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Mairot président élu pour 189,6; le docteur Bruchon père, 2 vice-pré- sident; Vaissier, secrétaire; Meynier, archiviste; Fauquignon, trésorier. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. H. Bruchon, Cordier, Paul Drou- hard, Ducat, Gauderon, Girardot, d’Hotelans, Jégo, Montenoise, Thouvenin, Vernier. M. le docteur Baudin, prié par M. le docteur Ledoux retenu par un accident heureusement peu grave, de le remplacer, an- nonce que la plaque commémorative en l'honneur de Pasteur est posée dans l’intérieur du Lycée Victor Hugo, et que la pro- position du docteur Chapoy, relative au monument à élever à Pasteur dans la ville de Besançon, a reçu un bon accueil auprès de la municipalité. L Il adresse ensuite ses félicitations, au nom de tous ses con- frères : à M. Sire, décoré Chevalier de la Légion d'honneur, à M. Pingaud, nommé Correspondant de l’Institut, et à M. Nicklès, nouvel Officier d’'Académie. Après avoir souhaité la bienvenue à MM. les docteurs Bruchon et Meynier pour leur entrée au bu- reau, M. le Président salue M. H. Mairot, en qui se trouvent associées les connaissances les plus diverses, depuis la science des affaires jusqu'aux talents scientifiques et littéraires et l’in- vite à venir occuper le siège de la présidence pour l’année 1896. M. Henri Mairot, prenant place au bureau, fait l'éloge bien mérité de son prédécesseur, M. le docteur Ledoux, tant sous le rapport du zèle qu’il a montré pour maintenir la Société dans son rôle actif et désintéressé que pour lui attirer, par les plus aimables relations, de sympathiques suffrages. Le nouveau pré- sident s’efforcera de suivre un si bon exemple; la preuve en est donnée de suite par l’énumération des divers travaux dont M. le Président s’est assuré la préparation près de plusieurs membres de la Société. Ar M. le docteur Meynier rend compte du tome VITe et dernier de la remarquable Histoire des princes de. Condé, par Mgr le duc d’Aumale. Ce volume comprend d’abord la suite et la fin du livre VIe, consacré à l’histoire de la « faute » du Grand Condé, puis le livre VIle qui débute par le retour de Condé en France, et traite successivement de sa candidature au trône de Pologne, de sa rentrée au service, du passage du Rhin, des campagnes de 1672 à 1674 et de la bataille de Séneffe qui en fut le fait dominant. Enfin, après le récit de la deuxième campagne de 1675, vient celui de la retraite et de la mort du héros. La lecture de plusieurs passages excite le désir de prendre connaissance de l’ouvrage entier, dont M. le rapporteur « re- - grette de ne pouvoir faire apprécier comme il le souhaiterait les éminentes qualités littéraires et surtout le style dont la noble simplicité et l'allure vigoureuse rappellent en plus d’une page les beaux écrits du Grand siècle. » | Deux nouvelles reproductions en photogravure accroissent la série des portraits du Grand Condé; le dernier surtout, post obitum, par Coysevox, est particulièrement intéressant. — VE — M. le Président transmettra à l’illustre auteur les félicitations de la Société, en même temps que le témoignage de sa gratitude pour le souvenir qu’il à bien voulu lui adresser. La Société accueille par des applaudissements la demande faite par M. Vernier de lire et de voir joindre au procès-verbal les quelques mots d'explication qui suivent concernant une inter- prétation tout à fait contraire à ses sentiments littéraires et qui s’est produite à l'endroit de sa lecture à la dernière séance pu- blique de décembre dernier. « M. Vernier regrette que la forme un peu concise et le ton familier de sa lecture (1) ait pu causer diverses méprises dans une partie des auditeurs, et lui ferait attribuer des intentions d’hostilité comtoise contre Victor Hugo. Il s'agissait simplement, dans un travail exclusivement litté- raire, de faire bien comprendre quelques vers célèbres, fût-ce au détriment d’un certain amour-propre bisontin, et de les dé- fendre contre de récentes critiques. Des reproches qui avaient été adressés au poète, sous une forme plus ou moins respectueuse, par un patriotisme local un peu susceptible, intéressanis d’ailleurs comme manifestations de notre vie provinciale, n’ont été mentionnés, dans sa lecture, que pour montrer comment ces petites animosités peuvent influer sur des idées littéraires. Mais, si l’on veut poser la question des honneurs à rendre à Victor Hugo à Besançon, les faits invoqués perdent toute valeur. Ces accusations ne peuvent pas plus ar- (4) On comprend que le spirituel auteur de : Victor Hugo et « la vieille ville espagnole » ne se soucie pas de demeurer sous le coup d’imputations tout à fait contraires à ses sentiments littéraires, sur lesquels, du reste, personne, sachant lire, n’a pris le change. Aussi quand il demande à faire entendre quelques mots d'explication, les applaudissements qui accueillent ses paroles montrent bien que, sauf la part qu’elle prend à l’ennui d’un auteur qui voit interpréter faussement sa pensée, la Société n’a rien à regretter, bien au contraire, puisqu'elle trouve, dans la circonstance, une nouvelle occasion de goûter un morceau du plus pur esprit comtois. Un mot encore, car ce serait vraiment dommage de laisser perdre un joli trait du fin commentaire qui a précédé ou suivi la communication : « Il est souverainement ridicule de vouloir faire manger des gaudes à quelqu'un qui n’en veut ;pas; il est à croire que le poète n’en à jamais fait son régal, pas même une fois au diner des Gaudes! » — VII — racher le poète à sa ville natale, que les détails de tous genres publiés un peu partout sur la vie du grand homme, ne peuvent enlever leur valeur littéraire à ses chefs-d’œuvre. Il y a deux faits incontestables et qui dominent tous les autres : d’abord Victor Hugo est né chez nous; ensuite s’il nous a regardé d’un peu haut, il ne s’est jamais abaissé à nous renier. Quelques-uns de nos concitoyens auraient voulu davantage. Encore peut-être ne faut il pas exiger d'Hugo ce que nous n’a- vons pas demandé à Pasteur! Au point de vue purement litté- raire, il serait souverainement prétentieux, pour nous, de re- vendiquer au même titre ces deux génies, et la petite Comté, si elle ne veut pas effaroucher les Parisiens et multiplier davantage leurs préjugés sur notre lointaine cité, fera bien de ne réclamer qu'une petite part du grand homme; mais elle serait plus petite encore si elle s’avisait de rejeter la part qui lui revient. Nous sommes dans une situation des plus favorables : — Aucune province en France n’a comme nous le droit naturel de réunir ces deux grandes figures. — Nous ne sommes pas favorisés de la fortune au point de pouvoir répudier de gaité de cœur un pareil privilège. Souhaitons que la ville de Besançon se trouve un jour en situation de rendre à ces deux grands hommes tous les honneurs qui leur sont dûs, et qu’elle ne mesurera point à quelques considérations purement matérielles, encore moins à la différence de leurs opinions politiques dont la postérité ne s’occupera guère, mais uniquement à leur grandeur dans la lit- térature et dans la science. » En raison d’un accroissement prochain des collections artis- tiques de la ville, la municipalité fait procéder, en ce moment, à l'appropriation du bâtiment des halles pour recevoir, dans son enceinte, l’ensemble des Musées. ue | MM. Ducat et Vaissier rappelant que la Société d’'Emulation a maintes fois manifesté sa sollicitude éclairée pour toutes les questions qui se rattachent au développement d’une collection qu’elle a contribué dans une large part à augmenter, estiment que cette Société ne sortirait pas de son rôle absolument désin- téressé en exprimant son sentiment relativement à la réorgani- sation projetée. Or, d’après la distribution qui a été décidée, les précieuses — IX — collections archéologiques aujourd’hui lo gées et classées dans une salle très appropriée à leur nature, à l’abri de l'humidité et de toute tentative de soustraction par l'extérieur, devraient être descendues dans les locaux du rez-de-chaussée où elles seraient inévitablement exposées aux dangers auxquelles elles échappent dans le local qu’elles occupent depuis près de cinquante ans. Considérant en outre que ce déménagement fort coûteux serait aussi préjudiciable à un mobilier de grandes dimensions que pour les objets antiques eux-mêmes, il y aurait lieu que la So- ciété d'Emulation appelât l’attention du Conseil municipal sur les inconvénients signalés, en faisant remarquer que le maintien du Musée d’archéologie dans le présent état de choses ne peut apporter aucun retard à l’installation du legs Jean Gigoux dans les salles prochainement libres de l'Ecole de dessin, et que les locaux du rez-de-chaussée peuvent parfaitement recevoir, dans leur appropriation actuelle : le musée lapidaire qui se développe tous les jours, le musée de sculpture qui est à créer, ainsi que les collections d’art industriel, d’ethnographie ou autres expo- sitions renouvelables qui sont réclamées par un public nom- breux. Après une délibération, où sont appréciées les considérations qui précèdent, la Société émet le vœu que le Musée d’archéo- logie soit maintenu dans le local qui lui est actuellement attri- bué, et exprime le désir que le Conseil municipal veuille bien, au besoin, nommer une commission, composée d'hommes com- pétents, pour examiner le bien fondé des raisons qui militent en faveur de son vœu, lequel vœu sera transmis à M. le Maire et à MM. les Conseillers municipaux. M. Chudeau, ayant pour interprête M. Thouvenin, entretient la Société de son projet de classement des collections paléon- tologiques de notre musée d’histoire naturelle. Ces collections étaient autrefois composées, presque exclusivement, de fossiles recueillis dans notre région, et elles avaient été déposées sul- vant l’ordre géologique, c’est-à-dire par étages; mais depuis une dizaine d'années, par les soins de M. Vézian, puis de M. Chu- deau, elles se sont enrichies de très nombreux spécimens pro- venant d’autres pays, et M. Chudeau a pensé que n'étant plus dès lors exclusivement locales, il était préférable de les ranger se suivant l’ordre zoologique. En procédant à ce nouveau classe- ment, M. Chudeau déterminera les nombreux fossiles qui sont encore indéterminés et distinguera, par une indication spéciale, ceux qui proviennent de notre Jura. M. Girardot rend hommage au mérite du travail de M. Chu- deau,; le classement nouveau, devenu nécessaire, facilitera les recherches et améliorera une collection réunie dans une région peu riche en fossiles, mais qui deviendra plus susceptible de s'enrichir si les géologistes locaux répondent à l’appel que leur adresse M. Chudeau. Sont proposés pour faire partie de la Société comme membres correspondants : M. l'abbé Filsjean, licencié ès-lettres, professeur au séminaire d’'Ornans, présenté par MM. le chanoine Suchet et le docteur Ledoux. M. Palmyr Cordier, médecin des colonies, présenté par . MM. Ledoux et Cordier père. | Comme membre résidant : M. Louis Aubert, maître tailleur au 5e d'artillerie, présenté par MM. Dodivers et Vernier. Les Présidents, Le Secrétaire, H. MarroT et Dr LEDOUX. VAISSIER. Séance du 8 février 1896. PRÉSIDENCE DE M. H. MAIROT. Sont présents : BUREAU : MM. H. Mairot, président; Vuissier, vice-secrétaire ; Meynier, archiviste; Fauquignon, trésorier. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bavoux, Bruchon père, Chudeau, chanoine Drouhard, Paul Drouhard, Ducat, Genvresse, Girar- dot, Henry, d'Hotelans, Jégo, général de Jouffroy, Kirchner, — XI — Lambert, Ledoux, Lieffroy, Magnin, Montenoise, Parizot, Pin- gaud, Poëte, chanoine Suchet, Sire, Thouvenin, Vernier. M. le Président donne communication de la lettre de M. le Ministre de l’Instruction publique, accusant réception des 172 exemplaires des Mémoires adressés aux sociétés correspon- dantes, puis de la lettre de faire part de la mort de M. Bouthe- not-Peugeot, membre correspondant à Montbéliard depuis l’année 1869. M. le Président annonce qu’il a représenté la Société d’Emu- lation à la réunion solennelle de l’Académie de Besançon, le 26 janvier, et qu’il a témoigné au banquet de l’union des deux Sociétés. La liste des membres honoraires étant réduite aujourd’hui à 17 titulaires, M. le Président annonce que le bureau recueillera les propositions qui seraient faites pour procéder à plusieurs nominations nouvelles. Est dès maintenant accueillie la propo- sition relative à la fonction du général gouverneur de la place de Besancon. M. le comte Léonel de Laubespin, doyen du Sénat et d’origine franc-comtoise, décédé à Paris le mois dernier, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, avait accepté avec plaisir, en 1887, d’être inscrit parmi les membres de la Société, à la suite de recherches historiques pour lesquelles il avait demandé à Auguste Castan une utile collaboration. L’honneur de célébrer la mémoire de ce gentilhomme aussi distingué que charitable revenait de droit à M. le général de Jouffroy, qui s’est acquitté de cette mission en lisant à la séance une intéressante notice sur la longue carrière de M. de Lau- bespin, commencée sur les champs de bataille de l’Afrique, et terminée dans l’accomplissement le plus exact de ses devoirs parlementaires et le libéral exercice de la bienfaisance la plus large. Les souvenirs personnels de M. le général de Jouffroy, intro- duits dans ce témoignage d’affectueuse reconnaissance, seront relus âvec satisfaction, après l’accueil sympathique qui lui a été fait à la réunion. M. Pingaud donne lecture d’un dernier chapitre de la vie d’Au- nil guste Castan, c’est-à-dire de la période d'activité la plus fé- conde de l’éminent et regretté directeur de la Société d'Emu- lation. ; Dans l’étude éloquente et profondément fouillée de M. Pin- gaud, nous retrouvons Auguste Castan, le travailleur infatigable que nous avons vu à l’œuvre, aussi prompt à la décision que réfléchi et soigneux dans les petits détails, toujours sincère et désireux de bien faire. Tout converge, dans sa vie entière, vers le même centre : la ville natale et ce qui s’y rattache, malgré les plus belles pers- pectives de situations au dehors offertes à ses aptitudes ; c’est à elle qu’il consacre toute son activité, et en particulier, à l'étude de son passé, de ses monuments, de ses richesses d’art et de ses collections. Avec le sentiment profond du devoir à accomplir, même dans les missions accessoires qu’il lui plaisait de s'imposer, on peut remarquer la conscience avec laquelle il veillait à ladministra- tion du riche dépôt qui lui était confié, soit pour le protéger contre tout danger, soit pour le défendre contre tout amoindris- sement, soit même pour l’enrichir encore. Ce qu’il recevait d’ou- vrages à titre personnel était enregistré pour la Bibliothèque, et l’on retrouve 700 fois la mention de ces dons. En toutes circonstances son incontestable talent d'écrivain se manifeste avec un cachet original, aussi bien dans son active correspondance, si féconde en traits piquants, qu'aux heures d'interruption forcée, dans les temps troublés de la guerre de 1870, alors qu’il tient un véritable Journal intime dans lequel se reflète l'impression du moment où « l’équilibre des esprits les mieux pordérés se trouvait généralement rompu. » : Dans la correspondance de voyage, qui ne se ressent jamais. de la fatigue de l’observation constante, la pensée de la Franche Comté est toujours présente et sa plume alerte et in- cisive conserve des souvenirs dignes d’être reproduits. Il n’y a plus à craindre aujourd’hui que l'importance du rôle qu'a rempli, dans notre cité, une personnalité si marquante, soit jamais oublié avec sa véritable physionomie. La publication de la remarquable étude qui lui est consacrée sera d'autant plus précieuse dans les Mémoires de la Société — XII — d'Emulation qu’elle y accompagnera l’œuvre presque entière de l’homme à qui elle doit ses plus grands succès. _ Les applaudissements d’une assistance nombreuse, ainsi que les félicitations exprimées par M. le Président, témoignent dela reconnaissance de la Société à M. Pingaud. M. Genvresse communique une note sur les éthers phospho- riques, obtenus par son laborieux élève, M. Secrétant, de la ré- sorcine et de l’hydroquinone. Ces deux éthers ont été préparés en faisant réagir le perchlorure de phosphore sur les phénols correspondants, sans l'intermédiaire d'aucun dissolvant et sous l'influence d’une assez faible température. Le produit de la réaction, traité par l’eau bouillante, a abandonné par refroidis- sement les éthers cristallisés. Ces deux corps sont cristallisés en aiguilles blanches prismatiques. Celui de la résorcine fond vers 75° et celui de l’hydroquinone vers 1490 en donnant tous les deux un liquide légèrement brun. S'ils sont beaucoup plus solubles dans l'alcool, l’éther et l'acide acétique, ils sont inso- lubles dans l’éther de pétrole, la benzine et le sulfure de car- bone. < | | M. Secrétant continue l'étude de ces corps, et il va de plus faire réagir le perchlorure de phosphore sur les autres phénols polyatomiques. | : M. Genvresse se propose de faire, à la prochaine séance, quel- ques expériences de teinture au moyen de plusieurs matières colorantes nouvelles. Des démarches seront faites auprès de M. Joubin, en vue d'obtenir une conférence sur les nouvelles applications de la photographie à travers les corps opaques. A la suite des présentations faites à la dernière séance, sont admis comme Membres résidants : MM. le docteur Etienne DRUHEN, directeur de l’Ecole de méde- ‘ciné | Le chanoine MoussaARp, bibliothécaire du Chapitre; _ Louis AUBERT, maître tailleur au 5° d'artillerie. — XIV — Membres correspondants : MM. Palmyr CORDIER, médecin des colonies; l’abbé FILSJEAN, licencié ès-lettres, professeur au sémi- naire d’Ornans. Le Président, Le Vice-Secrétaire, H. MAIROT. VAISSIER. Séance du 14 mars 1896. PRÉSIDENCE DE M. H. MAIRoT. Sont présents : _ BUREAU : MM. H. Mairot, président ; Vaissier, vice-secrétaire, Meynier, archiviste. : MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin, Bavoux, Bruchon père, Ducat, Drouhard, Genvresse, J. Gauthier, Girardot, À. Guichard, Guillemin, Joubin, Jégo, général de Jouffroy, Kirchner, Ledoux, Pingaud, Sire, Thouvenin, chanoine Suchet, Vernier. M. le Président annonce qu’il a assisté à la réunion du ceo- mité pour l'érection d’une statue à Victor Hugo dans la ville de Besançon. Il représentera la Société d'Emulation à l’un des trois comités qui ont été organisés. M. le Président lit ensuite une notice sur M. Léon MARQUISET, en 1876, président de la Société, décédé le 9 février dernier. On relira dans les Mémoires avec un sympathique intérêt cette énu- mération faite par un ami des belles qualités morales et intel- -lectuelles de cet homme de bien, d’une aménité si parfaite, aussi large d'esprit que généreux de cœur. Soit comme magis- trat, soit comme homme privé qui sait mettre à profit une heu- reuse indépendance, conservée pendant toute sa vie, Léon Marquiset était accueilli partout avec faveur, des grands et des simples. Le seul spectacle de ses funérailles, où la ville et la campagne étaient représentées par une foule énorme, suffirait à montrer combien sa mémoire y était universellement bénie. — XV — M. Joubin expose sommairement et avec la plus grande clarté lhistorique et les principes de la découverte du professeur Rœntgen de Wurtzbourg : La photographie à travers les corps opaques. — Les belles expériences de ce savant ont été répé- tées au laboratoire de physique de la Faculté des sciences ; quelques exemplaires de ces photographies obtenues avec le concours de M. Maldiney, préparateur de physique, sont mis sous les yeux de l'assistance qui peut apprécier ainsi l’impor- tance future de cette découverte « sensationnelle », principale- ment au point de vue de la chirurgie. M. Genvresse, tenant la promesse qu’il en avait faite, eflectue devant la Société, à l’aide d’un matériel d'atelier en miniature Soigneusement disposé, des opérations de teinture en employant des matières colorantes nouvelles, dues à des recherches dont il a été question à la précédente séance. Ces matières dérivent de la benzine et contiennent toutes du soufre; c’est probablement grâce à la présence de ce corps qu'elles ont la propriété de teindre le coton et la soie sans mordant. Les nuances obtenues sont en effet très recherchées par l’in- dustrie, même dans les tons brisés, variant du rouge saumon au vert bronzé. ; | À M. Genvresse expérimente, avec un succès complet, sur six matières colorantes qui ont fait l’objet de demandes de brevets en France et à l’étranger. M. Jules Gauthier lit une description des remarquables sculp- tures qui constituent la décoration de la chapelle funéraire de Rahon (Jura). Suivant l’auteur, les figures agenouillées, dans une pose pleine de naturel, du tombeau de Guillaume de Visemal et de sa femme, peuvent être attribuées au sculpteur Lullier, dont il a déjà signalé le rôle important en Franche-Comté, au xvie siècle, lors de cette renaissance mi-flamande mi-bourguignonne, dans un travail présenté l’année dernière au Congrès de la Sorbonne, sur les « Initiateurs de l’art en Franche-Comté ». A l’ensemble décoratif de cette chapelle on doit rattacher un triptyque dont les morceaux sont séparés actuellement et qui — XVI — vraisemblablement doit faire partie de l'œuvre du peintre Jacques Prévost, de la même évolution artistique. Les nombreuses photographies que M. Gauthier a prises lui- même permettent de se rendre compte de la valeur de ces difré- rents ouvrages qui, jusqu’à ce jour, ont attendu une étude ap- profondie. L'ordre du jour appelle une délibération sur la nomination de plusieurs membres honoraires. En raison des services éminents dans toute la région et de la haute estime pour ses talents et sa personnalité, M. le docteur Max Durour, de Lausanne, réunit tous les suffrages. Le sculpteur Jean PETIT, membre correspondant depuis trente ans, et dont la Société a reçu des preuves d’attachement bien touchantes, est également élu membre honoraire. Des travaux historiques concernant la Franche-Comté, et qui sont un honneur pour elle, autorisaient la Société à se rattacher au même titre M. Ulysse ROBERT inspecteur général des ar- chives et des Bibliothèques. L’honorariat est en outre conféré à deux membres résidants de la Compagnie, dont la coopération et le dévouement ne se sont jamais démentis,fsans parler de titres bien mérités, récem- ment acquis, ce sont MM. Georges SIRE et Léonce PINGAUD, tous les deux anciens présidents. : L’acquisition importante d’une borne milliaire portant le nom de Vesontio, provenant de Mathay, ayant épuisé les fonds dis- ponibles du musée d'archéologie, M. Jules Gauthier sollicite l'aide de la Société pour une nouvelle acquisition d’un cippe funéraire provenant de fouilles récentes à Mandeure. Ce monument épigraphique qui se distingue par sa dédicace . en grands caractères DIM (diis inferis manibus), et la formule pro salute est accompagné d’un couronnement qui, malgré ses dégradations, justifie cette demande de concours. La Société en. votant la somme nécessaire pour cet achat (80 fr.) donne une nouvelle preuve de sa sollicitude en faveur du développement du musée lapidaire, au moment où une salle propice va être affectée aux collections archéologiques de la ville. ou . Sont présentés pour faire partie de a Société comme membres dus MM. Jacot dolphe} employé à la Préfecture, présenté par MM. Vernier et Ledoux, Trincano, manufacturier, présenté par MM. Mairot et Bruchon ; Bossy (Léon), fabricant d’horlogerie, présenté par MM. Baudin et Mairot. Comme membre correspondant : M. Saglio (Camille), directeur des forges d’Audincourt, pré- senté par MM. Mairot et Girardot. En raison des fêtes de Pâques, la prochaine séance est prorogée au 18 avril, Le Président, Le Vice-Secrétaire, H, MAIROT. VAISSIER. Séance du 18 avril 1896. PRÉSIDENCE DE M. H. MAIROT. Sont présents : BUREAU : : MM. H. Muirot, président, Vaissier, vice-secré- taire; Meynier, archiviste; Fauquignon, trésorier. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bouvard, Boname, Bruchon père, H. Bruchon, chanoine Drouhard, Girardot, Jégo, général de Jouffroy, Ledoux, Montenoise, Parizot, Poëte, Kirchner, Sire, chanoine Suchet, Thouvenin. M. le Président lit une lettre de M. Ulysse Robert, récemment élu membre honoraire, remerciant la Société et promettant d'envoyer pour les Mémoires un travail qui intéressera, il en est certain, tous les Franc-Comtois. M. le Président présente une étude sur un Voyage fait en 1793, dans la Gruyère et le Pays de Vaud, par P. de la Verne, émigré franc-comtois. La Verne, auquel Ch. Weiss a consacré dans la biographie b — XVII — . . Michaud une notice assez étendue, était né à Borey, en 1769. II a publié divers ouvrages se rapportant à la philosophie et à l’art militaire. La relation de son voyage en Suisse offre, à à côté de très exactes descriptions du pays parcourü, de nombreuses échappées sur l’histoire, la philosophie et les sciences, et _quelques intéres- ‘santes études de mœurs. Doué d’une âme ardente et d’un esprit curieux, La Verne nous y apparaît comme un dé ces gentils- hommes de la fin du siècle dernier, chez lesquels la sensibilité ‘et la galanterie s ’alliaient à des connaissances, sinon très pro- fondes, du moins très étendues. A tous ces points de vue, son livre est curieux et méritait d’être tiré de l’oubli. M. Mairot s’est fidèlement acquitté de cette tâche. M. Marcel de Laforest, officier d'infanterie de marine, avait exprimé, avant son départ pour le Tonkin, le désir que le ma- nuscrit de son Journal de marche, dans la campagne de 1893 au Soudan fût communiqué à la Société. M. Vaissier donne lecture de plusieurs fragments de cette re- lation écrite sur un ton familier, d’une saveur particulière, et qui pourrait être le sujet.d’une charmante conférence donnée par notre jeune compatriote. Eu égard à la longueur d’un morceau final particulièrement attachant, c’est-à-dire le couronnement de la campagne de 1893, la prise de Djenné, sur la route de Tombouctou, la ne en a été renvoyée à la séance prochaine. M. Thouvenin fait part à la Société des premiers résultats que lui ont donnés ses recherches sur la composition chi- mique du rhizome de la Parnassia palustris; puis une seconde communication sur la localisation de la Taxine dans les feuilles du Taxus baccata. Une note plus explicite sera annexée au procès-verbal. À l’occasion de la réorganisation prochaine du Musée d’ar- chéologie, sous les voûtes du rez-de-chaussée du bâtiment des Halles, M. Vaissier expose que, si en raison des fortes saillies des contreforts intérieurs de la construction, le mobilier doit subir de sérieuses modifications, il faut reconnaître que la salle nouvelle offre cet avantage de permettre, dans un groupement — XIX — définitif, l'introduction de morceaux lourds et encombrants jus- qu’à présent dispersés dans divers locaux. Parmi ces morceaux, il signale, en particulier, les vingt et une pièces des moulages des sculptures de Porte-Noire exé- cutés, sous la direction de M. Varaigne, par la Société d’'Emu- lation. Depuis plus de trente ans ces fidèles reproductions de la pierre qui s’effrite sont entreposées à la Bibliothèque. Or, dans la nouvelle salle, on peut remarquer que les deux contreforts qui déterminent le carré d’angle du bâtiment, forment deux saillies plus importantes et se prolongent en ar- cade. On ne saurait utiliser d’une manière plus heureuse les sur- faces de ces contreforts qu’en y appuyant les deux colonnes couvertes de figures, et à côté les tableaux très énigmatiques du pilastre de gauche de l’arc triomphal. Les grands tableaux. de 290, prendraient place dans les embrasures voisines. Cet ensemble très décoratif serait précédé et suivi des menus objets de l’époque Gallo-romaine, classés dans les vitrines. En arrière, dans la surface carrée et couverte en voûte d’arète, sera reconstruite la grande mosaïque du Clos Saint-Amour. Enfin, à l'extrémité de la salle, on pourrait placer le Jupiter ou plutôt le Neptune, reproduction du torse antique qui ornait à Besançon les jardins du cardinal de Granvelle, comme en témoignerait. l'inscription récemment retrouvée qui lui servait de support, avant qu’il fût offert à Louis XIV et incorporé au Musée du Louvre, après avoir passé par les Jardins de Versailles. Sous l’arcade, serait mise en evidence la borne milliaire de Mandeure, récemment acquise, unique titre épigraphique du nom de Vesontio, laquelle porte également la mention du grand empereur Trajan (1). — C'est sur ce nœud central bien déterminé que doit pivoter toute l’orientation de la collection. | … Il résulte de l’étude consciencieuse faite par MM. Ducat et . Vaissier, que, pour mettre à profit les ressources du local, soit comme surface, soit comme éclairage, la classification chrono- logique doit débuter par les objets les plus modernes pour se (1) Cette place d'honneur, par une heureuse modification à ce projet, a été attribuée au Taureau d’Avrigney, et celle de l'extrémité de la salle, à la borne milliaire, le titre épigraphique de Vesontio. — XX — terminer par les plus anciens. Ainsi, dès l'entrée, le xvrr16 siècle et l'horlogerie; puis successivement la Renaissance, le Moyen- âge, ensuite le vie et le ve siècle, enfin l’époque gallo-romaine. Et après ! — Où placer l’époque gauloise, les âges du bronze et de la pierre, ou bien encore cet accessoire étranger, mais fort ancien, les antiquités égyptiennes dont le Musée du Louvre est venu accroître le groupe il y a quelques années? Pour les époques préhistoriques, très étudiées aujourd’ hui et représentées au Musée par des vestiges cités pArtou, un supplé- ment de local est absolument nécessaire. Les conservateurs du Musée sont en ce mener en instance pour l’obtenir de la municipalité. Les trois travées du bâtiment, qui font suite en retour d’équerre, sur le côté de la place Paris, seraient strictement suffisantes. On respecterait ainsi la quatrième travée qui est susceptible d’être réservée, pour le service extérieur, dans l’axe de l'édifice. À la suite de ces explications bien comprises, l’assistance a reconnu, par un témoignage unanime, que cette distribution était absolument logique et que rien ne pouvait être objecté contre sa réalisation. M. le docteur Ledoux signale la mention du travail de M. le docteur Chapoy sur le docteur Sauria dans plusieurs publica- tions, entre autres un article de M. Jacques Boyer, dans la Revue scientifique, d’où il appert que l’origine française des allumettes chimiques n’est désormais plus contestée. Sont admis comme Membres résidants : MM. JACOT, employé à la Préfecture, présenté par MM. états et Vaissier. TRINCANO,; a présenté par MM. Mairot et Bruchon. ee Bossy (Léon), fabricant d’horlogerie, présenté par MM. Baudin et Mairot. | Membre correspondant : .M. SAGLIO, directeur des Forges te ete par MM. Mairot et Girardot. = XAT — Note sur la composition chimique du shizome de la Parnassia palustris, par M. THOUVENIN. Les plantes étudiées ont été cueillies en fleurs pendant les mois d'août et septembre, dans les environs de Belfort et sur les bords de l’Aar, entre Interlaken et Bœnigen. A cette époque, les cellules de la moëlle, des rayons médullaires, des paren- chymes ligneux et libérien, du péricycle et de l'écorce, sauf pour cette dernière région celles des trois ou quatre assises externes de l'écorce, renfermaient en grande quantité des grains d’amidon et des gouttelettes d'huile grasse. Cette coexistence de l’amidon et de l’huile grasse dans les mêmes cellules, est rare, et, jusqu’à présent, à la connaissance de M. Thouvenin, elle n'aurait été signalée que dans les coty- lédons du Theobroma cacao. Les cellules de l’épiderme, quand il n’est pas encore exfolié, et celles des trois ou quatre premières assises de l’écorce, qui ne renferment ni huile, ni amidon, contiennent de l'acide tan- nique dont la présence a été mise en évidence à l’aide de l’acéto- tungstate de sodium. Plusieurs expériences, faites chacune avec 08r5 de rhizome pulvérisé additionnés d’un peu d’amygdaline dissoute dans l'eau, ont permis de constater, après quelques heures de con- tact, une production d’essence d'amandes amères, d’où il suit qué dans le rhizome de Parnasse, il y a un ferment soluble ana- logue à l’émulsine. Enfin M. Thouvenin a reconnu dans le même rhizome la pré- sence d’un glucoside offrant les mêmes propriétés que la sapo- nine. L'étude de la composition chimique et des propriétés phy- siques de l’huile grasse feront l’objet d’une communication ul- térieure ; son indice de réfraction seul a été recherché, il est égal à 1,486. Deuxième communication sur la localisation de la taxine dans les feuilles du Taxus baccata. D'après M. Thouvenin, la taxine serait localisée dans Pépi- derme, dans les cellules de l’endoderme et du périderme autour — XX — du faisceau du liber et dans certaines cellules de la région moyenne du mésophylle. Il s’est servi pour cette recherche de l'acide sulfurique concentré, qui, avec la taxine, donne une colo- ration rouge. Du tannin se trouve également dans les cellules où réside la taxine. Séance du 9 mai 1897. PRÉSIDENCE DE M. H. MAIROT. Sont présents : BUREAU : MM. H. Mairot, président; Vaissier, vice-secrétaire; Meynier, archiviste; Fauquignon, trésorier. : MEMBRES ee . MM. Bruchon père, Bavoux, Delacroix, P. Lirouhard, E. Druhen, Ledoux, Moussard, Parizot, cn Thouvenin, Trincano, Vernier. La Société a reçu de l’Académie des inscriptions et belles- lettres la collection de ses Mémoires, depuis l’année 1853, t. III, jusqu’à l’année 1895, t. XXXV, plus diverses autres séries, en tout 107 volumes, avec quatre albums de planches. Il sera adressé à M. le secrétaire perpétuel de l’Académie une lettre de remerciment pour cet honorable et important envoi. M. Vendrely envoie la suite de la Flora Sequaniæ exsiccata, dont les premières parties ont été publiées (1870-1880) avec le concours de M. Paillot. M. le chanoine Moussard lit une Etude historique et morale sur Jean Boyvin, président au Parlement de Franche-Comté. Par où l’auteur renouvelle l'intérêt de ce sujet antérieurement traité par M. le Président Ed. Clerc, c’est en donnant pour point de départ aux éminentes qualités du grand homme de bien franc- comtois, la parfaite éducation familiale qu'il aurait reçu et sous l'influence de laquelle se développèrent d’excellents germes naturels : obéissance journalière dans l’enfance, assiduité dans les études les plus diverses pendant la jeunesse, alors, dans l’âge Re XXIII — mur, arrive une véritable floraison de précieuses qualités : s0- lidité et noblesse dans la parole et dans les actes, courage et fermeté au milieu de circonstances difficiles et périlleuses, le tout associé à une modestie exquise et la plus grande sollicitude pour ceux qui sont éprouvés ; en résumé, l’exemple de la vertu dans sa plus haute acception, et où l'intérêt personnel ne prima jamais. | La vie de Boyvin, étudiée sous ce point de vue, serait d’une édification morale très estimable, mais il est à regretter que des documents nouveaux ne soient point produits à l'appui. Toutefois il faut reconnaître, avec M. le Président, que c’est toujours avec plaisir que l’on entend l'éloge de Jean Boyvin. Il est ensuite donné lecture de la fin du Journal de marche de M. Marcel de Laforest dans la campagne de 1892-1893, dans le Soudan. Le récit de l’attaque et de la prise de Djenné, où la clarté de l’exposition et la sincérité des détails nous permettent d'espérer d’intéressantes relations analogues de la part du jeune écrivain militaire. Il y a cinq ans, M. Edouard Besson faisait observer, dans un rapport succinct, mais remarquablement rédigé, combien « le témoignage des acteurs eux-mêmes dans leur rôle, au milieu de nos possessions coloniales, avaient le don de captiver l’at- tention publique. Leurs relations nous transportent dans un monde nouveau, ayant pour nous tout l'attrait de l'éloignement et de l'inconnu. » En outre, c’est avec un intérêt ému que nous suivons dans les expéditions périlleuses, sous un ciel de feu souvent meur- trier, au milieu des misères et des fatigues sans nombre, des perspectives les plus sinistres qu'’ouvre la mort aux plus méri- tants, nos soldats et nos jeunes officiers qui savent conserver, quand même, leur entrain et leur liberté d'esprit. La compensation, c’est sans doute la satisfaction du devoir accompli, mais c’est aussi la moisson de gloire que chacun rève de recueillir. M. Emile Delacroix présente une Note sur l'acide antimonique et les antimoniates. D’après le témoignage de M. le professeur Genvresse, ce travail fait au laboratoire de recherches à la Fa- — XXIV — culté des sciences de Besançon, présente un grand intérêt en raison de l'importance de l’antimoine et de ses composés. Il rectifie des idées fausses qui avaient cours dans l’enseignement de la chimie. Il caractérise nettement deux acides antimoniques soit par l'étude de leurs solutions, soit par celle de leurs sels.” La note de M. Delacroix sera annexée au procès-verbal. Le Président, Le Vice-Secrétaire, H. MAIROT. VAISSIER. Se l’acide antimonique et les antimoniates, par M. Emile DELACROIX. | Décomposé par l’eau, le pentachlorure d'antimoine donne de lacide pyro-antimonique. | L'eau froide dissout de cet acide 8 grammes par litre — et 21 srammes à 60° centigrades. ne Le titre alcalimétrique de la solution d’acide pyro- antimonique fait à la phtaleine et à la soude, est de une molécule NaoH pour une molécule Sb205. Cette solution donne, par la potasse et son acétate, un précipité dont la formule brute est (Sb205) 2K20. Le chlorure de potassium donne aussi le sel (Sb20°) 2K20. L’acide pyro-antimonique avec le temps se transforme en acide ortho-antimonique. L’ébullition produit le même effet en quel- ques minutes. Le titre alcalimétrique est obtenu pour l'acide ortho comme pour l'acide pyro. La neutralité est atteinte quand dans la liqueur la soude et l’acide ortho sont représentés parle rapport (Sb?05(Na?0}2 On obtient un précipité de même com- position par l’action de la potasse et de son acétate (Sb205)3 (K?0}. La solution de l’un et de l’autre acide févaporée dans le vide donne des hydrates cristallisés. L’acide pyro-antimonique est beaucoup plus soluble que l'acide ortho-antimonique dans la potasse faible et dans l'acide chlorhydrique très étendu. eo Séance du 13 Juin 1896. _ PRÉSIDENCE DE M. H,. MaAïIRoOT. Sont présents : : BurEAU : MM. H. Mairot, président; Vaissier, vice-secré- taire; Meynier, archiviste; Fauquignon, trésorier. | MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bruchon père, Carry, Genvresse, Guillemin, Kirchner, Lambert, Ledoux, d’'Hotelans, Parizot, Pingaud, Poëte, Moussard, Thouvenin, Vernier. M. E. Roy, membre correspondant, fait hommage de la leçon d'ouverture de son cours del ittérature française à Dijon : Les lettres et la société dans la première moitié du XVIIe siècle. Il envoie en même temps le texte de deux lectures faites à l’une de nos séances : Les lettres de noblesse du poète Jean Molinet et le blason d’un roi des ribauds bourguignons, et le roman du duc Jean-sans-peur. Ges deux notices seront reproduites dans les Mémoires. Est accepté l’échange de publications avec le Comité des Annales de l’Université de Lyon. M. Pingaud offre à la Société un exemplaire du tirage à part de sa belle Etude biographique sur Auguste Castan, accompa- gné du portrait dont la publication est un don de Mme Castan. . M. le docteur Meynier donne lecture d’un travail sur la Déli- mitation de la Franche-Comté et du Pays de Vaud en 1648. II s’est attaché à faire ressortir une injustice dont sont victimes, depuis près de quatre siècles, les habitants des Rousses et de -Bois-d’Amont. Une partie de leurs bois et de leurs communaux a été usurpée par des voisins pen scrupuleux, et leurs reven- dications se sont continuellement heurtées, non seulement à la brutalité de ces voisins, mais encore à l’inertie ou à la compli- cité, à peine déguisée, de leurs défenseurs naturels. On sait, d’ailleurs, que, depuis la réunion de la province à la France, ces intérèts ont été sans cesse subordonnés ou sacrifiés à des RUE considérations de politique internationale; on peut dire, sans injustice, que la Franche-Comté a souvent fait les frais des bonnes relations de la France de l’ancien régime avec les « louables cantons.» C’est une trouvaille assez piquante dans le Dace de nos mon- tagnes frontières que ce rappel de M. le docteur Meynier à des titres oubliés dont les intéressés n’ont JERSE pu faire re- connaître la valeur. S’il y appert que les seigneurs ou les dignitaires de l’ancien régime mettaient aussi peu de sollicitude à défendre la propriété nationale, bien reconnue cependant des simples paysans, il n’est pas indifférent de remarquer avec quelle opiniâtreté, au con- traire, les hauts et bas justiciers du temps étaient jaloux de la sauvegarde de la moindre parcelle des droits RONArIÈQUES atta- .chés à leurs terres ou à leurs fonctions. M. Parizot, dans une étude consciencieuse sur la suprématie et les droits honorifiques dans une seigneurie de Franche-Comté au X VITTe siècle, choisit pour l'exemple, une répartition juridique et proportionnelle entre quatre contendants (jugement du bail- lage de Vesoul, 9 mai 1739, cure de Chauvirey (Haute-Saône), de ces droits parmi lesquels l’aspersion à l'église, l’encensement, le pain béni, etc., figurent avec toute l'importance qu'on y at- tachait alors. On comprend sans peine la mauvaise grâce (et quelquefois les procédés d'assez mauvais goût) que des curés, très avancés pour leur temps, apportaient, à leur dépens du reste dans l’exécution du cérémonial prescrit. Il faut citer la conclusion de M. Parizot : « Aujourd’hui, ces revendications d’honneurs nous font quel- :» que peu sourire. Mais notre époque contemporaine n’a point » été exempte de rivalités touchant les préséances. » Le décret de messidor, an XII, qui ne pouvait pas tout pré- » voir, à fait l’objet d’interprétations et d'instructions complé- » mentaires, et, bien souvent, les ministres arbitres dans des » conflits ont été appelés à départager soit des corps constitués, » soit des fonctionnaires en désaccord sur le rang qu’ils devaient » occuper dans les cérémonies publiques. » M. Vernier pose la question suivante : Quelle est la quantité Mrs XXVIL ee de sulfate de cuivre qui se trouve dat un litre d’eau. saturée de ce sel? La connaissance de ce fait pouvant rendre un véritable service aux vignerons. _ M. le professeur Genvresse consulté a répondu que la quan- tité de sulfate qui est dissoute dans un litre d’eau, à la tempéra ture.moyenne de 190, est de 370 grammes. On sait que la satu- ration s’obtient facilement en suspendant le sulfate à fondre dans la couche superficielle du liquide. L'arrêt dans la fusion des cristaux indique la saturation. Ainsi, d’après ce dosage, suivant que l’on se propose d’aug- menter l'énergie du traitement en raison du développement progressif de la végétation et aussi du mildiou (mildew), on peut s’en rapporter au tableau qui suit : 9 litres 70 c. d’eau saturée dans un hectolitre d’eau corres- pondra au traitement à 1 kilo p. 100. 4 litres 05 c. traitement à 1 kil. 500 5e 0e =. DE bo 7 =. 2 — 500 Bo _ à « La quantité de sulfate de cuivre qui est dissoute dans un litre d’eau augmente avec la température, Une solution sa- turée de sulfate de cuivre à 49 contient 301 gr. 02 de sulfate 1499 — 368 63 — 319 — 543 47 — On active la dissolution en chauffant, mais la quantité de sul- fate de cuivre contenue est la même que la dissolution ait été faite à chaud ou à froid. Par abaissement de température, le sulfate en excès cristallise. » (M. Genvresse.) M. Meynier présente un échantillon d'application de la photo- graphie comme procédé de teinture sur étoffes diverses, tein- ture qui résiste aux lavages les plus énergiques. Le procédé est dû à M. le capitaine Helouis, qui est en voie d’obtenir les teintes variées de ce qu’il appelle des camaïeux photomagnétiques inal- térables. A l'issue de la séance, M. le Président annonce que M. Mey- — XXVIN — ñier veut bien se charger de la rédaction, pour le tome X de la Ge série des Mémoires en cours d'impression, de la table décen- nale (1885-1895). Le prochain volume comprendra également l'Etude biogra- phique, par M. L. Pingaud, sur un grand bisontin, Auguste Cas- tan. Cette œuvre distinguée, qui trouve partout un sympathique accueil des mieux justifiés, clôturera dignement la période dé- cennale écoulée comme un hommage aussi brillant que sincère rendu à une belle mémoire à jamais regrettée. Le Président, Le Vice-Secrétaire, H. MAIROT. | VAISSIER. Séance du 11 juillet 1896. PRÉSIDENCE DE M. MAIROT. : Sont présents : BUREAU : MM. H. Mairot, président ; Vaissier, vice-secrétaire ; Meynier, archiviste; Fauquignon, trésorier. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bruchon père, H. Bruchon, Cha- poy, Chudeau, Gauthier, a Jacot, Jégo, UD, Mal - diney, Parizot, Thouvenin. M. le Président donne lecture de la circulaire de M. le Mi- nistre de l’Instruction publique, relative à l’envoi de dix exem- plaires du programme du Congrès des sociétés savantes, dont la séance d'ouverture est fixée au 20 avril 1897. M. le Président présente au nom de M. Em. Longin, membre Correspondant, un important mémoire sur la Campagne du mar- quis de Conflans en Bresse, après la levée du siègé de Dole, en 1636. « Le cardinal infant, Ferdinand d'Autriche, gouverneur des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, ordonnait en septembre 1636 à Gérard de Watteville, marquis de Conflans, maréchal de camp au service de l'Espagne, de réunir un corps de troupes — XXI — et d’envahir la Bresse. Il enjoignait en même temps à la cour souveraine de parlement, à Dole, de fournir au maréchal l'argent et les munitions nécessaires. Le mémoire de M. Longin raconte avec grand intérêt tous les incidents de cette courte campagne : les hésitations et la lenteur du parlement à seconder le marquis de Conflans, les souffrances du baillage d'Amont, réduit à la misère par les exactions des chefs franc-comtois et des soldats de l’autrichien Gallas, les efforts du maréchal pour constituer sa petite troupe, le succès du début et le désastre final. Nous assistons aux coups de mains hardis qui font tomber les châteaux et les villes de Dorton, d’Arbent, de Cuiseaux, de Martignat et de Savigny au pouvoir du maréchal, ou de son fils, le comte de Bussolin. Puis les Français reçoivent des renforts, et le siège de Cornod, imprudemment entrepris par le marquis de Conflans, aboutit à une déroute qui met fin à la campagne. » Cette analyse par M. Mairot, ainsi que plusieurs passages du travail très consciencieux et très précis de M. Longin est ac- cueilli avec grande faveur par l'auditoire et retenu pour le vo- lume des Mémoires de la Société. M. Genvresse, suivant avec grand intérêt le travail de ses élèves, a pris l'excellente initiative de les encourager à faire connaître le résultat de leurs recherches individuelles, accom- plies dans le laboratoire de la Faculté. Nous avons lieu d’espé- rer que, n’oubliant pas les avantages de la vulgarisation, le zélé professeur voudra bien quelquefois préparer pour son auditoire, comme il l’a déjà fait, une introduction intéressante et pratique en compensation de l’aridité des formules nécessaires pour la prise de date des nouveautés scientifiques. . «M. Bourcet, élève de la Faculté, a fait, suivant M. Genvresse, _une étude détaillée et intéressante du parabenzoyltoluène ; il en a successivement préparé les dérivés mono et bibromés dans la chaîne latérale. Le premier de ces corps l’a conduit : 1° À un alcool primaire, le parabenzoyl alcool benzylique. 20 Au parabenzoyl diphénylmèthone dont il a fait le cétone. Le second : 19 Au parabenzoyl-aldéhyde benzylique. — XXX — 20 Au parabenzoyl-triphenylméthone dont il a fait le cor- binal. Tous ces corps sont très beaux, bien cristallisés : ce travail a paru bien fait à M. Friedel, membre de Institut. ; M. Friedel l’a communiqué, il y a quinze jours, à la Société chimique de Paris qui l’insérera in extenso dans son Bulletin, » M. Thouvenin expose les résultats qu'il a obtenus en recher- chant quelle pouvait être l’influence des courants continus sur la fonction chlorophyllienne. Les expériences qu'il a faites sur la décomposition de l'acide carbonique chez certains végétaux aquatiques (Elodea cana- densis, Potamogeton perfoliatus, Myriophyllum spicatum) ont montré que des courants dont l'intensité peut varier de To500 à ro0000 d'Ampères, sont favorables à la décomposition de l’acide carbonique. La chlorovaporisation, par contre, ne paraît pas être influencée par les courants continus ; pour cette se- conde étude, ce sont des feuilles de Prunus Lauro-Cerasus, de Nerium Oleander et d'Evonymus cHPOpasns qui ont été ERpÊrE mentées. M. Maldiney présente ensuite ses plus récentes photographies obtenues au moyen des rayons Roentgen. L'une de ces épreuves, qui intéresse vivement l’assistance, rend visible la disposition, des os dans un bras opéré à la suite d’une fracture près du poi- gnet. Cette photographie revèle la suture exacte. de la cassure du radius, mais le rapprochement imparfait, quoique peut-être suffisant, de la cassure du cubitus. Les rayons X ont pu traver- ser l'enveloppe de plâtre et de bandelettes qui couvrait le bras après l’opération. M. Parizot a la bonne pensée de soumettre à la réunion un petit bronze antique, taureau à trois cornes, trouvé il y a dix ans à Maizières (Haute-Saône). Haut de 5 centimètres et posé sur ses quatre pieds fixés sur une étroite plateforme, l’animal d’une exécution grossière, rappelle l'attitude du Taureau d’Avri- gney, conservant ainsi quelques traits d’un type primitif bien supérieur. C’est pour cette raison que le taureau de Maizières oc- cupera désormais sa place dans la série de ces figurations dont le centre d'expansion ‘paraît affecter l'Est de la France. — XXXI.— La séance se termine par la lecture, par M. Jules Gauthier, de son élégant compte rendu de la séance publique annuelle de la Société de Montbéliard. Ce souvenir de bonne confraternité sera publié à la suite du procès-verbal. M. Ed. Ethis et M. le docteur Ledoux présentent comme mem- bre correspondant M. le docteur Stourme, né à Luxeuil et de- meurant à Lyon, cours Morand, 25. Au lieu d’ajourner cette élection après la période des vacances, sur la demande de M. le docteur Ledoux, M. le président propose l’admission im- médiate. En conséquence est admis comme Membre correspondant : M. le docteur STOURME, demeurant à Lyon. Le Président, | Le Vice-Secrétaire, _H. MAIïIROT. VAISSIER. Compte rendu de la séance publique annuelle de la Société d'Emu- lation de Montbéliard, par M. Jules GAUTHIER, délégué de la Société d’'Emulation du Doubs. Messieurs, Votre bureau m'a fait l'honneur de me prier de représenter, à la séance solennelle que la Société d'Emulation de Montbéliard tenait le 18 juin dernier, la Société d’Emulation du Doubs; j'ai accepté d'autant plus volontiers cette mission, que je tenais déjà mandat semblable de l’Académie de Besançon et que je n'avais qu’à réunir en un seul faisceau pour les présenter à nos bons ‘voisins et amis, les sentiments sympathiques et cordiaux que nous professons tous pour eux. S'ils ont eu quelque mécompte en voyant les Bisontins très peu nombreux à leur fête, leur accueil n'en a pas moins été charmant et aussi bien à la séance littéraire qu’au banquet traditionnel qui a suivi ; le président de la Société d’Emulation de Montbéliard, M. Charles Lalance, et son dévoué secrétaire général, M. Roux, ont exprimé chaleu- reusement l’estime qu’ils ont de votre compagnie et pour ses — XXXIL — travaux, l'affection qu’ils portent à ses membres. J'ai essayé.de me faire votre interprète au moins, sinon éloquent, en remer- ciant de ces paroles aussi franches que bienveillantes, en disant combien les relations entretenues avec la Société de Montbéliard nous étaient chères et en priant nos hôtes de nous prouver toujours leur bonne amitié en assistant à nos fêtes, ensuite en y apportant quelqu'un de ces délicats travaux d’érudition ou de littérature qui venaient de remplir leur brillante séance. Se Un mot rapide sur cette séance et sur les nombreuses lectures publiques qui y ont été faites. Dans un discours inaugural, M. Charles Lalance, dont les pouvoirs de président viennent d’être renouvelés pour une période triennale, au plus grand pro- fit d’une société dont il est l'âme et à laquelle il sait imprimer une profitable activité, a rendu compte à grands traits des travaux accomplis par la Société d’'Emulation en 1895-1896, des progrès du Musée historique montbéliardais, fondé et enrichi grâce aux libéralités des vieilles familles de la région. Du Musée d'archéologie, où sont entrés divers objets venus de Mandeure, tandis qu'un Musée voisin recueillait pieusement une borne milliaire de même provenance portant le nom de Vesontio, le tout au profit d’un patrimoine historique qui est leur commun héritage, il a passé au Musée d'histoire naturelle enrichi d’une superbe collection entomologique, œuvre d’un patient montbé- liardais, et terminé en rendant hommage aux membres que la Société vient de perdre, notamment M. Bouthenot-Peugeot, qui a laissé à Besançon et dans cette compagnie même les plus ex- cellents souvenirs. Un rapport de M. Roux, secrétaire général; où se sont trouvés exposés avec infiniment d'esprit, tous les dé- tails du fonctionnement de la Société dans la dernière période annuelle, de ses acquisitions, du mouvement de son personnel et de ses capitaux, sans oublier le récit très bienveillant d’un voyage à Besançon, a succédé au discours présidentiel. Une Etude sur les divers régimes municipaux de la ville de Montbé- liard, par M. Emonet, lue par M. le pasteur Jaulmes, une notice sur l'Industrie du papier dans les hautes vallées comtoises pré- sentée par votre délégué répondant à une aimable provocation ; une dissertation fort intéressante de M. le pasteur Vienot sur un triptyque de 1530 environ, peint par Scheupflin, élève d’AI. — XXXII — bert Dürer, pour la chapelle du château de Montbéliard, un joli chapitre d'histoire naturelle sur des petits oiseaux du pays, par un profésseur du collège, enfin une étude de mœurs et de lit- térature russe par l’éminent doyen de la Société d'Emulation, M. Benjamin Favre, ont rempli d’une façon très substantielle et très variée une séance de deux heures et demie que personne n’a trouvée trop longue. Les autorités monthéliardaises, le sous-préfet, M. Trigent- Geneste, le maire tout récemment élu, M. Samuel Marti, et nombre de membres de la Société, venus de tous les points du pays de Mouthbéliard, assistaient à la double réunion, et témoi- gnaient à une société dont les services ne sont plus à compter, combien ses travaux sont appréciés dans une région où, à côté d'industries considérables et florissantes, elle sait entretenir un sérieux mouvement intellectuel. » Séance du 14 novembre 1896. PRÉSIDENCE DE M. H. MAIROT ET DE M. LE docteur LEDOUX, Sont présents : BUREAU : MM. H. Mairot et docteur Ledoux, présidents; Vaissier, vice-secrétaire; Meynier, archiviste; Fauquignon, trésorier. eo MEMBRES RÉsIDANTS : MM. Baudin, Bruchon père, H. Bru- chon, Ghapoy, Delacroix, Dietrich, chanoine Drouhard, Paul Drouhard, J. Gauthier, Genvresse, Albert Guichard, d’Hotelans, Jégo, Lieffroy, chanoine Moussard, Parizot, Pingaud, Poëte, Sire, Thouvenin. Il est donné lecture d’un extrait des délibérations du Conseil général fixant à 200 fr. la subvention départementale à la Société pour l’année 1897. * M. le Président fait part des réclamations de plusieurs bota- nistes, au sujet de l'interruption de l'ouvrage de M. G. Flagey, sur les Lichens de Franche-Comté. Il sera fait droit à cette, de- C — XXXIV — mande d'impression dès la communication de la fin du manus- crit repris momentanément par l’auteur pour participer à un concours ouvert à l’Académie des sciences. La fin de ce travail paraît comprendre une centaine de pages. | Un des doyens de la Société, M. l'ingénieur en chef en retraite M. Parandier, a bien voulu lui adresser le catalogue des notices et mémoires qu’il a publiés dans le cours de sa carrière, avec l’offre de l’envoi du complément sur des mémoires et cartes géologiques de la région bisontine non publiés. M. Parandier sera remercié de son envoi et M. Girardot sera prié d'examiner cette proposition gracieuse. La Société géographique de Philadelphie (Géographical club of Philadelphia), par l’organe de son secrétaire, demande l'échange de publication. Cette demande est accueillie. Le jour de la séance publique est fixé au 10 décembre pro- chain et le programme des lectures sera le suivant : 140 Discours du Président M. Mairot; 2° Etude sur la Neurasthénie, par M. H. Bruchon ; 3 Le sentiment de la nature dans la littérature fran- çaise, par M. Droz; 4 Le journal de marche de M. Marcel de Laforest dans le Soudan, par M. Boussey; 59 Une promenade faite par J.-J. Rousseau dans les montagnes du Doubs, par M. Ch. Thuriet. M. H. Mairot obligé de se retirer pour assister à une séance du Conseil municipal, M. le docteur Ledoux prend la direction de la séance. Ms. En notifiant la mort récente de M. Résal, membre de l’Institut, - bien connu à Besançon depuis 1853, et élu membre honoraire de la Société en 1869, M. Sire ne croit pouvoir rendre un meil- leur témoignage de regret qu’en donnant lecture et en propo- sant la reproduction d’une notice biographique par M. Maurice Lévy, un des confrères du mathématicien qui tenait une des pre- mières places parmi les ingénieurs français. M. le Président, exprimant les sentiments de l'assistance, partage l’avis de M. Sire et le prie de vouloir bien joindre au portrait si vivant et de main de maître, par M. Lévy, des souve- nirs personnels relatifs au séjour de M. Résal à Besançon. M. le docteur H. Bruchon lit une étude d’ensemble des causes Te XRXV et des effets d’une maladie du siècle, la neurasthénie. Il est dés cidé que cette lecture attachante et d’un intérêt actuel sera comprise dans le programme de la séance publique prochaine. M. Vaissier donne la description d’un monument assez rare d'un culte assidu à l’époque gallo-romaine : Une figuration des Dieux attachés au culte des mânes. Ce tableau de pierre, au Musée de Besançon depuis près de cinquante ans, peut sans nul doute être mis en comparaison avec son analogue dit « l’autel d’Oberseebach », qui a disparu dans l'incendie de la bibliothèque de Strasbourg, lors du bombardement de 1870, On a perdu éga- lement, dans le même sinistre la borne milliaire de Trajan, trouvée au siècle dernier à Mandeure. Le pendant de ce monu- ment, important particulièrement pou Besançon, puisqu'il con- tient l’unique mention conservée jusqu’à ce jour du nom de Ve- sontio, a été acquis cette année pour notre Musée d'archéologie. M. Vaissier demande et obtient la publication, pour le volume qui va être terminé, de la photogravure du bas relief des Dieux mânes afin que ce morceau de valeur ne demeure pas plus long- temps méconnu. M. J. Gauthier, dans une communication verbale pleine d’inté- rêt et qui n’est que le prélude d’une étude plus complète sur l'Abbaye de Montbenoît et son cloître, signale l'abandon de cette relique du passé, Il est urgent d’aviser à l'entretien de ce qui n’offrira bientôt plus qu’une ruine. L'assistance partage l’avis de M. Gauthier, en faveur de démarches à faire auprès de la com- mission des monuments historiques. Le même membre présente ensuite un remarquable produit de l’orfèvrerie bisontine au xvie siècle, marqué des poinçons de la ville, du chapitre et des initiales du fabricant. C’est une ma- gnifique parure en argent, dite demi-ceint (demi-ceinture) que les femmes portaient attachée sur la poitrine, suivant une mode “analogue qui a persisté dans quelques cantons de la Suisse. Un des membres de la Société rend compte des travaux de M. Zorn, au laboratoire de la Faculté des sciences, sur le soufre en présence du chlorure d'aluminium. Les Présidents, Le Vice-Secrétaire, H. MaïroT, Dr LEDOUX. VAISSIER. — XXXVI — Séance du 9 décembre 1896. . PRÉSIDENCE DE M. MAIROT. Sont présents : MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Baudin, Bavoux, Bonnet, A. Boys- son d’'Ecole, Bruchon père, H. Bruchon, chanoïne Drouhard, Ducat, Chapoy, Girardot, Gruter, Guillemin, Jacot, général de Jouffroy, Kirchner, Lambert, Ledoux, chanoine Louvot, E. Lou- vot, Magnin, Maldiney, chanoine Moussard, Parizot, Pingaud, Poëte, chanoine Suchet, Thouvenin. Le scrutin est ouvert dès le commencement =. la séance pour l'élection du secrétaire décennal et du bureau pour l'année 1897. M. le Président fait connaître les réponses aux invitations adressées aux membres honoraires et aux Sociétés scientifiques et littéraires de la région pour la séance publique et au. banquet du lendemain. Assisteront à la séance et au banquet M. le Préfet ét M. le Maire ; à la séance seulement : Mgr l’Archevêque, M. le général Mahieu, M. le Procureur général, et M. l’Inspecteur d’Académie. M. le Premier président, M. le Général commandant le 7e corps et M. le Recteur, se sont gracieusement excusés pour raison de santé ou d'absence pour le service. La Société d'agriculture de la Haute-Saône sera représentée aux deux séances par M. Eug. de Beauséjour; la Société d’'Emu- lation de Montbéliard et la Société d’histoire et d'archéologie de Neuchâtel ont exprimé leurs regrets de ne pouvoir envoyer de délégués. : M. le docteur Dufour, en adressant il y a quelques semaines ses remerciments au sujet de sa nomination comme membre honoraire, avait «le bon espoir de pouvoir venir le 40 décembre nous transmettre en personne l'expression de sa reconnais- sance. Les relations, ajoutait-il, que, jeune médecin, il a eu le privilège de former avec plusieurs de ses collègues médecins ou habitants de Besançon ont été une des joies de sa vie et lui —— AXXVIL — ont fait estimer et aimer davantage notre province et notre pays. » : Il est donné lecture de la lettre de M. le Ministre annonçant l’ouverture du Congrès de la Sorbonne, pour le 20 avril prochain, Les billets de chemin de fer, avec retour gratuit, du 41 au 93 avril, peuvent être demandés dès maintenant. Sous ce titre : Un conspirateur franc-comtois à Naples en 1702, M. Meynier expose la carrière militaire et diplomatique, terminée .par une incarcération de douze années à la Bastille, du baron François de Chassignet, de Besançon. Est retenue pour les WMé- moires le récit. de.cette aventure qui se passe dans les coulisses de l’histoire, à l’occasion de la succession au trône d'Espagne, entre les menées publiques ou secrètes de l’empereur d’Au- triche Léopold Fer et de Louis XIV. À l’occasion dela publication de ses Etudes géologiques sur La Franche-Comté septentrionale, le système oolithique, M. Albert Girardot énumère les considérations qui l'ont déterminé à en- treprendre ce travail. Réunir des études intéressantes mais di- séminées, les compléter en rectifiant les erreurs commises pour la région dont Besançon occupe le centre où il lui a été possible de multiplier les observations et relever des coupes céologiques aussi rapprochées que possible, IT s'attache dans la communication de ce jour à décrire les formations coralliennes et la faune de la période oolithique dont les sédiments se sont déposés à proximité d’une terre émergée, située sur l’emplace- ment de la région vosgienne. M. Girardot fait don .à la Société d’un exemplaire de son ou- vrage. M. le Président, ainsi que l’assistance, témoignent à l’auteur par leurs félicitations, d’une juste appréciation de ses persévé- rants efforts pour donner, sans jamais la perdre de vue, la syn- thèse de toutes ses observations. En vue d'arrêter le budget de la Société pour l'année 1897, M. Fauquignon, trésorier, expose l’état de la caisse, autant qu'il lui est possible, avant l’apurement des comptes de la présente année. Il résulte de son travail qu’en raison de la diminution du nombre des cotisations, de la réduction à la somme de — XXXVIIE — :900 fr. de l'allocation du Conseil général, le chiffre des dépenses à prévoir doit être restreint dans des limites prudentes. . En conséquence le conseil d'administration a proposé le pro- .jet de budget suivant qui est voté sans observations: Budget pour l’année 1897. | RECETTES. à 40 Subvention du département du Doubs. . +. . 200 fr. -20 Id. de la ville de Besançon. . . . . 600 80 Cotisations des membres résidants. . . . . 1.420 40 Id. id. correspondants. . . 510 -5o Droits de diplômes, recettes accidentelles. . . 20 60 Intérêts du capital en caisse, des rentes et rem- boursement de créances. ,. -… . . . 1 .250 Motal.s ss ee 000: DÉPENSES. 1° Impressions . . . : 5: 4 dub ce ot CO AODU A. 20 Frais de bureau, cutase. ne ete 430 30 Frais de la séance publique et du banquet . . 470 49 Traitement de l’agent de la Société. . . . . 200 o° Crédit pour recherches scientifiques . . . . 200 Total, 5.52 = .7 2 000ffr. Après les remerciments votés à M. le Trésorier, pour sa par- faite gestion, sont nommés pour la vérification des CORDES MM. Gaidot et Em. Louvot. M. Parizot fait l’oftre gracieuse à la Société du bronze antique trouvé à Maizières (Haute-Saône), le petit taureau tricornu qu'il a présenté à l’une des dernières séances. Ce don sera transmis à la conservation du Musée d’archéologie. Des remerciments sont ensuite votés à Mme Castan pour les exemplaires du portrait de son mari, notre regretté président honoraire, photogravure qui est jointe à la biographie par M. Pingaud, dans le Tome X des Mémoires en ce moment en distribution, — XXXIX — - Il est ensuite procédé au dépouillement du scrutin pour l'élection dtreecrétaire décennal et du Conseil d'administration pour l’année 1897. | Les noms proposés ayant réuni D des suffrages, M. le Président déclare que le Conseil d'administration, pour 1897, est composé ainsi qu’il suit : MM. le docteur BRUCHON, président. Henri MAIROT, premier vice-président. JOUBIN, deuxième vice-président, le docteur MEYNIER, secrétaire décennal. VAISSIER, vice-secrétaire. FAUQUIGNON, trésorier. POETE et MALDINEY, archivistes. Est présenté par MM. (Girardot et Mao et admis pour faire partie de la Société en qualité de Membre résidant : ‘M. Raymond VAUTHERIN, ancien capitaine du génie, demeu- rant à Besançon. Le Président: Le Vice-secrétaire, H. MAIROT. VAISSIER. Séance publique du 19 décembre 1896. PRÉSIDENCE DE M. H. MAIROT. La séance s'ouvre à deux heures dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville. Sont présents : MEMBRES HONORAIRES : Mgr PETIT, archevêque de Besançon ; M. le général MAHIEU, gouverneur de la place; M. VUILLECARD, maire de la ville; M. le docteur DUFOUR, délégué de la Société d'histoire de la Suisse romande ; M. le docteur BAUDIN, délégué — XL — de l'Académie de Besançon ; M. Eugène DE BEAUSÉJOUR, délé- gué de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute- Saône, M. le général TARTRAT, commandant le génie. MEMBRES DU BUREAU : MM. H. MAIROT, BRUCHON père, MEYNIER, SAYOUS, VAISSIER, FAUQUIGNON. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. BAUDIN, BOUSSEY, BRETENET, Henri BRUCHON, etc. Les lectures se sont succédées dans l’ordre suivant : 40 La Société d'Emulation du Doubs en 1896, discours d’ouver- ture par M. MAIROT, président. 20 Gauserie sur la neurasthénie, par M. le docteur Henri Bru- CHON. 30 Le sentiment de la nature dans la littérature française, par M. Dro?z, travail lu par M. Sayous. 40 Une promenade de J.-J. Rousseau dans les montage de la Franche-Comté, par M. Ch. THURIET. 50 Le Journal de marche d'un lieutenant d'infanterie de ma- rine dans le Soudan, 1892-1893, exposition et appréciation faite par M. Boussey du récit de M. Marcel DE LAFOREST: Le Président, Le Vice-Secrétaire, H. MAIROT. VAISSIER. (XL — BANQUET DE 1896 La séance solennelle a été suivie du banquet qui réunit chaque année, à ses membres présents, les autorités de la ville de Be- sançon et les délégués des Sociétés savantes de la Franche- Comté et des pays voisins. | Au dessert, ont été portés des toasts, fort applaudis, dans lesquels il a été de nouveau fait un chaleureux appel aux senti- ments de confraternité intellectuelle et morale, dont la conser- vation est si précieuse à tous ceux que réunit l'amour de la science et le désir de la voir progresser librement, dans toutes les voies ouvertes à son activité féconde. La carte du menu portait en vedette une belle photogravure, représentant un des quatre génies qui doivent orner le piédestal de la statue du cardinal de Granvelle par M. Jean Petit, cette statue dont l'érection qu'ils espèrent prochaine, réalisera un des vœux les plus chers des hommes intelligents de la région et du pays tout entier. Toast de M. Henri MAIROT, président. MESSIEURS, La Société d’'Emulation n’aurait garde de comparer ses séances publiques à celles de l’Institut. Notre rôle est plus modeste, et nous ne nous flattons pas d’égaler les grandes Académies. Mais nous reprenons l’avantage dans ces réunions du soir, où règne la cordialité la plus franche, où chacun se sent à l'aise, où s'offre à nous cette fortune si précieuse, une halte dans la vie, une trêve aux dissensions, aux luttes, aux agitations dont l'existence est pleine. Qui de nous ne soupire après ces instants trop rares? C'est lapaisement de nos nerfs surexcités, et un excellent remède à luniverselle maladie dont nous parlait cette après-midi notre jeune confrère, le docteur Henri Bruchon. C’est encore une né- — XLI — cessaire satisfaction donnée à ce besoin de repos qui saisit, à certains jours, les plus actifs d’entre nous. Nous voulons échappér aux préoccupations qui nous aise et nous harcèlent. Le poète cherche un refuge dans sa tour d'ivoire; l'amant de la nature s’enfuit dans les forêts et sur les montagnes. Mais, à côté du calme de Ia solitude, il en est un autre où le sentiment humain se retrouve. Dans une salle bien close que les arts embellissent, dans la douce atmosphère d’une iète, les conversations s’échangent, les sympathies naissent et grandissent, la bienveillance emplit les cœurs. Notre plus vif désir, Messieurs, est que vous ressentiez ici quelqu'une de ces impressions heureuses, et que vous emportiez de cette soirée un agréable souvenir. Nous vous remercions d’avoir bien voulu prendre part à notre fête, et nous exprimons tout particulièrement notre reconnais- sance aux hôtes dont la présence est pour nous un honneur. A Monsieur le Préfet, qui nous arrive précédé d’un renom d’urbanité et de distinction, et qui a fait à votre ÉHDEN, des : sa première visite, un si sympathique accuei!; À Monsieur le Secrétaire-général, que son long so parmi nous rend presque notre compatriote. À Monsieur le Maire, qui a toujours témoighé à la Société d'Emulation une si parfaite bienveillance et qui nous donne une hospitalité si gfàcieuse. La münicipalité ‘s’est acquis, cette année, de nouveaux droits à notre gratitude. Elle peut compter sur notre active coopération pour l'accroissement de nos musées ; elle nous trouvera toujours prêts à la seconder dans ses efforts pour conserver à notre cité son titre et son rang de capitale de la Franche-Comté. 3 Je suis heureux de saluer en Monsieur le Général Gouverneur un des chefs de cette armée à laquelle notre ville, sentinelle avancée de la France, est sr profondément unie. Je prie M. le général Mahieu, si affable ‘envers tous, d’agréer à son tour l'expression de notre respectueux attachement. ES | J'ai dit nos rapports de bonne confraternité avec l'Académie de Besançon; je renouvelle à son vice- -président, qui la repré- sente si dignement ici, nos meilleurs vœux pour la prospérité d’une Compagnie, notre sœur aînée, qui, depuis plus : d'un — XLII — “siècle, travaille d’une manière si persévérante à développer le mouvement intellectuel de la province. Hip - Nos Sociétés comtoises témoignent chaque année par l’envoi de leurs délégués que leur cœur bat à l'unisson du nôtre quand il s’agit d'affirmer une amitié dont la source profonde est notre amour commun de notre cher pays. La France aura nos vies et nos fortunes quand il lui plaira de les demander au nom de la patrie menacée. Mais le vieux sang comtois coule toujours dans nos veines; l’âme des aïeux, vivante dans nos monuments et dans nos souvenirs, respire encore dans notre esprit d’'indépen- dance et dans notre attachement au sol natal. - Vous partagez ces sentiments, Monsieur le délégué de la So- ciété d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, et ce sont eux qui nous rendent votre visite si précieuse. SOyez re- mercié d’être venu ce soir, et portez à votre CORAN nos ‘saluts fraternels. : Votre présence à nos séances, Monsieur le docteur Dufour, est une ancienne et chère habitude, et nos fêtes ne nous pa- raissent pas complètes lorsque nous ne vous y voyons point. Votre dévouement, votre affabilité, votre éloquence brillante et facile nous ont séduits. Vous représentez ici, avec l’autorité qui s'attache à votre nom, la confiance en l’avenir, l'initiative cou- rageuse et hardie qui, hier, à l'Exposition de Genève, faisaient à la Suisse une si belle auréole. À vous aussi j’exprime notre très affectueuse sympathie. Avec vous, Messieurs, je: remercie les orateurs à qui nous de- vons notre intéressante séance, M. le président Thuriet, M. le docteur Henri Bruchon, MM. Sayous et Boussey, qui se sont faits ‘avec tant de bonnes grâces les interprètes de nos confrères absents. J’envoie un cordial souvenir à M. le professeur Droz et à M. Marcel de Laforest, et je vous prie de vous joindre à moi ‘pour adresser nos respectueux hommages aux chefs du clergé, de l’armée, de la magistrature, de l’enseignement, qui ont eu le ‘regret de ne pouvoir accepter notre invitation. Les lettres que nous en avons reçues témoignent toutes d’une vive sympathie pour la Société d'Emulation : nous en sommes infiniment recon- naissants. - =HEUIN Te En vous asseyant tout à l'heure à cette table, dont l’artistique arrangement est bien digne aussi de notre gratitude, vous avez trouvé devant vous, Messieurs, une de ces surprises dont M. Vaissier est coutumier, et qu’il sait rendre chaque fois plus charmantes. Notre dévoué secrétaire a eu, cette année, la main particulièrement heureuse. N'est-ce pas à vous tous, Messieurs, hôtes et membres: de la Société d’'Emulation, qu’il a voulu adresser ce souhait, qui fut autrefois la devise du cardinal de Granvelle : Durate ? Cette de- vise, notre musée nous la fait lire sur une médaille dont une des faces représente un vaisseau battu par les flots. La tempête se- coue le navire; les matelots semblent voués à la mort. Durate, supportez la mauvaise fortune ; soyez fermes contre les coups du sort; ayez le courage de vivre, et l’adversité, loin de vous abattre, vous laissera plus forts. Durate, écrit le génie de l’histoire, et, par ce mot, il semble promettre à son héros l’immortalité. Je n’ose être si présomp- tueux; je me borne à souhaiter à chacune de nos Sociétés et à vous tous, Messieurs, de longs jours exempts de tempêtes et d’orages. Durate, vivez, c’est la conclusion ordinaire des toasts et je ne veux pas en chercher d'autre. | A votre santé, Messieurs ; à la santé des hôtes de la Société d'Emulation. Toast de M. le docteur BRUCHON, président élu pour l’année 1897. MESSIEURS, En me voyant désigné pour la présidence annuelle de la So- ciété d'Emulation, quelques-uns de vous ont pu dire : « Allons, encore un médecin ! » Si on parcourt, en effet, la liste déjà longue de mes prédécésseurs, à commencer par le premier d’entre eux, le docteur Comte d'Udressier, on y trouve, plus ou moins espacés, les noms d’un certain nombre de confrères en doctorat, les uns déjà disparus, les autres ne tenant point en- core à disparaître. Nous sommes, dans notre profession, chargés souvent de missions de confiance moins intéressantes, moins conformes à nos goûts, et s’écartant davantage du cercle = SEV —- de nos études et de nos observations habituelles, et l’on voudra bien nous accorder que nous cherchons à les remplir sinon avec beaucoup d'éclat, du moins avec beaucoup de bonne volonté. C’est ce modeste apport que je puis vous offrir en réponse au grand honneur que vous me faites, et dont je dois être d’autant plus reconnaissant que je semble y avoir moins de droit. Je suis, il est vrai, un des vétérans de la Compagnie : si je n’ai pas contribué à l’implanter, je l’ai à peu près vu naître. En ré- veillant des souvenirs qui ne sont pas d'hier, c'était au temps où, encore écolier, je me glissais parfois aux cours d'expériences pratiques de notre Faculté des sciences installée vers cette époque. Là, j'avais déjà l’heureuse occasion de trouver à l’am- phithéâtre de physique un jeune préparateur aussi savant qu’abordable, devenu le très honoré doyen en diplôme de nos résidants bisontins actuels, plusieurs fois porté à notre prési- dence, et ayant conquis sa place dans les rangs de l’Institut et de la Légion d'Honneur, tandis que je précédais de quelques années comme condisciple, un autre futur correspondant de la docte assemblée, lui aussi une des illustrations de notre Société, laissant déjà deviner dès l'enfance son esprit d’érudition et de fine critique : Auguste Castan, dont le nom chaque fois qu’il est cité au milieu de nous, ravive de chers souvenirs et d’inou- bliables regrets. Un de nos membres fondateurs, l’éminent professeur et botaniste docteur Charles Grenier, mon maître, voulut bien me prêter son patronage pour mon admission parmi nos titulaires, il y a quelque trente-six ans. Depuis cette date ancienne, j'avoue en toute humilité que je ne fus pas un des fidèles pratiquants du sanctuaire. Puisqu’il vous a plu de l’oublier, c’est que vous avez bien voulu admettre en ma faveur des circonstances atté- nuantes. Un enseignement universitaire se surajoutant à mes devoirs professionnels m’appelait ailleurs précisément aux jours et heures de vos séances, et jusqu’à ce que ces obligations aient été restreintes, j'ai persévéré dans une bien involontaire inexactitude. De ce fait il m'est donné de rencontrer ici quel- Œques-uns de mes ci-devant auditeurs devenus depuis longlemps mes devanciers dans notre chronologie présidentielle, ce dont je suis très fier surtout devant vous; car si j’ai pu jouer un rôle, — XLVI —. si minime soit-il, dans leur initiation aux premières études spé-', ciales qui les ont amenés à mériter l'honneur de vos suffrages, laissez moi croire que, sans être réellement près de vous, je ne vous étais pas complètement inutile, et que je travaillais à la sourdine pour le plus grand bien de notre œuvre. N'est-ce pas là en effet que tendent tous les efforts indivi- duels et collectifs de nos sociétaires ? Les uns enrichissent nos séances et nos Mémoires de communications qui, se joignant à une somme de travaux hautement appréciés, ont valu à plu- sieurs les plus flatteuses distinctions. D’autres, dont je suis, apportent comme part le concours de leur collaboration, de leur propagande, de leur sympathie. Comme dans tout méca- nisme organique régulier, à côté des grandes cellules plus actives, plus complexes, se groupent d’autres cellules cons- tituantes dont le rôle contribue d’une façon indispensable an bon fonctionnement de l’ensemble, Cellules plus ou moins grandes, cellules jeunes ou cellules müûüres, continuons en com- mun une évolution si bien harmonisée. Et tous, confiants dans la bienveillance de nos membres ho- noraires et des éminentes personnalités qui veulent bien s’inté- resser à nous, encouragés par de cordiales relations établies dans toute la région, soutenus par l’activité expérimentée de nos anciens et nouveaux collègues du bureau, assurés du bon vouloir de tous nos résidants et correspondants, nous pouvons compter fermement que notre Société demeurera ce qu’elle a. toujours été, libérale, travailleuse, largement ouverte, et qu’elle restera fidèle à son but, lémulation vers le progrès! C’est à ce résultat, Messieurs, que je bois avec vous! Permettez-moi de réclamer encore quelques instants pour re- mercier vivement, au nom de tous, notre cher président, Mon- sieur Mairot, de la bonne et féconde direction qu’il a su donner à nos discussions et à nos travaux. Nous lui en exprimons notre unanime reconnaissance. Et en terminant sur un ton moins sé- rieux, puisque nous voilà au dessert, oserai-je le féliciter d’avoir traversé en très bonnes conditions une situation assez exceptionnelle résultant de la composition même de notre bu- reau ? Il vient de passer toute une année entouré de trois mé- decins, deux civils et un militaire, qui ne l’ont pas quitté; ce. er dau ets à 5 ne, M ne XANIT —— qui pour le public est l'indice d’un cas très grave. Vous êtes témoins, Messieurs, qu’il s’en est tiré à son honneur et au nôtre, et que, chose bonne à noter, il n’a pas eu à constater le moindre désaccord entre les consultants. C’est l’un d’eux, son médecin ordinaire, qui, avant de lui succéder au fauteuil, vous propose un toast à sa santé! Toast de M. le docteur BAUDIN, vice-président de l'Académie. MESSIEURS, C’est à un contre-temps regrettable pour la Société d’'Emula- tion, — et très regretté par M. de Chardonnet, président de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon — que je dois l'honneur de représenter en qualité de vice-président cette compagnie savante, la plus ancienne de notre ville et de la province, à la fête annuelle de votre séance solennelle de tantôt et de votre banquet de ce soir. Je ne saurais avoir la prétention de m’acquitter de ma mission avec la grande autorité qu’y eût apporté notre éminent compa- triote, le savant illustre, le chercheur et le « trouveur », — pas- sez moi ce néologisme, — dont les découvertes honorent son pays natal et la France entière. Je n’ai pas davantage à mon service cette élévation d'idées et de langage dont il a le secret, et qui vous eût émus et charmés. Mais je ne crois pas qu’il lui eût été possible de mettre plus de cordial élan, plus d’ardente sympathie, que je n’en veux mettre moi-même dans le toast queje porte à votre belle Société d’Emu- lation, si bien dénommée et toujours si digne de son nom, si largement ouverte à toutes les bonnes volontés, si laborieuse, si vaillante et si patriotiquement dévouée aux intérêts bisontins et comtois, Sur ce terrain de la lutte et des efforts à la recherche de tout ce qui est vrai, beau et bien, de tout ce qui peut contribuer à enrichir le patrimoine intellectuel de la grande patrie française et de la petite patrie comtoise, nos deux compagnies se sont ren- contrées si souvent, — émules toujours et jamais rivales, tou- jours courtoises et de bonne foi, — qu’elles ont dès longtemps appris à se connaître, à s’estimer et à s'aimer. — XLVIH — Et, dé même que je suis sûr d’être l'interprète fidèle, — sinon éloquent, — des sentiments et des vœux de l’Académie de Bé- Sançon, je suis sûr également de ne rencontrer ici que des mains amies et des cœurs vibrant à l’unisson lorsque, avant de m'asseoir, je vous invite à lever nos verres à la prospérité de votre société, en même temps qu'à l’union fraternelle, toujours de plus en plus étroite et féconde de nos deux compagnies. MÉMOIRES. 2 SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1896 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 19 décembre Par M. Henri MAIROT PRÉSIDENT ANNUEL. MONSEIGNEUR, MESDAMES, MESSIEURS, Un de nos anciens présidents, M. Edouard Droz, recher- chait naguère, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fondation de notre Société (1), les principes qui avaient guidé notre marche pendant cette longue existence : c'était, disait-il, « amour du travail, l'amour de la science, c’est-à- dire du vrai, l'amour de l’art, c’est-à-dire du beau, Pamour du bien public dans toute son extension, enfin l’amour parti- culier de la Franche-Comté, notre petite patrie. » Telle s'était révélée à M. Droz, après une attentive étude de nos mémoires, l’œuvre de la Société d'Emulation. Vos applaudissements, en confirmant cette impartiale appréciation, rendaient pleine Justice au passé; ils disaient aussi ce que devrait être l’avenir. C’est encore cette passion du travail, ce culte désintéressé de la science et de l’art, cet inébranlable attachement à notre chère Franche-Comté, qui (1) Discours à la séance publique du 18 décembre 1890, { Ho ee doivent diriger aujourd’hui nos efforts ; et, lorsqu’en sortant de charge, le président, se conformant à une tradition main- tenant trentenaire, vient rendre compte ici des travaux de l’année, c’est en les rapportant à cet idéal qu’il vous appelle à dire si notre Société a été fidèle à sa mission, si le flam- beau qui va tout-à-l’heure passer aux mains d’un plus digne a conservé sa flamme, si, suivant la belle image du poète antique, les éléments de la vie y ont été assez fidèlement conservés pour assurer les moissons à venir. Ces éléments de vie, ces semences fécondes, vous les reconnaïtrez sans peine dans les travaux de notre Société pendant l’année qui se termine : qu'il s'agisse d'histoire ou d'archéologie, de sciences physiques ou de sciences naturelles, chacune de nos séances est venue éclairer d’un jour plus vif quelque ancienne question ou révéler à des auditeurs curieux quel- que découverte nouvelle. Pour la Société d'Emulation comme pour tout organisme vivant, la vie s’est manifestée par l’action. Mais pour elle aussi, comme pour tout ce qui existe ici-bas, la mort a fait son œuvre en même temps que la vie. Les noms de ceux qui ne sont plus se pressent sous ma plume ; leur souvenir passe devant mes yeux: permettez-moi, Messieurs, de leur rendre un public hommage. Voici d’abord ceux que nous avons connus et dont l’absence nous laisse au cœur un plus dou- loureux regret, un de nos anciens présidents, Léon Marqui- set, un de nos anciens trésoriers, Joseph Guillemin. Ami d’enfance de Léon Marquiset, votre président a cherché à rappeler, dans une courte notice le caractère sympathique, l'intelligence vive et ouverte, les goûts artistiques de notre confrère ; il a fait revivre son heureuse jeunesse, si ardente au devoir, son âge mür, tantôt ballotté aux vents des agita- tions politiques, tantôt plus utilement occupé des travaux féconds de l’agriculture. Président de la Société d'Emulation du Doubs en 1876, Léon Marquiset nous a dû une des meil- leures années de sa vie ; il était heureux et fier de la sympa- rs thie dont il était entouré parmi nous et il nous en a toujours gardé un souvenir reconnaissant. Ce fut un attrait d’un autre ordre qui nous attacha Joseph Guillemin. Esprit libre et indépendant, caractère droit et loyal, cœur généreux, notre confrère aimait en notre cCom- pagnie une de ces associations largement ouvertes et de franche allure dont son pays préféré, la Suisse, lui offrait tant de modèles ; un de ces groupements locaux qui lui sem- blaient chaque jour plus nécessaire en face de linfluence croissante de la capitale. Ses vastes lectures, sa connaissance des problèmes sociaux donnaient un grand charme à sa con- versation et sa modestie seule l’a empêché de se faire dans nos Mémoires une place qu’il y eût très dignement rem- plie. ; D’autres noms encore ont dû être effacés de nos listes. Nous avons perdu M. Champin, l'ami de Monseigneur Besson, son rival pour la verve caustique et railleuse ; M. l’abbé Cizel, dont les vers surent plus d’une fois célébrer dignement les gloires de la patrie; le docteur Jules Piquard, qui était tenu en si haute estime pour sa science médicale et pour son dévouement ; enfin, plus loin de nous, le sénateur Comte de Laubespin, et M. Henri Résal, membre de l’Aca- démie des Sciences. Dans la séance du 8 février, M. le géné- ral de Jouffroy rendait hommage au comte de Laubespin ; il nous disait cette noble vie si bien employée, cette car- rière de quatre-vingt-cinq ans, commencée sur les champs de bataille de l'Afrique, terminée dans l’accomplissement des devoirs parlementaires et dans le libre exercice de la bienfaisance la plus large et la plus humaine. Le 14 novem- bre, M. Sire remplissait le même devoir envers M. Résal en lisant la notice biographique très complète que lui a consa- crée M. Maurice Lévy. La physionomie mobile de M. Résal est, après quarante ans, restée présente à tous ceux d’entre nous qui l’ont connu : elle reflétait l'intelligence alerte et la rare pénétration qui devaient faire plus tard du professeur ee A de notre Faculté des sciences l’un des mathématiciens les plus éminents de notre temps. Tels furent, Messieurs, ceux de nos confrères que Dieu vient de rappeler à Lui. Est-il bien plus loin de nous, cet Auguste Castan dont, par un souvenir pieux, M. Pingaud a tenu à nous donner dans nos Mémoires l’attachante biogra- phie? Dans notre dernière séance solennelle, l’éminent pro- fesseur nous avait montré Castan voyageur et critique d'art; dans la séance de janvier, M. Pingaud, revenant sur ses pas, a mis Sous nos yeux une période plus intéressante encore pour nous, celle où la Société d’Emulation absorbe presque à elle seule son activité, où toutes ses découvertes, tous ses travaux nous sont apportés d’abord, où le menu de nos séances privées, la préparation de nos séances solennelles sont pour lui l’objet de soins incessants. M. Pingaud cons- tate que, par ses efforts persévérants, Castan avait réussi à faire de la Société d'Emulation un centre de vulgarisation intellectuelle pour la province. En certains jours, notre secrétaire décennal nous conviait à une œuvre plus haute encore : au lendemain de nos désastres, il nous rappelait la vitalité de la Gaule, se relevant par la foi se consolant par l’espérance, se régénérant par la charité. | Il nous demandait de répondre à la coalition des haines par la fédération des dévouements, et d'avance, il nous gar- dait du découragement, en nous rappelant que seuls le temps et la patience construisent les grands édifices. M. Pingaud a voulu consigner dans son livre ces précieux soûvenirs ; nous ne saurions trop l’en remercier. La Société d’'Emulation a, tout autant que la mémoire de Castan, le droit. de s’en faire un titre d'honneur. L'histoire provinciale et l’archéologie, auxquelles Castan faisait la part si large dans nos séances, nous ont encore valu cette année d’intéressantes lectures. M. le chanoine Mous- sard, reprenant après M. Edouard Clerc la vie de Jean Boy- ARR EUR vin, s’est attaché à célébrer les hautes qualités morales et religieuses de l’illustre Dolois, sa jeunesse austère, formée aux solides vertus familiales et plus tard son courage et sa fermeté unis à la modestie la plus exquise et à la plus grande bonté. Le noble caractère de Boyvin a été de nouveau mis en relief dans un petit volume que vient de publier M. Emile Longin, les Ephémérides du siège de Dole. Notre confrère a pu dire justement que l’ascendant des vertus de Boyvin l'avait rendu un moment l'arbitre de la province (1). C’est à cette période de sa vie que se rattache la relation très documentée qui nous a été envoyée par M. Longin sur la campagne du marquis de Conflans en Bresse. Il est à peine besoin de rappeler la manière exacte dont M. Longin écrit l’histoire, ses recherches minutieuses, sa préoccupation constante de recourir aux sources les plus autorisées. En lisant dans nos Mémoires la relation de l’expédition du mar- quis de Conflans, vous y retrouverez ces rares qualités ; vous connaîtrez à fond tous les incidents de cette courte cam- pagne, les hésitations et les lenteurs du parlement, les souf- frances du baïllage d’Amont, réduit à la misère par les exactions des chefs franc-comtois et des soldats de Gallas, les coups de main hardis qui font tomber les châteaux de Dortan, de Cuiseaux, de Savigny au pouvoir du marquis de Conflans ; et enfin la déroute qui, au siège de'Cornot, met fin à l’aventure. L'épisode que nous a retracé M. Longin ne peut assuré- ment prétendre à une mention dans l’histoire des guerres ; et pourtant 1l méritait d’être conservé dans nos annales franc- comtoises. De même, le travail de délimitation de la Franche- Comté et du pays de Vaud qui se fit en l’année 1648 ne tient pas une grande place parmi les conventions internationales, M. le docteur Meynier a cependant fait œuvre utile en nous (4) Emile LoNGIN. Ephémérides du siège de Dole. Préface p. XXxXVH. nu montrant comment cette partie de la frontière suisse qui forme les communes des Rousses et de Bois d’Amont est, depuis plusieurs siècles, victime de l’usurpation de trop peu scrupuleux voisins ; sur ce point, comme sur d’autres, con- clut M. Meynier, les intérêts franc-comtois ont été sacrifiés pour permettre à la France et à ses rois de vivre en bonne harmonie avec les « louables cantons. » L’équipée d’un bisontin, J.-B. Chassignet, qui s’en alla, en 1702, guerroyer à Naples pour l’archidue Charles d'Autriche, a fourni au même confrère l’occasion d’un second travail. Chassignet ne réussit qu’à se faire prendre, puis enfermer à la Bastille où il resta jusqu’au Congrès de Rastadt, c’est-à- dire pendant douze ans. M. Meynier a encore rendu compte à la Société du VII volume de l'Histoire des Princes de Condé par Mgr. le Duc d’Aumale, et su faire apprécier les éminentes qualités litté- raires de l’ouvrage et surtout un style dont l'allure vigou- reuse rappelle les beaux écrits du grand siècle. Mgr. le duc d’Aumale, lors de son séjour à Besançon, honorait nos séances de sa présence; ilne nous a pas oubliés, et 1: nous a successivement envoyé tous les volumes de son orand ouvrage. La lecture de M. Meynier a témoigné de notre gratitude ; elle offrait d’ailleurs un intérêt spécial pour notre province, puisque le volume analysé contient le récit de la campagne de Franche-Comté et de la prise de Besançon en 1668. À M. Parizot a trouvé dans les archives de la paroisse de Chauvirey un curieux jugement du baillage de Vesoul, qui, à la date du 9 mai 1739 réglait entre quatre prétendants les prérogatives honorifiques attachées à leurs privilèges sei- gneuriaux. Les prescriptions minutieuses du jugement, les prétentions mesquines qui en étaient l’objet ont fourni à M. Parizot l’occasion d’une piquante étude sur ces droits paroissiaux, l’aspersion, l’encensement, l’eau bénite, dont les anciens seigneurs étaient si jaloux. Nous sourions volon- Rp tiers aujourd’hui de ces sortes d’honneurs : l’ardeur apportée à leur revendication nous semble toucher au ridicule. M, Pari- zot nous fait remarquer finement que le décret de messidor an XII, qui règle les préséances dans la France de nos jours, fait naître des contestations du même ordre. L’humanité ne change guère : soyons donc indulgents pour les petites rivalités des siècles passés, afin qu’à leur tour nos petits neveux soient indulgents pour nous. Nos anciens usages sont une partie de notre histoire locale; il est un autre côté de cette histoire auquel s’attache plus particulièrement M. Jules Gauthier ; c’est l'étude des œuvres d’art et des monuments. Chercheur infatigable, le savant archiviste excelle à découvrir, en quelque coin perdu, telle œuvre encore ignorée à laquelle d’ingénieux rapproche- ments viendront donner une réelle valeur. M. Gauthier nous a parlé cette année des remarquables sculptures de la cha: pelle funéraire de Rahon ; les figures qui ornent le tombeau de Guillaume de Visenal et de sa femme lui ont paru pou- voir être attribuées au sculpteur Lallier qui vivait en Fran- che-Comté au temps de la Renaissance. Des reproductions photographiques très habilement faites nous ont permis d'apprécier les moindres détails de ces œuvres d’art. A côté de ces travaux d'histoire et d'archéologie, la Société a entendu deux lectures d’un genre moins sérieux. Le journal de marche d’un jeune lieutenant d'infanterie de marine, notre compatriote, M. Marcel de Laforest, nous a transportés pour un instant en plein cœur de ce Soudan, où nos soldats vont, au prix de mille fatigues, étendre l'influence de la France et porter sa civilisation. M. Boussey a bien voulu se charger de nous présenter cette très vivante relation et de vous en lire les pages les plus saillantes. Je me contente donc de la mentionner, en adressant à l’auteur les meilleurs remerciments de la Société, et en lui demandant de continuer à nous faire part de ses intéressantes observations sur nos colonies lointaines. er Votre président a résumé en quelques pages le volume dans lequel un émigré franc-comtois, P. de la Verne, a raconté son voyage dans la Gruyère et le Pays de Vaud en 1793. Doué d’une âme ardente et d’un esprit curieux, La Verne alliait des connaissances très étendues à la sensibilité alors à la mode : son livre offre des remarques piquantes sur les pays qu'il a parcourus ; les habitudes qu'il décrit se sont conservées pour la plupart dans ce pittoresque coin de la Gruyère ; les beautés naturelles de ces vallées, les mœurs rustiques de leurs habitants valent encore le voyage ; c’est notre excuse d’avoir appelé pour un instant votre attention sur un livre très oublié aujourd'hui. Les sciences, toujours si fort en honneur à la Société d’'Emulation, ont comme les années précédentes, fourni à nos séances un large contingent. La géologie y a été repré- sentée par un intéressant rapport de M. Chudeau sur le classement des collections de la Faculté des sciences, et plus récemment par une importante lecture de M. le D: Girardot sur le système oolithique de la Franche-Comté septentrio- nale. Mettant à profit les travaux des Thirria, des Marcou, des Jaccard, et les complétant par de nombreuses observa- tions personnelles, notre savant confrère vient de publier sous ce titre un livre considérable. Il nous en a exposé le plan général, et nous a donné d’intéressants détails sur la région zoologique dont Besançon est le centre. | La botanique nous a valu des communications de M. Thou- venin sur le rôle de l’électricité dans le développement de la chlorophylle et sur le rhizône de la Parnassia, et pour nos Mémoires, des contributions importantes de M. Magnin et de M. Parmentier. Peu de temps apr ès la découverte des rayons Rœntgen, M. Joubin nous expliquait la production de cet agent mysté- rieux, et nous montrait les épreuves qu’il avait obtenues dans son laboratoire, une main dont tous les os apparais- saient nettement, une bague produisant autour de l’un des orge doigts un large anneau noir; de petits animaux dont le squelette était parfaitement visible. Un peu plus tard, M. Mal- diney nous présente une épreuve plus remarquable encore. Un malade de l’hôpital avait dû subir les soins médicaux pour une double fracture au poignet ; le bras du patient avait été placé dans un appareil en plâtre, et, depuis ce temps il se plaignait de vives douleurs occasionnées par la fracture. Malgré l’obstacle que paraissait devoir opposer le plâtre au passage des rayons Rœntgen, M. Maldiney eut la satisfaction de montrer par l’épreuve chtenue que les deux tronçons d’un des ossements fracturés ne s'étaient pas rejoints et qu’il existait entre eux une faible solution de continuité. La Société a été ainsi appelée à constater l’une des premières applications utiles de la découverte du professeur de Wurz- bourg. Ces applications se sont multipliées ; elles n’en paraissent pas moins extraordinaires. Une fois de plus, dans l'histoire des sciences, un fait expérimental a tourné au bénéfice de l'humanité avant que l’on püût être fixé sur la véritable nature du phénomène observé. On disserte encore, on dissertera longtemps peut-être sur la nature des rayons Rœntgen : la pratique a devancé la théorie, et nos chirur- giens utilisent dès aujourd'hui le nouvel agent pour rendre leurs opérations plus sûres. M. Genvresse, à qui l’Académie des Sciences vient de con- férer une si flatteuse récompense, fait à notre Société l’hon- neur de lui transmettre le résultat des recherches qui se poursuivent sous sa direction au laboratoire de chimie de la Faculté. Ce laboratoire travaille activement, si l’on en juge par les nombreuses communications qui nous ont été faites ; M. Genvresse nous a successivement entretenus des éthers phosphoriques, des phénols polyatomiques trouvés par M. Secrétant, du parabenzoïle-toluêne et de ses produits de substitution dans la chaîne latérale étudiés par M. Bourcet ; enfin des travaux de M. Zorn sur l’action du soufre, agissant en présence du chlorure d'aluminium comme réducteur des ADN composés aromatiques halogénés. M. Emile Delacroix, essayeur de la garantie, nous a communiqué une note sur l'acide antimonique etles antimoniates aussi étudiés et carac- térisés par lui dans le laboratoire de la Faculté. M. Genvresse nous a permis d'apprécier quelques-uns des résultats pratiques obtenus par lui. A la séance du 14 mars, il installait devant nous un petit laboratoire en miniature et y teignait des fils et des étoffes au moyen de matières colo- rantes nouvelles. Le mérite de ces couleurs pour lesquelles M. Genvresse a obtenu un brevet, est de teindre sans mor- dant le coton et la soie. Dans le même ordre de recherches, la Société a pu admirer, grâce à M. Meynier, une application de la photographie sur la soie, le velours et diverses autres étoffes. M. le capitaine Hélouys est arrivé à obtenir sur ces tissus des teintes variées qui résistent aux lavages les plus énergiques : ce sont des camaïieux photomagnétiques inaltérables. Tels sont, Messieurs, les divers travaux qui ont occupé nos séances : mais là ne s’est pas bornée l’œuvre de la Société d’Emulation. Elle a le droit de compter à son actif le travail personnel de son très digne vice-secrétaire, M. Vais- sier, qui apporte à son service un dévouement sans bornes et une activité toujours en éveil. Or, comme chacun sait, il ne se fait pas en ville une fouille que M. Vaissier n’aille explorer; il n’est pas une antiquité qui ne lui fournisse l’occasion d’ingénieux commentaires. L'année dernière, grâce aux fouilles de l’égoût collecteur, il découvrait une peinture gallo-romaine dont un patient travail lui permettait de reconstituer un spécimen pour notre musée; une grande mosaique était également relevée par ses soins et prenait place au square archéologique. Cette année, en mettant en ordre les collections groupées jusqu'ici, un peu pêle-mêle, dans l'escalier du Musée, M. Vaissier nous a signalé une pièce intéressante, un groupe en bas-relief représentant une figuration inédite des dieux mânes. Ce groupe à une grande us ressemblance avec certaines figures de l’autel gallo-romain d’Oberseebach, qui a péri dans le bombardement de Stras- bourg. Notre confrère en à fait suivre la description de très ingénieux commentaires. Au reste, ce n’est pas seulement par ses recherches que M. Vaissier travaille à l'honneur de notre cité. Se souvenant que c’est par les soins de la Société d’'Emulation que le musée archéologique de Besançon a été fondé et qu'il s’est constamment accru, notre vice-secrétaire a accepté la diffi- cile mission de transférer ce musée dans la nouvelle salle qui vient de lui être affectée, au rez-de-chaussée du bâtiment des musées. Au mois de janvier, MM. Ducat et Vaissier, sou- cieux de la conservation de ces précieuses collections, avaient demandé à la Société d'intervenir auprès de la ville pour éviter le déménagement. Les craintes de nos confrères ont été heureusement écartées par lexcellente appropriation de la salle actuelle dont la disposition architecturale se prête à un classement très satisfaisant de nos richesses archéo- logiques. Dans notre séance du mois d'avril, M. Vaissier nous expo- sait tout un plan de réorganisation : grâce à lui, l'exécution en est aujourd’hui fort avancée. Les saillies des contreforts intérieurs ont reçu les beaux moulages des sculptures de la Porte Noire qui étaient restés jusqu'ici déposés à la biblio- thèque ; la grande mosaïque du Clos Saint-Amour a été pla- cée vers l’extrémité de la salle ; plus en arrière a été recons- tituée la borne milliare de Mathay, qui reproduit, avec le nom de l’empereur Trajan, celui de notre antique Vesuntio. La partie du bâtiment faisant façade sur la rue de Glères, ne pouvait, sans encombrement, recevoir la collection tout entière : les conservateurs du musée ont obtenu que trois nouvelles travées, formant retour sur la place Pâris, fussent ajoutées à leur domaine. Leur demande était assurée d'avance du meilleur accueil. Nos musées viennent d’être heureusement accrus par la 2 dore générosité du maître Jean Gigoux ; les collections archéolo- giques, et en particulier les objets de l’époque gallo-romaine, en forment un des plus beaux joyaux : la municipalité a compris que ces trésors devaient être présentés dans les meilleures conditions possibles. Le bon renom de la ville de Besançon s’accroitra de cette importance plus grande donnée à ses musées ; nous serons signalés plus favorablement aux étrangers, et notre situation dans le pays s’en trouvera augmentée. Le culte de la science, l’amour de l’art et du beau compte,etau premier rang, parmi les mérites qui valent à une cité l'honneur, auquel nous prétendons à juste titre, d’être la capitale d’une grande région. S'il appartient plus particulièrement à l’industrie et au commerce de plaider une telle cause, tout ce qui mani- feste l’activité d’une ville concourt au même but, depuis les délibérations des corps électifs jusqu'aux efforts les plus humbles de la moindre des sociétés. C’est à ce titre, Mesdames et Messieurs, que la Société d’Emulation mérite la sympathie que vous lui témoignez ici par votre présence, et qu’elle se montre digne des encoura- gements qui lui sont accordés par la ville et le département. Non seulement elle groupe autour d’elle les hommes sou- cieux d’une vie intellectuelle plus intense ; elle offre encore aux professeurs de nos Facultés comme une seconde chaire plus libre, d’où leurs travaux attirent davantage l'attention du public. C’est à coup sûr une chose digne de remarque que l'union, qui, dès l’origine, a régné entre la Société d’Emula- tion et notre enseignement supérieur. La Faculté des Sciences, en particulier, a dans notre histoire une si large part qu'à certaines époques ses professeurs semblent impri- mer à nos travaux leur orientation spéciale : avec Coquand, la géologie domine ; avec Grenier, c’est la botanique. Nos Mémoires doivent à cette constante collaboration quelques- uns de leurs plus précieux travaux. À côté de Coquand et de Grenier, et pour ne citer que ceux qui nous ont quittés, jV SA D vois figurer les noms de Delesse pour la géologie, de Godron pour la botanique, de d’'Estocquois, de Résal pour les mathé- matiques, de Gouillaud, de Person, de Croullebois pour la physique. La Faculté des Lettres nous a prêté un concours analogue, et chacun de nos comptes-rendus, chacune de nos séances publiques prouve combien les maitres très distingués, qui donnent à Besançon l’enseignement supérieur, ont à cœur de continuer cette ancienne tradition. L'élection de M. le Professeur Joubin à la Vice-Présidence de la Société est pour l'Université bisontine la meilleure marque de notre vive gratitude. Nous nous félicitons d’avoir trouvé le même appui de la part de l'Ecole secondaire de médecine ; c’est un de ses membres honoraires les plus estimés qui prendra demain la direction de la Société, et c’est le plus jeune de ses profes- seurs qui va tout-à-l’heure vous faire entendre une intéres- sante étude. Cette double marque de sympathie nous est infi- niment précieuse, Nous nous applaudissons également des liens qui nous unissent à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon et aux autres sociétés savantes de la province. Il n’y a plus entre les deux compagnies bisontines d’autre rivalité que celle du travail. Souvent l’une des deux emprunte à l’autre quelqu'un de ses membres pour lui donner une place au sein de son bureau: aucun témoignage ne pourrait mieux attester la cordialité de nos mutuels rapports. M. Gau- thier en allant représenter à la fois les deux Compagnies auprès de la Société d'Emulation de Montbéliard, s’est chargé de compléter la démonstration ; il nous a en même temps fourni l’occasion de donner à nos amis de Montbéliard, par attention avec laquelle le compte-rendu de leur assemblée a été accueilli chez nous, une nouvelle preuve de notre sym- pathique amitié. Nous nous sentons ainsi, Mesdames et Messieurs, entou- rés d’un bienveillant courant d'opinion dont nous sommes justement fiers. Nous ne le sommes pas moins des hautes marques d'estime accordées à quelques-uns de nos con- frères : au début de l’année, M. Sire était nommé chevalier de la Légion d'honneur ; six mois après, la même distinction était conférée à M. Pingaud, élu peu auparavant membre correspondant de lPAcadémie des sciences morales, et à M. Colsenet, doyen de la Faculté des Lettres, lui aussi un de nos anciens présidents. La Société, désireuse de témoi- gner à MM. Sire et Pingaud sa reconnaissance pour leur fidèle collaboration, a nommé ces deux confrères membres honoraires ; elle a accordé le même honneur au sculpteur Jean Petit, auteur de la statue du cardinal de Granvelle que nous pourrons bientôt admirer dans la cour du Palais Granvelle; à M. Ulysse Robert, Inspecteur général des archives ; enfin à M. le Docteur Dufour de Lausanne, si po- pulaire à Besançon, et que je suis heureux de saluer au- jourd’hui parmi nous. Nos membres honoraires forment une élite toujours prête à répondre pour la Société ; nous avons été heureux de pouvoir en augmenter la liste, Hier, enfin, Messieurs, vous complétiez de la manière la plus favorable les cadres actifs destinés à assurer la marche régulière de notre Société. J’exprime à M. le Pro- fesseur Sayous notre vif regret de l'avoir vu résigner Îles fonctions de secrétaire décennal ; mais, à son défaut, votre choix ne pouvait se porter sur un plus digne que M. le Docteur Meynier. De son côté, M. Poète, en échangeant son titre de vice-trésorier contre celui d’archiviste sera mieux à même de travailler au progrès de notre Société. Ces nouveaux auxiliaires venant seconder les anciens membres de votre bureau, vos Présidents annuels pourront continuer sans trop de peine à diriger votre Société vers le but élevé qu’elle s'efforce d'atteindre. Toutelois, même avec de tels collaborateurs, leur tâche n'ira point sans travail. Dans le cours actuel de la vie, tout est obstacle pour les éénde. à ME sociétés de province. Paris attire à lui les talents ; le mouve- ment des affaires, l’application de plus en plus intense qu’elles exigent, détournent ceux qui s’y adonnent des tra- vaux scientifiques ou littéraires ; l'existence agitée que nous font le chemin de fer, la bicyclette, le télégraphe et le télé- phone, rend de plus en plus rare la réflexion, condition nécessaire de toute œuvre intellectuelle. Les sociétés d'étude ont donc peine à se maintenir; c’est pourtant à elles qu’il appartient de conserver à notre démo- cratie les idées générales sans lesquelles un peuple ne peut vivre, d’être l’esprit qui anime la masse, le foyer lumineux qui projette tout autour de lui son bienfaisant rayonne- ment. Puissent tous nos confrères se montrer dignes d’une si belle mission ! Puissent-ils, par leurs travaux personnels et par leur propagande continuer l’œuvre si courageuse- ment poursuivie par la Société d’Emulation du Doubs. LE DERNIER VOLUME DE L'HISTOIRE DES PRINCES DE CONDÉ DE Me LE DUC D'AUMALE Compte-rendu de M. le D' J. MEYNIER. Séance du 11 janvier 1896. La Société a reçu le tome septième et dernier de la remar- quable Histoire des princes de Condé par M£8r le duc d’Au- male. C’est à notre regretté collègue, M. Edouard Besson, qu’elle a, précédemment, confié le soin de rapporter sur les volumes parus de cette grande œuvre. Il est à craindre que mon insuffisance, comme critique historique et littéraire, ne réussisse aujourd’hui qu’à raviver les regrets que nous a causés à tous sa fin prématurée. Le nouveau volume comprend d’abord la suite et la fin du livre sixième de l’ouvrage, livre consacré à l’histoire de la chute du grand Condé. Le Roi est rentré à Paris en 1652, Mazarin y est rentré lui- même l'année suivante, tous les Frondeurs se pressent dans les antichambres du cardinal, le parlement est à ses pieds. Condé est seul à ne pas se soumettre ; on le condamne par contumace. La sentence ne peut l’atteindre ; il tient les Pays- Bas Espagnols et offre la bataille aux armées françaises sur plusieurs points. Turenne l’a vaincu à Arras, mais il a fait une si belle retraite, que Philippe IV a pu lui écrire : « Jai su que tout était perdu et que vous aviez tout sauvé. » Pour Et chercher des ennemis à la France, il s’est rapproché de Cromwell et, dans des lettres obséquieuses, il l’a appelé ie plus grand homme du monde. Mais l'Anglais ne s’est pas laissé toucher, il a offert, au contraire, des secours à Turenne, et c’est avec son aide que ce dernier va vaincre les Espa- gnols aux Dunes et décider de la paix... « de grandes cla- meurs s'élèvent ; ce sont les Red coats (les habits rouges) qui saluent Castelnau de leurs hurrahs, au moment où ce preux, aimé, admiré de tous, passe devant leur front. À eux d'engager l’action ; Lockart et Morgan les conduisent à l’as- saut de la grande dune. Les soldats des fercios reçoivent vaillamment le choc ; mais ils ont affaire à des « bêtes enra- gées ». Repoussés à coups de pique, les Anglais reviennent à la charge, tombent, se relèvent ; les piques se croisent et se recroisent ; les Castillans ne reculent pas. On ne saurait dire qui l’eût emporté, si la cavalerie française n’était venu prendre de flanc les fercios. L’état-major espagnol avait inexactement calculé le mouvement de la marée, et comptait sur la protection du flot au moment même où le jusant com - mençait. S’avançant avec ses chevaux-légers, au milieu des ondes qui reculent, Castelnau aborde d’écharpe les escadrons qui couvrent la droite de l’armée d’Espagne. Dans cette re- traite, ces escadrons entrainèrent l'infanterie wallonne, et les tercios se virent tournés au moment où les « Côtes-de- fer » donnaient un suprême assaut à la grande dune. Le coup fut décisif. Le centre de l’armée d’Espagne est bientôt rompu comme la droite (1). » On sait quelle fut la brillante conduite de Condé dont les troupes formaient la gauche. Sa cavalerie est culbutée ; pour sauver les débris d’une infanterie, d’ail- leurs médiocre, il est obligé de lui faire repasser les ponts et de la diriger sur Furnes. « La bataille est perdue, perdue sans remède ; mais le découragement, le dépit du donneur d'avis dédaignés sont des faiblesses inconnues à l’âme de (4) P. 18 et 49. So Ue Condé ; il essaiera de ravir au vainqueur le fruit de la vic- toire. Sa cavalerie, rapidement rassemblée, ne laissera pas aux escadrons repoussés le temps de se rétablir. Condé va charger à fond, pousser droit devant lui, s'ouvrir passage... La fortune semble favoriser son audace ; tout recule devant lui. € Il y eut un temps où les choses furent un peu en ba- lance », avoue Turenne dans ses Mémoires. L’épée haute, Condé se retourne vers ceux qui le suivent : « Nous couche- rons ce soir à Dunkerque », leur crie-t-il. « C’eût été, dit Bussy, une des plus extraordinaires actions qui se fût jamais faite : secourir la place après avoir perdu la bataille (1). » Il n’en fut rien : un retour offensif des Gardes françaises et suisses, puis des chevaux légers français, le contraint à fuir au plus vite : Condé a son cheval tué sous lui, on le relève à grand’'peine ; mais, une fois en selle, il se retrouve et, par un nouveau coup d’audace, il se met hors d'atteinte avant qu'on ait songé à le poursuivre. « C’est la fin. Condé n’a plus rien à espérer de la guerre (2)... » Le livre septième débute par le retour de Condé en France, en 4659. Six semaines après la signature du traité des Py- rénées, Condé se sépare de ses alliés au milieu des témoi- gnages universels d’un respect affectueux. « Mazarin avait peut-être désiré un départ moins grave, moins digne, plus précipité, un empressement qui désignât clairement le pre- mier ministre français cornme le seul auteur de la paix et le bienfaiteur de Condé... Il aurait même désiré, semble-t-il, que Condé, pressé de témoigner sa gratitude, se mit au- dessus des règles et des formes, et, sans passeport, sans suite, prit la poste à la première nouvelle de la paix, traver- sant la France incognito, presque déguisé, pour venir à Tou- louse, non pas embrasser les genoux du Roi son maître, mais se jeter aux pieds du ministre qui lui rouvrait les 4) P. 2 et 21. (2) P. 22 et 98. — 0 portes de la patrie (1)... » Il n’en fut rien : Condé n’oublia pas, selon ses expressions, qu’ « il y a en toutes choses des me- sures à garder au-delà desquelles ce que l’on ferait ne passe- rait pas pour galanterie, mais bien pour faiblesse digne de blâme 2) ». Sa fierté avait déjà bien assez à souffrir : pendant deux ans Mazarin prit le pas sur lui (en qualité de cardinal), et la mort même du ministre ne lui rendit pas d’abord son ancienne situation. Condé resta « banni du secret des af- faires ().» À quarante ans, ie vainqueur de Rocroy ne portait pas encore le.cordon bleu : il ne le recut que le 51 dé- cembre 1661, et à l’occasion d’une promotion fort nombreuse. Dans le chapitre suivant, le duc d’Aumale parle de l « af- faire de Pologne ». « Dès 1658, au lendemain de la ba- taille des Dunes, lorsqu'on pouvait prévoir que l’épée de M. le prince allait rester sans emploi, le nom de Condé était prononcé en Pologne. » Etrangère à la France par le’nom, l'origine, Française par l'esprit et par le cœur, la reine Marie de Gonzague veut pourvoir d'avance à la va- cance d’un trône qui était encore occupé et assurer l’élec- tion du successeur de Jean-Casimir qui régnait encore. C'était hardi et compliqué. Après des hésitations qui du- rèrent dix années, Louis XIV devait se prononcer trop tard pour la candidature de Condé. Las d'attendre, Jean-Casimir avait abdiqué et l'élection de son successeur s'était faite. Les Polonais avaient mis d’accord tous les candidats étrangers en choisissant un indigène, Michel Wiesnowski, qui régna quatre ans. € À sa mort (novembre 1673), le nom de Condé reparut spontanément : la diète s’était assemblée pour l’é- lection nouvelle ; un des hommes les plus admirés de cette noblesse, un des chefs les plus vaillants, les plus renommés de l’armée polonaise, ami très chaud de la France, à ce point qu'il avait voulu tenir sa femme, une Française, des mains (L) P. 121 et 122. (2) P. 192. (3) P. 440. 