à Ts voue STATE LP: 2e el rs pt RAT he MÉMOIRES DE LA SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DO DOUBS HUITIÈME SÉRIE QUATRIÈME VOLUME BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET Gi Grande-Rue, 87 1910 (4 ah parrrés hou aih-emreur MEMOIRES SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU POUPBS ge — MÉMOIRES SOCIÈTÉ D'ÉMULATION D'É D'OU-R:S HUITIÈME SÉRIE QUATRIÈME VOLUME 1909 KW — LE? SZ Va LUS) N KS BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET Ci Grande-Rue, 87 1910 MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DER OEUrES 1909 PROCES-VERBAUX DES SÉANCES ——— Re —— Séance du 23 janvier 1909. PRÉSIDENCE DE MM. E. ROUGET ET Dr BOURDIN. Sont présents : BUREAU : MM. Rouget, président sortant ; D' Bourdin, prési- dent élu pour 1909 ; chanoine Rossignot, vice-président ; Georges (razier, secrétaire décennal; Alfred Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier ; René Bouton, archiviste. MEMBRES-: MM. Cellard, Léon Druhen, D' Maxime Druhen, Kirchner, D' Em. Ledoux, D' Nargaud, M. Thuriet, Vicomte de Truchi. M. Rouget prononce l’allocution suivante : | « MESSIEURS, « La Société d’'Emulation du Doubs est cruellement éprouvée depuis quelque temps. Dans notre séance publique annuelle du 17 décembre dernier, j'ai eu à rendre hommage à la mémoire de cinq de ses membres résidants, de quatre de ses membres correspondants et de l’un de ses membres honoraires. Deux À jours plus tard, notre très distingué confrère, M. Charles San- doz, mourait à Besançon, après une longue et douloureuse maladie. Il ne m’appartient pas de vous retracer en détail la carrière si honorable parcourue par ce bon citoyen; encore moins d'étudier, avec tout le soin qu’elle mérite, son œuvre artistique et littéraire. Je n’ai ni le temps ni la compétence nécessaires pour m'acquitter convenablement d’une semblable tâche. Notre nouveau président, M. le docteur Bourdin, dont vous connaissez tous le remarquable talent de critique et d’écri- vain, a bien voulu se charger de ce soin. Aussi me bornerai-je à vous rappeler que M. Sandoz faisait partie de notre compa- onie depuis 1880, que rien de ce qui pouvait contribuer à la prospérité et au bon renom de notre ville ne le laissait indiffé- rent, et à vous indiquer rapidement les principales fonctions qu'il a occupées. « Soldat courageux et dévoué, il prit, comme sous-lieutenant de la garde mobile, une part active à la défense de notre chère province en 1870. La guerre terminée, il contribua de toutes ses forces, en qualité d’officier de réserve, d’abord à la réor- ganisation de l’armée française, puis à lPinstruction militaire des hommes du régiment territorial auquel il était attaché. La croix de chevalier de la Légion d'honneur, à lui décernée en 1897, vint légitimement récompenser ses beaux services. «Nombreuses furent les charges imposées à M. Sandoz par la confiance de ses concitoyens ou par les divers représentants du gouvernement. Conseiller municipal de 1881 à 1507, il exerça les fonctions d’adjoint au maire de Besançon pendant quatre ans. La Chambre de Commerce, les Bains salins, le Syndicat de la Fabrique d’horlogerie, plusieurs établissements d’assis- tance ou d'instruction, beaucoup de sociétés philanthropiques, se félicitaient de le compter parmi les membres de leurs con- seils. Je ne saurais oublier de dire qu'il appartint à la Com- mission d'administration de l'Ecole normale d’instituteurs depuis 1896 jusqu’à sa mort, et que là, comme ailleurs, on ne fit jamais en vain appel à son obligeance cordiale et à son dévoue- ment complet au bien public. « Quoique très absorbé par ses occupations commerciales et administratives, M. Sandoz trouvait encore le temps de parti- — VII — ciper à la vie intellectuelle de notre pays. Il publia, en 1890, une intéressante conférence sur l’histoire de la fondation de la Fabrique d’horlogerie à Besançon en 1793. De son premier pas- sage au régiment, il avait conservé des souvenirs très vivants dont il consigna une grande partie dans un original petit volume où se traduit son souci de la vérité historique, et inti- tulé : Opérations militaires dans les montagnes du Haut-Doubs pendant la campagne de 1870 1871. Enfin, en 1904, il mit au jour le plus important de ses travaux : les Horloges et les Maîtres horlogeurs à Besançon du XVe siècle à la Révolution française, ouvrage très documenté, fruit de longues et laborieuses recherches, d’une lecture fort agréable, et plein de rensei- gnements précieux qu'il serait presque impossible de trou- ver ailleurs. « Je suis certain d’être votre interprète à tous en exprimant les regrets que nous cause la disparition de ce patriote éclairé, de ce bisontin aimable, passionnément attaché à sa ville natale, et en envoyant à sa veuve et à ses fils hommage ému de nos condoléances les plus sympathiques. -« Messieurs, de cette place que j'ai si mal occupée et que je suis heureux de céder à un plus digne, s’il est pour moi une dernière parole à vous adresser, que ce soit une parole de gra- titude pour vous remercier de l’honneur que vous m'avez fait et de la bienveillance que vous m'avez montrée jusqu’au terme de mes fonctions. Cest particulièrement à mes collègues du bureau si assidus et si dévoués, que je suis redevable. Ils ont pris pour eux tout le labeur, et ne m'ont laissé que l’honneur facile d’une présidence tout amicale. Vos réunions mensuelles, les discussions qui ont animé certaines d’entre elles, ont été si courtoises que je n'ai eu qu'à les suivre et à recevoir vos décisions. Vous avez montré, par vos consciencieuses commu- nications que le goût des choses de l'esprit, des études histo- riques et scientifiques reste toujours vivace dans notre cité et dans notre province. Dirigée par un savant aussi qualifié que mon éminent successeur, votre société contribuera efficace- ment, j'en suis convaincu, à assurer, en ce qui la concerne, l’avenir, c’est-à-dire le progrès intellectuel et moral de nos compatriotes. | En NT « J’invite M. le docteur Bourdin, qui tant de fois déjà a su nous charmer par d’attrayantes lectures où se manifestait un véri- table tact du vrai, à vouloir bien prendre la place que vos suf- frages lui ont justement attribuée, et à laquelle tant de titres lui donnaient droit, et à présider notre séance. » En prenant possession du fauteuil de la présidence, M. le doc- teur Bourdin prononce l’ailocution suivante : « MESSIEURS, « Je viens vous apporter mes vifs remerciements, pour l'hon- neur insigne que vous avez bien voulu me faire, en m'appelant à la présidence de la Société d'Emulation en 1909. «Je vous en exprime bien sincèrement ma profonde recon- naissance et ma vive gratitude, persuadé que je suis que c’est à Ja bonne amitié et aux sympathies nombreuses que j’ai toujours rencontrées parmi vous, que je suis redevable d’une aussi flat- teuse distinction. « Mais croyez bien d’autre part que je n’ai pu m'en croire digne, qu'avec la certitude que vous me soutiendrez de votre bienveillant appui et de vos judicieux conseils, car, tout en vous assurantde ma meilleure bonne volonté et de mon entier dévoue- ment à la cause de l’'Emulation, il m'est impossible de me dissi- muler les difficultés de la tâche que j'ai assumée. « Aussi, dès le début de mes fonctions présidentielles, je viens sans détour faire appel au concours de chacun, pour me per- mettre de mener à bien l’œuvre que vous m’avez confiée. Je m'adresse tout particulièrement aux membres du bureau, mes ainés dans la carrière, qui m'ont rendu leur succession si diffi- cile par l’éclat qu’ils ont projeté sur notre société, et j’escompte d'avance l’amabilité de notre érudit secrétaire décennal, M. Gazier, l’émule et le digne successeur des Castan et des Gauthier, qui longtemps encore restera la cheville ouvrière de notre association. « Je vous remercie dès aujourd’hui, Messieurs, de laide pré- cieuse que vous voudrez bien m'apporter dans l'exercice d’une charge que je n’aurais eu garde de solliciter et à laquelle bien peu de titres m’autorisaient à prétendre. « Je suis heureux, pour la première fois que je prends officiel- lement la parole en votre nom, d’avoir à prier notre président sortant, M. Rouget, d’agréer nos sincères remerciements pour le dévouement et le zèle qu’il a apportés dans Pexercice de ses fonctions. Nous lui exprimons notre bien vive reconnaissance d'avoir pu, malgré ses nombreuses occupations et ses travaux les plus divers, nous consacrer de longues heures à venir orga- niser et présider nos séances mensuelles. Je suis certain d’être le fidèle interprète de vos sentiments en émettant le vœu qu'après avoir quitté son fauteuil présidentiel il ne nous aban- donne pas pour autant et qu'il veuille bien nous continuer sa précieuse collaboration. « Je salue M. le chanoine Rossignot, qu'un vote unanirae x appelé à la vice-présidence de notre société et qui, avec ses qua- lités de savant et d’érudit, nous apportera le fruit de son expé- rience personnelle et le charme de son commerce journalier. « Au point de vue de l'avenir de la Société d'Emulation et de sa marche régulière laissez-moi, Messieurs, vous renouveler un vœu qu'ont émis bien souvent mes prédécesseurs, celui de faire une propagande active autour de vous pour recruter des adhérents et combler ainsi les vides inévitables qui se produi- sent chaque année dans nos rangs. Il faut que nous sachions attirer à nous tous ceux qui veulent participer à l’œuvre que nous poursuivons : l’étude approfondie et la connaissance exacte de notre chère Comté dans les travaux archéologiques, scien- tifiques et littéraires dont s’honore son passé. » Cet appel a déjà été entendu. Vous avez pu voir l’année der- nière quelques-uns de nos jeunes sociétaires se mettre brave- ment à la tête d’un mouvement en faveur d’Alesia, qui, s’il ne répond pas absolument aux travaux de Delacroix de Quicherat et de Castan, n’en éclairera pas moins d’un jour nouveau la vie intime et encore inconnue pour nous de nos ancêtres sur le plateau d’Alaise. » Espérons aussi que l’année 1909, où pour la première fois sera attribuée la pension due à la générosité princière des frères Grenier, verra éclore pour notre société une énergie et une vitalité nouvelles. C’est à ces nouveaux Mécènes que nous en serons redevables et nous saluons encore une fois leur mémoire, —. X — en raison de l’encouragement que leurs largesses posthumes vont donner à nos jeunes compatriotes et de l’amour sacré qu’elles réveilleront en eux, de leur vieux sol natal, de ses cou- tumes, de ses légendes, de sa langue et de son génie. » Cest dans cet espoir que je me présente à vous, en souhai- tant de tout cœur que la Société d’'Emulation continue sa marche en avant et garde précieusement le rang élevé où nos prédé- cesseurs l’ont placée. Pour moi, je ne puis en ce qui me con- cerne, que vous assurer encore une fois de toute ma bonne volonté, confus que je suis, mais assurément très fier, de l’hon- neur insigne que vous m'avez fait, en m’appelant à vous prési- der, dans le cours de l’année qui vient de s’ouvrir. » Le secrétaire donne lecture d’une communication de M. E. Lon- gin, membre correspondant, intitulée Mello à Paris, 1644. M. Longin raconte dans cette étude le passage à Paris en 1644 de dom Francisco de Mello, le vaincu de Rocroi, et retrace à ce sujet la carrière de ce capitaine portugais au service de l'Espagne. C'était afin de protéger la Franche-Comté contre une invasion des armées de Condé que Mello était allé investir Rocroi, devant lequel devait sombrer la vieille et glorieuse renommée de la redoutable infanterie espagnole. . M. René Bouton, secrétaire de la commission des fouilles d’Alaise fait connaître les résultats actuels des travaux de cette Commission. Déjà un certain nombre de Sociétés savantes de la province ont répondu à l’appel de la Société d’Emulation du Doubs et ont voté une subvention pour les fouilles qui commen- ceront au printemps prochain. La Société adresse ses plüs vifs remerciements à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, à la Société d'Histoire naturelle du Doubs, à la Société d’Horticulture et à la Société photographique du Doubs, ainsi qu'aux particuliers qui ont déjà prouvé par des dons généreux l'intérêt qu’ils portaient à une œuvre dont le but est d'étudier les origines lointaines de lhistoire comtoise. Une sous-commission locale est nommée pour étudier sur place les moyens d'exécution pratique de ces fouilles qui vont être commencées. Cette sous-commission comprend MM. Bordy, maire d'Alaise ; Bouvet et Voillard, de Salins ; Travaillot, institu- teur à Myon ; et Ponçot, garde-forestier d’Alaise. Sont élus : Membres résidants : M. Ed. DRoz, professeur à la Faculté des Lettres de Besançon, présenté par MM. le docteur Baudin, Vernier, Kirchner et Georges Gazier ; M. Albert MATHIEU, présenté par MM. le docteur Bourdin et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, Dr E., BOURDIN. GEORGES GAZIER. Séance du 20 février 1909 PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents : BUREAU : MM. le D: Bourdin, président, Rouget et chanoine Rossignot, vice-présidents ; Georges Gazier, secrétaire ; Alfred Vaissier, vice-secrétaire; Fauquignon, trésorier. MEMBRES : MM. Boname, Frédéric Bataille, Cellard, Dr Girar- dot, Kirchner, Leclerc, D' Ledoux, D' Magnin, À. Mathieu, Nar- din, Pidancet, Pingaud. M. le Président adresse les félicitations de la Société à M. Kirchner, archiviste honoraire de la Société, nommé officier d'Académie. M. le docteur Bourdin lit une notice sur M. Charles Sandoz, membre de la Société depuis 1880, décédé le 19 décembre 1908. Laissant à d’autres le soin de rappeler le rôle de l’homme poli- tique, de l'industriel et du bisontin tout dévoué à sa ville JUS natale, M. Bourdin insiste surtout sur le patriotisme éclairé dont Sandoz fit preuve lors de la guerre de 1870 et ensuite dans la grande œuvre du relèvement national. Puis il étudie l’histo- rien que fut Sandoz, ranpelant ses travaux si consciencieux sur la fondation de notre manufacture d’horlogerie sous la Révolu- tion et ses recherches érudites sur les vieux maîtres horlo- geurs qui au XVIIe et au XVIII siècles ont exécuté dans notre ville de si beaux cartels. M. Georges Gazier donne lecture d’un travail sur les Origines de la colonie juive de Besançon. Les Juifs qui, sous l’ancien régime, ne pouvaient séjourner plus de trois jours dans notre ville pour leur commerce, s’y établirent dès que le décret de la Constituante en fit des citoyens français. Les registres municipaux font connaitre dès lors l’existence d’un certain nombre d’israélites à Besançon : ils sont bientôt même assez nombreux pour demander louverture d’une synagogue. Au début, ils furent assez mal accueillis par la population ; le jour- nal jacobin la Vedette, organe du club, les attaqua avec vio- lence en 1793 et 1794, leur reprochant de conserver leurs cou- tumes particulières, de célé9rer leur culte, de manquer au patriotisme en refusant de participer aux fêtes révolution- naires, enfin de pratiquer l'usure. D’après des recensements faits sous l’Empire et qui indiquaient la date d'arrivée des Juifs à Besançon, une douzaine de familles israélites sont venues s'établir dans la ville entre 1790 et 1800. A propos d’une proposition récente tendant à « républica- niser » les cartes à jouer, M. Georges Gazier rappelle les diverses tentatives faites en ce sens sous la Révolution. Les rois furent d’abord appelés « pouvoirs exécutifs », puis « veto » ; plus tard on les transforma en « génies », les reines en « li- bertés », les valets en « égalités » ; les as furent appelés des « lois ». En 1792, le club de Besançon entendit un long dis- cours prononcé par un officier du génie, qui fit un vif réquisi- toire contre le jeu de cartes, cause de tant de misères et de ruines, inventé par le despotisme pour détourner les sujets de songer aux moyens de résister à leurs tyrans. Cet officier ajoute que des républicains dignes de ce nom ne doivent supporter CL d’avoir sans cesse sous les veux des rois, des reines « et par suite des valets », et leur conseille de répondre à ceux qui leur proposeront de faire une partie de cartes, ces mots d’un Anglais : « Je ne sais pas distinguer les rois d'avec les valets ». M. le docteur Magnin présente un travail de M. Frédéric Bataille contenant une monographie très complète et très pré- cise de l’importante famille des champignons qu’on appelle les Hygrophores, et demande l'insertion dans les Mémoires de la Société de cette étude d’une réelle valeur scientifique. ; La Société adresse ses vifs remerciements aux Sociétés savantes et aux particuliers qui ont répondu généreusement à la demande de subvention qui leur avait été adressée pour la reprise des fouilles d’Alaise. Des remerciements sont égale- ment adressés à la commune de Myon qui a voté une subven- tion de 75 fr. pour ces fouilles. La Société décide d’adjoindre M. Bulle, propriétaire à Sarraz, à la sous-commission d’Alaise, Après une discussion à laquelle prennent part MM. le doc- teur Girardot, Frédéric Bataille, Fauquignon, Cellard et M. le docteur Bourdin, la Société vote une subvention de 20 fr. au Comité du monument Proudhon. Le Président, Le Secrétaire, D'E. BOURDIN. GEORGES GAZIER. Séance du 20 mars 1909. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents : BUREAU : MM. le Dr Bourdin, président ; Rouget et chanoine Rossignot, vice-présidents; Georges Gazier, secrétaire; Alf. Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier ; Maldiney et R. Bouton, archivistes. ee XIV MEMBRES : MM. Cellurd, Kirchner, Leclerc, Dr Liautey, À. Mathieu, Michel, Vernier. | M. le docteur Bourdin, président, se fait l'interprète des regrets unanimes qu'a provoqués parmi les membres de la Société la mort du docteur Baudin, décédé le 19 mars dernier. Membre de la Société d’Emulation depuis près de 25 ans, élu président en 1894, le docteur Baudin à publié dans nos Mémoires un grand nombre de communications fort appréciées. Les audi- teurs de nos séances publiques annuelles garderont longtemps le souvenir des lectures pleines de charme et de finesse qu'il y fit à plusieurs reprises. M. le chanoine Rossignot donne lecture d’un travail intitulé : Un Franc-Comtois au Cambodge (1886-1906). À laide des lettres du missionnaire Charles Tournier, originaire de Mor- teau, qui vécut quarante ans dans le pays, M. Rossignot nous fait connaître la vie et les mœurs des Cambodgiens; il met en lumière l’œuvre considérable accomplie dans ce pays par ce prêtre vraiment apostolique, qui sut faire aimer la France par les indigènes. M. Kirchner lit un mémoire sur la Migration des hirondelles, dans lequel il expose qu'après quinze ans d'observations sui- vies, il est arrivé à découvrir les causes des variations dans leurs départs. Selon lui, ces variations dépendent uniquement du nombre et de la date des couvées de ces oiseaux. Cette même cause explique également la régularité des départs chez les espèces qui ne font qu'une seule couvée par an, comme les martinets et les cigognes. Après une courte notice : histo- rique de la question, M. Kirchnéer termine son mémoire par des considérations générales sur la migration des hirondelles de fenêtre. Lecture est donnée d’une lettre de M. Alfred Grenier, inspec- teur des forêts, faisant connaître qu'un arrêté du préfet du Doubs du 11 mars 1909, autorise la Société d’'Emulation du Doubs à pratiquer des fouilles dans la forêt communale de Sarraz jusqu’au 31 mars 1911, à charge de remettre ensuite les lieux en état. La Société vote des remerciements à M. Grenier, à la bienveillante intervention duquel est dû ce résultat. Des remerciements sont également adressés à la commune de Sar- raz, qui a voté une souscription pour les fouilles d’Alaise. Est élu : Membre correspondant : M. le docteur CHALLAN DE BELVAL, médecin principal en retraite, à Marseille, présenté par MM. le docteur Bourdin et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, D' E. BOURDIN. GEORGES GAZIER. Séance du 24 avril 1909. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents : BUREAU : MM. le Dr Bourdin, président ; Rouget, vice-prési- dent, Georges Gazier, secrétaire ; Alf. Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier; René Bouton, archiviste. MEMBRES : MM. Dayet, D' Max. Druhen, Fournier, Kirchner, Lambert, Leclerc, D's Emile et Eugène Ledoux, D' Nargaud, M. Thuriet. M. G. Gazier, adresse, au nom de tous les membres de la Société, ses plus vives félicitations à M. le docteur Bourdin, nommé officier d’Académie au titre de président de la Société d'Emulation, lors du dernier Congrès des Sociétés savantes tenu à Rennes. M. le docteur Eugène Ledoux donne lecture d’une notice biographique sur M. le docteur Baudin, ancien président de la Société. Il retrace la belle carrière médicale et scientifique de — XVI — cet éminent confrère et insiste surtout sur ses hautes qualités morales qui l'avaient fait estimer et aimer de tous à Besançon. Le secrétaire lit un travail posthume de M. Ch. Sandoz inti- _tulé : Trente années de souvenirs d'un bisontin : Gustave Oudet. M. Sandoz y rappelle les liens d'amitié qui l’unissaient à l’an- cien sénateur-maire de Besançon et prend la défense de son administration, trop souvent attaquée par d’injustes détrac- teurs. Des anecdotes nombreuses, quelques-unes fort amu- santes, racontées avec humour par M. Sandoz, font revivre devant nous toute la vie bisontine à la fin du xIx° siècle. M. René Bouton, secrétaire de la Commission des fouilles d’Alaise, fait connaitre les recherches auxquelles il s’est livré récemment dans le massif d'Alaise. Il a constaté que le plateau de Chataillon était complètement débarrassé par une coupe opportune des arbres qui pouvaient gêner les travaux. Deux nouvelles cabordes ont été découvertes : l’une, à droite du pla- teau, semble avoir succédé à un ancien abri sous roche et fait pendant à la Caborde du prêtre, l’autre se trouve en arrière du dernier rempart et au voisinage de trois tumulus encore intacts. Une exploration, facilitée par la grande complaisance de M. Ponsot, garde forestier d'Alaise et membre du Comité local, a permis de reconnaitre aux lieux dits Aux Planches et à Charfoinge une multitude de tumulus. Malheureusement, la plu- part sont de petite taille et en pierres sèches ; les gros ont déjà été fouillés. Au Fouré, de nombreux tumulus ont été égale- ment rencontrés, mais les plus importants ont été fouillés lors des campagnes de Castan et de Delacroix. Il en reste un néan- moins au village de Sarraz qui semble vierge; l’autorisation de le fouiller séra demandée aux propriétaires du verger où il se trouve. Sa masse permet d'espérer que lopération sera fructueuse L'ouvrage désigné sous le nom de Gastellum romain de Bel- laque et porté comme tel sur les cartes de l’Etat-major, a été aussi étudié. Sa position et la nature marécageuse du terrain où il se trouve ne permettent guère de lui maintenir cette dési- gnation. Il semble être plutôt un ancien réservoir d’eau formé — XVII — par des digues ; la présence dans le fourré, en arrière de ce pseudo-castellum, de ruines assez importantes qui peuvent être celles d’un moulin ou d’une scierie, de même que la dési- gnation sous laquelle ce canton est Connu dans le pays de Myon, Etang de Belle Eau, autorisent cette nouvelle interpré- tation. Enfin l'attention de la Commission s’est portée spécialement sur l’ancienne voie celtique nommée Lanquetine. Cest par la fouille de cette voie qu’elle à commencé ses travaux. Cinq tran- chées pratiquées tant à droite qu'à gauche du chemin existant aujourd'hui, ont permis de retrouver empreintes dans le rocher les ornières de la voie ante-romaine. Ces premiers résultats sont fort intéressants et font bien augurer de l'avenir des fouilles. M. Pingaud à fait don à la Société de son ouvrage intitulé Jean de Bry (1760-1834) : Le Congrès de Rastadt ; Une préfec- ture sous le premier Empire. La Société lui adresse ses remer- ciements et charge M. Georges Gazier de lui présenter un compte rendu de ce travail. Le Président, Le Secrétaire, Dr E. BOURDIN. GEORGES GAZIER. Séance du 29 mai 1909. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents BUREAU : MM. le D' Bourdin, président ; chanoine Rossignot, vice-président; Georges Gazier, Secrétaire ; Fauquignon, tré- sorier; René Bouton, archiviste. BUREAU : MM. le Dr Girardot, Dr Emile Ledoux, Lieffroy, D: Magnin, À. Mathieu, D' Nargaud, L. Pingaud, M. Thuriet, de Truchi. a NME M. le docteur Bourdin fait part à la Société de la mort de M. Vital Bavoux, receveur principal des douanes en retraite, membre de la Société depuis 1853, secrétaire décennal de 1854 à 1864, décédé à Besançon le 26 avril 1909. M. Bourdin donne lecture du discours prononcé à ses obsèques, au nom de la Société, par M. le docteur Magnin, doyen de la Faculté des Sciences, qui a su dire en termes excellents les profonds regrets que laisse cet éminent botaniste, savant aussi bon que modeste. M. le docteur Bourdin félicite notre confrère M. Nardin, dont Pouvrage sur les Imprimeurs Foillet et Exertier, imprimé dans les Mémoires de la Société, vient d’être honoré d’un prix de 300 fr. décerné par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. M. Georges Gazier rend compte de l’ouvrage de M. Pingaud sur Jean de Bry.Il étudie successivement en ce personnage, à la suite de son historien, l’homme politique qui fit partie de toutes les assemblées de la Révolution de 1791 à 1801, le diplo- mate qui échappa par miracle au massacre des plénipoten- tiaires français à Rastadt, enfin le préfet du Doubs de 1801 à 1814. M. Pingaud a surtout insisté sur la carrière administra- tive de Jean de Bry, qui s’est écoulée tout entière dans notre pays et a mis en lumière ses remarquables qualités d’organi- sateur. De Bry fat le véritable créateur des institutions admi- nistratives, politiques, judiciaires et même intellectuelles issues de la Révolution qui existent encore aujourd’hui en Franche- Comté. [Il sut d'autre part encourager et développer les industries locales, favoriser l’agriculture, si bien que malgré toutes les guerres qui décimèrent l’Empire sous Napoléon, il laissa son département plus riche et plus peuplé en 1814 qu'il ne l’était en 1801. Dans ce volume, M. Pingaud a écrit avec toute la science et le talent que le monde savant lui reconnaît de longue date, une page importante, parfois émouvante, de notre histoire locale, et en même temps il a éclairé bien des points encore obscurs de l’histoire générale de la Révolution et de l'Empire. M. René Bouton rend compte des fouilles exécutées les 15 et ae D À DC 16 mai sur le plateau d’Alaise sous la direction de MM. Four- nier et Bresson, professeurs à la Faculté des Sciences. Une caborde a été fouillée à Chataillon. Elle a levé un fragment de poterie vernissée et quatre morceaux de poterie ancienne ana- logues à ceux trouvés dans les tumulus du massif par Delacroix et Castan. Un tumulus a été ouvert aux Planches, mais on n’y a rien découvert. M. Bouton met sous les yeux des membres de la société 1° les photographies prises sur le plateau de Chataillon. 2° un tracé de la voie celtique dite la Lanquetine portant Pindication des fouilles pratiquées sur cette voie le 93 avril dernier, 3° des pho- tographies prises au bord de ces fouilles et où apparaissent nettement le sol et les ornières de la voie celtique. Le secrétaire fait savoir que le prochain Congrès de l’Asso- ciation franc-comtoise se tiendra décidément à Pontarlier le mardi 3 août prochain. Sur la demande du secrétaire général M. Godard, et comme aucune société savante n'existe à Pon- tarlier, la Société d’Emulation du Doubs accepte de supporter les frais d'impression du compte-rendu de ce congrès. -Sont élus : Membres résidants : M. Léon PIcor, ingénieur civil des mines, présenté par MM. le docteur Bourdin et L. Pingaud. _M. le docteur Charles BRUNSCHWIG, présenté par MM. les doc- teurs Bourdin et Eug. Ledoux. M. l'abbé RÉMOND, aumônier du lycée Victor Hugo, présenté par MM. le chanoine Rossignot et le docteur Emile Ledoux. Le Président, Le Secrétaire, Dr E. BOURDIN. GEORGES GAZIER, Séance du 25 juin 1909. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents : BUREAU : MM le Dr Bourdin, président ; chanoine Rossignot, vice-président; Georges Gazier, Secrétaire ; René Bouton, archi- viste. MEMBRES : MM. le D» Brunschiwig, Ed. Clerc, Dayet, Dr Max. Druhen, Kirchner, Lambert, Leclerc, D' Emile Ledoux, D' Eug. Ledoux, Mairot, A. Mathieu, L. Pingaud, Savoye et M. Thuriet. M. le docteur Bourdin lit une notice sur M. Alfred Vaissier, an- cien président de la Société d’'Emulation, conservateur du musée archéologique, décédé Le 26 mai dernier, après une courte mala- die. Ami et émule de Castan, M. A. Vaissier s'était passionné de bonne heure pour les études archéologiques et les travaux qu'il a publiés à ce sujet font aujourd'hui autorité. Conserva- teur adjoint et, depuis 1898, conservateur du musée archéolo- oique, il contribua plus que personne au développement de notre musée d’antiquités, qui, grâce à Castan, à Ducat et à lui, se trouve être aujourd’hui l’un des plus riches et des mieux organisés de France. On doit aussi à M. Vaissier linstallation au Palais Granvelle des musées Vuillemot et Grenier. Entré à la Société d'Emulation en 1876, devenu archiviste puis prési- dent, il n'avait voulu, en ces dernières années, accepter dans le bureau que les fonctions de vice-secrétaire. M. Bourdin montre cependant à quel point il était devenu, depuis la mort de Cas- tan, l’âme de cette société, et il ne saurait trop dire les regrets profonds qu'il laisse parmi ses confrères qui sans cesse avaient recours à sa science et à sa grande obligeance. La Société décide de placer le portrait de M. Vaissier dans la salle des séances parmi ceux de ses anciens membres qui l’ont le plus honorée et le mieux servie. — XXI — M. le docteur Bourdin fait connaître que M. Kirchner, archi- viste honoraire de la Société, accepte, jusqu'aux élections pro- chaines, de remplir les fonctions dont s’acquittait M. Vaissier et notamment de mettre en ordre et de classer la bibliothèque de la Société. Il remercie notre confrère de cette nouvelle preuve de dévouement qu'il donne, après tant d’autres, à la Société d’Emulation du Doubs. M. Alfred Marquiset a fait paraître cette année un ouvrage intitulé : Une merveilleuse: madame Hamelin. En analysant cette histoire piquante et savoureuse, M, le docteur Ledoux père a pris soin de noter tout spécialement les renseignements qu'elle contient sur lami de Mme Flamelin, le comte Casimir de Mon- trond. Né à Besançon en 1769, Montrond fut l’un des hommes les plus spirituels de son temps: pendant les Cent jours, il fut chargé d’une ambassade officieuse près de Talleyrand, plénipo- tentiaire à Vienne. M. Albert Mathieu lit six sonnets intitulés : Soleil et Vitraux ; Le Char ; Consummatum est ; Le Brouillard; Sur le lac de Saint- Point; La Locomotive. Ces poësies d’une inspiration délicate, aux images heureusement trouvées, d’une facture poétique très soignée et très élégante, sont vivement applaudies. M. Kirehner fait connaître que les conservateurs des biblio- thèques de Ia Ville et de l’Université, dans lesquelles la Société d'Emulation dépose un certain nombre de ses collections, demandent que la Société abandonne à ces établissements la propriété définitive de ces volumes afin qu'ils puissent être classés el-inventoriés. En retour, les membres de la Société auront droit à perpétuité au prêt de ces ouvrages conservés dans ces bibliothèques publiques, en se conformant aux règle- ments en vigueur. La Société accepte ces conditions, en sti- pulant qu'un acte écrit fait en double expédition, signé par le président de la Société et les conservateurs des bibliothèques, consacrera cette concession et le droit au prêt des membres de la Société d'Emulation du Doubs. Un exemplaire de cet acte sera conservé dans les archives de la Société, M. Georges Gazier rend compte du livre que M. Jaudon, B mm OUI E— procureur général près la Cour d'appel de Besançon, membre honoraire de la Société, vient de faire paraître sur Denys Puech. En étudiant l’œuvre d’un de nos plus illustres sculpteurs con- temporains, M. Jaudon a été amené à faire l’histoire de l’art fran- çais pendant les quarante dernières années. On trouve dans cet ouvrage d’un connaisseur des jugements et des considérations d’un caractère très élevé, formulés avec indépendance, sur toutes les questions artistiques qui préoccupent le monde des beaux-arts à l’époque actuelle. M. Alfred Marquiset fait nommage à la Société d’un recueil de poésies intitulé Besançonnettes. | Sont élus: Membres résidants : M. E. BAUDIN, essayeur de la garantie, présenté par MM. les docteurs Bourdin et Eug. Ledoux ; M. Clovis MOURGEON, artiste photographe, présenté par M. Vernier et M. le docteur Bourdin, M. GRORICHARD, pharmacien, présenté par MM. les docteurs Emile et Eugène Ledoux; M. Hubert DEMANDRE, au château de Filain (Haute-Saône), présenté par MM. le docteur Bourdin et Coillot ; M. le commandant ALLARD, présenté par MM. le docteur Bour- din et Georges Gazier ; À M. Georges DANGELZER, notaire, présenté par MM. le docteur Bourdin et Georges Gazier. Membre correspondant : Elu à titre gracieux, et en reconnaissance des services rendus par lui à la Commission des fouilles d’Alaise. M. BorDpyY, maire d’Alaise, présenté par MM. René Bouton et Georges Gazier. ns Le Président, Le Secrétaire, D' E. BOURDIN. GEORGES GAZIER. — XXII — Séance du 21 juillet 1909. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents : Bureau : MM.le Dr Bourdin, président ; chanoine Rossignot, vice-président; Georges Gazier, secrétaire ; Fauquignon, tré- sorier. MEMBRES : MM. le Commandant Allard, E. Baudin, Bonnet, Cellard, Kirchner, Leclerc, D' Emile Ledoux, Commandant Maire, A. Mathieu, Mauvillier, Montenoise, D' Nargaud, L. Pi- cot, L. Pingaud, M. Thuriet. M. Mauvillier offre à la Société une photographie encadrée de M. Alfred Vaissier, en faisant connaître que la famille de notre regretté confrère désire en faire elle-même hommage à la Société d'Emulation qui, dans sa dernière réunion, a décidé de placer ce portrait dans la salle de ses séances. M. le docteur Bourdin, interprête de la Société, remercie vivement la famille de M. A. Vaissier de cette offre gracieuse et félicite M. Mauvillier du talent avec lequel il a exécuté cet agrandissement photogra- phique, d’une ressemblance parfaite. M. Picot rend compte de la séance publique de la Société d’'Emulation de Montbéliard qui a eu lieu le 17 juin dernier, et à laquelle il représentait la Société d’Emulation du Doubs. Il énu- mère les communications faites à cette réunion, notamment par notre confrère M. Nardin qui a lu une étude sur les tanneurs du pays de Montbéliard, et fait connaître l’accueil charmant réservé aux invités par le président, M. Granier, et par les membres de la Société d’Emulation de Montbéliard. Il raconte enfin l'excursion faite après la séance à Mandeure, sous la conduite de M. B. Mé- riot, l’érudit historien de la vieille cité gallo-romaine. . M. M. Thuriet lit un rapport sur les travaux de la Commission de la fondation des frères Grenier qui, conformément au — XXIV — règlement vient de désigner le premier titulaire de cette pension. Le choix s’est porté sur M. Ed. Sollaud, ancien étudiant à la Faculté des Sciences de Besançon, licencié ès-sciences, qui prépare actuellement, l’agrégation d'histoire naturelle et a l’intention de poursuivre ensuite ses études en vue du doctorat ès-sciences. La Société sera tenue au courant par son bureau des travaux et des succès du nouveau pensionnaire. Le Secrétaire lit une communication de M. le docteur Gros- perrin, membre correspondant, intitulée : Le Bagne à la Nou- velle en 1878. Souvenirs de voyage d’un médecin de la marine. M. Grosperrin, témoin oculaire, y raconte la vie des déportés à la Nouvelle Calédonie : parmi Ceux-ci se trouvaient alors un cer- tain nombre de membres de la Commune insurrectionnelle de 1871 tels que Lusipia, le colonel Lisbonne et Alphonse Humbert. Entremêlant son étude de descriptions pittoresques et d’anec- dotes parfois piquantes, M. Grosperrin termine Sa narration par le récit dramatique de l'attentat dont il fut victime de la part d’un déporté, désireux de commettre un crime pour se faire guillotiner, qui le frappa de trois coups de poignard. Le Secrétaire commence la lecture du travail de M. E. Longin, membre correspondant, sur la correspondance de Boyvin. Dans sa préface M. Longin montre le grand intérêt des lettres écrites par lillusire président du Parlement, par l’historien et en même temps le héros du siège de Dole en 1656. Sont élus : Membres résidants : M. SIMON, avocat à la Cour d'appel de Besançon, présenté par MM. Pidancet et Allard. M. le docteur CHAPOY, fils, présenté par MM. les docteurs Chapoy père et Bourdin. Membres correspondants : M. BOISLIN, Joseph, directeur des tramways électriques du Fimstère, présenté par M. le docteur Bourdin et M. le comman- dant Maire. — XXV — M. Oupet, à Myon, présenté par MM. René Bouton et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, Dr E. BOURDIN. Georges GAZIER. Séance du 2% novembre 1909. PRÉSIDENCE DE M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents : BUREAU : MM. le Dr Bourdin, président; Rouget et chanoine Rossignot, vice-présidents ; Georges Gazier, secrétaire ; Fau- quignon, trésorier; Maldiney, archiviste. Memgres : MM. le Ct Allard, Boname, Cellard, Dr Charrière, Ed. Clerc, Dayet, Kirchner, M. Lambert, A. Leclerc, H. Mairot, A.Mathieu, Montenoise, Mourgeon, D' Nargaud, Picot, Pidancet. M. le docteur Bourdin exprime les regrets de la Société qui a perdu pendant les vacances deux de ses membres résidants, MM. Vieille et Maës et un de ses plus anciens membres d’hon- neur M. H. Weil, membre de l’Institut, doyen honoraire de la Faculté des Lettres de Besançon. Il rend compte du Congrès de l’Association franc-comtoise _ qui s’est tenu à Pontarlier le 1er août dernier et annonce que le Congrès de 1910 se réunira à Luxeuil, sous la présidence de M. Roger Roux, président de la Société d'Emulation de Vesoul, assisté de M. Monnier, comme secrétaire général. M: Bourdin adresse enfin, au nom de la Société, ses plus vifs remerciements à notre dévoué archiviste honoraire M. Kirchner qui, avec l’aide de M. Mathieu, a classé et rangé pendant les vacances les collections de la Société dans un ordre parfait. M. le chanoine Rossignot, revenant sur la question de la naissance du général Lecourbe à Besançon le 93 février 1759, NX AN explique les raisons des irrégularités qu'on relève dans l'acte de baptême. La naissance étant illégitime, l'enfant a d’abord été inscrit sous un autre nom que celui de la mère véritable et ce n’est que plus tard que le mariage de ses parents à régularisé sa situation. Le Secrétaire donne lecture d’un travail de M. Ch. Beauquier sur La cuisine populaire en Franche-Comté. Dans cette étude, M. Beauquier fait connaître à l’aide des traditions locales, des chansons populaires et de ses souvenirs personnels les anciens usages relatifs à alimentation. Il indique le menu ordinaire des habitants de la campagne et signale les termes employés dans les différentes communes comtoises pour désigner les aliments et les boissons. La Société fixe au jeudi 16 décembre la date de sa séance publique annuelle dont elle règle le programme. M. Gougeon, premier président honoraire près la Cour d'Appel de Besançon qui faisait partie comme premier président des membres d'honneur de la Société, est maintenu par acclama- tion dans cette qualité à titre personnel, en raison de la sym- pathie qu'il a toujours témoignée à la Société d’Emulation et de l’intérêt qu'il portait à ses travaux. Sont élus : Membres résidants : MM. Ed. SOLLAUD, agrégé d'histoire naturelle, pensionnaire GRENIER, présenté par MM. Fournier et le docteur Magnin. Th. PERRENOT, professeur au lycée de Marseille, présenté par MM. Georges Gazier et le docteur Bourdin. M. le capitaine RIVET, présenté par MM. Frédéric Bataille et le docteur Magnin. Membres correspondants : M. MERCIER, libraire bibliophile à Dijon, présenté par MM. les docteurs Ledoux et Bourdin. M. MiLLoT, notaire à Frasnes, présenté par MM. les docteurs Ledoux et Bourdin. NON M. le Dt SoLLAUD, à Vichy, présenté par MM. les docteurs Bourdin et Ledoux. Le Président, Le Secrétaire. D' E. BOURDIN. GEORGES GAZIER. Seance du 15 décembre 1909. PRÉSIDENCE D£E M. LE DOCTEUR BOURDIN. Sont présents : BuREAU : MM. le D' Bourdin, président ; Rouget et chanoine Rossignot, vice-présidents; Georges Gazier, secrétaire ; Fau- quignon, trésorier ; René Bouton, archiviste. MEMBRES : MM. le Ct Allard, G. de Beauséjour, Bonnet, Cellard, Kirchner, Lambert, A. Leclerc, D' Em. Ledoux, H. Mairot, A. Mathieu, Montenoise, Picot, Pingaud, M. Thurict. M. le président adresse un hommage ému à la mémoire de Mer Fulbert Petit, archevêque de Besançon, membre d'honneur de Ja Société, décédé le 6 décembre dernier. Il rappelle l’inté- rêt que ce prélat avait toujours témoigné à la Société, en assise tant à ses séances publiques annuelles tant que l’état de sa santé le lui permit. : M. Bourdin exprime les profonds regrets de la Société qui vient de perdre en M. Aimé Lieffroy, administrateur des Forges de Franche Comté, ancien conseiller général du Jura, lun de ses anciens présidents, et l’un de ses membres les plus sympa- thiques. M. Lieffroy appartenait à la Société depuis 1864. Enfin M. Bourdin présente les condoléances de la Société à la famille de M. Georges Béver, secrétaire général de la mai- rie, membre résidant, qu’une cruelle et longue maladie vient d'enlever à l’affection des siens, à l’âge de 31 ans. — XXVII — M. le commandant Allard donne lecture d’un travail intitulé: « Récentes étapes sur les voies aériennes ; l’année aéronautique 1909 ». L'auteur y passe en revue les merveilleux progrès accomplis par Paviation durant cette année 1909 qui marquera d’une façon si remarquable dans l’histoire de la conquête de J’air. Il exprime le vœu qu'un camp daérostation militaire soit établi dans les plaines de Saône ou de Thise, qui se prête- raient tout à fait aux expériences de ce genre. M. G. de Beauséjour lit la première partie d’un travail sur Pesmes et ses seigneurs qui fait suite aux travaux déjà publiés sous ce titre, par le même auteur. M. de Beauséjour, avec la collaboration de M. Godard, professeur au lycée de Vesoul, en est arrivé actuellement à l’étude de l’histoire de Pesmes au XVI SIeCIe La Société discute et vote le projet de budget présenté par M. le trésorier Fauquignon pour 1910. Projet de budget pour l’année 1910, présenté par le Conseil d'administration de la Société. RECETTES: 4 Subvention dudépartementdu/Doubs ee, 0-07 DORE 9: — de la ville de Besançon. . . . . . 400 3. Cotisations des membres résidants. 0. |. 860 4. — — COFFeSpOndants ee 220 b. Droits de diplômes, recettes accidentelles "7" 100 6 Intéréts du capiralhen caisse cthentes ss 0 -600 Total ets nes NOISQNIE DÉPENSES. 4 Impréssions..: HU ie Di NON RD 00 op te 2. Frais de bureau, chauffage, éclairage, ete. . . . 200 D. HRdiside séance/puiblique) me ACER SIeNER 70 4 ‘Fraitement del'adent 2. 14e 2eme Ne 200 5. Crédit pour recherches scientifiques .:. .. , 110 POLAR OR RO me UNE — XXIX — La Société, considérant que l'impression du volume des Mémoires entraîne des dépenses plus considérables que celles prévues par le budget décide les économies suivantes : 14o À l’avenir, aucune planche, gravure, phototypie, etc. ne sera insérée dans les Mémoires sans un vote spécial de la Société, à moins que le membre qui demande ces reproductions n'accepte d’en supporter personnellement les frais. % Le nombre des tirages à part donnés aux auteurs sera réduit de 50 à 25 exemplaires. À l’avenir, et sans que cette mesure puisse avoir d'effet rétroactif pour les anciens membres de la Société, les membres résidants auront seuls droits à ces tirages à part, car le prix de revient du volume des Mémoires est à lui seul égal à la cotisation des membres correspondants. Les couvertures des tirages à part devront être exécutées aux frais des auteurs. La Société examine ensuite la question de savoir s’il convient de demander comme par le passé une somme supplémentaire de 1 fr. aux membres correspondants qui désirent recevoir par la poste le volume des Mémoires. Divers membres font valoir que le prix du transport des imprimés a diminué de moitié depuis un an. Après discussion des observations présentées par M. le trésorier Fauquignon qui signale que les frais de recouvrement des cotisations montent à 0 fr. 35 pour chaque correspondant, la Société, regrettant de ne pouvoir envoyer à titre gracieux le volume dans l’état actuel de ses finances, décide cependant de réduire à 0 fr. 50 la somme demandée pour l’envoi des Mémoires par la poste. Avant de procéder à l’élection du bureau, M. le Président fait connaitre que M. Maldiney, professeur à l'Ecole de Médecine, archiviste de la Société, demande à ne pas être réélu à ce dernier poste, ses occupations professionnelles absorbant tous ses ins- tants. D'autre part M. Fauquignon fait valoir qu’il ne peut con- server ses fonctions de trésorier, car désormais il n’habitera plus Besançon que durant l’hiver. M. le Président exprime les vifs regrets de la Société au sujet du départ du bureau de nos deux confrères, qu'il ne remercie MN NON ES pas moins vivement du dévouement dont ils ont fait preuve dans l'exercice de leurs fonctions. La Société, désireuse de témoigner sa reconnaissance à M. Fauquignon, qui, depuis 15 ans, gère ses intérêts avec tant de zèle et d’abnégation, le nomme par acelamation trésorier honoraire. Procédant à l’élection de son Bureau pour 1910, la Société nomme : Président annuel : M. le chanoine ROSSIGNOT, curé de l’église Sainte-Madeleine, de Besançon. Premier vice-président : M. le docteur BOURDIN, président sortant. Deuxième vice-président : M. F. GOUGEON, premier président honoraire près la Cour d'appel de Besançon. Secrétaire-adjoint : M. René BOUTON. Trésorier : M. CELLARD. Archivistes : MM. KIRCHNER et À. MATHIEU. Sont élus : Membre honoraire : = M. KIRCHNER, archiviste de la Société. Membres résidants : M. GUILLIN, préparateur à la Faculté des Sciences de Besan- con, présenté par MM. le docteur Bourdin et Maldinevy. M. le docteur HYENNE, présenté par MM.les docteurs Bour- din et Charrière. M. Pierre MAIGE, pharmacien, présenté par MM. le docteur Bourdin et E. Baudin. M. DELABARRE, directeur de la succursale du Comptoir d’escompte de Paris à Besançon, présenté par MM. Cellard et Fauquignon. M. François MATHEY, négociant, présenté par MM. le chanoine Rossignot et le docteur Bourdin. M. Maurice ZELTNER, négociant, présenté par MM. les docteurs Emile et Eugène Ledoux. — XXXI — Membre correspondant : M. René BILLARDET, professeur agrégé de l’Université au lycée d'Annecy. Le Président, Le Secrétaire, D: E. BOURDIN. Georges GAZIER. Séance publique du 16 décembre 1909. PRESTDENCE DE Me LE DOCTEUR BOURDIN: Sont présents : Bureau : M. le docteur BOURDIN, ayant à sa droite M. Gou- GEON, premier président honoraire près la Cour d'appel de Besançon, et M. DE TRUCHI, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon ; à sa gauche MM. JAUDON, procureur général près la Cour d'appel; M. le docteur MAGNIN, doven de la Faculté des Sciences ; Frédéric BATAILLE ; À. MATHIEU ; Georges GAZIER, Secrétaire décennal. Dans la salle, remplie par une assistance nombreuse et brillante : MM. le Commandant ALLARD, BOUSSEY, René BOUTON, CELLARD, FAUQUIGNON, LECLERC, Docteur Em. LEDOUX, H. MAIROT, PICOT, PINGAUD, Capitaine RIVET, Chanoine Ros- SIGNOT, membres de Ja Société. La séance ouverte à deux heures est close après lecture des études suivantes : 1° La Société d’'Emulation du Doubs en 1909, par M. le doc- teur BOURDIN, président annuel. 20 Promenade philosophique, poésie de M. Ch. GRANDMOUGIN, membre honoraire. 30 Rapport sur la pension des frères Grenier, par M. Maurice THURIET, membre résidant. no MR 40 La maison du bon accueil; Maizières (poésies), par M. Fré- déric BATAILLE, membre résidant. 50 Charles Nodier, naturaliste, par M.le docteur MAGNIN, membre résidant. 60 L’Idéal ; Le Disque; Automne (sonnets); — L’'Ecureuil et la Couleuvre; Le Sphinx (poésies), par M. Albert MATHIEU, membre résidant. 70 Les correspondants du poète Edouard Grenier, par M. GAZIER, secrétaire décennal. : Le Président, Le Secrétaire, Dr E. BOURDIN. Georges GAZIER. NT NOMCE SUR M BAVOUX Par M le D' Ant. MAGNIN M. BaAvoux, membre de la Société d'Emulation du Doubs, receveur principal des douanes en retraite, est décédé le 26 avril 19089 ; à ses obsèques, qui ont eu lieu le 27 avril à Sant-Claude (Besançon), M. le D' Magnin, doven de fa Faculté des Sciences, a prononcé l’allocution suivante : Bien que le grand âge de M. Bavoux püût laisser prévoir une fin malheureusement prochaine, l'annonce de sa mort nous à cependant surpris douloureusement. | Né à Sochaux, en 1 821, Bavoux à passé la plus grande partie de sa vie dans ladministration des douanes, où il parvint au grade de receveur principal; mais tout en s’occupant avec zèle de son service, il sut entreprendre, en dehors de ses fonctions administratives, des recherches d'histoire naturelle qui témoi- gnent d’une intelligence ouverte et d’un esprit d'observation développé. Bavoux a appartenu, en effet, à cette belle phalange de bota- nisies bisontins où franc-comtois, qui brilla surtout de 1850 à 1880 ; il en était le dernier survivant, tous ses amis, tous ses camarades d’herborisation ayant disparu, les uns depuis long- temps (Grenier en 1875, Paillot en 1891), d’autres plus récem- ment (Flagevy en 1898, Quélet en 1899 et Contejean en 1907): mais les découvertes de Bavoux figurent déjà dans les divers ouvrages de ces botanistes. Bavoux à été un observateur perspicace de la nature; il s’est occupé, toute sa vie, de botanique avec passion et avec succes; je rappelle ici, seulement, ses recherches les plus remarqua- bles, ses mémoires sur les Hybrides des Narcisses et des Digi- tales. — XXXIV — Entré, de bonne heure, à la Société d' Emulation du Doubs (1853), il a appartenu à cette Compagnie pendant près d’un demi-siècle (46 ans), et en était, depuis plusieurs années, le doyen, il a fait partie de son bureau, en qualité de secrétaire, pendant dix ans, de 1854 à 1864, et la Société, en reconnaissance de ses ser- vices, lui conserva ces fonctions avec le titre de secrétaire hono- raire ; depuis son retour à Besançon, où il avait pris sa retraite (1886), il assistait souvent aux séances de la Société, et, il y a peu d'années encore, il y faisait une communication sur la per- sistance de la vie dans les souches de supin (1892). ses dernières années ont été attristées par la perte d’un de ses fils et par une infirmité qui lisolait peu à peu du monde extérieur; mais, grâce aux soins dévoués de sa famille, il la supportait avec courage et avec une douce philosophie; il trou- vait sa distraction favorite dans la visite de son riche herbier ; en revoyant ses chères plantes, le botaniste revivait ainsi les belles excursions d'autrefois, les vieux souvenirs des amis dis- parus ! Au nom de la Société d’Emulation du Doubs, j'adresse le suprême adieu à notre vénéré collègue, et à sa famille l’expres- sion de notre respectueuse sympathie. fe fi AUS : ©1 MAR 23 } a Ks È H\S> LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1909 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 16 décembre Par le Dccteur EH. BOURDIN PRÉSIDENT ANNUEL MESDAMES, MESSIEURS, Qui de vous n’a longuement admiré dans notre musée de peinture cette superbe toile que son auteur, notre compa- triote Georges Girardot, offrait naguère à sa ville natale, Là, dans un gracieux fouillis de chars blanches et roses, toutes frissonnantes encore sous le flot qui bientôt va les engloutir, les dieux et les déesses de lOlympe s’enfuient effarés à l'approche du premier bateau à vapeur dont la silhouette _indécise se dessine à lhorizon. Les dieux s’en vont, s’écrie mélancoliquement l'artiste et son magistral pinceau nous laisse entrevoir, sous cette trans- _parente allégorie, la révolution opérée dans nos mœurs, dans nos idées, dans nos croyances même... à l’orée de ce siècle de la vapeur et de lélectricité, de la direction des ballons et de la télégraphie sans fil ! Et pourtant, en retrouvant chaque année ici cette nom- breuse et élégante assistance qui veut bien s'intéresser à nos travaux, je ne puis croire que la fiction poétique de lartiste soit devenue une vérité intangible et qu’au fond de vos âmes, il ne reste pas quelque lueur d'amour pour ce bon vieux temps qui à imprimé à notre province son cachet particulier Î .) 7 et qui nous crée à tous limpérieux devoir de garder julou- sement le patrimoine de nos ancêtres, nos vieilles coutumes, nos usages, nos légendes, toute notre histoire enfin !.…. Merci donc à vous, Mesdames, Messieurs, qui n'avez pas craint d'affronter la rigueur de cette journée d'hiver pour venir nous apporter ici un si précieux encouragement. C’est la meilleure preuve que la Société d'Emulation a rempli ses engagements et qu'elle est restée fidèle à son passé, à sa devise et à ses traditions. Que voulaient, en effet, les huit hardis novateurs que réu- nissait dans son salon certain jour de l’année 1840, l’éminent professeur de clinique médicale, le docteur Martin, dont les anciens Bisontins ont gardé pieusement la mémoire ? Ils voulaient attirer à eux et réunir sous une même ban- nière tous ceux qu’animaient alors l’amour de la science, le goût de notre histoire locale et plus particulièrement le zèle et le dévouement à la patrie comtoise : en un mot, ils jetaient les bases de la Société d’'Emulation | À vous maintenant de juger si l’année qui vient de s’écou- ler n'a pas été semblable à ses ainées et si nous n'avons pas suivi ponctuellement la voie que nos fondateurs nous jalon- naient, il y a quelque soixante-dix ans. Ma tâche sera lourde pourtant, car le temps ne me permet guère de vous présenter autre chose qu’une simple table des matières, une aride nomenclature de ces multiples tra- vaux qui mériteraient mieux et dont une analyse succincte ne pourra, Je le crains, qu’affaiblir la portée. Aussi, je me permets de faire dès maintenant appel à votre bienveillance etje prie mes collègues de m’'excuser de ne pouvoir qu’effleurer les sujets importants qu’ils ont traités pendant le cours de cette année. Vous vous rappelez sans doute que l’année dernière, un de nos jeunes sociétaires, M. Léon Druhen, reprenait à propos d'Alesia, la thèse si chère à Castan et à Delacroix et que | —3— d'autre part, M. René Bouton vous exposait dans un lumi- neux rapport et sans parti pris l’état de cette question, en vous traçant les grandes lignes de la nouvelle campagne que la Société d'Emulation allait entreprendre. Vous connaissez aussi les nombreuses discussions soule- vées depuis plus d’un demi-siècle à propos de emplacement exact d’Alesia et dans lesquelles, à côté des noms des plus grands savants de France, on trouve celui d’un prince et même celui d’un empereur. Alaise en Franche-Comté, Alise- . Sainte-Reine dans la Côte-d'Or, Alais dans le Gard et d’autres localités qu’il est inutiie d’énumérer, se disputent encore l'honneur d’avoir été le dernier abri de l’indépendance gau- loise que le farouche courage de Vercingétorix ne parvint pas à sauver de la domination romaine. Il est certain qu'en Franche-Comté, et au sem même de notre compagnie, il existe des défenseurs convaincus de l'hypothèse Alaise-Alesia qui exaltera toujours en nous notre vieux patriotisme comtois, mais ce n’est pas à ce point de vue spécial que la Société d’Emulation a dû se placer pour fure œuvre utile et reprendre la série des fouilles interrom- pues depuis si longtemps. Nous avons voulu seulement interroger sans idée précon- çue ce sol tout hérissé de tumalus, de murgers énormes, de remparts cyclopéens, de mardelles ou de cabordes antiques. Chataillon surtout nous semblait digne d'intérêt, avec son village fortifié et ses défenses naturelles. Devait-on en reculer l’origine jusqu'aux temps préhistoriques, ou datait-il seule- ment du moyen-âge ? Avait-1l été édifié pour abriter des hommes, ou, comme certains le pensaient, n'offrait-il que les substructions d’anciennes huttes à pores établies en pleine forêt de chênes? Nous avons voulu en finir avec la légende du village gaulois et transformer cette légende en une vérité historique, si nos ancêtres ont véritablement habité le plateau de Chataillon. SE Notre commission des fouilles a d’abord été cruellement éprouvée par la mort inattendue de M. Vaissier, son prési- dent. Elle n’en a pas moins accompli sa tâche sous l’habile direction de M. René Bouton, son dévoué secrétaire, avec la collaboration des professeurs Fournier et Bresson, de M. Feuvrier, le savant archéologue dolois, et le concours empressé de administration forestière. Nous n’aurions garde d'oublier non plus qu’elle fut admirablement secondée par certains membres du comité local, notamment par MM. Bordy, maire d'Alaise et Ponçot, garde-forestier. C’est ainsi qu’elle a pu acquérir la preuve de l’existence très ancienne du village de Chataillon. La poterie découverte dans les cabordes fouillées ne laisse aucun doute à cet égard : ces cabordes ont été utülisées dès la période du Halstatt. D'autre part, il est facile de se rendre compte qu'elles ont été occupées à différentes reprises, vers l’époque de la con- quête romaine, au moyen âge et au moment des guerres de Louis XIV. Notre commission a enfin remis au Jour divers tronçons de la très ancienne voie celtique appelée la lanquetine, dont. elle à rapporté de très belles et très intéressantes épreuves photographiques. | Mais, ce sont là peut-être des indiscrétions... Je m'’arrête ; M. le secrétaire de la commission des fouilles ne nous a pas encore donné connaissance par le menu de toutes ses inté- ressantes découvertes et je craindrais d'en dévoiler le secret avant l’heure ! Je ne voudrais pourtant pas quitter ce sujet, sans le remercier publiquement de son infatigable activité. Il fut âme de la commission d’Alaise et je souhaite ardemment qu’il retrouve dans la personne de M. Léon Druhen, qu'un deuil cruel a tenu éloigné de nous cette année, son ancien compagnon de voyage et d'étude, et que tous deux nous prouvent bientôt que la Société d’'Emulation ne s’est pas trompée en entreprenant cette nouvelle campagne, pour = SEE laquelle les pouvoirs publics et les Sociétés savantes de Franche-Comté, nous ont accordé leur haut patronage et leur appui financier. Notre savant secrétaire décennal, M. Gazier, dont il serait superflu d'entreprendre l'éloge, nous a offert, une fois de plus, des preuves de sa prodigieuse activité et de son dévoue- ment sans bornes à la cause de l'Emulation. Comptes rendus, analyses d'ouvrages, recherches bibliographiques, commu- nications diverses, etc., 1l est rare que nous n’ayions pas dans nos séances privées la bonne fortune de l’entendre et le plaisir de l’applaudir. Je citerai d'abord sa très intéressante étude sur « l’établis- sement de la colonie juive à Besançon ». Vous n’ignorez pas que sous l’ancien régime les Israélites ne pouvaient pas séjourner plus de trois jours dans notre ville et que des règlements draconiens leur étaient appliqués. Ce fut un décret de la Constituante qui leur conféra les droits et la qualité de citovens français. Cette mesure fut mal accueillie d’une façon générale, mais surtout à Besançon, où la popu- lation se montra résolument hostile à ces nouveaux conci- tovens. La Vedette elle-même, le journal jacobin de Dor- moy et de Briot, les attaqua souvent, en leur reprochant leur manque de patriotisme et, si je puis m'exprimer ainsi, leur cléricalisme, fidèles qu'ils étaient restés à leur foi et à leurs pratiques religieuses. L'auteur nous montre alors com- bien fut difficile l'installation des premiers israélites dans notre cité puisqu’en dix ans, de 1790 à 1800, on ne compta guère qu’une dizaine de familles, entièrement occupées de leur commerce et de leur négoce. Sans quitter la Révolution, M. Gazier nous fait encore une curieuse communication à propos d’une récente proposition tendant à « républicaniser » les cartes à jouer. Il nous apprend la défaveur marquée dont elles furent l’objet à Besançon _ pendant la période révolutionnaire. « C’est, disait un orateur 6e du club bisontin, une cause de misères et de ruines, qui étale aux yeux des républicains patriotes les figures abhor- rées des rois, des reines et par suite des valets. » [l conseille enfin aux patriotes, en Lerminant son fougueux réquisitoire contre les jeux de cartes, de répondre à ceux qui leur pro- poseraient une partie ce fier mot d'un Anglais : « Je ne sais pas distinguer les rois des valets ! » Peine perdue, comme vous le savez ! Ce conseil, en effet, ne devait pas être suivi à la lettre : les révolutions ont succédé aux révolutions sans pouvoir détrôner jamais ces rois et ces reines de carton qui longtemps encore feront la joie et le bonheur de leurs innombrables sujets. Deux de nos membres honoraires, M. Jaudon, procureur général et M. Pingaud, professeur d'histoire à la Faculté des Lettres, ont publié dans le cours de cette année des ouvrages importants : le premier sur Denys Puech, le grand statuaire moderne ; le second sur Jean de Bry, cet ancien préfet du Doubs, dont l’odvssée est si curieuse. | M. Gazier, avec tout le talent critique que vous lui con- naissez, a su nous donner une très fine analyse de ces savantes études qui sont entièrement à l’honneur de leurs auteurs. Avec Denys Puech, c’est tout l’art moderne de ces qua- rante dernières années que l’auteur passe en revue, et les superbes reproductions qui décorent le texte donnent à ce savant ouvrage une valeur artistique de premier ordre. D'autre part, son éminent interprète à bien su metire en évidence les hautes considérations qui découlent de cette œuvre remarquable qui, de prime abord, ne paraissait pas devoir tenter la plume d’un magistrat. La biographie de Jean de Bry est encore pour notre Secré- taire décennal l’occasion d'étudier cet énigmatique person- nage à la suite de son savant historien. | ï Figure bien troublante en effet que celle de ce révolu- tionnaire régicide, devenu incidemment pacificateur de la ce Provence, puis diplomate ;: échappé au guet-apens de Ras- tadt, dans lequel ses collègues Bonnier et Roberjot trou- vèrent la mort ; préfet du Doubs de 1801 à 1814, où ses talents d’organisateur et sa sage administration le rendirent extrêmement populaire; ami du jeune Nodier, qu'il pro- tégea malgré sa Napoléone et ses pseudo-conspirations ; exilé par la seconde Restauration, quoi qu’il ait juré fidélité à Louis XVIII avec le même empressement et autant de con- viction qu'il avait prêté serment à l’Empire, et enfin ne rentrant en France qu'après 1830 pour y mourir peu d’an- nées après, obscur et oublié ! M. Pingaud a écrit ce volume avec ce talent d’historien que vous avez si souvent apprécié. C'est un chapitre des plus curieux de notre histoire locale que la biographie de ce TFalleyrand au petit pied et qui éclaire d’un jour tout nouveau les mœurs et les usages de la société bisontine au commen- -cement du xIx° siècle. Nous remercions vivement le savant professeur de hommage quil a fait de son œuvre à la Société d'Emulation et nous remercions aussi le critique avisé qui à si bien su nous la faire apprécier. Poursuivant le cours de ses remarquables travaux sur l’histoire de notre pays, M. Longin nous a fait une intéres- sante communication sur le passage à Paris en 1644 de Mello, ce capitaine portugais au service de l'Espagne qui, l’année précédente, avait été vaincu dans les plaines de Rocroi. Les causes de cet échec intéressent particulièrement la Franche-Comté, puisque Mello avait tenté cette diversion pour prévenir l’envahissement de notre province par les armées de Condé. Mais, ici encore, la roche Tarpéienne allait côtoyer le Capitole, et battu par le jeune d’Enghien, envoyé au secours de la place, il dut se résigner à traverser la France entière pour regagner l'Espagne. C’est alors que, ne pouvant éviter Paris, Pancien gouverneur des Pays-Bas | ne voulut pas s'y montrer en vaincu, vestido de carmino, et QUE qu’il déploya dans la formation de son cortège un faste inouï et une magnificence sans égale. Aucun historien n'avait, avant notre savant collègue, décrit cette sorte de cavalcade historique, et ce ne fut pas, comme 1l nous Papprend lui-même, un spectacle banal que celui qu’offrait aux Parisiens, si légitimement fiers de leur victoire, « ce soldat vaincu qui leur apportait le tribut de son admiration ». Mais la relation du passage de Mello à Paris n’était en quelque sorte qu’une préface, un avant-propos à l'important ouvrage que M. Longin à consacré à Jean Boyvin, l’ancien président du Parlement, dont il nous a déjà si souvent entretenu. Les lettres de Bovvin aux Chifflet comprennent une période de vingt-six années, de 16925 à 1650. Notre collègue en a extrait une véritable biographie du célèbre auteur du Siège de la Ville de Dole, et c’est, documents en mains, qu’il nous fait le « pourtrait naïf de son cœur » ! C'est de plus la relation la plus complète que nous ayions sur le xvire siècle dans notre province, et il a fallu à notre érudit collègue la patience d’un bénédictin unie à son grand savoir, pour déchiffrer l’écriture fine et serrée de l’ancien Président du Parlement et en extraire cette page d'histoire, toute à l'honneur et à la gloire de nos ancêtres. Les évènements qui intéressent la Franche-Comté sont tous passés en revue et Boyvin signale même à son corres- pondant les faits qui le touchent personnellement. Ainsi, quel n’est pas son effroi quand il apprend qu’il est proposé pour faire partie du Conseil de Flandre et de Bour- gogne qu’on va installer à Madrid! Il est pourtant très fier assurément d’une aussi flatteuse distinction, ce qui ne l’em- pêche pas d’ajouter : « Que pourrois-je servir en Espagne, moi qui n'ai jamais Vu ce pays qu'en peinture ? Puis c’est la relation détaillée de la peste qui désole le pays et oblige le Parlement à s’exiler à Pesmes (1630) pen- ge. dant que lui-même, qui eut tant à en souffrir par la suite, va installer sa famille dans une maison de campagne des envi- rons de Dole. Après la peste, la guerre ! L’Alsace et la Lorraine vien- nent d’être envahies par la France, « nos barrières natu- relles » écrit Boyvin, qui prévoit déjà l'entrée prochaine en Franche-Comté des armées françaises. Bientôt, en effet, les boulets de La Meilleraie viennent jeter dans les faubourgs de la ville l’épouvante et la mort. Quel siège ! mais quels défenseurs et quel historien ! aussi quand plus tard, 1l sollicitera la Présidence du Parlement et qu'il aura à compter avec des concurrents tels que Gollut, Girardot de Noseroy, Frossard-Broissia... ce n’est pas à cause de son ancienneté qu'il sera choisi, mais en raison « du grand rôle qu'il aura joué pendant le siège ». En retraçant la belle figure de Boyvin, toute de droiture et de loyauté, M. Longin à élevé un vrai monument au patrio- tisme comtois et je ne puis mieux terminer cette trop courte analyse qu’en répétant avec lui: « Trois fois en moins d’un siècle, notre Franche-Comté a vu son sol foulé par les pas de l’étranger victorieux ; des jours mauvais peuvent revenir: Dieu veuille alors susciter parmi nous beaucoup d'hommes, tels que celui que les pires extrémités trouvèrent à la hau- teur de tous les sacrifices, appuyé sur la base inébranlable de la conscience et de l’honneur ». Dans l’histoire contemporaine, nous avons entendu avec beaucoup d'intérêt la lecture d’une œuvre posthume de notre regretté collègue Sandoz, où, sous le titre de Trente années de souvenirs d’un Bisontin, il fait la biographie d’un personnage que nous avons tous connu, le sénateur-maire Oudet. Sandoz fut son ami et son collaborateur et c’est avec énergie qu’il défend son œuvre municipale, à laquelle lui- même a pris une si large part. De nombreuses anecdotes - contées avec beaucoup d’humour nous font revivre une 4102 époque qui ne date que d’hier et qui pourtant déjà, est entrée dans l’histoire. M. le chanoine Rossignot, qui demain présidera avec toute l'autorité attachée à son nom, aux destinées de la Société d’'Emulation, a su utiliser les lettres d’un mission- naire franc-comtois au Cambodge, l'abbé Ch. Tournier de Morteau, pour nous donner sur la vie et les mœurs des Cambodgiens des détails circonstanciés du plus haut inté- rêt. Puis, avec un grand accent de vérité, il nous a montré l’œuvre féconde de ce prêtre, qui, par la dignité de sa vie et l'élévation de son caractère, a su faire aimer la France par ces indigènes avec lesquels il avait vécu si longtemps. Toujours à la piste de renseignements historiques, M. Pabbé Rossignot revient encore une fois sur la question de « la naissance du général Lecourbe ». Il explique les irrégula- rités de son acte de baptême qui a donné lieu à tant de con- troverses par le soin que l’on prit de cacher sa naissance illégitime. Quoi qu'il en soit, Lecourbe est bien à nous et c'est avec satisfaction que nous voyons inscrit sur nos murs le nom de l’intrépide défenseur de Belfort. Un de nos membres correspondants, M. le docteur Gros- perrin de Pont-de-Roide, nous a envoyé une curieuse étude intitulée : Le bagne à la Nouvelle en 1878. Faisant appel à ses souvenirs d’ancien médecin de marine, il raconte dans un style imagé la vie des déportés à cette époque et les rela: tions qu'il eut avec certains membres de l'insurrection de 1871, tels que Lucipia, le colonel Lisbonne, Alphonse Hum- bert, etc... Entremélant son récit de descriptions pitto- resques et d’aperçus curieux, notre compatriote termine sa narration par l'exposé dramatique de lPattentat dont il fut victime. Un déporté, désireux de commettre un crime pour se soustraire par la guillotine à une captivité dont il n’entre- voyait pas l’issue, le frappa certain jour de trois coups de pe eu poignard. Ce fut heureusement sans gravité pour notre correspondant dont nous pouvons lire aujourd’hui les inté- ressants Souvenirs. M. le docteur Emile Ledoux nous à fait une très fine ana- lyse de la biographie de madame Hamelin publiée par le charmant et infatigable écrivain, M Alfred Marquiset, notre associé correspondant. C’est encore un de ces livres aimables et spirituels, rem- plis d’aperçus piquants et de détails parfois risqués, mais si bien dits, si bien contés, qu'on pardonne facilement à son auteur de n'avoir pas emplové le latin, que nous ne comprenons plus guère aujourd'hui, pour nous mettre au courant des faits et gestes de cette séduisante amie du comte Casimir de Montrond. M. le docteur Ledoux a pris soin de noter tout particu- lièrement ce qui concerne notre compatriote. Né à Besan- con en 1769, de Montrond passa pour un des hommes les plus spirituels de son époque et fut même chargé par Tallev- rand d’une mission diplomatique pendant les Cent jours. C'est la partie comtoise de ce livre dans lequel l’auteur, au milieu de détails historiques importants, a su donner libre cours aux saillies de son esprit et à la gaieté de sa plume. _ La Société d’Emulation à toujours compté dans son sein de nombreux poètes dont les rimes viennent de temps à autre jeter une note gaie et sonore au milieu de ses tra- vaux plus graves d'archéologie ou d'histoire, Un de nos jeunes sociétaires, M. Albert Mathieu, le lauréat de nom- breux concours académiques et que vous aurez du reste le plaisir d'entendre dans un instant, nous a récité de fort _ jolis sonnets. — Nous ne saurions trop le complimenter de _ pouvoir, dans le siècle prosaïque dans lequel nous vivons, trouver des loisirs pour rêver et une lyre pour chanter ! + LEO ee À force de fréquenter les bois, où sa muse nous a si souvent promenés, M. Frédéric Bataille, notre poète favori, oublieux des fleurs et des ombrages, y a cueilli... des cham- pignons, dont il nous sert aujourd'hui un plat aussi savant que savoureux, mais auquel les profanes n’osent toucher. C’est que, sous le poète délicat et l’élégant ciseleur de rimes, se cache un éminent mycologue dont les travaux sont con- nus et appréciés de tout le monde savant. C'est en effet, entre deux sonnets, que notre collègue a écrit cette mono- graphie détaillée des hygrophores que M. le professeur Magnin a bien voulu présenter en son nom à la Société d'Emulation. Sous les auspices d’un tel parrain, il peut être assuré du plus éclatant succès. M. Ch. Beauquier, le député de Besançon, ne s'applique pas seulement à protéger les sites et les paysages, il con- nue à recueillir dans notre pays les traditions populaires, les anciens usages, les coutumes perdues du bon vieux temps, tout ce qui, en un mot, tend à disparaitre par suite des exigences de la vie moderne et qu’il veut, à tout prix, sauver de la ruine et de l’oubli. Le manuscrit qu’il nous adresse pour nos Mémoires a trait à l’alimentation. Ici, par exemple, ce ne sont plus les recettes culinaires recherchées que nous donnait naguère, dans ses Menus propos de la cuisine comioise, l’érudit auteur qui s’abrite sous les traits d'une vieille maîtresse de maison. Il n’est plus question de truffes, ni de morilles : le vin de Trois- Châtels lui-même auquel lPauteur anonyme reconnaissait un bouquet « si fin et si discret » et le Château-Chalon moins encore, (« avec sa couleur d’or et son goût agréable de noi- sette », ne paraissent pas sur les tables autour desquelles M. Ch. Beauquier nous convie. C’est de la cuisine populaire dont il va être question, de la cuisine de nos paysans de Franche-Comté, avant que la facilité des communications ait importé chez nous, avec = CO des recettes: nouvelles, des approvisionnements de toute espèce. Tout d’abord, l’auteur nous initie aux termes des ustensiles de cuisine. Voici la grande cheminée avec son cramail ou crémaillère, qui soutient la vaste chaudière appuyée contre la platine en fonte. Dans un coin, la maie, pétrin d’où sor- tira le pain bis quotidien ou la rouchotte pour les jours de fête ; puis plus loin, les coquelles et coquelons de toute taille, les vannottes, le bureton, le seillot, le pochon, etc... tous les aisements, en un mot, que doit avoir à portée de sa main, une ménagère franc-comtoise soucieuse de son bon renom, Passant alors à l’alimentation en général, l’auteur nous donne la recette des gaudes, du brési, du pai-pai, de la can- coillotte, de la rôtie, du fricot, du frichti, de la ratatouille, du quigneux, des gâteaux aux gramesons, de la flamusse, des crapés et de mille autres mets encore, qui faisaient venir l'eau à la bouche de nos ancêtres et les imvitaient à répéter, contrairement aux gens de Thervay, qui passaient pour être toujours rassasiés : « Deo gratias ! Le bon repas, Qu'un autre ne tarde pas ! » Chemin faisant, M. Beauquier émaille son récit de pro- verbes, d’anecdotes, de contes et de tous ces bons mots, qui ont fait la joie de nos pères. | C’est ainsi, que manger ( du poisson de Chaumercenne », où ne coule pas le moindre filet d’eau, c’est tout simplement manger des haricots ! À Arbois, on appelle les gaudes, « des grives de Salins ». L’explication en est amusante et vaut d’être contée. Certain jour, un vigneron de Salins quelque peu vantard, qui digérait son repas sur le devant de sa porte, dit à son voisin: « Je finis par être dégouté de manger tou- jours des grives! » — « Tu les manges donc sans les DA 00 plumer », riposte le facétieux voisin, en lui montrant quelques bribes de gaudes demeurées sur son menton ! Enfin nous arrivons aux boissons et quoi qu’en dise notre savant historien comtois, nos pères ne se contentèrent pas longtemps de l’eau pure. Je n’en veux pour preuve que les nombreuses expressions qui s’y rapportent et que je relève dans son ouvrage. La piquette, le vin fou, le vin de paille, le maquevin, le brantevin, le marc sont chantés tour à tour, en même temps que la frempotte, la trempusse, le chaudeau etC’e. Puis viennent les nornbreux proverbes bachiques : « Pinte à midi, pinte le soir, Trois muids de vin, il faut avoir ! » Ou bien: « Il faut boire trois coups le matin pour prévenir la soif, trois coups pour l’apaiser et encore trois coups pour. la soif à venir! » Tout cela n'indique pas précisément une tempérance exa- gérée, mais que voulez-vous, nos pères croyaient fermement au dicton populaire : e On voit plus de vieux ivrognes que de vieux médecins ! » | Admirons d’autre part la sagesse des habitants de Reugney, qui, soucieux de l’avenir, répétaient souvent : « Quand la Saint-Martin est passée, On repend dans la cheminée Les jambons non entamés I » Mais il faudrait citer en entier le livre de notre érudit col- lègue pour pouvoir l’apprécier à sa juste valeur. En le lisant, _ vous y trouverez le même attrait, le même parfum de terroir, que dans le Blason populaire ou les Chants de Franche- Comté, du même auteur. Ce sont de semblables « racon- totes », suivant le mot de notre ami Bouchot, c'est une 225, A 2 page toute entière de la vieille Comté, qu’on croit avoir vécue et que l’on aimerait à revivre. Car, comme Î'a chanté tant de fois le poète comtois Ch. Grandmougin : e Rien ne vaut les plateaux, d’où nos veux d'autrefois Voyaient dans les vallons les toits bruns des chaumières ; Rien ne vaut les sentiers d'enfance au fond des bois Et les saines fraîicheurs d’impressions premières! » Dans le cours de l’année qui vient de s’écouler, notre société s’est fait représenter par M. Picot à la séance publique de la Société d’Emulation de Montbéliard, Des deux journées passées au milieu de nos aimables voisins, notre collègue a rapporté un précieux souvenir, dont il a bien voulu nous lire un intéressant compte-rendu. Je ne puis mieux en faire l'éloge qu’en vous disant que c’est la relation détaillée et exacte de l'accueil empressé et cordial qu’a recu notre représentant. Au IXe congrès des Sociétés savantes de Franche-Comté, tenu les 3 et 4 août à Pontarlier sous la présidence du doc- teur Rollier, professeur au Polytechnicum de Zurich, la Société d'Emulation a compté de nombreux adhérents, parmi lesquels MM. Lambert et Bouton ont su se faire applaudir dans de savantes communications Je souhaite que l’année prochaine, au congrès qui se tiendra à Luxeuil, nous arrivions encore plus nombreux à ces assises scientifiques franc- com- toises, fondées par notre ancien secrétaire décennal, le tou- jours regretté Jules Gauthier. L'année dernière à pareille époque, mon distingué prédé- cesseur vous entretenait de la fondation des frères Grenier, de Baume-les-Dames. Ces deux philanthropes ont tenu à laisser à notre Société un gage princier de leur sympathie et de leur amitié. Pour la première fois, le prix qu’ils ont fondé a été attribué cette année à un jeune Comtois, dont l’avenir scientifique s’annonce brillant et plein de promesses. Dans net un instant, une voix plus autorisée que la mienne, celle de M. Maurice Thuriet, notre éminent rapporteur général, vous donnera, avec les conditions du concours, son résultat, auquel vous applaudirez certainement. Pour moi, je salue encore une fois le charmant aquarelliste baumois et le déli- cat auteur de Francine de leur généreuse inspiration. J'en ai terminé, Mesdames et Messieurs, avec la péril- leuse mission de vous rendre compte des travaux de la Société d’Emulation. J'ai maintenant le devoir douloureux de rendre hommage à la mémoire des trop nombreux col- lègues que la mort nous a ravis. Cette année plus particu- lièrement, elle s’est montrée impitoyable, frappant nos meilleurs travailleurs, ceux sur lesquels nous avions le plus de droit de compter. Laissez-moi d’abord reporter ma triste pensée vers celui qui fut pendant de si longues années l’âme de notre Asso- ciation, après l’avoir brillamment présidée en 1901 : j'ai nommé M. Alfred Vaissier. Elève chéri de Castan, c’est sous son habile direction qu'il était devenu l’archéologue dis- tingué dont vous avez eu si souvent l’occasion d’applaudir les savantes communications. Naguère encore, un de nos plus grands archéologues actuels, M. Reinach, membre de l’Institut, rendait pleine justice à notre compatriote et se rangeait à l'avis de l’ingénieux traducteur des figures hiéro- glyphes de Porte-Noire (1). — « Providence de nos musées », comme l’a appelé Castan, c'est à lui que nous devons lins- tallation au palais Granvelle des collections Vuillemot et la réorganisation de nos salles d'archéologie. — Vigneron à ses heures, il a publié sur la viticulture des travaux appréciés, qui font encore autorité aujourd'hui. Humble jusqu'à son dernier jour, il n’a jamais cherché ni la fortune, ni les hon- neurs, et dans la notice que je lui consacrai, j'ai cru devoir (1) La Revue archéologique de septembre-octobre 1909. See A lui appliquer cette parole, que lui-même prétait à nos anciens vignerons, qui parfois mouraient à la tâche au pied même du cep qu'ils cultivaient : « Dans ce siècle chan- geant où les ambitions s’égarent à la poursuite du bonheur, il faut savoir mourir dans sa vigne ! » Une perte non moins sensible pour notre Compagnie fut celle du docteur Baudin, notre ancien président de 1894. Un de nos jeunes confrères, M. le docteur Eugène Ledoux, nous a retracé en des pages émues toute sa vie de travail et de dévouement. Hygiéniste remarquable, praticien distin- gué, écrivain hors pair, j'aurai tout dit de lui en ajoutant qu'il fut le plus aimable des confrères, le plus dévoué des anis et que la douleur que nous cause sa disparition a été aussi cruellement ressentie par vous tous que par la Société d'Ernulation. Et M. Sandoz, ce prototype de l’honneur militaire et du courage civique, dont j'ai essavé de retracer l’infatigable carrière. Peut on comprendre une association quelconque, une réunion municipale, une œuvre philanthropique ou cha- ritable sans la présence de Ch. Sandoz. Partout il a apporté le même zèle, le même souci de la chose publique, la même abnégation et le même dévouement. Mais la liste funèbre n’est pas close. Nous avons encore à déplorer la mort de M. Lieffrov, président de la Société d'Emulation en 1892 et qui, il v a quelques jours à peine, était enlevé subitement à l’affection des siens et de ses nom- breux amis; de M. Bavoux, notre ancien secrétaire décen- nal, dont M. le docteur Magnin a retracé sur la tombe la vie toute de modestie et de dévouement : de M. Vieille, lar- chitecte bisontin connu de tous : de M. Paul Bretillot, un de nos dovens, puisqu il appartenait à la Société depuis 1857 ; de M. Bever, secrétaire général de la Mairie, et enfin de M. Maës, qui depuis plus de vingt années apportait son obole à notre œuvre. joe Nous venons d'être encore douloureusement impres- sionnés par la mort de deux de nos membres d'honneur : Monseigneur Fulbert Petit, archevêque de Besançon, et de M. Weil, membre de l’Institut. Nous devons à Monseigneur Petit l'hommage de notre respectueux souvenir pour l’intérêt qu'il a toujours témoigné à la Société d’Emulation, très assidu qu’il était à toutes nos séances publiques tant que son état de santé le lui permit. Esprit distingué et d’un abord bienveillant, le prélat bison- tin donnait à tous l'impression d’un homme acquis aux idées hHbérales et justement préoccupé des grandes questions sociales qui sont à l’ordre du jour. M. Weil, ancien doven de la Faculté des Lettres de Besan- con et ancien directeur de l’Ecole Normale supérieure, fut un des maïîtres de l’hellénisme moderne. Ses éditions de Démosthène et d’Eschyle font autorité, ainsi que ses ouvrages de grammaire. Un savant parmi les savants, que la mort semblait avoir oublié. C’est en effet dans sa 92° année qu'il s’est éteint à Paris il y a quelques jours. Et maintenant j'ai le devoir agréable de saluer nos nou- veaux sociétaires, Leur nombre et leur valeur n’atténue- ront qu'en partie les pertes cruelles que je viens de vous énumérer, mais ils trouveront dans ces portraits trop hâti- vement tracés la ligne de conduite qu’ils auront à suivre et la tâche qu'ils auront à remplir. En nous apportant leur concours, 1ls donneront à la Société d’Emulation une force nouvelle, ils lui infuseront un sang jeune et généreux dont elle a besoin pour poursuivre, suivant ses traditions, sa marche en avant, toujours plus en avant, pour l’amour de la science, l’étude du passé et le dévouement à la patrie comtoise. és Los PROMENADE PHILOSOPHIQUE Par M. Ch. GRANDMOUGIN MEMBRE HONORAIRE Séance publique du 16 décembre 1909 Oh ! le vent dans la nuit sur la route déserte ! Le vent qui chante éperdument ! L’âme est ouverte A son souffle et s’en va sur ses ailes de bruit ! Il me caresse avec amour, puis il s’enfuit, Et, plus impétueuse, arrive une autre haleine ! Oh!le grand vent obscur ! les parfums de la plaine, Des foins qu’on a coupés et des féconds enclos ! Le vent qui par moments ressemble au bruit des eaux Dans les grands arbres qu’il secoue et qu’il balance !.…. Puis, quand il veut calmer un peu sa violence, Et qu’il se glisse, au loin, dans l’épaisseur des blés, Imnombrables épis l’un à l’autre frôlés, On dirait les frissons pointillés de la pluie... Cette nuit est mystère et non mélancolie, Car tout y vibre et tout y chante autour de nous. Le vent ! Je frémis d’aise à ses murmures fous, Sa musique m'enchante et sa force me pousse ; Sa voix, tantôt terrible, et tantôt lasse et douce Est plus capricieuse encore que la mer, Et le ciel, tour à tour fulgineux et clair, Le ciel, vaste et mouvant, aux mobiles trouées, Le ciel, fuyant amas de vapeurs secouées Semble me dire: « Viens là haut, pauvre songeur ! Dans mon immensité que n’es-tu voyageur, Léger comme une plume ou comme une fumée ! Savoure la tempête, âme à jamais calmée Et mêle ton désordre au désordre du ciel! » 0) Et je m’en vais ainsi, trouvant dans le réel L’atmosphère sublime et changeante du rève ; Le village, non loin, à mi-côte s'élève Et profile son vieux clocher sur l'horizon ; Mais tous les travailleurs dorment ; chaque maison À sa porte fermée et ses fenêtres closes ; Le village se fond dans la beauté des choses, Il ne fourmille plus des tumultes humains : C’est un heureux décor comme ces vieux chemins Dont l’obscure blancheur dans la brume s’estompe ! Ah ! l’on crie au rêveur que votre aspect le trompe, : O nature, à prés verts, Ô villages dormants |! Je vous peuple, dit-on, de tous mes sentiments, Je vous prête mon àme et vous donne ma vie, Et ne vous vois jamais qu’à travers ma folie ! Mais qu'est-ce donc alors que cette nuit d'été ? Un aspect n'est-il pas une réalité ? Le sceptique me dit en raïillant mon poème Que tout ce que j'écris n’existe qu’en moi-même Car j'ai transfiguré le monde extérieur. — — Si je puis le créer, je n’en suis que meilleur! — Oui, je deviens plus grand si mon âme l’invente Et si ma force intime est à ce point vivante Qu'elle engendre sans fin des aspects de beauté! — — Qu'est-ce donc, après tout, que votre vérité ? Ce qui palpite en moi n’est-ce pas de la vie ? Et ne suis-je donc rien si mon âme est ravie Dans l'admiration de ce qu’elle a cru voir ?.… Non! non! Vous existez vraiment, beauté du soir, Charme obscur de la nuit, prestige des étoiles, Vent d'orage, gonflant nos cœurs comme des voiles ! Je vous admirerai toujours, bois solennels, Découpant vos profils moutonnants sur des ciels Où s'éteint lentement l'or vert du crépuscule! Oui, le désir du Beau me poursuit et me brûle, Mais je ne suis pas seul l’auteur de vos beautés, O forêts, à côteaux, à cieux illimités ! Nature, je te crois sublime, par toi-même ; Ra ace : ©; 197 = Et pourtant on sourit du promeneur qui t'aime, Et beaucoup, près de toi, passent indifférents, Semblables dans leur vie aux bestiaux errants Qui n’ont jamais souci que de leur nourriture, Si tu m'as captivé toujours, sainte nature Cest qu’un être suprême et bon mit en mon cœur Le pouvoir de comprendre et d'aimer ta splendeur Et de trouver en toi ces voluptés bénies ! Ah ! que d'hommes fermés aux choses infinies D'hommes inférieurs, éternellement sourds Dans leur stupidité se complaisant toujours ! Oui leur âme est encore plus vidée et plus seule Que celle des chevaux qui, pour tourner la meule, Marchent en rond, le front baissé, les veux couverts, Sans rien goûter jamais de l’immense univers, Et courhés sur le sol de la route suivie Traînent sans en mourir le néant de leur vie! Charles GRANDMOUGIN. RAPPORT SUR L'ÉLECTION DU PREMIER TITULAIRE DE LA PENSION DES FRÈRES GRENIER Par M. Maurice THURIET AVOCAT GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE BESANCON MEMBRE RÉSIDANT Séance publique du 16 décembre 1909. MESDAMES, MESSIEURS, Depuis que M. de Montyon a chargé l’Académie française de distribuer des prix de vertu, quelques philanthropes géné- reux, voulant à son exemple récompenser les bonnes actions ou encourager le progrès humain, ont confié à des corps savants le soin de dispenser leurs libéralités posthumes. [ei même, depuis de longues années déjà, la fondation Suard permet à l’Académie de Besançon de venir en aide à des jeunes gens qui manifestent pour la carrière artistique ou littéraire une vocation que la médiocrité de leur fortune ne leur permettrait pas de suivre. La Société d’Emulation du Doubs n’avait point encore été honorée d’un tel mandat de bienfaisance lorsqu’en 1901, le poète Edouard Grenier de Baume-les-Dames, lui légua un certain capital, à charge d’en servir les revenus, un peu supérieurs à 1800 francs, à un jeune franc-comtois annon- çant des dispositions pour les lettres, les sciences ou les arts. Le testateur a déclaré que ses intentions avaient été par- tagées par son frère, le peintre Claude-Jules Grenier et qu'il — 23 — était juste d'associer la mémoire de l’artiste à celle du poète en désignant leur fondation sous le nom de « Pension des frères Grenier ». De la part des frères Grenier, la pensée d'éviter à des jeunes gens d'avenir les soucis de la pauvreté est d'autant plus louable qu’eux-mêmes, issus d’une famille de la bour- geoisie riche, ne furent jamais aux prises avec les difficultés matérielles de la vie. Leur vocation ne fut jamais contrariée par la nécessité de gagner le pain quotidien ; à peine le fut- elle par la volonté de leur père, un opulent receveur des finances, qui se serait plu à fare de ses fils des fonction- naires comme lui. | Claude-Jules et Edouard Grenier sont nés, le premier en 1817, le second en 1819 à Baume-les-Dames, dans la mai- son de leur aïeul maternel Claude-Simon Barbier, qui fut maire de cette ville sous la Restauration. Dès l’âge de 8 ans les deux frères étaient envoyés en pension à Fontenay-aux- Roses, dans un établissement que dirigeait un M. Morin et où professait un ami de leur grand-père, M. Ordinaire, plus tard recteur de l'Académie de Besancon. Edouard a décrit quelque part la physionomie fort originale de cette institution Morin où son frère et lui reçurent leurs premières impres- sions d'enfant, les plus vivaces et souvent les plus décisives sur Porientation de la vie. La maison de style Louis XV était installée au milieu d’un grand parc; elle avait appartenu disait-on, à M*° de Pompadour ; le programme des études différait sensiblement de celui de l'Université ; les arts, les langues vivantes y avaient une place prépondérante ; des professeurs distingués y donnaient une éducation soignée à des fils de famille, de races et de contrées diverses, parmi lesquels on comptait même quelques petits pays chauds. Dans cette pension cosmopolite ou « l’on perdait moins de temps qu'ailleurs à ne pas apprendre le grec et le latin, tout con- courait, dit Edouard Grenier, à développer les vocations d'artistes, de poètes, d’explorateurs et au besoin d’oisifs ». se ON Di Ce n’est qu'aux veux du vulgaire que les frères Grenier auraient pu passer pour oisifs. Sans doute, ils n’ont eu l’un et l’autre qu'une très courte carrière administrative ; Jules n’osa point affronter les concours d'admission à Poly- technique et à Centrale qu'il avait préparés beaucoup moins dans les classes de mathématiques qu'aux cours de Flajoulot et d’autres professeurs de peinture de Besançon. [Il fut deux ans surnuméraire dans l’administration de l’enregistrement, mais il démissionna bien vite car, dans sa passion pour la peinture, il aurait volontiers fait de l’aquarelle sur le papier timbré dont il avait la garde. Edouard ne fut guère plus de : temps secrétaire d’ambassade, fonction qu’il avait sollicitée en 1848 d’un ministre des affaires étrangères qui s'appelait Lamartine. L'indépendance de leur caractère, l’entraine- ment irrésistible qui les portait l’un vers l’art, l’autre vers la poésie, les détermina bien vite à s'évader du fonctionna- risme. [ls voulaient vivre en hommes libres, sans sentir le poids d'aucune chaine, sans être détournés par aucun souci du culte voué à leur Muse. Non, ce ne fut pas un oisif, ce maitre de l’aquarelle, élève de Decamp et de Delacroix, qui connaissait à fond. tous les chefs-d’œuvre des musées d'Europe et qui ne cessait d’étu- dier la nature dans ses aspects les plus attravanis. Jules Grenier fut un paysagiste : dans le paysage, ce qui Pattirait le plus, c'était le ciel ; dans le ciel, les lueurs crépusculaires et les gloires du soleil couchant. Il a noté sur des milliers de pages les colorations variées des nuages et l’infinie diversité des jeux de lumière, quand l’astre disparaît der- rière le cirque de collines qui entoure la prairie de Baume, ou à travers les chênes de la forêt de Fontainebleau ou lorsqu'il dore de ses derniers rayons la campagne ro- maine ou les vieux palais vénitiens, ou bien encore lors- qu'il forme un écran lumineux derrière le dôme de l’Institut, les arbres des Tuileries et la masse lointaine de lPArc de Triomphe. L'amour fraternel n’a pas exagéré l’éloge dû à la virtuosité de l’artiste dans les vers consacrés par Edouard à la mémoire de Jules : ... Cette heure de calme et de mélancolie Où le soleil voilant sa lumière pâlie S’incline à l'horizon majestueusement. Personne n’a traduit comme toi ce moment ; Nul peintre d’un pinceau plus habile et plus leste N’a mieux redit cette heure et son charme céleste ; Nul, sauf ton homonyme et confrère lorrain, D'un sentiment plus vrai, plus sûr et plus serein, N’a poursuivi dans l’air ces vapeurs fugitives Qui s'élèvent des monts, des plaines et des rives Et forment dans l’éther ce lit de pourpre et d’or Où le soleil se couche en rayonnant encor. Nul n’a mieux peint que toi la grande poésie Et ce recueillement dont la terre est saisie, - Lorsque le crépuscule apaisant tous ses bruits, Prélude dans les airs au silence des nuits. Auguste Barbier, l’auteur des Zambes, surnommait Jules Grenier « le Roi du ciel » et Corot disait modestement : « Après moi, cest Grenier qui a fait les plus belles études d'Italie ». Mieux que quiconque les Bisontins peuvent apprécier l’œuvre de cet artiste désintéressé qui n’a jamais consenti à vendre la moindre de ses études : la collection complète de ses œuvres a été donnée par Edouard à la ville de Besançon qui l’a placée dans une des salles du Palais Gran- velle. L'installation actuelle, à bien des points de vue défec- tueuse, n’est que provisoire sans doute; qu'il nous soit permis de souhaiter que le public puisse jouir bientôt avec plus de facilités des joyaux de ce trésor artistique. Ce ne fut pas non plus un rêveur oisif, mais un intellec- tuel laborieux, celui qui mit son nom au bas de tant de poèmes délicats, d'un sentiment toujours élevé, d’un rythme toujours harmonieux, œuvres un peu froides peut-être dans Op leur impeccable facture et qui font songer tantôt à un Lamar- tine calme et apaisé, tantôt à un Musset de bonne compa- gnie. — La mort du Juif errant, que l’auteur de Jocelyn déclarait un chef-d'œuvre : Le premier jour de l’Eden, qua- lifié par Th. Gauthier une belle fresque sur fond d’or ; Séméia, Prométhée délivré, l'Elkovan qui évoque de merveilleuses visions d'Orient, les poèmes épars, Francine, Marcel enfin, où le poète, qui s’est peint lui-même dans son héros, se révèle avec ses exquises délicatesses, sa noblesse d’âme et son patriotisme éclairé, avaient valu à leur auteur par trois fois les lauriers de l'Académie française et, chose plus précieuse encore, l’estime et lamitié de toutes les person- nalités marquantes de la littérature du xix® siècle. — Dans ses Souvenirs littéraires, Edouard Grenier nous a entretenu de ses relations avec les poètes et les littérateurs de son temps ; 1l nous les à dépeints par leurs côtés intimes, en traits expressifs que relève parfois une pointe de malice. Il échangea enfin une correspondance des plus intéressantes, dont on vous parlera tout à l’heure, non seulement avec des poètes comme Auguste Barbier, Laprade, Sully-Prudhomme, des littérateurs comme Mérimée, Emile Augier, Mézières, Paul Bourget, Jules Lemaître, mais aussi et surtout avec des femmes d’élile, mesdames Tastu, Ackermann, Caro, Bent- zon, Arvède Barine, la duchesse de la Roche-Guyon, dont l'amitié était le plus précieux de ses biens et faisait le charme et le bonheur de sa vie. Les frères Grenier avaient adopté Paris pour patrie intel- lectuelle, mais ils ne manquaient jamais de revenir chaque année en Franche-Comté. C’est à l’arrière-saison qu’on les voyait arriver à Baume, dans la maison patriarchale où long- temps leur mère entretint la flamme du foyer. Je me sou- viens d’avoir vu bien des fois au bras d'Edouard une très vieille dame, petite et fluette, restée fidèle à la mode de 1850, qui traversait la place de l'Eglise, en glissant comme une ombre, à pas menus et silencieux. Edouard manifestait pour SOI elle un véritable culte et l’entourait de soins attentifs et d’une vénération attendrie, Car lorsque sur leur front Dieu met des cheveux blancs, Nos mères à leur tour deviennent nos enfants. Les deux frères ne frayaient pas très intimement avec les habitants de leur ville natale qui s’inclinaient devant leur supériorité mtellectuelle ; on les rencontrait le plus souvent seuls, l'artiste dans des sentiers abrupts, sa boîte de couleurs à la main ; le poète promenant sa rêverie sur les grandes routes ou le long des rives du Doubs. La différence de leur tenue attestait une certaine divergence de goûts : le premier arborait volontiers les chapeaux mous et les cravates flottantes chères aux peintres de Barbizon; le second, qui fréquentait les salons académiques et les boudoirs aristocratiques, ne sortait qu’en complets élégants et soigneusement ganté. Un jour vint où, après la mort des siens, Edouard rentra seul et attristé dans la maison à tourelles, tapissée de lierre, où giîtaient tous ses souvenirs de famille et qui lui imspirait ces chants émus : Salut, vieille maison, où le ciel me fit naître, Où de tous mes parents j'ai dû fermer les yeux! Regarde ! c’est bien moi; pourras-tu reconnaître Dans ce vieillard flétri, l'enfant des jours joyeux ? Tu m'as vu chaque année au déclin des automnes, Respirant l’air natal avec enivrement, A tes vieilles parois suspendre mes couronnes, . Ces présages trompeurs que l’avenir dément. | Puis tu m'as vu plus tard, au milieu de la vie, Revenir las, brisé, les cheveux déjà blancs, M’asseoir près de ma mère et n’avoir qu'une envie Ouater de bonheur le nid de ses vieux ans. OS Maintenant je suis seul ; père, sœur, frère, mère, Aïeul, tous Sont allés d’où nul n'est revenu ; Je partirai bientôt comme eux, et ma chimère Est de les retrouver dans un monde inconnu. Edouard Grenier, qui a survécu 17 ans à son frère, s’est éteint sans souffrance le 4 décembre 1901, ayant gardé jus- qu'à l’extrême vieillesse sa belle tenue physique et intellec- tuelle, le charme de son esprit et la tendresse de son cœur. La Société d’'Emulation avait pour la première fois cette année à faire l'attribution de la pension fondée par le poète et l’artiste dont je viens d'évoquer brièvement le souvenir. Un concours a été ouvert et dix jeunes gens se sont mis sur les rangs. En raison de l’origine de |a pension, on pouvait supposer que quelques-uns au moins des candidats se réclameraient de la poésie ou de l'art. Il n’en fut rien, Que nous n’ayons pas de jeune poète, cela ne saurait nous éton- ner, s'il est vrai, comme le dit Toppier que « la jeunesse est l’âge où le poète amasse ses trésors mais non celui où il peut en faire usage ». Edouard Grenier lui-même ne serait pas surpris de cette constatation, lui qui a écrit ces | vers : Il faut avoir aimé, vécu, pleuré, souffert, Car la passion seule est mère du génie; Et pour qu’il se répande en torrents d'harmonie, Il faut que le cœur soit ouvert. Mais n'est-il pas profondément regrettable qu'aucune voca- tion ne se révèle pour assurer le renouvellement de lillustre pléiade des Perraud, des Clésinger.