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DOUBS MÉMOIRE S SOCIETÉ D'EMULATION DU DOUBS HUITIÈME SERIE PREMIER = VOLUNEIE BESANCON [MPRIMERIE DODIVERS ET Ci Grande-Rue, 87 1907 MÉMOIRES LA SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DO DOUSS 1906 PROCES-VERBAUX DES SÉANCES A a — Séance du 20 janvier 1906. PRÉSIDENCE DE MM. PARIZOT ET MAGNIN. Sont présents : BUREAU : MM. Ad. Parizot,président sortant ; D' Ant. Magnin, président élu pour 1906; A. Leclerc, deuxième vice-président ; Georges Gazier, secrétaire ; Vaissier, vice-secrétaire ; Fau- quignon, trésorier ; Kirchner et Maldiney, archivistes. MEMBRES : MM. Bonnet, D' Bourdin, Dayet, Lambert, Dr Le- doux, Nardin, Rocardet. M. le président Parizot, en remettant le fauteuil de la prési- dence à M. le Dr Magnin, prononce l’allocution suivante : « Mes- sieurs, en acceptant l’année dernière les fonctions de président de la Société d'Emulation, j’entrevoyais la possibilité d’être secondé dans ma tâche par nos deux dévoués secrétaires. Je nai pas été déçu dans mes prévisions. MM. Gazier et Vaissier se sont entremis fort obligeamment auprès de nos confrères pour assurer un nombre suffisant de lectures dans nos réunions mensuelles. Je tiens à les remercier de leur excellent concours, A Je fus également soutenu par votre sympathie dont je conser- velai un Souvenir reconnaissant. Aujourd’hui nous restons dans une situation normale. Tou- tefois nous avons eu à déplorer la perte de trop nombreux confrères, ce qui entraîne parmi nous des vides regrettables. Vous juzerez sans doute opportun d'engager de vos amis à entrer dans nos rangs. ir Dans quelques instants, je vais céder la place au nouveau président annuel, à M. le Dr Magnin, doyen de la Faculté des Sciences, qui est connu avantageusement de tous ici par les fréquentes communications qu’il nous a faites depuis plusieurs années. M. le Doyen met toujours son dévouement et sa science au service de la jeunesse studieuse. En sa qualité de président, M. Magnin fera honneur à notre Société. » M. le D' Magnin remercie la Société de lui confier la direc- tion de ses travaux : au nom de celle-ci, il exprime sa recon- naissance à M. Parizot pour l’activité et le dévouement à ses intérêts dont il a fait preuve durant son année de présidence. M. Magnin rappelle alors le rôle joué par les naturalistes dans la fondation et le développement de la Société d’'Emula- tion du Doubs. Ce rôle fut particulièrement considérable lors de la fondation de la Société, fille de la Société d'Agriculture et de la Société géologique du Doubs. La Société a compté au cours de son histoire de nombreux naturalistes parmi ses mem- bres et M. Magnin rappelle leurs communications savantes en géologie, en botanique et en zoologie. Il termine en montrant les services que cette association peut continuer à rendre à ceux qui s'intéressent aux études d'histoire naturelle: Le Secrétaire lit au nom de M. le Dr Limon, empêché d’as- sister à la séance, une étude sur quelques tableaux contestés du Musée de Besançon. M. Limon signale un article paru récem- ment dans une revue viennoise: « Blätter für Gemäldekunde » (1905, 2e partie, 5° cahier), où l’auteur anonyme fait connaître ses impressions sur notre Musée de peinture. Cet érudit con- teste l'attribution de quelques toiles, et notamment cherche à prouver que les trois tableaux du Musée regardés, sur l’avis -du savant allemand Bayersdorfer, comme l’œuvre de Pieter VIN — Quast, ne sont pas de cet artiste, mais bien plutôt de celui que l'on connaît actuellement sous ie nom du Pseudo Van de Venne. M. le Dr Magnin continue une étude, commencée dans une précédente séance (17 novembre 1905), des particularités de Ja flore jurassienne. Il s'occupe spécialement des espèces d’ori- gine arctique ou polaire (plantes des tourbières), d’origine alpine (plantes des sommités descendant quelquefois dans les cluses ou autres stations analogues), d’origine pontique ou de l’Europe orientale, d’origine méditerranéenne; il passe ensuite à une catégorie intéressante représentée par les plantes qui occupent dans le Jura deux aires l’une septentrionale, l’autre méridionale. Par exemple, il montre que cette localisation est en rapport pour certaines espèces avec leur distribution géné- rale (ex. : plantes pontiques arrivées‘par les deux voies d’irra- diation danubienne et rhodanienne) ou avec des causes locales. D'une façon générale, les causes qui interviennent sont les unes favorisantes, les autres restrictives (faites de continuité, de discontinuité des chaînes, des vallées, de climats, de com- position du sol, etc.); il faut tenir compte aussi des causes historiques (centre d’apparition des plantes, modification de leur aire dans les époques antérieures, etc ), puis des deux lois de morcellement de l'aire à ses limites et de production de formes nouvelles à la limite de l'aire de l’espèce. C'est ainsi que toutes les singularités de la flore finissent par recevoir des ex- plications de plus en plus satisfaisantes. Le Secrétaire communique à la Société une lettre de M. le Ministre de l’Instruction publique annonçant que le 44e Congrès des Sociétés savantes se tiendra à la Sorbonne le 17 avril pro- chain. La séance de clôture aura lieu le 21 août, _Il est donné également lecture d’une lettre de M. Just Becquet, statuaire, membre d'honneur de notre Société, qui lui envoie assurance de sa constante sympathie. La Société charge le secrétaire d'adresser ses remerciements à notre illustre con rère, Sont élus : AIT Membres résidants : MM. Henri DUBOURG, industriel, présenté par MM. Parizot et Vaissier. S Charles KRUG, notaire, présenté par MM. Parizot et G. Gazier. André LANIER, professeur au lycée Victor Hugo, pré- senté par MM. Pingaud et G. Gazier. Le Président, Le Secrétaire, ANT. MAGNIN. GEORGES GAZIER. Séance du 17 février 1906. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR ANT. MAGNIN Sont présents BUREAU : MM. le Dr Ant. Magnin, président ; Parizot et Leclerc, vice-présidents : Georges Gœazier, secrétaire ; Vaissier, vice-secrétaire ; Kirchner, archiviste. MEMBRES : MM. le D° Bourdin, Gellard, D: Girardot, André Lanier, Lieffroy, Rocardet, Thuriet. M. Jules Dufay, notaire honoraire à Salins, fait hommage à la Société de son ouvrage intitulé : L’impôt progressif en France. Le Secrétaire lui adressera les remerciements de la Société et M. Thuriet rendra compte de ce travail à une prochaine séance. M. le Dr Girardot donne une analyse de son travail sur La Paléontostatique jurassique de la Franche-Comté septentrionale. Cette étude est divisée en trois parties : la première comprend la liste des fossiles jurassiques recueillis sur notre territoire, la seconde fait connaître leur distribution dans les étages et les sous-étages du lias et de l’oolithe, la troisième est un exposé de considérations diverses sur la faune et la flore de ces for- mations. M. Girardot expose la méthode qu’il a suivie dans ces diverses parties de son œuvre et le caractère des observations qu’il a faites. Il conclut en disant que ses recherches confir- ment l'hypothèse d’une mer peu profonde qui couvrait notre région à l’époque jurassique ; il insiste notamment à ce sujet sur les découvertes faites par lui de débris de végétaux, par exemple de frondes de grandes fougères, de fragments de tiges arborescentes et de fruits divers. M. le Dr Magnin demande à ajouter quelques mots à l’analyse de M.le Dr Girardot, pour dire quel labeur considérable repré- sente l’ouvrage de notre confrère, ouvrage qui a nécessité de longues recherches et a une grande valeur scientifique. M. Leclerc fait une communication sur le Maroc actuel, recherchant les raisons qui nous ont amenés à nous immiscer d’une façon toute particulière dans les affaires de ce pays voi- sin de notre Algérie. Il s'appuie pour cette étude sur les ren- seignements fournis par M. René Leclerc, licencié ès-lettres, ancien élève de la Faculté de Besançon, actuellement délégué général du Comité du Maroc à Tanger. M. Leclerc rappelle tout d’abord les 1,200 kilomètres de frontières qui existent entre l'Algérie et le Maroc, et la nécessité où se trouve la France de protéger dans cette région nos sujets arabes contre les in- vasions et les pillages des bandes de pillards marocains. L’anarchie qui règne au Maroc exerce une influence fàcheuse sur le développement de notre commerce dans les régions algérienues et tunisiennes : en outre il ne faut pas oublier qu’il y a près de sept millions d’indigènes musulmans dans nos colonies méditerranéennes et que leur solidarité au point de vue religieux avec les habitants du Maroc nous fait une obliga- tion de surveiller de. près ce qui se passe dans ce pays et d'empêcher une puissance européenne de s’y implanter à notre détriment. M. Leclerc décrit ensuite le Maroc au point de vue politique et géographique, puis fait connaître les résultats du voyage effectué par M. René Leclerc dans le Maroc septentrional d'Oran à Tanger, en passant par les presidios espagnols, Tetouan et — X — Ceuta. Tanger est une ville européenne en partie, mais surtout française par ses maisons de commerce, ses comptoirs de _banque et ses établissements de crédit. M. Leclerc suit encore M. René Leclerc dans son voyage à Larache et à Fez. Il cite quelques chiffres caractéristiques de l'importance du _commerce des principales nations européennes avec le Maroc en 1904 : France 4 ee . 29.413.832 francs. Anmoleterre en. 000 39.266.450 — Allemagne: 4... 10.900.875 — Beleique D... 9,4380.047 — En ajoutant pour l’Angleterre et la France le commerce de ces deux puissances avec les possessions espagnoles de la frontière marocaine, commerce auquel l'Allemagne n’a presque point de part, l’on arrive à un pourcentage final ci-après : HPANCE, ee crc 32,91 0) Angleterre "0e. 38,70 9/0 Allemagne.........: 8,98 0/0 Autres pays ....... 19,81 °/0 Enfin, M. Leclerc énumère les autres raisons qui doivent nous donner une Situation privilégiée au Maroc, en dehors de celles qu'il vient de signaler : ce sont le nombre de nos maisons de commerce, celui de nos compatriotes établis dans le pays, notre installation postale et télégraphique, la situation de nos écoles où l’on donne déjà une instruction française à de nom- breux enfants, l’établissement de médecins français dans diverses villes du Maroc, enfin le grand nombre d’explorateurs français qui ont fait connaître ce pays et révélé ses richesses à tous points de vue. La France, puissance musulmane, peut seule avec l'Espagne, grâce à son cadre d'officiers, d’interprètes et de savants algériens et tunisiens, réorganiser ce pays et y ramener la sécurité. Telles sont les considérations qui, selon M. Leclerc, expli- quent la politique française dans le nord de l'Afrique, considé- rations que nos représentants sont occupés à l’heure actuelle EXT —— à faire valoir à la conférence d’Algésiras, de façon à nous per- mettre de continuer au Maroc notre grande œuvre de pénétra- tion pacifique: M. le Dr Magnin remercie M. Leclerc de cette communica- tion d’un intérêt si actuel et le félicite de l’œuvre accomplie au Maroc par son fils qui a laissé comme étudiant à Besançon de si excellents souvenirs dans notre ville. Le Président, .. Le Secrétaire. ANT. MAGNIN. GEORGES GAZIER. Séance du 17 mars 1906. PRÉSIDENCE DE M. PARIZOT, Vice-Président. Sont présents : BUREAU : MM. Parizot et Leclerc, vice-présidents ; Georges Gazier, secrétaire ; Vaissier, vice-secrétaire ; Eaugugnon, tré- sorier ; Kirchner et Maldiney, archivistes. nbnEs : MM. le D" Baudin, Boname, Boysson d’Ecole, Cel- lard, Henry, D' Ledoux, D' Nargaud, Thuriet, Vernier. M. le D' Magnin, président, s'était fait excuser. M. le D' Ledoux lit un compte-rendu de l’ouvrage de M. L. Febvre, professeur agrégé de l’Université, intitulé : Les Régions de la France ; la Franche-Comté. À côté d’une vue d'ensemble très originale de l’histoire du pays comtois, M. Febvre a donné une bibliographie aussi complète que possible de cette histoire. Son livre d’une haute érudition, et en même temps d’une lec- ture agréable, est de ceux qui doivent figurer dans la biblio- thèque de tous les Comtois qui s'intéressent à Phistoire de leur province. M. M. Thuriet analyse et commente un volume de M Dufay, = AUS de Salins sur L’impôt progressif en France. Après une critique très serrée et très nourrie de faits de notre système d’impôts actuels, M. Dufay préconise son remplacement par un impôt général progressif sur le revenu. Les revenus inférieurs à 400 francs seraient complètement exonérés : l’impôt serait de 4 0], pour les revenus de 400 à 2,000 fr., de 5 0), pour ceux de 2,000 à 4,000 fr., de 6 °/, pour ceux de 4,000 à 10,000 fr. et ainsi de suite, suivant une progression qui arriverait à prélever 25 °c), sur les revenus dépassant 1 million et 50 °/o sur ceux dépassant 4 millions. Au dessus de 40 millions, l'Etat confis- querait tout. Exemption à la base, confiscation au sommet, tel est le double principe dont s'inspire M. Dufay. M. Dufay répond ensuite à certaines critiques faites au sys- tème de l’impôt sur le revenu, examine notamment la question de la déclaration de fortune à faire par les contribuables qu’il estime analogue à celle que les citoyens ont à faire lors du décès de leurs proches. Il croit possible d'empêcher l’exode des capitaux à l’étranger grâce à une législation internationale. Tout en faisant des réserves sur certains points de l’étude de M. Dufay, et en protestant en particulier contre le système de confiscation qui pourrait être étendu arbitrairement, M.Thu- riet conclut que l’ouvrage de M. Dufay, très étudié, fruit d’ob- servations pénétrantes et de patientes recherches, mérite d’être pris en considération par les économistes. M. le docteur Girardot communique des matériaux pour l’histoire des premières recherches de géologie en Franche- Comté. Ce sont des notes dues à M. Duhamel, ingénieur des mines, qui résidait à Lons-le-Saunier en 1898, et à M. Paran- dier, ingénieur des ponts et chaussées, établi à Besançon à la même époque. Ces documents sont intéressants en ce qu'ils montrent comment et à quelle date on a commencé à étudier la constitution du soi de notre région. M. Parandier est en outre le fondateur de la Société géologique du Doubs, origine de notre Société d’'Emulation. M. Georges Gazier fait connaître un document relatif à J.-J. Rousseau qu'il a découvert dans les manuscrits de l’architecte Pâris à la Bibliothèque de Besançon. NS Peu après la mort de Rousseau, Pàris alla visiter le château de M. de Girardin, à Ermenonville. Après une description du château et du pare, Pâris raconte la visite qu’il fit à Thérèse Levasseur, veuve de Jean-Jacques. Celle-ci lui raconta en dé- tail les derniers moments du philosophe, protestant notam- ment avec énergie contre les bruits de suicide qui avaient couru dès lors. Elle lui fournit un certain nombre de rensei- gnements curieux sur la vie, le caractère et les mœurs de son mari dont elle vante les hautes qualités morales. C'est un récit qui mérite d’être comparé avec celui que vingt ans plus tard Thérèse donna de ia mort de Rousseau. La relation de Pàris écrite sans préoccupations littéraires et sans idée de publicité, ajoute des détails intéressants à ceux que l’on connaissait déjà sur la vie et la mort de Jean-Jacques, Est élu : Membre résidant : M. Paul BESANCON, avocat, présenté par MM. Vaissier et le Dr Bourdin. Le Président, Le Secrétaire, AD. PARIZOT. GEORGES GAZIER. Séance du 28 avril 1906. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR ANT. MAGNIN.. Sont présents : BUREAU : MM. le Dr Ant. Magnin, président ; Georges Gazier, secrétaire ; Vaissier, vice-secrétaire; Kirchner et Maldiney, archivistes. MEMBRES : MM. le D' Baudin, Berdelet, D' Bourdin, Dr Le- doux, Rocardet. M. le Dr Baudin rend compte du livre de M. Marquiset: La UV ESS phrase et le mot de Waterloo. De la phrase ou du mot histo- riques, lequel a été prononcé? Est-ce à Cambronne qu’en re- vient légitimement... l'honneur ? M. Marquiset a réuni tous les témoignages relatifs à ce petit problème historique qui a sus- cité déjà tant de polémiques. Sa conclusion est que la phrase a été créée dès 1815, tandis que le mot n’a fait son appa- rition dans la littérature que vers 1830 dans les Misérables de V. Hugo, mais que tout porte à croire qu’en réalité Cam- bronne n’a prononcé que le mot, dont la crudité n’a rien qui doive étonner dans la bouche d’un militaire, même du meilleur monde, dans une pareille circonstance. M. Marquiset constate en terminant que Cambronne est illustre par ce mot et méri- terait davantage de l'être pour l’héroïsme dont il a fait preuve maintes fois sur tous les champs de bataille de l’Europe. M. le D' Magnin entretient la Société des travaux de bôtanique de Bailly, récemment étudié à d’autres points de vue par notre confrère M. Prinet. Bailly, pharmacien militaire qui fut attaché à l'expédition militaire de Saint-Domingue et fit, sous la Res- tauration, la campagne d’Espagne, a laissé des Notes de bota- nique, aujourd’hui conservées à la Bibliothèque de Besançon. Ces notes révèlent un observateur qui savait décrire non sans charme et en même temps avec une grande précision. À ce dernier point de vue, on peut constater aujourd’hui la valeur des herborisations qu'il a faites vers 1820 dans les environs de Besançon. Les observations relevées dans les pays étrangers sont parfois plus superficielles. M. le Dr Magnin présente un certain nombre d'ouvrages ré- cents relatifs aux champignons qui peuvent intéresser les amateurs. Le Secrétaire commence la lecture de l'étude de M. Ch. Baille sur le poète Edouard Grenier, bienfaiteur de la Société. Ce travail d’une belle tenue littéraire et qui fait si bien connaître le poète de Baume-les-Dames, sera publié dans le 9% volume de : la 7° série des Mémoires de la Société. M. le Dr Magnin offre à la Société une plaquette contenant sa notice sur le Dr Diétrich et le texte des discours prononcés sur la tombe de notre regretté confrère. La Société décide que pendant le cours de l'été, elle tiendra ses séances le mercredi soir et non le samedi. Est élu : Membre résidant : M. Georges BÉVER, avocat, secrétaire général de la Mairie de Besançon, présenté par MM. le D' Baudin et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, ANT. MAGNIN. GEORGES GAZIER. Séance du 23 mai 1906. PRÉSIDENCE DE M. LECLERC, Vice-Président. Sont présents : BUREAU : MM. Leclerc, vice-président; Georges Gazier, se- crétaire ; Kirchner, archiviste. MEMBRES : MM. Bonnet, D' Bourdin, Guillemin, D'S Ledoux et Nargaud, Rocardet, Thuriel. M. le président Magnin, indisposé, s'était fait excuser de même que M. Parizot, vice-président, absent. Le Secrétaire présente au nom de M. Parizot, empêché d’as- sister à la séance, deux gravures de Moreau le Jeune relatives à la mort de J.-J. Rousseau dont il a été question à la séance de la Société du mois de mars. L’une gravée par H. Guttenberg représente les derniers moments du philosophe assis dans sa chambre à coucher à Ermenonville et adressant ses suprêmes paroles à Thérèse Levasceur L’autre gravée par Mairet en 1782 et dédiée aux bonnes mères nous fait assister à l’entrée de Rousseau aux Champs: Elysées. Tous les grands philosophes de l'antiquité et des temps modernes s’empressent pour le rece- — XVI — voir, tandis que Diogène satisfait d’avoir enfin trouvé un homme éteint sa lanterne. Le Secrétaire donne lecture de la fin du travail de M. Ch. Baille sur le poète Grenier. Notre distingué compatriote fait connaître les rapports qu'a entretenus le poète de Baume-les- Dames avec les grands écrivains du xixe siècle et entremêle d’anecdotes piquantes sa pénétrante étude du caractère et de l’œuvie de Grenier. La Société d'Emulation charge son secrétaire d'exprimer à M. Ch. Baille toute sa reconnaissance pour l'hommage si re- marquable qu’il a bien voulu rendre au bienfaiteur de notre Société. On y reconnait la plume d’un ami éclairé doublé d’un écrivain des plus distingués. Est élu : Membre résidant : M. le D' MARÉCHAL, président de la Société d'histoire natu- relle du Doubs, présenté par MM. le Dr Magnin et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, A. LECLERC. GEORGES GAZIER. Séance du 20 juin 1906. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR ANT. MAGNIN. Sont présents : Bureau : MM. le D: Ant. Magnin, président; Parizot et Le- clerc, vice-présidents; Georges Gazier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire ; Kirchner, archiviste. MEMBRES : MM Dayet, Guillemin, Lambert, Nardin, abbé Petitjean, Pinguud, Rocardet, Savoye. = AN M. L. Pingaud donne lecture d’une étude sur la fin du Pre- mier Empire à Besançon et dans le département du Doubs. A l’aide de documents empruntés aux papiers du préfet d'alors, Jean de Bry, il fait connaître principalement quel était l’état des esprits et le conflit des opinions parmi les Bisontins assié- gés, incertains de l’avenir, pressentant la révolution intérieure qui allait suivre l'invasion et amener la restauration des Bour- bons. Il révèle en particulier l'existence d’une administration royaliste, résidant à Ornans sous le contrôle d’un gouverneur général installé par les alliés à Vesoul; enfin il met en relief les circonstances au milieu desquelles s’effectua dans la ville débloquée, sans avoir capitulé, la proclamation de Louis XVIII. M. le Dr Magnin, après avoir rappelé les principaux faits de la vie scientifique de Girod-Chantrans, présente le tableau généalogique de la famille Girod qu’il a pu dresser grâce aux obligeantes communications de plusieurs de ses membres, et la reproduction du portrait de Girod-Chantrans, un des dix crayons exécutés par Gigoux, première œuvre du peintre bi- sontin. M. Magnin aborde ensuite le sujet de sa communication, la querelle scientifique élevée entre Girod-Chantrans, Vaucher, naturaliste génevois, et le célèbre botaniste de Candolle, au sujet des recherches des deux premiers sur les conferves d’eau douce et d’autres organismes microscopiques. Cette discussion a été inexactement commentée par les biographes de Girod- Ghantrans, notamment par M. de Jouffroy;, malgré l'intérêt des recherches de Girod-Chantrans, dont le mérite a été reconnu par de Candolle qui lui dédia le genre Chantrania, les docu- ments prouvent d’abord que Vaucher ne s’est pas approprié, comme on l’a dit, les recherches de Girod-Chantrans et que ses observations sont bien supérieures, au point de vue de la mé- thode et des résultats obtenus, à celles de notre compatriote Girod. | Chantrans a été plus heureux dans ses autres ouvrages. M. Magnin termine en rappelant ses recherches agronomiques, son rôle prépondérant dans la réorganisation de l’Académie de — XVII — Besançon et de la Société d'agriculture et de nombreuses com- munications qu’il y fit jusque dans son extrême vieillesse. Le Président, Le Secrétaire, ANT. MAGNIN. GEORGES GAZIER. Séance du 18 juillet 1906. PRÉSIDENCE DE M. LECLERC, Vice-Président. Sont présents : BUREAU : MM. Leclerc, vice-président ; Georges Gazier, secré- taire ; Vaissier, vice-secrétaire. MEMBRES : MM. l’abbé Petitjean et Thuriet. M. l'abbé Petitjean communique un document concernant l’abbaye des Prémontrés de Bellelay dans le Jura bernois, suffragante du diocèse de Besançon. Cest le récit fait par le père Barbier, principal du collège établi à Bellelay, de l'annexion par la République française en 1797 de cette abbaye considérée comme un foyer d’émigrés et de fanatiques. Après un court exposé des origines de cette abbaye et de l'histoire du collège qu'y fondèrent les religieux en 1771, collège qui acquit vite une grande réputation et attira de nombreux élèves comtois, M. l'abbé Petitjean donne des extraits du récit du père Barbier. Le général Gouvion-Saint-Cyr, chargé de la prise de possession de l’abbaye, arriva à Bellelay le 15 décembre 1797 et une com- mission militaire procéda à la visite du couvent et du collège et à l'expulsion des religieux et des pensionnaires. L'abbaye fut ensuite vendue en (798 à un fabricant d’horlogerie de eur court, Frédéric Japy. -Lecture est donnée d’une lettre de M. Lebrun, répétiteur au lycée de Lons-le-Saunier, sollicitant une nouvelle subvention de la Société pour la continuation de ses fouilles préhistoriques dans le lac de Clairvaux. Le produit de ces fouilles sera comme précédemment donné au Musée de Besançon. La Société ac- corde à M. Lebrun une subvention de 100 francs. Le Président, Le Secrétaire, A. LECLERC. GEORGES GAZIER, Séance du 18 novembre 1906. PRÉSIDENCE DE M, A. LECLERC, Vice-Président. Sont présents : BUREAU : MM. À. Leclerc, vice-président; Georges Gazier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier ; Kirchner et Maldiney, archivistes. MEMBRES : MM. le Dr Bourdin, Cellard, Duyet, L. Febvre, Dr Ledoux, Montenoise, Pingaud, Rocardet. M. Vaissier lit une notice sur M. Ad. Parizot, ancien prési- dent de la Société d'Emulation, décédé le 2 octobre dernier. M. Parizot, d’origine lorraine, inspecteur honoraire des Enfants assistés, s'était fixé définitivement après sa retraite à Besançon. Membre de notre Société depuis 14 ans, il était l’un des plus assidus à nos séances où il prit plusieurs fois la parole pour d’intéressantes communications. Président de la Société en 1905, M. Parizot avait conquis par son affabilité les sympathies de tous. M. Vaissier fait part de la découverte faite dans l’Ognon à Buthiers, par M. le marquis de Scey, d’une pirogue gauloise ou préhistorique. Après avoir fait Connaître les circonstances de cette découverte, M. Vaissier décrit cette pirogue à fond plat et étroite, mais prise dans une bille de chêne, d’un diamètre d’en- viron 1 mètre sur une longueur de 596 et la compare avec les barques de Courchapon et de Rigny. Cette pirogue, la hui- si tième que l’on découvre en Franche-Comté, a été donnée par M. le marquis de Scey au Musée archéologique de Besançon. M. Georges Gazier lit la première partie d’une notice sur Henri Bouchot, membre honoraire de notre Société, né à Beure en 1849, décédé à Paris le 10 octobre dernier. Il y étudie la carrière administrative de Bouchot qui, à sa sortie de l'Ecole des Chartes, entra à la Bibliothèque Nationale où il gravit tous les échelons de la hiérarchie jusqu’au titre de Conservateur des estampes. Puis il rappelle les expositions remarquables dont notre illustre compatriote fut l’organisateur, notamment celle des Primitifs français qui lui ouvrit en 1904 les portes de l’Institut et l'Exposition rétrospective des Arts comtois qu’il était venu inaugurer à Besançon le 30 juin dernier. La Société, saisie d’une demande d'échange avec la revue de la Société Saint-Jean, intitulée : Notes d'art et d'archéologie, fait droit à cette requête. La Société fixe au jeudi 20 décembre prochain, la date de la séance publique dont le bureau sera chargé de préparer le programme. Le Secrétaire donne lecture de la circulaire ministérielle in- diquant que le prochain Congrès des Sociétés savantes se tien- dra à Montpellier le mardi 2 avril 1907. Le Président, Le Secrétaire, A. LECLERC. GEORGES GAZIER. Séance du 19 décembre 1906. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR LEDOUX. Sont présents : BUREAU : MM. Georges Gazier, secrétaire ; Vaissier, vice-se- crétaire ; Fauquignon, trésorier; Kirchner, archiviste. RO, —> MEMBRES : MM. Besançon, Bonnet, Dr Bourdin, Boutterin, D: Ledoux, D' Nargaud, Pidancet, Savoye. M. le président donne lecture d’une circulaire du Comité qui s’est formé pour élever un monument au cimetière Montpar- nasse sur la tombe de M. Henri Bouchot, membre honoraire de notre Société et pour placer son buste à la Bibliothèque de Besancon. La Société vote une subvention de 40 francs. Lecture est donnée d’une circulaire du Comité qui s’est formé pour rendre un hommage solennel à notre illustre mem- bre honoraire M. Rolland, capitaine de vaisseau en retraite, commandant la place de Besançon en 1870, dont l’héroïsme a alors sauvé cette ville de l’occupation allemande. La Société vote une subvention de 40 francs au Comité qui se propose de faire exécuter le portrait du général Rolland, afin de con- server son souvenir dans notre ville. M. Vaissier donne lecture d’une notice de M. le docteur Gi- rardot, résumant le travail qu'il prépare sur la faune préhisto- rique de la Franche-Comté. Cette étude sera divisée en deux parties; la première comprendra, avec des considérations générales, la liste des animaux dont les débris ont été rencon- trés dans les diverses stations ; la seconde sera consacrée à la description des divers gisements qui renferment les ossements de ces animaux, alluvions, cavernes, éboulis, fentes de rochers, stations en plein air et tourbières. M. le président donne lecture d’une lettre de M. Lebrun, ré- pétiteur au lycée de Lons-le-Saunier rendant compte des fouilles que, grâce à la subvention de la Société d’Emulation, il a pu effectuer l'été dernier dans le lac de Clairvaux (Jura). Dans une étude détaillée, il fera connaître la nature et l'intérêt des débris préhistoriques qu’il a pu découvrir : le plus intéressant de ces objets est un poignard en bronze de 10cm qui, avec trois autres objets précédemment découverts, permet de faire remonter la Station de Clairvaux à l’époque du Bronze ler (cébennien). La Société discute et vote le budget de 1907, présenté par M. le trésorier Fauquiénon, : OU Projet de budget pour l’année 1907. RECETTES. 1. Subvention du département du Doubs . . . . 300 fr 9 ie de la ville de Besançon. . 400 3. Cotisations des membres résidants. . . . . . 1000 4. — —— correspondants . . . 400 5. Droits de diplômes, recettes accidentelles ; 100 OS 600 Total lis" ere 00 Fr DÉPENSES. 1: IMDrÉSSIONS. 2. 0N on CARS en NRC it J'PFrais de bureau 7 crue enr er A. 150 3. Frais de séance publique #0 US NEA 80 Abrailement de lasenti tu RS A 200 D. Credit pour-secherchesioe Hi AR Rec Re 170 POtal Vi RER PRe Procédant à l'élection du Bureau pour l’année 1907, la So- ciété nomme : Président annuel : M. Adrien LECLERC, conseiller à la Cour d'appel de Besançon. Premier vice-président : M. le D" Ant. MAGNIN, doyen de la Faculté des Sciences. Deuxième vice-président : M. ROUGET, directeur de lEcole normale d’instituteurs de Besançon. Vice-secrétaire : M. Alfred VAISSIER, conservateur du Musée archéologique. | | Archivistes : MM, KIRCHNER et MALDINEY. Le Président, Le Secrétaire, D' E. LEDOUX. GEORGES GAZIER. nn All = Séance publique du 20 décembre 1906. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR ANT. MAGNIN. Sont présents : Bureau : M.le Dr Ant. MAGNIN, ayant à sa droite M. MAIROT, président de l’Académie de Besançon, à sa gauche, M. Ad. LECLERC, vice-président. MM. le D' BAULIN, BESANÇON, Georges GAZIER, secrétaire, VAISSIER, vice-secrétaire ; KIRCHNER et MALDINEY, archivistes. Dans la salle remplie par une assistance nombreuse de dames en élégante toilette et d'invités, Mme CASTAN, M. le capitaine MACKEER, représentant M. le général Deckherr, commandant le 7e corps d'armée, M. PERREAU, adjoint au Maire, MM. Bous- SEY, D' BOURDIN, LAMBERT, PINGAUD et plusieurs autres mem- bres de la Société. La séance, ouverte à deux heures, est close après lecture des études suivantes : 10 La Société d’'Emulation du Doubs en 1905, par M le D: Ant. MAGNIN, président annuel. 26 La femme musulmane dans nos possessions de l'Afrique du Nord, par M. A. LECLERC, vice-président. 3° Henri Bouchot, membre de l'Institut, par M. Georges GAZIER, secrétaire décennal. 4o La phrase et le mot de Waterloo, d’après Arm. Marquiset et Henri Houssaye, par M. le D: BAUDIN, membre résidant. 5° L'air liquide : ses propriétés et ses applications (avec pro- jections), par M. MALDINEY, archiviste de la Société. _ Le Président, Le Secrétaire, ANT. MAGNIN. GEORGES GAZIER. — XXIV — NOTICE SUR M. ADOLPHE PARIZOT Par M. A. VAISSIER Parmi les pertes douloureuses que nous avons à commémorer aujourd'hui, nous devons comprendre celle de l’un de nos an- ciens présidents, récemment décédé à Besançon. M. Adolphe Parizot appartenait par ses origines à la Lorraine. Arrivé, il y a Seize ans, en Franche-Comté comme inspecteur des Enfants assistés, il n'avait pas tardé, sous le patronage de deux de nos anciens secrétaires, MM. Besson et Jules Gauthier, à venir assister régulièrement à nos séances. Licencié en droit, avocat à la Cour d'appel de Metz, puis, pendant dix ans, chef de cabinet du préfet de la Moselle, il avait choisi dansla carrière administrative le service des Enfants assistés. II y conquit tous ses grades en passant comme ins- pecteur dans le Loiret, la Meurthe-et-Moselle, le Morbihan, le Jura et enfin le Doubs, où il atteignit sa retraite avec l’hono- rariat en 1896. Dans une fonction où l’on apprécie l’esprit de justice et de commisération charitable, sa conduite très correcte strictement observée, ses rapports annuels et divers travaux lui méritèrent une distinction de l’Académie de médecine de Paris, puis les palmes d’officier d'académie. « Dans sa retraite honorablement gagnée, ainsi que le disait » naguère un de ses collègues de la Caisse d'épargne dont il » était secrélaire, toutes ses aspirations allaient à diverses » œuvres de philanthropie. Il se rendait, pour ainsi dire, chaque » jour dans les bureaux afin de se rendre compte du service. » Son urbanité vis-à-vis de chacun lui avait acquis l'estime gé- , nérale. » Mêmes témoignages lui sont dus parmi nous. Pour nos mémoires, il nous donna une intéressante et très précise notice historique sur les Droits honorifiques des seigneurs à l’église paroissiale au XVIIIe siècle, suivie d’un exemple cu- AN, ©. rene rieux du partage de ces droits entre plusieurs ayants droit dans une localité franc-comtoise. S’intéressant à l’archéologie, il nous offrait, à l’occasion, divers objets pour nos collections, entre autres un curieux petit taureau tricornu, bronze provenant de Maisières. À la suite de la lecture récente du récit inédit de l’ar- chitecte Adrien Pâris sur la mort de J.-J. Rousseau, il nous pré- sentait deux gravures du temps montrant le philosophe à ses derniers moments, gravures qu'il nous destinait déjà, puisque Mme Parizot vient de nous transmettre, à ce titre, ce dernier souvenir. Ainsi se trouve bien justifiée cette parole qu'il prononça dans le banquet de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon où il assistait Comme président de la Société d’'Emulation: « Vous avez contribué à me faire aimer la Franche- Comté que je considère aujourd’hui comme une seconde patrie après le démembrement de notre chère Lorraine. » MÉMOIRES. ne + a LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1906 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 20 décembre Par M. le Dr Ant. MAGNIN PRÉSIDENT ANNUEL MESDAMES, MESSIEURS, Chaque année, dans une séance à laquelle le public est convié, et devant un auditoire, souvent nombreux, toujours très sympathique, le Président de la Société d’Emulation retrace les principaux événements survenus et rend compte des travaux accomplis dans le courant de l’année écoulée. Au moment de remplir son mandat, le président actuel a voulu prendre modèle sur ses prédécesseurs ; il a relu la plupart de leurs rapports ; mais cette enquête. au lieu de le rassurer, lui a montré toutes les difficultés de la tâche qu'il a assumée ; habitué à exposer des sujets scientifiques, sous une forme précise, sobre, mais sèche et sans agrément, il craint de ne pouvoir donner à ce compte-rendu le charme et l'élégance qui vous ont fait applaudir ceux des années pré- . cédentes ; il essaiera cependant ; vous lui pardonnerez et lui tiendrez compte de l'intention, s’il n’y a pas entièrement réussi. Mais avant de jeter une vue d'ensemble sur lPæœuvre ac- complie pendant l’année 1906, il me faut rendre un dernier 1 or hommage à la mémoire de M. PARIZOT, qui, en sa qualité de premier vice-président, devrait, aujourd’hui, se trouver en- core à nos côtés ; l’an dernier, notre collègue présidait, en effet, cette réunion, et vous vous souvenez du rapport Si consciencieux par lequel il ouvrait la séance. M. Parizot était Lorrain d’origine (1) ; il avait rempliles fonctions d'inspecteur de l'assistance publique ; mais, ayant pris sa retraite à Be- sançon, il était entré, de suite, dans notre Association, dont il devint bientôt un des membres les plus assidus ; il y fit des communications intéressantes et la Société reconnaissante de l'intérêt qu'il lui portait, lui confiait, il y a deux ans, les honneurs de la présidence. On ne peut oublier cette physio- nomie originale, empreinte d’une grande bienveillance, ni l'exquise urbanité qui lui avait conquis les sympathies de tous, et qu'une notice attendrie de M. Vaissier, notre dévoué vice-secrétaire, a bien mis en relief dans une de nos der- nières séances (2). D’autres deuils nous attristent encore ; la Société a perdu MM. Gascon, Bixio et Bizos, membres correspondants, et deux membres d'honneur, non ES ROILE GNT ments. MM. Bou- chot et Georges Sire. M. GASCoN, conducteur des ponts et chaussées en retraite, président du comice agricole de Fontaine-Française, et M. Maurice Bix10, agronome à Paris, faisaient partie de notre Société depuis de très nombreuses années : le premier, de- puis 1868 ; le second, depuis 1866. Le décès de M. B1z0s nous touche tout par ticulièrement avant d’être recteur de l’Académie de Bordeaux, M. Bizos avait occupé, avec distinction, la chaire de rhétorique du (1) PARIZOT (Philippe-Adolphe), né en 1833 ; inspecteur honoraire des enfants assistés; membre du conseil de direction de la Caisse d'Epargne, 1893 ; secrétaire-adjoint, 1896 ; secrétaire, 1904; — membre de la Société d'Emulation du Doubs, 1892; vice-président, 1904; président, 1905 ; décédé à Besançon le 2 octobre 1906. (2) Séance du 18 novembre. 9 Ce) Lycée de Besançon; il y a laissé de sympathiques souvenirs ; on peut rappeler aussi qu'il est l’auteur d’une thèse de doc- torat sur Mairet, le poète dramatique bisontin, dont M. Ga- zier nous a parlé récemment dans une conférence des plus attrayantes. Retracer la vie si remplie de BOUCHOT, ses succès à l’E- cole des Chartes, ses fonctions et ses travaux à la Bibliothèque nationale où il gravit tous les échelons de la hiérarchie jus- qu'au titre de Conservateur des Estampes, analvser ses nombreux ouvrages, exigerait une notice, même sommaire, trop longue ; je laisse ce soin à M. Gazier. Notre sympathique secrétaire décennal doit vous lire dans un instant un extrait de la belle étude qu'il a consacrée à notre éminent compa- triote (1). Pourtant je signalerai ici, par anticipation, l’habileté de Bouchot à organiser des expositions artistiques remarqua- bles, celle des Primitifs français, par exemple, qui lui ou- vrit, en 1904, les portes de l'Institut; je rappellerai aussi le grand amour qu'il conserva toujours pour son pays d'origine, et qui revit dans plusieurs de ses ouvrages consacrés à notre région. À ce propos, permettez-moi une anecdote person- nelle. Dans son beau volume sur la Franche-Comté, publié en 1890, Bouchot parle des lacs du Jura, et, appréciant leur teinte, plutôt en artiste qu'en naturaliste, aperçoit dans « chaque combe un peu large de nos montagnes une petite Méditerranée bleue ». Je crus devoir, dans une conférence faite ici même, en 1893, sur ce sujet montrer. preuves en mains, que les lacs du Jura étaient non pas bleus, mais verts et quelquefois même jaunes ; j'espère que Bouchot ne s’est (4) BoucHor (Henri), né à Beure en 1849, ancien élève de l'Ecole des Chartes. eutra à la Bibliothèque Nationale en 1879, au Cabinet des Es- tampes dont il devint le Conservateur en 1898 ; membre de l'Académie des Beaux-Arts (1904); chevalier de la Légion d'honneur (1900); membre hono- raire de la Société d'Emulation du Doubs (1901) ; décédé à Paris le 10 oc- tobre 1906. (Séance du 18 novembre). 7 aube pas formalisé de cette légère et inoffensive critique; cepen- dant, comme mon excellent et vieil ami Ardouin-Dumazet, dans ses Voyages en France, affirme « que je m'éluis quel- que peu fâché contre M. Bouchot » (), je tens à faire remar- quer Œque je me suis borné à une simple constatation etqu'au surplus, comme dit le proverbe : « des goûts et des couleurs, ilne faut pas disputer » (2). M SIRE, docteur ès-sciences, lauréat et membre corres- pondant de l’Institut, ancien directeur de l'Ecole d’horlo- serie de Besançon, chevalier de la Légion d'honneur, auteur de nombreux et remarquables travaux scientifiques, a été ‘éritablement le fils de ses œuvres GB); d’abord simple ap- sculpteur à Paris, il commence seul ses études et devient préparateur de Person, le premier professeur de physique de la Faculté des sciences de Besançon (1845-1850) ; depuis lors, chaque année voit éclore un travail sur un sujet de physique, de météorologie, de mécanique ; en 1863, il soutient devant notre Faculté des Sciences, une thèse de doctorat sur la forme globulaire des liquides; mais c’est à nos séances (ou à l’Insutut) qu'il communique la plupart de ses recherches ; aussi, en témoignage de l’estime HUÉLSES travaux et son attachement à notre Association lui avaient conquis parmi nous, la Société d'Emulation lui confia, à trois reprises différentes, les fonctions de président, et lui dé- cerna, par dérogation à d'anciens usages, le titre de membre d'honneur. (1) ARDOUIN-DUMAZET, Voyage en France; 23° série, Plaine comtoise et Jura, 1901, p. 254. (2)-GE Eos. Emul. du Doubs, Mémoires, 6°: série, t. VIL, 1893, p. 273. (3) SIRE (Etienne-Georges', né à Besançon, le 4 juin 1826; préparateur de physique à la Faculté des Sciences de Besançon, 1845-56; essayeur du commerce à Besançon, professeur à l'Ecole industrielle de la Chaux-de- Fonds, 1855 à 186% ; directeur de l'Ecole d’horlogerie de Besançon, 1864- 1370 ; essayeur de la Garantie, 1870-1906 ; membre de la Soc. d'Emulation, depuis 1847, président en 1872, 1878, 1893 ; décédé à Besançon, le LE sept. 1906. > Les recherches les plus originales de G. Sire concernent le problème des mouvements relatifs : pour les mettre en évi- dence, il imagina divers appareils remarquables par leur in- séniosité : le polyscope. le pendule gyroscopique, le dévios- cope; une de leurs applications les plus curieuses mérite d’être rappelée Tout le monde connait, au moins de nom, la mémorable expérience de Foucault. inscrivant, avec un pendule de 67 mètres installé. sous la coupole du Panthéon, le mouvement de rotation de la Terre ; c’est une expérience coûteuse, dif- ficile à installer : Sire, avec son dévioscope, petit appareil portaüf, véritable jouet, la répète sur sa table de travail, et non seulement pour une localité, comme Paris, mais pour tous les degrès du méridien, pour tous les points de la surface du globe; l'Académie des Sciences récompensa les travaux de M. Sire en lui accordant, en 1883, le prix Monthyon et en le nommant, en 1891, correspondant dans la section de mé- canique ; enfin, à l’occasion du centenaire de l’Institut, cé- lébré en 1896, G. Sire recevait la croix de chevalier de Ia Légion d'honneur. Ainsi que M. Vaissier l’a très heureusement dit lors de ses funérailles, — avec M. Sire, disparait de notre cité, et de nos séances, une personnalité des plus connues et des plus sympathiques, dont la vie simple, volontairement dis- crète, à été entièrement consacrée aux devoirs de Ja famille, aux progrès de la science, à l’accomplissement des nom- breuses fonctions auxquelles son mérite l'avait désigné ou que son dévouement au bien public lui avait fait accepter ; son souvenir servira d'exemple à nos jeunes travailleurs et sera une consolation pour sa famille et les nombreux amis qu’il a laissés parmi nous. £ Ce devoir rempli envers nos collègues décédés, j'ai main- tenant à vous parler des travaux de notre Compagnie pen- dant l’année 1906. Je citerai d’abord, à cause de son intérêt d'actualité, la Ge communication de M. LECLERC — notre nouveau président — sur le Maroc. En ce moment où la question marocaine est une des graves préoccupations de nos gouvernants, une étude des conditions économiques et de l’organisation poli- tique et religieuse de cette partie des puissances musul- manes, ainsi que de ses rapports avec nos possessions afri- caines, ne pouvait qu'être accueillie avec la plus grande faveur par notre Société (1). M. Leclerc nous en a donné un excellent aperçu, d’après les documents recueillis sur place, au cours de plusieurs voyages entrepris dans le Maroc sep- tentrional, par son fils, M. René Leclerc, délégué général du Comité du Maroc à Tanger ; ajoutons que M. René Le- clerc, licencié ès lettres, est un ancien élève des Facultés de Besançon, où il a laissé les meilleurs souvenirs. Les arguments apportés par M. Leclerc démontrent, d’une façon irréfutable pourquoi, contrairement à l'opinion de quelques- uns, la France ne peut se désintéresser de ce qui se passe dans l’empire chérifien. Les autres travaux historiques présentés à nos séances concernent notre région. Le premier a pour objet Edouard Grenier, qui a été, ainsi que son frère, un des bienfaiteurs de la Société d’'Emulation. M. Charles BAILLE lui a consacré une étude tres littéraire et qui fait bien apprécier le poète de Baume-les-Dames ; on v trouve des détails intéressants sur les rapports que Ed. Grenier a entretenus avec les grands écrivains du xix° siècle, une analvse approfondie de son caractère, entremêlée de piquantes anecdotes ; c’est l’œuvre d'un érudit et d’un écrivain distingué en même temps que d’un ami éclairé (2). Avec M. PINGAUD, nous remontons à la fin du Premier Empire ; mettant à profit des documents laissés par le Préfet d'alors, Jean de Brv, léminent professeur de la Faculté des (1) Séance du 17 février. (2) Séances des % avril et 23 mai. pe Leitres, dans un travail très documenté et d’une lecture agréable, nous donne des renseignements fort curieux sur l’état d'esprit de nos concitoyens à cette époque ; il nous révèle l’existence d’une singulière administration royaliste qui avait Ornans pour siège et raconte les diverses épisodes qui ont suivi à Besançon la restauration de Louis XVIIT (1). M. l’abbé PETITJEAN nous transporte dans les dernières années du xvu® siècle et nous fait assister, d’après le récit d’un témoin oculaire, à l’occupation par les soldats du'gé- néral Gouvion Saint-Cyr, de la célèbre abbaye de Bellelay, dans le Jura bernois, mais suffragant de l’évêché de Beésan- con ; ce collège attirait de nombreux élèves comtois (2). L'histoire est encore représentée par une communication de M. GazZiER, notre érudit bibliothécaire en même temps qu’aimable secrétaire, sur les derniers moments de J.-J. Rousseau, d’après le récit qu'en a fait sa veuve, Thérèse Levasseur, à l’architecte bisontin Pâris, lors d’une visite à Ermenonville. Ce récit ajoute des détails curieux et inédits à ceux que l’on connaissait déjà sur la vie et la mort du phi- losophe ; il mérite notamment d’être comparé à celui fait vingt ans plus tard par la même Thérèse Levasseur; on ne peut que féliciter et remercier M. Gazier d’avoir su décou- vrir ces documents dans les manuscrits conservés à la Bibliothèque de Besançon et de nous en avoir donné une étude fort bien écrite et très bien présentée (3). Cette communication a donné l’occasion au regretté M. PA- RIZOT de montrer à la Société deux gravures de Moreau le Jeune, se rapportant à la mort de Jean-Jacques. L’une d'elles reproduit une scène originale : l'artiste nous fait assister à l’entrée de Rousseau aux Champs-Elvsées ; tous les grands philosophes de l’antiquité et des temps modernes s’em- (1) Séance du 20 juin. (2) Séance du 18 Juillet. (3) Séance du 17 mars. Poe pressent de le recevoir, tandis que, satisfait d’avoir enfin trouvé un homme, Diogène éteint sa lanterne (D. Ces œuvres d'art nous amènent à rendre compte d’une étude de M. le Dr LIMON, un jeune et nouveau collègue, dont vous vous rappelez l’intéressante conférence faite à la séance publique de lan passé sur un point de l’histoire locale. Cette étude est l’analvse d’un article publié dans une revue alle- mande par un critique d’art anonyme, qui conteste les attri- butions qu’on a faites de plusieurs toiles de notre Musée ; il soutient notamment que trois d’entre elles, attribuées à Piëter Quast, doivent l’être plutôt à l'artiste connu actuelle- ment sous le nom du Pseudo-Van de Venne ; nous remer- cions M. Limon de cette analvse irès consciencieuse et où il a fait preuve d'un esprit critique très éclairé (2). La production Httéraire et scientifique est devenue si co- pieuse que personne ne peut, aujourd’hui, trouver le temps de tout lire et qu’on doit être très reconnaissant envers les personnes qui, ainsi que l’a fait M. Limon, se dévouent pour rechercher les ouvrages pouvant nous intéresser, les résu- ment, les analysent et en font ainsi profiter le public ou leurs collègues : plusieurs de n6s confrères ont rendu ce service à notre Société en analysant les publications qui lui avaient été offertes en hommage. M. le Dr Lepoux a rendu compte d’une très remarquable monographie de la Franche-Comté, due à un Jeune compa- triote, M. Febvre, agrégé d'histoire; M. Ledoux a loué, comme c'était justice, ce travail si documenté au point de vue bibliographique, d'une très riche érudition en même temps que d’une agréable lecture (3), M. Jules DurAY, notaire à Salins, s’est attaqué à une question passionnante et bien actuelle, l'impôt progressif en (1) Séance du 23 mai. (2) Séance du 13 janvier. (3) Séance du 17 mars. AT Ce France ; 1l préconise le remplacement de nos taxes mul- üples par un impôt progressif unique sur le revenu, ayant pour caractéristique ce double principe. exemption à la base et confiscation au sommet ; ces conclusions ont été discu- iées très judicieusement par le rapporteur, M. l'avocat géné- ral THURIET, qui à donné, du reste, du volumineux ouvrage de M. Dufay, une analyse très claire et très complète (1). Un petit problème historique qui a soulevé déjà beaucoup de polémiques, est la question du mot et de la phrase de Waterloo ! Lequel a été prononcé ? M. Alfred Marquiset, l’ai- mable poète qui nous a déjà donné tant d'œuvres originales et spirituelles, revient sur ce point d'histoire ; et réunissant tous les témoignages qu'il a pu consulter, il le traite, à nou- veau, avec un esprit et une légèreté de touche bien mis en relief par M. le Dr BAUDIN ; mais je ne m'attarderai pas à vous en parler ; vous aurez dans un instant le plaisir d’en- tendre M. Baudin lui-même vous exposer le sujet avec la verve et l'humour que vous lui connaissez (2). Les recherches scientifiques ont toujours été en honneur à la Société d’'Emulation ; elles ont alimenté presque exclu- sivement ses séances et ses Mémoires au moment de sa fondation ét pendant de nombreuses années ; si elles cèdent plus tard la p'ace aux productions littéraires aux recherches historiques, elles ne disparaissent jamais de ses ordres du jour : il en a été ainsi pendant l’année écoulée, grâce aux communications de MM. Girardot, Vaissier, Lebrun et de votre Président. M. VAISSIER, l’érudit et fervent archéologue, toujours à l’affût des moindres débris qui peuvent jeter quelque clarté sur l’histoire et la préhistoire de notre contrée, nous à en- tretenus de la découverte faite dans l'Ognon, près de Bu- thiers, par le marquis de Scey, d’une pirogue gauloise ou (1) Séance du 17 mars. (2) Séance du 28 avril. 2140 préhistorique ; ce curieux échantillon de notre industrie pri- mitive est le huitième observé en Franche-Comté ; M. Vais- sier le compare avec ceux trouvés à Courchapon et à | Rigney dans des conditions analogues (1). M le Dr GIRARDOT, qui a étudié la géologie du Jura avec tant de zèle et de succès, a publié un savant travail sur la Paléontostatique en Franche-Comté; ce titre, un peu bar- bare pour les oreilles profanes, résume bien cependant le contenu de l’ouvrage, qui comprend l’énumération de tous les fossiles jurassiques recueillis sur notre territoire, leur distri- bution dans les étages et sous-étages du Lias et de l’Oolitbe, accompagnées de considérations sur la faune et la flore de ces périodes de l’histoire géologique de notre contrée ; M. Gi- rardot a donné, en séance, un résumé de cet important travail qui a nécessité de longues et fastidieuses recherches, mais qui rendra de grands services aux naturalistes juras- siens (2). Dans une autre séance (), M. Girardot nous a parlé des recherches géologiques faites en Franche-Comté, d’après des notes inédites de deux ingénieurs des Ponts et Chaus- sées, Duhamel et Parandier ; ces documents nous montrent cominent et à quelles dates on a commencé à‘étudier la constitution du sol de notre région. Hier encore (4) M. Girardot communiquait à la Société d'Emulation un résumé du travail qu'il prépare sur la Faune préhistorique de la Franche-Comté: ce travail doit être divisé en deux parties : la première comprendra la liste des animaux dont les débris ont été rencontrés dans les diverses stations comtoises ; la seconde étudiera les gisements qui renferment ces débris. Séance du 18 novembre. Séance du 17 février. Séance du 17 mars. (4) (2) (9) le Séance du 19 décembre. HE ee A cette même séance (l), M. LEBRUN, un jeune explora- teur dont la Société d'Emulation est heureuse de pouvoir encourager les recherches, rendait compte des fouilles qu'une nouvelle subvention de notre Société lui a permis de continuer pendant l’année 1906, dans le lac de Clairvaux : ces recherches, bien conduites, ont mis à jour d'intéres- sants débris, notamment un poignard en bronze qui permet de faire remonter la station de Clairvaux à l’époque du bronze [er (Cébennien). Enfin, votre Président a profité de la bienveillance dont ses collègues veulent bien l'honorer, pour leur raconter divers épisodes de la vie de deux botanistes bisontins, Bailly et Girod de Chantrans, et présenter le tableau des mo- difications de la flore jurassienne survenues pendant les dernières périodes géologiques (2). Le pharmacien militaire Baïllv a laissé des souvenirs de campagne qui révèlent un observateur attentif et perspicace ; mais ses notes de botanique, conservées à la Bibliothèque de Besançon, sont superficielles et n’ont qu'un intérêt his- torique. Girod-Chantrans est un personnage mieux connu, dont il est superflu de rappeler la vie et les travaux ; nous avons étudié particulièrement ses recherches sur les organismes inférieurs et retracé les querelles scientifiques qu’elles sus- citèrent entre notre compatriote et deux botanistes gene- vois, Vaucher et l’illustre de Candolle ; limpartialité nous a obligé à donner quelquefois raison à ses deux adversaires, mais cette constatation ne diminue en rien les mérites de Girod-Chantrans ;‘les services qu’il a rendus comme admi- nistrateur, le rôle important qu’il a rempli dans la réorga- nisation de l’Académie et de la Société d'Agriculture, ses recherches agronomiques, poursuivies jusque dans son a — (4) Séance du 19 décembre. (2) Séances des 13 janvier, 98 avril, 20 juin. Lier extrême vieillesse. justifient le souvenir reconnaissant que ces concitoyens lui ont encore consacré tout récemment (1). Si les Sciences naturelles, cependant les mieux acces- sibles au plus grand nombre, sont souvent arides, au moins | dans leur nomenclature et leur classification, la description des paysages botaniques, leurs caractères distinctifs suivant les régions, les causes de leur diversité, l’origine souvent mystérieuse et encore inexpliquée de leurs différences, constituent un des chapitres les plus attrayants de la bota- nique, la Science aimable entre toutes, a-t-on dit: et il en est ainsi des paysages qui se sont succédés à la surface du territoire franc-comtois pendant les époques qui ont pré- cédé, accorapagné et suivi l’extension des glaciers dans notre contrée : flore pliocène analogue à celle actuelle des iles Canaries et du Japon, paysage des terres arctiques, flore des steppes du Pont-Euxin et des garrigues de la Pro- vence, puis apparition de la forêt actuelle, telle est la suc- cession des tableaux qu’on a essavé de faire revivre devant vos yeux ; pour décrire et vous représenter fidèlement ces paysages disparus, il eût fallu la plume d’un Humboldt, la palette de l’auteur du Cosmos ; je n’ai pu malheureusement vous en donner qu'une pâle et insuffisante esquisse. Ainsi, et l’énumération précédente en est la preuve, fidèle à SOn programme et à ses traditions, la Société d'Emulation a abordé, pendant l’année écoulée, presque toutes les bran- ches des connaissances dans l’ordre littéraire ct scienti- fique. Et cependant, si notre Association tient encore un rang très honorable parmi les Sociétés analogues, il ne faut pas se dissimuler que son activité n’est plus aussi grande, son recru- tement aussi intense qu’autrefois ; c'est le sort de toutes les Associaiions intellectuelles qui ont à lutter, de nos jours, (1) Le nom de Girod-Chantrans a été donné, en 1905, à la rue des Bains-du-Pontot. sq contre de nombreuses causes de désertion, bien souvent signalées ; c’est aussi le résultat de la multiplication du nombre de ces associations, de la spécialisation à outrance des études et des groupements, conséquence des condi- tions de plus en plus approfondies, minutieuses, des recher- ches scientifiques ; le temps des Pic de la Mirandole est passé ; il n'est plus possible à personne non seulement de discourir De omne re scibili, mais même de s’y intéresser ; aussi, chacun se spécialise et les spécialistes se groupent par affinités, rendant ainsi très difficile la vie des Sociétés polytechniques ; prenons-en donc notre parti ; mais luttons cependant pour conserver tous les anciens foyers de vie intellectuelle, utiles encore, chacun dans leur sphère, et pour notre Société d'Emulation, nous y arriverons, Mesdames et Messieurs, grâce à vous, grâce à votre propagande inces- sante, votre présence à cette réunion nous est déjà une preuve que vous vous intéressez à notre œuvre; qu'elle soit aussi un gage que vous nous amènerez de nombreux adhérents, que vous nous aiderez à vivre, à prospérer, à remplir enfin efficacement le but utile et élevé que la Société d'Emulation s’est proposé pour le plus grand profit de la science et du pays. DE: LA: CONDITION -: DE LA FEMME MUSULMANE Par M. À. LECLERC Conseiller à la Cour d’appel de Besancon Vice-Président Séance publique du 20 décembre 1906. Si une classique gravure, l’ Arabe et son coursier, a pu poétiser aux yeux des Français et surtout des Françaises, les hommes de cette race, je voudrais en placer sous vos regards deux autres peut-être moins poétiques, mais plus suggestives, | Dans la première, une femme hâve, au visage émacié, est attelée à côté d’un vieil âne étriqué ; tous deux traînent péni- blement une charrue primitive que tient en mains un arabe aux traits durs et farouches, et qui, tout en traçant son sillon, est tout prêt à frapper indistinctement l’une ou l’autre des deux bêtes de somme, si elles ne marchent pas à son gré. Dans la seconde, une femme s’avance à pied, sous un soleil de feu; sur son dos un enfant, dans ses bras des ustensiles plus ou moins lourds; devant elle, et monté sur un cheval, un mulet ou un âne, selon le plus ou moins d’aisance de la famille, se prélasse gravement le mari, le maitre et seigneur, drapé dans son burnous, ne portant guère que son fusil en bandouillère, et semblant se précccu- per fort peu de l’état de fatigue de sa compagne, AE ee Ces deux dernières gravures vous donnent une idée assez exacte de la triste situation de la fellahine, ou campagnarde, dans les pays où règne l'Islam. Quant aux femmes de condition fortunée, des gravures classiques aussi vous les montrent nonchalamment éten- dues dans un harem, couvertes de bijoux, promenant leurs mains désæuvrées sur des instruments de musique primi- tifs, ou fumant des narghilés, et semblant se demander tou- jours ce qu’elles vont faire de leurs dix doigts, ou à quoi elles vont employer leur temps: jolis oiseaux, au brillant plumage, et faits pour le plaisir des yeux. Dans un roman récent, et que sans doute la plupart de vous, mesdames, ont lu ou parcouru (c’est un de vos au- teurs préférés qui l’a écrit), on parle de mœurs nouvelles introduites dans les riches harems de Stamboul et de Péra, Là, des filles de grandes familles auraient reçu d'institu- trices anglaises ou allemandes, une instruction qui leur permettrait de lire tous les ouvrages des écrivains mo- dernes, les romans de nos auteurs les plus célèbres. Comme en même temps, rien n'est changé dans leur manière de vivre, et que leur claustration est toujours la même, leurs vaines aspirations à une vie plus libre et plus indépendante qu’elles puisent dans ces romans, les laisseraient plus mal- heureuses, et pour employer le mot de l’auteur, plus désen- chantées qu'avant. N'ayant pas eu l’occasion de voir ces pays, ni surtout la bonne fortune, comme le héros du ro- man, de pouvoir m'introduire dans ces harems, je ne puis que m'en rapporter à ses affirmations, Mais ce que je puis assurer, c'est que ces mœurs nouvelles n’ont pas encore pénétré en Algérie, ni en Tunisie, où d’ailleurs il v aurait bien peu de familles assez fortunées pour pouvoir se payer le luxe d’institutrices occidentales, et où les chefs de famille auraient les idées assez larges pour autoriser ces éducations modern-style. | Je voudrais essayer de vous donner ici une idée sommaire 6e de la condition de la femme de la classe moyenne dans nos colonies d'Algérie et de Tunisie, où nous possédons près de sept millions de sujets musulmans. Cette étude pourrait s’appliquer aussi bien aux femmes du Maroc: bien que, contrairement à ce qu'a semblé croire une puissance euro- péenne pour les besoins de sa cause, nous n’ayions pas l’in- tention de nous emparer de cet empire, nous y avons cepen- dant déjà des intérêts assez grands pour essayer de savoir ce qu'y font ses habitants. Ces trois pays composent d’ailleurs l’ensemble des anciens états barbaresques. # x Les auteurs qui se sont occupés de la femme musulmane, ne sont pas absolument d'accord sur la situation dont elle jouissait avant la venue du prophète. Les uns la représentent comme ayant été l'objet d’une grande considération dans ces temps anciens. « Les Arabes de la période antiislamique, dit un auteur moderne, le cheick Esnoussi(l), se sont occupés de la femme. On peut s’en convaincre en lisant leurs vers, et ils vont jusqu'à décider que toute poésie (et la poésie, dit notre auteur, est la langue des Arabes, leur histoire, l’image de leurs caractères et de leurs mœurs) que toute poésie devrait commencer par une description de la belle femme, léloge de sa beauté, de la noblesse de sa famille et de sa vertu...» Les autres nous représentent la femme avant Mahomet comme absolument dégradée et dans un état complet d’a- baissement. Ce qui tendrait à donner raison à ces derniers, ce sont les prescriptions du Coran à l’égard de la femme. « Il vous est défendu, est-il dit, dans le livre sacré, d’épou- ser vos sœurs, vos filles, vos mères, les filles de vos filles », — Ce qui ferait supposer qu’on le faisait couramment avant (1) De son vivant, juge au tribunal mixte de Tunis. A ve Mahomet... Et plus loin: € Ne tuez pas vos filles, par crainte de la misère —- à elles, et à vous aussi, nous donnerons ce qu’il faut. » Et ce dernier verset faisait sans doute allusion à cette pratique monstrueuse des parents pauvres, qui, à la naissance d’une fille, la tuaient pour éviter de nourrir cette bouche, d’après eux inutile. Encore aujourd’hui, ce préjugé persiste, non plus avec sa férocité d'antan ; mais lorsqu'on demande à un Arabe com- bien il a d'enfants, il vous répondra qu'il n’en a pas, sil n’a que des filles, et s’il a par exemple deux garçons et trois filles : j'ai deux enfants, vous dira-t-il. Ce qui paraît certain, malgré tout, c’est que Mahomet a essayé de relever la condition morale et juridique de la femme. Il lui a accordé des droits précis et fourni les moyens de les faire valoir. [l a recommandé en maints passages du Coran, à ses sectateurs de montrer de la bonté pour leurs femmes: « Dieu vous commande, dit le prophète dans un de ses hadiths, d’être bons pour vos femmes... elles sont vos mères, vos filles, vos tantes », il n’ajoute pas toutefois _vos belles-mères... je ne sais s’il avait des raisons pour cela. L’on m'objectera de suite, et surtout vous, mesdames, que ce qui semble venir à l’encontre de cette opinion, c’est qu'il a autorisé la polygamie. Mais avant de le condamner, comme vous êtes toutes disposées, sans doute, à le faire, voyons s’il n’y aurait pas lieu de lui accorder quelques circonstances at- ténuantes. D'abord, s’il l’a fait, nous disent les commentateurs. c'était dans le but de favoriser les mariages et la multiplication des sectateurs de l’Islam... ce à quoi il à réussi d’ailleurs : car les musulmans sont fort nombreux dans le monde ; ensuite, il a réduit à quatre le nombre des femmes légitimes, nombre qui était indéterminé dans les temps préislamiques ; enfin, il a prescrit à ses partisans de ne prendre plusieurs femmes qu'autant qu’ils pourraient subvenir convenablement à leur 9 — re on entretien ; il a en outre réglé minutieusement les droits et les devoirs conjugaux du mari vis-à-vis de chacune de ses épouses : 1l entre, au sujet de ces droits et de ces devoirs dans des détails très précis, et que vous pourrez lire dans le Coran..., ou dans sa traduction. | Dans le cas où le mari ne remplit pas convenablement et équitablement ces devoirs, il accorde à la femme le droit d’af- franchissement par le divorce. Peut-on, dans ces conditions, lui reprocher sérieusement d’avoir abaissé la condition de la femme, en autorisant la polygamie ? En fait, et de nos jours, dans nos possessions africaines, les mariages monogames sont les plus nombreux; on évalue à 8 p. 100 la proportion des bigames, et au dixième de ce dernier nombre, ceux qui ont trois ou quatre femmes. Je ne veux pas aller jusqu’à dire que c’est peut-être un peu ce qui se passe, dans certains pays occidentaux, d’une façon tout au moins clandestine et sous le voile d’unions illégitimes.