00e de la reine Marie, et qui, malgré lquelques nuages, n'avait cessé de soutenir avec passion la candidature de Condé, le grand maréchal Jean Sobieski, prit la parole, et, dans un éloquent discours, fit le panégyrique du vainqueur de Ro- croy. On prétend, il est vrai, que le portrait était composé de façon à représenter la propre image de l’orateur, et en effet ce discours assura l’élection de celui qui devait secowir Vienne et sauver l’Europe : Fuil homo missus a Deo cui no- men erat Jounnes (À). » Pendant ce temps, Condé était rentré au service, Le 17 fé- vrier 1660, à Toulouse, le Roi avait signé les lettres de pro- vision de la charge de gouverneur de Bourgogne et Bresse en faveur du prince de Condé. La province avait beaucoup souffert dans les derniers temps. À un relâchement général causé par les troubles, avait succédé un état presque tyran- nique : les Etats et le Parlement étaient en lutte ouverte avec le gouverneur et l’intendant. Condé apparut comme un modérateur, employant tout son crédit à faire exécuter la vo- lonté du Roi, mais s’ingéniant pour trouver un terrain de conciliation, obtenir des délais. Cependant, les affaires finan- cières et administratives n’occupaient pas seules son temps. «Comme nous l’avons vu jadis aux heures de sa Jeunesse, il avait à régler, mais avec plus d'autorité qu’autrefois, des contestations de préséance, des conflits entre les différents pouvoirs, souvent aussi des démêlés avec les voisins de la Franche-Comté ; les rapports entre les deux Bourgognes, moins tendus qu’au temps de Gallas et du duc Bernard, peu- vent devenir incommodes : c’est un avocat de Salins, le cé- lèbre Lisola, qui dénonce à l’Europe l'ambition de Louis XIV et tout ce que peut recouvrir la théorie du droit de dévolu- tion. (2) » On sait que c’est au cours de la guerre de dévo- lution, pendant le siège de Lille qui en fut « la grande opéra- (A) P. 244-245. (2) P. 254-257. Not = tion », que M. le Duc tomba malade. M. le Prince était à Douay, auprès du lit de son fils, au moment où la place ca- pitulait. Le père et le fils rentrèrent à Chantilly à petites journées ; mais cette fois M. le Prince ne reprit pas la vie de famille ; il fut aussitôt appelé à la cour à Saint-Germain, où il resta en conférence avec le Roi. Il s’agissait cette fois de l'invasion de la Franche-Comté. Condé était à Dijon le 8 décembre 1667. « Officiellement, M. le Prince venait inspecter les places de son gouverne- ment, s'assurer qu’elles étaient en état de défense et com- pléter leur approvisionnement en tout genre. Le chevalier de Clerville, le premier de nos ingénieurs, se tenait à sa dispo- sition ; du Plessis-Besançon... était dans son gouvernement d'Auxonne. Cette place, Saint-Jean-de-Losne, Dijon, Chalon, regorgent de matériel ; les garnisons sont portées au grand complet. Bientôt on voit arriver des équipages de chevaux ; les routes sont sillonnées de convois, et la batellerie de la Saône, en grande activité... Si bien gardé que fût le secret, ces mouvements, Ces voyages n'avaient pas échappé à l’at- tention des intéressés ; l'émotion fut assez vive en Franche- Comté. Pourquoi tant d’apprêts? Et tout le parti impérial, Lisola, les descendants des anciens servi‘eurs de Charles- Quint, Chifflet et autres, signalent le danger qui menace les franchises et l'indépendance de la province. Mais que pouvait- on craindre en pareille saison ? Que redouter en plein hiver de la goutte de M. le Prince ? D'ailleurs, en ce moment même, on le voyait consacrer de longues heures à juger les conflits de préséance entre le premier président, le leutenant-géné- ral et l’intendant. Et la France a déjà tant d’affaires sur les bras. Toutes les mesures prises ont un caractère défensifet concernent la Bourgogne, qu'on veut mettre à l'abri d’une diversion, d’une invasion venant de l'Est, comme jadis celle de Gallas (1)... » Bref, on se tranquillisa si bien en Franche- (4) P. 261-264. 90 2 Comté qu’on fut surpris et qu'en quatorze jours, la province fut conquise par Louis XIV. Parti de Saint-Germain le 2 fé- vrier, le roi de France y rentra le 24, besogne faite. « Aucun fait d’armes à signaler dans cette rapide campagne. Ce qu’il faut admirer, c’est le secret, la perfection de la préparation, la précision extrême du calcul, la iémérité de l’entreprise en plein hiver, la rigueur même de la saison étant une condi- tion de succès ; un détail omis et tout s’écroulait. La véritable action se déroula pendant les deux mois que Condé passa en Bourgogne, occupé à endormir la défiance des Comtois, à réunir tous ses moyens, à combiner tous ses plans d’une fa- çon si mathématique que la foudroyante conquête qui s’en- suivit n’en fut que la conclusion logique et prévue ; la Fran- che-Comté était conquise avant d’être attaquée ()... » Condé n’a pris aucune part à la deuxième conquête de la Franche-Comté ; mais il l'avait préparée de Dijon, dès les derniers mois de 1672. Un moment désigné pour entrer dans cette province, il y avait envoyé Ricous et le baron de Ri- vière, qui la parcoururent sousun déguisement. Le mémoire qu'ils rapportèrent frappa Louis XIV, qui, à plusieurs re- prises, pendant l’année 1673, songea à passer la Saône lui- même. L’année suivante, tandis que le Roi marchait contre la Franche-Comté et qu'il rencontrait une résistance à la- quelle 1l était loin de s'attendre, Condé, resté dans les Pays- Bas avec quarante mille hommes, se mesurait avec le Prince d'Orange à Séneffe, le 11 août 1674. Après une série de com- bats à Séneffe, à la Courre-aux-Bois, au prieuré de Saint- Nicolas, à Fayt, et deux retours offensifs des alliés, la nuit surprend les deux armées. Au jour, elles ont disparu. Ayant subi des pertes à peu près égales, elles s’attribuèrent, l’une et l’autre, la victoire. On a beaucoup disserté sur ce point @). Après la mort de Turenne à Sasbach, le 27 juillet 1675, on (4) P. 272. 2) V. p. 258. ses à été is ht À ne trouva que Condé pour le remplacer. Ce fût sa dernière campagne, illustrée par la levée du siège de Haguenau, celle du siège de Saverne et la délivrance de lAlsace. « Empêcher Montecuculli de rien entreprendre, l’obliger à repasser le Rhin et à chercher des quartiers d'hiver en Allemagne, tel était le but précis que Louvois indiquait à M. le Prince dans ses instructions du 25 août, en lui promettant des ren- forts pour l'exécution. Les renforts ne vinrent pas, du moins en temps utile ; mais le but fut atteint, et le plan que le Roi avait tracé, exécuté de point en point. « Par ses mouvements des premiers jours, par son atti- tude et la direction donnée à ses partis, par sa vigilance et l’ensemble de ses mesures, secondé par l'énergie des gou- verneurs de Haguenau et de Saverne, Condé a fait avorter les entreprises de Montecuculli contre ces deux places, lui a fermé l'entrée de la Haute-Alsace, et finit par l’obli- ger à ramener bien loin par delà le Rhin ses troupes épuisées. » Et cependant il a conservé au Roi cette admirable armée du Rhin — l’armée de Turenne - qui lui avait été remise mal- menée, dépourvue, avec des bataillons faibles, des escadrons démontés, des pièces sans attelages, et que ses successeurs vont trouver rétablie, reposée, recomplétée en hommes, en chevaux, en bouches à feu. » La campagne de 1675 est terminée, campagne surpre- nante entre toutes, où l'allure de trois capitaines arrivés au bout de leur carrière — les plus grands peut-être parmi les modernes qui n’ont pas exercé le pouvoir souverain — pré- sente d’étranges contrastes avec les habitudes de toute leur vie, où l’on voit le stratégiste le plus profond du siècle, passé maître en stratagèmes et ruses de guerre, d’abord aux prises avec le grave Turenne, qui par l’audace, les coups inatten- dus, jette le trouble et la confusion dans le jeu de son ad- versaire, — puis fait échec et mat par la prudence, la justesse de calcul, la sagacité de Condé, sans que le fou- oh gueux général aux grandes hécatombes ait sacrifié la vie d’un de ses soldats. « Déja Turenne repose à Saint-Denis dans son lit de marbre. Déjà Montecuculli est rentré à Vienne et s’enferme dans la retraite, «ne voulant pas risquer contre la fortune éphémère d’un inconnu la gloire acquise en tenant tête au vizir Koprili, à M. le Prince, à Turenne ». » Et lorsque le dernier soldat de l’Empire eût quitté le sol de l’Alsace — le sol de la France, Condé remit au fourreau son épée qui ne devait plus en sortir. » (D) Cha Tourmenté par la goutte et affaibli par l’âge, il se retira à Chanülly, où il passa ses derniers jours en paix, dans l’exer- cice de la piété et la société des gens de lettres. L'auteur raconte assez longuement la conversion de Condé. « À son retour d’exil, le dimanche des Rameaux 1660, Condé entrait à l’église des Minimes. La chaire était occupée par un pré- dicateur fort connu de lui jadis, mais qu’il n'avait pas revu depuis longtemps et qu'il désiraitentendre. Bossuet prêchait sur l’honneur du monde. Déjà il faisait tomber sur « l’idole de l'honneur la foudre de la sévérité évangélique pour labattre tout de son long devant la croix du Sauveur », lorsqu'il dé- couvrit dans son auditoire le héros qui avait tant sacrifié à la gloire du monde, tout, jusqu’au devoir. « Surpris de cette présence imprévue, Bossuet improvisa un admirable compli- ment de circonstance ; puis, continuant son discours et ar- rivé à la péroraison, il exprima l'espoir qu'après avoir été « l’ornement de son siècle », Condé obtiendrait Çune gloire plus solide que celle que les hommes admirent, une gran- deur plus assurée que celle qui dépend de la fortune, une immortalité mieux établie que celle que nous promet lPhis- toire, et enfin une espérance mieux assurée que celle dont le monde nous flatte, qui est celle de la vie éternelle. » « Plus de vingt ans s’écoulèrent sans qu'aucun symptôme (1) P. 666-660. permit de supposer que la prédiction se réaliserait, Cepen- dant le grand évêque vivait dans l'intimité de M. le Prince et n'avait jamais perdu de vue son objet. À la longue, il crut s'apercevoir qu'il approchait du but. Enfin l'heure sonna (1). » « Au collège de Bourges, Louis de Bourbon, alors en qua- trième, s'était lié avec un élève de rhétorique qui faisait de brillantes études. Les relations commencèrent par la distri- bution des rôles dans une tragédie ; entretenues par les vers latins et le reste, elles durèrent jusqu’à la sortie du collège. Les jeunes gens se séparèrent : le duc d’Anguien fit la car- rière que l’on sait; Étienne-Agard de Champs, qui apparte- nait à une bonne famille du Berry, entra au noviciat des jé- suites et ne sortt plus guère de la maison, où il remplit plu- sieurs charges de l’ordre, fort considéré de tous pour sa doc- trine et son caractère. Aussi fut-il désigné pour être confes- seur du Roi ; mais il déclina cet honneur ne pouvant accep- ter un emploi auquel sa rigidité le rendait impropre. Cepen- dant, le père de la Chaise étant tombé malade au temps pas- cal (1678), de Champs fut appelé auprès de Louis XIV ; presque aussitôt il se retira, ne croyant pas pouvoir donner l’absolution au royal pénitent. Rentré dans son couvent, il y reçut, au mois d'avril 1685, un message de M. le Prince et se rendit à Chantilly. Les deux amis d'enfance s’enfermèrent ensemble. Après cinq jours de claustration commune, Condé descendit à la chapelle, où en présence de tous ses gens, il fit dévotement ses pâques (2). » Il ne devait plus se démentir jusqu’à sa mort qui survint le 11 décembre 1686. Messieurs, j'ai essayé de vous rendre compte d’un livre, où tout est à lire, et d’en citer les passages les plus intéres- sants pour ceux d’entre vous qui ne pourront en prendre une plus ample connaissance. Ce qui me sera impossible, c'est (1) P. 753-754. @) P. 756-757. = 96 —= de vous faire apprécier, comme je le voudrais, les éminentes qualités littéraires de l’ouvrage, et particulièrement un style dont la noble simplicité et l’allure vigoureuse rappellent, en plus d’une page, les plus beaux écrits du grand siècle. ÉTUDE HISTORIQUE ET MORALE SUR REIN BOYVIN PRÉSIDENT AU PARLEMENT DE DOLE (1574-1650) Par M. le Chanoine MOUSSARD. Séance du 9 mai 1896. Helvétius compare la vie de l’homme de bien au vase rempli de parfums qu'on placait sur l'autel des dieux : « De même, dit-il, qu’en découvrant ce vase on ménageait à l’as- sistance la plus suave odeur, ainsi en racontant l’histoire d’un grand et vertueux personnage, on étend sur tout un pays la salutaire influence de ses exemples. » C’est cette pensée qui a déterminé le choix de mon sujet ; je serai bien heureux si l'honorable assemblée lui fait bon accueil ; je lui serai pro- fondément reconnaissant, si elle me supporte. Boyvin naquit à Dole en 1574. À en croire certaines pages de notre histoire, il serait issu de parents nobles : Son père, y est-il dit, portait le titre de seigneur de Parcey ; sa mère appartenait à la famille des Vurry, dont le nom s’est mêlé pendant trois siècles aux évènements les plus importants du Comité de Bourgogne. La plupart des historiens prétendent au contraire que, par sa naissance, Jean Boyvin était d'une condition moyenne et sans illustration. Mais ce désaccord des biographes ne porte préjudice ni à la gloire du père e 9 < de la mère, ni à la gloire du fils. Ou bien le fils est anobli par des parents, ou bien les parents sont anoblis par lui. La naissance n’est un bienfait qu'autant que la sagesse et amour viennent prendre place à droite et à gauche du berceau. Cette importance capitale d’une première éducation semble avoir été mieux comprise au xvI° siècle qu’à plusieurs autres époques de notre vie nationale. La doctrine de nos pères était que la grande société absorbant sans cesse les jeunes générations que lui versent les écoles, tandis que, d’un autre côté, la physionomie de ces générations dépend en grande partie du coup de pinceau donné sous le toit pa- ternel, il faut au début, de la part des deux époux, un long et suprême effort, tout un héroïsme d’abnégation et de dévoue- ment (1). Pierre Boyvin et sa compagne voulurent donc être eux- mêmes les précepteurs de leur enfant. jusqu’à ce qu'il fût capable de contenter d’autres maitres et de profiter de leurs leçons. Instruction élémentaire parfaitement préparée et inoculée à petite dose, discipline douce et ferme, maximes évangéliques revêtues des formes les plus aimables, exem- ples de vertu, rien ne fut épargné pour donner à cette riche nature l’essor qu’elle semblait destinée à prendre. Quand notre jeune compatriote entra pour la première fois à l’'Uni- versité de Dole, on put se rappeler Basile-le-Grand, alors que, à un âge encore tendre, il franchissait, lui, le seuil de l'Ecole d'Athènes. Comme le fils d'Emilia, Boyvin offrait dans sa personne un contraste frappant de maturité et de candeur. C'était en 1586 ; Boyvin avait douze ans. À ce foyer de lu- mière et sous l'influence d’une noble émulation, ses facultés intellectuelles vont se fortifier et s’enrichir; sous le Joug salutaire d’une obéissance journalière, son caractère prendra insensiblement cette mâle énergie sans laquelle l’hommen’est (1) Dimidium facti qui bene cœpit habet. =, 09 qu'un roseau pensant, selon l'expression de Pascal; puis, au milieu d’une atmosphère de christianisme, sa vertu gran- dira aussi sûrement que la plante prospère et se développe dans les plus beaux jours du printemps. Dès le début de ses années scolaires, le jeune Boyvin com- prit que la science est le second bien de l’homme ; il la dévora plutôt qu’il ne s’en nourrit ; il l’aima comme Ulysse aima Pénélope et sa Pénélope ne lui fut pas ingrate ; si nous allons l’attendre au terme de ses études, nous le trouvons en pos- session de plusieurs langues savantes ; la philosophie a telle- ment fait ses délices, qu'à soixante ans, on l’entendra répéter par délassement les leçons qu'il en a reçu; on peut l’inter- roger sur les sciences physiques et mathématiques, voire même sur la médecine. Que dirons-nous de ses connais- sances en littérature ? Dans un siècle de transition, alors qu’on se débattait, comme le dit Saint-Beuve, contre une langue rebelle à la pensée, pouvait-on atteindre au style tranché, original, nerveux qui distingue les écrits de Boyvin, sans s'être familiarisé, durant des années de classe avec tous les genres de composition littéraire ? Mais, ce que l’on au- rait peine à croire, si les preuves n'étaient là, c'est que se sentant destiné au barreau, 1l n’étudiait différentes branches que comme accessoires. Ses heures les plus précieuses et les plus belles étaient consacrées à la jurisprudence ; on le voyait alors recueillant avec avidité les principes du droit, déduisant lui-même les conséquences avec une admirable justesse, ajoutant à ses notes le fruit de ses lectures, croyant n'avoir rien fait, s’il restait quelque chose à faire. Un tel travail devait nécessairement aboutir. À vingt-cinq ans, il était docteur en droit et honorait le barreau de sa ville natale par des plaidoiries aussi entrainantes que solides. Lacordaire a dit quelque part : « C’est surtout le caractère qui fait la puissance morale de l’homme. » Dès sa première jeunesse, Boyvin en fut la preuve vivante. L'école avait été pour lui une sorte de Champ de Mars où il s'était préparé par la lutte aux combats de la vie. Quoi d'étonnant qu’à sa sortie du collège, il ait pris l'attitude d’un de ces héros pré- coces capables de braver tous les obstacles, de conserver la tranquillité d’âme au milieu des plus grands périls, de passer dédaigneusement devant la rose et d’aller droit au but en foulant aux pieds les épines (1). Disons-le cependant, malgré ses connaissances et l’éner- gie de son caractère, Boyvin n’eût pas été un homme com- plet sans la vertu qui rehausse tout. Mais si l’on considère d'une part le portrait que l’histoire nous a laissé de lui; si l’on se rappelle d'autre part combien est laborieuse et longue celte seconde naissance par laquelle un jeune homme devient un être bon, moral, vertueux, on est forcé de convenir que Boyvin fit au moins autant d'efforts pour se former aux ver- tus chrétiennes et sociales, que pour cultiver son intelli- gence et fortifier sa volonté. Aussi bien, mon front s'incline de respect et d’attendrissement devant son esprit de justice, devant l’héroïsme de sa charité, devant sa confiance qui ne faiblit jamais et que la prudence, mère de la sûreté, accom- pagna cependant toujours. Je me sens surtout pénétré de. vénération en face de la solide piété qui le distingue et que Bossuet appelle Le tout de l’homme, de l’austérité de ses mœurs qui rappelle la devise de Louis IX : « Tout mon cœur est à Dieu, à la France et à Marguerite: de sa modestie, qui fait songer à ur de nos généraux disant d'une bataille perdue : « Je fuyais, » et d’une bataille gagnée : « Nous baittions l’en- nemi. » somme toute, Boyvin reste parmi nous comme la plus haute expression du patriotisme et de la vertu. Voilà donc l’homme que nous allons suivre jusque dans les années de l’âge mûr et de la vieillesse ; en le voyant muni de cette triple armure de la science, du caractère et de la ———— — (1) ..... Serpens, ardor, arenae Dulcia virluti, gaudet patientia dures. (LUCAIN). NAT NE vertu, ne doit-on pas s'attendre à rencontrer sur ses pas de grandes choses ? De 1609 à 1636, Boyvin honorera et enrichira son pays par des travaux utiles ; en 1636, il le défendra par son épée ; dans ses quinze dernières années, il parera avec une patience sans bornes et un dévouement sans calcul à tous les embar- ras, à toutes les épreuves, à toutes les défaillances survenues à la suite du siège de Dole et pendant la guerre de dix ans. Dès son entrée au Parlement comme avocat, Jean Bovvin remplit ses fonctions avec une telle ardeur et une applica- tion si soutenue, qu'au bout de quelques années sa santé s’en trouva compromise. Informé de son état par les Dolois qui craignaient de le perdre, le roi d’Espagne lui montra le fauteuil de conseiller, avec ordre de se reposer un instant. Il accueillit l’honneur, mais ne crut pas pouvoir accepter le repos : on réclamait sa présence pour une affaire politique quelconque ; aucune négociation importante n'avait lieu sans qu'il fût délégué; puis, aux Etats généraux de Franche- Comté, le besoin de sa parole et de son expérience se faisait vivement sentir ; lui seul aussi parut avoir assez de prestige et d'autorité pour soutenir avec succès les droits menacés du Comté de Bourgogne contre le prince de Montbéliard. Peu de jours se passaient sans qu’il eût quelque service à rendre à ses concitoyens. Croirait-on qu’au milieu de tout cela, cet infatigable tra- vailleur trouvait encore le temps de s’occuper d’architec- ture, d'étudier la numismatique et les mathématiques, de lé- guer à la magistrature des ouvrages dont elle apprécie la valeur. Les épures qu’il traçait sur le carton, un honorable Dolois les montrait encore avec orgueil en 1824; les plans qu’il préparait et dans lesquels le grandiose du style gothi- que se trouve combiné avec les ornements du gréco-romain, ont révélé à notre province les ressources de cet esprit fé- cond et fait regretter plus d’une fois son Traité d’architec- ture. Son fils avait besoin d’être initié à la science des Ge- HrSoe ber et des Lulle et de s’avancer dans l’étude des sciences exactes ; il composa pour lui et pour ceux qui voudraient plus tard marcher dans la même voie, un Traité des monnaies et un Traité d'algèbre. Quant à ses travaux de magistrat, con- tentons-nons de citer ces deux titres : Coutumes et Ordon- nances de Franche-Comté et Traité de jurisprudence. De- puis longtemps le Parlement cherchait à codifier, à expliquer, à compléter les Ordonnances et coutumes ; Pétremand s’en était occupé, mais ce ne fut qu'après que Boyvin y eût mis la main qu'on pût les regarder comme une législation achevée où la liberté était sauvegardée sans favoriser la licence et l'autorité fortifiée sans pousser à la tyrannnie. Nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur son Traitéde jurisprudence, où bien des points importants de l’ancien droit furent mis en harmonie avec les habitudes et les besoins nouveaux; mais nous savons que les contempo- rains appelèrent ce livre très précieux et que les juges assis dans leurs tribunaux le reçurent comme une autorité. Con- venons-en, Messieurs, si loubli peut cacher ce que nous laisse Boyvin, du moins il ne le dévorera pas. Le jour approche où cet homme éminent devra lâcher sa plume et saisir son épée. Il s’agit du siège de Dole. Quand il fut résolu au conseil de Louis XIII que la France essaierait ses forces contre la maison d'Autriche, le comté de Bour- gogne dut en effet se préparer à subir le contre-coup d’une guerre européenne, et tout faisait pressentir qu’en pareille circonstance, ce serait lui qui paierait de sa personne. Aussi, dès que Condé et La Meilleraye paraissent aux environs de Dole, nous le trouvons enfermé dans la ville avec le vieil archevêque et les membres du Parlement, décidés comme lui à une héroïque résistance. Si les envoyés du roi prati- quent des menées sourdes et trompeuses pour épargner à leur maitre les embarras d’un siège, Boyvin le prend sur un ton moitié plaisant, moitié indigné : « Voyez-vous, dit-il, aux membres du Conseil, le scorpion qui chatouille avant de blesser ! » Lorsque Condé somme les Dolois de se rendre afin d'éviter de sanglantes représailles, sa réponse est, pour la forme, celle d’un homme plein de dignité et de loyauté, mais pour le fond celle du Comtois : Nenni, ma foi ! Au moment où l’action commence, il s’élance au travers des obus et des bombes, combat à la tête de ceux qui combat- tent, soutient ceux qui chancellent, rassure par son sang- froid les femmes et les enfants affolés, ravitaille les quar- tiers, varie les moyens de défense selon que les assiégeants diversifient l’attaque. On peut dire de lui ce que l'historien Tite-Live dit du consul-Manlius : « Il se multiplie si bien, que de quelque côté qu’on l'appelle, il est là (1). | . Mais voici qu'à l’intérieur de la cité la peste se déclare et qu’à l'extérieur l’ennemi, établi au pied du rempart, pré- pare une mine effroyable qui doit lui ouvrir, à un moment donné, une porte pour l’assaut. A la vue de l’affreux pêle- mêle de victimes que le fléau abat, Boyvin sent son cœur ému jusqu’à la dernière fibre, mais il domine son émotion, conserve sa liberté d'esprit, prépare des secours à ceux qui souffrent et les leur distribue avec un admirable à-propos. Quant à la mine souterraine qui menace les assiégés, il ne s’en alarme pas, car la forteresse qu’elle doit atteindre est son œuvre ; il en connait la force et les Français appren- dront à la connaître. À l'heure dite, ils la connurent en effet : la maçonnerie se souleva d’un bloc avec une détona- tion qui ébranla la ville, mais ne livra aucun passage. Après trois mois de siège, trois mois de souffrances inouies, supportées avec un courage de longue haleine, on vit arriver au secours des Dolois l’armée impériale et les troupes du duc de Lorraine ; les Français repasserent la Saône, laissant cinq mille morts autour des remparts et la Franche-Comté poussa un soupir de soulagement. — En apprenant l'issue de ce terrible drame, le roi d’Espagne se (1) In uno omnibus satis auxilit, NARRAT, XX, moe rendit au monastère d'Atocha pour y chanter les louanges du Dieu des armées, Richelieu ne put se défendre d’un sen- timent d’admiration et Boyvin, faisant allusion à la coïnci- dence de la levée du siège avec la solennité de l’Assomption, déposa sur l’autel de Marie ces deux vers : Exultat pia Virgo, Dola fugit impius hostis \1). Ajoutons ici, ne fût-ce que comme parenthèse, qu'après avoir soutenu le siège de Dole, Boyvin en écrivit l’histoire. Cette histoire a été appelée le plus beau patrimoine des familles doloises, et ce n’est pas sans raison : tout y est peint au naturel et frappant de vérité ; rien n’y est oublié de- puis les scènes les plus terribles jusqu’à l’anecdote qui fait sourire ; je me trompe, l’auteur s’y est oublié lui-même. Mais, ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est qu’au milieu des préoc- cupations dont il était alors assailli, Boyvin ait pu avoir la justesse de vues, l’enchainement dans les idées, l'expression forte et pittoresque à la fois, qui caractérise cette rela- tion, Je passe et j'arrive à la dernière étape de cette noble car- rière. : On a dit, et ce n’est point un paradoxe, que la principale vertu du soldat est, non pas la bravoure, qui ne vient qu’au second rang, mais la patience à supporter la fatigue et la peine. Boyvin nous donnait tout à l’heure l’exemple de la bravoure ; il va maintenant nous apprendre comment on supporte. — Nous savons par une correspondance qui n’a jamais été publiée, combien de choses regrettables se pas- sèrent, lorsque l’ennemi eût quitté Dole; d’une part, ses collègues du Parlement effrayés de la confusion qui règne, s’en vont chercher ailleurs la sécurité et le repos ; d’autre part, Weymar et La Valette ne quittent pas la frontière et doivent être surveillés ; les chefs des troupes qui sont venues (1) Le jour où de Marie nous publions la gloire, L’ennemi disparaît, Dole chante victoire. .—' 32 — au secours de la ville sont irrités de l'accueil glacé qu'ils y ont recu ; il faut user avec eux de ménagements infinis ; pen- dant qu’il s'occupe jour et nuit des travaux du gouverne- ment, il apprend qu'on le traite de timide Fabius et qu’on lui reproche de ne pas permettre aux Lorrains et aux Bour- guignons de se jeter sur la France. Pour comble, la peste pénètre dans sa maison, et les réglements sanitaires lui im- posant alors une rigoureuse clôture, il ne peut plus agir que par l'entremise de quatre magistrats restés fidèles. A-t-on l'idée d’une situation pareille ? Eh bien, rien de tout cela ne saurait triompher de la vertu de Boyvin. Il s’affligera, mais ne s’irritera pas de la défection des membres du Parlement ; la persistance de l'ennemi à se tenir en observation sur la limite de notre province ne lassera pas sa patience ; aux no- bles qui commandent les troupes auxiliaires, il parlera comme un maître, sans doute, mais comme un maitre dont la politesse et la modestie voilent l’autorité ; ni la calomnie ne le déconcerte, ni la nécessité qui le retient auprès de sa belle-mère malade ne paralyse son action. A ses détracteurs, il oppose l’état d’affaiblissement et de dénuement où se trouve le pays et offre le gouvernail à ceux qui seraient plus capables que lui de sauver la cargaison ; aux quatre collè- gues par l'intermédiaire desquels .il doit voir et agir,ul adresse ces paroles : « S'il vous plaisait de me marquer par écrit ce que vous désirez être fait, je m'y confirmerais, et ne puis autrement me résoudre à rien. » — Leur désir, gé- * néreux patriote, c’est que toujours vous les souteniez par votre présence et les aidiez de vos conseils ; tant que l’hori- zon sera sombre et que l’orage grondera dans le lointain, vous serez pour vos concitoyens cet arc-en-ciel, emblème de l'espérance et précurseur d’un temps plus serein ! — Ce dé- sir ou plutôt ce besoin de la présence et de la haute sagesse de Boyvin, ils l’expriment assez haut : « S'il nous quitte, di- sent-ils, tout quittera. » Abrégeons et disons en quatre lignes ce qu'il faudrait dire ne en quatre chapitres. En l’année 1639, année effroyable, toute dans le feu, le sang, la famine et la peste, les maux de la province risquent de s’aggraver, mais à cette époque fatale, Boyvin a recouvré sa liberté et peut agir par lui-même, ses collègues sont rentrés à leur poste et lui prêtent leur con- cours; puis, nommé président du Parlement par le gouver- nement espagnol et installé sur son siège aux applaudisse- ments de ses concitoyens, il se sent soutenu et par le prestige que lui donne son titre et par des sympathies plus ardentes que jamais. Aussi, malgré tous les fléaux, la Bour- gogne maintiendra ce qu’elle a gagné sur l’ennemi, elle le lassera même à force de persévérance dans la défense ; en- core un lustre et la France penchée sur le tombeau de Riche- lieu, le Parlement de Dole à l'ombre des lauriers cueillis par son président, signeront ensemble un traité qui garantira notre indépendance (1644). | Ici finit cette belle vie et se termine notre tâche. Un der- nier rayon de soleil nous permet encore de voir Boyvin ré- parant, autant que possible, les ravages de la guerre, vaquant à la ponctuelle desserte de sa charge, profitant de ses loisirs pour assister aux thèses de l’Université, et bientôt . la nuit étend ses ombres. Comment peindre ce grand chré- tien expirant ? Je pourrais dire que la sérénité empreinte sur sa figure est le reflet de la paix qui règne dans son âme; j'ajouterais volontiers que la profondeur de sa foi et sa déli- catesse de conscience semblent prendre une fraîcheur nou- velle sous les glaces du trépas ; mais j'aime mieux appliquer à Boyvin cette peinture toute faite et parfaite de la mort du juste : « Sa vertu antique, cultivée longtemps sur la terre, s’épanouit aux rayons de l'éternité, comme l’aloès américain qui au bout de cent printemps, ouvre sa fleur aux regards de l'aurore. » Cette Etude historique et morale sur le Président du Par- lement de Dole m'a semblé avoir un certain à propos dans le temps où nous vivons et la patience avec laquelle des 97 — hommes plus compétents et plus instruits que moi viennent d'en écouter la lecture, prouve que je ne me suis pas trompé. Boyvin fut sans doute très distingué par sa science et ses vertus, mais ce qui fait de lui un type, c’est surtout sa force d'âme. La première forme de cette force fut l’esprit de suite et la vigueur avec laquelle il alla de l'avant ; tant mieux pour nous, car le vague des idées et la mollesse des volontés sont les deux principales infériorités du siècle présent. La se- conde forme de sa force fut le sacrifice de sa tranquillité et de son bien-être sur l’autel de la patrie ; tant mieux encore pour notre époque, car aujourd'hui bien des hommes battent en retraite devant les oppositions et les périls pour s’épar- gner la peine de combattre. La troisième forme sous la- quelle nous apparait la force de Boyvin, c’est l’inflexibilité dans les principes ; autre exemple qui vient à son heure. « À l’heure qu'il est, a dit un moraliste, il n’y a plus de prin- cipes ; il n’y a plus que des intérêts. » C’est une boutade ! mais tout de même on peut affirmer qu’un certain nombre de nos contemporains seraient disposés à livrer tous les principes pour une heure de bon sommeil. Dans cette conclusions, Messieurs, je me suis senti bien a lPaise, car ici tout ce que l’on peut dire de défavorable passe entre l’auditoire et la voûte (1). (4) Sources consultées : Dunod. — Rougebief. — Pallu. — Labbé de Billy. — Le P. Barry. — Album dolois. — Mémoire M. $. de la Mère Dusillet. — Bibliothèque de M. de Tinseau. — Edouard Clerc. — L'abbé Richard, — Archives du Doubs. — Girardot de Beauchemin. — Corres- pondance de Boyvin. LE CONTE LÉONEL DE LAUBESPIN Par M. le Général Comte DE JOUFFROY D’ABBANS. Séanre du à février 1896. Le comte de Laubespin, le doyen du Sénat et du Conseil général de la Nièvre, l’un des hommes qui se sont le plus signalés en France, par leur charité, habitait, à Paris, rue de l’Université, 78, un hôtel historique que l’architecte Mansard avait fait construire pour lui-même. Les de Mouchet de Battefort de Laubespin sont anciens et de notre province, leurs armes figurent dans la galerie des croisades, à Versailles et ont compté plusieurs chevaliers dans notre confrérie franc-comtoise de Saint-Georges. Léonel de Laubespin est d’une branche cadette de sa fa- mille. Il est né le 6 septembre 1810. Comme la plupart de ses ancêtres, il a choisi la carrière des armes. Sorti de l’école polytechnique, il est allé à l’école d'Etat-maijor. Le comte de Tracy, son grand père maternel, membre de l’Institut, sénateur, puis pair de France, très lié et dévoué à Louis-Philippe, avait présenté son petit-fils aux princes d'Orléans. Il avait gagné leur bienveillance, en partageant leurs jeux d'enfants, et plus tard en suivant leur fortune militaire. Officier, nous le voyons partir pour l’Algérie. À Médéah, il a un cheval tué sous lui et il est cité à l’ordre de l’armée: il prend part à toutes les expéditions de son temps. Canro- bert est son capitaine. = Me Un chroniqueur raconte que pendant la dernière maladie du maréchal Canrobert, Laubespin alla lui rendre visite, et lui dit : «Ce n’est pas monsieur le maréchal que je viens voir, mais mon capitaine Canrobert. » « Laubespin, vous me rajeunissez, RÉDRUER celui-ci, en le serrant dans ses bras. » Capitaine d’Etat-major, et aide de camp du maréchal Vallée, Laubespin fait la seconde expédition, celle qui fut heureuse, de Constantine. C’est alors qu’il est décoré. « Ma croix, disait-il, je l’ai ramassée sur le champ de bataille, et je ne la dois pas à la faveur ». Cette croix était suspendue à la garde de son sabre, au chevet de son lit, où je l’ai vue sou- vent. « Je dors ainsi sous mes lauriers », me contait-il en riant. À la mort de son grand-père, Laubespin hérita du magni- fique château de Tracy, et d’une grande fortune. Il donna sa démission et épousa la veuve du comte Ternaux, née Siéyès, une des plus belles femmes et des plus distinguées de Paris, riche aussi, et petite nièce du fameux Siéyès. De leur mariage, naquit un fils qui mourut à l’âge de neuf ans. Cette perte fut le chagrin de toute leur vie. C’est alors que le comte et la comtesse de Laubespin se retirèrent presque du monde pour se dévouer, lui, aux œuvres de charité sociale, elle, aux œuvres religieuses. Conseiller général de la Nièvre pendant plus de cinquante ans, et succédant à son grand-père de Tracy, Laubespin s’occupa sans relâche des intérêts du département. Entre temps, fier de ses origines, il recherchait les documents re- latifs au maréchal de Tavannes et à son rival, l’amiral de Coligny, parent des Battefort, 1l faisait élever un monument à la mémoire de Famiral, il découvrait que ce grand homme, le champion du protestantisme, était d’origime franc-com- toise. Le berceau de la famille de Coligny-Châtillon, actuelle- ment dans le département de lAin, a fait, en effet, partie jusqu’en 1790 de la province de Franche-Comté. Il a écrit aussi l’histoire d’un de ces aïeux. Dans ce travail, fait avec la collaboration discrète de Castan, il a essayé, assez vainement d’ailleurs, d’excuser le rôle de ce parent, qui, de complicité avec le trop fameux Jean de Watteville, le traître Listenois et d’autres, aida en 1668 le roi de France à s’em- parer de son pays, service dont il fut, d’ailleurs, grassement récompensé. | Philanthrope, Laubespin a distribué ses largesses avec discernement. [l a donné 40,000 fr. à Pasteur pour son hôpital antirabique. | | | Avec le concours de sa femme, il a agrandi l’hôpital civil et militaire de Cosne; celui qui écrit ces lignes était avec eux à son inauguration. Il a fait achever le pont de Pouilly-sur-Loire, son chef- lieu de canton, par un don de 60,000 fr. À Paris, il a doté généreusement de 70,000 fr. l’œuvre des condamnés libérés. Mme de Laubespin, complice de sa bienfaisance, et lui, ont fondé l’œuvre de l’assistance par le travail, qu’ils ont soutenue de leurs plus larges libéralités. Ils ont donné ensemble 100,000 fr. pour le denier des veuves et des vieillards. C'était tous les jours, que leur charité était sollicitée. Les demandes de secours couvraient des tables. Les drames de la misère, journaliers à Paris, les émou- vaient au dernier point; ils auraient voulu les prévenir tous. Tant de bienfaisance ne pouvait rester longtemps sans re- tour, aussi au printemps de l’an dernier, le comité de la So- ciété d'encouragement au bien, convoquait-1l Laubespin au cirque d'hiver et lui faisait-il remettre par M. Jules Simon une couronne civique en vermeil. | Il y a quelques semaines, le Président de la République, visitant, à Versailles, la maison de l’assistance par le travail, donnait la croix d’officier de la Légion d'honneur à son or- ganisateur, chevalier depuis cinquante-cinq ans. y} par Laubespin n’a jamais fait de politique, malgré son attache- ment constant à la famille d'Orléans. Il est resté toujours un type de loyauté, de droiture et de modération. Par son in- fluence, il a pu maintenir une majorité conservatrice, libérale et éclairée au Conseil général de la Nièvre, dont il était de beaucoup le membre le plus ancien et le plus influent. Aux obsèques du comte Léonel de Laubespin, toutes les classes de la société étaient représentées. Les Princes, le Président de la République, les plus grands noms de France et surtout les pauvres. La foule remplissait la rue de l’Uni- versité, et l’église Sainte-Clotilde; elle avaït nécessité un service d'ordre. Au père Lachaise, où il a été inhumé, M. Mézières, aca- démicien et député, parlant de l’œuvre de l’assistance par le travail, a rendu hommage au défunt, à sa noble vie, si bien employée, à cette carrière de quatre-vingt-cinq ans, com- mencée sur les champs de bataille d'Afrique, terminée dans laccomplissement le plus exact de ses devoirs parlementaires, et dans le libre exercice de la bienfaisance la plus large et la plus humaine. D’autres discours ont été prononcés par M. de Savigny, sénateur de la Nièvre et par le Préfet du département. M. Georges Picot, membre de l’Institut, a donné ensuite _ le suprême adieu à cet homme de bien, au nom des œuvres charitables qu’il avait fondées, et a exprimé à la comtesse de Laubespin, sa généreuse compagne, ses sentiments d’admi- ration et de respectueuses condoléances. LE SYSTÈME OOLITHIQUE FRANCHE-COMTÉ SEPTENTRIONALE Par M. Albert GIRARDOT Séance du 9 décembre 1896. Le livre (1), dont j'ai l'honneur de faire hommage à la So- ciété d'Emulation du Doubs, est consacré à l'étude de Sys- tème oolithique de la Franche-Comté septentrionale. Sous cette désignation territoriale je comprends les départements du Doubs et de la Haute-Saône, avec une faible partie au nord du département du Jura, ainsi que le territoire de Bel- fort, qui continue naturellement la région jurasienne, bien qu'il n’ait pas fait partie de l’ancienne Franche-Comté. Quant au Système oolithique il est constitué par une série de puis- santes assises, de calcaires durs et compacts, entrecoupés de quelques dépôts marneux importants, située entre la grande masse marneuse du Lias qui lui sert de soubasse- ment, et le groupe, beaucoup moins considérable, des cal- caires plus tendres du Crétacé qui le couronnent ; à lui seul, il forme la couche superficielle du sol, sur près des trois quarts de la région définie plus haut. (1) Etudes géologiques sur la Franche-Comté septentrionale. Le système oolithique. — Besançon 189,6. a Vues Cette région qui nous intéresse plus spécialement, parce que Besançon en occupe le centre, a été déjà beaucoup étu- diée par les géologues, et le nombre des publications qui la concernent est très considérable. Aussi est-il bien certain que la succession et la composition des assises qui la consti- tuent, sont connues depuis longtemps ; mais la science pro- gresse sans cesse ; de nouvelles questions surgissent chaque jour, qui demandent, pour être résolues, des investigations plus complètes et plus minutieuses. D’un autre côté, en dehors des travaux de MM. Thirria, Résal et Vézian, cette région n’a été l’objet d'aucune étude d'ensemble, de quelque importance. Le livre de M. Thirria, ancien de plus desoixante ans, expose à peu près complètement la géologie de la Haute- Saône, mais il renferme quelques erreurs ; la Sfatistique de M. Résal, quoique plus récente, est susceptible aussi de cette dernière observation, elle décrit d’une façon très gé- nérale, les formations du département du Doubs ; enfin les ouvrages de M. Vézian, qui embrassent toute la région juras- sienne, ont trait plutôt à la physique du globe et à l’orogra- phie qu’à la stratigraphie proprement dite, que j'ai envisagée plus spécialement. Les autres écrits, au nombre de plus de cent-vingt, sont des descriptions d’une localité ou d’une for- mation, des monographies d’étages ou de portions d’étage, ou bien des notices explicatives de cartes géologiques ; tous ren- ferment des observations intéressantes et des indications précieuses, mais elles sont dispersées en de nombreux re- cueils. J'ai pensé que mettre à profit tous ces documents, et les compléter par des recherches personnelles nombreuse, pour tracer un tableau du Système oolithique de la Franche- Comté septentrionale, serait faire œuvre utile ; que ce travail pourrait jeter quelque lumière, sur les conditions au milieu desquelles, se sont- déposées les diverses couches de son sol, et qu'il retracerait, pour ainsi dire, l’histoire géologique de la région pendant la période oolithique. J'ai dù, pour atteindre ce but, exécuter un grand nombre A RE d'observations, et j'ai relevé des coupes, dans des points aussi rapprochés que possible les uns des autres. Dans mon livre, l'exposé de ces documents précède la description des étages, qui en est comme la synthèse. Cette description est suivie de la liste detous les fossiles, authentiquement ren- contrés dans chacun d’eux, par tous ceux qui ont exploré la région, mais non de tous ceux qui ont été cités; de nom- breuses erreurs se sont glissées, en effet, dans les séries données par les premiers observateurs. | Je ne puis entrer ici dans la description détaillée de tous les étages, aussi me bornerai-je, après avoir résumé dans le tableau suivant, leur succession et leurs principales divi- sions, à exposer les faits les plus intéressants qui concernent chacun d’eux, et à indiquer quelles sont les zones de l’échelle stratigraphique générale, auxquelles ils correspondent. | Purbeckien. | Portlandien Dolomie portlandienne. Portlandien inférieur. Virgulien. Kimmeridien ; ie Ptérocérien. À. supérieur. À. moyen. À. inférieur. Astartien Oolithe SUPÉRIEURE Diceratien. Rauracien Glypticien : O. supérieur. Oxfordien RE O. inférieur. Callovien C. moyen. C. inférieur ou Cornbrash. Grande oolithe. athonien Te BARON Vésulien. SYSTÈME OOLITHIQUE Oolithe inférieure Calcaire à polypiers. Calcaire à entroques. Oolithe ferrugineuse. Bajocien | - | | | Aie | | RER BaAJoCIEN. L’oolithe ferrugineuse correspond à la zone à Ludwigia Murchisonae, et le calcaire à entroques aux zones à Ludwigia concava,à Witchelliu corrugata et à Sphaeroce- ras Sauzei; et même sur certains points il représente en- core, partiellement au moins, l’assise à Coeloceras Humphrie- sianum qui plus généralement se confond avec le calcaire à polypiers. BATHONIEN. Le Vésulien est entièrement marneux dans l’ouest, il est oolithique dans le centre et le nord, et en par- tie marneux ou grumeleux, en partie oolithique dans l’est et le sud : l’Ostrea acuminata s’y rencontre dans l’ouest, l’est et le sud. La Grande Oolithe comprend deux assises, une inférieure oolithique et une supérieure compacte, désignée habituellement par nos géologues sous le nom de Forest- marble ; celle-ci n’est qu’un facies de la première ; elle manque sur quelques points, où la formation oolithique s'élève jusqu’au Cornbrash. Le Calcaire roux-sableux est aussi un facies de la partie supérieure de la Grande Oolithe. Aucune des ammonites caractéristiques des deux zones à Oppelia fusca et à Oppelia aspidoides, n’a encore été re- cueillie dans notre Bathonien, qui n’en correspond pas moins à ces deux couches, étant compris entre les mêmes limites qu’elles. CALLOVIEN. J'ai rangé dans cet étage l’assise désignée sous le nom de Cornbrash par les géologues comtois, parce qu’elle est bien en réalité la zone à Macrocephalites macrocephalus, comme M. Choffat l'avait indiqué déjà en 1878. Les deux autres zones du Callovien classique, à Reineckia anceps et à Peltoceras athleta, se trouvent aussi chez nous, cette der- nière assez réduite. OXFORDIEN. Son sous-étage inférieur n’est autre que la couche à Curdioceras cordatum de l’échelle stratigraphique générale, mais son sous-étage supérieur ne correspond pas Ne} exactement à la couche à Perisphinctes Martelli. Ce sous- étage représente en réalité la partie supérieure de la zone à Card. cordatum, et la partie inférieure de la zone à Peris” phinct. Martelli. L’Argovien est un facies de l’oxfordien; en se dirigeant de l’ouest à l’est on le voit se superposer à notre oxfordien supérieur, puis le remplacer entièrement, et enfin remplacer même notre oxfordien inférieur; faits signalés déjà par M. Choffat. RAURACIEN. La base du Glypticien renferme encore Peris- phinct. Martelli, ses bancs supérieurs et le Dicératien tout entier, forment le niveau à Peltoceras bimammatum. Le Glyp- ticien est coralligène ou sans polypiers, dans le premier cas il est oolithique dans le nord de la région, et marno-com- pact ailleurs ; dans le second, il est formé de calcaire com- pact ou de marne ; le facies sans polypiers se voit dans le sud et le sud-est. Le dicératien est partout oolithique, au moins à sa partie inférieure, il déborde partout la glypticien coralligène. ASTARTIEN. Le sous-étage inférieur est calcaire ou marno- calcaire, le moyen est marneux, le supérieur est calcaire, tous les trois sont compris dans l'horizon à Perisphaincies Achilles. KIMMÉRIDIEN. Ses deux sous-étages sont constitués cha- cun par une couche marneuse surmontée par une couche calcaire. Le Ptérocerien renferme Perisphinctes Cymo- doce, etc., et le Virgulien Aspidoceras orthoceras. PORTLANDIEN. Le Portlandien classique est formé de deux sous-étages, le Bononien ou zone à Stephanoceras gigas, et l’'Aquilonien à Perisphinctes gigunteum, qui a pour équivalent saumâtre et lacustre le Purbeckien. Dans l’est, partout où existe le Purbeckien, notre Portlandien est complet, il corres- pond au type classique. Dans l’ouest, où la formation lacustre fait défaut, le sous-étage supérieur est-il représenté? C'est M ce qu'ilest bien difficile de décider. On a recueilli à Gray, P, giganteus associé à S. gigus dans la partie inférieure de l'étage, et dans le même district, Steph. gigas vers son som- met. Aux environs de Besançon et à Indevillers, l'étage se termine par des poudingues, signalés déjà par MM. Bertrand et Kilian. Tous ces étages renferment une faune assez riche, qu'il ne m'est pas possible d'examiner dans ce court résumé ; cepen- dant je ne puis passer sous silence les Coralliaires, en raison du rôle important qu’ils ont rempli pendant la période ooli- thique, en édifiant les formations coralliennes que l’on ren- contre dans la plupart des dépôts de cet âge. Ces formations coralliennes ou coralligènes, se présen- tent sous deux aspects différents ; les unes se montrent à l’état de calcaires un peu marneux, durs, grumeleux, de couleur foncée, brune, grise ou noirâtre, partout assez riche en débris organiques intacts ou brisés, qui proviennent de polypiers, d’échinodermes, de serpules, de brachiopodes, de pélecypodes appartenant surtout aux familles des Phola- domyidés, des Pectinidés et des Ostréidés, et de quelques ammonites; les autres à l’état de calcaires oolithiques de couleur claire, forment parfois des masses très puissantes qui atteignent, en certaines localités, jusqu'à ‘70 mètres d'épaisseur, et ne renferment guère, en fait de fossiles, que des polypiers, des Nérinées et des PNiceras. Ces fossiles or- dinairement diffus dans la roche, sont parfois accumulés en grande quantité sur divers points. En quelques endroits même, les polypiers constituent des agglomérations analo- gues aux récifs de corail des mers actuelles. Ces deux sortes de corraligènes passent souvent de l’une à l’autre, et se rencontrent dans presque tous les étages du système ooli- thique. Les dépôts madréporiques de l’oolithe inférieure, offrent une extension plus générale, et une puissance plus considé- rable que ceux de l’oolithe supérieure. Le Calcaire à poly- piers, la Grande Oolithe et le Cornbrash recouvrent toute la région; le Vésulien coralligène en occupe une grande par- tie ; le Rauracien montre encore des polypiers sur presque toute son étendue, mais à partir de ce niveau, les forma- tions coralliennes ne sont plus représentées que par des lambeaux de peu d'épaisseur, groupés seulement sur quel- ques points de la région. Le pays de Montbéliard dans le nord-est, est l’un de ces centres de groupement ; les envi- rons de Gray en constituent un second ; le troisième se trouve au sud d’une ligne menée de Dole à Quingey, Ornans et Maisons-du-Bois, et la quatrième forme une sorte d’ile comprise entre Mamirolle, Morteau, Pierrefontaine et Saules. Le second et le quatrième centre renferment des coralli- gènes de tous les niveaux: le premier de tous, excepté du Portlandien qui n'y affleure pas ; le quatrième de l’Astartien et du Pterocérien seulement. Les bancs à polypiers présentent une extension de moins en moins considérable, et une épaisseur de moins en moins grande, à mesure que l’on s'élève au-dessus du Rauracien; cette règle ne souffre d'exception que pour le coralligène marno-Calcaire de Portlandien de Gray. Dans les quatre centres, dont il a été question plus haut, les assises coral- liennes ne sont pas placées exactement les unes au-dessus des autres, mais semblent se déplacer de l’ouest à l’est, à mesure que l’on gravit la série des étages. Au point de vue des conditions de dépôt, la période oolùi- thique peut se diviser en trois époques, une initiale, une ter- minale et une intermédiaire, celle-ci correspond au dépôt du Callovien marneux et de l’Oxfordien inférieur ; les deux autres au dépôt des couches sous-jacentes et des couches supérieures à ces assises. Au cours des époques initiale et terminale, les mêmes genres de polypiers, d’échinodermes, de serpules, de brachiopodes, de pélécypodes et de gastro- podes peuplaient la mer qui recouvrait la région, où ne ces- sèrent de régner, par conséquent, les mêmes conditions So d'existence. Ces conditions, ont certainement varié pendant l’époque intermédiaire, les céphalopodes rares dans les deux autres apparaissent en grand nombre dans celle-ci, en même temps que disparaissent les polypiers, et avec eux les pélé- cypodes siphonès, si répandus dans les assises des autres époques. Ces différences dans les caractères de la faune, paraissent tenir à l’arrivée dans la région, de courants char- gés de sédiments vaseux, Les fossiles nous apprennent encore que, pendant toute la durée de la période oolithique, la mer était peu profonde sur notre pays, et de ce fait il résulte nécessairement que son fond a du s’abaisser graduellement, à mesure que les sédi- ments s’y accumulaient. Ce mouvement a été lent et entre- coupé de moments d'arrêt, peut-être même d’exhausse- ments passagers, à diverses reprises, notamment à l’époque de Cornbrash. | La faune de la période oolithique se présente donc comme une faune littorale, et certains accidents que montrent ses sédiments, permettent de croire qu'ils se sont déposés à proximité d’une terre émergée, située probablement sur l'emplacement de la région vosgienne actuelle. k LD NOTICE SUR M. LÉON MARQUISE? Par M. H. MAÏIROT PRÉSIDENT ANNUEL. Séance du 14 mañs 1896. MESSIEURS, - Il ya juste vingt ans vos suffrages portaient Léon Marqui- set à la présidence de votre Société, et rarement un homme d’un esprit plus large, d’un cœur plus franc et plus géné- reux, fut appelé à diriger vos travaux. Votre nouveau pré- sident n’avait pas quarante ans : l’ardeur et peut-être les 1llu- sions de la jeunesse, l'espoir d’un brillant avenir s’ajoutaient chez lui aux dons de l'intelligence, à la forte conviction du chrétien, à la largeur de vues que donne une instruction so- lide, à l'habitude du monde acquise dans les meilleures rela- tions. Ces qualités qu’il est si rare de rencontrer unies étaient bien faites pour rehausser le prestige de votre Société; et lorsqu’à la séance privée du 10 juin 1876, Léon Marquiset souhaitait la bienvenue au préfet d’allures si distinguées et si fines, qui s'appelait M. Paul Cambon, lorsqu’au banquet annuel, il avait à sa droite le prélat de si grand cœur et de si grandes manières qui occupait alors le siège de Besançon, Monseigneur Paulinier, s’il avouait son légitime orgueil de présider une société comme la vôtre, vous étiez fiers aussi de l’avoir à votre tête, de pouvoir vous dire qu’il m'était point inférieur aux fonctions qui le mettaient de pair avec ces hommes éminents, de sentir qu’il était digne de porter votre drapeau et de faire à vos hôtes les honneurs de votre fête annuelle. — 91 — Vingt ans se sont écoulés depuis lors, vingt ans qui ont été pour notre confrère pleins de courses et de labeurs, de tracas et de fatigues, mais au cours desquels, il faut bien le dire, il n’a pas eu ces joies du succès qui lui semblaient pro- mises : les hasards de la vie, les jeux trop souvent cruels de la politique ne lui ont pas permis de se consacrer, comme il le désirait, au service du pays. Après une vie de fatigues et de luttes, la mort est venue soudain l'enlever à l’affection des siens, à la sympathie de ceux qui l’honoraient de son amitié, à la reconnaissance de ceux qu'il avait obligés ou aidés. Et en l’accompagnant l’autre jour à sa dernière de- meure, les amis de Léon Marquiset n’ont pu s'empêcher de mêler à leur douleur l’amer regret qu’il n’eût pas donné sa mesure, que les fleurs si brillantes de la jeunesse n’eussent pas produit dans l’âge mür les fruits qu’elles semblaient promettre. Votre Société, Messieurs, doit à son ancien président un suprême hommage ; vous ne vous étonnerez point si ce res- pectueux souvenir prend parfois dans ma bouche un carac- tère plus intime ; attaché à Léon Marquiset par les liens du cœur, à ses parents par la très ancienne intimité qui unit nos deux familles, il m’est impossible de séparer le confrère de lami, de vous parler de la vie publique sans y mêler le souvenir des années de jeunesse. Cest dans le cadre heureux de sa famille que je me plais à revoir Léon Marquiset. Le caractère aimable et sympathique du père, l'extrême tendresse de la mère, les relations qu'ils entretenaient parmi les littérateurs et les savants de la pro- vince, la variété d’une existence qui de Besançon les condui- sait chaque année en Suisse et en Lorraine, tout contribuait à développer chez les fils de M. et de Mn° Alfred Marquiset les qualités de l'intelligence et les goûts artistiques et à les préparer à la situation brillante qu'ils avaient droit d’at- tendre. Né en 1837, Léon fit toutes ses études à la maison. Il dut sans doute à cette libre éducation quelque chose de cette in- dépendance qu’il conserva toute sa vie. Formé par les meil- leurs maitres de notre lycée, il alla ensuite étudier le droit, d’abord à Dijon, puis à Paris. Il s’adonna, non-seulement au droit pur, mais à l’histoire et à l’économie politique, et le re- tour dans sa famille ne marqua point pour lui, comme pour tant d’autres, la fin du travail. Un de ses amis, Louis Baille, qui fut plus tard le père Raphaël, artiste dès l’enfance et doué d’une érudition très sûre, lui avait fait partager son goût pour le moyen âge et l'architecture gothique. Marquiset mit à pro- fit cette initiation et fit quelques fructueuses recherches dans le domaine de l’histoire locale ; nous le voyons en 1863 couronné par l’Académie de Besançon pour un mémoire sur l’abbaye Saint-Paul. L’année suivante, il épousait la fille de M. le Président Jobard, qui lui apportait, avec les plus heureux dons de l’es- prit, une grande fortune territoriale. Il venait de débuter dans la magistrature comme juge suppléant à Dole. Substtut du procureur impérial en 1865, il passa successivement par les parquets de Montbéliard, de Gray et de Vesoul, pour arriver enfin en la même qualité à Besançon en 1869. La déclaration de guerre le trouva parmi nous; il fit son devoir de citoyen, et sa maison hospitalière fut largement ouverte aux victimes de nos désastres militaires. Devenu populaire parmi les mobiles de la Haute-Saône, 1l fut élu en 1871, membre du Conseil général pour le canton de Pesmes. Il conserva deux ans encore sa place au parquet de Besançon : En 1873, il donnait sa démission pour aller habiter le château d’Apremont, s’y occuper d'agriculture, et chercher à servir le pays dans des fonctions politiques. Il avait conservé, malgré les occupations de sa charge et les agitations du dehors, un goût très vif pour les études d'é- conomie politique, et pour la philosophie du droit où il pre- nait volontiers Saint Thomas pour guide. L'Académie de Be- sançon lui avait ouvert ses rangs le 29 janvier 1872 ; il pro- un nonça l’année suivante son discours de réception ; c'était le début d’un ouvrage qui avait pour titre € Introduction à l’é- tude du Droit public chrétien. Ici encore nous retrouvons l'influence de Louis Baille dont les idées démocratiques et le libéralisme chrétien avaient trouvé chez son jeune ami un adepte fidèle. Des les premières lignes, Marquiset indique le problème qu'il s’est proposé d’élucider, c’est de rechercher « en présence des affirmations violentes des ennemis de la liberté, si la société libre sous l'égide du Christ idéal, qu’il avait entrevue dans ses enthousiasmes de jeunesse, n’était qu'un rêve, et si l’on ne pouvait encore servir Dieu et la patrie ». Il s’agissait, on le voit, de mettre en lumière les principes que le christianisme était venu proposer pour le gouvernement des sociétés. Pour mieux discerner les condi- tions essentielles de toute société chrétienne, l’auteur com- mence par exposer les idées tout opposées qui prévalaient dans le monde antique; 1l blâme vivement les lois barbares et inhumaines de Sparte et combat l'idéal que Platon propose à sa république ; il s'élève contre les coutumes immorales de Rome au sujet du mariage, et s’indigne du mépris de la personne humaine que révèlent la pratique de l'esclavage et les jeux du cirque. Puis iloppose en quelques lignes au droit et à la morale de l’antiquité l’enseignement des légistes ca- tholiques et surtout celui de Saint Thomas. Un autre discours, prononcé deux ans après, compléta le premier en précisant « les principaux caractères de la lutte que l’idée païenne et l’idée chrétienne ont fait naître au sein de l'humanité depuis l'avènement du Christ. » Léon Marqui- set marque en traits saisissants l’antinomie qui existe entre les deux doctrines, l'opposition absolue qui obligeait pour ainsi dire les maîtres du monde à empêcher par la persécu- tion les progrès de la religion nouvelle. Le christianisme à triomphé ; mais la société civile a continué à s'inspirer de l'esprit du paganisme ; le droit romain est resté à la base des institutions et des lois. L’orateur le regrette, et fait un élo- = DE — quent appel à l'esprit de charité et de liberté : c’est le der- nier mot de ce discours où sont abordés les plus difficiles problèmes du gouvernement des peuples. Ses idées géné- reuses s’y montrent à chaque page; mais l'idéal proposé n'est-il pas un rêve destiné à ne se réaliser jamais ? Le 15 décembre 1875 Marquiset était élu Président de la Société d'Emulation ; il fut très touché de l’impression d’u- nion et de concorde que laissent nos fêtes annuelles. « Qui que nous soyons, nous disait-il, hommes de travail ou de loi- sir, négociants ou artisans, professeurs ou élèves, magistrats ou soldats, nous nous appelons tous confrères, parce que nous sommes tous associés dans une conviclion commune. » Et il faisait remarquer que, grâce à cette mutuelle estime qui s'établit entre nous, « la culture des œuvres de l’esprit n’est pas seulement affaire de curiosité ou de noble délassement, mais plus encore affaire de haute civilisation ! » Le caractère conciliant et affable de votre ancien Président était bien fait pour maintenir au sein de notre Société cette union qu'il estimait si fort. L'année de sa présidence fut si- gnalée par des travaux de haute valeur, dûs surtout à l’ac- tive collaboration de MM. Castan, Ed. Besson, Ch. Thuriet et Demongeot. Le banquet fut particulièrement brillant ; Léon Marquiset put se féliciter d’y voir réunis des hommes de tous les partis ; il fut heureux de pouvoir leur dire qu'ils avaient laissé à la porte de la salle leur drapeau politique pour retrouver parmi vous celui de la France ; ce drapeau, ajoutait-il, qui veut dire : fervent amour de la patrie, loyauté dans les intentions et tolérance de toutes les opinions. Aujourd'hui, messieurs, comme alors vous applaudissez à ce noble langage, et vous plaignez notre confrère d’avoir été si souvent emporté par les orages de la politique loin de cette atmosphère sereine dont il sentait si vivement le prix, Il s'était présenté en 1874 à la députation, il devait plus tard poser de nouveau sa candidature sans plus de succès. Raconter la carrière politique de Léon Marquiset serait re- = 66e faire l’histoire de nos discordes civiles pendant ces dernières années : Ce n’est pas ici le lieu, et plutôt que de m'’arrêter à ces luttes stériles, je préfère rappeler lactivité qu’il sut déployer en faveur d'œuvres plus durables. Grand proprié- taire foncier, maire de l’importante commune d’Apremont, il prit au sérieux son devoir d’agriculteur, et on le vit à la fois suivre un grand train de culture et créer des prairies à la ferme de Courceney, dans le canton de Saulx, exploiter des forêts et des houblonnières à Apremont, pratiquer le mé- tayage à Cugney et à Chaumercenne. Son ardeur, sa riche nature suffisaient à tout. Non content de donner ainsi l'exemple sur le terrain pratique, il trouvait encore le temps d'utiliser au profit de l’agriculture ses connaissances en éco- nomie politique. 1 publiait en 1871 une note sur le moyen de subvenir aux frais de réfection du cadastre. Il y propose une très ingénieuse solution de ce difficile problème. Dans sa pensée, la révision des plans cadastraux devait amener la création du registre foncier et rendre plus facile l’établisse- ment de la propriété rurale. Il y cherchait aussi le moyen de procurer au paysan le crédit agricole en lui permettant de constituer avec moins de frais et de formalités un gage sur ses biens. Et pensant que le Crédit foncier et la Banque de France auraient tout avantage à la réforme projetée, 1l demandait à ces deux grands établissements de s'entendre dans la limite de leurs attributions respectives, pour fournir les deux à trois cents millions sans lesquels la réfection du cadastre paraît impossible. C’est ainsi que, tout en recherchant pour lui-même les meilleurs modes d'exploitation de la terre, notre confrère se préoccupait de ses voisins de campagne, les petits proprié- taires. Dans ce village d’Apremont où il avait fixé sa de- meure, il était en continuel contact avec les paysans, les ai- dant de ses conseils et de ses secours, leur faisant bon vi- sage, et les recevant avec cette franche cordialité qui le ren- dait si accessible à tous. La foule qui le 18 février se pressait pe à ses obsèques témoignait hautement par son attitude émue, par ses regrets et sa tristesse, de sa reconnaissance pour cet homme de bien. La mémoire de Léon Marquiset reste bénie parmi ceux qui partageaient là-bas sa vie de chaque jour ; son souvenir nous restera présent ; son nom sera tou- jours en honneur parmi nous. DÉLIMITATION DE LA FRANCHE-COMTÉ ET DU PAYS DE VAUD EN 1648 Par M. le D' J, MEYNIER. Séance du 19 juin 1896. Les limites de la Franche-Comté, de Bourgogne et de la Suisse sont restées longtemps indécises ; actuellement en- core, si elles ne sont pas discutées, on peut dire qu’elles sont restées, sur de nombreux points, discutables. Le droit du premier occupant fut la seule loi qui, pendant des siècles, régit la propriété territoriale dans les immenses solitudes du haut Jura. Elle n’était pas toujours invoquée contre nous, cette loi, car l'esprit d'entreprise était égal de part et d’au- tre ; alors qu’elle était seule consultée, nous avons souvent fait pencher la balance de notre côté. La politique a plus tard tout gâté, en substituant au droit du premier occupant, qui avait sa raison d’être, le droit du plus fort, qui sera tou- jours odieux. Nos chers voisins ont eu, de bonne heure, un immense avantage sur nous, celui de pouvoir faire eux- mêmes leurs affaires, et ils en ont usé et surtout abusé, tan- dis que nos ancêtres, réduits à recourir à Madrid, à Bruxelles et plus tard à Paris, n'avaient à leur opposer d’autres moyens que ceux d’une diplomatie distraite, quand elle n'était pas (c’est à peine croyable !) quand elle n’était pas hostile à leurs nine on intérêts. Depuis la réunion à la France surtout, ces intérêts ont été continuellement subordonnés à des considérations de politique étrangère, quand ils ne leur ont pas été sacrifiés. On peut dire sans injustice que nous avons souvent fait les frais des bonnes relations de la France de l’ancien régime avec les louables cantons. Aucune région n’a eu plus à souffrir de l’incertitude de ces limites que le haut bassin de l’Orbe, comprenant aujour- d'hui les territoires des Rousses et de Bois-d’Amont. La lutte à main armée, l'enlèvement des troupeaux, la destruction des récoltes, souvent même l’incendie, le pillage et le meur- tre avaient longtemps réglé, sur ce point, les rapports de deux peuples pasteurs qui se disputaient les terrains de parcours, lorsque la Réforme est venue, s’il était possible, les aggraver. Les seigneurs de Berne, qui s'étaient subs- titués aux religieux de la Chartreuse d’Oujon dans la posses- sion du versant oriental du Noirmont, voulurent bientôt s'emparer de l’autre versant qui appartenait à l’Abbaye de Saint-Claude. Ils se réclamaient d’un diplôme de Frédéric- Barberousse qui, par suite d’une erreur déplorable, avait décidé, en 1178, que les terres de la Chartreuse s’étendaient jusqu’à l’Orbe et comprenaient par conséquent, tout le Noir- mont et les landes de la rive droite de la rivière et du lac Quinconex, tandis que des diplômes plus anciens de Charle- magne (791), de Lothaire I‘ (855) et de Frédéric-Barbe- rousse lui-même (1175), leur donnaient pour limite occiden tale la ligne de partage des eaux (sicut aqua pendet), c’est à-dire la crête supérieure de la montagne. Pour eux, c'était vainement que l’empereur était revenu sur sa pre- mière décision en 1184, à la suite d’un arbitrage de l’arche- vêque de Vienne et de l’évêque de Tarentaise. La vérité était que les terres contestées avaient, dès le principe, appartenu à l’abbaye de Saint-Claude, le plus an- cien établissement religieux de la région. La Chartreuse d’Oujon, Algio, Augio, Aljio, Domus Algionis, avait été Lg fondée, vers 1150, par Louis, sire de Mont (1), avec des res- sources insuffisantes (2). Touchés de la pauvreté de leurs nouveaux voisins, les moines de Bonmont leur avaient cédé, en 1252, le domaine appelé depuis d'Oujonnet, que leur abbaye tenait, à titre précaire, de celle de Saint-Claude. Ce domaine qui comprenait les Loges et les Petits-Plats, était donc bien à cette dernière. Mais les Bernois se prévalaient des difficultés que leur possession avait déjà provoquées, avec le cortège des barbaries habituelles au Moyen Age. Par leur fait ces barbaries reparurent et lès choses en vinrent à ce point qu'il fallut bien que le gouvernement comtois s’en émut. . Comme les sujets de Berne étaient presque toujours les agresseurs, des plaintes étaient fréquemment adressés à ses magnifiques seigneurs, et ils durent y donner suite dans la crainte de s’attirer le courroux de Charles-Quint. Des traités, des arbitrages semblaient à tout moment devoir assurer. la paix, et cependant les violences continuaient. Une sentence du 1°’ juin 1542 n'avait eu d'autre résultat que d’attribuer aux Vaudois une partie de ce qui ne leur appartenait pas (3), lorsque l’accensement, en 1549, par l'Abbaye de Saint- Claude, des communaux contestés, vint remettre tout en question. En 1557, les trois communautés de la Mouille, de Morbier et de Bellefontaine, qui les avaient acquis, se les (4) Mont-le-Grand, cercle et paroisse de Rolle. (2) Elle a subsisté jusqu’au printemps de-l’'année 1536, au moment de l'invasion bernoise. Un incendie la consuma alors en entier, son cartu- laire seul fut sauvé. Transporté à Chambéry, il a été découvert, dans les archives de Savoie, par M. de Gingins qui l’a publié dans Mémoires de la Société d'histoire de la Suisse romande. (3) C’est alors que les Bernois mirent en vente le domaine de l'Oujon- net (aujourd’hui Lou Genêt), mas de montagnes qui vaudrait actuelle- ment près de 300 mille francs. Noble Hugues Vandel s'en rendit acquéreur pour 2.000 florins de Savoie petit poids (11.580 francs). Les Loges et les Petits-Plats ont appartenu un instant à Nicolas Orzochowski, gentil- homme polonais, acquéreur de la terre du Martheray à Bégnins en 1656. ele partagèrent, et lerevers occidental du Noirmont se couvrit bientôt de leurs chalets, Les Vaudois ne tardèrent pas à s’é- mouvoir de ce qu'ils regardaient comme une usurpation et à se livrer, contre leurs nouveaux voisins, à des excès que le fanatisme religionnaire rendit des plus violents. De nou- veaux arbitrages, qui intervinrent, en 1575, en 1586 et en 1606, échouèrent par le fait de leur mauvaise foi ou de celle de leurs dominateurs. Dans l'intervalle des deux der- niers, le 17 juin 1593, 50 hommes du bailliage de Nyon, ar- més jusqu'aux dents, envahirent la vallée des Landes avec tambour et fifre sonnant. Non contents de se livrer au pil- lage, ils mirent le feu à 17 maisons et firent prisonniers une vingtaine d'habitants, dont plusieurs avaient été blessés en se défendant. Des conférences, qui s’ouvrirent aux Rousses en 1631, et où le baron d’Oiselay et le président Boyvin re- présentaient la Comté, durèrent trois ans, sans aucun résul- tat. La question principale était de savoir où devait se planter la borne du Noiïrmont. Du côté de l’Ouest, la montagne pré- sente d’abord un plateau incliné, séparé par une arête d’un versant plus rapide. Les eaux de ce plateau étant tributaires de l’Orbe, les plénipotentiaires comtois soutenaient, avec raison, que les Bourguignons devaient s’étendre jusqu’à la ligne de faite ; les députés de Berne prétendaient que l’arête dont nous venons de parler, devait servir de limite. Ces derniers avaient tout à gagner en temporisant, à une époque où notre pays était accablé à la fois par tous les fléaux. L'affaire en resta là jusqu’au retour de la paix qui amena ce- lui des conférences. Elles se terminèrent, le 20 septembre 1648, par un traité, qui fut suivi, le 21 juillet 1649 d’une plantation de bornes qui existent encore pour la plupart. C’est de l’acte du 20 septembre 1648 que j’ai voulu vous en- tretenir aujourd’hui, en analysant une copie que j'ai trouvée, il y a quelque temps, à Vallorbes, parmi des papiers de fa- mille. — 61 — Le premier jour du mois de septembre 1648, moins d’un mois après la signature du traité d’Osnabrück, vers une heure de l’après-midi, se trouvaient réunis aux Rousses : de la part du roy catholique, Messieurs Claude-François Lul- lier, docteur ès droits et seigneur de Chauvirey, Vitrey et Ouges ; Antoine Michotey, docteur ès droits, conseiller et premier avocat fiscal en la Cour souveraine de Parlement de Dole ; Jean-Simon Froissard, seigneur de Broissia et de Mo- lamboz, docteur ès droits, conseiller et procureur général en Bourgogne ; et Claude Pautheret, secrétaire du Roi et com- mis-greffier au Parlement, assistés de Jean-Baptiste Du- champ, chevalier, seigneur de Parcey, surintendant-général de l'artillerie et des fortifications, et de Gaspard Balland, grand-juge en la Grande Judicature de Saint-Oyan-de-Joux ; et, de la part des magnifiques et puissants seigneurs de Berne, les nobles, vertueux et très honorés Jean-Rodolphe Willading, Jean-Rodolphe Zender, tous deux banderets, et Wilhem de Diesbach, colonel, membre du Conseil étroit du canton, assistés de nobles et vertueux seigneurs, Franz Lud- wig de Graffenried, seigneur de Gertzsee, moderne baillif d’Yverdun ; Daniel Morlot, baillif de Morges, Nicolas Gutzer, baillif de Nyon; et Abraham Sinner, baillif de Romain-Mo- tier. « Après les présentations réciproques et offres d’ami- tié, » les commissaires se communiquèrent respectivement « leurs commissions et pouvoirs, » qui furent « trouvés en bonne forme. » Puis ils se transportèrent sur les lieux et vi- sitèrent « tous les endroits contentieux d’un bout à l’autre, » examinant « tous les titres, traités, transactions, sentences, abergements et autres enseignements. » Enfin, ils entendi- rent «les raisons proposées de part et d'autre, » revirent les « recès des précédentes conférences », et ouirent « les offi- ciers des hbailllages et ressorts, comme aussy les preu- dhommes et anciens des lieux, » faisant « tous les devoirs nécessaires pour l’éclaircissement des prétentions de souve- = 62 — raineté ». Les conférences et descentes de lieu durèrent jus- qu’au 19 septembre, et amenèrent entre les seigneurs com- missaires un accord complet, à la suite duquel fut décidée la plantation de quinze bornes entre le point où la Valserine entre dans le pays de Gex et le Grand Crêt du Mont Ri- soud, les principales au Mont Toisé, à Mijoux, sur le chemin de St-Cergues à St-Claude, à la Source de la Valserine, à V'Essartée- Vandel, au chemin de St-Cergues aux Rousses et au Noirmont. | La mission des commissaires ne devait pas s'arrêter là : ils avaient à établir aussi les limites orientales des terrritoires de Mouthe, de Rochejean et de Jougne. Pour les déterminer, ils jugèrent convenable de se transporter, le lendemain 20, à la grange dite de Vitezu, près de laquelle trois grosses pierres indiquaient le point de départ des souverainetés de Bourgogne, de Berne et de Neufchâtel, et de revenir au Grand Crêt du Risoud en marquant la place de cinquante- sept autres bornes, notamment à la Haute-Joux, à la Combe d’'Ayme, à la Boufarde, à las Crestaux, à la Roche-Marquée, à las Praz, au Cresteau-des-Charbonnières, à Noirvaux, en Palezard, à la Combe-du-Commun, au Pré-Trouvé, près de la Belle-Costère, au Cerny, au Taqueret, à la CGôte-Pi- card, le long du bief de la Leschière, le long du Bief-Rouge, vers chez Piquet,àlaRoche-d’Euu, à Pralioud, aux Echelles au Crêt-Cantin, à la Grande-Combe et au Crêt Charbonnet. La ciôture de leurs opérations et la signature du protocole eurent lieu, le même jour, (en une grange appartenant à Claude de la Ferrière, dit Piquet, du dit lieu de la Ferrière. » Après avoir entendu la lecture du projet de traité « faite à haute et intelligible voix » par Claude Pautheret, le greffier ou secrétaire de la commission, tous ses membres, auxquels s'était joint le sieur Jean Matolier, secrétaire du Conseil de la ville de Berne, y apposèrent leur signature. Les commissaires priaient leurs princes et souverains « pour plus grande validité » du traité « d’en vouloir oc- — 63 — troyer au plus tôt lettres de ratification en bonne forme, » ce qui dut être fait. En effet, une autre pièce, dont nous sommes également détenteur, atteste que, dès le milieu de l’année suivante, on pouvait déjà reconnaître les bornes plantées en exécution du traité. Le 20 octobre 1649, Claude Frère, lieu- tenant en la justice de Mouthe et Hippolyte Perreau, châte- lain de Romain-Motier, sur commandement des deux gou- vernements de Bourgogne et de Berne, daté du lieu de l’Echelle le 30 juillet et souscrit Duchamp, Pathey et Bal- land, députés du Souverain Parlement de Bourgogne, et Morlot, Gutzer et Sinner, commis de leurs Excellences de Berne, visitaient toutes les bornes plantées, du Grand Crêt du Mont-Rizoud à Pralioud, vérifiant les millésimes gravés, ainsi que les armoiries, et relevant, pour en faire rapport à leurs dits seigneurs, les oppositions faites à l’installation de quelques-unes d’entre elles. Les deux magistrats enquêteurs, qui ne tenaient pas à être taxés de légèreté, avaient grand soin, en rendant compte de l’exécution de cet ordre, de spé- cifier qu'ils s’étaient transportés sur les lieux, « à dessein de ponctuellement effectuer ladite commission. » L'acte du 20 septembre 1648, pour prévenir le retour «des inconvénients et troubles arrivés par le passé, » avait fait publier et signifier « expressément, à tous les sujets de part et d'autre, » qu’il était interdit d'enlever, de déplacer, ou d'endommager, en quelque façon que ce fût, les bornes, et ce «à peine de la vie. » Il ordonnait, en même temps, « aux offi- ciers et justiciers les plus voisins, chacun en droit de leur ressort, de se transporter, de temps à autre, sur les lieux et endroits des bornes, les visiter de bout en bout, et en dresser verbaux. » Il décidait, enfin, que, pour l’exécution de ses prescriptions seraient « commises, de part et d’autres, per- sonnes capables pour se transporter sur les lieux au plus tôt que bornement faire se pourrait, à la première réquisition de l’un ou de l’autre, pour faire planter les bornes aux frais communs des souverains ». Les principales de ces bornes — 04 — devaient porter, outre le millésime de l’année de leur plan- tation, les armoiries des deux états contractants « aux lieux et endroits qu'il serait trouvé convenir le mieux. » Celles des bornes primitives qui existent encore (elles se font rares !) Sont marquées du lion de Bourgogne sur la face tournée à l’ouest et de l’ours de Berne sur l’autre. Les plénipotentiaires espéraient que les deux pays de Bourgogne et de Vaud demeureraient à perpétuité et im- muablement limités, et que « tous différents à ce sujet » seraient désormais impossibles. Il n’en fut rien, pourtant. En donnant aux deux états les frontières qui leur avaient manqué jusqu'alors, ils avaient expressément réservé les « droits des particuliers, tant nobles qu'innobles » et les laissaient « en possession et propriété de leurs fonds et hé- ritages, seigneuries, fiefs, rentes, hommages, services et redevances, et généralement de tout ce qu'avant ou lors de la présente délimitation, leur pourraient légitimement et par justes titres appartenir, encore que leurs dits fonds et héri- tages, par l'exécution du présenttraité, se trouvaient asssis et compris dans une autre souveraineté... » Les particuliers en question avaient un an pour transporter leurs pénates «en lieu dépendant de la juridiction de leur prince et sei- gneur souverain que bon leur semblerait ». Il leur était aussi loisible de conserver leur domicile actuel « en toute liberté, à la seule condition d’y vivre « modestement ». Tous étaient « déchargés de toutes plaintes, poursuites, peines, amendes encourues pour abus et anticipations, » s'ils vou- laient se tenir désormais « dans les limites de la sou- veraineté rière laquelle ils seraient, sans entreprendre ni anticiper pour pâturage, coupage de bois, ni autrement sur les appartenances des communes ou des particuliers de l’autre. » On semblait avoir pris à tâche, de part et d’autre, d'atteindre la limite extrême de la conciliation. Vain effort ! À peine le délai d’un an accordé aux parti- culiers, pour opter entre les puissances, était-il expiré, que —" CE le baiïlli de Morges, Daniel Morlot, au mépris du traité qu'il avait signé, autorisait les nobles et bourgeois de son ressort à faire déguerpir tous les Bourguignons qui habitaient le revers occidental du Noiïrmont. On expulsa impitoyablement les Arbez, les Forestier, les Ruffet, les Vandel et autres, de leurs maisons. Plus tard, en 1661, les habitants de Bégnins s’emparèrent des Loges et des Petits Plats (1). Les usurpations des Vaudois reprirent un tel essor qu’en 1704, le Conseil de Berne fut contraint de recommander aux forestiers de laisser les Bourguignons jouir en paix des biens qui étaient dans les limites du canton. Il faut, d’ailleurs, reconnaitre que les autorités bernoises étaient seules alors à défendre la pro- priété de nos nationaux. | Non-seulement l’intendance de Franche-Comté ne prenait ancun soin de faire respecter les droits de ses administrés du haut Jura, mais on la trouvait souvent du côté des enva- hisseurs vaudois. C’est ainsi que trente habitants du Boïis- d'Amont, qui avaient, en 1727, racheté les Petits Plats, à ceux qui les leur avaient volés soixante ans auparavant, en furent dépossédés de nouveau, en 1775, par une ordonnance de M. de Lacoré, qui est un véritable chef-d'œuvre de pla- titude et d’iniquité. Les troubles que l’usurpation du Noir- mont franc-comtois a encore produits en 1780, en 1790, en 1807 et en 18922, s’ils n’ont pas été aussi graves que les pré- cédents, n’en doivent pas moins être considérés comme des suites de l'injustice criante qui fut alors commise. Il est resté là un foyer mal éteint et toujours prêt à se rallumer au moindre souffle de discorde. On dit que le calme est revenu, parce que la question sommeille en ce moment : ubi silen- tium, pacem appellant. Il n’en est pas moins vrai qu'à dé- faut de méfaits plus graves et que la police des frontières rend maintenant difficiles, les délits forestiers sont restés d’un usage courant sur un point des montagnes franco- (1) Pour Les vendre, nous l'avons vu, à Nicolas Orzochowski. J fee — suisses. Il n’est pas d'année que les voisins étrangers du Bois-d’Amont ne se plaignent de vols de sapins et n’en accusent les habitants d’une commune que leurs ancêtres, per fus et nefas, ont dépouillée de ses forêts. Ces plaintes continueront, c’est à craindre, jusqu’au jour où l’on rendra, à de pauvres fabricants de boîtes de sapin, de caisses, de cercueils et de malles, la matière première de leur chétive industrie. C’est la seule moralité qu’on puisse, eau à pré- sent, tirer de cette longue histoire (). (1) V. Rousset, Dict. des Com. de la Fr.-Comté, Jura ; et Martignier et de Crouzaz, Dict. hist. du canton de Vaud. En \ ART AE OCT ENT TEE OT = APPENDICE Le professeur Tissot, de la Faculté des Lettres de Dijon, originaire des Fourgs dont il s’est fait l'historien, a lu, en 1867, à la Sorbonne, un mémoire (1), auquel les lecteurs feront bien de recourir pour se faire une idée plus comptète de la question des frontières franco-suisses. Nous lisons dans ce mémoire que, par suite d’un traité en date du 30 août 1552, les communes des Fourgs et de Sainte- Croix ne devaient point couper de bois sur un canton situé entre leurs limites respectives et dont la propriété était réservée ; mais elles pouvaient y faire paitre leurs troupeaux, à la condition de ne pas dépasser une barrière qui la divisait en deux portions égales. Ce canton, appelé le Séquestre, pro venait de l’ancien fief de Franc-CGhâtel. L’exécution de ce traité fit naître des difficultés qui durèrent jusqu'à la délimitation de 1648, objet de notre travail. D'ailleurs, pour les Fourgs, comme pour les Rousses et Bois- d’Amont, tout ne fut pas fini, lorsqu'on eût révisé les an- ciennes bornes et qu'on en eût planté de nouvelles 2). De nouveaux traités de délimitation ont dû intervenir en 17492, (1) Mémoire sur une question de frontière entre la Franche-Comté, territoire des Fourgs (Doubs), et la Suisse. (2) Les bornes posées le 8 octobre 1648 sont : 10 au Rondelet ; 2° au- dessus de la Fontaine-Pelit-Pierre ; 3° à la Haute-Joux ; 4° aux Trois- Pierres de Vuitiau ; 59 à Terre-Noire ; 6° à la Bouffarde ; 7° au bout de l'héritage de la Bouffarde ; & au Prestat. — 68 — 47592, 1761 et 1774, et la question des limites des Fourgs et de Sainte-Croix ne fut définitivement vidée qu’en 1895 (1), lorsqu’en exécution du traité du 20 novembre 1815, on pro- céda à une démarcation générale des limites orientales de la France. Il est de tradition aux Fourgs que le territoire français n’a pas gagné en étendue à cette opération, sur cette partie de nos frontières, et la lecture du mémoire confirme cette opinion. (1) Bornes de 1825 : 1° au Gros- Vuitiau ; 2° au Séquestre ou Creux- Fouchard ; 3° sur les Rochettes ; 4 sur le Crêt ; 5° sur les prés de la Haute-Joux ; 6° sur le Crêt de la Haute-Joux ; 7° sur les Crétêts; 8 à la Témille; % derrière les Barres; 10° sur les héritages de la Beuffarde ; 11° sur les mêmes héritages ; 12° à la montée du Corbey; 43 sur le Corbey ; 14° sur la Joux de la Bégasse. EX NEURASTHENIE Par M. le D° Henri BRUCHON me mm Séance publique du 19 décembre 1896. Parmi tous les griefs que des auteurs moroses, tant philo- sophes que médecins, ont relevé contre les nouvelles géné- rations de notre fin de siècle, il en est un sur lequel ils ont longuement insisté, c’est l’état d’excitabilité inquiète, ou au contraire de dépression maladive de notre système nerveux. Race de névrosés, disent les uns, race de dégénérés disent les autres, encore plus pessimistes ! Sans voir le tableau aussi sombre, l’observateur le plus impartial remarque le nombre croissant des affections du système nerveux, et en particulier des névroses frappant indistinctement toutes les classes de la société. C’est là une conséquence forcée de notre civilisation trop raffinée, du surmenage intellectuel et, il faut bien le dire, des excès alcooliques et autres. Peut-être bien aussi, le système d'analyse médicale devenant plus précis, a-t-on su mieux interpréter, rattacher plus sûrement à sa véritable cause maint malaise qui restait peu compris. Cest nerveux, disait-on ; et l'équation paraissait résolue le plus souvent hélas! par une inconnue. La pathologie a fait, depuis trente ans, des pas de géant dans le domaine des affections des centres supérieurs et des psychoses, et il serait injuste de ne pas rappeler le rôle de Charcot apportant de plus en plus la lumière dans cette branche d’études, grâce à son sens clinique et à ses merveil- leuses recherches anatomo-pathologiques. Autour du chef s’est groupée une pléiade d'élèves, nos maitres actuels, D MM. Raymond, Ballet, Geoffroy, Déjerine, Marie, Gilles de la Tourette, en un mot cette grande Ecole de la Salpétrière qui attire à elle élèves et malades de tous les points du monde. La Faculté de Nancy avec M. le professeur Bern- heim, celle de Bordeaux avec M. le professeur Pitres, ap- portent aussi sur ces questions le contingent de leurs tra- vaux. À côté de la description approfondie des affections systématisées de la moëlle et de celles du cerveau, un des titres de gloire de l’école française est l'étude clinique par- faite des affections nerveuses sine materia, dont la cause échappe aux recherches de l’anatomo-pathologiste. On les désigne sous le nom de névroses, et elles affectent souvent les traits de véritables maladies. Ce sont l’hystérie, l’épi- lepsie, la neurasthénie, etc., et elles sont liées le plus sou- vent à des psychoses ou états d'âme et de conscience qui soulèvent les débats les plus intéressants au point de vue de la moralité et de la responsabilité de ceux qui en sont atteints. : J'aurai peut-être l'honneur de vous parler quelque jour des singulières manifestations de la névrose par excellence, de l’hystérie, mais aujourd’hui je voudrais vous présenter quelques considérations sur une maladie remarquable par sa fréquence à l'heure actuelle, c’est la neurasthénie ou dé- . pression nerveuse. Il est peu de personnes qui n’en aient entendu parler. Elle a même été de mode; il était de bon ton de se dire neurasthénique. L’état est cependant peu en- viable : tyran de son entourage, cauchemar de son médecin, bourreau de sa propre personne, le neurasthénique est un des types les plus curieux de nos modernes déséquilibrés. La neurasthénie peut être héréditaire ou acquise. Elle évolue le plus souvent chez des individus prédisposés, mais parfois ce sont les causes occasionnelles qui jouent le rôle considérable. Ces derniers cas sont bénins, les autres graves. Le rôle de l’hérédité, en pathologie humaine, est trop connu pour que j'y insiste, malgré son importance dans le dévelop- ; MEL T7, — TT — pement de la névrose. Du reste, dans cette étude, il sera facile de remarquer combien les facteurs signalés doivent agir plus facilement sur un système nerveux déjà affaibli, que sur un autre parfaitement sain. La cause élémentaire de toute neurasthénie est le surme- nage du système nerveux. Ce surmenage comprend deux éléments principaux, l'excès de travail ou d’excitation, et l'insuffisance du repos. Il n’est personne, parmi ceux d’entre nous s’adonnant à un travail intellectuel, qui n’ait éprouvé un de ces malaises consécutifs à une longue journée d’appli- cation laborieuse. On ressent une sorte de lassitude vague, l'esprit se fixe plus péniblement, la vue se fatigue et se trouble. Une lecture attachante ou une rédaction difficile nous a-t-elle fait prolonger tard notre veillée, nous nous cou- chons énervés, préoccupés, le sommeil ne vient pas, nous nous agitons sans trouver le repos. Que sont ces états, dit Charcot, sinon de légères atteintes de neurasthénie”?” Mais elle ne succède pas toujours aux seules dépenses intellec- tuelles, et c’est encore à elle que nous devons rattacher cette sensation de courbature, de malaise, d'incapacité au travail qu’éprouvent ceux de nos contemporains qui se remettent de leurs fatigues du jour en passant leur nuit au cercle, au café, au théâtre. Il n’est pas jusqu’à cette sensation bizarre d’im- pressionabilité du cuir chevelu, si bien connue sous le nom de mal aux cheveux, que nous ne trouvions plus nettement ac- cusée dans la neurasthénie confirmée. Les gens bien équili- brés se remettent facilement de ces atteintes superficielles ; mais si ces causes de fatigue deviennent plus fréquentes, à plus forte raison si elles atteignent un individu déjà merveil- leusement prédestiné par son hérédité, nous verrons se dé- velopper la vraie neurasthénie permanente. On l’a dit souvent, notre époque est par excellence celle de la lutte pour la vie, que l'encombrement des carrières rend chaque jour plus acharnée. Arrivé, à force de travail, à une si- tuation, on doit en supporter les tracas, la charge générale- po ment lourde; puis l'ambition nous porte toujours plus loin, plus avant dans la mêlée, vers de nouveaux concours, de nouvelles entreprises, de nouvelles fatigues. Les devoirs de société, visites, bals et soirées, nos plaisirs mêmes, ce que nous croyons nos délassements dépriment encore nos centres nerveux déjà surmenés, et la vie de nuit de certains boule- vardiers qui sont dans le train, les conduit plus rapidement à la névrose que le travail acharné des normaliens, des poly- techniciens ou des professions libérales. Devons-nous incri- miner avec certains auteurs la tendance de l’art moderne ? La musique de Wagner, de Berlioz exige, a-t-on dit, pour son interprétation, voir même pour son audition, une tension constante de l’esprit, une recherche des sentiments exprimés dans toute leur finesse. Mais, comme le fait remarquer avec beaucoup de justesse M. Mathieu, les neurasthéniques sont aussi nombreux parmi les admirateurs de Mozart que chez les auditeurs passionnés de Taunnhauser et des Troyens, et n’aggraverions-nous pas l’état de ces derniers en les con- damnant à écouter la Dame blanche de Boïeldieu ou l’Orphée de Gluck? J'arrive au rôle de la littérature dans l’état névro- pathique de quelques-uns de nos contemporains, et j'invoque ma prérogative médicale pour écarter de ma tête les foudres que cette partie de la question pourrait y attirer. Un reproche souvent adressé aux réalistes de l’époque actuelle, c’est d’é- tudier au scalpel, dans leurs livres et sur le théâtre, les pas- sions et les vices les plus malsains, les réalités les plus pé- nibles, les problèmes les plus angoissants au point de vue moral et social, et d’aller jusqu’à choisir, comme effet de scène, les maladies les plus navrantes, comme folie, hystérie, épilepsie. On peut répondre simplement qu'il est difficile de dépasser en horreur ce que montraient à leurs specta- teurs Eschyle, Sophocle et Euripide, et personne n’a songé à les incriminer dans la production des états neurasthéniques, déjà si bien décrits par les médecins grecs leurs contempo- rains. S'il est quelque restriction à faire, c’est sur l’œuvre À ae, d’Ibsen et de son école, production et peinture de l’état d’âme de véritables neurasthéniques, qui peut exercer une certaine influence sur des sujets sensibles, mais d’une sensibilité déjà maladive, en les entrainant à des analyses trop délicates d'eux-mêmes. En somme, il est bien difficile d'établir la res- ponsabilité de notre mouvement littéraire pour tout ce qui touche l’éclosion de la névrose. Quelques mots maintenant de résumé sur le rôle de notre vie sociale. Surmenage intellectuel de carrière, surmenage de concours, surmenage pour se faire un nom, surmenage pour se distraire, vie à toute vapeur où excellent les milliar- daires américains ; nous sommes très loin de la loi de Kant, si fort réclamée, de bien des façons et par bien des gens, au moment actuel, la fameuse loi des huit heures : huit heures de travail, huit heures de récréation, huit heures de repos. Nous sommes, par contre, en bonne voie pour la névrose. La dépression s’accumule de génération en génération : l’indi- vidu sain devient de plus en plus rare, et c’est alors qu’ap- paraît l’état névropathique de la famille, voire de la race. L'influence du milieu où l’on vit journellement, du fover en un mot, a une action aussi marquée sur le développement de ja neurasthénie. Qui de nous ne connaît ces familles où l’in- quiétude est de règle, où rien joie, ou plaisir, ne peut être vu avec calme? L'observation mutuelle attendrie y est cons- tante ; le bonheur de s'entendre plaindre, de se voir dorlotter entraine chacun à analyser, à exagérer ses moindres souf- _ frances physiques ou morales. Il y a là un entrainement mer- veilleux vers la neurasthénie, voire l’hystérie ; c’est une vé- ritable serre chaude pour le développement des névroses, l’émotivité exagérée étant une vraie fatigue nerveuse. Le surmenage moral n’a pas moins d'influence que le sur- menage intellectuel. Chacun de nous connaît l’affaissement général, l'incapacité au travail de tête, l’insomnie qu'entrai- nent les grosses épreuves de la vie, la perte d'êtres chers, parents, époux, enfants. Comme le surmenage physique s'est Le joint le plus souvent aux angoisses de l'esprit, la résistance est moins grande. Les coups sont-ils trop répétés, trop douloureux, l'individu est-il déjà prédisposé par son héré- dité, la névrose s'installera facilement. Il en est de même pour les cas de revers de fortune ou d'ambition, d'atteinte d'une maladie réputée longue, grave et incurable. La peur est un élément dont on a longtemps nié l’action, et pourtant les exemples sont des plus frappants. A la suite d'une panique quelconque, catastrophe de chemin de fer, ex- plosion, déroute d'expédition, nombreux sont les malheu- reux qui, sans lésion physique aucune, subissent une dépres- sion nerveuse parfois irrémédiable. C’est encore dans cette catégorie que doivent se ranger certaines victimes des épi- démies. M. Bouveret rappelle que, lors d’une des dernières invasions de choléra, 1l eut à soigner, à côté de véritables ma- lades, d'autres personnes, presque toutes des femmes, qui ne présentaient aucun symptôme de la terrible infection et qui pourtant restaient au lit effrayées, angoissées, brisées au mo- ral et au physique. La plupart de ces malades échappèrent au fléau, mais gardèrent longtemps, quelques-unes toujours, un état très marqué de prostration nerveuse. Le surmenage musculaire peut-il entrainer la neurasthé- nie? La chose n’est pas parfaitement démontrée. Le trauma- tisme par contre ne peut être mis en doute; cette année même il m'a été donné d'en rencontrer quelques cas dans ies services hospitaliers. A la suite d’une chute, d’un accident de travail quelconque n'ayant entraîné aucune lésion physique apparente ou sérieuse, on voit certains sujets devenir som- bres, préoccupés, incapables de travailler et ne tardant pas à accuser les divers troubles de la névrose. A plus forte rai- son de pareils accidents se produiront-ils à la suite de bles- sures ou de morsures faites par des animaux, point de dé- part de ces phobies dont j'aurai à parler tout à l'heure. Je dois toutelois mentionner que ces malades étaient déjà gé- néralement prédisposés à l’éclosion de troubles nerveux. | | — 7 — Quel peut être le rôle des intoxications sur la production de la neurasthénie ? Outre le poison alcoolique des vulgaires assommoirs, citons, parmi les substances nuisibles en pre- mière ligne, l’absinthe acceptée trop souvent comme un ex- citant ou un apéritif, puis le café pour certains tempéraments, puis le tabac, et, en dernière ligne, l’éther, la morphine, le chloroforme, de date bien plus récente, En résumé, nous pou- vons dire que l’usage habituel des neuro-stimulants ou des neuro-dépresseurs entraine facilement la névrose, surtout sur un terrain propice. Quelle peut être l'influence de l’âge, du sexe, de la profes- sion sur la production de la névrose? Il est peu d’enfants neurasthéniques : seul un grand chagrin ou une frayeur ex- trème explique les quelques cas qui ont été relevés. Quoi- qu'on ait dit, le surmenage scolaire pur est rare chez eux, et ne se rencontre que chez les jeunes gens d’un certain âge, seize ou dix-huit ans et au-delà, candidats de nos grandes écoles ou préparant les concours des professions libérales. Chez eux il sévit avec force et tenacité. Les deux sexes sont l’un et l’autre exposés également à la névrose. Sur le rôle des professions je n’insisterai guère ne voulant pas m’exposer à des redites. Le surmenage intellectuel, la mise en jeu de la responsabilité personnelle, la préoccupa- tion de l’avenir rendent la neurasthénie fréquente chez les élèves des grandes écoles et chez ceux qui embrassent les carrières libérales, et on ne s’étonnera pas si je réclame place honorable pour la profession à laquelle j'ai l'honneur d’appar- tenir ; puis viennent les grandes industries, entreprises fi- nancières, etc. Le neurasthénique est souvent un homme jeune encore, de 20 à 40 ans : il présente un ensemble de phénomènes symptomatiques, d'impressions caractéristiques ; il a enfin des allures telles qu'il est facile de le reconnaitre. Un trait qui a été relevé de tout temps est la prolixité, la minutie be avec laquelle ce malade expose ses misères. Il a souvent ré- digé l’histoire de sa maladie, ou pris des notes qui lui per- mettent de n’en oublier aucun trait. C’est l’homme aux petits papiers de Charcot. Comme troubles spéciaux Je rappellerai simplement que le neurasthénique accuse souvent une douleur de tête particu- lière qu’il compare à la pression d’un casque trop lourd et trop étroit ou d’un cercle de fer. Ce symptôme est accom- pagné d’une sorte de lourdeur, de pesanteur générale, avec un peu d’obnubilation des sens et de torpeur intellectuelle ; parfois certains croient même qu'un liquide se déplace dans leur tête, et s’imaginent percevoir un ballottement du cer- veau. Le cuir chevelu est très sensible. La fatigue muscu- laire survient facilement; le patient est brisé dès le matin dans son lit ; il est plus épuisé en se levant qu’en se cou- chant. Une émotion, un danger peut rendre au malade sa vi- gueur première, puis il retombe une fois sa phase d’excita- tion passée. On trouve rapportée dans tous les traités l’his- toire de cette mère qui, frappée par la névrose, reprend toutes ses habitudes régulières pour soigner son enfant at- teint du croup, veille, se fatigue sans souffrance, et, une fois le danger passé, redevient incapable du moindre effort. Signalons encore la rachialgie, douleur le long de la co- lonne vertébrale, et passons rapidement sur les troubles di- gestifs, circulatoires, respiratoires, dont la description technique serait fastidieuse, qui peuvent exister seuls ou combinés, revêtant tous les degrés, depuis le simple malaise jusqu'aux états les plus pénibles et entraînant trop souvent la décadence de l’individu. Les malheureux névropathes son- gent continuellement à leur maladie : ce ne sont pas des nosomanes, à un degré aussi marqué que l’Argan de Molière, puisque leurs préoccupations ont un point de départ réel, mais leur imagination grossit l'intensité et la portée des phé- nomènes éprouvés ; tout par eux est amplifié de la façon la plus pénible. Hs se laissent pourtant raisonner facilement, Gésélatabt at gr admettent, avec leurs amis ou leurs médecins, qu'ils se sont exagéré leurs perceptions, mais, une fois livrés à eux-niêmes ils retombent dans leurs idées noires. [ls éprouvent le besoin d’être rassurés de nouveau, retournent chez leur médecin, ou mieux chez un autre pour contrôler le premier. Ils tiennent tous les spécialistes médicaux, se découvrent sans cesse de nouvelles misères ; soignés par celui-ci pour une chose, par celui-là pour une autre, ils suivent plusieurs médications parfois toutes différentes, utilisent à leur plus grand détri- ment une grande partie de l’arsenal thérapeutique moderne. Leur découragement augmente d'autant mieux qu'ils n’ont pas toujours dans leur entourage le contre-poids ou le stimu- lant suffisant. Leurs proches deviennent souvent par leur apitoiement des complices inconscients de leur maladie. Le neurasthénique dort peu ou mal. Nous connaissons tous l’insomnie consécutive à un travail préoccupant ou même à une soirée de plaisir. Cet état est constant chez notre malade. 