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MEMBRES RÉSIDANTS : MM. le docteur Baudin, L. Béjanin, A. Boysson d’Ecole, Bretenet, H. Bruchon, Chapoy. Diétrich, le chanoine Drouhard, P. Drouhard, A. Girardot, J. Gauthier, A. Guichard, V. Guillemin, Kirchner, Joubin, le général de Jouffroy, Lambert, Lieffroy, Magnin, Morlet, le chanoine Mous- sard, Parizot, Perruche de Velna, Vernier. Après la lecture du procès-verbal de la séance ordinaire du 9 décembre 1896 et de celui de la séance publique du 19, M. le Président exprime le regret de l'absence du secrétaire _décennal, M. le docteur Meynier, absence motivée par un deuil de famille. Après une année de présidence, fidèlement exercée dans 47 l'intérêt de la Société, M. Henri Mairot, s'exprimant dans les termes les plus sympathiques, déclare que c’est en toute con- fiance qu’il cède le fauteuil à M. le docteur Bruchon. En venant prendre la direction de la séance, le nouveau pré- sident déclare qu’il peut à bon droit, « dans cette expérience, nouvelle pour lui, de son zèle pour la bonne marche de la Société, promettre d’y suppléer par son exactitude et par son attention à s'inspirer de l’exemple de ses prédécesseurs. C'est ainsi que les mêmes traditions d'activité féconde se trans- mettent d'année en année. » « Je suis heureux, ajoute M. le docteur Bruchon, d’avoir, pour mon premier acte officiel, à men- tionner la nomination au grade de chevalier de la Légion d’hon- neur de mon honoré collègue, M. le docteur Baudin, ancien président de cette Société, que de brillants services dans la carrière médicale militaire et civile, d'importantes publications sur l'hygiène et la statistique bisontine désignaient justement à cette haute distinction. » M. le docteur Ledoux soumet à la Société un travail très complet et fort intéressant sur la nécessité de créer un service rapide et direct de Belfort (Mulhouse' à Lyon passant par la vallée du Doubs. La ligne existante, ainsi utilisée, deviendrait la rivale de celle de Bâle à Genève et conduirait, avec un béné- fice de 80 kilomètres, de Mulhouse à Lyon et Marseille, en supprimant, pour les voyageurs du nord de l’Europe, l’incon- vénient d’une visite de douane deux fois répétée. Le commerce du port de Marseille, en concurrence avec celui de Gênes, celui des soieries de Lyon, en parallèle avec celles de Zurich, béné- ficieraient largement, ainsi que toutes les villes du parcours, de cette voie directe. « Nos chemins de fer sont de bons outils, sachons nous en servir. » Les objections que l’on oppose ne sont pas sérieuses ; les difficultés .provenant de courbes trop accentuées pour la marche rapide existent aussi bien sur la ligne par la Suisse. Cette étude, écoutée avec attention et recon- nue excellente à tous les points de vue, en particulier par MM. Mairot et Morlet, sera, sur l’avis de la réunion, transmise à la Chambre de commerce. Dans une étude ayant pour titre : « Un point inédit de la — VI — topographie antique de Besançon, » M. J. Gauthier estime que lès vestiges d’un temple païen jadis reconnus sur Pemplace- ment de l’église du Refuge, près de lhôpital Saint-Jacques, au lieu d’être signalés sur le plan de Vesontio, sous le nom de Temple de Mars, pourraient être de préférence désignés sous celui de Temple de la Fortune. Si le premier semble justifié par le voisinage du Champ de Mars, le deuxième peut l'être par celui d’un édifice circulaire qu’on pense avoir été un marché. D’après d'anciens actes de propriété, datant du xrne siècle, les terrains en nature de vigne, situés en cet endroit, auraient été dits à la Furtune, à la Fortune. Ce qui viendrait à l’appui de hypothèse de M. Gauthier, c’est qu'une identification semblable a été proposée naguère pour un édifice, de forme circulaire également, découvert à Mandeure. Le culte de la Fortune était, d’ailleurs, très en honneur dans les villes gallo-romaines. M. Magnin entretient la Société du Chêne géant, trouvé dans les sables du Rhône au pied du fort de Pierre-Châtel, et exposé, en ce moment, dans un bateau spécial, sur les bords de la rivière. Après avoir rectifié plusieurs inexactitudes de la notice publiée par les propriétaires de cette curiosité végétale, M. Magnin analyse les notes très intéressantes que M. Guignard a données à la Société botanique de Lyon sur les particularités d'organisation présentées par ce remarquable spécimen des arbres de nos anciennes forêts. Sont proposés, pour faire partie de la Société. comme membre résidant : M. de Beauséjour (Gaston), présenté par MM. Bruchon et Gauthier, et comme membre correspondant : M. Bertin (Jules), docteur en médecine à Gray, présenté par MM. Bruchon et Meynier. Après un vote d'admission en sa faveur, M. le Président pro- clame : Membre résidant : M. Raymond VAUTHERIN, ancien capitaine du génie, Les résidents, Le Vice-Secrétaire, H. MaIROT et Dr BRUCHON. VAISSIER. — VII — Séance du 13 février 187. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. le docteur Bruchon père, président ; le docteur Meynier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, tré- sorier ; Poète, archiviste. MEMBRES RÉSIDAXTS : MM. Baudin, H. Bruchon, Chapoy, P. Drouhard, Ducat, À. Girardot, À. Guichard, V. Gullemin, d'Hotelans, Kirchner. Ledoux, Mairot, Moussard, Parizot, Per- ruche de Velna, Pingaud, Poète, Sire et Thouvenin. Après la lecture du procès-verbal de la dernière séance, M. le Président lit une lettre de M. Poly, ancien membre corres- pondant démissionnaire de la Société, qui demande à y rentrer et offre de lui envoyer un mémoire sur la race Séquane. Demande et offre sont déclinés à l'unanimité des membres présents. M. le Président, suivant la tradition établie, a représenté la Société à la séance publique d'hiver de l’Académie de Besançon. qui a eu lieu le 4 février, et au banquet qui l’a suivie. Il rend compte de son mandat et du toast à l’union et à la confraternité intellectuelle des deux compagnies, qu’il a prononcé sur la fin du banquet, en réponse à de pareils sentiments exprimés par M. le Président de l’Académie. M. le chanoine Moussard lit un travail sur l’alcoolisme. Après une introduction, dans laquelle il a réuni des sentences remar- quables empruntées à de grands écrivains et à des hommes d'Etat célèbres, il parle, successivement, de la nature mal- faisante de l'alcool, des progrès effrayants de son usage, de Pinfluence délétère qu’il exerce sur la classe populaire, classe intéressante entre toutes, de ses effets physiologiques et patho- logiques, des progrès que lui doit la criminalité. M. Moussard termine par un appel à la puissance publique, appel qui n’a, malheureusement, que peu de chances d’être entendu de gens beaucoup trop intéressés à la prospérité des cabarets, pour leur faire jamais une guerre bien sérieuse. M. le docteur Meynier fait une lecture sur l’échange de Besan- çon contre Franckenthal (1654) et sa réunion à la Franche- Comté (1664). Ce travail a pour but l’étude des causes de la résistance opiniâtre de la cité à la diète de Ratishonne et des motifs qui l’ont enfin déterminée à consentir à sa réunion. La principale cause de cette résistance, suivant M. Meynier, fut l’inertie des Espagnols; mais les agissements des Dolois y ont été pour beaucoup. Des motifs d'intérêt majeur pouvaient seuls en avoir raison. C’est ce qu'avait bien compris Castel-Rodrigo, par l’entremise duquel l'échange de Besançon contre Francken- thal avait été décidé. Mais « sa tendresse pour cette sienne acquisition, « comme dit Jules Chifflet, lui fit un peu dépasser la mesure dans ses concessions aux Bisontins; il compromit lui-même le succès de son œuvre. Son concordat avec les citoyens ne fut jamais exécuté en son entier. Le travail se ter- mine par le récit des fêtes auxquelles donnèrent lieu la signa- ture de ce traité et la prise de possession de la cité le 29 sep- tembre 1664. On fait circuler, dans l’assistance, une planche de M Vaissier, représentant les médailles commémoratives frappées à cette occasion, ainsi qu'un fort bel esemplaire en or de l’une d'elles. Cet exemplaire appartient à M. le comte de Vezet, qui l’a mis à la disposition de M. Octave d'Hotelans, pour être pré- senté à la Société. À la courte notice sur Franckenthal qui précède ce travail, M. le docteur Ledoux ajoute des souvenirs de son récent pas- sage dons l’ancienne forteresse rhénane, souvenirs qu’il promet de compléter dans une autre et prochaine séance. Après un vote d'admission en faveur des candidats présentés à la dernière réunion, M. le Président proclame : Membre résidant : M. DE BEAUSÉJOUR, Gaston. Membre correspondant : M. BERTIN, Jules, docteur en médecine à Gray. Le Président, Le Secrétaire. BRUCHON. Dr J. MEYNIER. Séance du 13 mars 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. Bruchon père, président ; Meynier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire, et Fauquignon, trésorier. MEMBRES : MM. H. Bruchon, Chapoy, Diétrich, À. Girardot, A. Guichard, Guillemin, Kirchner, Lambert, Ledoux, Magnin, Mairot, Moussard, Parizot, Pingaud, Suchet, Vandel et Vernier. M. Gouget, ancien conservateur des hypothèques à Besançon, ayant quitté la ville sans espoir de retour, prie la Société d’ac- cepter sa démission. La réunion prend acte d’une décision qu’elle regrette beaucoup. M. le docteur Meynier avait été nommé secrétaire décennal à l'élection du 9 décembre 1896; mais un deuil de famille l’avait empêché d’assister à l'installation du nouveau bureau. En lui donnant séance, M. le Président dit que les membres de la Société savent tous combien ils peuvent compter sur lui comme un des grands moteurs de ses travaux. Précédemment, M. Vaissier, vice-secrétaire, avait bien voulu, et pendant un long temps, remplir par intérim les fonctions de secrétaire. Il l’a fait avec une exactitude, un dévouement, comme avec un talent, auxquels ses confrères ne sauraient trop rendre hom- mage. Le Président est certainement l’interprête de tous en lui adressant de vifs remerciements. Avant de lire le procès-verbal de la séance précédente, M. le Secrétaire profite de la parole qui vient de lui être donnée, pour rappeler à l'assemblée la distinction si bien méritée, dont _ M. le Président vient d’être honoré, et la prie de s’associer aux félicitations qu'il lui adresse. La motion est accueillie par des applaudissements unanimes et réitérés. En quelques paroles pleines de cœur, M. le Vice-Président Mairot exprime le regret d’avoir été prévenu. M. Lambert lit ensuite un travail, qui a pour titre : La mort du jeune Muiron, aide de camp de Bonaparte, à la bataille d'Ar- cole. Le général Thiébaud, en ses Mémoires, prétend que le dévouement de Muiron, faisant, au général en chef, un rem- part de son corps et mourant glorieusement pour lui, n’a jamais été exactement raconté. M. Lambert fait, cependant, remarquer que le récit que le général en donne, ne diffère pas sensible- ment des relations qui en ont été faites, par Bonaparte lui- même, dans les rapports qu'il envoya au gouvernement après la victoire et, plus tard, dans les Souvenirs de Sainte-Hélène, et c’est d’après ces dernières qu'il refait, après tant d’autres, le récit toujours attachant de la bataille des trois jours. Il passe ensuite à la légende, à laquelle a donné lieu la mort de Muiron, légende dont Marie-Joseph Chénier a fait le sujet d’une élégie qu’il lit en entier. Puis il rétablit les faits qui, pour avoir été moins dramatiques, n’en furent pas moins tristes. Il les rétablit à l’aide de trois lettres de Bonaparte, dont il fait circuler les originaux dans l’assistance. La première, datée de Vérone le 29 brumaire an V, annonce la mort de Muiron à sa jeune veuve. Mme Muiron y répondit, ou l’on y répondit pour elle, en implorant, sans doute, en faveur de sa mère et de son frère qui étaient inscrits sur la liste des émigrés (bien qu’ils n’eussent pas quitté le sol national!) la protection de Bonaparte. En effet, dans une nouvelle lettre, datée de Milan le 8 nivôse, Bonaparte envoie à Mme Muiron la copie de la lettre qu’il vient d'écrire au Directoire conformément à ses désirs. Cette troi- sième lettre nous apprend ce qu'était Muiron. Jean-Baptiste Muiron était fils d’un fermier général et son père avait été emprisonné sous la Terreur. Sa belle conduite au siège de Toulon, où il fut blessé, lui valut la libération de son père. Au 13 vendemiaire, il commandait une division d'artillerie qui défendait la Convention, et fut sourd aux sollicitations de personnes de la société qui voulaient l’entraîner à la défection. C’est probablement dans l’intervalle de son retour de Toulon à son départ pour l'Italie qu’il avait épousé Mile Euphrasie de Béraud de Courville, fille du défunt baron de Courville, mestre de camp de Dauphin-Cavalerie, écuyer du Roi et ancien capi- taine des chasses du comte d'Artois. Mme Muiron était charmante, AN —— comme en témoigne un ravissant pastel apporté à la réunion par les soins de M. Lambert. Lorsqu'il suivit Bonaparte en Italie, J.-B. Muiron avait laissé sa jeune femme chez son père, Eustache-Nicolas Muiron, qui habitait Sceaux. C’est là qu'après sept ou huit mois de séparation, elle reçut la fatale nouvelle. C’est là aussi qu’elle mit au monde l’enfant posthume de Muiron, une fille qui fut nommée Adrienne. Cette enfant ne vécut que trois semaines : elle mourut le 7 pluviôse, et sa mère elle-même ne lui survécut que sept jours. Muiron n’avait que vingt-sept ans quand il fut tué. Il était colonel et remplissait auprès de Bonaparte, depuis le 5 brumaire, les fonctions d’adjudant- général. M. Magnin rend compte à la Société des observations qu'il a faites, pendant l’aiver 1896, sur la température du lac de Saint- Point et sur les varices ou crevasses qu’on remarque chaque hiver sur la surface glacée de ce lac. La courbe des températures prises le 16 février 1896 a con- firmé, pour le lac de Saint-Point, la loi de stratification inverse observée dans les lacs à stratification alternante de nos régions tempérées : pour une température de + 99 à la surface, sous la glace on a trouvé + 207 à 1 mètre de profondeur, puis 3°2 à 39 5 pour l'épaisseur des 37 mètres suivants, et enfin 3°9 au fond, soit à 39 mètres. M. Magnin compare cette courbe aux courbes semblables obtenues dans les lacs de Genève, de Neuchatel, de Zurich, de Morat, etc. Quant aux varices du lac de Saint-Point, M. Magnin en montre de belles photographies qui reproduisent leurs murailles de glace s’élevant jusqu'à 1 mètre et 1 mètre 50 de hauteur, expose leur répartition sur la surface des lacs de Saint-Point et de Joux (avec cartes à l’appui) et discute leur mode de for- mation : l'explication que M. Forel donne de la formation des fendues du lac de Joux ne s’appliquerait pas exactement aux varices du lac de Saint-Point. M. Girardot rend compte d’une série de publications adressées à la Société par M. Parandier. Ces brochures, au nombre de trois, concernent, d’une manière générale, la géologie de la Franche-Comté et des régions voisines, ainsi que les diverses — XII — applications de cette science. Dans sa Géographie physique du Doubs, écrite en 1830 et présentée cette année même, avec la carte qui l'accompagne, à l’Académie (séance du 7 mai), M. Pa- randier indique les grands traits de l’orographie et de la strati- oraphie des Monts Jura, qu'il avait reconnus, dès cette époque et avant la publication des célèbres travaux de Thurmann. C’est dans ce travail, en particulier, qu’on trouve la première men- tion des bassins fermés qui occupent plus du quart de la super- ficie du sol de notre département. Trois ans après, il complète, dans sa Notice sur les causes de l’existence des cavernes et sur celles des principaux phénomènes qu’on y observe, les indications de sa Géographie, par de nouvelles données sur les sources et sur l’hydrographie de la région. Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER. Séance du 3 avril 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. Pruchon, président, Meynier, secrétaire ; Vaissier, vice-secrétaire; Fauquignon, trésorier, et Poëte, archiviste. MEMBRES : MM. Baudin, Berdellé, H. Bruchon, Ghapoy, Gi- rardot, À. Guichard, V. Guillemin, général de Jouffroy, Kir- chner, Lambert, Ledoux, Parizot, Pingaud, Thouvenin et Vernier. Après la lecture de la correspondance et celle du procès- verbal de la séance du 13 mars, la parole est donnée au secré- taire pour lire un travail de M. le docteur Stourme, de Lyon, membre correspondant, travail intitulé : Essai sur les bains = AA gallo-romains de Luxeuil et du mode de captation de leurs sources. Après un coup d'œil général sur la ville qui lui tient fort au cœur, comme c'est son droit, M. Stourme parle des débris gallo-romains de toute sorte qu’on y a exhumés et en vient aux thermes antiques, dont il ne reste guère que les sources qui les alimentaient. Il fait, une fois de plus, le procès de la fameuse inscription qui attribue à Labiénus, lieutenant de César, la restauration de thermes gaulois qui n’ont jamais existé. On sait, en effet, maintenant, que cette inscription, en dépit du procès-verbal de sa prétendue découverte, est absolu- ment apocryphe. Dom Grappin a rompu bien inutilement des lances pour elle. Caylus en contestait déjà l’authenticité; les tra- vaux de Bourquelot, dont M. Stourme reproduit les conclusions, et ceux de Desjardins, qu’il a, sans doute, oubliés, ont mis à découvert la supercherie, dont les inventeurs de l’inscription avaient usé. [l est regrettable qu'un des anciens membres de la Société, Em. Delacroix, ait cru aux bains gaulois de Luxeuil; mais il écrivait à Luxeuil, où, maintenant encore, il n’est pas prudent de s'attaquer à ce prétendu monument. « Scribo ut in aere romano, » disait Baglivi. Ainsi donc, jusqu’à l’arrivée des Romains, les thermes de Luxeuil n’existaient pas. Les sources, par contre, étaient-elles connues ? C’est probable : la présence de celles qui sont ehaudes a dû se trahir, de tous temps, par une buée intense. Et mainte- nant comment furent-elles captées ? | Les eaux de Luxeuil appartiennent à deux classes différentes : les unes sont salines et thermales, les autres ferrugineuses et froides. Il a fallu capter séparément les unes et les autres et éviter leur mélange, soit entre elles, soit avec les eaux vuk gaires. Pour arriver aux eaux thermales, un ruisseau fut détourné de son cours naturel et reporté plus à l’est. Puis on creusa pour rechercher les griffons et on les trouva, à une pro- fondeur de 2 à 3 mètres, sur un banc de grès vosgien. Enfin, on _construisit, pour chacun d’eux, une cheminée formée d’anneaux de pierres superposés, et l’on coula, dans les intervalles, des masses de béton destinées à empêcher les eaux de s'échapper. Les eaux, ainsi collectées, furent conduites à destination par un ON canal, souterrain d’abord, puis en tranchée profonde, qui sert encore de nos jours. Les eaux ferrugineuses, qui émergent à une profondeur beaucoup moindre, ont été prises plus facile- ment. Elles sont amenées par une galerie antique, en grès de gros appareil et à deux étages. La cunette de cette conduite, formée latéralement de forts plateaux de chêne, est séparéc de la voûte par une rangée de dalles de pierre, dont la mobilité permet de surveiller cette cunette et de l'empêcher de s’enva- ser. Négligée à l’époque des invasions barbares, elle s’est engouée, et il a fallu les grands travaux de captage et la cons- truction des bains ferrugineux, en 1858. pour en faire recon- naître l'existence. Les eaux y arrivaient latéralement par drainage. Il ne reste à Luxeuil, des établissements qui exploitèrent les sources à l’époque gallo-romaine, que quelques-unes des pis- cines ; on ne peut s’en faire une idée que par analogie. On peut supposer que les piscines appartenaient, comme ailleurs, aux différentes classes de la société, et l’on sait que, généralement, on trouvait dans les thermes la piscine des patriciens, celle des plébéiens, celle des dames, celle des soldats, celle des esclaves. À Luxeuil, ces piscines ont persisté jusqu’à nos jours, en changeant de noms. D’après Didelot (1), ces noms étaient, au siècle dernier : le grand bain, le bain des dames, le bain des Pénédictins, le bain des Capucins, le bain des pauvres. Ce der- nier a complètement disparu. « [Il y a quelques années, écrivait Chapelain en 1851 (2), on trouva, derrière le bain gradué, trois bassins, dont deux de forme circulaire ; l’autre était un quadri- latère de forme oblongue. Ces trois bassins, dans lesquels on descendait par degrés, étaient également pavés en albâtre. » M. Stourme conclut de son étude : 10 que les Gaulois n’ont pas exploité les sources de Luxeuil avant la conquête romaine, et 20 que le mode de captation de ces eaux par les Romains a été le même à Luxeuil que dans les autres stations thermales de la Gaule romaine. Il l’a suffisamment démontré. M. le docteur Meynier a rendu compte d’une récente publica- (1) Hist. Soc. roy. méd., t. II. (2) Luxeuil et ses Bains. D ONE = tion de l’Institut national genevois : La Guerre du Pays de Gex et l’occupation genevoise [1589-1601}, par M. Henri Fazy. L’au- teur, un des écrivains qui connaissent le mieux le passé de leur pays, a consacré ce livre à l’histoire d’une de ces crises d’ex- pansion territoriale auxquelles sa patrie est sujette. Cette guerre qui dura une longue année et ruina le Pays de Gex, fut suivie de dix ans de trève, pendant lesquels Genève l’admi- nistra, honnêtement il faut le dire, mais sans parvenir à le relever du pitoyable état où l’avaient mis des querelles qui ne le concernaient pas. L’occupation genevoise prit fin en juillet 1601, lorsqu'on exécuta les clauses du traité de Lyon qui don- nait à la France la Bresse, le Bugey, le Valromey et le Pays de Gex. Comme Français et comme Franc-Comtois surtout, on ne peut regretter une issue qui a maintenu dans son impuissance une voisine peu bienveillante et qui a été souvent un réel danger. Est proposé pour faire partie de la Société comme membre correspondant : M. de Beauséjour, Eugène, ancien magistrat, présenté par MM. Meynier et Pingaud. Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER. Séance du 8 mai 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. Bruchon père, président; Meynier, secrétairé; Vaissier, vice-secrétaire; Fauquignon, trésorier; Poète et Maldiney, archivistes. | MEMBRES : MM. Berdellé, Gauderon, J. Gauthier, À. Gui- chard, V. Guillemin, Kirchner, Ledoux, Magnin, Michel, Nar- gaud, Parizot et Vautherin. La lecture de la correspondance et celle du rapport de la pré- NNII — cédenté réunion ont été suivies d’une courte allocution du président, qui a parlé, en termes émus, de la mort de S. A. R. Monseigneur le duc d’Aumale, décédé à Zucco dans la nuit du 6 au 7 mai. M. Bruchon à évoqué les « souvenirs ineffacables que l’affabilité et la distinction du très regretté prince, comme ses grandes et précieuses qualités ont laissé dans l'esprit de nos compatriotes. L’illustre défunt avait bien voulu accepter, dés 1873, le modeste titre de membre honoraire de la Société, à laquelle il n’a cessé depuis de témoigner la plus grande bien- veillance. Ses membres seront unanimes à s’associer aux regrets de la France libérale et intelligente, qui a perdu en lui un de ses plus illustres enfants, ami et protecteur éclairé du bien et du beau, esprit supérieur, en toutes les nobles choses lettres, sciences et arts, stratégiste et tacticien consommé autant que brave soldat, et, par-dessus tout, cœur loyal et che- valeresque, profondément attaché et dévoué à son pays. » M. Jules Gauthier, qui l’a vu jusque dans ces derniers temps, promet de donner prochainement à la Société une notice sur son trop court séjour à Besançon et en Franche-Comté. _ Après quelques mots de M. le docteur Leaoux à l’adresse de M. Demongeot, ancien membre de la Société, récemment décédé, M. Poète lit les positions de la thèse de M. Max Prinet, archi- viste palèographe, qui est une étude historique sur l'Industrie du selen Franche-Comté avant la réunion de cette province à la France. Les sources salées de la Franche-Comté peuvent se répartir géographiquement en trois groupes : l’un au pied du premier plateau du Jura, un autre dans l’ancien comté de la Roche, un troisième dans la terre de Granges. [l faut y Joindre quelques sources isolées, comme celles de Scey-sur-Saône et de Luxeuil, Salins, Lons-le-Saunier, Soulce et Saunot ont emprunté leurs noms à celles qu’on y a exploitées de temps immémorial. Il n’est pas possible, en effet, de fixer l’époque à laquelle on a commencé à pratiquer l’industrie du sel en Séquanie, et il faut même descendre assez bas dans le moyen âge pour retrouver des preuves de l’existence des sauneries comtoises. Les plus importantes de ces salines étaient celles de Salins, b — XANIII — au nombre de deux, la Grande-Saunerie et le Puits à Muire. La première appartenait, en 1237, à Jean de Chalon l’Antique, comte en Bourgogne et sire de Salins, qui la laissa indivise entre ses fils, Bourgogne, Auxerre et Chalon. La seconde saline ne paraît, dans les documents, que divisée entre un grand nombre de co-propriétaires, gens d'église, nobles ou bourgeois appelés les Rentiers du Puits-à-Muire. Le Puits-Salé de Lons- le-Saulnier appartenait, comme la châtellenie, aux deux branches de là maison comtale. La Saunerie de Grozon paraît avoir toujours appartenu au domaine. Les sources de Soulce et de Saint-Hippolyte ont été possédées par les comtes de la Roche; celles de Saulnot, par les comtes de Montbéliard; celles de Scey-sur-Saône par les Traves de la maison de Bourgogne et par les Choiseul. Les bernes ou bâtiments d'exploitation des puits de Salins ont eu souvent d’autres propriétaires que ceux des sources : la Chauderette de l'Abbaye-de-Rosières, établie près de la Grande- Saunerie, était dans ce cas. Les comtes de Bourgogne, devenus seuls propriétaires de la Grande-Saunerie et de la plus importante source salée du pays, s’efforcèrent d'assurer à Salins le monopole de la production du sel en Franche-Comté : Grozon et Lons-le-Saunier lui furent sacrifiés. Mais ils échouèrent dans leurs tentatives contre le Püits-à-Muire et les salines de Soulce et de Saulnot. Les moyens de droit leur réussirent mieux que ies arguties des juristes à leurs gages ; c’est ainsi que, par des acquisitions successives, ils parvinrent à réunir au domaine les droits des seigneurs co- propriétaires de la Grande-Saunerie, ceux des rentiers du Puits-a-Muire et la Chauderette de Rosières. Les salines n’eurent d’abord d’autres administrateurs que ceux des châtellenies locales. La Grande-Saunerie eut primiti- vement pour chef le chatelain de Bracon, auquel furent adjoints les chatelains de Châtel-Belin et de Châtel-Guyon, après le par- _tage de la succession de Jean de Chalon. Au xiv° siècle, un offi- cier spécial, le Pardessus des offices, lui fut préposé. La charge de Pardessus, qui a existé jusqu’en 1601, était confiée à un per- sonnage de marque, souvent attaché à la cour du souverain : le garde des sceaux Granvelle l’a possédée. Le Pardessus, qui — XIX — avait la direction, la justice et la police des sauneries de Salins, était secondé par un lieutenant comme les baillis. Déjà au moyen âge, les sauneries étaient souvent données à bail; à partir de 1601, toutes celles de Salins furent amodiées à une compagnie fermière. Dans ses éléments primitifs, la saline est composée d’une source salée et d’une chaudière où l’eau est évaporée. L'eau était extraite du puits à l’aide de deux engins, le gréal, seau de grande dimension, et la signole, treuil à manivelle. La muire était conduite, à l’aide de cheneaux de bois, jusqu'aux chau- dières. L’évaporation se produisait à l’aide d’un feu de bois en- tretenu sous ces dernières. La fourniture du combustible nécessaire aux sauneries de Salins a nécessité la création, au- tour de cette ville, d’une zone de forêts réservées ou zone de reformation, qui avait six lieues de rayon. La contenance en muire de la chaudière s'appelait un bouillon. Un certain nombre de bouillons pouvaient être successivement soumis à la cuite dans l’appareil ; leur ensemble constituait la remandure. L’éva- poration, pour un simple bouillon ou pour une remandure, ter- minée, le sel produit était porté à un atelier appelé ouvroir, où il était formé en pains ou salignons de divers modèles. Le sel resté en grains était dit sel trié. Le tout était conservé dans des séchoirs ou estuarlles. Les charges des officiers et même celles des ouvriers des sauneries étaient fort recherchées. Il est permis de croire que celles-ci étaient toutes héréditaires comme ceiles-là ; mais on ‘ne peut lassurer que pour celles des fèvres ou ferronniers et des benattiers ou vanniers, souvent cédées à bail par des titu- _laires incompétents ou inhabiles. Le sel, fabriqué dans les sauneries, était vendu à l’intérieur du comté et à l’étranger. On appelait sel d'ordinaire celui que les communautés d'habitants recevaient, à prix modique, pour la consommation locale. Une fois l’approvisionnement des commu- nautés assuré, l’excédent dela production était écoulé, souslenom de sel d’extraordinaire, dans les provinces voisines de Bourgogne et de Bresse, dans l’évêché dé Bâle et en Suisse. Au moment de la conquête française, notre souverain tirait des salines un revenu important, égal au moins aux autres produits du domaine. — XX — M. Poète complète cette intéressante lecture par celle de quelques passages de la thèse de M. Prinet. M. Magnin complète l’ordre du jour par deux communications verbales. La première concerne des plantes rares qu'il à trou- vées, il y a déjà quelque temps, dans notre rivière, et dont il vient d'achever l’étude Il s’agit notamment du Potamogéton upsaliensis. qui n’était encore connu qu'en Suède et qu’il a trouvé abondamment dans le Doubs, à Besançon, où 1l observe depuis trois ans. C’est un hybride de deux autres Potamogétons qui existent dans le même cours d’eau, le P. perfoliatus et le P. lucens. Il vient d’en faire l'étude histologique, avec l’aide de ses deux préparateurs, MM. Mathiot et Pichon. Le sujet est in- téressant comme distribution géographique aussi bien que comme application de l’histologie à la détermination des formes spécifiques des hybrides. M. Magnin fait part ensuite de quelques notes qu'il a recueil- lies sur les floraisons anormales du dernier hiver dans les en- virons de Besançon; et notamment sur celle du Gensta pilosa, qu’il a récolté, le 2 janvier, à Rosemont, portant à la fois les fruits de l’année 1896 et des fleurs, bien épanouies, devançant de quatre mois au moins l’époque normale de leur floraison. Notice sur M. Pierre Demongeot, par M. le docteur LEDOUX. M. Demongeot fut. un ami fidèle de la Société, dont il fré- quenta assidument les séances de 1872 à 1894. À cette dernière époque, l’âge et l'éloignement ne lui permirent plus de prendre part à ses travaux. Cette retraite n’a pu nous faire oublier que notre ancien collègue était un bon juge en matière d’histoire et de science, qu’il nous avait souvent donné la mesure de son érudition dans la discussion des communications, et qu'il ne nous à jamais refusé son concours dans Padministration de la Société. Sa principale contribution à l’œuvre qu’elle poursuit est un traité intitulé : Principes généraux d'économie politique, qui a pris place dans le tome Ie de la 5e série de nos Mémoires (1876). Ce traité, qui avait la modeste ambition de vulgariser des notions, aussi sages que pratiques, d’une science trop igno- rée et dont l’enseignement n’était pas encore constitué, était le XXI — fruit des études communes d’un père et d’un fils : Armand Demongeot, dont la mort prématurée a fait évanouir de si belles espérances, y avait collaboré. M. Pierre Demongeot avait, à un haut degré, le sentiment du devoir et y ajoutait une volonté ferme; rien ne l’arrêtait dans laccomplissement de ses obligations professionnelles et dans la poursuite du but que lui assignait sa conscience. Sentiment du devoir et volonté l’ont soutenu en des temps difficiles, et puis- samment aidé dans des luttes, qu'il a soutenues avec regret et sans animosité contre ses adversaires. Il a suivi, de l’entrée dans la carrière à la retraite, une route dont les étapes méritent d’être brièvement signalées. Né à Maranville, petit village de la Haute-Marne, en 1818, Pierre Demongeot entrait, à l’âge de seize ans, à l'Ecole nor- male de Dijon, où il se fit remarquer par son ardeur au travail et ses aptitudes à l’enseignement. Successivement surveillant de ceux dont il venait d’être le condisciple, directeur de l'Ecole primaire supérieure de Dijon, maître à l'Ecole normale et régent de mathématique au collège de Mâcon, il devait conserver de son séjour dans cette dernière ville, un précieux souvenir. Il y avait connu Lamartine, et quand le grand poète voulut publier son Histoire des Girondins, il confia à M. Demongeot la correc- tion des épreuves. Chargé plus tard de la direction de l'Ecole normale de Villefranche, qui périclitait avant son arrivée, il sut la relever et donner une nouvelle preuve de sa capacité. En 1850, il fut envoyé, par avancement, à Besançon, où il fit, pen- ‘ dant vingt ans, de notre pépinière d’instituteurs un établisse- ment modèle, classé parmi les meilleurs de ses similaires en France. Sous ses auspices, il en sortit un grand nombre d’ex- cellents maîtres, dont plusieurs sont devenus professeurs ailleurs ou inspecteurs primaires. Pour atteindre le terme de cinquante-deux années de service, M. Demongeot exerça, pen- dant dix-sept ans, les fonctions d’inpecteur spécial des écoles de Besançon. La croix de chevalier de la Légion d'honneur vint, en 1880, récompenser un labeur si constant et un dévouement si entier. La Société manifesta, à cette occasion, l'estime et l'affection qu’inspirait, à tous ses membres, celui qui était lob- jet de cette distinction. Elle vient aujourd'hui les affirmer à — XAII -—— nouveau et témoigner la douleur sincère que lui cause sa perte. Sont proposés, pour faire partie de la Société, comme membre résidant : M. Mauvillier (Pierre-Emile), photographe, présenté par MM. Maldiney et Vaissier,; et comme membres correspondants : MM. Girardier, notaire à Dole, présenté par MM. J. Gauthier et Michel; de Scey (le comte Gaëtan), propriétaire à Souvans, pré- senté par MM. Gauderon et Michel. Après un vote d'admission en sa faveur, M. le Président pro- clame Membre correspondant : M. DE BEAUSÉJOUR, Eugène, ancien magistrat. Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER. Séance du 19 juin 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. Bruchon, président; Meynier secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier : Poète et Mal- diney, archivistes. MEMBRES : MM. H. Bruchon, P. Drouhard, Et. Druhen, V. Guillemin, À. Guichard, d'Hotelans, M. Lambert, Pingaud et Vautherin. Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, M. Meynier lit une Notice sur un correspondant de la Société, récemment décédé, M. le chanoine Gremaud, bibliothécaire cantonal et professeur d'histoire à l’Université de Fribourg, =. NXIN dont les travaux historiques sont universellement connus et appréciés. Jean Gremaud est né le 21 janvier 1893, à Riaz, près de Bulle. Cest à Echarlens, où il fut nommé en 1850, qu’il a trouvé sa voie : un savant vieillard, le chapelain Dey, qui finissait ses jours dans cette paroisse, lui donna le goût des études histo- riques. Dans le vallon solitaire de Morlens, où il fut envoyé en 1855, l'abbé Gremaud put se livrer sans entraves à sa nouvelle passion. Il apprit, sans maître, à scruter des archives et à dé- chiffrer des parchemins. Lorsqu’en 1855, la chute des radicaux permit de restaurer à Fribourg l’enseignement libéral, il vint remplacer au collège Alexandre Daguet. En 1870, il fut nommé bibliothécaire cantonal, et, en 1888, pourvu d’une chaire d’his- toire à l’Université dont il devint recteur en 1896. Gremaud était un caractère : professeur exigeant, examina- teur rigoureux, bibliothécaire intraitable, il ne s’adoucissait qu’au sein des sociétés savantes dont il faisait partie. C'était la Société d'histoire de la Suisse romande qui avait surtout ses faveurs. Son œuvre capitale est la collection des documents relatifs à l’histoire du Valais, qui forme huit gros volumes du recueil des Mémoires de la Société d'histoire de la Suisse romande, mais il a collaboré au Mémorial de Fribourg et publié une notice sur la ville de Bulle, le nécrologe de la Chartreuse de la Lance, le livre des anciennes donations de l’Abbaye d’'Hauterive, et ce qu'il a recueilli de documents, copié de chartes, rédigé de notes ‘est incalculable. Le savant historien est mort à Fribourg dans la soirée du 20 mai, succombant en quelques heures à une affection du larynx. La fin a été si rapide que le temps lui a manqué pour prendre aucune disposition testamentaire. Mais à son lit de mort, il a donné l’ordre exprès de ne prononcer aucune oraison funèbre devant son cercueil, de ne le couvrir d'aucune fleur, enfin d’inhumer son corps à Riaz. Ses dernières volontés ont été exécutées dans la limite du possible. M. Magnin entretient ensuite la Société de la température des sources et des cavernes qu'il a eu l’occasion d’observer depuis — XXIV — plusieurs années, Les sources profondes ont, en général, la température moyenne du climat de la contrée : 10 à 11 degrés pour les environs de Besançon, 8 à 10 pour la moyenne mon- tagne, 7 à 8 pour la haute. M. Magnin discute les exceptions qu’on peut observer relativement aux sources qui proviennent de conduits ventilés ou qui reçoivent directement des apports superficiels. Il en est de même pour les grottes que pour les sources : les mêmes températures moyennes s’y observent et les températures exceptionnelles tiennent à des circonstances analogues. M. Magnin continue sa communication en parlant des études spéléologiques, des résultats importants qu’elles pour- raient donner dans notre pays, de la Société de spéléologie, fondée il y a deux ane, pour faciliter l'exploration des grottes et en centraliser les résultats. Enfin, il présente les derniers nu- méros parus des mémoires de cette Société, qui renferment notamment un travail sur les cavernes de Provence dû à M. Fournier, professeur de géologie à notre Université, et ter- mine en donnant des renseignements sur les procédés employés pour lever les plans des grottes à l’aide du carnet Prudent- Martel. Après un vote d'admission en faveur des candidats présentés à la dernière séance, M. le Président proclame : Membre résidant : M. MAUVILLIER, Pierre, photographe. Membres correspondants : MM. GIRARDIER, notaire à Dole; DE SCEY (le comte Gaëtan), propriétaire à Souvans. Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER. nn NN — Fête offerte à M. Jean PETIr. La Société s’est associée à la fête offerte, sur l'initiative de la Société des Beaux-Arts, à M. Jean Petit, et qui a eu lieu le 27 juin dans la grande salle du palais Granvelle. Au moment des toasts, M. le docteur Mevnier a lu, au nom de la Société, le discours suivant : « Messieurs, « Après avoir complimenté le grand artiste, auquel notre pays doit sa plus belle statue, après avoir rappelé les mérites du vé- nérable érudit qui lui a mis le ciseau à la main pour la faire sortir du marbre, comment ne pas dire quelques mots du grand homme qu'ils ont voulu, l’un et l’autre, honorer, du grand homme à la mémoire duquel ils ont dévoué tant de talent : ar- tistique et littéraire? Vos délégués ont pensé que cela ne pou- vait être ; seulement, ils ont eu grand tort de me charger de ce Soin. » Par un heureux hasard, qui s’est renouvelé depuis pour une autre de ses illustrations, Granvelle est né à Besançon. Sans cette circonstance, d’ailleurs, il eut déjà été à moitié bisontin : sa mère, Nicole Bonvalot, appartenait à une des familles patri- ciennes de la cité et avait reçu le jour dans une maison qui existe encore, la maison aux gargouilles de la rue Battant. - » Cette alliance avec les Bonvalot avait été le point de départ de la fortune de Nicolas Perrenot. Le célèbre homme d’Etat ne loublia pas et eut toujours à cœur les intérêts des compatriotes de sa femme. C’est à lui que leur ville doit l’édification de ce palais, que son fils allait remplir d'objets d’art précieux, de ce palais qui n’eut rien à envier plus tard aux plus remarquables résidences princières de l’époque. » C’est dans ces murs que Granvelle s’est retiré, après la dis- grâce imméritée qui lui fit abandonner les Pays-Bas en 165, et qui fut suivie, dans ce pays, d’une si terrible explosion. On sait aujourd’hui que le grand ministre n’avait pas voulu s'associer aux mesures violentes que son maitre se proposait de prendre a ER — pour y établir l’ordre. Quoi qu’il en soit, Granvelle, accueilli par ses compatriotes, avec les mêmes marques de respect et les mêmes démonstrations d'amitié, que s’il eût été encore au faîte des grandeurs et de la puissance, passa au milieu d’eux les deux courtes années que dura sa retraite. Celle-ci fut celle d’un lettré et d’un homme de goût, tout occupé de ses livres et de ses collections. Ce palais et son hôtel d’Ornans étaient des asiles toujours ouverts aux écrivains et aux artistes. » Il mit aussi à profit ses loisirs forcés pour revoir les divers lieux où il avait passé les jours heureux de son enfance. Il passa, tant à Ornans, le pays de ses pères, qu'à Mouthier- Hautepierre, dont il était prieur, qu'à Orchamps-Vennes, où son beau-frère, Fernand de Lannoy, possédait une terre, la fin de juin et le commencement de juillet 1564, la fin de mars et le commencement d'avril 1565. Son cœur se dilatait à la vue des beautés du vallon de la Loue. Le 5 juillet 1564, il écrivait au vice-chancelier Seld : « Je luy escripz (à Philippe I) touchant mon séjour par deçà, où à la vérité je me trouve pas si mal qu'aux Indes, mais suis en doulx lieux, où je vous ay souhaité mille et mille fois, pour ce que je suis certain que vous les juge- riez à propos pour philosopher et dignes de l'habitation des Muses... » Suit une description vraiment enchanteresse, qui se termine par un éloge des vins du pays, « les meilleurs... du monde, » dit-il avec conviction. » Son repos ne fut pas de longue durée : dès la fin de 1565, Philippe II le rappela. Ambassadeur à Rome, puis vice-roi de Naples, où il se fit chérir par la sagesse de son administration, il fut appelé à Madrid en 1575, pour aider le roi « à porter le faix des affaires dont le désordre ne pouvait plus être arrêté par des génies médiocres. » C’est là qu'il passa les dix der- nières années de sa laborieuse existence. Il y mourut le 21 sep- tembre 1586, à l’âge de soixante-neuf ans. Son corps, rapporté à Besançon, selon ses intentions, fut inhumé faux Grands- Carmes, dans le caveau de sa famille. « Après la mort de Thomas Perrenot de Chantonnay, qui avait aidé son frêre à accroître les collections du palais, et celle de Granvelle lui-même, François Perrenot d’Oiselay, leur neveu, ne montra pas moins de zèle qu'eux pour l'achat des livres et des tableaux, et il en fut de même de son fils. Malheureusement, les d'Oiselay s’éteignirent vers 1637, et la fortune patrimoniale des Granvelle fut dévolue aux La Baume-Saint-Amour, qui laissèrent le palais dans le plus déplorable abandon et en dis- persèrent les richesses artistiques et littéraires. Ainsi furent perdues pour notre pays les nobles acquisitions de ceux qu’on a appelés, avec juste raison, les Médicis de la Franche- Comté. » Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER Séance du 10 juillet 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. Bruchon, président; Vaissier, vice-secrétaire; Fauquignon, trésorier ; Poète et Maldiney, archivistes. MEMBRES : MM. H. Bruchon, P. Drouhard, Et. Druhen, A. Guichard, V. Guillemin, d'Hotelans, M. Lambert, L. Pingaud et R. Vautherin. : M. Jean Petit, membre honoraire, est présent. M. le Président exprime le regret qu'auront les membres de la réunion de ne pouvoir entendre, sur les Testaments de l’Of- ficialité de Besançon, une communication qu'un de ses membres honoraires, M. Ulysse Robert, inspecteur général des Archives et des Bibliothèques, se proposait de faire à la Société, lors de son passage dans notre ville, vers la fin du mois. L'approche des vacances n’a pas permis de reculer jusqu’à cette époque la séance de juillet. Il se félicite de pouvoir saluer M. Jean Petit, le sympathique artiste, auteur de la belle statue du cardinal de Granvelle. À cette occasion, il rappelle le succès de l’inauguration intime de _— XXVIII — cette remarquable œuvre d’art, de cette fête à l’organisation de laquelle sept sociétés artistiques et littéraires de la ville ont concouru. Il émet le vœu, auquel l'assistance est unanime à s'associer : que la municipalité, à laquelle incombe ce devoir de convenance, n’apporte pas de retard à faire graver, en témoi- gnage de reconnaissance, la mention du don de Charles Weiss, sur la face du piédestal réservée pour cette inscription. Devant cette noble figure, animant la cour voisine et la déco- rant comme le chaton qui couronne les ciselures d’un bel anneau, il n’est passant qui ne s’arrête avec une gravité carac- téristique. Le geste digne de l’homme d'Etat... et de devoir, les murailles qui l'entourent, preuves d’attachement de la famille pour le pays natal, le goût inspiré pour les belles choses dans une ville qui n'avait pas accoutumé de tels initiateurs, de l’en- semble il se dégage un parfum intellectuel très bienfaisant. Tout vient à point à qui peut attendre : la solidité des Gran- velle est à point pour résister aux assauts les plus divers. Dans une note, aussi substantielle que pleine de verve, sur le Tombeau de Pierre Perrenot et d’Étiennette Philibert, M. Pin- gaud a donné un exemple bien typique de l’ingratitude issue de l'oubli ou de l’inconscience. La dalle surélevée qui recouvrait, dans le chœur de l’église d’Ornans, les corps des grands parents de Granvelle, monument dont la pieuse exécution avait été léguée à ses enfants, Thomas et Antoine, par le garde des sceaux Nicolas Perrenot, a été, il y a quelques années, sans motif sérieux, reléguée par une volonté subalterne. contre un mur latéral, en manière de table de débarras. Cette injure à l'adresse « des plus insignes bienfaiteurs d’Ornans » méritait une verte leçon. À la sollicitation de la réunion, M. Pingaud donnera une publication très prochaine de son très légitime plaidoyer. M. le docteur Ledoux a lu l'Et: de sur Frankenthal qu'il avait promise dans une séance précédente. Qu’était Frankenthal, quand, d'accord avec l’Empire, l'Espagne échangea cette petite ville de la vallée du Rhin contre Besançon, dont l'étendue, la population, la fortune étaient bien supérieures ? Frankenthal apportait, comme appoint dans le marché, ses établissements — XXIX — militaires. La forteresse, située au milieu du théâtre de com- bats presqu'incessants, avait une réelle valeur stratégique. Son rôle avait été considérable pendant la guerre de Trente-Ans. Presque tous les grands capitaines de cette époque l'avaient attaquée ou défendue. Turenne en parle dans ses mémoires. Le duc d’Aumale lui a consacré une mention assez étendue dans son Histoire des princes de Condé. Sous la direction de Vauban, les Français assiégèrent et prirent Frankenthal en 1688. L'histoire de ce siège vient d’être écrite, sur des documents des archives de la guerre, par un compatriote, M. le capitaine d'artillerie Louvot. Si cette opération de notre ancienne armée n'offre pas un intérêt majeur, elle mérite cependant d’être rap - portée. Enfin, Frankenthal à un peu droit à notre attention, puisque son nom fut lié un jour à celui de Besançon dans un traité international, puisque surtout l'échange des deux villes à fait cesser l’isolement de la nôtre au milieu d’un pays auquel elle appartenait par droit de nature, et a favorisé son dévelop- pement. L'étude de M. le docteur Ledoux est comme un complément de celle de M. le docteur Meynier sur cet échange et les événe- ments qui l’ont suivi jusqu’en 1668. M. le Président relève l'intérêt du travail qui vient d’être lu et complimente l’auteur. Il le félicite aussi du succès que vient d'obtenir un autre de ses travaux, qui est également le résultat d’études faites au-delà de nos frontières. On sait, en effet, que, conformément au vœu émis dernièrement par les Chambres de commerce de Besançon et de Lons-le-Saunier, sur un mémoire de M. le docteur Ledoux, un express sera établi entre Belfort et Lyon, par Besançon et Lons-le-Saunier, pour le prochain ser- vice d’hiver. Le Président, Le Vice-Secrétaire, LRUCHON VAISSIER. == MAXI Séance du 13 novembre 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. Bruchon, président; Meynier, secrétaire ; Vaissier, vice-secrétaire; Fauquignon, trésorier ; Poète et Mal- diney, archivistes. MEMBRES : MM. Baudin, Bavoux, Berdellé, Bourret, Boutte- rin, H. Bruchon, Chapoy, Ducat, J. Gauthier, V. Guillemin, Jacot, Kirchner, Ledoux, Michel, Moussard, Parizot, Poète, Robardet, Thouvenin. M. le Président fait part à la Société de la mort d’un de ses membres correspondants, M. Rouzet, décédé à Dole, sa ville natale, où il était architecte. Ancien ingénieur-voyer de la ville de Besançon, M. Rouzet a contribué, par ses nombreux travaux, à l'assainissement et à l’embellissement de la localité. Le secrétaire lit ensuite, pour M. Charles Thuriet, une char- mante anecdote intitulée : Un Œuf de Pâques. Ce récit d’une scène qui se passe en Russie, est précédé de quelques détails sur le courant d’émigration qui a transporté naguère, dans ce pays, un grand nombre de nos compatriotes, et sur les nom- breux écrits franc-comtois ayant trait à l’histoire et aux mœurs du peuple russe. Puis, M. Alfred Vaissier accompagne la présentation de spé- cimens provenant de notre riche musée d’antiques, de considé- rations très intéressantes sur l’art des Barbares et les carac- tères des objets de provenance franque, burgonde ou visigothe. M. le docteur Meynier lit ensuite un travail qui a pour titre : Introduction à l’étude des noms de lieux romans. Après avoir relevé ce qui a manqué jusqu'à présent aux chercheurs d’éty- mologies, la méthode, le lecteur fait part à la Société des travaux par lesquels il a essayé d'innover dans ce sens. Il a — XXXI — cherché à ramener les noms de lieux romans à un nombre de groupes restreint, mais suffisant à les contenir tous. L'étude des diverses influences qui lui ont paru avoir présidé à leur genèse, lui a permis de les diviser en quatre classes, d’après leur origine naturelle, religieuse, ethnique ou sociale. Entre temps, M. Meynier indique la provenance de ls final qui paraît affecter sans raison les noms de lieux français ou plutôt vieux français au singulier, appartenant, par leur origine, à la première déclinaison latine. Cet s n’est autre que celui du no- minatif singulier de la seconde déclinaison latine, qui est devenue la déclinaison unique du vieux français. MM. Maldiney et Thouvenin font une intéressante communi- cation au sujet de l’action des rayons X sur la germination. De récentes expériences semblent leur permettre de conclure que les fameux rayons activent le développement des végétaux. Enfin, M. J. Gauthier appelle l’attention des membres de la Société sur le numéro du Journal des Savants de septembre 1897 et un rapport de M. Léopold Delille sur le Catalogue des Manuscrits de la Bibliothèque de Besançon. Ce rapport est fort élogieux pour Auguste Castan qui, pendant les trente-huit ans qu'il a administré ce remarquable établissement, s’est appliqué sans relâche à en étudier les différentes collections pour en faciliter la jouissance au public. La mise en valeur de ses trésors artistiques et littéraires est surtout son œuvre. Sont proposés, pour faire partie de la Société, comme membres résidants : MM. le docteur Baigue, chef de clinique à l'Ecole de méde- cine, présenté par MM. les docteurs Bruchon père et Cornet; Cénay, pharmacien, présenté par MM. Cornet et Fau- quignon ; Clerc-Dauchy (Emile-Léon), courtier de commerce, pré- senté par MM. Chapoy et Mairot; Marquiset (Alfred), présenté par MM. Bruchon père et J. Gauthier ; Miot (Louis), avocat, présenté par MM. Bruchon père et Ledoux; — XXXII — et comme membre correspondant : M. Piquerez (Charles), explorateur, présenté par MM. Ducat et Ledoux. Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER. Séance du 15 décembre 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE. Sont présents : BUREAU : MM. BPruchon, président, Meynier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier; Poète et Mal- diney, archivistes. MEMBRES : MM. Bavoux, Berdellé, Boname, Bonnet, Boysson d’Ecole, H. Bruchon, Chapoy, Cornet, P. Drouhard, B. Diétrich, Ducat, d. Gauthier, Genvresse, Girardot, À. Guichard, Kir- chner, le capitaine Laurent, Ledoux, l’abhé Louvot, Marrot, Michel, Parizot, Perruche de Velna, le chanoine Suchet, Thou- venin, Thuriet, Vautherin, Vernier, le comte de Vezet. : M. le Président a reçu de M. le chanoine Suchet, président de l’Académie, une lettre lui annonçant que cette compagnie l’a délégué pour la représenter à la séance publique du 16 et au banquet qui suivra. La Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône sera représentée par M. Emile Longin. M. le général commandant le 7e corps d'armée, M, le premier président de la Cour d'appel, M. le procureur général, M. le colonel gouverneur de la place, M. l'inspecteur d’Académie, M. le maire, s’excusent par lettre de ne pouvoir Fier à la séance publique et au banquet. MM. les présidents de la Société d'histoire de la Suisse = AXXIIT = romande, de la Société vaudoise des sciences naturelles, de la Société d'histoire et d'archéologie de Neuchatel et de la Société neuchateloise des sciences naturelles s’excusent de ne pouvoir faire représenter ces Sociétés. M. le docteur et professeur Marc Dufour, de Lausanne, informe M. le Président qu’il sera heureux de répondre à l'invitation de la Société. M. le professeur Sayous, avant de quitter Besançon, définiti- vement peut-être, adresse sa démission de membre de la Société. La réunion s'associe à son président pour regretter cette détermination, tout en espérant que les motifs qui l'ont dictée ne mettront pas obstacle au retour d’un sympathique et distingué collaborateur. Avant de continuer l’ordre du jour, M. le Président donne la parole à M. le trésorier, qui doit exposer l’état financier de la Société et présenter le projet de budget pour l’année 1898, On procède ensuite à l’élection d’un président pour 1898, d’un deuxième vice-président, d’un vice-trésorier et des membres du bureau qui sont sujets à réélection, et, tandis que les urnes circulent, l'assemblée écoute la lecture des communications. M. J. Gauthier lit une partie de l'étude sur le Duc d'Aumale en Franche-Comté, qui est au programme de la séance publique. M. Alfred Vaissier, sous le titre : Une grande œuvre de l’édi- lité bisontine commémorée par Porte-Noire, fait part à la Société de l’explication qu’il croit pouvoir donner d’un des bas-reliefs de l’énigmatique document. Il serait relatif à l’arrivée à Ve- sontio des eaux de l’aqueduc d’Arcier. M. Vaissier pense que la connaissance exacte de la signification d’un seul de ces tableaux de pierre mettra sur la voie du sens de tous les autres. Il se propose, en conséquence, d’en poursuivre l’étude: M. Vaissier reçoit, avec les compliments des membres pré- sents, leurs vœux pour la complète réussite de sa si intéres- sante entreprise. Enfin, M. le docteur Ledoux intéresse vivement l’auditoire en C — XXXIV — lui communiquant quelques-unes des notes de voyage d’un jeune explorateur bisontin, M. Charles Piquerez, de Kayes à Konakry par le haut Niger. Ç Le scrutin est dépouillé et donne les résultats suivants : Président pour l’année 1898 : M. le docteur GIRARDOT. Deuxième vice-président : M. J. GAUTHIER. Vice-secrétaire : M. À. VAISSIER. Trésorier : M. FAUQUIGNON. Vice-trésorier : M. POÈTE. Archivistes : MM. MALDINEY et KIRCHNER. Projet de budget pour l’année 1898. RECETTES. Subvention du département du Doubs . . . . . 500 fr. Id. de laille de Besancon we), Le 600 Cotisations des membres résidants ,. . . . . . 1.350 Id. Id. Correspondants mr 465 Droits de diplômes, recettes accidentelles . . +. . 80 Intérêts du capital en caisse et des rentes, rem- boursement de créances ENT MU SAIS D | Dotali .<. 4 MMeNr DÉPENSES. IMPreSSIONS 0 2 Ua AN RU Se) DD tE Frais de bureau, chauffage, éclairage, aménage- INÉMÉSS do ei md he Ni bete de ee 0200 Frais divers de séance publique . . . : 470 Traitement et indemnité pour recouvrement ar cent de la Société . . . A ER 200 Crédit pour recherches enttque NU a ie de 255 Total tn se 295 fr Après un vote d'admission en faveur des candidats présentés à la dernière séance, M. le Président proclame : — XXXV — Membres résidants : MM. le docteur BAIGUE, chef de clinique à l'Ecole de méde- cine ; CÉNAY, pharmacien; CLERC-DAUCHY, Emile-Léon, courtier de commerce; MARQUISET, Alfred; MiorT, Louis, avocat. Membre correspondant : M. PIQUEREZ, Charles, explorateur. Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER. Séance publique du 16 décembre 1897. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BRUCHON PÈRE Sont présents : MEMBRES HONORAIRES : Mgr PETIT, archevêque de Besançon; M. GOULLEY, préfet du Doubs ; M. le colonel FAVARCQ, gouver- neur de la place; M. FROMENT, adjoint, suppléant M. le maire de la ville; M. BONNIN, procureur général. DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS SAVANTES : M. le docteur DUFOUR, délégué des sociétés de Lausanne; M. le chanoine SUCHET, pré- sident de l’Académie de Besançon; M. Emile LONGIN, délégué de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône. MEMBRES DU BUREAU ; MM BRUCHON père, GIRARDOT, GAU- THIER, MEYNIER, VAISSIER, FAUQUIGNON, MALDINEY. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. BOYSSON D’ECOLE, H. BRUCHON, CHAPOY, COULON, P. DROUHARD, GUICHARD, LAMBERT, LEDOUX, l'abbé Louvor, Emm. Louvor, RÉMOND. En AOXNVTS Ordre des lectures : 49 La Société d'Emulation du Doubs en 1897, discours d’ouver- ture par M. le docteur BRUCHON, président. 20 Le Duc d'Aumale en Franche-Comté, par M. J, GAUTHIER. 3e Etude sur Francis Wey et Charles Nodier, par M. Charles THURIET. 4° Louvot, maire de Besançon en 1792, par M. Maurice LAMBERT. 5° Souvenirs intimes, poésies de M. Edouard Grenier, lues par M. le docteur Chapoy. N. B. — L'importance des trois premières lectures a contraint M. le Président à renvoyer la quatrième à une autre séance. Le Président, Le Secrétaire, BRUCHON. Dr J. MEYNIER. — XXXVII — BANQUET DE 1897 La séance solennelle de la Société d’Emulation du Doubs a eu lieu le jeudi 16 décembre, à deux heures, dans, dans le salon de l'hôtel de ville. Le soir, un banquet a réuni les sociétaires et leurs invités dans la grande salle du palais Granvelle. La table, ornée de plantes rares et d'objets d’art, présentait un très beau coup d'œil. La carte du menu, en forme de tryptique, représentait en photogravure, sur ses volets, les six derniers mois de l’année, bas-reliefs de Porte-Noire. Le bas-relief d’août, la Vierge d’Ar- cier, tiré à une plus grande échelle, formait le tableau prin- cipal. _Au dessert, des santés ont été portées par MM. le docteur Bruchon, président annuel; Goulley, préfet du Doubs; Vuille- card, maire de la ville; le chanoine Suchet, président de l’Aca- démie; le docteur Dufour, de Lausanne, et le docteur Girardot, président élu pour 1898. Toast de M. le docteur BRUCHON, président annuel. MESSIEURS, C’est au milieu d’une fête de famille et au pétillement joyeux du Champagne qu’à la Société d’Emulation sonne l’heure de la retraite pour le président annuel et pour ceux des membres du bureau qu’il entraîne avec lui au départ. Telle est la règle sta- tutaire qui ne cause à qui la subit ni grand souci ni troublante émotion. Pour mon compte, j'avoue même une véritable satis- faction, non pas certes de quitter des fonctions qui m'ont pro- curé tant de jouissances intellectuelles et de si agréables rela- tions, mais de trouver cette occasion de dire combien durable sera pour moi le souvenir de la précieuse collaboration et de la Ce ee NXNVIIT cordiale bienveillance qui m'ont encouragé et soutenu pendant toute la durée de ma passagère mission. Si cette satisfaction m'est toute personnelle, c’est avec tous nos sociétaires que je partage celle d'adresser nos vifs remer- ciements à ceux qui veulent bien s'intéresser à notre œuvre et nous honorer d’une sympathie dont leur présence ici est un nouveau témoignage. Merci donc à Messieurs mes collègues du bureau dont le zèle et l’activité ont su préparer et assurer le bon fonctionnement de la tâche commune, à l’accomplissement de laquelle les nou- veaux élus d’hier apportent, dès à présent, les meilleurs gages de réussite. Merci à nos travailleurs de toute l’année, grâce auxquels chacune de nos réunions a eu sa part d'attraction et a apporté sa contribution aux richesses de nos annales : à nos lecteurs d'aujourd'hui, à qui nous devons l'intérêt et l’attrait de la séance publique. Messieurs les chefs du diocèse et du parquet de la Cour, Monsieur le colonel gouverneur de la place, membres hono- raires, ont bien voulu, par leur présence, en rehausser la solen- nité. En leur adressant nos plus respectueux hommages, nous regrettons bien vivement de ne pouvoir les leur faire agréer encore Ci Ce SOIT. Regrets non moins vifs de l’absence de Monsieur le général commandant le corps d'armée, de Monsieur le premier Prési- dent de la Cour d'appel, de Messieurs les chefs de l’administra- tion académique que nous aurions été heureux et très honorés de recevoir à nos assemblées d'aujourd'hui, si des circons- tances furtuites ne les avaient empêchés de s’y rendre. Il y a un an, peu de jours après son arrivée à Besançon, Monsieur le Préfet du Doubs nous faisait l’honneur de venir au milieu de nous assister à notre banquet, nous prouvant déjà toute la bienveillance qu’il n’a cessé de nous accorder, et qu'en le remerciant de tout cœur, nous le prions de nous conserver toujours. Celle de Monsieur le secrétaire général nous est depuis long- temps acquise, comme à lui notre tout dévoué attachement. Monsieur le Maire de Besancon est de toute façon des nôtres, Sr IX NNIX comme membre honoraire et comme concitoyen. Il n’a pu, malgré son désir, se rendre à notre invitation. Messieurs nos magistrats municipaux savent combien nous tenons à voir notre ville bien cotée parmi les centres intellec- tuels de province. Nous leur demandons de vouloir bien, comme toujours, continuer à favoriser nos efforts vers ce but. Membre honoraire aussi, non par droit de cité, mais par aroit de haute estime personnelle et d'attraction internationale, notre savant collègue, Monsieur le docteur Dufour, veut bien ménager dans ses amitiés une large part à notre Comté, dont les fils sont toujours sûrs de trouver auprès de lui bon accueil et au besoin bon secours. Notre confiance en lui est égale à notre gratitude. Monsieur le Président de l’Académie des sciences, belles- lettres et arts de Besançon, en qui nous avons le plaisir de ren- contrer cette année un de nos très chers et vénérés membres bisontins, Monsieur le représentant de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, sont venus répondre au désir réciproque de perpétuer entre notre compagnie et ses consœurs de la région des relatinns fidèlement conservées. La presse locale prête avec une extrême complaisance sa publicité à nos diverses communications. Nous lui sommes infi- riment reconnaissants de cet obligeant concours. Votons maintenant des félicitations à Messieurs les organisa- teurs et décorateurs qui, avec leur goût bien connu, ont su disposer l’ornementation de cette salle pour le plus grand plai- sir des yeux des convives dont d’inopportunes coïncidences ont malheureusement réduit quelque peu le nombre habituel. MESSIEURS, Des remerciements, des souhaits, des toasts analogues à ceux d'aujourd'hui ont été depuis bien des années renouvelés à cette place par de nombreux prédécesseurs. C’est toujours la même chose, disait avec humour l’un d’eux, mon excellent ami et con- frère le docteur Ledoux! Eh oui, certainement, c’est toujours la même chose! Et ce toujours la même chose, c’est la tradition. Oh! ne l’abandonnons pas, la tradition. C’est le maintien solide de la base essentielle de toute institution; c’est la persévérance dans la voie droite primitivement tracée ; c’est la transmission d’un même esprit, d'une même tendance que lègue celui qui s'éloigne à celui qui arrive; c’est le foyer permanent soigneu- sement entretenu, autour duquel peuvent venir se grouper toutes les améliorations, tous les progrès. Suivre la tradition ce n’est point s’immobiliser, c’est marcher de l’avant sous la con- duite d’un bon guide. Et lorsque, comme dans notre cas parti- culier, tout a été avantageusement réglé au point de départ, quelle garantie de succès ! À côté de notre propre exemple, il nous est facile d’en rencontrer d’autres comportant les mêmes résultats. Au milieu de l’anarchie et du tohu-bohu où se débat l’œuvre théâtrale actuelle, parmi toutes ces innovations plus ou moins habiles, parmi tous ces essais scabreux ou timides, grandioses ou naïfs, mystiques ou grossiers, pondérés ou délirants que nous voyons éclore quelquefois sans rime, et souvent sans rai- son, quelle est la scène où l’on est sûr de trouver réalisées quand même, dans toute leur valeur, les nobles inspirations de l’art, où, quelle que soit Paction à développer, la thèse à soute- nir, tout est mis au point et retracé avec une perfection d’en- semble et de détails difficiles à égaler? N'est-ce pas la maison de Molière, notre Comédie-Française qui, depuis deux siècles et demi a pu, gràce à une organisation sagement comprise, garder précieusement et avec toute leur sanction, les préceptes théo- riques et pratiques qui lui avaient été profitables dès le début ? Aussi continue-t-on à voir les vrais amateurs du beau y consti- tuer ce public d'élite qui de tous les pays civilisés vient saluer des mêmes bravos les classiques du grand siècle, les roman- tiques d’antan, les idéalistes, les réalistes, les indépendants d'aujourd'hui. Dans cette renommée incontestée le maintien de la tradition a Joué le grand rôle. C’est bien là, du reste, le but et l'utilité de tous les conservatoires dans les branches les plus diverses. Je demande pardon à quelques-uns de nos collègues, et des plus respectés parmi nous, d’être allé choisir ce sujet dans un cadre assez mondain et peut-être trop peu sérieux. Mais j'al- léguerai pour excuse que le milieu où nous opérons ce soir n’est pas strictement ascétique, et que du reste le sujet en question est surtout littéraire, artistique, d’esprit français, ET -=— offrant par conséquent toute raison d’être bien accueilli, même par les plus graves mathématiciens. Puisque nous aussi nous avons nos traditions, nous leur demeurerons fidèles. Conser- vons-les bien, Messieurs et chers collègues! Conservons-les dans nos travaux, conservons-les dans nos réunions, dans notre recrutement, dans nos relations sociales et confraternelles; conservons-les à cette table, et buvons aux traditions saines, fécondes et libérales de la Société d'Emulation du Doubs ! Toast de M. le docteur GIRARDOT, président élu pour l’année 1898 MESSIEURS LES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS, Vous m'avez fait l'honneur de m'appeler à la présidence de notre Société pour l’année qui va s'ouvrir. Je vous en suis pro- fondément reconnaissant, et je vous en remercie. Pour répondre à la marque de confiance que vous me donnez ainsi, je n’ai guère que ma bonne volonté, mais je vous l’apporte toute entière. La bonne volonté, cependant, ne peut toujours suffire ; certaines successions sont lourdes à porter, et je ne suis pas, je vous l’avoue, sans quelque appréhension en pre- nant dans notre Compagnie la place que M. le docteur Bru- chon vient d'y occuper avec une compétence et un talent que nous avons tous appréciés; je sens bien que je ne le rempla- cerai pas. Cest pourquoi je fais, dès maintenant, appel à votre bienveillance et au concours dévoué des membres de votre bureau ; leur expérience me guidera et, avec leur aide, je m’ef- forcerai de maintenir notre Société dans la voie féconde qu'elle poursuit depuis près d’un demi-siècle, et de conserver scrupu- leusement ses traditions, dont notre président vient de nous montrer toute l'importance. C’est avec cet espoir que je lève mon verre à la prospérité de la Société d’Emulation du Doubs. Toast de M. le chanoine SUCHET, président de l’Académie. MONSIEUR LE PRÉSIDENT, Je vous remercie de vos paroles si bienveillantes. Je les an 0 Li lo accepte, non pas en mon nom, mais au nom de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, que j'ai l'honneur de représenter dans cette réunion fraternelle. L'Académie et la Société d'Emulation doivent rester unies comme deux sœurs. L'une est l’aînée, puisqu'elle est venue au monde il y à un siècle et demi. L'autre est la cadette, puis- qu’elle date de 1840. Mais on peut dire d'elles ce que le poète ancien disait des sœurs qui se ressemblent sans se confondre : Facies non omnibus una, nec diversa Tamen, qualem decet esse sororum. L'Académie a pour objet surtout d’honorer et d'encourager le culte des belles-lettres. La Société d'Emulation se propose aussi l’étude des sciences. Cependant, il est un point sur lequel les deux Sociétés se rencontrent souvent, comme aujourd’hui en particulier : c’est leur zèle patriotique à étudier l’histoire de notre province et de tout ce qui peut honorer la Franche-Comté. Vous savez, Messieurs, avec quelle ardeur un des membres les plus distingués de votre Société, le regretté Castan, a tra- vaillé à mettre en lumière un grand nombre de personnages franc-comtois qui méritaient de ne pas rester en oubli. De son côté, l’Académie, en ouvrant ses concours d'histoire et d'archéologie, a poursuivile même but, et a enrichi ses archives d’un grand nombre de travaux historiques. Cet hommage que nous avons rendu à nos gloires passées, ce respect pour les hommes qui ont honoré notre province, ne nous empêche pas de jeter les yeux vers l’avenir. C’est pour cela que nous ouvrons chaque année nos concours sur les questions qui intéressent les arts, la philosophie, l’économie politique, l’agriculture et l’industrie. Soyons donc toujours unis, Messieurs, pour travailler en- semble à encourager les études utiles au pays. C’est dans cette pensée que je lève mon verre aux souvenirs du passé et aux progrès de l'avenir. 0 MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1897 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 19 décembre Par M. le D' BRUCHON PRÉSIDENT ANNUEL MONSEIGNEUR (1), MESDAMES, MESSIEURS, Encore une année écoulée à ajouter à la vie active de la société d’Emulation du Doubs qui s’achemine doucement vers la soixantaine, âge vénérable, même pour une collecti- vité, en ce temps où tout change et vieillit si vite. Combien d’autres associations dont l’apparition en cette ville a précédé ou suivi celle de la nôtre, sont depuis longtemps disparues sans laisser des traces bien durables! Parmi celles qui au- jourd’hui se maintiennent et prospèrent. nous arrivons pour la longévité au troisième rang, après l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, la très honorée doyenne avec son siècle et demi de durée, et en second lieu après la Société d'agriculture, dont l’origine remonte à 1799. Aussi, est-il dans l’ordre naturel- des choses humaines que, du noyau exigu de nos vingt-deux fondateurs de 1840, d’où émergea une éclosion si féconde, nul, à l'heure présente, ne se trouve encore au mieu de nous. Bien rares sont ceux à qui le culte de la science réserve la carrière exceptionnelle (1) Mgr Petit, archevêque de Besançon. ni que parcourut Chevreul, le vieux maître centenaire. L’inévi- table action du temps a enlevé peu à peu de nos réunions tous ceux qui les avaient inaugurées, et qui avaient su, dès le début, assurer à leur œuvre un large et rapide développe- ment. C'était le docteur d’Udressier qui siégea premier au fauteuil de la présidence; c'était l'ingénieur César Convers, qui devint député du Doubs et maire de Besançon; c'était le docteur clinicien Martin, l’éminent professeur et botaniste Charles Grenier ; Théophile Bruand qui, à côté de sa science de naturaliste, possédait un charmant talent de chanteur, dont se souviennent encore quelques anciens dilettantes; c'était Edouard Clerc et Alphonse Marquiset, hautement compétents comme administrateurs et économistes; les frères Delacroix, l’un architecte, aussi artiste qu’érudit, l’autre professeur en médecine, tous deux passionués archéologues ; le mathématicien Reynaud-Ducreux qui, après ses savantes leçons à l'Ecole d'artillerie, consacrait ses soirées à des cours gratuits pour les ouvriers studieux ; le musicien Théo- dore Belamy, qui restaura la notation regulière de nos vieux Noëls; Eugène Bretillot, qui demeura le dernier représen- tant du groupe initial, d’autres encore, travailleurs des pre- miers essais, comtois d’origine et de cœur, ayant laissé après eux de chers souvenirs entretenus dans le respect et dans la sympathie de leurs collègues et de leurs concitoyens. Les statuts primitifs de la Compagnie naissante se sont modifiés selon les circonstances et enrichis depuis une tren- taine d'années de l'institution d’une séance publique des- tinée à mettre notre Société en contact plus direct avec ceux qui, sans lui appartenir, veulent bien s'intéresser à sa for- tune. C'est à cette occasion que mes passagères fonctions de Président m’apppellent à faire en cette réunion l’exposé tra- ditionnel des actes et travaux de l'exercice terminé, rapport dont l'intérêt est naturellement subordonné à celui de ses éléments, et pour lequel je sollicite la bienveillance de l’audi- toire d'élite devant qui j'ai honneur de le présenter. oi Il n’est guère d’années où nous n’ayons à déplorer quelques vides dans nos rangs. Celle qui finit en a ouvert, malheureusement, de larges et trop nombreux. Et d’abord unissons, aujourd'hui encore, nos profonds regrets à ceux si vivement ressentis, même en dehors de notre France, à la nouvelle de la mort de Monseigneur le Duc d’Aumale. Lorsqu'il commandait à Besançon en 1873 le 1° corps d'armée, il avait bien voulu témoigner à notre Société un bienveillant intérêt, et accepter lors de son départ, le titre de membre honoraire. Que pourrions-nous ajouter ici à tant d’éloquents et solennels éloges de cet illustre con- temporain? L’un de nous, à qui il fut donné d'entretenir avec lui, jusqu’à la fin, de précieuses relations, vous dira tout à l’heure la part qui revient à notre terre comtoise dans l’his- toire d’une vie si bien remplie, où se trouvent groupées les plus nobles choses, gloire militaire, amour du beau et du bien, qualités supérieures de l'esprit et du cœur, et dévoue- ment inébranlable à la patrie. Parmi nos résidants bisontins, nous avons vu disparaître, après une verte vieillesse, M. Demongeot, ancien directeur de l’Ecole normale des Insütuteurs et Inspecteur honoraire des Ecoles communales. Son grand âge l'avait éloigné de nos séances, où il avait été longtemps membre très apprécié. Un autre résidant, M. l'architecte Ripps, a été enlevé plus prématurément, en âge de pleine activité. À côté de ses occu- pations professionnelles, il acceptait volontiers celle d’orga- niser la partie décorative de notre fête annuelle, à laquelle se rattache le souvenir de sa grande complaisance et de son bon goût artistique. Nous avons perdu en Suisse un de nos éminents corres- pondants, M. le chanoine Gremaud, professeur d'histoire à l'Université de Fribourg et bibliothécaire cantonal, sur lequel notre Secrétaire, M. le Docteur Meynier, a rédigé une notice biographique très complète. Travailleur infatigable, c’est par des œuvres nombreuses et une vaste érudition qu'il avait oe acquis dans le monde savant et enseignant une grande auto- rité. Il fut un des collaborateurs les plus actifs de la Société d'histoire de la Suisse romande, et laisse comme publication principale huit volumes de documents relatifs au Canton du Valais. Ancien membre résidant devenu correspondant, M. l’in- génieur Rouzet est décédé à Dole, sa ville natale, où il s'était retiré depuis quelque temps. Il avait rempli pendant treize ans les fonctions d’ingénieur-voyer de la ville de Besançon et il prit, en cette qualité, une part considérable à l’exécution des grands travaux d’édilité, de voirie, de répartition des eaux, d’agencement des promenades, qui ont contribué à l’ac- croissement, à l’assainissement et au bien-être de notre ville. Dernièrement encore, au milieu du deuil d’une population entière, s’éteignait notre correspondant franc-comtois le docteur Emile Taillard, de Maiïche, un des plus distingués praticiens des montagnes du Doubs. Sa science, son caractère loyal et bon lui avaient mérité la confiance et la reconnais- sance de ses concitoyens de toute classe et de toute opinion, qui conserveront fidèlement la mémoire du médecin sûr et dévoué et du parfait homme de bien. Ajoutons enfin à cette liste, hélas! bien longue, les noms de plusieurs membres correspondants en relations plus ou moins anciennes avec notre centre : MM. Garnier, avocat à Bayeux; Sentupéry, d’Arc-les-Gray ; Berthaud, professeur honoraire de la Faculté des Sciences de Lyon; Henricolas, directeur des contributions directes à Nîmes, et Jobin, avocat à Lons-le-Saunier. Chaque année aussi quelques adhésions nouvelles per- mettent de maintenir, sinon d'accroître constamment, le nombre de nos associés. Enregistrons cette fois dix membres résidants et cinq membres correspondants qui apportent leur contingent de connaissances et d’aptitudes spéciales. Et pour ce qui concerne l’état de notre personnel, notons, selon l’usage habituel, dans la collection des procès-verbaux AE mensuels. les distinctions honorifiques accordées à nos so- ciétaires, les docteurs Baudin et Bruchon, nommés cheva- liers de la Légion d'honneur. et M. Maldinev, préparateur à la Faculté des Sciences, nommé officier d’Académie. J'arrive maintenant à la partie la plus développée de ma tâche, le résumé des travaux de l’année, répartis non d’après l’ordre de leur apparition, mais d’après le classement et l’analogie de leurs sujets. Depuis la remarquable impulsion que notre savant et re- gretté collègue Castan avait imprimée chez nous aux études archéologiques, cette science occupe dans nos publications une place plus ou moins étendue, mais fermement assurée. Commençons avec elle ce compte-rendu. Poursuivant ses observations du sous-sol bisontin, et s’ap- puyant sur la méthode des déductions tirées de certaines appellations locales, M. l’archiviste Gauthier après des re- cherches en d’anciens textes, apprécie la destination pro- bable d’un édifice de l’époque romaine dont les riches et im- portants vestiges avaient été découverts dans des fouilles autrefois pratiquées au niveau de lEglise du Refuge, actuel- lement Chapelle de l'hôpital Saint-Jacques. Dans un mémoire très documenté, il établit que ces substructions, attribuées d’abord à un temple de Mars compris dans le Champ-de-Mars (Chamars), pouvaient se rapporter plutôt à un temple de Ia Fortune : d’où la mention À la Fortune, À la Furtune, affectée, dans certains actes du xr1° siècle, à des cultures de vignes situées alors sur cet emplacement. Le creusage des fondations du pavillon central de l’Arsenal, en 1841, avait mis à nu les restes d’un vaste bâtiment à enceinte circulaire contournée par une galerie à colonnes, que sa disposition et la nature des objets enfouis à proximité ont fait regarder - comme ayant servi au double usage de Marché et de Tribu- nal. Temple de la Fortune, Marché commercial, deux choses dont le rapprochement n’a rien de disparate. En dehors de l'intérêt archaïque de cette question, qu'on permette à un ue bisontin moderne cette simple remarque que, près du Temple de la Fortune ou de Mars, nos ancêtres de Vesontio avaient, bien avant nous. la chance de posséder un marché couvert. Une autre cité importante de l’antique Séquanie a fourni à notre correspondant, M. le docteur Stourme, de Lyon, le sujet d'un Essai sur les bains gallo-romains de Luxeuil et le mode de captation de leurs sources. Avec les archéologues les plus autorisés, l’auteur déclare apocryphe la fameuse inscription attribuant à Lahiénus, lieutenant de Jules Gésar, la restauration de thermes gaulois, dont les sources ont pu être très anciennement connues avant l’arrivée des Romains, mais dont l’appropriation balnéaire est certainement posté- rieure à la conquête. Il décrit de façon très précise le mode ancien et actuel de captation des eaux médicamenteuses et d'installation des piscines où, après de nombreux boulever- sements et désastres, on retrouve même à présent une dis- position analogue à la primitive. Malgré une légende long- temps accréditée, les constatations exactes prouvent que la station thermale n’a été véritablement édifiée qu’à l’époque gallo-romaine. M. le vice-secrétaire Vaissier a, dans une des précédentes séances, développé démonstrativement une véritable lecon de choses, avec examen direct de pièces choisies parmi les richesses de notre Musée. Cest l’indication des earactères spéciaux des objets de l’art barbare, présentant des particeu- larités nettement distinctes selon leur provenance franque, burgonde ou visigothe. Ces importants renseignements pour- ront être uülisés immédiatement au profit de la science. Un travail du même auteur sur une Grande œuvre d’édi- lité de Vesontio, commémorée par porte Noire est tellement récent que l’on ne peut en donner ici que le titre avec son aussi ingénieuse que nouvelle conclusion : Commémoralion dans un bas-relief allégorique de l'arrivée des eaux d'Arcier a Vesontio. D MES C’est au chapitre de l'Archéologie que nous pouvons rap- porter la note très substantielle que M. le professeur Pin- gaud, après communication préalable, a publiée dans le nu- méro supplément du journal La Franche-Comté du 48 juillet. Elle comprend la description du tombeau de Pierre Perrenot et d'Etiennette Philibert, grands parents du Cardimal de Granvelle, dans le chœur de l’église d’Ornans, et le récit des vicissitudes qu'a subies ce monument funèbre pour arriver à fournir, par sa dalle principale jadis surélevée du sol, une table de débarras reléguée contre un mur. Les Perrenot ont été héréditairement les bienfaiteurs insignes de leur ville d’origine et des localités d’alentour. Passons aux sujets d'histoire, d’abord à ceux qui inté- ressent notre région. Les sanglants démêlés entre la France, la maison d’Au- triche et l'Espagne, dont, au cours des xvi° et xvri° siècles, la Franche-Comté fut en partie la cause et le théâtre, s’apai- sèrent lors du congrès de Westphalie. À la suite de la diète de Ratisbonne réglant les conditions d’une pacification, Be- sançon, jusqu'alors ville neutre et libre sous le protectorat de l’empire d'Allemagne, était échangé contre la forteresse rhénane de Frankenthal, détenue par l’Éspagne, et perdait de ce fait son autonomie par son englobement dans la pro- vince espagnole de Franche-Comté. C'était en 1654. Après de longues tergiversations, des résistances, des tiraillements avec les Dolois, notre ville acquiesça à cette annexion en 14664. Ce n’est donc que pendant la courte période de dix années, entre cette date de 1664 et celle de la conquête défi- nitive par Louis XIV, en 1674, qu’elle a pu mériter véritable- ment la qualification de vieille ville espagnole, qui a soulevé ici certain Jour une polémique si bizarre et si inattendue. M. le Docteur Meynier à fait un historique très complet de la première phase de ces événements, Jusqu'à la prise en pos- session de la cité par le roi d’Espagne, et aux fêtes splendides célébrées à cette occasion au milieu de la joie populaire. D Or, comment une petite ville de la vallée du Rhin put-elle être mise en équivalence avec Besançon qui, malgré son chiffre alors modeste de 14,000 habitants, la surpassait ce- pendant de beaucoup en importance? C’est ce qu’un travail ultérieur de M. le docteur Ledoux fait facilement com- prendre, expliquant les motifs de la compensation que Fran- kenthal offrait à l’Allemagne, par sa situation stratégique, la richesse de ses établissements militaires et son grand rôle durant la guerre de trente ans. Notre collègue donne la des- cription de la ville actuelle, qu'il a personnellement visitée, dépouillée maintenant de sa couronne de forts et de bastions, et devenue gros centre industriel. Il fournit encore des dé- tails sur le siège de cette place par Vauban, en 1688, d’après les documents recueillis par notre compatriote M. le capi- taine d'artillerie Louvot aux archives de la Guerre, et dans lesquels le célèbre ingénieur du Grand Roi montre parfois une vraie bonhomie, Ces deux mêmoires se complètent l’un l’autre, apportant une notable contribution à l’histoire de notre province, et par cela même à l’histoire de France. Avec un talent d’érudition et d'exposition où se fait re- connaître l’ancien éiève de l’Ecole des Chartes, M. Max Pri- net, archiviste paléographe aux Archives nationales, a com- posé un important ouvrage sur l'Industrie du Sel en Franche-Comté avant la conquête francaise. D’après de nombreuses pièces justificatives, il décrit la topographie des salines comtoises, les phases de leur installation et de leur développement, leur mode d’exploitation et de fabrica- tion, ainsi que ia condition sociale, les droits et prérogatives des ouvriers et officiers des sauneries jusqu’à leur ratta- chement à l’organisation nationale moderne. Les volumes de nos Mémoires contiendront, en séries successives, cette monographie rétrospective très complète d’une des grandes industries de nos provinces de PEst. | Autre sujet plus récent, moins local sans doute, mais à noie coup sûr bien français, c’est la relation, par M. Maurice Lam- bert, de la mort du jeune colonel Muiron, aide de camp de Bonaparte, tué à la bataille d’Arcole. Dans cette lutte de trois jours où, malgré l'intervention personnelle du général en chef dans l'attaque du pont légendaire, le succès final, chau- dement disputé, fut dû au concours opportun des généraux Augereau et Masséna, le vaillant officier tomba mortellement frappé en faisant à son chef un rempart de son corps. Les péripéties de ce grand fait d'armes et les détails plus intimes sur le jeune héros et sa famille forment un ensemble d’in- térêt très dramatique, dont la publication permettra d’appré- cier la valeur historique et littéraire. Ici est la place en date d’une anecdote de provenance étrangère remarquablement présentée par notre honoré cor- respondant M. Thuriet. Elle à trait au tzar Alexandre I‘ et à son ministre Cancrine, le Colbert russe, décédé en 1845, restaurateur des finances, dont la sage économie fut, à cer- tain moment, en butte aux railleries d’envieux courtisans Un jour de Pâques, à la cérémonie où les hauts dignitaires du palais offrent chacun à l'Empereur l’œuf traditionnel dans l’ornement duquel tous cherchent à lutter de luxe et de richesse, l’illustre homme d'état présenta comme hommage un simple petit œuf en bois Mais l’intérieur de cette mo- deste coque recélait une clef avec laquelle on alla, dans une salle de la forteresse voisine, ouvrir un autre œui monu- mental dont les flancs étalaient aux yeux du monarque émer- veillé des millions de roubles accumulés par l’épargne de Cancrine depuis son entrée en fonctions. Fel est le fond du récit que je ne puis malheureusement entourer des curieux détails dont 1l est rehaussé par le talent de son excellent conteur. C’est encore une actualité historique que le Rapport sur le voyage de notre compatriote M. Piquerez dans la région du Haut-Niger : journal exact et condensé, ne comportant conséquemment pas d'analyse, mais contenant de nombreux A0 et très utiles renseignements sur ces parages de plus en plus explorés par les Européens. À M. le professeur Magnin revient cette année la large part dans les travaux scientifiques. En premier lieu, le passage et l'exposition à Besançon du gigantesque chêne de La Balme, extrait en 1884 de son si vieil enfouissement dans le lit du Rhône, lui ont fourni ma- tière d’une savante conférence dans laquelle il a expliqué la possibilité de déterminer, par les éléments de texture encore suffisamment reconnaissables, le genre et l’espèce de l’an- tique végétal : Quercus pedunculata. D'autre part, d’après la suite de ses études sur les lacs du Jura, notre honoré collègue a rendu compte de ses observa- tions pendant l’hiver 1896 sur la température du lac de Saint-Point et sur la répartition des varices où fendues constamment reproduites dans la croûte glacée des lacs de Joux et de Saint-Point. Une autre série d'observations sur la température des sources et des cavernes de notre région établit une échelle de corrélation avec la température moyenne de la contrée. Dans la branche spéciale de la botanique, M. Magnin a signalé l’apparition depuis environ trois ans, dans les eaux du Doubs, d’une plante qui jusqu'ici n'avait été trouvée qu’en Suède, le Potumogeton upealiensis, et a présenté un échan- tillon de rare anomalie due aux conditions climatériques du précédent hiver : l’existence simultanée des fruits de l’année 1896 et des fleurs de l’année actuelle sur la même plante ré- coltée à Rosemont le 2 janvier, le Genista pilosa. À ajouter à cette énumération d’études sur les sciences naturelles la communication de M. le professeur Thouvenin et de M. Maldiney, à propos de l’action des rayons X sur la germination, dont la production et le développement se trouvent, d’après expériences concluantes, visiblement accé- lérées par ce nouvel agent. nt Les questions d'ordre économique forment aussi une des parties constituantes de nos programmes. M. le docteur Ledoux a bien voulu nous accorder la pri- meur d’un travail spécial transmis ultérieurement à la Chambre de commerce qui, en l’appuyant d’une délibération dûment motivée, l’a recommandé à qui de droit de telle sorte que l’appréciation de sa valeur a pu amener un prompt résultat. L'auteur y démontrait avec preuves, dont plu- sieurs fournies par sa propre expérience, le moyen de faciliter les relations entre les régions méridionale et sep- tentrionale de l’Europe en organisant de Lyon à Strasbourg, sur les lignes ferrées de la vallée du Doubs, des trains rapides et directs créant une voie rivale de celle de Francfort- Bâle vers le Midi. La Compagnie Paris-Lyon en établissant, pour le service du présent hiver, un express de Lyon à Belfort, réalise ce projet dont l'indication initiale revient à notre cher collègue, et dont, en outre des plus sérieux avan- tages, nous pourrons recueillir par surcroît la délicate jouis- sance d'admirer dans leur éclat plus vif de première fraîcheur les fleurs de Nice et de la Côte-d’Azur. Dans une toute autre catégorie d'idées, M. le chanoine Moussard a traité de l’alcoolisme, sujet malheureusement trop actuel et bien des fois envisagé au multiple point de vue de la religion, de la morale, de la médecine, de la statis- tique. Il a dressé à son tour contre lenvahissant fléau un acte d'accusation fortement appuyé de remarques, de faits, de chiffres, d'opinions et de citations des plus recomman- dables. Puissent tant d’éloquents sermons préparer quelques conversions sincères que, pour ma part, j’attendrais moins de l’action un peu émolliente des associations de tempérance que d’une suffisante restriction des trop faciles tolérances laissées aux divers débits de toxiques, bars à la mode ou vulgaires assommoirs. Dans la variété des lectures et rapports complétant l’ordre du jour de quelques séances, citons : MDN > OM 1° L’Introduction à l’étude des noms de lieux d’origine gallo-romaine (Auteur, M. Meynier). | 2’ L’Essai de géographie médicale du département du Doubs, par M. le médecin-major Richard (Rapporteur, M. Baudin). 3° Une publication de l’Institut national de Genève sur le Pays de Gex et l'occupution genevoise (1589-1601), par M. Henri Fazy (Rapporteur, M. Meynier). 4° Une série de Mémoires géologiques de M. Parandier, ingénieur honoraire des ponts et chaussées (Rapporteur, M. Girardot). À la somme des œuvres auxquelles a participé la Société d'Emulation ajoutons là réorganisation du Musée archéolo- gique, qui pourrait être appelé avec raison Musée régional. Du local par lui précédemment occupé, il a été transporté au rez-de-chaussée du bâtiment. Malgré les difficultés que sem- blait présenter au premier abord l'installation nouvelle, MM. les conservateurs Ducat et Vaissier, nos collègues, en ont tiré le plus heureux parti, et ont su disposer nos remar- quables collections dans les meilleures conditions de coordi- nation, d’exactitude scientifique et d'élégance. Qu'ils re- çoivent les remerciements et les félicitations de tous ceux qui s'intéressent à ces riches souvenirs du passé préservés de la rume et de loubli. Rappelons encore, quoique la chose soit connue de tous, que c’est au ciseau d’un de nos très distingués membres honoraires et compatriotes, le sculpteur Jean Petit, qu'est due la superbe statue du cardinal de Granvelle qu’on admire depuis le mois de juin dans la cour de son ancien palais, grâce au legs généreux d’un autre enfant du pays, le grand érudit, le vénéré bibliothécaire Charles Weiss. De cette revue dont vous voudrez bien pardonner les lon- gueurs à mon inexpérience en ce genre d'exercice, permet- tez-moi de conclure que notre Société reste fidèle à son nom et à son but, l’émulation vers le progrès. Cette émulation, RSS Ve PRIT Au de elle est très certainement partagée par tous les Bisontins de naissance ou d'adoption désireux de voir notre petite patrie comtoise classée en bon rang dans la grande patrie française. Pour quelques-uns cependant, ce bon rang si honorablement acquis paraitrait quelque peu compromis. Autour de nous, s'entend parfois murmurer et même prononcer tout haut le mot affligeant, de décadence. Décadence, c’est bientôt dit et bien sévère, et Je demande à m'élever contre ce que pareil terme semble préjuger de définitif dans une situation qui. même si on l’admettait, ne pourrait être que passagère. Ne poussons pas l’optimisme jusqu'à nous flatter d’une félicité sans égale. Mais à l'heure actuelle, nous ne sommes pas les _ seuls sur notre planète en butte à quelques tracas. En ce qui nous touche spécialement, une industrie artistique aussi importante que celle qui naguère encore nous donnait de si brillants résultats, ne s’amoindrit pas, sous l'influence de causes difficiles à conjurer, sans que ce fait entraine une perturbation profonde. Pour la relever avec de nouveaux procédés, ou pour lui adjoindre un complément, encore faut- il le temps et le moyen de se reconnaître et d'aviser. « Cher- chez et vous trouverez, » dit le précepte divin. Il ne dit pourtant pas : vous trouverez tout de suite ! Le succès résulte généralement de tentatives répétées qu’un jour il finit par couronner. Il n’a fallu qu’un Joseph Jacquard pour appeler la-richesse dans la fabrication lyonnaise. FFhe progrès marche rarement avec une continuité inces- sante ; il comporte des intermittences. Les fluctuations en sens divers se rencontrent dans toutes les vies, vies des in- dividus, vies des cités, vies des peuples. L’homme le plus robuste est parfois exposé à des indispositions : les villes éprouvent aussi les leurs. Besançon en a subi de graves, déjà du temps de Jules César, des Burgondes et d’Attila ; et pourtant solide encore est sa vitalité. Sans remonter bien loin le cours des siècles, quelques souvenirs locaux de la période des soixante dernières années aideraïent à le prouver. M be Mon âge me laisse, comme à quelques contemporains de plus en plus rares, la prérogative peu enviable de me repor- ter au Besançon de 1830, et d’en retrouver des images très nettes. Des rues à peu près sans commerce, sauf la rue princi- pale, avec d’abrupts pavés, une rigole médiane, ramassis de toutes sortes d’épaves, et des trappes de caves ébréchant la chaussée, prêtes à engloutir les passanis inattentfs dans leurs oubliettes, repaires des vagabonds nocturnes; des réverbères fumeux jetant dans l'obscurité du soir d’indécises lueurs ; des ponts insuffisants de dimension et de nombre ; des promenades étriquées et sans perspective, dont celle de Chamars, avec ses rangées de superbes platanes bordant majestueusement des flaques d’eau stagnante; des glacis ra- vinés et aussi pierreux que les friches les plus sauvages ; des fontaines publiques parcimonieuses, et, dans les mai- sons, des puits dont l’eau suspecte laissait pulluler à Paise les microbes non encore dénoncés ; comme agrément cham- pêtre, le défilé quotidien de troupes de chèvres conduites à la pâture au son discordant des trompes de peu idylliques bergères ; aux issues de la Cité des portes rébarbatives im- pitoyablement fermées le soir au signal d’un mdiscret couvre-feu, et pour clore ce coup d’œæil en arrière, les fameux quais d’Arènes et de Battant dont nos artistes regrettent l’aspect pittoresque fixé dans les belles eaux fortes de Gaston Coindre, mais où ceux qui y fréquentaient, soit par occasion, soit par droit de naissance, recueillaient des impressions parfois trop réalistes. A côté de ces défectuosités, on pour- rait facilement rappeler certaines notes plus avantageuses ; mais là sont les points principaux réclamant des réformes . Successivement réalisées. Depuis lors, quelle métamorphose, sous l'influence de meilleures conditions de développement, de Phygiène mieux entendue, de l’accroissement de la population, du besoin plus marqué de bien-être ! : 4S — Indépendamment des fruits des grandes découvertes d’in- térêt général dont bénéficie le monde entier, gaz d'éclairage, voies ferrées, applications de la vapeur, de l'électricité, que d'innovations plus limitées ont heureusement modifié le mince confortable de cette installation ! Si quelques détails d'exécution ont pu donner lieu à une critique toujours aisée d’après le proverbe, bien louable en est l’ensemble. La plupart des quartiers de la ville se garnissent d’élé- gants magasins, alignent correctement leurs trottoirs et leurs pavages, et s'ouvrent à des voies nouvelles, dans un périmètre de tous côtés agrandi. D’étroites ruelles s’élar- gissent en spacieuses avenues. Des squares coquets, de vastes promenades, celle de Micaud la première, étalent gracieusement leur verdure, leurs fleurs, leurs statues. Des ponts plus larges et plus nombreux établissent entre les deux rives du Doubs des communications faciles et gra- tuites. L’eau distribuée en abondance fournit amplement aux besoins publics et domestiques. Des véhicules com- modes et variés, des tramways de plus en plus perfec- tionnés laissent définitivement au rebut les coffres escarpés des carrioles séculaires. Tandis que les forts avancés as- surent à la place de guerre une plus complète et plus effi- cace protection, le dérasement des défenses inutiles à la stratégie moderne, remparts, ponts-levis et bastions, permet une plus libre jouissance d’air, de lumière et d'espace. De riches collections jusqu'alors éparses se rassemblent en musées et en galeries. De nombreuses sociétés s'organisent, les unes scientifiques, littéraires, artistiques, sportives, remplissant le double but d'utilité sérieuse et d’agréables distractions ; les autres d’ordre économique assurant le fonctionnement des œuvres de solidarité, d'assurance mu- tuelle, de bienfaisance. Et parmi les autres améliorations, citons rapidement les halles, l’arsenal, les casernes, les divers établissements d'instruction, les salles d’asile et les crèches, l’école d’horlogerie, l'observatoire, le conservatoire De an de musique, le square archéologique, les quais de la rive droite, la canalisation souterraine, les grandes usines et fabriques suburbaiïines, les salles de fêtes, les Bains salins de la Mouillère. Combien j'en passe et d'importantes, sans compter les cafés-concerts et les crieurs de journaux. Tous ceux qui, restés depuis l’enfance fidèles au foyer, ont pu, malgré le triste arrêt de 1870, assister à cette évolution prospère, et ont connu ces jours où nos ateliers fabriquaient beaucoup de bonnes montres, et où nos vignes portaient quelques grappes de choix, gardent toujours même confiance pour le sort de notre chère cité. Avant de terminer, j'emprunte une citation à M. Gréard, recteur de l’Université de Paris, répondant à M. Jules Lemaitre lors de sa réception à l’Académie française : « Le « cours de l’humanité se poursuit à travers les années et les « siècles comme à travers les jours. Il à ses rapides, où « après avoir amassé ses eaux, 1l se précipite ; il a ses bas- « fonds où il semble s’engraver. Cependant dans votre chère « Loire, alors que la grande nappe paresseuse s’est ralentie « et partagée en maigres filets comme épuisée, la marche « en avant se continue. Que nous traversions en ce moment « quelques bas-fonds, soit! Mais n'insisions pas outre « mesure sur les dangers qui s’y peuvent rencontrer ; gar- « dons-nous d’évoquer trop souvent ces images de déca- « dence de peur que dans ce pays qui lui aussi est sensible « à l'impression, et que l’impression emporte, le mot ne « paraisse appeler et justifier la chose. » Appliquant à notre coin bien restreint cette comparaison si juste qui vise un plus ample horizon, admetions au pis aller que nous nous trouvons parfois. au fil de l’eau, dans quelque passe amenant un peu de tirage. D’un bas-fond, on se dégage. Alors, sans s’élancer avec l’impétuosité d’une cataracte, ce qui n’est guère dans nos habitudes, on reprend insensiblement la bonne allure. Nous pouvons encore re- trouver en nous les caractères connus de la vieille race ne Dr er séquane, la persévérance et même la ténacité, les aptitudes solides plus que brillantes de l'esprit, la Sûreté des relations et des convictions, l'amour du sol natal. Autour de nous, que d'éléments favorables, que de précieuses ressources ! Appliquons-nous surtout à les bien diriger, à les rendre fécondes. Tout en cherchant à les multiplier, évitons l'écueil d’une dissémination trop divergente, d’un morcellement trop menu. N'oublions pas le groupement en faisceaux du vieil- lard de la fable de La Fontaine. Si surgissent quelques diffi- cultés, quelques obstacles toujours possibles, pas d'inertie, pas de découragement ni de divisions ! Nous savons par nos traditions que nos aïeux ont bravement et dignement lutté pour la vie. Cette lutte, nous saurions au besoin la soutenir de mème, et ce qu'il y a de sûr, c’est qu’en vrais Comtois nous ne nous rendrons pas. RÉUNION DE BESANCON A LÀ FRANCHE- CONTE (1654-1664) Par M. le D' J. MEYNIER Séance du 13 février 1897 L'Allemagne avait abandonné, en 1648, à l’Espagne ses prétendus droits sur la cité de Besançon. En 1654, la diète de Ratisbonne complétait l’œuvre de pacification du congrès de Westphalie, en concluant l’échange du protectorat de Besan- çon, qui appartenait à l’Empire, et de la possession de la ville de Franckenthal que détenait l'Espagne depuis 16923. Cette ville était, à cette dernière époque, tout ce qui res- tait au comte palatin Frédéric [IE de ses états héréditaires. Encore son beau-père, le roi Jacques [°° d'Angleterre, dut-il l’abandonner au roi d'Espagne pour la soustraire « à l’ex- trème où la violence de la guerre l’eust pu réduire () ». En 1654, Franckenthal pouvait avoir de 2 à 4,000 ha- bitants. Sa fondation ou plutôt son développement datait de 1562 seulement. En cette année, mémorable dans ses an- nales, des réformés émigrés de la Flandre wallonne étaient venus se réfugier dans les bâtiments délaissés de son an- 1) Lettre de Jacques [°" « aux consuls et magistrats de Francquendal ». De Newmarchet, le 20 de mars 1623. — Voy. D' Jac. Wicz, Stadt und Festung Frankenthal waehrend des dreissiy jæhrigen Kriegs. Heïdel- berg, 1877, in-8e. lo tique abbaye (1) et y fonder une communauté. On peut se demander, à bon droit, comment une ville d'aussi mince im- portance a pu être mise en balance avec Besançon. Il faut croire que l’empereur et le roi d’Espagne y tenaient, l’un et l’autre, beaucoup; mais pourquoi, c’est une question que nous n'avons pu tirer au clair. Peut-être le roi d'Espagne voulait-il garder en sa puissance un foyer d’agitation reli- gieuse et politique dangereuse pour les Pays-Bas restés fidèles? Peut-être l’empereur désirait-il rendre à l’électeur palatin cette place forte pour se l’attacher”? On ne sait. Quoiqu'il en soit, cet échange était pour Besançon la perte de son autonomie et son annexion à la province au milieu de laquelle il était enclavé ; il n’est pas étonnant que cette ville ait fait une vive résistance aux décisions de la diète. Cette résistance dura dix années, pendant lesquelles les citoyens déliés de leurs anciens serments et n’en ayant pas encore prêté d’autres, parurent vivre dans une indépendance à peu près complète, que différentes circonstances favorisèrent. La principale de ces circonstances fut l’état de torpeur qui régnait déjà en Espagne au xvr° siècle et dont ce malheu- reux pays semble, de nos jours encore, ne pouvoir sortir. « Les Espagnols, dit J. Chifflet, qui ont besoin de beaucoup pour être poussés à agir et de peu pour être arrêtés, lais- sèrent tout là (2) ». Ils y furent grandement aidés par. les agissements des Do- lois, qui craignaient pour leur ville la concurrence de Besan- çon et mettaient tout en œuvre pour en empècher la réunion. D’après l’auteur que nous venons de citer et qui est plus que suspect de partialité pour Besançon (c'était, d’ailleurs, son droit!