pensée d'automne ; Aimez-vous ! pièces de vers de M. Charles GRANDMOUGIN, lues par M. CASTAN. Tous ces morceaux prendront rang dans nos Mémoires. La séance est levée à cinq heures. Le Président, Le Secrétaire, E. COLSENET. E. BESSON. mo XXNII = BÉNOUEP DE 187 Après la séance publique, la Société s’est réunie de nouveau, dans le grand salon du Palais Granvelle, autour d’une table élégamment décorée. M. le président Colsenet avait à sa droite M. Faye, premier président de la Cour d'Appel, et à sa gauche M. Gustave Graux, préfet du Doubs. En regard, M. Georges Boyer, président élu pour 1888, était assis entre M. le recteur Nolen et M. le maire Bruand. Venaient ensuite : M. Jules Collin, chef de bureau ho- noraire au Ministère de l’Instruction publique, donateur du buste en marbre de Péclet inauguré dans la séance, M. Jules Jurgensen, délégué de la Société d'histoire de Neuchâtel ; M. le docteur Marc Dufour, délégué de la Société Vaudoise des sciences naturelles ; M. Emile Longin, secrétaire de la Société d’agricul- ture, sciences et arts de la Haute-Saône ; M. John Viénot, secré- taire de la Société d'Emulation de Montbéliard; M. Gutzwiller, vice-président de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny. De nombreux toasts ont été prononcés au dessert. M. le premier président Faye et M. le recteur Nolen ont exprimé à la Société des sympathies bien flatteuses pour elle. Les textes des autres discours nous ont été remis et nous allons les repro- duire. Toast de M. Edmond COLSENET, président annuel. « MESSIEURS, » Le dernier devoir d’un président, qui n’a compté dans ses fonctions que d’agréables obligations, est de remercier les per- sonnes qui ont bien voulu répondre à notre appel et honorer de leur présence notre séance et notre dîner traditionnel : d’abord en XXI les représentants des pouvoirs publics et des hautes administra- tions dont les marques de sympathie nous sont précieuses. Je suis heureux de saluer parmi eux ceux qui pour la première fois nous donnent l’occasion de leur souhaiter la bienvenue : M. le Préfet qui continuera, j'en suis certain, les relations de haute courtoisie que son regretté prédécesseur entretenait avec nous; M. le Recteur, dont les savants travaux avaient préparé la répu- tation parmi nous. » Soyez aussi les bienvenus, MM. les représentants d’une nation voisine et amie dont le Jura nous sépare sans nous diviser : M. Jules Jurgensen, que des relations de cordiale amitié ont fait nôtre; M. le docteur Marc Dufour, dont nous n'avons oublié ni le talent ni l’affabilité ; vous aussi, nos chers compatriotes de Vesoul, de Montbéliard, de Poligny, de la Franche-Comté, que nous voudrions plus nombreux. » Maintenant, Messieurs, je transmets mes pouvoirs à M. Georges Boyer, que ses intéressants travaux et son dévoue- ment à notre Société rendent tout-à-fait digne de présider vos séances ». Toast de M. Gustave GRAUX, préfet du Doubs. « MESSIEURS, » Au moment où je me lève au milieu de vous, à cette place que je suis heureux et fier d'occuper, pour remercier votre pré- sident, comme je le fais très sincèrement, de son aimable accueil, et vous tous qui avez bien voulu vous y associer, je chercherais vainement à dissimuler que je subis l’émotion si lé- gitime d’un profane appelé à prendre la parole dans une as- semblée d'élite dont toute la règle peut se résumer en deux mots : bien penser et bien dire. » Je n'oublie pas cependant, et c’est là mon réconfort, qu’il y a place chez vous pour tous et pour toutes les idées, parce que vous êtes des hommes de libre examen et de libre discus- Sion, qui savez envisager les choses sans parti-pris comme sans passion ; parce que vous mettez au-dessus de tout la littérature et la science, devant qui les préjugés se dissipent et les dissen- timents s’évanouissent. — XXX — » La recherche des secrets de l’histoire, la reconstitution d’un passé qui est votre patrimoine, la pénétration de l'art dans ce qu’il a de plus intime, la vulgarisation des découvertes modernes, l'étude de la jurisprudence et de l’économie poli- tique : tel est votre inépuisable domaine. À ce contact de tous les instants avec les penseurs des temps écoulés, avec leurs travaux que vous tirez de l’oubli, avec les chercheurs de notre temps tourmenté mais fécond, vous devez l'esprit éminemment critique qui vaut à la Société d’'Emulation du Doubs d’être placée au premier rang des Sociétés françaises. » Vous aimez le beau langage, vous applaudissez aux œuvres de vos poètes, il en est de charmantes, mais vous recherchez avant tout la justice et la vérité. C’est là l’un des traits mar- quants de votre race forte et droite; il n’est pas le seul. A cet amour de la sincérité, vous joignez au plus rare degré l’amour du sol natal. J'ai parcouru quelques volumes de votre précieuse collection, et j'y ai vu que, Français et Franc-comtois, c’est toujours à l'honneur de la France et de la Franche-Comté, que vous ne séparez pas dans vos cœurs, à leurs gloires, à leurs richesses artistiques, à leurs trésors d’héroïsme ou de labeur, oubliés ou inconnus, que vous consacrez vos travaux. » Ajouterai-je que votre Société m’apparaît comme un modèle de démocratie, où chacun reste libre sous l'autorité des lois et sous la direction bienveillante d’un président dont les pouvoirs expirent chaque année, pendant que, contrairement à ce qu'on a pu voir malheureusement ailleurs, les pouvoirs de son mi- nistre, sans être perpétuels, ont une durée beaucoup plus longue. » Sous l'empire de ces impressions, non moins que pour me conformer à une habitude respectable et respectée chez tous les peuples, j'ai ’honneur, Messieurs, de porter la santé du Pré- sident de la République, qui vient si hautement et si loyalement de faire appel au patriotisme de tous les Français, pour une politique de progrès, d’apaisement et de concorde. — Je bois au Président Carnot! » on OC Ce Toast de M. BRUAND, maire de la ville de Besançon. « MESSIEURS, » Je remercie bien sincèrement votre honorable président d’avoir bien voulu m’accorder la parole, et j’en profiterai pour porter un toast à M. Jules Collin, le généreux donateur du buste magnifique que vous avez inauguré aujourd’hui, et qui représente si fidélement les traits vénérés de notre illustre et savant compatriote Eugène Péclet. » Déjà, Messieurs, j'ai été chargé par une délibération du Conseil municipal, prise à l’unanimité le 24 mars dernier, de remercier vivement M. Collin de son offre généreuse, qui allait permettre à la Ville de perpétuer dans l’un de ses monuments publics la mémoire d’un savant dont elle s’honore, en même temps que celle d’un homme qu'on à pu appeler, ainsi qu’on vous l’a dit tout à l’heure, « honnête entre les honnêtes, bon » entre les meilleurs, utile entre les plus utiles ». » Aujourd’hui, Messieurs, dans cette brillante réunion d'hommes si compétents pour apprécier toutes les délicatesses du cœur, je trouve l’occasion d'exprimer de nouveau nos sen- timents de gratitude à M. Collin, et j'en profite avec d’autant plus d’empressement, que l’acte qu’il vient d'accomplir n’est pas le seul dont nous ayons à le remercier. » Longtemps chef du bureau des Bibliothèques au Ministère de l’Instruction publique, M. Collin a fait tout le possible pour enrichir la Bibliothèque de la ville natale de l’homme illustre dont il a l’insigne honneur d’être le neveu par alliance. » De semblables services ne peuvent s’oublier, et je suis persuadé d’être l’interprète des sentiments de tous nos conci- toyens, en affirmant à M. Collin que nous le considérons dès à présent comme un des nôtres, que nous espérons de temps à autre recevoir sa visite, et qu’il peut compter sur notre re- connaissance, et nos plus vives sympathies ! » Je bois à M. Jules Collin ! » Une réplique des plus courtoisement aimables fut faite à ce toast par M. Jules Collin, qui voulut bien rappeler que, dans l'exécution de la volonté de sa tante, deux collaborateurs lui — XXXII — étaient venus en aide : M. Gabriel Pech, en sculptant avec un talent supérieur le buste qu’il avait mandat d'offrir ; M. Auguste Castan, en ménageant à cette œuvre d’art un accueil digne de l’homme illustre dont elle reproduit les traits. Toast de M. Emile LONGIN, secrétaire de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône. « MESSIEURS, » Dans mon village de Vesoul, on n’est pas aussi insensible aux plaisirs de l’esprit que les mauvaises langues le préten- dent, et je n’en veux d’autre preuve que l’empressement avec lequel ses habitants répondent toujours à vos gracieuses in- vitations. | » Pour moi, ce n’est pas la première fois que la Société d'agriculture de la Haute-Saône me charge de vous porter l’as- surance de nos sentiments confraternels. Je suis heureux de pouvoir une fois de plus y Joindre l'expression de l’étonnement où me Jette l'extrême diversité de vos travaux. On vous le disait il n’y a qu’un instant, aucune branche des connaissances humaines ne vous demeure étrangère : archéologie, beaux-arts, histoire, sciences sociales ou naturelles, il n’est peut-être pas une partie du vaste domaine de l'intelligence que vous n’ayiez exploré. Et qui lira dans vingt ou trente ans vos Mémoires aura peu de choses à apprendre encore sur l’activité intellectuelle de notre province pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle. » Ce qui fait, Messieurs, l'originalité de votre Société, c’est qu’à la distinction d’une compagnie académique elle unit la largeur d'idées d’une association ouverte à tous. Mais ce n’est pas tout, et, à un autre point de vue, les statuts qui vous régissent renferment un enseignement qu'il est bon de faire ressortir. J'y rêvais, l’autre jour, en parcourant la liste de ceux que vos suffrages ont successivement porté à la présidence, et je me disais : Mais la transmission pacifique du pouvoir, la voilà, et dans des conditions telles que de la plupart des présidents on se demande s'ils n’ont pas encore plus honoré leur charge a XXII ES qu'ils n’en ont été honorés. On parle aussi beaucoup du gou- vernement occulte. Il est de tous les régimes et de tous les temps, et, sans vouloir amoindrir la part qui revient dans vos heureux efforts à votre secrétaire décennal, je puis bien dire que je vois derrière lui votre secrétaire honoraire. Ne nous plai- gnons pas, Messieurs, des influences d’arrière-plan, lorsqu’elles sont aussi désintéressées, aussi actives et aussi avantageuses que celle de M. Castan (applaudissements). » Et n'est-ce rien non plus que ces budgets qui se soldent toujours par un excédent de recettes, et. cela sans que vous soyez obligés d'élever le chifire des cotisations annuelles? Bien des villes, hien des Etats (je ne parle pas de la France) peuvent envier la bonne gestion de vos finances, et je suis sûr que plus d’un homme politique serait étonné de ce que vous réalisez avec vos propres ressources, mettant en pratique cette devise que plus d’un candidat arbore avant l'élection, sauf à ne plus s’en souvenir après le vote : Ni emprunt, ni impôts nouveaux ! » Voilà, les leçons que vous donnez, à votre insu, en de- meurant fidèles à la pensée de ceux qui ont voulu créer un foyer d’émulation au cœur de la province. On n’en profitera pas, on les ignorera peut-être. » Ainsi va le monde! » Messieurs, je bois à la république modèle, à la Société d’'Emulation du Doubs ! » Toast de M. le pasteur John VIÉNOT, secrétaire général de la Société d'Emulation de Montbéliard. « MESSIEURS, » Je vous apporte les salutations et les vœux de la Société d’Emulation de Montbéliard. J'ai aussi à vous présenter les vifs regrets de notre président, M. Alfred Bovet, qui a été empêché au dernier moment de venir à ma place dire les sentiments qui nous animent à l’égard de votre savante Compagnie. Il faut que j'ajoute à cela des excuses personnelles pour la maigre repré- sentation que je forme à moi seul. » Mais si je suis un délégué modeste, je suis du moins un C — XXXIV — délégué convaincu et de bonne volonté. C’est toujours avec joie que j'accepte de venir parmi vous assister à l’une de vos belles séances d’un intérêt si varié, si soutenu, et de prendre part à ce banquet de la fraternité scientifique où se forment et se renouent les plus agréables, les plus charmantes relations. Mes collègues de Montbéliard auraient pu vous envoyer des délégués de plus d'autorité et de plus de compétence; mais, à coup sûr, ils n'auraient pu vous envoyer quelqu'un qui sentiît davantage Île prix de nos relations et qui fût plus désireux de les resserrer encore. » En continuant et en resserrant ces relations, nous ne faisons, Messieurs, que nous conformer à d’antiques traditions. Il y a toujours eu des relations entre Besançon et Montbéliard. Elles n’ont pas toujours été aussi agréables qu'aujourd'hui, mais du moins elles ont toujours existé. Je vais plus loin : ily a toujours eu une sorte d’indivis entre Montbéliard et Besançon. Je vous en citerai un exemple. Autrefois l'archevêque de Be- sançon et le comte-duc de Montbéliard possédaient chacun une moitié de l'antique cité de Mandeure. Il y avait un maire pour l’archevêque et un maire pour le duc. Eh bien! c’est la même chose aujourd'hui. Votre archevêque, à vous, qui réclame des droits antiques sur une partie de la vieille ville romaine..., c’est M. Castan, votre savant et brillant secrétaire honoraire. Et notre duc à nous, un homme qui porte uu nom significatif, c’est M. Henri L’Epée, un travailleur patient et heureux que vous connaissez tous... Il est donc bien vrai de dire que nous avons en commun bien des choses qui nous rapprochent, même un champ de recherches archéologiques, une histoire qui se confond presque toujours. Voilà pour le passé. » Pour le présent, il y à mieux encore. Il y a un même et profond amour de la patrie comtoise, de toute la patrie com- toise sans distinction de limites et d’arrondissements, un même amour pour ce beau et glorieux pays qui compte dans tous les ordres tant d'illustrations et tant de gloires. Vous réclamez Cuvier, comme le faisait tout à l’heure M. Sire dans son beau travail. Nous, nous nous honorons de Péclet et de ce noble et fidèle de Ronchaud, dont M. Besson nous présentait, il y a un instant, une si nette et parlante physionomie. Nous avons aussi — XXXV — en commun un même amour de la grande patrie à laquelle nous avons les uns et les autres été réunis. Nous avons aussi en commun, et je le dis avec quelque fierté, une même passion de la vérité scientifique et historique, une même largeur, une même tolérance pour toutes les recherches sérieuses et sin- cères. Nous faisons la même œuvre, de recherches, d'enquête, et, j'ose le dire, de haute moralisation. » C’est par toutes ces raisons, Messieurs, que je me sens si bien au milieu de vous et que je bois avec tant de sincérité et de joie à la prospérité de la Société d’Emulation du Doubs !» Toast de M. Jules JURGENSEN, ancien président et délégué de la Société d'Histoire de Neuchâtel. « MESSIEURS ET CHERS CONFRÈRES, » La Société neuchâteloise d'Histoire et d'Archéologie s’obs- tine à déléguer auprès de vous son ancien président annuel, et voici tantôt quinze ans que je vous apporte fidèlement, avec ses vœux, l'expression de son vif et sincère attachement. » Je ne me lasse pas de ce rôle, car vous mettez trop de bonne grâce à l’embellir; mais je gémis de le remplir seul depuis trop longtemps, et je voudrais que nombre d’entre mes collègues apprissent à vous aimer et à vous apprécier comme je le fais. » Après M. l'abbé Raymond Vuichard, mon successeur, qui vient de remettre aux mains de M. Philippe Godet une prési- dence qui n’a pas été sans éclat, j'aurais voulu vous faire con- naître et M. Godet lui-même et nos prédécesseurs, MM. le rec- teur Alfred de Chambrier, franc-comtois d’origine, Louis Favre dont je vous ai présenté les charmantes œuvres littéraires, Auguste Bachelin, peintre éminent et archéologue de haut mérite; ramener dans vos murs M. le professeur Alexandre Daguet, et bien d’autres encore. » Ces amis prétendent qu’on ne voyage pas en décembre, pas communément du moins, et que d’ailleurs, je les tiens au cou- rant, en dehors de vos communications écrites et des autres échanges officiels. TN RNNRRE— » À la bonne heure! Mais s'ils savaient tout ce qu’ils perdent à ne pas suivre mon exemple, leur délégation deviendrait lé- gion. » M. Philippe Godet nous lira l’histoire de Cortaillod, lors de la prochaine réunion, en juin ou juillet 1888. La renommée du directeur actuel de la Société neuchâteloise, ajoutée à celle des crûs du pays, vous fera-t-elle renoncer, de votre côté, à une abstention que chacun a regrettee lors de la séance annuelle de Cressier ? Je le souhaite cordialement, et je ne m’aventure guère en vous promettant accueil très affectueux et plaisirs variés. — Les bords du lac sont enchanteurs et le régal litté- raire ne peut être que brillant. Mais laissez-moi vous narrer succinctement le glorieux épisode de Cressier. » Cressier et le Landeron sont &eux communes situées à cinq cents mètres d'altitude, non loin du lac, à l'extrémité orientale du canton de Neuchâtel. Lorsque la Réforme fut plus ou moins imposée par les Bernois au pays de Neuchâtel, ces deux pa- roisses, les plus limitrophes de Berne, résistèrent aux doctrines nouvelles et demeurèrent obstinément catholiques. Elles le sont encore aujourd'hui, si bien que leur monographie ne pouvait guère être savamment et pleinement faite que par le digne curé de Cressier, M. l'abbé Raymond Vuichard. Il avait la tradition, les documents, le vis historica nécessaire. A lui fut done dévolue la délicate mission de nous conter une histoire que ses conci- toyens neuchâtelois, presque tous protestants, taxent volontiers d’étrange. » À y regarder de près, elle fait néanmoins le plus grand honneur à l’esprit de justice et d'équité des uns et des autres. Et pourtant, dans ce rapport là, le seizième siècle ne nous offre que d'assez rares exemples de tolérance; et la tolérance y était toujours intéressée. » À trois siècles et demi de distance, les protestants, une trentaine de pasteurs en tête, ayant envahi Cressier, M. le curé les reçut dans son église et leur conta les hauts faits des an- cêtres, rappela les noms des proscrits, se félicita du courage déployé pour le maintien de la vraie foi catholique, apostolique et romaine, et, tôt après, au banquet, lors du toast à la patrie Suisse et Neuchâteloise, toutes les mains applaudirent, car, de Sn LPO part et d'autre, on tenait à se donner des preuves de loyal et sincère libéralisme. » À cette table de juillet prenait place aussi un homme d’éton- nante valeur, un ingénieur transcendant, doublé d’un artiste à l'imagination ardente, dont la renommée, déjà grande, va franchir le seuil d’une juste célébrité, M. Guillaume Ritter, Français de naissance et Neuchâtelois de par la naturalisation d'honneur. Ce confrère fait de l'histoire moderne, et de la meil- leure, après avoir brillamment étudié l’ancienne. » Captant, au pied des précipices qui descendent de Brot- Dessus {vallée des Ponts) aux bords de lPAreuse, certaines sources abondantes dont il a conseillé l’achat aux autorités mu- nicipales de la Chaux-de-Fonds, il en fait remonter les eaux près du hameau de Brot, dans un tuyau incliné sur la verticale (80 degrés de pente environ). — Les machines projettent le cris- tallin liquide à 500 mètres de hauteur, à raison de 2.500 litres par sextuple jet de piston. Elles atteignent alors l'altitude de 1.120 mètres et coulent sur un trajet de 17 kilomètres, dans un vaste chenal couvert, qui les amène au-dessus de la Chaux-de- Fonds au réservoir des Foulets, d’où elles sont distribuées en ville (4000 mètres d'altitude). » Si les besoins de la consommation augmentent, ainsi que tout le laisse prévoir, il sera facile de doubler ou de tripler le volume d’eau potable expédié de lAreuse. De nouvelles tur- bines y pourvoiront au besoin. » La Chaux-de-Fonds, condamnée, semblait-il, aux eaux plu- viales recueillies dans ses puits plus ou moins contaminés, se trouve, à l'heure présente, en possession d’eau de source excel- lente et abondante, cela gràce au génie de M. Ritter et, disons-le bien haut encore, à l'énergie d’une population intelligente, cou- rageusement dirigée par des édiles non moins remarquables. » Je passe sur les travaux consécutifs indiqués par M. Ritter : égoûts et dépotoirs dirigés en sous-sol sur le Val-de-Ruz; je me borne à indiquer ses travaux et ses projets concernant la ville de Neuchâtel, pour vous entretenir d’un plan colossal, et cer- tainement réalisable, dont on va s'occuper en France, et qui laisse loin derrière lui les conceptions romaines analogues, même les plus hardies. ER VE _» Le réservoir artificiel des Foulets a été créé pour la Chaux- de-Fonds. Il ne s’agirait de rien moins que de consacrer à Paris le réservoir naturel formé par les trois lacs de Morat, de Bienne et de Neuchâtel. » Prise à 80 mètres de profondeur, dans la baie d’Auvernier, l’eau fuirait, dans un tunnel d’une longueur de 35 kilomètres qui la descendrait vers Saint-Hippolyte, au confluent du Doubs et du Dessoubre. » Ce tunnel sous-jurassique, le plus long des tunnels cons- truits ou-en projet jusqu’à nos jours, n’offrirait pas, semble-t-il, de trop redoutables difficultés d'exécution. La configuration des terrains supérieurs permettrait le creusage de regards et de points d'attaque au Val-de-Ruz et à Biaufond. Il y aurait done Six points de perforation simultanée. » Si le point culminant des massifs est de 1200 mètres d’alti- tude environ, la hauteur moyenne des terrains n’est que de oC0 mètres. La chaleur ne dépasserait donc pas dix-sept degrés à l’intérieur des galeries. » M. Ritter se fait fort d'utiliser les eaux de lAreuse, du Seyon, du Dessoubre et du Doubs pour ses travaux de perfora- tion. Ÿ » L’eau pure des profondeurs du lac partirait d’Auvernier, a raison de 30,000 litres par seconde, à la température de 6 de- grés, et cette température n’excéderait pas 14 degrés à l’arrivée dans Paris même. » De Saint-Hippolyte à Paris, l’aquedue, d’un diamètre moyen de 6 mètres, lissé au ciment, et sur une pente ménagée habile- ment, relierait le lac aux réservoirs de Montmartre, de lObser- vatoire et de Saint-Cloud. » Ceux-ci seraient, en moyenne, construits à l'altitude de 120 mètres. Les bords de la Seine, au Louvre, étant à celle de 26" 40 centimètres, on voit de quelles forces et de quelles énergies motrices on pourrait disposer en dehors de la question, résolue cette fois, de l'alimentation parisienne d’eau potable. » Je laisse de côté l’énoncé des chiffres vertigineux que M. G. Ritter détaille à ce sujet, me bornant à constater que l'exécution de son projet doterait la grand’ville d’un éclairage électrique aussi puissant qu'incomparable, 8000 foyers d’une AN OC force de 2000 bougies, d’un promoteur de forces industrielles très étendu et facilement, indéfiniment fractionnable; j’ajou- terai enfin que la quantité d’eau disponible serait telle, qu’on en pourrait distribuer le long de la route dix mille litres par seconde sans que le résultat final soit compromis. Il ne s’agi- rait, pour le premier demi-siècle, en tout cas, que d'utiliser l’excédant. » Mais, à ce propos, pourquoi ne songerait-on pas à capter pour Paris les eaux du lac Saint-Point, combinées avec celles du Drugeon et, peut-être, des sources de la Loue? Sans doute les réservoirs n’offriraient pas une surface de 340 kilomètres carrés, avec apports d’affluents alpins et jurassiens ; mais les 30 kilomètres carrés dont on disposerait, à une altitude moyenne de 850 mètres, offriraient une réserve déjà fort res- pectable, et le coût de l’entreprise ne dépasserait pas 100 mil- lions pour 300 comptés d’autre part au minimum. » Quoi qu’il en soit, voilà de grands et utiles travaux en perspective. Les œuvres de la paix et de la civilisation préoc- cupent à bon droit l’esprit français ; car, tous, nous savons que la guerre n’est légitime qu'autant qu’elle ne sert que les reven- dications de la justice et de la liberté. » En terminant, un mot encore de l’accueil que vos représen- tants municipaux ont reçu à Neuchâtel, lors du concours fédé- ral d'Agriculture. — La France y fut hautement représentée par M. Emmanuel Arago, ambassadeur de la République fran- çaise près la Confédération : M. Arago est regardé par les Suisses comme un ami — j'allais dire comme un concitoyen — ; mais ils réservaient à Besançon et à la Franche-Comté des témoignages non équivoques de fraternelle amitié. Nos Sociétés ne sont pas étrangères aux sentiments d'affection cimentés entre les popu- lations des deux rives du Doubs. Vos délégués en ont recueilli le témoignage et affirmé la réciprocité avec une Joie que nous partageons tous. » Je bois à la consolidation des liens qui nous unissent. Je bois à la France, à sa prospérité, au bonheur de tous ses en- fants, à leur gloire, et à la concentration de leurs patriotiques dévouements ! » NL MU Toast de M. le docteur Marc Durour. € MONSIEUR LE PRÉSIDENT, MESSIEURS, e » Je vous apporte le salut cordial de la Société Vaudoise des sciences naturelles, que vous avez bien voulu convier à votre réunion de décembre. » Je suis personnellement heureux d’être délégué pour rem- plir cette mission qui, auprès de votre Société où je retrouve bien des figures amies, est toute d'honneur et d'agrément. » Pourquoi faut-il qu'à cette satisfaction se joigne cette année la tristesse profonde de trouver parmi vous une place vide, celle de l’excellent ami auquel je dois mes relations avec votre Société, — votre ancien président Léon Barbier (applaudisse- ments) ? » Lorsque, il y a douze ans, j’eus le bonheur de faire sa con- naissance, je fus séduit dès l’abord par l'ensemble de ses qua- lités. | » Sa figure souriante et ouverte témoignait de sentiments à la fois vifs et bienveillants. Il avait la raison et l’équilibre, non pas la raison farouche et morose, mais la raison aimable et bonne ; l’esprit alerte el vif. IL personnifiait vraiment par ses qualités solides, par son amour du sol natal, le citoyen de votre patrie restreinte, la Franche-Comté, — et par ses aspirations généreuses, par sa gaité et sa verve, le citoyen de votre grande patrie, le beau pays de France. » Attirant à lui et à vous les sympathies et l'affection de ceux du dehors, il créa des relations dont je me félicite et je m'’ho- nore. » Mais si l’homme passe, les liens qu'il a créés et les senti- ments qu'il a évoqués demeurent. Et je veux ainsi, dans cet hommage tardif à la mémoire de mon ami, affirmer une fois de plus le vif intérêt que nous portons à votre Société et à votre pays. | » Je bois à ces sentiments que Léon Barbier avait provoqués et établis, et que vous, Messieurs, perpétuez par votre amical accueil! » nt 040 D Toast de M. GUTZWILLER, vice-président de la Société d’agricul- ture, sciences et arts de Poligny. « MESSIEURS, » La Société d'agriculture sciences et arts de Poligny a bien voulu me déléguer pour la représenter auprès de vous aujour- d'hui. » Au nom de mes confrères, j'ai honneur de vous remercier de votre cordial accueil, et je suis heureux d’être chargé de vous exprimer les sentiments de fraternité qui unissent les deux Sociétés. » Mon double titre de membre de votre vaillante Société, de- puis 1878, et de délégué d’une Société du Jura, me donne le droit de vous dire que votre œuvre scientifique, archéologique et littéraire est non seulement considérable en elle-même, mais qu’elle est aussi un exemple et ün encouragement pour les modestes Sociétés comme la nôtre, dans l’état d'isolement intellectuel où le malheur des temps a conduit les petites villes de la province. » Vous ne sauriez croire, Messieurs, quelle féconde émula- tion produit chaque année parmi nous la publication de vos Mémoires et la relation de notre délégué chargé de rendre compte de ce dont il a été témoin dans vos admirables réunions annuelles. » C’est donc non seulement en mon nom, mais au nom de tous mes confrères, que j’adresse à la Société d'Emulation du Doubs l’expression de notre profonde gratitude ». Toast de M. Georges BOYER, président élu pour 1888. « MESSIEURS, » Voici seulement trois ans que je prends part à vos travaux, collaboration modeste s’il en fût, et déjà votre bienveillance s'affirme en m’appelant à présider vos réunions. » L’honneur que vous me faites, je l’apprécie à sa plus haute valeur, sachant depuis longtemps quels hommes érudits et dis- tingués ont été l’objet de vos choix. = NEIL » Bien avant de prendre place au sein de votre Société, j'étais par vos Mémoires, qui renferment de si remarquables études, en communication d'idées et de sentiments avec vous. J'apprenais à connaître toutes les merveilles archéologiques et les richesses minérales et paléontologiques du sol de notre chère Franche-Comté. » Lorsque je parcourais nos belles montagnes du Jura qui ont été, pour nombre d’entre vous, l’objet des plus habiles et des plus fructueuses recherches, je ne prévoyais pas qu’à si brève échéance vos sufirages m'élèveraient à la présidence de la Société d'Emulation du Doubs, l’une des plus importantes de la France provinciale. » En vérité, je ne sais, Messieurs, en quels termes vous ex- primer mes sentiments de profonde reconnaissance, et je suis confus de tant de bienveillance que rien de ma part n’est encore venu justifier. » C’est donc une dette que je contracte, dette, je le sens, que tout mon zèle et mon dévouement ne parviendront pas à éteindre. » Nous continuerons ensemble l’œuvre commune. Dans l’accomplissement de la tâche qui m'est dévolue pour 1888, je m'inspirerai des traditions qui ont assuré vos succès, et, pour arriver sûrement au but, je suivrai les exemples du professeur érudit dont vous avez bien voulu me faire le successeur. » Laissez-moi toujours compter sur votre bonne volonté; sans votre appui, les plus vives appréhensions naîtraient bien vite dans mon esprit. Jai conscience de mon insuffisance et ai besoin d’être rassuré. Aussi fais-je un pressant appel à tous nos collaborateurs; en aucun temps leur concours n’aura été plus nécessaire que pendant l’année qui va s’ouvrir. Mais c’est sur- tout à vos éminents secrétaires que cet appel s'adresse : à notre célèbre compatriote M. Castan, dont le labeur incessant et la vaste érudition ont porté à son plus haut période la répu- tation de notre Compagnie; à M. Besson, l’orateur et l'écrivain dont le talent est si hautement apprécié. Leurs conseils, dictés par une expérience judicieuse et le souci de la prospérité de notre Société, seront toujours écoutés et suivis. » Mais de douces compensations sont réservées à votre pré- ce NII sident : elles consistent à resserrer encore, si c’est possible, les liens d'amitié qui vous unissent aux Sociétés voisines, franc- comtoises et helvétiques, avec lesquelles vous luttez dans le orand tournoi scientifique. Je ne faillirai pas à cette partie de ma tâche, et je suis -heureux d’exprimer encore à ces associa- tions les sentiments confraternels qui vous animent à leur égard. » Messieurs les délégués des Sociétés helvétiques, » J’aime comme une seconde patrie votre magnifique pays, et je professe un véritable culte à l’égard de la pléiade de vos illustres naturalistes. La Terre est notre domaine commun; mais sur cette Terre, n'est-ce pas chez vous qu'est le champ d'exploration par excellence? N'est-ce pas là qu'est bien large- ment ouvert le grand livre de la Nature, grand-livre qu’on ne saurait feuilleter trop souvent et dont les plus belles pages, ren- fermant l’histoire de la Planète, ont été déchiffrées par vos sa- vants? Aussi je confonds dans un même sentiment d’admiration ces adeptes de la science et le pays qui les a vus naître. » Je bois à la prospérité de la Société d’Emulation du Doubs, à la santé de tous ses membres et à celle des honorables délé- gués des Sociétés amies! » x ES AUTA & LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DÙ DOUBS EN EeS 7 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 15 décembre Par M. Edmond COLSENET PRÉSIDENT ANNUEL. MESDAMES, MESSIEURS, L’empressement aimable que vous mettez à vous rendre aux séances solennelles de la Société d'Emulation du Doubs témoigne de la haute estime en laquelle vous tenez notre institution et nos travaux. Vous savez qu’en nos libres re- cherches, notre but a toujours été de réunir les forces vives de notre province, si une dans la grande patrie française, et de contribuer ainsi au progrès des sciences et au renom de la Franche-Comté, Nous serions ingrats de ne pas vous ini- tier publiquement aux résultats de nos efforts. Vous jugerez ensuite si nous avons été à la hauteur de nos désirs. Les sites pittoresques du Jura, qui ont tant de fois séduit nos peintres et éveillé leurs talents, ne pouvaient manquer d’exciter la curiosité laborieuse des géologues et des bota- nistes. Cet amour scientifique de la nature a toujours tenu, dans les travaux si divers de notre Société, une place mé- ritée, Cette année, M: Georges Boyer, sous le titre modeste de Remarques sur l’orographie des Monts-Jura, nous à pré- sl io senté l’esquisse d’une méthode nouvelle pour dresser une carte. Ne serait-il pas désirable que la représentation figurée d’une région nous donnât, avec les formes superficielles, seules visibles à lPœil, la connaissance des couches pro- {ondes dont le regard ne peut pénétrer ni la disposition, ni la nature intime ? Trop de géographes, semblables à l’archi- tecte qui se bornerait à décrire le toit d’un édifice sans rien dire de l’intérieur, laissent ignorer la raison secrète des mouvements qu'ils dessinent. Privée des enseignements de la géologie, cette science n’est plus qu’un corps sans âme. C'est pour répondre à cette pensée, et à titre d’exemple, que M. Boyer a condensé, dans une notice pleine d'intérêt, de nombreuses observations relatives à lorographie du Jura ; sur la carte qui accompagne cette étude, un œil exercé pourra suivre les longues évolutions du sol qui, pendant le cours des siècles, ont mystérieusement préparé les ravis- sants paysages de nos montagnes. Au même ordre de préoccupations appartient le mémoire que nous a envoyé de loin M. Jules Marcou, un de nos com- patriotes célèbres, membre honoraire de cette Compagnie, qui vient de dresser l’imventaire des publications géologiques des Etats-Unis. Dans son Aperçu d'une revue de Carto- graphie géologique universelle, l’auteur nous montre aussi quelles étroites relations unissent la topographie et la géo- logie, et quelle harmonie règne entre la structure d’un pays et le relief de son sol. Mais que de tâtonnements et d'essais depuis les premières ébauches des cartes géologiques jus- qu'aux procédés en usage de nos jours! C’est ce que nous apprend une très complète histoire de la question, résumé des travaux exécutés dans les deux mondes. Enfin M. Albert Girardot, dont la science est toujours dé- vouée à notre œuvre, nous initie à la composition de ces ter- rains que d’autres ont tenté de représenter. Dans un travail plein de faits et d'observations importantes, il étudie les Co- ralligènes du terrain jurassique supérieurs à l'étage coral- en lien, dans la partie du Mont-Jura qui appartient au départe- ment du Doubs, et signale en de nombreux endroits l’exis- tence de couches à polypiers. Remontons, Messieurs, de ces régions profondes à la sur- face du sol. Tout d’abord les plantes et les fleurs, dont le regard profane se laisse enchanter sans effort, offrent à l’ac- tivité scientifique un nouvel aliment, et ici encore la physio- nomie si caractéristique du Jura à su conquérir un nouveau venu parmi nous. M. le professeur Antoine Magnin nous à fait part de ses observations et de ses recherches sur la Flore des environs d’Arbois. Grâce à lui, nous avons appris que ce charmant pays n’est pas seulement remarquable par la finesse de ses crûs, at que si les naturalistes s’y donnent rendez-vous, c’est aussi pour y étudier quelques plantes rares qui font de cette localité l’une des plus intéressantes de la région. Cherchez-les dans la vallée de la Cuisance , ou dans celle de la Furieuse, sous les rochers de la Châtelaine ou près du mont Poupet ! Après les sciences naturelles, les sciences physiques sont représentées pour nous cette année par une étude très ori- ginale de M. Sire sur la Rotation des corps, étude dont les conséquences pourraient être des plus curieuses. La grande compétence de M. Sire en ces matières lui donnait tous les titres pour vous rappeler (ce qu’il va faire dans un instant) la vie et les œuvres de notre éminent compatriote le physi- cien Péclet, dont le buste, exposé sous vos yeux, est un don généreux de sa veuve à la bibliothèque de notre ville. Messieurs, l’archéologie à laquelle nous avons dû souvent de si heureuses trouvailles et de si attachants travaux nous laisse cette année sur nos souvenirs. Rappelons cependant que M. Girardot, en nous rendant compte de l’important ou- vrage du docteur Muston sur le Préhistorique dans le pays de Montbéliard, nous a mis au courant de récentes décou- vertes faites notamment à la grotte de Rochedane. Mais ce chapitre de nos Mémoires ne tardera pas à se rouvrir, el Je un saisis l’occasion de rappeler ici que les efforts persévérants de MM. Castan et Ducat, auxquels notre cité doit déjà tant de restitutions intelligentes, vont être bientôt couronnés d’un nouveau succès. Grâce au bon vouloir éclairé de l’autorité militaire, à laquelle je suis heureux de rendre un public hommage et d'exprimer notre gratitude ; grâce à la libéralité du Conseil général du Doubs, vous allez voir surgir du sol les ruines de nos antiques Arènes, derniers vestiges d’un âge où s’étalait, à la place de nos rues étroites, tout le luxe d’une civilisation disparue. Les savants y viendront s’ins- truire, et devant ces murs écroulés la pensée du plus indit- férent se reportera vers cette époque lointaine où la foule des spectateurs entassés sur les gradins applaudissaient bruyamment aux luttes sanglantes des gladiateurs. Mais l’amour des choses d'autrefois n'exclut pas la préoc- cupation des intérêts pratiques, et de tout temps notre So- ciété a fait leur place aux applications les plus diverses de la science. Cette année encore M. le docteur Baudin nous a entretenus d’une question tout actuelle d'hygiène locale, et sous ce titre Les odeurs de Besançon, il nous a indiqué les améliorations qui pourraient être introduites chez nous en _vue de la santé publique. Il est d’autres applications dont, moins que personne, nous ne saurions nous désintéresser ici. La Société d'Emulation n'oublie pas que notre principale industrie traverse une crise redoutable : elle prête l’oreille à tous les bruits du dehors. C’est ainsi que M. Vaissier, pour un instant infidèle au culte de l’art antique, a bien voulu nous donner le résumé d’une conférence faite à Londres sur la Situation de l’industrie horlogère en cette capitale. L'auteur, sir John Benett, qui dirige en Angleterre l’une des principales maisons d’horlo- gerie, et à ce titre avait été commissaire à Exposition uni- verselle de 4878, soutient depuis quelques années déjà, par la plume et par la parole, une lutte acharnée pour conjurer la ruine de cette grande industrie en Angleterre. Il recom- ANR mande à ses compatriotes l’imitation du système pratiqué avec tant de succès par nos voisins les Suisses, l'emploi des machines-outils, extrême division du travail, le développe- ment des écoles professionnelles pour la jeunesse. Telle est la part des sciences théoriques et appliquées dans notre œuvre collective de cette année. L'histoire à son tour réclame ses droits par le ministère de M. Edouard Besson qui, après nous avoir rendu compte du livre si instructif et si étrange de M. Tuetey sur la Sorcellerie dans le pays de Montbéliard, nous a montré la Part de la Franche-Comté dans la formation du Cabinet des Chartes et l’organisation du Comité des travaus historiques, d’après un ouvrage ré- cent de M. Xavier Charmes. Vous apprendrez de lui que, dès le xvirie siècle, notre province était représentée dans le Co- mité des Chartes par le secrétaire perpétuel de l’Académie de Besançon Eugène Droz, et que beaucoup plus tard, lors- qu'il s’est agi de dépouiller les Papiers d'Etat du cardinal de Granvelle, la commission instituée à Besançon et présidée par le savant bibliothécaire Ch. Weiss, comptait dans son sein le futur cardinal Gousset, alors vicaire-général à Besan- con, et le philosophe Théodore Jouffroy. Ce fut encore Jouf- froy qui, en 1836, proposait à l'Académie de notre ville la publication de documents inédits relatifs à l’histoire de la Franche-Comté. Cest aussi à l’histoire de notre pays qu'est consacrée l’é- tude de M. Frédéric Delacroix sur Un procès de tendance au xvInie siècle. Dans cet intéressant travail d’un magistrat lettré, nous voyons revivre la sympathique figure de l'avocat Bon- cerf, du Parlement de Besançon, qui eut le courage de s’éle- ver à la fin du dernier siècle contre les abus qui mettaient en jeu l’existence même de la monarchie. Passionné pour les questions sociales, inspiré des idées généreuses de lPécole des physiocrates, il fut signalé à Turgot qui l’admit dans ses conseils. Le 24 février 1776, à Paris, au pied du grand esca- lier du Palais de justice, le bourreau livrait aux flammes le pee livre dans lequel il avait consigné ses idées. Boncerf, selon le mot de Voltaire, fut puni pour avoir pensé comme Turgot. Enfin notre secrétaire honoraire, dont l’activité féconde assure à notre Société le haut rang qu’elle occupe parmi ses sœurs de province, nous à confié le travail qui lui a valu, cette année encore, au congrès des sociétés savantes l'accueil flatteur auquel il est depuis longtemps habitué. Son érudi- tion toujours en éveil s’est portée sur un arüste inconnu à la plupart d’entre nous, et qui cependant à tenu avec hon- neur en pays étranger le nom Bisontin qu'il revendiquait hautement. Pierre-Etienne Monnot appartenait à la grande école de sculpture française de la fin du xvire siècle. Né dans la région montagneuse du Jura, il est amené tout jeune par son père dans notre ville qui devenait à cette époque un centre pour les travaux d'art industriel, et c’est là quil trouve de bonne heure l’occasion d'exercer son talent pré- coce. Après un court passage à Dijon, il cède à l'attrait que devait naturellement exercer sur son imagination le séjour de Paris où Louis XIV réunissait, pour l’embellissement de ses châteaux et de ses parcs, une pléiade de sculpteurs em- pruntés à tous les pays. Le goût désormais épuré au contact des Coustou, des Coysevox et des Girardon, il revient un instant en Franche-Comté, pour y laisser des œuvres aujour- d'hui disparues. Mais c'était à Rome qu'il devait trouver un nom et une école. Ses bas-reliefs, ses statues, les tombeaux qu'il fit pour des églises ou de puissants personnages ne tar- dèrent pas à porter au loin sa réputation. Le comte d’Exeter lui confia le soin d'élever en Angleterre, pour lui et sa fa- mille, un tombeau monumental dont la richesse et la haute élégance font une œuvre d'art de premier ordre. Cependant c'est en Allemagne qu'il faut aller si on veut connaître dans toute son ampleur le talent du maitre comtois. Dès les pre- mières années de son séjour à Rome, la tête encore pleine des figures mythologiques du pare de Versailles, il avait rêvé d’une œuvre grandiose où seraient représentées sur le marbre RE dy les principales scènes des Métamorphoses d’Ovide. Ce rêve de sa jeunesse, plus heureux que bien d’autres, il Va réalisé dans le Bain de marbre de Cassel. Vous admirerez, dans la description séduisante que M. Castan nous en a faite, ce pa- villon merveilleusement décoré de statues et de bas-reliefs, où éclatent avec une rare pureté les qualités gracieuses de l'Ecole française, et vous déplorerez avec moi cette fatalité persistante qui nous a de tout temps privés des œuvres de tant d'artistes, nôtres par la naissance et par le cœur, en ne nous laissant pour consolation tardive que le droit de lire de savantes notices ou de voter des plaques commémoratives. M. Castan ne s’est pas borné à cette importante étude. Tout récemment il nous à donné lecture de la très curieuse Narration faite au cardinal de Granvelle par son cousin germain Pierre Bordey sur les noces d'Alexandre Farnèse et de Marie de Portugal. Rien n’est plus intéressant que de suivre, dans ce morceau absolument inédit, les péripéties presque invraisemblables de ces fêtes rovales. La fiancée résidait en Portugal; pour l’amener dans les Flandres, une ambassade d’un millier de personnes fut embarquée sur de grands vaisseaux. Le vovage dura des mois, la flotte se per- dit, faillit tomber aux mains des pirates, et n’aboutit qu'après mille aventures avec son précieux fardeau. Le narrateur ne nous fait grâce d'aucun détail, et vous pourrez connaître par le menu les fêtes somptueuses et les plantureux festins qui signalèrent à Bruxelles ce mariage princier. Je ne voudrais pas clore cette revue de nos travaux sans adresser un dernier adieu à ceux de nos collaborateurs qui nous ont quittés sans retour. Il y a deux ans, M. Léon Bar- bier, président de notre Société, vous faisait à cette mème place le rapport annuel. Vous avez présent à l'esprit le sou- venir de cette intelligence vive et ouverte, de cette nature généreuse et courtoise qui avait su conquérir d'unanimes sympathies dans tous les partis. Il appliquait aux choses les plus diverses son activité devenue libre quand il rentra dans ot la vie privée. « Voila mon nom attaché intimement à une œuvre comtoise », écrivait-il à notre secrétaire honoraire, en quittant la présidence : « J’en ressens quelque fierté pour moi et pour les miens; faire œuvre, si modeste qu'elle soit, a toujours été le but de ma vie ». Son amour du pays natal lui inspira l’idée de cet album artistique et littéraire pour lequel il réunit des écrivains et des dessinateurs, et qui à pour titre : Besançon et la vallée du Doubs. Frappé d’un mal qui pardonne rarement, il a trouvé le repos avant l’âge. En l’ab- sence du président, M. Ducat a bien voulu se charger d’ex- primer, au nom de la Société d'Emulation du Doubs, les re- orets profonds que nous à causés la perte prématurée de cet homme de cœur sur lequel nous avions le droit de compter encore. . | | Nous avons également perdu en l’abbé Maisonnet un ami dévoué de nos travaux. Curé d’Alaise au temps de la guerre archéologique de dix ans qui divisa la Bourgogne et la Fran- che-Comté, il s'était épris d’un zèle devenu légendaire pour notre cause, et l’empressement qu’il mit à seconder, dans la mesure où il le pouvait, des fouilles mémorables, lui valut, pour toute récompense, le surnom de Tumulus qu'il était loin d’ailleurs de répudier. Rendons, en terminant, un dernier hommage à la mémoire de M. le conseiller Daclin et de M. Léon Proudhon, un de nos anciens vice-présidents, tous deux profondément atta- chés à notre œuvre et à leur pays. Mesdames et Messieurs, après avoir entendu ce résumé rapide de nos travaux, vous rendrez, je l’espère, pleine justice à nos efforts, vous nous accorderez que nous avons cherché à maintenir les traditions honorables créées par nos devan- ciers. Cette situation prospère, la Société d’Emulation du Doubs la doit aux sympathies de tous ses membres, à l’ac- tivité de quelques-uns de ses plus fermes soutiens, et aussi à l’esprit collectif qui nous anime. Fondée sur le désir tout pacifique de contribuer aux progrès de la science, elle n’est Ho l’œuvre ni d’une coterie ni d’une secte : ses portes, large- ment ouvertes à toutes les bonnes volontés et à tous les ta- lents, permettent à chacun d’y entrer sans abdiquer ses croyances, quelles qu’elles soient, parce que chez nous les doctrines les plus contraires se rencontrent, mais ne se heurtent pas, et les opinions librement émises n’engagent que celui qui les professe. Aussi, Messieurs, ceux-là seuls peuvent s'étonner parfois qui ignorent la parfaite tolérance que nous nous faisons ur honneur de maintenir dans le do- maine désintéressé de la science. Là est le secret de notre force dans le passé, et la raison de notre espoir dans l’avenir. 8 LÉON BARBIER N'ODLICOR SUR SA LV pa, Par M. F. CHAMPIN DISCOURS PRONONCÉ A SES OBSÈQUES AU NOM DE LA SOCIETE D’EMULATION DUÙU DOUBS Par M. À. DUCAT Séance du 12 novembre 1887. Il NOTICE DE M. F. CHAMPIN. Le 7 octobre dernier, une foule émue et recueillie, com- posée des habitants de Baume-les-Dames, du village de Cour, et de nombreux amis venus de Besançon, de la Haute- Saône, du Jura, de la Suisse, même de Lyon, conduisait à sa dernière demeure M. Léon Barbier, décédé l’avant-veille dans sa villa de Mi-Cour, et témoignait, par son attitude, de la perte que le pays venait de faire. Léon BARBIER, né en 1835, avait reçu une de ces éduca- tions distinguées qui forment un homme et le rendent apte à tous les emplois, en le plaçant à la hauteur de toutes les situations. Conseiller de préfecture à Privas, secrétaire-général à Chartres, sous-préfet à Segré, partout la rondeur de son caractère et l’impartialité de son esprit lui méritèrent l’es time et la durable affection de ceux qui l’approchaient. Quand il se vit rendu à la vie privée, ce ne fut pas pour se reposer, mais pour se dépenser en une activité nouvelle, aussi fé- conde en résultats pratiques qu’'utile à ses concitoyens. Il fut élu simultanément membre du Conseil d’arrondisse- ment pour le canton de Rougemont et membre du Conseil municipal de la ville de Baume. Avant pu, comme homme public, apprécier de près les services que les comices agri- coles rendent aux populations rurales, il s'empressa, comme homme privé, de ressusciter celui du canton de Baume, et, sous sa présidence, il sut lui obtenir de nombreuses adhé- sions, en faisant appel à tous les gens honorables sans dis- ünction de couleurs ni d'opinions. Membre zélé de la Société d’'Emulation du Doubs, il assistait, par goût, à la plupart de ses séances, et quand il en devint, il y a deux ans, le prési- dent, alors qu'il ne pouvait déjà presque plus marcher, 1l se fit un devoir de n’en manquer aucune. Il ne se refusait à aucun des honneurs qui venaient le trouver, sans qu'il les eût recherchés, et en remplissait con- sciencieusement toutes les tâches, rehaussant les unes par une infatigable ardeur et vivifiant les autres par une initia- tive sans cesse renaissante. | Il portait, en effet, la vie exubérante qui était en lui dans tout ce qu'il entreprenait ; il animait tout autour de lui, et c'est pour les hommes de sa trempe que le double adage des anciens : vita el motu et age quod agis, semble avoir été fait. Il aimait les arts, les sciences et les lettres, et, sans s’y livrer lui-même, il avait le talent de donner l'impulsion à ceux qui les cultivaient, pour les grouper et les unir dans une œuvre commune : de là le beau Livre-Album dont il conçut l’idée, dont il dirigea l’exécution et qu’il publia, en 1874, sous le titre de : Besançon et la vallée du Doubs. Bon, bienveillant, bienfaisant, il mettait en toutes choses la bonne grâce et la bonne humeur qui étaient le fond même de son excellente nature. Esprit ouvert, il accueillait toutes les opinions, pourvu qu’elles fussent sincères et désintéressées. Cœur généreux, il faisait le bien sans bruit et avec cette discrète délicatesse qui en double le prix. Aussi il était aimé de tous, et des nom- 1 49 — breux amis qu'il avait su se créer, pas un ne lui a fait défaut dans la triste cérémonie qui les a réunis autour de son cer- cueil. Frappé, mais non abattu, depuis trois ans, par un mal qui ne pardonne pas, c'était un spectacle attendrissant que de le voir user à le combattre cette indomptable énergie qu'il est donné à peu d'hommes de posséder au même degré que lui. On eût dit, en vérité, qu’il commandait à la souffrance, et au milieu des plus cruelles douleurs, il avait toujours un accueil souriant pour ceux qui le visitaient. C'était un homme enfin, et tous les dons que Dieu lui avait impartis n'avaient de valeur à ses yeux qu'autant qu'il en faisait part aux autres. à Il aura laissé un sillon dans son pays natal, et d’éternels regrets dans le cœur de ceux qui l’ont connu. Baume-les-Dames, novembre 1887. IT DISCOURS DE M. A. DUCAT. Au nom de la Société d’Emulation du Doubs, dont M. Léon Barbier était le président 11 y a deux ans à peine, permettez qu’en l’absence du président actuel (1), j’adresse à l’excellent confrère, à l’homme si digne que nous venons de perdre, quelques mots d'adieu, en rendant à sa mémoire un hom- mage public et bien mérité. Dans cette ville de Baume, qui compte au nombre de ses anciennes et meilleures familles celle de M. Barbier, per- sonne n’ignore les traditions de dignité et d'honneur qui avaient été léguées à notre regretté confrère. Chacun sait aussi comment, à son tour, il a su les transmettre. (1) M. CoLsENET, professeur de philosophie à la Faculté des lettres. — 135 — Le père de M. Barbier a été longtemps conservateur des hypothèques à Besançon, où il Jouissait de la plus haute estime. Sa mère était la sœur de l'honorable M. Charles Grand, dont le souvenir est encore vivant parmi nous. L’excellente éducation donnée à notre confrère lui per- mettait d’aspirer aux premiers emplois de la carrière admi- nistrative qu'il avait choisie. Conseiller de préfecture à Privas, secrétaire-général à Chartres, il était sous-préfet à Segré, quand les événements de 1870 le rendirent à la vie privée. [l reprit alors le chemin de son pays natal, qui était également celui de la compagne si distinguée qu’il avait associée à son existence. Dès lors il consacra ses facultés exceptionnellement actives à sa famille, à ses nombreux amis, à beaucoup d'œuvres utiles. Réorganisateur du Comice agricole de Baume-les-Dames, membre actif de la section jurassienne du Club Alpin fran- ÇGais, particulièrement dévoué aux travaux de la Société d’'Emulation du Doubs, il remplit, pendant une année, la fonction de président de cette Compagnie, et, bien qu’atteint déjà du mal qui devait nous l'enlever, il fut courageusement fidèle à toutes les obligations de son mandat. A ce titre il eut la présidence de la fête champêtre par laquelle fut inauguré à Alaise le buste d’Alphonse Delacroix, et il sut caractériser très heureusement la physionomie si sympathique de Par- chéologue et du penseur dont nous voulions honorer la mé- moire. : Eminemment apte à provoquer et à grouper les bonnes volontés au profit des œuvres collectives, il avait collaboré, étant à Segré, à un ouvrage concernant les châteaux de la Touraine. L'expérience ainsi acquise lui permit, en 1874, de faire concourir un certain nombre d'écrivains et de dessina- teurs à la publication d’un bel Album artistique et littéraire qui a pour titre : Besancon et la vallée du Doubs. Les rela- tions qu'il savait si courtoisement entretenir valurent à la Société d’Emulation du Doubs plus d’une bonne fortune, de celle, entre autres, d'entendre, dans l’une de ses grandes réunions, la parole brillante du célèbre docteur Dufour, de Lausanne. Chacun de nous aimait en M. Léon Barbier la vivacité de l'intelligence alliée à la droiture des sentiments, l'énergie du caractère tempérée par un large esprit de tolérance et une exquise bonté de cœur. L’ardeur à obliger autrui fut la note dominante du tempérament moral de cet homme de bien. La mort l’a saisi subitement, à l’âge de cinquante-deux ans, au moment où une circonstance heureuse pour l’un des siens venait de lui faire éprouver une satisfaction consolante. À notre tour, en exprimant ici nos sincères regrets et nos sympathies profondes, essayons d'apporter un allègement à la douleur d’une famille cruellement éprouvée ! Dieu, nous l’espérons, récompense maintenant l’homme bon et généreux, si souvent utile à ses semblables, si sincè- rement dévoué à la patrie française, si tendrement attaché à cette patrie franc-comtoise qui n’oublie pas ceux qu l'ont aimée ! LE SCULPTEUR. FRANÇAIS PIERRE-ÉTIENNE MONNOT CITOYEN DE BESANCÇON AUTEUR DU « MARMORBAD » DE CASSEL NOTICE SUR SA VIE ET SES OUVRAGES 1657-1735 PAR M. Auguste CASTAN CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres) Sceau de la Confrérie franc-comtoise de Rome (1657). CET Séance du 12 février 1887. NI Societe d Emulation du Doubs 188 Heliog Dujardin, ; DANS IE NS MR" CABIRS AIO L un des huit principaux bas-reliefs du «Marmorbad, Je @ ESS EC ] AU SCULPTEUR BAD PETITTC DE BESANCON AUTEUR DE LA STATUE DU CARDINAL DE GRANVELLE EN SOUVENIR DE TRENTE-QUATRE ANS D'UNE FRATERNELLE AMITIÉ LE SCULPTEUR FRANÇAIS PIERRE-ÉTIENNE MONNOT CITOYEN DE BESANCON AUTEUR DU MARMORBAD DE CASSEL « Gon cui giornalmente traggoño ogni sorta di persone a vederlo, dalla Vistola e dal Reno, dall’ Istro e dal lo, dal Tago e dalla Sena, dalla Mosa e dal Tamigi. E que’ che rimangon sul Tebro ed in Arno, o non volendo, o non potendo andarvi, leggan almeno questa mia breve e rozza memo- ria ». (Lione PAscOLr, Di Pietro MONNOT.) Entre les divers dialectes qui constituent le langage imagé des arts, la sculpture est de longue date le mode d’expres- sion qui s’harmonie le mieux avec le génie français. Nous sommes bien, en effet, les Athéniens des temps modernes : nous avons les qualités et les défauts de ce peuple au carac- tère mobile, à l’esprit éveillé et avide de tout connaitre, ayant éprouvé sans cesse le besoin de traduire ses senti- ments en termes clairs, précis et intelligibles pour le monde entier. En affirmant que « la sculpture participe de lesprit français », un éminent critique d'art ajoutait : « Ce n’est pas d'hier que notre idiome national a droit de cité par le monde (1) ». Les Athéniens avaient, eux aussi, le plus inter- national des idiomes de l’antiquité, et la sculpture semble avoir été chez eux l’associée constante des évolutions de l’art de parler et d'écrire. Le langage figuré de la sculpture française n’a-t-il pas éprouvé l'influence d’une pareille cor- rélation? En effet, n’existe-t-il pas une parenté frappante (1) Henry JouIN, La sculpture en Europe (1878), précédé d'une Confé- rence sur le génie de l’art plastique ; Paris, 1879, in-8, pp. 2#% et 29. 90 entre l'esprit tour à tour mystique et frondeur de la littéra- ture du moyen âge et l’ornementation simultanément dévote et railleuse des édifices religieux de la même période? Et quand la littérature française, mise en contact avec ltalie par les guerres de Charles VITE, de Louis XII et de Fran- çois [er, éprouva l'ambition de se créer des ancêtres, quand on la vit abdiquer ses allures gauloises pour devenir pinda- rique ou horatienne, la sculpture nationale ne fut-elle pas en même temps tributaire des formules d'importation ultra- montaine? Mais le génie français sut bien vite imprimer un cachet original aux traductions elles-mêmes, en attendant un affranchissement complet qui ne tarda pas à se produire aussi bien dans la littérature que dans l’art. En effet, tandis que Corneille et Molière créaient un langage qui permit à la littérature française d’exalter les vertus et de censurer les vices dans un style lui appartenant en propre, il y avait à Rome des sculpteurs français qui s’inspiraient des vrais chefs-d’œuvre pour engendrer une École ayant le droit de répudier la manière abâtardie des sectaires dégénérés de Michel-Ange. Ces restaurateurs de la sculpture française se nommaient Simon Guillain et Jacques Sarrazin. € Guidés par leur sentiment propre », a dit Emeric-David (D, « ils ont re- levé la gloire des arts à une époque où l'Italie les laissait se dégrader ; et ils se sont pour la plupart montrés originaux par la puissance de leurs dispositions naturelles, tandis que leurs études semblaient les conduire à devenir des copistes maniérés, de fades imitateurs ». L'École française de sculpture, savante sans pédantisme, gracieuse avec esprit, naturelle sans trivialité, imposa facile- ment au monde entier ses productions magistralement équi- librées. Elle a contribué de la sorte à édifier ce prestige moral qui a été et ne cessera d’être la meilleure des sauve- gardes de la France. (A) Essai historique sur la sculpture française (1819), n. 74. Fo C’est à l’un des adeptes distingués de la vieille École fran- çaise de sculpture, à Pierre-Étienne Monnot, que je vais consacrer quelques pages. La Franche-Comté, sa province natale, la France, sa patrie de nationalité et d'éducation, ne possèdent pas d'ouvrages portant sa signature (1). Les prinei- paux de ceux-ci sont à Rome, à Stamford et à Cassel, où ils jouissent d’une réputation grande et méritée. Un écho de cette réputation m'a semblé devoir être agréable aux com- patriotes de l'artiste, et c’est là le motif qui m’a fait entre- prendre, à la suite de l'Italien Lione Pascoli (®, une biogra- phie du sculpteur Pierre-Étienne Monnot. Le nom de cet artiste appartient à une variété de désigna- tions individuelles qui est spéciale à la région montagneuse dont les versants orientaux regardent la Suisse. Dans le (1) Pierre-Étienne Monwor ne doit pas être confondu avec le sculpteur Martin-Claude Moxor, né à Paris en 1733, à peu près en même temps que son quasi-homonyme décédait à Rome, et mort seulement en 1803, laissant en France de nombreux ouvrages. (2) La notice sur Monnot (Di Pietro Monnot), par l'abbé Lione PAscoLr, occupe les pages 487 à 498 du second volume de l’ouvrage intitulé Vite de’ pittori, scultori ed architetti moderni, Roma, 1730-1736, 2 vol. in-#4. Le manuscrit de ce second volume fut approuvé par la censure pontificale le 30 octobre 1735, c’est-à-dire quatorze mois seulement après la mort de Monnot. L'auteur, qui fréquentait cet artiste, n’a guëre fait que rédiger Îles souvenirs de Monnot lui-même, en y ajoutant quelques détails sur ses der- niers moments, dont sans doute il avait été le témoin. La succession chro- nologique des travaux du maitre est indiquée, dans cette notice, d’une façon tellement circonstanciée et précise, qu'il y a lieu de considérer le texte de Pascoli comme l'équivalent d’une autobiographie. C’est sur cette fondation solide que mon travail a été construit ; mais il est entré dans son architecture bon nombre de détails inconnus à Pascoli, tels que ceux qui concernent les origines du maitre, et plusieurs autres se rapportant aux ouvrages de Monnot qui sont en Angleterre et en Allemagne. Toutes mes assertions non justifiées par une note spéciale sont empruntées à Pascoli. Le texte complet de cet écrivain est réimprimé d’ailleurs, comme pièce justificative, à la suite du présent travail, langage de cette contrée, le meunier s'était appelé monnot le tisserand tissot, le couvreur toitot, le bouvier boillot : de là des sobriquets devenus des noms de famille. Le nid d’ori- gine des familles du nom de Monnot est un village situé à neuf cent deux mètres d'altitude, sur un plateau dans lequel le Doubs et le Dessoubre ont creusé des sillons abruptes : d’une pittoresque sauvagerie. L’un des hameaux du terri- toire de Bonnétage s'appelle Cerneux-Monnot, c’est-à-dire terrain défriché par un nommé Monnot. Cette contrée rocheuse, à laquelle son altitude procure un très rude climat, est peu favorable à la culture des céréales : en revanche, elle est pourvue de magnifiques forêts où les hêtres sont associés aux sapins; elle possède aussi d’im- menses parcours, sur lesquels les vaches laitières trouvent une alimentation saine et savoureuse. L'exploitation des bois et la fabrication des fromages sont deux sources d’une véri- table richesse pour les villages clairsemés de cette haute région. La vivacité de l’air que l’on y respire entraînant la suppression de tout enfant qui n’est pas né solide, cette sélection naturelle à fait du montagnon franc-comtois un individu carrément robuste : d'autre part, la nécessité per- manente de l'effort l’a doué d’une énergique ténacité (1), en le rendant supérieurement apte aux entreprises dont le succès repose sur la suite dans les idées et la persévérance dans les calculs. Ces qualités physiques et ces aptitudes morales furent celles que notre sculpteur reçut d'Étienne Monnot, son père. Ce laborieux artisan, qui à l’occasion pouvait faire œuvre d'artiste, avait été, dans sa jeunesse, témoin des horreurs d’une guerre d’extermination que le cardinal de Richelieu entretint pendant dix années consécutives, de 1632 à 1642, (1) « Le Bourguignon est surtout ardent, le Comtois tenace », a dit M. le duc D’AUMALE, dans sa magistrale Histoire des princes de Condé (t. IN, p. 297). sur le territoire de la Franche-Comté (D. Comme il arrivait toujours alors, la peste et la famine avaient été les complices de cette guerre sauvage, qui priva la province des neuf dixièmes de sa population (2. Quand le gouvernement de la Franche-Comté eut acheté de la cour de France, moyennant un tribut annuel de 120,000 livres, le renouvellement du pacte de neutralité que Richelieu avait si fatalement rompu 6), la province ne comptait plus guère de population agglomérée que dans les quatre places fortes de Besançon, Dole, Salins et Gray. Tous ses bourgs et villages avaient été pillés et incendiés par les Suédois de Wevymar, ou par les Français de Longueville, de Guébriant et de Villeroy. La région mon- tagneuse du pays fut repeuplée par des Savoyards et par des Suisses des cantons catholiques, et ces nouveaux venus s’allièrent, pour reconstituer la race, avec les anciens habi- tants qui avaient survécu, soit en faisant tête à l’ennemi dans des refuges imprenables, soit en se dérobant au péril par une émigration lointaine. Ce fut vraisemblablement d’une de ces alliances que naquit notre sculpteur : sa mère, en effet, portait un nom qui semblerait bien originaire de la Suisse allemande; elle s'appelait Élisabeth Flegguerin, formule altérée, par la prononciation romane, du mot alle- mand Pflegerinn. De cette union était déjà né au moins un fils, quand celui qui nous occupe vint au monde le 9 août (1) Les incidents de cette horrible guerre ont été dépeints par un con- temporain, GIRARDOT DE NOZEROY, dans son Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, éditée par M. Jules CRESTIN, en 1845, Besançon, grand in-8. (2) « L'on recognoit par des rôles de l’estat de ce pays, qu'avant les guerres qui commencèrent l’an 1636, il y avoit cent mille feux, et qu’en l’an 1668, après plus de vingt ans de paix, elle (la Franche-Comté) estoit encore tellement exténuée, que, par les nouveaux rôles qu’on dressa de ce qu’il y avoit de feux, l’on n’en trouva que vingt-deux mille ». (F. LAMPINET, Dissertation sur Didation, ms. de la Bibliothèque de Besançon, fo 41.) (3) Le texte du traité conclu à cette fin, au mois de mars 1649, à été publié dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 5° série, t. IT, pp. 46-47. 1657 (1). Il fut baptisé deux jours après (2, dans léglise d’Orchamps-Vennes. L'acte latin de ce baptême () donne à Étienne Monnot la double qualité de magister et de faber, c’est-à-dire d’ouvrier travaillant avec le marteau et ayant conquis la maîtrise; 1l lindique de plus comme habitant alors (nune) le village d’Orchamps-Vennes : sa naissance avait eu lieu probablement à Bonnétage. Les deux localités relevaient d'ailleurs d’une même seigneurie, car les terres contiguës de Vennes et de Châteauneuf venaient d’être de nouveau soudées par le fait du mariage de la veuve et héri- tière de Ferdimand-Just de Rye avec le prince Charles- Eugène d’Aremberg. Les châteaux de ces deux terres ayant été incendiés par les Suédois, le village d’Orchamps, centre . des transactions agricoles de la contrée, devint le siège de la justice unifiée des deux seigneuries (© : un maïtre-ouvrier habile dut à ce moment y trouver une situation sortable. Étienne Monnot était certainement doué de courage et (i) La date du 9 août est donnée par PascoLr, qui ensuite s’est trompé sur le millésime, en écrivant 1658 au lieu de 1657. (2) La date précise de ce baptême a été indiquée, pour la première fois, par M. Bernard PRosSr, dans le Répertoire des travaux historiques. an- née 1882, p. 442. (3) Voici, d'après les registres paroissiaux d’Orchamps-Vennes, l'acte de baptême de notre artiste, précédé de celui du baptême de son frère Jean- Claude : « Die 26% septembris 1655. « Joannes Claudius, filius Stephani Monnot, nune d’Orchamps, et Elisa- betæ ejus uxoris, baptisatus est die vigesima sexta septembris, anno Do- mini millesimo sexcentesimo quinquagesimo quinto. Susceptores fuere d. Joannes-Claudius Amez et domicella Anna Magdalena de Vernier, d'Or- champs. » Die 11 augusti 1657. » PETRUS STEPHANUS, filius magistri Stephani Monnot, fabri, nunc d’Or- champs, et Elizabetæ Flegguerin, ejus uxoris, baptisatus die undecima augusti 1657, ut supra. Patrinus fuit Petrus Jay, de Mortau, per manus magistri Georgii Callerans, et domicella Stephaneta Vielle, de Vuillafans ». (4) L'abbé RicHaRD, Vennes et Chätelneuf-en-Vennes, à la suite de la Monographie de Maiche. Besançon, 1862, pp. 69 et 72. — L'abbé NARBEY, Les Hautes montagnes du Doubs, Paris, 1868, pp. 257, 258, 276, 290, 292. d'adresse, car peu de temps après la naissance de son fils Pierre-Étienne, il quitta sa résidence villageoise et trans- porta son domicile à Besançon, ville indépendante qui ne devait pas tarder à abdiquer ses franchises pour devenir en droit, comme elle létait depuis longtemps en fait, la capitale de la province de Franche - Comté. Durant la guerre dont nous avons évoqué le lamentable souvenir, la plupart des églises rurales de la province avaient perdu leur mobilier, et nombreuses étaient les commandes de retables en bois sculpté pour les autels. Un important atelier de ce genre d'ouvrages avait existé au Russeyv, village voisin d'Or- champs-Vennes (1), et c'était la sans doute qu'Étienne Mon- not avait acquis jadis les notions qui lui servirent à faire vivre sa fanille et à délier la main de son fils Pierre-Étienne. Mais Besançon était devenu, pour la province de Franche- Comté, le centre de ces travaux d'art industriel, et ceux qui s’y adonnaient, sculpteurs et peintres, allaient bientôt former dans cette ville une association, ou confrérie, sous (D) Georges Estevenard, dit La Seigne, sculpteur, quitta le Russey au début de l’année 1647, pour aller exercer sa profession à Fribourg-en- Suisse. En 1667, il exécutait un retable en bois sculpté pour la grande église de Dole. Son fils Jean-Philippe, maitre sculpteur ex pierre et en bois, restaurait la chaire de cette même église, en 1677. Le 29 avril 1699, Jean- Philippe obtenait la qualité de citoyen de Besançon, « et ce », disait la municipalité, « pour avoir façonné de sculpture un vase chargé de fruits pour servir d'ornement à la fontaine que nous avons fait establir an milieu de la place Sainct-Quentin ». Au mois de Juin 171%, il épousait en secondes noces, à Besançon, Charlotte Noble, veuve elle-même du sculpteur Fran- çois Choye, artiste modeste qui avait exécuté nombre de travaux pour les églises de la ville et du diocèse de Besançon, tantôt seul, tantôt comme associé de Philippe Doby, son premier beau-père, ou de son beau-frère Jean Ligier. Etienne Monnot appartenait à cette même catégorie de sculp- teurs ornemanistes : en 1687 et 1689, on le voyait occupé à des retables d'autel pour l’église de Pelousey. Entre les Monnot, de Bonnétage, et les Estevenard, du Russey, des relations de parenté existaient : dans un testa- ment passé à Besancon, le 6 février 1672, Pierre Monnot, de Bonnétage, instituait curateur aux biens de ses enfants « Guillaume Estevenard, dit de La Seigne, du Russel », son cousin. 2 Op le vocable de Saint-Luc (). Telles furent les circonstances qui déterminèrent l'établissement à Besançon du sculpteur Étienne Monnot, alors que son fils Pierre-Étienne était en- core en bas âge. Cet eufant donna les signes d’une rare précocité d'esprit : dès l’âge de deux ans, il apprit à lire et à écrire d’un bon prêtre qui était voisin de sa famille. Un peu plus tard, son père lui enseigna les éléments du dessin en l’initiant au ma- niement du ciseau. Ces leçons lui profitèrent tellement, qu’à l’âge de treize ans il fut capable de faire la copie d’une figure sculptée par son père. À quinze ans, il produisit un morceau de son invention. Tout Besançon voulut voir l'ouvrage du Jeune artiste, et cet empressement fut pour le père un véri- table bonheur. Sans se laisser éblouir par ce premier succès, le jeune Monnot alla travailler dans diverses villes de la province où s’exécutaient, pour les églises, des retables, des stalles ou des chaires en bois sculpté. Partout il s’en tira avec ha- bileté, et fut généralement reconnu comime ayant dépassé son père. Il compléta son instruction en étudiant l’architec- ture, et eut ainsi qualité pour fournir les plans de divers au- tels. 2 La réunion de la Franche-Comté à la France, accomplie définitivement en 1674, supprima la barrière qui avait si sou- vent empêché les Comtois. de fréquenter la capitale du grand pays dont ils parlaient la langue et possédaient les mœurs. Il y avait un peu plus de deux ans que cette barrière était (1) Voici le seul témoignage écrit que Je possède sur l'existence de cette confrérie : « Je soubsigné, en qualité de prieur de nostre confrérie de Saint-Luc, atteste avoir receu du sieur François Choye, nostre confrère, treize frans six gros, monnoye de ce pays, et ce pour reste et entier payement de sa réception en nostre susdile confrérie, le portant quitte envers et contre tous de la susdite somme. À Besançon, ce vingt-huictième novembre mil six cent quatre-vingt-quatre. (Signé) P. BRULLEZ ». (Archives des hospices ci- vils de Besançon : Aumône générale, chap. V, M.) Rad à à — : Te ai LEA t bye abaissée, quand le père de notre artiste obtint, pour luiet sa descendance, la qualité de citoyen de Besançon (D). Peut-être cette qualité fut-elle acquise en vue d'accroître la considéra- tion dont Pierre-Étienne avait besoin pour chercher fortune au dehors. Le fait est que notre artiste, âgé de dix-neuf ans, partit à ce moment même pour Dijon, afin de se perfectionner dans l’atelier de Jean Dubois, statuaire d’un vrai mérite, bien que la grâce trop maniérée de ses figures enfantines l'ait fait appeler «un sculpteur de pieine décadence (2) ». Au bout d’un an de séjour dans cet atelier, qui fournissait des boise- ries à figures aux églises riches et aux habitations somp- tueuses de la province de Bourgogne, Monnot se sentit suffisamment exercé pour avoir de lemploi sur un plus grand théâtre. Paris lPattira naturellernent. Peut-être avait-il des parents dans cette capitale, car les comptes royaux de 1670 et 1671 indiquent un menuisier du nom de Monnot comme fournisseur des caisses de lorangerie du Palais des Tuileries (3). Notre artiste se rendit donc à Paris, la tête remplie de ces mirages qui tiennent si bien lieu de richesse quand on a vingt ans. | Cétait en 1677. Le soleil de Louis XIV brillait alors du plus vif éclat : à la faveur de son rayonnement, l’École française de sculpture grandissait en importance aussi bien qu'en renommée. Pour peupler le Pare de Versailles, il avait fallu recruter une véritable troupe de sculpteurs, qui, sous la direction des peintres Lebrun et Mignard, s’ingéniaient à traduire pompeusement les épisodes de la (D) « Du lundi 7 septembre 1676. » Citoyens: » Estienne MONNOT, moyennant une pistole payée au thrésorier : XvI fr. vi gr ». (Délibérations municipales de Besançon.) (2) Ph. DE CHENNEVIÈRES, Artistes provinciaux, t. IE, p. #4. (3) Compte des bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV. publ. par J. GUIFFREY, t. I, col. 3233 et 410. Ge mythologie gréco-romaine. Parmi les 95 maîtres qui tra- vaillèrent à créer cette incomparable merveille (), il en est un dont le fils associa plus tard Monnot à quelques-uns de ses ouvrages, vraisemblablement à cause de la parenté frappante de leur manière respective. Dans cette parenté de style, doublée des relations les plus amicales, je trou- verais volontiers la preuve que Monnot avait complété son éducation d'artiste en travaillant à Paris, dans Patelier de Pierre Lesros, élève de Jacques Sarrazin, l’un des régéné- rateurs de l'Ecole française de sculpture. Après deux ans passés dans la fréquentation des chefs- d'œuvre qu'enfantaient pour Versailles les Anguier, Îles Coustou, les Coysevox, les Girardon et les Legros, Monnot éprouva le besoin de venir se reposer quelque temps parmi les siens. [Il y fut aussitôt assiégé par des com- mandes : de sorte que son séjour en Franche-Comté se prolongea beaucoup plus qu'il ne l’avait supposé. La muni- cipalité de Besançon créait alors une chapelle à son usage, pour remplacer celle dont le grand Roi l’avait dépossédée au profit du Parlement. Une boiserie décorative fut désirée pour ce nouveau sanctuaire : on en demanda le dessin à Monnot qui reçut, comme rénumération de ce travail, une pistole, c’est-à-dire léquivalent exact de la prestation versée jadis par son père pour devenir citoyen de Besançon (). Retourné dans la capitale de la France, Monnot s’y reprit à travailler pour les maitres, Jusqu'à ce qu'il eut trente ans accomplis. Alors le moment lui sembla venu de s'éman- ciper, en faisant à son tour œuvre de créateur. Paris était (4) En donnant la liste de ces 95 sculpteurs, M. DussrEux ajoute : € La plupart d’entre eux sont au nombre des plus grands artistes du dix-sep- tième siècle ». (Le Chäteau de Versailles, t. IT, pp. 207-208.) (2) Comptes de la ville de Besançon pour 1682 ; extrait donné par A. CASTAN, dans l’opusecule intitulé : Les sceaux de la commune, l’hôtel de ville et le palais de justice de Besançon, pièce justificative n° VIIT : Me- moires de la Société d’'Emulation du Doubs, 4° série, t. VI, 1870-1871, p. 491. M 09e largement pourvu d’une élite de grands sculpteurs ; Rome, au contraire, était en pleine réaction contre le maniérisme du Bernin, et l’engouement qui s’y manifestait pour la sculp- ture française avait beaucoup de peine à être satisfait. Un sculpteur de mérite, se rattachant à l’École des maitres qui avaient fait du Parc de Versailles un Olympe terrestre, était assuré d'obtenir à Rome une situation fructueuse. Monnot ne résista done pas à la tentation ‘de courir les chances d’un établissement dans la capitale du monde chrétien. Il put d’ailleurs être encouragé dans ce projet par l’hono- rable notoriété qu'avaient conquise à Rome deux de ses compatriotes, armés comme lui du ciseau des sculpteurs : je veux parler de Michel Maille, surnommé le Bourguignon, dont les statues en marbre où en stuc ornaient déjà plu- sieurs des églises de la ville pontificale (l); puis de Joseph Villerme, né à Saint-Claude-du-Jura, qui, par esprit de piété et d’humilité, s'était imposé l'obligation de ne produire que des crucifix en ivoire ou en buis, et dans cette spécialité par- venait quelquefois jusqu’au sublime (2). Décidé à partir pour Rome, Monnot revint dans son pays, non seulement pour dire adieu à sa famille, mais aussi pour laisser à Besançon un pieux témoignage de ses talents d'artiste. Sur la commande d’un bourgeois de la ville, il produisit, pour l’église abbatiale et paroissiale de Saint- Vincent, une statue de la Vierge, qui fut inaugurée la veille de l’Ascension de 1687. Un chroniqueur contempo- rain la décrivait ainsi : « Elle a la couronne en tête, le (1) Sur cet artiste, qui était entré en 1678 à l’Académie romaine de Saint- Luc, voyez : Filippo Tirr, Descrizione delle pitture, sculture e architet- ture delle chiese di Roma, 1763, pp. 46, 191, 383, 384, 499; DUSSIEUX, Artistes français à l’étranger., æ édit., 1876, p. 484; BERTOLOTTI, Aréistè francesi in Roma nei secoli X V-X VII, pp. 175-176. (2) Je me sers des expressions de MARIETTE, qui avait connu Villerme à Rome et lui a consacré une notice des plus sympathiques dans son Abece- dario, t. VI. pp. 82-83 de l'édition donnée par MM. Ph. DE CHENNEVIÈRES et À. DE MONTAIGLON. ane sceptre en main, et le petit Jésus entre ses bras, avec un air si doux et si gracieux, qu'il inspire les plus tendres sentiments d'amour et de confiance, même aux plus insen- sibles ». L’atiraction qu’exerçait l'Enfant divin valut à la Madone une nombreuse clientèle de jeunes filles, et il en résulta bientôt une confrérie qui fut canoniquement ins- tituée sous le vocable de Notre-Dame du Cordon Bleu (4). À la suite de cette aimable manifestation des sentiments religieux qui l’animaient (2), Monnot franchit les Alpes et parvint à Rome, avec la résolution d'y créer des œuvres qui feraient vivre sa mémoire. IT. « Ceste Rome que nous voyons », disait Montaigne, « mérite qu'on l’ayme : c’est la ville métropolitaine de toutes les nations chrestiennes. L’Espaignol et le François, chascun y est chez soy G) ». Aussi, durant cette guerre - dont nous avons rappelé les horreurs, l’émigration franc- comtoise s’était-t-elle particulièrement dirigée sur Rome, € patrie commune de tous les chrestiens ». Les Franc- Comtois, qui à l'étranger s’appelaient Bourguignons @), s’y étaient trouvés jusqu'au nombre de dix à douze imille 6), et (1) L'abbé Sucner, Notre-Dame du Cordon bleu, dans les Annales franc-comtoises, 3° année, t. V, 1866, pp. 161-169. « La plupart des dé- tails de cette notice sont tirés d’un Mémoire historique sur la paroisse Saint-Marcellin, conservé aux archives du grand séminaire, et attribué à dom CouLoN, religieux de Saint-Vincent ». — « L'église de Saint-Vincent, desservie par les Bénédictins, était le siège de la paroisse Saint-Marcellin ». (2) « Il étoit », dit le Mémoire historique précité, « aussi bon chrétien qu'habile ouvrier, et sa vie étoit aussi pure que ses mains étoient adroites ». (3) Essais, liv. ILE, ch. 1x. (4) Les Bourguignons de la Duché, par le fait du rattachement de leur province à la France, en 1477, ne se distinguèrent plus dès lors, à l’étran- ser, de l’ensemble des Français. (5) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Hotte Comté (1632-1642), éditée en 1843, pp. 212-213. TR Re la rue principale du quartier qu’ils habitaient a retenu le nom de Via Borgognona. Ceux de ces émigrés qui s’accli- matèrent à Rome avaient organisé, en 1650, un groupe national, placé sous l’invocation de saint Claude, arche- vêque de Besancon (1). Le principal créateur de ce groupe était Jean-Ignace Froissard de Broissia, l’un des hauts dignitaires du chapitre métropolitain de Besançon, qui résidait fréquemment à Rome. Le pape Innocent XI, celui qui régnait quand arriva Monnot, avait attaché à sa per- sonne le chanoine de Broissia, en l’inscrivant au nombre de ses camériers (2). Un religieux franc-comtois comptait également parmi les familiers du Pontife : c'était le P. Charles de Saint-Bruno (Claude-Louis-Boichard), né à Baume-les-Dames, qui venait d'occuper pendant une période triennale la fonction de général des Carmes déchaussés (3). (1) A. CASTAN, La confrérie, l’église et l’hôpital de Saint-Claude des Bourguignons de la Franche-Comté à Rome. dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 5° série, t. V, 1880, pp. 175-264. — Un résumé de ce travail se trouve dans le Magasin pittoresque, année 1886, pp. 166-168. (2) J'ai donné quelques détails biographiques sur ce personnage, dans mon étude sur Saint-Claude des Bourguignons. Je complète ces renseigne- ments par l'extrait suivant du Livre de raison de la famille Froissard de Broissia, publié en 1887 dans les Mémoires de la Société d’'Emula- tion du Jura : « Le dix neuf mars mil six cent nonante quatre, messire Jean Ignace Froissard de Broissia, abbé de Cherlieu, prieur de Laval, chanoine et grand chantre en l’église métropolitaine de Besançon, grand camérier du pape Innocent XI, mourut en sa maison canoniale, au cha- pitre de Besançon, aïant receu touts les sacrements. Son corps fut inhumé le lendemain, jour d’Ascension Nostre Seigneur, en la chapelle du fut sieur Capitain, en l’église métropolitaine Saint-Jean de Besançon, où messire Jean Froissard de Broissia, maistre des requestes, son frère unique, à luy survivant, conduisoit le deuil; et le cœur du défunt fut transporté à Dole et mis par dépost en la chapelle Saint-Bonaventure en l’église des R. P. Cordeliers. — J. FROISSARD DE BROISSIA ». (3) CR. P. N. Carolus a S. Brunone, aliàs Claudius-Ludovicus Boichard, ex Balma-Monialium., Diœcesis Bisuntinensis, natus anno 1622 ; professus Dolæ 10 novembris 1647 ; Romæ 8 maii 1683 fuit electus xxvi1 generalis ; et oblit Romæ in monasterio S. Pancratii 2 januarii (1697), æt. 75, prof. La protection de ces deux compatriotes fut naturellement acquise à l’auteur de Notre-Dame du Cordon-Bleu. Monnot n'avait pu manquer également d’être recom- mandé au directeur de l’Académie que la France entrete- nait à Rome. Ce directeur était © M. de la Tuillière, homme de lettres distingué par un grand mérite, et amateur de la peinture et de la sculpture (1) ». Monnot gagna de suite sa bienveillance, et reçut ainsi la commande immédiate, pour le compte du Gouvernement français, d’une copie en marbre de la statue de Jules César qui est au Musée du Ca- pitole. En même temps, Monnot sut faire tourner à son profit l’estime que l’on professait à Rome pour la manière des sculpteurs français : il amodia une maison, y ouvrit une école publique de sculpture et fut bientôt entouré d'élèves qui ne tardèrent pas à le seconder dans ses entreprises. Il est probable que son compatriote le P. Charles de Saint- Bruno ne fut pas étranger à la seconde commande qu’il obtint à Rome, car c'était un travail destiné à la décoration de l’église de Sainte-Marie de la Victoire, l’une de celles que possédait l’ordre des Carmes déchaussés @). Un riche mar- chand de Rome, Giuseppe Capocaccia, faisait ériger, dans le transept de cette église, une opulente chapelle en l’hon- 50 ». (Necrologium Carmelitarum provinciæ Parisiensis, Parisiis, 1718, in42, p. 210.) — Dans l'inscription peinte sous le portrait de ce religieux, au Musée de Besançon (n° 216), l'affection qu'avait pour lui le pape Inno- cent XI est rappelée en ces termes : « Innocentio XI nec non XII charis- simus ». (A. CASTAN, Catalogue des Musées de Besançon, Te édit., 1886, p. 73.) — L’éloge du P. Charles de Saint-Bruno se trouve dans l'ouvrage intitulé : Enchyridion chronologicum Carmelitarum discalceatorum congregationis Italiæ, digestum a P. EUSEBIO AB OMNIBUS-SANCTIS, Romæ, 1737, in-4; voir les pages 394-395. (1) GUILLET DE SAINT-GEORGES , Charles Errard : dans les Mémoires inédits sur la vie et Les ouvrages des membres de l’Académie de pein- ture et de sculpture, t. 1, p. 84. (2) G. Moront, Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, t. 1, pp. 91-53. 99 = neur de saint Joseph, son patron (). La statue du saint, endormi et accompagné de l’ange qui lui apparaît en songe, fut commandée à Domenico Guidi, artiste qui venait de tra- duire en sculpture, pour le Parc de Versailles, une compo- sition de Lebrun, représentant la Renommée occupée d'écrire l’histoire de Louis le Grand @). Pour accompagner l’image du patron de la chapelle, deux grands tableaux de marbre de- valent figurer en relief l’Adoration des bergers et la Fuite en Égypte. Ces deux reliefs furent demandés à Monnot, qui se mit à y travailler avec ardeur (3). Capocaccia venait chaque Jour constater les progrès du travail; et comme la franche gaieté de Monnot concordait avec celle dont 1l était pourvu lui-même, une confiante amitié s’établit entre eux : ils prirent même l’habitude de se divertir ensemble les jours de fête. Les reliefs de Monnot firent sensation dans le monde artis- tique de Rome, et ce fut justice, car une grande noblesse de sentiment s’y alliait à de charmantes délicatesses de ci- seau (à) : l'artiste reçut à cette occasion la visite des maitres (1) Fil. Titi, Descrizione delle pitture, sculture e architetture esposte al publico in Roma, Roma, 1763, in-8, p. 295. (2) PIGANIOL DE LA FORCE, Description de Versailles, t. Il, p. 38; J. GUIFFREY, Comptes des bätiments du Roi sous le règne de Louis XTV, t. Il, col. 894, 958, 1000, 1106, 1114. (3) « S. Maria della Vittoria. — Segue il magnifico altare della cro- ciata, su cui si Vede, in mezzo a quatro colonne di verde antico, la statua di S. Giuseppe in atto di dormire, coll’angelo che gli apparisce in sogno : opera di Domenico Guidi ; i due bassirelievi sono di Mr Monot ». (Itine- rario di Roma, dal NiBBy, ediz. dall'Agostino VALENTI, Roma, 1847, p. 266.) (4) M. Henry Joux, l’érudit et éloquent biographe d'Antoine Coysevox et de David d'Angers, a bien voulu extraire, à mon intention, du carnet de son voyage fait dans l'automne de 1882, les appréciations suivantes, écrites en présence des tableaux en relief de Monnot : « Celui de la Nati- vité. Il est fort beau. La composition est d’une grande simplicité, et le caractère des personnages fait honneur au ciseau du maitre. Le second.est une Halte au désert ou une Fuite en Egypte. Je ne sais rien de plus attendri que la scène racontée sur le marbre par l'artiste franc-comtois. La Vierge et l'Enfant sont assis sur l’âne ; les pieds de la Vierge posent S — 34 — les plus renommés, et ceux-ci ne tardèrent pas à lui dé- cerner un titre de naturalisation romaine. Monnot avait son atelier dans la rue de l’Arco della Ciumbella, c’est-à-dire dans le voisinage du Panthéon, devenu l’église de Sainte- Marie des Martyrs. Cette église était, depuis 154, le siège d’une conirérie qui, sous le titre de Congrégation artistique des Virtuoses au Panthéon, réunissait une élite de peintres, de sculpteurs et d'architectes, ayant pour dévotion particu- lière le culte de saint Joseph. Comme c'était en l'honneur de ce saint que Monnot avait produit les tableaux en relief qui s’harmonisent si bien avec la statue de Domenico Guidi, la confrérie témoigna sa gratitude aux deux artistes en leur ouvrant ses rangs (1). sur un fût de colonne renversé : l'âne cherche inutilement quelques herbes absentes sur le sol aride. Un ange, debout à gauche, soutient l'Enfant Jésus, afin d’alléger le poids que supportaient les genoux de la Vierge. Saint Joseph est debout à droite. Au fond (ce qui est un non-sens) se dressent un arbre et une hutte. Ce voisinage rend moins tragique le drame de l’exil, et l’œil a besoin de se détacher de ces accessoires inu- tiles, pour ressaisir dans son unité, dans sa douceur triste, dans sa poésie, la composition de Monnot. Telle qu'elle est, on peut sans crainte lui assi- gner un bon rang parmi les œuvres françaises dispersées en Italie ». (1) Cette corporation existe encore sous le vocable de Jnsigne Congre- gazione artistica dei Virtuosi al Pantheon a Roma ; elle a toujours son siège dans les locaux qui dépendent du Panthéon. Ses règlements, suivis d’un catalogue des artistes affiliés à l'institution, ont été imprimés sous ce titre : Statuti della insigne Congregazione de’ Virtuosi al Pantheon. Roma, M.DCCC.XXXIX, in-4, 53 pages. Les noms des confrères y sont groupés par siècle et se succèdent dans l'ordre des réceptions ; mais les dates précises de celles-ci ne sont pas indiquées. À la page 51, le nom de « MOoxoT, Pietro-Stefano », est suivi du nom de « Guipr1, Domenico, scul- tore », et neuf noms seulement viennent après pour terminer la série des confrères reçus avani l’année 1700. Je dois ces indications à M. le cheva- lier A. BERTOLOTTI, directeur des Archives de l'Etat à Mantoue, auteur de la savante publication intitulée : Aréisti francesi in Roma nei secoli X V. XVIe XVII, Mantova, 1886, in, répertoire d'indications précieuses qui mérite à son auteur la gratitude de tous les érudits français. — Depuis, j'ai reçu de M. le commandeur Augusto CASTELLANI, directeur du Museo Ca- pitolino, la communication d’une notice historique des plus complètes sur la corporation des Virtuoses. Ce travail a pour titre : Sulla istituzione nr Les deux tableaux en relief de Monnot ont chacun 2", 81 de haut, sur 1", 77 de large (1) : les figures y dépassent d’un quart la grandeur naturelle, et plusieurs d’entre elles ont des têtes en relief complet. Des circonstances se produi- sirent pour entraver l’achèvement ou retarder le placement de ces deux beaux ouvrages, car la signature de lartiste, sur l’un comme sur l’autre, se termine par le millésime 1699 (@) : il est pourtant certain que, dès 1692, Monnot était occupé par d’autres travaux. Dans les signatures des tableaux en relief de Sainte-Marie de la Victoire, Monnot a pris la qua- lité de Bisuntinus, c'est-à-dire de citoyen de la ville de della artistica Congregazione pontificia dei Virtuosi al Pantheon, dal cav. Carlo-Lodovico VISCONTI, Roma, 1869, in-8, 102 pages. On y apprend que la congrégation des Virtuoses doit son origine à Desiderio d’Adjutorio, chanoine de Santa Maria ad Martyres, au Panthéon, qui ayant rapporté de la Palestine des mottes de terre touchées par les pieds de la Sainte- Famille, avait créé, en 1542, une corporation d'artistes, surnommés par lui Virtuoses, pour vénérer ces mottes dans une chapelle placée sous le vocable de Saint-Joseph de la Terre-Sainte, contiguë à celle où se trouvait la sépulture de Raphaël. La congrégation des Virtuoses n’a cessé d’avoir pour armoiries les emblêmes des trois arts dont elle réunit les adeptes : un compas ouvert, dans les branches duquel se croisent en sautoir un paquet de pinceaux et un faisceau d’ébauchoirs, le tout entouré d’une branche de lis et d’une branche de roses, avec cette devise : FLORENT.IN. DOMO.DOMINI. Dans le Panthéon converti en église, la congrégation avait fait placer un assez grand nombre de bustes de ses membres ; mais ces images semblèrent déplacées en pareil lieu : on les transféra, en 1821, au Musée du Capitole, où elles devinrent le noyau d'une collection qui s’ap- pelle Z& Protomoteca Capitolina. Monnot, qui n'avait fait aucun legs aux Virtuoses, n'a pas son buste dans cette collection. — Enfin, M. le comman- deur Carlo-Lodovico VISCONTI, directeur général des Musées pontificaux de Rome, à bien voulu me donner en ces termes la date précise de la ré- cepton de Monnot dans la congrégation des Virtuoses : « Il Monot fu am- messo nella Congregazione artistica dei Virtuosi il giorno 12 giugno del 1695, et per parecchi anni, con molta diligenza, ne frequento le adunanze ». (1) Ces mesures m'ont été obligeamment indiquées par le R. P. RODRIGO DI SAN-FRANCESCO DI PAOLA, curé de Sainte-Marie de la Victoire. (2) M. DussIEUx avait déjà donné le texte exact de la signature gravée sur chacun de ces deux tableaux en relief (Artistes français, 3° édition, p. 486, note 2). La physionomie précise des deux signatures m'a été four- nie, avec le plus gracieux empressement, par M. Edmond LE BLANT, ne Besançon, qualité selon lui plus noble que celle de Bur- gundus, qui aurait signifié simplement Franc-Comtois. Monnot n'avait pas attendu l’achèvement de ces deux tableaux chrétiens pour renouer avec les souvenirs de l’'Olympe sculptural du Pare de Versailles : il projeta bientôt de créer une grande œuvre où les principales scènes des Métamorphoses d'Ovide seraient traduites en bas-relief, tan- dis que des statues isolées représenteraient des dieux, des déesses et des héros. Sans avoir ombre d’une perspective quant au placement de ce travail, Monnot en entreprit l’exé- cution avec une virile confiance. Deux des statues portent sur le marbre la date de 1692 (1) : l’une représente Bacchus qui agace un petit Faune en lui faisant désirer un raisin; l’autre est une Léda contre laquelle rampe le cygne, dont les désirs charnels sont favorisés par un petit Amour armé d’un flambeau. Ces deux morceaux, d’une grâce piquante, figurent aujourd’hui dans la décoration du Marmorbad de Cassel; car ce fut là que, trente ans et plus après son début, l’œuvre capitale de Monnot trouva une installation digne de sa valeur. L'année 1695 fournit à l’École française de sculpture une occasion de triompher dans la Rome catholique. Les Jésuites _avaient mis au concours la composition de deux groupes qui, dans la richissime chapelle érigée au Gesù en l’honneur de saint Ignace, devaient symboliser les actes de ce fondateur du plus puissant des ordres religieux. Les vainqueurs du membre de l’Institut, directeur de l'Ecole française d’érudition à Rome. Voici la double transcription faite par cet éminent épigraphiste : Sur le relief de la Nativité, PET . STEPH , MONNOT BISVNTINVS . FEC. 1699 Sur le fût de colonne du relief de la Fuite en Egypte. PET, STEPH ,MONNOT. BISVNTINVS ,FEC 1699 (1) P.S.MONNOT,FECIT ROM . 