-des Becquet, ainsi que des Courbet, des Gigoux, des Giacomotti? (Je ne parle ici que des morts.) l’art subirait-1l une éclipse non seulement dans notre petite patrie comtoise, mais dans la grande patrie française ? D’après certains symptômes, on pourrait le redou- si ter. Ne dit-on pas en effet que le dernier concours pour ie prix de Rome a donné des résultats plus que médiocres ? A en juger d’après les aptitudes des candidats à la pension Grenier, c’est la science, préférée aux lettres et aux arts, qui de nos Jours attire et séduit la jeunesse studieuse. Pour un seul concurrent s’adonnant à la littérature et à l'histoire, neuf autres s'étaient spécialisés dans l’étude d’une des diverses branches de la science : médecine, droit, zoologie, botanique, etc. C’est d’ailleurs un futur savant qui a obtenu la palme. Je puis dire qu'entre deux, peut-être même quatre des can- didats, elle a été vivement disputée et que le jury du concours, en présence de jeunes gens également méritants, s’est trouvé dans un singulier embarras et a regretté plus d’une fois de n'avoir pas au moins deux pensions à donner. La pension unique dont nous disposions à été attribuée pour trois ans à M. Sollaud, René-Edmond, né à Besançon le 28 février 1887. Fils d’un ouvrier bijoutier de notre ville, le jeune Sollaud fut de 1895 à 1904 un des élèves les plus remarquables du Ivcée Victor Hugo, où il avait une bourse: d’externat. Il v obtint le prix d'excellence en philosophie. Inserit à la Faculté des Sciences de Besançon en 1904, il s’y fit remarquer par sa belle intelligence et son ardeur au tra- vail. [| obtenait la mention bien à l’examen du P. C. N. en 1905, et, poursuivant l’étude des sciences naturelles, passait l’année suivante l'examen de botanique générale avec mention bien, celui de zoologie avec la mention assez bien, enfin, en 1907, celui de géologie avec mention bien. Tout en conquérant ainsi son diplôme de licencié ès-sciences natu- relles, il se livrait sous la direction de ses maitres, MM. Char- bonnel-Salle, Magnin, Fournier et Thouvenin, à des travaux originaux dont je passe l’énumération trop aride. Qu'il me suffise de dire que l’Académie des sciences a accueilli de lui et inséré dans ses mémoires une étude sur Le rôle du système nerveux dans le changement de coloration des grenouilles. M. Sollaud a obtenu l'an dernier le prix des docteurs of de Bruchon, décerné à l'étudiant de l'Université de Besançon qui s’est le plus distingué dans la médecine ou les sciences natu- relles. En même temps il était reçu comme élève externe à l'Ecole normale supérieure et obtenait pour un an une bourse de 1,500 francs au Muséum d'histoire naturelle. Transporté à Paris, au milieu d’un plus grand nombre d'élèves remarquables, le jeune Sollaud a su faire apprécier par des maitres éminents les solides qualités de son esprit scientifique. « Cest un des bons parmi les candidats parisiens à l’agré- gation et son succès parait assuré », écrivait M. Matruchot, professeur de botanique, qui a été bon prophète. — « C’est un travailleur des plus sérieux, consciencieux, appliqué, intelligent, auquel ne manquent que certaines qualités acces- soires de forme pour être tout à fait complet », nous disait M. Houssay, professeur de zoologie. Et son maïtre en géolo- gie, M. Bertrand, confirmait à son tour ces appréciations : « En toutes circonstances, déclarait-il, Sollaud s’est montré très sérieux, réfléchi et travailleur, pourvu de connaissances solides. La seule critique qu’on puisse lui faire est un manque de brillant dans l'exposition et un caractère extrèmement fermé, probablement dû à une certaine timidité qui fait qu'on doit plutôt deviner ses qualités de fond qui me paraissent très réelles. » Enfin, M. Tannery, directeur de l'Ecole nor- male supérieure, en transmettant les notes des professeurs, les résumait en ces termes: « Tous ses maitres regardent M. Sollaud comme travailleur, consciencieux, intelligent ; cette bonne opinion s’augmente de ce que ce jeune homme n’a pas de dehors brillants et ne montre pas volontiers ses qualités qu’on est obligé de découvrir. La bourse de la Société d’'Emulation serait très bien placée sur lui ; il appor- terait sans doute d'ici deux ou trois ans une bônne thèse à la Sorbonne et ferait honneur à ceux qui lui auraient donné les moyens de travailler. ) La modestie, la ne que les professeurs de l'Université ee nn de Paris signalent comme les traits distinctifs du caractère de notre jeune compatriote pourront le mettre en état d’infério- rité vis-à-vis d’arrivistes, moins méritants mais plus auda- cieux, quand il s’agira de disputer un poste susceptible d’être obtenu par la faveur et par l'intrigue. Mais le jury du concours, fermant l'oreille à toutes recommandations, s’est attaché uniquement à discerner le mérite réel des candidats et n’a eu d'autre préoccupation que d'attribuer le prix au plus digne. M. Sollaud a tenu à justifier immédiatement notre choix. [Il se préparait à l'agrégation avec l'intention de se présenter seulement l’an prochain. Encouragé par ses maîtres et sans doute aussi par le jugement que nous venions de rendre en sa faveur, notre nouveau pupille se décida à affronter dès cette année les redoutables épreuves du con- cours. Le succès couronna l'acte d’audace réfléchie de ce jeune homme qui est peut-être un timide, mais qui est cer- tainement un fort: il fut reçu troisième. Tout fait prévoir que le nouvel agrégé, qui ambitionne le titre de docteur, ne tardera pas à attacher son nom à des œuvres scientifiques qui feront honneur à sa ville natale, à la mémoire des frères Grenier, ses bienfaiteurs, et à la Société d’Emulation qui lui accorde son patronage, LA MAISON DU BON ACCUEIL Par M. Fr. BATAILLE MEMBRE RÉSIDANT Séance publique du 15 décembre 1909. —— A Mme Edouard Ordinaire. Les murs sont gris ; de son perron s’use la pierre, Et les arbres du parc ont une ombre de deuil; Mais elle garde encor sa mine hospitalière Et son vieux toit bruni semble plus doux à l’œil. Comme une aïeule assise en la claire lumière, Elle ouvre sa grand’cour et sourit dès le seuil, Et les moineaux cachés dans sa robe de lierre Disent : « Entrez ! c’est [a Maison du bon accueil ! » L'intérieur attire et son charme pénètre ; Le décor ancien, quand s’ouvre la fenêtre, Au chant du souvenir rajeunit au soleil. « Soyez chez vous ! » dit l'hôte, et le chien blanc s’empresse, Me reconnaît et vient chercher une caresse... Comme je vais dormir ici d’un bon sommeil ! Frédéric BATAILLE. 25 Janvier 1909. MAIZIRÈRES Par M Fr. BATAILLE MEMBRE RÉSIDANT Séance publique du 16 décembre 1909. À mon umi, M. Olivier Ordinaire. Maizières, lieu charmant, retraite calme et douce, Âsile de verdure au pied des hauts rochers, Des blonds coteaux de vigne et des pentes de mousse, Nid paisible que berce, en murmures légers, La chanson de Ia Loue au bord de tes vergers: - Sur les lèvres ton nom, en notes printanières, S’égrène, pur et clair, comme un vol de ramiers, Evoquant au soleil tes maisons familières, Fes hangars, tes jardins, tes enclos de pommiers, Fes parcs et tes bosquets, tes champs et tes sentiers. Salut, rivière aimable aux ondes cristallines, Miroir de ce beau ciel en ton val enchanté ! Salut, riant village encadré de collines ! Fa grâce m'a séduit autant que ta beauté, Et mon cœur te revient quand mes yeux t’ont quitté. Loin des bruits de la ville et de ses vains orages, Où s’entrainent l’orgueil et le mensonge humain, Ma muse a retrouvé, sous tes discrets ombrages, Les voix de sa jeunesse en la paix du chemin, Et l'oubli sans remords qui croit au lendemain. L'art consacra ces lieux où le passant s’arrête ; L'amitié, la science ont ici leur séjour ; 2] LB) HR L'ombre 1llustre des morts accueille le poète, Le pèlerin ravi qui vient avec amour Visiter leurs chefs-d’œuvre et leur faire sa cour. Vision et féerie, enchantement suprême, O tableaux de Marcel, à sites admirés ! () J’y revois, plus charmeurs, le torrent de la Brême, Le Puits-Noir, le Valbois, les cascades, les prés, La tour de Scey, Cléron, la Loue aux flots moirés, Les bourgeons se gonflant au bout des jeunes pousses, Les jeux de la lumière au travers des buissons, La lèpre des lichens, Por et le vert des mousses, Les ciels. et les forêts, la terre et ses moissons, Le poème divin chanté par les saisons. À mes yeux éblouis la nature et la vie Etalent leurs décors, exaltent leurs splendeurs, Et mon âme s’abreuve en l’art, qui magnifie Les êtres, les contours, les formes, les couleurs, Les aubes, les couchants, les rayons et les fleurs. Au foyer de l’ami, mon esprit se délecte ; Jane livre et l'étude et lavrmlretRété, Les arbres, les oiseaux, et la plante et l’insecte ; C'est un bonheur très doux de vieil enfant gâté ; - Je travaille et j'écris, et j'ai la liberté ! Je vais herboriser: les champs sont mon domaine, Et les pâtis et les plateaux, la grotte aussi. Or, les arbres du parc, quand le soir me ramène, . Semblant craindre vraiment que je ne sois transi, Se penchent pour me dire: « On est bien mieux ici!» (1) Marcel. Ordinaire (né le 17 juin 1848, mort le 5 juillet 1896), un des plus beaux talents de notre école de paysagistes franc-comtois. Dis- ciple et ami de Gustave Courbet, émule de Fanart et de Rapin, il a repré- senté avec maitrise les sites les plus variés de la vallée de la Loue. Fils d’Edouard Ordinaire, ancien préfet du Doubs, il était le frère de M. Olivier Ordinaire, maire de Maizières, consul général de France en retraite. La nuit tombe. Dans le gazon, sous la ramure, La luciole met déjà ses lumignons ; La lune monte au ciel ; on entend le murmure D'une source, un appel de caille, et des sillens S'élève le concert rythmique des grillons. Et je rentre, grisé, le long des hautes haies, Par le parfum des foins et la senteur des bois ; L'hôte m'attend au seuil, et les chambres sont gaies; Le chien me fête et vient flairer en tapinois Mon panier débordant de champignons de choix. La table blanche est mise et l’aïeule préside ; Le vin clair des Essarts y jette ses rubis ; La bonne causerie y fait l'heure rapide, Cependant que les chats, dressés sur le tapis, _Rappellent que pour eux le couvert était mis. Puis le maître est prié de nous redire encore Un beau conte d’Espagne, un récit du Pérou, Et je vais m'endormir dans un rêve où j’explore Avec lui les pampas, les forêts de bambou Et les fauves sierras sous le ciel andalou.… Le jour vient, le coq chante... et je descends des cimes Par les coteaux d’'Ornans et la route du val, Jusqu'à la passerelle où je cherche mes rimes, Et, parmi le parterre où sourit floréal, Je crois respirer l’air du village natal. Frédéric BATAILLE. Saint-Claude-Besançon, le 28 avril 1909. EDOUSRD GRENIER ET SES CORRESPONDANTS D’'APRES LES LETTRES CONSERVÉES À LA BIBLIOTHÈQUE DE BESANÇON Par M. Georges GAZIER SECRÉTAIRE DÉCENNAL CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE BESANCON Séance publique du 16 décembre 1909. Par son testament, le poète Edouard Grenier, mort à Baume-les-Dames le 4 décembre 1901, a légué à la Biblio- thèque de la ville de Besançon les lettres que lui avaient adressées les plus illustres de ses amis (1). Cette correspon- dance a été récemment remise à cet établissement par M. Léon Gauthier, archiviste aux Archives nationales, fils de M. Jules Gauthier, le regretté archiviste du Doubs, ce dernier ayant été chargé de l'exécution de cette volonté suprême de celui dont il était fier d’être le petit-neveu. La riche Biblio- thèque bisontine s’est enrichie ainsi de plusieurs milliers de lettres émanant des plus hautes personnalités littéraires ou politiques de la seconde moitié du xix° siècle. La mise en ordre et le classement de cette correspondance (1) Par une autre disposition bienfaisante, Edouard Grenier a légué à la Société d'Emulation du Doubs une somme importante destinée à la fon- dation d’une pension triennale de 1,800 francs, en faveur d’un jeune comtois « annonçant d’heureuses dispositions pour les lettres, les sciences et les arts. ». Cette pension a été décernée pour la première fois en 1909. PPT EN TEE ER or AR 1 (og viennent d’être achevés, ce qui ne fut pas d’ailleurs un tra- vail facile, toutes les lettres étant confondues dans le plus grand désordre, la plupart encore même dans leurs enve- loppes. Le moment est donc venu de signaler l'intérêt de ces documents, et on le doit d'autant plus que cette corres- pondance ne peut pas dans son ensemble être actuellement communiquée au public. La loi ne permet pas en effet le prêt aux particuliers de manuscrits de ce genre de date récente, à moins d’une autorisation spéciale de leurs auteurs ou de leurs avants droit, Cette interdiction est du reste fort légitime, car, dans des lettres privées, on se laisse souvent aller à des confidences intimes qui ne regardent pas les con- temporains. Il est permis toutefois à celui qui, par devoir professionnel, a eu le privilège de pouvoir tout lire, de soule- ver discrètement un coin du voile qui recouvre ces précieux papiers, d’en faire connaitre les auteurs et d'indiquer l’impor- tance de ces lettres pour ceux qui pourront un jour les utili- ser. En se tenant sur une réserve nécessaire, il est même possible de citer quelques extraits de cette correspondance, que son propriétaire à Cru pouvoir sans Inconvénients placer dans un dépôt public, sans faire aucunes réserves à ce sujet. Dès son arrivée à Paris, aux environs de 1840, jusqu’à la guerre franco-allemande de 1870, Edouard Grenier habita à Paris un petit appartement de la rue de Lille dans la même maison que son ami Prosper Mérimée. Cette maison, située derrière la Cour des Comptes, partagea le sort de ce monu- ment aux sombres jours de la Commune, Quand Grenier, qui avait passé en Franche-Comté les heures douloureuses de l'invasion et de la guerre civile, rentra dans la capitale, sa demeure, nous dit-il lui-même dans ses Souvenirs littéraires, n'était plus qu’un monceau de ruines calcinées. Tout ce qu'il possédait avait été réduit en cendres, mais ce qui l’affligea le pius dans ce désastre, ce fut, ajoute-t-il, de ne pas retrou- ver « certaine cassette arabe en bois de fer que M"° Tastu m'avait rapportée de Bagdad et qui contenait les lettres que — 38 — m'avaient écrites tant d’illustres contemporains, chères reli- ques, l'honneur de ma vie. Le pétrole en avait eu raison comme de tout le reste. » Ce fait nous explique pourquoi il ne se trouve dans la correspondance qu'il a léguée qu'un nombre infime de lettres antérieures à 1870. Elles ont dis- paru à jamais les pages qu'avaient adressées à Grenier avant cette époque Lamartine, Musset, Henri Heine, Charles Nodier, George Sand, Mérimée. Montalembert, Emile Augier, d’autres encore de nos gloires littéraires Du moins leur perte nous est aujourd'hui rendue un peu moins sensible grâce aux Souvenirs littéraires qu'Edouard Grenier à publiés en 1894(1) et dans lesquels il raconte ses relations person- nelles avec tous ces illustres écrivains. Les lettres qu'il a conservées depuis 1870 sont d’autre part suffisantes pour faire apprécier la haute valeur du legs qu'il a fait à la Biblio- thèque de Besançon. Les poètes et les écrivains. Dans les histoires de la littérature française où le nom d'Edouard Grenier est cité, 1l suit presque toujours immé- diatement celui de Victor de Laprade. Nous n'avons pas à insister ici sur les affinités profondes qui existent entre ces deux poètes et qui devaient en faire bientôt deux amis inti- mement liés. Rappelons seulement que tous deux ont été et sont restés des poètes provinciaux, que l’un et l’autre furent des opposants irréductibles sous le second Empire, et qu'ils ont brisé leur carrière plutôt que de servir l’homme du 2 décembre. Ils avaient encore la même conception poétique, d’après laquelle la poésie doit servir à traduire uniquement des pensées élevées et de nobles sentiments dans des vers (1) Edouard GRENIER. Souvenirs littéraires, Paris, À. Lemerre, 1894, . in-18. NS a harmonieux et d’une facture impeccable : les amateurs de rapprochements littéraires auraient beau jeu à comparer enfin l'œuvre même du professeur lyonnais et celle du dilet- tante comtois. L’incendie de 1871 a fait disparaître toutes les lettres de Laprade à Grenier antérieures à la guerre : deux billets du mois de mai 1869 ont seuls échappé au désastre. Mais ensuite la correspündance à repris sans interruption et Grenier nous l’a léguée toute entière: elle ne comprend pas moins de 70 lettres, chacune de quatre pages, dont la dernière porte la date du 2 juillet 1883. Six mois après Laprade s’étei- gnait à Lyon, le 15 décembre 1883, et Grenier recevait alors un télégramme du fils du poète annonçant le décès et ajou- tant : « Père a recommandé de vous prévenir télégraphique- menti et souvent parlé de vous » ; il a gardé précieusement ce dernier témoignage de l'affection profonde d’un des plus chers parmi ses amis. Edouard Grenier a communiqué aux enfants de Victor de Laprade la correspondance qu'il avait reçue de leur père et ceux-ci en ont pris copie. C’est donc à eux seuls qu'il appartient de publier ces lettres ou du moins d’en donner de longs extraits. Nous ne saurions trop les engager à accomplir ce pieux devoir, car une telle publication don- nerait une idée plus exacte de la véritable physionomie de Victor de Laprade que toutes les études biographiques, si remarquables qu’elles soient, déjà publiées sur lui : elle aurait de plus l'avantage de faire admirer un beau caractère. Sans doute il ne conviendrait pas de tout livrer à la curiosité publique : toujours malade depuis la guerre, Laprade remplit chacune de ses lettres à son ami de doléances très naturelles sur sa santé, mais dont la répétition paraîtrait à la longue un peu monotone au public indifférent : peut-être aussi quelques vivacités d'expression échappées à sa plume ont parfois un peu dépassé sa pensée. Mais quel inconvénient y aurait-il aujourd’hui à faire connaître son jugement sur Victor Hugo par exemple ? Nul plus que lui n'avait admiré le 2 Dee grand poète, et M. Biré a raconté à ce sujet une anecdote caractéristique. Vers 1835 Laprade « poussait jusqu’à lPidolà- trie, nous dit-il, l'admiration pour Victor Hugo. Un soir sur la Place royale, il se glissa le long de la muraille comme un voleur de nuit, gravit à pas de loup l’escalier du n° 6, contempla longuement la porte derrière laquelle était ie dieu, puis, prenant son courage à deux mains, retira des ais un clou mal assujetti et l’emporta comme une relique : Je crois qu’en cherchant bien, me disait-il un jour, ajoute M. Biré, je retrouverais encore ce clou au fond d’un vieux tiroir (1) ». Mais ensuite l’orgueil démesuré du dieu lui devint insupportable, les faiblesses morales de Hugo déplurent au chrétien convaincu et à l’honnête homme que fut toujours Laprade, et il en vint à haïr celui qu'il avait jadis tant aimé. Il lui reprocha surtout l'influence, néfaste selon lui, qu'il exerca après 1870 sur la jeunesse française, et il le rendit responsable des excès des naturalistes et des réalistes qui firent tomber si bas notre littérature. S'il admira toujours le prodigieux génie qui inspira si noblement à certaines heures l’auteur de la Légende des Siècles, il ne put lui pardonner d’autre part ses fautes de goût et ses perpétuels défis au bon sens. Il pensait, comme Grenier lui-même, que la postérité, moins passionnée que les contemporains, ne conserverait guère qu'un volume de vers, d’ailleurs incom- parables, dans l’œuvre immense de Victor Hugo. N'est-ce pas là du reste déjà aujourd’hui l’opinion d’une grande par- tie de la critique contemporaine ? Personne d'autre part ne pourra s'étonner de voir que Laprade n’appréciait pas à sa réelle valeur le talent de François Coppée : celui dont les vers ne s’adressaient guère qu’à une élite intellectuelle n’était pas fait pour comprendre le poète des humbles qui, lui, voulait surtout parler au (1) Edmond BIRÉ. Victor de Laprade, sa vie et ses œuvres, Paris, Perrin, p. 38. peuple. Aujourd'hui que le charmant et bon Coppée n’est plus, nul ne sera choqué d'apprendre que ‘Laprade a plu- sieurs fois exprimé à Grenier ses craintes de voir son fau- teuil à l’Académie française, qui avait été auparavant celui de Musset, occupé par l’auteur du Passant: il craignait qu'un poète, surtout un parnassien, ne le jugeât pas avec équité. [l eût préféré encore, disait-1l, voir Gambetta qu’il était loin d'aimer cependant, lui succéder sous la coupole. « Ce serait une Joyeuse journée pour moi dans le Paradis, écrit-il le 14 juillet 1881, d'entendre Gambetta parler de Psyché, des Symphonies, de Pernette et du Livre d’un père dans son patois du barreau de Cahors. Je suis certain qu'il dirait beaucoup plus de bien de moi que Coppée ou _ Leconte de Lisle. Les Poèmes évangéliques l'embarrasse- _raient un peu, mais il se rabattrait sur les Poèmes civiques, et il terminerait par cette phrase qui commençait un article de la République française sur le Livre des Adieux : M. de Laprade serait un de nos meilleurs poètes s’il ne s'était pas fait clérical. Ce mot de la fin serait couvert d’applau- dissements », En réalité Laprade fut remplacé par Coppée, qui dans son discours de réception sut fort bien rendre un légitime hommage à la mémoire de son prédécesseur : celui-ci dans le Paradis a dû ensuite accueillir à bras ouverts le converti qui a écrit la Bonne souffrance : il a applaudi à coup sûr aussi au choix du provençal succes- seur de Coppée qui a peut-être puisé l’idée première de son beau poème de Jésus dans la lecture des Poèmes évan- géliques. La correspondance de Laprade est également intéressante au point de vue politique : sans doute elle est d’un pessi- miste qui, ayant vu sombrer ses espérances d’une restau- ration monarchique, envisage l’avenir de la République sous de sombres couleurs. Mais elle est aussi d’un libéral dont les idées étaient assez larges pour respecter les opinions de ses adversaires, et qui n’admettait pas qu'on sacrifiât “ep EE les intérêts de la France à ceux d’un parti (1). Quand, en mars 1873, il donna sa démission de membre de l’Assem- blée nationale, il mvoqua officiellement des raisons de santé, mais 1l fait connaître à son ami Grenier les vrais motifs de sa détermination. «Je n'étais pas fait pour être membre d'une assemblée, je suis trop philosophe et trop indépen- dant pour cela. Quand on a une fois voté avec des gens, ces gens s’arrogent sur vous une suzeraineté que je n’accep- terai jamais. J’aime la liberté pour tout le monde à com- mencer par moi : mes amis de la droite me devenaient plus odieux que mes ennemis de la gauche. Dans ces derniers temps surtout, il m’eût été impossible de m'associer à l’œuvre entièrement subversive des royalistes extrêmes qui semblent demander que tout périsse puisque le roi s’est rendu impos- sible ». fl n’est pas partisan du suffrage universel et il formule son appréciation à ce sujet en termes sévères. « Quand le suffrage universel a pris possession d’un peuple, dit-il, c’est la fin de la pensée, c’est même la fin du langage. Plus d’Aca- démies, plus d'églises, rien que des caboulots ! » Il était convaincu en effet qu'entre saint Vincent de Paul et Tropp- mann, le second serait choisi par le suffrage universel. Ainsi Barabbas n’a-t-il pas jadis été préféré à Jésus par le peuple hébreu? Et cependant Laprade se refusait à désespérer de la France, même après nos désastres, convaincu qu’elle reprendrait un jour sa place à la tête des nations. [Il était soutenu dans ce noble espoir par le culte qu'il professait pour la mémoire de Jeanne d'Arc. «C’est la plus belle figure de l’histoire après celle du Christ, écrivait-il le 2 juin 1874 à Grenier, qui partageait sa dévotion pour notre héroïne (1) En 1878, il écrit à Grenier qu’il votera pour Renan et Taine qui sont candidats à l’Académie française. « [ls auront ma voix, dit-il, quoique ma philosophie soit très différente de la leur. mais nous ne sommes ni une école ni un concile ». Dès 1876, il souhaitait de les voir devenir ses con- frères. « Je nommerais Taine et Renan, et cela parce que je suis conserva- teur et chrétien, sans parler qu'ils ont énormément de talent ». ee nationale. Son poème est impossible comme celui de l'Evan- gile..: La France ne peut périr parce qu'elle à produit cette femme, la plus mcomparable de toutes. La France seule pou- vait la produire, nos femmes sont les premières du monde(l), Dans ses Souvenirs lilléraires, Grenier rapproche sans cesse les noms de Laprade et d’Auguste Barbier et il raconte au sujet de l’amitié qui les haït tous deux une anecdote bien touchante. Le 12 février 1882, Grenier était à Nice, au chevet de Barbier mourant: celui-ci, heureux de le revoir, lui demanda sans tarder des nouvelles de Laprade, alors bien malade lui aussi à Cannes, et le chargea de lui dire qu’il l'avait aimé jusqu'à sa cérnière heure qui était près de sonner. En eïfet, Barbier mourut le lendemain. Deux jours après, Grenier alla à Cannes voir Laprade, mais n’osa, à cause de l’état imquié- tant de sa santé, lui annoncer la fatale nouvelle. Et il.ne fut pas peu surpris d'entendre son ami le charger à son tour, et à peu près dans les mêmes termes, de porter à Barbier le témoignage de sa fidèle affection de moribond. Il n’y a dans notre correspondance que neuf lettres de Barbier adressées à Grenier, entre le 15 janvier 1878 et le 1er juillet 1881. [1 lui écrit toujours en l'appelant « cher maitre et ami » et le tient au courant de ce qui se passe dans le milieu académique. Barbier aurait voulu voir Grenier forcer les portes de lillustre compagnie et il lui fait connaître, en 1881 notamment, les petites combinaisons qui se préparent entre immortels, combinaisons qui malheureusement ne devaient pas aboutir au succès de son candidat. En 1878 il (1) A son lit de mort « à la fin des Lilanies, écrit M. Biré, le prêtre, ajoutant quelques noms pour lesquels Laprade avait une vénération par- ticulière, dit Saint Michel priez pour nous, Saint Louis priez pour nous, Sainte Jeanne-d’Arc priez pour nous. À ce nom de Jeanne d’Arc, sa bien aimée sainte, V. de Laprade eut une sorte de tressaillement qui semblait dire! « Oh que je l'aime ! » C'est le _ dernier signe de connaissance bien distinct qu'il ait donné ». De A lui parle de «sa décoration qui lui est tombée sur la tête comme une bombe, sans dire gare » et qu’il a eu tant de peine à accepter. Emile Augier était plus mtimement lié encore avec Grenier qu'il tutoyait, mais il écrivait peu, et ses lettres de quelques lignes n’ont pour nous que la valeur de simples autographes assez banals, | Il n’en est pas de même de Sully Prudhomme. Ge grand poète, le plus grand peut-être de la seconde moitié du siècle « par la sensibilité réfléchie, par la pensée émue, par la forme très savante et très sincère », selon M.J. Lemaiître (1), ne pouvait écrire deux lignes d’où sa haute personnalité fût absente. Quatre lettres seulement dans la correspondance de Grenier émanent de lui, mais on pourrait les citer tout entières. Bornons-nous à les signaler à ceux qui prochaine- ment, il faut l’espérer, nous donneront l’œuvre complète de ce noble esprit : la plus ancienne remonte à novembre 1889, la dernière est datée du 20 avril 1884. Quelques lignes qui inté- ressent Grenier et exposent en même temps la conception que Sully Prudhomme avait de la versification ne peuvent cependant être passées sous silence: elles se trouvent dans une lettre de 1889. « Je viens d'achever la lecture des Poèmes épars dont vous m'avez adressé un exemplaire que la plus affectueuse dédicace me rend bien précieux. Ce recueil très varié m'a d'autant plus captivé qu'il offre réunies toutes les diverses expressions de votre génie poétique. J’ai constaté avec la joie secrète d’un rimeur fidèle aux traditions classiques combien vous avez toujours religieusement respecté la forme naturelle des vers, dictée à la parole par les exigences orga- niques de l’oreille. Ce n’est pas que Je nie au versificateur le droit aux rejets et aux coupes brisées, mais ces hardiesses ne doivent-elles pas être justifiées par quelque effet imitatif à produire ? Ne sont-elles pas, au contraire, plutôt des lâchetés (1) Les Contemporains, T. I. = TE Ve de l'artiste, quand on sent uniquement un trop facile moyen de se débarrasser d’un surplus gênant qu’on laisse tomber du premier vers dans le second au préjudice de celui-ci? Le mépris de l’hémistiche n'est-il pas souvent aussi une insulte aux lois spontanées de la musique des vers, plutôt que la recherche consciencieuse d’une harmonie appropriée au sen- timent exprimé? Je crains que trop souvent Part n'ait plus à perdre qu’à gagner aux tendances actuelles de la versifica- tion ». Sully Prudhomme témoigne toujours à Grenier la plus vive affection et il ne termine jamais une lettre sans embrasser « du meilleur de son cœur ». Il y aurait encore bien d’autres écrivains à signaler parmi les correspondants d’'Edouard Grenier. Trois lettres amicales d'Alexandre Dumas fils (du 1er février 1887 à avril 1895), trois billets de Mérimée datés de 1867, six lettres en 1839 d'Henri Becque, qui déclare « rompre encore une fois avec le monde, où l’on perd son temps et ses forces » et se lamente sur sa situation pécuniaire, mériteraient mieux qu’une simple mention : du moins les amis de ces écrivains sauront que ces documents existent et où ils pourront les découvrir. Parmi nos contemporains que de noms à citer encore d'hommes éminents qui ont apprécié et aimé notre poète ! C’est M. At- fred Mézières qui félicite son ami en 41889 de ce qu'il retrouve dans ses vers « toutes ses délicatesses exquises, sa sensibi- lité fine, et ce don particulier d'aimer et d’être aimé qui entre- tient dans son âme une éternelle jeunesse ». Cest M. Jules Lemaître, qui avait appris à connaitre Grenier lors de son séjour à la Faculté de Besançon, et qui à tracé de lui un por- trait si délicat et si vrai dans le premier volume des Contem- porains : des idées communes en politique devaient encore les amener à renouer leurs relations en 1899. Voici encore M. Emile Faguet qui, en 1893, félicite Grenier d’un petit chef- d'œuvre paru dans la Revue Bleue, et qui ajoute finement : «Je ne connais rien aux moyens d'entrer à l’Académie fran- çaise mais Je me plais à croire que c'en est là ou que c'en on devrait être là le meilleur ». Citons encore M. Paul Bourget, dont l’écriture tourmentée a amené un Jour Grenier à reco- pier une de ses lettres pour en rendre la lecture plus facile à la postérité, Ferdinand Brunetière, qui en 1892 se déclare habitué depuis longtemps à linjustice de ses ennemis, le comte d'Huussonville, MM. Etienne Lamy, Challemel- Lacour, Francis Charmes, Albert Vandal, J. Bertrand, Herédia, etc., etc. Ces derniers n'étaient pas en correspondance suivie avec Grenier et se contentent en général de le remercier en quel- ques mots de l’envoi de ses poèmes ou de le féliciter de telle ou telle de ses œuvres. Mais ils le font toujours avec une sympathie non dissimulée, et ce ne sera certes pas l’un des moindres titres de Grenier à l’admiration de la postérité que d’avoir su conquérir l'estime et même l'affection de presque tous les plus illustres de ses contemporains. Les vraies ami- tés sont si rares entre gens de lettres comme entre artistes, souvent séparés par quelque rivalité ou quelque jalousie, qu’une exception est un singulier honneur pour celui qui en est l’objet. Les Comtois. Edouard Grenier avait le culte de son pays natal. Chaque année c'était une Joie pour lui de venir faire un long séjour dans son petit castel de Baume-les-Dames. Tout le monde connait les beaux vers dans lesquels il a traduit son amour fihal pour la Comté qu'il n’était pas loin de considérer comme la plus belle des provinces françaises. [Il la préférait même au pays du soleil, à notre merverlleuse Provence. O maïs aux fruits d’or, à la tige élancée Champs du pays natal si chers à ma pensée Quand pourrais-je revoir votre ombrage léger? Ici dans mon exil où fleurit l’oranger, L'hiver n’est qu'un printemps qu'un air plus doux embaume, Mais j'aime mieux encor les bords du Doubs et Baume Que l’azur provençal, la mer et les palmiers Car nos vrais et seuls amours sont les premiers. Et cependant, en feuilletant la correspondance, on est un peu surpris de n’y voir que peu de lettres de ses compa- triotes, malgré les amitiés nombreuses que Grenier comptait dans son pays. Ainsi il était très lié avec Augüste Castan, notre grand érudit bisontin, dont il a même tenu à rappeler affectueusement la mémoire dans le legs qu'il à fait à la Société d’Emulation du Doubs: or nous ne possédons que deux courts billets de Gastan, de caractère tout officiel, remer- .ciant Grenier de vers adressés à notre Société (1), Sans doute on a jugé que la correspondance des amis intimes, comme celle des parents du poète, avait un caractère trop personnel pour être livrée à la curiosité publique et qu’elles ne rentraient pas dans la donation faite à la Bibliothèque de Besançon. Nous né pouvons que nous incliner devant d’aussi honorables scrupules : les mêmes raisons peuvent aussi expliquer Pabsence des lettres qui devaient être si spirituelles et si piquantes de M. Jules Gauthier à son oncle. Par contre notre dépôt bisontin a reçu un grand nombre de lettres d’un prélat dont le souvenir est demeuré vivant parmi les Comtois, de l’ancien directeur du Collège catholique devenu évêque de Nîmes, de Mgr Besson, originaire lui aussi de Baume-les-Dames. M5 Besson semble avoir toujours eu une vive sympathie pour Grenier et la correspondance qu'ils (4) 1 Mn V'e Castan à remis à à Bibliothèque de Besançon 52 lettres adressées par Grenier à son mari. On aura une idée de l'affection qui unis- sait ces deux hommes de cœur, par ces lignes que Grenier adressait à Mme Castan, le 28 juin 189, à la nouvelle de la mort subite du bibliothé- caire de Besançon : « Hélas ! je croyais bien m'en aller avant lui, et que cela vaudrait mieux ! J'avais besoin de lui, même après la mort et de plus _ d’une façon. Je lui avais légué mes papiers et le soin de ma mémoire. Qui pourra le remplacer ? Personne. » or échangèrent atteste ces sentiments d'amitié. M£' Besson tient le poète au courant des nombreux travaux littéraires qui occupent son extraordinaire activité : un jour par exempleil le sollicite vivement de lui donner de nombreux renseigne- ments sur Montalembert, dont il veut raconter en 1870 les derniers séjours en Franche-Comté. Devenu évêque, son rève est de voir Grenier entrer à l’Académie française et, pour aider à la réalisation de cette légitime ambition, il met à sa disposition toute son influence etses brillantes relations. En 1878 il le recommande à M£' Dupanloup: en 1880, c’est auprès de MM de Broglie et Falloux qu'il plaide chaleureu- sement sa cause. En 1884, après avoir parlé d’une démarche analogue qu'il a tentée auprès de M£' Perraud, l’évêque de Nîmes ajoute : « [l n’y a pas cent vers à retrancher de vos vers pour que chacun puisse les lire; c’est cette pureté de sentiments aussi bien que de langage qui me les rend chers et précieux. Mais l’auteur me l’est autant que ses voiumes. Je dis en parlant de vous, c'est mon ami, c’est mon voisin. Îl devrait être de l’Académie. Le jour où vous y entrerez, je croirai en être moi-même ». ME" Besson avait une si grande confiance en Grenier qu’il n’hésitait pas à le mettre au courant de ses affaires person- nelles, de ses pensées intimes. Un jour il lui raconte les difficultés qu’il rencontre dans ses rapports avec son préfet. À maintes reprises il se hasarde sur le terrain de la politique. À cet égard, une lettre du 20 mars 1878 est particulièrement intéressante parce qu'elle peint fort bien l’état d'esprit d'un évêque concordataire, d’ailleurs libéral, à la veille de la lutte qui allait s'ouvrir dans notre pays entre l'Eglise et l’Etat pour aboutir à l’actuelle séparation. M£' Besson se plaint à son ami des fêtes du centenaire de Voltaire et de Rousseau qu’on organise et qui sont l’occasion de violentes attaques contre la religion. [l redoute qu'avec de pareilles démonstrations, la jeune République ne détourne d’elle bien des cœurs et …ïl ajoute « Une république habile aurait élargi son domaine et 70e ouvert ses portes. Elle aurait eu l’avantage de n'avoir rien de personnel et de laisser un libre accès à tout le monde pourvu que l’on fût honnête et capable. C’est justement le contraire qui s’est fait. L’épithète de républicain tient lieu de vertu et le soupçon de ne l’être pas est réputé le plus grand des vices. Pour moi, je n'ai pas encore pu démêler comment je le serais et comment je ne le serais pas. Ma naïveté est grande, mon préfet en rit quand je le ramène de la politique qui passe à l’administration qui demeure. Nous sommes sur nos sièges épiscopaux comme de vieux chefs de division de ministères, de préfectures, ou, pour être plus humbles, des secrétaires de mairie, qui ont vieilli sous bien des régimes, à peu près indifférents à la couleur politique pourvu que les affaires courantes se fassent pour le bien de la commune, qu’on améliore le sort des gens, qu’on les aide en cas des besoin, qu'on leur distribue des indemnités, des aumônes, qu'on rebâtisse l'Eglise qui croule et qu’on nous laisse enter- rer, baptiser et prècher. Est ce que l’on ne finira pas par comprendre cela? En deux mots qu’on ne nous demande pas de nous dire républicains, mais qu'on nous permette de Pêtre et qu'on veuille bien croire que nous le sommes tous dans le sens antique et profond du latin : Domine salvam fac rem publicam ». ; Avant de quitter ME Besson, citons encore quelques lignes de lui qui prouvent que sa réputation d'homme spirituel n’est pas surfaite. À Nimes, en 1880, il s'était occupé active- ment d’une souscription destinée à élever une statue au P. Bridaine, le célèbre prédicateur populaire du xvie siècle, et il avait recueilli environ 12,000 francs. Mais il désirait encore pouvoir obtenir de l'Etat le don du marbre de la sta- ue, suivant un usage alors très fréquent. Il prie donc Grenier de bien vouloir faire une démarche auprès de ses amis de l'administration des Beaux Arts et il lui fournitles arguments destinés à convaincre le gouvernement : (« Représentez, dit- il, que le P. Bridaine fut le plus grand prédicateur du % — 90 — xvur° siècle, qu'il fut l’orateur du peuple, qu’il tonna contre les riches et les grands, qu’il eût été républicain peut-être s'il eût vécu jusqu à la République ». Je ne sais si Grenier fit valoir ces raisons si probantes : en tous cas il fut si persuasif que l’Etat accorda le marbre destiné à glorifier le P. Bridane. À côté du nom de Mf Besson il convient de citer ici parmi les correspondants comtois de Grenier le grand historien né à Besançon, Alfred Rambaud. Notre poète partageait à la fin de sa vie les idées politiques du sénateur du Doubs, devenu ministre de l’Instruction publique, et, à plusieurs reprises, il le félicita de la position qu'il crut devoir PE endre dans une de nos récentes crises politiques. Il y a encore dans la correspondance d’autres lettres de Comtois. Grenier a notamment conservé avec som celles que lui avaient écrites M. Charles Baille, son futur bio- graphe (1), et celles de M. Guston Coindre, auteur d’une notice sur le peintre paysagiste Claude-Jules Grenier (2), notice qui avait touché jusqu’au fond du cœur le poète, dant le culte pour son frère est si connu. Les amis de l'historien du Cardinal de Rohan et ceux de l'artiste, qui élève un. véritable monument à son Vieux Besancon, ne seront pas étonnés d'apprendre que ces pages sont pleines de vivacité et d'esprit, et qu’on v retrouve la meilleure verve comtoise. M. Frédéric Batuille a eu l'honneur d’être désigné par Edouard Grenier comme le plus digne de s'occuper de l’édition de ses poésies. Une correspondance de plus de vingt années atteste l'affection qui unissait le maître et le disciple et, en la lisant, on ne peut décider à qui des deux poètes elle fait le plus d'honneur par la noblesse des idées exprimées et la générosité des sentiments. (4) Le poète Edouard Grenier, par Charles Baie (Mémoires de la Soc. d'Emulation du Doubs, 1905, p. 181-216). ee" (2) Claude-Jules Grenier, peintre (1817-1885). Besançon, Jacquin, in-8, 92 p. (Cf. également Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, 1905, p. 217-262). Les étrangers. Si amoureux qu'il fût de sa petite patrie, Grenier ado- rait les voyages : Voyager ! voyager ! vivre à sa fantaisie Le long des grands chemins battre les buissons verts, Prendre l’homme en flagrant délit de poésie, Voir Dieu dans les aspects changeants de l’univers, Et recueillir pourtant sous leur forme choisie Les vestiges du beau, ces éléments épars — Dont Dieu fit la nature et l’homme à fait les arts! Quel bonheur ! Comme il le fait dire à Marcel, le héros de l’un de ses poèmes, qui lui ressemble comme un frère : Il vit bien des pays ; en faut-il le détail ? La Grèce, l'Italie et tout le monde antique, L’Orient qui sommeille et l’Europe en travail, L'Allemagne aux yeux bleus, Rügen et la Baltique. Et comme on ne pouvait voir Grenier sans être attiré vers lui par une sympathie irrésistible, dans tous ces pays il se fit des amis, qui tinrent ensuite à honneur d’entre- ‘tenir avec lui une correspondance affectueuse et suivie. Ce fut surtout en Italie, où il fit de longs et fréquents séjours, qu'il noua les relations les plus étendues et les plus agréables. On compte par centaines dans sa corres- pondance des lettres à lui adressées de Florence ou de Rome. Les plus nombreuses datent de l’époque de la grande brouille entre l'Italie et la France qui suivit le traité du PC io ue Bardo et la conquête de la Tunisie, entre 1880 et 1890. Naturellement, dans ces lettres, les amis de Grenier blâment vivement la politique étrangère de la France.GCes descendants des Romains avaient toujours caressé le rêve de régner à nouveau en maitres sur les rivages africains témoins de la grandeur et de la ruine de l’antique Carthage. Mais les temps avaient changé, et, depuis de longs siècles, notre pays avait assumé à lui seul la tâche de rendre à la civilisation les pays barbaresques devenus un dangereux repaire de ban- dits. [l était bien juste, qu'ayant été à la peine, il fût en- fin à l'honneur et que le fruit qu'il avait fait müûürir ne fût pas cueilli par une jeune nation, qui, d'autre part, lui devait en grande partie son existence. Mais alors la plupart des ltaliens ne raisonnaient pas ainsi, et la colère les aveu- glait au point de les faire se jeter dans les bras de leurs anciens ennemis, afin de se venger de ceux qui, la veille encore, avaient versé leur sang pour les aider à conquérir leur indépendance. Certaines de nos lettres fourniront de curieux documents sur cet état d'esprit. Quelques italiens, amis de Grenier, savaient toutefois garder une plus juste mesure, et c’est un plaisir d'entendre en 1885 M. Angelo de Gubernatis remercier en ces termes le poète baumois des paroles sympathiques à lftalie qu'il lui avait adres- sées : «J'espère que nous avons maintenant fini pour tout de bon de nous bouder et que nous allons sérieusement nous réconcilier pour toujours. Notre cœur bat toujours du côté de la France, quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise. Il est donc temps que les Français reprennent le chemin d'Italie, qu'ils viennent de visu constater que nos yeux se mouillent d’attendrissement dès qu’on nous parle d’une France amie ». En janvier 1854, pendant la guerre de Crimée, Grenier qui, après le coup d’état, avait abandonné la carrière diplo- natique pour ne pas servir l'Empire, avait été choisi comme secrétaire par l’hospodar de Moldavie, le prince Ghyka. IL nous raconte dans ses Souvenirs qu'il se préparait à partir pour rejoindre son nouveau poste et était occupé à faire ses malles quand il reçut la visite de son voisin et ami Prosper Mérimée. Celui ci, revêtu de sa robe de chambre japonaise, venait lui offrir une lettre de recommandation pour un de ses amis de Moldavie Basile Alecsandri, & un homme charmant lui dit-il, le premier poète de son pays, avec qui il avait voyagé en Espagne ». Grenier n'eut garde de refuser, et il dut sin- gulièrement se féliciter par la suite de cette occasion de faire la connaissance du célèbre roumain, aujourd'hui autant admiré par ses compatriotes pour ses talents d'écrivain que pour les services considérables qu'il a rendus, comme homme politique, à la cause de lindépendance nationale. Une amitié très intime n'allait pas tarder en effet à s’éta- blir entre les deux poètes et elle dura autant que leur vie. Dans notre correspondance, il y a trente et une lettres d’Alecsandri ; la première remonte à janvier 1855, la der- nière est de février 1885. Alecsandri fit de longs séjours en France, où il occupa à plusieurs reprises des postes diplomatiques, et il garda toujours une admiration très vive et très sincère pour notre pays. [Il écrivait du reste notre langue dans la perfection. Dès 1855, Paris l’avait conquis. « Qu'elle est donc bonne s’écriait-il, cette existence pari- Sienne qui vous fait vivre par tous les bouts, par toutes les facultés, par le cœur, par l'intelligence, par tout ce que l’on veut ». Nos désastres de 1870 l’émurent profondément et il pleura sur nos malheurs comme si la France était sa propre patrie. Mais d’autre part, il connaissait l’admi- rable vitalité de notre pavs, toujours si prompt à se relever après ses défaites et, dès 1871, il affirmait à Grenier sa confiance en l’avenir de la France. « La plaie, écrit-il alors, est large, profonde, effrayante, mais le sang est riche et la plaie se cicatrisera plus vite que ne le pensent vos ennemis, Paris a été bombardé par les Prussiens, incendié par les communeux ; cette ville, l’orgueil et la perle du monde est aujourd’hui parsemée de ruines : eh bien que les amateurs de spectacles désolants se hâtent d’aller visiter ces ruines, car bientôt il n’en restera plus; les bois en ont été coupés, ils seront bientôt replantés ; les monuments s2 relèveront bientôt comme par enchantement, car Paris est la ville des rniracles et le monde entier va concourir à sa restauration. Paris est la maîtresse du monde intelligent et riche, on l’aime et on la veut belle et parée comme une reine. Ce qui. aurait été l’anéantissement pour Berlin, Pétersbourg et tutti quanti sera pour Paris le commencement d’une nouvelle splendeur ; ce qui aurait été pour la Prusse une ruine sécu- laire ne sera pour la France qu’une gène momentanée, car elle est riche, active, vaillante, et elle possède un trésor inépuisable qu’on ne lui prendra jamais, c’est l’esprit qui invente, qui crée, qui pétille, qui éclaire et qui subjugue. Un allemand, aussi enrichi qu’il devienne par les dépouilles du voisin, sera toujours un tudesque lourd, grossier, obtus, au rire bête, à l’allure quasi grotesque, tandis qu’un Fran< Gais, même appauvri, conservera un certain cachet de distinction inhérente à la race latine, et cet esprit fin et gouailleur tant redouté de la docte Allemagne, de la sainte Russie et de la mercantile Angleterre ». Latin de race et de sentiments, il n’aime pas la civili- sation germanique et reproche même à Grenier ses 1llu- sions à cet égard. «Ah! mon pauvre ami, quelles -belles illusions vous aviez sur la race germanique! Vous ne voyiez dans la savante Allemagne que des Goethe et des Schiller, des philosophes débonnaires, des natures placides et hon- nêtes! Faux bonshommes que tout cela! Grattez l'Allemand, vous trouverez l'ennemi de l'esprit ; derrière les besicles de chaque escogriffe blond de Heidelberg, de Berlin et de Munich se cachent les yeux faux d’un renard... Tout est faux dans le pays de la choucroute, fausse littérature, fausse philosophie, faux esprit et faux sentiments..., le tout revêtu de faux clinquants qui ont pu surprendre jusqu’à aujour- PCR d'hui la bonne foi des esprits droits et des cœurs sincères. J'aime à croire que désormais vous êtes revenu de vos poé- tiques erreurs à l'endroit des Faust et des Gretchen de la Soi-disante savante Allemagne. En fait de Faust, il n’y a jamais eu là-bas que des Kelner, et en fait de Marguerites que des savantes dévergondées qui remplacent le dessert des tables d'hôte ». Alecsandri, qui était un ardent patriote, avait rêvé toute sa vie de voir proclamer l’indépendance de la Moldavie et de la Valachie (1), réunies en royaume, et délivrées de tout lien de vassalité vis à vis de la Turquie. Mais que de difficultés à vaincre pour atteindre ce but ! Les plus redoutables venaient de la rivalité des puissances voisines qui s'étaient déclarées les protectrices de la Roumanie. Bien des petits royaumes balkaniques pourraient se reconnaître encore aujourd’hui dans le tableau que fait Alecsandri de la Roumanie en 1877 : « Quand on est la France, qu’on tient comme elle du gamin et du géant, on peut tout se permettre, même des fautes que l’on paye très cher; on a de quoi les payer, même des chutes formidables, On part, on court, on tombe, On se relève roi! Mais quand on est la Roumanie, c’est-à-dire un nain enclavé enire trois colosses (lisez molosses), que peut-on faire pour sauvegarder son existence et sa nationalité? Les colosses ont la fantaisie de mesurer leurs forces tous les quinze ou vingt ans ; s’inquiètent-ils du malheureux nain qui est sur leur passage ? Naturellement non, ils passent, ils Pécrasent et, le pugilat terminé, ils s’en retournent chez eux en le lais- sant. gemdre les quatre pattes en l'air. Alors viennent les {1} Une lettre d’Alecsandri de mai 1857 explique longuement les ditté- rences de caractère et de mœurs qui existent entre les Moldaves et les Valaques ; il appelle ces derniers les « Gascons de la Roumanie ». EG vieilles bonnes femmes de la diplomatie pour lui prodiguer leurs soins et le couvrir de bandages qui se changent en véri- tables chaines. Le malheureux geint plus que jamais, et l'Europe se dit: Mais que veut-il ce mioche braillard ? il n’est donc jamais content”? Veux-tu te taire petit crapaud ? etc. C’est ce qui nous est arrivé à nous autres Roumains, auxquels la diplomatie n’a jamais voulu ou jamais osé créer une position bien définie. Le traité de Paris fait mention de la neutralité de notre pays, mais loin de lui donner le même caractère qu’à celle de la Belgique ou de la Suisse, elle le rattache à la neutralité de l'empire ottoman. Qu’arrive-t-il ? Nous subissons régulièrement le contre-coup de toutes les sottises de la Sublime Porte et de toutes les entreprises de la Russie. Le vizir n’a pas fait son kef, 1l a mal fumé son tchi- bouk, il répond insolemment à quelques propositions du cabinet de Saint-Pétersbourg. Guerre. et le Pruth est fran- chi. Pourquoi” parce qu'un Bourk anglais aura déclaré en plein Parlement que la neutralité spéciale de la Roumanie n’est pas inscrite dans le traité de Paris. Donc la Roumanie peut être impunément foulée aux pieds des chevaux cosaques ou autres, et un beau matin. elle se voit inondée de hordes enrégimentées qui vont, dit-on, affranchir les chrétiens d'Orient. C’est une croisade en faveur des Bulgares, fort bien, mais c’est une écrasade pour nous. 300,000 Russes entrent en chantant des airs asiatiques et prennent position le long du Danube : les Tures pour les punir bombardent nos villes riveraines ; les malheureux habitants se sauvent dans l'intérieur en se demandant naïvement si c’est la fin du monde... Non ce n’est pas la fin du monde, c’est la consé- quence du radotage diplomatique d'il y a vingt ans ». Pour sortir d’une telle situation, Alecsandri ne voit alors qu'une solution pour la Roumanie : qu’à son tour elle entre dans la lutte ; tout vaudra mieux pour elle que d’être sans cesse écrasée entre l’enclume et le marteau: «Crions fort aux oreilles des Russes et des Turcs: Vive l’indépendance PI RO de la Roumanie, et entrons bravement dans la fournaise. Nous en sortirons meurtris peut-être, mais du moins acérés par le feu. Aussi bien assez d’humiliations, assez de misères! Ou maîtres chez nous, ou plus de chez nous », Les conseils d’Alecsandri furent suivis. La Roumanie prit les armes et ces pauvres paysans dont on se moquait tant parce qu'ils étaient mal vêtus, mal armés, se conduisirent en héros « prouvant ainsi, dit-il, que, si du sublime au ridicule il n’y à qu’un pas, il n’v a également qu’un seul pas du ridi- cule au sublime ». L'indépendance de leur patrie allait bien- tôt être la récompense de leur valeur, et Alecsandri put alors jouir personnellement de la liberté conquise en s’adonnant désormais tout entier à la littérature. Nous ne pouvons juger de sa valeur comme poète roumain, mais ses lettres en fran- çais attestent en tous cas et la richesse de son imagination et la vigueur colorée de son style. On aura encore une idée de son talent de conteur par ce récit charmant qu'il avait rapporté de Venise et qu'il envoie à Grenier. Ce dernier venait en 1858 de faire un voyage dans le nord de l'Italie et était revenu plein d'enthousiasme pour la ville, reine de l’Adriatique. Alecsandri le félicite d’avoir si bien senti le charme de cette cité, et l’engage à célébrer dans ses vers «le magnifique panorama de Venise avec ses canaux, ses palais, ses gondoliers, ses porteuses d’eau. » Il ajoute : « Vous avez vu sans doute les porteuses d’eau qui vont chaque jour remplir leurs seaux de cuivre au puits du palais des doges. Quand j'étais à Venise mon gondolier Toni m'a raconté la légende suivante : « Du temps de je ne sais plus quel doge, l’une de ces jeunes filles, la plus jolie (cela va sans dire) se rendit un matin dans la cour du palais ducal pour puiser de l’eau. Pendant qu’elle était penchée sur la margelle du puits et qu'elle regardait en souriant son image flotter à la surface de l’eau, le fils du doge accoudé à l’une des fenêtres du palais, admira la taille gracieuse de la jeune fille. [l aperçut un ins- | — D8 — tant apres sa figure dorée par le soleil, et s’infiamo d’amore. Immédiatement :il chercha à s’en faire aimer et à la séduire, mais la charmante enfant résista bravement à toutes miroi- teries de l’amour patricien du duc. Elle aimait de son côté Nello, le plus brave gondolier de Venise, le chanteur le plus célèbre des lagunes et de la riva dei Setiavoni. Pendant ce temps, la guerre éclata entre les Venitiens et les Turcs. Le fils du doge partit avec les galères de la République, rem- porta une victoire signalée sur la flotte ennemie aux environs de Chypre et revint à Venise pour recevoir les grands hon- neurs qui l’attendaient. Le doge, son père, lui demanda, au nom de la République, queile faveur il désirait pour prix de ses services. Il n’exigea que le droit d'élever jusqu’à lui une fille du peuple. La demande fut accordée, et le mariage du jeune héros vénitien avec la jolie porteuse d’eau fut publié à haute voix sur les canaux et sur les places de Venise. Quel- ques jours après, il fut célébré dans l'église Saint-Marc, et au sortir de la cérémonie, les nobles époux montèrent en gondole pour aller prendre part à la course de Santa Martha. Cette course a lieu hors du canal de la Giudeca, en pleine mer. Or il arriva que la gondole du duc lancée à toute vitesse fut brusquement coupée et coulée à fond par une autre gon- dole. Vous devinez sans doute que celle-ci était conduite par Nello. » N. B. C’est depuis ce triste accident que les gondoles vénitiennes sont peintes en noir. » Voilà ma légende, cher Grenier, faites-en votre profit si vous la trouvez intéressante et digne d’un petit poème ». En 1869, Grenier écrivait sa délicieuse poésie la PBigo- lante, qui s'inspire d’une version un peu différente de cette même légende. Les femmes Peu d'écrivains au xIx° siècle furent plus sympathiques à leurs contemporains qu'Edouard Grenier et toutes ces amitiés nombreuses qui lui furent fidèles jusqu’au bout en sont une preuve convaincante. Mais ce n’est pas faire tort à sa mémoire que de dire que ce célibataire endurei fut surtout apprécié, compris et aimé par les femmes. Un de ses amis, M. Alfred Mézières, nous le dit sans ambages, et il ajoute même. « L’ex- trême distinction de ses manières, l’élégance de sa tenue, sa belle figure encadrée d’une barbe fine lui valurent quel- ques conquêtes... Sans qu'il m’eût fait aucune confidence, je lai toujours connu amoureux. Il l'était encore au moment de mourir (1 », Mais Grenier avait l’âme trop haute pour faire étalage des succès de ce genre qu’il pouvait remporter. « En véritable chevalier, dit encore M. Mézières, il ne s’en vantait pas, il n’en parlait jamais ». Et en effet 1l a été discret sur ce chapitre jusque par delà la tombe. Il n’a pas voulu, comme tant d’autres, livrer après sa mort les secrets de son cœur, ni trahir la confiance de celles qui n'avaient pas su taire la passion qu'il leur inspirait. En lisant sa correspondance, les curieux amateurs de scandales seront déeus, et ils n’éprou- veront pas la joie malsaine qui consiste à trouver dans de vieux billets jaunis par le temps la preuve des faiblesses d’hommes et de femmes du passé, qui souvent valaient mieux qu'eux-mêmes. Grenier n’a voulu conserver que les lettres de femmes qui alliaient une haute intelligence à un noble caractère. Les noms de Mesdames Tastu, Ackermann, d’Agoult, Arvède Barine, Pauline Caro, de mademoiselle Valentine de Lamartine enfin, pour ne parler que de celles qui ne: sont plus, disent à eux seuls la grande valeur (1) Revue des Deux-Mondes, le février 1907, p. 567. sers littéraire et morale que peut présenter cette correspondance. Parmi ces lettres, il y en à de tout à fait charmantes. H semble à les lire que les femmes seules savent traduire cer- tains sentiments, et elles le font avec une grâce, avec une finesse, parfois même avec une éloquence inimitables. Elles ont l’art de trouver des tours de phrases, des mots qui sont de vraies caresses, elles découvrent pour adoucir les tris- tesses de l’âme les remèdes efficaces, les douces paroles qui vont au cœur des affligés. Ne nous étonnons donc point si c'est en écrivant à des femmes qu'Edouard Grenier se livrait avec le plus d’aban- don. A leurs réponses, on devine qu’il leur faisait volontiers confidence de ses pensées les plus cachées, de ses joies et surtout de ses chagrins secrets. Et alors, chez telle d’entre elles que je ne veux nommer, quelles pages délicieuses des- tinées à lui rendre du courage, à panser les blessures qu’il se faisait à lui-même avec sa sensibilité de poète solitaire, à lui faire aimer enfin une vie qui, tout compte fait, lui apporta plus de joies que de larmes. À quelqu'un qui ouvre son cœur, on se sent entrainé presque malgré soi à répondre par de semblables aveux : de là encore bien des pages tou- chantes de femmes que le monde crovait heureuses et dont le sourire cachait parfois de profondes détresses morales, de véritables petits drames intimes. [ci encore nous n'avons pas le droit d’en dire davantage : laissons à nos successeurs le plaisir de trouver dans ces lettres matière à de curieuses études sur la psychologie féminine. Bornons-nous à quelques citations d'ordre purement littéraire. Edouard Grenier a beaucoup parlé dans ses Souvenirs de Mme Amable Tastu qu’il proclame la plus honnête et la plus vaillante des femmes. fl avait été l’ami intime de son fils Eugène qui, comme lui, suivit la carrière diplomatique et fui consul en Orient, et il entretint avec lui une correspondance qui dura jusqu’à la mort d'Eugène Tastu arrivée à Palaiseau en octobre 1893. Plus de 75 lettres attestent la profondeur US ue et la sincérité de leur affection réciproque. L’une d’entre elles intéresserait fort ceux qui aiment les récits de voyage. Tastu, nommé consul à Bagdad, y raconte de façon fort pitto- resque le vovage qu’il fit avec sa mère depuis Alep, pour rejoindre sa nouvelle résidence, et il narre avec humour les nombreuses et pittoresques aventures dont il fut le héros sur les routes d'Asie. Enfin, arrivé à Bagdad, il donne une des- criptuion fort curieuse de la ville immortalisée par les Mille et une Nuits. Il serait trop long de citer ici ces pages dont on ne peut donner des extraits. Mieux vaut donner connaissance de ce passage d’une autre lettre, datée de 1893, dans laquelle Tastu raconte les obsèques de lillustre jurassien Rouget de Lisle, au cimetière de Palaiseau. Tout le monde sait que ce fut chez M. Voïart, le père de M"*° l'astu, que l’auteur de la Marseillaise, malade et malheureux, trouva un asile en 1850, et que c’est là qu'il passa, entouré de soins et d’attentions délicates, les dernières années de sa vie, On comprend ainsi comment Eugène Tastu eut le douloureux honneur de lui fermer les veux le 26 juin 1836. Il rappelle ces souvenirs à Grenier, qui venait de célébrer en vers notre poète national, et, après diverses considérations sur la Marseillaise qui tra- duit si bien, selon lui, les sentiments intimes du peuple de France, il ajoute : « Je me souviens encore de l'effet que m'a produit le dernier couplet dans ma jeunesse. À l'enterrement de ce pauvre Rouget de Lisle, où, par parenthèse, il n°v avait de bourgeois que mon grand-père, le général Blem et moi, les nombreux ouvriers de la verrerie et de la maroquinerie nous accompagnérent au cimetière, et là, un d’eux, une superbe voix de ténor, un beau garçon d’une trentaine d’an- nées à peine, un peu gesticuleux et poseur, entonna la Mar- seillaise Sur la tombe, ses camarades reprenant le refrain. Arrivé au couplet : «Amour sacré de la patrie », il s’agenouilla, les deux mains sur sa poitrine, et électriquement tout le monde l’imita. Cet effet a depuis été de tradition au théâtre, mais je ne l'avais jamais vu jusque là et devant cette tombe no) sd béante, dans cette poussière faite des os de nos aïeux où chacun avait plié le genoux, c'était saisissant ». De Mme Amable Tastu elle-même, nous ne possédons que quatre lettres à Grenier dont la plus ancienne remonte à 1867, la dernière à 1884. T1 n’y a pas lieu de s’en étonner., car M"° Tastu avait presque complètement perdu la vue dès 1856, et l'opération de la cataracte, qu’elle subit quelques années plus tard, ne lui rendit que très imparfaitement l'usage d’un seul œil. Nous devons toutefois le regretter, car ces quatre lettres si finement tournées témoignent d’une vivacité d'esprit, parfois même d’une passion qu’on ne s’attendait pas à trouver chez l’aimable auteur des Oiseaux du Sacre. Mme Tastu est même quelquefois un peu trop sévère, sinon injuste, par exemple quand elle reproche vivement à Grenier son hymne à la Suisse hospitalière : elle n’aimait pas ce petit pays auquel elle ne pardonnait pas d’avoir accueilli chez lui les fugitifs de la Commune. Une autre fois, c’est contre Garibaldi qu’elle exhale sa colère. citant sa déclaration « cynique, dit-elle, qu'il n’était nullement venu en France pour combattre les Prussiens, mais pour aider la démocratie ». Elle avait la politique en horreur: « Ah ! cette maudite politique ! Comme je comprends le dégoût qu'elle a fini par inspirer à Horace Walpole, parce que, disait-il, elle nous force souvent à nous associer à des gens que nous n’aimons pas et à nous séparer de ceux que nous aimons ». Aussi suppliait-elle Grenier de ne pas écouter « cette vieïlle sor- clÈre »: Du moins M"° Tastu se souvient parfois aussi qu'elle à aimé et cultivé la poésie et rien n’est plus juste de ton que le jugement qu’elle porte sur le poème de Francine que Grenier lui avait envoyé le 8 novembre 1884: « C'est un charme, lui écrit-elle, que cet aimable récit d’un intérêt si doux, où rien ne sent l’effort, la tâche, le voulu, où le simple n'a rien de vulgaire, le vrai rien de banal, Partout l’accord, la mesure, la note juste: un ensemble enfin où l’oreille, 3 Sd — 63 — Fespat et le cœur sont également satisfaits, Car rien n’y manque même ce qui n'y est pas dit Joignez-v le plaisir de retrouver dans sa franche el facile allure, sa clarté sereine et sa naturelle élégance cette chère langue française aujour- d’'hui défigurée à merci ». Elle ajoute cependant une légère critique : elle ne comprend pas que Grenier sacrifie dans ses vers à la mode par des enjambements « qui, dit-elle, coupent ou terminent les vers entre le substantif et l’adjectif par exemple ». Cette lettre est rendue particulièrement touchante par les mots de la fin où M"° Tastu dit que ces lignes sont peut-être les dernières qu’elle écrira, car elle n’y voit plus du tout. Elle n’a pas dû en effet reprendre la plume depuis lors, car deux mois après, elle rendait le dernier soupir. Peu après, son fils Eugène Tastu, adressait à Grenier ces vers écrits par M"° Tastu quelques mois avant sa mort, et qui ont une beauté tragique qui les rend peut-être plus admirables que ceux qui ont fait sa réputation. Je crois en vous, mon Hieu ! Dieu bon! Dieu notre père Et cependant j'ai peur ! Je crois en vous, Jésus, en vous, Jésus, j'espère : Et cependant j'ai peur ! Je crois et j’appartiens à l’éternelle Eglise Et cependant j'ai peur ! Je crois en l’autre vie à notre âme promise Et cependant j'ai peur ! Dans l’ombre où mon angoisse appelle la lumière Je n’entrevois qu’un corps, un cercueil, une pierre Jai peur! j’ai peur!! jai peur!!! € Autant Mu Tastu était ardente et passionnée, autant Mne d'Agoult, si célèbre sous le pseudonyme de Daniel Stern, éiait réservée et personnelle. « Chez elle, dit Gre- nier dans ses Souvenirs, l'intelligence dominait tout et l’art remplaçait la nature ». Les treize lettres que nous Un cn possédons d'elle ne démentent pas ce jugement : on y constate une intelligence supérieure, mais on sent trop que cette femme de lettres manque de sensibilité et qu’elle ne s'intéresse guère qu à ses propres affaires. Grenier qui était l’indulgence même ne parait pas avoir eu tort de lui reprocher un certain égoïsme olympien. Chez Valentine de Lamartine, la nièce du grand poète, le ton est tout différent. Celle-ci semble ne vivre que pour défendre et glorifier la mémoire de son oncle. Malheur au critique audacieux qui ose faire quelques réserves sur le génie de Lamartine: son manque de goût est sévèrement stigmatisé. Elle voue par contre une reconnaissance et une affection profondes au jurassien Louis de Ronchaud, poète aussi à ses heures, qui partage son culte pieux. On en aura une idée par ce fragment de lettre datée de St-Point le 3 juillet 1887 et où elle pleure la mort de cet ami, le plus fidèle des disciples de son oncle: «Je perds en lui, dit-elle, non seulement un ami mais un conseiller si sûr sur tout ce qui touchait l’œuvre de mon oncle. Quand il en parlait, tout s’illuminait en lui et redevenait jeune et était nourri de son grand souvenir. Sa mémoire comme son cœur étaient pleins de lui ; il l’avait aimé depuis sa Jeunesse, vivant sans cesse près de lui. Je retrouvais en lPécoutant des mots, des anecdotes qui le faisaient revivre dans sa mémoire ». [l y aurait beaucoup à glaner dans cette correspondance pour celui qui voudra tracer de La- martine un portrait définitif, mais nous ne croyons pas utile d'en parler davantage aujourd'hui, car Mme Emile Ollivier, qui a publié récemment un si charmant volume sur Valentine de Lamartine (1), avait reçu jadis de Grenier communication de ces lettres et elle a su en tirer le meil- leur part. Madame Pauline Caro, la femme du célèbre académi- (1) Paris, Hachette, 1908. ENS cien dont les cours de philosophie à la Sorbonne eurent naguère un succès si retentissant, fut peut-être l’amie Ia plus fidèle d’'Edouard Grenier. Celui-ci était entré en rela- tions avec le jeune ménage dès 1853 et dès lors il traçait sur Palbum de M. et Mm° Caro des vers en l'honneur des deux époux si bien faits pour se comprendre et s'aimer, L’un buvant à longs traits à la coupe qu’il aime Voue au culte du Beau la moitié de son cœur, Dans les champs où l’amour moissonne ce qu’il sème Il poursuit la science au sein de son bonheur. L'autre d’un vol léger, prompt à suivre sa trace Et:de sa poésie attisant le flambeau, Riche des deux secrets que devine la grace Illumine son cœur d’un jour toujours nouveau. Les lettres si nombreuses de Mme Caro à Grenier (il y en a plus d’une centaine) seront très précieuses à consul- ter pour quiconque voudra se faire une idée de la société parisienne à la fin du xix® siècle. Avec beaucoup de bien- veillance, mais aussi avec un sens critique très aiguisé, Mme Caro savait bien voir et bien juger, et telle page où elle raconte la rivalité de deux salons de la capitale qui, il v a une dizaine d'années, se disputaient M. Anatole France, dénote une psychologie remarquable, qu'on ne s'étonne pas de trouver chez l’auteur du Péché de Madeleine, et de tant d’autres romans délicats. Enfin parmi les correspondantes les plus zélées de Grenier, je regrette de ne pouvoir dire ici le nom de celle dont les lettres m'ont paru les plus piquantes et parfois les plus amusantes. Il s’agit d’une italienne, appartenant à la plus haute aristocratie florentine, que notre poète avait connue lors de ses nombreux voyages en Italie, et qui tout de suite avait éprouvé pour lui la plus vive sympathie: près de > e) Core 80 lettres en 15 ans, combien d’amis en échangent autant ? Cette dame, douée d'un esprit véritablement supérieur, écrit le français avec une facilité et une perfection que beaucoup de nos compatriotes pourraient lui envier. Dans sa correspondance, elle aborde avec une égale aisance les sujets les plus variés. Un jour, ce sont de fines considé- rations sur la langue itallenne « qui est très riche, mais n'est riche que de vieilleries » et qui ne permet pas de traduire aisément les pensées modernes. Au contraire notre belle langue française, instrument si souple et si précis, fait ses délices. Notre littérature aussi l’enchante, par ce que, dit-elle, nos auteurs « sent sortis du conventionnel qui est la mort de toutes les imtelligences, et, connaissant les passions humaines, savent les mettre en jeu pour nous émMOouvoIr ». Elle se plait à renseigner Grenier sur la société qui l’en- toure et les historiens de l'Italie ne pourront trouver nulle part ailleurs. des renseignements plus abondants ni plus pit- ioresques sur les mœurs et les goûts de l’aristocratie duæ Nord de l'Italie il y à une quinzaine d'années. Elle ne craint pas d'autre part d'aborder avec Grenier les questions de la politique courante. Amie sincère de la France, elle déplore les malentendus qui, alors, empêchaient les deux sœurs latines de se témoigner les sentiments d'affection qu’elles nourrissent au fond du cœur l’une pour l’autre. Elle traduit admirablement les sentiments de tristesse et d’indignation. qu’éprouvèrent ses compatriotes quand les armées italiennes subirent de si cruels revers en Abyssinie. Enfin elle ne craint pas de s’occuper même de notre politique intérieure, et on lira plus tard avec intérêt le jugement sévère porté par cette étrangère sur le général Boulanger et ses indi- gnations passionnées au sujet d’une affaire plus récente dont jé ne veux parler. En 1894, Grenier lui envoie ses Souvenirs littéraires. Elle l’en remercie chaleureusement et profite de l’occasion # 4 — 07 — pour lui faire connaitre une anecdote personnelle sur Victor Hugo: Grenier avait raconté dans son étude sur Lamartine l’état de déchéance dans lequel il avait trouvé ce dernier lors d’une de ses dernières visites à Saint-Point : le poète avait été incapable d'exprimer la moindre idée. « C’est alors étrange de penser, constate alors notre belle italienne, que les grands hommes deviennent taciturnes vers leur fin. C'était la même chose avec Hugo. Je vous ai raconté la visite que je lui ai faite, vous souvenez-vous”? Il ne parlait pas et, quand il a ouvert facilement la bouche, c'était pour adresser à tous les messieurs l’un après l’autre la demande : Fumez-vous messieurs? Peut-être sentent-ils la différence survenue en eux entre le présent et le passé, et ils ne veulent plus se montrer par la parole ». Grenier avait dit également que Lamartine était fier de sa beauté. Sa correspondante lui rappelle alors à ce sujet un vieux souvenir: « Une institutrice française que j'avais dans mon enfance me disait avoir vu deux fois Lamartine; une de ces fois elle lui avait entendu dire: « Quand j'étais enfant et que je me promenais dans les rues de Mâcon, les femmes ine trouvaient si beau qu’elles s’arrêtaient pour m’em- brasser ». Permettez-moi de tirer encore de cette correspondance un petit extrait qui intéressera les nombreuses admiratrices de M. Paul Bourget. Notre grande dame avait naturellement lu ses romans et cette lecture l’avait charmée. Or, en décem- bre 1891, il se trouva qu’au cours d’un voyage, M. Bourget passa par Florence. Immédiatement, invoquant des relations communes, elle lui écrivit pour l’inviter avec sa femme à une soirée chez elle. M. Bourget, qui avait sans doute de bonnes raisons à invoquer, refusa poliment de s’y rendre, Il ne se doute pas cependant de la colère qu’il provoqua alors et qui sexhale dans une lettre à Grenier. « M. Bourget, dit cette femme profondément déçue, n’est pas charmant du tout, c'est un sauvage, c’est un ours mal alléché. . il n'aurait pas GR dû se montrer aussi dédaigneux de faire ma connaissance il m'a soigneusement évitée. il m'a rendu toute politesse avec lui impossible... Est ce parce qu’il écrit des romans qu’il se fait si précieux ». Si ces lignes lui tombent jamais sous les yeux, M. Bourget se contentera sans doute de sourire. Mais il pardonnera tout à fait à celle qui l’a comparé un jour à un lourd animal du pôle, s’il lit cette lettre jusqu'au bout. Il verra alors en effet l’éloge d’une personne bien chère qui, elle à bien voulu se laisser voir et que l’on a trouvée « charmante et jolie au possible ». Puisque je commence à être indiscret en parlant de juge- ments portés sur des contemporains, je me permettrai encore pour finir deux courtes citations d’autres correspondants. L'une concerne également M. Bourget ; et comment en effet son nom ne se trouverait-il pas sans cesse sous la plume de femmes cultivées et spirituelles ? C’est une confidence que lui-même a faite à une personne du plus grand mérite, une française cette fois, dont j'ai déjà cité le nom plus haut. Celle- ci sempresse naturellement d’en faire part à Grenier. Après avoir dit que M. Bourget avait déjà peut-être trop vécu par P’imagination, elle ajoute : « [Il me contait un soir qu’il s’in- carnait tellement en ses personnages qu’il lui arrivait de fondre en larmes et de tomber en des états nerveux lorsqu'il écrivait certaines pages de Cruelle Enigme ou de Menson- ges ». La même femme, dans une lettre postérieure de, quel- ques mois, annonçant le mariage de l’illustre écrivain, parle « d'une jeune fille charmante, belle, bonne et douce » et déclare qu’elle ne saurait trop le féliciter de son choix. L'autre citation est extraite d’une lettre d'une femme qui tenait un salon littéraire fort célèbre à Paris à la fin du siècle dernier. C’est un jugement sur nos deux célèbres critiques MM. Faguet et Jules Lemaitre qui venaient alors tous deux d'écrire un article sur Maupassant. «Je suis bien de votre avis, écrit-elle à Cie M. Faguet est de premier ordre. Son article sur Maupassant est bien GO supérieur à celui de Lemaitre. Il est plus psychologue, plus profond, plus intense, mais notre Lemaitre a une grâce, un charme, une tendresse qui coule à pleins bords dans ce qu'il fait. Quel enchanteur, il n’y a pas à dire ! On est amoureux de lui tout le temps qu'on le lit, il est vraiment unique ». M. Lemaitre comprendra, après un tel éloge, que je ne veux lui Evrer le nom de celle qui a écrit ces lignes si flatteuses, et d’ailleurs si justes, sur les deux maitres de la critique contemporaine. Ces quelques rapides mdications ne peuvent donner qu’une idée très superficielle de la correspondance d’Edouard Gre- nier. Elles suffisent toutefois pour en faire deviner le grand intérêt littéraire et moral. Puissent-elles aussi décider les personnes qui comptent parmi leurs correspondants des écri- vains, des savants, des artistes ou simplement de nobles cœurs, à ne pas détruire leurs lettres et à imiter l'exemple de Grenier qui a légué celles qu’il avait reçues à une bibliothèque publique pour la plus grande joie des lettrés futurs ! POÉSIES PAR M. ALBERT MATHIEU. ARCHIVISTE DE LA SOCIÉTÉ Séance publique du 16 décembre 1909. SOLEIL ET VITRAUX Je vous aime, vitraux des vieilles cathédrales... Sous le feu du soleil, alchimique brasier, Votre éclat s’est douci, vos peintures royales Ont pris le ton fané des plantes d’un herbier. Les rayons lumineux projettent sur les dalles, Qui donnent à la nef l’aspect d’un grand damier, L'inscription latine en lettres onciales : Un verset suggestif choisi dans le psautier. Disséminé parmi ces ombres scripturaires, Un essaim de reflets aux nuances légères, Glisse, quitte le sol et vient frapper l’autel. L’astre semble, en quittant notre zone de vie, Jeter de ses doigts d’or les fleurs de l’arc-en-ciel Au tabernacle saint où repose lPHostie. Mention honorable (Paris, 1909). D pe IT LE CHAR Du fond de l'horizon, un roulement grondeur Arrive jusqu’à nous : c’est le char de l’orage, Dont les brusques cahots prouvent le démarrage Sur pavés nuageux, broyés par sa lourdeur. Il approche, il grandit; mais l’Alpe avec raideur Se dresse sur sa route, et, devant ce barrage, Les quatre chevaux d’or en sé cabrant de rage Laissent apercevoir leur magique splendeur. Debout, pour mieux tenir les rênes fulgurantes, L'archange conducteur aux ailes transparentes, Maîtrise, en un clin d'œil, attelage effrayé : Et, sous l'effort nerveux du bras qui le dirige, S’enlevant d’un seul bond, le céleste quadrige Franchit dans un éclair le sommet foudroyé. TT SUR LEE LC ODENSALINI POINEA HOMMAGE A LAMARTINE. Ce lac qui t’inspirait, j'ai voulu le revoir Au lever du soleil, quand la brume s’essore ; Et les doigts fuselés des sylphes de l’aurore, Ont découvert pour moi ce magique miroir. Dans son cristal fluide où tremble un sapin noir, Mon évocation fit apparaître encore : Ton passé, tes amours, ton ombre que j’honore, Et ma pieuse extase a duré jusqu’au soir... Puis l’essaim vespéral de mes pensers moroses M'affola... Je pleurai l'effacement des choses Par la Mort et la Nuit, sous l’impassible ciel ; Mais un souffle très doux errait sur le rivage, Son baiser balsamique effleura mon visage, Et mon cœur reconnut ton esprit immortel ! Diplôme d'honneur (Toulouse 1908). IV CONSUMMATUM EST ! À Lui. Il meurt : la croix retient sa croulante posture, Le froid glace et raidit ses membres ivoirins ; Seuls, des caïllots de sang palpitent sur ses reins Dont la chair en lambeaux laisse voir l’ossature. Son visage si doux, crispé par la torture, Est tourné vers le ciel : les yeux, bleus et sereins, Ouverts, mais sans regard sous leurs cils purpurins, Révèlent à la Mort sa Divine Nature. Au pied du gibet rouge où veille un homme armé, Madeleine sanglote, et Jean, le bien-aimé, Relève avec respect la Vierge évanouie. Soudain le Golgotha s’illumine d’éclairs, Et l’apôtre en extase adore dans les airs, Le premier crucilfix : le sceptre de la Vie! Médaille d'argent {Cette, 1908). 1] ra | V E'JDÉAE Cest le but éternel des âmes généreuses, La céleste splendeur qu’il suffit d’entrevoir Pour l’aimer à jamais et vivre avec l’espoir De parvenir, un jour, aux cimes glorieuses. Mais la force trahit nos ailes orgueilleuses, Car il plane plus haut, dans le firmament noir, Que ces soleils de feu qu’on devine, le soir, Sous le voile argenté des pâles nébuleuses. Malgré notre désir nous ne l’atteignons pas ; Qu'importe ! s’il le faut, même après le trépas, Nos cœurs, aigles d'amour, le poursuivront encore. Et, traversant la nuit du tombeau redouté, Où la Foi doit tenir ses promesses d’aurore, Ils trouveront en Dieu sa suprême beauté. Mention honorable (Bordeaux, 1909). VI LA LOCOMOTIVE Cinq minutes d'arrêt !... J’admire en dilettante, Au milieu du brouillard doré par ses fanaux La machine immobile, esclave des signaux, Mais fiévreuse de vie et de force latente. Comme un cheval qu’énerve une trop longue attente, Et dont la chaude haleine embrume les naseaux, Son corps tressaille ; enfin, les disques sur poteaux Tournent... la voilà libre ! elle part, haletante. Sa vapeur qui s'échappe entraîne du poussier. Sous le roulement sourd des bandages d'acier Le rail vibre, assoupli, le sol trépide et gronde. L’œil imaginatif, le tympan martelé, Je crois entendre et voir le Tonnerre attelé S'élancer et rugir en piétinant le Monde ! Médaille d'argent (Cette, 1908). VII LE DISQUE Tournant sur son poteau que la fumée enduit D'un barbouillage noir, sa face de cocarde Fait ralentir au loin les trains qu’elle regarde D'un œil terne le jour et lumineux la nuit. Dans la paix du silence et le trouble du bruit, Au soleil, ou le soir, sous la lune blafarde, Ce géant de métal semble monter la garde, Là-bas, vers l'horizon où « la ligne » reluit. Surtout, n’approchez point pour mieux voir sa mimique, Poètes enfantins dont le rêve magique Trompe à la fois les yeux, la raison et le cœur !... Car vous seriez déçus : l'alerte sentinelle N'est plus, à quelques pas, qu'un grand polichinelle Mù par le fil de fer que tire l’aiguilleur. 2° prix (Nice, Jeux floraux, 1909). VIII LE BROUILLARD Entre les monts, où meurt son reflux affaibli, La brise le répand comme de la fumée ; Aux rayons du soleil atmosphère est fermée Et le ciel a l’aspect du verre dépoli. Lorsque tombe ce voile impalpable et sans pli Dont la gaze d'argent estompe la ramée, Le peuplier décroît : on dirait un pygmée, Et l’orgueilleux château nous semble démoli. Mais ce tissu léger lentement se déchire ; Le zénith s’éclaircit, lastre vient de sourire, Nimbé de vapeur blonde, au fond d’un gouffre bleu. Son éclat renaissant fait cligner la paupière ; L’œil mi-clos voit passer des points rouges de feu Dans un chaos d’azur, de neige et de lumière. Diplôme d'honneur (Paris, 1909. 2 ee IX AUTOMNE Le soleil, apparent à travers le brouillard, Semble un disque fumeux en pâte de phosphore ; Notre œil prend sa revanche et fixe son regard Sur cet astre déchu qui «tourne au météore ». La verdure se rouille, et, dans le ciel blafard, Des oiseaux migrateurs l’essaim frileux s’essore ; L’espace en est vibrant... Ô ce cri du départ ! Mélancolique adieu de la faune à la flore. Une bise précoce assaille nos coteaux, Et, couchant l’herbe avec un sifflement de faux, Fait taire les grillons aux joyeuses cohortes. La forêt sans babil perd ses frèles atours, Et bientôt nous verrons danser aux carrefours L'argent de la poussière et l'or des feuilles mortes: SCT ne X LE SPHINX Le désert apparait, sans limites visibles ; L’espace est libre, mais il ne nous tente pas : Nous en gardons encor des souvenirs pénibles. « Halte-là, les amis, revenons sur nos pas! » Personne ne proteste, et, pour reprendre haleine Avant de retourner à notre campement, Ghacun jette à ses pieds sa cartouchière pleine, Son carnier, son fusil, puis s’assied un moment. Il fait délicieux ! Sous le jour qui décline, On aperçoit la terre aux détails un peu flous, Comme à travers l’écran d’un ciel de mousseline ; Et nous laissons errer nos regards devant nous... Un rang de vingt dattiers, dont les palmes fruitées Joignent un arbre à l’autre et forment des arceaux, À l'air d’un aqueduc sur piles briquetées. Le vent souffle : on dirait le murmure des eaux. Plus loin, entre les rocs d’une petite crête Jaunâtre et sinueuse, un Sphinx au corps vermeil Noblement accroupi, semble lever la tête Pour voir, à l'horizon, descendre le soleil. Et, sur le sable chaud, poudre de corail rose, Sa belle ombre de jais commence à se mouvoir ; Puis, sous l’éclat mourant de l’astre grandiose, Allonge jusqu’à nous son large sillon noir. — 80 — Sur le disque cuivreux, le monstre énigmatique Grisaille tout entier, et lui donne l’aspect D'un talisman gravé, dont le signe magique Et le très grand module inspirent le respect. Depuis quatre mille ans qu’il est rivé sur place, Peut-être que ce sphinx, pétrifié d’ennui, Tente de s’accrocher à la sanglante face Du dieu, pour qu’il le prenne et l'emporte avec luf. Mais le fier Osiris, que le soir découronne, Aussitôt qu'il arrive au bout de son parcours, Dans la brume d'argent qui déjà lenvironne, (lisse et par ce moyen se dérobe toujours. Cet égoïsme émeut notre délicatesse ; Détournant nos regards de l’astre dégagé, Nous contemplons alors, avec plus de tendresse, Le pauvre sphinx déçu... Miracle ! il a bougé !... Oh ! nous ne rêvons point ! Il est là, sur ses pattes, Il hésite... et soudain s’avauce lentement Vers l’horizon marbré de taches écarlates ; Puis il s'arrête et pousse un fort rugissement. Et le charme est rompu ! Le talhisman solaire Qui nous l’avait jeté, S’engloutit sous nos yeux ; Le monstre est un lion, sa sonore colère Couvre le bruit du vent dans les dattiers r'UgUEUX. Le viser? Notre tir serait inefficace : On voit mal, la nuit tombe ; et maintenant c'est nous Qui restons accroupis, pétrifiés sur place, Et nos fusils chargés tremblent sur nos genoux ! XI LÉCUREUIL ET LA. COULEUVRE (Fantaisie) Sous les sapins géants Sylvestres Titans, Sur le sol recouvert de leurs brunes aiguilles, Et qui semble rouillé, Un petit écureuil par l'aurore égayé Sautille. Sous les premiers rayons, Tièdes et blonds, Qui filtrent à travers les rameaux noirs, Et qui couvrent le sol d’ombres mauves, De temps en temps on peut voir Luire et s’éteindre son poil fauve... Acrobate mignon, Il s'approche du tronc Le plus gros et le plus lisse ; Mais avant d'y grimper, ISSé metrarlusirer Le bout de son néz fin ; On dirait un petit lutin, En habit de capucin, Les mains jointes pendant l'office. Tout à coup il saute en arrière ; Il a vu, dans une trainée de lumière, Qu'un souple bracelet Encerclait L’écorce à fleur de terre ; Une couleuvre le guettait ! Vite, elle se détortille, S'élance en sifflant !.., On croirait voir une faucille Qui jette son éclair blanc... 82 — Mais, pour saisir ce nain magique, Vainement son corps élastique Se roule en multiples spiraux ; C’est du vide qu'elle enlace, Car, à travers ses anneaux, Le petit capucin saute et passe Comme un clown dans un cerceau. Bravo ! L'ORGUE fa MES GE TE UV RTET MEMBRE CORRESPONDANT C'était un soir d'automne, à l’approche des jours D'ordinaire brumeux, toujours tristes et courts, Que la religion consacre à la mémoire Des siens, entrés déjà dans l’éternelle gloire, Et de ceux qui, venant à peine de mourir, Auraient peut-être encor quelque chose à souffrir. Je venais d’éprouver une perte cruelle, Grande épreuve où souvent le cœur humain chancelle. A ma triste pensée, il fallait un moment De méditation et de recueillement. Une invisible main me guida vers l’entrée D'un temple, au Saint-Esprit église consacrée. Elle sut m'inspirer toujours un grand respect, Cette église du Saint-Esprit, par son aspect Sombre, majestueux et son type sévère, D'un âge primitif, plus que le nôtre austère. Ainsi qu’une caverne, on la voit s’enfoncer Sous trois profondes nefs, que semblent enlacer Des piliers de granit montant jusqu’à la voûte. J’y pénètre à pas lents. Je regarde ; j'écoute. Le silence est profond. Je suis seul dans ces lieux, Où lutte avec la nuit un jour mystérieux. -Le maître autel, au marbre aussi noir que l’ébène, Est orné du tableau de Ïa dernière Cène. Au-dessus est le Christ, sur une grande croix. Dans la pénombre obscure à peine j’aperçois Sa tête aux longs cheveux d’épines couronnée, Sur son sein entr'ouvert tristement inclinée. se Seule auprès de lautel une lampe veillait. L’imperceptible flamme en tremblant s’effilait ; D'une pauvre âme en peine on aurait dit l’image, Au ciel de sa prière élevant l’humble hommage. Sur un banc je m’assieds, et, machinalement, Cherchant je ne sais quoi dans mon accablement, Mon épaule bientôt s'appuie à quelque chose De froid comme la neige en décembre ou nivôse. Je voulus de la main toucher à ce linteau : C'était la pierre nue et noire d’un tombeau. Un frisson de mon corps pareourut la surface ; Le mort m'avait touché de ses longs doigts de glace; Et les saints à genoux, mains jointes, avec foi, En regardant le ciel semblaient prier pour moi. À la leur, j’eus voulu joindre aussi ma prière, Hélas ! en ce moment, elle était tout entière Dans une émotion qu’avec le souvenir Je ne saurais encore aujourd’hui définir. Sous cette impression tandis que je frissonne, De l'orgue tout à coup la grande voix résonne. Un organiste aveugle allait souvent la nuit Essayer de ses chants le mélodieux bruit. © Mon âme, on le comprend, devint plus attentive, : Une puissante voix, voix suave, plaintive, Bientôt mêle en chantant son accent assuré Aux accords solennels de l'instrument sacré. (1) L’abhé Eouis avait été un bon musicien et un excellent organiste. D’inspiration, les yeux fermés, il composait tout ce qu’il jouait. Dans son bon temps, il avait lui-même travaillé beaucoup à l'établissement du grand orgue de l’église du Saint-Esprit. Les clavecins, les registres et les souf- flets de ce bel instrument lui étaient si connus que, devenu aveugle, il jouait souvent de l'orgue pendant la nuit, comme pendant le jour, ayant même inventé un procédé ingénieux pour donner lui-même le mouvement nécessaire aux soufflets, en l’absence d’un aide de bonne volonté. Quel- quefois, sans le lui dire, un de ses frères allait en tapinois manier, sans bruit et sans interruption, les manches ou bras des soufflets, afin de secon- der mieux son Jeu inspiré. (Vieille chronique du Saint-Esprit). HQE J'entendis cette voix pendant quatre quarts d'heure, Répéter aux échos de la sainte demeure : « Anathème ! anathème ! à tous les criminels » Retenus comme toi dans des liens charnels ! » Où donc as-tu laissé cette belle promesse » De racheter tes jours passés dans la mollesse ? » Qu'as-tu fait ? Ta pensée est restée en bon lieu » Ou dans l'indifférence ou dans l'oubli de Dieu ! » Qu'as-tu fait de ton cœur ? Par sa vertu fidèle, » Ton amour aurait pu de toi faire un modèle » Et racheter les torts de la fragilité » Par une généreuse et sainte charité ». Comme un oiseau de nuit l’eut fait de son plumage, Un fantôme en passant effleura mon visage. Je n’en saurais douter, l'ombre de cet oiseau Devait avoir son nid dans le fond d’un tombeau. L’orgue tonnait toujours sous les voûtes obscures, Me criant pour rouvrir de mon cœur les blessures : « Montre-moi dans ta vie, un geste, une action, » Qui ne témoigne pas de ton abjection. » Parle ! Où donc étais-tu quand la peste et la guerre » S'unissaient à la faim pour dévorer la terre ? » Lâche ! Que faisais-tu quand d’hamaines douleurs » Répandaient dans les airs leurs poignantes clameurs? » Comme je frémissais, la lampe solitaire S'éteigait d'elle-même au fond du sanctuaire. De ses mille voix l’orgue avec emportement Me foulait, m'écrasait impitoyablement : « Insensé ! c’est en vain que ton esprit malade » Vers ton triste passé sans cesse rétrograde. » Illusion ! En vain tu voudrais l’espérer, » La trame de tes jours ne peut se réparer. _» Le temps n’est plus à toi. Déjà ton jour décline, » Comme l’ombre du soir tombant de la colline. ÉC » C’est la mort qui te guette et son avide main » Est prête, toute prête, à te saisir demain ». Puis, après un dernier fracas épouvantable, Qui fit trembler vitraux, murs, autel et retable, Pareil au bruit des eaux, du tonnerre et des vents Appelant devant Dieu les morts et les vivants, L’orgue se tut... À tant de bruit, de violence, Succéda dans l’église un lugubre silence !... Turin. 