}, « quand on réveilla l'exécution du transport de Be- (1\ Abbaye fondée en 1119, qui reçut, en 1125, de Burchard IT, évêque de Worms, des religieuses de l’ordre de Saint-Augustin. Voy. WILL, loc. EU D: 2: (2) Mémoires de Jules Ghifflet, abbé de Balerne, in Mém. et Doc. ed te VD 00! Of... à sançon au roi, fait par l'empire, et que le marquis de Saint- Martin (1, gouverneur de Dole, fut commis et subdélégué par le marquis de Caracène (2). ce seigneur envoyé vint avec des avocats du corps du magistrat de Dole, Matherot et Ma- gnin, gens présomptueux, qui à prétexte de lui servir de conseil, furent ravis qu'il ne fit rien qui vaille, et même ne jugèrent pas Besançon digne qu’il présentât la lettre de créance qui lui avait été envoyée, non plus qu'il suivit exac- tement les dépêches qui l’accompagnaient en grand nombre. De sorte que toute cette négociation se réduisit à rien et n’opéra pas plus (c’est-à-dire pas autre chose) que l’augmen- tation de l’aversion réciproque .. (3) » D'autre part, le parlement ayant été consulté par le roi sur l'exécution de l'échange de Besançon contre Franckenthal, ce Corps qui avait « conseillé précédemment de ne point tou- cher cette corde, pensant que tout cela se réduiroit en fumée, le rendit enfin (son avis) comme si le parlement n’eût pas été le conseil du roi, mais le magistrat même de la ville de Dole (4) » Les conseillers, qui embrassèrent son parti, agirent « comme s'ils eussent été partie eux-mêmes et vo- mirent en cet avis tout le venin qu'ils purent trouver contre la cité de Besançon () ». On peut penser dans quel esprit se trouva le parlement lorsqu'en 1661 il fut consulté par le roi d'Espagne sur la question de sa translation à Besançon. Il fut d’avis que le (1) Charles de la Baume, marquis de Saint-Martin, baron de Pesmes, etc., colonel du régiment de Bourgogne au service d'Espagne, chevalier d’hon- neur au parlement et gouverneur de Dole. (2) Louis de Benavides, marquis de Fromesta et de Caracena. (3) JULES CHIFFLET, ibid., p. 40. (4) In., ibid., p. #1. (5) Ip., ibid., p. 42. Voy. aussi, à ce sujet, la Notice sur le Président Philippe, par L. DE COURBOUZON, dans les Mémoires de l’ancienne Àca- démie de Besançon, et Le Président Philippe, négociateur franc-comtois. au xvrIe siècle, par EDOUARD BESSON, in Mém. Soc. d'Emul. du Doubs, 1881. OR souverain ne s’engageât point à adopter cette mesure, mais se bornât à prendre purement et Simplement possession de la cité, les droits de l’empereur et de l’Empire sur cette ville ayant disparu depuis sept ans. La Cour de Dole entendait bien se substituer à la chambre impériale, à laquelle ressor- tissait jusqu'alors le magistrat bisontin (1. Pendant ce temps, les Bisontins, qui se regardaient encore, pour la plupart du moins, comme sujets immédiats de l’'Em- pire, continuèrent à s'intéresser à tout ce qui se passait au- delà du Rhin. On le vit bien lorsqu’en 1659, l’empereur Léopold [Ie succéda à son père Ferdinand III sur le trône d'Allemagne : l’ancienne cité impériale se livra à des réjouis- sances dont le détail nous a été conservé, par la plume de Thomas Varin (d’Audeux), dans son « Besançon toute en joie (2). » « MM. les Gouverneurs de la Cité, écrit cet histo- riographe officiel, ne furent pas plustôt certains d’une si heu- reuse et souhaitable nouvelle, qu'ils en firent part aux vingt- huit notables, et à leur participation ordonnèrent que lon n’omettrait aucune chose pour témoigner dignement et avec éclat la part que tout le peuple de cette belle Cité prenait dans un bonheur si longtemps attendu, et si ardemment dé- _siré; et faire éclater avec toutes les magnificences possibles l'amour qu'ils conservaient pour leur Auguste Souverain, et toute son Impériale famille : Ils commencèrent par une invi- tation à tous de solemniser selon la pensée d’un chacun, le (4) La cité répondit à cette attaque par un écrit iutitulé : « Mémorial que présente à Sa Majesté la cité de Besançon au fait de sa suprème juridiction en civil, criminel, milice el police. » Besançon, MDCLX, in-4 de 63 pages. (2) Besançon toute en joie dans l'heureuse possession de son auguste Souverain, ou relation curieuse des grandes et publiques réjouissances de cetle libre et impériale cité pour la glorieuse élection de son invin- cible Empereur Léopold premier, Roi de Hongrie et de Bohème, Ar- chiduc d'Autriche, etc., dressée par THoMas VARIN, sieur d’Audeul, ancien cogouverneur et juge en la Mayrie de Besançon, par ordre de Messeigneurs les gouverneurs de cette cité. — Besançon, par JEAN COUCHÉ, MDCLIX, In-#°. = 09 jour qu’ils désignèrent pour les publicques et solemnelles réjouissances, qu’ils marquèrent au dix-huitième du mois d’Aouste de l’an présent. », afin que tous y concourent im- périalement (1) ». ; Un édit fut publié à cet effet, au bruit des trompettes, sur toutes les places de la ville, et on y proclamait que Messieurs avaient « jugé raisonnable de donner part... à toute la Cité qui a tousjours esté si fidelle et attachée aux interests de sa très-Auguste Maison d'Autriche, d’une si agréable nouvelle autant importante au bien et au repos de la Chrétienté qu’à l’affermisssement de la paix de l’Empire (2)... » Un Te Deum fut chanté solennellement, en l’église mé- tropolitaine de Saint-Jean, le samedi 17 août, à trois heures de l’après-midi. Le lendemain matin, eut lieu une proces- sion générale « du très-Auguste Sacrement de l’Autel dez la Métropolitane jusque autour de la Fontaine du Pilory ». Salves d'artillerie, feux d'artifices, illuminations, toutes les « démonstrations extérieures et publiques, qui puissent faire cognoistre à tout le monde la passion qu'a cette Cité pour la prospérité et le bonheur de son Souverain... » furent ordonnés. Le magistrat alla jusqu’à suspendre, pendant dix jours. à partir du dimanche 18, « tous actes de poursuittes de justice. » La fête fut splendide ; le soleil « qui par son manquement deux jours consécutifs auparavant avoit causé de grandes apprébhensions et retardé plusieurs beaux ouvrages prémé- ditez pour un si glorieux sujet... » se mit lui même de la partie et, comme « s’il fût devenu pensionnaire de la Cité et qu'elle tint sa lumière comme à gage » continua mesmes heureusement pendant le cours de toutes les resjouissances qui s’ensuivirent... » La ville était superbement décorée, les maisons ornées de tapisseries ou de ramées, les carre- (1) Loc. cit, p. Jet 10. (2) Id., p. 11. De fours de guirlandes et de bouquets de fleurs. On exposa le Saint-Suaire à la vénération des fidèles « sur les quatre heures de l’après-midi », et le magistrat se rendit en corps à l’église Saint-Etienne pour révérer cette insigne relique, « cet adorable linge qui fait trembler les Démons ». « En- suitte d’une si célèbre et religieuse action, Messieurs du Magistrat estans de retour en l’Hostel-de-Ville, y trouvèrent le Festin préparé, où les mutuelles conjouissances furent redoublées, et les santez de Sa Majesté Impériale, du Roy Catholique.…., et de toute leur Auguste Maison furent accom- pagnées de diverses cannonades et du bruit de plusieurs mortiers... Sur les huict heures du soir, les Sieurs députés de Messieurs les Gouverneurs sortirent de la Maison de Ville pour aller trouver Monseigneur l’Ilustrissime Archevesque, Monseigneur le baron de Scey (1) et Messieurs de la Métro- politaine, afin de les conduire en la place neuve où leurs théâtres avoient esté préparés » pour le feu d'artifice qui clôtura dignement la fête. Ainsi les Bisontins regardaient encore l’empereur d’Alle- magne comme leur véritable souverain ; le roi d'Espagne n'était pour eux que leur protecteur. Les choses en étaient encore là, lorsque Caracène fut remplacé au gouvernement des Pays-Bas par le marquis de Castel-Rodrigo (2) en 1664. Il avait reçu l’ordre de passer par la Franche-Comté pour se rendre à son poste, ce qu’il fit dans le courant du mois de septembre de cette année. Castel-Rodrigo avait représenté l'Espagne en 1654 auprès de la diète de Ratishbonne, et c'était par son entremise qu’a- vait eu lieu l’échange de Franckenthal et de Besançon. fl témoignait. au dire de Jules Chifflet, « beaucoup de ten- (1) Claude de Bauffremont, baron de Scey-sur-Saône et de Clairvaux, marquis de Meximieux, grand baïlli d’Amont et d’Aval, gouverneur de Franche-Comté de 1654 à 1660. (2) François de Moura marquis de Castel-Rodrigo. ie Op dresse pour cette sienne acquisition (1), » Ce fut sur son con- seil que Philippe IV, contrairement à l’avis du parlement, résolut de conserver à Besançon une partie de son auto- nomie et de le dédommager des avantages dont il se crovait dépouillé. « Ce fut, dit Thomas Varin, par l’adresse et entre- mise de Monseigneur le comte de Lumiares, à présent mar- quis de Castel-Rodrigo, ambassadeur pour lors de S. M. Catholique en Allemagne, lequel jugea combien il importoit au royal service de son maistre et à la conservation de la Franche Bourgogne, de s’acquérir une si belle et fidelle cité, enclavée au milieu de cette province, fut comme le principe et le premier motif d’un si heureux transport (2)... » L'accueil qu’il reçut à Dole et celui qui l’attendait à Besançon n’eurent certainement aucune influence sur ses résolutions, bien qu’en insinue le malin chroniqueur parlementaire. Castel-Rodrigo arriva à Dole le 9 septembre 1664. « Le marquis d’'Yenne (3), gouverneur de la province, fut au- devant de lui avec toute la noblesse, jusqu’à la frontière du pays devers Auxonne (4). » La Cour avait désigné pour se rendre au-devant de lui le marquis de Saint-Martin, conseil- ler chevalier d'honneur, le sieur de Broissia 5), maître des requêtes, Jules Chifflet, premier conseiller clerc, les sieurs Jaullt (6) et de Marenches (7), conseillers laïques, et le sieur de Moréal (8), avocat fiscal. Cette députation descendit de (4) Loc'rcit: p.353. (2) Narré fidelle et curieuse de tout ce qui s'est passé dans l’heureuse prise de possession de la cité de Besançon par son Excellence Monsei- gneur le marquis de Castel-Rodrigo, au nom et comme plénipotentiaire de Sa Majesté, le vingt-neuvième de septembre 1664, dressé (3) Philippe de la Baume Saint-Amour, marquis d’Yenre, baïlli d’Aval, sergent-général de bataille, gouverneur de la Franche-Comté de 1660 a 1668. (4) JULES CHIFFLET, loc. cit , p. 67. (5) Jean-Simon Froissard, seigneur de Broissia. (6) Claude Jault, de Poligny. (7) Claude-Laurent de Marenches. (8) Claude-François Moréal de Souvans, seigneur de Moissey. — 95 — voiture aux approches de son carrosse, et le conseiller Jault le harangua. Castel-Rodrigo monta alors à cheval et se dirigea vers la ville, à la porte de laquelle il fut reçu, comme grand d'Espagne, sous un dais que portaient les membres du magistrat. À Besançon, où Castel-Rodrigo arriva le 18, il reçut, d’a- près Jules Chifflet, plus bel accueil encore, mais la réception que lui firent les citoyens ne fut pour rien dans le traité qui suivit. Notre chroniqueur dit lui-même que le plénipoten- tiaire apportait « un plein pouvoir du roi pour traiter et mettre fin à l'entière exécution (1) » des stipulations de Ratis- bonne. Ce qui est vrai, c’est que jamais, dans la Cité, on n'avait connu pareil enthousiasme. « Ceux qui sçauront, dit Thomas Varin, les tendresses et l’amour qu'elle (la Cité) a toujours portée à ses augustes souverains, et les grands et signalés privilèges qu’elle à receu au réciproque, ou qui li- ront les grandes et insignes réjouissances qu’elle a fait pa- roistre à l'élection de linvincible Léopolde premier... aussi bien que de ses augustes devanciers, pourront-ils s’imaginer que cette Cité toute impériale et toute fidelle a pu se sou- mettre à une autre domination et recognoistre un autre sou- verain ; qu’un peuple qui a défendu sa liberté contre tant de puissances, qui s’est exempté de l’opression et de la subjec- tion par tant de siècles, nonobstant la puissance de tant d’ennemis et les efforts de tant d’envieux qu’il a eu, se soit assujétis à un autre souverain...” » Mais, ajoute-t-1il, « bien que d’abord cela paroisse difficile et semble choquer directe- ment l’ancienne et immuable fidélité des braves citoyens, l’on cessera néanmoins de s’en estonner quand on sçaura que ça esté la seule obeyssance et l'amour de l’impériale Maison d'Autriche et de leurs augustes souverains qui les (y) ont fait consentir (2)... » MPÉOCr CU ND. Rt @) Id, p. 6. oo. Quoiqu'il en süit, le représentant de Philippe IV signa so- lennellement, le lendemain 19, avec le Magistrat de Be- sançon, un concordat qui assurait à la Cité, en retour de sa renonciation à une partie de ses droits politiques, la confir- mation des immunités et privilèges dont elle avait joui jusque alors. Les détails de cet instrument furent débattus les jours suivants. Les citoyens durent se dépouiller du droit de se choisir un protecteur et de celui de contracter des alliances; mais ils conservaient celui de ne pouvoir changer de domination sans leur aveu. La Cité devait dépendre dorénavant du roi d'Espagne, mais conserver son gouvernement et ses pou- voirs judiciaires. Son district s’augmenterait de cent vil- lages, qui dépendraient du Magistrat en totale juridiction. Dans ce nouveau district, les vassaux du roi conserveraient leurs droits de justice, mais les appels des sentences de leurs juges devraient aller à ce Magistrat comme précédemment aux baillis. Enfin, le roi devait établir cinq juges supérieurs, citoyens de la ville et gradués en droits, auxquels il devait assigner des gages. Cette cour souveraine, destinée à rem- placer celle de la Régalie pour la ville et son ancien terri- toire, et celle du parlement pour son district, devait être pourvue d’un greffier choisi aussi parmi les citoyens. Ces juges, âgés au moins de trente ans, seraient nommés pour deux années seulement, mais pourraient rentrer en charge après un an d'interruption. La création de cette cour portait un grave préjudice au parlement, auquel elle enlevait une notable partie de ses jus- ticiables ; celle du district lésait à la fois le parlement et les bailliages de Vesoul, de Baume, d’Ornans, de Quingey et de Gray, dont elle diminuait le ressort (1. Le parlement, qui avait prévu depuis longtemps cette disgrâce, avait essayé vainement de faire la part du feu, en offrant le bailliage de (1) Vesoul perdait 41 villages, Baume 13, Ornans 34, Quingey 11 et Gray 1. 2.07, Quingey, un des moindres de la province, pour arrondir le district de Besançon; mais ce sacrifice avait paru par trop insuffisant. La teneur de ce traité ne fut connue que le 29 septembre Castel-Rodrigo. après l’avoir fait accepter au gouvernement local, prit possession de la Cité au nom du roi d'Espagne et reçut le serment de fidélité de ses nouveaux sujets. Charles- Quint eût été content, lui qui avait Besançon en si grande considération et qui disait un Jour que la Cité s'était toujours placée au-devant des ennemis de l’Empire, comme la plus forte des citadelles et le plus impénétrable des boucliers : Tanquäm arx munitissima et clypeus fortissimus adversus hostes Imperii se semper objecerit i1). Ce traité réduisait tellement lautorité du souverain que, jusqu’en 1668, 1l n'a jamais été exécuté que partiellement. Le roi d'Espagne v perdait jusqu’au droit de faire arrêter un criminel de lèse-majesté et, fait incroyable ! s’il n’était attesté cent fois dans les archives municipales, la juridiction des prévôts royaux des régiments espagnols cessait dès l'instant de leur entrée sur le territoire de Besancon. Tout militaire accusé de crime ou de délit, que ce fût envers un camarade, un supérieur ou un citoyen, était incarcéré et jugé, soit par l'assemblée des cogouverneurs, soit par celle des vingt-huit notables, soit enfin par les deux réunies, selon la gravité des cas. Il resta lettre-morte, ce traité, en ce qui était le plus cher à l’ambition de la Cité : la réunion des cent villages. Chose singulière ! l'exécution complète du concordat de 1664 est le fait de l’autoritaire Louvois, qui l’ordonna le 22 fé- vrier 1668, au nom de son roi. Ce fut sans doute une com- pensation à la brutalité avec laquelle il avait reçu les remon- trances des députés du Magistrat, à son arrivée dans leur ville (2). PS (4) Voy. L. ORDINAIRE, Deux Epoques militaires, t. I, p. 9. (2) 1n., ibid., p. 6 et 7. — 28 — On ne prévoyait point pareilles choses au mois de sep- tembre 1664. Le 8 de ce mois, les co-gouverneurs, prévenus que Castel-Rodrigo se préparait à se rendre à Besançon, avaient député auprès de lui « Messieurs Reud, Belin, Cabet et Jean-Baptiste Mareschal, leurs confrères, avec le sieur Tinseau secrétaire d’'Estat de la Cité (1. » Ces person- nages, « précédés de deux trompettes et de deux sergents en manteaux de cérémonie, et suivis d’une soixantaine de cavaliers les plus apparants de la Cité sortirent, le jour suivant, pour effectuer leur commission et furent si heu- reux de prévenir d’une demi-heure l’arrivée de ladite Excel- lence (2). » | | Il était tard alors, trop tard pour qu’ils pussent conférer avec le ministre espagnol; mais, grâce à l'entremise d’Yenne, ils eurent audience le lendemain matin, «sur les dix heures », et furent reçus les premiers, avant même les députés des Etats, détail significatif ! Le co-gouverneur Reud prit la pa- role au nom des députés et fit connaitre à Castel-Rodrigo, « par un éloquent et très judicieux discours ». dit Tho- mas Varin, « l’ordre qu'ils avaient de Messieurs les gouver- neurs de Besançon de complimenter Son Excellence au nom de la Cité, lui offrir ses obeyssances, ses respects et ses ser- vices, lui protester que tous les cœurs des Gitoyens ne res- piraient que la glorieuse domination de Sa Majesté, dans l'espoir qu'ils avoient que sa royale bonté leur maintiendroit tous leurs privilèges, ainsr que portoit le diplome de trans- port ; que l’on se confessoit extrêmement obligé aux bontés de Son Excellence qui, ayant procuré le bonheur de cette Cité d’estre sous la souveraineté de Sa Majesté, l’avoit daigné honorer dès lors du nom de sa fille, et qu’elle en attendoit (1) Claude Reud, de Besançon, plus tard procureur général au parle- ment ;, Hugues Belin, plus tard maitre des requêtes ; Jean-Antoine Tinseau, annobli par Charles IT le 12 août 1670. (2) TH. VARIN, loc. cit,, p. 8. 00 les effets, conformément à la générosité et à la grandeur de son amour (1)... » Castel-Rodrigo, « ayant fait paroistre une satisfaction ex- traordinaire », répondit en français « et avec un cœur tout ouvert, qu'il estoit très-aise de les voir, qu’il y avoit long- temps qu'il souhaitoit de visiter la nouvelle conqueste qu’il avoit fait à S. M., qu’ils avoient raison d’espérer de sa per- sonne tous les effets et cordialités d’un vray père, qu'il les produiroit efficacement toutes et quantes fois qu’ils luy -fe roient voir ses plus utiles et profitables convenances, et que S. M. ne désiroit rien d'avantage que les cœurs de ses Ci- toyens, il avoit aussi l’ordre de leur donner toutes les satis- factions qu’ils pourroient espérer justement de sa bonté et de la propension qu’elle avoit toujours heu pour Putilité et ad- vantage de Besançon (1)... » Ravis du succès de leur démarche, les bons députés vinrent en faire « lerécit à Messieurs les Gouverneurs, anciens Gou- verneurs, vingt-huict et quarante-deux Notables, députés dès il y avoit longtemps, par une procuration générale et spé- ciale du peuple de Besançon, pour tout ce qui concernoit l'entière évacuation et exécution de son eschange (2... » On résolut aussitôt d’obliger « un chascun et les particuliers aussi bien que le publique às’évertuer du mieux qu'ils pour- roient et autant que la brièveté du temps le permettroit, à recevoir dans tous les honneurs possibles ce grand et excel- lent Ministre, qui avoit fourni, par sa bonté, un trop heureux commencement pour ne pas espérer une heureuse réussite et une aussi glorieuse fin (3). » Ce fut le jeudi 18 septembre que Castel-Rodrigo choisit pour faire son entrée solennelle dans la Cité. Les cogouver- (1) TH. VARIN, ibid., p. 9. — Bien que Th. Varin ne le dise pas expres- sément, cette entrevue a eu lieu à Dole, comme Jules Chifflet nous l'ap- prend (loc. cit., p. 101). (2) Ip., ibid. (3) Ip., ibid. p. 10. #90. neurs envoyèrent au-devant de lui les mêmes personnages. Ils partirent précédés d’une nombreuse cavalerie, 500 che- vaux environ, sous les ordres de leur colonel, Monsieur de Novillars, et des sieurs de Bougey, Linglois (1), Bouvot (2) et Pétremand, sieur de Mutigney 6), de quatre mille hommes d'infanterie fournis par les bannières de Saint-Quentin, de Saint-Pierre, du Bourg. de Battant et d’Arènes et commandés par Monsieur Chifflet (4), enfin des élèves de l’Académie mi- litaire sous la conduite du sieur de Ceccati, jeunes gens d’é- lite « qui témoignèrent, dit Th. Varin, par leur addresse à monter les plus beaux et généreux chevaux qui se puissent rencontrer et par l’estat superbe de leurs habits, aussi bien que par l’enharnachement de leurs chevaux, qu’ils ne fai- soient point le moindre ornement de cette belle Cité (°)... » On distinguait parmi eux les comtes de Beaumont, fils du prince de Chimay (6), Martinitz, de Coupigny, et d’autres grands seigneurs. Les quatre députés du Magistrat s’avancèrent jusqu’à la li- mite du territoire bisontin et mirent pied à terre, dès qu'ils aperçurent le cortège de Son Excellence, « pour la saluer et lui annoncer la joye universelle que Besançon concevoit pour son heureuse arrivée, et avec quelle impatience un bonheur si grand et signalé estoit attendu (7. » Ils eurent même soin d’insinuer adroitement que si le district de la Cité eût été plus étendu, « ils n’eussent pas manqué de l'aller re- (1) Antoine-Désiré Linglois, docteur ès droits, avocat, puis conseiller au parlement (1674), dont il fut doyen pendant vingt ans. (2) Claude Bouvot, conseiller au parlement. (3) Jean-Baptiste Pétremand, petit-fils de Jean, l'éditeur des Ordonnances de Franche-Comté. (4) Philippe-Eugène Chifflet, seigneur de Velleperrot, conseiller au par- lement le 8 avril 1679. Il avait été nommé juge d'appel à Besançon en 1668. (5) Loc. cit., p. 19. (6) Philippe de Croy, Chimay et Aremberg, comte de Beaumont, baron de Commines, prince de Chimay et sieur d’Avênes. (7) TH. VARIN, ibid. 1 — cevoir plus loin. Sur quoy, cette Excellence, estant aussi d’a- bord descendue de son carosse et les accueillant d’une ma- nière toute charmante, leur dit qu'il se conjouissoit aussi avec eux d’estre arrivé si proche d’une cité qui luy estoit si chère, et qu'il ne tiendroit point à luy d’en augmenter bien- tost le territoire (1), » À un quart de lieue de la Cité. Castel-Rodrigo descendit du carrosse du marquis d’Yenne, où il avait voyagé. pour monter un superbe genêt d’Espagne couvert de pierreries et passer les troupes municipales en revue, dans la plaine de Saint-Ferjeux. Six canons, amenés par l'infanterie bisontine annoncèrent son arrivée à la Croix-d’Arènes. Deux couleu- vrines leur répondirent d’une éminence située devant l’église Saint-Etienne, et ce double signal fut suivi d’une décharge générale de la grosse artllerie réunie à Chamars, et des pièces des portes, des boulevards et des tours de la ville. La garni- son royale formait la haie jusqu’à la porte. Cette entrée solennelle eut lieu le soir à la lueur des torches ; la ville, brillamment illuminée, semblait toute en feu. Son Excellence fut conduite au palais Granvelle qu’on lui avait préparé « aussi superbement que magnifiquement :. Le lendemain 19, : le sieur Buson (2), Controleur de la Cité, vint lui offrir les présents dont les cités impériales ont ac- coustumées de régaler les princes et plus grands seigneurs entrans dans leurs villes..…, les grands pots de la Cité remplis de vin le plus délicieux qui se pouvoit rencontrer avec six chevaux chargés d’avoine, et chaque sac aux arms de la ville (). » Il avait ordre aussi de présenter à Dona Moura y Moncada, quiaccompagnait son père . des plats de confitures, tant sèches que liquides, avec les flambeaux de cire blanche faits exprès (4). » (1) TH. VARIN, ibid. (2) Claude-François Busson, seigneur d’Auxon cogouverneur en 1665, (3) TH. VARIN, ibid. p. 14. (4) Ip., ibid, Le 20, à la demande de leurs représentants, les cogouver- neurs convoquèrent les quatre compagnies à l'Hôtel consis- torial, pour leur faire part des propositions de Castel-Rodrigo et prendre leur avis sur l'opportunité qu'il y avait d’agréer les offres qu'il faisait au nom du roi. L’Espagnol avait un tel désir de mener à bonne fin ce qu'il avait si heureusement commencé, qu'il était évident qu'il ne demandait plus qu’à conclure. Le plus grand obstacle à une entente était, pour la cité, la renonciation volontaire au droit qu’elle possédait, de temps immémorial, de se choisir un protecteur et à celui de contracter alliance « avec qui elle treuvoit convenir ». C’est ainsi qu’elle s’était mise volontairement naguère sous la sau- vegarde du roi d’Espagne, et qu’elle s'était confédérée avec divers princes et avec certains cantons suisses. Du côté du roi d'Espagne, c'était l'extension du territoire et de l’action judiciaire de Besançon, aux dépens des bailliages et ressorts voisins, et la concession d’une université royale sur le pied d'égalité absolue avec celle de Dole. Pour y arriver, il fallut « plusieurs conférences, colloques et rapports » entre le plé- nipotentiaire et les députés des compagnies (1). On finit par céder de part et d’autre et, l’accord fait, on n'eut plus qu’à choisir le jour de la signature du traité et de la prise de possession de la ville par le représentant du roi d'Espagne. On opta pour le jour de la fête de Saint-Michel. Ce jour-là, Castel-Rodrigo devait promettre, par serment, l'exécution du traité et sa ratification dans les six mois, et recevoir, en échange, les « hommages de fidélité des quatre compagnies et de tout le peuple, lequel seroit convo- qué (2)... » Th. Varin, dans son enthousiasme semi-officiel, appelle le 29 septembre 1664 la journée « la plus fortunée que Besan- çon aye jamais eu et qui mérite d’estre mise dans ses fastes (1) TH. VARIN, ibid., p. 14 à 17. (2) Ip., 1bid., p. 16. ! 4 | en en lettre plus que dorée ». Dès le matin, les cogouverneurs avaient fait publier, au son des trompettes, sur tous les car- refours et places de la cité, la conclusion du traité. Ils invi- taient tous les citoyens à se rendre, à l’appel du beffroi, à l'Hôtel consistorial, pour le ratifier par leur acclama- tion, et à témoigner ensuite leur juste contentement « par toutes les réjouissances possibles ». La signature du traité, Sa ratification par le peuple et la prestation de serment des citoyens eurent lieu vers 10 heures, au son de toutes les cloches, et furent suivies d’une décharge générale de l’artillerie municipale. Un grand festin réunit à l'Hôtel de ville le ministre espagnol et le Magistrat; Dona Moura fit largesse au peuple d’une des fenêtres de la salle voisine de celle du banquet. La fontaine de Charles-Quint versa du vin pendant toute la soirée (), et la fête se termina par un grand feu d'artifice (2). Quatre années étaient à peine passées sur les brillantes fêtes de la réunion que la souveraineté et la nationalité de Besançon étaient de nouveau en question. La ville, surprise en plein hiver par les soldats du roi de France, était obligée de se rendre à la sommation de Condé. Les canons de lartil- lerie municipale, qui avaient si joyeusement tonné le 18 sep- tembre 1664, avaient été emmenés outre Saône. Tout était préparé pour faire de Besançon une ville française Si, trois mois plus tard, le traité d’Aix-la-Chapelle la rendait à la Franche-Comté et à l'Espagne, ce ne devait être que pour un temps. Au mois de mai 1674, elle allait capituler de nouveau devant Louis XIV. La vieille ville libre ne devait plus re- tourner à l’Empire, mais, plus étroitement unie que jamais aux destinées de la province, passer avec elle sous la domi- nation de la France. (1) Les passants pouvaient en boire dans de grandes coupes d'argent que leur présentaient des personnes couronnées de laurier. (@) TH. VARIN, loc. cit., p. 16 et 17. n + 2 DN'OME Castan à laissé, au sujet de la fête du 18 septembre 4664, quelques notes qui ont trait surtout aux médailles commémo- ratives du transfert au roi d’Espagne de la suzeraineté de Be- sançon. M. Vaissier avait gravé pour lui quelques-unes de celles qui sont au médaillier de la Bibliothèque. La planche devait accompagner un travail que la mort à interrompu, si même il a été commencé, et il n’a été tiré de la gravure qu’une centaine d'exemplaires destinés à être distribués aux personnes qui ont adhéré au congrès archéologique de Besançon en 1891. La conservation de cette planche par M. Dodivers nous permet de joindre à cette courte notice une reproduction des plus curieuses et des plus intéressantes. Les réaux, les patagons et les quarts de rixdale, que dona Moura fit lancer par la fenêtre de l’Hôtel-de-ville, étaient de frappe récente. On y voyait « d’un costé la royale figure de Sa Majesté, avec ces mots à l’entour : Philippus IV Hispan. Rex., et de l’autre costé la figure de la Cité avec cette inscription tout autour : Magno sub Rege libera Vesuntio (1). » Le magistrat avait, de son côté, fait fabriquer nouvellement quantité de pièces d’or ou médailles « en mémoire à la postérité de l’inviolable fidélité » qu’on venait de jurer au grand monarque, le nouveau souverain. Ces pièces d'honneur, on s'était empressé de le dire à Castel-Rodrigo, n'étaient pas destinées à avoir cours. C'était « le seul zèle et amour » des co-gouverneurs « envers S. M. qui en avait procuré la fabrique ». Elles « portaient d’un costé la royale figure de ce grand roy, avec ces mots à l’entour: Phi- lippus Quartus Rex Hispaniarum, et de l’autre costé ce beau et riche numéral : blsVntinorVM DeLlIClae (2). (1) Ta. VaRIn, loc. cit., p. 98. © ln, Ghidn 08 Année 1897 | Société d'Emulation du Doubs. Médailles commémoratives du transfert au Roi d'Éspag ne de la suzerainetéde Besançon. nt Une médaille commémorative de la réunion, frappée l’année suivante, se trouve aussi dans le même médaillier. M. le comte de Vezet, dont plusieurs ascendants, Luc Mareschal en 1654 et 1655, Jean-Baptiste Mareschal en 1663 et Antoine Mareschal en 1665, pour ne citer que les contemporains, ont été co-gouver- neurs de Besançon, en possède un superbe exemplaire en or. Cette médaille porte pour exergues, sur une face : Libera utrinquè, et, sur l’autre : Soliditas consultorum. Une autre mé- daille, frappée la même année, a pour exergue : Civitatis secu- ritas. En 1666, on en éditait une troisième, sur laquelle on lit : Corde gero quod corde colo. FRANKEN LSE AU XVIIe SIÈCLE ET EN 1896 LA FORTERESSE : SON SIÈGE PAR VAUBAN Par M. le D' LEDOUX Séance du 10 juillet 1897 Au cours d’un récent voyage en Allemagne, passant à la station de Frankenthal, je fus tenté d'entrer dans cette ville que la diète de Ratisbonne (1), en 1656, donna à l’Empire en échange de Besançon cédé à l'Espagne. Je pensais qu’il pour - rait être intéressant pour quelques bisontins d'apprendre ce qu'est devenu Frankenthal depuis le jour où sa destinée fut fixée en même temps que celle de Besançon; et Je me pro- posais de tirer de cette visite le sujet d’une note à présenter à la Société d’'Emulation, toujours disposée à accueillir les études qui se rattachent, même par un faible lien, à notre histoire locale. Mais il aurait fallu faire précéder le tableau actuel de Frankenthal (2) d’une notice sur cette convention diploma- (1) Après les traités de Westphalie, l’Empire s'établit sur de nouvelles bases. Au-dessous ou à côté de l'Empereur et du Conseil aulique fut ins- tituée la Diète, vrai Reichstag, composée du Collège des Electeurs, du Collège des Princes et du Collège des Villes. La première assemblée de cette Diète, et il ne faut pas confondre celle-ci avec celle de 1630 dans cette même ville, fut tenue à Ratisbonne en 1652. Peu après, cette Cham- bre des députés siégea presque en permanence ; ses dernières séances eurent lieu en 1663. (Histoire générale de LavissE et RAMBAUR, t VI) (2) Gomime les Francfort, Frankenberg, Frankenburg, Frankenhausen, OT tique. Bien mieux que je n’aurais pu le faire, notre érudit secrétaire décennal vient de vous narrer ces événements. Pour faire suite au mémoire de M. le D' Meynier. je rap- porte le souvenir de ce que j'ai vu à Frankenthal. Les flèches de l’église et du temple se dressent au milieu de la plaine rhénane, dans la partie inférieure du Palatinat bavarois, à distance presque égale (11 kilomètres) de Worms et de Ludwigshaffen. À peu près à mi-chemin entre les pre- miers contreforts du Hardt et le fleuve, auquel elle est reliée par un canal navigable, la ville est située sur une petite ri- vière, l'Isenach. De la gare, sur la grande voie ferrée de la rive gauche du Rhin, deux embranchements se détachent et se dirigent vers Freinsheim et Grosskarlbach, dans la mon- tagne. La population s'élève à plus de 14.000 habitants, et ne cesse d'augmenter (7,900 en 1875 ; 11,000 en 1891). La prospérité de Frankenthal, surtout grandissante depuis un quart de siècle, est due au développement de l’industrie. Cette ville a la vocation industrielle. Des calvinistes expulsés des Flandres y avaient déjà fondé quelques établissements au milieu du xvie siècle. Après le xvue siècle, pendant le- quel le bourg devenu citadelle ne jouit guère de tranquillité, Frankenthal reprit ses anciens travaux. En 1761, une fa- brique de céramique (1) avait si bien accru son importance Frankenstein, ete, dont le nom est formé du même radical, Frankenthal, Val des Francs, a été fondé par nos ancêtres et marque une de leurs étapes dans leur lente migration vers la Gaule Frankenthal est mentionné comme burg dès le vi siècle. En 1119, les chanoines réguliers de Saint-Augustin y fondèrent un monastère qui ne tarda pas à devenir fort riche. Occupé d’une façon permanente par nos armées dès 1796, Francken- thal (on écrivait ainsi son nom dans les documents officiels) fit partie du territoire de la France de 1801 (traité de Lunéville) à 1814. Cette ville qui possédait alors 3,235 habitants était un chef-lieu de canton de larron- dissement de Spire, dans le département du Mont-Tonnerre (1) Joseph-Adam Hannong, de la célèbre famille des céramistes de que l'électeur Charles-Théodore (1) en fit la capitale du Pala- tinat. Aujourd’hui des brasseries, des usines pour la construc- tion de presses, générateurs, armatures, machines à impri- mer, une fonderie de cloches, une fabrique de poupées, des savonneries, une tonnellerie, des ateliers pour le travail du bois et du liège y sont en activité. Puis une raffinerie de sucre de betterave, la plus importante de l'Allemagne, occupe un millier d'ouvriers. Tous les ouvriers de ces manufactures n’habitent pas la ville : il en vient chaque jour des villages circonvoisins. Le sol fertile de ce pays est rendu plus fécond par une culture bien ordonnée. C’est une des régions vignobles de l'Allemagne ; une variété de raisins, plus décoratifs que dé- licats, porte le nom de Frankenthal. Siège d'un tribunal civil et d’une chambre de commerce, place de Banque de l’Empire, possédant, entre autres éta- blissements d'instruction, une école professionnelle, Fran- kenthal est devenu une cité commerciale et industrielle flo- rissante, et ne parait pas regretter son ancien rôle militaire qui lui fut fatal à plusieurs reprises. La vieille place d'armes, qui faillit tomber au rang de simple bourgade, après avoir perdu ses remparts et ses canons, à su ainsi changer de carrière et relever sa fortune par les œuvres dela paix. La ville n'offre guère d’attraits pour le visiteur. Des rues droites, assez larges, proprement tenues, bordées de mai- sons du caractère le plus simple, à un ou deux étages, sont presque vides aux heures du travail dans les fabriques. Au centre, les édifices religieux, catholique et protestant, ne pré- sentent rien de bier remarquable. Puis, à côté, l’inévitable Victoire, ici assez grêle, sert à l’ornementation d’une fontaine. Strasbourg, avait fondé cette fabrique en 1754. Les marques des faiences et porcelaines de Frankenthal sont estimées. . (1) Charles-Théodore de Sulzbach, électeur palatin en 1743, proclamé duc de Bavière le 30 décembre 1777. 0 Enfin le souvenir d’une enceinte est conservé par deux portes de ville qui ont la forme d’arcs de triomphe de petit modèle. Près de l’église, se trouve un vieux monument rectangu- laire qui était la partie imférieure de l’église abbatiale des Augustins, édifiée aux xr° et x1r1' siècles. Les fenêtres ro- manes, percées dans de robustes murailles ressemblent presque à des embrasures en raison de leur étroitesse. En résumé, s’il n’y avait pas ces restes d’un ancien édifice, les portes, un grand hôpital (Sainte-Elisabeth), et si on n’y trouvait une petite collection d’antiquités recueillies dans la région, Frankenthal présenterait l’aspect d’un faubourg in- dustriel de grande ville (1). Mais, à la vue de Frankenthal contemporain, nous nous demandons comment cette ville put être un jour placée en contrepoids et en équilibre avec Besançon sur les plateaux d'une balance diplomatique. Le projet d’un échange entre les souverains de l’Empire et de l'Espagne était certes bien naturel. Besançon était ville libre impériale au milieu du Comté de Bourgogne, alors sous la dépendance de la cou- ronne d'Espagne : et Frankenthal était une possession espa- gnole sur terre allemande. Puis, aussi bien que les conve- nances politiques de leurs suzerains, l'intérêt des deux cités motivait l’acte proposé à la diète de Ratisbonne. Ni l'étendue de leurs territoires, ni l’importance de leurs fortunes, ni le nombre de leurs habitants (2) ne pouvaient assurer une équivalence ; mais Frankenthal apportait lap- (1) Celle-ci est toute proche . Ludwigshaffen-Mannheim, qu'un pont réu- nit, comptent ensemble 130,000 habitants groupés autour du grand port supérieur du Rhin. (2) Quelle était alors la population de Frankenthal, peu après trente années de calamités? Nous ne possédons pas ce chiffre. Mais en 1688, après une longue période plus tranquille, on n'y comptait que 350 hbour- geois, représentant peut-être 4 ou 5,000 habitants au plus. Pour compa- raison avec la même époque, en 1687 Besançon avait 14,209 habitants. (AUG. CASTAN, Besançon et ses environs, 1880.) HT Ve point d’une autre valeur dans ce marché. A cette époque, elle avait des remparts et des établissements militaires. Ni dans les premières années du xvu° siècle, avant d’être puis- samment fortifiée, ni à la fin de ce même siècle, après son démantelement, cette petite ville n’aurait pu être mise en comparaison avec Besançon. C’est donc la forteresse. située au milieu d’un échiquier de combats presque incessants, qui fut échangée : nous voulons savoir quel était son mérite. Tout d’abord, comme on n’a jamais édifié sans raisons sé- rieuses des fortifications qui coûtent cher à bâtir, à entre- tenir, à armer et à défendre, pourquoi, de 1608 à 1618, avait-on entouré ce bourg d’une enceinte bastionnée à l’ita- lenne, en remplacement de la muraille qui le fermait à la fin du xvr° siècle ? En d’autres termes, quelle était la valeur stratégique de la position ? Frankenthal commande le cours inférieur de l’Isenach qui prend sa source dans le massif du Hardt, coule ensuite dans la partie orientale de ce prolongement montagneux des Vosges, et, après avoir passé à Dürkheim, débouche dans la vallée du Rhin : l’Isenach coupe transversalement la plaine de la rive gauche et y constitue une barrière pour la marche des armées. Cet obstacle n’est pas, il est vrai, difficile à franchir ; mais il est de ceux, assez rares, qui existent entre Strasbourg et Mayence ; les autres, sont les cours d’eau qui descendent des Vosges et du Hardt. Et, de mème que ceux-ci, lisenach a été utilisé comme ligne d'appui pour la défensive. Le général Pichegru, repoussé par Clairfayt qui avait réussi à nous faire iever le blocus de Mayence, s'arrêta dans sa retraite derrière cès petites rivières et combattit sur la Pfrim (1) d’abord, et ensuite prit position de Frankenthal (2) à Kaïserslautern(10no- (4) La Pfrim passe près de Worms. (2) Dans sa cimmpagne du Palatinat, avant d'occuper Mayence, Custine s'était emparé de Frankenthal (octobre 1792). RU vembre 1795) (1). « Le combat de Frankenthal fut des plus meurtriers, les Français furent contraints de céder le ter- rain (2). » Sur cette grande voie de la vallée du Rhin. dont les peuples firent si souvent le théâtre de leurs batailles, la citadelle, pendant et après la guerre de Trente ans, était un fort d’arrèt renforçant une défense naturelle et pouvant servir de pivot pour des opérations à distance. À quelques kilomètres du point où un chemin, longeant la petite rivière, sert aux communications entre la plaine et la montagne (et conduit de l’autre côté de celle-ci vers les val- lées de la Nahe et de la Moselle), Frankenthal gardait une des portes du Hardt. Les traités d'histoire et de géographie militaires disent ce que vaut le Hardt au point de vue stra- tégique. Mais quand le système des routes, dans une région mon- tagneuse, s'améliore et se développe, le passage par la vallée perd de son importance. À mesure que les armées purent plus facilement s'engager dans le Hardt, longer à distance et tourner la forteresse sans s’exposer au feu de son artillerie, Frankenthal subit une déchéance progressive. C’est pourquoi, à Ja fin du xvur° siècle, les remparts désormais peu utiles (comme ils l'avaient été en 1644), quand ils n’abritaient pas un corps de manœuvres, furent démolis pour n'être jamais relevés. Et puis, on avait reconnu la supériorité de la place de Mannheim dont les défenseurs occupaient une position domi- nante sur le cours du Rhin et sur celui du Neckar en même temps que sur les plaines riveraines. (1) MARGA, Géographie militaire. (2) Le général Curéey, Mémoires publiés par le général THOUMAS. Le célèbre cavalier léger de la République et de l'Empire avait pris part au combat de Frankenthal dans les rangs du 7° régiment de hus- sards, qui soutint la retraite pénible des Français au-delà de la Spire (Speyerbach). roue On peut comparer l’ancien rôle militaire de Frankenthal à celui que remplissait récemment encore, sur la Queich, Lan- dau, aujourd’hui démantelé. Pendant la guerre de Trente ans, Frankenthal fut tantôt aux catholiques et tantôt aux protestants, appartint pour un temps à presque toutes les puissances qui lancèrent leurs armées dans cette furieuse et confuse mêlée d'intérêts et de passions de toutes sortes, de revendications sociales, de riva- lités et d’ambitions princières, d’ardeurs et de haines reli- gieuses. Les Français passèrent à côté sans y entrer. Mais Allemands du Palatin, Impériaux, Espagnols, Anglais, Sué- dois, occupèrent tour à tour cette ville dont le nom variait suivant la prononciation de ses maitres et de ses ennemis. Ceux qui venaient des Pays-Bas l’appelaient Frankendaël et les Français, Frankendal ou Francandal (). Cette forteresse eut l'honneur de fixer l'attention, d’exer- cer les talents de presque tous les grands capitaines d’une génération fameuse par ses hommes de guerre (2). Au mois de septembre 1621, don Fernando Gonzalez de Cordova, à la tête de l’armée espagnole dans le Palatinat, mit le siège devant Frankenthal qui se défendit brayement, mais allait succomber quand Mansfeld accourut à son se- cours et obligea l’assaillant à se retirer. On peut juger dela solidité de la citadelle et de l’importance de la garnison sur (1) L'histoire de Frankenthal pendant le xvre siècle est le sujet de plu- sieurs publications allemandes parmi lesquelles il faut citer : Stadt und Festung Frankenthal waehrend des dreissigjaehrigen Kriegs, von D' Jac. Wie (1877), et Die Kurefurstliche Kriegs und Real Festung Frankenthal in der unteren Pfalz, von KRIEDRICH-JOHANN HILDEN- BRAND (1896). Ce dernier livre renferme la description des anciennes for- tifications avec 14 plans et vues. (2) Voir l'Histoire de la guerre de Trente ans, de CHARVÉRIAT (2 vo- lumes, Paris, 1878), l'Histoire des guerres et des négociations qui pré- cédèrent le traité de Westphalie, d'après les mémoires du comte d’Avaux, et l'Histoire du traité de Westphalie, par le P. BOUGEANT (6 vol., Paris, de 1727 à 1751). un ce fait : les Espagnols, mesurant leurs efforts à la résistance, devaient être nombreux puisque, pour les attaquer dans leurs lignes, Mansfeld avait réuni une armée, considérable pour l’époque, de 16,000 Allemands et Anglais. Naturelle- ment Mansfeld fut accueilli avec enthousiasme par ceux qu’il venait délivrer, au moins jusqu’à ce qu’il eût exigé d’eux une somme de douze mille florins ! Un an après, Tilly vint assiéger Frankenthal encore occupé pour le compte de l’'Etecteur. Tilly, en raison de la fermeté des défenseurs et des rigueurs de la saison, se vit obligé de transformer le siège en simple blocus, puis d'abandonner son entreprise, Ce fut seulement en 1693 que Papennheim et Cordova, à la tête des [mpériaux et des Espagnols, entrèrent dans Frankenthal. L'Espagne possédait cette place en 1639, quand les Sué- dois, sous les ordres d’un lieutenant de Gustave-Adolphe, le maréchal Gustave de Horn, vinrent l’attaquer. La garnison, sans espoir d’être secourue, finit par se rendre. Après la campagne de 1635, et la belle retraite en Lorraine des Français et des Suédois poursuivis par Gallas, les fmpé- riaux s’emparèrent de Frankenthal, Nous arrivons à la période française de la guerre de Trente ans, et nous possédons sur Frankenthal, réoccupée par les Espagnols, l'opinion de Turenne et celle du duc d’Enghien, celle-ci exprimée par l’ancien général de notre VII" corps, qui écrivit l’histoire des Condé. Au mois de septembre 1644, après la bataille de Fribourg et la prise de Philisbourg (1), Turenne opérait avec une partie de l’armée française sur la rive gauche du Rhin. Le duc d’Aumale dit de Frankenthal : « Cette ville, située entre Worms et Spire, à une heure du Rhin, avait eu l’étrange fortune de devenir préfecture (1) Ou Philippshourg. he espagnole, après avoir été fondée par des calvinistes hollan- dais ; place assez forte, soutenue dans la montagne par le château de Falkenstein, elle commandait le passage du Mont-Tonnerre et assurait les communications entre le Luxembourg et le pays rhénan. Il y avait là un gouverneur nommé Rebolledo, homme très actif, très entendu, excel- lant à donner des nouvelles et surtout à maintenir la terreur dans cette région. Le temps et les moyens manquaient aux Français pour assiéger cette forteresse ; mais le coup &@e main de Fleckstein (1) avait mis Rebolledo hors d'état de nuire, en détruisant la cavalerie qui lui aurait permis de continuer ses courses. Turenne négligea donc Franken- thal, et, continuant sa marche, arriva devant Worms » Le maréchal de Turenne parle plusieurs fois de Frankendal dans ses Mémoires (2). Le duc d’Aumale en a tiré le tableau des événements rapportés plus haut ; nous y lisons en outre qu'à ce moment la garnison, forte de sept à huit cents hommes, apportait un grand trouble dans nos communica- tions entre Worms et Spire, que la place renfermait du ca- non, des munitions et pouvait servir de magasin. Renonçant à s’attarder dans une attaque toujours lente, pour aller de l’autre côté du Rhin au devant de Mercy, Turenne écrivait le 4 février 1645 au cardinal de Mazarin : « Quant à Franc- kendal, estant un grand siège par force et le pays d autour fort ruyné, je craindrais de me mettre en estat de ne plus pouvoir passer le Rhyn » ; puis, le 26 mars suivant : « Il faut que Franckendal tombe de luy-même. » Mais Franckendal ne tomba pas. Pour empêcher les escar- (1) Le colonel Fleckstein, avec trois régiments de cavalerie weymarienne (alliée de la France) avait surpris et taillé en pièces un parti de cinq cents chevaux (expédié par Beck, sous les ordres du colonel Savari), qui venait de traverser les montagnes du Hardt et se dirigeait sur Frankenthal. — (Duc d'AuMALe, Histl. des princes de Condé, t. IV.) (2) Nouvelle collection de Mémoires pour servir à l’histoire de France, publiée par MICHAUD et POUJOULAT, 3° série, t. II. TT PE NE re EP ER 1 Le 5e mouches fréquentes entre la garnison qui faisait des sorties et les Français en mouvement dans la région, Turenne fut obligé d'établir autour de la place des postes chargés de pro- téger ses convois, dont l'un avait été enlevé. Dès 1646, on se tint plus tranquille de part et d’autre. Et, à la fin de la guerre de Trente ans, Rebolledo (1) avait su par son énergie se maintenir au milieu des ennemis qui le bloquaient en quelque sorte depuis plusieurs années. C’est grâce à lui que Frankenthal resta sous la domination de l'Espagne après la paix de Westphalie. Pendant la guerre contre tous les ennemis de la France coalisés dans la ligue d’Augsbourg, Vauban commenca le 15 novembre 1688 l'attaque de Frankenthal qui capitula le surlendemain. Cette victoire, trop rapide à son gré, fut presque une déception pour le grand ingénieur qui espérait montrer un beau siège au Dauphin. Monseigneur faisait sa première campagne à la tête de cette armée (2) dont le com- mandement effectif était exercé par le maréchal de Duras, secondé par Catinat, Montclar, Vauban, la Frézelière, Chamlay, Saint-Pouenge (3). Les Français venaient de prendre encore une fois Philishbourg (29 octobre). Des pluies persistantes avaient rendu lentes et pénibles les opérations devant cette place entourée de marais. Puis on était allé investir Mannheim qui eut l’insolence, aux yeux de Vauban, de ne se défendre que pendant huit jours (4. Mais Vauban qui avait mis en œuvre (1) Le comte Bernardin de Rebolledo, né à Léon (Espagne), marin, gé- néral ambassadeur, littérateur, poète (1597-1677). (2) Cette 1rmée, à sa concentration, comptait en troupes françaises 34 ba- taillons d’'u.:anterie, 40 escadrons de cavalerie, 12 de dragons, 6 compagnies de bombardiers, 4 de canonniers et une de mineurs (Journal de Dangeau). Il y avait en plus quelques régiments étrangers à la solde de la France. (3) CAMILLE ROUSSET, Hist. de Louvois, t. IV. (4) À Mannheim, les soldats de l’Electeur, qui, disait-on, n'avaient pas été payés depuis dix-sept mois, ne voulaient plus se battre. (Ibid. de devant Philisbourg une certaine invention de batterie à rico- chets, et qui n’avait guère pu continuer ses expériences à Mannheim, espérait bien poursuivre les essais du nouveau tir contre Frankenthal; et, pour mieux soigner ce siège, il ne quittait guère la tranchée (1) malgré l’ordre formel du roi de ne pas s’exposer. Aussi, quand l’assiégé éteignit son feu et battit la chamade, Vauban ressentit un vif dépit ; «encore le lendemain, dit Camille Rousset, il était d’une belle colère. » Lettre de M. de Vauban à M. de Louvois, du camp devant Fran- kendal, le 18 novembre 1688 (2) : « Les ennemis m'ont trompé aussi bien qu’à Manheim, et, sans se soucier d’être déshonorés, ils se sont rendus après trente-huit heures d'attaque. sans me laisser le loisir d’ache- ver la batterie D, que j'avais destinée à de grandes exécu- tions aussi bien que la C. C’est de quoi je sais très mauvais gré à ces coquins-là ; car, enfin, voilà je ne sais combien de fois que je commence des expériences, sans qu'ils m’aient voulu donner le temps d'en achever aucune. La batterie C n’a pas tiré deux cents coups et, si elle les a fort tourmentés, les marques en sont évidentes par tous les endroits qui nous ont paru. » Quant à la batterie des bombes, elle a commencé dès (1) Ingénieurs, soldats travaillaient ferme à la tranchée. Ouverte dans la soirée du 16 novembre, elle avait reçu un avancement de 1,500 toises (près de 3,000 mètres) le 17 au matin. (Marquis DE QuiNCY, lieutenant gé- néral de l'artillerie : Hist. milit. du règne de Louis-le-Grand, Paris, 4776, t. IL.) (2) Texte complet, en ce qui concerne les opérations militaires, de cette lettre dont des fragments sont cités dans l’Hist. de Louvoïis. Camille Rousset dit que les lettres de Vauban se distinguent « par la franchise du sentiment et l'originalité de l’expression » (t. IIL, p. 405). Les pages écrites dans. un accès de colère contre les gens de Frankenthal con- firment ce jugement et permettent d'apprécier toute la saveur du style épistolaire en même temps que les qualités du caractère et de l'esprit de Vauban. | — AT — trois heures du matin à tirer, et, comme il faisait beaucoup de vent, elle a mis le feu à plusieurs endroits de la ville, et, entre autres, dans la grande église qui en a été toute brülée ; je ne crois cependant pas qu'on ait tiré cent bombes; dès aussitôt que notre canon et nos bombes ont tiré, leur feu, tant de mousqueterie que de canon, qui était fort grand, a tombé tout d’un coup comme si on leur avait coupé les bras, et du depuis ils n’ont plus donné signe de vie qui vaille. Enfin, c’est encore pire qu’à Manheïm. Je n’ai jamais vu gens si braves, tant qu'on ne leur tire pas, que ces troupes palatines : mais quand on commence à les recher- cher un peu vivement, le nez leur saigne aussitôt, et, dans le fond, on ne trouve que des maroufles où l’on s'était ima- giné, par toutes leurs façons de faire, trouver des braves gens. La ville est pourtant tout aussi bonne qu’une place de terre la peut être, car son rempart est fort bien fraisé avec une bonne faussebraye au pied, sur la berme de la faussebraye une haie vive, au pied du talus de la berme une grosse pa- lissade, et tout cela environné d’un fossé de 15 à 20 toises de large dans lequel il y a 6 à 7 pieds d’eau, bordé d’un bon chemin couvert tout autour, qui à la vérité n’est palissadé que sur les angles saillants, du surplus les demi-lunes en sont fort petites et très rasantes. Je ne comprends point l'esprit de ces gens-ci, car ils ont fortifié Manheim comme qui fortifierait à plaisir sur une feuille de papier, sans avoir égard au Necker ni au Rhin, dont ils n’ont pour ainsi dire tiré aucun avantage, au lieu que s'ils s'étaient mis dans la fourche de ces deux rivières, il leur aurait été facile de les avoir pour fossés ou avant fossés, et, en fermant l'avenue par trois bastions accompagnés de bons dehors, faire passer une grosse décharge de l’une à l’autre de ces deux rivières; ce qui joint à un bon et fort revêtement et à une excellente figure, on eût pu aisément faire là une place capable de faire la nique à Monseigneur et à tous les rois de l’Europe. D'ailleurs, que faire de Frankendal, au milieu de la plaine, à he eue deux lieues de Manheim ? N'est-ce pas encore une faute ridi- cule à un souverain de la faiblesse de Monsieur le Prince Palatin (1) d’avoir conservé une place qui ne lui sert de rien et qui ne lui peut être que fort à charge ? Autre faute ; après la prise de Manheim, tous moyens de secourir Frankendal lui étant Ôtés, ne devait-il pas en envoyer les clefs à Mon- seigneur plutôt que de lui donner la peine de l’assiéger et l’obliger à ruiner son pays et brûler l’une de ses meilleures villes pour faire une défense qui le déshonore, lui et les siens ? Ma foi, les princes aussi bien que les particuliers sont sujets à de grandes fautes (2). » | Tels furent les compliments que Frankenthal reçut pour son dernier combat. Comme à un vieux soldat qui, avec de brillants états de service, ne veut ou ne peut plus se battre, Vauban venait de signer son congé de réforme à la citadelle rhénane. Peu après, la forteresse fut rasée : elle n'avait pas. vécu plus longuement qu'une existence humaine. En réalité, jusqu’à l'heure de la reddition, Vauban paraît avoir été seul à se faire des illusions sur la fermeté de la résistance et à rêver des occasions de beaux exploits. Aussi bien à la cour qu’au camp, l'opinion était fixée Sur la durée et les difficultés de cette opération qui semble avoir été principalement entreprise pour permettre au Dauphin d’a- _jouter un laurier facile à ceux qu'il venait de cueillir avec (1) Philippe-Guillaume de Neubourg, prince palatin, de 1685 à 1690. (2) La fin de cette lettre traite d’autres questions, mais renferme cepen- dant un passage qui prouve que Vauban ne s'était point ménagé dans son service : « Je ne manquerai point d'aller à Philisbourg, dès que J'aurai pris congé de Monseigneur... après quoi j'irai à Landau, au fort Louis et à Belfort, et de là chez moi où je vous prie de me laisser un bon espace de temps au repos, car j'en ai besoin, et de l'heure qu'il est je ne parle plus, c’est-à-dire qu’on voit bien que j'en ai envie, mais on n'entend pas ce que Je dis. » Puis Vauban entretient Louvois des quatre pièces de canon de deux à trois livres de balles que Monseigneur venait de lui accorder en présent et qn'il voudrait emmener dans sa demeure du Morvan. Enfin, il dit à Louvois qu'il l'attend au printemps prochain. {Correspondance de Vauban, au Dépôt des fortifications.) 0e plus d'efforts à Philisbourg et sans grande neine à Man- heim (1). Nous savons ce qu’on pensait à Versailles. Dansses lettres, M": de Sévigné ne montre aucune inquiétude sur le sort de son petit-fils, « le petit Grignan, » qui faisait ses premières armes dans cette expédition et qu’on attend à jour prochain pour le complimenter sur sa conduite (2). Dangeau, le méticuleux chroniqueur, connait par avance tout ce qui se passera à Frankenthal ; et, à date exacte, l'événement justifie les prévisions notées au journal (3). Ce qu’on faisait, ce qu’on disait à l’armée, on l’apprend dans la correspondance de Louvois. Le gouverneur de la place assiégée, le comte de Sayn-Wittgenstein, faisait la guerre pour la première fois, n’attendait pour traiter que les premiers coups de canon. Ses soldats, de qualité médio- cre, n'étaient pas plus attachés à leur prince que leurs cama- rades de Mannheim : entre la capitulation et le défilé de la garnison devant les vainqueurs, près des trois quarts déser- tèrent et s’enrôlèrent dans des régiments au service de la France. Les bourgeois refusaient de prendre les armes, (4) Cependant, dit Camilie Rousset, « le jeune prince avait pour sa part mérité des éloges et vraiment donné des espérances ; » pour faire un bon apprentissage de l’art de la guerre, il avait su, malgré son rang, écou- ter les conseils d’un vrai maître. Il avait écrit au roi son père : » Nous sommes fort bien, Vauban et moi, parce que Je fais tout ce qu'il veut » (Journal de Dangeau, 17 octobre 1688.) (2) Le vicomte de Grignan, âgé de 17 ans, attaché comme volontaire au régiment de Champagne, avait été contusionné à la hanche par un éclat de bombe devant Manheim. (3) Vendredi 19 novembre 1688 : « Monseigneur arriva lundi devant Frankenthal, où l’on devait ouvrir la tranchée mardi. Les bourgeois vou- draient se rendre, mais le gouverneur dit qu'il veut se défendre ; appa- remment il attend qu'on lui tire quelques coups de canon. » Samedi 20 : « Monseigneur a nommé M. de Caylus pour apporter la nouvelle de la prise de Frankenthal qui apparemment se rendra jeudi, car on compte que notre canon tirera ce jour-là. » Dimanche 21 : «M. de Caylus est arrivé ce soir ; Frankenthal se rendit jeudi matin. » {Journal du marquis de Dangeau.) S 2/50 — cherchaïent à faire rendre la ville et correspondaient secrè- tement avec le maréchal de Duras. Les Français, animés d’un beau zèle, étaient pressés de finir la campagne avant l'hiver. En deux jours, ils subirent ces pertes : 6 officiers blessés, dont un à mort ; 2 sergents blessés, 24 soldats blessés (1), 3 soldats tués. Leur artillerie causa des dégâts importants : les incendies allumés par les bombes détruisirent deux églises, un cloître, la maison de ville et trente maisons de bourgeois. Ce ne fut pas une de ces fautes de petit prince, dont par- lait Vauban, qui attacha à l’année suivante un souvenir dé- testable : en 1689, le grand roi fit ravager, incendier le Pa- latinat. Fût-ce parce que la ville avait été en partie détruite peu de mois auparavant ? Fût-ce parce que les bourgeois avaient facilité la prise de la place par leur refus de concou- rir à sa défense” Frankenthal, d’abord condamné, obtint la grâce de ne pas subir le supplice du feu, comme tant d’au- tres cités de la vallée du Rhin. Pendant trois quarts de siècle, Frankenthal, si souvent maltraité par la guerre, avait appris à connaître les vicissi- tudes de la fortune militaire et avait payé chèrement l’hon- neur d’avoir été élevé à la dignité de forteresse. Après cette excursion dans l’histoire d’une ville allemande, revenons à Besançon pour remercier M. le docteur Meynier de nous avoir exposé comment Frankenthal et Besançon furent échangés pour le bien de notre ville, car c’est grâce à cet événement qu'après être restée pendant quelques années (1) Heureusement, les blessés ne furent pas plus nombreux; les méde- cins étaient rares. Dangeau note (26 sept. 1688) l’organisation du ser- vice de santé dans cette armée : « Le roi envoya trois chirurgiens à l’armée de Monseigneur, savoir : Bessière, Gervais et Ostheaume ; on ne formera point d'hôpital ; on se servira des chirurgiens qu’on trouvera en ces cantons-là. » \ Société d'Emulation du Doubs, 1897. PL. I: O Darmstaat | N : agen IN |. . NZ lé 5 20 #4, 1 / PAZ FRANKENTH A === A IKMannheim O à un SS = « il CAN NE D KW = 21) _ = NU en — Dont ne = 7, NW =, > UN GI. Æ Panda 2 NN 1Z NN RL fl nd sous la dépendance de la couronne d’Espagne, la cité bison- tine put devenir plus vite et plus facilement française, put se développer et prendre l'influence, l'autorité que lui attri- buaient son passé, sa population, sa situation géographique au centre de la province, fut désignée comme la future capi- tale, et le siège du Parlement et de l’Université (1), de la Franche-Comté. (1) « La diète de Ratisbonne stipulait que le protectorat de Besançon qui appartenait à l'Empire serait échangé contre la forteresse de Franken- dal que détenait l'Espagne. Pour la ville de Besançon, c'était la perte de son autonomie et l’annexion de son territoire à la Franche-Comté. Elle de- manda et obtint comme compensation un district de cent villages à ajou- ter à sa banlieue, une chambre de justice égale en autorité au Parlement de Dole, la promesse d’une université entretenue par le trésor royal d'Es- pagne. » (AUG. CASTAN, Besançon el ses environs, 1880). NOTE Avec l’extrême obligeance qu'il met toujours au service de ceux qui s'intéressent à la Franche-Comté, M. le capi- taine Louvot, de l'artillerie, a bien voulu relever abondam- ment, à notre intention, de précieux renseignements dans le dossier relatif à Frankenthal, aux archives de la Guerre. Grâce à ses recherches et à ses communications, nous pos- sédons toute l’histoire du siège de 1668 ; et nous ne sau- rions trop remercier de son concours, aussi zélé que com- pétent, notre compatriote et ami. I Note en tête de la table des matières du volume 828 de la Corres- pondance de Louvois : « Malgré la saison avancée et pluvieuse, la promptitude avec laquelle avait été mené le siège de Manheim et l'apparence que celui de Francandal ne tiendrait pas davan- tage, engagèrent Mgr le Dauphin, suivant les ordres du Roi, à finir la campagne par la soumission de cette dernière place aux ordres de Sa Majesté ; ce qui s’exécuta si heureusement et si diligemment que Francandal se rendit après 38 heures d’atta- que et une très médiocre perte. » IT De Chamlay à Louvois, 15 novembre 1688 : Après recon- naissance des abords de Francandal et dispositions prises pour placer les troupes destinées à faire le siège, « Monsieur de Duras envoya Mr le chevalier de Courcelles, des cuirassiers, parier au comte de Wittgensteim, gouverneur de la ville, pour faire en sorte de lui persuader de remettre la ville à Monseigneur. Il ne le persuada pas, comme cela devait être. Sa harangue ne laissa pourtant pas d'ouvrir les yeux aux bourgeois qui, la nuit der- ne pe nière, ont écrit à M. de Duras pour l’assurer qu’ils ne pren- draient pas les armes et qu’ils feraient tout ce qu’ils pourraient pour obliger le gouverneur et la garnison à capituler. Cette lettre a donné l’occasion de tenter une nouvelle négociation pour soutenir la bonne volonté des bourgeois ; mais elle a été aussi inutile que la première, et le gouverneur a persisté à dire qu'il voulait se défendre. On dit que la garnison est de 1,000 hommes. Il a donc tiré du canon depuis dix heures que Monseigneur est arrivé... » Je ne crois pas, vu la bonté médiocre de la place ({) et de la garnison, le peu d'expérience du gouverneur qui n’a jamais été à la guerre, que cette place dure plus de trois jours. Elle est fort grande, fort bien située et d’une très grande défense. Vu l'extrême inuülité dont elle est au Roi, je crois que l’on doit commencer à la-raser dès le lendemain de sa prise. » III De Vertillac à Louvois, 15 novembre : « Nous nous préparons à ouvrir la tranchée devant Francandal...….. Je me suis laissé persuader par les sentiments du public que le gouverneur n'attend pour capituler si ce n’est que nous lui ayons fait l’hon- neur d'ouvrir la tranchée et par dresser quelques batteries ; il aura contentement dans deux jours. » IV De Saint-Pouenge à Louvois, 16 novembre : « La tranchée a été ouverte le 16 novembre au soir. La ville ne tire pas et on est convaincu qu’elle se rendra aux premiers coups de canon que M. de Vauban, malgré cela, ne paraît pas pressé de tirer. » Monseigneur a vu défiler les travailleurs et monter la garde de tranchée... Mgr le Duc (2) et Mgr le prince de Conti ont de- mandé à servir de volontaires dans le régiment de Piémont qui (1) En raison de ce qui suit, on peut supposer que Chamlay voulait dire qu'on n’avait pas pris toutes les dispositions nécessaires pour soutenir un siège. (2) Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, né le 31 mars 1670, fils légitimé de Madame de Montespan. Er a monte aujourd’hui la tranchée... On n’a pu empêcher M. de Vauban, quelque ordre qu’on lui ait donné, d’aller à l'ouverture de la tranchée ; il a un zèle et une application si grande pour le service du Roi qu'il croit que s’il ne se donnait pas les soins et les peines qu’il prend, les ordres qu’il donne aux ingénieurs ne seraient pas exécutés aussi bien qu’il serait nécessaire pour diligenter la prise de cette place. Lorsque le Roi voudra qu’il n’aille pas aux tranchées, il n’a pas d'autre moyen de l’en em- pêcher que de ne l’y point faire venir. » v Le 17 novembre, Vauban rend compte à Louvois de la marche du siège avec de longs détails techniques. Il termine ainsi : « Monseigneur ne s’ennuie point du tout, et s’il ne tenait qu’à lui et à moi, nous ferions fort bien le siège de Coblentz. » VI De Saint-Pouenge à Louvois, 18 novembre : « Quatre heures après que le canon a tiré ce matin et qu’on eut jeté des bombes, le gouverneur de Francandal a demandé à capituler. M. de Caylus qui vous rendra cette lettre en porte la capitula- tion au Roi. « (Suivent des propositions pour la dislocation des troupes.) VII De Duras à Louvois, 19 novembre : « Le gouverneur fit battre la chamade hier matin vers les onze heures. Monseigneur lui a accordé une bonne capitulation et une pièce de canon en consi- dération de l'alliance qu’il a l'honneur d’avoir avec Madame(1), laquelle fut signée hier au soir, et en même temps nous fimes prendre possession d’une porte. La garnison sortira demain et sera conduite à Francfort par Mayence. .. » (1) Monsieur, Philippe duc d'Orléans, frère de Louis XIV, veuf d'Hen- riette d'Angleterre, avait épousé en 1771 Elisabeth-Charlotte, fille de Louis de Bavière, comte Palatin du Rhin, et de Charlotte de Hesse. À la cour on l’appelait Madame , l’histoire lui a conservé le nom de princesse Pala- tine. Ses lettres lui sont une sûre garantie contre l’oubli. Elles ne don- nent aucun renseignement intéressant sur Frankenthal. a D) VIII De Saint-Pouenge à Louvois, 19 novembre : « Le gouverneur n'est sorti qu'avec 250 soldats et 30 dragons à cheval, de 800 hommes que les officiers ont assuré qu’ils avaient lorsqu'ils ont été assiégés. Après que Monseigneur a vu cette garnison, il a assisté au Te Deum qu’on a chanté dans l’église des capu- cins qui sont à Francandal...….. » IX Etat des pertes du côté des assiégeants : Du 16 au 17 : Officiers blessés, 2 dont un à mort; sergents blessés, 2; soldats blessés, 10 ; soldats tués, 2. Du 17 au 18 : Officiers blessés, 4; soldats blessés, 14; un sol- dat tué. < X De Chamlay à Louvois, 20 novembre : « La garnison est sor- tie aujourd’hui vers deux heures après-midi; elle n’était com- posée que de 200 hommes de pied, de 30 dragons à cheval et de 18 ou 20 officiers ; le reste qui consistait du moins en 6 à 700 hommes, à ce que prétend le gouverneur, a déserté et a pris parti. J'espère que le reste ne passera pas le Rhin... » XI De la Grange à Louvois, 21 novembre : « La garnison de Francandal sortit hier au nombre de 225 hommes et 30 dragons, le surplus jusqu’au nombre de 800, a pris parti dans les Suisses (1) et dans les régiments de Rottembourg (2), Surbeck (3) et Zurlauben (4). XII Ordre du Dauphin à M. dela Frézelière (5) : « Francandal, 18 novembre 1688, Louis, Dauphin, ordonnons (1) Le célèbre régiment des gardes suisses. (2) Régiment français de cavalerie. (3 et 4) Régiments suisses d'infanterie, au service de la France. (5) Correspondance de Vauban, au Dépôt des fortifications. Er 56 — au Sieur Marquis de la Frézelière, lieutenant général des ar- mées du Roi, notre très honoré seigneur et père, et comman- dant l'artillerie de cette armée, de remettre incessamment au sieur de Vauban, aussi lieutenant général des armées du Roi, notre dit très honoré seigneur et père, et surintendant général des fortifications de France, quatre pièces de canon à son choix, du calibre à prendre dans les arsenaux de Manheim, de Heydelberg ou de Philisbourg, lesquelles pièces de canon nous lui accordons pour lui marquer l'estime particulière que nous faisons de son mérite singulier, et la satisfaction que nous avons des signalés services qu'il a rendus au Roi, notre dit très honoré seigneur et père, pendant cette campagne, dans l’armée qui était sous nos ordres en Allemagne. Fait double au camp devant Francandal. » Signé « Louis » et scellé. » XIII De la Goupillière à Louvois, 23 novembre : « Francandal est en bon état, à la réserve des désordres que les bombes ont fait, qui ont mis ie feu et consumé deux églises, un cloître, et la maison de ville, et 30 maisons de bourgeois, avec 4,000 mal- dres de blé brûlés. Il y a des casernes pour loger 1,000 à 1,200 hommes d'infanterie, des écuries pour cent chevaux, un bel hôpital et fort commode, un beau logement pour le gouverneur et un lieutenant de Roi, des greniers ; il s'y trouve 350 bour- geois où les troupes (1) sont logées. Francandal est une ville très propre à faire une bonne place de guerre... » XIV De Vauban à Louvois, 27 novembre : « Le siège de Francan- dal n’a pas été plutôt fini que l’hiver est venu faire sa résidence en ce pays de manière à nous faire bien souffrir et souffler dans nos doigts s’il nous avait trouvés dans la tranchée. Je partis le même jour pour Manheim...…. Comme vous ne m’avez pas fait de réponse sur les quatre canons dont j'ai eu l’honneur de vous (1) Troupes françaises entrées dans la place. ep a écrire, j’en ai pris à Manheim et à Heidelberg, et après m'être muni d’un bon ordre de Monseigneur qui me servira de titre, je les ai envoyés chez moi. » XV Extrait de la liste des contributions imposées aux pays alle- mands : Le 27 novembre : Ont été imposées sur les bailliages du Palatinat, des deux côtés du Rhin, les sommes ci-après : A La ville de Francandal..... 4,050 florins (1). XVI Le 13 décembre, de la Goupillière fait connaître q''il a réuni les entrepreneurs qui doivent procéder au rasement de Worms, Francandal et Oppenheim. Le %3 décembre, il indique pour Francandal : Bettin, maître du Loup de Metz, entrepreneur de la navigation de la Sarre, qui promet d’achever le rasement pour fin mars avec 1,000 travailleurs et pour 95 s. la toise cube ; il y a 33,800 toises cubes (2) à raser. — (1) Près de trois fois moins que Mansfeld n'avait exigé en 1621. (2) 250,251 mètres cubes, à 7mq4039 la toise cube. L'INDUSTRIE DU SEL Ce EN FRANCHE-COMTÉ AVANT LA CONQUÉTE FRANCAISE (SUITE) Par M. Max PRINET Séance du S mai 1897 CHAPITRE II LIBRE EXPLOITATION DES SALINES S 1 Nous avons vu à quelles époques on pouvait faire remon- ter historiquement l'exploitation de chacune de nos salines franc-comtoises. Mais quel à été leur sort à travers les âges ; de quels droits ont-elles été l’objet ; à qui ont-elles appartenu ? C’est ce que je vais essayer d’établir. Si lon veut étudier l’histoire de la propriété des saune- ries à une époque ancienne du Moyen Age (1), il faut distin- (1) On à beaucoup discuté sur le point de savoir dans quelle mesure la propriété et l’exploitation des sources salées avaient été considérées, dans l'antiquité et dans le haut moyen âge, comme droits régaliens. N’ayant roncontré aucun document qui pût contribuer à la solution de ce pro- blème, je n’en reprendrai pas ici la discussion. Voir les diverses hypothèses qui ont été émises à ce sujet, dans les ou- vrages suivants : Ad. Arndt : Zur Geschichle und Theorie des Bergregals und der Bergbaufreiheit, 1879, in-8°. Bœhlau : De regalium notione et de salinarum jure regali, 1855, in-4°. Brunner : Deutsche Rechtsgeschichte, t. II, p. 75. Cagnat : Etude historique sur les impôts indirects chez les Romains. Clamageran : Histoire de l’impôt en France, t.1, p. 7. Max Cohn : Zum rœmischen Vereinsrecht, 1875, in-8°. Inama-Sternegg: Zur Verfassungsgeschichte der deutschen Salinen, dans les Si: ungsberichte der kaiserl. Akademie der Wissenschaften, de Vienne, t. CXI, p. 569. Inama-Sternegg : Wirthschaftsgeschischte, p. 426. Lanciani : 11 « Campus salinarum Romanarum, » dans le Bollettino della Commissione archeol. di Roma, 1888, p. 85. Mennessier : De la ferme des impôts et des sociétés vecligaliennes, 1888, in-8°. D pou guer entre la propriété des puits, des sources salées elles- mêmes, d’une part, et celle des établissements destinés à la confection du sel, d'autre part. Les propriétaires d’une source salée ont nécessairement construit auprès d'elle, pour en ürer part, des bâtiments industriels servant d’abri aux divers engins de fabrication. Mais ils ont aussi concédé à nombre d’églises et de particuliers l'autorisation d’élever au- tour du puits des constructions analogues, en leur oc- troyant le droit de puiser une certaine quantité de muire. Il nous est resté maintes chartes portant de semblables donations. Aïnsi, de très bonne heure, les puits se sont trouvés environnés de très petites usines, appelées meix ou bernes, qui pouvaient appartenir à d’autres propriétaires que les sources elles mêmes. Par exemple, à Grozon, tandis que le prince était seul propriétaire du puits, les abbayes voisines de Rosières, de Balerne, etc., avaient des bernes situées auprès de ce puits et dans l’enceinte même qui protégeait l’ensemble des salines. [l en a été de même à la Grande-Saunerie de Salins, à Lons-le-Saunier, à Saulnot, à Scey et partout, sauf, peut-être, dans le comté de la Roche, où le peu d'importance des sources ne permettait guère l’établissement de plusieurs bâtiments. et au Puits-à-Muire de Salins, où les propriétaires des diverses bernes étaient en même temps co-propriétaires de la source. J'étudierai donc ici, séparément, d’abord l’histoire de la propriété des sources salées et ensuite l’histoire de celle des bernes. On ne peut entrer dans l’étude du sort des sources de Sa-. [l Mommsen et Marquardt : Manuel des antiquités romaines, t. X. De l’organisation financière chez les Romains. (Trad. Vigié.) Parieu : Traité des impôts, t. IL, p. 97. Schleiden : Das Salz. Shræœder : Franken und ihr Recht, p. 80. Waitz : Deutsche Verfassungsgeschichte (1878), t. VILLE, p. 272. LAN lins sans établir d’abord leur identité, que certains auteurs ont parfois méconnue. Leur erreur sur ce point provient d’une connaissance incomplète de l’ancienne topographie de la ville de Salins. Tous les érudits qui se sont occupés de l’histoire de cette ville ont admis avec raison qu’elle se divi- sait au Moyen Age en deux bourgs : le Bourg-Dessus et le Bourg-Dessous. Mais quelques modernes ont eu l’idée malen- contreuse d’intercaler, entre ces deux portions de la ville, un troisième bourg, le Bourg-Commun (1), qui n’a jamais existé. Le nom de Bourg-Commun, que l’on rencontre, en effet, dans les chartes, n’est qu’une autre appellation de ce que lon nommait ordinairement le Bourg-Dessus ou le Bourg- le-Sire. Lorsque Jean de Chalon eut laissé à ses enfants, en indivis, cette partie de Salins, elle devint le « Bourg commun aux héritiers de Jean de Chalon. » Dans une cer- taine quantité de chartes de la fin du x1rIe et du xIv siècles, la Grande-Saunerie de Salins est dite située dans le Bourg commun ou communal (2). Or, il est bien certain que cette (1) Perrin : Notes hist. sur les villes du Jura, pp. 163, 164; Béchet : Rech. Mist. sur) Salins, t.L, p. 66, t. Il, p. 63. (2) En juillet 1262, Guillaume Millet et sa femme donnent à l’église Saint-Anatoile de Salins, leur maison sise au bourg franc du sire de Sa- lins, devant la saunerie : « domum nostram sitam in Burgo libero domini salinensis, ante saneriam. » (Cartulaire de Saint-Anatoiïle, Bib. de Besan- çon, n° provisoire 906, f° 20.) Le 23 novembre 1279, un acte est passé sous le sceau « Theobaldi, tune temporis prepositi salinensis, Burgi heredum Johannis, quondam comilis Burgundie. » (Ibid., f° 13.) Le 30 décembre 1282, Otton, chanoine de Saint-Anatoile, et Isabelle, sa sœur, donnent au même chapitre 4% sous de rente annuelle, payables sur leurs revenus « minutorum censuum dietorum Nigridolorum, in sala- ria salinens', Burgi heredum comitis quondam Burgundie et domini sali- nensis ». (Ibid,, f° 23.) Le 93 juin 1283, Hugues Châtelain, chanoine de Saint-Anatoile, vend au chapitre de cette église 16 sous de rente annuelle : « supra medietatem cujusdam quarterii de manso de la Chaudereie, quam nunce tenet domi- nus Bauduinus dictus Engarranz, miles salinensis, et supra totam partem suam dicti mansi, siti Salinis, in Burgo heredum nobilis viri Johannis pi usine a toujours été enclavée dans le Bourg-Dessus. Il ne faut donc considérer la ville de Salins que comme divisée en deux bourgs : le Bourg-Dessus, que l’on a appelé aussi Bourg-le-Sire et Bourg commun ou communal, d’une part; le Bourg-Dessous, dit aussi Bourg-le-Comte, d'autre part. L'espace compris entre eux ne formait pas un troi- sième bourg (L). Dans chacun des deux bourgs se trouvait une saline : la Grande-Saunerie dans le Bourg-Dessus, le Puits-à-Muire dans le Bourg-Dessous. | quondam comitis Burgundie et domini Salinarum. » (Ibid., f° 10, vo.) En février 1289-90, Guillaume, abbé de Buillon, donne à Jean de Cha- lon, seigneur d’Arlay, ses droits sur le val de Migette en échange de 20 liv. de rente, « super redditus suos salnerie salinensis, Burgi commu- nis. » (B. N., Moreau, 890, f 62.) En 1314, Jean de Chalon, seigneur d’Arlay. donne à l’hôpital du Saint- Esprit de Besançon 10 liv. de rente « sus ses rentes de la salnerie de Sa- lins ou pois qui est ou Bourt communal des seignours. » (B. N., Mo- reau, 890, fe 116, ve.) Le 20 mars 1363-4, Hugues de Chalon, seigneur d’Arlay, vend « es sei- gneur communal de la salnerie de Salins, » une maison dite la Salle des seigneurs de Chalon « seant ou Bourg communal de Salins. » (Arch. du Doubs, B 938.) — Béchet y a voulu voir les rentiers de la Chauderette de Rosières (Rech. hist. sur Salins t. I, pp. XLIV-XLv.) En 1298, au 18 février, l’obituaire de Saint-Anatoile enregistre le décès de Guillaume Rougete qui a fait don à cette église d'un cens sur € domum que fuit Yolens dicte Guieguete, sitam in Burgo communi, juxta Salne- riam. » (Bib. Besançon, n° provisoire 1195, f° 26.) On lit dans un Rentier de l’église de Besançon quine porte pas de date, mais doit être du xive siècle : « C’est ce que l’on doit chascun an aud. chapitre de Besançon ou Bourc communal franc de Salins, en la grant Sal- nerie et en la grant Chauderate doudit Bourg. » (B. N., Moreau 864, f° 515.) (1) L'union des deax bourgs en une seule ville remonte à 1480 ; il n'est pas surprenant que la mémoire exacte de leurs limites se soit perdue. — Par esprit de systême, on a voulu qu’il y ait eu trois bourgs comme trois sauneries et trois puits. [Il y avait un puits et une saline au Bourg- Dessous, on a voulu qu’il y eût de même un puits et une saline au Bourg- Dessus (le Puits-d’Amont et la Grande-Saunerie). Restaient un puits, le Puits-à-Grés, et une saline, la Chauderette de Rosières : on a créé, pour les loger, un troisième bourg, le Bourg communal, enlevant ainsi le Puits- à-Grés à la Grande-Saunerie et la Chauderette au Bourg-Dessus. da dre id age PE dd ré Et er olto pd ele Re ropsice vel nsié dns pue RTS fo Nous avons vu que, bien que la donation de Sigismond en faveur du monastère d'Agaune ne puisse se prouver par le titre bizarre qui nous en reste, il n’en est pas moins certain que l’abbaye de Saint-Maurice en Valais a eu un droit de suzeraineté sur le château de Bracon et ses dépendances, c'est-à-dire le Bourg-Dessus de Salins. Les hommages qu’en ont fait les sires de Salins aux abbés d’Agaune ne permettent pas de doute à cet égard. Le fondement de cette vassalité a été cherché dans l’acte par lequel Ménier, prévôt de ce monastère, transféra la propriété de Bracon et de ses dépen- dances à Aubry et à ses fils, pour la durée de leurs vies (1). Mais cet acte n’est pas une « mféodation », comme on Pa dit; c’est une charte de précaire, dont l’effet est limité à deux générations et qui n’explique pas la transmission de Bracon entre les mains de tant de seigneurs successifs. [Il faut, ou que les sires de Salins aient abusé de la concession temporaire qui leur avait été faite, pour se rendre maitres héréditaires dela seigneurie, ou qu’un autre traité soit intervenu entre l’abbaye de Saint-Maurice et la maison de Salins. _ Quant à la seigneurie du Bourg-Dessous, son origine est encore plus obscure. Les systèmes mis en avant pour en expliquer la possession par les comtes de Bourgogne, que l’on constate au x1° siècle, ne reposent que sur des hypo- thèses généalogiques (2). Il est impossible de déterminer à laquelle des deux salines se rapportent les textes les plus anciens qui men- tionnent l'exploitation du sel à Salins. Ceux que nous avons passés en revue sont insuffisamment explicites. Il en sera de (1) Cette charte, publiée par Guillaume (Hist. de Salins.t. I, pr. p. 9) et datée par lui et par D. Monnier (Ann. du Jura, 1860, p, 200) de 9#1, est placée par Rousset à l’année 943. (A. Rousset : ist. de Salins, Ann. du Jura, 1850, p. 155.) (2) En particulier sur la généalogie des fils d'Aubry, qui est assez mal connue. LE BD — même des chartes et des chroniques jusque vers le com- mencement du x11e siècle. Au début du xI° siècle, nous voyons les princes 'octroyer aux établissements religieux divers avantages sur les salines de Salins. Le monastère de Saint-Bénigne reçut du comte de Bourgogne, Oite-Guillaume, l’emplacemeut d’une chaudière à Salins (1 ; il acquit, plus tard, une seconde chaudière de la veuve et du fils de ce prince, à ce que nous apprend le chro- niqueur de Saint-Bénigne (2). Le père de cet auteur lui-même donna à cette abbaye un autre meix, vers l’an 4026. Le roi de Bourgogne, Rodolphe IIT, par un diplôme du 43 juillet 1026, confirme les donations du comte Otte-Guillaume et de son fils Renaud, faites, au profit de Saint-Bénigne, sur les salines de Salins (3). En 1029, le même souverain approuve la dotation du chapitre de Saint-Anatoile, fondé par Hugues de Salins, et, dans l’énumération des biens qui ont été attri- bués aux chanoines, il mentionne une chaudière de fer et son emplacement (4). En 1037, le comte Renaud de Bourgo- gne donne à l’abbaye de Flavigny une berne sise à Salins (5)... Le 11 juillet 1049, l’empereur Henri IT mentionne quatre chaudières situées à Salins, dans la confirmation qu'il fait des biens de l'Eglise de Besançon (6). Dans un diplôme du même prince en faveur de l’abbaye de Saint-Paul de Besançon, figu- rent également deux chaudières (7); une autre chaudière à (4) Spicil. Acher., t. IL, p. 387. — Rien ne prouve que cette chaudière ait été située au Puits-à-Muire, comme l’affirme Béchet. (Rech. hist., LIT p.14) | (2) Chronique de Saint-Bénigne, éd. Bougaud-Garnier, pp.162, 198, 191. (3) D. Bouquet : t. XI, pp. 549, 550. — Béchet : t. I, p. 74. (4) D. Monnier (Ann. du Jura, pp. 279-271) : « privilegium unius cal- dariæ ferreæ cum situ sessionis propriæ. » — Béchet, t. II, p. 82. (5) Chifflet : Béatrix de Chalon, p. 208. (6) Dunod : Égl. de Besançon, t. I, preuves, p. 42. — Stumpf : Die Reichskanzler, t. II, p. 195. — Chifflet, : Hist. de Tournus, p. 363. — Acta Sanct. I Junii, p. 693. (7) Dunod : Égl. de Besançon, t. I, pr., p. 52. — Stumpf : Die Reichs- kanzler, t. II, p. 188. | bit hil-)cu dde et sn pie ii) dd nd: rit Eee |} we m x on) " 1 L «se LA È k à à à à &, LA 24 pt dE re MN Se A CARS D ES nd dé nié 15 — 67 — Salins se trouve citée dans une bulle de Calixte IT mention- nant les possessions de l’église Saint-Jean de Besançon (1). Mais 1l ne se peut reconnaitre à laquelle des usines sali- noises on doit attribuer chacune de ces mentions. Il est, cependant, certain que l'exploitation simultanée de la Saunerie et du Puits-à-Muire remonte à une époque ancienne (2). Sans doute, elle est bien antérieure à la pre- mière mention que nous ayons de cette coexistence, et qui paraît se trouver dans une charte de 1115, par laquelle le comte de Bourgogne, Renaud, confirme les donations faites par ses ancêtres au prieuré de Vaux-sur-Poligny &). Il y dé- nomme deux « miches », c’est-à-dire deux petites usines destinées à la fabrication du sel, existant à Salins, l’un dans le Bourg qui lui appartüent et l’autre dans le Bourg de Gau- cher de Salins. L’impératrice Béatrix de Bourgogne faisant une confirmation analogue, en 1183, reproduit les mêmes termes (4). À laquelle des deux salines faut-il attribuer chacune des dénominations contenues dans ces chartes ? [1 semble bien que le bourg que le comte Renaud appelle « Burgus meus », est le Bourg-Dessous, et le puits qui y est contenu, le Puits- à-Muire, tandis que le « Burgus Domini Gualcherii de Sali- nis » paraït être le Bourg-Dessus, le Bourg-le-Sire et la sa- line qui s’y trouve doit être la Grande-Saunerie. Mais si l'identité est ici reconnaissable, il n’en va pas de (1) Dunod : Égl. de Besançon, t. I, pr., p. 61. — P. F. Chifflet, Hist. de Tournus, pr., p. 380. — En 1067, une autre confirmation des biens de Saint-Paul mentionne : « apud Salinas. caldarias duas. » 'Stumpf : Die Reichskanzler, t. IT, p. 76.) (2) On ne peut toutefois inférer cette pluralité des sauneries du pluriel Salinæ employé pour désigner la ville de Salins dès l’époque la plus an- cienne. V. contra Béchet : t. I, p. 52. (3) Chevalier : Mém. hist. de Poligny, t.1, p. 318. « In Salinis..., in ea- dem villa, duos micos cum muria sua : unum in burgo meo, qui est retro puteu:n, et alium in burgo domini Gualcherii de Salinis. » (4) Chevalier : Mém, hist. sur Poligny, t. I, p. 327. 0 même pour tous les textes qui mentionnent l’une ou l’autre des salines. Ce qui rend extrêmement difficile la distinction entre les deux sauneries dans les documents anciens, c’est non seulement le peu de précision des chartes, mais encore ce fait que les mêmes personnages avaient à la fois des droits sur l’une et l’autre des salines de Salins. Parfois, les noms des bernes peuvent fournir un eriterium; mais, outre qu’elles ne sont pas toujours mentionnées, il se présente encore cette difficulté que nous ne connaissons pas toutes celles de chacune des salines. On a pensé, non sans quelque raison, que le Puits-à-Muire avait dû être le plus anciennement utilisé. Il est, en effet, probable que s’il a reçu un nom exempt de toute épithète distinctive, ce n’est que parce qu'il était jadis le seul puits à muire du pays (1). Les autres, ceux de la Grande-Saunerie, ont été appelés Puits-d’Amont, Puits-d’Aval, Grand-Puits, Puits-à-Grés, pour les distinguer du puits ancien, préalable- ment existant, le Puits-à-Muire. Mais cette raison est la seule que l’on puisse faire valoir pour établir l’antériorité d’une des salines sur l’autre. Quant aux dates, nous ne savons . rien. Deux puits salés seulement existaient à Salins au temps de Guillaume le Breton, si nous en croyons un passage de sa Philippide (2). Aucun doute que les deux puits doni parle ce poète n'aient été le Puits-à-Muire et le Puits-d’Amont de la Grande-Saunerie. En effet, le Puits-d’Amont ou Grand- Puits de la Saunerie est le plus ancien de ceux de cette usine. Une charte de Jean de Chalon, de l’an 1248, l'appelle «son plus grand et ancien puits (8) ». Cette charte nous fait connaître en même temps que, au moment de sa ré- (1) Gollut. (2) Livre X, vers 511-514, éd. de M. H.-F. Delaborde, t. II, p. 303. (3) Charte en faveur de l’abbaye d’Aulps (de Alpibus). M. Béchet, qui a connu cet acte, traduit « de Alpibus » par « une abbaye des Alpes ». (TT, f° 58.) (V. Cartulaire de Jean de Chalon, n° 166.) . Re RGO cs daction, il existait dans la saunerie du comte Jean un se- cond puits. C’est ce dernier que l’on a appelé le Puits-à- Grés. Ce serait donc entre la date de la rédaction de la Phi- lippide (1224 environ) et l’année 1248 qu’il faudrait placer la création du puits que l’on a appelé « à Grés », proba- blement à cause des marches d'escalier qui y conduisaient (1). Dans un hommage que Jean, seigneur de Trichâtel, rend à Jean de Chalon, en avril 1952 (2), il est question de la rente de 60 livres estevenans que le sire de Trichâtel a reçue du comte Jean « es rentes de ses poys de Salins 6) » ; de même, en 1281, le comte Otton assigne une rente au couvent de Ci- teaux « an nostre partie et an nostre droit des puis de la sanerie de Salins (4. À ces dates, il est donc certain que la Saunerie renfermait déjà plusieurs puits. ie En revanche, il faut se garder de conclure du fait que la Saunerie n’est désignée que par le singulier « Puteus » ou « le Puits », qu’elle ne comprenait qu’un seul puits au mo- ment où se rencontre cette expression. On la trouve, en effet, mentionnée de cette façon au x1v° siècle (5), c’est-à- dire à une époque où, sans aucun doute, ses deux puits existaient côte à côte. En ce cas, le mot puits est synonyme de saline. Ouire le nom de Puits du Bourg-le-Sire, qui a été conservé longtemps, on voit la saline de Bourg-Dessus recevoir le nom de Saunerie, sans adjonction de déterminatif, dès le milieu du xuxe siècle. En 1240, il est question du « poys de (1) L’enquête de 1448 sur la source de Tourmont l’appellé « Puis à de- grez ». (Arch. Côte-d'Or, B 11199.) Un mémoire du xvrr siècle affirme qu'il était appelé Puits-à-Grés, € propter gradus ». (2) Guillaume : Salins, [, pr., p. 154. (3) Une charte des comtes Hugues et Alix, de janvier 1264-5, men- tionne le « sel des puis de Salins nostre dit père. » (B. N. Moreau, 890, fc 120, vo.) (4) Bibliothèque de Besançon. Cartulaire de Citeaux. | (5) En 1314, dans une charte de Jean de Chalon-Arlay pour le Saint-[s- prit de Besançon, (B. N. Moreau 890, fo 116, vo.) Del | la salnerie de Salins ; nous avons vu qu’en 1281, le comte Otion parlait des « rentes des puis de la sanerie de Sa- lins (1) ». Dès le commencement du xIv® siècle, on la nom- mait aussi la Grande-Saunerie (2). La propriété de cette saline suivit le sort de celle du chà- teau de Bracon, dont elle dépendait. Les sires de Salins en restèrent possesseurs, sous la suzeraineté de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, jusqu'à l'extinction de leur race. Maurette de Salins, héritière de la branche aînée de sa maison, porta la seigneurie dans la famille de Vienne, par son mariage avec le comte Girard de Vienne. Son fils Gau- cher, qui porta le nom de Salins, — la tint ensuite, et, après lui, Marguerite, sa fille, mariée en premières noces à Guillaume de Sabran, comte de Forcalquier, et en secondes noces à Josserand le Gros, sire de Brancion 6). Josserand de Brancion céda Salins au duc Hugues de Bourgogne (), qui ne le garda pas longtemps. Dès le 15 juin 1937, il l’abandonna à Jean de Bourgogne, comte de Chalon, en échange du comté de Chalon et de la terre d’Auxonne 6). Les héritiers de la bran- che cadette de la maison de Salins, Gaucher de Commercy et ses enfants, consentirent à cette aliénation que ratfièrent (1) Bibl. de Besancon : Cartulaire de Jean de Chalon, n° 48. — Guil- laume : Hist. de Salins, t. I, Preuves, p. 132. — En 1275 « Polliana quondam filia Renaudi dicti Nerduel, burgensis salinensis, > vend à l’ab- baye de Goaille cinq sous de rente sur sa part « de redditibus dictis es Nerduel, in minutis censibus, in salneria salinensi. » (Bibl. de Besançon, fonds Goaille non classé, original.) (2 Jeudi après Oculi (6 mars) 1303-4, Ottou Girard, chanoine de Saint- Anatoile, donne à l’abbaye de Goaille trente sols de rente annuelle que, dit-il, « assignavi et assigno annuatim percipere super sale et minutis censibus quos habeo, habere possum aut debeo, in majori salneria sali- nensi. » (Bib. Besançon, fonds Goaille, non classé.) (3) Pour ces transmissions, v. Guillaume, Hist. de Salins, t. I. passim, Béchet, Dunod. (4) Guillaume, t. I, preuves, p. 102. —— V. Béchet : Rech. sur Salins td p'eldi0s (5) Em. Phil. de Rymon : Traicté des Pays et t‘omté de Charrollois, fo 52. — Béatrix de Chalon. p. 50. — TT — aussi Jacques de Brancion et Marguerite de Salins, en juin 19239 (1). Le fils issu du mariage de Marguerite avec le comte de Forcalquier, Guillaume de Sabran, vendit également, en octobre 1240, ses droits sur la baronnie de Salins et ses dépendances, au comte Jean de Chalon @). De cette façon, la maison de Bourgogne-Chalon devint maîtresse du Bourg- Dessus de Salins et de la Grande-Saunerie, qui ne devaient être arrachés des mains de ses descendants que par la con- quête de Louis XIV. Jean de Chalon, qui paraît avoir attaché une grande im- portance au gouvernement de ses salines, a voulu que ce trésor profitât à tous ses fils. De chacun de ses trois ma- riages avec Mahaut de Bourgogne, [sabelle de Courtenay et Laure de Commercy, étaient issus des enfants mâles : du pre- mier, était né Hugues de Chalon ; du second, Jean, Etienne et Perrin, et du troisième, un autre Jean et un second Hugues qui fut d'église et devint, par la suite, archevêque de Besançon. Le comte Jean paraît avoir subi successive- ment les influences les plus diverses dans la rédaction des différents partages qu'il fit entre ses fils et dont nous avons encore les textes (3). Tantôt il avantage les fils de sa troi- sième femme, tantôt il augmente la part de l'aîné de ses en- fants. Ces fluctuations sont le reflet des dissensions que nous savons avoir existé au sein de la famille de Chalon. En outre, les dots qu’il relâächait à ses filles lors de leurs ma- riages, le forçaient à revenir sur ses anciennes décisions, pour rétablir, dans le partage de ses biens, la proportion qu'il jugeait devoir exister entre les parts de chacun. C'est pour ces raisons que le premier partage, daté du 2 janvier 4960-1, fut suivi d’un autre le 142 avril 1262-3, et celui-ci, mo- difié par des clauses additionnelles le 11 septembre 1265, en (4) Guillaume : Hist. de Salins, t. I, pr., p. 110. (2) Bib. Nat. Moreau 889, f° 406, v°. (3) Guillaume : Hist. de Salins, t. 1, pr., pp. 179ets. Do — janvier 1263-24 et le 21 décembre 1266 (1). Hugues de Chalon, qui état devenu comte palatin de Bourgogne par son ma- riage avec Alix de Méranie, fille du comte Otton IIE, mourut avant son père, laissant pour héritier son fils, le comte Otton IV. À la mort de Jean de Chalon, le 30 septembre 1267, le partage de ses biens s’opéra suivant les dispositions prises de son vivant. Le comte Otiton, représentant son père Hugues, eut Bracon, le tiers de Salins et la suzeraineté sur les parts de ses cohéritiers ; Jean, Perrin et Etienne eurent un second tiers avec le château de Châtel-Belin ; Jean, sei- gneur d’Arlay, le troisième tiers avec Châtel-Guyon. Perrin de Chalon, dit le Bouvier, mourut le 20 janvier 1272 et sa succession se divisa entre ses deux frères germains Jean et Etienne. Ainsi prirent naissance les droits des « Parçonniers » de la Grande-Saunerie. Quant à la saline dite du Puits-à-Muire, les documents qui me semblent la désigner clairement ne remontent pas au- dela du commencement du x1r siècle. Les historiens de Salins ont voulu que les donations de chaudières sises à Salins faites au profit de diverses abbayes par les premiers comtes de Bourgogne, Otte-Guillaume (2), Renaud I, etc., alent été établies sur l’usine du Bourg-Dessous. C’est une opinion probable, car ilne paraît pas que nos anciens comtes aient eu des droits sur d’autres puits que.celui qui s’est ap- pelé le Puits du Bourg-le-Comte (). Mais rien ne le prouve absolument. (1, Guillaume : Hist. de Salins, t. F, pr. pp. 1729 ets. (2) Béchet (t. I, p. 75) dit: « Otton avait gratifié les religieux de Saint- Bénigne d’une place dans les salines du Bourg-le-Comte et d’une chaudière pour y fabriquer le sel à leur usage. » Or, le texte de la chronique de Saint-Bénigne porte seulement : « In Salinis burgo sedem unius caldarie, » sans plus ample désignation. Spicil., t. Il, p. 387.) (3: Les comtes de Bourgogne, tout en n'ayant jamais été propriétaires de la saline du Bourg-Dessus, ont pu y acquérir des bernes, des rentes, dont ils auraient ensuite disposé à leur gré. no — L'identification avec le Puits-à-Muire parait vraisemblable quand le comte déclare formellement qu’il s’agit d'un puits lui appartenant. C’est ce que l’on trouve pour ia première fois dans une donation faite par Guillaume, comte de Bour- gogne, du consentement de ses fils Renaud et Raymond, au profit de l’abbaye de Cluny (1). Cette charte est sans date, mais, étant souscrite par Hugues de Bourgogne, archevêque de Besançon, doit être attribuée à une époque limitée entre 1085, année de l’élection de Hugues au siège archiépiscopal. et le 11 novembre 1087, jour de la mort du comte Guillaume. La charte du comte Renaud, donnée en 1115 en faveur du Prieuré de Vaux-sur-Poligny (2), indique clairement, pour la première fois, le Puits-à-Muire dans la mention qu'elle fait d’un « miche » que le comte déclare situé dans son bourg, derrière le Puits. Dès lors nous voyons le Bourg-Dessous appelé Bourg-le-Comte, et Bourg-lEmpereur, quand Île comté était possédé par Frédéric Barberousse G), Quant au puits, 1l reçoit les noms de « Puits du Bourg le Comte, Puits du Bourg Madame la Comtesse » et autres analogues. L’ex- pression « Puits du Comte de Bourgogne » est tout à fait ex- ceptionnelle (4). l Jusqu'à la fin du xiv° siècle, ce sont les mêmes expressions que l’on rencontre. A partir du commencement du xv* siècle, lPexpression de « Puits du Bourg-Dessous » domine. Celle de Puits-à-Muire ne se rencontre pas dans les chartes avant (1) Chartes de Cluny, t. IV. p. 777 : « Dono etiam aquam salsam de puteo meo ad unam caldariam. » (2) Chevalier : Mém. hist. sur Poligny, t: I, p. 318. (3) Guichenon (Bibliotheca sebusiana. Cent. 1. cap 2): « In Burgo vide- licet Imiperatoris. » — En 13745, il est dit le « Bourg Madame la comtesse de Bourgogne, appellez le Bourg-Dessoubz de Salins. » (Jugement rendu par le prévôt du Bourg-Dessous, le lundi après Reminiscere 1574-5. B. N. Joursanvault 85, f° 5.) (4) Elle se rencontre dans le Nécrologe de Besançon (B. N. Moreau 864.) et dans un document du Cartulaire de Saint-Anatoile. (Bib. Besançon, n° provisoire 906, f° G.) Nr cette même époque, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas été employée auparavant dans le langage courant. Quant au nom de « Petite Saline ». il est tout moderne Si ce puits à Jamais appartenu directement aux seigneurs du bourg où il se trouvait, comme semblent l'indiquer les ex- pressions dont sont se servis, pour le désigner, les premiers comtes de Bourgogne, il est certain qu'il a passé en d’autres mains. Les seigneurs du Bourg-Dessus de Salins y ont eu, à coup sûr, des droits importants. Ainsi, je uouve, dans le diplôme de Guillaume de Bourgogne dont J'ai parlé plus haut, et qui date de 1085 à 1087, mention du droit qu'y possédait le sire de Salins, alors vivant, Gaucher (1). Plus tard, les sei- gneurs de Salins y paraissent comme co-propriétaires avec une quantité de personnes tant d'église que laïques, tant nobles que roturières, que l’on appelle les Rentiers du Puits- à-Muire. Comment ces particuliers ont-ils acquis le Puits-à-Muire ? C’est une question qu'ont agitée tous les historiens qui se sont intéressés à nos salines, et que nul d’entre eux n’est arrivé à résoudre. Ils n’ont pu que se livrer à des hypo- thèses. On a pensé qu’un certain nombre d'habitants de Salins s'étaient associés, à une époque fort ancienne, pour tirer parti de sources découvertes au Bourg-Dessous, et avaient été les auteurs de ces nombreux co-propriétaires C). Cette (1) Guillaume : Hist. de Salins, t. I, pp.