1692 concours furent deux Français, Jean-Baptiste Théodon et Pierre Legros, fils de celui que Monnot avait probablement eu pour maître durant son séjour à Paris (1). Ce succès déter- mina l’emploi dans le même ouvrage de plusieurs autres artistes de nationalité française (2). Monnot eut d’abord à sculpter les deux anges de marbre qui, dans le haut de la niche du saint, élèvent un écusson sur lequel brille, en cris- tal de roche, le monogramme du Christ. Ces anges plurent tellement au Frère Andrea Pozzo, architecte des Jésuites, qu’il chargea Monnot de l’un des bas-reliefs du soubasse- ment des colonnes de la chapelle. Ce bas-relief, qui repré- sente des prisonniers miraculeusement délivrés par l’inter- cession de saint Ignace, fut fondu en bronze, puis ciselé et doré, par l’orfèvre français Thomas Germain, élève de Pierre Legros (3). (1) « Quand les Jésuites de Rome firent élever, il y a quarante-cinq ans, l’autel de Saint-Ignace dans l’église du Jésus, ils mirent au concours deux groupes de cinq figures de marbre blanc, qui devoient être placez aux côtez de ce superbe monument. Les plus habiles sculpteurs qui fussent en Italie présentèrent chacun son modèle, et ces modèles ayant été exposez, il fut décidé, sur la voix publique, que celui de Théodon, alors sculpteur de la Fabrique de Saint-Pierre, et celui de Le Gros, tous deux François, étoient les meilleurs. Ils firent les deux groupes, qui sont citez aujourd’hui parmi les chefs-d’œuvre de la Rome moderne ». (L'abbé pu Bos, Réflexions cri- tiques sur la poésie et sur la peinture, 2 partie, section 13, fin de la première réflexion.) — Voyez en outre : Dussieux, Artistes français à l’étranger, 3 édit., pp. 479-481 ; LECOY DE LA MARCHE, L’Académie de France à Rome, dans la Gazette des Beaux-Arts, 2% période, t. [, 1869, p. 360. (2) À. BERTOLOTTI, Artisti francesi in Roma, p. 175. (3) « La cornice della nicchia è pur di metallo, ed ha sulla cima due angeli condotti dal Monot, i quali reggono una targa dorata con entrovi il nome ss. di Gesùü formato in cristallo di monte... Sei bassorilievi di me- tallo dorato ornano gli specchi di due delle quattro colonne, ed uno piu grande fa prospetto tra le medesime..….. : il settimo, coi prigionieri liberati ad intercessione del santo, fu modellato dal Monot e gettato da Tommaso Germani ». (Chiesa del Gest, descritta da G. Moront, nel Dizionario di erudizione, t. XXX, p. 175.) — Sur la vie et les ouvrages de Thomas GER- MAIN, il y a une notice très précise dans l'Architecture française de Jac- Ho Le Entre les grands seigneurs romains qui, à cette époque, encourageaient les artistes, le prince Livio Odescalchi tenait le premier rang : c'était le neveu du défunt pape Innocent XI, le vertueux pontife qui admettait dans sa familiarité deux Franc-Comtois dont Monnot avait dû éprouver la protection. D'ailleurs, la famille Odescalchi se flattant de descendre de l’un des preux venus de France en Italie à la suite de Char- lemagne, son chef ne pouvait manquer d'être propice aux artistes français. Introduit auprès du prince, Monnot saisit immédiatement les traits de sa figure et se hâta d'en faire un buste frappant de ressemblance : cet ouvrage était sculpté en marbre quand on pouvait le croire à peine commencé. Le prince layant trouvé sur sa table, en arrivant pour diner, ne sut qu'admirer le plus du talent de lartiste ou de sa prodi- gieuse facilité. [Il voulut que Monnot vint immédiatement s'asseoir à table en face de lui; et comme l'artiste menait une vie assez large pour n'être plus en appétit quand il avait déjà diné, le prince lui fit promettre de venir le lendemain partager son repas : non-seulement il fut traité de la manière la plus courtoise, mais il reçut la commande de plusieurs bas-reliefs destinés à l’ornementation de la galerie du palais Odescalchi. Ce fut là le prélude d’une entreprise qui devait assurer à Pierre-Étienne Monnot cette base de toute fortune d'artiste, la notoriété. Le pape Innocent XI passait pour avoir contribué par ses prières à la victoire remportée sur les Turcs, en 1683, de- vant les murs de Vienne. (était à cette considération que l’empereur Léopold avait concédé le titre d’Altesse à la famille du pieux pontife. Le chef de cette famille, Livio Odescalchi, ne pouvait donc moins faire que d’honorer, par ques-François BLONDEL (t. IT, p. 63). Les travaux de cet éminent ciseleur ont été depuis mis en lumière dans le beau volume intitulé : Etudes sur l’orfèvrerie française au xvie siècle ; les Germain, orfèvres-sculpteurs du Roy, par M. Germain BapsT, Paris, 1887, gr. in-8. rage un riche tombeau, la mémoire de son oncle et bienfaiteur. Un emplacement ayant été choisi à cet effet dans la basilique de Saint-Pierre de Rome, l'héritier d’Innocent XI demanda des projets à quelques artistes, particulièrement à Monnot, qui s’empressa de lui en fournir plusieurs. Il est admis géné- ralement que la composition préférée fut celle du célèbre peintre Carlo Maratti, et que Monnot n'avait fait que tra- duire en sculpture la pensée de ce maître (1); mais Pascoli affirme avoir entendu dire, nombre de fois, à notre artiste que c'était bien l’un de ses projets que le prince avait choisi et qu'il lui avait ordonné de mettre à exécution. D'ailleurs Monnot a gravé sans restriction sur cet ouvrage la signature par laquelle il affirmait habituellement sa qualité d’au- teur (2). Ce monument, inauguré en l’année 1700 (3), n’a cessé de faire honneur à l'École française de sculpture dans la basi- lique de Saint-Pierre de Rome. « Le tombeau d’Innocent XI », dit le voyageur Lalande (4, « est porté sur deux lions de bronze : la Religion et la Justice ÿ sont représentées en marbre elles sontibien pensées et ont de l'expression, ainsi que la figure du Pape; les draperies en sont bien faites ; le bas-relief qui est sur le piédestal exprime la levée du siège de Vienne par les Turcs, qu’on attribua en partie aux vœux (1) Au bas d’une très médiocre image gravée de ce tombeau, on lit un titre ainsi conçu : Deposito di Papa Innocenzo XT eretto nella Basilica Vaticana, invenzione del cavalier Carlo Maratti e scoltura di Stefano Monnot ; pl. 33 de l'ouvrage intitulé : Studio d’architettura civile sopra diversi sepolcri di Roma, da Domenico DE Rossr, 1711, in-fol. (2) Le tombeau d’Innocent XI est signé : P. S. MONNOT. BISONTINVS. (communication de M. Edmond LE BLANT). (3) L'inscription votive qui se lit sur le sarcophage est ainsi conçue: INNOCENTIO.XI. PONT.MAX, LIVIVS ODESCHALCVS,NEP, AN.IVB.M.DCC. (4) Voyage en Italie, t. IE, pp. 114-115. = Ji) et aux prièrés d’Innocent XI. Ce pape est en odeur de sain- teté, et le peuple a coutume de baiser son tombeau ». La colonie franc-comtoise de Rome ne put manquer d’être sensible au choix de l’un des siens pour une œuvre de cette importance : aussi lui parut-il convenable de décerner à Monnot un témoignage de son estime. Deux recteurs, élus annuellement, marchaient à la tête de la confrérie de Saint- Claude des Bourguignons de la Franche-Comté; le second recteur d’une année occupait de droit le premier rang pen- dant l’année suivante. Pierre-Étienne Monnot, élu second recteur pour l’année 1698, fut premier dignitaire de la con- frérie comtoise durant l’année 1699 (1. Avec la persévérante fermeté dont était doué Monnot, un ouvrage entrepris par lui pouvait être interrompu dans son exécution, mais était toujours poursuivi quand des travaux pressants cessaient d'imposer à l’artiste leurs exigences. Il en fut ainsi du grand ouvrage de sculpture mythologique dont Monnot avait signé les premières figures en 1692 ; deux groupes nouveaux de la même série sont datés de 1698 : l’un représente Mercure avec l'Amour, l’autre pos vainqueur de Marsyas (2). L’un des princes de l’Église créés par Innocent XI, le cardinal Savo Millini, avait voulu que son tombeau, qu'il prévarait lui-même dans la chapelle de sa famille, à Sainte- Marie du Peuple, fût en quelque sorte un corollaire de celui du saint Pontife dont il avait reçu la pourpre : il s’adressa conséquemment à Monnot pour être reproduit à mi-corps, en marbre blane, avec la barrette cardinalice dans la main droite et un livre à moitié ouvert dans la main gauche. Cette (1) A. CASTAN, Saint-Claude des Bourguignons, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, ann. 1880, p. 222. (2) Ils sont signés l’un et l’autre : P.S.MONNOT.FECIT ROM.1698 os figure fut placée dans une niche que surmontent les armoi- ries du prélat, et sous laquelle est une épitaphe qui se ter- mine par le millésime 1699 (1). Le caractère expressif de ce portrait séduisit un haut per- sonnage d'Angleterre, John Cecil, baron de Burghley et comte d’Exeter, arrière-petit-fils du grand trésorier de la reine Élisabeth. Ce personnage était à Rome, avec la Com- pagne inséparable de ses voyages et de ses études : il recueillait des œuvres d'art pour l’ornement de son splen- dide château de Burghlevy (2), en même temps qu'il songeait à faire ériger dans l’église de Saint-Martin de Stamford, voi- sine de ce manoir, un tombeau magnifique sur lequel il au- rait sa statue assise à côté de celle de sa femme, Anne de Cavendish. Monnot lui parut supérieurement apte à réaliser cette pensée, et il s’en entretint immédiatement avec lui. Quelques jours après, le noble comte venait à l’Arco della Ciambella, s'asseoir dans l’atelier de Monnot et convenir avec lui du prix de ce qu’il voulait lui commander : il s’agis- sait non-seulement du grand tombeau destiné à Saint-Martin de Stamford, mais encore des deux bustes du comte et de sa femme, ainsi que de trois groupes en marbre à placer dans le château de Burghley. L’arrangement fut bien vite conclu, et Monnot, tout en terminant un buste antérieurement com- mencé, soumit au comte d’Exeter plusieurs projets des mor- ceaux que ce personnage voulait obtenir. Les maquettes ayant été adoptées, Monnot se mit à l’œuvre avec une verve qui enchanta son nouveau Mécène. Le comte d’Exeter venait (1) Vincenzo FoRCELLA, Iscrizioni delle chiese e d’altri edificii di Roma, t. I, p. 374. (2) Deux vues extérieures de cette magnifique résidence se trouvent dans le recueil intitulé : The seats of the Nobily and Gentry in a col- lection of the most interesting and picturesque wiews, engraved by W. WarTTs; Chelsea, 1779, in-4 obl. L’explication concernant ces vues a pour titre spécial : Burghley House, in Northamptonshire, the seat of the right honourable the Earl of Exeter. no voir travailler l’artiste et le comblait des plus délicates gra- cieusetés : 1l trouvait tant de plaisir à cette fréquentation, qu'il aurait voulu ne pas quitter Rome avant l’achèvement de toutes les figures en voie d'exécution. Il se décida pour- tant à continuer sa route, laissant Monnot bien pourvu d’ar- gent et emportant les dessins de ce qu'il lui avait commandé. Durant son voyage et après son retour à Londres, 1l écrivit fréquemment à l'artiste, jusqu'au moment où une mort pré- maturée montra qu'il n'avait pas eu tort de songer à l’archi- tecture de son tombeau. John, cinquième comte d’Exeter, s'éteignit le 29 août 1700. Sa femme, qui lui survécut jus- qu'au 18 juin 1703, ne vit pas l’achèvement des sculptures destinées à leur monument funéraire. L'année suivante, tout le travail étant terminé, Monnot reçut des instructions pour faire mettre ses ouvrages dans des caisses et pour envoyer celles-ci au port de Ripa Grande, où elles furent chargées sur un navire. Leur arrivée en Angleterre s’effectua sans encombre, et la satisfaction de la famille d’Exeter fut égale à celle de lartiste qui éprouvait le double avantage d’avoir un placement honorable pour des ouvrages largement rému- nérés. Les sculptures commandées à Monnot par le comte d’'Exe- ter occupent encore les emplacements que ce généreux ami des arts leur avait destinés (1. Voici l'indication de celles (1) Mes indications concernant les travaux faits par Monnot pour la famille d'Exeter, entre les années 1699 et 1704, sont empruntées à l’ou- vrage intitulé : Guide to Burghley House, Stamford. the seat of the most honorable the Marquis of Exeter. Il existe deux éditions de cet ouvrage, l’une et l’autre publiées à Stamford, par la librairie John H. Howard. Dans la petite édition, du format in-19, il n’est question que des œuvres d'art que le public est admis à visiter au château de Burghley, l’une des résidences les plus pittoresques et les plus somptueuses de l’Angleterre. Dans la grande édition, du format in-8, la description des objets d'art de Burghley House est plus complète, et on a en outre d’intéressants détails sur les monuments funéraires de l’église de Saint-Martin à Stamford. C’est à sir Frédérick W. BurRTON, de la National Gallery de Londres, que j'ai dù de connaitre DAT = Jo qui comptent parmi les richesses artistiques réunies à Burghley-House : dans la salle d’Andromède (côté ouest), une statue en marbre blanc représentant Andromède en- chaînée au rocher, morceau payé à Monnot 500 livres an- glaises, ou 7,500 livres de France ; dans la cage de l’escalier peint, un groupe représentant la Sainte-Famille; dans la chambre dite de Georges IV, les bustes en marbre de John, cinquième comte d’'Exeter, et de la comtesse sa femme; dans la même pièce un groupe de deux enfants endormis. Burgh- ley House relève de la circonscription paroissiale de Stam- ford. Dans l’église de cette ville, qui est dédié à saint Martin, contre le mur septentrional du chœur, s'élève, jusqu’à une hauteur qui dépasse dix mètres, le magnifique tombeau de John, cinquième comte d'Exeter, et de Anne de Cavendish, sa femme, dont les figures en marbre blanc sont de Monnot. Sur le sarcophage, les images des deux époux, taillées dans un seul bloc, sont transversalement assises et vêtues à l’an- tique. Le comte est drapé dans un manteau qui laisse voir en partie les ornements d’une cuirasse romaine; il a le coude droit appuyé sur un coussin qui lui-même repose sur des livres : au second plan, sa femme, ayant une plume dans la main droite et soutenant avec la main gauche un livre ouvert, semble s’apprêter à écrire ce que son mari va dicter (). Ce cette source de renseignements. Par l'obligeante entremise de sir Wrm GREGORY, le très honorable Marquis D EXETER, propriétaire de Burghley House, m’a gracieusement transmis des extraits de la grande édition du Guide publié sous ses auspices. (4) L’épitaphe gravée sur le tombeau de John, cinquième comte d’Exeter, donne un résumé fidèle de la noble existence de cet ami des arts, dont Monnot avait éprouvé les bienfaits. À ce titre, elle m’a semblé devoir faire corps avec la biographie de l’auteur du tombeau. Je la reproduis en ces termes, d’après une vue photographique du monument : HSE; Jonannes Ceaic, Baro de Burghley, Exoniæ Comes, Magni Burleij Abnepos haudqua- quam degener. Esregiam enim indolem optimis Moribus optimis Artibus excoluit. Humanioribus literis bene instructus peregre plus vice Simplici profectus est, et ab excultis Europæ regionibus multam Antiquitatum Linguarum nec non el — A4 — groupe, très monumental, est une heureuse imitation des plus belles représentations funéraires de la période romaine. Deux statues symboliques sont debout, une de chaque côté du sarcophage. À la gauche du spectateur, c’est la Sagesse, avec le costume et les attributs de Minerve, ayant une lance dans la main droite qui repose sur l’égide, et portant sur la main gauche la statuette en bronze doré du Palladium. De l’autre côté, c’est la Science éplorée : elle a le front soutenu par son bras droit qui, lui-même, est accoudé sur un gros livre posé à l’un des angles du sarcophage ; sa main gauche pendante tient un marteau et des pinceaux ; à ses pieds on voit un compas et divers outils délaissés. Ces deux figures ont une élégance toute française : celle qui symbolise la Sclence fait songer à l’une des trois Grâces de Germain Pilon. En arrière des statues, sur un socle qui domine le sarcophage, s'élève, entre deux urnes d’où sortent des flammes en bronze doré, une haute pyramide en marbre gris qui porte un écu couronné d’or et renfermant les deux blasons accolés des familles Cecil et Cavendish. La pyra- mide est terminée par une statue d'enfant qui tient un serpent d’or formant l’anneau, symbole de l’Éternité. Sur le soubassement du groupe représentant les deux époux, l'artiste a gravé une signature ainsi COnNÇUE : PETRYS . STE- rerum CGivilium scientiam reportavil. Cum Nemo fortè melius vel Aulam ornare, vel curare Res Publicas posset, maluit tamen OÜtium et Secessum. Itaq. 1.uri suo vixit eleganter, sumpluosé, splendide, liberalibus Studijs oblectatus, Amicis comis et jucundus, Egenis largus, Legum et Ecclesiæ ANGLICANÆ forlis semper Propugnator, suarum Virtutum et Peregrina- tionum, imo ferè et scientiarum, sociam habuit uxorem ANNaM ex prænobili domo de Cavenoisn, Guziecmi Comitis Devoniæ Filiam, Corporis Form et Animi Ingenio et ormnibus quæ Fæminam decere possent Dotibus insignem. E qua quinquæ Liberos suscepit. Fœlix Conjuge, fœlix et Prole. Sed inter omnia vilam quæ faciunt beatiorem, Mortalitalis haud imme- mor, dum apud ltales præcipuæ Arlis opera curiosus lustrabat Hoce Monumentum illie ubi exquisitissime fieri poluit Sibi el Charissimæ Lecti sui et Iline- rum et Curarum omnium Consorti F.F Obiil Ille Obiit Kla Aug. 29 1700 Jun, 18 1703 ee PHANVS . MONNOT . BISVNTINVS . FECIT . ROMÆ . MDCCIV. En cette même année 1704, le trône pontifical était occupé par le pape Clément XI, ami dévoué de la France, qui eut à cœur de ne pas laisser vides les niches de la grande nef de Saint-Jean de Lateran, préparées pour recevoir les statues colossales des douze apôtres. À l'effet de donner un com- mencement à cette entreprise, le pape s’était adressé au sculpteur français Jean-Baptiste Théodon, celui qui avait travaillé jadis, avec Legros et Monnot, à la richissime cha- pelle de Saint-Ignace; et cet artiste avait pris l’engagement de produire, dans un délai de deux années, une statue de saint Pierre, en marbre blanc, haute de vingt-et-un palmes, c’est-à-dire de plus de quatre mètres et demi (l'. Mais Théo- don avait à peine commencé son modèle, qu’il était sollicité de revenir en France, pour collaborer à l’ornementation de la chapelle neuve du château de Versailles @). Il avait déjà touché un acompte sur le prix de sa figure, prix qui devait être définitivement réglé par des experts. Obligé de partir, il désira sans doute remettre à l’un des sculpteurs français en renom la commande dont il avait été favorisé ; l’auteur du tombeau d’Innocent XI offrait, au point de vue de cette subs- titution, toutes les garanties désirables : aussi Monnot fut-il agréé par le pape Clément XI. La statue de saint Pierre ayant été terminée et payée à l’auteur 5,000 écus romains, c’est-à-dire près de 18,000 livres G), le Souverain Pontife en fut tellement satisfait, qu’il ordonna immédiatement à Mon- not de créer un saint Paul, pour être mis en pendant (). Ces deux statues colossales occupent, dans la nef centrale de la mère des églises de Rome et du monde, les premières places (1) A. BERTOLOTTI, Artisti francesi in Roma, pp. 173-474. (2) Dussreux, Le Château de Versailles, t. Il, p. 12, note 1. (3) Lettre de POERSON, directeur de l’Académie de France à Rome, 29 juillet 1713, publié par M. Lecoy DE LA MARCHE, dans la Gazette des Beaux-Arts, 2% pér., t. IL, 1869, p. 74. (4) Ces deux statues sont signées sur l’un des flancs du socle de chacune UE de la double rangée des apôtres. Pierre Legros, («ce savant tailleur de marbre que la France ne connaît pas assez (1) », est l’auteur de deux des figures de cette série, ceiles de saint Thomas et de saint Barthélemy @); les huit autres sont signées des plus grands noms de la sculpture italienne d'alors : Cammillo Rusconi, Lorenzo Ottoni, Francesco Moratti, Giuseppe Mazzola, Angelo de’ Rossi G). La confrérie franc-comtoise de Rome sut faire écho à ce nouveau succès de l’un des siens : elle avait élu Monnot second recteur pour l’année 1704, et il était de droit premier recteur pour l’année 1705; ses compatriotes le maintimrent dans ce premier poste durant l’année 1706 (4). Une autre joie plus profonde et plus intime concorda pour notre artiste avec la production de ses statues de la grande nef de Lateran. Tandis qu'il en faisait les modèles, l’aimable sourire d’une jeune fille éveilla chez lui des sentiments qui se traduisirent par une déclaration sympathiquement accueillie. Celle qui devint ainsi sa compagne se nommait Anna-Maria Fittol : elle n'avait qu'une dot modeste; mais elle était la petite- nièce de ce Capocaccia dont il avait reçu jadis la commande de ses deux premiers ouvrages exécutés à Rome et signés d'elles. Voici le texte de ces signatures, obligeamment relevé pour moi par M. Edmond LE BLANT : Saint Pierre. — PTRYS.STEF.MONNOT BISONTINVS .FECIT Saint Paul. — PETS.STEF.MONNOT BISONTINVS .FECIT (1) Paul MaAnTz, Recherches sur l’orfèvrerie française, dans la Gazette des Beaux-Arts, t. XI, 1861, p. 117. — Sur le sculpteur Pierre LEGROS, on peut consulter la biographie de cet artiste, par Lione PascoLr, Vite. t. I, pp. 271-274, et les Recherches publiées par M. Eugène Munrz dans les Nouvelles archives de l’Art français, année 1876, pp. 354-358. (2) L'une aux frais du roi de Pologne, l’autre payée par le cardinal QD sini. (Lettre de POERSON, précitée.) (3) Fil. Tir, Descrizione delle pitture, sculture. esposte in Roma, 1763, in-8, p. Un. (4) A. demi. La confrérie de Saint-Claude, ouvrage cité, p' 299, y de son nom. Malgré la disporportion des âges, car Monnot avait quarante-sept ans, l’union fut des mieux assorties elle dura malheureusement trop peu. Le garçon qui en ré- sulta ne vécut que trois Jours, et la mère s’éteignit quelques mois après, laissant à son mari, comme gage de tendresse, la dot qu'elle lui avait apportée. La douleur qu’en ressentit Monnot fut l’origine d’une fièvre qui le conduisit aux portes du tombeau : sa robuste constitution le préserva de la mort, mais non des reliquats du mal, qui l’incommodèrent pendant un an. Il vécut ensuite un certain temps dans la tristesse du veuvage, bien que des partis avantageux lui fussent proposés pour-une seconde alliance. Finalement il demanda et obtint la main de Cecilia Alberetti, fille d’un avocat de Rome (1), qui lui apporta en dot 2,000 écus, c’est-à-dire l’équivalent de 7,100 livres de monnaie française. [l dépassait alors la cinquantaine; mais la bonne humeur dont il était doué le favorisait d’un regain de jeunesse. Il célébra ses secondes amours en exécutant, pour son Panthéon mythologique, un groupe de Vénus et de Cupidon, qui n’est pas le moins séduisant de ceux que l’on voit à Cassel; ce marbre est daté de 1708 (2). Peu de temps après, on inaugurait dans l’église dédiée à saint Ignace, qui est attenante au Collège Romain des Jésuites, (1) Dans l’église de Sainte-Marie du Suffrage, à Rome, la sépulture d’une famille Alberetti est indiquée par l’épitaphe suivante, où se trouve peut- être le nom du second beau-père de Monnot : DOM ANDREAS ALBERETTVS SIBI SVISQVE PARAVIT OCTOGENARIVS ET VLTRA ANNO M DCC XVII PLENAE CONGREGATIONIS CONCESSIONE (FORCELLA, Iscrizioni, t. VIII, p. 446.) (2) P.S,MONNOT.FECIT ROM.1708, SAR le magnifique tombeau du pape Grégoire XV et de son neveu le cardinal Lodovico Ludovisi. C’était en somme l’œuvre du sculpteur Pierre Legros; mais Monnot y avait collaboré en sculptant, au sommet du monument, les deux Renommées qui proclament les vertus des illustres défunts (1). La colonie franc-comtoise saisit encore cette occasion de rendre hom- mage à l'artiste qui lui faisait tant d'honneur : Monnot, élu second recteur de la confrérie de Saint-Claude pour 1740, fut à la tête de cette corporation pendant l’année 1711 @). A la même époque, il exécutait deux Chérubins en marbre pour le maître autel de l’église de Sainte-Marie sur Minerve @). La date de 1712 se lit sur deux des groupes de l’œuvre my- thologique de notre artiste : ce sont ceux qui représentent Latone, avec ses deux enfants @), et Narcisse, résistant à l'Amour pour demeurer plongé dans la contemplation de lui- même ®), deux morceaux d’une grâce exquise. Le nombre des figures mythologiques produites par Monnot s'élevait (1) « S. Ignazio. — Il grandioso deposito con la statua della S. M. di Gregorio XV, insigne benefattore di questa chiesa, e con urna encora se- polcrale del cardinale Lodovico Ludovisi, fa mostra della magnificenza delli PP. della Compagnia di Gesùü del Collegio Romano verso il loro bene- fattore. Hanno dato saggio della perizia de’ loro scalpelli in questo sepol- cro : il sig. Monor, che scolpi le due Fame, et il sig. Le Gros, che scolpi tutto il resto, e architetto questo deposito ». (Fil. Trrr, Descrizione, etc., p. 169.) (2) A. CASTAN, La confrérie de Saint-Claude, ouvrage cité, p. 223. (3) Ces anges adorateurs ont disparu. M. le commandeur Jean-Baptiste DE Rossi, le plus illustre interprète des antiquités chrétiennes de Rome, à bien voulu m'en informer en ces termes : « L’autel majeur de l’église de Sainte-Marie in Minerva a été entièrement reconstruit, il y a trente ans et plus. Dans cette occasion, les deux chérubins, un de chaque côté, ont disparu. J’ai fait bien des recherches auprès des PP. Dominicains pour savoir ce qu’ils sont devenus : il a été impossible d’en retrouver les traces. Les marbres enlevés ont été laissés à la disposition des marbriers qui ont fait les nouveaux travaux ». (Lettre du 12 mai 1887.) (4) P.S.MONNOT.FECIT ROM.1.7.1.2 (5) P.S.MONNOT.FECIT ROM.1712 — 49 — ainsi au chiffre de sept (D, sans que l'artiste sût encore quel chemin prendrait cet ensemble. Il jugea pourtant le moment venu de lui chercher une destination. Sa seconde femme lui avait déjà donné deux fils, et il pouvait encore lui venir d’autres enfants : la préoccupation du gain s’imposait donc à lui comme un devoir absolu. Quand il eut la certitude que ses figures ne trouveraient pas à Rome un placement avan- tageux, il s'enquit des dispositions que pourraient avoir à cet égard les divers princes qui étaient connus pour protéger les artistes. Quelques indications lui ayant fait concevoir la possibilité d’un arrangement avec le landgrave Charles de _ Hesse, Monnot n'hésita pas à se mettre en route pour Cassel. 1ÉU Parmi les princes allemands qui accuerllirent les Français exilés à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes, aucun n'avait été plus généreusement hospitalier que le landgrave Charles de Hesse-Cassel. (était sous ses auspices que Denis Papin avait accompli les expériences mémorables qui dé- montrèrent la possibilité pratique d'appliquer la foree motrice de la vapeur à la navigation fluviale et à la locomotion ter- restre (2). Il avait également appelé de Pétranger des archi- (4) PascoLr s’est trompé en disant que Monnot avait fait son dixième groupe mythologique avant de partir pour Cassel : les dates inscrites sur les figures isolées du Bain de marbre montrent que sept seulement d’entre elles étaient achevées en 1712. (2) À Cassel, contre la façade du Muséum d'histoire naturelle, une ins- cription en lettres d’or, sur marbre noir, rappelle en ces termes les pre- mières expériences faites par Papin sous les auspices du landgrave Charles : DENIS PAPIN DER ERFINDER DER DAMPFMASCHINE HAT AUF DIESEM PLATZE IN GEGENWART DES LANDGRAFEN KARL VON HESSEN iM JUNI 1706 DIE ERSTEN GROESSEREN VERSUCHE MIT ANWENDUNG DER DAMPFKRAFT ERFOLGREICH AUSGEFUEHRT. À ee ue tectes habiles et avait confié à l’un d’eux (1) le soin d’édifier à Cassel un palais, dont le jardin, dessiné par Le Nôtre, serait peuplé de sculptures analogues à celles du Parc de Versailles. Cet édifice, appelé le château de lOrangerie (Orangeriesch- loss), est situé au pied des collines qui supportent la ville de Cassel et procurent à ses habitants, depuis une voie publique à laquelle est resté le nom français de Bellevue, un coup d'œil magnifique sur l’une des contrées les plus fécondes et les plus gracieuses de l'Allemagne. Le jardin, qui se nomme Auegarten, est bordé, du côté opposé à Cassel, par le cours de la Fulda, l’un des affluents du Weser. La partie essentielle du château de l’Orangerie se compose de trois pavillons reliés par deux galeries. Deux pavillons accessoires, détachés du château lui-même, sont en retour d’équerre à ses extrémités et se font vis-à-vis. Le landgrave songeait à organiser un Bain de marbre dans l’un de ces pavillons accessoires, celui qui est le plus rapproché de Cassel (2), quand Monnot arriva dans cette ville, en 1712, et sollicita du prince une audience qui lui fut promptement accordée. (1) Suivant les uns, cet architecte aurait été le Français Paul du Ry (Dussieux, Artistes français, 3° édit., p. 176). Suivant une autre opinion, les plans de l'édifice proviendraient de larchitecte italien Guernieri (Horr- MEISTER, Gesammelte Nachrichten über Künstler und Kunsthandwer- ker in Hessen, 1885, pp. 37-38). (2) Tous les historiens de la Hesse ont célébré la splendeur du Bain de marbre (Marmorbad) de Cassel. Deux petits ouvrages ont été consacrés à le décrire. Le plus ancien est intitulé : Das Marmorbad bei Kassel, mit einem Stahlstich, Kassel, bei Wilhelm Appel, 1845, in-12. L'autre ouvrage est un livret explicatif à l'usage des visiteurs du Bain de marbre; il est intitulé : Das Marmorbad in der Carls-Aue bei Cassel, von A. Mar- CHAND, kœnigl. Kastellan des Orangerieschlosses und des Marmor- bades. Cassel, 1887, (neunte Auflage), in-12. L'auteur de cette excellente description, M. A. MARCHAND, qui appar- tient à une ancienne famille de réfugiés français, a bien voulu prendre un vif intérêt à mon travail et se multiplier pour me fournir tous les rensei- gnements qu'il était en son pouvoir de me procurer. Je le prie d’agréer l'expression de ma profonde gratitude, Ed Suivant une tradition accréditée à Cassel, le landgrave connaissait Monnot depuis un séjour qu'il avait fait à Rome en 1700 (1). L’avisé Franc-Comtois se garda bien de dire au prince qu'il avait à placer sept statues en marbre dont la valeur était immobilisée dans son atelier : il se contenta de réclamer l'honneur de faire le buste de Son Altesse. Cette permission ayant été octroyée, le prince entretint l'artiste de son idée de créer un Bain de marbre dans l’un des pa- villons accessoires du château qui venait d’être achevé. Monnot vit aussitôt dans ce projet un moyen de placer, de compléter et d’encadrer son œuvre mythologique : aussi porta-t-il aux nues l’idée que le landgrave lui communiquait. Dessiner un programme de cette création fut pour lui Paf- faire de quelques jours. Tandis que le landgrave examinait son dessin, l'artiste modelait avec une dextérité surprenante le buste de ce prince : il voyait ensuite son plan du Bain de marbre adopté, sans autre condition que celle de faire une œuvre grandiose, somptueuse et magnifique. Pour un artiste laborieux et enthousiaste, une com- mande ainsi faite était le Paradis terrestre en perspective. A l’âge de cinquante-cinq ans, Monnot trouvait enfin l’occa- sion, si longtemps rêvée par lui, de rivaliser avec les plus renommés d’entre les créateurs de Olympe sculptural de Versailles. Son biographe italien dit que les travaux du Bain de marbre le retinrent pendant seize années consé- cutives à Cassel, c'est-à-dire entre 1712 et 1728. Il est certain cependant que, durant cette période, il dut re- tourner plusieurs fois en Italie, soit pour chercher des INaNbres, Soit pour recruter, des ouvriers : en éflet, le Faune chasseur du Bain de marbre à été signé à Rome en 1716 @), et la statue du berger Pâris est indiquée de - (1) Das Marmorbad, 1845, SS. 11-12. Cr RTE P.S,MONNOT, FECIT ROM .1716 même comme faite à Rome en 1720 (1). Une seule des statues signées n'est pas datée de Rome : c’est la Bac- chante (2). Quant aux tableaux en relief qui ornent les parois de la salle, ils ont tous été faits à Cassel et portent uni- formément la date de 1720 G), époque de leur mise en place. Pascoli dit que Monnot eut, à Cassel, jusqu’à cinquante ouvriers travaillant sous ses ordres et d’après ses plans. La tradition du pays veut en outre que, pour les sculptures du Bain de marbre, il ait été secondé par deux de ses fils &@. Cette collaboration ne put se produire que très tardive- ment, car l’aîiné des fils de Monnot, né seulement en 1709, n’était âgé que de onze ans en 1720, quand son père signait les tableaux en relief du Bain de marbre. Ce fils aîné mourut subitement à Cassel, le 8 août 1727, à l’âge de dix-huit ans, une année avant la signature finale du grand ouvrage auquel l’avait associé son père. Cette perte dut être d'autant plus cruelle pour Monnot, que le jeune homme si prématurément éteint donnait les plus belles espérances : la congrégation des Virtuoses au Panthéon de Rome lui avait déjà fait une place dans ses rangs 6). On l’inhuma enterre catholique, sous les arceaux du cloître des Franciscains de Kritzlar, près de . Cassel (6), où son père l’a magistralement représenté de profil (1) P.S.MONNOT,.FECIT ROM.1720 (2) P.S.MONNOT.FECIT 1716 (3) P.S.MONNOT.FECIT 1720 (4) J. HOFFMEISTER, Gesammelte Nachrichien, 1885, p. 71. (5) Dans le catalogue des Virtuosi al Pantheon, joint à la publication des statuts de cette confrérie, « MonorT, Francesco » occupe le vingt-hui- tième rang parmi ceux reçus depuis l’année 1700. (Communication de M. A. BERTOLOTTI.) (6) L'acte d'inhumation du jeune artiste se trouve dans le Liber mor- tualis de Saint-Pierre de Fritzlar, t. 1, fol. 37; il est ainsi conçu : « Se- pultus est, 1727, August. 11, Franciscus Moxorri, Italus, hor. 9 ». (Extrait Es sur une plaque de marbre blanc (1). Une épitaphe latine, placée au-dessous de cet ouvrage, qualifie François-Alexandre Monnot de Romanus studiosus, comme étant né à Rome et travaillant sous les auspices de son père (2. Si ce chagrin fut profond pour Monnot, il n’en éprouva pas d’autre pendant son séjour à Cassel, car sa valeur d'artiste ne cessa d’y être hautement reconnue et récompensée par les plus délicates délivré par M. le doyen W. KREISLER, sur la demande de M. A. MARCHAND, conservateur du Marmorbad. (1) Ce petit monument, fixé à l'une des colonnes de la partie supérieure du cloitre de Fritzlar, a une hauteur totale de 1,53 et une largeur de 33 centimètres. Il se compose d'une table de marbre blanc, qui a pour sou- bassement une table de marbre noir. La table supérieure a pour couron- nement une sorte de fronton surinonté d'une croix; elle est encadrée d’une bordure de marbre jaune et présente en demi-relief le buste profilé d'un Jeune homme ayant le type romain. La table inférieure, en marbre noir avec encadrement de marbre blanc, renferme l’épitaphe du même jeune homme. Sur un culot qui termine le monument, on voit deux images emblématiques en relief : au dessus, un Phénix ; plus bas, deux flambeaux en sautoir. — Les éléments de cette description m'ont été fournis, avec la plus gracieuse obligeance, par M. W. KREISLER, doyen de Saint-Pierre de Fritzlar, | (2) Cette épitaphe est entachée d’une contradiction déjà relevée par M. HOFFMEISTER : le jeune Monnot, mort en 1727, à l’âge de dix-huit ans, est indiqué comme né en 1700. Evidemment il y avait 1709 sur la note re- mise au graveur de l’épitaphe, et celui-ci aura pris le 9 pour un 0. Les louanges décernées dans ce texte à Pierre-Etienne Monnot sont d’ailleurs la preuve que le père désolé fut étranger à la rédaction de l’épitaphe dont voici le texte, d'après FALKENHEINER (Geschichte hess. Stædte und Stif- ter, Bd. IL, S. 40) : SUN DD. Hic . TACET . FRANCISCUS . ALEXANDER . MONNOT . ROMANUS STUDIOSUS . D . PETRI . STEPHANI . FAMOSI . BALNEI CASSELLANI . SERENISSIMI . GC. L. H. SCULPTORIS . ÊT . ARCHI TECTI . Fizius . NATuS , ANNO . MDCC . Ildo . APRILIS QuI . PosrouaAM . IN . COLUMBINA . SIMPLICITATE INNOCENS . PER . ANNoOS . XVIII . VIXERAT . TANDEM IN . SERPENTINA . PRUDENTIA . PIE . Hit . VIVERE Destir .. MDCCXXVIL . VIII : AuUG ,. AETERNUM VICTURUS AIN Se CORLIS DU CAINVIATDOR: IPS, ET Tigr . PRECARE . Quie(te)M . AETERNAM . AMEN tn largésses. C'était à ce traitement généreux que faisait allu- sion le directeur de PAcadémie de France à Rome, écrivant le 23 juillet 1715 (D : « Un bon sculpteur est allé près du prince de Hesse-Cassel, où il à de grands emplois qui lui sont bien payés ». ous | Le Bain de marbre (Marmorbad) de Cassel, l’une des grandes curiosités artistiques de l'Allemagne (2), est un ou- vrage du style le plus absolument français. Dans le pavillon isolé qui le renferme, il forme un carré équilatéral dont les angles sont arrondis. Les deux côtés qui correspondent aux façades ont une porte entre deux fenêtres symétriques. Sur les deux autres côtés, la porte est masquée par une che- minée monumentale qui se trouve également entre deux fe- nêtres. Au milleu du local est un second carré, aux angles échancrés, qui supporte une coupole : c’est une sorte de lanterne posée sur la piscine, dans laquelle on descend par un escalier ; des bancs de marbre y suivent lalignement de la convexité des échancrures. Les quatre faces principales de cette lanterne sont percées d’arcatures, flanquées elles- mêmes de pilastres corinthiens. Les pilastres se répètent sur les pans échancrés, qui sont également évidés et barrés par une margelle ; sur chacune de ces margelles est une statue () qui tourne le dos à la piscine : ici c’est Apollon vainqueur de Marsyas, là c’est Minerve entre deux petits Génies ; aux deux autres échancrures, c’est Bacchus faisant désirer un raisin à un petit Faune, enfin une Bacchante en cadence. La coupole est à huit pans, quatre grands et quatre petits, qui correspondent à la formule de l’encadrement de (1) Lettre de POERSON, directeur de PAcadémie de France à Rome (23 juillet 1715), publiée par M. LEcoY DE LA MARCHE, dans la Gazette des Beaux-Arts, 2 pér., t. IT, 1869, p. 77. (2) Il est visible gratuitement les lundi, mereredi et samedi, de dix heures à midi; le dimanche, de onze heures et demie à une heure: (3) Les douze statues du Bain de marbre ont une hauteur moyenne de Am, 59, -20RTES P. P’. Cneminres : . Y. Médaillon dn landgrave Charles. X. Id. d Amélie de Courlia le GRANDS PAS-RELIEFS : a. Enlèvement d'Europe. b. Diane et la nymphe Calisto. c. Persée délivrant Androméde. d. Triomphe de Galathée. e. Daphné changée en laurier. f. Actéon métamorphosé en cerf, g. Alphée voyant partir Aréthuse. h. Mariage de Bacchus et d'Ariane. FIGURES ISOLEES : A. Faune chasseur, B. Mercure avec l'Amour. C. Flore et Zéphyr. D. Léda et le Cygne amoureux. E. Narcisse résistant à l'Amour. F. Vénus et Cupidon. G. Pàris adjugeant la pomme. H. Latone et ses deux enfants. J. Bacchus avec un petit Faune, K. Bacchante en cadence. L. Apollon écorchant Marsyas. M. Minerve avec deux Génies. N. Piscine. la piscine. Cette coupole a pour couronnement une ouver- ture octogonale à quadruple échancrure, qui est bordée d’une balustrade en bronze doré, dans les rinceaux de la- quelle se’ jouent huit petits Amours. Par cette trouée, on aperçoit une figure de Aurore, peinte sur le plafond d’un étage supérieur du bâtiment (1), étage invisible depuis le pour- tour de la piscine, car l’entablement de l’édicule central est relié par des voûtes en berceau aux murailles de clôture. La calotte de la coupole a ses huit compartiments en marbre Jaune encadrés par du marbre violet. Sur le marbre Jaune se détachent des représentations allégoriques en marbre blanc, d’un très-faible relief. Dans les grands compartiments, Mon- not à symbolisé les quatre Éléments, lEau, la Terre, l'Air et le Feu; dans les petits, il a figuré les quatre Saisons, le Prin- temps, l'Été, l'Automne et l’Hiver. Les cheminées, en marbre violet, servent de bases à deux grands médallons, soutenus par des figures allégoriques et couronnés par des Génies, le tout en haut relief de marbre blanc sur champ de marbre jaune. Le médaillon de la che- minée de droite renferme un portrait en profil du landgrave Charles de Hesse ; celui de la cheminée de gauche lui fait pendant avec un portrait de Marie-Amélie de Courlande, femmeïdu landgrave, morte depuis le 46 juin 1714. La Mi- nerve, en haut relief, assise sur la cheminée de droite, plus bas que le portrait du landgrave, a la main appuyée sur un globe céleste, tandis qu'un globe terrestre est entre les deux figures allégoriques dominées par le médaillon de la défunte princesse. Chacune des cheminées est accostée par deux statues : à droite, c'est Flore avec Zéphyr, puis Mercure avec l’Amour ; à gauche, c’est d’un côté Vénus et de Pautre Pâris. À chacun des coins du grand carré, une statue oc- cupe la niche angulaire : là se trouvent Léda, en pendant (1) Cette peinture est de Christophe HocnrELDb. (HOFFMEISTER, Gesam- melte Nachrichten, p. 48.) RER RTE : re avec Narcisse ; le Faune chasseur, en pendant avec Latone. Huit tableaux de marbre blanc, en relief, d'une hauteur de 22,96, sur une largeur de 1",52, s’encadrent, deux par deux, dans les quatre faces du logis : sur deux côtés ils gar- nissent les intervalles qui séparent la porte de chacune des deux fenêtres ; sur les deux autres côtés, ils occupent les surfaces ménagées entre les fenêtres et les petites niches où sont les statues qui accostent les cheminées. Ces tableaux forment une série absolument homogène : ils ont été conçus d'ensemble et exécutés en vue de la place qu'ils occupent dans un local dont ils sont la décoration essentielle. Le Museum Fridericianum de Cassel en possède les petits modèles faits en cire, hauts de 56 centimètres-sur 42. Les sujets de ces tableaux sont tirés des Métamorphoses d'Ovide ; mais l'artiste a choisi de préférence les scènes qui lui donnaient le prétexte d'introduire dans ses compositions quelques aspects de l’élément liquide. Nous caractériserons sommairement chacun de ces tableaux, en commençant par celui que l’on a sur sa droite lorsque l’on franchit la porte du Bain de marbre qui regarde la terrasse de lOrangerie, et en terminant par le morceau situé de l’autre côté de cette même porte. Europe assise sur Jupiter métamorphosé en taureau. — Au bord de la mer, Europe, assise sur le taureau amoureux, est enguirlandée, en même temps que sa monture, par des Nymphes associées à un jeune Amour. Diane et la nymphe Calisto. — Avant été séduite par Ju- piter, Galisto, entrainée au bain par ses compagnes, est accusée par elles devant Diane qui trône sur un rocher. Des trois Nymphes qui l’ont saisie, l’une s’agenouille pour mon- trer le ventre ballonné de la coupable ; celle qui est à droite semble formuler l’accusation en levant le doigt, tandis que celle de gauche rayonne de malice en pinçant le bouton de lun des seins de Calisto qui s’évanouit (D), (1) Une reproduction héliographique de ce relief est en regard du titre de la présente notice. Persée délivrant Andromède. — Après avoir tué un monstre marin dont la tête lui sert d’escabeau, Persée gravit le rocher sur lequel Andromède a été cruellement exposée : un Amour fait tomber les fers qui enchaïnaient cette prin- cesse. Dans le lointain, le roi d'Éthiopie accourt pour rece- voir sa fille. Triomphe de Galathée. — Debout, dans le creux d’une conque marine qui est munie latéralement de roues à pa- lettes et repose sur deux dauphins, Galathée fait flotter au- dessus de sa tête une écharpe en manière d’arc-en-ciel. Voguant ainsi sur les flots, elle a pour escorte, à sa droite, un Triton, à sa gauche, deux Sirènes. Celles-ci offrent à la triomphatrice des coraux et des perles, que reçoit une sui- vante assise à arrière de la conque. Daphné changée en laurier. — En présence du fleuve Pénée, Daphné, sa fille, au moment d’être atteinte par Apol- lon, voit son corps changé en tronc d'arbre et chacun de ses doigts devenir une branche de laurier. Au pied de la Nymphe qui se métamorphose, un petit Amour semble faire une morale au séducteur Apollon. Diane méiamorphose en cerf le trop curieux Actéon. — La Déesse vient de sortir du bain. Tandis que l’une de ses Nymphes lui chausse une sandale, elle lance un regard de courroux sur Actéon, assis de l’autre côté de l’eau : des cornes de cerf poussent sur la tête de ce chasseur mdiscret, et ses chiens le dévorent. Trois Nymphes sont encore dans le bain : l’une d'elles, assise sur une pierre, peigne sa che- velure; deux autres folâtrent, et l’une de celles-ci s'amuse à épouvanter sa compagne avec une écrevisse dont elle la menace. Alphée voyant partir Aréthuse. — Depuis le firmament, Diane tend la main à la nymphe Aréthuse, pour la soustraire aux désirs du vieux fleuve Alphée. Celui-ci, qui enfourche son urne, se désole de voir fuir l’objet de sa convoitise : un petit Amour lui caresse une joue et lui serre une main, en Er HO faisant à son adresse une moue de compassion narquoise. Mariage de Bacchus et d'Ariane. — Dans l’île de Naxos, sur le bord de la mer, Bacchus passe un anneau dans le doigt d'Ariane. Un vieux Faune, témoin de cette union, a sur ses épaules un enfant, couronné de pampre, qui est ravissant de curiosité malicieuse. Un autre petit Faune, qui _s’est glissé entre les deux conjoints, élève gracieusement ses bras pour saisir l’anneau nuptial. En dehors des surfaces occupées par les bas-reliefs qui viennent d’être décrits, les marbres les plus riches et les plus variés forment des panneaux et des encadrements sur les parois de ce splendide local. Les carrières les plus renom- mées de l'Italie et de l'Allemagne, particulièrement celles des pierres veinées d’or et d'argent des minières du Hanovre, avaient été mises à contribution par Monnot, qui se montra non moins expert dans l’art d'associer les couleurs des marbres que dans celui de produire des reliefs d’une expres- sive élégance. On ne saura jamais le chiffre de la dépense faite par le landgrave Charles pour la construction du châ- teau de l’Orangerie et de son annexe le Bain de marbre. Il est de tradition à Cassel que lorsque les comptes lui en furent remis, l’énormité des sommes payées lPeffraya telle- ment, qu'il jeta au feu toutes ces paperasses, afin de tirer, sur une dépense aussi colossale, le voile de Poubli (). Quand Monnot quitta Cassel pour retourner à Rome, en 1728, il ne manquait plus à la décoration du Bain de marbre que deux statues. L'artiste promit de ne pas trop les faire _ attendre, et le landgrave eut toute raison de croire que cet engagement serait tenu : aussi permit-il à Monnot de graver, avant son départ, une signature finale sur le Bain de marbre. Cette signature se lit sur la tranche l’un des montants de la (1) Piperir, Geschichte der Haupt-und Residenzstadt Cassel, herausg. von J. HOFFMEISTER, Cassel, 1882, S. 937. — Citation empruntée au Das Marmorbad de M. A. MARCHAND. eo principale porte, à la hauteur du coude gauche de celui qui entre dans le local. Voici les termes choisis par Monnot pour se déclarer l’unique auteur de ce grand ouvrage : P.TRVS.STEF.MONNOT.FECIT.OMNIA.OPERA. MARMORIS.ANNO.D.MDCCXX VIII. Monument unique en son genre, le Bain de marbre devint bientôt célèbre, et le landgrave Charles put se flatter d’avoir laissé de son goût pour les arts un témoignage aussi brillant que durable. En effet, le Bain de marbre, qui s’est conservé intact (D), ne cesse de faire l'admiration des nombreux visi- teurs de l’une des villes les plus aimables de l'Allemagne. Sur la rémunération de Monnot, tant pour l’architecture du Bain de marbre que pour les sculptures qui le décorent, on n’a que les indications partielles. Une seule est vraisem- blable : c’est le prix de 14,000 thalers, ou 24,000 livres, payé pour les dix statues qui étaient en place lorsque Mon- not fit ses adieux à la cour de Cassel (2). «IL serait impos- sible », a dit Pascoli, « de donner une idée des procédés courtois et gracieux que prodigua Son Altesse à Pierre Monnot, tout en rémunérant généreusement ses ouvrages ». Comme réplique à ces courtoisies, Monnot voulut, avant de parür, sculpter le buste du prince Guillaume, second fils du landgrave Charles et son successeur présomptif dans le gouvernement de la Basse-Hesse. Ce dernier des ouvrages faits à Cassel par Monnot se trouve au Museum Fridericianum, avec les bustes du land- grave Charles et de sa défunte épouse, bustes dont l’exécu- tion remontait à l'année 1714 (3). Deux groupes en marbre du (1) À. MARCHAND, Das Marmorbad, neunte Aufl., SS. 16-17. (@). Das Marmorbad bei Kassel, 1845, S. 13. (3) Le landgrave Charles est en cuirasse, sa femme Amélie est parée d'hermine et de dentelles ; les deux bustes, en marbre blanc, hauts de 88 centimètres, sont signées P.S.MONNOT,FECIT. 1714. Le buste de Guul- — 61 — même établissement sont également attribués à Monnot, bien qu'ils ne portent aucune signature (1): c’est, d’une part, la Vérité démasquant la Fausseté ; d'autre part, c'est Apol- lon vainqueur de Marsyus, morceau traité dans une manière réaliste, contrastant par conséquent avec celle du groupe analogue, daté de 1698, qui n’est pas la moins idéalisée des statues comprises dans la décoration du Bain de marbre. EVE En se réinstallant à Rome, Monnot eut comme premier souci d'entreprendre l'exécution des deux statues de marbre qui manquaient encore à son principal ouvrage. Les soixante- onze ans qui pesaient sur sa tête n'avaient pas amoimdri l'énergie de sa volonté, ni modifié ses habitudes laborieuses. Il se refit donc un atelier dans la Via delle Carrozze et Y pro- duisit les deux statues complémentaires promises au land- grave Charles. Ce prince ne vécut pas assez pour avoir la joie de recevoir Ces figures : il mourut le 23 mars 1730, laissant pour héritier son fils aîné Frédéric, qui occupait le trône de Suède et dut en conséquence déléguer. l’exercice du landgraviat de Hesse au prince Guillaume, celui dont le buste avait occupé les derniers instants du séjour de Mon- not à Cassel. Par une lettre adressée depuis de Rome à ce deuxième fils de son regretté Mécène, Monnot annonçait, en 1781, le prochain envoi à Cassel des statues de Minerve et de Flore, exécutées pour le Bain de marbre, monument dont il prédisait le renom, tout en rapportant le mérite de l’œuvre laume VIIL représenté avec une cuirasse, a 83 centimètres de hauteur et n'est pas signé. (Communication de M. À. MARCHAND.) (1) Groupe en marbre blanc, de 1,95 de haut. La Vérité a une couronne de laurier su: la tête : d’une main, elle arrache un masque du visage de sa rivale, sur le dos de laquelle elle vient de briser un fouet ; des serpents servent de chevelure à la Fausseté, qui essaie en vain d'enlever à la Vérité sa couronne. — Le groupe d’Apollon et Marsyas a les mêmes dimensions. Mat) au prince qui l'avait conçue et dirigée (1). Les deux figures ainsi annoncées ont pris place dans la décoration du Bain de marbre. Celle qui représente Flore est d’une gracieuse élé- gance : la Minerve, au contraire, a la pose théâtrale des pro- ductions italiennes de l’époque; elle est toutefois accostée de deux petits Génies dont les allures sont excellemment fran- caises. Ces deux statues sont les seules dans le Bain de marbre qui ne portent pas la signature de leur auteur. Vo- lontiers nous attribuerions cette insouciance finale aux tris- tesses qui assombrirent les dernières années de l'existence de Pierre-Étienne Monnot. Sur les quatre fils qui étaient issus de son second mariage, l’'ainé, François-Alexandre, dans lequel il avait pu entrevoir le continuateur de ses talents d'artiste, s’était éteint à la fleur de l’âge et dormait en paix sous les dalles du cloître de Fritzlar. Le second, Nicolas, qui avait également mamié le ciseau, trompa d’une autre façon les espérances de son père : il entra au noviciat des Jésuites, deux ans après le retour à Rome de sa famille. Les deux plus jeunes, Camille et Paul, faisaient leurs classes de grammaire à l’époque de ce même retour, et il était difficile que leur père, en raison de son. grand âge, se flattât de pouvoir les diriger dans le choix d’une carrière. En même temps que ces déceptions lui ren- daient l’existence amère, il eut à soutenir un procès pour la revendication d’une somme de 6,000 écus qu’il avait en- voyée de Cassel à Rome et se trouvait compromise par un mauvais placement. Ceux qui ont dû compter de bonne heure avec les nécessités de l’existence sont, à l’époque de la vieillesse, généralement enclins à pousser jusqu'à l’exa- gération le souci des intérêts matériels. Obsédé par deux ordres d’ennuis, Monnot en vint à perdre le goût du travail, et sa santé ne tarda pas à subir les consé- (4) Christoph Von RoMMEL, Geschichte von Hessen, Cassel, 1858, Bd. X, S. 155. (Indication de M. A. MARCHAND.) LA GS quences d’une prostration morale compliquée de l'immobilité matérielle. Une rétention d'urine, dont il fut saisi vers le mi- lieu du mois d'août 1733, lui fit endurer pendant huit jours de cruelles souffrances. Il mourut le 24 de ce même mois (D, âgé de soixante-seize ans et quinze Jours, consolé par le re- ligieux espoir de participer aux récompenses célestes. La colonie franc-comtoise de Rome ressentit vivement cette perte. Elle achevait de reconstruire son église dédiée à Saint-Claude, et des cryptes avaient été ménagées sous cet élégant édifice pour la dernière demeure des Comtois établis à Rome qui mériteraient bien du groupe national de leur pays d’origine (2. Sur la demande de Monnot vivant, la confrérie de Saint-Claude lavait autorisé gratuitement à élire sa sépulture dans le nouveau sanctuaire. Aïnsi avait-il fait par son testament dicté et signé le 5 mars 1733 (3). En conséquence, sa dépouille mortelle fut portée (41) La date du 24 août 1733 est donnée par PascoLt; elle est confirmée par l’acte de décès, dressé le surlendemain 26, en l’église paroissiale de San-Lorenzo in Lucina, dont relevait le domicile mortuaire de notre artiste. M. Luigi CANTARELLI à bien voulu faire transcrire pour moi et m'envoyer le texte de cet acte, qui est ainsi conçu : «À di 26 agosto 1733. — Signor Pietro-Stefano MonorT, da Borgogna, di anni 78, figlio del quondam..….., e marito della signora Cecilia-Francesca ALBERETTI, dimorante a strada delle Carrozze, mori nella communione della S. M. C., munito di tutti li SSmi Sagramenti, e fu sepolto nella Ven. Chiesa di S. Claudio di Borgogna ». (Liber Mortuorum S. Laurentii in Lucina, fol. 163.) Dans cet acte, Monnot a été vieilli de près de deux ans : né le 9 août 1657, il était âgé, le 24 août 1733, de soixante-seize ans et quinze jours. L’épitaphe du même artiste, que nous publions plus loin, est erronée en sens inverse : on n'y donne au défunt que soixante-quinze ans. La date même de son décès v est inexactement indiquée; pridie nonas sextilis signifie le 4 août, tandis qu'il aurait fallu écrire : nono kalendas septem- bris, ce qui eût désigné le 24 août. Le traducteur latin de l’épitaphe aura entendu # au lieu de 24 : de là son erreur. (2) A. CaASTAN, La confrérie. l’église et l'hôpital de Saint-Claude des Bourguignons, ouvrage cité, p. 201. (3) À la suite du présent travail, on trouvera le texte du testament de Monnot, d'après l'original conservé à Rome, aux Archives de l’État. do dans l’église de Saint-Claude, de nuit et à la lueur des torches, suivant le rite usité pour les nobles. Le lendemain matin, des obsèques solennelles lui furent faites dans ce inême sanctuaire. À cette époque, une grande situation d'artiste était géné- ralement consacrée par des patentes de noblesse. Monnot fut donc anobli, et vraisemblablement par le pape Inno- cent XIII (). Son biographe italien ne mentionne pas cette circonstance ; mais la preuve en est faite par huit empreintes armoriées qui se voient sur l’enveloppe avant renfermé son testament (2. Le blason de ce cachet appar- tient, suivant l’usage du temps, à la catégorie des armoiries .parlantes : on y voit une fasce entre deux étoiles et un pelit moineau, sym- bole phonétique du nom de Monnot. En dehors de la créance de 6000 écus dont il n'avait retiré que quelques gages résultant d’une saisie, Monnot laissait une petite fortune s’élevant à 30,000 écus. Par son testament, 1l avait institué sa femme usufruitière de son héritage et curatrice des biens de leurs deux derniers fils, jusqu'au moment où Paul, le plus jeune, aurait accom- pli sa trentième année. L’avant-dernier fils se hâta de recher- cher la perspective d’un tout autre héritage : peu de temps après la mort de son père, il prit l’habit bénédictin des moines de Saint-Silvestre et changea son prénom de Camille en celui de Joseph. Monnot avait gardé pieusement le souvenir de son pays natal et de deux de ses frères qui allaient lui survivre. L’un de ceux-ci, Pierre-Joseph, avait été peut-être l’auxiliaire de ses travaux, car son testament prescrit que si ce frère (1) L. SucHaux, Galerie héraldo-nobiliaire de la Franche-Comté. 1878 tp 54 (2) Des surmoulages de ces empreintes m'ayant été gracieusement en- voyés par M. Augusto CASTELLANI, j'ai pu donner approximativement ci- dessus la physionomie du cachet armorié de notre artiste. 6h = revenait habiter Rome, une pension d’un écu par mois lui serait servie pendant le temps de ce séjour. A l’autre frère, Jean-Claude, âgé de soixante-dix-huit ans, son testament léguait, comme souvenir, une somme de dix écus. Par l’une des clauses de ce testament, Monnot ordonnait la vente, au profit de son héritage, des statues et bas-reliefs, d’une valeur considérable, qui se trouvaient dans son atelier. L'une de ces œuvres d'art est entrée au Musée Capitolin de Rome : c’est la figure d’un Gladiateur qui succombe et se retourne une dernière fois contre son agresseur. Le torse, qui est fort beau, procède seul de l’antiquité : Monnot l'avait acquis et s'était ingénié à reconstituer ce qui manquait à cette figure ; mais il n'avait pu deviner qu'il avait affaire à un fragment de l’une des copies antiques du Discobole de Myron, l'attitude de ce chef-d'œuvre n'ayant pas encore été révélée (1). Toutefois, si notre artiste, en reconstituant un Gladiateur, a involontairement trahi le sens du débris antique tombé entre ses mains, la restauration qu’il en a faite est tenue pour habile, car le plus ancien écrivain qui la signale qualifie Monnot de « célèbre sculpteur @) ». Dans l’église franc-comtoise de Saint-Claude des Bourgui- (1) La figure restaurée par Monnot est ainsi caractérisée dans la Nuova descrizione del Museo Gapitolino (Roma, 1882, pp. 105-106), ouvrage dont je dois un exemplaire à la généreuse obligeance de M. le commandeur Augusto CASTELLANI : (50. STATUA grande al vero di un Gladiatore caduto, secondo la trasformazione eseguita dal Monot di un torso del Discobulo di Mirone, che in quel tempo non era ancor conosciuto. — La testa, le braccia e le gambe sono di restauro : marmo lunese : alto m. 0,90 ». (2) « Nel mezzo della gran sala son cinque singolarissime statue. La piu prossima all ingresso della stanza dell Ercole rappresenta un Gladiatore con lo scudo imbracciato, e stando con un ginocchio in terra, e con la faccia e braccio destro in alto rivotti, sembra che guardi il suo nemico e si difenda. Credono alcuni che questa rappresentasse uno de figliuoli di Niobe, de’ quali ve ne sono diverse statue in alcune case di Roma. L’atti- tudine e la scultura sono stimabili, e fu in gran parte restaurata da monsù Monot, celebre scultore del nostro secolo, che la possedeva ». (Indice Ga- pitolino, p. 25 : appendice alla Descrizione dall abate Filippo Trri, Roma, 5) 00 gnons, où il avait élu sa sépulture, Monnot fondait, pour lui, sa femme et leur descendance, deux messes basses par mois et une messe annuellement chantée durant l’octave de la Fête des Morts. À cet effet, 1l léguait à la confrérie comtoise deux lieux de mont, ou titres de rente, mais en donnant la jouis- sance viagère de ces valeurs à trois religieuses Ursulines, dont deux étaient ses belles-sæurs. Les offices ainsi fondés finirent par avoir leur exécution régulière, et ils figurent encore actuellement sur le Calalogue des messes fondées en l'église comtoise de Rome (1). Comme encadrement pour son tombeau, Monnot avait choisi une fausse porte ménagée dans l'architecture de cette église, et 1l espérait que son épitaphe y serait surmontée d’un buste reproduisant ses traits. Les nombreuses clauses restrictives qu'il avait introduites dans son testament, au point de vue de la conservation de son héritage, firent peut- être obstacle à l’accomplissement de ce vœu. Toutefois ses deux fils entrés en religion, le Jésuite et le Bénédictin, obtinrent de la confrérie franc-comtoise que, dans le dallage de l’église où reposait leur père, la place d'honneur serait occupée par une plaque de marbre, sur laquelle ils firent graver une épitaphe latine dont voici la traduction : «A la mémoire de Pierre-Étienne MonNor, d’Orchamps- 4763, in-8). — Cf. BorrTari, Museo Capitolino, t. TI, in-fol., p. 137, tav. LXIX ; GUATTANI, Monumenti antichi, ann. 1784, p. 1x ; DE CLARAC, Musée de sculpture, t. V, p. 135, et atlas, pl. 858 a. (1) J’ai publié ce Catalogue, à la suite de mon étude sur Saint-Claude des Bourguignons, dans les Mémoires de la Société d’'Emulation du Doubs, 5° série, t. V, 1880, pp. 252-956. — Je ne sais si des réserves sont intervenues, quant à la célébration des messes fondées, lors de l’aliénation récente, par le gouvernement de la République française, de l’église et de l’ancien hospice de Saint-Claude. Cette aliénation, consommée le 21 juin 1886, a fait passer l’ancienne église nationale des Comtois entre les mains de la Congrégation des prêtres du Très-Saint-Sacrement. Le décret rendu en conséquence par le Cardinal-Vicaire, à la date du 4er août 1886, se trouve dans la brochure intitulée : Un nouveau trône eucharistique à Rome (par le R. P. TESNIÈRE), Bruxelles (1886), in-8. | GT es Vennes au Comté de Bourgogne, citoyen de Besançon, archi- tecte éminent de son temps, sculpteur fameux par des ou- vrages exécutés avec une rare perfection, également chéri de sa famille et de ses concitoyens, qui vécut soixante-quinze ans : tempérant, doux, irréprochable dans ses mœurs, il mourut la veille des nones du mois d'août de l’an 1733 ; ses fils Nicolas et Joseph, les plus affligés de la douleur com- mune, ont élevé à leur père bien-aimé ce monument dans une place généreusement accordée par la Nation Com- toise (1) ». En terminant la biographie de Monnot, Lione Pascoli, qui l’avait intimement connu, a fait de lui le portrait sui- vant : ([l était court de taille et large de carrure, avait une belle et noble physionomie qui s’associait à de non moins belles et nobles manières. Il portait des vêtements d’une di- gnité et d’une propreté irréprochables, était toujours coiffé d’une perruque, ne se montrait Jamais sans une épée au côté et sans une canne à la main. Il ne sut pas reculer devant la fatigue, fut ardent et courageux dans la poursuite (4) MEMORIÆ PETRI.STEPHANI.MONNOT ORCAMPTENVENNIS EX.BURGUNDIÆ.COMITATU ,DOMO. BISANTIO ARCHITECTI , SUI, ÆVI.INSIGNIS SCULPTORIS. CÆLATIS,AFFABRE , OPERIBUS MEMORABILIS VIRI. DE, SUIS,.ET. CIVIBUS, BENE. MERENTIS QUI . VIXIT.ANNIS ,.LXXV FRUGI.COMIS , MORUM, INTEGER DECESSIT ,PRID.NON.SEXT.A,MDCCXXXIII COMMUNI.MOERORE à NICOLAUS,ET,I10SEPH , MOETISSIMI LOCO.LIBENTER , A ,NATIONE.DATO POSUERUNT PATRI, PIENTISSIMO Nel pav. di mezzo. {Vinc. FORCELLA, Iscrizioni delle chiese di Roma, t, III, p. 187.) — 68 — des entreprises qu'il avait en tête, travailla comme dix à leur réalisation. À cet égard, il suflira de rappeler ses travaux accomplis à Cassel et de signaler vingt bas-reliefs, représen- tant les diverses Vertus, qui sont à vendre dans sa maison et font partie de son héritage ». Au point de vue de sa valeur d'artiste, Monnot mérite un rang distingué parmi les maîtres de l’École française de sculpture. Toujours ingénieux et souvent élevé dans ses conceptions, il eut pour les réaliser un ciseau remarquable- ment doué de savoir et d'adresse. S’inspirant dans une mesure égale des chefs-d’œuvre de l’art et des réalités de la nature, il parvint à se créer un style dont l'élégance généralement pondérée contraste, à son honneur, avec le faux goût auquel sacrifiaient la plupart de ses confrères de l'Italie. Si, par aventure, la contagion lui a fait commettre quelques fautes d’incorrecte élégance, il les a toujours com- pensées dans le même ouvrage par des fragments traités avec une science de bon aloi. Pour être fières ou gra- cieuses, ses statues ne cessent jamais d’être vivantes quelques-unes semblent même reproduire fidèlement le visage du modèle qui avait posé devant l'artiste. Toutefois, ces visages, aux traits réels, sont délicatement modifiés par une note d'expression qui S’harmonise bien avec le ca- ractère général de chaque statue. Cet équilibre est re- marquablement atteint dans deux des figures de la décora- tion du Bain de marbre, Le Faune chasseur et la Bacchante, figures palpitantes de vie et charmantes d’entrain. Mais c’est principalement dans Îles tableaux en relief que le talent de Monnot se révèle avec toute la richesse de ses moyens. Les huit grands bas-reliefs du Bain de marbre sont composés avec une entente très-habile de ce genre, où, suivant l’ex- pression d’un ancien maître (1), «se marie le dessin géomé- tral du sculpteur, dans les figures posées sur le devant, avec (1) Thomas REGNAUDIN, L’art de traiter les bas-reliefs : dans les Con- Éd ds Le do à à le dessin perspectif du peintre dans les figures posées sur le fond ». Celui de ces tableaux de marbre qui arrête le plus habituellement les visiteurs, Diane et la nymphe Calisto, est étincelant d’esprit gaulois, à la façon des meilleurs contes du bon La Fontaine. Dans les tableaux en reliefs aussi bien que dans les statues isolées, Monnot excelle à représenter les figures enfantines : Anges, Génies ou Amours, ses bam- bins sont ravissants de naïveté, d'intelligence ou de malice, et leurs petits corps potelés captivent la tendresse du spectateur. Rien n’est plus amusant que leffroi du petit Apollon et de la petite Diane, à la vue des grenouilles qui dansent autour de Latone offensée. En dehors des qualités de premier ordre qui recommandent ses nombreux ou- vrages, Monnot peut-être envisagé comme l’un de ceux qui ont le plus efficacement servi à faire apprécier par l'étranger le génie artistique de la France. À ce titre, ses compatriotes lui devaient un souvenir de gratitude : jai cru ne pouvoir mieux payer cette dette qu’en mettant dans le plus grand jour possible son existence, car ce fut celle d’un artiste convaincu, d’un travailleur passionné, d’un homme aimable et intègre. LISTE CHRONOLOGIQUE DES OUVRAGES CONNUS DE PIERRE-ÉTIENNE MONNOT. 1682. — Dessin d’une boiserie pour la chapelle de l'Hôtel de ville de Besançon (détruite). 1687. — Statue de la Vierge portant l’enfant Jésus, dite Notre- Dame du Cordon bleu, pour l’église de Saint-Vincent de Be- sançon (détruite). 1688. — Copie en marbre de la statue antique de Jules César, férences de l’Académie royale de peinture et de sculpture. recueillies et annotées par Henry JouIn, p. 115. ae du Musée du Capitole, pour le compte du gouvernement de Louis XIV. 1690-1699. — La Nativité du Christ et la Fuite en Egypte : deux bas-reliefs en marbre, dans la chapelle de Saint-Joseph en l’église de Sainte-Marie de la Victoire à Rome : ouvrages com- mencés en 1690 et signés seulement en 1699. 1692. — Bacchus faisant désirer un raisin à un petit Faune, groupe en marbre, au Marmorbad de Cassel. 1692. — Lédaet le Cygne amoureux, groupe en marbre, au Mar- morbad de Cassel. 1695. — Anges en marbre élevant le monogramme du Christ, dans le couronnement de la chapelle de Saint-[gnace, au Gesü de Rome. 4696. — Délivrance miraculeuse de prisonniers chrétiens : bas- relief en bronze doré, dans la même chapelle. 1696. — Buste en marbre du prince Livio Odescalchi. 1696. — Bas-reliefs pour la décoration du Palais Odescalchi, à Rome. 1697-1700. — Tombeau en marbre du pape Innocent XI, à Saint- Pierre de Rome. 1698. — Mercure avec l'Amour, groupe en marbre, au Marmor- bad de Cassel. 1698. — Apollon vainqueur de Marsyas, groupe en marbre, au Marmorbad de Cassel. 1699. — Sfatue en marbre, à mi-corps, du cardinal Savo Millini, dans la chapelle de Saint-Nicolas, en l’église de Sainte-Marie du Peuple à Rome. 1700. — Bustes en marbre de John, cinquième comte d'Exeter et de Anne de Gavendish, sa femme, à Burghley House (Grande-Bretagne). 1700-1704. — Deux enfants endormis : vraisemblablement deux des enfants du comte d’Exeter; groupe en marbre, à Burghley House. 1700-1704. -— Sainte - Famille, groupe en marbre, à Burghley House. 1700-1704. — Andromède enchaînée au rocher, statue en marbre, à Burghley House. 1700-1704. — Tombeau en marbre de John, cinquième comte md d’Exeter, et de Anne de Cavendish, sa femme, dans l’église de Saint-Martin à Stamford (Grande-Bretagne). 1704. — Saint-Pierre, statue colossale en marbre, à Saint-Jean- de-Lateran. 1705. — Saint-Paul, statue colossale faisant pendant à la pré- cédente. 1708 — Vénus et Cupidon, groupe en marbre, au Marmorbad de Cassel. 1710. — Renommées en marbre pour le tombeau du pape Gré- goire XV, à Saint-[gnace de Rome. 1711. — Deux Chérubins en marbre, pour le maître-autel de Sainte-Marie sur Minerve à Rome (disparus). 1712. — Latone, avec Apollon et Diane enfants, groupe en marbre, au Marmorbad de Cassel. 1712. — Narcisse résistant à l'Amour pour se contempler lui- même, groupe en marbre, au Marmorbad de Cassel. 1714. — Bustes du landgrave Charles de Hesse-Cassel et de Marie Amélie de Courlande, sa femme défunte, au Museum Fridericianum de Cassel. 1716. — Faune chasseur, statue en marbre, au Marmorbad de Cassel. 1716. — Bacchante, statue en marbre, au Marmorbad de Cas- sel. 17920. — Pris tenant la pomme, statue en marbre, au Marmor- bad de Cassel. 1720-1798. — Huit grands tableaux en relief, deux cheminées avec médaillons et figures en pied, huit bas-reliefs dans les compartiments d’une coupole : le tout en marbre et décorant le Marmorbad de Cassel. 1798. — Stèle funéraire de François-Alexandre Monnot, fils de Pierre-Etienne, en marbre de diverses couleurs, dans Île cloître des Franciscains de Fritzlar, près de Cassel. 1798. — Buste en marbre du prince Guillaume de Hesse-CGassel, au Museum Fridericianum de Cassel. 1799-1730. — Flore et Zéphyr, groupe en marbre, au Marmorbad de Cassel. 1729-1730. — Minerve protectrice des arts, groupe en marbre, au Marmorbad de Cassel. er Le (?) — La Vérité démasquant la Fausseté, groupe en marbre attribué à MoNNoT, au Museum Fridericianum de Cassel. (?) — Apollon et Marsyas, groupe en marbre dans le style réaliste, attribué à MonNoT, au Museum Fridericianum de Cassel. (?) — Vingt bas-reliefs représentant les diverses Vertus, com- pris dans la succession de MONNOT. (2) — Piétà, bas-relief en terre cuite , légué par MONNOT à Francesco Savarelli, l’un de ses exécuteurs testamentaires. (?) — Sainte-Famille, bas-relief en terre-cuite, légué par Mon- NOT à Antonio Valeriani, son second exécuteur testamen- taire. (?) — Gladiateur succombant, torse antique complété par Mon- NOT, statue en marbre au Museo Capitolino de Rome. LC dis HMRrS nt PIÈCES JUSTIFICATIVES TESTAMENT DU SCULPTEUR PIERRE-ÉTIENNE MONNOT. Rome, à mars 1733. (Archivio di Stato di Roma, fra gli atti del notaio Salvatore Paparozzi, vol. 5212.) Nel nome della S. S. TRINITA : PADRE, FIGLIOLO e SPIRITO SANTO. Amen. Considerando, io Pietro Stefano MONNOTT, figlio del quondam altro Stefano, cittadino di Bisenzone in Borgogna, che è stabi- lito ad ogni uomo dovere una volta morire, et essere incerto l’ora e punto in cui l’Altissimo vorrà chamarsi all altra vita, e volendo prima della morte mia, per quanto permette l’innana condizione, comporre in buon ordine i miei interessi, e disporre di quelle sostanze che la divina Bontà mi ha concesse in questa vita, per troncare ogni occasione di disturbo tra’ miei successori, ho determinato adesso, che per la Dio grazia mi ritrovo sano di mente e di tutte le potenze dell’ anima e sensi esterni, benche infermo di corpo e giacente in letto, fare il mio ultimo nuncipa- tivo testamento, che di raggione civile dicesi senza scritti, con fede di mia spontanea e deliberata volontà, faccio e dispongo _nel seguente modo, cioë : Primieramente raccomando l'anima mia all Omnipotente Iddio suo Creatore, alla Beatissima Vergine Maria, à S. Michaele arcangelo, al mio $S. Angelo custode, à S. Pietro apostolo, à S. Francesco Saverio, à S. Benedetto, à S. Geltruda et à tutti gl altri Angeli, Santi e Sante del Paradiso, supplicandoli a con- cedergli e respettivamente impetrargli un benigno et universal perdono delle colpe commesse, affinchè sia fatta degna del godimento dell eterna Gloria. Ur ee Il mio corpo poi fatto cadavere, voglio che sia seppellito nella V. Chiesa di S. Claudio de’ Borgognoni di Roma, con quelle pompe funebre che parerà e piacerà all infrascritta mia erede usufruttuaria. E nella mattina che il mio cadavere starà esposto, voglio che si faccino celebrare, in suffragio dell anima mia, nella suddetta Chiesa, o in altre che riusciranno comode da eleggersi da detta mia erede usufrattuaria, n° cinquecento messe basse di requie, oltra la messa cantata e le solite messe in S. Gregorio, in $S. Prassede alla Colonna di Nostro Signore, in S. Maria Liberatrice et in S. Lorenzo fuori delle mura. E non potendosi compire tal celebrazione in detta mattina, voglio che possa e debba compirsi ne’ giorni sussequenti;, perchè cosi. Item, per raggione di legato et in ogni altro miglior modo, lascio al Ven. Oratorio del Ristretto de’ SS. Angeli Custodi, sopra l’Oratorio detto del P. Garavita di Roma (1), seudi cin- quanta, moneta, per una sol volta, per servizio delle fabriche che occorresanno farsi; perchè cos. Item, per raggione di legato et in ogni altro miglior modo, lascio à suor Serafina e suor Veronica Alberetti, mie cognate, monache professe nel V. Monasterio detto delle Vergini di Roma (2), l’usofrutto di due luoghi di monte (3), loro vita natu- rale durante, e morendo una, la porzione della defonta s’ac- cresca e ricada all’ altra superstite, e morte ambidue, voglio che ül fruttato di detti luoghi due di monte ricada a suor Ippolita Riccioni, di loro cugina, monaca professa nel medesimo Monas- terio, pregandole à ricordarsi dell’ anima mia nelle loro orazioni, (1) Le Ristretto degli Angeli était la chapelle d’une congrégation de jeunes gens qui, sous la direction de l'un des Jésuites du Collège romain, s'exerçaient à la musique religieuse. Cette chapelle faisait corps avec l'Oratio del P. Caravita. local privilégié des excentricités dévotes. (Mo- RONI, Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica. t. XIV, pp. 190-193; DucLos, Voyage en Italie, t. IX de ses Œuvres, pp. 300-303.) (2) Ce monastère était le couvent des Ursulines de Rome. (3) « Les lieux de mont », écrivait DUCLOS, ( répondent à nos rentes sur la ville ». — Le regretté sénateur Ercole RICOTTI m'en avait donné cette définition très précise : « Quando il Pontefice avea bisogno d’un capi- tale, costituiva un debito sû una rendita dello Stato : i creditori vi con- corsevano per somme fisse che si chiamavano luoghi ; de quali altri erano vacabili, cioè ammortizzabili, altri no ». | Mie es perchè cosi. E morte le suddette tre monache, voglio che la pro- prietà et usufrutto di detti due luoghi di monte ricada alla detta V. Chiesa di S. Claudio della Nazione Borgognona di Roma, col peso di far celebrare in perpetuo, per suffragio dell anima mia, di mia moglie, de’ miei descendenti, e secondo la mia inten- zione, due messe basse ogni mese et una messa cantata dentro l’ottavario de’ Morti : qual celebrazione doverà farsi all’altare privilegiato di detta Chiesa; qual celebrazione di messe doverà principiare dal mese in cui, con la proprietà di detti luoghi di monte, si consolidarà a favore di detta V. Chiesa il fruttato de’ medesimi, per morte dell’ ultima superstite delle dette tre mo- nache, e non altro. Supplicando li signori Amministratori di detta Chiesa e la V. Congregazione di essa a voler permettere, senza alcuno impedimento, che venga collocato il busto del mio deposito con lapide sepolecrale nella porta finta che resta nella parte laterale di detta Chiesa, verso la strada che và alla Chia- vica del Bufalo, à tenore della gratuita e benigna concessione giàa fattami con special decreto da detta V. Congregazione; perchè cosi. Item, per raggione di legato et in ogni altro miglior modo, lascio alla signora Cecilia Alberetti, mia dilettissima consorte, tutti gli abiti ad uso di donna da me fattili e da essa ritenuti; perchè cosi. Item voglio et ordino che se mai in alcun tempo tornasse in Roma Pier-Giuseppe Monnott, mio fratello, si diano al mede- simo, in tempo della sua permanenza in Roma, seudo uno il mese, durante la sua vita e detta permanenza, et non altro. Item, per raggione di legato come sopra, lascio à Gio-Claudio Monnott, altro mio fratello, scudi dieci moneta, per una sol volta; perchè cost. Item voglio, ordino e commando che, subito seguita la mia morte, si facei essatto inventario di tutti li miei beni mobili, luoghi di monte, supellettili, argenti e gioie, quali gioie con- sistono in un alamaro da petto di diamanti (1), un vezzo di perle scaramazze grosso (2), un paro di pendenti con perle fatte a (4) Agrafe de poitrine en diamants. (2) Collier de perles baroques. 06 pera (1), un anello di diamanti a rosetta (2), et un altro anello di smeraldi (3), e d’ogn’ altra cosa che si troverà nella mia ere- dità : dando facoltà all infrascritti miei erede usufruttuaria e esecutori testamentarii, anzi espressamente gli ordino, che tutte quelle cose che essi giudicaranno superflue al bisogno e convenienza dell infrascritti miei eredi, e specialmente le figure, statue, bassi-rilievi, modelli di creta e gesso, et alire opere che sono di valore considerabile, debbano da essi ven- dersi per prezzo commerciale e reperibile, e questo rinvestire in tanti luoghi di monte camerali non vacabili, censi perpetui o beni stabili, ad arbitrio della medesima erede usufruttuaria e dell’ infrascritti miei esecutori testamentarii, a beneficio e co- modo dell’infrascriti miei eredi, perchè cosi. In tutti poi e singoli altri miei beni, mobili, stabili, luoghi di monte, tenimenti, raggioni, aZzioni, crediti, nomi di debitori et altri qual si siano di qualunque sorte, specie, qualità e quantità, presenti e futuri, in qualunque luogo e dominio posti et esis- tenti, et à me testatore in qual sia modo spettanti et apparte- nenti, e che mi potessero spettare et appartenere in awenire, mia erede usufruttuaria faccio, istituisco e voglio che sia la sud- detta signora Cecilia Alberetti, mia consorte, unitamente et assieme con Camillo e Paolo suoi e miei figli, alla quale lascio anche la tutela e cura de’ medesimi nostri figlioli, da durare fino a tanto che detto Paolo, 1l più minore d’età, averà compito l’anno trentesimo di sua età : doppo il qual tempo cessi e ter- mini la tutela e cura; con che perd detta signora Cecilia, du- rante la detta tutela e cura, sia tenuta et obligata, ogni anno et in fine di ciaschedun’anno, rendere esatto e fedel conto dell’en- trata et uscita di tutta la mia eredità in mano dell infrascritti miel esecutori testamentarii, et, in mancanta di essi, di persona da deputarsi dal giudice. Per maggior cautela, voglio che la signora Cecilia sia tenuta et obligata ritenere un libro tutelare, in una parte del quale doverà notare tutte l’entrate e rendite della mia eredità, e nell’altra parte di detto libro tutte le spese (1) Pendants de perles en forme de poire. (2) Anneau de diamants à rosette. (3) Anneau d’émeraudes. nn ne à ere NT NES de e pagamenti che si faranno per detta mia eredità e per detti miei moglie e figli, accid detti esecutori testamentarii possino con facilità rivedere e riconoscere tutte le spese et entrate, et occorrendo dare una regola fissa del modo con cui si debba regolare detta mia eredità, volendo che tutti l’avanzi si debbano investire in tanti luoghi di monte camerali non vacabili, censi perpetui o beni stabili, in augumento di detta mia eredità. Per il qual rendimento de conti, voglio che basti l'approvazione di detti esecutori testamentarii da farsi da essi in piè delle partite di detto libro tutelare, con la loro semplice sottoscrizione; per- chè cosi. Cessata poi che sarà detta tutela e eura, volendo detta signora Cecilia convivere con detti nostri figlioli, voglio che abbia assieme con i medesimi il suo congruo mantenimento di vitto, vestito et abitazione, con dovere perd, tanto durante la tutela e cura, quanto doppo, contribuire ia medesima al suo manteni- mento li frutti della sua dote e quarto dotale; e non volendo la medesima accettare la detta tutela e cura, o accettata imu- neiarla, in maniera che non volesse coabitare con detti nostri figli, voglio che la medesima debba avere e conseguire dalla mia eredità la somma di sceudi dodici il mese, sua vita naturale durante, compresi in detta somma li frutti della sua dote € quarto dotale; perchè cosi. In caso poi che la medesima signora Cecilia non servasse vita vedovile e si rimaritasse, in tal caso, privo la medesima del detto usufrutto, della tutela e cura di detti miei figlioli e del suddetto mestruo legato; volendo che se gli restituisca la sua dote, quarto e vedovile, et non altro. Miei eredi poi proprietarii in tutti singoli beni suddetti faccio, istituisco e voglio che siano Camillo e Paolo, miei dilettissimi figli avuti con detta signora Cecilia, mia moglie, per ugual porzione; e morendo ciascuno di detti miei eredi senza figli legitimi e naturali e nati da legitimo matrimonio, sustituisco l’al- iro Superstite per via di reciproca sustituzione. Come anche se Ciascuno di detti miei eredi passasse alla religione claustrale, in tal caso, chi eliggerà simil stato possa solamente conseguire dalla mia eredità quel tanto occorrerà per le prime spese, e Scudi venti annui per suo livello, sua vita naturale durante, et non altro, et la sua porzione s’accresca a quelli o quello che tirarà avanti la casa nello stato secolare, come che deve esser soggetto a gravissime spese che causa lo stato conjugale. E dandosi il caso che Nicola, altro mio figlio, uscisse (che Iddio non permetta) dalla V. Compagnia di Gesûù, dove presentamente si trova, senza farvi la solita professione, di maniera che resti anch’esso nel secolo, in tal caso istituisco anche il medesimo erede per ugual porzione assieme con detti Camillo e Paolo, con le stesse sustituzioni e condizioni con le quali ho istituito essi Camillo e Paolo sopra espresse, e con altre condizioni et altro che esprimerû in appresso; e non altro. Proibisco inoltre alli suddetti miei eredi proprietarii qua- lunque sorta di vendita et alienazione de’ miei beni ereditarii, sotto pena di cadueità, da incorrersi ipso facto da chi contra- verrà à questa mia disposizione; e se stando imoltre li medesimi a vivere unitamente col santo timor di Dio, ad amarsi vicende- volmente et ad amare et rispettare con ossequio detta loro madre, affinchè siano degni di partecipare delle divine Bene- dizzioni. ; E caso che ciascuno de’ miei eredi, Come sopra istituiti, com- mettesse (che Dio non voglia) qualche delitto per il quale do- vessero confiscarsi li suoi beni, in tal caso il delinquente, dieci giorni prima del commesso delitto, sia e s’intenda privato e decaduto, conforme in adesso, per allora e per dieei giorni prima come sopra, lo dichiaro privato e decaduto, e privo da ogni e qualunque comodo della mia eredità, e la sua porzione voglio che s’accresea agli altri miei eredi. Ma in caso poi che il medesimo delinquente venisse in grazia del Prineipe, voglio che ritorni al possesso e godimento della sua porzione della mia eredità, a riserva de’ frutti percetti da gli altri eredi in. tempo della sua contumacia, quali non possa in verun conto ripetere, sotto pena di caducità. E questa disposizione faccio non in odio del fisco, ma perchè desidero che detti miei eredi vivino nel santo timor di Dio e nella buona grazia del Principe. Come anche se ciasceuno di detti miei eredi s’accasasse con qualche persona infame, vile o diseguale alla loro condizione, voglio che immediatamente decada del comodo della mia ere- dità; perche cosi. Se rire Item voglio, ordino e commando che chi di detti miei figli et eredi istituiti diventarà sacerdote secolare, non possa dalla mia eredità conseguir altro che la legitima che de jure gli spetta sopra li miei beni, et il de più spetti, e debba spettare a quello o quelli che averanno presa moglie, atteso che questi sono sog- getti a spese più gravi; perchè cosi. Esecutori poi di questa mia ultima volontà nomino il sign. Francesco Savarelli, del quondam Pompeo, da Rieti, et il sign. Antonio Valeriani, curiale in Roma, alli quali do e concedo ogn’ ampla et amplissima facoltà di dare e far dare pronta esecuzione alla medesima; sperando che, per l’attenzione, bontà et espe- rienza de’ medesimi, la mia eredità et eredi riceveranno sommo vantaggio; alli quali, in signo della cordialità, a riflesso delli incomodi che doveranno soffrire, per raggione di legato et in oen’ altro miglior modo, lascio, cioë : a detto sign. Savarelli un bassorilievo in creta cotta rappresentante la Pietà, con cornice dorata, et a detto sign. Valeriani altro simile rappresentante la Sacra-Famiglia di Chrito, con cornice bianca; pregandoli ad accettare si tenue dimostrazione in contrasegno del mio buon animo verso di loro. E questo dico, dichiaro e voglio che sia il mio ultimo testa- mento, ultima volontà e disposizione, quale voglio che vaglia per raggione di testamento nuncupativo senza scritti; e se per tal raggione non valesse, voglio che vaglia per raggione di codi- ciili, donazione per causa di morte, e di qualunque altra ultima volontà di raggione valevole : cassando et annullando ogni € qualunque altro testamento, codicili, donazione per causa di morte, e qualsisia altra ultima voluntà e disposizione da me sin al presente fatta e benchè concepita sotto qualsisia parole e clausole derogatorie; volendo che la presente prevalga ad ogni altra in ogni miglior modo : dichiarando aver fatto io scri- vere il presente da mano a me fedele, che da me letto e riletto, e trovatolo in tutto e per tutto conforme alla mia volontà, l’ho sottoscritto di mia propria mano. | In Roma, giorno di 5 marzo 1733. lo Pietro-Stefano MONNOT, mano propria. [Il soprascritto testamento era chiuso con sette sigili di cera = fe rossa, con questa imprenta : scudo decorato d’una faseia in mezzo, con due stelle in capo ed uno passerino in punta.]| IT DI PIETRO MONNOT Da Lione PAScouI. (Vite de pittori, scultori ed architetti modermi : vol. IF, Roma, 1736, in-4, pp. 487-498.) Non altramente i semi sparsi in fertile ed adattato terreno tosto germogliano, e non guari poi Stanno a dilatar la stirpe di loro spighe, che produce e moltiplica ne’ fanciulli suo frutto la fecondità della mente e la vivacità dell ingegno; ned altrimenti di subito sfuma, svapora e svanisce il brio, e’l fuoco loro, se non si mettono sotto rigorosa ed accorta disciplina, e custodia di vigilanti maestri, che lo spirito de’ liquori tratto dal lambicco se non si rinchiude e suggella strettamente in cristalli. Conos- cendo assai bene questa verità, Stephano, padre del nostro Pietro, che cittadino era di Besansone, ed ivi si esercitava nella scultura, e conoscendo assai bene altresi l’indole svegliata ed il natural pronto di lui, che adi 9. d’agosto degli anni 1658, in Orcamptenvenne, piccolo villagio di quella diocesi, nato era, non si contento di fargli n’ell età de’ due insegnare da un buon sacerdote suo vicino a leggere e a serivere; ma per tenerlo più stretto e men divagato, volle poi da se dargli lezion di disegno e fargli manneggiar lo scarpello. Non istette molto a vederne il profitto, perchè di tredici abbozd una statua sul di lui modello, e di quindiei altra ne scolpi d’invenzione. Pareva certo Cosa maravigliosa e poco men che vicina a prodigio, e tutta la città concorsa a vederla; se ne rallegrava di cuore col padre, e gli pronosticava, la veloce passata, che dava senza dubbio a vedere la bella aspettativa del figlio. Ne s’ingannd, conciossiachè talmente in altre due che ne fece, s’abilito e s’impratichi, e tanta rinomanza acquistù, che fu chia- mato in vari luoghi della Contea a farne altre, in cui uscito pure ad onore, e tornato in patria super tosto il padre; e messosi a studiare architettura, costrui nella stessa Contea diversi altari. ne Ale indi volendo veder lavorare qualche più esperto maestro, andù a trovare il Dubois a Digione, che con grido vi dimorava. Compiuti aveva guisto vent’anni, quando statone uno sotto la di lui direzione, parti per Parigi, ed ivi pure cerco de’ migliori, ed indefessamente sempre colla scorta loro applicando, altri due vi si trattenne. Tornd poscia in patria a rivedere il padre, i parenti, e gli amici, con pensiero di fermarvisi assai poCo; ma impegnatosi a certe statue, vi stette più che non credeva, ben- chè non abbandonasse mai il lavoro, e finitele, parti di bel nuovo per Parigi. Stettevi allora fino ai trenta, e lasciatevi molte belle memorie, ritorno in patria, ed immediatamente si trasferi a Roma. Ebbe subito arrivato, perchè con curiosità e con desiderio vi si aspettava varie incumbenze, e soddisfece primieramente à quella che gli fu data dal direttore dell’ Accademia di Francia, dove in bianco e grosso marmo ritrasse Giuliocesare da quello di Campidoglio. Tolse susseguentemente casa a pigione, ed apri pubblica seuola, ritenendo seco diversi giovani, che gli ajutarono à com- pir gli altri impegni contratti nell arrivo. Ornava allora il Capocaccia la sua cappella alla Madona della Vittoria, ed avendo data à far l’opera dell” altare dedicato à S. Giuseppe a Domenico Guidi, diede quella de’ due laterali al nostro Pietro. Stava, mentre s’aspettavano i marmi, facendo i designi, e fattili e mostratiglieli, riporto l’approvazione sua non meno che degl’intendenti suoi amici, e mise mano à modelli. Andava giornalmente il Capocaccia à vederli, e tanto più volen- tieri v'andava, quantocchè volentieri, e con assiduità e pres- tezza, vi Stava sempre attorno l’artefice per sollecitamente compirli. Strinsevi in quell occasione confidente amicizia: ed essendo questi ameno ed allegro, e quelli pur amando l’amenita e l’allegria, spesso anche insieme si divertivano ne’ giorni di festa. Compiuti che furono, andarono molti professori a vederli, e molti amici vi condusse anche il Capocaccia, che ne rimase contentissimo, e gli ordinù di mettere immediatamente mano marmi: conforme ve la mise. Se molti professori iti erano à vederlo prima lavorare, assai più ve n’andaron dopo, ed allorchè stavan per finirsi di scolpire, e finiti, ed allogati che ffuron ne’ 6 169 siti, rappresentando l’uno la Natività, l’altro la Fuga in Egitto. Meditava già di fare una gross’opera, e trar voleva i soggetti dalle Metamorfosi d’Ovidio, e fatti i disegni d’aicuni, fecene anche i modelli, ed abbozzo susseguentemente i marmi; ed a tempo perduto, o quando non era ad altri di premura applicato, 0 quando da questi annojato svariar si voleva, vi lavorava, e ne tird a fine à poco à poco, ed in progresso di tempo sino a dieci, siccome a suo luogo diremo per non uscir ora della cronologia del racconto. Ebbe trattanto ordine di scolpir le statue di due angeli pel ricco e magnifico altare della cappella di S. Ignazio al Gesü, per eui altre ne scolpivano altri primar]j professori, e son quelle stesse che sostengono la targa di cristallo. Riuscirono di tanta soddisfazione di chi gliele aveva ordinate, e talmente anche agl’intendenti piacquero, che ordinato gli fu 1l modello del basso-rilievo, che in metallo vi rappresenta il Santo che libera alcuni prigioni, e piacque non meno di quelle. Lavorava percid allegramente e di voglia, ne i lavori gli man- cavano;, perchè avendo presa servitü co’ primar)j personaggi, ognuno gliene commetteva, e molti gliene commise D. Livio Odescalchi, che più di tutti lo prese a proteggere. Commisegli imprima il Suo ritratto, e fattogliene subito in un batter d’occhio quasi il disegno, ne rimase sommamente ammirato, perchè lo vide finito allorchè credeva che appena l’avesse cominciato. Quindi aggiustatolo meglio, e per la somiglianza, e per la cor- rezione, Con agio à suo gusto, l’effigio in marmo, e lo mise una matina, prima di pranzo, sopra la stessa tavola dove doveva desinare. 