Sn see ENG 31 MAR 28 Are MÉMOIRES SOCIÈTE D'ÉMULATION BL DOUBS HUITIÈME SÉRIE CINQUIEME VWOEUME KZ RÈE 2 > TA | LISS \ ne AE $ © ES Se ER 5 À Z die ZA L'CLLSS SL ES LE gs \É A — SÈ He 4 BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS ET C* Grande-Rue, 87 1911 VOLUMES PARUS : 1 1e Sérié= M livraisons, années 1841-1819. 2e — 8 nn — 1850-1856. D 0 0 VOLUMEEE —. 1856 bis-1864(°). Het ere AO ee + — 1865-1875. De — 40 — — 1876-1885. 6e — 10 = — ‘1886-1895. De EC — — : 1896-1905. Be D, Due or ve) 0004010 (ti) Plus les 2 tomes 1864 et 14869 de la Flore de Grenier qui forment le 10° volume. nn Tables décennales, par ordre de matières : 1885,1895 (à la fin tie du volume). . . Table générale de 1841 à 1873 (à la fin du volume de 1875). UE nouvelle Table générale, Comprenant tous les mémoires Los de 1841 à 1905, a été publiée séj'arément en 1907 (127 pages, D blus errata). Cat + 5A ————————— _ { … : Nota. — Les volumes suivants sont épuisés ou sur le point de l’étre: se 1841,.185%, 1855; 1856 S,. 1857, 1863, 1880, (1901. Il-reste 8 collections complètes des deux premières séries (1841-1856 ; soit 19 fascicules gr. in-8°, au prix de 190 francs. MÉMOIRES SOCIÉTÉ D'ÉMULATION HU: DOUBS MÉMOIRES DE LA SOCIETE D'EMULATION bi DOUBS HUITIÈME SERIE CLNOULEME VOLUME 1910 BESANCON IMPRIMERIE DODIVERS. ET Ci Grande-Rue, 87 1911 MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION 1940 PROCES-VERBAUX DES SÉANCES RS ae—— Séance du 22 janvier 1910. PRÉSIDENCE DE MM. LE Dr BOURDIN ET LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : - BuREAU : MM. le D' Bourdin, président sortant; chanoine Rossignot, président élu pour 1910 ; Georges Gazier, secrétaire décennal ; René Bouton, vice-secrétaire ; GC. Cellard, trésorier ; Kirchner et À. Mathieu, archivistes. MEMBRES : MM. le commandant Allard, Frédéric Bataille, Boutterin, E. Clerc, Dayet, Léon Druhen, D' Emile Ledoux, Henri Michei, D' Nargaud, Pateu, Picot, L. Pingaud, Rouget, M. Thuriet, de Truchis, L. Vernier. M. le Dr Bourdin prononce l’allocution suivante : « MESSIEURS, » Il y a un an, à pareille époque, je vous remerciais de l’hon- neur que vous aviez bien voulu me faire en m'appelant à pré- sider vos réunions mensuelles et ie faisais appel à votre concours à tous pour guider mon inexpérience et faciliter ma tâche. » Aujourd’hui, j'ai le devoir bien agréable de venir après l’an- née écoulée vous payer la dette de reconnaissance que j'ai contractée vis-à-vis de vous. Je n’ai pas tardé à me rendre compte en effet, que c'était grâce à vos sympathiques encou- ragements et à vos conseils éclairés que je pouvais poursuivre l’œuvre commencée par mes prédécesseurs et accomplir la mission dont vous m'aviez honoré. Aussi, est-ce de tout cœur que je remercie les anciens présidents, les membres du bureau et tout particulièrement mon aimable et savant voisin de droite : M. Gazier, vous tous enfin mes chers collègues de la Société d'Emulation qui avez su rendre si agréable, je dirai plus, si attrayante une tàche qui m'effrayait un peu à ses débuts ‘et qui avez tout fait pour aplanir les difficultés et les obstacles. » En vous quittant, je suis tout particulièrement heureux de constater que, pendant le cours de l’année qui vient de s’écouler, vous avez bien voulu porter votre attention et vos efforts sur le recrutement de notre société, dont l’émiettement insensible par suite de décès, de démissions, voire même de négligences vou- lues, aurait fini par compromettre l'avenir. J’avais vu depuis quelque temps les vides se faire autour de nous et les listes d'admission diminuer sensiblement. Les raisons en étaient nombreuses comme vous le savez, telies que la multiplication incessante des sociétés de toutes sortes et la vie de mouve- ment et d’agitation que la bicvelette, l’automobile et bientôt l’aéroplane ont créée dans le monde entier. Aussi, vous avais-je demandé de lutter par tous les moyens contre cette déchéance imméritée des sociétés savantes provinciales, et particulière- ment en veillant à notre recrutement. » J'étais pourtant loin de prévoir à ce moment la disparition. de nos meilleurs travailleurs : Vaissier, Baudin, Sandoz et tant d’autres auxquels j’adresse encore une fois mon triste Souvenir, et sur lesquels nous étions en droit de compter comme les sou- tiens les plus sûrs et les plus dévoués de notre association. » Je vous remercie donc d’avoir entendu mon appel et je suis tout particulièrement heureux de constater que, pendant le cours de ma présidence, j'ai eu à signer trente diplômes dont 22 pour des membres résidants et 8 pour des membres correspondants. Encore un effort, Messieurs, et la Société d'Emulation reverra ee COULÈNE— les beaux jours qu’elle a connus avec les Delacroix, les Castan, et que tous ici nous devons avoir à cœur de faire revivre. » Cest le vœu que je formulerai, si vous le voulez bien, puisque nous sommes encore dans la saison des souhaits, en quittant ce fauteuil que vous m’aviez si aimableiment octroyé. Du reste, je ne doute pas que ce vœu ne soit accompli d'avance puisque c’est à M. le chanoine Rossignot que vous avez confié les destinées de la Société d’Emulalion et je l'invite à venir pren- dre ici une place qu'il occupera, nous le savons tous, avec un grand savoir et son affabilité coutumière. DÉAnotre nouveau- Président et à: notre chère Société, je souhaite prospérité et succès. » En prenant possession du fauteuil de la présidence, M. le cha- noine Rossignot prononce l’allocution suivante : » MESSIEURS, » Vous avez été trop généreux en me donnant vos suffrages : c'était reconnaître une bonne volonté que je n’ai pas même témoignée autant que je l’aurais voulu. Mes occupations en sont la cause. Vous avez eu la bonté d’excuser mes absences, et je ne vous en suis pas moins reconnaissant que de l’honneur que vous me faites. _» Permettez moi d'ajouter, qu’outre le plaisir que l’on à tou- jours en bonne compagnie, j’ai une ambition : celle de conquérir parmi vous quelques sympathies ; ce serait une grande récom- pense de bien petits services. » Tous les services à rendre sont rendus par nos collègues les membres du bureau et surtout par notre infatigable secré- taire qui prend toute la charge et ne laisse au président que le plaisir. » Mon distingué prédécesseur a trouvé le sien dans le travail. M.ie docteur Bourdin n’a pris une retraite prématurée que pour se donner le temps nécessaire à de savantes études dont la Société d’Emulation a largement bénéficié. Nous devons aussi le remercier de nous avoir amené beaucoup de nouveaux asso- ciés, ce qui nous a prouvé en même temps l'intelligence de ses choix et ses excellentes relations. NOIRS » Je salue, avec un profond respect, mon très honoré succes- seur. M. le Premier Président Gougeon a bien voulu être des nôtres, et il l’a fait avec une grâce qui double le prix que nous attachons à sa présence et à sa collaboration. Nous mesurons l'honneur qu’il nous fait sur ses éminentes qualités plus encore que sur la haute situation qu’il avait, et sur l’estime qu’on lui sarde dans la magistrature française. » Messieurs, puisque nous sommes en un bout de l'an, je termine par un vœu. Dans une autre société, amie de celle-ci et que l’on a eu la bonté de me faire présider, on m’a épargné la seule corvée que je redoutais, celle de faire des panégyri- ques ; personne n’est mort. Je vous demande et vous souhaite la même délicate attention cette année. Je m'efforcerai, en retour, de vous éviter, moi-même, la tâche vraiment difficile de faire mon éloge. » Voici qu’on dissipe mon illusion en m'apprenant que mon vieil ami, M. Courtot, ancien commis-greffier de Cour d’appel, à qui nous rendions avant-hier les derniers devoirs, était mem- bre de la Société d’Emulation. M. Gazier, qui a la liste sous les yeux, nous dit qu’il en était presque le doyen (1866), car il ne laisse qu’un associé résidant plus ancien que lui, M. le comte de Chardonnet, » M. Courtot n’a pas seulement écrit, pendant un demi-siècle, des jugements ou des arrêts pour le Tribunal ou pour la Cour ; il laisse quelques petits travaux sur les apiculteurs, les