%ets. (2) Mémoire du Parlement de Dole 1645): « Quand au Puys-à-Muyrs, qui est dans un autre bourg dud Salins, appelé le Bourg-Dessoubs, il se recognoit par les anciens titres que ce bourg qui appartenoit d'ancienneté à d’autres particuliers seigneurs de la maison de Salins, mesme à un comte Girard et Vauchier son fils, fut acquis par Madame Alix et ses successeurs souverains dud. eomté, et quoy qu’on ne sache pas certainement l’origine dud. puys, on trouve par des Mémoire anciennes que certains marchands et banquiers italiens en entreprindre la découverte et la recherche des sources, à quoy contribuèrent plusieurs seigneurs, prélats, ecclésiastiques et séculiers qui eurent part au proffit à mesure des deniers qu’ils avoient PE RM T EE SEE OLA TRS AT 7 DE mn? + NOIR ARR PE Le 0 PE DE Aie de ten PT) T0" CR DE. Le Re supposition est admissible ; d’autres le seraient également, On pourrait, par exemple, supposer tous les Rentiers issus, ou ayant droit d’un unique propriétaire primitif. Ce serait un pendant de ce qui s’est passé à la Grande-Saunerie, à partir du xir° siècle. Tout cela n’est qu'hypothèses. Ce qui semble les combattre, c'est l'appellation même des portions de muire distribuées entre les Renters. L'unité se nomme « seille'1)» (celour ou soillot, selon les époques). Or, la seille était, dans le Comté de Bourgogne, une mesure fixe d’eau salée. C’est à ce titre qu’elle était en usage à Lons-le-Saunier et à Salins même. Cette constatation me porte à penser que les Rentiers ne sont devenus co-propriétaires par indivis de leur Puits, qu’a- près avoir été les simples crédi-rentiers d’un revenu fixe, payable en muire. On pourruit supposer que, d'abord créanciers de rentes de valeur déterminée assises sur le Puits-à-Muire, ils se sont, ensuite, entendus avec leur débiteur, et ont convenu avec lui qu'ils tireraient tous, en commun, tout le profit possible du Puits et en répartiraient entre eux le bénéfice au pro-rata de leurs anciens droits. Les droits du propriétaire du Puits au- raient été changés en parts de co-propriété. Les Rentiers d’obligataires se seraient transformés en actionnaires. Il à pu se faire que, en certaines circonstances, il ait été de l’intérêt même du propriétaire d'accéder à un semblable traité (2). Quelle qu’ait été l’origine de leurs droits de co-propriété, il faut admettre, ce me semble, que, les Rentiers primitifs ont aliéné, à un titre quelconque, certains droits sur le Puits à des étrangers. Non seulement ils ont vendu, échangé, cédé contribué, à raison de quoy led. puys fut réparty en quatre cent vingt quartiers ou peu moins. (B. N. Moreau 912, f° 104, v°.) (1) La seille était le 30° du quartier et le 120 du meix. (2) On pourrait, peut-être, supposer aussi qu'il y avait là une trace de propriété collective primitive, et admettre que les Rentiers ne furent que les héritiers des anciens habitants du pays. — 0 — leurs actions, mais, pour employer un langage tout moderne, is ont dû faire de nouvelles émissions. Je constate, en effet, que le nom qui indique au Puits-à- Muire la plus haute fraction de propriété, — le meix (D), — ne désigne pas autre chose qu’une berne, c’est-à-dire la pe- te usine où se fabrique le sel. Ainsi, le meix est une ancienne usine dépendant du Puits-à-Muire, ou le droit correspondant à une berne distincte. Mais ces meix étaient au 2aombre d’au- moins une centaine (2). [l est bien peu admissible que la source du Bourg-Dessous ait jamais été entourée d’un pareil nombre d’édifices séparés, destinés à la fabrication du sel. Ne vaut-il pas mieux penser que, d’un commun accord, les Rentiers ont pu accorder, à titre gratuit ou à titre onéreux, sur les muires du Puits, à des personnes jusque-là étran- gères à leur Société, une part égale à celle que percevait l’un d’eux pour le droit de tel meix dont il était propriétaire (3, — meix peut-être déjà disparu matériellement, en tant que cons- truction”? Ilest bien certain que par rapport à la grande quan- tité de meix entre lesquels se partageait la muire du Puits au xv° siècle, il n'existait qu'un nombre fort restreint de bernes réelles à la saline du Bourg-Dessous, — une dizaine seulement (), — et leur nombre est toujours allé, depuis, en diminuant (5). (1) Le meix était composé de quatre quartiers, et le quartier de trente seilles, sauf quelques exceptions insignifiantes. Toute la muire du puits était répartie en 418 quartiers 20 seilles, ce qui fait quelque 104 meix, (Mémoires sur les procès entre le duc et les rentiers, de 1424-1448. Arch. du Jura, À 20.) (2) Voir la note précédente. (3, En 1196, Gaucher de Salins donnant un demi-meix à l’abbaye de Ro- sières le désigne de cette façon : Ç«tantum de muria quantum medietas unius mansi refundere consuevit. » (Guillaume, t. [, p, 86. — Béatrix de Chalon, p. 157). (4) Archives du Doubs, B 271. — Vers 1443, Mémoire pour les rentiers du Puits-ä-Muire : « li aucuns desd. quartiers sont fournis de meix el de berne, parquoy valent mieux et sont plus chers. » (Arch. du Jura, À 20.) (5) En 12929, les Meix de Saint-Maurice et de Voiteur étaient encore Ces bernes appartenaient à certains Rentiers, dont quel- ques-uns étaient en même temps Moutiers, c'est à dire amo- diateurs de parts de muire appartenant à d’autres. Ceux qui ne possédaient pas de bernes faisaient bouillir leurs portions dans les chaudières de leurs voisins, moyennant une rede- vance : c’est ce que l’on appelait Quartiers volages A). De là une très grande complication, un enchevêtrement de droits, de cens, de redevances. Quels étaient les Rentiers du Puits à-Muire ? Nous en avons plusieurs listes, mais de dates assez modernes. Celle que _ donne Gollut (2), ne comprend que les Rentiers ecclésias- tiques. Un inventaire des archives de l’abbaye de Saint-Vin- cent de Besancon en fait connaitre une autre, postérieure, mais où sont mentionnés les Rentiers laïcs. Elle date du com- mencement du xvue siècle (ainsi qu’on peut-le reconnaitre par les noms des personnes qui y figurent), c’est-à-dire d’une époque à laquelle le Roi avait entrepris de racheter les droits des Rentiers. Elle est, par suite, beaucoup plus courte que celle de Gollut (8). M. Finot a cru en découvrir une autre, du pourvus de berne, puisqu'on pouvait désigner leur emplacement. (Charte par laquelle l’abbaye de Rosières vend à celle de Cîteaux la moitié du meix de Paluel situé entre ceux de Saint-Maurice et de Voiteur.) (B. N. Latin 9199, n° 5 bis.) Au xv: siècle ils n’en ont plus. De même pour le Meix d'Ardouin « dou Bées » qui était encore muni d’une berne en 1299. (Gallia Christ. t. XV. Inst. col., 72.) _ (1) Mémoire de 1443 : « Pluseurs fois advient que ung montier na point de meix pour cuire sa muyre, et quant il va buillir sa part et por- tion de la muyre qu'il meine, en la berne de l’un des autres moutiers et par louhaïige. » (Arch. Jura, À 20.) (2) Gollut : L. II, e. xxx1r, éd. Duvernoy, p. 179. - (3) « Rentiers ecclésiastiques : Le curé d: Saint-Alye (sic). L'abbé de Saint-Vincent, pour deux quartiers quatorze celles de muire. Les Pères Cordeliers de Besançon. L'hôpital de Bracon. L'abbé de la Charité. - Le chapitre de l’église N.-D de Conson (sic). L'abbé de Corneul. Te commencement du x1v° siècle (1), Mais ici, comme dans tout le cours de son travail sur les Origines de la Gabelle et l’ex- ploitation des salines de Salins et de Lons-le-Saunier, il n’a pas distingué le Puits à-Muire de la Grande-Saunerie. La liste qu'il donne est une énumération des personnes et des communautés qui avaient droit à des rentes sur la portion de la Grande-Saunerie comprise dans le douaire de Mahaut d'Artois, comtesse de Bourgogne (2). En dehors de ces listes, on rencontre quelques noms de Rentiers dispersés dans les documents. À côté des comtes de Bourgogne, des établissements religieux, on y trouve sur- tout des gentilshommes de Sahins et des environs et des bour- geois de cette ville. Beaucoup des noms des anciens possesseurs de meix ont Le Prieur et Pidancier de Gigny. L'abbé d'Igny. L'abbé de Montbenoit. Le collège de Mortau. L'abbé d'Ougny. Le chapelain de S. Pierre-le-Martyr. Le chapitre et les Pères Jacobins de Poligny. L'hôpital de Saint-Bernard. Le chapitre de Saint-Michel et le chapitre de Sainte-Anne de Salins. Rentiers laïcs : Le duc et comte de Bourgogne. Mess. d’Andelot, Alpy, de Boutot, docteur Chapuis, de Chauvirey, Galet, de Germigney, docteur Guay, Maire, Henri Masson, docteur Maton, Mer- ceret, de Montmarlon, de Pontamongeard, la ville de Salins, Vauldry, Vernier, secrétaire. » (B. N. Moreau 877, fo #0); Cette liste est assez mal copiée. (1) B. N. Français 8551. (2) M. Finot croyait qu'il s'agissait de la comtesse Jeanne, reine de France. Mais il aurait pu constater, dans des passages de comptes analo- gues renfermés dans le même manuscrit et datés de 1310-1311, que la comiesse en question était alors veuve, ce qui n'était pas vrai de Jeanne de Bourgogne, reine de France. (B. N. Français 8551, passim,) En copiant la liste de Rentiers qu’il donne, M. Finot a omis par inad vertance de transcrire les noms du comte de Montbéliard, de Hugues de Bourgogne, du Temple de Salins, de Jean Février, etc. (J. Finot : Compte original des revenus de la saunerie de Salins, en 1308, pp. 5-7.) no été conservés dans les appellations de ces meix. Une liste, sans doute partielle, des meix du Puits-à-Muire qui date de 1269, nous en donne 55 nems (1), Il est évident, à l’inspection de cette liste, que certains de ces vocables ne sont autres que les noms des propriétaires. [Il en est ainsi pour le Meix du Temple, le Meix de l'Hôpital, le Meix de Citeaux, le Meix de Saint-Paul. Nous voyons naître ce dernier dans la charte de donation de Gaucher IT de Salins, confirmée en 1133, par son petit fils Gaucher [IT (2). Quant à ceux qui portent des noms de personnes, il est bien probable qu'ils rappellent d'anciens possesseurs, mais on ne peut dire avec certitude s’il s’agit de Rentiers ou de simples amodiateurs, de Moutiers, Le meix que l’on appelait, aux xirr° et x1v* siècles, « le meix Dam Vion Chevrey » est nommé en 1145 « caldaria quam te- net Guido Caprarius 6). » Etait-ce là un Rentier ou un Mou- er ? Nous ne le savons pas. Il en est de même pour les meix de Monseigneur Renaud de Salins, de dame Meline, de dame Renaude et bien d’autres (). L'ensemble des Rentiers du Puits-à-Muire, appelés par les comtes de Bourgogne eux-mêmes « Seigneurs Rentiers du Puits (5) », formait une corporation respectée et puissante. [ls avaient été trouvés de trop haut parage pour relever des tri- bunaux ordinaires, et leurs causes s’évoquaient au tribunal (1) Arch. du Doubs, B 186. (2) Guillaume : Salins, t.I, pr., p. 44. (3) B. N. Moreau 866, f° 497. Bulle d'Eugène IV en faveur de Saint- Étienne de Besançon : « Apud Salinas, duas caldarias ad sal conficien- dum in Burgo Comitis, quæ dedit Facia; in caldaria quam tenet Boso, singulis ännis, viginti solidos; in caldaria quam tenet Guido Caprarius, quadraginta et quinque solidos ; in alia caldaria, septem denarios singulis septimanis ; potestatem quam tenuit Arpinus; in Burgo qui dicitur Dous (lege : Domini), caldariam quam dedit Guichardus de Navilleris, et quæ habetis in territorio salinensi in caldariis, in silvis, pratis, vineis, molen- dinis et aquarum decursibus. » (28 avril 1145.) (4) Arch. du Doubs, B 186. (5) Entre autres exemples, voir aux Preuves la Charte de Marguerite de France, du 25 juin 1369. ne du Prince : Conseil ou Parlement (1). À partir de la fin du xvi'°siècle, les rois d'Espagne attaquèrent leur société par l’ef- ficace dissolvant de l'argent et réduisirent peu à peu leur nombre, par l'acquisition de leurs droits. Mais, en 1624 les 9 9 2 Rentiers formaient encore un véritable parti en Franche- Comté et osaient lutter contre le Souverain. On accusait même les Etats de la Province de favoriser de leurs vœux et de soutenir de leurs deniers les Rentiers contre le Prince (2). Peu de temps après, le rachat de toutes les Rentes par le Do- maine mit fin à l’association des Rentiers. $ 2 Bien que le territoire de Lons-le-Saunier ait renfermé plu- sieurs sources salées (3), il ne paraît pas qu’on en ait mis d’autres en exploitation que celle, dite le Puits-Salé, qui est encore aujourd’hui productive. La terre de Lons-le-Saunier étant restée toute entière entre les mains des comtes de Bourgogne, jusqu’au xrr siècle, il semble que pendant cette période le Prince a possédé sans partage la source salée qui y jaillissait. Mais au milieu de ce siècle, la seigneurie de Lons fut distraite des biens doma- niaux pour être attribuée à une branche cadette de la maison comtale. Le comte Etienne ayant laissé deux fils, Renaud et Guillaume (4, le premier reçut le comté de Bourgogne, le (1) Mémoire de 1553. (Arch. Jura, À 33.) (2) On considérait alors l'existence de leurs droits comme une garantie des privilèges du pays quant aux prix du sel. — Philippe IV se plaint, par une lettre du 22 juin 1624, au Parlement de Dole, de ce que les États ont prêté aux Rentiers une somme considérable pour les aider à soutenir un procès conire lui. (B. N. Moreau 901, f° 174, vo.) (3) Fr. Ogérien : Hist. nat. du Jura. Géologie, 1°" fascicule, p. 275. (4) J-B. Perrin (Notes historiques sur la ville de Lons-le-Saunier) attribue à ce Guillaume de Bourgogne la création de ia saunerie de Lons. Nous avons vu que, vers l’an 1030, l'existence de cette saline est certaine. — D. Monnier se contente de le considérer comme le restaura- teur de la saunerie. (Ann. du Jura, 1841, p. 129.) rie Ni Le oi — second obtint divers domaines, entre autres Lons-le-Saunier. Cette terre paraît s'être divisée elle-même, à la mort de Guillaume pour former, d’une part, la seigneurie dite du Bourg de Lons qui échut à Etienne, fils ainé de Guillaume, et, d'autre part, la seigneurie du Bourg Saint-Désiré, possé- dée par Girard, son fils puiné, qui fut aussi comte de Mâcon et de Vienne (1). Quant au Puits-Salé, qui était topographiquement compris dans la seigneurie de Bourg de Lons, et aurait dû en faire partie, 1l resta indivis entre les deux frères. Leurs postérités ont continué, pendant deux siècles environ, à en avoir la propriété commune. (est le même système d’indivision que nous verrons s'établir, à Salins, entre les descendants de Jean de Chalon. Ainsi, la part de Girard, dans le Puits-Salé, échut tour à tour à son fils le comte Guillaume de Vienne et de Mâcon, à ses petits fils Girard, Henri et Guillaume, de 1165 à 1933 (2). Le comte Guillaume de Vienne, arrrière-pe- tit-fils de Girard de Bourgogne, étant mort sans postérité, son héritage et sa part du Puits de Lons passa à son neveu Hugues d’Antigny, fils de Béatrix de Vienne. La maison d’Antignvy prit alors (vers 1250) les noms et armes de Vienne. Philippe de Vienne 6) et Hugues de Vienne, fils et petit fils de Hugues (1) Rousset : Dictionnaire, t. IT, verso Lons-le-Saunier, p. 499-500. — M. Rousset parait avoir hésité sur le sort du Puits-Salé dans ces partages. _ Après avoir dit (p. 499) : « Le bourg de Lons {burgus Ledonis) appartint à l’ainé ; il renfermait le Puits-à-Muire, » il déclare (p. 500) que «le puits à muire resta en partie la propriété du comte supérieur de Bourgogne. » (2, La possession de la saline de Lons-le-Saunier par ces seigneurs res- sort d'un grand nombre de chartes portant diverses libéralités au profit d'abbayes (B N. Bourgogne 81, fs 260, 277, 279, 980, 282 ; Latin 17104, n°45; Baluze 144, no 45, 86; Moreau 870, fo 638 ; Latin 5683, f° 2, v!, #29, v0. Nouv. acq. Lat. 1208, p. 83. — Arch. de la Côte-d'Or, Cartu- laire de Giteaux, t. I, fo 133-133 v?. — Collection de M. le comte de Lau- bespin : Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, par l'abbé Guillaume, t. IT, pp. 407, 408, 104, 405. — Biblioth. Sebusiana, Ile cent., ch. vin. — Béatrix de Chalon, p. 104, etc. (3) En 1285, QD d’Antigny, furent les derniers propriétaires de la part du Puits-Salé qui était échue au x siècle à Girard, comte de Vienne et de Mâcon. C'est sans doute du vivant de Hugues de Vienne que fut détruite la saline de Lons-le- Saunier. | Quant à Etienne de Bourgogne, sire de Traves, on le trouve en possession d’une part du Puits de Lons, en 1170 et 1173 (D. Son fils, appelé aussi Etienne, lui succéda. Il a laissé un grand nombre de chartes qui prouvent ses droits sur le Puits, entre les années 1188 et 1224. Le comte Jean de Chalon, fils de cet Etienne, réunit à sa part de la saline de Lons-le-Saunier, la Grande-Saunerie de Salins. Par acte de 1262 (2), ce prince disposa de ses droits sur le bourg de Lons en faveur de son fils Hugues, comte palatin de Bour- gogne. Ce dernier, étant mort en 1266, le comte Jean ré- ser va les mêmes biens aux enfants du défunt (9 janvier 1267). Otton IV, comte de Bourgogne, fils ainé de Hugues paraît avoir d’abord tenu Lons et la saunerie (3), puis les avoir cé- dés à son frère Renaud, comte de Montbéliard, qui les pos- sédait au commencement du xiv° siècle (# et à l’époque de la suppression de cette usine. (1) Arch. de la Côte-d'Or, Cartulaire de Gileaux, t. I, f° 133. — Arch. Jura, Ciîteaux, CXIIT. — Bib. Nat. Latin 5683, f° 26. — Nouv. acq. Lat. 1208, p. 83. — Baluze 144, n° 111. — Bourgogne 38, p. 204-208; Moreau 810, fo 632, v°, 633-638; 873, fo 4, 287. — Arch. Haute-Saône, H 192. — Béatriæ de Chalon, p. 134-135. (2) Guillaume : Salins, t. I, pr., p. 188. (3) En mars 1266-7, le comte Otton IV assigne à l’abbaye de Cherlieu les 20 livres de rente que son père, le comte Hugues, a laissées par testa- ment à ce monastère, sur sa part du puits de Lons. (Collection Laubespin : Mém. pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, t. VI, fo 101 v°. En 1270, il accorde en douaire à sa mère, Alix de Méranie, des droits sur Lons. (Chevalier, Mésn. hist. sur Poligny, t. I, p. 358.) (4) À partir de 1287, Renaud de Bourgogne parait co-propriétaire, avec Hugues de Vienne, de la saline de Lons. (Arch. du Doubs, B 311. — Arch. du Jura, Cîteaux, XCVII et CXXI, etc.). Vers 1300, la déclaration des fiefs relevant du comté de Bourgogne porte : « [tem le coens de Montbéliard tient du comte de Bourgogne...., de Ha On a prétendu que les bourgeois de Lons-le-Saunier pos- sédaient à côté de la saline seigneuriale, une usine alimentée par une seconde source salée, située derrière l’abbaye de Sainte-Claire, au lieu dit le Pré de Chaudon (1). M. Rousset raconte même que les prud'hommes de la ville firent répa- rer le Puits en 1171, et que, en 1477, la comtesse Marie de Bourgogne obtint, moyennant une rente assignée sur Salins, la destruction de cette petite saline. Je n’ai vu nulle part de textes mentionnant cette usine. Peut-être Rousset lPa-t-il confondue avec la saunerie de Montmorot. Il prétend, en effet, que les habitants devaient au seigneur une mesure de froment et une geline, pour le droit de puiser de la muire à cette source. C'est justement la redevance que lon payait à Montimorot, pour le privilège de se servir de l’eau salée de la source qui se trouvait en ce village @). Quant à la rente sur la saunerie de Salins, l’auteur me semble avoir fait confusion avec celle qui fut servie aux habitants de Lons-le-Saunier à cause de la destruction de la saline du Puits-Salé. - En effet, les bourgeois de Lons avaient, sur cette saline, des droits que nous ne pouvons déterminer, mais dont l’exis- tence est indéniable. En février 1277-8, les comtes Jean de Chalon et Hugues de Vienne ne prennent la liberté d’auto- riser Amé de Montfaucon à avoir une chaudière au Puits-Salé que « per la voluntez espresse et per le consentement esprès de noz borgoys et des gens de nostre tainte de Montagu, de Montmoret et de Leons (6). » Aucun texte contemporain ne nous renseigne sur l'exis- tence de la saline de Montmorot au Moyen Age. I] faut se part son partage, Montaigu et le puis de Laons, Sailière, Puismorain, Tremolay, Le Pin et Binant et Monfleur qui vallent bien 1,000 lv. de rente. » (B. N. Moreau 960, f° 234.) (1) Rousset : Dictionnaire, t. IT, p. 642. (2) Bib. Nat., Colbert-Flandres, t. C, f° 7. (3) Arch. du Doubs, B 311. — D. Monnier : Ann. de 1841, p. 137. 2 o7 contenter de savoir qu'aux xv° (D et xvie () siècles, on con- servait à Montmorot le souvenir d’une berne, dès longtemps démolie, dont le nom était demeuré à l’emplacement qu’elle avait jadis occupé. Ce nom se retrouve encore aujourd’hui G). L'opinion de D. Monnier qui place la suppression de cet établissement aux environs da 1230 (4), me semble tout à fait gratuite. Nous ne savons rien sur l’existence ni sur la des- truction de cet usine, à plus forte raison, ne connaissons nous pas ses possesseurs. Sans doute, elle aura subi Ia loi la plus commune et aura appartenu aux propriétaires succes- sifs de la seigneurie de Montmorot, c’est-à-dire aux deux maisons de Vienne (Vienne-Bourgogne et Vienne-Antigny). Comme la terre de Poligny où elle se trouvait enclavée, la source de Grozon parait avoir appartenu dès les temps les plus reculés, à la maison comtale de Bourgogne. Nous sa- vons expressément que du milieu du xt siècle (9) à la fin du xive, le Conte a été seul et pour le tout propriétaire du puits de Grozon. Il paraît que dès 1069, le comte Guil- laume (6) et, en 1115 (7), le comte Renaud étaient déjà en possession de cette usine. Le comte Hugues de Chalon semble avoir pris un soin particulier de réunir à son Domaine (1) « Certainne sorce en la terre et chastellenie de Montmorot, où il sou- loit avoir une berne qui depuis estoit ruyneuse et démolye. » Lettres de Philippe le Bon, du 7 mai 1460 'B. N. Nouv. acq. Fr. 6348, f° 16.) (2) Etat de la seigneurie de Montmorot, en 1520 : « Dehors et auprès ledit bourg de Montmorot, outre la rivière de Valières, prez le grand che- min tirant à Courbozon, est assis le puits de muyre appellé Berne saline, qui dès long temps est demeuré en ruyne. » (B. N. Colbert-Flandres, t. C, LOT) (3) Rousset : Dictionnaire, t. V, p, 360. (4) D. Monnier : Ann. du Jura 1848, pp, 328, 329. — 1841, p. 13%. (D) Amodiations de Grozon de 1255 et de 1366 (aux pièces justifica- tives). (6) Charte du comte Guillaume de Bourgogne en faveur de Vaux-sur-Po- ligny. (Chevalier : Mém. hist. sur Poligny, t. E, p. 317.) (7) Charte du comte Renaud pour le même prieuré. (Ibid., t, I, p, 318.) LA, Re de 3 HR PQ ee tous les droits assis sur cette saunerie qui avaient passé en des mains étrangères. [l racheta des abbayes de Balerne et de Rosières et de Jean de Chalon, son père. divers « meix de bernes » et droits en muire (1). Les salines de Soulce et de Saint-Hippolvte situées dans le comté de la Roche, ont cessé quelque temps de faire partie du domaine des propriétaires de cette terre. Sans doute, les comtes de la Roche en ont été les premiers possesseurs. On affirme que l’abbaye de Lucelle reçut, au milieu du xil° siècle, les salines de Saint-Hippolvte et de Soulce de la libéralité d'Eudes I. comte de la Roche (2). Ce qu'il y a de certain eest que ce monastere leS possédait en 1179 et 1180, comme nous l’apprennent deux bulles du pape Alexandre [IT (). Au siècle suivant, l’abbaye continue à demeurer en possession de ces deux usines. Une charte de juin 1239 nous montre le comte Eudes de la Roche asandon- nant, du consentement de sa mère et de sa femme, à l'abbé de Lucelle, Tiémon, le cens que l’abbaye lui devait annuel- lement pour ces salines, sans y retenir quoi que ce soit (4), Cette propriété ne devait pas rester longtemps entre les mains de ses possesseurs ecclésiastiques. Au dire des histo- riens de Saint-Hippolyte, ce fut ce même abbé Tiémon qui (1) Arch. du Doubs, B 308. — B. N. Bourgogne 102, pp. 47-51. — Moreau 877, pp. 92-95 v°. (2) Richard : Monographie de Saint-Hippolyte-sur-le-Doubs, p. 6. (3) Trouillat ; Mon. de l’hist. de l’anc. évêché de Bâle, t. 1, pp. 375- 901. (4) Il décharge l’abbaye de Lucelle « de censu annuali quo singulis an- nis nobis reddere tenebantur de salino de Sulce, qui talis fuit : tempore coctionis dabantur duæ quartæ salis, et tempore non cociionis sola tantum ; et de salino Sancti-Ypoliti concambium amicabilis composi- tionis fe:imus tali modo; et quicquid juris habuimus in eisdem puteis salinarum, de voluntate et consensu matris nostræ, comitisse de Rocha, et uxoris nostræ et liberorum nostrorum, in manus venerabilis abbatis de Lucela et sui conventus libere et absolute resignavimus. » (Trouillat : Mon. de l’év. de Bâle, t. I, p. 552.) 6 — vendit les salines au comte de la Roche, un an après s’en être ainsi fait confirmer la pleine propriété 1). En tous cas, elles étaient rentrées dans le patrimoine de la maison de la Roche en 1265. A cette date, le comte Guillaume de la Roche reprend en fief ige d’Amé de Montbéliard, seigneur de Montfaucon, « les puys et salins de Suce et de Sant-Hipolite et les apar- tenances et les usemens desditz lieux, quant que il y peutet doit avoir, et deçai l’aigue et delai ettotle sel que peut venir es devant diz leux (2). » Cinq ans plus tard, le même sei- gneur fait une reprise analogue (%. Ses successeurs ont été en possession de ces sources et ont üré profit des salines qu’ils y ont maintenues, malgré les prohibitions des souve- rains, Jusqu'au XvIIe siècle. La mouvance de la saline de Soulce (4) était mal assurée. Tandis que les comtes de Bourgogne estimaent que cette usine était située dans un pays dépendant de leur souverai- neté, le comte de Montbéliard avait des prétentions sur le même canton (5), et, aux moments critiques, faisait placer ses panonceaux et « asseoir sa main » sur la saunerie. Au sujet de cette même mouvance, 1l est curieux de constater l’idée surnaturelle que se faisaient nos pères de la production du sel. Si nous en croyons un témoignage qui ne parait pas de- voir être suspecté, les seigneurs de la Roche se seraient ima- (L) CG. D. [Charles Duvernoy] : Les villages ruinés du comté de Mont- béliard, p. 13. -- Richard : Monog. de Saint-Hippolyte, p. 6. (2) Bibl. de Besançon : Notes de E. Droz, d'après un Cartulaire de Montfaucon. — B. N Latin 9932, f° 264. (3) Ibidem. (4) Dans les chartes des x1I° et x111e siècles, on trouve mentionnés, en mênie temps, le puits de Soulce et celui de Saint-Hippolyte. Au xv° siècle, on ne rencontre plus de mention que de la saline de Soulce. (5) En 1265, en 1270. en 1319, les comtes de la Roche font hommage pour Soulce aux comtes de Monthéliard ou à des princes de leur maison (V. plus haut et Trouillat, t. LIL, p. 693.) En 1490, le comte de Montbéliard fait placer un panonceau sur la sa- line de Soulce. (A. Doubs. Ch. des Comptes. Sauneries.) giné tenir à cens leur saline du Diable, Voici en effet la dé- position faite dans une enquête, en 1490 (l), pa un person- nage iort grave, sans doute, « vénérable et discrette per- sonne maistre Guillaume Veillet, bachelier en Décret, seelleur de Besançon, aaigé de soixante ans :. « Bien, dit-il, avoir oy dire à plusieurs que, long temps a, un seigneur de Varembon fut en la guerre d’Ongrie avec le duc de Bourgoingne qu’es- toit lors, en laquelle guerre il morut ; et pour ce que n’y avoit aultre du Iynaige habille à succéder que ung nommé Robert, lequel estoit aux estudes en lointain pays et le vouloit l’on faire homme d'église, il fut envoyé querre pour tenir les sei- gneuries dud. Varembon, et, luy estant seigneur, fut rendu certain compte par son receveur dud. Saint-Ypolite 2), auquel, entre autres, estoit contenu ung article de despense disant : « [tem ung denier mis sur la Roiche, doné chascun an au Dyable, à cause de Ja saulnerie ». Quoy veant par ledit sei- gneur, que luy deposant, en son enffance, dit avoir veu, et lappeloit l’on le comte Robert, se esmerveilla disant qu’il ne vouloit point paier cense pour lad. saulnerie à Dyable et ai- meroit mieulx qu’elle demoura en ruyne et déservition ; et n’a, luy déposant, sceu ne oy dire aultre cause d’icelle déser- tion qu'il dit. » Ainsi, d’après le témoignage de maître Guillaume Veillet, ce serait un pieux Scrupule qui aurait amené les sires de la Roche à sacrifier une richesse qu'il leur fallait payer d’un acte de soumission au Diable. Cet abandon eut lieu vers le com- mencement du xv'siècle (3). En effet, le comte qui renonça à cet avantage était entré en possession de la terre de la Roche après la « guerre d’Ongrie », c’est-à-dire la croisade de Nico- polis (1396). De plus Guillaume Veillet, qui avait soixante ans en 1490, avait. « dans son enffance », connu ce même sei- (L Arch. du Doubs. Parlement. Sauneries. (2) Saint-Hippolyte-sur-le-Doubs était le chef-lieu du comté de la Roche. (3) La saline resta inactive jusque vers la fin du siècle. gneur. Donc il avait dû posséder Saint-Hippolvte depuis 1396 jusqu’à une époque de quelques années postérieures à 1430. Mais il n’a pas existé, à cette époque, de comte Robert de la Roche. Il faut admettre que le brave ecclésiastique à confondu deux prénoms assez semblables, et attribuer à un comte Hum- bert, l’histoire de l’abandon de la saline. Cet Humbert de la Roche vivait à cette époque, et Guillaume Veillet avait pu le connaître puisqu'il vécut jusqu'en 1438 Fils puiné du comte Henri de la Roche, qui mourut, en effet, à la guerre de Nicopolis, il n’était pas destiné à hériter du comté. Mais son frère aîné, Guillaume, étant mort avant Henri, il devint l'héritier des biens de sa maison (1). C’est par erreur et par suite de l'habitude où l’on était de confondre les noms de la Roche et de Varambon, terres toutes deux possédées en 1490 par le seigneur de la Palud, que Guillaume Veillet qualifie Henri de la Roche de « seigneur de Varembon »; il appartenait à la maison de Villersexel, issue des sires de Faucogney. Les puits de Saulnot étaient au nombre de deux au xrIve siècle. Les plus anciens renseignements que nous ayons sur ces salines, depuis les chartes du x1r° siècle que j'ai men- üonnées plus haut, ne datent que de cette époque. Il y avait alors un Grand-Puits qui était utilisé par six bernes et un Petit-Puits qui servait à trois bernes (2). Le Grand-Puits, qui était situé à l’intérieur du village même de Saulnot, dis- parut à l’extrème fin du x1v° siècle ou dans les premières an- (1) I y à, dans cette succession, un exemple de la non existence du droit de représentation, En effet, quand le comte Henri mourut, il laissait un fils cadet, Humbert, et un petit-fils, issu de son fils ainé. C'est son fils qui hérita de lui, quoique cadet. (2) Arrêt du Parlement de Bourgogne du 14 juillet 1441 : « une saulne- rie en laquelle souloit avoir deux puits qui servoient à neuf barnes, c'est asçavoir l’un des puis à six barnes et l’autre à trois Lequel puis à six barnes, puis certain temps, avoit été meslé avec eau douce et à, cette cause, estoit venu en ruine, » (Arch. de la Haute-Saône, E 202). 4 mb g + 00 nées du xv°. [Il semble avoir été encore exploité en 1385 (©) ; avant 1424 (2), il avait été envahi par des infiltrations d’eau douce et, par suile, abandonné ; ses bernes étaient tombées en ruines. Le Petit-Puits subsista seul dès lors. En 1547, la si- tuation était la même G). À la suite, sans doute, de la dé- vastation de la saunerie de Saulnot par l’armée des Guises, en 1587, on eut l’idée de chercher une nouvelle source. C’est en effet aux dernières années du xvr' siècle, qu'il faut rap- porter la construction d’un nouveau puits. Duvernoy donne la date 1593 (© ; dans un compte de cette année 5) se trouve mentionné le « sel tiré du nouveau puits ». En 1614, on re- creusa l’ancien puits (6). Peut-être une seconde ruine de la saunerie, au cours des guerres de 1639 (7), amena-t-elle en- F5) (1) C'est, du moins, ce qui me semble résulter de l'expression « Petit- Puits » employée pour désigner celle des salines de Saulnot qui continuera à être exploitée Jusqu'à notre siècle. Si ce puits avait été unique à cette époque, le qualificatif « petit » n'aurait pas eu de raison d'être. (Contrat de mariage de Jean de Montbis avec Agnès de Vellechevreux, 8 juillet 1346. Arch. Nat. K 2984. — Vente par Jean de Saulnot, chanoine de Mont- béliard, à Étienne, comte de Montbéliard, de ses droits sur le Petit-Puits (dc avril 1367). (Arch. Haute-Saône, E 220). — Reprise de fief du comte Étienne de Montbéliard par Jean Morelat de Cheveney, du 8 avril 1385. (Arch. Nat., K 2289.) (2) 15 septembre 1424. Dénombrement de la: comtesse Henriette de Mont- béliard : « [tem j'ay et tien, en ma chastellenie de Granges, une ville nom- mée Saulnot. en laquelle j'ay une fort maison en laquelle appartient deux puis, l'ung de mehuere et l’aultre qu'est en désert et en aigue doulce. » (Arch. Haute-Saône, E 19%.) (3) Dénombrement du duc Ulrich de Wurtemberg, 28 décembre 1547 : « Item avons et tenons une ville nommée Saulnot, en laquelle ville avons une saulnerie et nous appartiennent deux puits, l'ung de muire en ladite saulnerie et l’autre est en la ville et en eaue doulce. » (Arch. Haute-Saône, E 196.) (4) Bibl. de Besancon. Mss. Duvernoy. (@ Compte d'Antoine Morelot. (Arch. Haute-Saône, E 210.) (6) 16 juillet 1614. Lettres de Jean-Frédérice, duc de Wurtemberg, insti- tuant un commis à l'administration de la saline (Arch. Haute-Saône, E 208,. : (1) Duvernoy : Ephémérides du comté de Montbéliard, p.159. 00 2 core une fois l’abandon de ce Vieux-Puits. En 1670 (1), il était inexploité, mais le fermier de la saline était obligé de le faire vider deux fois l’an, pour er assurer la conserva- tion. Les sources de Saulnot paraissent avoir passé aux comtes de Montbéliard avec la terre de Granges où elles étaient si- tuées. Onn’a pu encore déterminer l’époque à laquelle cette acquisition a été faite. Le soi-disant mariage d’une Alix de Granges, héritière de la branche aînée de la maison de ce nom, avec le comte de Montbéliard, Richard de Montfaucon, est une fantaisie accréditée par Dunod et Guillaume (2). Ri- chard de Montfaucon a épousé, en réalité, Agnès de Bour- gogne (3). La Série des dénombrements présentés aux comtes de Bourgogne par les comtes de Montbéliard, pour leurs terres sises en Franche-Comté, montre que les puits de Saulnot n'ont pas cessé d’appartenir au Domaine de Montbéliard, au moins depuis le temps de la comtesse Henriette jusqu’à la conquête de Louis X[V. Ila existé longtemps à Scev-sur-Saône deux sources salées : l’une, appelée la Duhel, à disparu par suite des inondations de la Saône: l’autre, située devant le château, subsiste en- core (*). Toutes deux ont été jadis recueillies dans des puits et ont fait l’objet d’une exploitation. L'un de ces puits a été construit par le comte Etienne de Bourgogne 5), avant l’année (1) Amodiation de la saunerie à Christin Magnin et Nicolas Jacquottin, du 15 octobre 1670. ‘Archives Haute-Saône, E 202.) (2) Dunod : Histoire du comté de Bourgogne, t. I, p. 261. — Guil- laume : Hist. de Salins,t I, p. 102, note. (3) Tuefferd : Histoure des comtes de Montbéliard, p. 45. (4) Suchaux : Dictionnaire des communes de la Haule-Saône, t. IT. pp. 240-241. — E. Thirra : Statistique de la Haute-Saône, p. #1. — E. Thirria : Manuel de l'habitant de la Haute-Saône, p. 48. (5) Au mois d'août 1241, Alix de Dreux, dame de Choiseul et de Traves, donne à l’abbaye de Cherlieu tel droit sur son puits de Scey « quale debent habere et habent in alio puteo quem fecit fier: bonæ memoriæ comes Ste- phanus. » (Guillaume : Hist. de Salins, t. I, pr., p. 104.) 01 -— 1170 (1). Ce prince, cadet de la maison souveraine, avait suc- cédé dans la possession des salines de Scey à la maison de Traves, dont il était héritier par sa mère, Poncette de Traves. Son petit fils, le comte Jean, céda Scey et les salines, avec la terre de Traves tout entière. à Renard de Choiseul et à Alix de Dreux, sa femme, en 1237, en échange des prétentions que cette dame pouvait élever sur Salins comme douairière de Gaucher, sire de Salins, son premier mari (2), L'un des Puits, la Duhel, fut vendu, dit M. Suchaux G), par Alix de Dreux à Harteman de Scey, dit Lochard : l’autre passa, avec le château. à la maison de Bauffremont par le mariage de Marguerite de Choiseul-Traves avec Liébaud de Bauffremont. S3 Pour tirer parti de l’eau: salée qui leur appartenait, les propriétaires des puits et les créanciers de rentes payables en muire firent construire, à proximité, des bâtiments abri- tant les chaudières dans lesquelles on faisait bouillir et ré- dure en sel, par évaporation, la muire extraite des puits. Ce sont ces constructions que l’on appelle bernes (en latin du Moyen Age, bagerna, baderna, baerna). Du nom de l’en- gin principal qu'elles contenaient, elles ont été souvent dési- onées par le mot de chaudières. Le mot meix [mansus) dé- signe, à proprement parler, l’ensemble des constructions servant à l’industrie du sel : la berne, et les chambres desti- nées à la conservation du sel et à sa manipulation (4 (lé- tuaille et l’ouvroir). Mais, dans l’usage, les noms de meix, (1) En 1170, le comte Etienne de Bourgogne donne aux moines de Cher- lieu deux chaudières à Scey. (Cartulaire de Cherlieu. B. N. Latin 10973 DTA) (9) Guillaume : Hist. de Salins, t. I, pr.; p. 103. (3) Suchaux : Dictionnaire de la Haute-Saône, t. Il, p. 240. (4) En. 1220, Marguerite de Salins cède à Etienne de Bourgogne uham caldariam in qua fit saul cum appendiçiis suis et comum in qua manet. » (Guillaume, t. I, pr., p. 107.) (( AR 00 berne et chaudière sont continuellement pris l’un pour l'autre (1. Un autre vocable a servi, à une époque ancienne, à dési- gner ces bâtiments, c’est le mot miche (2), que l’on ne trouve plus en usage après les premières années du xt siècle. De même, dans les textes rédigés en latin, on s’est servi du terme monteria (), soit seul, soit accolé aux divers noms (1) Cette confusion est ancienne. Le 23 décembre 1037, le comte Renaud de Bourgogne donne à Flavigny « apud Salinam villam, aream unam cum caldaria quæ alio nomine bagerna vocatur,, ut 1b1 fieret sal.. » (Béatrix de Ghalon, p. 203.) (2) En 1044, fondation de l’abbaye de Saint-Paul de Besançon par l'archevêque Hugues [ : « Caldariam unam cum eo quod vulgo dicitur imiches. » (Guillaume : Salins, t. I, pr., p.16.) 16 novembre 1049. Confirmation par Léon IX des biens de Saint- Etienne de Besançon : « Caldarias quatuor ad sal conficiendum cum pro- priis sedibus quæ vulgo mitchæ vocantur. » (P.-F. Chifflet : Hist. de Tournus, pr., p. 309.) — Mêmes expressions dans la confirmation des mêmes biens par l’empereur Henri. {Ibid., p. 365.) — 1084. Donation par Gaucher de Salins à Romainmôtier : «Casam desertam salinariæ caldariæ quam vulgus aperte michonen vocat. » (Guillaume : Salins, t. I, pr., p.31.) — 1087. Donation à Saint-Etienne de Besançon par l’archidiacre Guichard : € Michem unum cum caldaria. » (Guillaume : Salins, t. I, pr., p. 23.) La synonymie des deux mots miche et meix est prouvée par deux actes sans date. L’un est une donation par laquelle « Arduinius del Beïz, sali- nensis, dedit Sanctæ Mariæ de Roseriis in elemosinam dimidium michium Salinis » (B. N. Moreau, 871, f° 351 vo.), et l’autre un abandon par « Nal- bona, » femme d’Ardouin le Roux, de ses prétentions « in dimidio manso quod Ardius (sic) del Beiz dedit Sanctæ Mariæ de Roseriis. » (Ibid., f: 361, vo.) D. Carpentier à cru à tort que le mot michium désignait un puits. (Du Cange : Glossarium, v° Michium.) (3) Guillaume, comte de Mâcon, donne à Cluny, en 1146, « possessionem quamdam cum appendicus in Burgo Ledonis, qu& vulgo Bærna Monteria dicitur, .uæ erat Aimonis præpositi Ledonis, dato ei concambio, alia ser licet Bærna Monteria. » (B. N. Bourgogne 80, p. 214. Latin 5459, p. 135. — Béatrix de Chalon, p. 195.) En 1170, « Stephanus, comes Burgundie, dedit fratribus Cariloci duas caldarias quas vulgus monterias appellat » (Cart. de Chertieu. B. N., patind007S 10097 V0) En 1209, « Caldariam quam monteriam vulgus appellat et sedem ejus ad faciendum sal apud Seith. » (Tbid., f° 41, ve.) 0 de la berne. Il faut admettre la synonymie de ces termes. Quant aux expressions qui indiquent qu’une chaudière est accompagnée d’un emplacement (cum sessione propria…., cum sede proprio..., cum situ sessionis, elc.), il faut sou- vent les entendre autant de la construction où la chaudière est enfermée, que du lopin de terre sur lequel elle est éta- blie (1). À côté des bernes appartenant aux propriétaires des Puits se sont élevées de très bonne heure, nous lavons vu, des constructions analogues établies par des particuliers ou des établissements religieux. Les personnes à qui appartenaient les sources salées ont souvent distrait de leur patrimoine une quantité plus ou moins considérable de muire qu'ils per- mettaient à d’autres de prendre périodiquement dans leurs Puits : tous les ans, à certaines fêtes, toutes les semaines, etc. La plupart du temps, c'était par des actes de pure libé- ralité que ces rentes en muire étaent établies ; mais parfois ces alénations se sont faites à titre d'échange ou moyennant finance. De semblables avantages ne profitaient à leurs bénéficiaires que sile moyen était donné de réduire en sel la muire con- cédée. Les crédi-rentiers de revenus payables en eau salée pouvaient avoir reçu le droit de faire cuire cette eau dans des chaudières existantes : c’est ce que l’on appelait les Sentence arbitrale rendue l'an 1237, entre Jean de Chalon et Guillemette, abbesse de Château-Chalon : « Assignet idem comes quadraginta solidos Stephaniensium quolibet anno persolvendos in perpetuum in calderia quæ vocatur Monteria Comitis apud Lædonem. » ([Leriche] : Mém. pour servir à l’histoire de l’abbaye de Ghâteau-Chalon, p. 159.) (1) Confirmation par le roi Rodolphe III des donations du comte Renaud de Bourgogne et d'Hugues de Salins en faveur de Saint-Anatoile : « Privi- legium unius caldariæ ferreæ cum situ sessionis propriæ. » (1029). {Guil- Jaume : Sulins, t. I, pr., p, 15). Donation, non datée, faite par Hugues d’Argençay à Saint-Paul de Be- sançon : « Sedem unius caldariæ quod vulgo dicitur miches. » (B. N. Moreau 868, fe 11.) ee 04 « Bouillons en fer et en muire (D »; ou ils pouvaient acqué- rir, moyennant une redevance, l'autorisation de la faire éva- porer dans telle ou telle berne : ils possédaient alors des « Bouillons volages » ; enfin ils pouvaient construire de nou- velles bernes (2). C’est grâce à ce dernier procédé, que se sont élevées, parfois en nombre très considérable, autour du puits, des bâtiments formant chacun une officine distincte. Il n’y a guère que les très petites salines, comme celle de Soulce, ou celles dont l’existence a été de peu de durée, comme celles de Tourmont, de Montmorot, qui n'ont été for. mées que d’une seule berne. Toutes les autres étaient com- posées de plusieurs de ces constructions. À Saulnot 6), au xIv° siècle, il y avait six bernes autour du Grand-Puits et trois autour du Petit. Nous ne savons au juste de quel nombre elles ont été dans les autres sauneries, du moins pour une époque ancienne. J'ai dit qu'elles avaient dû être fort nom- breuses au Puits-à-Muire : dans cette saline, il y en avait en- core dix en 1473 ; au xvuie siècle, il n’en restait plus que trois. Celles de la Grande-Saunerie, après avoir été probable- ment très nombreuses, étaient réduites à huit vers Pan 1600, à sept à la fin du xvrrr° siècle ; il en subsistait cinq en 1805. À Lons-le-Saunier, à Grozon, à Scey-sur-Saône, il en a existé également un certain nombre. La plupart de ces bernes portaient le nom de leurs pro- priétaires. Le seigneur à qui appartenait le Puits avait les siennes dont le vocable rappelait le fait de cette possession. (4) En 1200 : « Fratres Roseriarum usum ferri ad faciendum bullionem unum, singulis annis, quindecim diebus ante festum Sancti Johannis- Baptistæ vel quindecim post, canonicis Sancti-Anatholii, in caldaria sua Salinis, in perpetuum concesserunt, » en échange d’autres droits. (Notes du P. André pour le Gall. Christ.) (2) Mémoire pour les Rentliers du Puits-à-Muire (milieu du xve siècle) : « Item que oudit Bourg-Dessoubz, il est loisible à chascun de y avoir et faire berne de nouvel, et y en fait l'on chascun jour. » (Arch. du Jura. À 90). (3) V. plus haut, 2 2. da ES — À Lons-le-Saunier, il y avait une Chaudière du Comte (D : à Salins une berne ou chaudière de la Demaine, c’est-à-dire du Domaine (2), appelée aussi « vers le Pont (4) ». La plupart des autres bernes portent un nom dérivé de celui des personnes qui les tiennent. Aïnsi, celle des bernes du Puits- à-Muire qui appartenait à la famille de Falletans était nom- mée la Morouse — et par coruption l’Amoureuse, — ce nom lui venait d’un des membres de la famille de Falletans dont le prénom était Moroux (4. Quelquefois elles portent un nom rappelant leur destination, comme la Berne des Aumônes à Lons-le-Saunier. Assez souvent, leur vocable est tiré de leur situation : la Berne « du Creux » au Puits-à-Muire, les Bernes de « Grand-Bief » et de « Petit-Bief » à la Grande- Saunerie, la Berne d’ « Emmey» ou du Milieu, à Saulnot, sont dans ce cas. Primitivement, et pendant longtemps, chaque berne est une unité ; elle existe par elle-même en dehors des bernes voi- sines. Elle a sa comptabilité à part ; et, quand les seigneurs font des donations de muire, ils ort soin de déterminer celle de leurs bernes sur laquelle ils entendent les assigner. Ce ré- gime paraît avoir duré jusqu’à la seconde moitié du xin' siècle. Vers ce moment, on voit, du moins au Bourg-Dessus de (4) « Calderia quæ vocatur Monteria Comitis », en 1237. (2) En latin Caldaria dominica. -- En 1149, donation par Gaucher de Salins à Rosières de 3 bouillons de rente « in sua dominica caldaria quæ ante Pontem sita est. » (Guillaume : Salins, t. I, pr., p. 47.) (3) 30 décembre 1185. Confirmation par Urbain III des possessions de Saint-Etienne de Besançon : « Caldaria juxta Pontem. » (Coll. Laubespin : Mém. vour servir à l’hist. du comté de Bourgogne, t. HI, p.280.) Obituaire de Saint-Etienne de Besançon : « 16. kl. octob., Gerardus Vienniensi: comes. Gualterus, dominus salinensis, ejusdem comitis filius, dedit pro eodem viginti solidos singulis hebdomadibus, caldariis bul- lientibus. in caldaria juxta Pontem, pro quibus debet ecclesia centum so- lidos. » (Ibid., t. IIT, p. 6-12.) On à dit aussi : « ante Pontem » et « prope Pontem. » (4) « Moroux de Falletens, escuier, » était, en 1374-5, prévôt du Bourg de la comtesse de Bourgogne, à Salins. (B. N, Joussanvault 85, f° 5,) Salins, toutes les bernes s’unifier, se fondre dans la Saune- rie ; les rentes ne sont plus constituées que sur l’ensemble de la saline. Sans aucun doute, ce fait a suivi la réumion de toutes les bernes entre les mains d’un même propriétaire. Il semble que c’est Jean de Chalon qui a opéré cette transfor- mation. | Toutefois, l’une des bernes de la Grande-Saunerie a échappé à cette unification, c’est la berne de Rosières. Elle a continué à former une usine spéciale, et me paraît avoir gardé jusqu’au xvii® siècle, les caractères qui devaient être autrefois com- muns à toutes les bernes. La berne de l’abbaye des Rosières était située dans le Bourg-Dessus de Salins (1), à l'extrémité de l’enceinte de la grande saline, auprès du Pont Saint-Nicolas. On lappelait la « Chauderette ». Les religieux de Rosières en avaient accordé la moitié à ceux de Citeaux. Le comte Jean de Chalon Pac- quit (2', sans doute dans le but d’y concentrer les rentes en muire qui grevalent ses autres bernes. Le fait est que, dès lors, toute la muire revenant à la berne de Rosières se trouva partagée en soixante-quatre quartiers. À la différence des quartiers usités au Puits-à-Muire, ceux-ci représentaient chacun une quantité fixe de muire : vingt-deux seilles (1. (4) Et non dans l’espace intermédiaire entre les deux Bourgs, comme le voulait Béchet. Le Cartulaire de Citeaux porte qu’elle est située « in Burgo salinensi de dominio Braconis. » (Bibl. de Bes , Chifflet 40, fo 64.) En 1281, reprise de fief par Guillaume de Salins envers Jean de Chalon- Arlay, pour droits « in loco dicto Carderata existente Salinis, in Burgo heredum bone memorie Johannis quondam comitis Burgundie et domini salinensis. » (B. N. Moreau, f° 68, v°.) (2) En décembre 1248, l'abbé Humbert et les religieux de Rosières accor- dent à Citeaux la moitié de l’une de leurs bernes en place de la moitié de la berne « quæ dicitur li Chauderate, » berne que le comte Jean avait ac- quise d’eux par voie d’échange. (Bib. de Besançon, Mss. Chifflet, n° 40, fo 4%, Cart. de Citeaux.) (3) Les 6% quartiers revenaient à 60 lons, le lon étant de 24 muids. (Moreau de Beaumont : Mémoire conc. les impositions et les droits, t. III, p. 196.) — Censier de Citeaux pour Salins (1299) : « Chacuns quar- RAT RER Cette eau était envoyée, par des canaux, du Puits d’Amont de la Saunerie dans la chaudière de Rosières. Ces soixante-quatre quartiers appartenaient à un certain nombre de Rentiers tant laïcs qu’ecclésiastiques () qui fai- saient bouillir en commun leur eau salée et avaient une or- ganisation administrative analogue à celle du Puits-à-Muire. M. Béchet a supposé à tort que c’étaient ces Rentiers qui étaient appelés Seigneurs communaux de la Saunerie de Salins, dans un acte du 20 mars 1363/4, par lequel Hugues de Chalon vend aux personnes ainsi désignées une maison dite la Salle des Seigneurs de Chalon. Il s’agit dans cette charte des « Parçonniers » de la Grande-Saunerie qui étaient, en commun, propriétaires de la saline (2). ter vaul oudit lieu XXIT celles, et a partout en ladite Chauderete, que appartienent à tous les rentiers d'icelle, LXIIIT quartiés de muire, que se paie et prant chascun an ou Puis-Dessus de la Grant-Salneïie, et en fait l'on le sel en communiz, et se vent en commun! au profit de tous les rentiers d’icelle Chauderete. » (Arch. du Jura, A 991.) — Lettre de J. de Ville, receveur des rentiers de la Chauderette (vers 1630-1640) : « Notter que le quartier de muyre en ladite Chauderette n’a que vingt- deux seilles. » (B. N, Joussanvault 87, f° 262, v°.) (L) En novembre 1268, Jean de Scey reprend de la comtesse Laure Çun quartier et demi de muyre en la Chaderette de Salins. » (B. Prost : Cartul. de Hugues de Chalon, p. 76.) Obituaire de Saint-Anatoile. 5 octobre 1275 + « Obit dominus Joannes dictus Enguarrant, miles, assignat 12 denarios super muriam suam de la Chauderette. » (Bib. de Besançon, Ms. 826, f° 162.) En 1281, Guillaume de Salins tient un demi-quartier «in loco dicto Car- derata. » (B. N. Moreau 887, f° 58, v°.) Le 17 janvier 1293, Etevenin, fils de feu Hugonet, fils € Dam Viot », vend à Citeaux un quartier et demi de muire, « laquel muire lan a acustumez mener de la sagnerie es hoirs le conte de Chalon à leu qui est appelez Chaderete. » (Cart. de Citeaux. (Bib. de Besançon, Chifflet, 40, f° 22.) — Le 22 septembre 129%, le même Etevenin vend à Citeaux quatre seilles un quart de muire au même lieu. (Ibid., f° 24.) En 1368, Jean Porcelet possède un quartier de muire « in Gallice es Chau- derates de Rosères, in dicta villa de Salinis, » qu'il a acquis de Guillaume et Jean d'Estavayer. (Obituaire de Besançon. Moreau 86%, f°° 429 et 490, v°.) (2) Béchet : Rech. sur Salins. t. I, pp. 44-45. Voir l'original aux Arch. du Doubs, B 238, 7 98 Comme celles du Puits-à-Muire, les rentes de la Chaude : rette devaient être rachetées par Philippe IF, Albert et [sabelle et Philippe IV (). ; En dehors de ces droits attachés à la possession d’im- meubles, — puits ou bernes, — on constate dans les salines l'existence d’une foule de rentes payables en argent ou en nature par les détenteurs de ces immeubles. Les rentes en muire possédées par des personnes qui n'avaient pas de bernes, sont nombreuses. En ce cas, l'eau salée devait être hébergée par quelque possesseur de berne, sous peine de rester inutile. Ordinairement, l'acte de constitution de pareils droits ménageait au bénéficiaire l'usage d’une chaudière. Ces quantités d’eau sont appelées bouillons ou montées @). Le bouillon, c’est à dire, à proprement parler, le volume de muire bouilli en une fois dans une chaudière, consiste en deux longs environ, c’est-à-dire de quarante-huit à cinquante muids. Mais cette quantité a un peu augmenté vers le xv° siècle : elle s'élève alors à soixante muids. Gette mesure a été conservée jusqu à la fin du dernier siècle. Le mot montée parait un synonyme de bouillon, employé particuhèrement à Lons-le-Saunier et à Scey. La montée et le bouillon se divisent en seilles, dont il faut ordinairement soixante pour former une montée. Ces seilles paraissent avoir eu le même volume à Salins et à Lons-le-Saunier. Il faut noter ici, pour l'intelligence des chartes si nom- breuses portant donations ou ventes de rentes en muire, que les expressions « montée de muire, bouillon, seille » doivent s'entendre d’une rente annuelle de chacune de ces quan- (1) En 1645, il y avait encore %5 rentiers dont le Roi n'avait pu acqué- rir les parts; elles montaient à 13 quartiers. (Memoire du Parlement de Dole, en 1645. B. N. Moreau 919, f° 102.) (2) Quelquefois le mot chaudière a le même sens. En 1231, dans une donation du comte Étienne à Cherlieu, on lit : « unam chaldariam scilicet monteam suflicientem chaldariæ. » (B. N. Latin 10973, f° 67, vo.) bit 915 ) ps tités d’eau salée, et non de pareil volume une fois donné. Le système des constitutions de rentes en muire présen- tait des difficultés. On semble y avoirrenoncé au x siècle (1), Il était plus simple de procurer aux personnes que l’on vou- lait gratifier d’une certaine quantité de sel, ce sel tout produit, tout formé. Cest une idée de simplification qui transforma les rentes en muire en rentes payables en sel. Elles consis- taient en un nombre déterminé de charges de sel. On appelait charge l’ensemble de quatre benates ou paniers d’osier con- tenant chacun douze pains de sel. C’est surtout en faveur des monastères, où une grande quantité de sel avait son emploi, que de pareilles rentes ont été constituées. Quelquefois, la rente était soldée non en pains de sel, mais en sel « trié », c'est-à-dire en grains; on le mesurait alors au bichet (2) ou au rasier (3). Parfois, en plus de certaine quantité de sel, les débiteurs des rentes devaient fournir la nourriture des animaux en- voyés pour le chercher (#. Les seigneurs qui octroyaient des libéralités de ce genre avaient soin de dispenser leurs bénéficiaires des péages qui pouvaient se rencontrer sur la route que devaient suivre les convois (9). (1) Les dernières de ces donations de bouillons sont émanées du comte Jean de Chalon. La plus récente est une concession d’un demi bouillon octroyée par ce prince à Hugues, châtelain de Bracon, en récompense de ses services. Elle est datée du lundi avant la Saint-Valentin (13 février) 1262-3. (Cart. de Jean de Chalon, n° 1.) (2\ En novembre 1950, Jean de Chalon donne à N.-D. de Mouthe six charges de grand sel en échange de 60 bichets de sel trié qu’elle avait re- eus de Josserand de Brancion. (Cart. de Jean de Chalon, n° 29.) (3) Gaucher, sire de Bourbon et de Salins, confirmant les libéralités de son aïeul Gaucher en faveur de Balerne, mentionne « sex rasarios salis in carderiis suis singulis septimanis persolvendos, ad usus coquine de Ba- lerna. » (Cart. de Jean de Chalon, n° 119.) (4) Donation faite par Gaucher de Salins à Cluny (vers 1100). (Guillaume : Salins, t. I, pr., p. 34,) (5) En janvier 1244-5, Jean de Chalon donne à Lugny dix charges de sel : &« et omnes qui dictum sai venient recepturi, et omnia animalia ipsum sal deferentia, de nobis et de omnibus amicis nostris, in nostro et salvo — 100 — Detellesdonations en nature n’ont guère pris naissance qu’à une époque ancienne. On en trouve encore un assez grand nombre parmi les libéralités du comte Jean de Chalon (1). A partir du xiv® siècle, on ne constitue plus que des rentes en argent, et les rentes en nature existantes tendent à se trans- former en prestations péeuniaires. Ces rentes en argent, — analogues à nos obligations mo- dernes, — se sont multiphées à l’infim, en Franche-Comté, à partir du xure siècle. Dans les testaments, les partages d’hoi- ries, les contrats de mariage qui nous sont restés, figurent, à chaque instant. des rentes perpétuelles assignées sur les salines de Salins. C’est une valeur sûre que l’on donne en gage, en dot, sur laquelle on établit de nouvelles rentes. Le Prince lui-même était devenu créancier de semblables rentes. Par le partage de la succession de Jean de Chalon, le comte de Bourgogne prenait, d'avantage, deux mille livres par an @) sur les revenus de la Saunerie: il y perçut plus tard, en outre, les trois cents livres dues par suite du traité qui prescrivit la démolition de Grozon (). Les filles de la maison comtale reçurent très souvent en mariage une rente sur la Saunerie: de même les veuves y eurent une part de leur douaire (# ; les cadets, des revenus (6). Quant aux avantages de ce genre concédés à des particu- liers, le comte Jean en a créé un très grand nombre. Il a vé- ritablement prodigué ce moyen de récompense à l’égard des conduciu et guiagio, eundo et redeundo, recepimus et habemus. » (Cart. de Jean de Chalon, n° 6.) (1) Voir dans le Cartulaire de Jean de Chalon une quantité de donations de charges de sel aux églises, entre les années 1242 et 1262. (2) V. partages de Jean de Chalon, dans Guillaume : Salins, t. I, pr. pp. 79 et s. (3) Voir aux pièces justificatives la charte de 1369 réglant les conditions de la démolition de la saline de Grozon. (4) Il en a été ainsi pour Mahaut d'Artois, veuve d'Otton IV, (5) Jean et Henri de Bourgogne, fils du comte Hugues, percevaient des reutes sur la Saunerie, au commencement du x1Iv° siècle. (B. N. Franc. 8551, Compte du douaire de Mahaut d'Artois.) das DE LL NS LS, 2 nl à dd, ns bite, à — 101 — laïcs comme en faveur des monastères. Il existe un cartulaire de plus de deux cents chartes émanées de ce prince, qui ne renferme que des constitutions de rentes sur la Grande-Sau- nerie (1). Ces rentes, comme celles qui devaient être payées en muire, étaient le plus souvent perpétuelles ; cependant, il en a été créé quelques-unes à titre viager (2). Ces revenus étaient tenus en fief par leurs bénéficiaires, du seigneur dans le domaine duquel la Saunerie était com- prise. Mais ce genre de fiefs pouvait être possédé par des roturiers, sans permission spéciale, tandis que, dans le reste de la Province, les fiefs ne pouvaient être tenus que par des nobles ou des roturiers qui en avaient reçu l'autorisation par lettres. De cette facon, les donateurs de rentes se crétient des vassaux qui leur rendaient hommage. C'était s’attacher de nouveaux serviteurs; et il semble bien que le comte Jean n’ait poursuivi d’autre but, par ses nombreuses libéra- lités, que de se procurer des alliés parmi les personnages marquants de la Province, comme il se ménageait la bienveil- lance des autorités ecclésiastiques, en distribuant des faveurs analogues aux gens d'église etaux communautés religieuses. Après la mort de Jean de Chalon, ses descendants conti- nuèrent à asseoir des rentes en argent sur les revenus de la Saunerie. Chacun greva ainsi le « Partage » qui lui était échu. Mais les dons de ce genre sont alors beaucoup moins nom- breux que du vivant du comte Jean, et même. les propriétaires de la Saunerie commencent à racheter les rentes, pour un capital une fois payé. Cette réaction ne se produisit pas tout d’un coup. Peu à peu, on voit s’affirmer la tendance à la pro- EEE EE tre (1) Cartulaire de Jean de Chalon, à la Bib. de Besançon. Mss. Chifflet, n° 47, (2) Telles sont celles concédées par Jean de Chalon à Raoul de Monnet, physicien. en 1249 (Cart. de J. de Ch. n° 51), à Béatrix de Bourgogne dame de Marnay, en mai 1256 (ibid. n° 447), à Hugues de Fouvent, official de Besançon, en décembre 1256 (ibid. n° 161), à Olivier de Jussey. en 125X Gibid n° 3), à Eudes d’'Eternoz, en 1259 (ibid. n° 155), à l’abbesse de Battant, en 1261 (ibid. n° 162). — 102 — priété exclusive de la Saunerie, recherchée par les souve- r'ains. Les bernes avaient perdu leur individualité, au temps de Jean de Chalon, pour former une unique Saunerie ; les rentes en muire ne sont plus payées, ensuite, qu’en sel ; les rentes en sel se transforment aussi et deviennent des rentes en ar- gent ; les rentes en argent elles-mêmes sont enfin rachetées par le Prince. Otton IV, la reine Jeanne, Marguerite de France ont réduit de cette façon le nombre des charges im- posées à la Saunerie par les largesses de leurs prédéces- seurs. Leur œuvre sera d’abord poursuivie par les rois d’Espagne ; mais elle verra son accomplissement indéfini- ment retardé par la constitution de nouvelles rentes en de- niers, pour le rachat des quartiers du Puits-à-Muire et de la Chauderette de Rosières. CHAPITRE [LE MONOPOLE DE LA FABRICATION DU SEL S 1 Aussitôt qu'ils furent devenus maîtres de la Grande-Sau- nerie, les princes de la maison de Chalon jetèrent les veux sur le Puits-à-Muire, et, sentant là une concurrence à éteindre, s’efforcèrent de le réunir à leur saline. Dès le mois de décembre 1290, le comte palatin de Bourgogne, Otton IV, s’associe à ses oncles, co-propriétaires, avec lui, de la Saune- rie, Jean de Chalon, comte d'Auxerre, Etienne de Chalon, sire de Vignory, et Jean de Chalon, sire d’Arlay, pour acquérir « le puis et la muire qui est à Salins, ou Borc le conte de Bourgoimgne, » à telle condition que toutes les acquisitions que chacun d'eux pourra y faire, seront réparties entre tous selon la manière dont la Saunerie leur a été partagée ; c’est-à-dire que le comte de Bourgogne doit en avoir un tiers, le comte d'Auxerre et le sire de Vignory, ensemble, un second tiers, et le seigneur d’Arlay le troisième (1). Cette association ne réussit pas dans ses projets et, au xIvVe siècle, la maison comtale ne possédait qu'une part minime dans la propriété du Puits-à-Muire. La plupart des historiens s'accordent à admettre que c’est à une mesure administrative qu'est due la suppression de la saline de Lons-le-Saunier (2). Peut-être l’analogie de la (1) Arch, du Doubs, B 201.— Inv. des arch, de Saint-Vincent de Besan- çon. B. N. Moreau 867, f° 421. -- Moreau 889, f° 402, et 877, f° 483 (copies). (2) Dans une requête présentée en 1650 au Conseil des finances du roi d'Espagne, la ville de Lons-le-Saunier exposa que ses salines avaient été — 104 — disparition de cette usine avec la démolition de celle de Grozon, qui eut lieu au même siècle, a-t-elle influé sur l’es- prit de ceux qui ont attribué à ces deux événements une cause semblable. En réalité, nous n'avons aucun renseigne- ment précis sur les raisons ni sur les circonstances de ce fait. La découverte de matériaux calcinés qui ont été mis au jour lorsqu'on à voulu, au xvrr° siècle, rétablir la saunerie de Lons (1), est le seul indice qui fasse penser que l’ancienne saunerie à péri par le feu. Cet mcendie a-t-il été accidentel ou volontaire ? On l’ignore. Cependant, ce qui semblerait bien corroborer l’opinion qui suppose volontaire la destruc- tion de la saline, c’est que les habitants de Lons-le-Sau- nier ont reçu une indemnité pour les dédommager de la perte qu’ils avaient faite. C'était une prestation annuelle de cinquante charges de sel qui leur était accordée sur Salins ; elle fut convertie, plus tard, en une rente de mille-lhvres (1651) C2). À en croire un mémoire, présenté en 1650 par la ville de Lons-le-Saunier au Conseil des finances du roi d’Espagne, la saline aurait été détruite en 1290 6). Un ouvrage manus- cri de M. Courbe sur Lons-le-Saunier, donne l’année détruites, en 1290, pour mettre celles de Salins en plus grande valeur. (Fenouillot de Falbaire, dans l’'Encycl. méth. Arts et Métiers, t. VII, p. 139.) V. Moreau de Beaumont : Mém. sur les Impos. et les Droits, t. IT, p. 204. « Il paraît même qu'on démolit les bâtiments pour favoriser la saline de Salins, plus productive. » (J.-B. Perrin : Not. hist. sur la ville de Lons-le- Saunier, p. 241.) D. Monnier : Annuaire du Jura 1841, pp. 137-139; 1844, p. 272 (1) « On a trouvé dans les creusages qui ont été faits, une grande quan- tité de rouages. d'arbres de roue à demi brülés, et l’on peut conjecturer de là que ces salines périrent par le feu. » (Fenouillot de Falbaire : Ene. méth. Arts et. Mét.;t. NII, p. 439.) (2) Moreau de Beaumont : Mém. sur les Impos. et les Droits, t. INT, p. 204. Fenouillot de Falbaire : Encycl. méth. Arts et Mét., t. VIT. p. 159. (3j. N. p. précédente, note 2. — 105 — 14992 (1). Ces deux dates sont inadmissibles. Jai vu des chartes de 1290, 1294, 1295, 1311 (2), M. Monnier en cite de 1313 et 1314(3) qui prouvent que l’usine était alors encore en activité (4). À partir de 1314, je ne connais plus de traces de son existence. On a dit que sa destruction avait eu lieu en 1318 (5); c’est bien possible, mais ce n’est pas prouvé (). (1) Histoire manuscrite de Lons-le-Saunier, citée par D. Monnier (Ann. du Jura 1841, p. 137.) (2) En 1290, Hugues de Vienne donne aux Frères Mineurs de Lons une berne sise près le Puits dudit lieu. (B. N. Bourgogne 38, p. 141.) En janvier 1293-4, Renaud de Bourgogne et Hugues de Vienne donnent quittance à l'abbé du Miroir’pour 48 liv. est. qu'il leur devait Cpor la cause et por la fayture dou Poys de Lons et por doze montées de muire frainches, lesquex il hont et doivent havoir oudit Pois de Lons.» (Arch. du Jura, série H. Citeaux XCVIT). Quittance analogue donnée par les mêmes aux abbés de Bellevaux et de Rosières, en février suivant. (B.N. Moreau 870, f° 645, v°.). En 1295, Jean de Chalon affranchit au profit de son frère Étienne trois montées de muire « ou Pois de Laon. » (Béatriæ de Chalon, p. 116.) En 1303, Perrenin de « Recons » possède en fief 20 livres de rente sur les sauneries de Lons (Mém. pour servir à l’histoire du comté de Bour- gogne, par l'abbé Guillaume, t. V. f° 140, v°.) (Collect. de M. de Laubes- pin.) En février 1310-11, Perrenin, fils d'Henri Fèvre, reprend en fief du comte Renaud « ung mon fonz de berne assis ou porpris dou Pois de Laon lou Sanier. et toutes les rantes de forgée que j'ay oudit Poys de Laon. » (Arch. du Doubs, B 311.) (3) Emonin et Jean d’Orgelet reprennent en fief de Hugues de Vienne quarante montées de muire à Lons (1313). — Renaud de Bourgogne, par son codicile de 1314, lègue des rentes assises sur le Puits de Lons. (D. Monnier : Ann. du Jura 1841, p, 138.) (4) M. Rousset (Dictionnaire, t. LI, p, 642) prétend que la destruction eut lieu entre les années 1317 et 1320, sans donner les raisons qu’il à d’a- dopter ces dates. (5) D. Monnier: Annuaire du Jura, 1844, p. 272.— Ch. Duvernoy (Gol- lut, nouv. éd.,notes, col.1736) place cet événement entre 1314 et 1320, sans autrement en fixer la date. Il est à remarquer, en effet, que le comte Re- naud, en cette dernière année, constitue en dot à sa fille des rentes sur les sauneries.de Salins et de Grozon, sans parler de celles de Lons, dans les- quelles il avait eu cependant des droits ‘plus importants qu'à Salins et à Grozon. (Chevalier : Mém. sur Poligny, t. 1, p. 403.) (6) M, Perrin (Notes historiques sur la ville de Lons-le-Saunier, p. 141) suppose que la saline a subsisté jusqu'à une époque postérieure à la — 106 — On pense que la reine Jeanne aura alors passé un traité avec le comte de Monthéhard, Renaud de Bourgogne, pour supprimer un établissement concurrent de ses usines de Salins et de Grozon. Le comte Renaud et les habitants de Lons auraient été indemnisés par des rentes sur les saune- ries de la comtesse de Bourgogne. Il faut penser que les seigneurs de la maison de Vienne, qui étaient co-propriétaires de la saunerie avec le comte de Montbéliard, ont pris part à ce traité, au même titre que lui, et ont été dédommagés d’une façon analogue (1). Peut-être la disette de bois aux alentours de Lons-le-Sau- nier, dont une trop longue exploitation des sauneries avait dénudé les environs, a-t-elle influé sur la suppression de la saline. Peut-être une cause matérielle analogue a-t-elle aussi dé- terminé, un demi-siècle plus tard, la destruction de la saunerie de Grozon. Le fait est que cette usine, située dans un lieu bas et ma- récageux, — les étymologistes ont voulu trouver dans cette position l’origine du nom de Grozon (@), — était exposée à des inondations dangereuses. Ainsi, au milieu du xiv® siècle, des pluies abondantes avaient réduit à néant la fabrication du sel. Un état des biens de l'hôpital du Saint-Esprit de Dole, dressé en mai 1342, nous fait connaître que les rentes établies sur Grozon dont était pourvu cet établissement cha- fin du x1v° siècle. M. J. Gauthier écrit qu’elle était en pleine activité à la fin du xvi° siècle. (Un voyageur allemand en Franche-Comté au xvi° siècle, dans Mém. de l’Acad. de Besançon, année 1886, Besançon, 1887, p. 48.\ Mais le silence des chartes à partir du premier quart du xIv° siècle, ne permet pas de croire que la saunerie de Lons ait subsisté aussi longtemps. (1) Monnier (Annuaire du Jura, 184%, p. 272) semble avoir oublié l’exis- tence des Vienne et de leurs droits sur Lons-le-Saunier. (2) Chevalier fait vénir ce nom de Gronna. Il suppose que de l'adjectif Gronnosus on aura fait, par métathèse, Grosonus. C’est une étymologie fantaisiste qui a eu un certain succès. (Chevalier : Mém. hist. sur Poli- gny, t. IL, p. 229.) | 1 s À DPMUNR PVO PT TT À na age, Ant D à à à “x S — 107 — ritable, étaient devenues, par le fait, illusoires. « Item à Groson, dit le rédacteur, es vint jours de la Nativité Nostre- Seignour, une charge de seel, et en sumes bien sacellez, et si en est on paihiez à grant painnes, quar, essez de temps, li puis ne fait riens, pour les pluiges (1). » C'est, sans doute, en considération du peu de profit qu’elle en tirait, que la comtesse de Bourgogne, Marguerite de France, sacrifia la saunerie de Grozon, dont elle était seule propriétaire, à celle de Salins, dont elle ne possédait qu’une partie. Elle passa avec ses « Parçonniers : de Salins un traité par lequel elle promettait de la détruire et de donner cours au sel des trois établissements salinois, dans les limites où s'était auparavant vendu le sel de Grozon. En revanche, les Parçonniers de la Grande-Saunerie lui promettaient une rente de trois cents livres par an ; le Puits-à-Muire devait lui en payer deux cents et les Rentiers de la Chauderette, cent. Les rentes et charges établies sur Grozon étaient transpor- tées sur la Grande-Saunerie. Les conseillers de Marguerite avaient passé un contrat sur ces bases en mai 1369 (2); il fut ratifié par la princesse, à Gand, le 25 juin suivant (). En conséquence, la saunerie de Grozon fut démolie ; elle avait cessé de produire vers la saint Jean-Baptiste 1369 (4). Les amodiateurs en cours de bail furent mdemnisés. (1) Arch. de l'hôpital de Besancon, I 3 b. (2) Ce traité est mdiqué par l’Inventaire des Archives du Doubs, sous la cote B 308. (3) Voir ce document aux pièces justificatives. (4) Le 24 juin 1369, lettre des conseillers de la comtesse Marguerite ré- glant l'indemnité que l’on devait aux fermiers de la saunerie de Grozon qu” « il hont tenu dois led. XIII jour de janvier M. CCC. LXVI, que sont deux ans entiers, et dès lors jusqu’à dit jour M. CCC. LXVIIT, jusques environ le jour de feste saint Jehan-Baptiste suivant que ladicte saunerie de Groson vauqua et cessa de cuyre sel, pour ce que alors com- mença et pendant ce terme fust fait le traictez de eschangier ladicte salnerie de Groson es seigneurs et rentiers de la Grant-Saunerie de Salins, de la Chauderete de Rousières et du Puis du Bourg-Desoubz, et icelle saunerie de Groson mettre à néant à perpétuité. » (Arch. du Doubs, B 308.) — 108 — Les gens du conseil de Marguerite semblent avoir pour- suivi un projet de monopole de la production du sel en faveur de la Grande-Saunerie de Salins. Après la suppression de Grozon, ils proposèrent à leur souveraine de détruire le Puits-à-Muire. Mais les scrupules de la comtesse firent avorter leur projet; elle répondit en défendant toute tenta- tive de ce genre, d'autant, ajoutait-elle, qu’elle ne voulait donner son âme pour aucun profit. Les tendances anü-féodales qui se firent sentir au xv* siècle, étayées par la mode du droit romain, devaient mettre en grand péril lexistence des salines des particuliers. En y déployant beaucoup de bonne volonté, les conseillers très dévoués des dues de Bourgogne trouvèrent dans l’arse- nal des lois romaines des textes qui supposaient plus ou moins que les salines étaient « res fisci : et que leur pro- priété était comprise au nombre des droits régaliens (1). Ils se hâtèrent d’en conclure que les sauneries devaient ou appar- tenir au souverain, ou ne pas être (2). Forte de ces principes, administration n'eut qu à choisir, selon les circonstances, entre la confiscation et la suppression. Les propriétaires menacés eurent beau invoquer ancienneté de leurs droits (@) : auprès des juristes d’alors, les faits avaient peu de crédit quand la Loi écrite avait parlé. NP CHASSE nirro. (2) Mémoire du procureur du duc de Bourgogne contre les Rentiers, en 1442. (Arch. du Jura, À 11.) « Droit de salines est droit de régale et ap- partenant au prince et à nul autre. » (3) En 1442, Mémoire pour les Rentiers du Puits contre le procu- reur général : « Item que semblablement plusieurs églises, nobles et autres, sous la souveraineté et ressort de mondit seigneur tiennent et pos- sident plusieurs drois que par constitutions nouvelles sont appelés drois de Régalie, comme Madame de Montbéliard, Monseigneur le prince d'Orenges, le conte de la Roche, Monseigneur de Fonvens, qui tiennent saulnerie au comté de Bourgoigne, ouquel plusieurs autres seigneurs et dames possident et tiennent parts et partaiges et ont fait de grande an- cienneté, soubz la souverainneté de mondit seigneur, et qui est une partie de leur chevance et d'aucuns l’une des grans d’icelle. » (Arch. Jura, À 20.) | | | | — 109 — Le Puits-à-Muire fut le premier en butte aux attaques des agents ducaux. En 1493, les Rentiers avaient jugé à propos de modiïier le prix de leur sel. Les officiers de la Grande- Saunerie protestèrent, prétendant que les intérêts du duc en étaient lésés. Le procureur général averti déclara que les salines constituant, suivant le droit écrit, un bien régalien, le souverain seul était propriétaire du Puits-à-Muire. que les Rentiers ne pouvaient être que les créanciers de rentes assignées sur l’usine ; que dès lors le duc seul pouvait régler le prix du sel, sa chose (1). La question de propriété ainsi posée, les Rentiers s’é- murent et obtinrent qu’une commission fût chargée d’en- quérir sur leurs droits. Les commissaires choisis par le Duc étaient : Jacques de la Viéville, bailli de Dijon, Drève Mareschal, maître des comptes, et Guy Gelenier, conseiller du Duc (1). Ces enquê- teurs se rendirent à Salins, et, après avoir procédé à une longue information de quatre mois (de septembre à dé- cembre 1424, inclus), déclarèrent, par provision, le Puits « mis en la main de Monseigneur (6). » (1) Les commissaires, « estans audit Salins, firent appeller pardevant eulx lesd. Moutiers, à la requête du procureur de mondit seigneur, le- quel proposa contre iceulx Moutiers entr’aultres choses et requist qu'il fust déclairié eulx estre amendables envers mondit seigneur pour ce qu'ilz avoient mis pris en leurs selz, et les vendoient à lour voulentez et ainsi qu'ilz povoient. » (Déposition de Guy Gelenier. Arch. du Doubs, B 202, f° 397 ve.) (2) Arrêt de février 1424-5. (Arch. du Jura, À 18.) — Déposition de Guy Gelenier dans une enquête de 1443 (Arch. du Doubs, B 202, i° 307.) «Dit savoir que en lan mil CCCC. XXIIT, Messire Jaques de la Vies- ville, lors baïlli de Dijon, lui qui parle, et feu Maistre Dreve Mareschal, maistre des comptes de mondit seigneur à Dijon, furent commis d’icellui seigneur pour faire certaine refformation à l'encontre des Rentiers et Moutiers du Puys du Bourg-Dessoubz à Salins, » (3) Même arrêt : « Et tellement ilz ont procéder nosd. commissaires : par plusieurs et diverses journées et intervalles, es mois de septembre, octobre, novembre et décembre continuellement ensuyvans et nouvel- lement passés. » (Arch. du Jura, À 18.) Déposition de Guy Gelenier : « Dit que lesdiz autres commissaires et — 110 — Les Rentiers ne perdirent point de temps, et aussitôt se transportèrent à Chalon, puis à Dijon, auprès du Due « jus- ques au nombre d'environ vVHF* chevals ». Cette imposante ambassade avait pour chefs l'archevêque de Besançon, Thié- baud de Rougemont, et l’évêque de Paris, Jean de Nant (): elle fit tous ses efforts pour persuader au Due et à ses gens le bien-fondé des droits des Rentiers. D'un autre côté, les Rentiers agissaient clandestinement auprès des commissaires eux-mêmes (2). Un Moutier du lui estans audit Salins, en leur dicte commission, mirent en la main de mondit seigneur ledit Puis du Bourg-Dessoubz ensemble les muires d'icellui, pour ce que leur sembioit que mondit seigneur avoit droit oudit Puis et de mettre pris es selz d’icellui. » (Arch. Doubs, B 202, f° 307, v°.) (1) Arrêt de février 14245 : « Se sont tirez pardevers nous en ceste nostre ville de Dijon, oudit mois de décembre dernièrement passé, révé- rends pères en Dieu l’arcevesque de Besançon et l’évesque de Paris, na- tifs et issuz de noble lignée et nativité de nostre dit comté de Bourgoingne et avec eulx plusieurs abbéz, prieurs, doyens, chanoines, curez, hospita- liers et aultres gens d'église, et aussi plusieurs chevaliers, escuiers et bourgeois de nostre dit pays de Bourgoingne, eulx disans seigneurs Rentiers desd. Puys et Fontaine salée et de la maison d’iceulx, et mesmement une grant partie desdiz facteurs, moutiers et officiers pour eulx en iceulx Puys et Fontaine salée et en la vendition de tous les selz que l’on en fait chascun jour et chascun an, en eulx deullans et très griefvement com- plaignans lesd. exploiz et nouvelletez. » (Arch. Jura, A 18.) Mémoire pour les Rentiers et Moutiers, lors de l’enquête de 1443 : « [tem que pour y pourveoir par justice, pluseurs desdiz Rentiers, prélas, nobles et autres, jusques au nombre de environ VITE chevalx, se transpourtèrent par devers mondit seigneur à Chalon et à Dijon, acompaignés de pluseurs notables conseilliers et autres gens, lesquelx, pour y avoir remède, y vac- quèrent environ quarante journées ou plus et ou nombre desdictes per- sonnes et chevaulx et fourniz de leurdiz conseilliers, qui nécessité leur estoit. » (Arch. Jura, A 20). (2) Déposition de Guy Gelenier : « Et scet bien lui qui parle que depuis,- par grant importunité et poursuite et a tres grans fraiz, lesdiz Rentiers et Moutiers obtindrent de mon dit seigneur certaine sentence sur le fait du- dit Puis et, pour icelle obtenir, firent de grans dons et firent faire de la vaisselle d'argent au lieu de Salins, pour donner à aucuns par le moyen desquelx ïlz entendoient venir à leurs fins, et lesquelx lui qui parle n’ose nommer. » (Arch. Doubs, B 202, f° 308,) — 111 — Puits-à-Muire, Jean de Montaigu (1), était en relations avec un certain Raoul de Machy, qui occupait, à Salins, une situa- tion importante : maître de l’hôpital de Bracon et chanoine de Saint-Anatoile, il était en mème temps trésorier de la Grande- Saunerie et commis à la recette de Bracon (2). Machy se laissa persuader de servir d’intermédiaire entre Montaigu et l’un des commissaires ducaux, Jacques de la Viéville ; il fit accepter à ce dernier, des intéressés au Puits-à-Muire, quelque cinq cents francs ou saluts @). (1) Ce Jean de Montaigu fonda plus tard les hôpitaux de Salins et de Montaigu. On a pensé que ces fondations avaient été faites en exécution d’une sentence qui aurait condamné Jean de Montaigu à réparer, de la sorte, ses méfaits. Rousset (Dict., t. VE, p. 534) suppose à tort que ce personnage avait corrompu les commissaires ducaux chargés de vérifier sa comptabilité. (2) Voir les comptes de Raoul {Raoulin ou Rolin) de Machy (Arch. Côte- d'Or, B 3360 et s.) comme trésorier de la saunerie et commis à la recette de Bracon, pour les années 1422 à 1427. (3) Enquête de 1443, déposition de Bernard Noiseux : « Et depuis a oy dire à feu Messire Raoul de Machy, jadiz son maistre, environ deux ans avant son trespas, qu'il faisoit grant conscience et se tenoit bien coulpable et chargié de ce qu'il avoit esté moien, à la poursuite de Jehan de Mon- tagu, Moutier dudit Puis, pour attraire ledit Messire Jaques de la Viezville pour conduire le fait desdiz Rentiers et Moutiers envers mondit seigneur, pour obtenir ladicte sentence, auquel Messire Jaques lesdiz Moutiers avoient donné pour ceste cause v° escuz d’or. Parquoy, depuis, ledit Mes- sire Jaques avoit juré en la présence de mon dit seigneur sur sainctes re- liques, que mon dit seigneur n’avoit aucun droit audit Puis, fors tant seulement ceulx qu'il se réservoit par ladicte sentence, et qu’il faisoit grant péchié et grant tort ausdiz Rentiers et Moutiers de les molester ou fait dudit Puis. Et en oultre dist ledit de Machy à lui qui parle qu’il ne Savoit pas que mondit seigneur y deust avoir si grant dommaige, et qu'il _voudroit bien que sa conscience en feust deschargié et examiné avant sa mort. » (Arch. du Doubs, B 209, fo 329.) Dépositiocn de Michel Garnier, secrétaire du Duc : «Dit qu’il a oy dire que pour obtenir icelle sentence de la partie desdiz Rentiers et Moutiers. avoit esté donné à plusieurs personnes plusieurs sommes et parties d'or, d'argent et de vaisselle d'argent, mesmement audit Jaques de la Viesville, VS frans ou Ve saluz, » (Ibid., f° 306, v°.) Déposition de Pierre Pleurre, écuyer, clerc des Rôles de la Saunerle : « Et a oy dire aussi que feu Messire Raoul de Machy, à son vivant — 112 — Du reste, Jacques de la Viéville n'avait pas été seul en butte aux offres des Rentiers et Moutiers Guy Gelenier, au cours d’une enquête où il paraît comme témoin, reconnait avoir recu l'offre de vaisselle d'argent, que l’on avait fait faire exprès (1). Il déclare, il est vrai, « qu'il ne la voulut prendre, ni recevoir. » Ce serait, parait-il, un autre Moutier, Jean de Germigrey, qui se serait efforcé de corrompre Gele- nier (2). Le fait est que ces mêmes enquêteurs, qui avaient déclaré à qui voulait les entendre que le Puits devait être la pro- priété du souverain 6), et qui avaient rendu, à Salins, une sentence conforme à cet avis, revinrent sur leur opinion. Par un retour inattendu, ils jurèrent devant le Duc, sur les saintes reliques, que le souverain n’avait d’autres droits sur le Puits-à-Muire que les six quartiers et dix seilles qu'il y percevait annuellement, avec une rente de deux cents livres qu'il y touchait, à cause de la démolition de Grozon, sans plus y avoir de droits de propriété que les autres Ren- maistre de l’ospital de Bracon, avoit dit qu’il faisoit grant conscience de ce qu'il avoit esté moyen de faire donner certaine somme d'environ cinq cens salus, frans ou escus par lesdiz Rentiers et Moutiers à Messire 3a- ques de la Viezville, lors baïlli de Dijon, pour le fait de lad. sentence ob- tenue par lesdiz Rentiers et Moutiers. » {[bid., fo 207.) (1) Déposition de Guy Gelenier. Parlant de la vaisselle d'argent que les Rentiers et Moutiers firent faire à Salins, il ajoute : « Et mesmement en firent présenter lesdiz Rentiers et Moutiers à lui qui parle, qui ne la voult prendre ni recevoir, par aucuns qu’il nommera autre fois. » (2) Déposition de Michel Garnier : « Et aussi à oy dire audit maistre Guy Gelenier que pour et afin qu’il ne nuysist à donner lad. sentence, il avoit refusé grant somme et valeur d’or, d'argent et vaisselle que l’on lui avoit présenté, dont Jehan de Germigny sauroit bien parler. » (Arch. du Doubs, B 202, f° 306, v°.) (3) « Or est vray que mesdiz seigneurs les commissaires, après les cho- ses dessus dictes enssin par eulx faictes, ont dit et publiquement magni- festé que le Puis du Bourg devoit estre et appartenir à Monseigneur de Borgoingne et que c’estoit son propre héritaige, à lui appartenant par droit de Régaule. » (Mémoire pour les Rentiers, 1443. Arch. Jura, À 18,) | É : # À nat le 2 fr) danois Se El dr ne te 2 dont Li» nat — 113 — tiers (1). En conséquence, un arrêt du Parlement de Dijon fut expédié, le 6 février 1495, qui fixait définitivement sur ces bases la propriété du Puits-à-Muire (2. Mais les soupçons de corruption qui planaient sur les com- missaires de 1424, provoquèrent une nouvelle enquête, qui eut lieu en 1443 (5). À ce moment, Jacques de la Viéville et Drève Mareschal étaient morts. Aucun résultat ne semble avoir été produit par cette tentative de révision. Le Prince, dans la suite, paraît avoir renoncé à ses pré- tentions sur la propriété du Puits-à-Muire. Mais il n’en rap- pelait pas moins, de temps en temps, son fameux droit de Régale pour entraver la liberté d'action des Rentiers et Mou- tiers, quand il la sentait dangereuse à sa Saunerie. Ainsi, très souvent, nous voyons le souverain intervenir pour empêcher le sel de Bourg-Dessous de s’abaisser à un prix qui pût nuire à la vente de celui de la Grande-Saunerie. (4) Voir ci-dessus la déposition de Guy Gelenier. (2) Cet arrêt (Arch. Jura, À 18) déclare « lesdiz puys, maison et fon- taine salée en quelque valeur grandeur et habondance de muyre qu'ilz soient et puissent estre et qu'ilz rendent et gettent par an, et en quelque temps et saison que ce soit, compéter et appartenir de plein droit loyale- ment et du tout en tout ausdiz seigneurs Rentiers tant gens d'église, che- valiers, escuiers, bourgeois, bourgeoises, pupilles comme aultres gens de quelque estat ou condiction qu’ilz soient, comme seigneurs Rentiers d’iceulx puis, maison et fontaine salée, et sans ce que à nous, pour nous et nosdiz hoirs, successeurs, contes et contesse de Bourgoingne y compete et appar- tienne aucune chose, fors que tant seulement nostredite portion et droit des devant diz six quartiers et dix selles de lad. muyre, en laquelle portion à nous appartenant, nous avons telle seigneurie et droit comme chascun desdiz autres Rentiers a, prent et doit avoir en sa part et portion, et aussi à nous les deux cens livres estevenans par an que à nous, et aux doyen et _ chappitre de l’église Notre-Dame d’Arbois sont deues et compétent sur lesdiz Puys et fontaine salée, pour le fait et à cause de lad, saulnerie de Grozon. » (3) C’est l'enquête pratiquée à cette époque qui nous à donné les ren- seignements ci-dessus sur l'affaire de Jacques de la Viéville. M. Ed. Clerc (Essai sur l'histoire de la Franche-Comté, t. IE, p. 996. en donne un résumé assez exact. Les quelques erreurs de détail qu'il x commet, sont rectifiées au cours de ce que je viens de dire. S — 114 — Les difficultés qui survenaient à chaque instant, à ce sujet, amenèrent une convention entre la Saunerie, le Puits-à-Muire et la Chauderette, par laquelle il fut décidé que la hausse ou la baisse des prix du sel ne se ferait plus que du consente- ment des officiers de ces trois établissements. Par un traité passé à Tournay, le 2 mai 1586, le roi Philippe IT promet de ne Jamais vendre le sel de sa saline plus cher que celui du Puits-à-Muire; en revanche, le Puits-à-Muire doit vendre le sien d’un cinquième plus cher que celui de la Grande-Sau- nerie, parce que ses pains sont d’un cinquième plus gros (1). Lorsque, au xvi° siècle, là coutume s’établit de pratiquer sur le sel ce que l’on appelait des haussements, c’est-à-dire d'enchérir, par ordre du roi, le prix des pains, afin de parer, par le gain ainsi réalisé, à quelque dépense extraordinaire du budget de la Province, le Puits-à-Muire dut encore subir cette obligation. Pour la lui faire accepter, le prince de Parme passa avec le procureur des Rentiers, le 14 juillet 1582, un traité par le- quel il était octroyé aux Rentiers les trois quarts des haus- sements, tandis que le roi n’en prélèverait qu'un quart @). Le souverain prétendit aussi imposer au Puits-à-Muire l'obligation de fournir à la Grande-Saunerie le sel qui pouvait lui manquer pour remplir les obligations de ses traités avec les marchands des pays voisins. Nous avons, en ce sens, des QE (1) 1624. Inventaire de pièces pour les Rentiers du Puits-à-Muire. « Item le traicté faict et passé à Tornay entre S. M. catholique, Philippe second, d’immortelle mémoire, d’une part, et lesd. sieurs Rentiers, d'autre, par lequel appart que le pris de tous les selz qui se reforment aud. Puitz appartient entièrement auxd. sieurs Rentiers en corps sans en rien ex- cepter et que Sa Majesté ne peut vendre son sel en la Saulnerie à plus haut pris que celluy desd. sieurs Rentiers, lesquels ont droict de pouvoir vendre leurs selz ung cinquième plus hault, pour ce qu’il est plus gros d’ung cinquième, et ce sans faire supplication ny requeste. » (Arch. Jura, À 35.) (2) Ce traité fut ratifié par Philippe II, le 2 mai 1586. (Arch. du Jura, A 8.) — 115 — mandements de Marguerite d'Autriche de 1514 et de 1524 (1), De même, on soumit la vente du sel du Puits à la surveil- lance des officiers de la Saunerie (2). Siles Rentiers et Mou- tiers vendent du sel en grains, il faut qu’un officier de la Saunerie le voie mesurer ; si on veut le transporter hors du Comté, on ne peut le faire sans un billet de la même Sau- nerie (5). | Le principe de la Régale des salines avait subi un échec dans laffaire du Puits-à-Muire. Mais les souverains ne conti- nuërent pas moins de l’affirmer dans toutes les occasions. En réalité, ils le modifièrent dans les applications. Ce ne fut plus le monopole en faveur des usinés ducales où royales (1) Mandement de Marguerite d'Autriche du 5 juin 1514. (B. N. Moreau, 1046 f° 110.) Autre du 2 avril 1524. (B. N., Nouv. acq. Fr. 6948, f° 55, v°.) Mémoires adressés à la même princesse par les officiers de la Saunerie et les Rentiers du Puits, pour et contre cette obligation. (B. N. Moreau … 946, f 145.) (2) Toutes ces difficultés amenaient de continuels conflits entre les deux sauneries. Un mémoire rédigé vers 1640 porte que : « La plus grosse des- pense (à la charge de la Grande-Saunerie) estoit en la poursuitte des pro- cès contre le Puis-à-Muyre, lesquelz estoient en si grand nombre et les fraiz si grandz que ceux du Puis, par le moyen de telle despense, ont veu leurs quartiers de muyre reduitz à trentg francz par an, desquelz à ceste heure Son Altesse leur donne près de cent francz; lequel revenu du Puis, plus ne moins qu'il s'en alloit en fraiz de procès, ainsi foisoit celluy de la Saulnerie. » (Bib. Besançon, fonds Salins, non classé.) (3) Mémoire du procureur général de l’archiduchesse Marguerite contre les Rentiers (1524). « Jaçoit que ne leur fut loisible vendre ny distribuer aud. puys du Bourg-Dessoubz aucune quantité de sel tryé que n’y eust ung oflicier de lad. Saulnerie présent à la veoir mesuré, et que ceulz qu'ilz achargeni pour la mener hors du conté de Bourgoingne, n'eussent ung billeton ou passe-porte de l’ung des officiers de lad. Saulnerie pour le délivrer au commis que doit estre au Pont de Roide pour recevoir iceulx billetons et les rapporter et en rendre compte aux officiers de lad. Saulmerie. » (Arch. Jura, A 158.) — 116 — que l’on réclama, ce fut le monopole au profit des usines de Salins. C'était poursuivre le système adopté déjà par Mar- guerite de France lorsqu'elle déclarait, en supprimant sa sa- line de Grozon, que nul sel autre que de Salins n'avait cours en l’archevêché de Besançon (1). : D’après ce principe, toutes les salines de Franche-Comté, à l’exception de celles de Salins, devaient avoir le sort de Grozon. Mais sa mise en pratique offrait maintes difficultés, et la maison d'Autriche devait perdre la Comté avant d’avoir pu réserver aux seules usines de Salins la production du sel. La comtesse de Montbéliard, Henriette de Montiaucon, possédait dans sa terre de Granges, relevant du comté de Bourgogne, le puits de Saulnot. Elle le faisait exploiter à son profit et le sel se vendait tant dans son comté indépendant de Montbéliard que dans la seigneurie de Granges. Le procu- reur général près le Parlement de Dole requit la suppression de cette usine, qui offensait les droits régaliens du duc de Bourgogne. L'affaire ne fut pas résolue à Dole et le duc nomma des commissaires pour en juger. Mais la comtesse de Montbéliard était trop puissante pour que le duc osât la traiter comme une vassale ordinaire. [1 fut réglé, par un arrêt provisionnel du Parlement de Dijon, commis à cet effet, du 14 juillet 1441, que Henriette continuerait à posséder son usine comme par le passé et pourrait en faire vendre le sel tant au comté de Montbéliarä qu’en la terre de Granges (2). Ainsi fut sauvée la saline de Saulnot. Mais, dans la suite, les officiers du comté de Bourgogne eurent toujours l’œil ou- vert à ce que la tolérance qu’on avait dû montrer, par égard pour un puissant voisin, ne dégénérât pas en abus. Dès 1461, un arrêt du Parlement de Dole enlève à Eberhard de Wur- temberg, comte de Montbéliard, le droit de vendre son sel (1) Voir la charte de la démolition de Grozon aux Pièces spin tes (2) Arch. de la Haute-Saône, E 219. ES — 117 — dans les contrées relevant du comté de Bourgogne, pour le punir d’une concurrence déloyale qu'il aurait faite au sel de Salins (1); mais, en 1465, on lui rend tous les droits que comportait l'arrêt de 1441 (2). Au xvire siècle, des réclama- tions de même genre se produisent de ia part du procureur général de Dole. En 1616, il se plaint de ce que le duc de Wurtemberg a, depuis vingt ans environ, fait rechercher de nouvelles sources pour donner de laccroissement à son in- dustrie ; les mêmes reproches se renouvellent en 1632. En 1650, on intente un procès aux amodiateurs de Saulnot pour avoir vendu de leur sel en Franche-Comté 6). Il faut reconnaitre que la contrebande était très facile pour une saline située dans le comté de Bourgogne même, en plein pays soumis au cours du sel de Salins. Aussi les sou- verains de la Franche-Comté n'ont-ils jamais renoncé à anéantir ce reste d’un état de choses disparu. Pour leur com- plaire, on en cherchait les moyens Un sujet du comte de Montbéliard, intéressé lui-même à la conservation de la sa- line de Saulnot, où 1l avait des rentes, le sieur de la Verne, écrit de Bruxelles, le 1% juin 1615, au chancelier de Montbé- lard € qu’un certain, qui doibt estre le jeune Voirin, procu- (1) Arrêt du Parlement de Dole du 16 mai 1641 : « Mesmement estoit vray que led. comte de Montbéliard ou ses gens et officiers, pour rebouter et anéantir le sel de nostre saulnerie de Salins, ayant cours par les sel- gneuries de Granges, Saulnot et autres villes et villages appartenant aud. comte de Montbéliard, estant assises et situées notoirement en nostre comté de Bourgoingne, avoient vendu baïllé et distribué le sel de la saul- nerie audit Saulnot et es lieux adjugés aud. comte deffendeur par lad. provision (c.-à-d. l’arrêt de 1441) , pour moindre pris et à meilleur mar- chef qu’ils ne faisoient ne avoient accoûtumé de faire par avant l’adjudica- tion de lad. provision. » (Arch. Haute-Saône, E 219.) (2) Le 23 avril 1465, Philippe le Bon lui restitue les droits accordés à Henriette en 1441, « pourveu qu'il souffrira et laissera et par sesdits offi- ciers, serviteurs et subgets fera souffrir et laisser passer, estre et séjourner en la ville de Montbéliard, en maisons et dehors, nostre sel de Salins, tant le sel tryé que celui en salignons, pour le vendre, en la manière accoustumée et le mener et conduire au pays d’Allemaigne. » (Arch. Haute-Saône,.E 219.) (3) Arch. Haute-Saône, E 219. — 118 — reur de Lisle, poursuivant un estat à Bruxelles, se doibt estre parouffert de ruiner la saulnerie de Saulnot ou de don- ner les moyens de le faire (1). » Malgré tout, la saline de Saulnot a eu une existence inin- terrompue jusqu’à la réunion du pays de Montbéliard à la France, et même jusqu’en notre siècle. D’autres usines purent, sinon obtenir en leur faveur une exception aussi complète, du moins profiter des circons- tances pour se relever de temps en temps de l’état de chô- mage auquel les ordonnances les condamnaient. Ainsi, c’est, sans doute, à son éloignement de tout centre administratif, à sa situation dans une région peu accessible et sur une double frontière (celle de la Suisse et celle du comté de Montbéliard), que la saline de Soulce dut l’exploita- ton intermittente dont elle a été l’objet entre la fin du xv° et le kymsieele. Cet établissement était délaissé, depuis le commencement du xv° siècle environ, quand, en 1489, vers la saint Michel (29 septembre), le seigneur de Varambon, comte de la Roche, eut l’idée de le faire restaurer. Son procureur de Saint-Hip- polyte et son maire de Damprichard demandèrent aide aux sujets du comte pour décombrer la place, et on y construisit une petite berne, d'outillage fort élémentaire (2). Elle entrait à peine en activité que, de trois côtés, son propriétaire se vit menacé d'en être dessaisi. Les officiers du comte de Bourgogne déclarèrent qu’elle était du ressort de la Franche- Comté et devait être confisquée ou détruite; le comte de Montbéliard prétendit qu’elle mouvait de son fief et y fit placer ses panonceaux en signe de main-mise (3); enfin les (1) Antide de la Verne au chancelier de Montbéliard. (Arch. Haute- Saône, E. 219.) (2) Enquête au sujet de la restauration de la saunerie de Soulce, par les officiers du comte de Bourgogne, en 1490. (A. Doubs, Ch. des Comptes. Sauneries. Soulce.) (3) En 1490. (Ibid.) — 119 — Suisses résolurent de s’en emparer de quelque façon que ce füt (1. Quand le Parlement de Dole s’avisa, par un arrêt du 23 août 1490, de défendre au comte de la Roche, Claude de la Palud-Varambon @), d'exploiter sa source, les Suisses avaient déjà pris les devants. Très au courant de ce qui se passait dans le comté de la Roche, que le seigneur de Va- rambon avait associé à la bourgeoisie de Berne (3), les gou- vernements des cantons suisses voyaient, dans la saline de Soulce, un moyen d'éviter les dépenses que leur coûtait le charroi du sel de Salins. Aussitôt que la source fut retrouvée, les « Seigneurs de Berne » chargèrent des députés d'aller voir la fontaine salée, et, sur le rapport qui leur fut fait en- voyèrent offrir à M. de Varambon de construire à leurs frais une saunerie. Mais le comte de la Roche étant alors absent : ils ne reçurent pas de réponse. Quelques mois après, impa- tients d’une solution, ils lui adressèrent une nouvelle ambas- sade qui eut le même insuccès. Alors, dépités par la lenteur de ces préliminaires, les Bernois déclarent que « s'ils n’ont part à ladite fontaine, qui la prendront toute, avec aussi la terre autour qu'est la Franche-Montagne », et qu'ils la garde- _ ront envers et contre tous (4). Leurs menaces ne furent pas (1) Arch. Côte-d'Or, B 11199. * (2) Lettres de l’archiduchesse Marguerite, du 22 juin 1510, mentionnant la défense faite à Claude de la Palud, par arrêt du Parlement du 23 août 1490, d'exploiter la saline de Soulce. (Arch. du Doubs. Parlement. Saune- ries.) (3) Loye : Histoire du comté de la Roche, pp. 152, 153. — Richard : Monographie de Saint-Hippolyte, p. 20. (4) « Advertissement à Mgr le bailli d’Auxois, de par les officiers de Mgr de Varambon. — Il est ainsi que, depuis sept ou huit mois, il s’est trouvé une fontaine salée en la terre du seigneur de Varambon en la conté de la Roiche appartenant audit seigneur, qui est hors du comté de Bourgogne, fied de Montbéliard, rérefied d'Empire, laquelle chose venue à la congnoissance des seigneurs de Berne, ont envoié veoir lad. fontaine et depuis ont fait dire audit seigneur de Varambon que, s'il lui plaisoit, qu'ilz mettroient sus lad. fontaine au grand prouffit dudit seigneur et de = HOD vaines. En 1499, les Suisses firent invasion dans le pays et s’emparèrent de vive force de la saline que, à leur gré, on avait trop tardé à leur céder. Ce n’est qu’en 1502 qu'ils vou- lurent bien quitter le comté de la Roche (). Claude de la Palud, rentré en possession de son comté, vendit à ces mêmes Suisses, c’est-à-dire aux cantons de Berne, Bâle, Fribourg et Soleure, sa saline de Soulce. Le gouvernement du comté de Bourgogne averti, ne tarda pas à protester contre ce nouvel attentat aux droits réga- liens. Les Suisses s’excusèrent, sous prétexte qu'ils avaient cru la source mouvante du comité de Montbéliard et non de la Franche-Comté. Ici, il ne s'agissait plus seulement d’un vassal à condamner par arrêt; c'était une affaire diploma- tique qu'il fallait traiter. Le gouvernement envoya à Berne une ambassade composée de Simon de Rye, d’Odot des Mou- lins, de Jean d’Orbe, lieutenant du Pardessus des sauneries, du doyen de l’église d’Arbois, et du receveur général d’O- range. Ces députés s’entendirent avec les Suisses et pas- sèrent avec les cantons acquéreurs de la saunerie de Souice un traité par lequel ces derniers abandonnaient leurs droits sur Soüulce, moyennant une indemnité de trois mille écus eulx ; et pour ce que icellui seigneur est hors de ce conté, ne leur a esté fait aucune response, combien que souvent ceulx de Berne aient parlé de ceste matière. Touteffois depuis quinze Jours ont renvoié ausd. officiers dud. seigneur pour savoir leur vouloir ; à quoy leur a esté respondu que l'on le feroit assavoir et que l’on en parleroit aud. seigneur. Or est que l’on a averty pour vray lesd. officiers que lesd. seigneurs de Berne sont dé- libérez que s’ilz n'ont part à lad. fontaine, qui la prendront toute voire aussi la terre autour, qui est la Franche Mofntaigne] ; et de ce ont ad- verty les subgetz dud. seigneur aus [quels à esté dit] par ceulx qui mè- nent ceste pratique que ceux [dudit] Berne les tiendront et garderont quant les deux pais l’aroient juré. » | En bas : « Retourné au président de Bourgogne par led. baïll. » Si- gné : «J. d’'Aichey. » (Arch. Côte-d'Or, B 11199.) Cette pièce est sans date, mais se rapporte évidemment au mois d'avril ou de mai 1490, puisqu'elle est postérieure de sept ou huit mois à septem- bre 1489, date de la remise en activité de la source de Soulce, (4) Loye : Hist. du comté de la Roche, p. 158. — 124 — d’or au soleil, revenant à quatre mille florims du Rhin (1). À peine l'affaire était-elle arrangée et les officiers du comté de Bourgogne avaient-ils détourné leur attention de ce côté, que Claude de la Palud s’empressa de remettre sa sau- nerie en exploitation. Dès 1510, la Chambre des comptes de Dole consulte le bailli d’Amont, Claude Carondelet, sur les moyens de faire cesser cet abus sans cesse renouvelé @). Par un nouvel arrêt du 14 mai 1513, le Parlement condamne le seigneur de Varambon à, « deans deux mois remplir, boucher et rendre inuülle la source salée estant en la seigneurie de Saint-Hipolitte, de manière que cy après l’on n°4 puisse faire ny former sel (3). » Cette fois encore, le comte de la Roche laissa dire le Par- lement ‘et se remit à fabriquer son sel. UÜn’an après, le 30 avril 1514, il demande du bois aux habitants de Saint- Hippolyte pour établir sur le Doubs, en face de sa saunerie, un pont qui permette d'y accéder plus facilement (4. Les successeurs de Claude de la Palud en usèrent de même 6): (1).B. N. Latin 9992, ff. 276-278. Traité du 10 novembre 1505, passé à Berne entre les magistrats des cantons de Berne, Bâle, Fribourg et So- leure, d’une part, et les députés de Philippe le Beau, d'autre part. V. aussi B. N. Nouv. acq. Fr. 6348, fo 81. — Arch. du Doubs. Parle- ment. Sauneries. (2) B. N. Latin 9932, f° 271 : « La source salée de Sainet-Ypolite que le seigneur de Varambon a faicte et fait Journellement cuyre et en fait for- mer sel. » (3) Inventaire de pièces produites en 1615 par le procureur général con- tre Christophe de Rye de la Palud, marquis de Varambon. (Arch. Doubs. Parlement. Sauneries.) Ancien inventaire des archives du Parlement de Dole, S/1284. — Notes Droz, à la Bib. de Besançon. (4) Notes Droz, à la Bib. de Besançon. (5) Le 14 février 1563-4, les officiers du comte de Montbéliard en la chà- tellenie de Clémont restituent à la comtesse de la Roche des troncs d'ar- bres, destinés à la réédification de la saunerie, et qu'une inondation avait Jetés sur les rives. (Arch. Nat. K 2071, 2212.) En 1600, le marquis de Varambon amodie la source salée à Guillaume Boissard, à charge de faire bien construire le nouveau puits. (Arch. Doubs. Parlement. Sauneries.) — 49 — sous le gouvernement de l’archiduc Albert, les difficultés duraient encore. On avait pensé à faire profiter le gouvernement de cette source salée en achetant, au profit du Roi, tout le comté de la Roche. Il s’était même présenté des entrepreneurs qui avaient proposé à la duchesse de Parme de mettre en valeur, à peu de frais, la saunerie ainsi acquise. Mais ce projet n'eut pas de suite (1). Le principe qui attribuait à Salins le monopole de la pro: duction du sel n’avait pu réussir à détruire des usines que défendait, comme Saulnot et Soulce, une situation géogra- phique et féodale spéciale. Il devait se retourner contre le souverain lui-même et le forcer, au nom de la logique, à dé- truire deux salines de son propre domaine : Montmorot et Tourmont. | Nous savons qu'à Montmorot avait jadis existé une saline, dont l’histoire nous est totalement mconnue. Elle avait suivi le sort de la terre de Montmorot elle-même, qui avait passé de la maison de Vienne aux princes de Bourgogne par la cession qu’en fit, en 1324, Guillaume de Vienne à la reine Jeanne de Bourgogne. Distrait, peu d'années après, du patri- moine du souverain pour former l'apanage de la Dauphine Isabelle de France, Montmorot fut légué par cette princesse au duc de Bourgogne (2), et il n’a pas cessé depuis, jusqu’à la conquête française, d’appartenir au Domaine. Marguerite d'Autriche, au commencement du xvi° siècie, voulut remettre en activité cette usine depuis longtemps Le procureur général poursuivait en 4615 le comte de la Roche, pour avoir usé de sa fontaine salée de Soulce. (Arch. du Doubs. Parlement. Sauneries.) | (1) L’entrepreneur offrait de procurer ainsi au Trésor un gain de 9 à 10,000 florins par an. (B. N. Latin 9932, f° 274-275.) (2) Rousset : Dictionnaire des communes de Fr.