1to per mettervisi, e vedutolo finito quando men ci pensava, e domandato di Pietro, e dettoglisi ch’era partito, lo mandd tosto a cercare, con ordine che subito v'andasse, ed immediatamente trovatosi v'andd, e non avendo ancor comin- ciato a mangiare, perchè stava osservando il ritratto, volle, tuttochè pranzalo avesse, che sedesse e ripranzasse seco. E vedendo che poco o nulla mangiava, perchè si trattava in casa sua lautamente, e per conseguenza aveva ben mangiato, l’invito pel giorno seguente ; ed andatovi, lo fece bere e mangiare alle- gramente, e fatte avendogli mill’ altre cortesie e finezze, gli ordind alcuni bassi-rilievi istoriati, dandogli i soggetti che 0 — voleva che rappresentassero. Impiegovvi, per vero dire, tutta l’attenzione ed ogni particolare esattezza, ne vi ritiro mai le mani sinchè non gli ebbe perfettamente al lor fine ridotti, ne D. Livio s’astenne d’andare a vederli finire. Fattilisi portare ed allogar nella celebratissima sua galleria, tra laltre sculture rare e preziose, degne certo di qualunque gran monarca, conforme degne sono di chi è cosi grande che tiene a vile qualsivoglia terrena grandezza, e volge le spalle alle primarie monarchie d'Europa, che le comprù ultimamente; gli disse che avendo risoluto d’ornare il sepulcro della S. M. d’Innocenzo, suo zio, voleva che ne facesse il disegno. Ubbidi prontamente, e fattine alcuni, altri ne fece fare D. Livio per sua soddisfazione ad altri, e scelse, secundo la voce comune, quello di Carlo Maratti, quantunque più d’una volta asseverantemente m’abbia detto Pietro che Scegliesse e gli facesse metter in opera il suo. Checchè di eid sia, lasciando la verità al suo luogo e la libertà ad ognuno di credere quelche gli pare più verisimile ed uni- forme alla maniera de’ due professori che lo contrastano, dird che Pietro ne fece il modello, e che, secondo questo da suo, pari condusse tutta l’opera nel modo che nella gran chiesa del Vati- cano presentemente si vede. Terminato questo, principid il modello del ritratto del cardi- nal Mellini, e finitolo, e scolpito dappoi il marmo, lo collocd nella sua cappella alla Madonna del Popolo. E mentre ve lo stava collocando, capito il conte Exester, [nglese, che vedutolo gli piacque assai, ed avendo a lungo discorso seco, gli disse ch’è pur gli avrebbe fatto fare qualcosa. Andô dunque indi a pochi giorni a trovarlo all Arco della Ciambella, ove abi- tava ed aveva lo studio, e comunicatogli il suo desiderio, con- vennero del prezzo, e si stabili il lavoro, che consisteva in un monumento col di lui ritratto e della moglie, con cinque altre statue grandi, ed una piccola, che mandar voleva ad un suo feudo. Non potè cosi presto servirlo come bramato avrebbe, perchè doveva far di fretta cert’altro ritratto; fecegliene bensi alcuni disegni, che molto gradi, e sceltone uno, lo pregù a cominciare, quanto sollecitamente potesse il più, il modello. Promisegli, che tostocchè sbrigato si fosse di quello, nient’altro fatto avrebbe che questo; e cosi fu, perchè gli mantenne pun- ST tualmente la parola. Andava sovente a vederlo, e trovandolo sempre indefesso al lavorio molto, e molto se ne compiaceva, e mandava poscia or d’una galanteria, ora d’un altra, a rega- larlo. Non volle partir di Roma finchè non fu interamente com- pito, e stato vi sarebbe ancora fino all’intero compimento dell’opera, se conosciuto non avesse, che doveva necessaria- mente esser lunga, e che dal modello non si poteva allon- tanare. Lasciatolo percid ben fornito di danaro, e portato seco il disegno, parti, e diverse volte da diversi luoghi gli serisse, finchè terminato il viaggio che posto s’era in cuore di fare, giunse a Londra. D’ivi pure gli serisse, ne manco mai di seri- vergli di quando in quando, quantunque data avesse prima di partire a più d’una incombenza di sollecitarlo sino allPavviso della terminazione. Acconciatasi susseguentemente con dili- genza nelle casse, fu imbarcata, conforme ordinato aveva, a Ripagrande, e d’ivi nel modo concertato spedita in Inghilterra, dove giunse con piena sua soddisfazione. Aveva la S. M. di Clemente XI già risoluto di far adornare di quadri e di statue la navata grande di S. Giovanlaterano, come altrove abbiam detto, e due ne commise al nostro artifice, e son quelle che nelle prime due opposte nicchie rappresentano S. Pietro e S. Paolo, le quali se precedettero nella dignità, e nel posto poco rimasero in dietro alle migliori nel pregio e nella _stima. E siccome in tutte le cose anche bellissime esser vi deve il più e men bello, fu più stimata quella che questa, e tal la giudic allorchè le vide lo stesso pontefice. Erasi, mentre ne stava facendo i modelli, finalmente accasato con Anna-Maria Fittoli, pronipote del mentovato Capocaecia; e Si era contentato d’una dote competente, benchè maggiore da altri gli si offerisse, che sempre ricusà pel genio che aveva con questa. Ebbevi un figlio, che mori in capo a tre giorni, ed aleuni mesi dopo ammalatasi ella pur gravamente, mori, avendolo _istituito, per l’amor che gli portava e che gli era da lui portato, erede di tutta. Talmente se ne accorô, e gli dur poi l’afflizione, che cadde egli ancora non guari dopo ammalato d’acuta febbre, che di poco mancù che non lo conducesse al sepolero. Cessd final- mente la di lei malignità ed il pericolo della vita; ma gli rima- So uRe sero le reliquie, che per un anno continuo lentamente l’incomo- : darono, Cinque altri ne stette, quantunque vantagiosi partiti oli si proponessero per nuovo matrimonio, in vedovaggio. Quindi, considerando essergli la moglie troppo necessaria, de- termino di riprenderla, e prese, con due mila seudi di dote, Cicilia Alberetti, figlia dell avvocato, con cui, conforme successiva- mente diro, ha avuti alcuni figli. Ergevasi in questo mentre il sepolcro di Gregorio XV a S. Ignazio, e come egli fatte v'aveva le due statue che sosten- gono il panno, elle pur vi si eressero. Furongliene dipoi commesse due di due Cherubini per l’altar maggiore della Minerva, e fattele, ed allogatevele, fint il decimo gruppo dell anzidetta gross’ opera. Rappresentava ognuno una statua d’otto palmi, ed altre di minor misura, secondo il soggetto rappresentato da Ovidio nelle Metamorfosi, donde tratti aveva, come accennammo , i dieci suoi, ed avrebbe voluto, giacchè tirata aveva felicemente a fine cosi bella, ingegnosa, e lunga fatica cavarne il frutto. E perchè non trovava chi applicar volesse in Roma alla compra, ne scrisse in diverse corti fuori, e risolvè d’andare a Cassel, in quella del Langravio, ove, secondo le risposte avutene, gli pa- reva che fosse più riuscibile. Messosi percié in viaggio, ed arrivatavi fu dopo alcuni giorni condotto ad inchinare $S. A., con cui ebbe un lungo discorso senzachè parlasse mai de’ gruppi. Gli ordino bensi il suo ritratto, e gli conferi il pensiero che aveva di fare un Bagno. Mise subito mano al desegno, e fattolo, gliele porto, e sel fece lasciare, dicendogli che bramava si sbrigasse con ogni solleci- tudine del ritratto ; conforme se ne sbrigô, e ne rimase soddis- fattissima. Ripreso, allora che aveva ben bene considerato il disegno, il discorso del Bagno, che ornar dovendosi di statue, convenne seco del prezzo de’gruppi, ed a tutte sue spese ve li fe trasportare; ed in tanto ordind che, senza considerazione d’alcun’ altra, Cominciasse a norma del disegno il lavoro, purchè fosse sontuoso, Superbo e magnifico. Cominciolo dunque, e do- vendo l’incrostatura esser tutta di pietre preziose antiche e moderne, ed ornata di molte statue di basso e tutto rilievo di marmo, se ne ordino dell’uno e dellatre il trasporto. Stettevi “hope sediei anni continui con ben cinquanta lavoranti, tra segatori, scarpellini e scultori d'intorno, e lo compi sfoggiatamante con intera soddisfazione di S. À., de’ serenissimi figli, della corte, e di tutta la città, nel modo signorile e stupendo che si vede. E sebben egli sia un testimonio perpetuo di se stesso, e che uopo non abbia di descrizioni per farne fede a’posteri, voglio nondi- meno descriverlo per gloria maggiore dell’ Alto, e squisito gusto del Sovrano, per aumento del nome dellartefice, per soddisfa- zione di que’ leggitori che non ne hanno alcuna notizia, e per isvegliare negli animi de’‘Grandi l’imitamento, e de’ professori lemulazione. | Non lungi dalla città, quasi in riva alla Fulda, tra il canale, e’l giardino, serge eccelsa e vastàa mole di figura quadra, d’or- dine ionico alla rustica, con finestre e porte attorniate da cor- nici di pietra, Con pilastri intagliati dellistess’ordine, e pietra parimente alla rustica. Vedevisi d'intorno intorno al disopra una balaustrata di pietra altresi con corridore, e due gran viali carrozzabili con mute al disotto chiusi da due balaustrate della medesima pietra, circondante, luna dalla parte del giardino, l’altra dalla parte del canale, tutta la mole. Giace al di dentro in pavimento di marmo bianco vagamente spartito, in figura ottangolare di venti piè di giro, il bacino, che prendendo lacqua da una conserva, in cui sboceca il Canale, limpida e cheta non altramente che in piccolo ed ameno sen di mare, in bonaccia tra altro simil marmo imprigionata, se ne sta allorchè empier si vuole. Sorgono tra maestosi e nobili archi degli angoli otto pilastri d’ordin corinto, inerostati di marmo bianco e di diaspro rosso, e fanno leggiadro e ricco ornamento otto dell’anzidette statue à’ fianchi loro. Posa sovr’essi alta cupola ottagona, che, per un occhio, prende più chiaro e maggior lume nel fondo, e nella soffitta della gran sala che lo ricuopre si mira in bella lontananza assai ben dipinta l’Aurora. Circondalo armoniosa balaustrata di marmo, con otto putti che in varie graziose sem- bianze vi scherzan dattorno; e si veggon nel concavo della cupola otto bassi-rilievi, che rappresentano i quatro Stagioni. Li capitelli, 1 fregi, gli architravi, le cornici, ed il resto del voto, son tutti qual di marmo, qual di diaspro, qual d’altre preziose pietre di diversi colori, adornati, et singolarmente d’alcune con er SUR ES vene d’oro e d’argento, che si cavano presso l’auree ed argentee miniere d'Annover. Vassi d’intorno intorno per un corridojo di quarantotto piè di lunghezza, e di dodici di larghezza, che rin- chiudendo il bacino, è rinchiuso dalle quatro facciate interne delle mura della mole. Prendono due delle dtametrali il lume da due gran finestre, ed in mezzo vi sono due gran cammini incor- niciati di diaspro rosso. Vedendosi su d’uno, in grande ovato di fondo di giallantico, la veneranda effigie del Langravio, soste- nuto per una parte da un basso-rilievo rappresentante Minerva, e per l’altra da altro rappresentante la Giustizia co’ simboli della Pace : di sopra altridue figuranti la Generosità e la Fama, e di sotto il mondo, divisando con preziose pietre turchine il mare, con gialle la terra. Mirasi sovra l'altro, in ovato simile e similmente adornato, il maestoso ritratto della Langravia con altrettanti bassi-rilievi, che a sue virtudi alludono. E dalle bande di ciascun cammino, due piedistalli di pietre preziose di vari colori con due statue, ognuna in mezzo a due bassi-rilievi, con cornici grandi di marmo nero e larghe fasce di diaspro rosso. Ha l’una dellaltre due diametrali facciate, in vece delle finestre, due porte di pari ornamento, ed ornate ambedue di bassi-rilievi, e tutte quattro di fondo di giallantico, cogli stipiti, architravi e fregi bizzarramente interzati di varie pietre pre- Ziose; quattro statue negli angoli, e la volta di stuechi dorati e pitture istoriate. Passasi per le due porte alle nobili, ricche e magnifiche stanze, che, avendo ampla e forte balaustrata per passeggiarvi Sopra, formano vago e Spazioso anfiteatro. Ma ecco venire i principi con splendida e numerosa corte; ed ecco à un tratto pronta l’acqua calda e fredda, ed ogni altra cosa apprestala per potervisi bagnare ! Eccoli entrati dentro, e colle proprie mani volger le chiavi per temprarla à lor grado, e starvi a misura dell’uopo e del gusto. Eccoli useiti, e dato esito allacque per un condotto, che va nel canale! Ecco apparec- chiato entro il bacino per essi le tavole e per gli altri fuori! E rappresentando le statue e bassi-relievi, conforme s’è detto, soggetti delle Metamorfosi d’Ovidio, eeco transformato a lor simiglianza in sala de convito anche il Bagno, cangiate le Da- lustrate della cupola in cori di sonatori e di musici, e mutata in teatro la mole! Riempiesi di soavi voci il cielo, l’aria d’amabil FU QG RE suono, rimbomba di dolce melodia ogni lato, sentesi eco piace- vole in ogni angolo, ed ogni pietra Spira gioja, e contento finchè spuntando dall’ Aurora della soffitta in folgorante ed infocato globo il sole, la stessa notte si cambia, a forza d’altri lumi accesi, da per tutto in chiaro giorno. Dove balli e dove giuochi, quà in circoli 1 novellieri, là in ischiere gli spettatori, chi inquieto a cercar luogo, quale attonito à riguardare, e tutti, in sontuosis- sima e non più veduta festa, applaudere alla regale splendi- dezza e maravigliosa magnificenza de’ Sovrani. Con cui giornalmente traggono ogni sorta di persone à ve- derlo, dalla Vistola e dal Reno, dall’Istro e dal Po, dal Tago e dalla Sena, dalla Mosa e dal Tamigi. E que’ che rimangon sul Tebro ed in Arno, o non volendo, o non potendo andarvi, leggan almeno questa mia breve e rozza memoria. Inenarrabili sono le cortesie e le finezze che, oltre il gene- roso premio e pagamento, ricevè da S. À. il nostro Pietro, che, bramando di ritornare dopo si lunga dimora a rivedere in Roma i parenti e gli amici, e a dar sesto agl’interessi, ed alPazienda di casa prese da lei-commiato. Concedetteglielo, benchè gli dis- piacesse non poco il privarsene, e fatto il ritratto del principe Guglielmo, e licenziatosi da lui pure e da tutti gli altri, se ne parti. Andd subito giuntovi ad abitare a strada delle Carrozze; e, quantunque settuagenario, si rimise immediatamente, come avvezzo non era a stare in ozio, al lavoro, e principid due altri gruppi compagni à dieei per lo stesso Langravio. Aveva allora tre figli viventi : uno de’ quali entrd, due anni dopo il ritorno, nella Compagnia di Gesü, ove sta al pressente, e mandava gli altri due a scuola di grammatica per incammi- narli poi a quelle delle scienze. Morigli una femmina in Roma prima che andasse in Germania, e gli mori in Germania un maschio primacchè ritornasse a Roma, e fu sepolto a Fritzlar, non lungi da Cassel, nella chiesa de’ Padri Francescani, dove gli fece un bel monumento. Terminati trattanto i suddetti due gruppi, comincid di mala maniera à infastidirsi, per certo giudizio che avea intentato per la restituzione di semila scudi, che di Cassel mandati aveva a Cesare Severa ; e talmente crebbe il fastidio, che lo distolse à ‘à a h . ; k 1 SR O0 0 affato dall’applicazione, e gli fece anche perdere la salute. E non andando, i mali della vecchiaja oltre il suo, che è forsi il maggiore, quasi mai soli, gli si aggiunse, eziandio quel della ritenzione d’orina, da cui, nel mese d’agosto degli anni 1733, con impedimenti e dolori maggiori de’ soliti oppresso, passô, dopo otto giorni di letto, ne’ 24, pazientemente da questa allal- tra vita. Si porto di notte alla chiesa nazionale di S. Claudio il cada- vere, dove essendo stato la mattina seguente con docorose esequie esposto, fu in luogo appartato sepolto, per essere tras- portato poi nel deposito da farglisi a norma del testamento. In cui avendo istituita erede usufruttuaria la moglie, finchè ül figlio minore abbia compiti trent’anni, dacchè il maggiore, che ha preso non guari dopo l’abito nella religion Silvestrina, as- pettar doveva che li compisse. Fece diversi legati, e tra gli altri uno di due sacrifice] 1l mese, e d’un anniversario per suffra- gio dellanima sua, avendo lasciato, oltre il mentovato credito di semila seudi, pel quale restano già staggiti ed in encomia alcuni effetti del debitore, più d’altri trenta mila di capitale. Era piccolo e ben riquadrato di statura, di bella e nobil fisono- mia, e d’altrettanto bello e nobil costume. Vestiva civilmente con ottima bianchiera e parruche, portando sempre spada e bastone. Fu indefesso nella fatica, e pronto e coraggioso ad intraprenderne quanta mai gliene capitava, ed a farne per dieci. Bastando solo per accertarsene di rivolger la mente a quella di Cassel, e lo sguardo à venti bassi-rilievi rappresen- tanti diverse Virtü, che conserva in casa per vendere l’ereda. INTRODUCTION : L'Ecole française de sculpture. I. — Origines de Pierre-Etienne MonNNoOT, et sa naissance à Orchamps- Vennes (1657) ; ses débuts à Besançon, sous les auspices de son père Etienne (1670-1676) ; son séjour à Dijon, chez le sculpteur Jean Dubois (1676) ; son perfectionnement à Paris, au contact des maîtres qui travail- laient pour Versailles (1677-1687); il produit à Besançon la statue de Notre-Dame du Cordon bleu, puis va s'établir à Rome. IL. — Pierre-Etienne Monxor ouvre un atelier à Rome (1688); il exécute deux grands bas-reliefs pour l’église de Sainte-Marie de la Victoire (1690- 1699) ; il est reçu dans la Congrégation artistique des Virtuoses au Pan- théon (1695) ; il entreprend un grand ouvrage de sculpture mythologique (1699) ; il collabore à la décoration de la chapelle de Saint-Ignace, au Gesü de Rome (1695-1696) ; il fait, pour Saint-Pierre de Rome, le tom- beau du pape Innocent XI, et celui du cardinal Savo Millini, pour l’église de Sainte-Marie du Peuple (1697-1700) ; il est élu, pour la première fois, recteur de la Confrérie de Saint-Claude des Bourguignons de la Franche- Comté (1698) ; ses travaux pour le comte d'Exeter, à Burghley House et à Saint-Martin de Stamford, en Angleterre (1700-1704) ; ses deux statues colossales de saint Pierre et de saint Paul, à Saint-Jean de Lateran (1704- 1705); ses deux mariages (1704-1708); sa collaboration au tombeau du pape Grégoire XV et à la décoration du maitre-autel de l’église de Sainte- Marie sur Minerve (1710-1711). IL. — Pierre-Etienne Monnor à la cour du landgrave Charles de Hesse- Cassel (1719) ; il y est chargé de la construction du Bain de marbre (Marmorbad) ; son fils aîné, qui le secondait dans ce travail, meurt à dix-huit ans (1727); description du Marmorbad ; signature finale mise sur cet ouvrage (1728). IV. — Retour à Rome de Pierre-Etienne MonnorT (1728) ; 1l y fait les deux statues qui manquaient au Marmorbad de Cassel (1729-1730) ; entrée de son second fils au noviciat des Jésuites (1730); assombrissement de sa vieillesse, sa mort, ses obsèques, son testament (1733) ; son épitaphe dans l’église de Saint-Claude des Bourguignons de la Franche-Comté ; sa phy- sionomie esquissée par Lione Pascoli ; appréciation de sa valeur d’artiste. LISTE CHRONOLOGIQUE des ouvrages connus de Pierre-Etienne Monnor. PIÈCES JUSTIFICATIVES : |. Testament de Pierre-Etienne Monnor. If. Di Pietro Monnot, da Lione PASCoOLI. EE OM TENTE PEN PT EE k LR LOUIS DE RONCHAUD POÈTE, ARCHÉOLOGUE ET CRITIQUE D'ART Par M. Edouard BESSON. Séance publique du 15 décembre 1887. MESDAMES, MESSIEURS, Le 928 juillet dernier mourait à Saint-Germain un de nos compatriotes les plus distingués, et dont le souvenir mérite de ne point périr parmi nous. M. de Ronchaud, en effet, que nous comptions parmi les membres honoraires de notre Compagnie, n'occupait pas seulement un des postes les plus élevés de l'administration des Beaux-Arts ; il n’était pas seu- lement directeur des musées nationaux, fondateur et chef de l'École du Louvre; c'était encore un écrivain remarquable, un poète délicat et original, un érudit aussi consciencieux qu’autorisé. Né en 1816 d’une bonne famille du Jura dont le chef re- présenta ce département dans les chambres de la Restaura- tion, il fut élevé en Suisse par un étrange contraste, d’abord au collège des Jésuites de Fribourg, ensuite à l’Université protestante de Genève. Dès cette époque, il marquait pour la poésie un goût que les beautés du pays dont il avait fait son séjour ne pouvaient que développer. On à même de lui des vers qu'il composa en rhétorique, et qui figurent dans un de ces recueils d'œuvres scolaires où la main des maîtres a presque toujours plus travaillé que celle des écoliers. Les idées qu’il y exprime et qui se sentent du milieu où elles ont été conçues, devaient subir par la suite de singuliers chan- gements. Mais il resta jusqu'à son dernier jour fidèle aux Muses de sa jeunesse. Cette année même il faisait paraitre un volume de vers qui sont les meilleurs qu'il ait écrits. Ce fut du reste un recueil semblable : Les heures, publié en 1844, qui lui ouvrit l'entrée de la vie d'écrivain. On était alors à une époque particulièrement brillante du grand mou- vement de rénovation littéraire qui marqua la période de la Restauration et du gouvernement de Juillet. Notre compa- triote prit de suite un rang honorable parmi les combattants de la jeune armée romantique. Il noua surtout amitié avec les chefs de cette armée, notamment avec Alfred de Vigny, Sainte-Beuve, Lamennais, Georges Sand, sur lesquels, dans les derniers temps de sa vie, sa conversation abondait en souvenirs aussi variés qu'attachants. Mais les deux liaisons, ou plutôt les deux affections passionnées qui devaient jouer dans son existence le rôle principal, et prendre la plus grande influence sur son esprit et sur son œuvre, furent celles qui l’unirent à la comtesse d’Agoult et surtout à Lamartine. | Il avait connu la première à Genève où l’avaient conduite les hasards d’une existence mouvementée, et lui avait voué dès l’abord un véritable culte que justifiaient du reste la beauté aussi bien que la rare distinction d’esprit de cette femme supérieure, artiste consommée, écrivain de premier ordre, de beaucoup le meilleur des historiens qui ont retracé les annales de notre deuxième république. Ce culte, 1l le lui conserva toute sa vie. C’est chez lui, à Saint-Lupicin, comme il l’a raconté en des pages colorées et émues, que furent écrits les souvenirs si curieux et si instructifs de Mme d’A- goult, et c’est à lui qu'ils sont dédiés. Quant à Lamartine, l'affection que lui porta M. de Ron- chaud, pour être d'autre nature, ne fut ni moins constante, ni moins vive. Il admirait en lui non seulement le poète dont la lyre avait la première, au début du siècle, vibré d’accents d’une harmonie si haute et si nouvelle; il admirait aussi, et peut-être encore davantage, le politique, l’orateur et l’homme d'Etat trop dédaignés aujourd’hui malgré l'éclat pire 4 € _ . res s és 2 Re Ce De D TE PE CR DE : hnr. de Ai D'ÉRÉ ER ES ». A us RE EN +3 AAC EE du talent et la grandeur des services rendus, comme tout ce qui chez nous n’a pas eu ie couronnement suprême du suc- cès. Lamartine l’avait accueilli et traité de suite avec cette largeur d'affection et de sympathie où son grand cœur aimait à se dépenser, et dont il lui prodiguait les marques comme à un ami, à un confrère en poésie, et même à un compa- triote. Ce titre de compatriote si flatteur pour nous, l’auteur des Méditations et des Harmonies l'a lui-même revendiqué. «€ Et moi aussi, s’écrie-t-il, dans un article de ses portraits littéraires consacré précisément à M. de Ronchaud, J'ai puisé la moitié de mon sang à cette source des montagnes ; j'ai la moitié de mes aïeux dans ces forêts, dans ces torrents, dans ces donjons de la vallée de Saint-Claude, et jusque dans cette ville aujourd’hui si riche, si industrielle et si pas- torale de Morez. » Comment tant de bienveillance venue de si haut n’eüût-elle pas éveillé de gratitude dans une âme bien née? On peut dire que M. de Ronchaud unit son existence à celle de La- martine et en fit comme un reflet. Il le suivit dans cette bril- lante carrière parlementaire dont il a lui-même raconté les phases et fixé le caractère véritable ; il était à ses côtés au fameux banquet de Mâcon qui donna le signal de la cam- pagne où devait succomber la monarchie de Juillet, et qu’il a décrit avec l’enthousiasme d’un croyant et d’un néophyte ; il Se trouva encore auprès de lui et dans le rayonnement de sa gloire en ces temps si brillants et si courts où le grand poète exerça sur son pays la dictature de admiration et de l’enthousiasme. Mais s’il fut pour lui l’ami des jours heureux, il fut encore et surtout celui des heures amères qui succé- dèrent si promptement aux joies du triomphe, le consolateur de cette longue et cruelle agonie où la France laissa se dé- battre jusqu’à la mort l’homme qui avait été longtemps, et qui, en dépit de quelques erreurs et de quelques fautes, aurait dû rester son orgueil. Son affection continua même à se manifester alors que son ami ne fut plus là pour en re- cueillir les fruits. Lorsqu'après une existence dont la der- nière période avait été battue par de si cruels orages, La- martine eut enfin trouvé le repos dans la mort, et que notre compatriote lui eut fermé les yeux, il ne fut pas seulement son exécuteur testamentaire, et ne se borna pas à régler les maigres intérêts matériels confiés à ses soins; il veilla sur- tout à sauvegarder la grande succession morale dont il s'était fait le gardien, persistant dans son rôle de panégyriste et de défenseur, publiant, commentant et annotant les œuvres du maitre, écrivant sa biographie, célébrant en lui le poète, l’orateur et le politique, repoussant les attaques, luttant sur- tout contre l’oubli si prompt et si injuste, protestant tout récemment encore contre l'insuffisance de la réparation tar- dive faite à une telle mémoire, et contre cette statue de fau- bourg parcimonieusement accordée à celui dont l’image avait plus que tout autre droit aux honneurs d’une des principales places publiques de la capitale. Cest que, pour comprendre, admirer et aimer le grand poète, il avait lui-même l’âme d’un poète, et, comme tel, il a produit des œuvres qui sont dignes de ne point périr. Non pas qu’il fut doué d’une de ces imaginations puissantes dont le rayonnement éclaire une époque, ou que, comme son maitre, 1l eut cette abondance et cette facilité de production, cette richesse inépuisable de conceptions et d'images jointe à ce sentiment unique de l'harmonie qui font des vers de La- martine une musique inimitable. Mais si ses moyens étaient limités, 1l s’en était du moins rendu parfaitement maître, et était arrivé par le travail à une perfection de forme remar- quable. Il avait subi sous ce rapport l’influence de l’école dite Parnassienne qui florit surtout sous le second Empire, et qui, bien qu'’envisageant l’art à ses points de vue secon- daires, poussa cependant très loin le souci de la facture du vers et de la richesse de la rime. C’est ce qui explique que, contrairement à ce qui a lieu d'ordinaire, M. de Ronchaud n’a donné comme poète ses chefs-d’œuvre que fort tard. Les meilleurs vers qu'il ait écrits sont ceux qu'il a publiés cette année même sous le titre de Poèmes de la mort. La forme en est généralement exquise, et 1l y règne cette mé- lancolie de l’âme qui est la moitié du poète; car c’est elle qui lui fait comprendre la tristesse des choses humaines. Il s'y rencontre même des morceaux de grande envergure, surtout dans la pièce principale, La mort du Centaure, for- tement conçue et très bien construite, où l’auteur a su non seulement décrire en coloriste, mais disserter en philosophe, et donner au Panthéisme cette religion des poètes qui était devenue la sienne, une expression dont l’ampleur rappelle les beaux vers de Lucrèce. Je regrette que les limites forcées de cette communication ne me permettent pas de vous en faire connaître quelques-uns. Ilme sera plus aisé, pour vous donner une idée de la manière de notre compatriote, de vous citer une de ses poésies de moindre haleine, d’un motif ori- ginal et d’une forme achevée, dont la place est désormais, comme on l’a dit, dans toutes les anthologies. LE FAUCHEUR DE NUIT. Dans le silence de la nuit, À la pâle clarté céleste, C'est le faucheur ; j'entends son bruit, Je vois son geste. Au pré proche de la forêt, Séjour de lutin et de gnome, La faux en main, il apparait Comme un fantôme. Au rayon qui glisse tremblant De feuille en feuille jusqu'à terre, Je vois se mouvoir son bras blanc Avec mystère. I vient faucher sous le ciel clair, Pour emplir au matin la'crèche. La faux grince et jette un éclair Dans l'herbe fraiche. "ob Il fauche, il fauche herbes et fleurs, Et la prairie ensommeillée De son voile aux mille couleurs Est dépouillée. Au loin tout est silencieux, Le bois, le sillon, le nuage, Et la lune qui dans les cieux Fait son voyage. Le ruisseau, plus lent dans son cours, Le vent assoupi dans l’espace, Tout dort ; le fer tranchant toujours Passe et repasse. Je vois grandir incessamment Le cercle qu’il trace en cadence, Et j'entends le gémissement D'un meurtre immense. La petite fleur qui levait Son humble front tombe, et le rêve Qu’au clair de lune elle rêvait Soudain s'achève. Herbes et fleurs, tout est fauché. On dirait un champ de bataille Où dans la nuit, spectre penché, La mort travaille. Le bruit cesse. Par un bras lent Sur la terre je vois s'étendre, Comme un linceul un grand drap blanc Pour l'herbe tendre. Pêle-mêle s’en va coucher Dans le suaire l’herbe morte ; Puis je vois un fardeau marcher Qu'un spectre emporte. Dans le silence de la nuit, J'entends comme un faible murmure ; Puis bientôt tout s’évanouit Dans l’ombre obscure. Tout est silencieux, tout dort, La lune au ciel, pâle et blafarde, Semble la face de la mort Qui me regarde. Le os Voulez-vous maintenant avoir le poète intime et dépouillé de tout apprêt. Voici de lui un morceau complètement inédit et qu'il ne destinait pas au public. Je le dois à la bienveil- lante communication de celui auquel il étaitfadressé, poète éminent lui-même, lié à M. de Ronchaud par la communauté des talents, des admirations et des sympathies, notre compa- triote et confrère, M. Edouard Grenier. Il avait envoyé à son ami son volume de vers Amicis consacré tout entier aux choses de l'Orient, et en reçut la réponse suivante : Par la brise printanière, Un hôte m'est apporté. Un oiseau dans la lumière À mon oreille a chanté. D'où viens-tu, sur ma fenêtre Te poser, oiseau léger ? Du printemps qui vient de naître Es-tu le doux messager ? Viens-tu comme l’hirondelle De quelque climat béni Où le printemps est fidèle, Où l'amour t'a fait un nid ? Viens-tu d’une ile inconnue Où, sous des soleils meilleurs, Tu planais près de la nue, Tu t’endormais sur des fleurs ? Tu las dit : ma voix enchante Les bords aimés du soleil, | Je suis l'oiseau bleu qui chante | Dans les âmes au réveil, Je viens de l’ile lointaine Où d’un printemps éternel Respirent la fraiche haleine Les poètes fils du ciel. J'ai niché sous la ramée Dans un bocage riant, Et mon aile est embaumée Des senteurs de l'Orient. De ce ravissant domaine Où tu passes à l'écart, Ph ice. Le Dieu qui vers toi m’amène N'est point l’aveugle hasard. Mais en volant à ta porte, De la main où j'ai dormi, Le salut que je t’apporte Est le salut d’un ami. Chante donc sur ma fenêtre Oiseau bleu comme les cieux. Du printemps qui vient de naître Sois le héraut gracieux ! Au pays de poésie Dont le regret m’a suivi, Jeune aussi la fantaisie M'égara fier et ravi. Mais de mon obscur passage, Tout vestige est effacé... Plus vieux maintenant, plus sage, J'aime à songer maintenant au passé. Fon doux chant me le rappelle, En rêvant Je le revois, Et la jeunesse éternelle Me rajeunit à ta voix. Les œuvres poétiques de M. de Ronchaud sont du reste aussi nombreuses que variées. En 1883, il publiait un vo- lume de poésies dramatiques. Il a laissé en manuscrit un drame sur la mort de Danton qui sera sans doute mis au jour, car il se recommande par des beautés de premier ordre. Je ne parie pas des contes et fabliaux en vers où le poète franc-comtois a imité Lafontame avec beaucoup de bonheur et de facilité dans l’expression. En ce genre, il écrivit le plus souvent en prose, empruntant la plupart de ses sujets à son pays natal, et les traitant avec une simplicité et même une bonhomie touchantes. Il fit de même pour ses romans qui sont en petit nombre, et où il s’attacha surtout à la peinture de mœurs locales, principalement de mœurs franc-comtoises. C’est là, comme on voit, et si l’on me passe l’expression, — 99 — un bagage littéraire suffisamment sérieux. Mais M. de Ron- chaud aborda encore d’autres et de plus importantes ma- tières. Durant toute sa vie, les questions philosophiques et religieuses l’attirèrent d’une manière spéciale. Il leur con- sacra un grand nombre d'articles de journaux et de revues qu'il réunit plus tard en un volume où se trahit, avec une grande élévation de pensée, la contradiction des éducations successives de son auteur, et dont on ne pourrait sans peine dégager une doctrine absolument logique et complètement précise. Il était de plus impossible qu'un élève et un ami de La- martine ne fit pas de politique. Notre compatriote en fit à la vérité, mais dans le sens le plus noble et surtout le plus dé- sintéressé du mot. À cet égard, comme au point de vue lit- téraire, 1l suivit les conseils et l'exemple, et il adopta les idées de l’illustre poète qu'il avait pris pour maître et pour modèle. On sait que celui-ci fut à peu près le seul des grands esprits libéraux de son temps qui ne partagea pas l’engoue- ment aussi général chez eux qu’inexplicable pour la légende napoléonienne. Comme lui, M. de Ronchaud prévit les suites de cette légende, et s’attacha de longue main à les combattre. Son compatriote Nodier avait écrit la Napoléone au lende- main du 48 brumaire ; Victor Hugo devait publier les Châti- ments après le 2 décembre ; quant à notre poète, il prit les devants, et dès que le prince Louis Napoléon eut posé sa candidature à la présidence de la République, entrant de la sorte en compétition avec Lamartine qui avait aussi posé la sienne, il lui adressa le 6 novembre 1848 une ode qui fit grand bruit à l’époque et dont la dernière strophe suffira à indiquer le ton aussi bien que l'inspiration générale. Ah! s’écriait l’auteur en terminant : Ah! Qu'on ne lise pas aux pages de l’histoire Qu'un banni, dont le nom fut pour nous un péril À tourné contre nous sur notre territoire La grâce faite à son exil! — 100 — Si de la liberté la France n’est pas digne, S1l nous le fallait perdre encore, — honte insigne! Ce trésor, prix de notre sang, Des services, du moins, que le prix nous l’achète, Et n’allons pas jeter, Français, notre conquête Sous”les pieds du premier passant. Ces avertissements prophétiques, et qui n'étaient pas sans courage, ne furent point entendus. Mais l'Empire une fois proclamé, le libéral de 48 ne déserta pas la lutte. Comme il fréquentait surtout le salon de Mme d’Agoult, il se trouvait ainsi en rapport avec l'état-major de l’opposition. Cette op- position, toutefois, était tenue à une grande prudence et à de grands ménagements. Elle devait dissimuler ses attaques sous des voiles suffisamment transparents pour qu’elles fus- sent aperçues ou plutôt devinées du public, pas assez cepen- dant pour exposer leurs auteurs aux coups de la censure alors"fort rigoureuse. Elle demandait ainsi un talent, un tact, une délicatesse littéraires que la presse d'aujourd'hui, infini- ment'plus libre dans ses allures, semble avoir quelque peu perdu de’vue. L'histoire du passé, et en particulier l’histoire romaine, prétaient beaucoup sous ce rapport. Les Prévost- Paradol et lesfBeulé lui faisaient dire à peu près ce qu'ils voulaient surfle temps présent. Notre compatriote lui-même, qui collaborait àl de grandes revues et à plusieurs journaux quotidiens, cultiva beaucoup ce genre de polémique. C’est ainsi qu'à propos du César de Lamartine et d’un traval de M. Troplong sur le même sujet, 1l put, suivant le mot d’un cpirituel écrivain, reprocher impunément au général romain d’avoir fait le 2 décembre. Cette attitude d'opposition modérée et légale, mais qui n’en était pas moins ferme, il la garda pendant tout l’Erupire, et, à l’avènement du régime nouveau qui avait toutes ses sympathies, il se trouva indiqué pour faire partie du person- nel, nouveau lui aussi, que réclamaient les emplois publics. En 1872, nous le trouvons inspecteur des Beaux-Arts, poste 101 auquel le désignaient des aptitudes spéciales jointes à des travaux aussi nombreux qu’estimés. M. de Ronchaud était en effet un amateur distingué doublé d’un archéologue et d’un érudit de haute valeur. C'était Sainte-Beuve qui dès longtemps l'avait engagé dans cet ordre de travaux qu’il avait cultivés avec succès. En 1861 paraissait son principal ouvrage à cet égard. C'était une étude aussi complète qu’ori- ginale et approfondie sur la vie et les œuvres de Phidias, ce maitre de la grande époque de la statuaire grecque. Elle lui fut inspirée lors d’un voyage qu'il fit à Londres par le spec- tacle des vestiges arrachés au Parthénon et transportés, grâce à un vol célèbre, sous les brumes de la Tamise. Vestiges tou- tefois si beaux en eux-mêmes et donnant une idée telle du grand art dont ils ne sont que l'expression imparfaite et mu- ülée, qu'ils engendrent un éternel regret de la ruine de l’œuvre entière dont ils faisaient partie. ÇIl a disparu, s’é- crie notre auteur à la suite de Chandler, il a disparu ce ban- quet des yeux, et il n’en reste rien de plus que d’un songe. » Et il ajoute en déplorant la perte de tant de fragments im- portants des marbres qu’il analyse : ©« Il semble qu'on à devant les yeux les morceaux d’une lyre antique brisée : on essaie de les rassembler par la pensée et d'évoquer encore une fois le génie qui animait les cordes muettes, mais les membres dispersés du poète ne se réumiront plus; la tête d'Orphée, échouée sur un rivage barbare, n’exhale plus qu'une mélodie confuse et plaintive. » Et cependant quelle beauté respire dans ces ruines de la beauté! Nulle part on ne sent mieux la puissance de l’art et du génie que devant ces débris d’où rien n’a pu effacer l'empreinte de la main qui s’y est posée autrefois pour leur donner la vie avec la forme. La forme a été brisée, mais la vie éclate encore dans ces restes épars. Sur cette création, à moitié rentrée dans le chaos d’où le génie lPavait fait sortir, plane encore le souffle qui l'avait autrefois suscitée ; il semble même par moments qu’on va la voir de nouveau surgir dans — 102 — sa glorieuse intégrité. Mais bientôt on s'aperçoit combien Pimagination est impuissante à restaurer ces chefs-d’œuvre de l’art antique. Le regret de lPirréparable, Pattrait d’un pro- blème insoluble, ajoutent alors pour nous à la beauté de ces statues le seul charme qui leur ait manqué dans le temps de leur gloire, la poésie du mystère et de l’infini. Le sentiment qu’elles font naître tient à la fois de la tendresse et de l’ad- miration pour la beauté humaine, de Penthousiasme pour le génie, du respect de lPantiquité, de la tristesse qui s'attache aux ruines, de la curiosité pour une énigme et de linquié- tude d’un désir irréalisable. » Voilà avec quelle émotion, quel respect religieux M. de Ronchaud abordait l'étude de l’art de l’antiquité grecque, et en particulier de ce qui nous reste des œuvres du premier de ses statuaires. Son livre indique de très sérieuses recher- ches jointes à des études techniques approfondies. On doit toutefois reconnaitre que ce livre à quelque peu vieilli. [I se poursuit de nos jours tant de travaux dans le même ordre d'idées, les fouilles et les découvertes se multiplient dans une telle proportion que vingt-cinq ans écoulés suffisent et au delà pour que le meilleur des ouvrages cesse d’être au _ courant des progrès de la science. Notre compatriote le com- prenait lui-même. Vers la fin de sa vie, il avait préparé une refonte de son travail, et en tenait prête une édition nou- velle dont il n’y a plus aujourd’hui qu’à réunir les éléments. Il publiait en même temps d’autres mémoires d'archéologie de nature plus spéciale et plus rigoureusement scientifique, notamment une étude très complète sur la tapisserie dans Pantiquité, ainsi que de nombreux articles parus dans le Dic- tionnaire des antiquités grecques et romaines de M. Saglio. Pien de surprenant si, avec des aptitudes semblables jointes à un pareil ensemble de travaux, il ne fit qu'un court stage dans linspection et même au secrétariat général des Beaux-Arts auquel il était promptement parvenu, et ne tarda pas à être appelé à la situation aussi enviée qu'enviable de — 103 — directeur du Louvre et des musées nationaux. Quel plus beau couronnement de carrière pour un ami éclairé des arts, érudit et archéologue distingué que de se trouver à la tête de tant et de si précieuses collections, vivant au milieu de la principale, la plus belle peut-être et à coup sûr la plus complète de l’Europe, riche non seulement en toiles et en marbres de premier ordre, mais surtout en vestiges révéla- teurs des grandes civilisations disparues. M. de Ronchaud, qui était mieux à même que personne d'admirer et de com- prendre les trésors confiés à sa garde, ne borna point son rôle à celui d’un dilettante heureux de jouir des avantages esthétiques d’une telle situation. Son administration ne fut pas celle d’un roi fainéant. L'organisation du Louvre en par- ticulier lui doit un grand nombre d'innovations aussi fécondes qu'importantes. Nous citerons notamment l'aménagement de la salle des Etats où se trouvent réunies tant de grandes pages des écoles contemporaines en un ensemble unique au monde. Mais sa création principäle, celle qui doit avoir les effets les plus utiles et se trouve appelée aux plus grands dévelop- pements, est à coup sûr la création de l'École du Louvre. L'idée première de cette création, qui remonte à une époque assez lointaine, a été de donner au point de vue de Part et de larchéologie ce qu'on appelle en termes pédagogiques des leçons de choses, de tirer directement des collections pour linstruction du publie l'enseignement qu’elles renfer- ment. Cette idée avait déjà été partiellement mise en pratique sous le gouvernement de Charles X par lillustre Champol- lion, qui avait fait quelques cours au Musée égyptien. Depuis, elle avait été reprise par M. Alexandre Bertrand; mais ce fut M. de Ronchaud qui parvint seul à lui donner une applis cation complète et rationnelle. L'école qu'il fonda eut d’ail- leurs des débuts fort modestes. Comme me l’écrivait un de ses maitres les plus distingués et qui a pris une grande part à sa création, notre compatriote M. Eugène Revillout, c’est dans l’appartement privé du directeur du Louvre qu'elle à — 104 — pris naissance. Son fondateur a dû commencer par prouver en marchant la possibilité du mouvement. Depuis, les choses se sont régularisées ; l’École a ses locaux, son budget, des programmes ; elle a déjà fait ses preuves, et l’avenir lui ré- serve un rôle de plus en plus important. Cet avenir, M. de Ronchaud ne devait pas en être le té- moin. Déjà atteint par la maladie à laquelle il a succombé, il était allé près de Paris, dans la petite ville de Saint-Germain, demander à un air plus pur un répit à ses souffrances. La mort l’y surprit dans des circonstances particulièrement douloureuses sur lesquelles il serait pénible d’insister. Une grande solennité fut donnée à ses funérailles où M. le Mi- nistre de l’Instruction publique et M. l'amiral Pâris rendirent un public hommage à ses travaux, à sa vie, à son caractère. Nous n'avons pas eu la prétention de refaire un panégyrique déjà fait par des voix aussi autorisées, et qu'ont repris du reste la plupart des grands organes de la presse parisienne. Mais nous avons pensé que la province natale de M. de Ronchaud ne pouvait laisser disparaître un de ses enfants les plus dis- tingués, sans qu'il y fût payé à sa mémoire un juste tribut d’éloges et de regrets. C'était là du reste une tâche facile. Notre compatriote vécut par l’amitié et le dévouement. Il aima passionnément les arts, la poésie, la liberté, tout ce qui donne du prix à l'existence et nous élève au dessus des vul- garités et des dégoûts qui en forment la trame ordinaire. Ces inclinations qu'il a pu largement satisfaire ne lui ont pas seu- lement donné des jouissances esthétiques de l’ordre le plus élevé. Elles nous ont valu de beaux vers, de bons et savants ouvrages, des créations utiles, et surtout un noble exemple. se Ë ES LE GRAVEUR Be NCOIS BRIOT BOURGEOIS DE MONTBÉLIARD ANALYSE D'UNE ÉTUDE DE M.-ALEXANDRE TUETEY Par M. Auguste CASTAN CORRESPONDANT DE L'INSTITUT (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres) Séance du 18 juin 1887. Dans un mémoire publié en 1879, sous les auspices de la Société d'Émulation du Doubs, j'avais révélé quelques docu- ments positits, les premiers qui aient été produits, sur la vie du graveur François Briot, l’auteur de la célèbre aiguière que l’on regarde, à juste titre, comme l’une des pièces capi- tales de la ciselure française dans la seconde moitié du sei- zième siècle (1). J'avais établi, d’une façon incontestable, la présence de François Briot à Montbéliard, comme graveur en médailles, durant la période comprise entre les années : 1596 et 1615; j'avais fourni des éléments sérieux d’induction pour établir la parenté de François Briot, le graveur, avec Nicolas Briot, le propagateur du balancier monétaire, en donnant des preuves d’une association de ces deux artistes (1) Le plat et l’aiguière, dits de la Tempérance, exécutés par François Briot, ont été publiés et décrits par M. CHABOUILLET, dans le Magasin pittoresque (t. XX, 1852); par M. Claude SAUVAGEOT, dans l'Art pour tous, ann. 1866-67, nos 162 et 167; par M. Edouard LiÈVRE, dans son ou- vrage sur la Collection Sauvageot; par M. Alfred DucaT, dans les Mé- moires de la Société d'Emulation du Doubs (ann. 1880) ; par M. Ger- main BAPST, dans ses Etudes sur l’étain. — 106 — pour lexploitation de la machine qui devait porter à un si haut point de perfection la frappe des monnaies et mé- dailles (). Mes révélations furent divulguées et contrôlées par deux spécialistes de la plus haute valeur, M. Chabouillet, conser- vateur du cabinet des médailles de la Bibliothèque natio- nale @), et M. Germain Bapst, l’auteur des Etudes sur l’étain dans l'antiquité et au moyen âge G). Plus récemment, mon mémoire à eu la bonne fortune de mettre en goût et sur la voie de nouvelles recherches l’érudit qui connaît le mieux les archives de la principauté de Montbéliard : je veux parler de mon confrère et ami M. Alexandre Tuetey (4). Par des documents que M. Jules Guiffrey avait publiés en 1877 6), on savait que Nicolas Briot était né à Damblain, en Lorraine, où habitait sa famille assez nombreuse. D’autre part, François Briot était appelé Cde Montbéliard » dans le compte des dépenses faites, en l’année financière 1614-1615, par la municipalité de Besançon. La différence apparente du lieu d'origine de ces deux hommes ne me sembla pas un obstacle à la parenté que j'affirmais avoir existé entre eux. Je pris donc à la lettre l'indication du compte municipal de Besançon, me souvenant d’ailleurs que le nom de Briot est très répandu dans les cantons de l’ancienne Franche-Comté qui avoisinent le pays de Montbéliard. Ce pays avait été le: (1) Les origines montbéliardaises du ciseleur François Briot et du monnayeur Nicolas Briot : dans les Mémoires de la Société d’'Emula- tion du Doubs. ann. 1879, pp. 114-196. (2) Rapport sur le tome IV de la 5° série des Mémoires de la Société d’'Emulation du Doubs : dans la Revue des sociétés savantes, ‘Te série, t. VI, 1882, pp. 386-399. (3) Etudes sur l’étain dans l’antiquité et au moyen âge, Paris, 1884, gr. in-80, pp. 290, 255, 269-273. (4) Le graveur lorrain François Briot, d’après des documents iné- dits, par Alexandre TUETEY, avec un portrait dessiné par Charles GOUTz- WILLER ; Paris, 1887, gr. in-8° de 33 pages (extrait des Mémoires de la Société d'Emulation de Montbéliard). (5) Nouvelles Archives de l'Art français, ann. 1877, pp. 406-420. — 107 — principal refuge.de ceux des habitants de la Franche-Comté qui embrassèrent la religion protestante, et, parmi les con- temporains de Briot qui professaient le protestantisme, Je trouvais le peintre Guillaume Briot, indiqué comme « natif de Montbéliard ». Je fus ainsi conduit à supposer que Fran- çois et Nicolas Briot étaient issus d’une famille comtoise ré- fugiée à Montbéliard et dont l’une des branches se serait acclimatée en Lorraine. Mon hypothèse était logique ; mais une expérience déjà longue m'a appris que le vraisemblable n’est pas toujours le vrai, et que la lueur d’une conjecture ne saurait prétendre à éclipser la lumière d’un document (1). En ce qui concerne le lieu de naissance de François Briot, M. Tuetev fournit un document irrécusable. François Briot n’était pas né, mais était simplement acclimaté à Montbéliard, ce qu'avait déjà conjecturé M. Chabouillet. Il venait de Damblain en Lor- raine, et c’est là une circonstance qui transforme en certi- tude mon induction concernant la proche parenté de cet artiste avec son homonyme Nicolas Briot, également origi- naire de Damblain. On savait que Nicolas Briot appartenait à la religion protestante : M. Tuetey donne des preuves nombreuses que François professait le même culte; à la suite de M. Chabouillet, il incline à penser que François aurait été l’oncle de Nicolas. Il est certain que dans les premières années du dix-sep- tième siècle, François Briot faisait ménage à Montbéliard avec un neveu qui lui servait de domestique. Ce neveu au- rait-il été Nicolas Briot? Je le croirais d’autant plus volon- tiers, qu'il existe un portrait du botaniste Jean Bauhin, gravé sur cuivre à Montbéliard, en 1601, et portant, comme signa- ture d'artiste, cette formule latine : N. Briot figuravit sclup- (D) « Comme il m'est arrivé de le dire souvent », écrivais-je à M. Ger- main Bapst, « le plus malotru des textes vaut mieux!que la plus ingé- nieuse des conjectures ». (Lettre du 29 septembre 1883, publiée dans les Etudes sur l’étain, pp. 298-300.) — 108 — sit (sic) Montisbelgard :. Ce portrait est assez maladroite- ment fait pour être considéré comme l’œuvre d’un débutant : aussi l’avais-je indiqué comme ayant été peut-être l’un des premiers essais de Nicolas Briot, le futur graveur et ingé- nieur monétaire. J'étais encore plus sûrement inspiré lorsque rencontrant le fait de l'entremise de François Briot pour le placement d’une « presse » à battre monnaie, je reconnaissais dans cet outil la machine qui devait illustrer le nom de Nicolas Briot. Si, à l’époque de cette entremise, c’est-à-dire en 1614, François Briot était surnommé « de Montbéliard », c’est qu'alors il comptait parmi les bourgeois de cette dernière ville. Il y était venu depuis Damblain, vers la fin de l’année 1579 ou au commencement de l’année 1580, et avait pris rang, comme potier détain, dans la corporation dite de Saint-Eloi. Il devait être jeune lors de cette expairiation, car, peu de temps après son établissement à Montbéliard, il avait modifié sa position sociale : d’industriel, 1l était devenu artiste et prenait la qualité de « graveur de Son Excellence », c'est-à-dire du prince Frédéric de Wurtemberg, comte sou- verain de Montbéliard. Mais alors la culture des arts ne conduisait pas à la for- tune : aussi François Briot, comme la plupart des grands artistes de son temps, fut-il pendant toute sa vie aux prises avec la misère et en but aux poursuites de ses créanciers. I parait toutefois avoir agravé sa misère en devenant la dupe d'aventureux et malhonnêtes spéculateurs. Cest cependant à l’une des nombreuses poursuites de ses créanciers que nous sommes redevables des renseignements précis qui nous arrivent sur le lieu et les procédés de fabri- cation de la magnifique aiguière. En effet, dans une sentence rendue par la cour et chancellerie de Montbéliard, le 26 mars 1601, le mandataire de François Briot, qui, lui, était alors absent, fut condamné à rétablir au domicile de l'artiste, pour — 109 — la satisfaction de ses créanciers, « certains mosles de cuivre, tant de bassin, aiguière, vase, sallière qu'aultres....., de val- leur de plus de quatre à cinq centz escus ». Donc M. Ger- main Bapst avait eu raison de présumer que Briot gravait dans le métal, comme s’il se fût agi d’une médaille, les mo- ils destinés à la décoration de ses ouvrages; donc aussi je ne m'étais pas trompé en rattachant au pays de Montbéliard l’évolution artistique de François Briot. La situation précaire de cet artiste fait assez comprendre que son œuvre maitresse n'aurait pu se poursuivre et s’a- chever en dehors du patronage de quelque grand seigneur. Or, François Briot était, dès 1585, attaché comme graveur en titre à la maison du comte-souverain de Montbéliard. La procédure de 1601 montre que ce prince avait hypothèque sur les moules dont usait son graveur pour produire des exemplaires d’une aiguière et d’un bassin. Il est d’ailleurs certain que, durant la période de création de ces deux pièces, Briot avait un domicile à Montbéliard et comptait parmi les bourgeois de cette ville. Ces indications concordantes ont fait penser à M. Tuetey « que François Briot, en relations permanentes avec le comte Frédéric de Wurtemberg, puisqu'il était son graveur en titre, dut exécuter son admirable aiguière à la demande de ce prince désireux d'enrichir son orfèvrerie d’une pièce aussi remarquable, que par conséquent elle dut être faite peu de temps après l’arrivée de cet artiste à Monthéliard, entre les années 1580 et 1590 ». Pour établir l’origine montbéliardaise de laiguière, un témoin, que M. Tuetey n’a pas interrogé, existe à l’hôtel de ville de Montbéliard : c’est un grand meuble, daté de l’an 1600, dont les figures décoratives sont empruntées à l’ai- guière de Briot et à son bassin ; une inscription dit que « Jé- rémie Carlin, âgé de quatorze ans, d’un burin apprentif a gravé cet ouvrage ». Dans le jeune auteur de ce meuble, qui parait avoir été graveur de profession, M. Edmond Bon- — 110 — naffé (1) pense qu'il est permis de reconnaitre un élève de François Briot, ayant travaillé à Montbéliard sous linspira- tion et d’après les dessins de lPéminent ciseleur. En somme, les très intéressantes découvertes de M. Ale- xandre Tuetey enlèvent au pays de Montbéliard lillusion que je lui avais fait concevoir quant à l’enfantement de François Briot; mais, en revanche, elles affermissent mes inductions sur les travaux accomplis en ce même pays par le grand artiste, et sur la collaboration qu’il y avait prêtée aux pre- miers essais de la presse monétaire perfectionnée par son jeune parent. Si la vérité a beaucoup gagné à ce change, le pays de Montbéliard n’y à pas trop perdu, car si le bénéfice d’avoir vu naître François Briot lui échappe, il lui revient, par compensation, des motifs absolument sérieux de consi- dérer la célèbre aiguière comme un produit de son terroir. (1) Le meuble en France au X VIe siècle, Paris, 1887, in-40, p. 150. Se he Le pp ee D ne a RS PO PTT IE ES TE EE EE OP TE D UT SANS Ve PT Er — 111 — LISTE CHRONOLOGIQUE DES CIRCONSTANCES CONNUES DE LA VIE DE FRANÇOIS BRIOT. 1580 (12 avril). — « François Briot, potier d’estain, de Dambel- lain, pays de Lorraine », est reçu à Montbéliard, dans la « chonffe des mareschaux », ou confrérie de Saint-Eloi. (TUETEY.) 1585. — Il grave une médaille représentant, à l’âge de trois ans, le prince Jean-Frédéric, fils du comte-souverain de Montbéliard (1). (CHABOUILLET.) 1585 (7 novembre). — Il vient au lit de mort d’une de ses coré- ligionnaires de Montbéliard, Barbe Lallemand. (TUETEY.) (1) J’attribuerais volontiers à l’un des prédécesseurs de François Briot, dans la profession de graveur en médailles à Montbéliard, un médaillon sans revers, dont la Bibliothèque de Besançon possède un exemplaire en bronze, doublé de plomb et en partie avarié. Ce médaillon, que j'ai signalé dans l’Inventaire des richesses d’art de la Bibliothèque de Besançon, publié en 1886 (p. 67), peut se décrire ainsi : Buste de profil, regardant à droite, visage long dont le nez est fortement busqué, chevelure courte et frisée, barbe très longue et également frisée, petite fraise bordant le col relevé d'un pourpoint sans manches, sur lequel est en sautoir un cordon qui laisse supposer une décoration non figurée ; légende : PETRYS * PIERARD * ÆT ‘ S * A ‘ 50° — Diam. Om,05. Le personnage ainsi représenté semblerait avoir été le même que « Pierre Pierrard », qui fut chargé par le gouverneur du comté de Montbéliard, au mois d'avril 156%, de conférer à Besançon avec le cardinal de Granvelle, au sujet des réclamations faites par ce prélat contre le préjudice que portait aux droits de son abbaye de Luxeuil l’introduction du protestantisme dans certaines terres relevant politiquement du comté de Montbéliard (Dépêche de Albert ARBOGAST, baron DE HEWEN, gouverneur de Montbéliard, 10 avril 156% : Biblioth. de Besançon, Mémoires de Granvwelle, t. XI, fol. 38). joe 1586 (20 janvier). — « Maistre François Bryot, graveur de Son Excellence », est reçu, à Montbéliard, « de la chonffe des marchans de la grande verge ». (TUETEY.) 1586 (30 mars). — « Il figure parmi les témoins du testament de Nicolas Bourquard le vieux, bourgeois de Montbéliard ». (TUETEY.) 1586 (4 décembre). — « Il remplit le même office auprès de Ca- thin Châtel, femme d’un autre bourgeois de la même ville, Perrin Duvernoy ». (TUETEY.) 1587 (28 décembre). — Il figure dans les rangs des bourgeois de Montbéliard, armés pour la défense éventuelle de la ville contre l’invasion guisarde; son domicile était alors dans le quartier du Bourg. (TUETEY.) 1589 (13 juin). — Il est parrain, à l’église réformée de Montbé- liard, d’Esther, fille d'Antoine Hurtebinet, marchand dijon- nais. (TUETEY.) 1589 (10 octobre). — « Exibel, jadis fille de fut Guillaume Gue- netat, à son vivant de Crozey, comté de Bourgongne, et ser- vante de maistre François Briot, graveur, estant malade de corps,.... a faict en outre déclaration que ledit Briot luy est redevable de ses salaires de deux ans, assavoir de l’an 1588, 1589, ayant faict marchefz pour chascun an douze frans, et receu sur ce dix gros, item quelque saye pour faire un garde habit jusques environ la valeur de vi frans. Ledit Bryot luy doibt, oultre ce que dessus, vingt gros d’argent presté ». (TUETEY.) 1590 (14 février). — Obligation de 365 francs 3 gros, passée par Antoine Hurtebinet, au profit de François Briot, qui lui avait fourni des marchandises et des denrées représentant cette - valeur. (TUETEY.) 1593 (13 mai). — François Briot est parrain, à l’église réformée de Montbéliard, d’'Etienne, fils de Nicolas Cheville. (TUETEY.) 1593 (12 août). — Obligation de 135 écus souscrite par François Briot, au profit de Pierre-Antoine de la Môle, gentilhomme piémontais retiré à Montbéliard, (TUETEY.) = — — 113 — 1593. — Gravure, par François Briot, de deux médailles à l’ef- figie et aux armes du prince Frédéric de Wurtemberg, comte- souverain de Montbéliard, qui venait d’hériter du duché de Wurtemberg. (CASTAN et CHABOUILLET.) 1594. — François Briot désigné comme bourgeois de Montbé- liard dans une procédure contre Nicolas Bourquin, tisserand de cette localité. (TUETEY ) 1594 (18 avril)-1595 (13 novembre). — Procès perdu par Fran- çois Briot, au sujet d’une créance qu'il prétendait sur la suc- cession de l’orfèvre Jean Morel, maître de l'atelier monétaire de Riquewihr, où se fabriquaient les monnaies de l'Etat de Montbéliard. (TUETEY.) 1595 (18 juin). — Obligation de 6.752 florins 11 batz, passée au profit de François Briot, par Laurent de Willermin, gentil- homme vaudois, titulaire d’une concession des mines de plomb et d'argent pouvant exister en Franche-Comté. (TUETEY.) 1599 (10 octobre)-1601 (29 avril). — Liquidation judiciaire, de- vant le souverain Buffet de Blamont, des biens abandonnés à ses créanciers par Laurent de Willermin, spéculateur aven- tureux : « en 33e lieu et ordre, l’on colloque François Briot, graveur, à la somme de 6.752 florins, 11 batzes, monnoie d’Al- lemagne, pour l’arrest et finito du compte fait entre lui et ledit Willermin, deffendeur, le 18 jour du mois de juing 1999 #6. » (TUETEY.) 4601 (26 mars). — Sentence de la cour et chancellerie de Mont- béliard condamnant à restitution le fondeur Pierre Choullier, 4 pour avoir de son auctorité privée et indehue et en absence de maistre François Briot, graveur, absent de ce pays, dis- traict certains mosles de cuivre, tant de bassin, aiguière, vase, Sallière qu’autres, d’entre aultres meubles appartenant audit Sraveur, -..- , jaçois lesdits molles soient de valleur de plus de quatre à cinq centz escus. » (TUETEY.) 4601 (27 mars). — Sentence de la justice de la mairie de Mont- béliard condamnant « Pierre Choullier, fondeur, bourgeois de 8 — 114 — Montbéliard, comme plaige et caultion de François Briot, gra- veur », au paiement de 135 écus, montant de l'obligation sous- crite par ce dernier, à la date du 12 août 1593, au profit de noble Pierre-Antoine de la Môle, « comme aussy les intérestz raisonnables, saufz à desduire le prix à provenir de la vente de trois tasses d’argent doré pesans 6 marcs, données de seurthé aud. demandeur, que l’on ordonne estre faicte au plus offrant ». (TUETEY.) 1605 (12 avril)-1610 (27 septembre). — « François Briot, graveur, qualifié. ... d’habitant à Montbéliard, intente un procès aux héritiers d'Antoine Hurtebinet », pour le recouvrement d’une créance remontant à l’année 4590. Ce procès est gagné par François Briot, en première instance et en appel. (TUETEY.) 1605 (5 mai). — Au baptême d'Alexandre, fils de noble Michel Virot, bourgeois de Montbéliard, François Briot représente le parrain absent. (TUETEY.) 1606. — « Un procès qu’il soutint, en 1606, contre un cordon- nier de Montbéliard, nommé Hugues Bricardet, très proba- blement pour un règlement de compte, nous révèle l’exis- tence d'un neveu que Briot avait probablement fait venir de Lorraine et qu’il avait retenu auprès de sa personne. Le cor- donnier Bricardet offrait de faire la preuve de ses dires par serment, « d’aultant », alléguait-il, « que le nepveu du de- » mandeur (François Briot), dont mention est faicte en son » livre de raison, estoit lors et au temps y rapporté domes- » tique d’icelluy demandeur ». (TUETEY.) 1606 (24 janvier). — « Nouvelle réclamation de Briot, toujours habitant à Montbéliard, pour obtenir de Pierre Goillot, por- tier de la porte du Grand-Pont, le payement de 10 francs 8 gros ». (TUETEY.) 1608 (11 février). — « Renouvellement du serment traditionnel | de fidélité par la bourgeoisie de Montbéliard entre les mains du comte Jean-Frédéric..... : François Briot, alors domicilié au guet ou quartier de Brevatier, autrement dit Bourg-Vau- thier, se trouve au nombre de ceux qui s’acquittèrent de ce (TUETEY.) à È : devoir ». — 115 — 1608 (24 mars). — Cédule de 400 florins, faite par François Briot, au profit du fondeur Pierre Choullier, à l’effet sans doute de donner à celui-ci le droit de s’opposer aux saisies qui menaçaient l'artiste. (TUETEY.) 1609. — Médaille, gravée par François Briot, à l'effigie et aux armes de Jean-Frédéric, duc de Wurtemberg, comte-souve- _rain de Montbéliard. (CASTAN et CHABOUILLET.) 1609-1613. — Instance de Christophe Friess, hôte de l’Ours et bourgeois de Strasbourg, contre François Briot, dont il fait saisir le mobilier. « N’est-il pas naturel de penser que cet hô- telier venait réclamer le payement d’une dette contractée par François Briot, durant le séjour que notre artiste avait pro- bablement dû faire à Strasbourg dans le cours de ses nom- breuses pérégrinations » ? (TUETEY.) 1610 (13 décembre). — Une lettre de Briot, absent du pays, in- tervient dans ce procès. (TUETEY.) 1612 (30 janvier). — Instance devant la cour et chancellerie de Montbéliard, « dans laquelle François Briot figure comme ap- pelant et demandeur en matière d’injures, et pour réparation d'honneur, contre Pierre Baguesson, orfèvre et bourgeois de Montbéliard ». (TUETEY.) 1614 (décembre). — Procès soutenu devant la cour de la mairie de Montbéliard, par François Briot, contre Jean Tuetey, fores- tier à Blamont. (TUETEY.) 1614-1615. — Gravure faite à Montbéliard, par François Briot, d’un demi-coin métallique à l'effigie de l’empereur Mathias, pour les pièces d'honneur des membres de la municipalité de Besançon, et fourniture faite à cette ville, par le même artiste, d’une « presse » à battre monnaie. (CASTAN.) 1616 (7 mars). — Henry Horry, notaire et receveur des pauvres lépreux de la maladrerie de Montbéliard, produit certain acte témoignant des empêchements qui ne permettaient pas à François Briot de se rendre à Montbéliard pour le règlement de ses affaires. (TUETEY.) 1616 (25 avril). — Sentence ordonnant, en vue du rembourse- en 410 > ONE ment de deux créances, que le mobilier de François Briot se- rait vendu publiquement, tout en réservant à l’infortuné gra- veur, si faire se pouvait, « ses moules et les plus nécessaires de ses meubles ». (TUETEY.) PENSÉE D'AUTOMNE. -- AIMEZ-VOUS ! Pièces de vers de M. Charles GRANDMOUGIN. Séance publique du jeudi 15 décembre 1887 (1). PENSÉE D'AUTOMNE, L'oiseau vers le midi reprend son libre essor, Le sol gris est couvert de feuilles envolées, Et leurs essaims, mêlés de rouge sombre et d’or, Avec un bruit soyeux courent dans les allées. Le grand vent automnal, hurlant comme les flots, Se déchaîne sans trève à travers les ramées, Et chasse dans le ciel, avec de longs sanglots, Des nuages épais, noirs comme des fumées. Les horizons lointains de brume sont noyés; On subit la tristesse invincible des choses; S’effeuillant tristement sur les gazons mouillés, Dans les parcs solennels et froids meurent les roses. Plus de soleil : la nuit semble absorber le jour! Dans les cœurs douloureux lentement amassées Règnent obstinément les funèbres pensées, Et tout paraît mourir d’une mort sans retour. Pourtant rien n’est perdu des forces de la terre, Le printemps est caché sous la nature en pleurs; Tout périt pour revivre : un éternel mystère Nous rend toujours l’azur, le soleil et les fleurs ! (1) M. Charles GRANDMOUGIN avait bien voulu donner à la Société d'Emulation du Doubs la primeur de ces deux pièces, qui font partie d’ur volume, alors sous presse, intitulé : À pleines voiles ! — 118 — O mort, cruelle mort, qui prends ceux que l’on aime, Qui nous fais tant souffrir, hélas ! et tant songer, N’es-tu rien, dis-le nous, qu'un hiver passager D'où l’on sort pour entrer dans la clarté suprême ? Comme la fleur revit après les noirs autans, L’essaim victorieux des âmes délivrées Ne s’envole-t-il pas aux voûtes azurées Pour y goûter la paix d’un éternel printemps ? O redoutable mort, peux-tu donc tout détruire ? Es-tu le désespoir, le néant sans retour ? Vas-tu rendre à la nuit, alors que l’on expire, Tout ce qui fut en nous l’idéal et l'amour ? Le dernier mot doit-il rester à la Justice ? Après les mauvais jours et les deuils éplorés, Après qu'on a vidé le douloureux calice, Réunis-tu les cœurs par ton bras séparés ? AIMEZ-VOUS ! - Aimez-vous ! c’est le cri de la terre et des mers, Celui des bois en fleurs et des brises en fêtes! Tout conseille l’oubli profond des jours amers, Et l’amour des époux chanté par le poète L’est par toutes les voix de l’immense Univers ! Aimez-vous ! la jeunesse est sœur de l’espérance ; Les rêves d’or éclos dans les cœurs de vingt ans Chantent à l’avenir l'hymne de délivrance ; Les époux en hiver sont le joyeux printemps Pendant que les cieux gris nous parlent de souffrance ! Aimez-vous ! c’est le mot du Christ à tous les siens, Le mot qui nous dévoile en de divines heures Les paradis futurs et les Edens anciens, Qui nous fait des yeux doux et des âmes meilleures, Et nous donne la vie en nous donnant des liens ! — 119 — Aimez-vous ! et qui peut savoir jusqu'où l’on s’aime Et si tout est fini quand nous semblons finir ! Au delà des tombeaux, notre désir suprême Poursuit éperdûment l’immortel avenir Après des jours heureux aussi beaux qu'un poème ! Aimez-vous !" C’est le cri de la terre et des mers, Celui des bois en fleurs et des brises en fêtes! Buvez en paix l’oubli profond des jours amers ! Et l’éternel amour chanté par le poète Est chanté par tes voix, éternel Univers! LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS AU CONGRES DE LA SORBONNE EN 1887 Rapport de M. Edouard BESSON, secrétaire décennal. Séance du 18 juin 1887. MESSIEURS, Le dernier congrès des sociétés savantes de la Sorbonne où nous avons eu, plusieurs de mes collègues et moi, l’hon- neur de vous représenter, s’est tenu cette année à une époque nouvelle, et qui n’a pas permis de s’y rendre à un aussi grand nombre de délégués que d'ordinaire. Néanmoins ses séances n’ont pas offert un moindre intérêt, et les trois jours qu'il a durés en dehors de celui de la séance de clôture définitive ont été également bien remplis. Vous étiez particulièrement représentés à la section des Beaux-Arts où M. Castan a lu en votre nom le travail dont il vous avait donné la primeur sur le sculpteur franc-comtois Pierre-Etienne Monnot. Ce travail a recu du savant auditoire de la salle Gerson l’accueil qu'il méritait et que vous lui aviez fait vous-mêmes, c'est-à-dire un accueil excellent. La presse parisienne ne s’est pas montrée moins sympathique à son endroit, et le critique distingué qui, dans un rapport d’en- semble, a résumé les communications qui ont eu lieu à la section des Beaux-Arts, s’est fait avec son esprit et son talent habituels l'interprète du sentiment général à l’égard de votre secrétaire honoraire. L'auteur du Marmorbad de Cassel, l’œuvre la plus considérable de sculpture française qui existe à l'étranger et de tant d’autres morceaux remarqua- bles, était loin en effet d’avoir la notoriété qu'il mérite et — 191 — méme ce qu'on savait de lui ne reposait pas toujours sur des données exactes. M. Castan, grâce à ses voyages, aux documents qu'il a su rassembler et interpréter, a remis sous son vrai Jour cette grande physionomie et a rendu ainsi un signalé service, non seulement à l’histoire générale de l’art, mais surtout à celle de l’art franc-comtois. Cette dernière histoire, qui est encore à faire, serait sans doute féconde en enseignements curieux et en révélations originales. Sans avoir, en effet, d'école artistique proprement dite, la Franche-Comté a produit, surtout depuis ce siècle, un nombre considérable de talents distingués dans les genres les plus divers. La salle des Etats du Louvre etsurtoutles galeries de peinture et de sculpture du Luxembourg témoi- gnent assez de notre fécondité artistique peut-être tardive, mais à coup sûr abondante et variée. Sans remonter même si haut, nous avions pu cette année, grâce à la date du congrès, visiter l’exposition du Palais de l'Industrie, et nous avons été surpris de la part considérable prise par la Franche-Comté, sous le double rapport de la quantité et de la qualité des œuvres produites à cette grande manifestation de Part national. Un grand nombre des œuvres en question étaient consacrées au paysage, et il est certain que nos artistes sont spécialement portés vers ce genre de pemture par la beauté naturelle des sites de leur pays. Bien plus, à ce point de vue, nous nous sommes annexé des maîtres d’une haute valeur étrangers à la Franche-Comté, comme M. Pelouze dont le pinceau à magistralement repro- duit deux des points de vue les plus charmants des environs de notre ville, les sources d’Arcier et les bords du Doubs à Chalèze. Parmi nos compatriotes, citons seulement des ar- üstes éminents comme MM. Rapin aux conceptions si vapo- reuses, Pointelin le peintre si expressif des pentes boisées de notre Jura, et le regretté Vernier qui a si bien compris la haute poésie des grands horizons maritimes. Citons encore des artistes aussi consciencieux et aussi exacts, soit dans le — 122 — soin des détails, soit dans le rendu des jeux de lumière que MM. Robinet, Japy, Boudot, Isenbart. Le portrait, qui est peut-être le genre où excelle l'Ecole française, compte parmi nos compatriotes des adeptes fer- vents et distingués. Sans parler de M. Gigoux qui n’a pas cessé de produire, mais qui produit dans une gamme nou- velle, nos trois prix de Rome, MM. Machard, Giacomotti et Chartran ont donné cette année des morceaux remarquables à divers points de vue. Le premier, pour lequel l’éminent critique du Journal Le Temps peut sembler bien sévère, a dans. sa manière quelque chose de vaporeux, de suave et d’idéal qui la rapproche de celle de M. Henner. Les deux autres se préoccupent davantage de la précision des contours et de l'exactitude dans le rendu des traits et de l'expression. Le portrait de l'acteur Mounet-Sully dans le rôle d’'Hamilet, dû au pinceau de Chartran, est notamment dans ses petites dimensions un morceau des plus remarquables. Un autre peintre habituel de portraits, M. Bassot, a fait cette année de la peinture de genre. Ses forgerons sont vigoureusement et simplement rendus. Citons encore dans cet ordre de peinture le souvenir du volontariat de M. Baille qui porte dignement . un nom dont s’honore notre art local, et enfin le marché de M. Picard, un des médaillés du Salon, qui a bien vite réalisé les espérances que donnait son jeune talent. La peinture historique a aussi valu de flatteuses distinc- tions à un autre de nos jeunes compatriotes, M. Girardot. Son tableau de Ruth et Booz, d’allure mystique, vaporeuse et quelque peu étrange, produit une grande impression. Au point de vue de la statuaire, la critique a rendu un lé- gitime hommage à notre maître éminent M. Gérôme qui en- core une fois a voulu demander au marbre un de ses triom- phes que la toile ne lui à pas épargnés. Son Omphale, où se retrouvent les qualités de science archaïque et de fini d’exé- cution auxquelles le grand artiste doit le meilleur de sa cé- lébrité, a de plus une grâce d’attitude et une noblesse de 1 contours qui lui donnent quelque chose d’achevé. M. Iselin, en reproduisant les traits si accentués de l’auteur de Colomba, a donné un de ces fins et distingués morceaux de statuaire où il excelle. M. Gauthier, qui nous avait habitués à ses su- jets de plus grande envergure, n'a exposé cette année que deux bustes très fouillés et très réussis. M. Becquet, avec son Christ et son lion de bronze, reste dans le domaine de la grande sculpture. Signalons enfin M. Voisin-Delacroix, encore un jeune, pour lequel la distinction qu'il vient d’ob- tenir au Salon est un gage sérieux de succès pour l'avenir. Je n’ai fait ici, Messieurs, et n’ai voulu faire qu'une énu- mération rapide des principaux peintres et sculpteurs franc- comtois qui ont pris part à la grande exposition des Champs- Elysées. Si j'ajoute que plusieurs se sont abstenus, et non _ des moindres, comme M. Jean Petit, occupé à terminer pour notre ville sa belle statue du cardinal Granvelle, on se rendra compte de l'importance du mouvement artistique auquel obéissent actuellement nos compatriotes. Ce mouvement ne date pas d'hier, et rien ne serait plus curieux que d’en suivre les traces en remontant, sinon à son origine, tout au moins à une époque où 1l a commencé à se faire sérieusement sentir. C’est là la pensée qui a inspiré un projet dont nous a en- iretenus l’Association franc-comtoise de Paris à la fin du banquet auquel elle avait bien voulu nous convier. Il s’agi- rait de former à Paris même une exposition rétrospective des œuvres de nos artistes locaux. La réalisation d’un tel projet présentera plus d’une difficulté. Sans doute la capitale possède les morceaux essentiels d’un tel ensemble; mais nous avons gardé par devers nous beaucoup de productions d'artistes dont l’activité s’est épuisée tout entière dans les limites de notre province. Bien peu de toiles de Wyrsch et de Gresly, par exemple, sont sorties de Franche-Comté. Il v a donc là un concours commun à apporter de la part de tous ceux de nos compatriotes qui s'intéressent à cet ordre de eo, questions, qu'ils résident à Paris ou dans leur province na- tale. Ce concours, je crus, en ce qui nous touche, pouvoir le promettre à nos amphytrions, lorsque je dus répondre aux paroles aimables qui nous furent prodiguées durant cette charmante réunion terminée, sans doute pour développer chez nous la passion de Part local, par un concert où l’on n’entendit que de la musique franc-comtoise, fort bien exé- cutée par des artistes franc-comtois. | J'espère, Messieurs, que cette promesse faite en votre nom, vous voudrez bien m'aider à la tenir; car il y a là en jeu une de ces questions qui vous ont toujours préoccupés et qui touchent de plus près à l’honneur de notre province. La su PHYSICIEN PECLET pi DISCOURS PRONONCÉ EN SÉANCE PUBLIQUE DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS POUR L’INAUGURATION DU BUSTE DE CE SAVANT PAR M. Georges SIRE DOCTEUR ÈS SCIENCES PHYSIQUES. AS È rss CD NS JEUDI ss Ve LÉ 45 DÉCEMBRE 1887 LE PHYSICIEN PÉCLET. MESDAMES, MESSIEURS, Il y a trente ans, mourait à Paris une célébrité franc-com- toise, un enfant de notre ville : ce bisontin était l’éminent physicien Pécle. Il peut se faire que ce nom n’éveille aucun souvenir par- ticulier chez la plupart des personnes qui honorent cette so- lennité de leur présence ; et pourtant ce nom n’est jamais cité qu'avec vénération par les savants, les Imgénieurs, sur- tout par les manufacturiers, pour qui il est synonyme de dé- sintéressement et de dévouement à l’industrie. D'ailleurs, vous aurez de suite une juste idée du grand ca- ractère de notre compatriote, si je rappelle qu’il fut non seu- lement un savant physicien, un professeur hors ligne, mais surtout un € homme excellent qui, dans la modestie de sa vie, ne connut que le bien, ne pratiqua que la vertu »; une « âme élevée et pure qui chercha toujours la vérité, qui n'aima jamais que l’honneur ». Ce fut ainsi que s’exprima l’illustre chimiste Dumas aux funérailles de son ami. Messieurs, la Société d’Emulation du Doubs ayant l’hon- neur d’inaugurer en ce jour l’œuvre d'art qui doit perpétuer parmi nous la figure sympathique du physicien Péclet (), j'ai saisi cette heureuse circonstance pour rendre hommage à sa mémoire, en rappelant devant vous sa vie et ses œuvres. (1) Le dessin qui reproduit cette œuvre d'art, sur le titre du présent opuscule, est dû au talent de M. Henri MICHEL, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts de Besançon. — 1928 — Eugène PÉCLET naquit à Besancon, le 10 février 1793. De bonne heure il manifesta un goût très vif pour létude des sciences mathématiques et physiques, ce qui léloigna de la vie commerciale à laquelle sa famille le destinait. En 1813, il entra à l'Ecole normale supérieure; il en sortit en 1816, et fut nommé professeur de physique au collège de Marseille. Son séjour dans ce grand centre commercial et industriel ne fit qu'accroître ce goût particulier qui l’aturait vers les ap- plications de la science à l’industrie. Frappé de l'arbitraire qui présidait à la mise en œuvre d’une foule de procédés ma- nufacturiers, il reconnut bien vite combien la science pou- vait bénéficier d’une étude attentive des pratiques indus- trielles, et tout ce que celles-ci gagneraient à être guidées par des règles précises. Il entrevit tous les avantages qui résulteraient de l’intervention des conseils de la science dans la conduite des ateliers. Cest alors qu'il eut la pensée de créer un enseignement des sciences appliquées, de doter les industries d’une physique à leur usage, par lPunion de la science pure et de l’industrie raisonnée. De retour à Paris, pour y poursuivre ses recherches, il eut linappréciable bonheur de gagner l'estime de lillustre Ampère, € qui se fit le protecteur de ses jeunes années et le soutien affectueux de ses premiers pas dans la carrière de l’enseignement ». Appelé bientôt à diriger la conférence de physique à l'Ecole normale supérieure, fonction qu’il remplit avec une richesse de fond et une élégance de forme qu’on n’a jamais. oubliées, il produisit alors son Traité de physique, « œuvre de science et de clarté dont quatre éditions n’ont pas épuisé le succès ». Il avait déjà fait paraître son Traité de l'éclairage, où, pour la première fois, dit le savant Dumas, € on voyait ré- unis une monographie exacte de tous les procédés d’une in- dustrie, l'exposé des lois auxquelles la théorie les assujettit, le récit d'expériences neuves, exactes et bien dirigées, — 129 — | l'exemple des raisonnements les plus sûrs et les plus con- cluants ». Toutefois il est juste de reconnaitre que si, à l’époque dont je parle, l’esprit de routine et l'arbitraire régnaient dans la plupart des procédés de l’industrie, c’est que les données théoriques et numériques leur faisaient défaut, c’est que, notamment, la théorie de la chaleur n’était pas encore établie sur des bases solides. L'industrie française, jusqu'alors souf- frante et délaissée, fut enfin l’objet de la sollicitude de plu- sieurs savants qui se préoccupèrent de lui venir en aide, en mettant à sa portée les indications scientifiques qu’elle igno- rait, en lui fournissant aussi les agents et les chefs expéri- mentés qui lui manquaient en grande partie. Ces lacunes, si préjudiciables à l’avenir industriel de la France, disparurent par la création de l’Ecole centrale des arts ét manufactures, et l’on verra plus loin la part aussi active qu'honorable que notre compatriote prit à la fondation de ce grand établisse- ment. Quand j'envisage l’élan scientifique de la première moitié de notre siècle, ce n’est pas sans un légitime orgueil que je vois trois physiciens de premier ordre, tous trois franc-com- tois, contribuer puissamment à la rénovation industrielle de la France, tous trois s’efforçcant d'apporter leur contingent de recherches pour fixer définitivement la théorie de cet agent particulier qu'on appelle la chaleur, et qu’on est par- venu à mesurer et à distribuer avec la même précision que s’il s'agissait d’une matière pondérable. _ C’est d’abord le physicien Petit, de Vesoul, qui, de con- cert avec le célèbre Dulong, recherche les lois du refroidis- sement des corps plongés dans un fluide élastique, de den- sité et de température variables. Le travail de ces deux sa- vants eut un grand retentissement par l'importance des ré- sultats obtenus, et parmi lesquels je citerai spécialement les méthodes nouvelles pour la mesure exacte des températures. L'esprit inventif qui se révèle dans ce beau travail, les pro- 9 — 130 — cédés d'investigation aussi nouveaux que rigoureux imaginés par les auteurs, sont devenus classiques et regardés encore actuellement; comme des modèles de savante analyse et d'élégance expérimentale. C'est, d'autre part, le physicien Pouillet, de Cusance, près de Baume-les-Dames, qui détermine la somme de chaleur que nous recevons du soleil. À l’aide d'expériences ingé- nieuses, en créant des appareils spéciaux, ce savant est arrivé à découvrir que la quantité de chaleur envoyée par le soleil serait capable de fondre annuellement une couche de glace qui couvrirait toute la surface de la terre, et qui aurait 31 mètres d'épaisseur. Viennent ensuite les travaux de Péclet, travaux nombreux, portant presque exclusivement sur les meilleurs procédés de produire la chaleur et sur les conditions les plus écono- miques de son emploi. Pour bien saisir toute la portée de telles recherches, 1l faut être pénétré de la complexité des problèmes que notre compatriote s’est efforcé de résoudre, de la multiplicité et de la variété des besoins éprouvés par diverses branches de l’industrie. Cest à satisfaire ces be- soins, dans les limites du possible, que Péclet a consacré son talent et sa vie tout entière, soit dans les recherches de labo- ratoire ou les études de cabinet, soit dans son enseignement. En effet, dix jours à peine avant sa mort, il était encore à son poste de combat, ardent, dévoué comme autrefois, plus peut-être. Ce fut pour répondre à ces besoins qu’il composa son Traité de la chaleur, « le monument de sa vie, où les qualités propres de son talent apparaissent dans toute leur force et dans toute leur maturité; traité où l’industrie trouvera long- temps un guide sûr, et où la science ira longtemps chercher ses données pour la solution des plus difficiles problèmes ». «Quand la mort est venue le surprendre, le 7 décembre 1857, il mettait la dernière main à la troisième édition de ce _ grand ouvrage, que le monde entier connait et consulte, et — 131 — qui occupe en Angleterre, au nord de l’Europe et aux Etats- Unis la place même que nos ingénieurs lui font dans leur bibliothèque ». La troisième édition du Traité de la chaleur avait paru en 1860 ; mais depuis cette date, la science a marché rapide- ment. De nombreux perfectionnements se sont introduits dans les procédés de l’industrie ; des faits scientifiques nou- veaux ont été découverts; un grand nombre d’inventions ont été consacrées par la pratique : de sorte que, pour mettre le Traité primitif au courant des connaissances de l’époque, une quatrième édition a été publiée en 1878. Mais c’est tou- jours la grande œuvre de Péclet ; car, malgré les modifica- tions et les additions introduites, il est aisé de reconnaître que, dans ce vaste champ de culture intellectuelle, c’est encore lui qui a tracé les sillons les plus nombreux et les plus profonds. Travailleur infatigable et des plus scrupuleux, Péclet a passé de longues années dans les recherches les plus déli- cates et les plus abstraites, afin de fixer d’une façon précise les points douteux de la science de la chaleur. Ses travaux sur l'écoulement des fluides, sur le chauffage des habita- tions, sur la ventilation des édifices et des salles d’'hôpitaux, ont donné un puissant essor à l'hygiène publique, ils ont reçu de très nombreuses applications, dont le temps con- sacre de plus en plus les effets bienfaisants. Phvysicien in- tègre, il lui répugnait de publier une seule donnée numé- rique qu’il ne leût vérifiée lui-même par de nombreuses expériences. Aussi passait-il des semaines et des mois à élu- cider les manifestations si variées du calorique, prouvant une fois de plus que le vrai savoir ne s’acquiert que par un travail opiniâtre, et qu’il n’est pas lPapanage de quelques natures privilégiées, comme on le croit trop souvent. Il était Surtout convaincu qu'on ne fait une découverte sérieuse qu'après l'avoir longtemps cherchée. Dans le cours de son œuvre vulgarisatrice, 1l constata — 132 — fréquemment combien les interprétations conçues « priori, en dehors de l’expérience et de l'observation, ont (chose assez étrange) plus de vitalité et de ténacité que les vérités conquises péniblement par l’étude de la nature. Or c'est à faire triompher ces vérités, à montrer la nécessité de les in- troduire dans les procédés industriels de son temps, que Péclet a consacré son énergique initative ; et si les applica- tons de la chaleur ont été le sujet de ses études de prédi- lection, c’est qu'il avait reconnu que la prospérité indus- trielle est intimement liée à la production économique de la chaleur et à sa meilleure utilisation. En effet, au premier rang des besoins manufacturiers se place la production économique de la force motrice. Si l’on excepte les moteurs hydrauliques, cette force est demandée presque exclusivement aux machines à vapeur; mais toute production importante de vapeur entraine une consomma- ton coûteuse de combustible, et ce n’était pas sans raison qu’on a dit que la houille est le pain de l’industrie. La néces- sité de réduire un tel aliment à son minimum s'impose tout d’abord : elle est la préoccupation constante des ingénieurs et des usiniers; car malgré les indications de la théorie: et _les données de la science, il reste beaucoup à perfectionner sous ce rapport, et la moindre négligence occasionne des pertes sérieuses. À ce sujet, je ne puis résister au plaisir de citer une spi- rituelle réponse de notre savant compatriote, et qui met dans tout son jour sa haute probité scientifique. À sés élèves qui lui demandaient quel était le meilleur foyer à appliquer aux chaudières des machines à vapeur, il répondit : C’est un bon chauffeur. Ainsi, brüler entièrement la houille, utiliser toute la cha- leur qu’elle produit, soit pour le chauffage des habitations, soit pour la production de la vapeur qui doit actionner les machines, constitue un problème qui n’a pas encore recu de solution complète. Pour s’en convaincre, il suffit de consi- — 133 — dérer les gigantesques panaches noirs qui, à des intervalles rapprochés, surmontent les cheminées de nos usines, ou les sombres brouillards qui obscurcissent le ciel des villes ma- nufacturières, particulièrement en Belgique et en Angle- terre, soit encore les torrents de fumée que dégagent les locomotives. Il se fait de cette façon, dans le monde entier, une perte annuelle considérable de charbon à l’état de divi- sion extrême, que des imgénieurs très autorisés évaluent à plus d’un milliard de francs. Plus d’un milliard de francs qui se perd annuellement en fumée ! Malheureusement la perte en fumée n’est pas la seule, ni la plus grande que fait tout possesseur de machine à vapeur, parce que, à côté du panache noir, existe le panache blanc ; parce que, sous forme de vapeur, il fait une perte de com- bustible plus ruineuse encore. Parmi ceux qui observent les jets continuels qui s'échappent des machines à vapeur en activité, notamment les formidables trainées blanches qui flottent sur les convois des chemins de fer, il en est bien peu qui se doutent que des quantités énormes de chaleur se dis- persent dans l'atmosphère en même temps que la vapeur disparait sans laisser de traces. Et, chose regrettable à dire! c'est que parmi toutes les machines à vapeur qui font notre admiration comme agencement mécanique, il n’en est pas une, si perfectionnée qu'elle soit, qui uülise un dixième de la chaleur emmagasinée dans la vapeur qui lüi est nécessaire pour fonctionner dans les meilleures conditions. Cela ex- plique pourquoi la locomotive, par exemple, est un sujet d’étonnement et d'admiration pour les profanes, tandis qu’elle est inaudite par les gens du métier, ou par les intéressés. Les actionnaires anglais la qualifient de chancre des chemins de fer, pour se venger de son influence désastreuse sur les di- videndes. | Quand on réfléchit à la puissance actuelle des machines dans le monde entier, on est effrayé de la perte de chaleur qui se fait journellement sous forme de vapeur, et de l'énor- mité de la somme que cette perte représente. D’après un re- censement digne de confiance, la force totale produite par les machines du monde serait de 46 millions de chevaux- vapeur, sur lesquels 4 millions sont consacrés à la traction sur les chemins de fer. Cette force mécanique totale est trois fois plus grande que celle qui pourrait être fournie par lac- ton musculaire de toute la portion valide de la race humaine. D'autre part, la puissance des machines est très irréguliè- rement répartie chez les différentes nations. L’Angleterre posséderait à elle seule 7 millions de chevaux-vapeur (non compris les locomotives), ce qui représente un cheval-vapeur pour chaque 5 habitants. Les Etats-Unis 7 millions et demi de chevaux-vapeur de plus que l'Angleterre ; mais comme la population est plus considérable, le chiffre proportionnel serait environ de 6 âmes et demie par cheval-vapeur. En troisième ligne viendrait PAllemagne, avec 4 millions et demi de chevaux-vapeur, soit un cheval-vapeur par 11 habitants. En quatrième ligne arriverait la France, avec 3 millions, ou bien un cheval-vapeur par 43 habitants. Se figure-t-on quel prodigieux outillage industriel anime toutes ces machines! Quel développement de force, d'action, d'extension, de pro- duction ! mais aussi à quel prix ? On peut admettre que chaque cheval-vapeur consomme en moyenne par heure { kilogramme 1/2 de charbon : c’est donc environ 70.000 tonnes de houille qui sont brülées par heure dans le monde entier ; et comme les neuf dixièmes de la chaleur produite ne sont pas utilisés, il en résulte qu’on brüle en pure perte 756.000 tonnes de houille par journée de douze heures. Or, à raison de 20 francs par tonne, et de 300 jours de travail, c’est une perte annuelle de quatre mil- liards et demi. Ces considérations montrent combien il reste à découvrir au point de vue de Putilisation économique de la chaleur : elles montrent aussi importance des services rendus à l’in- dustrie par les travaux de Péclet; car il ne faut pas perdre de — 135 — vue qu'au début de sa carrière scientifique, les machines en général étaient fort défectueuses et d’un usage restreint, que leur force motrice était mal utilisée. Presque partout elles donnaient lieu à des mécomptes inmquiétants pour lPavenir : lempirisme trônait dans la plupart des ateliers de construc- tion, l’outillage industriel y était peu développé. Aussi est-ce un de ses plus beaux titres d’avoir été l’un des quatre fonda- teurs de l’Ecole centrale des arts et manufactures. « Tous ont bien mérité du pays », dit l'historien de cette Ecole (1), « en dotant la France de l’enseignement supérieur des sciences appliquées, en élevant, en face de l'antique et vénérable Sorbonne, la jeune Sorbonne industrielle qui nous faisait défaut d’une manière si évidente ». Mais ce que nous ne saurions oublier, c’est que le nouvel enseignement fut inauguré par une leçon de Péclet. Malgré son incontestable utilité, l'institution eut des com- mencements difficiles ; mais fondateurs et professeurs eurent foi dans l'avenir, tous luttèrent avec un dévouement sans bornes. Peu à peu le temps a fait son œuvre, et, depuis, l'Ecole centrale a grandi toujours, toujours. Créée par l'initiative privée en 1829, l'Ecole centrale fut cédée à l'Etat en 1857, époque à laquelle sa prospérité ne laissait plus aucun doute. « Depuis, cet établissement d’en- seignement supérieur est considéré comme l’une de nos plus grandes Ecoles, et il a, au Ministère du Commerce et de l'Industrie, la même importance que l'Ecole polytech- nique au Ministère de la Guerre. Si l'Ecole polytechnique représente avant tout, avec supériorité, les sciences mathé- matiques et physiques considérées dans leurs théories éle- vées , si l'Ecole normale supérieure représente la haute culture pédagogique au double point de vue littéraire et scientifique, l'Ecole centrale à son tour, par le caractère d'ensemble que ses fondateurs lui ont fortement imprimé, (1) M. Ch. DE COMBEROUSSE. — 55 — est le véritable fnstitut du génie civil et la Faculté complète des sciences appliquées. Depuis sa fondation, le nombre des ingénieurs civils qu'elle à instruits, qui ont répandu le fruit de ses leçons non seulement à travers la France, mais dans le monde entier, dépasse aujourd’hui six mille. On peut me- surer par là l'influence et la vitalité de l'Ecole centrale des arts et manufactures ». Dans cette Ecole, pendant vingt-neuf ans, Péclet a donné l'exemple de ce que peut produire l'union de la science et du dévouement. On n’a pas oublié lardeur et l’entrain qu'il apportait dans ses conférences, son enthousiasme naïf et communicatif à la fois, les témoignages d'intérêt qu'il pro- diguait à ses élèves, les besoins d’épanchement et d'affection qu'il avait reportés sur eux «depuis que la douleur était venue briser son cœur de père, et que toutes les espérances de sa vie avaient disparu étouffées longtemps avant l’heure » (). « Il savait tout ce qu’on gagne à ces communications fami- lières où le maître, s’abandonnant sans réserve, ouvrant son cœur tout entier, donne à son jeune auditoire tout ce qu'il possède, lui avoue tout ce qu'il ignore, et lui apprend à la fois par son propre exemple à compter avec confiance sur la moisson que le travail assure, et à résister aux faiblesses et aux découragements de l’humaine nature ; les génies les plus vigoureux laissant voir alors, dans ces contacts intimes, qu'ils ont aussi leurs heures de lassitude et leurs moments d’im- puissance. » € Combien de fois », dit encore le savant Dumas, Gil a payé la dette qu’il avait contractée (envers l’illustre Ampère), et comme il aimait à son tour à tendre à la jeunesse une main secourable, à ouvrir au talent naissant le chemin du succès ! » Homme de tous les devoirs, ami de tous les dévouements, Péclet fut pour tous ses collègues de l'Ecole centrale, « le type de Phomme de bien, dont l’ardeur les précédait toujours (1) Un an avant sa mort, Péclet avait perdu son fils unique âgé de 22 ans. — 137 — dans ces chemins de la droiture, du désintéressement et de l'honneur qui lui étaient familiers et où ils aimaient à le suivre ». Ce savant, si naturellement ouvert au bien, a laissé des souvenirs non moins chers, d’abord à l'Académie de Paris, en qualité d’inspecteur, puis dans l’Instruction publique dont il devint l’un des inspecteurs généraux, en 1840. « Là, dans cette œuvre délicate, où la connaissance des hommes n’est pas moins nécessaire que la connaissance des objets de len- seignement, l’éminent physicien a rendu les plus grands ser- vices. On garde encore le souvenir des conseils qu'il prodi- ouait avec cette aménité, cette bonté paternelle qui fait aimer autorité. En le voyant entrer dans une classe, élèves et maitres se sentaient protégés ». Péclet avait épousé la sœur du savant mathématicien Co- riolis, la dernière descendante d’une vieille race de magis- trats à laquelle, il y a trois cents ans, Malherbe s’était allié. Notre compatriote avait trouvé dans cette union toutes les joies qu’il méritait, et c’est au souvenir pieux de la compagne excellente qui fut le bonheur et l’ornement de sa vie, que nous devons l’œuvre sculpturale inaugurée en ce jour. Lune des dernières volontés de Mme Péclet, décédée il y a un an à peine, a été qu'un second exemplaire du buste de son mari, qui décore l’escalier des bâtiments nouveaux de l'Ecole centrale, füt offert à la ville.de Besançon. Ce beau présent nous est fait par M. Jules Collin, chef de bureau ho- noraire au Ministère de l’Instruction publique et des Beaux- Arts, neveu de Mne Péclet et son exécuteur testamentaire. _ Notre Conseil municipal à été unanime pour accepter avec la plus vive gratitude une offre aussi gracieuse, et c’est au nom de tous mes concitoyens que je remercie M. Jules Collin de son empressement scrupuleux à faire bénéficier la ville de Besançon du touchant témoignage de la piété conjugale de Me Péclel. Quant au travail sculptural que nous avons sous les yeux, — 138 — il est l’œuvre d’un artiste de grand talent, M. Gabriel Pech, auquel je suis heureux d'adresser les félicitations et les éloges les mieux mérités. En effet, plusieurs de nos con- frères ont retrouvé dans son œuvre la figure douce et affable de l’inspecteur bienveillant qu'ils ont connu autrefois, du savant modeste dont on a pu dire qu’il était « l’homme hon- nête entre les honnêtes, bon parmi les meilleurs, utile entre les plus utiles ». Le buste du physicien Péclet va donc prendre place parmi ceux des illustrations franc-comtoises dont Besançon s’ho- nore. Cette ville ne peut qu'être heureuse de posséder dé- sormais, dans une œuvre d'art de plus, le souvenir durable d’un de ses enfants dont la vie a été toute de travail et d’hon- neur, qui a consacré son talent à l’instruction de la jeunesse, sa science à la prospérité de son pays, son dévouement à tous. Un caractère si noble, une gloire si pure, sont des exemples salutaires dignes d’être rappelés et vénérés en tout temps, et ce n’est pas dans notre cité qu’on oubliera jamais la tradition de tels souvenirs. Oui notre province sera tou- jours particulièrement fière de pouvoir associer la mémoire de ses savants disparus à la gloire de noms nouveaux, car dans la patrie des Cuvier, des Petit, des Péclet, des Pouillet, des Pasteur, le culte des sciences ne saurait faiblir ; et J'ai la ferme espérance que, dans notre chère Franche-Comté, il y aura toujours des esprits d'élite pour s’éprendre des grands problèmes scientifiques, et pour mettre au service de leur solution le dévouement uni à la science. 