1l s’agite, se retourne dans son lit, appelant le som- meil qui ne vient pas. Il allume sa bougie, lit, se promène, essaie de se rendormir, se récitant des prières ou la table de Pythagore, ou la chronologie des rois de France, et, malgré tout, ne dort pas. Il a même la conviction qu'il ne reposera pas et sera brisé le lendemain. Quand il dort et ronfle même au point de gêner ses voisins, il soutient, au réveil, qu'il a en- tendu sonner toutes les heures et toutes les demies sans in- terruption. Le sommeil, péniblement obtenu, est traversé de cauchemars. Cet état est le résultat d’une excitation nerveuse, non d’une douleur précise. Les altérations de la sensibilité sont fréquemment obser- vées ; J'ai déjà mentionné la douleur en casque, l’hyperesthé- sie du cuir chevelu, la rachialgie ; parfois la névrose se tra- duit par une impressionnabilité plus grande au chaud, au froid, à l’état hygrométrique ou électrique de l’atmosphère. Le vent est l'ennemi de certains neurasthéniques ; le moindre courant d'air les saisit, les courbature ; d’autres annoncent En de l'orage. Cestains malades prétendent sentir les nuages mon- tant dans le ciel ; la pluie et la tempête leur arrachent des cris. Ces névropathes barométriques subissent évidemment très fort l'influence des écarts de température, mais il y à aussi chez eux une auto-suggestion assez bizarre, ils font volontiers parade de leur hypersensibilité et l’exposent avec ostentation. Du côté des yeux on peut noter la fatigue rapide, les troubles de la vue, l'inégalité pupillaire. L’ouïe acquiert par- fois une finesse maladive, ainsi que l’odorat; il y a même des sensations subjectives ne correspondant à rien de réel. Les vertiges sont fréquents, avec des degrés etdes allures diverses ; le sol se déplace ou remue, il n’est pas sur le même niveau à un pas ou deux; l’équilibre peut parfois paraître instable, et le malade a besoin de s'appuyer ou de s'asseoir. La neurasthénie est surtout intéressante à étudier sous sa forme cérébrale et psychique; c’est elle, à son degré le plus léger, que nous rencontrons si fréquemment. Les premiers symptômes sont la difficulté du travail intellectuel et surtout de l'attention, avec un certain degré d’amnésie. Qui de nous ne connait cette sensation bizarre qu’écoliers nous avons ressentie à la veille d’une composition, plus tard au moment d’un concours ou d’un examen? La tête est vide, lourde: rien ne semble acquis du travail des jours précédents ; c’est le résultat du surmenage et, partant, une légère atteinte de névrose. Pour réagir nous appelons à notre aide, le thé, le café, la nicotine, parfois hélas ! l’absinthe. Pris à doses rai- sonnables ces excitants peuvent sembler utiles, mais l'abus en est facile, et l’intoxication joint ses effets à ceux de la fa- tigue. D’autres personnes ne peuvent travailler que dans un certain milieu, dans des conditions particulières ; 1l en ré- sulte des habitudes singulières, des bizarreries de vie et de caractère qui ne s'expliquent que par un léger degré du mal. Je vais peut-être paraître irrévérencieux ; mais la lecture de la biographie ou l’interview de nos savants les plus illustres, : À Éd A à à :<. EE + — _ de nos poètes et musiciens les plus renommés nous révèle - quelques-unes de ces innocentes manies, et ce n'est pas dans notre siècle seulement, mais dans les précédents que nous en trouvons des exemples. Jean-Jacques Rousseau, avant d'écrire, se bouchait les oreilles avec de petits tampons de coton; Milton ne pouvait composer ses pages magistrales qu'enveloppé dans un vieux manteau de laine, aussi bien … pendant l'été que pendant l'hiver ; Buffon ne trouvait aucune idée, sil n'avait endossé un habit de soirée, couvert de den- iclles et ayani l'épée au côté ; Balzac écrivait, en plein jour, à 1a lumière de deux bougies ; Flaubert ne se mettait au tra- …_ vail qu'après avoir fumé trois où quatre énormes pipes ou une demi-douzaine de cigares très foris. J'en passe, et non des moïss célèbres, pour arriver à nos contemporains. Tel de “ nos plus délicats poètes aime à écrire entouré d’une famille E . de chats, ses commensaux habituels. Un de nos plus grands auteurs dramatiques se sent moins d'inspiration s’il n'a pas LOI 27 et #} — sur la tête certaine calotte noire, qu'il aime à tourmenter en composant ses drames et comédies ; tel autre, célèbre par ses récits de voyage, aime à écrire dans le costume des ha- 4 bitanis des pays qu’il décrit. Un des maîtres de notre pein- _ ture ne peut exécuter ses esquisses qu'assis sur un tabouret - recouvert de velours grenat. Dans la plupart de ces faits nous ne faisons, très heureusement, que cûitoyer la neuras- _ thénie, et, dans un cadre plus modeste, il en est de même des - impressions connues que je signalais chez nous. Il faut ce- … pendant voir là une porte ouverte à la maladie et à sa grada- - tion consécutive. Jean-Jacques Rousseau. ses écrits en font foi, est devenu un véritable neurasthénique, aimant à narrer ses misères et aigri contre tout le monde. Voltaire parlant toujours de son insomnie, de ses troubles digestifs et de sa fin prochaine, souvent persécuté à tort ou à raison, parait bien aussi avoir été aux prises avec un peu de névrose, qui est souvent proche parente du génie. _ Avec une prédisposition héréditaire, une débilité congé- nou nitale du système nerveux, un surcroît de travail ou d’ébran- lement, nous arrivons à la neurasthénie typique. & La volonté s’affaiblit ; 1l y a une dépression cérébrale marquée, une diminution des réactions coordonnées et in- conscientes qui constituent le moi. » L’attention ne peut plus être soutenue, les impressions s’émoussent, la mé- moire s’efface. Toute décision ne se prend qu'avec peine, et est soumise aux caprices les plus extraordinaires. Je rappellerai l'observation curieuse d’une jeune fille qui, à la suite de chagrins de famille, était incapable du moindre effort de mémoire et même de certains actes de volonté. Elle sortait pour acheter un objet, s’en répétait le nom en roule, et, arrivée dans le magasin, ne pouvait se le rappe- ler, et en choisissait un autre, tout en sachant qu'elle se trompait. Les émotions morales, les souffrances physiques, les ma- laises, compagnons de la névrose, sont ressentis d’une façon plus vive, et entraînent facilement le découragement et ce besoin d’être rassuré ou plaint, qui est caractéristique et dont j'ai déjà parlé. Le travail intellectuel, de plus en plus difficile, finit par devenir impossible. L'esprit a besoin de se porter vers des sujets différents et de lâcher les occupations habi- tuelles. Un comptable ne peut tenir ses livres sans erreur. Un prédicateur ne peut suivre ses idées et relier les divers points de son sermon. Un professeur ne peut poursuivre la démonstration d’un problème. Une femme devient incapable de diriger sa maison, delire, de s’occuper. Elle en vient à ne plus quitter sa chaise longue. Veut-elle réagir, elle est prise de tremblements, d’angoisses, de sueurs froides. C’est la neurasthénie féminine. Il n’est pas jusqu'aux professions manuelles qui ne puis- sent être frappées. Il y a une plus grande difficulté à exécu: ter les travaux habituels, une maladresse singulière dans . maniement des outils journaliers. Par ces faits, le malade, quel qu’il soit, aboutit à un état RE st ne Qt d'inquiétude, d’anxiété continuelle qui peut aller jusqu’à la vésanie. | | Nous arrivons à ces craintes ou phobies dont j’ai incidem- ment parlé. Quel est celui qui n’a pas éprouvé accidentelle- ment une sensation d'angoisse irraisonnée ? Bien des gens, dans les ténèbres, sont susceptibles de craintes, de terreurs qu'ils n’éprouvent pas le jour. À l’état pathologique, cette disposition prend des proportions extraordinaires. Chez le neurasthénique ces phobies s’établissent facilement ; elles n’atteignent jamais plus d’un certain degré. | La perte de la confiance en soi annihile le bénéfice de l’é- ducation et de l'habitude qui font oublier certains dangers. De là, un état de crainte qui se localise sur telle ou telle cir- constance de la vie habituelle. Je citerai l’agoraphobie ou crainte des espaces. Au moment de traverser une place ou une rue, le sujet est saisi d’une véritable angoisse, et il reste cloué au trottoir. Il a du vertige, des sueurs froides, du trem- blement. Trouve-t-il un bras ami, tout malaise disparait. Bouveret rappelle le cas d’un officier qui ne ressentait cette impression qu’en civil, jamais en uniforme. Vient ensuite la topophobie ou crainte des lieux : un de nos confrères ne peut dépasser un certain rayon autour de sa maison ou de son hôtel, lorsqu’ilest en voyage, sans éprou- ver les symptômes signalés plus haut ; un autre ne peut aller en chemin de fer de peur des tunnels. Notons la peur de la foule, celle de telle ou telle personne ou de tout être humain, puis, au contraire, la peur d’être seul, la peur des femmes, la peur des malades, la peur d’avoir peur, la peur de la saleté, où le malade se lave sans cesse, la peur des nombres im- pairs, la peur de tout, ou angoisse permanente, etc. La neurasthénie s'allie fréquemment à d’autres névroses, en particulier à l’hystérie. C’est dans cette catégorie que se placent ces neurasthéniques déprimés, incapables de la moindre action, dont la maladie remonte à une catastrophe où ils n’ont eu d’autre mal que la terreur ou un traumatisme Ô 0 — insignifiant. Mais il en est un autre type que je vous demande encore la permission de vous présenter ; c’est le névropathe voyageur que Charcot déclarait plaisamment atteint de juif- errantisme. C’est, en général, un malheureux, aux traits fatigués, à l'aspect triste et misérable, aux vêtements bizarres, en haillons, à la barbe longue et broussailleuse comme le hé- ros de la légende populaire. Il arrive à la Salpétrière ou dans tel autre grand hopital, venantde contrées lointaines, Pologne, Russie, Turkestan, attiré par la renommée d’un médecin. Il demande la guérison de mille maux imaginaires, cortège de l’hystéro-neurasthénie, et reste quelque temps hospitalisé. Il retire d’abord du bénéfice des soins qui lui sont donnés, et sa figure radieuse atteste la satisfaction qu'il éprouve. Mal- heureusement, le bien-être n’est qu'éphémère et le malaise reparaît bientôt. Alors, désespéré, il disparait subitement, allant porter ailleurs le récit de ses maux. Ces sortes de ma- lades étant souvent de religion israélite, Charcot pensait que c'était au passage de quelques-uns d’entre eux, à leur aspect navré et misérable qu'était due la vieille légende. Une question médico-légale assez intéressante s’est greffée sur ces observations. Les vagabonds incorrigibles ne sont-ils pas des neurasthéniques ou des hystéro-neurasthéniques? On en a trouvé un nombre considérable dans les asiles ; mais l’af- fection nerveuse est-elle cause ou effet de la misère et du va- gabondage ? Ce point est encore bien incertain. Bénédict (de Vienne)résout affirmativement laquestion par les conclusions suivantes : « Le vagabondage accidentel doit disparaitre du Code pénal et devenir un appel obligatoire de secours de la société. Pour ces pauvres hères accidentellement sans domi- cile et moyens de subsistance, le titre de vagabond doit même disparaître de la langue; ils représentent des malheureux arrivés au comble de la misère. Chez les vagabonds, la neu- ras thénie morale et principalement la faiblesse de volonté est dominante ; ils travaillent sous une contrainte alors qu'ils sont incapables de le faire abandonnés à eux-mêmes en li- eo berté. » Pour M. Bénédict le vagabondage neurasthénique est curable et la société doit y pourvoir. Ces conclusions philanthropiques ne nous semblent accep- tabies que dans une certaine mesure, sous peine de voir croître rapidement les simulations de neurasthénie. Nous venons de. passer en revue les formes les plus tristes de cette affection, et nous sommes loin de la maladie à la mode ou des légères atteintes indiquées au début de cetie causerie. En réalité, c’est une véritable entité morbide, ayant ses caractères propres, sa place dans la famille des névroses où au point de vue héréditaire elle est le plus souvent fille et mère. Est-elle, sous ses diverses formes, aussi fréquente qu'on l’a dit? Certainement non. Comme l’a fait remarquer Charcot, à un certain moment son domaine était immense ; on avait englobé sous ce nom les états nerveux les plus di- vers. Certains auteurs y mettaient côte à côte des génies un peu inquiets, aspirant toujours au nouveau comme Socrate, Alexandre, Auguste, Frédéric I, Napoléon [°; des esprits dégénérés comme Caligula, Tibère, Séjean; de véritables neurasthéniques supérieurs comme Rousseau et Voltaire, des hystériques, bref toutes les branches de la famille névropa- thique. Mais nous ne reconnaissons là, me dira-t-on, aucune- ment celui que nous croyions être neurasthénique, que l’on désignait comme tel, qui se croyait lui-même frappé de cette maladie. Qu'est-ce donc que ces individus irritables, empor- tés, mécontents de leur sort, d'eux-mêmes, de leurs proches, ces hypocondriaques hargneux, ces jeunes gens désillu- sionnés, revenus de tout, ces femmes nerveuses, amusantes et charmantes pour les étrangers, mais faites pour assurer la sanctification de leur entourage, ou encore ces emballés des deux sexes, mystiques, membres de l’armée du Salut ou des ligues émancipatrices ? Si vous le voulez bien, nous di- rons avec l'Ecole de la Salpétrière que ce sont là les vic- times du nervosisme, état encore mal défini d’où se sépa- reront sans doute plus tard, mieux connus, différents {types CFO RE morbides, mais qui a comme caractère cette disposition par- ticulière à l’excitabilité, à la dépression facile, à l’émotivité, à l'instabilité d'humeur dont je vous parlais tout à l'heure. Ce n’est aucune des névroses en particulier ; c’est le terrain sur lequel elles se développent. Certains, et même la majorité de ces individus n’aboutiront jamais à une névropathie qua- lifiée ; les circonstances occasionnelles leur ont fait défaut, ou leur prédisposition personnelle n’était pas assez grande ; mais il est à craindre que leurs descendants soient moins heureux et ne fassent leur évolution dans un sens ou dans Pautre. Comme à toute causerie il faut une conclusion, la nôtre s’efforcera d'être pratique. Oui, sans doute, notre genre de vie, notre milieu social et familial, les nécessités de carrière, nos plaisirs, et il faut bien le dire, une hérédité plus ou moins chargée (l'humanité est si vieille et sa lutte si pénible) ren- dent bien souvent notre système nerveux trop disposé à l’envahissement des névroses, quand ce n’est pas des affec- tions plus localisées. Mais, un bon averti en vaut deux. Les progrès incessants de l'hygiène ef le simple bon sens nous viennent en aide : sup- pression des causes occasionnelles, voilà le véritable remède. Ne surmenonspas plus l'esprit que le corps. Délassons-nous du travail de tête par les exercices physiques, mais raison- nablement dirigés. N'est-ce pas le but de ros divers lendits ? Sans chercher à égaler le justum et tenacem propositi virum d'Horace, le stoïcien que rien n’émeut, luttons, chez nous et chez les nôtres, contre cette émotivité exagérée qui semble envahir notre époque. Enfin, bien que ne faisant pas partie de ces ligues austères, célèbres à divers titres en ces temps derniers, j’ose demander qu’on écoute la voix de la sagesse dans nos plaisirs de toutes sortes. L’excès en tout est un dé- faut! Si cependant nous succombons, et sommes atteints d’un peu de neurasthénie, ne nous désespérons pas pour au- tant : le mal est curable, et du reste nous sommes en bonne compagnie. ANNOTATIONS ET ADDITIONS AUX HÉORES DU FURA ET DU LYONNAIS DEUXIÈME PARTIE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE BOTANIQUE BASSINS LACUSTRES DE LA CHAINE JURASSTQUE PAR NME UEMEMOREIR Mai à Septembre 1895. ji ue z Lie DEUXIÈME PARTIE Je présente aujourd’hui à la Société d’'Emulation du Doubs ma Contribution à l'étude botanique des bussins lacustres de la chaîne jurassienne pendant l’année 1895. M. le Dr Ma- gnin à déjà réuni, dans une première partie, des observations personnelles sur la distribution géographique de nombreuses espèces de la flore du Jura. Je m’efforce, dans cette deuxième partie, de donner avec le plus d’exactitude possible, le compte-rendu d'observations, poursuivies sans interruption durant quatre-vingt-dix jours, sur les végétaux qui habitent particulièrement la grève des lacs et les tourbières qui les accompagnent. Avant d'aborder cette étude, je suis heureux d'adresser aux Membres de la Société mes remerciments bien sincères pour l’honneur qu'ils me font en m’accueillant parmi EUX. FR. HÉTIER. Depuis longtemps je désirais étendre à l’ensemble du Jura, mes études botaniques limitées jusqu'alors à la vallée d'Arbois. Je pus enfin réaliser ce projet à la fin de 1894, au moins en grande partie. M. le D' Magnin, dont j'avais fait la connaissance dans mes dernières années de collège, était sur le point de terminer son exploration des lacs du Jura. Il voulut bien penser à moi et m'offrir d’être son collaborateur. J’acceptai avec bonheur, très honoré de la confiance que me témoignait le professeur de la Faculté des Sciences de Besancon. me Si divers points de la Franche-Comté ont fourni à MM. Flagey, Quélet, Renauld, la matière d'importants travaux, plusieurs groupes des Cryptogames du Jura sont pour ainsi dire inconnus (1). Les indications déjà anciennes fournies par Chaillet, Vuez et surtout Lesquereux sont bien peu nombreuses et absolument insuffisantes aujourd’hui (2). J'étais donc à peu près certain de trouver des faits nouveaux en portant mon attention sur cette partie négligée de la botanique régionale. J’avais, pendant les années précé- dentes, commencé dans la chaîne des Vosges l’étude des Mousses et des Champignons : je pensai poursuivre cette double étude dans la région jurassienne. Les recherches cryptogamiques offrent des difficultés par- ticulières ; l'expérience seule permet à l’explorateur de re- connaître sur place assez d'espèces pour prendre d’une loca- lité une idée générale suffisamment exacte, seule base de conclusions vraiment scientifiques. Désirant compléter mes études premières, et voulant mettre, autant qu’il m'était pos- sible, de la rigueur et de l’ordre dans mes explorations, je me décidai à consacrer huit mois à l’étude exciusive des Cryptogames sous la direction des botanistes de la Capitale. Installé, de septembre 1894 à avril 1895, au voisinage de Paris, je parcourus un grand nombre de localités des environs, tantôt seul, tantôt accompagné de M. Boudier, de M. F. Ca- mus et de quelques-uns de leurs collègues. Tous les botanistes connaissent la grande compétence de M. Boudier en mycologie ; mais ce que tout le monde n’a pas le bonheur de connaître comme moi, c’est cette affabilité vraiment sans égale, cette complaisance qui ne se dément jamais, ces encouragements si précieux qu'il prodigue aux jeunes botanistes qui s'adressent à lui. Je ne compte plus le (1) Je fais exception pour les Characées, qui rentrent dans le cadre des études de M. Magnin sur la région. (2) Des indications bryologiques très intéressantes sur le Jura suisse viennent d’être publiées par MM. Bernet, Guinet et Meylan. = 89 nombre de fois où M. Boudier a tenu à venir me montrer sur place telle espèce que je désirais connaître. Il a eu la bonté d'étudier tous les Champignons que je lui envoyais du Jura au fur et à mesure de leur récolte. Je puis, grâce à lui, présenter avec confiance au lecteur la partie mycologique de mon travail. Je le remercie du fond du cœur de tout ce qu’il a fait pour moi. Quand la rigueur de la température m'obligeait à suspendre la recherche des Champignons, je me retournais du côté des Mousses. M. le Dr F. Camus mit à ma disposition ses collec- tons bryologiques avec beaucoup de largesse et me condui- sit dans quelques localités classiques. Guidé par son expé- rience, j'acquis une pratique qui devait m'être bien utile dans la recherche et l’étude des Muscinées. Je le prie de re- cevoir aussi l'expression de ma sincère reconnaissance. Enfin, je venais à Besançon prendre des notions générales sur les Characées et les Potamées que M. Magnin venait d'étudier avec tant de succès, en dotant la science d’espèces nouvelles ou de formes intéressantes. C’est donc seulement à la fin de mai 1895 que je me mis en campagne pour le Jura. J'ai visité tous les lacs du Jura pour étudier spéciale- ment la flore de leurs grèves et celle des tourbières avoisi- nantes : c’est au bord des lacs et surtout dans les tourbières que le botaniste trouve le plus de matériaux d'étude, et cela pendant toute la belle saison. L’humidité constante de ces milieux et la nature même du sol y font vivre un plus grand nombre d'espèces ; elles sont là à l’abri du faucheur et du bétail. Seul le botaniste parcourt ces localités : il peut y récolter des plantes qui partout ailleurs ont été détruites. Comme on peut s’en assurer en jetant un rapide coup d’œil sur les cartes parues dans les diverses publications du Dr Magnin sur les lacs du Jura, ces lacs sont disposés dans la région en deux groupes nettement distincts, l’un septen- trional, l’autre méridional : c’est par le premier groupe que j'ai commencé, en suivant, à partir du premier plateau, 210062 succcessivement les trois plateaux échelonnés qui caracté- risent si bien cette partie du Jura. Plus loin, je procéderai méthodiquement à l’énumération complète des localités nouvelles que j'ai découvertes. Aupa- ravant il me semble utile d'accompagner ici le lecteur aux divers lacs que j'ai parcourus et de lui signaler les particula- rités végétales propres à chacun d’eux, sa pauvreté ou sa richesse botanique. Je suivrai les groupes si naturels que M. Magnin a su en faire, toujours en allant autant que pos- sible du Nord au Sud; quant à l'altitude, je m’en rapporterai aux chiffres adoptés par ce dernier dans ses publications. RÉGION SEPTENTRIONALE I. Vallées du Hérisson et de l’Aïin Ghalin (1), Chambly, Val; Grand et Petit Clairvaux 1° Le lac de Chalin (alt. 500) est situé dans une vaste échancrure du deuxième plateau, à la hauteur de Lons-le- Saunier à l'Ouest, du lac de Joux à l'Est. Comme la presque totalité des lacs du Jura, il a sa tourbière : elle occupe son extrémité occidentale. J’y constatai, à mes débuts, la grande fertilité de l'Hypnum scorpioides que je devais presque par- tout retrouver, depuis, dans cet état de fructification, la région du Bugey exceptée, et, toujours, avec son inséparable com- pagnon l’Hypnum trifurium. Le Bryum constrictum () Bruch, espèce nouvelle pour la France, se rencontre dans les lieux brülés à l’ouest du lac; le Chlora perfoliata croît au Nord. Dans l'Œuf, ruisseau d'écoulement du lac, on trouve de nombreuses touffes de Gymnostomum curvirostrum var. cata- ractarum et le Jungermannia riparia jusque sousles pierres (1) Les lacs dont les noms ne sont suivis d’aucune indication entre pa- renthèses appartiennent au département du Jura. (2) Fig. in Muscol. gall., pl. Lxvi. LL ob à 50 cm. de profondeur. Ces espèces auraient pu m’échap- per, recouvertes qu’elles étaient d’incrustations calcaires et de limon. Quoique communes, je les signale en raison de leur station particulière. Nos deux Schœnus croissent sur les bords du lac, mais ils se mélangent à peine : l’un existe seul au Nord-Est et l’autre au Sud-Ouest. 20 Le lac de Chambly () (alt. 518), appelé aussi lac du Prince, est situé à peu de distance du précédent, au milieu d’une ravissante vallée ; les prés spongieux qui l’entourent se parent à l’arrière-saison des belles fleurs bleues du Gen- tiana Pneumonanthe. Dans les marais du bord oriental j'ai récolté l’Hypnum turgescens Schpr, qui n'avait pas encore été signalé en France. 3° Le lac du Val (alt. 520), bordé par la route d’un côté, par la forêt de l’autre, est marécageux au Nord-Est et bien moins riche que le précédent. Sur le Salix incana qui croit au bord oriental de ce lac, on peut trouver un Champignon rare, le Naucoria erinacea Fr. A l’extrémité méridionale j'ai recueilli, à la même époque, une espèce plus rare encore le Polyporus cinnabarinus Jacq., dans le lac même, sur un Cerisier flottant. Tout au fond de la vallée, on admire les magnifiques cas- cades du Hérisson, qui se dilate, en deux points de son cours, pour contribuer à la formation des deux lacs dont je viens de parler. Une visite à ces cascades m'a permis d'observer l’Am- blyodon dealbatus, Mousse peu connue dans le Jura ; Vuez () la signale à la source du Doubs où je l’ai revue ; l'Orthothe- cium rufescens, lequel fructifie assez bien ici, tandis que l'espèce affine, O. intricatum, qui accompagne presque tou- t (4) M. Potard, botaniste à Doucier, afin de faciliter mes recherches, s’es offert à me guider autour de ce lac; il a de plus mis à ma disposition plusieurs ouvrages qui m’ont été très utiles pendant mon séjour à Cham- bly; je le prie de recevoir mes sincères remerciments. (2) Vué, prononciation locale. 0e jours cette dernière dans le Jura, reste stérile en général (1); le Seligeria tristicha (2) qui recouvre entièrement les parois verticales (3) des rochers ; dans le lit même du Hérisson qui, à cet endroit, est un véritable torrent, des rochers inondés, entièrement recouverts de Lemanea (4 en trop mauvais état pour être déterminé; puis des plaques pendantes d’une autre Algue, le Seytonema myochrous Agardh, sur des parois surplombantes de tuf; enfin, sur des bois morts, le Tren- tepohlia aurea Martins. Toutes ces récoltes ont été faites sur la rive gauche. Sur la rive droite, d’une petite grotte sourd, par les grandes pluies, un ruisseau dont les pierres sont recouvertes de Fissi- dens pusillus fructifié, Mousse nouvelle pour le Jura français, et d'un mélange d’'Eurrhynchium tencellum et curvisetum Schpr, également fertiles. J'étais à ce moment avec le D' Magnin et sa famille, retenus sous la voûte de cette grotte par une pluie torrentielle : nous pûmes à loisir faire la monographie de la grotte. Nous signa- lons en particulier le Lasiagrostis Calumagrostis sur les pa- rOIS. Le lendemain, en compagnie du Club alpin (section de Be- sançon) nous descendions, le D' Magnin et moi, aux roches de Baume-les-Messieurs pour faire de nouvelles recherches et voir en commun le Leptodon Smithii &), que j'y avais dé- couvert au mois d'avril 1890. Cette plante, comme le Tele- phium Imperati, 6) est pour ainsi dire dépaysée dans notre (1) Fructifie au Chasseron, d’après M. Meylan. (2) Les noms d’auteur suivront chaque espèce, dans mon Enumération seulement. (3) La disposition verticale du support semble aussi être préférée du Di- cranella cerviculata qui habite les paroiïs récentes des tourbières exploitées. (4) Je dois à l’obligeance de M. Gomont, monographe des Oscillariées, la détermination des quelques Algues citées dans ce Mémoire; je le prie d’agréer l’expression de ma vive gratitude, (5) Voy. Echange, n° 9%, p. 115, 1892. (6) Découvert par A. Dumont, aux roches de Gilly. BL À... ; Ka j 7: 09 À région. C’est une espèce méditerranéenne. Cette remarque s'applique encore à l’Eurrhynchium striatulum qui croît tout à côté du Leptodon. Sur les vieux tufs arrosés, le Vau- cheria geminata DC. croît en abondance. 4 Le grand lac de Clairvaux (alt. 534) avec une petite tourbière au Sud-Est. 5° Le petit lac de Clairvaux (alt. 534) au sud du précédent. Le Valerianella eriocarpa croît dans les prés qui réunis- sent les deux lacs. II. Rive droite de l'Ain Onoz et Viremont 6° Le lac d’Onoz (alt. 569), au milieu des tourbières, est entouré d’une vaste ceinture de Cladium Mariscus. #70 Le lac de Viremont (alt. 658). Ces deux petits lacs présentent peu d'intérêt (1); ce sont les seuls qui soient situés sur la rive droite de l’Ain. Tous les bassins lacustres précédents sont caractérisés par la pré- sence des Schœnus nigricans et ferrugineus qui croissent plus ou moins mélangés et l’absence ou la très grande rareté des Sphaignes dans leurs tourbières. Je n’ai en effet observé qu’une tache très restreinte de Sphagnum recurvum P. B. à l’est du lac d’Onoz. III. Région du Frânois Fioget, Vernoiïis, Narlay, Petit-Maclu, Grand-Maclu, Ilay, Bonlieu 8° Le lac du Fioget (alt. 744) a sa tourbière au Nord-Ouest. (4) Cependant, Nuphar juranum A. Magn. dans le lac de Viremont, en fleur et en fruit! ne L'Hypochæris maculata èt le Spiræu Filipendula croissent dans les prés voisins, l’Anomodon longifolius sur les rochers. 9 Le lac du Vernois (alt. 705?) est placé tout près de la route de Frânois à Chevrotaine; ses bords sont peu tourbeux et par suite pauvres. C'est là que j'ai recolté d’abord le Sclerotinia scirpicola Rehm, Pezize connue depuis peu en Allemagne, nouvelle pour la France. Ce petit Champignon se développe sur les débris anciens de Scirpus lacustris rejetés sur les bords par les vagues; il se retrouvera vraisem- blablement dans le Jura partout où croît ce Scirpus, je lai d’ailleurs revu dans les mêmes conditions autour des lacs de l'Abbaye et de Saint-Point. | 40° Le lac de Narlay alt. 755?) est peu intéressant, du moins au point de vue de la végétation. Par contre M. Magnin a su y faire, sur la physique des lacs, des observations du plus haut intérêt, qu’il fera connaître dans le beau travail qu’il prépare en ce moment sur les lacs du Jura. 41° Le lac d'Ilay (alt. 777) est tout près de ces roches si curieuses de l’Aigle qui donnent à ce point du Jura un aspect des plus pittoresques. À l'extrémité occidentale, je cite Oenanthe fistulosa, plante des basses régions, égarée à cette altitude. Dans sa petite tourbière, au Sud-Ouest, vers l’île, j'ai été assez heureux pour trouver en fruits l'Hypnum trifarium ainsi que le Mnium affine. Comme le font juste- ment remarquer les auteurs, ces deux espèces fructifient bien rarement. À ce propos, je rappelle que le Mnium affine et le Bryum roseum ont été découverts tous deux surchargés de capsules au pied du Chasseron par M. Meylan. 12° Le lac du Grand-Maclu (alt. 779) est situé à peu de distance à l’est du lac d’Ilay. Sa tourbière s’étend sur tout son bord occidental etm’a fourmi deux Mousses intéressantes pour le Jura: à l'extrémité orientale de la tourhière exploitée, le Campylopus flexuosus qui est nouveau pour le Jura et le Fissidens osmundoides. Le Leptobryum piriforme croît dans les éboulis d’une route récemment ouverte au bord sud-ouest du Grand-Maclu. 13° Le Petit-Maclu (alt. 779) est le prolongement oriental du précédent ; son voisinage est très pauvre. Ces trois lacs communiquent entre eux par un émissaire aérien. 44° Le lac de Bonlieu (alt. 830), dans un cirque formé par les pentes escarpées et boisées du deuxième plateau, pos- sède, au Nord-Ouest, une riche tourbière où l’on remarque des zones très nettes et presque pures d’Aulacomnium palustre et d'Hypnum nitens tous deux chargés d’une quan- tité innombrable de capsules, puis une zone de Climacium dendroides. La fertilité des deux premières me semble 1ci une preuve de l'influence exercée par l'altitude. J’ai en effet remarqué que ces Mousses et les suivantes: Encalypta streptocarpa, Leptotrichum flexicaule, Hypnum commuta- tum, etc., stériles ou à peu près dans la région du vignoble, fructifient d'autant plus abondamment qu’elles se rappro- chent des sommités. Le Meeseu longiseta, découvert dans le Jura français par M. Quélet, est fréquent au sud de la tourbière, dans la partie la plus humide. Le J'ungermannia Schraderi qui n’était pas encore connu dans le Jura habite ces parages ; il envahit en quel- ques points très réduits les Mousses et les Sphaignes qu'il semble gêner dans leur développement. L’Aulacomnium androgynum, Mousse également nouvelle pour le Jura, croit à la base des troncs d’arbres à l'Est. Le Buxbaumia indusiata vient sur les souches tombant de vétusté et le Polyporus lucidus habite ici, de préférence, la section des souches récentes. Ce Polypore, si fréquent aux environs de Paris, est rare dans la région que j'ai explorée. OO Sur ce deuxième plateau les lacs sont plus nombreux, les Sphaignes habitent les bords tourbeux de la plupart d’entre eux ; je n’y ai pas vu de Schœnus. Les plantes montagnardes commencent à faire leur apparition surtout dans le bassin plus élevé du lac de Bonlieu où l’on remarque la série com- plète des Vaccinium, des Eriophorum, sauf l'E. gracile et le Carex teretiuscula. IV. Plateau d’Etival et de Moirans Grand-Etival, Petit-Etival, Fauge, Gensière, Crenans, Antre, Martigna 15° Le petit lac d’Etival (alt. 796) offre en général peu d'intérêt dans sa végétation. Une espèce mérite cependant d’être mentionnée comme étant en dehors de ses limites d'altitude habituelles ; c’est l’Inula Britannica, plante des régions basses, qui croît à l'extrémité septentrionale de ce lac. 16° Le grand lac d'Etival (alt. 796) communique avec le précédent; le Geranium lucidum se montre sur les rochers à l'Est. 17° Le lac de la Fauge (alt. 900 ?), à l’est du précédent, est remarquable, d’abord par son emplacement, puis par la présence du Ginclidium stygium, ici abondant et couvert de capsules : cette espèce n’était connue en France qu’au Lau- taret. R En étudiant les Mousses récoltées par M. Clerc et le D' Magnin aux tourbières de Bannans, en septembre 1894, j'ai reconnu le Cinclidium ; c’est donc à eux qu'il faut attri- buer cette découverte dans le Jura français. Cette belle Mousse est fréquente dans presque toutes nos tourbières élevées, où elle a dû être prise pour le Mnium punctatum que je n’y ai vu que rarement. Lesquereux lui- même a pu être trompé par la ressemblance des deux espèces, quand il signale ce Mnium dans les tourbières ; V’abondance du Cinclidium dans celle de la Vraconnaz, que ce botaniste a si souvent parcourue, semblerait le prouver. Malgré la grande expérience du savant bryologue suisse à qui l’on doit tant de belles découvertes, une semblable erreur se conçoit aisément. J’ai eu le plaisir de recueillir le Cinclidium stygium à la tourbière de la Vraconnaz où M. Meylan a su le reconnaître en 1891. À ce propos, je dois dire qu’au milieu de mes explorations je m'étais laissé entrainer au voisinage de Fleurier, en Suisse, patrie de Lesquereux, pour entrer en relations avec un jeune bryo- logue M. Meylan (1) dont les découvertes déjà nombreuses nous permettent d’en espérer encore bien d’autres pour Pavenir. Quelques jours auparavant j'avais fait l’ascension du Montendre par le Sentier, désireux de cueillir à mon tour les belles fleurs roses ou blanches de Daphne Cneorum et de respirer l’air embaumé de leur parfum. Ce beau Daphne dont les corymbes dépassent à peine le gazon, descend presque jusqu’à la vallée de Joux. Les troupeaux, dans ces pâturages, le foulent sans cesse aux pieds sans que ses fleurs perdent de leur beauté. En traversant ces lieux enchantés, on éprouve une douce ivresse que Grenier, lui aussi, a senti et décrit dans des pages poétiques @). Cette belle plante n’est heureusement point rebelle à la culture comme le croyait ce botaniste, à en juger par les belles touffes qui croissent à Lyon dans la rocaille du Jardin botanique. (4) M. Meylan, ardent botaniste, habite la patrie de Lesquereux, et l'exemple de son illustre compatriote semble le guider et lui porter bonheur dans ses recherches. Il à en effet été assez heureux pour ajouter à la liste de Lesquereux un certain nombre de nouveautés pour le Jura suisse, sans parler de localités nouvelles pour beaucoup d'espèces rares. J’ai passé quelques jours sous son toit hospitalier; il a bien voulu me servir de guide dans la région qu’il explore ; nous avons recueilli ensemble les espèces in- téressantes de ce beau massif, le Chasseron; je lui en témoigne toute ma satisfaction. (2) Voy. GRENIER, FI. jurass., préf. p. XXI. 2 TOR En dehors du charme des fleurs, les Champignons et les Mousses allaient m'offrir d’agréables surprises. Tout près du pied de la montagne, au voisinage d’une petite source, j'ai récolté le Peziza Auricula Schæff., Pezize curieuse, tant par sa forme que par sa couleur : on dirait l'enveloppe grossie d’un bourgeon de Peuplier. Plus haut, sur le plateau, avant d'arriver à la crête, se trouve le Dicranum majus couvert de fruits : cette Mousse n’est guère reconnaissable à l’œil qu’à cet état, on doit pour cette raison de temps en temps la né- gliger. Au même endroit les Eurrhynchium cirrosum (1), Amblystegium Sprucei, (2) Timmia bavarica Hess, se cachent dans des crevasses rocheuses du sol. Parmi les Champignons, la section des Discomycètes charnus nous donne : Pyrenopeziza nigrificans Wintr., signalé au Rigi, mais nouveau pour le Jura. Cette Pezize recouvre de ses petites cupules noirâtres les pétioles pourrissants de Cacalia qu’elle à primitivement noircis de son mycélium. Une autre espèce, connue dans le Tyrol, mais également nouvelle pour le Jura, l'Helotium callorioides Rehm, se développe sur les pétioles pourris des feuilles d’Aconit. Une Pezize, enfin, qui croît en juin sur les places à charbon, espèce nou- velle pour la science que M. Boudier a bien voulu me dédier sous le nom de Neotiella Hetieri @); je le remercie de ce nouveau témoignage de bienveillance. 180 Le lac de la Censière (alt. 790 ?) occupe, à l’ouest des lacs d’Etival, un emplacement aussi curieux que le précédent, le lac de la Fauge; comme lui il a des dimensions très ré- duites et étale aussi sa nappe d'eau au milieu de prairies tourbeuses. Le Jungermannia bantriensis croit sur ses bords. (1) Cette localité relie celles déjà connues de la Dôle et du Suchet. (2) Localité qu’il faut ajouter à celle du Suchet déc. par M. Meylan. (3) Soc. mycolog. France, 189,6, p. 11. 2 TM MT Ne ee * ST RNEE CeR Pe NE ARTE LEE x ‘ {a EN AE SE De PE Et 100 19 Le lac de Crenans (alt. 790 ?), peu profond et peu étendu a plutôt l’aspect d'un étang que d’un lac, de même que celui des Crozets. Il est entouré en partie de marécages dont les Phragmites, Baldingera, Carex composent à eux seuls presque toute la végétation. Rien donc dans l’aspect général de cet étang ne donne bon espoir à l’explorateur, aussi est-ce avec la plus grande surprise que je reconnus un peu plus tard une Mousse d’un grand intérêt, l’Hypnum tur- gescens. J’en étais alors à la deuxième localité française de cette espèce, depuis j'en ai reconnu d’autres que je donnerai dans mon Enumération. 20° Le lac d'Antre (alt. 824?) a des zones très régulières de végétation déjà décrites par le D' Magnin. Pour arriver à ce lac si curieusement situé on gagne d’abord le village de Villars-d'Hériaz, près de Moirans, puis, de là, on gravit en quelques minutes une petite colline et c’est à son sommet qu’on aperçoit, sans s’y attendre, une jolie nappe d’eau circulaire que rien depuis le village, n'avait fait soup- çonner. | 21° Le lac de Martigna (alt. 550?) qui est un peu plus au Sud, est réduit à l’état d’étang. Le Carex vesicaria rem- place ici totalement l’ampullaca : c’est le seul lac où j'aie observé cette particularité (). | Tous ces lacs ont une profondeur moyenne inférieure à cinq mètres et, comme plante caractéristique sur leurs bords, le Teucrium Scordium (2). Le x Salix Smithiana croît le long de la route des Crozets à Etival, c’est la seconde localité connue de ce Saule dans le Jura francais. C (1) Je relate un fait du même genre pour une autre plante, mais au la des Rousses : sur les bords tourbeux de ce lac seulement, le Gampanula rhomboidalis remplace totalement le C. rotundifolia. (2) Labiée que je n’ai cependant pas vue autour des lacs de la Fauge et de la Censière. — 100 — V. Prolongement des Franches-Montagnes Tallières (Suisse) 22° Le lac des Tallières (alt. 1037) est le plus septentrio- nal de nos lacs : la liste des Phanérogames en a déjà été pu- bliée par M. le D' Gillot (1); trois espèces lui ont cependant échappé dans la riche tourbière qui sépare les deux lacs : Scheuchzeria palustris (2), Calamagrostis lanceolata et C. neglecta @) Fries. : Depuis Grenier, on a peu tenu compte du Calamagrostis neglecta dans les Flores ; on l’a cru sans doute indiqué par erreur dans la grande tourbière de Pontarlier ; il est pour- tant bien de notre flore et c’est Grenier qui l’a signalé le premier en France. À cette localité française unique, j'en ajouterai plusieurs autres (4). Le Calamagrostis tenella est aussi indiqué avec le précé- dent par le même botaniste. Mes recherches à l'égard de cette plante, fort rare d’ailleurs, sont restées infructueuses jnsqu’à présent, ce qui n’a rien d'étonnant : le Calamagros- tis tenella et l’Agrostis canina ont une ressemblance telle qu’il me parait difficile de ne pas les confondre sur place ; ce dernier est muni d’un faisceau de poils très court à la base des glumelles ! faisceau qui dans le C. tenella est beau- coup plus développé. (1) Voy. Herboris. dans le Jura central, 1891 (Soc. bot. Lyon, t. XVII, 1890, p. 130). (2) Tourb. de la Chatagne, au voisinage du lac (Gillot). (3) Voy. Bull. Soc. bot. France, sess. Pontarlier, t. XVI, juillet 1869, DAEXXXT (4) Voy. dans Bull. Soc. bot. France, t. XLIII, p. 66, Note sur qq. pl. nouv. ou rares de la fl, fr. rec. dans le Jura, par Fr. HÉTIER. — 101 — VI. Vallée du Doubs Saint-Point, Remoray, Malpas, Trouillot 230 Le lac de Saint-Point (alt. 851), anciennement Sainte- Marie, est un de nos grands lacs ; sa tourbière en occupe la partie méridionale. Au Nord, dans un des bras du Doubs qui lui sert de dé- versoir, le fond du lit est tapissé jusqu'à un mètre de pro- fondeur, par le Gymnostomum curvirostrum var. cata- ractarum, que du bord on prendrait pour une Algue. Ce Gymnostomum remonte jusque dans le lac où l’on trouve également à environ 50 cm. de profondeur quelques pieds de Bryum neodamense. Cette Mousse qui croît là enchevêtrée aux racines de Phragmites est nouvelle pour le Jura fran- cais. Voilà donc deux espèces qui viennent s’ajouter à la liste de nos plantes lacustres. L'Amphitrix jantina Bornet et Flahault tache en jaune les cailloux roulés de la grève; le Seytonema myochrous Agardh envahit quelques rochers du bord et le Trente- pohlia aurea habite les troncs morts du rivage ; enfin le Chætophora endiviæfolia recouvre les pierres inondées. | 24° Le lac de Remoray (alt. 853) a sa grande tourbière au Sud. Au Sud-Sud-Ouest de ce lac, le Catoscopium nigritum existe en touffes chargées de ses petites urnes globuleuses si caractéristiques. Cette espèce rare était déjà indiquée dans le Jura mais d’une façon vague (Chaillet in Lesqx). Au même endroit, une autre rareté, cette fois nouvelle pour le Jura, vient s'ajouter à la précédente, c’est le Barbula fragilis qui croît, ici, de préférence, aux endroits où le sol a cédé sous le pied des bêtes de somme. Cette dernière Mousse qui ha- _ bite particulièrement les montagnes de la Suisse, de l’Alle- magne, du Tyrol, est à peine connue en France ; seul M. Re- nauld, l’a signalée sur les bords de la Tet dans les Pyrénées. — 102 — Sur la grève du lac on peut recueillir le Ranunculus rep- tans L. jadis «commun sur les bords des lacs de montagne » d’après De Candolle (1), aujourd’hui devenu fort rare. Je ne l'ai vu qu'ici dans Les lacs de montagne dont j'ai suivi rigou- reusement tous les contours. 25° Le lac de Malpas (alt. 955) se termine au Nord par une vaste tourbière. Au nord-est de cette tourbière j'ai décou- vert une deuxième localité du Caioscopium. Une faible élévation du sol sépare, à l'Ouest, le lac de la riche tourbière de la Planée (G). L’Hypnum trifarium y est abondant avec des fruits çà et là. Une autre Mousse, nouvelle pour le Jura français, mérite à ce titre d’être signalée ici, c’est le Mnium spinulosum qu'on trouve sous les Sapins au bord du lac. _ 26° Le lac du Trouillot (alt. 1000?). Ce petit lac est en plein au milieu des tourbières et dès sor approche on peut le qualifier de riche, du moins sur ses bords. En les parcou- rant, on y remarque, en effet : Drosera longifolia, Saxifraga Hirculus (ex Bourqueney), Scheuchzeria palustris, Spha- gnum teres Angst., puis une Mousse remarquable entre toutes, le Paludella squarrosa. Ses larges touffes rivalisent en beauté avec celles du Meesea tristicha dont il a une qualité de plus, celle d’être très rare chez nous, ce qui le fait paraître plus beau encore. C’est sans contredit, avec le Mecsea, notre plus belle Mousse turficole. ; Le Paludella est encore une de ces espèces qui avec Saxi- fraga Hirculus, Alsine stricta, Betula nana, semblent dis- paraître de nos tourbières. Il n’a été revu, du moins à ma connaissance, dans aucune de celles où on le signalait jadis. A — (1) Abondant aux tourbières du Jura. CEE p#005: (3) La végétation phanérogamique de cette tourbière a déjà été décrite par le D' MERGIER de là Planée : cf. CONTEJEAN. pes 6 — 103 — J'affirme qu'il a disparu de la petite tourbière de Reculfoz, entièrement desséchée aujourd’hui ; il peut exister à la tour- bière de la Planée, quoique je ne l’aie pas vu ; je l’ai d’ailleurs explorée d’une façon incomplète ; M. Meylan, de son côté, m'assure ne jamais l’avoir rencontré à la Vraconnaz où il l’a recherché avec le plus grand soin. Il est permis d'espérer qu'il persistera plus longtemps au ladu Trouillot qui ne peut se dessécher de sitôt. La tourbière de Reculfoz n’est pas éloignée du lac du Trouillot où le Paludellu n'existait probablement pas du temps de Vuez, autrement on ne s’expliquerait pas comment cette belle Mousse lui aurait échappé (1). VII. Région du Grandveau Foncine, Fort-du-Plâne, Rouges-Truites, Ratay, Abbaye, Perrets, Brenets-en-Grandvaux, Bruyère 97° Le lac de Foncine (alt. 886) est faiblement tourbeux au Nord. Le Cicuta virosa est fréquent sur ses bords; j'ai récolté le Calamagrostis neglecta dans sa petite tourbière. 28° Le lac de Fort-du-Plâne (2 (alt. 885) est très pauvre. Des croûtes rougeâtres envahissent de grandes surfaces au fond du lac, au voisinage des bords principalement et les parties végétales submergées y sont également incrustées. M. Gomont qui a pris la peine d'examiner avec soin un frag- ment pris au hasard dans une de ces croûtes a reconnu qu’elle se composait d’une Algue appartenant au genre Rivu- laria. Quant à l’espèce il la croit nouvelle et il publiera prochainement le résultat de son étude. (4) MM. Cordier, botanistes à Mouthe, chez qui j'ai toujours trouvé un accueil amical, m’ont accompagné dans leurs environs et j'ai pu leur _ montrer la place exacte des espèces rares que je signale aux lacs de Re- moray et du Trouillot. (2) Ce lac a une riche tourbière au Nord-Est. — 104 — La présence de cet hôte singulier paraît donc expliquer la pauvreté du lac même, c’est-à-dire l’absence partielle de la végétation ordinaire des lacs. 29e Le lac des Rouges-Truites (alt. 915) a d'immenses tour- bières au Sud et à l’Est. Il y a là des Mousses d’un grand in- térêt pour le Jura. Je cite en première ligne, au sud du lac, le Sphagnum obtusum Warnst., qui n’était pas connu en France, puis le Meeseu uliginosu var. alpina que je n’ai pas vu dans les autres tourbières et le Dicranum spurium ; en- fin, à l'Est, au bord des prés marécageux, Barbula fragilis, ces deux dernières espèces sont nouvelles pour la one du Jura. 30° Le lac du Râtay (alt. 870 ?) a de très faibles dimen- sions, il est placé au milieu d’une vaste prairie tourbeuse près de la grande route qui va de Clairvaux à Saint-Laurent. 31° Le lac de l’Abbaye (alt. 879) a deux tourbières, l’une à l'Ouest, l’autre au Sud. La tourbière de l'Ouest est très riche ; l'Hypnum lycopodioides est très fréquent dans les anciennes fosses d'exploitation; il est même abondamment fructifié dans plusieurs. La tourbière du Sud est plus intéressante encore, on y trouve le Cinclidium pourvu de quelques cap- sules, puis, une grande rareté, l’Alsine stricta. Cette Caryo- phylilée des régions sibériennes ne se retrouve plus dans les localités données par les anciens botanistes. Ici elle s'étend sur une surface de quelques mètres carrés seule- ment et ne peut manquer de de comme dans les autres localités. Je ne savais pas, tout d’abord, à quelle espèce extraordinaire j'avais affaire, M. Magnin, en compagnie de qui j'étais, ac- cueillit avec joie ma découverte car il reconnut aussitôt l’Alsine stricta, et me communiqua les observations que je viens de consigner. 32° Le lac des Perrets (alt. 879) a de vastes tourhbières au — 105 — Nord. Dans le lac on observe toute la série des formes de Nuphar, depuis les N. luteum, sericeum, en passant par les N. affine, juranum, jusqu’au N. Spennerianum (1). 33° Le lac des Brenets (alt. 879 ?) est privé des tourbières intéressantes de la plupart des autres. Les tourbières de Chaux-des-Prés ne sont en rapport avec aucun lac. On y trouve quelques pieds épars de Polytri- chum piliferum (2). Les tourbières de Prénovel, à l'Ouest du lac des Brenets, sont isolées comme les précédentes ; il n’est pas rare d’y rencontrer l’Hypnum stramineum fructifié. Dans les travaux de M. Magnin il n'est pas fait mention du lac de Bruyère, en raison de ses faibles dimensions. Ce petit lac est tout près du village de Chaux-des-Prés. Réputé inson- dable comme tant d’autres, il n’a en réalité que cinq à six mètres de profondeur. C’est un creux parfaitement circu- laire, d'environ 50 m. de diamètre, qui est entouré de prés tourbeux. L’Equisetum siluaticum croît sur ses bords. VIII. Vallée de l’Orbe Brenet-en-Joux, Joux, Ter (Suisse), Rousses 34° Le lac Brenet-en-Joux (alt. 1008) n’a pas de tourbières ; il est séparé du lac de Joux par une étroite bande de terre. Sur ses bords, on trouve, comme on pouvait s’y attendre, le Potamogeton marinus (3). Une plante dont la présence ici est (4) D' MAGNin in litt. (2) Je crois que cette Mousse est rare dans le Jura, c’est pourquoi je signale cette localité. (3) Le lac des Rousses est la localité classique du Pot. marinus dans le Jura et, comme ce lac s'écoule dans ceux de Joux et de Brenet par l'Orbe, le P. marinus devait naturellement un jour ou l’autre venir se fixer sur les bords de ces deux lacs comme nous l’avons constaté, M. Magnin et moi, en 1895. — 106 — fort remarquable, c’est le Teucrium Scordium ; il n’en existe d’ailleurs que quelques touffes sur la grève et dans le lac, vers l’entonnoir. On a cru, jusqu’à présent, que cette espèce n’habite que les basses régions. Le Scirpus acicularis inté- ressant au même point de vue que le précédent croit abon- damment à l’ouest du lac. 39° Le lac de Joux (alt. 1008) occupe le deuxième rang comme dimensions, le septième comme altitude. Il a été ex- ploré tant de fois que je conservais avec raison peu d'espoir d’y rencontrer quelque nouveauté : sa tourbière est au Sud. A l'Est, vis-à-vis de la Roche fendue, la grève est couverte de Seligeria tristicha fertile. Cette Mousse est à peine recon- naissable en cet endroit tant elle est altérée par le roulis des flots du lac et par son incrustation calcaire. Son facies qui ne rappelle en rien le Seligeria tristicha normal est dû sans doute à la station, comme me l’écrivait le D' Magnin. Là, en effet, la plante est tour à tour inondée pendant la plus grande partie de l’année et exondée le reste du temps, ce qui lui permet alors de fructifier. M. Husnot, à qui ont été envoyés mes échantüllons, a constaté qu'ils appartenaient bien au S. tristicha comme nous l’avions déjà pensé M. Magnin et moi. Une Algue qui, avec le Seligeria, recouvre, en cet en- droit, les cailloux et forme à peu près l’unique végétation apparente du bord, est le Seytonema mirabile Bornet et Flahault. 30° Le lac Ter {alt. 1093) a des zones de végétation très régulières (1), ainsi que l'avait déjà remarqué M. Magnin et ses bords sont marécageux. Le Ceratophyllum submersum en tapisse le fond ; c’est une espèce de plus pour la chaîne jurassique. En outre, en quelques points de son pourtour, on observe des croûtes calcaires qui renferment une Algue, le Dichothrix gypsophila Bornet et Flahault. — (1) Bonlieu, Antre avec Ter sont les trois lacs où ont été faites des re- marques analogues. — 107 — 37° Le lac des Rousses (alt. 1075) possède une immense tourbière qui l’entoure complètement sauf au bord occiden- tal. Au Nord-Est, l’Utricularia intermedia est pourvu de jolies fleurs ce qui est fort rare en général; puis quelques Hépatiques : Aneura latifrons, Jungermannia setacea, J. inflata, cette dernière m'a paru rare dans nos tourbières. A l'Ouest du lac, le Fontinalis n’est pas rare et iciil est envahi par des Conferves et des Bulbochæte qui le rendent mécon- naissable. Sur les bords du lac et dans ses tourbières le Cam- panula rhomboidalis semble remplacer le GC. rotundifolia. IX. Vallée de la Combe-du-Lac (1) Boulu 38° Le lac du Boulu (alt. 1152) est le plus élevé de nos lacs ; ses bords sont très pauvres. Au Nord de la vallée il y a de riches tourbières où les plantes alpines, Homogyne, Ni- gritella. etc., font déjà leur apparition. X. Bassin du Mont-Jura Mortes (Doubs) et Bellefontaine 39° Le lac des Mortes [alt. 1088) qui occupe le deuxième rang pour l'altitude, ainsi que son voisin, a de vastes tour- bières à l'Ouest. 40° Le lac de Bellefontaine (alt. 1088) au Sud du précédent, avec lequel il communique, est tourbeux au Sud et à l'Ouest. Le Carex Buxbaumii (2) qui est d’une grande rareté en France, recouvre une surface peu étendue à l’angle Nord- Ouest du lac. Ce Carex est nouveau pour le Jura, le marais (4) Prol. orog. de la vallée de l’Orbe. (2) J’ai fait cette découverte en compagnie de M. Thiébaud, qui explore depuis plusieurs années déjà les environs de Bellefontaine. — 108 — d’Orbe où on l'indique n’étant point compris, à mon avis, dans les limites naturelles dela chaîne jurassique. [Il a été si- gnalé anciennement en Alsace, dans le Dauphiné et près de Lyon, puis plus récemment en Sologne (1) où il est assez commun. M. Pin (@) en a découvert quelques pieds aux envi- rons d’Albens, non loin du lac du Bourget. Dès 1890, je cons- tatais déjà sa présence, aux environs de Belfort, dans les fossés des fortifications du Salbert (3). | Le Carex Buxbaumii n’est pas la seule plante remar- quable que j'aie trouvée autour du lac de Bellefontaine, Le Geheebia cataractarum qui tient bien son rang parmi les plantes intéressantes, habite aussi ces parages. Cest un vrai Syntrichia ruralis en apparence, à l’état sec, ce n’est qu’en voulant préciser à quelle variété il fallait le rapporter que j'ai reconnu mon erreur ; à l’état frais il ressemble au Barbula tortuosa. Tous ces lacs élevés du troisième plateau, des Tallières au Boulu, offrent dans leur bassin une végétation qui leur est spéciale; ce sont par ordre décroissant de fréquence Eriophorum alpinum et vaginalum, Scirpus cæspitosus, Carex pauciflora, Primula farinosa, Schœnus ferrugineus, Scheuchzeria palustris, Cicuta virosa, Calamagrostis ne- glecta et lanceolata, Allium Schœnoprasum et Empetrum nigr'um. XI. Plateau et Cluse au sud de la Bienne Genin, Nantua, Sylans (Aïn), Viry AA° Le lac de Viry (alt. 780 ?) est entouré de tourbières et dans son voisinage on peut recueillir le Cirsium palustri- oleraceum qui n’était pas encore signalé dans le Jura français. (1) Cf. FI. du Loir-et-Cher par FRANCHET. (2) Voy. son cat. p. 157. (3) Voy. l'e partie. — 109 — 42° Le lac de Genin (alt. 831) à sa tourbière au Nord-Ouest; elle est relativement pauvre. 43° Le lac de Nantua (alt. 474) est entouré d’un côté par la route, de l’autre par la voie ferrée ; ses bords ont donc été complètement transformés, aussi leur végétation offre-t-elle peu d'intérêt. 44e Le lac de Sylans (alt. 584) est à peu près l'égal du pré- cédent comme intérêt ; 1l est d’ailleurs comme lui bordé de la même façon. Sur la grève inondée j'ai recueilli une Chara- cée rare, le Nitella tenuissima ainsi qu'une forme nouvelle de Veronica Anagallis que j'appelle fomentosa , la base des tiges étant couverte d’un duvet court et crépu; le reste de la plante est glabre. Dans ces deux derniers lacs la végétation prend un ca- ractère méridional : les Leersia, Teucrium Scordium, Nas- turtium amphibium y font en effet leur apparition, tandis que les plantes turficoles, Mousses, Eriophorum alpinum, Scheuchzeria palustris, Vaccinium disparaissent en même temps que leurs tourbières. Ici se termine le Jura lacustre septentrional. Pour me rendre aux lacs du Bugey, j'ai réglé mon itiné- raire d’après les conseils du D' Magnin qui sait toujours me ménager quelque agréable surprise. J’ai ainsi parcouru avec beaucoup d'intérêt les hauteurs de Hauteville, le Vély, le col de la Rochette où j'ai visité la station classique de l’He- racleum alpinum. Profitant de ma présence dans cette ré- gion, j'ai voulu voir un étang, d’allure lacustre, voisin de la Ferme sous la Roche où je n’ai rien remarqué d'intéressant. De Hauteville à Tenay, j'ai pu jouir d’un coup d'œil unique dans son genre, à la vue inattendue des belles cascades de Charabotte, échelonnées au fond d’une ravissante vallée. Cette partie du Jura méridional est entrecoupée de vallées profondes et sinueuses. J’ai suivi ce long couloir qui con- duit de Tenay à Rossillon. À ce dernier point, dans ce pays — 110 — à surprises, c’est le Colombier-de-Culoz, qui d’une part étale sa masse imposante pour barrer l’horizon, d’autre part le Mont-du-Chat avec les crénelures rocheuses si bizarres de la Dent-du-Chat. RÉGION MÉRIDIONALE XII. Cluse des Hôpitaux et mont du Tantainet (Ain) Les Hôpitaux, la Burbauche, Ambléon, Crotel 45° Le lac des Hôpitaux (alt. 350) est dépourvu de tour- bières : il est resserré entre deux collines dont les éboulis tendent à le combler. 46° Le lac de la Burbanche (alt. 343) est voisin du précé- dent dont il partage les conditions. Le Laittorella lacustris abonde sur tout son bord oriental. Malgré de consciencieuses recherches dans tous les are du Jura, ceux de la haute région en particulier où le Latio- rella est indiqué avec doute par Michalet et Grenier, nous n’avons pu, M. Magnin et moi, découvrir cette plante ail- leurs. L’incertitude des auteurs s’explique : on voit, en effet, . les jeunes pousses de Scirpus palustris, les tiges naissantes des Joncs présenter l'aspect de la Littorelle dont les fleurs sont si fugaces et si peu apparentes. Je confirme ici l'absence des Isoetes dans nos lacs, absence affirmée déjà et expliquée par le D' Magnin. 470 Le lac d'Ambléon (alt. 630) est aussi privé de tour- bières. L’Equisetum hyemale croit sur son bord occidental; sa végétation est très pauvre. 489 Le lac de Crotel (alt. 528) est placé au milieu des ma- rais. Sur ses bords vaseux j'ai recueilli quelques Algues : Schizothrix lardaceu Gomont, Tolypothrix tenuis Kützing et Seytonema tolypotrichoides Kützing. — 111 — XIII. Bassin de Belley Virieu, Grand-Pugieu, Petit-Pugieu ; Mornieu, Ghavoley, Bartherand, Bar; Ghaïlloux, Arboréiaz, Armaille, les 3 lacs de Conzieu. 49° Le lac de Virieu (alt. 260), et 50° Le lac du Grand-Pugieu (alt. 257) sont au milieu des marais. 51° Le lac du Petit-Pugieu (alt. 259) est également au mi- lieu des marais. L’Utricularia intermedia, plante nouvelle pour le bassin de Belley, croît dans le ruisseau de communi- cation de ces deux derniers lacs. 92° Le lac de Mornieu (alt. 368) n'offre d’autre particula- rité que celle d’être situé au milieu des tourbières à Sphaignes comme dans le haut Jura. 99° Le lac de Ghavoley (alt. 347) est légèrement maréca- geux au Sud-Est. C’est le seul où l’on rencontre le Mursi- lea quadrifoliata (MAGNIN). 04° Le lac de Bartherand (alt. 300) a une grève très nette sur presque tout le contour. Celui-là détient aussi à Iui seul une particularité végétale, l’Alisma ranunculoides (cf. CA- RIOT). 99° Le lac de Bar (alt. 248) est d’un accès difficile à cause _des nombreuses touffes de Carex stricta Good. qui l’entou- rent sauf d’un côté. Entre chacun de ces petits ilots, hauts quelquefois d’un mètre, mais d’une distance moindre, l’eau circule librement. Chaque année on fait la coupe de ces Lai- ches que les vanniers emploient à l’empaillage des chaises. Les bords vaseux desséchés sont tachés de roux en quel- ques points; ces taches sont dues à une Oscillariée, le Schi- zothrix coriacea Gomont. MO 56° Le lac de Ghaïlloux (alt. 326) est marécageux sur tout son pourtour : le Fuvolus europæus vit sur les Noyers du voisinage. 97° Le lac d’Arboréiaz (alt. 340) est aussi marécageux que le précédent. L’Utricularia minor fleurit dans la cuvette ma- récageuse circonscrite au lac. 98° Le lac d'Armaille (alt. 330) est le seul qui soit dé- pourvu à la fois des Nymphéacées et du Scirpus lacustris. L’eau du lac diminue de plus de moitié dans les grandes chaleurs, ce qui explique l'absence des caractéristiques des lacs et la présence d'espèces étrangères à leur végétation comme Potentilla reptans. 99° Le 1er lac de Conzieu {alt. 351). 609 Le 2° lac de Conzieu (alt. 351). Go Le 3e lac de Conzieu (alt. 351). Ces trois lacs communiquent entre eux. À l’angle Nord- Ouest du dernier, le Dicranum Bonjeani fructifie bien et le Sphagnum acutifolium y vient en différents poinis avec sa var. luridum. XIV. Mont-du-Chat (Savoie) Grand-Ghevelu, Petit-Chevelu, Aiguebelette, Bourget 62° Le Grand-Chevelu (alt. 303). 63° Le Petit-Chevelu (alt. 303). Un ruisseau établit la com- munication entre les deux lacs. Leurs bords sont maréca- geux. 64° Le lac d'Aiguebelette (alt. 374) est marécageux au Nord et au Sud. J’ai trouvé au Nord une Cypéracée à demi développée, que je rapporte avec doute au Scirpus marinus. | need de) nc du dé den D Ge aie cr 4e M ous ce EC LS ae A de a CS dc) PU EST Se — 113 — Si ce lac n’a pas la beauté et la richesse du suivant, il n’en est pas moins d’un pittoresque remarquable. Il occupe le troisième rang comme grandeur; sa surface en forme de triangle est une véritable curiosité; une petite île char- mante en occupe le milieu et les roches grisâtres tour à tour nues et boisées qui dominent ce lac en font le principal décor. C'est au sommet de ces roches dites « de l’'Epine » qu'on a découvert (1) en 1894 le Gentiana asclepiadeu. 65° Le lac du Bourget (alt. 231) est le plus beau, le plus grand et le plus profond des lacs jurassiens : il est le plus faible en altitude après celui de Pluvis. Ce lac réunit à lui seul sur ses bords et dans ses profondeurs presque toutes les plantes de ceux du Bugey. S'il n’a pas une grève aussi vaste et aussi riche qu'on serait en droit d’attendre, c’est à cause de sa trop belle situation, au milieu de ravis- santes montagnes. On a dû alors, pour en faciliter l’accès, couper çà et là cette grève naturelle qui devait être si riche, par des constructions qui s’avancent jusque dans le lac. La grève ainsi modifiée n'étant plus que peu ou point soumise à l’action directe des eaux primitives, s’est transformée en étangs et en marais, d’où l’origine probable, ici, des Pilu- laria et Littorella." Ses bords ont été étudiés déjà bien des fois, notamment par M. Pin @). Je me bornerai donc à signaler le Bryum versico- lor, mousse très rare, connue dans trois localités certaines seulement, du midi de la France. Ce Bryum croît au port d’Aix-les-Bains parmi les graviers : c’est le seul point du lac où la grève soit étendue. Le Scirpus carinatus habite les marécages de Portot, au Nord du lac. Ces lacs savoisiens se présentent tous sous un aspect des plus grandioses, entourés qu’ils sont des belles montagnes . (4) Voy. 1° partie. (2) Voy. le Catalogue des plantes des env. d’Aix-les-Bains par cet auteur, 8 — 114 — du Bugey. On est étonné de voir ces montagnes d'apparence si hautes et dont l'altitude n’a rien d’extraordinaire, compa- rativement à celles du Jura lacustre septentrional. La Dôle, le Montendre, par exemple, sont loin de se montrer d’un aspect aussi majestueux. | Tous les lacs du Jura méridional sont caractérisés par les espèces suivantes croissant habituellement sur leurs bords : Nasturtium amphibium, Spiranthes æstivalis, Œnanthe peucedanifolia, Juncus obtusiflorus, Peucedanum palustre, Cladium Mariscus, Hydrocotyle vulgaris, Schœnus nigricans, Teucrium Scordium, Leersia orizoides, Polystichum Thelypteris. et le Thrincia hirta qui remplace ici le Leontodon hispidus des bassins lacustres septentrionaux. On est surpris d'y trouver encore la série suivante des régions plus élevées : Drosera, Triglochin, Parnassia, Juncus alpinus, Pinguicula, Rhynchospora, Les Sphaignes y sont très rares. Des 67 lacs appartenant au Jura, trois seulement ont été négligés par moi, ceux de Pluvis et de Millieu dans je bassin de Belley, au sommet de l’angle formé par le Rhône et celui ù de Chaillexon près de Morteau. Celui-ci n’est d’ailleurs qu’un léger renflement du Doubs et me paraît en dehors de l'étude que j'ai entreprise; quant aux deux autres, la saison étant trop avancée pour leur faible altitude, j'ai dû borner là pour cette année mon champ d’investigations. Dans le tableau suivant où je résurne mes découvertes dans la chaîne du Jura, j'ai fait suivre d’un astérisque les noms des espèces connues déjà sur le versant suisse, de deux astérisques ceux des espèces qui étaient inconnues à la fois en France et dans tout le Jura, de trois astérisques enfin, les acquisitions nouvelles pour la science. — 115 — I. Phanérogames Viola stricta, Drosera intermedia, Sium latifolium*, Ceratophyllum submersum, Cirsium palustri-oleraceum, Hypnum irrigatum*, H. turgescens“*, Amblystegium Sprucei, Leptodon Smithiüi, Mnium spinulosum, Cinclhidium stygium*, Bryum versicolor, B. neodamense. Barbula fragilis, B. constrictum**, Atrichum angustatum, Aulacomnium androgynum, Valerianella eriocarpa, Utricularia intermedia (1), Veronica Anagallis var. KXX LOSA Carex Buxbaumii. II. Mousses Geheebia cataractarum, Dicranum spurium, D. viride*, Cynodontium polycarpum*, Campylopus flexuosus, Fissidens pusillus*, Grimmia commutata”, Pleuridium nitidum*, Jungermannia Schraderi, J. exsecta var. lignicola***, J' divaricata, Sphagnum obtusum“*. III. Champignons Sclerotinia scirpicola**, Pyrenopeziza nigrificans**, Helotium callorioides**, Neotiella Hetieri“*, tomen- Prototremella calospora*** (2). En exposant le résultat de courses qui m'ont donné tant de peine, j'ai voulu montrer à mes confrères que, malgré les recherches dirigées dans tous les sens, à travers nos belles montagnes, les premiers pionniers de la science nous avaient encore laissé quelque chose à découvrir. Il en sera toujours ainsi, si l’on remarque qu’une foule de cir- constances amènent des variations dans la flore : l’appari- tion ou la disparition de certaines espèces. Il y aura donc ——————————————— "ET (1) Espèce nouvelle pour le Bugey seulement. (2) J'ai découvert le Prototremella calospora Boud. aux environs de Pa- ris sur de vieilles toiles d'emballage ; voyez pour sa descr. Jour. de Bota- nique, mars 1896, p. 85. — 116 — toujours des observations intéressantes à faire, des faits cu- rieux à enregistrer : on fera ainsi à la longue la lumière sur la flore de cette partie de la France si digne d'intérêt. S1 j'ai mené à bonne fin cette entreprise, tout l'honneur en revient à mon savant maître et ami le D' Magnin. Cest lui qui m'a toujours tracé la marche à suivre. Bien des fois les fatigues, les privations et les ennuis inhérents à cette vie nomade m'’auraient fait tout abandonner siles conseils et les encouragements qu'il me prodiguait chaque jour avec une bienveillance toute fraternelle n'avaient relevé et soutenu mon courage. Je prie M. le Dr Magnin de recevoir l’assu- rance du dévoûment et de la reconnaissance de son élève. François HÉTIER. Mesnay, le 25 novembre 1895. ÉNUMÉRATION DE LOCALITÉS NOUVELLES ET OBSERVATIONS SUR QUBLQUES ESPECES INTÉRESSANTES De la Flore jurassienne Nota. — J'ai cru bon de donner, pour certaines plantes, les localités précises, afin qu’on puisse facilement contrôler mes assertions, mais pour d’autres, susceptibles d’être dé- truites, je les donnerai moins exactement, suivant en cela l'exemple des botanistes anciens. PHANÉROGAMES ET CRYPTOGAMES VASCULAIRES Ranunculus aconitifolius L. — Pédoncules velus, stations humides. R. platanifolius L. -- Pédoncules glabres, stations sè- ches. Ces deux courtes descriptions, mentionnées dans la plu- part des Flores, m'ont toujours permis de distinguer très vite ces deux espèces si voisines. R. reptans (1) L. — Sur la grève du lac de Remoray ; dans le lac du Bourget, à 1 m. de profondeur. Ce sont les seuls lacs où je l’aie observé. Voy. 17° partie. R. Philonotis Ehrh. — Remonte jusqu’à Doucier à environ 920 m. (4) Cf. GRENIER F1, juras. supp., p. 25. — 118 — R. Lingua L. — Remonte jusqu’au village de l’Abbavye sur les bords du lac à 879 m. (MAGnIN 90, HÉTIER 95). Je l’ai revu, après M. Magnin et d’autres botanistes, aux lacs de Chavoley, de Bar, de Conzieu, de Saint-Jean-de-Chevelu, du Bourget. Voy. 1r° partie. Anemone ranunculoides L. — Abonde au Bief-de-Corne (1) sur une petite colline boisée, surtout les premières années qui succèdent à la coupe; il y est souvent multiflore (HÉTIER); forêt de Chaillot près Cressia (2) (VUAILLAT). À, Pulsatilla L. — Bief-de-Corne (VUAILLAT, avril 83). Aconitum Napellus L. — Descend à la Châtelaine au som- met des grandes roches surplombantes, parmi les Saxifraga cæspitosa, à environ 580 m. Isopyrum thalictroides L. — Bois entre Cressia et Loisia (VUAILLAT). Thalictrum galioides Pers. — Remonte à 534 m. dans les buissons qui bordent le grand lac de Clairvaux, au Nord- Ouest. T. flavum L. — Remonte à 518 m. autour du lac de Cham- bly; à 851 m. aux bords du lac de Saint-Point ; à l'extrémité Nord de ce lac, le T. flavum arrive par des passages succes- sifs à donner presque le T. galioides. Lunaria rediviva L. — Dans la partie boisée qui borde le lac de Bonlieu. Lepidium Draba L. — Arbois, aux bords de la route de Po- ligny; route de Quingey au-dessus de Beure (HÉTIER); Mouchard (GARNIER, HÉTIER, 90). Erysimum perfoliatum Crantz. — Dans les moissons à Mesnay, 1894. (4) Vallon où croissent la plupart des plantes indiquées à la Châtelaine. 7) Village à 19 km. Sud de Lons-le-Saunier. — 119 — E. ochroleucum DC. — Vallée de Joux (MEYLAN). Arabis muralis Bert. -— Rochers des cascades de Chambly où il est RR. Cardamine amara L. — Arrive au sommet du Montendre à plus de 1.100 m. ; çà et là dans les vallées mais AR (1); bords deslacs de Saint-Point, des Rouges-Truites, de Chambly, etc, Alsine stricta Wahlenb. — Tourbière sud du lac de l'Abbaye sur un espace très restreint. Viola stricta Horn. — Aux bords du lac de Narlay et pro- bablement ailleurs. Cette Violette est nouvelle pour le Jura. Drosera longifolia L. — Bassins lacustres du haut Jura : autour du lac du Trouillot; je lai revu, après d’autres botanistes, près des lacs des Tallières, des Rousses, de Bel- lefontaine, de Genin, ainsi qu’autour des lacs du Jura méri- dional de Pugieu, de Mornieu, d’Arboréiaz, de Conzieu, de Saint-Jean-de-Chevelu. Voy. 1° partie. XD. obovata Koch. — Habite en général avec le précédent, je dis en général, car bien souvent j'ai observé que les Dro- sera longifolia et rotundifolia manquaient l’un ou Pautre ou tous les deux dans une tourbière où prospérait le D. obovata. Pour des causes qui m'étaient inconnues, les parents, après avoir créé leur hybride auraient donc disparu (). J'ai observé (1) Voy. GRENIER, fl. jurass., p. 56. (2) M. Malinvaud qui m'a si obligeamment prêté son concours pour des recherches bibliographiques et pour de nombreux renseignements, est venu m'apporter la lumière sur ce point en me signalant un fait analogue pour les Menthes qu'il a étudiées avec tant de zèle. J’ai vu, me disait-il, une Menthe hybride apparaitre au milieu des parents et quelques années après les parents disparaitre étouffés par celui qu'ils avaient créé. La nou- velle plante, par le fait de l'hybridation, étant dépourvue d'organes repro- ducteurs, la sève destinée à ces organes se rejette sur les autres parties du végétal pour lui donner une vigueur qui porte préjudice à son entourage. MM. Fryer et A. Magnin ont fait les mêmes observations pour les Pota- mots hybrides. (Voy. A. Magnin dans Bull. Herb. Boissier, 1897, p. AL.) AU le D. obovatu aux tourbières du lac des Tallières (GILLoT, 90; HÉTIER, 95), de Malpas, autour du lac des Brenets-en-Grand- vaux, au sud du lac de Bellefontaine ; puis, dans le Jura mé- ridional autour des lacs tourbeux de Pugieu, de Mornieu, d’Arboréiaz, de Conzieu, de Saint-Jean-de-Chevelu. D. intermedia Hayn. — Je crois pouvoir rapporter à cette espèce un Drosera que j'ai vu dans le Jura méridional seu- lement, autour des lacs de Virieu, de Pugieu, de Mornieu ? de Conzieu, de Saint-Jean-de-Chevelu ? Pirola rotundifolia L. — Outre les bois qu’il habite géné- ralement, il faut lui reconnaître une autre station, celle des tourbières parmi les Sphaignes. Je l’ai vu en effet dans les tourbières des lacs de Malpas, des Perrets. Pirola media Sw. — Chasseron à 1.400 m. (MEYLAN, août 96). Voy. 1r° partie. Cucubalus bacciferus L. — Dans une haïe à Courbouzon. Malva moschata L. — AC aux environs d’Arbois. Althæa hirsuta L. — Remonte à la Perrière près Cressia à 540 m. (VUAILLAT). Geranium palustre L. — A Ivory, dans les prés humides de Raty (1. G. pratense L. — Crotenay, Oie et en différents autres points que j'ai négligé de noter. On le cultive dans beau- coup de jardins et il est probable qu'il en est échappé dans la plupart des localités connues ; 1l en serait de même pour le Polemonium cæruleum. G. lucidum L. — Çà et là sur le premier plateau : Ivory, Montrond, Etival, Moirans; remonte à Prénovel à env. 900 m. (HÉTIER). Cressia (VUAILLAT). (1) Voy. À. MaGniN. Nole sur la F1. des env. d’Arbois, p. 11. — 192 — Acer platanoides L. — Vallées d’Arbois, de Chambly. Hypericum montanum L. — Vallée de Chambly, Moirans. Rhamnus Frangula L. — En dehors de sa station habi- tuelle, il croît encore dans la tourbière du lac de Bonlieu; dans les marais du lac de Crotel parmi les Sphaignes ; sur es bords du lac de Conzieu où il remplace les Vaccinium. Medicago falcata L. — Salins, côte d’'Ivory. Trifolium aureum Poll. — Remonte jusqu’à 1.000 m. au voisinage du lac du Trouillot et des tourbières de Mouthe. Lotus major Scop. — Remonte jusqu’à 1.008 m. sur les bords du lac de Joux. Tetragonolobus siliquosus Roth. — Indiqué dans les lieux « humides » par Grenier : lieux « argileux » conviendrait mieux. Vicia gracilis Lois. — Besançon, au marais de Saône, dans les pâturages de la Vaivre. Cerasus Padus DC. — Fréquent au bord oriental du lac de Saint-Point. Spiræa Filipendula L. — Prés au voisinage d’Ivory, des lacs de Chalin, du Vernois, du Fioget, d’Ilay. S. Aruneus L. — Descend à env. 330 m. à la source non in- crustante de la Cuisance. Potentilla Anserina L. — Remonte jusqu’à 1.008 m. sur la grève du lac de Joux. Rubus saxatilis L. — Descend à environ 400 m. près du village de Pont-d’'Héry. Rosa spinosissima L. —- Au-dessus des rochers du lac du Val. — 1922 — Cotoneaster tomentosa Lindl. — Descend à environ 600 m. au-dessus des rochers qui dominent le lac de Chalin; dans le bois de Nouvally à Saugeot, chemin du Val-Dessous. Herniaria glabra L. — Remonte à Crotenay à environ 900 m. Sedum dasyphyllum L. — De Ménétrux-en-Joux à Saint- Laurent, à plus de 500 m. S,. elegans Lei. — Mesnay au passage à niveau et à la Châtelaine, près du cimetière. Epilobium angustifolium Lam. — Remonte jusqu’à Morbier à environ 850 m. Dans les éboulis où je lai vu, il semble précéder la voie ferrée qui va s’y tracer, cette plante croît, en effet, volon- tiers sur les voies ferrées et sur leurs talus. Epilobium palustre L. — Descend à près de 300 m. autour des lacs de Chavoley, de Chaïlloux, de Saint-Jean-de- Chevelu. Myriophyllum verticillatum L. — Je l'ai revu, après M. Magnin. dans les lacs du Jura méridional : de Mornieu, de Bartherand, d’Arboréiaz, de Crotel, de Conzieu, de Saint- Jean-de-Chevelu. Voy. 1°’ partie. M. spicatum L. — Je l’ai revu, également après M. Ma- gnin, dans les lacs du Jura méridional : de Virieu, de Pugieu, de Chavoley, de Bartherand, d’Arboréiaz, de Saint-Jean-de- Chevelu. Sa tige rougeâtre munie de 4 feuilles le distingue au pre- mier coup d'œil du précédent. Saxifraga Hirculus L. —- Bords du lac du Trouillot où il est RR (BOURQUENEY). La disparition de cette espèce, autrefois plus répandue, est à prévoir par suite du desséchement des lieux qu’elle habite. — 193 — Un certain nombre de plantes : Alsine stricta, Chlora, Ophrys, Leontopodium paraissent devenir de plus en plus rares, le x Betula intermedia a disparu de notre région. Ces disparitions qu'il est trop tard de déplorer et qu’on pourrait souvent attribuer aux récoltes incessantes qu’en font certains botanistes pour échanges, ne pourrait-on pas les prévenir et forcer la nature par une multiplication arti- ficielle, quand celle-ci ne suffit plus à son œuvre de disper- Sion ? Laserpitium latifolium L. — Descend jusqu’à 350 m. sur les coteaux de la vallée d’Arbois. Meum athamanticum Jacq. — Cette gracieuse Ombellifère descend à moins de 600 m. dans les pâturages du Bief-de- Corne. Silaus pratensis Bess. — Remonte jusqu'à 1.008 m. sur la grève du lac de Joux. Œnanthe fistulosa L. — Remonte jusqu’à 777 m. à l’extré- mité méridionale du lac d’'Ilay. 0. Phellandrium Lamk. — Je l'ai revu, après M. Magnin, à l’extrémité méridionale du lac de Saint-Point; dans le lac d’Antre ; dans les marais au nord du lac d’Aiguebelette. Selinum Carvifolia L. — Depuis ‘la plaine jusque sur les sommités (GRENIER et CARIOT). Jusqu'à présent je ne l’ai vu que dans les marais de Cormaranche: autour des lacs de Saint-Jean-de-Chevelu ; du Bourget. Cicuta virosa L. — Lacs de Fort-du-Pläne, de Foncine, des Perrets, de l'Abbaye (surtout près du village et dans sa tourbière occidentale). Sium latifolium L. — Au marais de Saône, près du mou- lin Convers, plante nouvelle pour le Jura français. — 19% — Myrrhis odorata Scop. — Chaux-des-Prés autour des ha- bitations où il devait être cultivé anciennement. Hydrocotyle vulgaris L. — Au marais de Saône, à la tour- bière de Morre, avec le Cladium (PAïILLoT) ; je l’ai revu en 4886, mais l'exploitation de la tourbière tend à le faire dis- paraître. Les mêmes craintes n'existent pas dans le Jura mé- ridional où il abonde. Je l’ai revu, après M. Magnin, autour des lacs de Virieu, de Mornieu, de Bar, d’Arboréiaz, de Con- zieu, de Saint-Jean-de-Chevelu. Eryngium campestre L. — Remonte jusqu’à Montrond à près de 600 m. Astrantia major L. — Descend aux Moidons (1) près la Chä- telaine. Campanula rhomboidalis L. — Descend à 879 m. au sud du lac de l'Abbaye. G. patula L. — Cressia [(VuaAILLAT). C’est la deuxième lo- calité connue sur le versant français du Jura. Il existe aussi sur des rochers au bord du lac de Chavoley (HÉTIER.). G. persicifolia L. — Dans les buissons, au voisinage du lac d’Antre. Galium boreale L. — Bescend au Bief-de-Corne. Lonicera cærulea L. — Aux bords du lac des Tallières (HÉTIER) et dans les tourbières de la Brévine où il était déjà connu. Cette espèce qui peut se confondre avec le L. nigra se reconnait toujours à ses deux baies portées sur des pédon- (1) Grande forêt où l’on rencontre plusieurs plantes intéressantes et où, surtout, des fouilles habilement dirigées par M. l'abbé Guichard, ont mis à jour divers objets antiques d’un grand intérêt. — 1925 — cules distincts, dans le L. nigra les deux baies sont soudées et portées sur un même pédoncule. Valerianella eriocarpa Desv. — Plante nouvelle pour le Jura ; elle habite les prés qui réunissent les deux lacs de Clairvaux et un pré voisin du lac des Rouges-Truites. Tussilago Farfara L. — Remonte jusqu’à 1008 m. sur les bords du lac de Joux. Senecio flosculosus Jord. — De Saint-Laurent à l'Abbaye. S. paludosus L. — Plus répandu que ne le pensait Grenier : bords du lac de Chalin, de Chambly, de Chavoley, de Bar, de Bartherand, d’Arboréiaz, d’Aiguebelette, du Bourget. S. spathulæfolius DC. — Prés tourbeux au Sud du lac de Saint-Point. Aster Amellus L. — Entre Cressia et Pimorin (VUAILLAT). Inula Britannica L. — Remonte jusqu’à 879 m. aux extrémités Sud du lac de l'Abbaye, nord du petit lac d’Etival. Cette plante est ici presque toujours stérile à cause de la coupe qu’on en fait chaque année avant sa floraison. Sous l'influence de l'altitude, peut-être, elle reste de petite taille en cet endroit et son facies la rapproche de certaines formes réduites de Polygonum amphibium ; mais le manque de sti- pule arrête toute hésitation. Cirsium palustri x oleraceum Naeg. — Hauteville; voi- sinage du lac de Viry. C. oleraceo x erisithales Michalet. — Au Coin-d’Avail. G. Erisithales Scop. var. albiflora. — Autour du lac de Saint-Point. G.nutanti x crispus Gren. — Foncine-le-Bas au bord de la route du lac des Rouges-Truites. 16e Lappa major Gaertn. — Cette espèce semble assez répan- due au voisinage des habitations, à toutes les hauteurs. L. tomentosa Lamk. — Villages d’Oie, de Malpas. Thrincia hirta Roth. — Marais des bassins lacustres du Jura méridional où il vit en dehors de sa station habituelle. Prenanthes purpurea L. — Descend aux Moidons, aux abords du vignoble. Hieracium lanatum Vill. — Je ne sais à quelle année remonte l'introduction de cette plante dans le Jura, ni le point exact où elle a été semée, ni même si elle a prospéré à un moment donné; ce que je puis dire aux botanistes c'est de ne pas compter sur elle pour enrichir leur herbier. Les trois seuls pieds que j'aie pu découvrir aux rochers de Ia Châtelaine, à environ 360 m., n’ont pas changé depuis bientôt dix ans que je les observe. Cette jolie Epervière vient naturellement au Salève à une altitude bien supérieure à celle d'ici. Lysimachia vulgaris L. — Atteint et dépasse la région des Sapins (1) autour des lacs et quelquefois dans les lacs même. Dans les lacs tourbeux, 1l est de petite taille, souvent à deux. feuilles et stérile. Gentiana Pneumonanthe L. — Cette belle Gentiane est peut-être plus répandue qu’on ne le croit dans nos mon- tagnes ; elle fleurit chez nous fin septembre dans les années ordinaires, plus souvent en octobre dans les régions plus élevées et quand les circonstances le lui permettent; elle doit de plus rester souvent stérile, la température s’abaissant fréquemment assez à cette époque pour l'empêcher de fleu- rir : on conçoit alors qu’elle] passe inaperçue. Stérile, elle ressemble à certaines formes grêles de la Gratiole, au Ve- ronica scutellata, à l'Epilobium palustre, au Dianthus su- (1) Voy. GRENIER F1. juras. p. 503. — 1927 — perbus et à d’autres Caryophyllées, toutes plantes habitant les lieux humides. La confusion est naturellement plus grande en herbier quand on a affaire à des fragments isolés. M. Ma- gnin, doué d’un esprit d'observation très exercé, à qui je soumettais quelques débris desséchés de cette plante, après un examen superficiel, se prononça en faveur de la Pneu- monanthe et me fit observer que l’absence de dents (sur la plante fraiche) et la nervation de la feuille dont le limbe est moins aigu, distinguaient nettement celle-ci des formes grêles de la Gratiole. On la distinguera plus facilement encore des autres espèces. Je l'ai reconnue au bord des lacs de Chalin, RR; de Chambly, CC (HÉTIER); de Grand-Maclu [MAGNIN, 90: HÉTIER, 95) ; de Clairvaux où elle était déjà signalée. Erythræa pulchella Fries. — Remonte jusqu’à 779 m. au bord du Grand-Maclu. Polemonium cæruleum L. — Vers le village de Saint- Point, au bord du lac où il est rare. Littorella lacustris L. — Je l’ai cherché pendant deux mois dans les lacs pour ne le trouver qu’à celui de la Burbanche. Les botanistes le signalent dans les lacs du Jura avec doute : en conçoil cette réserve. J’ai été moi-même souvent trompé et particulièrement au lac d’Aiguebelette. Là, j'avais affaire, selon toute apparence, au Littorella ou à l’I30etes, en contem- plant du bord, avec un instant de bonheur, cette végétation sous-lacustre à demi enfouie dans la vase ; mais, grande fut ma déception, lorsqu’en croyant retirer à la surface une _ forte poignée de ces végétaux, objet de ma convoitise, il ne me resta plus enire les doigts que des feuilles très ténues qui appartenaient, sans aucun doute, au Scirpus acicularis, Les feuilles s'étaient recouvertes pendant leur développement, d’une épaisse enveloppe composée d’Algues et de vase, ce qui donnait à la plante l'aspect trompeur sous lequel elle m'avait apparu. — 1928 — Divers Jones et le Scirpus palustris, dans leur jeune age, peuvent occasionner de semblables erreurs. Heliotropium europæum L. — Cette plante, si commune dans les champs du Lyonnais, se montre rarement chez nous. Je l’ai trouvée à Macornay dans les vignes en 1886. Scrofularia Hoppii Koch. — Si cette plante n’est qu’une forme montagnarde du $. canina, elle ne doit pas exister à Baume-les-Messieurs où on l'indique, pas plus qu’on ne doit trouver le Rianunculus platanifolius dansles marais. Gratiola officinalis L. — Lac de Sylans à 584 m. ; c’est le lac le plus élevé où je l’aie observé; Orgelet, à 500 m. Linaria Cymbalaria Mill. — Depuis les anciens botanistes, la Cymbalaire a fait son apparition à Arbois où elle se répand de plus en plus ; on la cultive d’ailleurs fréquemment comme plante d'appartement, ce qui pourrait être une cause de nouvelle dispersion. Cette Scrofularinée est d’un très bel effet dans une suspension, ses tiges fiiformes se prêtent aux caprices de celui qui la cultive et ses jolies petites fleurs li- lacées sont en harmonie parfaite avec son feuillage qui FES sente en petit celui du Lierre. L. Elatine Desf. — Remonte jusque dans les champs du Bief-de-Corne à près de 600 m. Melampyrum eristatum L. — Pentes boisées de la rive gauche du Hérisson dans la vallée de Chambly. Odontites lutea Rchb. — Cressia (VUAILLAT). Rhinanthus major Ehrh. var. glaber. — Je recherche de- puis longtemps dans le Jura cette variété que je ne parviens pas à découvrir : n’aurait-on pas donné ce nom à quelque forme luxuriante du R. minor ? Pedicularis silvatica L. — Beaucoup moins répandu dans ennemi 2 ; — 129 — les montagnes que le P. palustris. Je l'ai remarqué dans des prés, au voisinage du lac des Tallières; dans les tourbières des Rouges-Truites; du Grand-Maclu. Veronica scutellata L. var. parmularia. — Semble préférer la montagne : Mouthe, Malpas, etc. . V, Anagallis L. var. pseudo-anagalloides Gren. — Chalin, fossé au bord de la route près de l'Œuf. V. Anagallis L. forma tomentosa Hétier. — Dans le lac de Sylans ; dans le ruisseau qui alimente le lac d’Armaille. V. spicata L. — De la Châtelaine à Champagnole où on le trouve quelquefois à deux et même trois épis : c’est sous cette forme anormale qu’on le cultive généralement. > Digitalis media Roth. — Dans la vallée de Chambly parmi les éboulis de la côte de Songeson avec toutes les formes qui le relient aux parents. Pinguicula vulgaris L. — Descend dans le Bugey, jnsqu’aux bords tourbeux des lacs de Conzieu, de Saint-Jean-de-Che- velu. - Utricularia vulgaris L. — Cette plante très commune ne paraît guère connue dans les lacs'; je crois cependant, avec M. Magnin, qu’elle se trouve dans tous. U. intermedia Hayne. — Dans les prairies tourbeuses du lac des Rousses oùil se couvre de fleurs ; du petit lac de Pugieu (HÉTIER); dans les marais de Bannans (MAGnin et CLErc, 1893). Cette espèce est nouvelle pour la flore du Bugey. _ U. minor L. — Paraît accompagner partout le vulgaris, comme nous l’avons constaté M. Magnin et moi, aux lacs de Saint-Point, de Remoray, de Malpas, du Fioget, d’Ilay, d'Onoz, dans la région septentrionale; puis, aux lacs de ‘Crotel, dé Conzieu, d’Arboréiaz, de Saint-Jean-de-Chevelu, dans la région méridionale. Il était fertile dans ces trois derniers. Comme on le voit il est moins rare que Grenier ne le croyait. 9 — 130 — Phelipæea cæerulea C. A. M. — Une colline sèche à Cressia (VUAILLAT). En 1895, nous l’avons recherché M. Vuaillat () et moi, mais en vain, sur cette même colline où il était si abondant il y a quelques années. Michalet de son côté signale un fait analogue ; n’en serait-il pas ainsi pour toutes les localités connues ? Orobanche procera Koch. — Champs à Crotenay, où il vit en parasite sur les Carduus nutans. Lathraea Squamariæ L. — Source incrustante de la Cui- sance, où il vit en parasite sur les racines de Salix pur- pureu. Lamium incisum Willd. — Villette-les-Arbois dans les cul- tures. Scutellaria galericulata L. — Remonte jusqu'à 777 m. au bord du lae d’Ilay, puis à ceux du Fioget, de ee de Viremont, de Crotel, un peu moins élevés. Teucrium Scordium L. — Cette plante, qui a la Bresse pour centre de végétation, remonte jusqu’à 1008 m. près de l’entonnoir du lac de Brenet-en-Joux, sur la grève et descend dans le lac à 50 cm. de profondeur, puis un peu plus bas autour des lacs d’Etival, de Martigna, des Crozets, enfin, après M. Magnin, je l’ai revu à ceux de Crenans, de Sy- lans, des Hôpitaux, de la Burbanche, de Bartherand, de Bar, de Chailloux, d'Armaille, d'Arboréiaz, Asarum europæum L. — Pupillin au contact de la région des vignes (VUAILLAT). (1) M. VuAILLAT, d'abord curé de Pupillin près Arbois, actuellement curé de Cressia près Orgelet, consacre üune partie de ses loisirs à l’étude des fleurs : cest ensemble que nous avons fait nos premières études botani- ques. Il a exploré d’abord les environs de Pupillin et continue avec ar- deur ses recherches aux environs de Cressia. Je le remercie de m'avoir CE ses découvertes. A — Polygonum Bistorta L. — Descend jusqu’à Salins à Saint- due localité souvent parcourue par Babey. Cette Fou doit donc exister là depuis peu. Sanguisorba officinalis L. — Dans les prés du Bief-de- Corne, au contact du vignoble. Ceratophyllum submersum L. — Cette plante qui est nou- veille pour le Jura, tapisse le fond du lac Ter à plus de 4.000 m. - Parietaria officinalis L. — Village de Gigny (VUAILLAT). x Salix Smithiana Willd. —- Ce beau Salix vient aux Cro- zets sur le bord de la route d'Etival. S. caprea L. — Le S. caprea est lisse sous l'écorce, les S. cinerea et aurita ont des arêtes (1), donc, même en plein hiver, à l’aide de ce caractère, on peus distinguer le S. caprea des deux. autres. S nigricans 5m. — Descend à 851 m. sur les bords du lac de Saint-Point. Populus Tremula L.'-— J’ai observé cette espèce sous une curieuse forme qui se rencontre dans les tourbières. Elle est rabougrie, ses jeunes rameaux sont pubescents et ses Jeuilles, aussi pupescentes sont plus pete et plus courte- ment pétiolées. Betula nana L. — Cette plante appartient bien à la flore (2) française ! Elle est en effet abondante à la tourbière de Mouthe où M. Magnin la révovait il y a quelques années puis, tout dernièrement encore, MM. Cordier, botanistes à Mouthe, M. Clerc à Pontarlier et moi en 1895. ——————…—— 11) Voy. note sur ce caractère par M. S, Des ETANGS, Soc, bot. Hrane, sess. de Pontarlier, 1869, p. LXIV. (2) Voy. Herb. dans le Jura central par GILLOT, p. 56. — 132 — Alnus incana DC. — Bord des eaux depuis la plaine jusque sur les plus hautes cimes (GRENIER). Distribution bien large, il me semble. Je ne l’ai jamais vu dans le Jura où il peut cependant bien exister. Crocus vernus AI. — Dose au Bief-de-Corne, au cor- tact de la région des Vignes. Iris Pseudacorus L. — Remonte à 1.008 m. au bord du lac de Joux. Orchis incarnata L. var. Traunsteineri, — Dans la tour- bière du lac de Malpas. 0. viridis Cr. — Descend à 330 m. dans les prés humides de la source non incrustante de la Cuisance. 0. hircina. Cr. — Remonte jusqu'aux environs de Quin- geYy- Ophrys muscifera Huds. — Coteau nord du lac de Cha- lin avec le Chlora perfoliata. 0. anthropophora L. — Collines et coteaux des basses montagnes et du vignoble (GRENIER). Cette distribution me paraît encore bien étendue pour une plante que je n’ai pas encore vue dans le Jura. Herminium clandestinum Gren. et G. — A Château-des- Prés. Nous l'avons recueilli aussi, M. Magnin et moi, à la source du Piley, en compagnie de M. Bourgeois, instituteur à Clairvaux, qui a bien voulu nous servir de guide. Gephalanthera rubra Rich. — Chalin, au voisinage de Pierrelave ; Morez (HÉTIER) ; château de Cressia (VUAILLAT). Epipactis palustris Cr. — Morez; bord du lac de Chalin vers l'Œuf et la plupart des bassins lacustres du Bugey. Spiranthes autumnalis Rich. — Remonte jusqu'au Bief- de-Corne à près de 600 m, — 133 — S. æstivalis Rich. — Comme en Suisse, aux bords des lacs tourbeux de Virieu, de Pugieu, de Mornieu, du Bour- get. . Alisma Plantago L. var lanceolata. — Bord du lac de Sylans. 2 1 Veratrum album L. — Bois des Moidons, au contact du vignoble. Cette plante est souvent stérile, surtout dans les pâturages du haut Jura. Fritillaria Meleagris L. — Bord oriental du lac de Cham- bly ; au nord du lac de Saint-Point. Gagea arvensis Schult. — Dans les cultures à Villette-les- Arbois (1), | G. lutea Schult. — Cressia, à la carrière de tuf dite Trou- de-Bellebrune (VUAILLAT, 87). Allium Schœnoprasum L. — Au sud du lac de Remoray et au voisinage du lac du Boulu ou, plus généralement, tout le bassin du Mont-Jura et la vallée de la Combe-du-Lac. : A Fallax Don. — Bief-de-Corne ; Chalin et Chambly, sur les rochers qui dominent ces lacs. Polygonatum verticlliatum All. — Descend jusqu’au contact des Vignes dans la vallée d’Arbois, mais y est sté- rile. Convallaria maialis L. — Remonte jusqu’au Mont-d’Or. (1) Cette localité m’a été indiquée par feu M. Charles TREUVEY, profes- seur au Collège d’Arbois et botaniste émérite. C’est toujours à lui qu’'a- vaient recours les botanistes du voisinage pour résoudre les petites diffi- cultés auxquelles se heurte le débutant. D'une douceur proverbiale, il donnait avec un désintéressement complet les renseignements qu’il pou- vait fournir. Il s’est éteint laissant de vrais regrets à tous les collègues qui l'ont connu. Son bel herbier est demeuré la propriété de son fils. — 134 — Maianthemum bifolium DC. — Outre les bois, il a encore les tourbières comme station : celles du Boulu, de Saint- Point. - Ornithogalum sulfureum R. S. — Remonte jusqu’au Haut- Perret, près du lac de Viry, à près de 800 m. EG. Potamogeton rufescens Schrad. — Les eaux des lacs ne semblent pas lui convenir; il s’en approche à quelques mètres, par exemple dans certains ruisseaux qui débouchent dans le lac des Rousses, mais ne pénètre pas dans le lac même. Ces observations confirment bien celles que M. Ma- gnin m'avait déjà communiquées à ce sujet. _ Je l’ai vu encore, dans un ruisseau de la tourbière de la Planée ; dans la Laine aux Martins; près du lac Ter: _ Scheuchzeria palustris L. — Je ne l’ai pas revu à Saint- Point où il était indiqué : il a pu disparaître de sa tourbière qui est en train de se dessécher ; à celle de Remoray, je crois n'avoir vu que le Triglochin qui, à l’état stérile, ressemble au Scheuchzeria. Il existe tout près, à la tourbière de Malpas : sur le bord même du lac des Tallières, dans la presqu’ile tourbeuse ; aux tourbières de Mouthe, du Trouillot, des. Rouges-Truites; de l'Abbaye (tourb. Sud), des Perrets, du Boulu. Je l'ai revu aux tourbières des Mortes et des Rousses où il était indiqué anciennement. En résumé on trouve le Scheuchzeria autour de cinq lacs élevés à plus de 1000 m. et plus bas près de quelques autres jusqu'aux Perrets à moins de 900 m. Je ne l’ai pas vu au-dessous. Il peut, à l’état stérile, se confondre avec plu- sieurs autres espèces d’un autre genre : avec certains Joncs, mais leurs feuilles noueuses empêchent toute erreur ; avec le Triglochin, Eriophorum viginatum, maïs ici l'examen de la ligule fournit un bon caractère pour établir la distinction. Triglochin palustre L. — Aux bords des lacs de Joux, de Saint-Point, de Chalin, de Chambly, d’Etival, dans le Jura — 138 lacustre septentrional; de Bartherand, de Bar, de Conzieu dans le Bugey. Lemna minor L. — Remonte aux tourbières de Remoray ; des Rouges-Truites, à 915 m. - Acorus Calamus L. — Je l’ai cherché en vain autour des lacs du Jura. Ses feuilles, en général ondulées en quelques points, le font distinguer de l’Iris Pscudacorus. Sparganium minimum Fries var. natans. — Dans les lacs de Brenet-en-Joux, de Saint-Point, de Remoray, des Rouges- Truites, de la Censière, de Crenans, de Sylans, de la Bur- banche (HÉTIER), de Malpas (MAGNIN: HÉTIER. 