abeilles et les plantes. Il a même réuni, au prix de longues recherches et de quelques dépenses, près de deux cents ouvrages sur l’apiculture. Cette collection, dont le catalogue est imprimé, va sans £yute être vendue; il serait bien regrettable qu'elle ne revint pas en Franche-Comté ». M. René Bouton, secrétaire de la Commission des fouilles d’Alaise, rend compte des fouilles récentes exécutées sur le Mont-Auxois et du dernier congrès d’Alise-Sainte-Reine, auquel il a assisté en qualité de délégué de la Société. Il énumère les différentes trouvailles faites au cours de ces fouilles et les très intéressants monuments remis au Jour. Non seulement la Société des Sciences historiques de Semur poursuit méthodi- quement l’accomplissement de son programme, aidée par la . munificence du gouvernement, des historiens, des archéologues, mais M. Esperandieu à installé un nouveau chantier sur le flanc du Mont-Auxois et y a fait en 1909 des découvertes fort inté- ressantes, parmi lesquelles il faut citer un temple et une source sacrée. M. Bouton appelle en terminant l’attention de la Société sur Mandeure où des fouilles seraient entreprises avec fruit, si la cupidité de certains habitants permettait aux archéologues de travailler sur ce sol sans frais énormes. Le Secrétaire continue la lecture du remarquable travail de M. E. Longin sur La correspondance de Boyvin. M. Pateu remet à la Société un plan des vestiges du Capitole de Vesontio, découverts lors des récents travaux accomplis sous sa direction en 1909 au n° 10 de la rue Moncey. Le Secrétaire fait connaître qu’une personne qui désire con- server l’anonymai a remis au bureau de la Société une somme de 1000 francs, en souvenir d’un parent qui lui était cher et qui avait toujours été très attaché à la Société d'Emulation du Doubs. La Société charge le bureau d’adresser à cette personne l’ex- pression de sa profonde gratitude. -Sur la proposition de M. Ch. Beauquier, député du Doubs, et membre de la Société, l'Association des Gaudes de Paris a voté une subvention de 100 francs en faveur de la Société d’'Emula- tion du Doubs. Des remerciements sont votés à l’unanimité par les membres présents à M. Beauquier et au Comité des Gaudes de Paris. En échange de ce don, la Société décide d’envoyer 15 exemplaires des Mémoires de 1908 récemment parus, qui seront distribués aux gaudistes parisiens. La Société vote une subvention de 40 francs au Comité qui se propose d'élever un monument à Besançon au peintre Th. Chartran. Sont élus : Membres résidants : M. BARREY, architecte, présenté par MM. Cellard et Clerc. — X — M. BERNARD, ancien pharmacien, présenté par MM. Frédéric Bataille et le docteur Magnin. M. le docteur MonNNIER, chirurgien-dentiste, présenté par MM. Kirchner et le docteur Magnin. M. RAFFOUR, président du Tribunal de Commerce, présenté par MM. le chanoine Rossignot et le docteur Ledoux. Membres correspondants M. Louis DAvip, avocat à Paris, présenté par MM. Beauquier et Georges Gazier. M. Henri GUYE, ancien président du Tribunal de Commerce de la Seine, à Paris, présenté par MM. Beauquier et Georges Gazier. M LiGny, industriel à Paris, présenté par MM. Beauquier et Georges Gazier. Le Président, Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. Georges GAZIER. Séance du 19 février 1910 PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : BUREAU : MM. le chanoine Rossignot, président; Dr Bourdin, vice-président ; (reorges Gazier, secrétaire ; Cellurd, trésorier ; Kirchner et A. Mathieu, archivistes. MEMBRES : MM. le commandant Allard, Barrey, Bernard, E. Clerc, Fauquignon. Girardot, Lambert, D' Em. Ledoux, D: Nargaud, Picot, Pingaud, capitaine Rivet, de Truchis. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le Président de la Société d'Agriculture du Doubs, annonçant que cette So- ciété a voté une subvention de 50 francs pour l'impression de la Table des matières de l’ancienne Société d'Agriculture, sciences et arts du Doubs, table rédigée par M. Kirchner, archi- viste de la Société. Un certain nombre d'exemplaires de cette Table seront mis à la disposition des membres de la Société d'Agriculture. Lecture est donnée d’une lettre du docteur Sollaud, de Vichy, remerciant la Société de l’avoir admis au nombre de ses mem- bres correspondants, et lui adressant un discours prononcé par lui au dîner des Gaudes à Paris, le 10 janvier 1907, ainsi qu'une note sur le suicide en Annam. M. L. Pingaud rend compte du premier volume des Mémoires du général Griois, publiés par son petit neveu, avec une préface de M. Arthur Chuquet. Griois, fils d’un premier secrétaire de P’intendance de Franche-Comté, né à Besançon en 1772, fit toutes ses études dans sa ville natale et y resta jusqu’à son entrée à l’Ecole d'artillerie de Châlons. Dès lors, il fit toute sa carrière dans l’armée et n’eut que peu de rapports avec ses compatriotes, sauf lors d’un court passage à Besançon en 1795. M. Pingaud complète ces Mémoires par des renseignements inédits sur le père de Griois et étudie particulièrement les maîtres et amis cormtois du futur général. -M. le commandant Allard lit une notice sur le travail dans les mines et la vie des ouvriers en Franche-Comté sous la domination espagnole. Citant un règlement, tiré des Ordonnances de Phi- lippe IT, il montre qu'il était déjà question alors de la journée de 8 heures et qu’à cette époque on se préoccupait beaucoup de l'amélioration du sort des ouvriers. Sont élus : Membres résidants : M. Maurice CORNET, avocat à la Cour, présenté par MM. F.. Guignard et Georges Gazier. M. ROUSSET, professeur départemental d'agriculture, présenté par MM. Rouget et Georges Gazier. M. UBEL, directeur des papeteries, présenté par MM. les doc- teurs Ledoux et Bourdin, Là: C1 Press M. Alfred VERNIER, inspecteur divisionnaire de la Compagnie d’'Assurances générales, présenté par MM. le docteur Bourdin et Georges Gazier. Membre correspondant : M. Edm. VUILLAUME, directeur de la Société suisse de banque et dépôts de Lausanne, présenté par MM. Grorichard et le doc- teur Emile Ledoux. Le Président, Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. GEORGES GAZIER. Séance du 20 avril 1910. PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : BUREAU : MM. le chanoine Rossignot, président ; Dr Bourdin, et F. Gougeon, vice-présidents ; (Georges (Gazier, secrétaire décennal ; Cellard, trésorier ; Kirchner et Mathieu, archivistes. MEMBRES : MM. Frédéric Bataille, Bernard, Clerc, Dayet, Delabarre, D' Em. Ledoux, commandant Marre, Michel, Pateu, L. Pingaud. M. le chanoine Rossignot souhaite la bienvenue à M. le Pre- mier Président Gougeon qui assiste pour la première fois à une séance privée de la Société. M. le Président prononce l’éloge funèbre de M. Gaston de Beauséjour, membre de la Société depuis 1897, président de l’Académie des S:iences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, décédé le 9 avril dernier. Il rappeile le récent travail sur « Pesmes et ses seigneurs » que notre regretté confrère avait lu à la séance de décembre dernier, et qui fait suite aux beaux travaux historiques déjà publiés par M. de Beauséjour. nr OCR M. L. Pingaud rend compte du deuxième volume des Mémoires du Général Griois. Cette partie des Mémoires fait connaître la vie de notre compatriote depuis 1812 jusqu'aux environs de l’année 1839, date de sa mort. M. Pingaud étudie le rôle joué par Griois dans les trois dernières campagnes de l’Empire, où il fit vaillamment son devoir, puis le montre dans ses fonctions de directeur d'artillerie à Mézières. Retraité après l'Empire, avec le grade de maréchal de camp honoraire, Griois nous raconte dans ses Souvenirs la joie que lui causa la Révolution de 1830 et nous donne des détails inédits sur ces journées révo- lutionnaires M. Pingaud qui a fait des manuscrits des Mémoires de Griois une étude particulière, communique divers passages de ces Mémoires qui n’ont pas été publiés par l’éditeur et qui permettent de connaître d’une façon plus précise encore et la famille de Griois et le caractère de ce brillant officier de Napo- léon dont le souvenir