5 7 4 . *] “e Ai Ê F LA PART DE LA FRANCHE-COMTE DANS LA FORMATION DU CABINET DES CHARTES ET LE FONCTIONNEMENT DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES RAPPORT SUR UN OUVRAGE DE M. XAVIER CHARMES Par M. Edouard BESSON Séance du 21 mai 1887. MESSIEURS, M. Xavier Charmes, directeur du secrétariat au Ministère de l'Instruction publique, vient de faire paraître un impor- tant travail qui intéresse au plus haut point les sociétés sa- vantes de Paris et de la province. Ce travail a pour objet le Comité des travaux historiques et scientifiques, ses origines, ses développements successifs, son rôle et son fonctionne- ment aux diverses époques de son histoire. Formé de trois gros volumes in-#°, c’est une encyclopédie très complète sur la matière, fournissant tous les documents qui S'y rappor- tent : actes des pouvoirs publics, arrêtés, décrets qui ont créé ou modifié le Comité; lettres, instructions, mémoires échangés entre ses membres et leurs nombreux correspon- dants. Bien que l’existence officielle du Comité ne remonte qu'à l’année 1834, époque à laquelle il fut régulièrement imstitué par M. Guizot, son origine doit être fixée en réalité à une époque beaucoup plus ancienne. C’est dans la seconde moitié du xvire siècle qu'un modeste avocat, ancien conseiller à la cour des comptes de Provence, Moreau, eut l’idée de former — 140 — un dépôt de documents originaux : chartes, titres ou actes extraits des archives publiques ou privées, de celles des cou- vents et des grandes institutions civiles ou ecclésiastiques. Il avait pour but de fournir aux hommes publics, aux admi- nistrateurs et surtout à ceux qui faisaient la loi, des éléments d’information et comme des modèles, et d'appliquer ce grand principe de Montesquieu : € IT faut éclairer l’histoire par les lois et les lois par l’histoire ». Son œuvre, d’abord modeste, et, après avoir passé par divers tâtonnements, ne tarda pas à prendre des déveioppements considérables. C’était au dé- but une simple bibliothèque de finances dont le ütre indique suffisamment la nature et l’objet. Elle devint ensuite le ca- binet des chartes, et, quand elle se fut suffisamment accrue, elle prit le nom plus conforme à sa destination véritable et définitive de Bibliothèque de législation, histoire et droit public. Elle avait passé du contrôle général des finances à la Bibliothèque du roi, et de là fut transportée à la chancel- lerie où elle demeura désormais. Moreau était un homme d’une intelligence très vive et d’une incroyable activité (1). Mais son entreprise demandait à la fois des appuis sérieux en haut lieu et de nombreux col- laborateurs. Comme appui, il eut surtout celui d’un grand ministre d'alors, le contrôleur général Bertin. Comme colla- borateurs, il put s’adjoindre à peu près tous les hommes marquants de l’époque dans le domaine de la science et de l’érudition historiques : les Foncemaque, les Secousse, les Sainte-Paluye, les La Porte Du Theil, les Bréquigny. Ajou- tons aussi Îes principaux membres de l’ordre de Saint-Benoît dans lequel on observait déjà des germes de décadence, mais (1) Moreau avait rédigé, pour le compte de la Cour, un grand nombre d'ouvrages de nature très diverse. Il était notamment l’auteur du préam- bule des édits du chancelier Maupeou. Enfin il avait grandement concouru au développement du mouvement d'opinion qui devait aboutir à la réforme de nos lois pénales. Voir notamment son ouvrage dédié au Roi : Les droits du prince réduits à un seul principe, ou discours sur la justice. ul — qui n’en personnifiait pas moins encore d’une manière fort honorable l’érudition solide fondée sur un labeur obscur, pa- tient et désintéressé. Les recherches n'étaient du reste pas limitées à la capitale ; elles s’étendaient à la France entière, et les grands dépôts de lPétranger étaient eux-mêmes mis à contribution. À tant de travailleurs dispersés au loin et se livrant à des recherches aussi multiples que variées, il fallait une direction commune, un centre où ils pussent s'adresser pour obtenir des lumières et des instructions. Ainsi prit naissance la Con- férence ou le Comité des chartes dans lequel on peut voir comme l’embryon de notre Comité des travaux historiques. Le Comité des chartes comprenait, de même que ce dernier, des membres résidants et des membres correspondants. Parmi les résidants, figuraient des personnages considéra- bles, le garde des sceaux Hue de Miroménil , le contrôleur général Bertin, M. de Pastoret. Les correspondants, fort nombreux, étaient répartis par provinces, et parmi elles il en est une qui doit nous intéresser particulièrement, non seu- lement parce que c’est la nôtre, mais parce qu’elle fut une _des sources les plus fécondes des documents rassemblés par Moreau. Le principal correspondant du Comité des chartes en Franche-Comté était le conseiller au parlement Droz Eugène- Nicolas, secrétaire perpétuel de l’Académie de Besançon, esprit cultivé auquel on doit un grand nombre d’estimables travaux. Les lettres qu'il échangea avec Moreau, et que M. Charmes a reproduites, montrent assez quel zèle et quelle activité il apporta dans l’accomplissement de sa mission. Il eut en outre divers collaborateurs, comme lui correspon- dants du Comité et appartenant à l’ordre de Saint-Benoît, mais à la congrégation réformée de Saint-Vanne et Saint- Idulphe. C’étaient Dom Roux de l’abbaye de Faverney, Dom Mouton du prieuré de Montroland, Dom Charles attaché au pensionnat que l’abbaye de Saint-Vincent de Besançon (Aca- — 142 — démie actuelle) entretenait à Saint-Ferjeux, et surtout Dom Grappin, directeur de ce pensionnat qui fut en Franche- Comté le dernier représentant autorisé de l’érudition béné- dictine. Grâce à un tel concours, des recherches actives et fort bien conduites purent s'étendre à toute la province. Il en résulta l’envoi de pièces nombreuses disséminées aujour- d’hui dans la collection des chartes et diplômes, et de copies qui, sous le ütre de collection Droz, ne forment pas moins de quarante-quatre gros volumes. Ge ne fut pas là la seule contribution de notre province à la bibliothèque instituée par Moreau. Longtemps auparavant, en 1732, un autre érudit franc-comtois, lui aussi conseiller au parlement de Besançon, François Courchetet, d’Esnans, avait été chargé de dépouiller et de mettre en ordre les ar- chives de cette corporation. [ était résulté de ce travail qua- rante-neuf volumes de documents relaüfs à l’histoire de la Franche-Comté et dix-huit volumes d'ordonnances anciennes du Parlement. Il avait de plus reçu mission d'aller aux Pays- Bas après la conquête du maréchal de Saxe, pour y recueillir et transcrire les pièces intéressant l’histoire ou les droits du roi. Cette mission avait produit quarante-quatre volumes de documents qui, avec les autres pièces rassemblées par le même savant, furent réunis au Cabinet des chartes. Nous avons dit qu’on ne limita pas les recherches à la France seule. Les dépôts publics de létranger furent aussi largement mis à contribution. Bréquigny alla passer de longues années à Londres pour y fouiller les archives de l’Echiquier et de la Tour et en rapporter copie des pièces ayant trait à notre histoire nationale. La Porte Du Theil üt de même à Rome. Quant aux Pays-Bas, ce fut un Franc- Comtois qui fut encore chargé d'y remplir une tâche ana- logue. Dom Anselme Berthod, lui aussi correspondant du Comité des chartes, appartenait à la congrégation des Béné- dictins de Saint-Vanne. Il fut prieur de Morey, grand prieur de Luxeuil, bibliothécaire de Saint-Vincent de Besançon, re membre des Académies de cette ville et de Bruxelles. Les papiers du cardinal Granvelle, qui formaient déjà et qui for- ment encore aujourd'hui notre principale richesse manus- crite, étaient alors déposés à l’abbaye de Saint-Vincent. Dom Berthod en fit le dépouillement et l’analyse, et comme il voulait étudier de plus près la grande figure du ministre de Charles-Quint et de Philippe IE, il sollicita et obtint une mis- sion en Belgique qui lui permit de visiter à Bruxelles la bi- bliothèque des ducs de Bourgogne, à Anvers et à Louvain celles des Jésuites, à Tournay les archives épiscopales. Les résultats de cette mission furent des plus satisfaisants et lui valurent les félicitations du garde des sceaux. Il voulait aller plus loin, et pour mieux faire connaitre l’époque des Gran- velle, publier le journal des voyages de Charles-Quint et de Philippe IT par Vandenesse. Il en fit même la proposition à Bertin ; mais ce projet n'aboutit pas. Alors, du reste, on approchait de la Révolution qui allait porter une grave atteinte à l’œuvre de Moreau, comme à toutes les institutions de l’ancien régime. Sa bibliothèque fut de nouveau confondue avec celle du roi. Il y eut de plus dans toute la France une grande destruction de chartes et de titres précieux dont la perte était souvent irréparable. Le mal tou- tefois ne fut pas sans compensation. Les archives qui, aupa- ravant, étaient dispersées dans une multitude de dépôts par- ticuliers le plus souvent inaccessibles, furent concentrées à Paris aux archives nationales, en province au chef-lieu de chaque département, et, de la sorte, mises à la portée des chercheurs et des savants. . Plus tard, au début de notre siècle, il se manifesta, comme on sait, un vif réveil des études historiques. Le passé de la France fut scruté avec ardeur, et, si on lui demanda souvent des armes pour servir les passions du présent, il fut aussi l’objet de recherches plus calmes et de labeurs désintéressés. On voulut le connaître non seulement par des phrases toutes faites et par des ouvrages de seconde main, mais par les do- — cuments originaux qui en donnent comme l'expression vi- vante. De là le désir général dans le monde savant de voir publier les pièces importantes de nos archives encore iné- dites, et la tendance des gouvernements d'alors à faciliter cette publication. Cest pour répondre à cette tendance et en s'inspirant de l'exemple de Moreau, mais avec des vues bien autrement nettes et surtout bien autrement larges, qu'un illustre historien devenu ministre de lInstruction publique, M. Guizot, fonda en 1834 le Comité des travaux historiques. Le rapport au roi qui précéda cette création et où se trouvent exposés le but, la raison d’être, le fonctionnement de Pinsti- tution nouvelle, est peut-être un des plus beaux morceaux qui soit sorti de la plume magistrale de son auteur. À son début, le Comité devait se borner à diriger les recherches et la pu- blication des documents inédits. Depuis, 1l a subi des modi- fications et reçu des accroissements multiples, si bien qu'au- jourd’hui il en est arrivé à embrasser, sous le nom de Comité des travaux historiques et scientifiques, dans la sphère de son action et de son contrôle, toutes les branches des con- naissances humaines. Quoiqu'il en soit, à peine fondé, il commença à exercer la plus heureuse et la plus féconde influence, et nous ne fümes pas des derniers à en ressentir les bienfaisants effets. Je vous ai déjà parlé des papiers du cardinal Granvelle et de la brève analyse qu’en avait faite Dom Berthod. Cette analyse était loin de répondre à l'importance d’une telle collection, et il y avait un grand intérêt scientifique à en publier les pièces principales et comme la substance. Dès 1834, l’année même de la création du Comité, une commission était instituée à Besançon en vue de ce résultat. Elle était présidée par le savant bibliothécaire Charles Weiss, et comptait des hommes comme le futur cardinal Gousset, alors vicaire-général de la métropole, et le philosophe Jouffroy. Le travail commença aussitôt et dura jusqu’en 1852. À cette époque, il avait paru neuf volumes qui s'arrêtent à l’année 1565. C’est tout ce < — 145 — qu'on a publié en France, mais les savants de Belgique ont repris l’œuvre interrompue, et la commission royale d’his- toire siégeant à Bruxelles à déjà fait paraître quatre nou- veaux volumes. Nul doute qu’elle ne mène à bien une œuvre dont l'initiative appartient au Comité des travaux historiques, et qui à été si heureusement commencée pour être abandon- née peut-être trop tôt par les savants franc-comtois. C’est encore le Comité qui, par l'intermédiaire de notre compatriote, le célèbre philosophe Jouffroy, proposait en 1836 à l’Académie de Besançon la publication des documents inédits se rapportant à l’histoire de la Franche-Comté. Cette œuvre, qui fut immédiatement entreprise, est encore aujJour- d’hui en cours d'exécution, Du reste, pour tous ces travaux, pour toutes ces entre- prises scientifiques, le Comité multipliait non seulement les conseils et les encouragements généraux, mais les instruc- tions les plus étendues et les plus précises. Le dernier vo- lume de la publication de M. Charmes est tout entier consa- cré à ces instructions, et, pour en faire comprendre la valeur et la portée, il suffira de citer parmi les noms de leurs au- teurs, ceux de Prosper Mérimée, Charles Lenormant, Am- père, Victor Leclerc, Chéruel, Chabouillet, Léopold Delisle, Pasteur. C'est assez dire, Messieurs, la part considérable qui revient et qui reviendra de plus en plus au Comité des travaux his- toriques et scientifiques dans le mouvement intellectuel gé- néral de notre époque, surtout dans le mouvement intellec- tuel auquel président les sociétés savantes de province, et qui, plus que tout autre, a besoin d’être réglé dans sa marche et centralisé dans ses résultats. À ce point de vue, la publi- cation de M. Charmes présente un intérêt sur lequel 1l est inutile d’insister. L'histoire du Comité qu'il a résumée de main de maitre, les documents multiples et complets qu'il y a joints, les instructions qu’il a réunies et de nouveau pu- bliées, constituent pour les sociétés savantes un enseigne- 10 — 146 — ment des plus intéressants et des plus précieux dont nous avons cru utile de vous entretenir, en nous attachant natu- rellement davantage à ce qui, dans l’œuvre que nous analy- sons, se rapportait plus spécialement à notre province. M, 4 Monter. PA SUR LES CARTES GÉOLOGIQUES A L'OCCASION DU CMAPUTEGA GÉULOGIUA AMERICANA » Par M. Jules MARCOU. Séance du 16 avril 1887. Le catalogue des cartes géologiques relatives aux deux Amériques, arrangé par ordre géographique et chronolo- gique, fait avec la collaboration de mon fils John B. Marcou, vient d’être publié par le gouvernement américain, dans le Bulletin of the United Sates Geological Survey, sous le n° 7, et forme le premier des mémoires du second volume de ce Bulletin. L'ordre géographique adopté n’est pas précisément l’ordre géographique politique, ni même l’ordre géographique phy- sique, mais bien un ordre géographique spécial à la géologie. Car la géologie a sa géographie, comme chacune des sciences naturelles et physiques. Les divisions et les groupements ont été faits suivant les affinités géologiques et aussi suivant les études d'ensemble. Ainsi Terre-Neuve se trouve forcément isolée, tandis que l’ancienne Acadie des colons français du XvIIe siècle forme un groupe bien distinct du Canada propre- ment dit dont il est à présent une des divisions politiques, Il y a vingt-cinq chapitres en tout, plus un supplément. Car, qui a jamais fait un catalogue sans qu'il y ait un sup- plément ? Le nombre des cartes citées est de 924; en déduisant les reproductions avec réductions de plusieurs cartes générales et divers tirages multiples de quelques-unes des cartes, — 148 — on a plus de 890 cartes géologiques sur le Nouveau-Monde. L'Amérique du Nord fournit de beaucoup le plus grand nombre ; et dans l'Amérique du Nord ce sont les pays colo- nisés par la race anglo-saxonne qui en possèdent le plus. Ce n’est pas que d’autres races n'aient fourni un bon con- tingent de cartes géologiques sur l'Amérique. Ainsi la France et l'Allemagne ont envoyé dans le Nouveau-Monde un nombre assez grand de géologues qui ont publié des cartes géolo- giques s'étendant d’un bout à l’autre des deux Amériques. Les pays de races espagnoles et portugaises n’ont pas encore donné tout ce qu’on est en droit d'en attendre. Toutefois il y a déjà de bons travaux de cartographie géologique exécutés dans ces deux langues. Le Mexique et l'Amérique centrale ont encore de grandes lacunes à combler. Il en est de même dü Brésil, des républiques des bords de la Plata et surtout du Pérou. Seuls le Chili et un peu la Bolivie ont été vraiment l'objet de publications de bonnes cartes géologiques. La difficulté de réunir toutes les cartes du Mapoteca Geo- logica Americana a été d'autant plus grande, que non seu- lément il a fallu consulter toutes les publications faites en Amérique — et dont plusieurs sont fort rares — mais encore _ compulser les mémoires géologiques qui ont paru en Angle- terre, en France, en Belgique, en Suisse, en Espagne, en Allemagne, en Scandinavie et en Russie. Pour l’Europe, on n'aura pas la même difficulté, car au- cuüune carte géologique d’une partie quelconque de l’Europe n’a été publiée hors d'Europe. La première carte géologique sur l'Amérique date de 1752; elle à paru à Paris dans l’AMistoire de l’Académie royale des sciences, par Jean-Etienne Guettard, qui d’ailleurs n'était jamais allé en Amérique. Elle n’est qu’une esquisse minéra- logique comme on l’entendait alors. Le catalogue contient toutes les cartes parues jusqu’à l’année 1881 inclusivement. Comme il arrive que bien des cartes sont relevées et même gravées avec une date qui ne — 149 — correspond pas toujours aux dates des ouvrages dans les- quels elles paraissent, c’est la date de la carte qui fait tou- jours loi. Ce catalogue est le fruit de longues recherches poursuivies pendant de nombreuses années, et dans bien des biblio- thèques différentes en Amérique et en Europe. Il a fallu tout le goût que j'ai toujours eu pour les livres et les cartes, pour me donner la persistance nécessaire et arriver à re- trouver une quantité de cartes disséminées, on peut dire partout (1). Peu de cartes — une vingtaine tout au plus — ont dû nous échapper, et soit que l’on poursuive, dans le futur, le plan adopté dans ce catalogue, ou qu'on le modifie pour n'avoir, pour plus de simplicité, qu'une liste de cartes classées par noms d'auteurs, comme je pense qu’on sera obligé de le faire (1) En remontant jusqu'aux origines des découvertes géographiques sur le Nouveau-Monde, on est frappé de l’absence complète de toute indication de géographie physique. À mon grand étonnement, J'ai fait une découverte aussi singulière qu’'inattendue, savoir : que le nom Amerrique ou Amé- rique est d'origine indienne ou des aborigènes du Nouveau-Monde ; qu'il _ veut dire Pays des vents en langues Chontales et Mayas de l'Amérique cen- trale, où il désigne une chaine de montagnes connue comme très riche en mines d’or depuis sa découverte par Christophe Colomb dans son dernier voyage, et une tribu Pndienne « los Amerriques ». De plus, le prénom de Vespuce était Albert. Albericus et Alberico, et il n’a été changé en Americus, Americo, Amerigo et huit ou dix autres variations qu’à partir du jour où un chanoine, membre du gymnase vos- gien de Saint-Dié, fit la triple erreur de dire : 1° que ce fut le roi de Por- tugal qui envoya une flotte qui découvrit la Terre-Inconnue ; 2 que Ves- puce ou Vespuchi était celui qui avait le premier découvert le Nouveau- Monde; et 3 qu'il le nommait Americus en son honneur. Ayant entendu prononcer le nom d'Amérique comme d'un des nouveaux pays les plus riches en or, et renouvelant la fable du singe qui prit le Pirée pour un homme, Jean Basin crut pouvoir placer dans les calendriers, déjà si riches de l'Italie et de l'Espagne, un nouveau saint Americus ou Amerigo, pré- nom qui n'a Jamais été donné à personne dans aucun de ces pays, et qui n'est ni une dégénérescence d’Albericus, ni une rectification philologique, mais bien une création de Jean Basin, dans le but de faire accorder le pré- nom Alberisus avec le nom indien Amérique. — 150 — avec l'accumulation et la grande progression dans le nombre des cartes géologiques que l’on publiera de plus en plus; le Mapoteca Geologica Americana pourra toujours être con- sulté pour les premiers matériaux sur la géologie améri- caine. L'introduction contient une revue rétrospective des progrès de la cartographie géologique, depuis son origine jusqu’à nos jours, et c’est principalement là-dessus que Je viens appeler l'attention de mes confrères. En général, les catalogues de cartes ne sont pas nombreux. Ceux qui s'occupent exclusivement des cartes géologiques sont très rares. Je n’en connais qu’un seul comprenant toute la terre; c’est le Geognostische Karten unseres Jahrhun- derts. Zusammengestellt von Bernard Cotta, Freiberg (Saxe), 4850 (1). Malgré que l’auteur y ait placé des cartes purement de géographie physique — comme les distributions géogra- phiques des volcans — il n’est arrivé qu’à nommer 571 cartes géologiques. l'Amérique est placée dans la dernière division : VIT, Ausser-Europa, et ses cartes géologiques sont réunies à celles de l'Asie, de l'Afrique, de l’Australie et de l'Océanie. pe (1) Avant Cotta, des essais de Catalogue des cartes et coupes géologiques ont été publiés, de 1828 à 1836, par le savant Ami Boué, dont le nom se retrouve chaque fois qu'il s’agit des premières généralités sur la géologie géographique. Voici les titres de ces publications : Catalogue des cartes et des coupes géologiques, dans les « Zeitschrift für Mineralogie » von Karl C. von Leonhard, avril, 1828, p. 283 et p. 705, Frankfurt-am-Mein (Francfort). Le même catalogue à paru simultanément dans le « Bulletin universel des sciences, etc. », sous la direction de M. de Férussac (deu- xième section). « Bulletin des sciences naturelles et de géologie », t. XVI, p. 203, Paris, 1829. Un supplément au catalogue des cartes géognos- tiques à paru dans la même année 1829, dans les « Annales des sciences naturelles », rédigées par MM. Audouin, Brongniart et Dumas, t. XVI, avec la « Revue bibliographique pour servir de complément », etc., p. 21, Paris. Enfin dans son « Guide du géologue voyageur ». 2 vol., 1835-36, Paris, Boué, complétant son premier travail, a donné dans l’appendice A. du second volume, pp. 476-502, un Catalogue des meilleures cartes géo- logiques. Dans tous ces catalogues, l’ordre est géographique; mais les titres exacts, échelles et nombre de feuilles, sont rarement indiqués ; par contre les sources des publications sont toujours citées avec grand soin. — 151 — Toutes ces grandes divisions géographiques hors de l’Eu- rope n'ont que 55 numéros, dont 30 sont pour des cartes sur la géologie de l'Amérique, et encore plusieurs de ces numé- ros indiquent des mémoires sans cartes géologiques propre- ment dites, et même sans aucunes espèces de cartes, comme le n° 525. Finch. Karte der Gegendwon Boston, dans le Jour- nal américain des sciences de Silliman, vol. VIIT, 1824, qui n'existe pas et qui est une erreur du compilateur. Ce catalogue se ressent des hésitations et des oublis inhé- rents à un premier essai. Cotta n’y a donné que les cartes géologiques qu’il avait sous la main, à l'Ecole des mines de Freiberg (Saxe), ajoutant trop facilement des cartes qu’il n'avait pas vues, ou passant sous silence bon nombre de cartes géologiques que l’on est étonné de ne pas trouver mentionnées dans son catalogue. Aussi dès son apparition, le docteur Julius Petzholdt, dans son Anzeiger für Biblio- graphie und Bibliothekwissenschaft, Jahrgang 1850, Halle, 1851, page 288 et suivantes, signale les omissions et pas mal d'erreurs. Bien plus, il cite par titre, comme supplément au catalogue de Cotta, soixante-seize cartes ou profils géolo- giques. Et lui aussi en passe beaucoup qui lui ont échappés, tout aussi bien qu’à Cotta. En outre du catalogue de Cotta, la seule liste des cartes géologiques sur l'Amérique est la List of Geological Maps relating to North America, dans la Geology of North Ame- rica, par M. Jules Marcou, chap. x, p. 122, 4°, Zurich, 1858. L'auteur nomme 93 cartes géologiques générales, compre- nant au moins deux Etats ou provinces, arrangées par ordre de date d'apparition. Deux des relevés géologiques des Etats-Unis, celui con- duit par le docteur Hayden, et celui dirigé par le capitaine Wheeler, ont donné des List and Catalogues of Publica- tions, Report and Maps, dans lesquels on trouve une partie des cartes géologiques publiées par ces explorateurs. Le re- _levé géologique du Canada a aussi publié une liste de ses — 152 — cartes. Enfin en Europe les commissions géologiques des Iles Britanniques et de la Suède ont publié des catalogues sommaires de leurs cartes géologiques. La géologie, à proprement parler, ne date que de ce siècle; dans les siècles précédents, on voit apparaitre quelques cartes plutôt minéralogiques que géologiques. Telles sont les cartes de L. Coulon en 166%, de Guettard, en 1746, 1779 et 1789, et de Monnet en 1780 sur le royaume de France ; de Guettard en 1752 sur l'Amérique du Nord; de de Charpentier père sur la Saxe en 1778; de Becher sur le grand-duché de Nassau, aussi en 1778 ; de de Buch sur la Silésie en 1797 ; de Hein sur le Thürmger-waldes en 1799 ; de Cristopher Packe sur le Kent oriental en 1743; de R. Frazer et de J. Billimgsley sur le Devonshire et le Sommerset en 1794; de Maton sur les comtés de l’ouest de l'Angleterre en 1797. La première carte géologique est due à l'abbé L. Coulon, Paris, 1664. Elle a paru dans le petit volume intitulé : Les rivières de France, ouvrage fort rare et dont il n'existe que irès peu d'exemplaires. En 1683, Martin Lister a lu un mémoire devant la Société royale d'Angleterre, intitulé : An ingenious proposal for « new sort of maps of countries ; together with tables of sands _ and clays, such as are chiefly found in the North part o England, dans les Philosophical Transactions, vol. XIV, page 739, London, 1684. Mais ce n’était qu’un projet, que Lister n’a jamais réalisé. La première carte géologique, pu- bliée en Angleterre, date seulement de 1743, près d’un siècle après l’apparition de la petite carte géologique de la France de l’abbé Coulon. Cette carte anglaise est intitulée : À new Philosophico-chorographical chart of East Kent, invented and delineated by Christopher Packe, à l’échelle d’un peu plus d’un pouce et demi anglais par mille. Elle comprend une surface d'à peu près trente-deux milles autour de la ville de Canterbury. C’est au célèbre Gottlob Werner qu'est dû, en partie seu- — 153 — lement, le coloriage des cartes géologiques ; car avant lui, plusieurs anciens minéralogistes allemands s'étaient servis d'un procédé analogue. Werner proposa (en améliorant beau- coup non seulement les classifications, mais aussi la manière de coloriage) de représenter les différentes formations par des teintes distinctes, mais assez pâles, qu'il faisait ressortir au moyen d’une bande étroite de la même couleur, mais beaucoup plus foncée, là où il y avait la ligne de contact entre les roches supérieures et celles qui se trouvaient im- médiatement en contact au dessous. Cette méthode de colo- riage a été employée surtout en Allemagne, dans la Suisse allemande, un peu en Scandinavie et en Angleterre, mais jamais en France ni en Amérique. . Dès 1810, Cuvier et Brongniart, dans leur célèbre Carte géognostique des environs de Paris, se servent de teintes plates, sans renforcer d’une teinte plus forte la bande le long de la ligne de contact de deux formations. D’Omalius d'Halloy s’est servi aussi des teintes plates dans la première Carte géologique de la France et des pays voi- sins, exécutée en collaboration avec Coquebert de Montbret, de 1803 à 1814, et publiée à Paris en 1822. William Mac-Clure, quoiqu'élève de Werner, mais qui avait aussi une grande connaissance de l’école géologique française, colora sa première carte géologique des Etats- Unis de 1809 avec des teintes plates. Depuis 1832, l’école allemande aussi bien que lécole an- glaise se sont toutes deux ralliées aux teintes plates, les seules employées partout aujourd’hui. Une carte géologique est la quintessence des travaux et recherches géologiques. Toutes les observations et études finissent toujours par converger et trouver place sur une carte, et c’est là qu'il faut chercher le dernier mot sur toutes les questions soulevées par l’histoire de la Terre. Cela donne sous une forme graphique facile à manier et avec l'immense avantage d’un coup d'œil d'ensemble le résumé, les conclu- — 154 — sions, les bases et les généralités des études souvent de plu- sieurs centaines et milliers d’observateurs, et d’un plus grand nombre de mémoires, de notes, de descriptions de toutes sortes. On pourrait croire que les citations continuelles que l’on fait des cartes géologiques, leur emploi quotidien et surtout le nombre de géologues de plus en plus considérable qui sont occupés à construire et à relever des cartes géologiques, feraient qu’on étudie tous les procédés employés, et qu'il y a des méthodes systématiques enseignées et recommandées. Il n’en est rien. Si l’on ouvre un Traité où Manuel de Géo- logie quelconque, et cela dans toutes les langues, on est étonné de ne trouver absolument rien sur la manière de re- lever et de construire une carte géologique. Les géographes ne manquent pas d'enseigner les méthodes topographiques, et la géodésie, l’orographie, l’hypsométrie, l’hydrographie, etc., constituent des branches spéciales, ayant chacune leurs places dans tous les Traités de Géographie un tant soit peu complets. En géologie, il y a là une lacune regrettable et que Jje si- gnale à l’attention de tous ceux qui enseignent et qui s’oc- cupent de systématisation de notre science. Ceux qui ont fait des cartes géologiques — et le nombre en est heureusement très grand — savent les difficultés sans nombre qui vous assaillent aussitôt qu'on veut placer sur une carte ce qu on vient d'observer sur le terrain. Rien n’est plus rebelle aux théories, aux vues tant soit peu fantaisistes et aux conclusions hâtives. De plus, j’ajouterai que le colo- riage d’une carte géologique est un genre de travail fort in- grat; car chaque coup de pinceau est toujours le résumé de longues recherches sur le terrain et dans le cabinet. On peut dire, avec raison, qu’un géologue n’est pas com- plet tant qu’il n’a pas fait de cartes géologiques, surtout de cartes géologiques à grandes échelles et avec le plus de dé- tails possibles. C’est étonnant combien la couleur est funeste PU SAR RS — 155 — aux suppositions, et comme un géologue qui tient à sa répu- tation d'observateur consciencieux hésite devant une carte qu'il s’agit de colorier. Toutefois je ne veux pas dire qu'il n’v ait pas beaucoup de cartes géologiques mauvaises ou fausses, surtout les cartes générales d’un grand pays ou d’un continent, qui se prêtent mieux que les cartes spéciales et très limitées, aux coups de pinceau téméraires et fantaisistes. Car 11 faut bien lavouer, s’il y a souvent des géologues qui n'ont Jamais construit de cartes géologiques, par contre il y a un certain nombre de personnes ne connaissant pas, ou du moins très imparfaite- ment, la géologie, et qui cependant publient des cartes géo- logiques. Naturellement cela n’est que de la compilation, aussi voisine que possible de la contrefaçon et de la pira- terie, et dont la valeur est et reste des plus minimes. Je citerai un exemple qui m'est arrivé. Un jour je reçus d’un des premiers éditeurs de cartes — s’il n’ést pas le premier ! — une feuille d’une carte géologique d’un des plus grands pays de l’Europe, avec la table des couleurs et explications. La carte ayant une dizaine de feuilles. L'auteur avait déjà pu- blié une carte géologique d’un petit royaume, et il avait reçu des recommandations de plusieurs géologues fort capables, mais dont la bonne foi avait été surprise sans qu'ils eussent vu le manuscrit de la carte. L'éditeur me demandait mon opi- nion en même temps que ma recommandation ? Eh bien! sur la table des couleurs et explications, le calcaire de montagne ou carbonifère inférieur était placé au dessus du terrain houiller proprement dit ou carbonifère supérieur. D’après cette erreur, on peut penser du degré de confiance qu’on peut accorder à une pareille carte. De 1809 à 1849, toutes les cartes géologiques publiées sur l'Amérique sont d’une exécution qui laisse à désirer comme coloriage et encore plus comme classification des roches. Ce n’est qu'à partir de l’apparition de la Geological Map of the State of New York, en 1842, que les cartes présentent vrai- — 156 — ment un grand intérêt au double point de vue de la valeur des classifications et de l'exécution matérielle de la carte, comme géographie et coloriage géologique. La même année, une carte géologique d’une grande impor- tance, tant pour les difficultés inhérentes à la région explo- rée — la plus élevée des Andes — que par sa position cen- trale dans l'Amérique du Sud, fut publiée par Alcide d’Orbi- gny, sous le titre de Carte géologique de la république de Bolivia. Dès lors presque tous les grands horizons géolo- giques et paléontologiques sont établis et reconnus dans le Nouveau-Monde. On hésita encore pendant quelques années sur l’existence de plusieurs systèmes de roches stratifiées, et aussi sur les identifications de certains horizons. Puis successivement on reconnut tous les grands systèmes stra- tigraphiques étudiés dans l’Europe centrale; en finissant, en 1860, par reconnaitre le premier de ces systèmes — ce qui est logique en géologie, car plus on s'enfonce dans la nuit des temps, plus on remonte vers les premiers âges du monde, plus il est difficile de déchiffrer les pages du manus- crit terrestre, oblitérées et effacées par les temps presqu’in- calculables qui se sont écoulés. Avec la faune primordiale et le système Taconique qui la renferme, l'échelle des terrains : fossilifères est complète, et l’on a pour l'Amérique, c'est- à-dire l'Hémisphère occidental, un tableau identique dans le temps avec celui de l'Hémisphère oriental. L’espace pas plus que le temps n’ont arrêté les recherches des géologues dans les deux mondes. Partout où, le marteau à la main, ils ont interrogé les roches, ils ont obtenu les mêmes réponses, si ce n’est identiques dans la forme, du moins semblables dans le fond. Entre 1842 et 1862, on vit apparaître un grand nombre de cartes géologiques de régions limitées soit à des Etats et provinces, soit à des portions d'Etats, ou même à un seul comté, ainsi que plusieurs essais de cartes générales de PA- mérique du Nord, de l'Amérique du Sud et même des deux 4 = or — Amériques ensemble. Toutefois toutes ont un caractère de reconnaissances géologiques assez provisoires. Rien de vrai- ment étudié avec quelques détails et beaucoup de soins ne paraît encore. Cela a tenu à plusieurs causes. D'abord l’ab- sence totale de bonnes cartes topographiques, et souvent même l'absence de toute espèce de cartes que les géologues ont été obligés de construire eux-mêmes ou avec des aides, pour y tracer et colorier les systèmes de roches en même temps que leurs itinéraires. Puis les vastes surfaces à étu- dier ; les grandes distances à parcourir avant d'arriver sur le terrain que l’on voulait explorer ; les moyens de transport difficiles et tout-à-fait primitifs avant la construction des grandes lignes de chemin de fer ; les solitudes et les déserts de la plus grande partie des régions centrales des continents ; enfin les maladies des pays malsains et fiévreux des tropiques et des rives des grands fleuves. Tous ces obstacles formi- dables à surmonter dans la pratique, ont concouru à rendre difficiles les recherches et à leur donner un caractère de simple reconnaissance géologique. Dans les pays nouveaux, la première chose est de se re- connaitre et d'obtenir une esquisse et une approximation de la vérité. Après on procède aux études de détail. Cest pendant cette période de 1842 à 1862 que le système de coloriage des cartes géologiques subit une complète t'ans- formation. Jusqu’alors tout avait été exécuté à la main et ra- rement avec soin. On coloriait rapidement, et les teintes va- riaient non seulement d’une copie à une autre, mais bien plus sur la même carte certaines parties présentaient une teinte plus foncée que d’autres ; puis les marques des arrêts du pinceau, ou des variations dans l'intensité des couleurs, ajoutaient encore à l’imperfection du travail. Enfin les ba- vures ou chevauchages, c’est-à-dire l’envahissement d’une couleur sur une autre couleur, aux limites des divers sys- tèmes de roches dessinés sur une carte, prenaient souvent des proportions alarmantes, tellement qu'on ne savait à — 158 — quelle formation rapporter plusieurs kilomètres carrés de pays. Sans doute que par une grande pratique, les défauts du coloriage à la main étaient très atténués, et même on peut dire que la Commission géologique des Iles Britanniques est parvenue à la perfection, en formant un corps spécial de co- loristes et en étant très stricte dans la réception des feuilles coloriées. Toutes les feuilles ayant un défaut trop apparent sont invariablement refusées et mises au rebut. Mais alors les prix de revient de ces cartes sont très élevés. Dès 1841, des essais de coloriage par impressions étaient tentés par le commandant Le Blanc, chef du bureau topogra- phique du génie militaire, secrétaire de la Société géologique de France, et qui est l’auteur, avec Renoir, de la découverte des anciens glaciers dans les Vosges. Voici comment 1l opé- rait. Il se servait d’une feuille d’étain, pareille à celle qu’on emploie pour l’étamage des glaces et sur laquelle il fixait une épreuve de la carte ou des coupes géologiques qu'il voulait reproduire, et on découpait simultanément les deux, ce qui donnait un patron en feuille d’étain ; puis la couleur était posée avec des brosses préparées pour la peinture dite « lu- cidonique », et on imprimait sous une presse. Cette méthode, dès l’abord, a permis de placer les teintes géologiques avec promptitude et aussi avec plus d’exactitude dans le coloriage ; de plus elle avait le grand avantage de ne pas avoir à graver aucun contour des limites des couleurs, et d'obtenir le colo- riage à bien meilleur marché que par le procédé à la main. La première feuille coloriée par ce système de « poncis dé- coupés » avec impression mécanique, représente des Coupes géologiques et topographiques des environs de Paris, faites pour le service du Génie militaire, lors de l’établissement des fondations des fortifications de Paris, bâties sous le gou- vernement du roi Louis-Philippe. Peu après, MM. Le Blanc et Raulin entreprirent de colo- rier par ce nouveau procédé une carte géologique en une -SÉ .' MP RE EN TPE Le SO CR EE ie ET ou De A ET — 159 — feuille, grand aigle, qui parut en 1843 sous le titre de Carte géognostique du plateau tertiaire parisien, par Victor Rau- lin. Puis le commandant Le Blanc entreprit l'impression en couleur de la Carte géologique du globe terrestre de Boué, en une feuille grand aigle. Cette carte porte la date de Paris, 1845, avec la note : « Sous les auspices et la direction de la Société géologique de France, par les soins et les procédés de M. Le Blanc, vice-secrétaire ». Les essais durèrent plus longtemps qu’on ne pensait, et la carte ne fut réellement publiée et livrée au publie qu’au printemps de 1846 (). Les résultats obtenus par ces trois essais successifs lais- sèrent à désirer, comme brillant de couleurs et aussi comme exactitude dans les limites ; plusieurs couleurs ayant che- vauché les unes sur les autres, ou étant sorties des limites des rivages des mers par exemple, laissant en blanc certaines parties qui doivent être coloriées et par contre coloriant des portions de la mer. Toutefois ces premiers essais étaient assez encourageants, surtout au point de vue du prix de re- vient pour le coloriage de chaque carte, dont le prix était trois à quatre fois moindre que si elle avait été coloriée à la main. La carte de Boué et les coupes géologiques des envi- rons de Paris ont été publiés par un éditeur cartographe, le célèbre Andriveau-Goujon, de la rue du Bac. A cette époque — avril 1846 — j'offris à la Société géologique de France, pour la publication dans ses Mémoires, mon travail : Recher- ches géologiques sur le Jura salinois, avec une Carte géolo- gique des environs de Salins, à l’échelle de 1 : 80.000, ex- traite de la carte dite d’Etat-Major. Accepté par le comité de publication, le commandant Le Blanc w'offrit de continuer l'essai de son procédé de coloriage mécanique, procédé qu'il (1) Le Blanc, peu satisfait des premières feuilles, — à peu près vingt en tout, — arrêta le tirage par le système des « poncis découpés », pour y substituer un nouveau procédé par des découpures faites avec l'acide hydro-chlorique, dans des plaques de zinc mises préalablement au vernis. — 160 — avait modifié en épaississant les bandes au moyen d’un col- lage sur du carton. J’acceptai, et ma Carte géologique des environs de Salins est la première carte imprimée en cou- leur qui ait paru dans les publications de cette Société. Les essais par le commandant Le Blanc eurent lieu en 1846 et 1847, et mon mémoire avec la carte parut en janvier 1848. Elle laisse aussi à désirer comme carte coloriée, ayant les mêmes défauts que celle de Boué, et de plus ces défauts s'étant accentués à cause de la grandeur de l’échelle, qui les fait ressortir avec plus d'apparence et d'intensité. La multiplication des cartes géologiques et les difficultés d’en faire colorier à la main rapidement une grande quantité, puis les prix de revient très élevés (1), rendaient de plus en plus nécessaire la découverte d’un moyen plus rapide et sur- tout moins dispendieux. Dufrénoy et Elie de Beaumont, de- puis la publication de leur grande carte géologique de la France en six feuilles, à l'échelle de 1 : 500.000, faisaient exécuter des essais de coloriage lithographique à limpri- merie royale, sur une carte dite : Tableau d'assemblage des six feuilles de la carte géologique de France, en une seule feuille, à l’échelle de 1 : 2.000.000. Colorié d’abord à la main, ce Tableau d'assemblage fut placé à la fin du premier vo- lume in-# de l'Explication de la carte géologique de France, 1841. Les exemplaires de ce volume, distribués ou vendus de 1841 à 1853, renferment tous cette carte coloriée à la main. D'ailleurs d’une excellente exécution comme cole- riage, chaque exemplaire avec des défauts ayant été rejeté impitoyablement par les auteurs. (1) Je citerai le prix de revient de la « Carte orographique et géologique du Jura bernois », coloriée et publiée par Jules Thurmann, en 1836, à Por- rentruy. Cette carte, en une seule feuille grand aigle, coùtait cinq francs par feuille pour le coloriage, et cela dans un pays où la main d'œuvre était bon marché et de moitié prix de ce qu’elle était alors à Paris. Par les pro- cédés actuels de chromolithographie, la même carte ne reviendrait qu'à un franc par exemplaire. — 161 — Mais à partir de 1853, ou au commencement de 1854, on voit à la fin du premier volume, portant toujours la date de : « Paris, imprimerie royale, MDCCCXLI », la carte du Ta- bleau d'assemblage, avec l'inscription au bas de la carte, à droite, de : « Lithographie de l’imprimerie impériale ». L'empire avait remplacé la royauté, et le procédé de colo- riage à la main, après de nombreux essais, était à son tour remplacé par la chromolithographie. Cette carte chromolithographiée est fort bien réussie ; les couleurs sont brillantes, avec des teintes uniformes ; point de bavures ou chevauchages ; des limites nettes pour chaque couleur. Tous les exemplaires de ce premier volume de l'Ex- plication de la carte géologique de France, livrés ou distri- _ bués depuis, renferment cette carte chromolithographiée. Seulement les dernières portent lPinseription de «€ Litho- graphie de l'imprimerie nationale », depuis le rétablissement de la République. Ne quittons pas l’Imprimerie nationale de France sans signaler les belles cartes géologiques sorties de ses presses, et dont l'exécution n’a été surpassée nulle part, pas même dans ces dernières années de progrès de la chromolithogra- phie. D'abord la Carte géologique de la Belgique et des con- trées voisines, par André Dumont, en une feuille, 1855, est un véritable chef-d'œuvre de coloriage, surtout si l’on consi- dère les nombreuses superpositions de couleurs simples qui déterminent la plus grande partie des quarante-deux teintes du tableau d'explication de la carte. Puis du même auteur, la grande Carte géologique de la Belgique, en neuf feuilles, avec quarante-huit teintes ou couleurs différentes, d’une exé- cution de coloriage irréprochable. Enfin la Garte géologique de l’Europe, aussi par André Dumont, en quatre feuilles, 4855-57, est un autre bel exemple de coloriage chromolitho- graphique, très supérieure à celle exécutée à la même époque à Edinburgh par Keith Johnston, par sir Roderick, 3. Murchi- son et Nicol (Geological Map of Europa, en quatre feuilles, 41 — 162 — 1856). Enfin le service de la Carte géologique détaillée de la France, qui emploie les cartes d'Etat-major au 1 : 80.000, a adopté depuis 1877 l'impression en couleur au lieu du colo- riage à la main employé jusqu'alors. Des perfectionnements ont été apportés successivement aux premiers procédés chromohthographiques de 1854; le plus important consiste « à reporter sur métal, en les y met- tant en relief, les feuilles d’une carte, et à opérer l'impression en couleurs sur la presse typographique ». De l'Imprimerie impériale, le procédé chromolithogra- phique ne tarda pas à se répandre dans l’industrie privée. À Paris, MM. Lemercier et Ce imprimèrent chromolithogra- phiquement en mai 4855, d’abord la Carte géologique des Etats-Unis et des provinces anglaises de l’Amérique du Nord, par Jules Marcou (1); puis quelques mois plus tard, août 1859, la Carte géologique du Canada, par M. E. Logan. En Allemagne, des essais analogues, au moyen d’impres- sions lithographiques à l’huile, étaient fait presqu’à la même époque qu'en France; car dès 1842, on vit paraître deux cartes géologiques imprimées en chromolithographie, sa- voir : Carte géognostique du Taurus et de ses environs, par M. J. Russegger, in-folio, publiée à Stutigard, et la Carte géognostique murale de l’Allemagne, par Woelter, publiée à Eslingen (Wurtemberg). Puis en 1845, une autre carte chromolithographiée par le major Heinrich Bach, représen- tant la géologie du Wurtemberg, parut aussi à Stutigard. (1) Cette carte a paru dans le Bulletin de la Société géologique de France, 2% série, vol. XII, p. 928. Elle est la première carte géologique chromolithographiée publiée par la Société. De sorte que j'ai eu lhonneur d’avoir la première carte coloriée par le procédé Le Blane, et la première carte chromolithographiée qui ait paru dans les publications (Mémoires et Bulletin) de la Société géologique de France. Toutefois J'ajouterai que le Bulletin de cette Société ne publiant jamais de cartes géologiques en cou- leur, à moins que les auteurs veuillent bien en supporter les dépenses, jai dû payer plus de 1.000 francs pour les frais de coloriage et de nombreux essais des couleurs exécutés à l’imprimerie Lemercier. — 163 — Mais toutes ces cartes, ainsi que celles qui les ont suivies, montrent de grandes défectuosités, résultant principalement du besoin de clarté dans les couleurs, toutes trop sombres, et des bavures d’une couleur sur une autre. Des cartes géologiques chromolithographiées ont paru à Berlin et à Vienne dès 1851, dans le Zeitschrift der deut- schen geologischen Gesellschaft, et dans le Jahrbuch|der K. K. geol. Reichsanstalt. En 1853, a paru en Suisse, à Winterthur, chez J. Wurster et Cie, en chromolithographie, la première édition de la Carte géologique de lu Suisse, par B. Studer et A. Escber de la Linth. Toutefois plusieurs des couleurs ont été mises à la main, Ce qui a donné une carte un peu hybride comme co- loriage , les deux systèmes ayant été employés simultané- ment. Le célèbre éditeur Justus Perthes de Gotha, en 1854, a publié : Geognostischs Karte des Thuringer Waldes, par H. ‘Credner, hthographiée par C. Hellfarth, en deux demi-feuilles. Et la même année une belle carte chromolithographiée in- titulée Geognostische Karte von Kurhessen, par A. Schwar- zemberg et H. Reusse, lithographiée par GC. Kegel de Cassel, est fort bien réussie ; et comme coloriage, elle est de peu in- Térieure à la carte géologique de France de la même époque. En Angleterre, le coloriage par la chromolithographie n’a pas donné d’abord des résultats bien réussis. Ce n’est que dans ces dix dernières années qu’on a fini par obtenir de belles cartes. Je citerai surtout la jolie petite carte géolo- gique intitulée : Geological Map of Great Britain, qui ac- compagne la cinquième édition du Physical Geology and Geography of Great Britain, par sir Andrew E. Ramsay, publié par Edward Stanford, à Londres, et qui est un vrai chef-d'œuvre comme couleurs et clarté d'impression. » Précédemment, en parlant des cartes chromolithogra- phiées à l’Imprimerie impériale de France, j'ai appelé l’at- tention sur l’exécution parfaite des cartes géologiques de la — 164 — Belgique imprimées dans cet établissement. Une seconde édition des mêmes cartes a paru à Bruxelles pendant les an- nées 1876, 77 et 78, par les soins du « Dépôt de la Guerre » belge. Ce second tirage ne vaut pas le premier, d’abord parce que les gravures sont moins nettes par suite de l’usure et de dommages occasionnés aux pierres lithographiques, puis le coloriage manque de cette finesse et de cette clarté qui ont fait la juste célébrité du premier tirage. Un second levé de la carte géologique de la Belgique, à l'échelle du 1 : 20.000, ayant été ordonné en 1878, divers essais de cartes à cette grande échelle ont été exécutés de 1879 à 1882, en tout vingt-et-une feuilles. Ces premières feuilles montrent qu'on était dans la période de tâtonne- ments pour une grande œuvre. Voulant combiner la topo- graphie avec le coloriage, de manière à ce que les contours à équidistances combinés avec les limites des diverses for- mations donnent un relief géologico-topographique , on a produit des cartes géologiques sans teintes plates trop com- pliquées, et surtout se rapprochant trop de la mosaïque ou d’un ouvrage de marqueterie. Ces essais ont été faits à l’Ins- titut géographique militaire. La feuille qui est peut-être la mieux réussie, et qui donne une bonne idée de ce genre de coloriage avec ses avantages et ses défauts, est celle de Lub- beck, feuille XXXIT, planchette ne 3, exécutée en novembre 1880. À partir de 1882, sous la direction très habile de M. E. Dupont, six feuilles ont été publiées d’après un système qui combine la clarté avec l'exactitude, tout en respectant la to- pographie, par courbes de niveau équidistantes de dix mètres. Le sol et le sous-sol sont représentés, ce dernier seulement aux affleurements (1), ce qui donne un caractère d’exactitude (1) Par un ensemble de moyens ingénieux, qu’il serait trop tong de dé- crire ici, M. Dupont est parvenu à indiquer sous le sol des contours géolo- giques avec une grande approximation. Dans une contrée aussi peuplée que la Belgique, où l’on ouvre constamment de nouvelles carrières et où — 165 — et de vérité que l’on n'avait pas atteint jusqu’à présent dans les cartes géologiques de tout un royaume. De plus, M. Du- pont a introduit le système monographique, qui consiste à ce que chaque grande formation ou terrain est traité sépa- rément par un spéciaäste. On peut dire que c’est le meilleur moyen de faire de la bonne besogne, et que dans le siècle prochain tous les relevés géologiques et commissions géolo- giques seront obligés de suivre cette méthode du système monographique et de la représentation sur la même carte du sol et du sous-sol. La Belgique qui, avec Dumont, a été à la tête des cartes géologiques comme coloriage dès 1854, reste encore aujour- d'hui à la tête des levés géologiques au point de vue du colo- riage et des descriptions. Rien de pareil n’a encore été fait ailleurs. Et la feuille de la Carte géologique de la Belgique, de Dinant, parue en décembre 1882, avec sa description, est une œuvre que l’on peut citer comme modèle d’un tra- vail géologique bien mené et encore mieux exécuté. Aucune carte d’un autre pays n’a encore été publiée donnant autant de détails, d'informations précises avec une pareille clarté et précision, et où 1l y a en même temps moins de suppositions. Cette feuille de Dinant représenle bien ce que l’on voit sur le terrain. C’est la nature géologique prise sur le vif. On a là plus que des innovations, mais bien une création et un nou- veau point de départ pour la cartographie géologique. La Bavière suit de très près la Belgique pour la belle exé- cution de ses cartes géologiques, et l’on peut citer comme modèles plusieurs des feuilles des Alpes bavaroises et de la Franconie, publiées par le bureau « der Geognostischen Un- tersuchung des Kœnigreichs Bayern », sous la direction du l’on exécute de nombreux travaux d’art, mettant à découvert les roches du sous-sol ; si tous les vingt ou vingt-cinq ans on fait une revision des feuilles de la carte géologique, on aura dans un siècle une carte géologique d’une exactitude mathématique pour toutes les limites des formations, et qui ne laissera absolument aucune place aux suppositions. — 166 — professeur C. W. Gümbel. Ce sont des chromolithographies. d’une exécution parfaite. L’Autriche, sous l'impulsion intelligente et féconde de MM. W. von Haidinger et F. R. von Hauer, a su créer le plus puissant centre géologique de la seconde moitié de ce siècle. Des cartes géologiques chromolithographiées bien: réussies, et en très grand nombre, représentant non seule- ment l’Empire austro-hongrois, mais aussi les contrées voi- sines, ont été publiées dès 1853. Et il suffit de citer les noms de Mojsisovics, Stur, Stache, Paul, Neumayr, Suess, Hoch- stetter, Toula, etc., pour rappeler les excellentes et belles cartes géologiques qui ont paru dans ces vingt dernières an- nées à Vienne. Les petits Etats allemands ont eux aussi fortement contri- bué aux progrès de la cartographie géologique. La Saxe, le Wurtemberg, Baden, la Hesse et l’Alsace-Lorraine publient depuis trente années et plus des cartes géologiques chromo- lithographiées d’une bonne exécution. C’est même dans le Wurtemberg, dans cette belle vallée du Neckar, à Stuttgard et à Eslingen, qu'ont été faits les premiers essais de coloriage des cartes géologiques par la chromolithographie, de 1841 à 1846. Aussi les feuilles de la « Geognostischen spezialkarte von Wurtemberg », à l'échelle du 1 : 50.000, publiées sous la direction du professeur docteur Oscar Fraas, sont-elles devenues de remarquables objets de Part de la chromolitho- graphie. Les deux dernières feuilles parues (Friedrichshafen und Wilhelmsdorf, 1885) des bords du lac de Constance, sont d’une exécution parfaite. . En Suisse, l'impression en couleurs par la lithographie a été employée avec succès, surtout par le grand établisse- ment géographique de Winterthur et de Zurich, fondé par J. M. Ziegler et dirigé par J. Wurster. C’est là où ont été pu- bliées, non seulement les feuilles de la carte géologique de la Suisse à l’échelle de 1 : 100.000, mais aussi les deux édi- tions des cartes d'ensemble de Studer et d’Escher de la Linth, — 167 — et les deux éditions de mon essai de la Carte géologique de la Terre, en huit feuilles, publiées en 1861 et en 1875. Il est juste de rappeler un grand fait géologique lorsqu'il s’agit de cartes. C’est en Suisse, dans la petite ville de Por- rentruy, qu'en 1836 a paru la première carte géologique à grande échelle et avec une topographie bien exécutée. Cette carte est celle de l'Ancien évêché de Busle (Berne, Basle, So- leure et Neuchâtel), à l'échelle de 1 : 96.000, coloriée géolo- giquement et publiée par Jules Thurmann. Pour la première fois les géologues ont alors pu voir les relations intimes de la topographie avec la géologie, et l’har- monie qui existe toujours entre la structure géologique d’un pays et le relief de son sol. L'Tialie, venue un peu tard, fait tous ses efforts pour se montrer à la hauteur de sa vieille réputation de patrie des Beaux-Arts. Bartholomeo Gastaldi et Quintino Sella ont tout d’abord rendu célèbres les Alpes piémontaises, en relevant de belles cartes géologiques. Puis leur successeur Felice Giordano, le savant et modeste directeur de la carte géolo- gique italienne, a pu déjà montrer des cartes géologiques générales de;toute l'Italie, à l'échelle de 1 : 1.111.114°, et un certain nombre de cartes spéciales aux échelles du 4 : 100.000 et du 1 : 59.000 de la Sicile et de l’île d'Elbe, d’une exécution de coloriage par la chromolithographie, qui montre les pro- grès énormes accomplis à Rome depuis dix années. Ces feuilles, surtout celles de l’Etna et de l’île d’Elbe, sont d’un coloris brillant et en même temps clair, qui rappelle les clairs-obscurs de l’école italienne. En Espagne et en Portugal aussi les cartes géologiques imprimées chromolithographiquement se multiplient, grâce aux efforts de M. F. de Castro, le directeur de la commission de la carte géologique d’Espagne, de F. de Botella v de Hor- nos, l’auteur d’une carte générale de toute la péninsule Ibé- rique , et du colonel J. FE. N. Delgado, directeur de la com- mission des travaux géologiques du Portugal. — 168 — Dans le nord de l’Europe, les Etats Scandinaves, la Fin- lande et la Russie publient de belles cartes géologiques chro- molithographiées. Il faut citer surtout plusieurs feuilles bien réussies de l’Institut géologique de Suède, et les cartes fort difficiles (par la complication du revêtement général de tout le pays par les roches glaciaires de l’époque quaternaire) de la Finlande. Jusqu'à présent l’Asie a peu produit de cartes géologiques. Presque toutes celles publiées sur cet immense continent ont été exécutées en Europe. Toutefois 1l y a deux notables exceptions qui promettent pour l'avenir. L'une est le Relevé géologique de l’Inde, dirigé d’abord par Thomas Oldham, et à présent par Henry B. Medlicott qui, depuis 1860, a déjà publié 106 cartes géologiques, dont plusieurs ont deux, trois et quatre feuilles, et presque toutes imprimées en couleurs à établissement chromolithographique du Bureau du direc- teur du cadastre de l’Inde (Office of the Surveyor general of India, at Calcutta). Une seule fait exception, c’est la carte géologique de Cachemir publiée à Londres. Mais la carte gé- nérale en quatre feuilles et à l'échelle de 1 : 4.055.040 « Geo- logy of India », publiée en 1877 à Calcutta, est d’une exécu- tion pour le coloriage, la netteté du tirage et la transparence des couleurs, qui ne le cède à aucune des cartes géologiques publiées en Europe ou en Amérique. | Le Japon est une seconde exception, d'autant plus re- marquable qu'il y à trente-cinq ans à peine ce pays était fermé et impénétrable à la civilisation européenne et aux géologues. En 1877, une première carte géologique, coloriée par la chromolithographie, a été publiée à Tokio (Tokei) ; elle a le titre de À geological sketch map of the island of Yesso, Japon, par B. S. Lyman, aidé de quatorze assistants, dont treize sont Japonais, et un seul Américain, ainsi que le di- recteur M. Lyman. Au congrès international de géologie à Berlin en septembre 1885, plusieurs cartes géologiques du Japon, exécutées par nn En ns Sert — 169 — le Bureau géologique japonais dirigé, à partir de 1879, d’a- bord par D. Brauns, puis par le docteur E. Naumann, ont été présentées. A présent c’est un Japonais, Tsunashiro Wada, qui est le directeur du service géologique impérial du Japon, ayant vingt-huit assistants sous ses ordres, dont trois seulement sont européens. Les publications se font en japonais et en anglais, sous le titre de Bulletin of the Geological Society of Japan, part. À en langue japonaise, et part. B en anglais. Dans le vol. TI, n°3, Tokio, 1886, il y a deux cartes géolo- giques dont l’une est coloriée à la main. Les noms latins des fossiles sont imprimés avec l'alphabet européen, mais tout le reste est en caractères Japonais, ce qui donne à ces bro- chures ou livres un cachet très original. Enfin il faut citer, comme travaux difficiles et bien exécu- tés, les levés géologiques que le gouvernement hollandais fait dans ses possessions de l’archipel indien de la Malaisie. Depuis 1872, 1l a été déjà publié soixante-quatre cartes géo- logiques, coloriées par le procédé de chromolithographie, et en général d’une bonne exécution. Seulement ces cartes sont toutes faites et coloriées à Amsterdam. Batavia et Buitenzorg, où sont établis les bureaux des géologues hollandais chargés du service, sous la direction de MM. J. A. Huguenin et R. D. M. Verbeek, n’offrent pas de ressources suffisantes pour la gravure et le coloriage lithographique des cartes. L'Australie à si bien profité de la chromolithographie, qu’elle n’a jamais publié de cartes géologiques coloriées par d’autres procédés. Ce n’est pas à dire qu’il n’y a pas de cartes géologiques d'Australie coloriées à la main. Non! Les pre- mières cartes de Jukes, de Strzelecki et de plusieurs autres savants, sont coloriées à la main ; mais elles ont été exécu- tées en Angleterre ou en Amérique. La colonie de Victoria s’est surtout distinguée par son ini- tiative dans les levés de cartes géologiques. Elle à publié à Melbourne un grand nombre de cartes géologiques chro- — 170 — molithographiées , toutes très bien exécutées. Citons les cartes suivantes : Victoria, (Geologiscally colored, publiée par le Ministre des mines, en huit feuilles, à l’échelle de 8 milles anglais par pouce, 1880 ; Sketch of a new Geological Map of Victoria, par R. Brough Srnyth, en deux feuilles, 1872 ; First sketch of a Geological Map of Australia, inclu- ding Tasmania, par R. Brough Smyth, en deux feuilles, à l'échelle de 1 : 7.000.000, 1873 ; enfin un grand nombre de cartes géologiques des régions minières de Victoria, telles que les placeres aurifères de Ballarat, Sandhurst, etc., et les mines de houille du cap Otway. L'exemple de Victoria a été suivi par les autres colonies australiennes, et de belles cartes géologiques, coloriées en chromolithographie, ont été publiées à Sydney (Nouvelle- Galles du Sud), à Brisbane (Queensland), à Adélaïde (Aus- tralie méridionale), à Perth (Australie occidentale), et à Ho- bart-Town (Tasmanie ou Terre de van Diemen), par MM. C. Gould, C. S. Wilkinson, R. Logan-Jack, À. R. C. Selwyn, R. Brough Smyth, H. Y. Lyell-Brown, E. T. Hardman, Alpin, Daintree, Ulrich, Clarke, etc. La Nouvelle-Zélande, ce satellite du continent austral, pu- blie depuis quinze années et plus de belles cartes géologiques chromolithographiées. Il est vrai que les premières cartes ont été gravées et tirées en couleur à Londres et à Vienne (Autriche). Mais dès 1869, le docteur J. Hector, directeur du Relevé géologique, publait à Wellington, capitale de la Nou- velle-Zélande, sa carte intitulée : Sketch Map of the Geology of new Zéalaund, dont la troisième édition a paru en 1883. L'Afrique n’a encore que peu de cartes géologiques, et presque toutes ont été publiées soit à Londres, soit à Paris, soit en Allemagne. Il y a cependant une heureuse exception due à l’énergie des Français, qui ont si bien européanisé l'Algérie, que plusieurs cartes géologiques gravées et colo- riées ont paru dans ces dernières années à Alger. D'abord la Carte de la géogénie du Sahel d'Alger, par le docteur A. Li qe Bourjot, en une feuille, échelle { : 80.000, gravée et coloriée à la main à Alger en 1879. Puis la savante et fort belle carte chromolithographiée intitulée : Carte géologique provisoire des provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine, par Pomel, Pouyanne et Tissot, en cinq feuilles, à l'échelle 4 : 800.000, Alger, 1881. Le coloriage, pour un premier essai, est bien réussi et peut se comparer avantageusement avec un grand nombre des cartes chromolithographiées de l'Europe et de l'Amérique. En Amérique, les méthodes d’impressions en couleurs ne vinrent que lentement se substituer au coloriage à la main. Un Français, M. A. Sonrel, le célèbre dessinateur de Louis Agassiz, essaya un système analogue à celui de Le Blanc, et en 1853 il exécuta une petite carte géologique, avec des teintes assez bien réussies quoiqu’un peu ternes, qui a paru dans un document public de l'Etat de Massachusetts, Imti- tulé : Report on certain points in the geology of Massachu- setts, par Edouard Hitchcock. La carte n’a pas de titre, ni de date, ni de lieu de publication, pas même les noms du gra- veur et du lithographe. Elle embrasse le petit bassin houiller du comté de Bristol et du Rhode-Island. En 1855, le géographe J. H. Colton et Cie, de New-York, a imprimé en couleurs par le procédé chromolithographique la Geological Map of the State of Alabama, qui accompagne le Second biennial report of the geology of Alabama, qui n’a paru qu'en 1858, par suite de la mort de Michel Tuomey, le géologue de l'Etat. Les couleurs sont un peu ternes, mais autrement le coloriage est assez bien exécuté. Ce ne fut qu'après la guerre civile de la Sécession, c’est- àa-dire vers 1869, que grâce à la célèbre maison de litho- graphie et de cartographie de Julius Bien de New-York, lim- pression chromolithographique est enfin devenue, aux Etats- Unis, d’un usage général pour le coloriage des cartes géolo- giques. Le succès d’ailleurs est complet, et plusieurs des cartes géologiques sorties des presses de M. Julius Bien — 172 — sont d’une exécution irréprochable et se comparent favora- blement avec celles imprimées à Vienne, à Munich, à Berlin, à Paris, à Bruxelles et à Londres. D’autres cartes géologiques coloriées par la chromolitho- graphie ont été aussi publiées à Boston, à Chicago, à Mih- vankee, à Philadelphie et à Montréal. Dans cette dernière ville, le Relevé géologique du Canada a obtenu des impres- sions en couleurs d’une grande beauté. Pendant la guerre civile des Etats - Unis, il y à eu une grande diminution dans la publication des cartes géologiques de cette partie de l'Amérique. Mais peu après, une nouvelle impulsion, d’une intensité sans précédent, fit reprendre non seulement les travaux interrompus, mais en fit naître un grand nombre de nouveaux. Le gouvernement fédéral sur- tout se mit à la tête des études, en faisant explorer une partie des immenses territoires de l'Ouest. Déjà de fort beaux et excellents résultats ont été obtenus, et les importants Atlas géologiques publiés dans ces dernières années sous la direc- tion de MM. F. V. Hayden, C. King, George M. Wheeler et J. W. Powell, font honneur au gouvernement américain et aux géologues qui les ont relevés et construits. De plus, les Etats du Michigan, du Wisconsin, de l'Ohio, du Missouri et du nouveau Hampshire, ont aussi publié de grands atlas géologiques, bien exécutés en chromolithogra- phie. L'Etat de Pennsylvanie publie aussi des cartes géolo- giques bien coloriées, ainsi que le Nouveau-Jersey, la Caro- line du Nord, le Kentucky et le Minnesota. Le Canada a continué avec plus de succès, depuis quinze années, ses publications de cartes géologiques des posses- sions britanniques de l'Amérique du Nord. Enfin la Guyane anglaise, le Brésil, la République argentine et surtout le Chili, ont entrepris des relevés géologiques qui ont dans ces dernières vingt années fortement accru nos connaissances géologiques sur la partie méridionale du Nouveau-Monde. La carte géologique du Chili, par Pissis, en treize feuilles, to gravée et coloriée en chromolithographie à Paris, forme un bel atlas, qui ne le cède comme valeur et importance géolo- gique à aucun de ceux publiés dans l’Amérique du Nord. Les classifications géologiques se sont beaucoup perfec- tionnées de 1860 à 1881, sans toutefois atteindre ce degré de solidité obtenu par les anciens et très détaillés Relevés géo- logiques des Iles Britanniques, de la France, de la Suisse, de la Belgique, de l'Autriche, de la Prusse et de la Scandi- navie. Quoique les dernières publications sur l’Amérique soient très supérieures à celles qui les ont précédées, on n’a pas encore exécuté nulle part un Relevé géologique réelle- ment final ou tout au moins qui laissât peu à corriger dans l'avenir. Tous, sans exception, sont des reconnaissances géo- logiques qui exigeront encore des recherches pendant de nombreuses années, pour les transformer en études défini- üves et bien solides. Toutefois ce qui existe déjà est énorme au double point de vue de l’importance et des surfaces rele- vées, surtout si l’on considère les immenses étendues de ter- rains explorés depuis les régions arctiques jusqu’au détroit de Magellan. En jugeant les résultats obtenus par les efforts d’un groupe, assez restreint après tout, de géologues-voya- geurs qui ont affronté tous les périls, tous les dangers de pays souvent totalement inconnus, il ne faut pas perdre de vue que l'Amérique couvre tout un hémisphère, et que com- parativement à l'Ancien Monde, le Nouveau est mieux connu géologiquement et a bien moins de blancs à remplir dans sa carie géologique générale que l'Asie, l'Afrique ou l’Aus- tralie. En étudiant le Mapoteca Geologica Americana, on sera frappé souvent de certaines bizarreries dans les cartes citées. Quelques-unes sont anonymes, d’autres n’ont pas de titres, beaucoup sont sans dates et bien davantage sans échelles ou avec des échelles qui exigent d’être calculées pour s’en rendre un compte exact. Dans ce dernier cas, on n’a pas cité ce genre d'échelle. Souvent aussi il n’y a pas de lieux de pu- he — blication. De grands atlas géologiques sont sans lieux de publication. Enfin bien souvent la date inscrite sur une carte ne correspond pas à celle du livre ou du mémoire qui la dé- crit ou qu’elle accompagne. Dans ce cas nous avons placé les deux dates, celle que porte la carte d’abord, puis ensuite celle du mémoire. Enfin nous avons dû éliminer un certain nombre de cartes inscrites comme géologiques dans leur titre, et qui en réa- lité n’ont rien du tout de géologique. Dans l’espoir qu'il n'aura pas d’imitateurs, je citerai un exemple, heureusement unique, tellement il est compliqué, et évidemment sans que son auteur ait conscience des con- fusions qu’il a créées. M. James Jackson, le bibliothécaire de la Société de Géographie de Paris, dans son remarquable catalogue intitulé : Biographies géographiques spéciales, 1881, a été obligé de placer en note à la « Table des au- teurs », page 329, « Lesley (Peter), connu sous le nom de Joseph Peter Lesley ». Tantôt cet auteur écrit ses deux prénoms, tantôt il supprime le Joseph; première difficulté. Secondement la plus grande partie de ses cartes géologiques n’ont aucune espèce de titre, ni d'échelle, ni de lieux de pu- blication, n1 de dates. Troisièmement, plusieurs de ses cartes géologiques sont si peu géologiques qu'il est difficile de s’en apercevoir, et même quelques-unes n’ont absolument rien de géologique. Enfin, comme directeur du Relevé géologique de l’Etat de Pennsylvanie, M. Lesley emploie la notation la plus compliquée et irrégulière imaginable, pour les publica- tions déjà fort nombreuses — près de quatre-vingts volumes et atlas — du « Second geological survey of Pennsylvania », se servant de lettres tantôt répétées jusqu’à cinq ou six fois, tantôt de lettres à exposants ou bien à coëfficients, et tout cela sans ordre ni géographique ni alphabétique. J'ai négligé de citer de très petites cartes, réductions de grandes, que des auteurs de livres élémentaires tels que des Traités de géologie, des Eléments de géologie, ou des Ma- 4 Er :' 1110 1 nuels de géologie, ont insérées dans leurs textes, en planches noires, gravées sur bois, parce que toutes sont des répéti- tions — et le plus souvent mal exécutées — des cartes faites par des observateurs originaux dont le nom ne se trouve ni sur ces cartes ni dans le texte. Ce sont de simples compila- tions à l’usage des gens du monde et des étudiants, mais sans valeur dans l’histoire de la science. Malheureusement aucun genre de publications n’offre plus de tentations que les cartes géologiques, pour l’appropriation des travaux d'autrui, sans en citer les auteurs. On dit comme excuse que « cela est tombé dans le domaine public », que « leur connaissance appartient à tous ! » Les géologues qui ont le respect de la propriété de leurs confrères, et qui savent que souvent la seule récompense de travaux difficiles et qui quelquefois sont sans rémunération pécuniaire quelconque, est la réputation ou notoriété du sa- vant qui à fait le travail, du pionnier qui le premier s’est aventuré sur un terrain tout à fait inconnu, ces géologues, dis-je ne manquent pas de citer le nom ou les noms des pre- miers explorateurs, soit sur les cartes, soit dans le texte ex- plicaüf de ces cartes, le plus souvent dans tous deux. Il n’est pas rare que ce simple principe de justice soit violé, et de nombreux actes de véritable piraterie scienti- fique existent en cartographie géologique. Les personnes qui s’en rendent coupables sont surtout les ingénieurs civils des mines, des géographes et quelques voyageurs. Ainsi on trouve souvent dans leurs récits de voyages, leurs rapports où journaux de mines, de grandes cartes géologiques bien coloriées et assez exactes, avec un nom d'auteur parfaite- ment inconnu en géologie. Si on compare ces cartes à celles des géolozues qui ont fait les études de ces contrées, on est étonné de trouver qu’elles en sont des copies exactes, si exactes même qu'elles en répètent les erreurs connues seu- lement de leurs auteurs. Dans ce cas le mal est de peu d’im- portance, car chacun rectifie l'erreur et place le nom de — 176 — l’auteur véritable au lieu et place de celui du compilateur peu scrupuleux. Mais il n’en est pas de même lorsque l’auteur de la compi- lation est un géologue connu. Il devient alors fort difficile de Savoir ce qui appartient réellement aux prédécesseurs et aux pionniers géologiques dont on s’est approprié les travaux sans les citer. Fort peu de savants sont capables de rétablir la vérité, et le plus souvent lorsqu'ils la savent, 1l leur ré- pugne de la rendre publique et d'exposer les pirateries d’un conirère. Le seul remède est la réputation que chacun pos- sède dans la science. Celui qui respecte et cite toutes les cartes et travaux de ses prédécesseurs est sûr d’avoir la ré- putation d’un honnête observateur, même alors que ses tra- vaux froissent quelques-uns de ses confrères. Tandis que celui qui s’approprie de droite et de gauche les travaux d’au- trui, est bien vite connu et cité par ses confrères comme un plagiaire sans scrupule et d’une valeur douteuse comme géo- logue pratique. En terminant cet exposé rapide, je demande la permission d'émettre le vœu qu'un ou plusieurs géologues veuillent bien entreprendre la Mapoteca geologica Europæana ou Catalogue de cartographie géologique de toute l’Europe. Il y a là de grands services à rendre pour les progrès de la cartographie géologique et de la géologie; car il n’est plus guère possible de se reconnaître au milieu du dédale de publications de toutes espèces et de toutes provenances, et dont le nombre prend des proportions effrayantes pour les recherches et les citations. Je n'hésite pas à dire qu'un Catalogue de carto- graphie géologique de l'Europe serait un travail dont la va- leur ne le céderait à aucun, pas même à la carte géologique internationale de l’Europe, résolue au congrès de Bologne. L'EMPIRE DE L’ALMAMY-ÉMIR SAMORY OU EMPIRE DU OUASSOULOU APERÇU GÉOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE Par M. É. PÉROZ CAPITAINE D'INFANTERIE DE MARINE: Séance publique du 15 décembre 1887. I L'EMPIRE DU OUASSOULOU. _ Cet empire, créé de toutes pièces ces dernières années par l’Aimamy-Émir Samory, a été souvent désigné sous le nom d’empire du Ouassoulou. Quoique cette dénomination soit impropre, puisque le Ouassoulou n’en est qu'une pro- vince, cependant nous l’avons adoptée en raison de sa su- perficie et de la densité de sa population, bien supérieure à celle des autres régions de l’empire ; au reste, nous avons suivi en cela la coutume adoptée par les Mandingues de la rive gauche du Niger et par tous les diulhas (colporteurs) en relation avec lui. | Ses limites englobent les États frontières dont l’énuméra- tion suit. | . En partant de l'Ouest, près de Sierra-Leone et de Benty sur la côte de l’Océan atlantique : le Tamiani, le Lokko, le Tambaka, le Talla, le Tamisso, le Houbou, le Baiïlo, le Mo- rébélédougou, le Baleya, le Kolakonta, le Diuma, le Keniera: | 42 ; 15 © Au Nord : le Manding, le Bana, le Baninko. À l'Est : le Kabadougou, le Ouorodougou, le Kentilédou- gou. Au Sud : le Bouley, le Mousardougou et les frontières de la république de Libéria-Monrovia. Il embrasse ainsi environ six degrés en longitude et cinq en latitude ; soit, en longitude, du degré 8° 20 Ouest au de- gré 15° 0, et'en latitude, du degré 8° 10° Nord au degré 12° 30 Nord ; sa superficie probable est de 360.000 kilomètres car- rés et sa population d’un million cinq cent mille habitants. Sauf à l'Ouest et au Nord-Ouest où le Bafing-Tankisso et le Niger établissent, depuis le traité du 23 mars dernier, une ligne de démarcation absolue entre cet empire et les pays voisins, partout ailleurs sa frontière est indiquée par une vaste bande de terrain, large parfois d’une cinquantaine de kilomètres, entièrement dépeuplée et dévastée, où se don- nent rendez-vous les pillards des régions limitrophes. Les races qui le peuplent sont des mandingues et des bam- barras mélangés presque partout, et quelques peulhs établis dans des villages épars çà et là qui indiquent, par la ligne qu’ils déterminent, la route du grand exode fellah qui s’est épanoui aux treizième et quatorzième siècles sur toute PA- frique occidentale. La langue parlée est le malinké ou langue mandingue ; la langue écrite, l'arabe légèrement altéré. La géographie physique de l’empire est presqu’entière- ment celle du Niger supérieur, dont il embrasse les sources et les principaux affluents, tels que le Bafing-Tankisso, le Milo, le Yandon, le Bagué, le Ba-Oulé, le Bafin, tous navi- gables aux canonnières. _ Au point de vue orographique, il est formé de deux grands plans inclinés, l’un au Sud-Ouest, l’autre au Nord-Est, et dont la ligne d’intersection porte sur les cartes l’appellation | de monts de Loma. _ Nous n’étudierons pas le premier, que nous n’avons pas parcouru, et qu’une mission dirigée par M. le capitaine Ober- — 179 — dorf (1), de l'infanterie de marine, doit reconnaître dans le cours de cette campagne. Le second va en s’épanouissant sur une large superficie, limitant ses derniers grands res- sauts à une ligne longue de 400 kilomètres environ, orientée Nord-Ouest-Sud-Est, passant par Sakhoya, Balatokoro, Soïla, Zoïla, Diakoura, Kinitoumanibara, Segala, Ouguiné. Il est fait d’une succession de plateaux inclinés au Nord- Est, terminés brusquement par des gradins dont la hauteur va s’accroissant progressivement en approchant des monts Loma. Les grès durs, les quartz et des minerais de fer très riches entrent en majeure partie dans sa structure. La désa- grégation rapide de ces roches accentue de plus en plus l’es- carpe des gradins. Les eaux pluviales, relativement abondantes, dont l’écou- leinent est favorisé par une pente rapide, s’y sont frayé de profondes et abruptes vallées et ont édifié par leurs apports alluviaux une série régulière de cônes de déjection qui vont s’étalant sans interruption, entre chaque rivière, sur toute la ligne Sakhoya-Ouguiné. Telle est l’origine du dépôt ferrugino-gréseux très épais au sommet du cône qui va en diminuant de puissance aux ap- proches de la ligne Keniera-Bougoula-Tengrela, pour faire place, au delà, aux sables et aux argiles du Baninko, du Ké- niédougou (pays du sable), du Canadougou et du Kamiadou- gou. | La conformation physique de la région et sa composition géologique expliquent facilement le régime des cours d’eau qui lParrosent. Au contraire des affluents du Bafing, la presque totalité de ceux du Haut-Niger se forment par ruissellement. Les eaux de mille ravines, à l’époque des grandes pluies, descendent des hauts plateaux, en torrents impétueux, dans de profondes (4) Nous venons d'apprendre, avec un vif regret, que ce courageux offi- cier a succombé à la suite d’un accès de fièvre pernicieuse. — 180 — ‘entäilles qu’elles ont creusées en régularisant la pente de leur cours. Bientôt elles atteignent la zône d’atterrissement. Là, leur lit s'étale, s’élargit au détriment de la profondeur, en remaniant sans cesse les masses graveleuses et sableuses arrachées au massif des monts Loma. Enfin, arrivées dans les grandes plaines du centre et du Nord-Est, elles s’encaissent profondément, creusant leur lit à chaque hivernage dans les sables d’abord, puis dans les argiles du sous-sol découpées en terrasses, en berges et en barrages croulants pendant la saison des basses eaux. - L'empire du Ouassoulou est ainsi physiquement partagé ‘en trois régions disünctes : la région des hauts plateaux; des moyens plateaux flanqués de cônes de déjections, et celle des plaines. Les deux premières, plus près de l’équateur et mieux arrosées, grâce à leur altitude, sont sillonnées d’innom- brables ruisseaux et participent, dans une plus large part, du climat et des productions tropicales. Le riz, le manioc, la cassave, les niambis, les diabrées, les taros, les ignames, les oranges, les bananes, les papayers y sont abondants, tandis que la culture du maïs et du mul y est à l’état d’excep- tion. Dans la dernière, au contraire, toutes les cultures du Sou- dan français se retrouvent, mais avec une richesse de pro- duciion bien supérieure. Le riz, dans le lit supérieur des rivières, le maïs, le mil dans toutes ses variétés, le fomo, les arachides, le karité en sont les principaux produits agri- coles. Les lianes à caoutchouc et à gutta-percha (goïn gué et saba) et le doundaké ou quinquina africain leur sont communs; il en est de même pour l’indigo, le coton, ainsi qu’une grande variété de plantes ou d’arbustes tinctoriaux où médicinaux. Le règne animal, en revanche, se ressent peu de cette dif- férence qui n est sensible sur les plateaux que par une dimi- nution de la taille des animaux domestiques. On y rencontre ne communément toutes les variétés d’antilopes et de biches, le buffle, le sanglier, le lièvre, l'éléphant, la girafe, l’hippopo- tame, la panthère, la hyène, le chacal, le chat tigre, le jaguar, le Iynx, l’outarde ; toutes les variétés d’échassiers ; l'aigle, le vautour, le milan, l’épervier, le canard sauvage armé, le faisan, la poule de pharaon, la poule de rochers, la pintade, la perdrix et une infinité d'oiseaux au plumage chatoyant, depuis le perroquet, le cardinal jusqu’au cohbri et à l'oiseau mouche. Les animaux domestiques y sont le cheval, lau- truche, le bœuf, le mouton, les poules de très petite taille, éterretc. Quant aux races humaines qui peuplent ces trois régions, elles sont tellement mélangées par le régime séculaire de la captivité, que seule une étude approfondie et des mensu- rations nombreuses permettront de reconnaitre les carac- tères distinctifs des peuples aborigènes. D'une façon géné- rale, on peut dire que l'habitant de l’empire du Ouassoulou est au physique de très haute taille, très vigoureux des ex- trémités supérieures et des reins, le front haut, lœil intel- ligent et bien ouvert, le nez moins épaté que celui du noir des côtes, l’angle facial peu prononcé, les extrémités très fines et la peau couleur chocolat. Au moral, il est intelligent, laborieux, fort industrieux ; mais léger de caractère et trop enclin à considérer la guerre comme un moyen rationnel de s'enrichir. L'hydrographie de l'empire est celle de tout le bassin su- périeur du Niger; la mission du Ouassoulou en a fait l’objet d’une étude spéciale en raison de l'importance que doit avoir pour notre commerce la navigabilité des rivières et des fleuves qui l’arrosent. Le cadre de cet aperçu sur cette inté- ressante région n’en comporte pas un examen même suc- cinct ; qu'il nous soit seulement permis de dire, pour indi- quer tout le parti que nous pouvons retirer d’une alliance commerciale avec cet empire, que plus de 1800 kilomètres de navigation fluviale y sont ouverts aux bâtiments d’un tirant — 182 — d’eau moyen de 0", 60 aux basses eaux, et de 1", 50 aux hautes eaux, c’est-à-dire pendant six mois de l’année. Nous ajouterons que sur les rives du Niger ou de ses grands af- fluents sont construits les grands centres ou marchés de l'empire dont quelques-uns, comme Sansando, Kankan, Kankaré, Kona, Bougoula ont une population de 5000 à 6000 habitants. L'empire de l’Almamy-Émir Samory ou empire du Ouas- soulou, est un assemblage de petits États, tous autrefois in- dépendants. Continuellement armés les uns contre les autres par l’irrésistible passion de s’enlever réciproquement quel- ques captifs ; tantôt vaincus et décimés, tantôt vainqueurs mais affaiblis par les combats, ils étaient menacés d’un dé- peuplement complet, lorsque la main vigoureuse de PAI- mamy, les groupant en un seul royaume et leur donnant la communauté des intérêts, a arrêté le cours de ces guerres perpétuelles et leur a ouvert une ère de prospérité relative- ment grande. Leur histoire est à peu près inconnue; la tradition seule pouvait nous la transmettre. Mais devant le nombre considé- rable d'événements nouveaux qui se produisaient chaque année, disloquant une confédération pour en créer une nou- velle, déplaçant parfois la population entière, elle a fini par se perdre presque complètement. Quelques épisodes seuls, plus ou moins typiques, ont surnagé, mais insuffisants pour éclairer les ténèbres sanglantes dans lesquelles ces peuples malheureux ont vécu de longs siècles. Cependant, en nous aidant de quelques chants de guerre et de récits plus ou moins tronqués qui nous ont été faits, nous avons pu, au moins pour la partie occidentale de l’em- pire, tracer les grands traits, non de l’histoire de la région dans ces derniers temps, mais bien celle des divers chefs qui l’ont tour à tour dévastée. Lorsque EI Hadj Omar, le grand prophète noir, revint de La Mecque, il fit connaissance à Kankan d’un jeune homme 25 * — 183 — nommé Mahmadou (Mahmadi, Mohammadi, Mohammed, Ma- homet en Français), célèbre déjà par sa piété et sa valeur. Il se l’attacha et il devint bientôt un de ses conseillers favoris. Mais au siège de Dinguirav, dernier refuge de la puissance dialonkaise (race aborigène), quelque dissentiment s'étant élevé entre eux, Mahmmadou le quitta et rentra dans sa ville natale. Sa renommée l'y avait précédé, et, d'un commun accord, ses compatriotes le prirent pour chef. Kankan est à la fois un centre commercial très actif et une cité religieuse fanatique. Aussi fut-il facile à son nouveau chef de lever, sous le couvert de la religion, une puissante armée avec laquelle il jeta l’épouvante et la ruine jusqu’au fond du Ouassoulou. La rive droite du Niger s'était donnée à lui; mais des bords du Bagué, le bambarra Diéri, jaloux des succès de Mahmadou, vint à sa rencontre à la tête de forces innombrables. La lutte entre le cafri (païen) et le ser- viteur de Dieu dura plusieurs années avec des chances di- verses, et chaque adversaire était, comme il est de coutume, plus occupé à enlever d’inoffensifs villages et à faire des captifs, qu’à risquer sa vie dans une lutte sans profits. Cependant le vide se faisait autour des deux armées, et celle de Diéri affamée se décida à prendre pour objectif la riche ville de Kankan, en passant par le Toron que la guerre avait respecté jusqu'à ce jour et qui regorgeait de vivres. On montre encore à mi-chemin de Tinti-Oulé et de Kan- kan un énorme tas de pierres en forme de trémie, résultat du dénomhrement que fit de son armée le chef bambarra avant l’attaque de la ville. Chacun de ses guerriers avait défilé devant lui, un cailloux à la main, qu'il déposait à ses pieds. Les dimensions de la butte qui se forma ainsi est de dix mètres de long sur quatre de large et deux de haut; elle montre, si la légende est vraie, que Mahmadou avait été pru- dent en ne résistant pas en rase campagne à pareille invasion et en s’enfermant dans sa capitale. Le siège dura quatre mois et la ville fut prise et dévastée ; == 184 — mais le château du chef, qui servait de réduit à la place, tenait toujours, et Diéri avant été tué en lui donnant lassaut, son armée se dispersa, poursuivie par les gens de Kankan et du Toron qui en tuèrent et en prirent un grand nombre. Les récits fabuleux qui courent sur Diéri sont, pour quel- ques-uns, intéressants à rapporter à cause de leur similitude avec certains faits merveilleux des contes arabes. Il nous à été conté par plusieurs personnes, et avec la plus parfaite conviction, que ce roi avait passé un pacte avec le diable. Celui-ci, en échange de son âme, lui avait fait don d’un tapis qui s'élevait et se soutenait dans les airs lorsque Diéri voulait se reposer à l’abri de toute surprise ou examiner l'ennemi. Ce tapis magique fut cause de sa perte. À l’assaut du Tata central (enceinte fortifiée) de Kankan, il eut la funeste idée de l’étendre dans la cour de la mosquée pour planer au dessus des assiégés. Mais lorsqu'il fut à une grande hauteur, Dieu, pour le punir de la violation de sa demeure, déchira le véhicule diabolique, et Diéri, précipité dans le vide, vint s’abattre en tournoyant sur la muraille ennemie où il se brisa. | Cette victoire inattendue fut la dernière de Kankan-Mah- madou, car elle lui donna une autorité sans conteste sur tous les pays voisins. Pendant les dix années qu’il vécut encore, il s’occupa d'œuvres pies et construisit les mosquées actuel- lement en ruines de Kankan et de Niafadié, dont il avait fait une sorte de ville sainte. Il mourut aux environs de 1850. Son fils aïné, Dianabou- farima-Mori, lui succéda, et avec lui allait disparaître la pré- dominance momentanée de Kankan. Les Mandingues sont, sous une apparence abrutie qu’ils savent prendre devant un chef puissant, de fins observateurs. Ils avaient depuis longtemps jugé celui qui, à la mort de Mah- madou, devait les commander ; ils le savaient indulgent et bon, hésitant de caractère et sans énergie. Aussi, le jour où prenant le pouvoir en main, Mori ordonna aux chefs qui — 185 — obéissaient à son père de venir à Kankan lui rendre hom- mage, très peu répondirént à son appel. Il chargea son frère cadet Moriba, dont il avait fait son généralissime, de les ramener en l’obéissance. Mais celui-ei, plus occupé de plaisirs que désireux de gloire, mena si négli- geamment les opérations, que, battu en plusieurs rencontres, il vit son armée réduite presqu’à néant par la désertion ou la trahison et bientôt complètement battue à Kanguela par les Ouassouloukais. Dans ce pays, la fidélité au chef et le patriotisme d’où nais- sent les dévouements héroïques qui souvent changent le sort des armes dans les situations les plus critiques, sont choses inconnues. Le guerrier reste à l’armée tant qu'il y trouve, avec peu de danger, de bonnes occasions de pilleries ; mais dès que la fortune adverse se présente avec son cortège de privations et de fatigues, il remplit secrètement sa peau de bouc au magasin à riz de son chef et retourne prudemment se cacher chez lui, attendant la tournure que prendront les événements. Cest ainsi que Moriba, défait de nouveau à Fokhotera, malgré les renforts que lui envoyait son frère, dut, pour con- tinuer la lutte, implorer l’aide du roi Koulaba-Mamby de Nia- gassola, dont les guerriers étaient alors fort en renom. Celui- ci répondit à son appel, et bientôt tous les villages situés entre le Fié et le Bagué étaient en flammes et de longues caravanes de captis prenaient la route du Manding. Puis, lorsque son armée ne trouva plus rien à prendre dans ce malheureux pays, Mamby repassa le Niger non sans avoir auparavant chèrement fait payer à Moriba, par un présent d’or fin, l’aide qu'il venait de lui prêter. Cette guerre finit en 1860; elle avait duré dix ans. Kan- kan-Mori n’était pas mieux obéi qu'à son avènement ; mais, en revanche, tout n’était plus que ruines autour de sa capi- tale, appauvrie elle-même par cette longue lutte. Le sort malheureux de ses armes dans le Ouassoulou n’a- — 186 — vait pas permis à Moriba de songer à réduire les régions qui se trouvent au sud, à l’ouest et au nord de Kankan. Toutes s'étaient déclarées indépendantes. Dans le Toron, Bitiké-Souané régnait tranquillement à: Tinti-Oulé, à 20 kilomètres de Kankan, et paraissait ignorer même la présence d’un almamy dans cette ville. Sori-[brahima, marabout renommé, avait réuni sous son autorité le Konia, les pays de Sissi, de Gankouna, de Toro- koto et du Kabadougou. Le Diuma, sous le commandement d’un cousin du mamby de Niagassola, Namakhan, fort de son alliance avec la capi- tale redoutée des montagnards de la rive gauche, allait jus- qu'à fermer la route aux gens du Bouré venant à Kankan traiter leur or. Le Balimakana pillait les villages du Baté voisins de ses frontières. Le Sankaran, le Baleva, le Kolakonta, l’Amana, unis en confédération, barraient aux commerçants de Kankan les routes de Dinguiray et de Sierra-Leone. : Enfin le Manding de la rive droite, commandé par Minaba- Mamby, frère cadet du roi de Niagassola, avait arrondi son territoire aux dépens de Mori, qui s'était tenu coi craignant d'attirer à Kankan les montagnards de la rive gauche. En 1865, une incursion des Ouassouloukais dans le Baté le détermina cependant à chercher de nouveau à réduire ce pays ; son frère partit à la tête d’une armée composée en partie de Coulibaly du Kéniéradougou sous le commande- ment de Falhi-Moussa, chef de Koundian, et de guerriers du Baté. Une sorte de dualité dans le commandement rendit vaine la valeur reconnue des gens de Kéniera. Les troupes alliées furent battues à Kobisona (Ouassoulou), et, pendant que Fali-Moussa s’enfuyait à Koundian, Moriba rentrait à Kankan presque seul (1866). Pendant que ces derniers événements se passaient, un nouveau personnage entrait en scène et allait, avec une habi- — 187 — leté rare, mettre à profit les dissensions de tous ces peuples pour relever l'empire de Mahmadou et accroître même jus- qu'aux limites les plus reculées du Soudan occidental. Nous relatons iei la légende qui court dans l’empire du Ouassoulou sur les origines de ce chef remarquable ; outre l'intérêt que peut avoir l’histoire de Samory, qui est en quelque sorte le Bonaparte soudanien, sa vie, telle qu’elle nous a été maintes fois contée, a un côté touchant dans l’a- mour profond qu'il avait voué à sa mère et d’où sont nées son ambition et sa fortune. Il y à vingt-sept ans environ végétait à Sanankoro, dans le Konia, un diulah très besoign eux nommé Lakhanfia Touré, marié à une Camara du nom de Sokhona ; leur fils aîné âgé de dix-huit ans, Samory, faisait vivre ses parents du colpor- tage de marchandises de traite sur les marchés du Ouassou- lou. Un jour, au retour d’une tournée de plusieurs mois, il ne trouva plus sa mère au foyer paternel ; pendant qu’elle travaillait aux champs, elle avait été enlevée par des pillards ennemis. Samory l’adorait et sa douleur fut immense ; mais ce petit colporteur était déjà un homme énergique et d’une volonté de fer. Au lieu de s’abandonner au désespoir, 1l jura de retrouver sa mère et de la délivrer; et jetant sur son épaule son fusil et sa peau de bouc, il se mit en campagne pour apprendre où elle avait été conduite. Bientôt il sut que la razzia dont elle avait été victime était l’œuvre d’un parti de guerriers de Sori-Ibrahima, marabout fort en renom et roi du pays de Gankouna et de Torokoto, suzerain de sa ville natale. Sept jours de marche séparent Médina, résidence d'Ibrahima, de Sanankoro; le septième jour au matin le futur émir se présentait amaigri, mourant de faim, vêtu de loques, devant le puissant chef qui retenait sa mère captive. Il lui dit pourquoi il était venu, et le supplia de rendre la hberté à Sokhona Camara, en l’acceptant en échange comme captif. Fatigué, émacié, les genoux tremblants encore de la fatigue de la marche, fluet comme les.jeunes gens en pleine — 188 — croissance, il était un captif de pauvre valeur à côté de So- khona dans toute la force de l’âge, vigoureuse, vaillante et capable encore d’avoir de beaux enfants. Aussi le chef noir n'avait garde d'accepter pareil échange, et Samory eut beau se rouler à ses pieds, il demeura inflexible ; cependant il lui dit en plaisantant : € Beau fils, si tu veux racheter ta mère, reste chez moi. Tu travailleras, et lorsque je jJugerai suffi- sants les services que tu m'auras rendus, tu pourras retour- ner avec elle à Sanankoro ; mais je crains bien que tu ne meures à la tâche, et peut-être ferais-tu bien de rentrer seul dès maintenant chez ton père. » Le pieux jeune homme se cramponna à cet espoir si vague et si plein de réticences menaçantes, car, que lui importait . la vie sans sa mère. [l accepta donc cette offre avec recon- naissance et demanda à servir à la guerre. Le Jendemain même, Ibrahima ordonnait qu'il fit partie d’une expédition qu'il lançait sur une ville extrêmement forte et vaillamment défendue contre laquelle plusieurs fois déjà ses troupes avaient échoué. Arrivé devant le rempart avec toute l’armée, pendant que ses chefs se consultaient sur les moyens d'attaque, Samory, fatigué de leur lenteur, se préci- pita sur la muraille, brandissant son fusil, et, s’aidant d’une branche fourchue, il l’escalada au milieu d’une grêle de balles. Les guerriers du marabout, électrisés par son exemple, se jetèrent sur ses traces et le délivrèrent en s’emparant de l'enceinte au moment où, accablé sous le nombre, il allait succomber. D’après les lois du pays, un tiers du butin eût dû lui appartenir et suffisait bien au delà à racheter sa mère. Tbrahima lui fit observer, tout en le complimentant, qu’il ne pouvait en être ainsi, car, d’après leur convention, il devait rester seul juge de la valeur des services rendus et seul maitre du butin qu’il pourrait lui procurer. Samory ne se dé- couragea pas, et pendant sept ans, sept mois et sept jours, 1l rendit son nom fameux en combattant pour sa mère. — Enfin. [brahima ne s’opposa .plus à ce qu’elle retournât libre à Sa- — 189 — nankoro ; mais 1l aurait voulu garder en même temps un guerrier aussi redoutable et d'aussi grand renom que Sa- mory. fl lui offrit de nombreuses richesses pour le décider à rester auprès de lui en qualité de généralissime ; mais celui-ci refusa, et laissant à Médina tous les présents, récompense de sa valeur, il reprit le méchant fusil et les loques avec les- quelles, sept ans auparavant, il s’était présenté à Ibrahima ; puis s’estimant payé au delà de ses souhaits par la liberté qu'il avait rendue à sa mère, dégagé de toute reconnaissance, il regagna la pauvre demeure de son père. La même année Bitiké-Souané, roi du Toron, lui fit offrir le commandement suprème de ses troupes, qu’il accepta. Cest à la cour de ce dernier, pendant qu’il était son généra- lissime, dans une discussion où Bitiké l’accusait fort à raison de chercher à le supplanter, qu'il reçut de sa main même un vigoureux coup de bâton au front, dont il porte encore la marque. En effet, ses succès et sa générosité avaient déjà fait de lui idole des guerriers du Toron, auxquels s'étaient joints un grand nombre de ses compatriotes du Konia. Bientôt Bitiké fut réduit au rôle de roi fainéant, et Samory, tout en lui lais- sant son autorité nominale, disposa en maître de l’armée; c’est alors que, sûr de sa fidélité, il entreprit de se créer un vaste empire et de reconstituer à son profit l'immense com- mandement de Kankan-Mahmadou. Le Kounadougou tomba d’abord sous ses coups, et Famo- dou, son roi, fut tué à Bissandougou dans la bataille décisive qui se livra sous les murs de cette ville en 1866, le jour même où l’armée de Kankan était battue devant Kobisona. Cette victoire eut un grand retentissement dans le Konia, qui se souleva contre Sori-[brahima et appela Samory en libérateur. Seul Sanankoro, habité en partie par des peulhs, lui ferma ses portes. Après un siège de six mois, le nouveau conquérant s’en empara, puis, en ayant relevé les murs, il en fit sa rési- dence. — 190 — Désormais les rois voisins devaient compter avec lui, car déjà son autorité s’étendait sur les riches et populeux pays du Kounadougou, du Toron et du Konia ; de plus, sa renom- mée allant croissant, son armée se grossissait chaque jour des meilleurs sofas (captifs. guerriers) des princes ses voi- sins. Aussi Sori-[brahima, qui luttait à ce moment contre le Kabadougou révolté, ne put-il pas songer à le chasser de la province qu’il venait de lui arracher. Au reste, il avait vu éclore son génie et craignait de se mesurer directement avec lui. Depuis leur