95). Il pourrait se confondre, quand il est stérile, avec le Scirpus lacustris réduit à ses feuilles radicales ; de loin avec le Glyceria fluitans. Le Sparganium a les feuilles obtuses, le S. lacustris les a aiguës. Quand les feuilles sont altérées au sommet, ce caractère devient insuffisant, alors il faut avoir recours à un autre moyen. En regardant à travers les feuilles des deux plantes on observe une série de rectangles translucides qui sont plus allongés dans le Scirpus que dans le Sparganium. Ces parties plus claires correspondent à des vides intérieurs, les bords du rectangle qui sont d’un vert plus foncé correspondent aux parties pleines des feuilles ; enfin, seule la feuille du Scirpus a de petites dents au bord, Les feuilles sont lisses dans le Sparganium, couvertes de nombreux sillons dans le Glyceria. Luzula albida DC. — Bois des Moidons. _ Carex Davalliana Sm. — Souvent à peine scabre comme le C. pulicaris et de plus très souvent androgyne comme ce dernier. : - C. chordorrhiza Ehrh. — Bord tourbeux du lac des Tal- lières (GILLOT, 91; HÉTIER, 95); de Bellefontaine, au Sud ; tourbières chez Roland et sous le Remuat au voisinage de Lamoura [HÉTIER). — 136 — CG. disticha Huds. — Remonte auprès du lac de ci Point et au lac de Joux à 1008 m. Ho C. vulpina L. — Remonte dans la vallée de Chambly à env. 930 m. C. muricata L. — Remonte jusqu’à Bonlieu ; à Malpas à 995 m. G,. teretiuscula Good. — Semble préférer les tourbières à Sphaignes où je l’ai toujours vu. : G. paradoxa Willd. — Autour des lacs de Saïint-Point, de Remoray, de Foncine, d’Onoz, de Chambly, de Crotel. C. remota L. — Remonte jusqu'au lac de Chalin à 500 m., vis-à-vis Pierrelave. G. acuta L. — Remonte aux bords des lacs élevés, de Foncine, de l'Abbaye (HÉTIER), de Joux (MAGNIN). C. Buxbaumii Wahlenb. — Extrémité nord-ouest du lac de Bellefontaine : c’est une espèce nouvelle pour le Jura. C. limosa L. — Tourbières des lacs de Saint-Point, de Remoray, de Malpas, du Trouillot, de Foncine, de Fort-du- Pläne, des Rouges-Truites, des Perrets, des Brenets-en- Grandvaux, de la Fauge, de la Censière, du Boulu et à la tourbière de Prénovel. C. alba Scop. — Source incrustante de la Cuisance, dans les éboulis de la rive droite (VUAILLAT), C. humilis Leyss. — Remonte à Chalin au-dessus des ro- chers et à Ménétrux-en-Joux, à environ 650 m. C. tenuis Host. — Aux trois cascades du Hérisson ; à la source du Doubs (HÉTIER); à la cascade des Planches-en- Montagne (VUAILLAT). C. filiformis L. — Autour des lacs ou dans leurs tourbiè- — 131 — res : aux lacs de Remoray, de Malpas, de Foncine, des Rou- ges-Truites, de l'Abbaye, du Ratay, des Brenets-en-Grand- vaux, des Perrets, du Boulu, de Virieu, de Mornieu, de Chail- loux, de Saint-Jean-de-Chevelu. En résumé presque tous les lacs du troisième plateau et quelques lacs tourbeux du Bu- Rs G. hirta L. — Remonte jusque sur les bords du lac de Joux, à 4.008 m. G. vesicaria L. — Remonte jusque dans les lacs élevés : dans ceux de Martigna, de Crenans, de Chambly, de Bonlieu, d'Ilay, RR, de Malpas à 995 ? m. G. paludosa Good. — Remonte à environ 520 m. sur la rive gauche du lac de Chambly. Cladium Mariscus R. Br. — Quand cette plante est exondée, elle est verte ; inondée, elle est glauque et ressemble alors, à l’état stérile, au Carex ampullacea dont on le distingue à ses grandes dents épineuses. Je l'ai observé, après M. Ma- gnin, aux lacs de Chalin (1), de Chambly, du Val, d’Ilay, d'Onoz, de Viremont, de Clairvaux, de Virieu, de Pugieu, de Bartherand, de Bar, d’Ambléon, de Crotel (stérile), de Con- zZieu, de Saint-Jean-de-Chevelu. Rhynchospora alba Wahl. — Descend au bord de presque tous les lacs tourbeux du Jura lacustre méridional. Scirpus palustris L. — Dans les lacs élevés, on observe habituellement toutes les formes de passage au S. uniglu- mis. S, compressus Pers. — Descend àla source non incrustante de la Cuisance à 330 m. _ $. acicularis L. — Sur la grève inondée ou exondée des (1) Il n’en existe qu’une tache au sud-ouest du lac. — 138 — lacs et de préférence aux embarcadères. Là, en effet, les grandes herbes, qui partout ailleurs étouffent ce Scirpe, sont détruites et il se développe avec d’autres plantes de mini- me taille, les Cyperus fuscus et flavescens, qe réclament les mêmes conditions. On l’a observé dans le lac de Saint-Point (MAGNIN; HÉTIER, 95), au bord du Hérisson entre les deux lacs, dans celui d’Ilay et jusque dans les lacs élevés de Joux à l'embouchure de l’'Orbe {rive droite) et sur presque tout le contour du lac de Brenet-en-Joux, à 1008 m. Il est surtout abondant dans ce dernier lac sur la partie de la grève qui reçoit les égoûts du village de Charbonnières (HÉTIER). Schœnus ferrugineus L. — Autour des lacs élevés de Joux où il était connu; des Rouges-Truites dans la tourbière de Fort-du-Plâne, RR; descend sur le premier plateau où il se mélange au précédent : je ne l’ai pas vu dans la région du Bugey (HÉTIER). - S. nigricans L. — Prairies tourbeuses depuis le vignoble jusque sous les cimes (GRENIER). Cet auteur énumère les localités des régions basses et résume celles situées sous les cimes par « etc. »; or voici. la vérité, je crois : le S. nigricans vient habituellement seul dans les régions basses puis arrive sur le premier plateau où le S. ferrugineus APP mais ne remonte pas davantage. Je l'ai revu, après M. Magnin et d'autres botanistes, au- tour des lacs de Chalin, de Chambly, de Clairvaux, d’Onoz, de Viremont en mélange, et, seul, autour des lacs de Virieu, de Pugieu, de Mornieu, de Bartherand, de Chailloux, d’Arboréiaz, de Crotel, de Saint-Jean-de-Chevelu. Cyperus flavescens L. — Remonte à près de 550 m. au bord du sentier qui conduit de Doucier à Chalin. A la source non incrustante de la Cuisance, il est mélangé au C. fuscus. Panicum verticillatum L. — Arbois, dans TS jardins po- tagers de préférence. — 139 — - Alapecurus fulvus Smith. — Remonte jusqu’au bord des lacs de Chambly, de Joux, à 1.008 m. | Leersia oryzoides Soland. — Remonte autour des lacs du Val, de Narlay, à environ 755 m. Lasiagrostis Calamagrostis Link. — Roches de ee. près Salins. Nous l'avons observé, M. Magnin et moi, à la grotte voisine du Trou des Gungones, dans la vallée de Chambly. Calamagrostis neglecta F1. Wett. — Presqu'ile tourbeuse du lac des Tallières ; tourbière du lac de Malpas; bord occi- dental du lac de Ro autour du lac de Foncine. G. lanceolata Roth. — Au nord-est de la presqu'îte tour- beuse du lac des Tallières, au sud du lac de Remoray, au sud du lac d’Aiguebelette (HÉTIER), île du lac de l'Abbaye (Ma4- GNIN ; HÉTIER, 95). . Avena pratensis L. — Bief-de-Corne, seule 1ocalité où je l’aie trouvé, il serait donc moins répandu que le pensait Gre- nier. - Briza media L. — Dans les tourbières, la plante a des épis beaucoup plus gros que dans les pâturages. - Paa Chaixi Vill. — Bois de Mesnay, au passage à niveau. _ Catabrosa aquatica P. B. — Bord du lac des Rouges- _Truites, à env. 915 m. Glyceria plicata Fries. — Cette espèce, souvent mécon- nue, existe dans les bassins lacustres, mais sous une forme appauvrie qui a l'aspect du G. fluitans ; on l’en distingue pourtant à l’aide des glumellés. Pour avoir tous ses carac- tères, le G&. plicata réclame un soltrès azoté ; il faut alors le chercher dans les fossés qui bordent les routes, dans les vil- lages surtout, où ces fossés reçoivent à profusion tous les — 140 — éléments dont cette plante à besoin pour atteindre le beau développement qui répond à la description de Fries. Molinia cærulea (1) Mœnch. — Les épillets sont souvent réunis en tête au sommet de la tige, autour de quelques lacs du Bugey; il y est aussi quelquefois vivipare. Festuca silvatica Vill. — Descend à environ 330 m. à la source incrustante de la Cuisance. Elymus europæus L. — Descend au contact du vignoble à Mesnay, au passage à niveau. Botrychium Lunaria Sw. — Descend au bord de la route de Chambly, à environ 520 m., au pied des éboulis avec le Plantago Cynops. Ophioglossum vulgatum L. — Remmonte à 4.075 m., sur les bords tourbeux du lac des Rousses, où PORRE prend nais- sance. Polypodium Phegopteris L. — Bois qui borde le lac du Vernois. | P. Dryopteris L. — Paraît particulier aux montagnes où il n’est pas commun. Vallée de la Combe-du-Lac; pied du Mont- d'Or, près des Charbonnières; partie boisée du lac de Bonlieu. Polystichum Thelypteris Roth. — Autour des lacs de Cham- bly, du Val, de Narlay, de la Censière, d'Onoz, de Genin, de Viry. Plus commun autour des lacs situés plus bas, de Virieu, de Pugieu, de Mornieu, de Chavoley, de Bar, de Chailloux, (1) Le Molinia cærulea de Grenier Flore juras. correspond à la var. altissima de Cariot et le Molinia cærulea de ce dernier à la var. minor de Grenier. Cf. GRENIER Flore juras. p. 916 et CARIOT 7° éd. p. 839. La var. minor de Grenier est propre aux lieux marécageux, aux tour- bières, ellese comporterait alors comme le Pinus uncinata, le Populus Tremula, quelquefois. La grande humidité fait souvent allonger les plan- tes, il n’en serait pas de même pour celle-ci. D A x’ É — 141 — d’Arboréiaz, de Conzieu, d’Ambléon, de Crotel, de Saint-Jean- de-Chevelu. P. spinulosum DC. — En dehors de sa station habituelle, on l’observe aussi dans les tourbières des lacs des Tallières, de Remoray, de Saint-Point. Asplenium Halleri DC. — Source incrustante de la Cui- sance, sur les rochers qui dominent la rive droite; à Salins aux roches de Gouailles ; rochers de Ménétrux-en-Joux ; de Moirans ; de Montorient près Macornay (HÉTIER); environ de Marigna (VUAILLAT). Asplenium viride Huds. — Descend aux sources de la Cui- sance à environ 330 m. Equisetum hyemale L. — A l'entrée de la vallée de Ba- lerne, entre Champagnole et Pont-du-Navoy ; partie boisée du lac d’Ambléon (HÉTIER) ; la Chaux à 1.000 m. (MEYLAN). Lycopodium Selago L. — Habite les tourbières de Recul- foz, de Mouthe, de Bellefontaine, de Chaux-des-Prés, du Boulu. L, inundatum L. — Tourbières du Boulu, de Malpas. MUSCINÉES (1) Pleuridium nitidum B. E. — A l’entrée d’une grotte dans la vallée de Baume-les-Messieurs, entre les Echelles de Crancçot et la source du Dar. (4) OBSERVATION. — Quelque soin que j'aie mis à l'étude de mes récoltes bryologiques, j'ai compris que je n’avais pas toujours une expérience suffisante pour entrainer la conviction du lecteur. J'ai fait tout mon pos- sible pour éviter les erreurs qui, une fois imprimées, sont si difficiles à déraciner. J'ai soumis les espèces litigieuses à M. le D' Camus qui s’est offert à les étudier, avec sa bienveillance habituelle. Les Sphaignes ont été toutes nommées par lui, d’après les récents travaux étrangers, qu’il s'efforce avec M. Em. Bureau, de vulgariser en France, J’exprime ici ma vive grati- — 142 — Phaseum muticum Schreb. — La Chaux (1) à 1.100 m. (MEYLAN) (2). Phaseum bryoides Dicks. — La Chaux à 1.100 m. ee LAN). Ces deux dernières espèces n'étaient pas connues à cette altitude élevée. . Systegium crispum Schpr. — Dans un pré voisin des roches de Gilly (3) dans la vallée d’Arbois; à la source incrustante de la Cuisance. Hymenostomum Meylani (4) Amann. — Espèce de création récente dont on doit la découverte au Chasseron, au Chas- seral, au Suchet, à M. Meylan. Gymnostomum calcareum N. H. — Sur le tuf, à la source du Dar ; dans la vallée de la Cuisance. Weisia Wimmeriana B. E. - Aiguilles de Baulmes (Mev- LAN). tude à M. F. Camus pour ce nouveau témoignage de complaisance à mon égard. Cette partie de mon travail sur les bassins lacustres est une contribu- tion à la Flore bryologique des Monts Jura que je me propose de publier bientôt. Une nouvelle contribution à la même Flore dont j'ai recueillt les matériaux cette année 1896 avec M. Magnin, doit paraître en 1898 : c’est une monographie phanérogamique et bryologique de toutes nos tourbières. Dans ces matériaux j'ai déjà reconnu plusieurs Mousses qui sont nouvelles pour le Jura, j'ai de plus constaté un grand nombre de localités nouvelles pour des espèces dont la distribution géographique est encore mal connue dans nos montagnes. (1) Près Sainte-Croix dans le canton de Neuchâtel. (2) M. Ch. Meylan a bien voulu me communiquer ses découvertes, je suis heureux de les reproduire ici. (3) Grandes corniches appartenant au bajocien, au milieu desquelles on a tracé le chemin de fer de Pontarlier. Ces corniches dominent un vallon qui est arrosé par le ruisseau du Grandmont ; leur pied est couvert de vignes produisant le vin très estimé de Gilly. C’est dans cette partie re- marquable, entre les roches et les vignes que les botanistes ont trouvé la plupart des plantes rares mentionnées dans les Flores comme HAÉES à Arboïis ou aux environs d’Arboïis. (4) Cf. Etude bryol. du haut Jura moyen par MM. Amann et Mey'en, ext. Bull. Soc. bot. suisse, 1896. Pottia latifolia Muell. — Chasseral (MEYLAN). Le même botaniste signale à la Dent de Vaulion {août 96) la var. pilifera Schpr, qui n’était pas encore connue dans nos montagnes. Dichodontium pellucidum Schpr. — Source non incrus- tante de la Cuisance ; à la source du Jardin qui alimente le lac de Chalin; aux cascades du Hérisson. Cette Mousse, comme on le sait, préfère les sols siliceux et n’était connue que dans quelques localités du Jura. Dicranella subulata ; D. Schreberi, D. Grevilleana, D. cur- vata, D. rufescens, de Schimper, ont été tous trouvés à la Chaux par M. Meylan. Dicranum Sauteri B. E. — Chasseron (MEYLAN). D. viride Lindb. — A la base des troncs de Hêtre, dansle Grand Bois, petite colline parallèle à celle du Grand-Tau- reau, où je l'ai découvert en 1891 (): ; la Chaux, (MEYLAN). D. fucescens Turn. — Au Rizoux et au Montendre sur les vieux troncs. D. Muehlenbeckii B. E. — Fructifie vis-à-vis le Sentier dans les pâturages du Montendre. D. majus Turn. — Fructifie au Montendre sous les Sapins, vis-à-vis le Sentier (HÉTIER). M. Meylan a rencontré cette espèce au Chasseron, au Chasseral, aux Aiguilles de Baulmes, au Suchet. : D. Bonjeani D. N. — Fructifie à la tourbière de Mouthe, à. celles des lacs de Bonlieu, des Rouges-Truites, de l'Abbaye (Ouest), des Rousses, puis en un point autour du 3° lac de Conzieu. 11 est toujours rare à cet état. D. Schraderi W. M. — Tourbières à Sphaignes du haut (1) M. Clerc de Pontarlier, qui explore en ce moment les environs de cette “ile a bien voulu m’accompagner à cette localité, — 144 —. Jura où il est commun, à partir de la tourbière du Grand- Maclu située à 779 m. d'altitude. D. undulatum B. E. — Habite les parties boisées des tour- bières où il fructifie : à celle de Saint-Point, de Remoray, de Bonlieu. D. spurium Hedw. — Tourbières du lac des Rouges- Truites et probablement d’autres stations analogues; sa grande ressemblance avec le D. Schraderi a bien pu le ire négliger. Campylopus flexuosus Brid. — A l'extrémité nord de la tourbière du Grand-Maclu. C. torfaceus B. E. — Fructifie aux tourbières des lacs des Tallières, de la vallée de Joux, du Boulu. — Leucobryum glaucum Hpe. — Fréquent dans les tourbières du Jura où je ne l’ai pas vu fructifier. Dans les pâturages secs, comme à Pontarlier, à la localité du Dicranum vir ide, il est FRE et rappelle L. minus. Fissidens pusillus Wils. — Près des cascades du Héris- son; à la source du Doubs, sur des rochers (HÉTIER) ; M. Meylan l’a reconnu le premier dans le Jura en 1891, aux Etroits. F. crassipes Wils. — Au pied d’une écluse de la Cuisance vers la cartonnerie de la Bise. F. osmundoides Hedw. — Encore peu connu dans le Jura où il me paraît répandu : tourbières du Grand-Maclu (fruct.), de Malpas, de Mouthe, de Rouges-Truites, de Bellefontaine (HÉTIER) ; a été trouvé aussi à celle de la Vraconnaz, mais par M. Meylan. Seligeria tristicha B. E. — Sur les rochers à la source du Dar; sur les rochers à parois verticales aux cascades du — 145 — Hérisson ; sur la grève et à l’intérieur même du lac de Joux avec des fruits, vis-à-vis de la Roche fendue. S, recurvata B. E. — La Chaux (MEYLAN), Chasseron à 1.600 m. (MEYLAN et HÉTIER). Distichium capillaceum B. E. — Descend à la source du Dard dans les crevasses des tufs. Leptotrichum flexicaule Hpe. — Fructifie quelquefois dans le haut Jura, mais très rarement dans les basses montagnes : source du Dard, source incrustante de la Cuisance. L. homomallum Schpr. — La Chaux (MEYLAN). Didymodon rubellus B. E. var. dentatus Schr. — La Chaux sur molasse (MEYLAN, 91). Cetle variété n'avait pas encore té signalée dans nos montagnes. Trichostomum mutabile B. E. — Val-de-Travers ( MEYLAN). T, crispulum Bruch. — Gorges de Covatannaz où il fructi- fie (MEYLAN). T. tophaceum Brid. — Bords de l'Œuf et cascades du Hé- risson. Barbula rigida Schl. — Il serait intéressant d'étudier dans le Jura la dispersion des espèces de la section Aloidella Schpr. Les localités connues en sont peu nombreuses. J’ai mbservé une espèce de cette section entre Foncine et Mouthe, dans les éboulis au bord de la route. | B. atrovirens Schpr. — La Chaux à 1.100 m. sur des ro- chers calcaires bien exposés (MEYLAN, 95). Cette espèce est nouvelle pour le Jura. B. recurvifolia Schpr. — Source incrustante de la Cui- sance. B. paludosa Schw. — Les mêmes stations que l’espèce précédente ; elle est encore peu connue dans le Jura. 40 — 146 — ; B. fragilis Wils. — Au bord du lac de Remoray, avec le Catoscopium; au Nord-Est du lac des Rouges-Truites, au bord de la tourbière (HÉTIER, 95); Sainte-Croix (MEY- LAN, 96). B. mucronifolia (Schwg\. — Dent de Vaulion (MEYLAN). B. squarrosa Brid. — Au-dessus des corniches rocheuses qui dominent le lac de Chalin : cette espèce est également peu connue dans le Jura. B. inclinata (Schwg). — Fertile à la carrière de tuf de la source de la Cuisance. Geheebia cataractarum Schpr. — Abonde au Sud-Ouest du lac de Bellefontaine sur une bande de terre qui s’avance un peu dans le lac et sur d’autres points au Sud. La station de cette Mousse curieuse est ici un marais. Jusqu'à présent on ne l’a indiquée, je crois, que sur les rochers calcaires hu- mides. Schistidium atrofuscum Spr. —-- Chasseron (HÉTIER et MEY- LAN, juin 95), Suchet (MEYLAN). Espèce nouvelle pour le Jura. Grimmia anodon B. E. — Covatannaz, Suchet, Chasseron (MEYLAN). Espèce nouvelle pour le Jura. - G. decipiens Lindb. — Aiguilles de Baulmes, sur des blocs erratiques (MEYLAN). G. orbicularis B. E. — Corniches rocheuses qui dominent le lac de Chalin, éboulis du bajocien à la source incrustante de la Cuisance. G. commutata Hueb. — Vallée d’Arbois, sur les tuiles de la cartonnerie de la Bise (HÉTIER), Covatannaz (MEYLAN, 94). Cette espèce des rochers granitiques est fertile aux localités précédentes et de plus elle est nouvelle pour le Jura fran- çuis, = V7, — G. montana B. E. — La Chaux ([MEYLAN, 9,6). Espèce nou- velle pour le Jura. G. Muehlenbeckii (Schpr). — Aïguilles de Baulmes (MEY- LAN, 92). Espèce nouvelle pour le Jura récoltée sur des blocs erratiques. G. ovata B.E. — Covatannaz sur des blocs erratiques (MEYLAN, 91). G. elatior B. E. — Aiguilles de Baulmes sur des blocs erra- tiques (MEYLAN, 93). Rhacomitrium patens Huebn. — Aiguilles de Baulmes sur des blocs erratiques (MEYLAN). R. sudeticum B. E. — Aiguilles de Baulmes sur des blocs erratiques /MEYLAN). R. heterostichum Brid. — Aiguilles de Baulmes sur des blocs erratiques (MEYLAN). Zygodon viridissimus Brid. — Sur les tilleuls de l'avenue du château de Chalin (HÉTIER) ; — au-dessus de Baulmes, Sainte Croix (MEYLAN). Ulota intermedia Schpr. — La Chaux (MEYLAN, 91). Orthotricum nudum Dicks. -- Ilay, sur les rochers arrosés par les eaux du lac de ce nom, vallées de la Cuisance, de la Seille, de Chalin et du Hérisson sur les pierres arrosées ou non aux bords des eaux. 0. obtusifolium Schrad. — Fructfie fréquemment dans la vallée d’Arbois où il habite les Noyers et surtout les Peupliers. Encalypta vulgaris var. pilifera Funck. — Vallée d’Ar- bois aux roches de Gilly. E. streptocarpa Hedw. — Trouvé avec quelques capsules seulement aux sources de la Cuisance et du Dard. À environ 800 m. il fructifie beaucoup. HE E. ciliata Hedw. — La Chaux 1.050 m. (MEYLAN). E. longicollis Br. Sch. — Suchet (MEYLAN, 93). Tayloria splachnoides Hook. — Assez commun au Mon- tendre, vis-à-vis le Sentier, sur les anciennes bouses de vache (HÉTIER) ; Chasseron (MEYLAN). T_ serrata B. E. — Chasseron, Suchet (MEYLAN). La var. tenuis a été trouvée au Chasseron et aux ue de Baulmes par le même botaniste. La var. flagellaris B. E. au Chasseron (MEYLAN, août 95); est nouvelle pour le Jur«. Splachnum ampullaceum L. — Sur les anciennes bouses de vache à la source du Piley qui alimente les lacs de Clair- vaux (MAGNIN) — dans les tourbières des lacs des Tallières, de Malpas, des Rouges-Truites, des Rousses, du Boulu (HÉ- TIER), à la Vraconnaz [MEYLAN). Funaria calcarea Wahl. — Au pied des grands rochers de la Châtelaine et aux Echelles de Crançot. Leptobryum piriforme Schpr. — Sur le talus d’une voie récemment ouverte au bord du Grand-Maelu (HÉTIER). Com- mun dans les tourbières de la vallée de Joux, ia Chaux (MEYLAN). : Plagiobryum Zierii Lindb. — Suchet, Chasseral, Aiguilles de Baulmes, Dent de Vaulion (MEYLAN). Webera albicans Schpr. — A la source du Dard et aux cas- cades du Hérisson sur la terre argileuse dénudée (HÉTIER). Fructifie çà et là aux environs de la Chaux (MEYLAN). Cette espèce n'était pas connue dans le Jura français. W. commutata Schpr. — Espèce nouvelle pour le Jura, découverte par M. Meylan à la Chaux, sur molasse, juin 1896 (fruct.). — 149 — _Bryum arcticum B. E. — Dent de Vaulion (MEYLAN). B. fallax Milde. — Abonde sur les hauts sommets voisins de Sainte-Croix (MEYLAN). B. cirrhatum Hopp. — La Chaux, sur molasse (MEYLAN, 96). B. pallens Sw. — La Chaux (MEYLAN,. B. neodamense Itz. — Sur la grève des lacs, quelquefois même dans leurs eaux, plus fréquemment dans leurs tour- bières. Ilest très variable dans son tissu, dans la forme de ses feuilles et surtout dans son port. On le trouve au bord des lacs de Chalin, du Val, de Viremont, d’Onoz, d’Ilay (fruct.), du Grand-Maclu, du Fioget, de Saint-Point /(fruct ), de Remoray, de Malpas, du Trouillot, des Rouges-Truites, de l’Abbaye (fruct.), des Tallières, de Ter, des Rousses, du Boulu, de Genin, de la Censière, d’Etival, de la Burbanche, d’Arboréiaz (HÉTIER), Sainte-Croix [MEYLAN, 92). B. turbinatum Schw. — Le type à la Chaux (MEYLAN, 92). B. Duvalii Voit. — La Chaux (MEYLAN). B. Funckii Schw.— La Chaux, sur molasse, avec des fruits (MEYLAN, 96). B. Mildeanum Jur. La Chaux, sur molasse (MEYLAN, 96.) B. veasicolor À. Braun. — Déjà signalé sur les bords de l’Arve près du lac de Genève, se retrouve à Aix-les-Bains sur la grève du lac du Bourget, comme on pouvait s’y attendre. Il doit exister vraisemblablement en d’autres points aux bords du Rhône. B. constrictum Bruch., inéd. B. Klinggraeffii Schpr. p. c. . Musc. gull. p. 245, pl. LXVI. — Au bord du lac de Chalin dans les lieux brûlés. B. atropurpureum B. E. — La Chaux à 1.100 m. (MEYLAN, 96). B. cyclophyllum. — Tourbières du Bélieu (QUÉLET). À été — 150 — retrouvé au même endroit par M. Rémond de Boujailles, il y a quelques années. B. roseum Schreb. — La Chaux, très fertile (MEYLAN). Mnium spinulosum B. E. — Sous les Sapins d’une petite colline au pied de laquelle s’étale le lac de Malpas. M. punctatum Hedw. — Paraît rare dans les tourbières où il peut être confondu avec Cinclidium stygium ; il fructifie aux tourbières des Rousses. M. insigne Mitt. — Je n’ai observé la forme vraiment ty- pique qu’autour du lac d’Onoz. J’ai étudié avec soin les échantillons de toutes les localités que j'ai parcourues, jai constaté des formes à tissu d’insigne mais à dents doubles et des formes passant insensiblement d’insigne à affine pour le tissu. M. hymenophylloides Hueb. — Espèce nouvelle pour le Jura, c’est M. Meylan qui l’a découverte au sommet du Chasseron en 1891. | Cinclidium stygium Sw. — Signalé pour la première fois dans le Jura suisse par M. Meylan en 1891, à la Vraconnaz où il fructifie ; depuis, retrouvé dans de nombreuses stations du Jura français : tourbière de Pontarlier (RÉMOND), celle de Bannans ([MAGNIN) et celles des lacs du Ratay, de Saint- Point, de Malpas, de Fort-du-Plâne, des Rouges-Truites (CC mais avec quelques fruits seulement), de l’Abbaye (Ouest st. et Sud fert.), des Brenets-en-Grandvaux, de la Cen- sière, de la Fauge (très fertile), de Viremont, des Rousses, de Bellefontaine [HÉTIER). Amblyodon de albatus P. B. — En petite quantité aux cas- cades du Hérisson (HÉTIER), à la source du Doubs (VuEz, HÉTIER), puis le Chasseron, la vallée de Joux, la Vraconnaz (MEYLAN). — 151 — Meesea uliginosa Hedw. — Bord d’une source dans la vallée de Joux et à la Vraconnaz (MEYLAN). J’ai trouvé la var. alpina sur les petits îlots si nombreux à l’extrémité mé- ridionale du lac des Rouges-Truites. M. tristicha B. E. — Descend jusqu’au bord du lac de Chalin où il reste stérile, fructifie dans les tourbières à Sphaignes, particulièrement dans celles de Bonlieu, de Remoray, des Rousses, de Viry; dans la tourbière ouest du lac de l’Abbaye, il forme des gazons absolument purs d’où émergent d'innombrables capsules. M. longiseta Hedw. — Abonde dans la tourbière du lac de Bonlieu. Les longs pédicelles qui portent ses capsules lui donnent l'aspect du précédent. Anlacomnium palustre Schw. -— Fertile çà et là dans la plupart des tourbières à Sphaignes ; fructifie en abondance, particulièrement sur le bord tourbeux du lac de Bonlieu. À androgynum Schw. — Au pied des arbres, près du lac de Bonlieu. Catoscopium nigritum Brid. — Cette curieuse Mousse, chargée de ses fruits si caractéristiques, occupe un espace très restreint au Sud-Ouest du lac de Remoray et au Nord- _ Est de la tourbière de Malpas. Dans cette dernière station le C. nigritum croît sur les pentes des petits ilots formés par les souches de Carex. Paludella squarrosa Ehrh. — Abonde à l’état stérile sur les bords tourbeux du lac du Trouillot, non loin de la tour- bière de Reculfoz, aujourd'hui presque desséchée (HÉTIER) ; tourbière des Amburnes (LERESCHE). Retrouvé à la même station par M. Meylan en septembre 1896. Bartramia Halleriana Hedw. — Bord du lac de Chalin à Pierrelave. — 152 — B. ithyphylla Brid. — La Chaux (MEYLAN), Creux-du-Van (SCHELLING). B. cæspitosa Wils. — La Vraconnaz, fruct. (MEYLAN). Timmia buvarica Hessi. — Dans les crevasses rocheuses du Montendre, vis-à-vis le Sentier. Atrichum angustatum B. E. — A l’ancien champ de tir de Montciel près de Lons-le-Saunier, où il est très fertile. Cette espèce, bien souvent stérile, n’était pas connue dans le Jura. Buxhaumia indusiata Brid. — Sur les troncs tombant de vétusté autour du lac de Bonlieu (HÉTIER). Commun au voisinage de la Chaux ([MEYLAN). Pogonatum nanum, — aloides, P. — urnigerum. — À la Chaux sur la molasse, 1100 m. (MEYLAN). Polytrichum piliferum Schreb. — La Chaux sur la molasse où il fructifie /MEYLAN). Tourbière de Chaux-des-Prés, st, (HÉTIER). Neckera pennata Hedw. — Sainte-Croix (MEYLAN). N. turgida Jur. — Poita-Raisse, st. à la Chaux et aux Aiguilles de Baulmes, fert. (MEYLAN). Cette espèce est nou- velle pour le Jura. La var. jurassica Amann a été récem- ment découverte au Chasseron par M. Meylan en 1891. N. pumila Hedw. — Sainte-Croix (MEYLAN). N. complanata Hueb. — Trouvé fertile à l’origine d’une petite cascade située sur la rive gauche du Hérisson ainsi qu'aux sources de la Cuisance. Fontinalis atipyretica L. — Abonde en fruits dans le ca- nal qui alimente la cartonnerie de la Bise, dans la vallée d’Arbois. Leptodon Smithii Mohr. — Sur un gros bloc calcaire à la source du Dard où Je l’avais découvert en 1891. — 153 — Leucodon sciuroides Schw. — Cette espèce, réputée rare en fruits, abonde à cet état sur les troncs d’arbres des val- lées d’Arbois. Antitrichia curtipendula Brid. -- Descend à la source in- crustante de la Cuisance. Myurella julacea B. E. -- Au sommet du Montendre, vis- à-vis le Sentier. M. apiculata B. E. — Chasseron, Chasseral, Dent de Vaulion (MEYLAN). Cette espèce n’était pas connue dans le Jura. M. Careyana Sull. — Découvert dans le Jura par M. Mey- lan : aux Aiguilles de Baulmes en 1893 : au Suchet, 95 ; à la Dent de Vaulion, 96. Pseudoleskea catenulata B. E. — Trouvé fertile à Covatan- naz (MEYLAN). Anomodon longifolius Hrtm, — Sur de vieilles souches à l'extrémité méridionale du lac de Saint-Point et sur des ro- chers qui dominent les lacs de Chalin et du Fioget. Thuidium delicatulum Lindb. — Val de Joux près de la tourbière de Praz Rodet (MEYLAN, 95). Cette espèce n’était pas encore signalée dans le Jura. T. decipiens D. N. — La Vaux (MEYLAN). Espèce égale- ment nouvelle pour nos montagnes. Pylaisia polyantha B. E. — Fréquent sur les arbres des vergers dans la vallée d’Arbois. Cylindrothecium repens D. N. — Espèce nouvelle pour le Jura, trouvée à la Chaux par M. Meylan. G. cladorrhizans Schpr. — Quelques plaques de très peu d’étendue en montant à la Châtelaine par la voie celtique et — 1954 — d’autres points de la vallée de la Cuisance; sur un bloc calcaire au bord de la Bruyante, dans la vallée du Hérisso n. CG. concinnum Schpr. — Trouvé avec quelques capsules à la sortie du village des Planches, au bord de la route qui conduit à la Châtelaine ; au bord de la Bienne en amont de Morez (HÉTIER) ; dans le Val-de-Travers (MEYLAN). Climacium dendroides W. M. — Je l’ai observé avec quel- ques capsules seulement, autour des lacs du Valet de la Fauge. Orthotecium rufescens B. E. — Descend à la source in- crustante de la Cuisance ; fructifie assez bien au Trou-des- Gangones (1), sur la rive gauche du Hérisson. Jai encore observé quelques capsules à la source du Doubs (HÉTIER). Très souvent fertile aux environs de la Chaux (MEYLAN). 0. intricatum B. E. — Cette espèce, qui est souvent mé- langée à la précédente, descend avec elle à la source incrus- tante de la Cuisance. M. Meylan a été assez heureux pour la découvrir en fruit au Chasseron et à la Poita-Raisse en 1895. Camptothecium nitens Schpr. — Abondamment fertile à la tourbière du lac de Bonlieu; également fertile çà et là au bord du lac des Rouges-Truites et aux tourbières des Rousses. Brachythecium salebrosum B. E. — Bords de la route de Ferrière, dans la vallée d’Arbois. B. glareosum B. E. — Fertile à la source incrustante de la Cuisance. B. albicans B. E. — Découvert dans le Jura suisse à la Chaux, sur molasse, par M. Meylan en 1896 et de plus muni (1) Renfoncement circulaire situé au pied du Saut-de-la-Montagne (2° cas- cade du Hérisson) et permettant de contourner l’eau qui tombe. re — 155 — de capsules, puis par moi cette même année dans le Jura français, dans une station différente, à la tourbière du Pré- Reverchon. A. reflexum B. E. — Commun sur toutes les sommités voi- sines de la Chaux (MEYLAN). B. curtum Lind. — Cette espèce n’était connue jusqu'ici que dans l’Europe septentrionale, M. Meylan vient de la dé- couvrir dans nos montagnes en 1893, dans une forêt près de la Vraconnaz. B. rivulare B. E. — Cascades du Hérisson. Eurrhynchium Tommasinii Sdt. — Près du lac de Chalin, à la source du Jardin et à celle de la Cuisance, où il fructifie (HÉTIER). La var. fagineum est à Sainte-Croix (MEYLAN). E. crassirervium B. E. — Sur des rochers en montant à la Châtelaine par la voie celtique. E. striatulum B. E. — Cette espèce qui appartient surtout à la région méditerranéenne remonte dans la vallée de l’Aiïn : à la source du Dard, aux cascades du Hérisson, au fond de la reculée de Chalin où elle n’est pas rare en fruits (HÉTIER). Trouvée aussi fertile par M. Meylan aux environs de la Chaux. E. diversifolium B. E. — Chasseron (MEYLAN). Cette espèce est nouvelle pour le Jura. E. velutinoides B. E. — Gorges de Covatannaz (MEYLAN). E. cirrosum Jur. — Montendre vis-à-vis le Sentier (HÉ- TIER, 95), Suchet (MEYLAN, 92). Espèce nouvelle pour le Jura. E. curvisetum Del. — A la source du Dard, près du lac de Chalin, à la source du Jardin et aux cascades du Hérisson. Je n'ai pas encore rencontré dans le Jura l'E. Teesdalii, espèce très voisine. — 156 — Thamnium alopecurum B. E. — Bien fructifié à la source non incrustante de la Cuisance. Plagiothecium Rœseanum B. E. — Chasseron (MEYLAN, 90). Amblystesium irriguum B. E. — Au fond du canal qui ali- mente la cartonnerie de la Bise (vallée d’Arbois), à L m. de profondeur ; tout près dans la Cuisance, cette Mousse émerge pendant la sécheresse et fructifie. A. confervoides B. E. — Répandu dans les vallées d’Ar- bois. | A. Sprucei B. E. — Montendre, sur la terre des rochers ombragés, vis-à-vis le Sentier, sur les vieux bois dans la chaîne du Rizoux, vers Mouthe; au bord de la route entre les Crozets et Moirans ; sur du bois pourri aux tourbières du Boulu (HÉTIER). Cette espèce bien difficile à distinguer de la précédente, à l’œil nu, semble préférer les montagnes ; elle a été découverte dans nos montagnes par M. Meylan, à Sainte-Croix, en 1891, puis successivement au Chasseron et au suchet par le même botaniste. Hypnum Helodes Spr. — Autour des lacs de Chalin, du Val, de Clairvaux, de Viremont, de Kort-du-Pläne, de lAb- baye, de Bellefontaime, de Genin, de Crotel (MAGNIN, 92 ; HÉTIER, 95), d’Aiguebelette. H. arcuatum Lindb. — Trouvé fertile par M. Meylan à la Chaux (1,100 m.) en juin 1896. H. palustre L. var. tenellum Sch. — Dans la forêt des Etroits, près Sainte-Croix (MEYLAN, 94). H. chrysophyllum Brid. — Près du lit souvent desséché d'un petit ruisseau, à la source incrustante de la Cuisance, peu avant la carrière de tuf : il y est couvert de fruits. EH. Kneïffii var. attenuatum Boul. — Il est beaucoup moins 00 FR ] 7: — 157 — répandu que le suivant. Je l’ai remarqué à l’état stérile autour des lacs de Narlay, des Rouges-Truites, de Chailloux, de Cro- tel, d’Aiguebelette. H. fluitans var. falcatum B. E. — Quelquefois en mélange intime avec le H. stramineum, souvent même il disparaît totalement sous celui-ci, seules ses capsules longuement pé- dicellées émergent. Il n’est pas rare dans nos montagnes de rencontrer le stramineum sous cet aspect trompeur.Dans ces conditions il est difficile de juger rapidement à quelle espèce appartiennent les fruits; cependant on remarquera avanta- geusement que les pédicelles naissent à une grande profon- deur dans la touffe du H. stramineum et qu'ils se détachent au moindre effort du point d'insertion; le contraire a lieu pour l’autre espèce. H. Sendtneri Schpr. — Tourbières de la Chaux et de la Vraconnaz ([MEYLAN). H. Cossoni Schpr. — Sainte-Croix où il fructifie (MEYLAN). H. vernicosum Lindb. — Habite les bords tourbeux des lacs du Bugey entre 500 et 300 m., ceux d’Arboréiaz, de Crotel, de Conzieu, de Saint-Jean-de-Chevelu. EH, Wilsoni Schpr. — Très abondant autour du lac Ter (HKk- TIER). Tourbière de la Vraconnaz (MEYLAN). H. uncinatum Hedw. — Descend à la source incrustante de la Cuisance. H. commutatum Hedw. — Fructifie, mais rarement, aux sources de la Cuisance, puis plus fréquemment à mesure qu’on s’élève dans les montagnes, abonde en particulier et couvert de fruits aux cascades du Hérisson. H. irrigatum Zett. — Lit du Hérisson près des cascades ; source du Doubs. Cette espèce est nouvelle pour le Jura français. — 158 — H. sulcatum Schpr. — Chasseral (MEYLAN). H. Sauteri Spr. — Suchet, fruct (1893) et au Chasseron mais st. (MEYLAN). H. Vaucheri Lesqx. — Rochers de l’Aigle près d’Ilay. H. lycopodioides Schw. —- Tourbière de Malpas, de Saint- Point (ferüle) ; quelques points autour du lac d’Ilay ; très ré- pandu sur toute la grève occidentale du lac de l'Abbaye et fructifie abondamment dans quelques fosses de sa tourbière occidentale ; tourbières de Bellefontaine, du Boulu, de Mar- tigna sur la grève du lac, descend dans le Bugey en un point très restreint de la grève du lac d’Armaille. Cette es- pèce est certainement beaucoup moins répandue que sa voisine l’{T. scorpioides. H. filicinum L. — Trouvé aux sources de la Cuisance avec quelques capsules ; fructifie mieux à une altitude supé- rieure, par exemple près du lac de Chalin, à la source du Jardin et au Saut-Girard. H. fallax Brid. — Source incrustante de la Cuisance, près du lac de Chalin, à la source du Jardin (HÉTIER), la Chaux avec des fruits (MEYLAN). | H. turgescens Schpr. — Je l’ai reconnu parmi les récoltes que j'ai faites autour des lacs de Remoray, de Crenans, de l'Abbaye, de Chalin en 1895, revu en 1896 dans toute la ré- gion marécageuse Sud-Est de ce même lac. Sur place j'ai dû prendre cette Mousse intéressante pour une forme de V'H. lycopodioides. Je ne saurais donc me prononcer sur son degré de fréquence dans la plupart des localités que je viens d’énumérer. Cette espèce connue dans notre voisinage, sur les bords du lac de Genève, ne l'était pas encore en France. H. scorpioides L. — Fructifie abondamment à partir du pre- — 159 — mier plateau, dans les tourbières des lacs de Chalin, de Clair- vaux, du Fioget, d’Ilay, de Bonlieu, du Grand-Maclu, de Foncine, de l’Abbaye, de la Censière. 11 est stérile sur la grève des lacs. H. giganteum Schpr. — Fructifie ça et là, en particulier sur les bords tourbeux du lac des Rouges-Truites où les capsules abondent. Il est particulièrement commun dans les tourbières ; il atteint de grandes dimensions dans les fossés pleins d’eau, creusés depuis peu d'années. Les lacs sont peu favorables à son développement, les lacs tourbeux exceptés. M. Magnin, dans ses dragages, l’a retiré d’une profondeur de plus de dix mètres : comme il s’incruste facilement, son poids le fait descendre. Ce même phénomène ne se reproduit plus dans les lacs tourbeux; leurs eaux qui pouvaient être chargées de carbonate de chaux à un moment donné aban- donnent ce corps en Ss’infiltrant dans la tourbe pour arriver au lac, dans ce cas on voit alors flotter le giganteum. Lors- que cette Mousse est rabougrie, ce qui arrive quand elle est exondée, elle se rapproche du cuspidatum. On peut encore les distinguer à l’œil nu : dans cette dernière espèce l'extré- mité du rameau est lisse et cuspidée, comme son nom l’in- dique ; dans l’autre, elle est obtuse et présente à sa surface de légères ondulations qui sont dues à l’imbrication des feuilles. H. cordifolium Hedw. — On donne deux indications très douteuses de cette espèce dans le Jura, l’une aux tourbières des Rousses (Cornu) où M. Flagey ne l’a point retrouvée (Cf. M. de la France), l’autre à la Vraconnaz où M. Meylan m'af- firme ne l'avoir jamais récoltée (Cf. AMANN et MEYLAN, 96). En conséquence on pourra rayer cette espèce de notre catalogue jusqu’à ce qu'on puisse produire des échantillons de provenance authentique. L'espèce précédente se présente sous des aspects trom- . peurs qui rappellent cet Hypnum : tige simple et grêle, etc., mais l’examen microscopique empêche toute confusion. 160 — H. trifarium W. M. — Cette Mousse est abondamment ré- pandue dans les tourbières du Jura lacustre septentrional» elle l’est beaucoup moins dans le Jura lacustre méridional, et probablement fort rare dans les tourbières au nord de la chaine, ce qui a pu faire dire à quelques botanistes que cette espèce était en voie de disparition. L’Hypnum trifarium présente le même degré de fréquence que le scorpioides, il l'accompagne d’ailleurs dans nos tourbières comme autour de nos lacs : dans les endroits desséchés ou susceptibles de l’être souvent, la plante reste grêle ; cet état paraît convenir au développement de la capsule. Cest en effet dans ces con- ditions que j’ai trouvé des fruits en un point tourbeux à l’est du lac d’Ilay, au nord du lac de Malpas et surtout à la tour- bière voisine dite de la Planée. J’ai consacré des heures en- tières à leur recherche; pour avoir quelque chance d’en apercevoir il faut être littéralement couché sur un tapis de cette Mousse parfois trop humide. Dans ses stations en partie submergées, la plante prend un beau développement mais reste stérile. H. stramineum Dick. — Très souvent en compagnie du précédent auquel il ressemble par sa forme, mais dont on le distingue à première vue par sa couleur. Je ne l’ai constaté que dans les tourbières à Sphaignes. Il fructifie moins rare- ment que le précédent, on le rencontre à cet état aux tour- bières du lac des Rouges-Truites, des Rousses, du Boulu, et surtout à celle de Prénovel où il fructifie assez bien. M. Mey- lan me le signale dans les mêmes conditions aux tourbières de la Vraconnaz et de la Chaux. H. purum L. — Presque toujours d’une végétation luxu- riante, cette espèce fructifie peu dans le Jura. On la trouve fertile à la source non incrustante de la Cuisance. H. Schreheri Wild. — Fréquent dans les tourbières à Sphaignes. Société d'Émulation du Doubs , 1896. PI. ] Feuille et tissu du Jun$éermannia — 161 — Hylocomium pyrenaicum Lindb. — Suchet, Aiguilles de Baulmes (MEYLAN), Chasseron (SCHIMPER et MEYLAN). H. umbratum B. E. — Chaux-des-Prés où il fructifie vers 0 m. H. calvescens Wils. — Fertile à la Poita-Raisse (MEYLAN). HÉPATIQUES Marsupella Funkii W. et M. — Scapania curta Mart. — S. rosacea Corda. — La Chaux sur molasse (MEYLAN, 93). Ces Hépatiques sont nouvelles pour le Jura. Scapania irrigua Dum. — Tourbière des Rouges-Truites. Plagiochila interrupta Dum. — Source incrustante de la Cuisance, source du Jardin près du lac de Chalin. Alicularia scalaris Schrad. — Southbya hyalina Lyell, — $. obovata (Nees). — $. crenulata. — Jungermannia obtu- sifolia Hk. — Toutes ces Hépatiques, sauf la dernière, ont. été trouvées en fruits, toutes ont été découvertes à la Chaux par M. Meylan en 1893 sur la molasse et sont nouvelles pour nos montagnes. Jungermannia exsecta Schm. f. lignicola Hétier. — Je dé- signe sous ce nom une race stationnelle du J, exsecta : elle croit sur les troncs de Sapin. Cette forme avait déjà attiré mon attention dans les Vosges par sa station nouvelle pour moi et surtout par sa fructification qui jusqu'alors n’avait pas été signalée en France. A la suite de ces remarques j'ai été amené à examiner la plante de près pour la comparer ensuite à celle qui croît sur le sol. La planche qui suit résume ce que j'ai observé des deux plantes et fait voir mieux que toute des- cription leurs caractères différentiels. J’ai réuni toutes les feuilles différentes recueillies sur une même tige, d’après cela on voit qu’il est bien imprudent en général de tirer une con- 11 — 162 — clusion de l'examen d’une simple feuille. Toutes les feuilles ont été dessinées à la chambre claire de Nachet, au même grossissement de 50 diamètres, le tissu à 200. Les fig. À et B représentent les feuilles différentes re- cueillies sur une même tige provenant du Jura et poussant sur le bois : À feuille du sommet, B feuille du bas de la tige. Les figures 1 à 5 ont été dessinées sur une plante des Vosges, croissant également sur le bois et représentent la série des feuilles cueillies sur une même tige de la base 4, successive- ment jusqu’au sommet 9, puis vient la plante récoltée sur la terre, à Montmorency : À représente une feuille de la base, B, une du sommet. Enfin, fig. D J. lignicola, fig. E J. exsectu, les dessins ont été pris en des points qui se correspondent pour que la comparaison soit possible. Les deux plantes sont l’une et l’autre très variables même dans le tissu et je n’ai pas voulu élever cette plante au rang d'espèce comme j'en avais d’abord l'intention. J'ai fait les mêmes remarques sur un Jungermannia exsecta lignicole que j'ai trouvé dans l’herbier de M. C. Gé- rard (1), botaniste à Réthel. Aplozia sphærocarpa Hk. — La Chaux, sur molasse (MEy- LAN, 93). Hépatique nouvelle pour le Jura. A. cæspiticia (Lind.). — Tourbière de la Vraconnaz (MEY- LAN). Hépatique nouvelle pour le Jura. Cephalozia divaricata Nees. — La Chaux (MEYLAN). C. elachista Jack. -— La Chaux (MEYLAN, 94). G. curvifolia Dick. — Sur les troncs'd’arbres vivants, au voisinage des lacs de la Fauge et de Bonlieu. ® .1— (4) M. C. Gérard a bien voulu me confier son bel herbier pendant quelque temps au début de mes études bryologiques; je le prie d’agréer mes meil- leurs remerciments et mes félicitations pour le zèle qu’il a toujours mis à céder les matériaux dont il disposait pour faciliter des recherches scien= tifiques, soit à moi, soit à d’autres botanistes. PR — 163 — La plante abonde aux localités citées et ces nouvelles loca- lités remplaceront celles connues des anciens botanistes qui pour la plupart ont été détruites (HÉTIER). Poita-Raisse (MEYLAN). Jungermannia bantriensis Hk. — Bords des lacs de la Censière, des Rouges-Truites, de Ter. J. riparia. — Rochers immergés {sur les bords du lac de Nantua D 1893 !). J, Schraderi Mart. — Cette Hépatique est nouvelle pour le Jura, elle habite la tourbière du lac de Bonlieu. Sphagnæcetis communis Nees. — Tourbières de la Vra- connaz, de la Chaux où il est commun {MEYLAN); tourbières du lac des Rouges-Truites (HÉTIER). Lepidozia setacea Web. — Probablement répandu dans la plupart des tourbières du Jura ; je l’ai d’ailleurs remarqué dans un grand nombre. Blepharostoma tricophyllum (L.) Sp. pl. — Sur les troncs pourris aux cascades du Hérisson ; près du lac de Bonlieu. Lophocolea Hookeriana Nees. — Source non incrustante de la Cuisance. Cette plante parait peu distincte du L. bidentata, cependant tout ce que j'ai cru pouvoir lui rapporter a des cel- lules sensiblement plus grandes que celles du L. bidentata. Mastigobryum trilobatum N. — Sur la tourbe, au bord de l'étang de la Gruyère (HÉTIER) ; Chasseron, sur tronc pourri _ (MEYLAN). Cette Hépatique est nouvelle pour Le Jura. M. deflexum N. —- Sur des blocs erratiques aux Aiguilles de Baulmes (MEYLAN). Ptilidium ciliare Nees. — Vieux troncs à Chaux-des-Prés et dans la forêt du Rizoux. Trichocolea tomentella Dum. — Cette belle Hépatique est — 164 — fort rare dans nos montagnes; je l’ai récoltée à la source du Lison, dans la grotte des Sarrazins. M. Rémond. de Bou- jailles, l’a aussi observée à la même localité. — Bugey mérid. (MAGNIN !). Lejeunia calcarea Libert. — Sur des Mousses à la source incrustante de la Cuisance; près du lac de Chalin, à la source du Jardin ; aux cascades du Hérisson,; sur des rochers om- bragés au bord de la route qui conduit des Crozets à Moirans. Frullania Jackii Gott. — Sainte-Croix (MEYLAN, D): Hé- patique nouvelle pour le Jura. Pellia epiphylla (L.) — La Chaux, en fruits (MEYLAN). Aneura pinnatifida Nees. — Tourbière de la Vraconnaz (MEYLAN). A. pinguis Dum. var. angustior Hook. — Parmi les Mousses dans la plus grande partie des marais et tourbières du haut Jura. À. latifrons Lindb. — Cette espèce connue depuis peu en France aux tourbières des Rousses (A. GUINET) me parait répandue dans la plupart des stations de ce genre dans le haut Jura. Pressia commutata Nees. — Répandu autour des lacs de Saint-Point, d'Ilay, du Petit-Maclu, d'Etival, de Clairvaux, de Viremont, de Fort-du-Plâne, de Joux. Riccia glauca (L.}. — La Chaux, sur molasse, 1.100 m. (MEYLAN). OBSERVATIONS. — M. Ch. Meylan me permettra à la fin de cette énumération de lui adresser mes plus chaleureuses fé- licitations pour ses belles et nombreuses découvertes dans la région du Jura qu’il habite. 35 espèces sont signalées pour la première fois dans nos montagnes par lui. Parmi ces espèces on en constate un certain nombre silicicoles ; il est vrai qu’elles ont été trouvées sur la molasse où l’élément si- — 165 — licieux domine. Avec des recherches poursuivies avec tant de zèle et les résultats obtenus on peut espérer voir bientôt figurer dans nos catalogues bryologiques la plupart des espèces vosgiennes. SPHAIGNES (1) Sphagnum cymbifolium (Ehrh.). — Tourbières des lacs du Boulu, de Viry (MAGNIN), d’Arboréiaz, de Saint-Jean-de-CGhe- Lvelu. S. medium Limpr. — Tourbières des lacs de Bonlieu, de Bellefontaine, du Ratay (HÉTIER), tourbière de la Vraconnaz‘ de la Chaux (MEYLAN). S. papillosum Lindb. -— Tourbières des lacs de Bonlieu, du Boulu. S. obtusum Warnst. — J'ai découvert cette espèce qui n'était pas encore connue en france, au sud du lac des Rouges-Truites. S. teres Angst. — Le bord du lac des Perrets (MAGNIN, 90) et sa tourbière (HÉTIER, 95), tourbières de la Chaux, de la Vraconnaz (MEYLAN). S. Girgensohni Russ. — Tourbières de la Chaux, de la Vraconnaz (MEYLAN). S. recurvum P. B. — Tourbières des lacs de Malpas, des Tallières, du Boulu (var. mucronatum), des Perrets (var. amblyphyllum). (1) Les Sphaignes ont été, ces dernières années, l’objet d’études appro- fondies de la part de MM. Warnstorf et Russow en Allemagne. À la suite de leurs découvertes, ces sphagnologues distingués ont dù faire subir d'importantes réformes à la nomenclature de ces végétaux. J’énumère donc toutes les espèces que j'ai récoltées cette année puisqu'elles ont été en grande partie soumises à ces réformes. — 166 — S. molle (Sull.). — Tourbière de la Vraconnaz oi. Cette espèce est nouvelle pour le Jura. S. molluscum Bruch. — Tourbières des lacs des Tal- lières où j'ai remarqué une forme à tige simple, celles du Boulu, des Rouges-Truites (HKTIER), de la Vraconnaz (MEY- LAN), tourbières de la Chaux. S. fuscum v. Klinggr. — Tourbières des lacs du Boulu, de Bellefontaine avec la var. viridi. $. laricinum Spruce. — Tourbières des lacs de l’Abbaye, des Perrets, des Rousses (HÉTIER), tourbière de la Chaux (MEYLAN). $. subsecundum Nees. — Tourbières des lacs de l'Abbaye, des Rousses, du Ratay {forme typique à ces deux dernières localités). S. acutifolium (Ehrh.) Russ. et Warnst. — Tourbières des lacs de Viry, du Boulu, de Bannans, de Malpas, du petit lac de Conzieu avec la var. luridum et du Grand-Maclu où nous l’avons observé, M. Magnin et moi. S. cuspidatum (Ehrh.) var. falcatum. — Tourbières des lacs de Bellefontaine, des Rouges-Truites. S. rigidum Schpr. — Tourbières des lacs du Grand-Maclu, du Trouillot où il fructifie abondamment, du Boulu, des Rouges-Truites (HÉTIER), tourbières de la Chaux, de la Vra- connaz (MEYLAN). CHAMPIGNONS Pendant mon séjour à Besançon, J'ai voulu revoir au ma- rais de Saône une localité de Sium latifolium que j'avais découverte il y a quelques années. Cette Ombellifère m’im- téressait, attendu qu’on ne la signalait pas dans le Jura fran- — 167 — çais. C’est au Moulin-Convers, sur un bord du ruisseau des Neuf-Puits, que je l’avais observée, mes recherches res- tèrent infructueuses, comme la saison n’était guère avancée, la plante n’avait peut-être pas encore poussé. En revanche, j'ai pu recueillir le Sclerotinia Duriæana Pezize dont le sclé- rote est fort curieux : on dirait une graine de Graminée mo- mifiée. Vers la fin de mai je commencais l’exploration des bords du lac de Chalin. Voici l’énumération des espèces observées à cet endroit et dans la série des localités que j'ai parcourues. Bassin du lac de Chalin Dans les prés tourbeux du bord du lac : Cantharellus muscigenus. Dans les pâturages : Clitocybe sinopica, Entoloma sericellum, Nolanea pascua, Hypholoma Candolleanum, Pholiata præcox. Bassin des lacs de Chambly et du Val Sur les branches dépourvues d’écorce : Corticfum Mougeotii. Sur les feuilles pourries, dans les haies : Phialea Sejournei Boud. Sur un Cerisier flottant dans le lac du Val, un seul exem- plaire de : Polyporus cinnabarinus. Sur Chêne abattu : Marasmius fæœtidus, Dædalea cinerea, Polyporus conchatus. À la base d’un vieux Chêne, aux cascades du Hérisson : Polyporus rubriporus Q. Sur le bois mort : Polyporus brumalis. Sur le bois mort submergé ou flottant : Ombrophila Clavus, — 168 — J’ai recherché cette dernière espèce tout particulièrement dans les lacs mais sans succès. Bassin du lac du Vernois Sur des fragments anciens de Scirpus lacustris, flottants -ou rejetés sur les bords par les vagues : Sclerotinia scirpicola Rehm. Cette Pezize que j'ai retrouvée depuis autour des lacs de Foncine, de l’Abbaye, a été récemment décrite en Alle- magne. | Bassin du lac de Bonlieu Sur les vieux troncs au bord du lac : Polyporus sulfureus, Pleurotus limpidus, P. picipes, Ustulina vulgaris, P. brumalis, Polyporus lucidus. Ici le P. lucidus n’a plus les sables qui lui sont si favo- rables comme aux environs de Paris, il est rare dans la partie du Jura que j'ai parcourue et n’a que les vieux troncs pour habitat. Je l’ai revu près des lacs du Fioget, des Tallières et dans un bois voisin de Poligny. Dans la partie boisée de la tourbière, on trouve à terre parmi les chaumes pourris des Graminées : Thelephora fimbriata. Sur la terre brûlée : Humaria tetraspora, H. Crouanorum, Ciliaria brunnea A1b. et Schw. Sur les vieilles souches de Saule : Mollisia viridis, Hypoxylon concentricum. Dans la tourbière : Lactarius subdulcis, Clitocybe expallens, Omphalia setipes, Galera Muscorum var. Sphagnorum, O. philonotis, Cortinarius cinnamomeus var. oli- Collybia dryophila, vascens, Cantharellus umbonatus, Helotium cyathoideum, C. muscigenus, Ciliaria umbrorum, Hygrophorus miniatus, Mollisia Phragmitis, Hygrophorus miniatus. — 169 — Bassin du grand lac Maclu Dans la tourbière : Clitocybe infundibuliformis, .. Cantharellus muscigenus. Sur la tourbe nue : Omphalia umbellifera. sur les bouses de vache : Stropharia semiglobata, Galera ovalis, Ciliaria trechispora. Sur les crottes de lièvre : Sporonnia ovina. S. minima. Sur les rhizomes de Graminées : Helotium rhizophilum. Chaîne du Rizoux Sur les aiguilles de Sapin : Marasmius perforans, M. androsaceus var. pinicola. Dans les pâturages : Tricholoma cognatum. Entoloma turbidum, T. cnista, Inocybe lacera. Sur de vieux troncs : Pholiota mutabilis, Lenzites Sæpiaria, Hypomyces aurantiacus. Sous les Sapins : Wynella Auricula Schaeff., Sarcosphæra corona Jacq. Chaîne de Montendre Dans les pâturages : Tricholoma cnista, Wynella Auricula, Acetabula leucomelas. Sur de vieux troncs : Dacrymyces deliquescens Sur les places à charbon : Flammula carbonaria, Ciliaria umbrorum, Anthracobia melaloma, Neotiella Hetieri Boud. Sur les crottes de lièvre : Ascophanus ciliatuse Sur bouses de vache : | Cheilymenia stercorraria, “Ascophanus carneus. Sur brindilles : : Odontia alutacea, Dasyscypha bicolor, D. clandestina Bull. Sur les pétioles pourrissants de CGucalia : Pyrenopeziza nigrificans Rehm. Massif du Ghasseron À terre, sur brindilles de Ribes : Stereum tabacinum, Sur les feuilles pourries d’Aconit : Helotium callorioides, Pyrenopeziza nigrificans. Sur le Polygonatum verticillatum : Lachnella Nidulus. Sur un vieux tronc : : Polyporus floriformis. Sur places à charbon : : Anthracobia melaloma, Ascobolus carbonicola. Sur bouses de vache : Ascobolus furfuraceus, À. ochraceus. Bassin du lac de Remoray Dans les forêts, sous les feuilles tombées : Belonidium vexatum, Dasyscypha acutipila. Bassin du lac de Saïnt-Point Sur les bouses de vache : Ascobolus furfuraceus, A. ochraceus. Sur des tas de Scirpus lacustris carbonisé (1) : Ciliaria umbrorum, C. trechispora, Humaria tetraspora. (4) Au moment où les prés commencent à reverdir, le paysan rassemble en petits Las les débris végétaux, composés surtout de Scirpus lacustris, que les eaux du lac, dans leur crue, abandonnent à travers les prairies — 171 — Dans les prés : Naucoria graminicola, Clitocybe squamulosa, C. sinopica, Bassin du lac de Viremont Sur les bords tourbeux du lac : Omphalia Philonotis, Marasmius graminum. Bassin du lac de la Gensière Sur un arbre : Polyporus varius. Bassin du lac de la Fauge Dans le bois : -Collybia longipes, Polyporus lucidus. Tourbière du lac de Joux Sur la tourbe : Calycella sulfurina Q. Peziza polytrichina. Tourbière du lac de Tallières Sur la tourbe : | Ciliaria umbrata, Peziza polytrichina. Bassin du lac de Ghaïlloux Dans les prés : Lepionia asprella. Sur des Noyers : Favolus europæus. Comme on le voit, mes récoltes en Champignons sont de de ses bords. Ils mettent le feu à ces tas pour s’en débarrasser et au bout au bord du lac de Chalin. de peu de mois, quand les conditions atmosphériques sont favorables, ces petits cercles brûlés se couvrent quelquefois de Champignons, la plupart de petite taille, puis de Mousses qui, par leur végétation, préparent le sol | pour le développement des végétaux d’un ordre supérieur. C’est sur des | places de formation analogue que J'ai découvert le Bryum' constriclum, — 172 — plus en plus rares de mai en août. Une longue sécheresse qui a duré pendant toute la belle saison et a persévéré même en automne, a occasionné la grande rareté de ces végétaux jusque dans les tourbières. Pour faire ce travail, en dehors des nombreux amis qui m'ont tendu généreusement la main et que je remercie cha- cun en particulier, j'ai eu recours à différents auteurs, soit pour les descriptions afin d'étudier les espèces, soit pour la distribution géographique, ce qui m'a permis de ne donner que des localités nouvelles dans mon Mémoire. Si dans quelques cas je réédite des localités déjà connues, c’est que j'ai vérifié leur persistance et de plus j'ai eu soin de nommer pour chacune d'elles celui qui l'avait le premier découvert. Je remercie enfin du fond du cœur toutes les personnes, pour lesquelles je ne l’ai pas encore fait, qui ont pris intérêt à mes recherches et me les ont facilitées. Voici la liste des travaux que j'ai consultés. I. PHANÉROGAMES BABEY. — Fl. des env. de Salins. CARIOT et SAINT-LAGER. — Etude des is 8° édit, 1889, t. IT. GRENIER. — FI. de la chaîne jurass. GRENIER. — Revision de la F1. des Monts-Jura, parue dans Soc. Emul. du Doubs, 1875. GRENIER. — Cf. bull. Soc. bot. France, sess. extraord. à Pontar- lier (t. XVI, juillet 1869). GILLOT. — Herb. dans Jura central. GIRARDOT. — Etudes d'archéologie et de bot. dans les envir. de | Châtelneuf, 1880 (Soc. Emul. Jura). MICHALET. — Enum. des pl. vasc. du dép. du Jura, 1864 (t. II de l'Hist. nat. du Jura, par le Fr. Ogérien) A1 ren — 173 — MAGNIN, Ant. — Les lacs du Jura, 1895. (Génér. sur La limnolog. jurass.). MALINVAUD. — Son herbier à Paris. PAILLOT. — Son herbier à la Fac. des sciences de Besançon. SAINT-LAGER. — Cat. de la F1. du bassin du Rhône. THÉVENOT. — Cat. des fl. vas. des cantons de Lons-le-Saunier et de Beaufort, 1879. (Mém. Soc. Emul. Jura.) IT. CRYPTOGAMES AMANN et MEYLAN. — Etude de la Fl. bryol. du haut Jura moyen. BouLAY. — Mousses de l’Est. BOULAY. — Muscinées de la France. BERNET. — Cat. des Hépat. du sud-ouest de la Suisse et de la Haute-Savoie. CAMUS, F. — Son herbier à Paris. GUINET, À. — Cat. des Mousses des env. de Genève. GÉRARD, CG. — Son herbier à Réthel. LESQUEREUX. — Cat. des Mousses de la Suisse, 1845. (Mém. Soc Neuchâtel, t. III.) MAGNIN. — Cf. Echange ou Revue linnéenne de Lyon. PAILLOT, VENDRELY, FLAGEY, RENAULD. — Florule du marais de Saône. (Mém. Soc. Emul. du Doubs.) QUÉLET. — Cat des Mousses, Sphaignes et Hépatiques des env. de Montbéliard. DROTS HONORIFIQUES DES SIGNES À L'ÉGLISE PAROISSIALE AU XVIII SIECLE Par M. Adolphe PARIZOT Séance du 18 juin 1896. Les seigneurs étant chargés de rendre ou faire rendre la justice à leurs vassaux et justiciables, on les a toujours con- sidérés dans l'Eglise comme représentants de la puissance publique, à laquelle tout doit être soumis ; c’est cette dignité qui leur a mérité les distinctions prescrites à l'Eglise par Charlemagne, Charles-lé-Chauve et le Concile de Worms. Parfois, la haute-justice, dans une paroisse, appartenait à plusieurs seigneurs. C'est que la seigneurie dominante était divisée en plusieurs parts. Mais il n’y avait qu’une justice qui appartenait par indivis aux divers seigneurs qui S'y faisaient représenter par des procureurs spéciaux à chacun d'eux. Il était de principe alors de donner le premier rang dans les droits honorifiques à celui sur la justice duquel l’église était bâtie. Celui qui faisait rendre la Justice en plein air, sur la place publique, devait aussi être préféré à celui qui ne la faisait” exercer que « sous le couvert » c’est-à-dire dans une maison; on accordait aussi la préférence, quand tout était d’ailleurs égal, au seigneur dont la juridiction s’étendait sur la plus grande partie du territoire. | | | | AE — Le départ de la Haute-Justice entre plusieurs châtelains d’une même seigneurie ne laissait pas de donner lieu à des difficultés qui étaient résolues par les baïllages royaux. Le droit de patronage réel passait aux héritiers du patron, avec la terre à laquelle il était attaché, et chacun d’eux con- servait pour la présentation du bénéficier un droit propor- tionnel à la portion qu'il avait dans la terre dont le patronage dépendait. Les prérogatives honorifiques du seigneur s’exerçaient surtout à l’église. « On s'étonne, dit Guyot, de ce que les hommes portent les désirs des distinctions jusqu'aux pieds des autels. C’est. par cette réflexion que commencent presque tous les traités en cette matière, mais il faut bien que ceux quiont droit à des honneurs publics les obtiennent dans les églises, puisque, dans notre constitution, le peuple n’a plus d'occasion de s’assembler ailleurs. » Cet usage remonte à la primitive Eglise. Charlemagne or- donnait aux évêques de veiller à ce que les curés rendissent aux seigneurs les devoirs qui leur revenaient. Æpiscopi pro- videant quem honorem presbytcri pro ecclesiis suis seniori- bus tribuant. D’après l’ancien droit canon, les droits honorifiques con- sistaient dans : la préséance à l’église, à l’offrande, aux pro- cessions ; la priorité dans l’aspersion de l’eau bénite, dans l’encensement, dans la distribution du pain bénit, dans celle du baiser de paix, dans la recommandation aux prières publiques, le droit à un banc permanent, à un oratoire. à une chapelle, la sépulture dans le chœur. l’apposition des armoiries à la voûte de la nef, aux vitres, aux cloches, celle des litres ou ceintures de deuil autour de l’église, le droit de demander des aliments sur le revenu de l’église, si le patron tombait dans l’indigence. On distinguait les droits honorifiques en majores et minores. Les droits minores étaient au nombre de quatre : le pas à l’offrande, à la procession, le droit d’avoir une — 476 — place honorable dans la nef et le pain bénit avant les habi- tants. Ces quatre sortes de droits étaient . sole qui se com- muniquaient par bienséance à des personnes d’un certain rang. | Nul ne pouvait prétendre les droits honorifiques majores dans l’église s’il n’était patron de cette église ou seigneur haut-justicier du lieu où elle était située. Le patronage s’ac-: quérait par la fondation, construction et dotation d’une église. La reconnaissance que l'Eglise a cru devoir à ses bienfai- teurs a été le motif des honneurs qu’elle a accordés aux patrons. Les honneurs qu’elle attribuait aux seigneurs hauts- justiciers étaient, comme l’observait l'avocat Jean de Rever-. seaux, un hommage qu’elle rendait à la puissance publique dont les hauts-justiciers possédaient en propriété uné portion qui, aux termes d’une déclaration de François [#, leur était patrimoniale, héréditaire et réputée vrai héritage, et qui, à cause de cela, s’exerçait même en leur nom, quoique le prin-: cipe en résidât toujours dans la personne du roi, à qui seul, dans le droit étroit, il appartenait de rendre justice à ses sujets. Un édit du mois d’avril 1695 avait posé en principe que les seigneurs ne jouissaient des droits honorifiques dans l'Eglise qu'après les ecclésiastiques. Il n'existait point de lois générales concernant les droits honorifiques. En cette matière, on n’avait que quelques cou- tumes, des arrêts, des raisonnements. Les conflits étaient fréquents entre le patron et le seigneur haut-justicier, entre le moyen-justicier et le seigneur du fief, entre le gentilhomme et le magistrat. Le choc perpétuel d’in- térêts donnait naissance à une multitude de procès dont quelques-uns sont rapportés dans les anciens recueils de jurisprudence. Des querelles irritantes touchant les questions de préséance éclataient dans le sanctuaire même. On voyait des seigneurs, à la suite d’une altercation à la messe paie siale, se rendre en champ clos et s’y entretuer. | LL ee — 177 — L’orgueil de certains ecclésiastiques achevait de porter la confusion dans les prérogatives. Guyot cite l’opinion d’un magistrat, juge dans des procès scandaleux : « Les pasteurs éclairés et qui remplissaient dignement les devoirs de leur état ne s’engageaient jamais en de pareilles contestations et rendaient aux seigneurs de leur paroisse tout ce qui leur était dû, au lieu que tous ceux qui refusaient de le faire et que les seigneurs étaient obligés de traduire en justice, pour les faire condamner, étaient ordinairement ou de jeunes prêtres dont le zèle était peu éclairé, ou des gens dont la conduite et les mœurs n'étaient pas irrépréhensibles. » D’après les lois ecclésiastiques, à la procession, le patron venait immédiatement après le curé, le seigneur haut-justi- cier suivait le patron, ou il marchait après le curé sil n'y avait point de patron. Les femmes des patrons et sei- gneurs hauts-justiciers allaient avec leurs maris, mais les femmes des seigneurs moyens-justiciers ef celles des sei- gneurs de fiefs ou des gentilshommes ne devaient marcher à la procession qu'après tous les hommes. Le clergé était dans l'obligation d'aller en corps proces- sionnellement aux fêtes les plus solennelles et notamment le jour de la fête patronale, recevoir à la porte de léglise les patrons, les seigneurs hauts-justiciers. Dans certaines seigneuries, le bailli portait à la procession une blunche verge, baguette blanche et fort longue, signe d'autorité et de puissance publique. Le seigneur marchait à la droite du bailli. | L’eau bénite devait-elle être donnée aux seigneurs par aspersion ou par présentation, c’est-à-dire au bout du gou- pillon ? À cet égard point de règle fixe. Les arrêts des Parle- ments maintenaient l’usage des lieux. Pour soutenir l'opinion par aspersion, l'archevêque de Toulouse se fondait sur le psaume : Asperges me Domine. Un arrêt du Parlement de Paris, en date du 26 juin 1696, condamnait un curé à donner l’eau bénite le dimanche au châtelain et à sa femme, en leur 12 — 178 — chapelle, par présentation de l’aspersoir, et à leurs enfants par aspersion seulement. Le seigneur d’une paroisse avait plaidé longtemps contre le curé pour l’eau bénite : une longue procédure et de grands frais avaient fait rendre lun arrêt qui condamnait le curé à lui donner l’eau bénite séparément avec distinction et avant le peuple. Le curé s'étant aperçu un dimanche que le seigneur avait mis une perruque neuve, attacha une queue de Cheval au goupillon, et, l'ayant trempé dans le bénitier, il aspergea le seigneur, de sorte que sa perruque fut en aussi mauvais état que si elle avait été trempée dans l’eau, ce qui fit naître un nouveau procès plus grand que le premier. Une femme de qualité qui possédait une terre titrée, ayant aussi fait condamner par arrêt le curé de cette terre à lui donner l’eau bénite avec distinction et avant le peuple, le curé fit faire un goupillon d’une grosseur énorme dont il se servit pour la première fois dans le temps d’un hiver rigoureux, et, ayant pris avec son goupillon autant d’eau bénite qu'il en pouvait contenir, il en baigna si fort la dame, qu’elle fut obligée de sortir de l’église pour aller changer d’habit et de linge. L’encensement consistait dans le droit de recevoir l’encens d’une manière distinguée. Mais la manière dont se rendait cet honneur n'était rien moins qu'uniforme. Les arrêts variaient sur le nombre de coups d’encensoir que les sei- gneurs avaient droit d'exiger. L'arrêt précité du 26 juin 1696 décidait qu’à l’égard des encensements qui se font le matin à la grand’messe, le curé était tenu, étant sur les marches de l’autel, de se détourner. du côté de la chapelle du seigneur, de l’encenser lui et sa femme, chacun une fois et séparément, ensuite leurs enfants, une fois pour eux tous, et après diner, à vêpres, au cantique Magnificat, après les encensements ordinaires, se trans- porter en la chapelle du seigneur, où il lencenserait une fois, sa femme une fois, et leurs enfants une fois en quelque _— 479 — nombre qu'ils soient. D'autre part, un arrêté du Grand Con- seil, du 27 novembre 1704, ordonnait que les encensements se feraient au seigneur et à sa femme chacun trois fois et à leurs enfants chacun une fois. Aux jours où le Saint-Sacre- ment était exposé, on n’encenserait que l’autel. Le sieur de Faubert, seigneur de la Perrière et de Cressy, avait obtenu trois arrêts du Parlement de Dijon, qui condamnaient le curé de Cressy à lui donner l’encens ainsi qu'à sa femme et à ses enfants les jours de fête solennelle et le jour de la fête du patron de l’église paroissiale de Cressy. Après ces trois arrêts rendus, le curé obtint, en cour de Rome, une bulle portant établissement d’une confrérie en son église, avec permission d'exposer le Saint-Sacrement le jour de la fête du patron et le premier dimanche de chaque mois avec indulgences. La coutume étant, quand le Saint- Sacrement était exposé, de n’encenser que l'autel et que tous les autres encensements cessent, le curé se trouva dis- pensé de donner l’encens au sieur de Faubert le jour de la fête du patron et les jours des fêtes solennelles qui tombaient le premier dimanche de chaque mois. Le curé n’aurait pas été content s’il n'avait pas fait {sentir au seigneur que ce n’était pas par un esprit de piété qu’il avait obtenu la bulle en question, mais seulement dans la vue de le priver autant qu'il pourrait de ses droits honorifiques et de rendre les arrêts illusoires. Pour cela, il tint des discours et eut des pro- cédés qui firent connaître quel avait été son véritable motit. Le sieur de Faubert se pourvut au Parlement de Dijon. Il y eut un arrêt rendu le 12 avril 1704 qui ordonna que lorsque les jours auxquels le curé de Cressv devait encenser le sieur de Faubert, sa femme et sa fille, le Saint-Sacrement serait exposé sur l'autel, en conséquence de la bulle obtenue par le curé en ce cas, le curé serait tenu d’encenser le sieur de Faubert le dimanche suivant, conformément aux arrêts ren- dus précédemment entre les parties. Dans quel ordre le pain bénit devait-il être présenté? — 180 — _ D'abord au patron, ensuite au seigneur haut-justicier, après eux, aux moyens et bas justiciers. Les seigneurs des fiefs venaient ensuite, enfin les simples gentilshommes et autres notables. Un arrêt décide que les patrons et hauts- justiciers étaient en droit de choisir le jour où il leur con- viendrait d'offrir le pain bénit. Le patron et le seigneur haut-justicier avaient seuls droit au baiser de la paix en cérémonie. Dans la recommandation aux prières publiques, le roi était toujours nommé le premier; venaient ensuite le patron et les seigneurs hauts-justiciers. On a vu des curés qui, parce eue leurs seigneurs prétendaient les obliger à les recomman- der eux et leur famille nommément aux prières publiques, prenaient de là occasion de faire contre eux des satires très vives dans leurs prônes. Le patron et le seigneur haut-justicier avaient out le droit d'occuper un banc dans le chœur au lieu le plus hono- rable après le curé. Si le territoire de la paroisse était divisé en plusieurs fiefs ayant chacun une justice séparée, celui-là seul avait droit d’avoir un banc dans le chœur sur la justice duquel l’église était bâtie. Le banc du patron devait être du côté droit de l’autel, comme étant le plus noble. La raison en est puisée dans le symbole des apôtres : Sedet ad dexteram Dei patris. Le banc du patron était donc du côté de l’épitre et celui du haut- justicier du côté de l’évangile. Il y avait des curés dont la mauvaise humeur et les res- sentiments faisaient qu'ils imaginaient toutes sortes de tra- casseries envers leur seigneur. M. de Clugny, conseiller au Parlement de Dijon, rapporte qu'il s’en est trouvé un assez hardi pour mettre en pièces un siège que les seigneurs de la paroisse avaient dans le chœur de l’église paroissiale depuis plusieurs siècles, ce qui se fit avec tant d'éclat et de scandale que l’évêque diocésain, en ayant été averti, l’obligea ere, — 181 — d'office à faire rétablir le siège, et dans la suite il le contrai- gnit à se défaire de son bénéfice. Un d’eux, dit le même magistrat, s’avisa pour offusquer la dame de la paroisse dans une chapelle qu’elle occupait à l’église, de la faire remplir de tonneaux qu'il ne voulut ôter qu'après y avoir été condamné par arrêt, Le droit aux litres ou ceintures funèbres consistait à faire placer à la mort du seigneur, ses écussons, à certains inter- valles, sur une bande noire en forme d’un lé de velours qui garnissait la muraille dans l’intérieur de l’église. A l'extérieur du monument, on peignait une semblable bande sur le pourtour. Ces ceintures de deuil demeuraient en permanence durant un an et un jour. À l’extérieur de l’église la litre du patron devait être au- dessus de celle du haut-justicier. À l'extérieur, c'était le con- traire, et même des arrêts contestaient au patron le droit de litres à l'extérieur de l’église. Dans le cas où le patronage et la justice étaient divisés, chaque co-patron ou co-seigneur avait-il droit de mettre une litre particulière? Des auteurs pensent et des arrêts ont jugé que chacun d'eux pouvait faire peindre une litre à ses armes; deux seigneurs hauts-justi- ciers ayant part égale, chacun avait droit de litre et le dernier mourant faisait effacer celle de l’autre. Le seigneur était enterré dans le chœur; une pierre tom- bale garnie d’épitaphes ou un tombeau orné de statues étaient destiné à rapneler sa mémoire. Dans l’ancien droit, le juges laïcs étaient seuls compétents pour connaître des contestations sur les droits honorifiques, parce aue les honneurs de léglise étaient une dépendance de la haute-justice. On ne pouvait les porter devant le juge d'église. Il était défendu d’aliéner le patronage sans l’universalité de la glèbe à laquelle il était attaché. C'était un droit réel, inséparable de la propriété. Les officiers de justice représentaient le seigneur à l’église — 182 — lorsque celui-ci était absent, notamment le jour des fêtes du saint appelé le patron de la paroisse. Lorsqu'il arrivait que des curés voulaient se soustraire à l’obligation de rendre les honneurs de l’église aux femmes et aux enfants des sei- gneurs, les arrêts les condamnaient à la remplir : la femme et les enfants étaient censés la même personne que le mari ét le père. | Quant aux commensaux et domestiques du seigneur, Loiseau s'élève avec force contre des abus qui s'étaient intro- duits : « Voici, dit-il, un abus insigne qui se pratique en cette matière. Si le seigneur et la dame du village et leurs enfants ne sont à la messe, leur valet et leur chambrière qui seront assis à leur banc se feront donner l’eau bénite, apporter le pain bénit les premiers, même la paix à baiser en cérémonie, il faut qu’ils représentent le maître, chose ab- surde, car ces prééminences sont attachées aux personnes de ceux qui participent à la seigneurie, en telle sorte qu’elles ne peuvent être suppléées ou représentées par autrui. C’est tout ainsi que si le valet voulait représenter son maître au lit de mariage, du moins il y a autant d’absurdité que s’il voulait aller le premier à la procession, en l’absence de son maître, car de dire que les honneurs de l’église sont dus au banc où le valet s’est mis et non au seigneur, ce serait une mo- querie (1). » Les curés devaient dire les messes paroissiales aux heures marquées par leur rituel et ne pouvaient les changer par aucune complaisance. Néanmoins, des seigneurs avaient la prétention de faire avancer ou différer la messe de paroisse à des heures indues pour les attendre, leur femme et leur famille. C’est ce qui donna lieu à l’article 3 de l’édit de 1571, qui porte : « Défendons très expressément aux seigneurs temporels et autres personnes quelconques de contraindre les curés ou vicaires de changer ou différer les heures du (1) No 58 du Ch. des Seigneuriese — 183 — service divin ordinaires et accoutumées. » On établissai pour principe que la messe de paroisse des dimanches et fêtes appartenait à tous les paroissiens en général. J'ouvre ici une parenthèse pour dire que, sous l’ancien régime, les honneurs étaient rendus dans les églises aux membres des cours de Parlement, | La Franche-Comté a vu surgir des rivalités suscitées par la vanité et l'ambition des titulaires d’une même seigneurie. Nous avons trouvé dans les archives du château de Chauvi- rey-le-Châtel (Haute-Saône) la grosse d’un jugement rendu au baillage de Vesoul, dans un procès entre les quatre co- seigneurs de cette localité. Dans la première moitié du xvirr* siècle, c’est-à-dire vers 1730, la seigneurie de Chauvirey était divisée entre : 1° Mes- sire François-Salomon de Bernard de Montessus, chevalier baron de Rally, seigneur de Chauvirey (Chauvirey-le-Vieil et Chauvirey-le-Châtel), Vitrey, Ouge, la Quarte, Aigrevaux ; — 2° le sieur Edme-Philippe Régent, seigneur de Chauvirey-le- Vieil, Chauvirey-le-Châtel, Ouge, la Quarte, Vitrey; — 3° Messire Gaspard-Ardouin Dambly des Ayvelles et Louis Dambly, chevalier — et Elisabeth Dambly, demoiselle, sei- gneurs et dame de Chauvirey-le-Vieil, Chauvirevy-le-Châtel, Vitrey, Ouge et la Quarte — les frères et sœur Dambly étaient héritiers bénéficiaires du marquis de Chatelet, sei- gneur de Chauvirey ; — 4° Messire Jacques-Hubert et Jean de la Fontaine, chevaliers, seigneurs des mêmes cinq vil- lages. La cure de Chauvirey-le-Vieil étant devenue vacante par suite du décès du curé, survenu au mois de janvier 1735, le sieur Régent se hasarda, de concert avec Madame du Châtelet, curatrice des enfants Dambly et qui, en cette cir- constance, avait pris le titre de première dame honorifique, d'y faire nommer un prêtre par l’archevêque de Besançon. Le sieur de Montessus s'était plaint de cette précipitation au sieur Régent en lui faisant observer que jusqu'alors les au- — 184 — teurs des parties avaient nommé ensemble. Le sieur Régent offrit alors au sieur de Montessus de lui faire un billet par lequel il reconnaïtrait le droit et la possession de celui-ci. Après un mois d'attente, le sieur de Montessus requit le sieur Régent de tenir sa promesse, mais ce fut en vain. _ Dans un exploit introductif d'instance, en date du 29 sep- tembre 1735, devant le baillage de Vesoul, M. de Montessus concluait à ce qu’il fût gardé dans la jouissance et possession de nommer à la cure de Chauvirey-le-Vieil avec le défendeur. Une autre requête présentée par le sieur de Montessus ten- dait à faire entrer les sieurs et demoiselle Dambly, enfants et héritiers de la dame du Châtelet, dans le procès intenté au sieur Régent, afin d’être maintenu et gardé dans la jouis- sance et possession du droit affirmatif de présentation au patronage de la cure de Chauvirey-le-Vieil, pour une moitié privativement et à l’exclusion des héritiers de ladite dame du Châtelet, à maintenir le suppliant dans la possession du droit prohibitif et qu'il n’avait point été permis à la dame du Châtelet de présenter à ladite cure, que, concurremment, conjointement avec le sieur Régent et pour moitié dudit droit à partager entre les deux, à déclarer nulles les présen: tations faites par la dame du Châtelet, mère des enfanis Dambly, à déclarer que la qualité de dame première honori- fique que la dame du Châtelet avait prise dans la présenta- tion du 12 janvier 1733 serait rayée et biffée tant dans la minute de cet acte que dans les extraits qui pouvaient en être. tirés, avec défense aux héritiers de la dame du Châtelet de la prendre à l'avenir. La litispendance concernant la collation de la cure de Chauvirey-le-Vieil servit de prétexte pour remettre tout en question dans la seigneurie de Chauvirey : le droit de patro- nage, le droit de haute, moyenne et basse justice et les droits honorifiques. Cela entraina une longue procédure, pendant près de cinq années. On produisit requêtes sur requêtes, écritures de salva- — 185 — tions, écritures répondues, des titres de la terre de Chauvi- rey, la grosse d’un partage des seigneurs de Chauvirey du 95 mai 1533, des actes de mariage, des testaments, des ter- riers, huit dénombrements tirés à la Chambre des Comptes, à Dole. Par jugements successifs les diverses causes furent jointes à celle pendante au baillage roval de Vesoul au sujet du pa- tronage de !a cure de Chauvirey-le-Vieil pour être jugées par un seul et même jugement. Le jugement du baillage de Vesoul fut rendu à la date du 9 mai 1739 et prononça qu'il n'avait pas été permis à la dame du Châtelet, mère des sieurs et demoiselle Dambly, de pré- senter à ladite cure, sur la dernière vacance. » En consé- quence, il annulait les présentations faites par ladite dame les 42 janvier et 7 février 1733. « Il décidait en outre, sur les conclusions du sieur de Montessus et des sieurs de la Fon- taine, tendant à ce que la qualité de première dame honori- fique prise par la dame du Châtelet dans l’acte de présen- tation du 12 janvier 1733 serait rayée et biffée tant dans sa minute que dans les extraits qui pouvaient avoir été levés, avec défense auxdits sieurs et demoiselle Dambly d’en user à l'avenir. » Aujourd'hui, ces revendications d'honneur nous font sou- rire quelque peu. Autre temps, autres mœurs. D'ailleurs, notre époque n’a point été exempte de rivalités touchant les préséances. Le décret de messidor an XIT qui ne pouvait pas tout prévoir a fait l’objet d’interprétations et d’instruc- tions complémentaires, et bien souvent les ministres, ar- bitres dans des conflits, ont été appelés à départager soit des corps constitués, soit des fonctionnairee en désaccord sur le rang qu’ils devraient occuper en cérémonies publiques. SUR LE SENTIMENT DE LA NA PURE DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE Par M. DROZ Séance publique du 9 décembre 1896. Je dois vous prévenir honnêtement que ce titre est inexact. : Je le changerais volontiers, si j’en trouvais un meilleur, que je ne trouve pas et que je ne peux pas trouver. Je n’ai pas eu la prétention de traiter à fond le grand sujet qu’'indique ce titre mensonger. Non. Un jour, à la suite d’une lecture de Stendhal, le désir, puis le besoin m’a saisi de fixer mes idées, pour un moment, sur la curiosité, l'amour, l’admiration, que la nature a inspirés aux Français des divers âges. J’ai pris alors la plume pour mieux m’entretenir avec moi- même. Au cours de mes réflexions, j'ai fait une digression énorme, et que tel professeur de: ma connaissance ne pardonnerait jamais à un de ses élèves, sur l'oppression de la province française par la capitale en matière de littéra- ture et d'esthétique. Puis, revenant à mes moutons, j'ai recherché les modes successifs et divers de nos sentiments à l’égard de la nature ; après quoi, j’en ai recherché de mon mieux les causes. Négligeant, comme bien connus, les grands auteurs et les grandes œuvres, j'ai tâché de trouver des témoignages nouveaux chez les écrivains de moindre notoriété. De cette série un peu confuse de faits, de ré- — 187 — flexions, d'explications, d'hypothèses, de citations, se forme tant bien que mal la causerie que vous allez entendre, et que sans nul doute j'aurais toujours gardée dans mes papiers, si on ne me l'avait pas, avec trop de bienveillance, demandée pour vous. Stendhal, voyageant de Langres à Dijon, aperçoit avec joie et regarde avec délices « une petite colline couverte de bois ». Et il s’écrie : « Quel effet ne ferait pas ici le mont Ventoux ou la moindre des montagnes méprisées dans les environs de la fontaine de Vaucluse! » De là cette boutade profonde sur le sentiment de la nature longtemps absent de la littérature française : « Par malheur il n’y a pas de hautes montagnes auprès de Paris. Si le ciel eût donné à ce pays un lac et une montagne passables, la littérature française serait bien autrement pittoresque. » La première idée qui se présenterait à l’esprit d’un étran- ger, en lisant ce passage de Stendhal, serait vraisemblabie- ment celle-ci : Etait-il donc nécessaire que la littérature de toute la France fût condamnée à manquer de pittoresque, parce que la nature autour de Paris n’est pas ou ne serait pas digne d’être peinte. La France est grande. Elle est bai- gnée par trois mers. Elle a des plaines, des collines et des montagnes, des ruisseaux et de grands fleuves, des déserts pierreux et des forêts verdoyantes ; elle a une campagne du nord et une campagne du midi, l’olivier et la vigne, le pom- mier et le houblon, le sapin sévère et les essences plus riantes ; elle a la Champagne et le Dauphiné, la Flandre et la Provence, la Normandie et la Gascogne, la Bretagne et la Franche-Comté. Paris exerce donc sur toutes ces diversités … une influence commune”? Il est donc le lieu où toutes ces provinces regardent”? Il peut leur fermer les yeux sur elles- n_ mêmes, ou tout au moins façonner leur esprit et leur goût? effacer en elles le sentiment de leurs beautés naturelles par la médiocrité de son paysage ? La chose paraît à Stendhal si — 188 — certaine qu'il n’a pas même pensé à l’exprimer et qu'il l’a fait comprendre par sous-entendu. Et Stendhal ne paraît pas avoir tort. Je ne dis pas que Paris a toujours et en tout empêché le reste de la France de sentir ce qu’on y sentait, de goûter ce qu’on y goûtait, mais presque de tout temps il a réglé ou voulu régler ce que chacun devait écrire dans toute la France. Cette histoire de la tyrannie littéraire de Paris serait curieuse à suivre. Elle commence de très bonne heure, au temps même où la France du nord parlait plusieurs dialectes, qui tous avaient des titres égaux de noblesse. C’est un fait bien connu, qu’en 1180 Conon de Béthune, aussi renommé comme chevalier que comme trouvère, lisant des vers picards en présence de la reine régente Alix de Champagne et de son fils Philippe- Auguste, fut accueilli par les risées de la cour, auxquelles s’associa la reine elle-même, à la grande indignation du poète. Dès ce temps là, il semblait à Paris que l’on était ridi- cule, si l’on pensait et si l’on parlait autrement que lui. Cette disposition ne fit que se forüfier par la suite des temps, au fur et à mesure que le pouvoir royal, en s’affermissant davantage contre les grands vassaux et les grands seigneurs, assurait aussi la centralisation du royaume. La langue d’oc tomba au rang d’un patois. La littérature bourguignonne ne survécut que peu à l'indépendance de la Bourgogne. Il y eut encore au xvi° siècle quelques vestiges d’une littérature savoyarde. Mais peu à peu les littérateurs de province s’étei- gnirent ou ne comptèrent plus. C’est à Lyon qu'ils jetèrent leur dernier et leur plus grand éclat, avec les poètes de la première moitié du xvi° siècle, dont un, Maurice Sève, fut un des maîtres de la Pléiade. Du même temps il faut signa- ler, pour l'honneur qu'il eut de correspondre avec Rabelais, le Poitevin Bouchet, aujourd’hui bien oublié et bien digne de l'être ; et, si l’on ne veut pas être injuste pour la France occidentale, on peut nommer encore le Breton Meschinot. Dans la Pléiade, un poète a un caractère provincial; c’est — 189 — Pontus de Tyard, qui se rattache à l’école de Lyon. Autour de la Pléiade, Peletier du Mans fut longtemps provincial avant de s'établir à Paris. Enfin, le produit le plus authenti- quement provincial d’une province dans ces temps là fut du Bartas. Après du Bartas, on ne trouve pas dans l’histoire de notre littérature un seul nom considérable d'auteur provincial ha- bitant en province. Henri [V, averti du mérite de Malherbe, voulut que le poète vint se fixer auprès de lui. Au xvrr° siècle, le monde et la cour, suivant une idée chère à Stendhal, tra- cèrent le modèle de ce que l’honnête homme devait être, et de ce qu’il pouvait écrire : ce modèle ne se voyait guère qu’à Paris, et l’on n’apprenait qu’à Paris à le bien imiter. De là un mépris parfait de la province. S'il n’est pas vrai, comme on le dit souvent, que l’Académie française à sa naissance ait inscrit dans ses statuts l’obligation de résider à Paris, elle en fit bientôt une règle dans la pratique, et le grand Corneille expia le crime de son domicile rouennais en attendant son fauteuil jusqu'à l’an 1647. Un peu plus tard, quand Fléchier, quand Chapelle et Bachaumont vont visiter la province, ils en publient leurs impressions, comme aujourd’hui conte ses voyages un Brazza ou un Binger. Racine et La Fontaine sont plus intelligents. Vous savez ce que Boileau pense du goût de la province : elle est bonne pour admirer le burlesque du Typhon ou l’emphatique Pharsale de Brébeuf. Notre grand Molière, qui avait vu la province de près, lui, avait sans doute jugé que les hommes n’y étaient pas d’une autre es- pèce qu'à Paris; c’est ainsi du moins que j'interprète son sentiment et son intention, quand je considère le dédain qu'il prête à sa sotte comtesse d’Escarbagnas pour la pro- vince et pour les vers de province. Dans sa galerie de ta- bleaux, La Bruyère ne réserve point de salle à la province, mais seulement quelques coins perdus. Au xvine siècle, Voltaire encore jeune avertit très sérieusement J.-B. Rous- seau de faire tous ses vers à Paris. La domination de Paris — 190 — est alors acceptée sans résistance, et toute l’ambition de la province est de lui ressembler. Partout se fondent des Acadé- mies sur le modèle de l’Académie française. Il n’y a plus en France qu’une littérature et qu'un goût. Au commencement de notre siècle, 1l semble que la victoire du romantisme eût dû être favorable à l’émancipation de la province, puisqu'il se piquait de mettre en honneur la couleur locale. Mais ce n’est qu'une vaine apparence. Il n’y avait plus de libraires, plus de juges, plus de public qu’à Paris ; non qu’on ne lise pas en province, mais on ne lit guère les livres nouveaux que sur l’indication des critiques de Paris, dont tout le monde en province suit les feuilletons ou les articles. Les écrivains qui ont le plus gardé la saveur et l’amour de leur province, ont été obligés de passer une partie de leur vie à Paris, Brizeux par exemple, et aujourd’hui Emile Pouvillon. Un provincial s’est obstiné, Joséphin Soulary. Il a même poussé l'audace jusqu’à demander compte à Paris des titres de son pouvoir : Que Paris nous fasse la loi Par un côté brillant qui frappe, Par un certain ... je ne sais quoi, Par une certaine … (aidez-moi, Le mot m'échappe). Aussitôt s’est levé un Parisien de Beaugency, ou des envi- rons, Jules Lemaïtre, pour reprocher au pauvre poète d’être un Lyonnais de Lyon, et pour définir ce {je ne sais quoi », qui manque au provincial de province. C’est, parait-il, « le goût, la crainte de paraître trop content de son esprit, le discer- nement rapide du point qu'il ne faut pas dépasser, sous peine de devenir affecté et ridicule. » En vérité, il n’est plus per- mis d’être provincial aujourd’hui qu’en histoire, — à condi- tion qu'on écrive l’histoire en province, — et en folk-lore; » alors on peut être goûté même à Paris. Ce long détour nous ramène en face de notre principal sujet. Paris, ne s'intéressant pas à la nature, a bien pu com- — 191 — mettre encore ce méfait, après tant d’autres, d’en détourner ou d’en dégoüûter la pusillanime province. Mais d’abord, est- il bien sûr, comme le veut Stendhal, que si la nature autour de Paris eût été plus grandiose, les Parisiens en auraient vivement senti la beauté. « Une montagne terrible des envi- rons de Grenoble », ou « un lac, comme celui de Genève », auraient-ils fixé leur attention ? Qui le sait ? La montagne s’est longtemps dressée sans inspirer les Dauphinois. Le lac de Genève a longtemps été bleu et a longtemps été entouré do ses sites magnifiques avant que Jean-Jacques en encadrât l’image dans sa Nouvelle Héloïse. Et d’ailleurs, et surtout, qui sait ce que c’est que beauté ? Dans la doctrine de Stendhal, qui lui vient de Hobbes, et qui est peut-être bien venue à Hobbes de la Vérité même, « la beauté n’est jamais qu’une promesse de bonheur ». Qu’était- ce qu'une montagne, pour nos pères du moyen âge, sinon la retraite des loups, ou la demeure de seigneurs pires que des loups? Dans ces temps où la nourriture était si difficile à conquérir, qu'était ce qu’un lac, sinon un réservoir de pois- sons, comme l'est aujourd’hui encore la mer pour les pé- cheurs de nos côtes? Quel pêcheur d'Islande admirera, comme le dilettante Loti, la mer qui va le dévorer ? Le goût de la nature paraît bien n'être qu’un divertissement d’oisifs quand il n’est pas une satisfaction du corps. De tout temps, en tout pays, on a admiré et aimé la nature au printemps, parce qu’au printemps on est bien, et d'autant mieux qu’on vient d'être mal. Le soleil se cachait, le ciel était noir de nuages, le vent sifilait, le froid mordait, les routes étaient _ boueuses ou glacées ; maintenant le ciel et le soleil rient, on vit en plein air, on respire à pleins poumons : si le soleil de- vient trop ardent, les jeunes feuillages offrent leur abri, où la joie de l’homme se redouble encore par sympathie à la joie des oiseaux ; le corps de l’homme se remplit d’une sève nouvelle ; et pourquoi ne répéterais-je pas gravement ce qu'a dit gravement le poète Lucrèce, l’homme, comme toute la — 192 — nature, sent alors les doux aiguillons de l’amour. Transportez un Esquimau dans ce radieux décor de mai; le soleil le brü- lera ; il maudira cet horrible printemps ; il redemandera sa belle neige, ses beaux frimas, ses belles glaces. C’est dans les Paysans de Balzac, je crois, qu'une grande dame, arri- vant à la campagne, demande avec intérêt à son fermier s'il y a des rossignols dans le parc. Le bonhomme s’en excuse piteusement, comme d’un mal qu’il n’a pu empêcher : Ah ! oui, Madame, et qui « gueulent » toute la nuit. L'idée de la beauté dans la nature est variable selon le bonheur qu’on reçoit ou qu'on se promet de la nature. On me citait l’autre jour ce mot d’un Belge, installé à Besançon, et qui projetait une promenade en famille pour le lundi de Pen- tecôte : « Nous voudrions trouver une belle route unie, comme dans notre pays. Si vous saviez comme c’est beau | Des champs bien plats à perte de vue ! » Le Bisontin qui me répétait ce propos, l’attribuait à la simplicité de l’auteur, et ce jugement de l’un avait sa source dans le même sentiment qui faisait parler l’autre : Ubi patria, ibi bene ; ubi bene, ibi pulchre. La patrie est bonne, donc elle est belle. Stendhal a répété souvent que si les Romains trouvaient délicieux les ombrages épais et les eaux fraîches, c’est que le soleil les brûlait dans les villes et dans la campagne nue. Leur amour de la nature tenait à leur naturel amour du bien-être. Nul doute que ce soit là une des origines du goût de la na- ture chez les anciens. Il y en a au moins une autre : c’est que pour eux la nature vivait ; elle était peuplée de dieux ; elle était dieu. Les lieux hauts se confondaient avec le sanc- tuaire, et se revêtaient d’une auguste beauté aux yeux du fidèle. La forêt se transformait en bois sacré, et à l'agrément physique de son ombrage s’ajoutait le prestige du mystère religieux. Et même aux incrédules comme Lucrèce, la Nature demeurait chère et sacrée, parce qu’elle est l’infatigable ou- vrière, l’inépuisable pourvoyeuse, reine de lumnivers à la place des dieux usurpateurs, mais reine sans caprices, sans Der — 193 — jalousie, sans rancune, sans vengeance, la loi vivante, avec la grandeur de sa toute-puissance et le bienfait de son im- muable régularité. Un temps vint cependant où ce sentiment de l’amour de la nature se détacha de ses origines. Après avoir dompté la na- ture, au moins dans nos climats, les hommes purent la con- sidérer avec des yeux plus désintéressés, et ladmirer pour ses formes et ses couleurs. Mais le désintéressement n’est pas plus possible à notre esprit qu'à notre cœur, parce que, comme notre cœur, notre esprit c’est nous. Devant l’admi- rable campagne romaine, ou devant les ruines de la Ville éternelle, dont il sent profondément la grandeur, l’Angevin du Bellay, exilé et malheureux, soupire après son petit Lyré. Jules Lemaïître, après avoir admiré en Algérie les splendeurs de la nature orientale, explique dans une analyse qui est une peinture exquise, la grâce et la poésie des bords de la Loire. George Sand nous avait déjà enchantés avecles descriptions de son Berry, lequel est en effet très beau dans ses livres. Ici l'intérêt qui mène ou entraîne l’écrivain, c’est l’amour du pays natal. Ailleurs l'intérêt sera moins noble ; il ne sera plus question par exemple que de piquer la curiosité du lecteur par l'attrait de la nouveauté. Le charme de la nature dans l’Ile de France n'avait pas tellement ravi Bernardin de Saint-Pierre qu’il n'y trouvât son séjour assez désagréable ; au retour, et de loin, il en a fait un si beau cadre à son roman de Paul et Virginie qu’on peut le soupçonner sans malice d’avoir eu plus de plai- sir à la peindre qu’à la regarder. Et ne croyez-vous pas que Chateaubriand est allé dans les savanes, comme Loti dans la mer d'Islande, chercher des sujets bien plutôt que des sen- sations ? — D’autres fois, ce sont les mœurs des habitants qui prédisposent le voyageur à trouver un pays beau. Stendhal admire l'Italie de tout le plaisir qu’il y prend à trouver là une Société sans ironie et des amours sans scrupules. Mais enfin, en général, la différence du sentiment de la 13 — 194 — nature tel que l’éprouvaient les anciens et tel que nous l’é- prouvons, c’est qu'il était chez eux plus près de l'intérêt, c'est donc qu'il n’avait pas à s'exercer et à se développer en toute circonstance, tandis que chez nous aujourd'hui, par l'effet de l’habitude, nous n’apercevons pas un paysage, sans que d'elle-même se pose à nous la question : Est-il beau ou non ? Dans la multitude des occasions qui se présentent à nous de juger la nature, il y a plus de chances pour que l’idée d’un avantage proche ou d’un inconvénient ne se mêle pas à nos jugements. Les voyages plus faciles nous donnent aussi des occasions plus fréquentes d’instituer des comparaisons. La connaissance plus grande des littératures étrangères nous habitue peu à peu à goûter l’image de beautés naturelles, qui auparavant nous auraient trouvés indifférents ou hostiles. Le goût s’élargit, quelquefois au point d’embrasser tout, même ce qui passait autrefois pour le modèle de la laideur ; ainsi Taine, dans le temps de son voyage aux Pyrénées, a un ami qui proclame admirables les plaines de la Champagne, parce qu'il y trouve une parfaite convenance des parties. Mais c’est là de la philosophie ; méfions-nous. Il n’était donc pas humainement indispensable, pour que Paris se plût à la nature, que Paris eût une banlieue gran- diose. Et la preuve en est qu'aujourd'hui ses environs sont très goûtés et vantés par nombre d'écrivains, savourés même par une certaine classe de juges qui n’écrivent pas, s'il faut croire avec le poète de la Chanson des gueux, qu’à Paris Les voyous les plus noirs sont fous de la campagne. On eüt bien étonné Stendhal, si on lui avait prédit qu’un peintre comme Nittis viendrait de sa chère et belle Italie pour peindre avec prédilection le paysage de Paris. Il suffisait . que le sentiment de la nature s’éveillât chez les Parisiens ;. mais peut-être est-il vrai que la nature n était pas assez forte à Paris, et en général chez nous, pour l’éveiller d'elle-même. Dans notre climat tempéré, la nature est moins hostile à nee La, 2 — 195 — homme que dans les pays du nord, moins reposante et moins bienfaisante contre ses propres excès que dans les pays du sud. Elle est, chez nous plus qu'ailleurs, comme un milieu con- venable à la température de notre corps, dont nous n'avons pas trop à jouir ni à pâtir, que par conséquent nous ne pen- sons guère à regarder. Cette cause s’est jointe sans doute à une prédisposition particulière de notre race pour faire de nous un peuple éminemment sociable. Nous aimons l’homme par dessus tout, et nous ne pouvons pas nous passer de sa compagnie. Nous sommes tous un peu comme Delille ; écou- tez le chantre de l'Homme des Champs, qui après tout avait beaucoup d'esprit (ce n’est point par là que je prétends que nous lui ressemblons tous) : Les arbres parlent peu, Dit le bon La Fontaine, et ce qu'un bois m'inspire, Je veux à mes côtés trouver à qui le dire. Si Robinson Crusoé avait été français, il serait mort d’ennui. Au contraire un Anglais ou un Américain s'enfonce dans une solitude où il ne pourra entretenir aucun être vivant. Quand il aura construit son home, il saura mieux que nous se con- tenter de la nature comme amie. Si sa vie est par nécessité trop active, il ne passera pas son temps à en admirer les beautés, parce que d’abord il faut vivre ; mais à la première détente, 1l en saisira l’occasion, que son impression s’analyse ou non. Les poètes anglais aiment la nature, non seulement dans ses magnificences, mais dans ses plus humbles détails. Un arbuste, une fleur enchantent et fixent un Cowper, un Wordsworth. Nous, je pense, nous ne regardons la nature que quand nous n'avons rien de mieux à faire, je veux dire quand nous n’avons pas avec qui causer. Et cela ne prouve . pas que nous ne sommes pas capables d'aimer et de goûter la nature ; non, mais nous aimons et nous goûtons infiniment plus la société des hommes. En peinture, « il est clair que pendant deux siècles nous n’avonseuen France qu’un paysa- — 196 — giste, Claude Lorrain » ; c’est Fromentin qui l’affirme; et en littérature, alors qu’on a peine à trouver chez nous au xvI° et au xvII° siècles un paysage bien rendu (je ne dis pas bien senti), nous avons eu des peintres vigoureux et nets de l’homme physique, Rabelais, Ronsard, du Bellay, Régnier, le maitre de tous avec Saint-Simon ; — tant il estfaux d'assurer avec Taine que notre race est par nature indifférente à l’exté- rieur des choses. Voulez-vous vérifier ces idées générales par un examen rapide de notre littérature”? « Au moyen âge, dit Stendhal, en France comme en lialie, on ne pensait guère au beau ; avant de penser agréablement, il faut être sûr de vivre, » Le re- nouveau, le joli mois de mai étaient cependant doux à nos poètes, comme ils sont doux à tous les hommes, dans tous les temps. Mais pour trouver des tableaux caractérisés de la nature, il faut arriver à la littérature du xvi° siècle. Là, il y aurait injustice à ne pas nommer le premier Jean Lemaire de Belges, qui est en somme le Châteaubriand de son époque, sinon par le mérite personnel et définitif, du moins par l’in- fluence féconde qu'il exerça sur ses successeurs en divers in genres. Après lui, j'indiquerai un poète très peu connu, et qui mériterait de l’être, Jacques Peleüer du Mans. Dans un recueil qu’il donna en 1547, sous ce titre : Les œuvres poë- tiques de Jacques Peletier du Mans, figurent quatre pièces, consacrées aux quatre saisons, qui, toutes quatre, malgré de nombreuses imitations (virgiliennes surtout) témoignent d’un remarquable effort à peindre la nature avec exactitude. Puis vient une curieuse épitre « au seigneur Pierre de Ron- sard, l’invitant aux champs » ; Peletier y mêle dans une con- fusion amusante le goût des beautés naturelles et celui du confortable. La fin de la pièce nous explique aussi comment les moyens manquaient dans ces temps troublés pour exami- ner à loisir la campagne, et avec des yeux préoccupés uniquement d'esthétique. Peletier se propose d’emporter aux champs du vin, des poulets, des jambons ; car, dit-il, t,. À: RS À F3 — 197 — les soldats ont tout pillé. Viennent des temps plus pros- pères : Nous y ferons séjour Lors sans mélancolie ; Mais ores c’est folie D’y être plus d’un jour. Dans son livre intitulé l'Amour des Amours. paru en 1555, il a toute une partie, mise sous l’invocation d’Uranie, et qui renferme de remarquables descriptions naturelles, faites d’ailleurs par un physicien plutôt que par un poète. Du même auteur, j'ai eu le regret de ne trouver jamais sous ma main le poème en plusieurs chants, intitulé la Savoie, où, dit-on, il s’est efforcé de rendre les beaux sites de cette région si pittoresque. Quoi qu’on ait voulu en prétendre, il est faux que la Pléiade ait été indifférente à la nature; Ronsard au moins et du Bellay l’ont aimée et sentie. Les Odes de Ron- sard elles-mêmes nous en offrent plus d’une preuve, une pièce sur la venue de l'été, une autre au rossignol, une autre à l’alouette. On connait mieux les descriptions très savoureuses des Æglogques et l’élégie contre les bücherons de la forêt de Gastine. L’hymne des pères de famille à Saint- Blaise est d’une rusticité sentie et naturelle. On giane- rait dans le même genre quelques jolies pièces du recueil des Gaîtés, et il ne serait pas malaisé de faire un agréable choix parmi l’œuvre moins considérable de Joachim du Bellay. Mais l’amour de ces poètes pour la nature n’est qu'un amour-goût, selon la classification de Stendhal, non un amour-passion, et dans leurs œuvres la nature n’est que le décor ou l'habitation et la récréation de l’homme. Les grands du siècle préféraient un autre décor que celui-là ou une autre récréation ; ils goûtaient la poésie, une certaine poésie ; mais par dessus tout c’est l'architecture qu'ils aimaient. Ron- | sard sentait bien que les bâtiments étaient les plus dange- reux de ses rivaux dans la faveur des rois et de la cour ; ils étaient aussi ceux de la nature dans le cœur des contempo- — 198 — rains, et rivaux vainqueurs. — Après Ronsard, son disciple Desportes eut une maison de campagne dans ce village de Vanvres ou Vanves, que Ronsard aimait et que Victor Hugo a aimé. Il a plus d’une fois dans ses œuvres mêlé avec agré- ment le sentiment de la nature aux passions de l’amour. Mais avec lui on ne sait jamais guère si c’est inspiration per- sonnelle ou imitation de l'Italie. Cependant, voici dans les Bergeries une épiître adressée à ses amis, et dont la fin est sans nul doute personnelle, en même temps qu’elle me pa- raît bien représenter les sentiments de la race : Mais (tant d’heureux plaisirs qu'ici je puis avoir !) Sans regret j'abandonne, afin de vous revoir, Et la beauté des champs, et l’abri des bocages, Et la couleur des prés et le frais des rivages ; Car je vous aime plus cent mille et mille fois, Que les champs, que les prés, les rives et les bois. Nous sommes arrivés au xvil° slècle. L’Astrée, et les pas- torales qui en dérivent, n’oublient pas la nature. La nature se montre aussi avec gloire dans l’œuvre de Racan et surtout dans ses Bergeries. Il n’est donc pas vrai de dire avec Sten- dhal que la première apparition de la nature dans notre litté- rature se fait voir par cette rangée de saules où se réfugie M. de Nemours, désespéré par la défense de Mme de Clèves. Dans la suite du temps, il est constant que la vie de salon a détourné de la nature le monde au goût du jour. On a souvent cité ce propos de Mme de Rambouillet : « Les esprits doux et ama- teurs de belles lettres ne trouvent jamais leur compte à la campagne. » Et Sainte-Beuve, qui le rapporte, ajoute que « si l’on excepte le bon et grand La Fontaine, nous n’avons alors à admirer aucun tableau vif et parlant. » Il y aurait à dire. M. Faguet écrit au contraire : € À la suite de Racan, tous les poètes, je dis tous, depuis 1620 jusqu’à 1660, ont chanté, plus ou moins, quelques-uns même avec une com- plaisance indiscrète, les beautés de la nature... Tout au plus (reprend-il) pourrait-on dire qu'ils n’ont pas aimé la nature re Pre — 199 — par ses plus grands aspects. Trois choses de la nature man- quent dans leurs œuvres, la mer, la montagne et le ciel. C’est aux tout modernes, et presque aux contemporains, qu'il ap- partiendra de savoir les regarder et de savoir les peindre. » Encore M. Faguet ajoute-t-il aussitôt cette correction que dans Théophile, Saint-Amantet d’autres, on trouvera la mer, la montagne, le ciel, « et fortement sentis et fortement ai- més. » Ce goût leur fut commun avec bien d’autres, qu’il ne reste plus qu’à lire ou à se rappeler. Tout le monde con- naît cette fin du roman de Psyché, où La Fontaine nous montre Acante, c’est-à-dire Racine, perdu dans la contem- plation du soleil couchant, et sommant ses amis de s’arracher à une discussion littéraire pour « considérer ce gris de lin, ce couleur d’aurore, cet orangé, et surtout ce pourpre, qui envi- ronnent le roi des astres. » Ce passage, dont Scherer s’en- chantait, prouve que dès ce temps là on savait regarder le ciel. Etle père Bouhours, ce mondain, vous convaincra qu’on savait déjà regarder la mer : dans ses Entretiens d’Ariste et Eugène, le premier intitulé la Mer, imagine ou rapporte la conversation de deux amis, qui ont l’air de goûter vivement la beauté de l’océan et d’en sentir la poésie. Il faudrait peut- être conclure de là qu’on ne doit pas juger des sentiments qu’un homme ou un siècle éprouvent par les seuls senti- ments qu'expriment dans leurs œuvres les grands auteurs du siècle ; on ne dit pas toujours tout ce que l’on a dans l'esprit et dans le cœur. Au moins le font-ils parfois entendre au lecteur attentif ; je ne serais pas embarrassé de trouver dans les lettres de Descartes par exemple la preuve que ce penseur austère et enfermé n’était pas insensible à la nature. Mais je ne veux pas tirer les choses à moi. Je reconnais de bonne grâce que dans ce xvrr° siècle plus peut-être que dans tout autre âge, c’est l’homme qui a fait la principale curiosité de l’homme. Les personnes soucieuses de l’art s’occupaient surtout à régler la langue et les genres. Plus tard, les bâti- ments revinrent à l’ordre du jour. Depuis que toute la no- — 200 — blesse fut entassée au palais de Versailles, on ne s’occupa guère parmi les gentilshommes qu’à rechercher des places ou des faveurs, et dans le reste on suivait le goût du maître. Monseigneur ne voyait dans la nature que les loups et les cerfs qu’il tuait en boucher furieux. Il faut mentionner cepen- dant que dès ce temps là Dufresny dessinait des jardins an- glais, dont il voulut, dit-on, opposer le projet aux plans de Le Nôtre. Enfin, il faut arriver à Rousseau pour voir le sentiment de la nature éclater avec passion et revendiquer sa part d'intérêt dans des ouvrages humainement touchants. Après lui, plu- sieurs progrès restaient encore à faire. Il avait usé du paysage, dit Victor de Laprade, comme en peut user un peintre d’his- toire : il fallait le créer comme un genre distinct. Il fallait en- core peindre la nature en traits plus particuliers et plus pré- cis, plus nuancés et plus neufs, au lieu de ces peintures un peu générales, où il avait triomphé, et qui aisément seraient devenues communes. Ce fut l’œuvre, dit Sainte-Beuve, de Bernardin de Saint-Pierre, de Châteaubriand, de George Sand. Il faudrait ajouter bien d’autres noms, sans oublier ces descripteurs que Stendhal a honnis, Delille et ses disciples. Mais ici la tâche deviendrait infinie. Depuis Châteaubriand, le sentiment de la nature est lancé, il est à la mode, il a fait fortune, 1l fait fureur, il est à l’état d’amour-passion. Nous avons tous un parent qui estplus ou moins président, comme Tartarin, d’une société d’alpinistes. Mais Tartarin est de la race des héros. Le plus bourgeois des bourgeois, M. Perri- chon lui-même, croirait manquer à ce qu’il se doit, s’il n’al- lait pas voir le Mont Blanc, — si ensuite il ne prenait pas soin d'informer l'univers, par une inscription sur un re- gistre d'hôtel, qu’il comprend et sent toute la grandeur et la poésie des montagnes. L'INDUSTRIE DU SEL EN FRANCHE-COMTÉ AVANT LA CONOUÊTE FRANÇAISE Par M. Max PRINET Séance du 8 mai 1897. INTRODUCTION Aucun des auteurs qui ont traité de l’histoire de la Franche-Comté en général, depuis Gilbert Cousin (1) jusqu’à M. du Bled @), n'a manqué de consacrer quelques pages ou quelques lignes aux salines de cette province. Les historiens des villes dont les territoires renfermaient ces usines, — comme Lons-le-Saunier, Salins, Saint-Hippolyte — se sont préoccupés d’en étudier le sort. Quelques notices sur les sauneries franc-comtoises, parfois d’une étendue considé- rable, se rencontrent dans des ouvrages de polygraphes, dans le Dictionnaire de La Martinière, dans la Description de Piganiol de la Force, dans l'Encyclopédie du xvur° siècle, etc. Mais personne n’a tenté, jusqu'ici, de réunir en un ouvrage spécial, les renseignements qui peuvent servir à établir la suite des phases de l’industrie du sel en Franche-Comté. (1) Brevis ac dilucida Burgundiæ superioris, quæ Comitatus nomine censetur, descriptio per Gilbertum Cognatum. Bâle, 1552, in-8°. (2) Victor du Bled, La Franche-Comté, à IT: Les Industries (Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1893.) — 202 — Il est vrai que M. Jules Finot, dans la seconde partie deson Essai historique sur les origines de la Gabelle et sur l’ex- ploitation des salines de Lons-le-Saunier et de Salins, jus- qu’au XTV® siècle, a consacré une trentaine de pages à l’étude des sauneries du Comté de Bourgogne. Mais, outre que cet historien ne s’est occupé que des premiers siècles de leur existence, il acomposé son ouvrage d’après un nombre trop restreint de documents (1) pour qu’on puisse considérer ce travail comme une étude d'ensermhle sur les salines franc- comtoises (2). J’ai voulu entreprendre de combler cette lacune, mr'atta- chant non à écrire une série de monographies parallèles sur chacune des usines, mais à grouper, autant que possible, en un ensemble, les péripéties diverses de leur existence, des droits de propriété auxquels elles ont donné naissance, des procédés d'exploitation qui y ont été en usage, du trafic dont le sel a été l’objet. Je m'arrêterai dans cette étude à la conquête de Louis XIV. L'originalité des salines du Comté de Bourgogne résidait dans leurs liens avec l'autonomie provinciale. À partir de la conquête française, les institutions qui les régissent sont profondément modifiées. Les salines comtoises ne consti- tuent plus que l’un des nombreux centres de production sa- line de la France, soumis aux mêmes règlements que les autres usines du royaume. (1) Comme sources manuscrites : à la Bibliothèque nationale, les nos 8551, 11629 et 11630 du fonds français et les nos 79 à 81 de la collection de Bourgogne ; — aux archives municipales de Luxeuil, une charte du comte Etienne de Bourgogne. (2) Mirabeau, au château de Joux, avait entrepris un Mémoire sur les salines de la Franche-Comté, qu’il n’a pas achevé. (Loménie : les Mira- beau, t. III, p. 162.) er ; | Te Lrappe Io Sources manuscrites Parmi les documents manuscrits que j'ai consultés, les plus importants sont ceux qui nous restent des archives an- ciennes de l'administration des salines. Ils forment une frac- tion considérable de la série A, aux Archives du Jura et deux groupes importants de la série B, aux Archives du Doubs : l’un dans le fonds de la Chambre des Comptes de Dole, l’autre dans celui du Parlement. J’ai consulté aussi les nombreux registres de comptes qui détaillent les recettes et dépenses des sauneries domaniales, et qui sont conservés aux Archives de la Côte-d'Or, avec quantité de pièces s’y rap- portant (B 1053 et s., B 1388 et s., B 5951 et s., B 11175 et s., B 11393 et s.) Les fonds Montbéliard, aux Archives na- tionales (série K) et aux Archives de la Haute-Saône (série E) m'ont fourni maintes indications sur l'exploitation de la sau- nerie de Saulnot, qui appartenait au comte de Montbéliard. La Bibliothèque nationale conserve en copies ou en origi- naux un certain nombre de documents précieux pour l’his- toire de l’administration des salines comtoises {ainsi dans les n° 14 et 2 des 182 Colbert, 937 et 938 du fonds Clairam- bault, 41629 et 11630 du fonds français, dans plusieurs re- gistres de la collection Moreau, etc., etc.). J’ai emprunté aux Archives du Pas-de-Calais le plus ancien règlement de la grande saunerie de Salins qui nous soit parvenu. Beaucoup plus nombreux sont les documents qui ne se rapportent qu'indirectement aux salines comtoises et qui font connaître accidentellement les destinées de l’industrie du sel aux divers siècles. Tels sont : les chartes renfermées dans les fonds ecclésiastiques des Archives des trois départements franc-comtois et du département de la Côte-d'Or (), les car- (1) J'aurais été plus certain de ne rien omettre d’important à ce point de vue si les Inventaires des séries G& et H des Archives de la Côte d'Or, du Doubs et du Jura avaient été publiés. — 904 — tulaires copiés par Droz au siècle dernier et qui font partie de la collection Moreau à la Bibliothèque nationale, divers cartulaires qui reposent à la Bibliothèque de Besancon, et, entre autres, le cartulaire du comte Jean de Chalon (1) auquel j'ai fait de très nombreux emprunts, nombre de chartes de la collection Joursanvault, à la Bibliothèque Nationale. J’y ai ajouté quelques documents tirés des archives particulières de M. le comte de Laubespin et de certaines archives mu- nicipales, comme celles de Salins. J'ai mis également à profit quelques mémoires manuscrits qui renseignent sur l’état des salines aux époques où ils ont été rédigés, et que j'ai consultés tant à la Bibliothèque na- tionale qu’à la Bibliothèque de Besançon (Collections Chifflet et Duvernoy,. | Ilo Bibliographie Les principaux ouvrages imprimés dont je me suis servi au cours de mon travail sont les suivants : AGRICOLA (Georgius). De re metallica libri XII. Bâle, 1657, in-fol. AUBERT (Ed.). Le Trésor de l’abbaye de Saint-Maurice d'Aguune. Paris, 1873, in-40. BÉCHET. Recherches historiques sur la ville de Salins. Be- sançon, 1828-1830, 2 vol. in-12. BENOIT (Dom). Histoire de l’abbaye et de la terre de Saint- Claude. Montreuil-sur-Mer, 1890-99, 2 vol. gr. in-8c. BERTHERAND (Dr E.). Recherches historiques sur l’état du commerce, de l’industrie, des lettres et des beaux-arts à Poligny depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Poligny, 1860, in-8°. 