… Serais-je toutefois très loin de la vérité, en le disant ? k # * Prenons maintenant, si vous le voulez bien, la femme avant son mariage, et ensuite chez son mari, et voyons les droits que le Coran et les usages lui accordent. _ Tout d’abord, en ce qui concerne l'instruction, les musul- mans sont très partagés sur le point de savoir s’il y a lieu d’en donner quelque peu à la femme. Quelques-uns d’entre eux ayant le cerveau un peu plus ouvert aux idées modernes, ne se refusent pas à faire donner à leurs filles la connaissance de l'écriture et aussi celle du Coran, en se fondant sur ce : qu’'Aïcha et Hafsa, femmes du prophète, savaient écrire, et un auteur arabe à pu dire, en parlant de la première : «Je n'ai jamais vu une personne plus instruite qu'Aïcha en ma- tière de Coran, de jurisprudence, de poésie et d'histoire arabe. » DR PU NT CT EN NE MENT ET + 10 L'histoire ajoute que ce fut l'épouse préférée du prophète, mais aussi celle qui lui donna le plus de tourments au point de vue de la foi conjugale. C’est peut-être un peu pour ce motif qu’en général les -musulmans ne voient pas d’un très bon œil que l’on songe à donner de l'instruction aux filles... le cheick Esnoussi, cet auteur contemporain dontje vous ai déjà parlé, et qui semble ‘admettre, comme notre Chrysale, que les femmes aient des clartés de tout, s’empresse d'ajouter, comme s’il avait craint de faire une concession trop large aux idées modernes : «HI y a des gens qui ne veulent pas instruire leurs filles ou leurs femmes, et refusent d'accomplir ce devoir pour des raisons personnelles que nous n’avons pas à examiner : nous n'avons pas le droit de ies en blâmer. » Ce n’est donc que bien lentement et bien timidement que se propage l’idée de donner un peu d'instruction aux jeunes musulmanes de la classe aisée. En Kabylie, nous sommes parvenus à ouvrir quelques écoles suivies par un certain nombre de jeunes filles ; et en Algérie, mais seulement à Alger, des femmes dévouées ont établi des écoles profession- nelles où l’on enseigne la broderie, le tissage des tapis, et où on est arrivé à former des élèves habiles et expertes. L'exposition coloniale de Marseille a donné une idée des travaux et des productions de ces jeunes musulmanes... Mais ce n’est là encore qu'une infime minorité ; et l’on peut affirmer que la jeune fille musulmane de condition aisée est élevée dans le seul but d’être le jouet précieux ou la chaïr à plaisir. * x Arrivons maintenant au mariage : Légalement, la jeune fille doit donner son consentement au mariage. Ce consentement est, 1l est vrai, plus apparent que réel: il consiste en un simple jeu de physionomie que les parents interprètent un peu comme ils l’entendent. He opiu « Le consentement de la fille vierge au mariage, dit le Co- ran, s’intère de ce qu'elle rit sans moquerie, ou pleure sans cris. » Ce consentement est en outre vicié ou même annulé parfois par un droit monstrueux, dit « droit de djebr » ; ül donne au père de famille ou à son représentant la toute puis- sance sur ses enfants, et l’autorise ainsi à livrer une fille, avant même qu’elle soit nubile, à celui qui veut l’épouser. Sans doute, le Coran exige que le mariage ne soit consommé qu'au moment où l’enfant est nubile, et il fait expressément la recommandation au cadhi de ne consacrer un mariage qu’à cette condition: mais outre que le cadhi est parfois trompé lui-même sur l’âge de la fille, on a vu ces magistrats accomplir quelquefois de tristes besognes : au surplus un mariage musulman peut se consacrer sans l'assistance du cadhi, et en présence d’un certain nombre de témoins, et l’on sent combien de monstrueux abus peut entrainer ce droit de djebr”; les échos de nos cours d’assises algériennes et tuni- siennes ont dévoilé d’affreux détails sur la manière dont certains maris prétendaient user de leurs droits conjugaux. Ces manières de procéder sont un peu la conséquence de l’idée que le Coran donne du mariage : « Vos femmes sont votre champ, dit l'ouvrage sacré : allez à votre champ comme vous voudrez. » | Cette citation vous indique de suite les motifs de linfé- riorité morale dans laquelle les musulmans persistent à tenir leurs femmes, Aucune élévation dans le but du ma- riage ; aucun de ces sentiments qui, chez nous, relèvent cette institution. Aucun mariage n'est valable, sans une dot versée par le futur époux à sa femme, et cette dot, c’est la femme qui l’administrera elle-même: voilà la règle ; à côté, il y a l'abus. On voit des pères peu scrupuleux, se faire attribuer la plus grande partie de la dot, sous forme de gratification (hada) et le mariage devenir ainsi une source de spéculations pour le père: c’est un peu là l'explication de l’exercice du droit a dt ons ST — à IC) LES de djebr ? N’Yena-t-1l pas au surplus dans toutes les légis- lations, et chez nous, le droit qu’a le mari de dissiper la for- tune de sa femme, sous le régime de la communauté, celui qu'il a de disposer de ses gains personnels ne sont-ils pas aussi un peu abusifs à l’égard de la femme ? Le mariage est entouré de multiples cérémonies qui dif- fèrent un peu selon les localités. Elles présentent ce carac- tère général, que le mari qui n’a Jamais vu sa femme, et qui ne la connait que par les racontars et les appréciations de matrones qu'il a déléguées pour la lui décrire, est censé faire le siège de la maison de son beau-père et s'emparer de sa future femme par la violence. A Tlemcen, on procède ainsi: Un cortège composé de parents, d’amis et aussi de curieux, parcourt les rues de la ville, le soir, entourant le fiancé monté sur un cheval plus où moins richement caparaçonné. Des porteurs de cierges et de torches et une musique arabe précèdent le cortège, Le futur mari a les veux bandés (symbole assez caractéristique en la circonstance), et, pendant toute la durée de cette pro- menade nocturne, les accompagnateurs piquent et harcèlent le cheval, pour le faire se cabrer ou ruer, et essayer de démonter ainsi le cavalier : s'ils v parviennent, il est l’objet de la dérision publique et c’est même un fâcheux présage pour l'heureuse issue du mariage : comme il est toujours des accommodements avec les usages, on prétend que les fiancés, mauvais Cavaliers, en louent d'excellents pour la circons- tance, et ceux-ci, avant la figure recouverte par le bandeau, peuvent amsi jouer le rôle du mari, toutefois jusqu’à la porte du beau-père, exclusivement. Il est bien entendu que pendant la durée de ces diverses cérémonies, pas un homme n’a pu voir la figure de la femme. Le mari la voit pour la première fois, quand il l’a introduite chez lui... cela peut donner lieu à des décep- tions, mais aussi à d'heureuses surprises, Cet empêchement absolu que les musulmans mettent à ce qu'on voie leurs de 09 femmes, me rappelle ce que me disait un de nos interprètes arabes les plus instruits, et si je puis m’exprimer ainsi, les plus francisés de l'Algérie (il est vice-président des déléga- tions étrangères et membre du conseil supérieur à Alger). Vous savez que les indigènes musulmans sont bien sujets français mais qu'ils ne sont pas citoyens français et ne jouissent des droits civils attachés à cette qualité, qu'après certaines formalités et seulement lorsqu'ils le demandent. Comme je manifestais à Sidi Al, mon étonnement au sujet de la faible quantité de naturalisations qui se produisaient chez ses coreligionnaires, 1l me répondit : | « Une des causes principales qui empêcheront toujours les naturalisations, c’est que nous ne voulons pas que nos filles comparaissent dévoilées, au moment de leur mariage, devant l'officier de l’état civil: sur ce sujet nous serons toujours intraitables ». Je le répète, le musulman instruit auquel je m’adressais est un des plus francisés de l'Algérie: lon peut d’après celui-ci, juger des autres. k X= x Voici la femme installée chez son mari. Celui-ci doit lui assurer une existence proportionnée à sa condition, et la traiter convenablement et équitablement, s'il a plus d’une femme, et le cadhi ne peut lui refuser le divorce, si le mari ne se conforme pas aux injonctions du magistrat; ce qui peut entrainer des conséquences désagréables pour lui, no- tamment cellé d’être obligé de verser iminédiatement la dot entière, s’il a eu terme et délai pour la payer, ce qui est le cas le plus général. L'auteur musulman d’un ouvrage appelé El Bahr (la mer), dit que le mari est tenu de fournir à la femme, en dehors de la nourriture et du vêtement, le lit et les couvertures, et, « sielle en est digne », il doit lui faire servir à table, après le pain et la viande, un dessert composé de fruits et en de bonbons ; un autre commentateur (1) ajoute que le mari doit nourrir sa femme, quand même elle serait d’un appétit vorace, et bien qu’une telle femme soit une calamité ». ‘Je ne veux pas entrer dans le détail de tous les droits de la femme, qui sont sanctionnés par la législation ; cela m’en- trainerait trop loin, qu'il me suffise de vous dire, en ce qui concerne ses droits successoraux et testamentaires, qu’elle a droit à la moitié de la part des garçons, et, quand 1} n’y a pas de garcons, qu'elle partage avec certains parents mâles. De son mari, elle hérite le quart ou le huitième, selon qu'il y a où non des enfants. Elle a droit de disposer entre vifs du tiers de ses biens, et de faire certaines libéralités par testament. Elle peut, avec l'autorisation du mari, assister voilée et dans une tribune spéciale, à la prière dans la mosquée. et s instruire des choses de ja religion. Enfin, le témoignage de la femme, en justice ne vaut que la moitié de celui d'un homme. Voilà, sommairement les droits se la femme ; en voilà la contre partie : Le rari a les droits de répudiation et de correction. Le Coran accorde au mari le droit de répudiation avec uñe facilité regrettable. [l suffit que celui-ci prononce par trois fois la formule de la répudiation, pour que le lien du mariage soit rompu, et que la femme soit forcée de réin- tégrer le domicile paternel. Il est vrai qu’elle remporte sa dot avec elle... ce qui est un correctif à ce droit, et que le Coran ajoute: « Que Dieu maudisse quiconque répudie sa femme-par le seul motif du plaisir ». à Cette. dernière considération retient certainement beau- coup de maris, car, à part quelques exceptions, les musul- mans sont restés profondément religieux : et respectent les D ir de leurs livres sacrés. (4) Sidi Kalil, commentateur du Coran (traduction Perron, IE, 130). Le Coran donne aussi dans une certaine mesure au mari le droit de correction. « La loi musulmane dit le cheick Esnoussi, est la même pour l’homme et pour la femme; si celle-c1 commet une faute telle qu’elle mérite d’être battue, la loi exige qu'on la batte: Je ne crois pas, ajoute cet auteur, que ces dispo- sitions soient particulières à la loi musulmane, et toutes les lois antiques et moñernes $’accordent sur ce point avec elle ». Le vénérable cheick oublie ou plutôt ignore peut-être qu'un autre législateur à dit: «Ne frappez pas la femme, même avec une fleur ». Au surplus, le Coran a-t-il eu raison de laisser le mari juge et partie dans sa propre cause ?... car certains ont des tendances fâcheuses à abuser de ce droit, et nous cherchons, dans nos possessions, à réagir contre cet abus, à la grande stupéfaction de certains maris, qui sont tout surpris de se voir déférer à nos tribunaux quand ils ont dépassé la mesure et, sous prétexte de correction permise, ont à moitié tué leurs femmes. La femme musulmane, dans tout l'Islam, ne doit Jamais sortir que voilée. I y a toutefois des manières plus ou moins coquettes de se cacher les traits. À Alger, ce sont des voiles blancs qui lés dissimulent, À Tunis, les femmes sont affublées d’affreux masques noirs, ou bien elles s’avancent dans la rue, soulevant une pièce d’étoffe qui retombe sur leur visage, et lui donnant la forme d’un auvent ou d’une marquise, ce qui leur permet de ne voir à peu près que devant le bout de leurs pieds. Elles avancent péniblement, le plus souvent en une théorie de cinq ou six. Je vous laisse à penser si cette mode et cet usage pourront s’accommoder avec nos tramways, nos auto- mobiles, nos bicyclettes qui commencent à se répandre dans la régence. C’est le cas de dire: Ceci tuera cela. À X _*# Certains maris poussent très loin la jalousie dont ils sont possédés à l'égard de leurs femmes, et une sage-femme eu- ropéenne très connue à Tunis, me racontait qu'ayant été appelée un jour dans la maison d’un riche et puissant sei- gneur arabe, qui habitait un palais sombre au fond du vieux Tunis, elle y vit une jeune femme qui se mourait d'anémie. Avant donné le conseil de faire prendre le grand air à la jeune épouse, le mari répondit qu'il était de tradition dans Sa famille que les femmes ne sortent jamais du palais, et que la sienne, dût-elle en mourir, respecterait cette tradition. Ces jours derniers, la Ligue française des droits de la femme exposait au ministre des colonies qu'une jeune mau- resque nommée Zouina, s'était mariée légitimement et régu- lièrement devant le cadhi de Sétif. Deux jours après son mariage, un indigène demande l'annulation de ce mariage sous prétexte qu'il a été fiancé à Zouina par le père de celle- c1, alors qu'elle était encore au sein : d’où procès. /Zouina ne veut que le mari qu’elle a choisi. Le possesseur selon la loi musulmane s’obstine. On porte l'affaire devant un tribunal indigène, et l’objet du litige est séquestré par les soins d’un vieillard commis à ces sortes de garde. On recourt à la justice française, et malgré un jugement favorable du tribunal de première instance, Zouina devra rester détenue jusqu’à ce que la Cour d’appel se soit prononcée. La Ligue ne demande pas au ministre d'intervenir dans les affaires indigènes contrairement à son droit; mais elle représente qu'il n’y a pas une coutume qui puisse permettre sous le couvert dela loi française : 10 de mettre sous séques- ire une femme, comme un animal; 2° de la vendre à un homme, sous prétexte de mariage, alors qu'elle est une en- fant ; 3° de l’enchainer à tout jamais contre sa volonté libre- ment exprimée. | Si je n'étais pressé par le temps, je vous aurais parlé de la femme kabvle. Vous savez qu’à côté des Arabes proprement dits nous comptons dans nos possessions les plus anciens 96e occupants du sol. C’étaient autrefois les Numides, les Maures, etc., ce sont aujourd'hui les Berbères, qu’on appelle Kabyles ou Touaregs en Algérie, Khroumirs en Tunisie, et Riffains au Maroc. Chez ces populations, et théoriquement, la femme est bien plus maltraitée encore que chez les Arabes : elle est vendue par son père à son mari et ne reçoit pas la moindre dot : elle n’hérite pas et est entretenue par les jen de sa famille, un peu selon leur bon plaisir. Quand elle est mariée, et que le mari se comporte par trop mal, elle n’a qu'un droit bien mince à son service: on l’ap- pelle le droit d’insurrection. c’est-à-dire la possibilité de se retirer dans la famiile paternelle, et là d’opposer au mari une sorte d'état de grève, ou de refus de service de petite mariée. Vous sentez bien que ce droit n’est surtout utile qu’à celles qui encore jeunes et jolies, ont conservé l’amour du mari, lequel essaiera de parlementer et fera de belles pro-. messes pour la faire revenir chez lui, mais qu’il ne sera guère profitable à celles que certains époux voudraient peut-être bien abandonner à leur malheureux sort, s’il ne fallait pas verser immédiatement au père le prix d'achat qui a été sti- pulé. | Ces coutumes ne contenues dans des kanouns ou usages locaux qui régissent ces popuiations, et cette sorte de mépris théorique de la femme chez les peuplades kabyles, tendent à donner raison à ceux qui affirment que, dans le Co- ran, Mahomet a tenté de relever la femme et de lui donner une condition meilleure. | | Quand la femme meurt, il semble qu’elle reconquiert l'é- galité qui lui a été refusée pendant sa vie et les cérémonies sont à peu près les mêmes que pour l’homme. Un enterre- ment auquel j'ai assisté à Tunis, celui de la femme d’un de nos interprètes, me l’a prouvé. C’est une cérémonie inter- minable dans laquelle les prières des imams. des muphtis, les cris des femmés et des pleuréuses dans la maison mor- tuairé se succedent sans interruptions. Bien entendu, les op hommes seuls assistent à l’inhumation, et c’est un spectacle étrange de voir ces vieillards, vêtus comme Pétaient leurs pères il y a de nombreux siècles, sortir pour cette cérémonie de leurs demeures et y apporter leurs visages graves, leurs longues barbes blanches, et leurs attitudes d'Abraham. k PE" Telle est à grands traits la condition de la femme musul- mane dans nos possessions nord-africaines. Au premier abord, elle paraît bien triste et bien malheureuse. L’est-elle réellement autant qu’elle le paraît, et n’v a-t-1l pas une cer- taine grâce d'état dans le sort de ces pauvres créatures ? Ecoutez ce qu'écrit à ce sujet dans un journal français, pu- blié à Tanger, un écrivain musulman : « On se trompe beau- coup en Europe en crovant à la souffrance et à l’abaissement de la femme musulmane. Elle est au contraire plus heu- reuse que bien des femmes européennes. Elle comprend au- irement la vie, voilà tout, et elle plaint sincèrement ses sœurs d'Occident. Une grande dame musulmane. restée toute orientale, disait un Jour avec commisération à une Européenne en visite chez elle, cette phrase qui étonnerait sûrement bien des Parisiennes : « Combien je vous plains, madame, d’être obligée de voir tant d'hommes, de voyager et vous agiter ainsi. » Voilà certainement le reflet de la mentalité de la femme musulmane, et il faudra un ‘long temps pour la modifier. | Au surplus, les femmes arrivent parfois. grâce à leur in- tellisgence, à se créer une condition supérieure J'ai connu une grande famille des environs de Tlemcen dans laquelle la mère, restée veuve d’assez bonne heure (elle avait été mariée à un grand chef tombé sous les coups d’un capitaine Doineau, célèbre par un procès dans lequel Jules Favre plaida pour lui en Algérie, et célèbre aussi pour la part qu'il prit à l'évasion de Bazaine), où la mère de O8 famille dis-je, était renommée par l'influence qu’elle avait gardée sur ses fils qui, bien que parvenus à l’âge mür et grands chefs eux-mêmes, la consultaient respectueusement dans la conduite de leurs affaires et lui avaient abandonné la direction de la maison paternelle. Quoiqu'il en soit, il ne s’agit là probablement que d’une exception, et en réalité la condition de la femme musulmane est notablement infé- rieure à celle de la femme française ou même européenne. Le FO + En comparant la société musulmane et la société française au point de vue féminin, il semble qu’elles sont un peu en ce moment aux antipodes et qu’elles tendent à exagérer, l’une le relèvement de la femme, l’autre son abaissement. Chez nous, certaines et aussi certains féministes, sous pré- texte d'améliorer le sort de la femme, voudraient lui attri- buer tous les droits dévolus aux hommes, droits de vote, d'éligibilité à toutes les fonctions, etc., etc. On surcharge leurs programmes d’études et on veut en faire de nouvelles femmes savantes qui exerceront la verve d’un autre Molière, il semble en un mot qu’on a des tendances à faire abandon- ner à la femme le rôle tout de grâce et de charme qui lui a été départi par le Créateur et à donner raison à cette légende d’une caricature qu’on pouvait voir ces jours derniers dans un de nos grands illustrés ; elle représentait une femme habillée en homme, un mari habillé en femme et soignant les marmots, et au-dessous, comme légende : Costumes du vingtième siècle. Dans la société musulmane, au contraire, le rôle de la femme est trop abaissé, trop rapetissé, et tout indique le profond égoïsme de l’homme dans l'orientation donnée à la condition féminine. Toutefois, si nous devons nous effor- cer de persuader à nos populations musulmanes qu'elles ont intérêt à relever un peu le sort de la femme, nous ne = 90e devrons toucher que d'une main très légère et presque im- perceptible à cette modification des mœurs; car je ne sau- rais trop le répéter, au point de vue féminin les musulmans sont intransigeants et nous pourrions, en voulant aller trop précipitamment, nous attirer de la part du monde islamique, au moment surtout où une secousse semble l’agiter depuis les Indes jusqu’à Fez, une aversion qui n’est déjà que trop attisée par leurs marabouts et ceux qui ont un intérêt quel- conque à la conservation de l’état de choses actuel. Conten - tons-nous d’atténuer les bastonnades et les séquestrations et d'empêcher des hymens trop barbares, et n'oublions pas cette affirmation énergique du Coran, qui s'exprime ainsi : « Les hommes sont supérieurs aux femmes, parce que Dieu leur a donné la prééminence sur elles ». D'un autre côté, n'oublions pas non plus qu'une société d'hommes où la femme n’a point sa place, où elle n’est point admise à exercer les facultés que la nature lui a départies, où enfin, elle n’est pas appelée à remplir sa mission de ten- dresse et de grâce, restera toujours une société incomplète, et rappelons pour terminer le mot profond du prince de Ligne : « La femme fait les mœurs, tandis que les hommes font les lois. » LA PHRASE ET LE MOT DE WATERLOO » LA D'APRES MN ALFRED MAROUISET & HENRI HOUSSAYE Par M. le Dr BAUDIN MEMBRE RÉSIDANT Séance publique du 20 décembre 1906. « MESDAMES, MESSIEURS, » Le 18 juin 1815, à huit heures et demie du soir, comme l'armée française, rompue, disloquée, se retirait en déroute vers Charleroi, trois bataillons de la vieille garde, comman- dés par les généraux Christiani, Cambronne et Roguet, for- més en carrés près de la Haye-Sainte, la droite appuyée à la route de Bruxelles, résistaient au torrent ennemi. Pous- sés, déchiquetés, mordus de toutes parts par les lanciers de Brunswich, les dragons et l'infanterie anglaise, ils recu- laient lentement vers Belle-Allhance, littéralement entourés, comme à l’hallali couvrant le sanglier parmi la meute (AH. HoussAYE!. Au mulieu du 2° bataillon du 1er chasseurs, Cambronne, à cheval, la figure en sueur, les habits lacérés, noir de poudre, voyait fondre autour de lui ses hommes dans la mêlée, et comme l’ennemi renouvelait ses somma- tions de se rendre, la rage au cœur, il répondit, dit-on un seul mot que l’histoire a traduit lyriquement par cette » phrase : la garde meurt et ne se rend pas! » Est-ce Cambronne qui a prononcé la phrase, ou le mot, ou la phrase et le mot successivement”? Et d’abord, la phrase — 31 — ou le mot, la phrase et le mot ont-ils bien été prononcés ? mehesbile problème historique de cinquième ou de sixième grandeur que s’est posé notre confrère, M. Alfred Marqui- set, membre correspondant de l’Académie de Besançon, et que n'a pas dédaigné d'aborder à son tour, dans les numéros des 17 et 24 novembre 1906, de la Revue Bleue, un historien de race, M. Henri Houssaye, de l’Académie française. M. À. Marquiset, lui, sans prétendre faire œuvre d’histo- rien, nous présente cependant, sur la question, une docu- mentation précise et suffisamment complète, qu'il résume finalement en une sorte d’ « appendice », comportant la liste « aride, mais nécessaire » des ouvrages dontles auteurs nous apprennent si, oui ou non, à leur avis ou à leur témoignage, Cambronne a dit la phrase ou le mot, — les uns tenant pour ou contre la phrase, les uns pour ou contre le mot. C'est une sorte d'appel, au scrutin publie, des suffrages exprimés, — suffrages dont on aimerait à voir discuter et apprécier la valeur relative. | Sans doute, au cours de son travail, l’auteur ne laisse pas que d'étudier sérieusement au fond, sous la forme alerte et spirituelle dont il est coutumier, les documents essentiels, le plus souvent d’ailleurs contradictoires, de cette polémique ; mais, outre qu’il en met bon nombre de côté, il arrive par- fois qu'il ne « situe », qu'il n’éclaire pas assez, à notre gré, ceux dont 1l se sert. Il en résulte en fin de compte que le lecteur, après réflexion, le livre une fois fermé, devrait se demander si l’auteur n’a pas, ainsi qu’il le dit lui-même, jugé et conclu moins en historien qu l'aurait pu être qu’en dragon qu’il à été. 10 Mais, si pressée, : si vive one elle est em- preinte (l’une si naturelle et élégante bonhomie unie à tant de bon sens et à tant d'humour qu’elle ne laisse le temps ni de se mettre en garde, ni de discuter, et qu’elle emporte Îa conviction tout d’une haleine. On a lu, on a souri et l’on est conquis : on a son siège fait, tout comme l'abbé de Vertot ; Le Sous on ne désire plus, on appréhende même l’apport de tout nou- veau document, de tout nouveau témoignage, pour capital qu'il puisse être. Et ce n’est pas là l’un des moindres dangers de la méthode de critique, un peu bien fantaisiste et très personnelle, mais siingénieuse, et si pressante, de M. AÏf. Marquiset. Je me hâte d'ajouter qu’en la circonstance il a été bien servi par son intelligence primesautière, par sa remar- quable facilité d’assimilation et par son bon sens tout comtois : car il vient d'avoir l'honneur et la satisfaction de voir toutes ses conclusions, comme aussi la plupart de ses appréciations pleinement confirmées par M. H. Houssaye, l’auteur apprécié de 1815, de Waterloo et de la Terreur blanche. La phrase !... On en trouve la première trace dans l’entre- filetsuivant du Journal généralde France, (n° du 24 juin 1815): « … la garde impériale a mis l'arme au bras et s’est avancée » sous le feu de l'ennemi. Une décharge épouvantable dirigée » contre ces braves en a mitraillé la moitié; l’autre a conti- » nué à marcher. Les généraux anglais, pénétrés d’admira- » tion pour la valeur de ces braves, ont député vers eux pour » les engager à se rendre, protestant qu’ils les regardaient » comme les premiers soldats de l’Europe. Le général Cam- » bronne a répondu à ce message par ces mots : La garde » impériale meurt et ne se rend pas. La garde impériale et le » général Cambronne n’existent plus ! » En principe, la contemporanéité d’un fait ou d’une parole et du texte où est rapporté ce fait ou cette parole est une présomption d'authenticité. Mais un article de journal ne constitue pas un document indiscutable ; dans l’espèce, en particulier. De qui, en effet, le rédacteur de l’article pouvait- il tenir la phrase de Cambronne ? Non pas, assurément, de l’un des survivants du carré du 1°" chasseurs de la garde, que commandait Cambronne : à cette date, généraux, officiers et soldats de la garde se ralliaient entre Laon et Soissons et nul d’entre eux n’était revenu, ni n avait pu revenir à Paris. D'autre part, l'article fourmille d'erreurs, d’inexactitudes, d’invraisemblances. Cambronne n’a pu prononcer la phrase pendant la charge sur le plateau de Mont-Saint-Jean ; il était alors en réserve, avec le 2 bataillon du 4e" chasseurs dans le vallon, au-dessous de la Haye-Sainte. D'autre part, les An- glais n'avaient pas lieu d'adresser à une colonne qui, montant à l'assaut, attaquait résolument, des sommations de se ren- dre : ces sommations ne pouvaient être justifiées, et n’eurent lieu en effet qu’au moment de la retraite, Notons, au surplus, que le résultat et les péripéties de la bataille de Waterloo étaient connus depuis le 21 juin à Paris, qu’ils avaient été commentés, le 22 et le 23 par le Moniteur et par les feuilles publiques, sans qu'il eût été jusque là question, ni de Cam- bronne, ni de sa phrase. Mais la phrase était («trouvée » elle était heureusement formulée, tel un apophtegme de Lacédémonier: elle eut le succès auquel on pouvait s'attendre, et elle fut adoptée d’en- thousiasme, de préférence à celle-ci, que, le même jour, Indépendant mettait dans la bouche d’un colonel de fédé- rés: 1 vaut mieux mourir que de nous rendre esclave. Le lendemain, 25 juin 1815, la Guzette de France reprenait, avec une variante. la phrase du Journal général, qu’elle attribuait, d’une façon collective, aux derniers combattants de Waterloo: non! non! la vieille garde ne capitule pas; ‘elle ne se rend pas; elle sait mourir! C'est deux jours plus tard seulement, le 27, que l’Indépendant élit le titulaire de la phrase et donne à celle-ci sa forme littéraire définitive : « Les fédérés parisiens ont fuit élever à lu mémoire de nos » braves morts un monument sur lequel on lira ces der- » mères paroles du général Cambronne: la garde meurt » et ne se rend pas! » Le lendemain, 28 juin, à la Chambre, Garat, proposant de recueillir les beaux traits des soldats vaincus à la fatale journée, n’a garde d'oublier le héros qui dit: l’on meurt el l’on ne se rend pas. Et, de sa place, M. Pénières, député de L D} M] Lo = la Corrèze, ajoute: « Le nom de l'officier qui a prononcé » ces paroles ne doit point ètre ignoré: c'est le brave Cam- » bronne! » Comment Garat, comment Pénières avaient-ils été renseignés? Aucun témoin auriculaire, combattant de la garde à Waterloo n'avait encore regagné Paris où les avant-gardes de ce corps d'élite n’arrivaient, précisément, que dans la nuit du 28. Garat et Pénières avaient donc simplement lu la phrase dans les journaux: à la suite des articles du Journal général et de l'Indépendant, elle avait fait le tour de la presse. Après cette reconnaissance effective, en orne) sorte officielle, puisqu'elle portait l’estampille de la Chambre, la légende est créée: historiens et biographes, se pillant à l’envi, laffermissent à Jamais. Aussi, lorsqu’en 1818, à l’occasion de la première repré- sentation du Bélisaire de de Jouy, où se trouvaient les vers suivants : Un dernier cri de gloire annonce leur trépas : Ils meurent, les Gaulois, ils ne se rendent pas, vers pastichés depuis par Casimir Delavigre dans ses Missé- niennes : C’est en vain que surpris d’une vertu si rare, Les vainqueurs dans leurs mains retiennent le trépas; Fier de le conquérir, il court, il s’en empare : La garde, avait-il dit, meurt et ne se rend pas! lorsque à l’occasion du célèbre chapitre « Waterloo » des Misérables, de Victor Hugo, des polémiques s’ouvrirent et se rouvrirent touchant l'authenticité de la phrase, on eut à enregistrer une foule de témoignages, tous aussi positifs que suspects, depuis celui du général Berton, qui, le 18 juin, se trouvait, non pas à Waterloo, mais bien à Wavre, avec les dragons d'Excelmans, jusqu’à ceux des « vieux grognards ». abs Antoine Delau, stylé par le journaliste Ch. Deulin, l’auteur des Contes d’un buveur de bière, — Pierre Salle, de la Haute- Saône, dont le récit est d’une inexactitude flagrante, — J.-B. Franquin, qui décidément veut trop prouver et affirme que . Cambronne redit sa phrase jusqu’à trois fois, accompagné à la dernière reprise par le chœur des soldats: belle scène d'opéra, qu’il faut laisser à l'Opéra. Comme le fait observer M. H. Houssaye, « l'écrivain du » Journal général a parlé, les députés Garat et Pénières » ont parlé, le général Berton a parlé, les grenadiers Delau » et Franquin ont parlé,... — mais aucun n'avait qualité » pour le faire. Au défaut d’un survivant du 2° bataillon du » 4er chasseurs, un seul témoin pouvait rendre un témoi- » gnage décisif, c'était Cambronne lui même. Or, Cambronne » a constamment et obstinément nié avoir prononcé la phrase » qu'on lui attribue... [l n’a jamais laissé dire en sa présence » qu'il l'eût prononcée, et, quand on l’a questionné direc- » tement, sa réponse a toujours été négative ». En juillet 1815, trois à quatre semaines après Waterloo, Cambronne, transporté blessé à Ashburton, se trouvait à table avec quelques compagnons de captivité: on le félicitait de sa belle réponse aux sommations de l'ennemi, réponse qu’on venait d'apprendre par les journaux. Cambronne ré- pondit: « J’en suis bien fâché, mais je n'ai pas dit ce qu'on » naltribue », et il ajouta ces mots très suggestifs: « J'ai » répondu autre chose, mais non ce qu’on rapporte ». Le commandant Heuillet, du 2° chasseurs de la vieille garde insista avec les autres auditeurs pour qu'il maintint toutefois le fait, pour l’honneur de l’armée, («mais il persista toujours dans sa première affirmation ». Cette affirmation, ou plutôt cette négation, Cambronne la renouvelle plus tard, à Lille, devant le lieutenant-colonel Magnant, — à Dunkerque, devant plusieurs personnes, dont l'ingénieur Cordier, plus tard député du Jura, — puis devant le lieutenant Martin, — devant un vieux camarade qui était Rp venu le voir à Nantes, devant le préfet de la Loire-Inférieure, Maurice Duval, — devant l’anglais Dikson, auquel il déclare : « On m'a débité cette phrase là ». En septembre 1830, au banquet des gardes nationaux d'Angers, sur interpellation directe, il affirme encore : « Sommé de me rendre, j ai dit quelques mots, moins bril- » lants peut-être, mais d’une énergie plus soldatesque. » Et en effet, reconnaissons-le avec M. À. Marquiset auquel je rends la parole : « le simple bon sens aurait dû mettre les » historiens en méfiance : la phrase est trop modelée; elle » ne porte pas l’estampille militaire. Elle semble faite par un » homme, orateur ou écrivain, ayant l’habitude du langage » et des belles périodes; elle a dû subir une ou deux correc- » tions et 1l à fallu quelques minutes pour la polir avant de » la livrer complète... La garde meurt... ! n’est pas une ré- » phque jaillie; c'est une phrase dite ou écrite. Elle serait » compréhensible si le carré du 1° chasseurs avait été com- » mandé par un diplomate, un évêque ou un académicien ; » elle ne l’est plus guère quand on sait que Cambronne était » un héroïque mais modeste traine-guêtres des armées ré- » volutionnaires ., De plus, c’est à la fin de la bataille que, » noyé dans la tourmente, énervé par le bruit, grisé par la » poudre, Cambronne parla, el ce moment n’est pas propice » au recueillement, ne durât-il que quelques secondes... La » réplique de Waterloo fut évidemment brève : un seul mot, » COMposé de trois, cinq où même six lettres, et, s'il fut ren- » forcé de quelque commentaire, nous pouvons prétendre, » pour rassurer les gens honnètes, que le nom du Très-Haut » y figura. » Pour M. Henri Houssaye, comme pour M. À. Marquiset, le véritable auteur de la phrase serait le rédacteur anonyme du Journal général de France, un certain Balison de Rouge- mont, auteur dramatique, romancier, poète, chansonnier,.….. et « journaliste flexible travaillant aux feuilles les plus op- » posées, telles que la Quotidienne, le Constitutionnel, le some » Journul général, spécialiste en traits d'esprit, qui donnait » à la foule son mot quotidien, sans que, pour cela, son nom » fût sanctifié » : c’est bien lui qui proféra la phrase à la tête... des « colonnes de son journal. » Le mot! Au moins, je vais toucher une étrange matière ! Mais en suivant ici pas à pas nos auteurs, M. H. Houssaye et M. AIf. Marquiset, je n'aurai pas de peine à montrer comment, sans recourir au latin, et sans braver pour autant l'honnêteté, il est possible, dans l'intérêt de la vérité, d’abor- der et de résoudre les questions du réalisme le plus osé. il n’y faut qu’une certame autorité, avec pas mal d'esprit, — une recette très simple, qui n’est malheureusement pas à la portée de tout le monde, si l’on en juge du moins par cer- taines productions de notre littérature (?) contemporaine. On a dit que le mot, ce terme trop cru fut traduit, euphé- miquement, par la phrase académique. C’est une erreur : le mot est le cadet de la phrase : celle-ci fit son apparition dès la fin du mois de juin 1815 ; celui-là fut donné, pour la pre- mière fois, à entendre, en 1834, dans le Dictionnaire des Contemporuins, de Rabbe. Il est vrai qu’on en avait parlé déjà auparavant, en commentant la réponse de Cambronne à ses compagnons de captivité, à Ashburton, en juillet 1815: « Je n'ai pas dit ce qu'on m'attribue ; J'ai répondu autre chose. » « Cette autre chose, dit H. Houssaye, ne pouvait- elle pas s’écrire en cinq lettres ? » et n’était-ce pas là l’ex- pression « d'une énergie soldatesque » dont avait encore parlé Cambronne au banquet d'Angers, en 1830? On est en droit de le croire lorsqu'on enregistre les témoignages sui- VAS: . | Le lieutenant-colonel Lemonnier-Delafosse écrit, dans ses Campagnes de 1810-1815 : « Un sergent de mon ancien ré- eng » giment (31° léger), passé dans la garde, me dit que l’on » mentait en citant les paroles du général Cambronne ; que » les véritables, entendues par lui, près de lui, étaient: M... » Jene me rends pas. » — Le général Bréa racontait qu'il tenait de Cambronne lui-même que « celui-ci, sans pouvoir » préciser de quels termes 1l s'était servi à Waterloo, avait » envoyé faire f. … les Anglais par quelque expression ap- » propriée à la circonstance. » — Le général Bachelu, qui commandait à Waterloo la 5° division d’infanterie rapporte : « Avant interrogé Cambronne sur sa réponse à Waterloo, il » me répondit : Comment ? toi aussi ! Ah ! non, en voilà assez » Ca devient em...M.. !» Et le général Bachelu ajoutait : «Le » mot était si naturel en pareil cas, que, ce jour-là, Cam » bronne dut le dire cinq fois, six fois..., comme moi, d’ail- » leurs! » — Enfin, le premier clerc du notaire de la vicom- tesse Cambronne, Rougeron de Vallée, rédigeant une Vie de Cambronne sous la surveillance de la veuve du général et sur les renseignements qu'elle lui fournissait écrit : « Rendez- » vous! crient les Anglais. Une négation énergique fut la » réponse de Cambronne, et, avec ce mot immortel que l’his- » toire n’ose redire, mais que tout le monde sait, il s’élança » à la tête de ses intrépides grenadiers. » Quoi qu'il en soit, le mot fut dit et relevé officiellement, pour la première fois, en 1828, dans une-réunion de gens de lettres où se trouvait Ch. Nodier: comme on parlait de la phrase attribuée à Cambronne, et que l’on émettait quelques doutes sur son authenticité, l’un des assistants, nommé Genty, ancien secrétaire du Mercure de France, — Genty, déjà le père de cet autre fameux mot, qu'on peut du moins écrire: Racine est un polisson, — Ss’écria : « Cambronne n’a pas ré- » pondu aux Anglais le mot que vous leur attribuez ; il leur » a répondu M... fle mot). » Mais c’est V. Hugo qui, le pre- mier, en 1862, dans les Misérables, osa imprimer le mot tout entier, voulant ainsi « déposer du sublime dans l’histoire. » On sait comment, dans un chapitre fameux, dit AÏIf. Nette- ie, 80 ment «il le tourne et le retourne ; il admire, il s’agenouille ; » il est en extase devant ce mot; ille trouve digne d’Eschvyle, » sublime, titanique, et il s'indigne qu’on ne puisse le dépo- » ser dans l’histoire. » Il faut le constater: peu d'écrivains se sont risqués à contester à Cambronne la propriété du fameux mot: « géné- » ralement condensé en une seule lettre, la treizième de » l’alphabet ». Et, de fait, son authenticité Cambronienne ne saurait étonner, par la crudité du terme, que ceux qui ignorent la puissance et la généralisation du mot à la ca- serne et dans les camps. « J'ai connu‘ aui régiment, dit » M. Alfred Marquiset, beaucoup d'officiers parfaits gentle- » men qui, dans la vie civile, eûssent dignement tenu leur » place aux soirées de l’hôtel de Rambouillet, et qui, dans » le service, répétaient-dix fois par jour le mot que Cam- » bronne est censé n’avoir dit qu’une fois. Du moment qu’on » en use avec autant de désinvolture et de facilité en temps » de paix, il ya mille chances pour que, au milieu d'une » bataille, on le lance avec fracas et soulagement à un » ennemi enragé qui vous mord, vous étreint, vous écrase, » et, l'épée sur la gorge, vous crie: Rendez-vous! » À la vérité, Cambronne ne s’est jamais expliqué nette- ment sur la riposte de Waterloo : 11 a toujours el catégori- quement nié la phrase, et, s’il n’a pas fait de même pour le mot, toujours est-il qu’il ne l’a, non plus, jamais avoué. € [Il a nié la phrase par vérité et le mot par pudeur », estime M. Alfred Marquiset: «ayant épousé, en 18920, une anglaise » âgée de 47 ans, c’est-à-dire doublement fpudibonde, il » tenait à passer pour un vrai gentleman, et sa femme lui » avait probablement inculqué la continence de sa langue » maternelle, dans laquelle ce mot impur: le ventre, est » appelé: the stomach. De plus, il avait repris du service » sous les Bourbons: le volontaire de la République deve- » nait gentilhomme (titré par Louis XVITID), de la Restau- » ration, et sa couronne toute neuve de vicomte lui fut une » te muselière ». Telle est aussi l'opinion que, par un raison- ment analogue, développe M. H. Houssave. Et, quant au mot lui-même, l’éminent académicien recon- nait qu'il était (absolument en situation » ; qu’il est « psycho- logiquement vrai», conclusion qüe, de son côté, M. Alfred Marquiset avait adoptée déjà, en la développant avec sa verve habituelle : (« On peut s'étonner à juste titre, écrit-il, » » du grand nombre de grognards qui, malgré les cris et le feu continuels, entendirent, à la fin de la bataille le géné- néral Cambronne riposter à l’ennemi par une parole bien sentie: mais l'essentiel est de savoir qu'une réponse fut faite, et que deux hommes, Rougement et Genty, l'ont transmise à la postérité en l’interprétant chacun à sa ma- nière : Rougemont, auteur d’un certain talent, donna une traduction noble, mais fantaisiste; Genty, bohème des lettres, en donne une courte, mais littérale. Pour choisir, je ne puis oublier qu'à Waterloo la phrase bouillonnait dans les cœurs et que le mot crépitait dans les aærs; la première est artificielle, le second est naturel ; et, jugeant en historien que je voudrais être et en dragon que J'ai été, je crois que Rougemont a composé la phrase et que Cambronne a dit le mot ». Peut-être, malgré tout, la conclusion pourra sembler à quelques-uns encore discuteble; mais il en est une autre, que je tire de la préface du livre de M. Marquiset, et qui, celle-là, ne sera contestée par personne: « Il ne sert à rien, » » pour Cambronne, d’avoir écrasé à Zurich, avec sa com- pagnie, deux mille Russes et fait douze cents prisonniers; d’avoir, à Iéna, avec son seul bataillon de grenadiers, ré- sisté à l'effort convergent de toute l’armée ennemie; de s'être distingué à Sarragosse, signalé à Wagram, surpassé à Hanau,; d’avoir commandé une parte de la vieille garde dont il concentrait ladmiration et d'avoir été un modèle dans cette élite : ces hauts faits devaient le mettre au rang des autres héros de l'Empire; tous ont agi, ils sont con- » » » » » » » AN es nus : lui a parlé, il est illustre. Depuis quatre-vingts ans, sa renommée n’a fait que croître : la foule a définitivement adopté la légende ; ce nom de Cambronne, essentiellement propre avant 1815, est aujourd’hui implanté comme nom commun dans la langue française, et il est aussi suscep- tible de figurer dans un dictionnaire de biographie que dans un dictionnaire des synonymes ». HENRI BOUCHOT CONSERVATEUR DES ESTAMPES A LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE (26 septembre 1849 — 10 octobre 1906) Par M. Georges GAZIER SECRÉTAIRE DÉCENNAL Sédhces des 18 novembre et 20 décembre 1906. Jamais l’érudition franc-comtoise n’a été éprouvée autant que durant ces dernières années. Il semble qu’une fatalité cruelle s’acharne à nous enlever successivement tous ceux qui par leur science et leur talent étaient l'honneur de notre province. Et cette destinée implacable les frappe tous en pleine activité, au moment même où n'ayant plus rien à apprendre, ils pouvaient donner sur la Franche-Comté les ouvrages définitifs qui nous manquent encore. Après le savant Castan, terrassé par un mal subit, voici depuis deux ans que nous voyons disparaître, dans toute la maturité de leur âge, Ulysse Robert, le continuateur des bénédictins du temps passé, Jules Gauthier et Bernard Prost, pour qui les annales de leur pays natal n'avaient plus de secrets, Alfred Rambaud, esprit universel, qui sut se faire un nom à la fois comme historien et comme homme politique. Du moins, disions- nous, il nous reste l’un de ceux qui ont le mieux décrit la Comté, l’un de nos plus charmants conteurs, l’un de nos poètes préférés, êt celui-là nous comp-. tions bien le voir demeurer longtemps encore parmi nous. l bcicté d'Emulation du Doubs, 1906. Planche I. | | j | | Bee Duran SA ER ES MEMBRE DE L'INSTITUT 1849-1906 M po Henri Bouchot venait précisément de se retremper par un long séjour au milieu de ses compatriotes et il paraissait v avoir retrouvé une nouvelle jeunesse. Qui de nous aurait pu penser que quelques semaines après, celui que nous avions vu si actif, si plein de force et de gaieté, celui à qui la vie semblait prodiguer ses meilleurs sourires, qui goûtait enfin toutes les satisfactions que l'esprit et le cœur peuvent désirer, allait à son tour tomber foudroyé à 57 ans, avant même d'avoir subi les premières atteintes de la vieillesse ? Force nous est de nous incliner devant de tels coups du sort que notre raison est impuissante à expliquer : du moins nous appartient-il de conserver et de transmettre le souve- nir de ceux qui, comme ces savants, ont honoré le nom comtois. | | La Société d'Emulation du Doubs, dont Bouchot faisait partie comme membre honoraire depuis 1901, n'a pas voulu manquer à ce devoir. Elle a fait appel à celui de ses mem- bres qui eut la douleur d’être l’un des derniers à recevoir les suprêmes pensées de ce noble esprit. Henri Bouchot voulut bien, dans sa bonté, faire de son jeune confrère de l'Ecole des Chartes un ami ; puisse ce dernier trouver dans l’affec- tion profonde qu’il portait à ce maitre vénéré les movens de ne pas trahir la confiance qu'ont bien voulu mettre en lui les amis d’un des plus grands parmi les enfants de la vieille terre comtoise ! # MY Marie-François-Xavier-Henri Bouchot naquit à Gouille, commune de Beure, le 26 septembre 1849. Son père occu- pait une situation importante dans un haut-fourneau dont le grand-père était directeur. Quand il avait trois ans, sa famille quitta la Franche-Comté pour aller s'établir à Com- mentry (Allier), puis de là à Charenton-du-Cher. Henri Bou- chot perdit en 1859 son père, qui mourut d’un refroidisse- mefñt contracté en sauvant le fils d’un de ses ouvriers qui ue se noyait, et revint alors dans son pays natal avec sa mère et sa jeune sœur. Tous trois vécurent aux Tilleroyes, à trois kilomètres de Besançon, dans une petite maison d'apparence . modeste, près d’un vieil oncle, le « père » Ravillon, homme d'esprit très cultivé, qui fut sans doute le premier auteur de la vocation scientifique de son neveu. Ravillon, ancien consul en Perse, puis en Sardaigne, s'était passionné dans sa retraite pour l'étude de la langue arabe. On raconte qu’on le voyait tous les jours arriver le premier à la Bibliothèque publique, dès l’heure de l’ouverture, et qu'armé de ses ca- lames et de ses pinceaux, il y passait des journées entières à copier des manuscrits de cette langue. Très original en même temps que très instruit, il s’occupa de l'éducation de Henri Bouchot, qu'il fit entrer au Collège Saint-François- Xavier. Ce Collège catholique, le Catho, comme l’appellent fami- lièrement ses anciens élèves, était dirigé à cette époque par un prêtre, orateur de premier ordre et éducateur hors ligne, l'abbé Besson, plus tard évêque de Nimes. De bons maîtres enseignaient à ses côtés et les élèves de cette génération citent toujours avec reconnaissance le nom de leur profes- seur de rhétorique, abbé Louis Pioche, qui développa leur goût littéraire et fit même de beaucoup d’entre eux des poètes distingués. Aussi cet établissement faisait-il une concur- rence sérieuse au Lycée impérial, doté cependant d'excellents professeurs, et recrutait-il une partie de la jeunesse bison- tine studieuse Bouchot était par nature assez indépendant et volontiers frondeur, et la pieuse gravité de ses professeurs y trouvait parfois à redire. Il a conté lui-même plaisamment que, précurseur trop précoce de nos réformateurs modernes, il ne pouvait se résigner alors à mettre l’orthographe et que pour ce fait il encourut force pensums : « Vous écrivez le français comme un cantinier » lui dit un jour l’abbé Besson, qui était loin alors de pressentir les hautes destinées de son élève. Le bon abbé ne dut pas tarder du reste à changer nat) ces d'avis ; Bouchot fit en effet au Collège de fortes études elas- siques, qui lui valurent les premier prix dans sa classe el que vinrent récompenser, en 1869, le diplôme de bachelier. Aussi ne regretta-t-1l jamais ses années d’écolier et les so - lides et durables amitiés qu’il contracta sur les bancs du Catho lui laissèrent jusqu’à la fin de sa vie de précieux sou- venirs. : Tandis que le moment était venu pour lui de se choisir une carrière, la guerre de 1870 éclata. Bouchot n'eut pas une minute d hésitation et en bon Comtois, chez qui l'amour de la patrie est une vertu héréditaire, il se fit incorporer dans lartillerie de la garde mobile, Il fut envoyé ensuite avec sa batterie rejoindre l’armée de Bourbaki, et avec elle, combattit à Villersexel. Il a laissé dans son livre sur la Franche-Comté un émouvant tableau de cette bataille, à la- quelle il prit part du haut de la colline qui domine Pont-de- Roide. Il a raconté les premiers enthousiasmes, l’idée un moment conçue de la victoire, suivis hélas quelques jours plus tard de la retraite, de la débâcle, de l’anéantissement des dernières espérances ! (1) Bouchot revint à Besançon (1) Voici une lettre que Bouchot écrivait à sa mère durant cette pé- nible campagne et qui montre avec quelle bonne humeur et quel excellent esprit il en acceptait les épreuves : « Pont-de-Roide, 21 janvier 1871. » N'allez pas au moins vous effrayer de voir inscrit en tête de mon épitre un mot aussi terrible que doit le paraitre celui de Pont-de-Roide, après toutes les blagues débitées sur ce joli pays. » La vérité est qu'on s'est fort peu battu par ici, par la raison bien simple que les Prussiens y sont fort rares et que les mobiles sont trop poltrons pour se battre avec eux. On aurait pu, il est vrai, livrer souvent bataille de ces côtés, maïs cela n’a guère pu avoir lieu, attendu que mo- biles et Prussiens se craignent horriblement et qu'ils se retirent chacun en leur coin lorsqu'il arrive à l’un d’apercevoir l’autre. » Néanmoins, j'espère vous revoir bientôt. Gette fameuse armée de Bour- _baki, sur laquelle on avait conçu les meilleures espérances, s'est mise en retraite hier comme un bon vieux gendarme ennuyé de poursuivre les voleurs. Aussi la guerre ne saurait durer. » Quoi qu’il en soit, nous sommes les privilégiés du métier. En notre 6 avec les débris de l’armée de l'Est. Il a dit lui-même dans quel état de dépression physique et morale le laissa cette lamentable odyssée, mais son désespoir fut court ; 11 com- prit qu'un Français, et surtout un Comtois, ne se rend jamais ; il se promit dès lors d’être de ceux qui travaille- raient au relèvement de notre chère patrie. # x La paix conclue, Bouchot rentra aux Tilleroyes, mas ce fut pour trouver en ruines la petite ferme qui faisait vivre sa famille. Curieux de toutes choses, doué d’un goût très vif pour la littérature et l'histoire, il ne se sentait pas encore à 29 ans une vocation bien déterminée. Cependantil fallait vivre, et Bouchot, cœur généreux, estimait que loin d’être à charge aux siens, il se devait à lui-même de venir en aide à sa mère et à sa jeune sœur. Il partit donc pour Paris, jugeant que là seulement il pourrait trouver une situation conforme à ses qualité d’artilleurs de montagne, nous perchons toujours sur les hauteurs comme l'aigle... (cependant, je vous le demande, quelle ressemblance y a-t-il entre nous et cet audacieux bipède ? Aucune. Il mange souvent du gigot et nous, nous re nous nourrissons que de pommes de terre vulgaires et gelées). Or sur les hauteurs, les Prussiens ne peuvent pas venir nous chercher par la raison bien simple qu’il leur faudrait des mulets et qu’ils n’en ont pas; nous, nous n'avons que de cela; artilleurs, mulets, tout cela se confond si agréablement que, comime les moutons de Sainte-Beuve, du Charivari, on ne sait plus quels sont les mulets et quels sont les” ar - tilleurs. » J'ai campé un jour. On est bien, si l’on veut ; ceux qui Se plaignent aiment trop le farniente. Mais je préfère cependant coucher chez la bonne dame qui a bien voulu nous recevoir le jaur de notre arrivée au pays. C'est Mme veuve Renaud, femme de la campagne, il est vrai, mais très riche. Son mari était liquoriste et a dû gagner un gros pécule, comme sembie l'indiquer le luxe princier des appartements. Nous couchons dans deux lits à ressorts avec édredons- et tout ce qui s'ensuit. C’est pour nous une deuxième Providence, car nos malheureux camarades couchent à terre par ce Joli temps. » Ne vous effrayez donc de rien. Je suis avec d'excellents chefs que J'aime beaucoup et qui me le rendent. » AR es 0 AT goûts. Il emportait avec lui pour tout viatique une somme de 200 francs, les dernières ressources de la famille, et une lettre de recommandation pour M. Garnier, alors archiviste aux Archives Nationales. Ce fut sans doute ce dernier qui lui conseilla de se présen- ter au concours d'entrée à l'Ecole nationale des Chartes. Mais Bouchot fut sans doute aussi déterminé par l'exemple de deux savants comtois qui, sortis de cette Ecole, s'étaient acquis à cette époque à Besançon une certaine notoriété par leurs tra- vaux historiques. Auguste Castan, à la Bibliothèque depuis seize ans déjà, s'était fail par ses publications et ses recher- ches une réputation qui dépassait de beaucoup les limites de la Franche-Comté : les savants les plus estimés de la capitale, entre autres Jules Quicherat, se faisaient un honneur d’en- tretenir avec lui une correspondance très suivie et ne dédai- gnaient pas de lui demander souvent ses avis et ses conseils. Jules Gauthier, d'autre part, qui venait d'entrer aux Archives du Doubs, semblait devoir marcher sur les traces de cet il- lustre confrère et laissait pressentir la place qu'il allait bientôt occuper parmi les érudits comtois. Bouchot fut reçu à l'Ecole des Chartes en 1872, mais sa si- tuation de fortune ne lui permit pas de suivre dès ce moment avec régularité les cours d’une école qui ne reçoit que des externes et où beaucoup de jeunes gens ne peuvent étudier qu’à condition que des occupations extérieures leur. fournis- sent les subsides nécessaires à leur existence. Pour vivre il accepta donc en même temps les modestes fonctions de maître d’études dans la célèbre institution Massin, et se livra d'autre part à diverses recherches dans les archives et les bibliothèques pour le compte de savants, confiants en son intelligence et en son aptitude aux travaux d’érudition. Ces occupations diverses eurent cependant le fâcheux effet de le détourner un moment de ses études à l'Ecole ; il dut se résigner à les abandonner tout à fait pendant une année. Bouchot ne voulait cependant pas renoncer à la forte dis- Lei (Atos cipline intellectuelle que l'Ecole des Chartes donne à ses élèves et il se présenta à nouveau au concours qui en ouvre l'entrée en 1874: il fit partie dès lors d’une promotion qui comptait également parmi ses membres son futur collègue à la Bibliothèque Nationale. M. Babelon, conservateur des médailles, le savant comte Durrieu, devenu conservateur au Musée du Louvre et M. Delaville Le Roux. Entré dans un rang modeste, il travailla avec tant d'énergie durant ses pre- miers mois d’école qu'il fut reçu le deuxième à l'examen de fin d'année. Ses études se poursuivirent ensuite normalement, et après trois années de labeur fécond, il recevait le diplôme d’archiviste-paléographe avec une thèse intitulée : Notice sur le bailliage et la prévôté de Vitry-le-Francots. Il avait réuni les éléments de ce travail au cours d’une mission qui lui avait été confiée pendant ses vacances à l’ef- fet de classer les archives du bailliage de Vitry-le-François. Profitant de son séjour dans cette localité, 1l avait étudié avec grand soin le fonctionnernent de nos anciennes institutions provinciales et réuni un grand nombre de documents inédits {fort curieux qui jettent des aperçus parfois très suggestifs sur la vie sociale d’une petite ville au xviIe et au xvirre siècles. Les habitants de Vitry se souviennent encore, —- avec un peu d’amertumeilest vrai, — de ce jeune franc-comtois volontiers moqueur et satirique, qui savait saisir les petits ridicules avec finesse et les peindre parfois d’une plume ironique etincisive, quoique sans malice. Ils lui pardonnèrent toutefois malai- sément d’avoir démontré, à l’aide de faits précis, que quel- ques-uns de leurs ancêtres n'avaient pas toujours mené une vie édifiante et que leurs vénérables aïeules des siècles pas- sés n'étaient pas toutes de vertu farouche. Parmi les cours savants et variés de l'Ecole, il en est un qui semble l'avoir intéressé particulièrement, c’est celui de bibliographie professé alors par Anatole de Montaiglon, bi- bliophile épris d’art des plus distingués, dont de nombreuses générations de chartistes ont gardé le souvenir. Certes Mon- — 49 — taiglon n'avait rien du professeur, et c’eut élé peine perdue de lui demander de faire un cours suivi et dogmatique, Ce {in épicurien qui faisait ses délices d'Horace, de Rabelais, de Brantôme et dela reine de Navarre, comprenait en effet l’en- seignement à la manière de Socrate et de Platon. Il ne lui était pas donné, à son grand regret, d’instruire ses disciples en se promenant sous les portiques où au milieu des jardins de l’hôtel Soubise, où était installée alors l’Ecole des Chartes. Du moins dans la petite et sombre salle de cours dans la- quelle il était contraint de s’enfermer chaque semaine avec ses élèves, il saisissait le moindre prétexte pour se lancer dans des digressions toujours originales et qu’on écoutait avec avidilé. Passionné pour les études artistiques, comme l'attestent ses nombreuses publications, et poète à ses heures, Montaiglon ne craignait pas de causer avec ses éièves des questions même les plus étrangères à son cours. Bouchot ai- mait cette méthode d'enseignement qui portait à la réflexion et avait l'avantage de promener la pensée sur les sujets les plus variés. Qu'on ne s'étonne donc pas, si avec un tempé- rament tout différent et plus de suite dans les idées, il devait s'occuper précisément des mêmes questions qui passionnaient Montaiglon. Ce dernier eût reconnu un disciple devenu un maitre dans l’auteur des ouvrages sur l’histoire de lPimpri- merie, le livre, la reliure, les estampes, les dessins, etc., et dans l'organisateur des belles expositions d’art dont nous parlerons plus loin. Montaiglon, Bouchot, et beaucoup d’au- tres avec eux, dont l’auteur des Trophées, ont prouvé com- bien fausse était la légende qui représente les «chartistes » comme des hommes nécessairement fermés aux idées mo- dernes et passionnés uniquement pour la lecture et linter- prétation des diplômes et des chartes du haut Moven Age. LS RE: À sa sortie de l’Ecole des Chartes, Bouchot entra à la En à Bibliothèque Nationale, dans la section qui répondait le mieux à ses goûts, au Cabinet des Estampes. Il devait y faire toute sa carrière, en passant successivement par tous les degrés de la hiérarchie. Stagiaire en 1879, attaché en 1880, sous-bibliothécaire en 1835, bibliothécaire en 1888, conser- vateur-adjoint en 1898, après la mort de Georges Duplessis, il fut appelé à la tête du département des estampes, en 1909, avec le titre de conservateur. Tous applaudirent à cet acte de justice dont son coinpatriote Rambaud fut l’auteur, et qui donnait enfin à Bouchot, après plus de vingt ans de services, la place dont il était digne. Ses collabora- teurs et ses subordonnés furent les premiers à se réjouir de sa nomination et Jusqu'au dernier Jour restèrent les amis de leur chef squirétait- heureux de constater, le parfait accord qui régnait parmi le personnel des Es- tampes. On savait d'autre part que Bouchot arrivait à ce poste avec des idées nouvelles et vraiment libérales dont le public allait profiter dans une large mesure. Dès son entrée à la Bibliothèque, en effet, il s'était fait apprécier des travailleurs par une conception toute nouvelle de ses fonctions. Jadis la plupart des bibliothécaires regardaient comme leur pre- mier et essentiel devoir de conserver, de classer et de cata- loguer les richesses qui leur étaient confiées. En gardiens jaloux, 1ls n’ouvraient la porte de leurs trésors qu'aux con- naisseurs — encore parfois avec une certaine méfiance, — et seules y pouvaient avoir accès et y trouver ce qu’elles dési- raient les personnes initiées par des études spéciales. Pour certains bibliothécaires, les simples amateurs et les curieux, c'était l’ennemi qu'il fallait écarter et décourager à tout prix. Bouchot jugeait au contraire que la diffusion des con- naissances, les goûts de ses contemporains, le progrès des idées démocratiques exigeaient des conservateurs des col- lections publiques une attitude toute.différente. Sans doute, selon lui, ils devaient toujours veiller à ce que tout fût bien HA en ordre dans leur dépôt, à ce qu'aucune pièce ue fût égarée ou détériorée et que des catalogues faits avec une minu- tieuse précision fissent connaître les œuvres confiées à leurs soins, Les inventaires qu’ii à faits ou dont il a dirigé la pu- blication, attestent que sur ce point 1l a continué et perfec- tionné encore l’œuvre de ses prédécesseurs. Mais Bouchot pensait que sa tâche ne se bornait pas là: ce n’était pas même assez pour lui de répondre aux demandes d’un publie qu'il désirait voir se presser de plus en plus nombreux dans la salle des estampes. Il croyait pouvoir rendre de plus grands services encore en allant au devant même des dé- sirs des érudits et des chercheurs. Comprenant que les tra- vailleurs ne peuvent pas toujours savoir ce qu'ils trouve- ront dans un dépôt, il se faisait un plaisir de les mettre sur Ja voie, de leur indiquer où et comment ils pourraient faire _ dans celui qui lui était confié des découvertes intéressantes. _ Son cabinet attenant à la salle publique des estampes était ouvert à tout venant et jamais on n’en sortait sans avoir ob- tenu un renseignement précieux, sans avoir été mis parfois sur une piste originale et féconde, « Qui n’a retiré d’un moment d'entretien avec lui, disait M. H. Marcel, adminis- trateur ‘’e la Bibliothèque Nationale, outre des lumières nou- velles, une surprise émerveillée de cette érudition à mille faces, puisée à toutes les sources officielles et populaires, que. servait une mémoire miraculeuse, jetant à foison les aperçus, les rapprochements, les suggestions utiles, ne renvoyant jamais le chercheur que pourvu, ou tout au moins averti ou sur la voie! » Il est impossible d'apprécier à son exacte valeur les ser- vices rendus ainsi à la science, à l’érudition et à l’art par la hbéralté et l’obligeance d'Henri Bouchot, Serait-il téméraire d'affirmer toutefois que si l'illustration du livre à fait depuis vingt ans les progrès surprenants que l’on sait, on le doit pour une grande part au savant conservateur de la Bibliothèque Nationale qui indiquait souvent lui même les Habonce gravures à reproduire el en autorisait la communication et la photographie avec une bonne grâce inlassable ? (1) Bouchot estimait d'autre part que des estampes ne sont pas failes pour rester cachées à tous les veux dans des car- ‘tons poudreux : il aimait à répéter qu’il préférait voir dans une bibliothèque un livre usé à force d’être lu plutôt qu’un ouvrage dont les pages n'auraient Jamais été coupées. Et s’il exigeait qu'on ne touchât qu'avec respect à ses merveil- leuses gravures, il était heureux de les montrer à tous, de les faire apprécier et connaitre du plus grand nombre. C'est cette idée inspirée d’une grande largeur de vues qui l’amena à organiser ces expositions admirables qui resteront son plus beau titre de gloire. L’Exposition des Primiüfs français, l'Exposition des miniatures, l'Exposition rétrospec- tive des Arts comtois sont l’honneur de sa carrière et les services qu'il a par là rendus à l’art sont incalculables, * x L'Exposition des Primitifs français surtout devait être (l) & El importe de rappeler, dit M. Courboin, son collaborateur aux Es- tapes, que par la cordialité de son accueil, par la complaisance cons- tante avec laquelle il s'est dépensé pour toutes les personnes qui venaient au Cabinet des Estampes, M. Bouchot a attiré au Département des sym- pathies précieuses et des dons très importants. La collection d'ouvrages japonais de M. Duret, la collection Ardail ont été acquises dans des con- ditions qui en font de véritables dons ; la collection Porcabeuf, la collection historique du baron de Vinck ont été données gracieusement, ainsi que les dessins d’Isibey, offerts par Mme Rolle, les œuvres de Renouard le père, de Bracquemond, de Léandre, données par leurs auteurs, l'œuvre complète de Zorn, offerte par M. Beurdeley pour la plus grande partie, complétée par l’auteur, etc. Il faut aussi rappeler que, sur les bénéfices laissés par l'Exposition des Primitifs Français, le Coinité avait voté à l’unanimité une médaille qui devait être gravée par Chaplain et offerte à M. Bouchot; celui-ci l’a refusée et a prié de conserver la somme destinée à la médaille à l'achat du tableau : le Retable de Boulbon, qui a été offert au Louvre ; le reliquat de la so nme a été employé à l'achat de pièces manquant au Cabinet des Estampes ; elles ont été inscrites au registre des dons sous la rubrique : données par le Comité des Primitifs Français. » 6 RAA ES LARRNTES pour lui un triomphe, et si elle lui ouvrit en 1904 les portes de l’Académie des Beaux-Arts (1), nul n'y trouva à redire. Bouchot avait eu les oreilles rabattues de cette thèse soute- nue depuis quatre siècles qu'avant le xvre siècle, 1l n’y avait pas plus d’art que de littérature nationale, et qu’il avait fallu Pinfluence italienne et flamande pour retirer la France de la barbarie. Sans doute, avant lui, on avait déjà montré que ce qu'on a appelé la « Renaissance » n'avait été en réalité qu’un retour à l'antiquité grecque et latine; des hommes comme Gaston Paris, Léon Gauthier, Léopold Delisle et Paul Meyer , avaient remis en honneur la littérature mé- diévale ; Quicherat. Viollet le Duc et Courajod, aidés des romantiques, avaient fini par convaincre leurs contemporains que les architectes romans et gothiques avaient élevé dans nos merveilleuses cathédrales des monuments dignes de rivaliser avec les plus beaux temples de la Grèce. Mais on s'obstinait toujours à répéter qu'avant les Van Eyck et Giotto, il n’y avait pas eu de peintres dans notre pays, mais seulement quelques bons enlumineurs de manuscrits ou quelques ouvriers de talent modeste ; on disait qu'il avait été nécessaire que François If fit venir d'Italie, à grands frais, Rosso, le Primatice et Léonard de Vinei pour que la France possédât enfin avec leurs élèves un art qui lui fût propre. En dehors de quelques spécialistes, le publie ne con- naissait guère que le nom des Perréal, Jean Fouquet ou Jean Clouet. L’Exposition des Primitifs français eut donc pour objet, dans la pensée de Bouchot, de prouver que sur ce point, comme sur tant d’autres, la France n’avait eu besoin de recevoir de leçons de personne. On l’a accusé, à ce propos, de chauvinisme exalté et parce qu’il a peut-être, comme tout novateur, forcé un peu la note et apporté sur cer- (1) Bouchot fut élu à l’Institut le 16 avril 1904 par 23 voix sur 43 vo- tants, au fauteuil laissé vacant par la mort d'Edouard Corrover De taines questions de détail des conclusions trop absolues, on lui a reproché de se laisser aveugler par son patriotisme. Il a répondu en prenant pour devise, en tête de son ouvrage sur les Primitifs cette pensée de Georges Clémenceau : «Nous avons une trop longue histoire de France pour être autre chose que des Français », et en démontrant par des faits irrétutabies qu il existait à Paris dès le xrr1° siècle une école artistique complète, que cette école forma des élèves qui se répandirent dans toute la France, et qu'avant l’arrivée des peintres italiens et flamands, il existait chez nous des artistes, moins classiques sans doute que ceux-ci, mais plus originaux et plus réalistes. Et Bouchot eut alors cette joie rare de constater quil avait réussi à convertir le public à ses idées et à l'intéresser à des œuvres qu’on n’avait regardées jusque là qu'avec une indifférence un peu dédaigneuse, Cest que nul n avait comme lui le talent d'organiser une exposition : il était doué d’une divination extraordinaire pour découvrir dans les collections les plus cachées des pièces remarquables et, chose plus difficile encore, il savait décider les propriétaires à s’en dessaisir pour quelques mois. Il s’adressait à eux avec tant de simplicité, de bonhomie et de verve qu'ils n’o- saient repousser sa requête et que les plus récalcitrants, séduits par ses arguments, en venaient d'eux-mêmes à lui confier leurs trésors. Puis, pour installer les œuvres d'art à la place et dans la lumière qui leur convenait, pour présenter des catalogues à la fois instructifs et artistiques, même pour organiser dans la presse la réclame nécessaire au succès, il n'avait pas d’égal, [nfatigable, s’occupant des moindres détails, il ne voulait rien laisser au hasard et se dépensait sans compter, hélas! car il allait peu après payer de sa vie son inlassable dévouement. Mais, même, s'il avait pres- senti le sort qui l’attendait, Bouchot n’eût pas regretté ses efforts et se fût félicité des résultats ; sans parler d’une recette magnifique, son Exposition restera une date dans Lo AE au l'histoire de l’art français par les horizons nouveaux qu'elle a ouverts sur le passé. De plus, elle a enrichi notre patri- moine national d’un grand nombre de chefs-d’œuvre qui, par des dons d’une valeur de près d'un million ou des achats judicieux, entrèrent au Musée du Louvre. Quoique présentée dans un cadre plus modeste et orga- nisée avec de faibles ressources, l'Exposition rétrospective des Arts comtois occupa et intéressa passionnément Henri Bouchot. Dès le premier jour, il donna son adbésion entière à l’idée que lui soumit son ami, l'excellent peintre paysagiste Léon Boudot, de réunir à Besançon et de présenter au pu- blic les’ trésors artistiques conservés dans la province. Heureux de contribuer au renom de sa terre natale, il accepta la présidence du Comité qui se forma pour préparer cette exposition et fit tout pour en assurer le succès. Pen- dant les derniers mois qui précédèrent l'ouverture, presque chaque jour, il écrivait à l’un des organisateurs, prodiguant les conseils, indiquant les démarches utiles, faisant con- naître celles si nombreuses dont il voulut bien se charger lui-même pour décider les collectionneurs, intéresser les pouvoirs publics et stimuler les bonnes volontés. Le succès répondit à ses espérances. Quand il vint à Besançon le 30 juin dernier inaugurer lExposition rétros- pective, il fut tout étonné, lui qui savait mieux que personne les difficultés d’une pareille entreprise, de constater tout ce qu'avait pu faire une société provinciale. Sans doute il y avait quelques lacunes à cette Exposition : on n'avait pu, par exemple, découvrir aucune toile de ce Jean d’Arbois, peintre fameux au xive siècle à la cour de Bruxelles, dont les comptes avaient révélé l’existence, ni de Grabusset de Besançon, comtois qui se rendit célèbre au xv® siècle à Avignon. La sculpture du Moyen-Age était peu représentée, les tableaux exposés de quelques peintres modernes, comme Courbet et Gérôme, n'étaient pas ceux qui pouvaient donner le mieux l’idée de leur talent. Mais Bouchot savait A Re les multivles raisons, historiques, politiques ou personnelles de ces légères lacunes et, à ses veux, elles étaient largement compensées par la réunion de tous les chefs-d’œuvre que l’on voyait au Bâtiment des Musées. À elles seules disait-il à ses amis de Paris. la collection Pâris ou les tapisseries de Salins valent le voyage de Besançon, et nul de ceux qui le crurent sur parole — et ils furent nombreux — ne le re- gretta. Avec sa modestie coutumière, Bouchot n’oubliait qu'un point, c’est que sans son appui de chaque jour, sans ses indications précieuses et ses conseils, sans Pautorité que son nom seul donnait à l’entreprise, l'Exposition qui fit tant d'honneur à sa province natale n’eût pu avoir lieu. Mais il suffisait de son intervention pour assurer à une œuvre de ce genre un plein succès. La preuve en fut donnée une fois encore dans l'été de 1906 par l'Exposition des miniatures et estampes du xvirre siècle. Bouchot fut encore le grand organisateur de cette belle manifestation d'art qui réussit comme les précédentes. Ce fut une de ses dernières joies de constater que là encore il avait deviné les goûts du public qui se pressa en foule dans les salles de la Bibliothèque Nationale où étaient exposées de magnifiques estampes anglaises et françaises en cou- leurs. Dans des vitrines avaient été placées également de ravissants portraits en miniature de la seconde moitié du xvIue siècle et de époque napoléonienne. La veille même de sa mort, Bouchot tout plein de son sujet, nous parlait avec un enthousiasme communicatif des œuvres admirables en ce genre et trop peu connues des Augustin, des Isabey et François Dumont, dignes émules des Boucher, des Fra- gonard et des David. Cette exposition fut, comme celle des Primitifs, une véritable révélation. Son auteur était occupé à en faire connaitre les résultats remarquables dans une histoire de la miniature, à laquelle il mettait la dernière inain et qui parait actuellement par les soins de celle qui fut pour lui la plus digne et la plus éclairée des compagnes, quand Rene la mort vint le surprendre. Sur la table du cabinet de travail de Bouchot, une page inachevée du dernier chapitre, tracée le jour même de sa mort, reste l’éloquent et douloureux témoignage (l’une prodigieuse activité qui se refusait à tout repos 11 bas. * L'ÉRU Ce sont les expositions qu'il a organisées qui ont fait la réputation universelle d'Henri Bouchot. Mais ce sont là œuvres nécessairement éphémères dont le souvenir s’efface peu à peu, dès la dispersion des chefs-d’œuvre un instant rassemblés, Bouchot vivra davantage encore dans Pavenir par les ouvrages qu'il a publiés et qui porteront témoignage de l'extraordinaire fécondité de son esprit, de sa puissance de travail, de la diversité et de l'étendue de ses connais- sances. La seule énumération de ses travaux nous entrainerait trop loin et on en trouvera la liste détaillée à la suite de cette notice. D’autres plus compétents ont dit ou diront la valeur de tous ces livres et articles sortis de la plume d'Henri Bouchot et feront connaitre les progrès que par chacun d'eux il a fait faire aux études d'histoire et d’art. Qu'il nous suffise ici de donner une idée de la variété et de l'intérêt des sujets qu’il à traités, Son passage aux archives de Vitry-le-François fut l’occa- sion de ses premières études, et c’est à l’aide des documents qu’il découvrit dans ce dépôt, qn'il put faire revivre d’une plume alerte et spirituelle la société de cette petite ville au xvi® et xvII° siècles. Mais sa nomination à la Bibliothèque Nationale, au cabinet des Estampes, l’influence de ses chefs dans cet établissement, Delaborde et Duplessis, Pamenèrent à s'occuper ensuite de questions en rapport avec ses nou- velles fonctions. L'histoire du livre l’intéressa toujours pas- sionnément, si bien que, en 1886, quand la maison Quantin voulut publier un ouvrage sur ce sujet dans la Bibliothèque ES de l'Enseignement des Beaux Arts, elle ne crut mieux faire que de s’adresser à lui. Et, de fait, Le Livre d'Henri Bouchot est devenu un ouvrage classique, le premier manuel indis- pensable à quiconque veut avoir une idée d'ensemble un peu nette sur l’histoire et les procédés de l’imprimerie. L'Œuvre de Gutenberg, les études intitulées: La Lithogra- phie, De la reliure, Des livres modernes qu’il convient d'acquérir, Les livres à vignettes du XV° au XVIIe siècles, Les livres à vignettes du x1x° siècle, les Ex-libris furent le développement de quelques points qu’il n'avait pu traiter que superficiellement dans ce premier travail. Désireux de révéler à tous et de leur faire apprécier les merveilleuses richesses accumulées dans son dépôt, Bou- chot donna sous le nom Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, un guide précieux pour les érudits et les visiteurs. Des catalogues nombreux rédigés par lui tirent connaître d’une façon plus précise les