victoire contre Kankan-Mori, les États ouas- souloukais avaient rompu l'alliance qui les avait unis dans leur guerre d'indépendance et étaient retombés dans une anarchie profonde ; grâce à elle, en s’unissant aux uns, puis aux autres, Samory put s'emparer, presque sans tirer un coup de feu, de tout le pays jusqu’au Ba-Oulé (fleuve rouge). Déjà le pays de Sissi, le Sananfoula, le Diago, le Lenguesoro et le Ganan lui appartenaient, lorsqu'une étroite alliance avec le mamby de Kangaba en fit le roi le plus puissant de la rive droite. À Niagassola, Koulaba-Mamby, en devenant vieux, avait perdu son activité guerrière et, par conséquent, son autorité; de plus, la place forte de Mourgoula était devenue citadelle toucouleure, et l’almamy qu'El Hadj-Omar y avait placé le tenait dans une étroite vassalité. Aux environs de 1863, Alpha Oumar, le général toucouleur, l'avait mis dans lPobli- gation de lever une colonne pour se joindre à son armée qui allait attaquer Kangaba, résidence de son frère cadet. Mamby, obligé de marcher à la tête de ses troupes, avait égaré Alpha dans les montagnes du Sobra, ce qui avait rendu impossible la surprise qu'il méditait de la riche ville de Kangaba ; mais les toucouleurs ne voulaient pas rentrer les mains vides, et il avait dû les conduire à Ouoronina, en face Figuiera, appar- tenant également à son frère. Le village avait été enlevé et détruit de fond en comble. — 191 — De ce jour les rapports entre les deux frères devinrent dif- ficiles, et lorsque le roi de Niagassola obtint, deux ans après, de l’almamy de Mourgoula l’autorisation de faire une incur- sion dans le Ouassoulou, arrivé à Banko, devant le Niger, il trouva le village désert et toutes les pirogues enlevées par ordre de Mamby de Kangaba. Pour punir son frère cadet de cet acte d’hostilité, il brûla Banko ; Mamby de Kangaba ré- pondit en détruisant Balan-Mansaïa près de Balankoumakana. La guerre était déclarée, et pour Kangaba l'alliance de Niagossola et de Mourgoula devenait une dangereuse éven- tualité. Pour parer à ce danger, Minaba-Mamby s’allia étroi- tement avec Samory. Il pensait diriger ce parvenu à son gré et disposer en maître de son armée. Les deux chefs se rencontrèrent à Kamaro et y jurèrent sur le Koran amitié et alliance indissolubles (1870). Pendant que ces événements se passaient, Kankan-Mori, après avoir inutilement essayé par les voies pacifiques de rouvrir la route du Niger supérieur au commerce de sa ca- pitale, s'était vu dans l’obligation, sous peine de la voir tom- ber en ruines, de déclarer la guerre au Sankaran. Malgré la mauvaise réussite des opérations qu'avait précé- demment dirigées son frère Moriba, il lui confia encore le soin de réduire ce pays. Celui-ci mena tout d’abord vigou- reusement les opérations et s’empara de Bagué après avoir battu, chemin faisant, plusieurs détachements ennemis. La colonne de Moriba était relativement faible ; aussi son frère, instruit par des diulhas (colporteurs) qu'une armée nom- breuse se réunissait pour la repousser, lui donna ordre de rejoindre les frontières du Baté où il le renforcerait de façon à le mettre en état de continuer la lutte. Mais Moriba, qui avait trouvé dans Bagué de riches approvisionnements, re- fusa d'exécuter ce mouvement et s'établit au contraire soli- dement dans l'enceinte du village, où les guerriers réunis du Sankaran, du Kolakanta, du Baleya et de l’Amana le surpre- _naient et le tuaient quelques jours après. — 192 — À cette nouvelle, Kankan-Mori envova deux mille gros d’or (le gros vaut 15 fr.) à Samory pour acheter sox, alliance. Celui-ci accepta, mais à la condition que l’aide qu'il lui don- nerait les lierait par une alliance offensive et défensive qui ne cesserait que lorsque tour à tour chacun des alliés serait arrivé à ses fins. Kankan-Mori voulait venger son frère et rouvrir les routes commerciales du Bouré, de Dinguiray et du Fouta-Diallon ; là se bornait son ambition, son but était connu. Samory, au contraire, s'était bien gardé de dire à quel mo- ment et comment 1l se déclarerait satisfait. L'expédition eut lieu, Barou-Fahmadou, chef de l’armée ennemie, fut tué, et le Sankaran dévasté. Au retour, le Diuma et le Balimakana tombèrent également sous le joug des nouveaux alliés. Lorsqu'il fallut faire le partage des pays conquis, Samory s’adjugea la part du lion et s’annexa toutes ces nouvelles provinces, ne laissant à Mori que le Balima- kana, à la condition qu’une partie de la population serait ré- duite en captivité et servirait à ses achats de chevaux. Sori-Ibrahima, cependant, n'avait pas perdu l'espoir de reprendre les provinces que Samory lui avait enlevées. Il avait profité de son éloignement pour porter une armée entre _cette région et le Sankaran, la coupant ainsi de toute com- munication avec son ancien captif ; elle était commandée par ses deux fils, Amara et Mori-Laé. Lorsque Samory en reçut la nouvelle, 1l était occupé à la conquête du Diuma; hâtant la marche de ses opérations, il se rabattit immédiatement sur Kankan et somma Mori de lui confier une partie de ses troupes pour repousser l’invasion ennemie. Mori prenant prétexte de la grande réputation religieuse de Sori, lui refusa tout contingent. Samory n'insista pas et lança contre Amara et Mori-Laé ses deux frères Malinkamory et Kemé-Tbrahima. Les fils de Sori furent battus, faits prisonniers et amenés à Bissandougou où ils furent mis à mort quelque temps après. À l’annonce de cette victoire, Samory avait sommé Mori ee — 195 — de comparaître devant lui, à Bissandougou, pour lui deman- der pardon d’avoir violé la foi jurée. Celui-ci effrayé des con- séquences que pouvait avoir pour lui la haine de ce puissant chef, se disposait à partir, lorsqu'il fut retenu par ses guer- riers, qui lui déclarèrent aimer mieux mourir en combattant que de le voir se livrer à son terrible allé. Samory n’attendait que le refus de se rendre à son invita- tion pour commencer les hostilités. Pendant qu'un de ses lieutenants, Modi-Diarafin, tenait tête au sud, près de Mo- dioulendougou, à Sori-[brahima, Kemé-[brahima et Malin- kamory se portaient sur Kankan et construisaient deux camps retranchés au sud de cette place, entre les rivières Kemouron et Babekoura ; au nord des possessions de Mori, Nassikha-Mahdi, troisième frère de Samorvy, menaçait le Baté par une démonstration sur la route de Niafadié. Lui-même, gardant sous la main un corps d'élite, se tenait en réserve, à l’insu de tous, à Tinti-Oulé. Les gens de Kankan ne comprirent pas le piège qui leur était tendu. Ils envoyèrent d’abord sur Niafadié une partie de leurs troupes pour masquer Nassikha-Mahdi ; puis, prenant pour de la pusillanimité la construction du camp retranché, ils allèrent leur donner l’assaut avec le reste de leurs guer- riers. Reçus très chaudement, ils étaient hésitants, lorsque Samory, prévenu à temps, fondit sur leurs derrières, pendant que ses deux frères, sortis de leurs retranchements, les assallaient de toutes parts. Un millier d'hommes resta sur le champ de bataille, et le lendemain même Kankan était investi. Le siège dura dix mois et se termina par la prise de la ville et la captivité de son chef, qui est encore actuellement re- tenu prisonnier à Salifindougou, dans le Konia (1873). Pendant ce temps, Nassikha-Mahdi avait enlevé les uns après les autres tous les villages du Baté et tué Sankariba- Karomoko, le plus jeune frère de Mori, chef de l’armée qui lui avait été opposée. nn Si de ce côté Samory était pleinement vainqueur, en re- vanche une partie des troupes chargées de contenir Sori- Ibrahima venaient d’être enlevées par ce chef et presqu’en- tièrement massacrées à Ouorokoro, dans le Sabadougou, sur la frontière Est du Toron. Cet échec le détermina à en finir avec son ancien maitre ; se portant à marches forcées sur Ouorokoro où Sori se reposait de sa victoire, il le battit et le fit prisonnier après une lutte épique de trois jours, où de part et d'autre des prodiges de valeur furent accomplis (1874). Sori-Ibrahima fut interné à Garanga où il est mort ces années dernières. Ce fut à partir de ce jour que Samory prit le titre d’Al- mamy laissé vacant par la disparition de Sori et de Mori qui en étaient tous deux détenteurs. Depuis, il se mit rarement à la tête de ses armées, n’ayant plus occasion de les réunir pour combattre un adversaire digne de lui. Il les divisa en sept corps, puis en dix, à la tête desquels il mit ses frères et ses guerriers les plus dévoués et les plus habiles. Une troupe d'élite toujours prête à se porter au secours d’une de ses armées menacées, ou à châtier quelque province révoltée, restait continuellement à ses côtés, à Bissandougou ou à Sa- nankoro. Les frontières furent en même temps divisées en dix secteurs, à chacun desquels un corps d'armée était atta- ché, opérant toujours en avant. Cest grâce à ce système qu'il étendit ses frontières de proche en proche, d'années en an- nées, jusqu'au jour où il se trouva en contact avec nos co- lonnes sur le Niger, avec Ahmadou-Cheikou, sultan de Ségou au nord, le roi bambarra Thiéba à l’est, Libéria-Monrovia : au sud-est, la colonie anglaise de Sierra-Leone, le Fouta- Diallon et Dinguiray à l’ouest. On sait comment la révolte de Koundian, capitale du Sa- khodougou, amena les gens de Keniera, restés indépendants jusqu'alors , à entrer en lutte avec l’almamy Samory, de quelle façon nous fûmes engagés dans cette guerre (1882-86) qui se termina l’année dernière et pendant laquelle il s’était — 495 — emparé du pays du Bouré, du Bidigas, du Siéké et du Man- ding de Kangaba, que le traité conclu par nous à Bissandou- oou cette année a donné à la France. Au nord, du côté d'Ahmadou, après une série d’enga ments de eu années, Kemé-Ibrahima infligea, à nankoro (Bana), une défaite aux fils d' Ahmadou qui amena l'évacuation de Tadiana par les talhibés (cavaliers nobles de Ségou) et l'occupation du Bana et du Baninko par Samorv (188%). À l’est, la résistance seule de Thiéba, en lutte depuis 1884, empêcha l'empire de s'étendre jusqu'aux portes de Ko on Tengrela est tombé en 1878, et, après deux révoltes succes- sives, est entièrement soumis ainsi que les pays ee Au sud, des plateaux élevés et des montagnes difficiles ont mis un terme à la marche envahissante des armées ouassou- loukaises. Enfin à l’ouest, leur pénétration dans le sens de Sierra- Leone n’a trouvé aucune résistance sérieuse Jusqu aux fron- tières de cette colonie, tandis qu'elle s’arrêtait au pied de Fouta-Diallon , et, après quelques engagements avec les troupes de Dingurav, sur les rives du Bafing-Tankisso. L'année dernière, l’almamy Samory a ajouté officiellement à son titre d'Almamy celui d'Émir el Moumenin (chef des croyants). . La situation de cet empire vis à vis de la France est, depuis le traité de Bissandougou signé dans cette ville le 93 mars dernier, celle du protectorat limité aux relations extérieures avec franchise absolue pour le commerce français sur toute son étendue. "e- ce de Sa- II BISSANDOUGOU, RÉSIDENCE DE L’ALMAMY SAMORY. _ Situé par 11° 15 de longitude ouest et 9° 48 de latitude nord, à 410 mètres d'altitude, Bissandougou forme deux — 196 — villes bien distinctes : la résidence de l’'Almamy-Émir et la vieille ville. Cette dernière ne mérite aucune mention spéciale; une muraille à demi ruinée que les maisons escaladent ; quelques beaux arbres à l’intérieur frappent seuls à première vue. À l’intérieur, rien ne la différencie des villes de la région, sauf peut-être plus de soin dans la construction des maisons, plus de propreté dans les rues et un air de bien être plus apparent. Elle est séparée de la résidence par une plaine basse, large de cinq à six cents mètres, dans laquelle sont tracées des avenues qui rayonnent de la place de la grande mosquée de l’'Almamy-Émir aux deux extrémités de ses mu- railles. Ces avenues sont bordées d'arbres récemment plan- tés el protégés par des cages de bambous. Quant à la résidence de Samory, créée de toutes pièces il y a quelques années et assise sur une croupe gréso-ferrugi- neuse bordée d’eau courante, elle décèle, même en dehors du palais proprement dit, une grande recherche d’un confort relatif, et une propreté exquise. La demeure de PAlmamy-Émir en occupe le centre et est dégagée de toutes parts par de larges rues ou de belles places soigneusement sablées. Elle se compose d’une double cein- ture de tours basses énormes ; une muraille dentelée formant enceinte les réunit les unes aux autres en forme de crémail- lère régulière. Au sud, au nord et au couchant, deux corps de gardes qui se commandent et où veillent quelques sofas donnent accès dans l’intérieur ; du côté du levant, un donjon carré, crénelé, armé de quatre couleuvrines, haut de cin- quante pieds et large de quatre-vingts, domine le palais et tous les alentours. = À l’intérieur, une première cour circulaire de grandes dimensions dont le sol est couvert d’un fin cailloutis, donne accès dans le logement même de l’'Almamy-Émir. Au centre de cette cour, une large marquise recouverte de nattes fine- ment tressées l’abrite en partie des ardeurs du soleil souda- — 191 — nien. Tout au fond se dresse le bâtiment de la salle d’hon- neur. C’est une tour gigantesque de forme circulaire, d’un diamètre de cent pieds. La muraille, haute de trois mètres et épaisse d’un mètre, est surmontée d’un toit de chaume co- nique lamellé à l’intérieur de branches de palmier d’eau, jointives et passées au feu, ce qui leur donne l'aspect du vieil acajou. Ce toit déborde à l'extérieur de plusieurs mètres et est soutenu par deux rangées de piliers sculptés en forme de colonnes torses ; il dessine ainsi tout autour du bâtiment une large galerie circulaire dans laquelle souvent trois portes basses fermées par des battants en bois précieux armés de curieuses ferrures. Au dedans, le sol est fait d'argile battue et durcie au feu; tout à l’entour règne une large banquette de laquelle se détache une haute estrade couverte de tapis, sur laquelle se tient l’Almamy. Aucun ornement sur les murailles, que gar- nit une moulure festonnée en forme de corniche, et qui sont couvertes d’une teinture uniforme gris-perle. Le sommet du cône aplati qui porte le plafond est à plus de quarante pieds au dessus du sol. En traversant cette salle, on arrive dans une deuxième cour également circulaire formée par les logements particu- liers de PAlmamy-Émir. Elle est circonscrite par des tours basses juxtaposées et bordées d’une galerie qui permet d'aller extérieurement de l’une à l’autre sans s’exposer au soleil. Enfin, au fond de cette deuxième cour s’ouvre le don- jon. La salle basse est soutenue par des piliers en briques surmontés d’un chapiteau carré sur lequel repose le plancher de l'étage qui est fait de madriers jointifs recouverts de bri- ques. Un escalier coudé, muni d’une rampe, fait d’un seul bloc d'argile durcie, conduit aux appartements supérieurs qu’ornent des étoffes, des armes et des objets d’art de fabri- cation européenne. À chaque angle, une couleuvrine en bat- terie protège les abords du palais. Au dehors, des rues très larges et bien entretenues sépa- — 198 — rent les demeures des femmes de l’'Almamy-Émir et de leurs gens de celles des principaux personnages de la cour. Elles sont construites sur le plan de la demeure de Samory, mais toutes les proportions en sont fort réduites. Enfin, en dehors de la résidence, l’entourant d'un épais fouillis de cases mal construites et mal entretenues, sont groupés les logements des sofas ; la façon irrégulière dont elles sont réparties et leur malpropreté extérieure déparent fort les abords de la ville et lui font perdre en partie son cachet d'originalité. L'idée qui a présidé à la construction de la résidence de Bissandougou a été de faire grand et confortable tout en conservant les caractères particuliers des habitations man- dingues. Cette même idée se retrouve dans la grande mosquée. Il eut été cependant facile à l’'Almamy-Émir d'élever un bâtiment d’une architecture semblable à celle des mosquées du Baté, qui sont de mauvaises copies de l'architecture arabe introduite dans le pays il y a une cinquantaine d'années par Mahmadou, roi de Kankan. Il avait vu et avait dû admirer, alors qu'il n’était qu’un guerrier heureux, le palais du roi Mamby de Kangaba qui passait pour une merveille et qui, chose à noter, rappelle dans son ensemble les grandes lignes de l’art égyptien. Mais avec cette finesse de jugement qui lui est propre, 1l a pensé faire mieux et plus commode en don- nant à ses ouvriers, comme but à attemdre, la tâche de per- fectionner ce qu'ils savaient faire plutôt qu'exiger d'eux un travail qui révèlerait leur inexpérience, et duquel naïîtrait un bâtiment bâtard et sans proportions dont riraient les schérifs maures du Macina qui viendraient à sa cour. | (est ainsi que sa mosquée fut construite, comme son pa- lais, à la mode du pays, mais avec des proportions telles que nulle part elle n’a son égale. Elle occupe une superficie de 1600 mètres carrés enceints par une muraille artistement ornée de moulures de formes géométriques. Une galerie soutenue par des piliers ouvragés — 199 — l'enveloppe sur ses quatre faces. À l’intérieur, deux rangées de colonnes la partagent en trois nefs raccordées à l'Est par un vaste hémicycle où se tient le marabout. Le toit, en forme de pyramide quadrangulaire, couvre le tout; il est soutenu par un inextricable fouillis de poutres énormes qui prennent appui sur la muraille et les piliers. Une forêt entière a dû être employée à la construction de cette charpente, haute de soixante pieds. À l'extérieur, les angles dièdres du toit sont ornés d’une série d’arêtes allant de la base au sommet ; le couronnement est fait par un large croissant. Une grande place carrée, plantée d'arbres régulièrement alignés la dégage de toute part, tandis que trois marquises solidement construites permettent aux fidèles et aux désœu- vrés de converser commodément à l’ombre en attendant l’heure du salam. Cest sur cette place que tous les vendredi, en sortant de la mosquée, l’Almamy-Émir vient entendre les réclamations ou les doléances de ses sujets venus des parties même les plus éloignées de son empire, pendant que ses fils, à cheval, en grand équipage et suivis de leurs gens, font la fantasia et apprennent à faire manœuvrer leurs troupes. Bissandougou, ville et palais, est entouré de tous côtés par une ceinture de collines dont les flancs sont couverts de riches cultures. Les maisonnettes des captifs qui les entre- tiennent émergent çà et là des bouquets de bois qui les cou- ronnent. Entre cette verdoyante ceinture et les pentes douces qui descendent de la ville, coulent deux ruisseaux qui ca- chent, sous une épaisse frondaison, des eaux vives et lim- pides. _ Eoun mot, vu à quelque distance, Bissandougou a plutôt l'aspect frais et riant d’une vaste colonie agricole que de la résidence du chef redouté d’un vaste empire. — 900 — TITI UN TRAIT DE MŒURS CARACTÉRISTIQUE. L’Almamy Samory, Emir el Moumenin, en cela fidèle ser- viteur du Koran, a autant de femmes que sa fortune lui per- met d’en entretenir. Sa fortune est immense, le nombre de ses femmes est donc grand. Parmi toutes, vingt ont été choi- sies par le maitre et leurs demeures entourent son palais; et de ces vingt, trois ont su capter sa faveur au point d’ha- biter ce palais même. Une d'elle, Mori Niama avait eu de l’'Emir deux mignonnes fillettes, l’une de treize ans, l’autre de quatorze, rouges de peau, sculpturalement faites, aux grands yeux voilés et doux et au sourire un peu triste et ré- signé qu'ont dans ce pays toutes les femmes. Ces deux charmantes créatures coquettaient ingénuement avec deux pages de leur père; quelques paroles tendres, quelques serrements de mains furtifs, tel était leur crime. Mais les pages n'étaient pas nés de race libre. Quelque vilain espion, comme il en pullule à la cour, les dénonça à leur père. Tous quatre furent appelés en présence de ce juge terrible, devant qui personne ici n'ose mentir, même pour sauver sa tête. La faute fut vite avouée, et séance tenante, sur un geste de l’Almamy-Émir, un billot fut apporté. Devant les pauvres mignonnes se tordant de frayeur, les mains des pages qui avaient touché les leurs, furent désarticulées par le bourreau et attachées toutes sanglantes à la porte du palais. Puis, Fa- timata et Aïssa, c'étaient les noms des pauvrettes, furent mises entièrement nues, les mains attachées derrière le dos et ficelées ainsi au pilori du marché. Le lendemain matin, le sabre avait fait expier à jamais aux deux pages leur bien légère faute, et leurs têtes étaient Jetées — 201 — devant le pilori où les deux jeunes filles de l’Émir haletaient de honte et de soif. Il y a près du marché, entre le palais et la ville de Bissan- dougou, d'énormes trous creusés pour recevoir les immon- dices de l’une et de l’autre ville. Le soir, à cinq heures, les brutes fanatiques qui gardent Samory détachaient les deux malheureuses enfants et les y jetaient ; puis, toute vivantes, ils les ensevelissaient sous un amoncellement de cailloux ferrugineux couleur de sang qui couvrent le terrain voisin. Toute la nuit on entendit les plaintes étouffées des petites martyres. Le lendemain, tout s'était tu ; ignorant ce drame horrible, et passant auprès de cette ignoble sépulture , nous vimes pris entre deux pierres énormes un petit poing crispé et san- glant cerclé d’un bracelet d’or. Le prince noir Diaoulé-Karamoko, qui fut amené en 1886 à Paris, a été tué dans un combat livré récemment par l'Almamy Samory son père, à Thiéba un de ses anciens sujets, chef d'Etats situés à l'Est, sur la rive droite du Niger. — Toulon, 25 février 1888. (Note de l’Auteur.) — 202 — APERÇU SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE DES BASSINS DU SÉNÉGAL ET DU NIGER Nous compléterons cette description rapide des États du Ouassoulou par quelques considérations sur la nature miné- ralogique du sol de ces régions. Tout incomplètes et superficielles qu’elles soient, et bien qu’elles ne nous fournissent que des renseignements très vagues sur la constitution géologique, les observations faites par les membres de la mission nous ont semblé devoir être consignées, car la structure de cette partie du continent africain échappera longtemps encore aux investigations des géologues. Les échantillons de roches recueillis par M. le capitaine _ Péroz ont été examinés par MM. Kilian, chef de travaux pra- tiques au laboratoire de géologie de la Sorbonne, et Lacroix, préparateur de minéralogie au Collège de France. Nous les prions d’agréer nos vifs remerciements pour le gracieux con- cours qu'ils ont bien voulu nous prêter dans cette circons- tance. G. B. Bassin du Sénégal. Le fleuve, le Sénégal, et ses nombreux affluents ont creusé leurs lits dans des masses gréseuses qui affleurent sur de très vastes surfaces. La désagrégation de la partie superfi- cielle de ces masses à provoqué la pulvérisation des grès et donné naissance à une couche de sable variant de 0", 10 à Om, 20 centimètres d’épaisseur qui recouvre d'immenses — 903 — étendues de terrain. En outre de nombreux cours d’eau en- taillent de toutes parts les masses gréseuses avant d’aller grossir les grands affluents du fleuve. Pendant la saison sèche, les berges sableuses s’effritent, perdent la cohésion qu’elles devaient à l'humidité, s’effon- drent et obstruent, en maints endroits, le lit des rivières dont les méandres varient sans cesse d’allure et de direction. Vienne la saison des pluies abondantes et torrentielles sous ce climat, et tous ces amas de sable et de grès désa- grégés sont emportés et roulés au loin, pour céder la place à de nouvelles alluvions descendues des massifs du Bouré et du Manding. Aux environs de Mansonnah, sur la rive gauche du Séné- gal, les roches sont constituées par des grès siliceux à ci- ment argileux ou par des grès feldspathiques. À Balakamé, à 100 kilomètres plus au sud-est, les berges du Bafing sont entaillées dans la même formation gréseuse. Dans le Kolou, près de Kouragué, existent d’abondantes mines de fer hydroxydé (Limonite). Faîte de partage des bassins du Sénégal et du Niger. A l'extrémité de nos possessions sénégalaises, l’important massif du Bouré et les monts du Manding forment, sur envi- ron 300 kilomètres, le faite de partage des bassins du Séné- gal et du Niger. | Le massif du Bouré, dont l’altitude est d'environ 800, s'étend de l'Ouest à l'Est. Un des affluents de gauche du Niger, le Bafing-Tankisso, suit la même direction jusqu’à son confluent à Tiguibiri. Les monts Manding, d’une moindre altitude (300 à 400"), se dirigent du Sud-Ouest au Nord-Est et déterminent le cours du Niger; la ligne de leur base est presque parallèie à la berge du fleuve. _ Près de Didi, le noyau du massif est constitué par des quartzites. Un pic décharné s’élève à 817 mètres. Plus à l’est, — 204 — non loin de Setiguia, la pioche, lors de l’établissement du campement de la mission, attaqua un quartz à mica blanc (Muscovite) pouvant provenir de la désagrégation d’une gra- nulite. Sur le flanc nord du massif du Bouré existent, dans le Me- nien, de nombreux gisements de fer oligiste (Hématite), no- tamment à Lebaya, sur un escarpement à 750 d'altitude. Bassin du Niger. Sur le versant Sud-Est du Bouré d’où descendent de nom- breux petits cours d’eau, affluents de gauche du Niger, la plupart des galets d’alluvion roulés depuis ies sommets sont constitués par des grès siliceux très durs et très compacts. Ceux qui ont été recueillis dans la rivière Koba, à peu de distance de Sétiguia, sont brillants et lustrés par le frotte- ment du charriage. Le poli à l'extérieur est de même nuance que leur masse interne. Le plateau qui domine Kakatoumboun paraît constitué par des jaspes colorés en rouge par de l’oxyde de fer ou par des silex impurs mélangés à de l’argile. Le Niger descend des monts de Loma, son lit est large de 800 à 1000", mais souvent coupé de gués et encombré de nombreux banes de sable. Il se dirige vers le Nord-Est jus- qu'à Bammako ; à partir de ce point, sa direction se courbe vers l'Est. Les galets alluviens recueillis dans son lit proviennent d’affleurements de grès siliceux très durs; ils sont tous re- couverts d’une patine ferrugineuse noirâtre due à la quantité de fer en dissolution dans ses eaux, preuve évidente de l’exis- tence, dans son cours supérieur, d’abondants gisements de ce métal. Le plus important affluent de la rive droite du Niger est le Milo, qui coule du Sud au Nord jusqu’à son confluent à San- sando, | — 905 — Un gisement d'Hématite (fer oligiste) existe à Soïla sur la rive gauche du Milo. Sur la rive droite, un peu au sud-est de Kankan, « les collines rouges », ainsi que les appellent les indigènes, sont constituées par des grès ferrugineux qui pourraient appartenir au terrain triasique ou au terrain per- mien. La région qui sépare Kankan de Bissandougou appa- rait dans toute son étrangeté par suite des innombrables fis- sures ou entailles qui découpent la masse gréseuse superfi- cielle en collines fragmentaires ; c’est un « chao de collines ferrugineuses » qui ne sont que l’amorce du vaste plateau qui s’étend au Sud jusqu’au Ganrouna. Dans toute la partie basse de la vallée du Milo, de Kankan à Sansando, le sol est composé de sable et d'argile. Sur les plateaux et au fond des hautes vallées latérales, le sol est formé d'un gravois ferrugineux surmontant une couche épaisse de débris concrétionnés ou agglutinés par le fer en dissolution. Sur certains points, lorsque les eaux ont balayé la couche meuble de gravois, la partie concrétionnée appa- raît sur de vastes surfaces, en forme de dallage fendillé qui empêche toute végétation. En outre, au débouché de mille ruisseaux torrentiels dans la vallée, se dressent, au pied des collines, une infinité de cônes de déjection édifiés par les amas d’alluvion, pendant Phivernage ; ils ajoutent encore à l’étrangeté de l'aspect de cette région. Pour conclure, voici en quels termes s'exprime notre aimable collaborateur, M. Kilian. € Il ressort de l’étude de ces fragments de roches que les grès quartzeux semblent être très répandus dans la contrée explorée par le capitaine Péroz. L’analogie des échantillons communiqués, avec les grès triasiques et permiens de nos pays et même avec ceux de couches plus anciennes {carbo- nifère), peut donner à supposer que les assises auxquelles ils appartiennent sont antérieures au jurassique. Cette opi- nion ne saurait être que confirmée par la présence d’un mor- — 9206 — ceau de quartzite dans l’envoi de M. le capitaine Péroz. Les Jaspes et les minerais de fer peuvent se rencontrer, en lits ou en nodules, dans ces assises. Néanmoins, comme nous ignorons les conditions de gisement de toutes ces roches, ce n’est qu'avec une extrême réserve que nous devons nous prononcer sur leur âge. . » On peut affirmer par contre que, sauf peut-être le quartz avec mica recueilli dans le massif du Bouré, toutes les roches soumises à notre examen sont d’origine sédimentaire et de nature détritique. » Ce petit fragment de quartz accompagné de mica blanc peut avoir été détaché d’un massif éruptif ancien, d’un affleu- rement de Granulite par exemple ; néanmoins 1} est fort pro- bable que ce n’est qu’un débris de grès à éléments plus gros- siers que les autres. » L'INSTRUCTION PUBLIQUE À BESANÇON EN1738:9 Par M. Léonce PINGAUD. Séance du 9 janvier 1886. Il y a cent ans, Besançon, capitale de la Franche-Comté, n’était pas seulement la résidence d’un parlement, d’un gou- verneur, d’un intendant, et, de par Vauban, un des remparts du royaume ; c'était encore un centre assez important d’études et de vie intellectuelle. À cet égard, la tradition et le bon exemple dataient de loin ; ils remontaient même, selon quelques-uns, au temps légendaire des Druides. Mieux eût valu ne pas remonter plus haut que les Romains. Sous les empereurs, Besançon possé- dait des écoles où, quoiqu’on en ait dit, Quintilien n’a sans doute jamais professé, mais où une nombreuse jeunesse trou- vait des maîtres habiles, entre autres un certain Titianus mentionné par Ausone, son contemporain. _Ici, comme ailleurs, après l'invasion des barbares, l’ensei- gnement reprit vie autour des églises et des cloîtres. Durant le moyen-âge, à côté des cathédrales de Saint-Jean et de Saint-Etienne et de la collégiale de Sainte-Madeleine, des écoles s’élevèrent, où les enfants destinés à la cléricature recevaient les éléments des lettres sacrées et profanes. Au xiIr1e siècle, les écoles de Saint-Jean et de Saint-Etienne ré- unies s’installèrent dans l'hôpital délaissé de Sainte-Brigitte sous la direction du grand chantre de la métropole, et fonc- üonnèrent jusqu’en 1465 sous le titre d’écoles de grammaire. Le nom des écolâtres Zacharie et Rainaldus, qui vivaient — 208 — vers 4100, sont parvenus jusqu’à nous, et vont rejoindre celui du rhéteur Titianus à travers les siècles. De ces deux établissements, sur chaque rive du Doubs, un souvenir est resté. Ici, c’est la dénomination significative d’une rue, dite de l'Ecole, qui longe au nord Péglise de la Madeleine; là c’est le petit séminaire rétabli sous le nom de maiïtrise, qui s’abrita dans les bâtiments de l’archevêché, et continue sur place, directement, l’école capitulaire d'autrefois. Tel est à Besançon le point de départ d’un enseignement qui devait se développer sans cesse, du xvre siècle au xIx°, et finir par embrasser les sciences, les lettres et les arts. On ne parlait point encore chez nous en 1789 d'instruction pri- maire, secondaire ou supérieure ; cette triple distinction apparut néanmoins à parür du xvt siècle dans trois établis- sements d'ordre et d'importance divers, l’école, le collège, l'Université. L'Eglise, la plus ancienne puissance ensei- gnante de la cité, continue à dominer exclusivement à l’école; elle régit le collège de concert avec les pouvoirs communaux ; à l’Université la Faculté de théologie déter- mine sa place, importante encore, mais strictement limitée. À Besançon, comme dans le reste de la France, la théorie de l'Etat enseignant, imaginée par la Convention, appliquée par Napoléon Ier, était encore inconnue. Entrons d’abord à l’école, œuvre essentiellement ecclésias- tique d’origine et de caractère. Toutefois les Juifs, lorsqu'ils réussissaient à s’introduire dans la ville, y faisaient tolérer leur enseignement comme leur culte. Joseph de Trèves était attaché en qualité de maître d’école à une colonie de douze ménages que Besançon possédait à la fin du x1ve siècle (). Deux cents ans plus tard, l’archevêque et le chapitre déve- loppèrent autour d’eux l’enseignement élémentaire comme D — (1) À. CASTAN, Besançon et se; environs, lre édit., p. 146. — Article Franche-Comté (par M. Jules GAUTHIER), dans le Dictionnaire de péda- gogie de BuIssox. — 9209 — une préparation nécessaire à l’étude de la religion. Ouvrons en effet les statuts synodaux, ceux surtout de 1559 promul- gués par Claude de la Baume ; nous y trouverons consignées une série de mesures pour l'institution d'écoles dans toutes les paroisses. On verra apparaitre sous le cardinal de Chori- seul les écoles spéciales de filles et jusqu'aux écoles de ha- meaux (1). Or si, grâce à l’autorité ecclésiastique, le bienfait de l'instruction échut aux paroisses rurales, à plus forte rai- son aux paroisses de Besançon, placées sous leur regard et leur action immédiate. Il est difficile à la vérité de retrouver la trace d'institutions qui restaient privées, bien que placées sous l'inspection des curés. Néanmoins l’enseignement pri- maire restait une fonction essentiellement privée, et ceux qui s’y livraient n’ont pas plus laissé de traces dans les archives des fabriques que dans les registres de la munici- palité antérieurs à 1789. Seulement, au lendemain de la Ré- volution, en décembre 1791, la Commune de Besançon fut mise en demeure de leur faire prêter le serment civique; elle dut demander leurs noms aux curés, les appeler devant elle et dresser procès-verbal de leur soumission ou de leur refus @). Grâce à cet incident, nous savons combien de maîtres et maîtresses d'école exerçaient alors leurs fonctions dans chaque paroisse : à Saint-Jean, six maitres et dix mai- tresses; à Saint-Pierre, six maîtres et sept maîtresses ; à Saint-Donat, six maîtres et quatre maîtresses ; à Saint-Mar- cellin, un maitre et une maîtresse ; à Sainte-Madeleine, dix maîtres et onze maitresses. La banlieue même est pourvue; de pieux laïques, sous le nom d’ermites, instruisent la jeu- nesse de Saint-Ferjeux, de Saint-Claude, de Velotte et de Château - Farine. Pas d’autres congrégations enseignantes que celle des Bénédictins venus à Besançon en 164%, et — —— (1) J. Sauzay, Les fondateurs de l'instruction populaire en Franche- Comté. (Semaine religieuse des 24 juin et 1er juillet 1876.) (2) Archives communales, R. 1. 14 — 910 — tenant dans l'hôtel occupé actuellement par la direction du génie un pensionnat pour les demoiselles de haute condi- üon, et celle des Ursulines, établies depuis 1625 au coin de la rue des Chambrettes et de la rue d'Anvers. En somme, rien de régulier ni dans la nature ni dans le mode d’ensei- gnement. [ci c’est un mari et une femme qui tiennent une classe en commun; ailleurs c’est une femme seule qui en- seigne à lire et à écrire aux enfants des deux sexes. Quel- ques-uns paraissent avoir eu de plus hautes prétentions, tels qu’un certain Cordier qui monire les grammaires latine et française, ou un certain Sauve, « maître écrivain et mathé- maticien ». l'instruction élémentaire n’est considérée comme une nécessité ni par les pouvoirs publics, ni par ceux qui en profitent. L’autorité religieuse se borne à imposer la récita- tion du catéchisme aux fidèles, et l’autorité civile ne se juge à aucun degré compétente pour intervenir en semblable ma- tière. Il en est autrement, hâtons-nous de le dire, s’il s’agit de l'éducation des jeunes gens destinés, soit dans l'Eglise, soit dans l'Etat, au maniement des affaires ou à la direction des àmes ; de là l’union des deux pouvoirs civil et ecclésiastique en ce qui regarde la protection du collège et de l’Université, centres privilégiés d’études pour les «arts », la médecine, le droit et la théologie. En septembre 1465, les écoles ecclésiastiques des deux rives du Doubs avaient été réunies sur la rive droite en un corps d’études générales, de concert entre la ville et le Cha- pitre. Au siècle suivant, elles repassèrent la rivière pour s'installer sur le terrain de l’ancien Champ de Mars. Telle fut l’origine du collège, qui fut alors organisé d’une façon régulière et qui passa en 1597, par un traité en bonne forme, sous la direction des PP. Jésuites (). Ceux-ci élevèrent les bâtiments actuels et la chapelle devenue depuis l’église Saint- 4) On peut lire dans les Documents inédits publiés par l’Académie de — 911 — François-Xavier, dûs aux libéralités plus ou moins sponta- nées de Gauthiot d’Ancier; ils placèrent au fronton de la porte d’entrée l'inscription qui, plus heureuse que celle de l'Hôtel de Ville, y subsiste encore : Religioni et bonis arti- bus. Leur expulsion du royaume en 1762 entraîna leur sup- pression en Franche-Comté, consentie de guerre lasse par le Parlement en 1766. Le collège fut alors placé sous le vocable de saint Louis, et passa sous la direction de prêtres séculiers, ceux-ci surveillés eux-mêmes par un bureau d'administration formé des principaux personnages de la ville, l'archevêque, le premier président, le procureur général, etc. Les profes- seurs, appartenant au clergé séculier, furent désormais nom- més sur la présentation de l’Université aux sept chaires re- présentant la série des classes actuelles, aux deux chaires de théologie et de physique, et à la chaire de grec et d’hébreu érigée en 1787. Le plan d’études était calqué sur celui que le Parlement avait donné aux collèges de Paris après leur réorganisation ; il comprenait le latin, la géographie, l’his- toire, la mythologie, les principes et les règles de la poésie, à quoi on ajoutait, mais bien accessoirement, dit un rapport de l’an 1x, des leçons stériles sur la langue française. On avait institué en outre un pensionnat qui ne compta jamais plus de trente élèves, bien qu’on eût abaissé de près de moitiè le prix de la pension pour en accroître le nombre. Le collège avait près de 30,000 livres de revenus, plus 268 ar- penis de bois sur les territoires de Bretigney et de Silley. Il donnait l'instruction à environ quatre cents élèves ; car il n'avait à sa disposition aucune de ces 40,000 bourses, fon- dées par les nobles et les gens d'église, qui, sur toute la surface du royaume, aidaient à l’éducation de la jeunesse sans rien coûter aux contribuables. À en croire des contem- porains impartiaux, le collège avait beaucoup perdu depuis Besançon (t. VIT, p. 491 et sq.) le règlement donné au collège à la date de 1567. De le départ des Jésuites : dans la discipline, dans les études, dans l'administration il y avait encore après vingt ans toute une tradition à refaire (1). Au coin de la Grande-Rue et de la rue dite aujourd’hui de la Bibliothèque, on appelait encore Collège Granvelle, du nom de son fondateur le garde des sceaux de Charles-Quint, une institution qui à son début avait eu deux chaires de belles-lettres et compté un certain nombre d'élèves. Ce n’était plus qu’une maison d’oratoriens dont la seule charge envers le public consistait en un cours de théologie, professé dans la grande salle actuelle de la Bibliothèque. S1 le collège avait à subir une concurrence, et encore était- elle peu sérieuse, elle lui venait du collège fondé par les bé- nédictins à Saint-Ferjeux en 1680. Les derniers héritiers de saint Benoît ne cultivaient plus la terre comme leurs ancêtres ; en revanche ils étaient érudits à la ville, et instituteurs à la campagne. Aujourd’hui on parle beaucoup de transporter les collèges loin des grands centres de population ; or ce qu’on vient de faire à Paris par la fondation du lycée de Vanves ou du lycée Lakanal, nos moines de Saint-Vincent l’avaient fait il y a deux cents ans. Leur modeste pensionnat dura plus d’un siècle à côté de la grotte légendaire des saints patrons de la province. Il était pauvre, n’ayant pas 400 livres de re- venu, et peu peuplé, car il ne comptait que quatre profes- seurs et une quarantaine d'élèves. Nous n’avons pas le plan d’études de cette maison ; mais on peut supposer avec raison qu'il se modelait sur celui de la célèbre maison bénédictine de Sorèze, fondé à la même époque, et où nous voyons, par une innovation qui doit nous rendre modestes, une part si intelligente et si large faite aux sciences, à l’histoire, aux langues vivantes, aux exercices du corps. Nous savons du moins d’une façon certaine qu’à Saint-Ferjeux on étudiait les premiers éléments du laün et du dessin, les mathématiques, (1) S. Droz, Histoire du Collège de Besançon, t. Il, p. 5 et suiv. — 9213 — et même l’histoire de la province, témoin l’Abrégé composé expressément ad usum scholarum par Dom Grappin, le der- nier prieur. Tant que dura le collège des jésuites, il eut pour rival celui des bénédictins, où régnait l'esprit janséniste. Faut-il compter aussi parmi les établissements d’instruc- tion certaine Académie royale pour l’instruction de la jeune noblesse, qui existait dès avant la conquête française, et qui avait été conservée par un article spécial des capitulations de 1674? Ce n’était guère en réalité qu’un manège, et, bien qu’on y trouvât des maîtres de langues et même de mathé- matiques, l’art à peu près uniquement enseigné aux descen- dants des fiers barons comtois était cet art de l’équitation qui n'exclut pas l’oisiveté et s’accommode fort bien de l’igno- rance. «Le seul établissement ancien que l'instruction publique ait à regretter dans l'arrondissement de Besançon, lit-on dans un rapport officiel de 1800, est l’Université (1). » Ces regrets devaient être grands, si on les mesure aux désirs et aux efforts longtemps inutiles de l’antique cité bisontine pour obtenir un établissement de ce genre. Ville libre au milieu de la province, elle supporta avec impatience pendant plus de deux siècles le privilège accordé à Dole de posséder dans ses murs une Université. À peine les Bisontins l’eurent-ils vue fondée, en 1493, qu'ils se firent accorder par le pape Nicolas V, à force de sollicitations, une faculté des arts (mai 4450). Cependant, pour être exécutoire, la décision pontifi- cale devait être accompagnée de lettres-patentes du duc de Bourgogne ; et celles-ci, malgré d’instantes démarches, furent (4) Registre des délibérations du Conseil d'arrondissement du Doubs, séance du 9 germinal an 1x. Le rapport qui fut lu à cette séance, en ré- ponse aux questions du ministre de l’intérieur, est très instructif pour la situation de l’enseignement dans le département en 1789. Je l’ai publié dans la Revue de l’enseignement secondaire et supérieur, mars 1886, comme pièce justilicative de l'étude L’Enseignement supérieur à Besançon (1809-1884) (Revue internationale de l’enseignement, 15 avril 1884). — 24 — toujours refusées. Un moment, après avoir ouvert ses portes à Louis XI, Besancon crut toucher au but, le rusé monarque ayant ordonné à son profit le déplacement de l’Université de Dole; mais le médecin du roi, Coitier, fit donner peu de temps après la préférence à Poligny sa patrie. La mort de Louis X[, la chute de la domination française laissèrent en définitive les choses dans l’état antérieur. Au milieu du xvr siècle, la campagne contre Dole fut re- prise. Elle aboutit à des lettres-patentes de l’empereur Fer- dinand [er (janvier 1565) et à une bulle de Pie V (1567) accor- dant au sénat de Besançon les cinq facultés qu'il réclamait. Encore un triomphe éphémère, impossible à soutenir, même avec les leçons d’illustres professeurs comme Cujas. À Pins- tigation des Dolois, Pie V révoqua son bref; Sixte-Quint à son tour accorda, puis retira la permission tant souhaitée. Ses successeurs, Grégoire XIV en 1591, Clément VIII en 1592, Paul V en 1611, Urbain VIIT en 1630 interdirent, ces derniers sous peine d’excommunication, tout enseignement de nature à faire concurrence à l’Université doloise. Les gouverneurs, de concert avec l'archevêque et le Cha- pitre, éludèrent comme ils purent ces défenses par des cours de théologie et de philosophie ouverts chez les Minimes, les Jésuites et les Oratoriens ; mais ces cours n’avaient qu'une existence précaire et irrégulière, et n'étaient point suivis de sanction, les professeurs distribuant au lieu de grades de simples certificats d’études sans valeur au delà du territoire de la cité. Lorsqu'au milieu du xvrre siècle, Besançon fut cédé à l'Espagne par l’empereur, la ville subordonna sa ra- tification tardive à ce traité à la promesse qui lui fut faite d’une école semblable à celle de Dole. La rapide conquête de la Comté par Louis XIV mit encore à néant ce projet; les Capitulations accordées à la province par le vainqueur ga- rantissaient l’existence de l’Université doloise. Besançon sut alors profiter de la détresse financière de ses nouveaux maîtres. Après une première et vaine demande — 9215 — en 1686, elle renouvela en 1691 ses instances, appuyées d’une offre de 150,000 livres à verser à la caisse des fortifi- cations. La ville était pauvre, mais un emprunt fut fait et patriotiquement souscrit par les membres du magistrat, et cette fois Dole fut dépouillée et vaincue sans retour (mai 1691). Bientôt l’Université fit à Besançon son entrée solen- nelle, accueillie par les hommages des gouverneurs, les compliments fraternels du Parlement. Elle fut installée, pro- visoirement, disait-on, au couvent des Grands-Carmes, côte à côte de la Confrérie de Saint-Georges et de l’ordre des avo- cats, dans des locaux insuffisants, et la libéralité qui avait présidé à sa translation ne se retrouva plus. En 1740, il y eut des plans faits, qu’on ne réalisa pas. On offrit l’Université aux Jésuites, qui déclinèrent adroitement cet honneur, par de belles raisons temporisatrices, et, malgré leurs instances fréquentes pour obtenir le logis spécial qu'on leur avait pro- mis, les professeurs durent se contenter de cette demeure insuffisante jusqu’en 1789 (1). Les hautes études étaient partout en décadence, lorsque Besançon reçut comme un débris épargné des anciennes ins- titutions provinciales cet héritage si longtemps convoité. Il était devenu capitale de la Comté et de plus français, comme on l’a remarqué, au plus beau moment des lettres françaises ; mais la Faculté des arts avait déjà disparu à Dole devant l’ha- bile concurrence des jésuites, et l’Université se contenta de soutenir de son mieux l’enseignement dans les trois facultés subsistantes de théologie, de droit et de médecine. Les Franc- Comtois ont été de tout temps aptes à la controverse reli- gieuse, témoin Guillaume de Saint-Amour au temps des sco- lastiques, témoin encore Bullet et Bergier au xvarre siècle ; les (1) Sur cette longue et souvent fastidieuse histoire, voir le livre inachevé et insuffisant de LABBEY DE BILLY, Histoire de l’Université du comté de Bourgogne,18 ,2 vol. in-40, et l'ouvrage plus récent et très sérieusement fait de MM. BEAUXNE et D'ARBAUMONT, Les Universités de Franche-Comté. — 916 — études de droit leur plaisent, comme l’indiquerait au besoin l'accueil qu'ils firent à Dumoulin et à Cujas, et les noms de nombreux jurisconsultes ayant siégé au Parlement, dans les conseils des Pays-Bas et de l'Empire; enfin leur école de médecine s’est longtemps enorgueillie d'hommes, sinon cé- lèbres, du moins estimés et honorés. La Faculté de théologie était réduite à deux chaires, de- puis que l’enseignement des langues grecque et hébraïque avait cessé, et que celui du droit canon avait passé à la Fa- culté de droit. Les Jésuites professeurs de théologie au col- lège lui furent agrégés de 1699 à 1765. Le séminaire diocé- sain l'était également, représenté par deux de ses directeurs, qui avaient le titre de professeurs et dont les cours étaient publics. Encore aujourd’hui, en souvenir de cette umion, un des cours de théologie du grand séminaire est ouvert aux auditeurs du dehors. À la Faculté de droit, le nombre des chaires varia ; il était de cinq en 1789 ; une seule était consacrée au droit français, les autres au droit civil et canonique. Ici on avait à lutter contre la concurrence faite par la Faculté rivale de Dion, créée en 1723. La Faculté de médecine était réduite à trois chaires. De- puis la suppression de la Faculté des arts, elle décernait le grade de maître ès arts, indispensable à ses futurs élèves. Elle avait un amphithéâtre d'anatomie ; un jardin botanique, qu’elle ne pouvait entretenir faute de fonds, lui fut retiré par la ville, et on bâtit le théâtre sur son emplacement vers 1783. Une école de chirurgie fut instituée par lettres-patentes du 20 juin 1773, avec six professeurs démonstrateurs royaux, assistés d'à peu près autant d’auxiliares pris parmi les licen- ciés en médecine. Indépendante de l'Université, elle devait à la fois en stimuler et en compléter l’enseignement. L'Université s’était agrégé le collège et le séminaire de Belley en 1700, le collège des jésuites de Lyon et le sémi- naire d’Autun en 1739. Elle avait droit de présentation aux — 917 — chaires vacantes dans les collèges de Besançon, Dole, Gray et Vesoul, et aux cures de Dampoix, Provenchère, Saint- Maurice, Vaucluse, Soulce, Vyt-les-Belvoir et Accolans. En 1789, le corps de l’Université était composé de : 4° L’archevêque de Besançon, chancelier-né, représentant, d’une façon toute honorifique, le pape, fondateur primitif. Il commettait un vice-chancelier pour confirmer sous son au- torité la collation des grades aux élèves. 20 Le premier président du Parlement, président des con- cours pour la nomination aux chaires. 3° Les distributeurs, nommés par le roi, chargés de la sur- veillance et de l'administration financière de l’Université. 3° Le Recteur magnifique. C'était un professeur choisi alternativement dans chaque Faculté, élu pour un an avant les vacances de Pâques par ses collègues, et entrant en fonc- tions à la rentrée de la Saint-Martin. Il était assisté d’un vice- recteur choisi parmi les élèves, qui faisait l'ouverture des argumentations dans les thèses publiques. 9° Le procureur-général et le procureur de chaque Faculté ; ils étaient également choisis parmi les élèves. 6 Les professeurs de chaque Faculté, nommés par le con- Cours. 7° Les élèves. 8° Un secrétaire-trésorier garde des archives, un bidel gé- néral, un bidel de théologie, deux bedeaux de droit, un bidel de médecine. L'institution des distributeurs, particulière à Besançon, semble n'avoir eu d’équivalent nulle part ailleurs. Choisis d'ordinaire parmi les membres du Parlement, ils étaient au sein de l’Université ce qu’étaient il n’y a pas longtemps les présidents et les procureurs généraux dans les conseils aca- démiques. Sur leur liste on trouve les noms des Lampinet, des Belin, des Dorival, des Bouhélier de Sermange, des Dar- visenet, des Courbouzon. Ils perpétuaient ainsi les liens unissant leur compagnie et le corps universitaire, Dans cer- — 8 — taine famille on allait volontiers des chaires de l’Université aux sièges du Parlement, et réciproquement. Les fils de Ma- reschal de Longeville, de Seguin, de Marquis, de Calf de- vinrent conseillers ; Guillemin était fils de conseiller ; Cour- chetet fut conseiller, puis professeur de droit public. Le con- seiller Talbert eut un fils professeur de droit canon, qui fut le correspondant de Daguesseau, dont le fils rentra au Palais et siégeait comme président à mortier en 1789. Les distributeurs exerçaient aussi en quelque façon les fonctions de juges, car ils avaient à juger des querelles de préséance entre professeurs, et quelle était alors la ville où, comme dit La Bruyère, « la querelle des rangs ne se réveille pas à tous moments par l’offrande, l’encens et le pain bénit, par les processions et par les obsèques ? » Or à Besançon les professeurs du pelit-banc voulaient s'élever au niveau des autres, et parmi ceux-ci le professeur de droit canon réclama le premier rang. Ces conflits puérils pouvaient se multiplier ; les distributeurs fixèrent autant que possible à cet égard la jurisprudence. Auparavant d’autres rivalités non moins mesquines avec le Parlement avaient surgi. Le recteur prétendait au droit de marcher immédiatement après le premier président, et un jour même s'était fait élever une sorte de trône en tête du banc du Parlement à l’église. Il finit par obtenir de ce côté ce qu'il désirait, mais à la cathédrale de Saint-Jean seule- ment, et quand il était en robe et en chaperon. En revanche il échoua dans sa prétention d’avoir droit, lorsqu'il marchait en tête du corps professoral, à un salut spécial et de premier ordre. Le Parlement décida qu'il ne serait fait qu’un salut spécial, sans distinction de personnes. Cette Compagnie donna d’autre part raison à l’Université dans le long débat que celle-ci eut avec les avocats, qui contestaient aux profes- seurs le droit de donner des consultations et de faire passer leurs écritures en taxe, comme non inscrites au tableau. Les distributeurs eurent enfin à protester parfois contre GA — 919 — les suppressions de chaires sollicitées par des professeurs, en vue d'augmenter leurs émoluments. Ils étaient donc comme des commissaires du gouvernement, assistant aux assem- blées de l'Université et y ayant voix délibérative. Le corps des professeurs se recrutait par des concours publics, très sérieux et très suivis. Pour y être admis, il fallait être régnicole, âgé de trente ans et docteur dans la partie, et subir trois épreuves, soit deux expositions orales d’une heure et une soutenance de thèses de six heures. Parmi les candidats, le jury en désignait trois parmi lesquels le roi désignait l’élu. C'était à l’Université, comme au Parlement, que le vieil esprit comtois s'était refugié : esprit de labeur, et parfois aussi de routine. Qualifié de noble et de messire, exempt de toutes charges personnelles et réelles et du logement des gens de guerre, jouissant en justice du droit de Committi- mus, le professeur de l’Université comptait parmi les privi- légiés, et, comme tel, se défiait des nouveautés. Il se pro- nonce à l’occasion contre l'introduction de l’histoire dans l’enseignement, contre le conseil de l'instruction publique rêvé par Turgot; ainsi le veulent les intérêts de sa corpora- tion. Individuellement il est aussi laborieux, aussi attaché à son devoir que dénué d’ambition ; un jour il sera recteur en passant, ce sera un surcroît de travail en même temps qu’une marque d'honneur et une récompense; puis il retournera, comme à un repos, à sa tâche accoutumée. Ses revenus, fixes ou casuels, sont modiques. Il touche un traitement annuel très faible ; plus sa part, égale à celle de tous ses collègues, des revenus de l’Université. Ce sont 1° le produit des deux prieurés de Mouthier-Hautepierre et de Vaucluse, ce dernier attribué à l’Université en 1729 pour la dédommager en partie du préjudice causé à ses intérêts par la création de l’Université de Dijon. Le premier rappor- tait 1000 livres, le second 3430. 20 Le loyer de bâtiments et maisons à Dole, soit 850 livres. 3° Une faible dot de 2000 — 220 — livres environ, payable annuellement par les fermiers et tré- soriers des salines de Franche-Comté. Les professeurs se partageaient enfin, chacun dans sa Faculté, les droits d’exa- men, et, la jurisprudence fournissant plus de candidats que la médecine, et la médecine plus que la théologie, une chaire de théologie rapportaït en moyenne 1600 livres, une chaire de médecine 2400, une chaire de droit 3000 (1). Ici et là il y avait émulation dans le respect des traditions laborieuses. À la fin du xvrrre siècle, la Faculté de théologie était fière des souvenirs laissés par Bullet, érudit quelquefois trop imaginatif, adversaire ingénieux de Voltaire, celtisant obstiné qui peut être regardé comme le précurseur de Le Brigant et d'Henri Martin, et elle comptait dans son sein Jacques, dont les ouvrages attestent des connaissances égales et profondes en religion, en mathématiques et en philosophie. La Faculté de droit avait possédé Dunod, l'historien classique de la province, dont le traité de la Prescription a servi de guide aux rédacteurs du Code civil; et elle était représentée par d’Auxiron, Grappe, Courvoisier, ce dernier brillant avo- cat, publiciste éloquent, qui a fait souche de ministre. À la Faculté de médecine, Lange et Athalin revivaient dans leurs élèves Rougnon, France, Tourtelle (2). La place des élèves dans l’Université avait été au début si grande que jusqu’en 1516, à Dole, le recteur avait été choisi parmi eux. Ils étaient placés sous une juridiction spéciale. « L'Université, dit le traité conclu entre elle et le Parlement en 1691, jugera en dernier ressort des actions civiles pure- (1) On peut voir le détail des frais d’examen dans le registre des consi- gnations de l’Université, de 1767 à 1789 (Mss. de la Bibliothèque de Be- sançon). J'ai analysé ce document dans un mémoire rédigé en 1883 pour le ministère de l'instruction publique, et utilisé, sans indication de source, par M. Liard (Revue internationale de l'Enseignement. novembre 1887). (2) ESTIGNARD, La Faculté de droit et l’Ecole centrale à Besançon. passim. — J. MEYNIER, Les médecins à l’Université de Franche-Gomté (Mémoires de l’Académie de Besançon, an. 1880). — 9921 — ment personnelles qui seront intentées par devant elles d’écolier à écolier. » Les étudiants formaient une corporation comme toutes celles d'alors, très fière de ses privilèges, et on les voit figurer au premier rang dans les manifestations publiques, comme celles fort bruyantes qui suivirent alors les exils et les rentrées triomphales du Parlement. Vaine- ment on leur avait défendu de porter les armes. Les que- relles étaient fréquentes entre eux et les officiers de la garni- son, et aussi les duels. Suard, âgé de dix-sept ans et étudiant en droit, assistait comme témoin à une de ces rencontres ; il dut s’enfuir avec ses compagnons devant une patrouilie, au moment où l’officier tombait mort sous l’épée de son cama- rade, et fut arrêté. Ayant refusé de nommer le principal cou- pable , il fut emmené, les fers aux pieds, en prison : € Yen a-t-1l aussi pour les mains? » demanda-t-il à ses gardiens. Le Parlement lui était favorable ; le gouverneur réussit néan- moins à le faire transférer et incarcérer pour dix-huit mois aux îles Sainte-Marguerite : bien dure punition d’un secret invinciblement gardé pour l’honneur de la corporation. Cette aventure lui fit quitter la Franche-Comté, et chercher à Paris la fortune littéraire (). Les étudiants tenaient, en cela fidèles au génie de leur race, au moindre débris de leurs anciennes prérogatives ; ils s’insurgèrent quand les professeurs refusèrent de donner au vice-recteur la livre de sucre qu'il était d'usage à Dole de lui offrir lors de chaque examen; et le maire et l’intendant furent obligés d'intervenir. Il est curieux de constater que les étudiants des pays ré- cemment réunis à la France, les Alsaciens et les Lorrains, jouissaient de certains privilèges pécuniaires en fait d’ins- criptions et d'examens. Il en était de même des Suisses et des Rauraques (habitants du Jura bernois, sujets de l’évêque de Bâle). En 1789 il n’y avait plus d'étudiants en théologie (1) Essais de Mémoires sur M. Suard (par Mne Suard), p. 5 et suiv. — 9292 — que les élèves du séminaire. Leur nombre total dépassait deux cents, les étudiants en droit étant du double plus nom- breux que ceux en médecine. Telle était, avec ses traits essentiels, l’organisation de l’Université bisontine à la veille de sa chute. Le haut ensei- gnement tel que nous le comprenons n’y était pas représenté dans toutes ses parties. N'était-il donc jamais question au- tour d'elle ni d'histoire, ni de beaux-arts, ni de science pro- prement dite? C’est ici qu'il faut signaler plusieurs autres institutions de date récente qui la complètent, comme l’école de chirurgie complétait la Faculté de médecine, et qui entre- tenaient à Besançon, sous toutes ses formes, la vie intellec- tuelle. C’était d’abord l’Académie des sciences, belles-letires et arts, fondée en 1752 sous les auspices du gouverneur, le maréchal duc de Tallard, sorte d’'Université extérieure, où les magistrats et les professeurs étaient mêlés aux hommes du monde, et où se développait, dans des concours assez suivis, le goût des recherches scientifiques et économiques, des sciences morales et naturelles dans leurs rapports avec l’histoire et la description de la province. L'Académie distri- buait chaque année trois prix, deux prix dits d’érudition et d’éloquence fondés par le duc de Tallard, un troisième dit prix des arts fondé par la ville de Besançon. Parmi les con- currents attirés ou récompensés par elle, je distingue deux groupes : le premier, tout local, est celui des prêtres sécu- liers, des religieux bénédictins ou capucins, adonnés princi- palement aux recherches d'histoire provinciale, ancienne ou naturelle, qui réunissaient en corps d'ouvrage les annales de telle ou telle ville, de telle ou telle abbaye, ou décrivaient par le menu telle ou telle région; ils entretenaient ainsi chez leurs compatriotes le culte, si dédaigné alors, du passé, ou l’orgueil du présent. Le second groupe est celui des lettrés du dehors qui cherchent à se faire un nom en glanant, à Be- sançon comme ailleurs, des palmes académiques; ils se nom- 00 — ment Bernardin de Saint-Pierre, Mme Roland, Brissot, Par- mentier. Ce sont surtout les questions générales, alors si fort à la mode, qui les attiraient. L'Académie possédait des collec- tions qui s’enrichissaient de jour en jour, un cabinet de phy- sique à côté d’une bibliothèque. À deux pas des Carmes, où enseignait l’Université, les bénédictins de Saint-Vincent avaient institué ce que nous appellerions aujourd’hui, à l’allemande, un séminaire histo- rique ; émules des grands érudits de Saint-Germain des Prés, dans les salles livrées aujourd’hui aux Facultés des lettres et des sciences, ils reconstituaient silencieusement les archives comtoises ; non point certes avec un but égoïste de réaction locale, témoin les nombreux in-folio manuscrits de leur main envoyés à Paris, à la bibliothèque du roi. L'histoire, absente de l’Université, retrouvait chez eux, comme à l’Académie, son laboratoire et son sanctuaire, dans cette vaste biblio- thèque qui leur avait été léguée en 1694 par l'abbé Boisot, et qui, augmentée depuis par divers legs, était hbéralement ouverte au public deux fois par semaine (1). Un enseignement théologique tout spécial, appliqué à la conduite de la vie sacerdotale, était donné au grand Sémi- naire, fondé en 1670 par l’archevêque Antoine-Pierre Ier de Grammont. A la tête de cet établissement était une commu- nauté de douze prêtres du pays, qui, se recrutant elle-même, avait assez bien réussi à écarter du clergé formé par elle l'influence janséniste, prédominante dans beaucoup d’autres provinces ecclésiastiques. Le séminaire avait à Besançon plusieurs maisons valant 300.000 livres, 250 ouvrées de vignes aux environs, 66.000 livres en capitaux, plus les re- venus du prieuré de Bellefontaine et d’un domaine situé près de Montbenoît. Les comptes de cette maison fournissent une particularité intéressante, celle d’une somme de mille écus (1) L. PwGauD, L'Ecole bénédictine en Franche-Comté (Discours pro- noncé à la séance de rentrée des Facultés, 1877). — 99% — prélevée sur les revenus pour former, au sein même du sé- minaire, une école de hautes études à l’usage de quelques jeunes prêtres doués d’une vocation spéciale. « Les arts, écrit un voyageur de passage en 1790, sont extrêmement négligés à Besançon ; on m'a dit que jusqu’en 4760 ils y étaient presque entièrement ignorés (). » En tout cas leur enseignement était représenté depuis 1773 par une école dûe à l’émulation et au zèle fraternel d’un sculpteur comtois, Luc Breton, et d’un peintre d’origine suisse, Mel- chior Wyrsch. Ces deux artistes, qui s'étaient connus et appréciés à Rome, sous l’impulsion de l’intendant de Lacoré et l'autorité du magistrat, ouvrirent dans un bâtiment déla- bré situé entre les remparts et l'hôpital du Saint-Esprit des Cours, qui ne comptèrent jamais plus de trente écoliers à la fois @). Un cours d'architecture, professé par Lapret, leur fut adjoint en 1781. En 1789, Wyrsch avait quitté Besançon de- puis cinq ans, mais il laissait derrière lui deux disciples qui lui faisaient honneur, Chazerand, mort prématurément et qui n’a donné que de grandes espérances, Jourdain, qui, malgré la médiocrité de son talent, représente chez nous la transi- tion entre l’art précieux et charmant du xvrie siècle et la réaction pseudo-classique de Flajoulot et de Lancrenon. Les arts vivent non-seulement par ceux qui les enseignent, mais par ceux qui les aiment, et qui, de leur demeure enri- chie d’objets précieux, font un centre vivant d'instruction pour les yeux. Deux familles au xvi® siècle avaient à cet égard donné le ton et l'exemple, les Granvelle et les Chifflet. Mais leurs superbes collections étaient déjà bien amoïndries entre les mains de leurs héritiers, et si une partie des ri- chesses des Granvelle restait acquise à Besançon grâce à œ (1) Voyage en Suisse et en Franche-Comté (par Mme Gautier), lettre XLVIIL. @) F, WEy, Melchior Wyrsch (dans les Mémoires de la Société d'E- mulation du Doubs, an. 1861). — 9295 — l’abbé Boisot, celles des Chifflet dispersées pièce à pièce étaient allées orner des palais jusqu’à l’étranger. Les galeries subsistantes étaient d’une importance médiocre; elles cons- tituaient plutôt une partie du mobilier de certains hôtels que des collections recueillies avec patience et intelligence, en vue d’un ensemble profitable à la culture artistique. IT suffit de signaler les antiquités recueillies par le président de Vezet, et les cabinets d'histoire naturelle dûs aux recherches d’un gentilhomme, le chevalier de Sorans, d’un officier, le capi- taine de Vregille, et d’un moine, le capucin Tiburce. Cette revue rapide et pourtant longue achevée, on sera un peu étonné à première vue de trouver si peu de différence entre la situation d'il y a cent ans et celle d'aujourd'hui. Be- sançon était la capitale d’une province, et elle est devenue un grand centre industriel ; ce changement donnerait en partie la raison de ceux qui se sont produits jusque dans le domaine de l'instruction ; mais la différence entre le passé et le présent n’est pas telle qu’elle justifie la ruine complète et soudaine de tous les établissements que nous venons de dé- crire. Si donc l’on a tout détruit inconsidérément pour tout reconstruire pièce à pièce, sans plan arrêté, c’est que, même sous l’horizon restreint de Besançon, les révolutions de l’en- seignement ont été la conséquence lointaine, mais certaine, des révolutions politiques. 15 IMPRESSIONS DE VOYAGE DU CALLAO À TARMA (PÉROU) Par M. Olivier ORDINAIRE Dessins de M. Henri MICHEL. Séance du 18 juin 1887. Le guano des iles du Pérou est épuisé; ce qu’il en restait aux iles Lobos, il y a trois ans, ne lui appartenait plus. Par le traité qu'il a conclu avec le Chili, après quatre ans de guerre, il à perdu, avec la province de Tarapaca, les guanos exploitables de la côte et les salpêtres qui alimentaient son trésor. Cependant le Pérou, dont le nom était synonyme de richesse et d’opulence avant l'exploitation des guanos et des salpêtres, reste l’un des pays les plus merveilleusement dotés du monde. Son territoire, sans comprendre la province de Tacna, soumise pour dix ans à l’administration chilienne, et qui, d’après le traité, optera ensuite pour l’une ou l’autre des deux nationalités, s’étend encore entre 3° 25 et 18° de lati- tude sud. Il est formé de trois zones distinctes et très diffé- rentes d'aspect. Ce sont, à partir de l'Océan Pacifique, de Ouest à l'Est, la Côte qui présente une succession de dé- serts de sable et de ferüles vallées, la Sierra dont les prin- cipales chaines, plus ou moins parallèles, sont reliées par de vastes plateaux, enfin la Montaña ou région des bois qui sé- pare les Andes du Brésil. Cette région à peine explorée, encore moins exploitée, D pe peuplée de tribus sauvages, est d’une étendue au moins égale à celle de la Côte et de la Sierra réunies. Sa fertilité et la ri- chesse de ses produits sont telles que les descriptions que l’on en fait semblent être du domaine de la fable. C’est là qu'est la réserve du Péroûw. Et la conquête de cette terre promise sera pour lui à moitié réalisée le jour où l’on aura établi une voie directe reliant Lima à Amazone navigable. J'ai comparé les divers projets relatifs à cette voie, et me suis mis moi-même à la recherche du chemin Île plus court. Ma première excursion date de 1883. Les notes que je vous envoie aujourd'hui ont été écrites peu de temps après, au Callao même, alors que j'avais devant les yeux les reliefs nus de la côte, et, dans l’esprit, l'empreinte vive de mes impres- sions à travers la Sierra. Mai 1887. Olivier ORDINAIRE. — Do — LIMA ET LE CALLAO. — UN ANGELITO. — STATISTIQUE A PROPOS DU PIED DES LIMÉNIENNES. — MÉSAVENTURE D'UNE GRANDE DAME. — LES NÈGRES. — POR LADRON. — LA FIÈVRE JAUNE. Je débarquai au Callao le 9 avril 1882, et huit Jours après mon arrivée, Je me trouvai de fait prisonnier sur la langue de terre qui sépare la Cordillère de l'Océan. Les chiliens, maitres de Lima et du Callao depuis plus d’un an, mais qui avaient encore à lutter contre les troupes du général Cà- ceres, jugèrent à propos de supprimer toute communication entre le territoire occupé et l’intérieur du pays, et, dans ce but, ils coupèrent la ligne du chemin de fer des Andes. Mon préau limité au Nord et au Sud par des sables, à l'Ouest par Océan, à l'Est par la Sierra, formé par les plaines basses de la vallée du Rimac où la végétation a cette couleur indécise caractéristique des pays où il ne pleut jamais, comprenait la capitale du Pérou et son principal port. Callao (callado) signifie muet. La rade, garantie contre le courant du Sud et les poussées de la haute mer par létroite presqu'ile de La Punta et par l'ile de San Lorenzo qui dé- coupe à huit milles au large son arête escarpée, contraste par son silence habituel avec la bruyante agitation de la mer qui bat les plages tournées au Sud, ou mer brave, le mot brave signifiant, dans la langue du pays, mauvais, méchant, féroce. Cette baie présente une particularité qui mérite d’être signalée : Des émanations sulfhydriques, assez fortes pour noircir rapidement la coque des navires peints à la céruse, s'y dégagent de temps à autre, et la mer prend alors une teinte de rouille. Cependant elle est poissonneuse à l’excès. Souvent on aperçoit à la surface de l’eau de grandes taches 999 — mouvantes qui, en se rapprochant du bord, seintillent au soleil comme la rosée dans une prairie. Ce sont des bancs de sardines que poursuivent des poissons voraces, poursuivis à leur tour par d’autres affamés. La vague finit par jeter le fretin sur les plages où 1l échoue en formant de longs rubans argentés. Les oiseaux de mer abondent. De maigres Péni- tents debout sur les bouées du port, le cou tendu, les ailes ouvertes, se sèchent en regardant passer les canots, comme les vieillards de la Kermesse ; des pélicans chauves plongent lourdement. Mais l'espèce la plus commune est celle de la petite mouette, au corsage blanc, aux ailes cendrées. A l’ar- rivée des sardines, l’espace se remplit de mouettes. Elles forment, en tournoyant, des spirales qui se perdent dans les profondeurs de Pair et finissent par produire, sur le fond du ciel gris, l'illusion de la neige. Le Callao qui n’est, grâce à ses deux lignes de chemin de fer, qu’à une demi-heure de Lima, a été et redeviendra, après le percement de Panama, l’entrepôt le plus important de l'Amérique du Sud sur le Pacifique. Lima a contenu 150.000 habitants, le Callao 40.000 ; mais, par suite des crises que le pays a traversées : crise financière, crise de la guerre avec le Chili, crise continue de la guerre civile, crise des sucres, etc., la population des deux villes à considérablement dimi- à nué. Les maisons y sont basses, comme l'exige la prudence dans un pays souvent bouleversé par les tremblements de terre. Lorsque, par exception, elles ont un étage, il est en- touré suivant la mode espagnole, de lourdes galeries vitrées. Les toits sont plats et servent de promenoirs. Au Callao, ils sont généralement surmontés d’un échafaudage avec des ailes de moulin à vent destinées à mettre en mouvement une pompe qui plonge dans une nappe d’eau souterraine. Vers trois heures de l'après-midi, c'est-à-dire à l'instant où la brise se lève, toutes ces ailes se mettent à la fois en mouve- ment en faisant gémir leurs ais mal joints et grincer leurs — 930 — mécanismes rouillés. Les rues se coupent à angles droits, divisant ainsi la ville en cuadras ou carrés parfaits, de sorte IAA DOUTE | CALLAO. Calle de. la Aduana. — Vice-Consulat de France. que, vue d'en haut, elle ressemble à un vaste damier. Les terrains vagues sont blanchâtres. Là où n’aboutit pas un ruisseau, nulle trace de végétation : le ton général est pous- — 931 — siéreux et pâle. Mais si le paysage est peu varié de couleurs, on n’en peut dire autant de la population. Toutes les nuances, du brun foncé au jaune olivâtre, du noir au blanc étalent leur gamme sur la face des Quichuas ou indiens autochtones, des Cholos ou métis, des Zambos ou mulâtres, des nègres purs, des Chinois et des Européens de toute nationalité qui peu- plent le Pérou. La race dominante est celle du Cholo au teint de terre de Sienne brûlée plus ou moins étendue de bitume, à la face large et imberbe, au nez aplati ou arqué, comme les Incas dont le type est reproduit sur les huacos où poteries des temps antérieurs à la conquête. Court et gros pour sa taille, il diffère absolument des agiles Campas qui vivent dans les forêts de l’intérieur. Quant aux Cholas, je ne puis mieux faire, pour en donner une idée, que de reproduire le portrait, d’après M. Ricardo Palma, de cette Périchole qui fit, comme chacun sait, tourner la tête au vice-roi Amat. « De petite taille et un peu grosse, ses mouvements étaient pleins de vivacité. Son visage ovale et d’un brun clair portait de minuscules mais nombreuses marques de petite vérole qu'elle dissimulait avec les artifices d’une toilette savante. Ses yeux étaient petits mais noirs comme charbon et très vifs, sa chevelure profuse, ses pieds et ses mains microsco- piques. Son nez n’avait rien d'idéal, car il était de ceux que les créoles qualifient de ñato (camus). Un grain de beauté sur la lèvre supérieure rendait sa bouche irrésistible. Cette bouche, un peu grande, montrait de petites dents nettes et brillantes comme ivoire. Le cou d’un dessin parfait, les épaules adorables et le sein proéminent. Avec ce mélange de perfections et d’incorrections, elle passerait encore au- jourd’hui pour une belle femme. Ainsi l’a pourtraicturée un impartial et prosaïque ancien qui l’a connue au temps de sa splendeur. » Les Cholas ont la chevelure très abondante et longue, non laineuse, mais moins fine que celle des Euro- péennes. Elles la tressent en nattes tombant sur le dos, — 9232 — Lorsqu’elles ne portent pas la manta, elles se coiffent d’un chapeau de paille dont elles relèvent l’aile sur la nuque avec une certaine crânerie. Si toutes n’ont pas les imperfections de la Périchole, 1l s’en faut aussi que toutes aient ses avan- tages. Elles sortent peu d’ailleurs de la classe populaire et n’ont pas à leur disposition les artifices d’une toilette savante. En général elles sont éclipsées par les zambas, terceronnes, quarteronnes et autres créoles qui ont de plus grands yeux, le teint plus blanc ou d’un ton plus vermeil et les traits plus réguliers. L'une des choses qui m'étonnèrent le plus à mon arrivée au Callao, ce fut la quantité d’orgues de Barbarie ou pianitos que l’on y trouve. À certaines heures il y en a à tous les coins de rue, et il arrive souvent que trois ou quatre joueurs se rencontrent dans un carrefour. [ls jouent alors en même temps des airs différents sans plus se préoccuper que s'ils étaient sourds de cette olla podrida de sons discordants. N'ayant jamais vu aucun d'eux tendre la main, ni personne leur donner un centavo, je me demandai dans quel but ils faisaient ce vacarme, et, pour éclaircir le mystère, je suivis un soir le premier qui passa devant ma porte. J'avais fait à sa suite plusieurs stations lorsqu'une Chola vint appeler, et je les vis entrer ensemble dans un salon, pièce d'honneur qui dans chaque maison ouvre sur la rue. Au milieu de cette chambre vivement éclairée, il y avait ‘un enfant assis et lié sur une chaise, placée elle-même sur une table. On lui avait mis un petit chapeau à plumes roses et cousu des ailes de mouette dans le dos. Il était couvert de rubans et de guirlandes de fleurs. C'était un enfant de la maison mort le matin. Aux sons du pianito, les personnes qui l’entouraient se _mirent à danser, frappant des mains et accompagnant la mu- sique de la voix. De temps à autre, elles s’arrêtaient pour reprendre haleine et boire du pisco, qui est l’eau-de-vie de raisins du pays. Des passants entraient, faisaient un tour de — 933 — danse, avalaient une copita et continuaient leur chemin. Cette cérémonie devait durer jusqu’au lendemain matin, c'est-à-dire jusqu'au moment où l’on porta au cimetière l’en- fant mort toujours assis et à découvert sur sa chaise enru- bannée. Les peuples convertis au christianisme par les con- quérants du Nouveau-Monde exagèrent encore le réalisme qu’apportent les Espagnols dans leurs conceptions reli- gieuses. Pour le Cholo, l’enfant baptisé qui meurt va sans conteste au Paradis. C’est un angelito (petit ange). Et ceux qui l’ont mis au monde s'efforcent de témoigner leur allé- gresse par des danses et des libations. | Il ne faudrait pas croire cependant que la musique des orgues de Bar- barie ne serve ici qu'à accompagner les petits enfants qui vont au Gel. La danse est un besoin inné dans toutes les classes du peuple péru- vien, Il n’y a pas de famille aisée où il n’y ait un piano, pas de señorita qui n’en Joue plus ou moins propre- ment. Dans le peuple qui vit au Jour Femme du peuple. le jour, on se contente d’une guitare ou du pianito qui s'annonce dans la rue. Les occasions de danser ne manquent pas. Au Pérou, il y a près d’un jour férié par semaine, outre le dimanche, et l’on y célèbre des fêtes qui chez nous ne sont connues que des Chapitres de chanoines. La danse populaire est la zamacueca (danse zam- ba), qui s'exécute avec une mimique aussi expressive que pittoresque. Dans une série de pirouettes hardies, de piéti- nernents provoquants, le cavalier et sa danseuse se poursui- Vent et se fuient, s'échappent et se retrouvent. La dame, qui agite un mouchoir devant ses yeux, cherche à éviter le regard du danseur et finit par se rendre. On conçoit que la zamacueca qui enflamme, dans le peuple cholo et zambo, acteurs et spectateurs, ne soit pas admise dans les salons de — 9234 — la haute société de Lima, du moins en présence des étran- gérs. Ce n’est même que par contrebande que s’y glisse la habanera ou danza. La habanera est un quadrille moins agité que le nôtre et parfaitement approprié aux tempéra- ments langoureux de la zone torride. À la fin de chaque figure, les deux couples forment le cercle et, dans un balan- cement rithmé qui resserre encore les distances, chaque danseur regarde tour à tour au fond des yeux sa voisine de droite et sa voisine de gauche. Ce jeu de prunelles se pro- longe pendant plusieurs mesures d’une charmante lenteur. Nos danses européennes alimentent la plupart des soirées, mais elles sont jouées sur un rithme ralenti qui leur fait perdre leur caractère. Les Liméniennes sont renommées pour leur beauté dans toute l'Amérique du Sud et même ailleurs. Je ne crois pas qu'il y ait à Lima de plus belles femmes que dans le reste du monde, mais presque toutes sont au moins jolies. Lors- qu’elles sont tout-à-fait blanches, elles ont en général la figure piquante sans être irrégulière, le teint mat, le regard velouté et de superbes chevelures d’ombre lisse, où elles aiment à fixer, comme une étoile blanche, la marguerite du Pérou, sorte de jacinthe aux pétales glacés, au parfum pénétrant. Celles qui tiennent de leur origine (les tons de chair plus chauds ne sont pas les moins belles. Les poètes qui ont l'habitude de comparer aux étoiles les yeux des jolies femmes ne trouveraient ici que des étoiles de première grandeur. En revanche, les Liméniennes ont le pied d’une remarquable petitesse. Les chaussures ont comme les gants leurs numéros. Or, tandis que la mesure moyenne pour les Françaises est de 34 à 37, pour les Allemandes et les Anglaises de 37 à 40, les numéros dont usent les Péruviennes sont compris entre 30 et 34. Aux étalages des magasins, les souliers de satin faits pour leurs pieds cambrés paraissent être destinés à des enfants. Ces souliers de Cendrillon, por- tant les marques françaises, étaient jadis importés au Pérou 15035 en quantités qui étonnent. La misère des temps et l’élévation des droits de douane ont mis à ce luxe un frein regrettable pour notre commerce, mais les Liméniennes n’ont pas perdu pour autant leur amour de la danse. Rarement elles quittent le bal avant que l’aube n'ait fait jaunir le gaz des lustres et que la lumière bleutée du matin, qui tombe des fenêtres grandes ouvertes, ne se soit réfléchie dans leurs veux limpides. à il | — ;) EE = ee — = dre ES SF LT = EE ru ne En En fees F nt à #4 ik | si Ï un | | 1] . Li ‘| | | | Lu ‘à i | il ja à | M | il no (ll ll il | ji il | | Î MN Dame de Lima vêtue de la manta. Dans la rue, elles portent la manta, sorte de châle noir, uni ou brodé, qui enveloppe la tête comme une cape de reli- gieuse, s’agrafle sur l’épaule ou sur le dos et tombe sur la — 236 — jupe. Elle a l’inconvénient de cacher la chevelure et le cou, mais, sur les jolies figures qu’elle encadre, ses bordures de tulle et de fines dentelles projettent de délicieuses demi- teintes. Enfin elle permet aux Liméniennes de faire ressortir leur distinction dans la manière de se draper. Depuis la pauvre négresse jusqu’à la fastueuse descen- dante des conquérants espagnols, toutes portent la manta. Si cette mode s’est maintenue sans altération depuis le sei- zième siècle, on le doit peut-être à ce fait qu'il est interdit aux femmes d'entrer à l’église sans avoir la tête couverte d’une mante. Je connais une dame française très dévote et de haute lignée qui, le lendemain de son arrivée à Lima, se rendit à la grand’messe de la cathédrale, vétue comme elle l’eût été en pareil cas à Paris et avec un chapeau orné de plumes. Le nègre remplissant les fonctions de bedeau vint la prier de sorür et de se présenter à l’avenir dans une toi- lette plus décente. Elle quitta l’église très vexée et en pro- testant. Le Pérou était jadis le pays des fortunes rapides. L'amour du luxe et la prodigalité de ses habitants sans cesse alimentée par le fleuve d’or qui prenait sa source dans les gisements de guano et de salpêtre, remplissait vite les caisses des com- merçants étrangers. On sait que cette source est tarie. Heu- reux ceux qui ont regagné à temps les rivages de la mère- patrie et n'ont pas eu à souffrir des conséquences de la guerre | L’armée chilienne ayant opéré son débarquement dans le désert de Lurin, au sud de Lima, sans être inquiétée par les Péruviens qui déjà n'avaient plus d’escadre, les batailles dé- cisives eurent lieu, en janvier 1881, sur les hauteurs de San- Juan qui dominent la ville de Chorrillos et dans la plaine de Miraflores. Elles furent fatales pour le Pérou. Dans la journée même de Miraflores, il se forma narmi les soldats en déroute de véritables bandes de brigands, presque tous nègres, qui se replièrent sur Lima et sur le Callao, dans le but de se — 937 — livrer au pillage. Poussés par de vieilles rancunes, ils s’atta- quèrent d’abord aux chinois et mirent le feu ça et là dans les quartiers qu'ils habitent, puis ils pénétrèrent au cœur de la ville, enfonçant les portes et dévalisant les magasins. C’est à ce mouvement, sans autre signification politique, que l’on a donné au Pérou le nom de commune. Sur l'initiative d’un français, M. le commandant de Champeaux, alors directeur de l’entreprise du Muelle y darsena au Callao, les colonies étrangères réorganisèrent en toute hâte les gardes urbaines dissouies depuis plusieurs mois. Et, dans la Journée du 16 janvier, les rues des deux villes furent le théâtre de luttes sanglantes dans lesquelles les négociants armés de rifles et de fusils de chasse eurent raison du banditisme. Au Callao seulement, cinq cents nègres environ restèrent sur le pavé. Ce premier péril écarté, 1l en restait un autre. Les chiliens allaient entrer à leur tour, et il y avait lieu de craindre qu'ivres encore du carnage des jours précédents, ils ne mis- sent Lima à feu et à sang, comme ils avaient fait des villes de plaisance voisines, Chorrillos, Barranco et Miraflores. L’énergique attitude de l'amiral Dupetit-Thouars, qui com- mandait, à bord de la Triomphante, l’escadre mouillée en rade de Callao, sauva la capitale. Telle est au Pérou l’uni- verselle conviction. Les péruviens et les colonies étrangères lui envoyèrent à l’envi des adresses pour lui exprimer leur reconnaissance, et les dames de Lima eurent la délicate attention d’y joindre un magnifique album avec leurs por- traits et leurs signatures. Les nègres qui vivent au Pérou, et dont on a estimé le nombre à cent mille, ont été importés d'Afrique sous le ré- gime espagnol. En 1855, sous la présidence du général Cas- tilla, l'Etat paya leur rançon à leurs maitres et les libéra de l'esclavage. En considérant l’état d’abrutissement et de per- version où ils sont restés, beaucoup blâment le décret de leur libération ; comme si la cause première du mal n’était pas la traite honteuse qui fit de leurs pères une marchandise — 238 — volée et cet esclavage même qui les a rendus impropres à jouir des bienfaits de la liberté. Quelques-uns ont continué à travailler à gages dans les haciendas qui les ont vu naître et où la plupart ont été remplacés par des chinois, d’autres vivent de maraude et de brigandage dans les vallées de la côte. Tandis que les assassinats sont rares dans la Sierra, dont le froid leur interdit l’accès, on considère comme une imprudence de s’aventurer seul dans les environs mêmes de Lima. J'assistai un jour à une discussion qui montre le peu de cas que l’on fait ici des noirs. Etant allé avec plusieurs com- pagnons chasser dans la vallée du Rimac, nous arrivâämes à une hacienda dont l’administrateur, après nous avoir offert un lunch, nous fit part de l'embarras où il se trouvait relati- vement à quatre nègres qu'il venait d’enfermer dans la pri- son de l’établissement. Ces nègres avaient été pris par les chinois au service de la maison, en flagrant délit de vol et porteurs de rifles dont ils avaient raccourei le canon pour les dissimuler plus facilement sous leurs ponchos (1). Les chi- liens occupaient alors Lima et le Callao. — Si j'étais certain qu'ils tuassent ces nègres, nous dit notre hôte, je n’hésiterais pas à les leur livrer ; mais il est possible qu’ils se contentent de les faire fouetter en place publique. J'aurais alors à re- douter leur vengeance pour moi ou pour mes enfants. J'avais pour co npagnons deux français, un anglais et un yankee, tous honorables pères de famille et que je considé- rais comme les hommes les moins sanguinaires du monde. Ils furent, je dois le dire, unanimes à opiner que le mieux était de fusiller les quatre nègres séance tenante et sans autre forme de procès. Le yankee surtout, avec son allure froide, insistait pour l'exécution immédiate. Donc je fus seul (1) Le poncho, qui est le vêtement de tous les Péruviens dans la cam- pagne, consiste en une pièce carrée de coton ou de laine, percée d’un trou en son milieu pour laisser passer la tête. — 239 — à prendre la défense de ces malheureux que j'allai visiter en avocat consciencieux dans le cachot où ils gisaient, les pieds rivés par des anneaux de fer à une barre fixe. J’ai tout lieu de croire que mes protestations eussent été vaines si l'administrateur d’une hacienda du voisinage n'était arrivé à ce moment, à la recherche de quatre nègres à ses gages et s’il ne les eût reconnus dans les quatre prisonniers. Il ies fit reconduire à leur domicile et il est probable qu’ils en furent quittes pour quelques jours de fer. Les chiliens, qui entrèrent à Lima et au Callao au mois de janvier 1881 , ne devaient en sortir qu'après la signature du traité de paix qui eut lieu le 20 octobre 1883. Et pendant cette période de près de trois années, ils y commandèrent en maîtres, touchant le produit des douanes, imposant aux principales familles péruviennes des cupos ou contributions nominatives, envoyant comme prisonniers au Chili ceux qui refusaient de payer. La peine du fouet est encore inscrite dans le code des chi- liens. Durant l'occupation, elle était appliquée par eux, non seulement à la suite de condamnations judiciaires, mais comme simple mesure de police. Lors de mon arrivée, des exécutions avaient lieu au Callao le samedi de chaque semaine. Les condamnés, affublés de casques grotesques portant l’inscription : Por ladron (pour voleur), étaient conduits entre deux haies de soldats sur la place publique. Là, après leur avoir fait enlever leurs vête- ments, on les forçait à s’étendre sur le sol, la face contre terre. Et, dans cette position, ils recevaient vingt-cinq, cin- quantie ou cent coups de verge, suivant la gravité du délit. D’autres prisonniers étaient chargés de l’exécution. Ils se relayaient après chaque série de dix coups pour reprendre haleine, et, lorsqu'ils montraient trop de mollesse ou de com- passion, l’agent de police remplissant l'office de bourreau les . frappait violemment à la face du revers de son sabre. Les plaintes et les cris de douleur des patients étaient couverts — 940 — par le roulement continu d’un tambour et les sons aigus d’un clairon. À chaque coup, le sang suintait ou formait un bour- relet sous la peau. Je tiens de source certaine que beaucoup sont morts des suites de ce cruel châtiment, que j'ai vu ap- pliquer, de mes propres yeux vu, en l’an de grâce 1882. Au mois de mai de cette même année, un malheureux adressa, de la prison, une supplique au Consul de sa natio- nalité, l'informant qu'il allait être flagellé le jour même, et implorant son intervention. C'était, 1l est vrai, un dangereux vaurien, un de ces chevaliers d'industrie errante qui ont toutes sortes de raisons pour ne pas se rapprocher du sol natal et que l’on désigne ici sous l'appellation générale de Frères de la côte. Il avait été pris en flagrant délit de vol. Cependant le Consul n'hésita pas à imtervenir. Il plaida de son mieux, non pour le voleur, mais contre le fouet, deman- dant que cette peine fut commuée en l’une de celles qui sont inscrites dans le Code de son pays. Le gouverneur chilien, qui était un homme d’esprit, se trouvait naturellement dis- posé à lui donner gain de cause, et le frère de la côte en fut quitte cette fois pour l’expulsion du territoire. Depuis cette époque, 1l n’y a plus eu au Callao de flagellation publique. A la fin de février 1883, la fièvre jaune, dont on constate tous les ans quelques cas au Callao, y prit le caractère épi- démique. Comme épidémie, elle sévit au Pérou tous les quinze ans, et sa dernière visite sérieuse datait de 1868. A cette époque, le désinfectant à la mode était la poudre de guerre que l’on brüûlait dans les carrefours. En 1883, on la remplaça par le chlorure de chaux, l’acide phénique et la fumée de goudron. L’atmosphère qui enveloppait la ville était constamment chargée d’odeurs de pharmacie. Au début de l'épidémie, dès que la police était informée de la présence d’un malade, quatre agents se présentaient à son chevet et, de gré ou de force, le transportaient hors de la ville, au lazaret. Salus reipublicæ suprema lex. Bien peu sont ressortis vivants de ce lieu sinistre, aux abords déserts, ot comme certaine combe réservée à l’équarrisseur dans le voi- sinage de ma ville natale, et dont la vue me donnait le fris- son quand j'étais enfant. Je croisai un jour sur le trottoir un italien qui courait à perdre haleine, pieds nus et en manches de chemise, la figure bouleversée. C'était un fiévreux qui fuyait la police. Averti de l’arrivée des agents, il leur avait échappé en sautant par la fenêtre. Il se réfugia chez l’un de ses compatriotes et eut la chance de guérir. Le nombre des malades se multipliant, l'autorité dut renoncer au lazaret obligatoire. Dans les premiers mois, presque tous les malades succom- baient. Plus tard, un certain nombre furent sauvés, la preuve est que j'écris aujourd'hui ces lignes. A l'inverse du choléra qui, d’après les statistiques, sévit surtout sur le sexe faible, la fièvre jaune s’attaque de préférence aux hommes. Sur cent cinquante français inscrits au vice-consulat du Callao, quinze moururent en trois mois, aucune femme de la colonie ne fut atteinte. De cette époque sinistre, un tableau me reste devant les yeux, celui des grands feux de goudron allumés dans les rues de distance en distance dès la tombée de la nuit, et d’où sortaient des flammes aux langues rouges, montant dans la fumée qui recouvrait la ville d’un dôme opaque. Autour de ces feux, des bambins inconscients jouaient et parfois dan- saient en formant des guirlandes. L’épidémie a disparu, re- montant vers le nord comme une vague sans cesse en mou- vement et dont l’apparition désole tour à tour les rivages du Pacifique. Les chiliens ont évacué Lima et le Callao, mais le pays n’a pas retrouvé ses jours prospères. La discorde civile a remplacé la guerre étrangère et menace de s’éterniser, l’insécurité est aussi grande que jamais, le commerce se meurt. Toutefois l’on danse dans toutes les classes de la s0- ciété comme dans tous les partis, et les pianitos continuent à se disputer les coins de rue pour faire entendre leurs ri- tournelles. 