mérite d’être conservé dans sa ville natale. M. le chanoine Rossignot analyse la brochure de M. A. Huart, membre correspondant de la Société, intituléé : Jacques de Bourbon, roi de Sicile, frère mineur cordelier à Besançon (1370-1438). Il rappelle comment, après une vie fort aventureuse, ce prince, converti à Vevey par Sainte-Colette, se retira à Be- sançon, entra dans l’ordre des Capucins et prit l’habit dans la chapelle des Clarisses de Besançon, où il fut inhumé après sa mort. M. Frédéric Bataille donne communication d’un travail très documenté et original sur la famille des champignons connus sous le nom de Morilles et Helvelles. M. le Président adresse les félicitations de la Société à notre confrère M. Félix Gaiffe, membre correspondant, ancien pro- fesceur au lycée de Besançon, aujourd’hui au lycée de Lyon, qui vient de soutenir brillamment ses thèses de doctorat devant la Faculté des Lettres de Paris. M. Gaiffe a été recu docteur ès-lettres avec la mention très honorable. Dans sa thèse prin- cipale, notre confrère a étudié Le drame au XVITIe siècle. — XIV — SONLrÉlUS Membres correspondants : à M. Edmond CHAPOY, avocat à Bourg-en-Bresse présenté par MM. les docteurs Léon et René Chapoy. M. le docteur HENRIET, conseiller général du Doubs, présenté par MM. Grorichard et D' Ledoux fils. M. le docteur ROBERT, à Arbois, présenté par MM. les docteurs Bourdin et Ledoux père. Le Président, Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. GEORGES GAZIER. Seance du 25 mai 1910. PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : BUREAU : MM. le chanoine Rossignot, président; D' Bourdin et F. Gougeon, vice-présidents; Georges Gazier, secrétaire décen- nal ; Cellard, trésorier ; Kirchner et Mathieu, archivistes. MEMBRES : MM. Bernard, Blondeau, Clerc, G. Coindre, Dauer, Lambert, Leclerc, D' Em. Ledoux, Pateu. M. Georges Blondeau, membre correspondant, procureur de la République à Vesoul, donne lecture d’une communication sur le peintre Jacques Courtois, dit le Bourguignon, et son œuvre artistique. Jacques Courtois, né à Saint-Hippolyte en 1621, mou- rut à Rome, au couvent des Jésuites en 1676. M. Blondeau a dressé la liste de toutes les œuvres de cet artiste qu’il a pu découvrir en Europe et il peut ainsi donner une idée exacte de ce peintre comtois, réputé surtout comme peintre de batailles. Après avoir présenté des gravures et des photographies d’une cinquantaine des plus remarquables œuvres de J. Courtois, M. Blondeau termine par une étude très documentée sur les imitateurs et les émules du Bourguignon. 2 EN Le Secrétaire lit un travail de M. Th. Perrenot, membre corres- pondant, professeur au lycée de Marseille, intitulé : Les noms de lieu en « ans, ange » dans la Franche-Comté considérés comme établissements burgondes. Dans ce mémoire, M. Perrenot étudie successivement tous les noms de lieu de notre province ayant une terminaison en «ans » et «änge », et dont le nombre est si considérable en Comté. Sa conclusion, basée sur de multiples observations philologiques, géographiques ou historiques est que ces villages ont été primitivement des établissements fondés par les Burgondes, à la fin du ve siècle, pour assurer leur domina- tion dans le pays.« Ces établissements, dit M. Perrenot, ont été le rideau derrière lequel ils organisèrent ensuite la défense jus- qu'au jour où ils purent passer à l’occupation foncière du pays ». M. Georges Gazier, conservateur de la Bibliothèque de Besan- çon, fait connaître le don précieux que vient de faire à ce dépôt M. Gaston Coindre. L’éminent artiste, auteur de Mon Vieux Besançon, vient en effet de remettre à la Ville les 400 dessins originaux dont la reproduction illustre l’ouvrage actuellement en cours de publication à l'imprimerie Jacquin. La Société d'Emu- lation félicite notre confrère d’avoir ainsi enrichi de façon si géné- reuse les collections artistiques de la Bibliothèque de Besançon. M. Gaston Coindre fait part d’un vœu exprimé par le journal les Gaudes qui souhaite la formation d’une Société des Amis du Vieux Besançon destinée à empêcher la destruction des monu- ments de caractère historique et des sites pittoresques de notre vieille cité. M. Cellard fait connaître qu’une société de ce genre a déjà été créée jadis à Besançon, mais s’est heurtée à des dif- ficultés pratiques qui ont rendu son action stérile. La Société, estimant qu’il n’est peut-être pas nécessaire de fonder une société nouvelle, pense qu'un groupement de délégués des sociétés savantes et artistiques de la ville pourrait être formé, avec mission de défendre les richesses d’art et les curiosités archéologiques de Besançon. Le Président, Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. GEORGES GAZIER. NN Séance du 22 juin 1910. PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : BUREAU : MM. le chanoine Rossignot, président ; D' Bourdin, vice-président ; Georges Gazier, secrétaire décennal,; René Bou- ton, vice-secrétaire ; Kirchner et Mathieu, archivistes. MEMBRES : MM. Bernard, Edmond Chapoy, E. Clerc, Gaston Coindre, E. Droz, D' Em. Ledoux, H. Michel, Mourgeon, Pateu, Picot, Pidoux, Thuriet, L. Vernier. M. E. Droz communique 34 lettres inédites de P.-J. Proudhon qu’il a découvertes au cours de ses recherches sur le célèbre sociologue bisontin. La plus grande partie de ces lettres a été adressée de 1856 à 1864 à Gustave Chaudey, et M. Droz en doit la communication à Madame Georges Chaudey. M. Droz y a joint une lettre adressée par Courbet à Madame Proudhon après la mort de son mari et qui montre l’affection profonde que le pein- tre avait gardée pour celui qui avait salué en lui un rénovateur de l’art. Toute cette correspondance fournit des renseignements utiles pour la biographie de Proudhon et complète ce que l’on sait déjà de son caractère, de son talent et de ses habitudes. M. Droz a en outre en communication des originaux de diverses lettres adressées par Proudhon au poète Charles Viancin, à Guillemin, secrétaire de la Banque du peuple, aux époux Plumey, à Félix Brelin et il en donne pour la première fois le texte exact et complet. M. René Bouton, secrétaire de la Commission des fouilles d’Alaise, rend compte de l’excursion archéologique faite le [7 juin par les membres de la Commission. Ceux-ci ont visité le Pré de l’Oye, la Lanquetine et le plateau de Chataillon et se sont rencontrés avec M. J. Feuvrier, conservateur du Musée de Dole, qui avait bien voulu, dès la veille, se transporter à Alaise pour dresser le plan des ruines de Chataillon. A la suite de sa — XVII — visite, la Commission a décidé de continuer les fouilles à Cha- taillon et de faire également de nouvelles recherches aux abords de Myon, sitôt les récoltes abattues. M. Pidoux, membre correspondant, fait connaître qu'il a décou- vert sur le lutrin de l’église de Dole une signature d’après laquelle ce beau meuble d'église serait l’œuvre de Nicole, archi- tecte de la Madeleine de Besançon. M. Gazier confirme l’exac- titudé de ce fait en signalant un beau dessin à l’aquarelle de ce lutrin, dessin conservé à la Bibliothèque de Besançon et exécuté par Nicole lui-même. | La Société, suivant en cela l'exemple déjà donné par d’autres sociétés savantes, décide que les dames seront désormais admises à faire partie de la Société d’Emulation du Doubs. Celle-ci sera très heureuse d'accueillir celles d’entre elles qui s'intéressent à la Franche-Comté et à son histoire. Comme les autres membres de la Société, elles pourront assister aux séan- ces, y faire des communications et participer à tous les travaux de l'Emulation. : M. Cellard, trésorier, présente un aperçu de la situation finan- cière de la Société et demande la nomination d’une commission qui Sera chargée d'étudier et de proposer à une prochaine séance les économies qu'il sera possible de réaliser afin d’as- surer l’équilibre du budget. La Société décide que cette commission sera formée du bureau auquel seront adjoints MM. le docteur Ledoux, H. Mairot et NThuriet: _Le Président, Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. GEORGES GAZIER. 