Incunables xylo- graphiques, la Collection Gaignières, les Dessins relatifs à l’histoire du théâtre, les Portraits au crayon des XVe et X VIT siècles conservés à la Bibliothèque Nationale. D’autres publications, d’un caractère moins sévère, avaient pour objet de mettre à la portée du grand public le résultat de ses recherches personnelles sur le costume et la mode à travers les âges. C’est ainsi que Bouchot donna toute une série d'ouvrages fort documentés et merveilleusement 1llus- trés sur l'épopée du costume militaire français, Les femmes de Brantôme, Le luxe français sous l'Empire et la Restau- ration, Les élégances du second Empire. I devina lPintérêt que le public contemporain devait trouver dans cette résur- rection du passé, dans cette évocation de la vie intime Ge nos pères et de nos aïeules. En ce genre, son livre sur La toilette à la cour de Napoléon, d'après des documents iné- dits, peut dignement prendre place à côté des curieux ou- vrages de Frédéric Masson sur ce même sujet. La décou- verte d’un inventaire de chiffons et de quelques notes de couturiers suffisait à lui donner la matière d’un récit origi- _ginal et fort piquant. | - Ensuite, ce furent presque exclusivement les questions d'histoire de l’art qui passionnèrent Henri Bouchot. Déjà, il avait parlé en termes excellents du grand graveur lorrain Callot, et sa biographie de Clouet et de Corneille de Lyon, annonçait l’organisateur de l'Exposition des Primitifs. Cette exposition fut pour lui le point de départ de toute une série de livres et d'articles où il mit en œuvre tout son talent et toute sa science pour glorifier notre vieil art français et le défendre contre ses détracteurs. Bouchot aimait la lutte pour les belles et grandes causes, et, si tous ses adversaires ne furent pas convaincus par ses arguments, tous rendirent hommage à la sincérité de ses convictions et à son ardeur à soutenir les idées qui lui semblaient vraies. En quelques mois, trois éditions de son beau travail sur les Primitifs français furent épuisées et on assista alors à une belle joute scientifique entre lui et d’autres critiques d’art des plus répu- tés. À notre époque de scepticisme, n’était-ce pas un spec- tacle digne d’admiration, de voir des savants se passionner avec tant de chaleur pour un débat de pure érudition et renouveler sur des questions artistiques désintéressées la lutte épique qui mit jadis aux prises classiques et romaa- tiques? La raison en est que Bouchot appartenait à cette forte race des vieux Comtois qui ne veulent jamais s’avouer vaincus et qui jusqu’au dernier souffle veulent assurer le iriomphe de leur cause. Peu d'hommes du reste étaient aussi bien armés pour la lutte que Henri Bouchot. doué d’une mémoire prodigieuse, il semblait tout savoir et on ne le trouvait jamais à court d'arguments. Parmi ceux qui eurent affaire à lui, qui n'était surpris de l’entendre, sur quelque sujet d'art qu'on le ques- tionnât, apporter immédiatement une réponse précise, ap- puyée sur des faits abondants et des documents indiscu- tables ? ete Montaigne dit quelque part que la mémoire est une qualité plutôt fâcheuse pour un écrivain, et que ceux qui-en sont doués ne savent pas en général raconter des évènements avec simplicité ou développer clairement une idée: presque toujours ils se perdent dans une énumération fastidieuse des détails qui se présentent à leur esprit et ne savent plus dégager les faits essentiels. Bouchot sut éviter cet écueil où conduit parfois trop de science. Ses livres se lisent avec facilité et agrément: on v trouve sans doute beaucoup d’éru- dition mais toujours présentée sans pédantisme, et égayvée d’anecdotes piquantes et révélatrices qui instruisent en amusant. Le style souvent pittoresque et rehaussé d’expres- sions originales, est toujours alerte, sans prétentions, allant droit au but, comme celui d’un homme qui veut dire sans ambages sa pensée, sans se préoccuper des opinions ou de l’amour-propre dautrur. * ARE C'est toujours pour un écrivain une douce satisfaction que de répandre par le livre les idées qui lui sont chères et une Joie intense de voir triompher par ce moyen les. causes qui lui tiennent à cœur. Bouchot goûta souvent ce plaisir délicat et raffiné. Mais si on lui avait demandé pour lesquels de tous ces ouvrages il avait la prédilection la plus marquée, 1l eût répondu sans hésiter qu’il sacrifierait tous les autres à ceux qu'il a consacrés à sa chère Franche-Comté. Il aimait en effet sa belle province, de l'amour sincère et profond du fils qui chéril sa mère. Toutes les fois que l’occa- sion s’est offerte à lui d'en vanter les charmes, d'en célé- brer les grandeurs, d’en chanter les merveilles, il l’a saisie. Ecoutons en quels termes émus il le proclamait lui-même le 30 juin dernier dans son discours d’inauguration de l’expo- sition de Besançon, discours qui fut son chant du cygne: « Cette patrie comtoise, disait-il, ce coin de terre qui nous est cher à tous, mais qui double sa valeur par l'éloignement 2 VE lorsque nous le quittons par la force des choses, cette ma trie, pour dire le mot charmant imaginé par M. Beauquier, parce que matrie, c’est mère, je me suis donné la tâche de la révéler aux indifférents, d’en commenter les beautés, d’en célébrer les aspects splendides et variés. [l m'a paru que la saveur de son langage, que la rudesse même de ses mœurs avaient leur grandeur sereine et leur merveilleuse valeur dans le concert un peu mêlé qui produit l'harmonie fran- Gaise ». En s'exprimant ainsi, Bouchot pensait surtout au magni- fique ouvrage intitulé La Franche-Comté qu'il fit paraitre en 1890 à la librairie Plon, orné de superbes illustrations d'Eugène Sadoux. Dans ce livre, il s'était donné pour but. comme il le dit lui-même, de décrire « la physionomie mo- derne de la Franche-Comté, son âme actuelle lentement transformée, la résultante de son histoire et de sa consti- tution physique, son charme et sa beauté ». Il ne songeait nullement à faire œuvre savante et ajoutait même — trop modestement, — qu'il ne prétendait rien apprendre à ses compatriotes. Ge n’est pas pour eux qu'il écrivait, mais pour les gens du monde, pour les « amoureux d’air et de soleil », qui vont bien loin chercher de beaux spectacles, des sites enchanteurs et ignorent les trésors d’art et les merveilles de la nature qui sont à leur porte et qu’on rencontre en Comté plus que partout ailleurs en France. On a rappelé récemment que cet ouvrage qui eut un beau succès et qui dernièrement eut les honneurs d’une seconde édition, n'avait reçu qu'un médiocre accueil dans sa province natale. Quelques Comtois ont reproché à Bouchot le ton un peu badin avec lequel il parle de souvenirs ou de coutumes considérées dans le pays comme très respectables, l’indé- pendance de ses jugements parfois sévères à l’égard de cer- taines transformations modernes, les critiques en un moi qu’il adresse parfois aux hommes et aux choses de son pays. Mais lui-même répondait à ces objections, du reste cour- au ne toises, que ceux pour qui il a écrit son livre ne l’auraient pas lu, s’il avait fait œuvre d’érudit. Les gens du monde, à Paris surtout, où l’on brûle sa vie dans une agitation fié- vreuse, considèrent la lecture comme une simple distraction d'esprit, et, en dehors de quelques romans, bien rares sont les livres qu’ils consentent à ouvrir. [l est nécessare de les amuser, et, pour y parvenir, il faut raconter des anec- dotes, égaver le récit de réflexions piquantes, ne Jamais prendre un ton dogmatique, et, si l’on veut cependant faire de la science, l’insinuer toujours sous une forme aimable et telle que le lecteur ne s’en doute pas. À notre avis Bouchot a parfaitement réussi dans cette tâche, et son mérite est d'autant plus grand que son chauvinisme comtois et sa science profonde la lui rendaient plus difficile qu'à tout autre. On a lu son livre, on le lit encore, et un grand nombre de personnes lui doivent la révélation de notre Comté. C'est un plaisir très vif de suivre Bouchot, guide si ins- truit, si agréable et si séduisant dans ses excursions au travers de la province. Le touriste admire d’abord avec lui Besançon, si pittoresquement situé, et, s’il regrette avec l’auteur que les rues commencent à s’y aligner au cordeau, que les vieilles maisons disparaissent, qu'on ne rencontre plus les vieux vignerons du temps jadis, en un mot que la banalité de la vie provinciale ait déjà remplacé en beaucoup de points l’originalité d’autrefois, il découvre encore assez de curieux monuments et d’artistiques souvenirs du passé pour goûter à cette visite le plus réel agrément. Puis l’en- chantement nait et grandit à chaque pas en remontant les rives du Doubs, pour atteindre après le merveilleux décor des bassins la chute sublime, ou en remontant celles de la Loue à la source majestueuse, à la vallée féerique, ou bien encore celles du Lison « petite personne pressée » qui court au grand galop rejoindre la Loue « sa gentille fiancée qui l'attend là-bas pour l’épouser ». | ; À la suite de Bouchot on escalade ensuite les croupes ro- pou cheuses du Jura, on s'arrête à toutes ces jolies villes, Arbois, Polignv, Saint-Claude, Lons-le-Saunier, où chaque pierre est évocatrice de lointains et historiques souvenirs, on voit se succéder les paysages les plus variés, moins grandioses peut-être, mais aussi moins écrasants et plus discrets que ceux voisins de la Suisse, paysages dont en tous cas les agences et la civilisation cosmopolite n’ont pas encore gâté le charme plein de mystère. Enfin ce sont des promenades plus faciles dans la Haute-Saône « la Touraine et le Berry de Ja Comté », la terre de cultures grasses, de forêts et de prés, terre pommelée de collines qui annoncent les Vosges, traversées de rivières calmes, telles que la Saôre et l'Ognon. Et Bouchot termine ce livre, qui est tout entier un hymne enthousiaste en l’honneur de sa chère patrie, par un appel au patriotisme de ses habitants : la Comté a perdu ses deux sœurs germaines, la Lorraine et l'Alsace; comme ces fa- milles où la mort a frappé deux fois, elle doit faire bonne garde pour empêcher l’envahisseur qui la guette, après l'avoir foulée et meurtrie tant de fois, de venir à nouveau y semer la désolation et la mort. Si l’ouvrage sur la Franche-Comté était destiné à ins- truire ceux qui ignorent les beautés de notre province, c’est aux Comtois par contre que s'adresse presque exclusi- vement Bouchot dans ses Contes franc-comtois. Dans ce petit livre exquis, ce sont les souvenirs de sa jeunesse qu'il a voulu faire revivre, les souvenirs du monde où il a vécu les vingt premières années de sa vie, monde de paysans « dont il ne rougit pas d’être », ou de petits bourgeois de la ville. Les personnages qu’il met en scène sont ceux qu'il a connus, et bien souvent les anecdotes qu'il raconte ont une base récile. Celles-ci sont en général d’une grande simpli- cité, comme les mœurs même qu'il voulait peindre : « Les gens du pays, dit-il, ne sont point comédiens vivant de pâtés de carton et de poulardes peintes ; ils mangent beau- coup et du bon, parlent peu, mais de leur mieux, et pleurent Er. où rient large... ils n'ont point de sentiments compliqués ni d’aperçus grandioses sur les mondes ; ils ne conçoivent ni les théories de linfini, ni celles des microbes ; ils vont entre le ciel et la terre bonnassement, regardant pousser leurs herbages et leurs vignes e hiver, battant en grange l’été, sans grand souci du reste. » Les faits qui servent de trame aux récits de Bouchot sont en apparence des plus banals. Chelidoine n’est que l’histoire d’une petite Pari- sienne de dix ans, « maigriotte, pâlotte, avec de grands yeux bleus qui lui faisaient le tour de la tête », que sa mère en- voie passer ses vacances à la campagne pour lui donner un teint plus frais et une santé plus vigoureuse. Et l'enfant, qui a toujours vécu enfermée à Paris, s'émerveille à chaque pas de ce qu’elle voit et pose des questions d’une naïveté charmante sur la vie paysanne. La Gusline est une jeune servante que les deux garçons de 15 à 14 ans de la maison où elle sert veulent éblouir par leurs prouesses de gamins ; Rosa la Rose montre un paresseux à qui ses parents, mo- destes cultivateurs, ont voulu faire donner une éducation classique et que son diplôme de bachelier n'empêche pas, après mille avatars, de finir dans la peau d’un décrotteur alcoolique. L’Allée des Noyers, un véritable petit chef- d'œuvre tout plein de sentiment et de passion délicate, ra- conte les suites navrantes de l’orgueil d’un père, proprié- taire cossu, qui refuse sa fille à un humble ouvrier carrier qu'elle aime pour la donner à un douanier brutal et ivrogne mais qui a une «fonction d'état » On devine les suites de ce mariage « de raison ». Le gabelou abandonne le domicile conjugal après avoir mangé la dot de sa femme et l'avoir réduite à la misère, et la pauvre fémme, avec ses petits, est . trop heureuse d’être recueillie par son ancien amoureux qui, par son énergie et son travail, a conquis l’aisance. Toutes ces histoires, on le voit, n’ont rien d’extraordi- naire et lä vie de chaque jour nous en fait connaître de sem- blables, Mais le mérite de Bouchot à été précisément de NS AE savoir écrire autour de ces faits si simples des récits pleins de fraîcheur et de grâce. Il a notamment un talent tout particulier à décrire les paysages au milieu desquels il fait évoluer ses héros, et le peintre le plus habile ne saurait mieux en rendre les multiples aspects. De plus, nulle part ailleurs, on ne peut trouver un tableau plus exact et mieux brossé de la vie des paysans comtois, dont Bouchot avait observé avec une rare perspicacité les caractères et les habi- tudes : avec lui on suit les laboureurs et les vignerons dans leurs rudes travaux champêtres, on les accompagne les jours de repos à la chasse ou à la pêche, on assiste à leurs longues veillées d'hiver où les vieux font des « racontotes » d'une folle gaieté, où évoquent les mélancoliques souvenirs du passé. Peu de livres permettent de pénétrer aussi avant dans l'intimité villageoise de la Comté, d'autant que l’auteur, dédaignant, dit-il, « la langue française à perruque du con- questeur de la Franche-Comté », parle le langage habituel à ces rudes travailleurs et ne recule pas devant leurs expres- sions les plus familières. Aussi ne s’étonne-t-on point que ce soit là le premier ouvrage dont les Comtois conseillent la lecture aux étrangers qui viennent s’établir dans leur pro- vince. Ajoutons — qualité rare dans un recueil de contes con- temporains, — que ce livre peut être mis dans toutes les mains et que l’enfant le lit avec autant de plaisir que l'homme fait. Bouchot ne comprenait pas le besoin qu'éprouvent les écrivains et les romanciers modernes à ne peindre que des aventures grivoises ou des mœurs de décadence. Il voulait bien être naturaliste, et l'était autant que quiconque, mais il pensait qu’il y a assez de belles et bonnes choses dans la nature sans qu'il soit besoin d'aller rôder ou tournailler comme les corbeaux ou les gros insectes noirs autour des scènes malodorantes ou répugnantes. L'Académie française a voulu reconnaître ce mérite, en même temps que les autres qualités de l’auteur, en lui décernant en 1889 l’un de JD 22-00 — ses prix annuels, et voici en quels termes son rapporteur, Camille Doucet, jugeait les Contes franc-comtois : « Ecrit à la fois avec fermeté et avec grâce disait-il, cet aimable re- cueil de récits touchants et variés joint le charme d’une forme heureuse à l’honnêteté des sentiments les plus dé- licats. » : Les occupations professionnelles et les études scienti- fiques de Bouchot ne lui laissèrent pas assez de loisirs pour cultiver ce genre de littérature où pourtant il excellait. Il trouva cependant encore une distraction à ses travaux par- fois arides, en écrivant en 1889 un roman politique atta- chant dont l’action se déroule également en Comté, et qui est intitulé Au plus offrant. C'était au moment de la crise boulangiste. Bouchot a voulu opposer les sereines et pures joies que la science donne à ceux qui la cultivent aux mé- comptes et aux compromissions auxquelles conduit si sou- vent la politique. Bouchot était d’une nature trop sentimentale et expansive pour n’être pas entrainé parfois à cultiver la poésie. Dans son âge mür, les leçons de son ancien professeur, l’abbé Louis Pioche, lui-même versificateur de ménte, lui revinrent à la mémoire. Et naturellement ce fut encore son pays natal qu'il voulut chanter. Eloigné de sa chère Comté, «paysan com- tois perdu avec tant d’autres entre la Seine et le boulevard», il Composa ses Gaudes en souvenir du pays et il voulut les écrire dans le «bon vieux patois sans façon » de ses com- patriotes. Il avait entendu maintes fois dans son enfance les vieux Noëls comtois du P. Prost et de l’imprimeur Gau- thier, pieusement transmis depuis plusieurs siècles par les générations, et il avait assisté à cette si originale représen- tation de la Crèche, que chaque année les Bisontins vont applaudir avec un plaisir toujours nouveau. Il s’essaya à imiter ces charmantes et naïves poésies et ses compatriotes sont unanimes à reconnaître que nul n’y a mieux réussi. Dans les Gaudes, les paysans que Bouchot met en scène 5 = OT == exaltent naturellement leur terroir. Paris n’est rien à côté de Besançon et les « bés monsieus » de la capitale sont in- férieurs à tous points de vue aux gens de « chû nous », qui se lavent dans de la belle eau claire et non dans de l’eau de Seine, qui pêchent des truites dans leurs rivières, boivent du bon vin et mangent de savoureuses gaudes. Leur langage même est autrement pittoresque que celui qu'ont codifié MM. Noël et Chapsal. Vivent les gens de Besançon Parlant français à leur façon En causant à grand bouche ouverte. Les mots se valent après tout ; L’as fiche les messieurs de goût Qui font : Pouih! de la langue verte. Il faut laisser les beaux pékins Se bouliguer tout à leur aise Et farfouiller dans les bouquins, Pour y causer à la française. Pour nous nous ne chauchons pas tant À rechigner les gens de lettre, Parlons le français de Battant, Ma fi! C’est le meilleur peut-être. Il faut être comtois pour saisir toute la finesse et l’à propos de ces poésies en patois de Bouchot pour découvrir de quelle minutieuse étude, de quelle pénétrante observation elles sont le fruit. Un fait que tous peuvent cependant constater, c’est le franc succès qu’elles obtiennent toutes les fois que l'on lit l’une d’elles en public, en Comté (1). Nous ne pouvons nous rappeler sans émotion qu’il y a quelques mois à peine (1) « Les chansons franc-comtoises avaient créé une telle réputation à Bouchot, nous écrit M. E. Courbet, que Marquiset voulait lur offrir son siège de député se disant sûr de son élection. Elles ont valu à l’auteur plusieurs invitations aux déjeuners du dimanche de l'Elysée où elles furent très goûtées, (sous la présidence du comtois Jules Grévy) ». — 00 — Bouchot, dans un diner d’amis à Torpes. nous lisait une de ces poésies avec son mâle et chaud accent, et que son « gouri » exCitait un fou rire chez tous les convives. C'est que nul n’était au même degré que Bouchot l'héritier intel- lectuel des « bousbots » de jadis, le petit fils de l’immortel Barbisier, qui, avec lillustre Jacquemard, est resté la per- sonnification la plus populaire des vignerons narquois et bons enfants qui peuplaient jadis la contrée. Ce n’est pas là toute l’œuvre comtoise de Bouchot. Pour être complet, il faudrait parler de tous ces articles si nom- breux qu'il a semés dans tant de revues, de périodiques et de journaux et dont le sujet est relatif à notre province, mais cela nous entraînerait trop loin. C’est ainsi que par exemple il a consacré de savantes notices à Pasteur, à Jean Gigoux et à beaucoup d’autres encore de nos célébrités locales. Il a été, avec l'habile dessinateur Louis Androt, le dernier édi- teur de La Crèche et a fait précéder ce petit drame populaire d’une préface humoristique fort spirituelle. Il à publié un Armorial de d'Hozier relatif à la Comté et à la Bourgogne : cette année même dans une grande revue d'art parisienne il faisait connaître au public nos riches collections bison- tines et notamment cette collection Pâris devenue aujourd’hui célèbre, grâce à lui, dans tout le monde artistique. Un des plus vifs désirs de Bouchot aurait été de voir la Franche-Comté dotée d’une revue littéraire, artistique et mondaine analogue à celles qui existent dans tant d’autres provinces de France. Aussi fonda-t-il en 1883 avec son ami, M. Alf. Vernier, la Revue franc-comtoise éditée à Dole : il la dirigea ensuite pendant près de six ans, fournissant chaque mois un article, une causerie sur les sujets les plus variés et les plus intéressants. Diverses circonstances amenèrent en 1889 la cessation de cette revue, dont la collection reste fort précieuse à consulter, et forme, avec les Annales franc-com- toises qui la continuèrent de 1889 à 1905 — quoique dans un autre esprit et sous une direction indépendante, — un ensem- Dore ble qui fait honneur à l’érudition et à l'esprit comtois. Les mêmes motifs amenèrent également Bouchot à donner son appui et à apporter sa collaboration active au petit journal Les Gaudes qui depuis bientôt 20 ans soutient avec persévé- rance le bon combat en faveur des traditions du pays et tra- vaille à répandre le goût de notre histoire et de notre littéra- ture provinciales. Henri Bouchot était toujours prêt à soutenir par la plume l'honneur et les intérêts de la Comté, mais, quand cela était nécessaire, 1l ne refusait pas également de payer de sa per- sonne. Les Comtois qui venaient le trouver à Paris étaient sûrs de trouver près de lui l'accueil le plus cordial et l’aide la plus efficace : qu'il nous suffise pour preuve de citer le nom de notre éminent confrère, le regretté Georges Riat, dont il fit son collaborateur au cabinet des Estampes, et pour qui il eut Jusqu'au dernier jour des attentions quasi pater- nelles. [l savait mieux que personne les difficultés et parfois les misères qui assaillent les jeunes gens au début de leur carrière : surtoutil avait souffert à son arrivée à Paris du terrible isolement où se trouvent les provinciaux qui croient qu'ils pourront trouver dans la capitale une situation meilleure que dans leur pays. Il conçut donc le projet avec ses amis, Ulysse Robert, Henri Chapoy et Ernest Courbet, de fonder une association qui servirait de point de ralliement aux Com- tois établis à Paris : telle fut l’origine de l’Association des (raudes créée en 1881 et aujourd’hui si prospère. A l'heure actuelle, grâce à cette heureuse initiative, les jeunes gens de notre pays, que leurs études ou d’autres circonstances amè- nent à Paris, sont assurés de trouver dans cette association — ou dans les associations similaires fondées à son exemple — un foyer protecteur, une nouvelle famille prête à les accueil- ir, à les aider, au besoin même à les secourir. Enfin n'oublions pas qu’en ces derniers temps, alors qu'il était comblé d’honneurs, que la croix de la Légion d'hon- neur venait de récompenser ses longs et distingués ser- D 0 0 _ vices (1), que sa nomination à l’Institut en faisait un des plus hauts dignitaires de notre démocratie, n’oublions pas dis-je, que c’est son pays natal que Bouchot voulut faire profiter tout le premier de la légitime part d'influence qu'il avait acquise. [l accepta il y a deux ans d'être délégué par le gouvernement pour venir inaugurer l'exposition de pendules qui rappelait la vieille gloire horlogère de Besançon, et il est inutile de rappeler ici la part prépondérante qu'il prit à l’organisation de la dernière exposition rétrospective com- toise et aux fêtes qui l’accompagnèrent. Bouchot profita même de cette dernière circonstance pour venir passer toutes ses vacances au milieu de ses compa- triotes. Comme si un secret pressentiment l’avertissait de sa fin prochaine, il alla s'installer quelques semaines à Beure, dans son pays natal, et voulut revoir tous les lieux qu'il avait quittés depuis sa jeunesse, et qui lui avaient laissé tant de souvenirs. Ajoutons que laccueil qu’il reçut à Besançon et dans toute la Franche-Comté le toucha pro- fondément et si ce séjour parmi nous fut la dernière de ses joies, elle lui fut bien douce. Dans les derniers jours de sa vie, il en évoquait sans cesse le souvenir, avec une vive émotion, et répétait volontiers qu'il viendrait l’année pro- chaine passer à nouveau ses vacances au milieu de ses chers comtois. La mort stupide à dissipé ce beau rêve... Du moins son souvenir restera vivant et cher parmi ses compatriotes. Son nom, honoré par tout le monde savant, sera conservé d’une façon plus intime encore dans la Comté, où il aurait voulu vivre, où il eût désiré dormir son dernier sommeil si les circonstances l’avaient permis, car nul n’a dit avec plus de chaleur les liens de tendre affection qui (1) I fut décoré chevalier de la Légion d'honneur en 1900, comme membre du jury de l'Exposition Universelle. ee AE l’'unissaient à ce « doulcet païs préféré », nul n’a témoigné plus d'amour à son pays natal. x FAUNXC Bouchot fut un littérateur de premier ordre, un artiste fin et averti, un comtois épris de sa petite patrie, mais il fut mieux encore ; ses amis si nombreux ne nous pardonneraient pas si nous ne disions quelques mots pour terminer, des charmantes qualités de l’homme. Sans doute il est des souvenirs précieux et bien doux dont il faut réserver l’évo- cation à sa chère famille et à ceux qui l’ont connu dans l’inti- mité ; ce serait les prolaner que de les livrer à la curiosité pu- blique. De ce nombre sont les sentiments exquis qui ont dicté sa conduite dans la vie privée; une sœur ne peut se rappe- _ler sans larmes les soins dont 1l a entouré son enfance et adouci les derniers instants d’une mère adorée pour qui l’exis- tence matérielle avait été rude. En 1885, Henri Bouchot épousa Mie Claire Chevalier et l’on peut dire que rarement union provoquée par la seule affinité des sentiments et des goûts a été plus heureuse. Sa veuve, si cruellement éprouvée au- jourd’hui, ne nous permettrait pas de dire quelle part consi- dérable lui revient dans l’œuvre de son mari, dont elle fut depuis le premier jusqu’au dernier jour la conseillère tou- Jours écoutée, l’amie la plus dévouée, mais aussi la plus dis- crête. Deux enfants vinrent resserrer encore les tendres liens qui les unissaient ; 1ls savent de quelle affection profonde et éclairée il les entourait, celui qui se faisait une si haute idée de ses devoirs de chef de famille et écrivait dans un de ses livres cette pensée touchante: « Ah les enfants, comme ils vous font voir autrement le monde, comme ils vous ras- seoient et vous grandissent ! » | Il fallait voir Bouchot pendant ses vacances, dans sa petite maison de campagne de Saint-Leu-Taverny, à quelques pas de la belle forêt de Montmorency, heureux de vivre quelques ro Jours uniquement pour les siens, redevenant volontiers en- fant lui-même pour partager les distractions et les jeux de son fils et de sa fillette. Avant de les quitter, il a pu du moins se rendre compte qu'ils seraient dignes de lui et de son ad- mirable compagne. Son fils reçu à l'Ecole des Chartes en 1905 lui a prouvé par ses premiers succès que le nom honoré qu'il lui laissait serait dignement porté et lui a donné l’espé- rance que la belle tâche scientifique qu'il avait entreprise au- rait en lui un continuateur. Une délicieuse fillette, dont le sourire et les grâces naissantes, jointes à lintelligence la plus fine et la plus éveillée, faisaient sa joie et son orgueil, reste également la consolation de sa mère et l'ange de ce foyer si cruellement frappé. | Mais ce que l’on peut dire, ce que l’on doit dire, c’est quil fut rarement donné à un homme d’inspirer des sympathies aussi vives et aussi sincères que celles qu’inspira Bouchot. On le vit bien au lendemain de sa mort par les manifestations émues qui éclatèrent de toutes parts, à lannonce de cette nouvelle si inattendue et si foudroyante. Tous les grands journaux de Paris consacrèrent à Bouchot les articles nécro- logiques les plus élogieux : tous, en louant l’érudit et l’écri- vain, voulurent en même temps rendre hommage à son af- fabilité, à sa courtoisie, à sa bonté inlassable. Nous ne pou- vons mieux faire ici que d’en donner pour preuve ce portrait si ému et si vrai paru dans le Figaro du 12 octobre sous la plume d’un de nos plus distingués critiques, M. Arsène Alexandre : « Un colosse, un bon colosse à la belle mine et à la belle humeur, à la poignée de main loyale et large, au franc rire, aux manières aisées et pleines de bonne grâce. Un érudit qui ne faisait point d’étalage de son érudition, mais qui sem: blait au contraire se livrer à une sorte de sport intellectuel dont il faisait littéralement partager l'attrait au public. Un fonctionnaire qui n’était nullement « administratif », mais qui abattait d'autant plus de besogne qu'il y mettait moins ge nu de formes surannées et de formalités gênantes, Un brave homme, un esprit vraiment moderne parce quil connais- sait bien et avait bien compris le passé. Enfin une figure française, sympathique et cordiale entre toutes, où la jolie franchise des allures et du langage se relevait de distinction ‘véritable... » C'était un Français dans le sens le plus large du mot et rien de ce qui était français ne lui était étranger. Je ne sau-. rais faire de meilleur éloge de lui et qui lui aurait plu da- vantage. » Et à Besançon et dans toute la Comté, ce fut un véritable deuil quand on apprit que Bouchot n’était plus. Les témoi- gnages les plus touchants vinrent aussitôt prouver à sa veuve et à ses enfants combien il était estimé et aimé dans son pays natal. À côté des témoignages officiels de la Municipa- lité de Besançon, saluant la mémoire d’un illustre enfant de la Comté, tous ceux qui connaissaient Bouchot voulurent dire leurs regrets d’une telle perte. Une messe de Re- quiem, organisée dans l’église de Saint-Ferjeux avec le con- cours du vénérable pasteur de cette paroisse, ancien maitre de Bouchot, réunit une affluence nombreuse et recueillie. Pen /apres une, souscription, ouverte pour élever sur la tombe de notre regretté compatriote au cimetière Montpar- nasse, à Paris, un monument destiné à conserver son souvenir, et pour placer son buste à Besançon, reçut en quelques jours un accueil qui dépassa de beaucoup les espérances des organisateurs. Les Français ont la réputation de vite oublier ceux qui ne sont plus ; il semble qu'il n’en sera pas ainsi pour Bouchot, qui vivra par son œuvre sCcien- tifique, qui vivra encore davantage dans la mémoire de ceux qui l’ont connu parce qu’il fut un homme bon et loyal et un noble caractère. En re BIBLIOGRAPEANE Il a déjà paru dans le journal les Gaudes (n° du 1er août 1906) et dans le Bulletin de l’Académie des Sciences, Belles- Lettres et Arts de Besancon (4° trimestre 1906, p. 377 et suiv.) une bibliographie méthodique de l’œuvre de Henri Bouchot, dressée sous sa direction par l’un de ses collabo- rateurs aux Estampes, le regretté Georges Riat. Nous avons cru utile de donner 1c1 une bibliographie chronologique, qui donnera une idée de la prodigieuse activité intellectuelle de H. Bouchot. Aux livres signalés par M. Riat, nous avons joint l’indication des articles les plus importants publiés par notre savant confrère dans les grandes revues françaises et étrangères. Collaboration à : Hozier Charles d’). Armorial général de France. Dijon, 1875, 3 tomes en 2 vol. in-8. I. Franche-Comté. IT-TIT. Généralité de Bourgogne. La Société à Vitry-le-François aux xvIIe et XVIIIe siècles, par le marquis de la Mothe (Hector Bonhuy, [Henri Bouchot}). Vitry-le-François, Pessez, 1878. In-8°, 154 p. Le procès de Madame Duplessis. (A propos de Joseph Balsa- mo, d'A. Dumas). Vitry-le-François. In-4%°, 1878 (6 exemplaires). Les Idées de Monsieur Vincent, histoire d’il y a deux siècles, à propos d’un discours d'hier. Vitry-le-François, Pessez, 1879. In-18, 13 p. AE de Les artistes de la Marne au Salon de 1880. Vitry-le-François, Pessez, 1880. In-80, 13 p. Lettres sur l'Histoire du Perthois (xive siècle). Vitry-le-François, Pessez, 1880. In-8°, 36 p. Mandrin en Bourgogne, décembre 1754, d’après un mémoire inédit. Paris, Picard, 1881. In-8, 32 p. Edition de : Les Sept discours touchant les Femmes Galantes de Brantôme. Paris, 1882. 3 vol. in-1l6. Les Gaudes ; poésies patoises. Besançon, Marion, Morel et Cie, 1883. In-16, XVI-124 p.; dessin de Jean Gigoux. . Revue Franc-Comtoise. Dole et Lons-le-Saunier. 1883-1889. 7 vol. in-8° (Direction). Pasteur : L'Homme, par Henri Bouchot ; Le Savant, par le Dr Léon Chapoy. Dole, Vernier-Arcelin, 1883. In-80, 2% p., portrait. Jean Gigoux, peintre d'histoire, en collaboration avec divers. Dole, Vernier-Arcelin, 188%, in 4, portrait par Bonnat. Les Portraits aux crayons des xvie et xvire siècles, conser- vés à la Bibliothèque Nationale (1525-1646). Paris, Oudin, 1884. Gr. in-80, 412 p. et2 pl Le portrait de Louis, duc d'Orléans, d’après André Thevet Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1885, XLVI p. 721-722. Notice sur la vie et les travaux d’Etienne Martellange, archi- Ne tecte des Jésuites (1569-1641), suivie du catalogue de ses des- sins précédemment attribués à François Stella. Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1886. In-&, 54 p. (Extr. de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1886, t. XLVITI. p. 17-52, 208- 225.) Le Livre, l'Ilustration, la Reliure, étude historique sommaire. Paris, Quantin, 1886. In-8°, 520 p.et fig. (Bibliothèque de l'Ensei- gnement des Beaux-Arts.) Dictionnaire des Marques et Monogrammes des Graveurs, par Georges Duplessis et Henri Bouchot. Paris, Rouam, 1886. In-8, VIII-325 p. (Guides du Collectionneur.) Le Canon de Ligny, suivi de Maigre Echine, le fou Roland, l’'Eclair, la Fusillée. Paris, Lecène et Oudin, 1886. In-8o, 71 p., fig. Nouvelles éditions en 1887, 1888, 1889, 1892. Le portrait de Louis II d'Anjou, roi de Sicile, à la Bibliothè- que nationale. Paris, A. Lévy, 1886. In-4, 10 p. et 2 pl. Marie-Louise et Prudhon. Les Lettres et les Arts. août 1886. Mœurs et coutumes de la France. La Famille d'autrefois : le Mariage, la Naissance, la Mort. Paris, Lecène et Oudin, 1887. In-%, 324 p. et fig. The Printed Book, ist. history illustration and adornment, from the days of Gutenberg to the present times... translated and enlarged by E. C. Bigmore. London, H. Grevel, 1887. In-80, VIIT-312 p. et fig. L'œuvre de Gutenberg, l'imprimerie, lillustration. Paris, Lecène et Oudin, 1887. In-8°, 240 p. et fig. Nouvelles éditions en 1888 et 1889, Inventaire des dessins et estampes relatifs au département de l’Aisne, recueillis et légués à la Bibliothèque Nationale par M. Edouard Fleury. Paris, Hachette, 1887. In-8, IV-335 p. Pan. Histoire anecdotique des métiers avant 1789. Paris, Lecène et Oudin, 1887. In-8, 159 p. et fig. Nouvelles éditions en 1888 et 1892, Les portraits peints de Charles VII et d'Anne de Bretagne à la Bibliothèque Nationale. Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1887. In-8e, 2 pl. (Extr. de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1887, t. XLVIITI, p. 580-581. Contes franc-comtois. Dole, Vernier-Arcelin, 1887. In-16, 378 p. ; dessin d'Albert Edelfelt. — Nouvelle édition en 1907 avec trois dessins et un portrait. Préface de : Feuvrier (Julien). Le Gollège de l'Arc, à Dole. Dole, 1887. In-18. Le portrait peint en France au xXvr° siècle. Gazette des Beaux-Arts (2 période), 1887, XXXVI, p. 108-124, 218- 296, 464-477. Marie-Antoinette et ses peintres. Les Lettres et les Arts, janvier 1887. La Tapisserie de la chaste Suzanne. Revue des Arts décoratifs, août 1887. Choses de duel. Les Lettres et les Arts, octobre 1887. Les reliures d’art à la Bibliothèque Nationale. Quatre-vingts planches reproduites d’après les originaux par Aron frères. Paris, E. Rouveyre, 1888. Gr. in-8°, 51-XXII p., front. gravé, pl. Quelques Dames du xvi° siècle et leurs peintres. Paris, Société de propagation des Livres d'Art, 1888. In-fol., 56 p. et 16 pl. | Charles VIII et Anne de Bretagne, portraits peints inconnus à la Bibliothèque Nationale. Paris, A. Lévy, 1888. In-4°, 8 p. et pl. L'histoire par les éventails populaires. Les Lettres elles Arts, 1888. Me, Les Gaudes. Besançon, Gariage, 1888-1905. 19 vol. in-4° (Collaboration). Jacques Callot, sa vie, son œuvre et ses continuateurs. Paris, Hachette, 1889. In-16, 240 p., port. et fig. Cent modèles d’orfèvrerie française des xvI° et xvire siècles, exécutés par les orfèvres--sculpteurs royaux Nicolas de Launay, J. Jacques Roëttiers, Thomas Germain, François-Thomas Ger- main, et reproduits d’après les dessins originaux de la Biblio- thèque Nationale. Préface et Catalogue. Paris, Rouveyre, 1889. In-fol. IV p. et 60 pl. Récits vrais de vies fausses, Au plus offrant. Paris, Dentu, 1889. In-18, 347 p. Barbisier décoré ; pièce en 2 actes, en patois bisontin. Besançon, imp. Dodivers, 1889. In-12, 22 p. Franklin à Passy (1777-1785). Les Lettres et les Arts, février 1889. e Mademoiselle Truchot, mercière. Paris Illustré, n° 61, 2 mars 1889. La reconstitution historique dans les œuvres décoratives. Revue des Arts décoratifs, avril 1889. Louis XVI artisan. Les Lettres et les Arts, mai 1889. La décoration du livre à l'Exposition de 1889. Revue des Arts décoratifs, novembre et décembre 1889. La Franche-Comté ; illustrations par Eugène Sadoux. Paris, Plon, 1890. In-fol., IV-455 p. et 46 pl. Deuxième édition popu- laire, Paris, Plon, 1904. Les Femmes de Brantôme. Paris, Quantin, 1890. [In-fol., 290 p. et 30 pl, fig. PR le paies Les Ex-Libris et les marques de possession du livre. Paris, Rouveyre, 1890. In-16, 104 p., lg. Préface de : Le Journal, par Clovis Hugues. Paris, 1890. [n-8e (Sociélé Artistique du Livre illustré. Paris vivant). Jean Foucquet. Gazette des Beaux-Arts, 3e période, 1890. IV, p. 273-981 et 416-426. La Veuve d'Ulysse, illustrations de Kaemmerer. Figaro illustré, juin 1890. Les livres à vignettes du xv° au xvirr siècle. L'histoire et l’art dans le livre, idée d’une collection documentaire, moyens d'y parvenir. Paris, Rouveyre, 1891. In-18, 94 p. et fig. Les livres à vignettes du xIx° siècle. Du classique et du ro- mantique, le livre à vignettes sous Louis-Philippe, sous le se- cond Empire et de 1870 à 1880. Paris, Rouveyre, 1891. In-18. De la reliure, exemples à imiter ou à rejeter. L'art du siècle, de l’habillement du livre, ses qualités et sa décoration. Paris, Rouveyre, 1891. In-16, 9% p., front. grav. pl. (Bibliothèque des Connaissances utiles aux Amis des Livres.) Des livres modernes qu’il convient d'acquérir. L'Art et l’En- gouement, la bibliofolie contemporaine, les procédés de déco- ‘ration. Paris, Rouveyre, 1891. In-18, 100 p. et fig. (Bibliothèque des Con- naissances utiles aux Amis des Livres.) Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières et conservés aux Départements des Estampes et des Manuscrits. Paris, Plon, 1891. 2 vol. in-8. Le Livre Rouge de l'Hôtel de Ville de Saint-Quentin, publié avec une préface de M. Henri Martin, de l’Académie française, par Henri Bouchot et Emmanuel Lemaire. Saint-Quentin, Poette, 1891 Gr.in-4%0, CX-481 p., facs,. 2m SO —— Histoire du bailliage de Vitry-le-François. Extrait de la Revue de Champagne et de Brie. In-8o, 1891. Les Clouet et Corneille de Lyon, d’après des documents inédits. Paris, librairie de l'Art, 1892. Gr. in-80, 62 p., fig. (Les Artistes cé- lèbres). Le Portrait miniature en France. Gazelte des Beaux-Arts, 3e période, 1892, VIIT, p. 115-128, 400-413 ; 1893, X, p 399-415 ; 1894, XI, p. 237-252, 311-326, XII, p. 475-484; 1895, XIII, p. 237-246. XIV, p. 139-148. Note sur le portrait de Molière possédé par le duc d’Aumale. Gazette des Beaux-Arts, æ période, 1892, VIIL, p. 514-515. La préparation et la publication d’un livre illustré au xvre siè- cle (1573-1598). Bibliothèque de l’École des Chartes, 1892, LIIT, p. 612-693. Paris en février 1814, illustrations d’Opitz. Figaro illustré, mars 1892. Le Temple en 1792. Figaro illustré, septembre 1892. Le luxe français. L'Empire. Illustration documentaire d’après les originaux de l’époque. Paris, Librairie illustrée, 1893. Gr. in-&, 324 p., pl. et fig. Le luxe français. La Restauration. Paris, Librairie illustrée, 189. Gr. in-80. Les Salons de 1893. Gazette des Beaux-Arts, 3° période, 1893, IX, p. 441-483, X, p. 95- 45, 106-121. Exposition des portraits des écrivains et journalistes du siècle. Gazette des Beaux-Arts, 3 période, 1893, X, p. 202-2922. | Luxes mondains de la Restauration. Le bal romantique de la duchesse de Berry. La Vie contemporaine, 15 février 1893. ol Le bal de M. de Rothschild. La Vie contemporaine, 9 février-ler juin 1893. Luxes mondains. Deux fêtes costumées à la cour de Prusse. La Vie contemporaine, 15 août 1893. Marie-Antoinette était-elle jolie ? La Vie contemporaine, 1 octobre 1893. _ Jeux de France et Sports anglais. Figaro illustré, septembre 1893. Le masque de César. La Vie contemporaine, 1° février 189%, Le Vieux théâtre. Figaro illustré, juin 1894. Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, guide du lecteur et du visiteur, catalogue général et raisonné des collections qui y sont conservées. Paris, Dentu, 1895. In-8°, XXIV-392 p. La Lithographie. Paris, Librairies-Imprimeries réunies, 1895. [n-8v, 296 p. et fig. (Bi- bliothèque de l'Enseignement des Beaux-Arts.) La Toilette à la Cour de Napoléon, chiffons et politiques de grandes dames (1810-1815), d’après des documents inédits. Paris, Librairie illustrée, 1895. [n-8, XII-267 p. Le Cabinet des Estampes de Paris. Le Monde moderne, mai 1895. Catalogue des dessins relatifs à l’histoire du théâtre, conser- vés au Département des Estampes de la Bibliothèque Natio- nale, avec la description d’estampes rares sur le même sujet, récemment acquises par M. Destailleur. Paris, 189,6. ‘In-®&, 82 p. | — 89 — Du ton supérieur et des élégances chez la Française. — Les dames féodales. — Les grandes bourgeoises. — Les « hon- nestes » et les . ligueuses ». — Les précieuses. La Vie contemporaine, 15 février, 1° mars, 1-15 mai 1896, Les Elégances du second Empire. Paris, Librairie illustrée, 1896. In-16, X VIL-253 p.et 48 pl. (Plusieurs chapitres ont été publiés dans la Vie contemporaine de 1892 à 189% Baudouin, peintre religieux. Gazette des Beaux-Arts, 3° période, 1897, XVIE, p. 391-401, XV£IE, p. 69-77. Charges d’Horace Vernet, d’après ses confrères de l’Institut. Gazette des Beaux-Arts, 3 période, 1897, XVIIL, p. 393-408. Le Maître aux Ardents. Revue de l’Art ancien et moderne, t. IT, 1897, 2, p. 247-250, Portrait de Jean Cossa, avec insignes de l’ordre du Croissant. Bulletin de la Société des Antiquaires, 1897, p. 186. Les « petites mains » de marquises au XVIrr siècle. Figaro illustré, août 1897, L’'Epopée du costume militaire français. Aquarelles et des- sins originaux de Job. Paris, May, 1898. In-fol. X-299 p. Nouvelle édition, Paris, Gaillard, 4906. Une artiste française pendant l’émigration. Mme Vigée Lebrun. Revue de l'Art ancien et moderne, t. Il, 1893, I, p. 51-62, 219-230. Les dessins du Musée de Chantilly. Revue de l'Art ancien et moderne, t. IE, 1898, I, p. 345-352. Les Salons de 1898. Le Correspondant, 10 mai 1898. p. 559-570. Catherine de Médicis. Paris, Boussod, Manzi, Joyant, 1899. In-fol., 181 p. et 49 pl. one Boilly. Revue de l'Art ancien et moderne, t. V. 1899, I, p. 338-343. Un portrait de François Clouet à Bergame. Revue de l’Art ancien et moderne, t. V, 1899, I, p. 55-60. La Sibylle Sambeth de Bruges. Revue de l’Art ancien et moderne, t. V, 1899, I, p. 441-450. Deux épreuves de la « Petite Tombe » de Rembrandt au Ca- binet des Estampes de Paris. Gazette des Beaux-Arts, 3° période, 1899, XXII, p. 381-389, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Pièces choiï- sies de l'Ecole française, Paris. Matteraz, 1900, album in-fol. La Femme de Jean Van Eyck à l’Académie de Bruges. Revue de l'Art ancien et moderne, t. VIT, 1900, I, p. 405-408. M. Georges Duplessis, membre de l’Institut, Conservateur des Estampes à la Bibliothèque Nationale, 1834-1899. Paris, Lahure, 190). In-8°, 48 p. et portr. Dalle tumulaire de Blanche de Popincourt. Bull. de la Société des Antiquaires, 1900, p. 263. Paris révolutionnaire, par Alexandre-Oct. Bérard. La Conven- tion. Paris, 1901. In &°. (Les Arts sous la Convention, par Henri Bouchot,. Préface de : Iconographie du costume militaire de la Révolu- tion et de l’Empire, par Sauzey. Paris, 1901. In-16. Notice sur Ch. Monginot dans : Catalogue des peintures et pastels par feu Ch. Monginot. Paris, 4904. In-8o. Notes de critique iconographique. Le prétendu graveur ita- lien Gasparo Reverdino. Gazette des Beaux-Arts, & période, 1901, XX VI, p. 102-108, 229-258. — L'Art dans la décoration du diplôme, recueil de 104 docu- ments modernes. Paris, H. Laurens, 1901. In-fol., VIIL p., 32 pl. La Femme anglaise et ses peintres. Paris, Librairie de l'art ancien et moderne, 1991. In-4. (Extrait de la Revue de l'Art ancien et moderne, t. X, 1991, IE, p. 145-162, 225-240, 293-318, 401-410 ; t. XI. 1902, I, p. 17-33, 97-112, 155-170, 228-246 ; t. XII, 1902, II, p. 117-134, 195-210.) Les Salons de 1901. La gravure. R Revue de l’Art ancien et moderne, t. IX, 1901, I, 427-436. Artistes contemporains. Evart Van Muyden, peintre-graveur. Revue de l’Art ancien et moderne, t. IX, 1901, 1, p. 183-192. Carnavals romantiques. Figaro illustré, février 1901. Anniversaire du roi de Hollande. Le Figaro, 2% juillet 1901. Un ancêtre de la gravure sur bois, étude sur un xylographe gravé en Bourgogne vers 1370. Paris, E. Lévy, 1902. Gr. in-4°, XIT-131 p., fig. et pl. Trésors des Bibliothèques ; ivoires des reliures. Les Arts, n° 3, avril 1902. Les Femmes de Henri VIII. Les Arts, décembre 1902. L’Exposition de la gravure sur bois. L'Art, no 751, mai 1902. À l’Exposition de la gravure sur bois. Le « Bois Protat »- Gazette des Beaux-Arts, 3° période, 1902, XXVI, p. 395-397. Les deux cents Incunables xylographiques du Département des Estampes. Origines dela gravure sur bois, les Précurseurs, les Papiers, les Indulgences, les « Grandes pièces > des Cabi- roue nets d'Europe, Catalogue raisonné des Fsampes sur bois et sur métai du Cabinet de Paris. Paris, E. Lévy, 1903. Gr. in-4, XI-260 p. et 1 vol. de pl. gr. in-fol. Le livre d'heures de Marguerite de Rohan, comtesse d'Angou- lème, étude historique et critique. Paris, Leclerc, 1903. In-&, 27 p. et pl. Adolphe Ardail. Revue de l'Art ancien et moderne, t. XIV, 1905, IT, p. 285-288. Un « Ouvraige de Lombardie », à propos d'un récent livre de M. le prince d’Esling. Revue de l'Art ancien et moderne, t. XIV, 1905, IL, p. 417-427, 477-490, La Collection Dutuit. Les Estampes. Gazelte des Beaux Arts, 3° période, 1903, XXIX, p. 396-406. Les Portraits de Louis XI. Gazette des Beaux-Arts, 3° période, 1903, XXIX, p. 213-227 L Exposition des Primitifs français. De quelques portraits cu peintre Jean Fouquet, aujourd’hui perdus. Revue de l'Art ancien et moderne, 1. XIII, 1908, I, p. 1-22. A Newly discovered pack of Lyonnese play ing Cards. Burlington Magazine, London, May 1905. La Mode sous la Restauration. — La mode sous le second Empire. — La mode sous la troisième République. Dans Paris de 1800 à 1900, Plon, 1904. Gr. in-8, Quelques estampes primitives de la région de Douai (Extrait des Mémoires du Centenaire des Antiquaires de France). Paris, 190%. In-4°. Catalogue de l'Exposition des Primitifs français (Peinture). Paris, 1904. In-80, 3 éditions. Les Primitifs français. Paris, Librairie de l’art ancien et moderne, 1904. In-&, 3 éditions. Exposition des Primitifs français. Paris, Léviy, 1904. In-fol., 100 pl. QUE L’Exposition des Primitifs français. Avant-propos. Gazelte des Beaux-Arts, 3 période, 190%, XXXI, p. 265-274. L’Exposition des Primitifs français. Revue des Deux-Mondes, 5° période, t. XX, 190%, p. 420-443, Les Primitifs français. Le Figaro illustré, avril 1904. Les Primitifs français. Le « Parement de Naïbonne » (1374). — Le peintre Jean d'Orléans à Paris. Gazette des Beaux-Arts, 3 période, 1904, XX XI, p. 5-26. Uri Tableau capital de l'Ecole française à retrouver. — Appel aux amateurs et aux conservateurs de Musées. Gazelte des Beaux-Arts, 3° période, 190%, XXXI, p. 441-450. Les Primitifs français. Un dernier mot. Revue de l'Art ancien et moderne, t. XVI, 1904, IL, p. 169-178. Nos Musées en France. Revue de l’Art ancien et moderne, t. XVI, 1904, I, p. 5-14. Les Primitifs français. Quelques œuvres parisiennes du xIve siècle et le portrait de Jean le Bon (1350). L'Art, n°773, 1905. Notice sur la vie et les œuvres de M. Corroyer, membre de l’Institut. Paris, imp. de Didot, 1905. In-4°. Debucourt (Collection des Artistes célèbres). Paris, librairie de l’Art, 1905. In-4°. L'Exposition de Van Eyck à Gand. L’Art et les Artistes, n° 12, 1905. I Primitivi francesi. Estratto dell’ Arte, Roma, 1905. Iu-4°. La Lithographie. Le Figaro illustré, août 1905. LrrQrves L’Avenir de la Bibhothèque Nationale. Le Figaro, 13 septembre 1905. Collection A. Beurdeley. Préface. Paris, 1905. Gr. in-#0. Les Très riches Heures du duc de Berry. Revue de lV’Art ancien et moderne, t. XVIL, 1905, I, p. 213-216, Le Retable de Boulbon au Louvre. L'Art et les Artistes, n 8, 1905. Les graveurs Demarteau, Gilles et Antoine (1722-1809), d’a- près des documents inédits. Revue de l'Art ancien et moderne, t. XVIIE, 1905, If, p. 97-112. La « Pieta » de Villeneuve-lès-Avignon. Musées et Monuments de France, n° 1, janvier 1906. Fragonard et l'architecte Pâris. À propos de l’Exposition ré- trospective de Besançon. Revue de l’Art ancien et moderne, t. XIX, 1906, LI, p. 203-216. L'Exposition de la Bibliothèque Nationale. Le Figaro, 7 mai 1906. Catalogue de l'Exposition rétrospective des Arts en Franche- Comté, Juillet-août 1906 (Préface). Besançon, Dodivers, 1906. In-18. Catalogue de l'Exposition du xviri® siècle à la Bibliothèque Nationale en 1906. Paris, Lévy, 1906. In-8. L’Exposition du xvrrt siècle à la Bibliothèque Nationale; les” miniatures. L'Art et les artistes, n° 14, 1906. La Miniature française. Paris, Goupil, 1907. Gr. in-#. QR Les Grandes Institutions de la France. La Bibliothèque Na- tionale, t. I. Le Département des Estampes. Paris, Laurens, 1907. In-8°. H. Bouchot a encore collaboré à un grand nombre de pério- diques. Citons notamment : Les Lettres et les Arts, le Gour- rier de l'Art, le Courrier des Bibliothèques, le Magasin pit- toresque, le Monde moderne, la Semaine illustrée, le Harpers Magazine, la Saturday Review, la Zeitschrift fur bildende Kunst, le Burlington Magazine, le Vervielfältigende Kunst der Gegenwart, etc., etc. Il est aussi l’auteur des articles concernant les graveurs parus dans la Grande Encyclopédie (lettre A). On trouve encore des études signées de son nom dans un certain nombre de journaux, le Gaulois, le Figaro, l’'Éclair de Paris, la Dépêche républicaine, le Petit Comtois et l'Eclair comtois de Besançon, ete., etc. NOTICE SUR F.-J. BAILLY, BOTANISTE Par M. le Dr Ant. MAGNIN PRÉSIDENT ANNUEL Séance du 28 avril 1906. Dans le cours de nos recherches sur les botanistes franc- comtois et particuliérement bisontins, j'avais rencontré le nom de BAILLY, d’abord dans une citation de Thurmann (1), puis dans des notices consacrées à un pharmacien militaire de Besançon, F.-J. Baillv, dues à Weiss, Laurens et Guyé- tant, et parues dans la biographie Michaud, les publications de l’Académie de Besançon, de la Société d'agriculture du Doubs, l'Annuaire du Doubs et la Société d'Emulation du Jura ; mais ces notices ne donnent que des renseignements très incomplets sur les recherches scientifiques de notre compatriote. Le travail de M. Max Prinet « Souvenirs et anecdotes de J. Bailly », publié à la fin de 1904, vint me rappeler ce per- sonnage et me donna l’occasion, — en compulsant à mon tour les manuscrits de Bailly conservés dans notre Biblio- thèque municipale, d’où M. Prinet avait su extraire de si intéressants fragments, — d'y découvrir les traces des (1) Phytostatique du Jura, t I, p. 12, 273 ; il n'est pas du tout cer- tain que ce soit.le même personnage ! —— O0 observations botaniques faites par Bailly dans les environs de Besançon et dans le cours de ses diverses campagnes Remarquons d’abord qu'aucune des notices consacrées à Bailly ne fait allusion à des recherches de botanique propre- ment dite ; on signale bien des recherches agronomiques sur la Culture du lin, sur le Froment locular, publiées dans la Société d'agriculture du Doubs, ou celles restées manus- erites comme une Notice sur Le vignoble de Besançon, mais nulle part on ne considère Bailly comme botaniste. M. Pri- net lui-même ne cite pas les notes de botanique que ren- ferme le dossier Bailly : « La Bibliothèque de Besançon, dit- il, conserve de Bailly de nombreuses notes de géographie, | d'histoire, de physique, de chimie, prises au cours de ses lectures, et des recettes de pharmacie » ; il convient, connme on va le voir, d'ajouter les mots : «et de nombreuses notes de botanique » et de compléter lénumération qu'il donne des manuscrits inédits conservés à la Bibliothèque en y ajoutant les suivants que nous avons trouvés dans le même dossier. Mais auparavant il est utile de dire quelques mots de la vie de Baillv, dont 1l n'a pas encore été question dans les Mémoires de notre Société ; il est nécessaire d’en rap- peler les principales étapes pour mettre à leur place les observations botaniques que notre compatriote a faites à différentes époques et dans les diverses contrées où Pont envoyé ses fonctions de pharmacien militaire. | François-Joseph BaILLy est né à Besançon le 27 juin 1779: il fut dès l’âge de 14 ans (1793), employé à la pharmacie de l'hôpital Saint-Jacques ; en 1794, il est élève pharmacien mi- litaire à armée du Rhin; il fait sa première campagne en Suisse en 1798 ; nous le trouvons l’année suivante (1799), élève chez un pharmacien de Paris, et c'est là qu'il fait con- naissance de savants tels que Chaptal, Parmentier, qui ouvrent son esprit aux sciences d'observation, et de l’explo- rateur Levaillant, qui lui donne le goût des voyages ; il 2 OÙ obtint alors (1801) de prendre part à expédition d'Egypte et, n'ayant pu s’y rendre, d’être (en 1803) attaché à l'expédition de Saint-Domingue ; il en revint en 1804 pour faire partie, à Boulogne, de l’armée des côtes (1804-1805) ; il fait ensuite, en qualité de pharmacien aide-major, puis de pharmacien inajor, les campagnes d'Allemagne et de Russie, de 1806 à 1813, et rentre à Besançon en 1814; il y occupe, de 1814 à 1823, les fonctions d’aide-major à hôpital Saint-Jacques ; il quitte encore Besançon pour prendre part, en qualité de pharmacien principal, à la campagne d'Espagne (de mars 1893 au commencement de 1824); il est occupé quelque temps aux hôpitaux de Toulouse (1824). puis de Saint-Omer (1825) et enfin reprend, en 1825, son poste à Besançon, qu'il ne quitte plus jusqu’à sa mort, arrivée le 13 décembre 1832. Ainsi que le dit avec beaucoup de justesse M. Prinet, € Bailly avait l'esprit curieux ;... ses opuscules révèlent une puissante faculté d'observation... et dans ses narrations, on peut lui reconnaître un certain talent descriptif. » Mais dans cette étude, nous laisserons de côté le narra- _ teur, l’homme de cœur et de dévouement, le philanthrope, dont les auteurs précédemment cités, notamment M. Prinet, ont parlé avec une abondance suffisante, pour nous occuper seulement du botaniste. Rappelons d’abord que dans les œuvres publiées de Bailly on ne trouve pas d'observations botaniques proprement dites. Citons cependant, pour mémoire, les essais suivants qui touchent par quelque côté à la science des végétaux. Essai sur la culture du lin, publié dans les Mémoires de la Société d'agriculture du Doubs, 1824-95, p. 28. Mémoire sur le froment locular (id, 1827-28, p. 82 et 206); le riz. sec de la montagne, Triticum monococcum, où l'emploi des Triticum æstivum, Poa pratensis, ete (CE msc. !) Il en est de même pour ses Souvenirs de voyages ou No- tices, publiés dans l'Académie de Besançon, qui compren- nent : Souventrs d'un voyage à Grenade en Espagne (Acad. de Besançon, 25 août 1831, p. 256-276). Notice sur l'Ile de Saint-Domingue (id., 28 janvier 1832, p. 6-24). Burgos et la Vieille-Castille, souvenirs de 1893 id., 16 février 1832, p. 86-105). Valence et ses environs, excursions sur les côtes orien- tales de l'Espagne (id., 24 août 1832, p. 13-31) Ces notices ne renferment aucun renseignement sur la flore du pays, seulement quelques considérations sur les cultures, bien que, comme nous allons le voir, Bailly ait souvent relevé, dans le cours de ses voyages, les noms des plantes qu’il rencontrait. Ce n’est que dans les liasses de manuscrits conservés à la Bibliothèque qu’on trouve des notes concernant ses obser- vations botaniques ; elles comprennent, énumérés par ordre de dates, les documents suivants : 19 Notes sur les plantes observées dans les environs de Besançon, du 12 février au 4 août 1892 ; 20 Liste des plantes observées en Espagne en 1893 et notes diverses sur la flore d'Espagne ; 30 Enumération des plantes observées aux environs de Saint-Uiner en 1825. On peut encore y ajouter : 4° Quelques mots sur la végétation et les cultures dans la Notice sur l’Ile de Saint-Domingue (1803), rédigée en 1892 D° La description des jardins et des serres d’une villa des A: Sa environs de Hambourg, dans Souvenirs des bords de l’Elbe (cahier 2, p. 5, 6, 7). * *X Les premières de ces observations sont les plus intéres- santes et pour nous Bisontins et aussi pour le naturaliste ; elles signalent les plantes observées par Bailly dans les environs de notre ville et dans quelques autres localités du Doubs au far et à mesure de leur floraison ; cette énumé- ration fournit donc à la fois un aperçu de la végétation locale et des renseignements phénologiques, c’est-à-dire les dates de floraison en cette année 1822. Voici la reproduction des premières lignes, qui donneront une idée de ce document : | 12 février: Chamars: Bellis perennis, Lamium purpureum. 143 — St-Claude: Alsine media, Thlaspi Bursa-pastoris, ; Senecio vulgaris. 14 — Route de Beure: Helleborus viridis (). 15 — Beauregard : lianunculus vernus @) ; Tussilago farfara. 16 — St-Claude : Corylus Avellana. 18 —- Tarragnoz : Potentilla reptans, Orobus vernus. 19 — Bastions : Glechoma hederacea. 26 — Fontaine-Acut: Veronica agrestis (3). Et ainsi de suite, presque chaque jour, ou tous les 2 à 3 jours, pour les mois de février, mars, avril, mai, juin et juillet de 1822, | Il faut reconnaître que la plupart de ces plantes sont des vulgarités et n’ont, par elles-mêmes, aucun intérêt ; quelques- unes sont inexactement nommées (4); d’autres sont des (4) C’est évidemment l'A. fœtidus L, (2) Peut-être Potentilla verna ? (3) Voy. Appendice A. (4) Telles sont : Helleborus viridis, Ran. vernus, Potent. aurea, Erica vagans, Cerastium latifolium, Adiant Capillus- Veneris ,Hierac. amplexicaule, Rununc. montanus, etc. #04 — plantes observées dans les jardins et les cultures ; on doit cependant faire exception pour les indications suivantes plus intéressantes : Corydalis bulbosa, à Saint-Claude, le 1°° mai ; Leucoium vernum, au Trou d’Enfer, le 4 mars, dans la localité où on le trouve encore de nos jours : Daphne Mezereum, à Saint-Claude, en mars ; Pulmonaria angustifolia, P. officinalis, Cardamine pe- traea (1), le 13 mars, au Trou d’Enfer ; D. Laureola, Narcissus pseudo-Narcissus, au bois de Peu, le 44 mars, localité bien connue des botanistes ; Hyacinthus racemosus, 17 mars, Monthoucons ; Tulipa silvestris, 26 mars, Fontaine-Ecu. Ranunculus auricomus, Cer. Mahaleb, Ribes alpinum, Asplenium GCeterach, le 11 avril, à Chaudane; le Dentaria pentaphylla, le 14. Globularia vulgaris, le 7 mai, au bois de Peu; Sanicula europœu, 11 mai, bois d’Ecole ; Orchis maculata, Thalictrum aquilegifolium, Ornithoga- Lum pyrenaicum, Lithospermum officinale, Valeriana offi- cinalis, Scabiosa Columburia, Melittis Melissophyllum, Mus- cari comosum, Lychnis silvestris, Epipactis ovata, Lilium Martagon, Campanula persicifolia, Linum catharticum, Saxifraga Gotyledon (2), le 20 mai, au bois de Peu; toutes ces indications sont bien exactes et vérifiées encore de nos jours ; etc. On remarquera que les nombreuses promenades, presque journalières, de Bailly, le conduisent souvent dans la même localité ; on le voit, en effet : Au Trou d’Enfer, le 4, le 7 et le 13 mars ; Au bois de Peu, le 14 mars, le 7 et le 20 mai; etc. (1) Probablement Arabis arenosa SE (2) Saxifraga aizoon. JOURS Citons encore les herborisations à Grandfontaine, le 26 mai, — à Montfaucon, le 30 mai, — à Montferrand, les 8 juin et 28 juillet, — et enfin un voyage de plusieurs jours (30 juin, er juillet et jours suivants) en Suisse, par Valdahon, Fuans, le Saut du-Doubs, le mont Genevreys, Saint-Sulpice, etc., qui lui donna l’occasion d'observer les plantes suivantes de la région montagnarde: Gentiana cruciata el luteu, Vera- trum album, Digitalis grandiflora, Sambucus racemosa, Ca- calia alpina, Centaurea montana, Gnaphalium dioicum, Seabiosa silvatica, Senecio nemorensis, Atropa Belladonna, Serapias IHelleborine(), etc. Les dernières dates mentionnées sont: 14 août 1822 (Saint- Claude) et 25 février 1823 (Chamars),. _ Les énumérations des plantes récoltées au Trou d’Enfer, au bois de Peu, à Chaudane, à Grandfontaine, à Montfaucon, donnent une idée assez exacte de la flore de ces localités. * K Les observations botaniques faites en Espagne sont consi- gnées dans plusieurs documents, notamment : 10 Une liste alphabétique des plantes trouvées en Espagne pendant la campagne de 1895, Cette liste énumère 112 es- pèces, avec des dénominations quelquefois fantaisistes et des indications de localités vagues ou trop générales ; en voici, comme exemple, les premières lignes : Asphodelus pyrenaicus. — Somo Sierra. Adonis apennina. — Pyrénées. Adianthum reniforme. — Castille nouv. (Madrid, jard. bot.). Aquilegia vulgaris. — Somo Sierra. Astragalus hypoglottis. - Baylen. Anchusa italica. — Sierra Morena. (1) Voyez Appendice A. EL (9B Asparagus aculeatus. - Andujar (Andalousie). Arbutus unedo. — Roy. de Valence. Etc. (@) La plupart de ces espèces se retrouvent indiquées de la même manière sur des fiches alphabéliques contenant aussi d’autres indications de plantes et de localités et qui paraissent copiées dans la Floru espanola de QUER Y MARTINEZ (1762- 1784, 6 vol.); voy. plus loin, n° 6. Cette liste soumise à l’examen de notre ami, lé D' Edm. Bonnet, du Museum de Paris, ne lui a paru renfermer aucun document véritablement intéressant pour la flore espagnole ; beaucoup de ces plantes sont des espèces vulgaires, ubi- quistes ; d’autres ont des dénominations douteuses ou certai- nement inexactes ; plusieurs sont des plantes cultivées dans les jardins, par exemple le Jardin botanique de Madrid comme l’auteur l’a du reste indiqué lui-même. Un petit cahier in-#° renferme les autres documents suivants : 20 Arbres et arbustes qui se trouvent dans le jardin d’Aranjuez et dans presque tous les jardins royaux. C'est une liste alphabétique de 94 espèces (ou variétés) depuis Æsculus Paviu flava, jusqu’à Viburnum lantana. 30 Autres plantes trouvées sur ma route de Bayonne? à Madrid. Madrid. — Bupleurum fruticosum, Lavatera, Chenopo- dium ambrosioides, Thlaspi villosa, Centaurea salamantica, Cobea, Cistus ladanum, CG. laurifolius, GC. guttatus, Paeomia, Ancolie, Orchis odorata, Catananche cœrulea, Scilla peru- viana, Stæchas. Dans les monts des Pyrénées: Fritillaria meleagris, Men- ziezia polifolia, Daphne cneorum, Adonis apennina, Cheli- donium corniculatum. (1) Voy. Appendice B. oo St-Jean de Luz, bords de la mer : Ulva intestinalis. Somo Sierra : Echium plantagineum (indiqué en Italie). Jardin de la Reine, au Retiro, à Madrid : Dictame de Crète. Jurdin botanique de Madrid. Adiantum reniforme. On peut faire sur cette énumération les mêmes observa- tions que pour le n° 1. 40 Notes sur des plantes récoltées les 1, 2, 3, 6 novembre. 50 Notes prises dans le cabinet d'histoire naturelle (Oiseaux, Minéraux, etc.). 6° Notes sur des plantes d'Espagne (prises dans la Flora española de Quer y Martinez); Bailly fait justement la cita- tion suivante: « Flore espagnole par Joseph QUER, chirur- gien du roi, 1762 » ! Ce sont des extraits de cette flore, allant de À à C [Cam- panula) . | 10 Route de Madrid en Andalousie (1) Enumération d’une trentaine de plantes, les unes déterminées, les autres non, avec quelques localités ; pour plusieurs :l n’est pas possible de savoir quelles ‘espèces Bailly avait en vue; beaucoup sont des vulgarités ; quelques-unes, comme Teucriurn sp1- nosum, Peganum Hurmala sont cependant des plantes inté- ressantes, indiquées par les floristes espagnols, dans l’Es- pagne centrale, orientale et australe. Bailly termine ainsi: «Ces plantes que j'avais trouvées sur ma route de Madrid en Andalousie ont été vérifiées par moi dans l’herbier de Don Francisco de Molina, pharmacien à Baylen » (2). 80 (Plantes cultivées vues à St-Omer). 