16 — 242 — Il DÉPART DU CALLAO. — LE CHEMIN DE FER TRASANDINO. — LES VILLAGES INCENDIÉS. — CHICLA AU LEVER DU SOLEIL. — PAYSAGES DE LA HAUTE CORDILLÈRE. — UNE NUIT PASSÉE À LA OROYA. — DÉJEUNER DE PIGEONS. -— UN IN- DIEN BATTU PAR UN MARCHAND. Si j'aime la mer, j'aime mieux encore la montagne que j'ai connue dès mon enfance et à laquelle je dois peut-être mes plus fortes impressions. Aussi dès que le chemin de fer des Andes fut rétabli, je me hâtai d'en profiter, et j’éprouvai comme un sentiment. de délivrance, lorsqu’au mois de no- vembre 1883, je quittai le Callao pour réaliser mon projet, dès longtemps caressé, de voyage à l’intérieur. Le chemin de fer en question, alors connu sous les noms de Ferro-Carril Trasandino et Ferro-Carril de la Oroya, s'appelle aujourd’hui chemin de fer du Cerro de Pasco, parce qu'une compagnie Nord-Américaine vient de s’en rendre propriétaire, sous la condition de le continuer jusqu’à la ville de Pasco où se trouvent les mines d’argent les plus riches du Pérou. Aujourd’hui encore, il s’arrête au village de Chicla, c'est-à-dire à 3724 mètres au dessus du niveau de la mer et à 139 kilomètres de Callao. Il passe pour l’un des plus cu- rieux du monde, autant par la hardiesse de ses travaux d'art que par altitude qu'il atteint et qui est de 4789 mètres dans le tunel en la cima, achevé mais non encore livré à lexploi- tation. Sur une longueur‘d’une quinzaine de lieues, la voie suit les bords du Rimac, dans une vallée spacieuse et cultivée, entre des montagnes nues. Ce qui me frappa le plus dans cette première zone des Andes, d’un granit pâle, c’est leur immensité stérile. Sur les flancs des cerros (monts), d’une — 9243 — couleur de cendre, descendent des ravins où s'accumulent les roches que le temps détache des sommets ; et ces trai- nées de pierres, connues sous le nom de galgas, ont des ap- parences de torrents et de cascades immobiles. Au bas des versants, à quelques mètres seulement au dessus de la plaine, des groupes de murailles en terre sèche, sorte de pisé auquel on donne ici le nom d’adobe, se détachent vaguement sur un fond de même couleur. Ce sont les ruines des villages habités par les quichuas avant la conquête. Bâtis sur un sol parfaitement sec, ils étaient moins exposés aux fièvres tierces que les misérables cabanes en roseaux où vivent aujour- d'hui les nègres et les chinois, au milieu de plantations abreuvées d'eaux stagnantes, et que les haciendas mêmes dont les hautes cheminées développent leurs panaches de fumée grise sur la monotone verdure des champs de canne. À 75 kilomètres de la mer, on passe de la région où il ne pleut jamais dans une zone mixte où il pleut quelqueltois, mais seulement du mois de novembre au mois de mai. Là, le paysage change de caractère, et, durant la bienfaisante saison, les pentes des montagnes se revêtent de teintes vertes, se diaprent de couleurs fraiches. En même temps, la vallée se resserre au point de perdre, dans la langue espa- gnole, son nom de vallée pour prendre celui de quebrada, mot qui signifie littéralement brisure, et sert à désigner les crevasses et ravines profondes de la Sierra. Les arbres sont rares, sauf sur le bord des rivières, où poussent des saules, des molles et des huarangos qui ressemblent à des cèdres nains, et dans les fonds humides, où les bananiers, chargés de lourds régimes, mêlent les tons clairs de leurs feuilles géantes au vert sombre et luisant des myrtées. Mais je ne puis classer parmi les arbres véritables le Cereus candelaris qui se dresse cà et là au milieu des pierres comme un chan- delier à plusieurs branches, ni même l’Agave ou Maguey qui, sous la forme d’une asperge énorme, sort d’un faisceau de feuilles rigides comme des baïonnettes. — 24% — Sur les pentes les moins abruptes apparaissent des séries de gradins étayant des terres que les indiens cultivaient au temps des Incas. Ces gradins, appelés andenes, sont formés par des murs grossiers, pareils à ceux qui soutiennent les vignes sur certains côteaux du Jura. A distance, ils ont l'aspect des rayons que forme dans les prés le foin nouvel- lement coupé et que l’on nomme aussi des andains. Lorsque l’on considère ces immenses espaces, autrefois productifs, aussi incultes aujourd’hui que les déserts de la côte qui furent eux-mêmes fécondés jadis par de gigantesques tra- vaux de canalisation, et que d'autre part on songe à la quan- tité de ruines accumulées à tous les étages du sol péruvien, on comprend que la population du Pérou qui, d’après le re- censement de 1876, ne compte que 2.699.000 habitants, ait été, comme le prétendent certains auteurs, de dix et même de vingt millions d’âmes. La ligne quitte les bords du Rimac pour décrire, jusqu’au sommet de la Cordillère, une suite de zigzags sur des talus plus ou moins vertigineux, coupés par des viadues plus ou moins hardis, tels que le Puente de Verugas qui a 146 mètres de long et 72 de haut. En levant la tête, on aperçoit dans les roches des trous noirs superposés que l’on pourrait prendre pour des nids de condors. Ce sont des entrées de tunnels. Lorsqu'on pénètre dans ces souterrains, la machine essouf- flée crache sur leurs voûtes frustes des gerbes d’esquilles rouges qui retombent avec un bruit de grêle sur les vagons. À chaque tournant, ou, pour être plus exact, à l’angle aigu de chaque lacet, le train s’arrête, le conducteur descend pour aiguiller, les voyageurs profitent de l’occasion pour cueillir des bouquets d’héliotropes au bord de la voie, après quoi le train repart, tantôt tiré, tantôt poussé par sa locomotive. Outre ces arrêts réguliers, le train fait de fréquentes sta- tions, dites accidentelles, pour permettre à l’escouade des terrassiers qu'il emporte à tout hasard dans son fourgon, de déblayer le chemin obstrué par des éboulis et de remplacer — 245 — des rails écrasés. Cela explique comment, en partant du Callao à huit heures du matin, on n’arrive généralement à Chicla qu’à six heures du soir. Ce versant des Andes est infesté, entre les altitudes de mille et de dix-huit cents mètres, par deux maladies : les Verugas et l’Uta. Les Verugas sont des pustules variant de la grosseur d’un œuf de pigeon à celle d’un œuf d’autruche, et dont l’éclosion est accompagnée d’une fièvre souvent mor- telle. L’Uta est un affreux cancer qui attaque le nez et le ronge jusqu'aux os. [1 est produit, d'après le savant natura- liste Raimondi, par un insecte qui se loge dans les cartilages et se nourrit à leurs dépens. Ces deux plaies, surtout les Verugas, que l’on doit, paraît-il, aux eaux du pays, cepen- dant vives et fraiches, ont fait parmi les ouvriers de la ligne un très grand nombre de victimes. Les villages que la voie traverse avaient été incendiés par les chiliens peu de temps avant mon voyage. Les pauvres maisonnettes de pierre sombre, veuves de leurs toits de paille, bâillaient de tous côtés. Je n’ai rien vu de plus lu- gubre. Les ruines d’un château parlent à l’imagination, celles d’une chaumière serrent le cœur. Cependant, aux stations de San Bartolomé et de Surco, quelques femmes indigènes, vêtues de bayette, attendaient le train devant des monceaux de goyaves, de duraznos, de paltas, de bananes et de chiri- moyas dont l'enveloppe verte contient une crème parfumée. D’autres offraient aux voyageurs de la chicha ou bière de maïs. Je me demandai où pouvait être leur demeure dans ce désert. La plupart portaient un enfant sur le dos, dans une mante liée au cou, suivant la mode indienne, et les petits, que l’on appelle en quichua des hua-huas, dressaient la tête entre les nattes.noires de leurs mamitas. comme des hiron- delles qui regardent au bord du nid. En passant devant les ruines du bourg de « San Mateo » où il n'y avait plus rien de vivant que la rivière disant aux murs tristes son éternelle complainte, je rêvais au sort des malheureux indiens chas- sès de leurs foyers, lors- qu’un des officiers chiliens qui se trouvaient dans le vagon engagea la conver- sation en me racontant qu'il avait brûlé lui-même € San Mateo, » accompagné de dix hommes seulement et à Il Mt avec quatre boîtes de para- 4, quil fine. Je fis un mouvement ere | de recul et considérait mon interlocuteur avec curiosi= té. Il portait l'uniforme de all [HA l'artillerie, le même à peu | | de chose près que Puni D Là forme français de la même À 0) d us arme. Rien d’ailleurs dans à sa physionomie ne décéhait ._ des instincts féroces, il avait 0 (à D | plutôt l'air bon enfant. M À 1 ML Le C’est de la barbarie, Indienne de la Cordillère. lui dis-je, Es una barbaridad! — Cest la guerre, me ré- pondit-il d’un ton insouciant. Et ce mot qui, en d’autres lieux et en d’autres temps avait retenti cruellement à mes oreilles, me replongea si fort dans mes méditations, qu'il ne crut pas devoir les interrompre de nouveau. Au sortir de « San Mateo », le chemin prend un singulier caractère de sauvagerie. La quebrada, par ses coudes brus- ques, forme une série d’entonnoirs aux parois de roches nues, que gravissent les spires de la voie. En bas le Rimac res- semble à un fil d'écume. On a donné à ces gouffres le nom d'Infiernillo (petit enfer). Nous arrivâmes à Chicla à la tombée de la nuit. Ce village étant la tête de ligne, présentait, bien qu'il eût été incendié = FF SE RE RE — 947 — comme les autres, un aspect fort mouvementé. C’est là que lon apporte au chemin de fer les barres d'argent et les minerais de la Haute Cordillère et que se chargent les marchandises de retour sur le dos des mules, des ânes et des lamas, les chemins à voiture étant inconnus dans la Sierra. | Des européens, italiens ou allemands, avaient construit à la hâte, près de la station, des maisons de planches, pour y écorcher les voyageurs. Je venais d'entrer dans l’un de ces hôtels improvisés lorsque des gouttes de sueur froide, minuscules comme des têtes d’épingle, me perlèrent au front, j'avais des bourdon- nements dans les oreilles et le besoin d’aspirer l'air à fortes lampées. J’épr'ouvai en somme un malaise passager confi- nant à la syncope. C'était ce que l’on appelle au Pérou le soroché et en France le mal des montagnes. En faisant l’as- cension du Mont-Blanc, j'avais éprouvé des symptômes plus ou moins semblables et les avais attribués à l’excës de fa- tigue ; ici je ne pouvais me méprendre, étant arrivé assis sur le coussin rembourré d’un compartiment de première classe. Au diner de table d'hôte, plusieurs señoritas quit- tèrent la salle, comme si elles eussent été à bord d’un paque- bot un jour de gros temps. Les habitants du pays attribuent à tort le soroché à l’action des masses métalliques enfermées sous l’écorce de la Cordillère, c’est pourquoi ils le désignent aussi sous le nom de veta (veine ou filon). Je crois que ses premiers effets, généralement de peu de durée, sont dûüs autant à la diminution de densité des couches atmosphé- riques dans les hautes régions qu’au manque d'oxygène. L'air qui s'échappe du corps de l’ascensionniste par tous ses pores est remplacé, lorsqu'il redescend dans la plaine, par de l’air nouveau, et je m'imagine que cette douche inté- rieure est éminemment hygiénique. Le lendemain matin, je recevais les piqüres du froid sur une roche d’où je pouvais contempler, comme d’une stalle — 248 — de première galerie au théâtre, le fond d’entonnoir où sont les ruines de Chicla. Le soleil levant saluait la cime de l’un des versants de la quebrada, lustrant d’un glacis lumineux les herbes jaunies qui bordaient ses crêtes. Au dessous de cette zone semée de poudre d’or, les pentes de la montagne couvertes darbrisseaux gris, baignés dans la rosée, sor- taient à peine des teintes neutres de la nuit. Ces arbrisseaux, à fleur violette. que les botanistes appellent des Chuquira- gas et les quichuas des Taruis, font pendant, sur les flancs des Andes, aux rhododendrons des Alpes. À mes pieds, il y avait, autour de la gare, un fourmillement confus d'hommes et de bêtes. Des indiens aux ponchos bruns, aux chapeaux de feutre coniques, aux sandales découpées dans une peau de bœuf, faisaient cuire leur soupe en plein air sur des feux de brindilles et de fiente sèche. Des mules caparaçonnées étaient prêtes à partir, des ânes se roulaient dans la poussière ou se rendaient le mutuel service de se gratter l’échine avec les dents. Mais, dans le cénacle des bêtes, celles qui m'intéres- saient le plus étaient les lamas. J'avais vu autrefois des lamas au Jardin des plantes, et ces moutons au long cou ne m’avaient pas, je l’avoue, frappé par leur élégance. [ei, au contraire, ils me parurent superbes avec leurs toisons diversement peintes, leur cou de cygne, leurs oreilles droites et mobiles, fines comme des feuilles de - laurier, leurs grands yeux ombragés de cils et leur queue en touffe de laine. Ils se laissaient charger et sangler docile- ment. Si d'aventure l’un d'eux montrait quelque turbulence, l’arriero (conducteur de bêtes de somme) le saisissait par les oreilles, et animal aussitôt de baisser la tête dans Pattitude d'une entière soumission. Avec une charge de 92 livres, les lamas vont aussi loin qu’on veut sans autre nourriture que celle qu'ils trouvent au bord du chemin, mais si l’on dépasse ce poids, même d’une faible quantité, ils se refusent à faire un pas et se couchent. Si vous les maltraitez, ils se vengent en vous crachant à la face, D'ailleurs les péruviens de toute — 249 — race qui ont en général peu de pitié pour les bêtes, qui, lors- qu’on leur reproche comme un indice de barbarie leur goût pour les combats de taureaux, croient répondre triompha- lement en disant : No son cristianos ! ces mêmes péruviens ont une estime particulière pour le lama, et, bien qu’il ne soit pas chrétien, ils le traitent comme un animal d’une espèce plus noble que les autres. Il mérite bien ces égards ; car les indiens de la Sierra ne se contentent pas de lui faire porter leurs fardeaux, ils mangent sa chair, se vêtent de sa laine, se chauffent avec sa fiente séchée au soleil, et, en échange, ils ne lui donnent rien, pas même un abri. Dès que les lamas sont délivrés de leurs charges, ils se répan- dent sur les pentes de la montagne d’où ils redescendront au premier coup de sifflet de leur berger. Lorsque les arrieros donnaient le signal du départ, accueilli par des bêlements de satisfaction, l’un des plus beaux sujets de la troupe, la tête et le cou ornés de bouillons de laine rouge et de cascades de grelots, ouvrait la marche, à trois pas en avant, et les autres, portant aux bouts des oreilles des banderoles qui leur flottaient sur la tête comme des ru- bans sur le bonnet d’une paysanne, les autres, dis-je, sui- vaient en files serrées, d’un mouvement si souple et si régu- lier qu'ils paraissaient onduler plutôt que marcher. J’eus la chance de trouver à Chicla un bon guide et un bon cheval. Une heure après le lever du soleil, nous chevau- chions dans le sentier des caravanes, le traditionnel poncho de laine sur le dos et le fusil de chasse en bandoulière. Au lieu de passer la Cordillère par le chemin généralement suivi, je fis une ascension plus haute, pour voir de près la neige éternelle des Andes. Un peu au dessous de la ligne de par- tage des eaux de l'Atlantique et du Pacifique, à l'altitude d'environ 4800 mètres, finissent les tapis d'herbe fine semée de fleurs naines qui reposent si doucement les yeux dans les hautes vallées, et l’on entre dans une zone où les roches nues, incrustées çà et là de léprarias, alternent avec des — 950 — ilots de neige sporadique. Mon cheval, si bon qu'il fût, avait le soroché et Ss’arrêtait tous les vingt ou trente pas. Quant à moi, j'avais payé mon contingent à Chicla et, bien que mes mains fussent livides, je n’éprouvai plus jusqu’au sommet de sérieuse indisposition. J’atteignis vers midi le col resserré entre les roches noires du mont Meiggs et un dôme recou- vert de neiges qui forment des encorbellements et des cor- niches surplombantes. Je fis deux cents pas sur cette neige d'un grain compacte et d’où le vent ne soulevait aucune poussière. J'étais entouré d’un cercle de montagnes créne- lant le ciel d’une dentelure de pics. Du côté de lorient, sur un fond de glaciers d’une blancheur mate, une première chaîne très abrupte découpait des arêtes couleur de cuivre rouge. À mes pieds, à une assez grande profondeur, plusieurs petits lacs dormaient dans la mousse. On compare souvent et avec raison la montagne à la mer. De même que dans lunet l’autre Océan les tempêtes se res- semblent, de même ces amoncellements de vagues immo- biles, soulevées par une force qui depuis s’est endormie, produisent dans les Andes et dans les Alpes une semblable et profonde impression. Sur le versant oriental, le sentier que je ne tardai pas à retrouver suit le bord des lacs où s’ébattent de nombreuses familles de canards, sarcelles, huachas, sortes d’oies d’une blancheur superbe, et autres volatiles aquatiques. Je rencon- trai aussi des perdrix grises et J’eus la chance de tuer un francolin de la grosseur d’une poule. En fait de quadrupèdes, je vis le petit cerf ardoisé des Andes aux bois courts, des vigognes, sœurs sauvages des lamas, à la précieuse toison de soie, et des biscachas, gibier fort estimé qui tient du lapin de garenne par sa couleur et sa forme générale et de l’écu- reuil par sa queue. Le fond des lacs, où se réfléchit l’imposante solitude des cimes, est parfois tapissé d’une mousse multicolore, comme le bassin du Morococha, mot qui signifie, en quichua, lac — 951 — diapré. Mais leurs eaux limpides ne sont habitées, au moins à l'étage supérieur de la Cordillère, par aucun poisson. Pen- dant que nous faisions une courte halte au bord du Moroco- cha, sous un ciel bleu que traversaient de petits nuages, pareils à des vols de cygnes , un bruit de tonnerre -retentit au dessous de nos têtes. C'était l'annonce que le mineur accomplissait sa tâche dans les flancs de la montagne qui, à cette altitude, sont farcis de minerais d'argent. Une série de pentes ondulées nous conduisit au bord de la vallée de la Oroya, dont les versants réguliers, couronnés de roches calcaires aux belles lignes horizontales, contrastent avec les dentelures aiguës du massif que nous venions de traverser. En langue quichua, Oroya signifie pont suspendu. Il y a en effet dans le village de ce nom une jolie passerelle de mimbres ou osiers sur le rio Mantaro. Lorsque nous y arri- vâmes, à la chute du jour, un orage éclatait. Bien qu’en gé- néral la pluie ne soit guère bienvenue des touristes, elle me causa cette fois une agréable impression. C'était la première pluie que je voyais tomber depuis dix-huit mois, c’est-à-dire depuis mon débarquement sur la côte péruvienne. Abrité sous l’auvent de l'auberge, j'éprouvais un charme extrême à regarder ses voiles gris flotter sur la vallée, elle me déten- dait les nerfs, je la humais avec délices. L'auberge était la seule maison que les chiliens eussent épargnée à la Oroya. En face on en bâtissait une autre des- tinée à lui faire concurrence. Aussi l’aubergiste en exercice profitait de son reste de souveraineté pour étriller les voya- geurs de la belle façon. Par exemple il vous faisait payer vingt-sept soles billets (sept francs cinquante centimes) une bouteille de bière valant à Lima trois soles. Et le reste à l'avenant. Force m'était, faute d'autre abri, de passer la nuit dans ce coupe-gorge. Après un assez maigre repas, l’auber- giste me conduisit avec les autres voyageurs jusqu’à la porte de l’unique chambre à coucher de la maison, et après nous 9 avoir dit : « Mesdames et Messieurs, voilà votre dortoir pour cette nuit, » le brigand disparut. Dans la chambre, il y avait tout juste quatre lits, et encore cétaient des lits de fer du modèle le plus étroit. Nous nous comptâmes : nous étions douze, dont trois femmes et deux moines. Ce que voyant, j'allai reconnaitre la cuisine. Dans cet étroit taudis qui ne rappelait en rien la cuisine lustrée de Drolling, régnait un vieux chinois, l’une des spécialités des fils du Céleste-Empire étant d’empoisonner les habitants du Pérou. Moyennant une gratification, cet asiatique me livra une pro- vision de champa, où mottes d'herbes sèches avec lesquelles J'entretins pendant toute la nuit un feu doux dans le poële, tandis que la pluie ruisselait sur le toit. D'ailleurs je n'aurais pu fermer l’œil, même dans un lit dont j'eusse été le seul occupant, par suite du vacarme qui se faisait au dehors. La mule de l’un des douze voyageurs étant morte en arrivant, soit de fatigue, soit du soroché, des chiens dévorants, gar- diens sans doute des ruines du village, se disputaient son cadavre, et, jusqu'au matin, ils se livrèrent à des combats acharnés au milieu d’un concert de grondements furieux et de menaces rauques. Deux heures après mon départ de la Oroya, au moment où je croisais l’ancienne route des Incas sur le haut plateau de la chaine orientale, une trentaine de vigognes passèrent de- vant moi, à deux portées de fusil, et je ne pus qu’admirer leur gracieuse allure et leur jolie couleur isabelle. De ces hauteurs couvertes de maigres pâtures, nous descendimes dans une vallée verte où réapparaissaient les cactées, les aloës et les haies d’éricinées aux fleurs de pourpre. Les chi- liens n'ayant pas fait là leur campagne incendiaire, des mai- sonnettes intactes abritaient, sous des bouquets de sureau, leurs toits de chaume fleuris comme des plates-bandes de jardin. Si l'aspect de cette vallée est charmant, en revanche les ee indiens qui l’habitent sont moins hospitaliers que les cholos et les serranos avec qui j'avais eu affaire jusque-là. Comme nous traversions un long village égrené au bord du chemin, nous entrâmes dans plusieurs maisons pour demander, moyennant payement, un peu de luzerne pour nos montures et la moindre chose à mettre sous la dent de leurs cavaliers. Partout on nous répondit que l’on n'avait rien de ce que nous cherchions. Enfin nous avisämes une maison blanche attenant à un superbe champ de luzerne qui semblait à point pour être coupée. Nous entrâmes à cheval dans la cour, parfaitement décidés à n’en pas ressortir sans avoir fait au moins manger nos bêtes, qui avaient été fort mal soignées à la Oroya et tombaient d’inanition. Le maître du logis commença par se cacher, et je n’aurais sans doute pas vu sa figure, si mon guide n’eût frappé à la porte de façon à faire comprendre qu'il avait l’intention de l’enfoncer. Lorsque le quichua se fut décidé à paraître, l'air ahuri, les cheveux débordant en mèches plates sous son bonnet, il chercha à nous démontrer que les deux mules qu'il avait dans son écurie mourraient de faim s’il distrayait de leurs rations futures une seule brassée de fourrage. — Si tu ne veux pas nous donner ta luzerne pour de Pargent, lui dit mon guide, les soldats qui viennent derrière nous sau- ront la prendre pour rien. Il ne mentait pas. Un détache- ment de cavalerie, sur lequel nous n’avions qu’une demi- journée d'avance, venait occuper un poste de la province de Tarma. Le raisonnement produisit son effet et mon cheval eut de quoi diner. Je fus moins heureux que lui. La maîtresse de la maison, qui avait aussi fini par se montrer, me jura qu'elle n'avait pas de pommes de terre. — On les avait portées en Los altos, sur les hauteurs, pour les semer; on y avait porté aussi les poules, par crainte des soldats et de leurs rabonas (femmes qui suivent les troupes en campagne). Finalement — 954 — elle nous fit griller une poignée de maïs et nous dûmes nous contenter de ce déjeuner de pigeons. Nous n'avions plus, heureusement, qu’une douzaine de kilomètres à faire pour arriver à Tarma. Une Jolie prairie, pleine d'arbres fruitiers, nous annonça la ville que l’on dé- couvre subitement d’un coude du chemin. Des groupes de pommiers en fleurs, entre- mêlés de cerisiers chargés de fruits naissants (Cera- sus Capuli), me rappelaient les doux vergers de mon pays. Et il ne fallait rien moins que ce coquet paysa- ge , rafraichi par une ré- cente ondée pour calmer un instant les légitimes do- léances de mon estomac à peu près vide depuis la veille. En arrivant à Tarma, j ap- pris que les indiens de la province de Huanta, un peu plus au Sud, avaient chassé les chiens de leur terri- toire et, par la même occa- sion , assassiné plusieurs européens. Les naturels de cette province passent pour être, meémeien temps de paix, d’un caractère moins at il 1) in KL à Caps — a SE TRS = PO deu ee Fe Sea lAe Indienne marchande de fruits de la Sierra facile que la plupart des habitants de la Sierra. D'ailleurs je dois déclarer en toute sincérité que, dans leurs démêlés avec les blancs, les torts sont loin d’être toujours du côté des indigènes. Dans mon voyage même, je fus témoin d’une scène qui le prouve. = 055 — Dans un hôtel de bourg, et dont le propriétaire était en même temps l’un des riches négociants de l’endroit, se pré- senta un indien apportant, pour la vendre, une carona, sorte de tapis tissé dans le pays et que l’on met sur le dos des mules avant d’y placer la selle. — Combien en veux-tu, lui demanda l’hôtelier. — Cinq soles papier (trente sous). Le marchand prit le tapis et le posa sur son comptoir, puis il se mit à se curer les ongles, sans avoir payé le ser- rano. Une demi-heure se passa durant laquelle la figure de l’'indigène immobile devant le comptoir comme un soldat au port d'armes, exprima tous les degrés de l’inquiétude. Il avait fait plusieurs lieues pour venir vendre à la ville cette carona. Toutefois il n’osait ouvrir la bouche. Sur un signe de l'acheteur, un garçon d'hôtel enleva le tapis, pour le porter au magasin, dans une maison voisine. L’indien, qui n'avait pas reçu son paiement et craignait de l’attendre toujours, sortit derrière lui, et, arrivé dans la rue, lui prit l’objet des mains en disant que c'était sa propriété. Malgré son air distrait, le négociant n'avait pas perdu un détail de cette scène. Saisissant un bâton, 1l se précipita sur le pauvre diable, lui en asséna une demi douzaine de coups sur le dos et finit par le lui casser sur la figure. Le malheu- reux demandait grâce en crachant ses dents. [ s’éloigna tout ensanglanté, et il n’est certes pas revenu depuis réclamer la valeur de sa carona, que l’honnête marchand n’avait pas ou- blié de lui reprendre. L’acte barbare avait été si rapidement exécuté, que lorsque j'arrivai dans la rue, il ne me resta plus qu’à apprendre à son auteur qu’il venait de se comporter comme une brute. Quant aux habitants de l'hôtel, alors en train de prendre leur café, ils étaient sans doute accoutumés à de pareilles scènes, car ils ne parurent nullement s’en émouvoir et ne firent aucune réflexion. Y aurait-il lieu de s’étonner que l’indien battu et volé fut allé se joindre aux Montoneros pour se venger ? Les Montoneros précèdent et suivent les troupes du gé- — 956 — néral révolutionnaire, car il y a toujours au Pérou un général révolutionnaire qui finit assez régulièrement par être nommé président de la République. S’il se trouve, parmi les Montoneros, des partisans con- vaincus faisant une honnête querrilla, il y a aussi des bandes qui, se préoccupant peu du drapeau, n’ont d'autre but que de détrousser les voyageurs et de saccager les Pueblos qu'ils rencontrent. C'était du moins ainsi autrefois. REMARQUES SUR L'OROGRAPHIE DES MONTS-JURA Par M. Georges BOYER. Séance du 9 juillet 1887. Les sciences naturelles, dans l’étude des phénomènes qui modifient sans cesse la surface du globe, se prêtent un mu- tuel appui. Tout progrès réalisé dans le domaine particulier de chacune d’elles, retentit sur leur marche générale et leur ouvre de nouveaux horizons. La géographie physique borne son champ d'action à la recherche des lois qui président à la formation des strates et à la destruction des continents ; elle tente aussi, par des investigations au plus profond des mers, de connaître les conditions d'habitat d’une foule d'animaux marins des plus étranges, ainsi que leur mode de distribution aux diverses profondeurs. Dans cette voie, les découvertes des récentes années sont des plus importantes et éclairent d’un jour nouveau plusieurs problèmes touchant aux phénomènes biologiques des êtres marins. Plus ambitieuse que sa sœur ainée, la géologie s’est donné pour mission de raconter l’histoire du Globe pendant la longue durée des âges, de reconstituer, pour chaque époque, la physionomie des continents, de tracer les limites des an- ciennes mers. La connaissance des faunes et des flores qui se sont succédé, et qui ont évolué, pendant l’immensité des temps disparus, n’est pas l’un de ses moindres soucis. Après de nombreux tâtonnements, l’étude des phénomènes a17 — 9258 — actuels a paru devoir fournir aux observateurs la base la plus sûre, pour fouiller avec profit dans les profondeurs du passé, quand bien même quelques-uns des phénomènes organiques ou inorganiques qui se développent sous nos yeux seraient insuffisants pour expliquer tous ceux qui se sont manifestés pendant les périodes écoulées. Si la géologie a bénéficié des magnifiques découvertes des géographes, — découvertes qui lui ont permis d'avancer ré- solument dans le dédale des âges disparus, — le concours qu'elle prête chaque jour à la géographie n’est pas sans in- fluencer largement les progrès de cette science. J’oserai même dire : Sans le secours de la géologie, la géographie n’est plus qu’un corps sans âme. Les géographes l’ont bien compris ; Car il ne nous suffit plus de connaître les formes extérieures, la direction d’une chaîne de montagnes et le nombre de ses chaînons, non plus que le cours d’un fleuve et de ses affluents ; lorsque nous voulons acquérir des con- naissances sur un pays, nos exigences sont plus grandes. Nous voulons connaître non-seulement l’état de choses, mais sa raison d’être. Aussi, depuis quelques années, les géographes se sont largement inspirés des données de la géologie. Tout parti- cullèrement, lorsque leur attention s’est portée sur le relief du sol et qu’ils ont voulu décrire l’hydrographie d’un bas- sin, rechercher l'orientation et pénétrer la constitution des chaînes de montagnes, ils ont consulté les mémoires et les publications géologiques. Que penserait-on, en effet, d’un architecte qui pour faire concevoir le plan d'ensemble d’un édifice ne décrirait que la toiture ? En soumettant à votre attention les quelques remarques qui m'ont été indiquées, soit par l’aspect du terrain, soit par l'examen des cartes géologiques publiées jusqu’à ce jour (1), (4) Les cartes étudiées et consultées sont les suivantes : Cartes topographiques de l’Etat-major au 1/80.000, — 959 — j'ai pour but de vous montrer comment la géologie vient, par son souffle, donner la vie à une description même som- maire des Monts-Jura. Ce sera, comme exemple, une page de géographie jurassienne qui, j'espère, ne sera pas complè- tement dénuée d'intérêt, puisque Je vois, de toutes parts, naître des sociétés locales qui témoignent, par leur essor, du développement et de l’importance que ce genre d’études a conquis durant ces dernières années. Avant d'exposer quelques considérations théoriques et orogéniques qui permettront de mieux saisir, dans son en- semble, la structure intime du Jura, de mieux apprécier les rapports d'âge et les liens qui le placent sous la dépendance des chaînes voisines, principalement des Alpes centrales, et pour apporter le plus de précision désirable dans cette es- quisse des traits généraux de sa topographie, je diviserai ce massif montagneux en cinq parties. Ces divisions, ainsi que le montrera cette étude, sont celles que la nature elle-même a tracées, grâce au jeu puissant des forces qui ont disloqué et fracturé l’épais revêtement du squelette du globe. Ces di- visions correspondent aux grandes lignes de fractures trans- versales qui sillonnent sa masse ; leur direction moyenne est jalonnée, tantôt par de profondes fissures élargies par les érosions, tantôt par des failles, voire même par des déplace- ments dans le sens horizontal, lorsqu'un changement s'opère dans la direction de l’axe d’un ploiement. Carte du dépôt des fortifications au 1/500.000, Carte géologique détaillée de France au 1/80.000. Feuilles : Gray, Besan- çon, Lons-le-Saunier, Ferrette, Carte géologique suisse au 1/100.000. Feuilles limitrophes, Carte géologique du Doubs au 1/80.000 par MM. Résa et Bové. — Observations personnelles pour les arrondissements de Saint-Claude, Nantua et Belley, dont les cartes géologiques ne sont pas publiées. — 260 — Les limites adoptées sont les suivantes : Jura méridional. — Au Sud, la ligne passant par Lagnieu, Saint-Genix d'Aoste, Entre-deux Guiers ; au Nord, la ligne Bourg, Nantua, Bellegarde. Jura occidental. — Au Nord la ligne Lons-le-Saunier, Saint-Claude, Genève. Jura central. — Région comprise entre la ligne précédente et celle de Besançon, Ornans, Pontarlier, Orbe. Jura septentrional. — Au Nord, ligne passant par Porren- truy et Bienne. Jura oriental. — Au Nord-Est de la ligne précédente jus- qu’à Dielsdorf, canton de Zurich, pointe orientale extrême du croissant Jurassien. Comme annexes ou expansions des Monts-Jura, je rattache au massif le bas plateau jurassique de Crémieu considéré par M. le professeur Lory comme le seuil méridional du Jura, puis les bourrelets qui de Marnay à Vesoul (Haute-Saône) forment le palier septentrional. | Longitudinalement, le Jura peut être divisé en trois bandes ou zones. Une bande externe correspondant au côté de la convexité, une bande interne ou côté concave, et au centre une bande médiane. La concavité étant tournée vers l’Orient, nous aurons un rebord oriental. Le rebord occidental limitera tout le côté de la convexité. | Le rebord oriental est assez nettement délimité par la ligne Dielsdorf, Baden, Aarau, Olten, Soleure, Bienne, Neuchâtel, Yverdon, Genève, Fort-l’Ecluse, la vallée du Rhône de Bel- legarde à Pierre-Châtel, le lac du Bourget et Chambéry. De cette ville aux Echelles, où finit le croissant jurassien, les Monts-Jura se soudent au massif de la Grande-Chartreuse, premier contrefort des Alpes. Le rebord, du côté de la convexité, dessine une ligne SI- — pl — nueuse rendue parfois peu apparente par la faible saillie du relief. Il est jalonné par les localités suivantes : Les Echelles, Saint-Genix d'Aoste, Lagnieu, Pont-d’Ain, Saint-Amour, Lons-le-Saunier, Arbois, Quingey, Marnay, Rigney, Montbé- liard, Ferrette, Liestal et Baden. Considéré dans son ensemble, le massif jurassien apparait comme une gigantesque terrasse se développant à l'Est. Il n’est accessible sur le rebord oriental que par quelques portes ou trouées ouvertes sur le trajet des lignes de déchi- rure ou à la faveur de cols ou dépressions très élevés, et, sur le rebord occidental, que par de profondes échancrures en- taillées dans les parois calcaires surplombant les talus mar- neux des étages keupéro-liasiques. IL. Pour apprécier avec quelque degré d’exactitude le plan architectural des Monts-Jura, 1l est nécessaire de considérer les chaînes voisines qui lui servent de cadre, et de recher- cher la part qui leur revient dans la structure interne et le modelé de cet important massif. Dans l’étude du relief d’ori- gine ou de surrection, nous ne perdrons pas de vue les ac- tions exercées à la surface par les agents d’érosion ou d’abla- tion, car tel qu'il s'offre à nos regards, sous la forme d’un grand croissant arc-bouté au Schwartzwald et aux Alpes, le Jura n’est plus qu'une ruine, principalement dans la zone externe où l’on constate la disparition de plusieurs horizons géognostiques. C’est à la suite de ces actions qui ont sculpté les affleurements des strates que s’est créée la topographie de surface ou de démantèlement dont je ferai la Juste part dans mes appréciations sur le relief des divers accidents orographiques. Quelques géologues imbus d'idées systématiques ont tenté de rattacher à plusieurs des grands systèmes de soulève- ments classés et décrits par Elie de Beaumont, notamment: nn oGo re à ceux des Alpes centrales ou occidentales, et même à ceux de la Corse et de la Côte-d'Or, les ploiements jurassiens dont les éléments constitutifs, groupes de strates calcaires ou marneuses alternantes, présentaient une direction sensible- ment parallèle à celle des grands systèmes de montagnes. Les couches plus ou moins redressées et affectées dans un même ploiement se trouvaient dès lors, par le fait seul d’un changement de direction, classées comme chaînons () d’âäges différents et séparées de l'accident orographique au- quel elles appartenaient. Cette méthode ne me paraît pas reposer sur l’observation rigoureuse des faits. Je ne prétends certes pas qu'il faille négliger les enseignements tirés des directions des grandes chaines de montagnes, et que le massif Jurassien soit, dans son ensemble, le résultat d’un seul mouvement d’exhausse- ment imprimé uniformément sur la masse. Une pareille in- terprétation serait en complet désaccord avec les faits ensei- gnés par la stratigraphie. Mais j'estime qu'il ne faut pas être trop absolu et qu'il convient de ne pas envisager les direc- tions partielles des couches enveloppantes d’un ploiement, comme un indice de l’âge de sa dislocation. Les actions exercées sur les masses stratifiées des Monts- Jura ont été nombreuses et répétées, soit qu’elles aient eu pour point de départ les mouvements qui sollicitaient les chaines voisines, Morvan, Beaujolais, Côte-d'Or, ou Alpes, soit qu’elles aient pris naissance dans ceux de tassement qui ont suivi la dislocation initiale ou qui se sont produits posté- rieurement à la suite d’effondrements par voie d’érosion sou- terraine. Les enseignements de la stratigraphie sont les seuls qui puissent fournir des indications — encore sont-elles bien in- (1) Le Jura n’est pas une chaîne, mais un plateau ridé. Il n’a pas d’axe orographique et hydrographique. L’expression chaînons employée par divers auteurs pour désigner les croupes et les lignes de crêtes ne semble pas rationnelle. — 9263 — complètes — sur les époques pendant lesquelles les divers mouvements de surrection du massif jurassien se sont ma- nifestés. Quelles sont les formations marines, lacustres ou fluviatiles les plus récentes qui ont été relevées, disloquées ou portées à diverses altitudes, dans l’intérieur des Monts-Jura et qui peuvent, par leur position stratigraphique, éclairer ce pro- blème ? Nous savons que pendant la période infra-crétacée la partie du Jura située au nord de la ligne Besançon-Baume était émergée, puisque les dépôts crétacés manquent dans cette région. M. Defranoux a découvert, en 1857, un lambeau de craie blanche aux environs de Lains (arrondissement de Lons-le- Saulnier), au lieu dit sur le Tupinet, altitude 440n. D’autres lambeaux du même étage ont été signalés par Emile Benoit à Leissard, altitude 450", et par M. d’Allerzette près du lac Genin, dans le département de l’Ain. Le terrain éocène est représenté dans la vallée de la Saône par des calcaires qui ne paraissent pas avoir été affectés par les failles de cette vallée (l), ce qui implique au moins pour ces basses régions que la dislocation est antérieure à l’âge éocène. La brèche de Narlay (2), rapportée à la même époque par M. Marcel Bertrand, est formée d'éléments néocomiens et surtout porlandiens reliés par un ciment rougeûtre. Elle est enclavée dans un pli aigu du néocomien et renversée comme lui. Tout récemment, MM. Abel Girardot et Marcel Buchin ont découvert à Grusse, altitude 500 @), des tufs à végétaux rap- (1) Note stratigraphique accompagnant la feuille de Gray de la carte géo- logique détaillée, par M. Marcel BERTRAND, ingénieur des mines. (2) Note explicative de la feuille de Lons-le-Saunier de la carte géolo- gique détaillée, par M. Marcel BERTRAND. (3) Découverte du gisement à végétaux tertiaires de Grusse (Jura). Lons le-Saunier, imprimerie Declume frères, 1887. — 964 — portés par M. de Saporta à l’oligocène supérieur ou étage miocène inférieur. « La superposition de cette formation tertiaire, disent les auteurs de la notice, sur les calcaires bathoniens, et la na- ture des éléments du conglomérat montrent quelle impor- tance avait acquise déjà, à l’époque oligocène, l’érosion de certaines parties du Jura. » De plus, la discordance de straüfication entre ces cal- caires bathoniens et la base du conglomérat suffit à indiquer que dès les premiers relèvements du Jura occidental, vers le. commencement de l’époque tertiaire, la grande côte de Grusse avait déjà pris sur le bord occidental de la chaîne une partie de son relief. Lorsque commença la formation de ce conglomérat, les strates bathoniennes de la côte d’en Haut plongeaient déjà d'environ 15° dans une direction analogue à celle qu’elles offrent aujourd’hui. » Depuis longtemps, Emile Benoît a signalé l’existence de plusieurs lambeaux de molasse marine dans le département de l'Ain, notamment à Saint-Martin de Bavel, dans le cirque de Belley. Un autre lambeau a été relevé à la Ferté, altitude 900", et se trouve au fond d’un synclinal dans le bassin néo- comien du Grandvaux. Au sud de Charbonny (), on peut rap- porter au même niveau des poudingues à cailloux impression- nés avec lits d’argiles sableuses reposant sur le néocomien. Dans tout le Jura neuchâtelois et bernois, la molasse ma- rine tapisse le fond des synclinaux. Enfin l’on sait que le dépôt le plus récent qui ait été affecté dans l’intérieur du massif jurassien est constitué par des amas de galets quartzeux ou silicatés, décrits par Greppin sous le nom dœningien et rangés à la partie supérieure du terrain tertiaire. La puissante nappe de ces galets, qui avait recou- vert uniformément une partie du Jura bernois, a été dislo- (1) Note explicative. Feuille de Lons-le-Saunier de la carte géologique détaillée, — 9265 — quée et séparée en plusieurs lambeaux par les grands ploie- ments qui ont donné naissance au val de Delémont, à celui de Laufon et de Tavanne. Ces amas de galets du Jura septen- trional et oriental sont probablement du même âge que les dépôts analogues du Jura franc-comtois répandus en nappes puissantes aux environs de Montbéliard et disséminés dans de nombreuses fentes ou fissures sur les plateaux qui bordent la vallée du Doubs. Les érosions superficielles ont parfois atteint le fond des anfractuosités qui recelaient ces cailloux et ont occasionné leur dispersion à la surface du plateau où on les rencontre souvent en assez grand nombre, mais isolés les uns des autres. Dans une précédente étude, Je les ai rattachés à l’époque quaternaire (1). Telles sont les observations fondamentales qui peuvent seules aider à fixer les différents âges, non des ploiements pris isolément, mais des régions du Jura où se sont succes- sivement répercutés les mouvements de surrection et de re- lèvement dont 1l convient de placer le point de départ dans les grandes chaines voisines. Ces données, que des recherches ultérieures viendront compléter, permettent néanmoins de considérer une partie de la zone externe du croissant jJurassien comme ayant été soumise la première à l’action des forces qui se sont mani- festées dans les massifs de la Côte-d'Or, du Morvan et du Beaujolais, dès la fin de âge de la craie ; ces premiers mou- vements ont esquissé le rebord occidental du Jura. Pendant l’époque de la molasse, la mer envahit tout le Jura oriental et partie des zones médiane et interne du massif, au sud de la ligne Besançon-Baume ; mais la zone où les cascatelles de Grusse bouillonnaient dans les bois de lauriers de la côte d'en Haut émergeait à l’état d’ilot. (1) Mémoires de la Société d’'Emulation du Doubs, 5° série, t. X, année 1885. — 266 — Dans l’âge suivant, cette mer déserte le bassin jurassien pour se cantonner dans la plaine helvétique où de puissants dépôts molassiques continuent d’être édifiés jusqu’au mo- ment où l’exhaussement de toute la région située entre les Alpes et le Jura provoque définitivement son retrait. Le Jura est dès lors esquissé et revêt déjà la forme d’un grand crois- sant. Avec la fin de l’époque tertiaire, un changement de tem- pérature amène d’abondantes chutes d’eau qui s’écoulent autour des chaînes en nappes puissantes et déposent les amas caillouteux du Jura bernois et franc-comtois. Cest alors que le plus important mouvement de surrection ébranle le massif alpin. Le contre-coup retentit puissamment sur les Monis-Jura et provoque leur dernière surélévation. Cette dernière impulsion s’est fait sentir jusque sur le re- bord occidental, sans toutefois modifier dans leurs traits généraux et essentiels les accidents orographiques déjà ébau- chés. Le relief d’origine (ploiements, plissements et déni- vellements) était créé lorsque les cours d’eau entrainaient les nombreux débris qui, sous forme d’alluvions, allèrent atterrir dans les plaines environnantes. La fente existante dans les rochers redressés du forest- marble de la citadelle de Besançon le prouve surabondam- ment. À cette époque, les vallées étaient à peine dessinées dans leurs contours et le relief général de démantèlement n'avait pas revêtu encore ses dernières formes topogra- phiques, ce qui permet d'expliquer dans une certaine mesure la présence de galets quartzeux à un niveau de près de 100m au dessus du lit actuel de la rivière. Néanmoins une autre hypothèse semblerait pouvoir expliquer lexistence de ces galets dans des fissures plus élevées, telle que celle qui a été visitée à la batterie Roland par M. le doyen Vézian. On pourrait admettre que le dernier exhaussement du massif, à la faveur duquel se sont formés les magnifiques ploiements du Jura septentrional et oriental qui ont morcelé — 967 — la nappe alluviale de l’œningien, a déterminé une suréleva- tion de toute la zone externe sans affecter autrement les formes orographiques précédemment ébauchées. Ce qui précède indique que les Monts-Jura, sous le rapport de l’âge à leur attribuer, prennent place entre la fin de la période crétacée et le commencement de l’ère quaternaire, et que leur masse a été à plusieurs reprises diversement sollicitée pendant les temps qui se sont écoulés durant l’ère tertiaire. Mais on ne constate nulle part de corrélation entre la direction des principaux ploiements et l’âge des strates les plus récentes affectées par les dislocations. La molasse, par exemple, tapisse le fond de nombreux synclinaux dont les directions sont très variables. Il n’y a pas unité de direc- tion dans les ploiements qui ont relevé les dépôts de ce sys- tème ; l'axe du synelinal de la Ferté est orienté Est 40° Nord, alors que les grands axes médiaux des vallées du Jura ber- nois ont une orientation qui passe de l’Est 20° Nord à celle de l'Est à l'Ouest, comme dans le val de Tavanne, celui d'Un- dervelier et de Delémont. Fixés approximativement sur les divers âges pendant les- quels les Monts-Jura ont acquis leur relief d’origine, nous aborderons la recherche des rapports et des liens qui les rattachent aux grandes chaines voisines. III. Cest vers la fin de l’époque crétacée que les importantes chaines du Morvan et de la Côte-d'Or ont acquis définitive- ment leur relief de surrection. Les impulsions successives qui ont retenti dans ces régions montagneuses se répercu- térent jusque vers le rebord occidental du Jura et provo- quèrent le relèvement des couches. Le grand synclinal de la vallée de la Saône fut formé en même temps que les couches se fracturèrent pour donner naissance à un faisceau étendu de failles qui détermina l’affaissement d’une zone cor- — 268 — respondante à la vallée actuelle de l’Ognon. Des paquets de sédiments découpés et séparés des masses principales s’ef- fondrèrent sur le pourtour des lignes de failles. Leur encas- trement dans les terrains plus anciens les préserva contre toute cause de destruction. Ces paquets contiennent, dans la vallée de l’Ognon, les lambeaux de létage cénomanien, dernier terme de la série des formations marines qui se sont déposées avant les fractures et dislocations des vallées. Cest vraisemblablement à la même époque et par suite des mêmes impulsions venant de l'Ouest que la zone externe du croissant jJurassien fut découpée, de Mouchard à Bourg, par un faisceau de failles ramifiées dont les lèvres dénivelées dessinèrent les premiers abrupts de la falaise Nord-occiden- tale. | Quant au pointement granitique de la Serre, son action paraît avoir été limitée plus au Nord, comme le prouverait la digitation des failles qui l’enserrent tant à l'Est qu’à l'Ouest et qui se rattachent au réseau de la vallée de l’Ognon. Mais c’est à la chaîne des Alpes que revient le rôle prépon- dérant dans l'édification et la structure des Monts-Jura. Les faits qui mettent en évidence cette influence sont de plu- sieurs ordres. Je mentionnerai tout d’abord ceux qui déri- vent de l'impulsion latérale. En première ligne se place la surélévation de toute la zone orientale. C’est, en effet, sur le versant de la Suisse et de la Savoie que les crêtes et les abrupts atteignent la cote altitudinale la plus élevée tout en s’infléchissant au Nord et au Sud depuis la Dôle et le Colom- bier de Gex qui sont les points dominants. La plupart des hauts sommets sont sur l'alignement général d’une ligne courbe qui limite, de ce côté, la saillie du massif jurassien. Les Alpes occidentales, pour se souder aux Alpes centrales, décrivent elles-mêmes une courbure régulière dont on re- trouve la direction et l’amplitude dans le grand croissant jurassien qui se présente comme un côté de la lèvre gigan- tesque de la boutonnière par laquelle les Alpes ont effectué 969 — leur surrection. Sans l’affaissement de la région intermédiaire, on pourrait dire que le Jura est comme adossé aux Alpes. Je considère les grands ploiements et les plissements de couches qui s’échelonnent depuis la concavité jusque vers la partie médiane du massif jurassien comme la résultante de la poussée produite par la chaîne des Alpes. L'orientation des axes anticlinaux ou grandes dorsales des ploiements qui sont normaux à la direction de la pression exercée et leur chan- gement -de direction me semblent pouvoir confirmer cette opinion. Ces accidents orographiques ont le plus souvent donné naissance, après la déchirure produite dans le sens de laxe médian du ploiement, à une série de crêtes plus ou moins parallèles dont la situation, dans le corps du ploiement, est en rapport avec son amplitude. Des changements de direc- tion des éléments constitutifs de l’accident orographique ont pu résulter soit des torsions subies par les strates, soit de impulsion latérale qui a continué à s’exercer sur une des faces du ploiement ; il s’est produit alors une véritable trans- lation des couches qui ont dépassé l’alignement général. Les diverses crêtes ou abrupts mis à jour après la rupture du ploiement dessinent à la surface du Jura une série de lignes brisées, généralement parallèles entre elles, dont les faisceaux placés bout à bout, aux points de changement de direction, apparaissent comme des rides gigantesques ondu- lant sur le flanc des Alpes. En pouvait-il être autrement à la surface d’une masse stra- üfiée sollicitée comme l’a été le Jura, et obligée de se mouler suivant une ligne conforme à celle de la grande courbure des Alpes ? É Une des conséquences de ce mouvement d’impulsion laté- rale qui s’est propagé dans toute l’étendue du massif juras- sien, a été la dislocation, puis le dénivellement des masses stratifiées découpées en fragments prismatiques comme dans une sorte de dallage. L'examen des différentes cotes altitudi- — 970 — nales des principaux affleurements du lias fera encore mieux apprécier les déformations subies par les strates. Sur le rebord Nord-occidental, au pied des abrupts cal- caires qui constituent la falaise jurassienne, de Saint-Amour à Lons-le-Saunier, Poligny et Mouchard, et notamment le long des parois verticales des nombreuses échancrures, le lias affleure à 300m, 400%, 500" et même 600% dans le Jura salinois. La zone externe, principalement au sud de Salins jusqu’à Lons-le-Saunier et Orgelet, est une des moins dislo- quée ; c’est la région type des plateaux. Comme les strates bajociennes sensiblement horizontales qui affleurent à la sur- face de toute cette région, le lias qui lui est subordonné a conservé également son horizontalité. La nappe de ce dépôt, à en juger par la position et l'altitude des couches qui le re- couvrent, se trouve à une altitude moyenne de 400. Cette cote servira de terme de comparaison pour la zone externe. Dans les environs de Saint-Claude, au pont de Rochefort, le lias affleure à 400. Au crêt de Chalam, il a été relevé jus- qu'à 1400" ; mais ce sont là des faits exceptionnels qui ne peuvent servir de base, dans une vue d'ensemble, à une saine appréciation des dislocations. Bien que les affleure- ments de cet étage soient rarement à découvert dans la ré- gion élevée des Monis-Jura, il existe entre les croupes cons- tituées par les rochers de la série du jurassique supérieur quelques grandes dorsales bathoniennes qui permettent d’a- dopter une moyenne de 700% comme position du lias non apparent dans la zone interne. Il reste à déterminer le niveau de cet étage dans la zone médiane. Pour obtenir la moyenne de ce niveau, il convient de choisir les surfaces le moins mouvementées que leur uni- formité peut à juste titre faire considérer comme les plateaux des Monts-Jura (1). Prenons les environs de Champagnole, de Nozeroy et de Pontarlier. (1) La zone des plateaux est confinée à l'Est par des rangées successives — 971 — Les grandes divisions établies dans la série jJurassique, en y comprenant le revêtement crétacé, ont de haut en bas les épaisseurs suivantes : Néocomien urgonien (pars)... ..... 400" lurassique Supérieur... 0.) 390 Oxfordien (faciès argovien). ........ 120 douliheniéreure trs. 200 SOlten lotalité une épaisseur de... :... 110 au dessus de l'étage du lias. Le lias étant recouvert par l’oolithe inférieure, il résulte que pour l’atteindre par un forage, il faudrait traverser tout ou partie des étages ci-dessus mentionnés, suivant la divi- sion à laquelle appartiendrait la couche superficielle ; et le forage sera d'autant plus profond que son amorce se trou- vera dans un terrain d'âge plus récent. Aïnsi, au sud de Champagnole s’élève un vaste plateau peu disloqué, dont l'altitude à Safloz est 682%. Or cette localité est bâtie sur l’astartien, qui affleure sur la plus grande éten- due de ce plateau. IL faudrait dès lors creuser 500" pour avenue le as. ht de 682 — 500 — 182. À Nozeroy, petite ville située au centre d’un val très évasé recouvert par le néocomien, le forage devrait traverser tous les terrains mentionnés, soit 770, L’altitude du fond du val éstide 8900, .... du ion 890 — 770 — 80. À Pontarlier, Frasne, La Rivière, c’est encore le néoco- mien, en partie réduit à 50" environ, qui, avec quelques affleurements tertiaires, tapisse le fond du plateau. Toutes les assises du système jurassique, soit 700% devront être tra- versées pour atteindre le lias. Or Pontarlier est à 850" . 850 — 790 — 130. | Ainsi d’après ces données, il est de toute évidence que de crêtes ou de croupes de plus en plus élevées ou de ploiements serrés les uns contre les autres. Nulle part on ne trouve la disposition en gradins (Les, 2e, 3, 4e plateaux) mentionnée par nombre d'auteurs. c'est dans la zone médiane du massif jurassien que le lias est au niveau le plus bas, soit en moyenne à 150. Le Jura, dans son ensemble et au point de vue de sa struc- ture interne, affecterait donc la forme d’un grand synclinal dont l’angle d’évasement rapporté à la déformation de la nappe du lias serait d'environ 170°; s’il apparaît comme une vaste terrasse d'autant plus surélevée qu’on se rapproche de la concavité, ce n’est pas à sa structure intérieure qu'il doit cette disposition, puisque les masses fragmentaires ou pris- matiques se sont affaissées dans la zone médiane comme le ferait la clef d’une voûte gigantesque. C’est bien plutôt parce que les étages des formations les plus récentes n’ont point disparu par suite d’érosion ou d’ablation dans les zones mé- diane et interne. C'est en effet dans ces zones que les Monts- Jura atteignent une altitude de plus en plus grande, à me- sure que l’on se rapproche du rebord oriental. Depuis la falaise Nord-occidentale, les différents étages de la série jurassique sont en retrait, les uns sur les autres, comme les tuiles d’un toit. Si l’on restaurait toutes les assises disparues, en ratta- chant par la pensée au relief actuel de la zone externe toutes les strates du jJurassique moyen et supérieur et du erétacé qui ont normalement recouvert le plateau de l’oolithe infé- rieure depuis Salins jusqu'à Orgelet, cette région s’élèverait à une altitude de 800 à 900. Sur quelques points fortement dénivelés, elle rivaliserait avec bon nombre de croupes ou de crêtes abruptes de la zone interne. En résumé, le massif jurassien doit sa grande altitude, du côté de la concavité du croissant, non seulement à la surélé- vation produite par l'impulsion partie des Alpes, mais aussi à la disposition des strates qui s’y rencontrent avec leur épaisseur normale, à peine atteinte par les agents de dénu- dation. RL cos ÿ ” À { Te ORNE LE AA ie Sas 7 hel : Es: — 973 — IV. Les massifs de roches primitives du Beaujolais, du Mor- van et de la Côte-d'Or à l'Ouest, des Alpes à l'Est, ont di- versement influencé les Monts-Jura. Les premières &e ces chaines ont déterminé, à l’aide de nombreuses failles, la saillie des crêtes échelonnées sur le rebord Nord-occidental. Les Alpes ont provoqué les ploiements et les plissements réguliers de la zone orientale, à la suite du mouvement d’exhaussement qui se produisit après le dépôt de la molasse marine dont quelques lambeaux ont été relevés jusqu’à 1000" d'altitude dans le Grandvaux. Deux autres chaînes, dont l’époque de l’émergement n’a pu encore être fixée d’une manière rigoureuse, les Vosges et le Schwartzwald (1), semblent avoir subi le contre-coup du dernier mouvement alpin, puisque c’est dans la partie Sud du massif vosgien que les ballons atteignent lPaltitude la plus élevée. Leur rôle, bien que purement passif, s’est néanmoins fait sentir sur la disposition et l'orientation des ploiements du Jura septentrional et oriental. Toute la masse stratifiée comprimée par les Alpes dut se ployer énergiquement et former une série de croupes ou de plis serrés, le plus sou- vent très réguliers, dont l'orientation Est 20° Nord, sur le rebord oriental, passe de l’Ouest à l'Est dans la zone mé- diane. Contrairement à l’allure générale des principales dorsales bathoniennes et des crêtes adossées, dont les directions con- cordent avec la ligne de grande courbure des Alpes, le Lo- mont, depuis Baume-les-Dames, et le Mont-Terrible se diri- (1) Les observations faites sur les Vosges et la Forêt noire portent à conclure que ces deux massifs ne se sont soulevés que postérieurement aux dépôts des terrains jJurassiques. Pendant l’époque jurassique, il n’y a pas eu de terres émergées entre le plateau central de la France et le massif de la Bohême. (NEUMAYR.) 18 — 974 — gent franchement de l’Ouest à l'Est et font de la partie Nord- occidentale du massif jurassien une région à part. Ni pla- teaux, ni failles à grand rejet qui les découpent ; tous les accidents orographiques se rapportent à un système de ploie- ments plus ou moins énergiques et prononcés. Il semblerait que les masses minérales ont dû chercher en hauteur l’espace qui leur était si parcimonieusement mesuré en surface pendant qu’elles étaient soumises aux impulsions partes des Alpes et au libre développement desquelles le soubassement des Vosges faisait obstacle. Ainsi comprimées, les strates se bosselèrent, formèrent des croupes séparées par des plis concaves, ne laissant entre elles aucun espace pour des plateaux, puis se déchirèrent suivant la ligne au grand axe du ploiement. La fissure béante mit au Jour la voûte ou grande dorsale bathonienne dans chaque ploiement, et les poussées continuant d'agir, les couches de la voûte bathonienne se fracturèrent à leur tour, se redressèrent, laissant pointer au fond de la déchirure agrandie les plus anciennes assises pincées dans le ploiement. Les surfaces ainsi affectées et contournées sont étroites relativement à la longueur des accidents orographiques. Le grand axe ou axe longitudinal médian mesure souvent 15 ou 20 kilomètres, alors que l’axe transversal est quelquefois réduit à 2 ou 5 ki- lomètres. Pour terminer cet aperçu de la structure géologique des Monts-Jura, il reste à montrer comment les autres traits gé- néraux de l’orographie ou accidents transversaux, en se rat- tachant aux grandes déchirures des Alpes, viennent témoi- gner de l'influence exercée par cette puissante chaîne sur le massif jurassien. V. De la pointe extrême du Jura méridional, les accidents transversaux s’échelonnent, en remontant le massif vers le Nord, dans l’ordre suivant : O7 10 Vallée du Rhône de Saint-Genix d'Aoste à Lagnieu. 90 Déchirure et défilé de Belley à Saint-Rambert et Ambé- BIEL. 30 Trouée de Nantua à Bellegarde (vallée effondrée). 4° Col de la Faucille et environs de Saint-Claude (étoile- ment). 5° Col de Saint-Cergues aux Rousses ; cluse de Morez; vallée de la Laime, de Saint-Claude à Syam ; vallée des Nans. 6° Déchirure de Vallorbe à Pontarlier et prolongement jus- qu'à la source de la Loue. 70 Cluses du Jura septentrional et oriental depuis Saint- Hippolyte jusqu’à Delémont, principalement les cours de la Birse et de la Sorne. L'orientation de ces trouées ou des ensellements des hautes croupes prolongée vers l'Est, au delà du massif jurassien, va se confondre avec celle des grandes déchirures des Alpes. Ainsi l'orientation Nord 30° Ouest de la faille qui a produit le relief de la dernière arête du Bugey, au dessus de Ville- bois et Lagnieu, et qui a déterminé le cours du Rhône depuis Saint-Genix Jusqu'à cette dernière localité, se retrouve dans la vallée du Guiers, depuis Saint-Genix jusqu'aux Echelles, au pied de la Grande-Chartreuse. Le défilé de Saint-Rambert à aussi la même direction que la vallée de Montmélian à Chambéry. La trouée de Nantua à Bellegarde a son prolongement dans la vallée du lac d'Annecy. Les déchirures des environs de Saint-Claude et le col de _ la Faucille se raccordent à la vallée de l’Arve, de Bonneville à Genève. Toujours même orientation Nord 55° Ouest pour la grande . lézarde qui court de la Dôle à Salins. Enfin la profonde déchirure du Valais, depuis Martigny jusqu’au lac de Genève, se poursuit à travers le massif ju- rassien par Vallorbe et Pontarlier. Ces deux dernières lignes de fracture sont les plus remar- ne quables ; elles divergent toutes deux directement du massif du Mont-Blanc. La direction des principales cluses du Jura septentrional et oriental est Nord 6° Ouest. Cette orientation se retrouve dans la vallée de Berne à Thun. On peut donc avancer d’une manière générale, abstraction faite des accidents orographiques de moindre importance et des sinuosités inhérentes au trajet de toute ligne de déchi- rure pratiquée dans une masse craquelée et découpée par des failles, que ces coupures transversales sont coordonnées à des directions moyennes qui sont celles des grandes dé- chirures des Alpes. L'étude détaillée de ces grands accidents transversaux nous montre que ces déchirures sont en relation tantôt avec le rejet des failles, tantôt avec le changement de direction des éléments d’un ploiement et qu’il existe des différences notables dans les inclinaisons, les contournements et autres accidents stratigraphiques d’un côté à l’autre de la déchirure. D'un côté il y a quelquefois plissement et de l’autre s’élève un plateau. Il arrive même qu'il n’y a pas de dislocation apparente et que toute l’action s’est bornée à un fendillement ou fissure élargie postérieurement par les agents d’érosion. L'origine de ces coupures transversales ne saurait être attri- buée exclusivement aux actions détritiques exercées par les agents atmosphériques. Les dégradations occasionnées ainsi ont seulement agrandi ces fissures dans des proportions en rapport avec la composition des masses minérales et leur degré de résistance. Malgré l'usure des strates, il est tou- jours facile de reconnaître, sur le parcours de ces grandes lézardes, les lignes de fracture originelle. Ces accidents transversaux étant, comme les ploiements, le résultat de limpulsion produite par les Alpes, peuvent être considérés comme étant de même âge que les accidents longitudinaux. Cette impulsion et les pressions latérales qui en sont déri- — 277 — vées ont été dirigées normalement et suivant des perpendi- culaires à la chaine des Alpes. Or cette chaîne se développant suivant une courbure assez régulière, il en résulte que les coupures transversales sont disposées concentriquement , d’abord dans les masses alpines pour de là se propager et s'étendre suivant les mêmes directions, jusqu'à travers le croissant jJurassien. Vr Avant d'aborder l’étude des détails topographiques des Monts-Jura et de décrire les nombreux accidents longitudi- naux et transversaux qui leur ont imprimé un cachet tout particulier et afin de justifier le choix des croupes ou des dorsales qui, au milieu du réseau inextricable d’arêtes, d’a- brupts et de crêtes, peuvent seules être considérées comme axes de direction, j’envisagerai théoriquement les diverses unités orographiques dont les éléments constitutifs, même après dislocation, ne peuvent être séparés sans fausser l’har- monie du plan architectural qui a présidé à lédification du massif jurassien. Ces unités orographiques caractérisent très distinctement, au point de vue du mode de dislocation et du modelé qui en est résulté, les diverses régions où eiles ont pris naissance. C’est ainsi qu'il existe des zones spéciales aux dénivellements par failles, des surfaces exhaussées en plateaux et d’autres où ont été localisés les grands ploiements déroulant leurs plis concaves vallées et leurs plis convexes croupes. À part quelques exceptions, la répartition dans la masse du Jura de ces unités orographiques, est la suivante : Les failles découpant les strates sur de grandes longueurs et suivant une direction concordant sensiblement avec celle de la ligne de courbure du croissant jurassien, peuvent, sauf dans quelques cas particuliers, être considérées comme acci- dents orographiques longitudinaux ; elles prédominent sur le rebord occidental, depuis le Jura méridional jusqu’à la 0 hauteur de Baume-les-Dames. Quelques-unes d’une grande importance pénètrent à l'intérieur du massif : telle est la faille qui court de Salins à Nans-sous-Sainte-Anne et Mou- thiers. Dans les régions faillées, les abrupts calcaires ou lèvres dénivelées sont la caractéristique du relief avec quel- ques plis aigus des strates au contact des lèvres sur le trajet suivi par la faille. Comme exemple, il convient de citer le rebord occidental du massif jurassien qui apparait depuis la plaine comme une longue falaise déchiquetée profondément. Les principales échancrures ou reculées savoir : les cuves de Vaux sur le rebord du Jura méridional, de Gizia près de Cousance, de Moiron et Vernantois au sud de Lons-le-Sau- nier, de Revigny, de Baume-les-Messieurs à lPorigine de la vallée de la Seille, de Vaux près Poligny, de Mesnay près d’Arbois, de Salins donnent une physionomie toute particu- lière à cette région. Ces accidents topographiques sont en relation avec les sources des rivières qui sourdent à la base des rochers cal- caires de l’oolithe inférieure, au contact de la couche im- perméable des marnes liasiques. [ls ont pris naissance à la suite de l’effondrement des roches calcaires, occasionné par le lavage et l’affouillement des assises marneuses sous-ja- centes. _ D'autres failles très remarquables sillonnent le massif. Pour n’en citer que quelques-unes, je mentionnerai celles du Grosbois et Mamirolle, et celle de Longemaison à Fuans dans le Jura central, celles d’Etival à la Frânée, des Crozets aux Planches et de la Valserine. Fait à noter : le regard des failles est tourné vers lOcci- dent. Les plateaux sont les unités orographiques les moins dis- loquées : ils sont inégalement répandus dans le Jura et doi- vent être séparés des cuvettes à bords évasés généralement confondues avec eux et envisagées comme étant le deuxième ou troisième plateau. Leurs éléments stratigraphiques sont — 9279 — restés sensiblement parallèles, tandis que dans ces hautes vallées la courbure en fond de bateau est manifeste. Les géo- graphes, dans les descriptions qu'ils ont faites des Monts- Jura, n’ont pas tenu compte de l’inclinaison des strates et de leur relèvement sur la marge de chaque val. Ils n’ont consi- déré ces régions que superficiellement et, frappés d’une uni- formité qui n’est qu'apparente, ils n’ont vu dans le massif jurassien que des plateaux étagés à diverses altitudes. La région type du plateau est celle qui s'étend à l'Est de Lons-le-Saunier et Poligny ; une autre existe au Nord de la vallée de la Loue. Enfin les ploiements se développent depuis le Jura méri- dional jusqu’au Jura oriental, dans la région la plus élevée ou zone interne du croissant Jurassien. Ils ont atteint leur plus grande régularité de formes et d’allures dans le Jura oriental ou Jura bernois. Chaque ploiement est un tout dont les parties ou éléments constitutifs ne sauraient être séparés. En effet, si la poussée ou impulsion qui détermine d’abord le bombement ou le bos- sellement des strates superficielles est relativement fable, les strates, sur toute la longueur de la ligne affectée, ne se briseront pas. L’ondulation du sol apparaîtra sous la forme d’une longue croupe (1. Voilà l'unité orographique avec son relief d’origine au premier moment de l’impulsion. Le mou- vement de poussée continuant d'agir, provoquera la fracture longitudinale de la croupe, suivant la longueur du grand axe, et deux lignes de crêtes symétriques et rectilignes, le plus souvent parallèles à la ligne de déchirure, apparaîtront. On ne peut se refuser à reconnaître que les deux abrupts ainsi formés appartiennent à une même forme orographique dont ils dérivent par dislocation, et que, si l'alignement de l’un venait à différer de l’autre, comme cela arriverait si la déchi- rure avait eu lieu diagonalement ou si l’un des côtés avait (1) Voir la planche I, — 280 — continué de ressentir seul les effets de la poussée latérale, _cette direction différente ne saurait être une indication pour séparer ces deux crêtes et les classer comme accidents oro- graphiques d’âges différents. Lorsque l’impulsion devient plus énergique et qu’elle s'exerce non seulement sur les strates superficielles, mais sur toute la série des assises jurassiques, jusqu’à 800 et 1000" en profondeur — le point d'application des poussées latérales variant en profondeur pour chaque ploiement — la déchirure longitudinale produite suivant le grand axe du ploiement amènera au Jour des strates diversement inclinées ou re- dressées et jusqu’à celles qui auront été le plus sollicitées par Pimpulsion. Celles-là apparaitront au fond de la déchirure sous la forme d’une dorsale à pli plus ou moins aigu. À droite et à gauche de cette dorsale qui fournit l'axe de direction de l’accident orographique, les strates supérieures brisées se coordonnent deux à deux d’un côté à l’autre de la déchi- D IAUERES N’est-1l pas dès lors évident que tous les éléments, plus ou moins rectilignes et parallèles du ploiement déchiré, sont fonction d’un même accident orographique, de la même unité et qu'ils sont inséparables? On ne saurait done, pour juger convenablement de l’orographie du massif jurassien, consi- dérer les éléments d’un ploiement comme des chaînons in- dépendants, soit parce qu'ils dominent par leur altitude la dorsale du ploiement, soit parce qu’ils paraissent s’en déta- cher à la suite d’un changement de direction ; pris isolément, ils ne peuvent non plus fournir d'indice pour la fixation de Pâge de laccident orographique auquel ils appartiennent, par le fait seul d’une orientation semblable à celle de tel ou tel grand système de montagnes. Pour terminer l’exposé de ces considérations relatives au relief d’origine, il reste à mentionner quelques observations qui semblent de nature à faire admettre, comme cause orogé- nique des ploiements, les impulsions latérales, tout en pla- Dee _.. Lei SSSR ou çant à des profondeurs variables les points d'application des forces agissantes. Les plis synclinaux et anticlinaux affectent dans leur déve- loppement des surfaces plus ou moins étendues. Je réserve la dénomination de ploiements à ce genre d'accidents oro- sraphiques, lorsque les contournements de strates sont à grand rayon. Je range sous le nom de plissements les syn- clinaux ou antichinaux qui se présentent sous la forme de plis aigus à petit rayon. De nombreuses dislocations permettent de constater que c’est au fond de la déchirure d’un ploiement, sur la ligne de l'axe médian, que les strates sont le plus fortement pincées ; elles se courbent suivant un fable ravon tant que la limite de leur élasticité n’est pas dépassée. La voûte bathonienne apparaît alors le plus souvent sous l'aspect d’une véritable dorsale. Sur le territoire de Besançon, dans l’axe médian d’un important ploiement, se dresse une longue série de crêtes ou éléments d’une voüte bataonienne déchirée sur plusieurs points et dont les portions tronçonnées constituent la côte de Planoise et le soubassement de la citadelle. Or si l’on considère le rayon de courbure des strates con- tournées très appréciable, grâce aux cluses de Rivotte et de Tarragnoz, on verra qu'il ne dépasse pas 200, c’est-à-dire approximativement l’épaisseur de l’oolithe inférieure. On peut déduire de cette disposition que la nappe sous-jacente du lias doit être à peine déformée. Dans ce cas ne convient-il pas d'admettre que le point d'application de la force qui à agi sur les strates bathoniennes pour leur faire perdre leur horizon- talité, ne peut être placé au dessous du lias, puisque ce sont les strates les plus inférieures qui sont les moins disloquées ? Dans cet exemple de lPamplitude de la courbure des ro- chers de la citadelle, on constate que ce sont les strates de l'oolithe inférieure qui ont été surtout sollicitées par Pimpul- sion latérale et qui ont été soumises le plus longtemps à ce mouvement, car après la déchirure produite dans les assises — 9282 — du terrain jurassique supérieur, elles n’ont cessé d’obéir à cette poussée qui à ainsi donné naissance soit à une dorsale, soit à des crêtes bathoniennes surélevées dépassant en alti- tude les autres éléments topographiques du ploiement. Cette disposition est très fréquente dans les nombreux ploiements du Jura bernois, où l’on voit les dorsales batho- - niennes dominer de beaucoup les crêtes adossées aux flancs des ploiements. Au fond des synelinaux apparaissent les for- mations plus récentes et par conséquent les plus supérieures dans la série stratigraphique. Plus amplitude d’un ploiement a été grande, plus les dé- formations des assises ont été prononcées. Les pointements qui ont surgi au fond de la déchirure ont alors amené au jour des strates de plus en plus anciennes, mais aussi le point d'application des forces d’impulsion se trouvait de plus en plus abaissé au dessous de la couche superficielle. L'application de la force d’impulsion, lorsqu'elle s’exerce au niveau des strates les plus supérieures, a pour résultat de provoquer la formation de simples bombements du sol ou d’une série de petits plis aigus. Enfin la pesanteur elle-même, en agissant de haut en bas, a exercé, dans de nombreux cas, une action spéciale, bien que concomittante avec les actions dynamiques qui ont pris naissance dans les mouvements qui sollicitaient les grandes chaînes voisines. Son influence s’est surtout manifestée sur les formes orographiques des régions sillonnées par les failles. Les grands fragments prismatiques découpés et disposés comme un dallage ont été plus ou moins dénivelés pendant que le Jura restait soumis à l'impulsion partie des Alpes, puis ils se sont tassés en cédant aux effets de la pesanteur. Ainsi comprimées les unes contre les autres, ces masses craquelées, en même temps que des glissements s’effectuaient suivant les lignes de fracture, se plissèrent, se contournèrent de mille manières et créèrent tous ces accidents stratigra- phiques superficiels qui s’observent sur le trajet des failles. a OS TONER AR EN RE Et A : à, £ RON LT UE 7 rt 2 7 ER D À à APS »? t Y — 283 — On peut même dire que les effets de la pesanteur n’ont cessé de s’exercer depuis l’époque de la dislocation initiale. Ce sont eux qui, à la suite des érosions souterraines et des affouillements des bancs marneux, ont, à toute époque, dé- terminé de nombreux accidents locaux qui ont aécentué da- vantage le relief du Jura. En résumé, les actions réciproques des unités orographi- ques, failles, surexhaussement en plateaux et ploiements, ont concouru simultanément à l’édification du relief d’origine ; loin de rester indépendantes, elles ont agi en se groupant et en se fondant les unes avec les autres. De là la complexité des dislocations et la difficulté pour le géographe d'attribuer à chacune d'elles la part qui lui revient dans la structure in- terne du massif jurassien. « Elisée Reclus, dans une page de son magnifique ouvrage La Terre, compare les plateaux fragmentaires qui s’allongent et se suivent uniformément dans la même direction à ces chenilles qui rampent sur le sol en longue procession. » Le relief d’origine du Jura est loin de présenter une semblable uniformité. Je montrerai combien sont nombreux les acei- dents orographiques, croupes et dorsales qui s’intersectent ou qui dévient par torsions, de leur première direction. Aussi cette comparaison du savant écrivain, outre qu’elle est quelque peu hasardée, ne semble ni heureuse ni bien poé- tique. VIT. Le moment est venu de rechercher comment s’est créé le relief de démantèlement à la suite des actions exercées par les agents de dénudation, depuis l’époque où une première bande de terrain émergé a représenté le massif jurassien en voie de surrection. à l’état d’ilot ou de presqu'île, au milieu des eaux de la mer molassique. Une distinction doit tout d’abord être établie entre les | agents de dénudation, suivant que leurs actions se sont — 9284 — exercées sur une zone émergée ou non, La qualification d'agents d’ablation peut être réservée à ceux qui agissent, soit au sein des mers, soit sur leurs rivages, et celle d'agents d’érosion à ceux qui opèrent sur les continents ; tels sont les agents atmosphériques et les météores. Ce n’est pas à dire, bien que leurs actions aient été souvent très énergiques, que ces divers agents doivent toujours être invoqués pour l'explication des phénomènes à la suite des- quels un ensemble de strates parait avoir disparu. Avant de recourir à leur intervention, il convient de reconnaitre que, dans de nombreux cas, cette absence est le fait même de la dislocation. { est, par exemple, bien évident que lorsqu'une dorsale bathonienne a surgi au fond de la déchirure d’un ploiement, elle est rarement recouverte — si ce n’est par quelques lambeaux ou chapiteaux coralliens — par l’en- semble des couches de la série jurassique supérieure. Il en est de même sur l’emplacement d’une large combe keupéro- liasique. Après la déchirure, les étages supérieurs découpés ont trouvé leurs places latéralement ; quelquefois ouverture béante de la déchirure a été élargie. L'absence des couches supérieures ne peut donc, dans ces cas de dislocation, être attribuée en entier aux agents d’érosion. L'examen d’une carte géologique met bien en évidence les zones qui ont été principalement dénudées. IT est facile de constater que c’est à la surface des bas plateaux de la zone externe et au pied de la falaise Nord-occidentale que les phé- nomènes de dénudation paraissent s'être manifestement le plus développés. Les hauts plateaux et les vallées élevées ont été moins longtemps soumis à l’action des agents détritiques ; sans doute ils ont été protégés par lépais manteau des an- ciens glaciers et ont échappé partiellement à la lévigation. post-glaciaire qui à surtout balayé les basses régions du pourtour du massif. Mais tout en faisant une juste part à l’action glaciaire, il semble difficile de lui attribuer la dé- nudation générale des bas plateaux. déchets 1e — 985 — Je crois que c’est dans l’ancienneté même de l’époque de lémergement de la zone externe qu’il faut chercher lexpli- cation la plus vraisemblable de cette dénudation. La récente découverte des tufs à végétaux tertiaires de Grusse est venue confirmer l’opinion émise depuis longtemps par de nombreux géologues sur l’ancienneté de cet émerge- ment. Il faut done admettre qu'après l’âge crétacé, probablement pendant l’époque éocène, les agents de dénudation ont sculpté les affleurements relevés de la zone externe, dans quelques- unes de ses parties. Ces dénudations ont été telles qu’elles ont fait disparaitre, sur lemplacement occupé par les plateaux d’Orgelet à Poli- gny et Salins quelques assises de l'étage bathonien, tout l’oxfordien, toute la série jurassique supérieure et la forma- tion crétacée, soit en totalité près de 400 à 500" de strates. Pareille dénudation existe au Nord-Ouest de Besançon, où le lias affleure sur de larges surfaces. Un tel résultat peut-il être seulement le fait des agents atmosphériques et des météores, même agissant depuis lim- mensité des temps qui nous séparent de l’âge éocène? Je ne le pense pas et je crois qu’il y a lieu de recourir à Pablation sous-marine qui s’est exercée sur les strates en voie de re- lèvement, au fur à mesure que l'impulsion partie de l'Ouest, les faisant pénétrer dans la zone d’agitation des eaux où les vagues et les courants les détruisaient partiellement sur un point et en totalité sur d’autres. Les agents d’érosion localisant leurs effets ne pourraient seuls justifier une pareille dénudation sur des surfaces aussi étendues. Les cours d’eau, petits et grands, sont de beaucoup parmi ces derniers agents les plus puissants. Ce sont eux qui, en affouillant la base des strates, provoquent leur chute et leur glissement ; quelquefois même ils agissent à la manière des rabots et creusent de plus en plus leurs lits. Or, sur les plateaux dénudés de la zone externe, 1l n'existe aucune trace: — 986 — de courant d’eau. Il parait donc impossible d'admettre que les seuls agents atmosphériques aient pu faire disparaitre par désagrégation et lévigation 400% de rochers calcaires sensiblement horizontaux. Une seule explication peut être acceptée comme pouvant satisfaire l'esprit, c’est l’interven: tion des agents d’ablation. — a ———— © TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE 4) VIII. Jura méridional. — Cette partie du massif jurassien est très amincie. Les ploiements sont alignés suivant des direc- tions très variables : Nord-Sud à la Dent du Chat, à la mon- tagne de Parve et au Mont de l’Epine qui termine le crois- sant Jurassien. Dans le bas Bugey l'orientation des crêtes est Nord 35° Ouest. Cest la même direction que la profonde déchirure traversée par la ligne de fer de Lyon à Genève. La saillie de ce groupe est limitée au Sud par la vallée du Rhône qui suit la direction d’une importante faille dont plusieurs ramifica- tions pénètrent dans le massif et y déterminent, par dénivel- lement, une série d’abrupts en gradins. De Saint-Sorlin à Souclin et au Crêt de Pont, le lias apparaît trois fois à des hauteurs différentes. Cette disposition explique comment les M crêtes ont atteint la cote altitudinale de 40060®, pour ainsi M dire sans transition, sur ce rebord méridional du massif. Le (1) Un panorama représentant les principaux accidents topographiques des Monts-Jura à été exécuté par notre confrère M. Henri MICHEL, paysa= giste de talent, qui nous a offert très gracieusement son concours. Ce re- marquable dessin figure en tête de cette étude. Tous nos remerciements à lhabile artiste, : fl h ar FA o 6 LÉ — 987 — cirque de Belley paraît être la résultante d’une déviation et de l’écartement des grandes crêtes. Une échancrure remar- quable, les Cuves de Vaux, accidente le rebord externe, un peu au Sud d’Ambérieu. Comme dans la plupart des autres échancrures qui découpent la longue falaise occidentale, des pointements keupériens et liasiques y sont mis au jour. Un ploiement énorme a donné naissance, dans la zone in- terne, à un grand synclinal, le val Romey, et à deux anti- clinaux dirigés Nord-Sud. Ce sont, à l'Est, les croupes du grand Colombier, de Retord et du crêt du Nùû qui limitent, sur le versant oriental, la saillie du relief, depuis Culoz jus- qu'à Châtillon de Michaille. L'autre pli anticlinal laisse surgir une importante dorsale bathonienne dans les forêts qui s'étendent de Genevray à Cormaranche, aux Moussières, et de Virieu-le-Grand à Nantua. La dislocation a fracturé une série de crêtes ou de voussures jalonnées par le signal de Cormaranche, la grange de la Raie, Florence, Macconod. Dans la partie élevée du val Romey, les terrains crétacés tapissent le fond du synclinal. De Lacoux, qui domine la déchirure de Tenay à Saint- Rambert, un autre anticlinal limite à l'Ouest le val d'Haute- ville à Brenod ; sa direction est Nord 30° Est. Les crêtes ou les plissements du bathonien qui jalonnent cette direction par Cléon, Corcelles, le Molard de l’Orge et Nantua, vont se souder à Apremont avec les crêtes de lantichinal qui forment à l'Est la marge du val de Brenod. On voit là deux dorsales séparées vers Hauteville par une distance de 5 kilomètres, se rapprocher de plus en plus en resserrant le val de Brenod jusqu'aux Nevrolles. Comme dans le val Romey, les terrains crétacés représentés par létage valanginien recouvrent le fond du synclinal, Une autre vallée, celle de la Combe du Val, se développe en largeur à partir d’Izenave et de Lantenay jusqu’à Maillat et la Cluse. Les plateaux découpés en prismes fragmentaires dans le _ 086 Jurassique supérieur, et profondément déchiquetés, font leur appariton au sud de Nantua. La commune de Chevillard, située sur le plateau le plus méridional, est séparée par une profonde échancrure des Monts d’Ain entaillés par le défilé de Nantua. Les quatre déchirures transversales sont sensi- blement parallèles à une direction moyenne. Dans la zone externe, dont la limite avec la plaine est tracée par le Revermont, les déchirures de nombreux ploie- ments plus ou moins faillés et fracturés ont été agrandies par les érosions de l’Aïn. Au nord de Cerdon et de Poncin, le relief est des plus accentués. Les strates se coordonnent à partir du rebord externe. La falaise du Revermont est batho- nienne; dès qu'on s’en écarte pour se rapprocher de la zone médiane, on voit les terrains d'âge de plus en plus ré- cent affleurer notamment à Meyriat, Villereversure, le Grand- Corent et Hautecour où les affleurements sont en grande partie crétacés. Avant de s'échapper du massif, à Druillat, le Surand entaille le long de son cours les étages supérieurs de la série jurassique. La direction moyenne des rivières concorde avec celle des ploiements qui est Nord 20 Est. En laissant à part le groupe du Jura méridional isolé par la déchirure de Saint-Rambert du reste du massif, limité au Sud par le cours du Rhône, et dans lequel lorientation est totalement différente, on peut déjà constater que laligne- ment général Nord-Sud des anticlinaux voisins de la conca- vité tend à se modifier dans les zones médiane et externe. Cette disposition de deux grandes masses de strates diver- sement sollicitées, l’une s’alignant suivant la direction Nord- Sud, tandis que l’autre fait avec cette direction un angle dé 200, a eu pour résultat de dessiner dans la zone médiane deux vallées inversement juxtaposées. Tandis que le val de Brenod à Hauteville se développe en forme de triangle dont le sommet aigu est aux Neyrolles, vers le Nord, la Combe du Val a son sommet au Sud près de Lacoux et s’élargit en sens inverse du val voisin, Les sommets des triangles sont formés par Se M! — 989 — l'effilement, puis par la réunion des strates bathoniennes des anticlinaux. Autres remarques : les angles des sommets de ces deux vallées aboutissent chacun à une profonde déchi- rure transversale, celle de Chalay à Tenay au Sud, et celle de Nantua au Nord; en outre une faille découpe dans toute sa longueur l’anticlinal qui limite à l'Ouest le val d'Haute- ville à Brenod, depuis Lacoux jusqu'aux Nevyrolles. IX. Jura occidental. — Cette région, limitée au Sud par la dé- chirure transversale de Bellegarde à Nantua et au Nord par une ligne qui, du Col de la Faucille à Saint-Claude, se pour- suit à l'Ouest par Valfin, les Crozets et l’étroite vallée ou coule la Frête, est une des plus remarquables de tout le massif jurassien. Les plus hautes crêtes, le Reculet et le Co- lombier de Gex, se dressent à 1720 et 1690 et bordent la concavité des Monts-Jura sur le versant Suisse. De Forens aux Molunes s’allonge la voûte bathonienne la plus élevée. Au crêt de Chalam, le lias inférieur dénivelé par une faille a été porté à la cote 1400". L'orientation de cet anticlinal, ja- onnée par une dorsale bathonienne, est Nord 400 Est; les grandes crêtes du Reculet et du Colombier s'appuient sur le flanc Est de cette voûte et se coordonnent, comme position et direction, suivant l’axe médian de l’anticlinal. La direction Nord-Sud au grand Colombier de Culoz passe à Nord 6° Est au Crêt du Nù, et dévie encore plus à l’Est avec les grands sommets du Colombier de Gex et du Reculet. C’est dans la zone interne de cette région et autour de la ville de Saint-Claude, que rayonnent les digitations étoilées d’une des plus importantes déchirures transversales du Jura, Des Bouchoux au Mont Chaumont à l'Est de Saint-Claude, et jusqu'au hameau de Tressus, se déploie une autre voûte bathonienne fracturée, au pont de Rochefort, où pointe un affleurement liasique. Son orientation est Nord 45° Est; les 19 — 9290 — crêtes des couches enveloppantes ont la même direction. De nombreuses dislocations, renversements et plissements de couches, à Montépile, au Brayon, au mont Bayard et dans le cirque de Vaucluse, compliquent singulièrement l’oro- graphie et font des environs de Saint-Claude une région à part. Le Flumen, le Tacon et la Bienne ont concouru à agran- dir toutes les vallées fracturées rayonnant autour de cette ville. Les cluses traversées par la Bienne se succèdent sans interruption de Saint-Claude à Jeurre. Dans la zone médiane de cette partie du croissant juras- sien, on retrouve le prolongement de l’anticlinal qui prend naissance, au nord de Lacoux, sur le bord de la cluse de Tenay à Saint-Rambert. Ce ploiement laisse percer la dorsale la plus importante des Monts-Jura, tant au point de vue de l’uniformité de sa direction qui se maintient Nord 30° Est, que de sa longueur. Cette dorsale ne mesure pas moins de 80 kilomètres depuis Lacoux jusqu’à la Chaux du Dombief, en passant par Nantua, Vaux les Saint-Claude, les Crozets et les Piards. Au nord de Moirans, un petit ploiement assez régulier d’ailleurs et de forme ellipsoïdale, laisse pointer la voûte bathonienne, sur une longueur de 8 kilomètres, jusqu’au point de rencontre de cette voûte avec le prolongement de la déchirure transversale parcourue par le petit affluent de V’Ain, la Frête. Toutes les crêtes subordonnées aux dorsales de ces ploie- ments s’alignent sur leurs flancs Est et Ouest en conservant une direction sensiblement parallèle à celle de l’axe médian des anticlinaux. Tels sont les abrupts qui s’adossent sur la voûte bathonienne, savoir : les forêts de Niermes et de Ma- cretet, le bois de Sièges, Grand-Châtel, les forêts de Mour- nans et de la Crochère à l’Ouest de Reverjoux, des Ecollets, puis les crêtes relevées du bassin néocomien de Saint-Lupi- cin, Cuttura, Leschères et Chaux-des-Prés dont les princi- pales sont recouvertes par les bois de la Sourda et de Ia ot LR — 991 — Joux-de-Derrière. Au delà de Chancia, la Bienne se réunit à Ain dont le cours suit le ph synclinal qui, de la Tour du Meix au Nord, se poursuit Jusqu'à Oyonnax et Isernore au Sud. Cette rivière entaille et découpe profondément tantôt les couches de la série jurassique supérieure, tantôt la formation néocomienne. Au Nord de Thoirette, dans la zone externe, les crêtes s’alignent suivant la direction Nord-Sud ; à la hauteur de Saint-Julien et Arinthod, elles dévient toutes légèrement à l'Est en formant un faisceau à éléments d'apparence linéaire, jusqu'à Lons-le-Saunier. Quelques pointements liasiques sont mis au Jour par les nombreuses failles qui sillonnent cette zone ; les nombreux abrupts ou lèvres dénivelées im- priment un cachet tout particulier à l’orographie de cette zone externe, principalement sur le rebord occidental. À partir d'Orgelet, on atteint la région la moins tourmen- tée, bien nettement caractérisée par de larges et longs pla- teaux dénudés, au pied desquels s’étend une bande d’affleu- rements keupéro-liasiques à peine interrompue vers l'Ouest par quelques lambeaux des étages supérieurs encastrés çà et là sur le bord des failles. Xe Jura central. — Les hautes croupes de la Dôle, du Noir- mont, du Mont Tendre et de la Dent de Vaulion dominent le rebord oriental, Non seulement la Dôle n’est plus sur le prolongement des crêtes élevées du Reculet et du Colombier de Gex, mais son orientation s’accentue davantage à l'Est et passe à Est 400 Nord. Ce changement de direction se manifeste à partir dé la ligne de coupure transversale qui passe au col de la Fau- cille. Les crêtes participent dans toute la zone interne à cette variation d’allure. L'orientation nouvelle est rendue très ap- parente par l’acuité de l'angle dont le sommet est un peu au — 999 — Sud du village de la Chaux-des-Prés et dont les deux branches ou côtés s’écartent pour former les crêtes du bois de la Joux- Devant et du bois de la Joux-Derrière. Le bassin néocomien de Saint-Laurent vient en s’effilant se terminer vers le som- met de l’angle. Cette nouvelle direction se rapproche sensi- blement de celle du cours de la Bienne qui coule de Morez à Saint-Claude au fond d’une profonde déchirure, en conser- vant l'orientation Est 40° Nord. Ne semblerait-il pas que toute la masse séparée par les lignes de coupure a pivoté en cédant à l’impulsion latérale venue de l'Est qui la sollicitait ? Une faille transversale a depuis longtemps été signalée par M. A. Favre, le savant professeur de l’Académie de Genève, dans le trajet du col de Saint-Cergues aux Rousses. Son origine doit être évidem- ment la conséquence de cette impulsion ; c’est amorce d’une grande lézarde dont la trace est décelée à l’intérieur du massif tantôt par un mouvement de translation horizontale, tantôt par des dénivellements et par une série d'accidents particuliers ; cette ligne de coupure court jusqu'aux abords de l’une des plus profondes échancrures au Sud de Salins. Elle peut à juste titre, en raison du rôle qu’elle joue vis-à-vis du système hydrographique, être considérée comme ligne magistrale de dislocation. Son trajet est le suivant : Col de Saint - Cergues, cluse de Morez, vallée de fracture de la Laime entre Saint-Laurent et Syam, vallée des Nans et son prolongement par une faille jusqu’à la forêt de Vignory. L'orientation moyenne de l’échancrure de Salins à Pont- d’'Héry pourrait même lui être rattachée. Dans la zone concave de la région du Jura central, les grands ploiements réguliers prédominent sur les autres formes orographiques. Les anticlinaux de la forêt du Mont Noir et de la forêt du Haut-Joux dont la direction est Est 400 Nord, enserrent le bassin néocomien de Saint-Laurent. La carte géologique détaillée, par M. Pingénieur des mines Bertrand, met bien en évidence les changements de direc- Reid à à doute à - ALSACE SC LR 2 EAST TE PS IS LS TRS — 9293 — tion résultant du mouvement de translation horizontale opéré sur une longueur de 10 kilomètres. Ces effets sont très ob- servables à Pont de Laime et à Morillon où les diverses for- mations géologiques sont déplacées horizontalement, d’un côté à l’autre de la ligne de déchirure. La zone médiane est surtout caractérisée par deux larges plateaux bien nettement séparés par un accident orogra- phique remarquable tant par la rectilignité de sa direction que par son étendue : la côte de l’Euthe. Cette arête est le prolongement dévié de la voûte bathonienne rompue et frac- turée suivant son grand axe, qui court de Thoirette à Cornoz, Viremont, Ecrilles et Mérona pour de là se terminer à Pont- d'Héry, après un parcours de 80 kilomètres. Sa déviation à l'Est s'opère sous un angle de 30° à Binans, hameau de Pu- bly. Cette longue arête est due au rejet d’une faille ramifiée. De Montrond à Pont-d’'Héry la ramification court parallèle- ment à la faille et se maintient constamment à la même dis- tance, soit à environ 150. Deux abrupts disposés face à face, comme les murs d’escarpe et de contre-escarpe d’un retranchement, enclavent les marnes oxfordiennes qui se sont affaissées entre la faille et la ramification. Cest un fossé gigantesque d'environ 10 kilomètres de longueur. A l'Est, et le long de cette arête, s'élèvent les plateaux de Champagnole à des cotes altitudinales d'autant plus élevées que l’on s'approche du Sud. Aux environs de cette localité, le Mont Rivel, magnifique chapiteau de calcaire corallien et astartien recouvrant une pyramide marneuse, puis les escar- pements découpés et échancrés de Ney et de Gize, sont les témoins des phénomènes d’érosion qui ont démantelé les Monts-Jura. À l'Ouest de la côte de l'Euthe s'étend, depuis Orgelet jus- qu'à Salins,sun vaste plateau peu accidenté d’où les ablations ont fait disparaitre toutes les strates des terrains jJurassiques moyen et supérieur, et partie du bathonien. La dénudation a même atteint, au pied de la falaise qui dessine le relief du — 994 — rebord occidental, tout l’étage bathonien et plusieurs assises du lias. À l'exception de quelques lambeaux calcaires dé- coupés et effondrés, tous les rochers qui forment le sur- plomb de cette falaise datent de l’âge bajocien. Ce rebord occidental à été profondément entaillé et présente une série d’échancrures qui pénètrent assez avant dans l'intérieur du . massif. Ce sont : du Sud au Nord, celles de Gizia, près de Cousance, de Vernantois, de Conliège et Revigny aux envi- rons de Lons-le-Saunier; de Baume, Blois et Ladoye au Sud-Est de Voiteur; de Vaux près Poligny, de Mesnay et des Planches à l'Est d’Arbois ; puis enfin, pénétrant au cœur même du massif, celle de Salins à Pont-d'Héry. Entre Chà- teau-Châlon et Saint-Lothain, un promontoire, sorte de sal- lant calcaire en surplomb, domine à droite et à gauche toute la bordure de la falaise occidentale. La zone externe ou ceinture du vignoble correspond aux talus marneux keupéro-liasiques, depuis Vernantois, Macor- nay et Courbouzon au Sud de Lons-le-Saunier jusqu’à Mou- chard au Nord. Elle se présente en une longue bande limitée à POuest par une série de lignes de rejet peu accentuées de failles nombreuses mettant en contact, avec le lias ou le keuper, quelques lambeaux des étages supérieurs, notam- ment à Césancey, Saint-Didier, Saint-Vincent, Mantry, Sel- lières et Mouchard. Cette bande ou ceinture s’élargit de plus en plus en remontant vers le Nord et atteint sa plus grande largeur à l'Ouest de Poligny et d’Arbois. | L’abrupt de la falaise ou ligne de découpure passant par Pannessières, Château-Châlon, Plasne, Barretaine et Pupil- lin, abstraction faite des saillants et des rentrants, a exacte- ment la même direction que larête de lEuthe; toutes deux dessinent par leurs contours un plateau presque rectangu- laire, vrai type du genre. Le Jura central, coupé de l'Est à l'Ouest et divisé en deux tronçons par lPiinportante déchirure transversale mentionnée plus haut, s'étend jusqu’à la ligne passant par Ballaigue, Pon- — 995 — tarlier, Mouthier et Besançon qui forme sa limite Nord-Est avec le Jura septentrional. Sur le rebord oriental, les grandes croupes du Noiïrmont et du Mont Tendre à revêtement constitué par les puissants calcaires de la série jurassique supérieure, sont orientées Est 40° Nord. Entre cet anticlinal et celui qui court parallè- lement à l'Ouest, depuis Saint-Laurent Jusqu'au Mont-d’Or, en se déployant sous forme d’une large voussure surbaissée recouverte par les sapins du Mont Noir et du Rizoux, un im- portant synclinal recueille les eaux de l’Orbe qui se déverse dans la cuvette allongée du lac de Joux. Le bassin néocomien de Saint-Laurent se poursuit vers l'Est par Foncine-le-Haut, Châtel-Blance et la Petite-Chaux où les crêtes divergentes viennent se réunir sous un angie aigu. De Mouthe à Remoray, une ligne de coupure transversale modifie la direction Est 40° Nord ; un mouvement de trans- lation latérale s’est opéré sur un des côtés de la déchirure et a établi une communication entre le petit bassin néocomien de Reculfoz et Remoray et le synclinal voisin de Mouthe à Métabief. ; Aux Hôpitaux-Neufs, une digitation d’une autre ligne de coupure transversale, se dirigeant sur Sammt-Antome, les Granges Sainte-Marie, Vaux et Bonnevaux, provoque un nouveau changement de direction des crêtes et des croupes qui se redressent vers le Nord. Leur orientation est à Malpas Nord 25e Est. La ligne de déchirure passant aux Hôpitaux et à la Cluse les ramène, de la Cluse aux Verrières, dans leur direction normale. Un synclinal très évasé a esquissé dans la zone médiane le val néocomien de Mièges et Nozeroy, limité à l’Est par le redressement des crêtes du ploiement du Haut-Joux, et à lPOuest par les escarpements faillés de Mournans et On- glières ; ceux-ci se poursuivent le long du trajet de la lèvre dénivelée d’une faille qui court, à l’Est de Boujailles, suivant l’orientation Nord 40° Est, commune aux accidents orogra- — 996 — phiques du Jura central. La forêt du Scay, à égale distance de Boujailles et de Villers-sous-Chalamont, tapisse un chapiteau de roches calcaires du jurassique supérieur découpé en longue et étroite ellipse, au milieu d’une vaste combe oxfor- dienne. Son alignement est parallèle à celui de Pabrupt port- landien qui forme à l'Ouest la marge du val de Nozeroy. Latéralement à ce val étendu se développe à l'Ouest, dans la zone médiane du Jura central, un vaste plateau limité au Nord par la vallée de la Loue. Une faille coupe presque dia- gonalement cette région en deux parties; sa direction est Est 20° Nord. Détachée du faisceau de failles qui forme la saillie du relief du rebord occidental, à la hauteur des Ar- sures, elle se dirige sur Salins, Saizenay, Nans-sous-Sainte- Anne, Amathay et Mouthier. Les étages du terrain jurassique supérieur entrent dans la constitution de la lèvre septentrio- nale depuis le Mont Poupet jusqu'à Mouthier. Le rejet de la lèvre méridionale fait affleurer le keuper, le lias ou le bajo- cien. Le plateau de Montmahoux, Déservillers, Amancey et Chantrans est profondément découpé par les érosions qui ont mis à nu, dans les vallées de la Loue et du Lizon, les strates du bathonien. Chaque échancrure, dirigée perpendi- culairement à la vallée principale, est sillonnée par un petit cours d’eau qui sourd au contact du bathonien et des marnes oxfordiennes. Ce niveau est l'horizon des sources de la ré- Sion. La Loue, depuis Mouthier jusqu’à Châüllon, et le Lizon, de cette localité à Nans-sous-Sainte-Anne, décrivent une demi circonférence. Dans la partie supérieure voisine de la source, amorce de la vallée de la Loue est sur le prolonge- ment de la ligne de déchirure transversale qui, de Ballaigue, se dirige sur la Cluse et Pontarlier. Les phénomènes d’éro- sion qui se sont surtout manifestés le long du cours moyen et inférieur de cette rivière ne pourraient seuls expliquer la formation et l’origine de cette importante vallée, qui a dû être esquissée par une déchirure des strates. 