1909. Et 31 MAR 23 KA True Société d'Emulation du Doubs, 1909. ALFRED VAISSI ER ARCHEOLOGIQUE MUSE E CONSERVATEUR DU (1833 - 1909) nn Mr % _. a se succèdent à la Sociét Fe ü sort, est sur ses membres les | ra avi sucoessivement Sandoz, MALE PER ‘du DOôubs,, 1909. | HA Pau < I UE, L'EES M. ALFRED VAISSIER CONSERVATEUR pu MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE ANCIEN PRÉSIDENT & ARCHIVISTE ne La SOCIÈTÉ D'ÉMULATION pu DOUBS PAR Le Docteur E. BOURDIN PRÉSIDENT S'eanceiidau 20tuin-1909. Les deuils se succèdent à la Société d’Emulation du Doubs et, par une fatale ironie du sort, c’est sur ses membres les plus éminents que la mort semble s’acharner davantage. En quelques mois elle nous a ravi successivement Sandoz, Baudin, Bavoux et aujourd’hui j’ai la pémible mission de vous retracer la carrière, toute de travail et de dévouement à notre œuvre, de M. Alfred Vaissier, un de ses anciens pré- sidents et son érudit archiviste. Né à Besancon le 20 octobre 1833, au coin de cette ruelle Baron (1) qui déjà avait été le berceau du célèbre phalanstérien Fourier, M. Vaissier, après de fortes études classiques au lycée et ensuite au collège catholique, demeura quelque : temps à chercher sa voie. Tout d’abord clerc de notaire, il ne (1) Aujourd'hui rue Moncey. M. Gazier, conservateur de la Bibliothèque municipale, a nettement établi que Fourier était né dans la maison de la Grande-Rue n° 83, à l’angle de la rue Moncev et de la Grande-Rue. (Société d'Emulation du Doubs, années 1903-1904.) tarda pas à abandonner l'étude monotone des actes et des dossiers, pour s'initier à l’art délicat de l'horlogerie où l’atti- raient ses goûts pour les travaux manuels et les ouvrages de mécanique en particulier. Aussi, sous la direction de Ter- rier, fit-il de rapides progrès, et il lui resta, de son passage dans les ateliers de ce maître renommé, une habileté de main incomparabie qui lui fut plus tard d’un grand secours dans ses reconstitutions archéologiques et lui permit même certain jour de fabriquer de toutes pièces la montre qu'il portait habituellement. Entre temps, il suivait assidument les cours de dessin de notre école municipale et les très intéressants albums qu’ex- posait naguère à sa vitrine la Société des Amis des Beaux- Arts, furent pour beaucoup d'entre nous la révélation d’un talent ignoré. Quelques aquarelles représentant nos anciens quais et le vieux Chamars complètent cette exposition rétros- pective où les sites comtois, les quartiers disparus, les monuments que nous a légués l’antiquité, etc., sont passés en revue avec une délicatesse et une légèreté de touche qui font honneur à son beau talent d’amateur. Aussi, les carnets de M. Vaissier, en plus de leur valeur artistique incontes- table, resteront-ils des documents historiques du plus haut intérêt pour tous les amis du passé. La rencontre de Castan, qui avait dépisté en notre collègue un collaborateur zélé et infatigable et s'était hâté de l’associer à ses travaux et à ses recherches, fut pour lui le point de départ d’une vie nouvelle qu’il consacra désormais presque exclusivement à l’archéologie. C’est alors que nous le voyons soit ici, à la Société d’Emu- lation où il était entré en 1876, soit à l’Académie où dès 1893 il avait été élu, publier toute cette série d’études intéressantes concernant la province et plus particulièrement sa ville natale. À la même époque, il donnait à la Société d’agricul- ture de Poligny: dont il faisait partie depuis 1874 et à celle : de Besançon où il s’était fait inscrire en 1877, des notes très Re curieuses sur la culture de la vigne, sa taille, sa greffe, etc, multiples opérations dans lesquelles il était passé maître, puisqu'il cultivait de ses propres mains une vigne qu'il avait plantée lui-même dans les environs et qu'il entretenait avec un soin jaloux. Conservateur du Musée d’antiquités dont il à enrichi les collections par un choix judicieux, archéologue distingué dont nous avons si souvent applaudi les communications qui lui ont valu de nombreuses récompenses, vigneron enfin à ses heures, comme il aimait à le rappeler lui-même avec une certaine pointe de coquetterie, c’est sous ces aspects divers que nous devons envisager l’œuvre de notre regretté collègue dont l’obligeance, l’amabilité et le désintéressement ont égalé le savoir. Mais ne perdons pas de vue que ce n’est pas seu- lement à la modestie et à l’aménité de son caractère que M. Vaissier était redevable de l’universelle sympathie qui l’entourait, mais bien aussi à l'autorité sans conteste qu'il s'était acquise dans le monde savant par l'originalité de ses recherches et par un labeur obstiné. C’est sous l’habile direction de M. Ducat, conservateur du Musée archéologique, que M. Vaissier débuta dans les fonc- tions d’adjoint en 1879, en même temps qu'il devenait quelques années plus tard un précieux collaborateur pour Castan. nommé conservateur intérimaire du Musée d'art, pendant la longue maladie de son titulaire, le peintre-statuaire Camille Demesmawy. | Dans la correspondance de l’ancien bibliothécaire au sujet de nos musées, on retrouve à chaque page l'éloge mérité de notre collègue qui, avec un dévouement à toute épreuve, un zèle mlassable et un désintéressement absolu, a donné sans compter travail, temps et peines à l’organisation et au clas- sement de nos richesses artistiques. Castan reconnait, en effet, que c’est grâce à son précieux concours qu'il a pu pendant deux années consécutives assurer la conservation du Musée d’art, sans que son service spécial eût à en souffrir. EN ODNEE Aussi est-il particulièrement heureux de constater que sur sa demande le Conseil municipal l’ait publiquement félicité (1). C'est à la même époque également que remaniant la classifi- cation de nos galeries de peinture dont il avait déjà publié les catalogues en 1876 et en 1889 (2), il rend justice une fois de plus à l’intelligent concours de son ami, dont le dévouement et le labeur lui ont permis, dit-il, de mener à bien « cette tâche ingrate et difficile (3). » En 1889 mourait à Besançon un ancien président de la Cour d'appel, M. Vuillemot, dont le testament donnait à la ville un droit de préférence sur les nombreux objets de curio- sité et les intéressantes œuvres d’art dont se composait sa collection, sous la seule réserve qu’une des salles du palais Granvelle leur serait affectée. Castan avait été l’âme de ces négociations, mais c’est en partie à M. Vaissier que nous sommes redevables du choix intelligent et du classement méthodique de ces pièces rarissimes qui caractérisent l’art industriel et l’école française des seizième, dix-septième et dix-huitième siècles. Avec un soin méticuleux, notre collègue emballa lui-même tous ces objets divers disséminés soit à Besançon, dans l’appartement de M. Vuillemot, soit à Gevi- gney, dans sa maison de campagne, et malgré leur fragilité et les difficultés du transport, put les amener intacts dans la salle qu'il avait aménagée dans ce but. Là, pendant de longues semaines, il classa, étiqueta et numérota ces rner- veilleuses porcelaines et ces admirables faïences des fabri- ques les plus renommées dont la réunion forme un ensemble (1) Lettre de Castan au Maire de Besançon, 10 avril 1890. Bibliothèque de Besançon. (2) Catalogue des peintures, dessins, sculptures et antiquités des musées de Besançon, par A. CASTAN, Besançon, 1876. Histoire et description des musées de Besançon (Monographie extraite de l’Inventaire des Richesses d'art de la France), par A. CASTAN, Paris, 1889. (3) Lettre de Castan au Maire de Besançon, 16 juin 1890. Biblio- thèque de Besançon. — 91 — à peu près complet autant qu'intéressant de l’histoire de la céramique. Avec le même soin il fit l'inventaire des peintures, des émaux, des sculptures et de cent autres objets précieux de toute nature qui offrent actuellement aux regards un choix de pièces du plus haut intérêt et font de cette collec- tion une des plus belles qui puisse exister dans les musées provinciaux. C’est également sous la direction de M. Vaissier, qu Edouard Grenier avait désigné tout particulièrement, que fut installée au palais Granvelle toute cette suite d’aquarelles charmantes de facture et de ton qui composaient l’œuvre entière de son frère Jules. Je craindrais de la déflorer en la jugeant, mais je tiens à rappeler ce qu’en disait Corot avec une certaine vanité : « Qu'après les siennes, les études du peintre Bau- mois étaient les meilleures qu'il connût (1) ». Les deux salles d'exposition se font suite et Bouchot, qui rêvait de voir un jour toutes nos collections réunies au palais Granvelle, cet autre Cluny «qui ne saurait, disait-il, offrir aux arts un abri à la fois plus honorable et plus gran- diose (2) », ne se doutait pas que le public bisontin n’en connaissait pas le chemin et que longtemps il ignorerait les merveilles dues à la munificence des frères Grenier et du président Vuillemot. Mais la vie archéologique de M. Vaissier est intimement liée à la Société d'Emulation, où pendant plus de trente années il nous a donné de nombreuses et savantes commu- nications, soit sur les pièces les plus rares du musée dont il assurait la conservation, soit sur les vieux monuments de notre province, soit enfin sur tous ces souvenirs d’un autre âge que recèle notre sol et que la pioche des terrassiers met à jour à chaque instant. L’énumération seule en serait trop (1) Claude-Jules Grenier, peintre (1817-1883), par J. CorNpre. Be sancon, 1899. (2) La Franche-Comté, par M. H. Boucor, Paris, 1903. Nouvelle édition 002 longue, elle fera l’objet d’un index bibliographique à la suite de cette notice Je veux simplement vous rappeler les plus intéressantes, qui ont classé notre confrère parmi les archéo- logues de renom. | C’est d’abord toute une nomenclature d’objets divers trou- vés dans nos cimetières gallo-romains, bracelets, colliers, agrafes, fibules, vases en verre ou en terre cuite, armes diverses, anneaux de bronze ou d'argent, statuettes, etc. reliques précieuses que M. Vaissier a étudiées et classées méthodiquement et dont ses dessins donnent une fidèle reproduction. C’est ainsi qu’il a relevé les marques de fabri- que des poteries anciennes, les estampilles, les cachets, les signatures de leurs auteurs et qu'il a pu en indiquer la pro- venance et en établir ainsi l’origine d’une façon irréfutable. Grâce à ses recherches, nous connaissons maintenant l’emplacement exact dans notre pays des centres celtiques, gaulois ou romains de ces civilisations antiques. Dans une étude documentée sur les Jupiters Gaulois, dont notre musée possède quelques beaux spécimens, M. Vais- sier, par l’examen et la comparaison des costumes, à mis en évidence la fusion graduelle des divinités gauloises avec les divinités romaines, dès les premiers contacts de ce peuple envahisseur et éminemment organisateur, avec les habitants de cette portion de la Gaule que nous occupons aujourd’hui. C’est l'identification de l’iconographie gauloise avec l’iconographie romaine, en même temps que les mœurs de nos pères se modifiaient et s’adaptaient aux us et cou- tumes de leurs vainqueurs, justifiant ainsi cet aphorisme de César : « Que la race gauloise est douée d’une extrême adresse et d’une aptitude supérieure pour imiter et pour faire tout ce que les autres peuvent inventer (1) ». (L) Singulari militum nostrorum virtuti consilio cujusque modi Gallorum occurrebant, ut esi saummæ genus solertiæ, atque ad omnia imitanda atque efficienda, quæ ab quoque tradantur, aptissimum. (César, de bello gallico, NI 22°) — 95 — Puis ce sont les antiquités burgondes, échos lointains d’une civilisation antérieure au moyen-âge, qui retiennent l’attention de l’érudit archéologue. Il nous fait remarquer sur des plaques de ceinturon et de baudrier finement tra- vaillés, des croix latines reproduites avec netteté, indice certain de l’affaiblissement du culte des idoles et du progrès des idées chrétiennes à cette époque. Une des plus intéressantes trouvailles archéologiques de M. Vaissier est sans contredit ce vase priapique de style gréco-romain, datant du premier siècle de notre ère. C’est assurément la perle de notre musée d’antiquités, que le per- cement de la rue Gambetta a très heureusement mis à jour. Sur un fond de verre d’un violet tendre se détachent, à la facon des camées antiques, des figures d’émail blanc nette- ment circonscrites et reproduisant une scène des fêtes don- nées publiquement à cette époque en l’honneur de Priape, le dieu de la Fécondité. La restauration en est parfaite et tout honneur en revient encore à notre regretté collègue, qui nous a fait également de ce morceau rare une savante descrip- tion. À rapprocher également de cette Œnochoë priapique un dieu des jardins, trouvé à Champforgeron, d’allure plus dis- crète et moins lascive, mais dont le caractère très particu- her et le bon état de conservation font de cette sculpture allégorique une des pièces les plus intéressantes que M. Vais- sier ait eu la bonne fortune d'installer dans notre musée. Signalerais-je encore ces nombreuses mosaiques recueil- lies un peu partout dans le sous-sol de notre ville, rue du Clos, rue Bersot, dans le quartier de Battant, etc., et dont M. Vaissier a rassemblé patiemment les fragments pour reconstituer des dallages entiers, témoins survivants de la somptuosité romaine dans notre pays. Aussi, est-ce à lui et à sa vigilance archéologique toujours aux aguets que nous sommes redevables d’avoir pu suivre la piste de la vie dans les siècles passés, et c’est grâce à lui aussi que l’histoire de LANÉQ ER nos ancêtres et de ceux qui ont séjourné sur notre sol dans les temps préhistoriques a pu faire quelques progrès. Je n’oublierai pas non plus de vous rappeler l’étude cons- ciencieuse de nos textes patois à laquelle s’est livré notre érudit collègue en rééditant l’humoristique poème de Jean- Louis Bizot, la Jaquemardade, et en nous mettant au cou- rant des travaux du professeur Rossat sur un autre poème d'origine bisontine, les Paniers, qui a eu autrefois un grand succès, puisqu'il a été traduit en trois dialectes différents. Mais il faudrait passer en revue toutes les pièces de notre musée et relire la collection de nos Mémoires de ces trente dernières années s’il fallait donner une étude complète de l’œuvre de M. Vaissier et de l’influence très réelle qu'il a eue ici, à la Société d’'Emulation, par la publication de ses nombreuses notes et de ses communications pleines d’inté- rêt. Je ne saurais pourtant passer sous silence l’étude approfondie qu'il a faite de Porte Noire, se rangeant ainsi avec son maître Castan dans la phalange savante des com- mentateurs de ce monument énigmatique, et apportant, lui aussi, des éléments nouveaux à ce problème archéologique. Pour M. Vaissier, la grande pensée de notre arc de triom- phe, c'est la glorification de la puissance romaine. Les tableaux de batailles, les trophées d'armes, les captifs enchai- nés le prouvent surabondamment, ainsi que les bienfaits de la paix que le peuple-roi promettait à l’univers vaineu.et que représente l’ordre chronologique des saisons, avec leurs allégories habituelles, les vendanges, la récolte des fruits, la rentrée des grains, etc. Mais ce qui fait que cet are n’est la répétition d'aucun autre, c’est qu'on y trouve des attri- buts particuliers à la cité, comme la commémoration de l’arrivée des eaux d’Arcier à Besançon, représentée par une nymphe entièrement nue, dont un des bras absent devait, au dire de M. Vaissier, s'appuyer sur une urne ou une vasque remplie d’eau ; ingénieuse hypothèse à laquelle sem- blent donner raison les arceaux symboliques qui rappellent le nom d'Arcier placé à la partie supérieure du monument. Quoi qu'il en soit, Porte Noire est loin d’avoir livré son dernier secret, mais nous devons savoir gré à notre col- jègue de s’être essayé à en déchiffrer les signes hiéroglyphes et de nous en avoir donné une intéressante traduction. Puis, n’oublions pas que c’est à lui que nous devons l’ins- tallation dans les salles du musée archéologique de ces inté- ressants moulages de Porte Noire, exécutés autrefois, sur l’initiative de Castan, par la Société d’Emulation du Doubs. Placés ainsi sous les veux, ils offriront aux recherches des archéologues futurs leur troublante énigme, dont Castan et Vaissier avaient essayé, après quelques autres déjà, de soulever un coin du voile et dont le mystère, espérons-le, tombera quelque jour dans le domaine de la science et de histoire (1). Mais M. Vaissier ne s’est pas contenté d'étudier notre art provincial, il voulait aussi juger par comparaison et donner bre cours à son tempérament d'artiste et de savant. Aussi faisait-il chaque année, pendant les vacances, un grand voyage soit en France, soit à l’étranger, visitant les musées, relevant les analogies qu’il ÿ rencontrait avec nos collec- tions comtoises et rapportant chaque fois une ample mois- son de notes intéressantes et d'idées nouvelles. C’est ainsi que successivement 1l a visité la Suisse, le Jura français, la vallée du Rhône, le Dauphiné, les Cévennes, les Alpes, les Pyrénées, la Normandie, la Bretagne, l'Italie, dont il était revenu tellement enthousiasmé qu'il se préparait à y retourner, Londres enfin, où, avec son ami Castan, il avait pu, il y a quelques années, admirer les splendides collec- tions de sir Richard Wallace et du British Museum. (1) La Revue archéologique de septembre-octobre 1909, contient sous la signature de M. Salomon Reinach, un des plus érudits archéologues de France, un article sur Porte-Noire, dans lequel les appréciations de M. Vaissier sur cet énigmatique monument, sont admises pour la plupart dans leurs grandes lignes. Le Puis ce fut la visite de nos grandes cathédrales qui cap- tiva son attention. Il parcourut alternativement Soissons, Beauvais, Amiens, Reims, Rouen, Chartres, Le Mans, etc ., où il put admirer en connaisseur les chefs-d’œuvre de Part roman et du style gothique dans ce qu’ils ont de plus pur et de plus parfait. É Chaque année encore 1l se rendait à Paris au moment de l'ouverture du Salon, où le poussait son goût affiné de l’art, et c’est pendant un de ces voyages, en mai dernier, qu'il a contracté la maladie qui l’a enlevé à l'affection des siens et de ses nombreux amis. Sa dernière visite avait été pour la manufacture des Gobelins, où il voulait consulter le direc- teur sur une très intéressante tapisserie du xve siècle dont venait de s'enrichir son cher musée d'antiquités. Aussi peut-on dire que M. Vaissier est mort à la tâche, donnant sa dernière pensée à ce qui avait été l’œuvre et la passion de toute sa vie. Si brève que puisse être cette étude sur l’œuvre de notre collègue, je ne puis passer sous silence les très intéres- santes dissertations qu'il a faites sur la culture de la vigne et les soins à lui donner. À Arbois, à Dijon et ici, à la Société d'Agriculture et à l’Académie, il a souvent, avec sa compétence particulière sur ce sujet, entretenu ses collègues de ses essais de recons- titution du vignoble, de la prophylaxie de ses maladies, de la oreffe sur bouture (1), des meilleurs plans à employer dans notre région, des qualités du sol nécessaires aux différents cépages, etc. Aussi, dès le début de l'invasion phylloxé- rique, le voyons-nous faire parte du Comité départemental de vigilance et d'étude contre cette redoutable maladie et chargé de rédiger une instruction précise pour résister au (1) Greffage de la vigne sur bouture (Instruction pratique rédigée par M. Vaissier, membre du comité départemental de vigilance et d'étude contre le phylloxéra). Besançon, 1890, on fléau en indiquant les moyens les plus pratiques pour repeu- pler nos vignes mortes ou simplement menacées. Dans son discours de réception à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besancon, M. Vaissier prit un sujet qui lui était cher entre tous : La vigne et les vignerons à Besançon, étude rétrospective d’un puissant intérêt, où il nous montre la vigne déjà appréciée à l’époque romaine dans notre pays, comme l'indique un des bas-reliefs de Porte Noire, encouragée et soutenue dans le cours du inoyen-àge par les archevêques, qui en retiraient de grands bénéfices, et enfin florissante et prospère dans le cours des dix-septième et dix-huitième siècles, où la corporation des vignerons, dont est sorti le légendaire Barbister, si cher aux Bisontins, jouissait de statuts et de privilèges spéciaux. Le vigneron d'alors était attaché au sol qu'il cultivait toute sa vie avec amour et mourait parfois à la peine dans cette vigne qui lui avait procuré tant de jouissances et aussi tant d'alarmes, ce que M. Vaissier traduit avec sa douce philo- sophie et une conviction profonde en disant : « Dans ce siècle changeant, où les ambitions s’égarent à la poursuite du bonheur, il faut savoir mourir dans sa vigne (D ». Officier d'Académie en 1884, officier de l’Instruction publi- que en 1897, M. Vaissier reçut encore différentes médailles d'honneur pour sa contribution aux études viticoles et pour ses services rendus à l’agriculture. Muis de toutes ces faveurs, cetle qui lui tenait le plus au cœur, c'était cette médaille en vermeil qu’il avait reçue en 1891 de la Société française d'Archéologie pour la conservation des monu- ments historiques, avec les regrets que lui avait exprimés le Conuté de n'avoir pas une plus haute récompense à fui accorder. C'était, en effet, la reconnaissance officiellement ._ {1) La vigne et les vignerons. — Discours de réception à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, par M. Alfred Vaissier. Année 1899. constatée de son savoir et de son dévouement à la cause archéologique. Ici, nous savons tous quels grands services M. Vaissier a rendus à notre Société, qu'il était appelé à présider en 1901 : mais sa modestie l’a toujours cantonné dans ses fonctions d’archiviste et de vice-secrétaire, refusant même la place de secrétaire qui lui était offerte et pour laquelle il était si bien désigné. Humble jusqu’à ses derniers moments, ses obsèques ne furent solennelles que par le nombre considérable d'amis qui Paccompagnèrent à sa dernière demeure, et votre prési- dent n’a pu exprimer publiquement les regrets que causait à tous, et en particulier à la Société d'Emulation, sa perte inattendue. Aussi tenait-il à rendre aujourd’hui un hom- mage plus complet à cet homme de bien et de devoir, qui ne fut pas seulement « la Providence » de notre musée archéologique, comme l’a dit autrefois Castan, mais aussi celle des nombreuses Sociétés auxquelles 1l appartenait et où sa mort va laisser un grand vide. Son fils, notre excel- lent confrère le docteur Vaissier, fera revivre heureusement parmi nous, c’est certain, un nom qui nous est cher à tous au sein de cette Société d'Emulation, dont son père fut si longtemps l’âme et le soutien, en même temps que le guide éclairé et l’inspirateur de ses plus intéressants travaux. ETPELTOGRAP'EITÉ Lo Société d'Emulation du Doubs. Le Congrès viticole de Montpellier en 1878 (4 bois gravés). — 1878. j Note sur deux sculptures gauloises découvertes dans la ban- lieue de Besançon et sur le cimetière gallo-romain de Thoraise. — 1880. Les poteries estampillées dans l’ancienne Séquanie (15 plan- ches). -— 1881. Sépultures gauloises de la grotte de Courchapon (Doubs) et du cimetière des Vareilles [banlieue de Besançon] (5 planches). — 1883. Les mosaïques du clos Saint-Paul à Besançon avec dessins de M. A. Ducat (2 planches). — 1884. Le cimetière gallo-romain de la Viotte à Besançon {1 planche). — 1885. | Vase priapique (1 planche). — 1886. Le tombeau de Virginia (1 dessin). — 1889. La Franche-Comté au Congrès des Sociétés savantes et aux deux Salons de 1891. — 1891. Etude sur les statuettes de Jupiter costumées à la gauloise dans la région de l’est de la France (photogravure et bois gravé). — 1892. Tête d'enfant, sculpture gallo-romaine, au musée d'archéologie de Besançon (1 dessin). — 1893. Le taureau tricornu du musée archéologique de Besançon (note et 1 dessin). — 1894. Une figuration inédite des dieux mânes au musée d'antiquités de Besançon (planche). — 1895. Antiquités burgondes au Musée d'archéologie de Besançon (2 planches photographiées et 1 planche lithographiée). — 1896. Essai d'interprétation des sculptures de l’arc antique de Porte-Noire, à Besançon (1 planche). — 1897. — 100 — La Jacquemardade, poëme en patois bisontin (1733), et son auteur le conseiller Bizot [1702-1781] (1 portrait). — 1900. Texte delaJacquemardade avec notes et commentaires. — 1900. Ea Société d’Emulation du Doubs en 1901. — 1901. Les colonnes à figures de Porte-Noire, à Besançon, avec gra- vures. — 1901. Deux vestiges de construction gallo-romaine à Besançon et à Chambornay-lez-Bellevaux (2 planches). — 1901. Porte-Noireetses commentateurs (gravures et planche). — 1902, Un dieu des jardins (sculpture gallo-romaine) et l'Œnochoé priapique (en verre) du Musée de Besançon (1 planche). — 1904. La pirogue gauloise ou préhistorique de Buthiers [Haute- Saône] (1 planche). — 1906. Les Paniers, poème comique en patois de Besançon et sa tra- duction en patois jurassien. — 1907. Bulletin archéologique. — 19057. Inscriptions et fragments sculptés (Kvic et xvIIe siècles) grou- pés au square archéologique Castan. — 1907. À la recherche de l’origine de la ferrure à clous [Rapport sur un travail de M. G. Joly.) (2 planches). — 1908. 90 Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon. La vigne et les vignerons à Besançon. — 1899. L'expérience viticole en Franche-Comté; compte-rendu de l’ouvrage de Ch. Rouget : les vignobles du Jura et de la Franche- Comté. — 1899. Autres publications. Gretfage de la vigne sur bouture (Instruction pratique rédigée par M. Vaissier, membre du Comité de vigilance et d'étude sur le phylloxéra) Besançon. — 1890. Un concours sur la maladie de la vigne en Franche-Comté en 4777, publié en 1875. RÉCENTES ÉTAPES MOTES APRIENNES ANNÉE AÉRONAUTIQUE 1909 Pair LE GCGomMmMANnpaANtr ALLARD MEMBRE RÉSIDANT Séance du 15 décembre 1909. Dans une étude précédente Histoire de la navigation aérienne, nous disions, il y a quelques mois, que l’année 1909 verrait après les prouesses de Wilbur Wright, des succès encore plus éclatants, Nous tenons à résumer et à enre- gistrer ces nouveaux succès. On commence déjà à s’inté- resser fortement, même dans le public, à ce sport d’un genre spécial, et l’on constate jour par jour avec admira- tion les progrès remarquables de l'aéronautique. La question est vraiment d'actualité. Elle est dans l’air, selon une expression usuelle. Nous avons essayé de rattacher à cette étude les noms de quelques compatriotes qui, à des titres différents se sont occupés de la conquête de l'air. Nous mesurerons avec surprise le chemin parcouru depuis la tentative drôlatique de l’ascension d’une montgolfière à Besançon en juillet 1784. | Notre érudit et distingué secrétaire de la Société d’Emu- lation du Doubs nous l’a racontée avec beaucoup de finesse et d'esprit. Nous constaterons cette marche étonnante à la conquête de l'air pour la seule année 1909. — 102 — Suivons, s’il se peut, les gigantesques pas de ces vain- queurs de l’espace, aussi bien pour les aéroplanes que pour les dirigeables. Examinons donc ce qui se passe en France et en Allemagne : : Dans cet ordre d'idées, on n’a pas oublié lexemple de patriotisme donné en 1908 par nos voisins, à la suite de l'accident survenu au Zeppelin n° 1. ; Alors qu’en France, après la catastrophe récente du Répu- oblique, une souscription ouverte par l’un des plus grands journaux Le Temps produisait 350,000 francs, de lautre côté des Vosges la mésaventure du Zeppelin provoquait un assaut de générosité dans toutes les classes de la société. Des sommes d'argent importantes affluèrent et donnèrent rapidement la somme respectable de neuf millions. L’em- pereur qui suit de près toutes les inventions qui concernent l'art de la guerre, voulut rendre un hommage particulier et personnel au général comte Zeppelin. De tels encoura- gements ne devaient pas rester sans résultats, et tandis que nous nous endormions en France un peu trop facile- ment sur nos lauriers, de l’autre côté du Rhin on profitait de l’expérience acquise pour perfectionner le premier Zep- pelin. Il faut croire que l’on a réussi ; on peut en juger d’après les randonnées récentes du second spécimen, revu, corrigé, et très amélioré! Ce nouveau dirigeable allemand laisse bien loin derrière lui les exploits de notre pauvre ballon Patrie. Il n’est pas constitué, comme on pourrait le croire, à première vue, par une enveloppe unique gonflée de gaz analogue à nos aérostats. Il comporte au con- traire une carcasse ou mieux une ossature rigide en allu- minium, à l’intérieur de laquelle prennent place 17 petits ballonnets indépendants remplis d'hydrogène et séparés lPun de l’autre par des cloisons en aluminium et qui donnent ainsi la force ascensionnelle à tout l’ensemble. L’intervalle entre ces ballonnets et l'enveloppe formée d’un tissu caout- chouté est d’ailleurs rempli d'air. Il y a deux nacelles, lune — 103 — à l'avant, l’autre à l'arrière. Chacune contient un moteur actionnant deux hélices placées à droite et à gauche du fuseau du ballon et dont les supports sont intimement reliés à la carcasse. L’un quelconque de ces moteurs peut du reste à lui seul faire mouvoir le dirigeable. Au mois de mai 1909, cette deuxième édition du Zeppelin a effectué un voyage de près de 1200 (douze cents) kilo- mètres d’une seule traite. Il est resté plus de 36 heures dans l’atmosphère, et après avoir atterri en pleine cam- pagne et subi une réparation, il accomplhissait un second trajet de 12 heures. Comme nous le disions ci- an que sont à côté de cette magnifique performance, les raids de nos dirigeables? Le plus long voyage fut celui du Patrie entre Chalais-Meudon et Verdun, soit 240 kilomètres en 6 heures 45 minutes. On trouvait cette expérience merveilleuse et l’on criait au pro- dige Combien nous sommes distancés en ce moment de ce côté ! Nous le verrons encore mieux dans ce qui va suivre. On a bien formulé en vérité des réserves sur la supério- rité du type Zeppelin, caractérisé par la semi-rigidité de sa structure métallique légère, cependant ; mais pouvant donner lieu à des mécomptes, par suite des difficultés d’atter- rissage. Déjà dans certaines ascensions des accidents plus où moins graves avaient eu heu, car ce ballon ne pouvant se dégonfler, donne par suite de son volume énorme une forte prise au vent. En outre, à l’époque des prerniers essais, l'atterrissage, si l'on peut employer ceite expression, s'était fast sur Le lac de Constance. Cette particularité avait suggéré à un humoriste cette réflexion, que ce système de ballon serait très bon si l’on pouvait emporter un lac avec soi! Mais cette boutade n'empêche pas les résultats sérieux acquis depuis lors. Des pberfectionnements importants ont été appor- tés et l’on à expérimenté d’autres modèles de dirigeables du type Gross et Parseval et un nouveau Zeppelin dont il sera parlé ci-après. Par les seuls moyens du bord, tous ont — 104 — parcouru de très grandes distances en se dirigeant sur des buts fixés à l’avance et en provoquant avec raison l’admi- ration universelle. Sans anticiper sur l'avenir, c’est pour nous un devoir impérieux d'observer d’un œil vigilant ce qui se passe au delà des Vosges. A ce sujet 1l paraît utile de faire connaitre dès aujourd'hui que l’on va mettre l’année prochaine en essai le Zeppe- lin n°5. [l aura trois nacelles et trois moteurs et un dépla- cement de 20,000 (vingt mille) mètres cubes. Ce géant, véritable Dread-nought de l’air est capable de produire sur son passage des éclipses non prévues à l’annuaire du bureau des longitudes. Nos dirigeables français sont minuscules à côté, lors même que leur volume est déjà appréciable. Les derniers modèles de nos croiseurs aériens, tels que Liberté et Bayurd- Clément cubent en effet seulement 4,200" pour le premier et 3,900" pour le second. Ceci ne veut pas dire d’ailleurs que la force ascensionnelle du ballon ci-dessus sera cinq ou six fois plus grande que celle du Liberté ou du Bayard- Clément avec un gaz de même densité. L’enveloppe du Zeppelin du fait de sa structure n'est pas, comme on l’a vu, entièrement remplie de gaz léger. Seuls les ballonnets en renferment, tandis que dans nos dirigeables, le volume total contient du gaz léger. Ce Zeppe- lin n° 5 est destiné en principe à transporter un assez grand nombre de passagers, une trentaine, dit-on, on prévoit des stations de voyageurs qui seraient installées à Baden-Baden, Manheim, Carlsruhe, Munich, Leipzig, Berlin, Dusseldorf, Hambourg, Cologne et peut-être, aioute-t-on, à la pointe extrême du Danemark au cap Skagen. Le Berliner Tag- blatt, annonce que pour cette exploitation une société s’est constituée au capital de trois millions de marks. En plus des trois types de dirigeables que l'Allemagne possède maintenant, l’administration militaire fait construire ie à Berlin un modèle d’un 4° type, Siemens et Schukert, qui appartient à la catégorie des semi-rigides et mesure 94 mètres de long. Il a quatre hélices et quatre moteurs de 75 HP chacun qui peuvent, en cas d'accident, fonctionner sépa- rément. Les essais de ce nouvel engin doivent avoir lieu cette année même; ils vont sans doute affirmer encore un progrès réel des Allemands. Cette manière de voir relativement à la supériorité de nos voisins est corroborée en tous points par une lettre adressée au journal Le Temps le 28 novembre dernier et un article du 29. La lettre émane du vaillant aéronaute français Capazza, qui a suivi les dernières grandes manœuvres allemandes, et qui, avec beaucoup d’autres spectateurs, a remporté lim- pression que l'Allemagne possède la première flotte aérienne du monde entier, servie par un personnel d'élite. Leurs dirigeables évoluent de nuit comme de jour vers des destinations marquées et par groupe de deux ou trois, comme des navires marchant de conserve. Tous les renseignements recueillis dénotent notre infé- riorité manifeste, et les conseils donnés ne doivent pas être dédaignés, si nous ne voulons pas être battus à plate cou- ture avec nos propres inventions dont les étrangers seraient seuls à profiter. M. Clémentel rapporteur du budget de la guerre demande bien pour l’aérostation une somme de 500,000 francs en 1910. Cest une simple indication de la bonne volonté des pouvoirs publics ; mais c’est une bagatelle si l’on songe que cette somme représente à peine le prix d’un dirigeable français et pas même la moitié du coût d’un dirigeable allemand. Actuellement l'Allemagne possède dix ballons dirigeables militaires en service et de fort tonnage si l’on peut dire. D’autres, une douzaine environ, sont en construction. Remar- .quons que lPAutriche possède deux ballons dirigeables et l'Italie deux également. Donc en comptant les 10 existant en Allemagne plus les 12 en construction, on voit que la — 106 — triplice pourra bientôt disposer de 26 navires aériens. Elle dispose en outre de 45 dirigeables particuliers susceptibles d’être réquisitionnés en temps de guerre. En France nous avons en tout pour le quart d’heure un ou deux drigeables à mettre en ligne, savoir Colonel Renard et Liberté et encore ce dernier en est à la période des essais. Le Lebaudy déjà ancien est remisé dans un coin de hangar et presque inutilisable. Le Ville de Paris donné par M. Deutsch de la Meurthe à la place forte de Verdun est à peine suscep- üble de faire un service convenable. [l est bien démodé. Quant au Bayard-Clément, il a été construit pour le compte personnel de lindustriel bien connu M. Clément par la Société Astra (anciens établissements Surcouf). Non seulement nos voisins peuvent utliser 2mmédiate- ment 10 croiseurs aériens, en attendant de nouvelles unités d’un type récent, mais ils possèdent tous les accessoires pour mettre en œuvre cette flotille. C’est ainsi qu'ils ont construit d'immenses hangars, véritables galeries des ma- chines qui sortaient de terre en six semaines. Ceux de Cologne et de Metz peuvent abriter chacun six Purseval de 6,700 mètres cubes chaque, c’est-à-dire deux fois plus grands environ que l’un des nôtres. Il existe en ce moment en permanence trois dirigeables à Cologne et trois autres à Metz, dans ces deux places importantes non loin de nos frontières. De nouveaux hangars analogues à ceux de Metz et de Cologne sont sur le point d’être installés dans différentes villes et principalement en Alsace-Lorraine, à Strasbourg par exemple, constituant de véritables ports en terre ferme pour navires aériens. Ainsi il existe des stations d’aérostation à Friedrichshafen, Bitterfeld, Berlin et Francfort. En même temps, l'Etat allemand s’emparait, comme d’uti- lité publique, du gaz hydrogène pur et meitait en dépôt dans des usines des milliers de bouteilles d'hydrogène. Une seule de ces usines près de Francfort possède un dépôt de 15,000 bouteilles toujours pleines et en plus deux — 107 — trains composés de wagons chargés de bouteilles réu- nies en série sur un seul robinet commun. Chaque train possède un tuyau de gonflement de 2,200 mètres de long. Ces trains, en cas de besoin, partent par les voies les plus rapides et les ordres supérieurs sont donnés pour qu'ils puissent être accrochés même au tram impérial. Tout est prévu dans les moindres détails et le service prêt à fonc- tionner au premier signal. On comprend qu’une volonté ferme et souveraine a décidé d’avoir avec une marine puissante une escadre aérienne in- comparable. Ce but semble atteint. Le Kaiser a l'ambition d'étendre son Empire sur les terres du ciel! Nous sommes bien loin de compte ! En supposant que nous construisions rapidement quel- ques dirigeables afin de remédier un peu à notre infé- riorité, nous n'aurions ni provisions d'hydrogène pour les gonfler, ni hangar pour les loger, ni personnel pour les diriger. Faisons exception pour ceux de Chalais-Meudon, de Verdun et d’un hangar en construction à Belfort. En face de la situation présente, c’est un vrai cri d'alarme qui est poussé de tous les côtés: Caveant consules ! On assure que des crédits supplémentaires seront demandés dès à présent au titre de lexercice 1909 et que des sommes plus importantes seront affectées au budget de 1910, pro- bablement, pour l’aviation qui parait être à l’ordre du jour dans lés sphères gouvernementales. Signalons que le bud- set allemand prévoit un crédit de 10 à 12 nullions de francs en 1910 pour lachat d’un certain nombre de dirigeables et la création de nouveaux hangars. Dès le courant du mois de janvier il v aura 14 dirigeables militaires en service. Nous n’avons pas un instant à perdre ! Nous devons avoir à cœur de ne pas déchoir dans cet art éminemment français de la direction des ballons. _ En attendant, M. d’Estournelle de Constant président du groupe sénatorial d'aviation fortement ému et avec raison LA086e de cet état de choses, a promis d'intervenir sans retard auprès du gouvernement. C'est pourquoi une délégation des deux groupes de la locomotion aérienne du Sénat et de la Chambre s’est présentée le 1°’ décembre au Ministre de la Guerre et lui a demandé instamment de saisir à bref délai le Parlement d’un programme d’ensemble sur le personnel et le matériel. Le général Brun, qui a commandé pendant trois ans le 4° régiment d’arüllerie à Besançon, a répondu qu'il partageait complètement la manière de voir des séna- teurs et des députés délégués, et qu'il s’occupait d'arrêter un programme, En tout cas la construction des hangars, ainsi que l’appro visionnement et le transport d'hydrogène sont à l’étude.:fl est à désirer que notre ville ne soit pas oubliée dans cette nouvelle organisation et que nous possédions une station de drigeables. La commission sénatoriale de larmée s’est réunie au Luxembourg sous la présidence de M. de Freveinet et a décidé de convoquer aujourd'hui 15 décembre le Ministre de la Guerre, afin d'entendre ses explications sur l’état actuel de laérostation militaire et sur les projets du gouvernement. Toutes ces démarches ne sont pas restées sans résultats. En effet par décret du Président de la Répu- blique du 24 décembre 1909 paru à l'Officiel le jeudi 30 décembre, il est créé deux nouvelles compagnies d’aé- rostiers aux lieu et place de deux compagnies de sapeurs- mineurs. Le rapport du Ministre daté du 24 décembre qui est en tête du décret, constate que le service de l’aéros- tation a pris une importance considérable depuis que les progrès de l’art aéronautique permettent de doter l’armée d'engins nouveaux et c’est pourquoi il propose pour le moment, afin de remédier en partie seulement à la situation actuelle, la création des deux compagnies d’aérostiers ci-des- SUS, (qui. Sont aflectées Maur O0 et au 20 corps armee Espérons que le 7° corps (Besançon) aura bientôt également une compagnie d’aérostiers. — 109 — Afin de donner une idée des principales dimensions et de la force motrice actionnant les ballons actuels en France et en Allemagne, il nous a semblé bon d'indiquer dans un tableau annexe les caractéristiques de quelques-uns d’entre eux construits récemment. Nous avons fait figurer en tête le Lebaudy qui date cependant de 1902. C’est le Jaune comme on l’a appelé, simplement à cause de la couleur de son enveloppe. [Il à été le prototype du modèle fran- cais. Nous n'avons pas omis dans le tableau République et Patrie, ces naufragés de l’air qui ont sombré dans les circonstances que l'on sait. Nous donnons également aussi exactement que possible les renseignements concernant les différents modèles usités en Allemagne en faisant des réserves sur l'exactitude abso- lue de quelques chiffres, qui tous se rapprochent cepen- dant suffisamment de Ia réalité. x REX Malgré tous les perfectionnements apportés à la cons- truction des engins plus légers que l'air, les dirigeables, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, rigides, semi- rigides, souples, ont tous un grand désavantage. Leur emploi dépend avant tout de lPétat actuel de l’atmosphère, C’est pourquoi dans certains clubs d’aérastation, en France aussi bien qu'en Allemagne, on envisage comme solution possible l'emploi presque par tous les temps des aéroplanes plus lourds que Pair. Il y a donc le plus grand intérêt à signaler dans cette revue d’aérostation les dernières envolées qui donnent le plus grand espoir pour la conquête de l’air. De ce côté du moins, 1l semble bien que jusqu’à ce jour nous avons conservé une maitrise mdiscutable. La démonstration résul- tera de l’énumération des récentes étapes sur les routes de l'air. — 110 — bles construits en France et en Allemagne irigea Tableau des divers types de d ipales. iques princip t er1s avec leurs caract | | | | -snuuo9 uou sorry sonbonb OUVIŒ U9 9SSIL, SUOAR SNON JUOA SIPSS9 SOT "OP YIIUU HOT RASTUTUIPE. | Id JimamsSu0r) ‘Un2LU9 4H SL SOILIA SOpUPIS SO IAI1ISS9P ANOd 9791008 aun d2Vd JH411SU0N) ‘UN9IEU9 dH OFF Sin9]0OU € ‘eut 0019 2P 2wMIOA un JuO mb SaJ{ueSTIIp SOP J0095404 2dAJ 9[ SUCP 9/SIX9 [I ‘oué 0109 L 19 ZJOJN © SIVEUPU S9P SUVP SS041) od473 2, PUIUWO09 sououvuiod u9 JUOW9ICEA “SOJA OI 09 9p sud 2p 2S$9JIA SUN A9SII -R9I 9P JUSIA Sin9JO(U ÿ 49 SUOI 9P ‘U 06 2P sso1n 2P 9[Rpout neoanou uf] ‘(PI) AH FL op ooueseind oun e anojow onbeu) ‘(P]) “OUuS0109 8 19 ZJ2 IN L SIPSUPU S9P EUPP 9IUQU euuod uo Juos 94dÂ7 29 9p Sa[quosID S2( *SOTJQUOI 00€ | 2P 22UUOPULI aun 91181 [Nos AUN,P J9 6061 IUUI U® IP] V "ISSN9I JIOA JUO[AUUOS SIPSS9 SO ‘JUOUDr) ‘IN Op o1grpnored 919Hd01d ‘UNPIDA % S2104 9P 911tA AI Vio9e[ due 19 9O4u98 AUQU NP JS2 PAVUIY 1900707) OT ‘J10JI0Y € 9)9976 94179 Ju 49S ‘IUSSO A *SI9IOUJO Y OP JIOUI E[ JUEUIRITU9 EU] -NOJN 2P SQ1d 6061 2149798 3 21 SIAUOS V[ V 900 IRIAI € U9SN9Q ‘IN ed auuo *L0GI 2IQUOAOU fé 9] JU9A 9[ CU UNPHIOA e 9J1oduI 979 V ‘aioroue SNss9p 19 OdAT, *AUYUIOU 99 UO 9SI[NUL 3S9 [I “9443 9P IAL9S Y ‘JOLIS ANeIUOBUT,[ 184 JMISU0Y *SILC] 9119 | 9p SAno]JOW F GL ÿ 5 F6 | C06 M NIET ESS LETAIS "AUSEUOI[V D > OPA CMNQ 0€ |000 04 09116061 "°°°" G ou ureddez FH. 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Il suffit de rappeler son voyage, aller et retour de Toury à Arthenay, soit 30 kilo- mètres le 31 octobre 1908. C'était à la suite de nombreuses tentatives qui n'avaient pas toujours été couronnées de succès, et l’on ne comptait plus ses pannes, Mais ce courageux apôtre du-monoplan a un caractère fortement trempé et une ténacité peu commune. Malgré ses échecs, son ardeur restait toujours la même. Il ne se décourageait jamais. On peut lui appliquer la devise Labor omnia vincit improbus. Il devait d’ailleurs être récompensé de sa constance en faisant un coup de maitre que nous citerons en son temps. Un de ses émules, Latham, partisan aussi du monoplan et dont nous raconterons ci-après la hardiesse, le sang- froid et le coup d'œil, battait ie 5 juin 1909 à Mourmelon le record français de durée détenu par Tissandier qui avait volé pendant 1 heure 2 minutes. Latham restait 1 heure 7 minutes dans les airs, et sans une pluie abondante chas- sée par un vent violent il comptait bien poursuivre sa course pendant deux heures et battre Wright. Le terrible champion américain sera forcé d’ailleurs, comme nous le dirons, de revenir en Europe s’il veut conserver la suprématie qui lui est enlevée. Nous réser- verait-il une surprise de la dernière heure, comme :ïl Pa _ fait le 31 décembre 1908? Chi lo sa ! Une semblable émulation est de bon augure autant pour les aviateurs de notre pays que pour les progrès inces- sants de l'aéronautique. Nous analyserons plus loin les résultats surprenants obtenus vers la fin de la présente année. . Heureusement les encouragements viennent de toutes parts. Récemment M. Painlevé de l’Institut, président de la commission d'aviation, a distribué en présence du bureau > HAo ee du Sénat des médailles d'honneur aux plus méritants des pilotes. Le grand prix Osiris de 100,000 francs, a été attribué à deux de nos compatriotes, Blériot et Gabriel Voisin. Une école supérieure d’aéronautique et de construction mécanique, fondée par l’initiative privée vient de s'ouvrir rue Falguière à Paris. L'enseignement est donné par des savants, des spécialistes, anciens officiers du génie dont on a pu lire les noms sur des affiches apposées naguère à Besançon. Cet enseignement a pour but de former des ingé- nieurs-constructeurs capables d'établir un projet et d’en diriger l'exécution, que ce projet concerne un aérostat, un appareil d'aviation ou un moteur léger. Beaucoup de séances sont consacrées à des travaux manuels exécutés dans les ateliers de l'Ecole. Des conférences sont données par des professionnels de l’aérostation. Des ascensions complèteront probablement les leçons théoriques et techniques et seront la meilleure des écoles d'application pour former un per- sonnel exercé et des pilotes habiles. De plus, à côté de l’enseignement officieux, nous allons voir l'enseignement officiel. Une chaire d’aviation a été créée fin novembre à la Faculté des Sciences de Paris, grâce à la générosité d’un riche donateur. Le titulaire est déjà désigné. Il n'existe pas encore de cours similaire dans aucune uni- versité étrangère. Nous devons nous ressaisir de toutes façons. Espérons que cette fois nous ne travaillerons pas pour le roi de Prusse. Enfin, l’Académie française voulant également affirmer sa sympathie a choisi comme sujet du concours de poésie, dont le prix sera décerné en 1911 : La conquête de l'air. Notre grand poète Victor Hugo à écrit sur ce thème des vers peu connus. Il sera peut-être difficile de le surpasser. Dans sa géniale divination on dirait vraiment qu’il a prévu l'avenir. Nous détachons les strophes suivantes. Il voit l’avia- teur prendre son vol sur un nouvel appareil : — 113 — « Intrépide, il bondit sur les ailés du vent ; Il se rue, aile ouverte et la proue en avant ; Il monte, il monte, il monte encore Au-delà de la zone où tout s’évanouit : Comme s’il s’en allait dans la profonde nuit, À la poursuite de l’aurore. » Avec une étonnante richesse d’expressions, 11 glorifie l’effort de l’homme-oiseau qui échappe enfin à sa cage : « Audace humaine ! Effort du captif ! Sainte rage ! Effraction enfin plus forte que la cage ! Que faut-il à cet être, atome au large front, Pour vaincre ce qui n’a ni fin, ni bord, ni fond ? Pour dompter le vent trombe et l’écume avalanche ? Dans le Ciel une toile et sur mer une planche. » Mais qu'est-ce donc que cette conquète de l'air ? Et le poëte nous répond : « (est de la pesanteur délivrée et volant C’est la force alliée à l’homme étincelant, Fière, arrachant l'argile à sa chaîne éternelle ; Cest la matière heureuse, altière, ayant en elle De l'ouragan humain et planant à travers L'imnmense étonnement des cieux enfin ouverts ! » Lamartine lui aussi a traité ce sujet. On lit ces vers pro- phétiques extraits de la chute d’un Ange : « Pour défier les airs et pour s’y hasarder Les Hommes n'avaient eu dès lors qu’à regarder ; Et des ailes d'oiseau le simple phénomène — 114 — Avait servi d'exemple à ia Science humaine P Les Hommes mesurant le moteur à la masse S'élevaient, s’abaissaient à leur gré daas l’espace, Dépassant les nuées ou rasant les hauteurs, Et pour frayer le Ciel à ses navigateurs Pour garder de l’écueil la barque qui chavire, Un pilote imprimant sa pensée au navire, D'un second appareil l’habile impulsion, Donnait au char volant but et direction. » Les deux plus grands poètes Ivriques du xIX* siècle avaient ainsi présagé l’une des découvertes les plus remarquables du commencement du xx° siècle. Nos modernes Parnassiens ont le champ libre. [ls n'auront plus à prédire, mais à décrire en toute connaissance de cause les fantastiques chevauchées de l’homme-oiseau, Dans un style de haute allure, ils nous diront les mer- veilles de l’aéronautique. Déjà, l’un de nos poètes actuels les plus appréciés, J. Aicard qui sera reçu prochainement sous la coupole de l’Institut et dont le nom rappelle presque celui du premier aviateur de la légende, traduit à sa manière les prouesses de nos jours, dans un sonnet d’une grande originalité, Il invente même un mot nouveau pour enrichir le dictionnaire et pour mieux rendre sa pensée. Citons la fin : | « Le surhomme est donc né, puisque l’homme à des ailes ; Il prend essor, il monte à des gloires nouvelles ; Le feu prométhéen traine son char aîlé ; On survole Paris, Londres, Berlin et Rome ; L'Homme laisse à ses pieds le globe survolé ! Le survol c’est le vol surnaturel de l'Homme ».. Au surplus, soit en vers, soit en prose, on commence aussi à parler de l'esthétique de l’air en des termes dignes — 115 — de la langue des Dieux ! Paul Adam, par exemple, s'exprime ainsi : « Libellules et papillons, peut-être admirerez-vous un jour des frères géants et divins qui, parés de vos couleurs, descen- dront du Ciel plus éblouissants vers les fleurs des prairies où vous butinerez ». L'image est charmante et vraiment séduisante. Est-ce un trop beau rêve? L'avenir le dira ! Quoiqu'il en soit le lauréat que l’Académie doit couronner en 1911 sur le thème choisi, aura fort à faire en présence de concurrents comme Victor Hugo et Lamartine. Dans “deux années, si l’on en juge par les résultats obtenus en 1909 nous assisterons peut-être à un spectacle qui provoquera un immense étonnement ! Et puis la Muse inspirera le vainqueur du tournoi acadé- mique. En attendant, accordons un Juste tribut d’admiration à ces conquérants de l’espace dont il reste à relater brièvement les récentes expériences pendant le second semestre de cette année. Suivons l’ordre chronologique et rappelons de suite une - date qui restera à jamais cèlèbre dans les fastes de l'Histoire de la navigation aérienne. Cette date est celle du 25 juillet 1909 que l’on doit retenir avec le plus grand soin. Ce jour-là, en effet, après des tentatives précédentes et infructueuses de l’intrépide Latham, Blériot non moins intrépide et noa moins téméraire franchissait pour la première fois la Manche par voie aérienne entre Calais (Sangatte) et Douvres, soit une distance de 35 kilomètres en 31 minutes. I lui fallait pour arriver au but, une rare persévérance et une énergie indomptable. Seul un cœur d’airain pouvait ro à tenter pareille aventure ! Et c’est le cas de répéter cette citation d’'Horace : « Illi robur et œs triplex circa pectus erat ! » Les journaux et les revues ont raconté à qui mieux mieux cette fameuse odyssée. Un monument commémoratif sera érigé sur la côte anglaise au point précis où Blériot est venu toucher terre. Le mono- plan qu’il montait, après avoir figuré à la place d'honneur au salon d'aviation dans le grand palais des Champs-Elysées, a été transporté dernièrement avec solennité au Conserva- toire des Arts et Métiers de Paris où il sera pendant long- temps l’objet de la curiosité des visiteurs. Cet appareil désormais historique est caractérisé par les dimensions suivantes qu'il est bon de connaitre. L’envergure est de 8 mètres. Les ailes, en forme de rectangle arrondi, mesurent chacune 1 m. 80 de large sur 4 mètres de long, don- nant ainsi une surface portante de 14 mètres carrés environ. La longueur, de la tête à la queue, de cet oiseau-mécanique est de 7 mètres. À l'arrière, lempennage de 3 mètres carrés est flanqué de deux ailerons qui règlent la stabilité longitu- dinale. Le poids total, en ordre de marche, est de 320 kilogs dont 70 à peu près pour le moteur, de 25 HP seulement. Un mois après la traversée du Pas-de-Calais par Blériot, commença la semaine d'aviation de Reims du 22 au 29 août, et ce ne fut pas un petit évènement. Dans cette même plaine de Bétheny qui avait été le théâtre de l’une des plus belles revues de l’armée française, en présence du Tsar, il s’agis- sait alors d’une revue d’un nouveau genre. Seulement elle ne se passait pas sur le terrain, mais bien dans les airs. Nombre de bisontins et non des moindres, assistèrent à ce concours unique entre tous. L'organisation en fut parfaite et étudiée dans les moindres détails. Ces joutes aériennes attirèrent une foule immense venue de tous les points de l'horizon, de France et de l'étranger. — 117 — Le temps lui-même était presque favorable. Ce fut un spec- tacle magnifique ; le monde officiel, le Président de la Répu- blique en tête, honora le concours de sa présence. Il convient d'en dire les résultats en quelques mots, D'abord en ce qui concerne les dirigeables, la palme est décernée au Colonel Renard qui parcourut 50 kilomètres en { heure 20 minutes. [Il est vrai d'ajouter que le 30 août, le lendemain de la semaine de Champagne, comme on l’a nommée, le dirigeable Liberté que l’on dit réservé à notre voisine, la place de Belfort, réalisait une vitesse de 60 kilo- mètres à l’heure aux environs de Paris. Mais le très grand succès de ces fêtes sportiques revient certainement aux aéroplanes. Farman avec son biplan se place au premier rang : il par- courut au moins 182 kilomètres dans 3 heures 4 minutes. Avec la provision d'essence qui lui restait, il aurait encore fait sans arrêt un trajet de 50 kilomètres si la nuit n’était venue interrompre son vol; il aurait ainsi couvert en tout un espace de 232 kilomètres au minimum: c’est approxima- tivement la distance de Londres à Manchester. Les Anglais offrent un prix de 250,000 francs au premier aviateur qui se rendra sans escale de la Capitale du Royaume-Uni à la grande ville manufacturière. En tout cas, Farman tenait déjà à ce moment le record de la durée et de la distance du monde entier. [l devait faire mieux encore comme nous le verrons _ ci-après. Toutefois 1l complétait sa victoire en gagnant encore un prix de passagers, après avoir emmené deux amateurs avec lui dans son appareil. Si Wilbur Wright perdait le record de durée et de dis- tance, il devait perdre également celui d'altitude, grâce à Latham qui s’éleva à 155 mètres. L'américain Curtiss remportait les prix de deux ou trois _tours de piste, soit sur une longueur de 20 et 30 kilomètres parcourue respectivement en 15 minutes 26 secondes et 26 minutes 40 secondes. — 118 — En résumant l’énumération du palmarès, signalons enfin Blériot avec un tour de piste de 10 kilomètres en 7 min, 48 sec. soit presque 77 kilomètres à l'heure. C'était le maximum de vitesse jusqu alors, Tels sont les faits principaux de la semaine de Champagne à la date du 29 août. Mais Santos-Dumont quelques jours après, le 14 sep- tembre, avec un monoplan de 30 HP et de 10 mètres carrés, par venait à franchir la distance de Saint-Cyr à Haut-Buc près de Versailles avec une vitesse de 90 kilomètres à l'heure, soutenue pendant 7 à 8 minutes ; l’appareil ne pesait que 120 kilogs, y compris le poids de lPaviateur [ battait ainsi le record de vitesse détenu par Blériot. De même le 17 sep- tembre à Berlin, Orville Wright battait le record d'altitude en s’élevant à 180 mètres, [l ne devait pasle tenir longtemps! La semaine de Champagne s'était passée sans incidents et surtout sans accidents graves, cependant peu après, dans la seconde quinzaine de septembre, on avait à déplorer à quel- ques jours d'intervalle Ia mort de Lefebvre et du capitaine d'artllerie Ferber deux amateurs passionnés de l’aéroplane. Ils succombaient victimes de l’espace homicide, lorsque le 25 septembre on apprit avec stupéfaction l’horrible catas- trophe du dirigeable République à son retour des grandes manœuvres du Centre. Ce fut un long cri de douleur en France et de véritable pitié dans le reste de l’Univers. Tout le monde connaît le récit de l'accident : les qüatre aéronautes, le capitaine du génie Marchal, ancien élève du lycée de Besancon, le lieutenant du génie Chauré et les deux adjudants Vincenot et Réaux étaient précipités de plus de 100 mètres de hauteur trouvant un trépas glorieux. Saluons bien bas tous ces martyrs qui sacrifient vaillamment leur existence pour la Science et l'Humanité et souhaitons de tout cœur que la liste nécrologique ne s’allonge pas trop, car nous devons ajouter encore l’aviateur espagnol Fernandez tué le 6 décembre aux environs de Nice. Malheureusement, dès le début de 1910, l’aviateur Delagrange a succombé aussi, — 119 — le 4 janvier, par suite d’une chute de son appareil aux envi- vons de Bordeaux. Le progrès ne va pas sans danger et ne s’achète souvent qu’au prix de grandes épreuves ; des acci- dents de toutes sortes accompagnent fréquemment les décou- vertes, c'est la rançon des nouvelles inventions et il en sera toujours ainsi. Mais nos aviateurs ne se découragent pas pour autant et ils espèrent quand même ! Nous en avons pour preuve la prouesse accomplie par le comte de Lambert, un Russe aux trois quarts Français : parti le 48 octobre 1909 de Juvisv avec son biplan, il se dirigeait sur Paris et doublait la tour Eiffel en s’élevant « dit-on » à 500 mètres de haut, chiifre non contrôlé officiellement, mais battant de beaucoup, en tout cas, le record d'altitude; cette magnifique performance correspondait à un parcours de plus de 50 kilomètres en moins de 50 minutes. S’avancer aussi audacieusement au dessus de Paris sans être assuré d’un atterrissage en cas d’accident dénote un rare courage et un mépris absolu du danger ! La traversée de la Manche par Blériot peut seule jusqu'à présent rivaliser avec un semblable exploit et nous en verrons sans doute beaucoup d’autres ! Vingt-cinq années auparavant, et c’est un fait à noter car il intéresse un de nos compatriotes et amis du lycée de Besançon, le eapitaine Arthur Krebs, qui montait le premier dirigeable la France en compagnie du capitaine Renard, avait réussi également le 9 août 1884 à s’avancer au dessus de Paris en partant du parc de Chalais-Meudon, et revenant ensuite à son garage. Qui sait si dans un avenir plus ou moins prochain, d’au- tres aviateurs ne viendront pas en aéroplane atterrir dans l'immense plaine de Saône qui domine Besançon et qui con: viendrait parfaitement, à cet égard, pour un camp d’aéros- tation militaire sous la protection immédiate d2s forts de Montfaucon et des batteries avancées. La plaine de Thise, à 3 kilomètres eri avant du fort de Palente, non loin de la vallée du Doubs, du chemin de fer 120 — et de la route de Belfort serait également une position très favorable pour une installation de ce genre, avec les hangars et autres accessoires nécessaires. En attendant que ce mode de transport se généralise, continuons à enregistrer au jour le jour les progrès accom- plis. On ne saurait passer sous silence un des récents vols de Latham qui ne se laisse arrêter par aucun obstacle : on se rappelle son essai de traversée de la Manche avant le 95 juillet; en cours de route 1} fut précipité au ras des flots par suite d’une panne de moteur, son sang-froid ne lPabandonna pas un seul instant, il surnagea avec son appareil; lPaviso à vapeur qui suivait ses mouvements se porta immédiatement à son secours et le trouva assis fumant tranquillement une cigarette. Le 22 octobre, à Blackpool, 1l devait donner aux quelques amateurs que le mauvais temps n'avait pas arrêtés un spec- tacle admirable et effrayant, celui d’un homme-oiseau luttant contre un vent très violent dont la vitesse était supérieure à 60 kilomètres. Dans ces conditions Latham fut le seul à sortir, avançant à peine et même à certains moments recu- lant, entrainé par le vent. Après un virage des plus difficiles et des plus dangereux, il était emporté avec une vitesse effrayante de 150 kilomètres à l’heure, son moteur pouvant fournir une vitesse propre de 60 à 70 kilomètres. Cette. ran- donnée accomplie avec une maestria sans égale provoquait les cris d’effroi et les acclamations des spectateurs enthou- siasmés. Plus récemment, le 23 novembre, Latham invité par le marquis de Polignac, l'organisateur de la semaine de Cham- pagne, allait avec son monoplan à un rendez-vous de chasse près de Berru; la chasse terminée il revenait simplement dans son appareil, avec une bourriche de gibier. C'est, croyons nous, la première utilisation pratique de ce mode. de locomotion. toire Nous devons signaler ensuite que Farman vient de battre son propre record de durée et de distance. Le 3 novembre, à Châlons-sur-Marne, il couvrait 74 tours de piste, correspon- dant à une longueur de plus de 232 kilomètres, en 4 heures 18 minutes ; nous avons remarqué que C'était la distance de Londres à Manchester. Mais autre chose est de voler au dessus d’un aérodrome ou de se diriger vers un point quel- conque déterminé : Farman comme le comte de Lambert, comme Paulhan, Latham et Santos-Dumont a montré qu'il le pouvait facilement. Le 9 décembre dernier, il partait de son hangar de Buec et se dirigeait sur Chartres en passant par Rambouillet puis il atterrit ayant parcouru 70 kilomètres, ce qui est la plus grande distance d'aviation relevée jusqu’à ce jour au dessus des campagnes. Dans cette nomenclature, Latham qui tient toujours un beau rôle s'inscrit pour un vol à 410 mètres de haut, le 19 novembre, à Bouy, chiffre contrôlé officiellement, mais il devait plus tard monter encore plus haut et se classer sans doute le premier comme record d’altitude. Paulhan atteignait le même jour 300 mètres. Ce dernier, dès le lendemain, se dirigeait avec son biplan vers Châlons- sur-Marne et après avoir viré autour de la cathédrale et passé deux fois au dessus de la Marne, il reprenait le chemin de l'aérodrome après un trajet de 40 kilomètres à une hauteur de 200 mètres. Au cours de ces derniers essais, voulant démontrer sans doute que dans certaines conditions, — une panne du moteur par exemple, — l'atterrissage ne l’effravait pas, 1l avait coupé net l’allumage à 200 mètres de haut, puis il se laissa planer pour redescendre et il vint doucement toucher terre aux bravos réitérés de la foule. C’est une expérience qu'il ne faudrait peut-être pas renou- veler trop souvent, car les moteurs sont avant tout l’âme des aéroplanes ! creus 199 Rs L'on A cet égard, il nest pas sans intérêt d'ajouter que les machines qui permettent d'obtenir les résultats que nous venons d'analyser sont des merveilles d’ingéniosité et de légèreté. Qu'on en Juge : les moteurs employés pèsent seulement 2 kilogs 1/2 par cheval-vapeur, — quelques-uns pèsent encore moins, mais on ne peut guère descendre au- dessous de 2 kilogs. Pour obtenir une force équivalente avec un cheval ordinaire, un cheval-animal, il faut trois che- vaux en chair et en os pesant au total 1500 kilogs. Ces nou- veaux moteurs mécaniques à pétrole pèsent donc 600 fois moins que le moteur-animal pour produire une force équi- valente, c’est une remarque à retenir. Elle a une grande importance aussi pour la traction avec les automobiles et nos intrépides chauffeurs le savent fort bien, car ils ont été en quelque sorte les protagonistes de ces moteurs légers si utiles et l’on pourrait ajouter absolument indispensables à Paviation. Babinet avait bien prédit il y à 50 ans que le problème des machines volantes serait résolu quand on aurait décou- vert un moteur assez léger et assez puissant. Cest chose faite ! | Par une coïncidence en partie explicable, les prix de quel- ques modèles d’aéroplanes sont analogues à ceux des auto- mobiles pour une force motrice équivalente. Ainsi un mono- plan extra-léger du type de celui qui a traversé le -détroit est coté 10,000 fr. avec un moteur de 25 HP; le type léger avec moteur de 30 HP coûte 22,000 fr. ; le type normal avec moteur de 45 HP coûte 26,000 fr. Le type extra-léger qu'on appellera peut-être le Calais-Douvres, en souvenir de la traversée de Blériot, est fort apprécié, toutefois, il est superflu de faire remarquer que l’on n’a pas encore dans un aéroplane le confortable que l’on trouve dans une bonne limousine. On a beaucoup discuté sur la valeur relative du monoplan et du biplan., Le premier système, le monoplan dont Blériot, — 1923 — Latham, Santos-Dumont, Esnault-Pelterie, etc.., etc. sont les adeptes, paraît mieux convenir pour les courses de vitesse: Tableau des différents types de monoplans et de biplans avec leurs caractéristiques (extrait de La Nature). ee D en | D LES 7 & < = e æ) 2 ea PAPDABROPLANES «4 © |... | e | = | = | &. | € Lol jee D © Z © es DE PS1" E = ré | | kg 102,2) )m, 70 |:m LP om REP ANIOISITS -: S45 520t .| 430 | 40 | 4,00 10,00110,50! 50 | 56 w»] ; A nan... à. 400 | 40 | 4,00 10.001400! 50 | 66 | M PA end ÉANiTieht. L...:... 400 | 50 | 8,00 1250! 900! 30 | 70 F ie. 250 | 20 | 8,50) 7,80) 8,00! 40 | 78 La | 2 Am oinetle. 450 | 34 | 1,00 1480/1020! 55 | TA a | | | Blériot (grand modèle).| 400 | 22 | 2,50 10,00/10,00! 60 | 10 | © | Blériot (petit modele). | 200 | 15 | 1,30) 800! 800! 25 | Er | [æ) | = | Santos-Dumont. ..| 118| 9 |1,20) 5,00! 6,00! 30 | 70 Le biplan que Farman, de Lambert, Paulhan, Wright, etc... etc. ont illustré, semble se prêter davantage aux courses de durée, du moins autant que l’on peut en juger jusqu’à pré- sent. Cependant par suite de sa structure, les virages sont plus difficiles avec le biplan ; 11 faut plus d’habileté au pilote et un véritable doigté, afin de ne pas capoter. Le triplan est à peine entré dans la pratique. En tout cas, quel que soit le système, le succès est indéniable. Nous donnons ci-dessus un tableau des principales caractéristiques des divers types de monoplans et de biplans. Nous avons eu la curiosité de rechercher le nombre de dirigeables et d’aéroplanes que possèdent les Nations euro- péennes à la fin de 1909. Nous avons précédemment donné le chiffre de dirigeables pour la France et pour l'Allemagne. D'après un journal allemand les dirigeables et les aéro- planes peuvent être répartis ainsi qu'il suit dans les différents pays (Voir le tableau ci-dessous) : Nombre de dirigeables et d'aéroplanes possédés par diverses puissances européennes. nie dan DIRIGEABLES | AÉROPLANES )BSERVATIONS OBSER VA NS DES NATIONS MENNemMASNne re 14 | à) | France.......... 7 () ù 29 \ Compris ce qui vient | | ; de l’industrie privée. MAMOIeLeÈRTe | 2 2 | Piutiche pee? 0] 2 4 HRUSSIeL TEE 9 (9 MESpaanes 0. 1 5) DLANe. nee 2 k Nous devons faire remarquer que l’auteur de cette statis- tique, tout au moins en ce qui concerne la France, a compté dans les chiffres indiqués des dirigeables et des aéroplanes appartenant à l’industrie privée. Pour l'Allemagne on peut compter que 22 dirigeables existeront au printemps de 1910, y compris ceux en construction. | Conclusions. Des considérations qui précèdent nous pouvons conclure que l'Allemagne tient en ce moment la tête et de beaucoup dans le monde entier pour les dirigeables ; nous devons donc rattraper vivement la distance et reprendre la place que nous avions 1l y à une année. En ce qui regarde les aéro- planes, nous sommes au contraire les maitres, et il nous appartient de conserver cet avantage, mais de ce côté égale- ment, si nous n'y prenons garde, l’Allemagne sera bientôt notre égale. Elle a dès maintenant un type d’aéroplane mili- taire, un biplan du genre Wright de 50 HP que lon va essayer au Champ de manœuvres de Tempelhoff et ensuite à Borrstadt. Au printemps prochain une station d’aéroplanes sera établie à Posen. N'oublions pas que d'ores et déjà le dirigeable est un engin de guerre précieux, surtout pour les explorations. L’aéroplane va devenir à son tour un auxiliaire pour les opérations mibtaires. Le comité militaire de la ligue nationale aérienne dont le général de Lacroix, ancien généralissime, à été nommé pré- sident et notre compatriote le général Langlois, vice-prési- dent, a décidé le 14 décembre que pour lutter contre les ballons dirigeables allemands, il nous fallait aussi une flo- ülle de dirigeables, car les aéroplanes, malgré les progrès de Paviation ne sont pas encore suffisants en ce moment pour rendre de réels services en temps de guerre. On demandait un jour au malheureux lieutenant du génie Ehauré une des victimes de la catastrophe du République, ce qu’il pensait des dirigeables et des aéroplanes. Il répondit simplement : Les dirigeables sont des cuirassés, les aëro- planes sont des torpilieurs, à vous de choisir ! — 1926 — Il faudra probablement des uns et des autres (1), Qui sait si nous ne serons pas bientôt obligés d’adjoindre comme annexe à notre Ecole du génie maritime, une Ecole du génie aérien. Dans certains milieux parlementaires, on parle en effet de la création d’un corps d'aviateurs militaires. En outre de l’ensemble des observations et des expériences sur le vol des aéroplanes au cours de l’année 1904, quelques faits saillants se dégagent qui jalonnent pour ainsi dire les étapes sur les voies aériennes. La traversée de la Manche par Blériot se place hers CONCOUrS. Le raid audacieux du comte de Lambert, doublant la tour Eiffel à la grande hauteur de 400 à 500 mêtres, chiffre non contrôlé officiellement, marche presque de pair avec le précédent exploit. La témérité de Latham luttant contre un vert de plus de 60 kilomètres à lPheure a soulevé l’admiration du monde aéronautique. En outre, il à atteint le 1er décembre à Mour- melon l’altitude contrôlée officiellement de 475 à 500 mètres et s'affirme le champion du monde pour la hauteur. Enfin les derniers vols de Farman parcourant 232 kilo- mètres près de Châlons-sur-Marne au-dessus de laérodrome et 70 kilomètres au-dessus des campagnes, allant sur Char- tres en passant par Rambouillet, montrent bien la perfection des nouveaux appareils et des moteurs. En résumé, les dirigeables atteignent de grandes hauteurs selon le volume de gaz plus léger que l'air qu'ils contiennent. Jusqu'à ce jour leur vitesse propre maximum est de 60 kilo- (1) Au sujet de dirigeables, il n’est pas inutile de faire remarquer le développement pris dans la construction de petits aérostats de faible volume, 500 à 600 mètres cubes environ, avec moteur léger. Le prix de revient est modéré, il varie de 35,000 à 40,000 francs. Ce sont des appareïls de course pour le sport aérien, ils peuvent être comparés à des sortes de destroyers ou contre torpilleurs, et par le fait sont susceptibles de rendre de réels services comme éclaireurs, — 1927 — mètres à l'heure. La plus grande distance parcourue d’une seule traite est de 1200 kilomètres (Zeppelin). Les aéroplanes sont presque arrivés à l’attitude de 500 m. (Latham et comte Lambert) ; la plus grande vitesse a été de 90 kilomètres, soutenue pendant 7 à 8 minutes (Santos- Dumont); la plus grande distance réalisée au dessus d’un aérodrome est de 232 kilomètres (Farman); en rase cam- pagne la plus grande longueur couverte est de 70 kilomètres (Farman) ; au dessus de la mer le plus long trajet a été de Jo kilomètres (traversée de la Manche par Blériot). Tels sont les résultats acquis jusqu’à maintenant. Enfin Latham le 7 janvier 1910 au camp de Châlons s’est élevé à 1050 mètres. Et Paulhan en Amérique le 12 janvier 4910 a atteint l’altitude de 1500 détenant le record mondial. On peut également tirer de la campagne aéronautique de 1909 un autre enseignement. Le nombre des aviateurs très restreint au début, a augmenté cette année d’une façon sensible ; les amateurs de ce sport sont des hommes de tout âge: n’a-t-on pas vu dans la semaine de Champagne, un jeune bachelier frais émoulu conduire son appareil avec brio et entrain. On prétend même qu'il sera bientôt plus facile de diriger un aéroplane que de monter une bicyclette : un levier de chaque côté du pilote pour monter ou descendre, le moteur au centre avec une commande de direction et c’est tout. En quelques mots, il ne faudra probablement pas une génération pour apprendre à l'homme son métier d'oiseau, surtout avec une phalange incomparable d’aviateurs qui aura vite fait de former des élèves dignes de leurs maitres. Quoiqu'il en soit, l’élan est mainténant donné et nous apprendrons sans doute prochainement d’autres exploits. La conquête de l'air, dont nous avons été les premiers pionniers, est sur le point d'être réalisée ; souhaitons du moins, que grâce à la réunion de toutes les bonnes volontés, elle ne soit pas faite contre nous. Espérons et travaillons. ee entene e FLORE MONOGRAPHIQUE DES RÉGROPHORES PAR Frédéric BATAILLE MEMBRE RÉSIDANT Séance du 20 février 190,9 LES HYGROPHORES CARACTÈRES GÉNÉRAUX. Les Hygrophores constituent un genre remarquable d’'Agaricinés leucosporés, terrestres et putrescents, à cha- peau stipité et plus au moins charnu, au moins au milieu. Bien que parfois assez éloignés les uns des autres en appa- rence, 1ls présentent une réunion de caractères communs à tous, généralement faciles à observer. Le premier de ces caractères est tiré de la nature de la chair, qui est céracée et tendre, non élastique sous la pres- sion des doigts, plus ou moins humide où succulente. Comme celle des Russules, elle est traversée de fins vaisseaux latici- fères, mais elle s’en distingue par des hyphes plus allongées et non mêlées de granulations. En outre, bien que se conti- nuant dans le stipe, elle y devient plus ou moins fibrilleuse ou fibreuse. Un second caractère est celui des lamelles, qui prolongent la chair et qui sont homogènes avec elle. Toujours très dis- tinctes, ordinairement espacées, elles sont épaissies à la base, mais plus ou moins amincies sur l’arête, ce qui les distingue de celles des Chanterelles. L’hyménium qui garnit leurs faces est céracé et formé par une couche ténue de basides clavi- formes, exceptionnellement mêlées de cystides, tandis que les Russules en présentent généralement. Ces basides, d’une longueur moyenne de 30 à 504, portent quatre spores, rare- ment deux. Celles-ci, ovoïdes ou ellipsoïdes, sont toujours lisses, ce qui différencie encore les Hygrophores des Rus- sules. CARACTÈRES PARTICULIERS. Chapeau. — Le chapeau des Hygrophores est convexe ou campanulé, parfois conique, souvent mamelonné, plus rare- ment plan, ombiliqué ou déprimé au milieu, avec la marge le plus souvent incurvée au début. Ordinairement charnu, il est parfois très mince ou même membraneux, surtout au bord qui, dans ce cas, est souvent translucide et strié. Dans les espèces à chair épaisse et à lamelles décurrentes, il s’aplanit parfois et prend une forme plus ou moins turbinée. Sa cuticule est glutineuse, visqueuse ou lubrifiée dans le plus grand nombre des espèces, simplement humide, rare- ment sèche dans les autres. Ordinairement glabre, elle est parfois aussi fibrillèuse, squammuleuse, floconneuse ou rayée par des fibrilles plus ou moins innées. Il présente les couleurs les plus variées et partois les plus vives, assez constantes dans les tons gris, bruns ou sombres, souvent changeantes dans les blancs, les jaunes, les verts et les rouges. Variable de taille comme de forme, :l atteint, dans les plus grandes espèces, 6 à 15°" de diamètre sur 1° et plus d'épaisseur ; dans le plus grand nombre, il mesure de 3 à 5 °* de diamètre avec une épaisseur moyenne de # à 107®; enfin dans un certain nombre d'espèces à chair mince, il n'a CHE ANA IQ Lamelles et spores. — Généralement adnées ou décurrentes, au moins par une pointe, les lamelles sont parfois aussi sinuées ou ascendantes : dans le premier cas, elles s’atté- nuent en descendant sur le stipe ; dans le second, elles sont ordinairement ventrues et larges. Lorsqu’elles sont décur- rentes, on les voit souvent arquées en avant, sous la convexité du chapeau. Toujours inégales, les plus longues alternant avec deux plus courtes, elles sont souvent réunies par des — 133 — veines ou même rameuses. Les espèces à pied creux et à chapeau mince les ont généralement plus humides et plus molles, souvent très colorées ; dans celles à pied plein, elles sont ordinairement blanches ou grises. Les spores, hyalines et limpides sous le microscope, for- ment une couche blanche quand elles sont déposées en tas. Elles présentent quelquefois une guttule en leur milieu. Leurs dimensions sont variables. Tantôt ovoides ou même globu- leuses, tantôt ellipsoïdes et oblongues, elles ont une longueur moyenne de 7 à 410p sur 4 à Gp. Les plus petites ont de 3 à 9 y de long, les plus longues atteignent jusqu'à 154. et plus. | Stipe. — Ordinairement central, cylindrique ou atténué de haut en bas, quelquefois comprimé, le stipe est plein ou creux suivantles groupes. Dans les espèces à chapeaux épais, il est ordinairement fibrocharnu ou farci, tandis qu'il est généralement creux dans les espèces à chair mince. I] est court ou allongé, et sa hauteur dépasse parfois le diamètre du chapeau. Lorsqu'il est charnu et plein, il atteint jusqu’à 4 ou 2° d'épaisseur ; creux, il est ordinairement grêle et mince. Presque toujours il est, comme le chapeau, de consistance tendre ou molle, parfois fragile. La viscosité qui, dans un grand nombre d'espèces, recouvre le chapeau, descend généralement sur le stipe, en formant sous les lamelles un voile corliniforme et glutineux, plus ou moins fugace ou y laissant un léger bourrelet annulaire. Tantôt lisse et glabre, tantôt fibrillé ou strié, on le voit sou- vent aussi orné de fines écailles, de flocons ou de granules, surtout au sommet et dans les espèces visqueuses. fl présente ordinairement la teinte des lamelles ou celle du chapeau. Chair. — Ordinairement humide ou même aqueuse, de consistance tendre et céracée, la chair n’est relativement ferme que dans quelques espèces à chapeau épais ou sec. Elle est souvent aussi assez fragile, Généralement blanche, — 134 — inodore, doûce ou insipide, elle n’est guère colorée que dans certaines espèces à couleurs vives ; dans quelques autres, elle se colore à l’air ou par la dessication. Celle de PH. aga- thosmus et de quelques autres est très agréablement parfu- mée, tandis qu’elle exhale une odeur forte ou nauséeuse dans les 1. nitratus, fœtens et cossus. Ordinairement sans aucun goût, elle ne présente guère les qualités de fine saveur qui font rechercher les meilleurs champignons. Cependant la plupart des espèces de ce genre sont comestibles et on n’en connaît pas de réellement vénéneuses. Habitat, saison. — Les Hygrophores se plaisent surtout dans les lieux découverts, herbeux, moussus, dans les prés, les pâturages et les bruyères, Plusieurs espèces poussent aussi dans les bois et quelques-unes ne viennent que sous les conifères. Ils aiment l’humidité, et c’est surtout après les rosées et les pluies de l’été et de l'automne qu’on les voit apparaître. Un certain nombre continuent à croître jusqu'aux premières gelées. ALIMENTATION. Ainsi qu'on la vu plus haut, les Hygrophores sont des comestibles généralement fades : cependant quelques espèces peuvent être recommandées. Nous citerons : Æ. virgineus et niveus, délicats et parfumés ; pratensis, nemoreus, arbustivus et penarius, d’un goût franc et agréable ; russula et ses voisins, à saveur douce ; pudorinus, recherché par certains amateurs, mais d’un arrière-goût résineux. Ces champignons doivent être préparés avec des assaisonnements variés : poivre, sel, fines herbes, vin blanc. On les accommode avan- tageusement dans les sauces et les ragoüts, à la manière des champignons de couche. Une sauce poulette à la crème les rend également fort appétissants. Comme les autres champi- gnons à chair tendre, les Hygrophores se conservent très bien en bocaux par le procédé Appert, non par la dessication. NOMENCLATURE. Les anciens mycologues ne connaissaient pas tous les caractères qui différencient les Hygrophores des autres cham- pignons terrestres à lamelles, et ils les rapprochaient d’es- pèces ne présentant avec eux que des analogies surtout extérieures. C’est Fries qui, le premier, après son ingénieux classement des Agaricinés en séries basées sur la couleur des spores, en a formé un genre nettement délimité. Déjà, dans son Systema mycologicum (1821), il en avait distribué les espèces en trois groupes distincts de la série des Leucos- porés, savoir : Limacium (Tribu IV, p. 31), Camarophylli et Hygrocybi (sous-tribus I et IT de la tribu des Glitocybes, p. 98 et 101). C’est dans son Epicrisis systematis mycologici (1836- 1838), qu'il les réunit en trois sous-genres pour en former le genre Hygrophorus, détaché de son vaste genre Agaricus, et qu’il caractérisait en ces termes: « Hymenophorum cum stipite contiguum et inter lamellas descendens in tramam immutatam ; lamellæ acie acutæ, hymenio in massam cera- ceam vestitæ, nec membranaceæ ; sporæ globosæ albæ ; fungi terrestres, putrescentes, pileo viscido vel irriguo, lamellis sæpe ramosæ. » Cette nomenclature de l’illustre Suédois, conservée dans Hiymenomyceles Europæi (1874), a été maintenue depuis par tous les mycologues. CLASSIFICATION. La classification de Fries, maintenue intégralement par Quélet, partage, comme on l’a vu, les Hygrophores en trois sous-genres : 1° Limacium, espèces charnues et visqueuses, à stipe plein ; 2° Camarophyllus, espèces charnues et non — 136 — : visqueuses,-à stipe ordinairement plein ; 3° Hygrocybe, espèces à chapeau mince, visqueux ou lubrifié, avec le stipe creux ou fistuleux. Fries subdivise ensuite chacun d’eux en différents groupes. Le premier sous-genre en comprend cinq, déterminés par la couleur du chapeau, savoir : 4° Albi vel albolutescentes : 2° Rubentes ; 3° Fulventes vel flavi ; 4° Olivaceo-umbrini ; 5° Fuscocinerei vel lividi Les deux autres en comprennent chacun deux, déterminés par le mode d'insertion des lamelles. Nous avons cru devoir apporter quelques légères modifi- cations aux groupements des espèces dans les sous-genres, en tenant compte d’un plus grand nombre de caractères, et pour en assurer plus sûrement la détermination. En général, dans chaque sous-genre, nous groupons les espèces autour d’une espèce typique en tenant compte de la couleur et des principaux caractères. AS GENRE Godfrinia, René Maire. Nous devons également signaler ici un caractère micros- copique important chez Hygrophorus conicus, dont les basides, très ventrues plutôt que claviformes, ne portent que deux spores ; de même l’H. ceraceus a des basides également ventrues et ne portant que deux ou trois spores. M. René . Maire, quia constaté ces différences, a réuni les deux espèces pour en former le genre Godfrinia, qu’il détache des Hygro- phores proprement dits (1). M Fayod aurait également observé deux spores seulement sur les basides allongées de l'A. agathosmus, chez lequel M Maire en voit généralement quatre. Une pareille divergence entre deux savants égale- ment consciencieux pourrait faire conclure à la possibilité d’une atrophie ou d’une stérilité peut-être commune chez certains Hygrophores, dans lesquels le développement cellu- laire, après les pluies et les nuits froides de l’automne, serait sans doute fortement influencé par les variations extrêmes de la température. Quoi qu'il en soit de la plus ou moins grande fixité du nombre des spores de la baside chez certains Hygrophores, et avant que de nouvelles observations aient permis d'étendre à d’autres espèces des distinctions basées sur des caractères aussi délicats, on peut continuer à rap- procher génériquement des espèces que leurs formes et leurs principaux caractères rendent aussi voisines que les H. coniceus, nigrescens, punicens, obrusseus, amænus et quelques autres. (1) V. Recherches cytologiques et taxinomiques sur les Basidiomycètes, par René Marre. (Bulletin de la Société mycologique, année 1902) — 138 — DÉTERMINATION. — ANALOGIES. Les caractères généraux des Hygrophores les font aisé- ment distinguer de ceux qui présentent avec eux le plus d’analogies. La couleur des spores étant constatée, un rapide examen des caractères les plus sensibles permet l'élimination de ces derniers, savoir : 1° Les Russules, dont la chair céracée, fragile et granu- lée-vésiculeuse, est homogène et non fibreuse dans le stipe; 2° Les Chanterelles, à chapeau non visqueux et dont l’hyménium est formé de plis à arête arrondie ou obtuse; 3° Les Gyrophiles (Tricholoma, Fr.), dont les lamelles, toujours sinuées où émarginées, sont membraneuses et non céracées, généralement rapprochées où serrées ; 4 Les Omphalies (Clitocybe, Fr.), à chapeau non vis- queux et dont les lamelles présentent les caractères de celles des Gyrophiles ; 5° Les Omphalines (Omphalies, Fr.), dont le chapeau n'est pas visqueux et dont les lamelles sont molles et membraneuses comme celles des Omphalies. En général, la consistance céracée et l'humidité de la chair, la viscosité du chapeau, l’espacement relatif ou l'épaisseur des lamelles, suffiront pour fixer l’observa- teur. L'examen microscopique des tissus et des spores ne pourra que confirmer cette détermination générique. Ce qui est plus difficile, pour un certain nombre d’es- pèces, c’est de les ranger dans le sous-genre où les au- teurs les ont classées. Il arrive, en effet, que bon nombre d’entre elles pourraient très bien être FARROESS à lun aussi bien qu’à Pautre. C’est ce qui arrive surtout pour certaines espèces des deux derniers sous-genres. Il en résulte que, là du moins, la classification friésienne laisse à désirer. En réalité, dans — 139 — l'impossibilité d'en faire une pius rigoureuse, on ne peut que se borner à rapprocher autant que possible les espèces suivant leurs affinités. C’est pourquoi, dans notre Clé analytique, établie avec la plus grande précision, quoique sans ordre apparent, et dans un but essentiellement positif et pratique, nous avons poursuivi la seule détermination des espèces, sans les rapporter au sous-genre dont elles font partie. Iei comme d’ailleurs chez la plupart des genres fongiques, les espèces sont reliées les unes aux autres par des transitions sou- vent à peine caractérisées : natura non saltum fecit. Aussi est-il de toute nécessité, si l’on veut arriver, par une clé, à des déterminations exactes, d’y procéder par éliminations successives, et en tenant toujours compte des caractères multiples des espèces. Si certaine synthèse y peut perdre, la vérité naturelle y gagne, d’autant plus que certains caractères sont plus ou moins tranchés et souvent fugaces, D'ailleurs la classification est rétablie dans la partie des- criptive. En s’y reportant, on pourra, par les diagnoses, contrôler facilement les déterminations. OBSERVATIONS. Outre les espèces de Fries et de Quélet, nous avons admis dans cette monographie un certain nombre d’espèces nouvelles où non connues d'eux, et dont les auteurs, BER- KELEY, COOKE, GILLET, BRESADOLA, BOUDIER, KARSTEN, font autorité en mycologie. Quelques espèces récentes, net- tement caractérisées, y ont été ajoutées. Quant aux espèces de BRITZELMAYR, fondées en grande parte et trop exclu- sivement sur la forme et les dimensions des spores, nous avons cru devoir les écarter. Cet auteur, en effet, dans ses diagnoses, omet généralement le caractère du voile ou du revêtement du stipe, ainsi que d’autres, qui permettraient de = A0 — classer ses variétés dans un groupe déterminé. Nous avons également écarté des espèces que leur diagnose incomplète paraît devoir éloigner des Hygrophores : telles le velutinus, Borsz., qui est sans doute une Chanterelle; le vignolus,Paniz., dont les lamelles ont la couleur de celles des Cortinaires. TABLES ALPHABÉTIQUES. La Table des espèces et variétés donne celles-ci en ita- liques et renvoie pour chaque nom à une page des dia- gnoses. À côté des noms abrégés des auteurs, elle indique, en outre, les pages où elles sont décrites par Fries dans ses Hymenomycetes Europæi et par Quélet dans sa Flore mycologique. La 5° colonne indique, quand il y a lieu, la 1" figure connue de l'espèce, et aussi, pour les espèces récentes, l’ouvrage où elles ont été publiées. La Table des synonymes donne les noms des auteurs, avec la référence à leurs ouvrages. Enfin la Table bibliographique donne, avec les noms des auteurs, les principaux ouvrages renfermant des descrip- tions ou des figures d'Hygrophores. ABRÉVIATIONS ET INDICATIONS DANS LES DIAGNOSES. La qualité des espèces est indiquée par les lettres : GC = comestible; S = suspect ;, ? = qualité inconnue: Les chiffres en parenthèses expriment en centimètres les dimensions moyennes des différentes parties du champignon. Les chiffres suivis de la iettre grecque x expriment en mikrons ou millièmes de millimètre les dimensions des spores. Quand il y a lieu, la longueur est séparée de la largeur ou de l’épaisseur par le signe ><. Enfin la lettre » indique une espèce récoltée et étudiée par nous, 1 | | 22 À — 1 — Clé analytique des Espèces. — Chapeau rugueux-micacé, hémisphérique, petit (1-1,5), jaune, puis cendré . . . . . . . . . H. micacens, Berk. MmAUDADeAUNON NUgUeUT-MICACE 8e Liu cute À — Chair noircissant à l’air on en séchant; odeur agréable; chapeau (4-8) et lamelles gris, gris cendré, gris bistre, gris OCRACE OU gris rouge; stipe sec, farci. : . . . ... , . 8 — Espèces ne réunissant pas ces caractères. . . . . . . 5 — Chapeau hygrophane, à bords retroussés-enroulés : stipe furfuracé au sommet; chair noircissant ; odeur de farine ; spores subglobuleuses . . . . . . . . H. Helvella, Boud. — Chapeau subvisqueux et non retroussé ; stipe nu en haut ; chair rougissant avant de noïircir; spores oblongues. . . 4 — Stipe cylindrique ou renflé à la base; chapeau mince ; chair fissile, odeur agréable. . . . . . . H. ovinus, Bul. — Stipe amine en bas ; chapeau épais; chair ferme; odeur DEMADRULE SR MONS er ee, 0 « vometapodius; Fr. — Chair à odeur fétide ou ammoniacale ; chapeau (1,5-4), crème olivâtre, gris, gris brun, grix roux ou fuligineux ; lamelles crème, pâle olive, glauques ou cendrées . . . . 6 — Chair non fétide ou sans odeur ammoniacale . . . . . 7 — Lamelles décurrentes, cendrées . . . H. fœtens, Phill. — Lamelles sinuées, non cendrées . . H. nitratus, Pers. — Chair blanche, à odeur de jacinthe, de laurier-cevise, de cuir de Russie, d’anis ou de céleri; chapeau gris, bistre, cen- dré pâle ou blanc, parfois rayé de rose ou de jaune ; lamelles décurrentes, d’abord blanches; stipe blanc, plein. . . . 8 — Espèces ne réunissant pas ces caractères. . . . . . . 12 — 149 — ! — Chapeau (3-5) blanc, à disque rayé de rose ou de jaune, 8) sec ; odeur anisée . . . . . . . . . H. Secretani, Henn. , — Chapeau non rayé de rose ou de jaune. . . . . . . . 9 — Chapeau gris, gris bistré ou cendré pôle, à centre ponc- QTué-glanduleux Où papilleur CNE NRC CIO | — Chapeau blanc ou blanc d'ivoire, visqueux, lisse. . . 11 | — Stipe granulé; chapeau (3-6) visqueux ; odeur de jacinthe, x) de laurier-cerise +, 0 5) H.:agathosraus, fe Men glabre; chapeau (2-4) humide; odeur de céleri. | H. Lucandi, Gil, — Chapeau moyen (3-5), satiné ; stipe strié, à sommet prui- neux ; odeur de jacinthe. . . . . H. hyacinthinus, Quél. — Chapeau petit (1-2); stipe lisse; odeur de cuir de Russie. H. russo-coriaceus, B. et Br. 11 { — Stipe jaunissant, à Sommet nu, avec une cortine gluti- | neuse et fugace ; chapeau (3-5) finement vergelé par des | fibrilles innées sur fond olive, puis jaunissant; lamelles et Chairgaunissant 0 "NV ri H'hypotheius Fr — Stipe non corliné où chapeau non vergelé, ou espèces autrementicolorées 50. 2 DS 0 EN ER PAR 12. { — Chapeau conique-aigu (3-5), fibrilleux-soyeux, rosé, rose 13? lilacé ou blanc ; lamelles ascendantes-libres . . . . . . 14 ! — Espèces ne réunissant pas ces caractères . . . . . . 15 14 : — Chapeau rosé ou rose lilacé. . . . H. amœænus, Lasch. | — Chapeau blanc . . . . H. amœænus, var. niveus, Mass. { — Chapeau fibrilleux-soyeux où rayé-vergeté par des fibrilles innées sur fond jaune, jaune doré, jaune orangé, rouge 154 orangé, orangé, fauve incarnat où purpurin 16 — Chapeau non fibrilleux-soyeux ou non rayé-vergeté, ou | espèces à chapeau autrement coloré. 20 16 il 1 2 7 % 0 : — 143 — — Stipe, lamelles et chair blancs ; chapeau (5-8) fauve incar- nat, à marge blanche . H. arbustivus, Fr. | — Stipe et lamelles jaunissant ou purpurins . . . . . 17 dE | — Chapeau convexe (4-7), charnu, purpurin comme le reste ; lamelles décurrentes . . . . . . H. capreolarius, Ru — Chapeau campanulé où conique (3-9), à chair très mince ; lamelles ascendantes, jaunissant ou orangées . . . . . 18 — Chair à suc hyalin, puis lilacin et noircissant le champi- gnon ; chapeau jaune, puis ve de fibrilles rose orangé ou ROLEMENOLANTÉ, =: js ose 0 H. nigrescens, Quél. — Chair sans suc noircissant. . . . . É, le t, 440 — Chapeau et stipe adultes rayés de fibrilles purpurines sur fond jaune ; chair inodore H. puniceus, Fr. — Chapeau jaune doré, puis brun cendré ; chair à odeur de PONS ONU RER H. intermedius, Pass. ‘ — Stipe cortiné, étant ou devenant rose incarnat où rose / ; lilacin, au moins en haut; chapeau (3-5) rose orangé ou oscincarnals auINnoins à la fins. 6 . .. « . 21 — Stipe non cortiné ou autrement coloré. . . . . . . . 22 — Stipe égal et rose lilacin, à base ocracée; lamelles rose brunissant, à arête obtuse H. persicinus, Beck. — Stipe atténué en bas, blanc, puis rose incarnat ; lamelles blanches, puis d’un rose incarnat, avec l’arête amincie. H. purpurascens, À. etS. — Stipe sans cortine, avec le sommet farineux, granulé, floconuneux ou furfuracé; chapeau rosé, rose aurore, fauve orangé, incarnat rosé, purpurin où rouge, au moins à la fin, charnu; lamelies adnées ou un peu décurrentes . . . . 23 — Stipe cortiné au début ou glabre au sommet, ou espèces chapeau autrement. coloré. :.:..... .,. . .. , ... . 29 — 144 — — Chapeau (4) briqueté cinabre, à stipe incarnat orangé ; lamelles adnées et blanches; chair rose sous la cuticule ; spore subglobuleuse . . . . . . . . H. miniaceus, Beck. — Chapeau autrement coloré ; spores oblongues . . . . 24 23 pur, puis prenant à l’air ou avec l’âge de petites taches ou où des teintes rose purpurin ou purpurin violeté; lamelles horizontalement adnées ou adnées-sinuées . . . . . . . 925 — Espèces autrement colorées, avec les lamelles arquées, DIUS OUMOINS JÉCUPRENLES NN RC RNA ER 70 — Chair ne jaunissant pas; espèce des bois ombragés et femillés EN ET EURE OP PE US SUIS CNEIE — Chair jaunissant plus ou moins en partie; dans les bois — Stipe, lamelles, chapeau (5-15) et chair d’abord d’un blanc conifères. . . . . . . H. russula, v. erubescens, Fr. | — Chair rosée sous la cuticule ; lamelle blanc rosé ou incar- 96! nat rosé; chapeau (4-9) concolore, pâlissant . . . . . . 27 eo. et lamelles autrement colorées . . . . . . . . 28 — Chair blanche dans le chapeau et dans le stipe ; stipe vis- 97! queux; odeur fine de jasmin . . . . . H. pudorinus, Fr. 14 — Chair rougissant . FH. pudorinus, v. rubescens, Beck. ! — Chapeau (3-4) visqueux et blanc, à centre aurore où in- carnat rosé ; stipe blanc, parfois teinté de jonquille en bas. 98 H. Queleti, Bres. — Chapeau (5-8) sec, d’un fauve orangé clair ; Stipe fibrilleux | et crême ocracé. . . : + +. « + » + H. pemoreus, Pers. | — Chapeau visqueux, tantôt fibrilleux, tantôt pelucheux, 29) brun, gris ou bistre ; stipe fibrilleux. . . . . . . . . . 30 — Chapeau sec ou glabre ou autrement coloré . . . . . 31 __ Lamelles sinuées et jaunes; chapeau (3-6) brun, stipe TAUNE TS DANONE MNT Er SE SuEE spadiceus, SCOp. _ Lamelles décurrentes et blanches; chapeau (2-3) gris à centre bistre ; stipe grisâtre . . . . H. tephroleucus, re — 145 — ! — Chapeau (3-5) glabre, humide ou peu visqueux, brun ou lilacin au milieu, à bord submembraneux et radié-sillonné ; 31! stipe glabre et sec, bientôt creux ; lamelles longuement atté- nuées et uncinées-décurrentes. LD C1 L L L . LL L2 . L L 32 \ — Espèces ne réunissant pas ces caractères . . . . . . 34 — Chapeau lilacin, puis brun pâle, à lamelles grises ou gris 29 hlacin. . . . . . . . . H. subradiatus, v. lacmus, Fr. — Chapeau non lilacin, brun au milieu, à bord blanchâtre, gris incarnat, bistre ou brun roussâtre PRE M ‘ — Lamelles blanches. . . . . . H. subradiatus, Schum.,. 93 ; — Lamelles brunissant . . . . H. Colemannianus, Berk. : — Chapeau large (5-12), mamelonné, humide, peu visqueux, rayé-vergeté et bistre, gris noir ou bleuâtre ; stipe gris bistré 34{ et fibrillé-strié ; lamelles arquées-décurrentes et épaisses, reves blanc de’lait. . . ..:. : :... H.caprinus, SCop. — Espèces ne réunissant pas ces caractères. . . ... . 35 re — Lamelles rosées, puis paille; stipe fibrillé-strié sur un fond fuligineux ; chapeau concolore (6-4) et visqueux. H. caprinus, v. calophyilus, Bres. — Lamelles ou stipe d'autre couleur = 1100 39 ER, — Stipe cortinéau début ou à sommet pulvérulent, grenelé- farineux, granulé, floconneux, furfuracé où orné d’aiguil- lons fibrilleux ; chapeau généralement visqueux; lamelles ddnées, ordinairement décurrentes.-. 0") 0.1. .:37 — Stipe non cortiné, à sommet nu ou peu pruineux. . 60 30 PE. RE TS 3 ( — Stipe blanc, à granules ou flocons colorés... .: 138 | — Stipe ne présentant pas ce caractère. . . . . . . . . 4 à ( — Chapeau gris où gris brun, mamelonné. . . . . . . 39 es Chapeau blanc où crème, convexe. a TA 9 a — 146 — { — Chapeau (2-5) à mamelon finement papilleux: stipe à 39 granules sessiles et gris. : . . . . . H. pustulatus, Pers. { — Chapeau (1-2) à mamelon lisse; stipe à globules subpédi- , cellés et bistre. . . . . H. pustulatus, v. terebratus, Fr. ! — Chapeau (46) blanc, bordé, ainsi que le haut du stipe, ,n) de flocons jaune doré. . . . . . . H. chrysodon, Batsch. — Chapeau (2) blanc, puis crème; stipe à granules roses et LÉSINEUX NC 0 CH pulverulentus Rene ! — Chapeau (2-3) ténu, blanchätre, avec le bord ridé et 41) papillé. nie ee Alaepon Le ete Mal biIdUiS AAIRS te HO Hapeaurcolore où lisse 2707 NN EIRE) wo! — Chapeauvsecsstipersec eLUnON CONTINENT ES (D) | — Chapeau visqueux ; Stipe visqueux ou cortiné. . . . 