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Besançon, 1884, gr. in-8° (1). _ (1) Je tiens à témoigner ici ma gratitude à toutes les personnes qui ont bien voulu faciliter mes recherches ; je prie, en particulier, M. B. Prost, Inspecteur général des Bibliothèques et des Archives, M. J. Gauthier, Ar- chiviste du Doubs, et M. H. Libois, Archiviste du Jura, d’agréer mes re- merciments bien sincères. PREMIÈRE PARTIE HISTOIRE CHAPITRE PREMIER ORIGINES $ 1 L'ensemble des gisements salifères connus dans l’étendue de la Franche-Comté peut se répartir en trois groupes prin- cipaux. Le plus important est celui qui s’étend au pied du premier plateau du Jura, de la « Montagne Palatine », comme on disait au Moyen Age. C’est de lui que dépendent les sources salines de Tourmont, de Grozon, de Salins, de La Muire, de Brainans, de Saint-Lothain, de Lons-le-Saunier, de Mont- morot. Aujourd’hui il est encore exploité à Poligny, à Gro- zon, à Salins, à Lons-le-Saunier et à Montmorot : dans cha- cune de ces localités, on en a tiré parti pour créer des sa- lines ou des établissements de bains salins. Un second groupe se trouve dans l’ancienne seigneurie de Granges (1), aux confins des départements du Doubs et de la Haute-Saône. Dès le Moyen Age on y exploitait des sources salées à Saulnot (2) ; à la fin du xvi° siècle, le duc Frédéric (1) Granges-le-Bourg (Haute-Saône, arrondissement de Lure, canton de Villersexel). (2) Saulnot (Haute-Saône, arrondissement de Lure, canton d'Héricourt). — 7213 — de Wurtemberg, comte de Montbéliard, en fit rechercher d’autres à Couthenans (D; son œuvre fut reprise au xvirI® siècle par le baron de Gemmingen, gouverneur du comté de Montbéliard (2). C’est sur les ordres de Gemmin- gen, que le physicien Berdot dirigea des fouilles sur le terri- toire de Couthenans, en 1749, et réussit à découvrir trois sources salines. Au commencement du xvrre siècle, onavait trouvé également, au village voisin de Chenebier G) une source d’eau salée (@). Sur le territoire de l’ancien village de Valoreille 5;, entre Sainte-Marie et Montenois (6), existe aussi une fontaine légèrement saumâtre. Enfin, des sondages opérés dans la première moitié de notre siècle, ont amené la découverte de sel gemme à Gouhenans (7), à Melecey, à Fal- lon (8), à Etroitefontaine (9). Un dernier groupe de sources salifères a été reconnu dans le comté de la Roche, (au]. canton de Saint-Hippolyte-sur-le- Doubs, département du Doubs); de celles de Soulce et de Saint-Hippolyte connues et exploitées au Moyen Age, il ne reste plus que la fontaine de Soulce (10), (1) Couthenans (Haute-Saône, arrondissement de Lure, canton d'Héri- court). (2) Bibliothèque de Besançon. Collection Duvernoy : Description du Comté de Montbéliard. Tome II, n° 5. (3) Chenebier (Haute-Saône, arrondissement de Lure, canton d'Héri- court). (4) Description du Comté de Montbéliard, n° 7. (5) GC. D. [Charles Duvernoy]. Les Villages ruinés du Comté de Mont- béliard, pp. 34-35. (6) Sainte-Marie, arrondissement et canton de Montbéliard; Montenois, arrondissement de Baume-les-Dames, canton de l’Isle-sur-le-Doubs. (7) Thirria : Manuel de l'habitant de la Haute-Saône, pp. 191-1983. (8) Thirria, op. cit., pp. 191-193. (9) L. Suchaux : Annuaire de la Haute-Saône, ann. 1835, p. 129. — Gouhenans, Melecey, Fallon et Etroitefontaine sont situés dans le départe- ment de la Haute-Saône, arrondissement de Lure, canton de Villersexel. _ (10) H. Résal : Sfatistique géologique, minéralogique et minéralur- gique des départements du Doubs et du Jura, p. 72. — 214 — En dehors de ces bassins, on rencontre quelques sources d’eau salée sur des territoires éloignés les uns des autres, sans rapport hydrographique apparent. Telles sont les fontaines de Luxeuil, celles de Scey-sur-Saône et des Nans (1) que l’on connaît depuis des siècles, celles d’Avanne (2) et de Mont- ferrand, de Châtillon-le-Duc et de Miserey, aux environs de Besançon. Les noms de lieux démontrent que les anciens habitants du Comté de Bourgogne avaient pris garde à ceux de ces gi- sements que des sources, issues des terrains salifères, pou- vaient leur faire connaître. ; : Parmi ces vocables, les uns ne font que signaler l’exis- tence d’une source saline, tandis que d’autres rappellent les établissements industriels destinés à fabriquer le sel. A la première de ces deux catégories appartiendrait, s’il fallait en croire certains des historiens locaux (3), le nom de Lons. Il indiquerait, d’une manière indirecte, la présence d’une source salée. Le thème etymologique Ledo serait d’origine celtique et signifierait, d’après eux, le flux de la mer. Ce nom aurait été donné au chef-lieu actuel du département du Jura parce que son territoire renfermait une source intermittente d’eau salée, qui, par ce double caractère, aurait mérité d’être comparée à la marée de l'Océan. Cette opinion n’est malheureusement corroborée par au- cun texte et ne se soutient qu’à l’aide du Celtique de Bullet. Les formes latines du nom de Lons (qui ne sont pas fort an- ciennes, et ne nous sont données, pour la plupart, que par Se (1) Le territoire des Nans (Jura, arrondissement de Poligny, canton de Nozeroy) présente cette particularité qu’on y retrouve à fleur de terre, à une altitude très élevée, un terrain d'étage très inférieur : le terrain liaso- keupérien. (2) H. Résal, op. cit., p. 87. (3) D. Monnier : Annuaire du Jura, an, 1844, p. 267. r\n LR — 9215 — des copies), Ledo (1) ou Legdo @), Ledonum (8), Ledonium (#, pas plus que les formes françaises Laons (5), Leons (6) ne mettent sur la voie d’une étymologie plausible. Un nom de source salée dont le sens n’est pas douteux est celui du village de La Muire (7), sur le territoire duquel on trouve encore une source légèrement saline (8). C’est le nom même de l’eau chargée de sel en dissolution, que l’on appelait en latin Muria et en français Muire (9), On appelle « la Saline », un canton du finage de Luxeuil où sourd l’une des fontaines salées, nombreuses sur le ter- ritoire de cette ville. Ailleurs se trouvent des Fontaines salées (10), un Champ salé (11), etc. (4) Ledo, orthographié parfois Laedo, est la forme latine la plus fré- quente. On la trouve dans un très grand nombre d’actes des xI1I° et xIIIe siècles, comme aussi l'adjectif Ledonensis qui peut être formé sur elle ou sur la variante Ledonum. (2) In puteo Legdonis, 1197 (Béat. de Chalon, p. 132); 1237 (B. N. Mo- -reau 870, fo 639). — Legdonensis, 1213 (Guillaume, Hist. de Salins, t.I, pr., p. 113); 1236 (B. N. Bourgogne 38, p. 206). (3) Vers 1170 (B. N. Latin, 5683, f° 2 ve); 1173 (Béat. de Chalon, p. 131); 4188 (Béat. de Chalon, p. 83); 1252 (Mémoires pour servir à l’histoire du Comté de Bourgogne, t. VI, f° 74). (4) 1170 (B. N. Latin 5683, f° 26 ; 1173 (Béat. de Chalon, p. 184; B. N. Baluze 144, n° 441); 1196 (orig. Arch. Haute-Saône, H 46) ; 1208 (B. N. Moreau 870, fo 432); 1230 (Arch. fôte-d'Or, Cartulaire de Citeaux, t. I, fo 133 vo); 1231 (B. N. Moreau 870, f° 642); etc, (5) 1200 (B. N. Moreau 871, f° 93 vo); 1205, 1212 (B. N. Moreau 870, ff. 632 vo, 635, 637 v°, 640 vo) ; 1259 (Guillaume : Salins, t. I, pr., p. 176); 1276 (Moreau 891, f° 163) etc. (6) Orig. Arch. Doubs, B 311. (7) La Muire, Jura, arrondissement de Lons-le-Saunier, canton de Voi- teur, commune de Domblans. (8) Bib. de Besançon : Notes topographiques de E. Droz. Rousset : Dic- honnaire, t. II, p. 2. (9) Pline, Hist. Nat., 1. xxxI, c. XL. - Le mot « muria » qui appartient au latin classique a été employé dans les chartespour désigner l’eau salée; de même le mot français « muire ». Je ne sais pourquoi M. Monnier dans ses Annuaires à imprimé souvent « murie », forme qui n’a jamais été en usage. (10) Une « Fontaine salée » existe à Brainans (Jura, arrondissement et canton de Poligny); un « Pré de la Fontaine salée » à Couthenans. (11) Champ saléou Champ Salat, à Gou =enans. En. — 216 — À côté de ces appellations d’origine romane, je crois pou- voir placer le nom de Soulce (1) porté par un village du dé- partement du Doubs où une saline a été exploitée pendant le Moyen Age. La forme latine usitée au xrI° siècle pour dé- signer ce territoire est Sulcea (2). Il me semble que l’on doit rapprocher ce nom, qui se rencontre dans une région où l'influence germanique a été assez forte pour laisser de nom- breuses traces dans l’onomastique, des noms que l’on re- trouve dans les pays de langue allemande sous la forme simple Sultz où sous des formes composées telles que Sultz- bach, Sultzberg, Sultzfeld, Sultzthal, etc., etc. Je crois de- voir admettre que le mot actuel Soulce est une forme fran- cisée du haut allemand Sulza, au sens de source salée 6). Ces noms n’ont pas un grand intérêt historique, au point de vue qui nous occupe, les sources qu'ils désignent exis- tant encore aujourd’hui. Mais il n’en est pas de même de ceux qui rappellent des établissements industriels destinés à la fabrication du sel. Le nom de Salins désigne la ville de Franche-Comté la plus célèbre par ses salines. La seule forme latine de ce mot est Salinæ ; on ne lit « Salinum » que dans un diplôme faux du roi Sigismond. Salinæ est le mot latin (# le plus usité pour signifier une usine où se fabrique le sel; sa forme oblique Salinis peut expliquer philologiquement le vocable de Salins. C’est sans doute un Salins primitif, distingué dès une époque ancienne, à l’aide d’une terminaison diminutive de (1) Soulce ou Soulce-Cernay, arrondissement de Montbéliard, canton de Saint-Hippolyte. (2) « Salinas de Sulcea » 1179, 1180. (Trouillat : Mon. de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, tome I, pp. 375-381.) Cf. la forme Sulcia, donnée - par les Traditiones Wisenburgenses, pour désigner un Sultz alsacien. (3) Fœrstemann : Al{deutsches Namenbuch, tome IT, col. 1427 ets. (4) On a eu l’idée bizarre de donner au mot Salins une étymologie cel- tique. (D. Monnier, Ann. du Jura 1855, p. 124 ; 1860, p. 112.) — 917 — son homonyme plus important (1), que l’on trouve sous le nom actuel de Saulnot. Ce village, où une saline a été exploi- tée jusqu’au commencement de notre siècle, n’est mentionné dans les chartes du Moyen Age que sous des vocables ro- mans qui diffèrent peu du nom actuel : Sanas, en 1149 @,, Saunez, en 1179 G), Salnes, vers 1190 (&), Salnat et Sanat &), dans les siècles suivants. Il n’est pas sans intérêt de consta- ter que, ily a quatre siècles, les habitants du pays se ren- daient compte de l’étymologie de ce nom. Un des co-sei- gneurs de Saulnot, Philibert de Monrost, qui vivait à la fin du xv® siècle, dans un mémoire présenté au comte de Mont- béliard, fait allusion au sens du vocable porté par ce vil- lage (6). Le nom très usité au Moyen Age pour désigner l’usine où se faisait le sel, de La Saunerie, est porté par des lieux dits des (1) Duvernoy y avait vu un nom composé de deux termes : sal-sel, et nat-net. (Charles Duvernoy, Recherches étymologiques sur les noms de lieux du pays de Montbéliard ; Montbéliard, 1834, p. 11). Salnot (Salnat ou Salnet) devenu par vocalisation Saunot, est un diminutif de Salin, dans lequel l’i intertonique est tombé. (2) Charte de Raut de Scey, 18 février 4149. (L. Viellard : Documents et Mém. pour servir à l’hist. du territ. de Belfort, p. 258.) (3) Bulle d'Alexandre IIT en faveur «du prieuré de Lanthenans (Trouillat, t. I, p. 860.) (4) Salnat, en 1346 (Contrat de mariage de Jean de Montbis et d’Agnès de Vellechevreux, Arch. Nat. K 2284), en 1385 (Dénombrement de Guil- laume de Grammont, Arch. Nat. K 2283), en 1386 (Dénombrement d’Odat de Velle-le-Châtel, Arch. Nat, K 2290), etc, Sanat en 1379 (Dénombre- ment de Vauthier de Gouhenans, Arch. Nat, K 2285), en 1385 (Dénom- brement de Jean Morelat de Cheveney, Arch. Nat, K 2289), en 1407 (Dé- nombrement de Guyot de Grammont, Arch. Nat. K 2283), etc. (5) Salnes (transcrit à tort Salves dans la copie de la collection Moreau), dans une donation de Girard de Montjustin à l’abbaye de Lieucroissant (vers 1190). (B. N. Moreau, 874, f° 270 vo). (6) « Primier que ce que led. Philibert de Montrost tient à cause dud. feu Nicolas de Bere descend et provyent de damoiselle Symonate de Sanaz, femme jaidis de feu Messire Symon de Salnat, à son vivant chevalier, que au present se dénomme Salnat à cause de la Saulnerie, et est le tout en la seignorie de Granges » (S. d.). Arch. Nat, K 2981, = territoires de Grozon et de Soulce. Dans ce dernier exemple, les habitants des environs ont travesti ce nom en celui de «La Sonnerie » et prétendent que cette appellation provient de cloches merveilleuses dont, à certains jours, on entend le son dans ces parages (1). Enfin le mot « Berne », qui désignait, dans notre pays, la petite construction à l'abri de laquelle on faisait évaporer l’eau salée, vit encore dans le nom d’un canton du territoire des Nans qui s'appelle le Châteuu de la Berne @). Je crois y voir l'indication unique d’une exploitation industrielle de la source salée qui jaillit en ce lieu, et dont la mise en œuvre n’a laissé aucune trace dans les documents écrits. C’est le même sens qu’il faut attribuer au mot Berne dans le nom des rues des Bernes et de la Berne, situées à Lons-le-Saunier et à Montmorot. 82 À quelle époque peut-on faire remonter l’utilisation indus- trielle des sources salées franc-comtoises ? Cette question a été maintes fois agitée et a donné naissance à plusieurs sys- tèmes différents. La plupart des historiens comtois ont été désireux de faire remonter l’exploitation de leurs salines à la plus haute antiquité. Pour le démontrer, ils ont employé cet argument a priori à que, les sources existant, les habitants ne pouvaient faire autrement que de s’en apercevoir, et, s’en étant aperçus, ne pouvaient manquer de tirer parti de cet avantage naturel (3). (1) C’est bien l’emplacement de l’ancienne saline de Soulce qui porte aujourd’hui le nom de « la Sonnerie ». Il se trouve au delà du cours du Doubs. V. aux Arch. nat, un plan du xvr° siècle K 2251, liasse 2). (2) Rousset : Dictionnaire, tome IV, p. 459. (3) « On attribue la découverte des salines soit au bétail qui se portait vers les sources salées, soit au hasard qui a fait rencontrer des filets d’eau salée quand on cherchait de l’or, Mais cette opinion ne s'appuie guère LA = *- °s E c — 219 — Cela est. fort probable, mais du domaine des choses que les investigations scientifiques ne peuvent ni établir ni infirmer. D’autres érudits ont voulu prouver scientifiquement que les sources salées avaient été l’objet d’une industrie dans le pays des Séquanes, avant la conquête Romaine. Désiré Monnier, qui s’est occupé à diverses reprises des origines de l’industrie du sel en Franche-Comté, a soutenu successivement plusieurs théories sur l’antiquité des salines du Jura, tantôt les faisant remonter à l’époque celtique, tantôt en attribuant la création aux Grecs ou aux Toscans (1). Cette idée de voir dans les Toscans les créateurs de notre industrie saline reparaît dans d’autres ouvrages. Ainsi, M. Rousset prétend que ce sont les religieux d’Agaune qui, au vi° siècle, ont envoyé à Salins des sauniers toscans (2). Peut être ces opinions sont elles un reste de la tradition qui attribuait également à des Italiens, aux Lombards de la fa- mille des Asiniers, la construction des bâtiments des sau- neries de Salins (). Toutes ces prétendues origines de l’industrie du sel en Franche-Comté sont aussi fabuleuses les unes queles autres, et, si l’on se reporte aux textes écrits pour chercher lestraces de son existence dans l’antiquité, on ne rencontre que bien peu de renseignements. Le plus ancien document écrit qui puisse être invoqué en que sur le nom de Mons Aureus donné à la montagne de Salins par l’au- teur de la Vie de saint Anatoile »(B. N. Moreau 910. Mémoire pour servir à l’histoire de la Franche-Comté, f° 82. Commencement du xvir1° siècle). (4) V. Annuaires du Jura, 1854, 1855, 1859, 1860. (2) Il est curieux de voir M. Monnier demander à M, Rousset où il «a lu que l’abbé de Saint-Maurice d’Agaune avait fait venir des salinateurs tos- cans, au vi° siècle, pour exploiter les salines de Salins ». (D. Monnier. Ann. du Jura, 185%, pp. 293-2914). (3) Gollut : Mémoires, 1. II, ch. xxiv, éd. Duvernoy, col. 142. En réalité, la famille des financiers lombards que l’on appelait en Bourgogne les Asi- niers à eu un rôle dans l’administration des sauneries; ils géraient la Tré- sorerie de la grande saline au commencement du x1v° siècle (B. N. Fran- çais 8951, passim.). A — 220 — faveur de l'ancienneté des salines comtoises est un passage de Strabon auquel tous les auteurs qui ont traité de ce sujet ont fait allusion, et qui affirme que c'était du pays des Séquanes que les Romains faisaient venir leurs meilleures salaisons (1). Ce texte semble indiquer que les Séquanes savaient tirer un parti industriel de leurs sources salées, et l’on ne peut guère supposer que ce peuple ait eu dans son territoire d’au- tres salines que celles de Franche-Comté. Je ne crois pas, en effet, comme M. Finot, que l’on puisse appliquer ce texte aux salines lorraines (2), car les plus méridionales de ces sa- lines sont fort au Nord de la frontière de la Séquanie que l’on a toujours fixée, de ce côté, à la chaîne dite des Faucilles. Je pense que ce passage est le seul qui dénote l’existence des salines séquanaises avant une époque assez basse du Moyen-Age. On a mis en avant, comme preuves de leur ex- ploitation dans l’antiquité, un texte de Pline quine s’applique à aucune région spéciale des Gaules et de la Germanie 6), et un passage d’Ammien Marcellin qui se réfère, à coup sûr, à des salines d'Allemagne (4). Mais il y aurait peut-être d’autres arguments à faire valoir en faveur de l’ancienneté de nos salines. Les recherches ar-* chéologiques que l’on a faites jusqu’à ce jour aux emplace- (2) « Obev à xd ioTO Tapiyeior Tov delwv xpewv etc tnv “Pounv xataxo- utéoytat. » Strabon : Géogr., ilivre IV, ch. III, éd. Didot; Paris, 1853, p. 159-160. (2) Il est certain, en revanche, comme l’a dit M. Finot, qu'on n’a aucune raison d'attribuer ce texte aux salines de Salins en particulier. (3) Pline, Hist. nat., 1. XXXI, c. xxxIx « Galliae Germaniaeque ardenti- bus lignis aquam salsam infundunt. » (4) Amm. Marcell., 1. xvrrr, c. 6, parlant des Bourguignons et des Ala- mans, dit : «Salinarum finiumque causa sæpe jurgabant ». À cette époque (vers 370), les Bourguignons n'étaient pas encore entrés en Gaule. — Al-. bert Jahn : Geschichte des Burgundionen und Burgundiens, tome I, pp. 50-52. — C. Binding : Geschichte des Burgundisch-Romanischen Kœnigreichs, p. 36, etc. — Béchet : Recherches historiques sur Salins, tome I, pp. 10-13. — Contra : Bullet: Méi. sur la langue celtique, t. F, p. 183 — Bruzen de la Martinière : Dict. vo Salins. — 221 — ments des anciennes sauneries ont été conduites avec trop peu de méthode pour que leurs résultats puissent être d’un grand intérêt. Cependant, on peut constater qu’à Grozon (1), à Lons-le-Saunier (2), à Montmorot (3), à Salins (#), il s’est re- irouvé une assez grande quantité d'objets divers d’une anti- quité indéniable, pour prouver que ces localités renfermaient déjà, au temps de l’occupation romaine, d'importantes ag- glomérations d'habitants. On peut supposer que c’est à leurs richesses minérales que ces localités devaient leurs popula- tions. Il y a une présomption de même ordre à tirer de la quantité de voies romaines dont les archéologues ont cons- taté le rayonnement autour des mêmes centres sauniers (4). (1) On a retrouvé à Grozon des monnaies de Philippe de Macédoine, — M. Monnier ne manque pas d’y voir une nouvelle preuve de l'immigration des « salinateurs » grecs, — des débris de statues et autres menus objets — que le même auteur attribue à l’art grec — (Ann. du Jura 1855 p. 163; 1860 p. 114-115). Des recherches plus récentes y ont amené la découverte de débris de bâtiments antiques, de colonnes, de bas-reliefs (Guichard : Notes sur l’état actuel de l'Archéoloyie et quelques découvertes récentes dans le département du Jura. Soc. d’'Emulation du Jura,1890, p. 426. — Séance de l’Acad. des Insc. et B. L. du 30 octobre 1891.) — V. aussi : E. Clerc : La Franche-Comté à l’époque romaine, p. 98 ; Chevalier : Mé- moire hist. sur Poligny, t. II, p. 227. …— (2) On yatrouvé des médailles et monnaies impériales d’Auguste à Constantin, des vases antiques. (D. Monnier: Ann.1840, pp.79-87; E. Clerc : Franche-Comté à l’époque romaine, p.103.) (3) Les médailles grecques et romaines et autres objets retrouvés à Mont- morot sont énumérés par M. Rousset (Déct., t, V, pp. 341-343.) A propos du nom de Clarianus, il fait une erreur d'interprétation : ce ne sont pas des noms d'architectes qui se trouvent sur les briques romaines. (4) On n’a pas retrouvé de constructions romaines à Salins, mais des monnaies dont les plus anciennes datent du règne de Tibère, des statuettes, _ des lampes, des armes, des tuileaux romains. (David de Saint-Georges : Rech. sur les antiq. celt. et rom. des arr.de Poligny et de Saint-Claude. BE Glerc: Fr. C. à l’ép. rom., p. 147. D. Monnier : Ann. 1855, p. 187. Piganiol de la Force : Descrip. de la France, t. xItr, p. 255, etc.) (5) M. Monnier en compte cinq aboutissant à Salins, six à Grozon, sept à Lons-le-Saunier et Montmorot (Ann. 1844 et 1855.) — La vie de saint Anatoile mentionne la vallée de Salinsen ces termes : « Vallis romanoiti- neri pervia ubi nunc Salinarumlocus, » La chronique de Saint-Bénigne — 9929 — Un genre de fouilles qui, bien conduites, ne manqueraient pas de donner des résultats intéressants, seraient celles qui. pénétreraient dans les énormes amas de cendres qui, à Gro- zon (1) et à Lons-le-Saunier (2), marquent les anciens empla- placements des salines. Il est à regretter que les travaux opérés, au point de vue industriel, dans celui de Lons- le- Saunier n'aient pas été suivis plus exactement par les ar- chéologues. Ils auraient pu se rendre compte de la situa- tion où ont été trouvés les objets antiques assez nombreux que l’on a alors mis à la lumière. Les cendres de Grozon mé- ritent une semblable exploitation, et il est vraisemblable qu'on y rencontrerait, à divers étages, de menus objets qui permettraient de dater les couches successives qui se sont accumulées durant de longs siècles. Un texte hagiographique d’une antiquité fort douteuse, la. vie de saint Oyan (3), abbé du monastère appelé alors « Con- datisco (&) » et plus tard Saint-Claude, rapporte que les moines de Condatisco auraient eu coutume de tirer leur sel d’une région qu’il appelle le pays voisin des Hériens, « de vicinis Heriensium locis @) ». Or, le nom de « Herienses » n’est dit : « Petregium super Lupam juxta burgum Salinis.. euntibus Romam quondam fuit iter. » (1) V. G. Schlumberger : Découverte d’une roique faisant partie des dé- pouilles de Constantinople, apportées en Occident à la suite de la Croisade de 120%. (Congrès Archéologique de France ; 58 session, p. 3#7.) (2) En dehors des cendres accumulées à Lons-le-Saunier, on a retrouvé en 1772, près de cette ville, un amas considérable de bois fossile que l’on croit avoir été jadis destiné à la cuite des muires. (Bib. de Besançon, Mss. Dunand, n° 12, fo 207.) (3) En latin « Eugendus », mort en-510. La forme française de ce nom a toujours été Oyan (avec diverses variantes orthographiques). Eugende est un calque de la graphie latine, imaginé je ne sais pourquoi par les au- teurs modernes. (4) Je me refuse à employer la forme inexacte « Condat » qui est scie lement admise par presque tous les auteurs. (5) « Quadam namque vice, dum diros metuunt ac vicinos Alemannorum incursus, qui inopinatis viantibus non congressione in cominus sed ritu superventuque solerent irruere bestiali, ad mortem aut suspicionem mor — 9293 — connu que comme désignant une population fort éloignée du Jura : les insulaires de Noirmoutier. La distance qui sépare cette région du monastère de Saint- Claude ne permettait pas aux religieux de cette abbaye de la traiter de voisine(l). On a cherché, dans les environs, une localité à laquelle pût se rapporter le passage de lha- giographe. Tous les auteurs qui se sont occupés de cette question ont pensé que c'était dans les régions de Franche- Comté pourvues de sources salines qu’il était possible de la trouver. Les uns ont voulu qu’il s’agit de Salins () et en ont donné des raisons insuffisantes, comme la présence d’un tis penitus evitandam, quæ crebro timoris jaculo toties interimit quoties timetur, e limite Tyrrheni maris potius quam de vicinis Heriensium locis coctile decernunt petere sal. Sed hoc totum ut fieret et consilium et ordina- tio beati viri persuaserat. Cumque, emenso bimestri tempore, nullum da- rent proprii adventus indicium, vertitur in sanctum imputatio fratrum quod, aliis e vicino quod timuerant sospitibus jam reversis, non tam desti- natis fratribus exillum quam peregrinam [mortem] propria persuasione de- disset. » Mabillon : Acta SS. ordinis S. Ben. in app. Saec. E, p. 574 ; — D. Bouquet, t. III, p. 396; — Bolland. : Act. SS., t. I januar, p. 53. Voir, sur cette vie de saint Oyan, B. Krusch : Les falsifications des vies des saints burgondes, dans les Mélanges Julien Havet, pp. 39 ets. _(4) C’est bien d’une région voisine de Condatisco qu’entend parler le bio- graphe de saint Oyan. Ilest vrai que l'expression « vicini Heriensium loci » pourrait sembler désigner un pays voisin de celui des Hériens. Mais le contexte ne laisse aucun doute à cet égard lorsque, plus loin, il relate les accusations portées contre le saint abbé qui avait envoyé au loin ses moines, tandis que d’autres revenaient sains et saufs de ce pays voisin où l’on n'avait osé aller s’approvisionner. (2) Dom Grapin (Hist. abrégée du comté de Bourgogne, p. 140) et La Teyssonnière (Recherches historiques sur le département de l'Ain, t.T, p. 148), ont basè sur cette identité du pays des « Herienses » avec Salins, un raisonnement tendant à démontrer que les salines de Lons-le-Saunier n’existaient pas au vie siècle. Si, en effet, pensaient-ils, les sources de Lons avaient été exploitées, les moines de Condatisco auraient pu y aller faire leur provision de sel au lieu de se rendre jusqu’en Italie. On pourrait répondre à cet argument que les raisons qui empêchaient les religieux de Saint-Claude de communiquer avec Salins pouvaient également leur in- terdire tout commerce avec Lons-le-Saunier. — V. Rousset : Dict.,t, IT, p. 641, — 9224 — village nommé Pont-d’'Héry, au val de Salins (1). D’autres ont étendu, par un singulier raisonnement, l’appellation de « Heriensium loci » à tous les lieux du département du Jura où il y a eu des salines (2). En réalité, aucun autre texte ne parlant de ces Herienses, voisins de Condastico, on en est sur ce point réduit aux conjectures. Peut-être y a-t-il dans ce mot une faute de lecture très ancienne que l’on aurait partout recopiée (3). Dans le doute où nous restons, ce pas- sage de la vie de saint Oyan ne peut soutenir aucune théorie. Tout au plus prouverait-il que dans des contrées peu éloignées de Saint-Claude, l’industrie du sel était connue vers l’an 500. Mais comment limiter la zône à laquelle peut convenir la qualification de voisine de Condustico ? D'ailleurs, l'ancienneté de cette vie de saint Oyan est trop suspecte pour qu'il y ait lieu de rien conclure de la teneur d’un de ses passages. S:3 En descendant le cours du Moyen-Age, nous rencontrons successivement dans les textes les noms des diverses salines comtoises. (1) Béchet : Rech. hist. sur Salines, t. I, p. 25 — Rousset (Dict. vo Salins) prétend que Pont d'Hery s'appelait en latin du Moyen Age « Eviriacum ». Il n’en soutient pas moins que « Herienses » était l’ethnique de la popula- tion dont ce village aurait gardé le nom. C’est une contradiction évidente. M. Gaspard (Histoire de Gigny, pp. 426-427) affirme que les religieux du prieuré de Château-sur-Salins étaient nommés « Monachi Herienses. » Il n’en donne aucune preuve, et d’autres, après lui, se sont évertués en vain à rechercher des textes portant ce nom. (D. Monnier, Ann. du Jura 1860, pp. 96-97). M. Sauria, dans un article sur Salins qui fait partie du recueil appelé le & Jura pittoresque » déclare simplement que Salins s’est jadis ap- pelé Héry. L'identification des « Herienses » avec les habitants de Salins est encore admise par M. Krusch (Monumenta Germ, hist. in-4. Script. rer. Merov. T.IIT, p.161). ; (@) D. Monnier : Ann. du Jura, 1854, p.145; 1855, p. 163, d’après Roget de Belloguet. (3) Tous les mauuscrits de la Vie de saint Oyan qui sont conservés à la Bibliothèque nationale portent : « Heriensium. » EC vw F 4 — 295 — La ville de Salins, avec son nom caractéristique, est men- tionnée dans un acte célèbre, celui que l’on appelle la charte de fondation de l’abbaye d’Agaune et qui est attribué au roi Sigismond de Bourgogne. L’original en a disparu, mais les archives du monastère de Saint-Maurice en Valais en ont conservé plusieurs copies dont la plus ancienne date de la fin du xr1°, ou du commencement du xirr° siècle (1). Elles diffèrent assez sensiblement les unes des autres M. l’abbé Gremaud, a publié, en ce siècle, une de ces copies (?) qui avait déjà été éditée en tout ou en partie par l’abbé Guillaume 6) et Bré- quigny (4); d’autres textes sont donnés par le Gallia Chris- tiana (), par Le Laboureur (6), par Labbe et Cossart (7), par le P. Sigismond de Saint-Maurice (8), par Briguet (9), par les Bollandistes (10), par Fr. Petri (!) et par Fürrer (12). Ce document renferme une énumération de biens concédés à l’abbaye d’Agaune par la faveur royale. Parmi ces biens figure, dans certaines copies, la ville de Salins avec d’autres terres aux alentours ; un texte — celui qu'a publié Le Labou- reur — ne mentionne pas cette ville etse contente de faire allusion à des terres « in pago Bisuntinensi » qu’il ne pré- (1) Gremaud : Origines de l’abbaye de Saint-Maurice d'Agaune. pp. 337 etc. — J. de L'Isle : Défense de la vérité du martyre de la légion thébéenne, p. 43 — P. de Rivaz : Eclaircissements, p. 127. (2) Op. cit. (3) Guillaume: Hist. de Salins, t. IT, preuves, p, 1. (4) Bréquigny : Diplom., t. I, p. 22. (9) 4e éd., t. IV, p. 12 — Ed. des Bénéd., t. XIIL, inst., p. 491. (6) Le Laboureur : Les Masures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe-les- Lyon, p. 32. (7) Sacrosancta Concilia, t. IV, p. 1557. (8) Histoire du glorieux saint Sigismond, martyr, roi de Bourgogne , par le V. P. Fr. Sigismond de Saint-Maurice, p. 375. (9) Concilium Epaunense, p. 71. (10) Acé. SS., t. IV sept., p. 353. (11) Franc. Petri : Germania canonico-augustiniana, au tome Il, p. 69 de la « Collectio scriptorum rerum historico-monastico-ecclesiasti- carum va-riorum religiosorum ordinum », de Kuen. (12) Urkunden welche Bezug haben auf Wallis, p. 20. 15 — 2926 — cise pas. La copie utilisée par les Bollandistes mentionne . « in pago Bisunticensi, Saliumno cum castro de Bracon, wallemo de Mièges »; enfin, les autres éditions BONNE « Salinum cum castro de Bracon, Miegens. » La plupart des auteurs ont cru ce diplôme authentique (1), et on s’en est servi pour pour prouver l’antiquité de l’exploi- tation des salines (). Certains historiens ont même discuté sur le point de savoir si le singulier « Salinum » indiquait qu'il n’y eût alors qu’une seule usine à Salins. On a daté ce document de 515 et de 523 (3). Lecointe, Bré- quigny et Guérard (4) jugent qu'il est fortement interpolé sinon complètement faux. Je crois, avec eux, qu’il n’est pas possible de tenir compte de son texte. En effet, d’une part, la forme en est tout-à-fait anormale : le début est celui des actes de concile et, tout à coup, au cours de la rédaction, le roi Si- gismond prend la parole et termine l’acte comme un di- plôme royal. D'un autre côté, si on le compare aux actes du concile d’Agaune qui sont conservés et qui semblent bien authentiques, on voit que le prétendu diplôme de Sigismond n'est qu’une autre rédaction de ces actes, enrichie de clauses nouvelles, spécifiant des biens qu’elle attribue au monas- tère de Saint-Maurice. Les diverses copies que nous avons, participent toutes plus ou moins du même caractère. Il n’est donc pas permis de s'appuyer sur une ligne spéciale de ce document pour établir qu’au temps du roi Sigismond, des sa- lines étaient exploitées à Salins 6). es (1) Mabillon : Ann. Bened., t. I, p. 28 — Vie des saints de Franche- Comité, t. I, p. 45. (2) Béchet : Rech. sur Salins, t. I, p. 154. — Finot : Essai sur la Ga- belle, pp. 42, etc. : (3) Guérard : Polypt. de S. Germ. des Prés, t. I, p. 107. (4) Guérard : Polypt. d’Irm., t. I, p. 107. — Bréquigny-Pardessus : Dipl. chart., t, I, proleg, pp. 24-25. — Lecointe : Annales, t. I, p. 534. (5) M. Finot (Essai sur l’orig. de la Gabelle, p. 42) reconnaît ce diplôme comme interpolé, mais en conclut, contre toute attente, que l’on peut se baser sur sa teneur pour prouver l'existence des salines au vi° siècle. — 297 — On a prétendu que le diplôme de Sigismond devait être fort ancien puisqu'il était mentionné dans une bulle du pape Adrien I° (1), de l’an 773 (2. Malheureusement, cette bulle elle-même est fausse (3). Le fait de la possession par l’abbaye de Saint-Maurice de droits sur Salins est cependant indéniable. Il existe une charte de précaire par laquelle Menier, prévôt de ce monas- tère, cède au comte Aubry et à ses deux fils Humbert et Liétaud, pour la durée de leurs vies, Bracon, c’est-à-dire le château dont relevait la ville haute de Salins, avec ses dé- pendances. Iln’y a pas, je pense, de raisons pour suspecter l'authenticité de cet acte qui date de 941 ou 943 (4. On a conservé, de plus, bon nombre de reprises de fief par les- quelles les seigneurs de Salins reconnaissaient la suzeraineté de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune. Depuis l'hommage rendu à l’abbé Burchard par Gaucher ITT de Salins, vers l’an 1168 (5), on trouve celui de Gaucher IV prêté à l’abbé Gun- ther, en 1199 (6), une mention de celui de Renard de Choi- seul et d’Alix de Dreux sa femme envers l'abbé Nanthelme, en janvier 1224-95, du comte Jean de Chalon envers le même prélat, le 5 octobre 1246 (7), un autre du même Jean (8) en — (1) Béchet : Rech. sur Salins, t. I, pp. 15-17, Finot : Essai sur la Ga- belle, p. 41. (2) Mémorial de Fribourg, t. IV, p. 350 — Gall. christ., t. XII, inst. p. 42%. — Guichenon : Bibliotheca sebusiana, p. 322. (3) V. dans Ed. Aubert (Trésor de l’abbaye de Saint-Maurice, p. 209) l'opinion de M. L. Delisle qui considère cette bulle comme fausse. (4) Dunod : Hist. des Sequan., t. Il, preuves, p. 596. Guillaume : Hist. de Salins, L. I, preuves, p. 5. (5) Guillaume : Hist. de Salins, t. I, pr., p. 25. Guillaume attribue à tort cet acte à Gaucher 1. Les témoins qui y figurent vivaient au temps de Gaucher IT, comme l’afaitobserver Béchet (Rech. sur Salins, t. I, p. 100). (6) Guillaume : Hist. de Salins, pr., p. 91. (Dunod, t.- II, pr.; p. 597. (8) En mars 1258-59, Jean de Chalon, recevant certains droits de l’abbaye de Saint-Maurice, déclare que ces biens lui ont été conférés en augmenta- tion de fief, « que feoda in augmentationem feodorum que ab ipsis tenemus, ñnobis contulerunt, » (Cart. de Jean de Chalon, n° 148.) — 228 — 1260, d’autres du comte Otton IV en 1271, 1278, 1988 et 1293, de la comtesse Mahaut d'Artois sa veuve en 1303 et 1319 (1). Lors des préliminaires du mariage de sa fille avec le comte de Poitiers (2), Otton IV, énumérant les droits qui lui appartenaient au comté de Bourgogne, reconnaissait tenir Bracon de l’abbaye de Saint-Maurice. À partir des premières années du xIv° siècle, on ne trouve plus de semblables recon- naissances de vassalité. Sans doute, la puissance des souve- rains du comté de Bourgogne leur a permis alors de négliger une formalité qu'ils pouvaient juger humiliante. A en croire Mabillon (3), il se pourrait tirer une indication relative aux salines comtoises d’un passage de la Vie de saint CGolomban par Jonas de Bobbio (4). Il y est raconté que cer- tain abbé nommé Caramtocus, averti en songe de la détresse où se trouvait le couvent d’Anegray (5), envoya un de ses religieux y porter des vivres. L'abbaye que gouvernait Caramtocus est appelée par Jonas « Monasterium cui Salicis nomen est ». Mabillon a proposé d’y voir le nom du monas- tère de Château-sur-Salins (6). Mais l'identité des noms Sali- cis et Salins ne me paraît pas admissible et la distance qui séparait Salins d’Anegray rend peu probables les relations des monastères situés dans chacune de ces localités. Je ne veux pas ici rechercher quel peut être le monastère désigné par Jonas : la question a été fort débattue (17). IS (1) Bib. de Besançon, Ms. 826, f° 92. V. Guillaume : Salins, t. IT, pr., p.oets. (2) Jeanne de Bourgogne, fille d'Othon IV et de Mahaut d'Artois, épousa Philippe de France, comte de Poitiers, en 1306. (3) Acta SS. ord. S. Ben., sœc. II, p. 8. (4) S. Colomban mourut en 615 ; Jonas de Bobbio, son biographe, était son disciple. () S. Colomban était alors dans son couvent d’Anegray (auj. hameau de la commune de La Voivre, canton de Faucogney, arrondissement de Lure, Haute-Saône). (6) « Nullum hoc nomine monasterium amplius illis in partibus supe- rest, nisi forte Salicis vocabulum tribuas Castro Salinensi in quo est prio- ratus Monasterio Cluniacensi subjectus. » (Mabillon : Act. SS.,saecIl, p. 9). (7) M. Pfister a récemment émis l'opinion qu'il s'agissait d’un monastère — 229 — Un texte fort ancien qui me paraît être le premier docu- ment diplomatique mentionnant les salines de Franche-Comté est le testament de Widradus, abbé de Klavigny (1). Cet acte dont la teneur est en accord avec la formule de Marculfe intitulée « Qualiter in unum volumine testamento persone condatur (2) », est tellement semblable à une autre formule publiée par M. de Rozière et intitulée « ad testamentum fa- tiendum » (3), que cette dernière semble calquée sur le tes- tament de Widradus (4). D’après Mabillon, un manuscrit de ce document remonterait au 1x° siècle environ (5). La date est conçue en ces termes : &« Die Kal. Feb. xv. anno Domni Theodorici Regis primo. » Certains auteurs ont interprété cette indication par le 48 janvier 606. Ils ont en cela suivi l’opinion d'Hugues de Flavigny qui pensait que le roi en question était Thierry If, dont il fixait la première année de règne à l’an 606 (6). D’autres historiens sont venus situé sur le territoire de Moyenvic, en Lorraine, appelé depuis Saint-Pient. (Revue historique, numéro de septembre-octobre 1892, p. 62). Les raisons très ingénieuses qu'il en donne sont loin de me convaincre, et je préfére- rais m'en tenir à l'opinion de D. Grapin et des auteurs de la Vie des Saints de Franche-Comté, qui placent le « Monasterium Salicis » à Saulx (chef-lieu de canton du département de la Haute-Saône, arrondissement de Vesoul), village dont le nom et la situation me semblent concorder avec les exigences du texte de l'hagiographe. (V. Vie des saints de Franche- Comté par les professeurs du collège Saint-François-Xavier de Pesneon tel ep. 19 note). (D) D. Plancher. t. I, pr., p. IL — Mabillon : Àct. SS. (1672), saec. III, Cul p.108. (2) Zeumer : Formulæ Merowingiciet Karolini ævi,p. 86. Mom. Germ. historica. Legqum sectio V. Formulæ. (3) E. de Rozière : Recueil gén. de formules usitées dans l’Empire desthrancs,t. 1, p' 159. (4) C'est l'opinion de M. Havet (Questions mérov. ILe série : les Décou- vertes de Jérôme Vignier. Bibl. Ec. des Chartes, t. XLVI, 1885, p. 214, note). (D) V. Mabillon : Acta Sanct. ord. S. Ben., saec. IT, t. [, pp. 682-693. (6) Hugues de Flavigny, Livre [. (Monum. Germ. hist. Scriptores,t. VII, pp. 322-329) : « Anno primo Theodorici Regis, qui erat ab Incarnatione Domini 606, Focae vero Imperatoris 3, idem domnus Theodericus testa- 0 ensuite qui, par une faute de lecture ou d'impression, ont donné la date de 906, et bon nombre d'écrivains ont répété qu'il existait une charte de 906 émanant d’un seigneur bour- guignon nommé « Vidrude » (1). | En fait, cette pièce ne peut être datée que de l’an premier du règne de Thierry de Chelles. En effet, l’abbaye de Flavigny y est désignée sous le vocable de saint Prix. Or saint Prix n’est mort que vers 674. L’année de la rédaction peut être 721 ou 722 ; on ne connait pas en effet très exactement la date initiale du règne de Thierry ; on sait seulement qu'il a com- mencé à régner au début de 721. Parmi les libéralités que Widradus accorde par ce testa- ment à diverses églises, il est fait mention d’ « areas in salinis crausone et vigris ». Le mot « area » a souvent le sens d'emplacement de salines, et ici son rapprochement des mots « Salinis » et « Crausone » tendrait à faire admettre cette interprétation ; mais ce mot peut, d'autre part, signifier un terrain vague, une place quelconque, et les mots qui sui- vent : « areas in Augustodunum civitate » feraient incliner vers ce dernier sens (2). De plus « Salinis » indique-t-il ici la ville de Salins ou les sulines de Grozon et de « Vigris » (3)? Entre toutes ces hypothèses, la plus vraisemblable me semble qu'il s’agit de places quelconques sises à Salins et à Grozon. En tous cas — et c’est ici ce qui importe — ce pas- sage du testament de Widradus prouve l'existence, avant 729, des salines comtoises : soit directement, si le mot «area » indique formellement, par lui-même, une place dans des mentum domni Widradi, de castro seu cœnobio Flaviniacensi, sigillo suo confirmavit factum et corroboravit, apud Sinemurum, secundo post tran- situm sancti Gregorii anno, primo scilicet papatus Saviniani, præsidente Lugdunensi ecclesiæ Secundino archiepiscoo. » (1) Chevalier : Mém. sur Poligny, t. II, p. 228. Rousset : Diclionnaire du Jura, t. IT, p. 287. Bertherand : Recherches hist, sur l’état du com- merce, de l’industrie, des lettres et des beaux-arts à Poligny, pp. 9-10. (2) V. Ducange, v° Area, (3) « Vigris » m'est tout à fait inconnu. — 931 — salines, ou si le mot « salinis » a le sens de salines, soit in- directement, si ce même nom doit être pris au sens de « Sa- lins ». Deux documents diplomatiques qui mentionnent Salins reposent aujourd’hui en original aux Archives départemen- tales du Jura, après avoir fait partie des archives de l’abbaye de Saint-Claude. Leur authenticité a été l’objet de vives dis- cussions entre les savants de la fin du dernier siècle, et, de nos jours encore, ils ont soulevé quelques polémiques. Par suite de singuliers procédés de critique, leur valeur a été rejetée par tous les adversaires des religieux de Saint-Claude et des institutions monacales en général, tandis qu’elle a été défendue avec énergie par les partisans des moines. Au siècle dernier, la question du droit de mainmorte que l’abbaye de Saint-Claude exerçait sur ses sujets donnait un intérêt actuel à la discussion des plus anciens titres de pro- priété de ce monastère. Christin, l’ami de Voltaire, a critiqué dans un travail spécial, les chartes sur lesquelles se basaient les privilèges des chanoines de Saint-Claude et a nié en bloc l’authenticité de tous ces documents (1). Dunod n'avait pas soupçonné la difficulté (2). De notre temps, MM. Monnier (3), Richard, Rousset, de Ferroul-Montgaillard (4), Finot (5), tous les historiens comtois de notre époque, ont tenu pour authen- tiques les diplômes de Saint-Claude. Enfin, récemment, dom Benoit, dans son Histoire de Saint-Claude (6), a entrepris (1) Christin : Dissertation sur l’élablissement de l’abbaye de Saint- Claude (1772). (2) Dunod : Hist. du comté de Bourgogne, t. I, preuves, p. LXVI. (3) Ann. du Jura, 1859. (4) Abbé de Ferroul-Montgaillard : Hisioire de l’abbaye de Saint- Claude, 2 vol. (5) M. Finot admet, dans son Essai sur l’origine de la Gabelle, l’au- thencité des diplômes de Saint-Claude dont il à à parler. Mais dans une étude spéciale il considère comme interpolée l’une de ces chartes — (J.Fi- not : Dissertation sur l'authenticité de la charte attribuée à Charle- magne. Lons-le-Saunier, 1870, in-8°). (6) T. I, pp. 363-371. — 232 — pour |les soutenir un travail de critique qu’a continué et complété M. l’abbé Brune (1). La solution définitive de la question ne serait possible que fondée non seulement sur une étude comparative de tous les anciens diplômes de Saint-Claude, mais encore sur une con- naissance approfondie de l’histoire des premiers siècles de ce célèbre monastère. Le plus ancien de ces diplômes est attribué à l’empereur Lothaire It" (2. Il mentionne, entre autres biens concédés au monastère de Sant-Oyan de Joux (depuis Saint-Claude), des propriétés ainsi énumérées : « necnon et Cursiacum et Protonacum villas, que ad portam deservrunt, Salinas et que sunt circa Salinas ». J’estime qu'il faut séparer, dans la lecture, « salinas » du mot « deserviunt » qui précède et voir dans les mots « villas que ad portam deserviunt » une ap- position aux noms de « Cursiacum et Protonacum ». Faute d’avoir ponctué de cette manière, des historiens ont déclaré — avec raison — que ces expressions présentaient beaucoup d’obscurité (3. Ils écrivaient, après Dunod (&), « Cursiacum et Protonacum, villas que ad portam deserviunt salinas, et quæ sunt circa salinas » et traduisaient, tant bien que mal : « Cursiacum et Crotenay, les villages qui sont à la porte et dans les environs de Salins (5) », ou bien encore : « Cursia et Crotenay ou Courtine, villages qui desservent les salines et sont aux environs de ces établissements (6) ». Je pense que l’on doit traduire : « Cursiacum et Protonacum, villages qui (1) P. Brune : Diplômes de l’abbaye de Saint-Claude. Montreuil-sur- Mer, 1890, gr. in-8°. (2) Arch. du Jura. Série H, fonds Saint-Claude, (3) D. Monnier : Annuaire du Jura, 1859, pp. 138-139. (41 Dunod : Hist. du Comté, t. I, preuves, p. LXVII — La copie de Du- nod est, du reste, d’une exactitude suffisante. (5) D. Benoit : His!. de l’abbaye et de la terre de Saint-Claude, t. I, p. 365. (6) Monnier : Annuaire 1859, p. 138. 233 — sont affectés à l’office de la Porte (du monastère), Salins et ce qui entoure Salins. » Ce titre a été daté diversement par les critiques. L’acte porte : « Datum XI. Kal. octob. anno, Christo propitio, imperii donni Hlotharii, pi Imperatoris, in Italia xxxv, et in Fran- cia xv. Indicione x1. » Christin traduit par le 21 septembre 855 (1), M. Brune (2) et D. Benoit () par l’année 852. Mais Mühlbacher qui a fait une étude spéciale de la chronologie des diplômes de Lothaire (4) fixe l’année 854 (5). Ce diplôme qui nous est parvenu en original est dans un état de conservation parfait. Il mesure 0"52/0m52. A Ia place que devait occuper le sceau, une incision en forme de croix est pratiquée dans le parchemin. Les formules des protocoles initial et final sont en parfaite concordance avec les usages alors adoptés par la chancellerie de Lothaire. L’aspect paléo- graphique n’a rien d’anormal, sauf peut-être quelques signes abréviatifs d'apparence un peu moderne. Mais la teneur du diplôme renferme des clauses qui semblent anachroniques ou anormales : telle est la mention d’une redevance due par le monastère de Saint-Ovyan à la cour de Rome (), intercalée (1) Christin : Dissertation, pp. 40-A, (2) M. Brune a donné une reproduction phototypique de ce diplôme dans son étude intitulée: Diplômes de l'abbaye de Saint-Claude, publiés dans l’histoire de l’abbaye et de la terre ds Saint-Claude par D. P. Be- noît. PI. IV. La transcription qu’il a mise en regard est bonne sauf quel- ques erreurs paléographiques très légères, sans importance historique. (3) B. Benoit : Hist. de l’abb. de Saint-Claude, t. I, pp. 363-371. (4) Entre 840 et 855, l'Empereur fait commencer son règne au 20 juin 840. La 15° année commence donc le 20 juin 854. Dans notre texte comme dans plusieurs diplômes du même prince, la date du règne en Italie est comp- tée à partir de 820. L'indiction est fausse, ce devrait être la 3 et non la 41e. C'est, sans doute, ce qui a fait penser à M. Brune que le diplôme était de 852, comme aussi la concordance entre cette année et la 35e à partir de la mort de Bernard d'ftalie. {V. Mühlbacher : Die Datirung der Urkunden Lothars 1, dans les Sitzungsberichte Akad. Wissenschaft. Wien, 1877). _ — Béchet (Rech. sur Salins, t. I, p. 36) datait déjà cet acte de 854. (5) Bæœhmer-Mühlbacher : Reg. Imp., t. I, p. 434. (6) « Sed Romane igitur ecclesie Urbis duas uncias cere per cartarum — 934 — au milieu de l’acte on ne sait pourquoi (1) ; tels sont d’autres passages renfermant des narrations bizarres et inusitées comme celles des remords et de la confusion de l’avoué infi- dèle (2), des cris des religieux dépossédés (). Sans prétendre trancher ici une question si fortement débattue, je ne crois pas pouvoir, en présence de ces ano- malies, étayer une opinion historique de l’autorité de ce di- plôme qui me semble constituer un faux matériel (4. Je ne ferai pas les mêmes difficultés pour admettre l’au- thenticité d’un autre des diplômes de Saint-Claude qui fait aussi mention de Salins. Il renferme un passage à peu près identique à celui du titre que nous venons d'étudier, relatif à Salins : «cum Salinis et quæ sunt circa Salinas ». Get acte est émané d’un roi du nom de Louis. Grâce au mauvais état de l’original (5), des difficultés se sont pré- sentées quand il s’est agi de déterminer quel souverain en était l’auteur. On à hésité entre deux princes qui au x* siècle portaient le nom de Louis : Louis l’'Aveugle et Louis d’Ou- tremer. | Ce diplôme peut-il être attribué à Louis d'Outremer, comme l'ont cru les plus récents critiques ? Je ne le crois instrumentis, singulis annis, cognovimus tantum debere. » (V. Paul Fabre : Etude sur le Liber censuum eccl. Rom., pp. 26. etc.\. (1) Je ne prétends pas que le « cens apostolique » n’ait pas existé avant 804. Mais sa rareté avant cette époque, comme la façon bizarre dont la mention est intercalée dans notre texte me font penser qu’iln’y a ici qu’une phrase postérieure à la prétendue date du diplôme. Or, ce diplôme, comme on le constate par l'inspection de l’original, a été écrit d’une même main et en un seul temps. Il ne peut être interpolé; il doit donc être totale- ment faux. (2) « Itaque vero, nimio rubore oppressus, querelas monasterii prorsus reliquid et quidquid male egerat veniam petit. » (3) « Ulterius non volens ferre clamorem tante multitudinis clericorum vel monachorum ». (4) Mühlbacher ne le croit qu'interpolé. (5) Archives du Jura. Série H. Fonds Saint-Claude. Publié en fac-simile par M. Brune : Diplômes de l’abbaye de Saint-Claude. RAT DRE : NA" — 935 — pas. Il est souscrit d'un notaire Arnoul inconnu sous ce prince. Il est donné « in c.… Torinensi » et le roi Louis d'Outremer n’a jamais eu de droits sur Turin. La formule : « Actum est hoc preceptum » qui précède la date de lieu est inconnue dans la chancellerie de ce roi, Je crois au contraire qu’on peut l’attribuer à Louis l’Aveugle. Ce prince a régné sur Turin depuis octobre 900. Il a eu un chancelier nommé Arnoul (1). Toutes les formules qui figu- rent dans ce diplôme se retrouvent dans ceux de Louis lAveugle @). Ce roi avait pour vassal et lieutenant le comte Hugues de Provence — le futur roi — qui est mentionné dans l'acte. Quant à la date de ce document, il faut la placer entre le moment où Louis a conquis l’Italie et celui où il est devenu Empereur, c’est à dire entre le mois d’octobre 900 et le 15 fé- vrier 901. Nous avons un autre diplôme émané de Louis lAveugle dans cet intervalle de temps. C’est la confirmation des possessions d’un couvent de religieuses de Plaisance 6), datée du 14 des calendes de Février 901 {ou 19 janvier.) Il y prend dans la souscription le titre de « Gloriosissimus Rex » que l’on ne trouve que dans cet acte et dans notre diplôme de Saint-Claude. Christin a déclaré ce titre aussi faux que tous les autres anciens diplômes de Saint-Claude. Et, comme raison il a fourni celle-ci : Louis l’Aveugle n’a pas régné sur le comté de Bourgogne. D. Benoit, tout en combattant la conclusion de Christin, admet ce fait, et essaie d'établir l'authenticité du diplôme en l’attribuant à Louis d'Outremer. Mais il est si peu prouvé que Louis l’Aveugle n’ait pas eu d'autorité dans notre pays, qu’en 898, l’abbaye de Baume-les-Moines, située au (4) La souscription du chancelier porte, encore lisibles, les mots : « Ar- nulphus notarius.., » (2) Voir daus D. Bouquet, (Tome IX, pp. 674 ets.) les diplômes de Lows _ J'Aveugle. _ (G) Muratori: Antiq. Italiae, dissertatio XXI, tome IT, col. 205-208, — 936 — nord de Saint-Claude, reconnaissait sa souveraineté (1). Ce n’est qu’en 903 que l’on trouve Rodolphe I, roi de Bour- gogne, exerçant son autorité sur cette région (2). Au reste, dans le désordre des frontières qui régnait à cette époque, il a fort bien pu se faire que les abbayes aient eu soin de se ménager des confirmations de leurs possessions de la part des souverains rivaux. Quelque difficulté semble résulter de la présence à la tête du monastère de Saint-Oyan, lors de la rédaction du diplôme, d’un certain abbé Gippérius. Une petite chronique de Saint- Claude qui remonte au xrrr° siècle G) nous apprend en effet que cet abbé Gippérius gouvernait entre les années 921 ou 922 et 948 ou 949 (4). D'un autre côté, elle le montre aussi vivant pendant les années 1r°, 4° et 9% de l’empereur Louis. Pour concilier ces dates il faut admettre qu'il ait eu un bien long abbatiat. Il est vrai que la chronique ajoute une mention qui semblerait indiquer qu'il était seulement prévôt au temps de ce souverain @). Mais le sens de ces dates est peu facile à saisir. Le manuscrit actuellement conservé ren- ferme des erreurs évidentes. Ainsi, pour ne parler que du (1) Guichenon : Bib. Sebusiana, inst. n° 26. (2) D. Bouquet, t. IX, p. 692 (3) Publiée par M. U. Robert dans la Bib. de l’Ec. des Chartes (T. XLI, 1880, pp. 561 et s.), elle a êté reproduite en fac simile dans l’ Album paléo- graphique de l’Ecole des Chartes. (4) « Gipperius abbas. Hic fuit anno Ie et VITIT (prepositus tantum) Lu- dovici Imperatoris et VIIIT ejusdem, id est ab Incarnatione DCCCC° XL» Vo, indictione XIII et XIT° Gonradi regis filli Rodulfi. Hujus tempore in- venitur Bernardus comes et Ermengardis uxor. Item primo anno Ludovici scribit Benedictus papa ei de electione abbatis ; et IIIe Ludoviei abbas tantum. Ttem ab incarnatione DCCCC° XXo VIII, indictione Ke , II anno regni sui, scribit ei Hugo rex Francorum. Item X° Rodulfi filii Rodulfi. » (U. Robert : Chronique de Saint-Claude. Bib. Ec. des Ch.,1880, p. 567). (5) Il y à contradiction dans ce paragraphe de la chronique de Saint- Claude, entre le passage où Gipperius est dit « prepositus tantum » l'an 9? de l'Empereur Louis et celui où il est dit « abbas tantum » l'an 4° du même prince. — 937 — paragraphe consacré à Gippérius, il traduit l’an 9 du règne de l’empereur Louis par l’an de l’Incarnation 946. Quant au commencement de son abbatiat, il faut sans doute le placer à la mort de Mannon qui ne fut que prévôt, mais qui eut probablement à exercer les fonctions d’abbé après la mort d’un certain Quelto. Or ce Quelto mourut en 880, d’après la Chronique 1). Mannon vivait encore en 893. On peut donc supposer que l’abbatiat de Gippérius à commencé entre cette date et 901. Et il n’est pas inadmissible qu'il ait duré un demi-siècle. En résumé, je ne crois pas qu'il faille s’arrêter à l’expres- sion de « prepositus tanium » que la Chronique accole au nom de Gippérius à la date de notre diplôme. C’est une nou- velle inexactitude dans un texte qui en contient d’autres. J’estime que le titre de Saint-Claude est authentique, qu'il émane de Louis l’Aveugle et qu'il doit être daté d’une époque intermédiaire entre octobre 900 et le 15 février 901. Un texte de la même époque que les diplômes dont il vient d’être question, fait aussi mention de la ville de Salins sous son appellation caractéristique. C'est un passage des Miracles de saint Urbain (2), rédigés à la fin du 1x° siècle. L'auteur, un moine d'Auxerre du nom de Héricus (3), racon- tant la translation des reliques de ce saint de Rome à Auxerre, décrit leur passage à travers la haute Bourgogne par Orbe, Pontarlier, Boujailles, et il ajoute : « hinc ad Sali- nas ventum ». Îl rapporte ensuite un miracle qui se produisit à Salins, en l’église Saint-Jean-Baptiste (4). (1) M. Robert, dans sa transcription, a eu le tort d'attribuer le chrono- gramme : «€ Hic obüt anno ab Incarnatione Domini DCCC° LXXX0, indic- tione XIILe, » à Manno. Le fac simile du manuscrit montre qu'il s’agit de Quelto. Du reste, la Chronique fait vivre encore Manno en 893. (Bib. Etc. des Ch., 1880, p. 567). (2) Dans le livre IT des Actes de saint Germain. (8) L'auteur mourut en 880. (4) Bol : Acta Sanct., t. VI mai, p. 17; t. IV junii, p. 830. — V. Bé- . chet : Rech, sur Salins, t. I, pp. 35-44. — 238 — Depuis cette époque il faut descendre jusqu’au xr° siècle pour trouver des mentions expresses de l'exploitation des salines de Salins. À cette date — vers 1026 — elles devien- nent fréquentes dans les chartes octroyées par les rois et comtes de Bourgogne et par les empereurs aux monastères et aux églises. C'est également de ce siècle, ou du siècle suivant, que date une vie de saint Anatoile, communiquée aux Bollandistes par Pierre-François Chifflet. Elle fait mention de Salins et de ses usines, ainsi que du fait que cette ville tirait son nom de la fabrication du sel (. Les plus anciens des titres sur lesquels on a voulu fonder l'antiquité des salines de Lons-le-Saunier, me paraissent moins probants qu'on ne l’a prétendu. Plusieurs savants ont avancé qu’un diplôme de Lothaire II en faveur d’'Arduicus, archevêque de Besançon, donné l'an 869 (2), contenait au profit de ce prélat la concession de cer- tain bien appelé « salarium Laedonis ». Les auteurs qui l’ont affirmé ont interprété inexactement (3) un passage du Veson- tio de J.-J, Chifflet (4), qui porte que l’Archevêque Arduicus acquit pour l’église Saint-Etienne de Besançon, de Lothaire certain « salarium Ledonis ». Chifflet dit avoir tiré ce ren- seignement d’un manuscrit de Saint-Etienne. Nous n'avons aucune preuve de ce fait. Mais il est bien certain que cette (1) Bolland. Acta Sanct., éd. 1658, t. I ebr., p. 359 : « In archiepisco- patu Bisunticensi, qui et Chrysopolitanus appellatur, est quædam regio no- mine Scodinga in qua est vallis romano itineri pervia quæ Salinis bene suo sibi nomine dicitur, eo quod sal ibi sufficienter conficiatur. » (2) Rousset : Dict., tome III, p. 492. — Richard: Hist. des Dioc. de Be- sançon et de Saint-Claude, t. I, p. 167. (3) On voit par le texte de Chifflet qu'il pensait que cette donation était émanée de Lothaire II neveu (nepos) de Charles le Chauve. (4) « Arduicus pietati et augendis ecclesiæ opibus intentus acquisivit ec- clesiæ S. Steph. ad luminaria concinnanda, salarium Ledonis, de manu Clotharii nepotis Karoli Regis (nempe Calvi), ms. codex S. Steph. » (J. J. Chifflet: Vesontio, civitas imperialis libera, pars IT, p. 179.) — 939 — donation, si elle a été faite, n’est pas contenue dans le diplôme bien connu de 869 (1). Certains auteurs ont daté cette prétendue libéralité d'avant 899 (2). Ils ont voulu interpréter l’indication de Chifflet qui l’attribue à un Lothaire « nepos » de Charles. Lothaire, petit- fils de Charlemagne, c’est à dire Lothaire [er est mort, en effet, en 859. Mais M. Finot a fixé à tort cet octroi à l’année 859 (9). Le document souvent cité sous le nom de Testament de saint Bernon a été considéré comme le plus ancien titre anthentique mentionnant les salines de Lons. C’est l’acte par lequel Bernon, abbé de Cluny et fondateur de Gigny, règle la façon dont, après sa mort, devront être admi- nistrés ses monastères (4), Il y déclare donner à Cluny le quart de ses chaudières de Lons 6). Ce titre porte la date, (1) Cf. ce diplôme publié dans la Gallian Ghristiana, t. XV, inst., col. 4; _— par Dunod (Hist. du comté de Bouïrg., t. II, p. 584) ; — par M. Prost {Essai historique sur les origines de l’abbaye de Baume-les-Moines, p. 85) ; — par M. Viellard (Doc.et Mém.,pp. 66-67). V. Boehmer-Mühl- bacher : Die regesten des Kaiserreichs unter den Karolingern, p. 305. Mémoires et consullations pour servir à l’histoire de l’abbaye de Chü- teau-Chalon. Lons-le-Saunier, 1765, p. 13. — P. F. Chifflet : Illustra- tiones Glaudianæ apud Bolland. Acta S$S., t. I juni, pp. 692-693. (2) Ed. Clerc. D. Monnier (Ann. du Jura 18%1, p.127). Gaspard : Hist. de Gigny, p. 19, note. (3) «La première mention formelle des salines de Lons-le-Saunier est de 855. C’est une donation faite par l'Empereur Lothaire en faveur d’Ar- duic archevêque de Besançon. » (J. Finot : Orig. de la Gabelle, p. 43), et M. Finot cite Rousset qui en réalité ne donne pas cette date de 855. (V. Rousset: Dict.,t. II, p.492.) (4) « Quartam partem caldariarum que sunt sitein loco qui dicitur Leo- donis. » — Voir cet acte dans la Bibliotheca Cluniacensis, col. 9 et s. — Mabillon : Acta SS. ord. S. Ben., Saec V, p 86. — D. Bouquet, t. IX, p.718. — Gaspard : Hist. de Gigny, p. 628, etc. (5) M. Finot (Orig. de la Gabelle, p. 46) a donné un soi-disant passage de ce testament ainsi conçu : « Quartam partem de caldariis Ledonis Clu- niaco sub annuo censu Gignacensibus persolvendo ». Ce n’est qu’une ana- - 1yse qu'il a tirée des Annales Bened. (Tome III, p. 387.) — 240 — de l’an quatrième du règne de Raoul qui correspond à l’année 9926 de notre ére. Ce testament me semble renfermer quelques contradic- tions qui me le rendent suspect (1). Aïnsi, pourquoi, sans qu'il se soit agi auparavant de « pagus », trouve-t-on, au cours d’une énumération de biens, ces expressions : « res quasdam quæ fuerunt domni Sansonis in codem pago con- sistentes » ? | On a donné comme preuve de l’authenticité de cet acte, la bulle de Jean X confirmant les lhibéralités de Bernon en- vers Cluny (2). Cette bulle indique en effet que Bernon a lé- gué certains biens à cette abbaye. Mais elle constütue un ar- gument (négatif) contre l’authenticité du titre que l’on pré- tend avoir été le testament de Bernon. En effet, il est à remarquer : 1° qu’elle ne fait aucune mention de Lons-le- Saunier parmi les localités dont elle confirme la possession aux religieux: 2 que — étant adressée aux évêques dans les diocèses desquels ces biens étaient compris &) — elle ne fait pas mention de l’archevêque de Besançon, quoique Lons-le-Saunier fût compris dans les limites de son dio- cèse (4). Au siècle suivant les salines de Lons sont mentionnées dans la Vie de saint Odilon, abbé de Cluny, rédigée vers 1030 par le moine Jossaut (5). Les textes qui font connaître cette usine deviennent nombreux à partir du x11° siècle. (4) Les manuscrits de la Bib. de Cluny qui renferment ce texte sont de la fin du x1° ou du commencement du xH1°s. (2) Cette bulle est publiée par Mabillon, D. Bouquet (T.IX, p 217), le. Bullarium Cluniacense (p. 2.), Gaspard (Hist. de Gigny, p. 2). Voir : Jaffe-Wattenbach : Reg. Pont. Rom, t. I, p. 452. (3) Elle est adressée aux archevêque de Lyon et évêques de Chalon et de Mâcon. (4) Les chaudières de Lons ne figurent pas non plus dans l'acte par lequel Guy, abbé de Gigny, remit à l’abbaye de Cluny certains biens distraits des propriétés de ce monastère en 928. (Gaspard : Hist. de Gigny, p. 22). (5) D. Bouquet, t. X, p. 374. — Finot : Orig. de la Gabelle, p. 4. FE it — 241 — - La saunerie de Grozon semble des plus anciennes d’après la quantité d'objets antiques que l’on a découvert dans ses décombres. Elle paraît désignée dans l’acte de 721 ou 722 que j'ai examiné plus haut. Mais il faut ensuite descendre jusqu’au commencement du xI° siècle pour en trouver des traces dans les diplômes. Ceux de Rodolphe IIT, en 1029, et de Henri II (1), en 1049, une bulle de Léon IX (2), en 1049, une charte de Hugues, archevêque de Besançon, en 1032 (3), commencent la longue série des titres qui font connaitre la saline de Grozon du xI° au x1ve siècle. Les salines du comté de la Roche-en-Montagne, ne sont pas mentionnées dans les chartes avant le xrr° siècle. Leur plus ancienne apparition était constatée dans un acte de lan 1147, par lequel l'archevêque de Besançon Humbert confir- mait la cession faite par Sibylle, abbesse de Baume-les-Dames, d’une redevance en sel dans la terre de Saint-Hippolyte. C’est une analyse de Dunod (# qui nous l’apprend ; quant au titre lui-même, on n’a pu le retrouver. Les premières men- tions que nous en ayons sont contenues dans deux bulles d'Alexandre fIT en faveur de l’abbaye de Lucelle, données l’une le 41 novembre 1179, l’autre le 21 juin 1180 6). Le Pape, en confirmant les biens de ce monastère, y énumère « Salinas de Suicea, de Sancto Ypolito, de Aurea Valle cum pertinentiis suis. » On est d’accord sur le sens des mots « Sulcea » et « Sancto Ypolito » qui désignent les salines de Soulce et de Saint-Hippolyte : ce qui prouve qu’il y avait des usines dans chacun de ces deux villages et non seulement sur (1) P. EF. Chifflet : Hist. de Tournus, Pr., p.366. — Dunod, Egl. de Bes, il Pr. p.42. (2) P. EF. Chifflet : His. de Tournus, Pr., p. 369. (3) Chartes de Cluny, t. IV, p. 88. (4) Egl. de Besançon, t. I, p. 154. (5) Trouillat : Mon. de l’hist. de l’ancien évêché de Bâle, t. I, pp. 375 et 381. : LC 16. — 242 — le territoire de Soulce comme on l’a dit. Quant aux mots « de Aurea Valle », on a cru qu’ils rappelaient la région où se trouvaient à la fois Soulce et Saint-Hippolyte (1). Mais le texte paraît trop nettement faire une énumération, pour qu’on ne cherche pas à appliquer le nom d’ « Aurea Vallis » à une troisième saline. Trouillat a proposé (2) d'identifier ce nom avec celui de Valoreille. Cette indication serait la seule qui nous resterait d’une saline sise en ce village. Nous savons au contraire, par maintes preuves, que les sau- neries de Soulce et de Saint-Hippolyte ont subsisté dans la suite. C’est dans une charte de l’archevêque Humbert de Besan- çon, datée du 8 janvier 1147-48, que se rencontre la pre- mière allusion aux salines de Saulnot. Ce prélat, confirmant les biens du prieuré de Lanthenans, mentionne une « calda- riam de Saunez (3) ». Le titre que nous en avons ne peut être considéré comme un original. Il y existe des ratures ; le der- nier trait dela date d'année — primitivement écrite MC.XL VIII — a été gratté. Ce doit être une copie faite peu de temps après la rédaction de l'original. Le prieur qui y était mentionné vivait bien à cette époque. Tous les biens qui y sont énu- mérés figurent dans une bulle de 1177 (1). Une charte de deux ans postérieure contient l’abandon par Raut de Scey, au profit du même monastère de Lanthe- nans, de ses droits sur une chaudière à faire le sel, sise à Saulnot, que Humbert et Hugues de Granges avaient donnée RE (1) Richard : Monog. de Saint-Hippolyte-sur-le-Doubs, pp. 4-5. « Ces salines enrichissaient les habitants de ces lieux, si toutefois on ne doit pas attribuer le nom de Vallée d’or aux paillettes de ce métal entraïînées par les eaux du Doubs, » (2) Trouillat : Mon. de l’hist. de l’anc. év. de Bâle, t. I, p. 875 (note). (3) Trouillat : Mon., t. V, p. 301 — Viellard : Doc. et Mém., p. 248. (4) Voir dans les Doc. et Mémoire de M. Viellard les raisons dont il sou- tient l’authenticité de cette charte, p. 249. — 243 — à ce prieuré (1). Une bulle d’Alexandrel II, du 5 mai 1177 (), confirme les possessions de Lanthenans et, entre autres, la chaudière de Saulnot que Hugues de Granges avait donnée à cette église (3). Quelques années plus tard, vers 1190, Gi- rard de Montjustin, confirmant les libéralités d’un sien oncle en faveur de l’abbaye de Lieucroissant, y ajoute entre autres choses le droit de récolter dans la forêt de Saulnot le bois nécessaire pour faire chauffer une chaudière 4). La saunerie de Scey-sur-Saône apparaît vers le même temps dans les chartes. Ce sont des libéralités du comte Etienne de Bourgogne envers les abbayes qui en fournissent les plus anciennes mentions. Par l’un de ces actes, le comte Etienne donne à l’abbaye de Cherlieu, en 1170, deux chau- dières situées à Scey (5); par un autre, le même prince ac- corde un droit analogue, en 1173, à l’abbaye de Clairefon- taine (6). Quant aux sauneries de Tourmont et de Montmorot, ce (1) Raut de Scey abandonne à Lanthenans divers biens : « Rursus, apud Sanas quandam calderiam ad sal conficiendum quam domnus Humbertus de Grangis et Hugo frater ejus, pro animabus suis et suorum ante potesta- tem contulerant ecclesiæ, eidem adjunxerat calumpniæ. » (Viellard : Doc. et Mém., p. 258, d'après une copie de 1750, aux Arch. Nat., K 2159). (2) Schæpflin : Als. diplomat., t. I, p. 262 — Trouillat : Mon., t. I, p.360. — Viellard : Doc. et Mém., p. 309. — V. Jaffe-Wattenbach : Reg. Pont. Rom., t.I[, p. 306. (3) « Caldariam de Saunez quam Hugo de Granges dedit ecclesiæ Lan- tenensi. » (4) © Girardus de Montjustin concessit eclesie Loci Crescentis quidquid avunculus ejus dederat et quidquid habebat in Senargens,.….. et in nemore de Salves (lege Saines) concessit, omni tempore accipienda, ligna ad faciendum ignem subtus calduriam (lege Galdariam)...» (B. N. Moreau; 814, f° 270 v°. Cartulaire de Lieucroissant). (5) « Stephanus, comes Burgundie, dedit fratribus Cariloci duas caldarias quas vulgus Monterias appellat et sedes earum ad faciendum sal apud Seyth. » (Cartulaire de Cherlieu. B. N. Latin 10973, fo 27 vo). (6) Ghifflet : Béatrix de Chalon, p. 135 : « Apud Seet, duas caldarias sa- linarias, » : — 244 — n'est que fort tard que nous trouvons des documents écrits qui nous en révèlent l'existence. Cependant, il est bien cer- tain que Montmorot avait possédé une saline bien avant que l’archiduchesse Marguerite y eût fait construire une usine au commencement du xvi° siècle. En effet, à ce moment, on appelait encore la « Berne », la source salée qui y existait. A la fin du xv° siècle on conservait la tradition d'une saunerie jadis élevée en cet endroit (1). Lorsque l’on fit des fouilles, en 1448, pour étudier le moyen de tirer parti de la source salée de Tourmont, récemment découverte, les ouvriers rencontrèrent, enterrées à cinq pieds dans le sol, deux auges de bois de chêne qui n'étaient sans doute que les restes d’une exploitation anté- rieure (2). - D’après quelques auteurs, il faudrait ajouter à cette énu- mération de salines, la saunerie de Montmahoux. L’abbé Guillaume, dans ses Preuves de l'Histoire de Salins a donné plusieurs pièces concernant ce village (G) où il plaçait un puits à muire. « Philippe de Ceys, dit-il, vendit, l'an 12692, à Jean comte de Bourgogne, pour 40 fr., la part qu'il avait dans le puits de Montmahou, qui comprenait la seizième partie de l’eau salée de cette source (® ». En fait, il n’y a (1) Mandement de Philippe le Bon aux gens de son Conseil à Dijon, de Bruxelles, le 7 mai1460, mentionnant « certainne sorce en la terre et chas- tellenie de Montmorot où il souloit avoir une berne qui depuis estoit ruy- neuse et démolye. » (B. N. Nouv. acq. Franc. 6348, f° 16). (2) 9 avril 1448. Procès-verbal de la visite de la source de Tourmont : « Item en creusant ladicte doiz, ont esté trouvez et veuz de l’un des costez devers Occident, deux pièces de bois de chaigne à la façon de deux auges, et, au costé desdiz deux auges, a deux chevilles de bois boutées dedens, et a l’on veu ung pié desdictes deux pièces de bois, qui sont assises l’une sur l’autre, es quelles l’on n’a point touchié plus avant ; et sont en parfond dedens terre environ cinq piez à main, excepté que l’on voit bien qu’elles sont creuses et pouries. » (Arch. de la Côte d'Or. B 11199). (3) Tome I, Preuves, pp. 161, 170, 171, 173. (4) Guillaume : Hist. de Salins, tome I, p. 216 (note). Lave. — 245 — jamais eu de source salée à Montmahoux. La méprise de l'abbé Guillaume provient d’une mauvaise interprétation du mot « puy » qui se trouve dans les chartes qu’il connaissait. Il a cru qu'il s'agissait d’un « puits à muire » quand ce mot indiquait tout simplement une montagne (Podium). On peut constater la présence de ces « puys » dans toute la Province ; pour n’en citer que quelques-uns, on en trouve à Jougne (1), à Molpré @), à Châtillon-le-Duc (G), à Goumoens (4). Ce qui a contribué sans doute à faire tomber l’abbé Guillaume dans cette erreur c'est que le « puy » en question paraît, dans les titres, divisé entre divers propriétaires « par ansi com il giète aigue » du côté de tel ou tel village, c’est à dire d’après la ligne de partage des eaux. Guillaume avait compris quil s'agissait de l’eau salée produite par le puits. Malgré la facilité qu'il y a de constater l'erreur de l’abbé Guillaume, son affirmation a trouvé créance. L’imagination aidant, un auteur récent fait une description fort pittoresque de la route suivie par « les marchands et les bourgeois de Besançon qui allaient s’approvisionner de sel au puits de Montmaour (5) ». À en croire un mémoire du milieu du xvirr° siècle, il au- rait existé une saline à Couthenans. Le docteur Berdot, de (1) Le 16 avril 1266, Perrin, sire de Vaumarcus vend à Jean de Chalon « Joigne et le Puys dessus Joigne » (Chevalier : Mém, hist. sur Poligny, t. II, p. 608). (2) Guyot de Navilley tient en 1292 « le Puil de Morpré » (B. N. Moreau 839, p. 46). (3) En 1955, Amey de Montfaucon cède au comte Hugues de Bourgogne «tote sa raison et tot lo droit que il avoit en Chastoillon, nostre chastel de lez Boisençon, et ou Puy et es appendisses. » (B. N. Moreau, 891, fo 28 vo). (4) En 1305, déposition de Vuillemin de la Chassagne dans une enquète au sujet des droits de Vauthier de Montfaucon à Goumoens : « liquelx Vautiers encommença fermer le chastel sus le devant dit Puy que il avoit fait cerner au mois de février devant dit par ledit Vuillemin, liquelx Puys est appellez li Roiche des Croc... » (B. N. Moreau, 891, fo 337 vo). (5) Marquis Terrier de Loray : Le chäteau de Cléron, dans Besançon et la Vallée du Doubs, (recueil de notices). — 9246 — Montbéliard, auteur de ce mémoire, chargé de rechercher les sources salifères qui pouvaient se trouver sur ce territoire, avait cru y découvrir les restes d’une ancienne usine desti- née à la fabrication du sel. Duvernoy a démontré que ce n'étaient que les ruines d’un moulin (1). En résumé, parmi les sources salées dont je crois avoir démontré l'exploitation dans le Comté de Bourgogne, il en est dont on ne connait que le nom : telle est celle des Nans et celle de Valoreille, peut être ; d’autres au contraire ont une histoire et ce sont les vicissitudes de leur existence que je me propose d'étudier dans les pages qui vont suivre : telles sont les salines de Salins, de Lons-le-Saunier, de Montmo- rot, de Grozon, de Tourmont, de Soulce, de Saint-Hippolyte, de Saulnot et de Scey-sur-Saône. (1) Biblioth. de Besançon : Mss. Duvernoy : Description du Comté de Montbéliard, tome IL, ff 5 et 6, LA DERNIÈRE CAMPAGNE DU MARQUIS DE CONFLANS (1636-1637) Par M. Émile LONGIN Séance du 11 juillet 1896 Il y avait près d’un mois que la vigoureuse diversion du cardinal infant (1) avait contraint les Français à lever le siège de Dole. Après s'être emparé de Chaussin, de Bellevesvre et de Verdun, le baron de Lamboy (2) venait de regagner le bailliage d’'Amont sur l’ordre de Gallas (3). L'armée que ce dernier commandait avait mis plusieurs jours à défiler sur le pont de l’fsle-sur-le-Doubs, tant elle traïnait de bagages à (1) Ferdinand d'Autriche, cardinal archevèque de Tolède, gouverneur des Pays-Bas et du comté de Bourgogne de 163% à 1641, fils de Philippe ILE, roi d'Espagne, et de Marguerite d'Autriche. (2) Guillaume, baron, puis comte de Lamboy, seigneur de Dessener, Wintershofen, Cordeshem, sergent de bataille des armées impériales. (3) Le successeur de Wallenstein dans la faveur de l'empereur Ferdi- _ nand IT était fils de Pancrazio Gallasso et d’Annunziata Mercanti. Je me conforme pour son nom à l’orthographe universellement adoptée de nos jours; les dépêches du feld-maréchal sont signées : M. Gallasso. Comblé de biens et d'honneurs, Gallas mourut à Vienne, le 26 avril 1647, de l’opé- ration de la pierre, — 248 — sa suite : le 13 septembre, ses chariots et ses tentes cou- vraient tout le terrain qui s’étend de Conflandey à Port-sur- Saône ; entouré d’un brillant état-major, le général en chef avait son quartier général à Lavigney, et ce fut là que vinrent le saluer plusieurs gentilshommes de la province. Le 15, au point du jour, les troupes impériales franchirent la Saône au pont de Conflandey ; celles de Lamboy passèrent la rivière à Scey-sur-Saône (1) ; l’armée s’arrêta dans la plaine d’Arbecey, puis elle se dirigea vers Champlitte, que menagçait le ducd e Weimar (2). Entre temps un détachement alla saccager le bourg de KFayl-Billot G). C’était une formidable invasion qui se préparait et rien ne peut rendre l’épouvante des habitants de la Bourgogne et du Bassigny. À Dole, la peste sévissait avec fureur (4. Le fils de l’histo- rien Gollut, magistrat « prompt et bien disant et zélé au bien publicque 6) », venait de mourir (6) ; les autres membres du parlement s'étaient, pour la plupart, hâtés de quitter une ville où le fléau faisait chaque jour de nouvelles victimes (7); Buson, Bereur, Lampinet et Lulier avaient été rejoindre à (1) Le baron de Scey à la cour, Scey-sur-Saône, 16 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 204. (2) Bernard, duc de Saxe- Weimar, fils de Jean, duc de Saxe-Weimar, et de Dorothée-Marie d’Anhalt. Gustave-Adolphe n'eut pas de lieutenant plus dévoué que ce prince, et ce fut un des plus grands capitaines de la guerre de Trente ans. (3) Fayl-Billot, village du canton de Langres, département de la Haute- Marne. Cf. MACHERET, Journal de ce qui s’est passé de mémorable à Lengres et aux environs depuis 1628 jusqu'en 1658, t. I, p. 55. (4) Elle avait éclaté pendant l'investissement et sur la fin du siège ses progrès étaient tels qu'il mourait cinquante à soixante personnes par jour. C£. B. ProsrT, Documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche- Gomnté, t. IV, p. 57. (5) Grrarpor DE NozeRoY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 71. (6) Le 7 septembre 1636. Sur la composition du parlement à cette date, cf. Pièces justificatives, [. (7) Cf. Délibérations du magistrat de Dole des 19, 20, 21, 23, 24, 25, 26 28, 29 et 31 août, 3, 6,9, 12, 14, 16 et 22 septembre 1636. — Arch. de Dole. — 249 — Besançon leur confrère Boitouset ; Mercier était à Lons-le- Saunier, Garnier à Pontarlier, KFroissard dans son prieuré de Fay () ; il ne restait au siège de la cour que le vice-prési- dent (2) Chaumont (3), vieillard entouré du respect de tous, dont l’âge augmentait néanmoins la timidité naturelle, et quatre conseillers, qui avaient mieux aimé s’exposer à la contagion qu'abandonner Dole. fl faut retenir les noms de ces intrépides magistrats. C'était le conseiller Briot, qui pleu- rait un fils, avocat de grand avenir, tué sur les remparts de Dole par un boulet français ; c'était le conseiller Toytot, qu’on ayait vu, l’épée au poing, la cuirasse sur le dos et la bour- guignotte en tête, prendre part à la défense du ravelin d’A- rans (4) ; c'était le conseiller Perrin, ancien professeur de droit à l’université, moins porté peut-être que ses collègues à tenir pour suspect tout ce qui ne venait pas de la cour ; c'était enfin le plus écouté de tous et le plus digne de l’être : Jean Boyvin @). Ce dernier fut l’âme de la compagnie pendant ces jours de deuil. Jurisconsulte, historien, ingénieur, mathématicien, architecte, aucune branche de la science ne lui était étran- gère ; la supériorité de ses vertus s’imposait et il ne lui a manqué que de paraître sur un plus grand théâtre pour (1) Fay-en-Bresse, village du canton de Chaumergy, arrondissement de Dole. (2) C'était le titre que portait le doyen de la compagnie. La cour était sans chef depuis le décès du président Adrien Thomassin (9 mars 1631). (3) Jean Chaumont, conseiller au parlement de Dole, fils de Jean Chau- _mont, auditeur à la chambre des comptes de Dole, et de Françoise Pierre. (4) BovviN, Le siège de la ville de Dole, capitale de la Franche- Comté de Bourgongne, et son heureuse délivrance (Édit. de 1637), p. 202. (5) Jean Boyvin, avocat général, puis conseiller au parlement de Dole, fils de Jean Boyvin, procureur postulant, et de Véronique Fabry. Il fut nommé président en 1639 et mourut le 13 septembre 1650, à l’âge de 75 ans. Son père était de Louhans, et non de Dole, comme le dit M, Clerc. Cf. Boyvin au prieur de Bellefontaine, Dole, 28 janvier 1628. — Mss. Chif- flet (Bibl. de Besançon), t. CXKXIV, fol. 139. — 950 — laisser dans l’histoire un impérissable souvenir. Celui: qui écrivait modestement : « Toute mon ambition.se termine à vouloir estre tenu pour naïf et véritable Franc-Comtois (1) », était de la famille des Achille de Harlay et des Mathieu Molé (2) ; rarement on vit tant de grandeur d’âme unie à tant de simplicité, et les contemporains saluèrent en lui à juste titre le modèle des magistrats. Heureux, si les préjugés de l'esprit de corps n’avaient jamais obscurci la clairvoyance de son patriotisme. Après Boyvin, le membre le plus en vue de la cour de Dole était le procureur général Brun (3). Moins recomman- dable par les qualités du cœur que par les dons de l’intelli- gence et se mouvant dans l'intrigue comme dans son élé- ment (4), le futur négociateur de Munster préludait à ses succès de diplomate en s’efforçant de décider Gallas à enva- hir la France ; pour être plus à portée du général impérial, il s'était rendu à Gray avec l’avocat général Matherot (©). Le conseiller de Champvans (6), « homme d’esprit martial (7), » était à Chaussin, où il affrontait courageusement la peste (8). (1) Le siège de la ville de Dole, Préface. (2) H. ALvIsEr, Boyvin, président du parlement de Dole, p. 62. (3) Antoine Brun, procureur général au parlement de Dole, fils de Claude Brun, conseiller au même parlement, et de Marie Dard. Le poste d’ambassadeur à la Haye récompensa la part prépondérante qu’il eut à la conclusion de la paix entre l'Espagne et les Provinces-Unies. Il n’avait que 5% ans, quand la mort priva Philippe IV de ses services (11 janvier 1654). (4) Mazarin l’appelait «ce grand artisan de fourbes et de suppositions ». Dans la bouche d’un ennemi, ce mot est un éloge. Cf. Mazarin à Grou- lart de la Court, Paris, 27 décembre 1647. — Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, t. IT, p. 569. (5) Jean-Baptiste Matherot, avocat général au parlement de Dole, fils d'Humbert Matherot, conseiller au même parlement, et d'Anne Ozanne. (6) Louis Petrey, seigneur de Champvans, conseiller au parlement de Dole, fils de Charles Petrey, auditeur à la chambre des comptes de Dole, et de Claudine Millot. (7) GiRARDOT DE NoOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 77. (8) Perrey-CHampvans, Lettre à Jean-Baptiste Petrey, siewr de Che- min, p. 100. EUR — 9251 — Quant à Girardot de Nozeroy (1), se sentant en butte à la jalousie de ses collègues (), il s'était retiré dans sa maison de Montigny () et occupait ses loisirs à écrire la Bourgongne délivrée (4). _ La noblesse n'était pas moins mécontente que le con- seiller de Beauchemin de l'accueil qu’elle avait reçu des Do- lois : elle voyait ses terres ravagées par les étrangers venus au secours de la province ; le parlement affectait de ne tenir aucun compte de sa bonne volonté, et elle rongeait son frein en attendant qu'une occasion s’offrîit de remonter à cheval. Quand Dole fut investi par le prince de Condé 6), bon nom- bre de seigneurs renommés pour leur bravoure avaient précédé ou suivi dans la tombe le dernier des ‘Vergy (6) : (1) Jean Girardot de Nozeroy, seigneur de Beauchemin, conseiller au parlement de Dole, fils de Louis Girardot et de Marguerite de Nozeroy, avait été le bras droit du marquis de Conflans pendant la campagne qui avait abouti à la délivrance de Dole. Le récit qu’il a laissé de la guerre de Dix ans est un ouvrage de premier ordre. (2) « La jalousie est le vice perpétuel de nostre nation, » GIRARDOT DE NoOZEROY, 0p. cit., p. 134. Antoine Brun appelait de son côté l’envie et la médisance « deux maladies bourguignotes, » et Claude d’Achey écrivait à un des Chifflet : «Il y a longtemps que l’envie et la médisance de Bour- gongne a passé en proverbe. » Cf. Brun au prieur de Bellefontaine, Dole, 43 mai 1630 ; l'archevêque de Besançon au même, Besançon, 28 juin 1637. — Mss. Chiffiet, t. CXXX, fol. 90, ett. CXXXI, fol. 512. (3) Montigny-les-Arsures, village du canton d’Arbois, arrondissement de Poligny. (4) Le véritable titre de cet ouvrage, dont on ne connait aujourd’hui qu’un exemplaire, est : La Franche-Comté protégée de la main de Dieu contre les efforts des François, en l’an 1636. Cf. Girardot de Nozeroy et « la Bourgongne délivrée, » dans les nouvelles Annales franc- comtoises, t. VIT, p. 39%. (5) Henri II de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang et premier pair de France, lieutenant général des armées du roi et gouver- neur de Berry, de Bourgogne et de Bresse, fils de Louis Ie de Bourbon, prince de Condé, et de Charlotte de la Trémouille. (6) Clériadus de Vergy, comte de Champlitte, baron et seigneur de Vau- drey, Arc, Morey, Mantoche, Leffond, etc., chevalier de la Toison d’or, gouverneur du comté de Bourgogne de 1602 à 1630, fils de François de Vergy, comte de Champlitte, seigneur de Fouvent, Autrey, Flagy, la Ro- chelle, etc., et de Claudine de Pontailler. — 959 — mort, le marquis de Marnay (1); mort, le baron de Mont- fort 2); mort, le comte de os (8): morts, lé baron d’Achey (%, le marquis d’Ogliani (5), le baron de Châtillon- Guyotte (6), le marquis de va (7), le comte de la Tour (8) et le marquis de Listenois ®) ; « il sembloit, dit un (1) Charles-Emmanuel de Gorrevod, marquis de Marnay, duc de Pont- de-Vaux, prince du Saint-Empire, seigneur de Corcondray, Saint-Julien, Gerbais, Belmont, Gorrevod, etc., chevalier de la Toison d’or, grand chambellan de l’archiduc Albert, chevalier d'honneur au parlement de Dole, fils de Laurent IL de Gorrevod, comte de Pont-de-Vaux, baron de Men et de Saint-Sorlin, et de Péronne dela Baume. (2) Charles de Taillant, baron de Montfort, chevalier d’ honneur au parle- ment de Dole, fils de Claude de Taillant, Pan de Montfort, et d'Anne de Couhé. (3) François-Thomas Perrenot de Granvelle, dit d’Oiselay, prince du Saint-Empire, comte de Cantecroix, baron et seigneur de la Villeneuve, Chantonnay, etc., chevalier de la Toison d’or, chevalier d'honneur au par- lement de Dole, fils d'Antoine d'Oiselay, baron de la Villeneuve, et de Péronne Perrenot de Granvelle. (4) Jean-Antoine d’Achey, baron de Montferrand, seigneur de Courcha- ton, Thoraise, etc., gouverneur de Dole, fils de Fee dAchey, baron de Thoee) et de Jeanne-Baptiste de Peloux. (5) Marc-Claude de Rye, marquis d’Ogliani, io de Dicey, grand écuyer du duc de Savoie, gouverneur du Chablais, fils de Marc de Rye, seigneur de Dicey, et de Marie Raguier, sa seconde femme. Son fils, Marc François de Rye, mourut sans enfants après avoir institué héritier don François de Mello, comte d’Acumar, gouverneur des Pays-Bas et du comté de Bourgogne. (6) Jacques-Antoine de Joux, dit de Grammont, baron de Châtillon- Guyotte, fils de Gaspard de Grammont, seigneur de Châtillon-Guyotte, et d’Adrienne de Joux, dame de Fallon. (7) Christophe de Rye de la Palu, marquis de Vase comte de Varax et de la Roche, baron et seigneur de Balançon, Vel Saint- Hippolyte, Amance, etc., chevalier de la Toison d’or, fils de Philibert de Rye, général de l'artillerie aux Pays-Bas, et de Clauda de Tournon. (8) Jean-Jacques de la Tour Saint-Quentin, baron de Moncley, comte de la Tour, gouverneur de Bréda, fils de François de la Tour Saint-Quentin, seigneur de Moncley, et d'Hélène de Busy, dame de Miserey. (9) Joachim de Vienne, dit de Bauffremont, marquis de Listenois, baron de Châteauneuf, seigneur de Fouvent, Arc-en-Barrois, etc., baïlli d’Aval, fils de Jean de Bauffremont, baron de Scey et de Clairvaux, et de Béatrix de Pontailler, sa seconde femme. 1. Le Li — 9253 — contemporain, que les François eussent traicté avec la mort pour faire cette si estrange abattue de noblesse (1). » Depuis la fin tragique du dernier de ses fils, le vieux baron d’Oi- selay () ne bougeait plus de son château. Le comte de Saint- Amour (3) était à Bruxelles avec les barons de Dramelay et de Laubespin (@). Le marquis de Saint-Martin () et le baron de Soye (6) servaient en Allemagne. Pour le moment, les chefs de la noblesse étaient le baron de Scey (7), le marquis de (1) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 76. (2) Ermanfroi-François I°, baron et seigneur d’Oiselay, Oricourt, Mon- tarlot, etc., chevalier d'honneur au parlement de Dole, fils de Jean, baron d'Oiselay, et de Jeanne-Aymonne de Cusance. Sur la rencontre dans laquelle le jeune baron d’Oiselay trouva la mort, cf. Un duel au XVIIe siècle, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1891, p. 79. _ (3) Jacques-Nicolas de la Baume, comte de Saint-Amour, fils d'Emma- nuel-Philibert de Bruges, dit de la Baume, comte de Saint-Amour, et d'Hélène Perrenot de Granvelle. Il commanda l'artillerie espagnole à la Journée de Lens (20 août 1648) et y fut fait prisonnier. (4) Ferdinand Mouchet de Battefort, baron de Laubespin, et Claude-Ga- briel Mouchet de Battefort, baron de Dramelay, fils de Léonel Mouchet de Battefort, baron de Dramelay, Arinthod, Bornay, etc., et de Barbe de Laubespin. (5) Jean-Baptiste de la Baume, marquis de Saint-Martin, baron et sei- gneur de Montmartin, Vaudrey, etc., gouverneur de Dole, capitaine des gardes du cardinal infant et général d'artillerie pour S. M. Catholique en Allemagne, fils d'Antoine de la Baume, comte de Montrevel, et de Nicole de Montmartin. Nommé gouverneur du comté de Bourgogne au commen- cement de l’année suivante, il mourut à Gray, le 21 décembre 164. (6) Achille Precipiano, baron de Soye, seigneur de Romain, Mésan dans, Bonnal, etc., gouverneur de Faucogney, fils d’Ambroise Preci- piano, baron de Soye, et de Guillemette de Mandre. I contribua au gain de la bataille de Thionville (7 juin 1639) et se fit tuer plutôt que de se rendre à la journée de Leipzig (2 novembre 1642), « ne pouvant jamais, dit Girar- dot de Nozeroy, rencontrer un plus beau lit d'honneur que celuy-là pour sortir glorieusement de ce monde. » (7) Claude de Bauffremont, baron de Scey et de Clairvaux, seigneur de Chariez, Pusey, Rans, Aumont, Commenailles, etc., bailli d’Amont, fils de Guillaume de Bauffremont, baron de Scey et de Sombernon, et de Clau- dine de Villelume. Ce fut lui qui succéda comme gouverneur au Lu de Saint-Martin. Varambon (!) et le prince de Cantecroix () : personne ne son- geait, en effet, à disputer le premier rang aux représentants des Bauffremont, des Rye et des Granvelle. Après venaient les barons de Poitiers (8), de Savoyeux (4), de Wiltz 6), de Traves (6), de Longwy (7), de Voisey (8), de Fertans @), le comie de Salenove (10), les sieurs de Thoraise (11), de Buthiers (12), (1) Claude-François de Rye, marquis de Varambon, comte de Varax et de la Roche, seigneur de Balançon, Villersexel, Saint-Hippolyte, Rouge- mont, Amance, etc., baïlli de Dole, fils de Christophe de Rye de la Palu, marquis de Méion et eos Chabot. (2) Léopold-Eugène Panier de Granvelle, dit d’Oiselay, prince de Can- tecroix, fils de François-Thomas Perrenot de Granvelle, dit d’Oiselay, comte de Cantecroix, et de Caroline, marquise d'Autriche. (3) Claude-Antoine de Poitiers, baron de Vadans, chevalier d'honneur au parlement de Dole, fils de Guillaume de Poitiers et de Sabine de Rye. (4) Emmanuel-Philibert de Fouchier, baron de Savoyeux, fils de Claude- François de Fouchier, baron de Savoyeux, seigneur de Charrin, l'Étoile, Domblans, etc.. et de Renée de Vautravers. (5) Originaire du Luxembourg, Alexandre, baron de Wiltz, seigneur de Chemilly, Pusy, Breurey, Fleurey, etc., s'était fixé en Franche-Comté par son mariage avec Louise d’Andelot, dame de Chemilly, veuve de Constan- tin, baron de Bollevillers, Après la mort de celle-ci, il épousa sa petite nièce, Barbe d'Andelot. (6) Claude de Poligny, baron de Traves, fils de Gaspard de Poligny, sei- gneur de Châtillon-sur-Lison, de Velle et de Traves, et d’Anne de Grappet. (7) Alexandre de Marmier, baron de Longwy, seigneur de Cugney et Betoncourt, fils de Jean de Marmier, seigneur de Gâtey, et de Paule de Pontailler. Par (8) François de Cléron, baron de Voisey, fils de Gabriel de Cléron et de Magdeleine de Plaisant. (9) Claude de Montrichard, baron de Fertans, fils de Jacques de Montri- chard, seigneur de Fertans, et de Jeanne de Montrichard. (10) Charles-Emmanuel de Marmier, comte de Salenove, fils de Simon de Marmier, comte de Salenove, seigneur de Moissey, et de Louise de Mon- tafier. (11) Charles d’Achey, seigneur de Thoraise, fils de Jérôme d’Achey, baïlli d'Amont, et de Rose de Bauffremont. (12) Jean de Scey, seigneur de Buthiers, et Anatoile de Scey, chevalier de Malte, fils de François de Scey, seigneur de Buthiers,.et d'Anne de Chastenay. Le premier fut créé comte de Scey en 1649 et le second mar- quis de la Manglane en 1647. Tous deux moururent sans postérité, : 2 — de Beaujeu (4), de Cléron (2), de Jousseaux 6), de Byans (4), et tant d’autres, dont la cour de Dole laissait, je ne sais pour- quoi, le courage et l’activité sans emploi. Personne ne souffrait cependant autant de demeurer inactif que le généreux marquis de Conflans () : la dissipa- tion de ses troupes après le siège de Dole lui avait causé un vif chagrin ; un instant, il s'était demandé s’il devait résigner le commandement des soldats restés sous les drapeaux ; tout bien pesé, il lui avait semblé plus sage de se conformer à l’ordre reçu en attendant de nouvelles instructions de Bruxelles (6). Ce n’était pas le premier venu que Guérard de Watteville, et peu de capitaines pouvaient invoquer des états de service comparables aux siens. Il avait fait ses preuves en Bresse sous le duc de Savoie Charles-Emmanuel (7 ; plus tard, ce prince lui avait confié le commandement de sa cavalerie dans la guerre de la succession de Mantoue, et le marquisat de Conflans était venu l’indemniser de la perte de son mar- quisat de Versoix. En 1633, c'était sur lui que l'archevêque de Besançon et le parlement avaient jeté les yeux, lorsqu'il a == a (1) Jean-Claude de Beaujeu, seigneur de Montot, Aroz, etc., fils de Har- douin-Gaspard de Beaujeu, seigneur de Montot, et de Françoise de Guierche. (2) Philibert de Cléron, chevalier de Malte, fils de Gabriel de Cléron et de Magdeleine de Plaisant, et Claude-Antoine de Cléron, seigneur de Mail- ley, fils de François de Cléron, baron de Voisey, et d’Adrienne Thomassin. (3) Joachim de la Tour, seigneur de Jousseaux, lieutenant au gouverne- ment de Dole, fils de Guillaume de la Tour et de Georgine de Poligny. (4) Gaspard-Simon de Byans, seigneur de Naisey, fils de Jean-Baptiste de Byans et de Marguerite de Cointet. (5) Guérard de Joux, dit de Watteville, marquis de Conflans, maréchal de camp des armées de S. M. Catholique au comté de Bourgogne, bail; d’Aval, fils de Nicolas IT de Watteville, marquis de Versoix, et d’Anne de Joux. (6) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 136. | (7) Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie, fils d'Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, et de Marguerite de France. — 256 — s'était agi de déjouer les desseins du rhingrave Othon- Louis (1) : avec des troupes levées à la hâte, il avait con- traint le vieux reître à regagner précipitamment l'Alsace. Non moins sages furent les dispositions prises, les années suivantes, pour contenir le maréchal de la Force (2) ; le mar- quis de Conflans manœuvra si habilement que ce dernier dut renoncer à l'invasion projetée (3). Ce n’était pas un mince mérite que d’avoir terminé la guerre sans combat, et le maréchal s'était trouvé naturellement désigné aux suf- frages des gouverneurs pour tenir la campagne pendant le siège de Dole. On lui reprochait sa lenteur à secourir cette ville ; beaucoup s’imaginaient qu’il aurait pu forcer le prince de Condé à se retirer plus tôt, il n’en est pas moins vrai qu’en quelques semaines il avait mis sur pied un petit corps d'armée ; si, cédant à l’impatience de Brun, il avait hasardé prématurément ses régiments, qui peut savoir comment les choses auraient tourné ? Retiré dans sa maison de Châteauvilain (#, le marquis de Conflans y mettait en pratique la résignation qu’il avait jadis prêchée à Girardot de Nozeroy 6), lorsque, le 12 septembre, (1) J’ai récemment raconté dans ses moindres détails la campagne du marquis de Conflans contre le vieux rhingrave. V. Lure pendant la guerre de Trente ans, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences el arts de la Haute-Saône, année 1897, p. 149. (2) Jacques Nompar de Caumont, marquis, puis duc de la Force, fils de François de Caumont, seigneur de Castelnau, et de Philippe de Beaupoil. 