-Comté, t. V, pp. 346- 347. DE SAN RE D AD: PAR ES PEN CRE UN tn x + — 195 — abandonnée. Vers 1514 ou 1515, elle fit ouvrir le puits, bâtir une berne et même entreprendre de plus importantes cons- tructions. Elle avait confié la direction des travaux à son valet de chambre, Jean Jeanneal (1). Bientôt. en raison des récri- minations des co-propriétaires et des officiers des sauneries de Salins, la princesse dut renoncer à son exploitation. Mais, s’il fut facile de détruire les bâtiments de la saline, il y eut plus de peine à vaincre la persistance des habitants du pays à user du trésor naturel que renfermait leur vil- lage. Pendant la première période d’inaction de la saunerie, s'était introduit l’usage, pour les particuliers de Montmorot, de puiser l’eau salée pour les besoins de leurs ménages. La coutume s'était même établie que les étrangers eussent le même droit, à condition d'acquitter, entre les mains du receveur du Souverain, la redevance d’une mesure de fro- ment et d’une poule, payable chaque année, à la Saint- Martin d'hiver (2). Les officiers des sauneries de Salins y virent une atteinte aux prérogatives de leurs usines et obtinrent, en 1460, du bailli d'Aval, une sentence défendant l’usage de cette eau salée. Les intéressés en appelèrent. Nous ne savons quel fut (1) Etat de la terre de Montmorot, en 1520 : « Dehors et auprès ledit bourg de Montmorot, outre la rivière des Valières, prez le grand chemin tirant à Courbozon est assis le puits de muyre appellé Berne saline qui dès longtemps est demeuré en ruyne, et Jusques puis cinq ou six ans en ça que nostre ditte souverainne dame à fait ouvrir le dit puits et berne et par certain temps y a eu une berne apte et commode à cuire sel, qui en- cores y est le présent, et pour le gouvernement d'icelle berne nostre ditte souverainne dame commis Jean Janneal, son chambrier, tant pour redres- ser et mettre en bonne et deue réparation icelle berne et puits, pour y faire et cuyre sel, comme pour y faire edifices et maisons audit lieu, au- quel à desjà commencement de maison. » (B. N. Colbert-Flandres. 2. C. PT.) (2) Rousset : Dictionnaire, t. V, pp. 360-361, d’après un terrier de 1456 rédigé par Jean d’Autrey et Huguenin Charreton. (B. N. Colbert-Flandres, OURS CRE 404 l'arrêt du président du Conseil ducal que Philippe le Bon commit à connaître de cette affaire (1). Légalement ou frauduleusement, les habitants de Mont- morot se remirent à user de l’eau salée. Pour les en empé- cher, Jean d’Amboise, gouverneur du comté de Bourgogne pendant l’occupation francaise, dut, en 1481, faire clore la fontaine (2). La reconstruction de la saunerie, interrompit quelque temps cet usage ; mais il reprit, une fois cette ten- tative abandonnée. En 1606, les habitants de Montmorot reçurent fort mal les agents que les fermiers des salines de Salins avaient envoyés pour fermer le puits; ils obtinrent une reconnaissance juridique de leur droit 6). Le gouvernement n’avait plus, dès lors, d’autre moyen de fortifier son monopole de ce côté que de racheter les droits prétendus par les habitants. Par l'intermédiaire du président du Parlement, Adrien Thomassin, les bourgeois de Montmo- rot furent amenés à accepter une compensation. L'archiduc Albert leur céda le « battoir » qu’il possédait dans leur village moyennant le cens de trente livres estevenans. À cette con- dition, ils abandonnèrent leur puits et s’engagèrent même à l’entretenir clos de murs et couvert d’un grillage, afin qu'il ne füt plus possible d’y puiser de la muire (). Une source d’eau salée, dont personne n’avait entendu parler, surgit tout à COUP, par un jour d'orage, à la fin de sep- tembre 1447, surle territoire de Tourmont. près de Poligny (5). (1) Gette commission fut donnée par mandement en date, à Bruxelles, du 7 mai 1460. (B. N., Nouv. acq. Fr. 6348, fo 16) (2) Duvernoy : Gollut, nouv. éd., notes et rectif., col. 1736. (3) D. Monnier : Ann. du Jura, 1848, pp. 328-329. (4) Rousset : Dict., t. V, p. 361. (5) 12 août 1448. Enquête sur l’état de la source de Tourmont : « Item avons enquis depuis quel temps l’on s’est apperceu de lad. sourse, et sur ce, nous ont dit aucuns que, au mois de septembre dernier passé mil GCCC. XL. VIT. environ la foire de. fied, fit ung grant tonnerre, parle moyen duquel tonnerre lad. sourse saillit dehors à grant habondance. » (Arch. Côte-d'Or, B 11199.) — 195 — Elle apparut « en une pièce de prey qui est maras et comme crolière, près d’une petite montaignote de terre labourable. » Les habitants des alentours se hâtèrent d’en profiter (1). Les officiers des Comptes du Duc en furent avertis et une com- mission, députée par eux, vaqua. en avril suivant, à une vi- site de la fontaine et à une étude du profit que l’on aurait pu tirer de son exploitation. Cela fait, les commissaires firent remplir de morceaux de bois, d’épines et de terre « ladite source, tellement que sans grant peine et par grant espace de temps l’on n’y pourroit prendre eaue », et firent crier par tout le bailliage d’Aval « que nul ne fust si hardi d'y prendre eaue en quelque manière que ce soit, sur peme d'amende ar- bitraire (2). » Le Duc adressa, dans le même sens, un man- dement aux officiers de la Grande-Saunerie 9). Un gardien fut chargé (4) de maintenir en bon état l’enclos de palissades de chène et les fossés qui furent établis, aux frais de la Sau- nerie, autour de la source. Les choses restèrent en cet état jusqu’au gouvernement de Marguerite d'Autriche. Cette princesse jugeait à propos de ürer parti des sources salines de ses domaines. À Montmorot, elle créa elle-même une usine ; à Tourmont, elle pensa pou- voir tirer un profit différent de l’eau salée qui s’y trouvait. Elle s’entendit avec les habitants de Morges, au pays de Vaud, (4) Ibid. : « Nous a esté dit et rapporté par plusieurs qu'il a esté tel Jour que pour prendre eaue de lad. sourse, il y a eu cent ou VIzx chars char- giez de tunneaulx, et aultreffoiz plus. » (2) Ibidem. (3) Mandement de Philippe le Bon, du 1°" avril 1448-9 (Arch. du Doubs. Parlement, Sauneries) publié par le lieutenant du Pardessus de la Saunerie de Salins le 11 avril suivant. (Arch. du Doubs, B 313.) (4) Nominalion, par le Duc, de Jean d'Ogny aux fonctions de garde de la source de Tourmont, « laquelle jà piéça fut close, comme encoires est, de paliz de chasne aux frais de la Saulnerie et autres qu'il appartient, et ladicte cloison garnie de fossés alentour pour éviter que l’on use de lad. fontenne. » (Arch. du Doubs, B 291.) jean d'Ogny fut remplacé le 25 août 1479 par son fils Girard. (Arch. du Doubs. B 295.) 2 AOGCE et leur donna l'autorisation de fabriquer, à Tourmont, le sel dont ils auraient besoin (1). De plus, elle leur permettait de faire faire une route, pour le transport de leur sel, qui passe- rait par la montagne du prieuré de Bonlieu (2) et par ses états de Savoie et de Bourgogne. Les Parçonniers de la Grande- Saunerie, les Rentiers du Puits-à-Muire, avertis du traité passé par Marguerite au mépris de leurs privilèges, lui adres- sèrent des protestations. La princesse leur répondit que le sel de Tourmont ne devant pas avoir cours dans les mêmes pays que celui de Salins, leurs intérêts ne se trouvaient pas lésés (3). De nouvelles réclamations forcèrent Marguerite d'Autriche à renoncer à son entreprise : elle révoqua l’autori- sation qu’elle avait donnée aux habitants de Morges (4). La saunerie, qui avait eu le temps de s’élever, fut détruite. Son emplacement fut occupé par une ferme, qui se nomme encore la Grange de la Saunerie, et qui fut acensée par le Domaine à des habitants de Poligny (). (4) Lettres du 24 mars 1514-5. (Arch. du Doubs, B 313.) (2) Par ses lettres du 24 mars 1514-5, Marguerite les autorise à « faire faire le chemin pour conduyre ledict sel par la montagne du prioré de Monlieu, distant de nostredicte saulnerie de Tourmond d'environ sept lieues, et d’illec jusques au lieu de Savoye ..… » Il n'existait pas de prieuré de Monlieu. Je crois qu'il faut lire Bonlieu. Le prieuré de ce nom se trouvait dans la direction de Morges à partir de Tourmont, et à environ sept lieues de ce village. Chevalier avait lu « Mouthe », qui ne convient guère pour la direction et pas du tout pour la distance. (Mém. hist. sur Poligny, t. II, p. 226.) Rousset (Dict , t. VI, p. 91) l’a copié presque mot à mot. (3) Lettre de Marguerite aux officiers de Salins : « N’avons jamais en- tendu ny entendons que lesd. de notre saline de Tourmont doyent distri- buer leur sel en la limite de nostre Grant-Saulnerie. » (Arch. du Doubs B 313.) (4) Le 26 septembre 1515. (Arch. Dee B 313.) (6) M. L. Bertherand (Rech. hist. sur Poligny, p. 10) dit que « ces sa- lines furent cédées en 1540 par l'Empereur Charles V à un bourgeois de Poligny. » Il faut entendre ces mots de l'emplacement de la saline qui fut acensé. (Rousset : Dict., t. VI, p. 91.— Chevalier : Mém. hist sur Poli- guy, t, II, p. 227.) — Ici encore, ces auteurs se sont copiés textuellement. On lit dans un compte des revenus du comté de Bourgogne pour 1585-86 : 1 AIT = Dans la lutte entre la Coutume et le Droit écrit, exhumé pour la circonstance, la méthode des arrêts de justice avait, en somme, abouti à autant d'échecs que de tentatives d’appli- cation. Elle n'avait réussi qu'à nuire aux intérêts des souve- rains eux-mêmes. Le seul moyen qui pût procurer un succès certain au Monopole, c'était le système d’achats dont nous allons voir l’application dans l’enceinte même des salines de Salins. Le Prince avait, en ce qui touche les sauneries sali- noises, deux sortes de co-propriétaires : les Parconniers de la Grande-Saunerie et les Rentiers du Puits-à-Muire. Les trois branches de la famille de Jean de Chalon n'a- vaient pas continué longtemps à posséder de concert la Grande- Saunerie dans la proportion établie entre elles par leur auteur. Le duc de Bourgogne, seigneur suzerain de la Saunerie, ayant eu àse plaindre de son cousin Louis de Chalou, comte de Tonnerre, fit saisir sa part de la Saunerie, que l’on ap- pelait le « Partage d'Auxerre », en même temps que ses autres fiefs, en 1406 (1). C'était un sixième de la Saunerie que le Duc unissait ainsi à son tiers. Il le garda sous sa main jusqu’en 1417, et le donna alors en apanage à son fils le comte de Charollais. Ce dernier, devenu duc de Bourgogne, réunit le « sixte » d'Auxerre au Domaine. Il y resta incor- poré jusqu’à la conquête de Louis XI. A cette époque il fut cédé à Hugues de Chalon, seigneur de Châtel-Guyon, en ré- compense des services que ce seigneur avait rendus au roi de France, lors de la conquête. À la mort de Hugues, sur- venue le 3 juillet 1490, il fit retour au Roi. Cinq ans plus tard, les archiducs d'Autriche le donnèrent en usufruit à Jean « Des héritiers de damoiselle Battefort, pour le pourpris où souloit estre la saulnerie de Tourmond, 26 s., 8 d. t. » (B. N., Nouv. acq. Fr. 8%, f 7, vo.) — En 1654, la « Grange de la Saunerie » fut amodiée pour 12 ans à Pierre Louys et à Antoine Valour. (B. N., Joussanvault 81, f° 219, v°.) (1) D. Plancher : Hist. de Bourgogne, t. I, p. 239.— (Arch. Côte-d'Or, B 5965. — 1928 — de Chalon, prince d'Orange (1); ensuite, ils le concédèrent, — cette fois à titre héréditaire, — à Philibert de Chalon, avec tous les biens qui leur restaient de la confiscation jadis opé- rée sur Louis de Chalon (2). Depuis 1504, les princes d'Orange ont possédé le Partage d'Auxerre jusqu’à la mort de René de Nassau. À cette date, il fit retour à la Couronne (6). La maison de Chalon-Vignory n'avait duré que deux gé- rations. L'héritage d’Etienne de Chalon fut divisé en nom- breuses fractions. Quant au « sixte » qu’il possédait en la Saunerie, il passa aux maisons de Saint-Dizier, de Blamont, de Ribeaupierre et enfin à celle de Vergy, par le mariage d’Isabeau de Ribeaupierre () avec Guillaume de Vergy (1377). Sauf une mainmise temporaire encourue par Jean de Vergy, en 1493 (5), leurs descendants restèrent en continuelle pos- session du Partage de Vignory. Au xvi* siècle, il se divisa entre les deux rameaux issus de Guillaume de Vergy, maréchal de Bourgogne, et on y distingua : d’une part, la « Portion de Fouvent » qui échut à Claude de Vergy, sei- gneur de Champlitte, puis à sa fille Antoinette, femme de Henri de Pontailler, et, d'autre part, la « Portion d’Autrey » qui passa à Guillaume de Vergy, baron d’Autrey, et, ensuite, à son fils François, premier comte de Champlitte, gouver- neur du comté de Bourgogne (6). Ce sont MM. de Pontailler HPBEN Nr ace Are 0828 RU Lee (2) Chevalier : Mém. hist. sur Poligny, t. I, p. 459. (3)1598. Compte du trésorier de la Saunerie : «En laquelle trésorerie est comprins le partaige d'Auxerre, seigneurie de Chastelbelin, réuni au partage ancien de S. M. par le trespas de fut René de Chalon, prince d'Orange. » (A. Doubs, Chambre des Comptes. Sauneries, Comptes.) (4) Isabeau de Ribeaupierre était arrière-petite-fille de Jean de Chalon par sa mère Jeanne de Blamont et son aïeule Isabeau de Saint-Dizier. (Schæpflin : Alsatia illustrata, t. Il, p. 613. P. Anselme, t. VII, p. 35) (0) 5 octobre 1423. Mandement du duc Philippe ordonnant au Pardessus de saisir les rentes de son cousin Jean de Vergy. (B. N., Français 14629, PF 38 Nacq Er 09318, 11907 (6) Arch. du Doubs, B 205. Procès entre M. de Toulongeon-La Bâtie et M. de Vergy (1495-1497) — Arch. Doubs, Chambre des Comptes. Saune- — 129 — fils d’Antoimette de Vergy, d’une part, et Francois de Vergv, d'autre qui aliénèrent leurs droits sur le Partage de Vignory au profit du Trésor, à diverses reprises, entre 1568 et 1578 (1). Le « Partage de Chalon » — un tiers de l’ensemble de la Saunerie — subit également une réunion temporaire au Domaine par confiscation sur Jéan de Chalon, en 1395 (2). Le duc Jean le rendit à ce seigneur, le 9 janvier 1405 (3). Il avait eu soin de spécifier que cette restitution n’était faite que sous condition de rachat perpétuel. Mais les souverains ne se sont pas servis de cette prérogative. En 1593, le Partage fut, de nouveau, confisquésur Guillaume de Nassau, prince d'Orange, avec toute la seigneurie de Châtel-Guyon (4), Restitué ensuite au prince, il fut définitivement acquis à la Couronne, pour trois cent mille florins, par achat fait de Philippe-Guillaume de Nassau, le 93 février 1613 (5). Depuis que le Partage d'Auxerre s'était réuni entre ses ries. Rentes. Ventes de rentes sur la Saunerie « en la portion d’Autrev, au partage de Vignory » (1548-1549). — Quittance de 1573 donnée par le receveur de l’Université de Dole au trésorier de la Saunerie pour rente de 150 Liv. « sur le partaige de Vignory en la pourtion de Fouvans » ({bid.). (1) Le 24 novembre 1568, le duc d’Albe écrit au Parlement de s’oc:uper de l’achat du partage de Vignory appartenant à M. de Vergy. (B. N. Mo- reau 901, f° 58.) Des achats partiels du 12 septembre 1570 (Arch. du Doubs, B. 2209) et du 12 décembre 1570 (Arch. du Doubs, Ch. des Comptes, Sauneries) réunirent le sixte de Vignory au Domaine. Le 16 novembre 1574, Antoine de Saint-Mauris. seigneur de Lemuy, de- mande à être payé de la part du partage de Vignory acquis par S. M,, revenant à Thomas et Philibert de Pontailler et cédée par eux à leur sœur Claudine, sa femme. (Bib. Besançon, Chifflet 49, f° 140 et s,) (2) D. Plancher : Hist. de Bourgogne, t. IL, p. 124. He) bide, p.230, (4) Mandement du Roi portant réunion à son domaine du partage de Chalon et de Châtel-Guyon et dépendances. (Arch. Doubs, Chambre des Comptes. Sauneries, Invent.) Compte du trésorier de la Saunerie, 1598 : « Item le partage de Chalon y réuny par la confiscation des biens de feu Guillaume de Nassau, prince d'Orange. » (A. Doubs. Ch. des Comptes. Sauneries. Comptes.) (9) Bibl. de Besançon, Ms. 826, f° 81. 9 Le — 130 — mains à celui de Chalon, le prince d'Orange était légal du souverain, quant à ses droits de propriété sur la Saunerie. De là, le rôle important qu’on lui voit jouer dans les affaires des salines. C’est lui que l’on trouve constamment à l4 tête des intérêts opposés à ceux du gouvernement, dans tous les litiges relatifs à la Saunerie. : Avec les divers Partages de la Grande-Saunerie, le souve- rain acquit les portions correspondantes des rentes possé- dées au Puits-à-Muire par les descendants de Jean de Chalon. Les trois branches issues de ce prince en avaient hérité cha- cune quatre quartiers, six seilles et deux tiers. Quand il con- fisqua le Partage d'Auxerre, le Duc réunit à ce qu’il possédait de son chef, sur le Puits, les deux quartiers, trois serlles et un tiers, formant le droit correspondant à ce « sixte ». La réunion des autres Partages devait également augmenter la portion des comies de Bourgogne de quelques fractions de Co-propriété. La part du Duc s'élevait en tout, en 1470, à ces six quartiers, dix seilles (1), plus ce que l’on appelait le « Sixte de la De- maine », c’est-à-dire le sixième d’un Meix appelé « la De- maine ». A cette époque, le duc Charles reprit l’idée que, quelque deux cents ans auparavant, les princes de la maison de Chalon avaient tenté de mettre en pratique. Il résolut d’ad- joindre à son domaine tout le Puits-à-Muire. Pour cela, il ordonna au Lieutenant de la Saunerie d'acquérir à son profit tous les quartiers qui se trouveraient à vendre. En exécution de ce dessein, quarante-neuf quartiers furent réunis au Do- maine au prix de cinq cents francs le quartier (2). Mais ce ne fut qu’à la fin du siècle suivant que la réumon des portions du Puits-à-Muire fut poursuivie systématiquement (1) C'était déjà la portion que le duc y possédait en 1495. (Arrêt du Par- lement du 6 février 1424-5, Arch. Jura, À 18) (2) Bib. de Besançon, Chifflet 49, fo 88. ENT ATE | PE PRE — 13 de par les Princes et leurs représentants. Le duc d’Albe paraît en avoir eu un soin particulier. Il s'était déjà inquiété, en 1568, de procurer la réunion du Partage de Vignory aux biens du souverain (l), En 1571, on le voit user de son influence pour provoquer de la part des Rentiers du Puits, la cession de leurs droits au Prince. Le 24 décembre de cette année, il écrit de Bruxelles au doyen de Besançon pour l’inviter à peser de son autorité sur son chapitre afin de décider les chanoines à vendre leurs quartiers au souverain (2). Une commission fut mstituée par lui, composée de M. d’Aiglepierre, Lieutenant de la Saunerie, Renobert de Mesmay, conseiller à la Chambre des Comptes, et Bonnet Jacquemet, trésorier de la Saunerie (3). Elle eut charge de poursuivre la réunion des deux salines et aussi de la Chauderette. Le prince de Parme, pour le compte de Philippe IT, puis les archiducs Albert et Isabelle contimuèrent à procurer au Domaine l'acquisition des quartiers du Puits-à-Muire (%). (1) V. plus haut. (2) « À vénérakle nostre très chier et bien aymé le doyen de l’église métropolitaine de Besançon, Don Fernando Alvarès de Toledo, duc d’Alve, lieutenant, gouverneur et capitaine général, etc. Vénérable, très chier et bien aymé, nous escripvons à ceux de vostre chapitre sur le faict de l'union du Puys-à-Muyre avec la Grand-Saulnerie, et, estans bien advertis combien peult vostre auctorité pour l’advance- ment d’icelle, nous vous prions et requérons y tenir la bonne main, et au surplus croire ce que vous sera dict particulièrement par le sieur d’Aille- pierre, lieutenant en lad. Saunerie, Renobert de Mesmavy, premier maistre des Comptes à Dole, et Bonet Jacquemet, trésorier en icelle Saulnerie. Vous assheurant que Sa Majesté prendra grand contentement de l’advan- cement que ferez, en ce que dit est, et dont ne fauldrons avertir icelle, selon le rapport que nous en ferons les susd. comis. À tant, vénérable, très chier et bien aymé, Nostre Seigneur vous aye en sa saincte garde. De Bruxelles le XXIIITe de décembre 1571. » Signé : « A duc d’Alve », et plus bas « Bave ». — (Arch. du Jura, À 35.) (3) Le 20 juin 1571, ces trois officiers écrivent à une personne non dé- nommée au cours de la lettre, lui demandant de vendre au Roi ses droits sur le Puits -à-Muire, ensuite de la commission à eux confiée par le duc d'Albe. (Arch. Jura, À 35.) — V. la note précédente. (4) Mémoire du Parlement de Dole, en 1645. (B. N., Moreau 912, f° 102. — 132 — Après la commission instituée par le duc d’Albe, ce sont Gilles Bidault, maître des Comptes à Lille (1), puis Jerôme de Lisola et Pierre du Prel, officiers de la Grande-Saunerie (), enfin le procureur général de Dole, Antoine Brun, que l’on charge de poursuivre cette affaire (3). À partir de 1590, les aliénations deviennent fréquentes (4). En 1593, le quartier de muire était évalué à dix-sept cents francs (5'; dans les années suivantes, on l’acquiert pour des rentes perpétuelles qui varient de soixante à cent franes (6). Le prix parut saüsfaisant, et les Rentiers coopérèrent assez volontiers aux intentions des Souverains en leur cédant leurs parts D. Dès l’abord, un certain nombre de maisons reli- — Moreau de Beaumont : Mém. sur les Impositions et les Droits, t. I, p. 196. — Bib. de Besançon, Chifflet 49, fs 87, v°, 89. — Arch. Doubs, Parlement. Sauneries. Lettre de la Cour à l’Archiduchesse, du 16 juin 1629. | (1) En 1609. (Arch. Doubs, Ch. des Comptes, Sauneries.) (2) En 1611. (Ibid.). En 1612. (Ibid). _ (3) En 1636. (Ibid... (4) B. N., Moreau 910, f° 84, v°. — Piganiol de la Force : Nouv. des- cript. de la France, t. XIII, p. 141. (5) 23 février 1593. Vente au Roi des quartiers appartenant à Citeaux «au prix de mil sept cent francs pour chacun quartier qui est semblable prix que celuy pour lequel, par commission du susdit Monseigneur le duc de Parme, lieutenant et gouverneur capitaine général pour Sa Majesté de ses Pays-Bas et comté de Bourgoingne, ont esté acquises au profit de Sadite Majesté plusieurs autres muyres aud. Puyz. » (Arch. du Jura, A 911.) | (6) Arch. du Doubs, Ch. des Comptes, Sauneries. (7) Cependant, ils abandonnaient avec une certaine défiance leurs droits de co-propriété sur le Puits, à ce que nous apprend Girardot de Beauche- min : € Et quant ausditz rentiers, jaçois leur volonté ne puisse estre forcée, toutes fois, il sera aysé de les porter au vendaige de leurs dites muyres, sy on leur lève la crainte qui les empesche de faire ledit vendaige, et qui, avec eux, tient en penne tout le pays. C’est qu'ilz craignent qu'apprès que toutes lesd, muyres auront esté acquises par le souverain, il ne vyenne ung Jour à oster ou dyminuer les ordinaires, ou bien à augmenter le prys d’iceulx, à l'exemple des princes voysins. » Mémoire de Jean Gi- rardot de Nozeroy, seigneur de Beauchemin, du commencement du xvII® siècle, (Bib. Besançon, fonds Salins, non classé,) — 133 — gieuses firent de même (1). Mais des difficultés surgirent, provenant du droit canonique. On ne pouvait aléner aussi facilement des biens d’Eglise. Quelques établissements ecclé- siastiques avaient voulu faire annuler leurs ventes, sous prétexte de lésion. Les souverains durent s'adresser aux Papes Clément VIIT et Paul V, et provoquer une enquête à ce sujet. Une commission, nommée par le Pape (2 et composée de l’évêque de Bâle et de celui de Genève, qui était alors saint François de Sales, se réunit à Baume-les-Dames pour statuer sur l'opportunité de la vente des quartiers de muire appartenant à des établissements religieux. Ils ratifièrent tous les échanges et toutes les ventes, faits ou à faire, des muires que les églises pourraient posséder au Puits-à-Muire et à la Chauderette, au prix de cent francs de rente par quartier. Cette décision fut promulguée par une bulle ful- minée à Baume, le 13 novembre 1609 (3). Les ventes continuèrent au profit du roi d'Espagne, et l'acquisition des droits des Rentiers était terminée à la fin du règne de Philippe IT (#). Avant même que les quartiers du Puits-à-Muire fussent devenus la propriété du Roï, la réunion effective des deux sauneries s'était produite. En effet, à partir du commence- ment du xvu° siècle, le souverain se rendait fermier de ceux des quartiers qui ne lui étaient pas encore acquis en propriété. Il baillait alors le tout en amodiation à des parti- culiers, comme nous le verrons plus loin. Quant à la Chauderette de Rosières, ses Rentiers étant, pour la plupart, les mêmes que ceux du Puits, Pacquisition S s (1) Ainsi l’abbaye de Citeaux en 159%, les chapitres d’Arbois, de Saint- Anatoile de Salins, de Nozeroy et l’abbaye de Buillon en 1597. (2) Commission donnée le 30 mars 1607, (Archives Doubs, Parlement. Sauneries.) (3) Archives Doubs, Ch. des Comptes, Sauneries, Balerne. ® (4)B. N., Moreau 910, f° 84. me — par le Domaine des quartiers de chacune de ces usines se fit, le plus souvent, en même temps. Dès le xv° siècle, l'existence de cette troisième saline était devenue à peu près nulle. Le duc Jean, par lettres du 21 fé- vrier 4406/7, avait permis à ses officiers de la Grande-Saunerie de retenir, pour les besoins de la fourniture du sel dit d’ordi- naire à la Province (1), ou pour l’accomplissement des conven- tions passées avec des marchands, la muire que l’on devait aux Rentiers de la Chauderette. On les payait, en ce cas, en deniers, selon le cours du sel (2). La Saunerie usa très souvent de ce droit ; aussi le rachat des quartiers de la Chauderette semblerait-il avoir dû être la chose du monde la plus simple. Il est étonnant de constater que, en 1645, alors que presque toutes les portions du Puits-à-Muire étaient acquises au Roi, il y avait encore vingt-cinq Rentiers de la Chauderette qui s'étaient obstinés à conserver leurs fantômes de droits et détenaient encore treize quartiers, sur les soixante-quatre qui formaient primitivement l’ensemble des rentes de cette usine (3). Les bâtiments mêmes de la Chauderette étaient en ruine dès le début du xvrr° siècle (4. Au moment de la première conquête de Louis XIV, toutes les rentes étaient rachetées. L'union des trois salines s'était donc ainsi accomplie au profit du Roi. peu à peu, par des moyens de droit commun. En revanche, la trésorerie de Salins se trouvait grevée d’une quantité de rentes perpétuelles, payables en argent, que l’on appelait « Droits de rachat de muire. » (1) Arch. Jura, À 38. Mémoires pour les Rentiers de la Chauderette, en 1572 et 1601. (2) Ordonnance de 1538 (aux Pièces justificatives) : « Ledit conseil advi- sera pour l'utilité de ladite Saulnerie, quand besoin sera retenir les muyres deues à la Chauderette. » (3) Mémoire du Parlement, en 1645. (B. N., Moreau 912.) (4) Dans la procuration donnée par l'abbé de Citeaux pour vendre ses quartiers de la Chauderette au Roi, il est dit que depuis 50 ans on n’a pu en tirer parti à cause de la ruine de l’usine. (Arch. Jura, A 991.) - DEUXIÈME PARTIE EXPLOITATION CHAPITRE PREMIER ADMINISTRATION s1 Les salines eurent pour premiers administrateurs, les officiers des seigneuries dans l’étendue desquelles elles se trouvaient. Cet ancien mode de régie se rencontre encore, à une époque assez rapprochée de nous, dans de petites usines, comme celle de Saulnot (1). La Grande-Saunerie de Salins paraît, pendant longtemps, ne pas avoir d'autre directeur que l’administrateur de la sei- gneurie du Bourg-Dessus, c’est-à-dire le châtelain de Bra- con. Dès le xri° siècle, Guillaume, fils de Girard de Lay, garantit, comme châtelain de Bracon (2), le payement d’une aumône faite sur la Saunerie par Humbert le Renforcé, au profit de l'abbaye de Buillon (3. (1) Arch. Haute-Saône, E 205, 206. (2) Guillaume : Hist. de Salins,t. T, pr., p.42. « Et quia Guillelmus fiius Girardi de Lay, tune erat castellanus de Bracon, et Silebrunus erat motarius, promiserunt reddere eamdem eleemosinam quandiu haberent potestatem. » Cette charte à pour témoin Guy, abbé de Rosières, qui gou- vernait ce monastère en 1183 et 1188. (3) Guillaume a confondu cet Humbert le Renforcé avec Humbert, sire de Salins. VITALE Li CHR E. — 136 — Lorsque le partage de la terre de Salins entre les fils de Jean de Ühalon, eut créé, dans cette seigneurie un triple dé- membremernt, les châtelains préposés à chacune de ces por- tions, c’est-à-dire ceux de Bracon. de Châtel-Belin et de Chà- tel-Guyon, devinrent, en commun, les administrateurs de la partie de ce domaine laissée indivise, de la Saunerie. Une lettre de Philippe le Hardi du 26 décembre 1402 (1), et un mémoire de 1440 (2) nous font connaître ce fait. Dans un certain nombre de textes, les châtelains de Bracon Renaud de Jussey (1353) () et Thiébaud de Rye (1388-1390) (), et Ogier Villain, lieutenant du châtelain de Châtel-Belin (1353), règlent les affaires de la saline. La direction ramédiate de la Saunerie fut enlevée aux châtelains des trois châteaux de Salins, à une époque qui doit se placer avant le troisième quart du xiIv*° siècle. Le mémoire de 1440, déjà cité, attribue cette modifica- tion à un due Philippe (5). Ce prince aurait remplacé les (1) Bib. de Salins, M. 198, f° 46, v’. (2) « Ont été instituez et commis pour et au gouvernement d'icelle [Saulnerie], les chastellains des chasteaulx de Bracon, Chastelbelin et Chastelguion, lesquelx avoient et ont en tout le gouvernement de ladicte Saulnerie, tenu et exercer justice et jurisdiction en icelle fait et institué sergens et fourestiers pour prendre et arrester les selz deffenduz es limites de lad. saulnerie et en faire leurs rappors en icelle. » (Arch. du Doubs, B 288.) (3) Jean de Chalon, seigneur d’Arlay, fait une donation de rentes sur la Saunerie à sa tante Isabeau de Chalon, en présence de « noble homme Mon- . seignour Renault de Juyssey, chevalier, chestellain de Bracon, Jehan de Montrechart, escuyer, gouvernour en la Salnerie de Salins pour Monsei- gnour de Chalon, et Ougier Villain, de Saint-Julien, lieutenant de Mon- seignour Pierre de Faverney, chevalier, chestellain de Chastel-Belin », le 28 octobre 1353. (B. N., Latin 9199, fo 45.) (4) Procédure d’appel inlerjeté par Jean de Chalon, seigneur de Chä- telbelin, d’une sentence rendue par le châtelain de Bracon, Thiébaud de Rye, qui condamnait trois de ses officiers en la Saunerie de Salins à quit- ter leurs charges. (Arch. du Doubs, B 290) (5) Les châtelains « ainsin en ont joy et usé jusques à ce que en icelle Saulnerie ait esté institué, ordonné et establi par feu de très noble mémoire Monseigneur le duc Philippe qu'il Dieu ait, led. Pardessus, le- — 1937 — trois châtelans par un officier unique : le Pardessus. On ne peut en attribuer l'institution à Philippe le Hardi. Ce prince ne devint comte de Bourgogne qu’en 1384, et, déjà en 1373, un certain Maistre Gille de Montagny (1; » portait le titre de Pardessus de la Saunerie. S'il fallait s’en rapporter à un ancien inventaire des Archives de la Chambre des Comptes de Dole, dès le mois de janvier 1298/9, c’est-à-dire avant qu’ait régné sur notre province au- cun duc du nom de Philippe, la Saunerie aurait été gouvernée par un officier appelé Pardessus, qui aurait été alors Girard de Dole 2). Le même document indique comme titulaires de cette fonction, en 1342, Visin de Montaigu G), en 1377, Thié- baud de Rye () et un certain Gilles de Montaigu 6), qui semble bien le même que ce Gilles de Montagny, qui quel à joy semblablement des justices, jurisdictions et drois dessusdiz pu- bliquement et notoirement, sans ce que causes et plaiz touchans faiz de sels ayent esté ne furent onques ouvertes, demenées ne introduictes par- devant quelconque juge dud. comté de Bourgoingne forsque devant lesd. chastellains et Pardessus et successivement au Parlement de Dole. » (Arch. du Doubs, B 288.) (1) & Cy fut ordonner par maistre Gille de Montagny, Pardessus en la Saulnerie, par le conseil de Monseigneur Thiébault, seigneur de Rye, chastellain de Bracon, etc....., que toutes délivrances tant en fyed, rentes et aulmônes, comme en buillons volauges, seront faictes d'ici en avant en saul Plaine. » Quinzième semaine de l’année Le au 25 décembre 1573. (Arch. du Doubs, B 205.) (2) Inventaire du Trésor des chartes de la Chambre des Comptes de Dole. (Arch. du Doubs, B 2, t. TI, f° 318 v°, 319.) — Bib. de Besançon, MS, 720, € 77.) (3) Arch. du Doubs, B 2. Inv. du Trésor des chartes, t. III, fo 94, v°. (4) Le 18 décembre 1377. (Arch. du Doubs, B 2. Inv. du Trésor des chartes, t. III, fo 270. — Bib. de Besançon, Ms. 826, f° 179 vo.) (5) Le 16 novembre 1377. (Arch, Doubs, B 2, t. III, f° 270.) Tous ces titres ont disparu. Un procès-verbal de visite de la halle de Salins, du 8 février 1375-6, faite par Ansel de Salins et Thiébaud de Rye, châtelain de Bracon, men- tionne « honnorable home et saige mestre Gile de Montaguz, licencié en loys, Pardessus de la Salnerie de Salins et + a de nostre dite dame. » Copie collationnée du 13 juillet 1381. (B. N., Joursanvault 85, fo G.) — 138 — figure, avec le titre de Pardessus, dans un compte de 1373. En l’absence des documents dont cet inventaire donne l'analyse, et qui ont eux-mêmes disparu, il est difficile de prendre un parti entre ces textes contradictoires. Peut-être le Pardessus n’était-il d’abord qu’un officier su- balterne, et le due Philippe — Philippe de Rouvre ou Philippe le Hardi — n’a-t-il fait qu'étendre ses attributions. Peut-être aussi le titre de Pardessus était-il une simple qualification que les châtelains ajoutaient à leur titre pour énoncer leurs fonctions d’administrateurs de la Saunerie, comme celui de « Gouverneurs de la Saunerie » qu'ils prennent plus tard (en 1395) (1), et le duc Philippe a-t-il divisé des fonctions jusqu'alors réunies. Ce qui me porterait à le croire, c’est que Thiébaud de Rye, appelé « Pardessus » par l’Inventaire, a été certainement châtelain de Bracon. Du reste, il se peut que le duc Philippe n’ait été pour rien dans l'institution du Pardessus. Le Mémoire a peut-être fait une confusion entre ce fait et cet autre, que la juridiction d’appel et la surveillance de la Saunerie furent enlevées aux châtelains pour être attribuées aux gens des Comptes du Duc. Les châtelains exerçaient certainement cette fonction de contrôle à une époque où le Pardessus existait déjà. Dans une ordonnance de Philippe le Hardi, du 26 dé- cembre 14092, il est dit : « au temps passé avoit aux châteaux de Bracon, de Château-Belin et de Château-Guyon trois capi- taines, chevaliers de grans sens et honneur, qui gouvernoient pour mondit seigneur et sesdis Personniers en ladite Sau- nerie et, en outre, lesdis Pardessus et Portier et autres gou- verneurs d'icelle, et les reprenoient et corrigeoient de leurs défaux quand le cas avenoit, et de présent n’a auxdis chà- (1) « Les chastellains et gouverneurs de la Grant-Saunerie de Salins » signifient le 1er août 1395 aux Clercs des Rôles un mandement de Phi- lippe le Hardi en date du 30 juillet précédent, adressé « aux chastellaims et gouverneurs de nostre Saulnerie de Salins. » (Arch. du Doubs, B 278. — B. N., Nouv. acq. Fr. 6348, f° 46, v°.) FD De ARE Os D RE Pr ee US PR EU LC RE — 139 — teaux capitaines, que gens qui ne font point de résidence au lieu et, supposé que aucun d’eux y fasse résidence, si n’ont- ils pas grande cognoissance es faits de ladite Saunerie, mes- mement pour reprendre et corriger lesdit Pardessus et Por- tier en leurs défaux, si aucun en y faisoient. » Pour ces rai- sons, le Duc enlève la superintendance de la Saunerie aux châtelains pour la remettre à la Chambre des Comptes de Dijon (1). C’est peut-être à ces lettres mêmes que fait allu- sion le Mémoire de 1440, en en forçant le sens. Quant au nom de « Pardessus (2) », il était déjà en usage à Salins au xtri° siècle (3), pour désigner un officier de la petite saline. Il existe un acte de vente par lequel Eteve- non, fils de feu Pichot de Salins, et Alix sa femme, cèdent es Prévostz, Pardessus et Vadiers du Puis de Salins assis au Bourg le Conte de Bourgoingne », leurs droits sur ia fontaine dite de Sursaux (4), en 1285. Cette fonction ne s’est pas main- tenue au Puits-à-Muire, tandis que nous trouvons des Par- dessus à la tête des affaires de la Grande-Saunerie, sans in- (1) Bib. de Salins, M 1928, f’ 46 v°. (Copie du xv: siècle.) (2) On a dit aussi « Pardessus des offices ». Il à existé en Franche-Comté une famille assez considérable appelée Le Pardessus, Pardessus ou enfin « de Pardessus ». Peut-être tirait-elle son nom de quelque officier revêtu des fonctions de Pardessus de la Saunerie, dont elle serait issue. Elle existait sous ce nom dès le x1ve siècle. En 1369, « Nycholas Pardessus » est mentionné dans le compte d’'Etevenin Vurry, trésorier de Dole. (Arch. Côte-d'Or, B 1431, f° 35 v°.) — En 1396, Jean- nette, fille de Monseigneur Girart le Pardessus, reçoit les arrérages d'une rente sur la Saunerie. (Arch. Côte-d'Or, B 5953.) — Peut-être aussi ce nom venait-il de l’office de Pardessus de la petite saunerie. (3) Cette dénomination n'était pas spéciale aux salines. À Ja fin du xzI1° siècle, le même nom désignait le chef de la municipalité de Besan- con, € L’ant qui corroit par M. II° et TIIIEx et neuf anz, le mecredi apres la Chandelousse, fui encomanciez cest paipiers et fui estaubliz Amiez de Chois à Pardesuis de ces de Besençon..…... » (Arch. de Besançon, BB 1 ) (4) Archives de Salins. Recueil des pièces concernant le Puits-à-Muire (copie du xve siècle). Cet acte est daté de septembre 1285. Le mot Vadier: qui y figure désigne l'office de Gardier qui était l’un des plus importants du Puits-à-Muire. (Mém. pour les Rentiers, vers 1445. Arch. du Jura, À 48.) — 140 — terruption, depuis la fin du : XIV® siècle jusqu au comimence- ment du XVII°. Le Pardessus réunissait en ses mains des attributions ad- ministratives, judiciaires et de police. : Tous les règlements de la Saunerie, depuis le xve jusqu’au xvir° siècle, déclarent le Pardessus « chef sur tous les autres officiers de la Saunerie (1). [lest leur surveillant, mais, en principe, il n’est pas chargé de leur nomination. Les officiers étaient nommés par le souverain et recevaient de lui leurs lettres de provisions; à chaque changement de règne, ils devaient être confirmés dans leur emploi. Le Par- dessus, institué de même, était seul dispensé dé cette confir- mation (2). Une seule fois, à ma connaissance, le Prince s’est départi temporairement de son droit de nomination, en faveur d’un Pardessus ; encore, n’était-ce que d'un droit aléatoire. En 1492, Maximilien accorde au Pardessus Phi- hppe Loyte, seigneur d’Aresche, le droit de nommer aux offices de la Saunerie, : pour une et la première fois, dit-il, que icelle nostre Saulnerie sera mise et réduite en nostre obéissance (3) ». À ce moment, Salins était occupé par les Français (4). 5 En revanche, le Pardessus, tantôt seul, tantôt du consen- tement des principaux officiers (Portier, Cleres des Rôles, Maître Moutier ()), pouvait pourvoir, à titre provisoire, aux (1) Mémoire de 1440 environ, sur la justice de la Saunerie. {Archives du Doubs, B 288). — Ordonnance de Charles V, du 16 mai 1539. (Pétremand, l. LITE, titre x11, art. 443.) — Ordonnance de Philippe If, 30 juillet 1593. (Arch. Jura, À 38.) — Mém. sur les attributions du fin xvI° siècle (Bib. de Besançon, Chifflet XLIX, f° 64.) (2) 1er mars 1530-1. Ce par Charles V des charges de. tous les officiers de la Saunerie. (Aïch. du Doubs, B 29,6.) (3) Le 22 mai 1492. Arch. Doubs, B 293. (Copie du xv® siècle.) (4) Salins fut repris par le même Loyte, le 2% décembre 1492, sur les Français. (5) 1er mars 1418-9 Provisions de l'office de De. eur du Un | par Jean sans Peur à Jean Maire, de la Perrière, sur la présentation du die di NS 22 AD LE D TES PER MN Me UE TPE VE SD NN EN DD DES à ee PT DIN RE TT OS TU A D ND US 4) Cr EE SET a rh sv 4 Pin d + ; de ae = aûte ÈS à A dé DÉS U Ne US à. À SE 2 ne, — 141 — charges devenues vacantes. Ce droit lui est reconnu dans plusieurs règlements. Il faisait choix de trois ou quatre per- sonres, dont il chargeait l’une de remplir les fonctions lais- sées inoccupées, Jusqu'à ce qu'il en eût été autrement or- donné. Il envoyait sa décision au souverain qui, à son bon plaisir, choisissait le titulaire définitif parmi les candidats présentés (1), De mème, le Pardessus a le droit de destituer, de lavis des autres officiers de la Saunerie, les employés incapables ou fautifs. [1 peut, par mesure disciplinaire, suspendre le payement des gages de ceux qui ne se conforment pas aux ordonnances (2) , par exemple, de ceux qui s’absentent de la Saunerie sans permission. Enfin, quelques charges inférieures sont à la nomination pure et simple du Pardessus. Telles sont celles de Maitre Charbonnier, Maître Forestier, Guettes, Compteurs de bois, Maître et ouvriers de la Doye du Grand-Puits (6). Il en est de même des offices des Fèvres et des Benatiers quand ils viennent à vaquer, ce qui ne se produit que lorsqu'un des titulaires meurt sans hoirs mâles capables d'exercer son em- ploi (4). Quant aux ouvriers, le Pardessus en avait le choix, d’ac- Pardessus, du Portier, des Cleres des Rôles et du Maitre Moutier, (Arch. Doubs, B 295.) : (1) Arch. Jura, À 38, Ordonnance du 27 juillet 1593. (2) Rapport sur l’état de la Saunerie en 1592. (Arch. du Doubs, Ch. des Comptes, Sauneries.) (3) Ibidem. — Mémoire de la fin du xvi‘ siècle. (Bib. Besançon, Chifflet XLIX, fo G5.) (4) « Item a la nomination des euvres de fevraiges et benasteries de lad. Saulnerie, quant elles vacquent par mort, résignacion ou autrement, les- quelx fevraiges et euvres de benasterie vacquent quant auleuns des fevres ou benastiers de lad. Saulnerie vont de vie à trespas sans hoirs masles de leurs corps, sachans et estans du mestier et non aultrement, car lesd, euvres sont héritaiges auxd. fèvres et benastiers pour leurs hoirs masles estans et sachans lesd. mestiers. » (Mémoire de la fin du xvie siècle sur les attributions du Pardessus. Bib. de Besançon, Chifflet XLIX, f° 65.) — 142 — cord avec certains officiers comme les Cleres des Rôles, le Maitre Moutier, le Clerc Ventier. De tous, — officiers et ouvriers, — le Pardessus, représen- tant de l'autorité souveraine, recevait le serment de se com- porter loyalement et selon les ordonnances, dans leurs charges et emplois (1. Le Pardessus était juge d’un tribunal spécial où se por- taient les affaires relatives au sel (2:. Dès une époque ancienne, l’enceinte des salines avait été soustraite à la juridiction des tribunaux ordinaires. En 1249, Jean de Chalon en accordant des lettres de franchises au Bourg- Dessus de Salins, distingue expressément les délits commis à l’intérieur des murs de la saline, de ceux commis au dehors ;: 1l réserve les premiers à sa justice et abandonne la répression des autres au prévôt et aux échevins de Salins (3). (1) Ibidem : « Item a le droit de recevoir le serement de tous officiers instituez en lad. Saunerie par le Prince et aussi de tous les ouvriers et ouvrières de lad. saulnerie, quand le cas advient qu'ils sont instituez es euvres d'icelle, lesquelx ouvriers et ouvrières sont instituez par led. Par- dessus, le Portier, l'ung des Clercs des Rooles le Clerc Venthier et le Maistre Mouthier. » (2) Ordonnance du 26 décembre 1402. (Bib. de Salins, M 198.) — 20 janvier 1435-6. Mandement du due Philippe, ordonnant au ball d’Amont de renvoyer devant le Pardessus l'affaire de Mathiot de Saint- Bresson et de Jean Peletier, qui avaient vendu dans les limites du comté de Bourgogne du sel de Lorraine. (Arch. du Doubs, B 303.) — « Mémoire des tiltres servans à la justice de la Saulnerie de Salins. » (Vers 1440.) (Arch. du Doubs, B 288.) — 15 septembre 1516. Confirmation par l'archi- duchesse Marguerite, au profit du Pardes 136 vo. (6) Arch. du Doubs, série I. Saint Vincent. carton 1, n° 2%. (7) Arch, Doubs, B 186, — 182 — au Puits-à-Muire trois Perches différentes : la Perche de Sainte Marie, la Perche « ès Merise », appelée en 1276 (1 « ès Morisoys », — et qui est sans doute la même que celle dite de Saint Maurice, en 1216 — et la Perche « du Moi- tan », c’est-à-dire du Milieu. Tous ces textes démontrent, — bien que cela puisse pa- raître singulier, — qu'il existait sur le même puits, plusieurs « griaux » appartenant à divers propriétaires. Cet appareil est resté longtemps en usage à Salins. Nous constatons un commencement de défaveur envers son emploi en 1468. On se demande alors à la Grande-Saunerie (2) s’il ne vaudrait pas mieux puiser l’eau à l’aide de la « signole ». On en fait l'épreuve, et, en suite de cet essai, le Conseil décide qu'on s’en tiendra au € griau » pour extraire la muire : « pour ce que l’on treuve plus prouffitable de la tirer au griau et mesmement que l’on gagne les missions des cordes et barriz que l’on emploie à lad. seignole, que coustent par an environ quatre livres dix sols estevenans, a été conclud que lon fera tirer doresenavant lad. muyre par trois bons compaignons, jusques autrement en soit ordonné, au griau, attendu que l’on trait plus nettement aud. griau que à lad. seignole (6) » En 1471, on se servait encore de ce mode d'extraction au Grand-Puits (#. Peut-être l’avait-on déjà abandonné dans les autres, et en particulier au Puits-à-Muire. Le fait est que la tapisserie de Saint Anatoile nous montre le procédé de la signole adopté. Cet appareil comprend une machine élévatoire et un mo- teur. ) Arch. Doubs, B 186. ) Conseil du 18 ne 1468. (Arch. Doubs, B 187, f£° 60 v°). 9) Arch. Doubs, B. 187, f° 145. (4) En janvier 1474, le Conseil se plaint de ce que Jean Bonnefoy, com- mis à la traite € au griau » dela muire du Grand Puits, n’en tire que 4 lons 1/2 par jour, quand il pourrait en tirer 5 lons 1/4. (Arch. du Doubs, B 187, f0 152.) | | il 2 ( ( LL 488 — L'appareil élévatoire — sorte de noria — se compose es- sentiellement d’une chaine sans fin reproduisant, en cordes, une structure analogue à celle de la chaîne de Gall, et por- tant, de distance en distance, une série de godets ou baril- lets. Elle passe, à sa partie supérieure sur une large roue dentée qui l’engrène, tandis que sa partie inférieure baigne dans les eaux du puits. Chacun des barillets, descendant avec l’anneau de la chaine auquel il est fixé, plonge dans la muire, S’emplit en reprenant sa marche ascensionnelle et déverse son contenu dans des auges, au moment où, après avoir franchi sur la roue le point culminant de son ascen- sion, 1l bascule et commence à descendre. Cet appareil reçoit son mouvement, — par l'intermédiaire d'un arbre de transmission horizontal courant à la partie su- périeure de la chambre des machines, — d’un manège mû par un cheval, appelé Jacquemart (1), et dont le mouve- ment circulaire horizontal est transformé en un mouvement circulaire et vertical par le moyen de deux roues d'angle. Ces deux roues, d’égales dimensions et de diamètres égaux, sont construites tout en bois. La première, fixée au sommet de l’arbre de manège, porte, sur le côté supérieur de ses jantes, une série de fiches verticales qui font l'office de dents. La seconde, verticale, présente des jantes concentriques que relient entre elles des chevilles en nombre égal à celui des dents de la roue horizontale. Dans les intervalles laissés libres entre les chevilles, chaque dent de la roue horizontale vient se loger, et, s'appuyant sur la cheville, imprime le mouvement à l'appareil (2). Ce procédé a été usité à Salins depuis la fin du xve siècle jusqu'au milieu du xvurie. Il était employé en 1667 et 1669, (1) Mémoire de la fin du xv° siècle. (Arch. Jura, À 20): « Le Jacquemart alias le cheval qui tourne le rouhaige de Ia muyre. » (2) Voir cet appareil dans la tapisserie de Saint-Anatoile, (V. B. Prost: La tapisserie de Saint-Anatoile, dans la Gazette des Beaux-Arts, 1592, p. 505.) — 184 — comme le prouvent des mémoires contemporains (1). Il pa- rait que ce n’est qu'en 1750 que, par suite d’une invention due à Vincent Bébian, de Gy @), on lui substitua un système de pompes mues par un appareil hydraulique 6). À Soulce, on a employé la signole comme à Salins; mais elle était mue par une chute d’eau au lieu de l’être par un manège #. Le soin de ces engins était confié, dans chacun des puits, à un ouvrier appelé Marcenier (9), qui devait exercer une sur- veillance continuelle et, pour cela avait son habitation dans les bâtiments même du puits. | On appelait longs (ou lons) (6) les auges dans lesquelles se déversait l’eau extraite du puits. Il en était placé deux à l’o- rifice de chaque puits. Elles contenaient chacune 24 muids(?) : le Grand-Puits en fournissait chaque semaine une trentaine, le Puis-à-Grès de 31 à 35. Ces auges étaient entièrement closes: elles étaient fer- mées à clef, et le Clerc du Puits seul avait le droit de les ouvrir (8), (1) Visite des salines par J.-P. Matherot. (Bib. de Besançon, Ms. 475). — Voyage de Jos. Meglinger (Annales Franc-Comtoises, t. IV, p.328). — Mi- gne, Pat. lat., t. 185, col. 1577. (2 Béchet : Rech. sur Salins., t. I, p. xxir. — Piganiol de la Force mentionne encore (1754) comme engin d'extraction existant de son temps la « Signole ». Mais son mémoire n'étant qu'une compilation des notices antérieures, il n’y à pas à s'arrêter à son affirmation. (3) « Jusqu'à l'année 1750, les eaux salées de toutes les sources et les eaux douces qui sourdissent à côté étaient élevées par des machines mises en mouvement par des chevaux. Ce n’est qu’en vertu d'arrêt du Conseil de l'année 1749, que le système d'extraction a été changé; on à substitué pour la petite comme pour la grande saline, la force motrice de l’eau de la rivière à celle des chevaux. » (Mém. sur le canal de Cicon. Bib. Besançon nprov. 847, #71). (4) Il existe un fort mauvais dessin de cet appareil, aux Arch. du Doubs (Ch. des Comptes, Sauneries). Il date du commencement du xvir* siècle. 5) Gollut : Liv. IE, ch. xxvi, nouv. éd., col. 155. 6) Ibid., col. 151. 7) Bib. de Besançon, Ms. 825. f° 9%. 8) Règlement sur l’état de la Saunerie, aux Pièces justificatives. (Arch. Jura, À 20). ( ( ( — 185 — Quand les lons étaient pleins, à l’aide d’une série de pe- tites écluses levées ou abaissées selon les besoins, l’eau était dirigée vers l’une des bernes, au travers de conduits en bois. Chaque berne avait ainsi ses chenaux particuliers, et c'était aux propriétaires des bernes qu’en incombait l'entretien, comme le montre la charte de Jean de Chalon en faveur de l’abbaye d’Aulps, de janvier 1249 (1. Les Rentiers de la Chauderette avaient le soin de ceux qui conduisaient, depuis le Puits d’Amont jusqu'à leur usine, les trois bouillons quatre- vingt-quatorze seilles de muire auxquels ils avaient droit chaque semaine (2). L'ensemble de ces canaux de bois for- mait à la Grande-Saunerie des réseaux compliqués ; au Puits- à-Muire, ils sortaient de l’enceinte du Puits et traversaient les rues de la ville pour gagner les bernes extérieures (3, En aboutissant aux bernes, les conduits s’ouvraient sur des cuves plus ou moins grandes où l’on accumulait l’eau salée, en attendant qu’on en remplit les chaudières (), Mais ces cuves ne pouvaient recevoir la muire qu’à la condition d’être au niveau du sol. Il fallait un mécanisme spécial pour élever l’eau, depuis ces récipients jusquà la hauteur de la chaudière où elle Gevait bouillir. Pour cela, un ouvrier nommé le {ou la) Desserre 9) devait (1) « Deducent muriam predietam de supradicto Puteo nostro ad ber- nan suam per suos canales » (Cart. de Jean de Chalon, n° 166). (2) Pièc. justif. Réglement du xiv° siècle : oflice du Clere du Puits d’Amont. - Arch. Doubs, B 187, f° 19,6. (3) Gollut : liv. Il, €. xxvin; éd. Duvernoy, col. 162. (4) Mém. du milieu du xv° siècle pour les Rentiers du Puits-à-Muire : «A chascune berne à grandes cuves à mettre la muyre. »(Arch. Jura A 20), Du 4 mai 1474 : « La déclaration des meures estans en estre ès cuves de lad. Salnerie s'ensuit : Premier, eu la grant cuve de l’esperne de Grant biez et Petit biez, a esté trouvée, selon la rende y getée, xr lougs.. En la grant cuve de Ja barne de Beauregart, selon lad. rende y getée, IT longs. » (Arch. Doubs, BAT. (5) Gravure de A. Châtel. — Gollut : liv. I, c. xxxr (éd. Buvernoy, col. 177). On y a imprimé à tort Desserre. 16 — puiser dans les cuves à l’aide d’un engin analogue au griau dont 1l a été parlé. Il déversait la muire ainsi élevée dans de longues auges de bois situées à l’intérieur de la berne, à un niveau supérieur à celui de la chaudière. Ces auges, appe- lées naux où nods, étaient faites de planches de sapin as- semblées avec grand soin. Elles se terminaient par un nou- veau conduit qui surplombait la chaudière (1). Quand on vou- lait la remplir, on ouvrait le nod en tournant une clef, et la muire s’écoulait d'elle-même. S 9 L'ensemble des constructions servant à la fabrication du sel s'appelait le meix, comme je lai déjà dit. [Il se subdivisait en trois pièces : la berne, l’ouvroir et l’étuaille (2). La berne était l’élément principal du meix, le seul indis- pensable, c’est pourquoi son nom est souvent pris pour dési- gner le meix tout entier. C'était une chambre 6), ordinaire- ment assez mal close, dans laquelle on faisait évaporer l’eau salée (@). Elle abritait, à côté de la chaudière, les cuves con- tenant la muire et une provision de bois. (1) B. N. Moreau 911. (Mémoire sur la Franche-Comté, du courant du xvr1° siècle). — Gravure d'A, Chatel. (2) 8 avril 1554. Vente aux Rentiers du Puits-à-Muire par Nicolas de Vers, Jean et Simon Vigoureux et Philippe Udressier, « des bernes, ou- vreur et estuaille de Moureau », pour le prix de 400 fr. — 6 juillet 1602. Vente par les sieurs de Visemal à LL. AA. SS. du Meix du Creux « consis- tant en une berne, ouvroir, estuailles, estant sis et situé en la ville de Salins proche le Puitz-à-Muire d’icelle, indivise avec LL. AA. SS », pour 350 fr. (Arch. Doubs. Chambre des comptes. Sauneries.) (3) Au xvuri° siècle, elle mesurait 64 pieds sur 38, (4) D. Monnier (Annuaire du Jura, 1841, p. 128) dit à tort que la berne « était une cuite de sel c.-à-d. le produit d’une chaudière ». J. B. Perrin (Not. hist. sur la ville de Lons-le-Saunier, p. 25) commet une autreerreur. Parlant de la rue des Bernes à Lons-le-Saunier, il dit : « Berne signifiant Van, c'est là que se tenaient les Vanmiers ». Il ajoute, ilest vrai, « Peut-être aussi ce nom venait-il de Baerna qui, en mauvais latin, exprimait cuite ou chaudière de sel. » LE DE — 187 — La chaudière, que l’on appelle aussi poêle (1), est, à Salins du moins, de forme ronde où ovale, formée de plaques de fer (2) assemblées à l’aide de rivets. Ces plaques reçoivent divers noms d'après leur situation : culirons ou culettes, au milieu de la chaudière ; grands et petits fonds; versats sur les bords. Ces bords sont peu élevés. Quand le plus grand diamètre de la chaudière est de vingt-sept pieds et le plus petit de vingt-trois, la profondeur en est seulement de dix- huit pouces, soit environ cinquante deux centimètres. Ce n’est qu’en 1760 qu’on à ajouté à cette chaudière, en arrière, un poëlon carré (9). La chaudière reposait sur un fourneau, à demi enfoncé en terre et de même forme qu’elle. Il était construit en pierres que l’on mouillait de muire à chaque cuite, et que lon re- couvrait d’un enduit de terre : dans les parois, des soupiraux étaient ménagés sur le pourtour, et une porte s’ouvrait en avant. Une grille formée de barres de fer était établie au mi- lieu du fourneau, on y jetait le combustible. Une plaque de fer fermait l'entrée (4). | Pour empêcher que la chaudière écrasät de son poids les (4) Charte d’Alix dame de Choiseul, en 1241 : « in una caldaria vel una patella. » (Guillaume : Salins, t. I, pr. p. 104.) (2) Les archéologues jurassiens montrent dans leur Musée de Lons-le- Saunier des vases en cuivre qu'ils prétendent avoir été les premières chau- dières à faire évaporer le sel. Aux xie et x1r° siècles les chaudières étaient déjà de fer. Rodolphe II en confirmant les donations faites à Saint Anatoile par le comte Renaud et Hugues de Salins, mentionne «privilegium unius cäldariae ferreae » (1029). (Guillaume :. Hist. de Salins.t. 1, pr., p.13.) — Le même roi donne à Vaux sur Poligny « quatuor caldarias ferreas situsque earum in Salinis » 4029). (Pérard, p. 177 ; Chevalier, t. I, p. 314.) Les mêmes expressions se retrouvent dans un diplôme du même souve- rain pour Cluny (D. Martene : Thesaurus novus anecdotorum,t.1,col. 147), dans une bulle de Calixte IT pour Vaux (Chevalier : Poligny, t. I. p. 320 ) (3) Encycl. méth., Arts et Mét.,t, VII, p.193. — Béchet: t. I, p. 28. (4) Gollut : liv. IE, c. xxvir, éd. Duvernoy, col. 158. — Récit d’un voyage de J. Meglinger (Ann. Franc-Comtoises, t. IV, p. 328). — ÆEncucl, méth., t. VII, Arts et Métiers, p. 153. — 1883 — parois du fourneau, que l’on nommait l’orle (1), on avait soin de la suspendre à l’aide de barres de fer formant crochets et nommées chaînes. Quatre dés de maçonnerie, appelés piles, soutenaient deux poutres parallèles ou pannes. Sur ces poutres elles-mêmes, étaient placés un nombre plus ou moins considérable de tra- versiers, pièces de bois de sapim auxquelles étaient suspen- dues les chaînes, qui, par leur autre extrémité venaient se fixer par des anneaux au fond de la chaudière. Le nombre des traversiers, comme celui des chaines a beaucoup varié. Fal- baire dit que, de son temps, 11 y avait vingt-deux traversiers par chaudière ; la gravure de Chatel n’en représente que six. Béchet rapporte que chaque chaudière était soutenue de quatre-vingt-seize chaînes ; Gollut parle de quatre-vingt ou quatre-vingt-dix, Chatel n’en reproduit qu'une trentaine (2). Un mode de suspension analogue. était usité dans les petites sauneries. À Soulce, la chaudière élait soutenue par une chaîne ou barre de fer, fixée par sa parte supérieure à un arbre horizontal, reposant lui-même sur deux fourches plantées en terre (@). C’est le système adopté à Salins, mais sous une forme primitive. Il en était de même dans les sa- lines d'Allemagne au milieu du xvie siècle (4). On avait établi une sorte de roulement entre les bernes qui recevaient l’eau salée de chacun des puits, de telle sorte qu'une partie seulement des chaudières étaient en activité dans le même moment. La muire contenue dans une chaudière était appelée (1) Réglement pour la Chauderette de Rosières. (Arch. Jura. série A, non coté). (2) Pour cette description, voir Gollut, éd. Duvernoy, col. 157 et s. — Falbaire : Encycl. méth., Arts et Métiers,t. VIL, p. 133. — Béchet : Rech, t. [, pp. XXVIHI-XXIX. — V. aussi une gravure de Germain, d’après Lalle- mand, représentant une chaudière de Lons-le-Saunier, en 1780, dans le Voyage pittoresque en France. (3) Enquête de 1490. Arch. Doubs. Chambre des Comptes. Sauneries. (4) Georg. Agricola: De re metallica, éd. 1657, livre XII, p. 442. — 189 — bouillon, et le travail de son évaporation, cuite. Chaque bouillon était primiltivement de deux lons, c’est-à-dire de quarante-huit muids 4), Au xvi° siècle, nous les voyons atteindre un volume de cinquante à soixante muids. Il semble que c’est vers 1472 que l’on à changé la quantité d’eau salée à attribuer à chaque cuite. Le proces verbal d’une délibération du conseil, du 9 avril 4472 (2), nous apprend qu’on agitait alors la question de savoir s’il y avait intérêt à faire évaporer comme auparavant huit lons en quatre bouillons, ou s’il valait mieux cuire dix lons dans le même nombre de bouillons. Expérience fut faite, et une délibération du 1° juillet décréta qu’à l’avenir on ferait cuire les dix lons en quatre boüillons (3). Au contraire, il semble qu'au temps de Gollut, on ne faisait cuire que | lon 1/4, ou 32 muids, par | bouillon (). Les bouillons ne s’évaporaient pas isolément; mais, quand on avait une fois préparé la chaudière pour la cuite, on y faisait sans interruption une série de bouillons. Cest celte série que l’on appelait une ramandure où remandure. Une remandure était formée, au dernier siècle, de seize cuites consécutives (5), En 1601, elle n'en comportait que six au Puits-à-Muire, (6) huit à la Chauderette (7). En 1687, il fallait déjà seize bouillons pour une remandure, à la Grande- Saunerie (8), (1) Encore le 4 mai 1474. Etat des muires de la Saunerie : « Somme de la quantité desd. longs: ITFT:x xvHr longs que valent xx buillons » (Arch. Doubs, B 271). En 148%, au Puits-à-Muire on faisait encore chaque bouillon de? lons. (Compte du trésorier de Salins, 1484. B, N. Joursanvault 8#, f°82.) (2) Arch. Doubs, B 187, f° 127. (3) Ibid., fo 129. (4) Gollut : éd. 1592, p. 107. (5) Falban.: Encycl. méth., t. VIL, Arts et Mét., p. 133. (6) Enquête au sujet des droits des Rentiers sur le Haussement. (Arch. Jura, À 38.) (7) Enquête de 1601. (Arch. Jura, À 38.) (8) Mémoire de Jean Sanguinière sur les forêts (B. N. Français 4475, a) — 190 — A proprement parler, la remandure était l'opération con- sistant à restaurer la chaudière, après qu’elle avait servi pen- dant quelque temps. Cette réparation était faite par les Fèvres qui remplaçaient les plaques hors d'usage, reforgeaient les autres, rivaient à nouveau le tout. Jamais une chaudière n'était remplacée en entier ; on en refaisait les pièces usées au fur et à mesure des besoins. Une fois remise en état, la chaudière était rapportée sur le fourneau, ses chaines étaient égalisées, les interstices qui pouvaient se trouver entre les plaques étaient soigneuse- ment étoupéés, enfin, pour éviter autant que possible les : fuites de l’eau, la surface intérieure de la chaudière était en- chaulée, c’est-à-dire couverte d’un enduit de chaux délayée dans de la « muire cuite », eau salée qui dégouttait des pains de sel pendant leur formation. Ces dernières opérations étaient effectuées par les ouvriers de la berne (). Ces ouvriers étaient au nombre de quatre, sous la direc- tion d’un chef appelé Moutier. On les nommait : Vaite ou Guette, Have, Desserre et Garde @). Le Moutier était une sorte de contre-maitre dirigeant tous les travaux effectués dans le meix, tant dans la berne que dans l’ouvroir et dans Pétuaille, présidant par conséquent à toute la fabrication du sel. Cétait un praticien expert. Un Moutier qui vivait en 1448, Pierre Hélie, avait étudié la fabrication du sel dans un grand nombre de salines, tant en Bourgogne, à Salins et à Saulnot, qu'en Lorraine, en Allemagne, en Espagne, en Provence, en Poitou et en Italie G). Les Moutiers avaient rang parmi les officiers de la Saunerie ; tous étaient sous la surveillance d’un Maître Moutier. Primitivement, il y avait un Mouter par berne ; il en a été ainsi à la Grande-Saunerie jusqu’en 1412. Une ordonnance du duc Jean, en date du (1) Falbaire : Encycl. méth., t. VIT des Arts et Métiers, p. 134. (2) Voir aux Pièces justificatives les divers Réglements. (3) Arch. Côte-d'Or, B 11199. — 191 — 15 avril de cette année, en réduisit le nombre total à quatre y compris le Maître (D. Il v en avait quatre, sans compter le Maître au xvi° siècle (2) ; au xvirre le nombre s’en élevait à Six (3) à la grande Saline et deux à la petite. Ils servaient à tour de rôle pendant vingt-quatre heures ; étant de garde jour et nuit, ils étaient tenus de coucher à la Saunerie. Leur nom était le même que celui que nous avons vu don- ner aux amodiateurs du Puits-à-Muire. L'origine en est la même : de part et d'autre ce sont eux qui président à la fa- brication des mottes ou pains de sel. En 1245, Jean de Cha- lon faisant une donation au monastère d’Epoisses, suppose le cas où les Moutiers feraient des pains de sel de deux modèles différents (4). La chaudière une fois remise en place, l’opération de la cuite commençait. Elle comprenait quatre phases : l’héberge- mure, les premières el deuxièmes heures, et le mettre-prou. L’héberge-muire était l’opération par laquelle on faisait entrer l’eau salée dans la chaudière. C'était l’œuvre du Des- serre. On faisait, pendant ce temps, un feu de plus en plus actif, à mesure que la chaudière se remplissait. Pendant les premières heures, on entretenait un feu très vif pour amener et maintenir l’ébullition : pendant les se- condes heures, il était modéré de plus en plus, tandis que le sel se formait. Le mettre-prou comportait un feu très doux, jusqu’au moment où il ne restait plus que très peu d’eau dans la chaudière (6). De ces opérations, les deux premières répondaient à ce que l’on appelle le schlottage, les deux dernières au salinage (1) Voir cette ordonnance aux Pièces justificatives. (2) Mémoi:e sur les offices de la Saunerie. (B. N. Colbert-Flandres 1, fe 153.) (3) Falbaire : Encycl..méth., Arts et Mté., t. VIE, p. 134. (4) &« Et si contingeret in dicto Puteo nostro quod Motarii facerent sal duobus modis. » (Cart. de Jean de Chalon, n° 62). (5) Falbaire : Encycl. méth., t. VIE, p.134. — Gollut : Hiv. IF, e. XXVHT, c. 159 (éd, Duvernoy). — 192 — actuel. Mais, tandis que dans les usines modernes, le schlott est enlevé aussitôt qu'il s’est formé, alors, on le laissait dans la chaudière d’où il n’était retiré qu'après le sel lui-même, tant des bassins que l’on immergeait pour le recevoir, que du fond même de la poêle. La durée de la cuisson a varié entre douze et dix-huit heures. Une fois le sel jugé suffisamment formé, on procédait à son extraction de la chaudière. Des femmes appelées Tiruris de sel avaient pour mission d'amener le sel, à l’aide de rateaux, aux bords de la chaudière. D’autres ouvriers l’en tiraient et en remplissaient des seaux de bois pour le porter, selon les cas, à l’ouvroir ou à l’étuaille. La poêle une fois vide, on en renchaulait de fond, après en avoir enlevé le schlott, et on recommençait à faire d’autres cuites jusqu'à ce que la remandure fût terminée. Alors, à la fin de la dernière cuite de la série, on descen- dait la chaudière de son fourneau et on la débarrassait des dé. chets appelés salègres, sortes de stalactites de sel brûlé qui se formaient en dessous du fond de la poêle. La violence du feu bossuant par endroits le fond de la chaudière, il se pra- tiquait des coulées d’eau salée qui, au contact du feu, se so- lidifiaient Ces salègres servaient comme de pierres à la ré- fection des fourneaux. On renvoyait ensuite la chaudière à l'atelier des Fèvres. Le feu entretenu sous la chaudière pendant la cuite de la nuire était fort violent, surtout à certains moments de celte opération. Les curieux qui ont raconté leurs visites aux sau- neries n'ont pas manqué de constater la température élevée des bernes (1) ; la famée était aussi d’une certaine incom- (1) Récit de J. Meglinger, 1667. fAnnales franc-comtoises,t, IV, p. 328). Il dit que, à huil pas, on ne pouvait en supporter la chaleur. Les ouvriers devaient être vêtus très légèrement. Gollut dit que le Des- serre n’est vêtu que «de sa grecque ». Châtel le représente ainsi. Agricola dit de même, en parlant des ouvriers des bernes en Allemagne : — 193 — modité, au point que parfois elle empêchait les ouvriers de voir clair (1), on n’avait pas, en effet, ménagé de cheminée pour la conduire dehors. Deux des ouvriers de la berne @) et deux des ouvrières dites « femmes de berne », étaient spécialement attachés à l'entretien de ce feu. On apportait le bois jusqu’à l’entrée de la berne sur une brouette à deux roues ; de là, il roulait üe lui-même jusqu’auprès de l’orifice du fourneau, grâce à l'in- clinaison du terrain (). Les ouvriers étaient chargés de ré- oler le feu suivant la période de la cuite; il leur était recommandé de placer le bois au milieu du foyer, pour mettre à profit la plus grande quantité de calorique possible (4). La braise qui tombait au travers de la grille, était extraite du fourneau par une femme nommée Tirari de feu, qui la pre- nait sur une longue pelle appelée épi. Une autre femme, dite Eteignari, était chargée de jeter de l’eau sur cette braise pour léteindre et ménager ainsi du charbon pour le séchage du sel. La question des provisions de combustible a été, après celle de la conservation des sources salées, la plus grande préoccupation de ceux qui voulaient assurer la prospérité des salines (5). Les sauneries faisaient, en effet, une énorme « ornnes hi, quod istiusmodi officinae valde incalescant, capita tamtummodo pileolis stramineis et verenda subligaculis tegunt, caetera nudi. » (De re met. lib. XII, éd. 1657, p. 446.) (1) Règlement de la Chauderelite au xv® siècle (Arch. Jura, série A, titre non coté) : « ltem qu'il soit fait ung ou deux lucarnes au toit de la barne pour partir la fumière de la lad. barne que aucuneffoizest si gran de que les pouvres ouvriers et ouvrières ne voient goutte en lad. barne ». (2) Ordonnance de Jean sans Peur, aux Preuves. (3) La gravure de Châtel représente cette arrivée du bois dans la berne. (4) Piganiol de la Force : Nouv. descr. de la France, t. XILE, p. 152-155. (5) Ordonnance de 1592 : « Combien les soing, travail et industrie de ceulx qui sont entremis aux conduicte et service de lad. Saulnerie sont des principaulx movens requis pour y faire beaucoup de sel, si est-ce que le premier estla provision et fourniture de bois neccessaire pour la cuitte des muyres, au deffaulx duquel tout labeur et artifice vient à néant. » (Arch. Doubs, Chambre des Comptes. Saunerie.) 13 — 194 —. consommation de bois. À en croire Bernard Palissy, il au- rait fallu mille arpents de forêts pour entretenir une chau- dière de trente pieds carrés. En ce qui concerne nos usines, on estimait, au commencement de ce siècle, à 75 stères, la quantité de bois nécessaire pour fabriquer cent quintaux mé- triques de sel (). On ne sait à quelle époque les princes, propriétaires ou Co-propriétaires des sauneries, imposèrent aux bois des en- virons de Salins, l’affectation à la cuite des muires dont on les trouve chargés au x1v° siècle (2). Sans doute, la rareté du combustible, se faisant sentir, a nécessité cette mesure qui devait peser d’un poids fort désagréable sur les propriétaires : et les paysans des environs. Non seulement, en effet, les bois appartenant au souve- rain ou aux seigneurs Parçonniers de la Saunerie étaient sou- mis à cette affectation, mais il en était de même de toutes les autres forêts à qui qu’elles appartinssent : particuliers ou communautés. Le rayon dans lequel le bois était ainsi réservé au service des salines a varié d’étendue. Il ne comprenait d’abord que trois lieues à la ronde. Les ordonnances de Charles- Quint, en 1531 G), de Philippe II, en 1556 (4), maintien- nent cette limite. Mais, par suite d’une exploitation trop fréquente, les bois étant devenus insuffisants, la Saunerie réclama une augmentation de la zône réservée. Sa pétition du 17 avril 1581 6), fut suivie d’une ordonnance du 7 juillet (6), (1) Béchet : Recherches sur Salins, t. I, p. xxxvIIr. (2° Il semble bien, en effet, que ce système ait existé au moment de la rédaction du Règlement gue nous avons de cette époque. (V.aux Pièce. justif.) Un règlement du 30 juillet 1424. (Arch. Doubs, Chambre des Comptes. Saunerie) et un autre du 20 mai 1483 (B. N. Français 11629, f° 86) organi- sent ce service. (3) B. N. Nouv. acq. Fr. 6348, f° 137. 4) B. N. Colbert-Flandres 1, f° 532. 9) Arch. du Doubs, B 294. ( ( (6) Arch. du Doubs, B 289. Éd, MC dE QUE tr ne us GVbe, Er Didi dut 75 abri ND RS OU EN PE Be Et DE De MU RS AT Te % RE) — 195 — établissant, outre la zône de trois lieues de rayon, exploitée continuellement autour de Salins et où toute coupe était inter dite aux sujets, une réserve de trois autres lieues, destinée aux besoins éventuels des sauneries, et où il était défendu d’abattre les arbres de haute futaie. Deux ordonnances complé- mentaires de 1586 et de 1607 11), vinrent régler la condition des bois ainsi destinés à la cuite des muires. Cet état de choses dura jusqu’à la conquête française. En 1727, un nou- veau règlement devait enclaver une lieue de plus dans la portion des forêts comtoises affectées au service des sa- lines. | La juridiction sur ces forêts était enlevée au tribunal du Gruyer pour être attribuée aux officiers de la Saunerie, Pour leur surveillance, furent institués, par ordonnance d'Albert et d'Isabelle du 21 août 1607, deux officiers spéciaux chargés de veiller à la conservation de tous les bois affectés aux sauneries, et de diriger les employés de l'administration de ces forêts. L’un avait la charge des bois d’Amont ; l’autre celui des bois d’Aval (division conservée des institutions exis- tant à l’époque où la Grande-Saunerie et le Puits-à-Muire avaient leur administration spéciale (2). L'ensemble des forêts, dont les deux tiers seulement, envi- ron, appartenaient au Prince, était divisé en quartiers appelés Fassures. Chaque Fassure avait, à sa tête, une sorte de chef-coupeur que l’on appelait le Fasseur. Il avait la mission de faire abattre le bois nécessaire par des ouvriers placés sous ses ordres(3,. La police était faite dans les Kassures par des Forestiers, à la nomination des officiers de la Saunerie. Les bois de toutes essences étaient coupés pour l’usage (ED. N.N. acq. Fr. 6349, fo Set s. — Arch. du Jura, À 65. @) Arch. du Jura, À 65, fo 95 vo. (3) Réglement de Charles-Quint, sur les Fassures, du 8 mai 1540. (Arch. Doubs. Parlement. Sauneries, titres généraux). — Pétremand: éd. de 1619, p. 900-301. -—- Mémoire de Jean Sanguinière, 1687, (B. N, Français 4479, MAO V0 72.) — 196 — des salines à la grosseur du bras. Un moule de fer qui se trouvait à la Saunerie, servait d’étalon (1). Les essences les plus appréciées étaient le hêtre et le charme. On ne rangeait qu’en une catégorie inférieure le chène, le tremble, le sapin, parce que l’on estimait qu’ils ne donnaient pas assez de flam- mes, étaient de moindre durée dans le feu et ne produisaient pas de bon charbon (2). À la même époque, au contraire, en Allemagne c'était le bois de chêne qui était le plus estimé pour la cuite des muires 6). C'était vers l’âge de neuf ans que les arbres étaient propres à l’usage des sauneries. Il était interdit de les couper aux mois d'avril, mai et août. Les arbres abattus étaient formés en « fardelets » de vingt- cinq bûches ou « chevasses » chacun ; quarante fardelets {on disait aussi € fassins ») formaient un « millier » (c’est-à-dire mille chevasses). Tous les paysans possesseurs de chars et d’attelages, et résidant dans l” « arrondissement de Salins », — ou zône ré- servée, — étaient tenus de charrier les bois des fassures de- puis les forêts jusqu’à Pusine (#. On les a obligés, en divers temps, à un nombre variable de pareils charrois. Ils devaient en faire tantôt trois (5), tantôt quatre (6) par semaine. Le mau - vais temps, rendant les chemins impraticables, mettait parfois une trêve à cette obligation (7). (1) Ordonnance du 1% septembre 1424. (2) Mémoire sur les salines du commencement du xvrre siècle. (B. Be- sancon, Chifflet XLIX, f° 104.) (3) Agricola : De re metallica, éd. 1657, p. 444. (4) Ordonnance de 1483. (B. N. Fr. 11629, f° 86.) (5) Ordonnance du 22 septembre 1607. (Arch. Jura, À 65.) (6) Ordonnance du 1% septembre 142%. (Arch. Doubs. Chambre des Comptes, Sauneries.) (7) Mémoire de 1592 sur la Saunerie. (Arch. du Doubs. Chambre des Comptes. Sauneries). — Les travaux de la campagne venaient aussi arrêter ces charrois, à certaines saisons, Pour obvier à ces interruptions, lorsque les sauneries furent données à bail, les amodiateurs se fournirent de chars et chevaux, afin d'assurer en toutes circonstances le transport du bois A0T Les chariots, arrivés à Salins, restaient à la porte des sau- neries jusqu'à ce que leur nombre füt jugé assez grand pour : mériter l’attention des officiers préposés à l’estimation et au payement des bois. Alors on leur ouvrait la porte, et leur entrée se nommait une férue. C’était une opération compli- quée qui, à la Grande-Saunerie, mettait en mouvement un personnel considérable. En entrant, les voitures chargées de bois passaient devant un bureau appelé le Fournet. Trois officiers y étaient en per- manence, pour procéder au payement : le Taxeur appré- ciait au passage le nombre de chevasses qui se trouvaient sur les chariots, et acceptait ou refusait le bois selon qu'il lui paraissait ou non de qualité suffisante (1), — le Payeur en donnait le prix au charretier selon la taxe établie, — le Clerc Ventier (2) tenait la comptabilité des bois entrant à la saline. Lorsque le nombre de chevasses estimé par le Taxeur ne concordait pas avec le chiffre prétendu par le charretier, des ouvriers appelés « compteurs des bois », procédaient à la vérification (). Quant au prix des chevasses, il était différent selon que les bois venaient ou des forêts des Parconniers de la Saunerie nécessaire à la cuite des sels. (Mémoire de la première moitié du xvir° siècle, à la Bibliothèque de Besançon). (1) Le bois refusé était dit « greusé ». (2) Ventier a le même sens que Forestier. (V. Ducange, verbo Venta- rius.) (3) « Le Tauxeur le tauxait en un clain d'œil et tousjours libéralement au proffit des charretiers, car, s’il se trompoit à leur préjudice, eux, qui sçavoient le nombre des chevasses qu'ils menoient, les faisoient compter tout à l'heure par les compteurs de bois establis à cest effect. EL ainsi tousjours l'équivocque estoit sur le Prince, qui ne montoit pas à peu, car à cent milz voitures par an, un sol seulement d’equivocque à chacune revient à cinq mils francs. » (Mémoire du commencement du xvr® siècle. Bib. Besançon, fonds Salins, non classé). — Ce système avait succédé à un autre plus ancien, qui voulait que le charretier déclarât lui-même le nombre de ses chevasses. (Ibid.) sf — 198 — ou des forêts des communautés et des particuliers. Dans le premier cas, on ne payait aux charretiers que la façon et le transport (1), dans les autres cas, on payait la valeur du bois lui-même. Ce dernier prix était fixé d’avance par des traités passés entre la Saunerie et le propriétaire des bois. Quand la Saunerie et le Puits-à-Muire existaient séparé- ment, la concurrence entre ces deux établissements élevait considérablement le prix du combustible. Aussi le désir de mettre fin à cet état de choses, a-t-il été un des motifs de la réunion des deux salines. Déjà, auparavant, le Roi avait essayé d’y remédier en éta- blissant que lorsqu'un marché serait passé entre l’une des sauneries et un propriétaire, pour achat de bois, l’autre sau- nerie pourrait toujours v avoir part de moitié en en déclarant son intention. Lorsque l'administration des deux sauneries fut unifiée, le prix du bois baissa considérablement. Il était, en fait, laissé à la discrétion des officiers de la Saunerie, puisque Îles proprié- taires ne pouvaient vendre qu'à eux seuls. La charge du ser- vice des bois de la Saunerie en devint plus lourde pour les propriétaires des forêts de l'arrondissement. Une fois introduit dans la saunerie, le bois était conduit en diverses places et empilé. On appelait cette opération «en- chalage ». Un Maitre était chargé de recruter les ouvriers em- plovés à ce travail et au transport du bois jusqu'aux bernes. Il les choisissait, chaque jour, parmi les manouvriers qui ve- naient tous les matins proposer leurs services à la porte de la Saunerie. Il fallait, au xvIT° siècle, environ trente ouvriers, chaque jour, pour enchaler les bois des deux sauneries. Le mouvement produit par ces charrois était considérable, si l’on en juge par le nombre des animaux occupés à les — "7 (1) En 1687, on payait deux sous trois deniers par voie de bois amenée des forêts des particuliers, et quinze deniers pour celles que l’on amenait des forêts du Prince, non compris le charroiï. — 199 — effectuer. Au xvrr° siècle, un mémoire les estime à 6500 che- vaux et 320 mulets (D). | Outre le bois destiné à la cuite des bouillons, les forêts des environs de Salins devaient aussi fournir les chênes et sapins nécessaires aux réparations de la Saunerie, à la confection des engins et des « bosses » ou tonneaux qui servaient au transport du sel en grains (2). Les bois de haute futaie des- tinés à ces usages étaient marqués d'avance et payés de la même façon que les bois des fassures. En raison de la rareté croissante du bois, on songea à user de la houille que lon découvrait aux environs des sau- neries. En 1589 ou 1590, on commença à exploiter près de Saulnot, une mine de houille, dans la montagne d’Ossemont, au territoire de Corcelles. Le comte de Montbéliard, Fréderie de Wurtemberg, encouragea celte exploitation. Des mineurs allemands (3) y furent employés et ses produits furent utilisés pour la cuite de la muire de Saulnot (4). En 1598, la houille était en usage à celte usine 6). Mais les administrateurs pa- raissent n'avoir accepté qu'avec hésitation le nouveau com- bustible. En 1602, une chaudière sur deux était chauffée à la houille, l’autre l’était au bois (6), La mine, du reste, ne tarda pas à être abandonnée. En 1626, on l’utilisait encore ; en 1635 le gouvernement de Montbéliard autorise les amodiateurs à s’en servir, s'ils le veulent (7); en 1659 (8), Claude Gurnel, (1) Mémoire sur l’état économique des sauneries, vers 1650-1660, (Bib. de Besançon). (2)B. N. Français 4475, 1° G4. (3) Compte de 1598. (Arch. Haute-Saône, E 211.) (4) Duvernoy : Description du comté de Montbéliard, t. LH, © 3. (Bib. de Besançon.) (2) Arch. Haute-Saône, E 211. (6) Arch. Haute-Saône, E 202. (7) Lettre de Claude-Baptiste Vernerey, aux amodiateurs de Saulnot, du 97 mars 1655 : Ç Et pour les houillières, l'on les nous accorde, sv nous en voulons prendre, pour tel terme qu'il nous plaira. » (B. N. Joursanvault 87, fo 955.) (8) Arch. Haute-Saône, E 205. . — 200 — amodiateur de la saline, obtient le droit de se fournir de bois dans les forêts de Saulnot pour les besoins de cette usine, sans être obligé de se servir de houille, « ce que désirant, porte son bail, il sera pourvu à la réparation des houïllères (1). » M. Duvernoy dit que la mise en valeur des mines d’Osse- mont a duré jusqu'en 1715 @) : il faut ajouter qu’elle fut in- termittente. Vers 1629, on découvritaussi, près de Salins, à Aiïglepierre, un filon de houille 6), On en essaya l’usage aux Salines. Le 12 septembre 1632, Vincent Jacquinot, administrateur de la Saunerie et Jean d’Accosta, contrôleur, passèrent un marché avec un certain Jean Broërs, par lequel ce dernier s’obli- geait à produire, par an, douze mille charges de sel, cuites à la houille, moyennant une rétribution de « deux francs par charge tirée des chaudières à ses frais (4). » Mais les ha- bitants du pays avaient des préventions contre ce combus- tible dont l’odeur les imquiétait, à ce que nous apprend un mémoire du temps. Aussi Jean Broërs a-t-1il soin de se faire promettre l’aide et assistance du Roi pour exécuter son projet d’en user pour la cuite du sel, « d'autant que l'usage de lad. houille est fort hodieux et désagréable à plusieurs personnes. » Par suite de cette aversion, le « charbon de pierre » ne continua pas à être employé dans les sau- neries (9). (1) Arch. Haute-Saône, E 202. (2) Duvernoy : Description du comté de Montbéliard, t. IE, n° 6. (Bib. de Besançon.) ë (3) Béchet : Rech. sur Salins, t. E, p. xxIv. (4) Arch. Jura, À 43. (©) Baverel rapporte que « l'odeur fétide que donne ce fossile faillit d'em- poisonner la ville de Salins, extrêmement resserrée par des montagnes »; mais il ajoute : CIL faut vérifier ce fait. » (Bib. Besancon, Mss. Villages de Franche-Comté, par l'abbé Baverel, verbo Aiglepierre.) — 901 — S 4 Le sel, tiré en farine de la chaudière, ne restait pas ordi- nairement en cet état. Dans la plupart des salines, 1létait soumis à un nouveau travail et aggloméré en pains. Pour cette opération, 1l était transporté dans une pièce attenant à la berne et qui était appelée louvrotr. Là. on le déposait sur un plan incliné, la sille, d’où les parties aqueuses s'égouttaient dans une auge placée au-dessous. Une ouvrière, nommée Mettari. prenant le sel dans une écuelle, le passait à une seconde, appelée Fassari. Celle-ci pétrissait le sel à P’aide Jde la muire de l’auge, sur un bloc de bois ou massou, le régularisait avec la main, ct renversait l’écuelle dans une autre plus grande, garnie d’une couche de sel en grains pour empêcher l'adhérence. Le pain ou salignon ainsi formé était replacé sur la sille (1). Deux ouvrières dites Sécharis @) ve- naient l'y prendre et le portaient sur un brasier () Ce brasier était long et étroit ; on y plaçait les salignons formés, sur des charbons allumés, en six rangs parallèles de toute la longueur de l’ouvroir. Il fallait environ dix heures pour sécher les pains (#). Le charbon servant à cet usage était pris. à la saunerie même, dans les fourneaux des chaudières, ou acheté au de- hors, quand il n’y en avait pas en quantité suffisante à la sau- (1) L'eau n'était donc pas « mise à cristalliser dans des moules », comme le prétend M. Villain (Histoire d’un grain de sel, p. 3). (2) Arch. du Doubs, B. 207. Expérience du 26 mars 1537/8 : « Ouvrières d'icelluy ouvreur, au nombre de quatre, tant mettarix, fassarix que deux seccharix. » (3) Falbaire : Encycl. méth., Arts et Métiers, t. VII, p. 135. — Gollut : iv. IL. (4) M. de Montigny, chargé d’une mission de réforme dans les salines, au XvIII° siècle, a fait abandonner ce procédé de séchage. (Bouchet : Mémoire sur les salines, Bib. Besancon 1908, pp. 1, 2. 5.) — Au Bourg-Dessous, on ne plaçait pas les salignons sur le brasier, mais on les empilait à droite et à gauche. (Arch. Doubs, B 207.) — 202 — nerie (1), ainsi, quand le bois de sapin était employé comme combustible (2). On appelait cette braise chancr : le chanci noir était le charbon sortant des fourneaux des bernes ; le chancei blane, celui qui avait servi à la dessiccation du sel. On en faisait des cadeaux (6), des gratifications à diverses personnes (4). Il existait à la Saunerie un local spécial pour la conserva- tion du charbon 6:. À certaines époques, un officier particu- lier a été préposé à sa direction ; 1! avait charge de présider au mesurage des charbons que l’on apportait à la saline. Cet office fut supprimé par ordonnance du 27 juillet 1593, lorsque Philippe IE ordonna qu'à lPavenir le charbon des chaudières serait seul employé pour le séchage des pains (Cr. Une fois desséchés, les salignons étaient transportés dans la troisième salle du meix, l’étuaille. C’est dans ce magasin qu'ils étaient conservés jusqu'à leur sortie de la saline. Des ouvriers les plaçaient dans des paniers hauts et étroits, tressés de bois et d’écorce de tilleul, que l’on nommait be- nates (1), Chaque benate contenait douze salignons super- (1) Le 27 juillet 159%, Philippe IT ordonne que l’on se serve des charbons des chaudières pour sécher le sel. (Arch. Jura, À 38.) — De même, or- donnance de 1538 (aux Pièces justif.). (2) En 1566, plaintes des officiers de la Saunerie de ce que le bois dont on se sert, étant de sapin, ne donne pas de charbon. (Arch. du Doubs. Chambre des Comptes. Sauneries. Bois) (3) Arch. Jura, À 49. Encycl. méth., Arts et Métiers, t. VIE, p. 136. (4) On en vendait aussi. Le règlement du x1ve siècle, aux Pièces justifi- calives, donne charge de cette vente au Clerc Portier. ; 5) Il semble même qu'il ait existé plusieurs charbonneries. (Arch. du Doubs, B° 187, f° 174 v°) (6) Règlement de la Chauderette, au xve siecle. (Arch Jura, série À, non coté.) (7) Règlement pour la fourniture des greniers à sel de Bourgogne, du 10 juillet 1510 : « Item que les benastes esquelles l'on embenaste ledit sel, seront faictes de meilleur bois que l'on n’a aceoustumé pour ce qu'elles sont si faibles et tendres que à peine peullent endurer le pourter quelles ne rompent. » (Arch. Côte-d'Or, B 11181) Lettres de Philippe le Bon, du 25 janvier 1442/3, en faveur des Bena- — 903 — posés, et la réunion de quatre d’entre elles formait ce que l’on appelait une charge. Ce dernier nom vient de ce que c'était la quantité de sel que l’on plaçait sur le dos d’un cheval, quand Îles transports se faisaient à bâts. Les chartes en témoignent. En 1179, Maurette de Salins, comtesse de Vienne et de Mâcon, donne au prieuré de Courtefontaine la « charge d’un cheval » du sel de sa chaudière (1). Une donation de Guillaurne de Mâcon en faveur de l’abbaye de Romain-Môtier développe cette expres- sion ; elle porte concession d’une rente annuelle de ce qu'un cheval peut porter de sel (quantum equus portare potest salis) (2. Ailleurs, on voit cette même quantité de sel dési- onée par le mot latin « onus » (3) ou par le nom, refait sur le français, de « chargia » @). Il faut constater que les quelque cent quarante livres que pesait la réunion de quarante- huit salignons, ne constituaient pas pour le cheval une bien lourde charge. Cette façon de mesurer le sel s’est employée de même pour évaluer celui qui n’était pas formé en pains. Dans un accord passé en 1160 entre les religieux de Rosières et ceux de Losne, il s’agit de charges comprenant chacune quatorze bichets de sel (5). Or le bichet a toujours été une mesure de capacité ne pouvant convenir qu'à du sel en grains. L'usage de donner au sel la forme de pains n’est pas spé- üers : « Pour lesquelles euvres de Benasterie faire et exercer, il leur con- vient avoir grans chatelz en provision, c’est assavoir de verges, tilles et cordes pour faire les benastes servant à embenaster et lver les sels de nostredite Saulnerie. » (Arch. Doubs, B 297.) (1) Béatrix de Chalon, p. 154. — Guillaume, Salins, t [, pr.. p. 68. — Moreau 863, fo 464. (2) En 1218. (L. Viellard : Doc. et Mémoires, p. 3179.) (3) Chartes de Jean de Chalon. {Cartul. n°° Get 7.) (4) Donation de Jean de Chalon à Saint-Jacques d'Arènes, à Besancon : «unam chargian salis. » (Cartul. de Jean de Chalon, n° 110.) (5) « Unaquaque sarcinarum in quatuordecim bichetos distributa. » (B. N. Moreau 871, fo 350.) — 9204 — cial à la Franche-Comté. Au xu1I° siècle, on fabriquait des pains de sel en France (1). En Allemagne, l’usage en était courant ; Agricola raconte qu’on leur donnait les figures les plus diverses (2). Dans les salines du comté de Bourgogne, on fabriquait des salignons dès le xn° siècle. En 1172, le couvent de Citeaux devait à celui de Baume-les-Moines quatre sali. gnons de cens annuel, pour un meix situé à Lons-le-Saunier. Au xu1e siècle, les mentions de ces pains sont fréquentes; on en trouve dans des chartes du comte Jean de 1955, 1257, 1265 (3), dans une donation faite par le comte Otton IV, en 1280 (#. Comme à Lons-le-Saunier et à Salins, l'usage en a existé à Saulnot et à Soulce (). Le salignon avait, en Franche-Comté, une forme à peu près hémisphérique qu'il devait à l’écuelle dans laquelle il était moulé par la Fassari. Entre le côté plat et la face arrondie, se plaçait une arête assez vive et par suite fragile, ce qui occasionnait dans les transports une certaine perte de sel. Nous avons probablement une image de ces pains dans les armoiries de la famile Saulnier, d'Ornans. Elle portait une fasce accompagnée de trois objets circulaires qui semblent bien être des salignons, et constituer des armes parlantes, faisant allusion à son nom (6). L'usage des pains présentait certains avantages. Le sel ainsi comprimé était plus à lPabri de l'humidité que s’il avait été laissé en cristaux ; les formes fixes des salignons prévenaient les débats lors du mesurage, et rendaient la contrebande (1) V. Ducange, aux mots : Panis salis et Saligium (2) Agricola : De re melallica, éd. 1657, p. 446. (3) Cartulaire de Jean de Chalon, n° 103-192. — B. N. Joursanvault 85, n° 1. — Arch. Haute-Saône, H 192. — Moreau 871, f° 150. (4) Moreau 870, fe 536, vo. (5) Enquête de 1490. (Arch Doubs Chambre des Comptes. Sauneries.) (6) Un cachet de Joseph Saulnier, évêque d'Andreville, a été reproduit par Marlet (Episodes de la Guerre de Dix Ans, Besançon, 1865, in-8°). Il porte ces armoiries, mais fort mal gravées. Lo moins facile. Mais, tant par son séjour sur les charbons, que par l’emploi dans sa formation de l’eau grasse où muire cuite qui contenait des matières étrangères, le pain de sel contrac- tait des impuretés et des altérations défavorables (1). | Les écuelles servant à la formation des salignons étaient | soumises à un étalonnage (2). Le Maitre Moutier les compa- _ rait à des modèles de fer conservés à la Saunerie et les mar- _ quait aux armes du souverain. Les modèles des pains étaient nombreux aux xv® et _ xvi‘ siècles ; la coutume existait depuis longtemps de les | former selon divers types, chaque type étant destiné à un | pays ou à un usage différent. | Dès le xir° siècle, nous voyons coexister diverses gros- seurs de salignons. Dans une charte de 1245, le comte Jean de Chalon distingue entre les deux formes de sel, — | Ja grosse et la petite, — que pouvaient faire ses Moutiers 6; ; un certain nombre de documents émanés du même prince, entre 1243 et1958, spécifient que les donations qu’ils compor- tent, devront être acquittées en charges de petit ou de grand sel (4). Le nombre des variétés de pains à augmenté rapide- ment. {lles se distinguaient tant par des différences dans la quantité de sel employée pour chaque salignon, que par quelque marque gravée sur le moule et reproduite sur le sel. On y figurait ainsi tantôt l’image d’un lion, tantôt une | lettre de l'alphabet. Le nom du sel « à deux mirruers », dont. | ontrouve une mention en 1404 6), semble rappeler la marque | | 2 (1) Montigny : Mémoire sur les salines de Franche-Comté, pp.107-108. | (2) Inventaire de 1552 : « Item sept estalons de fer à estallonner les es- | cuelles et formes à former selz de lad. Saulnerie, lesdits estalons lyez en- I semble. » (B. N. Nouv. acq. Franc. 6348, f° 145 v°.) | (3) Cartulaire de Jean de Chalon, n° 62. | (4) «Honera majoris salis.…., de grossiori sale... ,'majoris salis quod fiet.…..» « Charges de grant sal. dou plus ‘grant sal que l’on fait ou fera en | nostre Salnerie de Salins.… Petite sal. la petite sal que faite sara, » etc. etc. | (Cart. de Jean de Chalon, n° 6, 7, 14, 45, 50, 71, 93, 108, 129, 133, 160.) () Arch Doubs, B 298, n° 152. — 206 — qui servait à le caractériser. Il devait y avoir aussi quelque différence dans la forme, dans le galbe général des pains, puisque leurs reproductions sculptées pouvaient être dis- tinguées les unes des autres (1). Un compte de 1391-1392 mentionre cinq variétés de sel qu'il nomme sels d’Amont, d’Aval, de « Peelles », de Ro- sières et de Bouillons Volages (2). En 1376, par ordre de la comtesse Marguerite et d’'Hugues de Chalon, sire d’Arlay, il avait été décidé que les revenus en sel seraient payés aux rentiers qui habitaient le pays dit d’Amont, en sel d’Amont, età ceux qui habitaient le pays dit d’Aval, en une variété nouvelle de salignons que l’on appela sel de Délivrances ou à deux Miroirs. Par ordonnance du 6 février 1403-4, le duc Philippe le Hardi abolit cette forme (@) et déclara que, à lave- nir, les rentes des habitants du pays d’Aval seraient payées du sel qui se vendait en ce pays. Il y a toujours eu quatre types principaux de salignons, fabriqués à la Grande Saune- rie : le sel Moitenal pour le pays d’Amont, le sel Plaine Ro- sières pour le pays d’Aval, le sel Bouchet pour le Rever- mont (c'est-à-dire la région située entre les montagnes du Jura et la Bresse), le sel de Porte pour les environs immé- diats de Salins. A ces quatre formes qui subsistent au travers du xv°et du xvr' siècles, viennent s’ajouter : le sel Grenier, destiné aux greniers à sel du duché de Bourgogne et du Charollais, le sel Plaine Savoie, pour le Mâconnais et la Bresse, que l’on trouve en 1454 (4, En 1468, le sel Bouchet se dédouble, et (1) Dans une enquête faite en 1538, les commissaires constatent que les bornes qui fixent la limite des cours des sels de chaque saunerie sont mar- quées sur une face d’un pain de sel sculpté de la forme du sel Rosières, et sur l’autre face d’un pain de la forme du sel du Bourg-Dessous. (Arch Doubs, B 285.) (2) Compte du Partage de Chalon. (Arch. Côte-d'Or, B 5951.) (3) Arch. Doubs, B 298, n° 152. (4) Arch. Côte-d'Or, B 6015, Compte du trésorier. is “2 1 É « he 2 x OOR le Conseil en fait faire de deux grosseurs, le plus gros pour la Franche Comté, le plus petit pour le pays de Vaud (1). En 1472 et 1473, on rencontre : le sel Moitenal d’Amont mar- mue lé sel Bouchet marqué, le Sel dé Porte, le sél Plaine Rosières el, de plus, le sel Moitenal Savoie, qui sert à payer les rentes des églises et des seigneurs de Savoie, de plusieurs nobles comtois, de l’abbaye de Monthenoît, et celles qui ont été confisquées par le Due. L’année suivante, on re- trouve de plus le sel Grenier, qui avait disparu et un sel appelé Plaine Mâconnaise (2). Les formes paraissent être restées à peu près les mèmes jusqu'à la seconde moitié du xvi° siècle. Alors, les sels dont l'existence est constante sont le sel Moitenal (Savoie ou marqué), le sel Bouchet (Sa- voie ou marqué), le sel Plaine Rosières, le sel- Grenier, le sel de Porte (:. En 1564, Philippe IT supprima le sel Bou- chet (4), dont le cours fut donné au sel Moitenal marqué. L’an- née d'après, il abolit de même la forme du sel. Plaimneé Rosières. Cette suppression fut renouvelée par la duchesse de Parme, en 1567, mais elle ne fut pas maintenue. Au XVIII" siècle, on formait encore des pains selon le moule du sel Plaine Rosières, et même de deux sortes. Sous la domination française, les formes des sels paraissent avoir été souvent changées ; leurs appellations furent aussi modifiées. En 14774, on fabriquait à la Grande-Saunerie trois sortes dé salignons : sel Marqué de redevance, sel Rosières, et sel Rosières de redevance. À la fin du même siècle, D. Grappin fait connaître le sel de Porte, le Petit sel d’ordi- naire, le Gros sel d'ordinaire et le sel Rosières ; Fenouillot de Falbaire en mentionne six espèces : le Gros sel d’ordi- naire, le Petit sel d'ordinaire, le sel de Porte, le sel Roture (4) Arch. Doubs, B 187, fo 158. (2) Arch. Doubs, B 271. (3) Enquête faite en 1533. (Arch. Doubs, Chambre des Comptes. Saune- ries. Titres généraux.) (4) Arch. Doubs, B 385. — 9208 — ou d’extraordinaire, le sel Marqué de redevance, le sel Ro-. sières de redevance. En dehors de ces pains de sel dont le poids variait de deux livres et demie à trois livres et demie, il faut compter les 4 pains de dimensions plus considérables, que l’on appelait Gros salés. [ls étaient employés en gratifications aux offi- ‘ ciers, aux ouvriers, à des personnages notables, Plus tard, on les a destinés au payement des personnes ayant droit au ; Franc-Salé (1). En 1536, le Maitre Moutier avait charge d’en distribuer chaque semaine aux officiers et aux ouvriers. Une ordon- nance de Philippe If changea leur forme, le 27 juillet 1593 €). D. Grappin en connaissait de trois espèces : ceux de douze livres, dont dix font la charge de Petit sel d'ordinaire ; ceux de quatorze livres, dont neuf font la charge de sel de Porte ; ceux de dix-huit livres, dont huit font la charge de sel Ro- sières (3), En 1774, il n’en existait que deux, dont l’une s’ap- pelait le Gros salé à huit pour la charge, et l’autre, le Gros salé à douze pour la charge : ce sont les mêmes que men- « tionne l'Encyclopédie. à À la saline du Bourg-Dessous, il semble n’avoir été formé qu’une seule espèce de sel en un mème temps. En 1442, on l’appelait sel Lombarde; à la fin du même sièele, sel Plat où Plate. Charles VITE, par mandement de 21 juillet 1485, dé- fendit d’en faire d’autre sorte, au Puits-à-Muire (4). Les petites salines de la province ne paraissent pas avoir non plus usé de plusieurs formes de pains. Tout le sel retiré des chaudières n’était pas transformé en salignons. Une partie restait sous sa forme primitive, c’est-à- (1) Arch. Doubs. Chambre des Comptes. Sauneries. Titres généraux. (2) Arch. Jura, A 38. (3) D. Grappin : Recherches sur les Monnaies, etc. p. 142. — Bib. Be- sançcon, Ms. 826, f° 91. | (4) B. N. Nouv. acq. Fr. 6348, f° 82 ve. | — 9209 — dire en grains, et prenait le nom de sel trié. I était à Salins d’un grain très menu à cause de la violence de lébullition à laquelle il était soumis; pour la même raison, il n’était pas entièrement neutre (1). Piganiol de la Force s’est imaginé que ce sel dit trié devait son nom à ce qu'il était pris parmi les couches supérieures du sel restant dans les chaudières, et que, par là, il se trou- vait plus blanc et plus pur. Cette explication ne peut être admise ; c'était au contraire du résidu des pains, des débris de salignons mal formés et pilés, que l’on constituait autrefois le sel trié. On l’a appelé aussi « sel de Jonvelle », du nom de la seigneurie, voisine de la frontière lorraine, qui en était ap- provisionnée. Il présentait l’avantage de demander moins de main d'œuvre que les salignons et, par suite, de pouvoir se vendre à meilleur compte. Dès le xrr° siècle, on rencontre du sel apprécié à des me- sures de capacité : le « rasier @) », le bichet 6), le sac (4). Au XIV: siècle, se remarque le nom même de sel trié &)., On en a fait à Salins en tous temps, à Soulce, à Saulnot. Le sel trié était porté directement à l’étuaille par des (1) Montigny : Mém. de l’Acad. des Sciences, 1762, p.105. (2) Gaucher, sire de Salins, confirme, au profit de l’abbaye de Balerne, une donation de son aïeul Gaucher, sire de Bourbon et de Salins : « Sex rasarios salis in calderiis ejus singulis septimanis persolvendos .. » (Guil- laume : Salins, t. I, pr,, p. 85. Cartul. de Jean de Chalon, n° 119.) En janvier 1276/7, Jean de Chalon donne à Balerne la muire de deux bouillons « pour six rasiaus de sel que l’abbés et li covenz de Balerne avoient en nostre puis de Salins, chacune semaine. » (Cartul, de Jean de Chalon, n° 120.) HA | (3) Traité entre les religieux de Rosières et ceux de Losne, en.1160. (B. N. Moreau 871, f° 360.) (4) Donation par Etienne de Bourgogne et Guillaume de Vienne à l’ab- baye de Tari: « XL sacos salis singulis annis persolvendos. » (Béatrix de Chalon, f 83.) (5) Avril 1957. Donation par Jean de Chalon à Bellevaux : « residuum deducent in sale trieto. » (Cartul. de Jean de Chalon, n° 122.) 