45 | — Chapeau grand (6-10), épais, dur, blanc, puis crème pâle ; stipe épais-ventru, dur et concolore; lamelles blanches. : H. penarius, Fr. 43: re — Chapeau plus petit (1-4), mince, d’un cendré pâle, gris roux où cendré roux; Stipe petit et subconcolore ; lamelles | devenant un peu grisâtres ou cendrées. . . . . . . + : 44 7 — Stipe soyeux-fibrilleux et subégal. H. connatus, Karst. — Stipe glabre et amina en bas. . . H. Schulzeri, Bres. — Stipe visqueux, blanc, orné au sommet d’aiguillons fibril- "45% leux ; chapeau (4-7) blanc. .: . : . . . H. candidus, Quél. — Stipe sans aiguillon fibrilleux . . . . . . . . . . . A6 ! — Chair citrine sous la cuticule ou chapeau (2-4) jaune doré — Chair ou chapeau autrement coloré. . . . . . . . . 49 f 1) où orangé -aurore; stipe d’abord cortiné. . . . . . . .… 47 — Chapeau citrin, blanchissant, à fine bordure floconneuse blanche; stipe blanc citrin, à cortine glutineuse, fugace ; 47! Chair citrine sous la cuticule. . . . . H. lucorum, Kalch. | — Chapeau doré ou à centre orangé, mais ne blanchissant \ pas et sans bordure blanche ; Stipe glutineux. . . . . . 48 — 147 — | — Chapeau sans mamelon, d’un jaune doré, puis orangé aurore ; Stipe glabre et jaune fauve ; lamelles et chair blanc jette lune a latte is 20 H, aureus. -ATrN: 48/ — Chapeau mamelonné et jonquille, à centre orangé ; stipe | floconneux et jonquille, tacheté de blanc ; lamelles blanches, | puis Jonquille à leur extrémité ; chair citrine sous la cuticule. H. aureus, v. Bresadolæ, Quél. { — Stipe cortiné au début, à sommet glabre . . . . . . 50 49; — Stipe non cortiné ou avec le sommet grenelé-farineux, Monanulé sfloconneut Où furfuracé.i hits LiNGUIES ee 59 — Chapeau mamelonné (3-5), mince, d’un pâle ocracé, à centre plus foncé ou fauve ocracé ; stipe visqueux, à cortine slutineuse et Jugace 2 nn liukumile, Chapeau convexe-némisphérique (2-4), à peine déprimé aw centre, humide plutôt que visqueux, gris livide ou ocracé gri- sâtre pâle, couvert, principalement à l’état humide, de petits points glanduleux, avec la marge abaissée et comme irréguliè- rement dentée, surtout dans le jeune âge. Stipe égal, plein, blanc et glabre. Lamelles décurrentes, très espacées, avec un seul demi-feuillet, étroites (2-3n), blanches. Saveur insignifiante ; odeur aromatique, rappelant celle du céleri. — Sous des pins. Espèce voisine d’agathosmus. 99. .H. marzuolus, Fr... . .. © LH; de mars (0 Chapeau convexe, puis étendu (4-7), épais, un peu visqueux, glabre, blanchâtre, puis gris cendré ou cendré bleuâtre, à centre parfois blanc; marge incurvée. Stipe souvent ventru, épais (1-4), plein, légèrement fibrilleux ou glabrescent, sec, blanc, puis un peu gris cendré, à peine pruineux au sommet. Lamelles atté- nuées-décurrentes, épaisses, espacées, quelques-unes plus courtes, blanches. Chair compacte, blanche ; odeur et saveur douces. Spores ovoiïdes : 6-7 X 4-5u. — Croît après la fonte des neiges, sous les aiguilles de sapin. Forêt de Vallombrosa, près de Florence (Bresadola). Sous-Genre IT. — GAMAROPHYLLUS, Fries. [Du grec: xaudoasc, arqué ; euro, feuillet.] Chapeau charnu, parfois mince, humide ou sec, rarement un peu visqueux. Stipe fibrocharnu, rarement fistuleux, non vis- queux, glabre ou fibrilleux, exceptionnellement granulé ou floconneux au sommet. Lamelles adnées, arquées ou décurrentes, rarement sinuées-émarginées, ordinairement espacées. a. Rutili. _ Chapeau sec, fauve, orangé, incarnal brique on rosé, rarement blanc, mais alors à lamelles jaunes ; lamelles décurrentes. 34. H. leporinus, Fr. . . . . . . . . . H. des lièvres (C). Chapeau convexe (3-6), un peu bossu, épais au milieu, sec, ferme, très finement floconneux, incarnat briqueté, parfois nuancé de rose. Stipe épais, rigide, ferme et plein, aminci de haut en bas, incarnat rosé, recouvert de fibrilles blanc rosé et soyeuses, à base blanche. Lamelles arquées, un peu décurrentes, espacées et veinées-ruguleuses à la base, ramifiées vers le bord du chapeau, peu larges, incarnat aurore. Chair compacte, blanc roussâtre, puis rose fauve ou incarnat briqueté, inodore et sapide. Spores ovoides-sphériques (4-6u), blanchâtre verdâtre. — Dans les pelouses des collines. (V). so 1H pratensis, Pers. .:..1...:..... H.des prés (C). Chapeau campanulé-bossu, puis turbiné (4-8), épais au milieu, mince au bord, humide, puis sec, glabrescent, crevassé par le sec, fauve orangé ou nankin briqueté. Stipe aminei à la base, plein, fibrilleux-strié, blanc crème, puis fauvâtre ou concolore, à sommet glabre. Lamelles adnées en pointe, puis décurrentes, épaisses, espacées, souvent veinées à la base, fragiles, assez larges, blanc crème, puis souci incarnat. Chair ferme, fragile, puis souci incarnat, sapide, à odeur faible. Spores ovoïdes-pru- — 168 — niformes :-7-8X 5-64. — Dans les pâturages et les bruyères, surtout des collines. (V). 35 var. pallidus, BerkelBr °° "°° pale 0} Chapeau pâle, en forme d’entonnoir ; marge ondulée-relevée. Stipe dilaté en haut, fibrilleux-strié. Lamelles décurrentes, espa- cées et rameuses, pâles. — Dans les pelouses : Angleterre. 30. H,-.neémoreusPers 4.112046: cdesfhois Ci}: Chapeau campanulé-convexe, puis plan (5-8), un peu mame- lonné où bossu, charnu, mince au bord, non visqueux, finement villeux, puis glabre, incarnat fauve où fauve orangé et clair, brillant. Stipe atténué en bas, plein, fibrocharnu, strié et fibril- leux, blanc crème où crème ocracé, orné au sommet de petits flocons granulés et concolores. Lamelles adnées en pointe, espa- cées, larges, blanches, puis crème, à reflet aurore. Chair ferme, puis tendre, blanche, Sapide ; odeur agréable, un peu farineuse. Spores ovoïdes-piriformes (6-7 X 4,5-5u), guttulées. — Dans les bois, surtout siliceux. (V). Quélet en fait une variété du précédent, et il l’identifie avec Glitocybe opipara, Fr., qui paraît en différer par le stipe glabre et les lamelles blanches : celui-ci ne serait que l’état Jeune de nemoreus (20e Supplément). 31. H. Karstenii, Sacc. et Cub. . . . . H. de Karsten (CO). Chapeau convexe, puis plan (5-7), souvent déprimé à la fin; charnu, épais au milieu, sec, glabre, lisse, blanc ou blanchâtre, à marge ténue. Stipe plein, atténué en bas, glabrescent, lisse, blanc ou blanchätre. Lamelles longuement décurrentes, arquées, épaisses, espacées.jaunes ou citrines.Sporesellipsoïdes : 10 X6u. — Sapinières moussues : Finlande. 38. H. Secretani, Henn. . . . . . . . H. de Secretan (?). Chapeau campanulé, puis étendu (3-5), charnu, sec et blane, à disque rayé de fibrilles innées et roses ou jaunissant ; marge mince, d’abord enroulée, soyeuse et blanche. Stipe subégal ou un peu ventru, courbé, plein, fibreux, ferme, blanc, lisse, un peu floconneux au sommet. Lamelles adnées-décurrentes, épais- — 169 — ses, larges (1em), fourchues ou réunies par des veines, blanches, puis alutacé pâle. Chair blanche ; odeur forte, anisée (Secrétan). Spores ellipsoïdes-oblongues : 11-12 X3,5-6w. En groupe ou ces- piteux. — Dans les sapinières : Suisse. Affinité douteuse. b. Virginei. Chapeau blanc, humide ou sec; lamelles décurrentes. aJeHevirgineus, Wulf: . : .. . .:.". MH. virginal (C). Chapeau campanulé-convexe (2-5), puis turbiné et souvent retroussé de côté, charnu au milieu, humide, puis sec, et sou- vent gercé-aréolé, blanc, puis blanc de lait, parfois se tachant 4e rose; marge amincie, d’abord incurvée, striée par transpa- rence en temps humide. Stipe aminci en bas, plein, à la fin creux, d’abord ferme, pruineux, glabrescent, blanc. Lamelles arquées-décurrentes, espacées, assez épaisses, souvent veinées à la base, séparées en avant par de courtes lamelles, blanches, puis blanc de lait. Chair assez ferme, fragile, blanche, succu- lente, sapide : odeur fine de mousseron, développée à la cuis- son. Spores pruniformes : 9-12 X 5-65. — Prés, pâturages. (V). 39 a. var. roseipes, Mass. . . . . . . . H. pied rosé (C). Stipe rosé à la base. — Croit aussi dans les bois. (V). 20H /nivVeus, SCOp. . : .….. ... : H. blanc de neige (OC). Chapeau campanulé, puis en coupe (2-3), membraneux et tenace, lubrifié par lhumidité, hygrophane et strié par transparence, hyalhn, blanchissant. Stipe égal, grêle, spongieux, bientôt creux, olabre, blanc. Lamelles adnées-décurrentes, minces, espacées, d’un blanc de lait. Chair ténue, blanche, succulente, inodore, Sapide. Spores pruniformes : 6-8 X 4-54. —- Prés, pâturages. (V). AH penarius, Er... ::...... H, de l'office (C). Chapeau convexe-bossu, puis étendu (6-10), épais (1-2,5), ferme, sec, glabre, blanc, puis crème pâle, à marge très incur- vée au début. Stipe fusiforme, dilaté au sommet, plein, dur, épais (1,5-2,5), un peu pulvérulent, blanc, parfois jaunissant à la 11 — 170 — base. Lamelles décurrentes, épaisses, rigides, espacées, quel- ques-unes très courtes en avant, blanc de lait, puis blanc crème. Chair ferme, blanche, très sapide; odeur faible et agréable. Spores ovoïdes-pruniformes (7-7 X 4-5y), un peu incurvées. — Bois ombragés : chênes, charmes. (V). Cette belle espèce a été rangée par Fries sous Limacium, à cause du stipe légèrement glutineux au début. 42H; ventricosus, Berk_et Br. 07 "NH ventra tt) Chapeau convexe (6-9), charnu, mince au bord, blanc. Stipe fusoide-ventru, épais au milieu (1,5), plein, en partie creux, blanc. Lamelles longuement décurrentes, étroites, ordinaire- ment fourchues. Spores : 7 X4u (Cooke).— Pelouses : Angleterre. Espèce douteuse : paraît peu distincte de penarius. c. F'ornicati. Lamelles sinuées ou adnées, ventrues, larges: chapeau blanc, livide, cendré ou brunâtre, lisse; chair blanche. 43H fornicatus, Fr CR MT NN EE voOutTÉM(CE Chapeau campanulé, puis étendu (3-6), submamelonné, mince, visqueux, glabre, blanc ou livide pâle. Stipe égal, ferme, plein à la base, creux au sommet, tenace et glabre, blanchâtre. Lamelles sinuées-adnées, uncinées, parfois libres, épaisses, espacées, blanches. Spores : 5-6X3u (Cooke).— Prés moussus. LSrasvar-elivalis Er: UE E CNIL EC des pentesA(ts Chapeau campanulé, puis étalé (3-5), mamelonné, mince (1-39), sec et satiné, blanc, puis blanc grisàtre, à centre bistre ou brunâtre ; marge souvent relevée, striolée, parfois fendillée- festonnée à la fin. Stipe plein, assez dur, fragile, finement striolé-fibrilleux, blanchâtre, puis ternt ou bistré, atténué et sou- vent rosé en bas. Lamelles sinuées, uncinées, assez larges, épaisses, rigides, veinées en travers, blanchâtre pâle, puis ter- nies. Chair assez fragile, blanche ; saveur et odeur terreuses, un peu farineuses. Spores ellipsoïdes-pruniformes : 7-8X 4-5 w. — Prés moussus et montueux. (V). PS bevar-estreptopus, Fr.:.-. . . .- . H. pied tordu (C). Chapeau campanulé (3-5), un peu mamelonné, charnu au milieu (5-7 mm), humide, rayé-fibrilleux et fissile, blanchâtre, puis gris bistre ou bistre chamois, à centre plus foncé. Stipe subégal (5-85 X 6-8), fistuleux, fibrilleux-strié, plus ou moins tortu, d’un blanc brillant. Lamelles sinuées-émarginées, adnées en pointe, minces, peu espacées, larges, veinulées sur les faces, blanches, tournant au blanc grisâtre, avec l’arête irrégulière. Chair fragile, croquante, blanchâtre; odeur et saveur un peu farineuse et àpre- terreuse. Spores ellipsoïdes-pruniformes (7-8 X 5w), très fine- ment ponctuées. — Prés sylvatiques et pâturages moussus. (V). RH tiStans;1Derkiins #1 usa ka Hj-éloigné’(?): Chapeau convexe, puis plan où déprimé, peu charnu, vis- queux, soyeux-brillant par le sec, blanc, avec des taches bru- nâtres. Stipe atténué et cendré en bas, non taché, blanc au sommet, plein. Lamelles adnées, à dent décurrente, très espa- cées et très larges vers le stipe, blanches, puis cendrées. Spores : 10 X8y (Cooke). — Dans les bois : Angleterre. He Clarkii, Berk. eft-Br. … . . . . . . H. de Clark. (?). Chapeau convexe, un peu mamelonné, visqueux et livide cen- dré, à marge unie. Stipe creux et concolore. Lamelles adnées, très larges (1-1,5), épaisses, espacées, blanches. Fragile. Spores : 12 X 10 (Cooke). — Dans les bois : Angleterre. Cette espèce pourrait être rangée parmi les Hygrocybes. d. Ovini. Chair noircissant à l'air, parfois rougissant d’abord; lamelles grises, gris pâle où gris ocracé ; chapeau gris ocracé, gris cendré, gris noisette ou bistre. OH OVINUS,;-BUl. 7000 ©. NH. dés brebis (?). Chapeau campanulé-conique, puis étendu-bossu (4-5), mince, un peu visqueux, lubrifié, puis peluché-fibrillé, gris noisette, puis rayé de rouge. Stipe cylindrique ou épaissi en bas, farci, do finement fibrillé-strié, gris, puis rayé de noir. Lamelles arquées- adnées, émarginées, uncinées-décurrentes, ventrues, réunies par des veines, assez épaisses, gris pâle, puis rouges au bord. Chair fissile, fragile, grise, puis rouge et enfin notre, douce ; odeur agréable. Spores ellipsoïdes (8-10 4), guttulées.— Bruyères et pâturages montueux. (Fries, Quélet). 47. H. metapodius, Fr. . . . . . . H. pied renversé (S). Chapeau convexe, puis plan-obtus (5-8), compact, peu vis- queux, lisse, puis moucheté de fines écailles soyeuses et brunes sur fond gris cendré ou bistre roussâtre ; marge unie, largement incurvée. Stipe aminci en bas et épais en haut (2-2,5), court, ferme, plein, fibrillostrié, gris cendré ou cendré roux, se tachant de rougeûtre au toucher. Lamelles adnées-émarginées et uncinées-décurrentes, épaisses, espacées, veinées, blan- chätre cendré ou gris d’étain, se tentant de roussäâtre. Chair ferme, grise, puis rouge à l'air, noircissant par la dessication, in- sipide, à odeur de farine. Spores ovoïdes-oblongues : 6-8 X3-3,5u. — Bois et prés moussus et montagneux. Quelet en fait une variété d’ovinus; espèce distincte, selon Fries et Bresadola. 48: H. Helvella, Boud....…...1......""% Helvelle "(?); Chapeau campanulé, puis ouvert (45), charnu au milieu, hygrophane, lisse, bientôt relevé de quatre côtés sur ses bords contournés en dedans, d'un gris ocracé plus ou moins foncé. Stipe subégal, épais de 1m, plein, lisse, blanc, légèrement furfu- racé au sommet,avec la base villeuse, parfois grisätre. Lamelles peu décurrentes, céracées, peu serrées, étroites, grises, avec une légère teinte ocracée. Chair blanche, noircissant par la dessication, ainsi que le reste du champignon; odeur de farine. Spores globuleuses-apiculées (7 X6u), nuclées, parfois granu- lées. — Bois omhragés, argileux. Ecouen. (Boudier). 17 e. Cinereiï. Chapeau gris, cendré, brunätre où glauque, à cuticule sèche ; lamelles décurrentes, ordinairement de la couleur du cha- peau ; Stiple plein, au moins au début ; chair blanche. 20#HEcinéreus, Fr... ....,....:,. . H. cendré (C). Chapeau convexe-mamelonné, puis étendu (2-3), mince au bord, humide, non visqueux, pruineux, puis glabre, gris ou gris d’étain. Stipe grêle (5-7), flexueux, plein, glabre, blanc, avec le bas aminci, parfois citrin. Lamelles arquées-décurrentes, espa- cées, gris perle. Chair ferme, puis tendre, blanche ou gris rosâtre, sapide ; odeur faible et agréable. Spores ovoïdes-sphé- riques : 6-7u. — Prés et pâturages, surtout siliceux. (V). bDMH-econnatus, Karst. : . . . . -_. . .’. .H. conné (?). Chapeau convexe-plan (3-4), inégal, peu charnu, sabmembra- neux au bord, sec, lisse, soyeux, puis glabre, cendré pâle. Stipe subégal, plein, soveux-fibrilleux, concolore, avec le sommet furfuracé-squammuleux. Lamelles décurrentes, assez épaisses, espacées, rameuses, élroites, molles, cendrées. Spores : 7-9X 4-5. — Cespiteux dans les fourmilières : Finlande. HP Hglaucûus, Karst. . . . ..... . . . H. glauque (?). Chapeau convexe-plan, puis étendu-relevé (3), mamelonné, humide, glabre, lisse, luisant, glauque. Stipe flexueux, courbé, parfois atténué à la base, plein, tomenteux, puis glabre, blanc. Lamelles longuement décurrentes, assez épaisses, espacées, rameuses, glauques. Spores rondes : 6-8u.— Bois: Finlande. b2H-:Syrjænsis, Karst:.. .....:: ...:H. de Syrjoë (?). Chapeau convexe (3), déprimé au milieu, peu charnu, ténu au bord, sec, lisse, glabre, brunâtre. Stipe creux au sommet, jau- nâtre paille. Lamelles longuement décurrentes, assez épaisses, espacées, rameuses, brunissant. Spores subellipsoïdes : 6X 3-41. — Dans les bois de conifères : Finlande. — 174 — 53. H. Schulzeri, Bres. . . . . . . . H. de Schulzer (?). Chapeau convexe, puis plan ou un peu déprimé (1-21/2), peu charnu, sec, lisse, gris roux ou brun roux. Stipe aminci en bas, farci, puis creux, court (2-3), glabre, subconcolore, à sommet blanc et furfuracé, avec la base blanche-tomenteuse. Lamelles subdécurrentes, espacées, réunies-veinées, blanches, puis un peu grises. Chair blanchâtre, insipide, inodore. Spores rondes (3-3,9 u), guttulées, granulées. — Lieux herbeux : mélèzes. Tyrol. Ces deux dernières espèces se rapprochent des Hygrocybes. f. Subradiati. Chapeau gris, bistre, brun où lilacin, à bord radié-sillonné ; chair non rougissante ; lamelles à longue dent décurrente. 54. H. subradiatus, Schum. . . . . . . . . H. rayé (C). Chapeau campanñnulé, puis convexe-étendu (2,5-4), mamelonné ou bossu, humide, blanchâtre ou gris bistre, parfois gris incar- nat, brun au milieu, à bord très mince, radié-strié, surtout par transparence, en temps humide, puis souvent relevé. Stipe cylindrique (5-6em X 4-5 mm), fistuleux, parfois tordu, glabre, blan- châtre ou blanc crème. Lamelles longuement uncinées-décur- rentes, assez espacées, un peu ventrues, blanches ou blanchätres. Chair tendre, fragile, imbibée, brunâtre par l'humidité, puis blanchâtre, sapide, un peu salée ; odeur faible, agréable. Spores ovoïdes-ellipsoïdes : 9-10 X 7-84. — Bruyères, bois. (V). SAa. var. lamnus; Er: He NE lamaus (0) Chapeau campanulé, puis plan (4-51, mince (3 mm), glabre, humide, gris lilacin ou gris pâle incarnat, brunissant, à marge submembraneuse, et sillonnée-striée par l'humidité. Stipe cylin- drique, fistuleux, fibrilleux-soyeux, fissile, blanc. Lamelles émarginées, un peu ventrues, à longue dent décurrente, gris lilacin ou gris incarnat. Chair blanc roussâtre, inodore, sapide. Spores ovoiïdes-ellipsoïdes : 8 X 5-6 mu. — Bruyères grami- neuses. (V). | — 175 — 55. H. Colemannianus, Berk. . . . H. de Colemann (?). Chapeau convexe, puis étendu-mamelonné (3-5), un peu vis- queux, hygrophane, glabre, gris roux ou roussâtre brun, avec le bord mince, pellucide et strié-radié. Stipe subégal, farci, puis creux, finement fibrilleux ou glabrescent, blanchâtre ou lége- rement pâle bistré. Lamelles décurrentes, espacées et réunies par des veines, blanchâtres, puis subconcolores. Chair conco- lore, blanchâtre dans le stipe, aqueuse, douce, inodore. Spores ovoides : 7-9 X5-6u. — Prés moussus (Bresadola). g. Gaprini. Chapeau bistre, brun, gris noir ou bleuâtre, un peu visqueux, à bord uni; stipe concolore et strié-fibrillé ; lamelles décurrentes ; chair molle, blanche. 56. H. caprinus, Scop. . . . . . . . H. des chèvres (C). Chapeau campanulé-convexe (5-12), mamelonné, charnu, fra- gile, peu visqueux, lubrifié, subtilement rayé, bistre, gris noi- râtre où bleuâtre, plus foncé au milieu. Stipe aminei en bas, parfois ventru, épais, plein, puis creux, fibrillé-strié et gris bistré, souvent rayé de noir, avec la base pubescente, blanche. Lamelles arquées-décurrentes, épaisses, espacées, larges, d’un blanc de lait. Chair molle, fragile, blanche, sapide et inodore. Spores ellipsoïdes (9-10 X64), guttulées. — Sapinières. (V). 56 a. var. calophyllus, Karst . . . H. belles lames (C). Chapeau convexe, puis étendu (4-6), un peu mamelonné, charnu, visqueux, glabre, brun fuligineux, puis pâlissant. Stipe égal où un peu épaissi en bas, plein, strié-fibrilleux, d’un gris fuligineux,avec le sommetpruineux-furfuracé. Lamelles adnées- décurrentes, épaisses, espacées, réunies par des veines, roses, puis pàlissantes. Chair molle, blanche, sanide et inodore. Spores ovoides : 8 X 5-6u. — Cespiteux dans les bois de conifères. — 176 — Sous-Genre IT. — HYGROCYBE, Fries. [Du grec : vys0c, humide ; y58n, téte.] Chapeau mince, plus ou moins visqueux où lubrifié par lhumi- dité, brillant par le sec, parfois strié. Stipe creux ou fistu- leux, parfois farei ou fibrospongieux au début, lisse ou fibrilleux, généralement glabre au sommet, souvent humide ou visqueux. Lamelles humides, ainsi que la chair. A. LÆTI. Chapeau de couleurs vives et claires, rarement vert, ordinaire- ment jaune, doré, orangé, rouge ou rose. a. Psittacini. Stipe visqueux, d'abord vert, verdoyant où olive, au moins au sommet, puis plus ou moins changeant de couleur. 57. H. psittacinus, Schæff. . . . . . . H. perroquet (?). Chapeau campanulé, puis étendu-mamelonné (1,5-3), mince, très visqueux, translucide et strié par transparence en temps humide, vert, puis souci olivâtre, enfin rougissant ou jaunissant, parfois blanchissant. Stipe grêle, creux, assez tenace, glutineux, lisse, vert, devenant en bas jaune souci ou fauve roux. Lamelles sinuées-adnées, ventrues, épaisses à la base, espacées,: crème jonquille, puis nankin nuancé de verdàtre. Chair hyalin verdâtre, très aqueuse, inodore, de saveur agréable. Spores ellipsoïdes : 8-9 X5-6u. — Dans les prés et les pâturages. (V). DS uH. Jætus; PTS 2 GUN tin DST SERA TRES Chapeau convexe, puis en coupe (1,5-2,5), mince, glutineux, lisse, blanc d'ivoire incarnadin, puis fauve rosé ou chamois incarnat. Slipe égal, grêle, ondulé, tenace, visqueux, lisse, jaune indien, puis rosé incarnat clair, à sommet d’abord ver- ee doyant ou olive. Lamelles arquées-décurrentes, minces, fermes, blanc améthyste, verdoyantes, puis rosées. Chair tendre, blanc d'ivoire, puis crème incarnat, parfumée. Spores ovoïdes-pruni- formes, de 5y de long, ocellées. (Quélet.).— Bruyères siliceuses. b. Cocciueiï. Stipe glabre, non strié-fibrilleux, écarlate, verinillon, ponceau ou rouge sanguin au moins au sommet et au début, enfin souvent décoloré ; chapeau convexe ou conique-aigu, concolore ; lamelles adnées, uncinées ou décurrentes. 99-1H- coccineus, ScChæff. : :: . : : !/ . : H. écarlate (?);: Chapeau convexe (2-6), mince, un peu visqueux, bientôt sec, glabre, strié au bord par l'humidité, écarlate ou d’un rouge foncé orangé, puis ocracé, à marge longtemps rouge. Stipe égal, souvent comprimé, glabre, lisse, jonquille où sulfurin, à som- met longtemps écarlate, avec la base villeuse et blanche. Lamel- les adnées, un peu uncinées, ventrues, espacées, réunies par des veines, rouges au fond, jaune sulfurin ou glauques au bord, Chair tendre, aqueuse, jaune sous les lamelles, rouge brunûätre à la surface du chapeau ; odeur faible; saveur un peu vireuse. Spores ellipsoïdes (7-8 X 4-5 y), légèrement pointillées. — Prés, pâturages et bruyères. (V). 00 HE miniatus Fr... lus :. . 1H. vermillon (?): Chapeau convexe (1-2), parfois un peu mamelonné, puis ombi- liqué, un peu charnu au milieu, peu visqueux et bientôt sec, opaque, glabre, puis souvent pelucheux-squammuleux au centre, vermillon où rouge sanguin, tournant à l’orangé. Stipe cylin- drique, égal, d’abord farci, lisse, vermillon, puis orangé pâlis- sant, brillant. Lamelles adnées, assez espacées, non veinées, jaunes où jaune doré, puis parfois rouge vermillon. Chair suceu- lente, d’un jaune sulfurin clair, plus foncé avec l’âge, orangée sous la cuticule, teignant l’eau en jaune sulfurin, inodore, insi- pide. Spores ellipsoïdes-pruniformes (8X 64) limpides. — Dans les prés moussus et humides, les pâturages et les bruyères. (V). 61. H. mucronellus, Fr. . . . . . H. à petite pointe (?). Chapeau campanulé-conique (0,5-1), aigu au sommet, ténu, glabre, rouge ponceau, brillant. Stipe fluet, fistuleux, fibreux et soyeux, concolore, à base blanche. Lamelles décurrentes, épais- ses, triquêtres, blanches. — Dans les pâturages. (Fries). c. Squamulosi. Chapeau convexe, souvent ombiliqué, peu visqueux ou sec, tantôt rugueux-micacé, tantôt couvert de fines écailles ou de poils mous et courts sur fond jonquille, jaune, fauve, doré ou orangé ; stipe concolore ; lamelles décurrentes. 62. H. micaceus, Berk. et Br.. . . . . . . H. micacé (?). Chapeau hémisphérique (1-1,5), rugueux-micacé et jaune, à la fin cendré. Stipe plein et granulé, jaune, à base brune. Lamelles décurrentes, pâle fuligineux. Spores : 4 X 3. (Cooke). Brunit par la dessieation. — Sol argileux : Angleterre. 63.:H:-turundus, Er... 4 néhti NM gâteau: (0) Chapeau convexe-ombiliqué (1,5-2,5) et ténu, très fragile, vite sec, à fines mèches grises où bistrées Sur fond jaune ou fauve, avec la marge incurvée, souvent crénelée. Stipe égal et {luet, rigide, farci, puis fibrilleux, fragile, lisse, fauve-rutilant. Lamelles décurrentes, espacées, blanches, puis crème jonquille. Spores pruniformes : 8-9yu de long. (Quélet). — Dans les bois sablonneux et les bruyères, au bord des chemins. 63 a. var. lepidus, Boud .. ..: -.. H. écailleux (). Chapeau large (4-7), jaune orangé, écailleux. Stipe grêle, con- colore, creux au sommet. Lamelles jaune orangé à la base. Chair jaune doré dans le stipe, plus pâle dans le chapeau. — Avec les autres caractères du type. 632. var.wmollis, Berk. et Br... .. .. : - Himout) Chapeau convexe-plan (1,5-2,5), sec, jaune d’or, ainsi que — 179 — le reste du champignon, couvert de poils courts et mous, rayon- nants, concolores.Stipe égal, farci. Lamelles arquées-décurrentes, espacées. Spores : 8 X 4 u. (Cooke). — Sol humide : Angleterre. d. Campanulati. Chapeau campanulé ou conique ; lamelles ascendantes, ventrues, plus ou moins adnées, sinuées ou libres. “Nigrescentes. Chapeau conique, noircissant comme tout le champignon. CAMHEICONICUS, SCOp. 7 rt si 1H: conique (S): Chapeau campanulé-conique (3-5), aigu, souvent lobé, sub- membraneux, humide, peu visqueux, glabre, enfin fendillé, fra- gile, sulfurin, à la fin noircissant ainsi que tout le champignon, même en dedans. Stipe cylindrique, creux, fibro-strié, glabre, sulfurin. Lamelles ascendantes, adnées, puis libres, ventrues, rainces, peu espacées, blanches ou bordées de jaune. Chair aqueuse, inodore, insipide. Spores pruniformes : 6-7. — Lieux humides, moussus ou gazonnés. (V). 65. H. nigrescens, Quél. . . . . . . H. noircissant ((C) Chapeau campanulé-conique, obtus (3-10), souvent festonné- lobé, mince, peu visqueux, blanc, puis citrin ou jonquille, fine- ment rayé par des fibrilles devenant rose orangé ou rouge orangé, satiné, à la fin gris et noircissant, ainsi que le reste du cham- pignon, même en dedans. Stipe fibrospongieux, puis creux, ferme, citrin, légèrement strié-fibrilleux et rouge orangé, noir- cissant au froissement, avec la base blanche, souvent amincie. Lamelles ascendantes, libres, ventrues, crème citrin, puis jon- quille, à base orangée. Chair croquante, jaune dans le chapeau, blanche dans le stipe, à suc abondant, hyalin, vite lilacin à l’air, puis noircissant, inodore, insipide. Spores ellipsoïdes-prunifor- mes : 11-13 X 6-7 u. — Prés, pâturages, bruyères.(V) Confondu avec conicus. — 180 — **Læticolores. Champignons ne noircissant pas. 66. H'"puniceus, Fr TPM 0 He -ponceau (C0): Chapeau campanulé, un peu conique, obtus, puis étendu (4-9), à peine charnu au milieu, ténu au bord, mou, fragile, fissile, visqueux par l'humidité, fibrillé-soyeux, brillant par le sec, sul- furin, jaune doré ou orangé, finement rayé à la fin de fibrilles purpurines. Stipe spongieux-mou, puis creux, ventru, jaune, à la fin finement strié par des fibrilles rouge purpurin, avec la base blanche et villeuse. Lamelles ascendantes, adnées, puis libres, espacées sur l’adulte, larges, ventrues, fragiles, aqueuses, crème pâle ou jaune clair, souvent orangées à la base. Chair molle, soyeuse, blanche ou blanc pâle, jaune sous la cuticule, inodore, insipide. Spores pruniformes-ellipsoïdes : 11-13 X 8-9. — Dans les prés et les pâturages moussus. (V). 67: H. obrusseus’ Frs 0 Se, MT AC dore Chapeau campanulé, un peu conique, obtus, puis ouvert- étendu (3-7), mince (1-3mm), humide, presque sec, fissile, fragile, glabre, non rayé, jaune doré, brillant, puis décoloré, à bord lisse, pellucide.Stipe subfusiforme, souvent comprimé, fistuleux, glabre, lisse, puis fendillé, concolore ou sulfurin, rarement un peu orangé, souvent fauvâtre pâle en bas. Lamelles adnées, uncinées, ventrues, larges, assez épaisses, espacées, jonquille, puis jaune doré où souct, à la fin, blanchissant sur l’arête. Chair jaune, puis claire à l'air, à fibres soyeuses et blanches dans le stipe, à peu près inodore, douce. Spores ellipsoïdes-ovoïdes (8-10 X 6-8 L.), souvent biguttulées. — Prés et pâturages. (V). 68. H. intermedius, Pass. . . . . . H. intermédiaire (?). Chapeau campanulé, obtus, puis plan, mince, presque sec, fibrillé-soyeux, d’un jaune d’or, puis brun cendré. Stipe fistu- leux, fibrillé-strié. Lamelles adnées,ventrues, espacées, blanches, puis jaunâtres. Odeur de farine fraîche. Spores : 10-12 X 7-8 y. (Cooke). — Sur le sol humide : Angleterre. — 18! — LOMHsSqualidus, LasCh. : : .. 7.7 .H: sale:(?). Chapeau campanulé-obtus, puis ouvert bossu, fragile, recou- vert, ainsi que le stipe, d’une viscosité fuligineuse, puis bientôt orangé, plissé par le sec. Stipe inégal, creux, glabre, visqueux et fuligineux, puis orangé. Lamelles adnées, ventrues, épaisses, assez espacées, gris bistré, à bord orangé. — Dans les bois gramineux. Espèce rare. 70. H. amœnus, Lasch.. . . . . . . . . . H. amène (?). Chapeau campanulé-conique (3-5), pointu, membraneux, un peu visqueux, finement fibrilleux-satiné, fissile, rosé ou rose lilacin clair. Stipe subégal, fistuleux, finement strié, glabre, blanc où à peine rosé. Lamelles ascendantes, libres, à peine adnées en pointe, un peu ventrues, rosées, blanchissant. Chair fragile, blanche, inodore, insipide. Spores pruniformes-ovoïdes : 6-8 X 5-6Gu. — Pâturages montueux. (V). 70 a. var. niveus, Mass. . . . . . H. blanc de neige (?). Forme entièrement blanche. Caractère et habitat du type. e. Convexi. Chapeau convexe, souvent ombiliqué, à bord plus où moins strié ou plissé ; lamelles adnées-uncinées où décurrentes, émarginées dans une seule espèce. HAIPH-ssciophanus Er. ::. 1% 553 £a 1H bistré: (?), Chapeau hémisphérique (2-4), un peu charnu, légèrement vis- queux, opaque, fauve briqueté où sanguin, pàlissant, à marge _striée. Stipe égal, grêle, ondulé, creux, lisse, lubrifié, jonquille fauve. Lamelles adnées, à pointe décurrente, espacées, veinées à la base, incarnat rosé ou fauve. Chair fragile, succulente. Spores pruniformes-allongées : 9 x. (Quélet). — Dans les pâtu- rages et les clairières gramineuses. 12H -sulcatus, Karst . . : &. . .. . | H, siülonné (?). Chapéau ocampanulé-convexe, puis étendu (2), obtus, visqueux, — 182 — mince, lisse au milieu, membraneux et strié-sillonné au bord, luisant, fauve, à peine pâlissant. Stipe égal, rigide, creux, lisse, glabre, visqueux, jaunissant, puis un peu fuligineux ou bleuâtre au sommet. Lamelles décurrentes, assez épaisses, espacées, jaunissant, puis un peu bistrées en arrière. — Dans les bois feuillés : Finlande. 13:4H- Vitellinus Fr: 50. . «4... FH. jaune d'œuf; Chapeau convexe (2), ombiliqué, festonné, mince, visqueux, glabre, citrin, puis blanchissant, ainsi que le stipe, à bord ténu, translucide et strié-plissé. Stipe grêle, fistuleux, fragile, lisse, jonquille. Lamelles très décurrentes, peu espacées, crème jon- quille, puis jaune d'œuf. Spores ellipsoïdes-pruniformes, gut- tulées, de 104 suivant Quélet, de 6 X 4u suivant Cooke. Dans les bois sablonneux du grès vosgien. (Quélet). x 74. H. ceraceus, Wulf.. . . . . . . H. jaune de cire (?). Chapeau convexe-plan (2-3), mince, visqueux; pellucide, légè- rement strié, luisant, fragile, jaune de cire. Stipe fistuleux, comprimé, lisse, jonquille, à base amincie et blanche. Eamelles adnées-uncinées, espacées et larges, triquêtres, jonquille. Spores ellipsoïdes-pruniformes : 8-10 X 6. Terrains siliceux ou décal- cifiés : prés, pâturages, bruyères et bois. (V). 75. H. chlorophanus, Fr.. . . . H. à reflet verdâtre (?). Chapeau convexe (2-3), parfois un peu lobé, ténu (0,5-1m), visqueux, puis Satiné, brillant, d’un beau jaune sulfurin, rare- ment écarlate, à marge brièvement striée par transparence. Stipe égal, assez court, fistuleux, mince, visqueux, lisse, conco- lore, non changeant. Lamelles émarginées, adnées, ventrues, minces, peu espacées, blanches, puis suifurin clair. Aqueux, inodore, insipide. Spores ellipsoïdes-pruniformes : 7-8 X 4,9-0 1. — Dans les prés et les bois siliceux ou décalcifiés. (V). An e B. TRISTES. Chapeau fuligineux, brun, brun olive, bistre, bistre olive, gris, gris cendré où cendré ocracé; lamelles adnées ou sinuées, exceptionnellement décurrentes, ventrues ou larges. a. Inolentes. Espèces inodores ou à odeur très faible. * Viscosi Chapeau visqueux, lisse ou fibrilleux. 10H -Spadiceus, SCop. :).. "2: , . : .æ :H. brun (). Chapeau campanulé-conique (3-6), puis retroussé-fendillé, ténu et fragile, visqueux et fibrillé-strié, d’un brun olive ou brun foncé. Stipe égal ou épaissi en bas, creux, sec, fibrilleux, fissile, citrin, puis rayé de fauve brun. Lamelles sinuées, ven- trues et larges, espacées, crème jonquille, puis souci orangé. Chair humide, citrine. Spores ellipsoïdes-pruniformes : 154 de long. (Quélét). — Prés et pàturages moussus. ani trrigatus, Pers: 210 000 5. 0 0 Ue arrosé (2). Chapeau campanulé, puis ouvert-étendu (3-5), un peu mame- lonné, mince, visqueux, fragile, gris bistré où gris glauque, à bord un peu strié. Stipe égal, fistuleux, tenace, très visqueux, glabre, concolore. Lamelles adnées, uncinées, larges, assez es- pacées, veinées, blanches, puis gris glauque. Inodore, insipide. _Spores ovoïdes-oblongues (7-8 X 54), finement grenelées.— Dans les prés moussus, les pâturages et les bruvères. (V). 18 -H--uUnguinosus, Er. 54 à - 0, ,-}H. oint f?). Chapeau campanulé-convexe (3-4), mince, ténu, lisse au bord, glutineux, d’un gris bistré où fuligineux, luisant par le sec, plus foncé au milieu. Stipe inégal, ordinairement comprimé- sillonné, grèle (6-9CX 3-6m), fubuleux et très fragile, glabre, lisse, glutineux, puis luisant, gris bistre, puis gris blanchâtre. — 184 — Lamelles adnées, subhorizontales, rigides, épaisses, larges, très fragiles, d’un blanc grisonnant. Chair fragile, mince, blanchätre ou blanc grisonnant, insipide ; odeur faible, un peu rance. Spores_ ellipsoïdes-pruniformes (7-8 X 5-6y). -— Dans les bois oramineux et moussus : pins, châtaigniers. (V). Quélet fait de cette espèce une variété du précédent. **Sicei Chapeau sec et écailleux. 79. H. squamulifer, Boud.. . . .« . H. squammuleux (?). Chapeau convexe-campanulé, puis ouvert-étendu (6-7), sub- mamelonné, mince, sec, d'un pâle cendré ocracé, couvert de petites écailles aiguës et plus foncées. Stipe inégal, plutôt atté- nué à la base, rigide, farei, puis bientôt creux, lisse, pâle, un peu ocracé en bas. Lamelles émarginées-sinuées, décurrentes par une dent, larges, blanchätre pûle. Chair jaunâûâtre, surtout dans le stipe. Spores ovoïdes : 4-6 X 3-44, apiculées. — Dans les bois d'Ecouen, sur la terre argileuse. 80. H. obscuratus, Karst. . . . . . . . . H. obscur (?). Chapeau convexe-obtus (3-4), peu charnu, ténu au bord, assez fragile, sec, finement écailleux, d’abord fuligineux ou livide noircissant, puis couleur de souris, à marge d’abord incurvée. Stipe inégal, ordinairement renflé en bas, flexueux ou tordu, farci, puis bientôt creux, fragile, glabre, lisse, blanchâätre pâle, puis souvent fuligineux au milieu. Lamelles sinuées ou adnées, uncinées, épaisses, ventrues, blanches ou blanc glauque. Spores ellipsoïdes : 7-10 X 3-5u. — Pentes gramineuses : Finlande. Ces deux dernières espèces se rapprochent des Hamarophylli. b. Olidi. Espèces à odeur forte, nitreuse ou fétide. 81.TH. nitratus, Pers. : 2... 97H mtreux 0) Chapeau campanulé, puis ouvert-étendu (3-4), ténu, peu vis- — 185 — queux, bientôt sec, glabrescent, puis légèrement fibrilleux- soyeux, fendillé à la fin, päle olivâtre, blanchâtre fuligineux ou gris bistré, parfois gris roussâtre, à marge plus claire, à peine infléchie. Stipe subégal, parfois tortu, cortiqué-fibreux, rigide, creux, fragile, poli, glabre, blanc ou blanchâtre, puis blanc citrin ou jaunâtre, brunissant au froissement, ainsi que les lamelles. Lamelles sinuées, adnées, puis rigides et espacées, les plus longues larges et anguleuses-obtuses, blanchàtre pâle, puis blanc glauque où blanc verdätre, à la fin brunàâtre sale. Chair fragile, fissile, croquante, blanche sous la cuticule sépa- rable, fade, puis vireuse; odeur forte d'ammoniaque ou d'eau de Javel.Spores ellipsoïdes : 7-8 X 5,5 .—Pâturages et bruyères.(V). 22H tœtens, :Phill:.".. 5: , 2. L5:,:. . H,. fétide (?): Chapeau hémisphérique, puis convexe (1,5-3), fuligineux, sec, puis craquelé. Stipe élancé, olive jaune, avec des craque- lures écailleuses et transversales. Lamelles décurrentes et cen- drées. Odeur fétide. Spores en forme de pépin: 4-5w. (Cooke). Dans le gazon : Angleterre. Voisin de sciophanus. — 186 — Table alphabétique des espèces et des variétés du genre Hygrophorus. NOMS ADOPTÉS AUTEURS RÉFÉRENCES AUX AUTEURS pages. agathosmus ..... Ress tee p. #11 ; v. Gon. et Rab., t. IL £ 4. 165 albidus 00 + Karsten-. 0 Myc: Ten. 1p. 4 LNRNIRE M 157 amoœænus ......-., Paschm ee in Quél., Ft..p 254; v.Gill.,t. 134 181 ACRUSTMUS RAP NS RTIeS EUR EU p. 408; v. Bernard, t. 35, f£: 1... 163 aureus..... POLE Arrhenius..... in Fr., Hym.,p.409; Ie.,t.166,f.2. 161 Bresadole RP Quéler. terre p.201: v-Bres.. Fungi et 90 calophyllus..,., Karsten ...... Myc.tRenn. Cp: 219, RONITIEUITE candidus es Mr OUElE APR DE DOME ES NRA ORNE Re 155: Capreolarius.,:..-1talchhbrenner D 05 MIO MENT Erre 159 CADEANUS EE SALE SCopoler en Carn., LU, p.438 ; v. Cooke,t. 916. 175 CerACEUS +. Wullenese rt; in Jacq., Mise., IL, p.105; t, 15,12: 182 chiorophanus45- riese p-A420 lc, L'A0T eee 182 chrysodon. :...., Batsch er D: 70 RDA LOL PAR 155 cinereus, nue OES AMAR ne D; AIS ESVESU. MODES 173. Clarisse Berkeley et Broome... An.n.h.,n°1358; v.Cooke,t.93% 171 clivalis......., brise se äl%: Brit. Hygr, 31. 410 COCCIneUS,. +... SENæler. 2. Le. t909:,2) 0 OR Ree 177 Colemannianus., Bloxham,.,.., in us , Outl., p.200 ; v. Cooke, Lt OOBLA AG Rene 175 COMCUS LEE Re HOCODONL er cr CN LL SpA IS ENS CREEIr IC, k 2 f. 2-5, 1 a RE 179 CONMMALUS EEE ET Karsten "© on Myc. Henn. pb. OIut. out. 175 COSSUS Roc SOWEEDVE he Lolo eee UE 156 discoideus....... Persoon-- #07 Syn., L. 969 ; v. Gon. et n VIS MO AE See 162 SANS ARTE . Berkeley..... . Oullin. op: 200 CMS RENE 171 eburneus..,...... Bulliard 4% RS OA A à 156. erubescens...... res Sn eee p' AUTE SU SU tas er 160 iœtens 2.0 se CPTIDDSee see Gran. VEL it. 191, ÉCBIeA LOMHAICATUS NE, DES ne . p.414: Kromb:., 1.25, 6245170 fuscoalbus...... ÉLastho ns un Lane NS CAO PTIT RER 165. LACS ERP PECE Karsten ..... . MUC. Heroes (IE 0 1006 173 gliocyelus, .... tr MOTIOS RAS p.405: 10, 4 1651222165 NOMS ADOPTÉS Ilelvella. hyacinthi 0. nus... hypotheius...... intermedius,, irrigatus ... Karstenii.. lacmus . lepidus. leporinus ligatus.. 0. 00. Macs 2: lividoalbus ,,.... ÉCAnA rs, . 2: lucorum:..:, ce melizeus 2... vo mesotephrus... metapodi micaceus miniiceu miniatus mollis US 6e eee Seule + +. 0 0 mucronellus.,... nemoreus....,.. HISFESCENS 0. nitidus. nitratus. niveus .., niveus., obrusseu De elevator e obscuratus ..,... olivaceoa ovinus.., pallidus bus 22 9, 0 8 + » + eve — 187 — AUTEURS Boudier ..... Quélet:. : Passerini... Persoon......, Saccardo et Cuboni... Persoon...,... Boudieh, 1: ; Eries::4, se IC PNrRE de SCONDOÏEE Le. ÉTIéSE. rt Gilets res RalChe EL a ÉPiéses ns (IE REP Berkeley... Priest Berkeley et Broome... mess res Persoon:, 2 Fes Are , Persoônx. ie SCOPOIT. ,.. = Massee....... À Rries aan RÉFÉRENCES AUX AUTEURS insS. 00h ER. 1811, 1: 4, 6 0 DO Rri o ie F p. #10; Kromb., t. 72, f. 24-95, In Er Hyem. Eur.) p.419: Syn.,p.301; Fr., re , t: 168, F. 3: Syll.,V, p. 401; v.Karst., Ic., f.13 p.40: dan. tCATSL "LE 1. Obs.myc., ll, p.48; Fr ee Bul. Soc, myc. Fe RE DA 12S veapatt. 1:09 - Be D. 405: Tc., t. (AP RER VARRES a Carn., I, ; 422; v. Saund. et Sm., ADO NE ie ane D 41220Cooke/t 0157... vin Lucand,t5 14%, 2424.00 Icons, LAON INA, carie sn p.%3 ; Bres., Due Spec., p.4;t. 1. p:400:210: FA6b:1. 93-5222 An.nat. hist,,n9609,.t.15, f. 1. p.419 v0Kalchyt: 925) 19:28 An.nat.hist., n°1779; v. Cooke, Piulzfl. Niederôst., NV, p.8L:c: p.418" Flidan:, E 1009 An. nat. hist., n°1179 ; v. Cooke, parles tveCooke 19937, Syn., p. 305; Myc. Eur., LE, LOS RUN de Ce ; p.294; v. Forq., Ch. sup.,f. 54, p.408: Jet AG6 1 re ‘ Syn., p. 390; v. Quél., Jur., I, Garn., Ill, p.430; v. Schæf., t.232 in Cooke, Brit. Fung , p. 303; VII. 16929 0. 4 SAS ; p. 419 : v. Bernard, t. 35, f. 3... in. Hediv:; 4889, p.364 4 ::.... PACIDENS BTS Le5, sn LRDSONR CENT A es : An.nat.hist., n° 1356; V. Eole CODE A ste ct Host : Pages 172 157 16% 180 133 168 174 176 178 167 154 16% 166 166 162 166 156 163 472 178 159 177 178 178 168 179 162 184 169 181 180 184 163 171 168 NOMS ADOPTÉS — penarius persicinus....,... pratensis, 40e psittacinus ..... pudorinuse een pulverulentus .., pDuniceus ent. purpurascens.... pustulatus 4, Quele tienne OSEO RENE sciophanus...... SeCHeLAM en nee squalidus .. squamulifer .. streptopus...... subradiatus.... subpurpurascens. SUICAIUS SYTIŒNSIS TUE tephroleucus ,.. terebrdtus...... LUEANAUSEE CEE unguinosus..., ventriCosus.,,... virgineus........ vitellinus...... : — 188 — AUTEURS FTeseee Albertini et Schweinitz PerSvON- ne Bresado!a ... Massees ar: Bec ee Berkeley et Broome... 0... ÉCÉDI AREAS Boudier . Rries A R Schumacher. Allescher Karston., LEE à Re PRersoonr. me à rester er Id. ER 1 NC DRE AS AE Berkeley et Broome... Wulfen..,, ÉrieS Ar ee RÉFÉRENCES AUX AUTEURS PAC ESUE SU ASE RE Pilzfl. Niederüst., IV, p. 60.. Syn., en Fr, 505010! Com, D 120710 1001 p. 407 ; v: ou et Ra CERRS? An.nat. hist. n° 1667 : : V. Quél,, ChNONMEUtE Sd TORRES DOS UE SU Pt Consp.,ne 527; v. Gon. et Rab. (AE DE DR a Ne à. Pr. Ic.,t.166, 73: Fun bride ep AAEAMIUr in Cooke, Brit. fung., p. 995 : : A DCS SE 0 00 à Pilzfl. Niederüst, V, p. 80... An.nat.hist., no 332: v. Cooke, uses so e IL CN O0 En SUR Comp 23 NICE RES Fung. ue pro A0 p. AT 467, A to Ziwei ns. De Lee ee drnie Garn , Ueip, 44) 00 Eric L 108, MALE EE RSR in-Lins. Nm MO -cRveRtre IC nycr MESSE Re p. 415; Pat, Ta. 213. Sœl., p.207; y." Gon … Rap LA A RS M AT SUD Pile ND O2 EEE ERE inv Aedw "1890 0043 7e 0 in Hedw. "41889, p. 2046. SUR D. Sole RalCch IT Ier p.411; vBritz., Hygr.,t 410" DA AIS SE NES RS RER pi AL TC MOSS DEEE Cke, Handb., p.296; II. t. 901. in JaCs Misc TR CAGE D 411 TC AINICT ES RREe Pages 169 161 167 176 158 157 180 160 165 159 169 158 158 160 17% 181 168 183 181 18% 171 174 156 181 173 16% 165 178 183 170 169 182 — 189 — Table alphabétique des synonymes. SYNONYMES anguinaceus, Jungh. (in Lin., V, t. 6, f. 11-14) ........ aurantius, Wahl (in F1. dan., t. 883)...... bicolor, Karst calyptræformis, Berk. (Eng. F1, V, p. 12) camarophyllus, Alb. et Schw. (Consp., p. 177)...,. ..... cerasinus, Berk. (Eng. F1., V, p. 12)...., cossus, Sec. (Myc. Suisse, I, n° 57).,...... croceus, Bul. (Champ., t. 50) discors: Batsch. (Elench., f. 196):.7,,.. Ris eburneus (F1. dan., t. 1907, F. 2) elixus; Kromb. (Atbid.; t.. 72, f. 21-23)... ... ericetorum, Bul. (Ghamp..t. 551).:..,:,., ericeus, Bul. (Champ. t. 183) Hhicondes) Bul (Champ. 1: 5817)..,:.0 0.2. fragilis, Batsch (Elench , f. 215)... glauconitens, Fr. (Hym. Eur., p. 421)... CES glutineus, Batsch. (Elench., f. 200)..,.. ue glutinifer, Fr (Hym. Eur.. p. 407) ........ glutinosus, Bul. (Champ., t. 539, f. B, c)... glutinosus, Bul. (Champ , t. 258)..... ess Se Lolo a ei aTele st, one she @iie) ere je 08 5e 016 CCC Houghtoni, Berk. et Br. (An nat hist. n° 1360)....., a hyacinthus, Batsch (Elench., f. 28).. 0. laceratus, Bolt. (Hist. of. Fung., t. 68)... lacteus, Schæf. (Icon, t. 29).. limacinus, Sow. (Eng. Fung ; t. 8) .:...:. HbdIdus-Schæf (con: t.313)1,..70 0,5. miniatus, Sow. (Eng. Fung.,t. 141)....... . Mugnaius, Scop. (Carn., IE, p. 429)........ ee nitens, Batsch (Elench., 1. 192)....:.2.., .. nitens, Schæf, (Icon., t. 238) 094 8 0 + eos + + + nitens. Kromb. (Albid., t. 61, f 11-14),.... opiparus, Fr. (HYMm) L'édition de ces mémoires fait honneur à M. le comte Horric de Beaucaire. Comment toutefois n'a-t-il pas songé à publier l’épitaphe gravée sur une table de marbre à l'entrée du chœur de l’église d’Auxonne ? — 225 — sur son compte (1), Jui faire part des avis qu’on avait en France de Madrid, de Rome, de Gênes, de Milan, de Venise, de Londres mème, et, pour conclure, lui rappeler qu’étant Portugais rien ne l’obligeait à rester au service de l'Espagne ; ses ennemis avant résolu de le perdre, 1l était temps pour lui de songer à sa sûreté (2). Nous avons le résumé des entretiens que le gentilhomme français eut avec Mello : quelque habileté qu'il déployât, il put bientôt se convaincre de l'inutilité de ses insinuations. Sensible aux compliments du cardinal, le loyal sujet du roi catholique en démêla aisément le but ; lorsqu'on lui nomma ceux qui l’attaquaient à Madrid, il se contenta de répondre que les ennemis les plus déclarés n'étaient pas les plus dan- gereux (3). À peine montra-t-il un peu d'émotion, quand son interlocuteur lui dit qu'il était question de l'arrêter, voire de lui faire tirer lépée : «[l ne faudrait plus que cet expédient, répartit-1}, pour raccommoder les affaires des Pavs-Bas et bien établir celles de mon maitre.» Dans la dernière confé- rence qu'il eut avec le sieur du Plessis-Besançon, il avoua « qu'il étoit vrai qu'on le tiroit des Pays-Bas, qu'il en avoit reçu les avis et que les personnes que ledit sieur du Plessis lui avoit nommées étoientapparemment celles qui lui devoient succéder, mais qu'avec tout cela ses ennemis ne seroient pas assez puissants pour lui faire tant de mal qu'ils s’étoient pro- (1) Piccolomini était à cette époque en Espagne; il ne débarqua à Nieu- port que le 1% mai, avant été obligé de relâcher en Angleterre pour éviter les croisières des vaisseaux hollandais. Gazette de France du 14 mai 1644. (2) Substance d’une instruction pour le sieur du Plessis-Besançon, s’en allant à Bruxelles vers M. de Mello, en apparence pour traiter de l'échange des prisonniers, mais en effet pour voir s’il y auroit lieu de tirer quelque avantage au profit du roi des résolutions nouvellement prises en Espagne contre ledit sieur de Mello. — Du PLESSIS-BESANÇON, 0p. cit., p. 196. (3) N fut question, dans la conversation, des menées de l’intrigante duchesse de Chevreuse en France contre D. Francisco de Mello. En faisant observer qu'il ne lui avait pas donné sujet d'en user de la sorte avec lui, ce dernier se borna à dire ironiquement: « C'est une bonne dame; elle n’a pas changé d'humeur à ce que je vois. » 06 + posé ; que d’ailleurs 1l y avoit assez longtemps qu'il étoit hors. de chez lui pour y retourner et donner deux ou trois ans à ses affaires ; que peut-être ceux qui viendroient après lui seroient plus heureux et plus capables, mais qu'il ne pouvoit ètre surmonté en affection de bien servir, et qu'ayant déjà obtenu un passe-port pour le passage de sa femme et de ses enfants par la France, il espéroil qu'on ne lui refuseroit pas qu'il y fût compris comme un pauvre ermite qui se retiroit en solitude (1). » C'était couper court à toute nouvelle tenta- tive et l’envoyé de Mazarin se le tint pour dit. Quoique, postérieurement à cet entretien, Mello eût reçu un sauf-conduit pour traverser la France (2!, la lenteur du marquis de Castel Rodrigo à passer aux Pays-Bas le retint dans les Flandres plus longtemps qu’il ne s’y attendait. En quittant Rome, Manuel de Moura avait dû se rendre en Alle- magne comme « premier plénipotentiaire pour la paix uni- verselle », et, bien que Philippe [V lui eût réitéré, le 21 mars, l’ordre de gagner son nouveau poste, il ne partit de Vienne que le 8 mai(3). Dès le 25 avril, le roi avait fait part aux États des provinces belges du remplacement de Mello. Nous voyons, malgré cela, celui-ci garder la direction des affaires pendant tout l'été, essayant d'entamer des pourparlers avec le prince d'Orange (4) par l'intermédiaire d’un religieux de l’ordre de Saint-François (5), tandis que, posté à Bergues- (1) Mémoire du sieur du Plessis-Besançon sur les entretiens qu'il eut à Bruxelles avec don François de Mello au printemps de l’année 1644. — Du PLESSIS-BESANCÇON, Mémoires. p. 161. (2) Pièces justificatives, IV. V. Mazarin à la Thuillerie, Paris, 9 mars 164%. — À. CHÉRUEL, Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, dep 011 Le marquis de Castel Rodrigo à Philippe IV, Alost, 29 juin 164%. — Documentos ineditos para la hisloria de Espana, t. LIX, p. 415: (4) Frédéric-Henri de Nassau, prince d'Orange, slathouder de Hollande et grand amiral des Poe Unies. fils de ‘Guillaume IV de Nassau, prince d'Orange, et de Louise de Coligny, sa quatrième femme (29 jan- vier 1584—1% mars 1647). (5) Cf., sur ces pourparlers, F. GACHARD, Les bibliothèques de Madriv! et de Escur ial, p. 234; À WADDINGTON, La république des Provinces- Unies, la France et les Pays-Bas espagnols de 1630 à 1650, t. I , p. 83. oo Saint- Winoc, il se tient prêt à seconder les efforts de Picco- lomini pour faire lever aux Français le siège de Gravelines (1). L'opinion publique s’en prend à lui de la perte de cette place ; une émeute éclate à Bruxelles et la populace pille sa maison (2). Ce n’est qu'après la prise du Sas de Gand par les Hollandais (3) que la transmission régulière des pouvoirs s'effectue : le conseil d’État est convoqué à Termonde pour la prestation du serment du marquis de Castel Rodrigo et,- le 20 septembre, celui-ci prend possession de sa charge (4). Libre dès lors de retourner en Espagne, Mello a hâte d'aller y rendre compte de sa conduite : quatre jours après l’instal- lation de son successeur, il quitte Termonde et se dirige vers la France avec sa femme et ses enfants 6) ; par ordre du cardinal Mazarin, le sieur du Plessis-Besançon va le (4) Le duc d'Orléans. ayant sous ses‘ordres les maréchaux de Ja Meille- raie el de Gassion et le lieutenant-général Ranzau, avait investi Grave- lines le 1° juin ; la place se rendit le 98 juillet. (2) Grotii Bref, t. I, p. 467 et 478. Ce fut en apprenant ces événe- ments que le président du parlement de Dole écrivit : « À ce que je vois, S. E. don François de Mello commence à esprouver la vérité du dire du poète : Populus sequitur fortunam ut semper. 11 ne faut qu'estre une fois malheureux pour estre criminel et perdre le fruit de toutes les belles actions passées. » Chez nous les pouvoirs publics demeurèrent fidèles au gouverneur tombé en disgräce. « Il est retourné de Flandres, mandait Jean Boyvin un peu plus tard, quelques petits pendars que l’on me dit avoir semé par le pays tout plein de mauvais discours au préjudice de la répu- tation de S. E. don Francisco de Mello. J'en ay fait informer et les feray chastier, s’il se treuve véritable. » Bovvin à Philippe Chifflet, Dole, 18 sep- tembre et 1 octobre 1644. — Mss. Chifflet, t. CILL, fol. 294 et 295. _ (3) Le Sas de Gand fut pris par le prince d'Orange le 7 septembre 1644. COMMELYN, Histoire de la vie et actes mémorables de Frédéric-Henry de Nassau, prince d'Orange, t. Il, p. 152 ; LE CLERC, Histoire des Pro- vinces- Unies, t. Il, p. 226. (4) Il l’exerçca jusqu’à la venue de l’archiduc Léopold-Guillaume d’Au- triche, frère de l'empereur Ferdinand II, en 1647, le roi d'Espagne avant renoncé à envoyer D. Juan en Flandre à cause de l’ombrage que donnait sa jeunesse plus encore que sa naissance illégitime. Ce ne fut qu’en 1657 que le fils de la Calderon fut nommé gouverneur des Pays-Bas et du comté de Bourgogne. Cf. A. WaADDINGTON, op. cit.,t. II, p. 11. (5) « D’Anvers, le 50 septembre 1644. — Le 24 de ce mois, tous nos généraux et principaux seigneurs qui s’estoyent assemblez à Denremonde _S'estans séparez, Dom Francisco de Mello en partit sur les deux heures après midv, tirant vers Nivelle, et de là du costé de Cambrav. » Gazelte de France du 8 octobre 1644. — 228 — recevoir à Péronne pour ne le quitter qu'aux environs de Bor- deaux (1) ; une suite nombreuse l’accompagnait et son train ne ressemblait pas à celui d’un pauvre ermite », encore que, jusqu’à plus ample informé, il faille tenir pour calom- nieuse l’accusation d’avoir fait sa main avant son départ (2). Voyageant à petites journées, les nobles étrangers arri- vérent au Bourget le 9 octobre. Le lendemain matin, ils allèrent entendre la messe à Notre-Dame des Vertus (3), puis d'Aubervilliers se rendirent à Saint-Denis, où on leur fit voir le trésor de l’abbaye et les tombeaux des rois. Au sortir de là, Mello monta à cheval et suivi de quatre gentilshommes, courut à Montmartre pour contempler le panorama de Paris. Ayant rejoint les siens au faubourg Saint-Denis, il changea de vêtements avant de monter en carrosse, car il ne voulait pas se montrer aux Parisiens vestido de camino. Le cortège décrit plus haut prit alors la rue Saint-Denis et, par la rue de la Ferronnerie et la rue Saint-Honoré, se dirigea vers les Tuileries en s’arrêtant un instant devant la demeure qu'avait habitée le redoutable adversaire de la maison d’Autriche (4). (1) Du PLESSIS-BESANCON, Mémoires, p. 49 et 179. (2) Il me répugne, pour ma part, d'ajouter foi à Théophraste Renaudot se faisant éerire de Bruxelles que D. Francisco de Mello à « emporté toutes les tapisseries et autres meubles qui y estovent dès le temps de Charles V, de sorte qu'il n’a rien laissé dans tous les appartemens de son palais, ayant outre cela emporté avec lui tout l'argent qu’il a pu faire de la vente des domaines et droits du roy d'Espagne. » (Gazette de France du 29 octo- bre 164. (3) L'église d’Aubervilliers, consacrée à la sainte Vierge sous le vocable de Notre-Dame-des-Vertus, était depuis le moyen àge le but d'un pèlerinage célèbre, qui avait lieu le second mardi de mai. Mathieu de Morgues avait été curé d’Aubervilliers ; on l’accusa d'avoir vendu sa cure, mais il établit qu'il lavait remise à M. Galemant sans prétendre aucune récompense: « La vérité, dit-il, est que la Royne Marguerite de Valois m'a tiré de ce lieu, où le grand abord du peuple fait des bruits qui sont ennemis du repos nécessaire aux hommes de lettres. » Première lettre de change de Sabin à Nicocléon, p. 725. (4) I n’y avait pas encore deux ans que le nom de Palais Royal avait remplacé au fronton de cet édifice celui de Palais Cardinal. — 999 — Il traversa le jardin, longea les bâtiments du Louvre, fran- chit la Seine au Pont-Neuf et, par la porte Dauphine et la rue de Tournon, gagna le Luxembourg et le faubourg Saint- Michel. Ce fut de là que, prenant la route d'Orléans, les voyageurs furent coucher à Bourg-la-Reine (l): leur curio- sité était satisfaite et leur intention n'avait jamais été de séjourner dans la capitale. Il n’est pas dans mon dessein de rechercher les étapes du marquis de Tordelaguna jusqu’à [run, par où, le mois sui- vant il entra en Espagne. Pas davantage, pour le moment, je ne songe à étudier le retour de faveur qui lui valut, en 1647. la charge de vice-roi d'Aragon et de commandant en chef de l’armée d’opérations en Catalogne (2). Comme le titre de cet article l'indique, je n’ai voulu que fire connaître dans quelles circonstances et comment Mello se fit voir à la popu- lation parisienne : cette cavalcade, cette entrée, si l’on aime inieux, n'avait attiré les regards d'aucun historien (6), et il m'a paru piquant de la décrire. Ce n’est pas, en effet, un spectacle banal que celui d’un général vaincu apportant aux monuments de Paris le tribut de son admiration: il dut rern- plir d’un légitime orgueil ceux qui en furent témoins et dou- loureux est le regard que nous ne pouvons nous défendre de jeter sur notre frontière mutilée en pensant au temps qui vit Rocroi faire oublier Honnecourt. ‘) Mathieu de Morgues à Philippe Chifflet, Paris, 15 octobre 1644. — Pièces justificatives, V. : (2) Dès l'automne de 1645, le conseil d'État l'avait porté sur la liste des généraux indiqués pour exercer ce commandement, qui toutefois fut- d’a- bord donné au marquis de Leganès. Après la prise de Tortose par le maré- chal de Schomberg, le 13 juillet 1648, D. Francisco de Mello encourut une nouvelle disgrâce. M. C. Pior, Biographie nationale, t. XIV, col. 320, le fait mourir à Madrid le 18 décembre 1651. | (3) La seule mention que j'aie trouvée dans les imprimés du temps est la suivante : « De Paris, le 15 octobre 1644. — Le 10, dom Francisco de Mello passa par cette ville pour s'en retourner en Espagne. » Gazette de France du 15 octobre 1644. — 230 — PIÈCES JUSTIFICATIVES [A LA COUR] Don Franco de Mello, comte d'Assumar, du conseil d'Estat du Roy nostre sire, lieutenant gouverneur et capitaine général des Pays-Bas et de Bourgoigne. Messieurs, Par les lettres que nous vous envoyons cy joinctes vous verrez ce que sa Maté vous escript, et comme depuis la réception d’icelles nous avons entendu avecq beau- coup de marrissement le trespas de feu monsieur le marquis de St Martin vivant lieutenant général et gouverneur du pays et comté de Bourgne (que Dieu absolve), vous pourrez ouvrir celle que Sa Maté luy escrivoit sur le mesme subject de la charge qu’elle a esté servie de nous donner de lieutenant gou- verneur et capitaine général de ces Pays Bas et de Bourgne, vous asseurans qu'en suitte de la grande affection que nous avons tousjours portée à lad. province vous en verrez maintenant les effects et particulièrement à cette heure que sa Maté nous en- charge de vous assister en toutes choses. D’aillieurs nous ne pouvons laisser de vous dire que nous avons approuvé la forme avecq laquelle vous avez procédé tou- chant ce qui estoit à faire à l’occasion du trespas dud. feu mar- ._quis de St Martin, vous asseurans que nous avons fort ressenty la perte que sa Maté a faict d’un si bon vassal et ministre et que pour l’estime que nous avons toujours faict de sa personne et mérites et de ceulx de madame la marquise sa vefve, nous aurons fort aggreable et estimerons particulièrement tout ce que vous ferez pour elle. | Et nous vous envoyons cy Joincte copie de la lettre que nous ‘escrivons à monsieur le baron de Scey, afin que vous puissiez veoir le contenu et vous régler selon icelluy, vous advertissans que le gouvernement politicque de celle province demeurera à — 231 — vostre charge et celluy des armes aud. baron de Scey en la mesme conformité qu'il les a gouverné durant l’absence que led. marquis de St Martin a dernièrement faict,lors que son Alze (de très saincte mémoire) Iuy avoit donné congé de venir ès pays de par deçà. Et ce en attendant que nous en escrivions à sa Maté et recevions ses ordres sur le gouvernement en pro- priété de lad. province. Et comme nous sommes fermement résouluz de faire toutes et quelconcques diligences, mesmes les extresmes, si nous les jugeons nécessaires pour la conservation de cette province en la secourant avec tout ce que se pourra, vous nous représen- terez Ce que vous semblera à ce nécessaire et possible, afin que cependant que nous en soimes icy disposans les moyens vous nous puissiez donner de là vostred.advis et que devant la campagne s’y prennent les expédiens qui sembleront néces- saires. Ce que vous pouvez asseurer et publier en lad. province, et que sa Maté ayant commandé que l’on secourre les bons et fidelz vassaux de par delà nous espérons de l’effectuer promp- tement. Atant, messieurs, Nostre Sr vous ait en sa saincte ‘garde. De Bruxles, le 18e de l’an 1642. D. FrCo DE MELLO Verreyken. Nous vous advertissons que les lettres de sa Maté cy dessus mentionnées vous seront addressées avec noz lettres princi- ‘pales qui partiront d’icy par courrier exprès. (Correspondance du parlement. — Arch. du Doubs, B 271. Liasse 6, pièce 9 de l’ancien classement. — Original. La signature seule est auto- graphe.) IT [AU ‘MARQUIS DE CASTEL RODRIGO] EL Rey. Marqués de Castet Rodrigo, primo, gentilhombre de mi Camera, de mi consejo de Estado, embajador extraordinario de Roma y en Alemania y mi primer plenipotentiario para la paz universal ; despues de la resolucion que tome y de os avisso en carta de 20 de dizembre pasado sobre la forma como se havia de ajuStar el gobierno de Flandes en lo politico y militar : Ilegando vos y el de Amalfi a aquellos Estados primero que Don Juan mi hijo, disponiendo que al primero que entrase en ellos aguardasse al otro algunos pocos dias, v no viniendo con brevedai emperasse à exercer su cargo, supliendosse la parte que tocava al gobierno de las armas por Don Andrea Cantelmo o el conde de Isemburg, y el politico por una junta que se hacia de ministros. Despues se han considerado inconvenientes que han obligado a mudar esta resolucion, tomandola de que el primero que llegara de Ios dos espere al otro a dos o tres jor- nadas de Bruselas para que entreis juntos, remitiendo à la elec- cion de Don Francisco de Melo, por la atencion que merece su persona, dejar de puesto luego o retenerle hasta que Ilegue Don Juan mi hijo,o que entreis a gobernar los dos de conformedad. En este ultimo casso o$ encargo la union que debeis consertar con el duque por lo que podria ofender à mi servicio qualquier falta que se conociesse en esta parte, y en el casso de retener sus puestos el marques de Tordelaguna hasta que Ilegue a governar Don Juan le ordena de valgar de vuestra assistencia y consejo y de la del duque, v que proceda con acuerdo y apro- bacion de ambos en las materias politicas y militares, respec- tivamente al cargo que cada uno ha de exercer. En esta confor- midad se os envia carta para Don Francisco de Melo ; usareis de ella escussando darle la otra que se os remitio para el, ajus- tando os a la execucion de lo que os tocare, como yo fio de vuestras obligaciones y zelo de mis servicios. De Madrid, a 15 de Henero de 1644. Vo EL REY. Geronimo Villanueva. (Bibliothèque royale de Belgique, ms. 16150, fol. 6 ve. — Original). HET [AU MARQUIS DE TORDELAGUNA] EL REY. Marqués de Tordelaguna, etc. Siendo motivo de parer satisfacion y consuelo para essos vassallos que los gobierne persona Il. he nombrado por mi governador y capitan general a Don Juan de Austria mi hixo con los mismos titulos de que uso el Infante Cardenal mi hermano; su theniente general en el govierno politico ha de ser el marqués de Castel Rodrigo y governador general de las armas el duque de Amalfi. Don Juan partira con suma brevedad, pero porque pueda ser que Ileguen antes el marqués de Castel Rodrigo v el duque de Amalfi, me ha parecido avisseros de la forma enque se ha de disponer esse govierno el tiempo que tardare mi hixo por escussar el emba- razo que podria ofrecer la duda con incombeniente del bien publico, en que se ha atentido como es razon à la mayor satis- faccion y decoro de vuestra persona. El marqués de Castel Rodrigo v el duque de Amalfi tienen orden de esperarse à tres jornadas de Bruselas el uno al otro, no Ilegando juntos y antes que mi hixo, y remitiendo à vuestra eleccion dejar luego essos cargos o quando entre Don Juan à exercerlos, me ha parecido ordenaros que si los retubie redes despues que se hallen ahy el marqués v el duque de Amalfi, os valgais de su assistençia y consejo, procediendo con acuerdo y aprobacion de ambos er las materias politicas y militares res- pectivamente al cargo que cada uno Ileba ; y en casso que que- rais exoneraros del govierno, han de encargase del los dos para exercer cada uno su puesto, procediendo con toda union y buena conformedad como se lo ordeno ; y para que acierten mexor, fio de vuestro zelo les adbertireis todo lo que combenien para que cumpla Flandes con su obligacion. La experiencia de como haveis procedido en mi serbicio en tantas varias occupaciones Como os he encargado caussa en mi.la justa satisfaccion y esti- macion que se os debe y el conocimiento con que me hallo de vuestra atencion, zelo, partes y meritos ; os puede asegurar de lo mucho que desseare honraros y haceros muestras en todas 45 — 954 — occassiones, no haviendo tenido la menor parte en la ressolu- cion que he tomado de enbiar à mi hixo a Flandes juzgar por muy necessaria aqui vuestra persona por valerme de ella y acon- sejarme en 10S negocios que occurren, por ser tan grabes y difi- ciles que requieren la consideracion y juicion de ministro tan experimentado y que con tanta aprobacion mia ha corrido en las materias que ha tratado de mi servicio. Espero os como deseo que en los effectos de mi gratitud conozcais quan justamente podreis fandar en ellos lo que mirare a la mayor estimacion y credito de vuestra persona. De Madrid, à 15 de Henero 1644. Yo EL REY, Germo Villanueba. (Bibliothèque royale de Belgique, ms. 16150, fol. 7. — Copie.) IV À MONSIEUR DON FRANC9 DE MELOS Monsieur, J'envoie à Vre Excele passeport du Roy qu’elle avoit demandé pour pouvoir traverser ce royaume s’en retournant en Espagne. I s’est rencontré beaucoup de considérations à faire sur cette instance, ce qui a empesché longtemps la résolution, mais j’ay esté assez heureux pour faire enfin surmonter tous les obstacles avec grande satisfaction pour moy, puisque j'en auray tousjours beaucoup de rencontrer occasion de faire cognoistre à V. Ex. lestime que je fais de son mérite et la passion que j’ay de servir Sa personne aux choses qui ne rejalissent point contre le service de sa Majesté, estant véritablement... [Le cardinal MAZARINI]. . Paris, 16° avril 1644. | ‘(Bibliothèque Mazarine, ms. 921% ancien 1719, 1 1,101 27250 Copie). | — 235 — v A MONSIEUR MONSIEUR L’ABBÉ DE BALERNE. À BRUXELLES. Monsieur, ... Vous me demandez des nouvelles du passage de vostre ancien gouverneur. Je vous diray qu’il fist lundy passé son car- rousel en cette ville, où il acquit la qualité de Jean de Paris, duquel vous aurez ouy parler. Il avoit couché au Bourget, qui n’est qu’à deux lieues d’icy. Il en partit à huict heures et, ayant quitté le grand chemin, il se destourna d’une demy lieue à droicte pour aller entendre la messe à Nostre Dame des Vertus, aultrement Aubertvillers, ayant avec luy cinq carrosses et trois littières. Il disna là dans une taverne avec madame sa femme et leurs enfans. Aprez disné, il fust avec cet équipage à St Denys, qui est à une demy lieue de là. On lui monstra les tombeaux des Roys, le thrésor et aultres particularitez avec diligence. Au sortir de St Denys, il monta à cheval luy 5e et courut à Mont- martre pour considérer Paris de cette éminence. Cependant tout son équipage s’assembloit dans le faulxbourg St Denys, où il changea d’habit, avant quitté le drap gris pour se couvrir tout de galon d'argent, et, ayant fait ouvrir son carrosse de tous costelz et la littière de sa femme, il parut seul au fond avec un jeune cavailler à la portière gauche, ayant son chapeau troussé des deux costelz et chargé d’un cordon et enseignes de pier- reries, Sa femme en estant toute couverte. Quattre trompettes de sa livrée marchoïient devant luy; deux archers de feu S. Alt. R. estoient à ses costez à cheval. La littière de sa femme estoit à la droicte, celles de ses enfens et de las donnas aprez avec 1% carrosses attelez de six chevaux chaseun, grand nombre d’estaffiers vestus de neuf à pied, environ cent chevaux de selle et dix ou douze très frigants et caparassonnez menez en main par aultant d'hommes à cheval. Le tour que fit cette monstre fut de quitter la grande rue de St Denis qui conduisoit au pont Nostre Dame et de là à la porte St Jacques ; elle passa par la rue de la Ferronnerie, tout le long de la rue St Honoré jusques — 92356 — au faulxbourg pour voir le frontispice du Palais Royal, et de là par devant la grande escuierie, entre le jardin des Thuilleries et le bastiment, rentra par la porte Neufve et le long de la galerie et palais du Louvre, venir sur le pont Neuf, où plus de vingt mille personnes attendoient le passage de ce triumphe, qui eut pour acclamations quelques huées esmeues par lhabit extraor- dinaire de las donnas. Aprez le pont Neuf, le passage fut par la nouvelle porte Daulphine dans la rue de Tournon au faulxbourg St Germain et devant la porte du palais de Luxembourg, pour de là aller au faulxbourg St Michel et regaigner le chemin d’Or- léans, la couchée de ce jour là ayant esté au Bourg la Royne à deux lieues d’icy. La journée fut belle pour donner esclat au chinquant, à la broderie et aux diamants, mais au lieu d’admi- ration on ne remarqua que du mespris ; les plus sages jugèrent que le m. estoit un fol et que son maistre estoit trop bon. On dit que ce bon seigneur a esté veu par un homme de condition. Il fault attendre sa fin qui sera tragique aprez la comœædie... [SAINT-GERMAIN |. Paris, 15 octobre 1644. {Bibliothèque de Besançon, fond Chifflet, ms. 11%, fol. 7! vo.— Original), Société d'Emulation du Doubs, 1909. Pl. I Le Docteur LÉON BAUDIN 1851 -1909 NOTICE N ÉCROL : levant vous. té méinoîre du Dr Léon lé le mars dernier, a ae ait yon de me. génération. Mais a nd 4 + Dors té d'Emulation du Doubs; r € Docreun LEON BAUDIN, | A ne " SAN LE CRC NOTICE NÉCROLOGIQUE LE DOCTEUR LÉON BAUDIN (1851-1909) Par le Docteur Eug. LEDOUX Séance du 24 avril 1909. MESSIEURS, C’est avec une véritable et très sincère émotion que j'évoque aujourd’hui devant vous la mémoire du D' Léon Baudin, décédé le 17 mars dernier, après quelques jours de pénibles souffrances. Le D' Baudin n’était pas de ma génération, Mais la res- pectueuse affection que je lui manifestais, la cordiale bienveillance qu’il témoignait à ses jeunes confrères établis- saient entre nous des liens très serrés, que la mort inattendue vient de rompre brutalement. Du moins est-il bon de commémorer, ii et ailleurs, partout où le Dr Baudin dépensait les ressources de son intelligence, de son érudition, de son cœur, le souvenir de l’honnèête homme, du médecin distingué, du sociologue averti, de l'ami des lettres que fut notre regretté collègue. Le D' Baudin était né à Besancon le 21 décembre 1851. Il se destinait à la médecine militaire ; au moment de la guerre, élève à l'Ecole de santé militaire, il servit aux ambulances du siège de Strasbourg. Puis il porta l’épée et les galons de médecin-major, et je ne doute pas que ses belles os qualités ne lui eussent assuré dans la médecine d'armée le plus brillant avenir si les pénibles atteintes d’un mal impi- tovable ne l'avaient forcé à donner bientôt sa démission. Il revint à Besançon. La goutte l’enchainait souvent, mais son intelligence était libre. Il avait dû renoncer à l’activité du métier militaire, il devait renoncer aussi à mener notre vie pénible du médecin praticien. Nous autres, nous offrons notre savoir et nos efforts aux individualités souffrantes ; le Dr Baudin mit sa science au service de la collectivité. [Il fut surtout hygiéniste. Dès le début de sa carrière, 1l avait du reste manifesté un goût très vif pour cette science si intéressante et, nommé aide-major à l'Ecole de Saint-Cyr, il avait été chargé de professer un cours d'hygiène militaire devant nos futurs officiers. Avant la lettre des lois d'hygiène sociale, le D' Baudin en avait, à Besançon, insufflé l'esprit bienfaisant. [l avait fondé et dirigea longtemps, sans rétribution, le Bureau d'hygiène de Besançon — un des plus anciens de France. Les pouvoirs publies avaient compris tout le bien que pouvait faire, que faisait le Dr Baudin, et chaque fois que le Parlement ou l’ad- ministration réclamaient des villes un effort, une action, une institution d'hygiène publique, les représentants de Besançon répondaient: « Cest fait: grâce au D' Baudin nous avons un Bureau d'hygiène, un service de désinfection, une surveil- lance des denrées alimentaires et des eaux de consommation, un casier sanitaire des immeubles, etc. ». En face de la maladie et de la mort, l’individualisme est une mauvaise et dangereuse doctrine, et dans la société mo- derne, la maladie de Pindividu est souvent un danger pour la collectivité. Contre les maladies sociales, la collectivité doit se défendre : ce sont les hygiénistes qui sont ses fondés de pouvoir ; la mission de défense sociale qui leur est confiée est considérable, les services qu'ils peuvent rendre sont parfois inappréciables. Lea Le Dr Baudin fit beaucoup pour la santé publique et chacun de nos concitoyens lui doit vraiment un souvenir de reconnaissance. Les profanes, ceux qui sont étrangers à la science de la statistique et de l'hygiène auraient, j'en suis certain, un véritable plaisir à parcourir les nombreux travaux du Dr Baudin. Ce qu'il écrivait n'avait pas la sécheresse des æuvres purement techniques, il savait présenter les choses les plus froides et les plus ardues si clairement et dans une langue si simple et si pure, que ses travaux, de l'avis des plus compétents, constituent de véritables modèles. L’Aca- démie de médecine, les pouvoirs publics, lui prodiguèrent leurs récompenses et leurs félicitations. Chevalier de la Légion d'honneur depuis 1896, la rosette d’officier devait sous peu lui être accordée, juste témoignage auquel nous nous réjouissions d’applaudir, parce qu’il était largement mérité. Lorsque le D' Baudin avait terminé sa publication annuelle : L'année démographique et sanitaire, écrit un article pour la Revue d'hygiène municipale, rédigé un rapport de com- mission, fait une expertise médico-légale, visité ses malades, il trouvait encore le temps de s'intéresser aux lettres soit au milieu de vous, messieurs, soit à l'Académie de Besançon. Grand travailleur, il ne se délassait que dans de nouveaux travaux. Pour un instant, 1l délaissait les chiffres, les statis- tiques, les pourcentages, pour lire les œuvres des poètes et des philosophes. Car le Dr Baudin avait le goût des belles- lettres et le culte du classicisme. Il écrivait : Folie et criminalité. — Le pessimisme et les pessimistes devant la médecine. — Charles Nodier malade et médecin. Messieurs, lorsqu'on veut faire l’éloge d’un homme, on résume parfois sa pensée dans le raccourci d'une phrase toute faite : « Il avait, dit-on, les qualités du cœur et de l'esprit ». Sile Dr Baudin possédait les qualités de l'esprit, il avait, ce qui vaut encore mieux, toutes les qualités du cœur. — 240 — Le Dr Baudin, je vous l’ai dit, avait vécu les tristes heures du siège de Strasbourg ; il se souvenait des malheurs de Ja guerre; après avoir, à regret, déposé son épée, il tint à remplir son devoir de patriote en organisant à Besançon les hôpitaux de campagne des Sociétés de secours aux blessés militaires. Le D' Baudin était un bon confrère 1} était tout à fait un représentant du vieil esprit confraternel qui, fort heureuse- ment, règne encore à Besançon au sein de notre corporation médicale. [Il n’était ni rétrograde, ni réactionnaire, mais lorsqu'il s'agissait des mœurs confraternelles et des relations déontologiques, 1l avouait en souriant et proclamait parfois, en élevant la voix, qu'il était resté conservateur. Il nous félicitait de garder intactes les bonnes habitudes de confra- ternité et de délicatesse professionnelles que nous avaient transmises nos anciens. Il assistait fidèlement à nos réunions médicales. Depuis que j'étais devenu son confrère, je crois qu’il ne manqua qu'à une ou deux de nos assemblées, ce fut au moment où un deuil navrant le frappa cruellement. [l fut touché si for- tement alors qu'il nous faisait pitié ; il se raidissait pour ne pas nous donner le spectacle de ses larmes et n’en souffrait que davantage. Le Dr Baudin avait une âme sensible et bonne. Il me le montrait encore, huit jours avant sa mort, à propos d’une enquête sur un logement insalubre : il fallait transformer complètement le taudis où vivait une famille misérable. Appliquer froidement le règlement, c'était jeter à la rue les pauvres gens qui devaient quelques mois de loyer au pro- priétaire ; le D' Baudin me disait son intention d'entrer en conversation avec celui-ci, de se faire avocat des malheu- reux locataires, de concilier ses devoirs d'administrateur avec ses préoccupations humanitaires. En votre nom, n'est-ce pas, messieurs, au nom de mes confrères, Je salue la mémoire du Dr Léon Baudin. APPENDICE Récompenses au Dr L. BAUDIN. Officier d’'Académie (janvier 1895). Chevalier de la Légion d'honneur (décembre 1896). Mention honorable (Prix Fauré), Société de médecine et de chi- rurgie de Bordeaux. Mention honorable (Prix Larrey), Académie de médecine de Paris, 1899. Lettre de félicitations du Ministre de l'Intérieur, 1894. Médaille d'argent (épidémies) de l’Acad. de méd., 1898. Médaille de vermeil et rappel de médaille (Acad. de méd.). Médaille de vermeil (épidémies) du Ministère de l'Intérieur, 1905. Lettre de félicitations du Ministre de l'Intérieur, 1909. Médaille de vermeil (hommage posthume) du Ministère de l'Intérieur, 22 mars 1909. Travaux scientifiques du D' L. BAUDIN. De la non absorption par la peau des substances dissoutes dans l’eau (Thèse de Paris, 1874). De l’endocardite blennorrhagique (Mémoires de méd. mil., 1879). De la hernie musculaire chez le cavalier {ibid , 1880). Cours d'hygiène militaire (école St-Cvyr). L'épidémie typhoïde de 1886 à Besançon, 1886. Cure électrolytique des rétrécissements organiques, 1887. L'état sanitaire à Besançon, 1887. Folie et criminalité : Lombroso et l’école italienne, 1888. Annuaire statistique ét démographique de Besançon pour 1884, 1888, 1889, 1891, 1892. .. — 249 — Dix années d'études démographiques et sanitaires, 1899. La dernière année démographique et sanitaire, 1904. Du relàchement hypertrophique de la luette, 1888. De la pendaison dans l’ataxie, 1889. Cours aux brancardiers-ambulanciers (Union des Femmes de France), 1890. L'Assistance civile volontaire aux blessés et aux malades militaires en temps de guerre, 1886. Une petite épidémie d’origine hydrique, 1891. Les Bains salins de la Mouillère et les eaux de la source saline de Miserey, 1892, 1893. Le lymphatisme, la tuberculose et la scrofule à la Mouillère- Besançon, 1892. Compte-rendu des travaux de la section d'hygiène au Congrès des Sociétés savantes, 1893. Essai d’une station de Kéfir à la Mouillère, 1893. Le pessimisme et les pessimistes devant la médecine, 1894. La désinfection (notice à l’usage des désinfecteurs), 1893. L'année sanitaire 1893 à Besançon, 1894. La mortinatalité à Besançon, 1892. La nuptialité à Besançon, 1896. Notice sur un essai de géographie médicale du département du Doubs, 1897. Internement et libération des alcooliques délirants (Annales d'hygiène et de médecine légale, Paris (1900). La part de Besançon dans la dépopulation française, 1901. L’épidémie typhoïde à Besançon, 1902. L’alcoolisme et la folie dans le département du Doubs, 1902. Charles Nodier malade et médecin, 1902. Mise en pratique officielle, dans le service de l’état civil, du procédé d’Ieard, 1902. Génie et folie (à propos de Pasteur et Victor Hugo), 1902. Le rôle des laiïteries et des fruiteries dans la propagation de la fièvre typhoïde, 1903. La répartition de la phtisie par cantons dans le département du Doubs et par quartiers à Besançon, 1903. Arcier, histoire d’une source, 1904. Foi — La réglementation du commerce de la glace alimentaire à Besançon, 1905. L’hygiène scolaire (Rev. prat. d’hyg. municipale, 1906). Comment une grande ville défend ses eaux d'alimentation (Ibid., 1907). Service médical de constatation des décès, 1907. Les enseignements d’une enquête sanitaire dans les com- munes à forte surmortalité, 1907. Bureaux facultatifs d'hygiène, 1908. LA CUISINE POPULAIRE DE FRANCHE-COMTÉ PAK Charles BEAUQUIER BRE RÉSIDANT Séance du 2% novembre 1909. LA CUISINE POPULAIRE DE FRANCHE-COMTÉ INTRODUCTION Les Folkoristes qui se sont appliqués à recueillir dans nos différentes provinces les traditions populaires, ont négligé jusqu'ici, sauf peut-être quelques exceptions, les anciens usages relatifs à l'alimentation. Or ces usages, comme bien d’autres tendent rapidement à disparaître Nos paysans que la facilité des communications met en rapport fréquent avec les habitants des villes leur empruntent leur façon de vivre avec d'autant plus d’empressement que le bien- être s’est répandu dans les campagnes et y a fait naitre des besoins jadis à peu près inconnus. Aujourd'hui nos jeunes villageoises portent des chapeaux à fleurs et à plumes, de hautes bottines à boutons, des corsets et des robes longues, alors qu'il y à à peine un demi-siècle au village toute la jeunesse marchait pieds nus. Les grandes personnes ne connaissaient d’autres chaussures que Îles sabots. Les souliers de cuir étaient réservés pour les jours de fête ou pour la ville. Que de fois n’avons-nous pas ren- contré des cultivateurs se rendant au chef-lieu, à Besançon, - les bottes pendues à leur col et qu’ils ne chaussaient qu’au moment d'entrer en ville! ose Quant à l’alimentation elle était des plus primitives et des moins variées comme on le verra en lisant cette étude. La viande de boucherie, le pain blanc, le café qui n’appa- raissaient jadis sur les tables qu’une ou deux fois dans l’année, dans les grandes circonstances, sont aujourd’hui d’un usage très répandu. Dans les localités qui ne sont pas desservies par les chemins de fer, les voitures de bou- chers, d’épiciers, de marchands de fruits vont offrir à domi- cile tout ce qu’on ne peut trouver dans le village, Il n’est pas rare de voir dans les communes de la montagne, où l’on ne connaissait d'autre boisson que l’eau claire, des habi- tants se réunir pour envoyer à frais communs un des leurs dans le Midi, avec mission de revenir avec une cargaison de raisins frais dont ils feront un premier et un second vin, sans compter l’eau-de-vie de marc si chère aux palais franc- comtois. En présence de ces commodités d’approvisionnements de toutes sortes, il est naturel que la cuisine de nos ménagères rustiques se soit notablement améliorée. Et pourtant bien peu d'entre elles encore savent tirer parti des excellents éléments que leur fournissent le poulailer, l’étable ou le petit jardin, Le coutchi, qui s'étend derrière la maison, Aussi faut-il dans l'intérêt des cultivateurs encourager ces écoles ménagères dont quelques unes déjà fonctionnent et qui enseignent aux filles les éléments d’une cuisine appétissante et variée. Il est donc grand temps si l’on veut ne pas arriver trop tard, de recueillir ce qui subsiste encore des anciens usages culinaires dans le présent ou dans la mémoire des vieilles gens. C'est ce que nous avons essayé de faire. CHAPITRE PREMIER MOBILIER ET USTENSILES DE CUISINE Avant de parler des mets dont se nourrissaient nos pères, il convient de faire connaître comment était installée la cui- sine et de quels instruments se servait la ménagère pour la confection des repas. Jadis, le logement des habitants de nos campagnes con- sistait dans une pièce unique trouée au-dessus. Par cette ouverture venait la lumière et s’échappait la fumée de l'être. C'est là que vivait toute la famille dans une demi-obscu- rité (1). | Ces cheminées étaient très larges. Un ou deux volets, au- dessus, s’ouvraient et se fermaient d'en bas au moyen d’une corde, laissant, suivant leur position, pénétrer plus ou moins de lumière et favorisant le tirage du feu d’après le vent dominant, Ces volets étaient nommés louènes (Pont-de- _Roide) : muntiaux (Mouthe); muantias (Chapelle-des-Bois, Doubs). Cette chambre unique éclairée d’en haut s’appelait che- minée, ce qu'elle était en effet ou tuez (tuyau). On y pendait la viande pour la fumer. On trouve encore de ces chambres ainsi disposées dans la haute montagne du Jura, dans le Sauget, près de Pontarlier. Mais aujourd’hui il existe d’autres pièces dans la maison. Voici généralement comment elles sont distribuées. À côté de la cuisine |houteau, outcha] (Grand’Combe), afù (Mouthe), haut feu, fue, on trouve le poèle, chambre de (1) Il parait que l'habitude des fenêtres ne date que de la fin du xvre siè- cle. Elles étaient petites, étroites, garnies d'abord de papier huilé, puis de petits carreaux de verre. 16 — 250 — réunion, salle à manger et chambre à coucher, qui équivaut au salon des maisons bourgeoises. Dans la cuisine, qui est généralement dallée ou pavée, les meubles sont peu nombreux. Ce sont : le dressoir, méterot (Besançon), toblet (Les Fourgs), tablet (Mouthe) ; la cré- dence, dont les rayons mettent en évidence la vaisselle. peinte, les verres et quelques plats d’étain. La partie infé- rieure du dressoir comprend deux buffets entre lesquels, dans un espace vide, est la seille, siau, seillon d’eau, dans. laquelle plonge le bassin. Ceux qui ont soif boivent au bassin (cochula, casse). Les ustensiles ordinaires de la cuisine sont : la chaudière: suspendue à la crémaillère (cramail), une poële à frire à long manche (cassotte, remanche (Chapelle-Voland, Jura) (1), et des marmites placées contre la platine ou contrefeu (plaque de cheminée parfois ornée). Dans un coin est la huche au pain, archebanc, baute-pain, mement (Monthélard, arche). [Ce nom est donné aussi au vivier à poisson] ; c’est quelquefois la mate ou pétrin qui en tient lieu. Chez les plus riches, on remarque encore le dépensot, dépense (lat. dispensa, lieu où l’on met les provisions de table) ; la crédense, dont nous avons déjà parlé, butfet où l’on dépose les plats et les boissons qui doivent être servis. sur la table (en lat. les credentiarii, désignaient les officiers. de bouche qui goûtaient les mets avant les Princes de peur des empoisonnements (credere, avoir confiance). IL y a également la tôle (Mouthe), espèce d’établi ou banc d'âne, sorte de banc de menuisier. Au poële se trouve un gros « fourneau » en terre cuite ou un petit fourneau de fonte à deux ou quatre marmites ; un ou (1) Sur la poële à frire, il y a un proverbe qui dit: Celui qui tient la. queue de la poële dirige la graisse où il veut ; ce n’est pas tout à fait dans le même sens qu'est employée l'expression proverbiale que tout le monde connait. — 251 — deux bancs plus ou moins longs pour sièges ; un buffet et des coffres ou arches en bois, où l’on met le linge et les habits. Au fond, dans une alcôve ercot (Mouthe), sont les lits. Leur forme consiste en petites colonnes rondes ou carrées aux angles, assemblées par des planches. Des tringles de fer ou de bois supportent des rideaux de serge générale- ment verte, bleue ou rayée. L'ensemble des ustensiles de ménage est désigné sous le nom de butin ou aisement (les aisemas, Mouthe). Le boutai-queure (Montbéliard), boute-à-cuire, est le pot- au-feu. Le boutecan est un entonnoir ; quand il sert à introduire la chair à saucisse dans les boyaux du porc, on lappelle doille, douille (1), doillotte, douillotte. Quelquefois on pousse cette chair à l’aide d’un chepritz (Montbéliard), de l’allemand sprilze, seringue. Les diverses casseroles sont appelées : casses, cassets (Mouthe), côquelles, côquelons, caquentes, cocottes (bas latin cassa, de capsa, capsula). Le paipai se fait dans une cais- sotte (Besançon) ou dans un mettre queure. Voici les noms d’autres récipients : crôque de l'allemand Krug, cruche ; bretchiare (Montbéliard) cruche à goulot ; greule, coupe (de graal) : aiguire (aiguière), pot à large ventre (Bournois) ; goguenot, petit pot (Rougemont) ; auget, petite auge, vase dans lequel on mange ; gré, grélot, van- notte, vannelle, bannette, bannon, bennon (Mouthe), petite corbeille en osier dans laquelle on met la pâte à cuire au four ; bassaine (Montbéliard), grosse bouteille ventrue ; bure- ton, bidon ; gounaie (Montbéliard), chaudron, ustensile en usage avant les marmites de fonte ; toupin, tepin (Mouthe); topin, marmite ou pot (Jura), trape (Salins), terrine ; terrin, gobelet en terre cuite qui servait comme verre à boire ; bun- (1) De là Andouille. — 252 — niolet, grélait (Mouthe) ; rondot, bouille (Mouthe, vases à lait) ; chau (seau), seille, seillon (Mouthe) ; seillot, seillotte, gotz (Les Rousses), vases en bois avec douves ; ronde, tine, tenu (Mouthe) ; tenoilles, grandes seilles, cuveaux, cuviers de lessive; tenotte(l) ; cachelion,petit baril; quiellu, queuilli, cuiller (Montbéliard) ; poutière, poutse (Mouthe), [poche en bois, cuiller de bois] ; pochon (Besançon) : grande cuiller à soupe. Les débris de vaisselle sont des coqueläs, coquelons, caquelons, tâlots. On trouve également dans la cuisine : le chaplechä, chà- plechou, tsaplatsô (Mouthe), couteau à couper les choux ; la godemalle, le bretchet, le betse (Mouthe), vieux couteau (2) ; le boitchu, le hachoir pour les herbes (de boitchi, hâcher ; le groutotr, hachoir en forme de croissant. On hache les herbes ou la viande sur une planche épaisse : le foncet (Mouthe); la boitchôre (Montbéliard) ; boitchoure (Bournois). La planche ronde sur laquelle on étend les gâteaux est la tournoire, ton- notre, touneure (Doubs, Jura) ; tenoure, tougneure (Les Fourgs). | Le trainicheu, tronche, tronchet (Les Fourgs), est le billot sur lequel on découpe les viandes cuites. C'était ce qu’on appelait « les assiettes des capucins ». (1) On trouve dans une ordonnance concernant les incendies (Besançon, 4522-1523) : « Tous citoiens seront tenuz avoir ung auge ou soille à col en leurs maisons, selon leur faculté et en temps de bize, vents et inconvé- nients, ensemble leurs cuveaux, tenoilles, soilles, soillots, devant leur- dictes remply le tout d’eau. » (2) À propos de couteau de cuisine l'usage est que lorsqu'on l’emprunte à la ménagère on dise : Praté couté Redemandé ? guesé ce qui se traduit ainsi : couteau prêté, quand on le rend, il faut donner un morceau (de pain ou de viande). A Mouthe, le même proverbe se dit ainsi: kutchiau rappootchi (rap- porté, gau (bouchée). — 253 — Il faut mentionner aussi le cuitpomme, dont le nom est suffisamment significatif; le crielot (Montbéliard), panier à salade ; le moussard, pour retourner les crêpes (Plancher- les-Mines, Haute-Saône) ; le drezet, brosse pour essuver la table ; la rôlotte, rôlette, rouleau (Mouthe), pour étendre la pâte des gâteaux, ou des nouilles ; le décamoutioux, petite branche de bois garnie de plusieurs pointes avec laquelle on remue la farine de maïs dans l’eau ou dans le lait pour faire les gaudes (Veiria-Jura) ; le douzti, fausset ; le bat-feu, bri- quet : le gueurtillot, graitillot (Montbéliard), tire braise. Dans le principe, les ustensiles de ménage étaient simples, en bois ou en terre ; par la suite on connut les plats d’étain et les bassins de cuivre. C’est probablement à l’usage fréquent de certains de ces «aisements » que sont dus les sobriquets donnés aux habi- tants de différentes localités : ainsi on appelle breutchets (vieux couteaux), les gens de Saint-Julien (Doubs) ; les banats (pelles à feu), ceux de Sombacourt (Doubs) ; les queues de cuiller, ceux de Branne (Doubs); les grélots (grés, van- notte), ceux de Noël-Cerneux (Doubs). Les enfants voisins du village de Sainte-Colombe (Doubs) crient à leurs petits camarades : Colombin Colombin Mange ton bin, Mange ton bien, A la gran culli d’étain. Avec une grande cuiller d’étain. À la Chapelle d’Huin (Doubs) (on prononce « Chapelle Dain »). Fsopale, ma ballo, Chapelle, ma belle, Pregnou mo coculo, Je prends ma coquelle, Et casso la çarvalo. Et te casse la cervelle. — 254 — CHAPITRE II ALIMENTATION EN GÉNÉRAL Jadis, 1l y a beau temps de cela, les Bourguignons, c'est- à-dire les habitants de la Comté de Bourgogne (1) avaient, parait-il, la réputation d’être gourmands ; le dicton connu : « Ventre de son, habit de velours », ne s’appliquait pas à eux, tout au contraire ; ils aimaient mieux se remplir la panse que de porter de beaux habits. C’est du moins ce qu'assurait, en 1560, un médecin lyonnais nommé Cham- pier, qui écrivait : « Estant les autres nations de la Gaule inclinées à soy tenir proprement et bragardement et user de beaux et riches habits, les Bourguignons seuls usent de fort modeste estat et de peu de pompe ; au reste, l’on les dit avoir «ventres de velours » pour raison de bonnes chères ». Mais Champier n’entendait évidemment parler que des Bourguignons aisés et non des artisans et des paysans, car ceux-ci étaient trop misérables pour faire bonne chère. Si aujourd’hui leur alimentation s’est sensiblement améliorée, il est certain qu'encore au commencement du xiIx° siècle, ils vivaient fort chichement et des mets les plus grossiers. Leur pain d'orge ou d'avoine mélangé de lentülles et de vesces était détestable. RS Une omelette était un luxe qu’on se permettait rente. On rapportait de la Ville aux enfants, comme une friandise, un morceau de pain blanc. Les paysans, même aisés, vivaient aussi frugalement que les autres; ils se seraient fait scrupule de se nourrir mieux que leurs parents. {1) La comté de Bourgogne c’est la Franche-Comté : Le peintre -de bataille Courtois, dit le Bourguignon était de Saint-Hippolyte. — 255 — On mangeait beaucoup de bouillies de farine, de millet, de maïs (gaudes), de gruaux d'orge, beaucoup de courges, le tout délayé dans l’eau avec du sel et parfois un peu de Jait ; beaucoup de légumes : haricots, fèves, pois, simple- ment avec un peu de graisse et du sel; de la chicorée des champs, des jeunes pousses d’ortie (picons), des oignons, des raves, des choux-raves, surtout des pommes de terre et des choux. Ajoutons le bresi et le porc salé, Le lard fumé où non, la létio ou létia (petit-lait) et le serret ou la can- SI signifie mangeurs de cosses (citrouilles) ; sélon les autres, ce mot serait synonyme de Cossus, de grosses têtes. Gosse a Ur reste le sens de tète dans lé vieux français. RAe à On dit que les habitants de ces villages servent à ui hôtes des tranches de cosses en guise de lard. | Ceux de Saint-Hilaire, même, échangent, dit on, du lard contre des courges, tant ils sont friands de ce légume. | Le chou, tscheu (Piancher-les-Mines), ts (Mouthe), doit se planter en disant : « Rond comme ma tête, gros comme mon €... », sinon il ne « profite pas ». Quand il est à sa taille, on le mange en compôlot, compote (Les Fourgs), en picriotez, c’est le chou à l’étouffée. Les tchôs botchies, ce sont les choux hâchés : on emploie les belles feuilles pour faire du faichun, c’est à-dire des boulettes d'herbes farcies enveloppées d’une feuille de chou maintenue par un fil (fuiche, farce, fuichir, farcir). Sur les souches des choux coupés repoussent des rejets en forme de petits choux. On les appelle brocotes, brondes, brondons. [ls ressemblent aux choux de Bruxelles. On arrache ces pousses à la fin de l’au- tomne et on les conserve pour faire de la soupe en hiver. Ce petit chou s'appelle chou vesseu. 