8 — XVII — Séance du 23 novembre 1910. PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : BUREAU : MM. le chanoine Rossignot, président; Dr Bourdin et F. Gougeon, vice-présidents ; Georges Gazier, secrétaire décennal ; Cellard, trésorier, Kirchner et Mathieu, archivistrs. MEMBRES : MM. le commandant Allard, Berdellé, Bernard, Ch. Bonnet, E. Clerc, Gaston Coindre, Dayet, D' Girardot, Mairot, Montenoise, Nardin, D' Nargaud, Picot, Pingaud, Thu- riet, L. Vernier. M. le chanoine Rossignot rappelle la perte que vient de faire la Société dans la personne de M. le docteur Marc Dufour, de Lausanne, membre honoraire de la Société. M. le docteur Girar- dot accepte de rédiger une notice sur le savant oculiste si connu et apprécié à Besançon. M. Georges Gazier lit une notice sur un autre membre hono- raire, M. Léopold Delisle, ancien administrateur de la Biblio- thèque Nationale, membre de l’Institut, grand officier de la Légion d'honneur, décédé à Chantilly le 22 juillet 1910. Parmi les innombrables travaux du grand érudit, M. Gazier signale deux remarquables études sur les manuscrits les plus importants de la Bibliothèque de Besançon ; il rappelle en outre les liens d’a- mitié et de vive estime qui unissaient Castan et Delisle. Le Secrétaire donne lecture d’une communication envoyée de la Guinée française par M. le lieutenant-colonel Almand, directeur du génie. Dans ce travail intitulé : De Konakry à Kouroussa, le colonel Almand raconte l'inauguration au mois de septembre dernier du premier chemin de fer unissant la côte de l’Atlantique au Niger. Ce chemin de fer est appelé à contri- buer dans une grande mesure au développement économique de nos établissements de l’Afrique occidentalé. En. à CS M. M. Thuriet, avocat général près la Cour d’appel, lit une _étude sur un artiste oublié, le peintre J.-P. Péquignot, dont un paysage « Environs de Naples », figure au Musée de Besançon. Péquignot est né à Baume-les-Dames le 12 mai 1765 : il fit ses premières études artistiques à l'Ecole des Beaux-Arts de Be- Sançon puis devint successivement l'élève de Joseph Vernet et de David. Il se rendit ensuite à Rome où il se lia d'amitié avec Girodet, alors pensionnaire de l’Académie de France. En jan- vier 1793, les deux amis faillirent être victimes d’un soulève- ment populaire, spécialement dirigé contre les Français, et dans lequel notre consul trouva la mort. [Ils se réfugièrent à Naples où Péquignot se fixa. Atteint de misanthropie, il mourut misé- rablement en 1807 à l’âge de 42 ans. Girodet éprouvait la plus vive admiration pour les œuvres de Péquignot; dans son poème le Peintre, il le compare à Claude Lorrain et au Poussin, le qua- litie d’artiste de génie et lui prédit une célébrité posthume. Certains critiques Coupin, Dussieux s'accordent à louer son goût et son originalité et à signaler dans ses paysages la poésie du dessin, la beauté des lignes, la délicatesse de l’exécution. Les œuvres de Péquignot sont dispersées et pour la plupart introuvables. Outre le tableau de notre Musée, M Thuriet donne les titres et la description de cinq autres toiles, dont trois ont été reproduites par la gravure. M. Kirchner communique quelques documents réunis par M. Marcel Barbier, commis des postes, sur les divers objets préhistoriques découverts lors des fouilles de 1858 et 1859 sur le territoire de la commune de Refranche, et sur le château de ce village qui appartenait au début du xvrre siècle à la famille d’Eternoz. M. Cellard, trésorier, fait connaître les conclusions présentées par la Commission des Economies nommée à la précédente séance, afin d'assurer l'équilibre du budget. La Commission a estimé qu’il convenait à l’avenir de régler dans l’année cou- rante tous les frais d'impression des Mémoires de l’année pré- céderte. Pour arriver dès maintenant à ce résultat, elle propose d’affecter à ce règlement de comptes et les sommes actuellement déposées à la Caisse d'Epargne et le don récemment fait à la Société par un anonyme. AR Anne D'autre part, afin de diminuer à l'avenir les frais d'impression du volume, elle propose : 10 De fixer chaque année un prix maximum pour l'impression des Mémoires déterminé d’après la situation budgétaire de la Société. 20 De suspendre provisoirement l'attribution de tirages à part aux auteurs des travaux publiés. 930 De laisser à l’avenir aux auteurs qui désireraient joindre des planches, gravures ou dessins à leurs mémoires, les frais de ces illustrations, à moias d’un vote spécial de la Société. 49 De mettre à la charge des auteurs les frais supplémentaires nécessités par des corrections qui nécessiteraient un remanie- ment de la mise en pages, ainsi que les surcharges. ; La Société adopte ces diverses propositions faites par la Commission, tout en exprimant l’espoir que langmentation de ses ressources permette dans un avenir prochain d’'abroger certaines de ces mesures. Elle décide que la Commission des Mémoires sera constituée pour l’année 1911 du bureau, auxquels seront adjoints MM. Pin- gaud, M. Thuriet et D' Bourdin. La Société fixe au jeudi 15 décembre la date de sa séance publique dont elle règle le programme. Sont élus : Membres résidants : M. le chanoine DE VREGILLE, présenté par le chanoine Ros- signot et le Dr Roland. M. Maurice GRILLIER, avoué près la Cour d'appel, présenté par MM. le docteur Em. Ledoux et Georges Gazier. M. le docteur CHAVELET, présenté par MM. les docteurs Ledoux et Bourdin. M. le lieutenant MALNOURY, du 60° de ligne, pÉGoenIe par MM. le docteur Roland et Georges Gazier. Membres correspondants : M. H. Duvar, botaaiste à Lyon, présenté par M. le docteur Magnin. A NT ee M. E. SANDOZ, avocat près la Cour d'appel de Paris, présenté par MM. le docteur Bourdin et Georges Gazier. M. DumMonT, à Bressoux-Liège (Belgique), présenté par MM. Kirchner et Georges Gazier. Le: Président, Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. GEORGES GAZIER. Séance du 1% décembre 1910. PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : BUREAU : MM. le chanoine Rossignot, président; D' Bourdin et F. Gougeon, vice-présidents ; Georges Gazier, secrétaire décennal ; À. Bouton, secrétaire-adijoint ; GCellard, trésorier ; Kirchner et Mathieu, archivistes. MEMBRES : MM. Bernard, Bonnet, Gaston Coindre, Dayet, M. Grillier, Lambert, Leclerc, D' Em Ledoux, lieutenant Mal- noury. I. Michel, D' Monnier, Mourgeon, D' Nargaud, Pateu, Picot, Pidancet, L Pingaud, capitne Rivet, D' Roland, L. Vernier. M. le chanoine Rossignot dit toute la perte que la Société vient d’éprouver par la mort de M. Fauquigron, trésorier hono- raire, décédé à Besançon le 6 décembre dernier. M. Rossignot rappelle avec quel zèle et quel dévouement notre regretté con- frère avait géré les finances de la Société de 1894 à 1909. M. Cellard, notre trésorier, a d’ailleurs fort bien exprimé aux obsèques de M. Fauquignon toute la part que prenait la Société d'Emulation au deuil de sa famille et son discours sera inséré dans nos Mémoires. M. le Président adresse ses félicitations les plus vives à notre confrère M. le docteur Magnin qui vient d’être promu chevalier de la Légion d'honneur. NN M. le docteur Roland lit une étude sur Lafréri, graveur et marchand d’estampes comtois du XVIe siècle. Né à Orgelet en 1512, Lafréri quitta de très bonne heure la Franche-Comté pour aller s'établir à Rome. En 1555, il s’associa au graveur Salamanca pour limpression et le commerce des estampes ; à la mort de celui-ei, 11 se trouva à la tête du fonds de librairie d’art le plus important et le plus achalandé de Rome. Lafréri est le premier. éditeur qui ait eu l’idée de publier un index-catalogue des œu- vres éditées et vendues par lui (vers 1572). On lui doit également le premier atlas qui ne se contente pas de reproduire les cartes de Ptolémée ; dans cet atlas se trouve la première carte connue de la Franche-Comté, publiée en 1562 avec celle de la Bour- gogne. Lafréri a encore édité un recueil, le « Speculum romanæ magnitudinis », grâce auquel nous ont été conservées les repro- ductions des ruines antiques subsistant à Rome à l’époque de Sixte Quint, avant queles travaux d’édilité