9o (Liste de plante précédée des mots): « M. Vincent : Liste de 41 des plantes d’Espagne. » (1) D’après ses notes de voyage, Bailly avait quitté Madrid le 29 juillet 1825. * (2) Les 8 et 9 août 1823, d'après ses notes de voyage ; voy. Appendice GC. 7 œ 40° Notes de botanique écrites, en abrégé, sur un petit carnet de poche; probablement en cours de route; plantes de Somo Sierra, etc.; Madrid... : ce sont les mêmes que celles énumérées dans le document n° 3. Ces notes incomplètes sont loin d’avoir l'importance des observations faites à la même époque et dans des circons- tances analogues, — singulière coïncidence, — par un col- lègue de Bailly à l'armée d'Espagne, le Dijonnais Toussaint Poignant; on doit à ce pharmacien militaire des observa- tions botaniques et des récoltes de plantes d’un réel intérêt, d’après la notice que lui a consacrée M. Viallannes (1). * * + S1 Bailly ne paraît pas avoir eu des connaissances très éten- dues en botanique, il sut cependant observer, saisir en véri- table naturaliste les caractères des paysages des contrées qu'il traversait et les décrire avec exactitude et non sans charme, Les extraits suivants de ses notices en fournissent la preuve et complèteront le portrait que nous avons essayé de tracer de notre compatriote. x * La famille des palmiers se fait d’abord remarquer par ses tiges élégantes et nobles, par son feuillage gracieux et aérien: les cocotiers rapprochés de la côte inclinent vers les flots leurs mâtures chargées d'énormes fruits; le latanier étale ses branches en éventail sur la lisière des forêts, et le superbe palmiste balance son panache découpé sur la cime des coteaux. Le bananier entoure les habitations; il les couvre de ses feuilles gigantesques; ses grappes de bananes remplacent les (1) Toussaint Poignant, né à Longeault (Côte-d'Or) en 1799, mort à Dijon en 1878, voy. notice par À, Viallannes, dans Bull. Soc. bot. France, t. 29 [1882], p. Lvrl. =209 céréales pour le créole américain, comme dans les Aldées du Gange et sous l'abri misérable du Fellah des bords du Nil (No- tice sur St-Domingue, p. 9). Indépendamment de la belle rade du Cap-Français, la côte du nord, favorable aux atterrages par la profondeur de ses eaux, possède encore le port du môle St-Nicolas, le plus sûr et le plus vaste des Antilles; malheureusement le pays qui l’en- toure est d'une stérilité affreuse; Îe sol aride et inégal n’offre pour toute végétation que le caprier sauvage et la pudibonde sensitive qui semble fuir dans ce désert les attouchements des hommes; de loin en loin on voit un cierge épineux dont les branches disposées en candélabres sont chargées de fruits mielleux, difficiles à cueillir; et quelques nopals abandonnés rappellent le souvenir d’un homme de bien qui sacrifia sa for- tune et sa vie pour naturaliser la cochenille dans les colonies françaises. Les essais de M. Thierry de Menouville n’ont point eu de résultats positifs ; il mourut à la peine; il n’en a pas moins bien mérité de son pays (Notice sur St-Domingue, p. 12-13). Lorsqu'on parcourt les bords de l’Yuna, on croit voir les forêts de l'Amérique méridionale dans toute leur majesté primitive. Il existe sur le sol de cette vallée et les collines qui la do- minent, un luxe et un désordre de végétation qui dépassent tout ce que l’imagination peut inventer. Parmi les arbres nou- veaux qui s’y présentent à nos yeux, se trouve le bois de fer qui fournit le tomawhack à l'Indien, le gommier dans lequel il se creuse un canot; et tandis que le figuier maudit dessine des arceaux gothiques, lacajou gracieux, chargé de girandoles de fleurs purpurines, entouré de guirlandes par les lianes qui des- cendent de sa cime, semble décoré pour une fête, et le bois de campêche offre un ombrage délicieux sous un feuillage parfamé d’une odeur de girofle (Notice sur St-Domingue, p. 21 29). En sortant des montagnes, on franchit la Gubillas, fraiche et — 100 — limpide rivière qui porte son tribut au Xénil. Ses bords sont couverts de Nerium que nous nommons laurier-rose, arbuste dangereux et perfide : nos soldats, séduits par ses belles fleurs, en couvrent leurs casques, en portent des branches à la bouche ; ils sont bientôt saisis de vertiges; plusieurs chevaux périssent pour avoir mangé son feuillage vénéneux (Notice sur Grenade, p- 259). En suivant le cours de ce fleuve, chanté par tous les roman- ciers, on arrive au charmant bois de Rome, où rien n’indique l'emplacement des Alicarès, château de plaisance des rois maures, mais où l’on est.transporté d’admiration en voyant la diversité et la beauté des végétaux qui s’y trouvent réunis des régions les plus opposées, Le bouleau de Sibérie, le chêne gaulois, le peuplier d’ftalie croissent auprès du platane académique, du mûrier de l'Orient, et du sumac, arbuste précieux pour la préparation du maro- quin. Un cyprès pyramidal indique de loin en loin la tombe d’un Abencérage; l’élégant palmier élève sa tète au-dessus des groupes de lauriers-roses, de jasmins, de grenadiers et de myrtes. On y rencontre aussi les restes de ces vieux ifs qui fournissaient autrefois des arcs renommés aux archers de la Grande-Bretagne, taxi torquentur in arcus Q). De distance en distance, les nopals épineux, les feuilles acérées de l’aloës forment des enclos où l’on ne peut pénétrer que par une étroite ouverture. Un sentier tortueux vous conduit à une modeste habitation, à travers les pastèques, les melons, les pommes d'amour et les tiges de piment (Notice sur Grenade, PEN27)E Ce sont les Huertas; c’est une forêt de mûriers, d’orangers, d’oliviers et de caroubiers, qui entoure plusieurs beaux villages, de jolies métairies et quelques somptueux couvents: ces bos- quets protègent contre la chaleur les nombreux produits de (4) Georg. Liv. IL, vers. 448. — AO — l’horticulture valencienne. Le reste de la plaine est occupé par un terrain marécageux de 30 à 40.000 journaux plantés en rizières; c’est une conquête de l’agriculture sur le lac d’Albu- féra, dont le nom est devenu le titre glorieux d’une illustre famille française (Notice sur Burgos, p. 16). On ne trouverait nulle part un exemple de fécondité pareille à celle des Huertas; le sol est couvert de toute espèce de lé- gumes, de chanvre, de lin, de plantes fourragères ; aussi les ré- coltes se succèdent d’un bout de l’année à l’autre ; on y recueille des feuilles de mürier pour les vers à soie, des caroubes pour les chevaux, des oranges dorées, d'énormes grappes de rai- sins, des olives, des figues et des dattes (7d. p. 18). Cette chaîne élevée dépend des monts Albaracin, antique Jdu- _bida qui séparait autrefois les Celtibériens des redoutables Car- pétans. Depuis Valence jusqu’à Gibraltar, cette cordillière pro- jette de nombreuses ramifications dirigées vers la mer, en for- mant plusieurs promontoires très avancés. Ces appendices ou contreforts présentent, dans leur contex- ture géognostique, des caractères qui leur sont particuliers. Il parait que le sol de cette partie de l'Espagne avait déjà subi de grands bouleversements avant de s'élever en arêtes au-dessus de la surface du globe: le système des couches successives était remplacé par un mélange de blocs de granit, de marbre, d’albâtre, entrecoupés de veines métalliques, de fragments calcaires, de dépôts marneux et autres; plus tard, les pierres tendres se sont désuries et décomposées par l’effet des eaux et des vents; elles se sont abaissées jusque dans la mer, dont elles ont diminué le fond en plusieurs endroits ; elles out aussi formé ces bassins et ces vallées fertiles et déli- cieuses qu'on rencontre dans ce labyrinthe de rochers arides. Les parties dures, au contraire, ont résisté aux agents de des- truction_et ont conservé leurs formes primitives. Une origine aussi désordonnée peut seule expliquer la cons- truction étrange et pseudomorphique des montagnes de ces contrées ;, il n’est plus question de sinuosités onduleuses, creu- sées par les courants; il n’existe plus de rapport entre les — 102 — angles saillants et les rentrants, plus d’homogénéité dans les couches placées en regard; ce sort des abîmes entourés de murailles à pic, des crevasses dirigées dans tous les sens, des solutions de continuité dans les contreforts; enfin un mélange de reliefs et de cavités dont on aurait quelque idée en se repré- sentant une masse irrégulière de sels au dernier terme de cris- tallisation, ou mieux une pièce de métal sortant d’une matrice bizarre et amorphe (Zd. p. 22-93). Lorsqu'on a dépassé Burgos, l'aspect de la contrée devient encore plus triste. Cette terre élevée, dépourvue de forêts, est exposée à des vents violents qri laissent à découvert des banes immenses de rochers ; on traverse deux à trois bourgs et quel- ques villages, dans lesquels la vie est si peu active qu’on les croirait inhabités, si on ne rencontrait de temps en temps un oisif enveloppé dans un long manteau, un moine quêteur ou un chevrier conduisant un troupeau pâturer les plantes qui croissent entre les fissures des rochers d’alentour. ; Cette scène de désolation est interrompue par la vallée du Duero, dont les rives sont bordées de vignes et de pâturages: on y voit même quelques plantations d’oliviers; mais au delà du fleuve on voyage de nouveau dans le désert; la nature gra- nitique des monts Carpétanos qui restent à franchir est encore moins favorable à la végétation que les terrains calcaires que l’on vient de traverser. Le défilé de la Somo Sierra aide à pénétrer dans un vallon circulaire et peu profond qui couronne la sommité de la Cor- dillière ; dans ce bassin, la route suit les détours du Lozoya, petite rivière qui procure un peu de fertilité à la terre siliceuse descendue des hauteurs voisines, et facilite la végétation de quelques belles plantes alpestres qui embellissent les environs de Buitrago. Séduit par les richesses étalées pour la première fois, à mes yeux, par la flore castillane, je m’empressai de mois- sonner la pivoine éclatante, des bruyères charmantes et surtout l’élégant asphodèle pyrénaïque; mon ardeur de botaniste me conduisit au sommet de la montagne, où je me trouvai inopi- — 103 — nément en face d’une dizaine de bergers debout sur la crête. (Notice sur Burgos, p. 94-95). * LE En résumé, Bailly était un observateur attentif, sagace, mais un peu superficiel, du moins comme botaniste; 1l ne parait pas avoir eu une connaissance assez grande des plantes pour recueillir des observations utilisables sur la flore des contrées qu'il a visitées; à vrai dire, le temps et les ouvrages nécessaires lui ont manqué pour l’acquérir ; ses herborisations autour de Besançon, faites avec plus de loisirs, lui ont donné, comme on l’a vu, des résultats plus précis, dont on peut encore aujourd’hui vérifier l’exactitude et qui constituent un document historique intéressant sur la flore locale. | Bailly a été un esprit encyclopédique, un observateur des caractères généraux des contrées, des mœurs des habi- tants, des cultures et des institutions, plutôt qu'un véritable naturaliste ; mais les essais, si modestes soient-ils, qu'il a faits dans cette voie, ne devaient pas être passés complète- ment sous silence; Bailly peut figurer à la fois aussi bien dans la série de ceux de nos compatriotes qui se sont occu- pés des sciences naturelles que parmi ceux qui font hon- peur à leur pays par leurs préoccupations philanthropiques ou leur talent d'écrivain. — 104 — APPENDICE À. Plantes observées en 1822, aux environs de Besançon FéM 12; — 13; — 14; — 15; 1 10: 12 — 419; — 16; Er TE et dans d’autres localités du Doubs. Chamars : Bellis perennis, Lamium purpureum. St-Claude : Alsine media, Thlaspi bursapastoris, Se- necio vulgaris. Route de Beure : Helleborus viridis. Beauregard : Ranunculus vernus, Tussilago farfara. St-Claude : Corylus Avellana. Tarragnoz : Potentilla reptans, Orobus vernus. Bastions : Glechoma hederacea. ; Fontaine-Acut : Veronica agrestis. St-Claude : Veronica hederæfolia, Corydalis bulbosa. : Id. : Taraxacum Dens-Leonis, Viola odorata. : Trou d'Enfer : Leucoium vernum. : St-Claude: Euphorbia peplus, Barkhausiataraxacifolia. Trou d’'Enfer : Scilla bifolia. M. Moissonnier ? : Erica carnea. Carex præcox. St-Claude : Daphne mezereum. Chamars : Sisymbrium pinnatifidum. Trou d'Enfer : Pulmonaria angustifolia, Ficaria, Car- damine petræa, Lamium album, Pulmonaria offici- nalis. : Bois de Peu : Daphne laureola, Narcissus pseudo-nar- cissus, Fragaria vesca. : Porte Charmont : Potentilla aurea. Bastions : Fumaria officinalis. M. Moissonnier ? : Aira præcox. Montboucons: Hyacinthus racemosus, Viburnum Tinus, Cheiranthus cheiri, Erica vagans, Viola tricolor, Adonis annua. Mars 22; — 93; AN nn 07- MAN — 105 — Asplenium rutamuraria. St-Claude : Geranium molle. Tarragnoz : Antirrhinum cymbalaria. Porte-Taillée : Geranium cicutarium. Fontaine-Ecu : Cardamine pratensis, Cerastium lati- folium, Primula veris officinalis, Trifolium pratense, Tulipa silvestris. St-Léonard: Vinca minor, Gerastium ......... , Adian- tum Capillus veneris. St-Claude : Chondrilla juncea, Prunus domestica, Pru- nus cerasus. Chaprais : Saxifraga tridactylites. St-Claude : Valeriana locusta. St-Claude : Orchis maculata, Maiva rotundifolia. ; Ecole : Juniperus vulgaris, Vicia dumetarum, Coronilla Emerus. St-Claude : Thlaspi arvense, Veronica chamædrys, Stel- laria holostæa, Raphanus raphanistrum. Graviers blancs : Orobus vernus, Sinapis arvensis, Hieracium amplexicaule. : Ghaudane: Ranunculus auricomus, Cerasus mabhaleb, Ribes alpinum, Salix viminalis, Anthoxanthum odo- ratum, Asplenium ceterach. Id. :?; Ajuga reptans, Phellandrium aquaticum. Chaudane : Dentaria pentaphyllos, Arum vulgare. St-Claude : Spiræa crenata. Chaudane : Salix capræa. St-Claude : Calendula officinalis, Pyrus malus, Pyrus communis. St-Claude : Veronica prostrata, Myosotis scorpioides, Sherardiaarvensis, Scandix pecten-veneris, Polygala vulgaris, Lonicera xylosteum, Thlaspi campestre. Ecole : Ranunculus montanus, Galeopsis galeobdolon, Viburnum lantana, Quercus robur. Prés-de- Vaux : Carex stricta, Gentaurea jacea. Bois de Peu: Globularia vulgaris. St-Claude: Hieracium pilosella, Reseda lutea, An- thyllis vulneraria, Phyteuma spicatum. Mai > ») 15 ; 18 ; 110) » D) » 23 ; 90 ; » » 26: 28; — 106 — Jardin Monnot: Centranthus ruber ; — Scabiosa ar- vensis. Jardin de M. Deis : Hyacinthus patulus. Jardin Gaume ? : Prunus padus, Cytisus laburnum, Colutea arborescens. Jardin .....?7: Philadelphus coronarius ; Galium mol- lugo, Sambucus nigra; Statice armeria. Prés des Justices : Melampyrum arvense. St-Claude : Salvia pratensis, Cornus sanguinea, Aqui- legia vulgaris. Bois d'École : Sanicula europea, Cynoglossum offici- nale, Convallaria multiflora. Grandes Justlices : Lysimachia vulgaris ; Viburnum opu- lus, Lonicera caprifolium, Genista sagittalis. Verger Gacon : Valeriana phu, Nigella Damascena. Villars, Mamirolle : Orchis militaris. Jardin de Deis : Polemonium cœruleum, Antirrhi- num majus. Bois de Peu : Orchis maculata, Thalictrum aquilegifo- lium, Ornithogalum pyrenaicum, Lithospermum offi- cinale, Valeriana officinalis, Scabiosa columbaria, Melittis melissophyllum, Musecari comosum. Jardin de l'hôpital: Astrantia major. | Jardin de St-Claude : Campanula speculum. Bois de Peu: Lychnis silvestris, Epipactis ovata, Li- lium martagon, Campanula persicifolia, Lactuea chi- corhfolia. Bords du Doubs, près Velotte’ Eriophorum polysta- chyum, [ris pseudoacorus. Bois de Peu: Linum catharticum, Melampyrum pra- tense, Campanula glomerata, Saxifraga cotyledon. Bois et prés de Grandfontaine : Ranunculus flammula, Pedicularis palustris, Lysimachia nemorum, Iberis amara, Rhinanthus cristagalli, Lyehnis githago, L. Flos-cuculi, Campanula barbata, Solanum dulca- mara, Epilobium spicatum, E. montanum, Paris quadrifolia. St-Claude : Epilobium molle. — 107 — Mai 30 ; Montfaucon : Chæœrophyllum temulum, Lactuca pe- Juin Juill. rennis, Prenanthes muralis, Anthericum liliago, Myosotis lappula, Gistus helianthemum, Digitalis parviflora, Sherardia arvensis, Saponaria vaccaria, Ervum hirsutum, Vicia cracca, Ranunculus arven- sis, Orchis conopsea, Stachys germanica, Viola rhotomagensis, Echium pyrenaicum, Serofularia aquatica, Geum urbanum, Campanula persicifolia fl. albo. » Sr Claude, bosquet Janson : Campanula rapunculus. » _ notre jardin: Campanula rapunculoides, Liliurm bulbiferum. 8; Montferrand : Medicago lupulina, Juncus bufonius, Genista tinctoria, Sedum acre, Lysimachia nummu laria, Sium . ..., Gastanea vulgaris. 14; St-Claude : Hemerocallis fulva, Chironia centaurium. 15; Id. : Œnothera biennis. 20 ; Id.: Agrimonia eupatoria, Verbena officinalis. 27 ; Id. : Lychnis calcedonica. ». M. Gr. $.: Galega officinalis. » Jardin: Hypericum calycinum, ARE RObATenEeE 30 ; Voyage en Suisse: » St-Sulpice : Serapias helleborine. » Saut-du-Doubs : Cacalia alpina. » Mont Genevreys : Veratrum album. » Mont de Fuans : Gentiana lutea, Digitalis grandiflora. » _Valdahon: Gentiana cruciata. er et suiv. ; Gnaphalium dioicum, Centaurea montana. Mont Genevreys : Senecio nemorensis. Fuans : Hypericum hirsutum, Scabiosa silvatica. Mont Genevreys : Atropa belladonna. Ornans : Betonica officinalis, Sambucus racemosa. 10; St-Claude : Saponaria officinalis. 20 ;: St-Claude : cult. : Iberis umbellata. 22 ; St-Claude : Bupleurum falcatum. 26; 14. : Dipsacus fullonum. 28 ; Montferrand : Achillea ptarmica, Sium angustifolHum, Eupatorium cannabinum, Lysimachia vulgaris, Ly- — 108 — thrum salicaria, Conyza squarrosa, Erigeron sicu- lum. Août 14; St-Claude: Sambucus ebulus. 1823. Fév. 95; Chamars : Alsine media. (Voy. note du bas de la page 93). B. Plantes trouvées en Espagne pendant la campagne de 1823. * Asphodelus pyrenaicus. Somo Sierra. * Adonis apennina. Pyrénées. * Adianthum reniforme. Castille nouvelle (Madrid, J. bot.). * Aquilegia vulgare. SOMO Sierra. “Astragalus hypoglottis. Baylen. * Anchusa italica. Sierra Morena. *Asparagus aculeatus. Andujar (Andalousie). *Arbutus Unedo. . Roy. de Valence. “Antirrhinum latifolium. R. de Grenade. “Astragalus hamosus. Manche. Anagyris fœtida. R. de Valence. Apocynum africanum. R. de Valence. Arum Ægyptiacum. R. de Murcie. Asparagus maritimus. R. de Valence. Belladona hispanica rotundif. KR. de Grenade. * Bupleurum fruticosum. Castille nouv. (Madrid, J. bot.). * Biscutella auriculata. Baylen. * Bellis spatulata. R. de Valence. Betonica maritima flore ex. lutea pallescente. Rde Valence. Bupleurum hispanicum. Rude Nureie Bupleurum lusitanicum. Sierra Morena. * Cistus laurifolius. Somo Sierra. “CO. Ledon. Somo Sierra. * CG. Monspeliensis. R. de Valence. * C. ladaniferus. Soma Sierra * CG. symphitifolius. R. de Murcie. * Catanance cœrulea. SOmMO Sierra. * Centaurea salamantica. Castille nouv. (Retiro) (Madrid, d. bot.). — 109 — x Une var. à petites f1. * Carduus Marianus. “ Corydalis lutea. *Gentaurea rhutenica. “ Coronilla juncea. “ Chenop. ambrosioides. * Daphne Cneorum. “D. alpina. *D. Gnidium. * Doronic. Pardalianches. *Digitalis ferruginea. *Dianthus superbus. *D. arenarius. “Echium plantagineum. *E. giganteum. “Echinops sphaerocephalus. *E. strigosus. “Euphorbia palustris. “Erodium moschatum. “Fritillaria meleagris. * Gleditschia triacanthos. Genista scorpius. *Geranium romanum. _“Glycyrhiza glabra. (Gentiana pneumonanthe). * Hedisarum coronarium. " Helianthemum guttatum. Hyosciamus aureus. *Hypomea purpurata (sic). * Lycium afrum. * Lupinus varius. * L. cœruleus. * Lychnis rosa cœli. * Lavatera olbia. * Lavandula Stœchas. MÉESpica. *Leuzea conifera. * Linum narbonense. *L. maritimum. * [lex tenuifolium. *Inula Britanica. Manche. R. de Grenade. R. de Grenade (Valence). R. de Murcie (Valence\). R. de Grenade (Murcie). Castill. nouv. (Madrid). Pyrénées. . de Grenade. . de Grenade. . de Grenade. . de Valence. . de Murcie. . de Murcie. Somo Sierra. Manche (Baylen). Manche, RD TT Manche (Baylen) R. de Valence. R. de Murcie. Pyrénées. Aranjuez (Madrid, J. bot.). R. de Murcie. R. de Murcie. Pyrénées (revers méridional des) (Grenade). Guadarrama. Manche. R. de Grenade. R. de Grenade. Somo Sierra. Somo Sierra. Somo Sierra, Castille nouv. (Madrid, J. bot.). Somo Sierra. R. de Valence. Manche. R. de Valence « à vérifier ». R. de Valence. R. de Valence. R. de Murcie. R. de Grenade. — 110 — *Muscari comosum. * Menziezia polifolia. * Momordica Elaterium. *Malva hispanica. * Monarda fistulosa. “M. violacea. Nerium Oleander. "Orchis maculata. "O0. odoratissima. “Orobanche ramosa. “Ornithogal. umbellatum. * Pæonia officin. " Phlomis Herbaventi. * P. lychnitis. * Peganum harmala. (Phyllyrea media). "Phyllyrea latifolia. * Philadelphus coronarius. “Psoralea bituminosa. “Plantago subulata. Rhus coriaria. * Reseda gigantea. *R. fœtida. * R. alba. “Rhinanthus versicolor. * Scabiosa leucantha. * Sonchus, très fétide. “Scolymus hispanicus. “Sc. maculatus. * Smilax Salsaparilla. “Salvia horminum. “Statice limonium. * Serophularia sambucifolia. * Solanum Melungena très épi- neuse. Scilla peruviana. Salsola sativa ? *'Fhapsia villosa. *Tribulus terrestris. * Thalictrum flavum. * Teucrium spinosum. Somo Sierra. Pyrénées. Manche. Aranjuez. R. de Murcie. R. de Murcie. R. de Grenade. SomMoO Sierra. SOMO Sierra. Manche. Baylen. SoMO Sierra. Manche. Manche. Manche. (Murcie). R de Murcie. R. de Grenade. R. de Murcie. R. de Grenade. R. de Grenade. Manche. Manche. R. de Valence. Manche (Baylen). Somo Sierra. Manche. Castille nouv. (Madrid). Castille nouv. (Madrid). R. de Murcie. R. de Valence. R. de Grenade. Castille vieille. R. de Valence. Somo Sierra. Murcie. Castille nouv. (Madrid retiro). Manche. Sierra Morena. Baylen. — A1 — * Trachelium cœruleum. R. de Grenade. * Thlaspi alpestre. R. de Grenade. * Telephium Imperati. R. de Murcie. * Ulva intestinalis. R.de Valence (St-Jean-de-Luz). * Viola biflora. Pyrénées. (Les plantes munies d’une astérisque se retrouvent sur les fiches alphabétiques dont il est question au n° 6 de la page 96). C. Route de Madrid en Andalousie (du 29 juillet | au 8 août 1893). Deux Résédas, l’un extrêmement élevé, l’autre très fétide. Un Séneçon dont la tige laiteuse exhale une odeur repoussante. Un Statice. | Une Jusquiame, feuilles rondes découpées, fleurs plus vives. Le Ciste labdanum sert de combustible à Villarubia. Scolymus hispanicus : — id. variegatus Une var. de la Centaurée de Salamanque parviflora. Echinops sphœrocephalus. Un Astragale à tige épineuse, fructification vésiculaire. : Involucre pétaliforme scarieuse, calice stellaire ; pentandrie monogynie, fleurs en boule, tige rameuse opposée. e e ° e 0 _Tribulus terrestris. Phlomis herbaventi. Ocana. Phlomis Iychnitis, calice soyveux. Echium giganteum. Baylen. E. plantagineum. Rhinanthus versicolor. Momordica elaterium. Centaurea conifera, sert à cailler le lait. Thalictrum flavum. Astragalus hypoglottis. Biscutella auriculata, crucifère analogue à l’Iberis. Orobanche ramosa. ‘ Ti 10 — Teucrium spinosum. Malva hispanica. Aranjuez. Echinops strigosus. Ornithogalum umbellatum. Peganum harmala. | Anchusa italica. | Ces plantes que j'ai trouvées sur ma route, de Madrid en Andalousie, ont été vérifiées par moi dans l’herbier de don Fran- cisco de Molina, pharmacien à Baylen. | | ” CONQUÊTE PAR LA FRANCE EN 1797 L'ABBAYE SUISSE DE BELLELAY FAISANT PARTIE DU DIOCÈSE DE BESANÇON Par M. L'abbé PETIJEAN MEMBRE RÉSIDANT Séance du 18 juillet 1906. a —— Si nos ancêtres n’eurent jamais de pensées de conquêtes, et si, loin de chercher à agrandir le territoire deleur modeste patrie, ils le laissèrent parfois amoindrir avec une certaine indifférence politique, ils ne méritent pas ce reproche lors- qu’il s’agit de l'expansion du christianisme. Il fut en effet un temps où ils eurent l’ardeur des conquêtes religieuses, car ce furent nos moines qui évangélisèrent le nord de la Suisse et tout le versant oriental du Jura. De cette œuvre de christianisation, il nous resta jusqu’à la Révolution française, d’abord la dépendance des évêchés suisses de Bâle et de Lausanne qui furent jusqu’à cette épo- que les -suffragants de l’archevêque de Besançon ; ensuite un nombre important de paroisses dans le Jura bernois el enfin, comme dernière épave de cette juridiction spirituelle, l’abbaye des Prémontrés de Bellelay qui fut nôtre jusqu’en 1797. Elle formait alors sous le nom de La Courtine une terre 8 — 114 — libre et indépendante et était enclavée dans les territoires composant l’état du prince-évêque de Bâle. Ce sont quelques pages de Pagonie et de la mort de cette célèbre abbaye que je veux lire devant vous. C’est une œuvre inédite d’un narrateur oculaire de ce drame et j'ai découvert ce manuscrit dans les papiers d’un curé de campagne voisin de cette abbaye. Après des recherches assez longues, j'ai pu Ww’assurer que ce récit était réellement l’œuvre du Père Bar- bier, principal du collège établi à Bellelay. Pour que vous compreniez mieux l’intérêt et l'importance de cette lecture, permettez-moi de vous donner d’abord un abrégé géographique ei surtout historique de cette abbaye au moment où se déroulent les événements racontés. Bellelay est situé dans le Jura bernois à la sortie des gor- ges du Pichoux, c’est-à-dire entre Glovelier et Tavannes. Il fait actuellement partie du district de Mouthiers et le croise- ment de l’ancienne et de la nouvelle route de Porrentruy à Delle marque son emplacement. L'ordre des Prémontrés dont faisaient partie les religieux de cette abbaye avait été fondé dans le diocèse de Laon en 1120 et il s'était répandu très rapidement en France d’abord, et peu après en Franche-Comté, et cela grâce aux chanoines de Saint-Paul de Besançon. Comme ces chanoines suivaient la règle de saint Augustin} et que ce nouvel institut n'était en réalité qu'une réforme de cette règle, plusieurs d’entre eux la favorisèrent de tout leur pouvoir; nous voyons, en effet, Raimbaud, chanoine de Saint-Paul, leur donner en 1134 l’abbaye de Corneux près de Gray, qu’il avait fondée l’année précédente. Peu de temps après, cette abbaye déjà florissante envoie des colonies à Fontaine-André, canton de Neufchatel. et à Béchamp, principauté de Monthéliard. Bon nombre d’historiens suisses font venir de l’abbaye de Joux les religieux qui fondèrent Bellelay dans le même siècle. Mais outre que cette abbaye de Joux avait alors un petit nombre de religieux, elle était plus éloignée que les deux — 115 — nouvelles fondations de Corneux, ce qui à cette époque était un obstacle sérieux ; nous disons donc qu'ils font erreur et que Corneux a dû aussi essaimer à Bellelay, et nous sommes d'autant mieux fondés à donner cette affirmation que sans elle on ne pourrait expliquer son union au diocèse de Besançon; car si réellement sa fondation avait été faite par des religieux de Joux, diocèse de Lausanne, elle aurait néces- sairement été rattachée à ce diocèse. Mais en dehors de cette divergence, les historiens suisses et franc-comtois s’accor- dent pour affirmer que cette abbaye devint promptement célèbre, et qu’au xv®e siècle l’empereur Sigismond la prenant sous sa haute protection, lui remit une lettre de haute com- bourgeoisie avec les villes libres de Berne et de Soleure et ce fut cette combourgeoisie précieusement conservée à travers les âges qui en retarda la ruine de plusieurs années, comme nous le verrons plus loin, car par là, elle fut comprise dans les cantons suisses dont la république française respecta longtemps la neutralité. Telle était sa situation politique. Quant au point de vue social, nous voyons, d’abord ces moines en vrais ruraux s’O0C- cuper d'agriculture, mais, se rajeunissant, si on peut parler ainsi, en 1771, ils fondent de toutes pièces un grand col- lège qui en peu d'années devient l’égal des établissements d'instruction les plus renommés de la Suisse, de la Fran- che-Comté et de l’Alsace. D'abord annexé à l’abbaye, il est, en 1774, installé dans de vastes et importants bâtiments parfaitement aménagés pour cette destination, Ce n'était pas un collège à la manière et selon les méthodes des jésuites : il avait surtout les allures des collèges militaires dirigés à cette époque en France par les Oratoriens et les Doctrinaires. Les maîtres choisis parmi les religieux devaient vivre avec les élèves et exercer sur eux une surveillance continuelle ; Le programme des études était très complet. À l’enseigne- — 116 — ment littéraire et scientifique, on avait ajouté le chant, la musique, larchitecture, lPescrime et la danse. La civilité était aussi très développée à Bellelay, car le règlement disait : «les élèves devront se saluer et saluer les maîtres et les étrangers avec tout le développement dont le maître de danse prescrira les lois ». Aussi les élèves affluèrent et les Francs-Comtois y devin- rent nombreux : en 1773, nous remarquons un Perreciot de Baume-les-Dames, un de Malseigne de Maïiche et un de PAubespin d’Arinthod. En 1776, Achille de Bonaventure de Vaudrey, de Poligny. En 1777, le comte Camille de Montjoie de Magny et Brody de Chorchllat, tous les deux de Besançon, et cette même année, les trois frères de Colombe, de Vesoul. En 1778, de Lavie de Vesoul, Ferdinand de Ruffier, le comte Maurice de Grivel, Claude Siffredy, de Salins, le mar- quis de Beaurepaire et Huot de Besançon, le comte de Ro- sière, de la Forêt-Divonne et son frère Antoine-François de la Forêt-Rumillv. Et enfin, jusqu'aux dernières années de son existence, nous constatons sur ses registres les noms du marquis d’Andelot, de Jacques Patornay de Salins ; nous voyons un Jeannin de Besançon, Charles de Poinctes de Favernev, deux élèves de Faucogney, Emmanuel de Polignv, Augustin de Navenne, François-Xavier de Villefrancon, Pierre-Joseph de Contréglise et le vicomte Alfred d’Archiac, de Besançon. Citons maintenant quelques français illustres qui furent élevés dans ce collège, à qui ils firent honneur par leur réputation et leurs mérites. M. de Monthevot de Lyon, beau-frère de Lamartne. Adrien Lezay-Marnézia, né à St-Julien, près de Lons-le- Saunier, réfugié pendant la Révolution dans le pays de Vaud OÙ il y reçut un accueil empressé de Necker et de Mn° de Staël. En 1806, il fut préfet de Rhin et Moselle et en 1810 du Bas-Rhin, et son administration, intelligente et dévouée, lui My mérita une statue qui existe encore et que les Strasbour- geois lui élevèrent en reconnaissance des grands services qu'il leur avait rendus. Le comte de Clarac de Toulouse, archéologue distingué, mort conservateur des antiques au Louvre. Le marquis de la Ferronaye, ambassadeur en Russie et ministre des affaires étrangères sous Charles X. Le général d’Arcine, un des vainqueurs d'Alger dont les descendants existent encore. D’Agoult de Grenoble, ambassadeur de France à La Haye sous la Restauration. Enfin on ÿ compte cinq généraux qui servirent dans les armées françaises sous l’Empire: Ce sont Boizerand, de Schaller, de la Poype, Talon et de La Loyère. Forte de son droit politique et s’appuvant en outre sur les services rendus et qu'elle espérait encore rendre, la minuscule terre libre de Bellelav osa soutenir la plus démesurée des luttes contre les convoitises de la République Française. Nous devons dire que, dans la défense de ses droits, elle fut aidée par notre ambassadeur près du gouvernement Helvé- tique, François Barthelemy qui eut le rare mérite de conser- ver à cette époque troublée les délicatesses d’un diplomate et le sens du juste devoir. Grâce à lui la France se montra longtemps pacifique et même bienverllante à légard de ce faible voisin, mais des intrigues locales vinrent tout com- promettre et c’est à Porrentruy surtout qu’elles se formèrent et prirent corps; elles furent acharnées et surtout injustes. Cette petite ville avait été un instant capitale de la Répu- blique Rauracienne fondée par la France avec une partie des Etats du prince-évêque de Bâle, puis, elle était en ce _ moment chef-lieu du département du Mont-Terrible substi- tué le 23 mars 1793 à la Rauracie. Comme les nouveaux par- venus, Porrentruy avait des ambitions démesurées et tout fui semblait permis pour agrandir son importance, et comme à cette époque c'était la mode de s’attaquer aux moines, il — 118 — manifesta contre Bellelay. Pour atteindre son but d'agran- dir quelque peu le département du Mont-Terrible et surtout pour enrichir des dépouilles de cette abbaye quelques me- neurs absolument obérés, cette municipalité envoya au gou- vernement français mémoires sur mémoires, pétitions, accu- sations, contre cette gent monacale et sur les nécessités de détruire ce foyer d’émigrés et de fanatiques. Comme il ne demandait qu’à être entrainé aux mesures violentes, il décréta, en 1797, l’annexion de l’abbaye de Bellelay à la Ré- publique | Maintenant nous voilà arrivés au cœur de notre sujet et après avoir fait connaître sommairement cette maison et ses habitants. nous laissons entièrement la parole au témoin : oculaire; si nous supprimons, pour ne pas fatiguer Patten- ton, les parties les moins importantes de son mémoire, tou- _ jours nous lui conserverons son style clair, parfois imagé, et souvent agréable par des expressions très personnelles et jointes à une saveur locale qui n'est pas sans charme, La République Française s'empare de l’Abbaye de Bellelay « Dès le soir du 14 décembre 1797 on savait à Bellelay par des rapports que l’on recevait de toutes parts, que les Fran- çais y arriveraienht le lendemain. Le 15 entre onze heures et midi, on voit l’avant-garde de la colonne chargée de cette expédition, M. Gangler, commandant de la Sauve-garde suisse de la part de l'Etat de Soleure s’avance à 50 pas des murs de Bellelay pour faire les représentations et les protestations de son souverain contre cette infraction à la neutralité helvéti- que. L'’ofticier commandant ce détachement. l'ayant écouté paisiblement, lui répondit qu'il avait ordre de prendre poste à Bellelay ; que le général ne tarderait pas à venir et que ce- lui-ci répondrait à ses observations. Cette avant-garde fut bientôt suivie d'environ mille hommes, dont la plus grande — 119 — partie sans même s'arrêter, continua sa marche vers le village de Tavanes ; 250 hommes restèrent à Bellelay. On leur assigna sur le champ leur quartier dans la ferme située hors des murs de l’abbaye. La première précaution que pri- rent leurs chefs fut d’entourer la maison et d’v placer des piquets de distance en distance sur toutes les avenues. Vers les deux heures de Paprès-midi on vit arriver le gé- néral Gouvion St-Cvr, qui était chargé de cette conquête. Les chefs de labbave, en l'absence de M. l'Abbé qui avait pris la sage précaution de se retirer en Suisse, se présen- tèrentavecle commandant de la Sauve-garde de Soleure pour le recevoir, et celui-ci renouvelle les protestations de son Etat contre cette violation de la neutralité et des conventions arrêtées précédemment à l'égard de l'abbaye. La réponse qu'il leur fit, fut que la république s’emparant de tous les pays appartenant au ci-devant évêque de Bâle, l’abbaye de Bellelay située dans ces états était par là même acquise à la France et que le commandant de Soleure ainsi que tous les religieux, les pensionnaires et les domestiques devaient l’é- vacuer le lendemain parce qu’il était trop tard ce jour et retourner chez eux à Soleure. Cette sentence prononcée, St-Cyr leur tourna le dos et s’entretint avec les commissaires et les officiers qui Pentouraient. Lorsque tous ces fiers républicains furent rassemblés, ils ordonnèrent qu’on leur servit à déjeuner. Les plus modérés demandèrent du pain et du vin ; mais lorsque Riché, prési- dent de la commission, chargé d'organiser cette nouvelle conquête, vit apporter des choses aussi communes, il entra en fureur, accabla d’injures le P. Prieur et lui ordonna de faire servir un déjeuner copieux en rapport avec la faim qui dévorait les agents de la grande nation. Il fallut leur abandonner le diner en maigre préparé pour la communauté, et celle-ci dut se contenter de manger à deux heures après midi ce qui échappa à la voracité de ces nombreux hôtes. — 120 — Les religieux, tous consternés de l’ordre qui leur avait été intimé d’évacuer la maison dès le lendemain, résolurent de représenter au général l'impossibilité de préparer pendant la nuit ce qui était nécessaire au départ de près de deux cents personnes. Le P. Prieur fut le trouver à table pour solliciter un délai de quelques jours et il l’obtint avec assez de facilité, sans doute, parce que le déjeuner avait calmé sa mauvaise humeur. | Après ce repas, Riché ordonna qu’on leur en préparât un en gras pour le soir, plus digne de la majesté républicaine. En attendant, et pour se distraire de son ennui, St-Cyr té- moigna qu'il verrait volontiers les élèves du collège faire quelques évolutions militaires, ce qu’ils exécutèrent avec une facihté et une justesse dont il parut satisfait et même étonné. On sut qu’il était amateur de musique, et les religieux eurent la complaisance, à la prière de ses officiers, de lui donner un concert qui lui plut ainsi qu’à son état-ma]jor. Ce fut une imprudence de la part des religieux de faire voir la belle collection d'instruments dont ils étaient pourvus, car dès ce moment elle tenta la rapacité des commissaires qui la leur ont confisquée presque en entier au moment de leur départ. : Comparution devant la Commission militaire Pendant qu’on s’efforçait d’adoucir ces maîtres impérieux, la Commission militaire fit comparaitre à son tr'bunal re- doutable le P. Joseph Rossé, prieur, et Godefroid Voyanne, procureur de l’abbaye. Il est à propos de faire connaître ces hommes qui avaient été choisis à dessein pour inspirer la terreur à de timides religieux. Fiché, le président, était adjudant du général Augereau. On est tenté de croire qu’il avait été sous Robespierre membre ou président de quelque tribunal révolutionnaire ; il a le ton, le regard et toutes les manières que donnent à ces monstres — 191 — ” altérés de sang tous ceux qui ont paru devant eux dans ces temps de calamités. Homme fier et impérieux, dont l’âme de fer n’éprouva jamais la douce émotion d’un sentiment d’hu- manité. On prétend même que le général Saint-Cyr le haïs- sait et l'avait nommé président de cette commission pour léloigner de sa présence. Quatre de ses collègues étaient officiers de la 38° demi-brigade ; Dupont, capitaine d’artille- rie, était digne de remplacer un jour Riché dans sa prési- dence par son Jacobinisme, sa dureté et sa haine contre la religion et les prêtres ; des cheveux noirs tombant sur un visage plus noir-encore, des veux hagards, une voix de sten- tor, tout dans son extérieur peint au premier coup d'œil la méchanceté de son âme. Lacroix, capitaine d'artillerie, semble fait pour contraster avec ces deux hommes violents, un air patelin,. un ton de voix doucereux, une modération affectée le ferait d’abord prendre pour un homme honnête et humain ; mais l’avarice la plus sordide et l’immoralité la plus dégoûtante le rendent plus insensible et plus dénaturé que toute la rage d’un terroriste, Du Clavé, sous-lieutenant des grenadiers, sous tous les rapports c'est le pendant de Dupont, si ce n’est qu'étant parvenu au grade d'officier du rang de simple soldat et n'ayant aucune éducation soignée, il a quelque chose de plus brutal encore dans ses manières et dans ses discours. Roux, lieutenant d'infanterie, à qui on ne peut refuser un fond de bonté d’âme que les circonstances seules de la révolution ont pu altérer et qui n’a d’ailleurs été perfectionnée par aucune teinture d'instruction ; et, enfin, _ Sauvestre, commissaire des guerres, homme crapuleux, père d’une demi-brigade d'enfants que toutes les rapines de son emploi n ont pu tirer de la misère. Aussitôt que les religieux eurent comparu devant ce tribu- nal, les commissaires leur lurent l'arrêté du Directoire ordon- nant de s'emparer de cette contrée, mais à dessein ils omirent la clause qui leur garantissait leur mobilier personnel. Aux sommations qui leur furent faites d’avoir à rendre — 192 — compte de tout ce qui avait été vendu, dépensé, etc., dans la maison, ils répondirent invariablement : « Vous avez l’ordre » de vous emparer des biens du Prince-Evêque, or, nous » he sommes en rien ses officiers où agents, nous ne sommes » que les agents délégués du Chapitre de Bellelay et par » conséquent nous ne vous rendrons compte de rien ». Il faut avoir été présent à cette séance pour se faire une idée des clameurs, des vociférations des commissaires et surtout du président, après cette réponse ; les épithètes gros- sières de gueux, de scélérats, de voleurs, de faux moines, etc., les menaces d’arrestation, d'emprisonnement, de juge- ment militare, qui furent proférés contre les religieux. [ls firent venir ensuite le secrétaire de l’abbé, puis les autres religieux et enfin les domestiques, mais ruses, violences, rien ne réussit à obtenir d’autres réponses. Cette fermeté, cet accord, cette union de tous les membres de l’abbaye étonnait au moins autant qu’elle dépitait les commissaires. Visite et inventaire du couvent Cette comparution avait été bien longue, mais elle n'avait pas fatigué les commissaires, qui. après avoir copieusement bu et mancé se firent conduire dans toutes les chambres, dans les caves, aux archives et à l’église et mirent l’'embargo sur toutes les provisions de bouche et principalement sur la cave, et firent tout séquestrer ce qui était à leur conve- mANCe ISISE firent remettre les clefs de toutes les pièces, mirent les scellés partout et sur tout ce quine leur parut pas propre à leur usage. Cette visite dura Jusqu'à deux heures de la nuit et elle amusa autant les commissaires qu’elle fati- oua les religieux qui n'avaient encore mangé qu'une légère collation et n’avaient pas dormi depuis plusieurs nuits. Le commandant de Soleure s'était présenté plusieurs fois à la commission pour faire des remontrances sur les mau- vais traitements qu'ils faisaient éprouver à des alliés de son nie QT Ie CE I CS ÈS DÉS — 193 — canton, il n'avait eu que des duretés pour réponse. Avant de quitter son poste, il présenta ses protestations par écrit, dont il demanda acte pour se justifier devant son souverain, ce qui lui fut refusé contre toutes les règles reçues dans la guerre. Visite et inventaire du collège Dans la matinée de ce même jour, les commisssaires se rendirent chez le principal du collège. Après une conférence peu longue et assaisonnée des mêmes compliments qu’avaient reçus les officiers de l’abbaye, ils le sommèrent de leur livrer la caisse : il tire aussitôt de sa poche sa main pleine de mon- naie, la jette sur la table et leur déclare que c’est là tout son trésor ; ils lui demandent ses registres, ses papiers, il leur délivre celui où étaient inscrits MM. les pensionnaires avec la note des argents reçus pour leur pension; on «celle son bureau et quelques armoires de sa chambre, où les commis- _saires aperçurent quelques objets qui excitèrent leur rapa- cité, en particulier des cartes géographiques ; ils se firent montrer ce qu'ils appelaient l’arsenal du collège : c'était en- viron 70 à 80 fusils de petit calibre avec lesquels les jeunes élèves faisaient exercice et dont plusieurs leur appartenaient en propre, puis quelques épées, des hausse-cols et des gi- bernes, le tout proportionné à leur taille et à leur âge. Avec sa morgue ordinaire, Riché confisque toutes ces armes. On lui représente que la République n’en peut tirer aucun profit, qu'une grande partie appartient aux élèves eux-mêmes, que ce serait une injustice de les en priver. Quelques-uns de ces enfants fondant en larmes, accoururent pour réclamer leur propriété, rien ne put fléchir cet homme inhumain qui leur re- fusait même un drapeau dont les Avoyers de Soleure avaient fait présent au collège en disant niaisement cette insulte : « qu'il le ferait teindre aux trois couleurs pour conduire à la victoire les soldats de la nation », La même sévérité que lon avait employée dans la visite des effets des religieux fut — 194 — employée à l’égard des pensionnaires, La Nation n'avait aucun droit sur ce qui leur appartenait et cependant on leur enleva non seulement les lits qu’ils avaient apportés, mais on leur confisqua des gravures, des estampes et Dupont ne reugit pas de leur enlever même les Jouets qui servaient à leur amusement. Quelques enfants réclamèrent leur propriété avec la chaleur qu’on met à cet âge à la conservation de ses joujoux et le commissaire eut la bassesse de leur impo- ser silence en les menaçant de la prison et du sabre. Expulsion des proscrits Dans son arrêté, la Commission avait décidé que chaque religieux pouvait emporter les effets à son usage. Ceux-e1 étaient persuadés qu'il en serait ainsi, conformément à ce qui s’était pratiqué à la suppression des innombrables cou- vents que la France a détruits depuis dix ans. Dans cet espoir, ils n'avaient rien caché de leurs effets, lors même qu'ils eussent la certitude que leur maison allait être en- vahie. Ce fut une cruelle erreur de leur part. Les commis- saires leur déclarèrent que tout ce qui était dans la maison appartenait à la république, tout sans exception, mais que par une indulgence spéciale ils permettaient à chacun de prendre ses habits et son linge avec 8 à 10 volumes de ses livres. Cest d’après cet ordre qu'ils durent préparer leurs paccotilles sans délai, et encore elles devaient être visitées le même soir par les commissaires C’est dans ce déménagement et les scènes tristes et lu- oubres qui Paccompagnent, que tous peuvent voir la barba- rie et la cruelle insensibilité des commissaires. La plupart des religieux ne se couchèrent pas; douze d’entre eux n’a- vaient d’ailleurs que de la paille pour couchage. Le président Riché les avait obligés de céder leurs lits à des citoyens qui étaient arrivés en grand nombre à Bellelay fraterniser avec les commissaires. Enfin le terme fatal arrivé, treize chariots 4 b 1 J 3 — 495 — de réquisition furent amenés des villages voisins pour transporter le peu d’effets qu'on leur laissait, ainsi qu'aux pensionnaires, eten même temps pour transporter les en- fants et les vieillards qui n'avaient pas la force de faire la route à pied par un temps d'hiver, où les chemins étaient détestables. Il faut avoir vu cette scène du départ pour se faire une idée de son horreur : la cour remplie de chars sur lesquels on entassait des caisses avec la précipitation que l’on met à vider une maison livrée aux flammes : l’intérieur du cloître rempli de tumulte et de désordre, les religieux fondant en larmes, les domestiques errant de côté et d’autre et por- tant jusqu’au ciel leurs sanglots. La plupart des soldats, plus humains que leurs chefs, donnait des marques de dou- leur à la vue de cette injustice. Le couvent ressemblait ainsi à une ville que l’on livre au pillage et à la fureur des soldats. | Lorsque tout fut prêt, on fit partir les chars, qui eurent ordre de marcher de file. M. le Commandant de Soleure, avec son épouse et ses deux fils, ouvraient la marche : puis vingt-trois religieux et enfin vingt-cinq écoliers suivaient. Les commissaires se tenaient aux portes pour hâter le dé- part, gourmandant ceux qu'une espèce de mouvement involontaire semblait repousser de leurs foyers etles spec- tateurs qui osaient témoigner quelque sensibilité sur leur sort. Ce cortège ressemblait à celui d’une troupe de bandits que ramassait la ei-devant maréchaussée pour la conduire hors des frontières du pays. Les proscrits arrivèrent ainsi jusqu'aux derniers postes des Français, essuvant souvent le long de la route les huées des calvinistes, chez lesquels ils passaient et la mauvaise humeur des gendarmes, qu’ils furent obligés de payer gras- sement pour les avoir chassés de leur patrie. Lorsque les frontières du canton de Soleure furent atteintes, avec quelle allégresse ils saluèrent cette terre de — 1926 — leurs alliés combourgeois, cette terre hospitalière, cette terre de la vraie liberté qui leur ouvrait un asile. Aussitôt qu’on eut appris à Soleure qu'ils étaient arrivés dans le Canton, Son Excellence M. l’Avoyer leur envoya deux carrosses pour conduire ceux que l’âge ou la fatigue avaient le plus éprouvés. Un grand nombre d'habitants vin- rent à leur rencontre et s’empressèrent de les secourir et de leur faire oublier leurs maux. | Quelques jours après, tout le reste du personnel retenu comme otages fut chassé. Le mobilier, en grande partie gaspillé ou volé, ne produisit qu’une vente dérisoire (26 avril 1798) : et l'Abbaye fut vendue à M. Frédéric Japy, de Beau- court, fabricant d’horlogerie, pour quatre millions cinquante mille francs en assignats, valant en numéraire 40,000 francs. Le Gouvernement français en avait dépensé plus du double pour les frais de cette conquête ! » A MORT DE J.-J ROUSSEAU RÉCIT FAIT PAR THÉRÈSE LEVASSEUR À L'ARCHITECTE PARIS À ERMENONVILLE Par M. Georges GAZIER SECRÉTAIRE DÉCENNAL Séance du 17 mars 1906. Comme celle de beaucoup de personnages célèbres, la mort subite de Rousseau à vivement ému les contemporains, Beaucoup se sont refusés à croire qu'un homme, dont les moindres gestes passionnaient opinion, ait pu soudainement disparaître, succombant à une maladie naturelle. Les person- nes qui avaient assisté à ses derniers moments, notamment sa femme Thérèse Levasseur et son hôte René de Girardin, ont eu beau affirmer qu'il ne s'était passé aucun drame à Ermenonville et montrer le rapport des cinq médecins qui avaient pratiqué l’autopsie du cadavre ; ils ont rencontré beau- coup d’incrédules. Les uns, à la suite de Corancez, ont sou- tenu que Rousseau, atteint du délire de la persécution, avait mis fin à ses Jours en se logeant une balle dans la tête : le masque mortuaire moulé par Houdon, qui ne présentait aucune trace de blessure provenant d’une arme à feu, n’a pu les convaincre de leur erreur. Il a fallu l’exhumation des restes de Rousseau au Panthéon, pratiquée en 1897, en pré- sence des plus illustres savants de notre époque, pour mettre fin à cette légende. Mais, pour d’autres, cette preuve est encore insuffisante pour faire tomber l'hypothèse du suicide du philosophe : à les entendre, le mauvais café est le cou- — 1928 — pable, et si Rousseau ne s’est pas tué d’un coup de pistolet, du moins il s’est empoisonné. Historiens, littérateurs, psychologues el\ médecins ont depuis plus d’un siècle discuté cette question sans lasser le publie, toujours avide de mystère, et d'autant plus intéressé qu'il s'agissait de lune de ses idoles. On ne saurait citer tous leurs écrits, mais depuis Corancez, Le Bègue de Presle et Musset-Pathay jusqu'à MM. Chereau, Chuquet, Roche blave et Brunel, le problème, examiné sous toutes ses faces, n’a pas encore été résolu d’une façon absolument certaine, et l'hypothèse du suicide a toujours ses partisans. Le récit qu’on va lire, lequel conclut à la mort naturelle, peut apporter quelques éléments nouveaux à l'enquête faite à ce sujet, et à ce titre il nous a paru utile de le publier. Il n’ajoute que peu de chose à ce que lon sait déjà, ne faisant guère que corroborer les affirmations de Thérèse Levasseur et de Girardin, mais la personnalité de son auteur lui donne une valeur particulière. Celui qui la écrit n'avait aucune préoccupation littéraire ou historique, ii n’était en aucune façon intéressé dans la question ; 1l ne pouvait soupçonner que sa relation serait un jour liyrée à la publicité : son té- moignage n’est est que plus sérieux. Pierre-Adrien Pâris, né à Besançon en 1 4, mort dans cette ville en 1819, est assurément l’une des figures les plus intéressantes de la fin du xvri siècle, comme on peut s’en convaincre en lisant la notice que lui consacrait en 1821 son ami Ch. Weiss ou le bel ouvrage publié en 1902 par M. Es- tignard. Dès 1769, son talent d'architecte l'avait fait envoyer à l’Académie de Rome, et 1l y resta cinq ans. De retour à Paris, il se fit apprécier, et le duc d’Aumont lui confia la contruction de son palais de la place Louis XV. En 1778, il devint architecte du roi et fut à ce titre, jusqu'à la Révolu- tion, le grand organisateur des fêtes de Versailles, Marly et Trianon, comme aussi des fameuses représentations d'alors à l'Opéra. C’est à lui qu’on doit l'achèvement de la cathé- — 129 — drale d'Orléans, de même que la construction de la salle des Etats généraux à Versailles en 1789. Sous l’Empire, il fut appelé à la direction de l’Académie de Rome, mais ne voulut y rester que quelques mois: il se chargea par contre du classement et du transport à Paris, au musée du Louvre, des magnifiques collections de la Villa Borghèse. En mourant, Pâris légua à sa ville natale tous ses livres et surtout les incomparables œuvres d'art qu’il avait rassem- blées. Le Musée de Besançon lui doit ses plus beaux chets- d'œuvre. La Bibliothèque de cette ville possède plus d’un millier de dessins du xvu1* siècle réunis par Pâris, dont un grand nombre d'Hubert Robert, plusieurs Boucher, Carle van Loo, Saint-Aubin, Natoire, Vincent, Suvée ; on y trouve également une trentaine de fort beaux dessins de son ami Fragonard qui ont figuré à l'Exposition rétrospective des arts comtois à Besançon en juillet-août 1906. Outre ces livres précieux et ces portefeuilles de dessins, la Bibliothèque de Besançon conserve un certain nombre de manuscrits de Pâris, bien que ce dernier en ait fait détruire la plus grande partie à la veille de sa mort. Parmi ceux qui nous restent, il convient de signaler particulièrement les notes qu'il avait prises au cours de ses divers séjours en Îta- lie : elles mériteraient d’être publiées, car elles jettent un jour curieux sur la vie des artistes français en Italie au XvIIe siècle et on y trouve beaucoup d’anecdotes piquantes. C’est en feuilletant l’un de ces volumes de notes qu'il nous a été donné de trouver la relation que nous publions aujour- d'hui, Elle se trouve au revers d’un cahier (Bibl. de Be- sançon, collection Pâris, 8) où Päris a transcrit ses impres- sions en [tale lors d’un voyage effectué en 1774. Quelques pages sur Noyon précèdent le récit de la visite faite par notre artiste à Ermenonville. Päris ne donne pas la date de son voyage au château de la famille de Girardin : ce qu'il dit de l’âge de douze ans que paraît alors avoir le deuxième fils du châtelain nous permet d'affirmer que ce fut peu de temps ) — 130 — après la mort de Rousseau. On y voit du reste les habitants du pays encore sous l'impression de cet évènement survenu comme on sait le 3 Juillet 1778. Tout ce qu'on connaît du caractère de Pâris et de sa loyauté interdit d'élever le moindre doute sur la sincérité de son récit. Sa relation est couverte de ratures qui ne sont que des corrections de style : de temps à autre il renvoie à des additions faites au cours de sa première rédaction, avant même que celle ci ne fût terminée. Du reste une simple lecture démontre qu'il n’a pu imaginer de toutes pièces les détails précis et parfois si puérils qu'il donne, et que seule Thérèse Levasseur avait pu lui transmettre. On comparera utilement ce récit avec la lettre que Thé- rèse écrivit à Musset-Pathay en 1798 pour raconter les der- niers moments de son mari, On verra qu'il confirme les déclarations faites par la veuve de Rousseau vingt ans après la mort et qu'il les complète d'une manière fort intéressante. C'est déja un fait qui mérite d’être relevé que Thérèse ait raconté dans les mêmes termes la mort de son mari à des dates aussi éloignées. Dans le récit de Pâris, il n’est pas question de coup de pistolet mais seulement d’un empois- nement. Les dernières heures de Rousseau sont relatées avec une précision qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Pâris, admirateur enthousiaste de Rousseau comme tous les jeunes gens de son âge, semble même n'attacher aucune importance aux bruits de suicide qui couraient alors. Pro- fondément ému du récit de sa mort que lui en fait sa veuve, après d’autres personnes de la maison, il est convaincu que Rousseau a succombé à des causes toutes naturelles. Nous laissons aux historiens et aux médecins le soin de tirer des faits que Pâris rapporte les conclusions qu'ils peuvent com- porter. : En dehors des renseignements que la relation de Pâris peut fournir au sujet de la mort de Rousseau, elle donne encore des indications précieuses sur le caractère de l’auteur — 131 — des Confessions, qui reste toujours si énigmatique pour nous. Les confidences naïves de sa veuve nous le montrent sous les divers aspects —- souvent si contradictoires — sous les- quels nous le connaissons. L'homme ombrageux et méfiant apparaît quand il reproche à sa femme de l’engager à accep- ter l'offre de M. de Girardin d'aller à Ermenonville, ou quand il met à la porte de sa chambre de moribond Mr° de Girar- din venue pour l’assister : on le voit heureux de la mort qui arrive et doit le soustraire aux persécutions de ses ennemis. Le mystique” qui est en, lui:se révèle :quand..il remercie Dieu qui l'appelle sans le faire souffrir, et qu’il entrevoit le repos au sein de la Béatitude. Il ne peut manquer non plus de s’y montrer l’écrivain sentimental et quelque peu empha- tique qu'il a toujours été ; comme Gœthe qui, mourant, ré- clamait de la lumière, il parle de l'air pur qu'il respire Mais d'autre part la femme de Rousseau fait connaître les côtés généreux de l’âme de son mari, ceux qui, malgré son carac- tère désagréable, lui ont valu tant de sympathies. Thérèse vante sa bonté, dont sa conduite envers elle est la meilleure des preuves, et son inépuisable charité qui le faisait se dé- pouiller pour les pauvres. Son exclamation naïve qui d’abord nous semble étrange que si Rousseau n’est pas un saint, personne ne saurait l’être, n’est peut-être pas si paradoxale qu’elle le paraît. Les historiens de Rousseau pourront encore relever dans ce récit quelques traits sur la vie intime de Rousseau, sur ses habitudes, sur son séjour à Ermenonviile et sur l’édition de ses œuvres à Genève. Nous avons cru bon également de publier en entier la description de la propriété de la famille de Girardin à Erme- nonville et les renseignements que donne Pâris en termi- nant sur la vie qu'on y menait. Peut-être sera t-on surpris de voir le châtelain et la châtelaine habillés de toile bleue comme leurs domestiques, et habituant leurs enfants à une vie austère et frugale. Ce mât planté au milieu de la cour — 132 — du château et au haut duquel les fils de M. de Girardin doi- vent chaque matin aller chercher leur repas, les exercices physiques qu'on leur fait faire, les longues marches de Paris à Ermenonville auxquelles on les entraine, le goût de la musique qu’on éveille en eux, tout cela ne fait-il pas sentir: l'incroyable influence exercée par Rousseau sur ses contem- porains ? Doit-on s'étonner ensuite de celle que cet homme extraordinaire a eue sur la Révolution et que tous nous subissons encore aujourd’hui, inconsciemment ou non ? ERMENONVILLE « Le château et les jardins sont situés dans une vallée agréable bordée de coteaux, et arrosée de très belles eaux qui forment en sortant de là les étangs de l’abbaye de Chaalis, et. vont ensuite se rendre à Chantülly. Le parcresthires étendu, et le lieu est des plus favorables pour le parti qu'on a pris de traiter les jardins dans le genre de la nature aimable. Excepté les constructions, dont cer- taines ne sont cependant pas mal, tout y est suffisamment grand pour paraître devoir être naturellement tel qu'il est. Le château est placé au milieu de l’eau et a des deux côtés des vues charmantes. Le côté de la cour présente dans le loin des coteaux qui se contrastent agréablement, de même que les arbres qui les couvrent. On voit sur la droite un petit temple imitant celui de la Sibylle de Tivoli assez mau- vais ; il est placé sur le revers d'un coteau au pied duquel est un lac sur lequel sont plusieurs îles dont une possède le tombeau de Rousseau sous de fort beaux peupliers. L'eau du lac vient tomber en cascade à l’extrémité d'une prairie qui est devant le château, et la cascade est assez grande pour avoir l'air d’être naturelle. Une rivière qui en nait ser- pente dans la prairie en formant de petites iles dont les bords, ainsi que ceux de la rivière, sont garnis de saules — 133 — français et de pleureurs qui, étant dans un terrain très favo- rable, sont bien venus et produisent un effet charmant. Après avoir passé sous un joli pont de bois qui sert à la voie publique, la rivière vient former une autre cascade dans des rochers devant la cour du château, qui est elle-même garnie de buissons et d'arbres, Sur la gauche du château et en avant sont des peupliers d'Italie qui composent, avec le pont et la rue du village, un point de vue fort agréable. Les bois qui environnent et for- ment le fond de ce tableau sont remplis de jolies routes qui conduisent à des cabanes, ermitages et autres, avec force inscriptions dans toutes les langues, dont quelques-unes sont fort bien. De l’Ermitage qui est au fond, on passe au désert qui est rempli de grands genévriers qui massent assez singulière- ment avec d’autres arbres. D'ailleurs la vue s'y porte au loin sur de fort jolis étangs avec l’abbaye de Chaalis dans le fond. -Ce lieu plaisait beaucoup à Rousseau qui y avait une cabane qui porte son nom : tous les rochers v sont parsemés de passages de l’Héloïse en italien. De ce lieu on revient par des routes agréables à la partie du jardin qui est derrière le château. C’est une prairie déli- cieuse dans laquelle serpente la rivière qui est fort large. Des masses de peupliers et d’autres arbres conduisent in- sensiblement jusqu’au fond du tableau. L’eau qui est retenue devant le château forme beaucoup de petites chutes. Sur la droite du château sont beaucoup de fort grands peupliers qui contrastent avec l’autre côté garni de différentes espèces d'arbres. Parmi les accidents dont on à enrichi ce ta- bleau est une tour dite de Gabrielle, qui contient une habita- tion complète, et quoiqu’elle soit plus grande que tout ce que j'ai vu en ce genre, elle m'a paru mesquine et déplacée. Nous nous sommes promenés sans nous arrêter quatre heures et demie. Le lieu est fort grand et offre de toutes parts des vues bien champêtres et très intéressantes.Toutes — 134 — les plantes y viennent avec la plus grande facilité et ne peu- vent manquer de rendre le tout encore plus agréable dans la suite. | Tout parle de Rousseau dans ce lieu où il paraît que la superstition n’avait pas encore réussi à le noircir aux yeux du peuple. Le faible revenu dont il jouissait (1,500 fr.) ne l’empêchait pas de faire beaucoup de bien, et des hommes : qui ne peuvent apprécier ses qualités brillantes le regrettent pour son humanité et sa douceur. Nous avons rendu visite à sa femme qui nous à reçu avec bonhomie, mais cependant avec honnêteté. Malgré le projet qu’on avait fait de ne lui pas parler de son mari, pour ne pas renouveler sa douleur, il était difficile que la conversation ne tournât pas sur ce sujet. Elle a paru remplie de la plus profonde vénération pour la mémoire de son époux qui lui a communiqué ses principes et son stoïcisme autant que cela était possible. Elle nous a raconté sa mort qui m'a fait beaucoup pleurer, quoique ma sensibilité se fût déjà beaucoup exercée au récit que nous en avait fait le valet de chambre anglais que M. de Girardin nous avait donné pour nous faire voir son jardin. Voici ce récit, tel que cette bonne femme nous l'a ra- conté. | La veille de sa mort, il mangeait des fraises, dans lesquelles il mit deux cuillerées de lait et beaucoup de sucré, avec sa femme et le second fils de M. de Girardin qu'il aimait beau- coup et qui était toujours avec lui. Il fut ensuite se promener dans le parc avec cet enfant, et en revenant, il dit à sa femme qu’il se sentait incommodé, qu'il ne croyait cepen- dant pas que ce fût les fraises dont 1l avait mangé fort peu, qu’il s'était trouvé mal plusieurs fois dans sa promenade et que le fils de M. de Girardin avait eu la complaisance de s'arrêter plusieurs fois pour le laisser reprendre ses esprits. Cela inquiéta beaucoup sa femme : il l’engagea à se tran- quilliser, et pour lui tenir compagnie à souper, il prit une bouchée de pain et un peu de vin. Pendant la nuit, sa — 135 — femme, qui était inquiète, ne dormit pas et, lui ayant de- mandé le matin comment il se trouvait, il l’assura qu'il croyait que ce n'était rien et l’engagea à se tranquilliser. Il parut assez gai; le barbier du village vint le raser et il lui fit des contes avec beaucoup de liberté d’esprit. Cet homme avant vu Mme Rousseau qui faisait le lit de son mari et le sien lui en témoigna son étonnement. « Ma femme, dit Rousseau, est accoutumée à faire elle-même son petit tracas, et quoiqu'elle ait une servante et que je l’engage à se iranquilliser, cela l’occupe et l’amuse, et elle continue à faire ces choses elle-même. » Ensuite il alla se promener dans le pare et revint en disant à sa femme : « Ma chère amie, voici le déjeuner de ton serin ; le nôtre est-il prêt ? » Il vit un papier et demanda ce que C'était : « C'est. lé mémoire du serrurier.-- Pourquoi ne l’avez-vous pas payé? — J'ai voulu, mon bon ami, que vous le voyez vous-même afin d’être sûr qu’on ne nous trompe pas. —- Vous savez que je trouve bien tout ce que vous faites. Je vous prie, allez le payer promptement et revenez vite, parce qu'il faut que j'aille donner à Mlle Girardin sa pre- mière leçon (première leçon de musique qu’elle avait con- senti à apprendre pourvu que ce fût lui qui lui montrât). Il déjeuna avec sa femme et sa servante fort gaiement. Il demanda à cette fille si elle aimait le café et si elle s’y accou- tumerait bien. L’instant d’après il se plaignit qu'il sentait du froid et qu'il se trouvait mal. En peu de moments son mal augmenta et il pria sa femme de renvoyer sa servante et d’ôter la clef de la porte. Alors il Iui dit : « Ma chère femme, je sens qu’il faut nous séparer; je suis bien fâché de vous quitter, mais vous m’aimez et vous ne devez pas être fâchée de me voir finir une vie qui a été empoisonnée par bien des chagrins ». Sa femme se mit à pleurer : « Pourquoi pleurer, lui dit-il, êtes-vous fâchée de mon bonheur ? » Elle avait envoyé secrètement Chercher M° de Girardin et'il avait soupçonné quelque chose de cela, mais sa femme, pour ne — 136 — pas lPinquiéter lui dit qu’elle n'avait fait avertir personne. Mme de Girardin arriva et lui dit : « Monsieur Rousseau, je crains qu’on ne vous ait trop fait promener hier et que cela vous ait fatigué. Je viens voir si vous n’en êtes pas in- commodé. — Non, madame, vous ne venez pas pour cela, vous êtes instruite de mon état plus que vous ne voulez le paraître. Je suis sensible à lintérêt que vous y prenez, mais faites-moi le plaisir de vous retirer. » Cette dame se retira enterrer. | Pour lors, ayant fait fermer sa porte, il dit à sa femme qu'il lui avaititoujours dit que, si elle mourait avant lui, qu'il lui fermerait les veux, et quil espérait qu’elle ne lui refu- serait pas ce servicé. I} lui recommanda d’être toujours bien charitable et lui dit qu’elle devait s’attendre que les calomnies de ses ennemis la poursuivraient après sa mort, ne pouvant plus s'exercer sur lui, qu’elle devait s’armer de patience ; qu’il la laissait sous la protection de M. de Girar- din qui était un parfaitement honnête homme et que c'était une grande consolation pour lui. Il la pria d'ouvrir la fenêtre : « Que cet air est pur, que j'ai de plaisir à le respirer encore une fois ! Corsolez-vous, ma chère amie, ne voyez-vous pas que Dieu me tend les bras. Je lui ai toujours demandé de pouvoir finir ma vie sans douleurs, sans voir le médecin et le chirurgien, il m'a exaucé, et je vais me rejoindre à lui dans le sein de la béa- titude. » Il demanda de l’eau des Carmes, et en ayant pris une cuillerée à café, il dit que cela lui faisait plus de mal que de bien. Sa femme lui proposa de prendre un remède : il dit que cela lui était impossible dans la faiblesse où il était. Cependant, l’ayant aidé à se mettre sur son lit, elle le lui donna, mais ne pouvant le retenir, elle voulut glisser sous lui un pot de chambre plat. C Quoi, dit-1l, me croyez-vous si faible que je ne puisse me lever ? » Il fit alors un effort et se jetant à bas de son lit, il se mit sur sa chaise et, sa femme lui ayant proposé uue tasse de bouillon blanc, il en — 137 — but un peu et la lui rendit en disant : « Mon cœur ne peut plus rien supporter. » Et pendant qu’elle se détournait pour la poser quelque part, il tomba sur le plancher, mort. Croyant qu'il était tombé de faiblesse, elle se jeta sur lui en l’em- brassant pour le relever. Elle essaya de le placer sur un fauteuil, mais le voyant sans mouvement, elle poussa un eri et tomba elle-même sans connaissance. .M. de Girardin accourut au bruit, ouvrit la porte avec un passe-partout. On Île saignit, on lui mit le vésicatoire, on voulut lui faire prendre quelque chose, mais le tout inutile- ment, 1l était mort. Sa femme, étant revenue à elle après avoir gémi comme on l'imagine, dit à M. de Girardin qu’une des choses que son mari lui avait recommandé, c'était de le faire ouvrir après la mort, En conséquence, on l’a ouvert et on lui a trouvé toutes les parties internes très saines. Seulement on aperçut dans sa tête une vésicule d’eau qui en crevant l’avait tué. Depuis quelque temps, il s’apercevait de cette incom- modité sans la connaître, et sur ce que sa femme se plaignait qu’elle avait souvent des étourdissements qu’elle croyait présager sa fin, 11 lui répondit : « Que diriez-vous donc sil vous arrivait ainsi qu'a moi de chanceler quelquefois en marchant, d'aller de côté et d'autre comme si j'étais ivre et de sentir ma tête se perdre. » Enfin sa femme l’a gardé trois jours. On n’a pas voulu lui permettre de l’accompagner à la sépulture; ce qu'elle re- grette beaucoup, mais tous les jours elle y va, elle y porte son ouvrage et y passe ainsi une partie de la journée à le pleurer et à prier pour lui, ce qu’elle compte faire jusqu'à ce qu'elle aille le rejoindre et se réunir à lui dans le tom- beau. Elle pleura et s'arrêta plusieurs fois dans son récit : ( Si mon mari n’est pas saint, nous dit-elle, qui est-ce qui le sera ? » Elle ajouta qu’elle n’en avait pas peur, qu’elle l'avait gardé trois jours et trois nuits sans le quitter, qu’elle avait — 133 — beaucoup de désir de le rejoindre bientôt. Elle est d'Orléans ; il y avait vingt-cinq ans qu'ils étaient mariés et elle parait en avoir environ cinquante-cinq. 4 Entre autres choses qu’elle nous dit de son mari, elle dit que la douceur de ses mœurs et son honnêteté le lui avaient rendu respectable, qu’elle Pavait servi et suivi partout où Ja méchanceté de ses ennemis l’avait contraint à se retirer et que, touché de son attachement, il lui avait dit que n’avant pas de fortune n1 de biens avec lesquels il püût la récompen- ser, il ne pouvait lui prouver sa reconnaissance qu’en l’é- pousant ; qu’elle croyait qu’ils étaient faits l’un pour l’autre : qu'il ne lui avait jamais rien caché que les charités qu'il faisait et qu’elle était bien éloignée de désapprouver, mais, ajouta-t-elle, sa main gauche ne savait pas ce que donnait sa main droite. Une seule fois, 1l lui dit : « Ma femme, ouvrez cette commode ; voilà un malheureux qui n’a ni che- mise, ni col, ni bas, il faut lui en donner. — Bien volontiers mon ami », dit elle en exécutant ses volontés. Je lui deman- dai si l'édition de Genève était vraie: elle me l’a assuré en me disant que les éditeurs étaient les amis de son mari, qu'ils étaient. depuis quelque temps dépositaires de ses pa- piers, qu’il en aurait beaucoup perdu, comme il le disait lui- même, si elle n'avait eu soin de les recueillir et qu'il les avait déposés en main tierce, pour qu'on ne füt pas dans le cas de l’inquiéter après sa mort. Elle nous a dit que c'était bien à tort qu’on accusait son mari de beaucoup de singularité, qu'il était doux comme un enfant, et quil recevait tous ceux qui venaient le voir. Elle nous offrit de nous faire voir son portrait très ressemblant fait par M. Houdon, et elle parut très sensible à l’intérêt que nous y prenions. Elle ne nous a pas reçu chez elle mais chez un bon paysan, nommé M. Bimont: « C'était, dit-elle, l’ami de son mari ». On reconnaît dans cette femme la simplicité de Rousseau et on pénètre dans ses discours un enthou- siasme froid qui se croit fondé en raison. — 159 — Elle sait tous les bruits qui ont couru sur elle au sujet des Mémoires de son mari, ainsi que sur lui-même, et particu- lièrement qu’on l'avait accusé de s’être empoisonné. Elle nous à prouvé la fausseté des premières imputations et a ajouté que ceux qui l'avaient ouvert avaient bien vu com- bien la dernière était fausse. Tous ces bruits étaient des in- ventions de ses ennemis qui, dit-elle, l’ont perséeuté tant qu'il a vécu. Mais on verra dans l’édition qui va paraître toutes les persécutions qu'il a essuyées! On v verra ses ennemis démasqués et ils te méritent bien! Peu de temps avant de venir à Ermenonville, ils avaient résolu de se retirer à cent lieues de Paris. Une maladie fort longue qu’elle eut les empêcha d'effectuer ce proiet. Etant un jour seule, elle vit entrer chezelle M. de Girardin qui venait lui offrir une demeure chez lui. Comme il accompagna cette offre de beaucoup d’instances elle lui promit d’en parler à Rousseau à qui elle dit en effet la proposition qu'on lavait chargée de lui faire « Ma chère amie, lui dit-il j’ai éprouvé tant de désagréments chez les grands, chez qui j'ai demeuré, que je ne me sens pas disposé à risquer d’en éprouver de nouveaux. » Elle lui représenta que M. de Girardin était un honnête homme, qu’elle croyait incapable de le tromper. « Je consens à y aller, dit-il, puisque cela vous fait plaisir, et si ce que je crains arrive, je ne m'en plaindrai pas. Je ne veux pas vous chagriner et Je renfermerai ma peine en moi- même. » Elle le pria de ne pas faire cela par complaisance pour elle et lengagea à ne suivre en cela que son sentiment. « C’en est fait, dit-il, n'en parlons plus. » IT y alla le lende- main, fit ses arrangements avec M. de Girardin. I ne voulut pas demeurer au château et il prit un pavillon à côté, où 1l ne voulut pas permettre que M. de Girardin fit la momdre dépense. M de Girardin envoya son suisse et deux domes- Uüques-pour aider Mm° Rousseau à faire son déménagement, et, n’avant pu arriver que le lendemain du jour qu’on lat- tendait, son mari fut fort inquiet et était prêt à partir pour — 140 — Paris lorsqu'elle arriva. Dès qu'il eitnleourutarenMerterscse jeta à son col avec toute la tendresse possible et la présenta ensuite à M. et M®° Girardin présents à cette entrevue, à laquelle il n’a survécu que six mois. Il se promenait tous les jours dans le parc en herborisant. Il montrait la botarique au second fils de M. de Girardin nommé Aimable : il aimait cet enfant qui paraît âgé d'une douzaine d'années et ce jeune homme lui témoignait la plus tendre vénération Ilest un peu mélancolique par tempérament et ne se plait pas, dit Mre Rousseau, dans la compagnie des femmes. Son aîné est plus grand et d’une figure plus intéressante. Lui, son frère, son père et tous les domestiques Sont vêtus de même. Leur habillement est d’une toile bleue anglaise, il consiste en une veste, une culotte et des guêtres de la même étoffe. Mn° de Girardin et ses femmes sont vêtues de la même toile avec un grand tablier et un chapeau noir. Dans la cour est un mât d’une trentaine de pieds de haut sur lequel les enfants grimpent tous les matins pour prendre leur déjeuner. Ils viennent de Paris à Ermenonville à pied et demandent comme une grâce à faire le voyage ainsi. M. de Girardin fait de la musique, dessine, écrit et se promène. Il a trois musi- ciens avec lui, et tous les soirs on va faire de la musique - dans quelque endroit du pare. Le salon contient un billard, une chambre noire, un clavecin, des pupitres chargés de musique et des tables de travail, Cette vie a l’air singulière mais cependant peut être très heureuse. Toutes les inscrip- tions en prose et en vers qui sont dans le parc sont de M. de Girardin et quelques-unes sont très jolies. » PALÉONTOSTATIQUE JURASSIQUE DE LA FRANCHE-COMTE SEPTENTRIONALE Par M. le Dr Albert GIRARDOT MEMBRE RÉSIDANT Séance du 17 février 1906. Le livre dont je fais hommage à la Société d’Emulation du Doubs et que j'offre à sa bibliothèque, porte un titre quel- que peu singulier : le terme de Paléontostatique n’est pas usité souvent, même dans les ouvrages techniques ; il a été cependant employé déjà dans nos Mémoires à différentes . reprises, et même en 1898 la Société d’'Emulation m'a pu- blié une notice portant ce titre (1). Ce travail ne comprenait qu’une partie du règne animal et Je me proposais de le com- pléter par la suite, mais depuis d'importantes publications dues à la plume de MM. de Loriol, Cossmann et Petitclere, pour ne citer que ces auteurs, sont venues augmenter Con- sidérablement nos connaissances sur notre faune, et il m’a semblé nécessaire de signaler les nombreuses adjonctions et les corrections que nos listes de fossiles doivent subir de ce fait ; aussi me suis-je décidé non seulement à continuer l’œuvre commencée en 1898, mais à la reprendre entière- (1) Matériaux pour la paléontostatique de la Franche-Comté septentrio- nale, — Les mollusques du système Oolithique. — Mém. Soc. Emulation du Doubs, 1898. Le ment et à la refondre. C'est le résultat de ce travail que je viens présenter à notre Compagnie. L'ouvrage a été divisé en trois parties : la