1 avait reçu le bâton de maréchal le 27 mai 1699. (3) Cf. Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'État du car- dinal de Richelieu, t. V, p. 195; La Force, Mémoires, t. III, p. 116; GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit., p. 61; CAMPION, Mémoires, p. 43; Fon- TENAY-MAREUIL, Mémoires (collect. Michaud), p. 244. (4) Châteauvilain, château fort àjune lieue de Nozeroy, dont il ne reste que des ruines, était la résidence ordinaire de Guérard de Watteville. Cf. H. BoucxoT, La Franche-Comté, p. 294. (b) « Fut m' le marquis de Conflans se trouvant une fois avant nos guerres en un temps de ténèbres bien obscures s’estoit retiré en sa maison, et comme jé ne voyois aucun remède ny ressources pour luy, il me dit qu'il practiquoit lors ce que souvent il avoit faict dans les bois, lorsqu'il — 957 — son fils (1) lui apporta une patente de gouverneur des armées confirmant celle qui lui avait été délivrée au commence- ment du mois d'août (2). Le comte de Bussolin lui remit en mêrne temps une lettre par laquelle le cardinal infant lui or- donnait d'entrer dans la Bresse avec ses troupes ; à cette dépêche était jointe une autre lettre du prince pour ses « très chers et bien amez les gens tenans la cour souveraine de parlement à Dole, » qu’il chargeait de fournir au maréchal l’argent et les munitions nécessaires (3). Guérard de Watte- ville s’empressa d'écrire à la cour () : il lui représenta « que l’armée de Bourgongne n’avoit point esté licenciée, mais s’es- toit desbandée d’elle-mesme », et lui demanda de publier un édit pour faire retourner les soldats sous leurs drapeaux; il ajouta « qu'il y avoit des munitions de guerre amplement, outre celles de l’armée qu'il avoit my à Dole après le siège levé pour ne laisser la ville despourveue (©). » Le comte de Bussolin communiqua de plus à son père les instructions secrètes que lui avait remises le prince Thomas de Savoie (6). C'était, en effet, entre celui-ci et Ferdinand d'Autriche que le plan de campagne avait été concerté : le but s’y estoit égaré, et que la nuict l’y avoit surpris, qu’estoit de mettre pied à terre, s’affuster d’un arbre, les resnes de son cheval dans le bras et l’espée en sa main, et en cette sorte sans advancer ny reculer attendre le lever du Jour. » GIRARDOT DE NOZEPOY, Du repos ou retraite chrestienne au dé- clin de nostre âge. — Mss. Chifflet (Bibl. de Besançon), t. XXXIX, p. 148. (1) Philippe-François de Joux, dit de Watteville, comte de Bussoleno ou Bussolin, fils de Guérard de Joux, dit de Watteville, et de Catherine de Boba. (2) Pièces justificatives, II. (3) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 14. (4) Cf. la cour à Boitouset, Buson, Bereur, Lampinet et Lulier, Dole, 15 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 204. (5) GIRARDOT DE NOZEROY, 9p. cit., p. 141. (6) Thomas-François de Savoie, prince de Carignan, fils de Charles- Emmanuel Ier, duc de Savoie, et de Catherine d'Autriche. 17 — 958 — qu’on poursuivait était de remettre les choses dans le même état qu'avant le traité de Lyon (1), Le duc de Savoie (2) avait été pressenti ; il ne demandait qu’à sauver les apparences en se déclarant contraint de demeurer neutre entre les deux couronnes, « Ce n’estoit pas, dit Girardot de Nozeroy (3), dans Ja Bresse françoise que l’infant commandoiïit au marquis d’en- trer, mais dans la savoyarde, c’est-à-dire le Bugey et Val Romey et pays de Gex, qui n’estoient en France que d’en- gaigère pour les frais du roy Henry IV en la guerre de Bresse (4, lorsqu'il la receut en eschange pour le marquisat de Saluces au traicté de paix qui fut faict à Lyon, et par le traicté de mariage du duc régnant avec la sœur du roy Louys XIII ces pays avoient esté remis au premier fils qui naistroit du dit mariage : et il estoit né un fils, auquel la ditte remise néantmoins n'avoit pas esté faicte, » « C’estoit donc, poursuit le même historien, une con- queste légitime que le sérénissime infant commandoit à la faveur du prince Thomas; mais le principal but estoit de réunir la Savoye et la Bourgongne, en la forme que ces deux provinces avoient esté du temps du roy Philippe IT : à quoy le duc de Savoye (bien qu’il commanda l’armée de France en Piémont) consentoit, pourveu qu’on l'y força par armes : et le temps sembloit bien opportun que les trouppes (1) 17 janvier 1601. Cf. DumonrT, Corps universel diplomatique de droit des gens, t. V, 2e partie, p. 10. (2) Victor-Amédée [", duc de Savoie, fils de Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie, et de Catherine d'Autriche. Il avait succédé à son père le 26 juillet 1630. (3) Le conseiller de Beauchemin pouvait d'autant plus pertinemment parler des instructions du cardinal infant et du prince Thomas que Gué- rard de Watteville les lui avait communiquées. Cf. GIRARDOT DE NOZEROY, Du repos ou retraite chrestienne au déclin de nostre äge, fol. 166. (4) La cession du Bugey, du Valromey et du pays de Gex à la France avait été due aux instances du légat Aldobrandini. E. RorTr, Henri IV, les Suisses et la haute Italie, p. 97. — 959 — de France estoient occuppées en Picardie et en Bourgongne, et nous estoit très facile d’occupper le pont de Grezin et le fortifier avant l'hiver, lequel durant l'hiver ne nous pouvoit estre osté, et le duc avec cette jonction prétendoit de demeu- rer neutre entre les deux roys ses alliez, et négocier cette neutralité durant l'hiver pour soy et, s’il pouvoit, pour la Bourgongne ; que si la France la luy refusoit, il recevroit les troupes du roy d'Espagne pour la conservation de la Savoye, sinon que le roy ayma mieux les tenir dans la Bourgongne mesme, pour la deffense des deux provinces unies ensemble comme du passé (1). » Grand fut l’étonnement des parlementaires de Dole, lors- qu'ils apprirent que Guérard de Watteville se disposait à réunir des troupes. Ils envoyèrent sur le champ à Besançon et à Gray la lettre du maréchal (2) : la commission délivrée à celui-ci les alarmait au dernier point ; c'était la première fois qu'on voyait en Franche-Comté ce titre de gouverneur des armées ; quelles conséquences ne pouvait pas entraîner la création de cette charge nouvelle ? Cependant le mécontement de la noblesse augmentait ; bon nombre de gentilshommes offraient de lever des com- pagnies de cavalerie dans leurs terres, et le duc de Lor- raine (3) appuyait leurs instances. Gallas, d'autre part, refu- (1) GiRARDOT De NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 142. (2) La cour à Matherot et Brun, Dole, 15 septembre 1636 ; la cour à Boitouset, Buson, Bereur, Lampinet et Lulier, Dole, 15 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 204. (3) Charles IV de Vaudémont, duc de Lorraine et de Bar, fils de François, comte de Vaudémont, et de Christine de Salm. La vie de ce prince tient du roman ; l’héroïque y coudoie le burlesque ; il y avait néanmoins en lui de belles parties de capitaine, et, malgré ses fautes, ses sujets lui prouvèrent par leur attachement qu'ils lui savaient gré de ses efforts persévérants — 960 — sait d'entrer en France sans les 6,000 fantassins et les 1,200 chevaux qu’on lui avait promis (1) ; à toutes les plaintes de la cour il opposait les ordres qu’il avait à cet égard. Le mar- quis de Conflans ne crut pas devoir attendre plus longtemps et donna quartier aux sieurs de Saint-Germain (2), de Cham- pagne (3) et de Gouhelans (# pour lever des troupes. Il n'en fallut pas davantage pour exciter la jalousie du parlement : il se hâta de rappeler qu’il n’était pas déchargé du gouvernement du pays () et se plaignit de n’avoir pas été pour recouvrer la souveraineté dont la France l’avait dépouillé. Il est cer- tain que, depuis le traité de Charmes, le duc de Lorraine n’eut qu’ « un seul dessein au fond du cœur, dessein conduit, il est vrai, sans habileté ni mesure, mais poursuivi avec une tenace opiniâtreté, celui de rentrer dans la possession intégrale de ses anciens États. » Cte D’HAUSSONVILLE, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, t. LE, p. 228. Il a paru dernièrement une histoire des Campagnes de Charles IV, duc de Lorraine et de Bar (2 vol. in-8), qu'on ne doit consulter qu'avec défiance, car, sans parler de la confusion du récit, elle renferme une foule d'erreurs. (1) Cf. Girardot de Nozeroy à la cour, la Charité, 4 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (2) Louis de Saint-Germain, fils de Denis de Saint-Germain, dit le Fla- mand. Quoique son père eût bien servi aux Pays-Bas, le sieur de Saint- Germain était suspect au parlement à cause de son origine bressanne : « Nous apprenons, lit-on dans une dépêche des magistrats de Dole, qu'il est né François, et croions qu'y ayant tant de naturels vassaux il est dan- gereux d'employer ceux de cette nation, qui se déclare ouvertement enne- mie jurée de nos Roys, quand bien ils auroient mangé un muid de sel aux armes de S. M. » La cour au marquis de Conflans, Dole, 23 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. (3) Henri de Champagne, fils de Philippe-Louis de Champagne et de Marguerite de Saint-Mauris Lemuy. (4) Jean-François de Chaffoy, seigneur de Gouhelans, fils de Pierre de Chaffoy, seigneur de Purgerot, et d'Antoinette de Chassey, dame de Gou- helans. Il prit dans la suite une part active à la réduction du soulèvement de Naples comme mestre de camp d’un régiment de cavalerie. (5) « Ce n’est plus à nous à choisir les nouveaux régiments, puisque monsieur le marquis de Conflans y a jà pourveu, quoy que nous soyons ré- soluz de luy faire entendre doucement qu'il ne le pouvoit pas faire sans noz ordres. » La cour à Matherot et Brun, Dole, 23 septembre 1636. — E. CLERC, Jean Boyvin, sa vie, ses écrits, sa correspondance politique, Pe 44. En — 261 — averti des nouvelles levées (!. Toutefois Boyvin et ses con- frères n’osèrent pas combattre ouvertement les vues de Guérard de Watteville ; se retranchant derrière la nécessité de consulter les autres membres de la cour, ils invitèrent Boitouset, Buson, Bereur, Lampinet et Lulier à donner leur avis sans retard : « Obligez-nous, leur dirent-ils, de nous renvoier promptement vostre sentiment bien arraisonné sur lertouts afin... que rien ne nous puisse estre imputé (2). » Or, les parlementaires réfugiés à Besançon ne prenaient pas moins d’ombrage des desseins du maïquis de Conflans que leurs confrères de Dole, et ceux-ci étaient fondés à les croire disposés à « se roidir fort et ferme contre de telles entreprises. » Dans une dépêche antérieure, ils avaient fait observer, avec quelque apparence de raison, que le cardinal infant croyait encore les forces du pays sous les armes, mais que la face des choses avait changé par leur séparation, ainsi que par l’arrivée de l’armée impériale (3), Suivant eux, il fallait se borner à garnir de troupes les lisières du pays, sans avoir la folle prétention de faire des conquêtes, et, d'accord avec l'abbé des Trois-Roiïs (4), ils proposaient de dé- (1 « Les gouverneurs mesme de cette province instituez par noz souve- rains n'ont Jamais fait choses semblables sans nous en avoir participé. » La cour au marquis de Conflans, Dole, 23 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. (2) La cour à Boitouset, Buson, Bereur, Lampinet et Lulier, Dole, 21 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. (3) « Pour ce, coneluaient-ils, il ne nous semble pas que l’on puisse per- mettre aud. sieur marquis de se servir de la patente qu'il dit avoir obtenu de gouverneur des armées de Bourgongne, non plus que de la rescription de Sadicte Altesse pour lever en ce pays, que préalablement Sadicte Altesse ne soyt informée au vray. » Boitouset, Buson, Lampinet et Lulier à la cour, Besançon, 18 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. (4) Philippe-Emmanuel de Montfort, abbé de Lieu-Croissant, autrement dit des Trois-Rois, président des neuf députés à l’également du don gra- tuit des États, fils de Claude de Montfort, seigneur de Velleguindry, et de Jeanne Boutechoux. L'abbé des Trois-Rois se montrait pourtant moins opposé que les mem- — 262 — puter à Bruxelles « quelque seigneur principal de la pro- vince, qui fust de cœur, intelligent et bien sensé () », afin de faire revenir le gouvernement des Pays-Bas sur sa décision. Lorsque la lettre de la cour fut rendue au conseiller clerc Boitouset, celui-ci était le seul que les progrès de la peste n’eussent pas contraint à quitter Besançon ou du moins à demeurer « barré (2). » En rendant compte au vice-président Chaumont de la difficulté qu'il éprouvait à joindre ses col- lègues : « Il vad mal à propos, écrivait-l, de nous veoir ainsy dispersez, mais chacun craint sa peau G). » Trois jours plus tard, il put cependant transmettre au parlement l’opi- nion de Buson et de Bereur : elle était conforme à ce que Boyvin pressentait. Aux raisons précédemment alléguées Boitouset et ses confrères ajoutaient que le petit corps d’ar- mée que le marquis de Conflans voulait former ne serait jamais prêt à entrer en campagne avant Noël: qu'à cette époque l’état des chemins rendrait toute expédition impos- sible, et qu’en six jours les troupes ne feraient pas trois lieues dans les boues de la Bresse : « Partant, déclaraient-ils, nostre advis est que la cour doit trancher court aud. sieur marquis qu’elle ne peut aucunement entendre à ce redresse- ment d'armée qu’elle n’en ayt receu nouvel ordre de S. A.S. et qu'elle ne sçache où son intention est qu’en soient prins bres du parlement aux levées projetées ; il lui paraissait indispensable d’avoir de la cavalerie pour la défense de la province. (1) L'abbé des Trois-Rois à la cour, Besançon, 18 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. Pour cette mission, on songea d’abord au baron de Scey, mais celui-ci la déclina. À défaut de l'avocat Sordet, enlevé par la peste, on dut se ra- battre sur l’auditeur des comptes Privey. (2) La barre était la réclusion plus ou moins longue que devaient ob- server, en temps d’épidémie, non seulement ceux qui étaient atteints du mal contagieux, mais encore ceux qui avaient fréquenté des personnes infectées du même mal. (3) Boitouset à Chaumont, Besançon, 21 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch, du Doubs, B 205. — 9263 — les deniers et les autres choses y nécessaires. » Ils termi- naient en invitant leurs confrères à défendre toute levée sans commission du parlement (1). Cet avis, joint aux nouvelles qu’ils recevaient de Gray (), fortifia les magistrats demeurés à Dole dans la résolution de maintenir avec la dernière énergie ce qu’ils considéraient comme les prérogatives de leur charge. Il ne leur échappait pas que pendant le siège la cour avait été reléguée au second plan. Sans doute, les hommes qui la composaient étaient sortis grandis de cette épreuve, et il n’entre aucune hyper- bole dans les louanges que le Tacite espagnol leur décerna plus tard @). Mais, si l’entreprise du prince de Condé avait tourné à sa confusion, on le devait autant à l’activité du marquis de Conflans qu’à l’héroïque résistance des assiégés ; Girardot de Nozeroy avait assisté le maréchal dans la forma- tion de l’armée de secours ; tous deux, par leurs démarches, hâtèrent la diversion qui, jetant l’effroi dans la vallée de l'Oise, obligea Louis XIIT à rappeler ses troupes, et il est incontestable que leurs efforts eurent la plus grande part à la délivrance du pays. C'est là te que Boyvin se refusait à reconnaître : pour lui, comme pour ceux qui subissaient son (1) Boitouset à la cour, Besançon, 24 septembre 1636 ; Boitouset, Buson et Bereur à la cour, Besançon, 26 septembre 1636. — Corr. du parlement, Arch. du Doubs, B 205. (2) « Nous dirons encore à VV.SS. que, tandis que l’on délibère sur les propositions de mr le marquis, luy les exécute, envoyant ordre à tous les chefs, et mesme au pagador et autres officiers, de se rendre à la place d'armes. » Matherot et Brun à la cour, Gray, 24 septembre 1636, — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. (3) « Neque enim minus civitates præsidiis suis muniunt viri docti, ac milites, ut Syracusæ quondam in Sicilià expertæ fuere in Archimede ; Dola Burgundiæ urbs in erudito et fidelissimo suo Senatu, cujus prudent: consilio, ingeniosis machinis, acri defensione et fortitudine animi plus- quam heroica, urbs illa adversus valentissimas Gallorum copias propugnata fuit ; museis in armamentaria conversis, togis litterariis in loricas ferreas, calamis in gladios, qui non atramento, sed Francico sanguine nomina et egregia facinora civium æternitati transcripserunt, » SAAVEDRA, Symbola christiano-politica, p. 484. — 964 — ascendant, tout devait être remis au même point qu'avant l'invasion ; le moindre ordre donné par Guérard de Wat- teville leur paraissait un attentat à l'autorité de leur corps (1). Irrité des obstacles auxquels il se heurtait à chaque ins- tant, le marquis de Conflans menaça à son tour de tout aban- donner, si le parlement persistait à lui vouloir lier les mains @). « Il avoit, dit un contemporain, de grands res- sentiments d’avoir esté mal receu et désarmé à Dole après avoir dignement servy et fait lever si heureusement le siège : il jugeoit que l’opposition que la cour faisoit à la guerre de Bresse estoit pour le tenir désarmé et homme privé dans sa maison (3). » Le vieux soldat qui devait, l’année suivante, hâter la fin de ses jours en donnant l'exemple de l’obéis- sance (4), n'avait pas d’ambition politique, mais il ne pouvait contenir son indignation à la pensée de laisser le cardinal infant supporter tout le poids des armes de la France. A ses yeux, c'était une honte d’avoir appelé l’armée impériale pour attendre ensuite, les bras croisés, qu'il plût à ses chefs d’en- (1) «Si l’on continue d’en user de la sorte, nous serons contrains malgré nous de tout abandonner et en advertir S. A. S. » La cour à Matherot et Brun, Dole, 25 septembre 1636. — E. CLERG, Jean Boyvin, p. 53. « Quand aux ordres que vous avez de monsieur le marquis de Conflans et du conseiller de Beauchemin, écrivaient-ils, le 27 septembre, au com- mandant du château de Neufchâtel, ils ont esté bons pendant que nous estions icy assiégez, mais depuis nostre délivrance il est raisonnable que tous les vassaux et subjets se conforment à noz ordres, tant qu’il plaira à S. À.S. nous confier le gouvernement de la province. » 1p., op. cit., p. 61. (2) La cour à Matherot et Brun, Dole, 27 septembre 1636. — Ip., op. cit., p. 60. (3) GIRARDOT DE NoOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 144. (4) « Le marquis de Conflans... finit sa vie par une belle action, car estant desjà malade et ayant receu ordre du marquis son général de pourveoir aux chasteaux de Vaudrey, sur lesquels Longueville avoit des- seing et en estoit peu esloigné, il y alla en personne, disant qu’il failloit donner exemple d’obéissance et mourut à son retour (16 octobre 1637). » ID op rcb;"D'102 — 265 — trer en campagne (1). D'ailleurs, l'expédition en vue de la- quelle il s’efforçait de lever des troupes avait été concertée entre son maître et le prince Thomas; il n'avait pas à discu- ter leurs ordres, mais à les suivre, et rien n’est plus facile à concevoir que son impatience devant l’opposition de la cour. Avant de donner suite à ses menaces, Guérard de Watte- ville résolut pourtant de faire un dernier effort. Il envoya son fils auprès du duc de Lorraine, puis vint lui-même à Dole, où il eut aux portes de la ville une longue conférence avec le conseiller Boyvin (28 septembre 1636). Si celui-ci avait réellement quelques doutes sur les pouvoirs conférés au maréchal, force lui fut alors de reconnaitre qu’en cher- chant à rallier les soldats débandés, ce dernier ne faisait que se conformer aux instructions du gouvernement des Pays- Bas. En vain allégua-t-il les difficultés de l’entreprise. Gué- rard de Watteville répondit qu'il fallait faire ce qu’on pour- rait : « Si nous n’entrons pas en France, déclara-t-il, soyez sûrs que l’armée impériale prendra ses quartiers d'hiver dans le pays (2). » Le conseiller de Beauchemin était présent à cette entre- vue (3); il n’a pas rapporté les termes de l'entretien, mais il est à croire que le marquis parla haut et ferme, car, le jour même, le parlement prit un parti inattendu : après avoir re- présenté l'impossibilité de réunir dans la province des forces suffisantes pour prendre l’offensive (), il demanda à être dé- Lex -7 nee | (4) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 144. | (2) La cour à Boitouset, Buson, Bereur, Lampinet et Lulier, Dole, 29 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. (3) GIRARDOT DE NozErOY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bowrgongne, p. 143 ; [p., Du repos ou retraite chrestienne au déclin de nostre äge, fol. 166 v°. (4) « D’entreprendre de faire un corps d'armée pour entrer en France, n’ayans ny gens, ny argent, ny canons, et ne pouvans pas à peine munir noz places, c’est chose que nous jugeons absolument impossible, comme nous l'avons fait entendre au seigneur comte Galasse et au marquis de — 966 — livré du « pesant fardeau du gouvernement » ; sa requête au cardinal infant se termine par cette phrase significative : « Ce sera le contentement de la noblesse. » Boyvin, cela n’est pas douteux, s’était senti personnellement visé par les reproches du maréchal : « On ne m'a pas célé, écrivait-il le lendemain, que l’on disoit que j’estois le seul gouverneur du pays (1). » Pas plus que lui, du reste, ses confrères n’ignoraient que « ce gouvernement de gens de lettres mettoit la sissise en très grand mescontentement. » La cour de Dole était-elle sincère en sollicitant la nomina- üon d’un gouverneur? J’incline, pour mon compte, à le croire. Sans argent, sans crédit, elle se sentait impuissante à faire face aux réclamations qui l’assaillaient de toutes parts : les exigences de Gallas et l’indiscipline de ses troupes étaient pour elle un poignant souci ; elle multiphiait les ordres, mais ceux-ci n'étaient pas suivis, et, au fond du cœur, elle regret- tait de n’avoir pas écouté le conseil du duc de Lorraine re- latif au rétablissement de la neutralité (2). D’un autre côté, elle se rendait parfaitement compte de l'interprétation que ses atermoiements pouvaient recevoir en haut lieu 6). L'irri- Conflans. » La cour au cardinal infant, Dole, 28 septembre 1636. — E. CLErC, Jean Boyvin, p. 56. C’est par erreur que dans ce dernier ouvrage la dépêche dont il s’agit porte la date du 96. (1) « Homme sublime ! s’écrie à ce propos M. Clerc, modèle des ma- gistrats, sauveur de la patrie, oui, cette accusation était fondée ! Vous gou- verniez seul le pays. » Plus haut, il traite le marquis de Conflans et le conseiller de Beauchemin de pygmées arrêtant la marche d’un géant. Tout le livre d'où cette citation est tirée n’est qu’un panégyrique enthou- siaste, et ses jugements appellent d'importantes réserves. (2) FORGET, Mémoires des querres de Charles IV, duc de Lorraine (Bibl. de Nancy), fol. 148. Cf. Froissard-Broissia à la cour, Besançon, 19 août 1636; le duc de Lorraine à Petrey-Champvans, Arbois, 10 sep- tembre 1636. — Corr, du parlement. Arch. du Doubs, B 221, 222. (3) « Sans doubte monsieur le marquis et m' de Beauchemin auront es- cript par delà qu’ilz auroient jà fait des miracles si nous les secondions, mais que nous retardons l’effect de leurs bons desseins par noz longueurs et pointilles..…. Monsieur de Conflans, qui a dit aux portes de cette ville qu'il — 267 — tation des gentilshommes réduits à se morfondre dans leurs terres était au comble, À vouloir assumer plus longtemps la responsabilité de la marche des affaires, on risquait de se voir imputer tous les maux de la Franche-Comté. Au surplus, la cour ne tarda pas à recevoir une lettre du baron de Scey qui ne put que l’affermir dans sa résolution. Chef de nom et d'armes d’une des plus anciennes maisons de la province et peu suspect de sympathie pour le marquis de Conflans, à qui, comme beaucoup de membres de la noblesse, il ne pardonnait pas son origine étrangère (1), Claude de Bauf- fremont faisait passer le bien public avant ses propres griefs (2). Il ne cacha pas aux parlementaires qu’ils ne devaient s’en prendre qu’à eux de toutes les difficultés qu’ils rencontraient. Si, comme on le leur avait maintes fois demandé, ils avaient de bonne heure mis sur pied des forces imposantes, jamais les Français n'auraient songé à envahir la Franche-Comté. N’eût-il pas mieux valu faire appel à la fidélité des Bourguignons que d’être réduit, faute de gens de guerre, à solliciter l’appui d'étrangers trop disposés à traiter linfortunée Bourgogne en province rebelle”? Le baron de Scey déplorait la lenteur qu’on apportait à assembler des troupes, tant pour prévenir une nouvelle surprise que pour empêcher les courses des [mpériaux et des Lorrains, « Je vois, écrivait-il, que tous ces projets que vous faites tirent tellement à la longue que le retardement est d’un préjudice notable. J’ay eu l’honneur de vous escrire plusieurs fois et a esté gouverneur trois jours, mais que le respect de feu monsieur l'arche- vesque a fait modérer son pouvoir, se treuveroit bien empesché, et son con- seil aussi, s'il avoit à manier seul le timon de ce vaisseau agité de tant de tempestes. » La cour à Matherot et Brun, Dole, 7 octobre 1636. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 78. (1) Les Watteville étaient originaires du canton de Berne. Cf. GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 82. (2) Cf. C. Baizze, Le Comté de Bourgogne de 1575 à 1674, p. 65 et 111. — 268 — j'ay receu souvant voz responses unze jours ou douze après la datte. Je sçay bien toutes les misères du pays. Je sçay bien aussi que vous n’estes pas assemblez et qu'avant que d’avoir prins les sentimentz de ceux qui sont esloigné le temps qui est bien cher se passe. Néantmoins les affaires qui sont sur noz bras n'ayant aucun esgard à ces inconvénientz ne laissent pas d’avoir leur cours (1). » . C'était dire clairement à la cour que les malheurs de la province provenaient en grande partie de son manque de décision. Claude de Bauffremont se plaignait en outre de la dispersion des troupes après la délivrance de Dole, disper- sion qu'il attribuait, non sans vraisemblance, aux membres du parlement. Il insistait sur la nécessité d'établir à la fron- tière un fort cordon d'infanterie et de cavalerie et déclarait urgent d’assembler un conseil de guerre pour aviser aux mesures à prendre. | Sous le coup de ces reproches, Boyvin et ses confrères durent s’exécuter. Ils le firent d'assez mauvaise grâce, et la lettre qu'ils écrivirent au marquis de Conflans pour l’inviter à conférer avec les barons de Scey, d’Oiselay et de Poitiers, le marquis de Varambon, le prince de Cantecroix et l'abbé des Trois-Rois est curieuse à étudier. « Si vous sçavez les moyens de redresser l’armée, déclarèrent-ils, nous ne l’em- pescherons pas, ains l’ayderons de tout nostre pouvoir et authorité (@). » Ils mirent toutefois comme condition à leur concours que le parlement serait représenté à la confé- rence (3). C’est que le refus de Guérard de Watteville de faire connaître la teneur de ses instructions (4) leur inspirait une —_S =, | (1) Le baron de Scey à la cour, au camp impérial proche Champlitte, 2 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (2) La cour au marquis de Conflans, Dole, 8 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. Cf. GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 145. (3) La cour au baron de Scey, Dole, 7 octobre 1626. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 81. (4) « Le marquis avoit esté obligé par serment de ne descouvrir ce PE que — 969 — insurmontable méfiance ; ils souhaitaient que l’expédition de Bresse n’eût pas lieu, à cause des représailles qu’elle pou- vait provoquer (l), et on verra que jusqu’à la fin ils persis- tèrent dans l'opinion que le parti le plus sage était de demeurer sur la défensive. Disons cependant que tous les parlementaires ne mon- traient pas le même mauvais vouloir. Avec une indépen- dance qui l’honore, le vieux conseiller Perrin souscrivit franchement aux propositions du maréchal ; se séparant de Boyvin, de Chaumont, de Briot et de Toytot, il n’hésita pas à proclamer que, pour sauver la province, on ne devait reje- ter aucune des demandes adressées à la cour (2) ; continuer à contrecarrer les projets de Guérard de Watteville et de Gi- rardot de Nozeroy, c'était, suivant lui, s’exposer à ce que desseing à personne, si que le parlement n’en sçavoit rien. » GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit., p. 145. C'était l’insistance de Brun à vouloir obtenir communication des ordres envoyés de Bruxelles qui avait indisposé le marquis de Conflans contre lui : « J’aurois souhaité, écrira quelques jours plus tard le conseiller de Beauchemin, que monsieur le procureur général eût moins dy et moins escry ; les secrètes instructions des généraux ne sont pas de sa science ny de la mienne non plus. » Girardot de Nozeroy à Boyvin, la Charité, 11 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (1) « Si on les agasse, on leur pourra donner de la peine, mais paraven- ture ferons-nous une ouverture pour aporter la ruine du bailliage d’Aval par les mains des amys et ennemis. » La cour à Matherot et Brun, Dole, 4er octobre 1636, — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (2) « Je suis bien d’advis que l’on leur permette lesd. levées, qu’on donne quartiers, qu’on face les édicts qu’ilz désirent et ordonnances tant à mons’ des Troy-Roys pour livrer à mond. s' de Conflans les 40,000 frans quil demande qu à tous soldatz ayant touché argent de se rendre à leur debvoir, et qu’enfin on tesmoigne que l'on veut faire ce qu’on pourra. » Perrin à Boyvin, Dole, 6 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. M. Clerc a connu cette réponse du conseiller Perrin, mais il s’est abs- tenu de la publier dans un but facile à comprendre, Le procureur général reconnaissait lui-même qu'il était nécessaire de lever 4,000 hommes d’in- fanterie et 600 chevaux. Cf. Matherot et Brun à la cour, Gray, 2 octobre 1636. — Ibid. — 970 — Gallas prît ses quartiers d'hiver en Franche-Comté. D'’ail- leurs, concluait-il, « c’est l'intention de S. À. S. et R. et les résultats des conférences qu’elle a eues avec S. M. le roy d’Ongrie (1) et peut-être avec S. A. de Lorraine. » Mais que pouvait la protestation isolée d’un vieillard contre le parti- pris de magistrats qui n'étaient pas loin de qualifier de tra- hison le séjour du conseiller de Beauchemin à la Cha- rité (2) ? C'était, en effet, à l’abbaye de son frère (3) que Guérard de Watteville était retourné après son entrevue avec Boyvin. Le comte de Bussolin l'y vint retrouver ; il n’avait pas réussi à joindre le duc de Lorraine, mais il avait vu Gallas, qui s'était de nouveau prévalu des ordres du roi de Hongrie pour jus- tifier son inaction : impossible de lever le camp, avant que le corps d’armée du marquis de Saint-Martin (# ne fût arrivé et que les soldats levés pendant le siège de Dole n’eussent rejoint leurs drapeaux. Le marquis de Conflans en instruisit (1) Ferdinand d'Autriche, roi de Hongrie, fils de l’empereur Ferdinand IT et de Marie-Anne de Bavière, fut élu roi des Romains le 22 décembre 1636 et devint empereur sous le nom de Ferdinand IIT à la mort de son père (15 février 1637). (2) La Charité, abbaye cistercienne fille de Bellevaux, qui, en 1139, avait elle-même donné naissance à l’abbaye de la Grâce-Dieu. «L'on a donné advis à monsieur Lullier qu’en l’abbaye de la Charité il y avoit une assemblée de Sad. À. de Lorraine, de monsieur le marquis de Conflans et quelques aultres qui sont là à consulter pour dresser une ar- mée en ce pays, et dit-on (ce que je ne peux croire) que M. de Beauche- min yest. » Buson à la cour, Besançon, 4 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. Plus passionnés encore, Math erot et run allaient jusqu’à accuser Gué- rard de Watteville et Girardot de Nozeroy de retenir les Impériaux en Franche-Comté. Cf. Matherot et Brun à la cour, Gray, 9 octobre 1656. — Ibid. (3) Jean de Watteville, évêque de Lausanne et abbé de la Charité, fils de Nicolas III de Watteville, marquis de Versoix, et d'Anne de Joux. (4) C'était à Jean-Baptiste de la Baume que l’empereur Ferdinand II avait confié le soin de conduire dans la vallée de la Saône les TÉIMESS de l’armée de Silésie. | — 271 — la cour et déclina toute responsabilité dans l’avortement du plan qu’on ne lui permettait pas d'exécuter. À ce propos, il se défendit une fois de plus de vouloir empiéter sur les droits du parlement : « Tout ce que je demande, répéta-t-il, c’est qu'on me laisse commander les troupes du roi (1). » Avec douze compagnies de cavalerie et trois régiments d'infanterie, il se flattait d'enlever au général impérial tout prétexte de demeurer plus longtemps en Franche-Comté. Qu’était-ce que ce qu’il demandait au prix des incendies et des pillages qui désolaient le bailliage d’Amont ? La province n’était-elle pas menacée des quartiers d'hiver des troupes étrangères ? Et ne convenait-il pas de faire bon marché des doléances de quelques villages pour prévenir un tel malheur ? Ce langage était la sagesse même et on a peine à com- prendre qu’il n’ait arraché à la cour de Dole que la concession que l’on sait. Bien des maux auraient pu être évités, si les membres du parlement avaient prêté au maréchal l’assis- tance qu’il sollicitait. A cette date, en effet, les Français n’é- taient pas encore revenus de la frayeur que l’arrivée de l’ar- mée impériale leur avait causée : le duc de Weimar et le cardinal de la Valette (2) se bornaïent à observer les mouve- ments de Gallas; Dijon s'attendait à voir les Croates incen- dier ses faubourgs et le prince de Condé avait jugé prudent de faire partir le jeune duc d’Enghien 6); à Bourg, le mar- (4) « Ne fault croire que je prétende chose contre l’authorité des commis au gouvernement, ny moins de donner des quartiers, mais bien de donner ordre à toutes les troupes du Roy qui sont en Bourgougne, que sont pré- sentement les régiments de messieurs de la Verne, Reincour, de Bressé, et les compagnies de cavalerie de messieurs de Jusseau, St-Germain, Du Prel, Byans, Du Magny, Gigoulet et Maistre, et à toutes les aultres trouppes qui se sont deshbandées après havoir touché argent, chevaulx et armes, sans havoir esté licentiez. » Le marquis de Conflans à la cour, la Charité, & octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (2) Louis de Nogaret, cardinal de la Valette, fils de Jean-Louis de Nogaret de la Valette, duc d'Épernon, et de Marguerite de Foix, comtesse de Candale. (3) Duc D'AUMALE, Histoire des princes de Condé, t. ILE, p. 334. — 972 — | quis de Thianges (1) déployait la plus grande activité pour ar- mer les milices, mais il avait peu de monde, et, si l’on ne voyait plus les chemins « couverts de gens qui se sauvoient à Lyon (2 », on n’en demeurait pas moins anxieux, car au- cune ville de la Bresse et du Bugey n'était en état de faire une résistance sérieuse. Sur ces entrefaites, le due de Lorraine passa à la Charité (9 octobre 1636). Il montra au marquis de Conflans la letire qu’il venait de recevoir du cardinal infant : le prince suppo- sait que les troupes franc-comtoises et les troupes étrangères avaient déjà pénétré en France (6) et Charles IV ne dissimula pas au maréchal que le retard apporté à l’exécution du plan arrêté aux Pays-Bas lui serait imputé, s’il ne le motivait par le refus de concours du parlement ; son avis était, du reste, de passer outre à ce refus; qu'attendait-il pour reprendre vis-à-vis du marquis de Thianges, inquiété par de fréquentes démonstrations, la tactique qui, trois ans auparavant, lui avait réussi avec le vieux maréchal de la Force (# ? L’avertissement du duc de Lorraine leva les dernières hé- sitations du marquis de Conflans. D'accord avec Girardot de Nozeroy, il résolut de concentrer sur la rive gauche de la Saône les compagnies de cavalerie qui erraient à l'aventure dans les plaines du bailliage d'Amont. Pour l'infanterie, on réunirait aux régiments des sieurs de Champagne et de Gou- (1) Charles Damas, marquis de Thianges, seigneur de Dyo, Estours, etc., lieutenant du roi en Bresse, fils de François Damas, seigneur de Thianges, et de Françoise de Dyo. (2) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 137. (3) À la date du 24 septembre, le roi de Hongrie croyait également Gal- las de l’autre côté de la frontière. Cf. Matherot et Brun à Bresson, Gray, 2 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (4) « Est de son advis que led. seigneur marquis face nonobstant led. reffus tout ce qu’il pourra et que, quand il ne pourra aultre que donner bruit des armes de Bourgongne, qu’il le debvra faire. » Girardot de No- zeroy à Boyvin, la Charité, 11 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. dr. — 973 — helans le régiment du sieur de Raïncourt (1), moins les com- pagnies jugées nécessaires à la garde de la frontière de Monthéïiard ; pendant ce temps, la Verne (2) compléterait son terce, qu'iraient renforcer à Dole les compagnies du sieur de Bressey 3). Si les sommes que l’abbé des Trois-Rois avait touchées sur le dernier repartement ne suffisaient pas à en- tretenir ce petit corps d'armée, le maréchal offrait de trouver des ressources « sur son crédit »; toutes les troupes, bien entendu, seraient mises « sur le pied d’Espagne, » et il se réservait de délivrer au nom du roi de nouvelles commis- sions (4). Se prévalant en même temps de ce que la cour lui avait écrit le 8 octobre G), Guérard de Watteville pria les membres du parlenient qui se tenaient à Besançon et à Gray de venir le trouver aux environs d’'Oiselay pour convenir ensemble des dispositions à prendre (6) : le temps pressait et il impor- tait de se hâter. Mais, à la réception de la lettre du marquis, Boitouset, Buson et Bereur se récrièrent : plus que jamais (4) Christophe-Louis de Raincourt, seigneur de Fallon, fils d'Étienne de : Raincourt et de Jeanne-Baptiste Tanchard. (2) Louis de la Verne, seigneur de Saulnot, fils de François de la Verne et d'Adrienne Thomassin. (3) Jean de Bressey, seigneur de Frétigney, fils de Gabriel de Bressey et d'Étiennette Thomassin. (4) Propositions du marquis de Conflans à la cour, la Charité, 11 octo- bre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (5) « La cour me mande par lettres du 8 de ce mois qu’elle vous at es- cript pour assister à une conférence, de laquelle elle me remet le choix des lieux de Gray ou Pesançon, pour adviser aux affaires publicques et aux moyens d'exécuter promptement les commandements de S. A. R. » Le marquis de Conflans à Boitouset, Buson et Lulier, la Charité, 11 octobre 4636. — Corr.du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (6) Le choix du lieu de l’entrevue était un acte de courtoisie à l'égard des membres du parlement : « Oiselay est Justement entre Besançon et Gray, et nos messieurs arrivans de bonne heure pourront retorner le mesme jour à leurs gistes après deux heures de conférance. » Girardot de Nozeroy à Boyvin, la Charité, 11 octobre 1636, — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. 18 — 274 — l'autorité de la compagnie leur sembla « ravalée, ou plustost abattue et anéantie tout à fait. » Qu’était-ce que cette invi- tation, sinon une nouvelle atteinte aux prérogatives des com-: mis au gouvernement ? Et n’avaient-ils pas vu juste, lors- qu'ils avaient dénoncé « le désordre que le sieur marquis de Conflans (avec ses assistans) vad mettre dans la province par ses desseings de la levée d’une nouvelle armée (1) ? » Chose triste à dire! Boyvin donna raison à ses collègues. : Tout en reprenant Buson de traiter le maréchal de Seigneu- rie (2), il le félicita d’avoir refusé de se rendre à l’entrevue projetée : « Jamais, déclara-t-il, nous n’avons donné au marquis de Conflans l’autorisation d’assembler les membres du parlement ; tout ce que nous lui avons permis, ç’a été d'inviter les principaux seigneurs de la province à examiner avec lui les mesures que les circonstances requièrent, nous réservant de prier tels ou tels d’entre nous d'assister à cette délibération ; 1l a outrepassé ses pouvoirs et nous entendons qu'aucun de nos confrères ne se rende à une assemblée de ce genre (3). » Ainsi tout était remis en question et l’incurable jalousie des parlementaires avait rendu impossible l’entrevue sur la- quelle le conseiller de Beauchemin fondait les plus légitimes espérances. IT En attendant, le bailliage d’Amont, cette « délicieuse re- traite de Cérès (4) », était plus que jamais en proie aux ex- torsions des Impériaux. Depuis le 17 septembre, Gallas (1) Boitouset, Buson, Lampinet et Lulier à la cour, Besançon, 10 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (2) On reconnait là le formalisme orgueilleux des gens de robe. (3) Cf. La cour à Buson, Dole, 12 octobre 1636. — E. CLERC, Jeun Boyvin, p. 80. | (4) ForGEr, Mémoires des guerres de Charles IV, duc de Lorraine, fol. 167. — 9% — n'avait pas bougé du quartier général de Champlitte. Ses officiers vivaient grassement aux dépens des malheureux paysans : « Tables magnifiques,... grands équipages et ha- bits somptueux (1), » c'était le bonhomme qui payait tout cela. Au début, le général impérial avait maintenu une cer- taine discipline dans son armée (2), mais bientôt l’avidité de celle-ci rompit ses digues et plus de vingt villages devinrent 9 à la fois la proie des flammes (3). Dès le 14 septembre, la cour de Dole dénonçait au cardinal infant « la licence effré- née que se donnent les Allemands et Croates de piller indif- féremment l’amy et l’ennemy (#). » Qu’on parcoure, aux archives de Besançon, les dépêches reçues par le parlement à cette époque : de ces feuillets jaunis par le temps sort comme un cri de désespoir. C’est le bailli de Luxeuil qui si- gnale les contributions exorbitantes perçues par les soldats ; c’est le sieur d’Andelot-Tromarey 6), qui se dit impuissant à contenir une trentaine de cavaliers ; c’est le lieutenant d’Amont, qui montre la campagne ruinée par « les voleries journalières des troupes estrangères et encor plus de celles du pays (6). » Inutile de songer aux semailles : tous les che- A ———————————————_— (1) GIRARDOT DE QNOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 151. (2) Cela n'avait pas empêché les Impériaux de voler plus de cinq mille têtes de bétail dans le trajet de l’Isle-sur-le-Doubs à Champlitte. Cf. La cour à Gallas, Dole, 23 septembre 1636. — KE. CLERC, Jean Boyvin, p. 46: _(8) Tel fut notamment le sort de Brotte, de Membrey, de Fédry, de Vaivre et de Vellexon. Cf. Matherot et Brun à la cour, Gray, 21 et 30 sep- tembre 1636. — Corr. du parlement, Arch. du Doubs. B 205, 206. (4) La cour au cardinal infant, Dole, 14 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 204. _() Élion d'Andelot, seigneur de Tromarey, lieutenant au gouvernement de Gray, fils de Jean d’Andelot et de Jeanne de Balay. -(6). Le. lieutenant d’Amont à Matherot et Brun, Vesoul, 29 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, G 206. « C’est chose cruelle, dit Étienne Demongenet, qu’une poignée de gents que je n'ose nommer par leur nom apporte une entière désolation à la province. » Cf. Un épisode de l'occupation du bailliage d'Amont par les armées impériales, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1895, p. 199. — 976 — vaux ont été enlevés à la charrue. 11 n’y a plus de grains nulle part : les pillards ont mis le feu aux amas de gerbes qu'ils n'ont pu emporter. On ne voit à Vesoul que villageois en quête d'argent pour assouvir la rapacité de leurs hôtes. Si du moins l’exemple du pillage n'avait pas été conta- gieux! Il en coûte d’avouer que les troupes levées en Franche-Comté étaient aussi âpres à la curée que les soldats de Gallas, mais nous avons à cet égard des témoignages formels (1). Aux environs de Baume, les recrues de Chris- tophe de Raincourt se comportaient comme en pays con- quis (2) et c'était bien un Franc-Comtois que ce capitaine Gigouley, dont le procureur général flétrissait les « violences insupportables (3). » L’indiscipline était partout. A la moindre alarme, on recourait au parlement et, le danger passé, des plaintes sans nombre s’élevaient contre les garnisons que les villes avaient elles-mêmes appelées. À tout moment, à Lons- le-Saunier comme à Bletterans, des différends surgissaient entre les officiers et le magistrat pour le mot du guet ou la (1) « Je treuve plus de facilité parmy les troupes estrangères que parmy celles de la province, qui ne veuillent ordres que de leËr fantaizie pour la foulle du pauvre païsant et pour songer aux inventions de tirer la pièce, qui se pluralise souvent en dix, souvent en trente, quarante, veoire cin- quante pistoles, après avoir tout à fait ruiné les gerbiers d’un village. » Le bailli de Luxeuil à la cour, Vesoul, 27 septembre 1636. — « Encore avant- hier, le seul village de Neurey, le plus pauvre qui soit au ressort, paya quarante doublons pour chasser la compagnie du chevalier de Moiron après y avoir logé trois jours. » Le lieutenant d’'Amont à Matherot et Brun, Vesoul, 29 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. Deux mois plus tard, le désordre sera le même et un membre du parle- ment montrera les troupes franc-comtoises « pillans, volans et exactionnans de village en village. » Lampinet à la cour, Clerval, 13 novembre 1636. — Gorr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208. (2) Le procureur fiscal de Baume à la cour, les Ougney, 26 septembre 1636. — Corr. du parlement, Arch. du Dh B 206. (3) Matherot et Brun à la cour, Gray, 22 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. — 277 — garde des portes (1). C'était d’ailleurs à qui se déroberait au lourd fardeau de l’occupation militaire : Bletterans refusait de recevoir la compagnie du sieur de Jousseaux (@) : Orgelet protestait contre les quartiers accordés par le marquis de Conflans au sieur de Saint-Germain (3) : Dole fermait ses portes aux cavaliers du capitaine Choz (4) ; Luxeuil et Saint- - Claude prétendaient s’exempter de tout logement de gens de guerre (5). Aux désordres des troupes se joignaient d’autres sujets d'inquiétude. Le coup de main de Weimar sur Champlitte avait échoué (6), mais, le 12 septembre, le vicomte de Turenne (7) avait incendié Jussey, passant au fil de l'épée une partie des habitants de ce malheureux bourg 8). Le pont de Voujau- court venait d’être repris par les Français 9), et les gens du _ (4) Le sieur de Lezay à la cour, Bletterans, 14, 19 et 21 septembre 1636 ; le sieur de Pelousey à la cour, Bletterans, 18 septembre 1636 ; le magistrat de Lons-le-Saunier à la cour, Lons-le-Saunier, 21 septembre 1636.— Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. (2) Le sieur de Jousseaux à la cour, Bletterans, 24 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. (3) Le magistrat d'Orgelet à la cour, Orgelet, 24 septembre 1636 ; Boi- touset, Buson et Bereur à la cour, Besançon, 26 septembre 1636; la cour au magistrat d'Orgelet, Dole, 27 septembre 1636. — Corr. du parlement Arch. du Doubs, B 206. (4) La cour à Matherot et Brun, Dole, 25 septembre 1636. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 52, (5) Le baron de Melisey à la cour, Luxeuil, 14 septembre 1636 ; Garnier à la cour, Saint-Claude, 25 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205, 206. (6) Le magistrat de Champlitte à Matherot et Brun, Champlitte, 15 sep- tembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. (7) Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, fils d'Henri de la Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, prince souverain de Sedan, et d'Élisa- beth de Nassau. Le grand capitaine servait dans l’armée du cardinal de la Valette en qualité de maréchal de camp. (8) COUDRIET ET CHATELET, Histoire de Jussey, p. 354; In., Histoire de la seigneurie de Jonvelle, p.245. (a) Le lieutenant de Baume à Brun, Baume, 29 et 30 septembre 1636 ; le sieur de Raincourt à la cour, Bremondans, 5 octobre 1636 ; le lieutenant — 278 — comté de Montbéliard se joignaient à ceux-ci pour inquiéter les villages franc-comtois (1). Dans la nuit du 44 au 15 sep- tembre, un parti ennemi avait réduit en cendres Essertenne et Cessey (@). Le 17, Neublans fut pillé (3): On n’était pas sans craintes pour le bailliage d’Aval (4) : le commandant de Belle- garde () adressait au conseiller de Champvans des lettres « toutes remplies de menaces et de rodomontades (6). » Au nord de la province, les Impériaux étaient, à la vérité, mai- tres de la ville de Lure, mais une garnison française tenait toujours bon dans l’abbaye (7), Enfin, enhardis par l’inaction de Gallas, le duc de Weimar et le cardinal de la Valette s’apprêtaient à effectuer l’audacieuse reconnaissance qui allait faire tomber entre leurs mains les bagages d’Isolani (8), de Baume à Matherot et Brun, Sancey, 5 octobre 1636. — Corr. du par- lement. Arch. du Doubs, B 206, 207. (4) « À ce matin, proche celte ville, les huguenotz de St Mauris et aultres villages de la terre de Montbelliard sont venuz destrousser les paysans des villages circonvoisins qui venoient au marchez, ne se sont seul- lement contantez les voller, mais en ont blessé sept ou huict. » Petit à l’a- vocat fiscal de Baume, l’fsle-sur-le-Doubs, 29 septembre 1636. Cf. l’abbé des Trois-Rois à la cour, l’Isle-sur-le-Doubs, 1e" octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206, 207. (2) Matherot et Brun à la cour, Gray, 15 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. (3) Petrey-Champvans à Chaumont, Chaussin, 18 septembre 1636. — Corr, du parlement, Arch. du Doubs, B 205. (4, Le magistrat de Saint-Amour à la cour, Saint-Amour, 16 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 205. (5) C’est le nom que portait au xvrr° siêcle la petite ville de Seurre. (6) Pétrey-Champvans à la cour, Chaussin, 2 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (7) « L’on nous a dit que la garnison de Lure fait tellement l’insolente qu'elle demande de grandes sommes aux villages voisins, ou elle les bruslerat. » Le baron de Melisey à Matherot et Brun, Navenne, 30 sep- tembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. On comprend l'indignation du parlement en voyant « cent cinquante malotrus tenir une biquoque de l’Empire, au cœur de cette province, et sur le pas- sage de l’armée. » La cour à Buson, Dole, 4 octobre 1636. — E. CLERG, Jean Boyvin, p.71. (8) Ludovic fsolani, général en chef de la cavalerie légère des armées — 979 — Il n’était pas difficile de comprendre que chaque jour de retard donnait à l'ennemi les moyens de garantir la Bour- gogne et le Bassigny d’une invasion.{Le baron de Scey cher- cha inutilement à en convaincre Gallas. Le général impérial répondit d'abord qu'il ne pouvait rien faire sans canon, « n'ayant en son camp que petites pièces (1). » Quand le marquis de Grana (2) lui eut amené sa grosse artillerie et ses munitions, 1l refusa encore de s’ébranler avant d’avoir reçu les renforts qu’il attendait. « Mon dessein, dit-il à Claude de Bauffremont, est de me loger sur les terres du roi de France, mais je ne puis m'y maintenir sans avoir toutes mes forces sous la main. La bataille de Leipzig () a été perdue, parce que le général en chef n’a pas voulu attendre les secours an- noncés. Jamais, pour ma part, je ne tomberai dans une faute semblable. » Tout ce que le baron de Scey put obtenir de lui, ce fut qu'il enverrait immédiatement aux régiments demeurés en arrière l’ordre de rejoindre le gros de l’armée (). En réalité, Gallas n’entendait pas compromettre dans une expédition aventureuse la haute situation à laquelle il était parvenu. Il est hors de doute qu'il n'avait « aucune volonté d'entreprendre la guerre de France, pour ce qu'ayant à peu près achevé la guerre d'Allemagne, il estoit plein d’hon- _ neurs et de biens qu’il iroit mettre en compromis et hazarder, s’il entreprenoit une guerre si dangereuse et si longue contre une province grande et belliqueuse et gouvernée par impériales. Sur le combat de Leffond (14 octobre 1636), cf. Une méprise de Renaudot, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1890, p. 145. (4) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 143. (2) François del Carretto, marquis de Grana, général d'artillerie dans les armées impériales, fut plus tard bc dar de l’empereur Ferdi- nand III à Madrid et contribua à la disgrâce du comte duc. (3) 17 septembre 1631. Cf. E. CHARVÉRIAT, Histoire de la querre de Trente ans, t. Il, p. 107. (4) Le baron de Scëy à la cour, au camp impérial proche Champlitte, 2 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. — 980 — gens rusez. » Ajoutez à cela qu’une fois aux prises avec Wei- mar et la Valette, « il seroit aisé à ses ennemis de destruire sa fortune auprès de l'Empereur, quand il seroit esloigné de luy et detous poincts occuppé à une guerre très difficile en laquelle, quoy qu'il fist, il donneroit tousjours prise à la calomnie et à l’envie (1). » En faut-il davantage pour péné- trer les causes de l’inertie que le marquis de Castañeda (2) lui reprochait « en termes aigres (3)? » Avec le coup d’œil prompt que ses adversaires lui ont eux-mêmes reconnu, Brun avait tout de suite vu l'impor- tance qu'il y avait à ne pas laisser aux Français le temps de reprendre courage. Jamais on ne retrouverait une occasion pareille : Louis XIIT ayant rappelé la plupart des vieux ré- giments pour s’opposer aux progrès des Espagnols, la Bour- gogne et le Bassigny étaient pour ainsi dire dégarnis de troupes et les forces dont le prince de Condé disposait sen- siblement inférieures à celles des Impériaux ; si ceux-ci entraient à Dijon, ce ne serait pas avant le printemps qu’on pourrait tenter de les en chasser. Girardot de Nozeroy, qu’on ne peut accuser de bienveillance pour le procureur général, rend justice aux prévisions de ce dernier : « Cet arraisonnement, dit-il, estoit bon, et, si les choses eussent esté préveues et conduittes de cette sorte, l’Infant en Picar- die, Gallasse en Bourgongne, eussent my la France à la rai- son (4), » Tout en entretenant avec le parlement une corres- pondance active, Brun multipliait les démarches auprès du général impérial, mais ni prières ni promesses (©) ne parve- (1) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 147. (2) Don Gilio de Monroy y Zuniga, marquis de Castaneda, ambassadeur de S. M. Catholique auprès du roi de Hongrie. (3) Matherot et Brun à la cour, Gray, 6 octobre 1636. — Corr. du par- lement. Arch. du Doubs, B 207. (4) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 139. (9) Gallas avait du reste montré son désintéressement en refusant 1 naient à émouvoir celui-ci; peut-être avait-il de l’empereur l’ordre secret d'assurer par une simple démonstration l’élec- tion du roi des Romains (1), car les vues de la cour de Vienne n'étaient pas toujours conformes à celles de la cour de Ma- drid, et il s’en fallait du tout au tout que Ferdinand II et Philippe IV aspirassent à réaliser de concert cette « monar- chie universelle, » dont le fantôme a hanté pendant près de deux siècles les nuits de la diplomatie française (2). A la fin, le procureur général se lassa de l’inutilité de ses instances. Vers le milieu du mois d'octobre, il se rendit à Salins avec Matherot ; le vice-président Chaumont, que la peste avait contraint à se retirer à la campagne G), ne tarda pas à les rejoindre; Boyvin, Briot, Perrin et Toytot demeu- rèrent seuls à Dole. On apprit bientôt qu'après avoir tenu conseil avec le duc de Lorraine, Gallas s’était enfin décidé à envahir la Bourgogne ; son armée signalait sa marche par le pillage et l'incendie (à) ; rien ne semblait pouvoir lui résis- ter ; Mirebeau emporté, Dijon menacé, Saint-Jean-de-Losne investi, autant de nouvelles qui durent faire tressaillir d’al- légresse les magistrats qui avaient vu naguère les soldats de Condé porter la flamme dans leurs maisons des champs. Les circonstances parurent favorables au conseiller de Beauchemin pour remettre sur le tapis l’entrevue dont il avait eu l’idée : réunissant les pages dans lesquelles il avait développé les raisons qu’on avait eues de ne pas marcher au les 10,000 écus que le baron de Savoyeux lui avait offerts au nom de la province. Cf. Boitouset, Buson, Lampinet et Lulier à la cour, Besan- çon, 11 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 204. (4) GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit., p. 148. (2) Cf. E. CHARYVÉRIAT, Brochures relatives à la guerre de Trente ans. p. 14. (8) La cour à Matherot et Brun, Dole, 3 octobre 1636. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 72. (4) « On ne voit que feugs de toutes parts; on en contoit dix-huit en mesme temps dez dessus nostre Mont-Roland. » Boyvin au prieur de Belle- fontaine, Dole, 26 octobre 1636. — Mss. Chifflet, t. CXXXII, fol. 285. — 982 — secours de Dole aussi promptement que les assiégés l’au- raient désiré, il les publia sans v mettre son nom () ; puis il vint à son tour à Salins ; il représenta à ses confrères l’im- possibilité de rester sans agir, pendant que l’armée impé- riale chassait devant elle les ennemis éperdus, et tel fut l’à- propos de cette démarche que les membres du parlement invitèrent le marquis de Conflans à conférer avec eux (2). Guérard de Watteville ne s’attendait pas à recevoir une “invitation semblable. Tout entier aux devoirs de sa charge, il mettait à profit le départ de Gallas pour rassembler les com- ‘pagnies de cavalerie qui battaient l’estrade dans la province. ‘La tâche était ardue, car bon nombre d'officiers se souciaient peu d’obéir : après le baron de Melisey @) refusant de venir à la place d'armes de Roche (&), c'était le jeune Gaucher (5) qui s’excusait de se rendre à son poste sur le défaut d'ordres de la cour ; souvent la patience échappait au vieux maréchal et ceux qui contestaient son autorité se voyaient vivement rabroués (6). On disait d’ailleurs à l’armée que le parlement lui avait retiré tout commandement sur les troupes (%. Ce (1) « Je mis la plume à la main... et fis courir un imprimé pour lever les jalousies et se rendre un chascun content. » GIRARDOT DE NOZEROY, Du repos ou retraite chrestienne au déclin de nostre äge, fol. 208 ve. CF. PETREY-CHAMPvVANS, Lettre à Jean-Baptiste Petrey, sieur de Che- min, p. 60. (2) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans dela Franche-Comté de Bourgongne, p. 145. (3) Antide de Grammont, baron de Melisey, fils d'Antoine de Grammont, seigneur de Melisey, et de Fernandine de la Roche. (4) Roche-sur-la-Loue, village du canton de Quingey, arrondissement de Besançon. Cf. le baron de Melisey à la cour, Gray, 28 septembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 206. (5) Jean Varod, seigneur de Magny, dit le jeune Gaucher, fils de Jean Varod, échevin de Port-sur-Saône. Le coionel Gaucher, son oncle, s'était distingué dans la guerre de Bohême. Cf. WASSENBERG, Florus Germa- nicus, p. 20. (6) « 11 m'a fort rudement traicté de parole, disant que je ne debvois m'adresser qu’à luy. » Varod à la cour, Jussey, 6 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 207. (7) Bled au marquis de Conflans, Scey-sur-Saône, 24 octobre 1636. — Corr. du parlement. Arch, du Doubs, B 207. — 9283 — bruit, né d’une fausse interprétation des pouvoirs donnés au marquis de Varambôn pour garantir le ressort de Baume des incursions de la garnison de Montbéliard, était parvenu jusqu’à lui. Il savait, d'autre part, que le prince de Condé avait l'intention de faire aux commis au gouvernement des ouvertures relatives au rétablissement de la neutralité et il redoutait de voir la cour se prendre à l’appât de négociations stériles (1), | Ce ne fut donc pas sans répugnance que l’intrépide capi- taine se rendit à Salins. L'accueil qu’il reçut fit néanmoins _tomber ses préventions et il ne lui fut pas difficile de con- vaincre Chaumont et ses confrères qu'il n’avait jamais songé à porter atteinte à l’autorité de la cour. Entre le loyal soldat et les ombrageux magistrats les explications furent franches : les difficultés soulevées par la délimitation de leurs pouvoirs respectifs reçurent une prompte solution et d’un commun accord on résolut de mettre sur pied des forces suffisantes pour répondre à l’attente du cardinal infant @). C’est qu’en dépit des ferments de division qui existaient entre l’épée et la robe, l'attachement aux souverains légitimes dominait tout : jamais sujets ne donnèrent un plus bel exemple de fi- -délité que les Franc-Comtois de la première moitié du dix-septième siècle ; à de rares exceptions près, tous se seraient fait écorcher plutôt que de manquer à leur devoir 6) et le cardinal de Richelieu le savait bien, lorsqu'il s’écriait : (1) «Il ne se faut plus endormir sur des belles paroles ; il ne faut plus penser à des neutralités et, tant que les roys seront en guerre, il fault jouer à quitte ou double. » Le marquis de Conflans à la cour, la Charité, 5 novembre 1636. — Pièces justificatives, IV. (2) GIRARDOT DE NoOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 145. (3) C'est le témoignage que leur a rendu le maréchal de la Meïlleraie. Cf. Le grand-maitre de l'artillerie à Richelieu, du camp devant Dole, 95 juillet 1636. — Affaires nt Fr cRetm, t. MDLXXIX, fol. 108, ae — 284 — « Plût à Dieu que les sujets du roi fussent aussi affectionnés que ceux-là le sont à l'Espagne (1) ! » III Le premier résultat de la conférence de Salins fut la for- mation d’un petit corps d'infanterie. Le comte de Bussolin s'était engagé à lever un régiment dans ses terres : la cour ratifia la commission que son père lui avait délivrée (2), On ne pouvait songer à tirer de Dole le terce de la Verne, non plus qu’à rappeler les compagnies de Christophe de Raïin- court de l’Isle-sur-le-Doubs, de Granges et de Clerval. Le . trésorier général de Bourgogne (3) offrit de former à ses frais un régiment qui n'aurait d’autres capitaines que ses fils, pourvu qu’on prit l’engagement de lui rembourser ses avances : son offre fut acceptée, ce qui, avec le régiment du sieur de Champagne, porta au nombre de trois les régiments destinés à entrer en campagne (#, le corps du sieur de Gou- helans devant rester au bailliage d’Amont pour garder Vesoul. Le sieur de Lezay 6) reçut ordre de lever 400 hommes dans la terre de Saint-Claude. La garnison de Bletterans fut ren- (1) Richelieu au prince de Condé, Paris, 8 août 1636. — Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'État du cardinal de Richelieu, V7 D: 089. (2) Les sommes avancées par François de Watteville pour la levée de son régiment s’élevèrent à 23,000 livres. Cf. Chambre des comptes. Arch. du Doubs, B 567. (3) Vincent Jacquinot, seigneur de Goux, trésorier général de S. M. Ca- tholique au comté de Bourgogne, fils de Claude Jacquinot, seigneur de Goux, président du parlement de Dole, et de Marguerite Demongenet. Deux de ses fils périrent dans la guerre de Dix ans. (4\ GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 146. (5) Jean de Lezay, capitaine héréditaire du Grandvaux, fils de Sébastien de Lezay et d’Adrienne de la Perrière. Son fils Henri de Lezay commandait une compagnie d'infanterie à Bletterans. | — 285 — forcée. Après cela, le plus urgent était de réformer les com- pagnies de cavalerie qui ne faisaient que « manger le pauvre peuple », car l’effectif de bon nombre d’entre elles était dé- risoire ; tel capitaine ne pouvait mettre en ligne que seize maîtres (1) ; tel autre avait vu son lieutenant le quitter avec une partie de ses hommes () ; toutes, par leur indiscipline, donnaient lieu à des plaintes trop fondées. Cependant Gallas avait échoué dans sa tentative sur Saint- Jean-de-Losne (3). Craignant de ne pouvoir retirer son artil- lerie, s’il restait plus longtemps en Bourgogne, il donna, le 3 novembre, le signal de la retraite ; le temps était pluvieux; les rivières avaient grossi et, bien que mollement poursuivi par Bernard de Saxe-Weimar, ce ne fut qu’en laissant aux mains de l’ennemi de nombreux prisonniers et une grande quantité de bagages, qu’il parvint à repasser le pont d’Apre- mont. Bientôt Gray vit revenir en désordre cette armée dont le seul bruit avait fait trembler la France : la plupart (1) Matherot et Brun à la cour, Gray, 15 septembre 1636. — Corr, du parlement. Arch. du Doubs, B 204. (2) La cour à Matherot et Brun, Dole, 23 septembre 1636. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 42. (3) Sur le siège de Saint-Jean-de-Losne, cf. Gazette de France, extra- ordinaire du 12 novembre 1636 : Le siège levé devant S. Jean de Losne par Galas, avec perte de huit cens Impériaux, et ce qui s’est n’aguères passé en Bourgongne ; Mercure françois, t. XXI, p. 110 ; GIRARDOT DE NozERoOY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 148 ; RicHELIEU, Mémoires (coll. Michaud), t. III, p. 83 ; AUBERY, Mémoires pour l’histoire du cardinal duc de Richelieu, t. I, p. 713 ; DE LA MARE, De bello Burgundico, p. 25; CaMPION, Mémoires, p. 87; La VALETTE, Mémoires, t. I, p. 225 ; MONTGLAT, Mémoires, t. I, p. 137; SI- ROT, Mémoires, t. I, p. 283; FoRGET, Mémoires des guerres de Charles IV, duc de Lorraine, fol. 161 ; BÉGUILLET, Histoire des guerres des deux Bourgognes, t. Il, p. 76 ; COURTÉPÉE, Description historique et topographique du duché de Bourgogne, t. IT, p. 315 ; SAINT-FoIx, Œuvres complètes, t. V, p.414; V. LaDev, Relation historique du siège de Saint-Jean-de-Losne, dans Les deux Bourgognes, t. IT, p. 201 ; Duc D'AUMALE, Histoire des princes de Condé, t. III, p. 289 ; L’abbé Tomas, La belle défense de Saint-Jean-de-Losne en 1636 (Dijon, 1886, in-8), — 9286: — des corps. qui .la CHHApRERES n'étaient! RAiée que dominer d'eux-mêmes (1). À la Charité, le marquis de Conflans fut des premiers ins- truit de ce désastre. Il rencontra à la chasse «un jeune ca-. valier de fort bonne mine... qui venoit tout battant de l’armée et alloit à Vesoul (2). » Ce gentilhomme appartenait au marquis de Bassompierre (3) : ce fut de sa bouche que le maréchal apprit les détails du siège de Saint-Jean-de-Losne et la « galanterie » avec laquelle:le duc dé Lorraine avait couvert la retraite (4) ne le consola point de l’échec subi par. les troupes impériales. Au reste, une lettre du marquis de: Saint-Martin au baron d'Oiselay lui avait déjà fait pressentir la décision de Gallas. | Qu’allaient pourtant devenir les projets formés pour atta- quer la Bresse ? La défaite des Impériaux ne permettait-elle pas aux Français d'envoyer quelques régiments dans cette (1) Cf. Gazette de France, extraordinaire du 19 novembre 1636 : La honteuse fuile de Galas, avec perte de huit mille de ses gens et d’une partie de son canon et bagage; Ibid., extraordinaire du 28 novembre 1636 : La chasse générale donnée au reste des troupes de Galas hors. de la Bourgongne, où il a esté contraint de faire crever une partie de sès canons, enterrer les autres et se sauver en Allemagne; Ibid., ex- traordinaire du 19 février 1637 : La liste des troupes de Galas, qui ont repassé le Rhin depuis le 16 jusques au 24 du mois de janvier der- nier; LA.VALETTE, Mémoires, t..1, p. 240. | En ce qui concerne les pertes de Gallas, la vérité est entre les asser- tions du gazetier français et l’avis suivant : « La perdida de la armada en esta retirada a sido de dos piezezuerlas de campana, cinquenta carros de municiones, 1,500 prisioneros de todos generos, y dos mil cavallos de ba- gaje, sin la gente que anda desmandada por la hambre. » Don Gabriel de Toledo à la cour, Besançon, 15 novembre 1636. — GÇorr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208. (21 Le marquis de Conflans à la cour, la Charité, 8 novembre 1636. — Pièces justificatives, V. (3) Anne-François, marquis de Bassompierre, major général des armées. impériales, fils de Georges-African de Bassompierre, marquis de Remo- ville, et d'Henriette de Tornielle, (4) Cf. FOoRGET, Mémoires des querres de Charles IV, duc de .Lor- ruine, fol. 152. al bEalg ot province ? Et était-il sage de songer à prendre l'offensive, quand le meilleur général de l’Empire abandonnait la partie ? Gallas avait reculé devant les éléments : que répondre à la cour de Dole, si elle objectait encore la nécessité d'attendre de nouveaux ordres des Pays-Bas avant de s’engager dans des chemins défoncés par la pluie ? Ces réflexions se succédèrent, rapides, dans l'esprit du maréchal et il lui fallut toute son énergie pour ne pas se lais- ser abattre. Il n'y avait rien à attendre de Gallas. Le général impérial revenait, aigri par la défaite, irrité des pasquins qui couraient sur son compte (1) et plus animé que jamais contre Charles IV, avec lequel il ne s'était jamais du reste sincère- ment réconcilié @). Un moment, on crut qu’une bataille se livrerait sous les murs de Gray : un gentilhomme vint, le. 41 novembre, demander au commandant de la place de la poudre et des balles ; déjà il était question de construire des ponts pour mettre les bagages en süreté(3); mais les Français ne jugèrent pas à propos de poursuivre les Alle- | mands dans le comté de Bourgogne. Par courtoisie, Gallas . envoya le baron d'Enkenvort (4) solliciter la permission de cantonner ses troupes pendant quinze jours &) ; puis, sans (1) Cf. Le magistrat de Gray à la cour, 26 novembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208. Tout le monde connait la caricature qu’accompagnent ces méchants vers : Je suis ce grand Galas, aultrefois dans l’armée La gloire de l'Espagne et de mes compaignons. Maintenant je ne suis qu'un corps plein de fumée Pour avoir trop mangé de raves et d'oignons. (2) « J’ay toujours creu que leurs chevaux ne tireroyent jamais bien en- semble. » Buson à la cour, Besançon, 4 octobre 1636. — Corr. du par- lement. Arch. du Doubs, B 207. Cf. Gazette de France des 29 novembre 1636 et 10 janvier 1637. (8) Le sieur d’Andelot-Tromarey à la cour, Gray, 9 et 11 novembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208. (4) Adrien, baron d'Enkenvort, sergent de bataille des armées impé- riales, puis feld-maréchal au service de l'électeur de Bavière. (5) Boïtouset, Buson et Lulier à la cour, Besançon, 16 novembre 1636, — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208, — 283 — attendre la réponse du parlement, il se saisit des meilleurs villages entre la Saône et l’Ognon ; sa cavalerie, forte de 10 à 12,000 chevaux, culbuta les compagnies du marquis de Conflans el les obligea à descendre précipitamment au bail- Jiage d’A val (1). | | Tout autre que Guérard de Watteville eût perdu courage dans une circonstance aussi critique. L'expérience du vieux soldat lui fit adopter sur le champ le meilleur parti à prendre ; rendez-vous fut donné à tous les capitaines à Port- Lesney ; c'était une place d'armes excellente, couverte par la Loue et par la forêt de Chaux, d’où il était facile de se rendre en quelques heures, soit à Salins, soit à Dole, soit à Besançon, et, tandis que le procureur général regagnait Gray avec Matherot et que le vice-président cherchait inutilement à assembler la cour (2), le maréchal put donner tous ses soins à compléter les détachements de cavalerie qui arrivaient un à un. D'ailleurs il avait ses raisons pour ne pas renoncer à en- vahir la Bresse. L’auditeur que le parlement avait député aux Pays-Bas était arrivé à Bruxelles 6) ; il avait vu l’infant, mais celui-ci ne s'était pas laissé ébranler. Quelques objections que Privey (# pût respectueusement lui soumettre, le prince Gp emma Des ce a Dee De = ee ee ee © "— ———— (1) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 152. (2) Boyvin, Perrin, Briot et Toytot refusèrent de quitter Dole ; Lulier et Boitouset déclinèrent également l'invitation du doyen de la compagnie ; quant à l'avocat général Garnier, il sollicita un délai pour faire sortir de Pontarlier ses enfants et sa femme : « Autrement, écrivit-il, je serois con- trainct de faire trois mesnages, à Dole, à Salins et à Pontarlier. » Garnier à la cour, Pontarlier, 18 novembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208. Cf. Boitouset à la cour, Besançon, 12 novembre 1636; Lulier à la cour, Besançon, 12 novembre 1636 ; Boyvin à la cour, Dole, 14 novembre 1656. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 92. (3) Privey à la cour, Namur, 2 novembre 1636. — Corr. du parlement. Arch du Doubs, B 208. | (4) Daniel Privey, auditeur à la chambre des comptes de Dole, fils de François Privey, marchand, et de N. Maignien. Ses instances étaient ap- = === maintint ses premiers ordres : : ainsi, dit Girardot de Nozeroy, « là cour n’eut autre response de son Altesse, sinon qu’elle luy avoit mandé ses intentions par lettres précédentes aux- quelles elle se conformeroit, et fut envoyé par le mesme courier recharge au marquis pour la ditte entreprinse de Bresse (1). » Ce fut vraisemblablement l’arrivée de ce courrier qui dé- cida Guérard de Watteville à activer ses préparatifs d'entrée en campagne. Pour réaliser son dessein, il lui fallait des armes, des munitions, de l’argent, et tout cela dépendait de la cour (2). Pressé de fournir au maréchal les moyens d'agir, le vieux Chaumont crut devoir prendre lPavis de ses confrères. Brun et Matherot furent ceux qui désapprouvèrent le plus énergiquement toute expédition : « Le passé, répondirent-ils, nous à assés faict cognoistre depuis peu combien nous sommes éloignés de semblables entreprises, qui dans leur apprest achèveroient de consommer la province et se treuve- roient trop foibles néammoins au point de l'exécution. » Ils accordèrent seulement que, dans le cas où Charles IV xou- drait lui-même entrer en Bresse avec 2,000 chevaux et 800 fantassins, on pourrait distraire des garnisons de la province : 2,000 hommes d'infanterie et 400 cavaliers pour les mettre sous les ordres du duc : « C’est tout ce que nous croyons _pouvoir estre faict, ajoutèrent-ils, tant pour obéir à ce que S. À. nous commande que pour la conservation mesme du pays G). » Qui se douterait, en lisant cette dépêche, que Brun devait devenir à trois mois de là le plus déterminé partisan de l’offen- _puyées à Bruxelles par le baron de Laubespin, Cf. L'abbé de Theuley à la cour, Bruxelles, 25 avril, 1637 ; le baron de Laubespin à la cour, Poligny, 4 juin 1637. — Corr, du parlement. Arch. du Doubs, B 217, 219. (1) Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 141. (2) « Sans son ayde, il ne pouvoit avoir ny munitions, ny vivres, ny ar- gent pour ses trouppes. » GIRARDOT DE NOZEROY, op. cil., p. 153. (3) Matherot et Brun à la cour, Gray, 17 novembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208, 19 — 290 — sive? À cette date, le remuant magistrat ignorait que l’idée d'occuper la Bresse émanäât de Thomas de Savoie, et son am- bition ne lui avait pas encore suggéré de s’insinuer par l’in- termédiaire de ce prince dans les bonnes grâces du cardinal infant (1) : il était exclusivement frappé des plaintes aux- quelles donnait lieu l’avidité des troupes étrangères. Tout allait de mal en pis au bailliage d’Amont. Le 93 novembre, le colonel Taupadel (2) surprit dans Jussey le régiment de Gaspard de Mercy () : le lieutenant-colonel Fleckenstein (à fut fait prisonnier et bon nombre d'officiers restèrent avec lui aux mains des Weimariens (5). Le 30, ce fut le tour de la ville de Jonvelle, qui se rendit après avoir souffert deux cents coups de canon: d'immenses approvisionnements y avaient été réunis et deux mille muids de vin notamment grossirent le butin du vainqueur (6). Nulle part les Impé- (t) Cf. GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche- Comté de Bourgongne, p. 153. (2) Georges-Christophe Taupadel, général major au service du duc de Weimar et colonel d’un régiment de cavalerie. (3) Gaspard, baron de Mercy, était le frère aîné de l’illustre capitaine que l’Empire opposa dans la suite à Turenne et à Condé : devenu maré- chal de camp, il trouva la mort à Fribourg (5 août 1645). « Modeste, simple, très vaillant, il avait, dit le duc d'AUMALE, des habitudes humaines, fort rares à cette époque et qui le faisaient chérir partout. » Histoire des princes de Condé, t. IV, p. 344. (4) Georges-Henri de Fleckenstein fut nommé colonel du régiment à la mort de Gaspard de Mercy. (5) Gazette de France du 6 décembre 1636 ; Ibid., extraordinaire du 10 décembre 1636 : Les particularités de la défaite du régiment du co- lonel Merci, avec les postes des armées de Bourgongne et la prise d’un comte Bourguignon; MACHERET, Journal de ce qui s’est passé de mé- morable à Lengres et aux environs depuis 1628 jusqu’en 1658, t, I, p. 63 ; COUDRIET ET CHATELET, Histoire de Jussey, p. 354; In., Histoire de la seigneurie de Jonvelle, p. 550 ; G. DROYSEN, Bernhard von Wei- mar, t. IT, p. 162. (6) Le cardinal de la Valette à Richelieu, 3 décembre 1636, — AUBERY, Mémoires pour l’histoire du cardinal duc de Richelieu, t. I, p. 727; Boyvin au prieur de Bellefontaine, Dole, 8 décembre 1636, — Mss. Chifflet, t. CXXXII, fol. 292; Gazette de France du 20 décembre 16%; = SR = riaux ne tenaient tête aux hardis cavaliers de Weimar ; ils préféraient extorquer tout l’argent qu'ils pouvaient à leurs hôtes ; au pillage se joignaient les « bruslemens, tueries, vio- lemens de femmes, saccagemens d'église, » et, poussés a bout, les paysans assommaient sans miséricorde les soldats isolés (1). On songeait bien à députer un gentilhomme au roi de Hongrie, mais qui garantissait que cette démarche ne serait pas, suivant le mot de Boyvin, « médecines après la mort (2)? » C'était le temps où les habitants de Gray écri- vaient à la cour : « Nous avons souhaité ici maintes fois Vos Selgneuries pour témoins oculaires de nos misères..….. Elles auroient vu nos vlilages brûlés pour la majeure part, nos bestiaux emmenés et ravis, nos grains et nos vins perdus à profusion... les loges de nos pauvres pestiférés nuitamment pillées sur le bord de nos fossés, nos paysans tués et rançonnés, nos sentinelles égorgées à la barrière, et nous remis et réduits dans le pourpris et à l’étroit de nos mu- railles, dont encore à présent ne nous est-il permis de dé- busquer que sous la risque de telles violences, qui nous sont tant plus sensibles qu’elles procèdent de l’ami, contre lequel nos armes sont émoussées et nos canons muets G. » Lu- gubre époque, en vérité, que celle où l’on ne savait qui était le plus à craindre, de l’allié ou de l'ennemi déclaré ! Ibid., extraordinaire du 26 décembre 1636 : Les particularitez de la prise de la ville de Jonvelle; GRUEN, Tagebuch (Bibl. de Gotha), fol. 157; RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 85; MonTGLAT, Mémoires, t. I, p. 139 ; LA VALETTE, Mémoires, t. I, p. 245; B. ROESE, Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen- Weimar, t. II, p. 129; COUDRIET ET CHATELET, Histoire de la seigneurie de Jonvelle, p. 266 ; G. DROYSEN, Bernhard von Weimar, t. II, p. 262 ; J. Roy, Turenne, sa vie, les institutions militaires de son temps, p. 34. (1) Cf. Gazette de France du 6 décembre 1636. (2) Boyvin à Briot, Toytot et Perrin, Dole, 18 novembre 1656. — E, CLERC, Jean Boyvin, p. %5. La date indiquée par M. Clerc est inexacte. :(8) Le magistrat de Gray à la cour, Gray, 26 novembre 1636. — GCorr. du parlement. Arch. du Doubs, B 208. — 9292 — IV Si affaiblie que fût l’armée impériale, elle ne laissait pas que d’inquiéter le cardinal de Richelieu, et ce fut par l’ordre de celui-ci que, dans les derniers jours du mois de novembre, le sieur de Melay (1) entretint du rétablissement de la neu- tralité les magistrats qui étaient demeurés à Dole ; il leur déclara qu'après avoir tout d’abord médiocrement goûté cette proposition, le prince de Condé avait fini par Pagréer UE); Henri de Bourbon protestait d’ailleurs qu’il serait injuste de le rendre responsable des maux des Franc-Comtoïs, puisqu'il n'avait envahi la Franche-Comté qu’à regret 6). Les ouvertures du gentilhomme français trouvèrent peu d’écho, d'autant plus que la suspension d’armes qu'il négo- ciait ne devait s'étendre qu'aux deux Bourgognes. « Les sentiments que j'ai des François, dit le vieux conseiller Perrin, sont ceux que Laocoon avoit des Grégeois (&) : tout ce qui vient d'eux m'est grandement suspect, veu le peu d'estat qu’ils font d’observer les traités faits avec eux... Voici, ajouta-t-il, la troisième ou la quatrième fois qu’ils proposent ce renouvellement. » Cette suspension d'armes, dit un autre conseiller, ne peut être « qu’en figure, car il n’est pas au pouvoir de m' le Prince d’arrester les armes de (1) Antoine Damas, seigneur de Melay, fils de Jean Damas, baron de Marcilly, seigneur de Sassangy, et de Catherine de Messey. (2) Boyvin à Briot, Toylot et Perrin, Dole, 30 novembre 1636. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 108. à | (3) Le prince affirmait « n'avoir agi que par commandement. » Cest l'assurance qu’il renouvela plus tard à deux députés du parlement, rejetant toute la responsabilité de la guerre sur Richelieu, « lors roy de France et de Navarre. » Cf. Buson, Garnier et Richard à la cour, Dole, 14 mai 1645. — Mss. Chifflet, t. XXX VII, fol. 266. (4) Les souvenirs classiques de M. Clerc l’ont mal servi, lorsqu'il a transcrit ce passage comme il suit : « Les sentiments que j’ai des Fran- çois sont ceux que Laocoon avoit des Troyens..... » Perrin à Boyvin, Dole, 1: décembre 1636. — E. CLErc, Jean Boyvin, p. 106. PRESS — 293 — mr le cardinal de la Valette et du prince de Veymard de Saxe, ny aux autres qui seront à la Bresse, qui n’est com- prinse dans le traité de neutralité (1). » Briot fut du même avis et, résumant les opinions de ses confrères, Boyvin conclut à l’ajournement des pourparlers jusqu’à ce qu’on fût autorisé à les reprendre par le gouvernement des Pays- Bas (2). Plus sérieuses et mieux accueillies furent les ouvertures que fit à peu près à la même époque le baron de Cressia (3). _ C’est une singulière figure que celle de ce gentilhomme : né en Franche-Comté, il possédait de grands biens en France ; son fils, le marquis de Coligny (), servait dans les armées de Louis XIIT ; pour lui, dès le début des hostilités, il avait affecté de demeurer neutre. Ce n’était pas un traître ; le rouge lui serait monté au visage à la pensée d’accompa- gner au camp français le sieur de Gâtey 6) ; à plus forte rai- — —— ee ct 4) Toytot à Boyvin, Dole, 1* décembre 1636, — E. CLERC, op. Ett p.108. (@) Boyvin à la cour, Dole, 1e" décembre 1636. — Ip., op. cit., p. 109, Cf. Le sieur de Melay à Richelieu, Bellegarde, 10 décembre 1636. — Affaires étrangères. Bourgogne, t. MCCCXCI, fol, 30. (3) Clériadus de Coligny, baron de Cressia, fils de Philibert II de Coli= gny, baron de Buenc et seigneur de CGressia, et de Gabrielle de Dinteville. (4) Joachim de Coligny, marquis de Coligny, fils de Clériadus de Colr- gny, baron de Cressia, et de Catherine de Châteauvieux, dame de Cusance et de Verjon. (5) Cilériadus de Marmier, seigneur de Gâtey, Talmay, Saint-Julien, ete., fils de Jean de Marmier, seigneur de Gâtey, et de Paule de Pontailler. _Abimé de dettes et tenu à l'écart par suite d’une mésalliance, le ressen- timent et l’ambition le poussèrent à prêter l'oreille aux flatieries de Riche- lieu « louant le courage qu'il avoit de se porter chef de la noblesse de Bourgongne pour la tirer de l'oppression des cleres. » Ce fut lui qui con- seilla à Condé d'attaquer Dole de préférence à Gray; il accompagna le prince au siège, vit ses avis dédaignés et mourut sans avoir reçu le prix de sa défection. En apprenant sa fin, ses compatriotes se contentérent de dire : « Il seroit à souhaiter que le sieur de Gasté fût mort avec plus -de réputation, » La cour au sieur d’Andelot-Tromarey, Dole, 6 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 210. Cf. Boyvin au prieur de Bellefontaine, Dole, 31 janvier 1636. — Mss. Chifflet, t. CXXXII, fol. 257. — 294 — son n’eût-il pas consenti à prendre les armes contre la patrie de ses aïeux, comme le comte de Commarin (). Plein de l’orgueil de son nom et conservant longtemps le souvenir des affronts reçus, il se tenait tantôt à Cressia, terre d’Es- pagne, tantôt à Verjon, terre de France (2), sans frayer avec ses égaux. Le marquis de Varambon et le marquis de Cor- flans étaient ses adversaires déclarés : le premier ne lui par- donnait pas l’indigne calomnie dont il avait osé ternir la réputation de sa cousine, l’angélique Claude de Vienne G) ; le second ne pouvait oublier qu’en pleine paix sa maison de Châteauvilain avait été pillée par un frère de ce douteux voi- sin (4), Il était étroitement lié avec le marquis de Thianges, mais cette liaison même le rendait suspect aux Pays-Bas. Traiter avec lui était dangereux, car on ne savait pas où les négociations conduiraient : le moindre risque qu'on courût était d’être compris dans la défaveur qui s’attachait à sa per- sonne (5). Néanmoins il ne se rebutait pas et ses messages se multipliaient (6), sans qu'il soit aisé de démêler aujour- (4) Charles de Vienne, comte de Commarin, fils de Jacques-François de Vienne, comte de Commarin, et de Françoise de la Magdelaine de Ragny. Le comte de Commarin offrit, le 411 mai 1636, de livrer à Ja France le château de Joux et le val de Morteau; il demandait, en retour, la charge de maréchal de camp et le commandement d’un régiment, — Affaires étrangères. Franche-Comté, t, MDLXXIX, fol. 151. (2) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 74. (3) Claude de Vienne, dite de Bauffremont, en religion sœur Marie-Agnès de la Visitation Sainte-Marie, fille unique de Joachim de Vienne, dit de Bauffremont, marquis de Listenois, seigneur d'Arc-en-Barrois, Fou- vent, etc., et de Claudine-Marguerite de Coligny, sa première femme, Le baron de Cressia avait voulu faire épouser à son fils sa nièce Claude de Vienne, et tous les moyens lui avaient paru bons pour empêcher celle- ci d'embrasser la vie religieuse. Cf. C. BaiLLEe, Deux vocations religieuses chez les Bauffremont au X VIF siècle, p. 7. (4) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 74. (5) Cf Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 31 janvier 1637. — Pièces jus- tificatives, XIX, (6) « Le sieur de Cressia est ung fort dangereux homme, et crois que — 295 — d’hui dans quel intérêt il déployait tant d'activité et de per- sévérance. L'histoire hésite à le juger ; les contemporains eux-mêmes ont été embarrassés pour qualifier sa conduite (1); peut-être n’obéissait-il, au fond, qu’au désir de préserver ses terres de Bresse des fureurs de la guerre. Quoi qu’il en soit, au commencement du mois de décembre, Clériadus de Coligny mit en avant l’idée d’une trève entre le bailliage d’Aval, le Bugey et la Bresse, et le parlement chargea le sieur de Romette (2) de s’aboucher avec lui 3). Le marquis de Conflans se tint en dehors de cet arrange- ment, car tout ce qu'il aurait pu objecter eût paru dicté par un ressentiment personnel, mais son impatience de se me- surer avec les Français n’en devint que plus vive. L’infan- terie n’était pas encore au complet. A la tête de la cavalerie, Guérard de Watteville mit le baron de Boutavant (4) avec le titre de commandant de l’escadron de Bourgogne en Bresse. La nomination était heureuse : d’un caractère emporté, mais d’une bravoure à toute épreuve, Marc de Montaigu avait servi aux Pays-Bas et en Allemagne ; le maréchal l'avait eu sous ses ordres l’année précédente et n'ignorait pas que l’ardeur de son lieutenant était stimulée par le désir de mériter l’absolution du combat singulier dans lequel avait c'est luy qui faict toutes ces mauvaises prattiques en ce peys. Ses messa- gers ne marchent que de nuict. Voylà pourquoy nous avons de la peine de les arrester. C’est chose estrange des correspondances qu'il tient en ce peys. » Garnier à la cour, Clairvaux, 15 avril 1637, — Corr. du parle- ment. Arch. du Doubs, B 216. (4) GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit , p. 243. (2) Anatoile Charreton, seigneur de Romette, auditeur à la chambre des comptes de Dole, fils de Benoit Charreton, premier maitre à la même chambre des comptes, et d’Henriette d’Azuel. (3) Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 11 décembre 1637. — Pièces justificatives, VI. (4) Marc de Montaigu, baron de Boutavant, seigneur de Charchilla, Ves- cles, Gevingey, etc., fils de Clériadus de Montaigu, seigneur d’Athoze, et _ d'Antoinette Gauthiot, dame de Boutavant. 200 = avait péri le sieur de Châteaurouillaud (1). Lui-même établit son quartier général à Lons-le-Saunier, où se formait lente- ment le régiment du sieur de Goux. Deux compagnies de chevau-légers furent envoyées à Chavannes @) ; deux autres allèrent occuper Courlaoux et bientôt une reconnaissance ramena des prisonniers dont on pouvait tirer bonne ran- çon (3). Le 10 décembre, Girardot de Nozeroy vint visiter le mar- quis. À force de chevaucher à la suite des armées, le sieur de Beauchemin avait acquis une certaine expérience mili- taire : 1l critiqua les dispositions adoptées ; Lons-le-Saunier n'était qu'à une lieue de la frontière et pouvait être emporté sans canon; Courlaoux était à la merci d’un coup de main; la garnison de Chavannes lui parut également trop en l'air (@). Guérard de Watteville prit ces observations en bonne part, mais allégua la nécessité de ne rien changer aux ordres de la cour : c'était elle qui avait réparü les troupes dans les (1) Louis-Nicolas de Balay, seigneur de Châteaurouillaud, fils d'Antoine de Balay, dit de Mouchet, seigneur de Marigna, la Boissière et Château- rouillaud, et de Marguerite de Favernier. Onze ans auparavant, il avait été tué en duel par le baron de Boutavant, et les instances de celui-ci pour obtenir des lettres de rémission étaient demeuréés sans résultat. — Cf. La cour au cardinal infant, Dole, 27 février 1637, — Corr. du parle- ment. Arch. du Doubs, B 213. | (2) Chavannes-sur Suran, village du canton de Treffort, arrondissement de Bourg, département de l’Aïn. (3) Le capitaine Choz enleva, entre autres, les deux fils d’un banquier de Lyon. Clériadus de Coligny protesta contre cette capture en alléguant que les deux prisonniers résidaient en Franche-Comté et qu’on s’exposait à voir les ennemis user de représailles : «Il y a à Lion seul plus de quatre mille personnes de ce païs, tant hommes que femmes, et à Mascon beau- coup et aux autres lieux de France... Sy ceste porte estoit ouverte d’ar- rester les domiciliés, seroit de grand préjudice, car il ne faut pas douter que les François ne fassent le semblable. » Le baron de Cressia au lieute- nant de Montmorot, Cressia, 12 décembre 1636. -- Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 209. (4) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Gomié de Bourgongne, p.153. — 997 — quartiers qu’elles occupaient, et, loin d'en recevoir la moindre assistance, il lui adressait inutilement demande sur demande. « Vous voudriez, écrivait-il, que je fasse des merveilles avec rien. Considérez que je n'ai ni poudre, ni plomb, ni mèche, ni imfanterie, ni canon. » Les pourparlers entamés avec le baron de Cressia lui semblaient dangereux, parce qu’ils endormaient la vigilance des populations voi- sines de la Bresse, tout en donnant aux Français le loisir de grossir leurs forces : « Je vous servirai bien, Dieu aidant, mais il faut agir promptement sans les laisser reconnoîitre ni nous laisser piper par leurs belles paroles et neutralités. » Et, parlant du rétablissement de la paix, il ajoutait : « Elle est déjà tellement inculquée dans l’ésprit de ce peuple qu'ils croient qu’elle soit déjà faite (1). » Trois jours plus tard, l’évènement donna raison à Girardot de Nozeroy. Dans la nuit du 12 au 13 décembre, deux com- pagnies d'infanterie sorties de Louhans arrivèrent à l’im- proviste à Courlaoux ; les chevau-légers eurent à peine le temps de courir aux armes ; bon nombre d’entre eux suc- combèrent avant d’avoir pu se défendre ; un lieutenant et douze hommes furent faits prisonniers et près de cent che- vaux tombèrent entre les mains des Français. Des deux capitaines qui commandaient les Franc-Comtois, l’un était absent : l’autre s’était logé dans le château, vieille masure branlante où les ennemis n’entreprirent cependant point de le forcer (2). —_— nn (4) Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 11 décembre 1636. — Pièces justificatives, VE (2) Gazette de France du 27 décembre 1636 ; GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 153; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Hour- gongne (Bibl. de Dole), fol. 2 vo. Le Manifeste d'Antoine Brun a été publié par M: l'abbé Suchet (Annales franc-comtoises, t. V, p, 418; et par M. le président Clerc (Histoire des États généraux et des libertés publiques en Franche- Comté, 1. IE, p. 12), mais ces deux éditions offrent tant de lacunes, tant — 298, — À la nouvelle. de l'enlèvement de ce quartier, la cour de Dole se plaignit à Clériadus de Coligny de ce qu’elle regar- dait comme une infraction à la parole donnée. L’adroit per- sonnage répondit que la surprise de Courlaoux n’était que la revanche des courses faites par les chevau-légers établis dans le village ; de simples particuliers avaient exécuté ce coup de main sans l’aveu du marquis de Thianges ; au reste, aucun commandant des places de la Bresse n’y avait pris part. C'était un mensonge et la cour n’en fut pas dupe ; elle feignit néanmoins de se contenter de cette excuse, dans la crainte de rendre la conclusion de la suspension d'armes plus difficile (1). Le marquis de Conflans ne dit rien, mais il cassa le capitaine qui ne s'était pas trouvé à son poste ; une compagnie d'infanterie reçut en même temps l’ordre d’aller renforcer la garnison de Chavannes. L’imagination des gazetiers français a transformé ce der- nier poste en une ville presque imprenable (2). Ce n’était, en réalité, qu’un gros bourg bâti sur la rive droite du Suran, que protégeait une enceinte flanquée de huit tours de pierre: les brèches étaient nombreuses et on ne s'était pas mis en peine de les réparer. Sentinelle avancée du bailliage d’Aval, Chavannes aurait pu tenir la Bresse en respect, si les commis au gouvernement y avaient jeté des forces suffisantes, mais, au mois de décembre, il n’était occupé que par les deux compagnies de chevau-légers des sieurs de Vaudrey (G) et d’'Amandre (4). Cette poignée de cavaliers inquiétait cepen- de fautes, que je préfère renvoyer le lecteur au manuscrit préparé pour l'impression par le célèbre procureur général. (1) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la PEgieses Comté de Bourgongne, p. 154. (2) Gazette de France, extraordinaire du 22 janvier 1637 : Particulari- tez de la prise de Chavanes, ville de la Franche-Comté, par le sieur de Thianges. (3) Léonor-Philibert de Vaudrey, chevalier de Malte, fils de François de Vaudrey, seigneur de Beveuges, et de Françoise de Meligny. (4) Hardouin d’Amandre, seigneur de Bouligney, fils de Claude-Martin d'Amandre et de Jeanne de Ferroux,- — 299 — dant la petite ville de Treffort (1), que deux lieues seulement séparaient de Chavannes ; c’est ainsi que, le 21 décembre, ils mirent le feu à quaire ou cinq maisons du village de Si- mandre (2); quelques jours auparavant, ils avaient pillé la Chartreuse de Sélignat (3) en revenant du fourrage. Le marquis de Thianges résolut de châtier les hardis pico- reurs. Instruit de ce dessein par son fils (4), le baron de Cressia s’entremit inutilement pour obtenir que les courses fussent interdites de part et d’autre ; il écrivit à la cour de Dole, mais, soit que sa lettre eût été remise trop tard, soit que le parlement n’eût pas osé prendre sur lui d'envoyer un ordre, aucune réponse ne vint et il ne lui resta qu’à attendre les événements. Le 1er janvier 1637, le marquis de Thianges arriva à Tref- fort avec 50 volontaires, 400 miliciens et 300 hommes tirés des régiments d’'Enghien et de Rebé ; il y trouva une partie de ses gendarmes, commandés par le lieutenant de Ferras- sières (5), ainsi que la compagnie de carabins du sieur de Courlon (6) et les compagnies de chevau-légers des sieurs de Chastellux (7), de Livry (8) et de Montjouvent (9) ; c'était, en tout, 250 chevaux et 700 fantassins, (1) Treffort, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Bourg. (2) Simandre, village du canton de Cuisery, arrondissement de Louhans. (3) La chartreuse de Sélignat, située au pied de la montagne sur laquelle s'élevait le château d’Arnans, était la trente-huitième maison de l'ordre. (4) « Il n’est plus temps de dellayer et abuser de sa bonté et de vostre entremise, car il (le marquis de Thianges) a résolu qu’aussitost qu’il sçaura par vous leur dernière résolution, de faire ce à quoi il est obligé. » Le marquis de Coligny au baron de Cressia, Verjon, 25 décembre 1636. — Gorr. du parlement. Arch. du Doubs, B 209. (6) Jean du Puy de Montbrun, seigneur de Ferrassières, fils de Jean du Puy de Montbrun, marquis de Montbrun, et de Lucrèce de la Tour. (6) Charles d’Antignate, seigneur de Courlon. (7) César-Philippe, vicomte de Chastellux, fils d’'Hercule de Chastellux, comte de Chastellux, vicomte d’Avallon, et de Charlotte le Genevois. (8) Auguste Sanguin, seigneur de Livry, fils de Jacques Sanguin, seigneur de Livry, et de Marie Dumesnil. (9) François-Marie de Montjouvent, dit de Messey, fils de Marie-François = Si — A deux heures après minuit, cette petite troupe se mit er marche. On n'eut pas fait une lieue, que les coureurs d'avant-garde se heurtèrent aux vedettes ennemies ; les sieurs d’Amandre et de Vaudrey avaient été prévenus qu’ils allaient être attaqués et se tenaient sur leurs gardes. Quel- ques coups de feu furent tirés, puis les cavaliers franc- comtois revinrent à toute bride donner l’alarme; les capi- taines firent sonner le boute-selle; le tocsin signala l'approche de l’ennemi, et, en poussant leur pointe, les éclaireurs du marquis de Thianges découvrirent les chevau- légers rangés en bataille dans une petite plaine en avant du bourg. On tint conseil à cheval : malgré leur supériorité nu- mérique, l'incertitude des combats de nuit fit Do aux Français le parti d'attendre le jour. _ Il pouvait être huit heures du matin, quand l'infanterie et la cavalerie ennemies parurent devant Chavannes : après avoir reconnu les forces de leurs adversaires, les Franc- Comtois étaient rentrés dans la place, car l'infanterie qu’ils attendaient n’était pas arrivée. Au signal donné, les mous- quetaires français prennent le pas de course et se logent sur le bord du fossé, d’où, pendant une heure, ils entretiennent avec les défenseurs de Chavannes une fusillade sans grand effet. Impatienté, Charles Damas fait jouer deux pétards ; la porte tombe, mais derrière elle les assaillants rencontrent une herse que consolide une lourde charrette de fumier ; force est de recourir aux charpentiers, qui, à coups de hache, pratiquent une ouverture capable de donner passage à deux hommes à la fois. En même temps, des échelles sont dressées contre les murailles. Les chevau-légers d’Amandre et de Vaudrey se retirent dans la moins délabrée des tours : là, sans autres armes que leurs pistolets, ils continuent à se défendre jusqu'à ce que, ayant épuisé toutes leurs munitions, de Montjouvent, dit de Messey, seigneur de Montjouvent, Messey, Nans, etc., et d'Angélique de Vienne. — a — ils soient obligés de faire signe qu’ils demandent à composer, Il est dix heures. Le marquis de Thianges exige qu ils se rendent à discrétion et grand est son étonnement, lorsque le défilé des prisonniers lui révèle qu’il n’a guère eu affaire qu’à quatre-vingts cavaliers (1), - Si Chavannes avait. pu tenir quelques heures de plus, les Français n'auraient probablement pas r'epassé la frontière aussi tranquillement qu'ils le firent. Au premier bruit de l'attaque, le marquis de Conflans était parti de Lons-le- Saunier en toute hâte ; ses éclaireurs avaient dépassé Saint- Julien, quand la place fut prise; lui-même faisait souffler ses chevaux à Gigny, songeant, non sans inquiétude, aux conséquences du retard apporté à l'exécution de ses ordres et au blâme qu’il allait encourir (2). Qu’on juge de sa douleur à la nouvelle de l'enlèvement de ses deux compagnies de cavalerie : l'avertissement de Girardot de Nozeroy dut immé- diatement lui revenir à l’esprit. Son arrivée empêcha néan- moins les ennemis de poursuivre leurs avantages ; le mar- quis de Thianges regagna Bourg sons rien entreprendre sur Montileur ni sur Arinthod ; il se contenta de ramener avec lui les officiers pris à Chavannes, ainsi que de vieux dra- peaux trouvés dans la chapelle funéraire des anciens sei- (1) « Relation véritable de ce qui s’est passé en la prise de la ville de Chavanes en la Franche-Comté. » — Affaires étrangères. Franche-Comté, t. MDLXXIX, fol. 191 ; Gazette de France du 17 janvier 1637; Ibid., ex- traordinaire du 22 janvier 1637; Mercure françois, t. XXII, p. 95 ; GIRAR- DOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bour- gongne, p. 154; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche- Comté de Bourgongne, fol. 2 ve ; RICHELIEU, Mémoires, t. IT, p. 131. (2) « Nous avons apris avec un extrême regret le saccagement de Cha- vannes. C’est une faute d’y avoir laissé deux compagnies de cavalerie sans infanterie et si eslongnées de tout secours. Si celuy qui avoit commande- ment d'y mener cent mousquetiers n’a pas exécuté ses ordres dans le temps qui luy avoit esté marqué, il le faut chastier, en sorte qu'il serve d'exemple aux autres, » La cour à Brun, Dole, 6 janvier Ste — Gorr. “du parlement. Arch. du Doubs, B 9210. ;. = 0 — gneurs du village, que, suivant un contemporain, il envoya à Paris comme trophées de sa victoire (1), V La journée du 2 janvier 1637 est réellement le point de départ de la courte campagne que je me propose de raconter. Jusqu'ici le bailliage d’Aval a peu souffert des malheurs de la guerre : dorénavant c’est sur lui que porteront les princi- paux efforts des lieutenants de Louis XIII et toute la bra- voure du marquis de Conflans ne pourra que retarder le moment où Saint-Amour, Lons-le-Saunier, Bletterans tom- beront successivement au pouvoir des Français. Sije me suis appesanti sur les préliminaires de la lutte, c’est qu’il impor- tait d'indiquer les causes qui paralysèrent l'énergie du ma- réchal : je l’ai fait d'autant plus volontiers qu’un historien d'ordinaire mieux inspiré n’a pas rendu justice à l'intrépide capitaine (2). Loin de moi la pensée de méconnaitre les diffi- cultés contre lesquelles luttaient les membres de la cour de Dole ; elles étaient presque inextricables et on doit certaine- ment en tenir compte ; personne n’admire plus que moi la fermeté de Boyvin, lorsque, entouré de mourants (3) et aban- donné de la plupart de ses collègues, il continuait à faire sentir l’action du parlement dans la province au moyen d'innombrables dépêches, mais c’eût été trahir la vérité que dissimuler les faiblesses de l’éminent magistrat, qui, malgré cela, n’en demeure pas moins ce que nos pères appelaient un homme de Plutarque (#. (1) BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne, fol. 2 v°. (2) Cf. E. CLERC, Jean Boyvin, p. XXXVII. Rien ne justifie l’accusa- tion que M. Clerc porte contre Guérard de Watteville, lorsqu'il lui reproche d'avoir voulu dominer le parlement. (3) Il perdit coup sur coup deux de ses filles, sa belle-mère, sa belle- sœur et sa nièce. Cf. Boyvin au prieur de Bellefontaine, Dole, 23 novembre 1636. — Mss. Chifflet, t. CXXXII, fol, 291 v°. (4) La descendance féminine du président Boyvin subsisté dans la famille — 303 — Jetons cependant un rapide regard sur le théâtre de la guerre. A l’extrémité méridionale de la province, le bailliage d’A- val s’enfonçait comme un coin dans les terres du roi très chrétien : les Franc-Comtois avaient, par suite, l’avantage de pouvoir facilement prendre l'offensive ; moins riche que le bailliage d’Amont, cette partie de la Franche-Comté n’en constituait pas moins, selon le langage du temps, une mer- veilleuse place d'armes. Rien n’était plus aisé que de « for- mer un gros » aux environs d'Orgelet, où nous verrons plus tard le marquis de Conflans concentrer ses troupes, et de se porter sur tel ou tel point de la frontière ennemie, tandis que pour défendre celle-ci les Français étaient obligés de disséminer leurs forces dans une foule de petites villes et de petits châteaux. Il en eût été autrement, si le prince de Condé avait pu donner la main au marquis de Thianges : Guérard de Watteville aurait alors été contraint de faire front de deux côtés à la fois. Mais Henri de Bourbon a assez d’occupations en Bourgogne : toute son assistance se bornera à l’envoi de quelques régiments à son lieutenant et, quelque faible que soit l’effectif de la petite armée du marquis de Conflans, elle est encore, au début, sensiblement supérieure aux combat- tants dont Charles Damas dispose (1). Ce dernier est avant tout préoccupé des dangers que court Bourg; c’est dans cette ville qu’il se tient ; si les ennemis venaient à y entrer, aucun obstacle ne les empêcherait de pousser de hardis raids de cavalerie jusqu'aux portes de Lyon. La nature a fait du premier plateau du Jura un camp re- Garnier de Falletans; sa mémoire n’est point en oubli à Dole et, il y a quelques années, il a été question de lui ériger un monument sur la place de cette ville que déshonore actuellement la statue de la France aux pieds de Jules Grévy. (1) Loin d’avoir l'intention de prendre l'offensive après la surprise de Chavannes, le marquis de Thianges ne songeait qu’à défendre le Bugey et la Bresse. Cf. Pièces justificatives, IX, X et XII, mn re Zn tranché, d'où il est facile d'effectuer d’audacieuses sorties. Et, de fait, ce sont bien de véritables sorties que les enga- gements qui vont suivre, puisqu'après chacun d'eux les vainqueurs regagnent leurs quartiers en se contentant de laisser des détachements plus ou moins forts dans les posi- tions conquises. Quel parti ne tirerait pas un Henri de Rohan d’une position semblable ! Mais les capitaines tels que Jui sont rares, et ce n’est pas aux Pays-Bas que les officiers du marquis de Conflans ont pu apprendre la guerre de mon- tagne. Guérard de Watteville a d’ailleurs ses coudées moins franches que le glorieux défenseur des Cévennes ; il dépend de magistrats irrésolus qui. lui mesurent parcimonieusement leur appui; ses troupes, d'autre part, sont jeunes et il ne peut pas en exiger ce qu’on serait en droit de demander à de vieilles bandes. De là, un continuel manque de souffle dans l'effort et je ne sais quel décousu dans les opérations mili- taires, plus apparent peut-être que réel. Ces coups de main invariablement terminés par des razzias de bétail font songer aux incursions des clans écossais dans les basses terres ; le soldat y prend le goût du pillage ; quelle que soit l'humanité dés chefs, ils seront le plus souvent impuissants à contenir leurs hommes ; ceux-ci ont, au surplus, des représailles à exercer ; ils Nr mieux s’exposer à être brülés vifs que de s’en abstenir ; ils se souviennent des incendies allumés par les soldats de Condé et de la Meilleraie et il me semble les entendre répondre aux villageois de la Brésse les sup- pliant d’ de leurs pue demeures : « Quartier de Quingey (1) ! | Très Lénre est pourtant le terrain sur lequel le marquis de Conflans et son fils vont signaler leur bravoure. ———— — —— (1) Le 2% juin 1636, un détachement de l'armée qui investissait Dole avait mis le feu à la petite ville de Quingey. Cf. Boyvin, Le siège de la ville de Dole, p. 163 ; PETREyY-CHamPpvans, Leltre à Jean-Baptiste Petrey, sieur de Chemin, p. 70; Girarnor DE NozEroy, Histoire . de dix ans de la Frañche-Comté‘de Bourgongne, p. 104 El a È . Des Ada — 305 — Au midi, c’est le Bugey avec ses montagnes, ses défilés boisés, ses gorges étroites, où il est téméraire d’aventurer les pesants attelages de l'artillerie; nombreux y sont les châ- teaux et les maisons fortes de gentilshommes ; quelques an- nées ont suffi à rendre la population qui l’habite profondé- ment française d’habitudes et de cœur; elle est dure à la fatigue, courageuse et éminemment propre à la guerre de partisans ; une vieille mimitié existe du reste entre elle et les montagnards dont le cours de l’Aiïn la sépare. A l’ouest, la Bresse déroule ses plaines monotones, semées d'innombrables villages. Là, pas de barrières naturelles, en dehors de petits cours d’eau, la Seille, le Solnan, le Gizia, etc., qui, coulant parallèlement au Jura, peuvent tout au plus ar- rêter pendant quelques heures la marche d’une armée enne- mie. On n’y rencontre pas non plus de ville considérable : Savigny et Lounans couvrent Chalon, comme Treffort, Bourg ; mais, si leurs épaisses murailles de briques défient la sape, elles ne sont pas à l’épreuve du canon; aussi est-ce sur ce point que le marquis de Thianges enverra renfort sur ren- fort. Après cela, à une époque où la conduite de la moindre pièce de canon requérait un nombre invraisemblable de chevaux ou de bœufs, la force de la Bresse consistait dans son sol ; l’état des chemins devait à maintes reprises paraly- ser l’élan des Franc-Comtois, l'infanterie et la cavalerie elles-mêmes ne pouvant avancer qu'avec peine dans ces campagnes coupées de clôtures et de haies vives, que la pluie et la neige changeaient en véritables fondrières. Pour la revanche qu’il méditait, le marquis de Conflans avait sous la main seize compagnies de cavalerie (1), sus- ceptibles de mettre en ligne un peu plus de 600 maîtres. (1): C'était les compagnies des sieurs de Filain, de Cléron, de Mont, de Buthiers, de Beaujeu, de Boutavant, de-Jousseau, de Reculot, de Rahon, de Velle, de Grammont-Melisey, de Beauregard, de Valay l’ainé, de Valay le jeune, de Cerf et Choz. 20 — 306 — Antoine Duprel (1) venait en outre de lever 150 dragons, dont il se flattait de doubler promptement le nombre. Les trois régiments du comte de Bussolin, du sieur de Goux et du sieur de Champagne auraient dû être sur le pied de 200 hommes par compagnie ; en réalité, c’est tout au plus si l’ef- fectif de ces trois corps réunis était de 1,500 fantassins (2). Avec les levées du sieur de Lezay et 300 mousquetaires commandés par le sieur de Montrichard (3), l'infanterie comp- tait de la sorte près de 2,500 hommes. Point d'artillerie, ce qui était fâcheux, car elle jouait à cette époque un rôle d’'in- timidation curieux : aucune sommation n’était valable, si elle n’était appuyée par l'envoi de quelques boulets, ceux-ci ne fissent-ils que blanchir contre la muraille (#, et tout com- mandant croyait son honneur engagé à tenir dans la place qui lui était confiée, tant qu’il n'avait affaire qu’à un adversaire dépourvu de canon. Toutefois on savait que Gallas avait dé- posé à Gray ses grosses pièces (5) et Guérard de Watteville espérait en obtenir quelques-unes de la cour. Le: plomb manquait : afin de s’en procurer, on songea un instant à découvrir la grosse tour du château de Nozeroy (), mais les instances des officiers du comte de Nassau firent révoquer l’ordre donné (7); par les soins de Pierre de (1) Antoine Duprel, seigneur d’Arloz, fils de Pierre ne et d'Antoi- nette Marchant. (2) « Estat présent des forces de la Franche-Comté de Date eonens » Dole, 15 janvier 1637, — E. CLerc, Jean Boyvin, p. 127. (3) Roland de Montrichard, gouverneur de Nozeroy, fils de Gérard de Montrichard et de Louise Vauchard. (4) CF, Vte D’AVENEL, Richelieu et la monarchie absolue, t, LI, p. 9%. (6) Elles y étaient encore l’année suivante. J. GAUTHIER, L’artillerie de la place de Gray pendant les guerres du XVIIe siècle, dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, année 1892, roy (6) La cour à Chaucouvert, Dole, 16 janvier 1637, — Gorr, du parlement. Arch. du Doubs, B 210, (7) Les officiers du comte de Nassau à la cour, Nozeroy, 19 janvier 1637; les mêmes au marquis de Conflans, Nozeroy, 19 janvier 1637 ; la cour — 307 — Loisy (1), qui depuis le commencement de la guerre avait abandonné le burin pour approvisionner ses compatriotes de mousquets et de piques, des munitions furent achetées en Suisse et dans les Vosges (2) ; on en tira aussi de Salins et l'armement des soldats se compléta peu à peu. À Lons-le-Saunier, le procureur général secondait de son mieux Guérard de Watteville (G), Néanmoins il n'avait pas une entière confiance dans le succès de l'expédition ; la re- traite des Français après la prise de Chavannes lui paraissait «artificieuse et simulée ; » il flairait un piège dans leur inac- tion ; « pour ce, mandait-il à ses collègues en leur exposant les plans du maréchal, me treuvé-je en quelque appréhen- sion de l’exécution dudict desseing (4). » Au reste, il ne négligeait aucune occasion de connaître exactement le nombre et les dispositions des ennemis (5). Quant à comp- ter sur le parlement, il n’y fallait pas songer. Après avoir re- couvré Jonvelle et saccagé Bourbonne, Gallas venait de reprendre le chemin de l'Allemagne (6), laissant une partie de ses régiments occupés au siège d'Héricourt ; l'entretien de ces troupes allait devenir la principale affaire des mem- au marquis de Conflans, Dole, 22 janvier 1637 — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 210, 211. (41) Sur Pierre de Loisy, cf. J. GAUTHIER, Dictionnaire des artistes franc-comtois antérieurs au XIX° siècle, p. 13. @) On fit venir du plomb des mines de Plancher. (3) Il était revenu à Lons-le-Saunier dans les derniers jours du mois de décembre. Cf. La cour au marquis de Conflans, Dole, 27 décembre 1636. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 209. (4) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 22 janvier 1637. — Corr. du par- lement. Arch. du Doubs, B 211. (5) « Nous ne manquons pas de bons advis touchant la marche, la dis- position et les logements de nos voisins, ayant des espies parmy eux assés addroits. » Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 93 janvier 1637. — Pièces jus- tificatives, XI. (6) Gallas avait quitté son quartier général de Chariez le 13 janvier 1637 et était arrivé à Thann le 15. Cf. Don Gabriel de Toledo à la cour, Besan- çon, 16 janvier 1637 ; les barons de Scey et de Voisey à la cour, Chariez, 47 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs. B 210, — 308 — bres de la cour ; ils avaient craint de voir les Français repa- raître devant Dole et c’est à peine s'ils se remettaient de leur alerte depuis l'entrée du baron de Watteville (1) à Chaussin avec 400 cavaliers et 300 fantassins (2) ; découragés par linu- lité de leurs efforts et comprenant tardivement la nécessité d’une main énergique, ils conjuraient de nouveau le cardinal infant de pourvoir la province d’un gouverneur &). En vain le marquis de Conflans demandait-il des renforts : tout ce qu'il obtint du parlement, ce fut que les compagnies de cava- lerie du chevalier de Moiron ®), du jeune Gaucher et des sieurs de Cuse (5) et de Chevigny (6) allassent remplacer les compagnies enlevées à Courlaoux et à Chavannes (7) et que le sieur de Raincourt envoyât au bailliage d’Aval la moitié de son régiment (8), l’autre moitié étant nécessaire pour conte- nir la garnison française de Montbéliard, Trois semaines s’écoulent ainsi avant que le marquis de Conflans puisse prendre l’offensive. La saison est rude ; le déplorable état des routes retarde l’arrivée des convois et les (1) Béat-Jacques de Watteville, fils de Jacques de Watteville et d'Ursule de Muhlinen. (2) La cour à Brun, Dole, 6 janvier 1637 ; la cour au baron de Watte- ville, Dole, 7, 8 et 15 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 210 ; PETREY-CHAMPVANS, Lettre à Jean-Baptiste Petrey, sieur de CR p. 107: (3) La cour au cardinal infant, Dole, 16 janvier 1637. — E. CLERC, Jean Boyvin, p. 119. (4) Africain de Montaigu, seigneur de Moiron, chevalier de Malte, fils de Clériadus de Montaigu, seigneur d’Athoze, et d’Antoinette Gauthiot, dame de Boutavant. (5) Phihbert Precipiano, seigneur de Cuse, fils de René-Ferdinand pre cipiano, seigneur de Cuse, et de Marie de Mousties (6) Charles-Jules oies seigneur de Chevigny, fils de Léonel Labo- rey, seigneur de Byarne, et de Guillemette Bernard. (7) La cour au marquis de Varambon, Dole, 20 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 210. (8) La cour au sieur de Raincourt, Dole, 20 janvier 4637 ; la cour aux officiers d’Ornans, Dole, 21 janvier 1637 ; la cour au marquis de Conflans, Dole, 21 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 210. 300 = troupes pâtissent dans la place d'armes de Gigny (D. Le comte de Bussolin se tient à Orgelet; Antoine Duprel est à Montfleur (2) ; du côté de Saint-Claude, le sieur de Lezay re- connaît les passages à faire garder par les montagnards. La retraite du duc d'Orléans à Blois () a réveillé les espérances que l'Espagne met en ce perpétuel mécontent ; on sait qu'il travaille à former un parti contre le cardinal de Richelieu ; le bruit court qu'il est attendu dans les Dombes (4) et beaucoup de Franc-Comtois voient déjà la guerre civile allumée au cœur du royaume. Brun, à vrai dire, ne partage pas leurs illusions : des avis venus de Paris lui montrent, en effet, Monsieur prêt à se réconcilier avec son frère (). N'importe, ‘la fortune semble sourire de nouveau à la maison d'Autriche : Ferdinand II vient d'assurer l’Empire à son fils en le faisant élire roi des Romains (22 décembre 1636), et cette nouvelle a ‘été accueillie en Franche-Comté par de véritables trans- ports (6). Il semble que ce soit au tour des Français de se tenir sur la défensive ; le marquis de Thianges souffre de la goutte ; entre lui et le prince de Condé lPentente est loin d'être sincère (7) ; chacun d’eux se méfie de l’autre et depuis (4) GIRARDOT DE NoOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 154. (2) Duprel au marquis de Conflans, Montfleur, 19 janvier 1637, — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 910. (3) Sur la retraite de Gaston dOneans cf. MONTRÉSOR, Mémoires, t. I, p.37; GouLas, Mémoires. t. I, p. 302; RicHELIEU, Mémoires, t. IT, p. 86. (4) Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 29 janvier 1637. — Pièces justificatives, XVIT. (5) Paccard à Brun, Orgelet, 14 Janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 210. (6) « Le 14° de ce mois sur les 9 heures du soir les Espagnols qui sont à Dole tirérent force canonnades en resjouissance de l'élection du prétendu Roy des Romains. » Gazette de France du 24 janvier 1637. Cf. La cour à Gallas, Dole, 12 janvier 1637 ; la cour aux magistrats de Vesoul, Salins, Pontarlier, Poligny, Arbois, Lons-le-Saunier, Orgelet et Saint-Claude, Dole, 43 janvier 1637; la cour au roi de Hongrie, Dole, 16 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B210. (7) « J'ay veu par les lettres de messieurs Desnoiers et de Lavri- — 310 — longtemps les Franc-Comtois ne perdent pas une occasion d’attiser leurs soupçons réciproques (1). VI Ce fut le comte de Bussolin, « jeune seigneur vaillant et bouillant et affamé de gloire (2), » qui frappa le premier coup. Au milieu du mois de janvier il franchit la Bienne et marcha sur Dortan (3). Surpris par son arrivée inopinée, les Français se retirèrent au château sans livrer combat, On les somma de rendre la place et l'impossibilité d’être secou- rus les détermina à en ouvrir les portes le jour même; le seigneur de Dortan () fut envoyé à Saint-Claude avec sa fa- mille @), puis relâché sans rançon ; après quoi le capitaine du Thauc (6) alla reconnaître Arbent (7). Les Français avaient lière comme monseigneur le Prince veut mettre en effet les desseins qu'il a de longue main de me perdre. » Le marquis de Thianges à Richelieu, Paray-le-Monial, 29 novembre 1636. — Affaires étrangères, Bourgogne, t: MCCCXCIT, fol. 29. Cf. Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'Etat du cardinal de Richelieu, t. V, p. 200. (1) Au mois d’août précédent, le marquis de Thianges avait, sur la foi « d’un nommé Arnan quy sers dans le party des ennemis, » dénoncé Condé comme entretenant des intelligences avec ceux-ci : « Je me suis réservé de dire à Vostre Éminence par ceste qu’il dit que monsieur le Prince at intel- ligensse avec ceux de leur party et qu'il ce moquent de luy. » Le marquis de Thianges à Richelieu, Bourg, 27 août 1636. — Affaires étrangères, Bour- gogne, t. MCCCXCI, fol. 30. (2) GIRARDOT DE NOZEROY, Du repos ou retraite chrestienne au déclin de nostre äge, fol. 136. (3) Dortan, village du canton d'Oyonnax, arrondissement de Nantua, (4) Louis de Dortan, seigneur de Dortan et de Messia, fils de Pierre- Antide de Dortan et de Catherine de la Baume Saint-Amour. (5) BRUN, Manifesle au mom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne. fol. 3 vo. (6) Chrétien du Thauc avait bien servi pendant le siège de Dole à la tête d’une compagnie de deux cents hommes levée aux frais du magistrat ; au mois d'avril 1637, le marquis de Saint-Martin le fit mettre en prison pour avoir quitté son poste sans ordre ; on perd sa trace à partir de la reddition du château de Grimont (30 juin 1638). (7) Arbent, village du canton d’Oyonnax, arrondissement de Nantua. ui, — 9311 — élevé des barricades à l’entrée du village et percé des meur- trières dans les maisons. Toutefois ces retranchements im- provisés n'avaient pas une grande valeur défensive et l’avan- tage du nombre appartenait aux Franc-Comitois. Désireux d'éviter l’inutile effusion du sang, François de Watteville somma les défenseurs d’Arbent de mettre bas les armes. Pour toute réponse, un coup de feu étendit roide mort le tambour chargé de la sommation. D’autres parle- mentaires furent envoyés, qui se virent accueillis par d’in- sultantes railleries, et l’un d’eux revint atteint de trois mousquetades. À l’aspect de leur compatriote couvert de sang, la fureur des soldats ne connut plus de bornes ; sans avoir d'ordres, ils s’élancèrent, «teste baissée », sur les bar- ricades ; en un clin d'œil, celles-ci furent enlevées ; malgré les officiers, le feu fut mis au village ; cent quarante per- sonnes périrent dans les flammes et parmi elles le curé (). Cruauté imprudente, que le comte de Bussolin se crut obligé de justifier par un manifeste (2), bien qu'il eût fait passer par les armes quatre des incendiaires arrêtés la torche à la main (). On renonça à attaquer le château, sa situation ayant paru trop forte pour qu’on l’emportât sans canon, et quatre cents hommes demeurèrent seulement à Dortan sous le commandement du sieur de Molprel (4). Le bonheur avec lequel son fils s'était emparé en plein jour de la « clé du Bugey @) » rendit le marquis de Conflans jaloux. Il savait que les ennemis ne cessaient de recevoir des (1) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 23 janvier 1637. — Pièces justifica- tives, XIT. (2) Pièces justificatives, XI. (3) BRUN, op. cit., fol. 4 v°. Ce fut au combat d’Arbent que périt Ana- toile de Scey, fils ainé de Louis de Scey, baron de Chevroz, et d’Antoinette Pillot. (4) Claude d’Alemand, seigneur de Molprel. Dortan fut repris par les Français le 17 avril 1637. (5) GuICHENON, Histoire de Bresse et de Bugey, t. IL, 2e partie, p. 97. — 912 — renforts (1) : deux compagnies d'infanterie étaient à Meillon- nas (2) avec la moitié des dragons du marquis de Thianges ; huit compagnies occupaient Treffort et l’on attendait quatre autres compagnies à Chavannes. Raison de plus pour se hâter d’agir. | Le 22 janvier, Guérard de Watteville se dirigea sur Cui- seaux (3). Assise au pied du premier plateau du Jura, cette petite ville avait déjà été prise par le baron de Clinchamp au mois d'août précédent (5), mais on n'avait pas jugé à pro- pos de s’y maintenir OC). Ses murailles étaient bonnes; elle était largement approvisionnée de vivres; par malheur, la bourgeoisie se montrait peu disposée à seconder la garnison, dont l'effectif, au surplus, ne dépassait pas cent hommes. Sans s'émouvoir du feu des défenseurs de Cuiseaux, l'infanterie franc-comtoise prit ses dispositions de combat ; Guérard de Watteville reconnut lui-même les parties faibles de l’en- ceinte ; la cavalerie reçut l’ordre de se tenir prête à repous- ser le secours, si les éclaireurs signalaient l’approche d’un corps de troupes. Faute d'artillerie, on eut d’abord recours à la sape, mais l’impatience des assiégeants ne put attendre le (4) « I leur arrive des gents de toutes partz. » Paccard à Brun, Orgelet, 22 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, E 211. (2) Meillonnas, bourg du canton de Treffort, arrondissement de Bourg. (3) Cuiseaux, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Louhans. (4) Charles de Mailly, baron de Clinchamp, fils d’Africain de Mailly, baron de Clinchamp, et d'Anne d’Anglure, avait pris une part considé- rable à la défense de la Lorraine contre les Français. Il commanda plus tard les troupes de Charles IV pendant la Fronde. (5) Ce fut un capucin franc-comtois qui décida les habitants de Cuiseaux à se rendre, Cf. DE LA MARE, De bello Burgundico, p. 1l; ForRGET, Meé- moires des guerres de Charles IV, duc de Lorraine, fol. 151 ; COURTÉ- PÉE, Description historique et topographique du duché de Bourgogne, t. IV, p. 66%; CG. Prosr, Documents inédits relatifs à l’histoire de la Franche-Comté, t. IV, p. 61. (6) « Après avoir gardé Cuseau trois jours, ilz l'ont abandonné et se sont retirés à Chaussin, Bellevesvre et Verdun, où est le gros de leur ar- mée. » Mémoire à Monseigneur de ce qui ce passe en ces quartiers (1636). — Affaires étrangères, Bourgogne, t. MCCCXCI, fol. 24. — 9313 — résultat du travail des mineurs : l'assaut fut donné sur plu- sieurs points à la fois et la ville allait être forcée, quand le commandant demanda à se rendre. Le maréchal lui accorda les honneurs de la guerre; il retint la fureur des siens et parvint à empêcher qu'aucune violence, aucun meurtre ne souillât sa victoire ; les soldats français furent escortés jusqu’à Louhans; le baron de Boutavant recut le gouvernement de Cuiseaux, dont la mairie était héréditaire dans sa famille (1), et l’on mit sous ses ordres 200 cavaliers et 300 fantassins. Nul doute que le succès de l'expédition ne fût dû à l’activité que le marquis de Conflans avait déployée, non moins qu'au secret qu'il avait su garder sur le but de ses préparatifs, et les troupes sentirent croître leur confiance dans le chef qu'elles venaient de voir rester, malgré ses soixante-six ans passés, plus de vingt-quatre heures en selle (2). La prise de Cuiseaux eut un grand retentissement en Bresse ; toutes les petites villes de la région se crurent me- nacées du même sort ; le marquis de Thianges appela les paysans aux armes ; mais l'étendue de la frontière qu’il avait à garder était une cause de faiblesse, et il ne savait comment faire face au péril (), les rapports qui lui parvenaient prêtant (1) Comme capitaine et bailli de Cuiseaux, Marc de Montaigu avait fondé, le 16 juillet 1636, quatre grand'messes annuelles dans la chapelle de Notre-Dame de la Croix. Le 9 juin 1635, il avait déjà fait don au même sanctuaire d’une croix d’or, « garnie de unze hémeraudes et une perle en bas, et ce en suitte de l'intention, donation et vollonté de feu messire Pierre de Montagu son frère, chevalier de l’ordre de Sainct-Jehan de Jhe- rusalem. » — Arch. du Jura, E 529. (2) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 23 janvier 1637. — Pièces justifica- tives, XI; GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche- Comté de Bourgongne, p. 154; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne, fol. 3 v°. (3) « Monsieur de Tianges réclame le ciel et la terre pour son secours et envoye chercher du monde de toutes parts. » Brun à la cour, Lons-le- Saunier, 25 janvier 1637. — Pièces justificatives, XIIL — 314 — au maréchal des forces plus considérables que celles dont celui-ci disposait en réalité (D. Guérard de Watteville ne s’en tint pas là. Le 98 janvier, le baron de Boutavant emporta le château de Joudes @). Le même jour, un autre capitaine franc-comtois se porta sur Bellevesvre 6), d’où les Français pouvaient inquiéter Blette- rans; à la tête de cent paysans conduits par le curé du vil- lage de Vincent, il passa le fossé sur la glace et s’empara du bourg, que, par l'ordre de Brun, il réduisit en cendres : « Je ne pense pas, écrivait-il au procureur général, qu'il soit demeuré une maison à brûler là-dedans (4. » Les troupes qui occupaient Chaussin auraient pu seconder les desseins du maréchal, mais elles se bornèrent à prendre, le 95 jan- vier, le château d’Authumes (5), que les Français recou- vrèrent deux jours plus tard (6). En revanche, la garnison de Saint-Amour fit d’'heureuses sorties sur des partis de cava- lerie ennemis et pilla quatre ou cinq villages (?). Dans le conseil de guerre tenu après la reddition de Cui- (1) « Nostre soudainetté et l'effroy de leurs paysans leur a faict juger nos forces beaucoup plus grandes qu’elles n’estoient. » Brun à la cour, Lons- le-Saunier, 29 janvier 1637. — Pièces justificatives, XVI. (2) Joudes, village du canton de Cuiseaux, arrondissement de Louhans. (3) Bellevesvre, village du canton de Pierre, arrondissement de Louhans. (4) Le sieur de Rahon à Brun, Vincent, 99 janvier 1637. — Pièces justi- ficatives, XIV. Le capitaine franc-comtois ne se trompait guère, car une enquête faite après la cessation des hostilités constate qu'il ne restait à Bellevesvre que deux maisons. Cf. Arch. de la Côte-d'Or, CG 4177, fol. 26; COURTÉPÉE, Description historique et (bg? aphique du duché de Bour- gogne, t..N, p.70. (5) Authumes, village du canton de Pierre, arrondissement de Louhans. «Les ayans ataqué entre set et huit heures du mating, ils se sont dé- fendu jusque à l'extrémité. Ils m'ont blessé douze des miens... Le chas- teau est fort bong..……. J'y ai laissé cinquante mousquetaires. » Le baron de Watteville à la cour, Chaussin, 25 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 211. (6) La cour au marquis de Conflans, Dole, 28 janvier 1637; la cour à Brun, Dole, 28 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du D B 211. (7) Pièces justificatives, XVI. — 9315 — seaux 1l avait été reconnu qu’on ne pouvait venir à bout des places de la Bresse par escalade (1). Entièrement rallié à l'idée de l'offensive, le procureur général demanda du canon et des boulets à Salins, des mortiers à bombes et des gre- nades à Dole (2); les communes furent requises de fournir des chevaux pour la conduite de l'artillerie et des munitions. On renforça de 200 hommes la garnison de Cuiseaux ; la compagnie de cavalerie du capitaine Choz G), qui était, au dire de Brun, « des plus fortes et des plus mal discipli- nées, » eut aussi ordre de se rendre dans cette ville. Le sieur de Lezay fut invité à presser l’enrôlement de ses mon- tagnards. On licencia la compagnie d'infanterie du sieur du Thauc, que dut aller remplacer à Bletterans la compagnie d'élus de Pontarlier (@). En somme, le marquis de Conflans n'omit aucun des devoirs d’un capitaine expérimenté ; ses troupes étaient pleines d’ardeur et il ne doutait pas d’infliger aux ennemis une verte « frotade 5}. » Le mauvais temps vint malheureusement contrarier les projets du brave maréchal (6). Il faut avoir parcouru la Bresse en hiver pour savoir ce que les chemins deviennent (1) « Lesdictes places sont hors de sappes et de pétards et mesmes d’es- calade à cause de l’eau qui les entoure. » Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 25 janvier 1637. — Pièces justificatives, XIII. (2) La cour à Brun, Dole, 26 janvier 1637; la cour au magistrat de Salins, Dole, 27 janvier 1637, — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B: 211. (3) Jean Choz, fils de Claude Choz, procureur postulant au bailliage de Gray, secrétaire du comte de Champlitte, puis du marquis de Saint- Martin, et d'Anne Monnot. (4) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 24 janvier 1637; la cour à Brun, Dole, 25 janvier 1637 ; la cour au baron de Poitiers, Dole, 25 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 211. (5) Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 29 janvier 1637, —- Pièces justificatives, XVII. (6) « Si la pluye ne venoit pour estindre les feugs, on pourroit bien leur faire sentir le mal qu'ilz préparent à auliruy, mais il semble à point nommé que noz desseins soient combattus de l’air et des astres. » Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 81 janvier 1637. — Pièces justificatives, XIX. = 916 ‘au bout de quelques jours de pluie. Guérard de Watteville dut se rendre aux observations du procureur général lui remontrant l'imprudence qu’il y aurait à aventurer son infan- terie et sa cavalerie dans de semblables bourbiers, maïs ce ne fut pas sans en ressentir un vif dépit ; il connaissait trop Je prix du temps pour ne pas deviner quel parti les Français tireraient d’un nouveau retard ; le marquis de Thianges faisait filer des troupes dans le pays de Gex et un trompette envoyé à Bourg pour redemander les deux capitaines pris à Cha- vannes avait rapporté que cette ville était pleine de gens de guerre ; l'ennemi, c'était évident, se préparait à un suprême effort (1) ; des lettres interceptées portaient que les envahis- seurs ne tomberaient pas dans la même faute que lannée précédente, mais qu’ils mettraient à sac le bailliage d'Aval, puisque l’obstination de ces chiens enragés de Comtois à ne pas céder à un grand monarque comme Louis XIIT était une gangrène qu’on ne pouvait traiter que par le fer et le feu (@). Malgré ce contre-temps, le comte de Bussolin ne tarda pas à repasser la Bienne. Le 31 janvier, il était à Orgelet, s’occu- pant de réunir des barques pour transporter ses soldats de l'autre côté de la rivière G) ; le surlendemain, sa petite troupe, forte de 300 chevau-légers, 300 dragons et 1,000 fan- tassins (4), se trouva rassemblée dans la plaine d'Oyonnax (5). Dortan était toujours au pouvoir des Franc-Comtois : les Français avaient à différentes reprises fait mine de l’as- (1) « L’ennemi est résolu de se jester dans ce peïs et y estant de tuer, brusler, saccager, violer et exercer toutes sortes de cruaulté en briefz jours. » Christin à l’avocat fiscal d’Orgelet, Vescles, 29 janvier 1637. — Corr. du parlement, Arch. du Doubs, B 211. (2) BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne. fol. 3. (3) Le comte de Bussolin à Brun, Orgelet, 31 janvier 1637. — Pièces jus- tificatives, XVIIT. (4) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 5 février 1637. — Pièces justifica- tives, XXII. (5) Oyonnax, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nantua. — 917 — siéger (1), mais ils s’étaient bornés à brûler le moulin et les granges ; après quoi ils avaient regagné Cerdon (2) et Nantua. En François de Watteville l'humanité le disputait à la bra- voure : l'incendie d’Arbent lui avait, on le sait, inspiré une profonde horreur ; ses soldats, au contraire, étaient altérés de vengeance et leurs officiers ne purent les empêcher, le 3 février, de mettre le feu à Oyonnax 6). Les dernières maisons du malheureux bourg s’abimaient dans les flammes, quand une troupe de 150 cavaliers français commandés par le baron de Montjouvent parut sur une hauteur voisine. Le comte de Bussolin les fait immédiatement charger par les sieurs de Beaujeu, de Saint-Germain et Duprel, qui les met- tent en déroute et les poursuivent, l’épée dans les reins, pen- dant plus d’une lieue. On arrive ainsi devant Martignat (). La cavalerie franc-comtoise fait halte. Quand linfanterie a rejoint, le comte de Bussolin ordonne d’attaquer de nouveau les escadrons ennemis : Duprel les rompt et leur fait de nombreux prisonniers ; sans l’arrivée d’un détachement de mousquetaires, pas un des cavaliers du baron de Montjou- vent n’échappait. Pendant ce temps, les fantassins franc- comtois avaient investi une maison forte, dans laquelle s'étaient jetés quinze hommes du régiment d’Enghien : après deux heures de « tireries » inoffensives, les Français de- mandent à se rendre : le comte de Bussolin les reçoit à com- position, puis, ralliant ses troupes, va se présenter devant (1) « L’ennemy n’a poinct encor approché de Dortans que par petites parties où il a tousjours laissé des mortz ou des prisonniers. Le chasteau est assez bien fourny. » Girardot de Nozeroy à la cour, Salins, 26 janvier 1637. Cf. Paccard à Brun, Orgelet, 22 janvier 1637. — Corr. du parle- ment. Arch. du Doubs, B 211. (2) Cerdon, village du canton de Poncin, arrondissement de Nantua. (2) « Nonobstant touts mes soins et de mes officiers, l’on a mis le feu aux quatre coings et au milieu... Je suis hors de moy de ne pouvoir empêcher ce désordre, » Le comte de Bussolin au marquis de Conflans, Martignat, 3 février 1637. — Pièces justificatives, XXI. (4) Martignat, village du canton d’Oyonnax, arrondissement de Nantua. — ‘8 — le château. La nuit survient, qui l’oblige à remettre l’assaut au lendemain (1). Le 4 février, François de Watteville assigne dès l'aube à ses soldats leurs postes de combat ; il a, la veille, fait occuper l’église par un détachement dont le tir plongeant incommode fort les défenseurs du château. À huit heures du matin, l’as- saut est donné. L’infanterie franc-comtoise se comporte à merveille : « Ceux qui ont vu beaucoup d'occasions, écrira le lendemain son chef, avouent n’en avoir jamais vu de plus chaude. » Deux fois repoussés, les assaillants reviennent à la charge et s'emparent des fausses brayes, où, malgré la grèle de pierres que les assiégés font pleuvoir sur eux, ils se maintiennent pendant plus de deux heures. Au bout de ce temps les Français se décident à parlementer ; le feu cesse de part et d'autre ; le comte de Bussolin envoie un capitaine porter une nouvelle sommation à la garnison et, pour en finir, accorde à celle-ci les articles qu’elle demande (2). Gette action, dans laquelle les recrues du sieur de Cham- pagne avaient montré la solidité de vieilles troupes, ne coûta aux Franc-Comtois que quinze hommes tués, dont un lieu- tenant (à). La place était bonne ; on y laissa Duprel et ses dragons ; soixante soldats furent en outre envoyés dans la maison qu’on avait tout d’abord emportée à l'extrémité du village. Cette conquête assurait la conservation de Dortan et il était permis d'espérer que d’autres châteaux du Bugey ne tarderaient pas à ouvrir leurs portes (4). (1) Piéees justificatives, XXI. (2) Le comte de Bussolin au marquis de Conflans et à Brun, Martignat, 5 février 1637 ; Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 8 février 1637. — Pièces justificatives, XVIII, XXIV ; GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 155; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Fourgongne, fol. 4. (3) On voit ce qu'il faut penser de la relation française, d’après laquelle «le premier sergent de la mestre de camp d’Anguien, » qui com- mandait à Martignat, aurait Q fait mourir plus de cent hommes, entre lesquels se trouvent deux capitaines d'infanterie et un lieutenant de cava- lerie. » Gazette de France du 21 février 1637. (4) « Tenans ces places, je suis bien asseuré que beaucoup d’aultres dan — 9319 — La reddition de Nerciat (1), où l’on trouva d’abondantes provisions de blé, vint justifier cette espérance @). François de Watteville s’empara encore sans difficulté d’Apremont, de Bona et de Montréal (6); puis, avant de donner du repos à ses troupes, il envoya un tambour sommer la ville de Nan- tua. Une foule de gentilshommes s'étaient jetés dans cette place ; la garnison qui l’occupait s’élevait à 600 hommes et les officiers répondirent fièrement : « Si le comte de Busso- lin avoit connaissance de ceux qui commandent pour le roi dans la ville de Nantua et de la générosité des soldats qui y sont, il n’auroit pas fait faire sa hardie sommation (4). » Aussi bien celle-ci n’était-elle destinée qu’à détourner l'attention du marquis de Thianges de ce quise préparait à Lons-le- Saunier. VII On se souvient que le mauvais temps avait empêché le marquis de Conflans de profiter de la frayeur causée aux Français par la prise de Cuiseaux. La nécessité d'assurer cette ville contre un retour offensif de l’ennemi ayant con- traint le maréchal d'y laisser une garnison d’environ 600 hommes, il n'avait avec lui que cinq compagnies de cava- lerie, 200 arquebusiers, 50 piquiers et 100 mousquetaires ; seront le mesme bransle. » Le comte de Bussolin au marquis de Conflans et à Brun, Martignat, 5 février 1637. — Pièces justificatives, XXIIT. (1) Nerciat, château fort situé sur la rive droite de l’Ange, entre Oyonnax et Marlignat. (2) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 8 février 1637. — Pièces justifica- tives, XXVILL. (3) Apremont, Bona et Montréal, villages du canton de Nantua, Cf. Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 9 février 1637. — Pièces justificatives, XXXVI ; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne, fol. 4 ve. (4) Pièces justificatives, XXIV. — 320 — c'était trop peu pour se mettre en campagne avant l’arrivée des soldats de Christophe de Raincourt ; 1l convenait d’ail- leurs d'attendre les compagnies de cavalerie annoncées par le parlement (1). Aussi se contenta-t-on de faire quelques razzias dans la Bresse, pendant que le comte de Bussolin envahissait le Bugey. À la tête de 100 cavaliers et de 100 fantassins tirés de la garnison de Cuiseaux, le baron de Bou- tavant força le passage du Solnan et pilla le village de Sainte-Croix (2) et le château de Montjouvent G) ; l’alfère qui commandait l'infanterie se comporta bravement, mais ses soldats, dont la plupart voyaient le feu pour la première fois, montrèrent un peu d’hésitation ; Marc de Montaigu dut payer de sa personne et reçut un coup de mousquet dans sa casaque ; trois cavaliers et trois fantassins furent tués (4); il y eut aussi quinze à seize blessés (5). Le capitaine de Beau- regard (6) n’exécuta pas moins heureusement le coup de main qu’on lui avait confié : avec sa compagnie de cavalerie, forte de 90 maîtres, et 100 mousquetaires du sieur de Goux (), il alla saccager l’abbaye du Miroir (8), d’où il ramena un (4) « Les compagnies du bailliage d’Amont viennent à pas de tortues ou de limasses, tant elles font de caracolles ; nous n'avons encore que celle du chevalier de Moiron, très forte et très belle, mais trois fois plus licentieuse que celles de par deçà. » Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 5 février 1637. — Pièces justificatives, XXII. (2) Sainte-Croix, village du canton de Montpont, arrondissement de Louhans. (3) Montjouvent, château en ruines sur le territoire de la commune de Varennes-Saint-Sauveur, canton de Cuiseaux, arrondissement de Louhans. (4) Parmi les morts se trouva le fils de l'avocat Broch, de Dole. (5) Pièces justificatives, XVII. Cf. Gazette de France du 24 février 1637. (6) Au mois d'avril 1637, Beauregard défendit le château de Saint-Amour contre le duc de Longueville. Il devait trouver la mort à la bataille de Ro- croi (19 mai 1643). (7) Il ne s’agit pas du trésorier général de Bourgogne, mais du second de ses fils, qui, deux mois plus tard, fut tué d’un coup de canon sur la brèche de Saint-Amour. (8) Le Miroir, abbaye cistercienne fondée en 1131 dans le voisinage de Cuiseaux. Le baron de Clinchamp l'avait déjà pillée au mois d'août précédent. grand nombre de bêtes à cornes; trois compagnies de cara- bins français soutenus par 400 fantassins cherchèrent inutile- ment à lui couper la retraite; il se fit jour au travers des ennemis avec sa petite troupe ei regagna Saint-Amour sans avoir perdu plus de onze hommes (1). L'objectif du marquis de Conflans était Savigny-en-Rever- mont (2). On ne pouvait songer à marcher sur Louhans sans être maître de cette place; sa possession devait en outre avoir pour conséquence de mettre Lons-le-Saunier à l'abri d’une surprise. Les Français l’occupaient en forces ; le chà- teau, dont il ne reste aujourd'hui que des ruines, avait une double enceinte défendue par de bons fossés et le gentil- homme qui en avait la garde passait pour un officier éner- gique. | | Instruit de l’arrivée des troupes du bailliage d'Amont (3), le maréchal chargea le sieur de Chevigny de reconnaitre les avenues de Savigny sans néanmoins en venir aux mains avec l'ennemi. Le capitaine franc-comtois se laissa emporter par son ardeur et, après une escarmouche assez vive, dut se retrer au village de Condamine, où, prévenu que les garni- sons françaises du voisinage se disposaient à l’attaquer, il passa la nuit du 6 au 7 février sur le qui-vive (4). Cet enga- _gement intempestif obligea Guérard de Watteville à précipi- ter sa marche. Ayant reçu, le 7 février, les cinq compagnies du sieur de Raincourt, il jugea prudent de ne pas laisser (1) Le baron de Boutavant à Brun, Cuiseaux, 1e février 1637, — Pièces justificatives, XX. -(2) Savigny-en-Revermont, village du canton de Beaurepaire, arrondis- sement de Louhans. _ (3) Le # février, Girardot de Nozeroy avait signalé le passage des com pagnies de Christophe de Raïncourt dans le val de Salins ; leur effectif élait de 480 hommes. Cf. Le sieur de Raincourt à la cour, Besançon, 29 janvier 1637; Girardot de Nozeroy à la cour, Salins, # février 1637. — Corr. lu parlement. Arch. du Doubs, B 211, 212. (4) Le sieur de Chevigny au marquis de Conflans, Condamine, 7 février 1637. — Pièces justificatives, XX VI. A — 322 — aux défenseurs de Savigny le temps de solliciter des ren- forts ; on disait, en effet, que le duc d’Enghien était à Chalon- sur-Saône et qu'un régiment d'infanterie et quatre compa- gnies de cavalerie étaient sortis de Bourg avec dix chariots de munitions (1). Le procureur général voulut être de l’expé- dition : 1l était brave et il ne lui déplaisait pas de se montrer aux troupes. Celles-ci comprenaient 600 chevaux et 600 fan- tassins ; cinquante charrettes portaient les boulets, les échelles et les outils nécessaires à un siège; on avait de- mandé du canon à Poligny et Guérard de Watteville ne quitta pas Lons-le-Saunier sans presser le parlement de lui envoyer sans retard de nouveaux détachements d'infanterie et de cavalerie (2). : Le 8 février, on se dirigea sur Condamine, quarante mousquetaires français occupaient un moulin qui défendait le passage de la Vallière ; plusieurs habitants de Condamine s'étaient joints à eux ; le moulin fut emporté et Brun proposa de punir les transfuges avec la dernière rigueur. À deux heures après midi, on arriva en vue de Savigny : 6 à 700 hommes s’y étaient retranchés ; quelques cavaliers volti- geaient sur les flancs de l'infanterie et le tambour battait sans relâche derrière les barricades. Les sieurs de Raincourt et d’Antorpe (9) reçoivent l’ordre d’aller reconnaître l’ennemi. Après avoir essuyé quelques coups de feu, ils reviennent trouver le maréchal, qui va en personne contrôler leur rap- port. Cela fait, Guérard de Watteville ordonne à la cavalerie de tourner le village en s’engageant dans un étroit vallon ; soixante pionniers armés de serpes et de haches ouvrent un chemin au baron de Boutavant, qui commande l'avant-garde; ri (1) Pièces justificatives, XX VIII. (2) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 8 février 1637; le marquis de Con- flans à la cour, Lons-le-Saunier, 8 février 1637. — Pièces justificatives, XXVIII, XXIX. (3) Alexandre d’Emskerque, seigneur d’Antorpe, fils de Guillaume d'Emskerque et de Françoise de la Tour Saint-Quentin. — 323 — le marquis vient au centre: le procureur général se tient à l’arrière-garde avec le sieur de Cuse. Pendant ce temps, Christophe de Raincourt se dispose à attaquer les barricades sur trois points différents; deux com- pagnies de cavalerie doivent appuyer son attaque à main droite. Confiants dans la force de leur position, les Français ne s'étaient pas préoccupés de maintenir leurs communications avec le château. A la vue de la petite troupe du sieur de Rain- court, leurs bravades redoublent ; ils ne peuvent s’imaginer que cette poignée d'hommes ait la témérité de les aborder. Telle est pourtant l’intrépidité avec laquelle l'infanterie franc- comtoise marche sur les barricades, les piques basses, qu’en moins d'une demi-heure elle déloge îies ennemis de leurs retranchements ; ils veulent se retirer au château, mais ils se heurtent aux cavaliers de Marc de Montaigu ; celui-ci a opéré un mouvement tournant et la retraite est coupée aux fuyards. Le marquis de Conflans survient avec le reste de Ia cavalerie ; toute résistance devient alors impossible ; les Français, dont la plupart ne sont que des paysans armés à la hâte, jettent leurs mousquets et demandent grâce à genoux, mais les Franc-Comtois ne veulent rien entendre ; ce n’est plus un combat, c’est une boucherie. Enfin le procureur gé- néral parvient à faire cesser le massacre ; il arrache notam- ment à la mort un enseigne, deux tambours et huit soldats du régiment de Castelmoron (); parmi les prisonniers se trouvent aussi quelques ecclésiastiques ; tous déclarent que le sieur de Grosbois (2) s'attendait depuis l’avant-veille à être attaqué et la vérité de cette déclaration est attestée par un (1) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 9 février 1637. — Pièces justifica- tives, XXXVI ; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche- Comté de Bourgongne, fol. 4. (1) Pierre de Ténarre, seigneur de Grosbois, fils d'Humbert de Ténarre, baron de Ténarre, Montmain et Groshois, et de Marguerite d’'Amoncourt. — 324 — billet trouvé dans les poches d’un villageois tombé sous les coups des vainqueurs (). | Sans s’attarder, Guérard de Watteville fait attaquer le château. L'infanterie passe hardiment le premier fossé, ayant de l’eau jusqu’à la ceinture, et se loge sur la seconde contrescarpe ; les officiers font coucher leurs hommes à plat ventre et, sous la direction de leur tir, les pionniers cons- truisent vis-à-vis de la porte des épaulements pour les deux petites pièces d’arüllerie qu’on attend de Poligny. Un capi- taine va, par l’ordre du marquis de Conflans, sommer le sieur de Grosbois de se rendre (2). La sommation rejetée, on recommence à faire parler la poudre, tandis que, la bride passée dans le bras, les cavaliers du baron de Boutavani surveillent les abords de Savigny. À trois heures du matin, le canon arrive ; on le met immédiatement en batterie pour ne pas permettre à l'ennemi de reconnaître le faible calibre des pièces; au deuxième coup, une des cheminées du chà- teau s’abat avec fracas (3). En même temps, une horrible clarté dissipe les ténèbres de la nuit : ce sont les maisons de Savigny et du Vernay qui brûlent ; les soldats franc-comtois y ont mis le feu ; attisé par un vent violent, l'incendie prend des proportions telles qu’à sa lueur les mousquetaires des deux partis se visent comme en plein jour. À six heures et demie, le maréchal envoie un de ses officiers porter une nouvelle sommation. Désespérant d’être secouru, le sieur de Grosbois consent cette fois à entrer en pourparlers, des otages sont échangés et, au bout de quelques heures, on tombe d’accord sur les articles de la composition (4; la gar- (1) Le sieur de Groshbois au procureur de Ratte, Savigny, 7 février 1637. — Pièces justificatives, XX VII. (2) Pièces justificatives, XXX, XXXI. (3) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 9 février 1637. — Pièces justifica- tives, XXXI; GiRARDOT DE Nozeroy, Histoire de dix ans de la Fran- che-Comté de Bourgongne, p. 155. (4) Pièces justificatives, XXXII. PYLESSs Een nison obtient les honneurs de la guerre : elle sort de la place avec armes et bagages, tambour battant, enseignes dé- ployées, balle en bouche () et mèche allumée : quatre cha- riots sont accordés au commandant pour émmener ses meubles à Louhans (?), mais il doit abandonner ses approvi- sionnements et son artillerie (3) ; le sieur de Raïincourt s’éta- blit au château avec ses compagnies (# et le marquis de Conflans peut annoncer à la cour de Dole que Savigny est « terre du roy d'Espagne (6). » Guérard de Watteville avait le droit d’être fier de la victoire qu'il venait de remporter sur les Français, car on n’a pas oublié la sourde opposition que le parlement n'avait cessé de lui faire. Avec des forces relativement peu considérables, il s'était rendu maître en moins d’un mois de deux places im- portantes ; il entendait bien ne jamais se dessaisir de sa der- nière conquête (6) ; pour Cuiseaux, on verrait si le plus sûr (1) Pour pouvoir plus vite charger leurs mousquets, les soldats mettaient alors plusieurs balles à la fois dans leur bouche : de là cette expression, qui, dans toutes les capitulations du temps, est imséparable de celle de mèche allumee. (2) À leur retour de Louhans, les charretiers furent tués et leurs che- vaux volés par les habitants de la Bresse. Cf. BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Coité de Bourgongne, fol. 4. _ (3) Suivant Boyvin, le sieur de Grosbois aurait été « décapité à Châlon- sur-Saône pour avoir laschement rendu ce chasteau. » Boyvin au prieur de Bellefontaine, Dole, 6 mars 1637. — Mss. Chifflet, t. CXXXIT, fol. 301. (4) Le sieur de Raincourt à la cour, Lons-le-Saunier, 10 février 1637; le sieup d'Annoires au sieur de Raincourt, Savigny, 10 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 212. - Guillaume Perrot, seigneur d'Annoires, fils de Pierre-Louis Perrot, sei- gneur d’Annoires, et d’Antoinette d'Andelot, était lieutenant-colonel du ré- giment du sieur de Raincourt. _ (5) Pièces justificatives, XXXV. « L'on n'eust peu s'imaginer, répondit le parlement, que vous eussiez réussi de la sorte en vostre entreprinse sur Savigny, et encor avec si peu ou point de perte. » La cour au marquis de Conflans, Dole. 12 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 212. Cf. Gazette de France du 21 février 1637 ; COURTÉPÉE, Descrip- tion historique et topographique du duché de Bourgogne. t. V, p. T0. {6) En faisant savoir à la cour de Dole qu'il avait trouvé dans Savigny — 996 — parti n’était pas d’en abattre les murailles, afin de rendre aux troupes qui l’occupaient la liberté de prendre part à la cam- pagne qui allait s'ouvrir (l). La cour de Dole approuva le choix de Christophe de Raincourt comme commandant de Savigny (2), ordonna au régiment du baron de Melisey et à la compagnie de cavalerie du sieur de Montfort G) de des- cendre au bailliage d’Aval (4) et adressa au maréchal des félicitations que le vieux guerrier accueillit avec sa modestie ordinaire, VTIT On comprendra mieux que le marquis de Conflans ne se laissât pas étourdir par son triomphe, lorsqu'on saura que sa joie était tempérée par les nouvelles que venait de lui appor- ter son fils, accouru au siège de Savigny à franc étrier &). Après la prise de Martignat, le comte de Bussolin avait « deux belles pièces d'artillerie » mises hors de service, le marquis de Con- flans écrivait : « Il les fauldroit aussitost faire refondre, et puis jamais rendre la terre. » Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 9 février 1637. — Pièces justificatives, XXX V. (1) « Si en vostre conseil vous jugez plus expédient et advantageux pour nous de desmolir Cuseau et Joudes, vous le pourrez ordonner, en faisant néantmoins extraire les provisions qui y sont pour servir à noz gens. » La cour à Brun, Dole, 3 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 212. (2) La cour au marquis de Conflans, Dole, 12 février 1637. — Corr. du parlement. Arch du Doubs. B 212. (3) Louis-François de Montfort, fils de Claude-René de Montfort, seigneur de Fleurey, Coupelin, etc., et de Georgine de Thoires. (4) Ordre au baron de Melisey et au sieur de Montfort de se rendre à Orgelet, Dole, 12 février 1637 ; la cour au marquis de Conflans, Dole, 12 février 1637 ; la cour à Brun, Dole, 12 février 1637 ; la cour aux officiers d’Ornans, de Salins, de Poligny et d’Orgelet, Dole, 12 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 212. (5j «M. le comte de Bussolin qui, sur la nouvelle du siège de Savigny, sy est venu rendre en poste, dict des choses estranges d’aucuns des capi- taines de la cavalerie qu’il menoit. » Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 9 fé- vrier 4637. — Pièces justificatives, XXXVI. EUX K 4 2 a Je CO ER PCR CT el NS — 9321 — ramené la plus grande partie de ses troupes aux environs de Saint-Claude (1); le surplus était demeuré dans le Bugey, sous les ordres du baron d’Arnans (); l’indiscipline de la ca- valerie inspirait des appréhensions que l'événement ne tarda malheureusement pas à justifier. Informés du départ de François de Waiteville, les Français résolurent de reprendre Martignat. Le 8 février, ils partirent de Montréal (3), au nombre de 300 cavaliers et 400 fantassins ; le sieur de Briord (# les commandait ; avec lui se trouvait le vicomte de Chastellux, qui brûüiait de prendre une éclatante revanche de sa défaite des jours précédents. Entre Bona et Dortan, ils surprirent un convoi de treize chariots de muni- tions se rendant à Martignat sous l’escorte d’une compagnie de dragons. Les Franc-Comtois n'étaient que 80 : le sieur de Briord les mit aisément en déroute ; quinze d’entre eux de- meurèrent sur la place; les autres furent faits prisonniers avec leur capitaine (©). Les Français vinrent ensuite s’établir à trois portées de mousquet de Martignat, dans le village de Grussia. La nuit venue, les sentinelles signalèrent l'approche d’une troupe de cavalerie. On fut la reconnaitre : le chef qui marchait en tête, l’écharpe blanche au côté, répondit qu’il (1) Le sieur de Salives à Brun, Lavans, 10 février 1637, — Pièces justi- ficatives, XXX VIT. (2) César du Saix, baron d’Arnans, fils d'Humbert du Saix, seigneur d’Arnans, et de Claudine du Pont. Sur le rôle du hardi capitaine dans la guerre de Dix ans, cf. E. CLERC, Nofice historique sur le baron d’Ar- nans. dans les Mémoires de la Société d’émulation du Jura, année 1875, p.253: (3) Les Franc-Comtois avaient abandonné Montréal peu de jours après s'en être emparés. (4) Claude de Briord, seigneur de la Serra, de la Cras et de Villette, fils de Gabriel de Briord, seigneur de la Serra, et de Catherine du Saix. (5) Duprel au marquis de Conflans, Martignat, 9 février 1637 ; Du- prel au comte de Bussolin, Martignat, 9 février 1637. — Pièces justifica- tives, XXXIIT, XXXIV. L’officier qui commandait le détachement d’escorte était Étienne-François Junet, fils de Pierre Junet et de Françoise Bésard. — 328 — allait, par ordre du marquis de Thianges, battre les chemins vers Dortan, et on le laissa passer avec ses hommes; c'était César du Saix, qui, bien servi par son audace, venait d’em- ployer une ruse de guerre pour rompre les mailles du filet qui se resserrait autour de lui (1) : s’enfermer dans Martignat avec ses trois compagnies de cavalerie n’eût fait qu'obliger Duprel à rendre la place plus tôt, faute de vivres. Le 9 février, le sieur de Briord fit attaquer la maison basse, qu'occupaient 15 dragons et 25 mousquetaires. Ceux-ci se défendirent avec vigueur et ce ne fut qu'au bout de deux heures que les Français parvinrent à se rendre maîtres de la porte : résister plus longtemps eût été folie ; les Franc- Comtois le comprirent; ils mirent bas les armes et on les envoya sous bonne escorte à Bourg. À midi, un tambour vint sommer les défenseurs du château de capituler. Cette som- mation ayant été rejetée avec mépris, le sieur de Briord fit occuper l’église ; ses cavaliers s’établirent dans les maïsons du village ; 200 paysans munis de pioches et de pics vinrent en outre le rejoindre dans la soirée. « Tout cela me met peu en peine, écrivait Duprel; j'ai ici m' Vigoureux avec cent hommes et eux sont en tout six centz hommes de pied et trois centz chevaux au plus (2). » Plusieurs capitaines de cavalerie avaient mieux aimé du reste courir les hasards d’un siège que s'éloigner avec le baron d’Arnans. Cinq jours se passèrent sans que les Français osassent tenter un assaut. Ils comptaient sur la famine pour leur ou- vrir les portes de Martignat, mais, bien qu’il lui tardàt d’être : secouru (3), Duprel était résolu à tenir jusqu’à la dernière extrémité ; les munitions furent ménagées avec soin ; quand (1) Gazette de France du 21 février 1637. (2) Duprel au comte de Bussolin, Martignat, 9 février 1637. — Pièces jus- tificatives, XXXIV. (3) « J’atten avec impatience de voir paroître nos troupes pour chasser cette poignée de gens qui m'incommodent. » Duprel au marquis de Con- flans, Martignat, 12 février 1637. — Pièces justificatives, XXX VIII, = $29 = le plomb vint à manquer, on fondit des balles d’étain (1), et, quoique éprouvée par la privation d’eau, la petite garnison fit bravement son devoir. Aussitôt que le comte de Bussolin avait appris l’investisse- ment du château de Martignat, il s’était hâté de retourner du côté de Saint-Claude. En peu de jours, il eut réuni, avec le concours du sieur de Champagne, 800 chevaux et 1,200 fantassins : c'était plus qu'il ne fallait pour contraindre les Français à la retraite. Le 13 février, il était à Moirans, d’où il mandaïit à son père que, s’il l’autorisait à prendre l’offen- sive après avoir repoussé l’ennemi, il ne doutait pas de se rendre maître de tout le pays jusqu’à Pont-d’Ain @). Le marquis de Conflans ne voulut pas lui (Iascher le bou- ton », car le bruit courait que les Français s’apprêtaient à assiéger Saint-Amour (6). Le brave maréchal avait fort à faire pour empêcher ses troupes de se débander : leur effectif di- minuait tous les jours ; les cavaliers des sieurs de Gram- mont-Melisey (4), d'Évans 6) et de Velle (6) {venaient d’aban- donner leurs cornettes et il avait fallu faire un exemple pour prévenir les suites de cette désertion (7). Aussi Guérard de (4) « Un soldat envoyé pour la rançon du capitaine Junet dict que m‘du Pré se deffend tousjours vaillamment et faict des basles d’estain. Voicy le sixiesme jour qu'il tient. » Brun à la cour, Salins, 14 février 1637, — Pièces justificatives, XL. (2) « J'espère, aydant Dieu, que demain à ces heures il (Duprel) serat délivré. Reste seulement de vous délibérer si, les mettant en désordre comme ils seront asseurément, vous trouverés à propos que l'on suyve nostre pointe. » Le comte de Bussolin au marquis de Conflans, Moirans, 13 février 1637. — Pièces justificatives, XXXIX. (3) Cf. Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 14 février . 1637. — Pièces justificatives, XLT. (4) Laurent-Théodule de Grammont, fils d'Antoine de Grammont, baron de Melisey, et de Reine Felletet. (5) Jean-Claude de Poligny, seigneur d'Évans, fils de Guillaume de Po- ligny, seigneur d'Évans, et de Magdeleine de Poligny. (6) Philibert de Poligny, seigneur de Velle, fils de Gaspard de Poligny, seigneur de Châtillon-sur-Lison, » VAE et lentes et d'Anne de Grappet. (7; Pièces justificatives, XEI. — 930 — Watteville ne cessait-1il de réclamer des renforts ; outre les cinq dernières compagnies de Christophe de Raïincourt, ilau- rait voulu le régiment de cavalerie du baron de Mercy (1) et mille fantassins allemands commandés par un officier espa- gnol dont le caractère paraissait se rapprocher de celui des Franc-Comtois (2) : « Si je les avois, écrivait-il, je ferois un grand coup. » Il insistait surtout pour qu’on lui envoyât deux des canons laissés à Gray par Gallas G). Qui peut dire ce qui fût arrivé, si la cour de Dole avait ac- cordé au maréchal les troupes qu'il demandait ? Par malheur, à cette date, les membres du parlement n'avaient de pen- sées que pour la suspension d'armes dont le baron de Cres- sia les entretenait (#. [ls consentirent bien à ce que tout le régiment du sieur de Raincourt passât au bailliage d’Aval 6), mais ils montrèrent la plus grande répugnance à souffrir que (1) François, baron de Mercy, sergent de bataille des armées impériales, obtint plus tard le commandement en chef des forces opposées par l’'Em- pire à la France, surprit Ranzau à Tuttlingen (2% novembre 1643), défen- dit les lignes de Fribourg contre Condé (3-5 août 1644), battit Turenne à Mergentheim (5 mai 1645) et périt à Allerheïm, au moment où la victoire allait de nouveau se décider en sa faveur (3 août 1645). (2) Cet officier était le colonel don Vicente Solis, qui, le 21 octobre 1636, avait fait capituler les Français dans l’abbaye de Lure; les annales manuscrites des capucins du comté de Bourgogne nous ont conservé le souvenir de ses libéralités envers les fils de saint François. (3) « Ne regardez pas à la despence, car nous la gaignerons bien, mais les murailles de ceste contrée estant de brique et espoisse, c’est folie et perdre la pouldre que d'agir avec des canons foibles. » Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 14 février 1637. — Pièces justificatives, XLI. (4) Brun s'était retiré à Salins, où il subissait vraisemblablement l’in- fluence de Boyvin. Cf. La cour à Boyvin, Dole, 14 février 1637 ; la cour à Brun, Dole, 14 février 1637 ; la cour à Boyvin et Brun, Dole, 15, 17 et 18 février 1637; Boyvin à la cour, Salins, 16 février 1637; Brun à la cour, Salins, 17 février 1637; Boyvin et Brun à la cour, Salins, 17 et 20 février 4637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 212 et 213. (5) Ordre au sieur de Raïincourt, Dole, 16 février 1637 ; la cour aux offi- ciers de Baume, Ornans, Poligny et Orgelet, Dole, 16 février 1637. — Corr. du Parlement. Arch. du Doubs, B 213. — 9331 — les troupes impériales se joignissent aux troupes du pays : les neufs députés à l’également venaient de seréunir à Dole (L); ils avaient résolu de supplier le cardinal infant de consentir au rétablissement de la neutralité entre les deux Bourgo- gnes (2); ce n’était pas le cas de compromettre le succès de cette démarche en imprimant aux hostilités une impulsion plus vigoureuse. Rien de significatif comme les ratures de la minute de la réponse de la cour au marquis de Conflans: l’em- barras des timides magistrats s’y trahit à maintes reprises ; on devine qu’ils craignaient encore plus de voir François de Mercy répondre à l'appel qui lui était adressé qu'ils n’ap- préhendaient de sa part un refus (3). Quant au canon de Gal- las, ce ne fut que fort tard qu’ils enjoignirent au commandant de Gray de l’amener à Dole (4). Or, Guérard de Watteville comptait sur ces deux pièces d'artillerie ; sans elles, il ne pouvait rien entreprendre (©) et l’on comprend l’indignation (1) A. nE TRoves, La Franche-Comté sous les princes espagnols dela maison d'Autriche, t. IT, p. 90. (2) « Articles présentez à Messeigneurs les commis au gouvernement par les députez des trois estats de la Franche-Comté de Bourgongne assemblez en la ville de Dole, le 23 febv. 1637. » — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 213. Cf. E. CLERC, Histoire des États généraux et des libertés publiques en Franche-Comté, t. IE, p. 64. (3) « Quant au sieur de Mercy le jeune que vous demandez, vous avez jà veu qu'il a esté jusques à présent impossible de tirer des chefz de ces trouppes estrangères une asseurance de nous secourir en cas de besoing. Néantmoins nous ne délaisserons d’en escrire de nouveau à mr le marquis de Torrecuso, comme aussy à noz députez à Besançon, à ce que nous ayons sa déclaration sur ce secours... estant encor nécessaire de bien sçavoir les conditions de ce service, qui ne sera pas petit affaire au point que ceste armée nous marque son entretien. » La cour au marquis de Conflans, Dole, 16 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 245. (4) La cour au sieur d’Andelot-Tromarey, Dole, 93 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 213. (5) « Ce serat un grand coup, si le canon de mons' de Gallas qui est à Gray arrive bien tost..…… Je vous supplie donc, messieurs, de le haster, sans oblier les bales à proportion et de la pouldre, puisque l’on dit qu’il y en at quantité. » Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 19 février 1637. — Piôces justificatives, XXXIX. — 332 — du vieux capitaine en se voyant continuellement leurrer de vaines promesses. D'autre part, la retraite de Brun à Salins le tenait en souci; il se demandait si l’indisposition du procu- reur général n’était pas une feinte et le pressait vivement de revenir à Lons-le-Saunier : « Je n’ose publier, lui écrivait-il, ni vostre maladie ni la suspension d'armes, car assurément tout se dissipera (1), » Pouvait-il, dans sa loyauté, se douter des soupçons éveillés par le retour du conseiller de Beauche- min à l’armée (2) ? Cependant, le 14 février, François de Waiteville avait fait léver le siège de Martignat. Prévenus de sa marche, les Français s'étaient retirés en désordre au milieu de la nuit et le soleil levant éclaira les cavaliers qui accouraient au se- cours d'Antoine Duprel (). Si la délivrance avait tant tardé, il fallait en accuser la rigueur de la saison : il était tombé, les jours précédents, une grande quantité de neige, et, mal chaussés (4), mal vêtus, les fantassins d'Henri de Champagne avaient beaucoup souffert. Après avoir félicité les défenseurs de Martignat de leur belle résistance, le comte de Bussolin mit le feu à la maison basse et au château, qu'il jugea trop exposés à une nouvelle attaque, et se dirigea sur Arbent. Ce dernier château incommodait Dortan ; l'assiette en était forte, et il eût été téméraire de passer outre avant de s’en être emparé. Ne doutant pas d’être promptement secouru, le capitaine a © (1) Le marquis de Conflans à Brun, Lons-le-Saunier, 19 février 1637. — Pièces justificatives, XLV. (2) Sur l'invitation du maréchal, Girardot de Nozeroy venait de se rendre auprès du comte de Bussolin et Brun l'avait rencontré en chemin. C£. Brun à la cour, Salins, 14 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 213 ; GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Rourgongne, p. 155. (3) GIRARDOT DE-NOZEROY, op. cit., p. 155. (4) « Si vous procuriés à l'infanterie des souliers seroit œuvre de misé- ricorde. » Le marquis de Conflans à Brun, Lons-le-Saunier, 16 février 1637. — Pièces justificatives, XLIT. — 9333 — Desbordes (1), qui occupait Arbent, se montra tout d’abord déterminé à se bien défendre. C’est en vain qu’on essaya de faire sauter la porte ; le soldat chargé de placer le pétard fut tué ; un sergent et quelques hommes tombèrent également frappés à mort @). Girardot de Nozeroy conseilla de remettre l’attaque au lendemain : il se faisait tard ; or se serait exposé à perdre trop de monde en donnant l’assaut avec des troupes harassées par une journée de marche, Le sieur de Cham- pagne répartit alors linfanterie autour de la place, tandis que des détachements de cavalerie furent chargés de battre à l’estrade à tour de rôle pendant la nuit. | Grâce à cette précaution, une surprise fut évitée, qui au- rait pu avoir pour les Franc-Comtois des conséquences dé- sastreuses. En effet, peu après minuit, les escadrons envoyés en reconnaissance vinrent donner avis au comte de Bussolin de approche du secours; d’autres rapports se succédèrent, confirmant la vérité de cette nouvelle ; il était aisé de juger, au bruit de leur marche, que les troupes qui se disposaient à faire lever le siège d’Arbent étaient nombreuses ; elles pre- naient le droit chemin et on les aurait certainement sur les bras avant qu'il fût jour. François de Watteville se dispose aussitôt à recevoir l’en- nemi. Laissant une partie de son infanterie devant le château, il met le reste en bataille sur le penchant de la colline ; la ca- valerie se range à droite et à gauche ; derrière le gros des fantassins, un escadron se tient en réserve. Bientôt on en- tend distinctement le murmure confus d’une troupe qui s’ar- rête et des mèches allumées brillent dans la nuit sur la hau- teur opposée à Arbent : les Français sont arrivés ; ils pren- nent leurs postes de combat de l'autre côté du vallon. Le (1) Au mois d'octobre 1636, le capitaine Desbordes s'était distingué en défendant le pont de Mirebeau contre les Impériaux. Gf. BÉGUILLET, His- “toire des guerres des deux Bourgognes, t. II, p. 59. (2) Boyvin et Brun à la cour, Salins, 20 février 1637. — Pièces justifica- tives, XLVI. — 3934 — jour naît enfin, mais un épais brouillard dérobe les adver- saires à la vue les uns des autres : quandil se dissipe, on dé- couvre que cinq cents pas à peine les séparent. La cavalerie française s’avance au pas dans la plaine ; le comte de Busso- lin envoie deux escadrons faire le coup de pistolet avec elle, mais elle tourne bride et se retire derrière les régiments d'Enghien et de Rebé. Ceux-ci s'étaient arrêtés à mi-chemin de la descente, utilisant les bouquets de bois et les buissons comme défenses ; les attaquer dans la position qu'ils occu- paient n'était pas sans danger, car on courait risque de voir les cavaliers ennemis ravitailler le château pendant le com- bat en passant sur le ventre des mousquetaires laissés devant la porte. Henri de Champagne obtient néanmoins la permis- sion de tenter l'aventure; quatre cents fantassins descen- dent la colline au pas de course ; le feu d’Enghien et de Rebé ne peut ralentir leur élan ; mousquetaires et piquiers gravissent la pente opposée avec une telle résolution que l'infanterie française n'ose pas les attendre. Vainement le ca- pitaine Desbordes prend-il ce moment pour effectuer une sortie ; ses gens sont reçus de façon à leur ôter l'envie de revenir à la charge et du haut des murailles d’Arbent le brave commandant voit le secours disparaitre derrière la crête de la colline ; tout bruit de combat cesse ; il est clair que désormais les assiégés n’ont plus à compter que sur eux-mêmes (1). Or, ils ne sont que cent : à quoi bon prolon- ger une résistance dont l'issue n’est pas douteuse ? Une fois certain que la retraite des Français ne couvrait pas un piège, le comte de Bussolin somma les défenseurs d’'Arbent de se rendre à merci. Tout d’abord ils eurent quelque peine à s’y résoudre. mais enfin ils prirent le parti de s’abandonner à la discrétion du vainqueur. Avec sa géné- rosité ordinaire, François de Watteville laissa aux officiers (1) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 156. — 339 — leurs épées ; il veilla à ce qu'aucune violence ne fût com- mise par ses hommes; chefs et soldats furent renvoyés sans rancon (1). Après quoi le château fut livré au pillage et on l’incendia pour empêcher que les Français ne vinssent de nouveau s’y établir (16 février 1637). Le comte de Bussolin aurait voulu profiter de sa victoire pour attaquer le château de Cornod (2), qu'il se faisait fort d’emporter sans canon en détournant l’eau des fossés ; mais les soldats étaient recrus de fatigue; 1l fallait franchir l'Ain, et c’est toujours une opération hasardeuse que le passage d'une rivière à proximité de l’ennemi. Le conseiller de Beau- chemin dissuada François de Watteville de cette entreprise ; il fit valoir que les vivres et les munitions s’épuisaient, et les troupes repassèrent la frontière pour se rendre dans leurs quartiers (3). IX En Bresse, le sort des armes continuait à favoriser les Franc-Comtois (4). Le parlement avait publié un édit contre les déserteurs ®) et les forces du marquis de Conflans gros- sissaient de jour en jour ; bon nombre de dames françaises commençaient à demander des sauvegardes pour leurs (i) Boyvin et Brun à la cour, Salins, 20 février 1637. — Pièces justifica- tives, XLVI ; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne, fol. 4 v° ; GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit., p. 156. Girardot de Nozeroy envoya au marquis de Conflans une relation de la prise d’Arbent, que je n’ai pas retrouvée dans les archives de la cour. (2) Cornod, village du canton d’Arinthod, arrondissement de Lons-le- Saunier. (3) GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit., p. 156. (4) « Noz Bourguignons cependant ne s’endorment pas et, ce qui est merveilleux, 1l semble qu’il n’y a pendant cet hyver que le comté de Bour- gongne qui face la guerre à la France. » Boyvin au prieur de Bellefon- taine, Dole, 2 mars 1637. — Mss. Ghifflet,t. CXXXII, fol. 301. (5) Cf. La cour aux officiers provinciaux, Dole, 10 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 212. oi terres (1). Le baron de Watteville ayant quitté Chaussin le 19 février (2), on y envoya la compagnie d’infanterie du capi- taine Cadet (G) et quelques cavaliers de la compagnie du ba- ron de Scey. Le 20, la garnison de Saint-Amour prit sa re- vanche des incendies allumés dans le voisinage par les Fran- çais ; Le sieur de Goux passa le Solnan à la tête de 125 hommes de sa compagnie et de 15 hommes de la compagnie du sieur de Lezay, délogea l’ennemi de trois corps de garde, auxquels on mit le feu, et se retira sans perte après avoir délivré quelques prisonniers du village de Balanod et brülé le village de Condal (4) ; quinze cavaliers de la compagnie du capitaine de Beauregard étaient restés sur le bord de la rivière pour assurer la retraite; les Français eurent douze hommes tués dans cette petite affaire et le nombre des blessés s'éleva à plus du double F). : C'eût été le cas de prendre vigoureusement l'offensive, si la cour de Dole ne s'était entêtée à traverser les projets du marquis de Conflans. Elle ne pouvait moins faire que de féli- citer celui-ci des avantages que ses troupes remportaient ; elle récompensait hibéralement le brave défenseur de Marti- gnat (6) ; elle suspendait aux voûtes de la Sainte-Chapelle les (1) Le marquis de Conflans à Brun, Lons-le-Saunier, 16 février 1637. — Pièces justificatives, XXX VII. (2) Cf. Guillamier à la cour, Chaussin, 19 et 20 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 213. (8) Marc Gudy, dit Cadet, défendit Chaussin l’année suivante contre le duc de Longueville, qui le fit pendre à la porte du château; c'était un brave officier et le commissaire espagnol Sarmiento accorda une pension de 200 livres à sa veuve. Cf. Chambre des comptes. Arch. du Doubs, B 583, fol. 85. (4) Condal, village du canton de Cuiseaux, arrondissement de Louhans, au confluent du Solnan et du Besançon. (5) Le sieur de Goux au marquis de Conflans, Saint-Amour, 21 février 1637 ; le sieur de Beauregard au marquis de Conflans, Saint-Amour, 21 février 1637. -— Pièces justificatives, XLVII, XLVIIT. (6) Cf. La cour à Brun, Dole, 24 et 25 février 1637. — Corr. du fat ‘ment. Arch. du Doubs 213. — 337 — gages de la victoire (1) ; mais toutes ses inclinations étaient à la paix. Sur ces entrefaites, Brun ouvrit un avis hardi. Il fallait, suivant lui, brûler Chaussin, ainsi que tous les villages fran- çais situés sur la rive gauche de la Saône (2) : cruelles, mais justes représailles de la barbarie avec laquelle les ennemis venaient de réduire en cendres Saint-Aubin (3) et la Chapelle- Voland (4). D'accord avec le marquis de Conflans, le procu- reur général envoya 200 chevaux et 200 fantassins comman- dés par Antide de Grammont faire le dégât aux environs de Chaussin; il conjura la cour de promener en même temps la torche entre Auxonne et Pesmes, lui suggérant d'employer à cette exécution les Lorrains du baron de Watteville, qui n'avaient pas encore dépassé Besançon; il s’étendit sur l’ef- froi qu'inspiraient aux populations de la Bresse les incendies allumés par les garnisons de Saint-Amour et de Savigny, et pressa l’envoi de deux des canons de Gray avec un mortier et des bombes : « Si cela nous arrive dans douze ou quinze jours et que les troupes ennemies ne grossissent guère da- vantage, je tiens pour asseuré que nous serons dans Bourg (L) « Nous avons receu avec contentement particulier le drappeau que nous avez envoyé, lequel a esté mis en la Sainte Chappelle avec bonnes cérémonies en suitte de voz désirs. » La cour au marquis de Conflans, Dole, 24 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 213. (2) « Si l’'ennemy menace Chaussin, comme il y a grande apparence à faute de gents pour le garder, j'estime qu’il le faut réduire en cendres et que le plus tost sera le meilleur, comme aussy tous les villages de France en decà de la Saône aux environs d'Auxonne, Sainct Jean de Laosne et Bellegarde. » Brun à la cour, Salins, 14 février 1637. — Pièces justifica- . tives, XXXV. Cf. BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche- Comté de Bourgongne, fol. 3. (3) La cour à Cadet, Dole, 23 février 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 213 ; Gazette de France du 14 mars 1637 ; Ibid., ex. traordinaire du 9 mars 1637 : La deffaite de quatre cents hommes des troupes du duc Charles dans sainct Aubin et de deux cents autres ennemis par le régiment d’Houdencour. 4) La Roche à la cour, Chaussin, 25 février 1637. — Corr. du parle- ment. Arch. du Doubs, B 213. 22 — 9398 — avant la semaine sainte (1). » En effet, après une vaine dé- monstration sur Saint-Amour (2), sous le commandement des marquis de Thianges, de Varennes () et de Tavannes (#, les Français s'étaient retirés ; ils avaient abandonné Nantua et réparti leurs forces entre les châteaux de la frontière ; leur attitude trahissait la crainte, et la convocation de l’arrière- ban inquiétait peu le marquis de Conflans, qui savait la plu- part des gentilshommes de la Bresse mal montés (5). Mais à peine le parlement eut-il connaissance du dessein du procureur général que, saisi de frayeur, il enjoignit au baron de Melisey de s’abstenir de tout incendie (6). Brun était loin de s’attendre à ce contre-ordre ; il voyait déjà d’épais tourbillons de fumée obscurcir l'air sur les bords de la Saône : « Ce soir, écrivait-ille 3 mars, nos gens doivent commencer à faire beaux feux. Sitost qu’ils seront retournés, on les re- mettra à un autre exercice. » Illui tardait de marcher sur (1) Erun à la cour, Lons-le-Saunier, 28 février 1637. — Pièces justifica- tives, XLIX. Pâques tombait cette année le 12 avril. (2) Gazette de France du 28 février 1637. (5) Roger de Nagu, marquis de Varennes, fils de François de Nagu, mar- quis de Varennes, et de Léonor du Blé d'Uxelles. (4) Jean de Saulx, seigneur du Mayet, dit le marquis de Tavannes, fils de Guillaume-Henri de Saulx, comte de Tavannes, et de Jeanne-Baptiste de Pontailler, sa seconde femme. (5) Le marquis de Conflans à Brun, Lons-le-Saunier, 16 février 1637. — Pièces justificatives, XLIT. (6) « Après avoir repassé plus mürement le desseing dont vous ont parlé les sieurs de Boutavant et Champagne, il nous a semblé qu’il se pouvoit excuser par diverses considérations que nous en avons prinses depuis à la suite des affaires. Nous escrivons au sieur de Grandmont de surceoir à l'exécution dud. desseing et de retourner en ses postes avec la cavalerie qui l’accompagne. » La cour à Brun, Dole, 2 mars 1637. Cf. La cour au baron de Melisey, Dole, 2 mars 1637 ; le baron de Melisey à la cour. Chaussif®"3 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 214. Au mois d'octobre 1636, le conseiller de Champvans avait déjà fait re- noncer ses confrères à l'incendie de Chaussin. Cf. PETREY-CHAMPVANS, Leitre à Jean-Baptiste Petrey, sieur de Chemin, p. 102. D VS DRE AN te A 2 MR 4309 _- Bourg. Toutefois on ne pouvait le faire avant d’avoir reçu des renforts. Qu’attendait-on, d’autre part, pour envoyer l’ar- tillerie promise ? « Si l’on avoit deux quarts de canon et un mortier à bombes, disait l’impatient magistrat, je tiens infail- hble que dans trois jours nous aurions Bourg-en-Bresse. » Il montrait le marquis de Conflans décidé à faire un éner- gique effort, si la cour lui accordait les troupes qu’il deman- dait : « En ce cas, ajoutait-il, infailiblement la Bresse est à nous, où 1l y a de quoy nourrir douze mille hommes le reste de cette année (1). » Le même jour, le maréchal supplia la cour de profiter des généreuses dispositions du futur vainqueur de Mergentheim : « Il m'a fait dire, écrivit-1l, qu'il me prioit de l'appeler avec moy et qu'il protestoit de venir à l’ennemy de plein abord. » Que pouvait-on objecter à l'emploi des troupes impériales ? Ne valait-il pas mieux les jeter sur la Bresse que de les lais- ser « croupir dans le pays ? » Peut-être craignait-on qu’elles hésitassent à passer la frontière. Mais les soldats franc-com- tois étaient là pour les piquer au jeu et elles se comporte- raient vaillamment sous un chef tel que François de Mercy, çar il n’était pas de ceux qui ne savaient pas se faire obéir (2). « Ce cavalier, disait le marquis de Conflans, est brave et cou- rageux, qui se lairra mouvoir par l’exemple. » Le vieux guerrier faisait observer que, somme toute, il agissait contre son propre intérêt en sollicitant le concours des étrangers, -puisque, plus jaloux de sa gloire, il ne devrait pas souffrir qu'un autre que lui eût l'honneur de soumettre la Bresse ; mais il importait d’en finir « tout d’un coup » avec les enne- mis et de « faire travailler les Allemands. Qui non laborat non manducet (3). » a (1) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 3 mars 1637. — Pièces Jjustifica- tives, LIIT. (2) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 4 mars 1637. — Pièces justificatives, LIV. (3) Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 3 mars 1637, — Pièces justificatives, LIT. — 940 — Le désintéressement de Guérard de Watteville ne fut pas compris des membres du parlement. Peut-être n’avaient-ils pas tort, à leur point de vue égoïste, de redouter que par ses services le maréchal n’acquiît un prestige auprès duquel leur autorité pâlirait. Dans tous les cas, ils pouvaient voir à quoi servaient les ménagements envers leurs voisins de la Bour- gogne et de la Bresse : à peine le baron de Melisey eut-il quitté Chaussin que les Français incendièrent les villages de Tavaux et de l’'Abbaye-Damparis (1) ; ils mirent aussi le feu, du côté de Moirans, au village de Sièges, et les garnisons de Beaurepaire (2) et de Montcony () vinrent attaquer le château de Bourcia. Toutefois cette dernière tentative tourna à la confusion des agresseurs ; la garnison de Savigny accourut et les ramena, tambour battant, jusqu'à Beaurepaire, dont ils n’eurent que le temps de lever le pont-levis ; les barrières du château furent abattues à coups de hache ; si les Franc- Comtois avaient pu faire sauter la porte, nul doute que la place ne fût tombée en leur pouvoir (4). La cour de Dole avait, à vrai dire, une excuse dans le souci que lui donnait l'entretien des régiments laissés dans la province par Gallas, Au moment où les conseillers Buson et Lampinet venaient de régler, non sans peine, les quar- tiers d'hiver assignés à ceux-ci, on reçut une lettre du comte d'Oñûate ©) annonçant l’envoi en Franche-Comté de 8,000 ca- valiers impériaux que l'Alsace ne pouvait plus nourrir (6). (1) La cour au marquis de Conflans, Dole, 4 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 214. (2) Beaurepaire, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Louhans. (3) Montcony, village du canton de Beaurepaire, arrondissement de Louhans. (4) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 4 mars 1637. — Pièces justifica- tives, LIV. (5) Don Inigo Velez de Guevara y Tatis, comte d’Onate et de Villame- diana, ambassadeur de S. M. Catholique auprès de l’empereur Fer- dinand IIT. (6) Cf. La cour à Boyvin et Brun, Dole, 17 février 1637 ; le marquis de Torrecuso à la cour, Luxeuil, 17 ete 1637 ; la cour Sie comte d'Onate, — 341 — Malgré les protestations du parlement, l’avant-garde, com- posée des dragons de Gallas et des cuirassiers de Lam- boy, parut bientôt à la frontière ; on fit occuper en hâte les défilés du Lomont et le pont de Baume-les-Dames ; la com- pagnie colonelle du sieur de Raincourt eut ordre de demeu- rer à l’Isle-sur-le-Doubs (1), et toute l’attention de la cour de Dole se porta sur les mesures à prendre pour empêcher les nouveaux venus d’envahir la montagne (2). Suivant elle, ce n’était pas lorsque la province était menacée de nouvelles charges qu’il fallait songer à entreprendre une expédition. Le marquis de Conflans eut beau lui représenter l'importance du concours de François de Mercy () : elle refusa d'autoriser celui-ci à se rendre au bailliage d’Aval ; elle ne voulut pas davantage entendre parler des levées proposées par le pro- cureur général (4) et se prononça nettement contre toute offensive (5). On n'allait pas tarder à voir les conséquences désastreuses de ce fatal aveuglement. Dole, 19 février 1637 ; la cour à Buson et Lampinet, Dole, 19 février 1637; la cour au marquis de Castaneda, Dole, 19 février 1637. — Corr. du par- lement. Arch. du Doubs, B 218. (4) La cour au sieur de Raincourt, Dole, 2 mars 1637. — Corr. du par- lement. Arch. du Doubs, B 214. (2) Cf. La cour à Buson et Lampinet, Dole, 22 et 2% février, # mars 1637; la cour au baron de Mercy, Dole, 12 février et 4 mars 1637 ; la cour au car- dinal infant, Dole, 27 février 1637 ; le magistrat de Baume à Buson et Lam- pinet, Baume, 2 mars 1637; le sieur de Raincourt au magistrat de Baume, l'Isle-sur-le-Doubs, 3 mars 1637 ; le magistrat de Baume à Buson, Baume, & et5 mars 1637 ; le procureur fiscal de Baume à la cour, Clerval, 5 mars 1637 ; le baron de Mercy à la cour, Gouhenans, 8 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 215, 214. (3) « Tant plus je pense à l'affaire de mons' de Mercy, tant plus Je la trouve nécessaire et pour le bien de la province et pour le service de S. M., tellement que je suis esté sur le poinct de luy envoyer monsieur du Prel pour accepter l'offre qu'il m'hat faict faire par luy. » Le marquis de Conflans à la cour, Lons-le-Saunier, 5 mars 1637,— Pièces justificatives, LV. (4) La cour à Brun, Dole, 6 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 214. (5) La cour au marquis de Conflans, Dole, 6 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 214. — 942 — X Depuis la prise d’Arbent, le comte de Bussolin n'avait pas cessé d’avoir les yeux fixés sur Cornod : cette enclave fran- çaise du comté de Bourgogne lui faisait l'effet d’un défi jeté à ses armes et il jugeait nécessaire d’en déloger les enne- mis avant de marcher sur Bourg. Il communiqua son dessein à Brun, qui l’approuva sans réserves (1) et se mit aussitôt à tout disposer pour ce que François de Watteville appelait, je ne sais pourquoi « l’entreprise de la maitresse (2). » Le mar- quis de Conflans montra moins de confiance dans cette ten- tative; parmi ses officiers, beaucoup l’envisagèrent égale- ment avec appréhension ; le baron de Boutavant fut celui qui combattit avec le plus d'énergie l’idée de s’engager dans les montagnes. Chose singulière, au commencement du mois de mars, les rôles semblaient intervertis entre Brun et le maré- chal : c'était celui-ci qui estimait ses forces insuffisantes pour envahir la Bresse ; il craignait un échec, s’il se mettait en campagne sans artillerie, tandis que l’ardent magistrat voyait déjà Bourg au pouvoir du comte de Bussolin. Il faut d’ailleurs reconnaître que le procureur général n’épargna rien pour compléter l’armement des iroupes. S’autorisant de ce que la cour lui avait écrit six semaines auparavant 6), il fit venir un quart de canon (® de Salins; il réunit des munitions et des vivres à Lons-le-Saunier ®);, Savigny fut mis par les (1j GIRARDOT DE NozERoY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 156. (2 ) Cf. Le comte de Bussolin au marquis de Conflans et à Brun, Marti- gnat, D février 1637 ; Brun à la cour, Bletterans, 21 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 212, 215. (3) La cour à Brun, Dole, 26 janvier 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 211. (4 Les quarts de canon pouvaient lancer des boulets de 12 livres. (5) GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit., p. 156. RES, à soins de Christophe de Raïincourt à couvert d’une attaque (1) ; par contre, on démantela Cuiseaux (2), que l’ingénieur Tis- sot (3) avait reconnu trop difficile à fortifier. Mais tous ces préparatifs ne purent s’exécuter si secrète- ment que le marquis de Thianges n’en eût vent par ses es- pions. Dans l'incertitude du point sur lequel la nuée allait fondre, le lieutenant général français renforça les garnisons des châteaux voisins de la frontière ; il mit, en particulier, des gens de guerre à Cornod et à Vaugrigneuse (# ; lui-même, avec les milices de Bresse, se tint prêt à marcher au secours de la première place attaquée. Réduit à l’inaction par la jalousie de ses confrères, le con- seiller de Beauchemin fut instruit des dispositions prises par Charles Damas. Il en avertit le maréchal et le conjura de renoncer à attaquer Cornod : la saison était peu propice à former un siège ; à la vérité, un coup de main aurait pu rendre les Franc-Comtois maîtres du château, maisle secret était l’unique chance de succès d’une semblable entreprise, et Girardot de Nozeroy soutenait que, puisqu'elle était éven- tée, le parti le plus sage était de ne pas s’y opiniâtrer (5). (4) Cf. Le sieur de Raincourt à la cour, Savigny, 19 février 1637; Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 3 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 215, 214. (2) La cour au cardinal infant, Dole, 27 février 1637. — Corr. du par- lement. Arch. du Doubs, B 212. Cf. BRUN, Manifeste au nom des peu- ples de la Franche-Comté de Bourgongne, fol. 3 vo. (3) Jean-Maurice Tissot, maître extraordinaire à la chambre des comptes de Dole, avait dirigé, l’année précédente, les travaux de fortification de Gray. C'était « un pauvre homme » et sa lâcheté ne fut pas étrangère à la red- dition précipitée du château de Bletterans (4 septembre 1637). I à laissé un curieux manuscrit, intitulé : Comitatus Burgundiæ chorographica synomilia (Bibl. de Vesoul), et publié sous son nom la carte de Franche- Comté dressée par son beau-père Claude Vernier. Cf. Boyvin au prieur de Bellefontaine, Dole, 143 mai 164%. — Mss. Chifflet, t. CXXXIIT, fol. 275. (4) Vaugrigneuse, château fort qui occupait le plateau de la montagne du Cret, au sud-ouest du village de Cornod. (5) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 157. — 344 — Ce fut l’opinion que Guérard de Watteville fit sienne dans le conseil de guerre tenu à Lons-le-Saunier, le 10 mars. A défaut des Allemands du colonel Solis, il aurait désiré attendre les cinq dernières compagnies du régiment du sieur de Raincourt. Tous lesr apports démontraient que les Français étaient sur leurs gardes (1); le sieur de Saint-Ger- main venait d’échouer, faute de pétards et d’échelles, dans l'attaque d’une maison basse du village de Sens (2), dite la Maison-Rouge ; Henri de Champagne avait aussi été FÉpeUsse sur un autre point (3). La plupart des officiers furent du même avis que le gé- néral, mais Brun défendit chaleureusement la proposition du comte de Bussolin. Demeurer sur la défensive eût été, à l’en- tendre, la pire des fautes : les Français menaçaient Saint- Claude ; 1,600 hommes avaient, disait-on, passé près d’Ar- bent (4), et le procureur général montra un billet de son beau-frère, religieux de l’ordre de Saint-François 6), annon- cant que l’ennemi avait mis le feu aux Bouchoux dans la nuit du 8 au 9 mars (6). On attendait le vicomte d’Arpajon (7 à (1) Le jour même où se tenait le conseil, 1,000 fantassins et 300 chevaux commandés par les sieurs de Franclieu et de Ferrassières brülèrent les villages voisins de Saint-Amour ; le capitaine de Beauregard les obligea à battre en retraite, mais sans parvenir à entamer leur arriére-garde. Cf. Le sieur de Beauregard au marquis de Conflans, Saint-Amour, 10 mars 1637. — Pièces justificatives, LIX. (2) Sens, village du canton de Saint-Germain-du-Boïis, arrondissement de Louhans. (3) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 10 mars 1637. — Pièces justifica- tives, LVIIT ; Gazette de France du 28 mars 1637. (4) Le sieur de Molprel au marquis de Conflans, Dortan, 9 mars 1637. — Pièces justificatives, LVII. (©) Frère Michel Tissot, d’Orgelet, capucin, était entré en religion le 114 juin 1610. Sa sœur Marguerite avait épousé Antoine Brun, lorsque celui- ci n’était encore qu'avocat. (6) Pièces justificatives, LVI. (7) Louis de Séverac, vicomte d’Arpajon, fils de Jean d’Arpajon, baron de Séverac, et de Jacquette de Castelnau de Clermont-Lodève. — 345 — Beaune et le duc de Longueville (1) à Chalon-sur-Saône (2) ; Bernard de Weimar avait pris à Paris l’engagement de conquérir la Franche-Comté @) ; les forces du marquis de Thianges augmentaient tous les jours ; si on leur donnait le loisir de s’assembler, elles pourraient mettre en ligne plus de 5,000 fantassins et de 2,000 chevaux ; mieux valait « ha- sarder... en les prévenant que périr infailliblement en les attendant (4). » Ces raisons, exposées avec l’éloquence dont « le Démos- thène de Dole » (5) avait le secret, entraînèrent le vote des membres du conseil (6). On décida que, dès le lendemain, les troupes se dirigeraient sur Orgelet ; le procureur général en avertit le parlement, qu'il pressa d'envoyer au marquis de Conflans les deux canons et le mortier promis (7). Qu'’eût-il dit, s’il eût su que, le jour même où il écrivait à ses col- lègues, ceux-ci venaient seulement d’ordonner au comman- dant de Gray de faire conduire à Dole le matériel de siège si impatiemment attendu (8)? Le11 mars, Guérard de Watteville partit de Lons-le-Saunier (1) Henri IT d'Orléans, duc de Longueville, comte de Dunois, prince souverain de Neufchâtel et de Valangin, fils de Henri Ier d'Orléans, duc de Longueville, et de Catherine de Gonzague-Clèves, (2) Gazette de France du 14 mars 1637. (3) « On m'escrit de plus quele duc Veymard qui a esté à Paris s’est obligé de prendre deans un an cette province avec cette convention qu’il la tiendra en propre en relevant du fief de France. » Brun à la cour, Lons- le-Saunier, 10 mars 1637. — Pièces justificatives, LVIIT. Le duc de Weimar ne quitta Paris que le 12 mai 1637. Cf, B. ROESE, Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen- Weimar, t. IT, p. 145. (4) Pièces justificatives, LVIIT. (5) Bazzac, Socrate chrestien, p. 339. (6) GIRARDOT DE NoOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Gomté de Bourgongne, p. 157. (7) Brun supplia en même temps la cour de Dole de renforcer l’armée de 400 cavaliers et 600 fantassins du duc de Lorraine, chargés de brüler en passant tous les villages français de Flammerans à Chaussin. (8) La cour au sieur d'Andelot-Tromarey, Dole, 10 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 214. — 346 — avec 600 chevaux et 1,500 fantassins (1) : la cavalerie, placée sous le commandement supérieur du baron de Boutavant, comprenait seize compagnies ou cornettes @) ; l'infanterie se composait des régiments du comte de Bussolin et du sieur de Champagne et d’une partie de celui du sieur de Goux. Les troupes n’avaient pas le même entrain que le mois pré- cédent : quelque chose avait transpiré des débats du conseil et nombreux étaient les capitaines qui murmuraient de l’im- portance que le procureur général se donnait. Un accident acheva du reste de jeter le découragement parmi les soldats. Comme le marquis de Conflans prenait la tête de l’infante- rie, son cheval s’abattit et dans la chute son épée se brisa en deux tronçons ; « la noblesse qui estoit auprès de luy prit. ces deux choses à mauvais augure et le pria instamment de ne pas aller à cette entreprise, qui aussi sembloit n’estre pas un poste pour un général; + mais il était trop tard pour se rendre à ces instances ; le maréchal remercia les gentils- hommes qui lentouraient et, bien qu'impressionné par la rupture de son épée, se remit en selle et passa outre « pour ne se montrer superstitieux G). » Sur le soir, on arriva à Orgelet. Là, Marc de Montaigu ne put se défendre d'adresser de nouvelles représentations au comte de Bussolin ; il lui fit voir combien :il avait peu de chances de venir à bout de sa tentative, l’ennemi étant sûre- 2 —— ——— (1) Ce sont les chiffres donnés par Girardot de Nozeroy. Peut-être sont- ils au-dessous de la réalité en ce qui concerne la cavalerie. (2) Voici, d’après une relation française, l’effectif de ces compagnies : Conflans, 50 maîtres ; Bussolin, 30 ; Boutavant, 70 ; Moiron, 60 ; Gaucher, 80; Reculot, 60 ; Filain, 50 ; Cuse, 60 ; Choz, 50 ; Mont, 30 ; Buthiers, 40; Évans, 30; Beaujeu, 40 ; Rahon, 30 ; Cléron, 80, et Velle, 30. Antoine Duprel avait en outre trois compagnies de dragons. Six autres compagnies étaient demeurées en arrière sous les ordres du sieur de Saint-Germain. Gazette de France du 28 mars 1637. (3) GirarDOT DE NoZeroY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 157. Cf. Brun à la cour, Orgelet, 13 mars 1637, — Pièces justificatives, LXI. — Re. ment averti de sa marche. Peine perdue: la conquête de Cornod était tellement entrée dans l’esprit de François de Watteville qu'il ne voulut pas convenir des difficultés allé- guées par le baron de Boutavant. Brun intervint dans la discussion et soutint qu'il fallait faire la part du hasard : « Après tout, dit-il, la fortune est femme; ce serait la déso- bliger que de refuser ses faveurs, » On s’achemina le lendemain vers Cornod. En passant près de Cézia, le marquis de Conflans apprit que Christophe de Raincourt était arrivé avec quatre compagnies d’infanterie aux environs d’Orgelet; il envoya unofficier lui porter l’ordre de rallier les 300 chevaux que commandait Louis de Saint- Germain (1) et de s’avancer à Arinthod pour le soutenir, dans le cas où la supériorité numérique des Français l’obligerait à battre en retraite; ce n’était, en effet, qu’à contre-cœur que Guérard de Watteville avait entrepris cette expédition ; il ne partageait pas la présomption de son fils et, depuis la veille, son esprit était agité des plus tristes pressentiments. Quelle ne fut pas pourtant sa surprise, lorsque du village de Thorigna il reconnut la situation de Cornod ? Non seule- ment, avec son donjon, ses tours massives et sa double porte, le château était plus fort qu’il ne le supposait, mais la posi- tion qu'il occupait dans le fond d’une étroite vallée était telle qu’en cas de retraite on ne pourrait jamais emmener le ca- non. À coup sûr, le maréchal se repentit amèrement de n'avoir pas écouté Girardot de Nozeroy. Il ne laissa néan- moins rien voir des sombres pensées qui l’assiégeaient ; dès le soir même le canon fut mis en batterie ; Brun aurait voulu qu’on se saisit du poste de Vaugrigneuse (2), mais on ne jugea pas à propos d’entreprendre deux sièges à la fois ; l'infanterie (1) Ce corps de cavalerie était composé des compagnies du sieur de Saint-Germain, du baron d'Arnans, des sieurs de Jousseaux, de Valay l’ainé, de Valay le jeune et de Beauregard. (2) Brun à la cour, Bletterans, 21 mars 1637. = Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 216. — 948 — se logea entre le château et la Valouse : le sieur de Cham- pagne, qui remplissait dans l’armée les fonctions de sergent de bataille, régla tout pour l'attaque du lendemain et, satisfait des dispositions prises, le marquis regagna son quarlier gé- néral établi à une demi-lieue de Cornod, d’où il renvoya son fils au camp, après lui avoir recommandé « que sur toutes choses on deut bien faire battre les chemins de tous costez et envoyer petites parties bien avant pour recognoistre l’en- nemy (1). » Le conseiller de Beauchemin ne s'était pas trompé en avançant que les Français avaient été informés du dessein du comte de Bussolin. Au premier bruit de l'attaque décidée dans le conseil de guerre du 10 mars, le marquis de Thianges s'était hâté d’assembler les garnisons de Bourg, de Treffort, de Meillonas et des autres places de la frontière (2): le 12 mars, les troupes opérèrent leur jonction au bourg de Jasseron (6). La principale force de l'infanterie consistait dans le régiment de Rebé, que son mestre de camp (4) tenait à mener lui-même au feu ; on pouvait aussi compter sur cinq compagnies du régiment d’Enghien, dont les soldats avaient fait leurs preuves sous les murs de Dole; les milices de Bresse et de Bugey étaient en outre réparties en neuf com- pagnies. La cavalerie se composait des gendarmes du mar- quis de Thianges, des carabins du sieur de Courlon et des chevau-légers du baron de Montjouvent, du comte de Com- marin, du vicomte de Chastellux et des sieurs de Livry et de Langes (5); les gentilshommes de Bresse formaient, d'autre part, un escadron de 30 volontaires conduits par le sieur de (1; GIRARDOT DE NozEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 158. (2) Cf. Pièces justificatives, LX. (3) Jasseron, village du canton de Ceyzériat, arrondissement de Bourg. (4) Philibert de Rebé, fils de Zacharie de Rebé, baron d’Amplepuis, et d’Isabeau Popillon. (5) Claude-François de Joly, baron de Langes, fils de Pierre de Joly, seigneur de Choin, baron de Langes, et de Jeanne de Pobel. | — 349 — Bouligneux (4 . Le tout donnait un effectif de 300 maîtres et d’un millier de fantassins (2). Le marquis de Thianges quitta Jasseron le 13 mars à deux heures du matin. Dans l’après-midi ses soldats arrivèrent à une demi-lieue de Cornod, sans que leur marche eût été éventée par les coureurs ennemis ; pendant qu'ils repre- naient haleine, Charles Damas détacha en enfants perdus cent mousquetaires, qui s’avancèrent jusqu'au château de Vaugrigneuse ; le sieur de Courlon alla reconnaître le camp franc-comtois avec quelques cavaliers et vint ensuite faire son rapport. Comment les Français avaient-ils pu dérober leur marche au marquis de Conflans ? On se l'explique difficilement, lors- qu’on se rappelle la recommandation de Guérard de Watte- ville à son fils. Le maréchal avait insisté à maintes reprises sur la nécessité de prendre langue de l’ennemi (3) : malheureu- sement les délachements de cavalerie envoyés à la décou- vertene poussèrent pasassez loin, et l’histoire de la dernière guerre est là pour nous apprendre le parti qu’un capitaine en- treprenant peut tirer de la négligence avec laquelle une troupe se garde. Il ressort d’ailleurs du récit de Girardot de Nozeroy que le baron de Boutavant ne montra pas l’activité (1) Jean de la Palu, seigneur de Bouligneux, fils de Charles de la Palu, seigneur de Bouligneux, et de Jacqueline de Saux. Le marquis de Thianges était son beau-frère. (2) Gazette de France, extraordinaire du 26 mars 1637 : La signalée victoire obtenue sur les Comtois par les troupes du Roy, où il est de- meuré plus de douze cens des ennemis morts, et quatre cens prison- niers ; Mercure françois, t. XXII, p. 95; BERNARD, Histoire du roy Louis XIII, t. II, p. 379. L’effectif des troupes engagées de part et d'autre à Cornod fait sourire, quand on le compare aux forces que la France et l'Empire mirent un peu plus tard sur pied. Toutefois il convient d'observer que les chiffres donnés ne s'appliquent qu’aux combattants, à ce qu’on nommerait aujourd’hui les « baïonnettes » et les « sabres. » (3) Brun à la cour, Bletterans, 21 mars 1637. — Gorr. du parlement, Arch. du Doubs, B 216. — 350 — qu'il avait déployée dans d’autres circonstances : il était, on le sait, d’un naturel peu endurant ; la discussion d’Orgelet lui était demeurée sur le cœur et, quand, dans la soirée du 12 mars, François de Watteville lui transmit les instructions du maréchal, il crut « que le comte luy parloit de Luy mesme et vouloit luy monstrer sa leçon. » Le prenait-on pour un cadet à la veille de faire ses premières armes ? « Je me moque de vos ordres, répondit-il, je sais ce que j'ai à faire. Le comte de Bussolin ne dit rien «sur le rang, » maïs le lendemain, au point du jour, il envoya Duprel porter un cartel à Marc de Montaigu. Refusant d'emmener un second, celui-ci ne prit que le temps de monter à cheval, et les deux antagonistes étaient déjà aux prises, lorsque les principaux _officiers accoururent et leur représentèrent le déplorable exemple qu’ils donnaient à l’armée. Le marquis de Conflans intervint lui-même pour arrêter le duel, et, rappelés au sen- timent de leur devoir, François de Watteville et Marc de Montaigu se réconcilièrent sur le terrain. Toutefois le baron de Boutavant parut toute la matinée « triste et hors de son procédé ordinaire (1); » il ne consentit à reprendre le com- mandement de la cavalerie que sur l’ordre formel du procu- reur général ; « peut-estre, dit un contemporain, que le duel de ce jour-là luy tenant l’âme chargée luy faisoit perdre quelque chose de sa résolution (2). » | Malgré ce pénible incident, le comte de Bussolin se croyait toujours sûr du succès. Le commandant du château ayant rejeté la sommation qui lui avait été adressée, le canon com- mença à jouer contre les murailles : Henri de Champagne fit barricader les rues du village et ouvrir des tranchées pour (1) Le 13 mars 1637 était un vendredi, et, pour qui connaît l'esprit su- perstitieux des Franc-Comtois du xvire siècle, il n’est pas invraisemblable que cette coïncidence fut remarquée par Marc de Montaigu. (2) GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 159; Cf. Boyvin au prieur de Bellefontaine, Dole, 8 avril 1637. — Pièces justificatives, LXV. — 351 — mettre les fossés à sec ; deux compagnies d'infanterie occu- pèrent le pont par lequel devaient forcément passer les troupes envoyées au secours de Cornod ; la cavalerie se dé- ployz sur la droite et la matinée s’écoula sans que rien vint troubler la sécurité engendrée par les rapports des éclaireurs chargés de couvrir le siège. Il était un peu plus de trois heures, lorsque quatre-vingts mousquetaires français descendirent au pas de course du château de Vaugrigneuse ; le sieurde Champagne les repoussa, mais, comme il s’apprêtait à les poursuivre, des coups de feu partirent sur les bords de la Valouse : c’était le baron de Rebé, qui, à la tête de deux cents mousquetaires soutenus par une compagnie de carabins, tentait de franchir la ri- vière (1). Y eut-il trahison, ainsi que Girardot de Nozeroy l’insinue (2) ? Faut-il, au contraire, mettre le peu de résis- tance des défenseurs du pont sur le compte de la surprise que leur causa l'apparition des Français ? Toujours est-il que le passage de la rivière fut livré presque sans combat; des deux capitaines qui défendaient le pont, l’un fut fait prison- nier ; l’autre se laissa entrainer dans la fuite précipitée de ses soldats. La Valouse franchie, l'avant-garde française chasse les Franc-Comtois d’un bouquet de bois dans lequel on les a vus du château de Vaugrigneuse se mettre en embuscade ; puis elle fait halte pour attendre le reste des troupes. Le marquis de Thianges, « homme prompt et soldat G), » n’a pas perdu de temps pour disposer son ordre de ba- taille : le régiment de Rebé a l’attaque à main gauche avec les gendarmes, les chevau-légers et les volontaires ; le baron de Rebé doit aborder les retranchements ennemis de front, (1) Gazelte de France, extraordinaire du 26 mars 1637. (2) « Celuy qui avoit le pont en garde où estoit le passage de l’ennemy l’abandonna sans rendre combat, et comme estranger à esté suspecté d’in- telligence. » GIRARDOT DE NoOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche- Comté de Bourgorgne, p. 158. (3) Ip., op. cit., p. 161. — 302 — à la tête des cinq compagnies d'Enghien, de la moitié des compagnies de la milice et des carabins du sieur de Courlon; enfin, à la droite, le surplus de la milice et 50 mousque- taires de Rebé sont chargés de tourner les barricades pour prendre les défenseurs du village à revers (). De leur côté, le marquis de Conflans, le comte de Bussolin et le sieur de Champagne ont fait prendre à la hâte les armes à leurs sol- dats : bon nombre sont des recrues, à la solidité desquelles il ne faut pas trop se fier. | La cavalerie française engage l’action. Les premiers esca- drons sont ramenés par le baron de Boutavant, mais d’autres s’avancent pour les soutenir ; ils se déploient « à grand front » et soudain, saisie d’une terreur panique, la cavalerie franc-comtoise prend la fuite après quelques légères cara- coles ; seules, deux ou trois compagnies continuent à com- battre, animées par le sieur de Beaujeu et le sieur de Recu- lot (2), jaloux de justifier les fières devises de leurs maisons. Cet inexplicable abandon jette le trouble dans les rangs des défenseurs du village, qui étaient déjà aux prises avec l'ennemi. L'attaque du baron de Rebé avait été si brusque, que les mousquetaires franc-comtois avaient à peine eu le temps d'allumer leurs mèches. Au début, ils firent néan- moins bonne contenance : le sieur de Champagne allait de rang en rang les encourager à tenir ferme (3) ; le comte de Bussolin avait mis pied à terre et, la pique à la main, don- nait à tous l’exemple de la plus brillante bravoure (4. Se (1) Gazette de France, extraordinaire du 26 mars 1637. (2, Louis-Bernard de Reculot, seigneur de Colonne, fils de Pierre de Reculot et de Guillemette de Montmorot. La devise des Reculot était : Ne recule que de nom, et celle des Beau- jeu : À tout venant beau jeu. (3) « Il a esté le plus engagé dans la meslée et fut celuy qui repoussa d’abord le régiment d’Enguien, comm'eût esté tout le reste, si la cavalerie eût secondé la première résolution de l'infanterie. » Boyvin à la cour, Salins, 22 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 215. (4) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 159. — 393 — voyant privés du concours de la cavalerie, les fantassins commencent à plier ; leur tir se ralentit ; les barricades sont emportées et une lutte corps à corps s'engage dans les rues de Cornod. Mais l’aile droite du marquis de Thianges a opéré son mouvement tournant ; les Franc -Comtois sont pris entre deux feux ; les officiers ne parviennent plus à se faire écou- ter de leurs hommes ; bon nombre de soldats lâchent pied et la route d’Arinthod se couvre de fuyards. En vain le procu- reur général se jette-t-il au devant de ceux-ci pour les ex- horter à retourner au combat; il est entraîné dans la déroute ; son secrétaire Morel est blessé à ses côtés (1) ; un instant, le sieur de Kerrassières met la main au collet du futur négociateur de Munster ; il laurait fait prisonnier, si, le voyant assez pauvrement vêtu, il ne l’avait laissé aller pour courir après un autre cavalier (2). Bientôt toute résistance cesse : les Français s'emparent du canon; quatre chariots de munitions et six chariots de vivres tombent également en leur pouvoir. Le comte de Bussolin a quitté des derniers le théâtre du combat ; moins heureux que lui, Henri de Champagne ne peut se dégager des ennemis qui l’entourent. La cavalerie lancée à la pour- suite des fuyards sabre sans pitié tous ceux qu’elle peut atteindre ; elle ne s’arrête que devant la ferme contenance de l'infanterie de Christophe de Raincourt et des escadrons de Louis de Saint-Germain établis en avant d’Arinthod. Exaspérées par l'incendie de leurs villages, les milices de la Bresse et du Bugey ne font aucun quartier et pendant deux heures elles s’acharnent sur les vaincus qui cherchent à re- passer la rivière. C’est ainsi que du côté des Franc-Comtois ne (4) Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 1% mars 1637. — Pièces justifica- tives, LXIV. , Pierre Morel, qu'Antoine Brun croyait être demeuré sur le champ de bataille, devint dans la suite lieutenant au bailliage d’Orgelet, puis procu- reur substitué au parlement de Dole. (2) Gazette de France, extraordinaire du 26 mars 1657. 