entrepris par ce pape les aient fait disparaître. Lafréri mourut à Rome en 1582 et il fut inhumé à Saint-Louis des Français ; il fut remplacé à la tête de sa maison de commerce par son neveu Claude Duchet. En terminant son travail, M. le D° Roland remercie le P. Ehrlé, le savant bibliothécaire du Vatican, qui lui a communiqué de nombreux et précieux renseignements inédits sur Lafréri. M. H. Michel, conservateur du Musée archéologique, signale sur le petit plateau qui surplombe le village de Grammont (Haute-Saône) des restes d'anciens fossés qui lui donnent lieu de penser qu'il y avait jadis là un oppidum important, ou tout au moins un refuge analogue à celui du Chataillon d’Alaise. Les habitants du pays disent qu’on a retrouvé autrefois dans ces fossés des haches de pierres et d’autres antiquités. La Société, remerciant M. Michel de sa communication, lui demande de continuer ses recherches pour voir s'il y aurait lieu d'entreprendre des fouilles sur ce plateau appelé dans le pays la Motte de Grammont. M. Georges Gazier fait connaître un article de M. J. G. Pro- dhomme, l’éminent critique musical, publié dans la Revue musicale de septembre 1910 (p. 402), intitulé : Une famille d'ar- histes, les Gounod. M. J. G. Prodhomme croit avoir retrouvé les re: AU À Enr ancêtres de Gounod dans une famille d’orfèvres bisontins qui vivait dans notre ville au xvrIe siècle. L’arrière grand-père de Gounod, Antoine Gounod, était en 1730 fourbisseur du roi et logé au Louvre. A la suite de recherches faites dans les regis- tres de l’Etat-civil de Besançon par M. F. Vouillot, chef de ce bureau, M. Prodhomme ne serait pas éloigné de reconnaitre en cet Antoine Gounod, fourbisseur du roi, Antoine-François Gou- nod, fils d’orfèvre, né à Besançon le 1er juillet 1674, qui semble avoir quitté notre ville de très bonne heure, car on ne retrouve plus sa trace dans l’état-civil. Sur la demande de M. Cellard, trésorier, la Société décide que son budget sera désormais voté à la séance de janvier : ainsi on aura un compte exact de l'exercice écoulé. Procédant à l'élection de son bureau pour l’année 1911, 1a Société nomme : Président annuel: M. Francis GOUGEON, Premier Président honoraire près la Gour d'appel de Besançon. Premier vice-président : M. le chanoine ROSSIGNOT, président sortant. Deuxième vice-président : M. PIDANCET, avocat près la Cour d'appel de Besançon. Trésorier : M. CELLARD, architecte. Archivistes : MM. KiRCHNER et Alb. MATHIEU. Le Président, . Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. GEORGES GAZIER. Séance publique du 15 décembre 1910. PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE ROSSIGNOT Sont présents : Bureau : M. le chanoine ROSSIGNOT, président, ayant à sa droite Msr GAUTHEY, archevêque de Besançon ; MM. F. GOUGEON, NN premier président honoraire ; L. PINGAUD, professeur de l’Uni- versité de Besançon ; Dr BOURDIN ; Frédéric BATAILLE et René BOUTON ; — à sa gauche MM. PrcoT, président de l’Académie de Besançon ; FORIEN, président de la Société des Beaux-Arts; DE TRUCHIS, secrétaire perpétuel de l’Académie de Besançon; Georges GAZIER, secrétaire décennal. Dans la salle remplie par une assistance nombreuse et bril- lante : MM. BERNARD, CELLARD, DAYET, DODIVERS, KIRCHNER, LAMBERT, LECLERC, Dr Em. LEDOUX, MAIROT, H. MICHEL, MouRr- GEON, ORDINAIRE, PICOT, PIDANCET, J. RÉMOND, membres de la Société ; Jules SorrourT, président de la Société photographique du Doubs, | La séance; ouverte à deux heures, est close après lecture des études suivantes : 1o La Société d'Emulation du Doubs en 1910, par M. le cha- noine ROSSIGNOT, président annuel. 20 Le Couteau, poésie de M. Frédéric BATAILLE, membre rési- dant. 30 Charles Nodier et les Bisontins, par M. L. PINGAUD, membre honoraire. 40 Vesontio ; Matinée de juin, sonnets par M. A. KIRCHNER, membre honoraire. 5° Les Dernières Promenades de Charles Grandmougin, par M. Georges GAZIER, secrétaire décennal. 60 En wagon (Souvenir d’un voyage à Angers), par M. Charles GRANDMOUGIN, membre honoraire. 70 La Fête du Gui; Illumination ; L’Alchimiste ; Le Faucon ; Minuit : L’Impuissance, Sonnets par M. Alb. MATHIEU, membre résidant. 8° De Konakry à Kouroussa. — Le premier train allant de la côte au Niger, par M. le lieutenant-colonel ALMAND, membre correspondant (avec projections). ; Le Président, Le Secrétaire, Chanoine ROSSIGNOT. Georges GAZIER ras. ©. ere NOTICE SUR M. LÉOPOLD DELISLE MEMBRE HONORAIRE PAR M. GEORGES GAZIER CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE BESANCON Léopold Delisle était le doyen des membres honoraires de notre Société, à laquelle il appartenait depuis 1881, et, ne serait- ce qu’à ce titre, nous ne pouvons le laisser disparaître sans rendre un dernier témoignage à sa mémoire. Il est toutefois inutile de répéter ici ce que des voix plus autorisées ont dit, au lendemain de sa mort survenue au château de Chantilly, le 29 juillet 1910, sur la vie et l’œuvre de ce maître incontesté de l’érudition contemporaine. Tous les corps savants, toutes les revues historiques de France et de l’étranger ont consacré de longs articles nécrologiques à Léopold Delisle et ont dit la perte irréparable que fait avec lui la science française. Contentons- nous donc de rappeler les principales étapes de sa carrière et les motifs particuliers que nous pouvons avoir pour conserver son souvenir dans notre province. Né à Valognes (Manche) le 24 octobre 1826, Delisle entra à Ecole des Chartes en 1845 et en sortit en 1849 pour débuter comme simple employé à la Bibliothèque Nationale. Il devait oravir l’un après l’autre tous les échelons de la hiérarchie dans cet établissement, dont il devint l'administrateur général en 1874. Delisle conserva ce poste d'honneur jusqu'en 1905, époque à laqueile il fut mis à la retraite, au grand mécontente- ment de ses admirateurs, qui trouvaient prématuré d'inviter au repos un homme de 79 ans, tant celui-ci avait conservé jus- qu'alors intacte toute sa vigueur intellectuelle. Celle-ci ne devait d’ailleurs lui faire défaut à aucun moment : deux jours avant sa mort, il adressait encore à la Bibliothèque de l’Ecole des Chartes = XVI une savante notice sur un manuscrit conservé à l’Arsenal. L. Delisle avait été élu membre de l’Institut en 1857, à l’âge de 31 ans : après sa mise à la retraite, ses confrères de l’Académie lui offrirent la direction de la Bibliothèque de Chantilly, et il consacra à ce riche établissement scientifique les cinq der- nières années de sa vie. Il avait été promu en 1907 grand officier de la Légion d'honneur. L'œuvre de L. Delisle est considérable : sa bibliographie comprend près de 2,000 numéros. Ses principaux ouvrages, résultat d’un labeur considérable, et qui sont considérés comme de véritables modèles de critique historique, sont ses Etudes sur la condition de la classe agricole en Normandie au Moyen- Age, qui lui valurent par deux fois le grand prix Gobert et son Gatalogue des Actes de Philippe-Auguste. Léopold Delisle a toujours entretenu d'excellentes relations avec notre grand érudit bisontin, Auguste Castan, son confrère de l’Ecole des Chartes, pour qui il avait la plus vive estime. Aussi a-t-il tenu à lui rendre hommage après sa mort en pré- sentant lui-même au public le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Besançon que celui-ci avait rédigé en grande partie. Puis, en 1897, il publia dans le Journal des Savants (pp. 528-541) un article destiné à faire connaître les plus curieux manuscrits de notre riche Bibliothèque municipale. Esprit curieux et vraiment universel, doué en outre dune prodigieuse mémoire, L. Delisle s’intéressait à toutes les socié- tés savantes adonnées à l’étude de l’histoire, à tous les travaux d’érudition publiés par celles-ci. Nous savons de source certaine que chaque fois qu’il recevait nos Mémoires, il les étudiait avec un grand soin et savait à l’occasion entretenir tel ou tel d’entre nous d’un travail qui avait attiré son attention. Sous des dehors un peu rudes, Delisle cachait une bonté et une bienveillance dont ses collègues et ses jeunes confrères de l’Ecole des