007 Les accidents orographiques de la zone externe du Jura central revêtent, de Salins à Besançon, des formes bien dis- tinctes de celles qui la particularisent de Lons-le-Saunier à Mouchard. Ce n’est plus la longue falaise découpée dans les talus marneux du lias, avec son surplomb de rochers cal- caires ; la limite avec la plaine n’est plus aussi tranchée. D’Aïglepierre jusqu’à Byans, un ploiement remarquable par sa régularité de formes, se dirige franchement du Sud au Nord, direction de sa dorsale bathonienne. À partir de cette dernière localité, il dévie à l’Est en faisant avec le Nord un angle de 40° et conserve cette direction jusqu’au Mont Bre- gille où la dorsale plonge et disparait sous le revêtement oxtordien et corallien. [Il est plusieurs fois traversé, dans son étendue, par le Doubs, à Boussières, Avanne et Besançon. À partir du Mont Poupet, qui est le point saillant de l’oro- graphie de cette zone, une faille de premier ordre dont le rejet correspond à toute l'épaisseur du terrain jurassique, se dirige sur Montfort, Vorges, Beure et Montfaucon. Du Poupet à Vorges sa direction est Nord 8e Est; elle dévie dans son trajet de Vorges à Besançon et passe à Est 40° Nord. Plusieurs autres failles de moindre importance sillonnent la zone externe, principalement dans l'expansion du massif jurassien qui se développe au nord de Besançon et où appa- raissent quelques pointements keupéro-liasiques surmontés parfois de chapiteaux calcaires bajociens, comme à la côte de Pouilley-les Vignes. Cette expansion du Jura central s’in- fléchit en un grand synclinal où coule l’Ognon et se rattache à un ensemble de ploiements plus ou moins faillés qui, de Marnay à Vesoul, constituent le palier septentrional du mas- sif Jurassien. Au sud de Besançon, à partir d’une ligne passant par Gennes, la Vèze et Fontain, s'étend, jusqu’à la vallée de la Loue, un plateau dont l’altitude est de 400 à 500%. Aucun cours d’eau ne sillonne sa surface dans l’aire d’affleurement des rochers calcaires bajociens et bathoniens. Les eaux fil- — 998 — trent à travers les nombreuses fissures qui traversent de part en part la masse calcaire et prennent leur pente d'écoulement au contact de la couche imperméable des marnes du lias. De nombreux puits ou entonnoirs naturels existent dans l’étendue de ce plateau, véritable bassin fermé. Pour n’en citer que quelques-uns, mentionnons : près de Montrond, le puits de la belle Louise ; à Tarcenay, l’entonnoir ; près du bois d’Aglans, les neufs puits, etc., etc. Avant de terminer cette description du Jura central, nous porterons nos regards une dernière fois sur les hautes crêtes et croupes du rebord oriental, qui présentent dans leur en- semble et dans leur alignement une particularité bien digne de remarque. Leur masse, depuis Bellegarde jusqu’à Orbe, se détache nettement en avant de la ligne courbe qui des- sine la concavité du croissant jurassien ; on dirait l’escarpe ou le front d’une imposante citadelle. Entre cette avancée formée par les sommets du Credo, du Reculet, du Colombier de Gex, de la Dôle, du Noiïrmont, du Mont Tendre et de la Dent de Vaulion, et la ligne intérieure des crêtes, les étroites vallées de Chézery, de Lelex, de Mijoux, des Dappes, puis celles plus rentrantes de lOrbe et du lac de Joux, dessinent un gigantesque fossé de rempart. Or, fait à noter, cette im- posante avancée découpée dans le massif jurassien, au Sud, par la déchirure de Bellegarde à Nantua, et, au Nord, par celle des Hôpitaux à Pontarlier, se trouve en face de la partie des Alpes découpée par la grande déchirure du Valais et par celle d'Annecy à Mouthier, c’est-à-dire en face de la masse même du Mont Blanc. Il v a ainsi comme une corrélation entre les Monts-Jura et les Alpes au point de vue des zones de plus grande altitude. Cette remarque nous révèle encore les relations intimes qui existent entre ces deux massifs mon- tagneux. Dre Jura septentrional. — La zone interne de cette région est 8 ESTONIE ee — 299 — limitée à l'Est, sur le bord de la concavité, par les lacs de Neuchâtel et de Bienne dont les axes longitudinaux sont sur le prolongement de la ligne des hautes crêtes. Le Suchet, le Chasseron, le Creux du Vent, points saillants de l’orographie, s’alignent sur la direction des crêtes intérieures du Rizoux et du Mont d'Or. D’autres ploiements secondaires déterminent, par leur entrecroisement ou leur intersection, une série de vallées alternantes qui impriment à cette zone son aspect particulier. Le cours du Doubs, jusqu'à son coude à Sainte- Ursanne, forme la limite Nord-Ouest de cette zone. Les couches enveloppantes des ploiements appartiennent le plus souvent à la série jurassique supérieure ; quelques voûtes bathoniennes sont à nu, notamment au Larmont, aux Gras et au Mont Gaudichot, jusqu’au Locle et la Chaux-de- Fonds. Les aiguilles de Baulmes, le Chasseron et le Creux du Vent ont leurs arêtes taillées tantôt dans les couches bathoniennes qui jalonnent l’axe des anticlinaux, tantôt dans les couches enveloppantes. Le val de Travers, celui de la Brévine, de Ruz et de Saint-Imier sont déterminés par des plis syncli- naux dont le fond est tapissé par les formations tertiaires avec revêtements quaternaires. La direction des ploiements est variable ; les changements s’opèrent surtout par la déviation des anticlinaux après frac- ture transversale, ou par décomposition, comme au val de Ruz situé entre deux digitations du Chasseral : le Mont Da- min et le Mont Chaumont. Quelques ruz entaillent le versant septentrional du Chasseral. C’est dans le Jura septentrional que la zone médiane acquiert son plus grand développement. Le Doubs, dans son grand contour, délimite un plateau très étendu de Pontarlier à Sainte-Ursanne, Montbéliard, Baume-les-Dames, Besançon. La surface de ce plateau présente de nombreuses échancrures sur le parcours du Dessoubre dont la direction est sensible- _ ment parallèle à celle du Doubs jusqu’à Saint-Hippolyte, Ces — 300 — échancrures sont entaillées dans les parois verticales d’af- fleurements calcaires du jurassique supérieur. L’entaille des- cend en profondeur jusqu’au bathonien. Comme dans le cours inférieur de la Loue, les phénomènes d’érosion se sont ma- nifestés avec énergie ; on peut leur attribuer une grande part dans le démantèlement de cette région dont la physionomie présente une analogie frappante avec celle qui est, au Sud, sillonnée et découpée par les méandres de la Loue. Entre les vallées du Dessoubre et du Doubs, étroit bassin néocomien de Montbenoît fait suite aux bassins plus déve- loppés du Russey et de Morteau. Cest le même pli synelinal resserré par les pointements des voûtes bathoniennes du Larmont, des Gras, du Fournet, de Boulois et de Charmauvil- lers du côté du Doubs. À POuest surgissent, dans Paxe médian des ploiements, plusieurs dorsales elliptiques bathoniennes, du Mont Pelé au Mont Chaumont, et de Bélieu à Mémont. Ces accidents orographiques sont répartis et disséminés sans ordre apparent ; les plus remarquables par l'agencement régulier de leurs éléments, sont groupés entre Arc-sous-Cicon et Pierrefontaine d’une part, et entre Vennes et Plaimbois d'autre part. La dorsale la plus étendue s’allonge de Monthé- liardot à Maïîche. Deux voûtes jumelles se dressent entre Pierrefontaine et Charmoille. L'orientation des axes longitu- dinaux de ces ploiements est Est 30° Nord; ils particula- risent la région comprise entre le Dessoubre et le Lomont et relient graduellement les formes orographiques de la zone interne à celle de la zone médiane coupée transversalement de l’Ouest à l'Est par l’importante dorsale du Lomont, depuis Baume-les-Dames jusqu’à Vaufrey, point de son raccorde- ment avec le Mont Terrible. Les couches enveloppantes du Lomont, rejetées latérale- ment au Nord et au Sud, ont presque en totalité disparu, par voie d’érosion, des flancs de la dorsale bathonienne. Cà et là quelques lambeaux de corallien, découpés en chapi- teaux, recouvrent des pyramides marneuses de l’oxfordien, ur ele RUN — 301 — comme à Vyt-les-Belvoir, Valonne, Solémont et Châtel, dans le couloir de Pont-de-Roiïde. Au Nord de Belleherbe, de pro- fondes échancrures entaillent les assises coralliennes ados- sées sur le flanc de l’anticlinal; l’entaille entame les strates bathoniennes le long du cours de la Barbêche et dans le petit bassin fermé de Sancey-le-Grand qui alimente vraisembla- blement le Cusancin. Les strates des étages oxfordien et corallien couchées sur le flanc nord du Lomont ont subi moins énergiquement les actions détritiques ; de grandes nappes du corallien et de l’'astartien affleurent depuis Clerval jusqu'aux environs de Montbéliard. Le Doubs, à parür de Dampjoux, tourne brusquement au Nord et traverse le Lomont de part en part, à la faveur d’une fissure découpée suivant la ligne qui marque un changement dans la direction de la dorsale; celle-ci s’infléchit à l'Est entre Villars et Pont-et-Roide. Après un nouveau coude brusque à Mandeure, le Doubs suit de nouveau la direction Sud-Nord jusqu'à Audincourt, où par un autre coude il prend sa direc- tion définitive et rentre à l’intérieur du massif, grâce à ta cluse de Clerval. Là, une brèche entamant les calcaires ba- jociens à donné accès aux eaux de la rivière et leur a permis de commencer l’affouillement des marnes du lias; les cal- caires manquant d'appui se sont effondrés en se fragmentant et ont livré le passage. La zone externe du Jura septentrional englobe toute la ré- gion comprise entre la vallée moyenne du Doubs et celle de POgnon depuis Marnay jusqu'à Rougemont. De cette loca- lité, une ligne menée par Cubrial, Grammont et Montbéliard dessine assez nettement le bord du palier septentrional. A parür des environs de Montbozon, le cours de POgnon peut être considéré comme limite du massif. Sur sa rive droite, les basses collines de la Haute-Saône déroulent leurs replis, tandis que sur sa rive gauche les escarpements très pronon- cés de Chailluz et du bois de la Côte découpent très nette- — 302 — ment la saillie du relief dû au rejet de l’importante faille de la vallée de POgnon. La lèvre Nord-occidentale relève légè- rement les terrains Jurassiques supérieur et néocomien qui butent par faille à Auxon-Dessus contre le bajocien. Ce relè- vement des strates a déterminé la formation d’un synclinal évasé, suivant l’axe duquel coule la rivière, en se mainte- nant à distance du sillon de la faille et tout en conservant la même direction que celle-ci. Une série de pointements keu- péro-liasiques apparaissent au pied des escarpements ou au fond de cirques, comme à Miserey et Châüllon-le-Duc. D’autres affleurements liasiques pointent à Rougemontiot, Battenans et Avilley. La vallée du Doubs est séparée de celle de POgnon par un plateau accidenté, usé et raboté de tous côtés. Ce plateau se termine brusquement au Nord par le cirque keupéro-liasique d'Huanne, au milieu duquel se dresse le Mont Adam, pyra- mide marneuse découpée dans le lias et surmontée d’un cha- piteau bajocien. La direction moyenne des crêtes sur le bord de la falaise septentrionale est Est 30° Nord. Au centre du plateau, cette direction passe à Ouest-Est, principalement du bois d’Ama- gney à Vennans. C’est une première indication de la direc- tion qui se généralisera plus au Nord, au Lomont. Un important ploiement, déchiré par une faille suivant la direction même de l’axe médian avec lequel elle se confond parfois, court de Montfaucon à Baume-les-Dames ; son orien- tation est Est 25° Nord. La lèvre orientale de la faille dessine une ligne d’escarpements et d’abrupts calcaires presque con- tinus surplombant quelques affleurements liasiques comme à Laissey, Ougney-les-Douvot et Esnans. Le rejet d’une lèvre à l’autre n’est bien accentué qu'entre Montfaucon et Deluz, où le jurassique supérieur est en contact avec le bathonien. De Deluz à Baume, le Doubs suit le trajet de la faille, atta- quant dans ses méandres, tantôt les affleurements liasiques, tantôt les rochers du bajocien. — 305 — De Rougemont à Courchaton et Gonvillars, la bordure du palier septentrional des Monts -Jura est frangée de nom- breuses dentelures que les ruisseaux, affluents de lOgnon, ont agrandies en creusant leurs lits dans les talus marneux du keuper et du lias. En s’éloignant du bord de ce palier pour se rapprocher du cours du Doubs, plus au Sud, on rencontre les différents étages en retrait les uns sur les autres. C’est d’abord le keu- per et le lias en une longue bande étroite ; puis le bajocien en surplomb sur le bord de la falaise; ensuite le bathonien au centre d’un plateau à Gevray et Onans; puis les marnes oxfordiennes dont on atteint les affleurements à Mancenans où elles plongent sous le corallien. Les différents terrains sont coordonnés par rapport à un axe géognostique situé en dehors des Monts-Jura et qu'il faut reporter dans le massif vosgien. De Montbéliard à Clerval, le cours du Doubs suit le syn- clinal ployé entre le Lomont et le plateau bathonien de Ge- vray, Onans et Arcey dont les strates s’inclinent au Sud. De Vaufrey à Sainte-Ursanne, deux ploiements à dorsales bathoniennes orientées de l'Ouest à l'Est relient le Lomont au Mont Terrible. D'Esserfalon à Asuel, ils dévient de leur direction eu faisant un angle de 30°. Le pli renfermé entre ces deux ploiements à déterminé le cours du Doubs depuis son coude à Sainte-Ursanne jusqu'à Vaufrey. Le flanc nord de cette double voussure, s'étend jusqu’au delà de Porren- iruy où les affleurements superficiels appartiennent à la série jurassique supérieure. Au Sud, le Doubs contourne le sail- lant du Clos du Doubs et entaille tantôt les strates astar- tiennes, ptérotériennes et portlandiennes enveloppantes plus où moins bosselées, tantôt de petites voûtes bathoniennes se raccordant au ploiement dévié qui limite à l'Ouest, de Saint- Braix à Asuel, le val de Delémont. — 304 — XIE. Jura oriental. — Les ploiements de la zone interne sont orientés Est 20° Nord. D’énergiques pressions ont fréquem- ment provoqué la rupture des dorsales bathoniennes dont les escarpements, dans ces cas particuliers, dessinent des circonvallations ellipsoïdales au fond desquelles ont apparu des pointements keupéro-liasiques , notamment à Gunsberg, sur le rebord de la concavité. Le val de Tavannes à Court, Gansbrunnen et Matzendorf se déploie entre le Montoz, le Mont Moron et le Grattery. D’autres synclinaux, ceux de Sornetan, de Moutier-Grandval affectent la même direction Ouest-Est commune aux accidents orographiques du centre de la région ; puis ils s’infléchissent comme les ploiements qui les enclavent et suivent une direc- tion Est 20° Nord. Le val de Delémont, le plus étendu de tous, est limité au Sud par le ploiement qui s’allonge de l'Ouest à l'Est de Saint-Braix à Rebeuvelier ; au Nord par le ploiement du Mont Terrible dont la direction est aussi Ouest- Est depuis Asuel jusqu’à Erschwyl ; à l'Ouest par la croupe déviée qui a déterminé le coude du Doubs à Sainte-Ursanne, en le rejetant sur le bassin rhodamien ; à l'Est par les nom- breuses voussures qui relient les ploiements de la zone mé- diane à ceux de la zone externe auxquels ils se raccordent à partir du remarquable cirque keupéro-liasique d’Erschwyl. Ces importants ploiements qui circonserivent le val de Delé- mont et en font un centre géologique des plus intéressants, ont été depuis longtemps l’objet des plus savantes descrip- tions. Je n’insisterai pas davantage sur ce sujet, cette rapide énumération des accidents orographiques des Monts-Jura ne comportant qu'une esquisse des principaux traits de la struc- ture et du modelé du massif jurassien ; je me contenterai d'appeler l'attention sur la direction moyenne suivant la- quelle sont orientés deux grands systèmes de cluses. 1 #0 — 305 — Une de ces lignes de fracture transversale est jalonnée par les cluses de Bæœzingen à Reuchenette, au nord de Bienne; de la Hutte à Recouviller; et, parallèlement, de Souceboz à Tavannes par Pierre-Pertuis ; de Sornetan à Undervelier et Brelincourt et par celles qui ont marqué à Asuel le change- ment de direction du Mont Terrible dont les plis se déploient jusqu’à Charmoille et Laufen. La seconde ligne de fracture est amorcée à Court, dans le val de Tavannes ; elle traverse le Mont Grattery, puis le Mont Raimeux, entre Moutier et Roche. Les eaux de la Birse coulent dans cette déchirure, de Moutier à Courrendlin, avant d'atteindre le val de Delémont. Une autre cluse, celle de Delémont à Soyhière, leur sert d’issue; elles franchis- sent ensuite Jusqu'à Laufen les couches enveloppantes de la dorsale du Mont Terrible. Ainsi donc les eaux, au lieu de suivre les thalwegs des vallées de cette région et de s’y étager en lacs à différents niveaux, viennent toutes aboutir à ces deux systèmes de cluses, à la faveur desquels elles traversent perpendiculaire- ment les ploiements pour se déverser dans le bassin rhénan. Au nord de Laufen s’alignent les derniers bossellements jurassiques de la zone externe; ils s’infléchissent brusque- ment sur le versant septentrional des Monts-Jura et leurs _affleurements disparaissent sous l’épais revêtement des ter- rains tertiaires et quaternaires du Sundgau. XIIT. Les ploiements des Monts-Jura, envisagés dans leur mode de groupement où de juxtaposition, soit qu'ils dérivent les uns des autres par décomposition ou intersection, dessinent à la surface du massif des faisceaux d'éléments rectilignes placés bout à bout et répartis à peu près uniformément dans toute la zone interne ou concave, depuis Culoz jusqu’à Aarau. Ils se distinguent par la régularité de leurs formes empreintes 20 — 306 — du cachet jurassique, surtout dans le Jura méridional et oriental, c’est-à-dire aux deux extrémités effilées du erois- sant jurassien. De Salins à Besançon, dans le Jura central, ce genre d'accidents orographiques particularise le rebord occidental. D’une manière générale, l’orientation des dorsales ou axes des anticlinaux de la zone concave est la suivante : Jura méridional........ . Nord-Sud. Jura Central À AU 0 EST 402 Nord Jura septentrional... .... Est 30° Nord. Jura oriental 40% 000 ES 200 Non La direction du Lomont et du Mont Terrible fait exception à l’allure des ploiements : elle est Ouest-Est. Les synchinaux s’échelonnent dans les mêmes zones que les ploiements. Les plateaux s'étendent dans l’intérieur du massif, depuis Nantua jusqu’à Maiche ; ils sont sillonnés par quelques failles importantes. Enfin la zone externe est caractérisée soit par les abrupts ou lèvres dénivelées des failles, soit par quelques ploiements, soit par des expansions, en forme de paliers. Telle est, dans ses traits généraux, la configuration des Monts-Jura. Quelques considérations sur le régime hydrographique viendront terminer cette esquisse géographique et mettre en lumière le rôle joué par la principale déchirure transver- sale qui est comme la charnière du massif. D'un côté de cette ligne le Jura s’incline au Nord-Est, de l’autre au Sud-Ouest. Cette division correspond, en parte, aux versants rhénan et rhodanien. Cette importante déchirure transversale qui est sur le pro- longement de la vallée de Sallanches à Bonneville, s’amorce dans le massif des Monts-Jura par le col de Saint-Gergues, se poursuit par le ravin de la Bienne à Morez et la dépres- sion de Morbier à Saint-Laurent, déplace horizontalement les strates, le long de la vallée de la Laime jusqu’à Syam et pro- — 307 — voque le rejet de la lèvre occidentale de la faille de la vallée des Nans-sous-Garde-Bois. Par la Bienne d’une part, les eaux des hautes vallées s’écou- lent dans le bassin rhodanien ; par l'Ain et ses affluents, la Saime et la Lame, les eaux des plateaux de moyenne alti- tude se déversent dans le même bassin. On peut done re- garder cette ligne de déchirure comme celle de recueillement et de fil d’eau du bassin méditerranéen. R Au Nord-Est de cette ligne, les eaux tombées sur les pentes des hautes croupes du Noiïrmont, du Mont Tendre, du Mont Noir et du Mont Croz descendent dans le synclinal où miroi- tent les lacs des Rousses et de Joux, tributaires de celui de Neuchâtel. En opposition à cette voie d'écoulement dans le bassin rhé- nan, la Valserine suit le synclinal de la vallée de Mijoux et se jette dans le Rhône à Bellegarde. Un premier faîte de par- tage des bassins rhénan et rhodanien, à l’intérieur du massif, correspond au petit plateau des Rousses. Détail particulier : le faite de la toiture de l’église de ce village est lui-même une ligne de partage des eaux. Le Doubs, abstraction faite de son cours moyen et infé- rieur, appartient, par sa direction de Mouthe à Sainte-Ur- sanne, au bassin rhénan. La plateforme du Mont Rizoux et du Mont Noir, séparant les cours de la Bienne et de l’Ain de ceux du Doubs et de lOrbe, dessine un deuxième faite de partage. La multiplicité des faîtes de partage résulte de la disposi- tion des masses minérales découpées en plateaux fragmen- taires ou alignées, sous forme de crêtes ou de croupes, en rangées successives. Au centre d’une région accidentée par de nombreux ploiements plus ou moins fracturés, la ligne de partage des eaux ne peut coïncider avec une seule crête. À vrai dire, dans le Jura, ce n’est pas un faite dans l’accep- tion du mot qui peut limiter la marge séparative de deux bassins sur un point donné; c’est une aire plus ou moins — 308 — étendue d’un plateau découpé sur une ou plusieurs de ses faces. Dans quelques cas particuliers, le système hydrogra- phique se dirige dans un sens et l’orographie dans un autre. Ce qui précède montre comment la déchirure ou grande lézarde qui coupe le Jura central a déterminé, d’une part, l'écoulement vers le Rhône, par l’Aïn et la Bienne, des eaux recueilies sur son trajet, et, d'autre part, comment elle a agi sur les masses minérales, en les divisant en deux ver- sants ; elle jalonne en effet les faîtes successifs de partage qui s’échelonnent du même côté et au Nord de sa piste. Son importance géographique ne saurait être méconnue ; elle est la ligne magistrale de l’orographie jurassienne. J'espère, grâce à ces quelques remarques, avoir suffisam- ment mis en lumière l’étroite dépendance sous laquelle le Jura est placé par rapport aux Alpes. Il leur doit non seule- ment son orographie et son hypsométrie, mais les grandes lignes de l’hydrographie ; bien plus, les voies d'accès sur le versant oriental et emplacement des centres industriels ont été tracés et indiqués avec la fin des dislocations par les grandes lignes de déchirures, lézardes très atténuées des grandes coupures alpines. — 309 — SITE DE BESANCON Ce chapitre est spécialement consacré au site de Besançon, dont les formes orographiques sont des plus remarquables ; elles appartiennent à tous les types mentionnés dans cette étude. La description détaillée des principaux accidents stra- tigraphiques du territoire, d’après les principes de la géo- graphie scientifique, terminera la série de ces remarques sur l’orographie des Monts-Jura. Dans le cours de cette esquisse de topographie géologique, j'ai considéré la région Nord-Ouest du territoire de Besan- çon, jusqu’à l’Ognon, comme une expansion du massif juras- sien et j'ai montré que, dans son ensemble, le relief d’ori- gine était dû, savoir : 4e Au dénivellement, par un réseau de failles, de toute la zone située en deçà de la ligne Chemaudin, Serre, Pirey, Châtillon, Chailluz: Ces diverses localités jalonnent la pre- mière ride du Jura formée par les lèvres exhaussées de failles nombreuses dont l'orientation moyenne coïncide avec les lignes des crêtes bajociennes. 20 À l’action de deux ploiements parallèles qui prennent naissance : l’un à Pagnoz, à quelques kilomètres à l'Ouest de Poupet; l’autre au Mont Poupet même. Le premier de ces ploiements est très régulier de formes et d’allures ; il est à peine affecté par une ou deux failles aux environs d’'Abbans-Dessus, mais est tronçonné plusieurs fois par le Doubs, notamment à Aveney et Besançon. Entre Montierrand et Aveney, les crêtes parallèles de la dorsale brisée encaissent le lit du Doubs. Gette dorsale est mise à — 310 — nu jusqu'au Mont Bregille, où elle plonge sous les assises de l’oxfordien et du corallien qui supportent le fort. L’autre ploiement est affecté par une série de failles qui le découpent, dans son trajet, depuis Poupet à Montfaucon et jusqu’au delà de Deluz. Le profond sillage des oies dont la région bisontine porte l’empreinte, surgit entre deux zones de plateaux peu accidentés, mais démantelés par les agents d’érosion et d’ablation. Au Nord-Ouest c’est l’aire comprise entre Mont- ferrand, Dannemarie, Chemaudin, Pirey, Chailluz, Saint- Claude, Besançon, Avanne ; au Sud-Est, c’est le marais de Saône, puis le plateau échancré par les méandres de la Loue. Telles sont les grandes lignes de lorographie du site de Besançon. Pour l'étude de chaque accident particulier, l'ordre de description adopté sera le suivant : 1° Rebord Nord-Occidental : de Champvans à Devecey. 20 Première ride : de Dannemarie à Chailluz. 3° Plateau de Montferrand à Braillans. 4° Premier ploiement : partie comprise entre Avanne et Palente. 9° Synclinai faillé de Beure à Morre par Trôchatey. 6° Deuxième ploiement : partie comprise entre Pugey et Montfaucon. 1e Plateau d'Epeugney à Gennes. Rebord Nord-occidental : de Champvans à Devecey. — L’importante faille de la vallée de lOgnon, dont la lèvre orientale exhaussée a déterminé l’escarpe des crêtes, ne provoque plus de saillie dans le relief, à partir de Chaucenne. Elle court par Noironte, Recologne, Chazoy et Pagney pour se rattacher à la faille orientale de la Serre. Son trajet peut servir de limite, au Nord-Ouest, à l'expansion du massif Ju- rassien, jusqu’à Chazoy en face de Marnay. Une ligne arbi- ;A ef — 311 — traire partant de cette localité et aboutissant à Rozet sera, à l'Ouest, la limite de ce renflement. À Champvans réapparaissent les pointements keupériens qui ont amené presque au niveau du sol l'étage des gypses. Trois petites failles parallèles découpent les étages keupéro- liasiques. Le village de Champvans, juché sur un chapiteau bajocien, domine cette région mamelonnée, dont les collines liasiques recouvertes de quelques lambeaux oolithiques, sont les témoins des ablations qui se sont exercées sur ce rebord du massif. De Pouilley-les-Vignes à Miserey s’allonge, sur deux kilo- mètres, un étroit chapiteau bajocien ou longue arête recti- ligne et parallèle à la ligne de crête qui lui fait face à l'Est, du côté de Pirev. Entre ces deux crêtes, et au fond de la pression, pointent le lias inférieur et : keuper qu'une faille met en contact avec les étages corallien et astartien, aux abords de Miserey. Près du village d’Auxon-Dessous, la faille de la vallée de lOgnon accentue son rejet. Le lias supérieur, surmonté des rochers bajociens du Bois-sur-le-Mont, forme la lèvre ex- haussée ; le village, en contre-bas, est assis sur le kimméri- dien et le portlandien. À Auxon-Dessus, le lias est en contact avec le Donne le néocomien, le grès vert et la craie chloritée. En arrière de cette avancée du Bois-sur-le-Mont est situé le village de Miserey, au centre d’une combe keupéro-lia- sique qui débouche dans la vallée de lOgnon, au pied de l’escarpe de Châtillon. Les eaux filtrées à travers les bancs de sel gemme sont ramenées à la surface après leur satura- tion et ali nentent la saline de Miserey, dont l'établissement est dû à l’imtiative de l’architecte À. Delacroix. Une autre saline fonctionne à Châtillon où un forage profond a atteint, comme à Miserey, le niveau aquifère au contact des marnes salifères et des banes de sel gemme. Au pied de l’escarpe, entre Châtillon et Devecey, un ph du — 912 — portlandien, au contact de la faille, renferme le néocomien et le grès vert. De Tallenay à Champoux se dresse la haute muraille de Chailluz couronnée par le fort de la Dame blanche. Cette arête est un des côtés de la dorsale brisée au fond de laquelle ont pointé deux affleurements keupéro-liasiques ; la seconde ligne de crête de cette dorsale est surbaissée et encochée plusieurs fois entre Bonnay et Vieilley. Dans son ensemble, ce remarquable accident topographique revêt la forme d’une circonvallation ellipsoïdale. C’est un beau type de ploiement qui n’a été qu’effleuré par une courte digitation de la faille de l’Ognon. Giles fossilifères. — Entre Champvans et Pouilley, sur la route : affleurements du caleaire à gryphées arquées. À Mise- rey, à la sortie du petit tunnel: réthien. À Devecey, lieux dits en Courbots et en Champ-Rouge : néocomien inférieur : grès vert. Première ride : de Dannemarie à Chaïilluz. — Le plateau qui s'étend au Nord-Ouest de Besançon se sépare nettement, par sa dominance, de la zone mamelonnée du rebord ocei- dental ; c’est une longue falaise en surplomb sur les talus inarneux du lias, principalement aux environs de Serre-les- Sapins et de Pirey. Entre ces deux villages, une inflexion assez marquée détermine un col que traverse la route de Besançon à Gray. Cette première ride est constituée par les calcaires ferrugineux de la base du bajocien. Surbaissée légè- rement entre Pirey et Ecole, elle se rédresse par la crête déviée des Rancenières et par celle plus culminante de Tal- lenay qui rejoint la haute escarpe de Chailluz. Sa direction est Est 30° Nord. En avant de cette arête se détache, comme un saillant, le promontoire de Châtillon, bloc de calcaire bajocien éouron- nant un large talus découpé sur trois faces, dans les étages — 9313 — du lias. Un fort construit sur ce rocher défend la passe de Miserey. Gites fossilifères. — Col de Pouilley où le contact du bajo- cien et du lias supérieur est observable. Nouveau chemin vicinal entre Pouilley et Serre. Plateau de Montferrand à Braillans. — Ce plateau, d’ap- parence presque rectangulaire, limité au Nord-Ouest par la bande du lias qui affleure de Dannemarie aux Rancenières, confine au Sud-Est la dorsale du ploiement, de Montferrand à Besançon, et s’étend jusqu’à la ligne Thise-Braillans, au delà de la forêt de Chailluz. Sa surface est très mouvementée ; mais elle ne présente pas d’escarpements. (à et là s'élèvent quelques collines ou bossellements : La Chaille, les Tille- royes, les Monthoucons, les Torcols et plusieurs ressauts de la forêt de Chailluz. Les affleurements des strates bajociennes se développent en une large bande limitée assez exactement par la voie ferrée depuis Dannemarie à Château-Farine et par une ligne tirée de cette localité au lieu dit : les Fonds de Chailluz. L'autre partie de ce plateau, découpée de Rancenay à Sunt- Ferjeux par une faille, laisse affleurer les strates du batho- nien. Quelques lambeaux d’oxfordien forment la lèvre orien- tale de la faille, entre Rancenay et Château-Farine et à l'Ouest de Saint-Ferjeux. L’arasement de ce bas plateau a fait disparaitre 400% de strates calcaires et marneuses de la série Jurassique, ainsi que les formations d’âges plus récents. Giles fossilifères. — Pirey : carrières ouvertes dans le cal- Caire à entroques. Tranchée du chemin de fer à Ecole et Combe-au-Chien : niveau de lPostrea acuminata. Environs de Pirey et Monthoucons : calcaire à polypiers. Fortin de Champforgeron : marnes du cornbrash. Croisée des routes à Palente : cornbrash et callovien. Fort Benoît : oxfordien, — 314 — couches à pholadomuya exaltata en place et désagrégées à la surface (rognons siliceux mélangés de fossiles des couches à hemicidaris crenularis). A Premier ploiement : entre Avanne et Palente. — Les couches enveloppantes de la dorsale bathomenne de ce ploiement ont complètement disparu de son flanc Ouest. La dorsale est mise à nu, en entier, de Torpes à Besançon, et présente une série de déchirures plus ou moins profondes qui ont amené au jour le lias supérieur à Aveney et à Ro- gnon. Dans son méandre à Aveney, le Doubs pénètre au cœur du ploiement, coule sur la nappe du has, fait un circuit entre Avanne et Aveney et rentre par un coude brusque au fond du ploiement, en traversant de nouveau la crête fracturée de la dorsale. Cette rentrée s'effectue par un ruz; la rivière reste maintenue à l’intérieur du ploiement par la deuxième ligne de crête qui se dresse sur l’autre rive, comme une longue escarpe, jusqu’à la percée de Thoraise. À la côte de Planoise, la dorsale dont le sommet, sur ce point, est constitué par les rochers du bajocien, n’a pas été fracturée, mais les strates bathoniennes supérieures ployées et brisées ont été rejetées sur les flancs Ouest et Est. Au nord de cet accident topographique, une large déchirure des bancs calcaires, en forme de circonvallation ellipsoïdale, laisse pointer une étroite bande de lias qui jalonne, avec celle d'Aveney, l’axe de direction du ploiement. Cet axe. passe entre le piton de Chamuse et la crête conique de Ro- gnon ; sa direction est ensuite Chaudane et la citadelle. Comme Planoise, Rognon est un tronçon de la dorsale du ploiement; mais ici les crêtes, après fracture, ont donné naissance à deux pitons d’'inégales dimensions : Chamuse et Rognon. A l’origine, les lignes de crêtes de la dorsale devaient avoir sensiblement la même altitude entre Aveney et Besançon; Jane a db ne — 9315 — toutefois quelques entailles ou encoches ont dû être esquis- sées au moment de la dislocation ; elles ont ainsi marqué les points de séparation des différents accidents topographiques. Les agents d’ablation et d’érosion ont fait le reste, en sculp- tant les affleurements. C’est ainsi qu'ils ont agrandi les in- tervalles entre les divers tronçons du ploiement. Les crêtes de la dorsale brisée se rapprochent insensible- ment et se soudent à Chaudane. Sur ce sommet les cal- caires bajociens affleurent encore en formant un cintre qui apparait plus distinctement, sur l’autre rive du Doubs, à la citadelle dont les escarpements à pic laissent voir la tranche des strates contournées et fortement redressées, vers la porte Malpas. La dorsale se ferme de plus en plus. À la citadelle, le revèment extérieur est constitué par les couches du ba- thonien ; mais la partie supérieure de cet étage a été arasée sur l’emplacement de la forteresse. Ce n’est que de Pautre côté de la cluse de Rivotte que la dorsale est complètement fermée et intacte ; mais on ne voit que sa tranche, car elle disparait et plonge sous le revêtement des couches envelop- pantes du ploiement représentées partiellement, au Mont Bregille, par l’oxfordien et une plateforme de corallien qui supporte le fort. Le tronçon de la citadelle se détache, comme une pres- qu'ile, au milieu de la boucle du Doubs qui traverse deux fois la dorsale, à Tarragnoz et à Rivotte. L'emplacement des deux cluses a été marqué aux points de torsions subies par les strates, lors de la dislocation initiale. À peine ébauchées, elles ont été agrandies par les érosions. Sur le flanc Sud-Est de la dorsale, d’Avanne au Mont Bre- gille, s’étalent quelques lambeaux des couches envelop- pantes, principalement à Velotte, vers les Bouez, au Pont de Secours derrière la citadelle, et surtout au Mont Bregille, où le corallien et l’oxfordien affleurent sur une large surface. De Beauregard à Fontaine-Argent, un épais revêtement oxfordien dérobe aux regards le flanc Nord-Ouest de la dor- — 316 — sale dont les couches réapparaissent entre Chalezeule et Palente, presque dans leur état d’horizontalité primitive. Ainsi se termine ce remarquable ploiement dont le paro- xysme de la dislocation a été atteint, sur le territoire de Be- sançon, à Avanne et à Rognon. Le fortin de Beauregard est assis sur une plateforme de corallien, sorte de promontoire découpé dans le talus oxfor- dien de la base du Mont Bregille. Entre les deux ouvrages, une reculée entaillée dans les marnes oxfordiennes et les ro- chers coralliens en surplomb, abrite le petit village de Bre- gille. L'origine de cette échancrure peut être expliquée par l’effondrement des calcaires survenu à la suite de l’affouille- ment des marnes par les eaux du Doubs, à une époque où le lit de la rivière était plus élevé, et par la circulation sou- terraine des eaux qui alimentent le ruisseau ou source de Bregille. Le talus du Mont Bregille est placardé, dans cette échan- crure, d’éboulis puissants appelés groisières, produits par la désagrégation des roches sous l’influence des agents atmos- phériques. Un autre cône d’éboulis existe plus au Nord, aux Vareilles où il est à remarquer que le sommet du cône atteint presque le niveau de la crête rocheuse. Giles fossilifères. — Dans une carrière à proximité du chemin, entre Rognon et Chaudane : contact du lias et du bajocien. À Rognon : carrière ouverte dans le calcaire à poly- piers. Derrière la Citadelle : forest-marble et cornbrash (ab- sence des marnes fossilifères, mais placage de fossiles sur un banc); dalle nacrée représentée par des calcaires ferrugimeux ; callovien (Am. athleta), oxfordien, couches à pholadomya exaltata. Mont Bregille, au bas des vignes : excavation creusée dans les rochers du cornbrash, marnes fossilifères (horizon de Champforgeron). Beauregard : couches à phola- domya exaltata et corallien. Synclinal faillé de Beure à Morre par Trôchatey. — Le à 4 PRE ÉTÉ SET ME ITS NEC AT Éd EE nn ne y a Er CEE E + — —— — 317 — pli synclinal compris entre le ploiement qui vient d’être décrit et celui qui fera l’objet du paragraphe suivant, porte la marque de dislocations nombreuses et profondes qui lui enlèvent, pour ainsi dire, son caractère orographique normal. Ce n’est plus un pli, mais bien une terrasse relevée par l’action d’une faille secondaire détachée, vers Larnod, de la grande faille partie de Poupet. Cette faille rejoint celle de Montfaucon, à l'entrée du village de Morre. Une autre digitation passant vers la crête signalée d’Arguel vient se souder, à Maillot, au réseau de failles. De Beure jusqu’au bois de Peu, la terrasse astartienne bute contre une bande d’oxfordien. Ceite terrasse dornine le thalweg de la vallée du Doubs dont le lit est creusé dans les couches enveloppantes du ploiement adossées au flanc Sud- Est de la dorsale Planoise-Rognon-Chaudane. Les affleu- rements entaillés par la rivière appartiennent à l’oxfordien et au corallien à Velotte ; il en est de même sur la rive gauche, à Casamène où l’astartien surmontant le corallien forme une pittoresque falaise. Quelques saillies rocheuses accidentent fortement le relief de cette terrasse jusqu’à Morre. La falaise de Trôchatey au flanc de laquelle est comme suspendue la voie ferrée, n’est pas moins remarquable. Entre les deux fortins de Tousey et de Trôchatey, la faille met en contact l’astartien de la terrasse avec un lambeau de _portlandien normalement adossé avec les étages qui lui sont subordonnés, kimméridien, astartien, corallien et oxfordien, à la dorsale bathonienne de la Citadelle. Ces différents étages cédèrent au mouvement imprimé par le ploiement et se renversèrent en conservant une inclinaison de moins en moins accentuée jusqu'au point où le portlandien bute par faille à Saint-Léonard. La section de la route de Morre met en évidence la dis- position des strates qui d’abord faiblement inclinées se redressent, par un coude brusque, à la hauteur du troisième tunnel et atteignent la verticale au contact de la faille, — 318 — À l'entrée du village de Morre, les strates du portlandien sont plissées en V couché. C’est l’amorce d’un genre d’acci- dent stratigraphique qui se poursuit Jusqu'à Beure où il présente de nombreuses complications. Ce renversement a été signalé depuis longtemps par M. Grenier et étudié plus particulièrement par M. Vézian (1), doyen de la Faculté des sciences et par M. Marcel Bertrand (2), ingénieur des mines. Une branche du V est formée par les rochers de la crête des Buis qui sont presque verticaux, par l’oxfordien, le corallien et une partie de l’astartien dont les strates pré- sentent de ce côté le même degré d’inclinaison. Sur le bord de la terrasse de Trôchatey la disposition de la seconde branche n’est appréciable que par l’horizontalité des strates astartiennes, au contact de la faille. À signaler, reposant sur le portlandien déjà érodé, un conglomérat formé de galets de dolomie portlandienne pouvant être rapporté, d'après M. Marcel Bertrand, à la période d’émersion qui a précédé les dépôts crétacés. D’autres géologues l’ont considéré comme un Nagelflüuhe à matériaux jJurassiques et l’on rangé parmi les dépôts ter- tiaires. Ce conglomérat est visible le long du chemin qui conduit à la Chapelle-des-Buis, à 200% environ du chemin couvert qui relie le fortin de Tousey à celui de Trôchatey. On peut y observer les sillons d’une voie ancienne. Giles fossilifères. — Section de la route de Morre : série jurassique supérieure. Sur la terrasse, route des Buus : affleurements astartiens et kimméridiens. Fort Tousey : astartien. Deuxième ploiement : entre Pugey et Montfaucon. — De Pugey à Morre, un ploiement énergique et fortement dis- (1) Mémoires de la Société d’'Emulation du Doubs, 1873, p. 472. (2) Note stratigraphique. Feuille de Besançon de la carte géologique dé= taillée, + Fe à = 2 Sex à { ” du ae ES NS or x ie £a ent À. dat, à PAS) Li éd hab LOCRET ER Lee CAES X an SE V Pohadles Tut e de "Cr s hi von é PR NE ÉTÉ ON RESTE r, \J 4 ' . | — 319 — loqué par une faille qui le découpe presque suivant son grand axe, a amené la rupture de toute la masse calcaire qui recouvre le lias. Des pointements Kkeupériens ont même surgi dans les environs du petit hameau de Maillot. Le cirque de Pugey est bordé par les hautes crêtes bajo- ciennes de la dorsale fracturée, faisant surplomb au-dessus du talus du lias. Le signal d’Arguel attire particulièrement l'attention par ses dentelures qui rappellent le faciès alpin déchqueté Au Sud,, l'arête és \encochée enire chez Clément et chez l'Homme. Ce ruz livre passage à la route qui relie Pugey à Epeugney. Plus loin, se dresse au point le plus saillant de la ligne de crête, le fort de l'Est. A la hauteur de Morre, la route nationale franchit, par le tunnel du Trou au loup, cette même arête qui, après avoir enve- loppé le demi-cirque de Morre, se développe à l'Ouest du village de Montfaucon, en deux saillants ou promontoires calcaires. En face du piton portlandien qui supporte les ruines d’un château féodal et qui est surbaissé par une faille secondaire, se dresse une haute muraille escarpée, taillée dans les rochers bajociens ; elle est découpée en forme de rentrant. À son pied pointent les étages marneux du lias moyen et supérieur. Cette crête est le point saillant de l’orographie de la région. Aussi a-t-elle été choisie pour asseoir le plus important ouvrage de la défense du camp retranché de Besançon. C’est le plus beau type d’accident stratigraphique dû à l’action d’une faille dont la lèvre orientale () a été portée à l'altitude de 610, Le rejet accusé est de près de 700%, puisque le lias moyen est en contact et au niveau du portlandien. Le regard de cette faille est tourné vers l’occi- (1) Cette lèvre est constituée par les rochers du bajocien. St l’on reconsti- tuait le relief tel qu’il devait être, en superposant sur le bajocien les strates arasées de la série jurassique, soit 400% de roches, l'altitude se trouverait portée à 1000nm, COCEE PROS Let | COSTA — 320 — dent ainsi qu’on l’observe pour la généralité des failles du Jura. Une faille secondaire détachée, dans le vallon des Pen- deurs, de la faille principale, accompagne celle-ci sur une longueur de 12 kilomètres, en se maintenant le long de son trajet à quelques centaines de mètres. Sur le flanc de l’es- carpe elle met en contact l’astartien et le portlandien, notamment près d’Arcier. Sur le plateau de la côte de Joux sillonné par la faille principale, le bathonien a été porté au niveau de l’astartien. La piste de cette faille peut être suivie jusqu'au delà de Deluz. Elle recueille apparemment les eaux qui, par de profondes fissures, s’écoulent et filtrent souterrainement, et les conduit, en partie, sur l’orifice d’Arcier. Les strates s’infléchissant d’une manière générale vers le Sud-Est, il est peu probable que cette source serve de déversoir aux eaux du marais de Saône. En outre les marnes imperméables de l’oxfordien affleurent sur la plus grande surface du plateau ou sont recouvertes par le corallien entre Gennes et Saône. C’est là un obstacle indéniable à la filtration des eaux. À moins que de profondes lézardes ver- ticales fissurent cette masse imperméable, ce qu'aucune observation n’est venu confirmer, et que l’inclinaison des couches soit modifiée, les inductions stratigraphiques per- mettent de considérer la source d’Arcier comme subor- donnée au réseau faillé de la côte de Joux et de la côte du Mont, qui recueille vraisemblablement les eaux du plateau de Nancray. Les eaux de la cuvette de Saône qui ne sont pas captées pour les divers usages disparaissent par évaporation. Les récents et importants captages qui ont été faits n’ont pas eu pour résultat d'amener une diminution dans le débit normal de la source d’Arcier. Revenons maintenant, pour achever la description de ce ploiement, à l’autre crête bajocienne qui borde, à l'Ouest, la combe des Buis. Entre Beure et Maillot, une entaille où ruz livre passage "NERTE OUR OCTO LOGIQUE du Jura Bisontun (chelle deu:70000) Nomenclature.des terrains et abréviations Quaternaire (raiechlorité Grès vent Néocomien… Portlandien Kimméridie AKstartien Corallien Oxfordien =. Bathonien. Bajocien Biasetinfratias Keuper: prie Signes conventionnels Sommes... A Forts. = Kailles principales = Kailles secondaires Teintes gé olo giques des Poup End Ma PE LOT groupes d'étages Quaternaire Tertiaire 0olithe supérieure OxPordien Hs Q 51 t om inférieure Liasetinlratias | Kouper ” pris PORTÉES LE pure TD at GEORGES BOYER d'ap ofique de MARCEL BIURIRAND in le.& 1 4 s a Le plan relief de LOUIS CLOZ professeur de dessin diplômé à BourSoin meurt on chef d Mines à Part a carle 66o Nr 0: " LE re 4 Sociere à Eriulatroncdu Doub- 10687 COUPES THÉORIQUES DES PRINCIPAUX TYPES OROGRAPHIQUES DES MONTS-YJURA Échelle des hauteur: 1eNS D NOIOION Echelle des NonanetrS METUONOIDIOr PIONREIMMENN DésigNarion NE PAISS* DES DIAGRAMME d'| oes TERRAINS ordre Assises Quartenaire TALENTS MON MOretaice RE ———_— | LE = Oxfordriesn.....…. Ê Oolithe (Bzlhonien.. (7 infér 5 | Bajocien…, PROFIL GÉOLOGIQUE Echelle des hauteurs: 1.50. 000 Echelle des longueursE NEOMOOC | Altitude | 297 590 600 634 489 Plateau dénude a | TN D | NIVEAU ! 1 | DELA MER | ST Loruan PLASNE L'EUTHE CROTENAY LÉGEN DE : A. PR anticlinal où CHOLCRE oolithique superieure. EE P P D. Dorsale où voûte balhonienne, PAUX FAILLES ET ACCIDENTES PLISSEMENTS PS ADD f En —— ES We. MR AT DE S7T- LOTHAIN AU MONT -NOIR 1162 | DR Le VauDioux BiLLAUDE ENTRE DEUX MONTS FONCINE LE BAS Le Mont Noir int Keupérien,— S. Pli synclinal oùw val eretacé. : riches enveloppantes,. “ ie br st Emo nt Meccièle d'Emulatron du Doubs” Tee Poele: d'(5020100! TERRAINS DIAGRAMME a rs ordre Âssises Quaternaire PTIT LP D 007 92970 070 22 | Ie SPIaNTE UNE. FALAISE OCCIDENTAY Crétacé nn EUMTTENTNTIEN | Deos06s © 00 70"2"e "0" © Oolithe supérieure Oxfordien Oolithe (Balhonien | inférieure Bajocien (er < here Mes n 4 2 : | À RE K SE SI NIVEAU DELA MER SRE NV Lx SÈ Keuper. Colonne A kr GRIFFON BESANCON CITADELLE TROCHATEN CHAPELLE DES BUIS VIOTTE BEAUREGARD RIRE ST FERJEUX ROGNON LE DOUBS BREGILLE RUINES FORT MONTFAUCON VAL DA NO>»EROY BILLECUR ; al! — > LES POPBIES DIVERS ENS ANUSAD'EN LAN EOR EN DE POLLGNY GORE D EME UMA MISERE Y S STATION DE MAUXON.DESSOUS STEOLAU si STTHIÉBAUD SAIÏZENAY MONT POUPET DES. BUIS CÔTE DE POUILLEY MONT CROZ À ARSURE-ARSURETTE 6 TNT TU ra ne dia nie F te “ 15 J D (@@) ,@0) = A =) =) O = S no a Se = 0 Es) È ES TD LC] ë OC iet Muizières La Loue MaLBRANS Forèt oes Mouf: BRENOD Moiaro be r'OrGE MOvELLIER LOTA : — Pour les cinq profils de cette planche voir Le diagramme et l’échelle de PROFIL GÉOLOGIQUE DES MONTS} Monrs DE Voucnez Dessousre La Bargèche Lomonr SOMCIDIE 1 des hauteurs: Echelle | PL. 1110 MONDANS À E EULAUOU 1 VALLEE D Monts D’Ain Les Nevroures TRÉA! PLATEAU DE Mon RES DELEMONT 10RRIRBLE A JE DU LOMONT AU VAL DE RUZ 3 N. Var oe Ruz Mont Dam CHaux-0e-Fonos Es Marchanos 1200000 Echelle des longueurs: — 321 — du dehors en dedans du ploiement. Cette éoupure sert à l'écoulement des eaux vers le Doubs. Le Bout du Monde tire son nom de la disposition des rochers coralliens dont les parois abruptes circonscrivent une sorte de cirque escarpé, sans issue. Le ruisseau de Mercurot se précipite en cascade du haut de la paroi rocheuse. La ligne des crêtes se poursuit par des accidents strati- graphiques très compliqués, paquets de states découpés, redressés ou renversés, puis par la longue crête rectiligne des Buis présentant la tranche des couches relevées jusqu’à la verticale. À l'entrée du village de Morre, au point de rencontre des failles de Montfaucon et de Trôchatey, l’eau jullit en cascade à l'Enfer de Morre. Il est à remarquer que cette source, celle d’Arcier et celle de Saint-Léonard, sont échelonnées le long du trajet des fulles où aboutissent les orifices des conduits qui servent à l'écoulement souterrain des-eaux. De Pugey à Morre, sur un trajet de 8 kilomètres, la dorsale fracturée et béante laisse pointer, entre ses deux lignes de crêtes, les divers étages du lias et d'importants lambeaux de keuper d'où lon extrait le gypse, près du hameau de Maillot. _ La faille de Montfaucon sillonne le thalweg de la combe des Buis et met en contact le keuper avec les couches disloquées du corallien et du bathonien dans le voisinage de Maillot ; elie dénivelle les sous-étages du lias dont les assises marneuses ou calcaires (calcaire à gryphea arcuata) sont presque verticales le long de la crête du Mont des Buis, tandis qu’elles sont diversement inclinées sur le versant opposé. À dessus du mamelon de Mercurot est resté un lambeau des rochers bajociens. Gites fossilifères. — À Maillot : keuper, réthien, las et section naturelle des étages du jurassique supérieur jusqu'au 21 — 329 — ptérocérien. Fort de l'Est et Mont des Bis : calcaire à poly- piers. Tunnel de Morre : lias (matériaux retirés du tunnel. Plateau d'Epeugney à Gennes. — La partie non arasée des couches enveloppantes du ploiement, sur le flane Sud- Est, affleure entre Fontain et Gennes en une longue et étroite bande d’oxfordien qui plonge sous le revêtement calcaire du corallien. Un important lambeau de cet étage s'étend de la Vèze au Gratteris, formant le sous-sol imper- méable d’une portion de la cuvette du marais de Saône; l’autre portion est recouverte d’argiles quaternaires prove- nant du remaniement et de la décomposition des roches siliceuses environnantes. Le corallien forme la marge de cette cuvette, tant au Nord, qu’à l'Est et à Ouest; ses strates sont empâtées de nombreux fossiles sililceux qui, avec les rognons des couches à pholadomya exaltatla, ont, par voie de décomposition, donné naissance aux argiles. Au Sud, le plateau calcaire bajocien et bathonien mis à nu par le démantèlement, se développe sous forme d’un vaste quadrilatère limité par la ligne Mamirolle-Gratteris-Mérey- Epeugney. Au delà de cette ligne le revêtement oxfordien et corallien réapparait, mais ce vaste périmètre n’est plus dans le cadre du site de Besançon; il n'offre du reste, à part le marais de Saône, aucune particularité digne de remarque. Gites fossilifères. — Fontain et la Vèze : couches à hemi- cidaris crenularis. nn Note sur la carte orogéologique. Ba carte orogéologique qui est annexée à cette notice est l’œuvre de la maison Berthaud frères, photographes à Paris. La planimétrie a été obtenue par la photographie du relief en plâtre dû à l’habileté de M. Louis Cloz, auteur du plan-relief du Doubs et du Jura. Les teintes géologiques ont été appliquées sur les épreuves phototypiques. Nous nous plaisons à reconnaitre les soins qu'ont apportés MM. Berthaud à l'exécution de cette carte dressée par un procédé tout nouveau, et la com- plaisance qu'ils ont mise à notre disposition pendant la durée de sa con- fection. Nomenclature des terrains et abréviations. Guaternaires 2 /0Portlandien. 2... 7) Bathonien.-:.:::,...4 echoumers er... 00 -)Cmmméridien..;..:.."J,|Bajocien :.:...:.... 1 Cruecnonmtec. 2 0 lAStarliens 2297 /1l1as... 0, ..b Cnesvenee 1. Co: |Gorallen sp mfrahas.":.... 1 Néocomien........ CrelOKfordien.5.7.: 7.2: -JREUpDer he sus K Tableau des divers étages du système jurassique dans le Jura bisontin. Oolithe supérieure. Epaisseur Fossiles caracteristiques. Dolomie jaunâtre,,...... v Indéterminables. Portlandien | l > 4 Calcaires compactes........ 40 » Trigonia. | | Pinna. Calcaires subschisteux frag- \ | mentés en pavés......... 40e] Indéterminables. | - ( Exogyra virgula. LES arnes feuilletées.. EE » Arcomya. Kimméridien Calcaires marneux......... 2 0) 0 | Ter. Le ( Exogyra virgula. Calcaires compactes........ 8 » ] Pholadomya multicos- \ Marnes grises .....:., ob Der ( tata. us \ Indéterminables. Gén) nn ed en 20 » Marnes et marno-calcaires | PISOGeraS fé (Ptérocérien). . ee CS) | a Protél. Astarlien Calcaires gris, jaunâtres ... 45 » F4 » | a Calcaires marneux, marnes et Anomia et Scalaria. plaquettes de grès à la base. 38 » Astarte gregarea. Marnes feuilletées et calcai- res alternants 4-20 doi Pecten Beaumontinus. Calcaires compactes et banc à / CRAVCUX Eee en 5 » Indéterminables. Corallien | Gatcaires compactes gris- ou clairs 4: 2 Des nn nier QLÈSESS : » » \auracien Calcaires ohiques blancs ne coralligène | jannâtres ee ti 4 19 > À Crinoïdes et Polypiers. Calcaires marneux de teintes | aies do Cidaris florigemma, — 5% — Oxfordien. Marno-calcaires roux avec rognons sIieeux,...,.-... 170 Etage supérisur / fossiles pyriteux.,... 30 » Cr Marnes grises 2 » Marno-calcai- res Calcaires spa- allovien I Lhiques. … 1 Marnes bleues feuilletées à | ) Callovien II \ Etage in'éricar | C | Oolithe inférieure, Calcaires gris oolithiques .. | Cornbrash on D Marnes bleues DES) Etage supér eut & Bathonten Forest - marble. Calcaires compactes à taches roses. 40 » \ Grande oolithe. Calcaires | oolithiques de teintes va- } RIÉBS a co seu ee A0 À reporter Epaisseur Fossiles caractéristiques Pholadomya exaltata. Collyrites bicordata. \ Ter. Galliennei. Ter. dorsoplicata. Ter. Thurmanni. À. Renggeri. À. Lamberti. À. punctatus. À. Mariæ. Bel. clucyensis. À. athleta. A. Jason. À. anceps. À. coronatus. Crinoïdes. Pecten vagans. Indéterminables. Ter. Cardium. Ter. obovata. Rynchonella concinoï- des. Ryne. Morieri. JS | Ter. globata. Ter. intermedia. Rynchonella obsoleta. Rync. decorata. M » Fullers-earth. Caleaires ooli- thiques ou spathiques.... Calcaires à polypiers. Calcai- TES, OTISAURES 44 7 2e me 00 Etage infericur Calcaires à entroques. Cal- caires iaunatres spathiques 50 Calc. et mar- nes jJaunä- ICS rt Lits marneux ferrugineux 2 Bajocien Oolithe ferrugineuse. Lias. 2 MaRneSnOIeS sr rt) Elage supért ur © Nabnes noires nee 20 \ Schistes bitumineux. en ? Caleaires marneux intercalés et marnes schisteuses gri- Etage moyen D . Calcaires jaunâtres et con- CROLIONS NN ee 3 | Marnes et calcaires marneux 20 Etage inférieur a © Calcaires noirâtres à gry- phées sors dd de 0 \ » » » » : » » » » » » » » NA 128 » Epaisseur AE) l'ossiles caractéristiques Ostrea acuminata. Thamnastrea tenu:is- trata. Rynchonella obsoleta. Ostrea Marshun. Eugeniacrinus. Pecten pumilus. F5 | Pecten disciformis. Turbo duplicatus. | À. opalinus. { À. radians. À. Germaini. À. discoides. À. Thouarsensis. A. Raquinianus. Estheria Bronnu. @p (ee Pecten æquivalvis. Plicatula » Vicieuse.: quelle difiérence il y a entre lui et l’aliéné, et » par quelle atroce aberration de jugement la société lui » imprime une flétrissure. On déclare bien haut que le plus » grand nombre des crimes contre l’État ou la Société est le » résultat nécessaire d’une disposition naturelle où d’une » débilité intellectuelle... À quoi sert le libre -arbitre à 0 » celui qui vole, qui assassine par nécessité? Les criminels » sont pour la plupart, des malheureux plus dignes de pitié D ŒUC dé MÉpDHS 2 On nous prédit l'avènement d’une » nouvelle législation en conformité avec la science nouvelle » de l’homme. Il faudra, de toute nécessité, qu’elle s'adapte » réellement aux lois de la nature, el, ce progrès une fois » accompli, on peut prévoir à coup sûr que les procès de » l’époque actuelle paraîtront à nos descendants quelque » chose d'aussi barbare que les procès du moyen-âge (D. » Certes, il y aurait quelque exagération à prétendre que la majorité des savants, des médecins, des médecins erimina- listes même se trouve dès à présent acquise à ces audacieuses doctrines. [Il n’en est pas moins vrai que celles-ci se recom- mandent d’un certain nombre de noms de savants et d’éeri- vans de premier ordre : tels ceux de Despine, de Le Bon, de Motet, d’Orchanski, de Bordier, de Ribot, de Létourneau, de Ch. Richet, de Roussel, de Lacassagne en France, — de Maudsley, de Hill, de Bruce Thomson en Angleterre, — de Benedikt et de Flesk en Autriche, — de Wirchow, de Knecht et de Listz en Allemagne, — de Babniski en Russie — de Lombroso, le chef reconnu de la nouvelle Ecole, de Garofalo, de Ferri, de Marron, de Puglia, de Virgilio, de Reggio en Italie. Il n’est pas moins incontestable que le courant scienti- fique porte aujourd’hui dans le sens de lPassimilation du eri- minel à l’ahéné; partant, de l’irresponsabilité absolue du criminel, - € Et, — remarque, avec beaucoup d'humour et de justesse » M. P. Dubuisson, — comme il y à toujours un préjugé, » aussi bien en science qu'en politique, en faveur de ceux » qui passent pour les plus avancés, — ne sont-ils pas » censés représenter le progrès, l'amélioration, le perfec- » tionnement? — il est à supposer que beaucoup de ceux ee (1) CARO, Problèmes de morale sociale, chap. 1x. ile À : F " RAS — 351 — » qui résistent encore aujourd'hui se laisseront insensi- » blement entrainer. » Les tenants de l’nresponsabilité semblent, tout natu- » rellement dans cette discussion, les bons, les généreux, » les progressifs. Les autres passent auprès d'eux pour des » hommes féroces, pour des bourreaux et surtout pour des > arriéres. Qui aura le courage de demeurer dans la » seconde classe (D? » J'ajoute de suite, pour être juste, que les partisans de la thèse actuelle la présentent avec un appareil scientifique un peu bruyant peut-être, mais à coup sûr considérable, avec des arguments qui se pressent et dont beaucoup ne sont pas sans valeur. En sorte que le public, — qui commence à s'intéresser à ces questions, en corrélation si intime avec celles de crimi- nalité et de pénalité à l’ordre du jour, — le publié se sent désorienté et en viendra bientôt, si l’on n’y prend garde, à se demander si la nouvelle Ecole n’est pas celle de la vérité, et si Lombroso et ses disciples ne représentent pas légiti- mement le progrès et la science contre les aveugles résis- tances de la routine. La nécessité s'impose donc, urgente, de la discussion au grand jour de toutes ces idées, de toutes ces théories nou- velles : en présence des conclusions, je ne dis pas graves, mais vraiment formidables vers lesquelles elles nous entrai- nent, il est bien temps, — au nom même et à la lumière de cette science dont elles se réclament à si grand bruit, — d'exiger et de contrôler leurs titres et leurs droits. Et voyez comme, de prime abord, la question s’élargit; comme elle sort des limites étroites, et de la science juri- dique proprement dite d’une part, et, d'autre part, de cette branche, un peu bien aride encore de la médecine, que l’on (1) P. DuBuisson, De l’évolution des opinions en matière de respon- sabilité (Archives de l’Anthropologie criminelle, 1887). 392 — appelle lPanthropologie, pour s'élever jusqu'aux sommets de la philosophie du droit, de la morale générale et de la socio- logie! Ce sont les intérêts primordiaux de chacun de nous et de la société tout entière qui se trouvent à la fois mis en Jeu. Lorsque, séduit par la grandeur même d’un pareil sujet, j'ai tenté de l’aborder de front, j'ai dû m'avouer aussitôt à quel point J'avais trop présumé de mes forces; et, pour me décider à vous soumettre ici l’ébauche très imparfaite de ce travail, il n’a fallu rien moins que l'assurance, escomptée d'avance, de l'extrême indulgence d’un publie dont la sym- pathie, si précieuse pour notre Compagnie, confond dans la même bienveillance les défaillants essais des élèves et les triomphes assurés des maîtres. Si l’adage est vrai, qui dit que l'avenir est aux audacieux, on peut affirmer que cet avenir appartient tout entier à l'Ecole néo-criminaliste, car elle à vraiment étonné le monde par la nouveauté, par la netteté et par la hardiesse de ses théories. : Mesdames et Messieurs, je vous en fais juges : Pour elle, les doctrines spiritualistes sont, d'ores et déjà, ruinées de fond en comble : la négation du libre arbitre est, suivant le mot de Fioretti, « le pivot de tout le système ». L'homme, en se croyant libre et en affirmant sa liberté est sa propre dupe; il se « pipe lui-même »; il n’est, en réalité, qu'un composé d'organes qui le dominent et l’asservissent…. La psychologie n'étant plus, en somme, que « le chapitre le « plus obseur de la physiologie (D », la volonté, comme la conscience, d’ailleurs, est une pure et simple dépendance de cette science très positive; elle n’est, pour le naturalisme (1) Ch. RicHeT, Essai de psychologie générale, 1887, eo — contemporain, qu'une des causes occultes par lesquelles nous voilons notre ignorance, et, au fond, si ce mot signifie quelque chose, il exprime « un certain mode des actes réflexes, accompagné d’un certain degré de sensation ». Quand l’homme croit se décider, il ne fait qu’obéir au motif le plus fort; il n'est que l’esclave de sa destinée alors même qu'il s’en croit et s’en proclame le maitre. Que devient, dès lors, l’antique philosophie du droit pénal? Elle « nous fait pitié », dit Létourneau. Le libre arbitre? Préjugé. La responsabilité, Pimputabilité des crimes et des délits ? Préjugés encore; préjugés toujours. Préjugés, soit! Mais, alors, préjugé aussi toute espèce de droit criminel, puisque toutes les assises sur lesquelles il reposait ont disparu. Comment déclarer coupable, et surtout comment punir celui qui, en commettant un crime ou un délit, n’a fait qu'obéir à une force supérieure puisqu'il agissait sous l'influence de causes extérieures irrésistibles*? Le déclarer coupable? Pourquoi? Le punir? De quel droit? Au nom d’un principe nouveau, issu, — ai-je besoin de le dire, — de cette fâmeuse théorie Darwinienne de « Pévo- lution », qui semble constituer une sorte de « livre sacré » pour notre société moderne. Au nom du droit qui naît de la. fâmeuse « lutte pour l'existence ». À vrai dire, je tiens, quant à moi, pour peu probante, et . Je dirai même pour suspecte la facilité même avec laquelle cette doctrine Darwinienne, selon le mot de M. G. Tarde, « déborde hors de son lit propre et s'applique à n'importe -quoi, » à la criminologie comme à toutes les autres sciences sociales, et rien ne m'étonnerait moins que de voir, dans un avenir prochain, « la sélection du plus apte », cette for- mule magique qui semble avoir le don, pour l’instant, d’ob- séder les esprits, aller rejoindre dans les nimbes de lPoubli la « trichotomie hégélienne » et la « synthèse des con- traires ». Il est entendu, d'autre part, — et nul n'en ignore, — que D) 23 — 354 — la vie est une lutte... Voyez nos romanciers et leurs « ba- tailles de la vie ». Les raffinés le proclament en anglais, dans la langue du maître « struggle for hfe »; il n’est si mince élève de rhétorique qui ne parle de la lutte pour « l'existence », et les fanatiques de « l’enseignement utili- taire » ne parlent de rien moins que d’y préparer nos enfants dès l’âge de six ans! | « Dans cette lutte, les plus forts triomphent et les plus » faibles succombent : les races. supérieures anéantissent » peu à peu les races inférieures. De quel droit? Du droit » qu'a tout être à l’existence et à la plénitude de lexistence. » Le criminel est un obstacle au développement de la société, » 1l doit disparaître. Il y a là une nécessité, une loi inélue- » table. » À quoi bon discuter sur la légitimité ? » Grâce à cette nouvelle conception du crime, le droit de » punir acquiert un fondement positif et scientifique. Quant » à l'application de la peine, elle n’a rien d’absolu : elle » devient une pure question de fait. Tel châtiment est-il ou » non utile à la société? Voilà ce qu’on aura à se demander. » La réponse variera suivant les temps et les lieux (1). » Elle variera aussi et surtout avec la nature du criminel, avec les détails de son organisation psychique, c’est-à-dire physiologique et, partant, dans une large mesure, avec sa constitution physique, anatomique. Dès lors, il importe comme dit Létourneau @), d'en finir avec « l’ancienne science juridique, se bornant à compulser et à commenter les textes » ; l’avenir appartient à la nou- velle Ecole anthropologique, qui, « laissant de côté les codes » et les formules, s’est mise à étudier l’homme criminel en (1) J.-B. Brissaup, Une nouvelle école de criminalistes (Revue gé- nérale de droit, 1880). (2) LÉTOURNEAU, Préface de la 4e édition de L’homme criminel, de Lom- broso. se — 999 — « lui-même, et qui a ruiné à jamais les théories vénérables «et vermoulues de l’ancienne criminalité ». : Or l'enquête poursuivie, au nom de lanatomie et de la biologie par la nouvelle Ecole a mis en lumière un fait de la plus haute importance, — je veux dire l'existence d’un type humain voué au crime par son organisation, du criminel-né formant les gros bataillons de « l’armée du crime ». Ce criminel, criminel de par son organisation, décelé par les anomalies physiques, — physiques surtout, ne l’oubliez pas, — physiologiques, intellectuelles et morales qu’il pré- sente, est, par le fait même, incurable : criminel il est né; criminel il est et il restera par la force des choses. C’est un mattoido, un « quasi-fou », et la société a le droit et le devoir de le détenir à perpétuité, afin de l’éliminer et de le mettre dans l'impossibilité de nuire par lui-même ou par ses des- cendants. Pour lui, point de grâce : quel que soit le premier crime ou délit qui l’amène devant les juges et devant le médecin, une seule peine, ou, si l’on veut, une seule « pré- caution. » Rien moins que la détention perpétuelle dans un asile spécial : « la prison à vie, moins le noi. » Ainsi donc, à la place de la responsabilité morale, le droit pur et simple de défense sociale; à la place du libre-arbitre, un déterminisme outré versant dans le fatalisme et le maté- rialisme; à la place de l’étude des conditions morales, -l’examen de la constitution physique; à la place de la psychologie, l'anthropologie; à la place du magistrat, le médecin ! Pour combattre l’envahissement de ces redoutables doc- trines, on s’est borné jusqu'ici, ou peu s’en faut, à invoquer contre elles «la protestation générale et certaine du bon sens public », qui s’est toujours plu à proclamer le principe de la liberté et de la responsabilité morale. J’estime qu'il y a lieu de tenir compte, dans une certaine mesure, dans une large mesure même, si l’on veut, de cette indication fournie KE — 6 par le bon sens public, lequel n’est, en somme, que le résumé, la condensation des observations recueillies par des millions d'hommes pendant des milliers d'années; je veux bien admettre, avec l’un des plus grands philosophes de notre siècle, que «la science n’est que le bon sens systé- ESS Des Mais il faut bien reconnaitre aussi que ce prétendu bon sens n’est point toujours infaillible et c’est une histoire bien connue que celle de ses erreurs : c’est en son nom que Socrate a été condamné à boire la ciguëé; en son nom que s’est ouverte l’ère des persécutions; c’est en son nom encore que les J. Bodin, les Nicolas Remy, les de Lancre, les H. Boguet ont, durant des siècles, envoyé ou fait envoyer au bûcher, comme sorciers, tant de pauvres hères qui-n’en pouvaient mais. En vain on m'objectera qu’il s’agit ici non plus de juge- ments hâtfs sur des choses purement extérieures, mais de jugements longuement raisonnés et Hbrement débattus sur des faits qui se passent au dedans de l’homme lui-même, et qu’il y a là, dans la conscience, un témoin qui ne peut nier. Les Mahométans vous répondront que leur conscience, qui ne saurait davantage les tromper, s’'accommode fort bien des doctrines fatalistes de leur religion. Et n'est-ce pas un axiôme en philosophie, — dans toutes les philosophies, — que, de toutes les choses connues, la moins connue à l’homme, c’est l’homme lui-même : rien de plus difficile que de démêler les secrets et multiples ressorts qui déterminent ses actes et 1l n’est certes pas à la portée du premier venu de distinguer nettement la liberté de faire une chose d’avee la liberté de la vouloir. Done, prenons pour ce qu’il vaut cet argument de « la pro- testation générale et certaine du bon sens publie »; il n’est pas sans valeur, mais il n’est point, non plus, dirimant et sans réplique. J'en dirai autant de cet autre argument, qui consiste à essayer de réduire en quelque sorte la doctrine à labsurde — 991 — par la seule déduction des conséquences pratiques qu’elle semble entrainer à sa suite. « Sous l’action lente, mais irrésistible de ces idées, a-t-on » pu dire, la conscience humaine se décompose et s'énerve. » Par un étalage hors de propos d'arguments scientifiques, » on l’amène à douter d'elle même; elle subit une crise » profonde, dont les résultats apparaissent successivement » au jour et sont loin d’être épuisés. C'est là qu'il faut cher- » cher l’origine de tant de paradoxes, qui demain ne seront » plus des paradoxes, et deviendront, si l’on n’y prend garde, » des vérités acquises... : la force primant le droit; le » nombre considéré comme dernière raison des choses et » seul organe de la justice ; le droit individuel sacrifié aux » exigences de l’espèce; la responsabilité morale niée » scientifiquement au cœur même de l’homme et à l’origine » de tous ses actes; le droit de punir enlevé à la société » comme une usurpation et comme un mensonge; la sanc- » tion religieuse ôtée à la conscience comme une dernière » idolâtrie; le progrès réduit au rythme fatal de l’évolution, » interprété dans un sens purement industriel et mécanique ; » la destinée humaine expliquée par l'amélioration du bien- » être et le perfectionnement de la race, unique but de » l’homme en dehors des chimères transcendantes appelées » à disparaitre (1). ». Certes, un tel tableau est bien fait pour impressionner, et il faut avouer qu’il semble imposer les divers termes de sa terrifiante énumération avec une indiscutable logique. Et cependant, je continue à penser qu'il n’est ni juste ni bon de juger une théorie, comme l'arbre à ses fruits, sur les seules conséquences que l’on se croit en droit d'en déduire, avec une entière bonne foi, je le veux, mais avec une certi- titude plus apparente que réellement absolue. La vérité est, ou elle n’est pas; mais, du moment qu’elle (1) Caro, Problèmes de morale sociale, chap. 1x. — 398 — est, il ne saurait y avoir de conséquences, supposées ou démontrées, qui puissent l’empêcher d’être. Jajoute qu’à mon avis, et à l'encontre du proverbe, ioute vérité est toujours bonne à dire, et que les vérités les plus dangereuses sont toujours préférables aux illusions les plus respectables : la science, qu’elle s'appelle anthropologie, géologie, ou chi- mie, ou philosophie, ne se pique pas de justifier ce que l’on croit autour de nous; elle va droit à son but, — qui est le vrai, — sans bravade comme sans faiblesse. Et lorsque, sur son chemin, elle se heurte à des conventions, si générale- ment reçues que puissent être ces dernières, elle ne saurait reculer ; c’est aux conventions à se modifier et à s’accomo- der aux doctrines nouvelles. Le seul point à débattre est celui de savoir si cette croyance, contraire à toutes les croyances antérieures, présente un caractère de certitude vraiment scientifique. Et puis, il faut se défier singulièrement des jugements que soulève parmi nous, surtout lorsqu'il s’agit de l’avenir, toute théorie nouvelle : comme l’a dit excellemment Kouillée, « toute nouvelle idée, morale ou religieuse, qui monte » à l'horizon, apparaît d’abord grossie, étrange, inquiétante; » elle est comme l’astre à son lever, qui, lorsqu'il est près » de la terre, semble énorme et répand une lueur d'incendie ; » mais qui, parvenu à son zénith, illumine et féconde tout » de sa clarté. » D’aucuns, enfin, ont cru répondre à tout en dénonçant de prime abord ces doctrines comme immorales, désolantes, révolutionnaires et subversives ; ils se sont voilé la face en s’écriant que de semblables théories n’allaient à rien moins qu’à « reproduire le type primitif du gorille. » Cétait, à la vérité, faire preuve d'intolérance plus que de raisonnement et de raison, et vouloir, de gaité de cœur, s’aitirer la spiri- tuelle réplique de P. L. Courier : « Je voudrais bien répondre » à ce monsieur, mais je le crois fâché. Il m'appelle jacobin, » révolutionnaire, plagiaire, voleur, empoisonneur, faus- 999. — » saire, pestiféré ou pestifère, enragé, imposteur, calomnia- » teur, libeliiste, homme horrible, ordurier, grimacier, » chiffonnier, C’est tout, si j'ai mémoire, je vois ce qu'il veut » dire : il entend que lui et moi nous sommes d’avis » différent ». Non, Mesdames, non, Messieurs, ce n’est pas avec de sem- blables procédés de discussion, avec de pareils arguments «à côté, » que l’on peut espérer entrainer aujourd'hui les convictions. La nécessité s'impose, si l’on veut avoir raison de ces doctrines, de les attaquer sur leur propre terrain, — qui est avant tout un terrain scientifique, — de s'inspirer de leur propre méthode, et de les battre, si possible, avec leurs propres armes. Cest là ce que viennent de tenter les premiers, et non sans succès, MM. G. Tarde, P. Dubuisson, d'Haussonville, et, plus récemment encore, M. l'avocat général Fournez; c'est ce que Je voudrais essayer de tenter à mon tour en m'inspirant de leurs remarquables travaux. IL. Mon premier devoir est de vous présenter ce fâmeux type du criminel-né dont la conception, vous venez de le voir, constitue la véritable originalité en même temps qu’elle prétend faire la force principale des théories de Lombroso et de l'Ecole néo-criminaliste. J'ai la bonne fortune de pouvoir, — grâce à l’extrême obligeance de M. Henry Michel , dont le remarquable talent de dessinateur et de peintre est toujours à la disposition de ses collègues de là Société d’Emulation, — placer sous vos yeux quelques dessins résumant, d’une manière en quelque sorte schématique et très frappante, les traits principaux de la description, forcément un peu aride et bien imparfaite que je vais avoir l'honneur de vous présenter. Voyez d’abord cet homme, grand et lourd, à la poitrine — 360 — ample, à la musculature développée et pourtant sans grande énergie, à l’envergure bi-brachiale énorme : sa face, longue, est asymétrique; en langage plus simple, il a « la figure de iravers »; la mâchoire, très développée, est proéminente, aussi bien que les pommettes; les arcades sourcilières, très saillantes, abritent des yeux d’une fixité froide et féroce, injectés de sang. Le crâne, toujours mal conformé, parfois trop petit, plus souvent trop large, tantôt s’allonge en pain de sucre, ou bien au contraire s’aplatit carrément, d’une manière brusque. Les cheveux, noirs ou châtains plutôt que blonds, souvent crépus, sont très abondanits, tandis qu'au contraire la barbe est rare ou absente. La peau est brune ou bistrée. Les dents sont irrégulières, les lèvres fines; souvent un tic nerveux ou une contraction d’un seul côté de la face découvre les canines, toujours très dévelop- pées, avec une expression de menace ou de ricanement. Le nez, aquilin ou crochu, est fort et difforme. Enfin, les oreilles, volumineuses, sont écartées de la tête, et en anses. Ne vous y trompez pas, celui-ci est un assassin. Cet autre, au contraire, est mince et agile; la longueur excessive de ses bras, une aptitude singulière à se servir des deux mains avec une égale adresse, la mobilité remar- quable de son visage, de ses yeux petits et vifs, souvent inégaux, de ses traits sans cesse agités par des Lics nerveux, le rapprochent étrangement de la race simienne.. Le crâne, trop pelt, asymétrique, se termine en pain de sucre; le iront est étroit et fuyant; les sourcils sont épais et rapprochés; le nez est tourmenté ou camus. C’est un voleur-né, comme l’autre était un assassin-né. Quant à la femme-criminelle, Lombroso nous avoue qu'il est un peu moins avancé dans l'installation de son type ses recherches ont été moins nombreuses: elles ont été, surtout, beaucoup moins concluantes. Toutelois, de ces recherches, deux faits se dégagent : 1° La femme criminelle présente, dans une bien moindre FN RS — 301 — proporüon et à un bien moindre dégré les anomalies physiques, isolées ou en groupe, relevées chez l’homme criminel. Pourquoi? L'auteur se borne à le constater tt semhle se prévecuper lort peu de-nous l'expliquer. leme permettra, cependant, de faire remarquer, en passant, qu'il y a dans cette simple constatation, quelque chose de fort singulier en même temps que de fort regret- table pour sa théorie. Car enfin, s’il est vrai que le crime en général, ou telle ou telle branche du erime en particulier relève de telles ou telles anomalies crâniennes ou cérébrales, il est difficile de comprendre comment ces anomalies ne se retrouvent pas, avec le même degré de constance, chez la femme et chez l’homme également criminels. Est-ce que les données de l'anatomie pathologique varient de nature ou de fréquence selon le sexe lorsqu'il s’agit d’affections céré- brales, d’affections mentales? 20 Les signes physiques de la criminalité, chez la femme, consisteraient essentiellement dans la laideur, avec asymétrie faciale, strabisme, dureté ou fausseté du regard, et, d'une manière générale, dans la masculinisation, la viri- lisation des traits et des allures. Soit ! Comment, alors, Lom- broso nous dit-il un peu plus loin que la femme criminelle, loin d’être lourde, forte et grande comme l’homme crimi- nel, est au contraire plus grêle que la moyenne des femmes honnêtes”? Il y a là une contradiction flagrante ; mais nous ne sommes encore qu’au début des contradictions. Tels sont les criminels-nés de Lombroso, prédestinés et fatalement voués au crime. Réunissez, dans une sorte d’abs- traction, de schema anatomique, les traits principaux de ces divers portraits, et vous obtenez le «type » criminel cher à la nouvelle Ecole. Quiconque, même d'assez loin relève de _ce type est, à l’état latent ou d’une manière effective, un ceri- mminel Salne l’est point encore, il le deviendra. I nest mème pas exact de dire qu'il est devenu ou qu’il deviendra criminel : crimmel il est né, criminel il est de nature comme de naissance ; il a apporté, en venant au monde, ses prédispositions au crime, car ces prédispositions résultent de sa conformation, de sa constitution physique elle-même. De telle sorte qu’on peut dire qu'il était criminel même avant que de naître. Le crime est donc, pour lui, une nécessité organique : tout naturellement, et comme un pommier donne des pommes, il engendre le crime, ce malheureux, ou plutôt cet infirme, ce « crétin du sens moral », que la nature a marqué au front, depuis le premier jour, d'un sceau indélébile, de l’ineffaçable empreinte de la crimi- nalhité. Je me réserve d'examiner, dans un instant, ce que vaut au juste cette audacieuse interprétation du type criminel; mais j’estime qu'il convient d’abord d'examiner jusqu’à quel point les données anatomiques et biologiques sur lesquelles repose la constitution de ce « type » présentent le degré de certitude scientifique requis. IIT. Lombroso consacre un premier et volumineux chapitre à l'exposé des résultats obtenus par lexamen et la mensura- tion d’un assez grand nombre de crânes de criminels. Me sera-t-il permis, tout d’abord, et d’une manière en quelque sorte préjudicielle, sans nier l’intérêt des recher- ches de la crâniologie, de trouver qu’il n’eût point été inop- portun, avant de se livrer à des généralisations hâüuves. basées sur des constatations pures et simples aussi nom- breuses et aussi rigoureuses qu’on le voudra, sur des séries de crânes, — qu'il n’eût point été inopportun, dis-je, d’ébau- cher au moins une théorie des différentes formes de crânes. Ce crâne, que sa dureté nous fait paraître en quelque sorte immuable est, en réalité, essentiellement malléable : ses anomalies, ses déformations ont ou peuvent avoir, dans — 903 — bien des cas, des causes matérielles, occasionnelles beau- coup plus tangibles qu’on ne le croit généralement. Quelques auteurs ont fait voir déjà quel rôle pouvaient jouer dans la production de ces déformations certaines troubles de la circulation (Gudden), de la nutrition (synostoses préma- turées de Winchow), certaines attitudes ou certains mou- vements professionnels, certaines actions des masses musculaires de la nuque (Louis Meyer)... Il y a sans doute beaucoup à apprendre encore touchant l'influence, sur telles ou telles déformations, de la position et de la présen- tation fœtales, du séjour plus ou moins prolongé au passage, de l’action de la pesanteur et des nécessités de Péquilibre de la tête sur la colonne vertébrale (Lafargue)...…. Certaines déformations spéciales du crâne viennent d’être notées chez les scieurs de long, chez les menuisiers, par exemple, et que rien n’empêchait de faire rentrer au besoin dans les anomalies, indices de criminalité. En principe, il faut le reconnaître avec A. Rist (D), « aussi » longtemps qu’une théorie quelque peu probable des » formes crâniennes n'aura pas été proposée, on s'expose » à de singuliers mécomptes en tirant des conclusions de » l’analyse de quelques séries de crânes ». Ceci dit en passant, on a d'autant plus lieu de s'étonner de la netteté et de la hardiesse des conclusions de l’auteur que ses examens et ses mensurations, — il nous l’apprend lui-même, non sans une certaine mélancolie, mais avec une franchise dont il faut lui tenir compte, — l’ont assez mal récompensé de sa peine. La mensuration de la capacité crânienne, par exemple, lui démontre qu’à l’encontre des présomptions en apparence les plus rationnelles de la doctrine évolutionniste, cette capacité n’est que de bien peu inférieure, en moyenne, (4) A. Risr, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. série 2, t. XXIV, art, Phrénologie. — 904 — chez les criminels à ce qu’elle est chez les honnêtes gens. Les résultats qu'il obtient sont contradictoires avec ceux de Ferri, de Benedikt, d’Amadei d’une part; avec ceux de Ranke, de Heger et de Bordier d'autre part et dans un sens opposé, plus encore avec ceux de Manouvrier,. Lombroso ne se laisse pas décourager par ces premières contradictions, et il n'hésite pas à entreprendre une sorte de classement des capacités crâniennes chez les criminels d’après la nature des crimes commis. C’est ainsi qu'il arrive à proclamer, en matière de conclusions, ces résultats étonnants : que les voleurs présenteraient une capacité crânienne inférieure, et les assassins une capacité crânienne supérieure à la moyenne normale. En sorte qu'on se demande avec une légitime anxiété ce que doit être cette capacité crânienne chez ceux qui sont voleurs et assassins à la fois, mais surtout chez ceux qui, — si nombreux d’ailleurs, — ont commencé par voler et sont devenus plus tard assassins. Pour ces derniers, je ne vois guère d'autre explication possible que celle fournie par une charge d'atelier restée célèbre : « Ici, les deux erânes de Toussaint Lourverture, » celui-ci lorsqu'il était enfant, et celui-là lorsqu'il est » mort! » En outre, et comme il fallait s’y attendre, les contradic- tions ne font que s’accroître et se multiplier, dans cette tentative de précision, entre les résultats de Lombroso et ceux des autres crâniologistes. Pour n’en citer qu'un exemple s'il s’agit des assassins, Lombroso trouve que, sur 100 criminels de cette classe, 22,5 présentent une capacité crânienne, (relativement considérable) de 1601 à 1700 centi- mètres cubes, tandis que Bordier et Manouvrier en France élèvent cette proportion à 31,18 0/0, soit à un chiffre supé- rieur de près de moitié, et que Weisbach, en Allemagne, abaisse à 9, 8, soit à un chiffre deux fois et demie moindre que celui de Lombroso, près de quatre fois moindre que celui de Bordier, et de Manouvrier. 2: — 365 — S'agit-il de la mensuration de la circonférence du crâne, Lombroso trouve que, pour le chiffre moyen de SA à 550 millimètres, par exemple, le pour cent est sensiblement égal chez l’homme criminel à ce qu'il est chez l’homme sain ; mais, pour Bordier, ce pour cent est 4 fois, et pour Weisbach 6 fois plus considérable chez l'homme criminel. D'autre part, essaye-t-on de décomposer la circonférence du crâne en segments sous-cérébraux, frontaux, pariétaux et occipitaux, et d'opérer isolément sur tel ou tel de ces segments de nouvelles séries de recherches, on voit que les chiffres moyens donnés par Lombroso pour les criminels Ita- liens (assassins et voleurs réunis), sont mathématiquement ceux donnés par Bordier pour les sujets normaux de natio- nalité Française, et, de son côté, Benedikt ne relève aucune différence appréciable entre les chiffres moyens pour les Allemands criminels et pour les Allemands normaux. Avec sa loyanté ordinaire, Lombroso reconnait ce qu'ont de fâcheux de semblables contradictions ; mais cela ne l’em- pêche pas, quelques pages plus loin, de donner la proémi- nence des tempes, c'est-à-dire l'élévation relative du chiffre du segment crânien pariétal, comme un caractère excellent du criminel assassin-né. Quant à l’indice céphalique, il accuse, chez les criminels, une brachycéphalie exagérée dans le Piémont, — et une doli- chocéphalie non moins exagérée, c’est-à-dire un résultat jus- tement contraire, dans la Calabre, la Sardaigne et la Sicile. Les recherches concernant le diamètre vertical et l'indice vertical donnent lieu à des constatations non moins contra- dictoires les unes des autres. L'indice frontal est de 66 à 67,8 chez les criminels et de 67,7 chez les normaux; c’est dire que la différence est insi- gnifiante et pour ainsi dire insaisissable. Pour l'indice facial, les résultats obtenus sur les Pié- montais sont en contradiction flagrante avec ceux obtenus sur les Belges, — 366 — L’angle facial serait un peu moins ouvert chez les cri- minels que chez les sujets normaux; mais les chiffres donnés par Lombroso accusent en réalité une infériorité relative très faible, et, d’ailleurs facilement expliquable on sait, en effet, que la culture intellectuelle a pour résultat, — incontestable dans sa généralité, — d'agrandir l'angle facial en faisant proéminer le front; or, la classe des crimi- nels, en [talie comme partout, renferme peu d'individus à culture intellectuelle développée, lesquels contribuent, au contraire, à hausser la moyenne des sujets normaux, en tant qu'élévation du degré de l’angle facial. Les seules constatations présentant quelque importance, tant par leur constance que par l'accord des divers obser- vateurs, sont celles fournies par l’examen et la mensuration de la mâchoire inférieure, laquelle serait, en général, plus développée chez les criminels. C’est quelque chose, mais ce n’est pas assez. Jusqu'ici, en résumé, le résultat est des plus minces, yous le voyez. En revanche, Lombroso prétend avoir trouvé « une ample moisson » dans l’étude des anomalies du crâne et du cerveau. Voyons d’abord celles du crâne, dont un très consciencieux tableau nous expose les données recueillies, non seulement par l'Ecole Italienne et par Lombroso lui-même, mais encore par Benedikt, par Corre et Ardoi, par Bordier, par Flesk, : par Lenhossek. Dans ce tableau se trouvent condensés et comparés entre eux les chiffres moyens relevés par ces divers auteurs, et relatifs aux anomalies les plus diverses, depuis celles ren- trant dans la dénomination un peu bien vague de « crâne pathologique », jusqu'aux anomalies dans le développement des dents de sagesse, — depuis la proéminence des arcades sourcilières ou des sinus frontaux Jusqu'à la rondeur ou à l’obliguité du trou occipital. Fate 5 x — 367 — Or, jen demande pardon à Lombroso, mais, à première vue, étant donnés les écarts énormes relevés entre les chiffres des différents observateurs je me vois dans l’obli- gation de l’enfermer tout d’abord dans ce dilemne : — ou ces chiffres ont été pris avec une méthode uniforme, rigou- reuse, vraiment scientifique, et alors les résultats contra- dictoires qu’ils apportent se détruisent les uns les autres; — ou bien chaque observateur à opéré un peu à sa guise, avec ses vues spéciales et son appréciation particulière des faits, et alors ces chiffres ne sauraient avoir aucune signification sérieuse. Dans les deux cas, ils sont à rejeter purement et simplement. Prenons, par exemple, celle de toutes les anomalies crà- niennes qui se rencontreraient avec le plus de constance chez les criminels, à savoir, la proéminence des arcades sour- cihères et des sinus frontaux. Quelle importance pouvons- nous bien lui accorder lorsque nous voyons que Heger et Dallemagne ne la signalent pas dans plus de 43 0/0 des crânes de criminels, tandis que Lombroso et l'Ecole Tta- lienne la retrouvent dans 67 0/0 des cas ? . J'en dirai autant de l’anomalie dans le développement des dents de sagesse, que l'Ecole Italienne signale dans la pro- portion de 57 0/0, et Lenhossek dans celle de 8 0/0 seulement! Autant de l’anomalie consistant dans la soudure partielle ou complète des sutures du crâne et dont le degré de fréquence, selon tel ou tel auteur donne lieu, dans ce tableau, à des écarts gigantesques, de 53,8 0/0 (Benedikt) à 3,7 0/0 (Pawloski), en passant par 22,2 (Corre et Ardoin) et 8,0 (Lenhossek). Notons que cette anomalie, d’après Lombroso, se rencontrerait 25 fois sur 100 chez les hommes normaux, précisément le chiffre de Heger et Dallemagne pour les criminels. S'agit-il de la plagiocéphalie ou asymétrie crânienne, la- _ quelle constitue, au dire de l’auteur de « {’homime criminel », vraiment un des caractères les plus éclatants du criminel », — 368 — Lombroso, après avoir constaté lui-même les divergences qui séparent ses chiffres (42 0/0) de ceux de Lenhossek (12 0/0) et d’autres auteurs, reconnait que, «si on voulait » établir la proportion véritable, on risquerait de se tromper » en se livrant à des impressions personnelles presque » subjectives », et que, « seulement dans ces derniers » jours », c'est-à dire postérieurement aux recherches sur lesquelles il s'appuie, Amadeï est arrivé à mettre « de l’ordre » dans cette question en fixant l'indice de l’asymétrie ». Quel fonds pouvons-nous bien faire, après de semblables aveux, sur la constatation du plus ou moins de fréquence, -chez les criminels, de ce caractère, quelqu’éclatant que le proclame notre auteur. Ainsi, presque sans exception, de toutes les autres ano- malies crâniennes, Lombroso attribue une importance quasi- paternelle à une anomalie qu’il a découverte, à savoir : celle d’une fossette moyenne que l’on rencontre, en lieu et place de la crête, sur l’os occipital, dans la proportion de 16 0/0 chez les criminels et de 5 0/0 chez les honnêtes gens. Or, dette même fossette, tandis que Lenhossek la retrouve chez 33 0/0 des criminels, Benedikt ne la retrouve plus, chez ces derniers, que dans la proportion de 7,5 0/0, proportion qui n’est pas sensiblement supérieure à celle où, d’après Lom- broso, elle se rencontre chez les honnêtes gens. D'autre part, Tarde signale avec raison cet autre fait contradictoire, que cette fossette se trouve dans la proportion de 22 0/0 chez les Israélites et les Arabes d'Algérie, deux races dont la criminalité est cependant bien inférieure à celle des Euro- péens. À toutes ces objections, Lombroso répond, je le sais, en disant : « sans doute, aucune de ces anomalies crâniennes, » considérée isolément, n’a d'importance réelle mais, ce qui » est au contraire d’une très grande valeur, c’est la réunion » d’un nombre plus ou moins considérable de ces anomalies » sur un sujet donné ». Je ne vois pas très bien, pour ma 0 — part, comment la réunion d’un certain nombre de carac- tères, discutables et insignifiants chacun pris à part, peut arriver à constituer un caractère certain et indiscutable ; tous les zéros du monde, mis les uns au bout des autres warrivent pas à donner au total, autre chose que zéro. Et si, dans l'appréciation de chacune de ces anomalies, de Ja plupart d’entre elles tout au moins, on risque « de se « tromper en se livrant à des impressions personnelles presque subjectives (D », il n’est pas douteux que les chances d'erreur s’additionnent avec les anomalies elles- mêmes, et que lappréciation finale, d'ensemble, devient elle-même d'autant plus sujette à discussion. Enfin, à supposer même l'importance de chacune de ces anomalies en soi bien établie, à supposer encore non moins bien établie la fréquence relative de l'accumulation d’un certain nombre d’entre elles chez les criminels, encore faudrait-il, en saine logique, avant de conclure que cette seule accumulation constitue le criminel-né, qu'elle est la condition nécessaire et suffisante, la cause réelle de la cri- minalité du sujet, — encore, dis-je, faudrait-il commencer par établir, d'une manière scientifique, irrélragable, quels liens peuvent bien unir, et unissent en effet ces anomalies à la conception et à l'exécution du crime. Passons aux anomalies du cerveau. Lombroso ne nous dit pas quelle somme de satisfaction 1l à recueilli de cette nou- velle étude; mais jappréhende fort que le cerveau, cet organe récalcitrant, lui ait apporté les mêmes déceptions qu'il a coutume de causer aux physiologistes et anthropolo- gistes désireux d'établir une corrélation directe entre le poids de la substance cérébrale et les facultés de l’homme et de l’animal. L'auteur nous avoue, en effet, que, comme poids, « les (1) Lourroso, L’homme criminel, chap. ï,,$ 10, p.181. 