14 — 210 — ouvriers appelés Aides. Lorsqu'il s’y était égoutté et séché, on le transportait, au moyen de seaux, jusqu’à une autre salle où il était déversé dans des bosses ou tonneaux de sapin, dont chacune contenait 560 livres. Ces tonneaux étaient fabriqués par des ouvriers spéciaux appelés « Gréaliers » ou « Bos- siers (1) », du bois pris dans les forêts réservées des environs de Salins (2). Le sel qui tombait à terre pendant ces diverses opérations était nommé pousset; on le vendait pour la nourriture du bé- tail, ou on le donnait en gratifications. Le transport des sels et le remplissage des bosses était confié à des ouvriers appelés Poulains, dirigés par un chef ou Maître Poulain. $S 9 Nous avons rencontré, en traversant les diverses phases de la fabrication du sel, un personnel considérable d'officiers et d'ouvriers occupés à surveiller, à diriger et à effectuer les différentes opérations qu'elle comporte. Il serait intéressant de connaître quelles étaient les conditions de ces personnes. quelle était leur vie, leur situation dans la société. Malheureusement, les documents qui pourraient servir à établir leur histoire sociale, sont fort rares et peu précis. Je veux cependant résumer ici les quelques données très in- complètes que j'ai pu réunir à ce point de vue. _ Dans toutes les salines, les besoins administratifs étant les mêmes, les offices devaient être semblables. Il n’existe de différence que dans une application plus ou moins com- plète du principe de la division du travail. Tandis que dans les petites sauneries, les branches de l’ad- (1) Il y avait quatre gréaliers à la Saunerie au commencement du xvIIe siècle, quatorze bossiers à la fin du xvirre siècle, (Encyc. mélh., Arts et Métiers, t. VIL, p. 137.) (2) B. N. Francais 4475, fe 65. — 911 — ministration étaient réparties entre un nombre de personnes restreint (cinq à dix en général) (), dès 1421 les officiers de la erande Saline de Salins formaient un personnel de vingt-huit individus (2). En 1412, le duc Jean avait supprimé quelques offices : ceux du Maître Couvreur, du Maître Chappuis, de cinq Moutiers, du Contrôleur, du Maître Charbonnier, de la Contre Clé de la Porte, et du Maître Fèvre (G:. Certains d’en- tre eux, comme celui de Maître Charbonnier, furent rétablis, puis supprimés. Le nombre n’a pas beaucoup changé : en 1533 il existait une trentaine de ces charges (4. Ce n’est qu’au xvI1° siècle, lors de l'amodiation de la Saunerie, que le nombre et la situation du personnel ont été profondément modifiés, certains emplois restant à la disposition du Roi, tandis que d’autres étaient abandonnés aux fermiers. À chaque phase de la fabrication, présidaient un ou plu- sieurs officiers, les uns en tant que conducteurs de travaux, les autres comme surveillants et comptables. D'une part, ce sont les Moutiers, le Maitre Poulain, le Maitre des Œuvres, que nous avons vus dans leurs occupations respectives. D'autre part, se place une série d'officiers appelés Cleres (5). Dès le xrr1° siècle, il existait des Clercs de la Saunerie (6). À partir du x1v* siècle, on trouve : les deux Clercs des Puits, chargés de surveiller l’entretien des sources et d'en enregis- trer la jetée ; les Cleres des Sels, qui ont regard sur les ou- vroirs et les étuailles, et tiennent compte du sel fabriqué ; le (1) À la saunerie de Grozon, il n’y avait comme officiers, en 1349-50, que un Portier, un Receveur, un Clerc, un Taxeur de Bois, et un Chappuis. (Arch. Doubs, B 310, f° 26). (2) Lettres de Marguerite, duchesse de Bourgogne, du 7 juillet 1421. (Arch. Doubs, B 297). (3) V. Pièc. justif. (4) Arch. Doubs. Chambre des Comptes. Titres généraux des Sauneries. (5, Voir les Règlements aux Pièces justific. passim. 6) € Johannes de Rupe, Clericus de Salneria salinensi, » reprend de fief de Jean de Chalon, seigneur d’Arlay. (Cart. de Hugues de Chalon, publié par M. B. Prost, Soc. d’Em. du Jura, 1893, p. 52. — 9219 — Clerc Portier où Délivreur qui fait remettre aux marchands le sel qu’ils ont acheté, et qui tient registre de cette remise ; le Clerc Ventier et le Clerc Payeur préposés à la comptabilité du bois entrant à la Saunerie (1). Les plus importants de ces Cleres sont les Cleres des Rôles, autrefois appelés Cleres de la Table. Non seulement ils te- naient compte des deniers de la Trésorerie, mais ils étaient les secrétaires du Conseil de la Sauner:ie, les greffiers du Tri- bunal du Pardessus, et les gardiens des Archives. En 1468, ils ont été revêtus du titre de Tabellions généraux en Bour- sogne. Ce sont eux qui recevaient comme notaires les contrats passés à la saline. Le Clerc du Sceau apposait le sceau de la Saunerie aux con- trats qui devaient être ainsi authentiqués. Ce sceau portait au milieu du xv° siècle, trois écussons, posés deux en chef et un en pointe: les deux du chef armoriés des armes de Bour- gogne-Duché et Bourgogne-Comté, le troisième chargé des armoiries de Salins. La légende est: S. MAGNE SAL NERIE DE SALINIS (2). Un inventaire de 1552 nous apprend aue l’on se servait alors, à la Saunerie, d’un sceau et d’un contre sceau en argent, attachés par une chaine de même métal (3), Sauf les emplois les moins importants, comme ceux des Guettes, des Compteurs des bois, des Fèvres et Benatiers (qui sont plutôt des ouvriers), laissés à la disposition du Pardessus (4), les charges des officiers étaient accordées par le Prince (). Il pouvait faire, à son gré, passer un officier d’un emploi à un autre (6). En principe, le cumul était (1) Arch. Doubs, B 187. (2) J'en ai vu plusieurs exemplaires, assez mal conservés, il est vrai, datant des années 1447 à 1457. (B. N. Joursanvault 68, f° 32 ; 85, fo 39, 73, 81.) (3) B. N. Nouv. acq. Fr. 6348, f° 6 (4) Mémoire sur les sauneries, … 1592 (Arch. Doubs. Cine des Comptes. Sauneries.) (©) D. Plancher, t. HI, p. 218. — Ordonnance de 1593. (Arch. Jura, À 88.) (6) Claude de Pomereux a été Clerc des Rôles en 1525, Receveur de la Gabelle en 1529, Maïtre Poulain en 1530. (B. N. Français. 11629, passim.) L — 213 — prohibé (1), mais cette règle n’a pas été sans exceptions (2). Les gages de ces employés ont été augmentés, en 1419, par Jean sans Peur &), et sont restés au chiffre alors fixé jus- qu'au xvrl° siècle (4). Le Portier, dont les gages étaient alors les plus élevés de tous (le Pardessus mis à part), reçut depuis ce moment soixante livres estevenans par an, au lieu de quarante-quatre livres huit sols; la charge Ia moins rétri- buée, celle du Clerc Vendeur de sel à la Porte Oudin, resta appointée de dix-sept livres dix-huit sols quatre deniers es- tevenans. Ces gages auraient été dérisoires, si les officiers n'avaient trouvé moyen de remédier à leur insuffisance en y adjoi- gnant des bénéfices de toute sorte. Certains d’entre eux étaient logés à l’intérieur de la Saunerie, et tiraient de cette situation l’avantage de se procurer à bon compte, sinon gratis, le chauffage, l'éclairage, et même des meubles et des ustensiles de bois, que l’on fabriquait pour eux à la saline. Ceux mêmes qui ne demeuraient pas à l’intérieur de l'usine, avaient coutume de recevoir certaines quantités de bois, de charbon, de chandelles ; l'usage de ces menus bénéfices fut supprimé par Philippe le Hardi, le 26 décembre 1402 6). Cha- (1) Ordonnance du 20 décembre 1402. (Bib. de Salins, M 198, f° 45.) (2) Dans la confirmation des officiers dans leurs charges faite par Charles VIIE, le 12 octobre 1483, on voit que lé Maître Moutier était en même temps Receveur de la Gabelle. (Arch. Doubs, B 295.) (3) Voir aux Piéc. justif. (4) Doléances du Conseil de la Saunerie, du 2% avril 1581, portant que les gages des ofliciers n’ont pas été augmentés depuis 1412. (Arch. Doubs, B 294.) Autre mémoire de la fin du xvi° siècle: « Lesquels gaiges furent establiz en l’an mil IIITe et XII et n'ont depuis oncques estez accreuz com? il à esté faict de tous autres officiers de S. M. au comté de Bourgongne. » (Arch. Doubs. Chambre des Comptes. Sauneries.) Mémoire du Parlement, en 165%: « Le payement des ouvriers et ma- nœuvres, n’est pas acreu d’un seul denier dez soixante ans. Les gages des officiers sont les mesmes qu'ils esloient lors. » (Arch. Doubs. Parlement. Sauneries.) (3) Bib. de Salins, M 198, f° 46. — 214 — cun des officiers percevait à Noël « cinq aulnes de drap gris pour faire robes à user par la Saulnerie », trois chandeliers par an, trois couvercles de fer, une lanterne, le tout du fer de la Saunerie. Le duc Jean rétablit en 1408 ces droits, ré- cemment supprimés (1). [ls recevaient même des aliments. Dans une charte du 9 février 14414-5 (@), il est fait mention de « quartiers de mouton que l’on avait accoustumé donner chascun an à certaines festes aux officiers de lad. Saulnerie. » Toutes les semaines, on leur donnait quelques pains de sel ou Gros salés, et, tous les ans, par un règlement de la du- chesse de Parme, il leur fut accordé quarante bouilles de menu charbon (3). L'ensemble de ces prestations en nature ne montat pas, sans doute, à une somme bien importante, mais la gratifica- tion dont les officiers semblent avoir retiré le plus de profit, c’est l'octroi d’un certain nombre de charges de sel, dont l’usage s'établit de bonne heure à leur avantage. En 1401, le duc Philippe le Hardi accorde aux officiers de la Saunerie quatre cents charges de sel d'Amont pour remédier à la modicité de leurs gages (4). Tous les trois ans régulière- ment, et, de plus, en certaines circonstances, comme lors de leur avènement, les princes prirent l'habitude de faire don- ner un nombre plus ou moins considérable de charges de sel à leurs officiers de Salins &). Ce don était réparti entre . 1) Arch. du Doubs, B 297. 2) Arch, tu Doubs bb 998, Ave 3) Arch. Doubs. Chambre des Comptes. Sauneries. 4) Arch. Doubs, B 297. 5) Mandement de Louis XI à André Brinon, Général des Finances en Bourgogne, lui ordonnant de faire délivrer aux officiers de la Saunerie 1200 charges de sel Bouchet marqué, en considération de ce « que nos prédécesseurs, comtes de Bourgoingne, aient accoustumé, de trois ans en trois ans et mesmement à leur nouvelie venue à la seigneurie dudit comté, leur faire ung don comme de mil ou douze cens charges de sel. » {B. N. Français, 11629, fo 84 ) Php pe II accorde aux officiers une gratification de 1600 charges, le 24 juillet 1563 : « Comme feu de très recommandée mémoire l'Empereur ( ( ( ( D E no eux en proportion de leurs gages. Entre le commencement du xve et la fin du xvi* siècle, les quantités de sel ainsi oc- troyées se sont élevées de 1.000 charges à 1.600. Le duc d’Albe supprima ces gratifications, et promit de faire, en revanche, augmenter les appointements des officiers. Mais, en réalité, les gages restèrent à leur ancien taux ({'. Malgré les plaintes qu'ils faisaient parvenir, à chaque ins- tant, aux souverains, les officiers paraissent avoir eu une situation avantageuse, si on en juge par la qualité des per- sonnes qui furent revêtues d'emplois aux sauneries. JPai parlé ailleurs du Pardessus et de son lieutenant. Le Portier était, dès le xive siècle, un personnage d’un certain rang; en 14395, Guillaume de Maxilly, châtelain de Châtel-Guyon, était Portier de la Saunerie (2) ; au milieu du siècle suivant, le Portier Guillaume de Salins, écuyer, avait le titre de conseiller du duc de Bourgogne (5). Au xvit siècle, au Puits-à-Muire comme à la Grande-Sau- nerie, la plupart des officiers sont écuyers ou pour le moins qualifiés « nobles hommes » (#. Il en est ainsi même de ceux mon seigneur et nous leur ayons accoustumé donner, de trois ans en trois ans, de quinze à seize cens charges de sel Bouchet sur le communal de lad. Salnerie. » (Arch. Doubs, B 302.) (1) Mémoire des officiers de la Saunerie, fin du xvre siècle. L'usage de donner des gratifications en sel aux officiers « fut continué par les roys de France pendant qu'ils tindrent le pays et doiz lors qu'il fut réduict sous noz souverains seigneurs l'empereur Maximilien, le roy de Castille, Madame l’archiduchesse et le très victorieux empereur Charles V:, ce qui auroit esté entretenu doiz l'heureux advènement de $S. M. en ses couronnes et royaulmes, jusques à celuy qui fut concédé pendant le gouvernement du duc d’Alve, pour ce que lors fut faicte déclaration ausdiz officiers qu’on ne trouvoit convenir de continuer lesd. donatifz, mais qu'il seroit pourveu sur l’accroissance des gaiges et traictemens desd. officiers... Sur quoy ayant esté demandez et renduz plusieurs advis, n’y a toutefois, doiz lors, esté prinse résolution. » (Arch. Doubs. Ch. des Comptes. Saunerie.) (2) Arch. Doubs, B 278. (3) € Guillaume de Salins, escuier, conseiller de Monseigneur de Bour- gogne, Portier en sa Saulnerie de Salins. » (B. N. Joursanvault 85, f° GS.) (4) Colbert-Flandres 1, f° 155, — Arch. Jura, À 32. — 216 — qui remplissaient les charges inférieures et que l’on appelait « menus officiers », comme le Maître Charbonnier (1). Ils semblent avoir alors traité les devoirs de leurs offices avec un certain sans gène, et s'être peu souciés de pratiquer par eux-mêmes les travaux manuels auxquels leurs charges les obligeaient (2). Par assimilation sans doute à leurs collègues gentils- hommes, les roturiers pourvus de charges dans les saune- ries ont peu à peu acquis une noblesse de pure possession d'état. Aucun titre ne justifie les qualifications nobiliaires que nous voyons aitribuer à un nombre de plus en plus orand de familles salinoises, à mesure que nous avançons dans le xvi° siècle, et surtout au xvII° G). Il est certain que cette usurpation a été la première origine de la noblesse de plusieurs maisons devenues par la suite considérables Cette source de noblesse devint si productive que pour en rappeler la fécondité, on imagina une fable prétendant qu'un chariot chargé de titres, envoyé d'Espagne aux Pays-Bas et passant par Salins, s’y était brisé, livrant aux Salinois pré- sents les lettres d’anoblissement qu’il contenait. (1) « Puis ya noble homme Mre Jean de France, celuy qui conduit tout le charbon pour cuire le sel, et a, par jour, 6 blancs. » (B. N. Colbert- Flandres 1, f° 155, v°). (2) B. N. Colbert-Flandres 1, f° 155. (3) Mémoire sur les salines (Bib. de Besançon, Ms. 824). Pl: IE Socièté d'Emulation du Doubs, 1897. LA NYMPHE D'ARCIER de POorTE-NOIRE. arc romain Bas-relief du pied droit de l’ ESSAI D'INTERPRÉTATION DES SCULPTURES DEC L'ERC ANTIQUE DE PORTE-NOIRE A BESANCON Par M. Alfred VAISSIER Séance du 15 décembre 1897 HYPOTHÈSES Le monument le plus précieux et à la fois le plus attirant de Besançon est assurément l’Are antique de Porte-Noire. Le visiteur de passage ne saurait, dans un examen som- maire, se rendre compte de tout l'intérêt que présente cette ruine énigmatique ; c’est aux Bisontins qu’appartient le soin de poursuivre son étude, comme de veiller à sa conservation et de pourvoir, s’il se peut, au dégagement des parties noyées dans le sous-sol et dans les murailles voisines. Assez longtemps la main de l’homme à été plus fatale à cet ouvrage que les rigueurs du climat. Après tant de vicissi- tudes, c’est déjà beaucoup que ce qu'il en reste soit encore debout. Heureusement le vandalisme, ou l’ignorance jalouse de ce qu’elle ne comprend pas, ont rencontré parfois des adversaires. — Au Moyen âge, on a soutenu le flanc gauche — 918 — de l'arc par une reprise en sous-æœuvre de la colonne exté- rieure à laquelle on donna une base agrémentée de griffes ; dans le premier quart de ce siècle, en réponse à un projet de destruction totale, on à rétabli à neuf l'équilibre rompu sur la droite et consolidé l’ensemble (1). Si ces restaurations n'ont pas satisfait pleinement aux règles sévères que les scrupules modernes imposent à ce genre de travaux, le monument peut quand même en porter fièrement les marques, car elles sont un témoignage de Pin- térêt qu'a toujours inspiré à l’élite de la population ce mvys- térieux vestige de l’histoire de la cité. Aujourd’hui, si cel arc qui n’est la répétition d'aucun autre arc de l’antiquilé et qu'aucun autre ne surpasse pour le luxe des ornements, est placé sous la sauvegarde plato- nique de la Commission des monuments historiques, il attend encore son étude complète. À l’étranger qui fait de vains efforts pour déchiffrer le sens de ses nombreuses figures, puis qui s’informe s'il en est quelqu'une qui se rattache aux souvenirs de la cité antique, la réponse est toujours évasive : on n’v à Jamais vu autre chose que des dieux, des scènes de combats accom- pagnées des symboles de la victoire, le tout couronné par l’image d’un empereur qu’on hésite à déterminer. 1! ne serait pas superflu de faire remarquer, à ce propos, que, lorsqu'il n’était pas enchainé comme les captifs qui couvrent ses parois, quil était éclairé successivement sous toutes ses faces dans une même journée, le monument devait avoir un fort grand air, au milieu d’une place domi- nante, sur un passage fréquenté, bordé de constructions magnifiques, élevées pour les besoins et les plaisirs de fa population. (1) Il convient de rappeler ici que si la menace de destruction a été eonjurée, on le doit à la sollicitude et aux démarches actives du comte de Milon, alors préfet du Doubs, ainsi qu'aux réclamations émues de PAca- démie de Besançon. LD 4 à) 2: — 919 — Depuis [a ‘Renaissance, on a proposé des solutions très diverses relativement aux origines. On en a gratifié la mémoire de plusieurs Césars, depuis le grand Jules jusqu’à Julien lApostat ; on a fini par se mettre d'accord sur le nom de Marc-Aurèle. C’est ce que faisait en 1847 un historien franc-comtois, le président Edouard Clerc, tout en exprimant ce sentiment, que l’œuvre était commémorative de larrivée des eaux de la source d’Arcier à Vesontio (1). En 1866, dans une remarquable dissertation sur cet attrayant sujet, Auguste Castan résumait, avec impartialité, les nombreuses tentatives de ses prédécesseurs ; 1} voulait prouver que l’entreprise, par la Société d’'Emulation, du moulage des principales sculptures € avait été utile, puis- » qu’elle lui permettait de pénétrer le sens de quelques-unes » des scènes qui avaient donné lieu aux interprétations les » plus divergentes, faute de pouvoir être perçues d’une » manière suffisamment minutieuse et suivie (2). » Cependant ce fut plutôt par l’étude de la formule architec- tonique que par l'interprétation des sujets représentés que Castan détermina, comme date présumable de la construc- ton, les temps, du règne de Marc-Aurèle, qui précédèrent la fin de l’année 169. € Abordant la question à notre tour, dit-il, nous avons » moins ambitionné l'honneur d’une solution nouvelle que » d’en présenter une qui fût fondée tout à la fois sur une » COMparaison de notre arc avec ses analogues, et sur un » examen du style artistique et moral de ses sculptures. » Et il ajoutait : « Porte-Noire est à n’en pas douter un arc » triomphal érigé par le municipe de Vesontio en l’honneur » des victoires d’un empereur romain sur des peuples » barbares. » (4) En. CLERC, La Franche-Comté à l'Epoque romaine, p. 25-29 (1847). (2) Vingt-une pièces de moulage ont été exécutées sous l'habile direction - de M. Ch. Varaigne. — 20 Cette réponse à la question est nettement formulée et il semble, qu'il n’y aurait que la découverte d’une pièce dé- cisive d’une inscription, par exemple, qui puisse confirmer et préciser ce qui, par prudence, y reste encore d’indéter- miné. Il est très admissible que le municipe ait pris l'initiative de la construction et en ait fait les frais, les membres de son administration étant absolument acquis au pouvoir cen- tral ; mais il serait fort intéressant de savoir dans quelle mesure de liberté ce pouvoir exécutif agissait et si une direc- tion supérieure ne dominait pas son action. C’est ce qu’une connaissance aussi complète et aussi exacte que possible de toute la décoration figurée pourrait peut-être nous ap- prendre. Nous sommes dans une cité devenue romaine depuis près de deux siècles et qui ne demande qu’à le devenir plus com- plètement. Elle possède déjà peut-être le titre de colonie. Le triomphe d’un empereur vient d’être célébré dans la .étropole (Rome) à la suite d’une longue guerre ; sans faire intervenir le nom de cet empereur que nous ne connaissons pas encore, que l’on se représente les duumvirs et les édiles réunis pour délibérer, après l'achèvement de grands travaux, exécutés sur un plan conçu d’un seul jet pendant une pé- riode de développement. Pour couronner l’œuvre, il s’agit de construire un monu- ment qui rendra un solennel hommage à l’empereur triom- phant et restera comme un souvenir durable de œuvre accomplie dans la cité. La supériorité de la puissance mili- taire qui domine le monde sera exprimée, en même temps que les témoignages de la félicité publique ifelicitas reipu- blicæ), dans le centre d’une province qui doit sa prospérité à la merveilleuse influence d’une direction dès longtemps ex- périmentée, savante et grande dans toutes ses entreprises. L’accessoire obligé d1 triomphe romain, l'ennemi vaincu offert en spectacle se présentera bien en vue sous ses diffé- — 291 — rents aspects : Les ennemis sont enchaînés, que les Romains s'amusent (ou s'en amusent). Vir tus imp er Hos tes vin cu (ou hostes victos) Lu dant Rom ani Tel est le dicton gravé sur des tables de marbre, pour le jeu des Latroncules, dont l’une a été trouvée à Trèves (1. Les hommages à la Divinité, conformément aux croyances de l’époque, seront associés au rayonnement de la gloire humaine. La ruine actuelle témoigne de lexécution d’un tel pro- gramme. On ne saura jamais le nom de l’inspirateur ou de l'artiste qui a combiné le plan d’un travail aussi original. Après tant de siècles écoulés, nous qui avons l’heureuse chance de pouvoir étudier les restes vénérables d’une œuvre qui parle encore un si haut langage, nous ne portons pas notre atten- tion première sur la correction des lignes architecturales, ni sur le mérite artistique des figures, mais bien plutôt sur le sens de cette grande inscription populaire. La multiplicité des figures n’est pas faite pour nous déplaire, d'autant que la surcharge était voulue et que, en somme, l’ensemble ne manque pas d'harmonie, malgré les lacunes qui ne per- mettent pas de saisir tout d’abora le lien concerté pour cet amalgame militaire et religieux. Afin d'échapper aux banalités de la parade conventionnelle, l'œil est bientôt attiré sur une place plus modeste, quoique très en vue, où des scènes moins solennelles forment une série de six tableaux d’un caractère tout particulier. Cest bien là que l’on pourrait découvrir quelque souvenir de la vie active de la cité et l'expression des sentiments de recon- (1) MowaT, Tabulæ lusoriæ. (Bull. de la soc. des Antiquaires de France, 1895.) — 9292 — naissance et de satisfaction des administrés et des adminis- trateurs. Que ce soit en raison des mutilations où du peu d’impor- tance des faits qui y sont commémorés, les s1x tableaux superposés du jambage de gauche, sur la façade, sont de- meurés comme un défi à la perspicacité des observateurs. Un seul, f.-J. Chiflet, dans sa Description complète des sculptures de Porte-Noire, dans son Vesontio (l), n’a pas hésité à donner à chacun de ces bas-reliefs un commentaire de sa facon. Si ce docte historien de nos annales n’avait pas été, il y aura bientôt trois cents ans, un témoin oculaire de l’état de conservation moins détérioré du monument, il serait inutile de faire un cas sérieux de sa description, car la pierre elle- même a résisté suffisamment pour démontrer le peu de valeur de son élucubration. On n’y trouve qu’un jeu litté- raire en élégant latin du xvr* siècle, où l’auteur, peu con- fiant, semble-t-il, dans le témoignage de ses propres yeux, parait n'avoir consulté que les dessins aussi maladroits que mensongers de l’illustrateur de son œuvre, le graveur bison- tin Pierre de Loysi. En outre, la préoccupation de faire rentrer de force toutes les figures dans un cadre préconeu, à savoir la célébration des hauts faits de l'empereur Aurélien, explique le travestissement de toutes les scènes, où le com- mentateur est entrainé dans des interprétations plus absurdes les unes que les autres. Je vais avoir l’occasion d’en donner un exemple suffisant. - IT LA NYMPHE D'ARCIER Ne fondant que peu d’espoir sur la trouvaille d’une ins- (1) J.-J. CHIFLET, Vesontio civitas imperialis libera. Sequanorum metropol's, Lugduni, 1618, p. 168. — 293 — cription quelconque relative à notre arc, il m'a paru intéres- sant de rechercher parmi ces bas-reliefs insuffisamment explorés, même à l’aide des moulages, quelque figure révé- latrice, susceptible de fournir un point de départ, et, avec ce secours, de pousser plus loin l’investigation. Mon attention s’arrêta bientôt sur un des mieux conservés et qui paraissait renfermer un sens allégorique. Après avoir fait le meilleur usage possible de mes yeux, et attendu patiemment, à la suite d’éliminations successives des plus diverses interprétations, que les saillies indécises de la pierre eussent trahi leurs secrets, j’arrivai à une vue si claire de toutes les intentions du sculpteur que je suis convaincu, en détaillant son œuvre, de convaincre chacun que notre arc n’est pas aussi muet qu'il en a l’air. Que l’œil très investigateur de l'architecte Alphonse Dela- Croix ait silencieusement glissé sur la décoration figurée des bas-reliefs du pied droit, c'était une preuve de réserve pru- dente. On peut le dire de même d’Auguste Castan, qui, esti- mant la lecture comme très difficile, ne s’est risqué qu'à l'interprétation d’un seul. Cette interprétation ne lui a fourni, pour la péroraison de son discours, qu’un motif aussi brillant . que de peu de profit pour lhistoire. Mais que, dans une abstention complète, au contraire, le président Clerc, par- particulièrement intéressé, comme nous le verrons plus loin, à découvrir des preuves de son sentiment exclusif sur le fait qui avait déterminé l'érection du monument, n’ait pas porté son attention sur le bas-relief que je vais décrire, c'est ce que l’on a peine à comprendre ! Pour vérifier l’exactitude de la description de cette sculp- ture très noircie et placée à plus de quatre mètres de hau- teur, je nc dirais à personne : « Allez-y voir ! » Une visite aux excellents moulages du musée d'archéologie permettra l'examen au niveau du regard. La photogravure ci-jointe est, du reste, la fidèle reproduction de l'original. « . Une jeune femme nue, ou à peine drapée sur le haut de — 924 — la poitrine, se tient debout, dans une attitude de gracieux abandon, les jambes croisées et appuyée, du bras gauche qui a disparu, contre une roche, 2nnixa rupr, c’est Chiflet qui ledit, ettrest\ a propos, car laipierre de vergeinre tot dégradée et persillée de trous, ne permettrait plus guère aujourd’hui cette constatation positive. La main droite tient, et paraît présenter en l’élevant, quelque chose comme un serpent dont on ne voit ni la tête ni la queue, mais qui S’enroule autour du bras. A côté de cette figure, un homme de demi-grandeur et court-vêtu s'éloigne vivement tout en contemplant, dans un saisissement de surprise très expressif, le personnage féminin à qui son humble présence semble fort indifférente. Considérez que cet homme emporte dans sa main droits pendante un objet d’un certain poids. Dans cette scène, Chiflet, qui voit des dieux partout, reconnait aussitôt Vénus, non pas la mère des amours, puisque du geste elle repousserait Cupidon (Gupidinem a se amovens), mais la Vénus Victrix, victorieuse, ce qui signifie : que le grand empereur Aurélien, plus sage qu'An- toine avec Cléopâtre, n’a réservé Zénobie, l’ennemie captive, que pour le seul triomphe romain et impérial ! Chiflet n’a pas vu le soi-disant serpent, ni apprécié cette convention de l’art antique qui réduisait souvent la taille des personnages secondaires ou d’un rang inférieur. C'est ce- pendant là qu'était le nœud de la question ; GCupidon n’a rien à faire ici. Le bras gauche de la belle personne n'existe plus, mais on comprend très bien sa direction, ainsi que la pose de Ia main vers une forte saillie qui dépasse le relief du cadre. Supposez que cette saillie soit une urne — la forme d’un vase est du reste presque complètement accusée, — vous aurez alors aucune difficulté à constater que l’objet que:le comparse emporte est également une urne, et vous conclurez aussitôt, avec moi, que nous avons devant nous une fontaine — 995 — ou mieux l’allégorie d'une source, à laquelle le public, repré- senté par un esclave, vient s’approvisionner. Allons plus loin, le chemin est ouvert, les jalons abondent etils sont fort intéressants. Les six figures du jambage de l’are sont posées de dos contre une console architecturale, dont la partie supérieure saillante sert tout à la fois de couronnement au personnage qui s’y abrite et de terrain pour la figure du registre supérieur. Or, ici le détail du couronnement n’a aucun rapport avec les moulures décoratives des cinq autres consoles ; ee sont ici des stalactites pendantes, réparties en deux étages, et qui représentent une double cascade d’eau. On conviendra que des urnes ne soient pas déplacées où l’eau coule avec autant d’abondance. Mais comment cette eau peut-elle tomber de si haut et provoquer ainsi la surprise et même la crainte de l’esclave, tandis que la source est en bas”? Je faisais tout à l'heure pressentir un doute sur la nature d’une forme serpentante. Le serpent est bien l’attribut d’Hy- gia, la déesse préposée à la santé ou l'Hvygiène, mais il faut remarquer que le mouvement du bras à une signification et qu'il v a un lien entre les trois éléments de la scène : la source, la cascade et le petit personnage : ce lien c’est la forme serpentante même qui s’enroule autour du bras. Ce serpent n’a ni tête ni queue, la partie supérieure se perd sous la cascade et l'extrémité inférieure se fond dans le bras, c'est-à-dire dans le corps de la Nymphe. En sculpture, c’est une charmante allégorie qui rappelle les métamorphoses poétiques de art grec, et, en prose pratique, c’est, si on le veut bien, une conduite d’eau. La belle source, qui à la puissance d'élever des masses d’eau à une hauteur inaccoutumée, a, par cela même, une faculté exceptionnelle pour les conduire et même les lancer dans toutes les directions. Que signifierait, en effet, cette 15 — 996 — double ligne sinueuse, gravée dans la pierre et qui, sur la gauche, descend du milieu latéral des deux rangées de sta- lactites, si ce n’est un tuyau de distribution qui porte même l'indication d’un raccord pour les embranchements. Est-ce tout? — Non pas encore. — Le sujet en vaut la peine, il faut être précis et complet. Rien ne manque au tableau, pas même le nom de la source. Remarquez ces deux courbes de l’intérieur de la console; elles ont leur retombée sur un pied-droit ou une pile; le prolongement d’une de ces courbes, axisi qu'une suite de traits verticaux, sur la droite, suffisent pour indiquer une série d’arceaux. Après ce dernier détail, je ne vais rien à ajouter pour éta- blir, d’une façon certaine, que le cinquième tableau du jam- bage de Porte-Noire célèbre la commémoration de la con- duite des eaux d'Arcier à Vesontio. III LA GIGANTOMACHIE Nous voilà en possession du point de départ que nous avions souhaité. [| s’y agit bien d’un fait local, du rappel d’une grande œuvre d’édilté, poétisée, 1! est vrai, mais où le mouvement de la vie journalière n’est pas oublié. Néan- moins, avant d'aller plus loin à l’aide de cet indice, il serait utile de bien connaître ce qui pouvait être représenté sur la A be Ent a ER TT TER eee RE s ES Es an RTS RE De RE A SR un ce Ni iDirs À cé RÉ TEESS plate-bande circulaire de même largeur qui surmonte, en continuation, la série des tableaux du pied-droit. Parmi les dispositions architectoniques de Porte-Noire, on a toujours signalé le développement exceptionnel de son archivolte. Cet étrange bandeau, formé d'énormes claveaux, était autrefois entièrement couvert de figures de grand style qui se profilaient puissamment et sans aucune bordure sur (2 — 9297 — le champ en retrait des écoinçons où planent de superbes Renommées. Ce brillant ensemble, déjà très entamé avant la réfection totale de la voûte, a tant souffert au remaniement, qu’au- jourd’'hui, dans ce qu'il en reste, il est très difficile de saisir le mouvement et l'expression de quatre ou cinq monstres barbus, humains par le haut du corps, repüles depuis les cuisses, et qui se tordent dans une sarabande échevelée. La clé de voûte effritée et fendue qui conservait encore quelques traces de draperies a dû être remplacée en 1595, de telle sorte que maintenant nous ne possédons plus le moindre indice de la figure importante qui occupait cette place centrale. À cette occasion est-il nécessaire de rappeler combien est pauvre liconographie ancienne du monument ? Celle-ci prétend nous apprendre que le claveau du milieu portait l’image d’un empereur, et, en effet, elle nous montre un personnage tantôt en costume militaire et tantôt ample- ment drapé. Dunod, faisant un fond trop sérieux de ces fantaisistes images, y reconnaissait plulôt une figure féminine : « La personnification de la ville de Besançon. » Dans la planche qui accompagne son texte (1), copie d’un burin plus fin peut- ètre, mais non moins mensonger que celui de Loysi, il sup- prime sans hésitation le foudre fuselé qui, dans la deuxième planche du Vesontio, était presque représenté, en bonne main, par une draperie tordue servant à enchainer les monstres voisins. Quelle confiance peut-on accorder à des témoignages aussi divers ? Une grave erreur ne se dissimulerait elle pas sous ces contradictions que n1 Alphonse Delacroix, ni Auguste Castan ne jugèrent à propos de relever ? Etait-ce, de la part du second surtout, l'effet d’une répugnance instinctive à (1) Duo, Histoire des Séquanais, 1735, p. 219. — 228 — affaiblir des documents d’une valeur relative, quoique très discutable ? Le président Clerc, fort attaché aux habitudes d’une école plus littéraire que scientifique, ne pouvait conclure, à défaut d’une connaissance suffisante du monument, qu’en amalga- mant la thèse tirée des images du Vesontio avec l’idée fixe qui le hantait. Le laborieux magistrat emprunte done pour la planche initiale de son ouvrage déjà cité, la meilleure gravure que nous possédons de Porte-Noire avant sa restauration. Seulement, à la place des éraillures de la clé de voûte, consignées comme dans un procès-verbal par l'architecte Lapret, il imaginé une restitution de la figure centrale. De là cette attitude hésitante et sans caractère de son per- sonnage qui n’est ni debout ni assis. Dans le dessin, c’est la main gauche qui est levée; dans le texte, c’est le con- iraire. ; Voici du reste cette page où je vais me trouver en contra- diction avec l’auteur. « En négligeant toutes les figures accessoires, je m’attache » à celle qui domine le monument... Elle est vêtue et » debout, la main droite élevée. » Dans tous les arcs romains, s’il existe une figure en cet » endroit, c’est presque toujours celle de l’empereur; » quelquefois, mais rarement, celle de Rome. » Dans notre are, je crois que cette figure est celle de Marc- » Aurèle ou son Génie...,elle ne porte point l’habit triom- » phal..., elle est revêtue de la longue robe de la paix..., sa » main doucement levée indique le conseil, l’exhortation, le » commandement paisible. » Le règne des eaux est peint sur cette large archivolte » dans laquelle la figure principale est engagée jusqu’à la poitrine. » Cette archivolte.. représente un enroulement de tr1- » tons. Ces divinités marines sont l'emblème des eaux qui [4 — 2929 — » se dirigeaient par le canal (d’Arcier) de si longue étendue » presque au pied de Porte-Noire. » Cela est bien frappant, quand on se rappelle que ce » chœur des joyeuses divinités de la mer ne se retrouve, sur- » tout à pareille place, dans aucun are antique. » Les savants ont admiré ce travail et «je m'étonne » - » conclut notre auteur complètement illusionné — «je m’é- » tonne qu'égarés dans les figures accessoires, ils aient » négligé ces emblêmes sisimples, si naturels, et qui révèlent » par leur position dominante et centrale, toute la pensée » du monument. » Comment donc !... disons-nous alors, mais c’est nous qui devons être étonnés de la présence de ces soi-disant divini- tés de La mer que l'on ne trouve nulle parl, dans cette pluce, dans les arcs romains ! Il suffit de signaler l’erreur commise ici pour renverser d’un bout à l’autre la thèse du président, Les êtres fantastiques de l’archivolte ne sont pas des divi- nités de la mer, ce sont les monstres anguipèdes légen- daires, les Titans ou les Géants, dans la Guerre des dieux, moitié hommes, moitié serpents, dardant leurs doubles queues à têtes sifflantes. Le rôle de ces êtres imaginaires n’est point ici de se divertir, leurs attitudes violentes ex- priment la fureur et l’envie. Enchaînés, si l’on veut, ils ne cessent de protester en essayant de monter à l'assaut. — Et contre qui? — Eh bien ! contre le personnage de la clé de voûte ! — Quel peut-il être Celui à qui conviennent de pareils adversaires, si ce n’est le maître de lOlvmpe, seul, impas- sible et vainqueur avec la foudre dans la main droite abaissée et S'appuyant, de la main gauche, sur le sceptre, dans lPatti- tude consacrée ! Sur toutes les faces du monument, ainsi que sur les co: lonnes (1), il y avait des places plus ou moins honorables (4) Le choix des sujets traités sur les colonnes semble avoir été aban- — 930 — pour diverses divinités de second ou de troisième ordre : Hercule, Bacchus, Hébé, Ganymède, Ariane, Silène, Pan, la majesté omnipotente ne pouvait être reléguée dans les bas côtés ; c’est à elle seule qu'appartenait la loge centrale, ca- ractérisée par la décoration grandiose et toute spéciale de donné à la fantaisie d’un même sculpteur. L’arrangement en est bizarre, comme on peut le voir dans l’énumération suivante : Colonne du côté de La ville : 1. (Tambour inférieur) : Une gracieuse figure de femme, drapée de- puis la ceinture, soutient de ses deux bras étendus une sorte de rayon qui porte un vase d'ornement et, de chaque côté, deux animaux sauvages, lion et pathère, allusions à Hercule et à Bacchus. Au pied de la figure, et sur un rocher, un coffre plein et ouvert; un arbre à gauche et un dau- phin à droite. — Serait-ce la personnalisation de la province, riche de ses montagnes boisées et de ses cours d’eau ? 2. Hercule présentant un javelot sur un autel, allumé et dressé sur un rocher ; de chaque côté, un arbre ; un serpent menaçant est enroulé autour de l’un; aux nombreuses branches de l’autre sont suspendus, en tro- phée, la massue et le glaive dans le fourreau. 3. Hercule assomme de la massue un adversaire terrassé, et derriere lequel les plis d'une draperie ont été étrangement pris pour les rayons du soleil. - 4. Hercule massacre des troupeaux. ». Un génie ailé, nu et debout. étend son bras protecteur sur un per- sonnage assis quitend ses deux mains en signe de reconnaissance. Au-dessous de cette scène, la colonne est cerclée d’un bandeau sépara- tif qui ne contient pas comme les autres des motifs de décor quelconques, tels que masques, centaures, hippocampes, ete., mais une suite d'objets dont le choix peut avoir un sens cach”; un couteau dans son étui, une ascia, une sorte de corbeille d’où émerge un manche d'outil (?), puis un poignard, ete Golonne du côté de la citadelle : 1. (Tambour inférieur) En face d’un barbare nu, qui brandit sur sa tête une énorme pierre. Bellone ou Minerve — non pas un guerrier — armée de l'égide et de la lance, est en garde pour le combat, 2. Ariane couronnée par l'une de ses suivantes ; l’autre exécute une danse en s’accompagnant de cymbales. 3. Hercule massacre des troupeaux , une brebis s'échappe et pénètre dans ou derrière un rocher sur lequel est étendue uue femme qui pré- sente à Hercule un objet indéterminé. 4. Silène ivre entre deux de ses compagnons. », Bacchus jeune entre deux assistants. Une panthère était à ses pieds. 6. Hercule poursuit le centaure Nessus qui emporte Déjanire. FA [RS — 931 — larchivolte. N'importe le costume que la figure a pu revêtir! Qu'il füt à la grecque ou à la romaine, le marbre colossal de Mandeure, le Jupiter armé, c'est-à-dire cuirassé, met à néant toutes les objections et s'oppose à ce que nous lui substituions, sur notre arc, un sanctissimus tmperalor bé- nissant la ville. En faut-il davantage pour écarter de cette scène grandiose le rappel de l’arrivée des eaux d’Arcier ? A LE ZODIAQUE La signification des sculptures de larchivolte étant établie, il reste à savoir si celle des bas-reliefs du pied-droit peut s’y rattacher avec convenance. Le premier degré franchi, on s’'imagine que l’on va s’en- gager dans une voie très simple. Or, à la suite de l'examen on: verra qu'en cherchant une chose on a quelquefois la chance d’en trouver une autre et à laquelle on ne songeait guêre. Il ne faut pas s'attendre à des constatations aussi piquantes, ni surtout aussi claires que celle de la Nymphe d’Arcier. Le silence absolu de nos annales, en ce qui concerne une époque aussi lointaine, ne nous permettra pas de saisir des allusions qui, sans nul doute, n'avaient rien d’obseur pour les contemporains; en compensation, le lien qui existe entre les six tableaux apparaîtra quand même, et nous autorisera a en déduire une continuation logique pour la décoration du Jambage qui n'existe plus. 1° tableau (à partir du sommet}. -- Un homme d’une membrure herculéenne, complètement nu, mais dont la tête parait couverte d’une coiffure, sans rebords ni saillies, des- cendant sur la nuque. De la main droite il tient un arc. So- lidement campé sur ses jambes écartées, il marche en — 932 — entrainant où en repoussant un être, très probablement un animal, dont 1l ne reste absolument rien de distinct. L’en- semble de cette figure, hors de portée cependant, est très mutilé. 2e tableau. -- C’est la Nymphe d’Arcier:. 3 tableau. — Un jeune homme, court vêtu depuis la ceinture, est occupé à cueillir des iris, une corberie pleine est à ses pieds ; 1l üent peut-être un épi ou un rameau de la main droite. 4e tableau. — Un personnage jeune, nu et imberbe, est assis, dans une pose très sculpturale, sur un large socle en pierre moulurée, sous les pampres d’une vigne grimpante et disposée en hautain ; il élève la main pour atteindre des grappes de raisins. Au pied de lParbre, autour duquel s’en- roule le cep, est appuyé un panier rempli. Sur le côté droit, on remarque un groupe de trois formes allongées — {rois o1- seaux (?) — peut-être des grives, quisavent si bien vendanger. Je ferai observer que l’élégante disposition d’une chevelure très fournie, ainsi que l’aisance des plis de la draperie légère, jetée autour du cou, révelent lePciseau tres exerce du même artiste, pour cette figure ainsi que pour toutes les voisines. Cet hommage à l’une des cultures favorites de la province ne serait-il pas une allusion à la hberté rendue, postérieure- ment aux décrets de l’empereur Domitien, auquel on re- proche des arrachements considérables de vignes, en vue de limiter la production du vin dans la Gaule méridionale? Si jamais l’empereur Probus était mis en cause, notre figure serait un document d’une certaine valeur, car cet empereur est consideré, d’une façon légendaire, comme le grand res- taurateur de la viticulture persécutée. 9° tableau. - Ici, attention est vivement sollicitée. Au- guste Castan n’a pas pu résister à la provocation. Si je me. suis permis d'exprimer un doute sur la valeur de son imter- prétation de cette étrange scène, c’est qu'il ne convenait pas À nb CAP ET MS LT 2 \Ler + — 933 — d'accepter un sens en contradiction avec la pensée ou l’es- prit qui me paraît dominer dans la figuration plus complè- tement étudiée du monument tout entier. La scène est à deux personnages : l’un très grand et d’une vigueur exceptionnelle, nu ou très légèrement drapé. Les longues mèches de ses cheveux, comme soulevées par le vent, sont étalées, avec une affectation cherchée, de chaque côté de la face malheureusement mutilée, mais qui, par son niouvement, exprime une sorte de fière satisfaction. Il vient de déposer sur un cippe élevé un sac rempli de graine (?) et très certainement lourd car la forte corde qui à ser vi à porter la charge est ostensiblement pendante. Le co- losse, ayant encore la main gauche posée sur le sac, prend l'attitude du repos en appuyant la droite sur la hanche et par derrière, Le personnage secondaire, de taille réduite, mais point chétif, Si ce n’est de condition, est plus actif que son grand compagnon de la Gaule chevelue. fl est vêtu en esclave et empcrte, en travers de ses épaules, soit une outre pleine, soit un cochon tué. Le bienfait d’une sorte d’affranchissement améliorant le sort du cultivateur pourrait servir à expliquer ce rapproche- ment du travail de l’homme libre de celui de lesclave (?;. O® tubleau. — Ce dernier bas-relief, où Chiflet voyait Mi- nerve appuyée sur sa lance (Pallas hastili innixa) nous montre tout simplement un serviteur, plus chaudement vêtu que les figures précédentes, et portant sur la tête une vaste vanne d'osier qui fait ici fonction de couronnement pour la console architecturale. Notre homme se rend au marché ou en revient chargé de provisions ; à sa main gauche est sus- pendue une paire de volailles. Il est bien évident que nos six figures se rapportent à un tout autre ordre d'idées que celles qui couvrent les autres parties du monument. Il s'agit de savoir pourquoi. — 934 — Remarquez que les quatre dernières figures se succèdent en suivant la série chronologique des travaux de la saison : récolte des fruits, vendange, mise en sac du blé, dépeçage de la viande pour les salaisons et rentrée pour l'hiver des provisions de toute nature. C’est comme une fin de calen- drier, et si l’on considère que les deux pieds-droits donnaient la place pour douze compartiments, autant qu’il y a de mois dans l’année, on peut en conclure que les six cases qui n'existent plus devaient comprendre le premier semestre, de janvier à Juin, puisque celui que nous possédons commen- cerait à juillet pour finir à décembre. Il paraîtra tout d’abord bien difficile d'expliquer quels rap- ports peuvent exister, tant pour l'espèce d’'Hercule du som- met que pour la source d’Arcier, avec les mois de juillet et d’août. J'essayerai toutefois, et l’on appréciera si je suis dans erreur La figuration des saisons sur les monuments est un usage dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Comme moyen d'expression, les signes du Zodiaque forment souvent autour de l’image de la divinité une couronne significative. Cest ainsi qu'ils apparaissent sur de nombreuses médailles ou des lampes antiques. Quatre statuettes des saisons se voient encore, à Rome, de chaque côté des ouvertures des ares de Septime-Sévère et de Constantin. Plus tard, dans nos vieilles cathédrales, à Vézelay, à Autun, à Sens, à Notre-Dame de Paris, à Saint-Denis, etc., au dessus du tympan, où trône le Christ, ou sur les jambages des portes principales, les signes du Zodiaque se succèdent dans leur ordre et généralement associés à des scènes correspondantes aux occupations de la vie populaire ou de la campagne, pen- dant tous les mois de l’année : on se chauffe ou l’on fait du bois en janvier et en février, on taille la vigne en mars; et ainsi de suite pour arriver aux moissons, à la vendange en — 935 — octobre, au battage des gerbes, en novembre, comme au sa- crifice du cochon, et, enfin, au réveillon en décembre. Les signes du Zodiaque, tels que ceux du Cancer, de PE- crevisse où du Scorpion, ne disent pas grand chose à l'esprit, mais 1l en est au moins deux autres qui se prêtent à des allu- sions et qui peuvent varier suivant les temps et les croyances. els, par exemple, le signe du mois de juillet, le Lion, ei celui d'août, la Vierge. 1° La Vierge. — Pour ce signe, dans nos cathédrales, l’al- lusion était simple. Cependant, à Autun, c’est un ange, et à Vézelay, une figure vêtue qui paraît porter à chaque main deux épis, souvenir d’une virginale Cérès. Ici, nous ne pour- vions souhaiter une plus curieuse rencontre, puisque nous reconnaissons, bien à son cran, au signe de #a Vierge, au mois d’août, la belle et virginale Nymphe d’Aïcier. Et pour appuyer cette appellation d'un précédent de marque, on peut rappeler que l’une des premières et des meilleures sources qui furent captées dans l’ancienne Rome avait nom Aqua Virgo, l'Aqua Vergine où de Trévi. 2% Le Lion. — Dans notre ancêtre peut-être unique des Zodiaques monumentaux de Pantiquité romaine c’est, comme à Dendérah, le signe du Lion qui ouvrirait la marche A Vézelay, un lion terrasse sa proie; ici, c’est Hercule chasseur, la tête couverte du mufle du lion, qui viendrait comme un rappel des grandes fêtes publiques où se tenaient les luttes et les combats de bêtes si chers aux anciens. Ces lètes, commémoratives des victoires, se célébraient dans la deuxième quinzaine de juillet. Les éléments nouveaux que cette description signale pour- raient autoriser des rapprochements d’un très vif intérêt pour la fixation de la date des derniers coups de ciseaux de la décoration. Prenons pour exemple cet Hercule, chasseur ou gladiateur, intentionnellement placé en tête de la série. Sur deux des colonnes sculptées de larc, on peut compter jusqu’à cinq fois ce héros occupé à ses travaux fabuleux et — 936 — portant haut sa tête ronde et frisée avec une barbe taillée à la mode antoninienne. Dans ce milieu décoratif de paix, pour- quoi ces scènes brutales où l’on assomme et l’on égorge des troupeaux. L'illustre et sage Marc-Aurèle avait un fils prématurément vicieux; mais, bien qu’il en déplorât les folies, les instincts impurs et sanguimaires, le père avait associé de bonne heure à l’empire son odieux rejeton, Commode, ce gladiateur cou- ronné, qui ne méritait pas même les triomphes de l’amphi- théâtre, où 1l se comparait à Hercule, en ne négligeant pas de les faire mentionner sur les monuments publics. Si tout s'accorde pour que l’are de Porte-Noire ait été construit sous le règne de Marc-Aurèle, rien ne s'oppose à ce que l'achèvement, avec l’exagération de magnificence que l’on y constate, ne doive quelque chose à l’influence néfaste du règne de Commode. Il est facile de reconnaître que les colonnes inférieures en particulier n’ont été décorées qu'après leur mise en place; l’une d'elles, même, est restée sans sculptures. Ce ne fut, sans doute, qu'après la mort de son père que Commode s’avisa de changer le nom des mois, et alors peu s’en fallut que notre Aqua Virgo du mois d'août, ou d’Au- quste, mois que Commode se réservait, n’ait cédé la place à linfâme Hercule Commodien. L’horreur qu'inspira la mémoire de cet indigne empereur fut si profonde que, à peine était-il massacré par ses propres créatures, le peuple et le Sénat s’accordaient pour de- mander que son corps fût trainé et exposé à la voirie, que ses statues fussent renversées et que son nom fût effacé sur tous les monuments publics et particuliers. - Ne pourrions- nous pas nous demander si quelques-unes des mutülations partielles des sculptures de notre arc ne seraient pas une conséquence de l’exécution si radicale, partout ailleurs, de l’édit du Sénat. ee Lol V LA LÉGENDE DE JUPITER Comme considération accessoire, si l’on cherchait lexpli- cation du choix de l’image de Jupiter, pour la clé de voûte, contrairement aux usages ordinaires, où mieux sous quelle influence avait été adoptée cette modification qui tempérait ce qu'avait de trop orgueilleux le triomphe humain, on en attribuerait, à bon droit, l'honneur à l’élévation d'esprit de Marc-Aurèle. Il est préférable, dans l'intérêt de notre resti- tution du personnage de la clé de voûte — que l’on estimerait encore comme trop hypothétique — d'appuyer cet hommage à Jupiter par des considérations dont les principales seraient tirées d’autres figures demeurées jusqu’à présent incom- prises dans la place qu’elles occupent. À mi-côte de la montagne rocheuse dont Porte-Noire déter- mine l’accès, on voyait encore debout, au Moyen âge, les quatre colonnes antiques , à chapiteaux corinthiens, dont le souvenir ineffaçable est conservé sur les plus anciens sceaux de la ville de Besançon ei dans ses armoiries actuelles. L’aigle de face, aux ailes étalées. ne tarda guère à accompagner ces colonnes (1). Auguste Castan a relevé ingénieusement ce fait assez curieux qu'il se tenait jadis une foire aux aigles autour de cette ruine, absolument comme on vendait à Athènes des chouettes auprès du temple de Minerve. Il n’en fallait pas davantage pour déterminer, ainsi que l’a fait Castan, le vocable du temple gallo-romain aujourd’hui disparu. Il est assez intéressant d'apprendre que la décoration mYy- thologique de Porte-Noire était en parfaite relation avec le culte présumé en honneur dans ce quartier de la montagne. (1) CASTAN, Les Sceaux de la commune de Besançon (Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, 1870-1871). La statue d’Hébé, fille de Jupiter, dont on apprécie Îles belles proportions, est déjà, avec l'aigle qui est à ses pieds, une première amorce. - En voici une seconde. Avant la construction du mur derrière lequel on a décou- vert depuis cette figure d’Hébé, un témoin oculaire à eu la bonne pensée de nous laisser une descripüon des bas-reliefs qui garnissaient le flanc même de Porte-Noire : « Dans le « deuxième tableau, qui est de plus du tiers de la hauteur « de la face, l’on voit un jeune homme, couvert seulement « d’une écharpe légère, qui a la main gauche élevée, et pré- « sente de la droite un vase à un aigle qui semble y vouloir « boire. Ces figures représentent Ganymède et Jupiter dé- « quisé en aigle (1). » La juxtaposition de ces deux sujets mythologiques, de semblable dimension et sur un même niveau, aprelle néces- sairement une association correspondante pour les deux places à garnir du côté droit du monument. Parmi les amours äe Jupiter on aurait eu le choix: d’abord Léda avec le cygne, Léda la mère des Dioscures, puis Europe ou Danaë. 2 A Un unique fragment de bas-relief, qui se voit sur le Jam- bage du pied-droit qui regarde la citadelle, représente un couple de figures de plus grandes proportions que celles des scènes du zodiaque. L’atütude et la nudité des corps mdi- quent que ce côté de l’arc devait être entièrement consacré à des personnages mythologiques. C’est tout ce qu'on en peut dire. Je n'ai rien de plus à faire remarquer que : Jupiter, le iriomphateur par excellence, n’était pas dans lisolement, au milieu des scènes militaires et que, néanmoins, il a été complètement oublié dans les dissertations antérieures. (1) Duxop, Histoire de l'Eglise de Besançon, p. 375. £ 2040 Fe VI LE DOUBLE TRIOMPHE Si la place centrale de la elé de voûte appartient à Jupiter, il est nécessaire de trouver celle du triomphateur impérial et militaire. Or, que voit-on dans l’entre-colonnement de laile de gauche, si ce n’est une sorte d’apothéose | Le personnage que le temps a rendu méconnaissable est nu, dans une attitude pleine de mouvement et comme sou- levé de terre. De proportions très inférieures, deux légion- naires — à moims qu'il ne faille voir ici Mars et Minerve comme on l’a dit — lui font escorte de chaque côté. Sous la console de support, il ne reste, d’un groupe qui comprenait cinq personnages, que le corps entièrement vêtu d’une grande figure féminine paraissant se débattre et vou- loir s'échapper. La personnification d’une nation vaincue est ici assez claire. En ce qui concerne l’entre-colonnement du côté droit, ce sera l'Histoire qui pourra nous apprendre comment il a dû être peuplé. Marc-Aurèle comptait à son actif deux grands triomphes : le premier, après la guerre des Parthes; le second. après cette lutte interminable contre les Barbares de l’Europe mé- ridionale coalisés, les Quades, les Marcomans, etc. Dans les deux cérémonies qui couronnèrent ses victoires, le philosophe Marc-Aurèle ne voulut pas figurer seul; il as- SOCIa à son premier triomphe son frère adoptif, époux de sa fille Luciile, empereur Lucius Vérus qui mourut l’année même (169,. a | La seconde fois, Marc-Aurèle appela son fils Commode pour triompher avec lui. Le retentissement des grandes guerres et des fêtes qui — 240 — suivirent dut avoir son écho dans la cité de Vesontio déjà ville frontière, base d'opérations militaires et où séjourna la legio sexta dont Marc-Aurèle appréciait la valeur. Ce serait alors que le municipe de Vesontio passa au rang de colonie sous le vocable de colonia victrix Sequanorum (). Les scènes guerrières conservées sur les parois Imtérieures de Porte-Noire témoignent de combattants de race orientale. La coiffure étroite et conique, posée sur la chevelure abon- dante et ramassée du chef barbare en observation derrière une haute muraille crenelée, ainsi que celle d’une jeune cap- tive, au manteau traînant (), paraissent être des interpré- tations de sculpteurs peu familiarisés avec cet ajustement exotique que l’on nomme le turban. | On sait que les titres particuliers à Marc-Aurèle, sur les monnaies et les inscriptions, sont avec celui de Germanique ceux de Parthique, d'Arménique et de Médique. La mise en valeur des grands moulages, dressés dans notre musée m'a permis, en outre, de faire connaitre le caractère spécial de la scène dite : «un combat de cavalerie. » On l’in- ütulera maintenant en toute sûreté La flèche du Parthe, ear on peut y constater, d’après la pose reconnue de deux bras, le mouvement de détour du cavalier barbare qui bande son arc, tout en fuyant au galop la poursuite du cavalier romain. L'arc serait donc commémoratif du premier triomphe de Marc-Aurèle. Si on accepte l’apothéose de Vérus pour lPentre-colonne- ment de gauche, on pourra se représenter le triomphateur Marc-Aurèle symétriquement placé à droite. Ainsi serait justifiée, par les sculptures de Porte Noire, cette inscription dédicatoire trouvée, à Besançon, au xvIi° (1) A. CASTAN, Vesontio colonie romaine (Mém. de la Soc. d'Emul. du Doùbs, 1877). | (2) Ce détail est inédit; on a toujours pris l'extrémité de la éraine pour le pied droit de la captive, ce qui compromet l'intelligence de l'attitude simple et digne de la figure. Lo siècle, aujourd’hui perdue, et dont Auguste Castan a si bien discuté et admis l'authenticité : Aux empereurs Césurs Augustes Marc-Aurèle Antonin et Lucius Vérus, les citoyens de Besancon (). VII LES DIOSCURES Il n’est aucun visiteur de Porte-Noire qui n'ait été frappé de cette noble et colossale figure, debout et de face, entre les deux colonnes de l'étage supérieur. On y a vu tantôt un Her- cule, tantôt un Apollon, en rupture chacun avec leurs attributs respectifs. _ Plus heureux que dans ses dessins archéologiques, l’archi- tecte Marnotte eut inconsciemment le pressentiment d’une plus exacte interprétation. Il a d’abord constaté, d’après un fragment de jambe conservé dans l’entre-colonnement ruiné, qu'il a du exister deux figures identiques se faisant pendant. « C’est, dit-il, l’armée victorieuse, représentée par ses chefs de légion... Pour donner à ces belles figures tout le caractère du héros, celle quiexiste encore dans son entier » est représentée sans vêtement et dans le style héroïque, ne » portant dans une main que la haste etde l’autre que le gla- » dius court, enveloppé de son baudrier et avant la forme » d’un poignard sans garde (2). » Puis, reconnaissant dans ces personnages des tribuns mi- lilaires, ou, comme il ajoute par assimilation, des colonels, Ÿ Ÿ (1) IMP.CAES.AVG M.AVR.ANTONINO ET L.AVR.VERO CIVES VE. (A. CASTAN, Mém. de la Soc. d’Em., 1871, p. 351. (2) P. MARNOTTE, Rapport sur la restauration de l’arc-de-triomphe de Porte-Noire. (Académie de Besancon, 1875.) 16 — 9242 — il suppose gratuitement la présence de deux autres figures semblables sur la face opposée, de chaque côté, pour accom- pagner les victoires ou renommées dont la trace pulvéru- lente existerait encore sous les mortiers de la restauration. Il s’agit, certes, de grands colonels, mais de colonels bien autrement imaginaires que ne le supposait le restaurateur du monument. Si lon cherche dans la collection des héros divinisés une paire de personnalités pourvues des attributs militaires ei- dessus mentionnés, on n’en trouvera pas d'autre que les DIOSCURES : Castor et Pollux. | Le culte des jumeaux divins, fils de Jupiter et de Léda, da- tait à Rome de lan 257 avant Jésus-Christ, et quatre siècles après, à l’époque de Marc-Aurèle, le crédit des Polluces avait acquis un tel degré de faveur qu’on les rencontre par- tout, avec leur caractère militaire, à la suite des légions. Les Dioscures ont le renom d’être les messagers et les compagnons dela victoire ; au moment propice, ils apparais- sent à la tête des colonnes. On dira que sur Porte-Noire on ne voit ni leurs chevaux ni leur traditionnel bonnet conique. Ce ne serait pas pour la première fois que les cavaliers mystérieux seraient privés de cette partie de leurs attributs. La nudité du corps et le port simultané de la lance et de l’épée ont suffi à les désigner, pour des statues bien connues et de grandes proportions. Si l’on veut ici se montrer plus exigeant, on n’a qu'à re- garder au-dessus de l'épaule gauche du personnage, à la hauteur du front, et l’on verra, gravé dans la pierre, un attribut des plus caractéristiques, l'étoile rayonnante des Dioscures. La présence de Castor et Pollux sur Parce de la colonia vic- trix scquanorui jette une vive lumière, sans qu’il y soit be- soin d'aucune autre inscription, sur le caractère officiel d’une œuvre de politique munificence, émanant, sinon du prince lui-même, du moins de ses plus directs représentants. bits ne — 243 — VII LA LEÇON D'HISTOIRE PAR LE MONUMENT Dans cette étude il a fallu battre en brèche des interpréta- tons erronées, incomplètes ou en contradiction les unes avec les autres. Pour arriver à la connaissance de l’ensemble, atteindre certaines figures, rendre raison de leur présence, et, avec leur aide, combler d'importantes lacunes, linvesti- gation devait être libre et quelque peu aventureuse. La témérité de l’entreprise aura du moins pour excuse la certitude d’avoir apporté, à de plus habiles commentateurs, des éléments nouveaux qu'ils sauront mieux utiliser. Après avoir débuté par l'interprétation d’une allégorie qui paraissait favoriser l’opinion émise par le président Clerc, je crois avoir montré, par la description des tableaux du ban- deau extérieur du pied-droit et de la scène de lParchivolte, que l’allusion à la source d’Arcier n’y figurait que comme un accessoire et qu’en conséquence on devait chercher ailleurs la grande pensée du monument. Dans l'arc entier, à côté des tableaux de la guerre et des groupes des captifs enchainés après la victoire, apparaissent dans un ordre rationnel, des scènes de la vie régulière et heureuse pendant la paix, sous les auspices de l'Autorité suprême caractérisée par son triomphe légendaire. Le cortège des grandes figures mythologiques, unique- ment relatives au culte de Jupiter, très bon et très grand, indique la tendance du n° siècle à revenir à l'unité divine. La présence des Dioscures, témoignage persistant de Ia foi superstitieuse du siècle des Antonims, vient pour accentuer, dans 13 province, le caractère militaire de la domination du Peuple-Roiï. Enfin, comme une signature, on retrouve reléguée sur un soubassement, la personnification de Ia cité, immédiatement — 244 — au-dessous de l’aigle de l'Hébé, cet aigle olympien qui se retrouve, avec les colonnes de son temple, dans les armoi- ries actuelles de Besancon (1). La grande pensée de Porte Noire, c'est bien la glorification de la puissance romaine, mais avec des caractères particu- liers qui expliquent pourquoi le monument est unique dans son espèce. Il n'est pas seulement la commémoration d’un triomphe, il apparait aussi comme un témoignage pieux de reconnaissance de la cité. Il flatie alors d’une manière si complète les visées impériales qu’on ne peut dire autre chose qu'il est œuvre d’un municipe en tutelle privi- légiée. Ce qui rend cette œuvre plus intéressante encore, c’est qu’elle marque le point culminant de la prospérité passagère d'une ville à lépoque même où la puissance protectrice atteignait elle-même son apogée. ._ À ce moment les excès du despotisme militaire n’ont pas encore compromis la mission civilisatrice d’un pouvoir qui veut être bienfaisant. La province n’est pas chargée d'impôts, elle est bien admimistrée et s'enrichit. Les révoltes s’apai- sent, une législation relativement parfaite devient la règle commune, le commerce prospère et les arts sont cultivés. Les Dieux du paganisme romain exercent aussi leur em- pire. Il est vrai que la rhétorique de la légende de Jupiter ne trompe plus personne, car le peuple lui-même, très indiffé- rent à cette époque, ne soupire qu'après la sécurité et la for- tune ; il accepte le poétique décor dont s’entoure l’Autorité (1) Avant l'aigle de Saint-Jean, avant l'aigle germanique, que carac- térisent ses deux têtes, est-il bien étrange de faire remonter l’origine de l'oiseau héraldique bisontin jusqu’à l'Epoque antique ? — Quand une ville possède des armoiries d’une aussi riche allure et composées de si nobles pièces, elle peut, à hon droit, en surveiller l'exacte reproduction. N'est-il pas opportun d'afficher ici une erreur regrettable, qui menace de se per- pétuer au dehors, chez les ornemanistes mal documentés? — A Paris mênie, sur une des grandes façades de Ta nouvelle Sorbonne, un aigle à deux têtes vient s'étaler encore pour le rappel de l'Université bisontine! + 0 — dans l’accomplissement formaliste des cérémonies reli- gieuses. Le sage Marc-Aurèle, élevé dans le patriciat, appréciait mieux que personne le prestige des rites païens, tant il veil- lait à leur observation minutieuse. Tel était, à cet égard, le sentiment des grands. L'expression d’un doute, où d’une critique mordante, à l'encontre des pratiques paiennes, ne pouvait trouver nulle place dans un monument où le choix des éléments est une manifestation presque brutale des croyances romaines. Il est donc mnpossible d'admettre que la scène de homme au sac, au mois de novembre de notre zodiaque, ait pu être introduite par le caprice d’un arüste, avec cette intention de représenter le triomphe de Por sur la divinité. Si ses jours étaient comptés, le paganisme ou le pouvoir théocratique de l'Empire savait encore se défendre. Au mo- ment où il triomphe du barbare son grand adversaire, il était en situation d’en poursuivre à moins de frais un autre plus puissant encore et qui, cependant, achèvera sa ruine. Quarante-trois ans après, à quelques pas au-dessous de l'Arc de triomphe, dans l’arène du Théâtre voisin, en face d’une population qui applaudissait peut-être, un étranger, l’apôtre chrétien Ferjeux refuse les hommages à la divinité romaine. Il expie, au milieu des supplices, sa sainte et témé- raire audace. Encore un siècle, le Théâtre est renversé par les Barbares, et, au milieu des ruines de la cité, l'Arc mutlé de Jupiter demeure pour servir de portique à un temple du Christ. SOUVENIRS INTIMES Par M. Edouard GRENIER Séance publique du 16 décembre 1897 LE MÉLILOT 0 frêle mélilot! Je t’aime. Dans nos prés quand je te revois, Tu m'apparais comme emblème De mes jours heureux d'autrefois. Sitôt que ta tige légère Balance ses aigrettes d’or, Sous les palmes de la fougère, Au grand soleil de Thermidor, Mon cœur revoit la Moldavie, L'étang du Métropolitain, Et tout ce qui charma ma vie Dans ce passé lointain, lointain... Je vois te cherchant dans les herbes Deux sœurs au front noble et charmant Se baisser pour finir leurs gerbes Au bord du petit lac dormant. — 247 — Je les reconnaissais bien vite Dans le crépuscule du soir, Et calmant mon cœur qui palpite Je m’'arrêtais pour les mieux voir. Et quand j'arrivais, quel bon rire! Quels regards! quel accueil joyeux! Et ces rêves qu’on n’osait dire, Et qui se lisaient dans les yeux! Au fond de l’étroite vallée, L'étang du Métropolitain Etend toujours son eau voilée De mélilot et de plantin. Mais elles! ces deux sœurs si belles! O mélilot à la fleur d'or! Peux-tu me répondre? Ou sont-elles”? Hors moi, qui donc les aime encor”? LE DELTA Mon cœur d’où s’épanchaient tant d’amours toujours neuves Au moment de tarir suit la loi des grands fleuves, Le Nil et le Niger, le Danube et le Rhin, Lorsqu'ils vont se jeter dans l'Océan sans fin, Ralentissant le cours de leurs flots plus tranquilles, Formant des bras divers autour d'un réseau d’îles. Je fais comme eux : mon cœur naguère encor si fort, Avant de s'endormir à jamais dans la mort, S'apaise comme un lac, s'éparpille et divise En ruisseaux paresseux sa langueur indécise, Et dans le frais Delta de chastes amitiés Ramène lentement ses flots pacifiés. — 248 — LES DEUX PIERRES Il est une pierre, une simple pierre, Près de la tonnelle, au fond du jardin; C’est un siège étroit de forme grossière. Je ne puis le voir sans qu'à ma paupière Des pleurs de regret ne montent soudain. Cest là qu’autrefois, sur cette humble pierre, À l'heure où le ciel voile sa lumière, J'ai vu si Souvent ma mère s'asseoir, Pour y faire en paix à Dieu sa prière, Ou pour respirer la fraicheur du soir. Et je pense alors à cette autre pierre Que connaissent bien mon cœur et mes pas, Où m'attend sous l’herbe au vieux cimetière Celle qui n’est plus qu'un peu de poussière... O mère, ton fils ne tardera pas. L'ANCIENNE COLLEGIALE SAINTE-MADELEINE DE BESANUON SON PORTAIL A FIGURES DU XIIT° SIÈCLE Par M. Jules GAUTHIER Sur la rive droite du Doubs, à l’extrémité du pont romain de Battant, qui unit l'antique métropole de Besançon et son suburbium, le zèle d’un grand prélat, Parchevêque Hugues le Grand, avait commencé au mieu du x1° siècle la construc- tion d’une église collégiale qui devait être, sous le vocable de sainte Madeleine, une annexe des deux cathédrales de Saint-Étienne et de Saint-Jean. Les fondements de cet édifice avaient été jetés sur les ruines d’une fontaine dédiée jadis à Marc-Aurèle par les Bisontins reconnaissants des bienfaits de l’aqueduc d’Arcier, et tous les matériaux désirables étaient sortis, sans dépense, des arènes de Vesontio, dont les débris gigantesques entraient presque entiers dans le patrimoine du nouveau chapitre. Le xr1° siècle acheva l’église neuve, en l’orientant suivant l’usage liturgique, c’est-à-dire en tour- nant l’abside du: côté de l'Est, l'entrée principale, du côté du Couchant ; au dehors, son ornement principal fut une haute tour à triple étage d'architecture, dont le décor offrait quelque analogie avec les trois clochers que l’art roman en pleine — 9250 — sève bâtissait à la même date et dans la même ville sur le chœur de l’église abbatiale de Saint-Paul, à l’entrée de la cathédrale de Saint-Etienne, enfin à gauche de l’abside Est de la cathédrale de Saint-Jean. Ce campanile dont j'ai re- trouvé un dessin inédit, comportait à sa base deux grandes arcades cintrées moulurées en retraits successifs, outre une troisième baie donnant accès de ce porche dans le collatéral droit de l’édifice. Le premier étage était sur chaque face percé de deux baies géminées, dont le plein cintre avec ar- chivolte reposait sur des colonnettes à chapiteaux feuillagés ; un second étage possédait des ouvertures identiques, sur- montées chacune d’un œil-de-bœuf d'assez large dimension, précédant immédiatement la corniche finale coiffée d’une flèche en charpente aiguë et octogonale. Cette tour, qui de- vait dater de la première moitié du x1re siècle, paraissait d’un style tellement ancien aux érudits comtois des derniers âges, que l’un d’eux, le jésuite Léopold Prost, qui vivait en 1700, en fit honneur à Marc-Aurèle et chercha, par amour-propre de quartier sans doute, à reconnaitre dans ses arcades infé- rieures les restes d’un arc Ge triomphe antique (). Quoi qu'il en soit de ce naïf commentaire, ce clocher fut, dès le xi11° siècle, tout ce qui survécut de la première construction de la collégiale de Sainte-Madeleine, qui, simplement cou- verte en charpente, s’effondra en 1221 dans un incendie co- lossal qui consuma tout le quartier voisin du pont et anéantit tous les bâtiments du chapitre (2). Les chanoines ne se dé- (4) Voir le n° III des Pièces justificatives. (2) « Anno ab incarnatione Domini M. CG. xxI, in festo martyrum Proth[as|i et Hyacinthi destructe fuerunt domus ecclesie B. Marie Magda- lene vehementi incendio funditüus, et quidquid fere erat circa pontem im primo galli cantu. Tempore vero domini Frederici Texararii et hujus ec- clesie decani, et D. Guidonis cantoris, diaconi, D. Johannis de Fondre- ment, presbiteri, D. Henrici, archidiaconi Bisuntini, D. Stephant Columbi, diaconi, D .Stephani Blondini, subdiaconi, D. Petri de Charence, subdiaconi, D. Huonis, subdiaconi, D. Theobaldi, subdiaconi, D. Thome, subdiaconi, hujus ecclesie canonicorum, cum labore nimio et expensis maximis Dei ” TR ne L.., 1 GT ds nf 1 Ni-ie — 251 — couragèrent point; aidés par les archevêques qui disposèrent en leur faveur des revenus de plusieurs notables églises ; . secourus par les Bisontins, qui sans distinction de paroisse ne manquèrent pas, durant de longues années, de léguer quelques sommes à l’œuvre de Sainte-Madeleine, ils purent bientôt entreprendre un nouveau vaisseau plus vaste et plus grandiose que l’ancien. Le plan, conçu dans le style go- thique qui partout, du nord au midi de la France, enfantait alors des merveilles, avait été donné par quelqu'un des maîtres inconnus qui dans la région venaient de terminer nos belles églises cisterciennes, ou peut-être par quelque ouvrier sorti des chantiers de Lausanne, pour jeter, dès 1237, sur les murs romans de la cathédrale de Saint-Jean cette voûte lé- gère que Quicherat déclarait un jour, en ma présence, la plus aérienne qu'il ait jamais rencontrée. Quoi qu'il en soit, ce plan comprenait trois nefs, suivant les contours et peut-être les fondations de la primitive bà- tisse et communiquant entre elles par des arcades en tiers- point. La grande nef était terminée par un chevet à cinq pans ; le collatéral de gauche par une absidiole, à trois pans seulement, éclairée d’une fenêtre unique ; enfin le collatéral de droite empruntait en guise d’abside la base du vieux elo- cher dont nous avons déjà parlé, et dont les deux portes ex- térieures furent garnies d’un remplage, celle du fond étant réduite en fenestrelle. Faute d'argent, sans doute, l'église neuve, sur le flanc nord de laquelle se profilaient les quatre allées d’un cloître, ajouré de quarante-huit arcatures, fut ar- rêtée dans son développement dès la septième travée en partant du sanctuaire. Ce pourrait être aussi faute de place, car la façade principale vint se heurter contre les logis des adjutorio honorifice refecte fuerunt et reparate. Per omnia benedictus sit Deus, amen, amen. » (Extrait d’un antique lectionnaire de Sainte-Madeleine, par l'abbé J.-B. Fleury, xvii° siècle. Bibliothèque de Besançon, ms. n° 198, p. 184. no chanoines et des chapelains ; en tous cas, au xiIv° siècle, on considéra le vaisseau comme achevé, puisque, le 3 oc- tobre 1370, l’église reçut d’un suffragant, frère Clément. évèque de Domocus, sa consécration définitive (1); un siècle et demi s’était écoulé depuis l’incendie qui avait motivé sa reconstruction. Des sept travées de la grande nef uniformé- ment voûtées en croisées d’ogive, l’une, la seconde en par- tant du chœur, avait une dimension double des autres et par- tant deux compartiments de voûte, pour ce motif qu’elle faisait face au débouché du porche latéral de large envergure, ouvrant sur la rue d’Arènes et servant de principale entrée à l’église. Ce porche et la majeure partie de la grande nef et du collatéral droit étaient achevés en 1281, puisque le 4 mai de cette année l’archevêque Eudes de Rougemont ouvrit l'é- glise au culte en consacrant son maitre-autel et l'autel absidal du collatéral droit, dédié à saint Michel et placé à la base du clocher (2). Dans l’œuvre du xrri° siècle, pour masquer cer- aines irrégularités extérieures, dues à l’utilisation de ce même clocher, posé légèrement en oblique par rapport à l’axe principal du vaisseau, le maître architecte avait créé plusieurs chapelles, l’une dédiée à sainte Catherine, épaulant le grand portail latéral, sur le flanc du collatéral de droite : l’autre sous le vocable de saint Claude, entre l'aile Est du cloître et l’absidiole de gauche. Plus tard, huit autres cha- pelles vinrent s'ouvrir sur les bas-côtés de la collégiale, sup- primant d’une part l'allée Sud du cloître, envahissant de l’autre et rétrécissant le sol de là rue d’Arènes. Ces détails, (1) Nous donnons en annexe le texte de cette charte inédite de consé- cration, Pièces justificatives, n° F. (2) « Anno Domini M. GC. LxxxI, in crastino Inventionis Sancte Crueis [IV mai], que fuit dominiea tertia post Pascha, dedicatum fuit majus altare hujus ecclesie cum altari S. Michaelis per reverendum patrem Odonem, ar- chiepiscopum Bisuntinum. » (Ancien ordinaire de Sainte-Madeleine, transcrit par l'abbé J.-B. Fleury, ms. 988. Bibliothèque de Besançon.) — Cf. J.-J, Chifflet. Vesontio, 1618, 11, 281. € ÉCMRSS dpens dé en de ic A A EE PE CR ES Ac ed Ce A! — 253 — indispensables sur l'orientation et les dispositions générales de l'édifice dont nous restituons le plan, étant connus, ajou- tons-y que l’église Sainte-Madeleme mesurait dans œuvre 48 mètres de long sur 32 mètres dans sa plus grande lar- geur, et que sa grande nef était haute de 16 à 18 mètres sous cles Notons encore au point de vue de sa durée qu’en 1665 les voûtes des cinq premières travées de la collégiale en partant de la façade s’effondrèrent et ne furent point relevées, et que cet état de ruine s’aggravant encore détermina, en 1734, la construction d’une nouvelle et gigantesque bâtisse. en style néo-grec où néo-latin, qu'éleva larchitecte bisontin Nicole, et qui, malgré ses imperfections, reste encore aujourd’hui le plus beau et le plus grand des édifices religieux de Be- sançon, sa cathédrale exceptée (1) Dans cette destruction radicale disparurent pêle-mêle le clocher roman, au flanc duquel on avait accroché dès le xv° siècle un carillon frappé par le populaire Jacquemard: le chœur, doté vers 1320 d’un second étage réservé aux seuls chanoines, ainsi qu’on en rencontre quelques uns en Alle- magne ou en Îlalie (notamment à Molène) (2) ; enfin, perte {1) Pour restituer le plan de l’église de la Madeleine je me suis servi d’un plan d'ensemble dressé en 1737 (Archives du Doubs, série C), de vues cavalières de Besancon. peintes ou gravées de 1575, 161%, 1618, 1629 et 1694, conservées soit au Musée, soit à la Bibliothèque de Besançon, soit aux Ar- chives départementales du Doubs. (2) Cette division en deux étages du chœur des néitiuee limitée à l'ab- side à cinq pans terminant la grande nef, était due aux libéralites de Guil- laume de Presles, contenues dans son testament du er juin 1316 : « Item do et lego € libras stephaniensium pro constituendis et faciendis duabus capellaniis altera super alteram in ecclesia Beate Marie Magdalenes Bisun- tine, in loco ubi capitulum voluerit ordinare. Item quod dictum eapitulum teneatur facere fundamentum dictarum capellaniarum. Et si aliquid de dietis CG libris post constructionem dictarum capellaniarum supersit, volo et principio quod illud residuum cedat in usus ornamentorum dictarum capellaniarum.» — Gartul. de Sainte-Madeleine.. Coll. Droz (Exempl. de la Bibliothèque Droz des Villars, f. 368, v° 369.) — 954 — plus particulièrement regrettable, le portail latéral, illustré de nombreuses statues que nous allons décrire et resti- tuer. Si, dans la période de l’art roman, les grandes lignes de l’architecture sont souvent rechaussées avec un luxe encore discret de sculptures et de bas-rehefs, la statuaire proprement dite n’apparaît avec profusion qu'au x1rI° siècle, au moment de l’efflorescence radieuse de Part gothique, pour décorer avec une richesse inouïe les portiques de ses principales églises. De 1200 à 1260, de grands artistes se révèlent, dont la pensée, servie par un habile ciseau, enfante par milliers de monumentales figures tantôt couronnant le fronton des cathé- drales et apparaissant triomphantes dans les airs, tantôt descendant en longs cortèges et se rangeant autour des portes pour recevoir les fidèles ou les pèlerins et les pré- parer aux splendeurs rayonnantes de l’or des autels, des couleurs étincelantes des vitraux, des fresques et des tapis- series. Paris, Bourges, Chartres, Amiens et, plus près de la Franche-Comté, Lausanne, pour ne citer que quelques noms, ont gardé à travers les âges le merveilleux décor de portails couverts de statues d’évêques et de saints qui restent l’orgueil de leurs cathédrales. Dans notre pauvre pavs de Haute- Bourgogne, où l’or a toujours été plus rare que le fer, où les gens de guerre ont foisonné toujours plus que les artistes, deux églises seulement furent dotées par les sculpteurs du xi1° siècle de portails dignes d’être rapprochés de ceux que nous venons d’énumérer : la collégiale de Sainte-Madeleine de Besancon et l’abbatiale des bénédictins de Château-Chalon. Grâce à Dunod, dont l’érudition patiente a sauvé tant de do- cuments précieux, nous avons une gravure du portique de Château-Chalon en son entier, et des huit grandes figures de pierre que la critique naïve du vieil historien ne parvint pas à déterminer sans erreur. Il fut plus heureux en décrivant — à loisir, il est vrai, Eds à LE PRESS La D k pi 4) : ; Rd NE a ar à ‘à ET ESS A OT TR DEEE RS — 255 — puisqu'il Pavait eu longtemps sous les yeux, — le portail de l’église Sainte-Madeleine au moment même où les icono- clastes inconscients allaient le faire à jamais disparaitre. Laissons-lui la parole, sauf à corriger et à compléter sur quelques points une description qu'il était Jusqu'à présent difficile de comprendre dans ses détails en Pabsence de tout dessin et de tout fragment de sculpture. Dans l’église fondée par Hugues le Grand et abandonnée en 1734, Qil y avait, dit Dunod, deux choses remarquables : la première que les chanoines avoient un chœur vaste, sé- paré de celui du peuple et bâti au fond de la nef, sur une voûte soutenue par des piliers ; 1 seconde que la principale entrée étoit au côté. par un vestibule orné de petits bas- reliefs et de statues de grandeur naturelle, au nombre de quatorze, sept de chaque côté, qui représentoient la Syna- gogue et l'Eglise. On trouvoit à droite en entrant les statues de Melchisédech, d’Elie, de saint Jean-Baptiste, de la Syna- gogue sous la figure d’une femme, de Moïse, d’Isaïe et du roi David; et, en sortant, celles de saint Pierre, de saint Jean, de saint Paul, de l'Eglise sous la figure d’une femme, de saint André, de saint Jacques le Mineur et de sant Thomas. L'on connoit ces statues par les symboles qu’elles tiennent à la main, et il m'a paru qu'il y en avoit quelques-unes qui représentoient au naturel des personnes vivantes au tems que l’église fut bâtie et qui étoient mortes depuis peu: ce qui étoit assés ordinaire dans les portails des anciennes églises (1). » Dunod fait 1ei fausse route, et s’il a reconnu exactement onze des quatorze figures représentées dans le portail, l’idée fausse qui les lui fait supposer contemporaines ou à peu près de l'archevêque Hugues le Grand {qui vivait en 1050) l’entraine à reconnaitre dans la statue de Melchisédech le portrait du (1) Dunod, Histoire de l’église, ville et diocèse de Besançon (in-4°, 1790), I, p. 106-108. — 00 — prélat, et dans un cul-de-lampe en forme d'église, la repro- duction de la collégiale de la Madeleine. Cette première dé- duction l’entraine encore plus loin : Elie tenant à la main les deux roues d’un char, devient pour Dunod l’image de Gaucher de Salins, père de notre archevêque Hugues [°, et ces deux roues rappellent le mécanisme élévatoire des sauneries de Salins, dont les bâtiments seraient figurés dans le soubasse- ment de la statue. De conjectures en conjectures tout aussi plausibles, les figures de l'Eglise triomphante et de la Syna- gogue détrônée deviennent Hermengarde, femme du ror de Bourgogne, Rodolphe (dont Hugues [°r fut le chapelain) et l’impératrice Adélaïde, tante de ce roi; enfin David, bien innocent de toute ressemblance avec le dernier roi rodol- phien, devient Rodolphe lui-même. Inutile d'insister sur l’invraisemblance de ces hypothèses puériles, qui s'éva- nouissent d’ailleurs devant cette simple constatation : que le portail de Sainte-Madeleine a dû être bâüu et sculpté entre 1260 et 1281. c’est-à-dire à une époque où le souvenir d'Adé- laide, Ermengarde. Rodolphe, sinon celui d'Hugues I‘, était totalement oublié. | | Aucune des statues du portail, conformes comme style, comme attitude, comme attributs à toutes les figures contem- poraines de l'Ile de France ou de la Bourgogne transjurane et cisjurane, n'avait la prétention d’être un portrait, mais simplement de symboliser par un choix de personnages mar- quants de l’Ancien et du Nouveau Testament l’escorte glo- rieuse du Christ triomphant et de son humble servante, la pécheresse Madeleine, montée au premier rang de la hiérar- chie céleste. Un plan et surtout un dessin précieux et inédit vont me permettre de substituer une description complète aux notes insuffisantes de Dunod. Qu'on se représente ouvert par un arc en plein cintre haut de 8 mètres environ, un vestibule rectangulaire, large de 8 m. 64, profond de 4m. 71. voûté par le croisement de deux arcs ogifs. Au fond de ce porche, une grande porte cintrée — 957 — s'ouvre, partagée en deux par un trumeau, Sur le trumeau, profilé dans toute sa hauteur en pilier rectangulaire, à chapi- teau feuillagé, s'appuie, soutenue par un groupe de pilastres, la figure de l’Ange du Jugement, tenant une épée flam- boyante et foulant aux pieds le serpent du Paradis terrestre, l'éternel ennemi du genre humain. Percée dans le mur du collatéral droit de l’église, qui mesure sur ce point 2 mètres d'épaisseur, le portail, divisé par un trumeau surmonté d’un tympan semi-circulaire décoré de bas-reliefs sur lesquels nous reviendrons, s’ébrase largement; ses multiples vous- sures ou archivoltes en retraits successifs, alternance caden- cée de tores et de cavets, reposent sur quatorze colonnes à chapiteaux feuillagés, sept de chaque part. Cest contre cha- cune de ces colonnes aux robustes saillies, dont les soubas- sements mutilés auront disparu au xvI° siècle dans un bahut massif, que sont appuyées, soutenues par des culs-de-lampe à décors variés, des édicules ou par des figures d'hommes et d’a- nimaux bizarrement contournés, quatorze images de pierre, de grandeur naturelle. La rangée de droite, en pénétrant dans le porche, en contient sept : Melchisédech en costume de grand-prêtre, tenant le pain et le vin: Elie montrant les deux roues du char de feu qui Pemporta dans les airs ; saint Jean- Baptiste tenant l’agneau ; la Synagogue, une ferme couron- née qui porte le temple de Salomon; Moïse, la tête cornue, soutenant les tables de la Loi; puis un apôtre, saint Simon, caractérisé par une croix : enfin David, coiffé d’une couronne, indiquant d’un geste prophétique celui qui doit naître de sa race. La rangée symétrique de gauche débute par saint Jacques le Mineur, brandissant une massue; puis viennent saint Jacques le Majeur avec son bourdon de pèlerin; saint André avec sa croix en diagonale: l'Eglise triomphante, couronnée, élevant une croix victorieuse et serrant contre Sa poitrine une cathédrale; saint Paul avec son épée; saint Jean l’Evangéliste avec un calice; saint Pierre enfin, 47 — 958 — reconnaissable à la croix renversée qui rappelle son mar- tyre. | Autant que nous en pouvons juger par le dessin à la plume que nous a légué l'abbé Fleury, le judicieux mais trop laco- nique historien de Sainte-Madeleine, toutes ces figures de stature humaine avaient une majesté d’attitude et une am- pleur de style qui leur donnaient un grand caractère, et, dans leur splendeur première, quand elles étaient peut-être rehaussées de couleurs et d’ors, elles devaient saillir avec une vigueur extrême sur le fond clair d’une architecture en pierre de vergenne blanchâtre. S1 la pensée peut seule nous aider à suivre l'effet primitif du portail, nous pouvons du moins juger du style et du ca- ractère des statues par le peu qui en survit et dont il me reste à parler. Quand on démolit le vieux porche en 1737, ses débris jetés dans les fondations de la bâtisse neuve allèrent y rejoindre les matériaux venus des arènes de Vesontio; mais quelques mains pieuses ramassèrent au hasard dans les décombres quelques-unes de ces têtes qu’on allait briser. Melchisédech trouva un abri sûr sinon honorable dans les combles d’une sacristie; Moïse et Elie, recueillis par des voisins, allèrent reposer dans une maison de la rue Battant. Depuis vingt ans déjà, jy connaissais leur existence, et après plusieurs infruc- tueux essais pour les acquérir, ils viennent d'entrer, il y a dix-huit mois, au Musée archéologique (pl. IX). Melchisédech baptisé, sur la foi de Dunod, du légendaire vocable d’Hu-" gues It", est placé depuis une quinzaine d'années sur une console en face de la chaire, dans la grande nef de Sainte- Madeleine. Trois statues en somme, ou plutôt trois bustes survivent seuls d’une œuvre monumentale de sculpture qui, « intacte, serait une des curiosités archéologiques de la villes et même de la province. Grâce à ces précieux débris, éclairés par les dessins de l’abbé Fleury et par les notes de Dunod, nous pouvons restituer l’aspect général du portail, à un dé- re à 2: — 259 — tail près fort important. Que contenait le tympan cintré dont le linteau était soutenu par un trumeau auquel était adossé l’'Ange du Jugement? Dunod parle de bas-reliefs, mais sans les décrire ; l’anecdote suivante, que nous empruntons partie aux archives municipales de Besançon, partie à un passage des manuscrits Chifflet, va nous renseigner au moins sur le sujet principal de ces bas-reliefs. . Au lendemain d’une tentative des protestants suisses et allemands qui faillit, en 1575, livrer à un hardi coup de main Besancon et ses destinées, ses gouverneurs, stimulés par la peur et quelque peu aussi par les émissaires impériaux, or- ganisèrent une étroite surveillance. Un corps de garde était nécessaire pour protéger et défendre les abords du port de Battant; on imagina de le placer sous le portail latéral de la Madeleine, dont l’arcade extérieure avait été partiellement fermée au moyen d'un remplage de pierre, mouluré en pi- lastres, ouvert seulement de deux portes étroites, séparées par un trumeau. Dans ce réduit devenu obscur, long de 8 mètres, large de 4 à 5, des soldats veillèrent chaque nuit de 1575 à 1592, charmant les loisirs de leurs gardes en jouant aux dés ou aux cartes, à la lueur de grands feux dont la fumée sans issue venait caresser les vénérables figures des prophètes du xrr1° siècle. Un plaisant, qui tournait agréablement le vers latin, mal édifié de ce manque d’égards pour les plus vieilles images pieuses de la cité, adressa à la municipalité et aux Bisontins d'alors, au nom de sainte Madeleine, une courte requête en quatre distiques, que je demande la permission de tra- duire : « OÔ Besançon, je te suis reconnaissante du culte dont tu entoures mes monuments, mon église et ma statue, mais je le serais davantage encore si tu partageais les sentiments de celle qui brûle d'amour pour toi. «Je suis honteuse de voir la blanche figure de Celui dont mes larmes ont lavé les pieds barbouillée de suie, que dis-je barbouillée ?.… L’Image sacrée du Sauveur est devenue par ta faute plus noire que le péché ou que la poix elle-même !.., » (1). Le Conseil de Ville, saisi de réclamations aussi fondées, fit droit aux plaintes de la Madeleine formulées par son secré- taire bénévole et ordonna une quête générale pour restaurer et nettoyer le portrait enfumé par le corps de garde, en s’o- bligeant à parfaire la dépense au moyen des deniers commu- naux (2). De ces vers que nous venons de transcrire, que résulte-t-il au point de vue qui nous occupe? Deux choses, c’est que le centre du tympan de notre portail était occupé par la figure du Sauveur prononçant sans doute la fameuse phrase : NOLI ME TANGERE 6); l’autre c'est qu'à ses pieds, dans à même atütude où elle apparaît sur tous les sceaux de notre collé- giale, sainte Madeleine agenouillée lavait les pieds du Christ et les oingnait de parfums. (1) ©S. Magdalena ad Vesontios : Quod nostra monimenta colas, Vesontio, templum Et statuam, gratum sit pietatis opus: Gratius at longe nostro si more flagraret Meminis incenso pectus amore tibi. Item eui nos lachrymis vel plantas lavimus Os niveum fumo commaculasse pudet. Quid maculasse loquor ? saera Servatoris imago Atrior est vitio vel pice facta tuo. » (Fol. 6, t. II des Menues Observations pour servir à l'Histoire du Comté de Bourgogne, ms. Chifflet, t. LIV, à la Bibl. de Besancon.) (2) Délibération de la ville de Besançon du 26 mai 1596. V. n° II des Pièces justificatives. (3) Au xrrr° siècle, le grand sceau du chapitre de Sainte-Madeleine, de forme elliptique (h. de 66 millimètres, 1. de 42)représente le Christ, nimbé et por- tant sa croix, tenant une banderole avec ces mots : NOLI ME TANGERE ; à sa droite, la Madeleine agenouillée. Légende : #4 SIGILLVM : CAPITVLIT : [ECCLIE BISVIMPTINE : MAGDALENE (Arch. du Doubs; sc. détaché). Au xiv° siècle, le sceau de la séchallerie du même chapitre, elliptique (h. 46, 1. 31) millimètres) porte dans le champ l’image du Christ debout avec sainte Madeleine agenouillée à gauche et priant à ses pieds; entre eux, un arbuste. Légende :4h S’ SE . ALLIBE*MAGDAL:BISVNT (Arch: du Doubs, E. 563). ONE) "N RUN EP) À dl d — 961 — Ainsi se trouve restitué l’ensemble symbolique du portail anéant de Sainte-Madeleine. Au point de vue artistique, d’où procède cette œuvre éclose, nous l'avons dit, entre 1260 et 1281? Au début de cette étude, je prononçais un nom, celui de Lausanne et de son atelier d’où étaient sortis, je l’ai indiqué ailleurs, ceux qui bâtirent de 1237 à 1270 les voûtes de l’église métropolitaine de Saint-Jean de Besancon. L'étude des trois bustes de Mel- chisédech, d'Elie et de Moïse et des dessins de l'abbé Fleury, les souvenirs de nombreuses visites au portail latéral Sud de la cathédrale de Lausanne, rattachée, on le sait, par des liens étroits de dépendance à l’église mère de Bésançon, dé- terminaient dans mon esprit une probabilité que j'ai voulu vérifier. En attendant des photographies dont la confrontation avec les figures de notre portail apportera une concluante dé- monstration, j'ai pu constater déjà que, outre de nombreux bas-reliefs, le portail latéral de Lausanne comporte treize sta- tues de grandeur naturelle ; sur le tympan, le Christ assis; adossées à douze colonnes, six de chaque côté, les figures de Moïse, saint Jean-Baptiste, saint Pierre, le roi David, quatre évangélistes et trois apôtres (1); c’est-à-dire à peu près les mêmes personnages que ceux du porche de la Madeleine. Il y a là plus qu'une coïncidence fortuite, et si la dernière épreuve faite avec les photographies venues de Lausanne est favorable à ma thèse, j'aurai, dans la limite du possible, re- constitué l’histoire et la genèse du portail à figures de Sainte- Madeleine de Besancon. (1) Notice historique et descriptive de la cathédrale de Lausanne (Lausanne, H. Fischer, 1823, in-12), p. 38-59. PIÈCES JUSTIFICATIVES Acte de consécration de l’église collégiale de Sainte-Madeleine de Besançon par frère Clément, évêque de Domochus, suffra- gant de l’archevéque Aymon de Villersexel. (3 octobre 1370.) Nos frater CUlemens, Dei gratia episcopus Domecensis, notum facimus universis presentes lititeras inspecturis, quod nos ex commissione reverendi domini Aymonis, Dei et apostolice sedis gratia archiepiscopi Bisuntini, vive vocis oraculo nobis facta, ecclesie beate Marie Magdalene Bisuntine secundum ritum et formam sancte matris Ecclesie, die data presencium, munus consecrationis contulimus et dedicavimus eamdem, Christi fide- lium populo, qui ibidem divinis adherat, sollennique tam in die quam per octabas festi dedicacionis ejusdem ecclesie, de cetero contriti tamen et confessi interessent, quadraginta dies de in- junctis sibi penis prefati reverandi patris domini archiepiscopi auctoritate in Domino relaxando. Voluitque et ordinavit prefatus reverendus pater dominus archiepiscopus quod hujusmodi dedi- cacionis seu consecracionis festum singulis annis die dominica post festum beati Luce apostoli ét euvangeliste, dicta ecclesia decenter et honorifice celebretur. In quorum testimonium pre- fato reverendo patri domino archiepiscopo supplicavimus qua- tinus sigillum suum una cum sigilli nostri appensione presen- tibus litteris apponere dignaretur. Et nos Aymo, archiepiscopus supradictus, sigillum nostrum una cum sigillo prefati domini episcopi presentibus litteris duximus apponendum in signum et robur veritatis omnium et singulorum permissorum. Datum Bisuntii die tercia mensis octobris anno Domini mille- SimO CCCM septuagesimo. (Orig. parch.; débris de sceau de l’évêque de Domochus; celui d’Aymon de Villersexel a disparu. Archives du Doubs, série G. Fonds de Sainte-Madeleine, n° 17 bis.) re F. ben LE: à ny 5 7 : — 963 — IT Délibération des gouverneurs de Besançon pour la réparation du portail de Sainte-Madeleine, gâté par le feu d’un corps de garde, 26 mai 1592. Du mardy xxvI de may 1592. — Portal de la Magdaleine et cymetière de Saint-Jacques. — L’advis de ceste compaignie a esté unanimement que pour la réparation du portal de l’église madame saincte Marie Magdaleine et ymaiges d’icelluy, noircyz et gastez à cause des feug et fumée cy devant y faictz par les soldats posez nouictamment en corps de garde soub ledit portal et pour l'érection de la muraile à dresser pour la cloyson du cymi- tière monsieur sainct Jaques près et hors les murailles d'Arenne, se feroit une queste générale, premièrement en la paroisse de ladite église, puis en tout le reste de la cité, selon la libéralité et dévotion d’ung chascun, par commis d’une chascune bannière. Et que si ladite queste ne suffisoit pour les frais neccessaires, Messieurs adviseroient de pourveoir par le moyen des deniers publiques à la fourniture du surplus. Et pour superintendans aux ouvraiges desdites réparations de portal, ymaiges et érection de murailles pour ledit cymetière, mesdits sieurs ont commis les sieurs Jaquelin, Pétremand, Mil- lottet et de Valimbert. (Arch, municipales de Besançon. Reg. BB 42, fol. 290). III Extrait de l'Histoire de Besançon du P. Léopold PRosT, touchant le clocher de Sainte-Madeleine, vers 1700. «L'on voit encore au dessous du clocher de Sainte-Magdelaine _une espèce d'arc de triomphe dont l'architecture est très belle, mais qui néanmoins semble se ressentir un peu du goût du Bas Empire et qui pourroit bien avoir été dédié à Marc Aurèle; il faif face au carrefour où aboutissent les trois principales rues de la nouvelle ville, que cet empereur fit bâtir. Les pierres en sont — 964 — d’une grosseur que l’architecture des siècles suivants n’a jamais employée; elles sont toutes cannelées et le trait en est le plus régulier du monde; il est étonnant que nos curieux n'y ayent jamais fait attention, et il est encore plus déplorable que la né- gligence de nos ancêtres ayt souffert que l’on ayt ensevely ce monument sous la masse d’un clocher, auquel il sert pour ainsi dire de base; mais ce qui me fait croire qu'il a été érigé à l’hon- neur de Marc Aurèle c’est qu’il est dans le même endroit où l’on a trouvé la colonne dédiée à cet empereur (1). » (Le P. Léopold Prost, Histoire de Besançon, ms. 804, p. 212: Bibl. de Besançon.) .@) Voir la représentation de ce clocher, jointe au plan de Pare de la Madeleine, à la fin da cette Etude. Société d'Emulation du Doubs, 1897 A F2 EI f | li À 1h ain HN T5 Led pr Lg à 2 ; S il ARONCEMN ere TE 221. ALES RS É PE AP A LE. 2 TRE AS AS 2 A OL DDR D D 4 = mes 7 en) SO LEECE s de < >. LP ; 4] J - 217 s re il L, ” , | S: AE a ÿ nl | AN nn 2 D HR ; RES ; JS: AIT ui | CE E LE > RITES < F7) Ë ÿ Dr ue / |] f P, W À K ÿ lé { é ’ Lo. le Cnil IT À y. î SE di À Re. A) 4 Ù ? ï £ N D . 5] Se A NE RO à A : NE IAA ES, SRE €\l —. Î fe pe ve A ee Rue 4 D 1. Se “4. Ÿ SSL? ; L Ÿ SR l } _— x 3 À * 4: °4 " Z À Lo 6: ef Se = > I D pomme SE A ts PLAT LC 5 2. À ER, LT T7 LELLLC Lie À Ÿ Élocher roman de Ste Madeleine detruit vers 1740 ( d’après le P. Prost ) Socicté d'Emulation du Doubs, 1897. e ELITE œ MOISE Statues provenant du porche de Sainte-Madeleine (xir1° s . FEOTE DES LICHENS DE FRANCHE-COMTÉ ET DE QUELQUES LOCALITÉS ENVIRONNANTES NP CN ERA CE INGENIEUR CIVIL ——————— — CINQUIÈME PARTIE (Suite) a — Séance du 11 novembre 1882 GENRE POLY BLASTIA Mass. Thalle très variable verruqueux, farineux, épais, ou bien presque lisse, ou presque nul, ou du moins très mince, de couleurs diverses, blanc sale, gris cendré ou un peu bleuâtre. Hypothalle pâle et indistncet, ou noir et alors souvent débor- dant. Apothecies ou semi-immergées, logées quelquefois dans les verrues thallines, ou presque complètement immergées. Spores hyalines et simples dans le jeune âge; mais devenant promptement colorées en brun, avec l’âge et alors ou 3-sep- tées, avec quelques cloisons perpendiculaires, ou pluri-sep- tées et franchement murales. Paraphyses à peu près nulles. Périthécium noir dimidié carbonacé ou formé de 3 couches (Sporodyction), la première thalline fugace, la seconde cornée, intérieure medullaire, grumeuse, ou ne possédant le plus souvent que la couche du milieu (Eupolyblastia). Spermo- gonies très peu étudiées. _ 1. Perithecium triple (Sporodyction Mass.), 2 Perithecium simple (Eupolyblastia Mass.). 3 2, Apothécies enfermées dans de grosses verrues thallines. Spores très grandes, OS) DE nn) Men, denie tn elle Pol. Schaereriana J. Mull. Apothécies dans des verrues petites ou presque nulles. Spores moyennes, 45-56 SCALE LA TER RER ES ... Pol. HegetschweileriTS. Mull. SA ESpece terricole.:. 4.4, ruse... “Pol. Sendinerti. Espèces saxicoles. Apothécies immergées. 4 Espèces saxicoles. Apothécies saillantes CHRDALTE NT En ALAN NN, Te D 4. Apothécies immergées, la pointe seule faisant saillie. Cloisons horizontales bien visibles; séparations verticales fai- sant souvent défaut dans une ou plu- SEULS des, CIOISONS en ARENA Pol. dermatodes. Apothécies tout à fait ensevelies. Spores pluri-septées, bien murales....,, ..... Pol. sepulta. + (OGR 9, Thalle assez épais, cendré verdâtre. Apo- thécies confluentes:..1....,22% Ar Pol. foveolata. Thalle mince, cendré. Apothécies mé- HIOCRES RP AT VAR CH NNERER Pol. intercedens. Thalle mince, brun cendré. Apothécies petites. A A DE Re de EN D Pol. æthioboloides. 