première com- prend la liste des fossilés jurassiques recueillis sur notre territoire, la seconde leur distribution dans les étages et les sous-étages du Lias et de l’Oolithe, la troisième enfin, Pexposé de considérations diverses sur la faune et la flore de ces formations. Dans la première partie, j’ai indiqué toutes les espèces du système liasique, puis toutes celles du système oolithique, en ordre descendant, c’est-à-dire en commençant par les vertébrés pour finir par les coralliaires et les spongiaires ; car J'ai laissé volontairement de côté les foraminifères, qui sont encore trop peu connus. À propos de chaque fossile, je note soigneusement le lieu et le niveau géologique où il a été observé, l’auteur de l’observation et l’écrit dans lequel il Pa consignée. On m'a fait remarquer que je n’avais pas serré d'assez près mes indications ; cette critique est juste, j'ai rapporté souvent à une localité de notre territoire, bien étudiée au point de vue géologique, les espèces fossiles recueillies dans ses environs : c’est ainsi que j'indique, sous la rubrique Besançon, des débris d'animaux rencontrés à _Miserey, à Beure ou à Palente. J'ai pensé que ce groupe- ment n’avait aucun inconvénient dans un travail de cette nature ; d’ailleurs, il sera toujours facile de retrouver le lieu exact de provenance du fossile d’après mes citations biblio- graphiques (1). On m'a fait aussi une autre observation, au devant de laquelle j'étais allé cependant, on m'a reproché d’avoir. employé pour désigner les niveaux géologiques, les termes de bajocien, de bathonien, etc., au lieu de les indiquer comme zones paléontologiques, ainsi que l’ont fait MM. Mu- nier-Chalmas et de Lapparent. Cependant, dans le premier (L) Système Oolithique, page 387, — 143 — volume de mes études géologiques sur la Franche Comté septentrionale, J'avais fait connaître la correspondance de nos étages et sous-étages avec ses zones paléontologiques, et à la page 4 du volume que Je présente, je renvoie à cette publication (1), D'ailleurs, les expressions de bajocien, bathonien, etc., sont employées couramment par tous les géologues du Jura; bien plus, elles sont seules usitées dans la carte géologique détaillée de la France. La deuxième partie est entièrement composée de tableaux indiquant la répartition des fossiles dans les étages et sous- étages de la région. La troisième partie est consacrée à des considérations diverses sur la faune et la flore jurassiques de notre terri- toire; elle débute par une étude sur la distribution des espèces dans la région. Les chiffres que nous donnons dans cette partie de notre travail n’ont de valeur- absolue que pour le moment présent, ils seront très certainement mo- difiés par la découverte de nouvelles espèces ou la suppres- sion (pour cause de synonvmie ou pour tout autre motif}, de quelques-unes de celles que nous avons citées. Comme ces chiffres sont surtout destinés à montrer les liaisons qui existent entre les faunes des différents étages et à mettre en évidence la proportion assez notable des espèces com- wmunes à deux ou à plusieurs d’entre eux, les modifications qu’ils subiront ne changeront pas beaucoup le résultat final, d'autant plus que leur importance augmentera plutôt qu’elle ne diminuera dans l’avenir. Au point de vue de la réparti- tion des espèces liasiques dans notre pays, c’est le district de Besançon qui est le mieux doté; les districts de Montbé- hard, de Belfort, de Vesoul et de Gray renferment beaucoup plus d'espèces oolithiques que le district bisontin. Le nom- (1) Il est à peine utile de faire remarquer que les assises de ces points secondaires présentent exactement le même faciès que celle du point prin- Cipal auquel on les rattache, FA bre total de ces espèces pour tout le pays s'élève à 2725, en ne comptant pas celles qui sont douteuses, pour quelque motif que ce soit ; sur ces 2,723 espèces, 460 appartiennent au Lias et 2,263 à l’Oolithe. Ces espèces ne sont pas exclu- sivement renfermées chacune dans un étage déterminé ; beaucoup d’entre elles s'élèvent au-dessus du niveau où elles ont apparu et passent dans des assises qui lui sont supé- rieures. La proportion des espèces que chaque étage reçoit d’un niveau inférieur, au nombre total de ses fossiles, varie beau- coup; elle est comprise entre 6 °/, et 47 0/, pour les étages bien définis, car le Virgulien, qui peut à la rigueur être con- sidéré comme un simple sous-étage du Kimméridien, en renferme 59,43 0/,. Les espèces qui passent ainsi d’un étage dans un autre appartiennent aux diverses catégories de fos- siles, principalement aux échinodermes, aux annéhdes, aux brachiopodes et surtout aux mollusques et à leurs trois groupes, Inême aux ammonites. Ces céphalopodes ne res- tent pas immuablement fixés dans une position stratigra- phique déterminée, comme on a pu le croire, mais passent assez fréquemment, non seulement dans un même étage, d'une assise dans une autre, mais quelquefois aussi d’un étage dans un autre. Nos espèces jurassiques appartiennent à 336 genres : le Lias renferme 105 genres, l’Oolithe 199 et 72 leur sont communs. Les plus répandus dans nos assises jurassiques sont au nombre de 63, soit exactement 18,15°/, de leur nombre total. Ce sont aussi ceux qui donnent le plus d’'es- pèces à notre faune et par suite ils peuvent, jusqu’à un cer- tain point, nous renseigner sur le régime de la mer qui recouvrait notre région à l’époque jurassique. Les animaux marins et les mollusques, en particulier, ne sont pas répandus au hasard sur le fond des Océans actuels, chaque genre a son habitat particulier dans lequel il est con- finé en raison de sa constitution. — 145 — Certains genres vivent dans la zone littorale, à une très faible profondeur, d’autres plus loin du rivage, d'autres un peu plus loin encore, d’autres enfin dans les profondeurs abyssales. Or, parmi les genres dont la distribution bathymé- trique est bien connue, il en est un grand nombre qui exis- taient déjà à l’époque jurassique et qui nous permettent de juger du régime de ses mers. Parmi ceux-ci les mollusques vivants sous une faible épaisseur d’eau, tels que les Pecten, Ostreau, Anomia, Modiola, Mytilus, Arca, Cardium, sont ceux qui ont laissé le plus grand nombre de débris dans nos assises. D'un autre côté, les Polypiers y abondent, à peu près à tous les niveaux, nous renseignant ainsi sur les conditions de profondeur et de température au sein desquels ils ont été édifiés. On sait, en effet, que les Coralliaires construisent leurs Polypiers dans les eaux dont la profondeur ne dépasse pas 20 ou 30 mètres. Ainsi donc une mer peu profonde re- couvrait notre région à l’époque jurassique, résultat que confirme la stratigraphie, comme nous l'avons déjà établi en 1896 (1). Les rares débris de végétaux qui ont été recueillis dans les diverses couches de notre territoire viennent encore apporter une preuve nouvelle à l'appui de cette hypothèse. On rencontre parmi eux, en effet, des frondes de grandes fougères, des fragments de tiges arborescentes, des fruits divers, surtout de pandanées ; preuves manifestes que cette mer peu profonde baignait un rivage rapproché. (1) Système Oolithique, p. 403 et suivantes. (K) LA PIROGUE GAULOISE OU PRÉHISTORIQUE de BUTHIERS (Haate-Saône) (MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE BESANÇON) Par M. Alfred VAISSIER Conservateur du Musée archéologique in cn oo Le 21 octobre dernier, sur l'invitation de M. de Scey, je me rendais à Buthiers pour examiner une pirogue préhisto- rique tirée du cours voisin de la rivière l’'Ognon. En offrant au musée d'archéologie cette antique épave assurément intéressante le donateur voulut bien rédiger, sur les circonstances de la trouvaille, une note précise qu'il est utile de reproduire ici. | « Il v a quelque quarante ou cinquante ans l’Ognon dé- gradant beaucoup le Pré neuf, à 700 mètres en amont du. pont de Buthiers sur la rive gauche, mon père y fit faire un éperon en pierres et déblais. Le résultat fut immédiat ; le pré fut garanti, mais le courant creusa petit à petit le lit de la rivière dont le fond est de gravier, et quelques années après mit à découvert, à environ six mètres de profondeur, l'extrémité d’un gros bois qui semblait avoir une cavité de côté où se réfugiaient les poissons. Cela devint donc un des meilleurs coups de filet des pêcheurs qui cherchaient avec leurs perches à en faire sortir les barbeaux, sans se douter qu’il y avait là une pirogue des premiers âges qu'ils démo- lissaient. RSS ( PACLOLAS ‘(uoSupsag 2p anbiSojooqoir 22sny[) 2}N8}{ s12iyJng 2p ?2n biioysry21d ( 1906 2n8oiid el 1 oO} ‘sq nog np UOHEINU EP rt D 1 106 UAar » Cependant le courant continuant son œuvre dégageait chaque année davantage le soi-disant bois ; enfin une crue de l'hiver dernier le sortit complètement du sable et le transporta à cinquante mètres plus bas. » Le 17 octobre, au soir, mon pêcheur vint me dire qu’il était bien dommage que mon tireur de sable profitât des eaux claires pour extraire de la rivière pour son chauffage les bois qui formaient les meilleures tenues de poissons, et qu'il ve- nait notamment de sortir de l’eau une sorte de grande auge creusée à même dans un chêne. » Je me rendis de suite à la sablière et trouvant cette pièce très intéressante je la fis transporter aussitôt en lieu sûr. — Marquis de Scey de Brun ». Trois jours après cette lourde pièce était amenée à Be- sançon et déposée dans le vestibule du Musée, pour y être suspendue à côté de ses congénères provenant de la même région, à savoir la pirogue de Rigny à coque arrondie et la barque de Courchapon, ou plutôt sa moitié dans le sens de la longueur, à fond plat. La nouvelle acquisition de Buthiers est un spécimen relativement mieux conservé, en particulier pour l'arrière, l'avant ayant perdu une notable partie. On peut évaluer à un mètre le diamètre de la biile de chère que la mise en œuvre a réduit en une sorte détroit canal de 0,65 d’équarissage à l’arrière et de 0,50 vers le milieu. fnté- rieurement l’excavation pratiquée à angles droits sur un fond plat ainsi que le dessous dont les arêtes extérieures sont émoussées vers l’avant (Voir la planche ci-jointe) (1), {1) La photographie à élé prise dans le vestibule du Musée dans des conditions difficultueuses, Il s'agissait de mettre bien en vue la parfaite conservation de l'arrière. Il faut donc tenir compte de l’exagération forcée des premiers plans et de l’amincissement de la partie extrême pour se re- présenter l'aspect d’étroit canal de la bille excavée. Par suite du dessè- chement, deux fentes anguleuses se sont ouvertes depuis, transversalement, dans le massif des deux contreforts centraux jusqu'alors intacts. — 148 — Les bandes mesurent de 0,35 à 0,40 de hauteur vers le milieu, à partir duquel le fond tend sensiblement à se relever. À l’intérieur se dressent une paire de deux renforcements : transversaux et parallèles fort bien coupés dans le massif et affleurant le bord du bandage. Ces sortes de cloisons de 0,12 à 0,16 d'épaisseur et même de 0,20 à 0,25 à leur base ména- gent entre elles un intervalle de 0,68 (0,61 au fond). On peut s'asseoir sur leur large tranche incurvée, semble-t-il, à cette intention. | En outre de l'intérêt que comporte la complète conserva- tion des deux renforcements centraux, les archéologues exa- mineront encore avec plus de satisfaction le massif plein ré- servé à l'arrière sur la longueur horizontale d'une plate- forme de 0,56, massif qui se continue en plan incliné, dans l’intérieur aussi bien qu'en dessous, pour former le bec; celui-ci d’abord mince de 0,0% dans sa tranche extrème se trouve ainsi renforcé pour équilibrer la pièce. On remarque au bord de l’arête du bec deux trous ronds où une petite corde nouée court devait servir à retenir la godille, simple aviron, pour diriger ou faire avancer l’embar- cation. Un peu en arrière, deux autres trous plus petits sont encore garnis de restes de chevilles. Les vrais trous d’amar- rage sont percés obliquement dans l'angle latéral du massif de la plateforme. | Dans son état actuel, l'épave mesure une longueur de 990. Pour être bien équilibrée, en raison du poids supérieur de l'arrière. la pirogue complète pouvait atteindre 7 mètres, Tout en ménageant au fond de la pirogue une épais- seur suffisante de 0,07 à 0,08, aussi bien pour la solidité | que pour résister aux risques du versement, auquel sont su- jettes les barques à fond plat et à bandages verticaux, le cons- iructeur a cherché à alléger ceux-ci qui vers les bords n'ont parfois plus qu’un centiinètre d'épaisseur. Malgré les rudes assauts que ces parois minces ont dû subir le bois a conservé tout son nerf. Les parties émergeantes abandon- — 149 — nées pendant de longues années aux alternatives d'humidité et de sécheresse ont dû être attaquées plus que le fond, et recevoir des chocs. Une autre action destructive s’observe encore aujourd'hui sur les parois où les pellicules de moisis- sures se desséchant se soulèvent, comme les vieilles écorces des arbres, et entrainent avec elles une petite portion du bois pulvérisé. A 0.75 du plan incliné de la plateforme on remarque un trou obliquement percé, avec rigole d'entrée comme de sor- tie, très arrondi à l’intérieur et très propre à l'introduction d’une cheville à chasser au marteau, soit pour obturer une lacune du bois, soit pour la vider à volonté et la sortir de l’eau. De même nous remarquerons pour être complet, une ouverture étroite, allongée et verticalement entaillée (0,10 sur 0,02) très régulièrement dans l’épaisseur du renforce- ment vers l'avant. De plus un trou parfaitement rond est à signaler dans la bande de gauche à 0,10 de son bord. Le groupement des deux renforcements centraux établit une étroite parenté avec la grande barque plate, large et massive de saint Albin (Haute-Saône) conservée au Musée de Saint-Germain. Dans la barque de Courchapon, on compte quatre de ces cloisons et trois dans celle de Rigny, régu- lèrement distancées mais toutes très réduites comme con- servalion. Quel peut être l’âge de ces engins de petite navigation ? — Jusqu'à présent la question reste en suspens. On cite bien les auteurs anciens : Tite Live, César et d'autres encore qui parlent des linters {lintres) nacelles, embarcations creusées par les barbares ou les gaulois dans des troncs d’arbres, et qu’Annibal aussi bien que le Conquérant des Gaules mirent à contribution pour le transport de leurs troupes et de leurs impedimenta, de même pour l'établissement de ponts de bateaux en les accouplant. — Mais où s'arrêter quant au dé- but de cette industrie primitive de nos ancêtres? — En l'ab- sence de toute pièce fabriquée, d’un caractère archéologique — 150 — bien déterminé et se rattachant d’une manière certaine à l'objet en htge, on demeure réduit à tirer des circonstances | géologiques des lieux ou des différences de constructions de ces objets eux-mêmes des inductions de mince valeur. Il n'y a pas seulement à tenir compte de l'importance des alluvions qui ont recouvert ces épaves. Il est des faits qu'il ne faudrait pas perdre de vue. Ainsi la pirogue de Rigny a été retrouvée couchée au milieu de troncs d'arbres, et celle de Courchapon reposait au même niveau que l’étonnante ac- cumulation de grands chênes branchus sous toute l'étendue de la vaste prairie où y circule POgnon. Comment expliquer ces faits sans faire intervenir la puissance d'énormes cou- rants d'eaux dont le souvenir se perd dans la nuit des temps ? À l’occasion de la découverte d’une jolie pirogue, malheu- reuserment en partie décomposée, à Apremont (Haute-Saône), à quelques kilomètres de Rigny, M. le docteur Emile Bou- chet, de Gray, dans un travail fort intelligemment présenté à la Société grayloise d'Emulation, année 1903, avec une exacte restitution, a eu la bonne pensée d’énumérer quelques-uns des caractères des sept pirogues découvertes en Franche- Comté. Nous féliciterons aussi M. le marquis de Scey de lempressement qu'il a bien voulu mettre à assurer la con- servation de la huitième qui comptera comme une des plus précieuses de la série. DU ROLE DES NATURALISTES DANS LA FONDATION ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS Par M. le D' Ant. MAGNIN PRÉSIDENT ANNUEL Séance du 20 janvier 1906. Le choix d’un naturaliste pour président de notre société m'a suggéré l’idée de rechercher, en compulsant ses ar- chives, le rôle qu’v ont rempli ceux de mes prédécesseurs qui s’occeupaient d'histoire naturelle, quelle part ils ont prise au développement de notre association, quelles traces leurs recherches ont laissées dans nos annales ; ces enquêtes sur le passé sont à la fois un tableau intéressant des progrès d’une science et d’une institution: elles donnent en même temps d’utles et précieuses indications pour lavenir. . Les rapports étroits des fondateurs de la Société d’'Emu- lation avec le personnel scientifique, professeurs et amateurs de notre ville, sont déjà bien indiqués dans le C. R. qui pré- cède la Table générale de 1875 (D: « Si, dit le rapporteur, l'Académie de Besançon avait pour collaborateurs princi- paux les professeurs de la Faculté des Lettres, la Société d'Emulution naquit à point pour devenir l’auxiliaire de la Faculté des Sciences », Mais le rôle des naturalistes dans la fondation de la Société (1) Soc. Emul. du Doubs, 4 série, t. X, 1875, p. 596. d'Emulation ressort encore plus nettement des renseigne- ments donnés par M. le Dr Girardot sur les origines de cette Association (S. E. du Doubs, 1898, 5. x111-X1v) : notre Société est, en effet, la suite des tentatives diverses de groupements faites par les naturalistes, surtout les géologues, de 1833 à 1840: ce fut d’abord, la Société de Géologie et d Histoire naturelle du Doubs fondée en 1833 par Parandier, alors ingénieur des Ponts et Chaussées à Besançon, puis réunie momentanément, sous l'inspiration du naturaliste Girod- Chantrans, à la Soc. d'Agriculture sous le titre de Soc. d'agric. sciences et arts, enfin séparée de celle-ci en 1835, sous la dénomination de Soc. géologique du Doubs; mais cette dernière, après quelques années de prospérité, dut se dissoudre, en 1840, au moment du départ de M. Paran- dier, «et ses autres membres, amsi que le dit le D' Girardot, se réunirent quelques mois plus tard, pour fonder, dans d’autres conditions, la Soc. d’Emulation du Doubs, dont la Soc. géologique a été comme une première ébauche ». Parmi les 22 fondateurs de la Soc. d’'Emulation, en juillet 1840, je ne relève cependant que les noms des deux natu- ralistes suivants : Théophile BRUAND, auteur de remarquables recherches entomologiques. | Charles GRENIER, l’auteur de Ia Flore jurassique, le colla- borateur à la Flore de France, la seule employée il y a quelques années encore. On peut y ajouter plusieurs membres fondateurs qui sans être des naturalistes de profession s’occupaient cependant d'histoire naturelle, les deux DELACRoIx, VIVIER, le pro-. fesseur à lPEcole d’arüllerie REYNAUD-DUCREUX, puis, peu de temps après la fondation de la Société, les naturalistes D'UDRESSIER, PIDANCET, et enfin un peu plus tard, DELESSE, CoQUAND et parmi les correspondants régionaux : Chopart, Germain, Garnier, de Fromentel, Etallon, etc. Nous allons étudier successivement la part prise par ces — 153 — naturalistes, à l'administration de la Société et à la produc- tion scientifique manifestée dans ses publications. T. Administration de la Société : 19 naturalistes y ont pris part, à titre de : Présidents : D'UDRESSIER (1840-1844) ; N. Boyvk (1846) ; géologue. DELESSE (1848) ; id. COQUAND (1851, 53, 57) : 3 fois; id. VÉZIAN (1863,1879) : 2 fois ; id. GIRARDOT (1882, 1898) : 2 fois ; id. G. Boyer (1889); id. (1) GRENIER (1851, 95, 61, 65) : 4 fois ; botaniste. DEY (1854) ; id. PAILLOT. (1880) ; id. | = BRUAND (1854) ; entomologiste. V.- Président : MAGnix (1894); botaniste. Secrétaire et Vice-secret. : BAvoux (1854, 64); botaniste. CONTEJEAN (1856); botaniste et géologue. Trésorier : MARQUE. Archivistes : BRocARD (1556-57) ; ornithologiste. KIRCHNER (1898) ; botaniste. IT. Production scientifique: La contribution des naturalistes aux recherches et aux travaux scientifiques de la Société a été remarquablement active et abondante dans les trente premières années; elle s’y est mantfestée également dans les trois ordres de sciences naturelles, géologie, botanique et zoologie. (1) On peut v ajouter E. DELACRoIx (1871), Résa (1875) qui se sont aussi occupés d'Histoire naturelle et ont donné à la Société des communi- cations de géologie ou de minéralogie, — 154 — Dans celte première période, je relève : En Géologie : 5 communications de PipancET (1847-1856), 4 de Lory (1847-1857), 8 de CoquAND (1853-1858), les pre- mières recherches de VÉZIAN (1862 et suiv.), sans compter celles de N. Bové, Renaud-Comte, Chopard, Sautier, Dela- croix, Contejean, Bonjour, Defranoux et Ogérien; — puis spécialement en Paléontologie, les travaux de FROMENTEL, ETALLON, BERTHELIN, — en Minéralogie ceux de DELESSE et RÉSAL. À signaler particulièrement, le Traité des Roches, de COQUAND, important ouvrage de 430 pages (1856), et les études de FROMENTEL sur les Polypiers fossiles (1860), d'EÉTALLON, sur le Jura graylois (1858-1863), encore citées et utilisées de nos jours. En Botanique, je compte 15 communications notes, mé- moires de GRENIER, — 3 de CONTEJEAN, 3 de BAvoux, 2 de MicHALET, 2 de GODRON, 1 de PARISOT ; c’est mon prédéces- seur Grenier qui l'emporte par le nombre, la variéte el lim portance de ses travaux scientifiques; son mémoire sur les Céraistes inaugure les publications de la Jeune Société (t., 1'e et 2° livr., mai 4841); Son Catal. des plantes phan. du Doubs (1842-1845) prélude à l’importante Flore de la chaîne Jjurassique qu’il devait publier plus tard. Ce fut aussi le beau moment des recherches Zoologiques : lhabile entomologiste BRUAND donne à notre Société 26 com- munications, notes ou mémoires, sur les Lépidopteres du Doubs, de 1841 à 1858 ; — PrnANCET Léandre (le frère du géo- logue), un travail sur les Libellulidées, en 1855 ; — BROCARD son Catal. des Oiseaux du Doubs, en 1857; citons encore des notes moins importantes de Moreau, Abicat, Grenier, etc. Dans la 2° période. les recherches httéraires, historiques, archéologiques, etc., deviennent de plus en plus nom- breuses et finissent par l'emporter sur les communications de sciences naturelles. La Zoologie est complètement délaissée ; depuis 1860, je (7 à À (NE € — 155 — ne trouve dans nos mémoires que le travail de LACORDAIRE sur les Oiseaux du Doubs (1877), deux conférences de MoquiN-TANDON (1878-1879), des communications préhisto- riques de M. Vaissier et la note du regretté D' DIETRICH sur les Vipères, en 1895. Cependant la Géologie et la Botanique continuent à être représentées par des communications encore suffisamment nombreuses, quelques-unes d’un grand intérêt. En Géologie, je cite d’abord les recherches de VEÉZIAN sur le Jura franc-comtois (4 communications de 1862 à 1874, dont le beau volume paru en 1872-1873), — celles d'HENRY sur l’infralias et le bathonien (1875, 1879), de CHOFFAT sur le callovien et l'oxfordien 1878), et enfin, plus récemment, les nombreuses communications de nos collègues, G. Boyer (7 mémoires de 1885 à 1891), D' GIRARDOT (nombreux mémoires depuis 1881), JACCARD, FOURNIER, etc., dont je m’abstiens de donner l’énumération ; elles sont encore pré- sentes à votre souvenir. En Botanique,après la Flore jurassique de GRENIER (1864- 1869, puis 1874), les recherches morphologiques de LECLERC (o communications de 1866 à 1879), nous rencontrons les notes nombreuses de PAILLOT (6 communications de 1870 à 1889), VENDRELY (6 communications de 1880 à 1905), celles de RENAUD, MICHEL, NiCKLES, PARMENTIER, BAVOUX, GUR- NAUD, HÉTIER, THOUVENIN, KIRCHNER, — nos Annotations (1894-1895), nos Etudes limnologiques (1893) et enfin l’impor- tant travail de FLAGEY sur les Lichens de la Franche-Comté (1882-1901), ouvrage remarquable, cité partout avec éloge et dont il est regrettable que l’absence d’un tirage à part, _avec tables, empêche la diffusion et Putilisation ! Telle est la part contributive qui revient aux naturalistes bisontins et franc-comtois dans la production scientifique de la Société d’Emulation. Malgré cette assez longue énumération, il ne faut pas se dissimuler que, dans ces dernières années, le nombre des — 156 — communications d'histoire naturelle n’ait une tendance à diminuer ; la cause en est moins dans la création d'une modeste Société d'histoire naturelle (1899) qui s'occupe sur- tout de vulgarisation et ne publie que des travaux de débu- tants ou de peu d’étendue, — que dans la création de publi- cations spéciales, journaux ou revues scientifiques, l’utili- sation des Bulletins et Mémoires des Sociétés géologiques, botaniques et zoologiques, où les naturalistes envoient de préférence leurs travaux, parce qu'ils v sont plus facilement consultés par les intéressés et qu’ils reçoivent une diffusion plüs rapide dans les milieux scientifiques propres à chaque branche de la science. | Cependant notre Société d'Emulation ne doit pas se désin- téresser des recherches d'histoire naturelle; d’abord, elle seule, dans notre ville, peut, grâce à ses ressources, publier des travaux de quelque importance : de plus, si la majorité de ses membres paraît s'intéresser surtout aux recherches lHttéraires, historiques ou archéologiques, etc., 1l est utile qu'elle conserve son caractère polylechnique, malgré ses inconvénients, pour donner la plus grande variété possible aux ordres du jour de ses réunions mensuelles, et aux com- munications dont se compose son volume annuel, variété qui favorisera son recrutement, assurera la fréquentation des séances et contribuera à donner toujours plus d'intérêt à ses publications. LA FRANCHE-COMTÉ‘ Par M. Licren FEBVRE (Monographie publiée par la Revue de Synthèse historique dans LES RÉGIONS DE LA FRANCE). Par M. le D' E. LEDOUX MEMBRE RÉSIDANT Séance du 17 mars 1906. Cr La Revue de Synthèse hastorique justifie son titre par d’heureuses initiatives. Elle veut doter l'étude et l’enseigne- ment de l’histoire d’un corps de monographies relatives à chacune des dix-huit régions de la France. Etablie selon un plan uniforme et méthodique, chaque notice sera une sorte d'inventaire de nos connaissances sur une de nos anciennes provinces. L'enquête et le rapport sont confiés à la science, à la compétence, affirmées par des travaux antérieurs, d’un maître né ou résidant en ce pays. Trois de ces monogra- phies avaient été publiées quand la quatrième sur la Franche- Comté vient au jour. Son auteur est notre compatriole et confrère en cette société, M. Lucien Febvre, ancien élève de l’Eccle normale supérieure, profrseur agrégé, qui, grâce à la fondation Thiers, peut librement se livrer à des recher- ches dont nous tirerons avantage. Nous avons ainsi sous les yeux, en un court et substantiel tableau, un résumé de notre histoire particulière, une des- cription géographique, un répertoire bibliographique, reliés entre eux par un art judicieux. L'analyse de tous les faits (1) Une brochure, in-8, de 77 p., Paris, L, Cerf, 1905, — 158 — qui composent un. si vaste sujet est conduite par la raison critique ; une vue synthétique se dégage parfaitement lumi- neuse de leur condensation. Ajoutons que l’érudition revêt une forme attrayante parce qu’elle expose Son savoir avec une sobre et claire précision. L'intérêt de ce livre ne saurait donc se mesurer sur le nombre de ses pages, mais bien mieux sur ses autres qualités, portant, il me semble, la mar- que de leur origine: par sa manière de penser et d'écrire, n'est-ce pas vraiment un Comtois qui parle de la Franche- Comté? Non pas qu’il flatte aveuglément l’amour propre lo- cal, qu’il loue sans réserve l'esprit qui à inspiré nos histo- riographes ou qui anime nos sociétés, Mais pour être parfois sévères, les jugements de M. Febvre sont trop réfléchis, assez motivés pour devoir être pris en considération et mis à profit. Un premier chapitre dresse la liste de nos historiens, énu- mère leurs contributions, signale les bénéfices acquis et les gains à réaliser. Cette révision provoque une plainte et un désir. Le regret porte sur linsuffisance de publication de pièces d'archives : mais il faut remarquer que la bonne vo- lonté des travailleurs dans nos dépôts a moins manqué, man- quera moins que certaines autres conditions nécessaires pour permettre d'offrir nos richesses documentaires à la dis- position de tous. M. Febvre émet le vœu qu'à laide de celles-ci les travaux qui émanent de nos sociétés savantes soient mieux élayés, deviennent plus solides et développés. « Le labeur, dit-il, se disperse sans souci de la coordination : trop d'articles et pas assez de livres. » Il y a certes du vrai dans ces observations qui, après com- paraison entre les monographies de la Revue, pourront sans doute s'appliquer aux recueils de beaucoup d’autres Sociétés et Académies provinciales. Quoi qu'il en soit, l'intention qui. fonde et entretient ces associations réclame sympathie bien- veillante, au besoin indulgente ; leur principale ambition est d’exciter la curiosité, d'encourager des goûts studieux chez Es "159 leurs adhérents et de stimuler l'émulation entre les vrais savants, bibliothécaires, archivistes, universitaires, trop sou- vent si absorbés par leurs devoirs professionnels qu'ils ne peuvent, remarque M. Febvre, disposer de loisirs suffisants pour faire des livres. À ceux qui recherchent dans nos réu- nions une distraction à leurs préoccupations habituelles, y apportent un essai d'amateur, ne faut-il pas être re- connaissant ? Convient-il de marquer trop de dédain à « cette poussière d'articles » ? Mieux vaut un léger effort que l'indifférence stérile. Continuons donc nos traditions. Toutes les notices, communications, mémoires, ne renferment-ils pas au moins l’embrvon d’une notion, un renseignement, un témoignage? ne sont-ils pas des pierres plus ou moins grosses, plus ou moins belles, brutes ou ébauchées, qu’un ouvrier plus habile saura tailler et polir, qu'un architecte ingénieux saura emplover pour l'édification de ce monu- ment, l’histoire d’une province ? Le chapitre suivant a pour sujet le pays envisagé dans sa nature, les variétés, la production du sol sur le territoire comtois, territoire sans limites naturelles, formé de parties successivement détachées des grands morceaux géographi- ques, Vosges, plaines de la Saône, Jura, selon les besoins des habitants, comme le démontre M. Febvre. Il était tra- versé par des routes ouvertes aux échanges entre les peuples du Nord et du Sud, sur le flanc occidental des Alpes dont la barrière resta si longtemps presque infranchissable, par les voies de communication entre les montagnes suisses et les plaines de l'Ouest. La Séquanie, le Comté de Bourgogne ont donc toujours été ardemment convoités par ses puissants voi- sins. Aussi de combien d'évènements ont-ils été le théâtre ! Dans un résumé concret, M. Febvre nous fait apparaitre la longue série de nos guerres, agitations populaires, des conflits diplomatiques, des rivalités politiques pour sa possession. Enfin sous ce titre, transformations et survivances, l’au- teur présage les conséquences des progrès contemporains = 460 — sur l'avenir de la Franche-Comté et son rôle futur, sa mission personnelle dans la patrie française. M. Febvre conclut en déplorant que Fhistoire comtoise reste encore à faire. Certes, de Dunod à Clerc, plusieurs ont tenté l’entreprise : mais leurs œuvres ne répondent plus aux besoins actuels de documentation positive, ne sont plus en concordance avec les exigences de la méthode scientifique. Leurs ouvrages, toujours dignes d'estime, ne nous suffisent plus. Il leur faut un successeur pour lequel pendant les deux derniers siècles nos érudits auront patiemment, fructueuse- ment amassé des matériaux abondants et précieux. M. Febvre ne manque pas de rendre un juste hommage à À. Castan, à J. Guuthier, à U, Robert qui, après avoir tant appris, avaient conçu l’espoir de couronner leurs carrières d’investigateurs par la publication d’une histoire de Besançon, de la Fran- che-Comté. La mort vint trop tôt briser ces projets; mais, de. cette fatalité, un avertissement ressort. Puisque de telles vies si bien occupées n’ont pu suffire à recueillir la récolte sur un champ si longuement fouillé, puisqu'il semble difficile qu'un seul soit également et suffisamment instruit sur toutes les pé- riodes de nos annales, une association des plus renseignés sur chaque époque ne devrait-elle se former, adopter le système de la division du travail, nous donner enfin cette Franche- Comté qu'avec M. Febvre nous appelons de tous nos vœux ? Nos sociétés bisontines accueillerontavec le plus vif intérêt, avec gratitude cette publication à laquelle elles auront géné- reusement collaboré par l’apport de nombreux et excellents éléments. J'ai suivi l’auteur avec un si agréable plaisir que j'aimerais vous le voir goûter à votre tour. Ouvrez ce livre et certaine: ment vous ne le fermerez qu'à sa dernière page ; puis vous le conserverez dans vos bibliothèques, comme guide bibliogra- phique très sûr, dans vos pensées parce qu'il fait mieux con- naitre et aimer notre petite patrie. NOTES SUR LE MUSÉE DE BESANCON d'après un érudit viennois Par M. le Dr LIMON MEMBRE RÉSIDANT Séance du 17 janvier 1906. La vive curiosité qui attire les membres de la Société d'Emulation vers les choses de l’art et le grand intérêt qu'ils portent aux collections artistiques de notre ville, m'engagent à vous rapporter l'opinion d’un connaisseur étranger sur quelques toiles de notre musée de peinture. Gette opinion se trouve consignée dans un article publié en automne 1905 dans une revue d’Art viennoise, Blätter für Gemäldekunde, et intitulé : Werke des sogenannten Pseudo-Van den Venne : in Museum zu Besançon und in der Sammlung Geldner zu Basel (mit Bemerkungen über die Galerie zu Besançon). La précision que l’auteur anonyme de cet article apporte dans ses affirmations, les renvois qu'il fait à ses autres travaux et à ceux de critiques d’Art connus, permettent de le sup- poser très compétent dans les questions artistiques et don- nent une indéniable valeur à son opinion, Tout en constatant la richesse de notre galerie municipale en œuvres peintes et en dessins, le critique viennois émet quelques restrictions sur l’ordonnance générale des toiles, qu'il croit défectueuse, et sur le catalogue qu’il trouve quel- que peu suranné. L'œuvre de Castan, auquel il rend d’ail- leurs un juste hommage, aurait besoin d’être revisée en tenant compte des récentes conclusions de la critique d’art 11 — 162 — contemporaine. Il cite à l’appui de cette affirmation un cer- tain nombre de toiles dont Pattribution lui semble sujette à caution. Une seule œuvre française lui paraît discutable. C’est le tableau de Boucher, « Le Réveil », n° 39 du catalogue. Ce tableau ne doit pas être considéré comme une reproduction de la main même de Boucher de l'original, beaucoup meil- leur, conservé au château royal de Schlessheim (Bavière), mais Comme une ancienne copie. L’œuvre bisontine, si elle était authentique, ne serait d’ailleurs qu’un médiocre échan- tillon du talent du célèbre peintre. Peu d’observations également sur les tableaux des écoles italienne et espagnole. Si les « Canards sauvages effrayés par deux chiens barbets », n° 63, ne doivent pas être rap- portés au peintre génois Castiglione, le paysage n° 335 est un beau et authentique morceau de Lucatelhi. L'importante toile n° 479, représentant « une Dame avec des enfants lui apportant des fleurs », attribué à Velasquez, semble plutôt dans la manière de son contemporain Antolinez. Les Flamands, par contre, fournissent au critique vien- nois matière à de plus nombreuses observations. L'œuvre des Brueghel nécessiterait une révision attentive. Le « San- cho Pança entrant en litière dans son ile de Barataria », n° 49, de Pierre Bruegbel le Vieux, et « L’incendie de Troie », n° 50, de Pierre Brueghel le Jeune, ne sont probablement pas de ces maitres anversois. Le n° 51, « Paradis terrestre », de Jean Brueghel dit de Velours, serait de J. Van Kessel, son gendre, pour les animaux, d’un peintre français pour les figures, mais nullement de Brueghel pour le paysage. Le n° 92, « Fuite en Egypte », donné comme du même Jean de Velours, tiendrait probablement de Gillis van Conninxloo pour le paysage et d’un autre peintre pour les figures. « Les Fleurs », n° 306, ne sont pas attribuables à J. Van Kessel :; mais la discussion n’est possible qu'entre Van Ast et Am- brosius Boschaert. Ferdinand Van Kessel, fils du précé- — 163 — dent, se voit aussi dépossédé du n° 307, « Les singes bar- biers des chats », qui serait certainement d'Abraham Teniers, Le n° 461, « Saint Jean-Baptiste prêchant », ne peut pas appartenir à J. Van Thulden, élève de Rubens, mais à son maître Otto de Wenn (en latin Vaenius). Le n° 462, « Matin de Pâques », du même Van Thulden, ne serait qu’une copie ancienne d’un tableau de Rubens. Le mariniste Jean Peters serait l’auteur du « Naufrage », n° 389, et non son frère Bonaventure comme en font foi les initiales J.-P. peintes sur _le rocher du premier plan, à gauche. « L’Intérieur d'église » n° 360, de Neefs le Vieux, serait du peintre moins connu Van Bassen. Le Rubens, n° 428, «Christ montant au Calvaire », n’a rien de la main du maitre. C’est une petite copie d’un tableau plus important conservé au musée de Bruxelles. Par contre, une esquisse de tapisserie, encadrée d'une bordure, serait entiè- rement de lui. | Deux peintres hollandais seulement sont cités dans Par- ticle viennois. C'est tout d’abord Govert Flink, auquel on prête à tort le n° 226, « Hollandais tenant un papier ». Mal- gré la signature très apparente : G& Flink, anno 16##, 1l n°y aurait d’exact dans linscription que la date du tableau. Quant à Pieter Quast, de Haarlem, que Castan considère, sur la foi de Bayersdorfer, conservateur du musée de Mu- nich, comme l’auteur des nos 395, 396 et 397, il lui est refusé la paternité de ces intéressantes œuvres. Le critique vien- nois s’étonne que Bayersdorfer ait confondu la manière -transparente et la tonalité brun-verdâtre de ces toiles avec Î la manière beaucoup plus solide de Quast, qu'elles ne rap- péllent qué de. très loi. L’autèur de ces toiles est très cer - tainement le peintre énigmatique qu'on désigne sous le nom du « Pseudo Van de Venne », dont on connait actuellement dix-huit toiles éparses dans des galeries allemandes et au- trichiennes. Cherchant à pénétrer le mystère qui entoure la vie de cet artiste, le Viennois pense qu'il s’agit d’un certain — 164 — Vincent Van de Winne, né à Haarlem en 1653 et mort à Bruxelles en 1702. Bien que Hollandais d’origine, il aurait séjourné à Anvers, à Bruxelles et en Allemagne. Ce fait, joint à sa confession catholique, expliquerait pourquoi il présente plus d’affinité avec l’école flamande qu'avec lPécole hollandaise, au moins par la nature des sujets qu’il traite. Telles sont, en résumé, les remarques faites par le cri- tique viennois sur notre Musée. Bien que ces affirmations ne soient point motivées, sauf en ce qui concerne les trois Quast, elles ne sont pas à négliger et lorsque le moment sera venu de réviser le catalogue, il y aura peut-être lieu d’en tenir compte. | HABITATIONS LACUSTRES Lac de CLAIRVAUX (Jura) (Fouilles de 1905 et 1906) Par M. Louis LEBRUN MEMBRE CORRESPONDANT Séances des 17 novembre 1905 et 19 décembre 1906 Historique Les premières explorations des palafittes du lac de Clair- vaux sont dues à M. Le Mire(l). Dans une note manuscrite trouvée dans une archéologie préhistorique de Baye, M. Z. Robert, ancien conservateur du musée de Lons-le-Saunier, avait déjà pressenti en 1858 la station, à la suite de la décou- verte, dans un fossé près du lac, de deux haches polies avec leurs gaines. Les fouilles de M. Le Mire furent très com- plètes mais malheureusement interrompues par la guerre de 1870, elles ne furent pas continuées. M. E. Chantre, di- recteur du Muséum d'Histoire naturelle de Lyon, fit quelques fouilles, mais le résultat n’en à pas été publié. M. labbé Bourgeat (2), dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts, de Poligny, donne en 1890 une analyse des débris organiques trouvés par M. Le Mire, avec l’ori- (1) Le Mine, Découverte d'une station lacustre, etc. Consulter pour le titre exact des publications la liste bibliographique à la fin de cette note. (2) BOURGEAT, La station lacustre de Clairvaux... — 166 — gine probable de matériaux ayant servi à fabriquer les armes et les outils. | En 1897 des recherches sont faites par MM. G. d’Ault du Mesnil et L. Capitan pour le compte de l'Ecole d’Anthropo- logie. La Société d’Emulation du Jura et le Musée de Lons- le-Saunier, principalement en 1899 et 1901, entreprirent des travaux dont le compte-rendu sommaire a été fait par M. L. À. Girardot (1). M. Grosjean membre de la Société d'Emulation du Jura, négociant à Clairvaux, a continué à faire des explorations et a enrichi le musée de Lons-le-Sau- nier de nombreux objets. Signalons aussi vers cette époque les recherches de M. Feuvrier, pour le compte du musée de Dole. En. 1905 M. Situer, de Paris, ft entreprendre des fouilles, le compte-rendu en a été fait par M. A de Mortillet (2). Pendant l’été 1904 j'ai pu faire aussi à Clairvaux quelques observations (3). Ces deux dernières années, grâce à une subvention de la Société d'Emulation du Doubs et de la Société d'Histoire naturelle, j’ai pu pratiquer d’autres recherches au profit des musées de Besançon. M. Grosjean m'a permis d'exécuter mes travaux sur le terrain dont il est locataire et m’a de plus fourni de nombreux renseignements sur la nature des couches, les beaux objets qu’on y trouve. Je tiens à lui expri- mer ici toute ma reconnaissance. Je remercie aussi M. La- croix, surveillant des travaux à Marigny, qui m'a autorisé à faire quelques observations fort intéressantes dans la station lacustre si riche du lac de Chalain (#, contemporaine en grande parte de la station de Clairvaux. RE (1) L. A. GiraRDOT, Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, 1902. (2) A. DE MoORTILLET, L'Homme préhistorique, 1905. (3) L. LEBRUN, Mémoires de la Société d'Histoire naturelle du Doubs, 10 et 11. (4) Voir à ce sujet: L. A. GIRARDOT, Mémoires de la Société d'Emula- tion du Jura, 1904. A. DE MoRTILLET, L'Homme préhistorique, 1906. 16 Topographie Clairvaux, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Lons- le-Saunier, se trouve au pied du deuxième plateau du Jura. Toute cette contrée est découpée en vallées profondes que les rivières ont facilement creusées dans un terrain composé d’alluvions glaciaires reposant sur des marnes oxfordiennes ou sur des calcaires astartiens. Ces sortes de combes donnent au pays un aspect très pittoresque. Au midi de la ville se trouvent deux lacs dans une vallée dirigée nord-sud. Ils sont dus à des phénomènes d’érosion et de barrage moraimnique. Le plus grand, le plus rapproché de la ville, a une longueur de 1 k. 250 et une largeur maximum de 650 m. Sa superficie est de 63 hectares 46, sa profondeur de 16 m. au maximum. Les bords sont pierreux ou marécageux. Plus au sud setrouve l’autre lac, plus petit, séparé par une portion de terrain de 300 m. de long, submergée lors des grandes eaux et traversée en temps ordinaire par deux ruisseaux (1). Le grand lac s’étendait autrefois Jusqu'au pied de la ville actuelle et était réuni de plus au petit lac. Gette limite est facile à reconnaitre dans les prés qui s’étendent entre Clair- vaux et le bord actuel: une terre noire mélangée de craie lacustre, très visible dans les taupinières, indique d’une façon certaine l'emplacement; un léger exhaussement du terrain rend encore cette limite plus visible; en continuant vers la ville on ne rencontre plus dans les champs que de la terre ordinaire sans mélange de craie. On a trouvé aussi des pilotis et des objets néolithiques soit en creusant des canaux d’irri- gation, soit comme récemment en déracinant des arbres le long du bord. Un ruisseau sert de réservoir au lac, il longe Clairvaux à l’ouest et va se jeter dans le Drouvenant. (1) A. MAGNIN, Végétation des lacs du Jura, p. 110. — 168 — M. Le Mire, après des fouilles infructueuses vers ce dé- versoir, les avait continuées à lendroit appelé Motte aux Ma- gnins, sorte de presqu'’ile que les grandes eaux ne peuvent pas recouvrir et qui, à l’époque néolithique, devait former un ilot sous-lacustre comme :l en existe encore un plus avant et dans son prolongement. Cette situation permettait une assiette plus solide pour les fondations, et sa surélévation actuelle au-dessus des eaux fait comprendre la bonne con- servation et la mise en place des pilotis. D’autres groupes ont été trouvés sur le pourtour du lac, mais n'ont pas été l’objet de recherches importantes. A l’est de la Motte aux Magnins un emplacement de pilotis bien alignés permet de reconnaître une de ces allées reliant la rive aux habitations. Elle est moins visible qu’à Chalain (1); nous avons pu cependant, M. Grosjean et moi, nous rendre parfaitement compte de sa direction presque perpendicu- laire à la rive actuelle, et de sa largeur. Le groupe d’habita- tons où cette allée aboutissait, est marqué par quelques pilo- tis, mais 1l est fort difficile de faire en cet endroit quelques recherches, car on trouve l’eau à 20 ou 25 centimètres de profondeur. M. Grosjean a trouvé contre un pilotis une hache polie; j'ai pu aussi récolter à la surface un grattoir et des débris de meule. Composition du 501 Mes fouilles ont donc été faites à la Motte aux Magnins, endroit très favorable comme je l’ai expliqué; les tranchées ont atteint une profondeur de 1"50 à 1"60 suivant les en- droits. J'ai pu en certains points parvenir au blanc du lac, mais dans d’autres l’eau, malgré la sécheresse m'a gêné con- (1) Une photographie d’une des allées est publiée en carte postale ei constitue un document assez précieux, car il est maintenant presque im- possible de les reconnaitre. — 169 — sidérablement ; cela tient à ce que le déversoir n’a pas été curé ces années dernières et n’a plus la pente nécessaire au rapide écoulement de l’eau qui séjourne ainsi dans les ter- rains environnants. J'ai déjà donné dans une publication précédente la coupe du sol, mes observations nouvelles n’ont fait que confirmer mes résultats précédents. On trouve successivement: 1HPPerre vécétale:..,. en ON OR 0 10" 2lerve de remblai où 0 er par le 1. Om,20 à Om, 30. 3° Couche noire à graviers, 1re couche archéo- logique avec surtout des silex taillés . . . . . Om,07 à Om,10. 40 Couche de terre blanchätre avec charbons, pierres assez grosses, souvent ligneuse jusqu’à 0,50 d’épais. 00 Pilotis et 2e couche archéologique. . + . . 0m,60 à 1m,90. 6° Blanc du lac que l’on peut rencontrer à 1M50 seulement, à Im80 au grand maximum Les deux couches archéologiques ne manquent jamais. La couche de terre blanchâtre qui les sépare devait former une sorte de plancher en terre battue entremêlée de nombreuses brindilles, de feuilles en paquet, formant un tout compact intercalé entre les madriers horizontaux du plancher, dont la trace n’est pas cependant toujours visible. Il est facile de reconnaitre dans cet amas de végétaux le tilleul, le bouleau, le noisetier, ces deux derniers gardent encore l’aspect cha- tovant de leur écorce, Sur la plate-forme se trouvaient aussi des pierres, rondes ou plates, volumineuses, qui devaient servir soit à la défense, soit à la protection de la toiture des habitations contre les coups de vent soit encore à caler les prlotis : quelques-unes noircies ont pu servir de pierres de foyer. Il est très difficile de se rendre compte de la forme des habitations d’après la disposition des pilotis. Dans la partie du Jac dont j'ai parlé plus haut on en trouve disposés suivant un cerele, fait déjà observé à Chalain ; mais à la Motte aux Magnins la véritable — 170 — forêt qu'ils forment ne permet pas de reconnaitre leur ran- gement primitif (PI. IE, n°1). Cette abondance s’explique fa- cilement par leur remplacement fréquent. Les pilotis sont en chêne ou en sapin; pour ces derniers on a employé le tronc entier tandis que pour les premiers l’arbre a été refendu. La longueur devait être de 4 mètres et même plus avec une grosseur moyenne de 10 à 15°" ; certains devaient servir de montants aux habitations. À considérer quelques-uns de ces pilotis, on reste étonné devant le travail qu'il a fallu à ces peuplades, disposant de moyens primitifs, pour refendre ces arbres, les tailler et les enfoncer dans la craie lacustre. Le mode d'assemblage des pilotis avec le plancher pouvait se faire au moyen de liens : M. Le Mire a trouvé des brins de clématite qui, d’après lui, auraient pu jouer ce rôle (1). [l avait trouvé aussi une sorte de mortaise qu’il regardait cependant comme douteuse. M. Grosjean a remarqué, le long du déver- soir du lac, un pilotis percé d’un trou carré assez grand per- mettant l'introduction d’une pièce de bois Je crois aussi que le plancher devait reposer à plat sur les pilotis et être main- tenu par ces pierres si volumineuses et si communes dont j'ai parlé plus baut. J'ai séparé la première couche archéologique de celle qui suit pour mieux faire ressortir son importance : car c’est là surtout, et presque exclusivement, que se rencontrent les silex taillés mais en réalité je crois qu'il faut la rattacher à la troisième couche ou plancher dont elle ne formait que la partie supérieure rendue plus noire et plus grasse par de nombreux morceaux de charbon, débris de cuisine ou de végétaux. Elle semble quelquefois double, séparée alors par une couche blanche, mais dans ce cas c’est la plus profonde qui fournit seule des objets. Outre les silex on trouve des outls ou des armes en corne de cerf mais ils se conservent très mal si on (4) Le MIRE, Op. laud., p. 112. — A1 — ne prend pas la précaution de les silicater. Les débris de cui- sine sont aussi très abondants, car on ne devait pas toujours prendre la précaution de les rejeter dans leau. | La deuxième couche archéologique est de beaucoup la plus productive. Elle est formée d’une sorte de tourbe imcomplète, On y trouve des morceaux de charbon, des fragments de bois à demi-consumés, des noisettes, des noyaux de prunelle, des masses de petites graines de mûres .. Ces débris végétaux se trouvent surtout à la partie supérieure tandis que les autres objets plus lourds : poteries, cornes de cerf, etc. se rencontrent à des niveaux mférieurs. L’épaisseur en est très variable, mais, pour trouver les beaux objets, 1l faut aller Jusqu'au blanc du lac. La conservation en est parfaite car ils se sont en quelque sorte fossilisés et l’exposition à l’air ne les détériore pas. Dans certaines fosses de creusement j'ai rencontréles débris de cuisine en abondance tandis que dans d’autres ils étaient un peu épars. Cela indiquerait, à mon avis, l’existence dans les habitations de trappes par où se rejetaient les débris lorsqu'ils encombraient par trop les planchers. Industrie et outillage I. Objets en pierres À. Silex. — Les instruments ont été taillés dans des éclats, le silex provient le plus souvent de chailles si abondantes dans les environs. Pointes de flèche. — «) à barbelures obliques et à pédon- cule ; pointes très aiguës, présentant un méplat à la partie inférieure permettant au manche de se fixer plus solidement. Trois exemplaires. _ b) À pédoncule et à barbelures horizontales ce) En forme de losange avec ébauche de pédoncule. d) En forme de losange sans ébauche de pédoncule. e) En forme de feuille avec crans latéraux: une dizaine — 172 — d'exemplaires. Ce type assez rare en France semble au con- traire assez commun dans nos régions Le Musée de Lons- le-Saunier en possède venant de Chalain. La plupart de ces pièces sont d’un travail très soigné ; la longueur varie de 2cmS à 56m. f) Simples éclats triangulaires peu ou pas retouchés. Pointes de javelot ou de lance. — La longueur de ces pointes varie de 6m à 13cm et même plus. Beaucoup d’exem- plaires sont brisés. La face inférieure est généralement plate sans retouches si ce n’est aux deux extrémités. Le travail est ici aussi très soigné. M. Grosjean a en sa possession une pointe de lance d’une longueur de 23c" en silex cachelonné blanc rappelant les belles pièces que l’on trouve dans le Da- nemark. Grattoirs. — Types ordinaires du néolithique : discoïdes ou façonnés d’un éclat de silex plus ou moins large et allongé, à l’une des extrémités est le bord travailleur. Racloirs. — Formes rappelant les types moustériens. Ce sont des éclats retouchés en arc de cercle sur un ou deux côtés. Les instruments pouvaient être emmanchés. Un des exemplaires mesure 9% de largeur (PI. TT n° 1e ie); Retouchoirs. — Formés souvent de poirtes de flèches ou de javelots dont la pointe était cassée. B. Percuteurs. — Souvent très volumineux et très fré- quemment en quartz charrié du purbeckien, dont un gise- ment se trouve à quelques kilomètres de Clairvaux. Polissoirs, affiloirs ou broyeurs en grès ou en roches cris- tallines (gneiss, chloritoschistes, etc.), d’origine alpine pour la plupart. Un des polissoirs porte une rainure assez pro- fonde et a dû servir à la confection des poinçons (l, Cailloux roulés. du glaciaire, de dimensions assez res- treintes, ayant pu servir de balles de fronde ; quelques-unes (1) CF. Musée préhistorique, n° 793. — 173 — portent des traces de feu et ont pu être utilisées à chauffer l’eau, usage qui se retrouve encore chez quelques peuplädes. Morceaux d’ocre rouge et jaune. | Micaschiste très friable qui, suivant M. Pabbé Bourgeat, a ser vi à la confection de la poterie. Haches polies. — De nombreux débris, taillant ou talon. On en trouve peu d’entières. Voici les dimensions en longueur et les poids des exem- plaires que je possède : 10cm9 ; 2278150, — &cm9 ; 200", — Tem7 ; 1098150, — 5em9 : 62850, — Gen5 ; 446. Haches-marteaux. — Haches usagées dont le tranchant a été coupé. Deux exemplaires, l’un de 9em5 de longueur et du poids de 2678'5 ; l’autre de 105 et du poids de 2628"50. IT. Objets en os et en corne de cerf. a) Gaînes de hache en corne de cerf. — Le nombre de gaines est plus grand que celui des haches. Beaucoup sont fendues ou brisées et ont dû être rejetées. Lorsqu'on por- tait des coups avec la hache, les gaines devaient subir des pressions assez fortes et éclater assez souvent. Il se peut aussi que ces instruments aient servi d'objets d'échange avec les populations environnantes moins favorisées sous ce rapport. On peut ranger les gaines en plusieurs caté- gories : 1° Gaînes à trou transversal (pl. LIL, n° 11, fig. 1). — Lon- gueur {5 ©M5, analogue à la figure 25 du travail de M. de Mortillet (1), mais le talon, fort usagé, plus épais, porte de nombreuses marques de percussion, il est coupé oblique- ment. La douille a une ouverture rectangulaire de 5°" et 3cm5 de côtés à la base, mais de dimensions moindres au (1) Dans l'Homme préhistorique, ouvrage cité, p. 51. — 174 — sommet. La hache pouvait être enfoncée de 2cm7 dans un trou ovalaire dont le plus grand diamètre est de 323, Sauf sur un côté et au-dessous du fût, on ne trouve plus les rugo- sités de la corne, J'ai trouvé cette année quatre exemplaires semblables, mais deux ne sont pas entiers et devaient être de dimen- sions plus petites. | 20 Gaînes à soie avec ou sans talon. — De nombreux spéci- mens, quelques-uns très beaux et très bien conservés. Le talon permettait à la gaîne de s’appuyer contre le manche et lui donnait ainsi plus de solidité. Sa face interne est plate et à angle droit avec la soie. J'ai trouvé toute une série d'ébauches qui font comprendre très bien la technique du travail. Le morceau de bois de cerf était coupé à l’embran- chement de deux andouillers, puis dans l’un on taillait le talon, la soie ensuite et seulement alors on évidait le fût pour recevoir la hache. J'ai à signaler aussi un genre particulier de gaine à soie et à talon dont je possède deux ou trois exemplaires. La lon- gueur de celui figuré fig. 2 de la pl. IL, n ‘x est ded2ems le talon à une longueur da 3 à 4°, mais la face interne, au lieu d’être plate, a gardé sa forme naturelle. Ce ne sont pas des ébauches, car dans ces objets les rugosités ont dis- paru dans les endroits où ils devaient être saisis. Le talon, très petit, s’il avait été taillé comme les autres, n'aurait du reste pas augmenté la force de la gaîne. 3° Manches-yaînes. — Instruments formés par l’andouiller basilaire, le plateau et une partie plus ou moins grande du merrain ou andouiller principal (pl. LIL, n° 11, fig. 3). Ici l’andouiller basilaire, d’une longueur de 17e, est coupé avant l'extrémité. Le plateau est mamelonné et devait for- mer un casse-tête. La portion du mérrain mesure 7 à 8m, elle est creusée d'un trou rond, petit et d'une profondeur de 4em5, Etant donné ces dimensions très restreintes, j'avais pensé qu’il ne pouvait avoir servi à loger une hache, mais — 175 — la découverte (1) à Roche-d’Or, près de Besançon, d’une hachette (fig. 3 bis) s’adaptant parfaitement dans cet instru- ment, m'a montré qu'il avait bien servi de gaine, Le Musée de Besançon possède un instrument du même genre semblable à celui figuré au n° 553 du Musée préhisto- rique. La longueur du manche est de 26e", Le plateau est très aplati ; la portion du merrain, très petite, est percée d’une ouverture elliptique plus grande que dans le précé- dent, sa profondeur est de 2°M5, Une hache de petite dimen- sion pouvait y être emmanchée. Ces deux instruments sont d’une conservation parfaite. Ils ont ce beau poli nair qui ne semble pas produit par le séjour dans l’eau, mais être dû à un procédé des fabricants. On ne le retrouve pas sur tous les objets trouvés au fond des fouilles, ce qui devrait arriver si c'était le séjour à l’abri de l'air qui le produisait. J'ai trouvé un morceau de manche en bois, mais je n'ai pu découvrir une hache emmanchée. D’après M. Grosjean et certaines découvertes faites à Chalain, l’instrument était maintenu dans sa gaine par des morceaux d’écorce de bou- leau et probablement aussi avec une sorte de glu. On trouve du reste dans la deuxième couche archéologique de nom- breux paquets d’écorce de bouleau probablement mis en réserve. On trouve beaucoup de morceaux d’andouillers troués ; ce sont des manches d'outils divers : poinçons ou ciseaux. Un exemplaire porte une encoche circulaire assez profonde per- mettant d’v fixer un lien et d’emporter l'instrument en l’attachant à une ceinture. b) Instruments de culture. — Pioche (ne 11, fig. 4) faite d'une portion du merrain (206) servant de manche et de (1) Hache en aphanite de 7em de long., 1m d'épaisseur au milieu. Sa forme est celle d’un fuseau, — 176 — l’andouiller basilaire (18c") formant le pic. Instrument très usagé. | Fourche (n° ur, fig. o) formée d’une portion de ramure ({0em) servant de manche et de deux andouillers terminaux bifurqués. Les rugosités de la corne ont disparu en grande partie. Le füt est évidé jusqu'à une profondeur de 55 et pouvait recevoir un manche en bois. Ces deux types sont assez fréquents. Dans un des deux ou trois exemplaires que j'ai trouvés, le fût est taillé de ma- nière à pouvoir être emmanché comme les pointes de flèches. | À côté de ces outils, dont il est facile de trouver l'usage, se placent d’autres instruments dont l'utilité nous échappe. L'un d’eux est formé d’une portion terminale d’une ramure de vieux cerf et des andouillers deux fois bifurqués. Les rugosités ont disparu surtout dans les fonds des fourches. On remarque des encoches, des marques de feu dénotant un long usage. Un autre genre est composé d'instruments assez semblables aux manches-gaines décrits plus haut, et qui tout d’abord m'avaient semblé être de ces manches- gaines recoupés après la détérioration de la douille, mais certaines particularités me font hésiter. Dans l’un des exem- plaires, les pierrures du plateau sont enlevées en grande partie, dans un autre le plateau est à moitié coupé. De plus, il reste en saillie une partie de matière spongieuse incompa- tible avec l’existence primitive d’une douille. Les pointes sont ou arrondies et usagées ou très tailladées. Sur un des exemplaires on remarque des encoches assez profondes près de la tête. | Poinçons, aiguilles. — a) En corne de cerf (n° ur, fig. À), type assez fréquent, | b) En os refendu (n° xx, fig. 2 et 3). Le plus souvent en canons refendus d’ovidés, type très fréquent. L’exemplaire figuré au n° 4 peut avoir servi aussi bien de poignard que de poinçon. Sa longueur est de 17em5,. — 177 — Les arêtes limitant la fosse centrale sont aplanies et polies ; les angles du talon coupés et arrondis. Ciseaux, gouges, etc. (n° 1, fig. 6; n° ur, fig. 5). — Il n'est pas facile de dire exactement à quel usage servaient ces espèces de ciseaux sinon qu'ils devaient être employés à couper des matières peu dures. Leur grand nombre témoigne de leur utilité pratique. [ls sont en os ou en corne de cerf, Dans ceux-ci les arêtes provenant de la cassure sont usées de manière à ne pas blesser la main. Certains de ces ciseaux peuvent avoir servi de retouchoirs pour les silex. Dans cette catégorie je range les nombreux andouillers portant des marques de travail et dont les rugosités sont sou- vent aplanies. Les instruments en corne de chevreuil sont assez rares. Je signalerai un poignard où poinçon d’une longueur de 20cm. IIT. Objets en bronze Je rappelle que les objets en bronze ou cuivre trouvés à Clairvaux se décomposent de la façon suivante : 2 culots recueillis par M. Le Mire (page 141). 1 hachette à bords droits, tranchant élargi (1). 4 flèche à ailerons et à pédoncule très court, trouvée en 1901 et déposée au Musée de Lons-le-Saunier, Cette année j'ai découvert un poignard. [l reposait sur la 1"° eouche archéologique à côté de quelques fragments de po- terie assez mince. C’est une lame triangulaire, la base droite est percée de deux trous de rivets (semblable au. n° 826 du musée préhis- torique). La longueur est de 9cm8 ; la largeur à la hauteur des rivets 3tM4{, le poids est de 208" (n° rv, fig. 1). (1) Au musée de Besançon avec de la poterie caractéristique. La planche porte : Don de M. Sassard. — (Analozue à celle fligurée au n° 799 du Mu- sée préhistorique). — 178 — L’ornementation consiste en trois lignes parallèles par- tant de chaque rivet et formant du côté de la pointe des angles assez aigus. . Objets en bois Fragments d’arcs ou d’ébauches d’arcs. Pieux en sapin ou en bois dif ppt aux deux extré- mités. No 1, fig. 7 et 7 bis. Instrument appelé par M. de Mor- tillet « agitateur pour fabriquer le beurre (1) ». Tige médiane d’un jeune sapin sectionné au niveau d’un nœud, les tiges latérales sont coupées également à une distance de 4 à 5cm, — En roulant l'instrument entre les deux mains on pouvait, en lui imprimant un rapide mouvement de rotation remplacer ainsi imparfaitement une baratte, ou délayer une farine dans de l’eau. On se sert encore du reste d’un appareil semblable dans nos pays (2). M. Le Mire a signalé de nombreux vases en bois 6). M. Grosjean (4) a décrit au 5° congrès de l'Association franc- comtoise en 1904 de nombreuses ébauches trouvées par lui de ces mêmes vases. Il ne m’a pas été donné d’en trouver. Dans mon exploration à Chalain, j'ai eu la chance de rencon- trer un vase en bois presque entier malheureusement très difficile à conserver, dont le diamètre devait être de 15 à 20e avec une anse percée. Sa profondeur était de 10cm, Fragments de clayonnage avec le torchis qui le recouvrait. Une navette de bois. (4) Musée préhistorique, 1903, fig. 724. (2) Voir note de M. L. A. GIRARDOT, dans Mémoires Soc. d’'Emulation u Jura (1906). (5) LE MIRE, Op. laud., p. 155. (4) Compte rendu du Ccnaes (Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs) p. 240. d 0 V. Vêtements, objets de parure L'objet figuré n° ri, fig. 7, désigné sous le nom de na- vette, est assez commun, j'en possède 5 ou 6 exemplaires : ce sont des morceaux d’andouiller fendus par le milieu et portant deux entailles près de l’une des extrémités, l’autre est arrondie. La longueur est de 12 à 15cm. | On n’a pu encore trouver de débris d’étoffes ou ouvrages de vannerie alors qu’à Chalain M. Girardot en a rencontré en assez grande quantité (1). M. de Mortillet pense que cela tient au mode de disparition des habitations : par effondrement ou invasion par les eaux mais non par le feu. Comme objets de parure : ur fragment de nacre percé, un grain de collier, discoïde, en matière verte, poreux, percé d’un trou oblique et légèrement oblique (n° nr, fig. 6). — Petit grain de collier en carbonate de chaux, de 2mm de rayon, semblable à ceux figurés dans un travail précédent. — Canines de carnivores refendues et percées — grains de collier en corne de cerf. — Pierre plate de 5°" de diamètre, percée d'un trou oblique, ayant pu servir de grain de collier ou de poids de filets. Elle reposait sur une autre de mêmes dimensions mais non percée. On ne trouve pas de fusaïoles. VI. Poterie. Le nombre des tessons de poterie est très considérable et on en trouve à tous les niveaux. Rarement entiers, les vases ont été façonnés à la main sans le secours du tour à potier aussi sont-ils peu réguliers, avec des parois d'inégale grosseur dans le même vase. Ils ont été formés sur place ce que té- moignent de nombreux morceaux d'argile, probablement les restes de la fabrication des pots. La couleur des vases diffère (1) GIRARDOT, Op. laud, p. 10. — 180 — souvent, la couleur extérieure est plus claire que celle de l’intérieur, quelques pots semblent seulement avoir été sé- chés. Le bord supérieur des vases était le plus souvent droit, quelquefois recourbé en dehors, mais peu en dedans ; l’ou- verture devait être toujours large. Ces tessons proviennent de deux et même de trois sortes de poterie. 19 Une poterie grossière, peu cuite, faite de terre mal épu- rée et mélangée intentionnellemet de petits cailloux. Souvent très épaisse, jusqu’à 23, cette poterie est peu ornée en général. Des bandes circulaires en relief, coupées à angles droits par d’autres bandes. Des impressions digitales, for- tement marquées, produites par la pression de la bande entre le pouce et le premier doigt. Le rebord est généralement droit ; sur un exemplaire une sorte d'oreille permettant de saisir le vase ; les fonds sont plats. Ce devaient être des vases volumineux (un fragment mesure 12" de rayon), les deux exemplaires reconstitués du musée de Lons-le-Saunier pou- vaient contenir de huit à dix litres. La deuxième sorte (n° 111, fig. 8, 9, 10) ne diffère que par la moindre épaisseur des parois (0c"5 à 0cm7). Des cor- dons de pâte en relief très simples destinés à renforcer la solidité des vases, quelquefois un seul cordon près du bord ; les cordons peuvent être renflés de manière à permettre de saisir le vase par des sortes de poignées. Dans d’autres tessons les cordons ont disparu et il ne reste plus que le renflement, prototype de l’anse. Celle-ci apparaît parfois, percée ou non, mais toujours assez régulière, en forme de bouton. Comme ornementation on trouve aussi des mamelons isolés ou groupés, ordinairement par trois. La couleur des tessons est ordinairement grise mais pourtant sur certains on peut remarquer une couleur fumagée d’un noir mat, La troisième sorte de poterie est peu épaisse (0cm5 au maximum), La pâte fine provient d’une terre décantée ; on y Société d’'Emulation du Doubs, 1906. — Pilotis à la 1]. — Objets en os, en cornes de cerf et en bois. ) < [e 4 = ad * = < > oz < n _ Ÿ Q ‘5 n u 0 ® A < Là S à 2 Ê O n 5 à D = A A. O 5 à > © == [at 111]. HABITATIONS LACUSTRES Fouilles de 1905 et 1906. ST — trouve cependant des petits morceaux de mica. Les fonds étaient plats ou ronds ; les rebords sont droits, ronds ou un peu aplatis. Les dimensions devaient être petites et les formes assez élégantes si J'en juge par des fragments assez com- plets. La couleur est ordinairement d’un noir mat. L’orne- mentation consiste en lignes incisées ou en creux, formant des dents de loup, plus ou moins profondes, quelquefois si faiblement marquées qu'il est difficile de les découvrir. Cette ornementation est identique à celle que l’on trouve sur les poteries du mont de Mesnay (1), près d’Arbois, et de Roche d'Or, près de Besançon. Ces stations sont contempo- raines de l’introduction du bronze dans nos régions. VII. Feune. De nombreux ossements associés aux instruments déjà dé- crits ont permis de déterminer diverses espèces d'animaux. Dans ces débris les os longs sont toujours brisés ; 1l faut si- gnaler aussi la présence très fréquente de cubitus de toutes tailles : appointés, ils devenaient des poignards ou des poinçons très solides et bien en main (2). À noter aussi l'ab- sence de tout reste de poisson. - M. Dechambre, professeur de zootechnie à l’école de Gri- gnon, a fait paraître cette année une étude très complète (3) sur les ossements des habitations lacustres de Clairvaux et de Chalain. Voici la liste qu'il donne dans ses conclusions : Oiseaux... 1 échassier de grande taille. Rongeurs .... Castor (castor fiber). Carnassiers.. Le blaireau (meles taxus). La fouine (mustela foina). (1) PIROUTET, Revue préhistorique de l'Est de la France. (2) Musée préhistorique, 1903, fig. 458. (3) P. DECHAMBRE. Sur les ossements des habitations lacustres de Clair- vaux et de Chalain. il 2 == 19 — Carnassiers.. Le renard (canis vulpes). Le chien (GC. familiaris palustris). QUIES Eee . Léq. de petite taille (C. Neyringi ou C. fossilis). Porcins...... Le sanglier (sus scrofa). Ruminants... Le chevreuil (cervus capreolus). Le cerf (cervus elaphus). Le mouton (ovis aries palustris). La chèvre (capra hireus palustris). 1 bovin indéterminé. Dore | Bos brachyceros. 