4 En hiver aussi, on mange la choucroute, seulecrute (Mont- béliard). On la cuit généralement avec un morceau de lard, du petit salé ou une saucisse. Presque chaque famille a son petit tonneau de choucroute fabriquée à la maison, La chou- croute de raves, seulerouche, sulerôbe, souleribe, est usilée surtout dans le pays de Montbéliard. Seulerébe vient de l'allemand sauer, aigre et rube, rave. On cultive parfois des choux rouges, qui sont mangés en salade ou confits. On les tient pour plus nourrissants que les choux ordinaires. En général, le chou passe chez nos paysans pour très indigeste : En juillet et août, Ni femme ni chou. 20 — 314 — On dit les tsouliers de Loulle (Jura) mangeurs de choux. Les haricots, les pois, les fèves cuits à l’eau, forment la boinée, boinole, parce qu’on les égoutte dans un petit panier d'osier nommé benne, bennotte, bainotte, boinotte ou bennon. Faire la dosse (Montagne-Pontarlier), c’est faire cuire des pois en cosse (en dos) et les manger grain par grain. Les pois à la poignée (pos ot lot pougnot), sont des pois cuits dans l’eau qu’on mange à la main quand toute l’eau de la cuisson est évaporée. Ce sont ces pois qui ont donné leur nom au premier dimanche de Carême appelé dimanche des piquerés, ou du Piconé. Ce jour-là, les jeunes mariés de l’année sont tenus de donner à « piquer des pois frits » aux conscrits. Dans certaines communes, c'est à tous les Jeunes gens, garçons et filles du village, que cette distribution est faite. Dès la veille, on a fait cuire à l’eau avec du sel une grande marmitée de pois, qui sont frits ensuite au saindoux. Le dimanche, on les distribue avec un pochon à peu près à tous ceux qui viennent en demander. Il n’est pas interdit d’y ajouter des pommes, des noix, des noisettes et même des gâteaux, des beignets, des gaufres et du vin (Valdahon, Doubs, Haute-Saône, Jura). Quelquefois les quémandeurs se déguisent : ils s’affu- blent d’un vêtement de paille, se passent la tête -dans un collier de cheval, et s’en vont ainsi accoutrés demander «les pois frits » aux mariés de l’année. Dans la vallée de la Loue, souvent les visiteurs sont masqués. Si on leur offre un verre de vin, ils se démasquent et trinquent à la santé des époux. À Fougerolles (Haute-Saône), ce ne sont pas les époux, mais les filles à marier qui sont tenues de « donner les pois ». Elles y ajoutent généralement des noisettes, dont elles ont fait ample provision dans la saison. Ne dit-on pas, en effet, dans la Comté : — 315 — Année de nezilles (noisettes) Année de filles. À Dambelin (Doubs), les pois sont jetés aux enfants à plein pochon, et on invite les parents à venir manger du riz. A Fouvent (Haute-Saône), non seulement les mariés de l’année « doivent les pois », mais encore tous ceux qui ont changé de logement. Malheur aux habitants qui essaieraient de se soustraire à cette obligation traditionnelle, ils seraient assurés de voir leurs portes barbouillées d’ordures... sans préjudice d’un charivari qui pourrait durer plusieurs jours. Les pois verts, pois vots, de Genevreuille (Haute-Saône), sont renommés, ainsi que les pois secs de Frasne (Doubs). Les haricots sont appelés quelquefois le poisson de Chau- mercenne, de Velguindry (Haute-Saône). Les habitants de Lavans (Jura) les trouille-faves: de Lavans et ceux de Liévans (Haute-Saône) les chie-faves, ont un goût particulier pour les fèves. Elles sont sans doute de digestion plus facile que les lentilles de Vernierfontaine (Doubs), que l'on cultive en grande quantité dans le territoire de la commune. Comme elles cuisent difficilement, on dit des habitants qu'ils mangent ces lentilles trois fois avant qu'elles puissent cuire ! Le légume que les cultivateurs consomment en plus grande quantité c’est la pomme de terre : on ne pourrait pas croire que dans le Jura, sous la Révolution on ne la cultivait pas encore. Aujourd'hui, pendant l'hiver, le souper de presque tous les montagnards consiste en pommes de terre «rondes », en robes de chambre, mangées avec du lait ou de la letia (petit-lait). On préférait autrefois les pommes de terre du pays : petite variété à peau noire ou violet foncé (Mouthe). Depuis la maladie de ces légumes, on ne eultive plus guère que le magnum ou l’imperator. Quand les pommes de terre sont silées où en lurd (non farineuses) ou reutaläs (graillon- = nées), on les laisse pour les fricasssons (Montbéliard) et pour la friture. Pour que les pommes de terre soient bonnes 1l ne faut pas les laver avant de les mettre cuire (Mouthe). On les prépare aussi en catons, au sel et à l’eau après Îles avoir plumées et coupées par quartiers ; on les écrase quand il n’y à plus d’eau au fond de la marmite et on y ajouté du beurre ; on peut manger les catons avec du lait, de la batture ou de la laitia (petit-lait). Dans le Jura c’est ce qu'on appelle un catinade. Les pommes de terre en barbeau diffèrent peu comme préparation. On y mêle parfois des petites raves (radis rouges) qu'on fait cuire de la même façon. Les « gaudes » aux pommes de terre sont très appréciées. On les préparé avec de l’échalotte, de l’oignon, sel, poivre, lait ; une fois écrasées on y ajoute de la farine de maïs délayée dans l’eau, Ce mets s'appelle gaudion, gadion ou mirzèque selon les localités. À Bournois on désigne par ce nom une purée très épaisse. Quand il reste des pommes de terre cuites en robe de chambre, on les épluche et le lendemain, on les coupe en tranches pour en faire une vinaigrette, muüratte (de mûre, muire eau fortement salée); ou fiérotte (de fier, acide). On en confectionne aussi les ramequins (Mouthe) dont voici la recette : dans la poêle, mettez un peu de beurre ou’de sain- doux ; quand il est chaud, disposez une couche de tranches de pommes de terre, une couche de fromage coupé ou ràpé et une nouvelle couche de pommes de terre. Dès que le ramequin est doré d’un côté, on le retourne : lés ménagères adroites le lancent en l’air comme un crâpé, mais c’est un coup assez difficile à réussir. À l’automne, les bergers font des petits feux au mulieu de la prairie et dans les cendres ils font cuire des pommes de terre maraudées au champ le plus voisin. Quelquefois, ils fabriquent dans la terre un petit four à cet usage. ST — À la maison, les enfants font des grettons, crettons, glet- tons, taillons (Mouthe), grillots (Montbéliard), riblettes (Chaussin, Jura). Ce sont des tranches minces de pomme de terre qu'ils font rôlir en les appliquant sur un fourneau en fonte. Un mets rustique bien connu est le patarou. La recette en est simple : on « plume » des pommes de terre qu’on fait cuire dans un peu d’eau, puis on les écrase et on éclaircit celte purée avec du lait. D'autre part, on délaie de la farine avec du lait et on mélange le tout que l’on mange après lavoir suffisamment salé. Dans le haut Jura (Mouthe), on appelle ce plat des gaudes aux pommes de terre. On fait aussi du patarou à la courge. Le gâteau de pommes de terre (haute montagne du Doubs) se fait ainsi: on ràpe des pommes de terre soigneusement « plumées » et on cuit cette pulpe dans la poële absolument comme pour les « frites ». Le gâteau de salure (Monthéliard) est un gâteau dont le gommeau, la früyure est une pâte de pommes de terre et d'oignons. | _ Les lentilles, nentilles, sont fréquemment cultivées dans la montagne où elles réussissent très bien. Elles sont petites et d’un goût très agréable. Les lentilles de Frasne, comme les pois, sont particulièrement renommées. Nos francs comtois sont très prudents en ce qui concerne les champignons. Bien que les espèces impunément comes- tibles soient très nombreuses ils s’en tiennent généralement à la roussotte ou chanterelle, au mousseron qui pousse dans les plaines, aux morilles, à la clavaire jaune et à la clavaire rouge qu’ils appellent menotte et crête de coq. Ils se hasardent quelquefois à manger des bolets (cèpes) et des trompettes de la mort (cratereile noire) mais ils ne poussent guère plus loin _ leur curiosité gastronomique. nu $ 2. — Fruits Les campagnards, les enfants exceptés, dédaignent géné- ralement les fruits : jusqu’à ce jour, malgré les exhortations des professeurs d'agriculture, ils se montrent réfractaires à la plantation d’arbres fruitiers. Ceux qu'ils possèdent sont venus pour ainsi dire au hasard. Jamais on ne s’est préoccupé d'améliorer leurs produits. Les poiriers sauvages (blesson- niers) les pommes des bois, dans les années exceptionnelles fournissent suffisamment de blessons et de buchées pour qu’on puisse en faire de la boisson, et cela suffit aux paysans qui se déclarent satisfaits de cette médiocre bistrouille. Cer- taines localités sont renommées pour l’abondance de leurs prunes — en général des mirabelles -- qui sont distillées et donnent une eau-de-vie qui n’est pas sans agrément. Les cerises à kirsch fournissent la liqueur la plus estimée : elles abondent dans la Haute-Saône et dans la vallée d’Ornans (Doubs) principalement à Mouthier. Nous avons dit que les enfants sont particulièrement des mangeurs de fruits : ils les préfèrent généralement verts et acides. Quand ils vont dans une maison où on leur offre une poire ou une pomme il leur est recommandé de faire le signe de la croix dessus : c'est pour conjurer un sort qui pourrait y avoir été engrevé par un sorcier. la fainousère (Haute-Saône) est la provision de fruits, pommes, noix, noisettes, que les jeunes gens amassent l’au- tomne pour en donner l'hiver à leurs mies. La fainousère est, cachée dans un tas de foin (de là son nom) où les fruits se conservent ou achèvent de müûrir, de se blettir : poires, pommes sauvages. Des fruits fainousés sont des fruits tout à fait mürs. Un: fruit bien mûr est encore dit suite ou sed (Jura). Le saitchun (le sécher), séchun, schnitse (Mouthe) est une 0 provision de poires et de pommes sèches. On les fait cuire à l’eau et on les mange pendant le carême. La mouesse est une confiture de groseilles ou d’autres fruits, sans sucre comme le raisiné (de l'allemand miss, marmelade). On dit aussi moisse. Le bachli est le nom d’une espèce de compote, à moitié liquide, de fruits séchés au four (Beltort). La felmousse désigne une compote de pommes (allemand Apelmuüss). On fait aussi des confitures avec les airelles où brimbelles (myrtil, avec les fruits de l’épine-vinette et avec les mûres. La cougnardie est une sorte de confitures de cerises noires ou cougnardes. On en confectionnait à Ornans en grande quantité avant qu’on eût eu l’idée de distiller ces fruits pour obtenir du kirsch. Le colmé (Montbéliard) est un mets mélangé de crème, avec une marmelade de fruits ou du jus de fruits secs cuits à l’eau. Le 746 (Plancher-les-Mines), une espèce de pudding fait avec des pommes et des poires sèches. Le berlinquinquin (Montbéliard), une sorte de pâtée de cuisses de noix, de pain et de sel. Le boqueli (Montbéliard), un gâteau de fruits. Le chalandeau a de l’analogie avec un chausson aux pommes. Ce mets comlois consiste en une seule pomme entière, entourée de pâte et cuite au four. Autrefois, cha- land se disait d’un pain à pâte compacte comme 1l résulte de ces vers de Mathurin Régnier : ue « Mais retournons à table où l’éclanche (de mouton) Des dents et du chaland séparait la querelle ». (Satire X). On trouve aussi dans Olivier de Serres, l'expression pain chalan. Peut-être le mot: chalandeau vient-il de la ressém- — 320 -— blance du, chausson de pâte, pointu des deux bouts, avec le bâteau qu'on appelle chaland. Comme on nomme bar- quette Où barquotte, à Lyon, une espèce de pâtisseri ie dont la forme rappelle celle d'une barque. | Les Genevois donnent à la fête de Noël le nom de cha- lends. Un chalandeau serait-il une espèce de gâteau de Noël ? Dans le canton de St Amour (Jura) croit le châtaignier : on fait avec les châtaignes décortiquées une bouillie épaisse avec laquelle on confectionne des galettes. Les cerises ou des tranches de pommes plongées dans la pâte servent à faire des beignets : bugnes, bugnots, beu- gnets, beignes, bengnes, crâpés, plaques de boue (Exincourt). A la Saint-Simon (28 octobre) il est d'usage, dans cer- taines localités, que les petites filles et les petits garcons se fassent de menus cadeaux de noix, noisettes et pommes, ramassées dans l’arrière-saison : | À la Saint-Simon, Mon gaichon, Aiprotte ta mangeotte, Mai gaichotte. La « mangeotce » est le petit sac aux provisions où chaque enfant du village met les fruits... de ses économies, de son épargne sur sa an Jia. A Faucognev, à Saint-Bresson, et dans d’autres localités de la Haute-Saône, le jour de la Toussaint, les villageois s’habillent en deuil et vont à l’église ; ils ont les poches pleines de noix, de noisettes et de pommes ; ils distribuent ces menus fruits aux enfants qu’ils ont amenés avec eux. Ailleurs, ce sont les jeunes gens qui, en ce jour de Tous- saint, donnent à leurs bonnes amies, ces mangeottes. Mentionnons comme sobriquets villageois : les mangeurs de poires de Lézat (Jura) ; les mangeurs de prunes de Velesmes (Doubs) ; les trouille-beloches (prunes) de Meslières (Doubs). Li — Lavirons grivois, Mangeurs de noix (Laviron, Doubs). Les noix sèches sont un régal pour nos paysans, ils en mangeraient un sac sans se trouver incommodés et ceépen- “dant'ce soût des proverbes comtois qui donnént les conseils suivants : | Une noix, bonne noix Deux noix, assez de noix Trois noix, trop de noix Une noix est d’or Deux noix sont d'argent Trois noix sont de plomb Autrefois les noyers abondaient en Franche-Comté et par suite les noix. On en faisait de l’huile délicieuse surtout pour assaisonner la salade. Aujourd’hui les noyers dispa- raissent tous les jours, on les vend aux ébénistes et aux armuriers et l'huile de noix est devenue presque aussi rare que lhuile de noisettes ou de faines. On dit des gens de Velloreille (Haute-Saône) : Las Veloreillés Chiant des gueniés (noyaux). c'est parce qu'il y a beaucoup de cerises dans le pays. On y fait un kirsch assez estimé. Citons pour terminer ce chapitre des fruits, la prière du Sarrageois, près Mouthe, dans la Haute-Montagne du Doubs : N'oublions pas dans nos prières Les menus fruits de la terre : Les mûres, les prmprenelles, Les prunelles et les brimbelles, 5 399 Les poirottes et les gratte-culs Quand-iils manquent, coutiù ! (malheureux). Cest grand butin de perdu ! Les pauvres Montagnons ne connaissent d’autres fruits que ceux-là. « Ils vendangent, comme on dit, à coups de perche. » = — CHAPITRE VII LES BOISSONS Autrefois, nos paysans ne buvaient guère que de l’eau. Le vin n’était en usage que pendant les travaux des champs et dans les grandes occasions, aux diners de boudin, par exem- ple, ou à la fête du village. En dehors de ces rares circons- tances, ceux qui ne se contentaient pas de l’eau des sources ou des puits, fabriquaient de la piquette avec de la gêne et les bas de tonneaux, auxquels on ajoutait des fruits sauvages, des prunelles par exemple. Ceux qui avaient des vignes vendaient teur vin et gardaient pour leur consommation particulière, les bas de tonneaux, la bistrouille, pistrouille, cacouillon, ripopette, pistan- quène. Dans beaucoup de ménages encore aujourd’hui, bien que l’usage du vin se soit très répandu on confectionne de la boisson avec les fruits très abondants des poiriers ou des pommiers sauvages, blessonniers. Ceux qui ont des vergers font parfois aussi du cidre en faisant fermenter les pommes « à couteaux » avec les pommes sauvages. Dans nos pays, le raisin ne mûrit pas toujours. On en tire tout de même parti. Cette boisson inférieure s'appelle le rapé, le boire, la picata (piquette). On nomme picherot ou pisserot un vin pétillant, vif, un vin, comme on dit, « qui fait pisser » (Montbéliard). Le vin fou est celui qu'on met en bouteilles avant la fer- mentation ; il reste doux, avec un goût de raisin très agréable. Mais, si l’on n’a pas soin de tenir les bouteilles debout, aucune n'échappe : elles se cassent toutes. 530 Le vin de paille est fait avec du raisin séché sur la paille. Il est Hquoreux comme le Malaga et se conserve indéfiniment. Le maquevin est du jus de raisin cuit et additionné d’eau- de-vie, ou bien c’est de l’eau-de-vie adoucie par du moût de vin bouilli. nn Une eau-de-vie trop jeune est appelée nôbrogne, nôbronne (de l'allemand neubrannt). À Mouthe, c’est le brandevin, le brantevin. À Montbéliard, le bribri. Nous avons déjà parlé du kirsch de la Vallée de Mouthier ét de Vuillafans, où une grande étendue de territoire est plantée de cerisiers. Dans la haute montagne, où l’on n’a pas de fruits, on dis- tille la racine fermentée de la grande gentiane : gentiana lutea. On fait aussi infuser dans l’eau-de-vie les baies du gené- vrier ; c’est le genièvre. La bière est parfois appelée : boire bouilli. Dans notre pays, comme partout, il y a des gens qui ont un penchant trop accentué pour les liquides alcooliques. Ce sont des lopus Montbéliard (de lapper), des roquillus, des roquiets (Mouthe), des douzilleurs ou douzillis, qui se ser- vent d’un fausset ou douzi, qui font de fréquentes visites à la cave. À force de boire, ils finissent par être dans les brin- desinguess, et par « chambiller ou trâteler ». On dit : les saris d'Epeugney (Doubs), ou essairis, etséris, assairis, ces diverses formes patoises signifient assoiftés, altérés, ivrognes, desséchés. Sari, saur, en vieux français, est synonyme de salé et s’appliquait aux buveurs qui boivent pour se « dessaler » parce que les salaisons altèrent. La gribelette est du pain grillé, trempé dans du vin sucré, comme la mouillotte, trempotte, trempette, trempusse. Quand les jeunes mariés arrivent au domicile conjugal, avant de leur ouvrir la porte, on leur tend par la fenêtre un verre contenant une trempotte de vin sucré dont ils boivent chacun leur part en signe d’union. — 8395 — Le chaudeau,tchadé est une boisson faite de vin blanc,où l’on met du beurre, du sucre où du miel et un ou deux œufs, Le chaudeau était servi à l’accouchée. Aujourd’hui, le chaudeau comme présent de relevaille est plutôt remplacé par du café, du sucre, du chocolat ou du vin bouché. Dans certains villages, on donne une bouteille de vin et une miche de pain à l’accouchée quelle que soit la position du ménage. Dans les festins, on choquait son verre en disant à « votre santé compère » ou: A la vôtre propre ! » (Montagne du Doubs). On devait vider son verre quand on buvait à la santé de quelqu'un : [ne fallait jamais trinquer de la main gauche. Quand la récolte était abondante, les vignerons comtois d’Arbois, de Salins, de Besançon, et autres lieux consom- maient leurs produits, sans regarder. [ls avaient mis en cir- Culation ce dicton : Pinte à midi, pinte le soir. Trois muids de vin, 1l faut avoir. Ils justifiaient cette énorme consommation par l’axiome J P suivant : ( [1 faut boire trois coups le matin pour prévenir la soif, trois coups pour l’apaiser et trois coups encore Poe la soif à venir ». À Montbéliard, on disait : Inn vorre de vin Fait dit bin (un verre de vin fait du bien). Du Encô piu (deux encore plus; Trà Ne font pô de mà — 396 — Quaite Ne rendant pou maite (Quatre ne rendent pas faible (moite) Cinq Coulai vait bin (Cinq cela va bien) Ché, ça lou tchavé (six, c’est le chauveau). Une gondenée ou plutôt une galenée est une tournée, une répétition. On disait, après avoir mangé une assiette de soupe ou bu un verre de vin : « J’en reprendrais bien une gondenée ». C’est une locution de la montagne. Racine : gonda, gondus, vieux mot latin signifiant verre à boire, coupe : C'est l’origine de gondola, gondole. On s’explique le passage du sens de coupe à celui de nacelle en se rappelant que le même fait s’est produit pour vase et vaisseau. Fauché (xvis siècle) : « Nous appelons gondole un certain vais- seau à boire, de la ressemblance qu'il a avec les petits bateaux passagers dont on se sert à Venise pour passer les canaux. » Une golenée élait une ancienne mesure. Dans l'ancien temps, au moment des vendanges, il suffisait de s'approcher de la cuve et de dire un pater pour recevoir un chauveau de vin doux: on en donnait une pinte à qui disait un pater et un «ve. Proverbes : 3on vin, bonne chère Chassent la médecine en l'air. On voit plus de vieux ivrognes que de vieux médecins: = 907 — Boire un verre de bon vin C’est prendre un gilet de capucin. On dit : Il fait un temps boyerot : c’est à dire chaud, qui invite à boire. On ‘prête aux habitants d’Abbenans (Doubs), la boutade suivante : « Heu ! frères! où est le temps où nous buvions le vin dans de grandes terrines et que nous nous battions ensuite à coup de paisseaux. C'était le bon temps! » On dit d’une femme qui aime le vin : « Elle est comme les femmes de Cramans qui ne boivent jamais dans un verre, elles aiment mieux leur pot de terre parce qu'on ne voit pas ce qu’il y a dedans. Chez nos paysans, dans toutes les maisons, on rencontre à la cuisine une seille en bois dur éclatante de blancheur, cerclée de cuivre dans laquelle plonge un bassin du même métal. C’est à cette poche que se désaltèrent les gens de la maison, en dehors des repas. Les femmes de Durnes (Doubs) sont appelées les loches- bessies (lèche-bassins) parce qu’elles ne boivent que de l’eau. L'eau de la seille ne vaut pas toujours celle d'Etrabonne (Doubs). On raconte dans le pays que les rois mages passant par ce village, l’un d'eux eut soif. [1 frappa la terre de son bâton et renouvelant le miracle de Moïse fit jaillir une source. Il but de cette eau et dit en patois : Et très boune (elle est très bonne). Depuis, l’eau d’Etrabonne est réputée pour la guérison de toutes sortes de maladies, surtout pour les veux. On appelle cette fontaine « la fontaine des trois rois ». Une autre version met le miracle et le mot au compte du Bon Dieu, de saint Pierre et de saint Jean vovageant un jour de conserve. Cette eau est sans doute préférable à celle de Noirecombe (Jura), car on dit des gens du pays « qu'ils boivent toujours la même eau ». Voici pourquoi : = ie — Le village est situé au-dessus d’une corniche de rochers sous lesquels se trouve une source. C’est là que les femmes descendent puiser de l’eau pour les besoins du ménage. Elles la remontent chez élles dans leurs seilles. L'eau bue est naturellement évacuée sur le terrain, qui la filtre et de là elle retombe distillée dans le bassin de la source. C’est ainsi que les gens de Noirecombe boivent toujours la même eau. | | Fe Hi ARR) que On prétend que les habitants de Mesnay (Jura) qui ont d’excellent vin et qui savent l’apprécier, emploient cette formule quand ils vous invitent à boire : Vache o boire et bois (Verse à boire et bois) Les habitants de Saint-Georges (Doubs), sont appelés les Blessons. Ce surnoi provient de l’abondance des poiriers sauvages de cette localité, avec les fruits desquels lés gens font du poiré. Ils mélangent souvent cette boisson avec le vin. out Ceux de Valentigney (Doubs) sont des Boroillots: Du temps où existait encore [a Principauté de Montbéliard, on décida la construction d’un pont sur l’Allan, près de Sochaux. Toutes les communes environnantes y travail: lèrent. Les habitants de Valentigney se rendaient le matin à la corvée, après avoir déjeûné et rentraient le soir au logis pour souper. Dans la journée, ils se contentaient de boire le contenu d’un petit baril (boroil, boroillot) que cha- cun apportait sur son épaule. En voyant arriver tous les matins l’escouade des « Valentigney » les compagnons déjà en chantier s’écriaient: « Voici les boroillots! » Le nom leur est resté. Aujourd’hui, il y a à Valentigney une société de gym- nastique qui s'appelle La Boroillotte. Elle porte pos insigné sur sa bannière, le baril traditionnel. — 329 — Nous terminons cet article sur la boisson par une chansoti qui n’est pas précisément à la gloire des filles du village de Chantrans (canton d’Ornans). C’est les filles de Chantrans Tire lire lire et lon lan la Qu’aiment bien boire (bis) Elles s’en vont au cabaret hiretlireirerelc:. Boire bouteille (bis) EIPS ont bu quatre-vingts pots lirelire lire etc. Et t’une channe |chauveaul] (bis) Elles ont mangé quatre vingts pains Hireshure lire ete: Et t’un fromage (bis) Quand l’hôtesse vint po compta Mrelirechire-etc..7 Se prit de rire\ (bis) Ell’ont toutes de largent ire lire lire etc" Hors la plus jeune (bis) Nous lui prendrons son godillon (cotillon) Miserere ete Et sa coiffure (bis) Son amant qui vint à passer Hire hre-hre etc. Se prit à rire (bis) 21 — 330 — Rendez-lui son godillon ire ire tire ere Et sa coiffure (bis) J'ai de l’argent tant qu’elle voudra IrelRe litre ETC: :: À son service (bis) Nous avons le devoir, en terminant cette publication, de témoigner notre reconnaissance à tous ceux qui ont eu l’obligeance de nous fournir des renseignements et particu- lèrement à MM. Henri Cordier, Frédéric Bataille, Sirhugues, CCE E CUS Les ouvrages consultés par nous sont les mêmes que ceux que nous avons mentionnés dans notre Faune et Flore populaires de Franche-Comté. TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION . CHAPITRE PREMIER. — MOBILIER ET USTENSILES DE CUISINE. . CHAPITRE II — ALIMENTATION EN GÉNÉRAL . CHAPITRE IIL. — TERMES CULINAIRES CHAPITRE IV. — ALIMENTS DIVERS. . $ 1er. — Pain, Farine. . $ 2. — Pâtes et Pâtisseries . $ 3. — Soupes et Bouillies $ 4 — Viandes. $ 5. — Volailles, Gibier, Poissons. . CHAPITRE V. — Lair; BEURRE ; FROMAGES. . Se Lait et Beurre. 1. un. SR ProMages. ii + ts CHAPITRE VI — LÉGUMES ; FRUITS. . . . . SR MÉSUIMES 2 PR ur x D CRT UIESS 1... de ce 2. CHAPITRE VII — LEs Boissons. ON FRANC-COMTOS AU CAMBODGE PAR M. le Chanoine ROSSIGNOT VICE-PRÉSIDENT Séance du 20 mai 1909 Ce france-comtois est un missionnaire ; mais, comme l’his- toire de sa mission n'entre pas dans le cadre de nos études, je ne parlerai que des conditions matérielles de sa vie, de ses travaux et des principaux événements dont 1l a été le témoin pendant quarante ans (1866-1906). Né à Morteau le 10 octobre 1837, M. Charles Tournier s’embarquait à Marseille le 19 juin 1866 et arrivait à Saïgon le 25 juillet ; il est mort le 2 juillet 1906. La traversée eut quelques incidents. À Messine, une avarie fit abandonner le bateau Le Saïd, et transborder toute la cargaison sur Le. Péluse. Sur la mer Rouge, une nuée de sauterelles, une tempête, des monstres marins et quelques PORPEQRE volants furent les seules distractions du voyage. Disons tout de suite que M. Tournier travaillait avec faci- Htéletbois la pierre lever tlhorlosenme el meème-eite mécanique ne lui étaient pas inconnues ; ses aptitudes pour les sciences avaient donné à sa famille l'espoir de l'envoyer à l'Ecole centrale. À son arrivée en Extrême-Orient, son évêque voulut en faire un imprimeur. Depuis longtemps il désirait avoir une imprimerie annamite, et il avait obtenu du Séminaire de Paris, que l’abbé Tournier s’initiât à cette industrie. Ce der- nier s’y était prêté malgré une grande répugnance et une — 3933 — toute autre ambition. On lui donna bientôt, sur son désir, un emploi plus conforme à ses goûts, Après trois mois, une barque était louée pour le conduire à Cai-Nhum où il devait passer sa vie. Pendant deux siècles, des religieux portugais et espagnols avaent évangilisé ce pays ; les prêtres des missions étran- gères de Paris leur succédaient. En temps de persécution, les chrétiens se retiraient sur leurs barques, dans le réseau de rivières et de canaux qui couvre toute cette région; elle était plus sûre, parce que plus déserte et plus ignorée. En 1860, Saïgon étant occupé par les Français, les mis- sionnaires avaient cessé de se cacher. Il y à quarante ans, quand notre compatriote se rendit dans cette contrée inconnue des géographes, il dut naviguer pendant trois jours au delà de Saïgon. Son embarcation était toute semblable à celles d'aujourd'hui. Longues de 5 à 6 mè- tres, elles ont un pont qui en- couvre les-deux tiers et en ferme la cale ; une toiture en natte protège contre le soleil ou la pluie les voyageurs et les bagages. Assis ou couché dans cette espèce de chaloupe, M. Tournier fit son voyage à tra- vers un labyrinthe d'arroyos ou canaux dont les indigènes seuls connaissaient le dédale. Les singes sur les arbres, les caimans dans la vase, quelques tigres dans les jJungies, des enfants des habitations riveraines amenés par la curiosité furent les seules rencontres qui firent un peu oublier la monotonie de cette première navigation. Un missionnaire passe le quart de sa vie à voyager ainsi ; le nôtre eut une barque un peu plus confortable ; un manda- rin l’avait léguée à son prédécesseur. et il en héritait. Enfin, le 3 octobre, il descendait sur un petit tertre élevé de quelques mètres au dessus des eaux et d'aspect à demi sau- vage ; C'était sa nouvelle patrie. Une agglomération de chaumières, une église au toit de paille, une maison en bois, étroite et basse servant de pres- bytère, quelques cases abritant des religieuses et portant — 334 — le nom de couvent : tel était le centre du district. On y va maintenant de Saïgon en cinq heures, dont deux en chemin de fer jusqu'à My-Tho et trois en chaloupe à travers les bouches du Me-Kong. La chaleur et l'humidité sont là, comme dans la plupart des régions tropicales, les deux grands obstacles à l’accli- matation des Européens. Au milieu du jour, de onze à deux heures, le travail est impossible et chacun fait la sieste. On ne connaît que deux saisons, l’une sèche et l’autre plu- vieuse. La première, qui est l’été et ramène les hirondelles, commence en novembre et finit en mai. Alors le travail est pressant ; on n’a pas un moment de relâche. Le riz, qui est mis en terre, fera l’abondance ou la disette pour tout le pays; quand la récolte vient à manquer, le bananier reste l'unique défense contre la famine et la mort. Son fruit est le pain des tropiques ; sa tige, quand elle n’est pas employée à faire des radeaux et quand elle est coupée à temps, nour- rit les porcs qui sont une autre ressource. L'hiver, ou plu- tôt la saison des pluies, commence en juin et finit en octobre. Durant ces quatre à cinq mois, une végétation folle envahit la terre ; les herbes y sont épaisses comme la neige sur nos montagnes ; elles se fanent, meurent sur place, y restent. comme engrais pour la saison suivante. Le froid ne suit Jamais la pluie ; 1l n’est qu'un rafraichissement attendu avec impatience et ressenti avec bonheur. Cette succession de chaleur et d'humidité rend le sol incomparablement fertile. Il y a là trois ennemis à demeure : les moustiques, les fourmis blanches et le tigre. Les typhons et les inondations sont des fléaux plus rares et moins redoutés. Le moustique est universellement connu. En Cochinchine il est féroce, pendant la nuit, et dévore le malheureux qui essaie de travailler devant une lumière. La fourmi blanche réduit en poudre les charpentes, les planchers, les maisons. — 399 — Le tigre inspire aux Annamites une terreur superstitieuse ; ils savent pourtant organiser contre lui des battues, le cer- ner et l’égorger entre deux barrières. L'usage des armes à feu a rendu cette chasse moins dangereuse qu’au temps des flèches et des piques. Depuis vingt ans, les rizières ont fait reculer la forêt et les tigres. M. Tournier, très bon tireur, en a abattu une quarantaine, et ce ne fut pas sans courage ni sans péril. De taille movenne et de physionomie distinguée, quoique de délicate apparence, 1l supportera des fatigues qui semblent dépasser cent fois ses forces. | La première partie de la journée de cet ouvrier évangélique, . dès cinq heures du matin, est consacrée à son ministère ; le temps de la sieste et la soirée est pour l'étude et le travail des mains. Tantôt dans sa chambre encombrée d'outils il fait de menus ouvrages ; tantôt au dehors, 1! travaille à son jardin ou à des constructions : quand les circonstances lui imposent quelque besogne pressante, il veille malgré les moustiques. Il lit. travaille, converse debout; il n’est assis qu’à l'heure des repas ; c'est un moyen de vaincre le sommeil et de tromper la fatigue. L'économie de son temps est poussée jusqu’à l’excès ; après avoir introduit chez lui ses visiteurs, il les v laisse conïme chez eux et leur demande la permis- sion de retourner à son travail. Les devoirs imposés par l’amitié ou les bienséances ne perdent rien pour être ren- voyés à l’heure des repas. Aux bouches du Mé-Kong, la barqne est une seconde habitalion et sert aux longues courses ; les autres se font _à-pied. Les chemins sont rares, les marais nombreux. La traversée des arroÿos se fait sur un pont qui n’est qu’un arbre jeté d’un bord à lPautre ; les Annamites y passent avec une facilité qu'ils semblent tenir de leur naissance autant que de lhabitude ; les Européens le font péniblement, avec une longue perche qui leur sert de soutien ou de balancier : dans les cas difficiles ils traversent simplement à la nage. = 336 — Quand M. Tournier prit possession de sa paroisse ou plu- tôt de son district, les Français étaient en Cochinchine, maitres de Saïgon, de My-Tho et ils songeaient à prendre Vinh-Long ; Cai-Nhum se trouvait englobé dans la conquête. On se demandait, non sans inquiétude, si la diplomatie ou la guerre allait intervenir ; ce fut le canon qui parla. Ses coups furent d’abord sans répercussion dans les provinces éloignées ; quelques levées de soldats et la construction de routes stratégiques ôtaient seules l’illusion de la paix. Mais la révolte des Cambodgiens croissait avec l'invasion et, comme les chrétiens passaient pour être favorables aux étrangers, leurs demeures ou leurs villages étaient sou- vent dévastés par les rebelles. Ceux-ci n'engageaient jamais une bataille avec les Fran- çais ; 1ls les laissaient s’embourber dans les marécages et revenaient simplement camper en leur place, quand ils étaient partis. Cependant Cai-Nhum demeurait tranquille Mais, dans les premiers mois de la nouvelle année 1867, la guerre se rap- prochait, certaines difficultés entre les administrations de Hué et de Saïgon encourageant les rebelles. Dans cette dernière ville, ils chassaient, comme suspects, les soldats chrétiens, et le dénombrement qu'ils faisaient de leurs core- ligionnaires était le signe avant-coureur d’une persécution. Le jeudi, 22 juin, tandis que les chrétiens assistaient à la procession de la Fête-Dieu, et que d’autres Annamites fêtaient, à la façon de Gargantua, l'examen des lettrés, nos troupes débarquaient à Vinh-long et, sans tirer un coup de fusil, entraient dans la citadelle. Le bruit répandu que lamiral français n'avait pas voulu employer les armes pour éviter des représailles fit accepter le fait accompli : Cai-Nhum et la province appartenaient à la France. Cependant l'insurrection, comme un feu sous la cendre, se rallumait çà et là; M. Tournier faillit en être victime. Comme il se rendait à Cai-Mong, chez son ami M. Gernot, — 337 — les rebelles allaient s'emparer de sa personne quand ils furent dispersés par des miliciens annamites. Ce petit voyage en avait heureusement retardé un autre plus dangereux qu’il devait faire à Saïgon. Des presses à imprimer y étaient arrivées et on attendait lPapprenti de la rue du Bac pour en montrer le maniement. L’occupation des provinces se faisait progressivement et les mandarins allaient à Hué rendre compte de leur admi- nistration comme sous le précédent régime. Plusieurs avaient gardé une crainte que ne justifiaient point les mœurs de leurs nouveaux maitres : deux d’entre eux, qui se croyaient compromis, S'empoisonnèrent pour échapper à un châtiment qu'ils n'avaient plus à redouter. Transformés en préfets, comme ceux de Ja Métropole, ils n’ont plus ces terreurs et gardent la même autorité. Au centre des provinces, les Français étaient souvent obligés de poursuivre les rebelles et leurs balles en tuaient un grand nombre. Leurs canonnières, en sillonnant Île fleuve, maintenaient la tranquillité sur ses bords ; on vivait en paix à Caï-Nhum. | La France aurait aisément pacifié toutes les provinces sans un obstacle qui la suit dans toutes ses colonies : avant le pro: grès et la prospérité, elle apporte les impôts et les peuples conquis s’y accoutument malaisément. Toutefois, comme le fisc n'épargnait pas plus les chrétiens que les païens, il n’en résulta ni prévention ni hostilité. En janvier 1868, la révolte, fomentée par les fils de l’ancien gouverneur de Vinh-long, devint générale et les révoltés allaient à la mort avec un courage qui tenait de la férocité. Un bataillon d'infanterie de quatre cents hommes a dû mas- _Sacrer une foule qui se précipitait sur ses baïonnettes sans autres armes que des bâtons. En juillet, une troupe mieux _ armée a surpris dans un poste une vingtaine de soldats français et autant d'annamites ; aucun n’eut la vie sauve. Le gros des rebelles, venu en barques, fut refoulé vers la mer — 9338 — et y périt ; un mois plus tard tous les chefs faisaient leur SOUMISSION. ._ Vers le même temps, M. Tournier faillit perdre la vie dans un accident qui, pour être prévu, ne peut pas toujours être évité. Surpris dans un arroyo par la marée basse, il traïnait désespérément sa barque et serait resté dans la vase, avec elle, sans le secours de quelques habitants des cases voi- sines. C'était au milieu d’une nuit de samedi à dimanche ; l’état lamentable où il était, le matin, en arrivant chez lui, ne Pempêcha pas de dire la messe. À midi 1l tombait épuisé et deux jours plus tard il était mourant. Transporté à l’hospice de Mitho il se guérit lentement, mais la convalescence fut courte, abrégée par son courage. Dès son arrivée en Cochinchine il avait rêvé de remplacer le tam-tam par une cloche de la fonderie de Morteau ; 1l l'avait demandée avec instance et attendue avec anxiété ; le bateau qui la portait, ayant échoué au Cap, elle était restée dix mois sur mer; enfin il pouvait la bénir ou baptiser le 19 mars 1868. Ce fut en une fête qui nous montre sous leur vrai jour les mœurs du pays. ; Les invités étaient nombreux ; le commandant supérieur de Vinh-long, M. Ansard, un inspecteur, M. de Champeaux et un lieutenant de vaisseau étaient au premier rang. Au festin qui suivit la cérémonie religieuse, on mangea un bœuf, quatre porcs et un bon nombre de chiens. La réjouissance finit par une chasse au tigre. La méthode emplovée est exae- tement celle de nos ancêtres du moyen âge quand ils chas- saient les ours dans les forêts comtoises. Ecoutons M. Tour- nier. (« Une enceinte avait été faite et fortifiée ; c’est le travail d’un jour et d’une nuit. Puis, les hautes herbes fauchées, une habile battue v avait amené la bête qui s'y reposait depuis deux jours. C'était à une lieue de Cai-Nhum. On part en cha- loupes et, dès l’arrivée, on s’installe comme pour un spectacle sur des estrades élevées contre la palissade. Le tigre est. énorme, couché au milieu des herbes coupées, épuisé de soif — 339 — et de chaleur. Dès qu'il nous voit il se lève, bondit, pousse d’affreux hurlements et fait deux fois le tour de l’enceinte. Tout à coup. par un mouvement aussi subit qu'imprévu, il grimpe jusqu'à l’estrade où sont nos maitres d'école. C’est en face de nous. Quel moment! La foule est pétrifiée ; pas un cri, pas une parole ne trahit sa frayeur. Tous les regards sont fixés sur l’animal quand un heureux coup de lance le précipite en bas du rempart, Personne n'ayant plus envie de le voir courir, je donne mon fusil à M. de Champeaux qui sollicite l'honneur et a l'adresse de l’abattre. » Au retour, le tigre fut mangé en un nouveau gala. Plusieurs fois M. Tournier, très bon tireur, renouvela cet: exploit, avec un moindre appareil et simplement pour se débarrasser d’un dangereux voisinage. À la fin de cette année 1868, tandis qu'il visitait la partie la plus éloignée de son district, il laissait chez lui un jeune missionnaire comtois, l’abbé Vivier. Celui-ci se rendait sur ja côte orientale de l’Annam, à Go-Th1i, où 1l devait mourir trente ans plus tard. Les années suivantes s’écoulèrent au milieu des alarmes. Ce fut d’abord la guerre franco-allemande dont l’écho loin- tain tourmentait notre compatriote. « Le télégraphe, dit-il, nous annonce tous les jours de Prusse, d'Angleterre et de Russie, la ruine de la France ; toutes les mauvaises nouvelles sont confirmées, deux ou trois seulement ontété démenties ; c'étaient les bonnes. » En décembre 1871, un typhon enlevait, comme des feuilles sèches, le toit de la cure et celui qui abritait la cloche. On ne pouvait compter les cases détruites et les barques brisées. Aux approches de la tourmente, M. Tournier était sur le fleuve ; il n’eut que le temps d'aborder. Il échappait à un danger pour tomber dans un pire. Voici . comme il en parle. « L’augmentation des impôts qui s’est faite ici comme en France, a exaspéré les Annamites. Une insurrection générale aurait anéanti tous les Français et la — 340 — plupart des chrétiens si le signal, qui en fut donné trop tard, ne l'avait rendue partielle. Quelques églises seulement furent brûlées et quelques chrétientés dévastées. J'étais à Cai-Mong, chez M. Gernot; nous avons passé une nuit horrible, au bruit du tam-tam des rebelles. Le lendemain matin, comme je regagnais mon poste, ils me laissèrent passer. Mes chré- tiens inquiets et en armes venaient à ma rencontre. » Comme dans la précédente insurrection, on vit des mal- heureux, armés de simples piques, se précipiter sur les fusils de nos soldats et se faire massacrer. Un résident et un missionnaire seulement furent égorgés ; ce dernier avait passé chez moi la veille avec ses élèves, ii voulut les accom- pagner jusqu’à Mi-Tho. Ce fut sa perte ». Après le calme revenu, M. Tournier fit venir, pour son église, une grande horloge ; c'était chose absolument nou- velle. Jusque-là, en Annam, le soleil seul comptait les heures et, dans la saison des pluies, on ne les comptait plus. Une machine aussi délicate, ne pourrait se conserver, à cause du climat, qu’au prix de précautions infinies et d’incessantes réparations. C'est prévu; des outils sont venus de France, habile ouvrier saura s’en servir et les protéger contre la rouille. Après la destruction de sa case, M. Tournier devient bâtis- seur, des aides lui apportent les matériaux, 1i les emploie et manie, avec une égale aisance, la scie, la hache, le ciseau et quelquefois la truelle. Il se fit ainsi une cure. en pierres et en briques. Ce fut au prix de fatigues surhumaines : l’humidité du sol dans sa demeure provisoire, le soleil de feu sous lequel il travaillait au milieu du jour finirent par l’épuiser. Mieux logé dans sa nouvelle habitation, il retrouva ses forces, et ne se donna plus de repos. | Il entreprit ensuite la construction d’une église, sur l’em- placement de son ancienne case. Six gros sapins, payés vingt piastres (cent onze francs) firent d'abord à peu près tous : — 341 — les frais du clocher qui eut trois étages et autant de toits superposés à la chinoise. Le reste du bâtiment était une entreprise plus importante et qui l’occupa pendant de longues années ; l'infatigable ouvrier s'y montra plus ingénieux que jamais à diminuer la dépense en augmentant la peine. Il révèle son secret dans ses lettres : « J’ai commencé à cuire, em plein air, avec de la paille de riz, deux millé briques; j'en ai bâti un four où le feu s'allume aujourd’hui (15 mai 1873) et mes religieuses moulent de nouvelles briques qui vont cuire dedans. Le village me donne quarante jeunes gens exempts de toute autre corvée et employés exclusivement au service de l’église. Je vais les mettre à la besogne ». Il paraît que les apprentis ne devinrent jamais des ouvriers, car ils ne pouvaient travailler que sous l’œil du maitre. Quand celui-ci s’embarquait pour une course un peu longue, le travail était suspendu. Un couvent pour les religieuses, un hôpital, un sémi-_ naire pour les trois basses provinces furent ainsi construits en quelques années. «(Je suis, disait-il, architecte, maçon, bûcheron, charpentier, pendant le jour ; la auit, il m'arrive quelquefois de traîner de lourds radeaux chargés de chaux et de briques. Un prêtre m’a été envoyé pour me seconder dans mon ministère. Aucun secours en argent ne me vien- dra ; le gouvernement ni la mission ne me donnent rien. La création d'une nouvelle imprimerie et la fondation d’un couvent de religieux annamites, dans le but d’évangéliser par le livre et l’école, absorbent les ressources de l’évêque ». De toutes ces constructions, lhôpital inachevé fut la pre- mière occupée. En 1874, le choléra, après avoir parcouru les centres les plus peuplés, fit vingt victimes à Cai-Nhum ; l’hospice fut envahi par les malades dont le plus grand nombre révint à la santé. | ._ Au comimencement de 1877, M. Tournier annonce à sa sœur à qui s'adressent la plupart de ses lettres, une épreuve qu'il donne comme la plus grande de sa vie : il doit quitter — 342 — le ministère pour le secrétariat de l'évêché. « C'est, dit-il, une croix qui m'accable, une épine qui me déchire le cœur. Mes Annamites sont dans la désolation, autant que moi. Je regrette surtout mes cinquante-deux enfants de l’orphelinat, mes vieux et mes vieilles de l’hôpital, les sœurs si dévouées à toutes les bonnes œuvres. Je vais cesser de m'occuper de ces âmes pour compter des chiffres, des piastres et des colis, traiter avec les portefaix de Saïgon ». Après son arrivée, aussi pénible que le départ, il dit que l'émotion lui a donné la fièvre, que l’ennui la prolonge et qu'il a besoin d’une nouvelle acclimatation. Ce supplice dura trois ans et la Joie du retour fut égale aux douleurs du départ. Je suis, écrit-il, le 25 janvier 1880, le plus heureux des hommes. Je vais retrouver ma solitude, ma pauvre église, mon troupeau, le fleuve, {a brousse, la voix du tigre plus douce que le tapage des villes ». Ces pressentiments ne furent pas démentis. Il reprit, dès son arrivée, avec autant d’ardeur que de succès, les travaux de son ministère et ses constructions. Les solennités de la première messe d’un prêtre indigène, furent pour tout le district, l’occasion d’une grande fête. L'église et le couvent restaient inachevés ; le fer y remplaçait le bois, pour braver la dent des fourmis, et M. Tournier allait au loin chercher les matériaux. Un jouùr, il fit contre-burque ; ayant reconduit son évêque, après une confirmation, il ramena de la chaux dans le même équipage. En 1881, la famine désola les provinces où elle causa des pillages, des meurtres et des incendies ; à Cai-Nhum on n’eut que des craintes. A bout de ressources, on comptait les jours avec une anxiété croissante, mais on put attendre la moisson et éviter la faim. Peu après, une autre disette survint, plus imprévue, le retrait des subventions gouvernementales. C’était la sup- pression du budget des cultes dans la colonie. Personne n’ignore que la plupart des puissances subventionnent les — 343 — sociétés religieuses qui accroissent leur influence dans l’un et l’autre hémisphère. Nous sommes une exception. Est-ce post hoc. ou propter hoc ? Je laisse à de plus instruits le soin de décider ; je relève simplement dans le dernier exer- cice de 1906, les chiffres suivants : le port de Bangkok, voisin du Mé-Kong a reçu 361 vapeurs allemands, 165 nor- végiens, 103 anglais, 61 siamois, 26 français (1). En cette situation nouvelle, l'embarras fut grand à la pro- cure qui voyait disparaître ses ressources. Tous les habitants Juifs, protestants, paiens mêmes, portaient leurs offrandes à l'évêché et le respect pour les missionnaires croissait avec leur dénuement. Un gros déficit restait néanmoins dans les comptes de 1881 ; pour le régler, on fit appel à l'expérience de l’ancien secrétaire. Il ne grossit point sa part, car il revint avec 340 francs, c'était le viatique de l’année. En 1883, les échos du siège de Hué ne sont pas arrivés jusqu'aux basses provinces ; on y apprit, Comme une nou- velle étrangère, le traité qui suivit et le protectorat de la France étendu sur l’Annam et le Tonkin. Dans la nuit du 25 au 26 août, des détonations forini- _dabies firent croire à la reprise des hostilités ; le lendemain, on sut que pas-un coup de canon n'avait été tiré, mais des télégrainmes de Singapour apportaient, d'heure en heure, des craintes inexpliquées ; l'énigme se dissipa quand on sut qu'une éruption volcanique avait eu lieu à Java. Le bruit en était venu de 300 lieues. | Cependant des ruines moins grandes, mais plus incom- modes s’amoncelaient autour de notre bâtisseur heureuse- ment infatigable ; les iourmis blanches dévoraient les char- pentes et les planchers de sa maison ainsi que de tous les bâtiments de la inission (juin 1884). Ceci nécessita des répa- rations coûteuses et génantes. Au milieu de l’année suivante on eut bien d’autres soucis. (1) Revue : L'Asie française. —Shue Laguerre des pirates désolait le Cambodge et la Cochinchine. Si lex rebelles, abandonnant leur système de petites escar- mouches, avaient tenté un hardi coup de main, Saïgon tom- bait en leur pouvoir. Gette ville, épargnée dans le massacre qui ensanglanta les provinces, surtout à lorient, devint le refuge de plus de dix mille chrétiens. L’abbé Vivier v amena les siens, après en voir laissé plusieurs milliers autour de la légation française de Qui-Nhon. Tous purent ainsi échapper au glaive et ne pas mourir de faim. Le bon missionnaire de Gothi vint, une seconde fois à Cai-Nhum, chez son compa- triote, se remettre d'émotions et de fatigues qui auraient tué un tempérament moins vigoureux. La persécution continua, plus ou moins violente, jusqu’à la fin de l’année, et les chrétiens n'étaient efficacement pro- tégés que sur les côtes. M. Tournier remarque que les Alle- mands le faisaient avec une grande habileté; les Français arrivaient souvent trop tard. On attendait d'eux plus de secours, car la France a, là-bas, la réputation d’une grande nation chrétienne, protectrice de la religion et de l'humanité. Duranttoute cette tempête, Cai-Nhum demeura relativement tranquille et n’eut à souffrir que de continuelles alarmes causées par un péril qui restait imminent. Continués lentement, pendant les années suivantes, les travaux de l'église ne s’achevaient qu’en 1895. L'art et les souvenirs n’y étaient point oubliés, témoins une statue de la Vierge. relique de l’ancienne chrétienté au temps des fran- ciscains portugais, et une autre représentant le Christ au tombeau. Les chrétiens l’emportaient autrefois dans leurs barques, quand ils fuyaient les persécuteurs. M. Tournier a eu le rare bonheur de mener à bonne fin toutes ses entreprises et d’en jouir pendant quelques années. La bénédiction d'un pont jeté pour la première fois sur un arroyo en novembre 1898 fut la dernière fête qu'il donna. L’évêque, M5 Dépierre, qui devait la présider, en fut empêché par la mort. — 915 — Son dernier travail fut sa fosse qu’il creusa et maçonnà lui-même, en 1503, sous sa chère cloche de Morteau, à l’en- droit même où, dans une chute du clocher qu'il bâtissait, il avait failli perdre la vie. Les trois dernières années de la vie de M. Tournier se passèrent dans la faiblesse qui vient avec l’âge et dans la souffrance. « Je suis, disait-1l, à peu près à l'extrême limite de la vie des missionnaires en ce pays... désormais inutile, je n’ai plus qu'à me préparer au grand voyage. » Il cessa d’être l’ouvrier que nous avons vu; il resta le zélé missionnaire dont les travaux demanderaient une autre étude. Il n'eut pas, dans son ministère, moins d'activité que dans les entreprises matérielles qui ont contribué à en assurer le succès. Il avait bien la prétention, comme ses confrères, de tra- vailler pour la France en même temps que pour l'Eglise puisqu'il écrivait des victimes de la dernière persécution : « Ceux qui tombent sont tués en haine de la France autant que de la foi. » Le 2 juillet 1906, après une nuit d’angoisses, il s'appuie sur le bras de son vicaire et veut passer dans la chambre voisine ; son pied refuse d’en franchir le seuil; il recule, tombe sur un fauteuil, incline la tête et rend le dernier sou- pir ; c'était mourir comme il avait vécu, debout. Depuis qua- rante ans 1l avait quitté son pays; il ne l’a point revu. Il avait été bon prêtre et bon Français. 22 LA NAISSANCE DU GÉNÉRAL LECOURBE PAR MU LE Guanoir se ROSSICNCNn Vice-Président Séance du 24 novembre 1909. La plupart des biographes du général Lecourbe le disent originaire du Jura, de Ruffey, au canton de Bletterans. Désiré Monnier, qui écrivait en 1828, lui donne une place d'honneur parmi ses J'urassiens recommandables et le fait naitre à Lons-le-Saunier. Une statue du général, sur une place de cette ulle/entrenent'eetté lévende: Dix ans plus tard, la Revue de Franche-Comté, qui parais- sait à Lons-le Saunier, publiait une histoire de Lecourbe par . M. Auguste Mermet ; celui-ci reconnaît que son héros est né à Besançon, et l’éditeur prétend, dans une note, qu'il n’est pas moins Jurassien. «€ Il fut rapporté, dit-il, quelques jours . après sa naissance, à Ruffey, village auquel il appartieni par sa parenté, ses liaisons, le long séjour qu'il y a fait ‘et par les honneurs funèbres qu’il y a reçus. Son père était heutenant d'infanterie et demeurait à Ruffey ». | En 1877, M. Bernard Prost, archiviste du Jura, demandait à M. Castan, son collègue bisontin, de rechercher les actes concernant la naissance du général. C'est, disait-1l, & une illustration que nous devons vous restituer ». Et M. Castan intitulait la publication des textes demandés (1): « Une gloute militaire du Jura à revendiquer pour Besançon ». ‘! (1) Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs,, 1877, p. xxmr. D A EE Les registres de l’état religieux, qui était alors l’état civil, de la paroisse de Sainte-Madeleine, sont conservés à la bibliothèque de la ville. Ils portent, au folio 16 de l’année 1759 et à la date du %3 février, l'acte de baptême d’un « enfant illégitime, né la veille, à Battant ; Claude-Jacques, fils naturel de Tiennette Vuillemot, de la paroisse de Mont- barrey, bailliage de Dole ». Deux ans plus tard, le 15 août 1761, le même registre fait mention du mariage d'étrangers entre : € Claude-Guil- laume Courbe, de la paroisse de Ruffev, âgé d'environ ein- quante et un ans, officier, et Marie Valette, de la paroisse de Ruffey, âgée de vingt-six ans », la bénédiction nuptiale étant reçue, les époux « ont déclaré (en présence de leurs quatre témoins (l) pour leur enfant, Claude-Jacques, né le 221et bapüusé le 23 février 1759 »° Cette déclaration. suffisante pour reconnaitre et légitimer l'enfant, lui laissait un état civil inacceptable Pour le recti- fier, l'intervention du tribunal ecclésiastique était nécessaire. Dans une requête adressée à l’official, les nouveaux époux disent que « des raisons de bienséance les ont détermi- _nés à ne point faire insérer leurs noms sur le registre des baptêmes... que ces raisons ne subsistent plus, leur fils ayant été légitiné par le mariage subséquent. En consé- quence, ils demandent que les mots : fils naturel de Tienneite Vuillemot soient raturés et remplacés par les suivants : fils du sieur Cliude-Guillaume Courbe, uncien officier d'infanterie et de demoiselle Marie Valette ». Par une ordonnance mentionnée en marge du registre, le vicaire général Gallois déclare que « rien n'empêche qu'il ne soit fait comme il est requis ». L'acte modifié est signé par le chanoine Marin, de la col- légiale de Sainte-Madeleine. Le vrai peut quelquelois n’ètre (1) Claude-François Joly, marchand, Louis Panier, employé dans les fermes du roi, Georges Colin et Pierre Valdageot. — 348 — pas vraisemblable. Iei la vraisemblance s’accorde si bien avec les preuves, qu’elle pourrait dispenser de les développer. La future dame Courbe, après avoir dissimulé sa gros- sesse à Ruffey, est venue faire ses couches à Besançon et la complaisance plus ou moins payée de Tiennette Vuillemot a favorisé le secret. M. Castan prend simplement acte des faits et laisse à M. Prost le soin d'expliquer lPaventure qui est, dit-il, « un curieux exemple de la façon dont l’état civil était tenu dans les sacristies ». Cette observation est juste et peut également convenir à notre état-civil actuel. Autre- fois on s’en tenait, après celui des parents, au témoignage des parrain et marraine ; maintenant, à Besançon, on se contente souvent de la signature de deux témoins rencon- trés sur la place Saint-Pierre et qui vont, avec-le pèrede l'enfant, cerufier ce qu'ils ignorent, On trompe peu, parce qu'on n’a pas intérêt à le faire; mais des raisons de bien- séance où d'autres motifs font encore commettre des faux. Leurs victimes n’étant pas toujours des généraux, rarement on s’en préoccupe. On pourrait, sans remonter à longtemps, trouver en notre hôtel de ville, un acte de naissance ainsi conçu : X., fils de mademoiselle Y., reconnu par monsieur Z., est néle.."etc. Or la demoiselle est une dame dont le mari légitime est, depuis longtemps, à 300 kilomètres de Besançon; celui-ci ne devrait pas moins donner son nom à l'enfant, que l’autre n’a pas le droit de reconnaitre. À cela près, Pacte est exact, comme celui dont on a gratifié le jeune Lecourbe il y a cent cinquante ans. Reste à expliquer la particule Le plus rare que le De. M. Castan rappelle que les Courbe avaient des prétentions nobiliaires. L'un d’eux, en 1730, se donnait le titre de comte Palatin et de chevalier de Saint-Jean de Latran. Le général, sans s'inquiéter des majuscules, ni des droits de ses an- cèêtres, a simplement réuni la particule à son nom. Quand Napoléon redemanda ses services, il avait bien 0e d'autres soucis que celui de l’anoblir, car Lecourbe est mort en défendant Belfort le 23 octobre 1815. En 1908, à la Société d’'Emulation, M. le docteur Ledoux a rappelé la naissance du général et 1l a désiré que les docu- ments qui la concernent fussent étudiés. Il à voulu assurer à Besançon l'honneur désormais incontestable d’avoir vu naître un des plus grands hommes de guerre de la Révo- lution. Comme Victor Hugo, né dans un autre quartier, il nous à été donné par le hasard ; l’un et l’autre ne sont pas moins bisontins. TÉAN DE DE (1760-1834) D'APRÈS L'OUVRAGE RÉCENT DE M. LÉONCE PINGAUD (1) Par M. Georges GAZIER SECRÉTAIRE DÉCENNAL Séance du 22 mai 1909. Jean de Bry, d’origine picarde, député à toutes les assem- blées révolutionnaires qui se succédèrent de 1791 à 1800, plénipotentiare au Congrès de Rastatt où il faillit perdre la vie avec ses collègues Bonnier et Roberjot, fut préfet du Doubs du 29 avril 1801 au 3 mai 1814. À ces divers titres, il méritait d'attirer sur lui l'attention de M. Pingaud qui, depuis tant d'années, étudie l’histoire de la période napoléonienne, et qui sait d'autre part tout l'intérêt et toute l'utilité que peuvent présenter, pour l’histoire générale, les recherches précises et approfondies d'histoire locale. Pour la biographie d’un tel personnage un plan logique et rationnel s’'imposait, d'autant qu'il correspond à quatre épo- ques successives et bien caractérisées de la vie de Jean de Bry. D'abord homme politique, il se distingua ensuite surtout comme diplomate, puis consacra enfin la dernière et plus importante partie de sa vie publique à l'administration d’une grande région. Rendu à la vie privée après la chute de Napo- léon, condamné à l'exil comme régicide en 1815, il fit appré- cier alors de tous ses vertus domestiques, ses hautes (1) Paris, Plon, 1909, &, 401 p. — 301 — qualités intellectuelles et morales. M. Pingaud a donc raison de diviser son ouvrage en quatre parties où il nous montre successivement en Jean de Bry le législateur, l'ambassadeur, administrateur, enfin l’homme. Etudions donc dans une rapide analyse, à la suite de son historien, ce personnage qui a pu être qualifié « le premier des acteurs secondaires du drame révolutionnaire ». On ne s’étonnera pas ici que nous nous attachions surtout à mettre en relief l’œuvre du préfet du département du Doubs, car elle est incontestablement le plus beau titre de gloire de Jean de Bry. - Le reproche ordinaire qu’on adresse aux auteurs de bio- graphies est dé trop grandir leur héros, d’exalter ses vertus en laissant dans l’ombre ses défauts. Or il se trouve précisé- ment que si nous avions une légère critique à faire à M. Pin- gaud,ce serait au contraire d'avoir été peut-être un peu trop sévère pour De Brvy, considéré comme homme politique. Par scrupule d’impartialité sans doute, il met en relief toutes ses défaillances, toutes ses capitulations de conscience, au point que souvent le lecteur serait plutôt tenté de plaider les circonstances atténuantes en sa faveur, Tandis que De Bry vieilli, jurait, « sur l'honneur devant Dieu », qu'il était resté dans tous les temps de sa carrière politique ce qu'il était en y entrant, dévoué à son pays et à la liberté, M. Pingaud déclare au contraire qu’il a évolué sans cesse, le montre tour à tour girondin, thermidorien, fructidorien, floréaliste, bru- mairien, bonapartiste : il aurait été, ajoute-t 1l, bourbonnien, si les Bourbons avaient accepté ses services constitutionnels en 4814. il accueillit eafin avec joie la Révolution de 1830. : Bref il aurait appartenu, selon son historien, à cette race de caméléons politiques dont l'espèce méprisable est de tous les temps et de tous les pays, qui, sans convictions — 9352 — aucunes, sont prêts à servir tour à tour les partis les plus opposés, n'ayant pour mobiles que leurs intérêts égoïstes ou la satisfaction des plus basses passions. Sans doute on ne flétrira jamais assez de tels hommes qui, pour arriver au pouvoir et aux honneurs, font litière de leurs principes, quand ils en ont, mentent à tout leur passé et trahissent le paru vaincu dont ils étaient à l'heure du triomphe les plus humbles valets : un Fouché, successivement traître à tous les partis, tombera toujours à juste titre sous le mépris public. Mais nous ne croyons pas que tel soit le cas de Jean De Bry ni celui de beaucoup des hommes de la Révolution qui ont suivi la même évolution politique. Jeune encore en 1789, nourri de la lecture des écrivains de lPantiquité grecque et latine, disciple fervent de Rousseau qui l’avait convaincu de la bonté naturelle de l’homme et de la souveraineté légitime du peuple, il s’enthousiasma pour une révolution dans laquelle il voyait, comme la plupart de ses contemporains, le début d’une ère nouvelle de liberté et de justice. Il crutensuite que cette noble cause à laquelle il venait de se donner tout entier était trahie dans l’entourage du roi, et par Louis XVI lui même. infidèle à ses serments. De là la sentence inexorable qu’il rendit à la Convention dans le procès du monarque dont il vota la mort, persuadé qu'il frappait un traître et remplissait un douloureux mais nécessaire devoir: La plu- part des régicides furent du reste dans le même cas, car il leur était impossible de s'élever au dessus des passions qui bouillonnaient autour d’eux et les empêchaient de voir que celui qu'ils frappaient avec tant de rigueur, successeur de Louis XIV, et persuadé comme lui du droit divin des rois, n’était coupable en somme que de ne pas avoir compris son temps. | | Si De Bry en cette circonstance s’est associé aux conven- tionnels les plus ardents, du moins n’a-t-il en rien participé aux excès de la Terreur ni flatté Robespierre: il fut un des rares députés qui purent sans déloyauté contribuer à la chute — 393 — du tyran. Cependant, au lendemain du 9 thermidor, 1l s’aper- çut que, inconsciemment ou non, beaucoup de ses alliés dans cette fameuse journée préparaient le retour de la monar- chie, c’est-à-dire, à cette époque où les passions étaient encore si ardentes, les cœurs si avides de vengeance, le commencement d’une réaction qui eût certainement versé autant, sinon plus de sang que la Terreur dont on sortait à peine. C’est ainsi qu’il fut amené à applaudir aux coups d'état successifs de fructidor, de floréal et de brumaire, attentats coupables sans doute aux veux des amis de la légalité, mais qui lui paraissaient seuls capables d'empêcher l'avortement complet de l’œuvre révolutionnaire. Enfin De Bry crut très sincèrement, avec tous ses contemporains d’ailleurs, que le Premier Consul allait, tout en pansant les plaies de la France, faire triompher définitivement les principes de 1789, et, ébloui par la gloire du héros, il ne vit que quand il était trop tard pour s’y opposer qu'il avait travaillé en réalité à l’établissement d’un despotisme absolu. Alors il n'avait plus le droit d’aban- donner Napoléon qui, en lutte contre l’Europe, n’en restait pas moins aux yeux des Français Pincarnation de la patrie : en le servant alors, il pensait servir son pays et il ne se trom- pait pas. Sans doute, après 1814 et après Waterloo, il eût été plus digne pour Jean De Bry de rentrer de lui-même dans la retraite, et, si on ne peut le blâmer d’avoir accepté le gou- vernement de Louis XVIIT, le seul possible alors, du moins naurait-1il pas dû lui offrir ses services, même en croyant par là pouvoir aider au relèvement de la France après ses désastres Mais on ne peut même alors lui reprocher de s'être avili par des bassesses et la preuve en est dans les quatorze années d’exil qu'il subit fièrement en expiation de son rôle sous la Révolution et l'Empire. En un mot De Bry, homme politique, eut sans doute des faiblesses passagères mais s'il ne fut pas un grand caractère, — rara avis, — sa loyauté politique nous semble indiscutable et, moins sévère que M. Pingaud, nous rendrions volontiers le témoignage qu'il a bien servi son pays et la cause de la liberté. — 304 — Ces réserves faites sur le jugement d'ensemble porté sur le rôle politique de De Bry, nous ne pouvons avoir un guide plus sûr que M. Pingaud pour l’étude de détail de l’activité parlementaire du député de l’Aisne. D’esprit très ouvert, très laborieux, De Bry aborda souvent la tribune, et on pardonnera à un bibliothécaire de louer la motion qu’il fit voter interdisant exportation hors de France des livres rares et des manus- crits précieux. Il ne fut pas toujours aussi heureux dans ses propositions dont beaucoup se ressentent de son commerce: trop prolongé avec les utopies de Rousseau ou de son amour des républiques antiques qu'il voudrait faire revivre en France, sans songer que Sparte et Athènes comptaient quel- ques milliers de citoyens et non une population de 30 millions d'individus. Envoyé en mission dans le Comtat Venaissin en 1794-1795, 11 s’y fit remarquer par sa grande modération et son esprit de Justice, en même temps que par ses qualités d'administrateur, qu’il révéla notamment en organisant avec habileté le service des subsistances. Il laissa à Avignon la réputation d'un homme de bien, et son fils, nommé préfet de la Vaucluse en 1848, entendit encore l’écho de cette bonne renommée un demi-siècle plus tard. Signalons d’autre part la grande délicatesse de De Brvy en cette circonstance: il avait reçu de la Convention une somme de 6,000 livres pour dépenses imprévues durant sa mission: à son retour il en restitua au Trésor 4472 qu'il n'avait pas dépensées, donnant ainsi un exemple de probité peu commun. A son retour d'Avignon, il entra au Comité de Salut public où il fit partie de la section diplomatique, et à ce litre, il parti cipa aux négociations de la paix de Bâle. C’est là qu'il pri soût à l’étude des questions de politique étrangère et ce fut une des raisons pour lesquelles il fut adjoint en 1798 à Bonnier et Roberjot, en remplacement de Treilhard nommé directeur, comme piénipotentiaire au Congrès de Rastati, où il s'agissait, conformément au traité de Campo-Formo, de régler les conditions de paix entre la France et l'Empire: — 395 — Tout le monde sait par quel attentat unique dans l’histoire contemporaine se termina ce Congrès Les Autrichiens ayant rompu les négociations, contraignirent les plénipotentiaires français à quitter Rastatt. Or, le 28 avril 1799, au moment où Bonnier, Roberjot et Jean De Bry sortaient de la ville avec leurs familles, ils furent assaillis par des hussards qui les arrachèrent de leurs voitures et les massacrèrent à coups de sabre. Seul Jean De Brv survécut à ses blessures et fut assez heureux pour échapper à ses assassins. À la suite de cet évènement extraordinaire, de cette violation inouïe du droit des gens, le nom de De Bry devint célèbre dans toute l'Europe et c’est encore aujourd’hui à ce fait qu’il doit d’être connu de tous. M. Pingaud ne pouvait pas manquer de chercher à élu- cider dans tous ses détails l’histoire de cet attentat, d'autant que depuis un siècle, les versions les plus contradictoires ont été répandues à ce sujet. Les historiens autrichiens ont cherché notamment à disculper le gouvernement de leur pays de laccusation portée contre lui d'avoir été l'instiga- ieurde ce crime odieux. M. Pingaud, après un exposé fort intéressant des négociations qui met en lumière quelle comé- die diplomatique jouaient alors en réalité et le Directoire et l'Autriche, aussi peu désireux l’un que l’autre d'arriver à une entente, après un récit dramatique écrit d’après les sources contemporaines de l’assassinat du 28 avril, examine tour à tour toutes les hypothèses présentées sur les auteurs responsables de ce guet-apens. Après avoir lu les pages qu'il consacre à cette étude, et dont il a pour une grande _ part puisé les éléments dans les notes et les papiers per- sonnels de De Bry, aucun doute ne peut subsister dans tout esprit de bonne foi. M. Pingaud fait d’abord justice de la ridicule accusation portée contre la victime elle-même et — 396 — d’après laquelle De Bry aurait fait massacrer ses collègues, sans s’épargner lui-même, pour servir ses amis politiques, le Directoire ou peut-être Bonaparte. Déjà au lendemain de l’attentat, les adversaires de De Brv, surtout les émigrés, avaient fait remarquer qu'il était extraordinaire qu'il eût échappé seul au massacre et, sans oser le dire ouvertement, avaient insinué qu'il pouvait avoir été à tout le moins com- plice des assassins. Les chansonniers se mirent de la partie, Trente coups! Pas un de mortel Est-il miracle plus réel? Un autre lui fit dire aux hussards autrichiens : Frappez, mais ne vous trompez pas Sur mon grand chapeau, sur mon bras, De petits coups pour rire. « La mode, écrit M. Pingaud, se fit complice de la calom- nie. On appela un Jean de Bry un habit ample, à vaste collet garantissant le cou, les oreilles et la moitié de la tête contre le froid, ainsi qu'il avait garanti contre les coups de sabre le corps du soi-disant assassiné ». Il a été facile à M. Pin- gaud, en se servant des arguments de sens commun présen- tés par de Brvy lui-même, de réduire à néant cette hypothèse qui n’a été prise en considération en ces derniers temps en- core que par des historiens autrichiens, intéressés à rejeter sur un autre le crime imdiscutablement commis par leurs com- patriotes. Car ce sont bien les Autrichiens, et M. Pingaud le démontre surabondamment, qui doivent porter devant l’his- toire la responsabilité de l'attentat de Rastatt. Sans doute la preuve matérielle de l'assassinat manque, ou, si elle existe encore, elle demeure profondément enfouie dans les archives secrètes du gouvernement de Vienne. Mais, grâce aux indis crétions commises, aux recherches habiles de certains éru- — 391 — dits, plusieurs faits suffisamment probants sont dès à présent bien établis. On sait aujourd’hui d’une façon certaine que lParchiduc Charles et ses subordonnés, qui considéraient les représentants de la République française comme des hommes en dehors du droit commun, avaient ordonné, soit pour déjouer des tentatives d'espionnage, soit pour connaître cer- tains détails de diplomatie secrète, la saisie des bagages contenant les papiers des plénipotentiaires français. Les hommes chargés d'exécuter cet ordre estimèrent que le meilleur moyen de commettre le vol qu’on leur commandait, était tout d’abord de se débarrasser des ambassadeurs, d’au- tant qu'ils étaient assurés qu'aucun de leurs chefs ne leur réprocherait ensuite cet excès de zèle. C’est Ce qui arriva en effet et nous ignorons, nous ignorerons toujours sans doute le nom des assassins : nous savons seulement qu'ils étaient des soldats au service du gouvernement autrichien qui les couvrit ensuite de toute sa protection et leur assura l'impunité. Ainsi au X11° siècle, les meurtriers de Thomas Becket crurent répon- dre aux désirs du roi d'Angleterre Henri [IT en mettant à mort le prélat, ainsi au début du xrv® siècle, en outrageant le pape Boniface VII à Anagni, Nogaret pensa servir les secrets des- seins de Philippe le Bel. De même que la mémoire des deux. souverains du Moyen-Age reste à jamais ternie pour le sou- venir des forfaits qui furent commis en leur nom, de même l'attentat de Rastatt restera pour la maison de Habsbourg _une tache ineffaçable dans son histoire. Loin d’être blâmés, les généraux autrichiens, auteurs res- _ ponsables de l’assassinat des plénipotentiaires français, reçurent de l’avancement après la conclusion du traité de Lunéville. Une compensation était bien due à leur victime et le Premier Consul la donna à De Bry en le nomimant préfet — 9328 — du Doubs, le 29 avril 1801 : il devait rester à ce poste jusqu’à la chute de Napoléon. M. Pingaud consacre près de la moitié de son livre à étudier son administration dans notre départe- ment et nous devons nous en féliciter, car c’est une page de notre histoire locale qu'il écrit ainsi de main de maître. La tâche d’un préfet au début du Consulat était singuliè- rement lourde et ïl lui fallait certes une grande habileté pour accomplir dans sa circonscription l’œuvre de récon- cihation nationale préconisée par le Premier Consul au len- demain de la tourmente révolutionnaire. Tout l'édifice ver- moulu de l’ancien régime était à terre et les pierres nouvelles que les assemblées de la Révolution avaient apportées pour la reconstruction d’un monument nouveau étaient disparates et de qualités diverses. Pour les assembler et les cimenter entre elles, il fallait des architectes d’une science consommée, bien convainçeus que la moindre erreur de leur part pouvait amener une catastrophe. Ce n’est pas la moindre preuve du génie de Napoléon que d’avoir su trouver des collaborateurs admirablement aptes à servir ses desseins, au point que la France nouvelle qu’ils ont créée est encore, après plus d’un siècle, toute pénétrée de l'empreinte qu’elle a reçue alors. De Bry fut l’un des plus remarquables de ces préfets impé- riaux : M. Pingaud nous prouve à chaque page qu'il fut un administrateur de premier ordre. | La première œuvre qu'il eut à accomplir fut de rétablir l'unité morale dans son département, de réunir les deux Frances que la Révolution avait divisées, et que séparait un fossé que presque tous jugeaient infranchissable. De Bry, quoique personnellement mêlé à la Révolution, sut oublier les passions politiques qu’il avait Jadis partagées et, chose plus difficile encore, les faire oublier aux autres. On en vit la preuve dès le début de son administration quand ül fallut appliquer dans sa lettre et dans son esprit le Concordat qui ordonnait la fusion des clergés réfractaire et constitu- tionnel. A Besançon, l'archevêque nouvellement promu, — 359 — Lecoz, était l’ancien évêque constitutionnel de Rennes, l’an- cien chef de l’Église assermentée dont il venait de présider les deux conciles en 1797 et 1801. Il était naturellement dis- posé à favoriser ses anciens amis aux dépens de prêtres qui ne l’aimaient pas et le regardaient volontiers comme un schismatique et un intrus. S'il appela quelques-uns de ces derniers à des postes éminents dans son entourage et leur confia des cures importantes à Besançon et dans le diocèse, il fit peut-être la part un peu trop belle à ceux qui comme lui avaient jadis accepté la Constitution civile. Mais De Bry, fidèle interprète de la volonté de Bonaparte, sut intervenir auprès de lui dans maintes circonstances et, très souvent, des réfractaires durent à cet ancien conventionnel régicide d’être appelés à de hautes situations ecclésiastiques au détriment de ceux de leurs confrères qui avaient jadis suivi ses propres conseils en prêtant serment. Par contre le préfet n’admettait pas que personne osât méconnaitre l'autorité de l'archevêque : les séminaristes révoltés contre un des professeurs nommés par Lecoz furent envoyés à la caserne méditer sur les dangers de lindiscipline. I faut dire qu’en- suite De Bry, cette satisfaction donnée au principe d'autorité, fit remplacer le professeur suspect à ses élèves, et ceux-ci, leur soumission faite, obtinrent grâce. De Bry sut également venir à bout de la double opposition politique qui réunissait ses efforts contre le Premier Consul _et ensuite contre l'Empereur. Il contnt les républicains exal- tés, qu'il jugeait peu dangereux, par des menaces et une sur- veillance politique active. Quant aux royalistes, tout en ayant parfois recours contre eux aux moyens violents quand ils élaient nécessaires, il chercha surtout à les rallier au nou- veau gouvernement par des faveurs et une bienveillance inlassable. C’est ainsi qu’il contribua pour une grande part à faire rayer de la liste des émigrés l’ancien professeur de droit de l’Université, Courvoisier, dont le fils devint bien- tôt avocat général dans la magistrature impériale, gravis- — 300 — sant ainsi le premier échelon qui, plus tard, fit de cet ancien soldat de l’armée de Condé devenu fonctionnaire impérial, un ministre de Charles X — preuve nouvelle qu'aucun parti n'a le monopole des savantes et opportunes évolutions poli- tiques. Grâce à De Bry, les ennemis du régime ne furent guère dangereux durant tout l'Empire dans le Doubs. Ils ne devaient relever la tête et « parler bien haut, dit M. Pingaud, qu’une fois le « tyran bien mort en avril 1814 ». Nodier a bien parlé d’un complot ourdi à Besançon en 1805 pour enlever Napoléon tandis qu'il passerait en Franche-Comté pour se faire couronner roi à Milan: sur ce point comme sur tant d’autres, l'imagination du conteur bisontin à beaucoup brodé, et tout se borna à quelques propos en l'air échangés au caïé par des cerveaux échauffés. Fouché a traité lui-même de fable ce prétendu complot de 1805. L'opposition ne continua en réalité, fort discrète, que dans quelques salons comme celui de mesdames de Ligneville, Terrier et de Piépape, où l’ancienne noblesse de robe et d'épée se réunissait autant du reste pour Jouer à la bouillotte que pour y médire du gouvernement. Dans le Doubs, la citadelle de Besançon et le fort de Joux | servaient de prisons d'Etat. De là le chapitre fort curieux et très nouveau que M. Pingaud consacre aux chouans enfer- més dans ce lieu de détention comme complices plus ou moins certains de l’attentat de la machine infernale. Le plus célèbre d’entre eux fut Bourmont, qui resta enfermé à la Citadelle de juillet 1801 à août 1804. Le régime auquel il fut soumis n’était du reste pas des plus sévères, d'autant que Fouché avait lui-même prescrit, lout en maintenant le prisonnier sous une surveillance exacte, de lui accorder toutes es faveurs susceptibles d’adoucir son sort. La femme de Bour- mont fut autorisée à partager la captivité de son mari et celle-ci sut manœuvrer avec tant d’habileté que son mari fort souvent, déguisé en femme, pouvait descendre la nuit — 361 — faire sa partie de bouillotte chez M"° de Piépape. D'autre part elle lui ménagea des amis et des complices dans la ville et à Paris, même dans l'entourage de Fouché, si bien que dans la nuit du 2 au 3 août 1804, Bourmont s’enfuvait de sa prison, et la police qui semble avoir tout fait pour préparer son éva- sion ne fit rien pour l’arrêter à nouveau. On sait comment quelques années plus tard Napoléon poussa la magnanimité jusqu’à confier un commandement à Bourmont en Portugal et comment celui-ci l’en récompensa ensuite par une trahison qui ne fut pas l’une des moindres causes de la chute de l'Empire. De Bry eut aussi à régler la surveillance du héros de l'indépendance de Saint-Domingue, interné au fort de Joux, Toussaint Louverture, qui, lui, ne put s'échapper et dont la prison fut le tombeau. Un préfet n’était pas seulement l’exécuteur des volontés de l'Empereur, un policier d’un grade supérieur chargé d'assurer l’obéissance des sujets. Il avait encore un rôle plus noble à remplir, qui consistait à développer les res- sources intellectuelles, morales et matérielles de sa circons- cription. M. Pingaud n’a négligé l’étude d'aucune partie de lœuvre de De Bry à cet égard, et on est frappé du grand nombre d'institutions encore vivantes aujourd’hui dont cet administrateur est le père C’est à lui que l’on doit l’installa- bHonrde là Cour impériale créée en 1811 et à la tête de laquelle fut placé l’ancien maire Louvot, l'établissement de l'Université de Besançon dirigée par le recteur J.-J. Ordi- naire, composée d’une Faculté des lettres et d’une Faculté des sciences, la création du Lycée. De Bry fonda à Besançon un cours pratique de médecine et de chirurgie d’où devait sortir notre Ecole de médecine actuelle : 1l contribua égale- ment à organiser, de concert avec son ami le maire de Besan- çon Daclin, une école municipale gratuite de dessin. N’ou- blions pas d’autre part, qu’il travailla plus que personne à la résurrection de l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Besançon, dispersée sous la Révolution, et que ce ne 23 — 369 — fut pas par flatterie mais par un sentiment de légitime recon- naissance que ses collègues lélevèrent à la présidence de leur compagnie. Il sut du reste préparer le rôle important que cette Académie devait jouer dans le développement des études historiques au xiIx* siècle en faisant introduire dans son sein des éléments jeunes et actifs tels que le bibliothé- caire Weiss qu'il honora toujours d’une affection particulière. Le préfet fut aussi l’auteur principal de la réapparition des Annuaires du Doubs qui depuis 1812 ont paru chaque année et qui pendant longtemps continrent d’utiles et substantielles études d'histoire locale ou d'économie politique. Le département du Doubs constitué pour les 2/3 de terres stériles était fort pauvre au point de vue agricole : sa pro- duction de blé ne pouvait suffire à nourrir la moitié de sa population qui trouvait alors sa principale ressource dans l'élève du bétail. De Bry comprit que, dans ces conditions, il convenait de ne pas disperser ses efforts et que le mieux était de réduire les sources de richesses à un petit nombre d’indus- tries intelligemment expioitées. [1 visita à maintes reprises Sa circonscription, cherchant à se rendre compte de tout par lui-même, interrogeant les populations, stimulant les éner- gies par des récompenses distribuées avec discernement. Il fut aidé dans cette tâche par des auxiliaires intelligents tels que Micaud, sous-préfet de Pontarlier et l’ex-pasteur Kilg, sous-préfet de Baume, et par un secrétaire tout dévoué, Lagrenée. M. Pingaud montre tout ce qui fut fait alors par ces hommes préoccupés par dessus tout des intérêts de leurs commettants, et on peut juger de la valeur de l’œuvre par les résultats encore visibles aujourd’hui. Pour De Bry, les habitants du Doubs devaient consacrer toute leur activité à trois industries principales, l'élève du bétail, la fabrication des fromages et l'exploitation des mines de fer. Dans les villes 1l convenait de développer des manufactures utilisant ces ressources locales. C’est ainsi qu'à Besançon il encou- ragea l’industrie horlogère, heureux de voir des maisons JG ee bisontines se substituer peu à peu aux établissements suisses, installés sous la Révolution et dont les affaires avaient péri- clité à la suite d'opérations plus où moins louches de Mége- vand et de ses associés. La bonneterie Détrey, née également sous la Révolution, prit une grande importance alors et occupa jusqu’à 500 ouvriers. Dans le pays de Montbéliard naissent les maisons Japy et Peugeot appelés à la brillante fortune que lon sait. On admirera d'autant plus les résultats de administration de De Bry si l’on songe qu’alors l’état de guerre était presque permanent et que la conscription enlevait tous les bras valides à l’agriculture et à l’industrie. Le préfet dut _ épuiser toutes les ressources de sa haute intelligence pour satisfaire aux demandes incessantes d'hommes que lui adres- sait le gouvernement central. Il avait affaire du reste à des populations animées de longue date d’un patriotisme ardent, si bien que l’on compta fort peu de déserteurs parmi les compatriotes de Lecourbe et de Pajol. Malgré les levées d'hommes continuelles, le nombre des habitants du Doubs ne cessa de s’accroître pendant le gouvernement de De Bry : le département comptait 216.000 habitants en l’an [X, 220.478 en 1806, 227.140 en 1812. La moyenne d'habitants s’éleva de 39 1/2 à 42 au kilomètre carré. Ces chiffres disent mieux que tout discours combien fut féconde l'œuvre entreprise par le préfet impérial qui aurait sans doute réalisé de véritables miracles dans notre région, si la France avait alors joui des bienfaits de la paix. En 1813, la Franche-Comté allait voir sur son territoire même les horreurs de la guerre. M. Pingaud consacre un chapitre fort substantiel, nourri de faits et d'idées neuves, au blocus de Besançon. C’est une des pages les plus tristes de notre histoire et qui dut laisser à De Bry bien des souve- _ nirs amers de ses derniers mois passés dans le Doubs. Par _le fait de l’état de siège, tous les pouvoirs furent concentrés dans les mains du gouverneur de la place Marulaz, qui assura — 364 — la défense avec l’héroïsme que l’on sait. De Bry, réduit à un simple rôle politique dans la ville, chercha surtout à éviter les froissements inévitables entre l'autorité militaire et les habitants. Ce ne fut pas chose facile et, comme tout concilia- teur, il se vit à la fois en butte au mécontentement du gou- verneur et aux colères de la population et de la municipalité bisontine. Ce qui lattrista davantage, ce fut de voir les partis politiques qu'il croyait abattus, relever la tête dans l'espoir de profiter des malheurs de la patrie. En des lignes émou- vantes, M. Pingaud nous montre les royalistes se livrant dans la ville assiégée à des attaques furieuses contre le gouver- neur et le préfet, jetant le doute et le découragement dans les esprits, dénigrant nos victoires et exaltant les succès de l'ennemi. La trahison rôdait partout dans la ville: du haut des clochers, des signaux révélateurs avertissaient l’ennemi de la situation de la place ; des femmes, des enfants appor- taient aux avant-postes ennemis des renseignements sur la défense. Même parmi les soldats, il y avait des traitres, et l’on vit des fusées lancées de la Citadelle indiquer à l’ennemi le but et la direction des sorties préparées par Marulaz : son aide de camp même, Cendrecourt, était de connivence avec les Autrichiens ! De Bry dut souvent méditer alors les vers du poète : Donec eris felix. Préfet de l’empereur tout puissant, il avait encou- ragé de tous ses efforts les tentatives du marquis de Scey à Buthiers pour emplanter dans la région la culture des bette- raves. L'empire tombé, ce fut ce même marquis de Scey qui fut nommé par Louis XVIII préfet du Doubs à sa place. De Bry avait espéré que le gouvernement royal lui saurait oré des quinze années laborieuses qu'il avait passées dans l'administration et de sa bienveillance envers les anciens émigrés, et il eut la faiblesse de l'en solliciter. Redevenus les maitres, les royalistes ne songerent bientôt qu'aux vengeances et De Bry allait être l’une de leurs victimes. — 9309 — La quatrième partie de l'ouvrage de M. Pingaud est inti- tulée L'Exil. Sous la première Restauration, De Bry était rentré dans la vie privée et avait même obtenu du gouverne- ment une pension de retraite de 6.000 francs comme ancien préfet. Mais quand l'Empereur qu'il aimait revint de lile d’Elbe, De Bry ne put lui refuser ses services et accepta pen- dant les Cent jours le poste de confiance de préfet de Stras- bourg. On sait quel fut après Waterloo le sort des conventionnels régicides qui avaient accepté de servir Napoléon en 1815. Considérés comme « régicides relaps », suivant le joli mot de M. Pingaud, ils furent bannis par la loi dite d’amnistie. De Bry eut cependant moins à souffrir de cet exil que beau- coup d’autres, car sa fille aînée était mariée à Mons en Bel- gique et là il put trouver un fover familial. Cependant des douleurs domestiques l’assaillirent, et, peu après son arrivée, il perdait cette fille qui lui était particulièrement chère. Ses fils rentrèrent en France où ils trouvèrent une place dans l’industrie, mais ses douze petits-enfants et même ses arrière petits-enfants furent la consolation de sa vieillesse, Il sut d'autre part trouver une occupation dans la lecture de ses auteurs classiques préférés, Cicéron et J.-J. Rousseau et _dans la rédaction de son Journal quotidien et de ses souvenirs. Dans son cabinet, deux gravures lui rappelaient les deux grands évènements de sa vie: l’une représentait l’attentat de Rastatt, l’autre le palais et le jardin de la Préfecture du Doubs. Quelques amis fidèles lui étaient restés et venaient le voir à Mons: le plus illustre de tous était le général Foy, auquel il était uni par les liens d’une parenté éloignée et qui lui rendit tous les services qu'il put. Foy estimait beau- coup De Bry à qui il écrivait en 1820 ces lignes de conso- lation : « Au milieu de vos adversités, il vous reste le — 366 — sentiment intime de n'avoir jamais été mû dans votre vie politique par aucune considération qu’un honnête homme ne puisse avouer et dont même il ne puisse se glorifier ». Dans les derniers écrits sortis de sa plume, De Bry aimait lui aussi à répéter qu'il était toujours resté fidèle aux principes de 1789, et il ne renia Jamais la Révolution. « J’ai toujours regardé, disait-il, la Révolution française comme une vaste amélioration, non seulement de notre pays, mais de l'espèce humaine toute entière. Il nv aura donc pour la France d'état social stable que celui qui a été bâti par elle », II sut d’autre part garder pieusement la mémoire de son empereur, dont la mort à Sainte-Hélène l’affligea beaucoup. Il eut le pres- sentiment que la mémoire de Napoléon ne ferait que grandir dans l'avenir et serait peut-être plus dangereuse pour ses ennemis que sa personne en captivité : toujours il parla avec respect du maître qu'il avait fidèlement servi et aimait à répéter qu'il lui devait « dix ans de bonheur 2t d'honneur ». Jamais De Bry, malgré les sollicitations de ses amis, ne voulut demander au gouvernement royal une grâce parti- culière qui lui permit de rentrer en France. Il espérait une loi générale d’amnistie qui rappellerait tous les bannis. Il fut trompé dans cette espérance et il ne fallut rien moins qu'une révolution pour lui rouvrir les portes de son pays. Après l’avènement de Louis-Philippe, il revint à Paris où on lui accorda quelques compensations : on lui rendit sa pen- sion d’ancien préfet de 6.000 francs et on lui paya les arré- rages de son traitement de la Légion d'honneur. I retrouva à Paris beaucoup de ses anciens amis comtois, notamment Joseph Droz, Ordinaire et surtout Charles Nodier qui avait eu le courage, tandis qu’il était banni, de le proclamer «le plus tolérant, le plus sage des administrateurs ». De Bry alla remercier Nodier à l’Arsenal et fut reçu à bras ouverts. À la fin de l’année 1833, l’ancien préfet tint également à aller féliciter son ami sortant de l’Académie française où il venait de prononcer son discours de réception. Mais ce jour-là, il — 367 fut saisi par le froid, une pleurésie se déclara et quelques jours après, le 6 janvier 1834, De Bry rendait le dernier sou- pir. Il fut enterré au cimetière du Père Lachaise où l’on grava sur sa tombe cette inscription qui rappelle les étapes caractéristiques de sa vie : « Conventionnel, plénipotentiaire à Rastatt, préfet de l’Empire ». Nous n'avons pu, dans cette étude rapide, donner qu’un résumé très incomplet du livre de 400 pages que M. Pingaud consacre à De Bry et nous avons dû passer sous silence une foule de faits du plus haut intérêt. Notre but était seulement d’ailleurs de montrer par quelques exemples la haute valeur historique de cet ouvrage et son importance pour l’histoire de la Franche-Comté en particulier. 11 serait superflu de faire ici l’éloge de la documentation sûre et abondante de l’auteur et de vanter les mérites littéraires d’un livre écrit avec cette sobriété élégante et distinguée dont M. Pingaud a le secret. Les membres de la Société d’Emulation ont eu le plaisir depuis longtemps d'apprécier tout le talent d’histo- rien de notre confrère, talent reconnu aujourd’hui de tous dans le monde savant. Disons seulement que ce livre sur De Bry est d’une lecture toujours attachante et que certaines pages sont pénétrées d’uue émotion communicative qui fait qu’on le lit parfois avec autant de plaisir que le roman le plus captivant. Ne serait-ce en tous cas que pour les cha- pitres si originaux consacrés à notre province, cet ouvrage est de ceux qui ont leur place dans toute noce CoM- toise un peu sérieuse, LE BAGNE A LA NOUVELLE EN 1878 SOUVENIRS DE VOYAGES D'UN MÉDECIN DE LA MARINE Par M. le Docteur GROSPERRIN MEMBRE CORRESPONDANT Séance du 21 juillet 1909. L'île Nou qui sert de pénitencier central et où débarquent les forçats à leur arrivée de France, est un rocher d’une quinzaine de kilomètres de tour, qui s’étend parallèlement à la grande terre et ferme au sud ouest la rade de Nouméa. . Au centre de l’ile, dans le fond d’une petite baie située au pied d’un mamelon surmonté d’un sémaphore se trouvent les cellules des bagnards, les divers ateliers de menuiserie, de charronnage, de cordonnerie et de tailleurs, la caserne des surveillants militaires, la caserne du détachement d’in- fanterie de marine et les cases des employés subalternes. Tout au bord de la baie, à une des extrémités, s'élève une paillotte avec, à l’avant, un clocher minuscule surmonté d’une croix, c’est l’église de Pile Nou, où, tous les dimanches, les condamnés, sous escorte, se rendent pour assister à la messe. Au centre de ces bâtiments divers, en avant des cellules des condamnés, s'étend une vaste esplanade bor- dée de bouraos, c'est le boulevard du Crime. C'est là que toutes les semaines, en présence des condamnés alignés à genoux et la tête nue, on administre la schlague. J’eus un jour la curiosité d'assister à la cérémonie, — 3069 — Le patient, qui doit recevoir dix, vingt ou trente coups de martinet, selon la gravité du méfait commis, est étendu à plat ventre sur un banc en bois, après qu’on lui a préalable- ment mis à nu la partie la plus charnue de son individu. Le correcteur, un forçat, généralement un colosse, armé d’un martinet à sept chefs dont les extrémilés sont effilochées au lieu de se terminer par un nœud comme autrefois dans les bagnes de France, frappe de toutes ses forces, et met suffi- samment d'intervalle entre chaque coup pour que le patient ait largement le temps de le savourer; presque toujours, au troisième ou quatrième coup, le sang apparaît. Lorsqu'un condamné a eu assez d'énergie pour ne pas proférer une seule plainte pendant l’exécution, il reçoit après la séance les félicitations des camarades, on le reconduit en cellule, et, s’il y a lieu, aussitôt que ses plaies sont cicatrisées, il prend place à nouveau sur le banc pour une autre correction. Une route, large comme un boulevard et bordée de magni- fiques cocotiers, longue d’un bon kilomètre, conduit en tra- versant l’ile entre deux collines, du pénitencier central à hôpital prineipal de la transportation où Hôpital du Marais, situé au bord de la mer sur l’autre versant. Un chemin assez étroit, mais pourtant carrossable, en longeant la côte va de l'hôpital au camp sud, où sont casernés des forçats et regagne le pénitencier central par le versant opposé qui fait face à la grande terre. La portion nord de l'ile, en partie couverte de broussailles, est à peu près complètement inoccupée ; cepen- dant une bande de terrain assez vaste et assez fertile, située entre la montagne et la mer, est le siège d’une exploitation agricole et d’une espèce de maison de retraite pour les con- damnés impotents. Le lundi 17 juin, après avoir remis la veille un peu d’ordre dans mes malles, je me trouvais, avec ma lettre de service en poche, à l’appontement de Nouméa, attendant le départ du Canot-Major du Pénitencier-Dépôt pour me rendre à l'ile Nou, et prendre possession du poste qui m'avait été désigné. 