Chartes ont bien souvent ressenti les effets. Un seul trait, qui intéresse notre Société, peut servir à témoigner de la délicatesse scrupuleuse de ses sentiments. Il y a quelques années on avait omis par erreur de lui adresser un exemplaire de nos Mémoires. Il nous le réclama, ajoutant que ce n'était pas pour lui-même, car il avait pour principe absolu de ne con- NAN IL server aucun des livres qu'on lui envoyait même à titre person- nel. Il estimait en effet — comme d’ailleurs son ami notre regretté compatriote Bouchot — que l’homme doit s’effacer en toutes circonstances derrière le bibliothécaire Nos Mémoires. il les remit constamment à la Bibliothèque Nationale, et, après sa retraite, à la Bibliothèque de Chantilly. Et ce « grand bibliothé- caire », pour employer l’expression de l’Académie de Berlin, lors de son cinquantenaire académique de 1907, n’a pas laissé de biblicthèque personnelle. | Nul mieux que Léopold Delisle n’a continué au xixe siècle la tradition des illustres bénédictins et des grands érudits des siècles passés. ns NON NOTICE SUR M. CH. FAUQUIGNON Par M. Camille CELLARD TRÉSORIER DE LA SOCIÉTÉ M. Ch. FAUQUIGNON, trésorier honoraire de la Société d’'Emulation du Doubs, receveur principal des Postes en retraite, est décédé à Besancon le 6 décembre 1910 ; à ses obsèques qui ont eu lieu le 8 décembre, en l’église des Cha- prais, M. C. Cellard, trésorier de la Société d'Emulation du Doubs, à prononcé l'allocution suivante : MESDAMES, MESSIEURS, Cest au nom de la Société d’'Emulation du Doubs, que je m’in- cline, en ce moment suprême, sur le cercueil de Ch. Fauquignon, lui adressant un adieu d'autant plus triste qu'il est le dernier. Celui qui disparait, rayé brusquement de nos contrôles, par cette impitoyable main de la mort que rien ne peut arrêter et qui frappe dans tous nos rangs sans jamais se lasser, était un des membres les plus anciens de notre Société, dans laquelle il était entré en 1885. À cette époque il appartenait encore à l'administration des Postes et Télégraphes, dans laquelle il s’était tracé une si brillante carrière. En 1893, en remplacement de M. Arnal, nous l’appellions aux fonctions de trésorier, fonctions qu'il a conservées je pourrais presque dire Jusqu'à sa mort, puisque ce n’est qu’à la fin de l'an dernier qu'il donna sa démission. ” À cette époque, et de sa propre initiative, il venait me trouver, me demandant de bien vouloir prendre sa succession. Je ne SUpposais pas alors, que la démarche de celui qui m’apportait ce précieux gage d'estime et de confiance, était le prélude d’une séparation si prochaine. A XIXE En effet, d’une constitution robuste, il avait encore à Ce mo- ment où je me reporte, cet entrain et cette chaleur d’imagina- tion toujours vive, qui faisait de lui l’aimable causeur que vous avez tous connu, et nous étions en droit d'espérer que pour longtemps encore, sa précieuse collaboration nous était assurée. Ces prévisions, hélas. ne se sont pas réalisées. Pendant cette longue période de vingt-cinq années que Fau- quignon passa parmi nous, il ne cessa de s'intéresser à nos travaux dont la variété était pour lui un charme de plus. Assis- tant régulièrement à nos séances, il prenait une part active à toutes nos délibérations, apportant chaque fois, un avis judi- cieux dans toutes les questions qui devaient faire l’objet d’une étude plus sérieuse. Dans la marche en avant d’une société savante, Messieurs, tout membre la composant doit prendre rang en quelque sorte, suivant ses aptitudes. C'est ainsi que chacun, apportant à la masse la somme de travail, d'efforts, dont il est capable on voit naître et grandir ces groupements intellectuels dont l’action et l’influence bienfaisantes rayonnent sur ceux-là même qui y restent étrangers. Fauquignon ne fut pas de ceux d’entre nous dont vous avez si souvent admiré les recherches scientifiques, littéraires, archéologiques, de ceux, dont vous avez encouragé les travaux par de chaleureux applaudissements dans nos séances publi- ques. Non. Sa mission fut plus discrète, mais elle fut aussi plus ardue. Pendant seize années consécutives, il présida aux destinées financières de la Société d’Emulation du Doubs, avec un tact _ digne de tous les éloges. Il fut tour à tour prodigue ou économe suivant le cas, prudent toujours. Sa démission fut accueillie à regret; aussi pour lui témoigner le prix que nous attachions aux services qu'il nous avait rendus, et dans un généreux élan de gratitude, nous lui décernions spontanément le titre de tré- sorier honoraire. Pour tout observateur, Messieurs, la vie de Fauquignon res- tera un exemple. Elle sera un stimulant peut-être, pour ceux qui, arrivés comme lui à l’époque de la retraite, se consacrent à l’oisiveté sous le couvert d’un repos bien mérité à prendre. io = Retraité à son tour, il comprit qu'il pouvait encore ne pas être inutile, et, partout où il passé, il a laissé une trace ou d’au- tres après lui trouveront, s'ils en ont besoin, une voie largement ouverte. Que ce soit à l’Emulation du Doubs, ou à l'Association des Anciens Elèves du Lycée, nous retrouverons son passage et trouverons aussi empreinte de son activité. Dans cette der- nière Société comme dans la nôtre, il était trésorier, tant sa compétence indiscutable semblait lui avoir créé une spécialité de l'emploi. Si dans l’administration des Postes, aussi bien que dans les différentes sociétés où il était entré, Fauquignon avait fait œu- vre utile, il était de toute justice que le Gouvernement français vint un jour à son tour récompenser tant de mérite, et succes- sivement Ch. Fauquignon fut nommé officier d'Académie le 30 juillet 1896, puis officier de l’Instruction publique le 3 jan- vier 1904, et enfin, le 22 mai 1905, sur la proposition du Ministre des Affaires étrangères, officier du Nichan Iftikhar. L’honneur que l’on attachait ainsi à son nom a laissé à notre collaborateur la satisfaction de ne pas avoir été oublié, mais au dessus de toutes ces distinctions, quelqu’honorables qu’elles aient été pour lui, plane quelque chose de plus grand encore, c’est l’estime de ses concitoyens, que celui qui vient de dispa- raître a su garder jusqu’à son entrée dans l’éternité, et le sou- venir impérissable d'un homme de bien qu’il laisse après lui. C’est sur cette pensée que je termine, Messieurs, avec l’espoir qu’elle sera pour ceux qui restent, une consolation de tous les instants : J'adresse à Madame Fauquignon l’expression de nos respec- tueuses condoléances. Puisse-t-elle bientôt, en élevant son regard à travers son voile de deuil, trouver ce rayon d’espé- rance qui à lui seul sèche les larmes. J'adresse aussi à ses enfants et à sa famille entière, lexpres- sion de toute notre sympathie. De la part des membres de la Société d’Emulation du Doubs, je vous dis adieu, mon cher Fauquignon et dépose au pied de votre cercueil le souvenir affectueux des absents. PAS . 