149 #0 B. trochoceros ou B. primigenius de Rütimeyer. si l J’aitrouvé cette année une tête de bœuf en assez bon état, de nombreuses mâchoires de cerf, de carnivores non déter- minées, une dent d'ours. Je n'ai pas rencontré le cheval, assez rare d’ailleurs à Clairvaux. Parmi les débris végétaux on trouve de nombreux coprolithes de mouton et de car- nivores. | VIII. Flore. De nombreuses noisettes, graines de prunelles, de l'orge, des masses considérables de petites graines (Rubus fructi- cosa). On a dû s’en servir pour fabriquer une boisson fermen- tée. On trouve aussi des glands, des pommes coupées, etc. Signalons aussi la présence assez fréquente d’un champi- gnon du genre Polypore : le Ganoderma australis, d’après la détermination de M. Boudier, de la Société mycologique de France (1). C’est une espèce plutôt méridionale quiremonte actuellement un peu dans Est de la France. [I est curieux de constater dans nos régions son abondance à l’époque préhistorique. Ce champignon à pu servir à fabriquer une sorte d’amadou. M. le D' Magnin, doyen de la Faculté des Sciences de (1) Bulletin de la Société d'Histoire naturelle, ne 11, p. 12. = 1 — Besançon, à qui j'avais envoyé les graines trouvées, a bien voulu les faire déterminer exactement par M. E. Neuweiler, de Zurich, bien connu par ses remarquables travaux sur la flore préhistorique (2). Voici la liste que ce savant a envoyée par l'entremise de M. le professeur Schrætter de Zurich. Pirus malus L. — Prunus spinosa L. —- Prunus padus L. — Hordeum vulgare L. — Cornus sanguinea L. — Corylus avellana, f, oblonga, G. And. — Rubus fruticosu. Mes recherches ne sont pas encore finies, car, pour récol- ter les graines, il faut attendre que les terres aient été lavées par les pluies d'automne et d'hiver. IX. Homme. Les restes étant peu abondants : une portion de la mâchoire inférieure et un fémur d'enfant quelques débris d’une calotte crânienne, on ne peut rien conclure. Ce sont je crois, les seuls restes de l’homme trouvés jusqu'ici à Clairvaux. Quant au mode de sépulture des peuplades lacustres, on est réduit à des conjectures, aucune découverte n'ayant été faite. — Les squelettes que l’on trouve dans les sablières de Boissia se rapportent au Burgonde; j'ai trouvé il y a deux ans dans une des fosses, une boucle de ceinturon tout à fait carac- téristique. Les résultats de ces années dernières ont donc bien justifié mes conclusions de 1905 et il s’est confirmé que les pala- fittes du lac de Clairvaux ont bien existé jusqu’au bronze I. En Suisse, les habitations lacustres de l’âge du bronze sont toutes plus éloignées de la terre que celles du néolithique, il faudrait s’assurer qu’il en est amsi à Clairvaux et pour cela, faire des fouilles près de la ville. (1) Voir dans l’'Anthropologie (1906, 3-4), l'analyse du dernier ouvrage de M. NEUMEILER sur les plantes des stations préhistoriques. — 184 — Il serait aussi intéressant de relever exactement les divers emplacements de pilotis autour du l&c et d’y faire quelques travaux. Les sépultures doivent être aussi l’objet des re- cherches. Espérons que l’année prochame me permettra de résoudre quelques-unes de ces questions Lons-le-Saunier, le 18 décembre 1906. 185 — BIBÉLIOGRAPEIE BOURGEAT (l’abbé). La station lacustre de Clairvaux (analyse des débris organiques trouvés par M. Le Mire) (Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Poligny), 1890, janvier-février. P. DECHAMBRE. Sur les ossements des habitations lacustres de Clairvaux et de Chalaïn (Extrait du Bullelin de la Société centrale de Médecine vétérinaire, avril 1906). Dame . À. GIRARDOT. Communication au Gongrès de Montbéliard de l'association franc-comtoise des Sociétés savantes, en 1902 (Compte-rendu du Congrès et Mémoires de la Société d’'Emulation du Jura). L. À. GIRARDOT. Note sur la cité lacustre de Ghalaïin (Jura) (Mémoires de la Société d'Emulation du Jura), 1904. Compte- rendu de l’association franc-comtoise dans Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 1903 1904). L. À. GIRARDOT. Au sujet des instruments pour la fabrication du beurre (Mémoires de la Société d' Emulation du Jura, 1906, p. 293). H. GROSJEAN. Note sur la cité lacustre de Clairvaux au sujet d’ébauches d’écuelles (Compte-rendu du Ve Congrès de l'Association franc-comtoise des Sociétés savantes dans Mémoires de la Société d'EÉmulation du Doubs, 1904, p. 240). A. MAGNIN. Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, 1899, p 293-298 et Végétation des Lacs du Jura, p. 110. J. LE MIRE. Découverte d’une station lacustre de l’âge de la pierre polie dans le lac de Clairvaux (Recueil de l’Académie de Besanç$on. Séance publique du 28 janvier 1870. 52 pages, 6 planches, Besançon, 1872. — 186 — À. DE MORTILLET. Palafittes du lac de Clairvaux (L'Homme préhistorique, 3° année, février 1905). Palafñittes du lac de Ghalaïin (L'Homme préhistorique, 4° an- née, mars 1906). PIROUTET (M). Goup d'œil sommaire sur le Préhistorique en Franche-Comté (Anthropologie, 1903, noS 3-4, 5-6). Ce mé- moire contient une bibliographie très complète. PIROUTET (M). Note pour servir d'introduction à l'étude des enceintes défensives antiques du Jura salinois (Revue préhistorique illustrée de l’Est de la France, septembre- octobre 1906). On trouve dans ce travail des considérations très utiles et très étudiées sur les poteries et les objets de bronze de Chalain et de Clairvaux. L. LEBRUN. Note préliminaire sur quelques recherches faites dans la cité lacustre de Clairvaux. -— Description des principaux objets (Bulletin de la Société d'Histoire natu- relle du Doubs, n°S 10 et 11). L'IMPOT PROGRESSIF EN FRANCE PAR M. JULES DUFAY COMPTE-RENDU PAR M. M. THURIET Avocat général pres la Cour d'appel de Besançon Membre résidant Séance du 17 mars 1906. M. Jules Dufay, membre correspondant de notre Société depuis 1875, a publié récemment sous ce titre : L’Impôlt progressif en France, une œuvre de science économique et financière qui est le fruit de longues réflexions, d’observa- tons pénétrantes et de patientes recherches. Le sujet, tout brûlant d'actualité, tout crépitant de controverse, a été effleuré bien des fois, mais superficiellement, dans des boni- ments électoraux ; il n’a jamais été traité d’une façon aussi complète, aussi neuve et aussi sincère que dans cet ou- vrage, uniquement inspiré par l’amour du bien public, sans aucune arrière-pensée de flatterie envers les masses. M. Dufay est un petit-neveu du Jurassien Pierre-François Boncerf, secrétaire de Turgot et auteur d’un libelle intitulé Inconvénients des droits féodaux, qui fut brûlé en 1776 par la main du bourreau sur les marches du Palais de Justice, en exécution d’un arrêt du Parlement de Paris. À exemple de son grand-oncle et cent trente ans après lui, M. Dufay fait œuvre de précurseur et s'attaque aux abus de la fisca- lité, aux inégalités résultant des lois sociales et à la féoda- lité financièré. En des temps différents, les deux livres. animés du même souffle novateur, du même esprit de Jjus- — 188 — tice, paraissent voués à des destinées semblables. Celui de M. Dufay, s'il n'a pas été livré aux flammes par un arrêt de Cour, a eu du moins à subir le feu de la critique ; et de même que la réforme préconisée par Boncerf fut réalisée dans la nuit du 4 août, celle qui est chère au cœur de M. Dufay a quelques chances de voir le Jour au cours de la prochaine législature. | Quiconque ne se sent pas spécialement attiré vers les pro- blèmes économiques et sociaux peut se laisser rebuter par. la sécheresse du titre et par l’épaisseur du volume, qui a doublé en passant de la première à la seconde éditiun. Une fois de plus on aurait tort de s’en tenir aux apparences ; l’ou- vrage est d'une lecture facile, attrayante même ; il est divisé en untrès grand nombre de chapitres qui sont autant de petits traités où l’idée inscrite au frontispice est développée dans un style alerte, primesautier, d’une remarquable clarté. L'auteur aurait pu diviser son livre en trois parües : la première signalant les défectuosités de notre système actuel d'impôts, la seconde exposant son projet d'impôt progressif, la troisième réfutant les objections faites à la réforme pro- posée ; mais M. Dufay n’a pas développé ses idées dans un ordre rigoureux : jl a préféré entremêler les différentes par- ties de son sujet de façon sans doute à pouvoir revenir à son gré sur les pensées auxquelles il tient le plus et les présenter sous différentes formes. Cette absence apparente de méthode n’est peut-être qu’un effet de l’art ; en tous cas, l'esprit du lecteur, soulagé par les multiples divisions du livre, ne saurait s’en plaindre. Dans les critiques qu'il dirige contre notre législation fis- cale, M. Dufay est incontestablement dans le vrai. Le svs- tème actuel procède, selon lui, d’une conception trop rudi- mentaire ; il ne vise qu'à la perception en quelque sorte brutale de l'impôt, sans aucune préoccupation de justice, sans souci des répercussions que la répartition des charges — 189 — publiques peut avoir sur l’ordre social ; il frappe la nature imposable partout où 1l la trouve, fut-ce entre les mains du pauvre, et il la frappe suivant un taux toujours constant, sans distinguer si la valeur imposée est l’unique ressource de celui qui la possède ou si elle n’est qu’un élément négli- geable d’un opulent patrimoine. € Il n’est pas juste, dit l’auteur, il n’est même pas pru- dent de frapper dans la même proportion arithmétique. le champ, la vigne et la chaumière du pauvre et les domaines du riche. Le revenu du premier est déjà insuffisant pour ses dépenses nécessaires ; le revenu du second excède de beau- coup ses besoins et finit par accumuler dans ses mains ces fortunes énormes dont nous sommes témoins, lesquelles se forment en définitive du prélèvement anormal sur le produit du travail général. On ne peut trop répéter cette vérité (1), » Et en effet l’auteur y revient souvent. M. Dufay signale cette absurdité, dans laquelle ne sont point tombées les nations voisines, et qui consiste à faire payer des impôts aux hospices, aux asiles d’aliénés et d’in- curables, aux dépôts de mendicité et aux bureaux de bien- faisance. La statistique révèle que ces établissements ont versé au Trésor en 1902, pour la contribution foncière, 917,745 fr., plus une taxe de mainmorte de 803,062 fr. « Peut-on imaginer, dit notre auteur, un impôt aussi mal fondé en raison et en bon sens”? Ne dirait-on pas que c’est un reste de notre vieille fiscalité qui avait soin de tomber surtout sur la misère. [ci, c’est la misère incurable, impuis- sante, une vraie mainmorte celle-là. A quoi, en effet, est appliqué le revenu de ces terres ? à soulager l'incapacité du travail, la pauvreté sans remède, la misère irréductible. Et on va frapper de près de deux millions d'impôts chaque année le produit de ces biens, au profit de qui ? Au profit de l'Etat, ce qui veut dire au profit de la collectivité des ci- a (1) Page 108, =. 490 — toyens, laquelle collectivité, en vertu du principe moderne de solidarité et de mutualité, est précisément tenue de pour- voir à l’entretien de ses membres malheureux. Quel étrange cercle vicieux on fait parcourir à ces deux millions ! () » Passant à la contribution mobilière, M. Dufay montre les inégalités résultant de son application. Cet impôt est basé sur le loyer, c’est-à-dire sur une apparence souvent trom- peuse ; il pèse lourdement sur les familles nombreuses, accablées déjà par tant de charges diverses, tandis qu'il est léger aux célibataires riches. Dans la statistique des patentes, M. Dufay relève 39,696 cotes de un franc et au-dessous ; il fait remarquer combien il est ridicule d'imposer de pauvres échoppes, de misérables boutiques dont les tenanciers sont moins des négociants que des candidats au bureau de bienfaisance ou à lhôpital. Le recouvrement de ces cotes infimes coûte plus à l'Etat en papiers, en circulaires, en temps perdu par les percep- teurs que les quelques milliers de francs qu’elles lui pro- curent. Enfin, l’impôt perçu actuellement sur le revenu des va- leurs mobilières est inégal et arbitraire, puisque par une faveur étrange qui n'existe plus guère que chez nous, on exonère les fonds d'Etat et les créances hypothécaires, qui représentent ensemble un revenu total de 2,415 millions, presque égal au revenu de tout le sol français. « Le rentier fait un faux raisonnement, remarque l’auteur, quand il dit : l'Etat est mon débiteur, il me doit mille franes de rentes, il doit me les payer ; oui, certes, et il les paie; mais de son côté le rentier doit à l'Etat sa quote-part des dépenses géné- rales dont il profite comme tous les autres citoyens, et cette quote-part, en bonne justice, est due en raison des revenus de chacun. Il y a longtemps qu'on a fait bon marché de ce raisonnement de rentier en Angleterre, en Italie, en Prusse, (DPasert0: ! © — 191 — en Suisse, et que tous les rentiers paient sur tous leurs revenus, sans que cela ait diminué en rien le crédit de PEtat. » Après avoir signalé tout ce qu’il y a d’illogique, d’arbi- traire ou d’injuste dans notre système fiscal, M. Dufay pré- conise le remplacement de la plupart des impôts actuels, produisant un total de 827 millions, par un impôt général sur le revenu. Pour être équitable, cet impôt doit être non pas proportionnel, mais progressif. « Par quelle fatalité, dit l’auteur (page 209), nous sommes-nous habitués en France à cette idée que la proportion mathématique en fait d’impôt est la plus juste et qu'elle doit atteindre le capital et le re- venu aussitôt qu'ils dépassent zéro. Ce ne sont certainement ni le bon sens, ni la raison, ni l'esprit de justice qui ont _propagé cette manière de comprendre l'impôt. C’est plutôt l'influence traditionnelle que nous ont léguée les siècles passés. L'homme n'est pas une quantité à mettre en équa- tion mathématique avec des nombres. Les nombres com- mencent bien à partir de zéro, mais le chiffre de revenus ou la valeur capitale dont l’homme peut disposer ne commence pas à zéro; une première fraction est aborbée d’une ma- nière nécessaire par les dépenses, même les plus réduites, que comportent sa vie physique et sa vie intellectuelle. C’est donc par un véritable contre-sens, une erreur de cal- cul, que nous faisons commencer le prélèvement de l'impôt sur le revenu ou le capital de chacun à partir de zéro. » M. Dufay propose une exemption complète d'impôts pour les revenus inférieurs à 400 francs, somme qu'il juge stric- tement indispensable aux besoins de chaque citoyen. « Nous aurions ainsi, dit notre auteur, comme en Prusse, en Suisse, en Italie, au moins la moitié de la population exempte de toute contribution aux charges publiques, ce qui, à la longue et après un certain temps, mettrait la plupart de ces eltoyens en état de n'être plus à la charge de la Société sous forme de secours, d’hospitalisation, de bienfaisance, — 192 — etc. , etc, et les élèverait à un état moral que la misère actuelle les empêche d'atteindre. » Dans le système proposé par M. Dufay, l'impôt serait de 49°/, pour les revenus de 400 à 2,000 francs, de 50/, pour ceux de 2,000 à 4,000 francs, de 6 o/, pour ceux de 4,000 à 10,000 francs et ainsi de suite, suivant une progression qui arrive à prélever sur les revenus dépassant un million 25 ‘,o, sur ceux dépassant 4 millions 50 °/,. Enfin au-dessus de 40 millions de revenus, l'Etat prendrait tout. Le projet peut donc être résumé ainsi : impôt progressif, avec exemption à la base et confiscation au sommet, Si l’exemption au profit des revenus inférieurs à 400 francs est pleinement justifiée, il est permis par contre de trouver bien hardie et bien dan- gereuse l'introduction dans la loi du principe de la confisea- tion, trop facilement extensible. À notre avis, l’auteur au- rait été plus sage de s’en tenir à une élévation du taux de la progression. M. Dufay attend de ia mise en pratique de l'impôt pro- gressif la rénovation, lente, mais certaine, de la société. L’exemption dont bénéficieront les déshérités leur procurera plus d’aisance, plus de bien-être, une meilleure santé ; elle favorisera l’épargne et facilitera l’accession du prolétaire à la propriété, actuellement répartie en un trop petit nombre de mains. (Encore faut-il pour en arriver là que l’ouvrier et le petit cultivateur aient la sagesse de ne pas dépenser au cabaret l’argent qu'ils versent actuellement à lEtat sous forme de contributions diverses ?) : D'autre part, la progression de l'impôt doit mettre un frein à l’extension indéfinie des grandes fortunes, que favo- rise le fonctionnement de l'intérêt et de la spéculation mo- derne. Il faut un correctif à l'accumulation des richesses dans les mêmes mains. L'auteur rappelle, en le générali- sant, le mot de Pline : Latifundia perdidere Italiam ; les grosses fortunes sont un danger public, parce qu’ « ellzs étendent sur le pays le nivellement universel de la misère » ; 2 L. 4 — 103 — leur étalage excite les convoitises et suscite les haines ; leur possession est même nuisible à ceux qui en jouissent, car « peu de fortune entretient la santé morale et crée la liberté ; trop de richesse produit fatalemenñt la corruption chez ceux qui la possèdent et la servitude chez ceux qui en sont privés. » En résumé, l'impôt progressif doit jouer un rôle régula- teur et moralisateur ; en corrigeant peu à peu les extrêmes inégalités des conditions, il tend à résoudre pacifiquement, sans révolution et sans secousse, le problème social. Sans partager toutes les illusions de l’auteur, ni voir dans l'établissement de l'impôt progressif la panacée universelle, le remède à tous les maux de la société, 1l nous paraît que cette réforme réaliserait incontestablement un certain pro- grès. Si cet impôt est juste dans son principe, pourquoi ne pas le mettre en vigueur ? Sans doute, son application ren- contrera des difficultés, mais ces difficultés ne sont pas in- _surmontables puisque le système fonctionne dans plusieurs Etats européens, notamment en Suisse, où M. Dufay a puisé un grand nombre de documents et d'exemples, Gardons- nous d’être illogiques comme ceux qui disent : Video me- liora proboque. deterioru sequor. Il serait trop long de suivre M. Dufay dans les détails d'application de son projet. Il suffira de dire qu’à l'exemple de la plupart des législations étrangères, il fait une distinc- tion entre le revenu du capital et le revenu du travail, le taux afférent à ce dernier devant être, selon lui, inférieur de moitié au taux supporté par le premier. Disons aussi que M. Dufay admet comme base de calcal de l'impôt la decla- ration : chaque contribuable serait tenu de répondre à un questionnaire et serait averti que toute dissimulation, toute réticence le rendrait passible d’une amende égale à dix fois impôt non payé. Les déclarations seraient d’ailleurs véri- _ fées grâce à divers moyens de contrôle dont l'Etat dispose : registres des déclarations de successions, registres des hy- 13 — 194 — pothèques, grand livre de la dette publique, comptabilité des banques, etc.; en cas de désaccord, elles seraient en définitive loyalement débattues entre l'Etat et le contri- buable. Enfin l’auteur s’est attaché à réfuter les objections et les critiques. À ceux qui voient des inconvénients à obliger les contribuables à déclarer leur fortune, il répond : est-ce qu'aujourd'hui, après le décès de tout citoyen, riche ou pau- vre, les héritiers ne sont pas tenus de faire la déclaration exacte de ce qu’il a laissé, sous des peines sévères en cas de fraude ? « Est-ce que cela bouleverse l'économie ou la dis- crétion familiale? Ce qui se passe ainsi tranquillement et généralement d'une manière très juste, après la mort d’un citoyen, ne peut-il se passer tout aussi justement pendant Sa vie ? » Quant à ceux qui craignent que les capitaux français ne prennent le chemin de l'étranger pour échapper au nouvel impôt, M. Dufay les rassure en disant : « Quand cet impôt a été établi en Suisse, en Allemagne, en Italie et ailleurs,a-t« on vu les capitalistes de ces pays s'installer en France avec leur fortune ? » Il faudrait d’ailleurs aller loin aujourd’hui pour échapper à l'impôt sur le revenu, qui à été adopté dans la plupart des Etats européens. Enfin pour que les valeurs mobilières ne puissent échapper à la taxation du revenu, l’auteur envisage la nécessité d’une double mesure : d’une part, l'obligation pour les Sociétés commerciales, in- dustrielles et financières de ne créer que des titres nomi- natifs (actions et obligations) et de supprimer les valeurs au porteur; d'autre part, l'établissement d’une législation internationale permettant à chaque pays de rechercher à l'étranger les valeurs qui y seraient placées par ses natio- naux. On peut juger par cette analyse succincte de la valeur et de l’importance de l’œuvre de M. Dufay. Quel que soit le jugement que chaque lecteur puisse porter sur les réformes — 195 —. préconisées par l’auteur, on ne peut que rendre hommage à la sincérité de son aspiration vers un meilleur avenir et louer la virilité et la hardiesse de sa pensée, la force de son raisonnement, la clarté et la simplicité de son style, toutes qualités qui décèlent l’écrivain de race comtoise. NMATERIAUS POUR L'HISTOIRE DES PREMIÈRES RECHERCHES DE GÉOLOGIE EN FRANCHE-COMTÉ Quelques notes inédites sur les travaux de M. Duhamel et de M. Parandier dans le département du Doubs Par M. le Dr Albert GIRARDOT Séance du 17 mars 1906. M. Parandier sachant que j'avais écrit quelques pages sur les premiers travaux des géologues en Franche-Comté (D, m'adressa, peu d'années avant sa mort, plusieurs notes ma- nuscrites inédites, concernant les observations géologiques de M. l'ingénieur Duhamel dans le département du Doubs, et les comptes-rendus de Ja fondation et des séances de la Société géologique du Doubs, qu'il avait lui-même créée en 1835, ainsi que du congrès tenu à Besançon la même année par les membres de la Société géologique des Monts-Jura, dont il fut le secrétaire. Cette société géologique des Monts- Jura avait été fondée par M. Thurmann et quelques savants suisses en 1834; elle n’eut en réalité qu'une seule réunion, celle de Besançon en 1835, mais qui fut très importante en rai- (1) Les premières études géologiques en Franche-Comté (Académie des S. B-L. et À. de Besançon, 1891). — 197 — son des communications qui y furent faites et qui montrent quel était exactement l’état des connaissances géologiques sur le Jura, à cette époque. Aucune de ces différentes pièces n’a été publiée Jusqu'ici, sauf un résumé très sommaire des séances de la Société des Monts- Jura à Besançon, insérée par Thurmann en 1836 dans le Bulletin de la Société géologique de France Aussi ai-je pensé que ces notes pourraient prendre place utilement dans nos Mémoires. J’ai reproduit intégrale- ment les communications faites à la réunion de 1835, mais pour le reste j'ai dû résumer quelques fois, et souvent com- pléter les différentes notes que m'avait remises M. Paran- dier, pour éviter des longueurs inutiles et pour expliquer certains faits et en tirer des conclusions. NOTES DE M. DUHAMEL Dès que M. Parandier se fut installé à Besançon, comme ingénieur des ponts et chaussées en 1898, il se proposa d’é- tudier la constitution géologique de la région, mais il voulut avant de se mettre à l’œuvre, se renseigner sur les travaux de géologie dont le département du Doubs avait été déjà l’ob- jet, et ils’adressa en vue de ce but à M. Duhamel, ingénieur des mines, en résidence à Lons-le-Saunier, dont le service comprenait le Jura et le Doubs. M. Duhamel lui répondit qu'aucun ouvrage n'avait encore été publié sur ce pays, mais qu'il avait recueilli lui-même quelques notes qu'il lui com- muniqua probablement dès cette époque, en partie au moins, et qu'il lui abandonna complètement quand il fut nommé à Langres en 1832, | Ces notes, au nombre de quatre, nous ont été remises par M. Parandier, quelques années avant sa mort; elles nous ont paru offrir un réel intérêt au point de vue de l’évolution des études et des connaissances géologiques dans notre province, et nous croyons utile de les exposer ici. La pre- —- 198 — mière renfermant quelques détails étrangers au sujet que son auteur se proposait de traiter, nous nous bornerons à l’analyser, mais nous reproduirons les trois autres en entier. I. Excursion géologique dans le département du Doubs, en ARDENNE | M. Duhamel partit de Salins et visita successivement Quingey, Besançon, Champlive, Clerval, Ornans, le Magny, Gemonval, Saint-Georges, Montbéliard, Blamont, Saint-Hip- polyte, Fuans, le Grand-Denis, Morteau, Pontarlier et Ro- chejean. Au cours de ce voyage, il nota minutieusemeni les caractères pétrographiques des masses minérales qu’il ren- contra sur son chemin insistant sur leur couleur et leur tex- ture Ces indications ne permettent pas, en général, de recon- naitre les assises qu'il a décrites ; cependant 1l en est quel- ques-unes qu’il a dépeintes d’une manière assez précise, pour qu’on puisse les désigner sans chance d'erreur. Entre Quingey et Besançon M. Duhamel signale la présence des Marnes 1risées et des Calcaires à Gryphites, en un en- droit qu'il ne cite pas clairement. À Besançon, il observe que les strates de la citadelle sont dirigées du nord au sud avec une inclinaison variable, et 1l ajoute : « Il m'a semblé » qu'à l'endroit où les couches se replient tout à coup, pour » devenir presque verticales, 1l y a un ondoiement, une » froissure dans les couches, sans rupture, ce qui semble » indiquer que leur position singulière ne tient pas à un » bombement, mais qu’elle est l'effet de leur formation; le » calcaire encore mou aura pris la forme du terrain sur le- » quel il se sera déposé. » Il visite la combe du Pont du-$e- cours et reconnait bien sa structure ; les deux flancs consti- tués par des calcaires de nature différente, mais dont les bancs sont sensiblement parallèles, et le centre par une masse importante de marne. Il décrit très nettement l'affleu- rement du flanc sud (Oxfordien-supérieur) avec ses assises qui se désagrègent sous l'influence des agents aitmosphéri- — 199 — ques qui paraissent les « décomposer de manière à leur » donner une structure feuilletée, ressemblant à la marne. C’est surtout entre les joints des bancs que l’on voit cette structure qui se perd peu à peu, à mesure que l’on s'éloigne » des joints. » [| note aussi la présence de rognons calcaires (nodules siliceuses, chailles) surtout dans les parties à struc- ture feuilletée. Cette couche qu'il a examinée avec tant d’at- tention, lui sert de point de départ pour sa description géo- logique de tout le territoire qu'il se propose d'étudier, et il désigne par des numéros d'ordre les différentes assises qu’il observe au dessus d’elle (1). Il est assez difficile de le suivre dans les descriptions en- üèrement pétrographiques et parfois assez sommaires qu'il en donne ; cependant il paraît évident que les bancs de 1 à 6 représentent l’Oxfordien supérieur, 7 le rauracien inférieur, 8 le rauracien supérieur, 9, 10, 11 et 12 les calcaires à as- tartes, 13 et 14 les marnes astartiennes, 15 et 16 la base de l’astartien supérieur, peut-être ce sous-étage en entier, peut-être même tout le Kimméridien, car il ne donne aucune indication sur la puissance des strates qu’il énumère, ni au- cun caractère qui permette de reconnaître exactement les dernières de la série. A ÿY (1) Nous reproduisons ci-dessous, textuellement, cette partie de la note de M. Duhamel. « Au dessus du calcaire qui se désagrège et devient feuilleté au contact de l’atmosphère, se trouvent 1, 2, 3, 4, 5; 6 forme au-dessus de 5, une couche que l’on prendrait pour une couche de galets intercalés dans le calcaire ; avec le marteau l’on détache très facilement chacun de ces ga- lets. Puis 7, masse considérable divisée par de petites couches dont la puissance varie de quelques pouces à plusieurs pieds. Puis 8 et 9, ce der- nier est je crois le calcaire lumachelle, 10 forme une couche d’environ 2 m. entre 8 et 10 ; puis 11, 12, 13, 14; 12 est très coquillier, on remarque entre ses couches une marne ou un calcaire très feuilleté ; 14 forme une couche mince dont 43, 15 et 16 terminent la coupe de cette montagne; on a trouvé encore dans 16, une couche d'un calcaire très feuilleté ; la couche était perpendiculaire et le calcaire feuilleté très ondulé. Après le premier village, marnes de calcaire à Gryphites dirigées du N O. au S O. et in- clinées vers le $S. E. » — 900 — Celle-ci se termine au voisinage du « premier village », qu’il ne désigne pas autrement, mais qui doit être Morre, où il voit apparaître le Calcaire à Gryphites. Get accident in- terrompt la succession des assises qu’il a cherché à suivre depuis Besançon. Au delà du village, il observe encore des formations nouvelles pour lui, auxquelles il donne les numéros 17, 18,19 et 20. Il poursuit son excursion en no- tant toujours attentivement la nature des roches qu'il ren- contre et, d’après les seules données de la pétrographie, il les rapporte à l’une ou à l’autre des vingt strates qu'il a reconnues aux environs de Besancon. Il indique aussi d’autres dépôts : les marnes trisées aux environs de Gemonval, puis le grès rouge et le grès bigarre vers Saulnot ; il signale près de Granges-le-Bourg le contact des formations jurassiques et des formations vosgiennes, les premières devant recouvrir les secondes non loin de Îà, À Saint-Georges, 1l s'assure que la houille découverte en cet endroit est entièrement dans le terrain de Lons-le-Sau- nier (marnes irisées) ; elle repose sur le gypse et est recou- verte par les calcaires cloisonnés. les grès impressionnés et le Calcaire à Gryphites. Il visite ensuite la mine de fer de Gouhenans et se rend compte que le banc de minerai ooli- thique exploité en ce lieu est bien celui que lon trouve par- tout dans le premier étage du Jura. En traversant le Lo- mont au-dessus de Saint-Hippolvte, il observe des calcaires à grosses oolithes (rauracien inférieur) surmontés par des calcaires à oolithes fines (rauracien supérieur). À Fuans, il explique les cavités des roches jaunâtres qui bordent la route (portlandien supérieur) par la disparition de nodules siliceuses (?) qui S'y trouvaient à l’origine. M. Duhamel fournit aussi des indications sur la direction et l’inclinaison des couches en divers heux et sur l’orienta- tion des chainons jurassiens qu'il a traversés entre Fuans et Morteau. — 901" | Il. Série d'assises remise à M. Parandier en 1828 : Cette note, comme le fait observer M. Parandier sur le manuscrit, ne renferme aucune indication sur le lieu où elle a été relevée (1) : elle expose la succession des assises sans leur donner de numéros d'ordre ; ceux qu’elles portent ci- dessous ont été ajoutés par nous pour faciliter nos conclu- sions, ils n'ont par suite aucun rapport avec les numéros cités dans la note précédente. 1. Marnes sur lesquelles repose l'étage suivant non décrit. Calcaire oolithique à gros grains. Calcaire grenu, mêmes coquilles. 4, Calcaire compact tendre ; Térébratules lisses et striées avec beaucoup d'entroques et quelques oursins. 9, Calcaire gris compact à rognons de silex, 6. Calcaire oolithique et compact, souvent avec rognons irréguliers de silex ; dans les bancs on trouve des entroques avec des polypiers. | 7. Couches séparées par des lits de marnes formant le passage du calcaire gris marneux compact au calcaire sili- ceux jaunâtre. 8. Bancs d’oolithes composés de bancs ferrugineux ; l’en- semble a de 2 à 5 mètres de puissance et renferme des co- quilles. 9. Marnes sans bitume jusqu'aux premiers bancs de l'oolithe. 10. Au-dessus du banc de coquilles, les marnes devien- nent bitumineuses et contiennent une grande quantité de bivalves ; au milleu de ces marnes 1l y a des bancs avec veines de bitume. 11. Gros rognons marneux fragiles. 12. Marne tendre renfermant des solides remplis de co- quilles dans l’intervalle des bancs, CO 1WO (1) Il est probable que cette coupe a été prise aux environs de Salins ou de Lons-le-Saunier, 13. Grande hauteur de marnes grises, feuilletées, suivies d’un grand nombre de bancs peu coquilliers, puis on se trouve dans une grande richesse de coquilles, belemnites, peignes, MARNES IRISÉES : 14. Banc de calcaire à Gryphites. 15. Calcaire argileux compact à pâte très fine. 16 Banc de calcaire presque uniquement composé de. coquilles 17. Banc jaune brun à cassure inégale. 18. Bancs isolés de grès siliceux contenant des pyrites. 19. Epaisseur assez considérable de calcaire blanc divisé par des veines spathiques. 20. Ii existe une couche de houille, à une hauteur incon- nue, au dessus du gypse. 21. Banc de calcaire blanchâtre analogue à celui qui est au-dessus, mais plus grossier. 22, Marnes gypseuses, puis gypse marneux, séparés par des couches de marnes subordonnées à la nature gypseuse. 23. Calcaire argileux compact, blanchâtre, formé d'assises minces parfaitement planes ; la couche à 8 mètres. 24. Marnes terreuses, imparfaitement schisteuses, avec couches subordonnées de gypse. Dans cette coupe se montre la succession des couches du mésojurassique (2 à 8), de l’éojurassique (9 à 14) et de la partie supérieure du trias {15 à 24). Autant que l’on peut en juger d’après les descriptions un peu sommaires de diffé- rentes assises. représente le cornbrash, 3 et 4 le bathonien, entier, 5 le calcaire à polypiers, 6 et 7 la base de ce dernier sous-étage et le calcaire à entroques, 8 l’oolithe ferrugi- neuse, 9, 10, 11, et peut-être 19, le toarcien, 13 le charmou- tien, 14, 15 et 16 le sinémurien, 17 et 18 l’infralias, et les autres couches de 19 à 24 les marnes irisées supérieures et moyennes, — 205 — IT. Note sur les argiles plastiques Lettre à M Parandier, 1831) : Tout ce que je peux dire sur les argiles plastiques se borne à ceci : elles sont très onctueuses au toucher ; on en distingue deux couches, séparées en général par un banc de sable quartzeux de couleur tout à fait blanche ou légèrement coloré ; les grains sont des débris de quartz hyalin (trans- lucide) ; on l’emploie à la manufacture de verre du Bélieu et on l’exploite dans les montagnes et plaines situées entre le mont du Grand-Denis et le Doubs : l’autre, qui est un peu coloré, s'emploie dans les tuileries et se trouve à trois quarts de lieue au Sud de Pontarlier, pas loin de la route qui con- duit à Jougne. Les argiles plastiques ne renferment que peu ou pont de coquilles ; la couche inférieure est d’un gris foncé, la supé- rieure d’un bleu de ciel clair ; c’est cette dernière qui con- tient la mine de bois fossile dû Grand-Denis. Pour les mines en grains, je ne saurais pas vous dire avec précision à quelle formation on doit les rapporter. J’ai cru longtemps que c'é- tait à l'argile plastique ; mais je crains qu'elles ne soient d’une formation plus récente, les débris d'animaux qu'on y trouve pourraient jeter du jour là-dessus, mais il faudrait savoir à quels genres ils appartiennent. — Je crois du reste qu’il y en a de plusieurs formations : celles de la Bresse, par exemple, ne peuvent être rapportées à la même époque que celles du Doubs. IV. Note sur le grès vert (Lettre à M. Parandier, 1831): Le grès vert est très développé dans une partie de l'Ain, du Jura et du Doubs, il forme en général les petites plaines ondulées comprises entre les trois premières chaînes des montagnes jurassiques qui courent du N.N-E. au S. S-0. ; vous savez qu'il renferme de nombreuses mines de fer, notamment celles de Métabief, Longeville, Oie-les-Forges — 204 — que je vous engage à visiter. Je suis persuadé en outre qu’il contient du gypse aux environs de la rivière. Ge terrain à plusieurs étages séparés, comme le calcaire Jurassique, par des marnes qui contiennent des coquilles ; mais bien diffé rentes de celles que l’on trouve dans les environs de Besan- con; vous en avez une partie dans votre collection, vous pourrez les confronter. Le grès vert renferme de la marne, du grès, du calcaire, etc. Les mines de fer si je ne me trompe, se trouvent en couches à une certaine distance au-dessus des grès et des marnes qui sont encore au-dessous des grès. Les calcaires sont de bien des espèces ; mais presque toujours parsemés de points verts ; il y en a de tendres qui sont de bonnes pierres de construction et de très durs qui ont, en général, la cassure très esquilleuse. M. Duhamel connaissait très bien les formations tria- siques qu'il avait eu l’occasion d'étudier minutieusement, dans ses recherches de gisements de sel; aussi indique- t-il l'affleurement des marnes irisées, en différents endroits de la région, puis des grès bigarrés dans la partie nord, et reconnait-il que la houille découverte à Saint-Georges appartient au trias. Îl connaissait beaucoup moins le terrain jurassique, il le divisait, semble-t-il, en deux masses, linfé- rieure débutant au-dessus du calcaire à Gryphées qu’il plaçait encore dans le trias, pour se terminer à la base de l’oxfor- dien, et la supérieure comprenant tout ce que l’on range actuellement dans léojurassique. La coupe des assises inférieures est assez exacte, mais elle laisse beaucoup à désirer sous lé rapport de la précision et des détails; celle des couches supérieures est encore moins précise et moins détaillée. Toutes deux manquent de l’indication si importante de la puissance des strates. Il ne faut pas oublier cependant que l’excursion dans le département du Doubs, n’était qu’une simple recohnais- — 905 — sance géologique, et que les notes prises au cours de ce voyage et remises à M. Parandier n'étaient pas destinées à la publicité. IL faut ajouter en outre que M. Duhamel prit une part active à l'étude de la géographie physique du Doubs, publiée plus tard par M. Parandier, NOTES DE M. PARANDIER I. La Société géologique du Doubs : M. Parandier ne se borna pas à étudier pour lui seul la constitution géologique du sol, il voulut aussi la faire con- naître, et il sut intéresser à sa science de prédilection quelques habitants de Besançon, désireux de s’instruire des choses de la nature, qui laccompagnaient dans ses excur- sions. Leur nombre devint bientôt assez considérable, et il eut l’idée de les grouper pour former une société d’études et de recherches scientifiques. Les premiers adhérents choi- sirent pour président d'honneur M. Girod de Chantrans qui leur conseilla de se réunir à la Société d'agriculture du Doubs, fondée depuis plus de quarante ans déjà, qui les accueillit, créa même dans son sein une commission des : sciences naturelles, et prit à cette occasion, le titre de Société d'agriculture, sciences et arts du Doubs. M, Paran- dier et les naturalistes qui s'étaient joints à lui, se propo- saient d'étudier la région du Doubs, d'en dresser la carte géologique et de réunir les collections de roches, de miné- raux, de fossiles et même d'animaux du pays, dans un but d'utilité pratique. La Société d’agriculture (1) craignit sans (1) La Société d'agriculture avait formé dans son sein une commission des sciences naturelles, dont tous les nouveaux venus demandaient à faire partie, pour pouvoir travailler en commun à la réalisation de leur pro- gramme, c'était créer une petite compagnie dans la grande, ce que la Société d'agricultüre ne voulut pas admettre avec raison, et elle leur con- seilla de former en dehors d'elle une association indépendante, — 906 — doute de s'éloigner trop de son objet principal en favorisant l'exécution de ce programme, et malgré les explications que donna M. Parandier dans sa séance de janvier 1834, elle ne crut pas devoir s’y associer d’une manière vraiment effi cace. Dès lors le petit noyau des chercheurs de bonne volonté n'eut plus qu’à se constituer en compagnie indé- pendante, ce qu'il fit le 25 septembre 1835, en prenant la dénomination de Société géologique du Doubs (1). La nou- velle association se réunit le 29 septembre suivant pour jeter les bases de ses statuts, et le Ter octobre dé la même année, elle prit part au congrès que tinrent à Besançon les géologues du Jura français et suisse. Pendant les années suivantes, la Société prospéra, le nombre de ses membres s’accrut, elle organisa des réu- nions et des excursions collectives, mais en 1840, elle n'avait pas encore de secrétaire pour diriger ses travaux, et il lui manquait surtout un local, bien nécessaire cepen- dant pour tenir ses séances et placer ses collections. Malgré tous ses efforts et ses instances réitérées, M. Parandier ne put l’obtenir de l'administration préfectorale, et cette asso- ciation de travailléurs bénévoles dut se dissoudre faute d’avoir pu trouver les moyens élémentaires de faire une œuvre utile. Elle disparut vers cette époque, sans laisser de traces n'ayant publié ni procès-verbaux, ni mémoires, et comme M. Parandier, son fondateur et son président quitta Besancon peu après, elle n’essaya pas dans la suite de se reconstituer, mais en 1841, naissait la Société d'Emu- lation du Doubs, qui recueillait quelques-uns de ses membres et se substituait à elle (2\. Telle qu’elle avait été constituée, la Société géologique (1) Son titre primitif était: Société géologique et d’histoire naturelle du Doubs. (@) MM. Bauthias, Boudsot, Emile Delacroix, Grenier, Huart, Martin, Mangeot, Parrot et Reynaud-Ducreux qui faisaient partie de la Sociélé géologique du Doubs, figurent parini les premiers membres de la Société — 907 — du Doubs ne pouvait subsister bien longtemps; son but était trop spécial et trop restreint pour qu’elle put ren- contrer de nombreux adhérents, surtout en un temps où les sciences naturelles, et plus particulièrement la géo- logie, ne comptaient que peu d'adeptes Son organisation, en outre, était défectueuse, elle manquait de secrétaire et ne pouvait avoir, par suite, ni direction ni continuité dans ses travaux; elle n'avait par elle-même aucune res- source pécuniaire, ses membres ne payant pas de cotisa- tion, et elle devait tout attendre des pouvoirs publics, tou- jours méfiants et mal disposés à l’égard des indépendants ; elle était par là impuissante, aussi bien à se procurer un local qu’à publier des études ou de simples comptes-rendus. Dans ces conditions, le lien qui rattachait à la chose com- mune chacun des sociétaires était assez faible et se rompit de lui-même au bout de peu d'années. Toutefois si M. Pa- randier ne réussit pas à former une association durable, il montra qu'on pouvait, à Besançon, grouper des hommes de bonne volonté pour des recherches scientifiques désinté- ressées, et sa démonstration fut mise à profit par les fon- dateurs de la Société d'Emulation du Doubs, société qui, on peut le dire, dérive en quelque sorte, de la Société géologique du Doubs. Il La Société géologique des Monts-Jura ; sa réunion à Besançon en 1835 : Pendant que M. Parandier s’efforçait de fonder la Société géologique du Doubs, M Thurmann de son côté, avec l’aide de quelques savants suisses, constituait la Société géologique des Monts-Jura qui tint sa première réunion à Neuchatel en 1834, mais ce ne fut qu’un essai ; la deuxième séance beau- d'Emulation. M. Parandier était absent de Besançon au moment où fut fondée cette dernière; il ignora même son existence pendant plusieurs années et n'y entra que plus tard. — 908 — coup plus importante, eut lieu à Besançon les der et 2 octobre 1835. Une quinzaine de géologues. français et suisses, s à” étaient donné rendez-vous, et le programme arrêté d'avance, portait que l’on traiterait de la constitution géognostique des Monts-Jura, dans toute leur étendue, puis de la géogénie de leurs terrains. enfin de Lutte de leurs chaînes et de leurs vallées (1). La réunion eut lieu dans une des salles de l’Académie (2). M. Voliz, bien qu’absent, fut élu président d'honneur, M. Thirria, vice-président et M. Parandier secrétaire ; les séances de cette première journée furent consacrées à la des- cription de la série jurassique, aux environs de Besançon par M. Parandier, aux environs de Belfort par M Renoir, dans la haute montagne du Doubs par M. le D' Renaud-Comte, dans le Jura neuchâtelois par M. de Montmollin, dans le Jura so- leurois et dans le Jura argovien par M. Gresly, dans le can- ton de Schaffouse et dans le haut Jura français et suisse par M. Thurmann; ces divers exposés de la série jurassique ont été rapportés à la description de la Haute-Saône de M. Thirria et du Jura bernois (Porrentruy) de M. Thurmann. Ce dernier géologue indiqua ensuite la succession des assises de même âge dans le Wurtemberg, tel que Favait établie Mandelslohe. Comme conséquence de cette étude en commun, on décida que le terrain jJurassique du Jura, devait être divise en cinq groupes. 1° liasique, 2° oolithique, 3° oxfordien, 40 corallien, 90 portlandien. En ce qui concerne ces deux derniers grou- pes, M. Thurmann hésitait à les admettre comme deux for- (1) Voir THURMANN. Bull. Soc. géologique de France, 1e série, t. VIL (1836) p. 207 à 211 et PauLz Cnorrar de la Société géologique des Monts Jura, Porrentry, 1885. (2) Ont pris part à la réunion de la Société géologique des Monts-Jura, à Besançon, M. Gresly de Soleure, comte de Montmollin de Neuchitel, Parandier Le Besançon, Renoir de Belfort, Dr Renaud-Comte du Pissoux, Thirria de Vesoul, ainsi que les membres de la Société enter du Doubs, Thurmann de Porrentruy. — 909 — mations distinctes et indépendantes l’une de l’autre, et se demandait s’il ne valait pas mieux les considérer comme deux facies propres du même groupe, et il justifiait son doute par des observations faites dans plusieurs parties du Jura. On reconnait facilement aujourd’hui combien était pru- dente l’hésitation de M. Thurmann. Sur certains points de la région envisagée, tout le jurassique supérieur, au dessus de l’oxfordien, ne forme qu’une immense masse de calcaire compact, sans horizons fossilifères et même sans fossiles dé- terminables, et sur d’autres points, la présence de dépôts co- ralligènes, jusque dans ses assises les plus élevées, a fait rapporter pendant longtemps au corallien tout ce que les fondateurs de la nomenclature jurassique avaient rangé dans leur cinquième groupe. Après l'étude des terrains jurassiques, on examina d’une manière toute spéciale les terrains supra-jurassiques ; M. Pa- randier rappela que M. Duhamel, ingénieur des mines, avait le premier en 1832 observé ces assises dans les chaines ju- rassiennes, et M. Thurmann proposa de donner à la partie supérieure de ces couches, situées au dessus du grès vert, le nom de néocomien qui fut de suite adopté. M. de Mont- mollin décrivit la série de ces strates, aux environs de Neu- châtel, MM. Thirria, Renaud-Comte et Parandier parlèrent de celles de la Haute-Saône, des hautes vallées du Jura et du Doubs, et signalèrent les affleurements de la vallée de POgnon, de la Ville-du-Pont, de la Rivière, du Russey et de Morteau ; M. Thurmann termina cette revue en exposant la succession des formations de la Perte-du-Rhône, qu'il rapporta au néo- comien. On examina ensuite la question du synchronisme du fer pisiforme et du bonherz des Allemands avec le néocomien. Une discussion spéciale s’engagea à ce sujetentre MM. Thirria, Parandier et Thurmann, et la Société, avec beaucoup de rai- Son, ne voulut passe prononcer sur ce synchronisme; pensant que la question n’était pas encore assez connue, elle l’a remise 14 — 910 — à l’étude pour être discutée à nouveau dans sa réunion sui- vante. La dernière journée commença par une course à la côte de Saint-Léonard (Trois-Chatels), où les membres de la réu- nion purent voir en peu de temps toute la série jurassique ; puis on passa à r'examen de l’orographie du Jura. M. Thur- nann fit un exposé succinct du système orographique qu’il a développé dans son essai sur les soulèvements de Porren- truy; MM. Parancier, Gresly, Renaud-Comte et de Mont- mollin traitèrent successivement la question, en l’appliquant aux parties du Jura déjà citées plus haut, à l’occasion des terrains. On discute ensuite plusieurs idées géogéniques générales, relatives à l’époque du soulèvement Jurassique, et l’assem- blée reconnut que la surrection de la chaine du Jura, n’a pas été le résultat d’un accident unique, mais le produit d’une série de commotions qui auraient eu lieu pendant toute la période comprise entre la fin des dépôts jurassiques et la fin de l’étage tertiaire; et que de toutes ces commo- tions, celles qui ont donné aux chaînes leur configuration en lignes parallèles et leur relief principal, sont les plus anciennes. Cependant la Société n’émit ces idées qu'avec réserve, reconnaissant qu'elle ne possédait pas encore toutes les observations positives, nécessaires à la solution complète de ces questions. Cette réserve était prudente, car s’il est certain que plusieurs points du Jura ont émergé à diverses reprises, depuis la fin de la période jurassique, il l’est tout autant, qu'ils ont été aussi replongés sous les eaux, et il est par suite bien évident que l’on ne peut voir dans ces mouvements la première ébauche du soulèvement qui à donné au Jura sa configuration définitive. D'un autre côté, il est hors de doute aujourd'hui que les premiers soulève- ments n’ont pas disposé la région jurassienne en une série de bassins, où se seraient déposées dans la suite, les assises. crétacées puis les assises tertiaires comme le soutint M. Pa- — 911 — randier à cette séance, contrairement à l’avis de M Thirria : l’auteur de la Sfatistique de la Haute-Saône avait déjà reconnu que le soulèvement du Jura est postérieur au dépôt de ces couches. Enfin la séance a été terminée par un examen critique d’un récent travail de M. Rozet sur le Jura, dont la Société ne crut pas devoir accepter les conclusions. Telle fut, dans ses traits principaux, cette réunion géolo- gique des 1er et 2 octobre 1835 à Besançon, évènement im- portant, non seulement au point de vue de la géologie locale, mais encore au point de vue de l’histoire générale de cette science; c’est à ce congrès, en effet que fut adoptée la nomenclature des terrains jurassiques qui a servi de base à la nomenclature actuelle, après avoir été pendant long- temps exclusivement employée par la plupart des géologues de langue française. C’est aussi à la réunion de Besançon que M. Thurmann proposa et fit accepter la dénomination de néocomien (de Néocomus Neuchatel) pour désigner l’assise inférieure du Crétacé, appellation qui a persisté depuis dans la science. On peut dire que ce congrès, où furent discutées toutes les questions intéressant la constitution du sol de notre région, établit en réalité le bilan de la géologie juras- sienne en 1855. | Quant à la Société géologique des Monts-Jura, elle n'eut pas de nouvelles réunions et elle disparut à son tour, sans laisser d’autres traces. Nous reproduisons, ici après, textuellement les commu- nications faites par MM. Parandier, Renoir, de Montmollin, Renaud-Comte, Gresly, Thurmann et Thirria à la réunion géologique de Besançon, telles qu’elles furent recueillies par son secrétaire M. Parandier, d'après le manuscrit qu’il nous a transmis. DOSSIER DES COMMUNICATIONS | FAITES AUX RÉUNIONS D'OCTOBRE 1835 | DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIOUE DU DOUBS — Exposé de la communication faite par M. PARANDIER sur la série des terrains jurassiques et infra-jurassiques des envi- rons de Besançon et les rapports de leur constitution géognos- tique avec différents points des départements du Doubs et du Jura. — Exposé de la communication de M. RENOIR sur la série géognostique des environs de Belfort. Coupe d’Eloy aux envi- rons de Meroux du N.-0. au N.-E. à partir des Vosges. — Communication de M. RENAUD-COMTE sur la série géognos- tique qu’on observe dans la haute vallée du Doubs, et coupe géologique à Moron. — Communication de M. GREsLY sur l'exposé des mêmes séries et des fossiles qu’elles renferment dans le Jura Soleurois et Argovien. — Communication de M. THURMANN sur la comparaison des résultats exposés précédemment avec observations qu’il a faites sur le même sujet aux deux extrémités de la chaîne du Jura. — Communication de M. le comte DE MONTMOLLIN sur la description géognostique du terrain qu'il a observé dans le canton de Neuchatel (Suisse). — Communication de M. THiRRIA, ingénieur des mines à Vesoul, sur les terrains jurassiques, Jura-crétacé et terrain du minerai de fer pisiforme. — 213 — Communication faite par M. Parandier On ne trouve à découvert nulle part dans le département du Doubs des terrains anciens ; mais il y a dans le Jura la montagne de la Serre où apparaît le granit et quelques ter- rains anciens postérieurs ; J y suis allé en mars 1831 et en ai fait une étude dont j'ai déjà rendu compte et que je puis com- pléter par quelques coupes prises à cette date et par quelques observations. Dans le Doubs, le terrain le plus ancien que nous puissions trouver et dont j'ai constaté les affleurements c’est le mus- chelkalk que j'ai reconnu sur la rive gauche de l'Ognon en 1831; je me suis alors empressé de communiquer cette dé- couverte à mon ami l'ingénieur des mines Duhamel : voici sa réponse datée de Champagnole, du 25 juillet 1831. « Vous avez trouvé du muschelkalk dans le Doubs! en « êtes-vous bien sûr? Ce ne peut être alors que sur les bords « de lOgnon, encore! En avez-vous rapporté des échan- € tillons ? » (1) À son retour à Besançon, je les Jui ai fait voir, il recon- nut que j'avais raison et depuis lors c’est le muschelkalk que j'ai adopté comme la limite inférieure de nos terrains jurassiques du Doubs. | Je crois que nous trouvons dans les environs de Besançon, d'une manière presque complète, tous les étages et groupes de nos monts jurassiques. C’est sur le muschelkalk que repose la série des marnes et argiles irisées au bas desquelles, à peu de distance du muschelkalk, gisent des amas de sel gemme ; plus haut sont des alternances de gypse et de bancs de calcaire dolomi- tique ; de marnes et argiles de diverses couleurs. (1) Cette réponse prouve qu'il avait déjà parcouru le département en s’occupant de géologie dont il avait suivi le cours à l'Ecole des Mines; il n'y en avait point alors à l'Ecole des Ponts et Chaussées. 944 = C'est dans un sondage fait sur la côte de Beure pour la recherche du sel gemme (1) que je trouve le développement à peu près complet de cette série d’assises de marnes, d’ar- giles, de calcaire dolomitique, de gypse et de sel gemme, dont le sondage effectué au-dessus de Beure sur une profondeur de 126 m. 80 sous le calcaire à gryphites n’a pas atteint le sel gemme. Par les sondages faits à Montmorot près Lons-le-Saunier, il se trouve à 10 ou 15 mètres plus bas que les susdits 126 m. 80; ce serait donc à peu près à 140 mètres de pro- fondeur au-dessous du calcaire à gryphites que se trouverait le massif principal du sel gemme au-dessus du muschelkalk. Je produis le résultat du sondage de 126 m. 80 qui m’a été communiqué par M. Duhamel (2). De ce qui précède, j'ai conclu qu’en partant du fond du vallon du petit cours d’eau de Beure et en creusant un tunnel horizontal, on serait parvenu au massif du sel gemme dont on aurait pu faire une fructueuse et facile exploitation, ce qui n’a pas eu lieu sur ce point (3). Quant au calcaire à gryphites, on peut l’observer sur plusieurs points dans les environs de Besançon ; celui où il est plus rationnel de le faire, c’est derrière la commune de Morre quoiqu'il n’y apparait qu'en partie hors du sol, parce qu’il est recouvert d’une série d'assises successives. Le calcaire à gryphées se compose généralement d’une série d’assises d'environ 6 à 7 mètres d'épaisseur dans leur ensemble; c’est un calcaire qui est dans la région d’Arbois (Jura), nommé par les cultivateurs : pierre bleue à coquilles ; il est en effet, sur plusieurs bancs, couvert d’une multitude (4) Recherche conduite et poursuivie par M. Duhamel et par son ingé- nieur en chef. (2) On trouve généralement sous le calcaire à gryphites le banc d'un grès dit quadersandstein. © (8) Depuis cette époque cette exploitation s'est organisée sur plusieurs points non loin de Besançon. | HIS de fossiles (gryphées arquées) ; ce calcaire s’exploite partout comme très propre à donner des moellons excellents pour le pavage des rues. En s’élevant progressivement sur la côte du point où affleure l’ensemble des assises dont se compose ce calcaire, on observe tout d’abord sur cet ensemble des alternances de couches, beaucoup de fossiles ; mais c’est la bélemnite qui y domine, puis vient en s’élevant la grande assise mar- neuse du lias inférieur et ensuite celle du lias moyen qui offre sur une épaisseur de à 6 mètres un ensemble de couches schisteuses à la base desquelles se trouvent des lits de rognons très durs. Ces couches ont la similitude de l’ardoise que l’on emploie pour la couverture des bâtiments, mais ce n’est qu’une similitude ; car ces couches se détachent en feuilles minces ne résistant pas comme les ardoises à l’action des agents atmosphériques et à la gelée, et en con- séquence ne peuvent nullement s’utiliser comme tuiles ; elles sont couvertes par une assise marneuse très fossilifère. Au-dessus du lias moyen s'élève laffleurement du lias supérieur, marne compacte d’une épaisseur considérable qui débute par les marnes à trochus ; puis à la partie supé- rieure de cet affleurement apparait le marlv-sandstone et une série de couches de marne et de couches de calcaire marneuse; puis On arrive aux assises calcaires oolithiques ferrugineuses recouvertes par des marnes ferrugineuses supérieures qui terminent la formation ferrugineuse à la base de l'étage oolithique inférieur, qui débute par le cal- Caire à entroques. On en arrive ainsi à la terre à foulon (fullers-earth) renfermant des Ostrea acuminala à la base de la grande oolithe supérieure. Nous pouvons maintenant en arriver à définir les groupes successifs qu’on observe dans l’escarpement au pied duquel se trouve le faubourg de Tarragnoz, escarpement au-dessus duquel existe la citadelle de Besançon construite sur les bancs supérieurs du forest-marble, où l’on trouve quelques — 216 — Terebratula decorata et de petites taches rouges. À la base du forest-marble est la petite assise marneuse dite bradford- clay, où l’on trouve quelques petits fossiles et au-dessous de läquelle se trouve la susdite grande oolithe supérieure reposant sur la terre à foulon. Pour passer au cornbrasch il faut se reporter sur le ver- sant du forest marble; au Pont-du-Secours on remarque des petites taches rouges dans ce calcaire compact du forest- marble; le cornbrash reposant sur sa dernière assise est tout entier facile à étudier. L’épaisseur totale de ce groupe si distinct n'est que de 6 à 7 mètres; on y distingue 3 divisions, la parte inférieure sur Ü m 80 à 1 m. d'épaisseur recouverte par une assise marneuse très mince; la partie moyenne comprenant cette mince couche marneuse, les calcaires subordonnés et toute l’épaisseur à fragmentation irrégulière par l’altération : cette division n'offre que 2 m. 50 à 3 m. d'épaisseur; enfin la partie supérieure en dalle nacrée, sur 2 m. environ d'épaisseur nettement stratifliée, à cassure miroitante, couleur presque toujours grise. 1l y a dans le cornbrash beaucoup de fossiles céphalo- podes, gastéropodes, des brachiopodes, des acéphales, des pectens et tous en grand nombre. La division supérieure du cornbrash est recouverte d’un placage ferrugineux que nous désignons sous le nom de minerai oolithique milliaire oxfordien, où l’on trouve beau- coup de Bélemnites, de Térébratules, de Pholadomies, etc. Sur cette couche de minerai de fer oxfordien vient la couche des marnes oxfordiennes compactes; elle est recouverte par des rognons de calcaire compact marneux, que j'ai reconnu comme très propre à donner de bonnes chaux hydrauliques ; ce dépôt dans sa partie supérieure présente des rognons cal- caires argileux d’une forme analogue à celle des miches de pain et propre à donner des ciments. Les marnes oxfordiennes renferment beaucoup de fossiles, — 9217 — des Céphalopodes, des Acéphales, des Bélemnites, etc. ; puis vient une série de calcaires siliceux que nous désignons sous le nom de silex et chailles ; ils sont recouverts par le groupe des calcaires coralliens : la base de ce groupe se compose d une série de couches de calcaire oolithique et sub-oolithique recouvertes par quelques couches dites calcaire à Nérinées fossiles qu’elles renferment avec Ostrea solitaria ; il faut la considérer comme la couche supérieure et dernière du groupe corallien. Sur le calcaire à Nérimées existe une série de couches plus ou moins oolithiques, marneuses à leur base ; nous les con- sidérons comme un passage à l’astartien: il y a dans les cou- ches marneuses un grand nombre de petits fossiles et déjà des Astartes. Vient ensuite la série des assises astartiennes qui est divisée en deux groupes par une assise nettement calcaire de 2 mètres d'épaisseur; ces deux groupes sont : P’as- tartien inférieur et l’astartien supérieur. Le groupe inférieur se compose d'assises calcaires com- pactes ou sub compactes, parmi lesquelles on distingue des assises minces ou plaquettes présentant beaucoup de fossiles : ._ Astartes. Le groupe supérieur est formé d’une série de couches . parmi lesquelles on distingue des assises formées comme d’un conglomérat de fossiles, quelques couches marneuses, puis des calcaires sub-compacts et compacts qui terminent le groupe astartien supérieur. Sur les dernières assises des calcaires compacts astar- tiens repose la couche marneuse qui forme la base de l’é- tage ou groupe à Ptérocères (Pterocera oceani), on y voit aussi des Ysocardia excentrica des Pholadomia protei des Exogyra. Sur les marnes se présentent plusieurs couches minces de calcaire alternant avec des couches marneuses, ces alter- nances de petites couches sont recouvertes par des assises calcaires qui terminent l'étage ptérocérien; j'en ai reconnu — 918 — dans lé Porrentruv en couches analogues à celles dont on vient de parler, on en déccuvrira peut-être ailleurs et je crois qu'il convient de les considérer comme un groupe ou étage jurassique distinct des autres. Sur cet étage existe un groupe de peu d'épaisseur qui se compose d'une petite assise renfermant de petits fossiles dits Exogvres et Virgules et d'assises calcaires ; ce groupe a été très comprimé et ne présente dans la côte de Morre qu'une faible épaisseur ; l'assise marneuse est pour ainsi dire disparue tant elle est mince par le fait de la compression qu'elle a subie ; on y trouve, outre les O. wrgula, des Pholadomia aculicostata et des Mytilus jurensis. La base de l’étage kimiméridien à laquelle on arrive se compose de plusieurs assises successives de marnes argi- leuses et de calcaires où se trouvent un certain nombre de fossiles: Terebratula sella, Mya meriani, etc., puis ensuite une série considérable de couches calcaires parmi lesquelles se trouvent de temps en temps des couches de calcaire do- lomitique, puis on arrive enfin à la partie supérieure du coteau à un ensemble continu de couches de calcaire dolomitique bien stratifié, ce qui m'a donné l’idée que ces couches pour- raient être exploitées et employées dans les imprimeéries. Sur l’ensemble de ces couches se trouve un dépôt de pou- dingues ou amas de cailloux roulés, qui termine complète- ment la série des étages supérieurs jurassiques. Il y aurait bien à signaler encore dans les environs de Be- sançon les dépôts d’alluvions anciennes et modernes; on pourrait signaler aussi quelques dépôts d'argile jaune qu'Elie de Beaumont a désignée sous le nom d'argile de dépôts ter- tiaires supérieurs. ; À la suite de cet exposé, j'ai dit que sur plusieurs points dans le département, on rencontre la série des argiles irisées, particulièrement sur les escarpements de la rive gauche de l’Ognon dans les environs de Rougemont, etc. L’étage oxfordien et les calcaires coralliens s’observent RENCee : — 219 — dans les environs de Besançon et sur nombre de points dans le Doubs à Baume-les-Dames, dans la côte qui, un peu au delà de la sortie de cette localité, descend jusqu'aux rives du Doubs et à Roche; on peut les observer sur bien autres points encore en s’élevant dans la direction des montagnes, où on peut observer en partie la série des terrains jurassiques supérieurs dont J'ai donné la description et qui existe d’une manière persévérante et continue dans la côte de Morre et au dessus. Communication de M. Renoir Coupe d'EÉloy aux environs de Meroux du N-0. au S-F,. à partir des Vosges : 19 Près d’Eloy : schistes de transition bien développés, point de terrain houiller ; les schistes inclinés au Sud- Est. 20 Grès rouge moucheté blanc et noir, puissance : environ 10 mètres ; les schistes ci-dessus paraissent recouvrir les as- sises inférieures du grès rouge. 3 Lits minces et schisteux d’argilolithe. 4 Grès vosgien commençant par un grès avec galets de quartz de différentes grosseurs jusqu’à celles d’un peu moins que le poing, ciment très rare, grains grossiers. 0° Grès avec nids sableux et petits galets de quartz. Puis- sance de tout le grès vosgien : environ 30 mètres. 6° Grès bigaré de plus de 20 mètres de puissance, bien stratifié en bancs inclinés d'environ 20° au S-E. dont l’épais- seur varie de 040 à 3 mètres, séparés par des lits d’argile couleur lie de vin, schisteux, un peu endurci. Fv aitrouvé du bois bituminisé et des fragments de bambou; il est recou- vert par une argile d'environ 7 mètres d'épaisseur, jaunâtre et blanchâtre, divisée par de minces lits de grès supérieur brun terreux. — 220 — TERRAIN LIASSIQUE : 70 Te est une faille qui nous met de suite sur le niveau d'un calcaire liassique inférieur (?) pétri d’entroques et renfer- mant des terebratula intermedia, en banes inclinés d'environ 300, puissance environ 8 mètres ; on y trouve subordonné un calcaire dolomitique marneux. | 8’ Intervalle peu étendu que la culture m'a empêché de déterminer, mais dans lequel j'ai trouvé des traces de cal- caire dolomitique marneux bitumineux. 90 Calcaire liassique comme ferrugineux, incliné au S-E. d'environ 100, puissance environ 8 mètres. 100 Devant la gorge de Belfort, les marnes supérieures du Lias renferment, subordonnés, un calcaire bleu noirâtre schisteux en banc peu puissant, et un calcaire à Bélemnites, avec des Térébratules et des Ammonites, qui se présente souvent en rognons ; la puissance de ces marnes est assez grande pour la localité. 119 Grès super-liassique (marly-sandstone) avec un petit peigne à tête lisse; je n’ai pu en bien déterminer la puis- sance à cause de la culture: environ 14 mètres. 120 Trace du calcaire ferrugineux granuleux, reposant or- dinairement sur le 2° minerai de fer, lequel ne se montre pas ici, fossiles petit peigne à tête lisse, Bélemnites déprimées, Rhodocrinites, puissance 150. 130 Calcaire roux sableux (bradford-clay) avec trois espèces de térébratules, Ostrea marshi, Ostrea plagiostoma obscuru, Serpula, puissance 15 m. 140 Calcaires oolithes distinctes, prédominantes, d’un gris blanchâtre (great oolithe), puissance 6 m. 56. 159 Cornbrash bien caractérisé, avec Trichites, atteint le sommet de la montagne de la Miotte, puissance 20 m. 46° Calcaire sub-compact, gris bleuâtre, avec oolithes em- patées non prédominantes: avec Trichites du genre pinni- gène, puissance 15 m. bi HN 170 Dalle nacrée bien caractérisée, couleur gris blanchâtre. Les strates inférieures deviennent plus compactes et le tri- turat (sie) moins discernable. Puissance environ 11 mètres avec Oslrea solitaria. ÉTAGE MOYEN CORALLIEN : 18° Marne oxfordienne, bleue compacte avec plusieurs espèces d’ammonites et de térébratules, Amphides. roton- data, Pholadomya bucardina, Lima proboscidea, Modiolu hillana, Mod. striolaris? Ostrea carinata, Belemnites late- sulcatus, Serpula flaccida. Puissance environ 10 mètres, 49° Terrain à Chailles avec une partie des fossiles du n° 18, plusieurs espèces de Pentacrinites et Rhodocrinites, avec Ammoniles colubrinus (Puissance environ 10 m.) et Cidarites Blumenbachii. 200 Calcaire gris bleu schistoïde avec Apiocrinites? Poinies de Cidarites, Pentacrinites scalaris, Lima. Puissance envi- _ron 14 mètres. 219 Calcaire sub-compact avec oolites très inégales em- patées dans la masse, avec Pinnigènes, Trichites (?) puissance 9 mètres. 290 Oolithes coralliennes. Calcaire à oolithes d’un blanc sale, assez égales, très distinctes, isolées, avec Nérinées. Puissance 8 mètres. 930 Calcaire sub-crayeux (vulgairement patale) avec Né- rinées. | : 240 Corallien compact avec Astarte minima, traces d’un calcaire jaune compact, touchant à la marne avec apparence ferrugineuse. 250 Marne kimméridienne, ici d’un bleu foncé avec Astarte minima sans Exogyres, en partie recouverte par un terrain d’alluvion (Pérouse). -26° Calcaire compact avec cassure esquilleuse, d’un blanc indiqué (sic) légèrement bleuâtre, avec Astarte minima (à Pérouse), = 9900 NOTA. — J'ai remarqué que la marne bleue exposée à l'air passait au gris blanchâtre. 2970 Minerai de fer pisiforme reposant sur le portlandien et déposé dans les inégalités de la surface et dans les fissures. même empâté dans sa première surface à Pérouse et à Chèvremont. 98 Terrain tertiaire commencant à Vezelois et s'étendant au sud au delà de Bourogne; marne, trace de molasse avec poudingues calcaires ou gompholithe à calcaire compact. Apparition du minerai de fer dans la partie inférieure de la marne où elle repose sur le portlandien; ce qui me fait dire que lon retrouverait sous cette marne le beau minerai de Pérouse maintenant épuisé. Tous les £alcaires de nos environs sont inclinés au S-E.; ils ont été visiblement soulevés par ie dernier imnouve- ment qui a eu lieu dans la partie de la chaîne des Vosges qui s'étend du N-E. au S-0., causé sans doute par l’épan- chement des porphvres. Ce soulèvement des terrains Juras- siques est donc particulier aussi; à cause de lidentité des roches, on le rapporte à celui qui à donné à la chaîne du Jura son retief actuel; il s’en suit que l’épanchement des por- phyres dans les Vosges est aussi de la même époque et produit par le mème agent. Communication de M. Renaud-Comte La première séance est levée, reprise de la deuxième à 1h. 1/2 après midi. Continuation de l'exainen géognostique des terrains jurassiques. M. Renaud-Comte expose la série qu’il a observée dans une coupe de Moron, prise en face du Châtelard près du Pissoux. 4. Le Doubs roule sur l’oolithe sub-compact de M. Thur- mann, | 2, Calcaire roux sableux. — 993 — 3. Calcaire bleuâtre ; c’est une bande bleue au centre des strates. Puissance : 0,05. 4. Dalle nacrée. 5. Marne schisteuse } he alternances. 6. Killoway-rock \ 1. Calcaire Compact, cassure conchoïdale. 8. Calcaire compact, aspect du n° 6 alternant avec de légères couches de marne. 9.) Alternance de deux espèces de calcaire dont l'un gris 10.Û avec Echinites et l’autre marne compacte. 11. Calcaire corallien, cassure saccharoïde. 12. Marne schisteuse. 13. Plaquettes marne compacte alternant avec la marne schisteuse dans sa partie supérieure. \Alternance de deux espèces de calcaire peu différents, : lun à pâte plus serrée que l’autre, présentant beau- , coup de points spathiques ; puissance 0,01 et 0,05. 16. Calcaire oolithique jaunâtre, oolithe. 17. Calcaire, cassure raboteuse, peu d’oolithe. 18. Marne jaune avec Melania striata et Trochus. 19. Marne indurée avec Térébratules. 0. Plaquettes semblables à celles du n° 5. 1. Calcaire compact, cassure sub-conchoïdale. 22, Calcaire oolithique-colithe milliaire. 23. Calcaire oolithique bleuâtre dont la pâte est plus serrée et les oolithes plus fines. 24. Calcaire oolithique avec Astartes. 25. Plaquettes pétries d’Astartes ; on y remarque quelques Trigonias. 26. Calcaire à Exogvres. 27, As-ise marneuse renfermant des Térébratules. 28. Calcaire à cassures raboteuses oolithiques, oolithes _ peu nombreuses. 99, Calcaire compact grisâtre, 30, Calcaire compact bleu, cassure largement conchoïdale, — 994 — 31. Calcaire marneux avec Trichites. 32, Calcaire compact blanchâtre avec cassure conchoïdale. Calcaire blanchâtre sub-crayeux, très oolithique ; puis- sance 6 mètres. 34. Calcaire analogue à celui du n° 29, Jo. Calcaire jaunâtre, cassures raboteuses,. 36. Calcaire, cassure sub-conchoïdale. 97. Calcaire gris jaunâtre. 38. Calcaire dolomitique ressemblant à celui déerit par M. Parandier. D: Calcaire jaune peu puissant, environ 0" 20. 40. Calcaire grisâtre à cassure raboteuse. A. Calcaire semblable à celui du n° 32. 42, Calcaire celluleux ; puissance 0" 20. 43. Marne jaunâtre avec Exogyres, virgule très abondant. Puissance | mètre. 44. 45. Alternance de calcaire contenant quelques Exogyres. 46. Calcaire oolithique semblable à celui du n° 33; puis- sance 0,50. 47. Calcaire dolomitique rubané. 