9310 — À dix heures précises, lorsque j’eus pris place à bord de l’embarcation, le surveillant donna le signal du départ, et les douze forçats qui montaient la galère firent force de rames dans la direction de Pile Nou. Une heure plus tard, nous accotions à l’appontement du pénitencier, on amenait le pavillon rouge placé à l’avant du canot et je me rendais chez le commandant, auquel je présentais mes devoirs en même temps que ma lettre de service. De là je me dirigeais vers l’hôpital, où m'attendait pour déjeûner l’aide-médecin que j'allais remplacer. Le pavillon dont Je devais occuper une partie pendant dix- huit mois était une construction sans étage, composée de neuf pièces orientées, quatre au nord et quatre au sud; celles tournées du côté nord étaient destinées au médecin de ser- vice, au pharmacien et au commis aux entrées. Une très vaste pièce située au centre du bâtiment, qu’elle traversait dans toute sa largeur, nous servait de salle à manger com- mune. Les quatre pièces tournées au sud étaient occupées par les religieuses de Saint-Joseph de Cluny attachées à l'hôpital. Une vérandah faisait le tour de la maison. Notre cuisine était faite à l’hôpital par une religieuse ; et notre domestique ou garçon de famille, un forçat en cours de peine à notre service, allait aux heures des Eee chercher les plats tout préparés. En avant de notre case, un ravissant jardin d'agrément s’étendait Jusqu'à l’avenue des cocotiers. Une haie de mi- mosas en faisait le tour, encadrant de délicieux parterres. ornés de fleurs d’une finesse exquise et du plus merveilleux coloris. En bordure, des feuillages aux nuances les plus variées, allant du bleu indigo au jaune orange en passant par toutes les couleurs de lParc-en-ciel. Des buissons d’aloës étalaient de distance en distance leurs larges feuilles vertes pointues comme des aiguilles. Des bana- niers, des citronniers, des pandanus, nous offraient à toutes les heures de la journée leur ombre bienfaisante, nous — 371 — protégeant contre les rayons brülants du soleil des tropiques. Un flambowant, surtout, situé tout au bord de la vérandah, attirait les regards. Cet arbre est, avec le banian, un des plus beaux de la Calédonie. Ses rameaux, dont le feuillage res- semble à celui de l’acacia, s’épanouissent à son sommet comme les branches d’un vaste parasol. Au moment de la floraison, qui dure pendant tout le mois de décembre, d'é- normes grappes roses s’étalent sur la verdure des rameaux, formant un ensemble du plus gracieux effet. Une allée de mûriers traversant le jardin donnait accès à nos apparte- ments. Un vaste jardin potager s’étendait à l’est de notre maison, au pied de la colline boisée qui partage en deux Pile dans toute sa longueur. Nous y trouvions pendant toute l’année en abondance les fruits du pays et des légumes frais. De l’autre côté de l'avenue des cocotiers, à l’ouest de notre habitation, s’élevaient au nombre de huit les pavillons de lPhôpital central. Tous ces pavillons parallèles, séparés par de petits jardins aboutissaient en avant à une longue véran- dah qui les reliait entre eux. Derrière l'hôpital se trouvait le jardin anglais, où seul le personnel libre avait le droit de circuler. Là étaient réunis de nombreux échantillons des plus belles fleurs et des plantes les plus remarquables de la Colonie, Au centre des massifs se dressait un énorme banian de dimensions gigantesques, pouvant abriter sous ses rameaux touffus plusieurs centaines de personnes. Après déjeuner, mon camarade me mit au courant du ser- vice ; et dès le lendemain, suivi de mon infirmier, je fis ma première visite dans les salles. L'hôpital de l’ile Nou, où sont évacués tous les forçats malades de la colonie, contient environ quatre cents lits; les pavillons, fort bien aménagés, sont divisés en deux services : service médical et service chirurgical. Un pavillon spécial est destiné aux aliénés. Mon médecin-major, le D' KFontan (1), (1) Membre correspondant de l’Académie de Médecine, — 372 — aujourd’hui membre de la Société de chirurgie, et directeur du service de santé de la marine en retraite, avait Les salles de chirurgie et j'étais chargé des fiévreux. Un infirmier choisi parmi les condamnés en cours de peine suivait la visite du médecin, et inscrivait sur un registre spécial les prescriptions médicamenteuses et le régime alimentaire. Mon infirmier était un ancien directeur de succursale de la Banque de France. Des emprunts clandestins faits autrefois à la caisse lui avaient valu dix ans de travaux forcés. Fort intelligent, très bien élevé, homme du monde accompli, il avait été jeune et n avait point su résister aux mille séductions de la grande vie parisienne, de là ses malheurs et son changement de situation. | | Ma première visite se borna à faire la connaissance de mes nouveaux clients. La plupart me semblèrent assez peu gra- vement atteimts,-et l’un d’entre eux surtout, me parut jouir d’une santé des plus florissantes. Je le fis porter sortant. La visite terminée, comme je me disposais à rentrer chez moi, mon infirmier, avec sa tête de fouinard, sa figure rasée, ses lunettes plaquées au bout du nez, m’'aborda et de son ton le plus mielleux, avec d'infinies précautions oratoires : Monsieur le major, me dit-il, le n° que voüs avez fait porter exeat n'est en effet pas malade ; toutefois, Je me permettrai de faire remarquer à Monsieur le docteur que, jusqu’à ce jour, il a toujours été convenu qu’on le laissait à Phôpital, pour lui éviter les pénibles corvées des condamnés ordinaires et pour qu'on püût lui donner un régime plus substantiel que celui du bagne. C’est un condamné politique, Roques de Filhol, ancien maire de Puteaux sous la Commune. Puisque c'était là bon plaisir de lAdministration, je ne voyais pour ma part aucun inconvénient à ce que cet homme continuât à jouir d’un régime de faveur et je fis raver l’exeat inscrit sur le registre. Au bout de quelques semaines je fus, en plus de mon service d'hôpital, chargé du service des camps en remplace- | ( | Le 579 — ment du Dr de Beaumont qui, malade, rentrait en France par le prochain bateau. Mes nouvelles fonctions m'obli- geaient à faire tous les matins, à cheval, en suivant le bord de la mer, une dizaine de kilomètres pour me rendre au Camp est où Je passais la visite des condamnés et des familles des surveillants militaires. Je regagnais ensuite le camp principal où je voyais également les forçats malades et les soldats du poste d'infanterie de marine, Ma besogne terminée dans les camps, je regagnais par la route qui traverse l’ile, l’hôpital du marais pour y faire ma visite quotidienne. Au camp principal était installée une infirinerie avec deux infirmiers pour le service. Les titulaires de ces fonctions étaient Gaston Dacosta et Alphonse Humbert, condamnés tous les deux aux travaux forcés à perpétuité pour participa- tion à la Commune de Paris. Gaston Dacosta, fils d’un professeur de mathématiques très connu dans le monde de l’enseignement, était, Je crois, can- didat à l'Ecole polytechnique en 1870 quand survint la guerre franco-allemande, puis le siège de Paris et la capitu- lation. Ardent républicain, au 18 mars il se rangea du côté des communards, et prit part au mouvement insurrectionnel comme secrétaire de Raoul Rigaut, Lorsque, chemin faisant, pendant la visite à travers le Camp, nous causions ensemble de Paris, du quartier latin et surtout des évènements du second siège, il n’approuvait pas tous les actes du gouvernement du 18 mars, il blämait même ouvertement les crimes de quelques énergumènes surexci- tant la foule et la poussant aux pires excès. Il avait aussi pu voir que, lorsque les passions sont déchainées, le flot popu- laire ne s’indigne pas plus que les vagues de locéan soule- vées par les vents en furie. Il fut condamné à mort par le conseil de guerre et ce ne fut que plusieurs mois après que sa peine fut commuée en celle des travaux forcés à perpétuité. Alphonse Humbert, homme de lettres, devenu depuis président du conseil municipal de Paris et député de la Seine, — 314 — avait été rédacteur en chef du fameux « Père Duchesne ». 1 n'avait pris aucune part officielle à la Commune ; il avait été, au même titre que Rochefort, condamné pour avoir excité le peuple à la rébellion. Les premiers temps de leur captivité furent très durs pour les anciens fédérés condamnés aux travaux forcés ;1ls étaient soumis à un régime spécial beaucoup plus sévère que les condamnés de droit commun, et les corvées les plus pénibles et les plus répugnantes leur étaient souvent réservées. C'était à eux qu'incombait la confection du torchis pour la construction des paillottes ; ce torchis, mélange de paille hâchée, de terre glaise et d’eau, était placé dans un cercle dont les parois formées de vieux lambris étaient destinées à le maintenir en place. Les hommes, la plupart du temps des communards, désignés pour le malaxer, tournaient nu-pieds dans le cercle jusqu’à ce que le travail fût achevé. Rien dans leur passé n'avait préparé les malheureux à ce genre d’exer- cice ; aussi à la fin de la séance avaient-ils les pieds dans un état lamentable. Il y avait au bagne environ trois cents fédérés. Il faut leur rendre cette Justice que, tant que dura leur captivité, aucun d’eux ne se rendit coupable de la moindre indélicatesse. Un d’entre eux pourtant avait été condamné plutôt pour crime de droit commun que pour participation à l'insurrection. Il s'était pendantle pillage de l’hôtel Thiers, place Saint-Georges, approprié un bibelot de prix ; ses camarades lavaient mis à l'index et n'avaient avec lui aucune relation. En raison de leur conduite, plusieurs avaient été l’objet de diverses mesures de faveur. Les uns avaient obtenu des postes d’infirmiers, d'autres avaient été employés dans les bureaux au lieu d’aller travailler sur les chantiers. Louis Lucipia et Louis Giffaut avaient été classés parmi ce que lon appelait les «écrivains », le premier comme comptable à l'Hôpital du Marais, l’autre comme secrétaire dans les bureaux du commandant. —- 315 — Louis Lucipia qui devait plus tard devenir maire de Paris, s'était trouvé compromis au titre de capitaine de la garde nationale. dans l'affaire des Dominicains d’'Arcueil, [| avait été condamné à mort et comme tel, à l'instar de Dacosta, il avait passé plusieurs mois en cellule dans les prisons de Ver- sailles, attendant chaque jour qu'on vint le chercher pour le plateau de Satory. [ n'avait dû sa commutation de peine qu'à l'intervention auprès de Thiers, alors chef du pouvoir exécu- tif, d’un religieux, ami de sa famille. Fils d’un pharmacien de Nantes, il faisait son droit à Paris au moment où éclata la guerre franco-allemande de 1870. Lucipia et Dacosta avaient des caractères assez dissem- blables. Absolument intransigeant dans sa façon d'apprécier les hommes et les choses, Lucipia n'aurait jamais fait en poli- tique la moindre concession à son meilleur ami. Lorsqu'il venait m'apporter la liste des entrants dans mon service d'hôpital, nous causions souvent ensemble sous la vérandah. Un jour que nous parlions des évènements de la Commune «eh bien, lui dis-je, moi aussi, j'ai la prétention d’être répu- blicain, toutefois 1l y a une nuance très marquée entre nos deux façons de comprendre là république, mais si cela recom- mençait et que vous fussiez d’un côté et moi de l’autre, J'aime à croire que vous seriez gentil pour moi ». (« Si cela recommence, me répondit-il sans hésiter, je vous casserai la tête comme au premier venu ». € Merci, lui dis- JE. en riant, un homme prévenu en vaut deux et le cas échéant, je tâcherai de commencer ». Bien qu’il eût eu la. vie sauve grâce à l'intervention d’un membre du clergé, il ne paraissait pas avoir pour les curés une tendresse exagérée. Gambetta était un des hommes politiques à qui il en vou- lait le plus ; et il se promettait bien le jour où il rentrerait en France, de faire contre lui une campagne acharnée. Je me suis demandé bien souvent pourquoi on envoyait dans les bagnes ordinaires certaines catégories de condam- bi damnés politiques, car enfin, on ne fera jamais, en dépit de tous les arrêts, que des hommes, quels que soient leurs torts du reste, qui ont combattu à ciel ouvert, au péril de leur vie, l’ordre de choses établi, puissent être confon- dus avec de vulgaires malfaiteurs qui détroussent la nuit au coin d’une rue déserte les passants inoffensifs. A-t-on jamais vu un gredin quelconque, chevalier du surin ou de la pince monseigneur, devenir plus tard, sa peine terminée, con- seiller municipal ou député? Nous n’en sommes pas encore là que je sache, et j'aime à croire que nous n’y arriverons pas de sitôt. Ce qui constitue la caractéristique du bagne c'est l’infamie, ce n’est pas tant la sévérité du régime auquel le condamné est soumis que la tache indélébile impri- mée au coupable par la décision des juges. Aucun parti politique, aucun gouvernement ne peut rendre à un homme ce qu'on appelle l'honneur, pas plus qu'il ne peut le lui enlever, quels que soient du reste les supplices qu'il lui fasse subir. Les travaux publics infligés dans l’ar- mée à une mauvaise tête ne lui enlèvent rien de ses droits de citoyen. Certes, les travaux publics sont autrement durs que les travaux forcés, iln’en est pas moins vrai que celui qui sort de Biribi, s’il ne mérite pas pour autant la croix d’hon- neur, peut encore lever la tête sans être pour les siens un objet de honte et de répulsion. Combien, après le 2 décembre, d’innocentes victimes sont allées périr dans les géôles de Cayenne ? Un changement de régime a suffi pour faire des survivants des pensionnés de l'Etat, et plusieurs de leurs. descendants y ont gagné des sièges législatifs, À lhôpital, pour moi, tous les malades avaient droit aux mêmes égards, J'étais médecin et je ne voulais être que médecin, En dehors du service, il m'était impossible, malgré le code, de ne pas distinguer entre les communards et les condamnés de droit commun. Depuis plusieurs années déjà, le régime auquel étaient soumis les anciens fédérés s'était beaucoup amélioré et ils : Er n'avaient plus à subir, comme dans les commencements, les vexations incessantes des gardes-chiourmes. [ls n'étaient point cependant affranchis des peines disciplinaires que lon infligeait à l’occasion pour infraction aux règlements. J’ai encore vu le colonel Lisbonne à la double chaine, et Trin- quet, mort depuis comme directeur des prisons à Lille, accouplé avec un autre de ses camarades. Je ne sais quelle frasque avait commise le colonel; il était toujours le person- nage fantasque qui s'était distingué par ses excentricités pen- dant l'insurrection, personnage qu'il continua après son retour en France où il acquit à Paris quelque célébrité comme gérant de la Taverne du bagne, puis comme direc- teur du théâtre des Bouffes du Nord. Trinquet avait dû subir le régime de l’accouplement pour tentative d'évasion. Un jour, avec deux ou trois de ses camarades, il avait réussi à s'emparer d’une embarcation à vapeur sous pres- sion. Immédiatement Trinquet s'était mis à la barre, et en route dans la direction de la haute mer. Signalés aussitôt par le sémaphore, un bateau de la station se mit à la pour- suite des fugitifs et par vint à les rejoindre avant qu'ils eussent pu disparaître à l'horizon. Ce fut à propos pour les malheu- reux, qui avaient tellement chauffé que la chaudière n'aurait pas tardé à éclater. Les peines de la double chaine et de l’accouplement sont des châtiments disciplinaires. Pour la chaine, simple ou double, une ou deux chaines fixées à un anneau attaché à la ceinture du condamné viennent aboutir à un autre anneau de fer rivé autour de la cheville du pied, occasionnant pour la marche une gène considérable. Presque toujours l'anneau du pied, au bout d’un certain temps, est la cause d’une ulcé- ration assez étendue et plus où moins profonde. Dans l’acco u- _ piement, deux hommes ont un anneau rivé l’un au pied droit, l’autre au pied gauche ; ces deux anneaux sont réunis par _ une chaine commune, de sorte qu'aucun des deux hommes ne peut faire un pas sans que son camarade le suive. 24 — 3178 — Autrefois, dans les bagnes en France, tous les forçats étaient accouplés et l’on avait toujours soin de réunir ensemble des sujets de caractères absolument différents, aussi, au bout de peu de temps, les deux malheureux étaient devenus deux ennemis acharnés. Dans une cellule à part divisée en deux compartiments assez spacieux, habitait un forçat de marque, Lullier, ancien lieutenant de vaisseau, condamné aux travaux forcés à per- pétuité pour avoir pris une part active à l'insurrection com- muniste. Lullier n'avait jamais voulu revêtir le costume de forçat, et, pour la traversée de Toulon à la Nouvelle-Calédonie, il avait fait le voyage à fond de cale, les fers aux pieds. À l'ile Nou, interné en cellule dès sou arrivée, il y resta Jus- qu’au moment de l’ainnistie. L'administration avait fini par lui accorder un vêteinent de flanelle, puis, au bout d'un cer- ain temps, la permission de se promener pendant quelques nstants dans la Journée en dehors de sa cellule. De cette permission, du reste, 1l ne voulut jamais profiter, préten- dant qu’en cellule il était chez lui, et que, s’il en sortait, il se trouverait au bagne ; or à aucun prix il ne voulait aller au bagne. Pendant les dernières années de sa captivité, on avait beaucoup amélioré son régime, l'administration Iui avait accordé les vivres d'hôpital, c'est-à-dire, aux deux princi- paux repas : Le potage, un légume, un rôti, un dessert et un quart de vin. Dans un des compartiments de sa cellule on avait fait installer une baignoire, où deux ou trois fois par semaine, il pouvait prendre son bain. Il avait à sa dis- position de quoi écrire et tous les livres que l’on pouvait se procurer au pénitencier. Un jour, il se fit inscrire sur la liste des malades à visiter au dehors et je me rendis auprès de lui, « Monsieur, me dit- il, comme vous le voyez, je me porte très bien, je ne suis nullement malade et je n’ai pas la moindre envie de le deve- nir ; et, si je vous ai fait appeler, c’est pour vous prier de — 379 — faire à l’autorité compétente certaines observations au sujet de mon installation. Elle est, comme vous pouvez vous en rendre compte, tout à fait sommaire ; et je voudrais qu’on y _apportât un peu plus de confort ». Ces paroles étaient dites dunvton bref, presque impératif. Je lui répondis que je ferais part au commandant du désir qu'il venalt de m’expri- mer, et Je n’entendis plus jamais parler de lui. Abstraction faite du milieu, le séjour de lile était pour nous des plus agréables. Nous étions logés confortablement et notre table était certainement une des meilleures de la colonie, grâce au système que nous avions adopté. Au lieu de continuer à faire prendre nos repas à la cuisine de lhôpi- tal, nous avions demandé qu'on nous fournit nos vivres en nature. Je pris comme garçon de famille un cuisinier de profession, et comme, d'autre part, nous avions tous les jours et sans aucuns frais de maguifiques pièces d’excellent poisson de mer, nous pouvions avec l’aide de notre pou- lailler, meublé de cent cinquante têtes de volailles, com- poser des menus aussi variés que délicats et abondants. Nous élevions aussi de petits cochons qui, bons à tuer, pesaient de dix à douze kilogs. Chaque fois qu’on en immo- lait un, la bête faisait les frais d’un festin pantagruélique auquel étaient conviés le ban et l’arrière-ban des officiers, célibataires s'entend, présents à Nouméa et à bord des bateaux en rade. Un ancien charcutier arrivé à Nouméa, des hauteurs de Ménilmontant, qui avait eu autrefois maille à partir avec la justice de son pays, confectionnait avec les débris de l’animal, une quantité de plats des mieux réussis. Une délicieuse bouillabaisse, triomphe du pharmacien qui excellait à les préparer, ouvrait la marche ; venaient ensuite un nombre invrasemblable de plats de cochon, si bien que malgré le coup du milieu, destiné comme le trou normand _ à faire un peu de place dans l’estomac des convives, tous ou presque tous, s’en retournaient avec une magnifique _indigestion. — 380 — Notre table était réputée et notre hospitalité légendaire, aussi ne se passait-il pas de jour où nous n’eussions au moins deux ou trois convives à déjeuner. Le jeudi, nous dinions en ville chez mon médecin-major qui était veuu avec sa famille remplacer les religieuses dans leur appartement. Nous recevions toujours chez le docteur Fontan l'accueil le plus aimable; il se montrait pour nous un excellent camarade bien plus qu’un supérieur, et jamais à aucun moment, il ne s’est prévalu du nombre de ses galons. Tous les soirs, sous la vérandah, nous passions des heures charmantes en d’interminables causeries. Mme Fontan, qui savait unir les qualités d’une maîtresse de maison parfaite aux charmes d’une femme du monde accomplie, avait deux ravissantes fillettes. J'avais eu l'honneur de tenir sur les fonds baptismaux la plus jeune, venue au monde dans le courant de la première année de notre séjour à l’île Nou:. Nous avions pour cultiver notre jardin un condamné classé aux fous, à la suite d’une tentative d'évasion avortée grâce à un malencontreux hasard. Cet homme, que nous appelions Gentiane, était le plus beau spécimen de criminel-né que la terre eût jamais porté. Jamais il n’avait eu l’ombre de sens moral ; et son existence, avant son arrivée au bagne, n'avait été qu’un long tissu de débauches et de crimes. De temps en temps je l’interrogeais sur son passé, et, chaque fois, il me narrait l’histoire de nouveaux forfaits. Originaire d’un département du Nord, il avait étendu le théâtre de ses exploits jusqu’en Belgique. Il avait eu maintes fois l’occasion de faire connaissance avec les prisons de ce pays, et il avait pu faire ainsi la comparaison entre les régimes pénitentiaires des deux nations. C’est à la France qu’il donnait la préférence, trouvant l’internement dans nos prisons beaucoup moins dur que dans les prisons belges. Il était pour beaucoup de tribu- naux une vieille connaissance, et maintes fois le juge, en le voyant comparaître, lui avait dit: Cest encore toi Gentiane ? Et lui de répondre en riant: oui c’est encore moi. — 381 — Le vol avec ou sans effraction était sa spécialité, et, jusqu’à l’affaire qui l’amena en cour d'assises et lui valut de faire le voyage de la Nouvelle, il n'avait connu que les bancs de la correctionnelle. Un beau jour il avait enlevé la femme d’un de ses compa- triotes et avec elle le montant des économies du ménage. Le mari trompé, volé et pas content mit la police aux trousses des deux tourtereaux. On finit, après de longues recherches, par les découvrir dans une chambre d'hôtel borgne où ils étaient en train de faire bombance. Le commissaire frappa à la porte de l’appartement en pro- nonçant le sacramentel : Ouvrez au nom de la loi Gentiane se garda bien d'ouvrir et l’on fut obligé de faire sauter la serrure. Au moment où la police faisait irruption dans la pièce, Gentiane tira plusieurs coups de revolver dont l’un fracassa l'épaule d’un gendarme. Pendant que l’on portait secours au blessé, le bandit profita du désarroi pour s’esquiver et prendre la clef des champs. [l se rendit à la gare voisine où il prit le premier train en partance Quelle ne fut pas sa stupéfaction quand, au débarcadère, un gendarme linterpella en lui disant : c’est vous qui vous nommez Gentiane. Devant son trouble et sa réponse embarrassée, le représentant de l'autorité n'avait pas hésité à lui mettre la main au collet et à. le conduire à la maison d'arrêt. Jamais nous n'avons pu lui faire comprendre comment ce gendarme, quine l’avait jamais vu, avait pu l’interpeller par son nom. Nous avions beau lui dire que la police prévenue par dépêche avait donné son signalement, il nous répandait toujours : ça, c'est des bêtises, ça n’est pas vrai. [Il fut condamné à huit ans de travaux forcés. Le séjour de l'ile Nou ne le charmait en aucune façon : outre la liberté perdue, il regrettait les festins largement arrosés de bière et de cidre qu'il pouvait s'offrir autrefois avec le produit de ses rapines : € Ce n’est pas un bon pays ici, répétait-il souvent, il n’y a point de pommes. » Il résolut _de s'évader et de gagner, si possible, l'Australie, pour de là rentrer en Europe. — 9382 — Sortir de l’ile Nou était relativement facile, mais le reste du plan était plus difficile à exécuter. Il parvint à gagner la grande terre, où 1l erra dans les environs de Nouméa pen- dant une quinzaine de jours, vivant de vols et de rapines et cherchant un coup à faire, qui lui permit de rentrer en France pour y continuer ses exploits. Une nuit, il avait réussi à pénétrer dans les bureaux du directeur de la banque de Calédonie et à ouvrir le coffre-fort, qui renfermait une quarantaine de mille francs en espèces. Malheureusement pour lui, pendant qu'il était en train de déménager le magot, une pile de piastres roula par terre, réveillant les canaques de garde qui dormaient paisiblement. Aussitôt Gentiane fut pris, ligoté comme un saucisson et transféré à la Carabousse avec accompagnement de coups de casse-tête que les policiers indigènes lui distribuaïent en route avec une extrême libéralité. Cet exploit lui valut sa réintégration immédiate dans une cellule du pénitencier cen- tral, où il attendit sa comparution devant un conseil de guerre. Il fut condamné à vingt ans de travaux forcés, ce qui, en fait, équivalait pour lui à la perpétuité : et comme mesure disei- plinaire on lui octroya deux cents coups de schlague, qui lui furent distribués par série de trente jusqu'à ce que le compte füt exact. Les cicatrices produites par les coups de martinet donnèrent. à la peau un aspect quadrillé d’un effet très bizarre, on aurait dit qu'il avait le derrière en peau de crocodile. Le semblant de raison qu'il possédait auparavant avait sombré dans cette épreuve, et on avait dû le elasser à la section des aliénés. Il était fort comme un Turc, et cultivait à lui seul tout notre jardin, qu’il entretenait en parfait état. Il nous volait autant qu'il le pouvait; mais il n'aurait pas supporté qu'un de ses camarades nous dérobât le moindre objet, n’eût-il aucune espèce de valeur. Le jour de mon accident au camp central, on vint en hâte à l'hôpital chercher mon médecin-major ; 1 y eut quelques — 383 — heures de désarroi et notre case demeura sans surveillance. Un condamné profita de la circonstance pour nous voler quelques bouteilles de vin, mais Gentiane arriva sur les entrefaites. Saisi d’un mouvement subit d’indignation, il se jeta sur le voleur, qu'il était belet bien en train d’étrangler lorsqu'on vint au secours du malheureux, qui râlait déjà. « Ah! disait-il en lui serrant la gorge de sa poigne de fer, tu profites de ce qu’on tue le monsieur pour le voler, eh bien. ton compte est bon, tu vas y passer, » Comme il le disait, il l'aurait fait sans l'arrivée du correcteur. On commençait à cette époque à parler d’hypnotisme; Gentiane aurait été un excellent sujet d'expérience ; 1l suffisait . de lui placer sous les yeux un objet de métal brillant ou de lui mettre sur l’oreille un porte-plume ou un morceau de bois quelconque, il fixait l’objet pendant quelques secondes puis tombait sans connaissance et dormait d’un sommeil de plomb pendant plusieurs heures avant de se réveiller. Depuis sa première comparution en cour d'assises, il avail une sainte horreur des gendarmes. Un jour il nous avait raconté qu un de ses frères faisait son service militaire dans les dragons ; nous eûmes l’idée plutôt burlesque de fabriquer une lettre, avec en tête la silhouette d’un gendarme en grande tenue et de la lui remettre comme venant de son frère. Nous lui faisions part dans cette lettre de l’entrée de son frère dans la maréchaussée, par permutation avec un gendarme à cheval et la silhouette qui ornait la première page n'était autre que le portrait du nouveau gendarme en uniforme. Aux premiers mots d'explication que nous lui donnâmes, il ne voulut pas en savoir plus long, il jeta la lettre par terre après lavoir déchirée, la foula aux pieds, sa figure devint blême et avec l'accent du désespoir il ne prononça que ces mots : moi au bagne, mon frère gendarme, « mon » famille est complètement déshonorée, et il alla rejoindre ses compa- gnons dans la salle où 1ls étaient internés. Pendant plusieurs jours nous ne le revimes pas ; il s'était eu à éouché et ne voulait plus sortir de son lit. Pour le décider à reprendre son travail au jardin, nous dûmes lui confec- tionner une seconde lettre, où son frère lui annonçait qu’il n'avait pas pu rester dans la gendarmerie et qu'il était de nouveau soldat dans un régiment de dragons. Sa joie fut aussi grande que son chagrin avait été profond, il vint à. nous en agitant sa lettre et en riant aux éclats : « Ah! ah! mon frère, il n’est plus gendarme, il est dragon », et ses éclats de rire redoublaient éclairant sa large face de brute d'une joie sans pareille, À partir de ce moment-là 1l reprit son travail avec une nouvelle ardeur. Un autre forçat avait eu son heure de célébrité, c'était le fameux polonais Bereysowski, condamné aux travaux forcés à perpétuité pour avoir, à l'Exposition de 1867, tiré sur le czar Alexandre un coup de revolver. Il était employé au camp central à fendre du bois pour la boulangerie. Le régime du bagne à la Nouvelle-Calédonie est incompa- rablement plus doux que ne l’était autrefois celui des bagnes de la métropole. Les condamnés employés dans les ateliers ou sur les chantiers sont à peu près dans les mêmes con- ditions qu’en France les ouvriers des grandes usines ou des chantiers d’une vaste entreprise, avec cette différence cepen- dant, que l’ouvrier, en dehors du travail, jouit de toute sa hberté, tandis que le condamné est constamment sous la surveillance des gardes-chiourmes. Même en dehors des heures de travail, il n’a pas un instant dont il puisse dis- poser à sa guise. La nourriture n’est pas des plus réconfortantes. Le matin, au réveil, qui à lieu à cinq heures, les hommes absorbent leur quart de café noir, avant de partir soit pour l'atelier, soit pour le chantier, mais quel café! Un peu d’eau chaude noirâtre légèrement édulcorée et sans grande saveur. À midi, le repas se compose d’une soupe où nagent quelques légumes secs, avec un morceau de lard, et, deux fois par. — 385 — semaine, la viande salée est remplacée par le bœuf bouilli. Depuis quelque temps cependant, pour augmenter la con- sommation de la viande et favoriser l’écoulement du bétail des éleveurs de la brousse, l'administration a décidé de faire donner six Jours par semaine le bœuf bouilli aux condam- nés. Le soir, même soupe que le matin, mais sans viande. La ration de pain est de trois livres pour deux jours. Le travail du condamné est rétribué à raison de dix centimes par jour, ce qui lui permet d'améliorer de temps en temps son ordinaire, en achetant à la cantine des conserves ou des denrées alimentaires. Beaucoup fabriquent des bibelots qu'ils vendent aux officiers ou aux visiteurs ; ils se font ainsi un petit pécule avec lequel ils peuvent se procurer quelques douceurs. Aucun homme ne peut avoir en sa possession plus de six francs ; mais quelques-uns ont des cachettes, connues d'eux seuls, qui leur servent de coffre-fort et où ils ont en dépôt des sommes parfois assez fortes, Le vol est encore pour les habiles l’industrie la plus lucrative, mais là-bas, comme en France, le métier a ses aléas et bien rares sont ceux qui en tirent un gros profit. Le mobilier des cases est sommaire, il se compose à peu près uniquement de deux rangées de hamacs, séparées par une allée centrale, Chaque homme est pourvu d’une couverture dans laquelle le con- damné s’enveloppe pendant la nuit. Le costume se compose uniformément d’un chapeau de paille à bords plats et assez larges, d’une blouse et d’un pantalon blancs. Une paire de godillots complète la tenue. Sur chaque vêtement s'étale en _ chiffres noirs très apparents le numéro matricule. Les che- veux sont coupés ras et la figure complètement rasée. Les forçats sont divisés en quatre classes, d’après la gra- vité de la peine à laquelle ils ont été condamnés. Pour ceux des trois premières catégories, le régime est le même, pour Poux de la 4° le régime est plus sévère. À aucun moment, en dehors des heures de travail où ils sont envoyés aux chantiers sous la conduite de surveillants toujours armés de — 9386 — revolvers, ils ne peuvent sortir des cases où ils sont enfer- més. Tous ont été triés sur le volet, et sont, on peut le dire des sujets de choix. Leur morale, même pour la plume la plus osée, défie toute description. Nombre d’entre eux, tout jeunes encore, sortent des bas-fonds des grandes villes, où leur principal métier était de détrousser les passants attar- dés, tout en protégeant à l’ombre de leurs nageoires les suaves Casque d'Or des boulevards extérieurs. C’est un de ces intéressants personnages qui, pris un beau Jour de dé- goût pour l’existence monotone du bagne, résolut d’en finir avec la vie, et pour se faire guillotiner me fit l'honneur de jeter sur moi son dévolu. Pensionnaire d’une maison cen- tr:le, où ses exploits, tant sur les hauteurs de Belleville qu à la Villette ou à Ménilmontant, l’avaient conduit, 1l s'était, pour être admis à faire le voyage de la Nouvelle, rendu cou- pable d’une tentative d’assassinat sur un gardien de l’éta- blissement. Gratifié de vingt ans de travaux forcés, il assas- sina un Jour à l’île Nou un de ses camarades dans une rixe. Condamné à mort par le conseil de guerre de Nouméa, il fut pendant plusieurs mois interné en cellule, en attendant la décision présidentielle au sujet du recours en grâce qu'il avait adressé au chef de l'Etat. Pendant tout ce temps, il s'était fait porter malade et plusieurs fois par semaine j'allais le visiter. Dans le fond de sa cellule, il avait absolument Pair d’une bête fauve en cage, j’en avais pitié et Je lur prescrivais tout ce que le règlement me permettait de lui donner en fait de vin et de vivres frais. Lorsqu'il fut grâcié et que sa peine eut été commuée en celle de cent et un ans de travaux for- cés, il se trouvait avoir à purger une peine de cent vingt ans de bagne. Aussitôt après sa sortie de cellule, il se présenta à la visite du camp et me demanda d'entrer à l’hôpital. Dix mois de séjour consécutif au frais et à l’ombre entre quatre murs circonscrivant un espace des plus restreints, l'avaient certainement beaucoup anémié, et il était en outre en pleine évolution d'une maladie spéciale qui contribuait — 9387 — encore singulièrement à le déprimer. Par commisération j'accédai à sa demande et je le fis porter sur la liste des entrants. Deux ou trois jours après il se présenta de nou- veau à la visite du camp, avec cette mention à côté de son non : à envoyer au travail après lui avoir institué son trai- tement, n’est digne d’aucun intérêt. | Je lui fis une prescription médicamenteuse, en lui disant les jours suivants de continuer toujours le même régime. Un matin, comme je lui faisais la même recommandation que la veille : € ah ça, oui ou non, voulez-vous me soigner, me dit-1l à brûle pourpoint, en me considérant d’une étrange façon ; et en même temps, avant que j’eusse pu me remettre de la stupeur causée par cette brutale apostrophe, il me frappa d’un coup de couteau en pleine poitrine. Instincti- vement, je parai avec le bras, 1l me porta aussitôt un second coup dans le côté, puis un troisième à l’épaule gauche. Il avait visé au cœur et il avait visé Juste. Heureusement pour moi, la pointe de l'instrument porta sur une côte et s’arrêta dans l’épaisseur de l'os. Un centimètre plus haut ou plus bas et la lame du couteau plongeait en plein cœur. La scène fut rapide et je ne me rendis pas d’abord un compte exact de ce qui s'était passé, je crus qu’il m'avait frappé du poing avec un doigt en saillie, puis songeant que pour lui c'était absolument le même prix, Je compris qu’il devait avoir voulu attenter à mes jours. J’ouvris mon veston, j'aperçus une large tache rouge sur ma chemise que je soulevai et je vis une longue plaie saignante juste au niveau du cœur. Je me crus tout d’aburd frappé à mort; et cette constatation jointe à la perspective de mourir en plein bagne au milieu des for- çats, me causa, je dois l'avouer, un sentiment d'angoisse indéfinissable. Aussitôt l'assassin maîtrisé et désarmé, on courut préve- nir laumônier du camp et mon médecin-major. Cet excel- lent père Jeannin, en arrivant près du lit de camp où j'étais étendu, se mit à réciter à côté de moi les prières des — 388 — agonisants, Ce qui ne contribua nullement à donner un tour bien folâtre à mes réflexions. Quelques instants après mon médecin-major arriva. Après avoir examiné mes blessures, il fit à la première cinq ou six points de suture, apposa un premier pansement et l’on me transporta de l’autre côté de l’esplanade chez le commandant du pénitencier, où, pen- dant cinq ou six jours, je fus l’objet des attentions les plus délicates et des soins les plus dévoués. Je fus ensuite recon- duit chez moi ; j'y passai une dizaine de jours avant d'entrer à l’hôpital militaire de Nouméa, où je devais désormais con- tinuer mon service. Trop faible pour faire à pied le trajet du camp principal à mon domicile, on m'avait transporté sur un brancard porté par quatre condamnés. Gentiane avait demandé comme faveur d’être au nombre des porteurs et il était tellement ému que pendant tout le trajet il trembla de tous ses membres. Il avait pour moi l'attachement d’un chien pour son maître. | Parmi ceux qui se font porter malades, les simulateurs sont nombreux. Les uns arrivent à la visite avec des taches plus ou moins étendues sur les jambes et qui ressemblent à s'y méprendre à des taches de scorbut; mais si on exa- mine le malade attentivement, on ne découvre aucun autre symptôme de l'affection, pas même du côté des gencives. Is ont tout simplement, à l’aide de petits sacs de sable humide très fin, frappé à petits coups répétés sur la peau- jusqu’à ce qu’apparaisse lecchymose d'apparence scorbulique. D'autres se présentent avec des paupières considérablement enflées, sous lesquelles l’œil disparait entièrement. Au palper, au lieu d’avoir la sensation de l’ædème, on perçoit une crépitation très nette qui met tout de suite sur la voie. Un camarade obligeant, au moyen d’une piqûre imperceptible a insufflé de l’air dans le tissu cellulaire de la paupière, d’où la pro- duction d’un emphysème sous-cutané, simulant parfaitement à première vue l’œdème d’origine pathologique. D’autres encore s’introduisent sous la peau au niveau de la rotule une SRE substance irritante qu’ils extraient d’une plante du pays et se procurent ainsi de véritables phlegimons du genou. Le climat de la colonie est très sain; et, dans les péni- tenciers, malgré le régiine plutôt débilitant, l’état sanitaire est en général excelient. Les affections aiguës des bronches y sont à peu près inconnues ; ce que l’on observe surtout, ce sont les affections intestinales, avec assez souvent des abcès du foie comme complication. Une bonne hygiène et la sobriété surtout, sont nécessaires à la Nouvelle, comme dans tous les pays chauds, du reste, pour bien se porter. L'alcool, voilà le grand ennemi et beaucoup d’indispositions proviennent, je ne dirai pas de l'abus, mais du simple usage des liqueurs dites apéritives. Je n’ai vu pendant mon séjour en Calédonie qu’une seule épidémie qui fut de très courte durée et ne franchit pas les limites de l’ile Nou. Dans l’es- pace de quinze jours, une douzaine de cas de choléra s'étaient déclarés dont sept ou huit furent suivis de décès. LE COMTE CASIMIR DE MONTROND Né à BESANCON (1769-1843) L'HISTOIRE D'UNE MERVEILLEUSE (M**° Hamelin) de M. le Comte MARQUISET (1) Par M. le Docteur Emile LEDOUX MEMRRE RÉSIDANT Séance du 25 juin 1909. Surtout aux Bisonüns, ce livre donne plus que promet son titre. Si d’autres y trouvent, mêlés au récit des aventures de madame Hamelin, bien des renseignements sur d’autres per- sonnages et beaucoup d’anecdotes sur une société singulière à une époque curieuse, pour notre part nous y apprenons en même temps à connaître un de nos plus spirituels compa- triotes, le comte Casimir de Montrond. Presque à chaque page, nous le voyons apparaitre à côté de la Merveilleuse | dans leur amitié plus durable que la première passion qui les avait réunis et aussi fidèle que le permettait leur infi- délité naturelle et réciproque. Disons d’abord quelques mots de l'héroïne de cette his- toire. Née à la Martinique dans une honorable famille, à douze ans elle avait été amenée à Paris et, au début de la Révolution, y avait épousé Hamelin. Pendant qu’il augmen- tait sa fortune dans le commerce des fournitures aux armées, ce ne fut pas le mari qui occupa la meilleure place dans le (4) 1 vol. in-8, Paris, H. Champion, 1909. — 391 — menage : des rivaux lu furent vite préférés dans les faveurs de la dame, tels entre autres, ce séducteur de Montrond et le beau colonel de hussards Fournier-Sarlovèze, réputé le plus mauvais sujet de l’armée et qui causa un scandale reten- tissant le jour où, venant d'échapper aux griffes de la police, .il alla se cacher chez sa maitresse et y fut arrêté. Après Thermidor, madame Hamelin était du monde qui, pour plus vite oublier les frissons de l'angoisse terroriste, s’'amusait avec frénésie. Alors sa valse, danse nouvelle en France, attirait un cercle d’admirateurs, d’adorateurs. Dans les salons les plus fameux, elle brillait avec non moins d’éclat que mesdames Tallien et Récamier, accaparant elle aussi les hommages des politiques, militaires, administrateurs, financiers, destinés à la célébrité. Les adulations qui la réjouissaient et l’enivraient étaient provoquées par l'attrait qui rayonnait de son élégante petite personne et par le pétil- lement des à-propos de sa verve. Comme beaucoup de ses contemporaines, elle était fort libre d’allures et exhibail aux Champs-Elysées des toilettes à la mode nouvelle, en rémi- niscenèe de l'antique, qui lui valurent parfois les murmures d’une attention peu flatteuse, Ces succès provoquèrent aussi la colère de dédaignés et de jalouses qui se vengèrent en inventant contre elle ces compliments : La jolie laide et Le plus grand polisson de France. Madame Hamelin était plus gracieuse et séductrice qu'iäéalement belle. Mais si tous ses traits n'étaient pas d’une ligne parfaite comme ceux d'une déesse, elle avait pour elle l’éclat de ses yeux et le charme de sa démarche ; ses mains et ses pieds étaient ceux d’un enfant ; sous une chevelure noire magnifique, dans son teint mat de créole, éclatait une bouche gaie et rieuse, aux lèvres rouges et aux dents blanches ; d’une physionomie capti- vante jaillissait une conversation fascinatrice. Quant à l’autre critique, ses auteurs pouvaient l'expliquer en répétant le dicton : on ne prête qu'aux riches. Or il était vrai que les esclandres du plus grand polisson avaient abondamment défrayé la chronique scandaleuse, 509 © Si elle ne sut guère bien régler sa vie, elle montra une plus sage raison dans ses conseils au profit des autres. Elle avait su persuader à Bonaparte de renoncer au projet de divorce rapporté d'Egypte contre sa compatriote Joséphine. Le dévouement qu’elle montra ainsi au général, ensuite au consul et à l'Empereur ne cessa depuis de se manifester, inaltérable jusqu'aux jours des épreuves, de la chute, et encore après. sous la Restauration et presque jusqu’à son dernier soupir, la bonapartiste, la napoléonienne devait pâtir de son adoration pour son idole. Mais si elle fut souvent quelque peu persécutée pour ses opinions, c’est qu’elle les affichait publiquement : en 1816, en exil à Bruxelles, madame Hamelin, pour que nul n’ignorât sa passion politique, arborait ces amulettes ou fétiches : un double Napoléon d’or en sau- toir et, dans un reliquaire, des fleurs de violettes cueillies à la Malmaison avec un morceau de la cocarde que Napoléon portait à son chapeau à la bataille de Waterloo (1). En France et à l'étranger, elle fut un souci constant pour la police qui laccusait d’intrigues et de préparations de complots. Aussi pour mieux la surveiller, l'administration chercha toujours à se l’attacher par une alliance, car après une séparation de biens en l’an X, lui rendant une liberté encore plus com- plète que celle dont elle avait pourtant largement abusée, le budget de cette élégante était devenu insuffisant pour l’en- . tretien des toilettes et de la maison. Madame Hamelin eut vite fait d’aviser pour remédier à cette gêne, Elle fut de la police qui la paya bien. L’auteur de l’histoire de la Merveil- leuse raconte que Napoléon aurait fait venir celle-ci dans son cabinet et, en lui disant connaître sa délicate position de fortune, lui aurait offert une pension de 12.000 francs par an, Quand, sous la Restauration, les rapports du même agent étaient signés par une madame Deschamps, ses services (1) Ernest DAUDET : « La police politique sous la Restauration ». Revue des Deux Mondes, janvier 1910. — 393 — étaient encore récompensés au même prix, d’après M. Ernest Daudet. Fort recherchée et répandue dans le monde, elle savait observer et ensuite faire des confidences bien tournées aux ministres de la sûreté générale : ceux au pouvoir sous les gouvernements successifs les appréciaient également, Elle pratiquait du reste ce rôle d’observatrice en artiste, sans se montrer jamais perfide ou méchante d’après les preuves qui en restent, et, dans l'intimité du prince de Talleyrand et du comte de Montrond, plus curieuse de révélations diploma- tiques que d'enquêtes malveillantes. En revanche, si elle sur veillait, elle fut toujours elle-même constamment et étroi- tement surveillée. Si madame Hamelin fut l’auxiliaire de Barras, Talleyrand, Fouché, Savary, Decazes, Chateaubriand, ses relations avec eux étaient empreintes d’une svinpathie aimable. Du der- nier, une lettre signée le 9 février 1823, révèle sa recon- naissance à l'égard de sa correspondante, grâce à laquelle, dit-il, il aurait dû de ne pas être fusillé ou enfermé à Vin- cennes par Bonaparte. Quand la ci-devant Merveilleuse se fut retirée de sa car- rière d'informatrice, elle occupa ses loisirs à gérer son bien qu’elle fit fructifier par des spéculations de terrains à Paris. Elle continuait à cultiver ses relations mondaines et s’inté- ressait à la littérature ; trois jours avant sa mort elle assistait à une audition poétique et musicale dans le salon de sa voi- sine, madame Victor Hugo. Mais au terme de sa vie agitée, le 29 avril 1851, Fortunée Hamelin venait d’éprouver une dernière joie, l'illusion de voir recommencer ses beaux jours d'autrefois dans une résurrection des évènements de sa jeu- nesse : un autre Bonaparte semblait s'envoler vers les mêmes destinées que son ancienne idole. | Certes, ce ne fut pas un noble caractère moral que celui de cette femme, mais du moins une figure intéressante et aimable à peindre que M. Marquiset a fort agréablement 25 — 394 — fait revivre dans une série de tableaux où sont exposées avec art les scènes auxquelles fut mêlée madame Hamelin sur des théâtres bien divers. Avec la reconstitution de détails pittoresques, le récit d’anecdotes originales et de particularités sur des personnages de haut rang, cette bio- graphie, si elle reste, il est vrai, de la petite histoire, n’en est pas moins cependant un accessoire tout voisin de la grande. À ce titre, il faut louer l’auteur de nous avoir donné ce nouveau livre. À leur tour, voici la vie et le portrait du comte Casimir de Montrond, né à Besançon en 1769 dans l’hôtel familial situé dans la Grande-Rue sur la paroisse de Saint-Maurice (1). Sous la Révolution, cette maison portait le n° 167 du numérotage général des rues de la ville. Son père, était un Mouret d’une vieille famille parlementaire, d’origine salinoise, qui possé- dait les seigneuries de Montrond et de Châtillon (2). Il com- mandait une compagnie au régiment des gardes françaises. a (1) Extrait du registre des baptêmes, mariages et mortuaires de la paroisse Saint-Maurice de Besançon, depuis l'année 1760 jusqu’à l’année 1769 inelu- siveinent. « L'an 1769, le lundi vingtième de février est né et a été baptisé Philibert-François-Casimir, fils de messire Claude-Philibert comte de Mouret de Montrond, oflicier au régiment des gardes françaises et de madame Angélique-Marie d’Arlus du Tailly, son épouse. Le parrain à été messire Durand, comte d’Auxy, bisaïeul de l'enfant, représenté par imessire Denis- Ignace de Mouret de Châtillon, président à mortier du parlement de Besan- çon, aieul de l'enfant. La mareine dame Marie-Françoise d’Arlus du Tailly, tante de l’enfant, épouse de monsieur Paulsier de Perrigny, receveur général des domaines et bois de Bourgogne, représentée par mademoiselle Mouret de Châtillon, autre tante de l’enfant. » Le grand-père de Casimir, Denis-Ignace, seigneur de Châtillon et de Montrond avait élé créé comte en 1767. Descendant d’un président du parlement de Franche-Comté, il était membre de l'Académie de Besançon. (2) Voir sur la fanille Mouret de Bartherans, de Châtillon et de Mon- trond, le Nobiliaire de Franche-Comté, par M.R. le Lurion, nouvelle édi- tion, p. 413-414, 1 vol. in-8, Besançon, imp. Jacquin, 189%. Le château et la seigneurie de Châtillon étaient situés près du village de ce nom dans le bailliage de Quingey, au confluent de la Loue et du Lisou. Ceux de Montrond étaient aussi dans le même bailliage. 395 —- De sa mère, née d’Arlus du Tailly, d'imagination et d'esprit brillant, le marquis Terrier de Lorray a donné une notice dans son étude sur les femmes littéraires de la Franche- Comté (1). Elle avait écrit l’histoire du Long parlement d’An- gleterre et de ses crimes (1770), avait collaboré au journal antirévolutionnaire les Actes des apôtres, puis, en 1814, pen- dant le blocus de Besançon par les Autrichiens, avait répandu parmi les habitants, en la signant du nom de Fénelon, une lettre adressée au général Marulaz sur le devoir des gouver- neurs des places assiégées (2). Notre bibliothécaire Charles Weiss entretenait des relations épistolaires avec madame de Montrond, sa voisine, qui, sourde, mais toujours d’intel- ligence vive, vécut jusqu’à l’âge de 82 ans, en 1827. La bibliothèque de Besançon possède quelques notes manus- crites de Ch. Weiss sur les fils de celle-ci. Edouard, l’ainé, avait la réputation d’un horime également instruit et spiri- tuel, qui aurait certainement, dit Weiss, été ajouté par madame de Staël, si elle l'avait connu, sur la listes des homines les plus spirituels qu'elle avait rencontrés. De ceux-ci elle ne cite que trois noms: Casimir de Montrond, Adrien Leray et Benjamin Constant. Edouard, sous-préfet d’abord à Montbéliard, où il laissa les plus honorables sou- venirs, occupa ensuite la sous-préfecture de Gex où 1} mou- rut en 1843. Il était particulièrement érudit en bibliographie. Le cadet des trois frères de Montrond ne parait pas s'être jamais fait remarquer au même titre que ses ainés. Casimir de Montrond, sorti à quinze ans des écoles muili- taires, servit aux régiments de Ségur dragons, puis de Mestre de Camp cavalerie. Démissionnaire en 1791, ilrevint peu de mois après à l’armée dans les fonctions de capitaine au 3° chasseurs et d'aide de camp près des généraux Mathieu _ (1) Mémoires de l’Académie de Besançon, janvier 1862. _ (2) Lettre citée par Léon Ordinaire dans son ouvrage sur Deux époques militaires à Besançon, T.IL, 1814, p. 191-195. oe Dumas, Lameth et Latour-Maubourg, mais pour démission- ner définitivement en août 1792. Mauvais moment pour un aristocrate de rentrer dans la vie civile! On l’enferme à Saint-Lazare, et, de cette prison, l’heureux Montrond trouva moyen de faire le temple d’une idylle. Aimée de Coigny, épouse divorcée du duc de Fleury émigré, qui devint la jeune cavptive chantée par André Chénier, dont de son côté, M. Etienne Lamy accrut la célébrité par la publication de ses intéressants Mémoires (1), avait été incarcérée le même jour que notre compatriote: Casimir s’éprend vite de la com- pagne charmante qui partageait dangers et passion. Ainsi excité à tout tenter pour la sauver, il réussit à l’enlever, en payant son évasion au prix de cent louis, au vestibule de la guillotine. Naturellement à Londres le mariage des deux amoureux après Thermidor consacra la reconnaissance d’une telle magnanimité. Mais les roses Joyeuses pouvaient-elles fleurir longtemps sous les brouillards de la Tamise ? L’aban- don du mari poussa Aimée à chercher des consolations près des Garat, le chanteur et le tribun, et c’est en la battant que ce dernier avait entrepris de guérir la pauvre Aimée de son fanatisme incorrigible, de rèves de bonheur dans des unions successives, Montrond, après avoir été si peu marié, disait-1il, s’était bien promis après son aventure avec la jeune captive de ne plus s’enchainer dans des liens et de conserver son indépendance, [l rencontra Fortunée Hamelin et d’autres, joua, dépensa son existence et sa fortune à la recherche de plaisirs, en Compagnie d’amis dont le plus intime fut le prince de Talleyrand. L'ancien évêque d’Autun et son commensal habituel étaient si bien faits pour se comprendre par leur scepticisme supérieur à tout principe moral, par leur esprit égoïste et ironique, que leur camaraderie resta bien longz temps inébranlable. En même temps que, dans sa Merveil- (1\ Mémoires de Aimée de Goigny, par Etienne Lamy, de l’Académie française, 1 vol. in-12, Paris, Calinann Lévy. — 397 — leuse, M. Marquiset rappelait le caractère de notre Montrond, un autre livre était publié sur lPesprit de M. de Talleyrand (1). Au moment où 1l devient l’inséparable de ces deux person- nages, le futur grand ministre et la Merveilleuse, Casimir de Montrond n'avait pas encore trente ans, était bel homme, blond et rose, à l’air avantageux, qui en imposait par son assurance, si bien que ce signe particulier, qu'il garda mal- gré les changements d’âge et de fortune, servit à caracté- riser ses passeports en même temps, il est vrai, qu’un autre dont il était moins fier (2) : à la main droite, toujours gantée, le petit doigt et l’annulaire restaient trop longtemps séparés pour former la paume. M. Marquiset l’a revu dans un joli portrait peint en 1832. Le sexagénaire était bien conservé, avec une figure pleine, des yeux bleus, des lèvres minces, des cheveux êt favoris chatains clairs encadrant une tête chauve. Une note de l’au- teur de cette aquarelle rappelle le charme de l'esprit du modèle et comprend cette phrase : « Il était reçu partout, mais sans beaucoup de considération ». Sous le premier empire pouvait-on causer librement, vivre tranquillement quand on avait la langue de Montrond et son oisiveté facétieuse ? La police disposée à voir partout des factieux ne tolérait pas une telle licence et Montrond dut subir un éloignement à Anvers, où il s'égaya dans la compagnie de Pauline Borghèse avant d’être emprisonné dans le château de Ham. Une promesse d’être plus sage lui valut l’avantage d’être interné en surveillance seulement, à Châtillon-sur-Seine, oùilreçut la visite de son amie, madame Hamelin. Il n’était pas du reste disposé à l'ennui. En Bour- (4) Par M. Louis Thomas. Dans le compte rendu de cette publication, au journal le Temps du 14 juillet 1909, sous le titre de Talleyrandana et la signature connue de T.-G , beaucoup de bons mots du grand chancelier sont cités. (2) Signalé par M. Charles Baille, le collaborateur de M. Etienne Lamy pour son livre sur Aimée de Coigny. — 398 — gogne, il était devenu hucolique, et cultivait les fleurs qui cependant ne remplaçaient pas à ses veux le suprême bonheur, la hberté. Pour la reconquérir, malgré son engagement de ne pas s'éloigner, il s'enfuit et parvint à s’embarquer pour lEs- pagne. Mais le bateau qui le portait fut capturé par une escadre anglaise. Montrond ramené à Londres y vécut en süreté jusqu’à la fin de l’empire. Sur le bateau anglais, Montrond avait parlé à sa manière dans un toast qui ne fut pas oublié. Pas plus que tant d’autres évènements, la catastrophe impé- riale, puis le retour de l'aigle de l’ile d’'Elbe, ne paraissaient capables de troubler la quiétude ce cet épicurien. Cependant les Cent Jours lui réservaient un bout de rôle. Napoléon de nouveau sur le trône déplorait son isolement en Europe, tous les souverains avant rappelé leurs ambassadeurs de Paris et supprimé toute communication avec nos représen- tants à l'étranger. Un aide de camp porteur d'instructions pour Talleyrand, notre plénipotentiaire au congrès de Vienne, n’a- vait pu aller guère plus loin que le Rhin, avant qu’on lu enlevât ses dépêches et qu'on lui fit rebrousser chemin. Quoique celte mission soit mentionnée par M. Marquiset, nous préférons en emprunter le récit à d’autres historiens, parce que nous saisissons amsi l’occasion de présenter la figure de notre personnage d’après des esquisses signées par des maitres, Thiers et Guizot. « Sur la recommandation de Fouché, lEmpereür chargea d’une mission secrète M. de Montrond, homme du monde, spirituel, intrigant, corrompu, lié avec M. de Talleyrand, et qui pouvait, pensait-on, exercer une grande influence sur ce diplomate, le plus important de tous à gagner. M. de Mon- trond avait servi, il avait été fait prisonnier et avait fait preuve d’une rare audace dans ses rapports avec les Anglais qui le retenaient à bord d’un navire de guerre. L’amiral Keith qui commandait l’escadre était quinteux et violent ; il lui arriva un jour de s’emporter devant M. de Montrond jusqu’à dire : jous les Français sont des coquins, sans aucune exception. — 399 Le prisonnier n’hésita pas un seul instant. € Tous les Anglais sont bien élevés mylord, dit-il, avec une seule exception ». C'était cel homme hardi et habile qui parvint à pénétrer jus- qu’à Vienne, avec la mission d'enlever au besoin limpéra- trice Marie-Louise si elle paraissait disposée à ramener son fils à Paris. Les instrucuons de Fouché avaient été ajoutées à celles de l'Empereur : M. de Montrond devait parler de régence à l'Impératrice (1) » « La conquête de M. de Talleyrand eut été d’un prix ines- timable et par ce motif on imagina de lui envoyer un person- nage singulier, homme du monde fort connu dans les salons, fort inconnu dans la politique, souvent employé dans cer- laines négociations occultes, doué d’un esprit rare, d’une grande audace, présentant le contraste qui se rencontre quelquefois d’un bon sens supérieur avec une conduite désordonnée, et ayant sur M, de Talleyrand linfluence d'un familier initié à tous les secrets de sa vie; ce personnage était M. de Montrond, et si quelqu'un pouvait pénétrer à Vienne, se faire écouter de M. de Talleyrand, enlever Marie- Louise et son fils, c'était lui, par son savoir faire, ses rela- tions nombreuses et sa témérité sans pareille (2) » « On chargea ce singulier envoyé de lettres de M. de Cau- laincourt pour M. Meneval (resté jusqu'alors auprès de Marie- Louise) et pour divers personnages influents. On lautorisa à traiter à toutes conditions avec ceux qui voudraient faire leur paix, MM. de Talleyrand, de Dalberg et autres ; on l’au- torisa s'il parvenait à s'introduire auprès de Marie-Louise, s’il la trouvait disposée à s’entuir, à lui en fournir les moyens, et on lui ouvrit les crédits nécessaires pour que les ressources financières ne fissent pas défaut à l’inépuisable fertilité de son esprit. Voilà par quelles voies obscures Napoléon était réduit (4) Histoire de France depuis 1789 jusqu’en 1848, racontée à mes petits-enfants, par M. Guizot, leçons recueillies par madame de Witt, née Guizot, T. Il. p. 482. (2) Taiers Histoire du Gonsulat et de l'Empire, T XIX, p. 274 = ve à passer pour pénétrer auprès des cabinets qu’il avait si long- temps dominés et humiliés ! M. de Montrond partit en même temps que les courriers d’ambassade qui portaient la circu- laire de rappel à nos légations, mais prévoyant que toutes les frontières seraient fermées, il se fit donner le passeport d’un abbé attaché à la diplomatie romaine et parvint ainsi à trom- per les polices européennes et à gagner la route de Vienne que nos courriers ne pouvaient pas s'ouvrir (1) ». « M. de Montrond était heureusement parvenu à Vienne, grâce à son adresse, à son audace et à des déguisements de toute sorte. Sa première visite fut pour M. de Talleyrand avec qui Île liait la plus ancienne familiarité. Il avait trop de sagacité pour ne pas découvrir tout de suite combien ce grand personnage était engagé dans la cause des Bourbons, et il était aussi trop avisé pour tenter des efforts inutiles. I] s'arrêta donc... (2) ». Après avoir abordé M. de Nesselrode et constaté que les résolutions unanimes contre l'Empereur l’étaient moins en faveur des Bourbons « cet envoyé singulier de Napoléon voulut voir s’il y aurait chance pour la régence de Marie- Louise, Mais il trouva l'Autriche entièrement contraire à cette régence et les autres puissances également. Dâäns le désir de savoir ce que cette.princesse pensait elle-même, il chercha à pénétrer dans les jardins de Schœnbrünn. Il s’y présenta comme amateur de fleurs et parvint à entretenir M. Meneval, sans donner d’ombrage à la police autri- chienne... Celui-ci lui apprit alors que Marie-Louise était pour sa propre régence aussi froide que les souverains réunis à Vienne, et n'avait de passion que pour le nouvel avenir qu’elle s'était ménagé et dans lequel son fils ne jouait pas le principal rôle. M. de Montrond n'insista point, remit fidèlement les lettres dont 1l était porteur, prit les réponses (1) Histoire du Consulat et de l'Empire, T. XIX, p. 280. (2) Ibid., p. 368, — AO — qu'il était résolu à remettre tout aussi exactement, et avant de partir, voyant que Napoléon était impossible et Marie- Louise hors de la pensée de toutes les cours, il s’efforça de savoir si un prince auquel il était personnellement attaché et dont il avait partagé l’exil en Sicile, M. le duc d'Orléans, ne conviendrait pas au bon sens pratique des coalisés (D ». Après avoir vérifié qu'il n’y avait aucune probabilité de remplacement éventuel du roi légitime par un membre de la branche cadette des Bourbons, M. de Montrond quitta Vienne (1). Telle fut, avec quelques concours officieux encore plus éphémères, dans des négociations diplomatiques, la prin- cipale tentative de service utile à son pays du comte de Montrond. Ensuite il retomba dans ses habitudes. Sous Charles X, surveillé par la police, 11 passa à Londres pour y mener l’existence à son goût, dans la compagnie d'hommes du monde, surtout de notre ambassadeur, son ami, et de son amie, madame Hamelin. Plus tard, il devint de plus en plus évident que l’âge ne pouvait l’assagir : revenu à Paris, il continua à s'endetter jusqu’à la ruine complète. Perclus de goutte, 11 trouvait asile à Valençay où 1l remplissait les fonc- tons de confident, de compagnon de table et de partenaire au whist, mais non sans l'espoir de recevoir plus tard une bonne grosse renté en héritage du prince. Aussi, quelle fut sa décep- üon quand il ne recueillit du testament en 1838 que le fau- teuil historique du grand ministre des affaires étrangères ! Longtemps avant ce dénouement, Montrond aurait pu s’avouer que son attitude à l’égard du prince de Talley- rand avait été de plus en plus maladroite, à mesure que vieux, malade, son caractère devenait progressivement plus (1) Histoire du Consulat et de l’Empire, T. XIX, p. 368-369. — Voir Correspondance. inédite du prince de Talleyrand et de Louis X VIII pendant le Congrès de Vienne, publiée par G. PALLAIN, 1 vol. in-8, Paris, Plon, 1881, — 402 — aigre et égoïste. Dans sa chronique, la duchesse de Dino nous apprend quels avaient été les rapports entre les amis pendant leurs dernières années. Il est juste de remarquer que d’après son journal, la nièce dévouée de Talleyrand ne paraît pas avoir jamais eu grande sympathie pour Mon- trond, ni avoir regretté le refroidissement de son influence. Mais Montrond se plaignait à Londres de n’être pas le confi- dent de tous les secrets de l’ambassade, et, à Valençay, cri- tiquait sans cesse voisins, domestiques, vins, chevaux. En 1834, après tant d’inconvenances, Talleyrand fit sentir que la présence de l’hôte n’était plus appréciée comme autrefois, et celui-ci partit. Dans une explication à cet instant, madame de Dino lui dit : « Si le prince a été rude, vous avez été har- gneux. Dans quelle autre maison auriez-vous blâmé toutes choses comme vous le faites ici ? » Il n’y eut plus dès lors entre eux que quelques échanges de lettres. Cependant la comtesse de Boïigne raconte que ce fut Montrond qui fut chargé par Talleyrand d'informer le roi de la grave maladie qui allait l'emporter. Montrond n'avait plus à sa disposition, pour toute res- source, qu'un subside annuel du Ministère des affaires étran- gères et il avait de plus en plus besoin d'être entouré de soins. Aussi fut-il tout heureux de se souvenir de son ancienne amie et de lui demander de l’accueillir dans sa pro- priété de la Madelaine, près Fontainebleau où, jardinière de roses, elle n’abandonnait plus guère le sécateur en été que pour recevoir la visite de personnages comme Chateaubriand et Berryer. Quoiqu’elle eût eu à se plaindre de crises d’ingra- titude de sa part, l’ex-Merveilleuse le reçut et lui adoucit ses derniers jours. Montrond après avoir manifesté des sen- timents édifiants, envoyant chercher fréquemment son bon petit curé, mourut le 28 octobre 1843, et Fortunée écrivait à un correspondant : «Je Pai embrassé mort, j ai prié deux Jours avec les prêtres qui le gardaient. Il était superbe. Cher ami, pensez à Dieu. Cela n’empèche pas d’être aimable et Montrond l’a bien prouvé ». — À03 — De nombreux parisiens ayant connu Montrond en parlent dans leurs mémoires et souvenirs qui ont été publiés, on ne saurait rapporter tous ces témoignages et nous nous borne- rons à citer ce que dit l’un d’eux parce que c’est un comtois, Xavier Marmier. On lit dans son journal intime: «M. de Montrond, descendant d’une ancienne famille de Franche- Comté, a eu une singulière existence. Sans fortune, il a toujours vécu comme un homme qui aurait eu 100,000 francs de rente. Attaché à M. de Talleyrand, on ne sait à quel titre, soupçonné de faire un métier d’espion, il n'en à pas moins été bien accueilli dans le plus grand monde. Les jeunes gens le consultaient comme un oracle et les femmes avaient pour lui des égards particuliers. IF à eu l'honneur d'épouser mademoiselle de Coigny, la jeune captive d'André Chénier, et il a passé sa vie à se moquer de toutes choses. Dans sa vieillesse, une de ses sœurs lui envoya deux de ses enfants, en le priant de vouloir bien en prendre soin. Me voilà, disait- il, dans une triste situation, maiade, débile et dégénéré à l’état de père de famille. Il a fait une fois une belle réponse à un arrogant anglais à bord d’un bâtiment commandé par amiral Keith; les offi- ciers l'avaient pris en amitié, mais l’amiral, un vieux loup de mer, le traitait fort mal. Un jour, à table, Keith s’écria : « moi je déteste tous les Français, sans exception ». — « moi, réplique M. de Montrond, j'ai des sentiments bien différents ; j'honore les Anglais, mais je fais des exceptions ». Encore un mot de M. de Montrond, « quand il vous arrive quelque bonheur, ne manquez pas d’aller le dire à vos amis, afin de leur faire un peu de peine ». | On peut résumer ainsi la note caractéristique de lesprit de ce viveur sceptique et malicieux ; un carquois inépuisable, intarissable, d’où jaillissaient éclatants, comme feux d’arti- fice, saillies, traits spirituels, bons mots. Ils sont rapportés en grand nombre par M. Marquiset et concourent pour une bonne part à l'agrément de son ouvrage sur la Muscadine, — 40% — en même temps que la publication de correspondances intimes, de rapports de police qu'il aurait été dommage de laisser enfouis, ignorés dans des dépôts d'archives. En fermant ce volume, dont sans arrêt on a atteint la der- nière page, le lecteur se pose la même question au sujet de de Montrond qu'à propos de madame Hamelin ; qu'ont-ils donc fait de bon et de bien pour mériter un livre, surtout aussi piquant et savoureux que celui que leur à consacré M. le comte Marquiset ? Mais cette Merveilleuse et ce bison- tin original étaient des types bien séduisants qui méritaient de tenter la plume experte, délicate, spirituelle de leur bio- graphe. La réputation du peintre de ces portraits v grandit, et nous serions certes bien ingrats, si nous ne nous félici- tions d’avoir Joui du grand plaisir de connaître ses nouveaux modèles.Pour juger impartialement l’intention de cette œuvre, ne convient-il pas d'observer qu’au lendemain de la Terreur, pendant la période des guerres et des bouleversements poli- tiques qui se succédèrent depuis l’ancien régime jusqu’à la renaissance d’une nouvelle société française, madame Hame- lin et Montrond furent de brillants représentants, des conser- vateurs de l'esprit français ? NOTICE HISTORIQUE & BIBLIOGRAPHIQUE SUR L’ANCIENNE SOCIÉTÉ LIBRE D'AGRICULTURE COMMERCE & ARTS DU DÉPARTEMENT DU DOUBS Par M. A. KIRCHNER La Société libre d'agriculture, commerce et arts du dépar- tement du Doubs doit son existence à l’instigation de l’admi- nistration centrale de ce département ; elle fut fondée par un arrêté du 26 germinal an VII (15 avril 1799). Sa première réunion eut lieu trois Jours après, le 29 germinal, suivant le registre des procès-verbaux, qui existe encore et se trouve entre les mains de la Société actuelle d'agriculture (Grande- Rue, 73). Trente-trois membres, dont les noms nous ont été conservés, y assistèrent. Le réglement de la Société se com- posait de 23 articles ; il admettait 60 membres résidants, dont 30 à 40 devaient résider à Besancon même. les autres dans le département. Les réunions eurent d’abord lieu les 5°, 15e et 25° jour du mois ; plus tard, en 1806 par exemple, il y eut jusqu’à quatre séances par mois, une tous les sept jours ; les vacances duraient deux mois, septembre et octobre. À partir de 1809, les membres résidants devinrent de moins en moins _assidus aux séances. Du 20 novembre 1809 au 7 mai 1810, les procès-verbaux ne mentionnent pas une seule séance ; les trois derniers sont datés des 7 janvier, 21 janvier, 4 mars 1811; la dernière séance (sans procès-verbal) se tint le _Asravril 1811, Le dernier membre admis fut le comte d’Udres- sier (1), On se réunissait généralement le lundi à trois heures (A) Voir MEYNIER, Suc. d'Emul. du Doubs. "1400 — après midi (procès-verbal du 1% messidor an X). Quant au local, la Société n’en eut point d'assuré; forcée de vivre comme l'oiseau sur la branche, elle dut souvent déménager ; c’est ainsi quelle occupa successivement une salle à la Pré- fecture ‘antérieurement au 2 floréal an VIIT), puis la salle dite de la petite Congrégation, à l'Ecole centralé (Lycée), enfin l’ancienne salle de la Bibliothèque des Capucins (actuel- lement l’Arsenal), à partir de lan XII (1804). Mais, si son installation laissa beaucoup à désirer, par contre elle a compté dans son sein des membres aussi remar- quables par leur activité et leur entrain Juvéniles que par leur désintéressement, leur amour du bien publie, Pétendue de leurs connaissances ; et elle a fourni des travaux précieux qui lui font encore grand honneur après un siècle écoulé. Le premier parmi ces membres, l'âme même de la Société, ce fut sans contredit Girod-Chantrans, dont MM. Pingaud et Magnin sont en train de nous retracer la vie et la carrière scientifique. Après lui, au second rang, il faut citer les doc- teurs Vertel et Marchanit, médecins des hospices civils ; l’ex-capitaine d'artillerie Fuchsamberg ; Bouchey, inspec- teur des domaines ; de Raymond, inspecteur des postes; Rey, directeur de l’enregistrement et du domaine ; Thomas- sin, ex-chirurgien en chef des armées ; puis le conseiller Droz, le bibliothécaire Coste, le sous-préfet Kilg, les profes- seurs Debesses et Guillemet. Des personnes influentes, des fonctionnaires haut-placés, de riches industriels se sont intéressés à ses travaux et lui ont offert bénévolement leur concours et leur appui, tels l’ancien ministre François de Neufchâteau, le préfet Rougier-Labergerie, l'architecte Pâris, l'ingénieur en chef Antoine, le docteur Valentin, pour ne nommer que les plus importants. Dans le court espace de temps de sa trop courte existence, c'est-à-dire dans un laps de douze années (1799-1811), Pan- cienne Société d'agriculture, véritable société d’émulation, a fait preuve d’un labeur assidu et d’une activité surprenante. — 401 — Elle a abordé les sujets les plus divers, elle s’est préoccupée d'accord avec l’administration préfectorale de toutes les questions qui pouvaient intéresser la ville de Besançon et le département du Doubs, elle s’est adonnée avec une égale ardeur à des recherches théoriques et à des applications pratiques, à la science pure et à la science appliquée, encou- rageant les progrès de l’agriculture, faisant des enquêtes sur l’industrie naissante, sur la situation économique des divers cantons du département, émettant des vœux utiles en faveur de l’aménagement des forêts, en faveur de la régu- larisation des crues du Doubs (abaissement des barrages), en faveur de la création de nouvelles voies de communica- .tion entre la France et la Suisse, du côté de Porrentruy et de Morteau, publiant enfin des mémoires qui, par leur diver- sité, leur hardiesse, leur largeur de vue, sont encore inté- ressants et utiles à consulter de nos jours. Je me contenterai de signaler, dans cette introduction, les rapports de Girod- Chantrans, de Louvot, de Millot, sur létat et les progrès de l'agriculture en Franche-Comté ; les traités de l'ingénieur Antoine sur les usines, sur l'aménagement des eaux, sur les canaux de navigation ; les réflexions de Vertel sur Phy- -giène des villages ; les essais de culture tentés à Novillars par Girod-Chantrans ; les expériences de Voisin sur la vac- cination des moutons contre la clavelée ; l'ouvrage de Charles d’Ourches sur l'aménagement des forêts ; le mémoire de Fourmy sur la tourbe et son emploi ; celui de Coste sur l’ancienne navigation du Doubs et de la Saône. Au point de vue socal et philosophique, il faut citer encore le mémoire de Cabrières sur la condition des domestiques en France, ceux de Fuchsamberg sur lesprit public en France, sur le rôle de l'homme dans la nature, enfin celui de Girod-Chan- trans sur les vicissitudes de l'Univers. Le 23 germinal an X, la Société souscrivait à la réimpression d’une nouvelle édi- tion du Théâtre d'agriculture d'Olivier de Serres, ouvrage célèbre de la fin du xvi° siècle sur l’économie rurale; le Le AUS 2 12 mai 1806, Girod-Chantrans faisait des démarches pour l’éta- blissement d’une Ecole de Médecine à Besançon; et deux ans plus tard il publiait le plus important de ses ouvrages, inti- tulé: Essai sur la géographie physique, le climat et l’histoire naturelle du département du Doubs. Dès ceite même année (1806), la Société avait proposé un prix pour le sujet suivant : Quelle est la meilleure manière de tirer parti des maruis de Saône et de la Vèze, près Besancon, et Girod- Chantrans avait déjà publié des notices sur les mines de houille de Champagnev et de Ronchamp (Haute-Saône), ainsi que sur celle du Grand-Denis (Doubs). Malheureuse- ment les Mémoires de la Société ne contiennent que des notices ou des extraits de rapports et j'ignore ce que sont, devenus sa bibliothèque et ses manuscrits ; quelques-uns de ces derniers ont été imprimés à part ; un très petit nombre, ‘cinq à six seulement se trouvent aux Archives départemen- tales (dossier Agriculture, M 2173). Quant au dossier con- cernant le moulin à vent, il se trouve déposé aux Archives municipales (dossier 0-3, Usines). On peut voir par là com- bien les précieuses archives de l’ancienne Société d’agricul- ture ont été dispersées à tous les vents. Il me reste à dire quelques mots au sujet du malencon- treux projet concernant l’établissement d’un moulin à vent aux portes de Besançon, projet qui fut pour la Société une source de tracas et de déboires, d’où résulta finalement sa dissolution. Il devait remédier aux fréquentes inondations du Doubs en permettant l’abaissement ou même la suppres- sion des barrages (au nombre de cinq, de Rivotte à Tar- ragnoz) et fut proposé en pluviose an X (février 1802 l'approbation de la préfecture est du 17 pluviose. Le devis de construction s'élevait à 12,000 francs. Deux ans s’écoulèrent. avant qu’ou passât à l'exécution du projet (24 floréal an XI). On émit des actions ; presque tous les membres de la Société en prirent. La Société en prit deux, son président quaire, la Ville cinquante-huit. Girod-Chantrans, le chanoine Millot, ie eee I … er AE Fan mt tr EC ES — 409 — maréchal Moncey avancèrent des sommes allant de 1,000 à 1,200 francs. La Ville céda un terrain de 97 ares 1/2, au- dessus de Sant-Claude, non loin du fort des Justices, pour la somme de 60 francs. Le moulin était achevé en juin 1807, mais 1l avait coûté presque le double du prix estimatif . (22,317 fr. 90). I! fallut recourir à un emprunt. On eut beau- coup de peine à trouver un meunier capable de le faire mar- cher. En 1809, le vent y fit de grands dégâts et le public com- mençe à se livrer à des railleries plus spirituelles que sérieu- ses à l'égard des membres de la Société. Enfin, en 1810, les actionnaires renoncèrent à leur mise et cédèrent tous leurs droits à la Ville, qui devint par ce fait propriétaire du moulin, sous la condition qu’elle se chargerait du remboursement des dettes contractées pour son achèvement (voir la séance du Conseil municipal du 10 mars 1810). Celle-ci eut encore 1,800 fr. à débourser pour réparations et intérêts dûs. En 1811, le passif s’élevait à 12.907 francs ; en 1819, il s’élèvera à 17,949 fr. Le moulin fut endommagé en 1815 par les Autri- chiens, puis incendié accidentellement par des enfants. De 1820 à 1824, il y eut de longues contestations, suivies d’un procès, entre la Ville et les créanciers ; cependant laffaire se termina par une transaction équitable (voir l’ordonnance du roi du 15 décembre 1824). À ce moment il ne restait plus debout que la tour. Toutes ces difficultés, accompagnées d’ennuis et de pertes d'argent, contribuèrent à décourager les membres de la Société et éteignirent leur zèle pour | œuvre commune. On s’en aperçoit dès 1807 par le manque d’assiduité aux séances. En 1808 il n’y eut pas de séance publique. En 1810 les absences et les démissions se multiplièrent; néanmoins la situation financière de la Société n'était pas désespérée. Voici l’état de sa caisse au 4 juin 1810 : recettes 1,433 livres 6 sols ; dépenses 820 livres 13 sols ; solde en caisse 612 livres 43 sols. À partir du 1‘ avril 1811 on ne trouve plus trace de la Société. 26 — A0 — Durant les douze années de son existence, la Société d'agriculture, commerce et arts du département du Doubs a publié huit fascicules de rapports (notes, notices et mémoires). Chaque fascicule porte le titre de : « Rapport général des mémoires (ou des travaux) de la Société libre d'agriculture, commerce el arts du département du Doubs ». L’exemplaire qui se trouve à la Bibliothèque publique de la Ville de Be- sançon, est relié en trois volumes in-8° ; le premier volume contient les Rapports [, IE, LIT: le second, les Rapports IV et V; le troisième, les Rapports VI à VIIT. La table des matières de chaque Rapport se trouve tantôt en tête (IIe à V° Rapport), tantôt à la fin du fascicule (VIS Sp: 4920 VITE bp; 298 0VIM p2:229): se CHARLES NODIER NATURALISTE SES ŒUVRES SCIENTIFIQUES PUBLIÉES ET INÉDITES PAR ANT. MAGNIN DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE BESA NCÇON Séances du 21 mars et du 23 mai 1908. CHARLES NODIER N'ATURALISTE INTRODECTLOIN Là vie et les œuvres de Ch. Nodier ont été déjà l’objet d’études si nombreuses, — biographiques, littéraires ou scientifiques, — que la publication d’un nouvel ouvrage, peu de temps après celui de M. Michel Salomon, peul sem- bler, de prime abord, injustifiée ; cependant, le dépouille- ment de cette riche littérature ne satisfait pas entièrement le chercheur ; beaucoup de particularités de la vie de Ch. Nodier sont encore très mal connues, surtout pour la partie si mouvementée de ses années de jeunesse, et son ima- gination vagabonde l’a entrainé dans des domaines si divers de l’activité humaine, les renseignements qu'il en donne lui-même sont tellement imprécis ou sujets à caution, qu'on s'explique la ditficulté de s’y retrouver, les tentatives faites pour y parvenir et les publications nombreuses qui ont paru, presque chaque année, depuis sa mort, c’est-à- dire depuis soixante-cinq ans. Un des côtés les moins étudiés de la vie intellectuelle de Ch. Nodier est certainement l’homme de science, le natu- raliste. Malgré ce qu’en disent les biographes, et quelques — 14 — consciencieuses mais trop rares études spéciales, comme celles des Drs Fabre et Baudin, le rôle scientifique de Nodier, encore mal déterminé, est l’objet des jugements les plus divers : pour les uns, Nodier est un véritable naturaliste, au sens élevé du mot; pour d’autres, c’est ur simple ama- teur, passionné il est vrai, ou même moins, un vulgaire collectionneur. Cette diversité d’appréciations provient de la rareté des documents pouvant apporter quelque lumière sur ce sujet: les œuvres scientifiques publiées de Nodier sont peu nombreuses ; il est très difficile de les trouver, quelques-unes n’ayant été tirées qu’à un très petit nombre d'exemplaires, d’autres n'étant que de simples notes dissé- minées dans des recueils ordinairement peu consultés ; les Opinions émises jusqu’à ce jour reposent donc, le plus sou- vent, sur des documents de seconde main, incomplets ou même inexacts, et partant susceptibles d’interprétations différentes. Il était, par conséquent, utüle de reprendre cette étude, en se reportant aux œuvres scientifiques originales de Nodier, en utilisant aussi les renseignements qu'on peut recueillir dans ses autres ouvrages, dans ceux même purement litté- raires, particulièrement dans sa correspondance, et, enfin, en compulsant les traités d’entomologie où le nom de Nodier revient, comme on le verra, quelquefois. Notre naturaliste, écrivain fécond, avait encore préparé plusieurs ouvrages sur les insectes qu’il n’a pas eu le temps d'achever ou qu'il n’a pas jugé à propos de publier plus tard ; il était mdiqué de rechercher ces manuscrits : si on n’a pas encore pu retrou- ver les traces des plus importants, on a eu cependant la bonne fortune de mettre la main sur un d’entre eux, ainsi que sur des compléments à la partie de sa correspondance déjà publiée, mais que les éditeurs avaient cru devoir suppri- mer. Ces renseignements nouveaux nous permettent de por- ter déjà un jugement plus sûr, plus complet, sur la valeur des recherches scientifiques de Nodier. — 15 — Au surplus, la rareté de ses publications d’histoire natu- relle nous a décidé, — conformément à un vœu du biblio- phile Jacob, — à rééditer, à la suite des œuvres inédites, toutes celles déjà publiées que nous avons pu nous procu- rer ; on les trouvera donc, réimprimées, en totalité ou en partie, à la fin de ce travail, et le lecteur pourra ainsi juger, pièces en mains, de la légitimité de nos conclusions (1). Nodier fut, en effet, en sciences naturelles, plus qu'un amateur ; il ne s’est pas borné à récolter des plantes et des insectes, et à en faire des collections, mais, doué d’un talent d'observation très sagace, il a étudié, analysé et décrit minu- tieusement, très exactement, en véritable naturaliste, les formes qu'il croyait reconnaître comme nouvelles ; il est l’auteur de recherches physiologiques remarquables pour l’époque et pour son jeune âge; possédant aussi un esprit de généralisation véritablement scientifique, 1l a imaginé non seulement des classifications pour les ouvrages d’entomo- logie, mais encore des systèmes naturels pour classer les insectes ; enfin, il a professé, pendant plusieurs années, un cours d'histoire naturelle, enseignant particulièrement la botanique et l’entomologie ; bien mieux, 1l s’en est fallu de peu qu'il ne devint professeur d'histoire naturelle à l’Uni- versité de Besançon, lors de sa création, en 1810. Cet ensemble d’études, de recherches publiées ou inédites, cette persévérance à les poursuivre pendant de nombreuses années, malgré tant d'autres préoccupations d'objets si différents, leur double caractère analytique et synthétique (description et classification), l'enthousiasme avec lequel il s’y livrait, enfin ses brillantes aptitudes professorales, voilà bien des traits où se reconnait le véfitable natura- liste. C’est donc avec raison que les spécialistes ont consacré le mérite de Nodier, comme entomologiste, en attachant (1) Cette partie est publiée dans les Mémoires de la Société d'Histoire naturelle du Doubs, année 1911. — 16 — son nom à un bel insecte du midi de la France, l’Oxypleurus Nodieri, et que je viens, à mon tour, essayer dans cet ouvrage d'ajouter définitivement à ses titres universelle- inent admis et non contestés de « littérateur fécond, de brillant écrivain, de bibliographe érudit, de lexicographe, de philologue », celui également jusüfié de « naturaliste ». Besançon, 1908-1910, — À17 — PREMIÈRE PARTIE LA VIE ET L'ŒUVRE SCIENTIFIQUE DE CH. NODIER Le brillant écrivain que fut Ch. Nodier, — ce riche, aimable et presque insaisissable polygraphe, suivant les expressions de Sainte-Beuve, — a été aussi, du moins pen- dant sa jeunesse et la première moitié de sa vie, un natura- liste passionné; plus tard, même quand il s’est défait de ses collections et de ses livres d'histoire naturelle, il s'intéresse encore aux sciences dont l'étude l'avait charmé si longtemps ; et cependant, la plupart de ses biographes, Sainte-Beuve, Wey, Thuriet, Mwe Mennessier-Nodier, plus récemment, M. Michel Salomon (l;, donnent peu de renseignements sur ce côté de son activité intellectuelle ; 1l faut en excepter cependant quelques notes de Droz, d'Albert de la Fizelière et de P. Lacroix et les publications spéciales des D'S Fabre (de Commentry) et Baudin, de Besançon) : s'occupant plus particulièrement de Nodier uaturaliste et médecin. elles nous renseignent un peu mieux sur cette intéressante ques- tion. En réunissant tous ces documents, en les complétant par le dépouillement de la correspondance de Nodier, publiée ou encore inédite, par l'étude de ses œuvres scientifiques, (1) Voyez plus loin la Bibliographie générale de Nodier. (2) On trouvera, après la Bibliographie générale, la Bibliographie spéciale concernant Nodier naturaliste. — M8 — notamment des fragments de celles restées manuscrites, on peut reconstituer ce chapitre ordinairement sacrifié de la vie de notre compatriote. Cette première partie comprendra donc les chapitres sui- vants. Aperçu de la vie de Nodier, surtout au point de vue de ses recherches scientifiques (chapitre 1°); — jeunesse de No- dier, ses débuts dans l'étude des sciences naturelles, particu- lièrement avec le naturaliste bisontin Girod de Chantrans (chap. 2) ; — influence de Luczot et du professeur d’histoire naturelle De Besses, à l’École centrale (chap. 3); — voyage de Nodier à Paris, ses explorations dans les Vosges et ses observations pendant qu’il erre, fugitif, dans le Jura (chap. 4); — la dernière, mais la plus belle période de sa vie scienti- fique, à Dole où il professe l’histoire naturelle, — à Amiens et à Quintigny où il travaille à divers ouvrages d’entomologie (chap. 5 et 6); — en Iilyrie et à Paris, où il continue, pendant quelques années, à s'occuper d'histoire naturelle (chap. 7). On étudiera ensuite les œuvres entomologiques de Nodier, celles qui ont été publiées (chap. 8 et 9); — celles restées manuscrites ou qui n'ont pas été retrouvées (chap. 10); — puis Nodier zoologiste, botaniste, minéralogiste, professeur d'histoire naturelle, critique scientifique, poète des insectes. et des fleurs (chap. 11 et 12); — enfin, dans un 13e et dernier chapitre, on recherchera la double influence du naturaliste sur le httérateur, du lettré sur le savant, et on terminera en examinant si l’on peut reconnaitre dans Nodier les caractères du véritable naturaliste. — À19 — CHAPITRE PREMIER RÉSUMÉ DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE NODIER BIBLIOGRAPHIE La vie de Ch. Nodier a été tant de fois et si bien décrite dans les biographies énumérées plus loin qu'il suffit, pour cette étude, d'en présenter un tableau abrégé, mais qui permettra au lecteur d’en trouver, à leur date, les principaux événements, surtout ceux qui intéressent le naturaliste : nous la résumons donc dans ces éphémérides. Principales dates de la vie scientifique de Ch. Nodier (1). 1780. Naissance de Nodier, à BESANÇON, le 29 avril. 1792-93. N. commence l'étude des sciences naturelles avec Girod-Chantrans @). 1794. Séjour à Novillars (mai-oct. ?) chez Girod-Chantrans. 1796-97. Ecole centrale de Besançon : N. y suit les cours de De Besses; il s’occupe d’entomologie avec Luczot, rédige ses Descriptions succinctes d'insectes... (1797, msc.) et publie, avec Luczot, la Dissertation sur l’usage des antennes (an VI, 1797-98). 1798. N. adjoint au bibliothécaire de l'Ecole centrale (13 sept. 1798 à 1802); séjour dans les Vosges, chez sa nourrice, _ (1) On a indiqué aussi, à la date de leur publication, les ouvrages litté- raires de Nodier dont on donne des extraits scientifiques dans ce travail. (2) Séjour en Alsace, à Windenheim, chez un pasteur, où il prend goût à l'étude des papillons ? pm 490 er Thérèse Krist, au Puix, près Giromagny; berborisation, récolte d'insectes, etc. @. 1799. Associé correspondant (jusqu’en 1804) de la Société d’Agri- culture du Doubs que Girod Chantrans venait de fonder; séjour dans les Vosges, excursions aux Ballons, récolte « d'insectes, de plantes, de minéraux: N. fait partie d’une « commission pour la recherche des mines d'argent. 1800-01. (An IX). Paris (déc. 1800-mars 1801) : Société philoma-« tique; relations avec La Metherie, Lamarck, Bailly ; N. travaille à la Bibliothèque Nationale, prépare et publie la Bibliographie entomologique (fév. 1801), prépare une Histoire des Insectes et les Harmonies de l Entomologie. et de la Botanique; — Besançon, (fin mars 1801); séjour dans les Vosges, en automne? , 1801-02. (An X). Paris (fin 1801 à mai 1802) : observations Sur les Rotifères ? ;: projets de voyage dans les Vosges, d’herborisation, de chasse aux insectes, etc.; — Sfella. (ou les Proscrits). ù 1803-04. (An XII. Paris : N. à Sainte-Pélagie (93 déc. 1803 au % janv. 1804); Le Peintre de Salzbourg ; N. rédacteur dela Décade philosophique (plusieurs art. d'histoire naturelle, réclamation à propos de Duméril et du Rôle des antennes (20 mai 1804). — Besançon : N. sous la surveil= lance de la police, s'enfuit dans les montagnes du Jura 1805-06. N. fugitif dans les montagnes du Doubs, du Jura, ei Suisse?, continue ses observations d'histoire naturelle: récolte d'insectes, de plantes, etc. ; — Les Tristes. 1807. Dore : N. professeur de litiérature, de grammairée d'histoire naturelle; sa collection d'insectes, correspol dance avec Gevril, Luczot. 1 1808. Dole : Professeur; correspondance avec Gevril, Luczots projets de cours à Dijon, à Rennes, — de départ pour la Louisiane; épouse, le 31 août, Désirée Charve; - ‘ La Vision. E (1) Plusieurs séjours dans les Vosges, pendant les années suivantes, € à août-septembre. 4 — ii — 1809. Dole : On lui offre une place de professeur d'histoire naturelle; — AMIENS (en septembre): chez le chevalier Croft ; ses collections; relations avec Duméril, Gevril. 1810. Amiens (jusqu’en mai), membre de la Société d'Emulation ; — QUINTIGNY : entomologie et botanique, Gevril, etc. 1 Mirzenheurt CIE 2 JE Cyr Clare CRE À Laferle Des Vosces & Vellers-le- Bois 5 Colore Ballon : ü Aurron e de Derrences" À je sa 2 Groxon Fi Ce ]lSALe ê Pupile C?1 Le Ficex à Géromanit 9 Zozlouse 7 10 Sellières {1 Blellerazrs 12 L'Eloile 13 Courlanrs AMonlbeliard © ET) Paune-les-Disres AS il PP GG Goes Aenlars ne Le ’ / 5 Belfo ê Æ Pesincon @ 5 Nancray Mronkaa res Chant ra1es 4 Doubs < # © ET ei GLS A a 718 sue rbois Pace , é 4e Our PU GERS) DIET £ © Qree) 777 < ! 3 ofLorrs-le-dauisucer ie Routes Chaorures Lac de 0 Bonleu 7 £: Vi quobte À la Dole lx Farcélle 4 Lave la 4 -FIGURE 1, — Carte des localités des Vosges, du Doubs et du Jura citées dans Nodier naturaliste. 1811. Quintigny : Recherches entomologiques; correspondance avec Duméril, Gevril; excursions à travers le Jura; projet d’une Flore du Jura; N. se remet aux Harmo- nies de l’Entomologie et de la Botanique, à l'Histoire des Insectes, prépare ses Eleuthérates (Coléoptères) des = D Alpes et du Jura « à publier dans le courant de l'été prochain » ; refuse une chaire de professeur de belles- lettres dans l’Université; s'inquiète du professeur à qui sera confiée la chaire d'histoire naturelle de la nouvelle Université de Besançon; naissance de sa fille Marie (26 avril). 1812. Quintigny : Recherches entomologiques, achèvement du Museum entomologicum ou Éleuthérates des Alpes et du Jura ; projet d’excursions entomologiques à Giroma- ony; N. reçu à l'Académie de Besançon, demande le titre de membre de l’Académie de Vesoul. — Nomina- tion à Laybach, en Illyrie (21 sept.); départ (le 30 nov.); à Genève (déc.), N. visite les belles collections du savant entomologiste Jurine. 18313. LAYBACH (du 6 janv. à oct.) : Recherches sur les Coléop- tères, les Lépidoptères, la persistance de la vie chez les Crapauds ; le Carabus cœlatus, — Quintigny, puis Paris (fin 1814). 1815. PARIS : Au château du Buis, pendant les Cent jours (avril-juin) ; entomologie. 1816. Paris : À Si-Germain, courses entomologiques et botani- ques. 1817-18. Projet de départ pour Odessa; N. donne sa collection d'insectes à Aimé Martin; un an à Quintigny; — Jean Sbogar. 1819. Paris : Thérèse Aubert. 1820. Voyage pittoresque dans l’ancienne France (1820-1843 ; Voyage en Ecosse (cf. Trilby), observations d’histoire naturelle (lichens, mousses, carabes, etc.) ; plusieurs analvses d'ouvrages scientifiques dans les Mélanges de littérature et de critique ; — Adèle. 1821. Promenade de Dieppe aux montagnes de l’Ecosse (un chapitre d'histoire naturelle); — Smarra. 1822. Trilby ou Le lutin d’'Argail. 1893. Essai critique sur Le gaz hydrogène (en coll. avec le D' Amé- dée Pichot). : : 4824. N. bibliothécaire de l’Arsenal (3 avril); — Examen cri- tique du Dictionnaire de Boiste. = Ho 1895 (-1829). Voy. pittoresque dans l’ancienne France (volume 1826. 1828. 1829. 1830. 1831. 1832. 1833. 1834. 1835. 1836. 1840. 1841. 1844. Franche-Comté). Voyage en Franche-Comté; — 1827, voyage dans les Pyré- nées ; — Poësies diverses. Examen critique des dictionnaires de la Langue française (plusieurs articles sur des termes d'histoire naturelle). Nodier demande à Weiss un exemplaire de sa Dissertation de 1797; dans Mélanges tirés d'une petite Bibliothèque, divers essais sur des Sphinx des environs de Montbé- liard, — sur les Scarabées des hiéroglyphes, etc. Mademoiselle de Marsan. Souvenirs de la Révolution et de l'Empire; — les Emigrés ; — la Fée aux Miettes, etc. Examen critique des « Lettres de Julie sur l’'Entomologie » (le Temps des 26 fév. et 8 mars); — N. membre fonda- teur de la Société entomologique de France ; — lettre à Weiss sur le choléra (24 avril); Souvenirs de jeunesse (Séraphine, Thérèse, Amélie); Réveries; Le Songe d’or ; Marie-Sybille Mérian,; Palingénésie humaine. Tirage à part (publié par Mulsant) de l'Examen critique des « Lettres à Julie sur l’Entomologie » ; — Nodier à l’Académie française ; Trésor des Fèves et Fleur des pois; Baptiste Montauban ; la Gombe de l’homme mort. Sur la demande de Nodier, Fr. Wey visite Girod-Chan- trans à Novillars. N. représente l’Académie française à l'inauguration de la statue de Cuvier à Montbéliard (23 août); le 26 (et non le 24), il assiste à une séance publique de l’Académie de Besançon. Des nomenclatures scuentifiques. — 1837. Piranèse, contes psychologiques. Mulsant lui dédie lOxypleurus Nodieri. L'homme et la fourmi ; Diatribe du D' Neophobus. Décès de Nodier, à l’Arsenal (25 janvier): — Nouveaux mélanges (posthumes). = 42% — Bibliographie générale (1) I. SAINTE-BEUVE. Portraits littéraires, t. I (mai 1840), p. 441 ; (fév. 1844), p. 485. ; II. Fr. WEy. Notice en tête de la Description raisonnée d’une jolie collection de livres, par G. Duplessis. 1844. III. J. JANIN. Notice en tête de Fr. Columna. 1844. IV.MÉRIMÉE. Discours de réception à l’Académie française. 1845. V. Correspondance de Nodier avec Peignot (Bull. du Biblio- phile, 1859, p. 73-76). VI. GAILLON (marquis de). Lettres inédites de Ch. Nodier (Jd., 1860, janv., p. 928). VII. P. Lacroix (Bibliophile Jacob). Ch. Nodier à l’Arsenal (1d., 1864, p. 1037, 1169 : 1865, p. 145, 158). VIII. MENNESSIER-NoODIER (Mme). Ch. Nodier, épisodes et sou- venirs de sa vie. 1867. IX. BOYER DE Sfe-SuzANNE. Notes d’un curieux, 1867 (22 lettres inédites de Ch. Nodier à Jean de Bry, de 1809 à 1831). X. ESTIGNARD. Correspondance inédite de Ch. Nodier (avec Ch. Weiss, de 1796 à 1844). 1876. XI. MonTÉGuT. Notice dans Revue des Deux-Mondes, 1° et 45 juin 1882. XIT a. PINGAUD. Jean De Bry et ses relations avec Ch. Nodier et Ch. Weiss. 1887 (Soc. Emul. du Doubs, 1886). — XII b. Lettres de Ch. Weiss à Ch. Nodier, 1889 (Jd., 1888, 1889). XIII. THurIET. Ch. Nodier, écrivain franc-comtois (Soc. Emul. Jura, t. IV, 1888, p. 91). 1889. XIV. VAISSIÈRE (de). Ch. Nodier conspirateur (Correspondant, 25 oct. 1896). XV. THURIET. Fr. Wey et Ch. Nodier, 1897. X VI. JULLIEN. Le romantisme et l’éditeur Renduel. 