4 {51 MAR25 } LA SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1910 Discours d'ouverture de la séance publique du jeudi 15 décembre Par M. le Chanoine ROSSIGNOT PRÉSIDENT ANNUEL MESDAMES, MESSIEURS, La tâche du président de la Société d’Emulation, chargé de rappeler les travaux de l’année, est sûrement agréable : je m'aperçois qu’elle ne va pas sans difficulté. Le sujet est d'avance et heureusement choisi, mais comment résumer en quelques pages toutes les lectures que nous avons enten- dues et conserver l'intérêt de chacune d’elles ? Pour ne pas tromper votre attente, j'emprunterai à mes confrères quel- ques-unes de leurs pensées et souvent même leurs expres- sions : C’est mon seul moyen de reconnaître les sympathies et les encouragements que nous apporte, chaque année, l’assistance nombreuse et distinguée qui veut bien s’inté- resser à nos études. J’en exprime, au nom de tous les asso- ciés, notre vive et respectueuse gratitude. Je commence mon excursion, dans le domaine qui m'est assigné, par le point le plus éloigné. M. le lieutenant-colonel Almand nous envoie de la côte occidentale d'Afrique le récit très détaillé d’un premier voyage en chemin de fer de Konakry à Kouroussa, c’est-à- dire de l’Océan à la vallée du Niger. Sur une longueur de À Hit rte six cents kilomètres, il décrit la nature des terrains, les rivières avec leurs cascades, les forêts, les plantes, toutes les productions du sol, les habitudes des indigènes et celles des ouvriers étrangers momentanérment fixés parmi eux. Dans l'avenir, il prévoit le commerce, jusqu’à présent impossible, s'étendant vers le centre du continent noir, des villes s’élevant dans le voisinage des gares, puis sur les cours d’eau, enfin sur les routes. Si nous pouvions coloniser, on verrait naitre, dans ces immenses et fertiles solitudes, une nouvelle France. Ce ne serait pas sous les neiges, comme au Canada, mais sous le soleil des tropiques, souvent tempéré par la hauteur des plateaux. M. Th, Perrenot, professeur au lycée de Marseille, porte aussi notre attention très {oin, mais c’est vers des temps reculés, à la fin du v® siècle. Il fait assister ses lecteurs à la conquête de notre pays par les Burgondes (1), ensuite d'un plan savamment conçu pour rejeter les Alamans, par Man- deure et Belfort, dans les plaines de l'Alsace. Ceci est pour les habiles en l’art de la guerre; les profanes sont plus inté- ressés par l’origine donnée aux noms de nos villages. Suivant l’auteur, les dénominations en ange et en ans remontent à la période de la conquête et marquent les lieux que l’on a dû attaquer ou défendre ; ils sont dans la trouée de Belfort, dans les vallées du Doubs, de lOgnon, de leurs affluents, et sur les grandes voies de communication. Par contre, les noins en court et en villers indiquent les lieux cultivés après la paisible possession du sol. [ls sont dans les plaines qui s'étendent des bords de la Saône aux pieds des Vosges et dans le coude du Doubs, vers Audincourt, où le pays, plus accidenté, est moins ouvert aux invasions. Cette géographie savante intéresse tout le monde ; elle est pour plusieurs une révélation. | (1) Son ouvrage à pour titre : La repartition des établissements bur- ygondes en Franche-Comté.i l eo — } — J'ai dû analyser moi-même, pour notre Compagnie, l'ou- vrage d’un érudit comtois, M. Huard, ancien avocat géné- ral: la Vie de Jacques de Bourbon (1370-1438). Dans un récit qui a tout l'intérêt d’un roman et la vérité de l’his- toire, l’auteur nous montre son héros courant les plus folles aventures dans les hasards de la guerre et dans les plaisirs de la haute société du moyen-âge. On le suit ainsi en Bulga- rie, à Nicopolis, à la Cour de Charles VI, sur les côtes d'An- gleterre, en Espagne. Quand il séjourne en Francé, c’est pour se Jeter entre les Bourguignons et les Armagnacs, et même dans les Grandes Compagnies. Entre temps, il est marié deux fois et monte, avec sa seconde femme, sur le trône de Naples. Tour à tour persécuté et persécuteur, il échappe à tous les dangers ; puis, pour expier les écarts de sa vie, il vient l'achever en notre rue Saint-Vincent, sous le froc d’un capucin. Chemin faisant, M. Huard écrit l’histoire des lieux, des personnes et des choses qu'il rencontre sur la route de Jacques de Bourbon. À une époque un peu plus rapprochée, dans les Elats de Franche-Comté, des ordonnances signées par le roi d’Espa- gne Philippe IT ont attiré l'attention de M. le commandant Allard. Notre xxe® siècle pourrait les envier. Elles concer- nent les ouvriers des mines. Ceux-ci ne doivent pas travailler plus de huit heures par jour, à deux entrées de chacune quatre heures; que si l'ouvrage requiert uccélération, ils seront divisés en trois équipes ne travaillant que six heures. Le paiement se fera selon convention ou selon l’ouvrage : en régie ou aux pièces, comme on dit aujourd'hui, Aux jours fériés, qui étaient nombreux, le salaire ne chômait pas et on ne travaillait qu'à l’entretien des galeries. La question des habitations à bon marché semble elle-même résolue, car, moyennant un sol de cense par an, les ouvriers pouvaient choisir chazal pour faire maison et jardin sur les commu- naux. La contrainte par corps était interdite contre eux, EL es hormis le cas de crime, et les marchés n'étaient ouverts que pour leurs familles avant l’heure du travan. Il est encore question de taxes sur les riches, pour la nourriture des disetteux en temps de chierté des vivres ; puis, pour les tra- vaux publics, d'impôts levés non pur feux, mais suivant les moyens de chacun, le fort portant le faible (1). C’est presque l’aumône obligatoire et l'impôt progressif. M. Allard fait honneur de cette législation au Parlement de Dole qui l’a rédigée, autant qu’au roi qui l’a signée. A notre dernière réunion de l’an passé, notre savant col- lègue qui, depuis sa sortie d’une grande Ecole, a beaucoup appris et n’a rien oublié, nous a entretenus de la conquête de Pair. [Il nous a dit les progrès jusque là réalisés dans l’art - nouveau de l’aviation. Un long chemin a été depuis par- couru. le travail de M. Allard restera pour en marquer les premières étapes. | M. L. Pingaud, professeur d'histoire moderne à l’Univer- sité de Besançon, nous a rendu compte de deux volumes et de manuscrits qui sont les mémoires du général Griois. Son résumé est toute la biographie de son héros. Fils d’un premier secrétaire de l’Intendance, Griois est né à Besançon en 1772 et a fait ici toutes ses études. Entré dans l’armée en passant par l’école d'artillerie de Châlons, il n’a reparu dans nos murs qu’en 1795, puis il a fait vaillam- ment son devoir dans les dernières campagnes de Empire, A ce titre, le souvenir de ce brillant officier mérite d’être conservé dans sa ville natale. M. Pingaud a trouvé, dans des notes inédites, des rensei- gnements inconnus sur la famille, les maitres et les amis comtois du général, ainsi que sur les journées révolution- . naires de 1830. Griois est mort en 1839, Avec M. G Blondeau, procureur de là République à Vesoul, nous changeons de milieu et passons aux arts. (1) Edit signé par l’archiduc Albert en 1618. ARR uE En artiste et en connaisseur, il nous parle d’un peintre franc-comtois trop ignoré : Jacques Courtois, dit le Bourgui- gnon. Deux de ses petits tableaux ont été donnés à la Ville par Jean Gigoux. Dans la famille Courtois, à Saint-Hippolyte, au commencement du xvu° siècle, on était peintre de père en fils. Jacques avait hérité de ce talent et, en le cultivant à la suite des armées, il a gagné son titre de peintre des batailles. Vers 1651, ayant perdu sa femine, il vécut isolé à Bergame, puis entra chez les Jésuites où il quitta son genre favori pour peindre des tableaux religieux. [l y est mort en 1676. Plus heureux que la plupart de ses contemporains que la Renaissance a fait oublier, il eut des imitateurs, des envieux, des admirateurs jusqu’au xix° siècle qui lui donna des détracteurs. Ceux-ci, d’après M. Bilondeau, qui a lu toutes leurs critiques, auraient souvent confondu les œuvres du maitre et celles de ses copistes. Des travaux sont entrepris qui feront connaître les plagiaires et restitueront au peintre comtois toute sa renommée, Un autre peintre, avec la même ambition, à eu des desti- nées bien différentes : J.-P. Péquignot, né à Baume-les- Dames en 1765, n’a pas acquis la renommée que ses amis prédisaient à son talent et même à son génie. 11 faut savoir gré à M. M. Thuriet, avocat général à la Cour de Besançon, d’avoir exhumé sa mémoire. Après une description bien étudiée d'un tableau de cet artiste que possède notre Musée, il a rappelé la naissance modeste de Péquignot ; ses débuts difficiles, à Paris, dans atelier de Joseph Vernet ; son départ pour Rome, où toute ressource lui manque ; les dangers qu’il court à l’époque de la Révolution française. son inaltérable amitié pour le peintre - Girodet ; enfin, sa mort misérable, à Naples, en 1807. Sans être à la hauteur où le plaçaient ses contemporains, il ne méritait pas l’oubli où il est tombé, même en son pays. rte M. F. Bataille nous a conduits sur un terrain plus connu et où, sans les risques de la guerre, on court parfois le risque de ja vie. [| nous à parlé des champignons, des morilles et des helvelles, leurs sœurs. Il a fait œuvre utile aux curieux et aux gourmets. Les premiers y trouveront des connaissances très spé- ciales ou au moins la science trop peu connue de ne pas s’empoisonner ; les seconds, le secret d’accommoder un mets délicat avec tous les raffinements de l’art culinaire. La description, la nomenclature et la classification de ces pré- cieux végétaux intéressent les spécialistes. Si la faim est mauvaise, la gourmandise est bonne con- seillère, car, si on en juge par les recettes que donne notre collègue, dans le bon vieux temps, les amateurs de bonne chère n'étaient pas moins experts que de nos jours. J'arrive à une dernière communication touchant un personnage sur lequel l'attention publique vient d’être pom- peusement rappelée. Trente-quatre lettres inédites de P.