48. Calcaire grumeleux, puissance 1,00, 49, Calcaire compact, cassure inégale. Communication de M. Gresly. M. Gresly a la parole. Il décrit géognostiquement le Jura soleurois et argovien. 1 annonce que le portlandstone et le coral rag se con- fondent de manière qu'il serait impossible de marquer sur une carte les limites de ces deux étages. Il fait l'énuméra- tion des fossiles qu'on rencontre dans ces localités, en sui- vant l’ordre zoologique, Un calcaire compact repose sur des marnes jaunes-gri- sâtres remplies de Ptérocères, d'Exogyres etc., dans les carrières de Soleure, À — 995 — Il présente deux coupes; la première offre la série sui- vante : Cale. compact avec Lithodendron, plusieurs Polypiers et débris de Cidaris et d’Ostrea. Calc. oolithique avec beaucoup de débris de fossiles : Exo- gyra virgulata, Modiola schalpri, Pholadomia triplicata, Nerinea brucknerii, Terebratula biplicata, diformalis, Pla- giostoma et plusieurs Pecten. Dans la deuxième, prise près de la Verrière de lAuson, repose sous des calcaires ayant le même facies que les calcaires compacts et oolithiques du portlandien dans la coupe précédente, un calcaire compact lisse à cassures con- choïdes, grisâtre, avec marnes argileuses en dessous, ren- fermant quelques Nérinées. Le portlandstone et le kimméridge-clay se trouvent réunis au-dessus des chailles qui se confondent souvent avec les marnes oxfordiennes. On y trouve le minerai de fer oxfor- dien ; l’oxford-clay, sous ces contrées, est parallèle à celui qu'on retrouve aux environs de Besançon. L'étage inférieur se compose ainsi : Dalle nacrée assez fréquente, terre à foulon (marnes à Ostrea acuminata), oolithe ferrugineuse offrant des fossiles qui paraissent appartenir au lias, l’oolithe ferrugineuse de- vient sableuse. Assise de marly-sandstone très variable et considérable en puissance, et empâté, Fucoïdes. Les marnes supérieures du lias sont micacées, ne renfer- ment jamais de fossiles dans leurs assises supérieures et présentent des Sphérites quand on avance vers le Nord. Gros rognons pyriteux renfermant du fer sulfaté. Marnes schisteuses et bitumineuses développant une puis- sance bien plus considérable dans l’Argovie que dans le canton de Soleure. Grès jaunâtre, qui n’est pas très constant, empâté de Fu- coïdes et renfermant quelquefois des Gryphites,. — 226 — Calcaire à Gryphites dans lequel une autre gryphée que Parquata prend quelquefois la place de celle-ci ; on trouve dans ce groupe lAmmonite buklandi, l'Armmonite stokesi, etc. Il conclut que dans ces localités la division de l’oxford-clay ne pourrait pas s établir, qu'il n’y aurait de division qu’au calcaire à Astartes dans les groupes supérieurs et que les divisions de M. Thurmann se retrouvent à peu près dans l'étage inférieur. Communication de M. Thurmann. M. Thurmann fait des observations générales sur la nature que les terrains présentent aux deux extrémités de la chaîne des Monts-Jura. En allant de Porrentruy vers Schaffouse, l'étage inférieur est généralement constant et se maintient avec ses carac- tères zoologiques. La dalle et l'oolithe sub-compacte disparaissent plus ou moins. La puissance de cette formation diminue à mesure qu'on avance et se réduit enfin à quelques couches qui se mêlent au lias et à l’oxford-clay. À l’origine de l'Albe du Wurtemberg, le portlandstone a disparu ou bien ne présente que quelques traces. Le coral-rag y est caractérisé par un ensemble de fossiles qui ue sont pas précisément ceux de ces pays-ci, toutefois ils sont du même genre et leur font parallélisme quant à la nature géologique. L’oxford-clay n’a plus ses marnes et il se montre sous l’aspect de marnes compactes formant un seul massif avec le coral-rag et reposant sur un minerai de fer ; la ligne de séparation entre ces deux groupes ne s'observe plus ; Pox- ford clay montre un ensemble de fossiles analogues à ceux qui le caractérisent dans ces pays-ci. we: | | | l — 997 — À mesure qu’on avance vers l’Albe, ce groupe devient plus compact et les fossiles se remplacent par d’autres. L'étage oolithique, dont la puissance a déjà diminué avant d'arriver vers l'Albe, diminue encore et se réduit à quelques couches marno-compactes, à quelques assises marneuses faisant parallèle avec le bradford-clay ; l’oolithe ferrugineuse passe au marly-sandstone. La division entre le portlandstone et le coral-rag présente des difficultés à mesure qu’on avance vers l’Argovie et ces deux étages se confondent quand on est arrivé dans l’Albe du Wurtemberg. Le lias conserve le caractère qui le distingue dans nos contrées, Il examine ensuite l’autre bout de la chaîne. Vers la Dôle et les parties méridionales du Jura, déjà à Neuchâtel, la division entre le portlandstone et le coral-rag devient difficile à désigner. À Neuchâtel et dans les parties les plus orientales de cette extrémité des chaines jurassiques, l’oxford-clay se présente encore ; mais à mesure qu'on avance vers l'extrémité, les fossiles pyriteux disparaissent, leur ensemble se modifie, les espèces se remplacent par d’autres et finissent par dis- paraître insensiblement, tandis que le groupe devient sub- compact. L’étage oolithique présente encore à Neuchâtel à peu prés le même ensemble que dans le Porrentruy, cependant en quel- ques points la division entre cet étage et l’oxford-clay de- vient difficile. En général lorsqu'on avance vers cette extrémité le port- landstone et le coral-rag présentent une même masse dont la puissance est très développée ; l’oolithe devient compacte à Moins qu'un affleurement n'amène au jour le groupe infé- Meur, car alors l’ensemble de caractère se reproduit (ce qui est ici souligné pourrait n'être pas conforme à ce que M. Thurmann a dit; car ses notes sur ce point n'avaient pas — 998 — toute la clarté qu'on pouvait désirer). M. Thurmann finit en disant que le portlandstone, le kimméridge-clay et le coral-rag pourraient peut-être ne former qu’un seul étage. Que les divisions doivent être fondées sur l’ensemble des fossiles que chaque groupe présente, considéré géologique- ment et les roches ne doivent être CREME que comme servant de guide. M. Parandier rappelle que déjà il a appelé l’attention de la société sur la ligne de soulèvement qui sépare la haute de la basse vallée du Doubs. Que ce serait au S-E,. de cette ligne que les divisions au- dessus de l’oxford-clay ne pourraient plus s'établir, tandis qu'elles seraient possibles au N-0. de cette même ligne. On considère ensuite le terrain supra-jurassique d’une manière spéciale. M. Parandier donne lecture d’une lettre de M. Duhamel écrite en 1832 pour rappeler à la Société que les premières observations du terrain supra-jurassique dans les. chaines du Jura sont dues à ce géologue. Communication de M. de Montmollin M de Montmollin a la parole. Il décrit géognostiquement le terrain qu’il a observé dans le canton de Neuchâtel (Suisse). Ce terrain, dans le canton de Neuchâtel s’adosse au port- landstone avec une inclinaison moins forte que celle des couches de ce troisième étage Jurassique. 10 Calcaire jaune, assise d'environ 15 pieds neltchatetoies “20 Marnes présentant 20 ou 30 pieds de puissance. 3° Calcaire jaune oolithique, fendillé, empâté de marnes jaunes. 4° Les lits de marne diminuent ; la marne devenant de plus en plus compacte. 5° Grande assise de calcaire jaune souvent recouvert d’une assise de marne jaune. Société d'Emulation du Doubs, 1906. Planche IV: (Cliché PezcerorT, Alger). | _ Intérieur des Grottes d'Hercule (Route de Tanger à Arzila). — 299 — En général un calcaire jaune reposant sur des marnes bleues et recouvert de marnes jaunes — alternance de marne (les marnes décroissant msensiblement) et de calcaire jaune — le calcaire prend enfin une structure compacte et ooli- thique ; sa couleur est jaune, grise et quelquefois rousse. Il énumère les fossiles que l’on trouve dans cette formation, entre autres : Pecten duplicatus, Gryphea aquila, Terebratula indepressa, plicata, etc... Pholadomia que la société, sur Ja proposition de M.Thurmann nomme : Pholadomia Scheuzerii. A Boudry et dans le canton de Vaud, le calcaire jaune est immédiatement recouvert par la molasse ; ce calcaire est beaucoup plus développé dans le canton de Vaud que dans celui de Neuchâtel; au S-E. de Romain-Motier,les couches sont ondulées en divers sens ; à PO. d’Yverdon, le calcaire jaune parait s'unir à la molasse et disparaitre insensiblement ; près de Haute-Pive, le calcaire jaune a totalement disparu et la molasse seule reste. Il reparait du côté des Alpes. Ce terrain s’observe dans le val du Ruz, dans le val de Travers, dans le vallon de la Chaux-de-Fonds, au-dessus de Dombresson, dans le val de Morteau et à Pontarlier. On trouve dans les parties supérieures, du calcaire jaune, du minerai de fer oolitique renfermé dans des espèces de guérites ou d’enfoncements, avec une espèce d'argile dure et sableuse au toucher et quelquefois d’un rouge très vif. M. de Montmollin termine en observant que les fossiles changent dans la partie supérieure du calcaire jaune ; les Térébratules sont plus grosses que dans la partie inférieure et l’on trouve dans celle-là des fossiles, des Echinites qui ne se remarquent point dans celle-ci. Communication de M. Thirria To En ce qui concerne le terrain jurassique : Le systèmé du Jura n’est parvenu à sa configuration ac- tuelle qu'après l’époque tertiaire ; car, non seulement le 2530 — terrain Jura-crétacé est fortement relevé dans les hautes vallées du Jura, mais encore la molasse suisse qui correspond vraisemblablement à l'étage moyen des terrains tertiaires se montre en plusieurs points adossée aux calcaires jurassi- ques avec une inclinaison trop forte pour qu’on la suppose déposée sur des plans aussi inclinés. De plus, plusieurs considérations semblent indiquer que le relief des Monts-Jura a été produit par des soulèvements successifs qui ont eu lieu dans la grande période comprise entre le commencement de l’époque jurassique et la fin de l’époque tertiaire, à savoir: Ja disposition du terrain juras- sique qui présente des couches contournées recouvertes de couches qui ne le sont pas; la puissance variable des cou- ches jurassiques qui annonce qu’elles sont dues à un séjour plus ou moins long dans une mer dont le fond s'élevait successivement ; les contournements de ces mêmes couches dans les trois étages, lesquels ont été produits nécessaire- ment par divers soulèvements survenus pendant la durée de la période jurassique, avant que ces couches ne fussent parfaitement consolidées; enfin les redressements du ter- ram Jura crétacé et dela molasse qui ont eu lieu après la période jurassique et en même temps que de nouveaux sou- lèvements des assises Jurassiques sur lesquelles 1ls repo- sent. Ces soulèvements successifs devaient avoir une direc- tion constante, celle du $S-0. au N-E., puisque cette direc- tion est celle qu'affecitent les accidents et dérangements principaux du système jJurassique (failles, courbes, cirques) ; et il est probable qu'ils se sont produits de proche en proche, à partir de l’Ouest en allant vers l'Est; en effet, d’une part la puissance des assises jJurassiques, qui augmente à mesure qu’on avance vers le haut Jura, annonce que la durée de leur séjour dans la mer jurassique a été d'autant plus pro- longé qu’elles se trouvent plus à Est; d'autre part, le fait de la fréquence des assises marneuses dans le bas Jura et de leur rareté dans le haut Jura provient de ce que les dé- + — 931 — pôts marneux, qui sont dus à des transports, se sont formés principalement sur les rivages de la mer jurassique occupés d’abord par le bas Jura actuel, tandis que les calcaires com- pacts et autres, dont la formation doit être attribuée vrai- semblablement à des dépôts de sources minérales, doivent dominer dans le haut Jura, qui formait le centre du bassin jurassique, où ne pouvaient parvenir que les matières ter- reuses les plus ténues. Enfin on explique, dans notre hypo- thèse, l’abondance des débris organiques dans le bas Jura, leur diminution progressive dans le Jura moven, à mesure qu’on approche du haut Jura et leur rareté dans cette der- nière partie des chaines jurassiques, les débris organiques du terrain jurassique provenant d'animaux marins littoraux, en majeure partie, ou d’animaux littoraux et pélagiques tout à la fois, comme les Ammonites et les Bélemnites. . 2° En ce qui concerne le terrain Jura-crétacé (néocomien de M. Thurmann) : Le terrain Jura-crétacé est vraisemblablement l'étage infé- rieur du grand dépôt auquel se rapporte le grès vert. Il se lie intimement au terrain jurassique par ses caractères z00- logiques, mais il constitue une formation bien distincte, attendu que sa stratification est toujours discordante avec celle des assises jurassiques, qu'il ne fait suite au terrain jurassique que dans le fond des vallées et qu’il repose tantôt sur le troisième étage et tantôt sur le deuxième étage de ce terrain (La Rivière). Les dépôts gypseux qu'il renferme à la Ville-du-Pont, à La Rivière et à Foncine-le-Bas sont dus sans doute à des commotions plutoniques qui ont concouru au soulèvement des Monts-Jura, car 1ls se trouvent sur une même zone, large de 4 à 5 kilomètres, parallèle à la direction moyenne des chaines jurassiques, laquelle comprend aussi le dépôt gypseux du keuper de Nans (Jura), celui de Boudry (Suisse), situé dans là molasse et le dépôt du calcaire bitumineux du Val de Travers, appartenant au terrain Jura-crétacé. Les — 9232 — dolomies du terrain Jurassique sont dues vraisemblablement à la même cause et il est probable qu'elles se trouvent éga- lement sur des lignes parallèles à la direction des chaînes jurassiques. Quoiqu'il soit assez extraordinaire de voir tou- jours ces dolomies en couches bien nettes au milieu des assises Jurassiques, on peut cependant admettre que la dolomisation n’a pu se faire que sur les calcaires parfaite- ment purs, de même que la transformation des calcaires en gypse ne s’est faite que sur certaines variétés de calcaires marneux. Dans les vallées du bas Jura (celles de l’Ognon et de la Saône), le terrain Jura-crétacé est peu développé et existe seulement en lambeaux, tandis qu’il se montre avec une épaisseur plus considérable et sur de grandes étendues dans la vallée du haut Jura et même, d’après ce que nous ont dit MM. de Montmollin et Thurmann, il serait fort puissant à l'Est de Neuchâtel et près de Genève, à la perte du Rhône. Cette manière d’être nous semble en accord parfait avec notre hypothèse sur les exaltations progressives des Monts- Jura à partir de l'Ouest en allant vers l'Est; en effet, si le haut Jura était encore en partie sous les eaux quand le ter- rain Jura-crétacé s’est formé, ce terrain devait se déposer principalement dans les vallées du haut Jura toutes submer- gées, tandis qu'il n’a pu pénétrer que dans celles peu nom- breuses du bas Jura qui communiquaient encore avec la mer Jura-crétacée, et dont la communication n’a été que mo- mentanée, puisqu'elle a dû être interrompue pendant la for- mation même du terrain Jura-crétacé par les soulèvements que continuaient à éprouver les Monts-Jura. Le bassin jurassique où se trouvait la mer Jura-crétacée s’étendait peut-être jusqu'à l'emplacement actuel des Alpes occidentales, et le terrain Jura-crétacé aura été soulevé par les dernières des nombreuses commotions plutoniques qui ont successivement tourmenté les Monts-Jura, et dont la série à eu son premier terme au commencement de la pé- -- 233 — _riode jurassique et son dernier terme à la fin du dépôt de la molasse suisse, c'est-à-dire immédiatement après la grande catastrophe qui a fait surgir les Alpes occidentales, 3° En ce qui concerne le terrain du minerai de fer pisi- forme : Les principales considérations qui nous portent à regar- der ce terrain comme synchronique de lassise inférieure du terrain du grès vert sont : 1° l'existence dans le minerai de fer pisiforme d'un certain nombre de fossiles ferrugineux (Nerinea, Aminonites) dont les espèces existent aussi dans le terrain jurassique, ce qui prouve que sa formation est très voisine de celle de ce terrain ; 2 la liaison intime du mine- rai avec un conglomérat calcaire et un poudingue composé de débris de roches jurassiques, lesquels doivent avoir été formés lors de la première des catastrophes survenues après la période jurassique ; 5° la structure et la composition du minerai, analogues à celles des minerais hydroxidés ooli- thiques qu'offre le terrain jurassique dans l’inferior-oolithe et dans l’oxford-clay ; 4° l’empâtement et les impressions de grains de minerai à {a surface de certains calcaires jurassi- ques, qui prouvent que les assises du terrain Jurassique n'étaient pas encore parfaitement consolidées quand le dépôt -du minerai pisiforme a eu lieu; 5° enfin la manière d’être orographique des gites de minerai pisiforme dans les val- lées et dépressions du terrain Jurassique, laquelle est tout à fait semblable à celle qu’affecte dans la partie occidentale des Monts-Jura le grès vert, ou du moins le terrain que nous nommons Jura-crétacé et qui forme peut-être l’étage infé- rieur de ce terrain. Comme le terrain du minerai de fer pisiforme et le terrain Jura-crétacé paraissent avoir succédé immédiatement lun et l’autre au terrain jurassique, il est probable qu'il y à Syn- chronisme entre les deux dépôts. Le minerai de fer du ter- rain Jura-crétacé n’a pas, 1l est vrai, la ressemblance du mi- nerai pisiforme, ou du moins si la ressemblance existe, elle — 934 — n’est pas bien nette, mais sa composition chimique est la même. D'ailleurs, plusieurs autres circonstances établissent de l’analogie entre les deux dépôts ; les grains quartzeux dont le minerai pisiforme est entremêlé sont semblables à ceux des couches sableuses du terrain Jura-crétacé : la marne endurcie, dans laquelle on trouve en quelques points le minerai pisiforme empâté, rappelle le calcaire marneux du terrain Jura-crétacé ; enfin les couches de sable qui Pac- compagnent sont analogues à celles de ce terrain, Il est donc vraisemblable que le minerai de fer pisiforme se dépo- sait sur le versant occidental des Monts-Jura en même temps que les assises inférieures de grès vert dans leur partie orientale. Des circonstances particulières auront favorisé d’un côté la formation de ce minerai, tandis que de l’autre des circonstances différentes, provenant peut-être d’une plus grande étendue et d’une profondeur d’eau plus consi- dérable dans les bassins, de la nature particulière des ma- üères sédimentaires qui y étaient transportées et de la pré- dominance des sources minérales chargées de carbonate de chaux, se sont opposées à ce que le dépôt des sources mi- nérales ferrugineuses y présentât les mêmes caractères. Toutefois, de nouvelles observations sont encore à faire pour résoudre complètement cette intéressante question géo- logique. DE LA NÉCESSITÉ DE NOTRE INTERVENTION AU MAROC Par M. A. LECLERC Conseiller à la Cour d'appel de Besancon Vice-Président Séance du 17 février 1906. Le Maroc, il y a quelques années à peine, était un pays à peu près inconnu de la majorité des Français. C'était une de ces vagues régions du « pays des Teurs » que Tartarin eût placée indifféremment au Nord ou au Midi de lPAfrique, et comme l’écrivait un publiciste, on n’eût étonné personne en annonçant qu'une flotte avait mouillé devant Fez ou qu’un càble sous-marin allait être établi entre cette ville et Marra- kech. Aujourd’hui notre attention, et aussi celle de l’Europe sont attirées sur ce pays, et nombre de nos compa- triotes se demandent presque anxieusement ce que nous avons été faire dans cette galère et si nous ne pouvions pas laisser dormir cette question du Maroc. C'est à cette préoc- cupation que je désirerais essayer de répondre brièvement en vous donnant quelques notions sommaires sur une ré- gion que le Suitan, qui est censé la gouverner, appelle un peu prétentieusement son empire du Maroc ou du « Ma- ghreb El Aksa », et en essayant de vous expliquer pourquoi _nous avons'été amenés à nous immiscer d'une façon plus active dans son administration. — 936 — Je m'appuierai, Messieurs, pour le faire, sur des rensei- gnements fournis par un ex-élève de notre Faculté des Let- tres (1), auquel il y a deux ans, d’éminents professeurs, dont il a gardé le meilleur souvenir, ont bien voulu décerner le grade de licencié ès-letires. Depuis, en qualité de délégué général du Comité du Maroc à Tanger, il à pu recueillir « sur place et en toute lovauté » des documents précis, et les consigner dans des livres ou brochures qui ont été adressés aux Chambres de commerce de France par les soins de ce Comité. Vous n’ignorez pas, Messieurs, que l'Algérie est voisine de cet Empire sur une frontière d’au moins 1,200 kilomètres, et que cette frontière, hormis une partie de 100 kilomètres environ, consiste en une ligne absolument fictive et ne repo- sant que sur de vagues délimitations entre nos tribus et celles plus ou moins indépendantes et plus ou moins sou- mises à l'autorité du sultan du Maroc. Il est regrettable qu'au moment des succès de notre brave maréchal Bu- geaud, on n'ait pas reculé nos limites au moins jusqu'à la Moulouïa, cette rivière relativement grande de 420 kilo- mètres, dont l'embouchure est siluée à quatre lieues de notre frontière ; cette limite naturelle entre les deux pays nous eût épargné peut-être beaucoup d’expéditions coùû- teuses et meurtrières. Je ne veux pas vous retracer l’histoire de notre frontière marocaine depuis un demi-siècle. Elle ne consisterait que dans les récits d’une longue suite d’hostilités de la part du gouvernement marocain et de luttes intestines des tribus frontières, le tout résultant du défaut d'autorité du magh- zen (2) sur ces tribus qui, profitant de l’anarchie qui règne (1) M. René-Leclerc, diplômé d’arabe et de berbère, délégué général du Comité du Maroc. (2) Le mot maghzen comprend tout ce qui de près ou de loin, se rat- tache au gouvernement du sultan du Maroc. 38m = au Maroc, viennent opérer des razzias (1) et prélever des impôts forcés chez les nôtres. Cette anarchie marocaine est non seulement déplorable pour la Sécurité de notre frontière mais est même un grave danger pour notre domination en Algérie et en Tunisie, et récemment un voyage de M. le Gouverneur général dans ces parages a été motivé par des bruits désastreux qui s'étaient répandus dans les tribus frontières et aussi chez les nôtres. Vous savez, Messieurs, que nous avons, rien qu’en Algérie et en Tunisie, plus de 7 millions d’indigènes musul- mans à diriger et à gouverner, Or, bien qu’en général il n°y ait point dans les régions du Sud de télégraphes où de télé- phones, les nouvelles se transmettent dans les pays isla- mistes avec une promptitude surprenante. Donc depuis plu- sieurs mois, M. Jonnart était avisé que des émissaires venus de Fez et du Tafilalet (pays du Sud marocain) annonçaient dans les tribus qui se sont récemment ralliées à notre dra- peau, que l'Allemagne était d’aecord avec le sultan du Maroc pour nous obliger à évacuer très prochainement les régions que nous avons placées sous notre domination le long de la frontière marocaine. Ces bruits entretenaient une certaine effervescence dans les milieux indigènes de lAlgé- rie et même de la Tunisie. M. Jonnart se rendit donc, en compagnie du général Liautey, dans ces régions du Sud- Algérien. Ce voyage a prouvé qu'il n’était que temps de mettre fin à ces bruits alarmants. Les visites des grands chefs qu’a reçues M. Jonnart et les réconfortantes paroles qu'il a pu leur adresser, ont remis les choses au point. En outre, l’état d’anarchie qui règne chez les tribus qui nous confrontent, et aussi dans tout le Maroc, a influé d’une façon fâcheuse sur le commerce de l'Algérie avec cet empire ; je létablirai plus loin. (1) Enlèvements de troupeaux et autres marchandises. — 938 — Ces quelques considérations préliminaires sont de nature à vous faire comprendre déjà que même si nous avions voulu nous désintéresser du Maroc lui-même, la garde et la conservation de nos possessions Nord-Africaines nous com- mandaient de ne pas le faire. Le même publeciste dont jai déjà parlé, a pu dire plaisamment que le Maroc était un peu comme la fameuse malle, et que quelque puissance étrangère aurait pu s’écrier, en présence de notre inaction : « Le Maroc n’est à personne, il doit être à nous »; ce qui aurait permis à cette puissance, en s’implantant dans ce pays, de lancer contre nous les indigènes soutenus par ses propres soldats Sans aller jusque là, on peut dire que notre devoir nous prescrivait de ne pas nous montrer indifférents . pour un pays dans lequel nous avions déjà de si graves in- térêts ; et que ces intérêts nous imposaient la mission et l'obligation de faire respecter notre frontière et de faire sentir aussi notre autorité sur ce maghzen qui, soit par im- puissance, soit par mauvais vouloir semblait incapable de mettre un terme aux incursions et aux déprédations de ses tribus, Je disais plus haut que c'était un peu prétentieusement qu’en parlant du Maroc le sultan pouvait l'appeler son em- pire. Ce pays, en réalité, est livré à une profonde anarchie. L'on peut à l'heure actuelle et au point de vue politique, le diviser en trois parties distinctes : 1° ce qu’on est convenu d’appeler le «bled el maghzen », c’est-à dire l’ensemble des villes et des tribus qui se soumettent à l’autorité du sultan ; 9° le « bled es siba », ou pays de l’insoumission, c’est-à-dire l’ensemble des tribus (1) qui ne reconnaissent pas cette au- torité et chez lesquelles le sultan ne peut percevoir d’im- pôts, et 3” le pays qui depuis deux ou trois ans s’est, de gré ou de force, rallié au prétendant ou Roghi, comme on Pappelle au Maroc. (1) On peut l’évaluer au 4/5 des tribus du Maroc. — 239 — Si je n'étais pressé par le temps, je pourrais vous donner quelques détails sur la tragique histoire de cet agitateur, qui, dit-on, touche de près au Sullan, à été condamné à mourir, s’est échappé, s’est réfugié en Algérie, en est revenu, a su profiter de l’état d’anarchie des tribus frontières, s’est allié à un vieil agitateur, nommé Bou-Amama, notre adver- saire depuis 25 ans, et a su enfin s'installer dans une partie du Maroc voisine de notre frontière algérienne, avec un _ contingent levé sur les tribus environnantes. Il s’est campé non loin d’une ville nommée Taza, et de là prétend se diri- ger vers la ville de Fez. Bien que possesseur d’un mince territoire, il possède une autorité suffisante pour mettre obstacle au passage des caravanes qui allaient autrefois de Fez, capitale du Maroc, à Lalla-Marnia, petite ville française située à la frontière orientale du Maroc. Il octroye aussi des concessions, où des commerçants aventureux ont établi des factoreries qui font concurrence à celles de Melilla, ville espagnole du Maroc. J’aurai occasion de vous donner plus loin quelques détails sur ces factoreries. Ceci n’est qu’un côté de l’état anarchique du Maroc. Ainsi que Je l'ai dit déjà, le sultan ne peut compter exercer son autorité sur les pays dits «bled es siba »; et même dans ceux où il l’exerce, de puissants Caïds retirés dans leurs bordjs Cou dars », comimne nos seigneurs féodaux dans leurs forteresses du moyen-âge, se font souvent la guerre entre eux, et au détriment de leurs tribus respectives. Voilà ce que le sultan appelle son empire du Maroc, et l'anarchie y va tous les jours et sans cesse en grandis- sant. Au point de vue géographique, on peut aussi diviser le Maroc en trois grandes régions. Le Maroc oriental, celui qui bordant notre Algérie, est situé au sud de la grande chaine de l'Atlas ; chaine qui en certains endroits offre des sommets de plus de 4.000 mètres. C’est le pays des vastes plaines et des vertes oasis. C’est le pays de parcours des nomades — 240 — et des grandes caravanes. Disons-le de suite, c’est la région actuellement la moins riche du Maroc. Au nord de cette immense chaîne de l’Atlas, une seconde région comprend la partie du Maroc que j’appellerai mé- diane, et qui renferme un immense massif montagneux appelé le Rif, peuplé de Berbères (1), qui ne reconnaissent aucune autorité. Ce massif est bordé au nord et sur une grande étendue par la Méditerranée. La troisième région, ou Maroc occidental, est celle qui. est bordée par l'Océan Atlantique à l’ouest, et au nord par le détroit de Gibrallar: c’est la partie la plus riche, la plus peuplée, et qui jouit du meilleur climat de toute l'Afrique du nord. C'est celle en somme que se disputent les puis- sances européennes. Maintenant que nous avons une idée très sommaire du pays, nous suivrons, si vous le voulez bien, René-Leclerc dans son itinéraire, lors d’un voyage effectué par lui dans le Maroc septentrional et occidental. Notre voyageur est parti d'Oran sur le paquebot qui fait le trajet de cette dernière ville à Tanger. La dernière petite ville française que l’on rencontre avant la frontière est Nemours. C'est près de cette ville que se trouvent les mines de fer de Beni-Saf, appartenant à la com- pagnie Mokta El Hadid, et qui fournissent une fructueuse exploitation. Nous trouvons ensuite Port-Say, port minus- cule français établi par un riche industriel, M. Say; puis nous arrivons à la frontière. Cette frontière consiste en une petite rivière nommée l’Oued Kiss, rivière qui comme la plupart des cours d’eau algériens qui se déversent dans la Méditerranée, contient de l’eau en hiver et se dessèche en été. Cette frontière ne se dessine vraiment que pendant (1) Populations semblables à nos Kabyles d'Algérie, et aux Kroumirs de Tuuisie, “-228ueL 2p 2nbrueioued 2nA “(198ue8L ‘IISVT 9 NOHVN UD) JUDUE[4 | | | ‘9061 ‘squo(] np uOTNENUTP 9191906 ; LL à te Di 2 M ANERET ne ÉTPOPIIN SE Ci = CPR 2 CDRSLI SP NII Ce SRE ARR SP Ra RE EE - : T — JDA — une centaine de kilomètres sur les 1200 qui séparent l'Algérie du Maroc. Plus loin nous arrivons à l’Oued Moulouïa, rivière longue de 420 kilomètres et qui, ainsi que je lai déjà fait remar- quer plus haut, aurait été une limite plus naturelle que celle que nous possédons aujourd’hui. Ce cours d’eau, aboutit à la mer par un estuaire qui s’épanouit en face des îles Zatfarines, trois rochers ou îlots occupés par l'Espagne, et dont celui du milieu contient un presidio, c’est-à-dire un bagne. Notre vovageur donne la description de ces rochers isolés, ainsi que de deux autres presidios situés un peu plus à l’ouest, ceux de Penon de Velez de Gomera et d’Alhu- cema, situés également sur des îlots et qui ne peuvent être alimentés par la terre, mais par des bateaux venant d’Es- pagne, ce qui les expose à de cruelles privations, quand la mer démontée empêche ces bateaux d'y aborder. Nous trouvons ensuite un territoire nommé Kebdana, où le prétendant qui l’occupe a concédé à des industriels et commerçants une sorte de rade où ils ont établi les facto- reries de Mohammedia ou de Mar-Chica, source de compli- cations entre l’Espagne et le Maroc(l). Après cette rade, nous trouvons une sorte de lagune, longue de 25 kilomètres, fer- mée du côté de la mer par une dune de sable, où l’on pour- rait créer un port semblable à celui de Bizerte, en Tunisie, au moyen d'aménagements appropriés. Nous arrivons enfin à la ville espagnole de Melilla..… La mulüplicité des rades que je viens de décrire, sur une longueur de côtes de 80 kilomètres, produit ce résultat au moins original: le même vapeur, venant d'Oran, débar- que à Nemours des ballots destinés à nos compagnies de zouaves de Nemours et d’'Adjeroud ; puis il dépose à Port- Say des marchandises pour les troupes chérifiennes ou im- (1) Ces factoreries viennent d’être abandonnées par le Roghi, et incen- diées par les soldats du maghzen, 16 _ 9 périales campées près de la Moulouïa; ensuite il décharge àa Mohammedia des vivres et des munitions à l'usage des soldats du Prétendant ou Roghi; enfin il laisse à Melilla des colis destinés au ravitaillement des troupes espagnoles. C’est ce qu'on pourrait appeler un paquebot panaché ou éclectique, contenant des marchandises pour deux rivaux, le Sultan et le Roghi, et pour deux puissances européennes. Melilla est occupée par les Espagnols depuis 1496. Cette ville comprend un important presidio, y possède une garni- son de 5.000 fantassins, de la cavalerie..., etc., etc. ; malgré 400 ans d'occupation, l'Espagne n’a fait aucun progrès dans l'intérieur et ne détient qu'un très mince territoire tout autour de la ville. Depuis que le Maroc est devenu la visée de quelques nations, l’Espagne se piquant au jeu, vient de mettre en adjudication, au prix de 5 millions de pesetas, la réfection du port de Melilla et elle se propose d’en faire autant à Ceuta. Je ne vous donnerai pas de descriptions de cette ville de Melilla, que notre voyageur à visitée deux fois, et sur la- quelle il s’étend assez longuement (1). Il nous fait connaître les motifs qui ont empêché l'Espagne de jamais pousser plus loin la colonisation du Maroc. L'on nous a reproché souvent de n'être pas bons colonisateurs, Ce qui est certain, c’est que nous avons non loin de là deux colonies prospères, PAI- gérie et la Tunisie, et qu’en somme l'Espagne qui était aux portes du Maroc, n a su en 400 ans que s'installer à Melilla et Ceuta, el v occuper cinq presidios, qui lui coûtent d’ail- leurs plus qu’ils ne lui rapportent, et qu’on parle de suppri- mer, au moins en partie. Permettez-moi de vous donner ici lecture de deux passages qui vous donneront une idée des mœurs locales et de l’état d'âme des indigènes du Maroc : (1) Le Maroc Septentrional, par M. RENË-LECLERC, p. À et 297. — 243 — « En chemin, le jeune cocher de 12 ans qui conduit la caisse gémissante qui nous sert de voiture nous annonce que nous allons voir des têtes coupées de Moros apportées de très loin, là-bas dans le Sud, pour être accrochées aux murs de la douane. En disant cela il rit de bon cœur en montrant ses dents blanches et en clignotant ses veux vifs où luit la satisfaction qu'a lhidalgo de voir couler du sang maure : vieux reste du souvenir des croisades andalouses. » Et en effet il y en avait des têtes, il y en avait des pleins couffins doubles amenés de 150 kilomètres à dos de mulet, trophées lamentables et répugnants d’un combat meurtrier qui s'était livré non loin de la Kasbah El-Aïoun entre Îles partisans du Roghi et les troupes du Sultan. Ces dernières avaient été décimées et, pour faire plaisir aux amis de Me- lilla qui, depuis quelque temps, réclamaient des indices de victoire, les gens du Prétendant avaient coupé une centaine de têtes de morts et de blessés, les avaient frottées de sel et de miel pour qu’elles se conservent mieux, et les avaient ex- pédiées par des muletiers réquisitionnés. Une à une les bêtes de somme étaient arrivées chargées de leur funèbre fardeau et les gardiens de Ja douane avaient suspendu au mur deux par deux, oreille à oreille, les masques grimaçants et souvent mutilés par les balles des malheureux qui avaient succombé dans la bataille. De la sorte, les nombreux Rifains du pays qui se rendaient au marché de Melilla ou qui en revenaient, étaient obligés de défiler devant ce spectacle macabre et de reconnaitre les nobles et invincibles qualités du Prétendant. C'était une réponse du tac au tac aux procédés du Makh- zen » (1). Et plus loin : « Nous demandons des renseignements et des détails sur la situation à l’intérieur du pays, sur les chances du Roghi (1) Le Maroc Septentrional, p. 232. — 9044 —. (nous disons « le Sultan » pour ne pas nous faire huer), sûr les intentions du vrai Sultan (ici il faut dire le Kroni ou l’A- guellie). On nous répond par des paroles flottantes, indéci- ses comme la situation, que personne ne semble bien com- prendre au milieu de cet état constant d’anarchie. Un vieillard austère de la petite Kabila voisine de Mazouza s'étonne que nous, Européens, nous nous intéressions à ces choses, et l’exprime sans ambages: « Quelle curiosité inutile vous pousse donc à nous questionner sur les événements de poli- tique intérieure qui se déroulent chez nous”? Est-ce que nous. vous demandons ce qui se passe chez vous, en Algérie ; çà ne nous regarde pas et du reste çà n'offre pour nous aucune espèce d'intérêt. Que chacun reste en deçà de ses limites. Cà évitera tous les conflits. » Manière comme une autre de nous faire remarquer que nous sommes indiserets: « Tu as peut-ètre raison, ne puis-je m'empêcher de lui faire obser- ver. Mais le Rif envoie par milliers tous les ans des mois- sonneurs qui s'éparpillent dans la province d'Oran, des ter- rassiers et des manœuvres qui vont travailler sur nos routes et nos chemins de fer jusque dans la province de Constan- tine Tous ces gens trouvent en Algérie la justice et surtout la sécurité. Une fois munis de leur permis de frontière ils circulent comme ils l’entendent et nul ne peut attenter 1m- punément à leur vie ou à leur pécule. Dans ces conditions,. peu vous importe le mode de fonctionnement de nos admi- nistrations, peu vos importent nos petites querelles politiques au milieu desquelles vos frères passent sans s’en apercevoir. Mais nous qui voulons le relèvement de ces peuplades pau- vres, nous qui voudrions les aider à profiter des richesses de leur propre pays en mines, en carrières, en forêts, en terres cultivables et à exploiter tout cela, et qui, lorsque nous vou- lons pénétrer avec des intentions pacifiques sur votre terri- toire, sommes menacés de mort et obligés de rebrousser chernin sous je ne sais quels prétextes inadmissibles de fa-. natisme et d'intégrité du sol, nous tenons beaucoup au con- Société d'Emulation du Doubs, 1906. Planche VI (Cliché NaHon et Lasri, Tanger). | Phare du Cap Spartel. — 9245 — traire à nous tenir au courant des phases de cette anarchie -dans laquelle vous vous complaisez et qui, d’une façon où d’une autre, finira bien quelque jour » (1). La deuxième escale du bateau est Gibraltar. Pour y arri- ver, le paquebot a passé devant tout un immense territoire : d’abord le Rif, sorte de Kabylie indépendante, où les monta- gnards presque sauvages, ne reconnaissent aucune autorité, pas plus celle du Sultan que celle du Roghi. Un seul Français a traversé une partie de ce pays, c’est le marquis de Segon- zac ; encore S’était-1l déguisé en mendiant berbère. Il faudra longtemps, plus longtemps que pour notre grande Kabylie, pour dompter ce pays et l’amener à reconnaîtreune domina- tion quelconque. À côté de ce pays du Rif, se trouve celui des Djebala, où se trouve la ville arabe de Tetouan. Je ne m'y arrêteral pas. Plus loin se trouve Ceuta, ville espagnole de 13.000 ha., qui, dit René-Leclere (2), pourrait être une place forte de premier ordre, située qu’elle est à l'entrée du Détroit, en face de Gibraltar, et au nord des massifs montagneux du Maroc, c'est-à-dire du Rif occidental. Prise par les Portugais en 1410, elle fut cédée aux Espa- gnols en 1668. Pas plus qu’autour de Melilla, l'Espagne n’a fait de progrès autour de Ceuta, qui n’a d’ailleurs aucun rap- port avec l'Afrique, mais avec Algésiras seulement ; pour le dire d’une façon générale, l'Espagne, malgré ses presidios et l’occupation de ces deux villes de Mellla et de Ceuta, n’a jamais eu que des rapports de très minime importance avec le Maroc lui-même, et Jusqu'ici ses intérêts économiques y sont bien inférieurs à ceux de la France, de l'Angleterre et de l'Allemagne, ainsi que nous le verrons tout à l'heure dans les quelques tableaux statistiques dont je donnerai connais- sance un peu plus loin. (1) Le Maroc Septentrional, p. 255. (2) Le Maroc Septentrional, p. 202. — 246 — Après Ceuta commence le détroit de Gibraltar (1). C’est là que se trouve l’une des colennes d’hercule, que l’on désigne aujourd’hui sous le nom moins classique, mais plus pitto- resque de Mont-aux-Singes. Notre voyageur arrive enfin à Tanger, ville de 40,000 hab. où sa première impression est celle-ci : « Ce qui frappe le plus, en arrivant à Tanger, c’est le mé- lange de modernisme et de barbarie dont cette ville est im- prégnée. On n’y trouve pas une seule charrette même de l'espèce la plus primitive, mais les rues et les maisons des particuliers sont éclairées depuis longtemps à l'électricité : il y à, je crois, une seule fontaine pour toute la ville, mais par contre un réseau téléphonique relie les légations, les con- sulats et les maisons de commerce. Tout le reste est à l’ave- nant... à Tanger, l’on se heurte à chaque pas à ce coudoie- ment de la civilisation et des mœurs archaïques (2) ». Le temps me presse, et je ne puis que vous signaler autour de Tanger une superbe villa, celle de M. Harris, le corres- pondant du Times, lequel déclare qu’ ne s’est installé là qu'après avoir recherché dans le monde entier un climat aussi égal que celui qu'il a trouvé au Maroc. Dans cette villa, d'habiles ouvriers venus de Fez, ont accumulé toutes ces arabesques, toutes ces ciselures qui font ressembler la décoration des plafonds et des murs à une vraie dentelle. Dans le livre publié par notre voyageur se trouvent quelques photographies d’intérieurs de riches habitations de Tanger, de Fez... etc... qui donnent une idée de cette jolie ornemen- tation que sait revêtir l’architecture arabe, quand elle est mise en œuvre par des ouvriers habiles. Tanger est une ville européenne, et on peut le dire, un peu une ville française au Maroc. L'Espagne seule pourrait (1) Djebel-Thäreg, mot arabe signifiant la montagne de Thâreg. (2) Le Maroc Septentrional, p. 13. Léon lui disputer la préséance, non point pour la qualité, mais par la quantité de ses nationaux. En quittant Tanger pour se diriger sur la ville de Fez, on peut se rendre dans la capitale actuelle du Maroc (1) par deux voies différentes, par terre ou par mer. Les voyages coûtent très cher au Maroc et un voyageur isolé qui vou- drait effectuer ce parcours devrait débourser au moins 1,500 à 2,000 francs ; et notre voyageur ajoute à ce sujet : « Quand il Y aura un chemin de fer entre ces deux villes, le même parcours en troisième classe, aller et retour, ne coûtera pas un louis. Comme quoi le progrès a quelquefois du bon. » En suivant la. voie de terre, celle qu'a suivie cette fois notre voyageur, on trouve à 6 kilomètres de Tanger la villa Perdicaris, où celui-ci fut fait prisonnier par un indigène nommé Erraisouli, sorte de noble brigand dont le maghzen a fait depuis un Caïd (2) ; puis on longe la côte qui limite le détroit de Gibraltar et l’on arrive au cap Spartel. C’est le seul endroit de la côte marocaine où il y ait un phare, et ce n'est que sollicité longtemps par les Légations et après de nombreux sinistres survenus en cet endroit que le maghzen, en 1864, autorisa la construction de ce phare de concert avec les Légations (3), Après avoir dépassé les Grottes d'Hercule (4), on arrive à Arzila, ville en ruines, désolée, dont le port est interdit au commerce et où végètent des indigènes et des israélites, plus nombreux que les indigènes, Enfin l’on arrive à La- (1) L'ancienne capitale était Merrakech (Maroc), qui a donné son nom à l'Empire (2) L'on sait que depuis, Erraisouli est tombé en disgrâce, et qu’au- jourd’hui il est en fuite et s’est réfugié dans les montagnes du Rif. Sa tête est mise à prix par le gouvernement marocain... Jusqu'à ce qu'il revienne en faveur. (3) Le Maroc Septentrional, p. 130. (4) Grottes creusées dans les dunes ou rochers qui bordent la mer, et d'où l’on extrait des pierres à moulins pour faire le kouskous. — 248 — rache, ville de 10,000 habitants, située sur les bords de l’Oued Lokkous, dont l'estuaire large et profond s’ouvre sur l'Océan. Notre voyageur a séjourné pendant plus d’un mois dans cette ville, ce qui lui a permis de dresser un rapport économique sur le commerce d'importation et d'exportation qui s’y fait. Son port, étant donnée sa situation privilégiée, pourrait devenir fort important, mais grâce à l’incurie du maghzen, les navires ne peuvent pour la plupart du temps y aborder. Cela est dû aux effets de la barre produite par le remous des flots de l’océan Atlantique contre le courant assez fort . du Lokkous à son embouchure(l). Cette rivière est forte- ment ensablée et un sérieux travail de dragage devrait y être entrepris. Quoiqu'il en soit et malgré tous ces mcon- vénients, un commerce assez sérieux d'importation et d’ex- portation se fait au moyen de barcasses ou petits bateaux attachés au port, qui viennent décharger les marchandises amenées par les navires ou paquebots quand la barre est assez calme pour leur permettre de passer ; souvent les grands navires doivent stationner pendant quinze jours et plus devant cette fameuse barre, ne pouvant décharger ni voyageurs ni marchandises. Laissez-moi vous donner ici, Messieurs, quelques chiffres qui vous indiqueront, d’après les données officielles recueil- lies sur place, le montant des importations françaises et allemandes dans ce port dans le cours de ces dernières années. (1) Notre voyageur a couru lui-même de graves dangers, en voulant débarquer dans cette ville, au moyen d'une barcasse, ; Z2,,J 2p onbiwveioued 2nA “(241D911/}7 -PION 2H0@2Y EI 9P UOI)221[09) [IA SUUETd | | ‘9061 ‘SqnNO(J NP UONEINUA,P 719120 V'ENT3 DORE NV EN Le memes ns TRE es Te SE A mg AO Des ut SOS. sion à ad ln fe : té D D — 249 — Tableau des importations françaises comparées aux importations allemandes (depuis 1886). ANNÉES FRANCE ALLEMAGNE 1886. 730.975 francs. Néant. 1887. 1.022.950, — Néant. 1894. 3.428.950 — 178.345 francs. 1895. 3.256.783 — 295.055 — 1896. 2.511.855 — 143.816 — 1897. 1.987.828 — 159.600 — 1898. 167 Do a. 09.900 — 1899. 1.461.000 — 132.625 — 1900. 1.097.650 — 64.195 — 1901. . 1.461.600 — 10H 4 1902. 1.973.825 — 85 925 — 1903. 6.063.157 — 656.375 : — 1904. 3.238.670 — 299 095 — De Larache notre voyageur se dirige vers la ville de Fez, cité de cent mille habitants, résidence du sultan et de son gouvernement, ville d’un grand avenir, basé sur l’impor- portance des cours d’eau qui l’entourent et sur un régime d'eaux courantes qui, la traversant de toutes parts et pas- sant sous les habitations, pourraient faire considérer Fez comme une sorte de Venise d’eau douce du Maroc (1). Là encore René-Leclerc a séjourné plus de deux mois et a dressé un rapport économique sur le commerce d’importa- tions et d'exportations de la France dans cette importante cité. Le rapport fait connaître en même temps les marchandises que nos commerçants auraient le plus d'avantages à y: ex- porter. Il cite les noms des notables commerçants de cette ville, ceux de leurs correspondants à Marseille. Cette bro- (1) Le Maroc Septenlrional, p. 121. — 9250 — chure, ainsi que Je l'ai dit déjà, a été envoyée à toutes les Chambres de commerce de France afin que nos commer- çants puissent y puiser les renseignements qui leur per- mettront de développer leur commerce avec les habitants du Maroc et de Fez en particulier. Les habitants des villes du Maroc sont, en effet, presque tous commerçants, car 1l n'existe pas ce que dans nos pays d'Europe on appelle les rentiers. [Il y a les fonctionnaires, il y a les quelques soldats du maghzen, mais tous les cita- dins vivent du commerce et les ruraux vivent de l’agricul- ture. Aussi les foires, les marchés sont-ils très fréquentés. C’est une occasion pour tous ces commerçants, qui dans les villes n’ont point de promenades publiques, point de lieux de réunions, point de salles de spectacles, de se réu- nir et de recueillir les nouvelles qui intéressent l'Islam. Une chose assez piquante, c’est que tous les prospectus envoyés aux commerçants de Fez, même ceux qui leur sont adressés par les maisons allemandes, sont rédigés en langue fran- çaise. La France exporte au Maroc, et notamment à Fez, des draps, de la soie, des savons et quelque peu d’horlogerie : une partie de cette horlogerie provient de Besançon, mais ce nest pas cette ville qui traite directement avec le Maroc, c’est Marseille (1), La Suisse y exporte aussi de l’horlogerie, et chose assez piquante, la Russie y exporte également des montres et des horloges (2) L’Angleterre y exporte surtout des tissus et des cotonnades ; l'Allemagne des machines à coudre, à musique et des jouets ; l'Espagne du chocolat. La ville de Besançon pourrait v exporter des soieries arti- ficielles, dont le prix est inférieur à celui des soieries pro- (1) Rapport sur le commerce de Fez, par M. RENÉ-LECLERC, p. 42. (2) Même brochure, p. 52. i 595" — venant du bombyx, et trouver là un sérieux débouché pour cette branche de son industrie locale. J'ai dit plus haut que notre commerce algérien avec le Ma- roc s'était ressenti très défavorablement de cet état d’anar- chie qui tend de plus en plus à compromettre la sécurité des habitants ; notamment dans la grande percée Tlemcen, Oudjda, Fez. Voici en effet quelques chiffres tirés de docu- ments officiels, qui viendront à l'appui de cette asser- tion : | Commerce d'échanges entre l'Algérie et le Maroc. De 16 millions et demi en 1901, on passait à 11 millions et demi en 1902 et à 10 millions en 1903. En 1904, les échanges avec l’Algérie tombent à 6 millions et demi, et l’ensemble du commerce marocain fléchit cette même année d’une façon notable. Le mouvement commercial des ports du Maroc descend pendant ce même temps de 99 à 90 millions. Il est donc facile de se rendre compte que le Maroc lui- même a intérêt à ce qu'on y rétablisse la sécurité, et par con- séquent qu'on y institue une police qui puisse venir à bout des coupeurs de route, des brigands et même des agitateurs. Permettez-moi de vous donner aussi quelques chiffres comparatifs entre le commerce de la France, de l’An- gleterre, de l'Allemagne et de la Belgique au Maroc en 1904. Ce commerce d'importations et d’exportations se fait bien entendu par les 8 ports de Tétouan, Tanger, Larache, Rabat, Casabianca, Mazagan, Safi et Mogador. Pour l'Algérie, il se fait par notre frontière, et il y aura lieu d'ajouter au chiffre du commerce français par voie de mer, le chiffre du commerce par voie de terre. — 952 — Chiffre du commerce total de la France, de l’Angleterre,de l'Allemagne et de la Belgique avec le Maroc, en 1904. France. Angleterre. Allemagne. Belgique Voie de mer.... 22.709.259 Voie de terre... 6.704.573 Hotalss er 99.413.832 39.266.450 10.900.875 2.430.047 En chiffres ronds 30 millions 40 mill. A1 mill. 3 mill. Il y aurait lieu d’ajouter pour l'Angleterre et la France, le commerce de ces deux puissances avec les possessions espagnoles de la frontière marocaine, commerce auquel celui de l’Allemagne n’a presque pas de part; et l’on arrive à ce résultat final que le pourcentage du commerce des diverses nations de l’Europe avec le Maroc peut s'établir ainsi pour ces dernières années, en moyenne : Anoleterre. M Te ESS STONE France ia cu er à mec ce ROUE Allemagne. 2 2 SE Autres pays où l'Espagne n’a qu’une part ime: 2 MEN PER ES US Potaliir 46 SR OMODiD MOTS) (1) Le commerce du Maroc en 1906 : La statistique du Maroc en 1906 vient d'être dressée à l’aide des ren- seignements fournis par le contrôle des douanes marocaines, par nos agents consulaires et par le service de la douane algérienne. Elle constate les résultats suivants, comparée à ceux de 1905 : PAYS 1905 1906 EN PLUS EN MOINS France et Algérie. 36.467.996 42.807.663 6.339.667 ‘ Angleterre ........ 93.210.372 94.549.848 1,309.476 Allemagne ..,..... 7.332.151 7.182.780 149.371 Espagne untnee 3.163.093 3.869.894 702.801 — 953 — L'on pourrait ajouter au mouvement commercial de la France avec le Maroc, celui des capitaux français exportés dans ce pays, pour l’acquisition des immeubles. L'on cite PAYS 1905 1906 EN PLUS EN MOINS Belgique... : 2,103,114 2,564.009 460,865 Dame SIEUs 1 1.837.021 1.675.118 161,903 Autriche: sic se à 477.627 484,881 9:177 Etats-Unis... … Hs 2,953 .896 977.963 1.975.933 [ROUTE ER EEE 119 :722 99.206 64.516 BAS BAS ne. 60.460 19.407 44,053 Béypie er es. 708.832 587.801 121.041 Durquien : D LD 48.271 48.271 Suède et Norvège. 10.055 100.932 90.878 RNSSIENM AAC 0 - 0) 15.427 15 :427 AUbres pays ei. ee ; 170,514 134.776 90. 7138 LOLAUX: : à ; - 78,642,893 85.069.899 Ce qui donne comme pourcentage pour 1905 6.429.006 et 1906 les tableaux sui- vanis .: PAYS 1905 1906 HRANCe ie rue 46,38 °/o 50,42 °/ Anolélerrer.\fi, Li), 29,55 28,18 Allemagne . .... 9,32 8,41 Hspaoness non 4,02 4,56 Beloique nn. cui. 2,06 3,00 Hate te uen 2,34 1,96 Autriche . : 0,61 0,97 Blats-Unis © 2... 3,10 449 Portugaki oc » » Pays-Bas"... 2... » » Éoypien ns Û 0,90 0,69 Murquie 45.4. hi à » » Autres pays 0,46 0,49 Deux faits remarquables apparaissent dans ces tableaux : Le premier est la progression du commerce avec la France. Elle avait déjà été considérable en 1905 et nous avait placés au premier rang avec l'Angleterre. Elle l’est davantage encore en 1906. Notre part a dépassé Ia moilié du total d’affaires fait par le Maroc. Le second est que le mouvement du commerce avec l'Allemagne ne répond point à l'effort politique de cette puissance, Il étail en baisse en 1905. I l'est encore en 1906. — 954 — tel capitaliste de Paris qui s’est rendu acquéreur pour plus d’un million d'immeubles autour de Tanger; tels autres établis au Maroc, qui ont déjà réalisé des bénéfices impor- tants en revendant à des sociétés immobilières françaises des immeubles assez nombreux situés autour des villes. Enfin l’on. peut. évaluer à plus de cent le nombre des maisons commerciales françaises établies au Maroc, en com- prenant dans ce chiffre les commerçants marocains pro- tégés français. | : Les allemands évaluent à 35 le nombre de JTE maisons de commerce. Notre voyageur après avoir ainsi parcouru une partie du Maroc septentrional, est revenu en Algérie en passant par Oujda. Il y était le 4 octobre 1904. Oujda est une ville arabe de 8.000 habitants, située à quelques kilomètres de notre frontière. Elle était florissante autrefois, mais depuis que le roghi ou prétendant Bou-Hamara et ses partisans évoluent dans cette région, depuis qu'il a failli prendre la ville d'assaut et s’est emparé de la Kasba-El-Aïoun, la petite bourgade est complètement désemparée. Cette ville est gouvernée par un amel (gouverneur) qui jusqu’à ces derniers temps, entretenait de bonnes relations : avec les officiers du bureau arabe de Lalla-Maghnia; mais depuis que le maghzen montre envers noùûs une sourde hos- tilité, les relations de l’amel avec nos officiers ne sont plus aussi correctes. Nous entretenons cependant dans cette ville une mission française composée d’un capitaine, un lieutenant, un ser- gent et quatre tirailleurs. Elle est en principe chargée d’ins- truire les troupes de la garnison d’Oujda. Les premiers temps de son séjour, elle fit pivoter tant bien que mal les recrues marocaines, leur apprit la manœuvre du canon, et contribua certainement par sa présence et son attitude résolue à la résistance qu'Oujda opposa au siège du Prétendant qui dut Société d’Emulation du Doubs, 1906. Planche VI. | (Cliché L' Moucin). Oujda. — Place de la Kasba. — 955 — se retirer. Mais depuis des mois, les soldats du maghsen ont évacué la ville pour mener campagne contre le Roghi; de sorte que la mission est complètement inactive et mène une existence dénuée d'intérêt. Le capitame Mougin, officier très studieux et instruit, a profité de son séjour pour se livrer à des travaux de recherches. Il a pu communiquer à M. de Flotte de Roquevaire, pour sa nouvelle édition de la Carte du Maroc, les plans d’une exactitude très minutieuse d’'Oujda et d’Aïoun Sidi-Mellouk. Il y a six quartiers dans la ville, séparés, comme dans toutes les cités marocaines, par des portes ba:dées de fer. Chaque quartier a son Mokaddem qui gère les biens de la communauté : mosquée bain imaure et fondouk (sorte d’'hôtellerie) ; il est en outre chargé de fonctions policières. Il est interdit à une charrette d'aller à Oujda, sous pré- texte qu’elle pourrait concurrencer les muletiers et les cha- meliers. Un charretier espagnol qui avait enfreint ce règle- ment et conduit dans cette ville une voiture de pastèques se vit, une fois qu'il eut pénétré dans les murs, entouré par une foule menaçante et hurlante qui profita de son embarras pour lui piller ses pastèques. Ahuri, menacé de mort, le malheureux conducteur fut mis à l'abri par les au- torités dans les prisons de la Kasba. L’amel lui fit une verte semonce, lui infligea une forte amende et ne lui rendit charrette et attelage qu’à la condition de partir sur le champ et de ne plus jamais revenir. Ceci se passait à quatre lieues du territoire français, mais personne ne se soucia d'intervenir. Notre voyageur exprime le regret qu’une voie carrossable ne soit pas établie de Lalla-Marnia à la frontière ; on aurait pu même, ajoute-t-il, pousser les travaux jusqu'à Oudjda, personne ne s’y fût certainement opposé et aujourd’hui on pourrait continuer le tronçon plus avant... [Il regrette aussi que la locomotive ne siffle pas encore à Marnia ; « elle devrait au besoin conduire jusqu’à la frontière, pour être — 956 — prête à s’élancer sur le territoire étranger dès le jour où on aurait pu arracher du maghzen un lambeau d'autorisation. On ne tardera pas à se rendre compte combien ces ater- moiements, qui ont trop longtemps duré, sont préjudicia- bles (1), » Tous ces faits, qui découlent des constatations et études de René-Leclerc dans le cours de son voyage et des sta- tionnements qu'il a faits au Maroc, établissent done que. deux mobiles puissants nous commandaient de ne point nous désintéresser de ce pays voisin : d’abord la sécurité de notre longue f'ontière et celle par contre-coup de nos pos- sessions algériennes et tunisiennes ; ensuite l'état de notre situation commerciale, où nous serions vite supplantés par une autre nation en cas de défaillance de notre part. La comparaison des intérêts commerciaux de la France et de l'Allemagne ne suffit point pour donner une idée exacte et complète de leur situation respective dans ce pays, il y en a d’autres encore que l’on ne peut évaluer en sommes d'argent... des intérêts tirés d'ordre géographique, des élé- ments d'influence d'ordres très divers. C’est d’abord le nom- bre des Français déjà installés au Maroc en dehors des légations et consulats et qu’on pouvait évaluer à 600 en 1904, et ce nombre augmente tous les jours, tandis qu’il n’y avait que 145 Allemands dans cette même année. (1) Depuis que ces lignes ont été écrites, et cette conférence faite à la Société d'Emulation, on sait que la ville d’Oujda a été occupée militaire- ment par nos troupes, à la suite de réclamations répétées et restées vaines de notre gouvernement. Un médecin français établi à Marrakech, ayant été assassiné par la popu- lace de cette ville, et l'attitude du gouverneur ayant été des plus suspectes, la France s'est décidée à occuper Oujda, jusqu’à complète satisfaction des réclamations formulées par notre ministre des affaires étrangères. Ge dernier incident montre combien étaient justes les regrets exprimés par René-Leclerc, et combien l'établissement de la route et de la voie ferrée aurait avancé les choses. — 957 — L’on peut affirmer qu’au point de vue industriel et com- mercial, Tanger est déjà une ville à demi-française ; nous y avons une installation postale plus complète que celle des autres nations, et en ce qui concerne les communications télégraphiques, la France y possède deux câbles : l’un de Tanger à Oran, l’autre de Tanger à Cadix. Un autre puis- sant moyen d'action pour y répandre notre influence, con- siste dans la propagation de la langue française, et notre pays n'entre à cet égard en concurrence qu'avec la langue espagnole. Grâce aux efforts de l’Alliance française et de l’Alliance israélite universelle, des professeurs venus pour la plupart de Paris, donnent une instructien primaire en français à 2,450 élèves, et l'Alliance française cherche à ré- pandre la langue de notre pays parmi la population musul- mane. ot La presse française est représentée à Tanger par deux journaux français et rédigés en français ; il faut y ajouter le _ journal arabe « Essaada », d’une inspiration française, rédigé par des indigènes algériens instruits. Des avocats français, des médecins français sont installés dans tout le Maroc, à Tanger, à Casablanca, à Mogador, à Tétouan, à Marrakesch, à Fez Les Allemands y ont aussi des docteurs, mais l’un de ceux-ci paraît être beaucoup plus un agent politique qu’un adepte de la science médicale. Ce docteur diplomate a, dit-on, en ce moment une grande conception. Il voudrait rétablir des communications pacifiques et ami- cales entre le sultan de Stamboul et celui de Fez, dont l’in- fluence religieuse s'est toujours un peu contrebalancée et donner son maître pour protecteur suprême aux deux sou- verains islamiques. Vous citerai-je aussi, Messieurs, la liste déjà longue des explorateurs français qui ont contribué à la vulgarisation de la connaissance du Maroc ? Pour ne citer que les plus ré- cents, cette exploration fut géographique et morale avec Larras, de Segonzac, de Foucauld, de Flotte de Roquevaire 167 — 9258 — et Doutté, — géologique et agricole avec Gentil, Brives et Lemoine, — sociale avec Salmon et Michaux-Bellair, — géodésique et hydrographique avec le commandant Dyé, Buchet et Renaud, — juridique avec Saurin, — économique avec Augustin-Bernard et René-Leclerc. Et je pourrais vous citer encore 15 ou 16 noms d’explorateurs français plus anciens. Soyons justes, Messieurs, et disons que l'Allemagne, elle aussi, y à envoyé des explorateurs qui ne sont pas sans valeur et qui ont exploré surtout là partie du Maroc située du côté de Marrakech et des ports atlantiques, et qui est, comme je vous l’ai dit, la non moins bonne partie du Ma- roc, celle auquel est réservé un grand avenir. Quel: que soit le mérite de quelques-uns de ces explorateurs nous pouvons dire sans exagération que les travaux récents de nos compatriotes ont dépassé de beaucoup ceux de ses sujets que l'Allemagne a envoyés dans ce pays. Enfin, Mes- sieurs, quel pays est mieux préparé que le nôtre, au moyen de nos Français Algériens et Tunisiens possédant l’arabe et au moyen des indigènes instruits et cultivés de nos deux grandes colonies, pour donner au Maroc des interprètes, des commerçants, des officiers pouvant organiser une vraie police marocaine ; tous déjà habitués aux pratiques des musulmans, à leur langage et enfin au climat de ce pays. Je vous ai dit déjà plus haut deux mots de ce climat maro- cain, dont les chaleurs sont singulièrement tempérées par le voisinage des vents venant de l’Atlantique. La ville de Casablanca paraît posséder le climat idéal. La moyenne de la température au mois de janvier est d'environ 12, et celle des mois de juillet et d'août ne dépasse pas 230. Les fièvres y paraissent bien moins fréquentes qu’en certaines parties de l'Algérie, surtout du côté du versant de lAtlantique. Telles sont, Messieurs, les quelques notions sommaires que le temps dont je dispose me permet de vous donner sur — 959 — ce pays, dont les destinées se discutent aujourd’hui dans la petite viile d’Algésiras. Au mois de mai 1905, une visite retentissante à Tanger venait subitement remuer la torpeur de l’Europe et semblait plus particulièrement viser la France en contrecarrant son influence et son prestige au Maroc. L'on parlait déjà de guerre entre les deux grands et puissants voisins. Disons-ie franchement : il est certain qu’à ce moment-là, une guerre à propos de cette question marocaine eût été peu populaire en France. Je ne veux pas dire par là qu’aujour- d’hui une guerre serait la bienvenue. Cependant depuis ce moment, les Français ont commencé à étudier d’un peu plus près la question. Ils se sont demandés ce que c'était que ce pays, quelles raisons nous avions pour essayer d’y garder une situation prépondérante sinon dans tout l'empire, au moins dans les parties qui présentent pour nous le plus d’in- térêt, Je veux dire notre longue frontière et le commerce des ports. Et si personne ne souhaite la guerre, du moins che- cun comprend peut-être déjà un peu mieux aujourd’hui pourquoi un empire voisin aurait avantage à nous y supplan- ter au moins dans la partie avantageuse et toute d'avenir du Maroc, et pourquoi en luttant pour défendre nos intérêts dans ce pays, nous luttons un peu pro aris et focis en France. Tout au moins depuis que nous avons proclamé bien haut que notre intention a toujours été, non pas de tunisifier le Maroc (ce qui nous demanderait 100,000 hommes et pas mal de nombre d'années) mais au contraire de rechercher simplement les moyens de donner la sécurité non seulement à nos nationaux, mais à tous les européens en général, et d'amener un libre développement du commerce mondial avec ce pays, depuis que nous avons déclaré que malgré tous les intérêts que nous avions déjà dans ces régions, la porte continuerait à rester toute large ouverte au commerce de toutes les nations, l’on peut s'étonner peut-être qu’une na- — 9260 — tion voisine cherche à empêcher par tant de moyens divers notre influence de s'implanter dans ce pays. N'est-ce pas, au surplus, pour y implanter la sienne ? Ce que nous demandons, c’est que notre longue frontière soit respectée ; c’est que notre commerce algérien par la grande percée Tlemcen, Marnia, Oujda (1), Taza, Fez, ne soit pas obstrüué par l’état d’anarchie qui règne présentement dans le pays ; c’est que nous puissions, concurremment avec d’autres nations, et sans désavantage avec elles, y continuer des travaux, des sondages, qui nous permettront de faire fructueusement le commerce de cabotage dans les ports du Maroc réorganisés ; ce que nous demandons, c’est de pouvoir y faire fructifier nos capitaux et y acquérir en paix des propriétés que nous pourrons conserver. Nous n’en demandons pas davantage, et nous ne désirons ni le protec- torat, ni l’annexion de ce pays. Espérons que les travaux de la conférence (2) qui s’est ou- verte à Aigésiras et à laquelle prennent part la plus grande partie des nations de l’Europe, finiront par dissiper tous les ma- lentendus, nous permettront de profiter de toutes les décou- (1) On sait que le meurtre récent du docteur français Mauchamp, à Marrakech, a décidé la France à occuper Oudjda, jusqu’à ce que le nmaghzen ait donné salisfaction à toutes les satisfactions réclamées par la france pour ce meurtre et autres affaires qui sont en suspens. (2) On sait que les principales décisions de cette conférence, qui s’est terminée au mois de juin 1906, sont les suivantes : lo Etablissement d’une banque d'Etat au Maroc, sous la surveillance des puissances qui ont pris part à la Conférence d’Algésiras ; 20 Organisation d’une police Franco-Espagnole, à la tête de laquelle sera placé un officier supérieur délégué par la Suisse ; J° Règlements sur l'importation des armes au Maroc ; 40 Liberté commerciale ouverte à toutes les nations, confection des tra- vaux publics au moyen d’adjudications ; 5° Libres acquisitions de propriétés autour des villes par les Européens, et jouissance paisible de ces propriétés. Le Maroc et les nations européennes qui ont pris part à la Conférence avaient jusqu’au 31 décembre 1906 pour signer le protocole; ces signa- Planche IX. Société d’Emulation du Doubs, 1906. (Cliché L' Moucn). Oujda. — Fosse et Ruisseau hors les Remparts. — 961 — vertes de nos explorateurs, et qu’ainsi les voyages et les tra- vaux économiques dont J'ai parlé dans le cours de cette con- férence, notamment ceux de René-Leclerc, apporteront au Comité du Maroc qui s’est dévoué si vaillamment à la dé- fense de nos intérêts dans ce pays, une large récompense de ses efforts et de son dévouement. tures ont été fournies en temps opportun, et en ce moment (mars-avril 1907), le corps diplomatique de Tanger, auquel sont adjoints deux délégués du gouvernement marocain, se réunit dans cette ville, pour élaborer les règlements relatifs à chacun des points ci-dessus visés. Les réglements relatifs à la banque d'Etat, à l'importation des armes, a l’expropriation sont déjà libellés, et les autres le seront incessamment. D'un autre côté, le chef de la police, le colonel Muller est arrivé de Suisse, et s'occupe avec les officiers espagnols et français de l’organisation de la Police dans les ports. L'Allemagne a bien envoyé auprès du sultan des officiers allemands, sous prétexte d'organiser une garde d'honneur à ce souverain, et de lui fournir en quelque sorte des ingénieurs-conseils pour toutes les affaires d'importance que le gouvernement marocain traitera avec les sujets des puissances européennes. Espérons que la présence de cetle mission à côté, ne sera pas une nouvelle source de confiits. La présence à Berlin de notre ambas- sadeur, M. Cambon, qui vient d’y arriver, nous est une garantie que les difticultés qui se présenteront pourront facilement s’aplanir. On vient d’en avoir une preuve récente, dans l'accord intervenu au sujet de la télégra- phie sans fil, qui avait été une source de difficultés douanières, et qui avait même été une cause indirecte de l'assassinat commis sur notre malheureux compatriote, le docteur Mauchamp, à Marrakech. LA FAUNE PRÉHISTORIQUE DE LA FRANCHE-COMTÉ PAR M. le D' Albert GIRARDOT Séance du 15 décembre 1906. LA FAUNE PRÉHISTORIQUE DE LA FRANCHE-COMTÉ ENFRODUCTION La faune préhistorique d’un pays intéresse également les naturalistes et les préhistoriens, qui peuvent y puiser les uns et les autres de précieux enseignements; elle montre aux premiers le remplacement des espèces fossiles par les espèces vivantes aujourd’hui, et par suite le passage des temps géologiques aux temps actuels, les modifications du chimat survenues au cours de cette période, et jusqu’à l’as- pect que présentait alors la contrée. La présence de débris humains associés aux ossements des animaux, dans beau- coup de stations, doit exciter certainement la curiosité des seconds, car tout ce qui touche aux races humaines qui se sont succédé sur le sol de ce pays, ne peut les laisser in- différents. L'étude de cette faune révèle en effet les usages des premiers habitants de la région, d’abord chasseurs vivant exclusivement de la chair des grands animaux, puis plus tard pasteurs ou agriculteurs, lorsqu'ils eurent en leur possession les espèces domestiques. L’apparition de ces dernières est un fait de la plus haute importance au point de vue de la préhistoire, car 1l démontre l’arrivée sur notre territoire de races humaines venues de loin, puis- qu'elles amenaient avec elles le mouton, la chèvre et le chien certainement originaires de régions éloignées de nous. C’est pourquoi nous avons cru utile de recueillir toutes les — 9266 — données existantes sur les animaux qui vécurent sur notre territoire, depuis le commencement des temps préhisto- riques Jusqu'à l'aurore de l’époque actuelle et de présenter ici le résultat de ce travail. Déjà au commencement du siècle dernier, les premiers paléontologistes s’occupèrent à rechercher les ossements des animaux, appartenant à des espèces éteintes qui se trou- vaient dans quelques unes de nos grottes, et leurs fouilles eurent un heureux résultat; elles furent continuées dans la suite, mais depuis une quarantaine d’années surtout, les investigations des archéologues et des préhistoriens ont pris dans ce pays un grand développement et amené d’im- portantes découvertes. Les chercheurs qui fouillèrent le sol de nos cavernes, les foyers et les remparts de nos camps retranchés, ainsi que les diverses sépultures qui se montrent à la surface du sol, sur bien des points de notre territoire, ont eu soin de recueillir les ossements des animaux qu’ils ont rencontrés et de les faire déterminer par des savants d’une compétence indiscutable. C’est ainsi que la plupart des espèces que nous aurons à citer, ont été reconnues par des paléontologistes tels que Cuvier, Marcel de Serres, Ger- vais, Rütimevyer, Gaudry, Chantre et d’autres encore, dont nous indiquerons les noms au cours de cet exposé. Nous avons puisé dans les écrits des archéologues, des préhis- toriens et des géologues qui ont étudié les dépôts quater- naires de notre région la plupart de nos renseignements, auxquels nos recherches personnelles ont ajouté quelques éléments. Ce travail est divisé en deux parties: la première com- prend la liste des animaux classés en ordre naturel ; la seconde, l'énumération et la description sommaire des gisements où ont été rencontrés les débris des animaux, cette dernière, placée ici à titre de pièce justificative. A propos de chaque animal et de chaque gisement, nous indi- quons exactement les auteurs qui l’ont cité ou étudié, ainsi — 967 — que l'ouvrage dans lequel leurs recherches ont été publiées, celui-ci désigné par sa date qui est représentée par les deux derniers chiffres du millésime, pour les années antérieures à 1900 et par tous ses chiffres pour les années du XX° siècle. Tous ceux qui ont exploré nos cavernes n’ont pas tou- jours exposé avec beaucoup de méthode le résultat de leurs investigations, et nous avons dû y suppléer en indiquant, sous forme de coupe, la constitution du sol de plusieurs d’entre elles, en numérotant les couches de la partie super- ficielle à la partie la plus profonde. Quelques auteurs ont numéroté ces couches d’une façon différente, mais nous n'avons pas adopté leurs chiffres afin de pouvoir rendre toutes nos observations comparables entre elles ; les numé- ros de nos assises ne concordent donc pas avec ceux des auteurs qui les ont décrites les premiers. On divise actuellement les temps préhistoriques en quatre âges, âges de la pierre taillée, de la pierre polie, du bronze et du fer, que l’on subdivise encore en périodes secondaires. _ Tous ces groupes sont caractérisés par des modifications de. l’industrie humaine et généralement ne concordent guère avec les distinctions que l’on peut établir d’après les modi- fications de la faune ; aussi ne pouvons -nous suivre abso- lument la classification des préhistoriens. Nous adoptons les groupes principaux de la pierre polie, du bronze et du fer, sans entrer dans leurs subdivisions, parce que, depuis le début du néolithique, aucune espèce nouvelle ne s’est montrée dans notre région, et que, s’il en est disparu quel- ques unes, cette disparition est le fait de l’homme et non du milieu ambiant. Quant à l’époque paléolithique, elle se compose pour les préhistoriens, du Chelléen, du Mousté- rien, du Solutréen, du Magdalénien et du Masdazilien; la première de ces divisions peut être adoptée par nous, car elle est généralement caractérisée par la présence du lion et de l’hyène qui ont vécu aussi sur notre sol en ce mo- ment; le Moustérien n’a laissé dans notre pays que des — 268 — traces bien peu importantes, aussi préférons-nous dési- gner sous le nom d'âge de Ursus spelaeus, la période qui fait suite au Chelléen ; ce procédé pourrait avoir quelque inconvénient, au point de vue ethnographique, mais au point de vue spécial qui nous occupe, il n’en présente aucun ; d’ailleurs M. Rutimeyer considère Ursus spelaeus comme caractéristique du Moustérien. Le Solutréen n’a pas laissé chez nous de trace certaine et par suite nous ne pouvons lui apporter aucune indication; il en est autre- ment du Magdalénien dont les grottes de Rochedane, de la Baume, de Chaux-les-Port, pour citer seulement celles-là, renfermaient l'industrie associée aux débris du renne; cet animal, il est vrai, a habité notre territoire avant le Magda- lénien, aussi n’avons-nous classé dans cet étage que les stations où ont été recueillis les instruments caractéris- tiques de cette période, en les indiquant, toutes les fois qu'il y avait doute, comme gisements de l’âge- du renne (âge du Cervus tarandus). La présence des ossements de la marmotte sans débris du renne caractérise le Masda- zilien, division que nous acceptons d'autant plus facilement qu’elle est basée sur la faune. Nous envisageons seulement dans cet exposé, la partie du Pleistocène qui appartient aux temps préhistoriques, et quand nous parlons de grande extension glaciaire, c’est de. la dernière grande extension qu'il s’agit, les premières s’étant produites avant l’apparition de l'homme en Europe. — 269 — PREMIÈRE PARTIE Liste des animaux MAMMIFÈRES FELIS : Brevirostris Linné (Lynx). Pleistocène à Eleph. primige- nius : grotte de Baume-les-Messieurs, Ogérien 67. Cet animal a vécu longtemps dans le Jura, et il y a été rencontré encore au commencement du siècle dernier en 1819 (bête de la Gar- gaille), en 1893 et en 1334 (1). Catus Linné (Chat). — Pleistocène à Urs. spelaeus : grotte d'Echenoz, Thirria 33, Chantre 1901 ; grotte de Rochedane, Muston 87. — Masdazilien caverne de Chataillon, L'Epée 77. Tueffert 78, Muston 87. — Robenhausien: grotte de Cour- chapon nobis 84. Il s’agit ici du chat sauvage qui habite encore les forêts de Franche-Comté, souche probable du chat _ domestique. | Spelaea Goldfuss (grand chat des cavernes, Lion). — Chel- | léen : grottes de Mancenans et de Saint-Julien, Contejean 64; | de Farincourt, Bouillerot 78 ; de Fouvent, Thirria 33, Mus- | ton 68, Bouillerot 81, Chantre 1901 ; d’Echenoz, Thirria 33; | Bouillerot 80, Chantre 1901 ; de Baume-les-Messieurs, Clos 65, | Ogérien 65 et 67, Abel Girardot 79. L’animal indiqué ici, | et désigné par les auteurs, sous les différents noms exposés (1) OGÉRIEN. Hist. naturelle du Jura, Zoologie. 