1897. (1) Dans les citations, les auteurs seront indiqués par les n°5 ci-dessous placés entre crochets, par ex : Fr. WEY [IE, p.5]. — Voy. Bibliographies de QUÉRARD, Fr. littér.;G. VICAIRE, 1907, t. VI, p. 189 ; Hugo P. THIEME, Guide bibliographique.., 1907, p. 304. — 495 — X VII. GazieR. Manuscrit autobiographique inédit de Ch. Nodier (Soc. Emul. du Doubs, 1903). XVIII. LIEFFROY. Le merveilleux dans Ch. Nodier (Acad. de Besançon, 7 fév. 1907). XIX. MICHEL SALOMON. Ch. Nodier et le groupe romantique, 1908. XX, XXI, XXII. Bibliographies Hœæfer, Michaud; Gde Encyclo- pédie. Bibliographie spéciale XXIII. Société d'agriculture du Doubs, 1799-1810. XXIV. DuMÉRiz. Traité élémentaire d'Histoire naturelle, 1804. XXV. Décade philosophique, 1804. XXVI. GIROD-CHANTRANS. Géographie physique du Doubs, 1810. XX VII. DUMÉRIL. Eléments des sciences naturelles,3e éd.,1825. XXVIII. DEJEAN. Species des Coléoptères, 1826, t. IT. XXIX. MuLsanr. Lettres à Julie sur l’'Entomologie, 1830. XXX. MULSANT. Histoire des Coléoptères de France, t. I, Eonéicornes, 184), p. 57, 58: (pl. L, fig; pl. 8, fig. 2) ©. XXXI. FAIRMAIRE et LABOULBÈNE. Faune entomologique française, Coléoptères, t. I, 1854, p. 19. _ XXXII MULSANT E,. et V. Notes pour servir à l’histoire de POxypleurus Nodieri (Soc. linn. Lyon, 13 nov. 1854); nouv. série, PA 1854-55; p. 191. XXXIIL. FIZELIÈRE (Al. de la:. Ch. Nodier entomologiste (Bull. du Bibliophile, mars 1857, p. 131 ; juin 1857, p. 324). XXXIV. Correspondance de Nodier avec Peignot (/d.. 1859, DT, 70). XXXV a P. LACROIX,- Gh. Nodier à- l’Arsenal (Zd., 1864, D. 1057), le Tarentatello ; — XXXV b. Ch. Nodier, rédacteur de la « Décade philosophique » ({d.,1864, p. 1169) ; — XXXV c. Lettre concernant la Bibliographie entomologique (Id.,1865, p. 145-138). (1) Voy. aussi Manuel Roret, Entomol., Il, p. 278 (1843); FAIRMAIRE, _ Genera Coleopt. Eur., Longicornes, pl. 38, fig. 174; HAYDEN, Catal. Coléopt. Eur., 1883, p. 185 ; ACLOQUE, Faune de France, Coléoptères, 1896, p. 415, pl. 129, etc. 27 ro XXXVI. Droz. Histoire du Collège de Besançon, 1869. XXX VII. D' FABRE (de Commentry). Ch. Nodier, naturaliste et médecin (extr. du Centre médical), 1897. XXXVIIL Chronique médicale, 15 avril 1897. XXXIX D' BaUDIN. Ch. Nodier, médecin et malade (4cad. de Besançon, 1903, p. 206). É XL Dépéche républ. de Besançon, 2 fév. 1908; — Socialiste franc-comtois, 9 fév. 1908. XLI a. ANT. MAGNIN. Ch. Nodier naturaliste (Soc. Emul. Doubs, 21 mars, 28 mai 1908; déc. 1909): — XLI b. Ip. (Soc. Hist. natur. du Doubs, fév. mars 1908). XLII. Bouvier. Discours à la réunion des Gaudes. Paris, 10 mars 1908. Dans les citations de la correspondance Nodier-Weiss, les chiffres romains sont ceux de la publication Estignard [X, ci-dessus]; les chiffres arabes sont les auméros d'ordre de la classification que nous avons adoptée ; voy. chapitre X. paragraphe 2. Laon CHAPITRE II LA JEUNESSE DE CH. NODIER ET SES DÉBUTS DANS L’ÉTUDE DES SCIENCES NATURELLES : GIROD-CHANTRANS Tous les biographes de Nodier s'accordent à reconnaître sa précocité remarquable, une aptitude singulière pour les connaissances encyclopédiques, enfin une vive imagination qui, dans ses essais historiques, l’a emporté souvent bien au delà des limites de la vérité. Cette précocité s’est manifestée dans tout, aussi bien au point de vue civique ou sentimental, qu’en littérature ou en science ; il suffit de rappeler les discours que Nodier débi- tait, à 11 et 12 ans, au Club des Amis de la Constitution (1), les passages de ses mémoires, manuscrits où publiés, datant de cette période de sa jeunesse (2). Pour l’histoire naturelle, il est certain aussi que Nodier a commencé très jeune à s’en occuper : dès l’âge de 13 ans, d’après Mme Mennessier-Nodier (VIIL, 33), ro ee même plus tôt, si son séjour en Alsace, chez un pasteur, amateur de papillons, remonte à 12 ans, comme semble l'indiquer le passage suivant de Séraphine. A l’âge de douze ans, j’avois achevé les études superficielles des enfants et par conséquent je ne savois rien; mais j’avois (1) Discours prononcé à la Société des Amis de la Constitution, le 22 décembre 1791, par M. Ch. Nodier fils, âgé de 11 ans; 4 pages (Be- sançon, Simard, 1791 ; Bibliothèque de Besançon). — Discours de M. Nodier fils, âgé de 12 ans, prononcé à la Sociôté des Amis de la Constitution, lors de sa réception (Besançon, Simard, 179 ; Bibl de Besançon); cf. aussi COINDRE, Mon vieux Besançon, 1908, p. 890. (2) Voy. GAzIER (X VID) et les nombreuses allusions de Nodier aux aven- tures sentimentales de sa jeunesse, dans Séraphine, Adèle, Clémentine Thérèse, eic. — 42 — heureusement appris ce qu’on apprend rarement au collège, c’est que je ne Ssavois rien et que la plupart des savants eux- mêmes ne savoient pas grand’chose. Jétois si avide d’instruc- tion qu'il m'est souvent arrivé d’épeler avec effort l’alphabet d’une langue inconnue... Mais de tous les alphabets écrits ou rationnels que j’essayois de déchiffrer, il n’y en avoit point qui m’inspirât autant de ferveur que celui de la nature... Un séjour de quelques semaines chez un bon ministre de Vindenheim O), en Alsace, fort amateur de papillons, m’avoit aidé à soulever le voile le plus grossier de cette belle Isis dont les secrets déli- cieux devoient mêler tant de charmes, quelques années après, aux misères de mon exil. J’étois rentré dans mes montagnes, le filet de gaze à la main, la boîte de fer blanc doublée de liège dans la poche, la loupe et la pelote en sautoir, riche et fier de quelques lambeaux d’une nomenclature hasardée qui m’initioit du moins au langage d’un autre univers (@)... Il ne nous a pas été possible de trouver la date exacte et les conditions de ce séjour en Alsace ; peut-être a-t-il eu lieu pendant le voyage de Nodier avec les délégués du Club des Amis de la Constitution chargés de féliciter Pichegru, voyage accompli précisément en 1792, ou bien lorsque son père l’envoya étudier le grec chez Euloge Schneïder, à Stras- bourg, en 1/93? En tout cas, c’est le plus lointain souvenir qu'il ait gardé de son initiation à l'étude des insectes ; et si l’on ne peut pas affirmer que ce séjour remonte bien à 1792, il est certainement antérieur aux leçons de Girod de Chan- trans et doit, par conséquent, se placer en 1792 ou 1793 (3). (1) Probablement Winzenheim, ancien chef-lieu de canton du Haut- Rhin, à 5 kil. à l'Ouest de Colmar. (Voy. Carte, chap. 1er) (2) Séraphine, p. 23-24. La famille de Nodier habitait le n° 11 de la rue Ch. Nodier actuelle (ancienne rue Neuve, construite sur le prolongement de la rue des Minimes, dans les jardins de Charmars, vers le milieu du XVIIIe siècle (Voy. Castan et Pingaud, Besançon, 1901, p. 389). (3) Dans sa très intéressante étude sur Nodier naturaliste et médecin (XXX VII), M. le docteur Fabre fait remonter le goût de Nodier pour lhis- : toire naturelle à ses années de fugue dans les montagnes du Jura, c’est-à- dire vers 1804-06, soit à l’âge de 24 ans (p. 3); il est certain qu'il remonte bien plus haut ; M. Fabre donne, du reste, lui-méme, des dates plus anciennes, p. 3 et p. 7. — 499 — Mais deux hommes ont exercé une grande influence sur l’orientation de Nodier vers les sciences naturelles et ont surtout guidé ses premiers pas dans cette étude : c’est d’abord son compatriote, le naturaliste GIROD DE CHANTRANS, puis un jeune ingénieur breton, de passage à Besançon, LUCZOT ; on peut y ajouter DE BESSES, dont Nodier suivit les cours d'histoire naturelle à l’Ecole centrale, quoique son enseigne- ment n'ait fait que coordonner et compléter les leçons pratiques de ses deux premiers maîtres ; les paragraphes suivants montrent, du reste, ce que Nodier doit à chacun de ces naturalistes. $ 1. Nodier et Girod de Chantrans Cest ordinairement à Girod de Chantrans seul qu'on attri- bue le mérite de l'initiation de Nodier à l’histoire naturelle ; tous les biographes le disent et le répètent, sauf cepen- dant M. de Gaillon qui reporte ce mérite à Luczot (VI, 943, note). Déjà Sainte-Beuve consacre, dans sa notice de 1844, quel- ques lignes à (M. Girod de Chantrans, un savant, un sage, une espèce de Linné bisontin » (1, 457); puis F. Wey, Thu- riet, etc, et plus récemment M. Michel Salomon, racontent dans quelles circonstances les relations s’établirent entre le savant et son jeune élève et font un tableau pittoresque de leur installation à Novillars, pendant la Terreur (IE, XV, EX etc): Ch. Nodier, âgé alors de 13 ans, était d’une exaltation romanesque (M"° Mennessier, VITT, 20), et c’est pour calmer son cerveau, son imagination toujours en délire (Wev, IT, 7) qu'on le confie aux lecons et aux soins affectueux de Girod-Chantrans, un ami de la famille, Wey à donné un por- trait, souvent reproduit, de ce « patriarche de l’ancien régime, spirituel, érudit et pieux. » — À30 — « C'était un ancien officier du génie, petit, contrefait et d’une figure charmante; un homme du temps jadis, plein d’indulgence, de sérénité, voué à l’amour de la nature, à l’étude des sciences, aux recherches de la BOtAnaUe et de l’entomologie. » (IT, 9). ‘ Ch. Nôdier s’attacha à cet excellent maître et passait des journées entières avec lui; l'élève reconnaissant lui à consa- cré, plus tard, dans Séraphine, les pages suivantes, souvenir charmant de ses plus belles années de Jeunesse. Il y avoit alors dans ma ville natale un homme d’une qua- rantaine d'années qui s'appelait M. de C..., et qu’au temps d’où je parle, on appeloit plus communément le citoyen Justin, du nom de son patron, parce que la Révolution lui avoit ôté le nom de son père. (était un ancien officier du génie qui avoit passé sa vie en études scientifiques et qui dépensoit sa fortune en bonnes œuvres. Simple et austère dans ses mœurs, doux et affectueux dans ses relations, inflexible dans ses principes, mais tolérant par caractère, bienveillant pour tout le monde; capable de tout ce qui est bon, digne de tout ce qui est grand, et modeste jus- qu'à la timidité, au milieu des trésors de savoir qu’avoit amassés sa patience on devinés son génie; discutant peu, ne pérorant pas, ne contestant jamais ; toujours prêt à éclairer l’ignorance, à ménager l'erreur, à respecter la conviction, à compatir à la folie, il vous auroit rappelé Platon, Fénelon ou Malesherbes; mais je ne le compare à personne; les comparaisons lui feraient tort. Le vulgaire soupçonnoit qu’il était fort versé dans la méde- cine, parce qu’on le voyait toujours le premier et le dernier au chevet des pauvres malades, et qu'il étoit à son aise, parce qu'il fournissoit les remèdes ; mais on le croyoit aussi un peu bizarre, parce qu'il étoit avec moi le seul du pays qui se promenàt dans la campagne armé d’un filet de gaze et qui en fauchât légère- ment la cime des hautes herbes, sans les endommager, pour leur ravir quelques mouches aux écailles dorées, dont personne ne pouvoit s'expliquer l'usage. Cette analogie de goût rapprocha bientôt nos âges si éloignés. Le hasard voulait qu’il eût été l’ami de mon père dont le mien fut un moment jaloux : mais ils s'en- — ASl — tendirent mieux pour mon bonheur que les deux mères du Juge- ment de Salomon. (p. ?5, ?6). Complétons ces souvenirs par quelques renseignements biographiques plus précis qui achèveront de nous faire con- naitre le sympathique naturaliste bisontin. Justin GIROD DE CHANTRANS naquit à Besançon le 20 sept. 4750; il était le 10e des 12 enfants d'Antoine GIROD, seigneur de Naisev, Novillars et Amagnev, — le frère de Claude- François GiroD DE NOVILLARS (1748-1819), auteur d’un Essai historique sur quelques hommes de lettres (1806), — le neveu de Jean-Francçois- Xavier Girob DE MIGNoviLLars (1735- 1783), médecin de Louis XVI(L. Très doué pour les mathé- matiques, J. Girod de Cbhantrans fit sa carrière dans l’arme du génie (Campagne des Antilles, Saint-Domingue, Fort de Joux) jusqu’en 1792, époque de son retour à Besançon, où il prenait sa retraite (2). Bien qu’il se fût déjà occupé de sciences naturelles, notam- ment pendant son séjour à Saint-Domingue (1775-1777), où, d’après un de ses biographes (3), «il aurait créé un herbier des plus précieux de plantes exotiques... », c’est surtout à partir de 1790-1792 qu’il paraît s’être livré avec ardeur à l'étude de l’histoire naturelle de notre région (4). Très lié avec Lacroix (9), professeur à l'Ecole d’artillerie de Besançon, ils (4) Vov. les Biographies générales, et particulièrement LEBON d'après CROULLEBOIS dans Académie de Besançon, 1881, p. 90. — Voy. note additionnelle. (2) Girod-Chantrans, — c'est ainsi qu'il s’est appelé depuis la Révolu- ton, — habitait à Besançon, rue de la Vieille-Monnaie, n°3. (3) DE JourFroY, Académie de Besançon, 1882, p. 193. (4) Voy. Essai sur la géogr. physiq. du Doubs, t. [, 1810, préface, p. v] : &« Mon début dans ce travail date d’une vingtaine d'années, pen- dant lesquelles j'ai accumulé une multitude de notes qu'il était absolument nécessaire de coordonner entre elles pour en tirer parti... » (5) Lacroix (Sylvestre-François), né à Paris en 1765, + en 1843; après son séjour à Besancon (1788-1793), comme professeur à l'Ecole d'artillerie, le célèbre mathématicien devint professeur à l'Ecole centrale, puis à l'Ecole normale de Paris, enfin à l'Ecole polytechnique, à la Faculté des sciences et au Collège de France, — 432 — commencent ensemble des Recherches microscopiques et chimiques sur des organismes inférieurs que Girod-Chan- trans publia en 1802; on y trouve la première mention des zoospores des algues d’eau douce, qu’il considérait comme des infusoires ; De Candolle lui dédia, à cette occasion, le genre Chantransia (1). | Huit ans après (1810), Girod-Chantrans faisait paraître son Essai sur la Géographie physique du Doubs, première ten- tative d’une énumération de toutes les productions naturelles (animaux, plantes, minéraux) de ce département. On trouvera dans les biographes de Girod-Chantrans, dans Weiss, Quérard, de Jouffroy (2), la liste de ses nombreux tra- vaux publiés dans le Journal des Mines, le Bulletin de la Société d'encouragement, le Bulletin de lu Sociélé philoma- tique de Paris, la Societé d’ Agriculture du Doubs, l Académie de Besançon. Rappelons encore que Girod-Chantrans fonda, en 1799, la Société d'Agriculture, à laquelle il communiqua, jusqu’à la veille de sa mort, survenue le fer août 1841, les résultats de ses expériences et de ses nombreuses observa- tions agronomiques. Tel est le savant, le sage, à qui on confiait le jeune Nodier ; «effrayé du débordement d'idées, du désordre d'imagination de ce cerveau toujours en délire, M. de Chantrans enseigna à l'enfant un peu de mathématiques par manière de potion réfrigérante; 1} y Joignit la botanique et l'étude des insectes, dans laquelle, Charles, avec sa mémoire surprenante, ne tarda pas à exceller. » (Wey, IT, 9); d’après Sainte-Beuve, « l’enfant ne mordit qu'à l’histoire naturelle »; mais il y (1) Voy. notre note sur Girod-Chantrans mycologue et notre travail sur la querelle scientifique survenue entre Girod-Chantrans et Vaucher (Soc. Emul. du Doubs, 20 mai 1905, juin 1906). — M. G. Bonnier est arrivé plus tard, aux mêmes conclusions, (voy. Le Monde végétal, 1909, p. 91), au point de vue de la valeur respective des recherches des deux natura- listes, mais sans faire mention des zoospores @) Waiss dans Biographie Michaud ; QuéraRD, France liltér , IE, 378; = DE JouFFROY, dans Acad de Besançon, 1882, p. 119-134, — 433 — mordit si bien que toute cette activité fébrile, toute cette imagination désordonnée furent désormais, au moins pen- dant quelque temps, détournées vers ces eccupations d’une nature plus paisible ; aussi Nodier s’y livra-t-il avec passion et les promenades à la recherche des insectes, la découverte des espèces rares, l'observation des mœurs de ces créatures mystérieuses lui furent un enchantement continuel dont il conservait, bien longtemps après, le souvenir encore vibrant d'enthousiasme. Notre journée d’investigations commençoit régulièrement à midi, après le repas du matin, et duroit jusqu’à la nuit, car nous étions d’intrépides marcheurs. Nous allions et nous reve- nions en courant, moi, questionnant sur tout ce qui se rencon- troit ; lui, répondant toujours et à tout par des solutions claires, ingénieuses et faciles à retenir. Il n’y avoit pas un fait naturel qui ne fournit matière à une leçon, pas une leçon qui ne fit sur moi l'effet d’un plaisir nouveau et inattendu. Cétoit un cours d’études encyclopédiques mis en action, et je suis sûr mainte- nant que tout autre que moi en auroit tiré grand profit; mais mon imagination étoit trop mobile pour n'être point oublieuse. Arrivés aux champs ou aux forêls, nous entrions en chasse, et, comme mes collections se commençoient à peine, chaque pas me procuroit une découverte; je marchois en pays conquis. Il n’y a point d'expression pour rendre la joie de ces inno centes usurpations de la Science sur la nature rebelle et mysté- rieuse, et ceux qui ne l’ont pas goûtée auront peut-ûtre quelque peine à la concevoir. Encore aujourd’hui, je me prends quelque- fois à frémir d’un voluptueux saisissement en me rappelant la vue du premier carabus auronitens qui me soit apparu dans l'ombre humide que portoit le tronc d’un vieux chène renversé, sous lequel il reposoit éblouissant eomme une escarbouele tombée de l’aigrette du Mogol. Prenez garde à son nom, s’il vous plaît : C'était le carabus auronitens lui-même! Je me sou- viens qu'il me fascina un moment de sa lumière et que ma main _trembla d’une telle émotion qu'il fallut m'y reprendre à deux fois pour m’en emparer... (Séraphine, p. 35-36) — 434 — $ 2. Girod-Chantrans et Ch. Nodier à Novillars. C’est surtout à Novillars et dans ses environs, pendant l’été 1794, que s'écoulèrent ces journées enchanteresses ; ce séjour dans la retraite de Girod-Chantrans est un des épisodes les mieux connus de la vie de Nodier, grâce aux pages char- mantes qu'il lui a consacrées dans ses Souvenirs de Jeunesse ; souvent reproduites, elles ont servi aux biographes pour décrire linstallation des deux naturalistes dans la maison de Girod-Chantrans à Novillars, et pour raconter leurs chasses aux insectes et les moments qu'ils employatent à l'étude de leurs récoites. Et cependant, bien que de nombreux passages de Séraphine aient l'apparence d’une autobiographie véri- dique, la date et la durée de ce séjour, l'emplacement de la maison de campagne de Girod-Chantrans, ne peuvent pas être indiqués avec une entière certitude (D), D’après Sainte-Beuve, c’est € pendant la Terreur, proba- blement », et à la suite du décret interdisant aux ei-devant nobles le séjour dans les places de guerre, que Girod-Chan- trans «@ alla habiter Novillars, château à deux lieues » de Besançon, emmenant le jeune Nodier avec lui [E, 457]. Wey, moins explicite pour la localité, l’est davantage pour l'époque : « pendant ia Terreur, à la campagne », dit-il DEP AE (1) Pour plusieurs biographes de Nodier, Séraphine est une « espèce d’autobiographie qu'on aurait bien tort de prendre au sérieux. » Cf. Michaud, ete. Mais les renseignements qu'on à pu recueillir à d’autres sources prouvent que, si certains détails ont été transformés, embellis par la vive imagination de Nodier, le fond des évènements quil déerit est souvent exact: on l'a vérifié non seulement pour Séraphine, mais encore pour d’autres souvenirs, nouvelles ou portraits, celui de Fouché, par exemple, ainsi que M. Madelin vient d'en donner les preuves (Voy. Michel Salomon, p. 90,91). — 435 — Avec Mme Mennessier-Nodier, les renseignements devien- nent plus précis : c’est bien à Novillars que Girod-Chantrans se retire avec le jeune Nodier, « dans la paisible maison de Novillars, représentée dans une aquarelle de M"* la comtesse de Circourt, devenue par mariage petite nièce de M. de Chantrans » ; et la retraite est indiquée comme une con- séquence de la loi de floréal qui exilait les nobles des villes de guerre [ VIII, 23, 27]. Dans Séraphine (1) Nodier fait une allusion à la loi de flo- réal et ajoute cette particularité intéressante qu'à ce mo- ment, c’est-à-dire à la fin de mai, il était tombé de la neige ; ce détail ne paraît pas une invention de Nodier, mais le sou- venir d'un phénomène qui l'avait frappé à cause de sa rareté (2). | On ne peut donc placer la date de lPinstallation à Novillars qu'après la loi du 50 floréal an IT (19 mai 1794), c'est-à-dire au plus tôt, à la fin de mai 179%. Et comme deux passages très précis de Séraphine 6) per- mettent de fixer au 12 octobre de la même année le départ de Nodier, c’est done à peine 4 mois et demi et non une année, comme on l’a dit, que Nodier est resté à Novillars, en 1794 (4). Le petit viliage de Novillars est situé près des bords du Doubs, à 10 kilomètres au nord-est de Besançon : ses (1) Pour les citations de Séraphine nous renvoyons aux pages des Œu- vres complètes, édilion Reniuel, 183%, t. X, Souvenirs de jeunesse (Séraphine, p. 21-80). - (2) Voy. la note de la page précédente. . (3) « Aujourd'hui 12 octobre 1831, trente-sept ans jour pour Jour » (p. 28) et p. 68. (4) C’est grâce à l'influence de Nodier père, président du tribunal révolu- tionnaire, que Girod-Chantrans ne se retira qu’à deux lieues de Besançon : il lui confia son fils et le lui annonça en ces termes : « Je ne connais pas d'horame plus vertueux que Loi; tu méritais de n'être pas né gentilhomme ; mais obéis à la loi, emmène mon enfant, je te le contie, Lu lui apprendras à connaître la nature et la vérité. » (Cf. Michel Salomon, XIX, 9). — 436 — rares maisons sont disséminées au voisinage d’une petite rivière, affluent du Doubs, la Longeau, dont une dérivation, aujourd'hui comblée, est probablement le Brez de la descrip- tion de Séraphine. M. Michel Salomon, qui a fait le pèlerinage de Novillars, y a retrouvé «le charme du vallon, les courbes complai- santes du Doubs, à travers les herbages verts et drus, ce coin de riante nature, que Nodier nommait son paradis perdu » [XIX, 10, 11]; mais il ne nous a pas été possible d'y reconnaitre les traces de l'habitation de Girod-Chantrans et même d'y retrouver le souvenir de son séjour, bien qu’il y eût passé encore de nombreuses années dans la première moitié du siècle dernier | On se heurte du reste, dans cette recherche, à plusieurs difficultés. D'abord le château de Novillars wappartenait pas à Justin Girod de Chantrans, mais à son frère Charles-François Girod de Novillars (1747 + 1812) : la matrice cadastrale, établie en 1808, ne porte rien au nom de Justin ; toutes les cotes, pos- sédées par des Girod, sont au nom de Claude-Francçois, ou de ses fils, Casimir, Ferdinand et Eugène : par exemple, n°5 A et 46 (château et ses dépendances, actuellement à M. d’'Hote- lans) ; n°8 43, 47, 113, 190 (en ruines ou démolies) ; n°° 96, 117 (aujourd’hui à divers propriétaires) ; n° 107 (encore à un. petit-fils, M. Eugène de Novillars). D'autre part, la maison où Girod-Chantrans et Nodier s'étaient installés, n’était pas un château, d’après la deserip- tion de Séraphine (1), mais une habitation très modeste, com- posée principalement de deux pièces au premier et unique étage, simplement enduites de plâtre et pourvues d'un mobi- lier rustique et sommaire; cette maisonnette était placée tout à fait sur le bord du Biez « dont on suivait au loin les détours entre des fabriques charmantes et des ilots de ver- (1) Séraphine, p. 27, 30 et 60, — 137 — dure » et au voisinage d’ «une source inurmurante qui allait mourir dans le Biez, en bondissant sur les cailloux ». Justin Girod-Chantrans avait probablement trouvé dans une des maisons de son frère, ou d’un autre habitant de Novillars, un pied à terre pour ses collections et ses études, où il passait la belle saison, dans le calme et la tranquillité qu'il n'aurait pas trouvés au château. Wevy, qui vint lv voir, en 1834, sur la demande de Ch. Nodier, ne donne aucun renseignement sur cette habitation, où, dit-il, « je passai, dans sa retraile, cinq jours délicieux » [IE, 9! Chaleur Le Novillars es Roches & MUD A \° Qi 4 e Su LA ne + DE Si us Z les rt ane mu U se 2) > FIG. 2. (ne 185) ; b, ancien Moulin, démoli (n° 186) ; c, petite source au pied des rochers ; d, La Cude, usine démolie (n° 190) ; e, ancien bras de la Longeau, allant au Moulin, supprimé depuis longtemps ; f, ruisseau actuel ; g, gare (1857) ; hk, maison Besançon; j, chemin de fer et k route de Besançon à Belfort ; !, m, maisons démolies, — Village de Novillars: a, maison Grosjean (Claude), démolie Puisque, d’après le cadastre de 1808 et la description de Séraphine, l'habitation de Girod-Chantrans ne pouvait être le château actuel, nous avons recherché, avec l’aide de Me. M. Hudelot, instituteur, s’il existait des traces ou le sou- venir d'une autre demeure correspondant à cette descrip- tion ; aucune maison actueile ne s’y rapporte ; mais, d’après un habitant de Novillars, M. Daclon, dont le grand âge con- serve le souvenir de beaucoup de choses disparues, on aurait pu la retrouver dans une petite maison située à l’extrémité occidentale du village, au lieu dit La Cude, Sous Les roches, figurée sur le plan cadastral sous le n° 185 (voir le plan de la page précédente, lettre «), maison déjà en ruines lors de la construction du chemin de fer de Besancon à Belfort (1854-1857) etdéimolie à cette époque. Cette maisonnette, placée sur les bords d’un bras de la Longeau, actuellement comblé (lettre e du plan), n’avait, en effet, que deux pièces à son premier et unique étage ; près d'elle, une maison plus importante (lettre b, n° 186 du plan cadastrai), ancien moulin ne fonctionnant plus depuis long- temps et démoli aussi par la construction du chemin de fer ; entre les deux, s’écoulait une petite source sortant:à la base des rochers voisins (lettre c) ; l'établissement de la voie ferrée a supprimé la source, son écoulement aérien, et l’ancien moulin ; mais les eaux provenant du pied de la falaise rocheuse alimentent encore un puits placé au nord de la maison Besançon (lettre h), construite sur l'emplacement de l’habitation présumée de Girod-Chantrans (1). Si cette maison n’est pas celle qu'a habitée Girod-Chantrans, Ch. Nodier s’est inspiré de sa situation dans l'endroit le plus pittoresque de la contrée, et de sa disposition intérieure, pour brosser le tableau si vivant qu’il en donne dans Séru- phine, dans ces pages ravissantes que nous GRO ors devoir reproduire presque en entier (2). (1) Les deux maisons, a et b (nos 185 et 186) ont appartenu à une famille Grosjean (Jean-Claude et Claude) de Novillars, jusqu’à leur acquisition, en 1854, par la Cie du Chemin de fer P.-L -M. et leur démolition. (2) Dans son très attachant ouvrage sur Ch. Nodier, M. Michel Salomon a donné un excellent résumé de ces pages, résumé que nous aurions pu 2.80 Nous allâmes habiter un joli village éparpillé sur les deux bords d’une petite rivière qu’on appeloit le Biez, suivant l’usage du pays, et qui étoit garnie de côté et d'autre d’un rang pressé de jeunes peupliers. Ils doivent avoir bien grandi! Notre maison étoit, dans sa simplicité, la plus magnifique &e la commune, et appartement que nous occupions au premier et dernier étage auroit fait envie à dix rois que j'ai rencontrés depuis dans les plus méchantes auberges d'Europe. Il se composoit de deux chambres enduites d’un plâtre blanc et poli, dont la propreté charmoit la vue. Geile du citoyen Justin, qui étoit la plus grande, conme de raison, ne manquoit pas d’un certain luxe d’ameuble- ment, quoique le principal s’y réduisit à une couchette de paille (il n’y avoit jamais d'autre lit, et je me suis fort bien trouvé dès ors d’avoir contracté près de lui cette habitude), à deux fortes chaises de bois de noyer, et à deux grances tables de la même matière et du mème travail, cirées comme des parquets et lui- santes comme des miroirs. La première, qui avoit au moins cinq pieds de diamètre, occupoit de sa vaste circonférence le milieu du superbe salon dont je commence la description avec un sen- timent si vif et si présent des localités, que j’en reconnoîtrois tous les détails à tàtons, si j'y étois transporté la nuit par la baguette d’une bonne fée, quoi qu'il y ait, aujourd’hui 12 octo- bre 1831, trente-sept ans que jy ai laissé à peu de chose près la petite part de bonheur sans mélange qui devoit m’échoir sur la terre, Celle-là portoit tous nos ustensiles de travail et d’obser- vation journalière, les presses, les pinces, les scalpels, les ciseaux, les poinçons, les loupes, les lentilles, les microscopes, -les étoupes, les yeux d'émail, le fil de fer, les épingles, les gou- pilles, le papier gris, les acides et les briquets, pièces indispen- sables, s’il en fût jamais, d’un équipage de naturaliste : c'est là qu'on analysoit, qu'on disséquoit, qu'on empailloit les animaux ° ° 0 . 0 e c’est là qu’on essayoit les pierres au contact des houppes ner- veuses les plus développées de notre organisme, au choc du fer, nous borner à reproduire ; mais il ous a semblé que dans un travail consacré spécialement à Nodier, naturaliste, le lecteur aimerait trouver le texte même de ces descriptions pleines à la fois de science et de poésie — 440 — aux sympathies de l’aimant, au jeu sensible des affinités, à l’ef- fervescence et aux décompositions que produisent les réactifs ; c'étoit le modeste laboratoire où venoient se révéler l’un après l'autre tous les secrets de la nature. Sur la paroi du fond, car je suis bien décidé à ne vous faire grâce d'aucun détail, étoit la couchette dont je vous ai parlé, flanquée de nos deux fauteuils de cérémonie, terminée au pied par le mobilier exigu d’une toilette philosophique, et appuyée sur l'arsenal de nos grandes expéditions, freloches de toutes les dimensions, de toutes les formes et de toutes les couleurs, outils à fouir, outils à saper, pieux à sauter les ravins, gaules à frapper les ramées. Il n’y manquoit qu'un fusil, mais c’étoit une arme interdite aux naturalistes suspects, et les nôtres n’inspiroient déjà que trop de défiance dans les mains d’un philosophe et d’un enfant. Dessous gisoient le marteau à rompre le roc et la pointe à déchausser les racines. Deux bâtons légers, mais noueux, contre les loups et les serpents, complétoient ce formidable appareil de guerre. Je puis vous assurer que cela étoit terrible à voir. La muraille de droite ouvrait son unique fenêtre sur une source murmurante qui alloit mourir dans le Biez, en bondissant sur les cailloux, et dont je crois entendre encore le fracas mélodieux. Dans la partie de l'appartement qui précédoit cette croisée, nous avions assis sur des consoles trois gracieuses tablettes dont la première ou l’inférieure supportoit les boîtes de chenilles et de chrysalides, fermées de fins réseaux, qui étoient confiées à mes soins particuliers, et la seconde, les planchettes polies où nous étalions nos papillons, sous des plaques de verre qui contenoient leurs ailes sans les froisser. La dernière étoit garnie de flacons bouchés à l’émeri, qui renfermoient le camphre destiné à sau- poudrer tous les soirs nos boîtes de chasse, lalcali volatil contre la piqûre des frelons et la morsure des vipères, et l'esprit de vin conservateur des reptiles et des petits ovipares. Une armoire pratiquée tout auprès, et dont le citoyen Justin portait toujours la clef, étoit réservée pour les trésors cent fois plus précieux de la pharmacie domestique. L'autre côté de la croisée étoit occupée par notre seconde table, dont je n’ai encore rien dit, quoi qu’elle en valût bien la — A = peine, mais j’ai cru devoir sacrifier l’ordre logique à l’ordre descriptif dans cette topographie vraiment spéciale qu'on ne refera pas après moi, car je suis le seul qui m'en souvienne sur la terre, à moins que M. de C... n'ait conservé à quatre-vingts ans quelque mémoire de ces jours d’exil, qui furent pour moi des jours d’ineffables délices. Je ne savois pas même qu’il souf- froit, et son attentive bonté me dissimuloit, sous une humeur douce et riante, des chagrins qui auroient empoisonné mon bonheur! — Cette table étoit bien longue, à l’idée que je m'en fais aujourd’hui. loutes nos académies détruites par un vanda- lisme brutal mais naïf, et qui avoit au moins cette excuse de linexpérience qu'il n’aura plus, y Siégeoient à mes yeux dans une seule personne. Un homme de génie écrivoit là ces pages admirables, dont quelques rares amis ont reçu la confidence, tirées à dix ou douze exemplaires, et qu’ignorera la postérité qui ne pourroit plus les entendre. Devant lui, ses livres favoris étoient amassés sur trois rayons, dont le premier avait peine à contenir nos auteurs usuels, le Systema Naturae, le grave Fabricius, le bon Geoffroy, l’ingénieux Bergmann, Lavoisier, Foureroy, Berthollet, Maquer l’éclectique, et Bernardin de Saint-Pierre le poète. (Séraphine, p. 27-32). Quant aux occupations de Nodier, elles sont décrites dans les pages suivantes des mêmes Souvenirs. Mon ministère particulier se bornoit à pousser des reconnois- sances autour du village, sur tous les points où quelque acei- dent favorable à de certains développements, nous promettoit une abondante récolte de genres nouveaux. Je savois à ne pas m'y tromper le petit bouquet d’aunes ou de bouleaux qui balan- çoit à ses feuilles tremblantes des euwmolpes bleus comme le saphir et des chrysomèles vertes comme l’émeraude; la jolie coudraie qu’affectionnoient ces élégants attelabes d’un rouge de laque, si semblables aux graines d'Amérique dont les sau- vages font des colliers; la plantation de jeunes saules où le capricorne musqué venoit développer les richesses de son armure d’aventurine, et répandre ses parfums d’ambre et de rose ; la flaque d’eau voilée de nénuphars aux larges tulipes, et 28 — 449 — de petites renoncules aux boutons d'argent, où nagcoit le ditique aplali comme un bac, et du fond de laquelle l’hydrophile S’élevoit sur son dos arrondi comme une carène, tandis qu'une peuplade entière de donacies faisoient jouer les reflets de tous les métaux sur leurs étuis resplendissants, à travers les feuilles des iris et des menianthes. Je savois le chêne où les cerfs volants Vivoient en tribu,etle hêtre, à l'écorce d’un blane soyeux où gravissoient lourdement les priones géants... (Séraphine, p. 59-40). Ces descriptions si minutieuses auxquelles le talent de Nodier donne du moins l'illusion de la vraisemblance, si elles ue sont pas l'expression de la réalité, ne s'accordent pas tou- jours avec l'emplacement de Novillars, ni avec l'hypothèse d’un séjour de #4 mois et demi dans cette localité : il est facile de relever des détails topographiques qui s'appliquent mieux à une autre contrée, quand, par exemple, Nodier « descend de la montagne », en quittant l'habitation de Girod-Chantrans, ou qu’il suit le sentier taillé dans le rocher, au-dessus d’un précipice effrayant, le passage du trou du hibou (p. 50, 66). il semble bien que cette demeure serait mieux placée à Nan- cray, où à Chantrans, autres patrimoines de la famille Girod, qu'a Novillars (1) ; mais, suivant son habitude, Nodier a dû inelanger les souvenirs de lieux et d'évènements différents et les agrémenter des produits de son nnagination. [l en est. de mème de la description de ses chasses, de ses observa- tions, si remarquables comme vérité scientifique, des carac- tères et des mœurs des insectes ; l’année entière qui lui est accordée par la plupart des biographes lui aurait à peine suffi pour acquérir des connaissances si précises el si éten- dues ; c’est encore ici, le naturaliste déjà exercé, qui utilise, (1) Girod-Chantrans ne cite cependant Jamais Naneray ni Chantrans parmi les localités qu'il indique dans sa Géographie physique; celles qui reviennent le plus souvent sont : Novillars (jardins, clos, bois, environs), Blamont, Pontarlier, le Doubs, la Loue, Chamars, les Prés de Vaux, Amagney, etc. UE au moment où il écrit Séraphine, les résultats de plus de vingt années de recherches et en enrichit des souvenirs de quelques mois seulement d'observations et d’études. $ 3. Dernières relations de Nodier et de Girod-Chantrans. Après le départ de Novillars, les relations de Ch. Nodier avec Girod-Chantrans deviennent moins fréquentes et moins intimes ; Nodier se lie particulièrement avec un ingénieur des Ponts et Chaussées, Luczot, arrivé récemment à Besançon (août 1793), que rapprochaient de Nodier, son jeune âge (Luezot n'avait que 25 ans) et une singulière communauté de goûts, notamment pour l’entomolozic. Les deux amis suivent ensemble pendant l’année 1796- 1797. les cours d'histoire naturelle de l'Ecole centrale : Nodier y retrouve, 1l est vrai, Girod-Chantrans comme membre de la commission de surveillance et du jury d'examen. C’est aussi à cette époque (an VI) que Lucezot et Nodier publient, en collaboration, leur fameuse Dissertation sur l'usage des antennes; on s'étonne de n’y trouver aucune allusion à Girod-Chantrans, à son rôle initiateur dans l'étude des insectes pour l’un des deux collaborateurs, Mais dans les Descriplions d'insectes nouveaux rédigées la même année (1797) et restées manuscrites (Bibliothèque de Besançon), Nodier reconnait avoir puisé les renseignements qu’il donne sur plusieurs insectes dans « deux autres cabinets, celui de M. de Chantrans et celui de M. Luczot » : on remarque cepen- dant qu'il parle avec plus de complaisance de Luczot « mon: collaborateur et mon ami », et que le nom du jeune ingénieur revient plus souvent que celui de « Monsieur de Chantrans » dont le cabinet n’est cité que deux fois : à propos du Capri- corne à longues cornes et du Capricorne peltitère. — 44% — Plus tard, après la publication de la Bibliographie ento- moloyique (1801), une lettre de Nodier père, reproduite par M”: Mennessier-Nodier [VIIE, 35], nous apprend que Girod- Chantrans devait faire un rapport sur cet ouvrage à la Société d’Agricullure du Doubs, qu'il avait récemment fondée (1799) ; or, on ne trouve pas trace de ce rapport dans les dix pre- m'ères années des publications de cette Société : et cependant Ch. Nodier en faisait partie depuis sa fondation et il y figure sur la liste des membres, comme associé correspondant, jus- qu’en 1804. Depuis, rien dans les œuvres diverses de Nodier, rien dans sa correspondance publiée, notamment dans ses lettres à Ch. Weiss où cependant il parle souvent d’entomologie et des entomologistes bisontins comme Gevril, Lonjan, rien ne vient rappeler le souvenir de Girod-Chantrans (1), jusqu’en 1832, date des Souvenirs de jeunesse où Nodier rend un hommage tardif, mais si touchant, au savant bisontin. Deux ans plus tard (1834), Fr. Wey, sur la demande de Nodier, ira visiter Girod-Chantrans dans sa retraite de Novillars, et le vieux savant, plus qu'octogénaire, lui parlera avec émotion des collections faites par Ch. Nodier et qu’il censervait en- core (2). [[E, 9.] À l’occasion de Séraphine, Girod-Chantrans avait du reste remercié Nodier des pages de souvenirs reconnaissants qu'il lui avait consacrées: Besançon, 18 février 1832. — Vos souvenirs d’un commence- ment d’adolescence, mon cher Charles, qui embellissent tous les objets sur lesquels ils se rattachent, sont bien tlatteurs pour votre ancien ami. Le précieux témoignage d'affection et d'estime (1) Cependant, dans une poésie datée de Dole, 1807, l'Ombre, Nodier se souvient de « Chantrans qui réunit Aristote et Newton « (Poésies, 2e éd:, 1829, p. 193.) (2) « Collections de fleurs et d'insectes amassées par son élève », dans Michel Salomon [XIX, 15.] a ——— ne dont vous l’honorez dans votre joli roman de Séraphine le dédommage de ce qu'il est forcé de se reconnaitre infiniment au- dessous du citoyen Justin.Je peindrais avec bien moins de talent, mais avec plus de vérité, les qualités heureuses qui vous ont signalé dès l’enfance... (Lettre inédite, dans Michel Salomon ERIK 15:)) Si Nodier cite si rarement Girod-Chantrans, on constate aussi que le naturaliste bisontin n’a jamais mentionné Nodier, — ni Luczot, — dans ses ouvrages d'histoire naturelle; le nom de Nodier ne se rencontre pas dans l’Æssai sur la Géo- graphie physique du Doubs (1810, 2 vol.), nidans la Préface, où Girod-Chantrans parle seulement de De Besses (p.vn]), ni à Particle Insectes (p. 129), quoiqu'il y mentionne fréquem- ment Novillars, enclos du château et les environs. Mais au moment où 1l écrivait son Essai (1810), Girod-Chantrans était depuis longtemps privé de ses collections, comme le prouve la note de la page 143 : il ne lui en restait, à ce moment, que le Catalogue! (voy. op. cit., p. 175); de quelle collection de Ch. Nodier, Girod-Chantrans pouvait-il parler à Wey, en 18347? probablement de quelques débris d'insectes et de plantes, échappés à la destruction et conservés dans la retraite de Novillars ? | La grande différence d’âge, la nature spéciale des recher- ches d'histoire naturelle de Girod-Chantrans et de Nodier, mais surtout la vie désordonnée de ce dernier pendant ses années de Jeunesse, avaient dû rendre de moins en moins étroites les relations, si affectueuses au début. du vieux savant et du Jeune disciple; elles ne furent bientôt que des souvenirs de plus en plus lointains, mais dont ils aimaient tous deux, dans les dernières années de leur vie, à se rap- peler la douce intimité et les bonnes heures d'agréables et instructives causeries, A — 446 — CHAPITRE II LA JEUNESSE DE CH. NODIER (suite) BESANÇON . LUCZOT, L'ÉCOLE CENTRALE ET DE BESSES Après Girod-Chantrans, deux autres naturalistes ont eu une influence heureuse sur l'éducation scientifique de Nodier : Pin- génieur LUCZOoT, dont il a déjà été question dans le chapitre précédent, et le professeur à l'Ecole centrale DE BESSESs ; l'exposé de leur rôle constitue deux paragraphes inédits de la vie de Nodier. $ 1. Nodier et Luczot de la Thébaudais Luczot de la Thébaudais a été certainement un des initia- teurs de Nodier aux sciences naturelles ; mais ce n’est pas à lui seul qu’il faut attribuer ce rôle, comme on pourrait le croire, d'après une phrase de M. de Gaillon [| VI, 943, note 1]. Pendant longtemps, Luczot ne nous a été connu que par le titre de la Dissertation sur le rôle des antennes, où son nom est associé à celui de Nodier, et par quelques lignes qui le concernent dans la correspondance de Nodier avec Weiss et Pertusier [VI et X|. Mais la mention sur les registres de l'Ecole centrale du Doubs (1) d’un Luxot (sic), ingénieur, parmi les auditeurs du cours d'histoire naturelle de De Besses, la découverte de passages plus explicites de la correspondance de Nodier- Weiss, tronqués, mal lus, ou supprimés par M. Estignard [X]}, (1) Conservés dans les Archives du Doubs et à la Bibliothèque de Be- sançon, — ANT — enfin l'indication dans le Species de l’entomologiste Dejean [XXVIII], d'un Luezot, ingénieur en chef du Morbihan, m'ont permis de retrouver les traces de ce naturaliste et d’en établir la notice biographique (1), Francçois-Marie-Julien LUCZOT DE LA THÉBAUDAIS () est né à Bain (Ile-et-Vilaine), le 21 septembre 1769 : il fit ses études au collège de Rennes et entra à l'Ecole des Ponts et Chaussées de Bretagne, en 1788 et à celle de Paris, en 1792, Le 29 fructidor an [f, il recevait sa commission d'ingénieur ordinaire et était nommé en cette qualité à Besançon, où il arrivait probablement en septembre 1793. Ch. Nodier paraît s'être lié de bonne heure avec Luezot, Jeune encore (24 ans) et s'occupant avec passion de l’étude des insectes ; cette liaison remonte probablement à 4794 ou 4795, car en 1796, Nodier est déjà très familier avec le jeune ingénieur ; i écrit à Pertusier «de chez Luczot » [VI, 936]; dans une autre lettre, « Luczot n'ira pas au théâtre » ; il étu- die, en 1797, les insectes de la collection Luczot, «son colla- borateur et son ami » (préface des Descriptions... inédites) ; le nom de Luczot revient, du reste, fréquemment, à cette époque (1796-97, puis 1798, 1799) dans les lettres de Nodier à Pertusier [VI] et l’on y voit que le jeune ingénieur était très lié, non seulement avec Nodier, mais avec ses cama- rades, Pertusier, Deis, etc.., appartenant presque tous, à l'association des Philudelphes qu’ils venaient de fonder (3). (1) Je dois, à ce propos, adresser mes remerciements à M. Mouret, ingé- nieur en chef des Ponts et Chaussées à Besançon, et à M. H. Desbordes, chef du 1e bureau du personnel au Ministère des Travaux publics qui m'ont très obligeamment facilité ces recherches, en me communiquant les états de service de Luczot. (2) Fils d’un conseiller au Parlement de Rennes ; M. de Gaillon le nomme à tort, Luczot de Lesthiboudois [VE, 943. (3) Voy. De Gaïlon [VI, 936, 943, 948, 949 952, 957, 961, 962, 969] : dans cette dernière lettre (10 janv. 1799), Nodier, inquiet de Luezot, réclame des nouvelles de son ami, en ce moment « au ceutre d'une nouvelle Vendée ». — Pour l'histoire des Philadelphes, voy. Note additionnelle, — 48 — À cette époque, encore, plusieurs de ces jeunes gens se rencontraient au cours d'histoire naturelle professé par De Besses à l'Ecole centrale; on lit, en effet, sur la liste des auditeurs du cours pour 1795 1796 : « NoDiER jeune, DEYs, LUXOT ingénieur, ORDINAIRE cadet, etc. » (Arch. du Doubs) ; Luczot fait en juillet 1797 le portrait de Nodier et Pertu- sier envoie à Luczot, la même année, l'ouvrage de Geoffroy sur les insectes [VI, 948, 949]. La collaboration de Luczot et de Nodier S’affirme en 1797 par la pubhcation de leur Dissertation sur le rôle des antennes (1), dont Nodier dirigea probablement l'impression ; Luczot, venait, en effet. d’être nommé ingénieur ordinaire dans le département des Côtes-du-Nord (2 fructidor an VD); en quittant Besançon, 1l séjournait à Paris (où la correspon- dance Pertusier le signale à la fin de 1797 et au commence- ment de 1798), avant de se rendre chez lui, à Hédé près Rennes, et de rejoindre définitivement son poste. Luczot ne devait plus revenir à Besançon et Nodier ne plus le revoir, sauf peut-être pendant leur commun séjour à Paris, sur la fin de leur vie. Dans une lettre à Weiss, du 20 juin 1812, Nodier écrit : « Luczot que je n'ai pas revu depuis 14 ans » [X, 76]; malgré la séparation, les deux amis ne cessèrent cependant pas de correspondre fréquemment et le plus souvent sur des sujets d’entomologie. Une lettre de Nodier, adressée en 18092, de Paris, à Weiss, contient un long paragraphe consacré à notre ami Thébuu- dais ; ce passageaété omis dans l'édition Estignard [X, lettre VI, p. 11]: « J'ai appris avec un plaisir infini que vous aviez reçu des nouvelles de notre ami Thébaudais, car ce n’est que Sous Ce nom que j'en parle avec vous ! » : le reste de ce (1) Quérard a soutenu que Luczot en était l’auteur véritable et Nodier le simple blanchisseur (Superch. littér., TI, 337,; nous exaninons plus loin cette question (chap. VIII) et la réponse de M. de la Fizelière (Bull. du Bibliophile, mars 1857, p. 131.) — À49 — long paragraphe imédit discute une question étrangère à notre sujet, l’organisation de la société les Philadelphes. Dans sa réclamation à propos des Eléments d'Histoire naturelle de Duméril(Décade philosophique, 1804), Ch. Nodier rappelle « la découverte de MM. Luczot de Thébaudais et Nodier. » En 1808, dans une lettre du 30 avril adressée à Weiss, non publiée par M. Estignard, et commençant par ces mots: « Je reçois une lettre.. », Nodier lui annonce que Lucezot l'invite à aller passer quelques mois chez lui (à Hédé). Une lettre postérieure, de fin 1808 (1), de Nodier, informe Weiss qu'il va attendre son embarquement. pour la Loui- siane, dans la maison de Luczot à Hédé (2). Luczot s’est occupé beaucoup d’entomologie, surtout des Lépidoptères : la préface des Descriplions manuserites de 1797 et les mentions « du cabinet de M. Luczot », prouvent que Luczot avait déjà formé, à cette époque, une importante col- lection d'insectes ; on lit aussi, dans la même préface, que les deux amis s'étaient partagé l’étude de la faune de la Franche-Comté, Nodier se réservant les Coléoptères et les Hémiptères, Luczotles Lépidoptères. | _ Après son départ de Besançon, Luczot continue en Bre- tagne, avec une grande activité, ses observations entomolo- giques ; une lettre de Nodier, de 1808, nous apprend que « Luezot qui a poussé au plus haut période ses recherches en entomologie, se propose de publier dans quelques années un Species plus complet qu'aucun de ceux qui existent. » [X, lettre XXT|. (1) Cf. X, lettre XXX, p.38; cette lettre a été écrite äprès la mort du père de Ch. Nodier, par conséquent après le 9 octobre 1808. (2) Le mot Hédé a été supprimé dans Estignard, le copiste ayant lu « dans la maison de Leuzot ». — Hédé est un chef-lieu de canton d'Ile-et- Vilaine, à 21-24 kil. au N N.W. de Rennes, où la famille de Luezot avait une habitation ; M. Durand, juge de paix à Hédé, n'a plus entendu parler des Luczot, depuis 1858. (In Litt., 1908.) . Plus tard, Luczot paraît avoir abandonné ce projet, mais il avait promis sa Collaboration à Nodier pour les ouvrages d’entomologie auxquels son ami travaillait dans sa retraite de Quintigny ; Nodier annonce, en effet, à Weiss, le 25 avril 1812, que Luczot lui à promis de faire les figures de son Museum entomologicum 1) et dans une autre lettre du 15 mai de la même année, à propos des mêmes figures, Nodier affirme « qu'il se sent en état de les faire assez pro- prement, si, dit-il, Luczot me les néglige » (2). On verra plus loin que le départ de Nodier pour lPIllyrie l'empêcha, malheureusement, de terminer ces ouvrages où il se serait montré un véritable entomologiste, au sens seien- üfique du mot; depuis lors, le nom de Luezot ne se retrouve plus dans sa correspondance. Mais on le rencontre dans des ouvrages d’entomologie ; le comte Dejean cite Luczot, en 1828, dans son Species des Coléoptères (t. ILE, p. VI), parmi ses correspondants : « Luezot, ingénieur des ponts et chaussées du Morbihan, à Vannes, s'occupe d’entomologie et m'a donné quelques insectes de Terre-Neuve. » Après avoir rempli les fonctions d'ingénieur ordinaire dans les Côtes-du-Nord, de 1798 à 1803, Luczot avait été envové à Nantes, le {°° prairial an X[L, pour diriger les travaux des ports de commerce ; puis, le 7 germinal an XII, dans le département d’Ille-et-Vilaine pour diriger les travaux de joncüon de la Vilaine à la Rance ; il avait enfin été nommé ingénieur en chef du Morbihan, le 20 janvier 1819. Lueczot prit sa retraite à Vannes, le 4 juillet 1829 et vint s'installer à Paris, où il mourait le 28 novembre 1844, la même année, — coïncidence remarquable, — mais quelques (1) Le copiste de M. Estignard a transformé les mots « quoique Luczot me les eût promises », en: « et qui m'ont été promises » [X, 124]. (2) Même transformation, par le même copiste, des mots « si Luczot » en « si on me » : [X, 125] ; n'ayant pas su lire le nom de Luczot, et craignant de se tromper, le copiste a préféré le supprimer ! — À51 — mois plus tard que Ch. Nodier ; les deux amis qui ne s'étaient pas perdus de vue, malgré une longue séparation, ont donc pu se revoir et causer, dans leur vieillesse, des recherches de leurs jeunes années; on n’a cependant pas la preuve qu’ils aient repris leurs relations pendant cet assez long séjour dans la même ville, Le nom de Luczot se retrouve encore plus tard dans les traités d’entomologie : un Luczot, officier de marine, descen- dant ou parent probablement de l’ami de Nodier, est cité comme ayant fait des observations intéressantes sur les mœurs des Hexodon, curieux insectes de l'Ile-de-France et de Madagascar. (Maur. Girard, 1, 467). Quelle a été la part d'influence de Luczot sur les études d'histoire naturelle de Nodier ? Il me parait qu’elle à été au moins aussi grande que celle de Girod-Chantrans, mais d’une autre nature: Girod-Chantrans avait essayé d’intéresser le jeune Nodier à l’ensemble des sciences naturelles; Luczot s'était spécialisé dans celle de ces sciences que Nodier culti- vait avec le plus de plaisir, Pentomologie : ils s’en occupèrent tous deux, dans le même esprit, avec l'enthousiasme de la Jeunesse et la vivacité d'imagination qui leur faisaient établir, un peu prématurément, des théories physiologiques aussi délicates que celles de l'usage des antennes chez les insectes. Des deux ouvrages scientifiques écrits par Ch. Nodier à cette époque, la Dissertation est le produit avoué de la collabo- ration des deux amis; mais FPautre, resté manuscrit, les Descriptions d'espèces nouvelles, quoique signé de Nodier seul, peut aussi revendiquer un peu de la paternité de Luczot. — 459 — $ 2. Nodier et l'Ecole centrale : De Besses Rappelé par son père, Nodier quitte Novillars en octobre 1794 et revient à Besançon continuer ses études sous la surveillance paternelle (1). La création de l'Ecole centrale du département du Doubs, en 1795 2), va permettre à Nodier de compléter, en suivant un enseignement méthodique, ses connaissances scientifi- ques, particulièrement en mathématiques et en histoire naturelle. L'Ecole centrale avait été installée, par arrêté du 23 floréal an TIT (12 mai 1795) dans les bâtiments de l’ancien collège des Jésuites, le Lycée actuel ; l’enseignement y était donné dans dix cours publics dont les professeurs étaient : DE- BESSES. pour l’histoire naturelle ; DEMEUSY, les mathéma- tiques ; GUILLEMET, la physique et la chimie; BRIOT, puis J. DRoz, les belles-lettres ; J.-J. ORDINAIRE, la grammaire générale ; PROUDHON, la a cc Nodier s’intéressa non seulement aux sciences naturelles, mais aussi aux mathématiques, il écrit à Pertusier : « Deis travaille à l’histoire naturelle et il pourra bien être un Pline quand je serai un Newton » (VI, 942) ; et plus tard, le 20 nivôse an VIL: « j'apprends les mathématiques et mon arithmé- tique est déjà finie » (NT, 969.) (1) Des biographes le font envover à ce moment à Strasbourg, pour y apprendre le grec sous ia direction du fougueux terroriste, l’ex-capuein Euloge Schneider ; d’autres placent ce voyage, : fin de 1793; cf. Nodier, Euloge Schneider \(éd. Renduel, VII p. 52, 57, 67) ; a ue Mennessier- Nodier, VIIE, 20 ; M. Michel Salomon, XIX, . : note (!), p. 18. (2) Les Ecoles centrales ont été créées par déeret de la Convention du 95 février 1795 ; vov. DRoz, XXX VI, 51. (3) Les tee de Nodier ne citent ordinairement que J. Do son parent, parmi ses professeurs à l'Ecole centrale ; voy. Mme Mennessier- Nodier, VIIL, 33, etc, — 499 — Mais c'est l’enseignement de Debesses et son influence sur Nodier que nous devons examiner surtout dans cette étude sur Nodier naturaliste. La commission de l'Ecole, dont Girod-Chantrans faisait partie, avait eu beaucoup de peine à trouver un professeur d'histoire naturelle ; le seul candidat qui s'était présenté au concours, le 4 pluviôse an IL, le citoyen Léglise, avait été jugé insuffisant ; un autre inscrit avait fait défaut; devant cette disette de candidats, le jury avait cru devoir demander un professeur au Ministre de l'Intérieur qui lui désigna Jean- Antoine Debesses, professeur à l’Institut de Paris, comme très capable de remplir ces fonctions (1) ; le jury accepta cette proposition et Debesses fut ainsi nommé, sans concours, professeur d'Histoire naturelle (13 floréal an [V —2 mai 1796.) Jean-Antoine de GLO DE BESSES dit CHONEL, était un per- sonnage très remuant, d’un caractère bouillant, courageux et actif, — nous apprend une biographie manuscrite (2), — et dont l’existence a été, en effet, très mouvementée; né le 15 octobre 1751, à Besses, commune de Silhac (Ardèche), il lait ses études classiques chez les Jésuites au collège de Tournon ; embrasse d’abord la carrière militaire, puis l’état ecclésiastique (1780) ; à la Révolution, partisan des nouvelles idées, il renonce à la prêtrise (en 1792) et se retire à Besses ; la tourmente un peu apaisée, il vient à Paris, vers 1795, où il professe, comme il a été dit, plusieurs cours à l’Institut ; il séjourne ensuite à Besançon, comme professeur à l'Ecole centrale, puis comme procureur général du Lycée, de 1796 à 1804 ; en février 1804, il rentre dans la carrière ecclésias- tique, comme aumôOnier du Lycée de Versailles, puis comme (1) « Ce citoyen avait professé le commerce et l’agriculture à l'institut de Paris et avait des attestations des professeurs les plus instruits d’his- toire naturelle, de chimie et de minéralogie. » (Lettre du Ministre de l'Intérieur ; Archives du Doubs, liasse L, 386). (2) Communiquée par des inembres de sa famille (èn litt., 1895). EU curé de Viroflay (Seine-et-Oise) où il meurt, le 28 avril 1825. (1) De Besses, très zélé, très actif, s’occupa beaucoup de son enseignement à l’Ecole centrale et de l’organisation du jardin botanique qu’il avait installé dans une partie des jardins du Collège (2). ù Son cours, bisannuel, qui avait lieu tous les jours pairs, à 10 heures du matin, et les démonstrations au jardin bota- nique qui le complétaient, avaient obtenu un grand succès ; Droz en donne lPattestation suivante. L'enseignement de Debesse était aussi agréable que compré- hensible, et ce genre de mérite lui attirait de nombreux audi- teurs. Ses leçons avaient lieu le plus souvent en plein air, en face de la nature, selon lPexpression de François Neufchâteau. La minéralogie et la zoologie lui étaient moins familières que la botanique ; aussi cette dernière science faisait le sujet privilégié de ses travaux Au jardin botanique, il montrait la certitude de l'observateur sérieux. Dans sa chaire, la parole et le crayon suppléaient à l’absence de la nature, et, dans les deux cas, ses exposés comme ses discussions brillaient par la logique, autant que par l’élégance et la clarté. Il professait avec goût, et son zèle témoignait d'un grand amour de la science. Ce sentiment se manifesta de la façon la moins équivoque dans les labeurs qu'il entreprit pour mettre son appareil de culture au niveau de son enseignement. Mais ses soins échouèrent devant l'indifférence et les mesquines économies de administration. G) Le cours était aussi complété par des excursions botani- ques (4) ; ajoutons que De Besses avait préparé une Flore du (1) Je donne une Notice biographique plus complète de De Besses dans mes Botanistes franc-comtlois (en préparation). (2) Voyez sur ce Jardin botanique Droz, XXX VI, €. Il, p 104-108 et Archives du Doubs, liasse L, 386 ; voy. aussi mon Histoire des jardins botaniques de Besançon (en préparation), et dans Soc. Emul. du Doubs, 1890, 1895 (9 fév.), 1905. etc. (3) Droz, XXXVI p. 115-116. Voy. aussi le Plan d'Enseignement que De Besses a publié, an IX (Cours d'Histoire naturelle, p. 10 à 16). (4) Voy. DE BESSEs, Plan d'Enseignement.…, an IX, p. 12. — À55 — département du Doubs, d’après l'herbier de Girod de Chan- trans, mais cet ouvrage n'a pas été publié. Tel est l’enseignement que Nodier suivit à l'Ecole centrale et dont il profita assurément, bien que sa spécialisation pré- coce dans l’entomologie, — science moins familière à De Besses que la botanique, — ne lui permit peut-être pas d’en retirer le même profit, Au surplus, on a conservé le souvenir du brillant examen que Nodier soutint à la fin de son année d’études. j L'élève le plus distingué de son cours était Ch. Nodier. Dans le premier compte rendu des examens publics, il avait émis en entomologie des opinions tellement savantes ou avancées, que le jury, dans l'embarras, ne put les accueillir que sous réserves. Îl est juste d'ajouter qu’il devait cette supériorité aux soins par- ticuliers de Girod de Chantrans. (XXX VI, 116, note.) Ne conviendrait-il pas d’y associer le nom de Luczot, son collaborateur, son ami, Son condisciple, puisqu'il suivait aussi les cours de De Besses? Voici, en effet la liste des auditeurs, conservée dans les Archives du Doubs. Levasseur, directeur du génie ; Giraud, officier du génie ; Dangel, adjoint du génie ; Luxot (sic), ingénieur ; Compa- gnié, Petitpierre, Ordinaire cadet, Gardet, Loriot, Charles, Plantain, Clerc, officiers de santé; Dey (sic), Nodier jeune, Camus, France, Guillaume, Mathieu, Perrin, Ménétrier, Prost, Besson, étudiants ; Le Cloux, élève médecin. ORDINAIRE cadet est Désiré Ordinaire (1773-1847, qui fut prolesseur d'histoire naturelle à la preinière Faculté des sciences de Besançon (1810-1815) ; LorioT est probablement Pierre-Alexis Loriot (1753-1823), médecin, pharmacien, botaniste, dont nous parlerons dans nos Bolanistes bisontins. On a vu plus haut qu’un autre camarade et arni de Nodier, DEIS, étudiait aussi avec passion l’histoire naturelle, 2 0 En résumé, Nodier doit moins à De Besses qu’à Girod de Chantrans et qu'à Luczot ; De Besses était surtout botaniste ; et si Nodier profita des leçons de l'Ecole centrale dans cette branche de l’histoire naturelle pendant ses excursions dans les Vosges et le Jura, pendant son protessorat à Dole, et dans ses promenades aux environs de Paris ou dans son voyage en Ecosse, il délaissa assez tôt la botanique pour s'intéresser presque exclusivement à l’entomologie. y CHAPITRE IV LA JEUNESSE SCIENTIFIQUE DE NODIER (fin) VOYAGES A PARIS, DANS LES VOSGES ET LE JURA De 1798 à 1804, Ch. Nodier partage son temps, — « mé- lange de passions débordées et d’études sérieuses » (Wey) — entre Besançon et Paris ; 1i fait aussi quelques séjours dans les Vosges et parcourt enfin, en fugitif, pendant les années 1805 et 1806, les montagnes du Jura; cependant, malgré cette vie agitée et traversée par tant d'aventures, il n’en continue pas moins ses observations d'histoire natu- relle, seule particularité de sa vie dont nous ayons à nous occuper. S 1. Observations d'histoire naturelle dans les Vosges Nodier allait fréquemment, — peut-être chaque année, dans sa Jeunesse, — passer quelques semaines de vacances, dans les Vosges, chez sa nourrice Thérèse Krist. I! fait allusion à ces séjours dans les Souvenirs de la Révo- lution (Les Emigrés) et dans les Souvenirs de jeunesse _(Fhérèse); les transformations que la riche imagination de Nodier à fait trop souvent subir aux évènements qu'il raconte dans ses Nouvelles et ses Essais pourraient faire suspecter la véracité de ceux dont il parle dans ces Souvenirs ; mais ils sont confirmés par plusieurs passages de sa cCorrespon- - dance avec Weiss. Il est, du reste, assez facile, dans Thérèse et dans les Emaigrés, de séparer, de la partie romanesque du récit, les faits vrais et les observations scientifiques rappor- tés par Nodier. 29 — 458 — C'était ordinairement en août ou en septembre que Nodier se rendait à Giromagny, ou au Puix, au pied du Ballon d’AI- sace ; dans sa Correspondance, il donne plusieurs fois ren- dez-vous à Weiss pour le mois de fructidor ou la fin du mois d'août. Un de ces voyages aurait eu lieu en 1798, si l’on accepte comme exacte la date donnée par cette indication de Nodier dans ses Souvenirs (1): « je n'avais pas 18 ans » ; il s’agit de | «expédition des Vosges », organisée par le Directoire pour y rechercher des mines d'argent (2). D'autres descriptions de Thérèse (p. 23, 86) se rapporte- aient à un autre Séjour, = si Ccenest pas le même quelle précédent? — du courant de l’année 1799 ; l’intéressant passage suivant montre l’enthousiasme de Nodier à la vue des paysages vosgiens el au cours de ses observations ento- no.ogiques,. Vous tous, disais-je, qui avez voyagé en tous pays, et qui n’äavez pas vu la gorge romantique du Puy, quand vous serez arrivés de Giromagni au pied du ballon, vous conviendrez qu’il vous restait à voir plus que vous n’aviez vu. Mais il aurait mieux valu ÿ aller en 1799. Ce qui m'inspirait pour le Puy, à moi, une prédilection si marquée, c'était l’impression toute récente d’une promenade que j'y avais faite quelques mois auparavant (), dans la ferveur de mes recherches entomolo- giques, à la poursuite de deux magnifiques insectes vosgiens, la Lamia edilis et la lamia Schæœjferi, et dont Je d'avais rapporté qu’une ainourette, mais une amourette qui avait bien son prix, car c'était la première (). Les lettres [et II de la correspondance Nodier-Weiss, se rapportent probablement aux séjours de ces deux années — 459 — «1798, 1799 et non à l’année 1796 (1; Nodier y parle de son installation chez sa nourrice, près de Giromagny et on y voit qu'il s’occupait alors autant de botanique que d’ento- mologie. J'ai fixé dans le mur trois petites tablettes où sont mes livres; tu sais que j'en ai apporté fort peu. J'ai mis sur la première trois ou quatre volumes de Shakespeare, Montaigne... et le Genera plantarum de Linné... J'ai fait tous ces jours-ci des excursions botaniques assez fructueuses ; jai découvert beaucoup de plantes alpines et j'en ai recueilli de superbes individus, entre autres des citises qui ne sont, je crois, pas décrits [X, lettres [, Il]. Dans une autre lettre écrite de Paris, probablement en 1802 (avant la publication de Stella !), Nodier, dans un moment de découragement, écrit à Weiss : « J'irai retremper ma vie auprès de toi. Jeærois que là campagne, la solitude, l’anitié me rafraichiraient un peu. Nous cueillerions des plantes ; je t’apprendrais à les dessécher : nous chercherions des insectes et tu me rappellerais leurs noms. Crois-tu que cela soit possible ?.... Cela était si facile à dix-huit ans... » IX, lettre IIT, p..6]. | Une autre lettre adressée à Weiss, aussi en 1802, mais postérieure à la publication de Stella, fait allusion à son séjour, dans les environs de Giromagnv. l'année précédente, et lui donne rendez-vous pour le mois d'août prochain. Du courage, mon bon ami, et au mois de fructidor prochain, nous herboriserons dans ma chère montagne des Vosges et je te montrerai les belles mines @ de Giromagni, et le beau vallon du Puits et la chaumière où habitait cette inconcevable Thérèse Krist qui a servi de modèle à ma pauvre Stella. Cependant il (1) Malgré M. Estignard et d’autres après lui, comme M, Michel Salomon, XIX, 261. (2) « La belle mine » pour « belles mines », dans éd. Estignard, X, p. 11. — 460 — est possible que nous ne chargions pas notre bagage de Tour- nefort et de Linné. Une petite nomenclature bien simple nous suffira pour reconnaître celles de nos plantes que je verrais pour la première fois ou dont le nom me serait échappé ©) ; nous voyagerons moins en érudits qu’en poètes, qu'en amis ; nous nous chargerons moins de toutes ces pédantesques définitions des savants que de plaisirs et de sensations nouvelles.[X, lettre VI, D: 141: La même année toujours, il écrit .de Paris, à Weiss, des lettres pleines de souvenirs des Vosges, de ses sapins, de ses bruyères, de ses rochers [X, lettre XI, p. 21]; dans la lettre XIII (p. 27), il ajoute avec son enthousiasme juvénile : Et la lettre est un volume que nous lirons sous les grands sapins de Giromagni, au milieu des souvenirs. ; Car nous irons à Giromagni; nous marcherons sug ses bruyères, nous visite- rons ses chalets, nous recueillerons ses plantes ; et nous cher- cherons sur les feuilles de ses bouleaux ce beau capricorne rouge à écusson noir que javais nommé peltifer: et cet autre moins élégant, mais dont les antennes s'étendent à trois pouces derrière lui. Avoue que ce jour sera beau! que de titres nous réunirons pour être bien accueillis par la nature ! poètes, natu- ralistes.. amis | Nous verrons, dans un autre chapitre, que le peltifer de Nodier est le Purpuricenus Kæhleri et que linsecte aux longues antennes est le bel Ædilis montana dont Nodier a, du reste, déjà parlé plus haut. Enfin, bien plus tard, en 1812, [X, lettre 73] Nodier fait encore de semblables projets pour le 31 août de cette année ! Ainsi, pendant ses séjours dans les Vosges, dans le cours de ses excursions à travers les forêts de sapins, les pâturages et les bruyères des Ballons, Nodier, mettant à profit les (1) Le copiste de M. Estignard a lu «cité après » au lieu de « échappé ». — ÀGl — connaissances qu’il avait acquises en histoire naturelle, avec Girod-Chantrans, Luczot et De Besses, avait pu s'occuper, avec des aptitudes et des succès divers, comme on le verra plus loin, de trois branches de ces sciences : l’entomologie, la botanique et la minéralogie. $ 2. Recherches entomologiques à Paris Pendant ses divers séjours à Paris, de 1800 à 1804, Nodier s’est occupé surtout de bibliographie et d’entomologie. [était allé à Paris dans le but d’y trouver une situation, d'entrer en relations avec des hommes de lettres, des-professeurs, qui pourraient l’y aider ; aussi passa-t-il son temps à beaucoup d’autres choses qu'à l’histoire naturelle ; cependant, dès son premier voyage, en hiver 1800 (déc. 1800—mai 1801), il pour- suit ses recherches bibliographiques sur les insectes en utilisant les ouvrages qu'il trouve à la Bibliothèque nationale où 1l fait de nombreuses séances [X, lettre 3, 4] ; il rédige sa Bibliographie entomologique, terminée dès la fin de décem- bre 1800 [X, lettre 4, 5] et qui sera publiée en février 1801 ; il prépare aussi d’autres ouvrages sur les insectes, une nou- velle classification de ces animaux, leurs rapports avec les plantes, ouvrages interrompus par des préoccupations de nature bien différentes, mais qu’il reprendra plus tard, à Quintigny, sans cependant pouvoir encore les achever ! La publication de la Bibliographie entomologique mit _ Nodier en relations avec lillustre naturaliste Lamarck, qui en examina le manuserit et le « qualifia d'ouvrage bien fait et vraiment classique. » L’approbation de ce savant avait été exigée par l'éditeur à qui Nodier s'était adressé pour l’im- pression de son œuvre. « Monsieur Maradan, avec qui je suis étroitement lié, se - chargera, à coup sûr, de l’impression de mon ouvrage. Il n°y mêt plus qu’une clause, c’est la soumission antécédente du — À62 — manuscrit à Messieurs de Laméthérieet de Lamark. D’après leur aveu, dont je ne crois pas devoir douter et qui me sera notifié le 14, Monsieur Maradan achètera l'ouvrage. Si la somme est assez forte pour m’entretenir ici pendant quel- ques semaines, j'écrirai promptement à M. Coste (1), suivant tes intentions, parce que je puis, pendant quelques semaines bien employées, rétablir mes affaires. » (2). Quelques jours plus tard (26 nivôse —16 janvier 1801), une nouvelle lettre donne des renseignements sur cette négocia- tion. Maradan est venu chez moi pour m'apporter votre lettre G@), pendant que j'étais à la Bibliothèque nationale. Je n’ai pas pu le voir, et j'ignore encore ce quiest décidé de mon ouvrage, dont je n'ai pas pu avoir des nouvelles depuis qu’il est déposé entre les mains de M. Lamark : il est probable que j'aurai de la peine à le vendre, et des platitudes dégoûütantes vont aux nues... (©. Enfin, Lamarck ayant approuvé l'ouvrage, Moutardier se charge de l'imprimer. Quant à mes manuscrits je voulais garder sous le secret ce qui les concerne et je ne vous 6) confie rien qu’à ce titre, parce que je prépare à mon père le plaisir de la surprise. Monsieur de Lamark a approuvé ma Bibliographie entomologique, l’a qualifiée d'ouvrage bien fait et vraiment classique (6) et na engagé à en presser la publication. C’est Moutardier qui s’en (1) Ch. Nodier était adjoint au bibliothécaire Coste, à l'Ecole centrale de Besançon, et ses absences donnaient lieu à des plaintes répétées. 2) Lettre de Nodier à Ch Weiss, du 11 nivôse an IX = 1e janv. 1801; inédite ! (3) Lettre adressée par Weiss et des amis communs. (4) Estignard, X, lettre XIV, p 29; cette lettre est bien antérieure à Ja lettre X VIT et doit être classée la 4° de la correspondance Weiss! (5) La lettre est adressée à Weiss et à des amis communs. (6) Ces mots sont soulignés dans l’origirial, non dans l'édition Estignard, ND — À63 — occupe et dans huit jours vous me verrez imprimé. Motus. Je ferai passer à Deis des exemplaires qu’il vendra comme il pourra:t1|X,-lettre. IV; p. 8-9]. Cet ouvrage fut bien une surprise, — et très agréable — pour le père de Ch. Nodier ; on peut lire dans l’ouvrage de Mme Mennessier [VIIT, 37] la satisfaction qu'il éprouva à la réception des exemplaires de ce travail et tous les avantages qu’il en espérait pour l’auteur. Besançon, 20 ventose an IX. — In tenui labor. Cette épi- graphe, mon cher Charles, eût merveilleusement convenu à l’ouvrage que tu nous as fait parvenir. Ila dû te coûter beaucoup de travail et de recherches. Les personnes en état de les appré- cier, te sauront plus de gré de ta petite bibliographie des insectes que de plusieurs volumes in-douze de pur amusement. Tous tes paquets ont été remis à leurs adresses du jour de leur réception. Je ne sais point encore quel jugement le citoyen Chantrans aura porté de ton petit volume, mais je ne doute pas qu’il ne te soit favorable et qu’il ne fasse beaucoup valoir ton travail dans la première assemblée de la Société d'agriculture. Pour moi, je suis extrêmement satisfait de ce que tu as utile- ment employé le temps que tu as dérobé à la curiosité et au _ plaisir. Ce petit monument servira peut-être à te rappeler au souvenir des professeurs et des hommes de lettres avec les- quels tu as entretenu quelque liaison et dont le suffrage te sera infiniment avantageux quand il se présentera une place qui pourra te convenir... Je ne sais quel a été le sentiment de Girod-Chantrans sur l'ouvrage de son ancien élève ; mais ainsi qu’on l’a vu plus haut (p.444), cet ouvrage n’est pas même mentionné dans les procès-verbaux de la Société d'Agriculture du Doubs ! Ouelques renseignements sur les deux naturalistes qui devaient examiner le travail de Nodier. LAMARCK (Jean-Baptiste-Pierre Antoine de MonNET de), né en Picardie, à Barentin, en 1744, mort à Paris, en 1899, l’illustre fondateur du transformisme, était surtout botaniste (cf. sa belle Flore française de 1778 et 1795, revue et aug- mentée par Decandolle, 1805-1815) ; mais, chargé en 1793 de la chaire des Animaux sans vertèbres au Jardin des Plantes, il s’occupa dorénavant avec succès de ces organismes ; cependant il travailla moins les insectes que les autres groupes de ces animaux inférieurs et en abandonna l’étude à son aide naturaliste LATREILLE ; cette circonstance explique le juge- ment un peu trop élogieux qu’il fit de l’ouvrage de Nodier. Pour LA METHERIE, il s’agit du physicien et naturaliste Jean-Claude de La Metherie (né à La Clayette, dans le Mâcon- nais, en 1743, mort en 1817) qui venait d’être nommé adjoint à la chaire d'Histoire naturelle du Collège de France; il est l’auteur de nombreux ouvrages de géologie, de minéralogie, etc.., où l’on trouve des idées singulières sur lPorigine des végétaux et des animaux, idées que Nodier utilisera plus tard dans son Essai de Palingénëésie humaine (vov. chap. XIT, parag. 3) ; on ne peut confondre J.-C. de La Metherie avec le médecin philosophe Julien OFFRAY de LA METTRIE, né à Saint-Malo, en 1709 et mort à Berlin en 1751, qui sera plus tard le sujet d’un autre Essai de Ch. Nodier Sur les supersti- tions dont nous parlerons plus loin. Ch. Nodier avait encore fait des recherches sur un sujet bien en rapport avec ses facultés d'observation, d'analyse et de généralisation, les Harmonies de l’Entomologie et de la Botanique ; 11 les annonce dans sa Bibliographie entomolo- gique, p. 56 et 37. Il parait aussi avoir préparé une Histoire des Insectes avec un Nouveau système de classification, qui aurait même été annoncé dans des catalogues, à la date de 1800. M. Abeille de Perrin, à qui je dois cette indication, n'a pu retrouver la source où il la puisée; il s’agit probable- ment du même ouvrage que Nodier reprendra, plus tard, à Quintigny, sous le titre de Museum entomologicum. Dans ses autres séjours à Paris, fin 1801 à mars 1802. et hiver 1803-04, malgré ses occupations littéraires (publication — À65 — de Stella), ses relations avec les Méditateurs et les Philadel- phes, ses démélés avec la police (emprisonnement à Sainte- Pélagie, déc. 1803 à jan v.1804), Nodier n’a pas dû interrompre complètement ses études d'histoire naturelle; c’est à cette époque qu'il faut probablement rapporter les recherches indiquées plus haut et les curieuses observations sur les animaux ressuscitants, qu'il faisait dans les gouttières du toit de sa chambre d’étudiant, au 5"8 étage, observations transcrites, en 1864, par AI. Dumas, avec sa verve habituelle sous le titre de Tarentatello ; elles sont analysées et repro- duites plus loin. | Enfin, collaborateur du journal la Décade philosophique, Nodier a donné, en 1804, à cette Revue, plusieurs articles sur des sujets scientifiques. (1) Nodier a dû entrer en relations, à Paris, avec d’autres naturalistes que ceux dont on a relevé les noms dans sa correspondance : Lamarck. La Metñerie, Cuvier, Duméril, etc. ; il cite, dans divers de ses ouvrages, des anecdotes qui se rapportent à des personnages amis de son père, comme Naigeon, ou s'occupant d'histoire naturelle ; il parle, dans Séraphine, dela Societé philomathique de Paris qui était, grâce à «une correspondance hebdomadaire » de Girod- Chantrans, « seule dépositaire alors de toutes ses brillantes acquisitions des sciences physiques dont l’Institut a recueilh l'héritage » (p. 39). Nodier a probablement servi plusieurs fois d’intermédiaire entre Chantrans, la Société philomathique et les naturalistes qui la composaient (2). (1) Vov. Bibliophile Jacob : Ch. Nodier rédacteur de la Décade philoso- phique (Bull. du Bibliophile, 1864, p. 1169 ; 1865, p. 145, 158, etc ) (2 Les premières communications de Girod -Chantrans à la Société phi- lomatique remontent à 1793 ; il les a continuées pendant plusieurs années: _ voy. rapport du citoyen Sylvestre, an VI, p 9; Recherches chimiques. 02 DM $ 3. Nodier fugitif dans les montagnes du Jura. La période la plus obscure de la jeunesse de Nodier com- prend les années 1805, 1806, qu'il passe en grande partie, se croyant poursuivi par la police de Napoléon, à errer en fugitif dans les montagnes du Jura. Ses biographes racontent comment à son retour de Paris, au commencement de 180%, sortant de Sainte-Pélagie avec le renom d’un révolté et d’un conspirateur, ses propos har- dis, ses relations compromettantes éveillent l'attention de l'autorité et le font mettre en surveillance (1); dans la crainte d'une arrestation possible, Nodier croit prudent de s'échapper de Besançon et de dépister la police en vagabondant dans les montagnes du Jura et les hautes vallées de la Suisse. (2) Mais, « dans ses pérégrinations à travers les bais et les champs, tandis qu’il fuyait les gendarmes réels ou imaginaires qui étaient ou qu'il pensait être à sa poursuite, Nodier faisait la chasse aux insectes », et récoltait des plantes ou des mi- néraux : on le trouve ainsi à Courlans, aux environs de Lons- le-Saunier, à Sellières, Arbois, Grozon, Saint-Cyr, Aumont, Colonne, Pupillin, Toulouse, Villers-le-Bois, la Ferté, etc. 8); à Courlans, « la vallée la plus gracieuse du Jura et peut-être, dit-il, du monde entier, où il fait si bon se coucher parmi les —— (1) Cette surveillance a duré jusqu'en 1809 ; le 10 septembre de cette année, Nodier écrit d'Amiens à Weiss (X, lettre 37) : « je ne suis plus en surveillance et le chevalier ne l’a jamais été ». Dans la préface de l'Examen critique des Dictionnaires p. 6, il dit aussi: Cun mandat d'arrêt a pesé sur moi pendant 4 ans. » 12) Voy. Suites d’un mandat d'arrêt dans Souvenirs el Portraits, éd. Renduel, 1841, t IX, p. 16,118 (Courlans:, 119 :Ancolie, Lanie de Kæhler), p. 124 (Selliéres), etc ; allusions dans plusieurs Nouvelles, par ex. Made- moiselle de Marsan; aussi dans la Biogr. RABBE, autobiographie (?) repro- duite dans Bull. du Bibliophile, 1864, p. 865 et dans la Préface de l'Examien critique des Dictionnaires, etc. (3) Voy la carte placée dans le Chap. I de cet ouvrage, p. 421. — À67 — renoncules à la coupe d’or, les leucanthèmes aux rayons d'argent et les salicaires aux grappes violettes », il fait, dans ses prairies en fleurs, la découverte d’un bel insecte : « ja- mais, s’écrie-t-1l, la magnifique lamnie de Kcæhler ne s'était offerte à mes yeux et je l’appelai par un cri d'enthousiasme. » La nuit venue, le naturaliste fugitif cherchait un asile dans quelque cabane de paysan ou de bucheron, dans un presby- tère écarté ou chez un médecin de campagne (1); «habile à discourir sur la médecine, comme sur toutes les sciences qui s’y rattachent, il étonnait ses hôtes par l'étendue et la variété de ses connaissances »; et en les quittant, en recon- naissance de leur hospitalité, 1l leur laissait des insectes curieux, des plantes salutaires, où quelques minéraux rares; 1l les engageait à rechercher les curiosités naturelles, à en faire des collections, leur donnait des conseils et des leçons; comme le dit Mérimée, et ainsi que nous le verrons plus loin, Nodier était déjà un professeur, — professeur nomade, — d'histoire naturelle. (2 Nodier n’a pas donné, sur ces années « au nombre des plus douces de ma vie » (3) et sur ses observations d'histoire naturelle, d’autres renseignements que ceux contenus € dans les pages charmantes de pittoresque » qu’il à consacrées à cette vie errante (4); mais 1l a certainement utilisé ses obser- vations dans les cours qu'il a professés à Dole et dans Îles ouvrages, malheureusement perdus, qu'il devait plus tard préparer à Quintigny. (1) D’après l’autobiographie citée plus haut, Nodier trouvait un asile dans les presbvtères et les couvents; il y travaillait dans leurs biblio- thèques ; en Suisse, il aurait été obligé pour vivre d’exercer divers métiers (p. 866). (2) Voy. Mérimée, IV; Wey., Il, 13. Thuriet, XII, 101 ; D' Fabre, XXX VII, 5 ; Michel Salomon, XIX, 62 ; Bouvier, XLIT, 5. (8) Examen critique... , p. 7. (4) Voy. plus haut, note (2), p. précédente. eo CHAPITRE V LA DERNIÈRE PÉRIODE DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE NODIER : DOLE, AMIENS, QUINTIGNY, L'ILLYRIE, PARIS Nodier trouve enfin, dans les derniers mois de 1806, ou au commencement de 1807, un terme à cette vie vagabonde ; il était rentré, sur l’invitation même du préfet Jean de Bryti, à Besançon; un peu plus tard, il se laisse envoyer en sur- veillance à Dole, où pendant plus d’un an (1808 septembre 1809), «1l butine, à son gré, à travers les vastes domaines de la philologie, de la littérature et des sciences naturelles » (2); après une échappée de 8 mois à Amiens (septembre 1809- mai 1810), Nodier se fixe à Quintigny, près de Lons-le- Saunier, dans la famille de sa femme et s’y occupe avec ardeur d'histoire naturelle, jusqu'à son départ pour Laybach (fin décembre 1812); à son retour de l’Illyrie (octobre 1813), après quelques jours passés à Quintigny, Nodier s’installe définitivement à Paris (1814) et là s'éteint peu à peu sa pas- sion pour l’entomologie et se termine sa vie de naturaliste (1818). | La période de 1807 à 1812, pendant laquelle Nodiér se livra à un travail acharné, très disséminé comme toujours, mais consacré en grande partie à l’histoire naturelle, aurait été des plus fructueuses et des plus démonstratives pour sa réputation de naturaliste, si sa nomination à Laybach ne l'avait empêché de terminer les recherches importantes qu'il avait (4) JEAN DE BRY, né à Vervins, en 1760, + le 5 janv. 1844, ancien député à la Convention nationale, a été Préfet du Doubs, de juillet 1801 à avril 1814. (2) PinGAUD, dans Soc. d’Emul. du Doubs, 1886, p. 206. — 69 — entreprises sur les Coléoptères du Jura et des Alpes et d’en publier les résultats ; ces ouvrages étaient assezavancés pour qu'il ait pu en annoncer la publication dans l’année même où devait avoir lieu son départ ! Il n’en reste malheureusement que des traces dans sa correspondance et dans quelques passages de ses autres ouvrages. $ 1. Nodier à Dole (1807-1809). À Dole, Nodier est pour nous surtout le professeur d’his- toire naturelle, comme nous le verrons dans un chapitre spécial de cet ouvrage : il y faisait des cours de belles- lettres(l), de grammaire, de sciences naturelles, enseignant particulièrement la Botanique et l’'Entomologie. (Voy. chap. XII, paragr. 2.) En dehors de son enseignement et à côté de ses recherches d'histoire (2), de philologie 6), de bibliographie (&), ete , Nodier s’occupe très activement d’entomologie, surtout de sa collec- tion d'insectes qu'il augmente chaque jour et qui devient en quelques années très importante ; pour l’accroitre, il s'adresse à divers naturalistes et le plus souvent, par l'intermédiaire de son ami Weiss, aux entomologistes bisontins, Gevril et Lonjan Plusieurs lettres prouvent avec quelle impatience Nodier réclamait et attendait les insectes dont il avait besoin pour ses cours et pour sa collection. « J'espérais, écrit-il a Weiss en 1807 ou 1808, que tu m'en- verrais quelques insectes, et j'avais pour en désirer de bonnes (4) Nodier ouvre le 4 juillet 1808, dans l'ancien couvent des Cordeliers, un cours public de belles-lettres (PINGAUD, Soc. Emul. du Doubs, 1886, p. 206). (2) Voy. Correspondance Nodier-Weiss, lettre 17. (3) Ip., lettre 22, inédite, de décembre 1807 ? (4) Ip., plusieurs lettres inédites, non cataloguées, 10 raisons que Je t’ai dites. Quoique je m'en sois procuré en nombre suffisant pour mes démonstrations, ceux qui vien- draient seraient bien venus. [ls figureront dans mes boîtes qui sont très somptueuses mais qui sont un peu vides. Notu bene que je ne veux que des Coléoptères. » (1) Dans une autre lettre de 18087 (après son mariage !; : « Dis à Lonjan que s’il lui reste des inséctes et quil nv tienne plus, il me fera plaisir de me les céder et de te les donner pour m'être adressés avec mes livres et pas plus tard... Passe chez Gevril qui a quelque chose à m'envoyer et arrange les choses de manière à ce que tout me parvienne à la fois. » (2) Ün passage d’une lettre du 31 mars 1809, se rapporte aussi à des demandes d'insectes aux mêmes correspondants : « J’attendais de lui (de Gevril} des insectes qu'il ne peut plus m'envoyer. Ceux de Lonjan me font donc faute et cela est bien pressé, car la saison n’est pas assez avancée pour m’en fournir un nombre suffisant à mes démonstrations. » (@) Nouvelle lettre, en 1809, un peu plus tard, au moment de son départ pour Amiens : Je n’abandonne pas mes insectes, et ma collection est trop belle pour que je ne tienne pas à la compléter. Je ne sais quelle proposition faire à Gevril. Il est trop riche pour prendre grand intérêt à de simples échanges. Dis-lui positivement que s’il le veut, je lui tiendrai compte d'autant de demi-francs qu’il me fournira d'insectes des trente-six à quarante espèces capitales qui me manquent. Tu me feras part de sa réponse et je lui adresserai mon petit catalogue. (X, lettre XX V, p. 47.) (1) Lettre 31, inédite, commençant par ces mots : « Tu nous joues un mauvais tour... » (2) Leitre 27, inédite, commençant par : « Je ne sais pas encore de ce que tu t’es fâché... » (3) Lettre 33, inédite, commençant ainsi : « Mon cher ami, je ne me suis pas empressé.,. » ; — XN — De ces deux correspondants un seul nous est connu, Gevril ; je n'ai trouvé aucun renseignement sur Lonjan ; mais J'ai pu reconstituer la biographie de Gevril, à l’occasion de mes recherches sur les Nuturalistes frane-comtois. Frédéric GEVRIL est né au Locle (Suisse , vers 1773; il est mort à Besançon, le 1 août 1856, à 83 ans ; il a été conser- vateur du Musée d'Histoire naturelle et du Jardin botanique de cette ville, de 1820 à 1844; c'était un naturaliste collec- tionneur enthousiaste, récoltant mdistinctement tout ce qu’il trouvait d'intéressant, un original sur qui Marcou raconte d’amusantes anecdotes (1, On voit par la correspondance de Nodier que Gevril était déjà, en 1808, un entomologiste exercé, mais malheureusement méconnu. « J'ai reçu de Gevril, écrit Nodier en 1809, une lettre qui tire les larmes des veux. Il est affreux que vous laissiez par- tir de Besançon un homme tel que celui-là, à qui le gouver- nement devrait des gratifications ; tâche de faire à Besançon l'honneur de me dire ici quelque chose pour lui! Voilà une ville qui apprécie bien le mérite! Passe pour les gens qu’elle a produits, mais les étrangers, du moins! » (Lettre 33, iné- dite, du 31 mars.) Et plus tard, à Amiens, le 16 janvier 1810, nouvel éloge de Gevril et des services qu'il a rendus à la science : C'est d’ailleurs un homme à voir que Gevril Je serais bien aise que Lu cultivasses la Connaissance de ce recommandable garçon qui aurait des médailles, des pensions et des brevets, si l’on donnait de tout cela au mérite modeste. Je pose en fait que Gevril a rendu des services plus réels aux sciences natu- relles, a fait cent fois plus de découvertes et d'observations, a senti cent mille choses plus intéressantes et plus sensées que \ (1) Soc. d’'Emul. du Jura, 1883, p. 190, 121. À propos de son voyage à Besançon, au printemps 1845, Marcou dit, à tort, que « Gevril était mort depuis peu, » (p. 123) ; il avait seulement cessé ses fonctions de conservateur du Musée. | nn tous les beaux parleurs de l’Institut. M. de Bry a-t-il vu sa col- lection ? Sait-il que cet homme existe et ne le lui dis-tu pas? Je te recommande cette idée. » (X, lettre XLI, p. 88.) () Le mérite de Gevril fut enfin reconnu : notre naturaliste ne quitte pas Besançon, devient conservateur du Musée d'Histoire naturelle et meurt dans la ville d'adoption qui l'avait d’abord ignoré. D'autres lettres concernent l’échange de l'Histoire des Oiseaux de Valmont de Bomare (lettre 21, inédite), et le désir de Nodier, d’avoir, par voie d'échange, un exemplaire des Znsectes de Geoffroy (lettre 25, inédite). Cet ouvrage de Geoffroy est celui qui avait déjà servi a Nodier pour ses études entomologiques à Besançon, en 1793- 4800 ; il est intitulé Histoire abrégée des Insectes qui se trouvent aux environs de Puris, 1762, 2 vol. in-4 avec figures ; ouvrage qui’a fait époque et qui est réellement très remarquable pour le temps où il a été écrit, d’après DEJEAN (Species, t. I, p xxij). Nodier s'était aussi servi de l’abrégé publié par Foureroy, en 1787, 2 vol. in-12 sous le titre de : Entomologia parisiensis. (2) « Le Beauvais sera done de surcroît et je fais prier Saint- Vandelin de me donner son Geoffroy en échange. S'il y con- sent, tu te chargeras de le lui remettre... (8) » (4) Voir encore plus loin une lettre d'Amiens, du 10 septembre, sur la remarquable collection de Gevril, « plus riche que celle du Muséuin en espèces indigènes. » (2) GEOFFROY (Etienne-Louis), médecin et naturaliste, né à Paris, en 1795 + août 1810; — Fourcroy (Ant. François de), Paris, 15 juin 1755 + 16 décembre 1809, célèbre chimiste, s’est aussi occupé d'histoire naturelle ; il a ajouté à l’abrégé de l’Aistoire des insectes des environs de Paris par Geoffroy, les noms et les caractères d’un assez grand nombre d'es- pèces (DEJEAN, Species, t. IL, p. vj.) (3) Lettre 25, inédite, du 30 avril, commençant par : « Je reçois une lettre de Madaine Malpré... » he Nodier est toujours en correspondance avec Luczot qui l’engage à l’aller voir à Hédé et s’occupe de lui procurer des cours à Rennes (lettres 25, 28). Cest pendant le séjour de Nodier à Dole, que survint le décès de son père (9 octobre 1808) ; il avait épousé, deux mois auparavant (31 août), Désirée Charves, que nous retrou- verons plus tard avec Nodier, dans la demeure de ses parents, à Quintigny ; collaboratrice de son mari, elle s'intéresse à ses études et l’accompagne dans $es excursions : « Du 4° mai à cette époque (15 mai), je ferai avec ma femme une prome- nade pédestre à travers les montagnes du Jura, tant pour voir nos parents communs que pour nous livrer à notre goût mutuel pour lentomologie, qu’afin de me reposer un peu... (1) Mais Nodier n’est pas satisfait de sa situation précaire de professeur libre à Dole ; aussi ne cesse-t1l d'intéresser à son sort les personnages influents qu’il connaît à Besançon ou à Paris, par exemple Jean de Bry, préfet du Doubs, devenu son ami, Arnault membre de l’Institut, et d'essayer d'obtenir un emploi, inspecteur, professeur, dans l'Instruction publique (®) ; il décline, du reste, les propositions qui lui sont faites, ne les trouvant pas en rapport avec ses aptitudes et ses goûts. C’est encore à ce moment que désespérant de trouver en France la situation qu'il désirait, il accepte l'emploi qu'une grande maison de commerce lui propose à la Nouvelle-Orléans, avec l'intention avérée d'y faire surtout des recherches d’his- toire naturelle ; mais les offres du chevalier Croft le décident à aller s'installer à Amiens. (1) Lettre 33, du 31 mars 1809, inédite. (2) Lettres 20, 26; PinGaub, XII, p.207 ; la biographie Rabbe affirme que Nodier occupa successivement deux chaires de rhétorique dans d’autres villes du département du Doubs (Bull. du Bibliophile, 1864, p. 866). 30 — LT — $ 2. Nodier à Amiens (1809-1810) À Amiens, où il séjourne d’août 1809 à mai 1810, Nodier continue à s'occuper avec la même passion de recherches entomologiques ; il n’avait pas hésité à transporter avec lui sa collection d'insectes déjà très importante, mais où il y avait encore des vides «qu’il ne regardait pas sans douleur ! » Aussi, continue-t-1l, toujours par l'intermédiaire de l’ami Weiss, à presser Gevril de demandes d'insectes. Voici des extraits de la correspondance de Nodier à Weiss à ce sujet : Une première lettre du 9 octobre 1809 renferme un long paragraphe consacré à Gevril et aux insectes réclamés par Nodier, supprimé dans l'édition Estignard (X, lettre XXXI) ; il doit prendre place, p. 66, avant celui qui commence par les mots «J'attends (incessamment) mes livres... » « Je ne sais si tu as déjà vu Gevril. Je tiens beaucoup à ce que tu le voyes, et à ce que tu lui communiques ma dernière lettre. Outre les insectes dont 1l est question, je désire des richards à points jaunes de toutes les espèces, des leptures à pattes fauves, deux ou trois lichénées bleues (le jeune Morey à qui je te charge de faire mes compliments en même temps qu’à toute sa famille, t'en procurerait aussi, peut-être) — et en général tous les insectes rares ou peu connus qui se ren- contreraient en double dans sa riche collection, surtout parmi ces espèces du Midi dont il me parle et qui me manquent absolument. Comme ma collection s'établit maintenant, je lui saurai gré de me faire son envoi le plus immédiatement possible ; je ne serai pas plus long à lui renvoyer de l'argent en raison de ce que j'aurai reçu, et je lui aurai bien des obli- gations par dessus le marché. S'il a envie d’entrer en rela- tions avec notre savant Constant Duméril, il n’a qu’à dire, — À75 — Duméril est, pour un mois, à Amiens, sa patrie, et je suis très lié avec lui (1) ». Le 25 octobre de la même année, Nodier écrit de nouveau : Gevril trouvera dans sa propre collection la plupart des insectes que je lui demande, et bien au delà, car il m’annonce que ses relations dans le Midi lui ont procuré un grand nombre d’intéressantes espèces à échanger. Son envoi peut très bien me parvenir avec mes livres. Retourne donc auprès de lui, et joins la boîte aux volumes. Réitère-lui la promesse d’être traité de moi en ami; mes insectes et une douzaine de volumes sont tous mes menus plai- sirs. Avec plus de cinq mille livres de revenus, je puis y mettre quelque chose. Mais je tiens à avoir bientôt, ou jamais, ce que je lui demande, et ma reconnaissance sera en raison de sa dili- gence à m'obliger (Lettre 40 ; X, lettre VIIT, 17) @)... Encore une fois, mon frère, j'ai bien honte des maux que je te donne, mais cette affaire de Noël et de Gevril achevée, je ne t’écrirai plus que pour te dire combien je t’aime. Au nom de Dieu, mes livres et des insectes, dans dix jours, mais surtout mes livres... Wdp: 18). Une lettre du 15 décembre suivant contient un paragraphe très mal reproduit dans l'édition Estignard (X, lettre XX VIIT, p. 56) et dont nous rétablissons ainsi le texte (3) : « Dis, je te prie, à Gevril, de [s'arranger pour] me faire le plus tôt possible un envoi de deux louis... chez M. François Debray (Dubray) à Amiens. Je ne veux que des indigènes, mais des indigènes européens. Je manque de lLethrus, de pimélées (pincelices), d’akis, de trogosites (frogosites), d'apales (apotes), de lymexylons (d’aymexylons), [d’uesales, (1) Voy. plus loin une note sur Duméril. (2) Cette lettre, écrite après le mariage de Nodier, est par conséquent bien postérieure à l’époque où la place M. Estignard, (3) Les mots entre [ | ont été supprimés dans la publication de M, Es- tignard ; ceux entre () sont des lectures fautives du copiste. — 16 — des priones menuisier et de psaire, de culopes], de molorques, de spondyles, de brachycères, etc. » Cette note pour Gevril doit être ajoutée à la lettre XX VIII, qui est la suite de la lettre XX VII dont elle forme un post- scriptum. Le 16 janvier 1810, nouvelle recommandation (lettre 492 ; X, lettre XL[, p. 85): Puisque j'en suis sur mes affections, n’oublies pas mes insectes. Tu as, sans doute, communiqué à Gevril l'énumération de ce qui me manque et mes propositions pécuniaires. Insiste souvent, Car ma collection m'intéresse fort et je ne regarde pas Sans douleur la place blanche où devrait figurer un lethrus, un apale ou un spondyle. Infortuné ! tu ne sais pas ce que c’est qu'un spondyle ! (Ici le passage sur Gevril reproduit plus haut). Et puis, au nom de Dieu, n’oublies pas mes lethrus et mes spondyles! (X, lettre XLI, p. 88, 90). Gevril, toujours mécontent (voy. lettres 33 et 42) veut se défaire de sa collection ; le chevalier Croft a l'intention de l'acheter. La lettre incluse est pour Gevril, comme l’adresse te indique. Vois-le de ma part pour faire valoir mes recommandations auprès de lui. Si nous allons à Dole, le chevalier achètera sa collection et la payera bien. [l y est très décidé, mais c’est une hypothèse bâtie sur une hypothèse. {X, lettre XXVE, p. 52). À Amiens, Nodier revoit Duméril, le naturaliste à qui il adressait, en is04, une réclamation à propos du rôle des antennes (1) ; il ne semble pas que cette discussion ait altéré leurs relations, si ce n'est d’une façon passagère ; d’après la lettre reproduite plus haut (p. 474), leurs rapports étaient (l: Voy. plus loin, Chap: VILLE paragr. 1: — AIT — très cordiaux : « Duméril est à Amiens, sa patrie, et je suis très lié avec lui. » André-Marie-Constant DUMÉRIL est né, en effet, à Amiens, le 1° janvier 1774; il était professeur à la Faculté de médecine de Paris et suppléant de Lacépède dans la chaire d’erpéto- logie et d'ichtyologie du Jardin des Plantes ; il est mort à Paris, le 16 août 1860 (1). Nodier était en relation avec un autre entomologiste moins connu, DELALANDE, naturaliste voyageur pour le Muséum, mort à Paris en 4827 ; Dejean le cite aussi dans son Species (XX VIII, t. I, p. xx), parmi ses correspondants ; Nodier servit d’intermédiare entre Gevril et Delalande, comme le montrent les lettres suivantes : Jai prévenu Delalande que Gevril lui adresserait un envoi d'insectes. Quand je saurai ce que cet envoi contient, j'en tien- drai compte à Gevril à qui j’adresserai de nouvelles demandes et qui n’aura pas à se plaindre de mon amitié. Je suis bien fâché qu’il n’entreprenne pas d'établir sa collection à Paris. [l en reti- rerait des sommes considérables. La collection impériale n’est pas si riche du quart, en espèces indigènes, et on paye très bien tout ce qu’on peut s’y procurer. Il sera possible aussi que jy fasse pour lui quelques affaires à mon premier voyage, c’est- à-dire très incessamment. Je ne suis plus en surveillance du tout et le chevalier n’y a jamais été ©. Autre lettre, non datée, mais évidemment postérieure à la précédente, inexactement reproduite dans lédition Esti- gnard 3) : elle est intéressante par les renseignements qu’elle contient sur les relations de Gevril et de Delalande et surtout (1) Un autre entomologiste avec qui Nodier a été en rapport, DEJEAN, était aussi d'Amiens ; voy. chap. VII, paragr. 