1. POLYBLASTIA SCHAERERIANA J. Mull., Class., p. 419. Thelotrema verrucoso-areolatum Anzi, Cat., p. 105. Sporodyction schærerianum Mass., Ric., p. 181; Kærb., Par., p. 338. Verrucaria verrucoso-areolata Nyl., Pyren., p. 34. Verrucaria theleodes Smmrft.; Nyl, Scand.: Stitzh., L. H., p. 244. Exs: Schær., n° 538; Flagey, L'1FC:,n283406: Thalle épais, tartareux, farineux, fendillé, verruqueux, : inégal, d’un blanc un peu grisâtre. Hypothalle incolore, non distinct. : Apothécies grosses, semi: immergées dans le thalle, ou plus souvent dans de larges verrues thailines saillantes, conico- hémisphériques d’un noir mat saupoudré par le thalle. Spores brunâtres, ellipsoïides, murali-pluriseptées grandes de Onm 068 à Onm 073 de long, environ 2 fois p. 1. q. l., renfer- mées au nombre de 8 dans des thèques amples renflées au milieu de Omm,280 à Oum 300 de long, sur Onn 055 à 0,060 de large. Paraphyses presque indistinctes. Périthécium di- mnidié, infléchi en dessous, d’un noir mat en dessus, conico- hémisphérique, saillant, terminé par un ostiole d'abord punc- tiforme, puis dilaté et percé. Spermogonies non étudiées. I Teint en rouge vineux la gélatine hyméniale. Habit. — Cette remarquable espèce croit sur les rochers calcaires du nord de la Suisse : Righi, Gurnigel ; également au sommet de la grande sorge du Salève, à droite en montant sur des rochers calcaires humides, où M. le Dr Muller a bien voulu me la faire recueillir en assez grande quantité. — 969 — 2, POLYBLASTIA HEGETSCHWEILERI J. Mull., Cluss., p. 419. Thelotrema Hegetschweileri Næg. et Hepp. Verrucaria epipolæa, V. verrucosa Schær., Enum., p. 218. Verrucaria rugulosa Nyl., Prodr.,p. 182; Pyren., p.28; Stitz., L. H,, p, 242 (non Mass., Mém.). Thelidium epipoiæum Arn., Jur., p. 258. Exs. Hepp., 446; Arn. 87 b (sub Thelid.) Thalle assez épais, lartareux, farineux, inégal, un peu ver- ruqueux, mais beaucoup moins que dans espèce précédente, d’un blanc grisâtre, ou d'un gris cendré. Hypothalle indis- tinct. Apothécies moyennes, aux 3/4 immergées dans le thalle, conico-hémisphériques, d’un noir mat. Sporesincolores, puis brunissant avec l’âge, ovoïdes, allongées, 3-5 septées, chaque cloison coupée par une ou deux lignes transversales, de Onm,050 à Omm,060 de long, environ 2 3/4 à 3 fois p. 1. q.l., renfermées au nombre de 8 dans des thèques un peu renflées au sommet de Onm 200 à Omm 240 de long sur Omm,035 à _Omm,045 de large. Paraphyses indistinctes. Périthécium fai- blement dimidié ou subentier, noir et plus mince en dessous, conico-hémisphérique à la partie supérieure, terminé par un ostiole devenant assez profondément percé. Spermogonies inconnues. I Teint en rouge la gélatine hyméniale. Habit. — Sur des parois de rochers constamment humectés, au bas de de la grande gorge du Salève (JT. Mull.). Cette espèce est réellement difficile à placer. MM. Nylander et Arnold en ont fait un Thelidium ; les spores sont, il est vrai, plus allongées que dans les Polyblastia ordinaires; les cloisons horizontales bien plus mar- quées que le, verticales ; mais celles-ci existent toujours et donnent un as- pect mural, avec l’âge, les spores deviennent brunes. La forme de lenve- loppe hyméniale est celle des Sporodyction; nous pensons donc que sa place est bien celle qui lui à été attribuée par M. Muller immédiatement après la Polyblastia Schæreriana. Kærber (Par., p. 333) est allé plus join, trop loin même. Il dit : « Thelotrema Hegetschweileri non differt a — 970 — Sporod. Schærer. » La forme, la couleur des spores, leur dimension beaucoup plus petite, le thalle beaucoup moins verruqueux, en font bien une espèce à part. 3. POLYBLASTIA DERMATODES Mass., Sym., p. 101; An. Jui. D: 202 Verrucaria dermatodes Mass. in Herb. Exs Arn. 238, n°10! Thalle assez épais ou mince, d’un blanc grisâtre ou cendré. Hypothalle ou plus blanc ordinairement, ou plus foncé et dé- bordant. (Arn. forma). Apothécies dispersées, rares, hémisphériques, totalement immergées, la pointe seule faisant saillie, d’un noir opaque. Spores hyalines d’abord, puis devenant brunâtres, ovoïdes, allongées, 3-5 septées en travers, recoupées par des lignes verticales, ce qui les rend 4-8-9 septées, de Onm,036 à Omm,060 de long, environ 3 fois p. I. a. L., renfermées au nombre de 8 dans des thèques amples, renflées au milieu de Omm 140 à Omm, 180 de long, sur Omm,035 à Onm,038 de large. Paraphy- ses indistinctes. Périthécium dimidié, immergé, en forme d’amphore à ostiole un peu saillant, rarement percé. Spermogonies inconnues. I Teint en rouge vineux la gélatine hyméniale. Habit. — Dans nos régions; sur les fragments calcaires, autour des vieilles carrières, aux environs de Besançon; n’est pas signalée sur les hauteurs jurassiques. Existe aussi en Algérie, près de Constantine, et dans les mêmes conditions. 4. POLYBLASTIA SEPULTA Mass. in Lotos, 1856, p. 81 ; Kœærb., Par., p. 340 ; J. Muüll., Class., p. 79. Thelotrema sepultum Hep». Verrucaria sepulta Richard, Cat. Deux-Sèvres ; Stitz., L. H., p. 246; Nyl. in Huep., Add., 285. Exs. Hepp, 950; Arn., 179. — 271 — Thalle tartareux, assez épais, cendré lépreux, formant des taches souvent suborbiculaires sur un Hypothalle d’un brun glauque. Apothécies entièrement submergées, subglobuleuses, noires. Spores incolores, puis devenant promptement d’un brun dilué, ellipsoïdes, murales, de Omm,040 à Om 055 de long, environ 2 à 2 1/4 fois p. 1. q. l., renfermées au nombre de 8 dans des thèques renflées au milieu de Onm, 080 à 0m®,090 de long, sur Omm 028 à Omm 035 de large. Paraphyses indis- ünctes. Périthécium globuleux, dimidié, un peu obscur en dessous, noir opaque en dessus, un peu aplati au sommet, à ostiole un peu ouvert à la fin. Spermogonies inconnues. I Teint en rouge la gélatine hyméniale. Habit. — Sur des rochers bien découverts, mais peu saillants de terre, contre les hautes parois rocheuses au-dessus du Veyrier (3. Mull.). 9. POLYBLASTIA FOVEOLATA Arn. Exs. Flagey, L. F. C., n° 443, Thalle blanchâtre ou d’un gris cendré, saupoudré de très petits grains noirs, assez épais, tartareux, farineux, continu. Hypothalle plus foncé, débordant parfois. Apothécies moyennes ou petites, semi-immergées, ou même un peu plus saillantes, hémisphériques, d’un noir mat, non ombiliquées au sommet. Spores hyalines, puis brunâtres, ellipsoïdes, murales, de 0mn,058 à 0,042 de Tong, environ 2 fois p. 1. q. L., renfermées au nombre de 8 dans des thèques renflées au ventre, de Omm,095 à Onm,100 de long, sur 0mm,045 à Omm 050 de large. Paraphyses indistinctes. Périthécium di- midié ou subentier, plus mince ou plus clair en dessus, d’un noir opaque en dessus, hémisphérique, non ombiliqué, ni dé- primé, terminé par un ostiole à peine visible ou petit, s’ou- vrant tout à fait à la fin. Spermogonies non étudiées. 1 Teint en rouge vineux la gélatine hyméniale. Habit. — Sur des rochers calcaires peu élevés, au-dessus des Trezarbres, en se dirigeant vers la Grande-Gorge (Flagey\. 6. POLYBLASTIA INTERCEDENS Koerb., Par., p. 343 ; _J. Mull., Class., p. 79. Verrucaria intercedens Nyl., Scand., p. 276, et Pyren., p. 3; Stitz., LA p.240; Thelotrema murale Hepp. Exs. Hepp, 445; Arn., 146. Thalle mince, ou moyennement épais, d’un blanc sale ou d’un gris cendré, tartareux, farineux, souvent presque lisse et passant au brun. Æypoihalle plus foncé dans certaines formes et débordant parfois. Apothécies moyennes, parfois plus grosses, toujours plus que dans l’espèce précédente, semi-immergées et même plus saillantes, un peu conoïdes, d’un noir mat. Spores colorées en brun, ovoïdes, bien nettement murales, moyennes de Omm,028 à Omm,040, environ 1 1/4à 1 3/4fois p. I. q. !., renfer- mées au nombre de 8 dans des thèques renflées au nie de Om 095 à Omm,100 de long sur Omm, 045 à Omm,052 de large. Paraphyses nulles. Périthécium dimidié, fortement saillant, conoïde, fortement déprimé, ombiliqué à ostiole perforé à la fin. Spermogonies inconnues. I Teint en rouge vineux la gélatine hyméniale. Habit. — Sur des blocs, au bord de l’Arve, sous Morney. C'est, avec la suivante, une des rares Polyblastia silicicoles. ‘7. POLYBLASTIA AETHIOBOLOIDES. Verrucaria æthioboloïdes Nyl., Scand., p. 276. Verrucaria pallescens var. æthioboloïdes Stitz., L. H., p. 240. Thalle très mince, continu ou dispersé, d’un brun cendré. — 9273 — Apothécies petites. Spores murales de Omm,091 2 fois p. 1. q. L. Pour le reste, elle se rapproche beaucoup de la Pol. intercedens dont ce ne serait d’après M. le D" Nylander qu’une variété beaucoup plus petite dans toutes ses dimen- SIOns. Habit. — Au mont Salève (4. Mull.), d'après M. Stitzenberger, sans autre indication «de localité, probablement sur les blocs erratiques. 8. POLYBLASTIA SENDTNERI Kœærb., Syst., p. 337; Par., p. 344. Thelotrema muscicola Hepp, Verrucaria Sendineri Nyl., Pyren., p. 33; Stlz., L. H., p. 247. Exs. Hepp, 447. Thalle mince, inégal, incrustant, parfois un peu squamu- leux et presque effiguré, d’un blanc cendré ou rocheux. Hy- pothalle indistinct. Apothécies noires, souvent confluentes, d’abord immer- gées, puis un peu saillantes, cupiliformes au sommet. Spores d’un brun dilué, ovoïdes, murales, moyennes de 0m" 025 à Omm,030 de long, environ 2 fois p. |. q. 1., renfermées au nombre de 8 dans des thèques ventrues de Omm,070 à Omm,078 de long sur Onm 028 à Onm 035 de large. Paraphyses nulles. Périthécium au 3/4 dimidié, ou presque entier submergé, puis un peu saillant, noir ou saupoudré par le thalle, dé- primé et cupiliforme au sommet et terminé par un ostiole à la fin. _ Spermogonies inconnues. I Teint en jaunâtre la gélatine hyméniale. Habit. — A. R. dans nos régions, au-dessus du Reculet (J. Mull.), M. le Dr Stiüzenberger signale encore les Polyblastia evanescens Arn., anota Arn., singularis Krplh., dictyospora Stitz., comme ayant été re- cueillies soit au Reculet, soit au Salève, par le Dr Muller. Je ne connais pas ces plantes, dont on trouvera la description dans le Flora. 18 — 9274 — GENRE |. STAUROTHELE Thalle variable, blanc sale, ou gris cendré, ou bleu plombé, très rugueux ou presque lisse. Hypothalle indistinct ou noi- râtre. Apothécies saillantes ou immergées. Spores toujours murales devenant assez promptement brunâtres. Paraphyses à peu près nulles. Gonidies hyméniales nombreuses ; les Polyblastia en sont toujours dépourvues ; les autres carac- tères comme dans le genre précédent. Thalle verruqueux d’un blanc sale, ou un peu ver- datre: Apothécies saillantes Fete er en St. rugulosa Mass. Thalle lisse bleu plombé. Hypothalle noirâtre, débor- dant souvent. Apothécies immergées.............. St. cæria Arn. Thalle tartreux, farineux, d’un blanc grisâtre. [ypo- thalle incolore. Apothécies immergées ,......,... St, rupifraga Arn. 1. STAUROTHELE RUGULOSA Polyblastia ruqulosa Mass., Mém., p.139; J. Mull., Class., p. 79. Thelotrema rugulosum Hepp. Exs. Hepp, ; Arn., n° 950; llagey, L. F. C., n° 244. Thalle verruqueux aréolé épais, farineux, d’un blanc ver- dâtre, passant souvent au brun. ypothalle incolore. Apothécies moyennes ou même grandes, au plus semi- immergées, déprimées au sommet, d’un noir mat. Spores promptement brunâtres, ovoïdes, fusiformes, très murales, contenant jusqu’à 20-95 petites cloisons, moyennes de 0%r,020 à 0,098 de long, au plus 1 3/4 à 2 fois p. L. q. |., conte- nues au nombre de 8 dans des thèques épaissies au sommet de Onm,065 à OMm 080 de long, sur Om, 018 à 0®m,095 de large. Paraphyses nulles ou très peu distinctes. Gonidies hyméniales nombreuses, arrondies, d'environ 0"",004 de diamètre. Périthécium dimidié ou subentier, saillant, noir Aa noi el — 9275 — sale, rugueux, déprimé au sommet à ostiole bien nettement ouvert à la fin. Spermogonies non étudiées. I Teint en jaune orangé la gélatine hyméniale. Habit. — Cette espèce, assez rare dans la plaine, se trouve sur le cré- pis des vieux murs (le support parait constant) : sur un mur près du che- min de halage, un peu plus loin que l’usine à gaz de Besançon Klagey); en abondance sur un vieux mur entre le vieux pont üe Plainpalais et le bois Bertie, près Genève (3. Mull.). C'est là qu'ont été récoltés les échan- tüillons publiés par Hepp. 2, STAUROTHELE CAESIA Arn., in Flora 1858 et Jur., p. 264. Polyblastia cæsia Kærb., Par., p. 337. Verrucaria cæsia Garov., Tent., p. 165. Exs. Hepp, 940; Arn., 16; Flagey, L. F, C., n° 243. Thalle tartreux, u” peu rugueux, où souvent presque hsse, d’un gris bleu ou plombé. Hypothalle noirâtre débor - dant souvent. Ù Apothécies globuleuses, très immergées, plongées dans les alvéoles de la pierre, qu'elles laissent souvent à nu, noires en dessus, déprimées au sommet. Sporesimoyennes, ovoïdes, hvalines puis devenant brunes, multiseptées, de Onm, 030 à Onn,040 de long, environ 1 3/4 à 2 fois p. 1. q. L., renfermées au nombre de 8 dans des thèques élargies ou sommet et au ventre de 0n®,070 à 0mm,075 de long, sur Om 095 à Omm 030 de large, ou elles sont placées ordinairement en 2 rangées de 3et une de 2. Paraphyses nulles, Gonidies hyméniales moyennes. Périthécium tout immergé, globuleux, dimidié, pâle en dessous, déprimé en dessus et terminé par un ostiole promptement perforé. Spermogonies non étudiées. I Teint en jaune pâle la gélatine hyméniale. Habit. — Elle est commune dans les lieux arides de la plaine, sur les petits blocs calcaires peu élevés, notamment entre Trois-Châtels et le bois de Peu, près Besançon. — 276 — 3. STAUROTHELE RUPIFRAGA Arn., Jur., p. 265. Polyblastia rupifraga Mass., Gen. lich., p.24; Kremph., Lych. Bayr., p. 243; J. Mull, Class., p. 79. Verrucaria rupifraga Gar., Tent., p. 160. Exs. Arn., 199. Thalle mince, tartreux, inégal, un peu farineux d’un blanc sordide, cendré ou brunâtre. Hypothalle blanc, imdistinct. Apothécies médiocres très immergées, noires en dessus, sphériques, puis ensuite déprimées au sommet. Spores hya- lines, puis brunes, ovoïdes, très murales, grandes de Omm,038 à Onm,045 de long, environ 2 fois p. |. q. 1., renfermées or- dinairement au nombre de 4, bien rarement de 6-8 dans des thèques allongées, obovées de Omm,075 à Omm,085 de long, sur Onm,028 à Omm, 032 de large. Paraphysesnulles. Gonidies hyméniales abondantes, un peu plus petites que dans les 2 espèces précédentes. Périthécium immergé, dimidié ou aux 3/4 entier, plus mince et plus pâle en dessous, d’abord sphé- rique, puis déprimé avec un ostiole perforé à la fin. Spermogonies inconnues. I Teint en jaune pâle la gélatine hyméniale. Habit. — R. R. sur des parois peu humides de roches calcaires du Sa- lève, au-dessus du Veyrier (J. Mull.). GENRE STIGMATOMMA Thalle aréolé, un peu verruqueux, mince, d’un brun d’ambre, opaque. Apothécies d’abord innées, puis un peu saillantes, moyennes, coniques. Spores brunes à l’état adulte, obovées, grandes, 5-8 septées horizontalement et murales par 2 ou 3 cloisons verticales sur chaque cloison horizontale, ce qui les rend 20-30 loculaires, renfermées au nombre de 2 dans des thèques larges non ventrues, un peu renflées au sommet. Gonidies hyméniales abondantes. Périthécium di- “Li ie — 971 — midié ou subentier, noir carbonacé. Paraphyz:es indis- tinctes. Spermogonies non étudiées. 1. STIGMATOMMA CLOPIMUM Rabenh., Lich. Eur., p. 495: Caro. Dent .:p. 19925 Nrn.;Jur.; p.159: Sagedia clopima Fr., L. E., p. 415. Verrucaria clopima Whlnb., Nvyl., Prodr., p. 79, et Scand., p. 269; SUZS, D: Hp 292: Exs. Hepp , 101; Arn., 948. Caractère du genre : Thalle d’un brun olivâtre ou marron, IHypothalle indisunet. Apothécies innées puis un peu saillantes, coniques, noires. Spores incolores, puis bientôt brunâtres, largement ellip- soïdes, de Omm,081 à uum, 034 de long, environ 2 fois p. 1. q. 1., renfermées au nombre de 2 dans des thèques un peu élar- gies au sommet, de Omm,058 à Omm065 de long, sur Omm,018 à O0mm,020 de large. Paraphyses indistinctes. Périthécium dimidié ou subentier, et alors plus mince et plus pâle à la partie inférieure, noir, conique, un peu déprimé au sommet à ostiole non papilleux et fermé. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Sur les rochers silicicoles du ballon d'Afsace et du Hohneck, où il est rare. Sur les blocs erratiques, au Salève (J, Mull.). M. le Dr Sützenberger cite la Verrucaria abscondita Krempelh, ap- partenant à ce genre, comme récoltée également au Salève. Je ne connais pas cette plante. GENRE PORINULA Nyl., in Flora 1883, p. 455, étuinmHue D290; Thalle crustacé uniforme, tartareux, plus ou moins épais, quand il est saxicole, de couleurs variées, très mince et sub- membraneux, quandil est corticicole ; dans les deux cas, ilne renferme plus de gonidées vraies, comme les genres précé- — 278 — dents, mais des chrysogonidies. Hypothalle très variable. Apothécies globuleuses ou hémisphériques, plus ou moins saillantes. Spores incolores, ordinairement fusiformes, pluri- septées, an nombre de 8 dans des thèques cylindriques, étroites, très resserrées à la base. Paraphyses grèles, flexu- euses. Périthécium noir, ou très rarement pâle, ordinaire- ment dimidié, terminé au sommet par un ostiole papilleux, ou simplement troué. Spermogonies très peu connues. 1. Espèces saxicoles.,......... SE EN et, 2 HSpéces contHticoles re NP PEN Ee At 4 2-Apothétcies dun rouge pale er RP Por. lectissima Nyl. APDOLRECIES NOTES ARR PMR USE EN ee 9 3. Thalle lépreux verdâtre ou jaunâtre, sans fils DYSSOITRS 0 Re E an tr A A Por. chlorotica Nyl. Thalle cendré, glauque ou roux, entremêlé de HIS ADISSOIMESL SE Are MIS Re res ARE Por. byssophila Kærb. ‘Fhalle d'unsblanc rose ser SE Por. persicina Kærb. LaThalle centre ne pere en male Por. affinis Mass. Thalle d’un brun roux ou noirâtre. ...... .. Por. carpinea Mass. 1. PORINULA CHLOROTICA Sagedia chlorotica Mass., Ric., p. 159; Arn., Jur., p. 276. Sagedia macularis Wallr., Kærb., Syst., p. 363; J.Mull., Glass. p. 71. Verrucaria chlorotica Ach., L. U., p. 283; Nyl., Pyren., p. 36; Stitz., Lu, p. 249 Exs. Schæer., 993; Hepp., 693. Thalle mince, gélatineux, devenant facilement lépreux, verdâtre humide, jaunâtre à l’état sec ou olivâtre, opaque, indéterminé. Hypothalle indistincet. Apothécies petites, noires, sphériques, saillantes. Spores incolores, fusiformes, tri-septées, de Omm,020 à Omm 024 de long, environ 4 fois p.1, q. 1, renfermées au nombre de8 dans des thèques étroites, très resserrées à la base de Onm,044 à Omm,047 de long, sur Om 008 à Omm, 009 de large. Para- physes grèles, flexueuses, distinctes. Périthécium dimidié, — 979 — noir, sallant, terminé par un ostiole à très petite papille, à peine troué, ombihiqué à la fin. Spermogonies très petites, noires de Omm,0045 sur Om 002. I Est sans action sur la gélatine hyméntale. Habit. - Rochers siliceux ombragés et humides àau ballon d'Alsace (Flagey); sur des roches calcaires abruptes, ombragées (J. Mull ). 2. PORINULA LECTISSIMA Sagidia lectissima Hepp. Segestrella lectissima Kœrb., Par., p. 325. Segestria umbonata Schær., Enum., p. 207. Verrucaria lectissina N\1., Prodr., p. 187; Pyren., p. 37, et in Hue, Add., p. 295. Exs. Hepp, 696. Thalle très mince, continu, un peu gélatineux d’un brun roux. Hypothalle peu distinct, un peu plus clair. Apothécies moyennes, sphériques ou un peu tronquées, d’abord immergées, puis assez saillantes, d’un roux clair ou testacé. Spores mcolores, fusiformes, tri-septées, de Omm 020 à Omm.024 de long, environ 4 fois p. |. q. 1. renfermées au nombre de 8 dans des thèques étroites, très resserrées à la base, de Omm,045 à Omm 048 de long sur Omm,009 à Omm,010 de large. Paraphyses grèles, flexueuses, distinctes. Périthécium dimidié, roux, saillant à la fin, terrniné par un ostiole papil- leux s’ouvrant rarement. Spermogonies inobservées. Habit. — KR. P. à ia base de rochers siliceux au Hohneck, et encore cette localité reste-t-elle douteuse, n'ayant pu retrouver mes échantillons. Il est à peu près certain, du reste, que cette espèce existe dans les hautes Vosges; elle a été récoltée en Bavière et, plus près encore de nos limites, à Heidelberg. 3. PORINULA PERSICINA Sagedia persicina Kœrb., Suyst., p. 364; Arn:, Jur , p. 275; Garov., Tent., p: 102 — 280 — Verrucaria persicina Nyl., Pyren., p. 36; Stitz., L. H., p. 250. Exs. Hepp, 69%; Flag., L. F, C., 143. Thalle mince, continu, tartreux farineux, blanc rosé ou cendré. Hypothalle indistinct. Apothécies petites, hémisphériques, noires, saillantes. Spores incolores, allongées, ou fusiformes, ou obtuses, ou plus souvent obtuses à une extrémité, atténuée à l’autre, 9-septées de Omm,016 à Omm 018 de long, environ 3 1/2 à 3 3/4 fois p. 1. q. 1., renfermées au nombre de 8 dans des thèques cylindriques étroites de 0,045 à Onm,055 de long, sur Omm 008 à Omm 009 de large ; elles y sont généralement uni- sériées. Paraphyses grèles, flexueuses, distinctes. Périthé- cium dimidié, hémisphérique, noir opaque, carbonacé, ter- miné au sommet par un ostiole non papilleux, rarement percé. : Spermogonies inconnues. I Sans action sur la gélatiue hyméniale. Habit. — R. Dans nos régions et toujours sur les calcaires un peu hu- mides ; route de Cléron à Ornans, à À kil. du village (Flag.); rochers om- bragés du Salève, au pied de la grande gorge (J. Mull.). On pourrait assez facilement la confondre avec Arthopyrenia saxicola Mass.; mais celle-e1 a le thalle plus cendré, les spores bi-sériées dans des thèques élargies assez fortement au-dessous du milieu. 4. PORINULA BYSSOPHILA Sagedia byssophila Kæœrb., Par., p. 355; Garov., Tent., p. 102; Arn, Jur., p. 275. Verrucaria byssophila Nyl. in Lojka, Hung., 150; Stitz., L. H., p. 250. Exs. Hepp, 695; Lojka, 150. Thalle mince continu ou un peu rimuleux, tartreux lé- preux, très souvent entremélé de filaments byssoïdes, d'un gris cendré un peu roux ou glauque. Hypothalle indistinct. Apothécies noires un peu plus grandes que dans la Por. persicina, semi-immergées, hémisphériques, ou plus sou- vent un peu tronquées. Spores incolores, fusiformes, tri- — 9281 — septées de 0mm,020 à Omm,096 de long, environ 4 fois p. 1. q. I. renfermées au nombre de 8 dans des thèques cylindriques étroites, très fugaces, atténuées à la base de Omm,045 à Omm,055 de long, sur 0n®,008 à Omm,009 de large. Elles v sont ou unisériées ou plus souvent partiellement bi-sériées. Para- physes grêles, flexueuses, distinctes. Périthécium dimidié, semi-immergé, noir carbonacé, un peu tronqué, terminé au sommet par un ostiole papilleux, déprimé. Spermogonies inconnues. J Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. P.R. Calcicole près de Monnetier (J. Mull.) 9. PORINULA CARPINEA Sagedia carpinea Mass., Ric., p. 160; Arn., Jur., p. 276. Sagedia ænea Kærb., Syst., p. 364. Verrucaria carpinea Ach., L. N.,p 281; Mougeot S. Vog.; Schær., Enum., pr. 221; Nyl., Pyren., p. 56. Verrucaria ænea Stitz., L. H., p. 249. Ex Schær, 1525: Hepp, 409: Malb : 200; Oliv, 294; Flagey, LESC. 144. Thalle mince, submembraneux, continu d’un brun noi- râtre, parfois hypophléode. Hypothalle imdistinct. Apothécies assez grandes, sphériques, noires, d’abord im- mergées, puis assez saillantes, Spores incolores, fusiformes, tri-septées, de Onm020 à O0mm096 de long, environ 4 à 4 1/2 fois p. 1. q. L., renfermées au nombre de 8 dans des thèques étroites, resserrées à la base, de Omm,044 à Omm047 de long sur Omn,008 à 0,009 de large. Paraphyses grêles flexu- euses, saillantes. Périthécium dimidié, hémisphérique. noir carbonacé, terminé au sommet par un ostiole à pa- pille très tenue. Spermogonies noires saillantes. Spermaties Omm,00% sur 0,%°0015 (Arn.) I Sans action sur la gélatine hyméniale. — 982 — Habit. - Espèce largement disséminée dans nos régions de plaine : cha- let de Montferrand, Laissey etce., etc., au bois du Vengeron (3. Mull.). toujours à la base des charmes , trouvée cependant sur des frènes au bois de la Batie par M. Muller. Elle se rencontre quelquefois en Suisse sur des sapins, c’est alors la Sagedia abietina Kœrb. Syst. p. 365. 6. PORINULA AFFINIS Sagedia affinis Mass., Mem., p. 138; Arn., Jur., p. 276. Verrucaria callopisma Garov., Tent., p. 110. Verrucaria affinis Leight., G. B., p. #72; Nyl. in litt, ad Stitz; Stitz. LH p: 249; Exs. Hepp, 458 ; Flag., L. F. G., 46. Thalle lisse, d’un blanc grisâtre, brillant, continu, relative- ment épais. Hypothalle ou indistinct, ou plus rarement dé- bordant en une ligne bleuâtre. Apothécies petites, hémisphériques, noires, d’abord immer- gées, puis assez saillantes. Spores incolores, allongées, obtuses aux deux extrémités, plus rarement atténuées en pointe à une seule, tri-septées, de 0®",014à Qmm 018 de long, renfermées au nombre de 8 dans des thèques fugaces, étroites, un peu renflées au sommet, fortement resserrées à la base de 0mm,040 à Onm,045 de long sur 0mm,009 à Onmm,011 de large ; elles y sont ordinairement bi-sériées au sommet et uni-sériées à la base. Paraphyses grèles, distinctes, flexueuses. Périthécium dimidié, semi-immergé, pâle en dessous, noir en dessus et terminé au sommet par un ostiole perforé à la fin. Spermogonies noires, petites, saillantes. Stérigmates simples. Spermaties de Ovm,0095 à Onm,0029 de long, sur 0"",001 de large. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Doit être assez répandue dans la plaine, mais facilement imobser- vée, à la base des frênes, au bord du Doubs à Thoraise et Laissey (Flag.); sur divers arbres près de Genève (J. Mulll.). pee ES STE FE AD a, EL Lu RER ARE ÈNE see 44 pe ” Ou À — 283 — GENRE ACROCORDIA Kœrb. Thalle crustacé uniforme, tartreux, farineux, épais dans les espèces saxicoles. lisse, membraneux, plus mince dans les espèces corticicoles. Gonidies subchroolépoïdes, ce qui place ce genre à côté des Porinula. Apothécies noires grandes ou petites: noires, semi-immergées, conoïdo-tronquées. Spores ordinairement ellipsoïdes, incolores ou brunissant très légèrement à la fin, renfermées au nombre de 8 dans des thèques très longues, étroites, cylindriques, non resserrées au milieu, mas atténuées à la partie inférieure. Paraplhyses orèles, flexueuses, distinctes. APAHSpeces saxicolesi ci PM uns 2 Espèces corticicoles /dans nos ur d AL reune 9 2. Apothécies grandes. .... PO RO EE CU Acr. cono dea Kærb. Mpolhécies petites. its, online Acr. spectabilis J. Mull. 3. spores plus grandes que dans les autres -es- pete 20-20 A Acr.macrospora. Mauss. Spores plus petites 11-19X06-9..:.,.:,.:.., Acr. gemmata Kærb. jeam . ACROCORDIA CONOIDEA Koerb., Syst., p. 398; Anzi, Cat. p.109: Arfa, Jure p.206. Sagedia conoidea J. Mull., Class., p. 78. Verrucaria conoidea Fr., L E., p. 432; Nyl, Scand., p 280 et Pyren., pba st Garov., Tent:,-p.09:Stitz, LH. p: 253. Verrucaria epipolæa Schær., Enum. (pr. p.}. Arthopyrenia epipolæa Mass., Ric., p.166. ExS. Hepp, 697 ; Malbr., 397; Flag. L. F. C.; n. 397. Thalle continu, tartareux, farimeux, moyennement épais, d'un gris cendré, rarement rosé. Hypothalle indistinct. Apothécies grandes, conoïdes, saillantes, d’un noir opaque, un peu saupoudrées de gris par le thalle. Spores incolores, ellipsoïides, 4-septées, quelquefois un peu resserrées au mi- leu moyennes, de Onm 043 à Omm 018: environ 2 fois p. 1. q. l.,renfermées au nombre des etunisériées dans des thèques, — 984 — cylindriques, non ventrues, resserrées à la partie inférieure, très longues, souvent recourbées, de Onm,100 à Omm 140 sur Omm,014 à Onm,016 de large. Paraphyses grèles, flexueuses, rameuses, distinctes. Périthéeium dimidié, conico-hémis- phérique, terminé au sommet par un ostiole papilleux, percé à la fin. Spermogonies non étudiées. [ Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Espèce assez répandue dans notre région sur les calcaires om bragés : bois de sapins à Boujailles; Salins près du cimetière; environs d’'Avoudrey etc. (Flag.) ; sur les parois des rochers humides au pied du Salève (J. Mull.). C'est la plante donnée par erreur dans le n° 44 de nos exsiccata, des li- chens de la Franche-Comté. sous le nom de Verrucaria hymenogonia (Ny1.). 2. ACROCORDIA SPECTABILIS Sagedia spectabilis Hepp in litt. ad Mull.; J. Mull., Class., p. 78. Je ne connais pas cette espèce recueillie par M. le Dr Muller sur des rochers calcaires du Salève, au dessus du Veyrier, avec Synalissa sale- vensis, Polyblastia sepulta et plusieurs autres espèces remarquables. Elle est très distincte par ses apothécies petites, et par ses spores grandes, qui ressemblent à celles de la Sagedia Nylanderi, Hepp E. K. n° 440, dont elle diffère par les apothécies, les thèques et le thalle. Voici la description donnée par ce savant : « Thallus farinoso-subtartareus (circa 1/2 mill. crassus), continuus, indeterminatus, pallide persicinus (pollicaris v. sequipollicaris). Apothecia obovoidea, parte dimidia thallo immersa, late obconica basim versus angustata, parte e thallo emersa hemis- phaerica, parvula levoluta 3/10-4/10 mm. lata), nigra, opaca, vertice demum minutissime foveolato-impressa. Asci cylin- drico-obovoïdei apicem versus sensim angustati, obtusi, basi brevissime angustati, apice pachydermi (100mm Iongi). Para- physes diffluentes. Sporae magnae (30-35mn Iongae, 8nae, hvya- linae) multiguttatulae, biloculares, oblongato-didymae, medio modice constrictae, 2 1/2-3 longiores quam latae. » = 98 — 3. ACROCORDIA MACROCARPA Acarospora macrocarpa Hmpe., Kærb., Par., p. 347. Verrucaria macrocarpa Stitz., L. H., p. 253. Thalle non déterminé, très mince, membraneux, blan- châtre. Hypothalle indistinct. Apothécies grandes, hémisphériques, saillantes, d’un noir opaque. Spores incolores, ellipsoïdes, 1-septées, assez grandes, de Omm, 020à Omm,095 de long, environ 2 fois p. 1. q. |., renfermées au nombre de 8 dans des thèques resserrées au sommet et en bas, de Omm,090 à Omm,100 de long, sur Onmm,015 à Omm,017 de large. Elles y sont généralement uni- sériées. Paraphyses grêles, flexueuses, distinctes. Périthé- cium dimidié, hemisphérique, saillant, noir carbonacé, ter- miné au sommet par un ostiole simple, troué à la fin. Spermogonies inconnues. J Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. —R.R.sur des racines dénudées de peupliers d'Italie surles bords de l’Arve près Genève (J: Mull.). Comme le fait observer Kærber, cette espéce est bien mal nommée, ses apothécies ne dépassant pas celles de lAcr. gemmata, et étant plus petites que celles de l'Acr. conoïdea. 4. ACROCORDIA GEMMATA Mass., Geneæ, p. 17: Koerb., Dust. D: 900; Arn., Jur., p. 207; J:Mull., Class, p.78: Arthopyrenia gemmata Mass., Ric., p. 166. Verrucaria gemmata Ach., Syn., p. 90; Fr., L. E.. p. 444; Ny1. Pyren., p. » et Scand., p. 180; Stitz., L. H., p. 253. Exs. Moug., 1064, Hepp, 104; Flagey, L. F. C., 145. Thalle très mince ou lisse, ou un peu lépreux, blanc ou blanc cenu, 6. Hypothalle indistinct. _ Apothécies grandes, hémisphériques, noires. Spores inco- lores, ellipsoïdes, 1-septées, moyennes de 0m®,012 à Omm 020 de long, environ 2 fois p. 1. q. L., renfermées au nombre de 8 et unisériées dans des thèques cylindriques non ventrues, — 286 — resserrées à la partie inférieure, trèslongues, souvent courbes. de Omm,100 à Omm,140 de long sur 0nm,0714% à Omm,016 de large. Paraphyses grèles, flexueuses, un peu rameuses. Pe- rithéeium dimédié, hémisphérique, noir, terminé au sommet par un ostiole simple, plus rarement papilleux percé à la fin. Spermogonies très saillantes, noires, petites. Stérigmates grèles, longs de Omm,013 à Omm 016. Spermaties très tenues, Omm, 003 (Tulasne). Ï Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit — N'est pas rare dans les bois de la plaine: Vosges (Mougeot), en- virons de Besançon, bois de Deluz, Montferrand, Saint-Vit sur les troncs des chênes et des sorbiers (Flag.); plus rare à Genève, sur un vie':x tronc de chêne près du petit Sacconex (J. Mull.). GENRE PVRENULA Ach. Thalle mince, ordinairement membraneux, blane, gris ou brun. Hypothalle plus ou moins distinct, contenant des ha- plogonidies. Apothécies noires, ordinairement saillantes, nues ou recouvertes par des verrues thallines. Spores brunes ou au moins plus ou moins colorées, 3-septées, plus rarement 5-septées, au nombre de 8 dans des thèques longues, cylin- driques, étroites, ou plus courtes et ventrues. Périthécium ou dimidié, ou plus souvent subentier. Paraphyses capillaires distinctes. Spermalies ordinairement aciculaires, arquées. 1. Thèques allongées, étroites, non ventrues.... . 2 Théques plus courtes, larges ventrues......... 4 2, Apothécies grandes ou moyennes immergées dans des verrues thallines, ........ TR NReRe Pyr. nitida. Schaer. Apothécies non immergées dans ces verrues.... 3 3. Apothécies moyennes ou petites. Spores ovoïdales, larges, 14-18X10-12....... ÉRET PnPU re 0 UN ON ToNTASSE 4. Apothécies très petites. Spores ellipsoïdales, al- longées, 21-25X7-8 No en UT NE OS A ee Pyr. Quercus Mass. D. Spores, 3-septées....,,.114.,.4. RQ ie Pyr. Coryli Mass. SDOrES DSepIéeS 0e Re A ... Pyr. Heppii Nœsg. Dalan à D: à É — 9281 — 1. PYRENULA NITIDA Schaer., Europ., p. 212; Koerb., Syst., p. 399; Mass., Ric, p. 162: J. Mull., Class., p. 90 ; AEne Ju. D: 208: Verrucaria nitida Schrad., Journ., 1801, p. 79; Ach., Meth., p. 121; NM Puren:,p: 4 et. Scand., p.279: Garov., Tent.;:p. 1920; Stitz., L. H, 209) Thalle continu, membraneux, mince, brillant, d’un brun ohvâtre. Hypothalle d’un brun noir débordant et limitant souvent le thalle. Apothécies grandes ou moyennes, subglobuleuses, solitaires ou géminées dans de grosses verrues thallines, d’un noir car- bonacé. Spores incolores dans le jeune âge, puis devenant brunes, subellipsoïdes, atténuées fortement aux extrémités, 3-septées de Onm,018 à Omm,027 de long, environ 2 à3 fois p. I. q. !., renfermées au nombre de 8 et ordinairement unisé- riées dans des thèques cylindriques très étroites, de Omm,100 à Omm,110 de long sur Omm,011 à Onm,013 de large. Para- physes arèles un peu rameuses. Périthécium presque entier, ou plus mince dans le quart inférieur, d’un noir mat, quel- quefois un peu cendré ou roux, hémisphérique ou subglobu- leux, à sommet terminé par un ostiole papilleux, puis percé à la fin. Spermogonies noirâtres, ordinairement nombreuses et placées de chaque côté de la ligne noire de Phypothalle dé- bordant, déprimées, très petites. Spermaties linéaires, ar- quées, d'environ Omm,018 à Omm 020 de long. Siérigmates simples, linéaires, courts. J Sans action sur la gélatine hyméniale. Type. Exs. Schær., 111; Hepp, 467; Malbr., 98; Flag., L.F.C., 195. — Apothécies grandes, les plus grandes du genre. Var. nitidella. Exs. Hepp, 468; Malbr., 49; Flag., L. F. C., 292. — Apothécies de moitié plus petites, semblables au type pour le reste. — 9288 — Habit. — Le type est commun sur les hêtres de nos montagnes ef sur quelques autres essences à écorce lisse, rare en plaine; la variété est plus disséminée sur les charmes et les fessêtres, Montferrand, Laissey. Pon- tarlier, environs de Genève, etc., etc. 9, PYRENULA GLABRATA Mass., Rie., p. 156: Kœrb., Syst. p.300; J'Mull'® Class /D°97 Pyrenula laevigata Arn., Jur., p. 269. Verrucaria glabrata Ach., Syn., p. 9%; Schaer, Spec., p. 57; Nvl., Pyren., p. 47; Garov., Tent., p. 193; Stitz., L. H., p.252. Exs. Schaer., 110; Mougeot, 950; Hepp, 227. Thalle brillant, lisse, mince, membraneux d’un blanc glauque, plus rarement cendré. Hypothalle incolore non dé- bordant. | Apothécies médiocres, d’abord innées, puis bientôt sail- lantes, hémisphériques, d’un noir mat. Spores ovoïdes, d’un brun dilué, tri-septées, de Onm, 014 à Onm,018 de long, 1 1/2 fois rarement 2 fois p. 1. q. l., renfermées au nombre de 8, et ordinairement uni-sériées, ou 2-4 bisériées dans des thèques cylindriques, étroites de 02m,070 à OmmO80 de long, sur Omm017 à Onm,018 de large. Paraphyses grèles, un peu rameuses. Périthécium dimidié, d’un noir mat, hémisphé- rique, terminé au sommet par un ostiole papilleux, percé à la fin. Spermogonies beaucoup plus rares que dans l’espèce pré- cédente et disséminées sans ordre sur le thalle. Spermaties aciculaires, courbées de Onm,015, à Onm,018 de long, Stérigmates courts. linéaires. I. Sans action sur le thalle. Habit.— Méconnue dans nos régions le plus souvent: Vosges (Mougeot) sur des charmes ; sur les mêmes arbres dans une haie entre Grange ca- nal et le bois de Fronteney, etc. Probablement aussi dans les forêts de nos montagnes (J. Mull.). — 289 — 3. PYRENULA QUERCUS Mass., Mém., p. 158. Pyrenula leucoplaca Kærb., Syst, p.361; J, Mull., Class., p. 91 (P, leucoplaca var. chrysoleuca|. Verrucaria Quercus Garov., Tent., p.126. Verrucaria farrea Ny1l., Pyren.. p. #7 et Scand, p.279; Stitz., L. H, p. 252: Verrucaria alba Schær. Exs. Schær., 175; Hepp, 957. Thalle mince ou très mince, membraneux, lisse, blan- châtre. Æypothalle noirâtre, débordant par endroit. Apothécies petites, punctiformes (environ 0,2 mill. de diam.) bientôt saillantes, hémisphériques très noires. Spores d’un brun dilué, ellipsoïdes, ordinairement pointues à une ou aux deux extrémités, 3-, bien rarement 5-septées de Omm,041 à Onm,095 de long, environ 2 1/2 à 3 fois p. 1. q. L., renfermées au nombre de 8 et obliquement unisériées dans des thèques étroites, cylindriques de 0mm,085 à Gmm,090 de long, sur Onm,012 à 0mm,013 de large. Paraphyses grèles un peu rameuses. Périthécium dimidié, très noir, quelquefois un peu infléchi en dedans à la partie inférieure, saillant en une calotte hémisphérique terminée au sommet par un ostiole à peine percé. Spermogonies non étudiées. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Ca et là sur les vieux chênes dans la plaine ; bois d’Osselle et de Saint-Vit ; sur de vieux chênes au bois de Vengeron et dans les bois entre Veyrier et Bossey. 4. PYRENULA CORYLI Mass., Rëéc., p. 164; Kœrb., Par., D.-94:-Arn., Jur., p.269: Arthopyrenia Goryli TJ. Mull., Class. p. 90. Verrucaria Coryli Nyl., Pyren., p. 47: Slutz.. L. H., p.252. Exs. Hepp, 465, Oliv., 147. 49 — 290 — Thalle hypophléodé presque nul, ou bien rarement indiqué par une petite tache. Apothécies petites, un peu déprimées, d’un noir brillant. ‘Spores d’un brun dilué, ellipsoïdes, arrondies aux extrémi- tés, de Omm,013 à Omm,017, environ 2 fois p. 1. q 1., renfer- mées au nombre de 8 et bi-sériées, au moins celles du mi- lieu dans des fhèques ventrues de Omm,045 à 0nm,055 de long, sur Omm,015 à Omm,018 de large. Paraphyses grèles, distinctes. Périthécium dimidié, ou infléchi en dedans à la base, hémisphérique, d’un noir brillant, un peu déprimé au sommet et terminé par un ostiole ouvert à la fin. Spermogonies inobservées. [ Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Sur les coudriers : Pontarlier, au bas du Mont d'Or près de Vallorbes ; en descendant du Veyrier près du moulin du village (J. Mull.). 9. PYRENULA HEPII Næc. et Hepp. Arthopyrenia Heppii J. Mull., Class., p. 90. . Sagedia Heppii Kærb., Par., p. 356. Verrucaria Heppii Garov., Tent., p. 131. Exs. Hepp, n. 463. Thalle lisse, mince, ou quelquefois un peu rugueux et subpulverent brunâtre. Æypothalle indistinet. Apothécies petites, hémisphériques, assez saillantes, très noires. Spores d’un brun dilué à la fin, longtemps incolores, e:hpsoïdes, allongées, très atténuées à une ou aux deux ex- trémités, de Onm,021 à Onm,095 de long, environ 4 fois p. 1. q. l., renfermées au nombre de 8 et bisériées, au moins au milieu, dans des thèques ventrues de 0®m,050 à Omm,060 de long, sur Omm 015 à Omm,018 de large. Paraphyses grêles, souvent un peu rameuses. Périthécium dimidié, élargi à la base et rentrant en dedans, noir, hémisphérique saillant et terminé par un ostiole très peu papilleux, ouvert à la fin. Spermogonies inobservées. — 291 — I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Méconnue dans notre région française. Sur les jeunes noyers sous Morney; on la trouve surtout sur les Jeunes branches des arbres (J. Mull.). GENRE ARTHOPYRENIA Thalle crustacé uniforme, farineux dans les espèces saxi- coles ; membraneux, mince, dans les espèces corticicoles, souventhypophléode ou nul. Hypothalle ordinairement indis- tinct, rarement noir et débordant. Apothécies ordinairement semi-immergées, noires, hémisphériques, où un peu dépri- mées. Spores variables, T-septées, incolores (excepté Arth. cinerella et. analeploide<), ou 3-5-6-septées et incolores, contenues au nombre de 8 dans des thèques obovées, rare- ment étroites, rarement aussi étroites au-dessus et brusque- ment renflées dans la moitié inférieure. Paraphyses ou nulles, ou assez distinctement visibles. Périthécium dimidié, semi-immergé, noir carbonacé. Spermogonies saillantes, ressemblant souvent aux apothécies et communes. Slérig- mates simples. Spermaties droites. 4. Spores 1-septées, incolores... . ..., 2 Spores 1-septées, brunes.....,...... D Spores tri ou pluriseptées. ........ Ô Dr Ras dé pPArAPNySeS.. 6... 4 Paraphyses visibles, ..7..:1..1,%.,.. 9 3. Thalle blanc ou grisâtre clair....... Arth. cinereo-pruinosa Schær. Thalle brun chataigne ou nul ..... Arth. fallax Nyl. 4 Thèques élargies depuis le sommet, DS DORCS 20 SUR Déesse Arth. epidermidis Ach. Thèques élargies depuis le sommet, SpOres To SUP ANT, ruine. , Arth. puncliformis Arn. ? Thèques étroites au sommet et élar- gies depuis la moilié inférieure... Arth. alomaria Arn. 5. Spores brunes 12-17. Spermates COUTLES 1... nee ones nn AUILecinerella Flot- Spores brunes 11-15. Spermates du double plus longues.........,... Arth, analeptoides Bagl. 6: Espèces corticicoles..,..., : 7 ÉSpéces Saxicoles. 2.2.0 10 17 Spores tFIÉSeDIÉeS ee Rene 8 Spores 5-6-7 septées.,.,...,.,..... 9 8. Apothécies toutes ou la plupart ellip- LIQUES Sa ner D RP Arth. cerasi Schrad. Apothécies toutes ou la plupart orbi- CGUIAITES De ….. Arth. rhyponta Kœærb. 9. Spores 5-septées 16-20X6-7 ....... Arth. pluriseptata Nyl. Spores très fusiformes 5-7 septées DDR 45... 0. URL . Arth. netrospora Mass. 10. Spores 3-seplées, arrondies aux ex- trémités. Thèques obovées ren- flées. Apothécies petites... ........ Arth. saxicola Mass. Spores 3-septées, fusiformes. Thèques étroites lanciolées. Apothécies ex- CESSIVEMENMpENeS ee Arth. inconspicua Lahm. 1. ARTHOPYRENIA EPIDERMIDIS Verrucaria epidermidis Ach., Un., p. 275 (pr. p.); Nyl. Garov. Tent., pe 80: Shi, LE pp 25%. 2. Arthopyrenia punctiformis Anzi, Gat.; J. Mull., Class., p.89; Arn., Jur., p. 272. Thalle le plus souvent hypophleode, plus rarement épi- phléode et alors déterminé, ou non, en général continu, membraneux, rarement granuleux, brillant ou mat, brun, olivâtre, plus rarement cendré. Hypothalle ordinairement indistinct, moins souvent foncé et débordant. Apothécies moyennes, petites ou très petites, saillantes, en général arrondies, moins souvent un peu elliptiques, hé- misphériques ou peu ellipsoïdes noires. Spores ellipsoïdes, incolores, 1-septées, mais contenant souvent 2-4 gouttelettes, de Omm,014 à 0M® 022 de long, environ 4 fois p. 1. q. 1., ren- fermées au nombre de 8 dans des thèques obovées, non res- serrées dans la première moitié de Omm050 à Omm,065 de long, sur 0,090 à Omm,095 de large. Périthécium dimidié, élargi à la base, hémisphérique, saillant, d’un noir carbonacé. Paraphyses ordinairement nulles ou peu visibles. — 9293 — Spermogonies, petites, noires, sallantes ressemblant beau- coup aux apothécies. Stérigmates Simples. Spermaties droites, plus ou moins longues, bacilliformes d’environ Onn,045 à 0,005 mill. « Var. fraxinea. Exs. Hepp, 454; Flag., L. F. C, 246. Apo- thécies petites en général. Spores plus étroites, environ 5 à 6 fois p. 1. q. 1., 14-22 X 4. Spermaties droites, Omm,003-4 X Omm,001 (Arn ). ses B Var, analepta Ach. Exs. Mougeot, 364; Hepp, 453. — Thalle ordinairement épiphléode, très mince, membraneux, légèrement brillant, d’un gris cendré ou brunâtre. Apothécies moyennes, quelques-unes souvent elliptiques. Spores plus larges, 3 1/2 à A0iSep 1 qi. y Var. pyrenastrella Nyl. Pyren., p. 59. Exs. Anzi, 207, 469; Rabh., 726. — Apothécies confluentes par la base. I Sans action sur la gélatine hyméniale dans toutes les variétés. Habit. — Espèce des plus répandues dans nos régions. Les var. fraxi- nea et analepta sur les écorces lisses des jeunes arbres, frènes, bouleaux, trembles, ete., dans toute la plaine et la moyenne montagne. La var. pyre- nastrella est beaucoup plus rare ou tout au moins passée inaperçue; sur de Jeunes frênes près des sources d’Arcier (Flagey). 2, ARTHOPYRENIA PUNCTIFORMIS Arn., Jur., p.271; Krplh., Lich. bayr. (pr. p.); Anzi, Cat, (pr. p.), p. 108. Pyrenula punctiformis Hepp, Eur... (pr. pi). Verrucaria punctiformis Ach., L. U.,, p. 141, Syn, p. 87; Nyl., Scand.. p. 281; Pyr. Or., p. 66 et in Hue Add., p. 404; Lamy, Caf., 4166: Stitz., L H,, p.295. Thalle en général hypophléode, indéterm’né, très rarement limité, très mince, d'un brun olivâtre ou rougeâtre, parfois indiqué par une tache blanchâtre Hypothalle ordinairement indistinet. Apothécies petites sous forme de petits points noirs sail- lants semi-globuleux. Spores oblongues, ou un peu allongées, 4-septées, contenant ordinairement 2-4 gouttelettes. légère- — 9294 — ment resserrées au milieu. de 0,012 à Om 017 de long, environ 5 1/2 fois p. 1. q. |. renfermées au nombre de 8 dans des thèques oblongues ou un peu allongées de Omm05$S à OMM,065 de long, sur 0,018 à Omm 020 de large. Périthé- cium dimidié, hémisphérique, moyennement saillant, car- bonacé. Paraphyses invisibles. Spermogonies ressemblant absolument aux apothécies, Sté- rigmates simples. Spermaties droites Onm,003-4 à OmmO01 (Arn. in Flora). « Type. Thalle à peu près invisible. Exs. Flag., L. F. C., 246. B Var. tremulæ Ach., Nyl., in Flora, 1879, p. 363. — Thalle mince, visible cependant et indiqué par une tache blanchitre. Habit. — Le type est assez répandu dans toutes nos limites sur les écorces lisses des frênes, charmes, etc. La var. tremulæ est beaucoup pius rare, elle se rencontre par ci par là sur les écorces lisses des peupliers. 3, ARTOPYRENIA ATOMARIA (Ach., Prod.,1798,16). J. Mull Class, p.89; Arn., Jur., p. 2178. Exs. Hepp, 456 (pr. p.); Rabh. 629 ; Arn, 205. Thalle en général hypophléode, indéterminé, très mince, d’un brun olivâtre ou rougeâtre, plus rarement indiqué par une tache blanchâtre. Hypothalle ordinairement indistinct. Apothécies plus petites encore que dans l’Arth, punctifor- mis, mi-saillantes, toujours très arrondies, jamais ellipti- ques. Spores oblongues ou un peu allongées, Î-septées, contenant ordinairement 2 gouttelettes, légèrement resser- rées au milieu de 0mm,013 à Omm 015 de long, environ 3 fois p. 1. q. l., renfermées au nombre de 8 dans des thèques res- serrées au sommet et à la partie inférieure et très distincte- ment renflées au-dessous du milieu, et souvent terminées en queue, de Oùm,060 à Omm,070 de long, sur Omm,018 à Omm 020 de large. Paraphyses indistinctes. Périthécium dimidié, hé- misphérique, moyennement saillant, carbonacé, à sommet restant très longtemps fermé. dde — 9295 — Spermogonies ressemblant absolument aux apothécies. Stérigmates simples. Spermalies droites, 0OMm,003 sur Omm,001 {Arn. Jur. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Espèce plus répandue encore que la punctiformis, sur les frènes, les peupliers dans les environs de Besançon et dans une bonne partie de la Franche-Comté. Dans les environs de Genève, sur les mêmes arbres et en plus sur les aulnes, les chênes et les saules (J. Mull.) Cette plante est ordinairement réunie à Arth. punctiformis. M. Muller, croit que c'est une bonne espèce; Je suis de son avis, non à cause de la moindre dimension des apothécies, mais à cause de la forme spéciale des thèques, et ce n'est pas une simple modification dans notre région, puis- qu'à Constantine J'ai retrouvé la même plante abondante et avec les mêmes caractères. 4. ARTHOPYRENIA FALLAX Arn., Jur., p. 270, et Munch., D: 119: lerrucaria fallax Nvyl. in Bot. 1852, p. 178; Pyren.p. 59 et in Hue Aod..1p: 200: Sutz., L. H. p.254. Exs. Schær., 287; le Jolis, 140 ; Hepp, 451 ; Malbr., 99 ; Oliv., 49; Flag. L. F. C.,146 ; Roumesg., 399. Thalle à peu près nul, hypophléode quand il existe, et gé- néralement invisible. Apothécies un peu plus grandes et plus dispersées que dans l’Arth. epidermidis, assez sallantes, semi-globuleuses, noires. Spores éllipsoïdes ou oblongues, 1-septées, contenant ordinairement 2-4 gouttelettes de Omm 019 à Omm 022 de long, environ 3 1/2 fois p. L. q. L., renfermées au nombre de 8 unisériées dans des thèques cylindriques étroites de Omm,080 à Omm,085 de long, sur Omm,018 à Omm, 090 de large. Périthé- cium dimidié, élargi à la base, hémisphérique, saillant, car- bonacé. Paraphyses grèles, capiilaires très distinctes. Spermogonies petites, noires, saillantes, beaucoup plus petites que les apothécies. Stérigmates simples. Spermaties aciculaires de 0MMm,007-10 de long sur Owm,0007 à Omm,001. (NyL.) — 296 — Habit. — Espèce très largement disséminée en France et en Algérie. Commune dansnos limites, surtout sur les écorces lisses des jeunes chênes dans tous les environs de Besançon, plus rare sur l’écorce des peupliers dans la moyenne montagne. L’Arth. fallax à été longtemps confondue avec l'Arth. epidermidis, dont elle doit être séparée à cause des apothécies plus grandes, des para- physes toujours bien visibles et surtout par les spermaties aciculaires allon- gées, au lieu d’être baccilliformes. 9. ARTHOUPYRENIA CINEREO-PRUINOSA Kœrb., Par. p.391; Arn., Jur., p. 271. | Arthopyrenia cinereo-pruinosa var. galactina Mass., Sym., p. 117. Verrucaria cinereo-pruinosa Schær., Enum. p. 221; Garov., Tent., p.84; Nyl- Puren.. p. 29° Stitz., LH, (p. 25% Exs. Hepp, 107; Malbr., 199 ; Oliv., 148,298 ; Roumeg., 332 ; Flag. L. F. C., 247, 293. Thallé indiqué par une tache blanche, très mince, mem- braneux, brillant. Hypothalle où indistinct, ou plus foncé et limitant le thalle, mais rarement. Apothécies petites, nombreuses, saillantes arrondies, hé- misphériques. Spores incolores, oblongues, 1-septées, sou- vent avec 2-4 gouttelettes, de Omm 018 à Omm 021 de long, environ 3 fois p. 1. q. l., renfermées au nombre de 8 dans des thèques oblongues de Omm 050 à Omm,052 de long, sur Omm,020 à Omm,021 de large. Paraphyses distinctes, ra- meuses, très peu articulées, en général bien visibles. Péri- thécium dimidié, moyennement saillant, carbonacé en des- sus, plus pâle en dedans, à pore ouvert à la fin. Spermogonies et Spermaties comme dans Arth. epider- midis. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Var. lactea. Mass., Syn.; Exs. Hepp, 455; Rabh., 328; Flag, L. F, C., 45.— Thalle ordinairement limité par une ligne noire, d’un gris clair où d’un blanc lacté, un peu pulvérent. Apothécies petites, nombreuses, ou éparses ou agglomérées, arrondies. Perilthecium à pore s’ouvrant de bonne heure. CVVCP " — 9297 — Habit. — Le type est commun dans toute la plaine, sur les écorces lisses de différents arbres. La var. lactea se rencontre sur les jeunes peupliers d'Italie dans les environs de Besançon, Mont, Roche, etc. 6. ARTHOPYRENIA CINERELLA l’errucaria cinerella, Flot., Nyl., Pyren., p. 60 ; Scand., p. 281, et in Eue, Add:, p. 907 ; Stitz:, L. H., p. 257. Pyrenula melanospora Hepp. Microthelia atomaria Kærb., Syst., p. 37 Exs. Hepp F. Æ. n. 710. Thalle presque nul, toujours très mince, quand il existe, et à peine indiqué par une tache d’un blanc grisàätre, indéter- miné. Hypothalle absolument indistinct. Apothécies petites, dispersées, sous forme de petits points noirs saillants, semi-globuleux, ou un peu déprimés, ne dé- passant pas 0,3 millim. en diamètre. Spores noires où brun foncé, ellipsoïdes, peu ou pas resserrées au milieu, rarement atténuées à une extrémité, contenant souvent 2 gouttelettes, 1-sépiées, de Omm 012 à Omm 017, environ 2 fois p. | q. |, renfermées au nombre de 8 dans des thèques oblongues ou un peu allongées de Omm,636 à Omm 038 de long. sur Omm,012 à Omm 0145 de large. Paraphyses grèles à peine distinctes Périthécium dimidié, hémisphérique où un peu déprimé, luisant, carbonacé. Spermogonies ressemblant beaucoup aux apothécies, ordi- narementun peu plus petites, et un peu moins saullantes Sterigmates simples. Spermaties droites, à Omm,003-4 sur Onm,000h-8. Habit. — Espèce très rare dans nos régions, ou plutôt méconnue et confondue avec d’autres telles que lArth. puncliformis, qui lui ressemble beaucoup à lextérieur, surtout dans sa variété Tremulæ: sur quelques Jeunes écorces près de Pontartier. Recueillie par Hepp sur le Mespilus germanica dans les environs de Zurich. — 9298 — 7. ARTHOPYRENIA ANALEPTOIDES Verrucaria analeptoïdes Bagl. et Carr., Lich. n. val., p. 416 ; Nyl., in Flora, 1873, p. 300, et in Hue, Add., p. 300 ; Stitz., L. H., p. 257. Thalle presque nul, toujours très mince quand il existe et à peine indiqué par une tache d’un blanc grisâtre indéter- miné. Hypothalle invisible. Apothécies petites dispersées, sous forme de petits points noirs saillants semi-globuleux, ne dépassant pas 0,3 mill. en diamètre. Spores brunes, ellipsoïdes, peu resserrées au mi- heu, rarement atténuées à l'extrémité inférieure, 1-septées, de Omm,O1T à Omm.015, environ 2 à 2 1/4 fois p. L. q. 1., ren- fermées au nombre de 8 dans des thèques oblongues ou un peu allongées de 0mm,034 à 0®m,035 de long, sur Omm,011 à Omm,013 de large. Paraphyses indistinctes. Périthécium di- midié, hémisphérique, luisant, carbonacé. Spermogonies ressemblant beaucoup aux apothécies, ordi- nairement un peu plus petites et un peu moins saillantes. Slérigmates simples. Spermaties droites de Omm,006 à 7, sur Omm,0005, Habit. — Espèce un peu plus répandue et plus connue que l’arth. ei- nerella ; elle se trouve sur les Daphne mezereum des Alpes. R. R. dans nos régions où elle n’a été recueillie qu’au Reculet par M. Muller. Elle est très voisine de la précédente dont elle se distingue par les spores un peu plus petites, différence qui suffirait à peine pour en faire une va- riété sans les spermaties qui sont bien caractéristiques ; elles sont presque du double plus longues et un peu plus étroites. 8. ARTHOPYRENIA CERASI Kœærb., Syst., p. 369; J. Mull,, Class., D. 90 ; Mass., Ric., p. 332; Arn , Jur., p. 273. Verrucaria Cerasi Schrad; Ach., L U. p.276; Nyl. Scand., p. 281; Pyr. or., p. 1, et in Hue Add., p. 304; Garov. Tent., tab. vit; Stitz., L. H.,p. 234. ÀArthopyrenia stygmalella, var. carpinella. Anzi, Lich. Venet. Pyrenula cerasi Hepp. Exs. Schær., 644; Hepp, 457; Malbr., 400 ; Oliv., 247 ; Flag., L. F.C.,245. — 999 — Thalle membraneux cartilagineux, formant depetites taches blanchâtres ou d’un gris plombé, parfois limité par une ligne noire. Hypothalle où peu distinct, ou noir décussant. Apothécies médiocres ou petites, hémisphériques, ou sou- vent un peu elliptiques, saillantes, dispersées ou un peu con- Ligues, disposées parfois en ligne surtout sur les Cerisiers d'environ 0, 5-6 null. de diamètre. Spores obovales un peu allongées, incolores, 1-2-3 septées suivant l’âge, de Om 0929 a 08002 de long, environ, 2 1/2 fois p.1. q. l:; renférmées au nombre de 6, bien plus rarement 8, dans des thèques al- longées, renflées au sommet de Omm,066 à Omm 070 de long. sur 0"m,020 à Onm, 022 de large. Paraphyses où peu distinctes ou assez visibles, et alors assez bien articulées et rameuses. Périthécrum dimidié, noir, carbonacé en dessus, hémisphé- rique, fermé par un pore qui s'ouvre à la fin, presque aplati. et très peu coloré en dessous. Spermogonies assez semblables aux apothécies ; mais plus petites et toujours globuleuses. Stérigma!es simples. Sper- maties droites, d'environ Onm,0035-45 sur Omm,0008-9. Habit. — Celte espèce n’est pas rare sur les cerisiers de la plaine ; elle ne monte guère au-dessus des vignes ; environs de Besançon, Beure, ele., (Flagev) ; au Salève, aux Etrambières près Genève, etc. (J. Mull.) 9. ARTHOPYRENIA RHYPONTA Koerb., Par., p. 392. Verrucaria rhyponta Ach., L. U. p. 282 et Syn. p. 89; Schær Enum., DU NvyE, Prodr p.191: Pyren , p: 60 et Scand., p.281; Sutz., L. He p:2595; Verrucaria fumago Wallr., Cr. Germ , 1 p. 298. Exs. Schær., L. H., 591; Mougeot, St. Vog., 550; Roumey, 127 ; Flag., L,. F, C., 448. Thalle très mince formant des taches d’un brun noirûtre. Hypothalle presque mvisible. Apothécies très tenues, assez peu saillantes. Spores Inco- lores, ovoïdes ou plutôt oblongues, triseptées de Omm,018 à Onn,023 de long, environ 3 1/4 à 3 1/2 fois p. 1. q. L., renter- — 9300 — nées au nombre de 8 dans des thèques oblongues de Onm,050 à Omm,058 de long, sur Omm,018 à Omm 020 de large. Périthé- cium dimidié, aplatien dessous, noir carbonacé, hémisphé- rique ne s’ouvrant que tard. Paraphyses nulles. Spermogonies petites noires, punctiformes. Stérigmates simples. Spermalies droites d'environ 02,004 sur Omm 0005. (Arn. Munch). : Var. Laburni. J. Mull. ; Exs. Flag., L. F. C., 348. — Les spores sont moins visiblement 3-septées que dans le type, la cloison du milieu est seule bien visible; elles contiennent ordinairement 4 à 6 gouttelettes, leur dimension est celle du type; les thèques sont un peu plus enflées. Habit. — Le type est très rare dans nos régions, sur les rameaux des trembles, bouleaux, peupliers d'Italie, etc., notamment dans les environs de Genève ; la var. Laburni sur des cytises en montant au Salève, sur les mêmes arbustes entre F'allorbes et le Mont d'Or. 10. ARTHOPYRENIA NETROSPORA Arn., Jur., p. 270. l'errucaria Thuretii Garov., Tent , p. 136. Sagedia Thuretii Kœrb., Syst., p. 366, et Par., p. 358. Pyrenula netrospora Næg., Hepp. lerrucaria chlorotica Ach., L. U., p. 283, Nvyl., Pyren., p. 36. Verrucaria netrospora Stitz., L. H., p. 250 Exs. Hepp, 461 (pyrnidifera, 462) ; Rabh., L. L., 599. Thalle mince, indéterminé, continu ou en petites taches, membraneux, brillant ou un peu opaque, d’un gris glauque ou cendré. Hypothalle peu distinct. Apothécies petites, nombreuses, rapprochées, hémisphé- riques, assez saillantes, souvent maculées par une poussière thalline, opaques, noires. Spores très fusiformes, incolores, 9 à 7 septées de 0®m,024 à Om®,027 de long, environ 5 à 6 fois p la. l, renfermées au nombre de S/dans dés vhegres étroites, allongées, cylindriques ou à peine renfléesau milieu de Onm,055 à Omm,060 de long, sur 0%m,011-12 ou parfois Onm,015 à 16 de large. Paraphysestrès grèles, très flexueuses, — 901 — peu visibles. Périthécium dimidié, hémisphérique en dessus et carbonacé, pâle et plus aplati en dessous. Spermogonies non étudiées. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Assez rare dans nos régions, ou plutôt inobservée : sur les charmes près du Vevyrier (J. Mull.). 11. ARTHOPYRENIA PLURISEPTATA Verrucaria pluriseptata Nvyl., Prodr , p. 189 ; Pyren., p.58, et in Hue Add.; p.505; SUtz., L. H. p. 258. Arthopyrenia Juglandis Mass., Sym., p. 115. Verrucaria Heppii Garov., Tent., p. 151. Pyrenula Heppii Næg., Hepp, Exs. Schær., L' H.; 645 ; Hepp, F. E., 955, 956. Thalle hypophléode, membraneux, continu, parfois un peu déterminé, rugueux opaque d’un gris cendré, passant parfois au brun rougeûtre, souvent presque nul. Æypothalle ou plus foncé ou souvent indistinct, . Apothécies petites, punctiformes, hémisphériques, ou plus souvent un peu déprimées, mi-saillantes, éparses ou rappro- chées, d’un noir un peu opaque. Spores incolores, oblongo- -ovoïdes, 5-septées, plus rarement 6-7, de Omm,016 à Omm,020 de long, environ 2 3/4 à3 fois p. 1. q. l.,renfermées au nombre de 8 dans des thèques oblongues renflées au ventre, parfois un peu pyriformes de Onm,058 à Onm.062 de long, sur Omm,018 à Omm,022-24 de large. Paraphysesordinairement imdistinctes, courtes, grèles et un peu rameuses quand elles sont visibles. Perithécium carbonacé, peu épais, incolore et très aplati en dessous. Sperm gonies petites, punctiformes. Stérigmates simples. Spermaties droites, grèles de 0m,0035 sur Omm,0005. (N yl1). [ Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Rare en Franche-Comté, sur des noisetiers à Laissey et à Pontarlier (Flagey); sur des frênes et des charmes à Mornex (J. Mull.) — 902 — 19. ARTHOPYRENIA SAXICOLA Mass., Framm., 24; Koerb., Syst., p. 366 et Par.. p. 386 ; Arn., Jur., p. 269. Sagedia Massalongiana Hepp, 1857. l'errucaria cæsiæ forma minor Nyl, Pyren., p. 55. Exs. Hepp, 5%% ; Arn., 17 ; Anzi, 490. Thalle tartreux ou même un peu farineux, d’un gris cendré ou plombé, ordinairement indéterminé, plus rarement limité par un hypothalle brunâtre. Apothécies très petites, noires, saillantes globuleuses. Spores incolores, oblongues ou un peu atténuées aux extré- mités, parfois un peu courbées, 1-septées dans le jeune âge : mais normalement 3-septées, de Omm,014 à Onm,019 de long, environ 3 à 3 1/2 fois p. 1. q. L., renfermées au nombre de 8 dans des thèques renflées au ventre, souvent plus étroites et un peu vides au sommet, de Omm,068 à Omm,072 de long, sur Onm 022 à Onm 024 de large. Paraphyses à peu près invi- sibles. Perithécum très noir aux 3/4, plus pâle au 1/4 inté- rieur, globuleux, à ostiole papilleux, s’ouvrant à la fin. Spermogonies inconnues. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Cette espèce ne doit pas être très rare sur les caicaires des plaines de Franche-Comté et des moyennes montagnes : à Trois-Chatels contre des parois calcaires en descendant le petit sentier qui conduit de la pelouse à la grotte ; à la source du Lison (Flag.) C'est bien la verrucaria cæsia minor du D' Nyl. Pyren. p. 55 avec spores 3-septées ; mais non la forme persicina Pyren.p. 36. Dans celle-ci les paraphyses sont beaucoup plus visibles, et les thèques moins renflées au ventre. 13. ARTHOPYRENIA INCONSPICUA Lahm. in litt. ad divers.; Koerb., Par., p. 387. l'errucaria inconspicua Nyl.in Flora, 1865, p. 213; Stitz., L. H., p.256. Thalle mince, tartreux lépreux, d’un gris cendré un peu — 303 — brunâtre, souvent presque nul. Hypothalle ordinairement indistinct. Apothécies agglomérées, des plus petites, subgloïuleuses, noires. Spores incolores, oblongues, ou atténuées aux extré- mités, simples ou plus tard 1-3 septées, de Omm,008 à Omm,010 de long, environ 3 à 3 1/2 fois p. 1. q.I., renfermées au nombre de 8 dans des thèques étroites, cylindriques de Omm,040 à Omm,046 de long, sur Omm,010 à Om,012 de large Paraphyses absolument indistinctes. Perithécium noir, subglobuieux, visible seulement à l’aide de la loupe, à sommet paraissant fermé par une papille s’ouvrant à la fin. Spermogonies inconnues. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Cette espèce est ou trés rare dans nos régions, ou ce qui est plus probable, inobservée à cause de son extrême ténuité ; ce n’est qu’en visitant les roches à la loupe qu'on peut la découvrir ; elle a été recueillie dans des anfractuosités calcaires du Salève par M. le Dr Muller. GENRE LEPTORRAPHIS Thalle membraneux, hypopléode, très mince, souvent nul. Hypothalle indistinct. Apothécies elliptiques ou orbiculaires, _semi-immergées. Spores allongées étroites, fusiformes, aci- culaires, incolores, ordinairement simples, plus rarement 3-4-5 septées, souvent un peu courbées. Paraphyses absolu- ment indistinctes. Perithécium dimidié, noir, semi-globuleux. brillant, à ostiole très peu déprimé et s’ouvrant à la fin. Sper- mogonies punctiformes. Spermaties droites, peu allongées. Stérigmutes simples. Apoïhécies petites, souvent arrrondies Ou un peu eilipsoïdales. Spores 30-35 sur 3. Croit ordinai- émentsurles-bouleaux tr ir eue. Leptor, oxyspora NyYl. Apothécies presque toujours ellipsoïides. Spores 39-42 sur 2. Croit ordinairement sur les chênes Leptor.quercus Krb. Apothécies plus petites. Spores 21-25 sur 2, 5-5. Croit ordinairement sur les trembles et les peu- DITS NOIRS. 5.4 ee. ice NES ET ..,.... Lépior-tremulæ Krb: — 304 — 1. LEPTORRAPHIS OXYSPORA Koerb., Syst., p. 371. Leptorraphis epidermidis Arn., Jur., p.274. Verrucaria oxyspora Nyl., in Bot., 1852, p. 179, et Pyren., p. 61 ; SO SH 50e Garoys Teint nel Exs. Schær., 107 p. p.; Hepp, 460 ; Nyl., Par., 149 ; Malbr., 100 ; Oliv., 50; Roumeg., 347. Thalle ou très mince ou le plus souvent complètement nul. Apothécies petites, souvent arrondies et disposées en ligne suivant les fibres de l’écorce. Spores incolores, fusiformes, courbes, ordinairement simples, plus souvent 1-3-5 septées de Omm,030 à Onm 055 de long, environ 10 à 11 fois p. L. q. 1, renfermées au nombre de 8 dans des thèques allongées de Onm,056 à Onm,058 de long, sur Omm,011 à 8mm 013 de large. Paraphyses absolument indistinctes. Perithécium dimidié, noir, carbonacé ombiliqué, papilleux au sommet et ne s’ou- vrant que tard, ou pas du tout. Spermogonies punctiformes. Stérigmates simples. Sper- malies droites de Omm,004-5 sur Omm 001 (Ny1.) [ Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Cette petite plante est très répandue sur lécorce lisse des bou- leaux : environs de Besançon, forêt de Chaux, forêt de la Serre, etc., etc. (Flag.) Egalement dans les environs de Genève (J. Mull.). 2. LEPTORRAPHIS QUERCUS Kœærb., Par., p. 385 : Arn., Munch., p.194. l'errucaria quercus Nyl., in Flora, 1875, p. 14 Exs. Arn,, 4510. Thalle hypophléode, ou très mince, ou le plus souvent complètement invisible. Hypothalle nul. Apothécies rarement arrondies, ordinairement elliptiques, éparses. Spores incolores, ou parfois un peu brunûâtres, courbes, plus pointues à une extrémité qu'à l’autre de Omm035 à Omm, 042, environ 15 fois p. L. q. 1., rangées au nombre de8 en — 305 — deux séries dans des thèques allongées, très étroites de Onm,058 à Omm,062 de long sur Omm,010 à Omm,041 de large. Paraphyses absolument indistinctes. Périthécium dimidié, noir, carbonacé, ombiliqué, papilleux au sommet, où il reste presque toujours fermé. Spermogonies punctiformes. Stérigmates et Spermaties bien probablement analogues à ceux de lespèce précédente. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Espèce beaucoup plus rare que la précédente, ou plutôt mé- conaue, étant beaucoup plus difficile à voir. Cà et 1à dans les bois des en- virons de Besançon, sur l'écorce lisse des chênes. Dans les mêmes condi- tions près de Genève (J. Mull.). 3. LEPTORRAPHIS TREMULZÆ Koerb., Syst, p. 372; Arn., Jur., p. 279, et Munch., p. 122. l'errucaria tremulæ Nyl., in Norrl., Kar., p. 40. Verrucaria populicolaNyl., in Norrl., Lapp.,1873; Stitz., L. H.,p. 259. Exs. Hepp, 706 ; Anzi, Lang., 5921 ; Malb., 300 ; Arn., 774. Thalle hypophléode, mince, lépreux, d’un gris cendré, ou plus noirâtre, plus souvent visible que dans les deux espèces précédentes. Hypothalle nul. Apothécies très petites, agrégées ou dispersées, émergeant au 2/3. Spores plus petites, incolores, fusiformes, courbées, simples, plus rarement 1-3-septées de OmmO2T à Omm 095 de long, environ 8 fois p. L. q. |., renfermées au nombre de 8 et bisériées, dans des thèques cylindriques, étroites, de Onn,050 à Onm,053 de long, sur Omm, 011, à Omm,012 de large. Paraphyses absolument indistinctes. Périthécium dimidié, semi-globuleux, noir opaque à ostiole presque invisible . même à la loupe. Spermogonies absolument semblables aux apothécies. Sté- rigmates simples. Spermaties de Onm,0035 à Omm0045 de long, sur Omm 0008-9 de large. I Sans action sur la gélatine hyméniale. — 306 — Habit. — Espèce mieux connue dans nos régions. que la précédente : sur les peupliers noirs et surtout sur les trembles dans les bois des envi- rons de Besançon, et de la forêt de Chaux, M. le D' Muller l’a recueillie dans les environs de Genève sur Acer platanoïdes. GENRE SARCOPYRENIA Thalle nul. Apothécies grosses, hémisphériques gibbeuses. Spores vermiformes flexueuses. Thèques cylindriques, fusi- formes, étroites. Paraphyses indistinctes. Spermogonies nulles. 1. SARCOPYRENIA GIBBA Nyl., Pyren., p. 69: Stitz., L. H., p. 260. Verrucaria gibba Nyl., Alger., p. 322 ; Prodr., p. 185. Lithosphæria Geisleri Kærb., Syst., p. 382. Exs. Flag., Lich. Alg., n. 284. Thalle à peu près nul. Apothécies superficielles, hémisphériques, gibbeuses, grandes, très noires. Spores incolores, vermiformes, acicu- laires, flexueuses et même presque deux fois contournées en spirale, de Omm 034 à Om 040 de long, environ 40 à 11 fois p. 1. q. l., renfermées généralement au nombre de 5 dans des thèques cylindriques étroites, pointues au sommet, de Onm,050 à 0,mm055 de long, sur Onm, 011 à Omm0M3 de large. Périthécium noir, globuleux, dimidié, d'environ 0,5 mill. de large, corné à l'extérieur, plus épais et stromateux, incolore à l’intérieur. Paraphyses indistinctes. Hymenium incolore. Spermogonies nulles. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Très rare dans nos régions et seulement sur les rochers au bord de l’Arve du côté du Mont Salève (I. Mull.), GENRE BAGLIETTOA Thalle peu visible ou nul. Apothécies verrucarioïdes; mais — 307 — fendillées dans le sens radial et s’ouvrant à la fin par un pore 3-4 fendillé stellé. Paraphyses imdistinctes. 1. BAGLIETTOA LIMBOROIDES Mass., Mem., p. 147, Bagliettoa sphinctrina Kœærb., Syst., p. 379 ; J. Muil., Class., p. 77. Limborina sphinctrina Duf.. Schær., Enum., p. 25; Nyl, Pyren., DO Stitz LH, p. 259. Exs. Schær., L. H., 104 pr. p. Hepp, F. E,. 418 (in mult. exempl.) Thalle à peu près nul, ou amylacé et blanchâtre et alors mince et peu étendu. Apothéciés hémisphériques ou un peu déprimées, petites ou moyennes immergées. Spores incolores, oléagineuses, simples, ellipsoïdes de OnmOTS à Omm,02% de long, environ 2 à 2 1/2 fois p. L. q. 1., renfermées au nombre de 6-8 dans des thèques obovoïdales, de Cmm,066 à Omm,072 de long, sur Omu,02% à Om, 096 de large. Paraphyses absolument indis- tinctes. Périthécium dimidié, ou parfois 2/3 entier, carbo- nacé, déprimé, d’abord fermé, puis s’ouvrant par un poré fendu en 3-4 rayons. Spermogonies inobservées. I Teint en rouge vineux la gélatine hyméniale. Habit. — Espèce qui probablement est assez disséminée sur les rochers calcaires de nos régions, mais non remarquée. Se trouve certainement au PBeculel et au Salève (J. Mull.). Elle ne se distingue réellement de la lerrucaria rupestris que par le pore étoilé, qu’on ne peut-constater qu'avec une forte loupe, ce qui explique que des lichenologues comme Schærer ei Hepp aient donné des exsiccata mélangés. GENRE MICROGLÆNA Ko@rb., Syst. Thalle mince, crustacé, membraneux. Apothécies verruci- formes, constituées par de petits tubercules thallins, où elles sont ordinairement solitaires, plus rarement 2 à 3. Spores grandes ellipsoïdes muriformes, incolores ou un peu colo- rées. Paraphyses distinctes. Périthécium membraneux, — 308 — tendre, subglobuleux d’un vert brunûâtre, terminé par un os- tiole noir ombiliqué. Spermogonies inconnues. 1. MICROGLÆNA WALLROTHIANA Kœærb., Syst., p. 389 ; J>_Mull. Cluss 180 Thalle mince, membraneux, cartilagineux, rougeûtre, par- fois subdéterminé. Hypothalle où indistinct ou plus blan- châtre. Apothécies continues au nombre de 1-2-3 dans des verrues thallines déprimées ne faisant guère saillie que par un ostiole noirâtre. Spores grandes, incolores d’abord puis d’un rouge pâle, ellipsoïdes, murales, de Onm,025 à Omm035 de long, en- viron 2 à 3 fois p. |. x. L., renfermées au nombre de 6-8 dans des thèques allongées renflées au sommet de Omm 080 à Onm,095 de long sur 0nm,050 à Omm,060 de large. Paraphyses bien distinctes. Périthécium tendre, membraneux, subglo- buleux, d’un vert brunâtre, terminé par un ostiole déprimé, ombiliqué, fermé par une papille qui s'ouvre à la fin. Spermogonies inconnues. I Sans action sur la gélatine hyméniale, ou la colore en rouge pâle. Habit. — Espèce des plus rares parlout ; découverte d’abord par Wall- roth sur de vieilles écorces d’érables dans la Thuringe ; puis recueillie ensuite également sur un érable au Salève, entre Monnelier et les Trez arbres par M. le Dr J. Muller. GENRE MULLERELLA Hepp Thalle subcartilagineux, mince, brillant. Apothécies très petites, d'abord immergées, puis un peu saillantes. Spores nombreuses, simples, très petites, noirâtres. Paraphyses in- distinctes. Spermogonies inconnues 1. MULLERELLA POLYSPORA Hepp. in litt, ad Mull. J. Mull., Class., p. 79. Verrucaria polyspora Stitzenb., L. H., p. 258. — 309 — Thalle subcartilagineux, rimuleux, aréolé, mince, brillant, cendré. Hypothalle indistinct. Apothécies très petites 0,1 à 0,2 mill de diam. globu- leuses, d’abord entièrement immergées dans le thalle, puis émergeant enstute du tiers ou de moitié, solitaires ou binées, ou ternées, noires brillantes. Spores oblongo-ellipsoïdes, très petites, simples à 2 gouttelettes, noires ou brunâtres de Oum 005 à Omm 007 de long, environ 2 à 2 1/2 fois p. |. q. |. renfermées au nombre de 195 à 150 dans des thèques obo- voïdales de Omm,050 à Omm,060 de long, sur 0mm, 020 à Omm,022 de large. Périthécium subentier, convexe, noir brillant, fermé par un pore simple s’ouvrant à la fin. Paraphuyses noyées dans la gélatine et à peine visibles. Spermogonies inconnues. Habit. — Espèce très rare, découverte par M. le Dr Muller sur un tronc de charme entre le chemin de fer et le petit Sacconnex près de Genève. GENRE MELANOTHECA Fée. Thalle très mince ou blanchâtre, ou presque nul, hypo- phléode. Apothécies agrégées au nombre de 3-10 et plus, con- _fluentes entre elles, et réunies par l’extrémité inférieure dans une enveloppe commune, noirâtre, (Sarcothecium). Spores incolores, 1-3 septées, au nombre de 8 dans des thè- ques. Périthécium noirâtre. Paraphyses mucilagineuses in- distinctes. Spermogonies inconnues. Spore TPSCDIéCS Tr. ee... Melanoth. arthonioïides Nvl. DPOLES D-SODLÉES .,,24, deu see see ee .. ... Melanoth. gelatinosa Nyvl. 4. MELANOTHECA ARTHONIOIDES Nyl., Pyren., p.70; Stitz:, L. Hp. 260. Thomasiella arthonioides Mass. in Flora 1856 ; Kœærb., Par., p. 994. Thalle mince, hypophléode, indiqué par un tache blanche, — 9310 — Hypothalle noir débordant et limitant assez bien le thalle. Apothécies moyennes, 0,8 à 1 mill. de diamètre, réunies or- dinairement au nombre de 3-4, plus rarement 5-6 par le bord déprimé du Périthécium. Spores incolores, ovoïdes, 1-septées de Omm,013 à Onn,014 de long, environ 2 1/2 à 8 fois p. 1. q. 1., renfermées au nombre de 8 dans des ‘hèques étroites, de Onm,035 à 0mm,042 de long sur 0m®m,012 à Omm 015 de large. Paraphyses indistinctes, noyées dans la gélatine hyméniale. Périthécium connivents, dimidiés, noirs à sommet déprimé et restant fermé jusqu’à la fin. Spermogonies inconnues. I Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — La seule localité connue dans nos régions est le mont Salève près Genève, où elle a été recueillie par M. le D' J. Muller. 2. MELANOTHECA GELATINOSA Nyl., Enum Lich., p. 145; Puynen.- p.410 etin Eue, 44d°-p° 5310; Arthonia gelatinosa Thev., in Journ. Phys., p. 54. Thomasella Leightonii Mass., Esain. comp., 52; Kœærb., Par., p. 396. Thalle hypophléode, indiqué par une petite tache blan- châtre, souvent presque nul. Hypothalle noirâtre, débor- dant. : Apothécies moyennes, d'environ ! mill. de diamètre, orbi- culares. Hyméniums ordinairement au nombre de 3-4, rare- ment de 5-6 dans chaque apothécie. Spores incolores, oblon- gues, 3-septées de Omm,095 à Omm, (97 de long, environ 3 fois p. 1. q. L., renfermées au nombre de 8 dans des thèques obovées, de Onm,050 à Onmm 055 de long sur. Oum,018 à Omm,099 de large. Paraphyses indistinctes, noyées dans la gélatine hyméniale, Périthécium connivents, dimidiés, pâles à la base, noirs au sommet où 1ls sont déprimés et fermés jusqu’à la fin. Spermogonies inconnues. I Sans action sur la gélatine hyméniale. — 311 — Habit. — Espèce aussi rare que la précédente, ou peut-être négligée. Sur des aulnes dans des bois marécageux entre Torpes et Routelle ; en- core cette localité serait-elle à vérifier ? Elle a été trouvée dans les envi- rons de Paris. SOUS-SECTION II. — PÉRIDIÉES TRIBU XX. — PÉRIDIÉES Nyl Thalle nul ou à peu près nul. Apothécies petites, globu- leuses, noires plus ou moins émergées, souvent parasites. Spores incolores, ou brunâtres, ordinairement 1-3 septées, au nombre de 8 et souvent plus dans les thèques. Para- physes nulles. Gélatine hyméniale teinte par l’iode en rouge vineux. Périlhécium arrondi, ouvert au sommet, ce qui distingue cette tribu des vraies Pyrenocarpées. Plantes non parasites...,,..,.... ES A EE oO Ode nr Mycoporum Fw. Plantes parasites, ...:... A A CT Es Endococcus Nyl. GENRE MYCOPORUM Fw., Nvl. Thalle ou presque nul et hypophléode, ou très mince, lé- gèrement tartreux sur les supports saxicoles. Spores 1-sep- tées, peu colorées, ou brunâtres, au nombre de 4-6-8 dans les thèques. 1 ESpece calcaires. fe uin sr, Mycop. marmoratum Nyl. ESpeces corticicoles..:2:....:::...1., 2 2. Apothécies petites allongées. Spores 3-5 SODIÉES A sde rumasos Myc. miserrimum Nyl. Aipothécies. Spores.s: ..tuueimrer in Myc. microscopicum J. Mull. 1. MYCOPORUM MARMORATUM Nyl. ên dit. ad Stitz. Stitz., L. H., p. 261. Fichothecium marmoratum Krph., Lich. Bayr., p. 299. Microthelia marmorata Kærb., Par., p. 398. Exs. Arn., 246. — 9312 — Thalle mince non déterminé, tartreux, indiqué par une tache blanchâtre, passant parfois au gris cendré ou brunûtre. Hiypothalle indistinet. Apothécies petites globuleuses ou déprimées, d’abord immergées puis semi-immergées. Spores d’un brun olivâtre, 4-septées, obtuses, souvent resserrées au milieu, un peu plus étroites et plus allongées à la partie inférieure, de Omm 021 à O"m,024 de long, environ 2 à 21/4 fois p. L. q. L, renfermées au nombre de 6-8 dans des thèques élargies au ventre, de Omm,058 à Omm,062 de long, sur Omm,022 à Omm,094 de large. Para- physes à peme visibles, noyées dans la gélatine hyméniale. Périthécium un peu déprimé, noir, dimidié, et s’ouvrant assez promptement au sommet. Spermogonies inconnues. I Sans action sur la gélatine hyméniale, Habit. — Très rare dans toutes nos régions ; cette espèce n’a encore été signalée qu’au Salève, où elle a été recueillie par M. le D. Muller. 2. MYCOPORUM MISERRIMUM Ny1., Enum.,1857, p.145; Stitz., L. IT., p.201; Leigt. L. G. B., p. 438; Arn,., Jur., p. 278. Exs Hepp, 560; Rbh:, 576: Arn,, 729: Flag, L' FSC, 29% Thalle indiqué par une tache un peu plus pâle que lPécoree, ordinairement invisible, Hypothalle nul. - Apothécies petites, arrondies, allongées, difformes, noires. Spores incolores, oblongues, plus larges à une extrémité qu'à l’autre, 2-5 septées, de Omm,014 à Omm,015 de long, environ 2 à 2 1/4 fois p. 1. q. L, renfermées dans des thèques élargies au ventre, de Owm,050 à Omm,056 de long sur 0mm,020 à Omm,022 de large. Paraphyses absolument invisibles. Exci- pulum noir, semi-émergé, dimidié ou orbiculaire et ne conte- nant qu'un hyménium, ou allongé et noduleux, et contenant alors un hyménium pour chaque module, entièrement fermé au sommet et ne présentant aucune trace d’ostiole. Spermogonies non étudiées, UP vATA — 313 — I Sans action sur la gélatine hyméniale, communique aux thèques une légère teinte vineuse. Habit. — Sur de jeunes chênes près de Remiremont, en montant de Monetier au Salève (Flag). Environs de Genève (J. Mull.). Parait rare ; mais peut-être plus encore négligée à cause de sa petitesse. 3. MYCOPORUM MICROSCOPICUM J. Mull., in Flora, 1867, p. 438: Nyl., in litt. ad Stittz; Stitz, L. H., p. 261. [ Sans action sur la gélatine hyméniale. Habit. — Espèce nouvelle et très rare, découverte par M. le D. J. Muller sur les rameaux des noyers à Veyrier, près Genève. GENRE ENDOCOCCUS Nyl. Thalle nul (plante parasite). Apothécies globuleuses, 1/2 ou aux 3/4 immergées. Spores petites, noirâtres. oblongues, 1-septées, renfermées au nombre de 8, ou 16-18 dans des thèques étroites. Paraphyses nulles. Excipulum noir, sub- globuleux sans trace d’ostiole. Spermogonies petites, globu- leuses, Spermaties grêles droites. Thèques contenant 8 spores, ......., Nha .. Endoc. gemmifer Nyl. Thèques contenant un grand nombre de spores.. Endoc. erraticus Ny1. 1. ENDOCOCCUS GEMMIFER Nyl., Pyren,, p. 64; Stitz., L. H., p. 262, Tichothecium gemmiferum Kærb., Par., p. 468 ; Mass., Misc., 27; Arn., Jur., p. 300. Verrucaria gemmifera Tayl., in Munk. Hib , 1836, p. 143. Exs. Hepp, 700; Arn., 19 ; Flag., L. Alg., n. 308. Thalle nul, la plante étant toujours parasite. Apothécies très petites, semi-immergées, d'environ 0,25 à 0,3 mill, de diam. noires, opaques. Spores oblongo ellip- soïdes, brunes, 1-septées, de Onm,009 à Omm,013 de long, environ 1 1/4 fois p. |. q. L., renfermées au nombre de 8 dans L des thèques un peu obovées ou presque cylindriques de — 914 — -0mm,036 à 0mm,040 de long sur 0m®,016 à Onm,018 de large. Pa- raphyses absolumentindistinctes. Excipulum presque entier, ou un peu ouvert, aplati à la base, hémisphérique en dessus, non ouvert au sommet. Spermogonies nulles, la plante étant parasite. Var. arnoldi. Hepp. in Mass., Misc., p. 27. — Se distingue du type par des spores un peu plus petites; les autres différences sont presque invisibles. I Teint la gélatine hyméniale en rouge vineux, Habit. — Très rare dans les environs du Hohneck (Vosges) sur l’aspici- lia cinerea et l’aspicilia Hoffmannii. La var. Arnoldi a été recueillie par M. le D. Muller dans les environs de Genève, sur le thalle de |’ Urceolaria scruposa. 2. ENDOGOCCUS ERRATICUS Nyl., Scand., p. 283; Pyren., D: 04; Siütz. L'H/7b 9262: Tichothecium erraticum Mass., Symm., p. 94. Exs. Arn., 247 ; Anzi, Lang., 289, 489; Flag., Lich. Alg., 307. Thalle nul. Apothécies très petites, atteignant à peine 0,3 mill. de diam. noires, opaques. Spores oblongo-ellipsoïdes brunes, 1-sep- tées, de Onm 007 à Om,011 de long, environ 1 3/4 à ? fois p. | _ q. l., renfermées en très grand nombre dans des thèques ventrues ettrès fugaces de 0mm,063 à Omm,068 de long sur Omm 024 à Omm 030 de large. Paraphyses absolument imdis- tinctes. Excipulum presque entier ou un peu ouvert aplati à la base, noir opaque et hémisphérique en dessus, non ouvert au sommet. Spermogonies imconnues. 1 Teint la gélatine hyméniale en rouge vineux. Habit. — Espèce toujours très rare dans nos régions, et presque toujours sur le thalle de l’Asp. calcarea: environs de Genève (J Mull.). Les en- dococcus gemmifer et erraticus ne sont pas rares en Algérie sur l’Asp. trachylita Mass. LA MORT DU JEUNE MUIRON AIDE DE CAMP DE BONAPARTE À LA BATAILLE D’ARCOLE Par M. Maurice LAMBERT Avocat à la Cour d'appel de Besançon Séance du 13 mars 1897. Dans toutes les guerres de la République et de l’Empire, il n’y a pas peut-être d’épisode plus célèbre que celui du pont d’Arcole. « Il n’est aucun étranger instruit, dit le géné- ral Thiébaud dans ses Mémoires, aucun Français soucieux des fastes de son pays, qui ne place au nombre de nos plus glorieux souvenirs le passage de vive force du pont d’Arcole, ce passage consacré par la mort de tant de braves, qui fit recevoir tant de profitables blessures, qui signala l’impétuo- sité d’Augereau, l’intrépidité de Lannes, le dévouement de Muiron, l’audace triomphante du général en chef Bonaparte, et que cmquante gravures, le magnifique tableau de Gros et dix mille mentions et relations ont détaillé et consacré d’a- près les rapports et bulletins officiels. » Le général Thiébaud prétend ensuite que ce trait glorieux n’a jamais été exacte- ment raconté. Cependant le récit qu'il en donne ne diffère pas très sensiblement des relations qui en ont été faites par Bonaparte lui-même dans les rapports qu'il envoya au gou- vernement après la victoire et plus tard dans les souvenirs qu'il dictait à Sainte-Hélène (1). (1) V. Lettre de Bonaparte au Directoire exécutif, du 29 brum. an V, — 9316 — Le jeune général en chef de l’armée d'Italie avait alors en face de lui l’armée du général Alvinzi, la troisième que l’Au- triche lui opposait après les défaites infligées d’abord à Beaulieu, puis à Würmser. Alvinzi, étant supérieur en nombre, aurait voulu attirer l’armée française dans la plaine, pour mieux l’envelopper et l’écraser. Il occupait des hau- teurs, à Caldiero, en face de Vérone, où Bonaparte avait son quartier général. Les Français avaient d’abord cherché à s'emparer de cette position, mais n’y avaient pas réussi. Le 1% novembre, au soir, Bonaparte quittait Vérone par la route de Peschiera, la route par laquelle il y était entré. L’armée croit à une retraite et s’en attriste; mais, au lieu de suivre la route de Peschiera, on prend à gauche et on longe l’Adige sur la rive droite. On arrive avant le jour à Ronco, où le génie achevait de jeter un pont. L'armée traverse ce pont et se trouve, aux premiers rayons du soleil, sur la rive gauche de l’Adige. Là s’étend un vaste marais, borné d’un côté par l’'Adige et de l’autre par un petit affluent de ce fleuve, l’Alpon. Ce marais est traversé par trois chaussées : la première, celle de gauche, se dirige sur Vérone en remontant la rive gauche de l’Adige; celle du milieu conduit à Villa Nova, en passant par Arcole, où il y a un pont sur l’Alpon; celle de droite descend le long de l’Adige, jusqu’à l'embouchure de l’Alpon, vers Albaredo. L'armée, qui avait déjà passé par ces lieux lorsqu'elle poursuivait Würmser, commence alors à deviner l'intention du général : elle voit « que ne pouvant enlever Caldiero, il le tourne; qu'avec 12,000 hommes, ne pouvant rien en plaine contre 45,000, 1l les attire sur de simples chaussées..…, où le nombre ne sera plus rien, mais où le courage des têtes de colonne sera tout. Alors lespoir dans le Moniteur du 12 frim. an V, et dans la Correspondance de Napoléon Ier, t, If, p. 147, n° 1196. V. aussi Mémorial de Sainte-Hélène, par le comte de Las CASES, suivi de Napoléon en exil, par MM. O’MÉARA et ANTOMARCHI etc. Paris, 1849, t. I, p. 508 et suiv., et Correspondance de Napoléon Ie", t. XXIX, p. 185. à "SEP — 317 — de la victoire ranime tous les cœurs, et chacun promet de se surpasser pour seconder un plan si beau et si hardi, » Le général ennemi Alvinzi était à Caldiero et son armée s’étendait jusqu'à Arcole, derrière l’Alpon. Il crut d’abord à une fausse attaque, ne pensant pas qu’on püt jeter ainsi toute une armée dans des marais impraticables. Lorsqu'il vit que les Français avaient passé l'Adige et occupaient toutes les digues, il dirigea une division sur la première digue, lon- geant le fleuve, et une autre sur la digue d’Arcole. Vers les neuf heures du matin ces deux divisions attaquèrent les Français. Masséna, qui était chargé de la première digue, laissa lennemi S'y engager, puis s’élança sur lui au pas de course, l’enfonça, lui causa beaucoup de pertes et lui fit un grand nombre de prisonniers. Augereau essaya d’en faire autant sur la digue d’Arcole. Mais cette digue offrait un dan- ger particulier.-Avant d'atteindre le pont, elle longeait la rive droite de PAlpon sur un parcours d’un mille environ; des Croates occupaient la rive gauche; ils avaient ainsi devant eux la digue, dont ils n'étaient séparés que par la rivière; tirant devant eux, ils prenaient en flanc la colonne française qui avait pour but de s'emparer du pont d’Arcole. Vainement Augereau avait pris un drapeau à la main et l'avait porté jusque sur le pont; ses soldats, après l'avoir suivi, recu- laient devant le feu de l’ennemi. Je cite maintenant textuellement le Mémorial de Sainte- Hélène, que j'ai résumé jusqu'ici : « .. Ce pont d’Arcole, par sa situation, résistait à toutes nos attaques. Napoléon essava un dernier effort de sa personne : il saisit un drapeau, s’élança sur le pont et l’y plaça. La colonne qu'il conduisait l'avait à moitié franchi, lorsque le feu de flanc fit manquer l'attaque. Les grenadiers de la tête, abandonnés par la queue, hésitent; ils sont entrainés dans la fuite, mais ils ne veulent pas se dessaisir de leur général; ils le prennent par le bras, les cheveux, les habits, et l’entrainent dans leur fuite, au milieu des morts, des mourants et de la fumée. Le et 0 ST ETS — 318 — général en chef est précipité dans un marais; il y enfonce Jusqu'à la moitié du corps; 1l est au milieu des ennemis; mais les Français s’aperçoivent que leur général n’est point avec eux. Un cri se fait entendre : « Soldats, en avant pour sauver le général! » Les braves reviennent aussitôt au pas de course sur lennemi, le repoussent jusqu’au delà du pont, et Napoléon est sauvé. Cette journée fut celle du dé- vouement militaire. Le général Lannes était accouru de Mi- lan ; il avait été blessé à Governolo; il était encore souffrant dans ce moment : il se plaça entre l’ennemi et Napoléon, le couvrit de son corps et reçut trois blessures, ne voulant jamais le quitter. Muiron, aide de camp du général en chef, fut tué couvrant de son corps son général... Mort héroïque et touchante !... » Je m'arrête ici, car c’est pour en venir à Muiron que j'ai rappelé ce commencement de la bataille d’Arcole. Elle con- tinua deux jours encore ; chaque soir, Bonaparte ramenait son armée sur la rive droite de l’Adige, parce qu'il y crai- gnait l’arrivée d’un autre corps d'armée autrichien sous les ordres de Davidovich. Le troisième jour, 17 novembre, lorsqu'il jugea que les Autrichiens devaient avoir perdu, tant en tués, blessés et fuyards que prisonniers, près de 20,000 hommes, et qu’ainsi leurs forces en bataille « ne se- raient pas beaucoup plus d’un tiers au dessus des nôtres, : il donna l’ordre de sorür des marais et d'aller attaquer le nemi en plaine. « Les circonstances de ces trois journées, dit le Mémorial, avaient tellement changé le moral des deux ar- mées que la victoire nous était assurée. » Les Autrichiens furent culbutés sur tous les points. Le 18 novembre, Alvinzi dut battre en retraite, et Bonaparte put rentrer triomphant dans Vérone, par la porte de Venise, trois jours après en être sorti mystérieusement par la porte de Milan. La victoire était magnifique, sans doute; mais elle avait été chèrement achetée. L'armée d'Italie y avait fait des pertes bien sensibles, et l’on vient de voir que Napoléon, > 10 qui oubhiait pourtant si vite ceux que la guerre lui avait en- levés, se souvenait encore à Sainte-Hélène des vaillants qui avaient succombé à ses côtés sur le pont d’Arcole, et en par- ticulier du jeune aide de camp qui était mort en lui faisant un rempart de son corps. Cette mort du jeune Muiron paraît avoir donné lieu à une légende, dont Marie-Joseph Chénier a fait le sujet d’une élégie (D : LA MORT DU COLONEL MUIRON TUÉ A LA BATAILLE D'ARCOLE 1796 Arcole, en tes vallons fameux par nos guerriers, Les larmes du vainqueur ont mouillé ses lauriers ; Tu vis de cent héros moissonner la vaillance, Qu’'à PItalie encor redemande la France. Là, plus d’un grand destin, en naissant immolé, Plus d’un nom que la gloire eût un jour révélé, Expira dans loubli, sous la tombe jalouse. Mais du jeune Muiron, mais de sa tendre épouse, Ma lyre veut du moins consacrer les malheurs, Et l’avenir ému leur donnera des pleurs. Dans le camp des Français, leurs jeunes destinées, Au milieu des périls s’écoulaient fortunées ; Un fils, depuis six mois, souriait à leurs vœux, Et du premier amour ils s’aimaient tous les deux. La veille du combat, loin du fracas des armes, L’hymen au front voilé leur prodiguait ses charmes. Dans ce moment d'ivresse, il semblait que le dieu Leur dit secrètement : c’est le dernier adieu. Au signal du tambour, Muiron cherche la gloire; Il part, combat et meurt. — On chante la victoire. Son épouse accourait; les guerriers, l’œil baissé, L’accueillent en passant d’un silence glacé. (4) V. Œuvres de M.-J. Chénier. Paris 189%, t. IT, p. 189. — 3920 — Vers les bords de l’Adige en tremblant elle arrive; Elle appelle, elle voit sur la sanglante rive Muiron, les yeux couverts des ombres du trépas, Et, pour la recevoir, ouvrant encor les bras. Elle ne parle point, mais chancelle, soupire; Sur l’époux bien aimé lentement elle expire. Ce jour qu’il ne voit plus importune ses yeux, Et d’un dernier regard elle accuse les cieux. Sans parents, sans appui, sans toit, sans nourriture, L'enfant restait; la mort, outrageant la nature, Sur la tendre victime étendit son courroux. L’épouse dans la tombe avait suivi l'époux, L'enfant ne suça point le lait de l’étrangère; Dans la tombe, à son tour, l’enfant suivit la mère. Ainsi, quand le bélier vient reverdir les champs, En un bosquet paré, les filles du printemps, Belles l’une par l’autre, on voit s’unir deux roses Sur une même tige un même jour écloses : Entre elles deux jaillit le timide bouton, D'un amour mutuel aimable rejeton. La grêle à coups pressés abat les fleurs naissantes; En s’unissant encor les roses languissantes Inclinent tristement leur front pâle et flétri, Près d’elles tombe et meurt le rejeton chéri, Que du plus doux zéphir un souffle fit éclore, Mais qu’un de ses baisers n’entrouvrait pas encore. Voilà la légende ; voici maintenant la réalité, qui fut moins dramatique, mais ne fut guère moins triste. L’infortuné Muiron était, en effet, marié depuis peu; mais sa jeune femme n’était pas en ftalie: elle était en France. Voici la lettre que Bonaparte lui envoya de Vérone, le lende- main même de la bataille d’Arcole, pour lui annoncer son malheur (1) : | ; (1) Cette lettre est reproduite ici d’après l'original. Elle a été publiée au Moniteur, le 19 frimaire an V, ét se trouve aussi dans la Correspondance de Napoléon 1°, t. I, p.153, n° 1199. — 391 — « Au Quartier général de Veronne, le 29 brumaire an 5° de la République une et indivisible. » Bonaparte, général en chef de l'Armée d'Italie, » À la citoyenne Muiron. » Muiron est mort à mes côtés sur le champ de bataille d’Arcole. Vous avez perdu un mari qui vous étoit cher, j'ai perdu un ami auquel j’étois depuis longtems attaché ; mais la patrie perd plus que nous deux, en perdant un officier distingué autant par ses talents que par son courage. » S1je puis vous être bon à quelque chose, à vous ou à son enfant, je vous prie de compter entièrement sur moi. » BONAPARTE. » Mme Muiron répondit à cette lettre ou l’on y répondit pour elle, en implorant, sans doute, en faveur de sa mère et de son frère, qui étaient inscrits sur la liste des émigrés, la pro- tection de Bonaparte, car voici une nouvelle lettre que ce même Bonaparte lui adressa, un peu plus d’un mois après la première (1) : - Au Quartier général de Milan, le 8 nivôse an 5° de la République une et imdivisible. » Bonaparte, général en chef de l’Armée d'Italie, : À la citoyenne Muiron. » Vous trouverez cy jointe, citoyenne, une copie de la lettre que j'écris au Directoire conformément à vos désirs. Pespère, connoissant avec quel intérêt il protège les deffenseurs de la patrie, qu'il la prendra en considération Vous trouverez cy jointes 6 lettres de recommandation pour chacun des mem- bres du Directoire et le ministre de la police. Vous verrez le général Dupont, qui vous indiquera le moment où il sera tems de traiter votre affaire et où delors vous présenterez ceslettres. Je vous ferai passer par le. 1° de mes aides de (1) V. Correspondance de Napoléon Ier, t. If, p. 267, n° 1524. 