23 — 354 — près de six cents hommes périssent dans cette affreuse journée (1) ; plusieurs gentilshommes sont égorgés de sang- froid après avoir rendu leur épée (2) ; de ce nombre est un frère du baron de Boutavant, à qui les vainqueurs nepar- donnent pas la crainte qu’il leur a longtemps inspirée. Peu s’en fallut que le marquis de Conflans ne demeurûât parmi les prisonniers. On l’avait vu, pendant l’action, se porter de sa personne sur tous les points où les troupes fai- blissaient. Apercevant un gros d’ennemis qui s’ébranlait pour charger, il crut que c'était un de ses escadrons et piqua des deux dans leur direction ; sans son maître d'hôtel, qui l’avertit de son erreur, il allait être enveloppé. Les cavaliers français firent sur lui une décharge générale, dont sa cuirasse le préserva; on dut l’arracher malgré lui du champ de ba- taille ; sa vaisselle d'argent et ses papiers tombèrent entre les mains des vainqueurs ; lui-même n’échappa qu’à grand’ peine à l’ardente poursuite du baron de Rebé(). Vers 4 es iuer (1) La Gazette de France parle de douze cents morts ; la cour de Dole indique le même chiffre dans une lettre au cardinal infant. C’est une exa- gération manifeste et Girardot de Nozeroy est plus digne de confiance, lorsqu'il dit : « En ce combat moururent de nostre infanterie peu moins de six cents hommes. » Quant aux pertes des Français, il est difficile de les connaitre ; elles furent certainement très inférieures à celles des Franc- Comtois, mais on ne peut prendre au sérieux l’assertion de Renaudot dé- clarant la victoire acquise au prix de 15 tués et 25 blessés. Cf. BERNARD, Histoire du roy Louis XIII, t. II, p. 375. (2) Le baron de Boutavant à Brun, Saint-Christophe, 14 mars 1637. — Pièces justificatives, LXIII ; Gazette de France du 28 mars 1637; BRUN, Manifeste au nom des peuples de la Franche-Comté de Bourgongne, fol. 5 v°; GIRARDOT DE NoZERoY, Histoire de dix ans de la Franche- Comté de Bourgongne, p. 159. Il est permis de révoquer en doute le meurtre du frère de Marc de Mon- taigu : celui-ci n’avait, en effet, que trois frères, Pierre, Africain et Antide; le premier était mort au moment de l'invasion de la Franche-Comté par les Français et l’on voit les deux autres intervenir, le 2 octobre 1649, dans la publication du testament de leur mère, Antoinette Gauthiot. — Arch. du Jura, E 529. (3) Gazette de France, extraordinaire du 26 mars 1637. = | . ss PPT RO AT ur TT) PC ñ < — 885 — minuit, il arriva à Orgelet ; le comte de Bussolin et le procu- reur général l’y avaient devancé ; les troupes le croyaient mort (1) et leur joie fut vive en le revoyant sain et sauf, Pour lui, fou de douleur, il écrivit à la cour de Dole un billet de dix lignes, où s’exhala son désespoir de l’insigne « poltron- nerie » de ses soldats : « Jamais, déclara-t-il, je n’ai été d'avis de mener du canon dans les montagnes. Je ne veux plus dorénavant me gouverner par autrui. » Puis, rappelant aux membres du parlement leur opposition à l’emploi des troupes étrangères : « Vous m'avez refusé des renforts, leur dit-il ; si vous me les aviez envoyés, la Bresse seroit à nous et nous n’aurions pas esté battus (2). » Certes, l’intrépide capitaine avait raison de reprocher aux collègues de Boyvin leur conduite pusillanime et l’on com- prend qu'il n’ait pu retenir un cri de colère en envisageant les conséquences de la défaite. Faute d’être secouru, toute l’ardeur qu’il avait montrée depuis six mois venait d'aboutir à un lamentable échec ; sa cavalerie avait fui honteusement; plus de la moitié de son infanterie était demeurée sur le ter- rain et ce qui en restait suffisait à peine à assurer les prin- cipales places du bailliage d’Aval #3) ; Henri de Champagne était prisonnier ; on était sans nouvelles d’une foule d’autres officiers (4) : le baron de Boutavant remettait le commande- (1) Brun à la cour, Orgelet, 13 mars 1637. — Pièces justificatives, DENT (2, Pièces justificatives, LXIT. (3) La défense d’Orgelet était confiée au capitaine du Thauc et celle de Saint-Amour au capitaine de Beauregard. Il y avait 150 hommes à Savigny et 120 à Dortan. À Lons-le-Saunier, on espérait réunir 500 soldats. Cf. Brun à la cour, Lons-le-Saunier, 14 mars 1637. — Pièces justificatives, LXIV. (4) Suivant Renaudot, le procureur général aurait envoyé redemander © 48 tant capitaines qu’officiers. » Gazette de France, extraordinaire du _ 26 mars 1637. En faisant part à la cour de nouvelles ouvertures du baron de Cressia, Brun écrivit de Château-Chalon, le 19 mars 1637 : « Si nous voulons rendre une des places que nous tenons, nous raurons canon et prisonniers. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 230. =— 356 — ment de l’escadron de Bourgogne au sieur de Saint-Ger- main (1) ; Brun, abattu, parlait d'aller chercher à Milan 3,000 Espagnols (2); en attendant, il n’y avait plus que le duc de Lorraine qui püt arrêter les Français. Ce prince était alors plus épris que jamais de la princesse de Cantecroix (3), qu’il devait épouser secrètement trois se- maines plus tard (4), après avoir obtenu de théologiens com- plaisants une déclaration en faveur de la nullité de son ma- riage avec la duchesse Nicole (5). Dès le 15 février, 1l lui avait assuré par contrat « cent mille escus en deniers, monnoye de Lorraine.…., et des pierreries et joyaux pour la valeur d’autres cent mille escus (6). » L’opulente beauté de Béatrix de Cusance était dans tout son éclat (?) ; son esprit surpas- a —— (1) Le baron de Boutavant à Brun, Saint-Christophe, 14 mars 1687, Pièces justificatives, LXIIT. (2) Pièces justificatives, LXIV. (3) Béatrix de Cusance. princesse de Cantecroix, fille de Claude-François de Cusance, baron de Belvoir et de Saint-Julien, et d’'Ernestine, marquise de Berghes Elle était veuve du prince de Cantecroix depuis le 6 février 1637. (4) Le duc de Lorraine et la princesse de Cantecroix furent mariés à Besançon, le 2 avril 1637, par un vicaire de l’église Saint-Pierre. Cf. For- GET, Mémoires des guerres de Gharles IV, duc de Lorraine, fol. 172; BEAUvVAU, Mémoires, p. 50; L. PiINGAUD, Béatrix de Cusance, prin- cesse de Cantecroix, dans les Mémoires de la Sociélé d’émulation du Doubs, année 1875, p. 256. (5) Le saint curé de Mattaincourt maintint, au cond jusqu’à la fin la validité de l’union à laquelle Charles IV dore sa couronne. Cf., dans le procès de Toul, les dépositions de Nicolas Demandre, adjuteur dans la Con- grégation des chanoines réguliers de Notre-Sauveur, serviteur de Pierre Fourier, dix-septième témoin, et du P. Jean Étienne, supérieur général de la Congrégation, premier témoin. — Acta beatificationis V. Servi Dei Petri Forerii, t. I, fasc. XVIII, p. 66 et 225. Le rôle que la marquise de Berghes joua dans le mariage de sa fille est signalé par une curieuse lettre de l’archevêque de Besançon, Claude d’A- chey, à son grand vicaire Philippe Chifflet, du 28 septembre 1639. — Mss. Ghifflet, t. CXXX, fol. 144. (6) Traité de mariage de Charles IV et de madame la duchesse Béatrix, passé à Besançon, le 15 février 1637. — F. DES ROBERT, Campagnes de Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, ti. I, p. 551. (7) L'abbé Arnauld, qui la vit quatre ans plus tard, dit de cette femme — 397 — sait encore ses charmes (l) et elle ne demandait pas mieux que de décider son illustre amant à secourir ses compa- triotes. Le marquis de Conflans alla trouver le duc à Besan- çon. Sans hésiter, Charles IV lui accorda quatre régiments dé cavalerie (2) et deux régiments d’infanterie (3), qui vinrent camper aux environs de Lons-le-Saunier sous le commande- ment du baron de Watteville. Déjà le marquis de Thianges s'était replié sur Bourg, laissant cent hommes à la garde du château de Cornod, et ce ne fut qu’au bout de quinze jours que les Français reprirent l’offensive en investissant Saint- Amour. À la douleur d’avoir été défait se joignait, pour Guérard de . Watteville, le sentiment que son rôle était fini. Un seul jour avait suffi à détruire la réputation que le vieux soldat avait acquise par ses longs services, et désormais il lui fallait se résigner à n’occuper que le second rang. « Jusques alors, dit Girardot de Nozeroy, la réputation des armes de Bourgongne estoit grande et faisoit on en France estat de la bonne con- duitte du marquis de Conflans, qu’il avoit commencée long temps y avoit, en la deffense de la citadelle de Bourg contre a de campagne du duc de Lorraine : « On voit peu de plus grandes beautés que celles qui brilloïent en elle en ce temps-là. » Mémoires (coll. Michaud), p. 206. (1) « La princesse de Cantecroix..…. estoit belle femme, mais l'esprit surpassoit le corps, et le duc qui avoit l’esprit vif prenoit plaisir aux pen- sées subtiles de cette dame. » GIRARDOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 168. (2) C'était les régiments du marquis de Blainville, du chevalier de Clinchamp, du jeune Vernier et de Gomez, ancien lieutenant-colonel de Jean de Wert. Cf. FORGET, Mémoires des querres de Charles IV, duc de Lorraine, fol. 168; GIRARDOT DE NOZEROY, op. cit., p. 160 ; Dom CaL.- MET, Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, t. UT, p. 345. (3) Ces régiments avaient pour mestres de camp deux gentilshommes lorrains renommés pour leur bravoure, Jean-Jacques d'Haraucourt, sei* gneur de Saint-Baslemont, et Jean d’Arbois, seigneur de Xaffévillers : leur effectif ne s'élevait qu'à 800 hommes. Cf. Garnier à la cour, Poligny, 4er avril 1637, — Corr, du parlement. Arch. du Doubs, B 216. = He — Henry IV, roy de France (1), et avoit suivy aux guerres du duc Charles Emmanuel de Savoye, duquel il commandoit la cavalerie contre le duc de Mantoue, et avoit monté sa répu- tation bien haut en Bourgongne après avoir estouffé les des- seings du Rheingrave en leur commencement et ceux du mareschal de la Force et cardinal de la Valette, et tout frais- chement conservé Dole et la Bourgongne contre l’armée royale du prince de Condé, par sa bonne conduitte et addresse militaire : et ce malheur de Cornod, procédé du peu d'ordre et mauvaise intelligence des chefs en présence du marquis, le mit à mespris vers Tienges et les Bourguignons vers les Francois (2. » [Il ne manquait pas d’ailleurs de gen- tilshommes pour reprocher au maréchal « sa facilité envers la cour » et c'était même leurs démarches qui avaient fait re- venir le cardinal infant sur sa résolution de lui confier le gouvernement de la province. À Besançon, le marquis de Conflans rencontra le capitaine qui, pendant cinq ans, allait lutter avec un courage digne d’une meilleure fortune contre les ennemis du dedans et du dehors. On ne s’était pas trompé en annonçant « que le roy donneroit à la Bourgongne un gouverneur qui parleroit hors de ses dents (3). » Le temps des ménagements était passé : « d'humeur martiale et aduste à ne rien endurer, » le mar- quis de Saint-Martin arrivait avec la résolution de tenir tête aux membres de la noblesse comme aux membres du par- lement ( etses emportements firent plus d’une fois regret- (1) Lesdiguières l'avait auparavant contraint de rendre Conflans (26 août 1600). BASSOMPIERRE, Journal de ma vie, t. I, p. 84. (2) GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 160. La défaite du marquis de Conflans fut tellement amplifiée par les nouvellistes aux gages de Richelieu que ceux-ci l’éga- lèrent à la victoire remportée par les maréchaux de Châtillon et de Brezé à Awein (20 mai 1635). Cf. Gazette de France, extraordinaire du 26 mars 4037. (3) Le mot est du marquis de Castaneda. (4) Dès la première année, il déclara, à propos d'ordres donnés aux of- ficiers d’Ornans par le marquis d’Ogliani et le conseiller Buson : « Je — 999 — ter aux uns et aux autres la courtoisie du maréchal (1}. Jean- Baptiste de la Baume sut d’ailleurs reconnaître les éminentes qualités de Boyvin et de Brun ; en prenant possession de sa charge il sollicita leurs avis (2) et finit par vivre en bonne in- telligence avec eux (3), ce qui ne l’empêcha pas de prodi- guer à Girardot de Nozeroy les témoignages de sa confiance et de son estime (4). Quant à envahir la Bresse et le Bugey, il n’en fut plus question : la Franche-Comté n’eut pas trop de toutes ses forces pour résister aux attaques simultanées du duc de Longueville, du duc de Weimar et du comte de Grancey 6), et avec la fumée des derniers coups de mousquet tirés dans la vallée de Cornod s’évanouit le dessein dont la réussite eût vraisemblement eu pour résultat de détacher le duc de Savoie de l'alliance de la France. choisiray plustost d'abandonner la charge et m'’aller jetter aux piedz de Sa Majesté que de souffrir un si pernicieux procédé, » Le marquis de Saint- Martin à la cour, Salins, 25 octobre 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 225. (1) « La noblesse de Bourgongne estoit..... mal satisfaicte de l'humeur du marquis qu'elle avoit demandé, car il estoit aduste et s’impatientoit quand il estoit pressé. » GIRARDOT DE NoZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 177. (2) Avis de la cour sur les propositions du marquis de Saint-Martin, Dole, 19 mars 1637. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 215. (3) « Le marquis, bien qu'il fut mal content du parlement, dissimuloit néantmoins ses fascheries par l'advis de l’abbé des Trois Rois, qui avoit es- tably et entretenoit une intelligence entre luy, le président et le procureur général, qui sont les trois principaux ressorts pour la conservation de la province. De quoy chacun parloit à sa facon et aucuns disoient que cette intelligence estoit bonne, quand elle n’avoit autre but que le service du Roy et repos de son estat; mais, si elle estoit pour l'intérest particulier de chacun des trois pour se prester la main l’un l’autre, elle seroit mauvaise ; et appeloient cette union le {riumvirat. » GIRARDOT DE NOZEROY, 0p. cit, p.299. (4) On le voit notamment appeler le conseiiler de Beauchemin aux déli- bérations des conseils de guerre, lui confier la conduite des troupes ou l'achèvement des fortifications de Salins et le charger de défendre le chä- teau de Saint-Asne. Ip,, op. cit., p. 166, 170, 172, 200 et 223, (5) Jacques Rouxel de Medavy, comte de Grancey, fils de Pierre Rouxel, baron de Medavy, et de Charlotte de Hautemer, comtesse de Grancey. Il devint maréchal de France en 1651. — 360 — Ma tôche est terminée: si le lecteur a eu la patience de me suivre, il connaît dans leurs moindres détails les opéra- tions militaires qui tinrent pendant trois mois la victoire in- décise entre les gris et les rouges (1). Assurément ces enlè- vements de quartiers, ces incendies de villages, ces prises et reprises de châteaux n'ont rien à voir avec la grande guerre ; les effectifs sont mesquins ; il ne faut pas demander aux chefs des vues stratégiques bien profondes; des diffi- cultés de tout genre paralysent leurs mouvements ; ils ont à triompher des intempéries de la saison en même temps que de lindiscipline de leurs troupes ; la cohésion de celles-ci est si faible qu'après chaque engagement elles ont besoin d’un temps d'arrêt pour se refaire; aussi, d'habitude, tout se borne à de rapides coups de main et la répétition monotone des mêmes faits n’est pas sans engendrer une certaine las- _situde. Néanmoins il m’a paru utile de tirer de l'oubli les noms des braves qui prirent part à cette courte campagne. La mémoire des hommes est ainsi faite qu’elle garde à peine le souvenir des chefs les plus renommés : à chaque généra- tion nouvelle l’oubli étend son voile sur une foule d'actions éclatantes ; à plus forte raison l’histoire demeure-t-elle indif- férente aux capitaines qui versèrent obscurément leur sang pour la défense de leurs foyers. À mes yeux, c’est une injus- tice que met encore plus en saillie l'importance donnée aux gens de lettres par leurs semblables : tel homme de guerre aura, comme le marquis de Saint-Martin, reçu d'innombrables blessures en combattant pour son roi @); on cherchera vai- nement son nom dans les dictionnaires biographiques ; tel autre aura balancé par ses victoires les succès de Turenne et (1) Le rouge était la couleur nationale des Franc-Comtois. Les miliciens de la Bresse avaient reçu le sobriquet de gris, que leur donnèrent longtemps les montagnards du Jura. (2) & Il (le marquis de Saint-Martin) avoit trente-trois playes sur son corps, onze coups de pique et vingt-deux d’espée et armes à feu. » GuI- CHENON, Histoire de Bresse et de Bugey, t, II, p. 52. — 901 — de Condé, qui n’obtiendra que quelques lignes, alors que maint grimaud de plume voit ses écrits commentés par les écrivains qui viennent après lui. Tant il est vrai, pour rap- peler le discours du bon chevalier de la Manche sur les armes et les lettres, que, même au point de vue de la posté- rité, « aunque es mayor el trabajo del soldado, es mucho me- nor el premio (1). » Une autre raison m'a guidé dans la publication de ces épisodes de la guerre de Dix ans. Ils sont peu connus ; nos historiens les ont pour ainsi dire passés sous silence :; ils méritent cependant d’être étudiés, car ils se relient à un plan dont les grandes lignes étaient sages. Il est certain que, si le marquis de Conflans avait eu les mains libres pendant que Gallas envahissait la Bourgogne, la réunion de la Bresse et du Bugey aurait été remise en question : tout en nous réjouissant comme Français de l'avortement de ses projets, nous ne pouvons nous empêcher de rendre justice à ses ef- forts, et je ne sais ce qu’on doit davantage admirer, de son courage dans les combats ou de sa patience à supporter les empiétements du parlement sur le « gouvernement des armes, » Ce n’était pas un grand capitaine : autant qu'il est permis d'en juger à la distance où nous sommes des événe- ments, il paraît avoir été surtout un tacticien prudent, s’ins- pirant plus de la méthode de Fabius que de celle d’Annibal ; avec cela, rompu de bonne heure aux fatigues de la guerre et n'hésitant pas, quand il le fallait, à payer de sa personne. Sous ses cheveux blancs, il a encore toute l’énergie d’un. jeune homme; à soixante-sept ans, on le voit rester des jour- nées entières à cheval ; dans le relâchement de la discipline, il demeure l’homme du devoir et ce n’est pas sa faute si l’ir- résolution de la cour de Dole ne lui a pas permis de réaliser les vues du cardinal infant. À côté de lui, le comte de Busso- lin se fait remarquer par ses vertus humaines ; il a le coup (1) CERVANTES, El ingenioso hidalgo, I, lib. IV, cap. XXXVIIL. — 302 — d'œil prompt et serait sans reproche si sa fougue ne dégéné- rait quelquefois en témérité. D’autres officiers, comme Henri de Champagne et Marc de Montaigu, savent leur métier et inspirent confiance à leurs hommes. N'oublions pas Antoine Duprel, dont le souvenir reste inséparable de la résistance de Martignat, et Christophe de Raincourt, qui, après avoir concouru à la prise de Savigny, défendra Lons-le-Saunier contre le duc de Longueville (1 et trouvera en Italie la mort glorieuse du soldat (2). Que n'auraient pas fait de tels chefs avec des troupes mieux disciplinées et plus aguerries ? Qui sait ? les écharpes rouges auraient peut-être franchi le Rhône. Dans tous les cas, les chances de succès eussent été tout autres, si le parlement eût franchement secondé Girard de Watteville. Je n’ai pas marchandé l’hommage au patriotisme des membres de la cour de Dole ; rien n’a été dissimulé des raisons qu'ils pou- vaient alléguer contre l’expédition décidée par le gouverneur des Pays-Bas, mais l’impartialité fait un devoir de proclamer qu’une lourde part de responsabilité leur revient dans le dé- sastre de Cornod. Leur première faute fut d’avoir entravé autant que possible les préparatifs du maréchal : sans leur (1) Sur la prise de Lons-le-Saunier, cf. Boyvin au prieur de Bellefon- taine, Dole, 28 juin 1637. — Mss. Chifflet, t. CXXXII, fol. 5; Richelieu à Louis XIIT, Paris,1°" juillet 1637. — Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'État du cardinal de Richelieu, t. V, p. 719; Gazette de France, extraordinaire du 6 juillet 1637 : La prise de trois chasteaux et de la ville de Lyon-le-Saunier, avec trois enseignes gangnées sur les enne- mis dans la Franche-Comté par le duc de Longueville ; Mercure fran- çgois, t. XXII, p. 103 ; BRUN. Manifeste au nom des peuples de la Fran- che-Comté de Bourgongne, fol, 5 vo; CAmP1OoN, Mémoires, p. 96 ; GIRAR- DOT DE NOZEROY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 171; RICHELIEU, Mémoires, t. IT, p. 142; J.-B. PERRIN, Notes historiques sur la ville de Lons-le-Saunier, p. 63; A. ROUSSET, Dictionnaire des communes du Jura,t. TT, p. 561 ;B.ProsST, Documents inédits rctatifs à l’histoire de la Franche-Comté, t. IV, p. 64; A. Vays- SIÈRE, Je siège et l'incendie de Lons-le-Saunier en 1637, p. 36. (2) li fut tué en 1638 au siège de Verceil. — 9363 — opposition intempestive, celui-ci serait entré en campagne dès le mois d'octobre, et l'invasion de Gallas en Bourgogne l’aurait puissamment aidé à prendre l’une après l’autre les places de la Bresse et du Bugey. Admettons que ce soit par pure humanité que Boyvin et ses collègues aient défendu de réduire en cendres les villages français de la rive gauche de la Saône : il n’en reste pas moins acquis que jusqu’à la fin ils laissèrent se rouiller dans l’arsenal de Gray les canons que le marquis de Conflans et le procureur général réclamaient à grands cris. Où le parlement me semble surtout inexcusable, c’est dans son refus de permettre à François de Mercy de descendre au bailliage d’Aval : deux régiments de plus, et c'était à la cavalerie française de fuir en désordre devant les cuirassiers et les dragons impériaux; que risquait-on à jeter sur la Bresse les pillards qui traitaient la Franche-Comté en pays conquis ? Inutile, au surplus, de rechercher les mo: tifs de ce refus : la timidité propre aux assemblées délibé- rantes y eut sans doute une large part (1), mais il faut aussi reconnaître que, du premier jour au dernier, la cour laissa percer la crainte de voir le maréchal se rendre indépendant d'elle; la jalousie ne fut pas étrangère à la facilité avec laquelle elle accueillit les ouvertures relatives à une suspen- sion d'armes, et l’histoire ne saurait accueillir sans protes- tations les éloges que lui a décernés l’avant-dernier biographe GS RONA AE RER un _-Oublions cependant tout cela pour ne nous souvenir que du mâle courage que magistrats et soldats montrèrent toutes les fois que la France tenta d’ébranler leur fidélité. Malgré (1) Notons aussi les ménagements auxquels la cour se croyait astreinte envers tous ceux qui de près ou de loin touchaient à ses membres. Un ambassadeur espagnol a mis le doigt sur la plaie, lorsqu'il a écrit : « Es un peccado original... que por no dar disgusto à los parientes se diffi- cultan las cosas. » Le marquis de Castaneda au marquis de Saint-Martin, Vienne, 21 septembre 1637. — Corr. du parlement, Arch. du Doubs, B 224. — 902 — des défaillances individuelles, l’ensemble de là nation dé‘ meura: fermement attaché à l'Espagne : à l’orgueil d’appar- tenir « au plus grand monarque de l'univers » se joignait l'horreur de l’hérésie ; on n’envisageait qu’en frémissant la perspective de tomber sous là domination d’un prince qui faisait cause commune avec les protestants d'Allemagne ; : quelques divisés d'intérêts que fussent la noblesse et lé par- lement, ce fut vraiment pour Dieu, pour le roi et pour la patrie (1) que tous rivalisèrent de dévouement; le peuple apporta dans cette lutte son opiniätreté proverbiale et, : lorsque, après dix ans de guerre, la Franche-Comté demeura veuve de plus des trois-quarts de ses habitants, on put dire de ceux qui étaient morts comme de ceux qui survivaient ce qu’un capitaine français avait dit des bourgeois de Dole : « Jamais gens ne se sont si vaillimment défendus et n’ont témoigné tant de zèle pour le service de leur prince (). » De’ nos jours encore cette héroïque résistance domine toutes nos annales : c’est elle qui nous inspire une juste fierté à l'égard des provinces entrées avant nous dans la grande famille française, et la pensée du généreux entêtement de nos pères nous donnerait, j'en suis convaincu, la force de tout braver et de tout souffrir, si, non content de tenir l’AI- sace dans les fers, l'ennemi voulait nous annexer au nouvel empire d'Allemagne. (1) Cf. La cour au commandant de Neublans, Dole, 26 avril AGIT: —= Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 217. (2) MONTGLAT, Mémoires, t. I, p. 135: UN CONSPIRATEUR RRANC-COMTOIS À NAPLES EN 1702 Par M. le Dr J. MEYNIER Séance du 9 décembre 1896 François, baron de Chassignet, appartenait à une vieille famille patricienne de Besançon, annoblie en 1610 (1), et qui a donné de nombreux gouverneurs à la cité impériale et libre @). Cette famille habitait, à l'angle de la rue des Cham- brettes et de la rue Saint-Antoine, une belle maison du XvI* siècle, qui existe encore et dont la gracieuse tourelle est bien connue (3). Jean-Baptiste Chassignet (1578-1635), avocat fiscal au siège de Gray, auteur du Mépris de la vie et con- solation contre la mort(#) et de paraphrases sur les petits prophètes (5) et les psaumes de David (6), et traducteur du Vesuntio de Jean-Jacques Chifflet, et le bénédictin Albert Chassignet (XVII1° s.), qui a laissé en manuscrit une histoire de tous les monastères de Bourgogne et plusieurs histoires (4) Armes de Chassignet : d'azur, au lion et au griffon affrontés d’ar- gent soutenant un bâton alèsé de gueules mis en pal. Timbre : un grifjon naissant d'argent. Devise : Stat tantis custodibus aequum. (2) Civitas imperialis libera. (3) Isabeau Chassignet, femme de Jean Maréchal, l’a apportée dans la branche ainée de la famille de son mari. (4) Recueil de sonnets et d’odes, composés dans sa première jeunesse, qu’il publia à Besançon en 159% (1 vol. in-12). (5) Besançon, 1601, in-12. (©) Besançon, 1613, in-12. — 306 — particulières, celles des maisons de l’ordre de Cluny et du prieuré de Vaux-sur-Poligny entre autres, étaient de cette famille. Contemporain de Malherbe, Jean-Baptiste Chassi- gnet trouva comme lui la véritable forme, la « juste cadence » du vers français. Aussi les éditeurs des « Annales poétiques » n'hésitent point à écrire que « si Boileau l’avait connu, il lui aurait accordé, au moins en partie, les éloges qu’il donne à Malherbe (1). » Né en 1651, à Besançon, François était le frère de ce Luc de Chassignet que Jules Chifflet, en ses Mémoires (2), enve- loppa dans sa répulsion pour le baron de l’Isola, à la fortune duquel notre héros s’était aussi attaché. Ils étaient, par leur mère, neveux dudit baron. Élevé dans l’amour de la maison d'Autriche, François, après de solides études faites au col- lège de Besançon, était entré au service de la branche alle- mande de cette maison, sous les auspices du même baron de l’fsola, et était parvenu assez rapidement au grade de général dans 1e armées impériales. Ses talents l’ayant fait remarquer de l’empereur Léo- pold [°', ce prince le chargea de l'éducation de l’ainé de ses fils, le futur Joseph Ier. Plus tard, il lui confia plusieurs missions importantes, dont Chassignet s’acquitta avec beau- coup d'intelligence et de dévouement. Bref, il était devenu un des hommes de confiance de l’empereur, lorsque vint à s’ouvrir la succession d’Espagne. Nous savons que Léopold, qui la convoitait pour son second fils, l’archiduc Charles, était décidé à tout faire pour la lui assurer. Malheureusement pour lui, il s'était laissé distancer par Louis XIV, qui s'était empressé de faire reconnaître le duc d'Anjou comme héritier de Charles IT d'Espagne, à Madrid d’abord et peu de temps après à Naples. En attendant qu'il put envoyer une armée en Espagne, (1) Tom. VIII, p. 204, (2) V. Doc. inéd. Tom. V, p. 206. frite Er. Lèopold avait résolu d'intervenir en Italie, 1l avait surtout en vue le royaume de Naples où l'Autriche avait conservé de nombreux partisans. Dès le début de la guerre, la noblesse napolitaine s'était partagée entre les deux prétendants au trône ; mais la bourgeoisie et le populaire, représenté sur- tout par les lazarones, s'étaient déclarés pour le prince fran- çais. Cette situation ne découragea point l’ambitieux empe- reur ; il accueillit avec empressement les offres de services de quelques seigneurs napolitains qui lui représentaient que leur pays était fatigué de la domination espagnole et que l'autorité de Philippe V y était mal affermie. Il résolut de recourir à l’émeute pour renverser le gouvernement du jeune prince et chargea Chassignet de ce soin. Chassignet partit pour Naples au mois de juillet 1701 et vit, en passant à Rome, les membres de la petite colonie comtoise, qui entourait l’église nationale de Saint-Claude- des Bourguignons, ainsi que les principaux des seigneurs napolitains qui s'étaient engagés à seconder son entreprise. Il s'arrêta aussi quelques jours à Bénévent, chez le prince de la Riccia, avec lequel il arrêta les grandes lignes de la con- juration. Une réunion des conspirateurs, qui eut lieu à Naples quelques jours après, en régla les détails. Pour don- ner satisfaction aux instincts sanguinaires particuliers à lI- talien, le poignard devait être de la partie : il fut convenu que le premier acte des conjurés serait l’assassinat du vice- roi espagnol, le duc de Medina-Celi, sur les marches de son palais. On devait ensuite s'emparer des forts, où l’on espé- rait pouvoir se ménager des intelligences, et profiter du trouble produit par les deux évènements pour proclamer larchiduc Charles roi de Naples, sous le nom de Carlos IIT. Les conjurés avaient d’abord fixé au 19 septembre, jour de la fête de saint Janvier, qui est, comme on le sait, le patron de la capitale, l'exécution de leurs desseins ; puis, craignant que la solennité du jour, qui attirerait hors de chez eux les bourgeois et les popolani, qui étaient hostiles au prétendant — 368 — autrichien, loin de favoriser leur projet, n’y fût un obstacle sérieux, ils l’ajournèrent au 5 octobre, nous n’avons pu dé- couvrir pour quelle autre raison. Ce retard fut leur perte. Il n’est secret si bien gardé auquel le temps ne permette de s'échapper, d'autant que la discré- tion n’a jamais été vertu méridionale. Les subalternes, aux- quels on avait cru devoir faire quelques confidences, ne purent résister à l’envie d’en faire part à leurs amis et con- naissances. L’Ttalien est toujours si heureux de pouvoir en- trer dansune combinazione malfaisante quelconque, tremper dans un noir complot, préparer quelque infame perfidie ! La conspiration fut découverte, malgré le mystère dont le pru- dent Comtois avait su entourer ses agissements. Les mesures que prit aussitôt le vice-roi ne pouvaient laisser aucun doute à cet égard : il changea la garnison des forts, en même temps qu'il faisait arrêter des personnes suspectes. Chassignet, qui se vit trahi, était d’avis d'abandonner, au moins pour le moment, une entreprise devenue impraticable. Mais il avait compté sans la violence de gens qui se sen- taient perdus et que le désespoir allait pousser aux extrêmes : loin de renoncer à leur plan, les seigneurs compromis déci- dèrent d’en hâter l'exécution. Dans la nuit du 27 septembre, ils forcent le malheureux baron à monter à cheval et à par- courir les rues de la ville tenant entre ses bras le portrait de l’archiduc; des gens à gage le suivent acclamant Charles IIT. Pendant ce temps, on force les portes des pri- sons et on met en liberté les pires scélérats ; on s'empare du palais de la Vicairie et on y commet tous les excès. Soit outrecuidance, soit erreur, nombre de conjurés se présentent devant les forts, comme si la garnison n’avait pas été chan- gée, et sont reçus et dispersés à coups de fusil. Bientôt abandonné par la plupart de ceux qui l’ont suivi, Chassignet se réfugie dans le cloître Saint-Laurent, où il arbore l’éten- dard impérial ; il fait placer devant lui une table et la couvre de pistoles qu’il distribue à ceux qui se déclarent pour l’archiduc. — 369 — Cependant le jour est venu et, avec lui, lé calme s’est rétabli. Le conspirateur franc-comtois se laisse arrêter sans résistance et conduire en prison. Alors commence pour lui une captivité qui durera quatorze ans. La défaite des parti- sans de Charles d'Autriche a été si prompte et si complète, que le vice-roi en est embarrassé. Philippe V, qui règne sur les deux mondes, n’a pas une prison où les rebelles puissent être gardés avec sécurité; mais son aïeul va mettre à son service les géoles de la France. Les prisonniers sont répar- tis dans toutes les forteresses de nos provinces. Chassignet fut embarqué, au mois de janvier 1702, sur un des vaisseaux d’une escadre française commandée par le comte d’Estrées et arriva, le 30, à Toulon, où il fut enfermé dans la Grosse-Tour du port. Son arrivée est annoncée, dès le lendemain, à Chamillart, par une lettre de M. de Grignan, leutenant-général et vice-gouverneur de Provence (1). Il avait été un instant question de le mettre au Chäleau d’If ; mais Louis XIV craignant pour son prisonnier le séjour de la rade de Marseille, où une flotte ennemie pouvait aborder, en avait décidé autrement (2). Le roi crut que le séjour de _ Paris serait encore plus sûr, et, dès le 15 février, ordonna que Chassignet serait dirigé sur la Bastille G). Nous savons les détails de son voyage par une lettre de Grignan au mi- nistre de Torcy. On évita les terres de Sa Sainteté et celles de la principauté d'Orange (@), et le prisonnier arriva le 48 mars après vingt-six Jours de voyage. Il fut enfermé seul dans la troisième chambre de la tour du Trésor &). Gardé et observé avec soin, privé de toute relation avec d’autres personnes que celles qui étaient commises à sa sur- veillance, le malheureux, auquel on avait permis d'écrire, (1) V. Fr. Ravaisson, Archives de la Bastille, t. X, p. 478. (2) Pontchartrain à Grignan, de Versailles, le 8 février. (3) Pontchartrain à Grignan, le 15 février. _ (4) Grignan à Torcy, de Marseille, le 28 février. (5) Journal de M. du Junca. 24 — 9310 — devait remettre ses lettres tout ouvertes à M. de Saint-Mars qui les envoyait à Torcy (1). On lui permettait, de temps à. autre, de se promener dans la cour de la forteresse ou au- dessus de ses tours ; mais deux officiers devaient l’accompa- gner (21. Il était, d'autre part, traité avec ies plus grands égards, et pouvait recevoir, de la cour de Vienne, les secours en argent qu'elle lui servit régulièrement pendant toute la. durée de sa détention (3). Un valet de chambre, qui recevait, chaque année, une rétribution de 300 livres, était à son en- tière disposition (4. : Constantin de Renneville, un de ses compagnons d’infor- tune, loue sa modération, sa prudence, sa douceur et sa piété profonde. « C'était, ajoute-t-il, un seigneur très habile dans les négociations, d’un grand courage et d’une expé- rience éprouvée (9). » Nous savons aussi, par le même auteur, qu’il était généreux et charitable. Tous les mois, lorsqu'il recevait la somme de cent écus que lui faisait payer la cour de Vienne, il en distribuait immédiatement la moitié aux prisonniers moins heureux que lui, se contentant du reste pour ses propres besoins. La littérature et la poésie laidaient à tromper l’ennui d’une longue captivité. À une correspon- dance assez étendue, il joignait la composition de vers assez agréables, si l’on en juge par le sonnet que Renneville cite (6). La seule visite qu’il reçût du dehors était celle du. Père Correcteur des Minimes de la Place Royale. La famille de Chassignet avait obtenu que ce religieux vint lui apporter, - de temps à autre, ses consolations spirituelles et prit soin de son entretien (7). (1) Torcy à Saint-Mars, 21 mars 1702. (2) Le même au même, 17 juillet 1702. (3) Le même au même, 16 octobre 1702 et 24 décembre 1708. (4) Le même au même, 30 mars 1705. (5) L’Inquisition française, t. I, p. 114. (6) T. II, p. 404. (7) In Ravaisson, t. X, p. 498, Torcy à Saint-Mars, 8 décembre 1706. —:37l — Le baron de Chassignet ne recouvra la liberté qu'après la paix de Rastadt, en 1714 ; il en profita pour retourner à Vienne. L’archiduc Charles, auteur involontaire de ses dis- grâces, occupait alors le trône impérial, sous le nom de Charles VI. Il fit à ce fidèle serviteur l’accueil que méri- taient ses malheurs et récompensa son dévouement par le titre de conseiller d’État. Chassignet, affaibli par sa longue détention, ne jouit pas longtemps de Ce retour de fortune :il mourut moins de deux après, en 1716, âgé seulement de soixante-Cinq ans. APPENDICE A Passage des Mémoires de Jules Chifflet, abbé de Balerne, où il est question de Luc Chassignet. « Lisola, qui étoit à Bruxelles, embrassa aux deux mains cette occasion (la pre- mière conquête de la Franche-Comté) de se rendre non seu- lement utile, mais nécessaire vers le marquis de Castel- Rodrigo, parce qu'il ne fioit pas aux Flamands, et représenta cette perte comme conspirée par personnes de marque de la nation, afin d'employer ses seuls amis à son redresse- ment. L’abbé de Bellevaux (!), dès Ratishbonne, ne s’endormit pas à lui fournir des matériaux de ruine contre Dom Jean de Waitteville, abbé de Baume, et 1l envoya à Lisola un discours que j'ai lu, absolument injurieux, et controuvé au regard de la corruption du même abbé de Baume faite par argent pour vendre et trahir cette province : le distributeur de ce papier “dans la cour de Bruxelles fut un petit solliciteur nommé Luc Chassignet, propre neveu de Lisola, et fils d’une sienne ‘sœur. » (1) Humbert-Guillaume de Précipiano, baron de Loye, grand-archidiacre de la Métropole, qui est mort archevêque de Malines, le 9 juin 1711. En 166%, il avait été nommé conseiller-clerc au parlement. — 97 — APPENDICE B Sonnet de François Chassignet cité par Constantin de Renneville, dans l'Inquisition française ou histoire de la Bastille. JÉSUS-CHRIST EXPIRANT SUR LA CROIX Si Je succombe ici sous le poids de mes maux, Si jamais nul tourment n’égala mon supplice Je le souffre en offrant ce sanglant sacrifice Pour changer des ingrats en des hommes nouveaux. Ton crime et ton amour me servent de bourreaux L'un mérite, Pêcheur, que mon bras te punisse ; L'autre, pour te soustraire aux traits de ma justice, T’arrachant à la mort, me livre à ses assauts. Ah ! que ne comprends-tu la grandeur de ton crime Par l'excès de l’amour qui m'en fait la victime Et qui veut que ton cœur en soit le seul retour? Viens, je ne suis pas moins ton Sauveur que ton maitre, Viens, approche, contemple, et cherche à reconnaitre Les effets qu'ont produit ton crime et mon amour. APPENDICE C Le nom de Chassignet, cependant facile à retenir et à or- thographier, a été estropié par la plupart des auteurs qui s’en sont occupés. M. Ravaisson, d’après les documents qu’il a mis en œuvre pour la rédaction des Archives de la Bas- tille, l'appelle Chussinet. On peut lui reprocher de n'avoir pas consulté, à son sujet, la Biographie Michaud et la très intéressante notice que Ch. Weiss lui a consacrée dans ce recueil ; il y aurait gagné de connaître la véritable ortho- oraphe du nom de Chassignet. Renneville, plus excusable, en a fait Sassignet ANTIQUITÉS BURGONDES AU MUSÉE D’ARCHÉOLOGIE DE BESANÇON Par M. Alfred VAISSIFR On s’est représenté longtemps les Barbares, avant leurs nvasions des v° et vie siècles, comme des peuples si igno- rants qu'on ne voyait rien dans les débris du passé ie püt leur être attribué. Ce n’est que depuis un demi-siècle à peine que des pro- ductions d’un art original, méconnu jusqu'alors, furent re- marquées dans des lieux de sépultures fort anciens et enfin admises à témoigner des industrieuses facultés des trois races de Barbares qui concoururent à la formation de la na- tion française : les Francs, les Burgondes et les Wisigoths. L'étude du mobilier funéraire du « tombeau de Childéric, » par J. J. Chifflet, en 1655, compendieusement élaborée, mais demeurée sans écho, fut reprise, deux siècles après, avec une ardeur juvénile, par l’abbé Cochet qui déchiffra le premier « cette page perdue d’une civilisation antique. » À la suite de ce brillant début, les fouilles et les publications concernant l’époque dite Mérovingienne ne se comptent plus. Après la . Normandie, c’est dans la Côte-d'Or que parait le conscien- cieux travail de Henri Baudot, où de très belles planches en couleurs inaugurent, en faveur des Burgondes, la série des publications luxueuses, parmi lesquelles on doit citer Album Caranda, de M. Frédéric Moreau, dans l’Aiïsne, et les planches élégantes de M. Delamain, pour le cimetière d’Herpes, dans la Charente. En Franche-Comté se pratiquèrent égalemen 314 — des fouilles fructueuses dont le produit a été recueilli dans ses musées. M. Jules Gauthier signalait, en 1872, cinquante- six localités franc-comtoises où l’on pourrait ni scien- tifiquement des cimetières burgondes bien constatés. La région méridionale semblait ne pas avoir participé à à ce mouvement archéologique. Ces dernières années, un zélé chercheur de la Haute-Garonne, M. Barrière-Flavy (), a en- trepris de combler une lacune apparente en rédigeant le ré- pertoire des fouilles de sépultures barbares dans cette partie de la France encore peu explorée. L’Ouest jusqu'à la Loire, compris par l’auteur, embrasse ainsi toute l’étendue du royaume occupé jadis par les Wisigoths, ARE la rive droïte du Rhône. à Aujourd’hui, à l’aide de ces documents et des travaux non moins abondants des archéologues étrangers, on a acquis la certitude qu’il existait, dans l’Europe centrale, un art com- mun à toutes les races barbares qui y circulaient avant les invasions ; que cet art importé en Gaule y a subi, par suite de l’action du temps et de l'influence des milieux, des modi- fications intéressantes à étudier. Un goût nouveau en matière de décoration avait donc surgi de cette collaboration du monde barbare avec la vieille civilisation de l'empire en dé- cadence ; on en peut suivre les développements à l’époque carlovingienne, dans les manuscrits et quelques sculptures, jusqu’à la merveilleuse floraison des styles roman et gothique des xr1° et xIr1e siècles. Une révolution artistique qui a rompu si pacifiquement, parce qu’elle était inconsciente, et si victorieusement avec la tradition classique épuisée, mérite bien qu’on en recherche les origines. En Europe, chacun a voulu tirer à soi la couverture. « Pour les savants d'Allemagne, en particulier, toutes les (1) C. BARRIÈRE-FLAVY. Etudes sur les sépultures du Midi el de l'Ouest de la France, Toulouse, 18983. at — 379 — sépultures barbares, où qu’elles se trouvent, quelqu’en soient les caractères, sont germaniques... Rien n'est plus contes- table (M. de Baye). » Ces frères, soi-disant germains, plus avides de pillage que de gloire, alternativement à la solde de l'empire ou de ses adversaires, n’ont pas cessé, même dans leur établissement en Gaule, de se traiter en ennemis. On pressent que l’art qui leur était commun avait une origine antérieure à leur mélange dans l’Europe centrale. D’après des travaux récents, parmi lesquels les missions de M. de Baye sont à citer, on est en voie de reconnaïlre que Vart de ces barbares serait le produit d’une civilisation scytho-gothique dans la Russie méridionale, dont la popula- tion était en contact avec les Grecs du Pont et subissait les influences de l'Orient. Cest à cette doctrine que se rattache naturellement notre persévérant imvestigateur, M. Barrière-Flavy, quand il suit les Goths émigrants de la Dacie sous la poussée des Huns, soit vers le Nord, jusqu'à la Scandinavie, soit vers le Sud, en cotoyant le monde civilisé européen pour venir fonder en Gaule et en Espagne ce vaste royaume des Wisigoths, et prendre, parmi les races barbares, la plus large part d’in- fluence artistique et imdustrielle. Quand il s’agit d’un monde aussi compliqué qu'indépen- dant ce ne sera que par la réunion de nombreux documents que l’on pourra arriver à la certitude. Aussi, dans cette note sommaire, est-il plus intéressant pour nous de laisser la question des origines lointaines aux discussions des spécia- listes, de rechercher, dans la confüsion des sépultures, quels ‘peuvent être les caractères différentiels du génie artistique chez les trois races qui nous touchent de plus près, et, en même temps, d'attirer l'attention sur des pièces peut-être uniques, recueillies dans notre voisinage. Le répertoire de M. Barrière-Flavy, ainsi que les trente- cinq planches qui l’accompagnent permettent d'établir quel- ques comparaisons d’un intérêt incontestable. — 376 — En premier lieu on doit d’abord reconnaître, avec l’auteur, que « les armes sont fort peu communes dans les cimetières du Midi. » À cet égard, nous savons que rien ne manque dans l’arsenal funéraire des Burgondes ; scramasaxes, épées, angons, lances, francisques, framées, boucliers et flèches, sans préjudice des petits couteaux de trousse qui témoi- gneraient, à peu près seuls, dans le Midi, de la coutume du dépôt des armes auprès du mort. Il ne faut pas trop insister sur la comparaison des objets de pure parure ; les analogues se retrouvent plus ou moins nombreux dans les autres régions. Toutefois une exception doit être faite en faveur de pièces agrémentées de pâtes co- lorées ou d’émaux très fusibles qui seraient de production locale particulièrement aux environs de Toulouse. L'objet, ou mieux encore la décoration, qui fournit à l’au- teur le sujet principal de sa thèse sur Ia supériorité des Wisigoths, dans leur rôle d’inspirateurs artistiques du monde barbare, c’est la plaque dej baudrier (balteus), laquelle a reçu partout une ornementation recherchée. Ce qui caractérise les plaques wisigothes, c’est d’abord la matière qui est de bronze commun, c'est-à-dire avec alliage de plomb ; le décor est gravé, puis la pièce est passée à l’é- tamage. as On peut vanter la variété de l’arrangement des motifs, le festonnage élégant et soigné du pourtour. Les éléments bar- bares qui s'y trouvent, en particulier les entrelacs, y abon- dent. Dans la manière wisigothique, ceux-ci sont évidemment interprétés et comme accommodés à une association presque constante avec les banalités de la décadence. L’arrangement est correct, agréable même : des caissons rectangulaires re- coivent des rosaces circulaires, des frises et des panneaux, des portions de nattes losangées ou à angles droits, où la complication et le trait coulant lu graveur n’excluent jamais la régularité. Les emprunts aux mosaïques romaines sont fla- grants. Tel est cet élément de natte composé de deux an- — 311 — neaux aplatis et croisés qui figure comme motif central de la grande mosaïque de notre musée. On pourrait y voir une re- présentation fantaisiste de la croix, mais il faut beaucoup de bonne volonté pour y trouver un rappel du signe oriental de la croix qammée où swastika, surtout quand les anneaux sont obliquement disposés. Dans le Midi, les plaques de fer damasquinées si fréquentes dans les sépultures burgondes se rencontrent fort rarement. Le style barbare s’y manifeste plus franc de compromissions classiques. La difficulté du travail, comparé à celui de la oravure, accentue la touche plus indépendante, plus per- sonnelle de l'artiste, toujours fidèle, dans ses caprices, aux lois de la symétrie. Nous signalerons à cet égard deux pièces remarquables du Musée de Besançon. Ces deux plaques, trouvées en Franche-Comté, au lieu de la forme oblongue, plus large d’un bout que de l’autre, sont rectangulaires. Elles ne sont pas appairées, suivant l’usage ordinaire, d’une contre-plaque semblable;'une bande étroite, également damasquinée fait fonction de contre-plaque. Au milieu d’un décor de galons-entrelacs intelligemment conçus, on voit sur notre premier spécimen (Boussières, Doubs), PI. I, une face monstrueuse, à la bouche pourvue d’un ratelier dont le procédé de la damasquinure accentue l’effet. — Cette figure est-elle humaine ? — On pourrait en douter ; le galon qui l'entoure forme, en dessous, des cir- cuits que l’on peut prendre aussi bien pour des bras et des jambes que pour le tracé d’un buste vêtu. En somme, cette figure est d’une haute barbarie, mais cu- rieuse. La seconde plaque (Cramans, Jura), PL. IL, estintéressante à d’autres titres. Au centre l’incrustation retient pas ses bords un petit cartouche rectangulaire très en vue et dou- blement encadré d’entrelacs striés, pour l'extérieur, et au trait pour l’intérieur. Sur le cartouche apparait l'emblème du Dragon appuyé sur $a queue et contourné, affectant ainsi la | a — 378 — | forme du chiffre 2. — Est-ce le serpent scandinave, génie mal- faisant, ou l'être mystérieux qui possède, comme le griffon du Moyen-Age, le pouvoir d’écarter les maléfices ? — Le corps du serpent est un avant-coureur de l’entrelac perlé du xr° siècle. Le cadre intérieur, d’une composition originale et très dis- tinguée, contient des boutons de fleurs s’épanouissant, d’un contour gracieux et qui n’a rien de barbare. Cette plaque a en outre ce mérite de laisser très visibles, dans les parties pleines où la feuille d'argent s’est amincie, l'indication du procédé employé pour obtenir l’adhérence du placage. Ce sont de fines hachures croisées faites au burin, autrement dit la pratique du flinquage qui sert, PRE lappli- cation des émaux. Ces deux pièces ne comporteraient- elles pas, aussi bien en raison de leur forme que par leurs emblêmes plus païens que chrétiens, une attribution d’origine différente de celle des autres plaques oblongues burgondes où le symbole de la Croix apparaît assez souvent ? Le type franc pouvait différer du type burgonde. Les Francs, plus obstinés dans leurs croyances païennes, ont été les derniers des barbares à se convertir, et cela, de plus ou moins bon gré, à . suite du manifeste politique de Clovis. Te figure du Dragon est rare dans le Midi, mais elle abonde dans le Nord. De longue date les Wisigoths, les plus civilisés des bar- bares étaient chrétiens, mais ariens, ariens militants et per- sécuteurs. [lsfarboraient la croix, mêlée dans l’ornementation de leurs plaques de baudrier; mais cette croix affecte dans quelques exemplaires la forme d’une croix de Malte ou de la croix carlovingienne. Alors nous nous éloignons de la pé- riode antérieure des invasions. Ainsi que l’a dit sagement M. Alexandre Bertrand, l’art des Barbares, comme toutes choses, a eu ses phases de développement. Des pièces d’un âge postérieur ont dû être mêlées dans les cimetières et donner lieu à des confusions, même au temps de Charle- — 379 — magne, dans des localités que n'avait pas atteintes l’édit dê cet empereur, défendant le dépôt d'objets plus ou moins pré- cieux dans les tombeaux Dour mettre fin à leur violation si fréquente. +. Les Bur gondes , en les opposant aux Francs, sont si franchement chrétiens que les signes du christianisme sont plus nombreux et Rte explicites chez eux que partout ailleurs. | À ce titre, il est très opportun d'examiner deux pièces pro- venant de Vellechevreux (Haute-Saône). C’est d’abord une plaque de ceinture (PI. IID allongée et portant neuf bossettes. Dans un milieu burgonde, elle rap- pelle l’industrie du bronze gravé des Wisigoths. On voit, au milieu d’un décor très chargé et de remplissage, la petite figure d’un personnage debout, au vêtement sommaire en manière de chape, et étendant horizontalement les bras, qui sont de simples traits. L’extrémité de ces traits s’arrête sous deux petites croix. Quelques coups de burin, sous le menton et les joues, indiquent un collier de barbe. La tête est surmontée d’une ligne sinueuse dont la dépression au milieu et les arrêts des extrémités donnent l’idée d’une mitre ou d’une couronne : évêque ou roi chrétien, dans une atti- tude démonstrative ? Une deuxième croix se voit dans le haut de la plaque, une troisième, sous l’ardillon, sur la boucle même, et aussi sur le bout de l’ardillon. Une rosace flam- boyante décore la plaque de cet ardillon. Du même cimetière et peut-être de la même sépulture provient une rondelle (PT. III) à quatre croisillons, en bronze mince, gravé et[poinçonné de ronds ponctués, tout à fait sem- blables à ceux de la grande plaque. Quatre croix sont gra- vées sur le champ des rayons ; deux d’entre elles, en oppo- sition, portent au sommet de la tige centrale l’image de la colombe. Ce qui donne, de toute évidence, le signe du chré- tien qui admet la doctrine de la consubstantiabilité à savoir l’union des deux personnes, divine et humaine, dans le — 380 — | Verbe ou le Christ. C’est précisément l’emblême que repous- saient les Wisigoths ariens, ennemis des Burgondes. En signalant l’utile répertoire de M. Barrière-Flavy, et en publiant l’image exacte de pièces inédites des Temps bar- bares, la Société aura donné une preuve de l'intérêt qu’elle porte à toutes les publications qui permettront d'établir une classification, essayée en vain jusqu'à ce jour, pour les monu- ments de l’époque la plus obscure de l’histoire de l’art, Société d'Emulation du Doubs, 1896 PI I. PLAQUE DE BAUDRIER BURGONDE (Réduction de 1/3) BOUSSIÈRES (Doubs) Société d'Emulation du Doubs, 1896 PI AIT PLAQUE DE BAUDRIER BURGONDE (Réduction de 1/3) CRAMANS (Jura) Pa Société d'Emulation du Doubs, 1896. Plaque ajourée et plaque de baudrier Burgonde de Vellechevreux (Haute-Saône) ( Musee archéologique de Besancor.} 1j 1 RSR @) 0} SRE \ 4 DB SO À ; Où PIE — 9381 — DONS FAITS À LA SOCIÈTÉ (4896-4897). Parle RBÉPARTEMENT DU-DOUBS :.i..,.u6 crosses 300 f. PAR NRELR DE BESANCON: 1: ue 0 noie dd à 0 9 Neo 600 Par M. le MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE : Revue des travaux scientifiques (Comité des sociétés savantes), t. XVI. 11 et 12, 1896. t. XVII, 1-7. — Discours prononcés à la séance géné- rale du Congrès en 1897, par M. Ernest BABELON et par M. le Ministre de l’Instruction publique, M. Alfred RAMBAUD. Biblicgraphie des travaux scientifiques publiés par les Sociétés savantes de la France, par J. DENIKER, t. I, 2e livr. 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BaAvoux (Vital); Membres honoraires (19). MM. LE GÉNÉRAL commandant le 7e corps d'armée (M. le général PIERRON). LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d'appel de Besançon, (M. GOUGEON). L’'ARCHEVÊQUE DE BESANÇON (S. G. Mgr PETIT). LE PRÉFET du département du Doubs (M. GOULLEY). LE GOUVERNEUR de la place de Besançon (M. FAVARCQ). LE RECTEUR de l’Académie de Besançon (M. BRÉDIF). — 390 — MM. LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon (M. BONIN). LE MAIRE de la ville de Besançon (M. ea L'INSPECTEUR d’Académie à Besancon (M. GuYoN, rue Mon- cey, 4.) Duc D’AUMALE (S. À. R. le Prince Henri D'ORLÉANS), membre de l’Institut (Académie française, Académie des beaux-arts et Académie des sciences morales et politiques), ancien com- mandant supérieur du 7e corps d'armée; Château de Chan- tilly (Oise). — 1886. (décédé le 6 mai 1897.) BLANCHARD, Em., membre de l’Institut (Académie des sciences), professeur au Muséum d'histoire naturelle; Paris. — 1867. DELISLE, Léopold, membre de l’Institut (Académie des inserip- tions et belles-lettres), administrateur général de la Biblio- thèque nationale. — 1881. GRENIER, Edouard, lauréat de l’Académie française, ancien se- crétaire d'ambaceade. Paris, boulevard Saint-Germain, 174, et Baume-les-Dames (Doubs — 1870. MARCOU, Jules, géologue; Salins (Jura), et 42, Garden Street Cambridge, Massachusetts (Etats-Unis d'Amérique). — 1845. RÉSAL, Henri, membre de l’Institut (Académie des sciences), inspecteur général des mines, professeur à l'Ecole polytech- nique. — 1853. (décédé en 1896.) Wei (Henri), membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), doyen honoraire de la Faculté des lettres de Besançon; Paris, rue Madame, 64. — 1890. Le général WoLr, ancien commandant supérieur du 7e corps d'armée; château de Pontdevaux (Ain). — 1882. * Durour (Marc), docteur en médecine, (élu membre honoraire de la Société en 1896), à Lausanne, rue du Midi. — 1886. PerTir, Jean, statuaire, rue Denfert-Rochereau, 89, Paris (élu membre honoraire de la Société en 1896). — 1866. RoBerT, Ulysse, inspecteur général des bibliothèques et des archives, 30, avenue Quihou, à Saint-Mandé (Seine). — 1896. SIRE (Georges) correspondant de l’Institut, essayeur de la Ga- rantie, (élu membre honoraire de la Société en 1896), Besan- con, rue de la Mouillère, au Chaprais. — 1847. — 991 — MM. *: PINGAUD, Léonce, correspondant de institut, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres de Besançon (élu membre honoraire de la Société en 1896), rue Saint-Vincent, 17. — 1874. Membres résidants (158) (1). MM. AUBERT, Louis, maître tailleur au 5e d'artillerie, place de l’Etat- Major, au quartier. — 1896. AUSCHER, Jacques, grand-rabbin, rue Charles Nodier, 6. — 1875. BADER, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870. BAUDIN, Léon, docteur en médecine, directeur du bureau d° Pa giène de Besançon, Grande-Rue, 97. — 1885. BAUDIN, Emile, pharmacien de dre classe, rue Saint-Pierre, 19. — 1887. BARBAUD, Auguste, ancien premier adjoint au maire, directeur de la Caisse d'épargne, rue de la Préfecture, 15. — 1857. * BaAvoux, Vital, receveur principal des douanes en retraite; Fontaine-Ecu, banlieue de Besançon. — 1853. BEAUQUIER, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs; Montjoux, banlieue de Besançon. — 1879. DE BEAUSÉJOUR, Gaston, ancien capitaine d’artillerie, place Saint-Jean, 6. — 1897. DE REAUSÉJOUR, Eugène, ancien magistrat, à Vesoul. — 1897. _BÉJANIN, Léon, propriétaire, Grande-Rue, 39. — 1885. BELOT, père, essayeur du commerce, rue de l’Arsenal, 9. — 1865. * BERDELLÉ, ancien garde général des forêts, Grande-Rue, 112. — 1880. * BESSON (Paul), chef d’escadron d'artillerie, rue Charles-Nodier, 13. — 1894. BONAME, Alfred, photographe, rue de la Préfecture, 10. — 1874. (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d’une manière plus large aux travaux de la Société. — 399 — MM. BONNET, Charles, pharmacien, Conseiller municipal, Grande- Rue, 39. — 1882. | Bossy, Léon, fabricant d’horlogerie, rue de Lorraine, 9. — 1896. * Boussey, professeur agrégé d'histoire au Lycée, Secrétaire perpétuel de l’Académie de Besançon, rue Morand, 11.— 1883. BOUTTERIN, François-Marcel, architecte, professeur à l’Ecole municipale des Beaux-Arts, rue Saint-Antoine, 4. — 1874. BOUvARD, Louis, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, conseil- ler municipal, rue Morand, 16. — 1868. * BovEeT, Alfred, ancien président de la Société d'Emulation de Montbéliard, à Valentigney (Doubs). — 1888. BoyssoN D’ECOLE, Alfred, rue de la Préfecture, 22. — 1891. BRETENET, chef d’escadron d’artillerie, rue St-Pierre, 15.— 1885. BRETILLOT, Maurice, banquier, membre de la Chambre de com- merce, rue Charles Nodier, 9. — 1857. BRETILLOT, Paul, propriétaire, rue de la Préfecture, 21. — 1857. BRUCHON, professeur honoraire à l'Ecole de médecine, médecin des hospices, Grande-Rue, 84. — 1860. | BRUCHON, Henri, professeur suppléant à l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 84. — 1895. BURLET (l’abbé), chanoine-archiprêtre, curé de St-Jean. — 1881. DE BUYER, Jules, inspecteur de la Société française æarchéo- logie, Grande-Rue, 123. — 1874. CHAPOY, Léon, directeur de l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 11. — 1875. ou DE CHARDONNET (le comte), ancien élève de l'Ecole poiytech- nique, à Besançon, rue du Perron, 20, et à Paris, rue Cam- bon, 43. — 1856. CHARLET, Alcide, avocat, rue des Granges, 74. — 1872. CHIPON, Maurice, avocat, ancien magistrat, rue de la Préfec- ture, 25. — 1878. * CHOTARD, Henri, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand, rue de Vaugirard, 61, à Paris. — 1866. COILLOT, pharmacien, rue Battant, 2, et quai de Strasbourg, 1. — 1884. — 393 — MM. + COLSENET, Edmond, professeur de philosophie et doyen de la Faculté des lettres, conseiller municipal, rue de la Préfec- ture, 20. — 1882. CORDIER, Palmyr, agent principal d'assurances, conseiller mu- nicipal, rue des Granges, 37. — 1885. CORNET, Joseph, docteur en médecine, aux Chaprais, rue des Chaprais, 43. — 1887. Cosson, Maurice, trésorier-payeur général du Doubs, rue du Perron, 26. — 1886. CourauDp, Adolphe, fabric. d’horlog., rue Gambetta, 19. — 1875. COULON, Henri, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, rue de la Lue, 7. — 1856. COURGEY, avoué, rue des Granges, 16. — 1873. COURTOT, Théodule, commis-greffier à la Cour d’appel; à la Croix-d’Arènes (banlieue). — 1866. COUTENOT, Francis, médecin en chef des hospices, Rue du Cha- teur, 5. — 1852. DELACROIX, Emile, essayeur au bureau de la garantie de Be- sançon, place de l’Etat-major, 18.— (1877)-1895. DÉTREY, Just, propriétaire, rue Saint-Vincent, 27. — 1857. DIETRICH, Bernard, ancien négociant, Grande-Rue, 71 et Beau- regard (banlieue). — 1859. Dopivers, Joseph, imprimeur, Grande-Rue, 87. — 1875. DORNIER, Alfred, négociant, place du Marché, 18.— 1880. * Dreyrus, Victor-Marcel, docteur en médecine, rue de la Mouillère (aux Chaprais). — 1889. DROUHARD, Paul, conservateur des hypothèques en retraite, rue Saint-Vincent, 18. — 1879. DROUHARD (l'abbé), chanoine, rue Saint-Jean. — 1883. DRoZ, Edouard, professeur à la Faculté des lettres, rue Mon- CÉY, 7: = 1871: DRUHEN, Etienne, ancien directeur de l'Ecole de médecine de Besançon, rue des Granges, 59. — 1896. DuBOURG, Paul, président de la Chambre de commerce, ancien membre du Conseil général du Doubs, rue Charles Nodier, 28. — 1891. Ducar, Alfred, architecte de l'Etat, conservateur du Musée des antiquités de la ville, rue Saint-Pierre, 3. — 1853. — 304 — MM. Etuis , Edmond, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1860. FAUQUIGNON, Charles, receveur des postes et des télégraphes, rue de la Liberté, aux Chaprais. — 1885. FÉLix, Julien, fabricant d’horlogerie, membre du conseil muni- cipal, avenue Carnot. — 1884. FÉNON, directeur de l'Ecole nationale d’horlogerie de Besançon. — 1893. FRANCESCHI, Luc, artiste peintre, à Canot. — 1895. FRANCEY, Edmond, avocat, membre du conseil général du Doubs et du conseil municipal de Besançon, ancien adjoint au maire, rue Moncey, 1. — 1884. GAUDERON (le docteur), Eugène, professeur de clinique à l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 129. — 1886. GAUSSIN, Célestin, secrétaire honoraire des Facultés, rue des Docks. — 1891. * GAUTHIER, Jules, archiviste du département du Doubs, corres- pondant du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux- Arts, rue Charles Nodier, 8. — 1866. GENVRESSE, maitre de conférences à la Faculté des sciences, rue Gambetta, 7. — 1895. GIRARDOT, Albert, géologue, docteur en médecine, rue Saint- Vincent, 15. — 1876. GRESSET, Félix, général de division du cadre de réserve, aux Tilleroyes près Besançon, et à Paris, rue de l’Alma, 8. — 1866. _GROSJEAN, Alexandre, avocat, membre du conseil général du Doubs et du conseil municipal, quai Veil-Picard, 39. — 1876. GROSRICHARD, pharmacien, place du Marché, 17. — 1870. GRUEY, professeur d'astronomie à la Faculté des sciences, direc- teur de l'Observatoire de Besançon. — 1882. * GRUTER, médecin-dentiste, square Saint-Amour, 7. — 1880. GUICHARD, Albert, négociant, ancien président du tribunal de commerce, rue d'Anvers, 3. — 1853. GUICHARD, Paul, rue Pasteur, 13. — 1884. GUILLEMIN, Victor, artiste peintre, rue de la Préfecture, 20. — 1884. HaALDy, Léon-Emile, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Jean, 8: — 1879. — 99% = HEerrz (le docteur), professeur à l’Ecole de médecine, Grande- Rue, 45. — 1888. HENRY, Jean, docteur ès sciences, Grande-Rue, 199. 1857. HÉTIER, François, botaniste, à Mesnay-Arbois (Jura). — 1895. D'HOTELANS, Octave, rue Charles Nodier, 12. — 1890. JACOT, Adolphe, employé à la préfecture, rue Saint-Vincent, 55. .— 1896. +EANNIN (l’abbé), prélat romain, chanoine honoraire, curé de Notre-Dame. — 1884. JÉGO, Désiré, maître entretenu de la marine, en retraite, Che- min du Polygone, 7. — 1872. JOUBIN, professeur à la Faculté des sciences, rue Morand, 11. — 1894. DE JOUFFROY (le comte He n député et membre du conseil général du Doubs ; au château d’Abbans-Dessous, à Besançon, rue du Chapitre, 1, et à Paris, rue de Bourgogne, 15. — 1853. DE JOUFFROY D’ABBANS (le général comte), rue du Perron, 22. — 1894. KIRCHNER, ancien négociant, quai Veil-Picard, 55 bis. — 1895. * KOLLER, propriétaire, conseiller municipal, membre du con- seil d’arrond. de Besançon; au Perron-Chaprais. — 1856. LAMBERT, Maurice, avocat, ancien magistrat, quai de Stras- bourg, 13. — 1879. LARMET, Jules, médecin-vétérinaire, conseiller municipal, an- _cien adjoint, rue Proudhon, 16. — 1884. LAURENT, Emile, major au 10e bataillon d’artillerie, es de Strasbourg, 13. — 1895. * LEBEAU, administrateur de la compagnie des Forges de Fran” che-Comté, place Saint-Amour, 2 bis. — 1872. LEDOUX, Emile, docteur en médecine, quai de Strasbourg , 13. — 1875. LIEFFROY, Aimé, propriétaire, administrateur des Forges de Franche-Comté, rue Charles Nodier, 11. — 1864. LIME, Claude-François, négociant, aux Chaprais. — 1883. LouvoT, Emmanuel, notaire, Grande-Rue, 14. — 1885. Louvor (l'abbé Fernand), chanoine honoraire de Nîmes, curé de Saint-Claude (banlieue), — 1876. — 396 — MM. MAIRE, Alfred, président à la Cour d’appel, rue du Chateur, 12. — 1870. MAES, Alexandre, serrurier-mécanicien, rue du Monk Sainte- M 10. — 1879. MAGNIN, Antoine, professeur à la Faculté des sciences et à l'Ecole de médecine, conseiller municipal, ancien adjoint au maire, rue Proudhon, 8, Square Saint-Amour, 3 bis. — 1885. MaAIROT, Félix, banquier, ancien président de la Chambre de com- merce, rue de la Préfecture, 17. — 1857. MaïROT, Henri, banquier, conseiller municipal, président du tri- bunal de commerce, rue de la Préfecture, 17.— 1881. MAISONNET, Auguste, négociant, aux Cras-Chaprais. — 1869. MALDINEY, Jules, chef des travaux de physique à la Faculté des sciences. — 1889. MANDRILLON, avocat, rue d'Anvers, 1 bis. — 1894. MANDEREAU (le docteur), professeur à l’Ecole de médecine, ins- pecteur de l’Abattoir. — 1883. MARCHAND, Albert, ingénieur, administrateur délégué des Sa- lines de Miserey. — 1888. * MARTIN, Jules, manufacturier, rue Sainte-Anne, 8. — 1870. MASSON, Valery, avocat, rue de la Préfecture, 10. — 1878. MATILE, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Pierre, 7. — 1884. MAUVILLIER, Pierre-Emile, photographe, rue de la Préfecture, 3. — 1897. MERCIER, Adolphe, docteur en médecine, rue de Belfort, 43. — 1881. MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement ; à Canot (mai- son Jobard. — 1868. MEYNIER, Joseph, médecin principal de l’armée territoriale, rue Morand, 9. — 1876. MICHEL, Henri, architecte-paysagiste, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts ; Fontaine-Ecu (banlieue). — 1886. MioT, Camille, négociant, membre de la Chambre de commerce, Grande-Rue, 104. — 1872. MONTENOISE, avocat, rue de la Madeleine, 2. — 1894. MorLET, Jean-Baptiste, conseiller municipal et membre de la Chambre de commerce, rue Proudhon, 6. — 1890. — 397 — . MM. MoussaRD (le chanoine), bibliothécaire du Chapitre, rue des Martelots, 8. — 1896. NARGAUD, Arthur, docteur en médecine, quai Veil-Picard, 17. — 1875. NICKLES, pharmacien de {re classe, Grande-Rue, 128. — 1887. * ORDINAIRE, Olivier, ancien consul de France à Rosario ; à Mai- zières (Doubs). — 1876. OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, membre de la Chambre de com- merce, rue de la Préfecture, 18. — 1858. PARIZOT, inspecteur honoraire des Enfants assistés, rue du Clos, 10. — 1892. PATEU, entrepreneur, membre du conseil municipal, avenue . Carnot. — 1894. PERRUCHE DE VELNA, conseiller à la Cour d'appel, rue Saint- Vincent. — 1870. * PINGAUD, Léonce, correspondant de l’Institut, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres, (élu membre ho- noraire en 1896), rue Saint-Vincent, 17. — 1874. Poste, Marcel, archiviste-paléographe, bibliothécaire de la Ville. — 1894. RÉMOND, Jules, notaire, Grande-Rue, 31. — 1881. * RENAUD, Alphonse, docteur en droit, sous-chef à la direction générale de l’enregistrement ; Paris, rue Scheffer, 25. — 1869. RENAUD, Ernest, fabricant d’horlogerie, rue Rivotte, 8. — 1885. RICKLIN, notaire, rue des Granges, 38, étude : Grande-Rue, 121. .— 4879. RiGnY (l'abbé), chanoine honoraire, curé de Saint-Pierre. —-1886. ROBARDET, ancien commissaire-priseur, ancien membre du conseil d'arrondissement de Besançon, Grande-Rue, 45.—1879. ROBERT, Edmond, fabricant d’aiguilles de montres, faubourg Tarragnoz. — 1886. SAILLARD, Albin, (le docteur), sénateur, membre du conseil gé- néral du Doubs, place Victor Hugo, et à Paris, rue N.-D.-des- Champs, 75. — 1866. SAILLARD, Léon, négociant, rue des Granges, 59. — 1877. SAILLARD, Eugène, ancien directeur des postes du département du Doubs; Beauregard (banlieue de Besançon). — 1879. — 9398 — DE SAINTE-AGATHE (le comte Joseph), avocat, archiviste-paléo graphe, rue d'Anvers, 3. — 1880. SANDOZ, Charles, négociant en fournitures d’horlogerie, ancien adjoint au maire, place Saint-Amour, 4. — 1880. SERRÈS, Achille, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1883. SIMONIN, architecte, rue du Lycée, 13. —- 1892. SIRE, Georges, correspondant de l’Institut, essayeur de la Ga- rantie, (élu membre honoraire de la Société en 1896), rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847. SONGEON, fabricant d’horlogerie, Grande-Rue, 73. — 1884. SUCHET (le chanoine) rue Casenat, 1. — 1894. THOUVENIN , François-Maurice, pharmacien supérieur, profes- seur à l'Ecole de médecine et de pharmacie, Grande-Rue, 136. — 1890. TRINCANO, manufactürier, rue Saint-Pierre, 20. — 1896. VAISSIER, Alfred, conservateur-adjoint du Musée des antiquités, Grande-Rue, 109. — 1876. * VANDEL, Maurice, ingénieur des arts et manufactures, rue des Granges, 19. — 1890. * VAUTHERIN, Raymond, ancien Capitaine du génie, villa Sainte- Colombe, rue des Vieilles-Perrières. — 1897. VERNIER, Léon, professeur à la Faculté des lettres, rue Sainte- Anne, 10. — 1883. ; DE VEZET (le comte Edouard), ancien lieutenant-colonel de l’armée territoriale, rue Charles Nodier, 17 ter. — 1870. . VEZIAN, Alexandre, doyen honoraire de la Faculté des sciences; Villas bisontines. — 1860. VIEILLE, Gustave, architecte du département du Doubs, ins- pecteur départemental des sapeurs pompiers rue de Lor- raine, 4. — 1882. WEHRLÉ, négociant, rue Battant, 11. — 1894. Membres correspondants (125). MM. * ALMAND, Victor, capitaine du génie; à Nantes. ANDRÉ, Ernest, notaire; rue des Promenades, 17, Gray (Haute- Saône). — 1877. ARNAL, Amédée, percepteur; à Nancy (Meurthe). — 1872. BAILLE, Charles, ancien juge de paix; à Poligny (Jura). — 1877. * BARDET, juge de paix; à Brienne (Aube). — 1886. à BERTIN, Jules, médecin honoraire des hospices de Gray (Haute- Saône), quai du Saint-Esprit, 1. — 1897. * BESSON, ingénieur de la Compagnie des forges de Franche- Comté ; Courchapon (Doubs). — 1859. BETTEND, Abel, imprim.-lithog.; Lure (Haute-Saône). — 1862. BEY-ROZET, Charles, propriétaire; à Marnay (Hte-Saône). — 1890. Bixi0, Maurice, agronome, membre du conseil municipal de Paris ; Paris, quai Voltaire, 17. — 1866. B1ZoS, Gaston, recteur de l’Académie de Dijon. — 1874. BLONDEAU, juge au tribunal; Baume-les-Dames. — 1895. BOBILLIER, Edouard, maire et suppléant du juge de paix; Gler- val (Doubs). — 1875. BOISSELET, Joseph, avocat; Vesoul (Haute-Saône). — 1866. * BREDIN, professeur; Paris, rue Claude-Bernard, 27. — 1857. * BRioT, docteur en médecine, membre du conseil général du Jura; Chaussin (Jura). — 1869. DE BROISSIA (le vicomte Edouard FROISSARD) ; à Blandans, par Voiteur (Jura). — 1800. * BRUAND, Léon, inspecteur des forêts ; Paris, rue de la Planche, 11 bis. — 1881. BURIN DU BUISSON, préfet honoraire ; à Besançon, rue Moncey, 9, et à Cramans (Jura). — 1878. * BUCHET, Alexandre, inspecteur des Enfants assistés; Gray (Haute-Saône). — 1850. CASTAN, Francis, général d’artillerie, Versailles, et à Besançon, Grande-Rue, 97. — 1860. CHAPOY, Henri, avocat à la Cour d’appel de Paris; rue des Saints-Pères, 13. — 1875. | — 400 — MM. * CHOFFAT, Paul, attaché à la direction des travaux géologiques: du Portugal ; Lisbonne, rua de Arco a Jesu, 113. — 1869. * CLOZ, Louis, professeur de dessin', à Salins. — 1863. CONTET, Charles, professeur agrégé de mathématiques en re- traite; aux Arsures (Jura). — 1884. * CONTEJEAN, Charles, géologue, professeur de Faculté hono- raire et conservateur du musée d'histoire naturelle; à Mont- béliard. — 1851. CORDIER, dJules-Joseph, receveur principal des domaines; à Montbéliard. — 1862. : CORDIER, Palmyr, médecin des colonies, et à Besançon rue des Granges, 3. — 1896. CORNUTY, contrôleur de la garantie, Pontarlier. — 1885. Coste, Louis, docteur en médecine et pharmacien de 1re classe, bibliothécaire de la ville de Salins (Jura), — 1866. COURBET, Ernest, bibliophile, trésorier de la ville de Paris, rue de Lille, 1. — 1874. * CRÉBELY, Justin, employé aux Forges de Franche-Comté; Moulin-Rouge, près Rochefort (Jura). — 1865. DAUBIAN-DELISLE, Henri, ancien directeur des contributions directes, ancien président de la Société d’Emulation du Doubs; Paris, avenue de Wagram, 86. — 1874. * DEROSNE, Charles, maître de forges; à Ollans, par Cendrey. — 1880. . * DEULLIN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. * DEVAUX, ancien pharmacien, juge de paix; Gy (Haute-Saône). — 1860. | DIETRICH, docteur en médecine, médecin de colonisation à Mekla (Algérie). — 1892. DRAPEYRON , Ludovic, docteur ès-lettres, professeur d'histoire au Lycée Charlemagne, directeur de la Revue de Géographie ; Paris, rue Claude-Bernard, 55. — 1866. * Duray, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875. FEUVRIER (l'abbé), chanoine honoraire, curé de Montbéliard (Doubs). — 1856. | FEUVRIER ; Julien, professeur au collège de Dole, faubourg d'Azans. — 1893. — AE — MM. FILSJEAN (l’abbé), licencié en lettres, professeur au séminaire d’Ornans. — 1896. FLAGEY, Camille, ingénieur, ancien ue du conseil général du Doubs; Vignoble d’Az$ba, canton de Mila, province de Constantine. — 1877. GASCON, Edouard, conducteur des ponts et chaussées en re- traite, président du comice agricole du canton de Fontaine- Française (Côte-d'Or). — 1868. GASCON, Louis, professeur au lycée d’Alais, rue Faberie, 60. — 1889. GAUTHIER, doct. en médec,; Luxeuil (Haute-Saône). — 1868. GEVREY, Alfred, conseiller à la Cour d’appel de Grenoble, rue des Alpes, 9. — 1860. GIRARDIER, notaire à Dole (Jura). — 1897. GIROD , Paul, professeur à la Faculté des sciences et à l’Ecole de médecine de Clermontferrand. — 1882. * GUILLEMOT, Antoine, archiviste de la ville de Thiers (Puy-de- Dôme). — 1854. GURNAUD (A.), ancien inspecteur des forêts; au château de Nancray (Doubs). — 1853. HUART, Arthur, ancien avocat-général; rue Picot, 9, Paris. — 1870. | HUGUET, docteur en médecine; Vanne, par Ray-sur-Saône (Haute-Saône). — 1884, JANET, Albert, négociant ; Saint-Vit (Doubs). — 1872. JEANNOLLE, Charles, pharmac. ; à Fontenay-le-Château (Vosges). — 1876. JOLIET, Gaston, ancien préfet de la Haute-Marne ; à Dijon, rue Chahot-Charny 44. — 1877. LAFOREST (Marcel PÉCON DE), lieutenant d'infanterie au corps d'occupation du Tonkin; à Besançon, rue du Mont-Sainte- Marie, 8. — 1895. * LAMOTTE, directeur de hauts fourneaux; Paris, rue du Mont- Sainte-Marie, 8. — 1859. * LAURENT, Ch., ingénieur civil; Paris, rue de Chabrol, 35. — 1860. LEBAULT, Armand, docteur en médecine; Saint-Vit (Doubs). -- 1876. 26 — 402 — MM. LECHEVALIER, Emile, libraire-éditeur; Paris, quai des Grands- Augustins, 39, à la librairie des provinces. — 1888. LE MIRE, Paul-Noël, avocat; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura) et rue de la Préfecture, à Dijon. — 1876. * LERAS, inspecteur honoraire d’Académie ; Paris, rue de Bou- lainvilliers, 57. — 1857. LHOMME, botaniste, secrétaire de la mairie de Vesoul (Haute- Saône), rue de la Mairie. — 1875. * LiGIER, Arthur, pharmacien, membre du conseil général du Jura ; Salins (Jura). — 1863. MACHARD, Jules, peintre d'histoire, ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome; Paris, rue Ampère, 87. — 1866. MapiorT, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). — 1880. MAIRE-SEBILLE (l'abbé), curé de Vuillecin (Doubs). — 1880. * MASSING, Camille, manufacturier à Puttelange-lez-Sarralbe (Lorraine allemande). — 1891. DE MARMIER (le duc), membre du conseil général de la Haute- Saône; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône). — 1867. MARTIN, Abel, capitaine adjudant major au 27e régiment d’in- fanterie ; Dijon, et à Besançon, Grande-Rue, 86. — 1881. * MATHEY, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856. DE MENTHON (le comte René), botaniste; Menthon-Saint-Bernard Ex (Haute-Savoie), et château de Saint-Loup-lez-Gray, par Gray. — 1854. MILLIARD, Alfred; Fédry, par Lavoncourt (Haute-Saône). — 1886. * DE MONTET, Albert ; Chardonne-sur-Vevey (Suisse). — 1882. MORÉTIN, docteur en médecine; Paris, rue de Rivoli, 68. — 1857. MourEY (l'abbé), curé à Borey, par Noroy-le-Bourg (Haute- Saône). — 1886. DE MOUSTIER (le marquis), député et membre du Conseil géné- ral du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs), et Paris, avenue de l’Alma, 15. — 1874. SR MM. MuUGNIER, Henri-Auguste, ingénieur-architecte; Paris, Ecluses Saint-Martin, 47. — 1868. NaU, ancien élève de l’Institut agronomique, à Baume-les-Dames — 1895. * PARANDIER, inspecteur général de première classe des ponts et chaussées en retraite, président de la Société de viticulture d'Arbois (Jura); Paris, rue des Ecuries d’Artois, 38, et aux Tourillons à Arbois. — 1852. Paris, docteur en médecine, médecin des bains à Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. DE PERPIGNA , Charles-Antoine, propriétaire; Paris, rue de Berne, 11. — 1888. PETITCLERC, Paul, géologue; Vesoul, rue de l’Aigle-Noir, 17. — 1881. PiquarD, Léon, docteur en médecine à Chalèze (Doubs). — 1890. * DE PRINSAC (le baron), ancien membre du conseil d’adminis- tration de la Société d’Emulation du Doubs; château de Sa- deillan, par Miélan (Gers). — 1873. PRINET, Max, archiviste, aux Archives nationales: Paris, rue de Rennes, 126. — 1895. PROST, Bernard, inspecteur des archives et des bibliothèques au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts ; Paris, avenue Rapp, 7. — 1857. * QUÉLET, Lucien, docteur en médecine ; Hérimoncourt (Doubs). — 1862. RAMBAUD , Alfred , ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts: Paris, rue d’Assas, 76. — 1881. * RECEVEUR, Jules ; Cuse, près Rougemont (Doubs). — 1874. REGAD, Paul, greffier du tribunal civil de Saint-Claude (Jura). — 1891. RENAULD, Ferdinand, botaniste, ancien commandant du palais de Monaco; rue du Palais, à Vesoul (Haute-Saône). — 1875. RICHARD, Charles, docteur en médecine : Autrey-lez-Gray (Haute-Saône). — 1861. RICHARD, Auguste, pharmacien; Nice, rue de Paris, 16, et Autet (Haute-Saône). — 1876. — 404 — MM. * RICHARD, Louis, médecin-chef de l'hopital militaire de Sousse (Tunisie). — 1878. Rrpps (l'abbé), curé d’Arc-lez-Gray (Haute-Saône). — 1882. ROBINET (abbé), Mélitin, vicaire à Sirod (Jura). — 1889. ROUTHIER, Joseph-Prosper, attaché à la Préfecture de la Seine ; Paris, rue Flatters, 10. — 1886. Roy, Emile, professeur à la faculté des lettres de Dijon, rue de Mirande, 9. — 1894. Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; Paris, rue Spon- tini, 9. — 1867. | Roy, banquier ; L’Isle-sur-le-Doubs. — 1887. * ROSSIGNOT (l'abbé), Auguste, curé de Mamirolle (Doubs). — 1885. SAGLIO, Camille, directeur des forges d’Audincourt (Doubs). — 1896. * SAILLARD, Armand, négociant, Villars-lez-Blamont (Doubs). — 1877. DE SCEY (le comte Gaëtan), à Souvans, par Mont-sous-Vaudrey (Jura). — 1897. STOURME, docteur en médecine à Lyon, cours Morand, 25. — 1896. SURLEAU, directeur de la succursale de la banque de France, à Rouen. — 1886. * DE SAUSSURE, Henri, naturaliste; à Genève, Cité 24, et à Yvoire _ (Haute-Savoie). — 1854. THURIET, Charles, président du tribunal civil de Saint-Claude (Jura). — 18069. * TOURNIER, Ed., maître de conférences à l'Ecole normale, sous- directeur à l’école des hautes études; Paris, rue de Tournon, 16. — 1854. TRAVELET, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez- Morey (Haute-Saône). — 1857. * TRAVERS, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller de préfecture; Caen (Calvados), rue des Chanoiïines, 18. — 1869. * TRiIPPLIN, Julien, représentant de l’horlogerie bisontine et vice-président de l’Institut des horlogers; Londres : Bartlett’s — 405 — MM. Buildings, 5 (Holborn Circus), E. C., et Belle-Vue (Heathfield Gardens, Chiswick, W). — 1868. TuETEY, Alexandre, sous-chef de la section législative et judi- ciaire aux Archives nationales; Paris, rue de Poissy 31. — 1863. VALFREY, Jules, ancien sous-directeur à la direction politique du Ministère des Affaires étrangères; Paris, rue Marbeuf, 31. -— 1869. VAISSIER, Jules, fabricant de papiers; Paris, rue Edouard De- taille, 3, — 1877. VARAIGNE , directeur des contributions indirectes en retraite ; Paris, rue Lauriston, 80. — 1856. VENDRELY, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône). — 1863. VERNEREY, notaire; Amancey (Doubs). — 1880. VIELLARD, Léon, propriétaire et maitre de forges; Morvillars (territoire de Belfort). — 1872. * WALLON, Henri, agrégé de l’Université, manufacturier; Rouen, Val d’'Eauplet, 48. — 1868. — 406 — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DÉCÉDÉS EN 1897. Rreps, Paul, architecte. 1873 GARNIER, Georges, avocat à Bayeux (Calvados). 1877 SENTUPÉRY, Charles, à Arc-lez-Gray (Haute-Saône). 1879 BERTHAUD, professeur honoraire de la Faculté des sciences de l’Etat, à Saint-Cyr (Rhône). 1880 GREMAUD (l’abbé), bibliothécaire cantonal de Fribourg (Suisse). 1879 HENRICOLAS, directeur des contributions directes à Nimes (Gard). 1878 JOBIN, Alphonse, avocat à Lons-le-Saunier (Jura). 1972 RouzeT, Emile, ancien ingénieur et agent-voyer de la ville de Besançon. 1874 TAILLARD, docteur en médecine ; Maîche (Doubs). — 407 — SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (4155) Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations, FRANCE. Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l’Instruction publique cinq exemplaires LES ICMOURES NS M ee mes da es ca annee CS 1856 Ain. Société d'Emulation de l'Ain; Bourg... .. .. . .. . 1868 SOLIÉrÉ des Sciences naturelles de L’Ain-. . .".. . -. . 1894. Aisne. Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agri- culture et industrie de Saint-Quentin . . . . . . .. . 1862 | Allier. Société des sciences médicales de DIRES Que de CS D ie se . du 0 1851 Société d'Emulation et des Beaux- arte du Bourbonnais ; OS lu tie es 1860 Revue scientifique du Bourbonnais et du centre de la Hriance” Moulins ms. ee. de, 5... …. 1894 Alpes-Maritimes Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ; NIGER. 2. nue a 1867 Alpes (Hautes-). Société d'étude des Hautes-Alpes; Gap. . . . . . . . . 1884 — À408 — Ardèche. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et lettres de l'Ardèche: Privas ss 2 Ra Re eat RE 1863 Aube. Société académiqueide l'Aube; Troyes LL -22}-0-2hiPar 1867 Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. 1876 Belfort (Territoire de). Société Belfortaine d'EmUlation HA Uhr Ent er > 1872 Bouches-du-Rhône. Société de statistique de Marseille. . =... 1867 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille. 1867 Galvados. Société binnéennetde Normandie: Caen. 1857 Académie:dé Caen ee Sn Re 1868 Charente. Société historique et archéologique de la Charente; Ansoulémes es Ru acte ani om 1877 Charente-Inférieure. | Société des archives historiques de la Saintonge et de | l'Aunis; Saintes. . . . . . . . . . 1e a ver dec De MIO ON Gher. Société des antiquaires du Centre; Bourges. 7. 702 MS876 Côte-d'Or. Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . . 1856 Commission des antiquités du département de la Côte- d'Or Dion CR EN En ETC Pr A RE A CR ROUES 1869 Société d'archéologie, d'histoire et de littérature de Beaune di REP Te, Me ER PE bu COX — 409 — Société des sciences historiques et naturelles de Semur . Société bourguignonne de géographie et d'histoire; Dijon. Revue bourguignonne de l’enseignement supérieur publiée pardes professeurs des Facultés de Dijon. : : . . . . Doubs. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- CO MU LUN délits ee a le ce ter oo co à Société en don Montbéliard. Société de médecine de Besançon. Société de lecture de Besançon. .. . . . . . . . ÉlmionarhsStique de Besancon. 7: +... à . , . . Drôme. Bulletin d'histoire ecclésiastique et d’archéologie reli- gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Vi- viers--Romans (Drôme) : .:: …. Eure-et-Loir. SoBiere Dinoise:, Chateaudunm… . : 7... .. . . . Finistère. DOCIÉLé académique de Brest... . . . . . Académme de Nimes. 5 4 5, : Société d’études des sciences ie d Nes Garonne (Haute). Société archéologique du Midi de la France; Toulouse. . Société des sciences physiques et naturelles de Tou- OS PS ne + eee Gironde. Société des sciences physiques et naturelles de Bor- BE AU NS ee ae ne +. de oo Société d'archéologie de Bordeaux + . . . . … . . . . . Société Linnéenne de Bordeaux , . : . . + . : . . à ie 1880 1888 1891 1844 1851 1861 1865 1894 1880 1867 1875 1866 1883 1872 1875 — M0 — Hérault. Académie de Montpellier. . . .… . . . . . + . .:. . . … 1869 Société archéologique de Montpellier . . . . . . . . . . 1869 Société d'étude des sciences naturelles de Béziers . . . 1878 Ille-et-Vilaine Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine ; Rennes... 2. ss 1894 Isère. Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- ment de l'Isère: Grenoble" ne 1857 Jura. Société d'Emulation du département du Jura; Lons-le- SAURIOL EE a sn à 1044 Revue viticole de Franche-Comté, Poligny. . . . . . . . 4895 Loire. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire; Saint-Etienne. . . 1866 Société de la Diana, à Montbrison. . . . . . . . . . . . 1895 Loire-Inférieure. . Société des sciences naturelles de l'Ouest de la France; Nantes is ee RER AN ane A a OU Loiret. Société archéologique de l’Orléanais; Orléans . . . . . . 1851 Maine-et-Loire. Société industrielle d'Angers et du département de Maine- ét-Loire; ANGEers. 02 MATE US NT EnA RTE RES 1855 Société académique de Maine-et-Loire ; Angers . . . . . 1857 Manche. Société des sciences naturelles de Cherbourg . . . . . . 1854 — AA — Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- hartementde la Marne: Châlons 5, sr, 1856 Société d'agriculture, sciences et arts du département de NERO RONS EE runs à ee np pp DE a 1878 Marne (Haute-), Société archéologique de Langres. . , , , , . . . . .…. 1874 Meurthe-et-Moselle. Société des sciences de Nancy (ancienne Société des Stiences naturelles de Strasbourg), ,,.,. ., : .:, . 1866 DOEIÈLE d'archéologie lorraine, à Naney, , , - . : . . . 1886 Meuse, Soviete polymathique-de Verdun, : ; : 0 + 1851 Morbihan. Société polymathique du Morbihan; Vannes, . . . . .. 1864 Nord, Sosible d'émulation de-ROUPAIXE 52 0. 5, 0, 1895 Oise. Société historique de Compiègne, . . . . . . . . . ., 1886 Pyrénées (Basses-). Société des sciences, arts et lettres de Pau. . . . . . . . 1873 Société des sciences et arts de Bayonne. . . . . . . . . 1884 Pyrénées Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales Perpignan. 5... +... . é 4 + + 1900 Rhône. Société d'agriculture et d'histoire naturelle de Lyon. . . 1850 Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. . 1856 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon . . 1860 Annales de l’Université de Lyon, quai Claude-Bernard, . 1896 HD Saône-et-Loire. Société Eduenre; Autun. 23e, NAN SSSR AN Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône. Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha- lon=sur-Saunene 0207 PRES PE SUICEA OIL FEAUES Société d'histoire naturelle d’Autun . . Société d'histoire naturelle de Mâcon. . . . Saône (Haute-). Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône Société d'encouragement à l’agriculture ; Vesoul. . . . . Société des sciences naturelles; Vesoul : 14140 0x Sarthe. Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe; Le Mans PR re Riad er el Ce ; Société Fe et archéologique du Maine ; Le Mans . Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . . . . . . . . . . :. Savoie (Haute-). DOCIELE HIOrIMONLANES ANTEEN. ee Seine. institut de Franchise ue SOCiéLé des antiquaires de AranCes Parier re Association française pour l'avancement des sciences . . Société d’histoire de Paris et de l’Ile de France . . . . . Association pour l’encouragement des études grecques en Francesrue SOUHOP PM Pas er Te ren Société de botanique de France ; rue de Grenelle, 24, DATIS Fo aide : RE DE dd. - Société bone de Pare, rue Abo Dubois, 4. Société française de physique, rue de Rennes, 44. . . Musée Guimet; avenue du Trocadéro, 30 . . . . Société de secours des amis des sciences. . . . Société de biolagie. . . . . LUN da STE te De TT LS Spelunca, Société de eue rh nt Une PR ARE DRE — 43 — Société philomathique de Paris, rue des Grands-Augus- Société philotechnique de Paris, rue d'Orléans; Neuilly- SUESOINBR at Lo Menine e SURNnRS RRRMINT E UT, La direction de anne géologique universel, rue de Manon deco SAN SANG NINRE DR Mélusine , revue folkloriste, librairie rue des Chantiers PARIS ra 20e Pa hiee Le Polybiblion, Paris, rue Saint-Simon, ’ BE re Seine-Inférieure. Commission départementale des antiquités de la Seine- Miéreure Rouen... : ; Académie des sciences, belles: lébres di arts ds Rens : Société libre d’'Emulation de la Seine-Inférieure ; Rouen. Société hâvraise d’études diverses : . . . . . . . . . . Seine-et-Oise. Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et- (DISeS VORRENMNÉSE MER ADS ee Pr Société des sciences morales, belles-lettres et arts, à HE onleS S n n S re lue rite Somme Société des antiquaires de Picardie ; Amiens. . . ... . . Société d'émulation d'Abbevillé. +... .1..... , Tarn-et-Garonne. Société d'histoire et d’archéologie de Tarn-et-Garonne ; MONÉdUDAN FEU RS, SR Re Erin, Vienne (Haute-). Société historique et archéologique du Limousin . . .. Vosges. Société d’'Emulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne ; Saint-Dié. , . . . . . Yonne, Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 1861 1896 1869 1894 1894 1852 1855 1876 1852 — M4 — ALSACE-LORRAINE Société d'histoire naturelle de Colmar. . . . . . . . . . 1860 Société des sciences, agriculture et arts de la Basse- AlSace. Strasboôouré See Rhin Dee 1880 Société d'histoire naturelle de Metz. . . . . . . . . . . 1895 Commission de la carte géologique de lPAlsace-Lorraine ; SITASDONTS AS sn Me ue RSS 1887 ALGÉRIE. | Société historique algérienne; Alger . . . . . . . . . . 1870 ALLEMAGNE. Académie impériale et royale des sciences de Berlin. . . 1879 Société botanique de la a de Brandebourg ; Berlin... ï See mirent LOL Académie royale des sciences de biere. . Munich (Kœnigl. Bayer. Akademie der nca ZU Munchen), représentée par M. 7. libraire à + ÉVNON ESS Ra UE RE PR ATS . 1865 Société des sciences naturelles de Brême (Naturwissens- chafthicher Verein zu Bremen) sn. 40 . 1866 Société des sciences naturelles et ele de la Hautes Hesse (Oberhessische Gesellschaft für Natur und Heil- Künde}::GieSsens. ss nr ee SSeere Ne 01808 Société des sciences ee de Fribourg en Dan (BAM) 5: 2 ne RAR SR Re 1892 Société royale physico-économique de Kæœnigsberg (Kœæ- nigliche physikalich-ækonomische Gesellschaft zu Kœæ- nigsbete) Prusse ee ES En CN a ee PTE A AUTRICHE. Institut impérial et royal de géologie de l'empire d’Au- triche (Kaiserlich-kœniglich-geologische Reichsanstalt) ; VIGNHG re tue LS CRU SA De CEE AN SA CRE 1853 Muséum impérial et royal d’histoire oe de Vienne. 1889 AMÉRIQUE. Société d'histoire naturelle de Boston. . — A5 — Institut Smithsonien de Washington . . .. . . . . .. Emmédstates 2tological Survey... 1.0.1, 2. RÉographieal club of Philadelphia . : . : . + . .. ANGLETERRE. Société littéraire et philosophique de Manchester (Litte- rary and philosophical Society of Manchester). . . . BELGIQUE. Académie royale de Belgique, Bruxelles . . Société géologique de Belgique; Liège . . . . . ee Académie d'archéologie de Belgique; Anvers, rue Do ii man due die eu tes te Société de Bollandistes ; Bruxelles, rue des Ursulines, 14. Société d'archéologie de Bruxelles, rue Ravenstein n° 11. PORTUGAL. Commission des travaux géologiques du Portugal, de l'Académie royale des sciences de Lisbonne, rua de AGO AVENUE SR EE re ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . LUXEMBOURG. Société des sciences naturelles du grand duché de Luxem- DoureEUxeMhourr sd ee à... SUÈDE ET NORVEGE. Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . Universite royale de Christiania . . . . . .. : The geological institution of the University of Deeus SUISSE. Société des sciences naturelles de Bâle. . . . . . . . . Société des sciences naturelles de Berne . . . . . . . . Société jurassienne d'Emulation ; Porrentruy . . . . . 1859 1868 1876 1885 1838 1891 1885 1879 188% 1854 1869 1877 1895 1872 1855 1861 — 4416 — Société d'histoire et d'archéologie de Genève, rue de l’E- Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne . . . Société d'histoire de la Suisse romande; Lausanne . Société neuchâteloise des sciences naturelles; Neuchâtel. Société d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel . Société des sciences naturelleSide ZUmCh Société des antiquaires de Zurich. Société générale d'histoire suisse (à la bibliothèque | Société Pro Aventico, à Avanches . . .. 1863 1866 1847 1878 1862 1865 1857 1864 1880 1894 — A7 — ÉTABLISSEMENTS PUBLICS (54) Recevant les Mémoires. Bibliothèque de la ville de Besançon. Id. populaire de Besançon. Id. de l'Ecole d'artillerie de Besançon. Id. des Facultés de Besancon. Id. de l’Ecole de médecine de Besançon. Id. de l’Ecole normale des Instituteurs. Id. du Chapitre métropolitain de Besançon. Id. du Séminaire de Besançon. Id. de la ville de Montbéliard. Id. de la ville de Pontarlier. Id. de la ville de Baume-les-Dames. Id. de la ville de Vesoul. Id. de la ville de Gray. Id. de la ville de Lure. Id. de la ville de Luxeuil. Id. de la ville de Lons-le-Saunier. Id. de la ville de Dole. Id. de la ville de Poligny. Id. de la ville de Salins. Id. de la ville d’Arbois. Id. de la ville de Saint-Claude. Id. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. Id. Mazarine, à Paris. Id. de la Sorbonne, à Paris. Id. de l'Ecole d’application de l’artillerie et du génie, à Fontainebleau. Id, du Musée ethnographique du Trocadéro, à Paris. Id. du British Museum, à Londres. (Librairie Dulau et | Cie, Londres, Soho Square, 37.) Archives départementales de la Côte-d'Or. Id. du Doubs. Id. de la Haute-Saône. Id. du Jura, 27 TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME PROCÈS-VERBAUX Bon accueil fait par la municipalité au vœu émis par la Société, sur la proposition de M. le docteur CHAPOY, pour l'érection d’un monument à Pasteur dans la ville de Besancon... A ee ele a near LE Ca da A Lecture du compte rendu, par M. le docteur MEYNIER, du tome VIT de l'Histoire des princes de Condé par Mgr le DCR PA MR OL ONE ME, eee tatin ane mentale aie a aide ea la eleve Pen ete DivI Explications données par M. VERNIER sur sa lecture à la séance publique du 12 décembre 1895 : À propos de Victor Hugo et « la vieille ville espagnole »,,,........... Lu p. VII Vœu émis par la Société pour le maintien du Musée d’ar- chéologie à l'étage du bâtiment des Halles, sur la proposi- tion de MM. Ducar et VAISSIER........... os etes te e DDe VELI-TX Mention par M. le docteur GIRARDOT d’un nouveau classement des collections paléontologiques du Musée d'histoire natu- nelle spar IN :CHUDEAUL 2 0 ne, HRENNSS ÿ p. IX Nomination de membres honoraires : le gouverneur de la place (M. Mahieu), MM. Marc Dufour, Ulysse Robert, Jean Petit, G. Sire et Pingaud........ D ee NU cars due dite pp. XI, XVI Lecture par M. le général de JourFRoY d’une Notice sur M. de Laubespin, membre correspondant décédé........ p. XI Lecture par M. PINGAUD du dernier chapitre de la biographie d’Auguste Castan . DR che eut ; a ee pp. XI-XII Présentation par M. GRNNAESSE des nn de ses élèves, MM. Secrétan et Bourcet, au laboratoire de chimie de la Haculé ss nou, ee nt ee ON ee LD em tar pp. XII, XXX Lecture d’une notice nécrologique sur Léon Marquiset, par NTEMAIROT LR. 00 ea NUE RU à LG safe DCR p. XIV De la Photographie à travers les corps opaques, par M. JOUBIN, et Épreuves photographiques, par M. MALDINEY ...,.... Pp. XV, XXX on — Expériences de teinture au moyen de matières colorantes nouvelles, par M. GENVRESSE...... SE AO RATE TE Res p. XV Acquisition par le Musée de la borne milliaire de Mathay- Mandeure et d’une inscription de Mandeure, par la Société. pe XVI Lecture d’une Étude, par M. H. MarRoT, du Voyage de Pic de la Verne dans la Gruyère et le Pays de Vaux en 1799. P. XVI Lecture d'extraits du Journal de marche de M. Marcel de LAFOREST au Soudan en 1893.............. ROSE PP. XVIII, XXXIII }rojet exposé par M. VAISSIER de la réorganisation du Musée d'archéologie dans les salles du rez-de-chaussée des Halles. P. XIX Notes de M. THOUVENIN : 1° sur la composition chimique du rhizome de la Parnassia palustris ; ® sur La localisation de la taxine dans les feuilles du Taxis baccata; 3 Re- cherches sur l’influence des courants continus sur la fonction chlorophylienne.......,....... ete te. DD XXE XAITUNX X Réception de 107 volumes des Mémoires de l’Académie des Inscriptions (1855-1899) 6e Pre ee p. XXII Lecture par M.le chanoine MoussaRD d’une Étude historique et morale sur Jean Boyvin ....... ne DPxxIl Note de M. E. DEracroIx sur l'acide antimonique et les ONTUMONIQLES AN TE ee oi ae UE Au moe te DD INR Renseignements donnés par M. GENVRESSE sur le sulfate de cuivre en dissolution dans leaus ir enter eee su P. XXVII Lecture de M. MEYNIER sur la Délimitation de la Franche- Comté et du Pays de Vaux en 1648..............,.., pp. XXV-XXVI Lecture de M. PARIZOT sur la suprémalie et les droits ho- norifiques dans une seigneurie en Franche-Comté au XVITI Siècle ere AN SE ed D Eee p. XXVI Les camaïeux photomagnétiques de M. Heélouis nee p. XXVII Analyse par M. MaïroT du travail de M. LoNGIN sur la Cam- pagne du marquis de Conflans en Bresse en 1636 ....., p. XXVIII Don par M. PARIZOT d’un petit bronze antique, taureau à trois cornes, trouvé à Maizières (Haute-Saône), pour le Musée d'archéologie... ..... RER PRE ANS SPA DEN p. XXX Compte rendu de la séance publique noel de la Société d’émulalion de Montbéliard, par M. J. GAUTHIER. ..., p. XXXI Notification de la mort de M. Résal, membre honoraire, par NS DRE LT een SAS A NOR RENE ÉD LS DEN P. XXXIV Propositions, par M. GAUTHIER, de démarches urgentes à faire auprès de la Commission des monuments historiques, dans l'intérêt de la conservation du eloitre de l’abbaye de Monthenoit ; ss GRR NMEARAER ER TO CP PA ST EAN LEO p. XXXV = HN = Lecture d’une Étude sur un bas-relief du Musée d'archéologie : Les dieux attachés au culte des mânes, par M. A. VAISSIER. Lecture par M. MEYNIER d’un travail intitulé : Un conspira- teunfranc-contois à Naples.en.1702...,,...,.,...x: Budset pour 18975. cui eh arte dde hibeos à dei fe e Ue Séance publique du 19 décembre 189,6 ; banquet annuel et toasts de M. H. MAIROT, président, de M. le docteur BRUCHON père, président élu pour 1897, et de M. le docteur BAUDIN, délégué de l’Académie... .. SR De eee ts ES Lola oops ut ae pp. MÉMOIRES. La Société d'Emulation du Doubs en 1856 : dis- cours d'ouverture de la séance publique du jeudi 10 décembre 1896, par M. Henri MAIROT, prési- Hénbannuel,.....:. ie Es he game de des Le dernier volume de l'Histoire des princes de Condé, de Mgr le duc d’Aumale ; compte rendu sarMPsle Docteur J, MEYNIER::..:.04..4...... Étude historique et morale sur Jean Boyvin, prési- dent au parlement de Dole [1574-1650), par Meletchancine MOUSSARD. 4.025... 7. Le comte Léonel de Laubespin, par M. le général comte dé JOUFFROY D'ABBANS..:...,.1......:. Le système oolithique de la Franche-Comté septen- trionale, par M. Albert GIRARDOT ............. Notice sur M. Léon Marquiset, par M. Henri MAIROT. Délimitation de la Franche-Comté et du pays de Vaud en 1648, par M. le Docteur J. MEYNIER... La neurasthénie, par M. le Docteur Henri BRUCHON. Annotations et additions aux flores du Jura et du Lyonnais. Deuxième partie : Contribution à l'étude botanique des bassins lacustres de la chaîne jurassique, par M. Fr. HÉTIER (1 planche)... ... Droits honorifiques des seigneurs à l’église parots- siale au X VIIF siècle, par M. Adolphe PARIZOT . : p. XXXV p. XXXVII p. XXXVIII XLI-XLVIII p.254 D... 40 p. 27 p. 938 p. 42 p. 90 D:57 p. 69 p. 80 p. 174 19 Sur le sentiment de la nature dans la littérature française, par M. DROZ......... SN dt L'industrie du sel en Franche-Comté avant la con- quête française, par M. Max PRINET............ La dernière campagne du marquis de Conflans (1636-1637), par M. Emile LONGIN............. Un conspirateur franc-comtois à Naples en |1702, par M. le Docteur J. MEYNIER:..............., Antiquités burgondes au musée d'archéologie de Besançon, par M. Alfred VaIssiER (2 planches photogravées et 1 lithographiée).. ............ Dons faits à la Société en 1896-1897... OS D On De Do Envois des Sociétés correspondantes...,,,.,... HE AE ER T0 Membres de la Société au 1er décembre 1897, .,.,..,,.,,,,... Sociétés correspondantes...,....,,...,... le ete en ee Un Etablissements publics recevant les Mémoires,..,,,,,.,,..,,.. Pitié TP {üD 30 APR. 1907 BESANÇON, IMPRIMERIE DODIVERS. p. 201 p. 247 p. 365 p. 373 p: 381 p. 383 p. 989 p. 407 p. 417 Extraits des statuts et du règlement de la Société d'Emulation du Doubs, fondée à Besançon le 1° juillet 1840. : Décret impérial du 22 avril 1863 : « La Société d'Emulation du Doubs, à Besancon, est reconnue comme établissement d'utilité publique... » Hi a | Art. ler des statuts : « Son but est de concourir activement aux progrès des sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe- ment, de coopérer à la formation des collections publiques et d’é- diter les travaux utiles de ses membres. » Elle encourage principalement les études relatives à la Hrancho Comté. » Art. 13 des staluts : « La Société pourvoit à ses son au moyen : » Lo D'une cotisation annuelle payable par chacun de ses a résidants et par chacun de ses membres correspondants ; elle est exigible dès l’année même de leur admission. » 20 De la somme de deux francs payable par les membres rési- dants et correspondants au moment de la remise du diplôme... » Art. 17 du règlement : « La cotisation annuelle est fixée à dix francs pour les membres résidants et à | Six francs pour les membres correspondants. » : Art. 23 des statuts : « Les sociétaires ont la latitude de se libérer de leur cotisation annuelle en versant un capital dans la caisse de la Société. | » La somme exigée est de cent francs pour les membres rési- dants et de soixante francs pour les correspondants... » ru Art. 15 des statuts : « Tout membre qui aura cessé de payer sa cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme démissionnaire par le conseil d'administration. » Art. 6 du règlement : « Les séances ordinaires se tiennent le se- cond samedi de chaque mois... » Art. 9 du règlement : « La Société publie, chaque ne Re un bulletir de ses travaux, sous le titre de Mémoires... » Art. 13 du règlement : « Le bulletin est remis gratuitement : | NS PR A chacun des membres honoraires, résidants et corres- pondants de la Société... » Adresse du Trésorier de la Société : M. le Por de la Société d'Emulation du Doubs, Palais Granvelle, à Besancon. RES AC) en APE qe EAU RE 11 te /. à 2 TRUE Re roue À LT æ, er “ste 7 trans > di ! LUE RTS à NÉS eg . DH o IPS ae ous UE N h eur x d + Nés, di Dei mg gr 2e Te ù F. ù SAR ES Due ù © à * À 3 : ed l Ds EU, 7 à Y CHARS ET SEL EPP TT PR ‘ Rs ét TT ne ES rs M tagug. MIE KO v vos