0 plus haut, est très probablement le lion actuel, répandu dans l'Asie occidentale et dans l'Afrique, et qui habitait encore l'Europe méridionale, pendant la période historique (1). Sp. indet. — Chelléen: vallée de Baume-les-Messieurs, Clos 65 et 67; grottes de Fouvent et de Farincourt, Bouille- rot 81 ; de la Balme d'Epi, Béroud 86. C’est encore à F. spe- laea que doivent, très probablement, être rapportées ces in- dications. MACHAIRODUS : Latidens Owen. — Chelléen: alluvions anciennes de la Saône, aux environs de Gray, Bertrand 80; grotte de la Roche (n° 51, Abel Girardot. HYENA : Crocuta Zimmermann (Hyène tachetée). — Chelléen : grotte de Frotey couche n°3, Chantre 1901. Fossilis Cuvier. — Chelléen: grotte de Fouvent, Bouiile- rot 81. Spelaea Goldfuss (Hyène des cavernes). — Chelléen : grotte de Frotey {couche n° 3), Travelet 80 ; grotte de l’Arc, Chan- tre 1901 ; département du Jura, Ogérien 67 ; grotte de Baume- les-Messieurs (couche n° 5), Abel Girardot 79 ; grotte de la Balme d’Epi (couche n° 3), Béroud 86. Espèce très voisine de H. crocuta, si elle ne lui est identique. Sp. indet. — Chelléen: grottes de Mancenans et de Saint- Julien, Contejean 64; de Farincourt (première grotte, couche n° 2), Bouillerot 81 ; de Fouvent, Muston 66 ; d’Echenoz (c. n° 4), Thirria 33, Bouillerot 81; vallée de Baume-les- Messieurs ; fentes de rocher à Bourguignon-lez-Morey, Bouil- lerot 81 ; couche profonde des tourbières du Jura et à L’E- toile, Ogérien 65. | (1) ZITTEL. Traité de Paléozoologie. — 9271 — LUTRA : Antiqua Hermann. — Pleistocène : département du Jura, Ogérien 67. Vulgaris Linné (Loutre commune). — Magdalénien de Rochedane, Muston 87, — Robenhausien : grotte de Cour- chapon, nobis 84. MELES : | Taxus Pallas (Blaireau commun), — Pleistocène à Urs. spelaeus grotte de Gondenans-les-Moulins, Chantre 1901, et de la Balme d’Epi (c. n° 3), Bérou 86. — Magdalénien de Ro- chedane, Muston 87. — Néolithique : grottes de Rochedane, Muston 87,et de Courchapon, nobis 84. — Age du bronze : station de Chataillon, grotte des Sarrasins, L’Epée 77, Tuef- fert 78, Muston 87. — Age des métaux : tumulus d'Hérimon- court, Duvernois 68. PUTORIUS : Infectus Brag. (Putois commun). — Paléolithique : grotie de Rochedane, Muston 87.— Age des métaux : tumulus d’Hé- rimoncourt, Duvernois 68. MUSTELLA : Foina Linné (Fouine). — Pleistocène à Urs. spelaeus grotte de Fouvent, Bouillerot 81. — Magdalénien de Roche- dane, Bouillerot 87. Martes Linné (Marte des forêts); indiquée comme Martes fossilis, dans le Pleistocène du département du Jura, par Ogérien (67). Vulgaris Linné (Belette). — Magdalénien de Rochedane, Muston 87. | URSUS : * Arctoideus Blumembach ; synonyme ou variété d’Urs spelaeus, d’après Zittel (1), (1) Traité de paléontologie. — 979 — Arctos Linné (Ours brun). — Pleistocène du département du Jura, Ogérien 67, — Néolithique ; camp de Grammont près de Beaucourt, Tueffert 78 ; le même auteur signale aussi la présence de débris d'ours, dans la couche superficielle de la petite grotte de Rochedane, couche néolithique ou d’âge plus récent. — Age des métaux: tumulus d'Hérimoncourt, Duvernois 58; cimetière de l'arsenal de Besançon, Pirou- tet 1903 L’ours brun a vécu longtemps en Franche-Comté, où il était encore assez commun au moyen âge ; depuis ce temps, 1l abandonna les grandes forêts des plaines et de la région des plateaux pour se réfugier dans les hautes mon- tagnes du Jura, où on le rencontrait encore au commence- ment du xix® siècle. M. le vicomte de Truchi a raconté, dans son histoire de la chasse en Franche-Comté (1) les principales captures d'individus de cette espèce, effectuées depuis 1675 jusqu’à notre époque. * Pittorei Serres, synonyme ou variété d’Urs. spelueus. Priscus Cuvier. — Pleistocène à Urs. spelaeus : caverne de Sentheim, Muston 66. Cette espèce a été identifiée à l'ours grizzlv de l'Amérique du Nord, Spelaeus Blumenbach (Ours des cavernes), Pleistocène : alluvions anciennes, sableuses et caillouteuses de la vallée de la Saône, dans lesquelles est creusé le lit de cette ri- vière, Gasser 1902. — Pleistocène : grottes de Sentheim, Muston 66 ; Parisot 64 et 76 : de Mancenans et de Saint-Ju- lien, Contejean 64; de l’Ermitage, Kilian 83 ; Bournois, Muston 66; de Rochedane, Muston 87; de Farincourt, Bouillerot 78; de Fouvent, Thirria 33, Bouillerot 81, Mus- ton 66, Chantre 1901 ; de Chaux-lez-Fort, Poly 79 ; d’Eche- noz, Thirria 33, Chantre 1901; de Gondenans-les-Moulins, Résal 64, Chantre 1901 : d’Osselle, Résal 64, Chantre 1901 ; d'Arc, près Salins, Chantre 1901; de Baume-les-Messieurs (c. n° 5), Clos 65, de la Balme d’'Epi (c. n° 3). Béroud 86. (4) Acad. des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, 1902. Su de > à ’ — 973 — Ogérien signale aussi l’Urs. spelaeus dans le terrain diluvien du département du Jura, sans indication bien précise (1), mais il fait figurer un Ursus dans la liste des fossiles de ses marnes lacustres, et il est probable qu'il s’agit d'U. spe- laeus. M. Rutimevyer considère cette espèce comme caraclé- ristique de Pépoque moustérienne, Sp. indet. — Pleistocène : grotte de Farincourt, Bouille- rot 81; plateau de Bourguignon-lez-Morey, Chapelain 79 ; grottes de Fouvent, Thirria 33, Muston 66 ; d'Echenoz, Thir- ria 33 ; d'Ossel, Chantre 1901 ; de Baume-les-Messieurs, Clos 65, 67 et 78, Ogérien 65, Abel Girardot 79 ; tourbières du département du Jura (couche profonde), Ogérien 65 ; camp de Grammont, Muston 81. Ces citations se rapportent pro- bablement toutes, sauf la dernière, à l’Urs. spelaeus ou à PUrs, priscus ; quant à la dernière, elle a trait certainement à l'Urs. arctos. Ajoutons que M. Abel Girardot signale deux ou trois espèces d’ours dans la caverne de la Roche, d’après les déterminations de MM. Lartet et Gervais. GULO : * Articus Desmarest. — (Glouton) est probablement l’es- pèce indiquée plus loin sous le nom de borealis. Borealis auctorum. — Pleistocène à Urs. spelaeus : grotte de Fouvent, Bouillerot 81, Chantre 1901. G. borealis est synonyme de (r. fuscus Linné, de G. spelaeus Goldfuss, il nous parait l’être aussi de G. arlicus Desmarest, qui vivait encore en Allemagne au siècle dernier et habite actuelle- _ ment la Norvège. | CANIS : Familiaris Linné (chien), — Néolithique : grottes de Ro- chedane, Muston 87 et de Courchapon, nobis 84; palafittes 1) Ogérien indique la présence de l’Ur's. spelaeus dans des cavernes, à À Salins, Baume, Saint-Didier. M. Abel Girardot signale aussi ce fossile dans le linmon jaune à galets à l'Etoile et à Loisia. ou de Clairvaux, Lemire 70: tumulus du Bois-Néron, Piroutet 1901. — Age du bronze: petite grotte de Baume-les-Mes- sieurs, près de la source, Clos 68 ; station de Ney, Abel Girardot 79 ; tumulus de Refranche, Piroutet 1901. MM. Bouil- lerot et Ogérien ont cité aussi cette espèce parmi les débris fossiles de l’âge de l’Ours des cavernes, le premier dans les grottes d’'Echenoz et de Fouvent, le second dans celle de Baume-les-Messieurs. Ces assertions doivent être considérées comme très douteuses, car on n’a pas rencontré jusqu'ici d'ossements de chiens, d’une manière certaine, dans les dépôts antérieurs au Néolithique, et M. Rutimever pense que cet animal ne s’est pas montré dans nos régions avant l’âge de la pierre polie. La race qui régnait exclusivement alors, était le chien des tourbières, très voisin du chien courant par sa taille et son squelette ; le chien de l’âge du bronze était un peu plus grand, avec un museau plus pointu : il se rapprochait du chien de berger, du barbet et des grands chiens de chasse (Zittel). Lupus Linné (Loup).— Pleistocène à ÜUrs. spelaeus : grottes de Sentheim, Muston 66, Parisot 63 et 77; de Rochedane, Muston 87; de Fouvent, Bouillerot 81, Chantre 1901; de Chaux-les-Port, Poly 79; d'Echenoz, Thirria 33, Chantre 1901 ; d'Arc, Chantre 1901 ; d’Arlav, Chantre 1901 ; de la Balme d’Epi (ce. n. 3), Béroud 86. — Magdalénien : grotte de Rochedane, Muston 87. — Pleistocène du département du Jura, Ogérien 67, — Robenhausien : grotte de Courchapon, nobis 84. Vulpes Linné (Renard). — Pleistocène à Urs. spelaeus : grottes de Sentheim, Muston 66, Parisot 63 et 77 ; de Fou- vent, Bouillerot8l ; de Gondenans-les-Moulins, Chantre 1901. —- Magdalénien : Rochedane, Muston 87. — Masdazilien : grotte de Chataillon, L’Epée 77, Tueffert 78, Muston 87. — Néolithique : cavernes de Chaux-lez-Port, Poly 79 ; de Quin- cey, Travelet 81; de Courchapon, nobis 84. — ui du fer : Camp du Chatelard, Gasser 1902, — 275 — Sp. indet. — Pleistocène à Ursus spelaeus : grotte de Gondenans-les-Moulins, Résal 64. — Pleistocène à Cervus tarandus et Eleph. primigenius : seconde grotte de Farin- court (c. n° 2), Bouillerot 78. TALPA : Europea Linné (Taupe). — Paléolithique : grotte de Ro- chedane, Muston 87. LEPUS : Cuniculus Linné (Lapin). — Paléolithique de la grotte de Rochedane, Muston 87. Timidus Linné (Lièvre). — Pleistocène à Urs. spelaeus : grotte de la Balme d’Epi (c. n° 3). — Paléolithique : grotte de Rochedane, Muston 87. — Pleistocène à Eleph. primi- genius et Cerv. tarandus : seconde grotte de Farincourt, Bouillerot 78 et 81. — Masdazilien : grotte de Chataillon. - Age du fer : Camp du Chatelard, Gasser 1902, Variabilis Pallas (Lièvre blanc, Lièvre des Alpes). — Pa- léolithique, probablement magdalénien, de la grotte de Rochedane, Muston 87. ARVICOLA : Amphibius Lacépède (Campagnol rat d’eau). — Pieisto- cène à Urs. spelaeus : grotte de Fouvent, Bouillerot 81 ; désigné comme rongeur voisin du campagnol rat d’eau. Arvalis Lacèpède (Campagnol des champs). — Paléoli- thique de la grotte de Rochedane, Muston 87. Terrestris (Campagnol Schermaus). — Pleistocène à Urs. spelaeus : grotte de la Balme d'Epi (c. n° 3), Béroud 86. Sp. indet. — Pleistocène du département du Jura, Ogé- rien 67. CASTOR : Fiber Linné (Castor). — Pleistocène à Urs. spelaens : — 216 — grotte de Fouvent, Bouillerot 81. — Alluvions anciennes, glaciaires ou post-glaciaires de la région d’Ornans, Kilian 94. — Magdalénien de Rochedane, Muston 87. — Masdazilien : grotte de Chataillon, L’Epée 77, Tueffert 78, Muston 87. — Couches anciennes des éboulis du pays de Montbéliard, Contejean 6%, Kilian 91. — Couches profondes des tour- bières du pays de Montbéliard, où ses EC is sont associés d'Eeux du ACer tarandus, Contejean 64. — Néolithique : grotte de Courchapon, nobis 84; grotte de Quincey, Trave- let 81, détermination douteuse. * Spelaeus, cité avec doute par Ogérien dans le Pleislo- cène du département du Jura. Cette espèce est, d'après Pictet, identique au castor fiber, et M. Collot, professeur à l’Université de Dijon, a montré, dans une étude comparative du castor quaternaire des anciennes alluvions de l’Ouche avec le castor actuel, que ces deux espèces ne diffèrent pas sensiblement l’une de l’autre, et que le second dérive in- contestablement du premier (4) : ces deux espèces doivent donc être considérées comme identiques. Le castor fiber habite encore quelques parties de l’Europe ; on le rencontre en effet en Russie, sur quelques points de l’Allemagne du Nord et dans la vallée du Rhône, au-dessous d'Avignon. SCIURUS : Vulgaris Linné (Ecureuil). — Magdalénien et DONNE : de la grotte de Rochedane, Muston 87. dd : Marmota Schreb. (Marmotte). — Pleistocène à Urs. spe- laeus et CGerv. tarandus : grotte de Rochedane (c. n° 5), Muston 87. — Pleistocène à Cerv. tarandus : même grotte (c. n° 3, même auteur. — Glaciaire de la caverne à la (D). CouLor. Alluvions anciennes et Castor fossile de la vallée de Pouce Dijon, 190%. FE _ de M. Bouillerot ne doit-elle être acceptée qu'avec réserve. — 977 — Vieille, Abel Girardot 79. — Masdazilien : grotte de Chataii- lon, L'Epée 77, Tueffert 78, Muston 87; grotte de la Baline d'Epi, Piroutet 1903. | Primigenia Kaup. —- Espèce signalée dans le Pleistocène à Eleph. primigenius et Cervus tarandus de la caverne de Farincourt, Bouillerot 81. ÉLEPHAS : Antiquus Falcon. — Chelléen : fente de rocher à Bourgui- gnon-lez-Morez, Bouillerot 81. Af. antiquus. — Chelléen : dépôt argilo-sableux, à minerai de fer remanié, Gasser 1902. Intermedius Jourdan. — Pleistocène à Urs. spelaeus : orotte de Fouvent, Chantre 1901. Meridionalis Nesti. — Pleistocène à Urs. spelaeus : grotte de Fouvent, Bouillerot 81; grotte de la Balme d’Epi (c. n° 11), Béroud 86. M. Chantre, qui a étudié la faune de la caverne de Fouvent, n’y signale pas la présence de l’El. meridionalis à côté de L'ET. intermedius ; aussi lPassertion Primigenius Blumenbach (Mammouth). — Pleistocène : diluvium brun de Banviilars, Parisot 64 et 76 ; partie supé- rieure argileuse et sableuse des alluvions quaternaires du pays de Montbéliard: Banvillars, Bart, Béthoncourt, Conte- jean 64, Kilian 85 et 91; marnes et argiles du fond de la vallée de la Saône dans lesquelles est creusé le lit de cette rivière et terrasses d’alluvions sur ses bords, entre Port- sur-Saône et Mantoche, Bouillerot 81, Gasser 1902 . dragage de la Saône aux environs de Gray, Bertrand 80; alluvions anciennes du département du Jura, marnes lacustres et himon jaune à Eléphants : Lavigny, Voiteur, Domblans, Sa- lins, Mouchard, Cousance, Saint-Amour, Domsure, Coligny et d’autres localités encore, Ogérien 67 ; mêmes couches, Domblans et gare de Saint-Lothain, Bertrand 87 ; grottes de Rochedane (c. n° 5', Muston 87: de Farincourt, deuxième — 978 — grotte (c. n° 2), Bouillerot 81; de Fouvent, Bouillerot 81, Chantre 1901 ; de Chaux-lez-Port (c. n° 6), Poly 79 ; d’Eche- n0z, d'Arc, près Salins, d’Arlay, Chantre 1901 ; de la Roche (Baume-les-Messieurs), Abel Girardot 79: de la Balme d’Epi (c. n° 7), Béroud 86. Sp. indet. ? — Pleistocène : alluvions anciennes du dépar- tement du Jura, marnes lacustres et lirnon à Eléphant, Ogé- rien 65 et 67; grottes de Farincourt Bouillerot 81 (c. n° 2 des deux grottes) ; de Fouvent, Thirria 33, Muston 66, Bouil- lerot, 81; d’'Echenoz, Thirria 33 ; de Baume-les-Messieurs, Ogérien 65, Clos 65 et 67; de la Balme d’'Epi (c. n° 5), Bé- roud 86 ; vallée de Baume-les-Messieurs, station au bord de la rivière. M. Chantre (1901) fait observer que l’on rencontre dans la caverne de Fouvent, de nombreux débris de jeunes éléphants. Ces citations doivent être considérées comme se rapportant toutes, ou presque toutes à l’Eleph. primigenius. Bos : Le genre Bos se subdivise en plusieurs groupes, dont deux, les bisons et les bæœufs proprement dits, nous intéres- sent plus spécialement. BIs0 : Europeus auctorum (Aurochs). — Pleistocène à Eleph. primigenius et Urs. spelaeus: sables et argiles formant le fond de la vallée de la Saône et le lit de cette rivière, Gas- ser 1902 probablement alluvions anciennes du département du Jura, au Val d'Amour et au défilé de Saint-Joseph, près de Salins, Ogérien 67; — Pleistocène à Urs spelaeus: grottes ce Farincourt (c. n° 2 de la première grotte), Bouil- lerot 81; de Fouvent, Bouillerot 81 ; de Rochedane, Mus- ton 87. — Pleistocène à Cervus tarandus : tourbières du pays de Montbéliard, Contejean 64. — Magdalénien : grottes de Rochedane et de la Baume, Muston 87, — Masdazilien : grotte de Chataillon, L'Epée 77, Tueffert 78, Muston 87. — Di Néolithique: Camp de Chataillon et de Grammont, Tuef- fert 78, Muston 87. M. Piroutet a recueilli dans un tumulus, au bois de Sery (Bronze) près de Salins les cornes d’un bo- vidé qu'il ne désigne pas autrement, mais qui nous parait être un aurochs, d’après la description qu’il en donne (1), Bos: * Buffalus Pallas, synonyme de Biso europeus. Longifrons-0Owen. — Néolithique: grotte de Rochedane et Camp de Grammont, Muston 87, Primigenius Bojanus. — Pleistocène à Hyena crocuta: grotte de Frotey, Travelet 80. Pleistocène à Eleph primige- nius et Urs. spelaeus : marnces et argiles formant le fond de la vallée de la Saône, entre Rev et Vellexon, Bouillerot 8 ; grotte de Farincourt et fentes de rocher à Bourguignon- lez-Morey, même auteur, même publication; grotte de Ro- chedane, Muston 87. Pleistocène du département du Jura: Cousance, Saint-Lothain, Val d'Amour, vallée du Doubs dans le département du Jura, Ogérien 67. — Masdazilien : Grotte de Chataillon, Tueffert 78. — Néolithique : grotte de Roche- dane, Muston 87; Camp de Descendans, L’Epée 77 et 82, Muston 87, Piroutet 1903; station du Mont Vaudois, Tuef- fert 78, Muston 87; Roppe, dans un foyer néolithique ou plus récent, L’Epée 82. — Age du bronze: petite grotte de Chataillon, L’Epée 77, Muston 87. La station du Mont Vaudois est peut-être plus récente qu'il n'a été indiqué, * Priscus Bojanus synonyme de Biso europeus. Taurus Linné (Bœuf commun). — Pleistocène à Urs. spe- laeus : grottes de Gondenans-les-Moulins, Résal 64 et de Ro- chedane, Muston 87. — Masdazilien : grotte de Chataillon, Tueffert 78. — Néolithique probable ou peut-être plus ré- cent du camp de Grandchamp, Cavarroz 82. — Robenbau- sien : Camp de Descendans, L’'Epée 77, Mnston 87, Pirou- (1) Voir aux gisements de la station du bois de Serv. — 280 — tet 1903 ; grotte de Courchapon, nobis 84. — Age du bronze : petite grotte de Chataillon, L'Epée 77, Muston 87. * Urus Linné synonyme de Bos primigenius. — Pleisto cène à Urs. spelaeus : grotte de Fouvent, Bouillerot 81. — Magdalénien : grottes de la Baume et de Rochedane Mus- ton 87. | Sp. indet. Des débris très nombreux de bovidés ont été signalés, par tous les auteurs, dans les différentes stations de notre région, sans indications génériques ou spécifiques plus complètes ; c’est ainsi que nous trouvons la citation d’ossements de bœuf, recueillis dans les divers gisements suivants : — Pleistocène à. Urs. spelaeus : grottes de Man- cenans, de Rochedane, de Farincourt, de Fouvent, de Chaux- lez-Port, de Frotev, de Baume-les-Messieurs et de la Balme d'Epi; Pleistocène du département du Jura, terrain diluvien, marnes lacustres quaternaires et himon à Eléphant. — Mag- dalénien et Masdazilien: grottes de Rochedane et de la Baume, Muston 87. — Gisement d'âge plus récent: Roppe. abris du Giemont, Camp de Bourguignon-lez-Morey, grotte de Quincey, camp de la Roche d'Or, cimetière de l'arsenal de Besançon (Tène Il), camp de Grandchamp, tumulus de Cernans, station de Ney, et palafittes de Clairvaux. La plus grande confusion règne parmi les auteurs, an su- jet des espèces de bœufs qui y vécurent aux temps préhisto- riques, sur le sol de la Franche-Comté ; et les ouvrages des zoologistes et des paléontologistes, contribuent encore à augmenter cette confusion, par la diversité des noms qu'ils attribuent à une même espèce. Il nous semble cependant que, d'après les indications des uns et des autres, on peut con- clure ainsi que nous l’avons fait, en exposant la liste de ces animaux. | Ainsi que nous lavons dit ces bovidés se divisent en deux groupes, les Biso et les Bos; l’aurochs ou Biso europeus est le seul représentant du premier groupe, il se distingue faci- lement de tous les bœufs, par sa tête très courte pour sa — 981 — grosseur, par son front bombé, ses cornes courtes, grosses et légèrement recourbées, insérées plus bas que le sommet du front près des orbites, et par l'énorme développement des apophyses épineuses de ses vertèbres dorsales. Il a vécu chez nous pendant toute la durée du Paléolithique, probable- ment aussi pendant l’âge du bronze et peut-être même jus- qu'à une époque beaucoup plus récente : il habitait encore le Harz et la Saxe sous Charlemagne, et n’a disparu définiti- vement de l'Allemagne que vers 1750 ; il est aujourd’hui re- légué dans les forêts de Bialavicka, province de Grodno en Lithuanie, où 1l est en voie d’extinction. C’est encore actuel- lement le plus grand mammifére de l'Europe, bien qu’il soit de moindre taille que son ancêtre de l’âge de la pierre. Au genre Bos, appartiennent trois espèces, les B. primigenius, _B. taurus et B. longifrons. Le Bos primigenius est la souche de la plupart de nos bœufs domestiques (1), il se distingue facilement des autres par sa grande taille, et le grand déve- _Joppement de ses cornes ; ses débris se rencontrent chez nous, dans les stations les plus anciennes du Paléolithique, etse montrent à toutes les époques des temps préhistoriques, jusqu’au début des âges historiques pendant les premiers siècles desquels 1l paraît même avoir vécu, sur notre terri- toire, à l’état sauvage ; c’est aussi à cet état, qu’il se trouvait encore en Pologne jusqu'au xvr° siècle. Au moyen-âge, il était commun en Allemagne où il est désigné sous le nom d'Ur des Niebelungen. Le bos taurus dérive certainement du B. primigenius, il présente le type de nos bœufs actuels : ïl en est de même du B longifrons qui en est une simple va- riété. OVIS : Aries Linné (Mouton) — Masdazilien : grotte de Chataillon, L'Epée 77, Tueffert 78, Muston 87, — Néolithique : grottes << : (1; Picrer. Traité de paléontologie. ee de Rochedane, Muston 8,, et de Chaux-les-Port, Poly 79; camp de Descendans, L’Epée 77, Muston 87, Piroutet 1901 et 1903. —- Age du bronze : camp de Bourguignon-lez-Morey, Chapelain 79; station de Ney, Abel Girardot 79 et 88; sta- tion de la vallée de Baume-les-Messieurs près de la source, Clos 68; grotte de la Balme d’Epi (c. n° 1), Béroud 86. — Age de fer: tumulus d’[Ivory et du bois des Tuiles, Piroutet 1901. CAPRA : Hireus Linné (Chèvre) Masdazilien : grotte de Chataillon, L’Epée 77, Tueffert 78, Muston 87, Piroutet 1901 et 1903. — Néolithique : grottes de Rochedane, Muston 87; de Chaux- les-Port, Poly 79, de Courchapon, nobis 84; du Mont Vau- dois, Tueffert 78, Muston 87, de la Roche d'Or, Fournier 99 et de Granchamp, Cavarroz 82. — Age du bronze: camp de Bourguignon-lez-Morey, Bouillerot 8 ; station de Ney, Abel Girardot 79, Piroutet 1903. M. Résal signale la présence de débris de chèvre dans la grotte de Gondenans-les-Moulins, mais 1l est très probable qu'ils ont été apportés là par quel- que carnassier longtemps après la disparition de l'ours des cavernes. | à Ibex Linné (Bouquetin). — M. Parisot a recueilli, dans le diluvium brun de Banvillars (Pleistocène à Æleph. primi- genius), le crâne et les cornes d’un individu de cette espèce; c’est la seule trouvaille de ce genre qui ait été faite dans notre région, mais Ogérien assüre que le bouquetin vivait autrefois dans le Jura ; actuellement il ne se rencontre plus que sur les hautes sommités des Alpes. DAMA : *Giganteus, Blumenbach, synonyme de D. megaceros. Megaceros Owen (daim ou cerf à bois gigantesques). — Pleistocène à Urs. spelueus : grotte de Fouvent, Bouillerot 81. — Pleistocène du département du Jura, alluvions de la — 983 — plaine, Ogérien 67. — Néolithique: grotte de Cravanche, Tueffert 78; Mont Vaudois, Tueffert 78, Muston 87. Les auteurs qui signalent la présence d’un cervidé plus grand que le cerf actuel, dans les stations néolithiques indiquées plus haut ne disent pas positivement qu'il s’agit de D. me- gaceros, et on peut douter, jusqu’à preuve contraire, que cette espèce ait vécu chez nous à l’époque de la pierre polie. Vulgaris Brook (daim commun). — Pleistocène du dépar- tement du Jura, couche profonde des tourbières, Ogérien 65. — Robenhausien de la grotte de Courchapon, nobis 84. Le daim habitait autrefois les hautes régions du Jura, mais il les a quittées depuis longtemps déjà. CERVUS : _Alces Linné (Elan). — Pleistocène à Cervus tarandus : tourbières du pays de Montbéliard, Contejean 64. — Pleis tocène du département du Jura: Lavigny, Cousance, Bracon, Ogérien 67. Capreolus Linné (Chevreuil). — Pleistocène à Urs. spe- laeus: grottes de Sentheim, Muston 66; de Rochedane, Muston 87; de Fouvent, Bouillerot 81. — Pleistocène du département du Jura : Cousance et Saint-Lothain, Ogérien 65. — Magdalénien de Rochedane, Muston 87, — Masdazilien de Chataillon, L’Epée 77, Tueffert 78, Muston 87. — Néo- lithique : grottes de Cravanche, Tueffert 78 et de Sainte- Suzanne, L’Epée 85; camps de Grammont, Muston 87 et du Mont Vaudois, Tueffert 78, Muston 87; grotte de Cour- chapon, nobis 84. — Age du fer: camp du Chatelard, Gasser 1902. — Age incertain : couche superficielle de la grotte de Baume-les-Messieurs, Clos 65. | ? Capreolus fossilis Cuvier : signalé dans le Pleistocène du département du Jura, par Ogérien, est très probablement identique à C. capreolus indiqué plus haut. Elaphus Limné (Cerf). — Le Cervus elaphus se rencontre dans toutes les stations préhistoriques de notre pays; il a — été le contemporain de l’Urs spelaeus et de l'Eleph. pri- migenius (grottes de Mancenans, de Farincourt, Fouvent, Echenoz, etc...), puis du renne et de la marmotte. Il était très abondant partout à l’époque néolithique, mais il le devint moins par la suite, car à l’âge du bronze, sa fré- quence par rapport au bœuf qui jusqu'alors avait été de 8 pour 1, n’était plus à ce moment que de 1 pour 8 (L’Epée 77). On le retrouve encore dans toutes les stations de l’âge du fer, et depuis ce temps jusqu’à nos jours, il à continué à habiter les grandes forêts de la Franche-Comté, où il est actuellement fort rare, peut-être même en a-t-il disparu complètement aujourd’hui. ? Primigenius (Cuvier). — Pleistocène : Cousance, Ogé- rien 67. Tarandus Linné (Renne). — Pleistocène à Ursus spelueus : marnes et argiles formant le fond de la vallée de la Saône, entre Rey et Vellexon, Bouillerot 8l ; grottes de Rochedane (c. n°5) Muston 87, de Conde anse Mol ins, Chantre 1901 et de la Balme d’Epi {c. n°S 5 et 7) Béroud 86. Magdalénien : grottes de Rochedane (c. n° 3) et de la Baume, Muston 87 ; de Farincourt (deuxième grotte c. n° 2), Bouillerot 81: de Chaux-lez-Port c. n° 5), Poly 79, de la Vieille Grand’mère, à Mesnay, Piroutet 1903 et d’Arlay, Chantre 1901; couche profonde des tourbières au pays de Montbéliard, Contejean 6%. ANTILOPE : Fossilis indiqué par Ogérien, sans nom d’auteur, dans le quaternaire de Chambenoz, près de Salins. Sp. indet. Pleistocène : marnes argileuses lacustres du département du Jura, Ogérien 65. RUPICAPRA : - Europea Ham. Smith. (Chamois). —— Macdilériens Brote de Rochedane, Muston 87.- SUS : Domesticus Linné (Porc). — Néolithique: grottes de Roche- dane, Muston 87 et de la Baume, Tueffert 75, Muston 87, de Sainte Suzanne, Tueffert 78 ; de Chaux-lez-Port, Poly 79 et abris du Giémont, L’Epée 77; camp de Grammont, Mus- ton 87; Néolithique ou plus récent: camp de Chataillon, L'Epée 77 et de Grandchamp, Cavarroz 82 : palafittes de Clair- vaux, Lemire 70, — Age du bronze: plateau de Bourguignon- lez-Morey, Chapelain 79; station de Ney, Abel Girardot 79. Scrofa Linné (sanglier). — Pleistocène à Urs. spelueus grottes de Fouvent, Bouillerot 81; Rochedane, Muston 87; Echenoz, Thirria 33, Chantre 1901 ; Gondenans-les-Moulins, Résal 64; Arc, près Salins, Abel Girardot 79 et de Baume- les-Messieurs, Ogérien 65. — Magdalénien: grottes de Ro chedane et de la Baume, Muston 87, et de Chaux-lez-Port, Poly 79. — Masdazilien : grotte de Chataillon, L’Epée 77, Tueffert 78, Muston 87. — Pleistocène du département du Jura, couche profonde des tourbières et limon jaune à Ele- phant, Ogérien 65. — Glaciaire ou post-glaciaire : alluvions de la région d’Ornans, Kilian 94, — Néolithique: grottes de Cravanche, Parisot, 63 et 77; Sainte-Suzanne, l'Epée 85 ; Ro- chedane, Muston 87 et de Courchapon, nobis 84; camps de Mont Bart, Tueffert 78; de Grammont, près de Beaucourt, Tueffert 78, Muston 81; Mont Vaudois, Tueffert 78, Trave- let 80, L'Epée 82; Muston 87 et de la Roche d'Or, Four- nier 99 ; palafittes de Clairvaux, Lemire 70; tombelles des vaux d’Alaise et tumulus du Bois Néron, Piroutet 1901, —- Néolithique ou plus récent : camps de Chataillon, L’Epée 77, Muston 87 et de Grandchamp près Salins, Cavarroz 82. — Age du bronze: Camp de Bourguignon-lez-Morey, Bouille- rot 81 ; station de Ney, Abel Girardot 88 et de la vallée de Baume-les-Messieurs, au bord de la rivière, Clos 68 ; tumulus de Refranche;, Piroutet 1901 et sépultures sur le territoire de Cernans et de Clucy, Toubin 80. — Age du fer : camp du Chà- — 986 — telard, Gasser 1902 ; cimetière de Beaujeu, Chapelain 79 et de l’arsenal de Besancon, Piroutet 1903. ? Scrofa fossilis Mever, cité par Ogérien dans le Pleisto- cène du département du Jura, à Miège et dans la grotte d'Arc près de Salins. Cette espèce est probablement identique à S. scrofa. | Sp. indet. — Alluvions anciennes de la région de Ferette, couche supérieure, Kilian 85. — Robenhausien: camp de Descendans, L’Epée 77, Muston 87, Piroutet 1901. — Epoque actuelle : grottes de Rochedane et de la Balme d’'Epi, à la surface du sol. | RHINOCEROS : Tichorhinus Fisch. (Rhinocéros à narines cloisonnées). — Pleistocène à ÆEleph. primigenius: alluvions quaternaires caillouteuses du pays de Montbéliard, tranchée de Bethon- court, Contejean 64, Kilian 91; dépôt argilo-sableux très caillouteux formant le fond de la vallée de la Saône et le lit de cette rivière, et alluvions de la Saône, Bertrand 80, Gas- ser 1902; alluvions anciennes du département du Jura, marnes lacustres et limon à Eléphant, dans diverses localités, entre autres à Naples près Salins, Ogérien 65 ; fentes de ro- cher à Bourguignon -lez-Morey, Bouillerot 81 et près de la grotte de la Balme d'Epi Béroud 85; grottes de Fouvent, Thirria 33, Muston 66, Bouillerot 81, Chantre 1901, d’'Echenoz et d'Arc, près Salins, Chantre 1901 ; de Baume-les-Messieurs (&. 5), Clos 65 et 67, Abel Girardot 79, Bertrand 85. Sp. indet. — Parmi les ossements recueillis par M. Clos dans la grande grotte de Baume-les-Messieurs, M. Gervais a reconnu plusieurs espèces de rhinocéros, en outre de R. tichorhinus. EQUUS : Cabalus Linné (Cheval domestique). — Pleistocène à Urs. spelueus: grottes de Rochedane, Muston 87 ; de Fouvent, — 287 — Bouillerot 81 ; d'Echenoz,Chantre 1901 ; de Frotey,Travelet 80, Chantre 1901. — Magdalénien : grottes de Rochedane, Mus- ton 87 et d’Arlay, Chantre 1901. —- Robenhausien : grotte de Courchapon nobis 84. | Fossilis Cuvier. Il existait trois variétés de cette espèce, une de petite taille, une de moyenne, souche du cheval ac- tuel, et une de grande taille ; ces trois variétés vivaient sur le soi de notre province, à l’époque quaternaire, et leurs dé- bris ont été rencontrés dans plus de deux cents localités, en particulier dans le département du Jura, sur la ligne du vignoble, Ogérien 66. Eq. fossilis a été signalé aussi dans le pleistocène à Urs. spelaeus de la grotte de la Balme d’Epi, Béroud 86 et dans les assises néolithiques de la caverne de Rochedane, Muston 87. Sp. indet. — Pleistocène à Urs. spelaeus: argile sableuse très caillouteuse formant le fond de la vallée de la Saône, Gasser 1902; alluvions quaternaires du département du Jura, marnes lacustres et limon jaune à Eléphants, Ogérien, 65 ; grottes de Rochedane, Muston 87: de Farincourt, Bouille- rot 78 ; de Fouvent, Thirria 33, Muston 66, Bouillerot 81 : de Baume-les-Messieurs, Clos 67 et 68, Abel Girardot 79, — Magdalénien : grottes de Farincourt, Bouillerot 78 ; de Chaux- lez-Port (c. n° 4}, Poly 79; trou de la Vieille Grand’mère, près d’Arbois, Piroutet 1903. — Néolithique : grotte de Ro- chedane, Muston 87; camp de Descendans, L’Epée 77, Muston 87, Piroutet 1903 ; tumulus du Bois Néron, Pirou- tet 1901. — Néolithique ou plus récent : camp de Chatail- lon, L’Epée 77 et de Grandchamp, où est signalée une espèce de petite taille, Cavarroz 82. Age du bronze :camp de Bourguignon-lez-Morey, Chapelain 79, Bouillerot 81. M.Bouil- lerot indique, dans cette station, une espèce de petite taille ; station de Ney, deux variétés, Abel Girardot 79 ; tumulus de Refranche, Piroutet 1901 et 1903, sépultures sur le territoire de Clucy et aux environs de Cernans, Toubin 80, Pirou- tet 1901. Toutes les indications d’ossements de cheval trou- — 9288 — vés dans des gisements plus récents que le Néolithique doivent être rapportées à Æ. Caballus. OISEAUX Sturnus vulgaris Linné (Etourneau commun). — Masdazi- lien : grotte des Sarrasins (grotte de Sn À L’Epée 77, Tueffert 78, Muston 87. : Pyrrochorax alpinus Vieillot Choc des Alpes).-— Pleis- tocène à Cervus tarandus : grotte de la Balme d’'Epi {c. n° 4), Béroud 86. Le chocard vit actuellement sur le sommet des hautes montagnes des Alpes et des Pyrénées: Les auteurs signalent encore des débris d'oiseaux, en dif- férents endroits : des ossements de gallinacés dans la grotte de Fouvent, Bouillerot 81 ; les os d’un grand oiseau dans la grotte de Chataillon, au fond du puits, Tueffert 78; divers débris dans la grotte de Mancenans, Contejean 64; dans la couche n° 3 de la caverne de la Balme d’Epi, Béroud 86. M. Gasser a trouvé des os de plusieurs oiseaux de la taille du corbeau au camp du Chatelard, et nous avons fait nous- même de semblables trouvailles dans la grotte de Saint- Julien. | REPTILES ET POISSONS: Ogérien indique la présence de débris de crocodile, dans . les marnes argileuses lacustres du Jura; cet animal n’a jamais été cité ailleurs dans la faune préhistorique. Les restes de poissons sont extrêmement rares dans les. dépôts des âges préhistoriques de notre province. M. Gasser signale seul des ossements de poissons trouvés au Camp du Chatelard. 53 MOLLUSQUES SUCCINEA : Cf. elegans Rissot. — Anciennes alluvions du Doubs : Laye, nobis. | — 289 — Oblonga Draparnaud. — Pleistocène : Glère, Kilian 85. Cette espèce ne vit plus actuellement en Franche-Comté, au moins dans la partie montagneuse de la région (Kilian), mais elle se trouve encore dansle midide la France, dans l’Isère, dans les Vosges, jusqu'à mille mètres d'altitude {(Moquin- Tandon); M. Kilian signale sa présence dans le loess de la basse Alsace et dans le diluvium des environs de Paris. M. Locard (1) donne cette espèce comme assez commune partout. C. B. oblonga Draparnaud. — Anciennes alluvions du Doubs : Laye, nobis. VERTIGO : Muscorum Michaud. — Pleistocène: département du Jura, Ogérien 65. PuPA : Dolium Draparnaud. — Pleistocène : Glère, Kilian &5. _ Tridens Draparnaud. — Pleistocène : département du Jura, Ogérien 65. Sp. indet. — Alluvions anciennes du Doubs: Laye, nobis, CLAUSILIA : Bidens Draparnaud. — Pleistocène du département du Jura, Ogérien 65. ZUA : Obliqua Muller. — Pleistocène : Glère, Kilian 85. ACHATINA : Lubrica Menke. — Pleistocène: département du Jura, Ogérien 65. CYCLOSTOMA : Elegans Draparnaud. — Pleistocène : Glère, Kilian ; dé- partement du Jura, Ogérien 65. (1)-Locarp. Coquilles terrestres de la France. | 19 — 290 — FELIX : Arbustorum Linné. — Grotte de Saint-Julien, associée à des débris d’Ursus spelueus, nobis. Cobresiana Alten, ericetorum Muller, hispida Linné. — Pleistocène : Glère, Kilian 85. Nemoralis Linné..— Pleistocène : Glère, Kilian 85. — Tufs anciens de Consolation, nobis, Nitens Gmelin. — Pleistocène: Glère, Kilian 85. Nitida Muller, recueillie dans la caverne à la Vieille près de Chatelneuf, par M. Abel Girardot, dans une couche d’al- luvions glaciaires, toutefois, l’âge glaciaire de lHelix ne lui paraît pas certaine. Nitidula Draparnaud, obvuluta Muller. — Pleistocène : Gière, Kilian 85. | Plebeia Draparnaud. — Pleistocène du département du Jura, Ogérien 65. Rotundata Muller. — Pleistocène de Glère, Kilian 85. LIMAX : Maximus Linné. -- Pleistocène de Glère, Kilian 85. PLANORBIS : Carinatus Muller. -— Pleistocène du département du Jura, Ogérien 65, — Anciennes alluvions du Doubs, nobis. Corneus Linné, rotundatus Peiret. — Pleistocène du dépar- tement du Jura, Ogérien 65. PHYSA : Hypnorum Draparnaud. — Pleistocène du département du Jura, Ogérien 65. | LYMNEA : Minuta Lamarck. — Anciennes alluvions du Doubs: Laye, nobis. Palustris Draparnaud, — Pleistocène du département du SR — Jura, Ogérien 65. — Anciennes alluvions du Doubs. Lave, nobis. Stagnalis Lamarck. — Pleistocène du Jura, Ogérien 65. Truncatula Muller. — Pleistocène de Glère, Kilian 85. VALVATA : Piscinalis Muller. — Pleistocène du département du Jura, Ogérien 65. PALUDINA : Vivipara Studer. — Pleistocène du Jura, Ogérien 65. CYCLAS: Cornea Lamarck. — Pleistocène du Jura, Ogérien 65. ANODONTA : Anatina Linné. — Pleistocène du Jura, Ogérien 65. Sp. indet. M. Henri Michel indique Anodonta, dans une station de palañttes située sur l'emplacement de la gare actuelle de Rougemont. UN10 : Littoralis Cuvier. — Pleistocène du département du Jura, Ogérien 65. — Anciennes alluvions de la Saône à Pontailler, nobis. Pictorum Phillips. — Pleistocène du Jura, Ogérien 65. Sinatus Lamarck. — Pleistocène du Jura, Ogérien 65. — Robenhausien de la grotte de Courchapon, nobis. Ogérien (65) signale la présence de Paludina, Lymnea et Unio, dans la couche profonde des tourbières du départe- ment du Jura ; il indique aussi l’existence d’une véritable lumachelle, avec coquilles de Planorbis, Lymnea, Paludina et Unio, sous le château de Neublans, sur les bords du Doubs, dans les marnes lacustres quaternaires. M. Bouillerot cite des coquilles d'Unio et d'Helix, parmi les objets recueillis dans la grotte de Farincourt. — 292 — Considérations générales sur la faune préhistorique de la Franche-Comté Cette liste des animaux qui vécurent sur notre sol, pen- dant les temps préhistoriques, présente, en outre d’êtres disparus depuis longtemps de la surface du globe, un sin- gulier mélange d'espèces encore actuellement vivantes, mais dont quelques unes ne résident plus dans notre pays, tandis que d’autres, en grand nombre, font partie de sa faune actuelle. Parmi les premières, les unes habitent les régions chaudes de l’ancien monde, d’autres, les contrées boréales au voisinage du cercle polaire, d’autres encore le sommet des hautes montagnes. À côté du mammouth, du rhinocéros à narines cloisonnées et de l’ours des cavernes figurent en elfet, le lion et l’hyène tachetée, le renne, la marmotte, le chamois, le bouquetin, le sanglier, le blaireau, le loup, le che- vreuil et presque tous les animaux domestiques. Il semble, au premier abord, que tous ces êtres dont les débris se trouvent côte à côte dans les mêmes gisements, aient vécu à la même époque, comme on le croyait autrefois: cela cependant semble bien peu probable; le lion et l’hyène ne se trouvent plus aujourd’hui que dans des régions jouissant d’un climat plus doux que le nôtre, et, quand ils habitaient encore l'Europe, au début des temps historiques, c'était seulement dans la partie méridionale de ce continent qu’on les rencontrait. D'un autre côté, nous savons d’une façon absolument certaine qu’à l’époque chelléenne, les conditions climatériques de la France étaient différentes de celles d’au- jourd’hui: la température estivale ÿ était plus élevée, les hivers n’y étaient pas rigoureux, puisque l’arbre de Judée, le laurier des Canaries et le figuier sauvage croissaient sur les bords de la Seine, à l'endroit où s élève le village de La Celle; la température hivernale ne devait pas d’après — 995 — M. de Saporta, s'abaisser plus bas que 8° au-dessus de zéro (1). Nous savons aussi que le mammouth et le rhinocéros à narines cloisonnées. en raison de l’épaisse fourrure dont ils étaient revêtus, n'auraient pu vivre dans un milleu aussi chaud, pas plus d’ailleurs que le renne, la marmotte, le chamois et le bouquetin, hôtes actuels des régions froides. Pour toutes ces raisons, nous devons admettre qu'il y eut sur notre sol une succession de plusieurs faunes au cours des temps préhistoriques : tout d’abord, à l’époque chelléenne, les grands carnassiers, puis lorsque l’atmosphère devint froide et humide, le mammouth, le rhinocéros à narines cloi- sonnées et l’ours des cavernes que vinrent rejoindre, un peu plus tard, le renne et la marmotte. Les grands pachy- dermes disparurent ensuite, précédés probablement. par l’ours des cavernes qui semble s’être éteint avant eux; le renne et la marmotte restèrent alors seuls, mais le premier ne tarda pas à gagner le nord de l’Europe, où il réside encore; quant à la seconde, elle ne se retira que plus tard sur les hauts sommets, et peut-être vivait-elle encore chez nous, lorsque l’homme y introduisit les premiers animaux domestiques. La présence, dans les assises masdaziliennes de la grotte de Chataillon, de la chèvre et du mouton qui ne sont certamement pas originaires de notre contrée, lindiquerait, s’il était prouvé que le dépôt primitif n'eût Jamais été remanié ; en tout cas, 1l est bien certain que ces deux espèces ainsi que le chien se trouvaient dans notre région à l’époque néolithique, où ils avaient été amenés par des races humaines qui y apportèrent une civilisation déjà assez avancée. La coexistence, dans une même grotte, d’ossements d'ani- maux ayant vécu à des époques différentes, peut s'expliquer par l'habitation successive de la grotte par ces diverses (1) DE MoRTILLET. Le Préhistorique, troisième édition, 1900. — 994 — espèces, ou bien encore par le transport de leurs débris sur les points où on les rencontre aujourd’hui. Le ruissel- lement a pris plusieurs fois, au cours du pleistocène, une importance considérable ; tout d’abord à la fin du Chelléen, quand son climat commença à se refroidir avant la grande extension des glaciers, puis, au cours de la période gla- ciaire, lorsque l’été amenait la fonte de la portion terminale des glaciers, et surtout, lorsque la température s'élevait assez pour provoquer leur recul, phénomène qui s’est pro- duit à diverses reprises, enfin au moment de leur retrait définitif (1). Ce ruissellement a donné lieu à des cours d’eau temporaires qui ont pu entraîner, dans les cavernes, les os épars à la surface du sol; la grotte de Baume-les-Messieurs offre un exemple indiscutable de ee transport d’ossements. Pendant le Néolithique, l’âge du bronze et l’âge du fer, le chmat ne semble avoir subi aucune modification essen- tielle, car la faune est restée la même, et s’il y eut depuis lors disparition de plusieurs espèces, cette disparition est le fait de l’homme lui-même, plutôt que le résultat des con- ditions climatériques,; si, en effet l’aurochs, le castor, le lynx, l’ours brun et le cerf ont quitté successivement notre pays, ils l'ont fait sous l'influence de l’homme, car ils se sont retirés dans des régions qui n’en diffèrent pas sensiblement sous le rapport des températures estivales et hivernales. Il est à remarquer que bien des espèces de notre faune actuelle, ont persisté chez nous pendant toute la durée du Pleistocène, traversant ainsi, sans se modifier d’une manière bien sensible, tous les changements de climat qui se sont effectués au cours de cette période. C'est ainsi que le san- olier, le loup le chevreuilet d'autres qui peuplent'encure nos forêts sont les descendants directs de ceux qui vivaient au temps chelléen, en compagnie du lion et de l'hyène (1) I n’est question ici que de la dernière grande extension glaciaire, comme nous l'avons indiqué déjà au début de ce travail, LR ROQR at tachetée ; il paraît par suite assez peu probable que la vie animale ait été jamais interrompue dans notre pays par le fait d’une extension glaciaire qui l'aurait recouvert, pendant des siècles, d'un immense linceul de glace. La présence de l’homme sur le sol de notre province, le peu d’étendue dé sa partie circonscrite par les blocs erratiques, tendent à le prouver, comme aussi la situation, à une altitude consi- dérable, de certains gisements à UÜrsus spelaeus, comme celui de la grotte de Saint-Julien, à 840 mètres. L'existence, pendant tout le Moustérien, de gros animaux comme le mam- mouth, très nombreux alors, ainsi que l’attestent leurs débris montre clairement que de grandes forêts avaient persisté pour les nourrir ; de même aussi la présence du cerf, si abondant à tous les moments du préhistorique, in- dique formellement qu’il devait se trouver alors de vastes pâturages pour les faire subsister ; ceci n’est nullement en contradiction avec l'existence de glaciers venus des Alpes, i] est à peine besoin de le dire, ni avec l’existence de glaciers locaux; seulement les uns’et les autres ne recouvraient pas tout le territoire et laissaient encore en dehors d'eux une grande étendue de terrain pour les forêts et les pâturages. Nous résumons dans le tableau ci-contre les indications concernant les animaux dont l'existence, aux différents âges des temps préhistoriques, peut avoir une signification im- portante. Les lettres placées en tête des colonnes désignent en abréviation : Ch. le Chelléen; Ur. l’âge de l’Ürsus spelaeus ; Mg. le Magdalénien ; Ms, le Masdazilien ; Né. le Néolithique ; Br.lâäge du Bronze ; Fe: l'âge-du Fer; À. l’époque actuelle : GC. les temps contemporains. Dans les colonnes mêmes, un point d'interrogation indique que la présence de l’animal, vis-à-vis le nom duquel il est placé, est douteuse pour l’époque que représente la colonne où. il figure. Lutra . Meles. Putorius Mustella — 296 — Tableau abrégé de la Faune ee e « + © o e © © © © © © « ® © © 6 © + Ursus ne 00 + 9 © © + € 6 © 0 © & « e € 9 © © + + © © oe brevirostris......|..|—+ CAUSE a LEE ..|+ cpelaeds PR. +1? SD Lee + latidens est + CTOCU A ee | fois. ee - spelaeas,+... 0. e SD nee Es == ahHiquA re ee ..| + AU ANGES ENS AE AE Rene Pause A + NTeCLUS Can one SO ve RE —- IHartes 700 a PL MUISAPIS ue ALCLOSE Core Sao DIISCUS, Ne RE | + SpelaeuSs ne. .| + SD tee ce [+]. borealis 22400207. [+ famiMAriS Eure ste lupus de [+ VIDES. An en Spin or EUNOPÉA A cle ? CURICUUS. Le du tinidues. 2220000 => Variabilissc#t 226 “MS amphibius .…. 2... Poe APMAlIS nes D terrestris. -.. .: + SD mel DA fiber Be OMS + Ch. | ur. | Mg. [Ms le. Br. er + ne + CHI FFF + : le RE ee e + e e « e e | e ee e e e Fi + RS: FFF HET +++ HET HET +++ ue | ae Hs A FEFFFF+ HH++HT LITIGES RE . . - 1860 Revue scientifique du BAR BTRnÉS : et 0 centre De la Pere Moutnsi sf ue. . 2..." 489% Alpes (Hautes-). Société d'études des Hautes-Alpes; Gap - . . - - - - . 1884 Alpes-Maritimes. Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes : 5 AU —- 442 — Aube, Société académique de l'Aube; Troyes . . . . . . . .. Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. Belfort (Territoire de). Société belfortaine d'Emulation. . Bouches-du-Rhône. Bibliothèque des Facultés d'Aix . MTS are Académie des sciences, belles-lettres et arts de nelle: Société de statistique de Marseille Galvados. Académie derCaen serres te I SNS RO NIET One Charente. Société archéologique et historique de la Charente; ANSOUIÉMEN LA UNE EN PORT ONT see Gharente-Inférieure. Société des archives historiques de la Saintonge et de FRAUNIS- SANMLES Ur Te nee) Cher. Société des antiquaires du Centre ; Bourges. . . . Côte-d'Or. Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de Beaune ARRET R t es Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . Commission des antiquités du département de la Côte- d'OF:: Dijon MR re ne ce era a TN ae AE Revue bourguignonne de l’enseignement supérieur publiée par les professeurs de l’Université de Dijon . . . . . Société bourguignonne de géographie et d'histoire, Dijon. 1876 1877 1883 1876 4877 1856 1869 1891 1888 — 143 — Société des sciences historiques et naturelles de Semur . Deux-Sèvres. Société botanique des Deux-Sèvres; Niort . . . .,. . , Doubs. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- CO en end Din tire EI. Société d'histoire naturelle da Doubs ; Besançon. . . . Société de lecture de Besançon . Société de médecine de Besançon. . Société d’émulation de Montbéliard. Eure-et-Loir. SOCcIélé dunoise , Châteaudun.:.1.r. . Finistère. Sogiété académique:de Brest." 71. 1... Académierde Nîmes 2.0 LS us ; dE, Société d’études des sciences naturelles de eu Garonne (Haute). Société archéologique du Midi de la France; Toulouse. Gironde. Société archéologique de Bordeaux. . . Société Linnéenne de Bordeaux : . . . Société des sciences physiques et cles ie deaux. . Hérault. Société d'étude des sciences naturelles de Béziers . . Académie de Montpellier. PS EEE Société archéologique de Montméllièr : FLE SORTE 1880 1901 1844 1900 1865 1861 1851 1867 1875 1866 1883 1872 1878 1878 1867 1878 1869 ‘1869 — 444 - Isère, Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- ment de l’Isère ; Grenoble . s Société dauphinuice d’ethnologie et A'anthrogolba se Ge noble. Jura. Société d’Emulation du Jura; Lons-le-Saunier. “ue Revue viticole de Franche-Comté et de Bourgogne; Poligny. Loir-et-Cher. Société historique et archéologique du Vendomois; Ven- dome. eee" astee One Société des sciences et lettres Blois Loire. Société de La Diana, à Montbrison . . ; Ve Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et ou lettres du département de la Loire; Saint-Etienne. Loire-Inférieure. Société des sciences naturelles de l'Ouest de la France; Nantes. hate ge ent Re ne Rent 2 Loiret. Société archéologique et historique de l’Orléanais; Orléans Maine-et-Loire. Société industrielle et agricole d'Angers et du départe- ment de Maine-et-Loire; Angers . Manche. Société nationale académique ; Cherbourg Société des sciences naturelles de Cherbourg . Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- partement de la Marne; Châlons-sur-Marne. 1857 1898 1844 1895 1898 1906 1895 1866 1891 1851 1855 1890 1854 1856 — 145 — Marne (Haute-). Société historique et archéologique de Langres. ; Meurthe-et-Moselle. Société d'archéologie lorraine, à Nancy . Société des sciences de Nancy . Meuse. Société philomathique de Verdun. Morbihan. Société polymathique du Morbihan; Vannes. Nord. Société d’émulation de Roubaix. . . . L) Oise. Société historique de Compiègne. : Pyrénées (Basses-). Société des sciences, lettres et arts de Pau. Pyrénées Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales ; Perpignan. Rhône. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon . Annales de l’Université de Lyon, quai Claude-Bernard, 18. Société d'agriculture, Scientes et industrie ; quai Saint- Antoine, 30, Lyon . : DR ile cd Société littéraire, historique et A rchécibaiqle de Nr Saône-et-Loire. Société Eduenne ; Autun. AE Société d'histoire naturelle d’Autun . . ; US Société d'histoire et d'archéologie de Clones pe Saône. Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha- lon-sur-Saône . 1874 1886 1866 1851 1864 1895 187% 185€ — 446 — Académie des sciences, belles-lettres et arts de Mâcon Société d'histoire naturelle de Mâcon. Saône (Haute-). Société grayloise d'Emulation; Gray . . ; : Société d’agr., sciences et ar u de la Haute-Saône; rl Société d'encouragement à l’agriculture ; a : Sarthe. société d’agricult., sciences et arts de Ia Sarthe ; LeMans. Société historique et archéologique du Maine ; Le Mans . Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . de ue Société savoisienne d histoire et d'archéologie; Chambon Société d'histoire naturelle AChamMmbÉE 0. Savoie (Haute-). Societé Florimontaner Annee Re Seine, Association pour l’encouragement des études grecques en France: rue de l'Abbaye 12 Paris 0. Institut de France ; Paris. : : Musée Guimet ; avenue du or 30, FT Polybiblion; rue Saint-Simon, 4 et 5, Paris . . 11 Revue épigraphique, librairie E. Leroux, rue Bona- parte 28, Paris? : Société des antiquaires de ne Dee , Société d'anthropologie, rue de l de de Médecins Le Société de botanique de France ; rue de Grenelle, 24. Société d'histoire de Paris et de l’Ile de France . Société philomathique, à la Sorbonne . Société française de physique, rue de Rennes, LA. Société de Saint-Jean, rue d’Ulm, 27 . Société de secours des amis des sciences. . . Société de spéléologie, rue de Lille, 34. 46% Sogiété zoologique de France rue Serpente, 28 Lu. 1902 1896 1898 1861 1881 1869 1879 1869 1898 1895 1871 — AT — Seine-Inférieure. Société havraise d’études diverses; le Havre JE, Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen . Commission départementale des antiquités de la Seine- Inférieure Rouen … . .. : Pa A es Société libre d'Emulation de É detre Tntébeuré Rougn Seine-et-Oise. Société des sciences morales, belles-lettres et arts, Ver- sailles. . . : ; - : PE AE Société des sciences Ébmellss et édesés re Sue et- OISE ANOESAINES. En en, somme Société d’Emulation d’Abbeville. : Société des antiquaires de Picardie ; ATRIENS, | Vienne. Société des antiquaires de l'Ouest; Poitiers . Vienne (Haute-). Société archéolog. et historique du Limousin; Limoges. Vosges. Société d’'Emulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne; Saint-Dié. . . . . . . Yonne. Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne; Auxerre . ALGÉRIE. Société historique algérienne ; Alger . . ALLEMAGNE. Académie impériale et royale des sciences (kais. kœnigl. Akad. der Wissenschaften) ; Berlin Société botanique de la province de’ Se (Botan. Verein der Provinz Brandenburg) ; Berlin. 1891 1879 1869 1880 1896 1861 189% 1869 1867 1852 — 48 — Société des sciences naturellés (Naturwissenschaftlicher : Verein); Bréemen …. SR MES En Société des sciences A CS de ro en Brisgau (Bade) . : : Société des & sciences aturelles et di - de la Ho Hesse (Oberhessische Gesellschaft für Natur und Heil- kunde) ; Giessen (Hesse). : tee Société philosophique et littéraire (à la bibliothèque de l'Université) ; Heidelberg (Bade) . Société royale physico-économique kœnigliche DS lisch-ækonomische Gesellschaft); Kœnigsberg (Prusse). Académie royale des sciences (kœænigl. baier. Akademie: der Wissenschaften) ; Munich (Bavière) . Bibliothèque de l’Université de Tubingen (Wurtemberg) ALSACE-LORRAINE Société d’ histoire euros de COIMAT 1 EEE Société d'histoire naturelle de Metz. Société des.sciences, agriculture et arts de IE Feseen .. A880 Alsace ; Strasbourg . ANGLETERRE. Société littéraire et philosophique (Litterary and philoso- phical Society) ; Manchester . . Rte de Lo Bibliothèque de British Museum (Natural History) pour revue Ornis, bulletin du Comité ornithologique inter- national londres 240 An. AUTRICHE. Institut impérial ét royal de géologie de l’empire d’Au- triche (Kaiserlich-kœniglich-geologische Reichsanstalt) ; vien . - i : ï Muséum impérial @b trôyal d Histoire haturellé de ae BELGIQUE. Académie royale nor. rue du Transvaal, 53; Anvers . FUN ANS RS ae Académie royale LE doute Salles de Société d'archéologie ; rue Ravenstein, 11, DroscIes 1001 1866 1892 1853 1898 1861 1865 1860 1895 1859 1900 1855 1839 1885 1868 1891 — 449 — Société des Bollandistes ; boulevard militaire, 775, Bruxel- TES AE RME AN DIE AE PR Société géologique de Belgique; Liège . ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . LUXEMBOURG. Société des sciences naturelles du grand duché de Luxem- bourg ; Luxembourg . NORVÈGE. Université royale de Christiania . . PORTUGAL. | Commission des travaux géologiques du Portugal ; rua Ho Æreo a Jesu,; 119, Lisbonne : : 2, . . SUÈDE Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . Konegel. Vetterhets historie och antiquitets Akademian, Stockholm. CE The Geological Det on of he Divers of Do ; SUISSE. Société des sciences naturelles ; Bâle. ‘Société des sciences naturelles : Berne. DANES Le Société générale d'histoire suisse (à la Bibl. de la Ville de Berñe), Institut national de Genève: SAS Société d'histoire et d'archéologie ; ie Société vaudoise des sciences a: $ ee ; Société d'histoire de la Suisse romande; Lausanne . Société neuchateloise des sciences naturelles; Neuchatel. Société neuchateloise de géographie : Neuchatel. Société jurassienne d'Emulation ; Porrentruy . Société des sciences naturelles ; Zurich . SEE Société des antiquaires (à la Bibl. de la Ville); Zurich. . 29 1888 1876 1879 1884 1854 1877 1885 1869 1898 1895 1872 1855 1880 1866 1863 1847 1878 1862 1891 1861 1857 1864 — 450 — Musée national suisse (Anzeiger fur schweizerische Alter- tumskunde); Neue Folge 1/Zuriehe re 1800 AMÉRIQUE DU NORD. Natural History Society ; Boston (Massachussetts). . . . 1865 Hoyd bras #Ciicinnat (Ohio) MR Re CNT Geolog. and Natural History Survey; Madison (Wisconsin). 1901 Natural History Society; Milwaukee (Wisconsin) . . - . 1901 Geographical Society of Philadelphia (Pennsylvania) . . 1896 Academy of SC LOUIS ((MISSOUE) PO CE CR SONT Botanical Garden ; Saint-Louis (MiSsSOULD) NS ATSOÛ Smithsonian, Institution ofAWasmimelon "10%, "1809 United States Geological Survey; Washington. .… . : . . 1883 AMÉRIQUE DU SUD. Musée national: Montevideo live. 20 Re Ein dO0 — A51 — ÉTABLISSEMENTS PUBLICS (36) Recevant les Mémoires. Bibliothèque de la Ville de Besançon. Id. populaire de Besançon. Id. de l’Université de Besançon. Id. de l'Ecole de médecine de Besançon. al du Chapitre métropolitain de Besançon. Id. du Séminaire de Besançon. Id. de l'Ecole normale d’instituteurs de Besançon. Id. de l'Ecole normale d’institutrices de Besançon. if du Lycée de jeunes filles de Besançon. Ed. de l’École d'artillerie de Besançon. Id. du Cercle militaire de Besançon. Id. de la ville de Montbéliard. Id. de la ville de Pontarlier. Id. de la ville de Baume-les-Dames. Id. de la ville de Vesoul. Id. de la ville de Gray. IE de la ville de Lure. Ed. de la ville de Luxeuil. Id: de la ville de Lons-le-Saunier. Id. de la ville de Dole. Id. de la ville de Poligny. Id. : de la ville de Salins. Id. de la ville d’Arbois. Id. de la ville de Saint-Claude. Id. de la ville d'Angers. Id. de la ville de Strasbourg. Id. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. Id. Mazarine, à Paris. Id. de la Sorbonne, à Paris. Id. de l'Ecole d'application de l'artillerie et du génie à Fontainebleau. — À52 — Bibliothèque du Musée ethnographique du Trocadéro, à Paris. Id. du British Museum, à Londres. (Librairie Dulau et Cie, Soho Square, 37.) Archives départementales de la Côte-d'Or; Dijon. Id. du Doubs; Besançon. Id. de la Haute-Saône ; Vesoul. ld. du Jura; Lons-le-Saunier. TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME PROCÈS-VERBAUX. Allocution de MM. PaRIZOT et MAGNiN, présidents sortant et SNL RNA ARE TERRES , D D tee sus DEV Etude sur quelques He nee du Musée de Besancon: par M°1e D'EIMON::.:.-: en D en ele due ei à p' VI Des particularités de la flore jurassienne, par M. le D" Pi p. VII La paléontostatique jurassique de la Franche-Comté septen- brionale; par M. 16-D''GIRARBOT:.....:....4: 2, 7, ., p. VIII Nécessité de notre intervention au Maroc, par M. A. LECLERC. p. IX Compte rendu d'un livre de M. Febvre sur les Régions de la France, la Franche-Comté, par M. le Dr LEDOUX........ p. XI L’impôt progressif en France, d’après M. J. Dufay, par MM STAURIET. 20 ou mob dt à dt das eee p. XI Les premières recherches de géologie en Franche-Comté, par MMS GA RARDOT RU ee sn ele ee p. XII La mort de J.-J. Rousseau, d’après un ane sent de l’archi- lécte Paris, par M. Georges. GAZIER:: 807,400 see pe xIII Compte rendu du livre de M. Marquiset : La phrase et le mot de Waterloo, par M. le Dr BAUDIN...........,., ee CD XI Les travaux de botanique de Baïly, par M. le D' MAGNIN.... p. XIV Le poëte Edouard- Grenier, par M. Ch. BAILLE .....,.,,,... Da XIV Gravures de Moreau le jeune relatives à la mort de J.-J. Rous- Seau: présentéesi par M PARIZOT: 4 een tuin DEX VI La fin du Premier Empire à BE on et dans le He de du Doubs, par M L:PINGAUD. AT ls et tebe ane p.-XVII Notes sur Cirod Chantrans, par M. le Dr MAGNIN ARR Aa p. XVII Conquête par la France en 1797 de l’abbaye suisse de Bellelay, DA EM PARA D BEM ETITEANS RO EN LR ne ee à à ose eee» D: XVEIT Notrce-Sur-Me Parizot, par MA: VAISSIER:. 1.4 .,.....4., P. XIX Une pirogue gauloise ou préhistorique, découverte à Buthiers, Dar MA IVAISSTER . 54e eee A OU a ep nee ee D PUR Notice sur Henri Bouchot, par M. Georges GAZIER....,.... Dix La faune préhistorique de la Franche-Comté, par M. le D' Gr- DR ARDOT ne ARR 2 OA les nt EC RDA use p. XXI — À54 — Fouilles préhistoriques dans le lac de Clairvaux (Jura), par M EST LEBRUN Re ANR Sr Ne ee AS SR p. XXI Budoer-pour l'année 1907 ER RP EE ADEME Electon-dubureaupourlannéentO0TE ee Rte P. XXI Séance publique du 20 décembre 1906 ..... ............... p. XXII Notice sur M. Adolphe Parizot, par M. À. VAISSIER ..,,.... p. XXIV MÉMOIRES. La Société d'Emulation du Doubs en 1906 : dis- cours d'ouverture de la séance publique du jeudi 20 décembre 1906, par M. le docteur Ant. MAGNIN, président annuel rec onte erte + De la condilion de la Femme musulmane, par MOPÉECÉRRES 70e MARNE Re La phrase et Le not de Waterloo, d’après MM. Al- fred Marquiset et Henri Houssaye, par M. le docteur BAUDIN Sauce macros Henri Bouchot, membre de l'Institut, conservateur des Estampes à la Bibliothèque nationale, par M. Georges GAZIER (L portrait)... +...” : Notice sur F.-J. Bailly, botaniste, par M. le docteur ATAUNLAGNIN. 2 et. eee ee CN Conquête par la France, en 1797, de l'Abbaye suisse de Bellelay, faisant partie du Diocèse de Be- SHNCOn; par M. Abbé PETIJEAN"E UC La Mort de J.-J. Rousseau [Récit fait par Thérèse Levasseur|, par M. Georges CAZIER,. ".. 5. Paléontostatique jurassique de la Franche-Comté septentrionale, par M. le docteur GIRARDOT.. La Pi oque gauloise ou préhistorique de Buthiers (Haute-Saône), par M. A. VAISSIER (1 planche). s Du rôle des Naturalistes dans La fondation et le développement de lu Société d'Emulation du Doubs, par M. le docteur Ant. MAGNIN....... ne 14 30 42 89 113 171 141 146 . 151 — lon La Franche-Comté, par M. Lucien Febvre [Compte iendu) par M Ie docteur FEPOUX.- 71... Notes sur le Musée de Besançon, d'après un érudit viennois, par M. le docteur LIMON. ... . ..... Habitations lacustres du Lac de Clairvaux (Jura), pan Me Eouis LEBRUN (planche)... ...:1.12.1.x L'Impôt progressif en France, par M. Jules Dufar [Compte rendu|, par M. M. THORIET ........... Matériaux pour l'histoire des premières recherches de Géologie en Franche-Comté, par M. le doc- COCA A RDOM ES NA Tnt En has dt De la nécessité de notre intervention au Maroc, par MX. LecLERC (6 planches)... ARTS SE La Faune préhistorique de la Franche-Comté, par MATE docteur GIRARDOT, +, ..: 10,4, no out J.-B. Flavigny, évêque constitutionnel de la Haute- . Saône ; sa correspondance avec Grégoire et Dom Grappin (1795-1302), par M. Georges GAZIER.. . Jules Gauthier, archiviste de la Côte-d'Or, ancien archviste du Doubs, par M. Georges GAZIER DORTAL) ES nie on eue. dr ee Dons faits à la Société en 1906-1907....,,.,,,.,. GE EU Envois des Sociétés correspondantes. ..,.,,..., RATE RE Mémhiestde 1 Societé au 1e" décembre 1907: .2....0.... Nembrestde la Société décédés en 1906-1907... ..4,.%,...-... SOGICIESICOTBe DOndanes Ne Re En nali en Etablissements publics recevant les Mémoires, ..,,..,.,.,.... MOV VA VA A Va VA A a a a a a a a a as 2 ee BESANÇON. — TYP. ET LITH. DODIVERS, p. D: P. P. P. = 391 413 . SR + Or & À D 19 ©O I © > + pe pr Ve Doubs, à Besancon, est reconnue comme établissement. d'utilité ment, de coopérer à la formation des collections publiques et d’é- Extraits des statuts et du règlement de la Société ou du Doubs, fondée à à Besaneon le 4° juillet 1840. = Décret impérial du 22 avril 1863 : « La Société dEnulation du publique... » : Art. 1er des statuts : « Son but est de concourir activement aux progrès des sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe- diter les travaux utiles de ses membres. » Elle encourage principalement les études relatives à la doi Comté. » | | Art. 18 des slaluis : « La Société pourvoit à ses. dépenses au MOYEN : | » Lo D'une cotisation annuelle payable par chacun de ses membres résidants et par chacun de ses membres correspondants ; elle est exigible dès l’année même de leur admission. a » 20 De la somme de deux francs payable par les membres rési-_ dants et correspondants au moment de la remise du diplôme. … » Art. 11 du règlement : « La cotisation annuelle est fixée à. dix. francs pour lés membres résidants et à six francs Bone les mem bres correspondants. ». Fe Art. 23 des staluls : « Les sociétaires on la latitude de se libérer de leur cotisation annuelle en versant un capital dans la caisse de | - la Sociéte. » La somme exigée est de cent francs pour les némies rési- dants et de soixante francs pour les correspondants... » Art. 15 des statuts : &« Tout membre qui aura cessé de payer sa. cotisation pendant plus d’ane année, pourra être considéré comme démissionnaire par le conseil d'administration. »- P Art. 6 du règlement : « Les séances ordinaires se tiennent le se cond samedi de chaque mois... ». à Art. 9 du règlement : « La Société publie, chaque année, Fe un. | bulletin de ses travaux, sous le titre de Mémoires... » uv | Art. 13 du règlement : « Le bulletin est remis gratuitement : | » .….. À chacun des membres honoraires, résidants et corres-. oder de la Société... » F a Adresse du Trésorier de la Soc M. le so de la Société d'Emulation du Doubs, Palais Granxelle, à Besançon. A Patate Ge ete éteee DR ENS Say PT ENTE een SS ns As DIT ARS rs à PEN Se EE SE "Poe _ Série tes rires Rires, NS opane A RATS Eau D ASCER RE NS Den Née een Nevers ee MIT Sté - ne TA AUS autres Eu Tres LARL LT pi D our NE Sao a nn, NY ALTER À Vus DNS è St sr ; DRE TS S er Ne TL LS SNS RAA ETS T Se e Eyes ANSE eu qe PEN Re N n SENS Se Ne & RSR ES * s: ses Ve RE Gt TV DS vS NAT UT LASAUTSS vtr Teese tes ALLER See F mur as NE rage x ANT ones = Ve Vs AUOT ae rene ns TT LE PT in ue PrON ne ohne SRE PRG nm y eee er LR ge a NT NE COTES ee digg, Re. ue Ré DÉS CS f” PT Er Le RE ts A EN Vdbre ydére é D 7 es à TE, eu LT VOS mr de + SU De, ne EVEMENT 5. rfRN Qi SU re Née NOR PRES : he RE von pe a re Te TE ay VERRE Es tin à Mug ge LS D ES Obs MALTE PRES LS TR ù LT ne. ne à 1: NS ge, My er à g an Te gg st mn AE ET 70 ne tr à es Ro ne Ses Ÿ hèdes T7 NA ES Ke ee : L COS ECS Mana: re . nena o ge DA TANT - + Vapists ù > ‘ se. x he e È rx # % ne Fakyg — MIT Z LA & >" mue M éste. 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