24 — 929 — camp que j'enverrai à Paris des secours pour son enfant. Je vous prie de croire que dans toutes les occasions vous me trouverez prèt à vous être utile. » BONAPARTE. » La lettre écrite par Bonaparte au Directoire était ainsi conçue () : « Au Directoire exécutif. » Le citoyen Muiron a servi depuis les premiers jours de la Révolution dans le corps de l’artillerie ; il s’est spéciale- ment distingué au siège de Toulon, où il fut blessé en entrant par une embrasure dans la célèbre redoute angloise. » Son père étoit alors arrêté comme fermier général; le jeune Muiron se présenta à la Convention nationale, au co- mité révolutionnaire de sa section, couvert du sang qu'il ve- noit de répandre pour la patrie, 11 obtint la libération de son père. | » Au 43 vendémiaire il commandoit une division d’artille- rie qui deffendoit la Convention, il fut sourd aux séductions d’un grand nombre de ses connoissances et des personnes de sa société; Je lui demandai si le gouvernement pouvoit compter sur lui; oui, me dit-il, j'ai fait le serment de soute- nir la République, je fais partie de la force armée, j'obéirai, en obéissant à mes chefs. Je suis d’ailleurs, par ma manière de voir, ennemi de tous les révolutionnaires et tout autant de ceux qui n’en adoptent les maximes et la marche que pour rétablir un trône, que de ceux qui voudroient rétablir ce ré- gime cruel où mon père et mes parents ont si longtems souffert. Il s’y comporta effectivement en brave homme et fut très utile dans cette journée qui a sauvé la liberté. » Depuis le commencement de la campagne Italie, J'avois pris le citoyen Muiron pour mon aide de camp, il a (D V. Correspondance de Napoléon Ie", t. II, p. 266, n° 1395. — 393 — rendu à presque toutes les affaires des services essentiels. enfin il est mort glorieusement sur le champ de bataille d'Arcole, laissant une jeune veuve enceinte de 8 mois. » Je vous demande, en considération des services rendus dans les différentes campagnes de cette guerre par le ci- toyen Muiron, que la citoyenne veuve Berault-Courville, sa belle-mère, soit rayée de la liste des émigrés, sur laquelle elle est inscrite, quoiqu’elle n’ait jamais émigré, amsi que Île citoyen Charles-Marie Berault-Courville, son beau-frère; ce jeune homme avait 14 ans lorsqu'il a été mis sur la liste des émigrés étant en pays étranger pour son éducation. » BONAPARTE. » Voici enfin le texte d’une des lettres de recommandation qui avaient été faites par Bonaparte pour chacun des membres du Directoire (1) : « Au citoyen Carnot. » Je vous recommande, citoyen Directeur, la veuve du citoyen Muiron, que ce brave jeune homme à laissée enceinte pour voler à la défense de la patrie. Jai fait pour elle une demande au Directoire, que je vous prie de prendre en con- _ sidération. » La lettre de Bonaparte au Directoire nous apprend ce qu'était Muiron. Il était fils d’un ancien fermier général, et son père avait été emprisonné sous la Terreur. Il avait épousé, probablement dans l'intervalle de son retour de Toulon à son départ pour l’armée d'Italie, Mile Euphrasie de Béraud de Courville, fille du défunt baron de Courville, maistre de camp du régiment de Dauphin-Cavalerie, écuyer du roi, ancien capitaine des chasses du comte d'Artois. Le frère aîné de Mme Muiron était page du comte d'Artois et avait quitté la France avec ce prince en 1791. (1) V. Correspondance de Napoléon I, t. IE, p, 268, n° 1325. — 3924 — Par son mariage, comme par son origine, le jeune Muiron se rattachait done à l’ancien régime, et certes, quand il aidait Bonaparte à canonner les sections royalistes dans la journée du 13 vendémiaire, il devait avoir plus de relations et plus d'amis du côté des insurgés que du côté de la Con- vention. Lorsqu'il suivit, peu de temps après, Bonaparte à l’armée d'Italie, il laissa sa nouvelle épouse chez son père Eustache- Nicolas Muiron, qui habitait Sceaux. C’est là qu'après sept ou huit mois de séparation, elle reçut la fatale nouvelle. Cest là aussi qu’elle mit au monde, vers le 15 nivôse an V, l'enfant posthume de Muiron, une fille, qui fut nommée Adrienne. Mais cette enfant ne vécut que vingt et un jours. Elle mourut le 7 pluviôse, et sa mère elle-même ne lui sur- vécut que sept jours. [l n’est pas surprenant que la perte de son enfant, qui suivait la perte de son mari, ait achevé de tuer cette jeune femme. Et ainsi l’on peut dire que la balle autrichienne dont Bonaparte avait été préservé par l’hé- roïsme de son aide de camp, avait fait du même coup trois victimes. Telle fut, sans doute, l’origine de la légende qu'a mise en vers Marie-Joseph Chénier. Muiron n'avait que vingt-sept ans lorsqu'il tomba sur le pont d’Arcole. Il était colonel et faisait le service d'aide de camp auprès de Bonaparte depuis le 5 brumaire (1). Il avait déjà fait preuve d’un très grand courage au siège de Toulon. Napoléon a rappelé aussi ce fait d'armes dans ses récits de Sainte-Hélène @). Les Anglais, qui occupaient Toulon, avaient élevé une redoute formidable sur une hauteur voi- sine de la ville; ils lui avaient donné le nom de Petit-Gibral- tar. Le général Dugommier, qui commandait l’armée répu- blicaine, ayant résolu de s'emparer de cette redoute, la fit (1) V. Correspondance de Napoléon I°, t. If, p. 97, n° 1117. Lettre au général Berthier. ie (2) Correspondance de Napoléon I:',t. XXIX, p. 18. — 325 — attaquer pendant la nuit du 16 au 17 décembre 1795. Une première colonne d'attaque fut repoussée. € Dugommier, désespéré, raconte Napoléon, se porta sur sa quatrième co- lonne ou réserve ; le commandant d'artillerie (c'était Bona- parte), marchait à sa tête; il se fit précéder par un bataillon qu'il confia au capitaine d'artillerie Muiron, qui connaissait parfaitement les localités À trois heures du matin, Muiron escalada le fort à une embrasure, par laquelle entrèrent le général Dugommier et le commandant d'artillerie; Delaborde et Guillot entrèrent par un autre côté. Les canonniers (enne- mis) se firent égorger sur leurs pièces; la garnison se rallia à la réserve, sur un mamelon à une portée de fusil du fort; elle s’y reforma et fit trois attaques pour le reprendre. Vers cinq heures du matin, elle amena des pièces de campagne ; mais le commandant d'artillerie avait fait venir des canonniers et tourner les pièces du fort contre l’ennemi. Au milieu de l’obseurité, de la pluie, d’un vent épouvantable et du dé- sordre, des cadavres, des cris des blessés et des mourants, il eut beaucoup de peine à réorganiser six pièces: mais aussitôt qu’elles commencèrent le feu, l’ennemi renonça à ses attaques et battit en retraite. Peu de moments après, le jour parut. Ces trois heures furent trois heures d’anxiété et d'inquiétude. Ce ne fut qu'au jour, et lorsqu'on était maître du fort depuis longtemps, que les représentants (c'est-à-dire les commissaires de la Convention) vinrent, le sabre à Ia main, d’un air décidé et luron, complimenter les soldats (1)... (1) Les conveutionnels en mission auprès de l'armée qui assiégeait Toulon étaient Salicetti, Ricord, Robespierre jeune et Barras. Douze jours aprés l'événement raconté par Bonaparte, Robespierre jeune, rendant compte à la Convention de la prise de Toulon, disait: «Les Anglais s'étaient emparés d'une hauteur vraiment inaccessible à raison de ses redoutes : mais rien ne résiste à la valeur républicane. Les hommes libres voulurent ‘s’en emparer, et les hommes libres s’en emparèrent, Quatre représentants du peuple se mirent dans les rangs, combattirent avec les soldats et chas- sérent l'ennemi de tous côtés... » (Séance de la Convention du 9 niv. an I. Moniteur du 13 niv. an IF). — 3926 — « Cet assaut, dit encore ‘Napoléon, coûta 1,000 hommes tués ou blessés à l’armée républicaine. Le général Delaborde et le capitaine Muiron furent blessés grièvement. La perte de l’ennemi, en tués, blessés ou prisonniers, s’éleva à 2,500 hommes. » | Après de tels débuts, il n’est pas douteux que Muiron, s'il n'avait pas été tué à Arcole, serait arrivé très rapidement aux premiers grades de l’armée et qu'il aurait joué un grand rôle dans l’épopée napoléonienne. Duroc, qui avait été choîsi comme aide de camp par Bonaparte en même temps que lui, était, moins de dix ans plus tard, grand maréchal du palais et duc de Frioul. Lui aussi devait finir sur le champ de bataille ; on sait qu’il fut emporté par un boulet, à Wurschen, en 1813. Un troisième officier que Bonaparte avait appelé auprès de lui le même jour que Muiron et Duroe, le prince polonais Sulkowsky, fut tué au Caire, pendant la campagne d'Egypte. Bonaparte n’a pas su que Mme Muiron était morte, elle aussi, peu de temps après son mari. On comprend, jusqu'à un certain point, qu'il ne se soit pas inquiété de savoir ce qu’elle était devenue, quand il fut premier consul où empe- reur , il avait d’autres soucis. Il était loin pourtant d’avoir oublié son ancien aide de camp; on le voit assez par ses écrits de Sainte-Hélène, et j'en trouve une autre preuve dans une conversation qui témoignerait, de sa part, d’une étonnante mémoire, si elle était parfaitement authentique ; elle est rap- portée par le docteur Antomarchi dans sa relation des Der- niers moments de Napoléon (1). On y retrouve jusqu'aux expressions de la lettre écrite de Milan, au Directoire vingt-quatre ans auparavant. La ressem- blance est même si grande qu'il est difficile de ne pas croire (1) V. Mémorial de Sainte-Hélène, par le comme de LAS CASES, suivi de Napoléon dans l’exil, par O,MÉARA et ANTOMARCHI, etc., etc; t. IE, p. 778 et suiv, Qt dote r-Y — 9327 — qu’Antomarchi a eu sous les veux le texte de cette lettre, qui fut peut-être publiée déjà du vivant de Napoléon. L'empereur vient de rappeler qu'il fit rendre au fils du gé- néral Laharpe les biens de son père, que le gouvernement de Berne avait confisqués. « J’eus plus de peine, dit-il, au sujet d’un de mes aides de camp, tué à Arcole, le brave colonel Muiron. Il avait servi, depuis les premiers jours de la Révolution, dans le corps de l'artillerie. Il s'était spécialement distingué au siège de Tou- lon, où il avait été blessé en entrant par une embrasure dans la célèbre redoute anglaise. » Son père était arrêté comme fermier général : 1l vint se présenter à la Convention nationale, au comité révolu- tionnaire de sa section, couvert du sang qu'il venait de ré- pandre pour la patrie ; 11 réussit : son père fut mis en li- berté. » Au 13 vendémiare il commandait une des divisions d'artillerie qui défendaient la Convention; il fut sourd aux séductions d’un grand nombre de ses connaissances. Je lui demandai si le gouvernement pouvait compter sur lui. — Oui, me dit-il, J'ai fait serment de soutenir la République, J'obéirai à mes chefs; je suis d’ailleurs ennemi de tous les révolutionnaires. Il se comporta effectivement en brave homme, et fut très utile dans cette action qui sauva la li- berté. » Je avais pris pour aide de camp au commencement de la campagne d'Italie : 1l rendit dans toutes les affaires des services essentiels ; enfin 1l mourut glorieusement sur le champ de bataille, à Arcole, laissant une jeune veuve en- ceinte de huit mois. » Je demandai, en considération des services qu'il avait rendus, que sa belle-mère fût rayée de la liste des émigrés sur laquelle elle avait été inscrite, quoiqu'elle ne fût Jamais sortie de France. Je réclamai la même justice pour son beau- irère, Jeune homme qui avait quatorze ans lorsqu'il fut ins- — 928 — crit sur la liste fatale : 1! était en pays étranger pour son éducation. » La demande ainsi formée par le vainqueur d’Arcole avait- elle rencontré quelque difficuité de la part du gouvernement? Rien ne l'indique. En tout cas, le beau-frère de Muiron, « le citoyen Charles-Marie Béraud-Courville, » fut définitivement ravé de toutes listes d’émigrés par arrêté du Directoire, le 4 germinal an V, et le séquestre apposé sur ses biens fut levé. En plusieurs circonstances, Napoléon témoigna encore de sa reconnaissance envers Muiron. Il donna le nom de Mui- ron à une frégate vénitienne, et ce fut celle-là qu'il choisit pour opérer son retour d'Egypte. En 1845, il pensa un mo- ment à prendre le nom du colonel Muiron pour se rendre aux Anglais (1). Et néanmoins le retour que Napoléon fit sur sa vie, dans l’exil de Sainte-Hélène, lui donna à penser qu’il n'avait peut- être pas rempli tout son devoir envers la famille du Jeune homme qui était mort pour lui à Arcole. Le 24 avril 1821, il ajouta à son testament un quatrième codicille qui, entre autres dispositions, contenait le legs suivant : «Nous léguons cent mille franes à la veuve, fils ou petit-fils de notre aide de camp Muiron, tué à nos côtés à Arcole, nous couvrant de son COrps. » Ce legs ne put recevoir aucune exécution, mais il atteste de la manière la plus formelle qu’au pont d’Arcole le dévoue- ment du jeune colonel Jean-Baptiste Muiron a réellement sauvé la vie du général en chef. Et l’histoire n’est que juste en répétant de sa mort ce qu’en a dit Napoléon lui-même : « Mort héroïque et touchante ! » (1) V. ARTHUR LÉVY, Napoléon intime, 5° éd., p. 419. NE ÉPRREUE LES NOMS DE LIEU ROMANS EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER Par M. le D' J. MEYNIER Séance du 13 novembre 1897 INTRODUCTION La question de l’étymologie des noms de lieu a été une des premières à intéresser non seulement les érudits, mais tout le monde, même les personnes les plus étrangères aux travaux de l'esprit. On pensait, avec raison, que ces noms avaient dû avoir, à l’origine, une signification. Il répugnait de n’y voir que l’œuvre du hasard ou encore celle du eaprice des hommes, une création sans motif et sans principe. Comme Eusèbe Salverte, un des premiers qui se soient oc- cupés, en France, de l’étude des noms propres, on ne pou- vait croire qu'il fût « dans la nature de l’homme d’appliquer à la chose dont il s'occupe des sons qui ne réveillent aucune impression dans sa mémoire, aucune idée dans son esprit. » Non, les noms propres, pas plus que les autres, n'avaient été fabriqués au hasard et seulement pour produire des sons sans valeur. Tous, dans une langue morte ou dans une langue vivante, ils avaient eu un sens, souvent très difficile, quelquefois impossible à déterminer. De là sont nées lPéty- mologie populaire, qui n’a pas la prétention de conduire à la vérité, et l’étymologie superficielle, qui ne peut v arriver malgré ses prétentions contraires. Chacun des tenants de — 330 — cette dernière veut avoir son opinion sur la matière, mais aucun ne peut conclure faute de base. Jusqu’il y a une tren- taine d'années, aucun travail sérieux n’est venu éclairer la question, et les rares ouvrages spéciaux qui ont été, depuis, publiés fourmillent d'erreurs qui ne pouvaient échapper, même à ceux qui n'avaient pas cherché à l’approfondir. Ce qui manquait surtout, c'était une méthode. Contraire- ment aux règles posées par le maitre, on recevait pour vrai ce qu’on ne connaissait pas évidemment être tel ; le désir de devancer les autres sur le chemin de la connaissance deve- nait de la précipitation. On ne se gardait pas assez de la pré- vention, ni de cet esprit de système qui a joué de si mauvais tours à tant de chercheurs. On oubliait les mésaventures de Bullet cherchant dans le celtique, et quel celtique ! la signi- fication de noms manifestement néo-latins. On ne divisait pas les difficultés « en autant de parcelles » qu’il se pouvait et qu'il était requis pour les mieux résoudre. On ne faisait pas enfin « ces dénombrements si entiers » et ces « revues si générales » qu'ils puissent assurer « de ne rien omettre ». Nous avons essayé d'innover dans ce sens, et cherché à ramener les noms romans à un nombre de groupes restreint, si possible, mais suffisant à les contenir tous. L'étude des diverses influences, qui nous ont paru avoir présidé à leur genèse, nous a permis de les diviser en quatre classes, d’après leur origine : 1° Noms d'origine naturelle ; 2° Noms d’origine religieuse ; 3° Noms d’origine ethnique ; 49 Noms d’origine sociale. L'origine naturelle est celle qui est empruntée à la topo- graphie, à la faune, à la flore, à la minéralogie. L'origine religieuse est celle des noms inspirés par le paganisme, le christianisme, l’idée de la divinité. le culte des saints, les lieux consacrés et les édifices du culte, les établissements monastiques, les établissements des ordres hospitaliers ou militaires. L'origine ethnique procède de l’une des grandes races qui ont peuplé le territoire gallo-romain. L'origine — 931 — sociale enfin est celle des noms qui se rapportent à la pro- priété foncière, aux institutions, à la défense, à l'habitation, à la culture, à l’industrie et au commerce, aux voies de com- munication. Toute la nomenclature territoriale nous a paru rentrer dans ce cadre. Les premiers noms de lieu ont généralement disparu par le fait des migrations des peuples. Le premier soin d’un peuple qui émigre et qui s'empare du territoire d’un autre peuple, c’est d'imposer de nouveaux noms aux lieux. Il n’y a à cette règle que deux exceptions. Si l’envahisseur est in- férieur en civilisation à l’envahi, il peut arriver que ces noms subsistent, au moins en partie. Le cas peut se présenter, même lorsque le premier est supérieur sous ce rapport, sil ne peut occuper sa conquête en totalité ; 1l y a alors simple infiltration de noms nouveaux parmi les noms anciens. C’est ce qui est arrivé dans les Gaules, en Espagne et en Italie, où l’élément indigène a été peu à peu pénétré par l'élément roman : les noms de lieu de source latine, après un temps qui a varié avec les régions, se sont trouvés mélangés à des noms gaulois, ibères, ou ligures. Le nombre de ces der- niers n’est certainement plus considérable à notre époque, bien que l’analyse moderne en dégage, tous les jours des composés où ils semblaient enfouis pour toujours. Cette comparaison scientifique n’est pas aussi forcée qu’elle peut le paraître au premier abord. Il est très rare, en effet, que les noms de lieu gallo-romains soient des noms simples : ce sont, en général, des radicaux affectés d’un suffixe qui en modifie le sens au point, par exemple, de faire une expres- sion géographique d’un nom de personne ou de peuple. On sait que la conquête des Gaules par les Romains fut suivie d’une assimilation complète des vaincus. Sous l’in- fluence romaine et bientôt chrétienne, religions, mœurs, langages antiques disparurent à tout jamais. Les noms de heu, en nombre restreint, qui ont échappé ont, d’ailleurs, subi une transformation : ils ont été latinisés. « La forme la- — 199 tine, dit Quicherat (1), est l'habillement le plus ancien sous lequel se rencontrent les noms de lieu. » Comme la langue latine survécut aux invasions barbares et fut encore, « pen- dant huit cents ans, l’idiome usuel des gens éclairés, le seul dans lequel on ait écrit, ce qui avait été fait pour les noms barbares d'avant la conquête, fut encore fait pour les noms apportés par d’autres barbares... Il n’y eut d'exception que pour quelques pays frontières, où la dépopulation avait été telle au cinquième siècle, que les étrangers qui vinrent s’y établir depuis, ne purent ni recevoir la transmission d’une nomenclature territoriale, ni subir l’influence du latin pour la nomenclature qu'ils créèrent eux mêmes (2). » Les noms de lieu ont donc suivi les destinées générales de la langue : ils ont passé peu à peu des idiomes gaulois ou germaniques au latin, puis du latin à l’une des langues ro- manes @), sauf sur quelques points excentriques où ils sont retournés à l’un des idiomes primitifs. Ainsi, pour arriver à la signification du plus grand nombre des noms de lieu ro- mans, tels que nous les avons aujourd’hui, il faudra d’abord rechercher leur ancien nom latin ou latinisé. Seul, il peut nous faire retrouver l’ancien nom gaulois ou germanique à traduire. Malheureusement, les documents qui peuvent nous y aider sont rares . le x1° siècle a vu tarir la source où l’on pourrait puiser, Dans les documents postérieurs, on ne trouve plus, dans leur forme pure, que les dénominations d’un usage fréquent ; les autres sont consignées par les scribes, soit dans leur forme romane, soit dans une forme latine visible- (1) De la formation française des anciens noms de lieu, p. 12. — (2) QUICHERAT, ibid. - (3) On a appelé roman « un langage qu'on a sup- posé avoir été intermédiaire entre le latin et les langues qui en sont nées, mais qui, en ce sens, n'a jamais existé, Aujourd'hui, il se dit des langues qui se sont formées du latin et dont les quatre principales sont : l'espagnol, le français, l'italien et le provençal. » (Littré) Le roman est devenu « l’en- semble des langues romanes. » (Id.) Moins étendus que les territoires des quatre langues, dont nous venons de parler, les domaines du catalan et du portugais ont cependant une réelle importance. SR ment calquée sur elle, à moins qu’elles ne soient traduites par des équivalents qui ne sont que des jeux de mots ou de ridicules équivoques (t). On peut, il est vrai, à défaut de textes qui nous aient conservé les formes latines antérieures au xu° siècle, demander à l’analogie ce que la prononcia- . tion, qui téendait à éteindre la sonorité du plus grand nombre des syllabes pour porter tout Peffort de la voix sur la syllabe accentuée, a pu faire disparaître de leurs éléments primitifs. Mais c’est là une opération délicate et scabreuse, dont il ne faut pas abuser. Les formes latines de nos noms de lieu SE présenter les accidents généraux de la formation provençale, espa- gnole, italienne, ou française : perte de la désinence gram- maticale, totale ou partielle, soit par apocope, soit par as- sourdissement ; mutation de voyelles ; syncope de voyelles ; épenthèse de voyelles ; mutation de consonnes ; métathèse de consonnes ; contraction ; fusion d’une consonne et d’une voyelle en une seule articulation ; syncope d’une consonne ; syncope d'une consonne avec la voyelle qui la précède ou qui la suit; syncope d’une consonne et d’au moins une voyelle ; apocope ; aphérèse, accident dont l'italien a abusé (2): épenthèse d’une consonne: prosthèse, accident fréquent dans l’espagnol (3) ; diérèse ; synérèse ; altération par homo- phonie. Les suffixes ont éprouvé des accidents particuliers à chacun d'eux et qui varient avec les régions, ainsi que nous aurons lPoccasion de le voir. Quicherat, à propos de l’épenthèse, pense que « ls, signe du pluriel, a été attaché sans raison à une infinité de vocables dérivés du féminin singulier de la première déclinaison fa- tine (4). » Le savant philologue oublie que cette déclinaison (1) V. QUICHERAT, loc. cit., pp. 78 et 79. — (2) Spedale pour ospedale. — (2) Espina pour spina. La prosthèse est fréquenteaussi en provençal et en français. Le populaire la pratique encore volontiers, défigurant des mots qui sont dès longtemps fixés. — {4) Loc, cit., p. 24. — 334 — n’a point passé dans le vieux français. Cet s n’est autre chose que celui du nominatif singulier, masculin et féminin, de la seconde déclinaison latine, qui est devenu la déclinai- son unique du vieux français. Cette dernière a la même terminaison au nominatif singulier des deux genres. Nous disons les deux genres, parce que le neutre latin S’est perdu dans les langues romanes, où ses noms ont suivi les desti- nées des noms masculins. Lorsqu'un nom de lieu de forme française a conservé l’s au singulier, c’est tout simplement qu'il a conservé l'orthographe antérieure au xiv® siècle. Arca, Arques (L.-Inf.)); Briva, Brives (Cor., Indre, etc.) ; Cella, Celles (Ar., Aube, etc.); Domnus Aper, Domèvres (Meur., Vos.) ; Egidiacus, Essoyes (Aubes) ; Fabrica, (Fa- brègues (Av., Hér.); Gamapium, Gamaches (Eure); Lemau- sus, Limours ($S.-et-0.); Massava, Mesves ou Mèves (Nié.) ; Nidalfa, Naufles (Eure); Senonia, Senones (Vos.); Trevi- dus, Trèves (Gard, Loire); Villania, Villaines (C.-d’Or, [.-et- L., S.-et-O.). Littré avait remarqué cette s thématique dans le mot vieux français romans. Il avait su aussi que la forme provençale correspondante était roman sans s. Comment n’a-t-il pas généralisé ces deux faits ? Pourquoi n’en a-t-il tiré aucune conclusion ? Quoiqu'il en soit, nous croyons pouvoir inférer de l'étude que nous avons faite de la question, que l’s au sin- guler est propre au vieux français et qu'on ne le trouve dans aucune des autres langues romanes. Il a passé au plu- riel dans le français moderne qui suit la troisième déclinai- son latine. : Les anciens noms de lieu ne sont pas toujours, tant s’en faut, des noms simples; et, parmi ceux qui, au premier abord, semblent être tels, beaucoup sont en réalité des noms composés. Ce sont, en effet, des radicaux affectés de dési: nences qui en modifient totalement le sens. Nous ne parlons, pour le moment, que des seules désinences latines, dont on connaît bien la valeur : anius, ania, anium, qui exprime — 3939 — l'extension du radical, et etus, eta, etum ; ellus, ella, ellum ; olus, ola, olum ; ulus, ula, ulum ; cellus, cella, cellum ; cu- lus, culu, culum, qui expriment sa diminution; arius, aria, arium et aris, are, qui donnent une idée de réunion; uaster, astra, astruim, qui atténue une qualité ou un défaut ; ensis, ense, qui indique l’essence ou l’origine ; osus, osa, osum, qui signifie l’abondance. Campania, Champagne (Vien.); Villeta, Villettes (Eure) ; Casella, Chaselles (Aïn) ; Ecclesiola, Glisolles (Eure); Venula, Voinsiles (S.-et-M.); Monticellus, Montceaux (Ain, Aube, etc.) ; Ferrunculum Froncles (Hte-M.); Castellarium, Châ- tehiers (Ven.) ; Brogaria, Bruyères (Aïsne, S.-et-0., Vos.) ; Villaris ou Villare, Villars (Char., Dord., etc.), Villers (Aisne, Doubs, etc.), Villiers (C.-d’Or, Indre, etc.}, Campu- nastrum, Champenâtres (C.-d’Or); Agenensis, Agenès (Hér.) ; Spinosa, Espinouses (Hér,): Petrosum, Perreux (IL.-et-[., Yon.) Lorsque les noms de lieu sont de vrais composés, leurs éléments peuvent s'être fondus dans le dérivé. « Dans ce cas qui est celui de tous les composés de formation très ancienne, des difficultés de diverses sortes peuvent dérouter dans la recherche du dérivé français. Les principales sont : 4° les irrégularités d'orthographe, surtout lorsqu'elles affectent le commencement du mot : Altus mons, Aumont (Somme) et Omont (Ardennes), au lieu de Hautmont. 2° Les altérations survenues dans le premier radical, par suite de la manière dont il était prononcé : Cava rupes, Chaveroche (Corrèze) et Chavroche (Allier), au lieu de Caveroche.…. Les aphiérèses aggravent encore ce genre de difficulté, surtout s’il s’y joint d’autres accidents de formation : Episcopi villa, Vesqueville (Calvados), Vecqueville (Haute-Marne), Vacqueville (Meurthe), au lieu de Evêque- ville. — 336 — ° La déformation de l’un des radicaux ou de tous les deux ensemble, produite par des syncopes ou des contractions intérieures : Campus Pagani, Champien Yonne), pour Champayen._ 4 Les fautes de prononciation qui ont dénaturé le sens des radicaux latins : . Fons romanus, Fondremand (Haute-Saône), au lieu de Fontromain (1)... » Les noms composés, dont les éléments ne se sont pas fondus dans le dérivé, ne sont pas eux-mêmes exempts d'accidents. Le rapport de possession qui est, le plus sou- vent, celui qu'exprime le thème latin, se rend générale- ment, suivant les règles de notre ancienne langue, par la juxtaposition pure et simple du nom du possesseur ; les éléments conservent, dans le composé, leur ordre logique. Mais, lorsque ce nom est d’origine germanique, souvent il n'en est pas ainsi : le nom composé est formé par l’in- version de ses deux éléments. Mons Bosonis, Montbozon (Hte-S.), Bosonis mons, Bouze- mont {Vos.), Mons Fulconis, Montfaucon (Aisne); Falconis mons, Faulquemont (Mos.). | Les noms de cette catégorie peuvent avoir été syncopés et contractés ; apocopés d’une et deux syllabes, sans préju- dice d’autres réductions intérieures ; enfin avoir subi l’aphé- rèse ou la prosthèse. Dotonis villa, Donville (Man.), Flodobi mons, Flaumont (Nord), Idonis villare, Ivilliers (E. et L.), Sicramni curtrs, Craincourt (Meur.), Fratboldi curtis, Affracourt (Meur.). Bien que Quicherat se soit borné volontairement à l’étude de la forme des noms de lieu et n’ait pas cherché à en péné- trer le sens, il est encore lé meilleur guide qu’on puisse uti- liser pour aller plus loin qu’il ne lui a convenu de le faire lui-même. Son traité De la formation française des noms de (1) QUICHERAT, loc. cit., p. 58. — 337 — lieu trace des règles qui seront de grande utilité aux cher- cheurs qui voudront ne pas s’égarer en route. M. Hip. Cocheris a voulu aller plus loin que Quicherat et, dans un intéressant opuscule, Origine el formation des noms de lieu, a essayé d’initier la jeunesse scolaire aux mys- tères de la signification de ces noms. Le plus grand mérite de l’auteur, après celui d’avoir traité un sujet à peu près neuf, c’est d'avoir arrêté, pour la première fois, les grandes lignes de leur classification. Sans doute, on ne peut pas ad- mettre, dans tous ses détails, le départ qu’il en a fait. C’est ainsi qu'il a associé à l'influence ethnique, une influence onomastique, ou, si l’on veut, personnelle, qui rentre plus naturellement dans le cadre des influences sociales. Cette influence n’est autre, en effet, que celle de la propriété fon- cière. C'est ainsi encore qu'il attribue au groupe des noms d’origine naturelle ou géographique des noms comme Champigny, Grézian, Milly, Montignac, Neuilly, Peyriat, dont l’origine gentlique est incontestable. Le travail de M. Cocheris 1ven a pas moins jeté de grandes lueurs sur la question. On peut consulter aussi sur la question un ouvrage cu- rieux et spirituellement écrit d'A, Houzé, qui a pour titre : Etude sur La formation des noms de lieu en France. Les travailleurs trouveront de grandes ressources, pour la recherche des formes latines, dans l’Historia Francorum et le De Virtutibus Sancti Martini, de Grégoire de Tours, l’'Historia Ecclesiæ Remensis, de Klodoard, la Gallia chris- liania, les Acta Sanctorum, le Spicilegium d’Achéry. le De Re diplomatica, de Mabillon, l'Histoire du Languedoc, de dom Vaissète, les Rerum Gallicarum et Francicarum scrip- tores, de dom Bouquet, l'Histoire de la ville et du diocèse de Paris, de Lebeuf, la collection du Bulletin de la Société des intiquaires de France, celle des Mémoires lus à la Sorbonne, l'Art de vérifier les dates, le Polyptique d’Irminon, les Car- tulaires publiés, le Dictionnaire des anciens noms de lieu de 292 — 338 — l’Eure, de Le Prévost, la Géographie ancienne du diocèse du Mans, de Cauvin, les Noms anciens de la Dordogne, du vi- comte de Gourgues, le Dictionnaire des communes de Franche-Comté (Jura), de Rousset, les Etudes sur les noms des villes, bourgs et villages du Nord de Mannier; enfin, les dictionnaires topographiques () et les répertoires archéo- logiques des départements, déjà parus. Ils n’oublieront pas de joindre, aux renseignements qu’on y trouve, ceux que nous ont apportés les travaux des d’Arbois de Jubainville (2, des Desjardins (), des Gaidoz (4, des Longnon () et autres chercheurs. (1) Dict. de l’Aïsne, de l'Aube, des Basses-Pyrénées, du Calvados, de la Dordogne, de la Drôme, de l'Eure-et-Loir, du Gard, des Hautes-Alpes, du Haut-Rhin, de l'Hérault, de la Marne, de la Meurthe, de la Meuse. de la Moselle, du Morbihan, de la Nièvre, de la Vienne, de l'Yonne. — (2) Re- cherches sur l'origine de la propriété foncière et des noms des lieux habités en France, 1890. — (3) Géographie de la Gaule romaine, 1876, 78, 80 et 97. — (4) L'tudes de mythologie gauloise, 1886. — (5) Polyp- tique de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, rédigé au temps de l’abbé Irminon et publié d’après le manuscrit de la Bibliothèque na- tionale, 1886. C'est M. Longnon qui a terminé le quatrième volume de la Géographie de la Gaule romaine, d'E. Desjardins. — 999 — NOMS D'ORIGINE NATURELLE 1° Généralités Les noms d’origine naturelle les plus anciens sont des noms à suffixes gaulois. Les plus répandus de ces suffixes sont as, alis, ale, quelquefois atus (2), et oialos, en latin oialus, oiala, oialum. Oialus est devenu oilus, puis ogilus, et enfin olius, dans le cours des siècles du moyen âge. As, alis, ate, atus peut bien être d’origine grecque comme d’autres suffixes gaulois. Attaché à des radicaux, gaulois d’abord, puis latins, il a engendré des noms en «as, at, quel- quefois ef, dans les pays de langue d’oc, en ay, ey, dans les pays de langue d’oil : Condate, Condas, Condat, Condey, Condé. L’avancement de l’accent a produit l’apocope dans un cer- tain nombre de ces noms : Arelate, Arles (B.-du-Rh., Lot, P.-0.), Brivate, Brives, (Ch.-[nf., Cor., Hte-L., Indre, Jura, May., Sarthe), Condate, Condes (Hte-M., Jura), Candes (L.-et-L., T.-et-G.), Cosnes, pour Cones (Al., C.-d’'Or, Mos., Nié., Oise), etc. Plus rarement il y a eu changement de la consonne fi- male: Condate, Condac (Char., Dord., Vien.), Condal (L.-et-G.), Condel [Cal., Tarn). Des cas plus compliqués sont ceux de : Brivate, Brioudes (Hte-L.), Condate, Cognac, pour Coniac (1) Aus correspond aussi bien qu'atis au grec atos. — 340 — (Char., Cor., Hte-V.), Cognat (AL), Cogna (Jura), Cogné (E.-et-L.). La terminaison atis n'indique pas toujours le génitif; elle caractérise même le plus souvent une forme ancienne du nominatif. Le radical des noms en as, atis, «te, atus, peut être un nom de personne ou une expression géographique : Private, lieu où se trouve un pont, Condate, lieu où se trouve un gué, Magalate, lieu où demeure Magalo, Saturatrs, eu où demeure Satur. On a fait, de bonne heure, sur le thème Panças des formes latines en atia, alium, acia, acium. Colovracia (), Colouras (Rhône), précédemment Colobra- tis et Colovratis, Crudacium (2), Cruas (Ardèche), précé- demment Crudatus, Solnatium (3), Sonnas ou Sonnaz (Sa- voie), précédemment Solnalis. Accolatus (4), Accolay (Von.), Albatis, Albas (Aude, Lot), et Aubas (Dord.}, Aniciatis (), Nizas (Hér.), Arboratis (6), Ar- boras(Hér.), Attolalis, Saint-Jean-de-Toulas (Rh.), Aviatis (1), Vias (Hér.), Braconatus, Briquenay (Arden.), Cerate, Céré (L.-et-L..), Cablionatis, Chablenat (Rh.), Garpentorate, Car- pentras (Van.), Curcionatis et Curcenate (8), Coussenas (Hér.), Cumbalium 0), Combas (Gard), Dodolatus (0), Dollot (Yon.), Durate, Duras (L.-et-G.), Fabatis, Fabas (Ar., etc.) etFavas (Hér., Var), Lunatis(l), Lunas(Hér.}, Madernatis (12), Marnas (Dro.), Magernatis, Magernas, ancien nom de Ger- magny (Rh.), Moratium 01, et Muracium (14), Morat [Dro.), Pedinatis(5), Pézenas (Hér.), Quadratium, Queyras (H.-AL.), Fivatis, Rivas (Loire), Saturatis (16), Sarras (Ardèche), Sava- cia (17), Savasse pour Savas (Dro.), Savadatis (18), Savas (Is.), (1) En l'an 1000, — (2) En 1069. — (3) En 1100. — (4) vrre siècle. — (9) En 949. — (6) En 80%. — (7) En 1118. .- (8) En 837. — (9) En 931. — (10) Au 1xe siècle. — (11) En 804-6. — (12) En 1058. — (13) En 1068. — (14) En 1079. — (15) En 990. — (16) En 964. — (17) En 950 — (18) En 1055, nn Scalatis, Echalas (Rh.), Sentolatus (1), Satolas (Is.), Uscla- tium (2), Usclas (Hér.). Lorsqu'on étudie attentivement les noms de lieu qui se terminent par oïalus. oiala, oialum, ou l’un des dérivés de ce suffixe, on sait que leurs racines sont, ordinairement, des noms communs empruntés, soit à l’un des trois règnes de la nature, soit à la topographie, et que cette désinence est des- tinée à en faire des noms collectifs, comme ceux qui portent la terminaison latine etum ou l’une de ses corruptions etus, itue, edus, idus. Sous la domination romaine, otalus et etum auraient même été combinés indifféremment avec des radi- caux latins pour former des noms exprimant l’idée de la col- lectivité. Les deux Epinay (sur Seine et sur Orge), avant d’être des Spinetum (épinaie) ont été des Spinogilum 6), ainsi que l’atteste le Polyptique d’Irminon. Quelquefois même, on a joint oialus à des noms d'hommes, témoin Argentogilum (), Argenteuil (S.-et-0 ), et Radolium, Rueil {S -et-M.), qui ont probablement commencé par deux groupes d'hommes ou de familles portant les noms d’Argento et de Rado. Nous avons vu que, contrairement à ce que pensait Quicherat (©), oïalus est le thème primitif ; ogilus et oïlus des produits de basse latinité ; olius a prévalu depuis le xr° siècle. Olius n’est plus, d’ailleurs, que Phabit latin du français oenil, ent, eil, ent, nel qui répond aux quatre types précédents. Aballoïialum, Valeuil (6) (Dord), et Valuéjols (7) (Can.), Altogilum, Auteuil @) (Seine), Antoialum, Anteuil ®) (Doubs), Arcoïilus, Arcueil(10) (Seine), Borgoïalo, Bourgueil (1 (L.-et- L,.), Bonogilum Bonneil (12) (Aisne), Cassanogilum (3), Chas- seneuil [Vien.), Corboilum, Corbeil (S -et-0.), Cristoialo, Créteil (4) (Seine), Diogilum, Deuil (5) (S.-et-0.), Ginestolio (1) En 830. — (2) En 1902. — (3) En 815-6. — (4) En 824. — (5) Loc cit., p. 51. — (6) Avaloil, en 1249. — (7) Avalogilo, en 9928. — (8) En 815-G6. — (9) Antoyle, en 11443. — (10) En 1119 et 1142 — (11) Mon. mér. — (12) Vers 850 — (15) En 828; Cassanoilum cn 928; Cassanolium au xIe siècle. — (14) Mon. mér. — (19) En 862. — 342 — Gineteuil (May.), Limoïialus, Limeil (S.-et-0.) et Liméjouls (Dord.}, Maroïalum, Mareil-en-Champagne (1) (Sar.) et Ma- reuil (1.-et-Ch.), Maroïalicae thermae, Mareuil (2) (Dord.), Maroïilum, Mareil-sur-Mauldre (3) (S.-et-0.), Nantoialum (4), Nanteuil (Oise), Nantoilum (), Nanteuil (Mar.) et Nanto- lium (6), Nanteuil (Vien.), Naioïalum (7), Nieul-lès-Saintes (Ch.-Inf.}, Orgasoialum, Orgatoilo, Orgedeuil @) (Char }, Petroïlum (9), Preuil pour Perreuil (M.-et-L.), Rigoïalum (1), Rueil (S.-et-0.), Scoilus (1), Ecueil (Mar.), Sedoïilus (12), Seuil (Arden.), Septoilum (13) Septeuil (S.-et-0.), Vendogilo 4%, Vendeuil (Aisne), Zezinoïalum (15), Zazeneuil (Vien.). Oialus et ses dérivés ont fléchien eau, ou etiou par con- traction de la liquide L. Altolio (6), Authiou (Nié.), Blanoïilus (7), Bléneau (Yon.), Caproilus, Chevroux (Aïn), Ermolium, Armeau (Yon.), Maroïlus, Mareau (Loiret), Nantogiluin, Nanteau (S.-et-M.), Nastogilus, Naiïlloux (Hte-G.), Spinolium (18), Epineau (Yon..). Des flexions irrégulières, dues à une prononciation vi- cieuse, ont donné des noms comme Courtille (Lot), Nanton (S.-et-L.) et Ciran, pour Siran {L.-et-L.), qui devraient être Courteil, Curtogilus, Nantou, Nantogilum et Sireau, Siroia- lum. Chanteuges (Hte-L.), Mareuge (P.-de-D.), et Verneuges (Hte-L. et P.-de-D.) proviennent par transposition puis con- contraction de la liquide de Cantolgium, Murolgium et Ver- nolqium. Les Buscoïalum, Cassanoïalum, Maroïalum, Nantoïalum, Petroïalum, Spinoïalum et Vernoïalum sont nombreux en France. Il suffit, pour s’en convaincre, d'ouvrir le Diction- (4) Au vre siècle. — (2) A la fin du 1ve siècle. — (3) Vers 815. — (4) Au ixe siècle. — (5) Vers 850. — (6) Vers 1085. — :7) Au vie siècle. — (8) Mon. mér. — (9) En 1130. — (10) Au vie siècle. — (11) Au ixe siècle — (1?) Au ix° siècle. — (13) Vers 815. — (14) Mon. mér. — (15) Fin du vur° siècle. —— (16) En 1121. — (17) Au vi° siècle. — (18) En 1184. — 343 — naire des Postes, où l’on trouve jusqu’à 54 formes françaises de l’un d’eux. | Oialus est devenu, en provençal oilh, uéjol, uéjoul, véjol, cugheol, et, en ancien italien, oglio, uolo, traductions de ses dérivés ogilus et oïlus. La désinence latine etum, qui a la valeur collective que l’on a découverte chez oïalos, lui a succédé au temps de la domi- nation romaine, dans la caractéristique des noms de lieu qui expriment l'abondance du radical. Dans les siècles de barba- rie qui suivirent, jusqu'alors invariablement neutre, elle à dégénéré en etus et en edus, itus et idus (a, um). Cette désinence a fléchi différemment suivant les régions dans notre pays. Dans le nord de la France, etum et ses dé- rivés sont devenus ay, 01, os, ey, y; dans le centre at, et ; dans le midiet, ède ; dans le sud-ouest «c ; en Bretagne ac, ec, ic. Elle a donné eto à l’italien ; dans l’espagnol, elle a été supplantée par al, issu d’alis, ale. Gastanctum, Châtenay, Châtenoy, Châtenois, Châteney, Châtenat, Châtenot, Châdenet, Castanet, Castanède, Casta- gnet, Castagnède. Les formes anciennes Chastenay, Chasta- nat, Chastaret et Chastenet se sont maintenues en certains points. Une version, particulière à l'Isère, à l’Aïin et au Jura, est Châtonnay. : Le dérivé idus a donné spécialement lieu à la flexion sep- tentrionale y. Buzxidum, Buxy et Bussy ; Carnidum, pour Carpinidum, Charny ; Mespilidum, Mesly ; Sabicidum, Louzy ; Vernidum, Verny. Arabletus (D, Arblay (Yon.), Bedolitum (2), métathèse de Betulidum, Belloy (S.-et-0.), Castaneda 6), Castagnède (Hte.-G.), Fraxineto (4), Fränay (Niè.), Graulidum 6), syn- cope de Graussulidum, Groslay (S.-et-0.), Marlida (6), Mar- (1) En 1120. — (2j En 832. — (3) En 1082. — (4) En 1151. — (5) En 862. — (6) En 816, — 344 — loy (Belg.), Nogaredum (), Norroy (Meur.), Prunidum, Preny @) (Meur.), Roboretus (3), Rouvray (Yon.), Spinetum, Epenoy (Doubs), Telidum (4), pour Tilidum, Teillet (Cor ), Vertedum, Vert (Lot). Atus, atu, atum a été employé dans le même sens qu’etum, surtout au féminin. "3e Alnata, l’Aunaye, Corylata, la Coudraie, Fraxinata, la Frânée, Pomarata, la Pommeraie, la Pomarède, Saliciata, la Saussaye. On voil, par ces exemples, comment cette particule a été rendue dans le provençal et le vieux français. Les formes étrangères sont : ado, ada, en espagnol, et ato,ata, enitalien, Le fréquentatif latin aticus, composé du suffixe atus du participe passé et de la désinence icus, qui exprime l'essence ou la nature, a donné naissance à toute une classe de noms topographiques en age, az, ais, selon les régions. Aticus a fléchi en agius, qui a donné le vieux français aige, age. Le t de aticus s’est conservé dans Île provençal atge et dans l’ita- lien aggio, qui se prononce atgio. L’espagnol à aje, ancien- nement age. Anagia (5), Nages (Gard), Betulaticum , Boulage (Aube , Barbaraticum (6), Barberaz (Sav.), Broagium, Brouage (Ch - Inf.), Cassaniticum (1), Sassenage (Is.), Landaticum, Lan- tages (Aube), Linaticum, Linage (Is), Malvagia 8), Mau- vages (Meuse), Mesaticum Ü), Saint-Pierre-de-Mezage (Is.), Parlaticum, Parlatges (Hér.), Silvagium (0), Servais (Aisne), Solaticum (11), Soulages (Hér.), Uriaticum, Uriage (Is). On trouve, parmi les lieux-dits, Alpage, Bernage, Char- nage, Ermitage, Herbage, Pâturage, Sauvage, Vendage, qui proviennent aussi de noms en uticus, agius. Nous ne reviendrons sur les suffixes latirs anius, arius, (4) En 900. — (2) en 745. — (3) Au vue siècle. — (4) En 842. — (5) En 895.— (6) En 1100.— (7) En 1099. — (8) En 1101. — (9) En 805. —- (10) En 846. — (11) En 996. Re ds SEE — 945 — aster, ensis et osus, dont nous avons déjà parlé, que pour en donner les équivalents français ou étrangers. Arius, qui est devenu erius, dans la suite des temps, a été rendu par ar, ère, ès, dans le midi de la France, ier, dans le nord et souvent dans le midi, quelquefois et rarement par ey. Son féminin aria à deux traductions: erie et ière. On trouve, dans l’espagnol et l'italien, erio, eria. Armentaria (), Armentières(Eure), Brogaria @), Bruyères (Oise), Castellurium, Castelar, (B.-du-Rh.), Columbarium, Colombiers G@) (Hér.), et Colombey-les-Belles (# (Meur.), Fo- derias 5), Fozières (Hér.), Granotheriis (6), Grenouillès(Hér.), Juncariae, Jonquières (Gard), Linaria, Liniers (Vien.), Ma- ceria, Mézières (Arden.), Nucaria, Nozières (Ardèche), Por- caria, Porquières (Hér.), Rivaria, Riverie (Rh.), Solarium, Soliès (Var), Spicariae, Espiers (E.-et-L.) et Epieds, pour Epiers (Loiret), Urseria, Orcières (Htes-A.) Vuarenceria, Garancières (E.-et-L.). Ensis, ense, est devenu ais, ois, oix, dans la vieille France ; ès, dans le domaine des idiomes provençaux ; es, en Espagne ; ese, en Italie. Cette désinence affecte constamment des déter- minatifs, ainsi qu'il est facile de s’en convaincre par les exemples suivants. On y verra aussi que, généralement, il n'est resté des composés, auxquelsils ont appartenu, que ces adjectifs, veufs des noms qu'ils avaient servi à déterminer. Agonensis (vicariä) (1), Agonès (Hér.), Belvacense (monus- terium) (8) Belvès (Dord.), Bruscense (vicarià) 9), Brusquès (Av.), Calensis (parochia) 0), Calès (Dord.), Cambarense (vi- carià) 1), Camarès (Avey.), Fontanensis, Fontanès (Hér.), Mariacensis (12), Margès (Drô }, Mons Magdalunensis, Mont- madalès (Dord.), Orbacense (monasterio) (3), Orbais (1%) (Mar.), Vallis Quadensis, Vauquois (Meuse). y (1) En 867. — (2) En 799. — (3) En 990. — (4) En 836. — (5) En 987. — (6) En 1115. — (7) En 80%.— (8) En 853. — (9) Mon mér.— (10) En 1124. -— (11) Mon. mér. — (12) Mariacum en 1163. — (13) En 849. — (14) Or- bacus en 86%, — 346 — Les formes françaises ont été, de bonne heure, latinisées. Agonesium 1), Agonès (Hér.}, Calesium (2), Calais (P.-de- C.), Mallesius, Manlaix (Niè.), Morasias @), Mourès (Hér.), Provasium ‘#), Prouvais (Aisne), Sarmasia, Sermaise 0). (Mar.) et Sermoise (6) (Niè.), Samesium (7), Samois (S.-et- M.), T'heuvasium (8), Thivais (E.-et-L.), Vulpasium O), Voul- paix (Aisne). Les noms de lieu de cette catégorie ne sont pas très nom- breux, parce que la désinence ensis à servi surtout à spéei- fier les divisions territoriales, diocèses, vigueries, pagi, et contenies, ainsi que les localités importantes, municipes, ci- vilates, urbes et vici. Dans ce dernier cas, elle n’est, d’ail- leurs, qu’un double du nom propre de lieu. Albensis pagus (0), Pays de l’'Albe (1) (Meur.), Albucensis centena (2), le Bugue, pour Albugue (A-le-Bugue) {Dord.), Bladelacensis villa (13), Blalay (14), pour Blalais (Vien.), Bru- censis centena (15), Bras (Meuse), Brigantinense munäict- pium (16), Briançon (17) (Htes-A.), Brionensis vicaria (18), Vi- guerie de Brion (Vien.}, Camiliacensis Pagus, Pays de Chambly (Oise), Carnonensis pagus, Pays de Charne (1), (May.), Cregadonense condita (20), Craon (May.}, Dulco- mense castrum (1), Doulcon (22) (Meuse), Æbrodunensis ecclesia (23), Eglise ou diocèse d’Embrun (Htes-A.\, Jccio- nensis vicurix (24), Viguerie d'Usson (Vien.}, /ciodorensis vicus (5), Vic d’Izeure (L.-et-L.), Juliubonensi civitate (26), Lillebonne (S.-Inf.) Mons Latiscensis, Mont Lassois (C.- d'Or), Madriacensis pagus (27), Pays de Méré (S.-et-0:), Ozindensis urbs, Uzès (Gard), Sigiacense monasterio (@S), Is- (1) En 1323. — (2: Au xure siècle. -— (3) En 804. — (4) En 109%. — (5) En 1082. — (6) En 905. — (7) En 982. - (8) Vers 954. — (9) En 1065. — (10) En 816. — (11) Canton de Blamont. — (12) En 987-96. — (13) En 987- 96. — (14) Bladalacus en 774. — (15) En 893. — (16) Inser. — (17) Bri- gantio dans l'Itin. d’Antonin et la Table Théod. — (18) En 903. — (19) Carnonus. — (20) En 894. — (21) En 939. — (22) Dulcomagus. — (23) En 585. — (24) En 913. - (25) Au vie slècle. — (26) Mon. Mér. — (27) Au 1xe siècle. — (28) En 1053. Reir sigeac (Dord.), Theodomerense castrum (1), Thimer, et Theodomerensis pagus @), le Thimerais (E.-et-L.), Vapin- gensis ecclesia (3), Eglise ou diocèse de Gap, et Guapincensis vicecomitutus (4), vicomté de Gap (Htes-A.), Vertudensis pagus (5), Pays de Vertus (Marn.). Osus a été rendu, en provençal par 08, ous, ouz, en espa- gnol et en italien par oso, en vieux français par oux, puis par eux. Arborosa (6), Arbourse, métathèse d’Arbrouse, (Niè.), Be- tulosa, Bouleuse (Mar.), Caprosum, Chevrouse (Suis.), Che- vreuse (Aisne)et Chevroz (Doubs), Caprosa, Chevreuse (S.- et-0.), Coluberosa, Couloubrouze [Htes-A.), Foliosa, Fouil- louze (Htes-A.) et Fouilleuse (E -et-L.), Fraxinosa, la Freis- sinouze (Htes-A.), Menthosa, Mendouse (B.-P.), Petrosa Q), Pérouse (Ht-Rh.), Spinosa, Epinouze ®' (Drô }), Espinouse (9) (Hér.) et Epenouse (Doubs), Spinosum, Epenouse (Hte- Saône), Spissosum, Epessoux (Suis.). En composition, nous trouvons : Campus spinosus (10), Champenoux (Meur.), Mons pe- trosus, Montpeyroux (11) (Hér.) et Montperreux (Doubs), Mons spinosus, Montépenoux (Hte-S.), Villa petrosa, Ville- preux (E. et-L.) et Villeparrois, anciennement Velleperros (Hte-S.). L’augmentatif Anius et le péjoratif aster ont donné quel- ques noms de lieu topographiques en aigne, agne et aître, atre. Caämpania, Campagne (Ar. Dord., Gers, Hér., Lan., Oise, P.-de-C., etc.), et Champagne (Ain, Ardèche, Ch.-Inf, B'ecL, Jura, S.-eit-M. Set O0, Vien., etc.),. Cassania, Cassaigne (Aude, Cor., Gers), Cassagne (Av., Hte-G., P.-O., Tarn, Vau., etc.), et Chassaignes (Char., Ch.-Inf., C.-d’Or, (1) En 1031.— () En 1035. — (3) Au vie siècle. — (4) En 1045. — (5) En 696.— (6) Arbrusa en 1132. — (7) En 731. — (8) Spinosa en l'an 1009. — (9) Spinosa en 622, — (10) Champspinouse en 1214. — (11) En 1097. — 948 — Dord ), Chassagne (Ain, Can., Cor., C.-d’Or, Doubs, Is., Jura, Hite-L., Niè., P.-de-D., etc.). Montania, Montaigne (Indre) et Montagne (Gers, Gir., Hte-G. Is., P.-de-D , Som.), Vincania, Vignagne (Cor.). Campanaster, Champenâtre (C.-d’'Or), Silvastrum, Sau- vaitre (Gir.). 2 Fopographie La terre, avec les reliefs, les dépressions et les cavités que présente son sol, avec l’eau qui coule ou stagne à sa surface et celle qui entoure ses continents et ses îles, avec la végé- tation qui la recouvre. devait être, pour la nomenclature ter- ritoriale, d’une grande ressource. Aussi, sur le point trop restreint du globe, où l'influence gallo-romaine s’est fait sen- tir, la terre seule a-t-elle fourni à cette nomenclature Jus- qu'à cent cinquante espèces onomastiques. Nous verrons plus tard à quel chiffre celles-ci seront portées par la faune, la flore et la minéralogie. Les reliefs du sol nous ont donné les Alpis, les Allum, les Berga, les Calcium, les Carnum, les Go, les Collis, les Gon- lorus, les Costa, les Crachum, les Crista, les Culmen, les Cumulus, les Dola, les Falsum, les Hoga, les Jugum, les Mons, les Penna, les Petra, les Picum, les Aline Plata, les Podium, les Rupes, les Saxum, les Serra, les les Summa, les Tertrum. La grande chaine de montagnes qui sépare la France de l'Italie et forme le relief central de la Suisse, doit probable- ment son nom à ses pâturages. Le grammairien Servius (1), à l’occasion d’un passage du IV®° livre de PEnéide : … Veluti annoso validam cum robore quercum Alpini Boreæ, nunc hine, nunc flatibus illine, Bruere inter se certant,.….…. (1) Servius Maurus Honoratus, qui vivait au ve siècle, a laissé des Com- mentaires sur Virgile très estimés. — 349 — dit qu’Alpes signifie, en gaulois, montagnes élevées. « Rien, dit Littré, ne parait contredire cette étymologie ». Il ajoute qu'en kymri alp signifie roche escarpée. Isidore et Sidoine Apollinaire donnent «alpes, alpis comme synonyme de mon- tagne en général D'autre part, en Suisse, en Franche-Comté, dans la Savoie, le Dauphiné et la Provence, on appelle alpe tout pâturage de montagne et alpage le droit ou l'usage de faire pâturer les troupeaux dans les montagnes. Dans le seul département des Hautes-Alpes, on trouve, comme lieux-dits 15 l’Alp, 6 l'Aupet 6 l’Alpet. Le Mont-d’Or, dans le Doubs, s’est appelé longtemps la montagne des Alpes On peut, en général, définir les Alpes de hautes montagnes gazonnées propres à la pâture. Le radical gaulois «lp se retrouve, non seulement dans les contrées que nous venons d’énumérer, mais encore en Espagne, où il entre, par exemple, dans la composition du nom des Alpujarras, montagnes du royaume de Grenade qui sont des ramifications de la Sierra Nevada, en Italie, pays de plusieurs Alba () et de deux Album @), dans PIllyrie et dans l'Epire qui ont formé l’Albanie d'Europe, sans parler de l’'Albanie transcaspienne, où se trouve le défilé que les an- ciens appelaient Albanicae Pylae. En Suisse ce radical est dans le nom de l’Alpstein, dont le sommet le plus élevé est le Saentis, et dans l’Albis; il a servi à nommer Alpnach, village de l'Unterwald. Le nom le plus ancien de la Grande- Bretagne, Albion, le contient, ainsi que celui d’un autre Albion, l’Albionensis pagus, ancien pays de la Provence. l’ancienne dénomination du Vivarais, l’Albensis pagus pré- sente encore le même radical. On le soupçonne encore dans celle des Monts Albères. Alpis, Alba Helviorum (3), Aps (Ardèche), Alpis, Alpium (1) Alba Fucentia, Alba Longa, Alba Pompeia. — (2) Album Ingan- num, aujourd’hui Ana et Album Intemelium, Vintimille. — (3) Dans Line et dans Ptolémée. — 900 — villa, Alba Augusta, Aups (Var), Albiga, Alba Augusta, Alby (Tarn); Alpicum (l, le Pecq (S-et-0.), Alpis, Aups {Htes-A.), Albatis, Albas (Aude, Lot) et Aubas (Dord.), Alpa- lis, Alpas (Alpes-Maritimes), Ralpis, Réaups (L.-et G.). Altum, colline, hauteur, viendrait du gaulois alt, ue. donné l’adjectif latin altus. Altetum, Autet(Hte-S.), Altogilum, Auteuil (Oise, S.-et-M., S.-et-0.), Auteuil @ (Seine), Altogilum, Autheuil (un E.-et-L.) (3), Orne), Altogilum, Autheux, Authiule et Au- ‘hieule (Som.), Altogilum, Authiouse (Nièv.) (4). Berga, montagne, est d’origine germanique. LC none par berg, berghe, bergue, selon les régions. Berga, Berg (B.-Rh., Mos.), Bergues (Aisne, Nord, P.-de-C.); Berghes (A.-M.). Bergbieten (Bas-R.), Bergheim (Ht-R.), Bergholtz (Ht-R ). Enchenberg (Mos.), Fauquembergues (P.-de-C.), Grimberg (Ht-Rh.), Harberg (Meur.), Isbergues (P.-de-C.), Olenberg() (Ht-Rh.), Sternenberg (Ht-Rh.', Zellenberg (Ht-Rh,) Le mot Calcium, Caucium, plateau calcaire, est un dérivé bas-latin de ealx, chaux. Sa traduction méridionale causse a servi à dénommer toute une région, celle des plateaux qui couvrent une grande partie du Lot, de l'Aveyron, de la Lozère, de l’EHérault et du Gard. Causse-Bégon (Gard), Causse-de-la-Selle et Causse-en- Veyran (Hér.), Caussols (A.-M.), Caussou (Ariège), Caussade (Hte-P., T.-et-G.), Chaussade (Cr.), Encausse (En-Causse) (Gers, Hte-G.} Le Causse et le Chausse sont très répandus, comme lieux- dits, sur les deux versants du plateau central. Carnum, Cornum et Quernum sont l'habillement latin du celtique kern, rocher, grande pierre. (4) Au vire siècle. — (2) Attogilum en 815. — (3) Autol en 1198 et Altoil en 1155. — (4) Altolio en 1121 et 1142, Autioul, — (5) Olino de la Notitia dignitatum. — 9391 — Carnacum, Carnac (Mor.), Carnatis, Carnas (Gard), la Car- neille (Orne), Carniol (B.-A.), Carnoule (Var), Corn (Lot), Cornatis, Cornacium, Cornas (Ardè.), Corneuil (Eure), Cor- nile, Cornil(Cor.), Cornod (Jura), Cornot (Hte-S.), Cornu (Av.). Carneville (Man.), Cornebarieux (Hte-Gar.), Corneville (Eure), Cornimont (Vos.), Kernével, Kernilis et Kernouez (Kin.), Carnoet (Carn-Hoet)(C.-du-N.). Co, cons, cone, promontoire rocheux entre deux vallées, vient du gaulois kon. Conaltis, Conas (Hér.), Conate, Conat (P.-0.), Conanum, Conan(E.-et-L. Condatisco, St-Claude (Jura), Matisco, Mâcon (S.-et-L.), Tarasco, Tarascon (Bouches-du-Rhône). On trouve encore co dans Jtiscoana, Ecouen (S.-et-0.). Goilis, colline, côteau, dans César et dans Virgile. La tra- duction française, colline, est elle-même dérivée du féminin de collinus, adjectif employé par Varron et Columelle. Collis a été rendu par collés, coulx dansle midi et par choulx, choux dans le nord. La Colle (Var), la Colle-St-Michel (B.-A.), Coulx (L.-et-G.), Choux (Jura). Virgile et Stace emploient torus dans le sens de partie éle- vée d’un terrain. Dans Contorus, il s’agit d’une élévation ar- rondie. Torus, qu’on trouve également dans tertre (terræ lo- rus), a été rendu, comme dans ce mot, par tre. Contorus, Contre (Cher, L.-et-C., Sarthe, Somme), Conto- rêum, Contoire (Som.). Costa, côte, côteau, coste, couste. Costa (Corse), les Costes (Av.), la Côte (Hte-S.), la Côte (1) (Hér.), la Côte-en-Couzon (Loire), la Côte-St-André (Isère), les Côtes-G’Arey ([s.), Côtes-de-Corps (Is.), Coust (Cher). . Crachum, du vannetais crach, signifie tertre. C’est un nom _ Spécial au Morbihan. (1) Costa villa en 881. — 302 — Crach (Mor.), Crachcoat (Mor.), Crachguen (Mor.), Crach- gouillon (Mor.). | Crista, crête, et Gristum, crêt, désignent un sommet plus ou moins escarpé. La Crête (Hte-M.), le Crest (P.-de-D.}, Crest (1) (Dro.) Cré- teil (2) (Seine), Créteuil (Char... Culmen et cumulus, sommet, faite, qui ont la même signi- fication en latin, ont été rendus par les mêmes mots : en pro- vençal par comol, en italien par colmo, en espagnol par colmo, en portugais par combro, en vieux français comble et combre. Gulmen n’est resté distinct que dans le germanique culm ou kulm, encore pourrait-on prétendre avec quelque raison que culm est une métathèse de cum. Combles (Meuse, Som., Vien.), Combres (E.-et-L., Loire, Meuse, P.-de-D.), Culm (Al., Suis.) Escombres (Arden.)}, Maucombles (S.-Inf.), Culmbach (Bav.), Culmsee (Prus.). Le mot gaulois dol, en latin dola et aussi dolus, do- lum, plateau, table, se retrouve dans plusieurs noms de l'eux: Dol (L.-et-V.), Dole (Jura), Dolo (C.-du-N.;. Dolus (Char.-[nf., [.-et-L.), Doulaise (3) (Doubs), Dou- lauvre (4) (AIL.), Issendolus (Lot). Le haut allemand felisa, rocher, a donné lallemand mo- derne fels. On lui rapporte le vieux français falaise, en bas latin falasia, qui a la signification de sol sablonneux. Falaise (Arden., Cal., Eure, Sar., S.-et-0.), la Falaise (Aisne, Man., S.-et-0.), Faloise (Aïsne), la Faloise (Oise, Som.), la Falouse (Meuse), Fals (L.-et-G.), Fels (Aude), Felz (Hi-Rh.), Felouse (Cher). Felsbach (Ht-Rh.), Houtfalise (Belg.). La Hoga ou Hoha, hauteur, du haut allemand hog, hoh, (1) Crista en 1190 et Cristum en 1145. — (2) Cristoialo des mon. mér. (3) Dolensis villa. — (4) Dolobriga. # TIC DNS : SANTE on en allemand moderne hoch, hohe, a été traduit en français par hogue, hague, hah, hougue, hon (hohen). Hogues (L.-Inf., S.-et-0.), la Hogue [Man.), les Hogues (Eure, Man.), la Hague (Cal.), la Hougue /Man.), les Hougues (Man.), Hon (Nord). Hohroth (Ht-Rh.), Hohstatt (Ht-Rh.), Hohwald (B.-Rh.), Hohwiller(B.-Rh.), Hombourg(Ht-Rh., Mos.), Honfleur (Cal.). Jugum, montagne, chaine de montagnes, plateau, crête, cime, dans César, Properce et Virgile, est devenu joue, Joux. Joux (B.-du-Rh., Can., C.-d’Or, Is., Rh., S.-et-L., Hte- Sav., Yon.), la Joux (Doubs, Hte-L., Hte-M., Jura), Joucas (1), (Vau.), Joucoux (2) (Aude). Ajoux (Ardèche, Rh.), Hautejoux (Doubs), Injoux (Aïn), Mijoux (Jura), Montjoux (Dro.), Surjoux (Ain), Vaudioux (3) (Jura). Mons est une montagne pour Cicéron, un rocher ou une pierre de très grande dimension pour Virgile, une masse quelconque pour Plaute et Virgile. Il a conservé la forme latine dans une quinzaine de noms appartenant à toutes les régions de la Gaule. La forme provençale et française, mont, s’y trouve également partout. Une autre forme provençale est mon. On peut considérer son augmentatif montania, montagne comme le féminin de ladjectif montanius, montagneux, pris substantivement. Montania est devenu : en provençal montanha, montagna, montayna, en espagnol montaña, en italien montagna, en catalan montanya. Nous ferons remar- quer, en passant, que les Montagnac, Montagnat et Monta- gna, les Montagnevy et Montagny, les Montagnieux provien- nent, non du nom commun montania, mais du gentilice -Montanius. Un autre gentilice, Montinius a donné les Mon- tignac, les Montigné et les Montigny. (1) Jugatis. — (2) Jugolium. — (3) Vau-de-Jouxs 23 — 304 — Parmi les autres dérivés de mons, les principaux sont : les montolium, les montile et montilium, les montio, les mon- ticellus, les monticetus, les monticidus: et les montilus, aux- quels nous devons les monteuil, inonteil, montoil, montoux, les montil, les mousson et monson, les moucel, monceau, monchel, moncheau, mousset, mousseau, les moncels et mon- cy, Mmonchy, mouchy, moussy, les montel et montoy. Des très nombreux composés de mons, directs ou par in- version, nous ne citerons que les plus curieux au point de vue de la formation française. Montalquier (1) fHtes-A.), Montangon (2) [Aube), Mon- taud (3) (Hér.), Montaulin (4) (Aube), Montbéliard (51 (Doubs), Montbenoît (6) (Doubs), Montchalons (7) (Aisne), Montdar- dier (8) (Gard), Montéglin (9) (Htes-A.), Montélimar (10) (Dro.), Montenoison (11) (Niè.), Montépreux (2) (Mar.), Montgau- gier (13) (Vien.), Montgenèvre (14 (Htes-A.), Montgenôt (5) (Mar.), Montgivroin (16) (Mar.), Monthenault (17 (Aisne), Montheu (18) (Meur.), Monthoiron (19) (Vien.), Montjoie (20 (Doubs), Montlevon @l) (Aïsne), Montluçon (22) (AI.), Mont- mahoux (3) (Doubs), Montoulieu (24) (Hér.), Montpellier (25) (Hér.), Montpeyroux @6) (Hér.), Montrambæuf (27) (Aisne), Monsalès (28)(Av.), Montsaugeon (2)(Hte-M.), Montseugny (30) (Hte-S.), Montseveroux (1) (Isère), Montvendres (32) (Dro.). (4) M. Alcherius. — (2) M. Ingonis, x siècle. — (3) Monte alto, en 1138. — (4) M. Abolinus, en 754. — (5) M. PBilicardi, en 1160. — (6) M. Benedicti, en 1130. — (7) M. Cavillonis, en 1132. — (8) M. Desiderii. — (9) M. Aquilinus. — (10) Montilium Adhemari. — (11) M. Onesius, en 1097, -- (12) M. spiratorii, en 1032. — (13) M. Galgerius, en 1095. — (44) M. Januarius. — (15) M. Genoldi, en 1165. — (16) M. Givroldi, en 1124.— (17) M. Hunoldi, en 1159. — (18) M. acutus.— (19) M. Auranus. en 1031 et 1032. — (20) M. Galdii ou Gaudii, dans les titres du xne° siècle. La chapelle castrale est dédiée à sanclus Galdius ou saint Joye. — (21) M. Livonis, en 1110. — (22) M. Lucionis. — (23) M. major, en 1260. — (24) M. olivo, en 1452. — (25) M. Pistillarius, en 975. — (26) M. Petro- sus, en 1097. — (27) M. Remboldi. — (28) M. salinensis. — (29) M. Sa- lionis. — (30) M. Ciconiacus, en 1160. — (31) M. superior, en 1051. — (32) M. Veneris. La | SE ps LÉ ES 7.) | y se — 359 — Aigremont (D (Doubs), Aumont (Jura), Bauzemont (Meur.), Baumont (Mos., Meur. @)), Blamont (Doubs), Calmont (Awv.), Chaumont-en-Bassigny (3, (Hte-M.), Flaumont (# (Nord), Gudmont (Hte-M.), Haraumont (5) (Meuse), Limont (Nièvre), Oisemont (Som.), Prémont (Aisne), Remiremont (Vos.), So- lemont (Doubs), Thiaumont (6) (Meuse), Voillemont (7) (Mar). On trouve la forme provençale mon dans une centaine de noms de lieu du midi, parmi lesquels nous citerons : Moncaup 8) (B.-P.), Monclar ®) (Gers, Hte-G., L.-et-G., T.-et-G.) et Moncla (10) (B.-P.), Moncontour (1) (Vien.), Mondion (2) (Vien.), Monfaucon (Dord.), Monguilhem (Gers), Monléon (Htes-P.), Monpeyroux (1) (Dord.), etc. Le latin Penna, Pinna, faîte, pourrait bien avoir la même origine que le gaulois Pen, tète, bout. On trouve le premier dans Pennes (Dro., L.-et-G., Tarn), la Penne (Ar., B.-du-Rh., Dro.), les Pennes (B.-du-R.), Pannes (14 (Meur.), et le deuxième dans Le Pen (Mor.). Pennautier (Aude), Pennavayre (Av.), Pennedepie (Cal.). Penarguen (Mor.), Pencran (Fin.), Penestin (Mor.), Pen- guilly (G.-du-N.), Penhars (Fin.), Penhoët (Mor.), Penmarch (Fin.), Penvénan (C.-du-N.), Penvern (Mor.). Pelra, roc. roche, rocher, ou pierre naturelle ou apportée de grande dimension, est employé, avec le premier sens par Pline et Senèque, avec le deuxième par Plaute et Pétrone. Ce mot, d’origine grecque, a été rendu, en provençal par peyre, père, pire, en vieux français par perre, pierre. Les formes italienne et espagnole sont pietra et piedra. Peyres (Lan.), la Peyre (Hte-P.), le Peyrat (5) (Ar. Cr., Hte-Vien.), Peyret (16) (Htes-P.), Peyrières (17) (L.-et-G.), la (A) Castrum Acri montis, en 1108, — (2) Samboldi mons, 1106. — (3) Calvus mons, en 995. — (4) Flodobo monte. — (5) Haraldi mons, en 1049. — (6) Thealdi mons, en 4100. — (7) Vualli mons, en 1140. — (8) M. albus. — (9) M. clarus. — (10) M. clarus, — (A1) M. contorius, en 1050. — (12) M. Dionysii, en 1186.— (13) Mons petrosus.— (1%) Penna, en 745. — (15) Petratum. — (16) Petretum. — (17) Petraria. _— 56 — Peyrère (Hte-G.), Peyroles (Aude, B.-du-R., Cor., Hér. (1), Gard, Tarn), Peyrouses (2) (Htes-P.), la Feyrouse (Ain, Dro., Hie-G., P.-de-D.), Peyreusse () (Gers) et Peyrusse (Av., Can., Dro), Perès (Gan:, D.-S., Loiret), Péret (Cor, Her.) Péreuil (# (Char.), Pérouge 6) (Aïn), la Pétrouille (6) (Indre), Perles (7; (Aisne, Ar.), Pérouse (8) (Ht-R.), Péroy () (Oise), Pérusses (Hte-M.) et la Pérusse (10) (B.-A.), Perray (Sar.), le Perray (S.-et-0.), Perret (C.-du-N.) (1), Perreuil (12) (S.- et-L.), Perreux (Loire, Yon.) et le Perreux (S.-et-0. (13)), Perreuse 4) (Yon.), Perriers (Eure, Man., P.-de-D.) et le Perrier (Ven.) (15), la Perrière (16) (C.-d’Or, Orne), Per- roÿ (17) (Niè.), Perrouses (Hte-S.), Pierres (Cal., E.-et-L., Meur., S.-et-L.), Paray (17) (AT., S.-et-L.), Paroy (7) (Hte-M., Meur., S.-et-M., Yon.), Parroy (17) (Doubs), Parrois (Meuse). Nous trouvons, en composition directe ou logique : Peyraube (18) (Htes-P.), Peyrecave (19) (Gers), Peyrefitte (Aude) et Peyrehitte (B.-P.) (0), Peyregoux (1) (Tarn), Pey- rehorade (22) (Lan.), Peyreléau (3) (Av.), Pevyrelevade @# (Cor.), Peyrelongue (B.-P.), Peyremale (5) (Gard), Peyres- tortes (26) (P.-0.), Peyriguères (27) (Htes-P.). Pierrebuffière (Hte Vien.), Pierrechâtel(Aïn,[s.), Pierrefon- taine (Doubs, Hte-Mar..}, Pierrefaite @8) (Hte-M.), Pierrefeux (Var), Pierrefiche (Av., Loz.), Pierrefique (S.-Inf.) et Pier- refitte (Al., Cal., Cor., Cr., D.-S:, Loiret, L.-et-Ch., Meuse, Oise, Htes-P., Seine, Vos.) (2), Pierrefonds (Oise), Pierre- fort (Can.), Pierregot (Som.), Pierrelatte (0) (Dro.), Pierre- (1) Petroialum, en 804. — (2\ Petrosa.— (3) Petrosum. — (4) Petroio- lum. — (5) Perolium, pour Petrolium. — (6) Petroliau. — (7) Perula, pour Petrula. — (8) Petrosæ, en 731. — (9) Petretum. — (10) Petrosum. — (11) Tous trois des Pelretum. - (12) Petroialum. — (13) Petrosum. — (14) Petrosa. — (15) Petrarium. — (16) Petraria. — (17) Petretum. — (18) Petra alba. — (19) Petra cava.— (20) Petra ficta, pierre fichée, plantée, menhir.— (21) Petra gurgitis. — (22) Petra horala, pierre des heures. — (24) Pelra lezalis, borne. — (24) Pierre levée, menhir. — (25) Petra mala.— (26) Petra torta.— (27) Petra aquaria.— (28) Petra ficta. — (29) Petra ficta. — (30) Petra lata. — 93971 — laye (Oise), Pierrelez (S.-et-M.), Pierrelongue (Dro.), Pier- remande (Aisne). En composition par inversion : Aiglepierre (Jura), Aubepierre (1) (Hte-M , S.-et-M.), Au- trepierre (2) (Meur.), Compeyre (Av), Epierre (Sav.), Fau- compierre (Vos.), Hautepierre (6) (Doubs), Longepierre (S - et-L.), Orpierre(Htes-A.), Pompierre (Doubs, Vos.), Ribeau- pierre (Ht-Rh.). Souspierre (Dro.), Longperrier (S.-et-M.), Rongeperrier (Eure). Picum, pic, montagne très élevée, isolée et d'accès diffi- cile, paraît être d’origine celtique. On trouve, en effet, avec le sens de pointe, le bas-bret pik, le gaél. pie, et le kymr. pig. Picum est devenu : en prov. pie, pi, en esp. pico, en itrpicco, env. ir..pt, DU. Picardent (Aude), Picarreau (Jura), Piégon et Piégros (Dro.), Piégut (# (B.-A., Dordogne), Pimont et Pimorin (Jura), Piquecos (T.-et-G,) Le Planum est une surface plane, une plateforme, une ter- rasse, un plateau peu étendu. [Test rendu en français par plan, plain. L'italien en a fait piano, le provençal plan et pian, l'espagnol plano et llano. Plan et pian sont devenus pla et pia dans les régions Pyrénéennes, par la chûte de la nasale. Pia (P.-0.), Plan (Is.), les Plains (Jura), le Plan (Hte-G.), Plano et planello (Corse), le Pla (Ar.), les Plans (Ardè,., Doubs, Gard, Hér.), Plan-de-Baix (Dro.), le Plan-d’Aups (Var), le Plan-de-la-Tour (Var), le Plan-Médoc et le Plan-sur- Garonne (Gir.) | Plaimbois-du-Miroir et Plaimbois-rière-Vennes (Doubs), Plaimpaliuis (Suis), Plamnville (Eure, Oise), Plamboz, Plam- bué, Plambuis et Plambuis (Suis.), Plancudray (Suis), Plan- coet et Planguenoual (C.-du-N.), Planfoy (Loire); Planrupt (Hte-M.). (1) Alba petra. — (2) Alleri petra, en 896. — (3) Alta petra. — (4) Picum acuturmn. — 9398 — Le Platus est un terram plat. Le mot platus, qui est d’ori- gine grecque, se retrouve dans toutes les langues de lEu- rope. L’allemand a platte, sommet plat, plateau peu étendu, l'anglais, plat, pièce de terre; l’éspagnol, plato, plateau ; l'italien, piatto, plateau, etc. Plats (Ardèche), les Plats, heu dit. Podium vient du grec podion, pied, base. Il a donné le provençal pueg, poig, puoi, puch, puech, peuch, pech, puje, puge, pouge, piech, pioch, l'italien poggio, le vieux français pue, peu, puy, puis, et pris les différents sens de tertre, éminence, montagne, colline. Le collectif podoialum est le père des pujols et poujols, des poiseul et peseul, des poisel et des pesel, des pusel, des peseux. La corruption pagium, pugium, a eu un diminutif pogelum, pugetum, qui a engendré les pouget, les puget, les pugey, les pogey,les pogy; la corruption posium, pusium, a donné naissance aux pusel, puseau, pusey, pusy, poisat, poiset, poset, pousel, pousey, pousy, par l'intermédiaire des diminutifs posellum, pusellum, et posetum,pusetum. Le mot a passé longtemps pour gaulois, sur la foi de l’au- teur de la Vie de saint Grégoire äu Puy : « Surge velociter et cacumen islius montis ascende, quem mMmajores vestri græco sermone Anilium, vos autem quasi propriæ nalionis voca- bulo dicitis Podium. » Il est un des nombreux emprunts faits par nos ancêtres à la langue grecque : quasi aurait pu déjà le faire présumer. Le Pech (Ar.), Pey (Lan.), Peux (Av.), Pis (Gers, Som.), Poey (B.-P.), Poet (Htes-A.), Poggio (Cor.), les Poids (Jura). Poix (Mar , Nord, Som.), Pouy (Aube, Ftes-P., Ean)), le Pout (Gir.), Poy (Lan.), Puch. (Gir., L.-et-G.), le Puch (Ar.), le Puech (Hér.), le Puits, pour le Puis (Aube), 1e Puy (Doubs, Gir., Hte-L.), le Puid (Vos.), le Puix (Ht-Rh.), Puxe (Mos.), Pujo (Hites-P.), Puyo (Lan.), Puyoo (B.-P.). Pechabou (Hte-G.), Pecharie (Aude), Pechaudier (Tarn), Pechbonieux et Pechbusque (Hte-G.), Pechluna (Aude), LES — 9399 — Puechabon (1) (Hér.), Puechoursy (Tarn), Puechredon () (Gard), Puybarrau (Gir.), Puybegon (Tarn), Puybelliard (Ven.). Puybrun (Lot), Puycalvel (Tarn), Puycasquier (Gers), Puycelcy (Tarn), Puvychéric (Aude), Puycornet (T.-et-G.), Puydaniel (Hte-G.), Puydarrieu (Htes-P.), Puygaillard (1'.-et- G.), Puygiron (Drô.), Puygouzon (Farn), Puyguillaume (P.- de-D.), Puyguilhem (Dord.), Puyhardy (D.-S.), Puyjourde (Lot), Puylacher (Hér.), Puylaurens (Aude, Tarn), Puylau- rent (Loz.), Puvlausie (Gers), Puyloubier (B.-du-R.), Puy- mangou (Dord.), Puymaurin (Hte-G.), Puyméras (Vau.), Puy- michel (B.-A.), Puymiclan (L.-et-G.), Puymirol (L.-et-G.), Puymisson (3) (Hér.), Puymoyen (Char.), Puynormand (Gir.), Puyravault (Cbh.-Inf., Ven.), Puyréau (Char.), Puvyrénier (Dord.), Puyrolland (Ch.-Inf.), Puysalicon (® (Hér.), Puyser- guier (Hér.), Puységur 6) (Gers, Hte-G.), Puységuin (Gir.), Puysérampion (L.-et-G.), Puyvert (Aude, Vau.), Pujaudran (Gers), Pujaut (6) (Gard). Alpuech (Av.), Amplepuis(Rh.), Ampuis(Rh.), Ampus(Var), Beaupuy (Gers, L.-et-G., T.-et-G.), Beipech (Aude, Hte-G.). : Peseux (Doubs, Jura), Pisieux (Sar.}, le Pizoux {Dord.), Poggiolo (Corse), Poiseul {G.-d'Or, Hte-M.), Poiseux ([Niè.), Poisieux (Cher), Poisoux (Jura), Poujols () (Hér.), le Poujol ®) (Hér.), Pouzols (Aude, Hér. (9), P.-de-D.), Pouzolles (Hér.), Poyols (Drô.), Puiols (Ar., Gir., Lan., L -et-G.), Pugieux (Ain), Puxieux (Mos.), Pusieux (Meur., Vos.). Poisat (Ain, AL, Is.), le Poset (Doubs, Jura), le Pousat (Ardè.), Fouzay (L.-et-L.), Pouzoy (P.-de-D.), Pouzy (AL), le Pouget (10) (Hér.), Pougy (D) (Aube), Puget (A.-M., Vau ), le Puget (Var), Pugey (Doubs), Puiseaux (Loiret), Puseaux (Som.), Pusev et Pusy (Hte-S.). (1) Podio Abone, en 1088. — (2) Podium rotundum. — (3\ Podio Min- ciano, en 1007. — (4) Podio Salicone, xn° siècle. — (5) Podium securum. — (6) Podium altum, en 1175. — (7) Poiols, en 1012. — (8) Podiolum, en 1060, et Pojols, en 1164. — (9) Podols, en 1122, et Posols, en 1190. — (10) Pojetum castrum, en 80%. — (11) Pogey, Pogy, au x1r° siècle, — 360 — Rupes a la signification de roche, rocher, dans Cicéron, Virgile, Ovide, Horace, Lucain, et, par extension, antre, caverne, dans Virgile et dans Claudien. Le diminutif rupica, ropica, aurait donné la syncope roca et le bas-latin rocca, le provençal roca, rocha, rogues, espagnol roca, l'italien rocca et le portugais rocha. Il faut remarquer, cependant, que le mot se trouve dans le celtique : bas-breton roc'h, gaë- lique roc, kymri rwg, anglais rock, et qu'on pourrait en in- férer que c’est du celtique qu'il est venu dans les langues romanes. En vieux français, on trouve une forme féminine roche, qui peut venir du latin, et une forme masculine roc, ro, qui procéderait plutôt du celtique. Rocher représente une forme bas-latine roccarius, qui a donné le provençal rachier. Par extension, roca a signifié tour, château. Roches (Cr., Doubs, Dro., Hte-L., Hie-S., Hte-M., Is., Loire, L.-et-Ch., P.-de-D., Ven.), la Roche (Arden., Cor. Char., C.-d’'Or., C.-du-N., Dord , Doubs, Hites-A., Hte-V., Hte-Sav., L.-et-L., Mor., P.-de-D., Von.), Roques (Gers, Hte- G., Var), la Roque (Ar., Aude, Av., B.-du-Rh., Cal., Cant, Dord., Gard , Gers, Gir., Hte-G, Htes-A., Htes-P., Hér, Lot, L.-et-G., Tarn, T.-et-G., Var, Vau.), le Roc (Lot). Rocharon (Var), Rochebaudin (Dro.), Rochebelle (Gard), Rocheblave (Dro.), Rochebrune (Dro., Htes-A.), Roche- cardon (Rh.), Rochechinar (Dro.), Rochechouart (4) [Vien.\, Rochecolombe (Ardèche), Rochecorbon (L.-et-L.), Roche- fort (Ch.-Inf , G.-d'Or, Dro., Gard, Hte-M., Jura, M.-et-L., Mor., Puy-de-D., Rh., Sav., S.-et-0.), Rochefourchet (Dro.), Rochegude {Dro., Gard (2))}, Rochejean 6) (Doubs), Roche- maure (Ardèche), Rochepaule (Ardèche), Rocheservière (Ven.), Rochesson (Vos.), Rochetaillée (Dro., Hte-M., Loire, Rh.), Rochetoirin (Is.). (4) Rupes Cavardi. — (2) Rupes acuta, en 1121; Roca aguda, au x116 siècle; Roche aguda. — (3) Roca de Alpibus, en 1266. Ce village a pris, à cette époque, le nom de Jean de Chalon l’Antique. — 301 — Roquebilière (A.-M.), Roquebrune (A.-M., Gers, Gir., Var), Roquecor (T.-et-G.), Roquecourbe(Aude, Tarn), Roquedur (1) (Gard), Roquedœuil (Aude), Roquefer {[Aude); Rochefixade (2) (Ar.), Roquefort (A.-M., Ar., Aude, Av.. B.-du-Rh., Gers, Hie-G., Lan., L.-et-G.), Roquelaure (Gers), Roquemaure (Gard, Tarn), Roquépine (Gers), Roqueredonde (3) [Hér.), Roquessels (Hér.), Roqueserrière (Hie-G.), Roquesteron (A.-M.), Roquetaillade @) (Aude), Roquetoire (P.-de-C.), Roquevaire (B.-du-Rh.), Roquevidal (Tarn), Roquevieille (Can.). Rocamadour (Tarn), Rocroy (Arden.), Rocquencourt(Cal.), Rocquefort (S.-Inf.), Rocquemont (Oise, S.-[Inf ). Rocquignv (Aisne, Arden., P.-de-C., Oise, S.-et-0.). Belleroche (Loire), Blancheroche (Doubs), Chaveroche (Cor.) et Chavroche (AL) 6), Hauteroche (C.-d’Or), etc Saxzum, dans Cicéron, Horace et Ovide, est un synonyme de rupes, Il a été rendu en vieux français par sax, sait, sex, scex, 8Cey, 8çay, en italien sass0. Le Scex (Htes-A.), le Scex (Suis), Scey (Doubs, Hte-S.), Sassel (Suis.), Saxel (Hte-Sav.), Seyssel (Ain, Hte-Sav.), Saxon (SUIs.). La Serra. en basse latinité, est une chaine de montagnes, une colline allongée: on la trouve aussi avec le sens de dé- filé, de pas, de détroit même Elle est devenue serra, en provençal et en italien ; sierra, en espagnol; serre en vieux français. Serres (Ar. Aude, Avey., B:-Pyr:; Doubs, Dord, Htes-P., Jura, Lan., Meur.), Serra (Corse), Sarraz (6) (Doubs). Serralongue (P.-0 }), Serraval (Hte-Sav.), Sarrecave (Htes- P.). Sarremezan (7) (Htes-P.). (1) Rocdun, en 875, et Rocadunum, en 1156. — (2) Roche fichée, plan- tée, menhir. — (3) Roca rotunda, en 1135 — (4) Roche taillée. - 5) Cava rupes. — (6) La Serra, au xiv° siècle. — (7) Serra mediana. = 362 — Sarras (1) (Ardèche), la Sarraz (2) (Suïs.). ; Belleserres (Hte-G., Tarn), Grandserres (Drô.), Haute- serres (Tarn), Tresserres (P -0.) | Serriera (Corse), Serrières (Ardèche, Ain, Meur., S.-et-L ). Foqueserrières(Hte-C ). Sumna, avec le sens de hauteur, de sommet, et son aug- mentatif summaria, summarium, se retrouvent dans les noms suivants. Sommette (Aisne), la Sommette (Doubs), Sommières (Gard, Vien.), Sommereux (Oise), Sommeron (Aisne), Som- mery (S.-Inf); Le mot bas-latin tertrum, dont l’orig’ne est encore incon- nue ou, du moins, fort incertaine, a le sens de terrasse, de monticule aplati au sommet, et a été traduit par tertre. tartre. Le premier est entré dans le français. Le Tertre (S -et-O.), Tartre (Jura), le Tartre (S.-et-L.), S.- et-0.), Tart (CG -d’Or), le Tatre (Char.). La Villetertre (Oise). Aux dépressions du sol se rapportent : la Clusa, la Con- cha, la Cumba, la Cupa, la Dala, V'Huma, la Reculuta, le Tullum et la Vallis. La Clusa, de cludere, p. claudere, fermer, est un défilé, un passage étroit, de clôture et de défense faciles. Cluses (Hte-Sav , Is.), la Cluse (Ain, Doubs, Htes-Al. ()), les Cluses, par corruption l’Ecluse (Ain, P.-0.) (#, Es-Clu- selles, par corruption Ecluselles (5) (E.-et-L.), la Clusette (SUIS.) Concha, en latin concavité, a pris, dans les idiomes ro- mans, le sens de combe, dépression. Conca (Corse), Conches (Eure, S.-et-M.), Conques (Aude, Av.), le Conquet (Fin.). (1) Serratis. — (2) Serrala, en 1156 et 1186; la Sarrée, en 1250. — (3) Clusa, Cluseta et Clusita, au xn° siècle. — (4) Les Clausuræ des Romains. — (9) Clusellæ, vers 1024. 26 Conquereuil (L.-Inf.). Froideconche (Hte-$.). La Cumba est une dépression de terrain, une petite vallée avec ou sans cours d’eau. Ce mot, qui paraît venir du grec cumbè, vase creux, canot, a été rendu, en provençal, par comme et, en français, par combe. Combes (Suis.), la Combe (Aude), les Combes (Doubs), Commes (Cal.), Coumes (Mos., Hér., Is.). _Combas (1) (Gard), Gombier (Char. | Combelles (Av.), Com- melles (Is.), Commeaux (Orne), Commer (May.), ConieE (Is., Loire). Bellecombe (Dro., Jura), la Grandcombe (Doubs, Gard), Hautecombe (Sav.), Longecombe (Aïn), Mansencomme (2 (Gers). Combebonnet (L.-et-G.). Combefa (Tarn), Comberauche (Dord.), Comberjon (Hte-S.), Comberonde (P.-de-D.), Com- berouge (T.-et-G.). La Cupa est une dépression de terrain de forme arrondie : coupe, COUVE, CŒUVE, CUVE. Cœuves (Aisne, Suis.), Cuves (Hte-M., Hte-S., Man.). Coupelles () (P.-de-C.), Cuvier (Jura). Dalu où Tala, vallée, a d’origine germanique : dal, tal, thal. Dasle, anc. Dale (4 (Doubs), Thal (Ht-Rh.). Dalem (Mos.), Dalhain (Meur.), Daihunden (B.-Rh.), Dals- tein (Mos.), Talhœt (C.-du-N.), Des (9) (G.. d'Or), Talmas (Som.), Talmont (Ch.-Inf., Ven.), Talmontier (Oise), Ta- loire (6) (B.-A.), Talloires (Hte-Sav.), Talon (7) (Niè.), Taluyer (Rh.), Thalamy (Cor.). Beutal, anc. Bustal (Doubs), Bloendaal (Hol.) et Blœmen- dæi (Belg.), Croisedale (S.-Inf.), Darnetal (S.-Mnf.), Durtal (1) Cumbatis. — (2) Munse-en-comme. — (3) Cupella. — (4) Dala, vers 1150 et en 1176. — (5) Talamarum. — (6) Talodurum? — (7) Talo- dunum ? — 364 — (M.-et-L.), Engenthal (B.-Rh.), Grœnendæl (Belg.), Heren- thal (Belg.), Héristal (Belg.), Hagenthal (Ht-Rh.), Hatzenthal (Ht.-Rh.), Linthal (Ht-Rh.), Ottersthal (B.-Rh.), Plassehen- dæle (Belg.), Renédale (Doubs), Rosendal (Nord), Rosendæl (Belg.) et Rosendaal (Hol.), Schlithal (B.-Rh.), Wolfsthal (Meur.), Wynendæl (Belg.). Huma, combe, pete vallée, en vieux français humes, hüumes, est d’origine celtique. On trouve ce nom, avec la même signification, dans le cercle de Malmédy (Prov. rhén.). Humes ‘1) (Hte-M.), la Hume (Gir.), l'Humeau (Char. et Ch.-Inf.), Humières et Humereuille (P.-de-C.). La Reculata, reculée, était un fond de vallée formé de pa- rois verticales et inaccessibles. La Reculée, Le Reculet, Re- culot sont des lieux-dits très répandus. Le Reculev (Gal.). Tulluim, Tulum est l'habillement latin du gaulois toul, gouffre. On trouve tuol dans le kymri avec le même sens. Le Toul (Mor.), Toulanlan, Toulgeat, Toulhar et Toulsallo (Mor.). Toul 2) (Meur.), Toulaud (Ardèche), Toulon ()($S.-et-L.), Toulouges (4) (P.-0.), Toulouse 6) (Hte-G., Jura). Le Toulon du Var est un Telo, le Telo Martius de l’Itiné- rare d’Antonin. On l’appelait aussi Telonis portus. Les ha- bitants sont nommés Telonenses dans la Notitia dignitatum. Vallis, vallée, val, a été traduit : en provençal, par val, valh, vals ; en catalan, par vall ; en espagnol par val, valle ; en italien, par valle; en vieux français, par vaulx, vaul, vaux, Vau. | Vals (Ardèche, Ar., Hte-L., P -de-D.), la Val (ou Laval) (Aisne, Ardèche, Arden:, Av., Corr, Doubs; Drô., Gard,1s., Hte-L., Loz., Mar, May., S-et-M., Vos.) le Val (HteS,., (1) Vila de Humis, dans les titres du Moyen Age. Flodoard l'appelle Osismus; mais il doit y avoir là une erreur de copiste. — (2) Tullum, dans César. — (3) Tulodunuin? — (4) Tulolgium, pour Tulogilum. — 19) Tolosa. — 305 — Sar., Var), Vaulx (Hie-Sav., Is, P.-de-C., Rh.), Vaux (Ain, Aisne, Al., Arden., Cal., Char., Ch.-Inf., Doubs, Eure, Hte- G., Hie-M., Jura, Meuse, Rh., S.-et-M., S -et-0 , Som., Vien., Yon.), la Vau (ou Lavau) (Aube, L -Inf, Yon.). Valbelle(B.-A.), Valbonne (Ain, A.-M.), Valcabrère(Hte-G.), Valdoye (Ht-Rh.), Valfleury (Loire, Seine), Valhuon (P.-de-C.), Valjoufrey (Is.), Valjouze (Can.}), Vallauris (A.-M }, Vallonise (Htes-A.), Valmanya (P.-0.), Valmascle (Hér.), Valmeynier (Sav.), Valmondois (S.-et-0.), Valonne (Doubs), Valorcines (Hte-Sav.), Valprioude (Lot), Valprivas (Hte-L.), Valpuiseaux (S.-et-0.), Valréas (Vau.), Valros (Hér.), Valroufié (Lot), Valsaintes (B.-A.), Valserres (Htes-A.). Vaubadon (Cal.), Vauban (S.-et-L.), Vaubéxy (Vos.), Vau- champs (Doubs, Marne), Vauchassis (Aube), Vauchoux (Hie-S.), Vauchrétien (M.-et-L.), Vauclaix (N.), Vauclère (Mar.), Vaucluse (Doubs, Jura, Vau.), Vaucouleurs (Meuse), Vaucourtois (S.-et-M.), Vaucresson (S.-et-0 ), la Vaudieu (Hte-L.), Vaudioux (Jura), la Vaudoue (S.-et-M.), la Vau- franche (Cr ), Vaugrigneuse (S.-et-0.), Vauhallan (S.-et-0.), Vaujany (Is), Vaujours (S.-et-0.), le Vaumain {Oise), Vau- mas (Al.), Vaumeilh {B.-A.), Vaumoise (Oise), Vaumort{Von.), Vaunaveys (Dro.), la Vaupalière (S.-Inf.), Vaupillon (E.-et-L.), Vaupoisson (Aube), Vauquois (Meuse), Vaurains (Aisne), Vauréal (S.-et-0.), Vaureilles (Av.), le Vauroux (Oise), Vau- torte (May.), Vauvenargues (1) (B.-du-Rh,), Vauvert (Gard), Vauville (Cal., Man.), Vauvillers (Hte-S., Som.). Le Vaulmier (Can.), Vaulnaveys (Is.) Vaulry (Hte-V.), Vauxallion (Aisne), Vauxbons (Hte-M.), Vauxsaules (G -d’Or), Vauxrenard (Rh.), Vauxrôt (Aisne). Ardonval (S.-Inf.), Arsonval (Aube). Beauval (Som.), Beau- vau (M.-ci-L.), Bellevaux (Hte-S., Hte-Sav.), Belval (Arden , Man., Mar., Vos.), Bernedal (S.-Inf.), Beuzeval (Cal.), Bon- deval (Doubs), Bonneval (Dr., E.-et-L., Hte-L., Sav.), Bonne- (1) Vallis venatica = — vaux (Doubs, Hte-Sav., Gard, L.-et-Ch.), Bouqueval (S.-et-O.), Boyaval (P.-de-C.), Bréval (S.-et-0.), Brousseval (Hte-M.), Caudeval (Aude), Cherval (Dord.), Clairvaux (Aube, Av, Jura), Clerval (Doubs), Coisevaux (Hte-S.), Dannevaux (Meuse), Druval (Cal.), Einvaux (Meus.), Entrevaux (B -A.), les Esserval (Jura), Etreval (Meur.), Fourquevaux (Hite-G ), Fravaux (Aube), Frêteval (L.-et-Ch.), Froidevaux (Doubs), Grandval (P.-de-D.), Grandvals (Loz.), Grandvaux (S.-et-L.), Guillerval (S.-et-0.), Herbeuval (Arden.), Inval (Oise, Som.), Jouvaux (Eure) Lanvaux (Mor.), Longueval (Aisne, Som.), Malleval (Is., Loire), Malval (Cr.), Massevaux (Ht-Rh.), Men- neval (Eure), Morval (Aïsne), Midrevaux (Vos.), Mingeval (P -de-C.). Mireval (Aude, Hér.), Mirvaux (Som.), Morval (Jura, P.-de-G.), Monvaux (Nord), Moval (Ht-Rh.), Murvaux, (Meuse), Noirval (Arden.), Nolleval(S.-Inf.), Norvaux (Doubs), Orgeval (Aïsne. S.-et-0.) Orival (Char., S.-Inf., Som.), Or-. quevaux (Hte-M.), Orsinval (Nord), Orval (Cher, Man ), Or- vaux (L.-[nf.), Orvaux (Eure), Parfondeval (Aisne, Orne), Pier- reval (S.-Inf.), Plainval (Oise). Préval (Sar.), Puisenval (S.-Inf), Renneval (Aisne), Retonval (S.-[nf.), Rimboval (P.-de-C.), Roberval (Oise), Ronvaux (Meuse), Ronval (Som.), Sècheval (Arden ), Serval (Aisne), Sommeval (Aube), Sourdeval (Man.), Thiepval (Som.), Torteval (Cal.), Urval (Dord.), Willerval (P.-de-C.). L’Antrum a, dans Virgile, le sens d’antre, de caverne, de grotte, de tanière Le mot vient du sanserit antara, fente, caverne, par l'intermédiaire du grec antron, grotte, antre, caverne, souterrain ; par extension toute espèce de cavité profonde. Antara signifie proprement intervalle et se rat- tache ainsi à la préposition latine inter. Antrum est devenu anire en provençal et antro en espagnol et en italien. Antras (1) (Ariège), Antres, lieu-dit. On trouve dans le Jura, sur les bords de l’Féria, de nom- (1) Antratis. — 907 — breux vestiges d’une ville antique que le P. Dunod a nommé la ville d’Antres du nom d’un lac voisin. Ce lac paraît devoir son nom à un canal souterrain par lequel il déverse ses eaux dans la rivière. Balma ou Palma, mot d’origine gauloise, qui signifie grotte, caverne, a donné le provençal balma, baumo, l’alle- mand suisse balm, palm, et le vieux français baume ou plu- tôt baulme, barme, palme Balma (Hte-G.), Balm (Suis.), la Balme (Aïn, Is., Jura, Sav.), Baulmes (C.-d’'Or, Suis. (1)), Barma et Barm (Suis.), Bauma (Suis.), Baumes ou Baume (Ardèche, Doubs (2), Drô., Htes-A., Jura 6), Sav.), Palmas (# (Av.), la Palme (Aude), Pesmes, anc. Pâmes (Hte-S.). Balmelle {(Loz.), Baumette(Suis., Van.), Baumotte (Hte-S.), Barmotte (Doubs). Cauva, souterrain, réduit souterrain, est le féminin de lad- jecuf cavus, creux, pris substantivement et quia donné le provençal, l'italien et l'espagnol cava, et le vieux français chave. | La Cave (Ar., Lot). Chavot (Mar.), Chavoy (Man.), la Chavatte (Som.). Crosa et Crota, Crosum et Crotuim sont des expressions de basse latinité qui paraissent dérivées du grec cruptè et du latin crypla, caveau voûte, souterrain, crypte [Varron, Vi- truve, Prudence), qui nous ont donné le mot grotte. Crypta a déjà ce dernier sens dans Sénèque, qui appelle Crypta Neu- politana la fameuse grotte du Pausihppe. La Cropte (Dordogne) et la Croupte (Calvados) se rappro- chent beaucoup de crypta et surtout de cruptè. C’est à se de- mander sile mot grec n’a pas été importé directement en Gaule. On le retrouve encore dans Scrupt(Es-Crupt), village de la Marne, et lou Crup (Htes-Pyr.). (1) Balmo, en 962, Balmis, Balmes. — (2) Palma, en 817, et Balma, en 870. — (3) Balma, en 854 et en 870. — (4) Palmatis. — 9308 — Cros, crot, creux, croux. Croses (Cr.), Cros (Gard, P.-de-D.), le Cros {Ardèche, Can., Hér.), Crosses (Cher), Croth (E.), la Crot (S.-et-L.), Crottes (Loiret), la Crotte (Nièvre), les Crottes (Htes-A., Vau.), Crouttes lAisne, Orne), les Croutes (Aisne, Aube), Creuset (Som.), la Creuse (Hte-S.), Es-Crous (Tarn). Croset (Ain), Crosey (Doubs), les Crosets (jura), le Crou- set (Doubs), Crousilles (L.-et-L.), la Crousille (P.-de-D }), Crotelles (1 et-L.), Croutelles [Vien.), Crotet (Indre), Croutoy (Oise), le Crotoy (Som.), Creusier (AL), Creusy ni le Creusot (S.-et-L.), la Creusette (Tarn). Hollum, caverne, cavité, creux, vient du germanique hol, en allemand moderne hohle. Houl (Arden.), Houlle (P.-de-C.). En composition, nous trouvons : Holbach (Mos.), Holving (Mol.), Holtot (E.), le Houlbec (Cal.). Specus, Spelaeum et Spelunca signifient, tous trois, antre, caverne. Specus se trouve dans Horace, spelaeum dans Vir- gile et Sénèque et spelunca dans Virgile encore. Ils sont tous trois d’origine grecque et viennent de spéos, spèlaion et spèlunx. Spelunca a donné l'italien spelunca, l’espagnol espelunca, et le provençalespeluncea, espelongue, espelouque, espeluche : spelaeum, le provençal espèle, et specus, le pro- vençal espèche. Espèche (Htes-P.), Espèchede (B.-P.), l'Espièle (B.-P.), Espieilh (Htes-P.), Espelette (B.-P.), Espelungues (1) (B -P.), Espeluches (Dord., Dro.), Speloncato (Corse). (1) Spelunca, en 1154. le ji | fs | l Le HA il ) (A Q (a) j' DR sil: si 117 st fé de / el D, £ GA Boname phot, Besançon , 5 Héhogravure DUJARDIN LE DUC D'AUMALE EN FRANCHE-COMTÉE (1873-1879) Par M. Jules GAUTHIER VICE-PRÉSIDENT Séance publique du 16 décembre 1897 Le grand nom que je viens d'écrire a eu de nos jours cette fortune singulière de dominer tous les partis, et quand la mort est venue trop tôt l’étemdre, ça été un spectacle unique dans notre siècle et dans notre pays, de voir le sentiment public se montrer unanime à l’entourer d’admiration et de respect. Il fallait que celui qui descendait dans la tombe fût hautement supérieur à tous ses contemporains pour obtenir un pareil hommage, pour que les jalousies se taisent, pour que les haines se calment, pour que pleine justice lui soit rendue à l'heure même de ses funérailles. C’est que le duc d’Aumale, à qui conviendrait à merveille le surnom de « grand Français » si notre temps ne l'avait pro- fané en le donnant à l’aventure, devait à la noblesse de son caractère et à la supériorité de son intelligence plus qu’à lincomparable éclat de sa naissance, d’arracher cette admi- ration et de mériter ce respect. La Franche-Comté, qu’il habita six années en y commandant le 7° corps d’armée, a vivement ressenti ce deuil national; le Prince y avait laissé de profondes sympathies, de sincères et respectueuses amitiés ; il est juste qu'elle apporte à sa 24 = 10 — glorieuse mémoire l’expression douloureusement émue de ses regrets et le témoignage de sa reconnaissance. Pour les manifester, pouvait-on mieux choisir qu’une réunion solennelle de la Société d’Emulation du Doubs? Beaucoup se souviennent que c’est cette Société qui donna au duc d’Aumale, il y a aujourd'hui vingt-quatre ans, ses lettres de nationalité comtoise. C’est dans l’Hôtel de ville, où se sont réfugiés l’orgueil et les fières traditions d’une an- tique capitale, que l'élite de la société bisontine lui remit, en quelque sorte, les clés de la cité, le 18 décembre 1873, au lendemain du jour où il prit, à Besançon, possession de son grand commandement. Il En franchissant pour la première fois l'enceinte de cette forteresse qui avait traversé, intacte, les épreuves d’une guerre récente, grâce à la résolution de ses enfanis et la vo- lonté de fer d’un énergique marin (1), bien des sentiments agitaient le cœur du Duc. À peine rentré de lexil où, durant vingt-trois ans, 1l avait souffert, cruellement frappé dans ses plus intimes affections, il venait d'accepter la lourde mission de défendre la ligne des Vosges, de Belfort à Langres, et de couvrir de l’autorité de son nom et de la valeur de son bras cette trouée sanglante et démantelée, ouverte au flanc du pays. Son unique ambition, son dernier bonheur était de re- prendre cette vie militaire qui l’avait toujours passionné et de servir et d'aimer la France, puisque la volonté divine avait, en brisant son cœur, « éteint la dernière flamme de son foyer domestique. » « Savez-vous, Monseigneur, qu'il est heureux pour les Comtois que Dijon et la Bourgogne n'aient pas eu de corps (1) Le général de division Rolland, du cadre auxiliaire, commandant de la 7° divisiou militaire, 1870-71. TT AS AS — 371 — d'armée, sans quoi, là encore, vous eussiez recueilli l’héri- tage des Condés? » — « Peut-être bien, répondait le Duc, imais j'aurais quand même préféré et réclamé Besançon, c'était un poste d'honneur, c'était la frontière ! » Cette frontière, s’il en connaissait avec une précision et une sûreté étonnante le relief topographique, les dangers et les ressources, 1l ne l'avait jamais abordée que sur la carte; mais bien des souvenirs de famille l’attendaient aux portes de Besançon. Henri IV, son aïeul, dont il tenait l'esprit primesautier et gaulois, la bravoure et l'humeur guerrière, avait Sommé et fait capituler la ville en 1595; Gaston d’Or- léans s’y était réfugié en 1631 ; Louis-Philippe et deux de ses fils Pavaient traversée, deux siècles plus tard (1), au milieu d’acclamations enthousiastes. Enfin, en 1668, le Grand Condé, en prenant la ville, avait préparé l'annexion définitive à la France d’une vaillante province, dont son héritier et son historien proclama maintes fois, d’une voix chaude et vi- brante, « le mâle et patriotique courage. » . En saluant ainsi la Franche-Comté, le 18 décembre 1873, le duc d'Aumale évoquait le souvenir des La Verne, des Grammont, des Saint-Germain, des Montbarrey, des Moncey, des Lecourbe, des Pajol, de tous les héros glorieux des guerres d'autrefois. Mais 1l pensait encore et surtout, Je le sais, avec de se- crètes préférences, à cette pléïade de brillants officiers com- tois qui, d'Alger à Constantine, d'Oran à la Kabylie, sous les veux du Prince et à ses côtés, s'étaient illustrés dans ces combats héroïques, qui donnèrent à notre drapeau tant d’é- clat, à notre patrie tout un grand empire africain. Tous ces compagnons de jeunesse et les chefs qui avaient initié ce fils de roi au métier des armes, comme les Bau- drand, les Bernard, les Atthalin, et les jeunes officiers, les (1) Juin 1831. Les ducs d'Orléans et de Nemours accompagnaient le Roi, escorté du maréchal Soult, ministre de la guerre. — 372 — Chalon, les Grenier, les Lelèvre, les Campenet, les Broye, les Glerc et tant d’autres, dont il avait mis à l’ordre du jour les premiers exploits, signé les premiers brevets, restaient ineffaçables dans sa prodigieuse mémoire, qui retenait les moindres étapes de leur carrière et jusque ‘aux numéros de leurs régiments. Les récits de ces Africains, dont beaucoup portèrent les étoiles, quelques-uns même la plume blanche, les échos de toute cette gloire moissonnée pendant huit années par le vainqueur d’Abd-el-Kader avaient, depuis plus de trente ans, rendu populaire dans tous les foyers cette loyale figure d'Henri d'Orléans. En s’inclinant respectueusement devant lui, Besançon ne savait lequel il devait apprécier davantage, de l’homme, du soldat ou de l'écrivain. L'homme était digne de toutes les sympathies, il avait de qui tenir et dans sa famille il n'avait rien à renier. Louis- Philippe, Marie-Amélie, dont les noms vénérés étaient sans cesse sur ses lèvres, lui avaient transmis les plus nobles sentiments, la conscience la plus exquise, Phonneur, la droi- ture et la bonté. À sa mère, à la sœur de son père, Madame Adélaïde, 1l a rendu le plus délicat des hommages en plaçant à Chantilly, dans sa vieillesse, aux côtés du beau portrait de Bonnat, qui immortalise ses propres traits, celui de deux mêres qui avaient veillé sur son enfance. Pour ses sœurs, pour ses frères, pour le duc d'Orléans, son aîné, que la mort brisa comme un roseau alors qu'il donnait de hautes espérances, pour ses camarades de collège et de régiment, 1l fut et de- meura le plus aimable des compagnons et le plus sûr des amis. Ses qualités natives, développées par des parents dont les vertus domestiques pouvaient servir de modèle et, plus tard, par des maîtres ou des chefs soigneusement choisis, don- nèrent et au delà les fruits qu’on en pouvait attendre. Il entra dans la vie l’âme pleinement ouverte aux émotions et aux jouissances élevées que doit donner le culte du peau l'amour des lettres, de la gloire et des arts. — À vingt ans, quand il guerroie pour la première fois en Algérie, ses dons heureux, ses aptitudes rares, son caractère séduisant, sont appréciés aussitôt et par ses supérieurs et par ces subordonnés. Ecoutez cette appréciation du leutenant Ducrot, dans une lettre écrite à sa famille : « Il est impos- sible de trouver un jeune homme plus aimable, plus gracieux que Henri d'Orléans. Comme lieutenant-colonelil est parfait. Il s'occupe de toutes choses en homme entendu. Il est brave autant qu'un Français peut l’être et désireux de prouver à la France qu'un prince peut faire autre chose que parader (1). » Lieutenant général, gouverneur de lPAlgérie, le duc d’Au- male resta ce qu'il était; les honneurs ne le gâtèrent pas plus que les amertumes de la vie ne laigrirent. Exilé, toujours soutenu par l'amour de la France, il rend justice à ceux-là mêmes qui occupent un trône enlevé aux siens, quand leur opinion ou leurs actes sont conformes aux intérêts du pays. Sa bienveillance universelle, qui semble être le fond de cette nature vraiment princière, perce dans toutes ses démarches et dans tous ses écrits. Chez lui, l'esprit égale le jugement et le cœur reste toujours à la hauteur de l'esprit. Après les tendres affections du foyer paternel, il connait, dans son propre foyer, bien des joies et bien des douleurs : six enfants, aurore charmante qui éclairait d’heureux horizons, lui sont tour à tour enlevés. Quand le dernier, le duc de Guise, fut mort, en 1872, le duc d’Aumale, tristement résigné trouva, après Montalembert, de pathétiques accents pour peindre cet amour du père pour l'enfant « le plus pur et le plus ar- dent le plus tendre.et le plus légitime, qui, né le dermer, l'emporte sur tout et survit à tout. » À des félicitations que le cardinal Mathieu, archevèque de Besançon, lui adresse quand il est appelé à commander le 7° corps, il répond : « J'ai perdu ma femme et mes six enfants, il ne me reste plus que ma patrie à aimer. » — Voilà son cœur, (4) RoussEr, GConquêle de l’Algérie, t. I, p. 16. — 314 — Sa naissance lui imposa de connaitre toutes les fluctua- tions et les tempêtes populaires, mais son caractère le sauva du danger d’être un politique. La droiture de sa conscience, l’inflexibilité et la fierté de ses sentiments n’admettaient ni souplesse ni mensonge, et lui faisaient dédaigner toute diplo- matie ; chez lui, l’honneur et la franchise tenaient les rênes et conduisaient ferme. En 1848, ayant en main toute l’armée d'Afrique, il remet son commandement à la République qui vient de renverser son père. En 1875, il date de Besançon, le 27 décembre, sa renonciation à toute candidature dans l'Oise : « J’exprimais [naguère | l'espoir de contribuer au rétablissement de la mo- narchie consttutionnelle, mais je disais aussi que si mon vœu ne pouvait s’accomplir, je continuerais de servir loya- lement mon pays. — Et je le sers (D. » Tenir soigneusement sa parole et ne jamais varier, fut la devise de sa vie. Sa mâle franchise appelait et admettait dans son entourage qui parlait net et sans détour. Il n’aimait pas « Pair admirant, rampant, » auquel tant de puissants se laissent prendre et congédiait bien vite, sans brusquerie, ou tenait à distance ceux qui s’humiliaient si volontiers. Il n’en- courageait pas davantage ceux dont « la dent trop dure » entamait volontiers des réputations intactes, ou ceux qui croyaient plaire en manifestant d’orgueilleux mépris ou dé- dains. La situation exceptionnelle qu’il s'était faite en s’isolant absolument au déclin de sa vie de toute politique, en éloi- gnant de parti pris financiers et politiciens, ces deux vers rongeurs de notre époque, Pavait du reste délivré presque complétement des courtisans, ces parasites du pouvoir. Seuls les candidats académiques essayaient de renouveler autour de lui la tradition des grands règnes ; il s’en garait avec soin, comme il s’écartait de toute coterie, ne donnant (1) Union franc-comtoise, n° du 29 décembre 1875. — 319 — jamais son vote qu'aux plus dignes et laissant clairement de- viner sa pensée : le vrai mérite s'impose et ne mendie pas. Sans se déparir jamais de son rang ni de ses prérogatives, il savait être affable et courtois avec tous ; chez lui l’homme était si bien doué, le prince avait si grand air et allure si im- posante que les plus doctrinares et les plus farouches lui disaient naturellement : Monseigneur. Mais je m'attarde à peindre l’homme si charmant sous tous ses aspects sans avoir esquissé seulement son portrait, que j'aurais voulu rendre fidèle, et j'aurais tant de choses à dire encore du soldat et de lécrivain. Soldat, Henri d'Orléans létait de race et, sans parler d’autres devanciers, son père avait combattu à Jemmapes et son aïeul à Ouessant. Quand sonna sa vingtième année, il brüla de rejoindre en Afrique son frère aîné le duc d'Orléans ; comme un simple cadet, il demande et on l’autorise à y ga- oner ses éperons. La facilité avec laquelle il s’assimile tous les détails du métier étonne ses camarades et ses chefs, son courage et son sang-froid se révèlent dès le jour où il prend contact avec l'ennemi et le charge. Sa résolution si prompte quand il ne s’agit que ne risquer sa vie, ne sera pas moins rapide quand, commandant en chef, il assumera la respon- sabilité de milliers d’existences humaines, soit à Mouzaïa, soit dans cet audacieux coup de main de Ja Smalah, le fait de guerre le plus brillant et l’un des plus décisifs de nos cam- pagnes d’Aigérie. Il a le tempérament du guerrier, infatigable dans les che- vauchées et dans les marches, son activité et sa prévoyance savent soutenir et relever le moral du soldat, veiller à ce que rien ne lui manque, l’intéresser, l’entrainer au but. Il aime son glorieux métier, se passionne pour lui et conserve jusqu'à ses derniers ans, chaque fois qu'il en parle, où qu’on l’on entretient, le feu du regard et la vivacité de réplique qui prouvent bien que dans son âme, c’est le point sensible et émouvant. — 93160 — L’exil n’éteignit pas cette ardeur martiale, mais en dé- tourna forcément le cours; réduit à suivre du regard et à applaudir de loin ses compagnons d'Afrique, victorieux sur tous les champs de bataille de Crimée ou d'Italie, il se réfu- oie, attristé, dans l’étude des auteurs militares, des ori- gines de notre armée, de sa comparaison avee les armées étrangères. Ces recherches, fécondées par d’incessantes méditations, grossies par des observations ou des concep- tions très personnelles, donnent à son activilé d'esprit une action nouvelle et intense ; si l’épée du soldat est fatalement au repos, sa plume, alerte comme le vol de lalouette gau- loise, va trouver, même en exil, le moyen de servir son pays. Quand après vingt-trois ans de bannissement le duc d’Au- male rentrera en France, quand son nom honoré reprendra sa place en tête du grand état-major national, toutes ses qua- lités militaires vont briller du plus vif éclat dans cette réor- ganisation de l’armée française qui reste en partie son œuvre. Devant lui, Canrobert pourra dire en lé montrant au Conseil supérieur de la guerre : « Voilà notre maitre à tous » et d’autres, et non des moindres, pourront publiquement ré- péter : « C’est le premier d’entre nous (1). » Si le soldat est hors de pair, lécrivain, né d’ailleurs du soldat, n’est pas de moindre taille. Parlant un jour de Dion Cassius, après avoir parlé de César, le duc d’'Aumale écrivait ces mots qu’on pourrait à juste titre lui appliquer à lui- même : « Il avait exercé de grands commandements, il avait servi avec distinction, et rien ne lui manquait pour bien com- prendre et raconter les opérations de guerre... » Un préjugé, commun de nos jours, plus qu’en aucun autre temps, c’est que l’on devient écrivain comme on devient cordonnier, par l'apprentissage. C’estune illusion, ceux-là seuls posséaeront jamais pleinement l’art de bien dire qui dans leur poitrine et dans leur conscience posséderont le secret de bien faire. (1) Général Saussier, — 311 —- Le style, c'est la plus haute expression de l'âme humaine, c’est un cri du cœur, c’est un don qui vient d'en haut, ce ne peut être et ce n’est jamais le résultat d’une routine et le produit d’un entrainement. | Feuilletez, pour vous en convaincre, trois de ces volumes que le duc d’Aumale enfanta sur la terre étrangère : Les Zouaves et les Chasseurs à pied, panégyrique de lin- fanterie française, « qui reste la première imfanterie du monde »; Les Institutions militaires de la France, où l’on ne sait de quoi s'étonner davantage de la science du maitre, de la sagacité qui lui fait toucher du doigt tous les défauts de notre organisation, de la haute équité qui lui fait rendre Justice à tous : Louvois, Carnot, Gouvion-Saint-Cyr. Le regard tourné vers lPAllemagne après Sadowa, 1l jette comme autrefois Niel, le cri de la sentinelle alarmée, comp- tant les noires légions s’agglomérant au bord du Rhin. Plus clairvoyant que Thiers, et que tant d’autres, il voit l'horizon s’assombrir et par avance, il craint tout pour son pays. « N’est-1l pas temps de considérer le service militaire comme un devoir et non comme un impôt? Quand il s’agit de questions quitouchent à l'honneur, à la grandeur de la France, nous sommes convaincus que personne ne songera ni à une popularité passagère, n1 à un succès d'opposition... » Pas plus que l’avertissement du vieux maréchal Niel, ce cri d'angoisse patriotique ne fut entendu ni compris par les cœurs légers des Ministères et des Chambres !... En 1861, un livre d’un autre genre était sorti de la plume du duc d’Aumale, dicté par l’indignation. Un méchant homme, qui portait un grand nom, avait jeté l’insulte aux descendants bannis des anciens rois. La réponse ne se fit pas attendre ; elle était sanglante et sonna sur la joue de l’insulteur comme le bruit d’un soufflet. Enfant, j'ai transcrit cette pièce, que les libéraux se passaient alors en cachette, et sans lavoir relue depuis, je me souviens du souffle superbe qui d’un bout à l’autre y courait. L’émotion du langage, la justesse et — 378 — la logique entrainante d’une riposte qui mettait à néant in- jures et calomnies en clouant au pilori le coupable, avaient fait un chef-d'œuvre de la Lettre sur l’histoire de France adressée au prince Napoléon. Sans m'astreindre à suivre les dates, j'arrive à l’œuvre qui ‘pour la première fois rapproche le prince de la Franche- Conté, à son volume d’Alesia. On connaît partout, ici plus qu'ailleurs, ce débatsoulevé par Pesprit ingénieux d’Alphonse Delacroix, qui avait cru dans Alaise, petit village perdu sur les bords de notre Lison, reconnaitre l’oppidum défendu par Vercingétorix dans sa lutte désespérée contre Gésar. Sortie de toutes pièces du cerveau fécond de Delacroix, adoptée par Jules Quicherat mon vieux maitre, l’un des princes de la critique historique, la thèse, originale et hardie, dut sa for- tune momentanée à ce champion dont la science ne faisait doute pour personne. À sa suite nombre de savants sé pas- sionnèrent pour l’une ou l’autre opinion, et, sur les deux rives de la Saône, Comtois et Bourguignons en vinrent aux mains qui pou Alaise, qui pour Alise. Le duc d’Aumale après une minutieuse étude des textes sur lesquels roulait la bataille et des cartes d'état-major, dont il devait, exilé, se contenter pour connaitre la topographie des deux camps, conclut avec une précision et une clarté admirables contre lAlaise des Séquanais. Il guidait et devançait le jugement définitif que devait rendre l’Académie des inscriptions et que devaient adopter Napoléon ITF, Duruy, Stotfel et la majeure part des archéologues et des historiens. Son livre, d’une dialectique serrée, était le commentaire le plus compétent qui eût paru jusqu'alors, l’interprétation la plus technique du petit nombre d'auteurs qui, de César à Plutarque et à Dion Cassius, ont raconté la fameuse campagne de l’an 2° avant Jésus-Christ. Il laissa peu de prise à la riposte, et la réplique de Quiche- rat, 10n plus que les nombreuses fouilles d’Alaise, auxquelles généreusement le Prince souscrivit, n’infirmèrent pas ses conclusions. — 379 — À côté de la démonstration stratégique qui ressuscitait les préliminaires et les épisodes du siège fameux d’Alésia, le duc d’Aumale, ému par l’héroïsme du vaincu et la froi- deur cruelle du vainqueur, peint lun et l’autre en un lan- gage singulièrement élevé. On sent l'émotion du combat qui le gagne, on voit son imagination s’enflammer au spectacle des deux armées aux prises dans une lutte suprême, et, en l’écoutant, on croit assister à la scène dramatique et muette qui succède aux dernières convulsions de la Gaule asservie. « Je me souviens encore de l'émotion que me causait dès mon enfance le récit de la lutte de Vercingétorix centre César. Quoique le temps ait modifié mes idées sur bien des points, quoique la conquête romaine ne m’inspire plus la même indignation et que je reconnaisse tout ce que lui doit notre France moderne, j'ai conservé la même chaleur d’en- thousiasme pour le héros arverne. À mes yeux, c’est en lui que se personnifie pour la première fois notre indépen- dance nationale et s’il était permis de comparer un héros païen avec une vierge chrétienne, je verrais en lui, au succès près, comme un précurseur de Jeanne d'Arc. L’auréole du martyre ne lui manque même pas ; six ans de captivité et la mort recue d’un esclave dans la froide prison Mamertine valent bien le bûcher de Rouen. » .… Quand, au dernier jour de sa puissance, il se dévoue au salut de ses compagnons, que, paré de sa plus riche armure, monté sur son plus beau cheval, il va s'offrir avec tant de fierté et de bonne grâce, à un vainqueur dont il n'avait pas de pitié à attendre, je salue en lui le premier des Fran- çais » (D). Ces lignes ne sont-elles pas éloquentes et le sentiment ex- quis qui les inspire n’égale-t-il pas le langage superbe qui les traduit? Tous ceuxqui sont accessibles aux délicatesses de la plume (1) Alesia, étude sur la septième campagne de Gésar, 1859. — 980 — et de la pensée avaient depuis longtemps salué le fin lettré, l'écrivain charmant, l’artiste plein de goût, l'historien exact et plein de verve que le duc d'Aumale était devenu dans l'exil. Quand il rentra, en même temps qu’on le réintégrait dans son grade de général de division, conquis à la guerre, l’Académie française s’empressait de l’élire ; elle n'avait ja- mais inscrit sur ses listes un nom plus digae d'y figurer et le Prince l’honora grandement en acceptant ses suffrages. Quand il prononça le 3 avril 4873 son discours de récep- ton dans la célèbre compagnie, il fit lPéloge de Montalem- bert, l’ancien représentant du département du Doubs, com- tois par sa famille et par mille souvenirs que répètent encore nos montagnes ; le duc d’Aumale, montrant son prédéces- seur fidèle toute sa vie à l’alliance féconde de l'Eglise et de la Liberté, rendit au grand orateur, à lillustre écrivain une jus- üce à laquelle la Franche-Comté fut sensible. Six mois plus tard un décret, daté du 30 septembre, nom- mait le Prince commandant du 7° corps d'armée ; Besançon allait connaître de près l’homme, le soldat et écrivain. IT Ce fut le 143 décembre 1873, le lendemain du jour où, après avoir signé l’arrèt de mort de Bazaine, il avait obtenu du maréchal de Mac-Mahon la grâce du condamné, que le duc d’Aumale, à cheval, entouré d’un brillant état-major, entra au bruit des salves d'artillerie dans le chef-lieu de son com- mandement. Le courage civique qu'il venait de déployer en présidant le procès de Trianon avec autant d’impartialité que de lumière, les paroles indignées dont il avait maintes fois flagellé des explications lamentables, rehaussaient encore le prestige du général dont la bravoure était légendaire En voyant sa fière contenance, sa figure énergique, presque jeune encore, on se prenait à espérer et à croire en l'avenir, tandis que les drapeaux s’inclinaient et que tambours et — 381 — clairons battaient et sonnaient aux champs devant le com- mandant du 7° corps. En recevant le corps d'officiers au quartier général, le premier souvenir qui se présenta au Prince fut le souvenir de son père. Un médecin-major d'infanterie défilait s’incli- nant devant le Duc quand soudain celui-ci Pinterpelle : « Votre croix n'est pas d'ordonnance, il me semble, mon- sieur le major ! — Monseigneur, elle vient de mon père ; le roi Louis-Philippe la lui a attachée lui-même, à Besancon, au mois de juin 1831. -— Fort bien », fit le Duc en souriant, et, dès ce jour, en toute occasion, le major n'eut qu'à se louer des délicates attentions du général commandant en chef Ü). Avec l’activité prodigieuse qui imprimait à son corps la même vivacité qu'à son esprit, peu de jours suffirent au duc d’Aumale pour se mettre en relations avec les troupes et les places fortes placées sous son commandement, avec les hauts fonctionnaires, les corps savants, l'élite de Ia société -bisonline. Après avoir assisté aux fêtes de la Société d'Emulation et prononcé à son banquet un discours tout vibrant de patrio- tisme, après s'être excusé d’avoir combattu contre Alaise et avoir promis sur les guerres fameuses du xvrI° siècle, les sièges de Doleet de Saint-Jean-de-Losne, des pages qu’il de- vait écrire ici même, il prit séance un mois plus tard à l’Aca- démie de Besancon Et dès lors commencèrent entre le Prince et la population bisontine représentée par son haut clergé, ses magistrats, ses administrateurs, ses lettrés, ses artistes, les représentants des familles les plus anciennes et les plus considérées, un échange de prévenances et de gra- cieux procédés qui donnèrent un instant à la cité l'illusion d’une petite capitale. Quant à la grande famille militaire, elle eut toujours, de plein droit, le premier rang dans ses préfé- (1) M. Clédat de la Vigerie. — où rences ; de ce côté ses préoccupations étaient constantes et son eo. de général primait tout. La mission de défendre la trouée de Belfort, d’en relever les remparts, d’en compléter par de nouveaux ouvrages le système, dont une cruelle expérience avait démontré les dé- fauts, était une mission de labeurs et de dévouement. Tout était à créer et, après avoir élaboré comme membre de l'Assemblée Nationale les nouvelles lois militaires, le Due, appelé à les mettre immédiatement en vigueur, devait faire face à bien d’autres soucis. Fortifier à la fois Langres et son camp retranché, reliés par les forts de Servance et de Giro- magny au corps de place de Belfort; Belfort lui-même en le rattachant par le Mont-Vaudois etle Mont-Bartau fort du Lo- mont qui surveille et ferme les passages du Haut-Doubs ; Besançon enfin en étendant à dix kilomètres de la place vingt batteries ou forts à peine ébauchés en 1870. Renforcer les effectifs de nos garnisons ; assurer aux divisions d'infanterie, aux brigades d'artillerie et de cavalerie leurs centres de ras- semblement et leurs formations de guerre; approvisionner les magasins en munitions et en vivres; veiller à ce que tous les services soient convenablement dotés en personnel et en matériel, c'était une œuvre d’une complication presque in- finie, à accomplir dans les conditions les plus difficiles, à une portée de canon des Allemands dont les exigences et les sus- cepübilités survivaient à l’évacuation du territoire. Vis-à-vis d'eux le nom du Prince avait heureusement un prestige qui alla sans cessegrandissant, à mesure que par sa vigilance les troupes exercées reprenaient confiance dans leurs chefs, que les forteresses munies d’une formidable ar- ullerie étaient mises en état de défense, que d’incessantes manœuvres, sillonnant toute la province, familiarisaient le soldat avec son poste de combat et l’officier avec les accidents topographiques d’une région tourmentée. De 1873 à 1876 le rôle du commandement fut exceptionnellement difficile, le trait suivant suffirait à le démontrer. — 383 — Au mois d'avril 1875, un matin, ke Due fit chercher en toute hâte l’ancien colonel du 54° de marche, formé comme on sait de mobiles du Doubs. « Mon ami, lui dit-il, dès qu’il entra, la situation est critique, la guerre peut être déclarée dans les vingt-quatre heures ; la frontière sera de suite débordée, je dois me replier au delà de la Saône. Vous allez en toute hâte reformer vos cadres, retrouver vos officiers, vos soldats : je vous distribuerai des fusils, des souliers, des casquettes, avec cela et des cartouches, vous vous jetterez dans les hauts pla- teaux du Doubs que vous connaissez admirablement et vous üendrez bon. — Mais, monseigneur, je ne suis plus rien. — Demain vous aurez votre brevet de colonel (D. » Dans la nuit les cadres du régiment étaient formés, les principaux officiers prévenus, le brevet de colonel arrivait. Mais trois Jours après, l'alerte qui avait été chaude, était passée et le Duc; souriant, annoneait au chef des volontaires : que ce n'était pas pour cette fois. L’orage prêt à fondre s’é- tait arrêté devant des résistances inattendues. La France allait” avoir le temps de cicatriser ses plaies, de relever ses rem- parts et de reconstituer solidement son armée et ses réserves. Dans le 7° corps d'armée, cette œuvre de patience, de pa- triotisme et de dévouement était digne du duc d’Aumale ; six années y suffirent à peine, mais quand il partit la mobilisa- tion était prête, le réseau des chemins de fer stratégiques était complet, une ceinture redoutable de forts puissamment armés surveillait et gardait tous les cols de nos montagnes, tous les passages de nos vallées et rendait la sécurité au pays (2). Mais si tous ces travaux gigantesques s'étaient réalisés, si d’une part le budget de l'Etat, quoique appauvri par nos dé- sastres s'clait largement ouvert et avait doté suffisamment (l\ M. le comte Edmond de Vezet. (2) Voir à la suite une note sur les travaux de défense exécutés sous le commandement du duc d’'Aumale. 