24 — 310 — » cerveaux des criminels différeraient de peu des normaux. » dans les petits chiffres; qu’ils leur seraient un peu infé- » rieurs dans les moyens et les surpasseraient de peu dans les plus grands (1) ». C’est ainsi que, contre toute attente, et contre toute prévision des théories évolutionnistes, le cerveau de Pranzini s’est trouvé d’un poids notablement supérieur à celui de Gambetta. Notre auteur essaye de se rattraper sur les anomalies de structure présentées par les circonvolutions cérébrales chez les criminels. Encore doit-il commencer par reconnaitre, — et il le fait avec sa bonne foi ordinaire, — que ces anomalies n’ont rien de caractéristique par elles-mêmes; qu’elles abon- dent seulement. Le malheur est qu’on ne saurait encore, à l'heure actuelle, établir la moindre relation, pas plus entre l’une quelconque de ces anomalies du cerveau et de la criminalité qu'entre ces mêmes anomalies et la folie. Et, pour ce qui est des circon- volutions, en particulier, personne n’est en droit de dire quelle en est la forme normale : certaines grandes divisions se présentent avec une constance presque absolue ; mais les secondaires varient, pour ainsi dire, à linfini. Tellement que Broca, après avoir beaucoup cherché, en fut réduit à construire, pour ses démonstrations, un cerveau schéma- tique tout conventionnel. J'ajoute, avec Féré, que, si l’on examine de près les anomalies du cerveau relevées chez les délinquants et les criminels, on reconnaitra qu'il s’agit d'anomalies en somme peu importantes, beaucoup moins considérables que celles que l’on à pu constater, à maintes reprises, chez les non criminels (@). .Nous lisons à chaque instant, dans les journaux, que (1) LomBroso, Loc. cit, chap. IL, $ 1, p. 185, (2) FÉRÉ, Dégénérescence et criminalité (Revue philosophique de Ribot, octobre 1887). — 9311 — l'autopsie a révélé, dans le cerveau de tel ou tel supplicié, telles ou telles lésions plus ou moins étendues, plus ou moins profondes. Et l’on part de là pour se répandre en lamentations humanitaires sur le thème connu : le mal- heureux n’était qu'un pauvre fou, et ce prétendu criminel est une victime de plus à mettre au compte de l’aveugle- ment des magistrats, de l’ineptie des jurés et de lignorance des Médecins... Admirable matière à mettre en vers latins! À ces réclamations, à ces déclamations, il est aisé de faire, avec Tardieu, la plus topique des réponses : « Chez les » alénés les plus graves et les plus anciennement atteints, » — écrit l’illustre médecin-légiste, — toute espèce de » lésions anatomiques peuvent faire défaut; de plus, il n’est » pas une seule des altérations observées dans la folie qui » n'ait été observée chez des individus dont les facultés » étaient restées intactes (1) ». Les travaux modernes de l'Ecole de la Salpétrière, les efforts des Charcot, des de Luys, des Aug. Voisin et de tant d’autres pour constituer l’anatomie pathologique de la folie laissent subsister tout entière cette affirmation jusqu'ici sans réplique. À supposer donc, — en poussant les concessions à leur dernière limite, — à supposer que l’on admette pour un instant l’identité prétendue du crime et de la folie, je dis : qu'il n’est pas possible d’édifier la moindre théorie sur la présence ou sur labsence de telle ou telle anomalie du cerveau, encore moins d'en tirer aucune conclusion pra- tique. Ainsi se déblaie peu à peu notre terrain. Je ne dirai que quelques mots, en passant, de l’anthro- pométrie et de la physiognomonie du criminel. Lombroso nous dit que le criminel est, en général, grand (1) Taroteu, La folie devant les tribunaux, Introduction, — 312 — et lourd, — à moins, ajoute-t-il avec une certaine candeur, qu'il ne soit mince et agile. Ses affirmations, sur ce point, sont contredites par celles de Bruce Thomson en Angleterre, par celles même de son compatriote Virgilio. L’excessive longueur des bras, qui rapproche le criminel du quadrumane, semble un peu mieux établie. Mais ce signe n’a nas, à vrai dire une constance fort probante; d’ailieurs on n’a pas assez étabh l’imdépendance de ce caractère de toute influence ethnique pour qu'il soit permis de lui attri- buer une réelle importance. Les ambidextres seraient trois fois plus nombreux, et les gauchers deux fois plus nombreux chez les criminels que chez les honnêtes gens. Je n’y contredis point; mais c’est là tout simplement, je crois, le résultat du manque de sur- veillance qui a présidé à l'éducation du plus grand nombre d’entre les criminels lesquels, on le sait, se recrutent en très grande partie dans les basses classes de la population et, en particulier dans les familles qui se signalent par le désordre du genre de vie des parents, par leur incurie, leur paresse, leur insouciance de tout devoir, paternel ou autre. Tout le monde sait que lPhabitude de se servir plus spécia- lement, et presque exclusivement de la main droite est imposée, et quelquefois non sans peine, (une peine dont on pourrait, dont on devrait bien se dispenser, entre paren- thèse), à l'enfant par ses éducateurs. Quant aux caractères trés des anomalies du système pileux chez les criminels, lesquels auraient, nous l'avons vu, beaucoup de cheveux et très peu ou pas de barbe, ils sont beaucoup moins constants que veut bien le dire Lombroso : il y a, ici encore, une question d’ethnicité dont il n’a, probablement, pas assez été tenu compte. Si le pro- verbe Italien dit : méfiez-vous de l’imberbe, nous disons en France : une barbe de brigand. Les observations relatives à la physionomie du criminel sont certes celles qui présentent le plus de constance et de — 9373 — consistance, celles qui soulèvent le moins la contradiction; et c’est avec raison que l’on a pu dire que l'homme vicieux est « de travers », en faisant allusion à l’'asymétrie de ses traits, et qu'il faut « se méfier des laids plus encore que des » glabres ». Mais il faudrait, pour que l’on puisse conclure plus tard à l’irresponsabilité de ce criminel « laid, de travers », il faudrait qu'il fût établi que cette laideur même est la cause des mauvais instincts, et, par suite, des mau- vaises actions du criminel. Or, rien de moins admissible. Non pas que j’entende nier l'influence possible du physique sur le moral; mais on ne saurait nier non plus que cette influence est réciproque en tout état de cause et que, dans la circonstance, c’est, à coup sûr, l'influence du moral sur le physique qui est la note dominante. Auquel d’entre vous, Messieurs, n'est-il pas arrivé de retrouver, à un moment donné, après l'avoir perdu de vue durant de longues années, quelque camarade d’enfance ayant € mal tourné », selon lexpression consacrée. Tous vous avez dû être frappés du changement opéré dans la physionomie de cet homme, que vous aviez connu Jeune ou enfant, et qui, alors, avait, pour vous comme pour tout le monde, la «tête de tout le monde »; et voici qu'aujourd'hui vous le retrouvez, lair bas et vil, les traits tirés et affaissés, la bouche déformée, la lèvre pendante, le regard louche et fuyant; il est devenu « laid », et «€ de travers ». Mais n'est-il pas évident qu'il est devenu tel en raison même des mau- vais instincts qui se sont développés en lui et qui l’ont poussé au délit et au crime? Et peut-on dire, inversement, que ses mauvais instincts se sont développés parce qu’il est devenu laid? Poser la question, c’est la résoudre. Eh bien! songez à la nature des penses constants qui occupent et préoccupent le criminel, qui président à ses espérances, à ses projets, à ses craintes de tous les instants ; songez au misérable genre de vie auquel il est condamné, aux Compensations cherchées dans l’orgie et dans la débau- on che, — et dites s’il est étonnant qu’au bout d’un petit nombre d'années de cette existence, toutes les bassesses et tous les vices, qui sont la laudeur même, viennent se réfléter sur ses traits. | Dans cette laideur, il faut tenir compte aussi, je le sais, de la présence possible d’un certain nombre d'anomalies, dont je vous ai parlé déjà, telles que le prognathisme, l’asy- métrie faciale, les oreilles volumineuses et en anses, le strabisme, etc, et dont aucune ne saurait relever de lin- fluence du moral sur le physique. Depuis Morel, on sait que ce sont là autant de signes de dégénérescence, dégénéres- cence imputable aux ascendants, et que ces signes se retrouvent en effet, avec une fréquence relative, chez les fous moraux. Mais jamais mn Morel, ni aucun de ses élèves ou de ses continuateurs n’a eu l’idée de considérer lexis- tence de ces signes de dégénérescence physique comme un caractère pathognomonique de la folie morale : tout au plus y ont-ils vu un indice confirmatif de cette psychose lorsque celle-ci se trouvait établie au préalable, comme toute autre sorte de folie, par l'examen des symptômes et des faits, ils y ont vu surtout l'indice de lintervention de l’hérédité, la signature, Si je puis ainsi dire, de cette hérédité dans les cas de folie morale où de pareils signes sont relevés chez le sujet. Si donc. l'on prétend accorder à ces signes! chez le criminel, une importance analogue, il faut commencer par prouver que le criminel est un fou moral. Vouloir, tout à l'inverse, baser sur l’existence de ces signes une sembla- ble assimilation, c’est faire une pétition de principe d’une audace, sinsukière-, Cest, out bonnement. re Vos demande pardon de la trivialité de l’expression, — mettre la charrue devant les bœufs. Lombroso, et après lui mon ancien maitre, le professeur Lacassagne se sont appliqués à établir la valeur du caractère ONE E : — 9319 — tiré de la fréquence et de la nature des tatouages relevés sur la peau des difiérentes régions chez les criminels. Je ne puis m'empêcher de trouver que ces auteurs se sont donné bien du mal pour bien peu de chose : j'ai connu, vu et examiné dans ma vie trop de braves gens, soldats et marins, grands amateurs de tatouages, et de tatouages sou- vent plus qu'excentriques, pour voir dans cette manie, assez innocente après tout, un indice de criminalité. Je ne saurais, davantage, accorder à l'existence d’un argot criminel et aux caractères plus ou moins particuliers de cet argot limportance qu'y semblent attacher Lombroso et ses élèves. L’argot ! mais quel pays, quelle province, quelle ville n’a le sien? Quelle profession, quelle association ? Depuis les bambins de nos classes primaires, depuis les élèves de nos lycées et de nos grandes Ecoles jusqu'aux avocats, aux médecins, aux soldats, aux marins, aux hommes politiques, etc. L’argot des criminels est ce qu'il est et ce qu'il devait être > bas, ordurier, cynique, brutal... Rien là de bien étonnant : c’est même le contraire qui aurait lieu de surprendre et qui mériterait d’être signalé. Quand j'aurai ajouté que le criminel se distingue en outre, d’après Lombroso : — par une vanité à ce point excessive qu’elle faisserait bien loin derrière elle celle des littérateurs, des artistes même (!); — par un amour effréné de l’orgie et du jeu; — par une irrémédiable paresse; — par un esprit plus rusé qu'intelligent, plus imitatif qu'inventeur; — par une fable aptitude à souffrir physiquement, à compatir et à aimer, j'aurai achevé de vous montrer le criminel-né tel qu’il sort tout armé des observations de la nouvelle Ecole, et il ne restera plus qu’à me demander avec vous jusqu’à quel point se trouve justifiée cette prétention, d’en avoir, dès à présent, fixé le type d’une manière immuable, — jusqu'à quel point installation de ce type permet d’assimiler au fou tout eri- minel qui en relève de près ou de loin, et, par conséquent, — 316 — de le déclarer irresponsable, — jusqu’à quel point enfin sont défendables les conclusions pratiques que l’on essaie de faire découler de cette laborieuse étude. IV. Est-il vrai de dire quil existe dans la nature un type criminel? Est-1l vrai que ce type soit précisément celui qui vient de nous être dépeint dans cette Succession de cha- pitres ? Si Lombroso et son Ecole, en édifiant leur type prétendu du criminel-né, voulaient dire simplement par là que les « soldats » de l’armée du crime » se ressemblent tous plus ou moins en ce sens que bien souvent ils sont porteurs d’une ou plusieurs anomalies, je ne verrais pas grande objection à faire à sa théorie. Il est vrai que celle-ci, en revanche, ne prouverait pas orand'chose; car, si ces anomalies sont incontestablement fréquentes dans le monde du crime, elles sont non moins incontestablement fréquentes chez les non-criminels. Mais toute autre est sa théorie : autant ces anomalies, isolées les unes des autres consütuent un fait banal et peu probant, autant leur réunion, ou du moins la réunion d’un grand nombre d’entre elles dans un même individu suffit pour lever tous les doutes : le malheureux disgrâcié, por- teur de toutes ces anomalies, est un criminel-né ; il ne peut pas ne pas l’être ; il est, par suite, mcorrigible, mais, aussi, irresponsable. Eh bien! Mesdames et Messieurs, interrogez ceux que leurs fonctions, leurs occupations mettent en contact fré- quent avec les criminels, interrogez les magistrats, les. avocats, les directeurs et les gardiens de prison, les méde- cins légistes, et demandez-leur s'ils reconnaissent, dans ce prétendu type, cet être € ondoyant et divers », au moral comme au physique, ce « Protée aux mille formes et aux % (y LÉ. LAN EE * dpt MEET TRES à — 9371 — mille aspects » que, dans la réalité, représente le criminel. Avec M. l’avocat-général Fournez, tous vous répon- dent : « Eh! non, nous ne le reconnaissons pas. Ce n’est » pas là le criminel que nous avons vu tant de fois... C’est » peut-être le type idéal de la criminalité, en ce qu’il réunit » en lui la plus épouvantabie laideur physique à la plus » orande laideur morale ; mais, assurément, ce n’est pas le » type réel et vivant du criminel. Ce n’est qu'une figure » hideuse et grimaçante que l’on nous montre, apparaissant » tout-à-coup à la lucarne du Palais de Justice. C'est peut- » être le Quasimodo du crime, mais ce n'est pas autre » chose (1) ». Jai, pour ma part, entrepris, depuis un peu plus d’une année déjà, sur les divers groupes de pensionnaires de l'Asile départemental du Doubs (Hospice Saint-Jean-l'Aumô- merde Bellévaux); fune série d'observations destinées à contrôler les affirmations de l'Ecole Italienne touchant le degré de fréquence relative d'existence de ce type chez les sujets normaux, chez les fous et les épileptiques, et, en troisième lieu, chez les criminels. Ces divers groupes ont été constitués : le premier, par les pensionnaires simples de l’Asile, vieillards indigents, infirmes ou incurables; le second, par les hystériques, les épileptiques, les idiots et enfin les fous de passage, le troisième, par les internés du dépôt de mendicité annexé à l’Asile, et parmi lesquels 80 0/0, soit les 4/5 sont des récidivistes. Mes recherches sont en trop petit nombre, et trop incomplètes encore pour autoriser de ma part une affirmation ferme, définitive; mais, ce que je puis dire, d'ores et déjà, c’est que, plus j’avance et moins J'arrive à mettre en évidence, comme l’exigeraient les théo- ries de Lombroso, parmi les sujets du troisième groupe, la fréquence relative du fmeux type criminel. Dans les affaires diverses, de Cour d'assises ou de cor- (1) FourNEz, Discours de rentrée de la Cour d'appel de Montpellier, : — 318 — rectionnelle qu'il m'a été donné de suivre pendant ces dernières années, à peine ai-Je vu surgir, deux à trois fois, parmi les accusés, le type criminel en question. En revanche, combien de fois n’ai-je pas constaté, parmi les jurés, parmi les témoins, les assistants, la présence de bon nombre de représentants manifestes de ce type. À quelles singulières permutations circulaires n’eût pas donné lieu, entre les occupants du banc des accusés, des stalles des jurés et des sièges des assistants, une rigoureuse et littérale application des données révélatrices de la nouvelle science anthropologique”? Et lorsque, dans un juste retour sur moi- même, je récapitulais, comparativement, les anomalies relevées sur ma propre personne, Jen arrivais à me deman- der, non sans terreur, jusqu'à quel point javais bien le droit de lever la tête devant ce pauvre honnête homme de ceri- minel...… | | SOYONS SÉTIEUX..….…. C’est à Lombroso lui-même que je de- manderai, en fin de compte, les meilleurs arguments contre son système. Si son type criminel existe en effet, on doit le retrouver, d'une manière suffisamment nette, sinon dans la totalité, au moins dans la très grande majorité des criminels. Or, l’auteur nous avoue qu'il ne la pas rencontré chez plus de 40 0/0 de ces derniers. Acceptons pour valable cette pro- portion, que nombre d’observateurs, — notons-le en passant, — ont trouvée au moins exagérée ; il n’en est pas moins vrai que, sur 100 criminels, 60, c’est-à-dire les 3/5, c’est-à-dire le plus grand nombre ne présentent pas le type en question. Ce n’est pas tout : Lombroso reconnaît que ce même type se rencontre » fois sur 100 environ chez les honnêtes gers, chez les sujets absolument normaux. Qu'est-ce, dès lors, je le de- mande, que ce type qui ne se retrouve pas dans la majorité, ineérne Siricte, dé ceux quil prétend caraciémeer et qui en revanche, se rencontre, non rarement, parmi ceux dont 1l prétend différencier les premiers. Tout au plus pourrait-ce être un type de convention, apparent, une sorte de type pro- — 379 — fessionnel, tels ces types aux contours plus ou moins vagues et très compréhensifs du militaire, du marin, du pédagogue, du clergyman, etc. Mais un type au sens propre, au sens rigoureux et vraiment scientifique du mot? Qui donc oserait le prétendre ? Et pourtant je veux admettre, pour un instant, l'existence de ce prétendu type criminel : € Comment, pourrai-je dire encore à Lombroso, comment en déduisez-vous l’idée d’ir- responsabilité ? » Pour y parvenir, vous avez commencé par affirmer que ce type n’était autre que celui du sauvage, de l’homme pri- mitif, livré aux fougueux caprices de ses seuls instincts, et pour lequel la moralité n’existe pas. Dès lors le criminel n’était plus qu’une sorte de brute retardataire égarée dans la société moderne. Le crime devenait un simple fait d’ata- visme. » La thèse n’était pas neuve (1), mais elle était séduisante. Le malheur était qu'elle ne pouvait résister à une discussion sérieuse. Vous l’avez compris et, en quelques années, en un tour de main, entre deux éditions de votre livre, vous avez abandonné cette première interprétation pour vous efforcer d’assimiler votre criminel-né à quelque autre irresponsable, au dégénéré de Morel, au fou moral de Maudsley. » Je pourrais vous faire remarquer tout d’abord que le très ue (1) « Les assassins que j'ai étudiés, avait déjà dit Bordier, sont nés avec » des caractères qui étaient propres aux races préhistoriques, caractères qui » ont disparu chez les races actuelles et qui reviennent chez eux par une » sorte d’atavisme. Le criminel ainsi compris est un anachronisme, un sau- » vage en pays civilisé, une sorte de monstre, et quelque chose de compa- » rable à un animal qui, né de parents domestiques, apprivoisés, habitués » au travail, apparait brusquement avec la sauvagerie indomptable de ses » premiers ancêtres. On voit parmi les animaux domestiques des exemples » de ce genre : ces animaux rétifs, indomptables, insoumis, ce sont les cri- » minels..……. » (Du criminel devant la science contemporaine {Revue scientifique, 1881, t. I, p. 683.) — 980 — orand nombre des aliénistes, en France en particulier, ne voient aujourd'hui encore, avec Ball, dans la folie morale, qu’une forme, ou, plus exactement, qu’un cortège de symp- tômes de l’une des formes de la folie proprement dite. Et vous-même avez pris soin de démontrer avec insistance, et, j'ajoute : d’une manière victorieuse, que votre criminel-né n’est point un fou, mais seulement un fou moral, un « crétin du sens moral ». » Mais je veux m'en rapporter aux théories mêmes des créateurs de ce type du fou moral; je veux supposer, pour un moment, admises et démontrées les idées de Morel, de Pritchard, de Maudsley, de Ben Thomson, etc... Aucun de ces auteurs n’a songé, jamais, à franchir les limites qui sé- parent le criminel de leur fou moral. Tous, au contraire, ont insisté sur ce point : que, en raison de la similitude des ta- bleaux présentés dans l’un et l’autre cas, — perversité simple ou criminalité d’une part, folie morale de l’autre, — il était impossible, pour décider du degré d’irresponsabilité, de s’en tenir à l’étude stricte, à la constatation pure des différents traits de ce tableau; qu'il fallait demander les éléments sé- rieux de cette appréciation à lobservation physiologique prolongée et à l’examen médical rigoureux du sujet, à une enquête approfondie de ses antécédents et de ses ascen- dants : « L'acte vicieux ou le crime, déclare formellement » Maudsley (D, n’est pas, à lui seul, une preuve de folie (mo- » rale) : il faut que, de cet acte, on puisse remonter à une » maladie par un enchaîinement de symptômes spéciaux... ». » Bien plus, la folie morale, bien et dûment démontrée, ne suffit pas encore à entrainer, ips0o facto, l’irresponsabilité. Tel est encore, du moins, Pavis fort net de Maudsley. » De telle sorte que, non seulement votre base est insuffi- sante, scientifiquement parlant, mais encore vos conclusions ne sont point déduites avec logique inattaquable ». (1) MaupsLcey, La folie et le crime. — 381 — V. Et maintenant, Mesdames et Messieurs, quelles conclu- sions pratiques peuvent bien sortir, pour la répression du crime, de léchafaudage chancelant de doctrines aussi hasar- dées ? Va-t-on se croire autorisé à se saisir, sans autre forme de : procès, de tout individu affligé du type criminel, et le con- damner « sans phrases » à une séquestration perpétuelle, à « la prison à vie, moins le nom », en réparation des crimes ignorés qu'il a dû commettre ou en prévision de ceux qu'il commettra certainement plus tard? Je ne sache pas que les plus fanatiques adeptes de la nouvelle école anthropologique se soient permis jamais d’insinuer une pareille énormité. Mais, tout au moins, comme le demande hautement Garo- falo, et, avec plus de réserve, M. G. Tarde, peut-on espérer trouver, dans la constatation du type, un Imdice de crimina- lité dont le magistrat instructeur puisse tenir compte au moins dans une certaine mesure ? Pas davantage. M. l'avocat général Fournez n’a pas de peine à réfuter d’une manière victorieuse une semblable prétention : « Ou bien, dit-il, ce » prétendu indice sera accompagné d’un faisceau serré de » présomptions et de preuves, et alors il est inutile. Ou bien » il n’aura, pour s’étayer, que d’autres indices aussi faibles, » et alors, sans hésitation, il faudra appliquer le principe » qui veut que le doute profite à l’inculpé. Ou bien, enfin, il » sera seul, et, dans ce dernier cas, il conviendra de n’en » tenir aucun compte. Car enfin n'oublions pas que ce type » pet se rencontrer même chez des gens dont l'honnêteté » est indiscutable (D) ». _Dira-t-on enfin, avec Garofalo, que « si l’on constate ces » anomalies typiques sur un individu qui vient de commettre (1) FOURNEZ, Loc. cit. p. 51. — 382 — » son premier crime, on peut, avant même qu'il ait récidivé, » assurer quil est incorrigible et le traiter en conséquence » ? C'est là, il faut l'avouer, une singulière façon d’interprêter la fameuse maxime humanitaire de Mme de Staël : « Tout com- » prendre, c’est tout pardonner », dont l’école néo-crimina- liste se réclame à si grand bruit. Voici donc un accusé traité comme un récidiviste avant d'avoir récidivé, condamné d'a- vance pour des forfaits que l’on déclare « probables » dans un avenir donné, mais qu’en somme il n’a ni Commis, ni tenté de commettre. N'est-ce point là, au premier chef, un procès de tendance, une condamnation criminelle, et une condamnation terrible, — la réclusion perpétuelle, — étayée sur une simple présomption. Et tout cela sur la constatation pure et simple de la laideur de l’accusé. Car toute cette étude du criminel-né n’aboutit, en fin de compte, qu’à l’histoire naturelle de sa laideur. Nous voici revenus, de par les prétendus progrès de la science positive, à cette époque où la loi prescrivait, dans le cas où deux individus étaient soupçonnés d’un crime, d'appliquer la torture d’abord « au plus laid », — où Jousse et Mouyart de Vouglans plaçaient au nombre des indices à relever contre un accusé « le vilain surnom qu’on lui donne » et aussi « sa » Mauvaise physionomie » | Pour justifier, pour excuser des conclusions à ce point ra- dicalement violentes, tranchons le mot, à ce point féroces, les promoteurs de nouvelle doctrine arguent de l’inefficaeité tant de fois constatée du système de répression pénale actuelle- ment en vigueur, de sa barbarie aveugle et inintelligente, de la nécessité, enfin, au nom du salut de la Société, — salus populi suprema lex esto! — de la nécessité, dis-je, de lui substituer un système radicalement nouveau, basé sur Pa- daptation, à la criminalogie, des principes de la science mo- derne et de l'observation positive. C’est au nom du progrès scientifique et humanitaire que s’ouvre cette croisade contre la responsabilité légale du criminel. — 383 — Singulière façon d'entendre le progrès humanitaire, on en conviendra, que de venir dire au coupable : non, tu n’es pas un homme intelligent et libre, responsable de tes actes, sus- ceptible de repentir et d’amendement, de pardon, par consé- quent, et de réhabilitation ; tu es un pauvre crétin du sens moral, une simple bête brute, dangereuse mais irrespon- sable, qu'on supprime d’une manière virtuelle, mais effec- üve, un animal vicieux qu'on enferme, une branche d'arbre mal poussée en travers du chemin et qu’on émonde, un obstacle qu’on détourne du pied, avec dédaim, mais sans colère. Et l’on ajoute, au nom du progrès scientifique, au nom de la rigueur de l’observation des faits et de la Juste déduction du raisonnement : en vain on a fait la preuve de ta curabi- lité, puisqu'au moven d’un ensemble de mesures bien com- prises on est arrivé, dans certains pays, en Suède, en Bel- gique, dans quelques districts de la Suisse, à faire tomber à 20 0/0, à 15 0/0, à 12 0/0 et 10 0/0 même, c’est-à-dire à sup- primer en quelque sorte la récidive, qui va sans cesse crois- sant en Italie, en Angleterre, chez nous (où dans les grandes villes elle dépasse 65 0/0)... Que nous importe ! Ton crâne asymétrique, ton nez tortu, tes oreilles en anses, ta laideur enfin te condamnent sans appel. Ainsi le veut la religion nouvelle de l’Évolution. Ainsi le veut la doctrine humani- taire et scientifique du type criminel, de ce fameux type que, pourtant, Lombroso lui-même, son créateur, déclare devoir être at -ueilli « avec la même réserve que les moyennes de » la statistique » | Et l’on s'étonne que nombre de bons esprits, en présence de ces exagérations systématiques, aient fini par regarder, à leur tour, ces absolutistes de l’irresponsabilité du criminel comme des « monomanes atteints du délire de Ia supersti- » tion scientifique » | L'on s'étonne que les magistrats, qui üennent dans leurs en mains la liberté et la capacité civile des citoyens, qui ont charge de sauvegarder, non pas seulement les intérêts de la société, mais encore les droits des individus et des familles, n’accueillent pas, sans une défiance marquée, des théories aussi hâtives, élevées sur une aussi fragile base ! Pour nous, médecins, nous nous en tenons à la jurispru- dence éminemment sage, qui fait à l'humanité et à nous- mêmes la part belle et large, en donnant à la médecine légale un eritérium net et précis, celui de la maladie elle-même. On nous trouvera toujours prêts à rechercher, avec toute notre science, avec toute notre conscience, si, dans tel ou tel cas donné le crime out le délit inest pas Mintdiee dé quelque affection mentale, — à tenir compte avec sagesse, et de l’hérédité, et des antécédents, et de l’éducation dans appréciation du degré de responsabilité de linculpé, — à. revendiquer enfin, avec courage, le cas échéant, le béné- fice de lirresponsabilité totale en faveur du fou criminel. Mais nous nous refusons formellement à suivre plus loin la nouvelle école; nous applaudissons à ses innombrables et minutieuses explorations, dont nous ne contestons ni l’uti- lité n1 la bonne foi; nous acceptons avec reconnaissance les données positives qu’elle accumule et d’où pourront se dé- gager peut-être un jour des conclusions solides et fécondes ; _Imais, au nom de la science même, qu'on invoque, nous protestons contre toute généralisation systématique et hâtve, et nous continuons à affirmer qu'il n’est ni permis, ni pos- sible, de considérer un criminel comme fou, par cela seul qu'il est criminel. Et quant à la conscience publique, nous sommes tran- quilles : la violence même du paradoxe la met à l’abri d’en- trainements aussi dangereux qu'irréfléchis. Le bon sens s’est chargé de la mettre en garde, et il s’est fait éloquent en pas- sant par la bouche du regretté professeur-académicien Caro, auquel je vous demande la permission d'emprunter, pour terminer, le remarquable passage suivant : \ Ti SALVATORE A. Brigand de la Calabre. O.... Voleur ‘uapolitain . . or DE CRIMINELS. | G.MARINI, Femme de brigand_ . VEN É A Fo Un NO ST DE ANR K \ SA W lu 2 Lee 2) DIN} Te FOARTOUCHE … ._ … D'APRÈS C. LOMBRoSO. — 389 — « Oter à l’humanité la liberté du mal en même temps que la liberté du bien, considérer comme un acte de démence toutes les révoltes contre l’ordre social, traiter l’homme comme une chose, tantôt agitée et tantôt inerte, mais toujours irresponsable ; déclarer qu’on ne peut attribuer nos volitions à un moi chimérique, qu’elles ne dépendent que des influences combinées du dehors et des réactions cérébrales qui en résultent ; enfermer le coupable dans un cabanon sous prétexte qu'il est fou, et qu'il a besoin, dans son propre intérêt, d'être privé de l'exercice de ses or- ganes, sans espoir de réhabilitation possible, puisqu'il ne peut y avoir dans le repentir même du coupable une ga- rantie contre le retour de l'accès morbide ; — si c’est là le progrès que doit réaliser dans le monde cette conception à la fois matérialiste et humanitaire, nous demandons qu’elle demeure éternellement à l’état d’utopie, heureux de garder les théories de la civilisation, qui repose tout entière sur l’idée de la dignité humaine, inséparable de la liberté, sur la responsabilité effective de chacune de ces libertés qui composent le milieu social ; enfin, sur l’accord réciproque de toutes ces libertés entre elles, qui est la justice (1) ». (1) Caro, Problèmes de morale sociale, chap. 1x. — 9381 — DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ (1887-4888). Parle DÉPARTEMENT DU DOUBS..5.. 02 coin 500 f. ÉTANIC ER DEUBESANCON. 2 nu eue ee de eo 600 Par M. le MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE : Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques : Bulletin archéo- logique, 1887, n9$ 1-3. — Bulletin historique et philologique, n° 1 et 2, (1887). — Revue des travaux scientifiques, n°S 5 et 6 du t. VII. — Bulletin des travaux scientifiques, t. VII, nos 7 et 8; Comptes-rendus des séances et mémoires de la Société de bio- logie, t. III et t. IV (1886 et 1887). Mémoires et bulletins de la Société d'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, année 1886. Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 5e et Ge livr., 1887. Journal des Savants, juin-décembre 1887; janvier-mars 1888. Journal de l’École polytechnique, 57e cahier. | Revue de l’histoire des religions, t. XVI, nos À et 3. Revue de la Société des études historiques, 53e année, 1887. Par MM. CONTEJEAN (Ch.), membre correspondant : Notes de voyage de Constantine au désert; — Une exécution à Malaga. SAUSSURE (Henri DE), membre correspondant, le 2e fascieule de son Etude entomologique (région de Genève) sur la tribu des pamphagiens, broch. in-4°. NicKLEs (Adrien), membre résidant, ses deux notes sur la Clas- sification des langues et sur l’Action physiologique de Mesmé- risme. — 388 — Par MM. LAURENS (Paul), membre résidant, ses Comptes-rendus sur les opérations de la Caisse d'épargne de Besançon, exercice 1886 et exercice 1887. — Compte-rendu des travaux de la Chambre de commerce de Besançon, année 1887. BESSON (Edouard), secrétaire décennal de la Société, son dis- cours prononcé à l’audience solennelle de la rentrée de la Cour d'appel de Besançon : Un criminaliste franc-comtois au xvIe siècle, Muyard de Vouglans. MERCIER (le docteur Adolphe), membre résidant, sa Note sur l’angine couenneuse et sa guérison en quarante-huit heures par le chloral. COLSENET (Edmond), membre résidant, son Discours sur l’Es- thétique prononcé à la séance solennelle de rentrée des Facultés le 22 novembre 1886. GAScON (Edouard), membre correspondant, sa Notice sur la chapelle du château de Fontaine-Franç aise. JEANNOT, directeur des Eaux de la ville de Besançon, son An- nuaire statistique et démographique, comparaison entre l’an- née 1886 et Les années précédentes. MAGNIN (le professeur Antoine), membre résidant : Quelques remarques sur la description du mont Pilate de J. du Choul. VIVIEN DE SAINT-MARTIN, membre correspondant, 38e au 41e fasc. de son Dictionnaire de Géographie universelle. CASTAN (Auguste), secrétaire honoraire de la Société, sa Mono- graphie de la Bibliothèque de Besançon, extraite de l’Inven- taire des richesses d’art de la France. Le PRÉFET pu Dougs : Rapports et délibérations du Conseil gé- néral du Doubs, session d'août 1887. DÉy (Aristide), membre correspondant, sa brochure intitulée : Mon herbier tératologique, broch. in-80. MarcoU (Jules), membre correspondant, sa brochure intitulée : Nouvelles recherches sur l’origine du nom d'Amérique. DAGINCOURT (le docteur), son Annuaire de géologie universelle pour 1886 et 1887. — 389 — ENVOIS DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (1887-1888) Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France, 5e série, t. VIT. Société d'anthropologie de Paris : Mémoires, t. IIT, 1-4. Bulletin de la Société de botanique de France, t. 34e, 1887, no 1 (1888) ; — Revue bibliographique, B, C, D. Société générale des prisons, n° 5-8 (1887); nos 1-3 (1888). Bulletin de la Société zoologique de France, 2-6 du t. XII, 1-3 (1888). Société polymathique de Paris, 7e série, t. XI (1886-1887). Société de secours des amis des sciences : Compte-rendu pour 1887. Société pour l’avancement des sciences, 15e session à Nancy, 1886, 1re et 2e partie. Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Be- sançon, 1886. Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, 2e volume de la 4e série, 1886. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute- Saône, 3e série, n° 1, 2% fase. Bulletin de la Société d'horticulture et de viticulture d’'Arbois, 1887 et 1er trim. 1888. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, année 1887, 4-12; Ler trim. 1888. Annales de la Société d'Emulation du département des Vosges, 1887. Le Sillon, organe de la Société d'encouragement à l’agriculture à Vesoul, 1887-1888. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire, 3e fasc. du t. VI et 1er et 2% du t. IV. _ Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 19 année, 1886. — 9390 — Annales de la Société d'Emulation de l’Ain, 2e et 3e trim. 1887, et 1er trim. 1888. Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur- Saône, t. VII, 3 partie. Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, 36-37; Mémoires in-4°, nos G et 7, t. II. Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’ Yonne, Æ° vol. 1887. Sociélé philomatique de Verdun : L’Archéologie de la Meuse, par M. Félix LIÉNARD, 3 vol. in-40, pl. lithogr. Mémoires de la Société d'agriculture, industrie, sciences et arts … du département de la Marne, (1885-1886). Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, 2e série, n° 3, 1886. Bulletin des travaux de l’Université de Lyon, t. I, 1888, rédigé par les professeurs des Facultés. Société polymathique du Morbihan, 1886. Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen, 1885- 18806. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, nos 2-4, 1887. Revue des archives de la Saintonge et de l’Aunis, 4e livr. du t. VIT, et 1-2 dut. VIII. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1er et 2e fasc., 1887. Revue historique et archéologique du Maine, t. XXI et XXII. Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, t. XXX VII. Sociélé des antiquaires de l’Ouest ; Mémoires, t. IX, 1886; Bul- letin, 1-3, 1887. Bulletin de la Société libre d'Emulation du commerce et de l’in- dustrie de la Loire-Inférieure, exercice 1886-1887, 1re partie. Bulletin de la Société académique de Brest, t. XIT (1886-1887). Mémoires de la Société des sciences naturelles de Gherbourg, DC SÉMe LN 1667. Bulletin de la Société archéologique et historique de Fons année 1887 ; Mémoires, t. XV, no 1. eo Bulletin de n Société Dunoise, n°5 73-76, 1887. Académie des belles-lettres, sciences et arts de Savoie; Docu- ments, t. VI. A — Bulletin d'histoire naturelle de Savoie, nos 2 et 3, 1887. Revue savoisienne, organe de la Société florimontane d'Annecy, juin à décembre 1887, janvier à mai 1888. Bulletin de la Société des sciences médicales de Gannat, 1886- 1887. Bulletin d'histoire ecclésiastique des diocèses de Valence, etc., mai-décembre 1887; publication : ltinéraires des Dauphins de la troisième race, 1282-1355, par M. Ulysse CHEVALIER. Société de statistique de Marseille ; Compte-rendu, 1887. Société archéologique du Midi de la France; Bulletin, 1-4, 1887. Bulletin de la Société des sciences physiques et naturelles de Toulouse, t. V, VI, VII (1881-1884). Académie des sciences, belles-lettres et arts de Montpellier ; sciences, t. XI, 1er fasc. (1885-1886) ; lettres, t. VIII, 1er fasc. (1886-1887). Mémoires de l’Académie de Nimes, t. VIIT, 1885. Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles de Nimes, 1886. Recueil des travaux de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen, 2% sem., t. II. Recueil de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn- et-Garonne, 1er sem., t. I. Bulletin de la Société des sciences et arts de Bayonne, 2% sem. 1886 et 1er sem. 1887. Société archéologique de Bordeaux, t. X, XI et XIL. Mémoires de la Société des sciences physiques ct naturelles de Bordeaux, 3e série, t. Il, 2e cahier, et t. IIT, 1er cahier. Commission météorologique de la Gironde ; Observations de M. RAYET (1885-1886). Builetin de la Société d'étude des Hautes-Alpes, 3e série, t. XXIIT, 3-4 (1887), et 1-2 (1888). Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1885- 1886, 1886-1887. Mémoires de la Société académique d'agriculture, sciences, belles- lettres et arts du département de l’Aube, t. XXIII, 1886. Mémoires de la Société des lettres et arts de l'Aveyron, t. XIII (1881-1886), t. XIV (1887). Société historique algérienne : Revue Africaine, nos 180-183, — 992 — Bulletin de la Société des sciences, agriculture et arts de la Basse-Alsace, années 1887 et 1888. Commission für die .geologische Landes-Untersuchung von El- - sass-Lothringen, 5 fasc., 1887. : Mémoires de l’Académie royale de Belgique, t. XLVI (1886), in-4° : . Bulletin, t. IX-XIT (1885-1886). — Catalogue des livres de la bibliothèque de l’Académie, sciences et lettres; — Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers, t. XLVII et XLVIII (4886), in-40. — Mémoires couronnés, collection in-8o, t. XXX VII et XXXIX. — Annuaire (1886-1887). Annales de la Société géologique de Belgique, t. XIII, 1re livr. Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique, 4e série, t. IT; : Bulletins, XI-Xv. Le Musée Neuchätelois, publié par la Société d'histoire et d’ar- chéologie de Neuchâtel, 1887 et 1er trim. 1888. Bulletin de La Société des sciences naturelles de Neuchâtel, t. XV. Société Vaudoise des sciences naturelles, n° 9,6. Annales de la Société générale d'histoire suisse (lahrbuch für schweizerische Geschichte herausgegeben auf Veranstaltung der allgemeinen geschichtforschenden Gesellschaft der Schweiz), 12e fase. Société des sciences naturelles de Bâle, 1887. Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, t. XX, livr. 3. — Catalogue des livres appartenant à la Société, par MM. CARTIER et RIVOIRE. Memorie della R. Academia in Modena, sie IT, t. IV. Communicacoës de commissao dos trabalhos geologicos de Por- tugal, t. {, no 2. | United States geological Survey, Sixth annual report, 1884-1885. Journal of Society of Arts of London, n° 1807-1850. Tahrbuch der k. k. geologischen Reichsandstalt in Wien, XX VII band 1887. — Verhandlungen, 9-16, 1887. Vierandziwanzigter der Oberhessischen gesellschaft für ue und Heilkunde, Giesen, 1887. Sitzungsberichte der k. Preussischen Akademie der Wissenschaf- ten zu Berlin, XIX-XXXIX. Institut royal grand-ducal du puis -duché de Luxembourg, 39 et 4 vol., 1887. — 393 — Sitzungsberichte der philosophish-philologischen und historischen classe der k. B. Akademie der Wissenschaften zù Munchen, 1886, 1-3; 1887, 1-2. Abhandentlungen herausgegeben vom naturswischenshaftlischen verine zu Bremen, X band, 1-2 Heft,. — 994 — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ AU TUIMNETSSS. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l’article 21 du règlement. Conseil d'administration pour 1888. PRÉSENT A te ee à MM. Boyer (Georges); Premier Vice-Président............ COLSENET (Edmond; Deuxième Vice-Président... ......... CHAPOY (Léon); Secretaire ÉCRAN eee À BESSON (Edouard); Trésorier, en SR nee GUILLEMIN (Joseph); ArchiIVISLe. NE re nee VAISSIER (Alfred). Secrétaires honoraires : MM. Bavoux (Vital) et CASTAN (Aug.). Trésorier honoraire : M. DUuRUPT (Alfred). Membres honoraires (22). MM. LE GÉNÉRAL commandant le 7e corps d'armée (M. le général LOGEROT). LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d'appel de Besançon (M. FAYE). L’ARCHEVÉÈQUE DE BESANÇON (S. G. Mgr DUCELLIER). LE PRÉFET du département du Doubs (M. GRAUX). — 999 — MM. LE RECTEUR de l’Académie de Besançon (M. NOLEN). LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon (M. REGNAULT). LE MAIRE de la ville de Besançon (M. VUILLECARD). L'INSPECTEUR d’Académie à Besançon (M. BAILLART). Duc D’AUMALE ($. À. R. le Prince Henri D’'ORLÉANS), membre de l’Institut (Académie française et Académie des Beaux- Arts), ancien commandant supérieur du 7e corps d'armée; Bruxelles, chaussée de Charleroi, 125. — 1886. BAYLE, professeur de paléontologie à l'Ecole des mines; Paris. — 1851. BLANCHARD, Em., membre de l’Institut (Académie des sciences), professeur au Muséum d'histoire naturelle; Paris. — 1867. CRENNEVILLE (S. Exc. le général comte François FOLLIOT DE), grand chambellan honoraire de $S. M. I. et R. Apostolique, grand chancelier de l’ordre impérial autrichien de Léopold; Gmunden (Haute-Autriche). — 1884. DELISLE, Léopold, membre de l’Institut (Académie des inscrip- tions), administrateur général de la Bibliothèque nationale. — 1881. DEVOISINS , ancien sous-préfet; Paris, quai d'Orléans, 28. — 1842. Duruy, Victor, ancien ministre de l’Instruction publique, mem- bre de l’Institut (Académie française, Académie des inserip- tions et belles-lettres et Académie des sciences morales et politiques) ; Paris, rue de Médicis, 5. — 1869. GRENIER, Edouard, lauréat de l'Académie française, ancien se- crétaire d’ambassade ; Paris, boulevard Saint-Germain, 174, et Baume-les-Dames (Doubs). — 1870. DE LESSEPS (le comte Ferdinand), membre de l’Institut (Aca- démie française et Académie des sciences); Paris, rue Saint- Florentin, 7. — 1882. MARCOU, Jules, géologue; Salins (Jura), et 42, Garden Street Cambridge, Massachusetts (Etats-Unis d'Amérique). — 1845. PASTEUR, Louis, membre de l’Institut (Académie française et secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences) ; Paris, rue d'Ulm, 45. — 1882. — 396 — MM. RÉSAL, Henri, membre de PInstitut (Académie des sciences), ingénieur en chef des mines, professeur à l’Ecole polytech- nique ; Paris, rue Saint-André-des-Arts, 58. — 1853. SERVAUX, sous-directeur honoraire des sciences et lettres au Ministère de l’Instruction publique; Paris, boulevard Cour- celles, 1. — 1873. Le général WoLFF, ancien commandant supérieur du 7e corps d'armée ; château de Pontdevaux (Aïn). — 1882. e e e e e e e ® e e e e e e e e e e e e e e e e e 0 e Q e e Membres résidants (230) (1). MM. ANDRÉ, Charles, carrossier, rue Saint-Paul, 26. — 1886. ARNAL, Alexis, ancien économe du Lycée, rue du Lycée, 15. — 1858. ARNAL, Amédée, sous-préfet de Lesparre (Gironde). — 1872. AUSCHER, Jacques, grand-rabbin, rue Charles Nodier, 6. — 1875. BADER, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870. * BAILLY (labbé), chanoine honoraire, maître des cérémonies de la cathédrale. — 18065. BAUDIN, Emile, pharmacien de 1re classe, rue Saint-Pierre, 19. — 1887. BAUDIN, Léon, docteur en médecine, place Saint-Amour, 4. — 1885. BARBAUD, Auguste, ancien premier adjoint au maire, directeur de la Caisse d'épargne, rue Saint-Vincent, 43. — 1897. BaAvoux, Vital, receveur principal des douanes en retraite; Fontaine-Ecu, banlieue de Besançon. — 1853. BEAUQUIER, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs; Montjoux, banlieue de Besançon. — 1879. À (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d’une manière plus large aux travaux de la Société. — 997 — MM. BÉJANIN, Léon, propriétaire, Grande-Rue, 39. — 1885. BELLAIR, médecin-vétérinaire, rue de la Bouteille, 7. — 1865. BELOT, père, essayeur du commerce, rue de l’Arsenal, 9. — 1865. BELOT, Edmond, essayeur du commerce, rue de l’Arsenal, 9. — 1878. BELTZER, Emile, notaire, rue Saint-Pierre, 1. — 1884. BENOIST, Emile, président de la chambre syndicale d'horloge- rie, rue des Martelots, 3. — 1884. BERTIN, négociant, rue Neuve-Saint-Pierre, 15. — 1863. BESSON, Edouard, substitut du procureur général, rue Saint- Vincent, 27. —- 1875. BÉTARD, Auguste, entrepreneur de serrurerie, rue du Porteau. — 1887. BEURET, François-Xavier, voyer de la ville, Grande-Rue, 131. — 1873. BLANCHE, Charles, fabricant d’horlogerie, rue Morand, 7. — 1879. Boisson, Joseph, pharmacien de 1re classe, professeur à l'Ecole de médecine et de pharmacie, rue de la Préfecture, 12. — 1880. BONAME, Alfred, photographe, rue de la Préfecture, 10. — 1874. BONNET, Charles, pharmacien, Grande-Rue, 39. — 1882. Bossy, Xavier, fabricant d’horlogerie, rue des Chambrettes , 6. 1867. Boucau, Pierre, directeur des écoles de l’Arsenal à Besançon, rue Charles Nodier, 24. — 1879. Boupor, Emile, quai de Strasbourg, 13. — 1876. BoURDY, Pierre, essayeur du commerce, rue de Glères, 21. — 1862. * BoUSSEY, professeur agrégé d'histoire au Lycée, rue Morand, - 11. — 1883. BOUTTERIN, François-Marcel, architecte, professeur à l'Ecole municipale des beaux-arts, Grande-Rue, 3. — 1874. BOUTTEY, Paul, fabricant d’horlogerie, juge au tribunal de com- - merce, rue Moncey, 12. — 1859. BouvaRD, Louis, avocat, bâtonnier de l’ordre, conseiller mu- nicipal, rue des Granges, 62. — 1868. — 9398 — MM. Boyer, Georges, percepteur des contributions directes, rue Proudhon, 6. — 1884. BoOYsSsON D’ECOLE, trésorier-payeur général en retraite, rue de la Préfecture, 22. — 1852. BRETENET, Capitaine d’artillerie, rue Saint-Pierre, 15. — 1885. BRETILLOT, Maurice, propriétaire, rue Charles Nodier, 9. — 1857. BRETILLOT, Paul, propriétaire, rue de la Préfecture, 21. — 1857. BRUCHON, professeur à l'Ecole de médecine, médecin des hos- pices, Grande-Rue, 84. — 1860. BRULARD, Désiré, greffier du tribunal civil, rue Battant, 1. — 1873. BRUNSWICK, Léon, fabricant d’horlogerie, Grande-Rue, 28. — 1859. BRUSSET, notaire, membre du conseil général de la Haute-Saône, Grande-Rue, 14. — 1870. BURLET (l’abbé), curé de Saint-François-Xavier, chanoine hono- raire. — 1881. DE BUYER, Jules, inspecteur de la Société française d’archéo- logie, Grande-Rue, 123. — 1874. CARPENTIER, pharmacien, rue Morand, 7. — 1885. CARRY, Clément, propriétaire, membre du conseil municipal, rue Saint-Paul, 48. — 1878. CASTAN, Auguste, bibliothécaire de la ville de Besançon, cor- respondant de l’Institut, membre non résidant du Comité des travaux historiques et du Comité des sociétés des beaux-arts des départements, Grande-Rue, 86. — 1856. CAVAROZ, Narcisse, médecin-major de Îre classe en retraite, rue de la Lue, 6. — 1881. CHABOT, Charles, professeur de philosophie au Lycée, rue Mo- rand, 14. — 1886. CHAPoy, Léon, professeur à l’Ecole de médecine, rue des Gran- ges, 90. — 1875. DE CHARDONNET (le comte), ancien élève de l'Ecole polytech- nique, rue du Chateur, 20. — 1856. CHARLET, Alcide, avocat, rue des Granges, 74. — 1872. — 399 — MM. CHIPON, Maurice, avocat, ancien magistrat, rue de la Préfec- ture, 25. — 1878. * CHOTARD, professeur d'histoire et doyen de la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). — 1866. COILLOT, pharmacien, rue Battant, 2, et quai Veil-Picard, 1. — 1884. COLSENET, Edmond, professeur de philosophie et doyen de la Faculté des lettres, rue de Lorraine, 10. — 1882. CORDIER, Palmyre, agent principal d'assurances, Grande-Rue, 56. — 1885. CORNET, Joseph, docteur en médecine, aux Chaprais, rue du Chasnot, 6. — 1887. CossonN, Maurice, trésorier-payeur général du Doubs, rue Charles Nodier, 30. — 1886. COTTIGNIES, Paul, avocat-général, Grande-Rue, 86. — 1886. CoOULAUD, Adolphe, comptable, rue de la Lue, 6. — 1875. COULON, Henri, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, rue de la Lue, 7. — 1856. COURGEY, avoué, rue des Granges, 16. — 1873. COURTIER, négociant, rue Battant, 18. — 1876. CourTOT, Théodule, commis-greffier à la Cour d'appel; à la Croix-d’Arènes (banlieue). — 1866. COUTENOT, Francis, professeur à l'Ecole de médecine, médecin en chef des hospices, Grande-Rue, 44. — 1852. COUTENOT, Régis, docteur en médecine, Grande-Rue, 44.— 1887. . CRETIN-GEORGE, Jules, négociant, Grande-Rue, 49. — 1885. CUENIN, Edmond, pharmacien, rue des Granges, 31. — 1863. DELACROIX, Frédéric, conseiller à la Cour d'appel de Besançon, place Saint-Amour, 3 bis. — 1884. DELAGRANGE, Charles, imprimeur-Hthographe, rue Saint-Paul, 57. — 1872. DELAVELLE, Victor-Aristide, notaire honoraire, ancien maire de Besançon, Grande-Rue, 64. — 1856. DELEULE, Constant, professeur à l'Ecole primaire supérieure libre, rue Saint-Jean, 2. — 1863. DEMOLOMBE, Maurice, agent général de la Compagnie d’assu- rances le Phénix, rue de la Préfecture, 14. — 1886. — 400 — MM. DEMONGEOT, inspecteur honoraire des écoles communales , rue Charles Nodier, 24 bis. — 1872. DÉTREY, Just, propriétaire, rue Saint-Vincent, 27. — 1857. DieTRiCH, Bernard, ancien négociant, Grande-Rue, 71 et Beau- regard (banlieue). — 1859. Dopivers, Joseph, imprimeur, Grande-Rue, 87. — 1875. DORNIER, Alfred, négociant, place Labourey, 18. — 1880. DREYFUS, Joseph, négociant, Grande-Rue, 66. — 1880. DROUHARD, Paul, conservateur des hypothèques, rue Saint- Vincent, 18. — 1879. DROUHARD (l'abbé), aumônier du Lycée. — 18383. Droz, Edouard, docteur ès lettres, maître de conférences à la Faculté des lettres, rue Moncey, 7. — 1877. DuBosr, Jules, maître de forges, rue Sainte-Anne, 2. — 1840. DuCAT, Alfred, architecte de l'Etat, conservateur du Musée des antiquités de la ville, rue Saint-Pierre, 3. — 1853. DUNOD DE CHARNAGE, avocat, rue des Chambrettes, 8 — 1863. DUuRET, géomètre, rue Charles Nodier, 28. — 1858. * DURUPT, notaire, rue des Granges, 46. — 1875. Erais, Edmond, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1860. FADY, représentant du comptoir Lyon-Allemand, rue de Glères, 6. — 1871. FAUCOMPRÉ, Philippe, professeur d'agriculture du département du Doubs, Grande-Rue, 86. — 1868. : FAUQUIGNON, Charles, receveur des postes et des télégraphes, rue de la Liberté, aux Chaprais. — 1885. FÉLIX, Julien, fabricant d’horlogerie, membre du conseil muni- cipal, rue Ronchaux, 12. — 1884. FERNIER, Gustave, fabricant d’horlogerie, membre du conseil municipal, rue du Clos, 31. —- 1879. Frrscx, Léon, entrepreneur de maçonnerie, président du con- seil des prud'hommes, aux Chaprais. — 1865. FLAGEY, Henri, négociant, Grande-Rue, 45. — 1885. FOIN, agent principal d'assurances, Grande-Rue, 111. — 1865. FRANCEY, Edmond, avocat, ancien adjoint au maire, rue Mon- cey, 1. — 1884. Era — AOÛ — MM. FRANÇOIS, Camille, proviseur du Lycée. — 1873. GALIMENT, Léon, capitaine de cavalerie en retraite, rue Victor Hugo, 4. — 1883. * GALLOTTI, Léon, ancien professeur à l'Ecole d'état-major; Ba- zas (Gironde) et Versailles, avenue de Paris, 62. — 1860. DE GASSOWSKTI, artiste peintre, rue Charles Nodier, 8. — 1875. GAUDERON, Eugène, professeur à l’Ecole de médecine, Grande- Rue, 129. — 1886. * GAUTHIER, Jules, archiviste du département du Doubs, corres- pondant du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux- Arts, rue Charles Nodier, 8. — 1866. GEVREY, médecin vétérinaire, rue des Granges, 35. — 1886. GIRARDOT, Albert, docteur en médecine, rue Saint-Vincent, 15. — 1870: GIRARDOT, Georges, artiste peintre, rue Saint-Vincent, 15. — 1882. GIROD, Achille, propriétaire, Saint-Claude (banlieue). — 1856. GIROD, Victor, ancien adjoint au Maire, Grande-Rue, 66. — 1859. GOUSSET (l'abbé), aumônier de l’Asile départemental. — 1884. GROSJEAN, Alexandre, avocat, membre du conseil général du Doubs et du conseil municipal de Besançon, quai Veil-Picard, 99. — 1876. GROSJEAN, Francis, ancien bijoutier, rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1859. GROSRICHARD, pharmacien, place de l’Abondance, 17. — 1870. GRUEY, professeur d'astronomie à la Faculté des sciences, direc- teur de l'Observatoire de Besançon. — 1882. GRUTER, médecin-dentiste, rue Moncey, 12. — 1880. GUENOT, Auguste, ancien négociant, rue du Chateur, 17. — 1872. GUICHARD, Albert, négociant, ancien président du tribunal de commerce, rue d'Anvers, 3. — 1853. GUICHARD, Paul, négociant, rue des Chambrettes, 13. — 1884. GUILLEMIN, Victor, artiste peintre, rue de la Préfecture, 18. — 1884. * GUILLEMIN, Joseph, caissier de la maison de banque À. Jae- quard, square Saint-Amour, 5. — 1879, 26 — À02 — MM. GUILLIN, libraire, ancien membre du conseil municipal, rue Battant, 3. — 1870. HALDY, Alexandre, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Jean, 3. — 1859. HALDY, Léon-Emile, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Jean, 3-5. — 1879. HATTENBERG, Victor, fabricant d’'horlogerie, rue Proudhon, 16. — 1879. HENRY, Jean, docteur ès sciences, professeur de physique à l'Ecole de médecine, place Saint-Amour, 12. — 1857. HENRY (le baron Edouard), littérateur, rue de la Préfecture, 29, — 1876. HÉZARD, Albert, négociant, rue Neuve-Saint-Pierre, 21. — 1876. IHLER, Adolphe, banquier, rue Morand, 16. — 1880. JEANNIN (l'abbé), chanoine honoraire, directeur de la Semaine religieuse, rue Saint-Vincent, 19. — 1884. DE JOUFFROY (le comte Joseph), membre du conseil général ; au château d’Abbans-Dessous, et à Besançon, rue du Chapitre, 1. — 1853. * KOLLER, propriétaire; aux Chaprais. — 1856. LACORDAIRE, Ernest, directeur des contributions directes. — 1884. LAGARDE, Henri, professeur de physique à la Faculté: des sciences, Grande-Rue, 71. — 1885. LALLEMAND, Paul, conseiller à la Cour d’appel, quai Veil- Picard, 47. — 1886. LAMBERT, Léon, ingénieur en chef des ponts et chaussées en re- traite, rue Moncey, 12: — 1852. LAMBERT, avocat, ancien magistrat, quai de Strasbourg, 13. — 1879. * DE LAUBESPIN (le comte Léonel MOUCHET DE BATTEFORT), Sé- nateur; Paris, rue de l’Université, 78. — 1878. LARMET, Jules, vétérinaire, secrétaire de la Société d’agricul- ture du Doubs, rue de Glères, 6. — 1884. LAURENS, Paul, président honoraire de la Société d'agriculture du Doubs, ancien adjoint au maire de Besançon, rue de la Préfecture, 15. — 1854. 10 MM. * LEBEAU, administrateur de la compagnie des Forges de Fran- che-Comté, place Saint-Amour, 2 bis. — 1872. LEboux, Emile, docteur en médecine, quai de Strasbourg, 13. — 1875. LESBROS, fabricant d’horlogerie, rue des Chambrettes, 6.— 1876. LIEFFROY, Aimé, propriétaire, administrateur des forges de Franche-Comté, rue Charles Nodier 11. — 1884. LIiME, Claude-François, négociant, quai Veil-Picard, 15. — 1883. LouvoT, Emmanuel, avocat, Grande-Rue, 86. — 1885. Louvor (l'abbé), Fernand, aumônier du Refuge. — 1876. MAIRE, ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite, rue Charles Nodier, 15. — 1851. MAIRE, Alfred, conseiller à la Cour d'appel, rue du Chateur, 12. — 1870. MAIRE, Célestin, avoué, rue des Granges, 14. — 1884. MAES, Alexandre, serrurier-mécanicien, rue du Mont-Sainte- . Marie, 10. — 1879. MAGNIN, Antoine, professeur de botanique à la Faculté des sciences et à l'Ecole de médecine, adjoint au maire de la ville, rue du Chasnot. — 1885. MAïIROT, Félix, banquier, président de la Chambre de commerce, rue de la Préfecture, 17. — 1857. MaïrroT, Henri, président du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 17. — 1881. MAISONNET, Auguste, négociant, aux Cras-Chaprais. — 1869. MANDEREAU, médecin -vétérinaire, inspecteur de PAbattoir, Grande-Rue, 117. — 1883. MARCHAND, Albert, ingénieur, administrateur délégué des sa- lines de Miserey. — 1888. MARGAINE, directeur des douanes, rue de la Préfecture, 8. — 1883. à * MARTIN, Jules, manufacturier, rue Saint-Vincent, 7. — 1870. Masson, Valery, avocat, rue de la Préfecture, 10. — 1878. MATHEY-DORET, professeur à l'Ecole d’horlogerie, Grande-Rue, 101. — 1883. MATILE, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Pierre, 7. — 1884. MEALY, Ladreyt, pasteur protestant, rue du Lycée. — 1884, — ÀA04 — MM. MERCIER, Adolphe, docteur en médecine; aux Chaprais (ban- lieue). — 1881. MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement ; à Canot (mai- son Jobard). — 1868. MicHEL-BricE, Henri, architecte-paysagiste; à Fontaine-Ecu (banlieue). — 1886. Mipoz, Charles, électricien, rue Gambetta, 8. — 1885. MiNARY, Emmanuel, ingénieur, rue Battant, 37. — 1879. Mior, Camille, négociant, membre de la Chambre de commerce, Grande-Rue, 104. — 1872. MONNIER, Louis, pharmacien, rue Ronchaux, 23. — 1876. MONNIER, Paul, correcteur d'imprimerie, rue de Glères, 14. — 1860. MorEL, Ernest, docteur en médecine, Grande-Rue, 121. — 1863. MUSSELIN, comptable, rue des Granges, 3. — 1872. NARGAUD, Arthur, docteur en médecine, rue de la Madeleine, — 1875. NaAssoy, colonel de gendarmerie, rue de la Préfecture, 18. — 1885. NICKLÈS, pharmacien de 1re classe, Grande-Rue, 128. — 1887. * ORDINAIRE, Olivier, consul de France, à Tarragone (Espagne). — 1876. D’ORIVAL, Léon, propriétaire, rue du Clos, 22. — 1854. D'ORIVAL, Paul, président honoraire à la Cour d'appel, place Saint-Jean, 6. — 1852. ORTET fils, Charles, négociant, rue Saint-Pierre, 19. — 1886. OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, membre de la Chambre de com- merce, rue de la Préfecture, 16. — 1858. PARGUEZ (le baron), docteur en médecine, ancien adjoint au maire, Grande-Rue, 68. — 1857. PERRUCHE DE VELNA, Conseiller à la Cour d'appel, rue du Per- ron, 26. — 1870. PETITCUENOT, Paul, avoué près la Cour d'appel, Grande-Rue, 107. — 1869. PerTir, Hugues, chef de section du chemin de fer Paris-Lyon- Méditerranée, rue des Chaprais, 9. — 1881, LO — 405 — MM. PIGUET, Emmanuel, fabricant d’horlogerie, place Saint-Pierre, 9. — 1856. * PINGAUD , Léonce, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres, rue Saint-Vincent, 17. — 1874. DE POMARET, Henri, ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite, hôtel de Paris. — 1887. PouLer, Emile, négociant, juge au tribunal de commerce, rue de la Lue, 6. — 1877. PROUDHON, Camille, conseiller honoraire à la Cour d'appel, rue des Granges, 93. —- 1856. RÉMOND, notaire, Grande-Rue, 31. — 1881. * RENAUD, Alphonse, docteur en droit, sous-chef à la direction générale de l’enregistrement; Paris, rue d'Amsterdam, 69. — 1609. RENAUD, Ernest, fabricant d’horlogerie, rue Rivotte, 8. — 1885. RETROUVEY, Charles, boulanger, rue de Chartres, 1. — 1877. RICHARD, Louis, médecin major; à Montrapon. — 1878. RICHARD, Henri, ingénieur, directeur de la Vinaigrerie, rue de la Mouillère (banlieue de Besançon). — 1887. RICKLIN, notaire, Grande-Rue, 99. — 1879. RIGNY (l’abbé), chanoine honoraire, curé de Saint-Pierre. — Tes Riprs, Paul, architecte, Grande-Rue, 27. — 1873. ROBARDET, Commissaire -priseur, ancien membre du conseil d'arrondissement de Besançon, rue des Granges, 34. — 1879. RogBerT, Edmond, fabricant d’aiguilles de montres , rue Prou- dhon, 16. — 1886. SAILLARD, Albin, directeur de l'Ecole de médecine et chirurgien en chef des hospices, membre du conseil général du Doubs, Grande-Rue, 136. — 1866. SAILLARD, Léon, négociant, rue des Granges, 59. — 1877. SAILLARD, Eugène, ancien directeur des postes du département du Doubs; Beauregard (banlieue de Besançon). — 1879. SAINT-GINEST, Etienne, architecte du département du Doubs, rue Granvelle, 28. — 1866. DE SAINTE-AGATHE, Joseph, avocat, archiviste-paléographe, rue d'Anvers, 1. — 1880. — A06 — MM. SANCEY, Alfred, négociant, adjoint au maire de Besançon, Grande-Rue, 9. — 1878. “ SANCEY, Louis, comptable, à Montjoux. — 1855. SANDOZ, Charles, négociant en fournitures d’horlogerie, ancien adjoint au maire, place Saint-Amour, 4. — 1880. SANDOZ, Léon, négociant en fournitures d’horlogerie, consul de la Confédération helvétique, à la Viotte. — 1879. SAVOUREY, Charles-Arthur, propriétaire, rue des Martelots, 7. — 1874. SCHLUMBERGER, Emile, rue des Chaprais, 24. — 1884. SCHOENDOERFFER, Paul, ingénieur de 1'e classe des ponts et chaussées, Grande-Rue, 117. — 1885. SENDER, Xavier, négociant, rue Battant, 29-51. — 1885. SERRES, Achille, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1883. SIRE, Georges, docteur ès-sciences, essayeur de la garantie ; aux Chaprais. — 1847. SONGEON, fabricant d’horlogerie, rue de la Préfecture, 4. — 1884. SURLEAU, directeur de la succursale de la Banque de France, rue de la Préfecture, 19. = 18386: TaArBy, professeur au Lycée de Besançon, Grande-Rue, 86. — . 1886. VAISSIER, Alfred, conservateur-adjoint du Musée des antiquités, Grande-Rue, 109. — 1876. VERNIER, Léon, agrégé de l’Université, professeur au Lycée, rue Sainte-Anne, 12. — 1883. VERMOT, Théodore, entrepreneur de maçonnerie; rue des Cha- prais. — 1879. DE VEZET (le comte Edouard), ancien lieutenant-colonel de l’armée territoriale, rue Charles Nodier, 17 ter. — 1870. VÉZIAN, Alexandre, doyen de la Faculté des sciences, rue Charles Nodier, 21. — 1860. VIEILLE, Gustave, architecte, commandant du bataillon de sa- peurs pompiers, rue de Lorraine, 3. — 1882. VIENNET (l'abbé), professeur au collège Saint-François-Xavier. — 1884. VOIRIN, Jules, ancien pharmacien, membre du conseil munici- pal, rue d’Arènes, 23. — 1876. y MM. * VUILLEMOT, Albert, licencié en droit, ancien avoué, rue Saint- Vincent, 43. — 1876. VUILLERMOZ, avocat, ancien magistrat, rue Morand, 9. — 1878. WERLEIN, Amédée, négociant, rue des Granges, 39. — 1870. ZoRN, Auguste, ancien professeur à l'Ecole d’horlogerie, place Saint-Amour, 7. — 1877. Membres correspondants (188). MM. ANDRÉ, Ernest, notaire; Gray (Haute-Saône). — 1877. * D'ARNEVILLE, Henri, chimiste; Besançon. — 1878. BAILLE, Charles, président honoraire de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny (Jura). — 1877. BAILLY, inspecteur d'académie en retraite, ancien président du conseil général de la Haute-Saône ; Vesoul. — 1875. * BARDET, notaire à Vuillafans. — 1886. BARTHOLOMOT, Alfred, président de Chambre à la Cour d'appel de Grenoble. — 1877. BENNETT (sir John), membre du conseil municipal et du conseil supérieur d'éducation de Londres. — 1886. * BERTHAUD, professeur de physique au lycée de Màcon (Saône- et-Loire). — 1880. * BESSON, ingénieur de la Compagnie des forges de Franche- Comté; Courchapon (Doubs). — 1859. BETTEND , Abel, imprim.-lithogr.; Lure (Haute-Saône). — 1862. BERDELLÉ, ancien garde général des forêts; à Rioz (Haute- Saône). — 1880. BEURNIER, ancien inspecteur général des forêts ; Montbéliard (Doubs), place Saint-Martin, 8. — 1874. BEY, Jules, horticulteur-pépiniériste ; Marnay (Haute-Saône). — 1871. Brxi0, Maurice, agronome, membre du conseil municipal de Paris ; Paris, quai Voltaire, 18. — 1866. B1Z0S, Gaston, professeur de littérature française et doyen de la Faculté des lettres d'Aix. — 1874. BLANCHOT, Hippolyte, docteur en médecine, membre du conseil général de la Haute-Saône; Granvelle (Haute-Saône). — 1881. — A08 — MM. BOBILLIER, Edouard, maire de la ville et suppléant du juge de paix; Clerval (Doubs). — 1875. BoissELET, Joseph, avocat; Vesoul (Haute-Saône). — 1866. BorrEUx, Louis, docteur en médecine; Baume-les-Dames. — 1886. BÔôLE, Camille, professeur de mathématiques au lycée de Chà- teauroux (Indre). — 1885. * BOUILLET, Apollon; Paris. — 1860. BouLAY (l’abbé), docteur ès-seiences, professeur à l’Université catholique de Lille (Nord), rue des Frères Vaillants, 9. — 1875. BOUTHENOT-PEUGEOT, vice-président de la Société d’émulation de Montbéliard; Audincourt (Doubs). — 1869. * BREDIN, professeur au Lycée de Vesoul (Haute-Saône). — 1857. * BRioT, docteur en médecine, membre du conseil général du Jura; Ghaussin (Jura). — 1869. BRUAND, Léon, inspecteur des forêts ; Paris, rue Bonaparte, 155. — 1881. BURIN DU BUISSON, préfet honoraire, à Cramans, Jura. — 1878. * BUCHET, Alexandre, propriétaire; Gray (Haute-Saône).— 1850. CARDOT DE LA BURTHE, bibliophile; Paris, avenue de Villiers, 92. — 1873. CARME, conducteur de travaux au P. L. M; Vitteaux (Côte-d'Or). — 1856. CARRAU, professeur à la Faculté des lettres de Paris; rue du Tronchet, 30, Paris. — 1871. CASTAN, Francis, colonel d'artillerie, directeur de la poudrerie du Bouchet, par Vert-le-Petit nee — 1860. ‘ CHAMPIN, ancien sous-préfet ; Baume-les-Dames. — 1865. CHAPoOY, Henri, avocat à la Cour d'appel de Paris ; Paris, rue des Saints-Pères, Joe 1875 CHAPUIS, Louis, pharmacien ; Chaussin (Jura). — 1869. * CHOFFAT, Paul, attaché à la Section des travaux géologiques du Portugal; Lisbonne, rua do Arco a Jesus, 113. — 1869. CIZEL (l'abbé), professeur au collège libre de la Chapelle-sous- ougemont (territoire de Belfort). — 1884. * CLOz, Louis, professeur de dessin à Bourgoin (Isère). — 1863. — 409 -- MM. CONTET, Charles, professeur agrégé de mathématiques au Lycée de Saint-Quentin. — 1884. * CONTEJEAN, Charles, professeur à la Faculté des sciences de Poitiers (Vienne), rue de l'Est, 9. — 1851. CORDIER , Jules-Joseph, contrôleur des douanes; Saint-Nazaire (Loire-[nférieure). — 1862. CORNUTY, contrôleur de la garantie; Pontarlier. — 1883. COosTE, Louis, docteur en médecine et pharmacien de {re classe, bibliothécaire de la ville de Salins (Jura), — 1866. * COTTEAU, Gustave, ancien magistrat, correspondant de l’[ns- titut ; Auxerre (Yonne). — 1860. COURBET, Ernest, receveur municipal, trésorier de la ville de Paris ; Paris, rue de Lille, 1. — 1874. * CRÉBELY, Justin, employé aux forges de Franche-Comté; Moulin-Rouge, près Rochefort (Jura). — 1865. DARGÇOT, juge de paix à Champagney (Haute-Saône). — 1880. DAUBIAN-DELISLE, Henri, directeur des contributions directes, ancien président de la Société; Montpellier. — 1874. DÉPIERRES, Auguste, avocat; Luxeuil (Haute-Saône). — 1880. * DEROSNE, Ch., maître de forges; à Ollans, par Gendrey.— 1880. * DESSERTINE, Edmond, directeur de forges ; Longchamp, par Clairvaux (Aube). — 1866. DETZEM, ingénieur en chef des ponts et chaussées ; Niort (Deux- Sèvres). — 1851. : * DEULLIN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. DEVARENNE, Ulysse, contre-amiral ; Paris, rue de la Bienfai- sance, 42. — 1867. * DEvaUXx, ancien pharmacien, maire de la ville de Gy (Haute- Saône). — 1860. DÉY, Aristide, ancien directeur des Domaines, ancien président de la Société; Vendôme (Loir-et-Cher). — 1853. DoinNtr, Félix: Paris, rue Richer, 4 et à Verres (Seine-et-Oise). — 1857. * DORNIER, pharmacien ; Morteau (Doubs). — 1873. DRAPEYRON , Ludovic, docteur ès-lettres, professeur d'histoire au Lycée Charlemagne, directeur de la Revue de Géographie ; Paris, rue Claude-Bernard. 55. — 1866, | 10 MM. DucaT, Auguste, docteur en médecine; Paris, rue Gompans 93, (Belleville). — 1873. * DurAy, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875. * Durour, Max, docteur en médecine; Lausanne, rue du Midi. — 1880. * DuLAU, F. Justen, libraire; Londres, Soho Square, 37. — 1887. * FAVRE, Alphonse, professeur à l’Académie de Genève, cor- respondant de l’Institut de France (Académie des sciences); Genève, rue des Granges, 6. — 1862. FEUVRIER (l'abbé), chanoine honoraire, curé de Montbéliard (Doubs). — 1856. FLAGEY, Camille, ingénieur, ancien membre du conseil général du Doubs; Constantine, Dar-el-Bey. — 1877. * DE FROMENTEL, docteur en médecine; Gray (Haute-Saône). — 1857. GALMICHE, Roger, avocat, ancien président de la Société d’agri- culture, sciences et arts de la’ Haute-Saône; à Francheville, par Citers (Haute-Saône). — 1885. GAFFAREL, professeur d'histoire à la Faculté des lettres de Dijon. — 1878. * GARNIER, Georges, avocat; Bayeux (Calvados), — 1867. GASCON, Edouard, agent-voyer principal et conducteur des ponts et chaussées; Fontaine-Française (Côte-d'Or). — 1868. GAUTHIER, docteur en médecine; Luxeuil (Haute-Saône). — 1868. GEVREY, Alfred, président du tribunal; Montélimar (Drôme). — 1860. * GIRARDIER, agent voyer d'arrondissement ; Pontarlier (Doubs). — 1856. GIROD , Paul, docteur en médecine et ès-sciences, professeur à la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand. — 1882. GREMAUD (labbé), bibliothécaire cantonal de Fribourg (Suisse). — 1870; GRESSET, Félix, général de division d'artillerie; aux Tilleroyes- lez-Besançon. — 1866. GUILLET, Eugène, percepteur ; à Dormans (Marne). — 1880. * GUILLEMOT, Antoine, entomologiste, Thiers (Puy-de-Dôme). — 1854. — AA — MM. GUINET, Pierre, ingénieur, directeur de manufacture, à Plom- bières (Vosges). — 1873. GUTZWILLER, Louis, juge de paix ; Poligny. — 1878. HENRICOLAS, directeur des contributions directes ; à Bar-le-Duc. — 1878. HOFFMANN, imprimeur; Montbéliard (Doubs). — 1873. HUART, Arthur, ancien avocat général; Paris, rue de Ia Faisan- derie, 24. — 1870. HUGUET, docteur en médecine ; à Vanne par Lavoncourt (Haute- Saône). — 1884. * JACCARD, Auguste, professeur de géologie à l’Académie de Neuchâtel (Suisse) ; au Locle. — 1860. JANET, Albert, négociant; Saint-Vit (Doubs). — 1872. JEANNIN (l'abbé), curé de Déservillers (Doubs). — 1872. JEANNOLLE, Charles, pharmacien à Saint-Loup (Haute-Saône).— 1876. JÉGO, ancien agent des bois de la marine; Vitry-le-François (Marne). — 1872. JOBEZ, Théodore, propriétaire; Chaussin (Jura). — 1877. JOBIN, Alphonse, avocat; Lons-le-Saunier (Jura). — 1872. JOLIET, Gaston, préfet de l'Ain; Bourg — 1877. JUNG, Théodore, général de brigade, gouverneur de Dunkerque (Nord). — 1872. * JURGENSEN, Jules, littérateur, consul de Danemark; au Locle (Suisse). — 1872. * KŒCHLIN, Oscar, chimiste; Dornach (Alsace). — 1858. KOHLER, Xavier, président honoraire de la Société jurassienne d'Emulation; Porrentruy (Suisse). — 1864. KURTZ, juge suppléant au tribunal de Saint-Claude. — 1888. * LAMOTTE, directeur des hauts fourneaux; Ottange, par Aumetz (Lorraine). — 1859. LAURENS, Camille, ingénieur €ivil; Paris, rue Taitbout, 82. — 1881. * LAURENT, Ch., ingénieur civil; Paris, rue de Chabrol, 35.—1860. LEBAULT, Armand, doct. en méd.; Saint-Vit (Doubs). — 1876. LECHEVALIER, Emile, libraire; Paris, quai des Grands-Augus- tins, 39. — 1888. — 419 — LE MIRE, Paul-Noël, avocat; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura). — 1876. LE MONNIER, professeur à la Faculté des sciences de Nancy (Meurthe-et-Moselle). — 1875. * LERAS, inspecteur honoraire d'Académie ; Auxerre (Yonne). — 1857. LHOMME, botaniste, employé à l’hôtel de ville de Vesoul (Haute- Saône), rue de lAigle-Noir, 30. — 1875. * LiIGIER, Arthur, pharmacien, membre du conseil général du Jura ; Salins (Jura). — 1865. LONGIN, Emile, avocat, ancien magistrat; Vesoul. — 1874. LORY, correspondant de l’Institut, doyen de la Faculté des scien- ces de Grenoble (Isère). — 1857. MACHARD, Jules, peintre d'histoire, ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome; Paris, rue Ampère, 67. — 1866. Mapior, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). — 1880. * MAILLARD, docteur en médecine, Dijon (Côte-d'Or). — 1855. MAIRE-SEBILLE (l'abbé), curé de Vuillecin (Doubs). — 1880. MaiREY (l'abbé), professeur au séminaire de Vesoul. — 1874. MAÎTRE, agent voyer de la ville de Limoges. — 1887. DE MARMIER (le duc), membre du conseil général de la Haute- Saône ; château de Ray-sur-Saône. — 1867. MARLeT, Adolphe, ancien conseiller de préfecture ; rue des Bons- Enfants, 6, à Dijon (Côte-d'Or). — 1852. * MARQUISET, Léon, avocat, ancien magistrat; à Apremont (Haute- Saône) et à Paris. — 1874. MARTIN, docteur en médecine ; Aumessas, par Alzon (Gard). — 1855. MARTIN, Abel, capitaine adjudant major au 29e régiment d’in- fanterie, à Dijon. — 1881. * MATHEY, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856. DE MENTHON (le comte René), botaniste; Menthon Saint-Bernard (Haute-Savoie), et au château de Saint-Loup-les-Gray, par Gray. — 1854. MEyNIER, Joseph, médecin-major de dre classe à LICE mili- taire du camp de Châlons. — 1876. — M3 — MM. MiGNARD, Prosper, correspondant du Ministère de l’Instruction publique; Dijon (Côte-d'Or), rue Franklin, 1. — 1868. MILLIARD, Alfred, à Fédry par Lavoncourt (Haute-Saône). — 1886. * MONNIER, Eugène, architecte du gouvernement; Paris, rue Washington, 19. — 1866. * DE MONTET, Albert ; à Chardonne-sur-Vevey (Suisse). — 1882. MORÉTIN, docteur en médecine; Paris, rue de Rivoli, 68. — 1857. MoucHET, Léon, professeur à la Faculté de droit de Dijon (Côte- d'Or), ancien membre du Conseil général du Doubs. — 1879. MourEY (l’abbé), à Montmartin (Doubs). — 1886. MoURoOT, instituteur en retraite; Trepot (Doubs). — 1869. DE MOUSTIER (le marquis), membre du Ccnseil général du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs) et Paris, _rue de l’Université, 82. — 1874. MuGnier, Henri-Auguste, ingénieur-architecte; Paris, rue de Sévigné, 26. — 1808. MUSELIER, notaire honoraire; Ornans (Doubs). — 1881. MUSTON, docteur en médecine, archéologue; Montbéliard. — 1887. DE NERVAUX, Edmond, ancien directeur au Ministère de l’Inté- rieur ; Paris, rue d’Astorg, 27. — 1856. PAILLOT, Justin, pharmacien ; Rougemont (Doubs). — 1857. * PARANDIER, inspecteur général de première classe des ponts et chaussées en retraite, président de la Société de viticulture d'Arbois (Jura) ; Paris, rue des Ecuries d'Artois, 38. — 1852. Paris, docteur en médecine ; Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. PARISOT, Louis, pharmacien et ancien maire de Belfort. — 1855. PÉROZ, Etienne, capitaine au 4e régiment d'infanterie de ma- rine ; Toulon. — 1887. PERRON, Charles, docteur en médecine; route de Baume (ban- lieue). — 1877. * PESSIÈRES, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1853. PETIT, Jean, statuaire; Paris, rue Denfert-Rochereau, 89. — 1866, PETITCLERC, Paul, géologue; Vesoul (Haute-Saône), — 1881. — AA — MM. PINAIRE, Jules, juge de paix; Clerval (Doubs). — 1868. PoLzy, archéologue ; Breuches (Haute-Saône). — 1869. DE PRINSAC (le baron), ancien membre du conseil d’adminis- tration de la Société; château de Sadeillan, par Mont-de-Ma- rast (Gers). — 1873. ProsT, Bernard, sous-chef du bureau des archives départemen- tales au ministère de l’Instruction publique et des Beaux- Arts; Paris, avenue Rapp, 3. — 1857. * QUÉLET, Lucien, docteur en médecine, Hérimoncourt (Doubs). — 1862. RAMBAUD , Alfred, professeur à la Faculté des lettres de Paris, membre du Conseil général du Doubs. — 1881. * RECEVEUR, Jules, notaire; Cuse, près Rougemont (Doubs). — 1874. * RENAUD, Edouard, chef de bataillon d'infanterie; Pau. — 1868. RENAULD , Ferdinand, botaniste, capitaine des gardes du prince de Monaco. — 1875. * REVON, Pierre, banquier; Gray (Haute-Saône). — 1858. RICHARD, Charles, docteur en médecine ; Autrey-lez-Gray (Haute-Saône). — 1861. RICHARD, Auguste, pharmacien; Nice, rue de Paris, 15, et Autet (Haute-Saône). — 1876. Rrpps (l'abbé), curé d’Arc-lez-Gray (Haute-Saône). — 1882. ROUTHIER, Joseph-Prosper, attaché à la Préfecture de la Seine; rue Flatters, 10, Paris. — 1886. ROUZET, Louis, ancien ingénieur-voyer ; Dole (Jura). — 1874. Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes’ Paris ruedes Saints-Pères, 12. — 18367 Roy, banquier ; L’Isle-sur-le-Doubs. — 1887. * ROSsIGNOT (l'abbé), Auguste, curé d’Argillières (Haute-Saône). — 1885. * SAILLARD, Armand, négociant, Villars-lez-Blamont (Doubs). — 1877, * SENTUPÉRY, Charles; château de la Folie, Arc-lez-Gray (Haute- Saône), — 1879. * DE SAUSSURE, Henri, naturaliste; Genève, Cité 24. — 1854. à d * : je. eh x" — M5 — MM. TAILLARD, docteur en médecine, membre du Conseil d'arrondis- sement; Maîche (Doubs). — 1877. THURIET, Ch., président du tribunal civil; Saint-Claude (Jura). — 1869. THURIET, Maurice, avocat; Baume-les-Dames (Doubs). — 1885. TOUBIN, Charles, ancien professeur au collège arabe d'Alger; rue Foncet, 12, à Nice, et à Salins (Jura). — 1856. * TOURNIER, Ed., maître de conférences à l’Ecole normale, sous- directeur à l’école des hautes études; Paris, rue de Tournon, 16. — 1854. TRAVELET, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez- Morey (Haute-Saône). — 1857. * TRAVERS, Emile, ancien conseiller de préfecture; Caen (Calva- dos). — 1869. TRIDON, Mathieu, censeur honoraire du Lycée de Besançon, à - Buthiers (Haute-Saône). — 1878. * TRIPPLIN, Julien, représentant de l'horlogerie bisontine et vice-président de l’Institut des horlogers; Londres : Bartlett’s Buildings, 5 (Holborn Circus), E. C., et Belle-Vue (Heathfield Gardens Chiswick, W). TUETEY, Alexandre, sous-chef de la section législative et judi- claire aux Archives nationales; Paris, rue de Poissy, 31. — 1863. VALFREY, Jules, ministre plénipotentiaire, ancien sous-directeur à la direction politique du Ministère des affaires étrangères ; Paris, rue du Faubourg Saint-Honoré, 140. — 1869. VAISSIER, Jules, fabricant de papiers; Marnay, par Azay-le- Rideau (Indre-et-Loire). — 1877. VARAIGNE, directeur des Contributions indirectes ; à Limoges (Haute-Vienne). — 1856. VENDRELY, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône). — 1863. VERNEREY, notaire; Amancey (Doubs). — 1880. VIELLARD, Léon, propriétaire et maître de forges; Morvillars (Haut-Rhin). — 1872. * DE VIGNAUD, Eugène, littérateur ; Paris. — 1875. VOISIN-DELACROIX, Alphonse, statuaire; Montrapon (banlieue). — 1878. : WALLON, Henri, agrésé ne à manuteturier; Rouen, Val d'Eauplet, A8. mn 1008 Paris, rue de Sèvres oi —_ 1860. : : _ ZELLER, J ean, inspoeteur d'académie : à Laon. — cn E À tr Æ { ; ë ’ £ y \ # 2 e $ _ : Z. î \ w < € Æ Ÿ z na à 5 ï ; l î | = AN. > = 2 ÿ ee à 4 Se 4 DE = ï à k TS, 7 1 l - î lé = 2 x > 5 x CE } RSS RE æ 3 1 é PARDEN ( 0 à à S ë x 2067 à L À K ÿ É ( Va | % Æ Fe ï HT SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (455) Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations FRANCE. Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l’Instruction publique /Cinq exemplaires des Mémoires) . . $ “ Ain: Société d’'Emulation de l'Ain, Bourg. . Aisne. Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agri- culture et industrie de Saint-Quentin . Allier. Société des sciences médicales de l'arrondissement de Gannat . D re à Société d’'Emulation du département de l'Allier; Mou- lins. Alpes-Maritimes Société des lettres, Sciencés et arts des Alpes-Maritimes ; Nice. :- Alpes (Hautes-). Société d'étude des Hautes-Alpes; Gap. . . .- Ardèche. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et lettres … de FArdèche ; Privas. ue 27 1867 ASS84 — A8 — Aube. Société académique de l'Aube; Troyes . . . Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. Bouches-du-Rhône. Société de statistique de Marseille. Académie des sciences, belles-lettres et De de Maictille. Calvados. Société Linnéenne de Normandie ; Caen. Académie de Caen. . . . Charente. Société historique et archéologique de la Charente; AnvCouleMmest Re Gharente-Inférieure. Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis SAINTES 40e ARTE Cher. Société des antiquaires du Centre ; Bourges. Gôte-d'Or. Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . Commission des antiquités du département de la Côte- DOTÉ Dion: RSR REA Sr et RC Société US d'histoire et de littérature de Beaune 0 as RS nee : Société des sciences de et naturelles de nn. Société bourguignonne de géographie et d'histoire. Doubs, Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- CONRAD An de Pa neE A 1807 1876 1867 1867 1857 1868 1877 1883 1876 1856 1869 1877 1880 1888 1841 — M9 — Société d'agriculture, sciences naturelles et arts du dé- partement du Doubs ; Besançon. Société d'Emulation de Montbéliard. Société de médecine de Besançon. Société de lecture de Besancon . Club alpin de Besançon . Drôme. Bulletin d'histoire ecclésiastique et d’archéologie reli- gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Vi- viers, Romans (Drôme) . Eure-et-Loir. SOUCI LC DUNOISe) Chäteaudun stress Finistère. Societé acaudenmique. de Brest. ein Ar Gard. Académie de Nimes . ù ; s Société d’études des sciences nee de Ninon Garonne (Haute). Société archéologique du Midi de la France : Toulouse. Société des sciences uote et naturelles de Tou- JIHUuSe entre Gironde. Société des sciences physiques et naturelles de Bor- deaux. ei : - Société d’ archéo hdi de Po deale : Société Linnéenne de Bordeaux …. . . . . . . : . «à Hérault. demie. de Montpelie Société archéologique de Mouipolier. Société des sciences naturelles de Béziers, 1841 1854 1861. 1865 1875 1880 1867 1875 1866 1883 1872 1875 1867 . 1878 . 1878 1869 1869 . 1878 00 Isère. Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- ment de l’Isère ; Grenoble . Jura. Société d'Emulation du département du Jura; Lons-le- Saunier . à ; Société de Mu sciences et arts de Bon Société de viticulture et d’horticulture d’Arbois . Loire. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire; Saint-Etienne. . Loiret. Société archéologique de l’Orléanais ; Orléans . Lot-et-Garonne. Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen. Maine-et-Loire. Société industrielle d'Angers et du département de Maine- et-Loire; Angers. EE ne ; Société ne de Maine-et- CLOIre. hisere : Manche. Société des sciences naturelles de Cherbourg . Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- partement de la Marne; Châlons . Société d'histoire naturelle de Reims 7 0 20 Société d'agriculture, sciences et arts du heu de la Marne ; Reims. . Marne (Haute-). Société archéologique de Langres. . 1857 1844 1860 1877 1866 18b1 1884 1855 1857 1854 1856 1878 1878 1874 RÉ LeA S > sr — AU — Meurthe-et-Moselle. Société des sciences de Nancy (ancienne Société des sciences naturelles de Strasbourg) . Société d'archéologie lorraine, à Nancy. Meuse. Société polymathique de Verdun . Morbihan. Société polymathique du Morbihan; Vannes. Oise. Soere mStorique.de Compiècne rte 0 Pyrénées (Hautes-). Société des sciences, arts et lettres de Pau. Pyrénées (Basses-). Société des sciences et arts de Bayonne. Pyrénées Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales; Perpignan. Rhin (Haut:-). - Société Belfortaine d’Emulation . | Rhône. Société d'agriculture, d'histoire naturelle et arts utiles de Lyon. de D ae Académie des sciences, cles etes. et ar HE de Lyon . Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. Saône-et-Loire. Société Eduenne ; Autun. Aie Société d'histoire naturelle d’Autun. à ele Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur- due. ù Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha- lon-sur-Saône . 1866 1886 186% 1886 1873 1884 1856 1872 1850 1860 1856 1846 1888 1857 1877 — 492 — Saône (Haute-). Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône ; MA OSOUE SE Ge Re EU re CARRE ACER Société d'encouragement à l’agriculture ; Vesoul. Sarthe. Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe; Le Mans serais RON Aer : Société historique et on du Maine ; Le Mae Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . . | | Savoie (Haute-). Société Florimontane ; Annecy . Seine. Académie des sciences de l’Institut de France. Association scientifique de France ; Paris . Société des antiquaires de France; Paris. Ha Société française de numismatique et d’archéologie; PATES ENNRR e SAR A REE eee CAR RP ER ne AC Association française pour l'avancement des sciences Société d'histoire de Paris et de l’Ile de France : Association pour l’encouragement des études grecques en France, rue Souftlot, 22 Paris: 1: : : ie Société générale des prisons; place du Marché- San Honoré, 26, Paris D de NU a one ie Société de botanique de Lance. rue de Grenelle, 24, Paris ù ov are ins A ee Société d a de Paie rue Are ee 4 . Société française de physique ù Musée Guimet; avenue du Trocadéro, 20 | Seine-inferieure. Commission départementale des antiquités de la Seine- Inférieure; Rouen Re PE . : 7e Académie des sciences, belles-lettres et arts de ons Société libre d'Emulation de la Seine-[nférieure ; Rouen. 1861 1881 1869 1879 1869 1871 1872 1866 1867 1878 1879 1584 1878 1879 1883 1883 1887 1880 1869 1879 1880 — 493 — Seine-et-Oise. Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et- Oise ; Versailles . Somme Société des antiquaires de Picardie ; Amiens. Vienne (Haute-). Société historique et archéologique du Limousin; Limoges. . Vosges. Société d'Emulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne ; Saint-Dié. . . . . . , Yonne. Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. ALSACE-LORRAINE Société d'histoire naturelle de Colmar. Déne loae à Société des sciences, agriculture et arts de la Basse- Alsace ; Strasbourg . Académie de Metz. . ALGERIE. Société historique algérienne ; Alger ALLEMAGNE. Académie impériale et royale des sciences de Berlin. Société botanique de Ia province de Brandebourg ; Berlin . ANSE RU Rd ht e A CE es AR t Académie royale des sciences de Bavière, à Munich (Kœnigl. Bayer. Akademie der Wissenschaften zu Munchen), a par M. Georg, libraire à Lyon . : ; : Se CR Société des sciences elle 4 En Fe chaftlicher Verein zu Bremen) . Société des sciences naturelles et médicales de a aute. 1861 1852 1860 1880 1885 1870 1879 1877 1865 1866 Hesse (Oberhessische Gesellschaft für Natur und Heïl- kunde) ; Giessen. 2 te Société royale physico-économique de Kibniasbere E nigliche physikalich-œkonomische Gesellschaft zu Kœæ-. nigsherg) ; Prusse . AUTRICHE. Lu et noi de géologie de M d’'Au- triche (Kaiserlich-kœæniglich-geologische Reichsanstalt) ; Vienne. AMERIQUE. Société d'histoire naturelle de Boston. Institut. Smithsonien de Washington . United states geological Survey. . ANGLETERRE. Société littéraire et philosophique de Manchester (Lite- rary and philosophical Society of Manchester). Société des arts de Londres (Journal of the Society of URLS) 2 DCREQUrE Académie royale de Belgique: Bruxelles . . Société géologique de Belgique; Liège . Académie d'archéologie de Belgique; Anvers. PORTUGAL. Section des travaux géologiques du Portugal, de l’Aca- démie royale des sciences de Lisbonne, rua do Arco a Jesus, 115. ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . LUXEMBOURG. Société des sciences naturelles du grand duché de ren bourg ; Luxembourg . 1853 1861 1859 1886 1868 1876 1885 1885 1879 1884 1854 SUËDE ET NORVEGE. Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . Université royale de Christiania SUISSE. Société des sciences naturelles de Bâle. Société des sciences naturelles de Berne . Société Jurassienne d'Emulation ; Porrentruy . Société d'histoire et d'archéologie de Genève Institut national de Genève. Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne . Société d'histoire de la Suisse romande; Lausanne . Société neuchâteloise des sciences nn Noa Société d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel à Société helvétique des sciences naturelles ; Zurich. Société des antiquaires de Zurich. Société générale d'histoire suisse (à la Hibliatheque de Berne). ou Bibliothèque Id. Id: Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id: Id. Id. — À4926 — BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES (28) Recevant les Mémoires. de la ville de Besançon. populaire de Besançon. de l’Ecole d'artillerie de Besançon. des Facultés et de l'Ecole de médecine de Be- sançon. du Chapitre métropolitain de Besançon. du Séminaire de Besançon. de la ville de Montbéliard. de la ville de Pontarlier. de la ville de Baume-les-Dames. de la ville de Vesoul. de la ville de Gray. de la ville de Lure. de la ville de Luxeuil. de la ville de Lons-le-Saunier. de la ville de Dole. de la ville de Poligny. de la ville de Salins. de la ville d'Arbois. de la ville de Saint-Claude. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. Mazarine, à Paris. de l’Ecole d'application de lPartillerie et du génie, à Fontainebleau. du Musée ethnographique du Trocadéro, à Paris. du British Museum, à Londres. Archives départementales de la Côte-d'Or. Id. du Doubs. Id. de la Haute-Saône. Id. du Jura. TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME. PROCÉS-VERBAUX. Conférence de sir John BENNETT sur la situation de l’industrie horlogère à Londres, résumée par M. Alfred VAISSIER....... Le buste en marbre du physicien PÉCLET, de Besançon, offert à la Bibliothèque de cette ville, par M. Jules COLLIN......., Rapport de M. ARNAL sur la gestion financière de l’année 1886. Note de M. Albert GIRARDOT sur les Coralligènes du terrain jurassique, supérieurs à l’étage corallien, dans la fron- tière des Monts-Jura qui appartient au département du DOUDS UT RS ns ae D OR a a leon A dau et dite à Don fait à la Société, par M. Alfred BoveT, d’un exemplaire du grand Gatalogue de sa collection d’autographes...,........ Appréciation, par M. Albert GIRARDOT, de l'ouvrage de M. le docteur Musrox sur le Pr Mo dans le pays de Mont- beliand.: st. , ne aeentee à SR a de dense ji Projet de dégagement d'une nouvelle section des restes de l'Am- phithéâtre de Vesontio : autorisation donnée à cet effet par le Ministère de la Guerre, et vote d’une allocation de mille francs parle Conseilsénéralidu Doubs oser ane ee Annonce de la mort de Léon BARBIER, ancien président de la SOCIÉTÉ RE AR en at Da UE SE Ô Notice sur l’abbé MAISONNET, ancien curé d'Alaise, par M. due USTO CA STAIN RE lee ent ae ane RNA e Budsetde-lasSociété pour 188862702552 ile cause Rapport de M. Alfred Ducar sur l'Annuaire statistique et dé- mographique de la ville de Besançon, par M. JEANNOT.... Election du conseil d'administration pour 1888............. Séance publique du 15 décembre 1887 40. ein Banquet de 1887 : toasts prononcés dans cette réunion par M. le président Edmond COLSENET, M. le premier président FAYE, M. le préfet Gustave GRAUX, M. le recteur NoOLEN, M. le maire BRuAND, M. Emile LonGIN (de Vesoul), M. le pasteur John ViéNnôT (de Montbéliard), M. Jules JURGENSEN (du Locle), M. le docteur Max Durour (de Lausanne), M. GUTZWILLER (de Po- ligny), M. Georges BOYER, président élu pour 1888......... pe p. P. P: VI . IX IX . XIV . XV XVII XVIII . XIX : XX XX . XXIIT . XXIV + XKVI . XXVIII — A2 — MÉMOIRES. La Société d'Emulation du Doubs en 1887, par M. Edmond COLSENET, président annuel. ...... Léon Barbier : notice, par M. F. CHAMPIN;, dis- - COUrS prononcé à ses obsèques au nom de la Société d'Emulation du Doubs, par M. Alfred DUÜCAr a ie ane Le sculpteur français Pierre-Etienne Monnaot, ci- toyen de Besancon, auteur du « Marmorbad » de Gassel : notice sur sa vie et ses ouvrages, 1697- 1733, par M. Auguste CASTAN (1 héliogr. et 2 cli- CRÉES) AS RUR EAene A de ne Louis de Ronchaud, poète, archéoloque et critique d'art, par M, Edouard BESSON 0 on ee Le graveur François Briot, bourgeois de Montbé- liard : analyse d’une étude de M. Alexandre Tue- tév, par M, AuoUSLe CASTAN 2 Re Pensée d'automne. — Aimez-vous ! Pièces de vers de M. Charles GRANDMOUGIN...... .:. ae La Société d'Emulation du Doubs au congrès de la Sorbonne en 1887 : rapport de M. Edouard BEs- SON, SéCrétaire décennale ee ee Le physicien Péclet : discours prononcé en séance publique de la Société d'Emulation du Doubs pour l'inauguration du buste de ce savant, par M. G. SIRET ANIEe OTAVÉ)" et Re as La part de la Franche-Comté dans la formation du Cabinet des chartes el le fonctionnement du Co- milé des travaux historiques : rapport sur un ouvrage de M. Xavier Charmes, par M. Edouard PÉSSON LU D a ee p. 10 p. 105 p. 417 p. 120 pe 425 — 429 — Sur les cartes géologiques à l’occasion du « Mapo- tecu geologica Americana », par M. J. MARCOU.. L'empire de l’almamy-émir Samory ou empire du Ouassoulou : aperçu géographique et historique, DAME DEROZ ES en nn L’instruction publique à Besançon en 1789, par M. Léonce PINGAUD. 8. e . + + + Impressions de voyage du Callao à Tarma (Pérou), par M. Olivier ORDINAIRE, dessins de M. Henri MINCE (op) 0 ARR. Remarques sur l’orographie des Monts-Jura, par M. Georges Boyer (1 carte, 3 planches lithogra- piéces ÆLphoiboraVure) eme ee Le procès de Boncerf, par M. Frédéric DELACGROIX. La nouvelle école d'anthropologie criminelle. Lom- broso et son type du criminel-né, par M. le doc- LEP AUDIN (planche), Ch ui. cs un mr en em Dons faits à la Société en 1886.......... ea NU ons Envois des Sociétés correspondantes .4,...42....4,,:,14,... Membres de la Société au 1er septembre 1887...,,........ Riou Sociétés correspondantes. ,.,..,... DR rs re us Bibliothèques recevant les Mémoires, ....,...,...... RTE ‘ Pr BESANCÇON, IMPRIMERIE DODIVERS. D: D. So Te 296 349 387 389 394 . 417 426 Extraits des statuts et du règlement de la Société d'Emulation du Doubs, fondée à Besançon le 1° juillet 1840. Décret impérial du 22? avril 1863 : « La Société d'Emulation du Doubs, à 7 est reconnue comme établissement d'utilité publique... x = Art. {er des statuts : « Sun but est de concourir activement aux progrès des sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe- ment, de coopérer à la formation des collections publiques et d’e- diter les travaux utiles de ses membres. | » Elle encourage principalement les études relatives à la Franche- Comté. » Art. 13 des statuts : « La Société pourvoit à ses dépenses au moyen : » {0 D’une cotisation annuelle payable par chacun de ses membres résidants et par chacun de ses membres correspondants ; elle est exigible dès l’année même de leur admission. » 20 De la somme de deux francs payabie par les membres rési- _ dants et correspondants au moment de la remise du diplôme. … » Art. 11 du règlement : « La cotisation annuelle est fixée à dix francs pour les membres résidants et à six francs pour les membres correspondants. » | z | Art. 23 des statuts : « Les sociétaires ont la latitude de se libérer de leur cotisation annuelle en versant un se dans la caisse de la Société. » La somme exigée est de cent francs pour les membres rési- dants et de soixante francs pour les correspondants... » Art. 15 des statuts : « Tout membre qui aura cessé de payer sa cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme . démissionnaire par le conseil d'administration. » Art. 6 du règlement : « Les séances ordinaires se tiennent le se- cond samedi de chaque mois... » Art. 9 du règlement : « La Sociéte publie, chaque année... un bulletin de ses travaux, sous le titre de Mémoires... » Art. 13 du règlement : « Le bulletin est remis gratuitement : ÉLÈR A chacun des membres honoraires, résidants et corres- pondants de la Société... » Adresse du Trésorier de la Société : M. le Trésorier de la Societé d'Emulation du Doubs, Palais Granvelle, à Besancon. a EX ni Q NA \ ne Hi NIET CORTE ne FE cal ae ph RS DR hegogtit nd ste "4 Ends. à TNT A UE Rte En ag game MAN bise sm ne Ar nn CSST Le une PT LELTES STEEL Det je pr CUS den rt À png tds 3 pero rai rep D rem qu Cross PARAIT & Lg a Ont MS Pas phone à ea ARE D ere bg ge a +54 Faye d œ &, tan 1 US _ 5 D : QT ue ar ap ‘ “ à à they : ere e = b ASE nt ane n se STORE $ M m $ re Ad 2 Dr # ne Da x ie f LL rer rene “ MA ERP ti AE D PM na UD L A ri ST, A ET À VS ne AT NRA GA Ca ai ? . ne ” $ x st A PAT Eee fes ras : ne” ri Pre pong one ons a a te RE 177 a ee orge sion tt gr ne Ep PU ro J 4 LU dr sie post traces d L M ne D SE Ter Pet she LL Un A D Dada dar ee "AR BAR AR ET En nr ave D pue S Te Eire LED, PR 9 sm « ER AN ee AR Eure in A C7 : DATES EE 2e RU A EL Et vaste à, e y ES RE A) ee ASS PS es RTE es za FER “at pu A fn ed AT PER se qe ÿ e ne TARN Sete On ME Mu » Pere RÉ AENET a DATE TER Ho RE Lo ae Prrux SD Sn ÉD mie : AR PA Sri at Qu Peu Eee br eine een RAS rer ans ee ù À A = A be NE LL TP EE tir : pes AT nes x ! ‘are Alain tx, Uhr TMS de RO NU Tu nt ae sonner a+ s à PASS een nr ner ET re ; Demi ES RL en RE TE Te fon DOTE TETE A 7 , ) RL SET Pape SCT TEE ben Lo ne Étude at are Faro is À, ES Gi x CAEN Ter A nat ne Sao era RUN SM ais Er een rte LD AC Ten een A ETUS DAS PE EE SET era DRE ee MARS MONT PONS) CR qu EG RE Am D A en CT PE Sete ES me RS Sn A RL PARA NC ER n A S CR ste Pi SPRL Eee RU DANS pu a Se 44 us RE qe Rp Ne EE mA EI ET DE EH re RSAEARCPAG ” orbite MEET ER EPS OU Au eg EE ré