1. (2) Lettre du 10 septembre 1809; X, lettre XXIX, p. 61. (8) X, lettre XXX, p.64 ; les mots entre [crochets] ont été omis et ceux entre (parenthèses), mal lus par le copiste, — À78 — par la longue énumération des insectes que Nodier récla- mait. « Ne manque pas de voir incessamment Gevril. Dis-lui que Delalande à été peu satisfait de la condition des insectes quil en a reçus et que je suis fâché qu'il ne lui ait pas adressé ni des Lichénées bleues que j'avais cru devoir promettre, ni des Coléoptères qu’il me faisait espérer. [Gependant, je lui tien- drai compte de cet envoi pour la somme qu'il m'en deman- dera raisonnablement parlant, mais] je lui saurai gré de faire un autre envoi qui contiendra les espèces suivantes, [dont je lui envoye les deux nomenclatures à celle fin qu'il ne s’y trompe] : le scarabé mobilicorne [et sa femelle], [le scarabé testacé, le scarabé rufipède], la cétoine marbrée, le byrrhe lou lacistèle] bronzée, le lampyre ou ver luisant[à demi fourreaux]|, le taupin porte croix, le [richard ou] bupreste ondé, [la cicindèle ou] le bupreste échancré, [le carabe ou bupreste doré brillant qui ressemble à la jardinière, la lep- ture rouillée où prione scabricorne], la rosalie où cérambyx alpin, [la saperde porte échelle, ou lepture à bandes et points jaunes, le criocère bimacule], la chevrette brune [ou trogos- site|, le scarabé perlé ou trox sabuleux, [le dermeste à oreilles ou parne proliféricorne], les richards [ou buprestes] à plu- sieurs points j'unes, les richards ou buprestes tout noirs, le bupreste [quurré] bronze antique [ou calosome inquisiteur], le bupreste épiscopal [ou cicindèle violette], le capricorne marbré [à longues antennes, où lamie charpentière, le capricorne où lamie qu'il m'avait adressée et qui avait une antenne endommagée, la lepture verte à six points et corse- let aplati, le cupricorne à étuis dentelés ou cerambyx agréa- ble], le capricorne à pointes, [le stencore ou lepture couleur de feu, le tritome de Geoffroy], la grande nécydule [ou molorque abrégée], le proboscide [ou grand antribe] ou macrocéphale, [ses variétés et ses analogues, tant qu’il en pourra trouver. Je tiens à ce que les individus soient d’une conservation parfaite, et si je les reçois bientôt, Gevril peut — 479 — être assuré de ma reconnaissance.] Tout cela est essentiel à ma superbe collection qui ferait envie à Gevril lui-même. » Le passage surles variations du Proboscide, supprimé dans l'édition Estignard, est d'autant plus important que ces variations ont été l’objet d'observations originales de Nodier tout à fait au début de ses études sur les insectes (Voy. chap. X, $ 1, Œuvres inédites). Enfin, véritablement exploité par le chevalier Croft et lady Hamilton, Nodier se décide, grâce à l’énergique intervention de sa belle-sœur Fanny Messageot (vov. chapitre suivant), à quitter Amiens, en mai 1810 ; ils’installe à Quintigny, chez ses beaux-parents, dans cette famille où il avait enfin (trouvé le bonheur et la sagesse. » — 480 — CHAPITRE VI LA DERNIÈRE PÉRIODE DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE NODIER (Suite): — NODIER A QUINTIGNY (1810-1812) Le séjour de Nodier à Quintigny(D à été la période la plus heureuse de sa vie, celle où il travailla avec le plus de suite et le plus d’ardeur, — « je travaille comme un diable y, écrit-1l, — la période dont il a conservé le plus vif et le plus doux souvenir. O riant Quintigny, vallon rempli de grâces, Temple de mes amours, trône de mon printemps, Acile que l'espoir promit à mes vieux ans. {Le Bengali). Quintigny est un joli village du Jura, gentiment placé dans un verdoyant vallon à 10 kilomètres à l’ouest de Lons-le-Sau- nier (2). M. Michel Salomon, qui a fait ce second pélerinage aux licux habités par Nodier, a donné de ce coin du vignoble jurassien et de la maison où Nodier vécut quelques années de bonheur et de travail, une description pittoresque (XIX, 83-89). Nous avons tenu aussi à visiter Cette maison histo- (1) Avant de se fixer complètement à Quintigny, à son retour d'Amiens, Nodier avait fait de fréquents séjours dans l'habitation d'été de ses beaux parents, depuis 1808, pendant qu'il était professeur à Dole ; c’est pourquoi, plusieurs de ses lettres de cette époque sont déjà datées de Quintignv. (Voy. lettre 35 el peut-être quelques autres rapportées à tort à la période 1810-1812 ?) | (2) Voy. la Carte du Chapitre 1e, — À8l — rique et la contrée à laquelle se rattachent tant de souvenirs chers à tout naturaliste franc-comtois (1). Voici d’abord la description de M. Michel Salomon. La curiosité m'a pris de connaître ce coin de montagne où Nodier « coula > quelques mois de sa vie «entre les romans et les papillons. » Ce n’était pas, quand j'allai à Quintigny, la saison des pervenches. Des silènes s’attardaient à fleurir dans les fossés, les prés se tachaient de colchiques, et, par les che- mins comtois aux jolies courbes, qui semblent imiter les caprices du Doubs, des vendangeurs menaient leurs voitures. Dévalant, grimpant, Zigzaguant, la mienne descendit enfin une venelle bordée de sureaux, d’ormes et de noisetiers, et, après des cir- cuits dans un fond de prairies, J’aperçus Quintigny à travers une saulaie : quelques maisons espacées dans une irrégularité pitto- resque, à droite et à gauche du chemin S$’y souvenait-on du poète qui célébra ce paysage, « temple de ses amours ? » Je pus craindre que non. Personne, d’abord, ne sut qui je voulais dire, et j'allais, découragé, clore mon enquête, lorsqu'un vieillard, un vigneron qui poussait du pied une futaiile, m’indiqua de la main où Je trouverais avec qui parler. À peine son aspect la distingue- t-il des autres demeures campagnardes, cette maison où l’on connait le nom de Nodier. Mais l’intérieur a un air de bourgeoisie dans lencadrement d’une alcôve, dans une rosace du plafond, dans les moulures Louis XV d’une pièce que jonche de la paille de maïs. Je traverse une chambre où une armoire entrouverte laisse voir des liasses de papier saupoudrées de poussière, — archives dont le possesseur n’ignore pas le prix d’entre enfin dans « une resserre » où s'accroche un tableau, précieux témoin du temps même que nous racontons. Sur cette toile, fort endom- magée, et, par endroits, crevée, une famille sé groupe : deux hommes, deux femmes, dont l’une, toute jeune, rayonnante dans un décolletage Empire, et couronnée de roses. Aux genoux de l’autre s'appuie une fillette, le corsage ouvert aussi à la mode du temps, et la taille courte, les manches haut coupées avec des (1) Le 18 août 1908, en l’aimable et savante compagnie du géologue -_ lédonien, M. L. A. Girardot, — À82 — bouillonnés à l'épaule. Jai devant moi la famille Charve. La jeune fille auréolée de fleurs, c’est Fanny. À côté d'elle, ce beau jeune homme, au mâle et brun visage, est, sans doute, son fiancé, Tercy, dont Charles Nodier avait voulu préparer l’avenir en associant à l’entreprise de librairie savante rêvée par le ba- ronnet. Mais 1l nous faut déjà compléter et rectifier les attributions données par M. Michel Salomon aux différents personnages de ce tableau. Les deux hommes sont M. Charve et le fils du premier mari de Mme Charve, Xavier Messageot; les deux femmes, Lucile Messageot (Mme Frank) et Fanny Messageot (Mne Tercy) ; la fillette, c’est Liberté Charve (MréNodier);1le jeune homme brun n’est donc pas Tercy. Cette interprétation repose sur la description que Désiré Monnier (1) a donnée de ce tableau, après ses visites à Quintigny en 1808 et 1827, description d'autant plus exacte qu’elle a pu être faite sur les indications de quelques-unes des personnes représentées dans l’œuvre de Lucile Frank. Le personnage principal, dit-il, était une grosse et puissante dame, à la face épanouie et riante, qui était entourée de ses enfants des deux lits. Son dernier époux, M. Charve, était debout derrière le fauteuil. A côté, étaient les enfants de M. Messageot: son premier époux. Quelle est cette figure maigre, pâle et mélancolique qui s’efface dans l'ombre ? C’est Lucile Messageot, c'est le peintre de cette toile intéressante. Son talent s’est fait connaître depuis dans la capitale, où elle est devenue Madame Frank et où le nom de son mari n’a point passé sans réputa- tion. Et ce jeune homme si grave qui est debout près d'elle? C’est Monsieur Xavier Messageot, le type de l’honnête homme, un sujet digne des honneurs de la biographie et auquel nous consacrerons quelques pages spéciales, d’après les notes d’une de ses sœurs. erreur (1) Souvenirs d’un octogénaire de Province, Lons-le-Saunier, -1871, p. 201-209. | — 483 — Et cette belle et fraîche jeune fille qui nous tourne le dos en nous regardant ? Quel est son nom? C’est Françoise ou Fanny Messageot, devenue plus tard Madame Tercy, femme charmante, - auteur modeste de quelques romans, et à qui nos souvenirs ren- dront bientôt un pur hommage. Enfin disons le nom de cette belle personne qui est debout devant Madame Charve. C’est Mademoiselle Liberté Charve, aujourd'hui Madame Nodier, mère de Mme Marie Mennessier, laquelle représente, à présent, M. Ch. Nodier, son père, par le nom de Nodier qu’elle ajoute à celui de Mennessier. Un tableau généalogique abrégé fera mieux comprendre les rapports des divers membres des deux familles. À N. épouse : a. Messageot, maitre de poste à Lons-le-Saunier. b. Charve, juge au tribunal de Lons-le-Saunier. Il À 4 Lucile M. @ a. Xavier M ‘ a.Françoise M.@ b. Louis Ch. À b. Liberté Vép Franck, (Fanny). ép. sa nièce | (Désirée) Ch. one ép. Tercy. Mélanie. | ép-Ch. Nodier À Marie Nodier | ép.Mennessier A V <> Mélanie Fr. ép. son oncle Louis Charve. Emmanuel Marie. Georgette Famille Gesse. V Thècle. Nous compléterons ces renseignements par quelques détails sur la région où est situé Quintigny et que Nodier a parcourue si souvent dans ses chasses entomologiques et ses herborisations. C'est la région du vignoble, aux crus renommés de l'Etoile _et de Quintigny son rival, d’après le proverbe du lieu: «lE- toile, le nom ; Quintigny,le bon ; » région au relief tourmenté, aux nombreuses failles, dont les vallons et les pentes des coteaux sont constitués par les calcaires et les marnes du trias et du lias (1), si favorables aux prairies et aux vignes, et _ (4) Les couches supérieures du lias renferment de nombreux crinoïides, plus ou moins étoilés ; ce serait, dit-on, l’origine du nom de l'Etoile donné au village voisin de Quintigny. ei — les sommets des mamelons arrondis, formés de calcaire bajo- cien, boisés ou dénudés, comme le coteau pittoresque qui dresse sa croupe à l’est même de Quintigny. FIG. 3. — Vue de la maison Charve à Quintigny. Les maisons du village sontipresque toutes construites sur un type uniforme, caractéristique de cette régiôn vinicole : caves, cellier, chambre à four au rez-de-chaussée ; pièces d'habitation au premier étage. La maison Charve est de ce nombre ; elle a été un peu agrandie à l’ouest par son proprié- taire actuel, M. Gesse: mais la distribution intérieure de la partie ancienne subsiste encore telle qu'au moment où Nodier habitait. Nous en donnons le plan de l’étage (1) et une vue (1) D’après le levé dù à l'obligeance de M. Château, instituteur à Quin- tigny. g ru de la maison dessinée par notre aimable collaboratrice, Mlle Anne-Marie Esprit (1) Cuisine F1G. 4 — Plan du premier étage. P g Si nous nous reportons à cent ans en arrière, nous pou- vons nous figurer, par la pensée, à l’aide de ce planet de cette vue, Nodier montant l’escalier extérieur qui conduit au brémier étage, il pénètre dans le couloir qui dessert les diverses pièces de l'appartement, cuisine, chambres à cou- cher sur le devant, salle à manger, chambre à coucher, bibliothèque dans la partie exposée au nord ; Nodier s’arrête dans cette dernière pièce, y dépose ou y étudie les plantes, res insectes qu'il vient de récolter; il passe dans la salle à (1) D’après une photographie communiquée par M. Gesse, — 86 — manger, ornée du tableau de famille que nous avons décrit plus haut, et, de là, sur le balcon d’où ses regards se promè- nent amoureusement sur le paysage calme et tranquille des prairies et des bois de cette partie du vallon. Nous compre- nons, en nous y arrêtant à notre tour, pourquoi Nodier aimait à s’y reposer de sa vie agitée et plus tard à y travailler, alternant les recherches d'histoire naturelle avec des com- positions poétiques ou des études de critique littéraire. C'est donc dans cette paisible retraite, environné de parents et d'amis, que Nodier vint continuer, avec plus d’ardeur, plus d'enthousiasme que jamais, ses recherches entomologiques (1) ; il complète d’abord ses collections par d’incessantes demandes à Gevril et à Weiss lui-même: nous pouvons citer une dizaine de lettres de cette époque (quelques-unes inédites) où le nom de Gevril revient, avec les objurgations les plus pressantes pour que Weiss s’entremette et fasse aboutir ses demandes. Le 21 janvier 1811 : « Gevril m'avait annoncé un envoi d'insectes pour cet hiver. Je ne l’ai pas vu Le chevalier avait envie de sa collection d'oiseaux et il me tourmente pour en finir. Je l'ai écrit à Gevril et il ne m'a pas répondu. Va lui faire lecture de ces quatre lignes et dis-lui mille choses de ma part (2). » Dans une autre lettre, non datée (de 18117): « Bonjour, mon cher Weiss, dis donc à Gevril de m'envoyer des insectes (3). » (4) M Michel Salomon dit : « Maintenant Nodier redevenait chasseur de longicornes autrement que par procuration. » (XIX, 82). Nodier n'avait jamais cessé de l'être par lui-même; ses demandes à ses correspondants ne sont pas une preuve du contraire: il y en a, en effet, beaucoup datées aussi de Quintigny. (2) Lettre à Weiss, inédite, commençant par ces mots : « Je m'empresse de t’envoyer mon Philippe de Commines..,. »; lettre 48. (3) Lettre 53; X lettre XXX VIII, p. 83; cette lettre contient un grand paragraphe suppriné dans l'éd. Estignard : « Encore une fois, il est de la plus grande importance. ., » — 87 — Le 26 avril 1811 : « N'oublie pas l’intéressant envoi que tu m'as promis, et rappelle à Gevril qu'il me fait attendre depuis longtemps des insectes (1). » Dans une lettre non datée mais postérieure à la précé- dente (2): « Gevril pouvait un peu se dédoubler avant ses chasses ; il savait quel plaisir il m'aurait fait et il lui en aurait peu coûté. Au reste, ma collection est arrivée à un point où il est difficile de m’enrichir. Elise (8) (qui te recommande d’embrasser pour elle Mme Morey (4), lui dira quels brillants échanges il peut faire avec moi. J'ai les espèces les plus rares d'Europe, doubles, triples et souvent décuples (5). » D'apréskcetie dernière phrase, Nodier devait Avoir de nombreux correspondants dont les noms ne nous sont pas parvenus. Le 21 juin suivant : « Je te recommande bien vivement de rappeler à Gevril que j’en attends des insectes ; je travaille comme un diable, il faut bien que je m'amuse un peu (6). » Le 29 août, un post-scriptum non imprimé dans l'édition Estignard [X, lettre XLVII, p. 102] se termine par ces mots : « Gevril m'enverra-t-il des insectes ? (7) » Une lettre inédite, non datée, mais de la fin de 1811 ou du commencement de 1812 (8), renferme ce passage intéressant : « Si javais su que Gevril eût encore des insectes, je t’aurais fait une demande un peu plus ample. Demande-lui (4) Lettre 50 ; X, lettre XLILE, p. 93 ; il faut y ajouter le lieu et la date ! (2) Cette lettre a été écrite peu de temps après la naissance de sa fille, par conséquent peu après le 26 avril: « je me dois à cette enfant qui vient de naïtre... », dit-il dans un passage. (3) Sœur de Charles-Nodier. (4) La mère probablement du jeune Morey à qui Nodier demande des insectes, le 25 octobre 1809 (Voy. p. #74). (3) Lettre 51 ; X, lettre XXXVII, p. 81. (6) Lettre 58; X, lettre XLVI, p. 102. (7) A ajouter, par conséquent, ainsi que la date, à X, p.104. (8) Ll y est question du renvoi de l'ouvrage d'Olivier que Nodier avait demandé en communication au commencement de 1811 et qu'il conserva pendant un certain temps (voy. un peu plus loin). — À88 — s’il veut mon catalogue de Coléoptères et m'envoyer le sien. Demande-lui quel est son système et quelles sont ses plus grandes richesses. Quant à moi, je me flatte d’avoir une collection magnifique et riche en raretés. Voici cependant ce qui me manque absolument: le moine, la rosalie, la lepture rouillée, la lepture chagrinée, la lepture aux yeux de paon, la lepture à patles fauves, la stencore couleur de feu, et la cérocome. J'ai presque tout le reste triple ou quadruple, sauf le hottentot, la diaprée, la cardinale et la cuculle dont je n'ai qu'un individu. » Nodier parait à ce moment abandonner Gevril et s'adresser à Weiss lui-même pour obtenir quelques insectes dont il a besoin ; une longue lettre, probabiement de 1819, lui donne mission de rechercher trois coléoptères intéressants sur le territoire de Bregille, près Besançon; cette curieuse lettre, ornée de dessins de Nodier, ayant été assez mal reproduite par M. Estignard [X, lettre XXXII, p. 66|, on nous saura gré d’en donner le texte exact. Si j'étais toi et que tu fusses moi, voici une commission qui me ferait un plaisir infini, parce qu’elle me fournirait l’occasion de penser solitairement à toi pendant une heure et de melivrer pendant une heure, pour toi, à des soins dont le souvenir est lié à tous les doux (vieux) D souvenirs de notre vie. Tu vas savoir. Il faudrait te munir d’une petite boete [garnie] de liège ou dont. le fond fût d’un bois tendre [comme celles, par exemple, qui renferment les pains à cacheter|, garnir ta manche ‘de huit ou dix épingles tant fortes que moyennes, et, par une belle après dîinée, quand le soleil poudroye et qu’on ne sent pas le moindre vent, diriger gayement ta route vers les prés de Vaux @), en rêvant de [ta belle] G) et un peu de moi. (1) Voy. pour les mots entre (parenthèses) ou entre {crochets}, la note (*) de la page 475. (2) Prairies, sur les bords du Doubs, en amont de Besançon. (3) Un amusant scrupule du copiste de M. Estignard, lui a fait remplacer la bien innocente formule « ta belle » par « la belle nature » | == Mo0ce Vingt pas plus loin que l’église de Bregille ), il y a un petit pont ruineux sous lequel croupit une eau rare et marneuse, Gb à côté duquel s’élève une côte rapide, plantée de jeune saule ou d’oseraye; c’est là qu'il faut d’abord gra- vir, puis interrogeant chaque rameau d’un œil attentif et patient, découvrir, s’il se peut, l’insecte précieux et peu connu, mais assez fréquent dans cet endroit, dont je t'envoie la figure, à peu près dans sa grandeur natu- relle. Je ne peux me rappeler précisément de quelle couleur est la tête de cette belle lepture, mais son corselet, ses pattes et tout le dessous de son corps sont d’un beau blond abricot. Ses étuis sont d’un gris clair, comme ardoisé, [et pointillés finement]: enfin le corselet est chargé de deux points ronds, [noir foncé], très lucides, et qui suffiraient à caractériser cette espèce. Ce n’est pas tout, car tu en serais quitte à trop bon marché. Il faut de là, pousser ta route (à la route), et parvenant enfin à la prairie, la laisser à [ta] droite pour parcourir un joli bois de saule dont elle est bordée; le premier arbre que tu daigneras inspecter t’offrira deux ou trois individus du capricorne cei- contre, qui est entièrement noir, raboteux comme du chagrin,et {d’}à peu près moitié plus grand que dans ce mauvais croquis. Enfin il est possible qu'en cherchant cette dernière espèce, tu (on) en rencon- tres une qui lui est si analogue que je ne crois pas nécessaire de t’en ébaucher les linéaments : elle n’en diffère que parce qu’elle est semée çà et là, de taches d’un jaune boueux [et d’une forme irrégulière] et qu’elle à les antennes [beaucoup] plus longues que le corps.fIl serait à propos que tu prisses au moins deux individus de chaque genre, et autant que tu pourrais, du premier et du dernier, à supposer que tu découvres celui-ci]. Tu n’as peut-être pas oublié la manière de piquer les insectes. (1) Cette église, démolie en 1814, était située près du confluent du petit ruisseau de Bregille avec le Doubs (voy. CASTAN, op. cit., p. 154%) sl — 490 — [Dans tous les cas], il ne s’agit que de faire passer épingle [à l’'endioit ponctué de l’étui ci-contre], de manière à ce qu’elle ressorte en dessous, entre les deux premières paires de jambes, sans en enlever une, [ce qui arrive quelquefois et] ce qui déprécie autant un insecte que l’absence d’un frontispice déprécie un Elzévir. [Je te recom- mande finalement de fixer solidement ton gibier dans la boëte où il doit mourir, de mauière à inter- dire à chacune des pièces capturées la possibilité de mutiler les autres, tu emploieras les épingles moyennes pour les leptures et les fortes pour les capricornes]. Le tout me parviendra (les espèces récoltées me parviendront), [à très bon compte], par la diligence, si tu n’aimes mieux me l (les) apporter. D'après les descriptions et les dessins de cette lettre, la lepture au corselet abricot à deux points noirs (a) est, sans aucun doute, l'Oberea oculata ; le capricorne noir, rabo- teux (b), est le Prionus coriaceus ; enfin, le capricorne noir, taché de jaune, aux longues antennes, le Morismus lugubris. M. Bouvier [XLII] analyse avec esprit la demande de Ch. Nodier : « On prête aisément ses passions aux autres et Nodier se garde d'échapper à la règle. Sans sourciller une minute, il prie son ami Ch. Weiss d'aller lui quérir, sur les hauteurs de Bregille, un rare Coléoptère dont il brûle d’en- richir ses collections. La besogne est toute remplie d’attraits : («il faudrait te munir d'une petite boîte de liège,.... garnir ta manche de huit ou dix épingles, etc. » Weiss, le « froid Weiss » peut-il résister aux charmes d'une pareille pro- menade ? » Cette lettre se termine par la demande de l'ouvrage important de Fabricius dont Nodier avait besoin pour les travaux entomologiques qu'il avait entrepris. Je compte assez sur l’amitié de Deis... pour ne pas prendre la précaution... de te faire parvenir, avec cette lettre, trois ou quatre éeus que pourra coûter ouvrage suivant que je te supplie — À91 — de demander, et de me faire parvenir dans la quinzaine, sans plus. C'est un service essentiel. FABRICIUS, Systema Kleutheratorum, editio ultima (sine qua non), 1800 ou 1802 ; deux volumes in-8. Chez Trentell, Wurst, eic.- (1) Plusieurs autres lettres de Nodier à son ami Weiss ont pour objet la demande de l'ouvrage d'Olivier sur les insectes que Nodier désirait obtenir en prêt de la Biblio- thèque de Besançon. Cet ouvrage est l'Histoire des Coléop- tères, traité important en 6 volumes, 12-49, avec 363 planches, que le voyageur entomologiste Olivier avait publié, de 1789 à 1806 (2). Le 21 janvier 1811, Nodier profite de la nomination de Weiss, comme bibliothécaire adjoint, pour lui demander cet ouvrage, en communication, dans la lettre inédite suivante. « Quoique ta place d’adjoint ne soit qu'honoraire, je te félicite de l'avoir obtenue, d’abord parce qu'elle t’achemine à une meilleure, et ensuite, parce qu’elle favorise nécessaire- ment tes travaux bibliographiques. Elle me suggère un petit Caprice dont je ne me serais plus occupé sans cela, mais que j'aurais beaucoup de plaisir à satisfaire, et que l’occasion rendra moins inconvenant. Il te souvient que j'avais supplié M. Coste de me prêter les insectes d'Olivier pour quelques mois, et qu'il y avait consenti avec une extrême politesse. Mon départ pour la Picardie m’empêcha de profiter de sa bonne volonté, mais j'aime à croire qu'il n’a pas changé à mon égard, et qu'il ne répugnera pas à me rendre ce service, (1) FABRICIUS, Jean-Chrétien, né à Tundern (Schleswig) en 1742, + en 1807, a été le plus célèbre entomologiste du 18e siècle ; il a publié de nom- breux ouvrages, notamment le Systema Eleutheratorum, Kiel, 1801, 2 vol. 8°, dont nous reparlons plus loin. (2) Guillaume-Antoine OLIVIER est né aux Ares, près Fréjus, le 19 jan- vier 1756 et + à Lyon, le 1e" octobre 1814; il a été un des premiers ento- _mologistes de son temps (cf. DEJEAN, XXVIIL t. [, p. xxv). — 499 — surtout sous ta garantie. Vous savez l’un et l’autre avec quel soin je tiens les beaux livres et que celui-ci qu’on doit demander très rarement chez vous sera aussi sûrement entre ines mains que sous les sept sceaux de Apocalypse. Dans le Cas où j'obtiendrais de M. Coste cette marque distinguée de sa bienveillance, je garderais Olivier pendant la belle saison, c’est-à-dire jusqu’à la fin de ma campagne éntomolo- gique et je le lui renvoyerais au bout de ce temps, comme je l'aurais reçu. Remarque que cette petite circonstance entrerait, au moins, pour un sixième ou un cinquième, que je ne mente, dans mon bonheur de cette année. » Malgré la garantie de Weiss, le prêt se fit attendre; le 21 juin, Nodier le réclamait encore : « As-tu peur de me prêter les insectes d'Olivier?» CC lettre XLVE-p-99)> mas à lan de 1811 ou au commencement de 1812, Nodier lui écrit: «je te renverrai incessamment l'ouvrage d'Olivier » (lettre 72, inédite) ; Nodier avait donc obtenu ce qu'il désirait. Ce n’est pas seulement par des échanges que Nodier enri- chit sa collection ou se procure les insectes nécessaires pour ses études ; « redevenu chasseur de longicornes, autrement que par procuration », suivant l'expression de M. Michel Salomon, 1l faisait presque chaque jour des excursions dans les environs de Quintigny, où plus où moins loin dans le Haut-Jura. « L’ami Bugnet est venu me voir, nous demeurons à une petite lieue l’un de l’autre et son château est tout au milieu dun bois charmant où je vais chaque Jour pendant Pété, parce que c’est le pays de chasse entomologique le plus riche du Jura, ce qui fait que nous nous verrons très souvent... » (X, lettre XXXV, p. 74) (1). -Aussi, Désiré Monnier, qui aurait voulu faire connaissance avec son compatriote, ne put-il le rencontrer lorsqu'il vint, à diverses reprises, à Quintigny, vers cette époque ; toujours, (1) Sur ce château, voy. une Note à la fin de l’ouvrage. — 493 — « le poète était absent ; il se plaisait surtout parmi les sites les plus ardus et faisait de fréquentes excursions dans la haute montagne » (1). Le site sauvage de l’ancienne chartreuse de Bonlieu était une des promenades favorites de Nodier ; « ce site roman- tique, il fallait l'aller trouver à huit ou neui lieues de distance de Quintignv. Alors le poète était accompagné par Xavier Messageot, son beau-frère, le marin, le frère bien-aimé de Fanny et dont Nodier ne parlait Jamais sans enthousiasme. » Et Monnier de raconter une anecdote plaisante qui a pour personnages nos deux voyageurs. Le souvenir de sa première excursion sur les hauts som- mets du Jura, à la Dôle, au bois de Lavatay, au chalet de la Faucille. a inspiré à Nodier, dans Adèle (p. 194), la lumi- neuse description du beau panorama qu'on y découvre sur la plaine suisse et la chaine des Alpes. Rappelons que sa jeune femme « qu'un goût mutuel pour l’entomologie » unissait à son mari, laccompagnait souvent dans ses excursions Grâce à ses récoltes personnelles, aux échanges avec d’au- tres entomologistes et aussi à des acquisitions, les collections de Nodier étaient devenues très importantes, même si riches qu'il ne peut plus échanger avec Gevril : «je me flatte d’avoir une collection magnifique et riche en raretés » (lettre 72) ; « Au reste, ma collection est arrivée à un point où il est dif- ficile de m’enrichir » (lettre 51). Nodier annonce même qu’il pourrait la vendre, («si ma collection était mise à son prix » (X, lettre XLVI, p. 99); et dans une autre lettre, Nodier, malade, songeant à la vente qu’on pourrait faire de ses meubles et de sa collection, après sä mort: « Plaisanterie à part, tu décideras peut-être facilement la mairie (de Besançon) à en donner autant de ma collection qui vaut cent louis comme un sou et qui est contenue dans un meuble qu’on ne ferait pas faire (1) Souvenirs, 1871, p. 201-209. — 494 — pour dix. Souviens-toide ce petit codicille en cas de quelque évènement ! » (13 nov. 1810!)[X, lettre XLIV, p. 107. Mais Nodier s'était occupé à Quintigny de travaux plus importants et qui nous intéressent davantage, la rédaction de deux ouvrages sur les insectes, presque achevée en 1819, malheureusement interrompue par son départ pour RARE à la fin de cette année. Le premier avait pour titre: Harmonies de l’Entomologie et de la Botanique. L'autre, plus considérable, était un Museum entomologi- cum avec figures, ou Descriplion des Coléoptères des Alpes et du Jura. Les documents qui s’y rapportent se trouvent dans les lettres 72 (inédite), 60 (inédite) et LVII-LVIIT [X] de sa cor- respondance avec Weiss ; nous y reviendrons, en les publiant dans la partie de ce travail consacrée aux Œuvres scientifiques inédites de Nodier (chap. X, paragr. 2). En résumé, l’histoire naturelle a été l'occupation favorite, sinon exclusive, de Ch. Nodier à Quintigny ; € J’ai besoin, écrit-il, d’amasser des idées et surtout de me faire un système d'entomologie un peu perfectionné. Dans quelques mois, je n'aurai probablement point d'autre étude que l’histoire natu- relle et point d'autre guide que ma mémoire. Il est donc à propos que je l'exerce et que je l’enrichisse autant que je le puis » (Lettre inédite, 72). L'excès de travail détermina chez notre fervent dise un état maladif dont il ne parvenait pas à sortir: « Je suis. harassé de mon inconcevable besogne », écrit Nodier, le 43 juillet 1811 (lettre inédite, 80) ; pour aider à son rétablis- sement, son ami, le médecin Baron (1), l'emmène «au sommet de la pointe la plus élevée du Jura » (Lettre du 19 nov. 1811; Xe leltrenE, p.110) (4) Sur le D' Baron, de Maynal, habitant Ménétrux-en-Joux, voy D. MonNiIER, Souvenirs, p. 93, — 495 — Les relations avec Duméril, renouées à Amiens, continuent à Quintigny. « Je voudrais, écrit-il à Weiss, le 9 déc. 1810, que ton jeune homme fut naturalste.Je l’adresserai à Duméril qui me veut du bien et qui lui en ferait... » ; à Paris, « je connais en tant qu'amis, Duméril..…. » [X, lettre XXX V1, p. 7]. Voyez encore: la lettre XLIV IX, p.95]; la lettre inédite 64 (du 14 oct.181...), commençant par ces mots «je suis certain de l'exactitude... » et où on lit: « J’adresserai Duméril à Cuvier. » Nodier était aussi en relations avec un conseiller de pré- fecture de Besançon, quelque peu naturaliste et archéologue, Jean-Jacques BRUAND, né vers 1770, + à Besançon le 26 juil- let4826: (voy. X, lettres XXXTIT, XXXIV, LIX, p. 68, 74, 129) (1). ; On trouve encore dans la correspondance de Nodier, à cette époque. des traces de son projet de collaboration à un journal que Weiss se proposait de créer à Besançon, — de pourparlers et de propositions qui lui étaient faites pour un émiploin de professeur dans l'Université, etc. : voy. X, létires XXXNIIT, .p. 82 ::XLIV, p. 94; LIEL, p. 112; LIV, D 1413 LVIT p.125: EX, p.192, etc. Ces pourparlers, ces recherches, ces travaux scientifiques et littéraires, se trouvèrent suspendus, arrêtés par la nomi- nation de bibliothécaire à Laybach, que son beau-frère Tercy, nommé secrétaire général de l’Intendance en [llyrie, venait d'obtenir pour lui (21 octobre 1812) et Nodier quittait Quin- tigny en décembre 1812. (1) Son fils Charles-Théophile BRUAND, né à Besançon en 1808, + à Strasbourg, en 1861, à été un entomologiste remarquable ; il a publié d'intéressants mémoires sur les Lépidoptères du Doubs dans Soc. d’'Emul. du Doubs, 1844, 1845 à 1858 ; Léandre Pidancet lui a dédié Libellula Bruandi (Soc. Emul. Doubs, 1855). — A96 — CHAPITRE VII . DERNIÈRE PÉRIODE DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE NODIER (Suite): — ILLYRIE, PARIS $ 1. Nodier naturaliste en Illyrie Dans le cours de son voyage de Quintigny à Laybach, Nodier s’arrêté à Genève, à la fin de décembre 1812, pour y visiter de remarquables collections d'insectes. Il y avait alors, dans cette ville, un naturaliste distingué, le médecin Louis JURINE (6 février 1751, + 20 octobre 1819), auteur d’une Nouvelle méthode de classer les Hyménoptères : et les Diptères publiée à Paris en 1807, et possesseur de très belles collections entomologiques. Nodier ne pouvait moins faire que de rendre visite au savant et à ses collections :; il en sortit émerveillé : « J’ai vu le respectable Jurine et une col- lection d'insectes qui m'a console de perdre la mienne, » écrit-il à Weiss, le 2 janvier 1813 (X. 140) ; il y fait encore allusion, plus tard, dans une de ses nouvelles, Amélie (p.196). Nodier a pu, du reste, revoir ces collections à Paris, où elles furent transportées, après la mort de Jurine (1819), par un de ses fils, propriétaire des Bains de Tivoli, lui-même excellent naturaliste et auteur de plusieurs mémoires publiés dans les Annales du Muséum (1). Nodier arriva à Laybach au commencement de janvier 1813; le 6, il y est installé officiellement (2). (4) Voy. DEJEAN, XX VIII, t. [, p. xx1v. (2) Voy. Michel Salomon, XIX, p.88. On relève dans Quérard (Fr. litt., VI, 429, la singulière affirmation que, « dès 1810, Nodier fonda, rédigea et — À97 — Pendant les quelques mois de son séjour en Illyrie, et malgré le peu de temps que lui laissent ses fonctions de bibliothécaire et surtout de directeur des journaux officiels de Laybach, Nodier peut cependant s'occuper d'histoire natu- relle : il parcourt la Carniole, la Croatie, visite les bords de la Save, les Alpes juliennes (1); il y fait des récoltes d'insectes assez intéressantes pour qu'il puisse les communiquer au célèbre entomologiste, le comte Dejean (2). « Nodier, homme de lettres et romancier très connu, s’est un peu occupé d’entomologie et m'a donné quelques insectes de la Carniole et des montagnes du Jura » (XXVIIL, t. I, P. VI). C’est l’origine des relations de Nodier avec Dejean et du rappel de son nom dans ses ouvrages, par exemple dans la Fin prochaine du genre humain (p. 312): «cet ambre, aussi pur et aussi transparent que la topaze s’est durci sur un insecte que Dejean ne pourrait nommer. » Sur le « Carabus cœlatus » de la Carniole. — Aux recher- ches entomologiques de Ch. Nodier en Illyrie se rattache l’histoire d’un insecte de la Carniole et de la Croatie indiqué dans le Jura très probablement par erreur. On lit, en effet, dans FAIRMAIRE et LABOULBÈNE (3) à pro- pos des Carabes à labre bilobé. Une première division renfermerait les Carabes à élytres rugueuses, couvertes de gros points irréguliers, confluents. Ce publia à Laybach, dans le temps où il était bibliothécaire, un journal intitulé le Télégraphe, qui a paru jusqu’en 1843 » ! Nous avons vu où Nodier était en 1810, 1811 et 1812! Il est curieux que Béchet fasse aussi partir Nodier pour l’Ilyrie, dans l'été 1810! (Voy. Acad. de Besançon, 2% août 1845, p. 8). (1) CF. lettre du 13 mai 1813, citée dans Béchet (loc. cit). (2) Pierre-François-Auguste comte DEJEAN, né à Amiens, le 10 août 1780, + 18 mars 1845; général et entomologiste ; il était compat iote et élève de Duméril (XX VIII, t. IL, p. v) (3) Faune entomologique française, Coléoptères, t I, 1854, p. 19. — À498 — sont tous de grands insectes propres à la Carniole et à la Croa- tie. S’il faut en croire Dejean, le Carabus cœlatus (DEs., Sp IT, 38) aurait été trouvé dans les montagnes du Jura par Ch. Nodier. S1 l'on se reporte au Species de Dejean, on voit qu'il s’agit d’un exemplaire de Carabus cœlatus, un peu différent du type, que Nodier disait avoir pris dans les monts du Jura : (GC. cœla- tus, Carniole et provinces voisines. M. Ch. Nodier m'en a donné un individu qui est un peu moins allongé et dont le corselet est un peu moins long, qu’il m'a dit avoir pris dans les montagnes du Jura. — C. cœlatus Fabr., variété ! dans leura sec, Ch Nodier OV "RE pp 58) Les détails que nous venons de donner sur le séjour de Nodier en Ilyrie, pendant une partie de l’année 1813, nous permettent de trouver l'explication de ce fait d’abord décon- certant de géographie entomologique. Malgré les petites différences relevées par Dejean, il est infiniment probable que l'individu qui lui a été communiqué par Nodier avait été récolté par lui, pendant son séjour en Illyrie, en 1843, et mélangé, par mégarde, avec ses récoltes jurassiennes. Dejean reconnait, du reste, dans un autre endroit de son ouvrage, que Nodier luia envoyé des insectes de la Carniole (XX VITE, LTD vi). Il ne serait cependant pas impossible qu'une variété de Carabus cœlatus existât dans les expositions chaudes du Jura ; on sait qu’un certain nombre de formes de l’Europe centrale et orientale, animales et végétales, atteignent le bord oriental du Jura, souvent avec des caractères un peu différents, et il y a d’autres exemples de types de la Carniole retrouvés dans lest de la France ; on peut lire, dans une note récente de M. Forel que le Lasius carniolicus Mayr., de Laybach, — curieuse coïncidence, — a été retrouvé à Dieu- lefit (Drôme), par M. Bugnon (). (1) Soc. vaudoise des sciences naturelles, mars 1908, n° 162, p. 16. — 499 — En Dalmatie. Nodier eut l’occasion d'étudier les relations singulières existant entre le typhus et une mouche qu’il ne put malheureusement pas déterminer (voy. plus loin, Chap. IX, $ 1). D’après P. Lacroix, Nodier fait aussi, en I[llyrie, la chasse aux Lépidoptères et des observations curieuses sur la per- sistance de la vie chez les crapauds ; [XXX Va, p. 1064] ; nous en reparlons plus loin (chap. XI, paragr. 1). Nodier rappelle en divers endroits de ses Contes et de ses Essais, son séjour en Illyrie ou dans les contrées voisines ; « Je ne pensais qu’à poursuivre mes explorations de voya- geur naturaliste sur les longues grèves de l’Ilvyrie, dans des contrées à peine connues des savants et des poètes, » dit-il dans Mademoiselle de Marsan (p.35, etc.), mais en mélan- geant les lieux et les dates; il place en effet, ce séjour, à Trieste, en 1808-1809, en se rajeunissant, comme d'habitude de deux ans, « j'avais 26 ans », et en rattachant ce voyage à ses pérégrinations de 1806, « au besoin de me dérober enfin aux poursuites obstinées de la police impériale, le seul objet de ma récente émigration. » C'est là qu'il fait la rencontre d’uu autre émigré, un vieux gentilhomme, le père de l'héroïne de la nouvelle, M de Marsan, que le même «goût pour l'his- toire naturelle rapproche subitement » de Nodier (p. 8); il y trouve, aussi, le D' Fabricius, « plus versé que moi-même dans la technologie des seiences physiques » (p. 77), dont le nom rappelle le célèbre entomologiste, précisément le créa- teur du Carabus cœlatus ()!, Dans l’Essai De quelques phénomènes du sommeil (2), Nodier place son voyage en Dalmatie à une date plus rappro- chée de celle de 1813, en disant que le voyage de Fortis a été publié « une dizaine d'années avant ma naissance » et qu'il le retrouvait « 40 ans plus tard. » (1) Sur l’entomologiste FABRICIUS, voy. plus haut, p. 491. (2) Réveries, éd. Renduel, V, 1832, p. 183. — 900 — Nodier quittait Lavhach, au commencement de l’évacua- tion de l’Illyrie (octobre 1813), pour rentrer en France, passer quelques semaines à Quintigny et se fixer enfin définitivement à Paris. $ 2: Nodier à Paris : dernières années de sa vie de naturaliste (1814-1820) Dans les premières années de son séjour à Paris ou aux environs, Nodier est encore un naturaliste fervent, au moins par intermittences. Il montre, dit Sainte-Beuve [L, 481], « des retours par accès vers les champs, des reprises de tendresse pour l’histoire naturelle et l’entomologie (sic!) ; un jour, ou plutôt une nuit, qu'il errait au Bois de Boulogne, pour ses doctes recherches, une lanterne à la main, 1l se vit arrêté comme malfaiteur ». Son ancienne passion se ravive surtout lorsque les évène- ments l’obligent à aller habiter dans la banlieue de Paris. Pendant les Cent jours (avril-juin 1815), au château de Buis, où le due de Caylus lui donne asile pour le soustraire aux suites de ses imprudences antiimpérialistes, Nodier redevient chasseur d'insectes et récolteur de plantes. Mme Mennessier- Nodier nous le montre « assis auprès de la table sur laquelle il avait apporté une pelotte de longues épingles et une boite de fer blanc à fond de liège où il piquait les innocentes victimes de ses chasses quotidiennes, des insectes et des papillons » [VIIT, 188]. Et plus loin: «les longues courses au fond des bois à la recherche d'un bupreste ou d’un scarabée recommenceèrent ; mon oncle et ma jeune cousine (1) avaient pris goût à ces études charmantes que le professeur savait rendre plus (1) M: de Tercy et Mie Mélanie Frank (voy. tableau généalogique, p. 483). ; — 50 — charmantes encore, et comme pendant ce temps-là les beaux jours étaient venus, la promenade de la veille encourageant à la promenade du lendemain, les trois marcheurs infati- gables s’habituèrent bientôt à ne plus rentrer au château qu'après le coucher du soleil » [VIIT, 199]. Plus tard, à Saint-Germain, où il était allé se rétablir du mauvais état de santé provoqué par la mort d’un jeune enfant âgé de deux ans, Nodier s'occupe encore, avec sa fille d’in- sectes et de plantes. «Je n'avais nullement l'intention dit M"° Mennessier, de désobéir, d’abord parce que je n'étais pas désobéissante et puis peut-être parce que j'étais fort peureuse, mais je composais un herbier, — comme mon père, — je collection- nais les insectes, — comme mon père, — et toute préoccu- pée de ma poursuite, pendant que lui était tout préoccupé de sa lecture, je ne tardais pas à m'égarer complètement » IN, 212]. Un nouveau projet vint encore une fois détourner Nodier de ses occupations ordinaires ; on lui offre une chaire d'éco- nomie politique au lycée qu'on doit créer en Russie, à Odessa (12 novembre 1817); Nodier vend ses meubles, ses livres, donne ses chères boîtes d'insectes à Aimé MARTIN (1 et va attendre dans le Jura, à Quintigny, l'avis officiel de son départ ; il y reste un an, puis revient à Paris (1818) refaire « le nid qu’on avait abandonné au vent des chimères ». Ce fut la fin de sa carrière de naturaliste ; privé de ses livres, de ses collections, Nodier abandonne définitivement (1) Voy. Mme Mennessier-Nodier [VIIL, 234). — MARTIN (Louis-Aimé), né à Lyon,en 1786, mort à Paris, en 1847 ; professeur à l’Athénée, à l'Ecole polytechnique, rédacteur aux Débats; disciple et ami de Bernardin de Saint-Pierre dont il épouse la veuve, Anné Martin à publié l'ouvrage sui- vani qui à eu de nombreuses éditions : Lettres à Sophie, sur la physique, la chimie et l’histoire naturelle, Paris, 1810, 2 vol in-&; la 13 édition, en 1847, 2 vol. iu-12; elles inspirèrent probablement l'ouvrage analogue de son compatriote MuLsanT : Lettres à Julie sur l’Entomologie, dont nous parlerons plus loin (chap. IX, paragr. 2), Lu les études qui avaient été l’objet de ses recherches enthou- siastes depuis 1792, pendant sa jeunesse, son adolescence, les premières années de son âge mûr, c’est-à-dire pendant 39 ans ! Cependant une passion si vive ne pouvait disparaitre com- plètement. Le voyage que Nodier fit en Ecosse, en 1820, lui donna, en effet, l’occasion de se remettre, pendant quel- ques semaines, à l’histoire naturelle et de faire des observa- tions de géologie, de botanique et d’entomologie dans la célèbre région des lacs. Les lacs de l’Ecosse rappelaient à Nodier les lacs du Jura, particulièrement le lac de Bonlieu qu'il ne se lassait pas d'aller admirer pendant son séjour à Quintigny (voy. p. 493). Dans Pintroduction au volume Franche-Comté du Voyage pittoresque dans l’ancienne France de Nodier, Taylor et Cailleux (1825, p. 9, 10), Nodier compare ainsi les lacs des deux contrées : «les lacs qui s'étendent à leurs pieds (des monts Jura) ne sont pas immenses comme les Méditerran- nées de l'Helvétie et même de lEcosse, mais ils sont plus gracieux peut-être dans leurs dimensions moins étendues, et nous avons éprouvé qu'ils éveillent des idées plus fami- _lières et plus tendres, comme si leur circonscription bornée se rapportait mieux aux limites des sentiments de l’homme et le ramenait naturellement à ses affections les plus privées ». On sait que, depuis Nodier, cette région du Jura, où miroitent les belles nappes vert-bleu des lacs de Bonlieu, d'Hay, du Grand et du Petit Mâclu, de Narlay, est souvent appelée l'Écosse jurassienne (1). : Guidé par les indications du botaniste anglais W.-J. Hoo- Kker (2), à qui il avait été recommandé par un ami Commun, (1) Voy. : Boucxort, La Franche-Comté, 1890, p. 160, etc. ; — ARDOUIN- DuMAZET, Voyage en France, 23° série, Plaine comtoise et Jura, 1901, p. 254; — Ant. MAGNIN, Les Lacs du Jura, 1904, p. 144. (2) I s'agit de William-Jackson HOOKER, né à Norwich, en 1785, mort à Kew, en 1865, le père de l’auteur du Genera plantarum, Jos.-Dalt. = H0n Bory de Saint-Vincent (1), Nodier récolte sur les bords des Loch Lomond et Katherine et sur les montagnes qui les entourent, des plantes intéressantes et des imsectes rares ou inédits; ces observations sont résumées dans l'ouvrage Promenade de Dieppe aux montagnes de l’Ecosse, publié l'année suivante (2); bien que Nodier se défende d’y donner des descriptions scientifiques, — «nous n’avons pas, dit-il (p. 20), la prétention d’instruire, notre ambition se borne à jouir de ce qui est beau », — ces pages sont très remar- quables même au point de vue de lhistoire naturelle 6), Plus tard encore le naturaliste perce à chaque page de la plupart des Nouvelles et des Essais littéraires de Nodier ; rappelons au lecteur, Trilby (1821), Mile de Marsan (1830), les EÉmigrés, la Fée aux miettes, les Souvenirs de jeunesse, Piranèse, etc, et surtout Marie-Sybille Mérian (1832), L'Homme et la Fourmi (184!) qui sont de véritables contes entomologiques ; nous les analvsons plus loin (Chap. IX, EX EX TI:) Nodier saisissait du reste toutes les occasions de parler science et surtout sciences naturelles ; à propos de la publh- cation de divers Dictionnaires de la langue francaise (1824, 1828), 1l critique leurs définitions des termes d'histoire natu- relle ; il publie, dans les Mélanges tirés d'une petite biblio- thèque (1829) à l’occasion de deux livres rares, de véritables dissertations scientifiques sur des Sphinx des environs de Hooker ; W. J. Hooker a publié de nombreux ouvrages de botanique, notamment le Flora scotica, 1821, dont Nodier se servit pour la rédaction de son voyage. (1) BORY DE SAINT-VINCENT (Jean-Bapt.-Georges-Marie), officier du génie, naturaliste, né à Agen, en 1780, mort en 1846; à exploré les Iles de France et de la Réunion; proscrit en 1815, il était rentré en France en 1819 : Nodier fait allusion aux observations de Bory dans ses voyages. (2) En 1821 : Le chapitre XXII, p 205 à 226 traite des Productions naturelles. (3) Nous les reproduisons dans la 2 partie de cet ouvrage ; voy. déjà plus loin, chap. VIIL, paragr.a; chap. XI, paragr. À et 2; chap. XII, paragr. 1. — 504 — Montbéliard et sur les Scarabées des Hiéroglyphes. Ces préoccupations scientifiques se retrouvent encore dans divers articles des Mélanges de litiérature et de crilique (1820), l'Essai sur le gaz hydrogène (1893), la Pulingénésie humaine (1832), les Nomenclatures scientifiques (1836), etc. ; à l’Arse- nal même (1824-1844), dans les célèbres soirées, «un mot lui rappelait le botaniste et l’entomologiste qu’il avait été jadis dans la vallée de Novillars », sur les monts du Jura et dans la calme demeure de Qaimtigny. Nodier donne une autre preuve manifeste de l'intérêt qu'il porte toujours à ses anciennes études, au moment de la fon- dation de la Société entomologique de France (1832), en se faisant inscrire parmi les premiers adhérents. En 1835, le 23 août, Nodier représente l’Académie fran- çaise, avec Roger et Michaud, à l'inauguration de la statue de Cuvier, élevée à Montbéliard ; il y retrouve Duméril, délé- gué par l’Académie des sciences. Les connaissances scien- tifiques de Nodier, autant que sa qualité de compatriote et ses relations amicales avec Cuvier, ont pu déterminer lAca- démie à choisir Nodier pour faire l’éloge de lillustre savant, à côté des naturalistes Duméril et Duvernoy (1); bien que son discours soit entièrement littéraire, on ne peut passer sous silence sa participation à cette cérémonie scientifique (2); Nodier y signale, du reste, chez Cuvier, la réunion des qua- lités du savant et de lécrivain, réunion qui se retrouve aussi chez Nodier, puisque, comme il le dit de lillustre natu- raliste, tous deux ont su «exprimer avec une élégante cor- rection des idées et des détails qui semblent se prêter (1) Nodier était en relations amicales avec Cuvier, comme on le voit par plusieurs de ses lettres de Quintigny et par ce passage de son discours : «au pied de cette statue qui nous rappelle des traits si chers à notre mémoire, et oserai-je le dire, à notre amitié. » {p. 18). (2) Inauguration du monument Guvier et Précis historique de la cérémonie qui a eu lieu à Montbéliard, le 23 août 1835; Montbéliard, 56 p., 8°: le discours de Nodier occupe les pages 16 à 18. 0 le moins aux combinaisons du style et aux ornements du langage ». Trois ans auparavant, Nodier avait fait paraître dans le journal Le Temps un Examen critique des Lettres à Julie sur l’Entomologie par Mulsant(l;; au moment de la publi- cation de cet ouvrage, en 1830, il avait écrit à l'éditeur cette lettre bien suggestive. A M. Levavasseur, libraire, au Palais-Royul, galerie neuve. 4 juin 1830. Mon cher Monsieur, nu. Vous avez publié des Lettres sur l’Entomologie, aux- quelles je prends un grand intérêt, car cette science de four- mis et de cirons est, de toutes celles que j'ai étudiées, le plus en rapport avec mes facultés littéraires et je me flatte de la bien savoir. Ce serait donc une belle et bonne œuvre de votre part que de m'en donner un exemplaire, dont Je vous compen- serais volontiers la valeur en quelques lignes d'appréciation mieux entendues que la plupart de celles qu'on peut vous offrir danslesujournaux.:.<.. À vous de cœur. Charles NODIER. à l’Arsenal. L'éditeur de cette leftre, M. DE LA FIZELIÈRE @), ajoute : « La révolution de Juillet, arrivée quelques semaines plus tard, a dû empècher Nodier de donner suite à son projet d'article, car je n’ai trouvé trace de son article, ni dans les Débats, ni dans le Temps, les deux journaux où il écrivait le plus volontiers ». (1) Lettres à Julie sur l’Entomologie. Lyon, Rossary; Paris, Leva. vasseur, 1830, 4 vol. in-80. — MuLsanT (Martial-Etienne), entomologiste lyonnais, né à Marnant (Rhône) en 1797, + à Lyon, le 4 nov. 1880 ; conser- _ vateur de la Bibliothèque, professeur au Lycée, etc. (2) Charles Nodier, entomologiste, dans Bull. du Bibliophile, 1857, 13e série, juin, p. 324, 395. 32 — 906 — Contrairement à cette assertion, mais seulement en 18392, dans le journal le Temps (26 février et 8 mars), Nodier donnait, comme il l’avait promis, une analyse de l’ouvrage de l’entomologiste lyonnais, analvse curieuse, pleine de verve et d'aperçus ingénieux, mais où il est à peine question de l’œuvre elle même (voy. chap. IX, paragr. 2); Mulsant en fut cependant satisfait puisqu'il la fit réimprimer quelques mois après (Lyon, 1833, chez Rossary, 14 p. in-19) et qu’il donna le nom de Nodier, sept ans plus tard, à un bel insecte, l'Oxypleurus Nodieri, en accompagnant cette dédicace de la note suivante : « Je l’ai dédié à M. Ch. Nodier, auteur d’une bibliographie entomologique (entomologiste autrefois passionné, 28 édi- tion, 1862) et l’une des gloires de notre littérature » [XXX, 1840, p. 57]. Cet hommage de 1840 est le dernier lien qui rattache Nodier à lentomologie ; l’illastre encyclopédiste mourait quatre ans plus tard, le 25 janvier 1844, à l’Arsenal, au milieu d'une partie seulement de c2 qui avait été la passion de sa vie, « mes insectes, ma femme, ma fille » |JX lettre XP] sa femme et sa fille l’entouraient de leurs soins pieux ; mais ses livres et ses collections d'histoire naturelle, « ses chers insectes », avaient quitté depuis longtemps la demeure du naturaliste qui leur devait les rares instants de véritable bonheur de sa jeunesse agitée et les meilleurs délassements des débuts difficiles de sa carrière d'écrivain. {La fin dans le prochain volume.) DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ (1909-1910) Outre les envois réguliers des Sociétés correspondantes, notre Société a reçu les dons suivants : Du DÉPARTEMENT DU DOUBS....... DÉRAMNIELE"DE BESANCON: EL. eau. re cure. see à 3. AOÛT: Du MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE : Testaments de l'Officialité de Besançon, t. IL, 1907, in-40. Bibliographie des travaux historiques et archéologiques, t. V, 3e livraison, 1905-1906, 2 fascicules in-40. Cataloque général des Manuscrits,3 vol. broch. in-8°, 1909 : Paris (Sénat 1908); Paris (Mairie du XVIe arrondissement ; t. E, 1909) ; Reims (Collection Tarbé, t. 39 bis, 1909). De l’UNIVERSITÉ DE BESANÇON : Rapports sur la situation et les travaux des établissements d’en- seignement supérieur de Besançon, 1 broch. in-80, 97 pages, Besançon (Dodivers) 1909. De l'OBSERVATOIRE DE BESANÇON : 4e à 19e Bulletin météorologique, 1888-1896, 13 fase. broch. in-4, Besançon (Jacquin). 22e et 23e Bulletin météorologique, 1906-1907, 1 fasc., broch. in-40, Besançon (Jacquin) 1909. 21e Bulletin chronométrique, 1908-1909, 1 broch. in-80, 129 pages, Besançon (Millot) 1909. De l’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE STOCKHOLM : Les prix Nobel en 1906, 1 broch. in-8°, 151 pages, avec planches. Stockholm (Imprimerie royale) 1908. — 508 — Les prix Nobel en 1907, 1 broch. in-80, avec planches, Stock- holm (Imprimerie royale) 1909. De l'ACADÉMIE DES SCIENCES DE MUNICH : Neue Annalen der Sternwarte, Band IV, 1 fase. gr. in-40, 242 pages, München, 1909. De l’UNIVERSITÉ DE TüBINGEN : Erich vom BRUCH, Burgschaft und Pfandrecht bei der naturalrs obligativ (thèse), 1 broch. in-8°, 98 pages. Georg KüNNE, Heinrich von Clairvaux (thèse), 1 broch. in-8, 136 pages, Berlin (Bünger). 1909. Franz X. ZEeLLER, Dei Zeit Kommodians. (thèse), 1 broch., 108 pages, Tübiagen (Laupp;. Philipp FUNCK, Jacob von Vitry (thèse), | broch. in-8v,69 pages, Leipzig (Teubner), 1909. Otto LEUZE, Das Augsburger Domkapitel im Mittelalter (thèse), 1 broch. in-80, 116 pages, Augsburg (Himmer), 1909. Robert MAINZER, Die aestimatorische Injurienklage (thèse),1 br. in-8°, 109 pages, Stuttgart (Strecker und Schroder), 1908. D' Georg STEINHAUSEN, Archiv für Kulturgeschichte, 2 broch. in-8°, Berlin (Alex. Duncker), 1904. De la SOCIÉTÉ PHILOMATIQUE DE VERDUN : La cathédrale de Verdun (par M. Ch. Aimond), étude historique et archéologique, 1 vol. broch., gr. in-8°, 296 pages, avec illustrations, Nancy (Royer), 1909. De la SOCIÉTÉ D'ÉMULATION D’ABBEVILLE : Inauguration de la statue de Boucher de Perthes, | broch. in-&, 43 pages, Abbeville, 1909. De MM. : Julien FEUVRIER, Les stations palustres dans la région de Dole, 1 broch. in-8v, 8 pages. Dole (Ledun), 1909. — 509 — Charles THURIET, Lega franco-italiana, 1859-1909 (en souvenir - du 50e anniversaire de la guerre libératrice), 1 broch. gr. in-&, 87 pages. Torino (Schioppo), 1909. — Camille Monnet. Projet de bibliographie Lamartinienne franco-italienne, 1 broch. in-40, 129 pages. Turin (Lattès), 1909. Jules LELOUP, Pétrus Pacome Requin, 1 vol. broch. in-19, 348 pages. Saint-Amand (Bussière), 1909. Gasion DE BEAUSÉJOUR et Charles GODARD, Pesmes et ses sei- gneurs, du XIIe au XVIIIe siècle (2e partie) 1827-1451,1 vol. broch. in-8°, 236 pages, plus Actes, 185 pages. Vesoul(L. Bon), 1909. ALLARD (le commandant), Histoire du tunnel et des travaux du Simplon, | broch. p.1in-8°, 26 pages. Besançon (Jacquin), 1906. — Notice sur le projet de transport électrique à Besançon, 1 broch. p. in-8", 16 pages. Besançon (Bossanne), 1900. — La télégraphie sans fil au XXe siècle, 1 broch. in-12, 20 pages. _ Besançon (Müllot), 1903. — Téléphonie sans fil, 1 broch, in-192, 12 pages. Besançon (Millot), 1904. Abbé F.-X. PERROT, Etude morale et scientifique sur l'alcoolisme, 1 broch. in-8°, 56 pages. Besançon (Imprimerie catholique), 1909. Général METZINGER, La transformation de l'armée, 1 broch. in-8”, 72 pages. Paris (Belleville), 1909. Arthur HuART, Jacques de Bourbon (1370-1438), 1 broch. in-&, 136 pages. Couvin (Belgique), 1909. Jules DOMERGUE, La question des sociétés de crédit, 1 vol. in-4s, 160 pages. Bar-le-Duc, 1910. Alfred MARQUISET, Le vicomte d’'Arlincourt, prince des roman- tiques, À vol. in-12, 241 pages. Paris (Hachette), 1909. Charles JANET, Sur la morphologie de l’insecte, | broch. in-8o, 75 pages. Limoges, 1909. — Sur l’ontogénèse de l’insecte, 1 broch. in-80, 129 pages. Limoges, 1909. Dr Antoine MAGNIN, Les études mycologiques à Besançon, 1 broch. in-80, 19 pages. Besançon, 1910. — 910 — Louis MONNIER, Histoire de la ville de Vesoul, t.Il, 1 vol. p. in-& 448 pages. Vesoul (L. Bon), 1910. Roger Roux, Xavier Marmier, bibliophile, 1 broch.in-80, 32 pages. Besançon (Jacquin), 1910. Charles LÉGER, Au pays de Gustave Gourbet, 1 broch in-&o, 22 pages. Meudon, 1910. — OI — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ Au 4 Octobre 1910. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l’article 21 du règlement. Conseil d'administration pour 1910. M BRÉSIDONE ue or. MM. ROSSIGNOT (le chanoine), curé de Sainte-Madeleine. Premier Vice-Président. 3OURDIN (le docteur), médecin- major en retraite ; Deuxième Vice-Président. GOUGEON, premier président honoraire ; Secrétaire décennal...... Georges GAZIER ; RS OLET RS Dr me CELLARD, architecte ; ARCLIDISLES A ne de ti Chen KIRCHNER ; A. MATHIEU. Trésorier honoraire... ... M. FAUQUIGNON. — 012 — Membres honoraires (20). MM. LE GÉNÉRAL commandant le 7e corps d'armée (M. le général CHOMER). LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d'appel de Besançon, (M. JEAN). L’'ARCHEVÉQUE DE BESANÇON (S. G. Mgr GAUTHEY). LE PRÉFET du département du Doubs (M. MILLETEAU). LE GOUVERNEUR de la place de Besançon (M. le général COINTE). LE RECTEUR de l’Académie de Besançon (M. PADÉ), LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon (M. JAUDON), 26, rue du Perron. LE MAIRE de la ville de Besançon (M. GROSJEAN). L'INSPECTEUR d’Académie à Besançon (M. BAILLOT), 3 bis, _ Square Saint-Amour. CHOFFAT, Paul, attaché à la direction des services géologiques du Portugal; à Bordeaux et à Lisbonne (113, rua do Arco à Jesus). — 1896. PINGAUD, Léonce, correspondant de l’Institut, prof. d'histoire moderne à la Faculté des lettres ; 17, rue Mégevand, Besançon. — 1896. BERGER, Philippe, membre de l’Institut (Académie des inserip- tions et belles-lettres), sénateur du Haut-Rhin, professeur au Collège de France ; à Belfort. — 1899. METZINGER (le général), ancien commandant du 15° corps d’ar- mée, membre du Conseil supérieur de la Guerre; à Paris. — 1899. COURBET, Ernest, receveur municipal de la Ville de Paris; 1, rue de Lille, à Paris. — 1905. GRANDMOUGIN (Charles), 16, rue Chauveau, à Neuilly-sur-Seine. — 1907. LANGLOIS (le général}, sénateur de Meurthe-et-Moselle, Palais du Luxembourg, à Paris. — 1907. PoINTELIN (Auguste), artiste peintre, à Mont-sous-Vaudrey (Jura). — 1907. — 913 — REVILLOUT (Eugène), conservateur honoraire du Musée du Louvre ; 198, rue du Bac, à Paris. — 1907. GOUGEON, premier président honoraire de la Cour d’appel; à Besançon. — 1909. KIRCHNER, ancien négociant, 959, quai Veil-Picard, Besançon. — 1909. y Membres résidants (1) (118). MM. ALLARD, chef de bataillon en retraite, 106, Grande-Rue. — 1909. AUBERT, Louis, ancien directeur de la Confection militaire du 7e corps d'armée, 121, Grande-Rue. — 1896. | BAIGUE (le docteur), professeur à l’école de médecine, 1, rue de la Mouillère. — 1897. BARREY, Emile, architecte, 95, Grande-Rue. — 1910. BATAILLE, Frédéric, professeur honoraire de l’Université, mai- son Duc, à Saint-Claude (banlieue). — 1907. BAUDIX (E.), essayeur de la Garantie, 11, rue Morand. — 1909. BEAUQUIER, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs; à Montjoux (banlieue). — 1879. * BERDELLÉ, ancien garde général des forêts, 112, Grande-Rue. — 1880. BERNARD, ancien pharmacien, 5, rue des Chaprais. — 1910. * BESSON, Paul, colonel d'artillerie en retraite, 4, rue Mégevaud. — 1894. BONAME, Alfred, photographe, à la Viotte (banlieue). — 1874. BONNET, Charles, pharmacien, ancien conseiller municipal, 39, Grande-Rue. — 1882. BOURDIN (le docteur), médecin-major en retraite, 30, rue Charles Nodier. — 1900. * BoUSSEY, professeur honoraire, 109, rue J.-J. Rousseau, à. Dijon. — 1883. BouTox, René, président du Tribunal, à Briançon (Htes-Alpes). - — 190. BOUTTERIN, François-Marcel, architecte, professeur à l'Ecole municipale des Beaux-Arts, 4, rue Emile Zola. — 1874. BoYssoN D’ECOLE, Alfred, 24, rue de la Préfecture. — 1891. BRETENET, chef d’escadron d'artillerie en retraite, 15, rue de la République. — 1885. (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besancon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d'une manière plus large aux travaux de la Société. 1 ni: A1 % kb pa Ke de — MM. BRUNSCHWIG, Charles (le docteur), 62, Grande-Rue. — 1909. BURLET (ie chanoine), vicaire général du diocèse de Besançon, 10, rue du Clos. — 1881. BUYER (Jean DE), propriétaire, 191, Grande-Rue, et à Saint- Laurent (banlieue). — 1902. CELLARD, Camille, architecte, 3, rue de la République. — 1902. CÉNAY, pharmacien, 26, avenue Carnot. — 1897. CHaAPOy, Léon (le docteur), ancien directeur de l'Ecole de mé- decine, 11, Grande-Rue. — 1875. CHAPOY, René (le docteur), 11, rue Morand. — 1909. CHARRIÈRE (le docteur), 14, rue de la Préfecture. — 1909. CHIPON, Maurice, avocat, ancien magistrat, 25, rue de la Préfec- ture. — 1878. CLAVEY, président de Chambre à la Cour d'appel, 62, Grande-Rue. — 1902. CLERC, Edouard-Léon, représentant de commerce, 12, rue du = Chasnot. — 1897. | COILLOT, pharmacien, 1, quai de Strasbourg. — 1884. COINDRE, Gaston, dessinateur, 5, rue du Capitole. — 1908. COLSENET, Edmond, professeur de philosophie et doven de la Faculté des lettres, ancien conseiller municipal, 4, rue Gran- velle. — 1882. | CORNET, avocat à la Cour d’appel, 67, Grande-Rue. — 1910. COURGEY, avoué, 16, rue des Granges. — 1873. DANGELZER (Georges), notaire, 115, Grande-Rue. — 1909. DAYET, André, receveur d'enregistrement à Besançon; rue des Chalets, à la Mouillère. — 1901. DELABARRE, directeur de la succursale du Comptoir d'Escompte de Paris, 10, rue Moncey. — 1909. * DEMANDRE (Hubert), château de Filain (Haute-Saône). — 1909. Dopivers, Joseph, imprimeur, 87, Grande-Rue. — 1875. * DReyrus, Victor-Marcel, docteur en médecine, rue de la Cas- sotte (aux Chaprais). — 1889. DRroz, Edouard, professeur à la Faculté des lettres, 5, rue Péclet. = 1877: | | DRUHEN, Léon, 8, avenue de Fontaine-Argent. — 1908. DRUHEN, Maxime (le docteur), 74, Grande-Rue. — 1908. — 516 — MM. DUBOURG, Henri, industriel, 28, rue Charles-Nodier. — 1906. EYboux, Henri-Ernest, administrateur des magasins du Bon- Marché, 104, Grande-Rue. — 1899 FAUQUIGNON, Charles, ancien receveur des postes et télé- graphes, 5, rue des Chaprais. — 1885. FEBVRE, Lucien, professeur agrégé au Lycée Victor Hugo, 6, rue des Fontenottes. — 1904. FOURNIER, professeur de géologie à l’Université, 10, avenue de Fontaine-Argent. — 1899. GAZIER, Georges, conservateur de la Bibliothèque de la Ville, correspondant du Ministère de l’Instruction publique, 1, rue Gambetta. — 1903. GIRARDOT, Albert, géologue, docteur en médecine, 15, rue Mégevand. — 1876. GRENIER, Alfred, inspecteur des forêts, 5, Villas bisontines. — 1904. GRORICHARD, pharmacien, 12, place de la Révolution. — 1909. GUILLIN, préparateur de physique à la Faculté des sciences, 27, rue de la Préfecture. — 1909: HENRY, Jean, docteur ès sciences 39, rue Ernest-henan. = 1857. HÉTIER, François, botaniste; à Mesnay-Arbois (Jura). — 1895. D'HOTELANS, Octave, 22, rue Chifflet. — 1890. HYENNE (le docteur), 72, Grande-Rue. — 1909. KRUG, Charles, notaire, 70, Grande-Rue. — 1906. LAMBERT, Maurice, avocat, ancien magistrat, 13, quai de Stras- bourg. — 1879. LECLERC, Adrien, conseiller à la Cour d'appel de Besançon, 4, rue de Lorraine. — 1904. £DOUX, Emile (le docteur), 13, quai de Strasbourg. — 1875. LEepoux, Eugène (le docteur), 74, Grande-Rue. — 1908. LiAUTEY, Victor (le docteur), à Saint-Ferjeux (banlieue). — 1908. Lime, Claude-François, négociant, aux Chaprais (banlieue). — 1883. LiMON, Maurice (le docteur), dentiste, professeur suppléant à l'Ecole de Médecine, 10, rue Morand. — 1905. — 517 — MM. MAGNIN (le docteur Ant.), professeur à l’Université, doyen de la Faculté des sciences, directeur de l’Institut botanique, ancien adjoint au maire, 8, rue Proudhon. — 1885. MaAIGE, Pierre, pharmacien, 27, rue Ronchaux. — 1909. MAIRE, Victor-Louis, commandant, 13, rue Mégevand. — 1903. MAIROT, Henri, banquier, ancien conseiller municipal, prési- dent du Tribunal de commerce, 17, rue dela Préfecture. — 1881. MALDINEY, Jules, chef des travaux de physique à la Faculté des sciences, 27, rue Charles-Nodier. — 1889. MANDRILLON, avocat, 19, Grande-Rue. — 1894. MARCHAND, Albert, ingénieur, administrateur délégué des Sa- lines de Miserey ; à Miserey (Doubs). — 1888. MARÉCHAL (le docteur), à Saint-Claude, chemin du Tunnel (banlieue). — 1906. MASsoN, Valery, avocat, 102, Grande-Rue. — 1878. MATHEY, François, négociant, rue d'Anvers. — 1909. MATHIEU, Albert, 18, rue Charles-Nodier. — 1909. | MAUVILLIER, Pierre-Emile, photographe, 3, rue de la Préfecture. — 1897. MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement, en retraite, à Canot (banlieue). — 1868. _MicHeL, Henri, architecte-paysagiste, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, conservateur du Musée archéologique ; Fontaine- Ecu (banlieue). — 1886. i MonNIERr (le docteur), dentiste, 4, square Saint-Amour. — 1910. MONTENOISE, avocat, 2, rue de la Madeleine. — 1894. MOURGEON, Clovis, artiste photographe, 6, rue Lecourbe. — 1909! Mouror (le chanoine), secrétaire à l’Archevêché, 16, rue Charles Nodier. — 1899. NARDIN, ancien pharmacien, 1, rue de la Mouillère. — 1900. NARGAUD, Arthur, docteur en médecine, 17, quai Veil-Picard. — 1875. NICKLÈS, pharmacien de 1re classe, 128, Grande-Rue. — 1887. * ORDINAIRE, Olivier, consul de France, en retraite; Maizières (Doubs). — 1876. — 518 — MM. OUTHENIN-CHALANDRE, directeur des Missionnaires d’'Ecole ; 2% ue de la Prélecture 1902 PARTY, Léon, comptable, à Tarragnoz (banlieue). — 1905. PATEU, Georges, 9, avenue Carnot. — 1909. PERRENOT, Th., professeur au lycée de Marseille. — 1909. Picor, Louis ingénieur ciildes mines, 2, rue Mairet. — 1909. PIDANGET, avocat, 31, quai Veil-Picard. — 1905. : RAFFOUR, président du Tribunal de commerce, 23 bis, quai de Strasbourg. — 1910. RÉMOND, Jules, notaire, 44, Grande-Rue. — 1881. RÉMOND (labbé),aumônier du lycée Victor Hugo, 51, rue Mége- vand. — 1909. RiVET, capitaine d'artillerie, 10, rue Ernest-Renan. — 1909: ROLAND (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, 10, rue de l’Orme-de-Chamars. — 1899. * ROSSIGNOT (le chanoine), curé de Sainte-Madeleine, 6, rue de la Madeleine. — 1901. ROUGET, directeur de l’Ecole normale d'instituteurs ie Besan- CON’ 6, rue de la Madeleine. — 1902. ROUSSET, professeur départemental d agriculture, A1 = Vallas bisontines. — 1910. : SAILLARD, Albin (le docteur), sénateur, membre du conseil général du Doubs, place Victor Hugo, à Besançon, et 75, rue _ N.-D.-des-Champs, à Paris. — 1866. SAINTE-AGATHE (le comte Joseph DE), avocat, archiviste-paléo- graphe, 3, rue d'Anvers. — 1880. SANCEY, Alfred, négociant, 14, rue d’Alsace. — 1899. SAVOYE, Henri, artiste peintre, à la Bouloie (banlieue). 1901: SIMON, avocat, 26, rue de la République. — 1909. SIMONIN, architecte, 13, rue du Lycée Victor Hugo. — 1892. SOLLAUD, Ed., agrégé d'histoire naturelle, 95, Grande-Rue. — 1909. THURIET, Maurice, avocat général à la Cour pos de Besan- con, à là Butte (banlieue). = 1901: * TRUGHIS DE VARENNES (le vicomte Albéric DE), 9 tarlier. — 1900. , rue de Pon- — 519 — MM. UBEr, directeur des Papeteries des Prés de Vaux ; 9, rue de la Cassotte. — 1910. VAISSIER, Georges (le docteur), 109, Grande-Rue. — 1898. * VANDEL, Maurice, ingénieur des arts et manufactures ; 161, rue Duvivier, à Aubervilliers. — 1890. : VAUTHERIN, Riymond, ancien Capitaine du génie, villa Sainte- Colombe, rue des Vieilles-Perrières. — 1897. VERNIER, Alfred, inspecteur divisionnaire de la Compagnie d’as- surances générales sur la Vie. villa des Glaïeuls, à la Croix d’Arènes (banlieue). — 1910. VERNIER, Léon, professeur à la Faculté des lettres, 10, rue Le- courbe. — 1883. WEHRLÉ, administrateur des Salines de Chatillon, 86, Gr.-Rue. — 1894. ZELTNER, Maurice, négociant, 26, rue de là République. — 1909. 0 Membres correspondants (86). MM. * ALMAND, Victor, lieutenant-colonel du génie, attaché à la Direc- tion des travaux du chemin de fer de Konakry au Niger (Guinée française) ; à Baume-les-Dames (Doubs). — 1882. ANDRÉ, Ernest, notaire; 17, rue des Promenades, Gray (Haute- Saône). — 1877. * BARDET, juge de paix; à Brienne-le-Château (Aube). — 1886. BARBEY, Frédéric, archiviste paléographe ; 20, rue de Tournon, à Paris, et au château de Valleyres (canton de Vaud). — 1908. BERTIN, Joseph, médecin honoraire des hospices de Gray (Hte- Saône), à Dampierre-sur-Salon (Haute-Saône). — 1897. BEY-ROZET, Charles, propriétaire et pépiniériste; à Marnay (Hte-Saône). — 1890. BILLARDET, René, professeur agrégé de l’Université, au lycée d'Annecy. — 1909. ÿ BLONDEAU,Georges, procureur de la République; à Vesoul.—1895. BOISLIN, Joseph, directeur des tramways électriques du Finis- tère : 1, place Saint-Sauveur, à Brest. — 1909. * BorDY, maire d’Alaise (Doubs). — 1909. * BREDIN, professeur honoraire; à Conflandey, par Port-sur- Saône (Haute-Saône). — 1857. * BRIOT, docteur en médecine ; à Chaussin (Jura). — 1869. BRUNE (l’abbé Paul), curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey, corres- pondant des Comités des Travaux historiques et des Monu- ments historiques au Ministère de l’Instruction publique; Mont-sous-Vaudrey (Jura). — 1903. * BRUAND, Léon, inspecteur des forêts; 11 bis, rue de la Planche, Paris. — 1881. CHALLAN DE BELVAL (le docteur), médecin principal en retraite; 9, impasse Maria, au Chalet, Marseille. — 1909. CHAPOY, Edmond, avocat ; 13, place Carriat, à Bourg (Ain). — 1910. * CLOZ, Louis, professeur de dessin ; à Loulans-les-Forges (Hte- Saône). — 1863. CONTET, Charles, professeur honoraire ; 21, rue Montmorency, à Saint-Quentin (Aisne). — 1884. — 524 — MM. | CORDIER, Jules-Joseph, receveur principal des douanes: Blamont (Doubs). — 1862. COSTE, Louis, docteur en médecine et pharmacien de 1re classe, conservateur de la Bibliothèque de la ville de Salins (Jura), — 1866. Davip, Louis, avocat, 7, rue Pierre Nicole prolongée ; Paris. — 1910. * DEULLIN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. DruoT, Paul (labbé), curé de Geneuille (Doubs). — 1901. * DurFAY, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875. FEUVRIER (l'abbé), chanoine honoraire, ancien curé de Mont- béliard (Doubs) ; 7, rue Péclet, Besançon. — 1856. ” FEUVRIER, Julien, professeur au Collège, conservateur du Musée archéologique ; faubourg d’Azans, Dole (Jura). — 1893. FROMOND (l’abbé), curé de Crissey (Jura). — 1902. FILSJEAN (l'abbé), licencié-ès-lettres, curé de Pelousey (Doubs). — 1896. GAIFFE, Félix, docteur-ès-lettres, professeur au lycée Ampère ; à Lyon. — 1904. GAUTHIER, Léon, archiviste aux Archives nationales ; 1, quai aux Fleurs, à Paris. — 1898. GENSOLLEN, Gabriel, juge au Tribunal civil; 57, rue d'Isie, à Saint-Quentin (Aisne). — 1902. GERMAIN, président du Tribunal; à Yssingeaux (Haute-Loire). — 1908: * GRENIER, René (le docteur), médecin de la Grande Chancelle- rie de la Légion d'honneur; 36, rue Ballu, Paris. — 1902. GROSPERRIN (le docteur) ; Pont-de-Roide. — 1908. GUICHARD, E.-Xavier, commissaire de police de la Ville de Paris, chef de service à la direction générale des Recherches; Pré- fecture de police, et 11, rue Denfert-Rochereau, Paris. — 1908. GUIGNARD, Fernand, archiviste paléographe ; 7 bis, rue Michel- Chasles, Paris. — 1902. * GUILLEMOT, Antoine, archiviste de la ville de Thiers (Puy-de- Dôme). — 1854. GUYÉ, Henri, ancien président du Tribunal de commerce de la Seine; 38, boulevard Sébastopol, Paris. — 1910. 33 — 5922 — MM. HENRIET, Eugène (le docteur), conseiller général du Doubs ; à Orchamps-Vennes (Doubs). — 1910. HUART, Arthur, ancien avocat général; 2, rue d'Italie, à Vevey (Suisse). — 1870. k JEANNOLLE, Charles, pharmacien; Fontenay-le-Château (Vosges). — 1870. LAFOREST (Marcel PÉCON DE), capitaine d'infanterie coloniale; à Rochefort et 25, rue du Chateur, à Besançon. — 1895. * LAPRET, Paul, artiste peintre ; 17, rue de Chateaubriand, Paris. — 1901. LEBAULT, Armand, docteur en médecine; Saint-Vit (Doubs). — 1876. LEBRUN, Louis, répétiteur au lycée de Lons-le-Saunier. — 1906. LECHEVALIER, Emile, libraire-éditeur; 16, rue de Savoie, Paris (WI) 1888; LE MIRE, Paul-Noël, avocat; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura) et rue de la Préfecture, à Dijon. — 1876. LIGNY, industriel ; 52, rue Labrouste, Paris (XVe). — 1910. LONGIN, Emile, ancien magistrat ; 1, place Saint-Jean, Dijon. — 1896. Louvor (le chanoine Fernand), euré de Gray (Hte-Saône).— 1876. MaDioT, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). — 1880. | MAIRE, André, 4, rue de Sontay, Paris — 1903. MARMIER (le duc DE), membre du Conseil général de la Haute- Saône ; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône). — 1867. MARQUISET (le comte Alfred), 32, rue Malakoff, à Paris. — 1897. * MASSING, Camille, manufacturier ; Puttelange-lez-Sarralbe (Lorraine allemande). — 1891. * M&iNER, Edmond, maire de l’Isle-sur-le-Doubs. — 1908. MENTHON (le comte René DE); Menthon-Saint-Bernard (Haute- Savoie), et chàteau de Saint-Loup-lez-Gray, par Sauvigney-lez- Angirey (Haute-Saône). — 1854. MERCIER, libraire, bibliophile ; 3, rue de la Préfecture, Dijon. — 1909. MrLLor, notaire ; Frasne (Doubs). — 1909. * MONTET (Albert DE) ; Corseaux-sur-Vevey (Suisse). — 1882, MM. MOUSTIER (le marquis DE), député et membre du Conseil géné- _ ral du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs), et 15, avenue de l’Alma, Paris. — 1874. MousTiER (le comte Lionel DE), conseiller général du Doubs; château Bournel (Doubs) et 17, avenue de l’Alma, Paris. — 1903. OUDET, à Myon (Doubs). — 1909. PARIS, docteur en médecine; à Luxeuil, et rue du Cherche-Midi, Paris. —- 1866. * PERRONNE, Marcel, ancien conseiller de préfecture ; 4, rue Devosges, Dijon. — 1903. * PERROT (l’abbé F.-Xavier), curé-doyen de Mandeure (Doubs). — 1902. | | * PIAGET, Arthur, archiviste cantonal et professeur à l’Académie de Neuchâtel (Suisse). — 1899. PIDOUx, André, archiviste paléographe, avocat ; Dole. —- 1901. PIQUARD, Léon, docteur en médecine; Roche (Doubs). — 1890. _PIROUTET, Maurice, géologue; à Salins (Jura). — 1898. PRINET, Max, archiviste-paléographe ; 18, rue Maurepas, Ver- sailles, et à Gouhenans (Haute-Saône). — 1895. * REBOUL DE LA JULHIÈRE, au château du Grand-Vaire (Doubs). — 1903. * REEB, E., membre correspondant de l'Académie des sciences, président honoraire de la Société de pharmacie d’Alsace-Lor- raine ; à Strasbourg (Alsace). — 1901. RENAULD, Ferdinand, botaniste, ancien commandant du palais de Monaco; rue Lonchamp, Paris. — 1875. * RICHARD, Louis, médecin-principal de 1re classe, directeur du service de santé du 4e Corps d'armée ; 18, rue Richebourg, Le Mans (Sarthe). — 1878. ROBERT (le docteur), médecin à Arbois (Jura). — 1910. Roux, Roger, substitut du procureur de la République; 21, rue Scheurer-Kestner, Belfort. — 1905. Roy, Emile, professeur à la Faculté des lettres ; 9, rue de Mi- rande, Dijon. — 1894. Roy,Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; 19 rue Hautefeuille, Paris. — 1867. : — 5924 — MM. * SAILLARD, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs). = LOU SOLLAUD (le docteur), 5, rue Callou, Vichy. — 1909. THURIET, Charles, président honoraire du tribunal; 5f,via Ospe- dale, Turin. — 1905. * TRAVERS, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller . de préfecture ; 18, rue des Chanoines, Caen (Calvados). — 1869. VENDRELY, pharmacien à Plancher-les-Mines (Hte-Saône). —: 1909. VERNEREY, notaire, membre du Conseil général du Doubs; Amancey (Doubs). — 1880. VUILLAUME, Edmond, directeur de la Société suisse de banque et dépôts ; avenue du Théâtre, Lausanne. — 1910. — 92 — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DÉCÉDÉS EN 1909-1910 Membres honoraires. MM. L’ARCHEVÊQUE DE BESANÇON (S. G. Mg" PETIT). DELISLE, Léopold, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), aneien administrateur général de la Bibliothèque nationale. 1881 WEiL,Henri, membre de l’Institut (Académie des inscrip- tions et belles-lettres), doyen honoraire de la Faculté _des lettres de Besançon. 1890 DurouR, Mare, docteur en médecine à Lausanne (Suisse). 1896 Membres résidants. MM. BEAUSÉJIOUR (Gaston DE), ancien capitaine d'artillerie. 1897 BÉVER, avocat, secrétaire général de la Mairie. 1906 COURTOT, Théodule, commis-greffier à la Cour d'appel. 1866 LIEFFROY, Aimé, propriétaire, conseiller général du Jura. 1864 MAES, Alexandre, serrurier-mécanicien. 1879 MARTIN, Jules, manufacturier. 1870 VIEILLE, Gustave, architecte, inspecteur départemental des sapeurs-pompiers. 1882 Membres correspondants. MM. GAUTHIER, docteur en médecine, sénateur de la Haute- Saône. 1886 SCHLAGDENHAUFFEN, directeur honoraire de l'Ecole de pharmacie, à Nancy. 1901 — 9926 — SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES & ÉTABLISSEMENTS PUBLICS (179) Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations. FRANCE. Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l’Instruction publique feinqg exemplaires des Mémotres) 2PATIS RE MERE CURE ART ER EEe Ain, Société d'émulationde AM ABOURO MT MANIP EE NE Société des sciences naturelles et d'archéologie de l'Ain; BOURSE ce AS Aisne. Sociéte académique des sciences, arts, belles-lettres, agri- culture et industrie de Saint-Quentin . : 2 Société historique et archéologique de Château- There. Allier. Société des sciences médicales de l’arrondissement de Gannat . à ue ; ; Revue scientifique . A et . centre de ë. France ; Moulins re Société De à bn et des jade arts Fe A Moulins. Alpes (Hautes-). Société d’études des Hautes-Alpes; Gap . Alpes-Maritimes. Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritnnes ; Nice, 1856 1808 1894 1862 1898 1851 1894 1860 1884 1867 — 521 — Aube. Société académique de l'Aube ; Troyes . Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. Belfort (Territoire de). Société belfortaine d’émulation. Bouches-du-Rhône. PoHèque de l’Université ; AIX. UE. : Académie des sciences, belles-lettres et arts e Mae, Société de statistique de Marseille. Gavaldos. Académie de Caen. CHR _ Société française d’ ee Caen j Charente. Société archéologique et historique de la Charente; Angoulême . Charente-Inférieure. Société des archives historiques de la Saintonge et de l’'Aunis ; Saintes . Cher. Société des Antiquaires du Centre ; Bourges. Côte-d'Or. Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de Beaune . Eu , ; ASE EE, Académie des sciences, arts et es Eure de Dijon Archives départementales de la Côte-d'Or; Dijon . Commission des antiquités du département de la Côte- d'Or; Dijonrs- CRE ee PE EE io rer _Revue bourguignonne de l enseignement supérieur publiée par les professeurs de l’Université de Dijon 1867 1876 1872 1905 1867 1867 1868 1868 1877 1883 1876 1877 1856 1880 1869 1891 — 5928 — Société bourguignonne de géographie et d'histoire; Dijon. Société des sciences historiques et naturelles de Semur . Deux-Sèvres. Société botanique des Deux-Sèvres; Niort . Doubs. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- CO en eine de Le be he Ca Société d'histoire naturelle da Doubs ; Besançon. . . . Société de lecture de Besançon. Société de médecine de Besançon. Société d’'émulation de Montbéliard. Eure-et-Loir. Société dunoise; Châteaudun Finistère. Société académique de Brest. Gard. Académie de Nîmes . : : : Société d'étude des sciences cle de Nice : Garonne (Haute-). Société archéologique du Midi de la France; Toulouse. . Gironde. Société archéologique de Bordeaux. Société Linnéenne de Bordeaux . Société des sciences physiques et nai cles “e . deaux. | Hérault. Société d'étude des sciences naturelles de Béziers . Académie de Montpellier. à Société archéologique de on 1888 1880 1901 1844 1900 1865 1861 1851 1867 1875 1866 1883 1872 1878 1878 1867 1878 1869 1869 — 529 — Isère. Société dauphinoise d’ethnologie et d'anthropologie ; Gre- noble. AREAS De At Société de sh iotiquee et æ histoire ee . débarté ment de l'Isère ; Grenoble . Jura. Société d’émulation du Jura; Lons-le-Saunier. ne Revue viticole de Franche-Comté et de Bourgogne ; Poligny. Loir-et-Cher. Société des sciences et lettres; Blois . Société archéologique, Halo et aire. di se uomois; Vendôme: 21 Loire. Société La Diana, à Montbrison . RTS Te ALT dan Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire; Saint-Etienne. Loire-Inférieure. Société des sciences naturelles de l'Ouest de la France: Nantes . Loiret. & Société archéologique et historique de l’Orléanais ; Orléans Maine-et-Loire. Bibliothèque de la Ville (ancienne Société académique) ; Angers | 3 Société dus elle et cr L do et au due ment de Maine-et-Loire; Angers . Manche. Société nationale académique ; Cherbourg Société des sciences naturelles de Cherbourg 1898 1857 1906 1898 1895 1866 1891 1851 1857 1855 1890 1854 — 930 — Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- partement de la Marne; Châlons-sur-Marne . Marne (Haute-). Société historique et archéologique de Langres. Meurthe-et-Moselle. Société d'archéologie lorraine, à Nancy . Société des sciences de Nancy . Meuse. | Société philomathique de Verdun. . Morbihan. Société polymathique du Morbihan ; Vannes. . Nord. Société d’émulation de Roubaix. Oise. Société historique de Compiègne. Pyrénées (Basses-). Société des sciences, lettres et arts de Pau. Pyrénées Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales; Perpignan. Rhône. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon . Annales de l’Université ; 18, quai Claude-Bernard, Lyon. . Société d'agriculture, sciences et industrie ; 30, quai Saint- Antoine, Lyon. RE On Mer NE eue Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. Saône-et-Loire. Sociétéréduenne NUE NAN APE 1856 1864 1895 1886 — 531 — Société d'histoire naturelle d’Autun . . : Ha Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur- +. Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha- lon-sur-Saône . DST MERE Académie des sciences, belles: ss et arts de Mâcon Société d'histoire naturelle de Mâcon. Saône (Haute-), Société grayloise d’émulation ; Gray . NN Société d'agriculture, lettres, sciences et arts de la Haute- SAONE VeSOUL +11. "0. ; HR Société d encouragement à l D noullére. Vaso Sarthe. Société d'agricult., sciences et arts de la Sarthe ; Le Mans. Société historique et archéologique du Maine ; Le Mans . Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . : Société savoisienne d histoire et d'archéologie; he Ve Société d'histoire naturelle ; Chambéry. Savoie (Haute-). Société Florimontane ; Annecy. Seine. Association pour l’encouragement des études grecques en France, 44, rue de Lille, Paris (VIIe). . Bibliothèque de l’Institut de France ; Paris . Bibliothèque Mazarine ; Paris . : : à ee Bibliothèque du Musée se du cad e Paris . se ; Bibliothèque de la bone de r Dhiversité) De Musée Guimet ; 30, avenue du Trocadéro, Paris . Polybiblion ; 4 et 5, rue Saint-Simon, Paris . AE Revue épigraphique, à la librairie E. Leroux, 928, rue Bona- parte, Paris (NF): 1888 1857 1877 1902 1896 1898 1861 1881 1869 879 1869 1898 1895 1871 1878 1872 1869 1885 1895 1880 1894 1900 — 932 — Revue des études historiques, à la librairie Alph. Picard ; 28, rue Bonaparte, Paris. Revue « Les marches de l'Est » Paris (VIe). ne Mise Société des Antiquaires de France: Fe. ; : Société d'anthropologie ; 15, rue de l'Ecole de Med Société botanique de France ; 24, rue de Grenelle. Société d'histoire de Paris et de l'Ile de France . Société philomathique ; à la Sorbonne . ne Société française de physique ; 44, rue de Rennes. Société de Saint-Jean ; 13, rue de l'Abbaye, Paris (VIe). Société de secours des amis des sciences. Société de spéléologie ; 34, rue de Lille. Société zoologique de France ; 28, rue Serpente. 84, rue de Vaugirard, 1 Seine-Inférieure. Société havraise d’études diverses; le Havre : Académie des sciences, belles tic et arts de ne : Commission départementale des antiquités de la Seine- Inférieure: Rouen . Rs ee Société he d’émulation de La done Ttérieuses os Seine-et-Marne Bibliothèque de l'Ecole d'application de l'artillerie et du génie, à Fontainebleau. . Seine-et-Oise. Bibliothèque du Musée national de Saint-Germain-en- Laye . A OUR ann ee TEE _ Société des sciences A à ie lettres et arts; Mer- sailles. ; en : Nes Société des sciences ele et eds de : et- Oise ; Versailles . somme Société d’émulation d’Abbeville. Société des Antiquaires de Picardie ; ee 1877 1910 1867 1883 1883 188: 1880 1887 1906 1858 1897 1880 1891 1879 1869 1880 1871 1866 1896 1861 1894 1869 = 5 Vienne. Société des Antiquaires de l'Ouest; Poitiers. Vienne (Haute-). Société archéolog. et historique du Limousin; Limoges. Vosges. Société d’émulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne ; pue Yonne. Société des sciences historiques et naturelles de P Yonne; Auxerre. ALGÉRIE. Société historique algérienne; Alger . ALLEMAGNE. Académie impériale et royale des sciences (kais. kœnigl. Akad. der Wissenschañften) ; Berlin Société botanique de la province de E ndchoute (Botan. Verein der Provinz Brandenburg) ; Berlin . Société des sciences naturelles (Naturwissenschaftlicher Verein) ; Bremen Re Sn OA Société des sciences Haeles de bou. en Brisgau (Bade) . ; : ; à Société . sciences lee et nédicales de Fe faute. Hesse (Oberhessische Gesellschaït für Natur und Heil- kunde) ; Giessen (Hesse). Société historique et philosophique (à la à Bibliotheque. de l’Université) ; Heidelberg (Bade) . Ë : Société royale physico-économique (kæœnigliche DU ea lisch-ækonomische Gesellschaft); Kœnigsberg (Prusse). Académie royale des sciences (kœnigl. baier. Akademie der Wissenschaften) ; Munich (Bavière) . Bibliothèque de l’Université de Tubingen (Wurtemberg) . 1807 1852 1870 1879 1877 1866 1892 1853 1898 1861 1865 1901 Oo Le ALSACE-LORRAINE Société d'histoire naturelle de Colmar. Société d'histoire naturelle de Metz. . Bibliothèque de la Ville de Strasbourg. cou Société des sciences, agriculture et arts de la Basse- Alsace ; Strasbourg . ANGLETERRE. Bibliothèque du British Museum ; à la librairie Dulau et Cie, 37, Soho square, London (W. - : : ne Société littéraire et philosophique (litterary and he phical Society); Manchester . . AUTRICHE. Institut impérial et royal de géologie de l’empire d’Au- triche (Kaiserlich-kœæniglich-geologische Reichsanstalt) ; Niense : Hd reutr Muséum Le ab to à d ble ticle + Vienne BELGIQUE. Académie royale d'archéologie ; 53, rue du Transvaal, Anvers . 1 ARE re si Académie royale de Basique Bniretlles 2 : Société d'archéologie ; 11, rue Ravenstein, no Société des Bollandistes ; 775, boulevard militaire, Bruxel- RSS AR SA eee fée Se AN Société géologique de Belgique; Liège . ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli studi di storia patria; Torino. LUXEMBOURG. Institut grand-dueal (section des sciences naturelles, phy- siques et mathématiques); Luxembourg . NORVÈGE. Université royale de Christiania . . 1860 1895 190% 1880 1887 1859 1855 1889 1885 1868 1891 1888 1876 1879 1884 1854 1877 — 535 — PORTUGAL. Service des travaux géologiques du Portugal ; 113, rua do Arco a Jesu, Lisbonne SUÈDE Académie royale suédoise des sciences; Stockholm Kungl. vitterhets, historie och antikvitets Akademien ; Stockholm. : PRET IT DSP CD LE The geological D bon of ile tire of Upsala SUISSE. Société des sciences naturelles ; Bâle. Société des sciences naturelles ; Berne. Institut national de Genève. En Re Ce Société d'histoire et d'archéologie ; 12, rue Calvin, Genève. Société d'histoire de la Suisse romande; Lausanne . Société vaudoise d'histoire et d'archéologie; Lausanne . Société vaudoise des sciences naturelles ; M. Heurioud, 28, rue du Bourg, Lausanne . ù Société neuchateloise de géographie : Nouchaiel Société neuchateloise des sciences naturelles; Neuchatel. Société jurassienne d’émulation ; Porrentruy . Musée national suisse (Anzeiger für schweizerische Alter- tumskunde); 1, Neue Folge, Zurich. Here Société des Antiquaires (à la Bibl. de la Ville); Zurich. Société générale d'histoire suisse (à la Bibl. de la Ville de Berne); Zurich. Le Société des sciences naturelles ; Ain. AMÉRIQUE DU NORD. Natural history Society ; Boston (Massachussetts). Lloyd Library ; Cincinnati (Ohio). De Geolog. and natural history nes. ar Meconein. Natural history Society; Milwaukee (Wisconsin) Geographical Society of Philadelphia (Pennsylvania) . Avademy oi SLEoUIS (MiISSoun) RC nn 1885 1869 1898 1895 1872 1855 1866 1863 1878 1903 1847 1891 1862 1861 1899 1864 1880 1857 1865 1904 1901 1901 1896 1897 — 20 Botanical Garden ; Saint-Louis (Missouri). . Smithsonian Institution of Washington. . . United States geological Survey; Washington. Geologico Instituto ; Mexico. . AMÉRIQUE DU SUD. Musée national; Montevideo 1890 1869 1883 . 1909 1901 — 931 — ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE FRANCHE-COMTÉ (27) recevant les Mémoires. Bibliothèque de la Ville de Besançon. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Edo it Id. Id. Id. Id. Id, Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. populaire de Besançon. de l’Université de Besançon. de l’Ecole de médecine de Besançon. du Chapitre métropolitain de Besançon. du Séminaire de Besançon. de l'Ecole normale d’instituteurs de Besançon. de l'Ecole normale d’institutrices de Besançon. du Lycée de jeunes filles de Besançon. de l'Ecole d'artillerie de Besançon. du Cercle militaire de Besançon. de la ville de Montbéliard (Doubs). de la ville de Pontarlier (Doubs). de la ville de Baume-les-Dames (Doubs). de la ville de Vesoul (Hte-Saône). de la ville de Gray (Hte-Saône). de la ville de Lure (Haute-Saône). de la ville de Luxeuil (Hte-Saône). de la ville de Lons-le-Saunier (Jura). de la ville de Dole (Jura). de la ville de Poligny (Jura). de la ville de Salins (Jura). de la ville d’Arbois (Jura). de la ville de Saint-Claude (Jura). Archives départementales du Doubs; Besançon. Id. de la Haute-Saône ; Vesoul ld. du Jura; Lons-le-Saunier. ms 34 TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME PROCÈS-VERBAUX. Allocution de M. ROUGET, président sortant.....,,.....,.... Pp. V Allocution de M. le D: BouRDIN, président élu pour 1909..... P. VIII MeloMParnis 410722 par MR LONGIN RER CE p..x Rapport sur les travaux de la commission des fouilles d’Alaise, PAM RENÉ BOUTON TE Re Ne Ca et en DOEeR px Notice sur M. Charles Sandoz, par M. le D' BOURDIN... .... p. XI Les origines de la colonie juive de Besançon, par M. Georges GAAIER REE E n e aen P Ee ASC Les cartes à jouer à Besançon sous la Révolution, par M. Georges GAZIER.,... D D RERO TE RE Le ec AE Dax Monographie des hygrophores, par M. Erédérie BATAILLE... p. XIII Subvention au monument Proeudhon à Besançon.... ....... p. XI Un franc-comtois au Cambodge (1886-1906), par M. le chanoine | ROSSIGNOT AL me Ans MOURIR p. XIV La migration des hirondelles, par M. KIRCHNER.........,... p. XIV Arrêté préfectoral autorisant des fouilles sur le plateau d'Alaise. p. xIv Notice sur M. le D' Baudin, par M. le Dr Eug. LEDOUx... ... p. XV Gustave Cudel par M Ch eSANDOZ ER AE Ne p. XVI Les premières fouilles sur le plateau d'Alaise, par M. René BOUTON..... I ST A ee A UT Rd DNS EE SUD D CU Notice sur M. Vital Bavoux, par M. le D' MAGNIN........... p. XVIN Compte-rendu de l'ouvrage de M. L. Pingaud sur Jean De Bry, PAR MA GeOrLesS CAZER ET NC ONE SR ee cat p. XVIII Rapport sur les fouilles d’Alaise, par M. René BOUTON.. ..., p.‘xIX Notice sur M. Alfred Vaissier, par M. le Dr BOURDIN. .... .. p. XX Compte-rendu de l'ouvrage de M. Alfred Marquiset sur Madame Hamelin, par M. le Dr LEDOUx......... nee needs p. XXI Boésies para Albert MATHIEU PEER Re p. XXI Concession de livres de la Société aux bibliothèques de la Ville ébide LUMIVErSIlé Se A He NE PARA ee p. XXI Compte-rendu de l'ouvrage de M. Jaudon sur Denys Puech, DAME GOORSESRGAZIBRE Lu ECRIRE ER ER D xI Don à la Société d'une photographie de M. Alfred Vaissier... p. XXII Compte-rendu de la séance publique de la Société ane on deMonthélard pare PICOr Lt ne ein ep coxum Rapport sur les travaux de la commission de la fondation des freresiGrenier parMeMPÉTEAURIER 0e 0. AT LE De x — 539 — Le bagne à la Nouvelle Calédonie, par M. le D' GROSPERRIN. p. La correspondance de Boyvin, par M. E. LONGIN.....,....., P. Compte-rendu du Congrès de l’Association franc-comtoise à Pontarhiers par Mle Bi BOURDIN... 213401. AU P. La naissance du général Lecourbe à Besançon, par M. le cha- noine ROSSIGNOT,...,...., A TE A a P. La cuisine populaire en Franche-Comté, par M. Ch. BEAUQUIER. p. Eloges de Msr Petit, archevêque de Besançon, MM Lieffroy et Béver, membres de la Société décédés, par M. le Dr BOURDIN. p. L'année aéronautique 1909, par M. le commandant ALLARD... p. Pesmes et ses seigneurs, par M. de BEAUSÉJOUR............ P. Bodseupour l’année 1910... 42cm. Décisions relatives à l'impression des mémoires et aux tirages à part donnés aux auteurs...... DR re es it 2 D, Blechon dubureau pour l’année 1910.%4%.22.22, 0.52. D: Séance publique du’ 16 décembre 1909. .....,....2#.,,.,.. P. Notice sur M. Bavoux, par M. le D' Ant. MAGNIN,.,....,,., p. MÉMOIRES. La Société d'Emulation du Doubs en 1909 : dis- cours d'ouverture de la séance publique du jeudi 16 décembre 1909, par M. le docteur BOURDIN, DASIdenPaAnnUCl #0 ne ee - Promenade philosophique [poésie], par M. Charles CRANDMOUGIN nt... Rapport sur l’élection du premier titulaire de la pension des frères Grenier, par M. M. THURIET, La maison du bon accueil; Maizières [poésies], par, MuPrédérie BATATLLE nl ie Edouard Grenier et ses correspondants, par M. Georges GAZIER..... CS de ne Poësies. par. M: Albert MATHIEU... 12 ::.. ... Orgue fpoésie}, par M:°Ch. THURHET.:.. ....:.:, Notice sur M. Alfred Vaissier, par M. le docteur BOURDIN (Dora) 4 Re eo. Récentes étapes sur les voies aériennes. Année aëro- nautique 1909, par M. le commandant ALLARD.. XXIV XXIV XXV XXV XXVI XX VII XXVIII XXVIII XXIX XXIX XXXI_ XXXTIE 19 22 — 540 — Flore monographique des Hygrophores, par M. Free déric BATAIPER, ce 0h eo Re Charles Sandoz. — Notice biographique, par M. le docteur BOURDIN (portrait Mello à Paris (1644), par M. E. LONGIN........... _ Notice nécrologique sur le docteur Léon Baudin, par M. le docteur Eug. LEpoux (1 portrait)...... La cuisine populaire de Franche-Comté, par M. Ch. BÉADOUIERSS NE Rene Re UE Un franc-comtois au Cambodge, par M. le chanoine HOSSIONO PS Re La naissance du général Lecourbe, par M. le cha- noie ROSSIGNOT Le 0. 2 Fe Jean de Bry (1760-183#) [d’après l’ouvrage récent de M. Léonce Pingaud], par M. Georges GAZIER... Le bugne à la Nouvelle en 1878 [souvenirs de voyages d'un inédecin de la marine|, par M. le AOCIEUR GROSPERRIN. 26 Le comte Casimir de Montrond, né à Besançon (1709 - 1843) [d’après l’histoire d’une Merveil- leuse (Madame Hamelin) de M. le comte Mar- quiset], par M. le docteur Emile LEDOUx . .. ... Notice historique et bibliographique sur l’ancienne Société libre d'agriculture, commerce el arts, par M. À. KIRCHNER. : - Charles Nodier naturaliste [Ses Œuvres scienti- fiques publiées et inédites], par M. Ant. MAGNIN. Dons faits à la Société en 1909-1910..... Rae ane nt Membres de la Société au 1er octobre 1910 ....…. unie ee Membres de la Société décédés en 1909-1910......,...,....,... Sociétés CORrespondantes. see de. cmt ro Cehacen Etablissements publics de Franche-Comté recevant les ares, BESANCON. — TYP. ET LITH. DODIVERS. À Le ME : 51 MAR25 | \G: r are p. 129 p. 192 p. 209 D. 251 p. 245 D. 392 p. 346 p. 9390 p. 368 p. 390 p. 405 p. 411 p. 507 p. 511 p. 525 p. 526 p. 5937 du Doubs. fondée 4 ee le 1 Se julet 1840. à + Décret impérial du 9. avril 1803 : « La Société d'Emulation du Doubs. à Besançon, est reconnue comine établissement d’ utilité publique. e | ; Art. Le des Fe. : « Son but est de concourir activement aux - progré ès des sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe: _ment, de coopérer à la formation des collections publiques et d’é diter les travaux utiles de ses membres. a _:» Elle encourage pr incipalement les études relatives à la Franche Comté. » Du dre 13 des staluts : « La Société pourvoit à ses lopedsés au moyen : es ARE _ » {v D'une cotisation annuelle pavable par chacun-de ses membre _ résidants et par chacun de ses membres correspondants : elle « est. 1 exigible dès l’année même de leur admission. é nn ee la somme de Rex francs er par Les membres rési » due >». Ant. + 1e sialuls : a Les sociétaires ont la latitude . se Hihérer la à + : _» La somme exigée est de cent fai pour Le membres rési : dants et de soixante francs pour les cor respondants. . . »: - “Art -15 des statuts : « Tout membre qui aura cessé de payer : | otisation pendant plus d’une année, pourra être considérée comm