4 — les chantiers, les arsenaux, les casernes, si d'autre part les exigences de redoutables voisins s'étaient insensiblement apaisées, c'était au crédit du Prince, à sa renommée mili-_ taire, au respect et à la crainte qu'inspiraient son nom que tous ces résultats étaient dûs. Si de nuit et de jour il ignorait le repos, si son état-major recruté parmi les plus laborieux et les plus instruits des jeunes officiers, travaillait constamment comme son chef, et imprimait autour de lui dans les corps et dans les services une activité semblable, le Prince savait stimuler tous ceux qu'il approchaït par des encouragements auxquels nul n’était insensible et par des conseils dont tous reconnaissaient la haute portée et la compétence. Paroles amicales, invitations, appui constant dans leur carrière de ceux qui montraient le plus d’ardeur, ordres du jour, allocutions lestement enle- vées, félicitations adressées à chaque difficulté vaincue, voilà ce qu’il semait des Vosges au Jura, sur la rive gauche de la Saône, tenant vigoureusement en main l’ensemble de son corps d'armée. On a cité, mais le voici au complet, certain petit discours prononcé devant la 43° division, à Chaumont, je crois, en re- mettant au général Jeanningros la plaque de grand officier, au mois de septembre 1877. « Soldats, il y a quarante-deux ans, le caporal Jeanningros, portant comme vous le sac et le fusil, reçut sa première bles- sure. Îl y a trente-quatre ans, je remettais au lieutenant Jeanningros, qu’on appelait le « Bayard des zouaves, » la croix de chevalier de la Légion d'Honneur. — Aujourd'hui, je remets au général Jeanningros, six fois blessé sur le champ de bataille, la plaque de grand officier de la Légion d'honneur, Jamais ces insignes n’auront brillé sur un cœur plus vaillant. » De 1874 à 1878, chaque année, le 7° corps prit les armes, tantôt pour des manœuvres générales, tantôt pour des ma- nœuvres divisionnaires qui, sur tous les points, de Bourg et D Belley à Langres et Chaumont, tenaient en haleine régi- ments et services, appelés à étudier, comme pour des com- bats effectifs, des thêmes dictés et surveillés par le Duc en personne. Chacune de ces grandes manœuvres mériterait d’être racontée par le menu si les limites de cette étude en laissaient le loisir. Le premier essai, en 1874, fut ébauché entre Gray et Vesoul, la pointe d'avant-garde étant à Faver- ney, où se donna le choc décisif entre l'ennemi venant de l'Est et le corps d'armée débouchant de Besançon; le comte de Paris, lieutenant-colonel de territoriale, y assistait. Ce fut au cours de ces manœuvres que le Prince reçut, au château de Ray, l'hospitalité du petit-fils du duc de Choiseul. On le fit coucher, à Ray, dans un lit où avait dormi Napoléon. « Est-ce que vous me supposez, par hasard, les destinées de ce grand homme? » Et le Duc de s'intéresser à tous ces por- traits des Choiseul, de Marmier et des La Baume, du mi- nistre de Louis XV, du défenseur d’Huningue, du pacifica- teur des Cévennes, conseillant, ce qui fut fait, de grouper dans un même salon de cette demeure historique les souve- nirs nombreux de la maison d'Orléans. Au retour, le Duc s’arrêta plusieurs journées à Vesoul : les d’Andelarre, les Grammont, les Saint-Moris, toute la députation de la Haute- Saône vinrent l’y saluer. En 1876, ce fut dans le Jura, du 25 août au 10 septembre, que 25,000 hommes manœuvrèrent, le plus souvent sous la pluie et la froidure (auteur s’en souvient), entre l'Oignon, le Doubs, la Loue et l’Aïin. De nombreux officiers étrangers, anglais, autrichiens, italiens et suisses s’étaient, pour la pre- mière fois, joints à son état-major, et, d’un bout à l’autre, captivés par la beauté du pays, par l'intérêt que les opéra- tions tiraient de la présence d’un chef digne de manier et de commander l'élite des troupes françaises, tous rendirent au due d’Aumale ce témoignage, ratifié à la revue de Champa- gnole par Mac-Mahon, c’est que le 7° corps était digne du poste d'honneur qu’il occupait à l’extrême frontière. 25 — 380 — Le duc de Nemours assistait aux manœuvres du Jura. Avant de revêtir son uniforme de divisionnaire et de re- Joindre son cadet, il avait fait tailler sa barbe, qu'il portait habituellement pareille à celle d'Henri IV, ne réservant qu’une amorce de favoris, les moustaches et la royale. Quand son frère, l’attendant à la gare de Dole, s'aperçut du change- ment survenu dans sa figure : « Eh! Nemours, tu es donc descendu de ton socle, il y avait si longtemps qu’on te voyait sur le Pont-Neuf! » Et les voilà tous deux à éclater de ce bon et franc rire qui ne marquait jamais ni orgueil ni dédain. De Champagnole où eut lieu la dislocation, après de nom- breux combats ou réceptions à Vadans, Tourmont, Arbois, Poligny, Montrond et Valempoulières, le Duc ramena à Be- sançon, le 12 septembre, le maréchal de Mac-Mahon, lui témoignant îa plus grande déférence, tout en laissant aux autorités civiles et aux populations le soin d'exprimer au glorieux soldat les sentiments que professait pour ses ser- vices l'élite des honnêtes gens. Les dernières manœuvres auxquelles présida le duc d’Au- male se firent dans la Haute-Saône, en août-septembre 1878, sur le thème suivant : Une armée, maitresse des passages des Vosges et des Faucilles, se dirige vers le Sud-Ouest, où le 7e corps lui barre le passage entre la Saône et l'Oignon. 28,000 hommes y assistaient. Le Comte de Paris, de nom- breux officiers anglais, allemands, russes, belges et autri- chiens étaient autorisés à les suivre. Le général Borel, mi- nistre de la guerre, s’y rendit, et le maréchal Canrobert présida la revue d'honneur. Au cours des opérations, le Prince très entouré et très absorbé par la surveillance des mouvements, justement désireux de donner aux étrangers l’idée la plus favorable du progrès de notre armée, était avare de son temps et esquivait le plus possible les hom- mages et réceptions. Son lit de camp d'Afrique, couvert d’une peau de lion, le suivait dans toutes ses marches et le dispensait généralement d'accepter l'hospitalité des châ- ee, teaux. Cà et là pourtant quelques exceptions furent faites, à Apremont, à Augerans, à Autet, à Charcenne, à Ray par exemple et dans quelques autres étapes de ses itinéraires, où il se reposa quelques instants. Mais dès le lendemain, à ° heures, après la soupe traditionnelle, dressée par ses gens pour lui, ses officiers, et quelquefois le maître de la maison, s’il était matinal, il disparaissait comme par enchantement, fidèle à l’exactitude et au devoir. Dans d’autres saisons, l’arc ne demeurait pas toujours aussi tendu ; entre les courses militaires accomplies à franc étrier, où l’on combinait ingénieusement pour la plus grande célérité tous moyens de transport, le Prince trouvait moyen de contenter ses amis soit en allant les surprendre au retour d’une imspection ou d’une manœuvre, soit en acceptant, à la campagne ou à la ville, quelqu’une de leurs mvitations. Chez les uns, en revoyant les portraits des généraux ou des ministres de son père, il réveillait et racontait avec humour les plus lointains souvenirs de sa jeunesse; chez d’autres, sa verve érudite de fin connaisseur interprétait l’origine de tel tableau de Van der Meulen ou de Fra Bartolomeo, dont il possédait la réplique. Ici, comme à Moncley, il aime à par- courir une demeure de grand style avec son mobilier pré- cieux et ses portraits de famille ; là, comme à Villersexel, il tent à s’incliner devant les glorieux débris d’un château historique effondré sous l4 canonnade d’un des rares com- bats de la dernière guerre, où l’avantage nous soit resté. Cest dans une fugue de ce genre, qu’obéissant à un autre désir, celui de se contrôler lui-même dans ses opinions ar- chéologiques, il alla visiter l’Alesia franc-comtoise. Le 14 juillet 1874, après avoir déjeuné à Châtillon-sur- Lison, dans l’hopitalière demeure d’un homme qu'il tenait en haute estime, le Prince, accompagné de son hôte et de son aide de camp, se dirigea, à cheval, vers Alaise. Au pas- sage du Lison, son grand cheval de guerre voulut regimber, mais, entrainé par l’exemple, il passa et porta bien vite son 0 — maître au sommet de la montagne où Delacroix et Quicherat avaient évoqué à tort les grands souvenirs d’Alesiu. Arrivé au faîte, le Prince, silencieux, interrogea curieusement l'horizon; ses yeux clairvoyants supputèrent bien vite l’éten- due et les reliefs, soit de la presqu'île enveloppée appuyée aux flancs de Rupt, soit du plateau enveloppant de Lizine à Amancey, de Bolandoz à Montmahoux. Puis il fit un long geste négatif, retourna son cheval et gagna au galop la route de Salins, où l’attendaient ses équipages. Pour lui, le procès était perdu à tout jamais par les Comtois : Alaise, malgré ses curieux vestiges contemporains de lindépendance des Sé- quanes, ne pouvait être l’Alesia de César. Une autre occasion lui fit faire, un peu plus tard, la con- tre-épreuve d’Alise. « Connaissez-vous Alise, disait-il un jour à un Franc-Comlois? pour moi, j'ai tenu à l’aller voir et j'en suis descendu convaincu à tout jamais que c’était bien là, comme j'avais conjecturé naguère, le lieu du triomphe de César ; là autour de grandes armées pourraient manœuvrer et prendre leur élan. Il y a, au bas d’Alaise, au delà du ruis- selet de Rabutin, un petit manoir fort intéressant, le château des Bussy, qui appartient à des gens de chez vous, les Sarcus. Allez donc le voir en visitant Alise qui en vaut la peine. » - » À propos, aimez-vous Bussy-Rabutin? — Assez peu, Monseigneur, — Vous avez bien raison, c'était un vilain monsieur ; il est allé raconter et écrire toutes sortes de vi- laines choses sur d’aimables femmes qui n’avaient eu qu’un tort, celui d’être trop bonnes pour lui. S'il eût été un galant homme, il füt resté reconnaissant et discret. » Il y a vingt-cinq ans, la magistrature de Besançon, ou du moins une partie notable, conservait, pieux héritage des par- lementaires d’autrefois, un goût assez prononcé pour les plaisirs de la table. Certains menus, qualifiés de menus d'un chanoine par un aimable épicurien, suffiraient à prouver ce que j'avance. À peine arrivé, le Duc fut prié à plusieurs de ces audiences, et je vois encore en sortir bouche bée un per- — 389 — sonnage assez gourmand, racontant, l’œil allumé : qu’on avait passé tout le temps du repas des truffes en de pleins bassins d'argent. Ce spectacle amusait le Duc, qui était fort sobre: il invita à son tour les magistrats qui l'avaient traité, mais n’essaya pas de rivaliser avec le luxe de leur table. « Mes moyens ne me le permettent pas », disait-1l avec bonhomie. Cette grande fortune que la Providence lui avait donnée, il savait en faire un plus noble usage, les pauvres, les œuvres utiles en savent quelque chose à Besançon et sa générosité, que personne ne dépassa, en ce temps où la qualité de mil- lionnaire rétrécit toujours le cœur et ferme souvent la main, s’étendit sur tous les milieux. Aux murailles dénudées du Quartier général, dont une seule pièce, la chambre à coucher, possédait d'anciennes tapisse- ries qu'il eût voulu acquérir pour Chantilly, le Duc avait fait suspendre quelques tableaux de ses collections : le Portrait de Louis-Philippe et de ses cinq fils, par Horace Vernet; deux toiles célèbres de Protais, Avant et Après le combat ; un Combat sur La voie ferrée, de Neuville; une réduction minuscule de la Vierge de Carondelet, l’orgueil de notre ca- thédrale. Il y ajouta bientôt des paysages d’Isenbart et de Ponthus Cinier ; une nature morte de Bavoux; des dessins à la plume de Coindre, remarqués aux expositions de la So- ciété des Beaux-Arts ou à sa vitrine, devant laquelle toujours il s’arrêtait. L'amour des arts était héréditaire dans la maison d'Orléans: en les encourageant, en les comprenant, en amas- sant des œuvres d'art dans le splendide manoir de Chantilly, qui devait devenir le Musée national de Condé, le duc d’Au- male obéissait à une tradition de famille, mais davantage en- core à ce goût délicat et épuré des belles choses, qui n’est ici-bas l'apanage que d’un petit nombre d'élus. La musique l’enthousiasmait au même degré que la pein- ture; aussi le théâtre, qui jusqu’à ses dernières années est sa récréation favorite fut, à Besançon, durant tout son séjour, le passe-temps préféré d’une grande partie de ses soirées. 00 — Cette passion, il l’avouait ici gaiement à la fille d’un ministre de son père, en lui rappelant le temps où lui enfant, elle déjà jeune fille, assistaient ensemble, dans la loge royale des Français, à la représentation du Malade imaginaire. Il était fort satisfait et de l'orchestre excellent que notre théâtre pos- sède encore et des artistes qui peuplaient la scène; l’un d'eux, une basse, nommée Marchot, avait littéralement fait sa conquête et il ne cessait ni de la louer ni de l’applaudir. Chaque fois qu’une représentation à bénéfice était annoncée, un billet de cent francs arrivait au bénéficiaire, dans une en- veloppe portant l'en-tête du 7° corps. Ravi de l’interpré- tation de ses pièces favorites, le Prince inaugura sur notre scène l’usage des représentations mi-parties, comprenant divers actes principaux des opéras qu’il préférait. Chaque fois que la princesse Clémentine, les ducs de Montpensier, de Nemours, de Joinville, le comte de Paris, les ducs de Chartres et d'Alençon furent ses hôtes, le directeur du théâtre, pré- venu et largement indemnisé, préparait des soirées de gala dont on ne soupçonnait pas l’origine et qui furent, durant six ans, le régal des Bisontins ; jamais la vogue, hélas disparue, ne hanta davantage le théâtre municipal ! Ces goûts de grand seigneur et d'artiste, ces encourage- ments donnés aux beaux-arts auraient achevé de conquérir au Prince le cœur des Comtois, s’il ne l’eût captivé déjà par d’autres qualités charmantes, par sa bonne Date ses préve- nances et son esprit. Ici, 1l faudrait raconter, et ses relations aussi respec- tueuses qu'amicales avec le cardinal Mathieu, l’ancien con- fesseur de Marie-Amélie, dont il entoura les dernières années d’attentions de toutes sortes et dont il voulut lui-même, le 15 juillet 1875, conduire les funérailles et suivre à pied le char funèbre à travers toute la cité, et l’estime qu'il profes- sait pour l’illusire évêque de Nîmes, qu’il connut et apprécia avant son élection à l’épiscopat. € Il avait tout contre lui; d’abord il était fort laid, son accent était épouvantable, ce — 9391 — qui n'empêche pas qu'après quelques minutes l’on était sous le charme de sa parole et l’on s’inclinait devant son incontes- table supériorité. J’aurais à dire son apprécistion flatteuse du talent et de la personne d’'Edouard Grenier, dont il citait volontiers les vers et pour lequel, avec sept de ses col- lègues, il avait voté à l’Académie française la seule fois qu’il s’y présenta. Mais je devrais encore énumérer toutes les jouissances intellectuelles qu'il goûta à Besançon, tantôt à la Biblio- thèque, en visitant ses richesses avec un guide érudit et di- sert comme Auguste Castan : « La seule chose que j’envie à votre dépôt, c’est ce Psautier de Maximilien, illustré par les élèves de Durer: tout le reste, je lai à Chantilly. » Just Vuilleret, le créateur du Musée archéologique, lui en avait fait les honneurs et il s'arrêta maintes fois, pour y revenir, devant le Jules César modelé par la Renaissance, le Taureau d’Avrigney, cédé par le vicomte Chifflet, et les antiquités du pourtour d’Alaise. D’autres lui firent connaître le Musée de - peinture, les documents précieux des Archives, les portraits justement célèbres que nous devons à la munificence des Granvelles. Au bout de quelques mois, le due d’Aumale n'ignorait plus rien ni des ressources artistiques et littéraires de la cité, ni des érudits ou des lettrés, plus intéressants à feuiHeter que les manuscrits ou les livres. Il prenait plaisir à s’entretenir de loin en loin avec eux dans les réceptions ouvertes qui succédaient souvent aux grands repas offerts aux personnages officiels, aux généraux, aux chefs de corps ou de service, se plaisant à conter aux uns des faits de guerre et des anecdotes d'histoire militaire, aux autres tel récit piquant emprunté à ses propres souve- nirs ou à ceux des siens. « Quand on rentra de l’émigration, en 1814, le Roi, quel- ques jours après, recevait le duc de Bourbon. — Mon cou- sin, lui dit-il, je vous fais préparer des appartements aux Tuileries. — Ah, Sire, je suis très reconnaissant à Votre — 392 — Majesté; pourtant, je serais heureux de rentrer chez moi. — Mais, reprit le Roi, c’est que le Président de la Chambre des députés est installé au Palais-Bourbon! — Qu'à cela ne tienne, Je suis tout prêt à lui offrir un appartement. « Mon père, racontait-il un Jour au Quartier général, aimait beaucoup à s'occuper d'architecture ; il s’y entendait et pas un projet de constructions importantes ne s’exécuta sous son règne, sans qu'il y fût intervenu et n’y ait mis son coup de crayon. M. Percier, l’architecte de l'Arc de Triomphe, était très fort de ses amis; 1l lui apportait ses plans, lui en soumettait le détail, et mon père s’enfermait avec lui pour les discuter. Uu jour, la discussion s’échauffa, chacun des partis en désaccord tenait bon; essoufflé, mon père s’écrie : Mais c’est de l’entètement, M. Percier, c’est de l’entête- ment !.. — Très calme, M. Percier répond : Si j'avais à dire la même chose à Votre Majesté, je lui dirais qu’elle à beau- coup de fermeté. — Et la paix fut signée au milieu du rire et des excuses de mon père. » | Outre ces réceptions réservées aux hommes, le Prince, qui aimait du reste beaucoup à se délasser d’occupations plus sérieuses au milieu de ces causeries auxquelles le charme de femmes distinguées et aimables attache un si vif intérêt, avait saisi avec empressement l’occasion d'ouvrir ses salons à l'élite de la société bisontine. Sa sœur, et plus tard Madame la comtesse de Clinchamp, qui tenait sa maison à Paris et à Chantilly, vinrent présider ces fêtes. Les salons du Quartier général étaient étroits et cela donna lieu à d’amusantes aventures; en voici deux. A la pre- mière réception donnée par le Duc (un grand bal dont la princesse Clémentine faisait les honneurs, le 10 février 1874), on avait préparé, en cas d'insuffisance des appartements du rez-de-chaussée, un salon du premier étage. D’abord désert, ce salon fut occupé, vers minuit, par tout un groupe de la société, heureux de se séparer du commun. Le Prince s’a- perçoit du vide laissé par cette émigration à l’intérieur et — 9393 — s’informe; on le lui explique, il sourit, et alors, dans son en- tourage tombe ce mot charmant qui circula comme une fusée : Je n'aurais pas cru qu'entre les deux sociétés il y eût la différence d’un étage. Toujours en raison du manque de place, le buffet, très restreint, était réservé d’abord aux dames quand venait l’heure du souper; la consigne était formelle, officiers d’or- donnance et maîtres d'hôtel la rappelaient; le tour des hommes venait ensuite. Or, certain fonctionnaire fort connu se glisse un soir, subrepticement, à l’heure défendue, fait remplir un verre de champagne, le vide à moitié et, tâchant de gagner l’issue, se heurte contre le Prince. « Mais, Monsieur, le buffet est réservé aux dames”? — Mon- seigneur, C'est à une dame que je portais ce verre. — Il va bien des chances, Monsieur, pour que cette dame connaisse votre pensée !... » Qu'on juge si le maladroit, honteux et confus, tira vite sa révérence. - À table, il lui échappait souvent, soit au milieu de son état- major, qui vivait avec lui sur le pied d’une respectueuse mais réelle intimité, soit en présence d'hôtes de circons- tance, d'exprimer, sur les choses et sur les hommes, avec ce primesaut dont il avait le secret, d’originales et piquantes appréciations. Un jeudi saint apparait un plat de lentilles : « Voilà un lé- gume tout à fait de mon goût; d’abord, c’est le seul dont il soit question dans la Bible. — Mais, pardonnez, Monsei- gneur, et les oignons d'Egypte. — Ah, je ne dis pas, j’ou- bliais les oignons, mais après tout ce n’est pas un légume sérieux, c’est un accessoire. » Une autre fois, ayant à sa droite une dame dont la qualité dominante n’était pas précisément la bienveillance, celle-ei se met à dauber sur le prochain avec une expression dédai- gneuse que sa conversation, d’ailleurs spirituelle, rendait exceptionnellement mordante. C'était un médiocre moyen — 994 — de plaire à son hôte et la conversation languissait. Soudain, un domestique présente la salade; la dame refuse du geste et le Duc d’en remplir son assiette à pleins bords : «Je vous demande bien pardon, Madame, c’est bien bourgeois, n’est-ce pas, de manger de la salade... » La leçon dut profiter. La conversation du Prince, toujours instructive quand il s’adressait à des soldats, toujours enjouée et intéressante quand :l parlait à des gens du monde, devenait fort pitto- resque et fort attrayante quand il s’aventurait, exceptionnel- lement, dans les dangereux défilés de la politique. On a représenté souvent le duc d’Aumale comme ayant, si- non participé, du moins adhéré à ce voyage de Frohsdorf, une des journées de dupes les plus caractérisées de notre histoire ; deux traits, recueillis à Besançon, suffiraient à fixer la vérité sur ce point curieux à connaitre et à dissiper toute légende. Un jour, dans un diner, exaspéré peut-être par un de ces manifestes dont on abusait, il s’exprima en ces termes : «On prétend que M. le Comte de Chambord se brouille aisément avec ses amis, il ferait bien mieux de se brouiller avec son encrier. » Une autre fois, son maître d'hôtel lui présente, pour un grand repas, un menu qu'il parcourt. Parmi les relevés, le mot de « Carpe à la Chambord » le frappe; il hausse gaie- ment les épaules et, d’un trait de plume, biffe le dernier mot et le remplace. Vingt-quatre heures après, ses invités dinaient d’une carpe à la monarque : la carpe était rebaptisée. Quelle différence, et dans sa vie et dans sa mort, entre le due d’Aumale, le défenseur du drapeau tricolore, « qui a été si longtemps le symbole de la victoire et qui est resté, dans notre malheur, l'emblème de la concorde et de l’union, » et les illusionnistes du drapeau blanc, dont il disait, avec une dérision amère : € Qu'ils Parborent dans leur chambre, soit, mais dans les rues d’une cité française, je les en défie (1). » (1) E. DAUDET, Correspondant, 29 octobre 1897, p. 66-657. — 9395 — J'ai montré le duc d’Aumale mêlé à la vie intime de Besan- çon, y remplissant avec une conscience parfaite, non seule- ment les devoirs militaires qu'il sut rehausser d’une façon singulière, mais encore ses devoirs de citoyen, acceptant de droite et de gauche nombre de corvées officielles ou offi- cieuses, tantôt se mêlant à la société bisontine pour assister à un enterrement ou à un mariage, tantôt présidant des dis- tributions de prix et y prêchant à de jeunes lycéens le res- pect des maitres, l’amour de la France et du drapeau. Quand il partit, dans une époque difficile, brusquement séparé d’un corps d'armée qui était son orgueil et qu’il espé- rait conduire aux champs de bataille, où son rêve était de mourir en assurant le triomphe de son pays, il emporta, avec les regrets de tous ses officiers et soldats, Pexpression una- nime d’un attachement et d’un respect que les ans n’ont pu effacer. III « Je ne puis me séparer des troupes du 7° corps sans les remercier du zèle que tous, officiers et soldats, ont apporté, depuis six ans, dans l’accomplissement de leurs devoirs. » Monsieur le général Wolff recevra de vous, j'en suis sûr, le concours empressé qui ne m'a jamais fait défaut. Il vous trouvera toujours animés du même esprit de disci- pline, prêts à toute heure, invariablement dévoués à la pa- trie. » Au Quartier général de Besançon, le 12 février 1879. » Le général de division, » H. D'ORLÉANS. » Après avoir signé cet ordre du Jour et fait ses adieux à son corps darmée, qu'il laissait organisé, renforcé, animé du meilleur esprit, le duc d’Aumale s’éloigna de Besançon, le 12 février, pour n°’v plus revenir. Ses fonctions d’inspecteur — 9396 — de corps d'armée devaient bien le ramener sur l’extrême frontière de son ancien commandement, mais elles durèrent si peu, trois ans à peine, qu'il n'eut pour ainsi dire pas le temps de les exercer. Ses séances du Conseil supérieur de la guerre, une mission qu’il accomplit en 1882, en visitant de Givet à Mont-Cenis toutes les défenses du nord-est au sud- est, furent le dernier emploi de ses services militaires. Dans cette période de trois ans, en 1879 (1) se place un épisode intéressant à méditer. Un jour, durant le ministère Wad- dington, Gambetta, dont l’autorité dominait tout, fit appeler le général Gresley, ministre de la guerre : « Général, les nouvelles diplomatiques sont mauvaises; si certains événe- ments surviennent, c’est la guerre à bref délai: vous allez me répondre sans ambages, quel est le général capable de con- duire 300,000 hommes à l'ennemi? » — Le général réfléchit un instant : € Le duc d’Aumale, » reprit-1l. — « Cest bien, à dater de demain, vous allez vous mettre en relations quoti- diennes avec lui, le tenir au courant de tout, soit par un de vos officiers d'ordonnance, soit par des rapports de chaque semaine et, s'il le faut, de chaque jour, et le prévenir que si la guerre éclate, il sera général en chef. » — Et ce fut fait (2). Mais, quand Gambetta fut mort, en 1882, ses remplaçants, faible monnaie de l’ancien dictateur, rayèrent aussitôt 6) du cadre de l’armée active le chef éventuel qui devait la con- duire à l'ennemi. Si Gambetta eût vécu, le duc d’Aumale n'eût connu sur ses vieux jours ni la radiation ni l’exil ; Phis- toire établira la responsabilité de ces actes, qui privèrent la France d'un bras vaillant et dévoué, et brisèrent le cœur et peut-être abrégèrent la vie d’un homme qui méritait mieux de la reconnaissance nationale. Du 23 janvier 1883, où il fut mscrit d'office au cadre de ré- (1) Entre le 13 janvier et le 28 décembre 1879 (ministère Waddington). () Récit du général Gresley, fait à Contrexéville. (3) 23 janvier 1883. — 9397 — serve, jusqu’au 22 juin 1886, où le Sénat le raya, lui et les siens, des contrôles de l’armée pour l’envoyer un mois plus tard en exil, le Duc, confiné dans sa demeure, étranger, sinon par lindifférence du moins par l’action, à toute politique, vécut tout entier pour sa famille et ses amis ; chez lui, fort d'une conscience sans reproche, la volonté, immuable comine la justice, pouvait emprunter à cette dernière la dé- finition antique : Constans ac perpetua voluntas suum cui- que tribuendi; il n’en ménagea ni n’en dissimula jamais à personne la juste et quelquefois sévère expression. Le 14 juillet 1886, le Prince était banni et le lendemain, quand il entra en Belgique, ce fut un nom cher aux Francs-Comtois, celui des Mérode, qui résonna le premier à son oreille et lui prouva qu'au delà de la frontière de chaudes et cordiales sympathies lui restaient à jamais fidèles. En arrivant à Bruxelles, il y trouva par milliers des témoignages d’atta- chement. L’un d’eux, une simple carte venue de Besançon, portait ces deux vers empruntés à Corneille : Et je garde au milieu de ces àpres rigueurs d Mes larmes aux vaincus et ma haine aux vainqueurs (1). Inutile de raconter comment le Prince tira vengeance de ces proscriptions ; son âme, généreuse et fière, se borna à divulguer, le 29 août 1886, un testament de 1884, qui léguait à l’Institut, c’est-à-dire à la France, Chantilly et ses merveil- leuses collections. Peu de jours après, à Woodnorton, près d'Oxford, il re- prenait, au point où il l’avait laissée, l’Hietoire des Condés, parvenue déjà au V° volume, et écrivait ce poignant épi- logue : « Je continue ce livre, comme je l’ai commencé, aux mêmes lieux, dans la disgrâce et sous le poids d’an exil que je crois immérité.… les coups qui me frappent ne troublent pas la sérénité de mon jugement... » L (1) Tragédie d’'Horace, acte [, scène. * — 398 — Puis, pensant à cette poignée de politiciens mesquins dont la jalousie venait de le frapper, il laissait échapper un cri du cœur : « Non, quoi qu’on dise, la France n’est pas née d'hier, et ce n’est pas d’hier que nos pères ont commencé à l'aimer et à la servir (D... » | Ce fut toute la révolte et la protestation d’un homme de bien qui, pour rien au monde, n'aurait voulu troubler sa patrie, plus généreux que ces ambitieux qui, tant de fois, la sacrifient à leurs haines ou à leurs dépits. Consolé par les sympathies universelles de gens de cœur, par la visite de ses amis (dont plusieurs Franes-Comtois qu’il reçut avec effusion), par les démarches persistantes de lPAca- démie française et de l'Académie des sciences morales, et aussi par la honte que plusieurs de ses proscripteurs avaient bue, le Prince rentra, on sait comment, le 8 mars 1889, en vertu d’un décret signé par Carnot, le petit-fils du célèbre homme de guerre que le duc d’Aumale avait jadis loué en ces termes : «Il avait mis à l’ordre du jour le courage, l’ab- égation, le désintéressement (2). de les tomes III et IV de us de Condé, le Duc avait écrit des pages superbes à la gloire des Comtois ; l’une, c'était le récit de ce siège de Dole, où le patriotisme d’une petite nation. levée pour la défense de son honneur et de son Roi contre l’invasion étrangère, contraignit une armée royale conduite par Condé, à battre piteusement en retraite @) ; l’autre, c'était le tableau plein de mouvement et de vie de cette bataille de Rocroy, livrée par Don Francisco de Mello au duc d’Enghien, pour dégager la Franche-Comté d’un choc qui la menace. Digne de César, de Tacite, de Joinville, de Froissart, ces princes des annalistes, le duc d’Aumale s'était placé au premier rang des historiens en faisant re- (1) Histoire des Condés, t. V, p. 383-384. (2) Institutions militaires de la France, p. 78, (3) Tbid., t. IIL, p. 74 et suiv£ IV, p. 172 et suiv. — 399 — vivre, d’après les Archives de Condé, ces glorieux épisodes de l’histoire de France qui, par bien des points, nous inté- raissaient nous autres Franc-Comtois. Il avait rendu pleine justice à ce vieil archevêque Ferdinand de Rye, se faisant porter mourant sur le clocher de Dole, pour y réciter, en voyant fuir les drapeaux de Condé, le Nunc dimittis.… Do- mine qui précéda de bien peu sa mort. Il avait loué et ce va- leureux comte de Fontaine, un paysan de Fougerolles, et ces tercios espagnols auxquels la Comté avait fourni des milliers de recrues, et cette cavalerie commandée par les Grammont, les Beauregard, les Saint-Amour, qui laissa tant de morts dans les plaines de Rocroy. _ Plus tard, quand il aborda les guerres de 1668 et 1674, qui nous réunirent à jamais à la France, il ne retrouva plus chez nos aïeux, épuisés par la Guerre de Trente ans, la même intensité, la même solidité de résistance : « Vous vous êtes moins bien défendus qu’en 1636. » Et vous lui répon- diez : « C’est vrai, Monseigneur, mais la Franche-Comté était devenue un cimetière ; ses veines appauvries renfermaient bien encore quelques gouttes du sang généreux d'autrefois, mais si peu (D 1» Après avoir suivi le Grand Condé de Rocroy à Seneffe, après avoir montré ce que peut un vrai soldat, malgré la maladie et les infirmités, il lui reste à décrire cette période de déclin et de recueillement que retrouve, à Chantülly, cette âme exceptionnellement trempée qui voulut s'endormir au milieu de l'intelligence et de la vie, faute d’avoir pu se dé- gager sur le champ de bataille, à l’ombre du drapeau victo- FIEUX. Ce dernier récit, cette analyse psychologique, c'était une autobiographie; le due d’Aumale, dont Condé avait été l’idole, à la gloire duquel il avait élevé Chantilly comme un temple, peignait, en les décrivant, les propres sentiments de (1) Récit d’un témoin. — 400 — son cœur et cherchait dans la cendre du passé l’étincelle dont le feu brülait toujours vivace, dans l’ardeur de ses vieux Jours. « Monsieur le Prince, dans son apothéose de Chantilly, vivait comme dans un petit Etat à part, au milieu d’un con- cours continuel de beaux esprits qui, à l’envi les uns des autres, vont l’entretenir. [l racontait volontiers et familière- ment, dans son domestique, les grands événements de sa vie; mais, quand il parlait de combats, il semblait qu'il n°y avait jamais eu aucune part (1). . » Ce portrait de Condé à Chantilly, que Sévigné traçait en 1677, n’est-ce point l’image exacte de cet héritier de Condé que « l’Europe entière » alla saluer de notre temps. Dans ce milieu, restauré par un goût parfait, l'entente admirable des moindres détails qui redon- nèrent au château des Montmorency un corps digne des sou- venirs qui l’animaient, le duc d’Aumale, entouré de ses sou- venirs personnels et de ceux de sa race, faisait honneur aux ombres héroïques, revivant, grâce à lui, après deux ou trois cents ans. Il avait ressuscité, dans son entourage et dans les visiteurs qui peuplèrent autour de lui ces grandes salles pleines d’héroïques figures et de glorieux trophées, « cette liberté de penser ce que l’on voulait, que les Jésuites du duc de Bourbon avaient naguère admirée à Chantilly, au temps du grand Condé (2). » Toutes les visites qu’il y rece- vait témoignaient de l’éclectisme du Prince, » les anciens adversaires s’y mêlaient aux vieux amis, les huguenots y cô- toyaient les catholiques, chacun respirait à l’aise Pair libre de cette demeure hospitalière (3). » Oui, ce que le duc d’Aumale avait écrit de Condé était aussi vrai de lui-même. L'artiste, le lettré avaient libre accès au- près de lui, mais ses préférences étaient et restèrent pour le (1) Lettre citée par le duc d’Aumale, Histoire de Condé, t. VII, p. 686- 687. | (2) Histoire des Condés, t. VII, p. 759. (3) 1bid., t. VIE, p. 694. — AÛl — soldat et quiconque avait porté l’épée ou sortait d’une famille militaire, dont il avait connu les membres et apprécié les ser- vices, entrait de plein droit dans les familiers de sa maison. Naguère à Besançon, quand on lui présentait un homme jeune encore, il demandait toujours : A-t-il fait son devoir pendant la dernière guerre? — (était la condition néces- saire d’un bon accueil. Plus tard, à Chantilly, il s’informait ainsi : Est-il bien france, est-il bien français? - et si l’on s’en portait garant, tout allait de soi. Les vieux amis en- traient là comme chez eux et le Prince le leur faisait dire ou le leur disait lui-même soit en leur ouvrant sans réserve les trésors de ses galeries, de sa bibliothèque, de ses archives, soit en les faisant asseoir à sa table, où la cordialité était ex- trême, où l'étiquette était ramenée aux limites les plus sim- ples, ceux qu’on y admettait étant plus choisis. Dans cette élite la Franche-Comté ne perdait pas ses droits : « Tout ce qui vient de Besançon est particulièrement ac- cueilli par le Prince et lui est fort sensible, » écrivait-on de sa part (1) ; Castan a raconté naguère la réception qu'il reçut, après 1889, de l’exilé rentré dans son foyer. Sans ressenti- ment contre ceux par qui il avait souffert, éprouvant et goùû- tant à pleins poumons le bonheur de revoir sa patrie, gardant l'espoir d'y mourir comme dédommagement de tous ses maux (2). « Chantilly me plait surtout parce que j'en peux faire les honneurs et parce qu’on n'y parle que de l’art, de la littérature, de l’armée (3). » Aux Comtois qui l’allaient voir et qu’il recevait de la façon tout à la fois la plus amicale et la plus princière, il ouvrait sa bibliothèque avec des mots qu'on ne pouvait taxer ni de banalité ni d’étroitesse : « Mon cher ami, vous êtes ici chez vous: venez-v quand vous voudrez, tant que vous voudrez et si longtemps que vous voudrez. » (1) Lettre datée de Bruxelles, 20 juillet 1886. : (2) Histoire des Condés, t. VL p. 653. (3} Ibid. t. V, p. 253-958, — 02 — Puis il les menait dans les coins préférés de son château, dans cette salle des livres où 20,000 volumes, -d’un choix parfait, représentaient à la fois l’histoire de la littérature, celle de l'imprimerie, de la reliure, du manuscrit à travers les âges. Là il faisait apporter quelqu'un de ses plus beaux volumes, tel ce psautier de saint Louis et d’'Ingerburge de Danemarck, où Léopold Delisle, «avec son flair d’'Iroquois, » avait retrouvé la mention de la bataille de Bouvines Après quoi, cheminant à travers ses galeries, après s'être arrêté devant son portrait par Bonnat, les innombrables tableaux de Decamps et de Vernet, les fins crayons du xvre siècle, Les portefeuilles de Raffet, contenant des milliers de dessins et de portraits de braves d'Algérie et du Maroc, il vous expli- quait, en les montrant du doigt, ici la Minerve de Bregille, achetée aux Pourtalès, là, dans le salon des batailles, la prise de Besançon, peinte par Sauveur Lecomte. Et tout en marchant, sa voix, vibrante comme le clairon, réveillait les échos du palais; et c’étaient de longues cause- ries, des anecdotes à n’en plus finir et sur Besançon et sur la vie militaire au 7° corps, et sur les personnages autour desquels se mouvait la société des bords du Doubs. « Savez-vous que je m'étais fait un ami de votre sénateur, ce bon Monsieur Oudet; il m’accablait de politesses, il me ra- contait tout, me consultait sur tout; j'étais devenu pour lui une sorte de confesseur. Tenez, je me souviens qu’à l’une de mes soirées, nous causions devant la cheminée d’un sa- lon. Sur le seuil, un personnage marquant apparaît ; se rap- prochant de mon oreille, M. Oudet me dit tout bas : Vous voyez bien cet homme, Monseigneur, eh bien ! il y a trente ans, lui et moi portions tous deux la robe rouge, mais celui des deux qui était le chef, ce n’était pas lui. » Du passé, auquel il restait fidèle, son esprit, toujours aussi vif que sa mémoire, restée impeccable, passait d’un bond au présent, même à l’avenir. « Et ces Bains Salins, expliquez-moi donc où ils se — 1403 — trouvent; j'ai bien vu des réclames, ce doit être au pied de Beauregard, tout près de Micaud, c’est ma foi un joli en- droit! — Mais, Monseigneur, vous les viendrez voir, Besan- çon vous reverra. — Je ne voyage plus. — Mais cependant, Monseigneur, Palerme, Bruxelles, Londres. — Je ne dis pas, mais à mon âge on ne fait plus que de grands voyages! » Et après avoir pressé sa main vaillante, après avoir reçu, pour les transmettre à tous ceux dont il gardait fidèle et af- fectueuse souvenance, tels qu'Edouard Grenier, auquel il recommandait de dire que « s’il ne siégeait pas à l’Académie française, ce n’était pas sa faute, et qu’il y en avait là beau- coup qui ne le valaient pas, » tel que certain Comtois, au fort goût de terroir, qui avait naguère envoyé à Bruxelles les vers cités plus haut, on quittait à regret ce Chantilly qui, sans lui, est devenu un corps sans âme, bien que son nom plane au dessus du Musée de Condé, sans que le temps ni l'envie puissent désormais l’effacer, : Ilme resterait à raconter cette mort imprévue qui l’a frappé sur cette terre de Sicile, dont la fertilité et la chaleur rappe- laient à ses derniers ans ce sol d'Afrique dont l’ardent soleil avait éclairé ses hauts faits. L'homme qui avait tant vécu par l'intelligence et par le cœur est mort l’âme assombrie par un deuil poignant qui attaquait la France autant que ne même dans de nobles et saintes affections (1). Ses derniers vœux n'ont pas été remplis, puisqu'il s’est éteint loin de ce Chantilly qu'il adorait, puisqu'il n’a pu des- cendrée au cercueil revêtu de cet uniforme de général dans lequel il voulait être enseveli. Mais à la Madeleine, “enveloppé dans les plis de ce drapeau tricolore, pour lequel il eût voulu mourir, il a reçu du moins les derniers . de cette armée française, qui fut le grand 4) Le due d'Aumale est mort subitement à Zueco, près Palerme, le, 7 mai 1897, au lendemain de l’effroyable désastre du Bazar de la Charité, où périt, avec cent autres victimes, sa nièce, Madame la duchesse d'Alençon. — À0% — amour de sa vie, et ce suprême hommage a dû consoler sa grande âme au seuil d’une immortalité qu'aucun de ses con- temporains n’a méritée à plus juste titre. Et maintenant, pour conclure, n’y a-t-il pas entre la Franche-Comté et l’illustre mémoire du due d’Aumale un lien qu’on ne saurait impunément briser. Gette physionomie inoubliable d’un grand Prince qui, « trait d’union entre le présent et le passé, » sut être le premier citoyen d’une grande République, restera toujours vivante et toujours pré- sente pour les générations à venir. Mais, dans cet Hôtel de ville de Besançon, où il s’est assis souvent, au temps où son grand cœur et son grand nom servaient de bouclier à notre frontière, son portrait ne serait-il pas à sa place aussi bien que dans ce quartier général du 7° corps, où il inaugura la série des commandants de corps d'armée”? . À Chantilly, faisant face au portail de la cour d'honneur, se dresse, sur un haut piédestal, la statue équestre d'Anne de Montmorency, œuvre magistrale de Paul Dubois ; le con- nétable, ferme sur les étriers, l'épée au repos, la tête à demi- penchée, regarde au delà du château, qui fut le sien, les vertes prairies et les forêts ombreuses qui lui font une im- mense ceinture, et reste, devant ces lointains horizons, mé- ditatif et réfléchi. À sa fière allure, à sa physionomie éner- gique, on le devine prêt à sortir du repos; au moindre bruit de guerre, le général est prêt à tirer l’épée et à vaincre, comme autrefois, les ennemis de la patrie. En modelant cette figure grandiose, évoquée après trois cents ans, en lui don- nant le port et le geste favoris du duc d’Aumale, lartiste éminent n'a-t-il pas inconsciemment fait vivre à la fois, dans le bronze, le plus illustre des OUPS et son héritier, le dernier maître de Chantilly? Eh bien! je voudrais voir se dresser, He aux Vosges, — 405 — une statue équestre pareille à celle de Chantilly. L’épée du vainqueur d’Abd-el-Kader resterait au fourreau, prète à en sortir, mais le regard et le geste de la main droite seraient tournés vers Belfort. Et, sur le piédestal, on graverait cette phrase qu’un grand prince français a écrite pour nous et qui résume ses derniers vœux pour une province qui lui fut chère ; « Rien, s'il plaît à Dieu, rien ne pourra rompre le lien in- dissoluble qui unit les Comtois à la France, à cette France dont nous ,;sommes tous les enfants et les serviteurs !... » = 26 — FORTIFICATIONS ET CONSTRUCTIONS MILITAIRES Exécutées, de 1874 à 1879, dans la 7° région, sur l'initiative du duc d’Aumale PLACE DE BELFORT Mise en état du Château, du corps de place, des forts de la Jus- tice, de la Miotte, des Barres, des Hautes et Basses-Perches. Création des forts de Bellevue (Denfert-Rochereau), du Salbert, de Roppe, du Mont-Vaudois, de Bosmont, de Giromagny, du Ballon de Servance; des batteries de Chèvremont, Vézelois, Meroux, Sevenans, Bermont, Botans, Urcerey, la Côte, Haut- Taillis, Dorans, Tête des Planches, du Châtelet; des magasins à poudre, de l'enceinte des faubourgs. | Casernes de cavalerie, du Vallon, du front des Faubourgs; agrandissement de l'Hôpital militaire, de la Manutention, du Champ de manœuvres; parcs à fourrages; quais d’embar- quement; colombier militaire. PLACE DE BESANÇON Forts de Montfaucon, Chailluz, Châtillon-le-Duc, Monts-Boucons, Planoise, Fontain, Benoît. Batteries de l'Hôpital et Rolland; redoute de Montfaucon. Casernes de la Butte, magasins d'habillement, de vivres et d’ar- tillerie. Agrandissement des zones civiles, déclassement de Chamars. PLACE DE BOURG Casernes Aubry, à Bourg; Sibuet, à Belley; Michel, à Lons-le- Saunier, — 407 — PLACE DE LANGRES Forts du Cognelot, de Dampierre, de Saint-Menge, de la Pointe- de-Diamant, de Plesnoy, du Mont. Magasins généraux des Franchises; cercle militaire, à Langres. Hôpital et bains militaires, à Bourbonne. Caserne et magasins, à Chaumont. Caserne de cavalerie, caserne d'administration, boulangerie de | campagne, à Gray. PLACE DE MONTBÉLIARD Forts de la Chaux, Mont-Bart, Lomont, les Roches. PLACE DE PONTARLIER Forts du Larmont-Supérieur; mise en état du fort de Joux et du Larmont-[nférieur. Fort du Risoux, aux Rousses. Champ de tir de l’artillerie, à Pontarlier. PLACE DE VESOUL Magasins généraux et écuries de Favernev. ——--—20003 =0 0-27 DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ (1897-1898) Parle DÉPARTEMENT DU DOUBS MN 300 f. Par 14 VILÉE DE BESANCON. 06.2 ca ae 600 f. Par M. le MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE (Comité des Sociétés savantes) : Bulletin : histoire et philologie, 1897, 1-9; — Bulletin des sciences économ. el sociales, travaux scientifiques, t. XVII, 10-11; t. XVIIL, 1-7; Tables; — Bulletin archéologique, 1897, 1-2; 1868, 3; — Bibliographie des publications des Sociétés savantes au 31 décembre CASE Gatalogue des manuscrits des brbliorhegues pee de France : Besançon, {re partie Dictionnaire topographique du épaiétont du Cantal, par E. AMÉ, 1897. Dibliothèque de l'Ecole des Chartes, LVIII, LIX, 1897-1898. Histoire de la sépulture et des funérailles dans l’ancienne Egypte, par E. AMELINEAU, 2 vol. in-4° Annales du Musée Guimet, t. XXXVI, 1-3 : Voyaye dans le Laos; — Mission AYMONIER; — Les Parsis; — Revue de l’his- toire des religions. 19e année, t. XXX VII, 1-3; t. XXX VIIL, 1. Journal de l’Ecole Polytechnique, 2e série, 3° cahier, Her 1898. | Par MM. MAGNIN (D: Ant.), membre résidant : Révision des herbiers du Muséum de Grenoble; — Contribution à l’étude de la flore dauphinoise, par MM. MAGNIN et L. REROLLE. MALDINEY et THOUVENIN, membres résidants : De l'influence des rayons X sur la germination, 1898. "109 == CHAMBRE DE COMMERCE DE BESANCON : Communications ra- pides entre Strasbourg et Marseille, par Belfort, Besançon et Lyon. Séance du 13 avril 1897. CAISSE D’ÉPARGNE DE BESANCON : Exercices de 1896 et 1897. CONSEIL GÉNÉRAL DU DOUBS (M. ROGER, préfet) : Rapports et délibérations. Session d'août 1898. RoOUSSET : Dictionnaire de géographie universelle (Vivien de Saint-Martin). Supplément, 9-12. H. HÉRON : Rapport sur l’état moral et les profits de l’instruc- tion. Au : LA BOURALLIÈRE : Chapitre rétrospectif sur les débuts de l’im- primerie & Poitiers, 1898. RENAULD (Ferdinand), membre correspondant. MOREAU (Frédéric) : Table de l’Album Caronda. PIETTE DE LA PORTERIE : Fouilles de Brassempouy, 1896. CASTAN (Mme veuve Auguste) : Un exemplaire du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Besançon, 1re partie, par Auguste CASTAN, 1898. — Notes sur l'Histoire municipale de Besançon (1290-1769), extrait des travaux inédits d'Auguste CASTAN. — M0 — ENVOIS DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (1897-1898) Académie des Inscriptions et Belles-lettres, comptes rendus des séances, 1897 et 1898. Revue des Etudes grecques, t, X, 39-49; t. XI, 1-2. Monuments grecs, 1897. Journal des Savants, 1897 et 1898. Mémoires et Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1896 et 1897. Bulletin de la Société de botanique de France, 1897, 7-10; 1898, 1. Session à Barcelonnette, 1897. Société d'anthropologie de Paris : Bulletin, 1897, 1-3, 1898; Mé- moires, 3e série, t. Il, n° 2. Société zoologique de France : Bulletin, t. XXII, 1897; Mé- moires, t. X, 1897. Société française de physique, séances, 1897. Bulletin de la Société de spéléologie (Spelunca), 4° année, 13-14, 1898 Bulletin de la Société d'histoire de Paris et de l’île de France, 24e année, 1897. Mémoires, t. XXIV : Lettres de M. de Mariville. Association française pour l’avancement des sciences, 26e session à Saint-Etienne, 1-2. Revue de la Société des études historiques, 63° année, 1897. Annuaire de la Société philomatique de Paris, 1897. Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen, 1897. Académie de Nimes, 7e série, t. XX, 1897. Bulletin de la Société libre d’émulation de la Seine-Inférieure, 1895-96. Mémoires de l’Académie nationale de Caen, 1897. Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, 1897, 1-4; — Mémoires, t. XIV; — Album archéologique, 13° fase.; — La Picardie monumentale, fondation Soyez, n° 5, cantons de Conty et de Pecquigny. — A1 — Société havraise d’études diverses, 1896 et 1897. Revue de Saintonge et d’Aunis, t. XVIIE, 1-5, 1898. Mémoires de la Société d'Emulation d’Abbeville, t, IIE, 2e partie; Bulletin, 1896 et 1897. Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’Ouest de la France, t. VIIL, 1-2, 1898. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1898, 2-3. Bulletin de la Société académique de Brest, 1896-1897; t. XVIII, 1898. Revue historique et archéologique du Maine, 1897, 2e sem. Bulletin de la Société industrielle et agricole d'Angers, 1896. Société historique et archéologique de l'Orléanais. Bulletin. t. XII, nos 160-162, 1897-1898. Annales de la Société hislorique et archéologiqne de Ghäleau- Thierry, 1896. Mémoires de la Société académique d'agriculture, sciences et arts du département de l’Aube, 3° série, t. XXXIV. Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 2 série, t, XV, f. 22, . 1897. Bulletin de la Société Dunoise, Chatéaudun, 114-115, 1898. Société historique de Compiègne. Procès-verbaux, VI, 1897. — Les francs-archers de Gompiègne, 1418-1524, par le baron DE BONNAULT D'HOUET. Mémoires de la Société d’agricult., commerce, etc., du départe- ment de la Marne, 1896-1897. Société d'histoire naturelle d’Autun, 10e bulletin, 1897. Mémoires de la Société d’histoire, d'archéologie ct de ee ature de Beaune, 1896. Revue bourguignonne de l’enseignement supérieur, Dijon, t. IX, 1898. — Cartulaire de la ville d'Arbois au comté de Bourgogne, par M. Louis STOUFF. -- Catalogue des muscinées de la Côte- d'Or, par MM. LANGERON et SULLEROT. : Inventaire sommaire des archives de la Côte-d'Or, archives ci- vies, série Det E, t'I. Mémoires et Bulletins de la Société historique et io ue de Langres, 1898. Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Mâcon, 1898, 8-9. — 419 — Bulletin de la Société d'histoire nalur cie de Saône et- Loire, à Chàlon-sur-Saône, 1898, 5-6. Mémoires de la Société d'Emulation de Montbéliard, t. XX VI, 11897 Société d'encouragement à l’agriculture : Le Sillon, Vesoul, année 1897-98. Bulletin de la Société des sciénces naturelles de La Hit: Saône, 2e année, 1898. Bulletin de la Société d'agriculture du département de la Haute- Saône, 3° série, 10.28, 4897. Mémoires de la Société d' Emulation du Jur do 65 Série; st L et'TE ; 1897. fievue viticole et horticole de Franche-Comté et de Bourgogne, Poligny, nos 1897-1898. Bulletin de la Société belfortaine d’'Emulation, nos 16 et 17, 1897. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, 2e série, n° 10, 1897. Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, t, XXIV, 1897. Annales de la Société d’agr. et d'industrie du département î° la Loire, 1897 et 1897. Bulletin trimestriel de la Société d'histoire naturelle de non 1898. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire, 1897-98 Bulletin de la Société d'Émulation et des Beaux-arts du Bour- bonnais, 1896 et 1897. — Catalogue du musée de Moulins. Revue scientifique du Bourbonnais, 1897-98. Bulletin de la Socièté des sciences naturelles et d'archéologie de l’Ain, 1897-98. Annales de la Société d'Emulation de l'Ain, t. XXXI,1897-98, 1-3. Bulletin de la Société d'Emulation de l’Yonne, 4e série, t. I, 1897. Bulletin de la Société philomathique vosgienne, 23e ann., 1897-98. Annales de la Société d'Emulation des Vosges (Epinal), 1898. Mémoires de la Société d'archéologie pre, 3e one t. XXV. 1e | Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 2e série, t. XXIV, 1898. — 13 —— Société Dauphinoise d’ethnologie et d'anthropologie, 189%, 9-3: 189518901897 (EL IV);21: V1; 1898. Mémoires de la Société littéraire de Lyon, fascicule 1891-1895. Annales de la Société d'agriculture et arts de Saint-Étienne, 1897-98, 1. : Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, 1897. Revue Savoisienne, 1897-98. Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Savoie, 1896-97, PeHReulil. Mémoires de la ee archéologique du Midi de la France, 1897, 20; 1898, 21-2 Mémoires de la Société des sciences et lettres de Montpellier, 2e série, t. IT, 1897; — Cartulaire des abbayes d’Aniane et de Gellone, 1898. Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, de XVI 1897. Bulletin d’hisloire ecclésiastique des diocèses de Valence. etc., 1897. . Bulletin de la Diana (Montbrison), t. IX, 1897 ; t. X, 1898, 1-2 Bulletin de la Société d'élude des sciences naturelles de Béziers, t. XIX, 1896. Bulletin de la Société d’étude des sciences naturelles de Nimes, DNA 1897:;-t: XX VI 1-2, 1898: Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, 5e série, t. IE, 1. -- Observations météorologiques, 1896-1897. pr Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux, t. XXI, 3-4, 1898. Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 6° série, 1-4, 1897. Bulletin trimestriel de la Société des sciences et lettres de Pau, 1596 et 1898. Société lil'éraire et agricole des Pyrénées-Orientales, t. XXXIX, 1898. Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes (Gap), 1897-98. Revue africaine, 227-228, 1898. Société des sciences, agriculture et arts de la Basse-Alsace, 1897- 1898. — MA — Bulletin de la Société d'archéologie de Genève, t. IT, 1898. Bulletin de l’Institut national genevois, t. XXE 1897: Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles, ee 1998, 126-129. Société des Antiquaires de Zurich, cahier LXIE, 1898. : Société des sciences naturelles de Zurich (Vierteljahrschrift), 1898. Bulletin de la Société Neuchateloise de géographie, t. X, 1898. Revue bénédictine, 1897-1898; — Monasticon belge, par le fe P. URSMER BERLIÈRE. Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique, t. X, 4, 1898 Annales de l’Académie royale d'archéologie de Belgique (Anvers), t. 1, 4898, 1-3 (5° série). | Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, t. XII, 1. — Annuaire 1898. Sociélé géologique de Bruxelles, t. XXII, XXIIE. Académie royale de Belgique : Bulletin, 29 à 33, 1895-1896; — Mémoires couronnés et autres Mémoires, in-8°, 48 à 54; - Mé- moires des savants étrangers, in-4°, t. LIV; — Annuaires, 1896 et 1897; — Notices biographiques, 1896; — Règlement des trois classes, t. X, 4, 1898. | Analecta bolandiana, Bruxelles, t. XIT, 2-4, 1898. Université de Ghristiania, programme pour 1897; Bœrth Norro- naskailer, 1898. Académie royale des sciences de Stockolm (AA t. XXIX; (Ofversigt), 1897. Bulletin de la Société géologique d’Upsala, 1896, 1897, 5-C. Direction des travaux géologiques du Portugal : Faune crétacée, par P. CHOFFAT; — Vertébrés fossiles, par E. SAUVAGE. Société historique et philolo. de Manchester, 1897-1898. Smithsonian report, U. S. national museum, 1893-1894. U.S. geological Survey : Atlas, Iron bearing district of Michi- gan. — Seventeenth report 1895-1896, I-IT : t. XXV, The gla- cial lake Agasiz ; t. XXVI1, The flora of the Amboy Clays; t. XX VIL, Geology of the Deuwer bosin in Colorado. — Bulletin. Société d'histoire naturelle de Boston : Mémoires, t. , 3; “0e dings, t. XX VIII, 6-12. The geographical Se, of Philadelphia, janv.-avril 1898. Revista do Museu nacional do Rio Janeiro, t. I, 1895. — A5 — Revista do Museu nacional do Montevideo, t. III, 9 (Smithsonian’s invoices). Société d'histoire naturelle de Fribourg in BP, 1897-1898. Botanischen vereins der provinz Brandebourg (Verhandlungen), 1397. Académie des scienc?s de Berlin (sitzungsberichte), t. XXXIX, 1, 1SOT- Académie des sciences de Munich (sitzungsberichte), I-TIT, 1898 : - Neue annalen, band ITF, 1898. Yahrbuch Verhandlungen geology (Autriche), 1897-1898. Société d'histoire naturelle de Brême : beilrage, 1897; abanden- lungen, XIV, 1898. Société physico-économique de Kæœnigsberg, 1897. — M6 — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ Au 4 décembre 1898. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l’article 21 du règlement. Conseil d'administration pour 1898. PRESNUeNT nn or MM. A. GIRARDOT (le docteur); Premier Vice-Président.. BRUCHON père (le docteur) ; Deuxième Vice-Président. GAUTHIER, Jules; , Secrétaire décennal...... MEYNIER (le docteur); Vice-Secrétaire:......:. VAISSIER ; Frésorier es 12e. FAUQUIGNON ; Vice: Trésorier. 2.1: POETE ; AMNCRIDISLES ne Ce ne MALDINEY et KIRCHNER. Secrétaire honoraire... M. Bavoux (Vital). Membres honoraires (20). MM. LE GÉNÉRAL commandant le 7e corps d'armée (M. le général PIERRON). LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d’appel de Besançon, (M. GOUGEON). L’ARCHEVÉQUE DE BESANÇON ($S. G. Mgr PETIT). LE PRÉFET du département du Doubs (M. ROGER). LE GOUVERNEUR de la place de Besançon (M. FAVARCQ). LE RECTEUR de l'Académie de Besançon (M. BRÉDIF). — M7 — MM. LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon (M. MOLINES). LE MAIRE de la ville de Besançon (M: GoNDY)). L'INSPECTEUR d’Académie à Besançon (M. GUYON, rue Mon- cey, 4.) BLANCHARD, Em., membre de l’Institut (Académie des sciences), professeur au Muséum dhistoire naturelle; Paris. — 1867. DELISLE, Léopold, membre de l’Institut (Académie des inscrip- tions et belles-lettres), administrateur général de la Biblio- thèque nationale. — 1881, GRENIER, Edouard, lauréat de l’Académie française, ancien se- crétaire d’'ambassade ; Paris, boulevard Saint-Germain, 174, el Baume-les-Dames (Doubs). — 1870. MARCOU, Jules, géologue; Salins (Jura), et 42, Garden Street Cambridge, Massachusetts (Etats-Unis d'Amérique). — 1845. (Décédé.) WEIL (Henri), membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), doyen honoraire de la Faculté des lettres de Besançon; Paris, rue Madame, 64. — 1890. Le général WoLr, ancien commandant supérieur du 72 corps d'armée ; château de Pontdevaux (Aïn). — 1882. * Durour (Marc), docteur en médecine, (élu membre honoraire de la Société en 1896), à Lausanne, rue du Midi. — 1886. PEeTir, Jean, Statuaire, rue Denfert-Rochereau, 89, Paris (élu membre honoraire de la Société en 1896). — 1866. ROBERT, Ulysse, inspecteur général des bibliothèques et des archives, 30, avenue Quihou, à Saint-Mandé (Seine). — 1896. SIRE (Georges) correspondant de l’Institut, essayeur de la Ga- rantie, (élu membre honoraire de la Société en 1896), Besan- con, rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847. , INGAUD, Léonce, correspondant de l’Institut, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres de Besancon (élu membre honoraire de la Société en 1896), rue Saint-Vincent, 17. — 1874. 1 Ca | — 8 — Membres résidants (1) (150). MM. AUBERT, Louis, maître tailleur au 5e d’artillerie, place de l’Etat- Major, au quartier. — 1896. AUSCHER, Jacques, grand-rabbin, rue Charles Nodier, 6. — 1875. BADER, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870. BAIGUE (le docteur), rue Morand, 5. — 1897. BAUDIN, Léon, docteur en médecine, directeur du bureau d’'Hy- giène de Besançon, Grande-Rue, 97. — 1885. BAVOUX, Vital, receveur principal des douanes en retraite; Fontaine-Ecu, banlieue de Besançon. — 1853. BEAUQUIER, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs ; Montjoux, banlieue de Besançon. — 1879. DE BEAUSÉJOUR, Gaston, ancien capitaine d'artillerie, place Saint-Jean, 6. — 1897. BÉJANIN, Léon, propriétaire, Grande-Rue, 39. — 1885. * BERDELLÉ, ancien garde général des forêts, Grande-Rue, 112. — 1880. " BESSON (Paul), chef d’escadron d'artillerie, rue Charles-Nodier, 13. — 1894. BONAME, Alfred, photographe, rue de la Préfecture, 10. — 1874. BONNET, Charles, pharmacien, conseiller municipal, Grande- Rue, 39. — 1882. Bossy, Léon, fabricant d’horlogerie, rue de Lorraine, 9. — 1896. * BOUSSEY, professeur agrégé d'histoire au Lycée, secrétaire perpétuel de l’Académie de Besançon, rue Morand, 11.— 1883. BOUTTERIN, François-Marcel, architecte, professeur à l’Ecole municipale des Beaux-Arts, rue Saint-Antoine, 4. — 1874. BOUVARD, Louis, avocat, ancien bâtonnier de Pordre, conseil- ler municipal, rue Morand, 16. — 1868. * BoverT, Alfred, ancien président de la Société d'Emulation de Montbéliard, à Valentigney (Doubs). — 1888. (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besancon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d'une manière plus large aux travaux de la Société. — 119 — MM. Boysson D’ECOLE, Alfred, rue de la Préfecture, 22. — 1891. BRETENET, chef d’escadron d’artillerie, rue St-Pierre, 15.— 1885. BRETILLOT, Maurice, banquier, membre de la Chambre de com- merce, rue Charles Nodier, 9. — 1857. BRETILLOT, Paul, propriétaire, rue de la Préfecture, 21. — 1857. BRUCHON {le docteur), professeur honoraire à l'Ecole de méde- cine, médecin des hospices, Grande-Rue, 84. — 1860. BRUCHON, Henri (le docteur), professeur suppléant à l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 84. — 1895. BURLET (l'abbé), chanoine-archiprêtre, curé de St-Jean.— 1881. DE BUYER, Jules, inspecteur de la Société française d’archéo- logie, Grande-Rue, 123. — 1874. CÉNAY, pharmacien, avenue Carnot. — 1897, CHAPOY, Léon (le docteur), directeur de l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 11. — 1875. DE CHARDONNET (le comte), ancien élève de l’Ecole polytech- -. nique, à Besançon, rue du Perron, 20, et à Paris, rue Cam- bon, 43. — 1856. . CHARLET, Alcide, avocat, rue des Granges, 74. — 1872. CHIPON, Maurice, avocat, ancien magistrat, rue de la Préfec- ture, 25. — 1878. CHOTARD, Henri, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand, rue de Vaugirard, 61, à Paris. — 1866. CLERC, Edouard-Léon, représentant de commerce, rue du Chas- not. — 1897. COILLOT, pharmacien, rue Battant, 2, et quai de Strasbourg, 1. — 1884. COLSENET, Edmond, professeur de philosophie et doyen de la Fa- culté des lettres, conseiller municipal, rue Granvelle, 4. — 1882. CORDIER, Palmyr, agent principal d'assurances, conseiller mu- nicipal, rue des Granges, 37. — 1885. CORNET, Joseph, docteur en médecine, aux Chaprais, rue des Chaprais, 43. — 1887. COSSON, Maurice, trésorier-payeur général du Doubs, rue du Perron, 26. — 1886. COULON, Henri, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre, rue de la Lue, 7. — 1856. x — 4920 — MM. COURGEY, avoué, rue des Granges,"16. — 1873. COURTOT, Théodule, commis-greffier à la Cour d'appel; à la Croix-d’Arènes (banlieue). — 1866. COUTENOT, Francis, médecin en chef honoraire des hospices, rue du Chateur, 5. — 1852. DELACROIX, Emile, essayeur au bureau de la Garantie de Be- sançon, place de l’Etat-major, 18.— (1877)-1895. DrerricH, Bernard, ancien négociant, Grande-Rue, 71 et Beau- regard (banlieue). — 1859. DODIVERS, Joseph, imprimeur, Grande-Rue, 87. — 1875. . Y DôRNIER;-Alfred, négociant, place du Marché, 18. — 1880{ d-1-+ 2° * Dreyrus, Victor-Marcel, docteur en médecine, rue dela Mouillère (aux Chaprais). — 1889. DROUHARD, Paul, conservateur des Ho en retraite, rue Saint- docent 18. — 1879. DROUHARD (abbé), chanoine, rue Saint-Jean. —- 1883. DRoz, Edouard, professeur à la Faculté des lettres, rue Mon= CE Te 1877. DRUHEN, Etienne, directeur honoraire de l'Ecole de énécine de Besançon, rue des Granges, 59. — 1896. DUBOURG, Paul, président de la Chambre de commerce, ancien membre du Conseil général du Doubs, rue Charles Nodier, 29: LOUE. Erxis, Edmond, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1860. FAUQUIGNON, Charles, ancien receveur des postes et télé- graphes, rue des Chaprais, 5. — 1885. FÉLIX, Julien, fabricant d’horlogerie, membre du conseil muni- cipal, avenue Carnot. — 1884. FÉNON, directeur de l’Ecole nationale d’horlogerie de Besançon. — 1893. FRANCESCHI, Luc, artiste peintre, à Canot. — 1893. FRANCEY, Edmond, avocat, membre du conseil général du Doubs et du conseil municipal de Besançon, ancien adjoint au maire, rue Moncey, 1. — 1884. GAUDERON (le docteur), Eugène, professeur de clinique à l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 129. — 1886. * GAUTHIER, Jules, archiviste du département du Doubs, corres- — 421 — MM. pondant du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux- Arts, rue Charles-Nodier, 8. — 1866. GAUTHIER, Léon, élève de l'Ecole des Chartes, rue de Navarre, 3, Paris. — 1898. GENVRESSE, professeur de chimie industrielle et agricole à la Faculté des sciences, rue Gambetta, 7. — 1895. GIRARDOT, Albert, géologue, docteur en médecine, rue Saint- Vincent, 15. — 1876. GRESSET, Félix, général de division du cadre de réserve, aux Tilleroyes près Besançon, et à Paris, rue de l’Alma, 8. — 1866. GROSJEAN, Alexandre, avocat, membre du conseil général du Doubs et du conseil municipal, quai Veil-Picard, 99. — 1876. GROSRICHARD, pharmacien, place du Marché, 17. — 1870. GRUEY, professeur d'astronomie à la Faculté des sciences, direc- teur de l'Observatoire de Besançon. — 18892. * GRUTER, médecin-dentiste, square Saint-Amour, 7. — 1880. GUICHARD, Albert, négociant, ancien président du tribunal de commerce, rue d'Anvers, 3. — 13853. . GUICHARD, Paul, rue Pasteur, 13. — 1884. GUILLEMIN, Victor, artiste peintre, rue des Granges, 21. — 1884. HALDy, Léon-Emile, rue Saint-Jean, 3. — 1879. Heirz (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, Grande- Rue, 45. — 1888. HENRY, Jean, docteur ès sciences, Grande-Rue, 129. — 1857. HÉTIER, François, botaniste, à Mesnay-Arbois (Jura). — 1895. D'HOTELANS, Octave, rue Charles Nodier, 12. — 1890. JACOT, Adolphe, employé à la préfecture, rue Saint-Vincent, 55. — 1896. JOUBIN, prof. à la Faculté des sciences, à Beauregard. — 1894. DE JOUFFROY (le comte Joseph), membre du conseil général du Doubs ; au château d’Abbans-Dessous et à Besançon, rue du Chapitre, 1. — 1853. DE JOUFFROY D’ABBANS (le général comte), rue du Perron, 22. — 1894. | : KIRCHNER, ancien négociant, quai Veil-Picard, 55 bis. — 1895. * KOLLER, propriétaire, conseiller municipal, membre du con- seil d’arrond. de Besançon; au Perron-Chaprais. — 1856. — 192 — MM. LAMBERT, Maurice, avocat, ancien magistrat, quai de Stras- bourg, 13. — 1879. | LARMET, Jules, médecin-vétérinaire, conseiller municipal, an- cien adjoint, rue Proudhon, 16. — 1884. LAURENT, Emile, major au 106 bataillon d'artillerie, quai de Strasbourg, 13. — 1895. * LEBEAU, administrateur de la compagnie des Forges de Fran- che-Comté, place Saint-Amour, 2 bis. — 1872. LEDOUX, Emile (le docteur), quai de Strasbourg, 13. — 1875. LIEFFROY, Aimé, propriétaire, administrateur des Forges de Franche-Comté, rue Charles Nodier, 11. — 1864. LiME, Claude-François, négociant, aux Chaprais. — 1883. LOuUvoT, Emmanuel, notaire, Grande-Rue, 14. — 1885. . LouvorT (labbé Fernand), chanoine honoraire de Nîmes, curé de Saint-Claude (banlieue). — 1876. MAIRE, Alfred, président à la Cour d'appel, rue du Chateur, 12. — 1870, MAES, Alexandre, serrurier-mécanicien, rue du Mont-Sainte- Mare 1021870 MAGNIN, Antoine, professeur à la Faculté des sciences et à l'Ecole de médecine, conseiller municipal, ancien adjoint au maire, rue Proudhon, 8. — 1885. MAIROT, Félix, banquier, ancien président de la Chambre de com- merce, rue de la Préfecture, 17. — 1857. MAïIROT, Henri, banquier, conseiller municipal, président du tri- bunal de commerce, rue de la Préfecture, 17. — 1881. MALDINEY, Jules, chef des travaux de physique à la Faculté des sciences. — 1889. MANDRILLON, avocat, rue d'Anvers, 1 bis. — 1894. MANDEREAU (le docteur), professeur à l’Ecole de médecine, ins- pecteur de l’Abattoir. — 1883. | MARCHAND, Albert, ingénieur, administrateur délégué des Sa- lines de Miserey. — 1888. MARQUISET, Alfred, à Paris. — 1897. * MARTIN, Jules, manufacturier, rue Sainte-Anne, 8. — 1870. MASSON, Valery, avocat, rue de la Préfecture, 10. — 1878. MATILE, fabricant d’horlogerie, rue Saint-Pierre, 7. — 1884. — 1923 — MM. MAUVILLIER, Pierre-Emile, photographe, rue de la Préfecture, 3. — 1897. : MERCIER, Adolphe, docteur en médecine, rue de Belfort, 43. — 1881. MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement; à Canot. — 1868. MEYNIER (le docteur), Joseph, médecin principal de l’armée ter- ritoriale, rue Ronchaux, 3. — 1876. MicHELz, Henri, architecte-paysagiste, professeur à l’Ecole des Beaux-Arts ; Fontaine-Ecu (banlieue). — 1886. Miort, Camille, négociant, membre de la Chambre de commerce, Grande-Rue, 104. — 1872. Mior, Louis, avocat, Grande-Rue, 104. — 1897. MONTENOISE, avocat, rue de la Madeleine, 2. — 1894. MORLET, Jean-Baptiste, conseiller municipal et membre de la Chambre de commerce, rue Proudhon, 6. — 1890. MoussaRD (le chanoine), bibliothécaire du Chapitre, rue des Martelots, 8. — 1896. - NARGAUD, Arthur, docteur en médecine, quai Veil-Picard, 17. — 1875. NICKLÈS, pharmacien de 1re classe, Grande-Rue, 128. — 1887. * ORDINAIRE, Olivier, consul de France; à Maizières (Doubs). — 1876. OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, membre de la Chambre de com- merce, rue de la Préfecture, 18. — 1858. PARIZOT, inspecteur honoraire des Enfants assistés, rue du Clos, 10. — 1892. PATEU, entrepreneur, membre du conseil municipal, avenue Carnot. — 1894. PERRUCHE DE VELNA, conseiller à la Cour d'appel, rue Saint- Vincent. — 1870. * PINGAUD, Léonce, correspondant de l’Institut, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres (élu membre ho- noraire en 1896), rue Saint-Vincent, 17. — 1874. POETE, Marcel, archiviste-paléographe, bibliothécaire de la Ville. — 1894. RÉMOND, Jules, notaire, Grande-Rue, 31. — 1881. — 49% — MM. * RENAUD, Alphonse, docteur en droit, sous-chef à la direc-. tion générale de l’enregistrement; Paris, rue Scheffer, 25. — 1869. : RICKLIN, notaire, rue des Granges, 38, étude : Grande-Rue, 121. — 1879. RiGNY (labbé), chanoine honoraire, curé de Saint-Pierre. — 1886. ROBARDET, ancien commissaire-priseur, ancien membre du conseil d'arrondissement de Besançon, rue Pasteur, 13.— 1879. ROBERT, Edmond, fabricant d’aiguilles de montres, faubourg Tarragnoz. — 1886. pue SAILLARD, Albin (le docteur), sénateur, membre du conseil gé- néral du Doubs, place Victor Hugo, et à Paris, rue N.-D.-des- Champs, 75. — 1866. SAILLARD, Léon, négociant, rue des Granges, 59. — 1877. SAILLARD, Eugène, ancien directeur des postes du département du Doubs; Beauregard (banlieue de Besançon). — 1879. DE SAINTE-AGATHE (le comte Joseph), avocat, archiviste-paléo- graphe, rue d'Anvers, 3. — 1880. . SANDOZ, Charles, négociant en fournitures d’horlogerie, ancien adjoint au maire, place Saint-Amour, 4. — 1880. SERRÈS, Achille, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1883. SIMONIN, architecte, rue du Lycée, 13. —- 1892. SIRE, Georges, correspondant de l’Institut, essayeur de la Ga- rantie, (élu membre honoraire de la Société en 1896), rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847. - SONGEON, fabricant d'horlogerie, Grande-Rue, 73. — 1884. SUCHET (le chanoine) rue Casenat, 1. — 1894. THOUVENIN, François-Maurice, pharmacien supérieur, profes- seur à l'Ecole de médecine et de pharmacie, Grande-Rue, 156. — 1890. TRINCANO, manufacturier, rue Saint-Pierre, 20. — 1896. VAISSIER, Alfred, conservateur du Musée des antiquités, Grande- Rue, 109. — 1876. VAISSIER, Georges (le docteur), chef de clinique médicale de P’hôpital Saint-Jacques, Grande-Rue, 113. — 1898. * VANDEL, Maurice, ingénieur des arts et manufactures, direc- teur de la Soudière, à Montferrand. — 1890. Ro MM. * VAUTHERIN, Raymond, ancien capitaine du génie, villa Sainte- Colombe, rue des Vieilles-Perrières. — 1897. VERNIER, Léon, professeur à la Faculté des lettres, rue Sainte- Anne, 19. — 1883. DE VEZET (le comte Edouard), ancien lieutenant-colonel de l’armée territoriale, rue Charles Nodier, 17 fer. — 1870. VÉZIAN, Alexandre, doyen honoraire de la Faculté des sciences; Villas bisontines. — 1860. VIEILLE, Gustave, architecte, inspecteur départemental des sapeurs-pompiers, rue de Lorraine, 4. — 1882. WEHRLÉ, négociant, rue Battant, 11. — 1894. Membres correspondants (119). MM. * ALMAND, Victor, capitaine du génie, officier d'ordonnance du général Carette ; à Marseille. ANDRÉ, Ernest, notaire ; rue des Promenades, 17, Gray (Haute- _ aone) 1877. / ARNAL, Amédée, trésorier-payeur; à Libreville (Congo). — 1872. BAILLE, Charles, ancien juge de paix, à Poligny (Jura). — 1877. * BARDET, juge de paix; à Brienne (Aube). — 1886. DE BEAUSÉJOUR, Eugène, ancien magistrat; Lons-le-Saunier. — 1897. : BERTIN, Jules, médecin honoraire des hospices de Gray (Haute- Saône), quai du Saint-Esprit, 1. — 1897. * BESSON, ingénieur de la Compagnie des forges de Franche- Comté ; Courchapon (Doubs). — 1859. BETTEND , Abel, imprim.-lithog.; Lure (Haute-Saône). — 1862. BEY-ROZET, Charles, propriétaire; à Marnay (Haute-Saône). — 1890. Bix10, Maurice, agronome, membre du conseil municipal de Paris ; Paris, quai Voltaire, 17. — 1866. B1ZoS, Gaston, recteur de l’Académie de Montpellier. — 1874. BLONDEAU, juge au tribunal; Lons-le-Saunier. — 1895. BOBILLIER, Edouard, maire et suppléant du juge de paix; Cler- val (Doubs). — 1875. — 496 — MM. BOISSELET, Joseph, avocat; Vesoul (Haute-Saône). — 1866. * BREDIN, professeur honoraire; à Conflandey, par Port-sur- Saône (Haute-Saône). — 1857. * BRioT, docteur en médecine, membre du conseil général du Jura; Chaussin (Jura). — 1869. DE BRoissiA (le vicomte Edouard FRoISsARD) ; à Blandans, par Voiteur (Jura). — 1892. * BRUAND, Léon, inspecteur des forêts ; Paris, rue de la Planche, 1T bis. — 1881. BURIN DU BUISSON, préfet honoraire ; à Besançon, rue Moncey, 9, et à Cramans (Jura). — 1878. | BUCHET, Alexandre, inspecteur des Enfants assistés; Gray (Haute-Saône). — 1850. CASTAN, Francis, général d'artillerie; à Versailles et à Besançon, Grande-Rue, 97. — 1860. CHAPOY, Henri, avocat à la Cour d'appel de Paris; rue des Saints-Pères, 13. — 1875. * CHOFFAT, Paul, attaché à la direction des travaux géolo- giques du Portugal; Lisbonne, rua do Arco a Jesu, Ha — 1869. Le * CLOZ, Louis, professeur de dessin ; à Salins. — 1863. CONTET, Charles, professeur agrégé de mathématiques en re- traite ; aux Arsures (Jura). — 1884. * CONTEJEAN, Charles, géologue, professeur de Faculté hono- raire et conservateur du musée d'histoire naturelle; à Mont- béliard. — 1851. CORDIER, Jules-Joseph, receveur principal des domaines: à Montbéliard. — 1862. CORDIER, Palmyr, médecin &es colonies, et à Besançon rue des Granges, 3. — 1896. CORNUTY, contrôleur de la garantie; Pontarlier. — 1883. CosTE, Louis, docteur en médecine et pharmacien de 1"e classe, bibliothécaire de la ville de Salins (Jura), — 1866. ; COURBET, Ernest ,-bibliophile, trésorier de la ville de Paris, rue de Lille, 1. — 1874. * CRÉBELY, Justin, employé aux Forges de Franche-Comté; Moulin-Rouge, près Rochefort (Jura). — 1865. MM. DAUBIAN-DELISLE, Henri, ancien directeur des contributions directes, ancien président de la Société d’Emulation du Doubs; Paris, avenue de Wagram, 86. — 1874. * DEROSNE, Charles, maître de forges; à Ollans, par Cendrey.— 1880. * DEULLIN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. * DEVAUX, ancien pharmacien, juge de paix, Gy (Haute-Saône). — 1860. DIETRICH, docteur en médecine, médecin de colonisation à Mekla (Algérie). — 1892. DRAPEYRON , Ludovic, docteur ès-lettres, professeur d'histoire au Lycée Charlemagne, directeur de la Revue de Géographie ; Paris, rue Claude-Bernard, 55. — 1866. * DuraY, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875. FEUVRIER (l'abbé), chanoine honoraire, curé de Montbéliard (Doubs). — 1856. FEUVRIER, Julien, professeur au collège de Dole, faubourg - d'Azans. — 1893. FILSJEAN (l'abbé), licencié en lettres, professeur au séminaire d'Ornans. — 1896. GASCON, Edouard, conducteur des ponts et chaussées en re- traite, président du comice agricole du canton de Fontaine- Française (Côte-d'Or). — 1868. GASCON, Louis, professeur au lycée d’Alais, rue Faberie, 60. — 1889. GAUSSIN, Célestin, secrétaire honoraire des Facultés, à Paris. — 1891. GAUTHIER, doct. en médec.; Luxeuil (Haute-Saône). — 1868. GEVREY, Alfred, conseiller à la Cour d'appel de Grenoble, rue des Alpes, 9. — 1860. GIRARDIER, notaire à Dole (Jura). — 1897. GIROD, Paul, professeur à la Faculté des sciences et à l'Ecole de médecine de Clermontferrand, rue Blatin, 26. — 1882. f * GuiLLEMOT, Antoine, archiviste de la ville de Thiers (Puy-de- Dôme). — 1854. HUART, Arthur, ancien avocat-général; rue Picot, 9, Paris. — 1870. — 4928 — MM. HUGUET, docteur en médecine; Vanne, par Ray-sur-Saône (Haute-Saône). — 1884. : JEANNOLLE, Charles, pharmac. ; à Fontenay-le-Château (Vosges). — 1876. JOLIET, Gaston, ancien préfet de la Haute-Marne; à Dijon, rue Chabot-Charny 44. —- 1877. LAFOREST (Marcel PÉCON DE), lieutenant d'infanterie; à Brest et à Besançon, rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1895. * LAURENT, Ch., ingénieur civil; Paris, rue de Chabrol, 35.— 1860. LEBAULT, Armand, docteur en médecine; Saint-Vit (Doubs) 1876. LECHEVALIER, Emile, libraire-éditeur; Paris, quai des Grands- Augustins, 39, à la librairie des provinces. — 1888. LE MIRE, Paul-Noël, avocat ; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura) et rue de la Préfecture, à Dijon. — 1876. LHOMME, botaniste, secrétaire de la mairie de Vesoul (Haute- Saône), rue de la Mairie. — 1875. | * LIGIER, Arthur, pharmacien, membre du conseil général du Jura; Salins (Jura). — 1863. LONGIN, Emile, ancien magistrat, rue du Collège, 12, à Dole (Jura). — 1896. MACHARD, Jules, peintre d'histoire, ancien pensionnaire de FAcadénne de France à Rome: Pans rue Ampére ns — 18606. . MADIOT, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). — 1880. MAIRE-SEBILLE (labbé), curé de Vuillecin, près Pontarlier (Doubs). — 1880. * MASSING, Camille, manufacturier à Puttelange-lez-Sarralbe (Lorraine allemande). — 1891. DE MARMIER (le duc), membre du conseil général de la Haute- Saône; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône). — 18067. MARTIN, Abel, capitaine adjudant major au 27e régiment d’in- fanterie ; à Dijon, et à Besançon, Grande-Rue, 86. — 1881. * MATHEY, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856. DE MENTHON (le comte René), botaniste; Menthon-Saint-Bernard (Haute-Savoie), et château de Saint-Loup-lez-Gray, par Gray. — 1854. Ann, Alfred; Fédry, par Lavoncourt (Hte-Saône). — 1886. * DE MONTET, Albert ; Chardonne-sur-Vevey (Suisse). — 1889. MORÉTIN, docteur en médecine; Paris, rue de Rivoli, 68. — 1857. MourEY (l’abbé), curé à Borey, par Noroy-le-Bourg (Haute- Saône). — 1886. DE MOUSTIER (le marquis), député et membre du Conseil géné- ral du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs), et Paris, avenue de l’Alma, 15. — 1874. * PARANDIER, inspecteur général de première classe des ponts et chaussées en retraite, président de la Société de viticulture d’Arbois (Jura); Paris, rue des Ecuries d'Artois, 38, et aux Tourillons à Arbois. — 1852. Paris, docteur en médecine, médecin pes bains à Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. DE PERPIGNA, Charles-Antoine, D opHétaier Paris, rue de _ Berne, 11. 1888. PETITCLERC, Paul, géologue; Vesoul, rue de l'Aigle-Noir, 17. — 1881. PIQUARD, Léon, docteur en médecine à Chalèze (Doubs). — 1890. PIQUEREZ, Charles, explorateur; à Besançon, rue des Docks. — 1898. * DE PRINSAC (le baron), château de Sadeillan, par Miélan (Gers). — 1873. PRINET, Max, archiviste, aux Archives nationales; Paris, rue de Rennes, 126. — 1895. PROST, Bernard, inspecteur des archives et des bibliothèques au ministère de lInstruction publique et des Beaux-Arts ; Paris, avenue Rapp, 7. — 1857. à QUÉLET, Lucien, docteur en médecine ; Hérimoncourt (Doubs). — 1862. RAMBAUD , Alfred, sénateur, ancien ministre de lInstruction publique et des Beaux-Arts; Parie, rue d’Assas, 76, — 1881. — 430 — MM. REGAD, Paul, greffier du tribunal civil de Saint-Claude (Jura). — 1891: : RENAULD, Ferdinand, botaniste, ancien commandant du palais de Monaco; rue des Templiers, à Vence (Alpes-Maritimes). — 1875. RICHARD, Auguste, pharmacien; Nice, rue de Paris, 16, et Autet (Haute-Saône). — 1876. " RICHARD, Louis, médecin-major de {re classe au 27e régiment d'infanterie; à Dijon, 14, rue des Roses. — 1878. Ripps (Pabbé), curé d’Âre-lez-Gray (Haute-Saône). — 1882. ROBERT ainé; au château de Conflans, Charenton (Seine). — 1898. ROBINET (l'abbé), Mélitin, vicaire à Sirod (Jura). — 1889. ROUTHIER, Joseph-Prosper, attaché à la Préfecture de la Seine ; Paris, rue Flatters, 10. — 1886. RouUzET, Charles-François, architecte, à Dole (Jura). — 1898. | Roy, Emile, professeur à là faculté des lettres de Dijon, rue de Mirande, 9. — 1894. Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; Paris, rue Spon- tini, 9. — 1807. Roy, banquier; L’Isle-sur-le-Doubs. — 1887. * ROSsIGNOT (lahbé), Auguste, curé de Mamirolle (Doubs). — 1885. SAGLIO, Camille, directeur des forges d’Audincourt (Douhs). — 1896 .* SAILLARD, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs). — 1877. DE SCEY (le comte Gaëtan); à Souvans, par Mont-sous-Vaudrey (Jura). — 1897. STOURME, docteur en médecine ; à Lyon, cours Morand, 25. — 1896. SURLEAU, directeur de la succursale de la banque de France; à Rouen. — 1886. * DE SAUSSURE, Henri, naturaliste ; à Genève, Cité 24, et à Yvoire (Haute-Savoie). — 1854. î THURIET, Charles, président du tribunal civil de Saint-Claude yura).— 1869. \ — 431 — MM. * TOURNIER, Ed., maître de conférences à l'Ecole normale, sous- directeur à l’école des hautes études; Paris, rue de Tournon, 16. — 1854. TRAVELET, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez- Morey (Haute-Saône). — 1857. * TRAVERS, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller de préfecture; Caen (Calvados), rue des Chanoines, 18. — 1869. * TRIPPLIN, Julien, représentant de lhorlogerie bisontine et vice-président de l’Institut des horlogers; Londres : Bartlett’s Buildings, 5 (Holborn Circus), E. C., et Belle-Vue (Heathfield Gardens, Chiswick, W). — 1868. TueTeY, Alexandre, sous-chef de la section législative et judi- ciaire aux Archives nationales; Paris, rue de Poissy 31. — 1863. VALFREY, Jules, ancien sous-directeur à la direction politique du Ministère des Affaires étrangères ; Paris, rue Marbeuf, 31. — 1869. VAISSIER, Jules, fabricant de papiers; Paris, rue Edouard De- taille, 3, — 1877. VARAIGNE, directeur des contributions indirectes en retraite ; Paris, rue Lauriston, 80. — 1856. VENDRELY, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône). — 1865. VERNEREY, notaire; Amancey (Doubs). — 1880. VIELLARD, Léon, propriétaire et maître de forges; Morvillars (territoire de Belfort). — 1872. * WALLON, Henri, agrégé de l’Université, manufacturier; Rouen, Val d'Eauplet, 48. — 1868. MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DÉCÉDES EN 1898. DucaT, Alfred, architecte de l'Etat, conservateur du Mu- _ sée archéologique. BARBAUD, Auguste, ancien premier adjoint au maire, directeur de la Caisse d'épargne. :EANNIN (l'abbé), prélat romain, chanoine honoraire, curé de Notre-Dame. | FLAGEY, Camille, ingénieur, ancien membre du conseil général du Doubs. GURNAUD (A.), ancien inspecteur des forêts; au château de Nancray (Doubs). DÉTREY, Just, propriétaire, rue Saint-Vincent. MAISONNET, Auguste, négociant, aux Cras-Chaprais. MUGNIER, Henri-Auguste, ingénieur-architecte , Paris. 1853 1857 188% 1877 1853 1857 1869 1868 2 = SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (46%) Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations, FRANCE. Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l’Instruction publique [cinq exemplaires des VÉNDURER Ain. Société d’Emulation de l'Ain; Bourg. Société des sciences naturelles de l'Ain. . Aisne. Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agri- culture et industrie de Saint-Quentin . dr Société historique et archéologique de Chateau Thierry" Allier. Société des sciences médicales de non de Gannat . Se ie Société d'Emulation et de Beaux-arts a Europe Moulins. Revue scientifique die lo et ete là France ; Moulins .… Alpes-Maritimes Société .des lettres, sciences et arts des Alpes- -Maritimes ; Nice. Alpes (Hautes-). Société d'étude des Hautes-Alpes; Gap. 1856 1862 1898 — 454 — Ardèche. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et lettres de l’Ardèche ; Privas. Aube. Société académique de l’Aube ; Troyes . Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. Belfort (Territoire de). Société Belfortaine d’'Emulation. Bouches-du-Rhône. Société de statistique de Marseille. Académie des sciences, belles- lettres et arts . Macs - Galvados. Société Linnéenne de Normandie ; Caen. . . . . . Ncadénie de Caen ris she NE es Charente. Société historique et archéologique de la Charente: ANSOUÉMER Te Re A De no Charente-Inférieure. Société des archives historiques de la Saintonge et de PAUNIS SSAIMESE NX LU RSR ENS AR VAE Cher. Société des antiquaires du Centre ; Bourges. . . . . . Côte-d'Or. Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . Commission des antiquités du département de la Côte- OMAN EC TENUE TES ANS SE RS : Société d'archéologie, d'histoire et de ernure “de Berne nm En Ep Re PAR EE SR RER 1865 1867 1876 1872 1867 1867 1857 1868 1877 1883 1876 1856 1869 1877 4 — Société des sciences historiques et naturelles de Semur . Société bourguignonne de géographie et d'histoire ; Dijon. Revue bourguignonne de l’enseignement supérieur publiée par les professeurs des Facultés de Dijon. Doubs. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- con. ; ; à or Société dnuaton de Montre. AN Société de- médecine de Besançon, . , . … . . . . . Société de lecture de Besançon. . . + . . . . - . L'Union artistique de Besançon. . . . . Drôme. Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie reli- gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Vi- HS Romans (DrOME) + 4. re es Eure-et-Loir. pcielé Dunoise-=Châteaudun :.:4.. ... . .°,". Finistère. Société académique de Brest . Gard. Académie de Nîmes . à ne ete AE Société d’études des sciences les de None EE Garonne (Haute). Société archéologique du Midi de la France; Toulouse. Société des sciences physique et naturelles de Tou- JOUSe ris re Gironde. Société des sciences physiques et naturelles de Bor- déaUux, ee Or ‘ UE Société d'archéologie de Bo de da ; Société Linnéenne de Bordeaux . 1880 1888 1891 1844 1851 1861 1865 1894 1880 1807 1875 1866 1885 1872 1875 — 436 — Hérault. Académie de Montpellier. Société archéologique de Montpellier. SERRE Société d'étude des sciences naturelles de Fe ee Ille-et-Vilaine Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine : Rennes. Isère. Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- ment de l'Isère ; Grenoble . ie k Société Dauthinuise d’ethnologie et d’ anthropolonte. Jura. Société d’Emulation du département du Jura; Lons-le- Saunier . Revue viticole de ne ni Poligny Loir-et-Cher. Société historique et archéologique du Vendomois. - Loire. Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire ; er Etienne. Société de la Diana, à Montbrison. Loire-Inférieure. Société des sciences naturelles de l'Ouest de la France; Nantes . Loiret. Société archéologique de l’Orléanais ; Orléans . Maine-et-Loire. Société industrielle d'Angers et du département de Mairte- et-Loire; Angers. ë à Société eine de Mane: a Loire : Abe à 1869 1869 1878 1894 1857 1898 1844 1895 1898 1866 1895 1891 1851 1855 1857 — 431 — Manche. Société des sciences naturelles de Cherbourg . . . . . . 1854 Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- babemeutde la Marne: Chälons., : 2... .... .….: 1856 Société d'agriculture, sciences et arts du département de RE RE LS nn = us «nee 0: LOIS Marne (Haute-). Société archéologique de Langres. : . . . . . . . . . . 1874 Meurthe-et-Moselle. Société des sciences de Nancy (ancienne Société des Sciences naturelles de Strasbourg) . . . . . . . . . . 1866 société. d'archéologie Lorraine, à Nancy. : --. .: : . . . 1886 Meuse. SHACÉspolymaihique dé Verdun". ....... ..:: ...1051 Morbihan. Société polymathique du-Morbihän= Vannes, = . . . .. :: 1864 | Nord. SHecre déMUHAHION de -ROUDAIRS 22 5... . 7. . 1895 Oise. Douiére msStorique de. Compiègne... .. à: : . . . . : 1886 Pyrénées (Basses-). SDHERlé des Sciences ariserlettres dePaus à 072,1: 11873 Soeiété des sciences et arts: de Bayonne... : 1: 1 . 1884 Pyrénées Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Decntiles-PErTDISNANn. se + 4 2... 41000 Rhône. Société d'agriculture et d'histoire naturelle de Lyon. . . 1850 — 438 — Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. . Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon . Annales de l’Université de Lyon, quai Claude-Bernard. . Saône-et-Loire. Société Eduenne ; Autun. nie ins D Société d'histoire o d'archéologie de Chalon -sur-Saône. . Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha- lon-sur-Saône . Lan Société d'histoire le d ou , . Société d'histoire naturelle de Mâcon. . . . Saône (Haute-). Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône Société d'encouragement à l’agriculture ; Vesoul. . Société des sciences naturelles; Vesoul. . Sarthe. Société FR sciences et arts de la Sarthe; Le Mans . : nee sn. 5 Société - et She ae du Haine. Le aus : Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . Savoie (Haute-). Société Florimontane ; Annecy. . . Seine. Institut de France . ee : Société des antiquaires de bite: ane sue Association française pour en amer ch des sciences . Société d'histoire de Paris et de l’fle de France . Association pour l’encouragement des études grecques en France: rue Souitlot, 22 Paris bo Société de botanique de France ; rue de Gieies, 24, Paris . HE et Société oh ass rue noie Dub. 4 . Société française de physique, rue de Rennes, 44. Musée Guimet; avenue du Trocadéro, 30 . — 439 — Société de secours des amis des sciences. Société de biologie. 3 Spelunca, Société de ééoloee - ee à : Société philomathique de Paris, rue des Gr aide oe tins, 7. : Société échoue de Pre rue à Orléans: Neuiliy- sur-Seine . ed ou ed du vie La aäirection de laure géologique universel, rue de Tournon, 1 . RS RE CR PE NS Mélusine , revue folkloriste, librairie eo: sue des ÉLandiers HPALISS Le Polybiblion, Paris, rue Ste a à et 2 Seine-Inférieure. Commission départementale des antiquités de la Seine- Inférieure; Rouen . Re A Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen . Société libre d'Emulation de la Seine-[nférieure ; Rouen. Société hâvraise d’études diverses . Seine-et-Oise. Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et- Oise ; Versailles . Re Société des sciences orales belles-lettres et arts, à Versailles . somme Société des antiquaires de Picardie ; Amiens. Société d’'Emulation d’Abbeville. Tarn-et-Garonne. Société d'histoire et d'archéologie de Tarn-et-Garonne ; Montauban . Vienne (Haute-). Société historique et archéologique du Limousin . Vosges. Société d’'Emulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne ; Saint-Dié. 10 — Yonne. Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. 1852 ALSACE-LORRAINE Société d'histoire naturelle de Colmar. .… 4860 Société des sciences, agriculture et arts … la a . Alsace ; Strasbourg . : ne 1880 Société d loue naturelle de Metz. : 22 1699 Commission de la carte géologique de l'Alsace. Lorraine Strasbourg 1 1887 ALGÉRIE. | Société historique algérienne; Alger . . 1870 ALLEMAGNE. Académie impériale et royale des sciences de Berlin. 1879 Société botanique de la province de Brandebourg ; Berlin. . : Nine 0 ou Académie royale de sciences de Ba Ce ä Munich (Kœnigl. Bayer. Akademie der ee ZU _Munchen), de pa M. Georg, hbraire a NÉyon. nn nue 1865 : Société des sciences naturelles de Be Na ones chaftlicher Verein zu Bremen) . . 1866 Société des sciences naturelles et - de 3 Haies Hesse (Oberhessische Gesellschaft für Natur und Heil- kunde) ; Giessen. 11090 Société des sciences ue de hour en | Brissas (Bade) . RERRSS ER RP 1892 Société royale physico-économique ‘de a Le nigliche physikalich-ækonomische Gesellschaft zu Kœæ- nigsberg) ; Prusse . À . 1861 Société philosophique et AB e ie Modeles a la bi- bliothèque de l’Université) . 1898 AUTRICHE. Institut impérial et royal de géologie de l’empire d’Au- — AM — triche a Reichsanstalt) ; NHÉMNE, he haie on Aire Poe Muséum impérial et Foal d’ histoire nadrcle de dionne. AMÉRIQUE. Société d'histoire naturelle de Boston. . Institut Smithsonien de Washington . United states geological Survey. . . Geographical club of Philadelphia . ANGLETERRE. Société littéraire et philosophique de Manchester (Litte- rary and philosophical Society of Manchester). . . BELGIQUE. Académie royale de Belgique; Bruxelles . . Société géologique de Belgique; Liège . a Académie d'archéologie de Belgique; Anvers, rue Lozane 22 SL . - Société des ie Emicies rue des Draul nes 44. _ Société d'archéologie de Bruxelles, rue Ravenstein n° 11. Revue bénédictine de l’abbaye de Maredesous. . PORTUGAL. Commission des travaux géologiques du Portugal, de l'Académie royale des sciences de Lisbonne, rua de Arco a Jesu, 113. ne Transactions of Academy of St- Louise ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . LUXEMBOURG. Société des sciences naturelles du grand duché de Luxem- Dore EUxXeMhOUcE 60700 RCE CR Re SUËÈDE ET NORVÈGE. Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . 1853 1889 1865 1869 1883 1896 1859 1868 1876 1885 1888 1891 1892 1869 — 149 — Université royale de Christiania . . . . . .. The geological institution of the University of Uni Kongl. Vetterhets historie och antiquitets Akademian, SLoCkhOlME ee Re ee de SUISSE. Société des sciences naturelles de Bâle. Société des sciences naturelles de Berne . Société Jurassienne d'Emulation ; Porrentruy . . . Société d'histoire et d'archéologie de Genève, rue de l’E- VÉCHES 7 ae mes RE Gomes te Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne . . . Société d'histoire de la Suisse romande; Lausanne . . . Société neuchâteloise des sciences naturelles; Neuchâtel. Société d'histoire et d’archéologie de Neuchâtel . Société des sciences naturelles de Zurich . é Société des antiquaires de Zurichè (à la Bibl. de Hunich, Société générale d'histoire suisse (à la bibliothèque de Société Pro Aventico, à Avanches . . . 1877 1895 1898 1872 1855 1861 1863 1866 1847 1878 1862 1865 1857 1864 1880 1894 — 443 — ÉTABLISSEMENTS PUBLICS (32) Recevant les Mémoires. Bibliothèque de la ville de Besançon. Id. populaire de Besançon. Id. de l'Ecole d'artillerie de Besancon. Id. des Facultés de Besançon. Id. de l'Ecole de médecine de Besançon. Id. de l’Ecole normale des Instituteurs. Id. du Chapitre métropolitain de Besançon. Id. - du Séminaire de Besançon. Id. de l'Ecole normale des instituteurs de Besançon. Id. de la ville de Montbéliard. Id. de la ville de Pontarlier. Id. de la ville de Baume-les-Dames. Id. de la ville de Vesoul. Id. de la ville de Gray. Id. de la ville de Lure. Id. de la ville de Luxeuil. Id. de la ville de Lons-le-Saunier. Id. de la ville de Dole. Id. de la ville de Poligny. Id. de la ville de Salins. Id. de la ville d’Arbois. Id. de la ville de Saint-Claude. Id. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. Id. Mazarine, à Paris. Id. de la Sorbonne, à Paris. Id. de l'Ecole d'application de l’artillerie et du génie, à Fontainebleau. Id. du Musée ethnographique du Trocadéro, à Paris. Id. du British Museum, à Londres. (Librairie Dulau et Cie, Londres, Soho Square, 37.) Archives départementales de la Côte-d'Or. Id. du Doubs. Id. de la Haute-Saône. 1d. du Jura. TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME PROCÈS-VERBAUX. Etude sur l'utilité d’un train rapide et direct de Belfort à Lyon, passant par la vallée du Doubs, par M. le docteur LRO Re Nr ee Un lieu-dit 4 % Fortune (xrire siècle), point inédit de la topo- graphie antique de Besançon. rt lieu Observation sur un chêne que trouvé dans L Rhône, à Pierre-Châtel, par M. À. MAGNIN......,...... Lecture d'un travail sur l'alcoolisme, par M. le chanoine MousSARD...., RS OR TE ee ie . Nomination de M. le docteur BRUCHON au a gr . de éhevatia de là Pésion d'honneur. .5#. ui here see dun ie Observation sur la nipetits e du lac de Saint- Point, par NE A MAGNINS Run D adcine es Note de M. A. . sur des publications d M. nn DIiER, membre dela SOCIÉLÉ....:....:.4.... 1, aies Lecture d’un Æssai de M. le docteur STOURME sur les bains gallo-romains de Luxeuil et du mode de captation de LEP RS nier Re RE DRE LS Compte-rendu, par M. le docteur MEYNIER, de la publica- tion de M. Henry Fazy : La guerre du pays de Gex el l'occupation genevoise (1581-1601)....... AU ne CE Allocution de M. le Président BRUCHON au sujet de la mort des AR Mar le due d'AUmMale ni issues Communication de M. À. MAGNIN sur des potamogétons.... Notice nécrologique sur M. Pierre DEMONGEOT, par M. le doc- [EUR LEDOUXR ENST AE AR AR ONeRR e E t k Notice nécrologique sur M. le chanoine GREMAUD, par M. le docteur MEYNIER ......., DR ODA APR DL PU Vos Communication de M. A. MAGxNIN sur la fempérature des sources et des CHvernes.. en ne nee die ele P. XIV p. XXII — 446 — Fête offerte à M. Jean PETIT à l’occasion de l'érection de la statue dw cardinal Gnanvele Le en Re ne D PExV Lecture, par M. PINGAUD, d’une note sur le tombeau de Pierre Perrenot et d’Etiennette Philibert, enlevé de sa place dans l'éshise d'ORnans. si Eee Ni 2e p. XXVIIL Lecture, par M. Ch. THURIET, d’une anecdote intitulée : Un œuj de Paper, EE dec 0 D Cx Communication, par MM. MALDINEY et THOUVENIN, au sujet de l'action des rayons X sur la germinalion........... Pr XXXI Le Cataloque des incunables de la Pibliothèque de Be- sançon, apprécié par M. Léopold DELILLE...........,... : p. XXXI Notes de voyage d’un jeune explorateur bisontin, M. Charles PIOUEREZ à 0 era DCS RAR D OR dl MO rte Aa p. XXXIV Éleetontdu bureau pour 48982 2 2. ou ue p. XXXIV Projet de budyet Pour AO 2e Ne ne p. XXXIV Séance publique du 16 décembre 1897., ......,..,..,.... in p. XXXV Banquet annuel de 1898 et toasts de M. le docteur BRUCHON, président annuel; de M. le docteur GIRARDOT, président élu pour 1898 ; de M. le chanoine SUCHET, président de lPAca- DÉMO Eee een dt Me CU ee aie pp. XXXVII-XLII MÉMOIRES. La Société d'Emulation du Doubs en 1897 : dis- cours d'ouverture de la séance publique du jeudi 16 décembre 1897, par M. le docteur BRUCHON, président annuel... D. À Réunion de Besançon à la Franche-Comté (1654- … 4664), par M. le Docteur J. MEvNiER (1 planche). p. 18 Frankenthal au XVIR siècle et en 1896. La forte- resse, son siège par Vauban, par M. le Docteur BEDOUX Hearne). 20 He OU L'industrie du sel en Franche-Comté avant la con- quêle française (suite), par M. Max PRINET .. DO Essai d'interprétation des sculptures de l'arc an- | tique de Porte-Noire, à Besançon, par M. Alfred VAISSTP ER (l'phaEhe ME NV MONA RSR, UE SR bp. 217 Souvenirs intimes : Le Mélilot. — Le Delta. — Les Deux Pierres, par M. Edouard GRENIER. ..... D 220 Mn — L'ancienne collégiale de Sainte-Madeleine de Be- sançon et son portait à figures du XIIT® siècle, par M. Jules GAUTHIER (3 planches.|\........... Flore des lichens de Franche-Comté et de quelques localités environnantes (cinquième partie, suite), RARE NÉ CN ENGSS E Re Re La mort du jeune Muiron, aide de camp de Bona- parte, à la bataille d’Arcole, par M. Maurice MB ER oo Les noms de lieu romans en France et à l'étranger, HArMEle Docteur JMEVNIER. - ..... Le duc d’'Aumale en Franche-Comté (1873- 1879). - par M. Jules GAUTHIER (1 portrait). ........... Donsfaits a la Societé en:1897-1898:7..::.1... ,,.....4... Envois des Sociétés correspondantes ,..,,,....44... 1e. Membres de la Société au 1er décembre 1898, .....,,.,.,.,.. SUÉIÉLE SF CONTES DOHAAMEOS EU en nee ee dons ee ss been 00e Etablissements publics recevant les Mémoires...,...,........ PRESENTED 3 0 APR 1907 BESANÇON. — IMP. ET LITH. DODIVERS. ere om RRANRSS Y * | Extraits des statuts et du. or do la Société à l'Emntation U du Doubs, fondée à à le 4° vu 1840. a . impérial 99. avril 1863 « 2. ho PÉntiation da Doübs, à Besancon, est | reconnue Co: mme établissemént d utilité publique... » +. Me CAN Le ee CS ae Art, Aer des siatuls : « Son but est de et es ne A aux ve “ : progrès des Sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe- ; ment, de coopérer à la formation ‘des collections pit ct Lie diter les travaux utiles de ses Hope Du | re le » Elle encourage pren les études relatives à la anche TS : Comté." UE es Xe cATrt: 5 des Habib su La Société pourvoi à ses diponses au FAROYER: TU “5 À _» lo D'une cotisalion uote pay au par cn de ses Hemhre es. “résidants et par chacun de ses membres correspondants ; cle est. 2e exigible dès l’année même de leur admission. | . .» 2% De la somme de deux francs payabie par” les Pt dés -dants et Co: respondants au, moment de la remise du diplôme. * Art, AT du règlement : « La cotisation: annuelle est fixée à x. ; francs pour Jes membres résidants eb à Six francs ne les membres à . correspondants. »- ATLAS statuts : & Les. sociétaires on Ja. laide de se dibérer .. ee de leur COSA RUE annuelle en versant un ue dans Ja Caisse ee: la Société: » La somme exigée ‘ct décent Fans poûr les membres à rési- os dants ét de soixante francs pour les correspondants... nr Art 15 des statuts :'« Tout. membre qui aura cessé de ‘payer $ es . cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme démissionnaire par ‘le conseil dadm inistration. » So ; Art. 6 du règlement:: « Les séances. ordinaires se tiennent: de se Ë cond samedi de. Chaque MORE. te ee Art. 9 du règlement: La. Société ‘publié, chaues année. Le eu et bulletir de ses traŸ aux, Sous le titre de Mémoires. »’ pe Art. 13 du règlement : © Le bulletin est rémis gratuilément ; » "A chacun des: ne honoraires, résidants. et. corres- . DOS de Ja Société. Rp Tee En Rs TA = Adresse du Trésorier F7 la boot : M. qe TÉÉSONER del la Société s Ÿ PÉRIAEOS du Doubs, Pâlais Granvelle, à. Besançon. NE AT x pe | po AT x : U qu NLR À FL À ANRNALEE KE LtA LERT à À Ê WU x HAUTENE ARE mi é : . N LS î CR 3 RS D ER SD de, «, + LS RENE S RE TES DE ere or ie ae og EE gg GRR qu me 0 à D ta, EEE ame NE TE LG Ve ne EN ES rm PR Lo RL RO RES RARE Ste RECETTE Pt ten de te a arure ee Se ne ee TE SRE ne a UN es LS CT RE 2 RNCS ga NE ER nn Non Ta n = { Lg a a A og _ ? ti n KR ARR IG, Se Rs RQ ge Ne ù es RTE +ehède "2" a LE mar QU SMrea het 5 tes Voeme. 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