-T. Proudhon seront publiées dans nos Mémoires par M. Ed. Droz, professeur à l’Université de Besançon. Les vingt-sept premières sont adressées (de 1856 à 1864) à Gustave Chau- dey, fusillé par la Commune de Paris en 1871. Une intro- duction prévient le lecteur qu’il va connaitre le curactère, l'esprit, les habitudes du célèbre révolutionnaire, plus que ses œuvres et sa doctrine. Les œuvres sont, pour la plupart, mdiquées, mais il fau- drait les lire pour apprendre la doctrine. Par contre, dans ces quelques lettres, le caractère du philosophe apparait au grand Jour : le style, c’est l’homme. Il se montre fidèle dans ses amitiés comme dans ses hai- nes ; 1l sait adoucir ses expressions pour ménager certaines susceptibilités : il devient même condescendant avec ses amis politiques et marche avec eux sans paraitre les con- duire ; au contraire, il est violent avec ceux qui ne pensent pas comme luiet les traite franchement d’imbéciles et de his pervertis, Son opposition à l’Empire et ses démêlés avec la justice sont un chapitre intéressant, ainsi que sa vie privée. Elle n’a pas été, heureusement, ce que ferait supposer une boutade écrite à propos de son mariage. M. Droz rétablit le texte exact de plusieurs lettres précé- demment publiées et dont le sens avait été gravement altéré, Proudhon a, cette année, toutes les chances, et la moindre n’est pas de rencontrer un admirateur aussi savant et con- vaincu que M. Droz. Une statue, récemment inaugurée dans notre ville, doit faire passer à la postérité la mémoire du penseur ; une inscription nous dira peut-être laquelle de ses pensées on a voulu glorifier. Comme la contradiction lui était familière, plusieurs partis peuvent le revendiquer. Moi-même — pourquoi ne le dirais-je pas? — je lai prêché dans ma jeunesse comme un précurseur de la loi sur le repos hebdomadaire. Je ne pensais pas alors devenir, après un demi-siècle, son curé posthume : Proudhon est de Battant. M. Droz admire avec raison le style de son héros, mais il est trop intelligent pour ignorer ses défauts ; il les excuse parfois, les reconnait toujours et ne prend jamais à son compte ses coups de boutoirs ct ses éreintements. Il signale sa confiance imperlurbable dans ses démonstrations. . par où ce puissant esprit se montrait souvent avec l’air d’un esprit enfantin. Disons, pour parler sans réticence, que, chez un -esprit médiocre, ce serait de la vanité, et que c’est de l’orgueil qui va mieux à un grand esprit. Cet homme était universel : Philosophie, religion, droit, histoire, littérature, philologie, linguistique, économie poli- tique, commerce, finances, arts et métiers, il parle de tout avec la même assurance. Plus sûr encore de lui-même dans sa spécialité, il se dit Le seul socialiste ayant fait des études sérieuses ; il s’est élevé si haut qu’il ne travaille plus que pour une élite de quelques centaines d'hommes, tout le reste l’in- digne. Emporté par cette pensée, il monte encore et dit de His Jouffroy : C’est le seul homme qui m'entende ou plutôt me devine... il a le génie philosophique. J’en demande pardon à l'ombre de Proudhon, mais ceci me rappelle une définition qui est, je crois, de Voltaire : (« Quand celui qui écoute ne comprend pas et que celui qui parle ne comprend plus, c’est de la métaphysique ». Puisque les théories de notre célèbre compatriote sont si abstraites, nous ne serions pas fâchés d'en voir la pratique dans une cité idéale, hors « du goufire où triomphent les vices » : En un endroit écarté Ou d’être homme d'honneur on ait la liberté, # ou au moins dans un roman qui serait un miroir du monde une seconde fois converti. Notre philosophe incompris ne rêvait pas moins que la conversion du monde moderne plus rapide que celle de l’ancien monde. Ce n’est pas, disait-il, une revolution fran- caise qui se prépare, c’est une révolution du globe. Il comp- tait sans doute sur une évolution plus ou moins rapide pour arriver au triomphe de ses idées; mais il comptait aussi beaucoup sur lui même, témoin ces lignes datées de 1840 : Que mon livre sur la propriété paraisse, et c'en est fait de la vieille Société ? La foi en sa cause ne empêche pas de voir les obstacles et les adversaires ; il les écarte avec colère. Pour lui, Vache- rot et Michelet font partie d’une camarilla de pédants aussi incapables que la démagogie ouvrière. Renan s’est vendu pour arriver aux honneurs et à la fortune : J. Simon, Des- chanel, Taine, About, Paradol, Saint-Marc Girardin sont de la clique des Normaliens ; Cousin, Guizot, Villemain, des cuistres. Je termine par un jugement, que M. Droz appelle à l’emporte pièce, sur « les Misérables » de V. Hugo : « C’est faux, outré, illogique. dépourvu de vraisemblance, de sensi- bilité, de sens moral ; il y a des vulgarités, des turpitudes, 20 des balourdises ; c’est un empoisonnement pour le public ». [ci, en retranchant quelque peu de Ia vivacité des expres- sions, on ne serait pas loin de la vérité. Après toutes réserves faites sur les doctrines de notre philosophe, disons qu'il est en bonne place parmi les pen- seurs et les éerivains comtois. M. Droz fait suivre sa publication d’une lettre où Gustave Courbet pleure la mort de son ami. Est-ce pour faire un contraste ? L’orthographe de Courbet peut se comparer à celle du xve siècle ; elle sera peut-être celle du xxve ? Il ne faut pas le souhaiter. Vous venez d'entendre nos confrères vivants ; parlons un peu des morts, car ils demeurent dans nos souvenirs. Le premier qui nous a quittés cette année est M. Th. Courtot, commis-greffier à la Cour d’appel. C'était un bien ancien associé de l’Emulation : il lui appartenait depuis 44 ans. C’est dire combien il lui était attaché. Il ne l'était pas moins à la Société d’horticulture où il a travaillé pen- dant de nombreuses années. Lecteur et bibliophile, il a laissé quelques écrits et collectionné deux cents ouvrages d’apiculture. 11 est bien regrettable que cette magnifique bibliothèque soit perdue pour notre province. Je ne trahis pas un secret en disant que le vénérable défunt nous l'aurait laissée par reconnaissance si on avait satisfait sa légitime ambition : il désirait être chevalier du Mérite agricole. Le deuxième disparu est M. G. de Beauséjour. C'était un laborieux et un savant; sa collaboration était précieuse non seulement à l’'Emulation, mais à l’Académie, à la Société d'histoire contemporaine, autrefois aux Annales franc- comtoises. Il laisse inachevée une histoire de Pesmes et de ses seigneurs. Dans sa jeunesse, l'Ecole normale supérieure et l'Ecole polytechnique lui ont ouvert leurs portes ; il a pré- féré la dernière et en est sorti pour entrer dans l'artillerie. Il n’y est resté que le temps de gagner le grade de capitaine et ce fut au prix d’ane campagne où il a trouvé, sous le soleil de Tunisie, le germe du mal qui a abrégé sa vie. Démis- sionnaire en 1891, 1l a partagé son temps entre la littérature, l’histoire et l’agriculture, Pendant quinze ans, il a rendu d'immenses services aux syndicats communaux de la Haute- Saône, aux Sociétés d'assurances contre la mortalité du bétail, aux Mutuelles contre l’incendie, enfin aux Caisses de retraites agricoles. Comme maire de son village de Motey-Besuche, il a gagné l’estime de tous ses concitoyens et l’un d’eux l’a dit en fort bons termes sur sa tombe. Il est mort à cinquante-quatre ans, le 9 avril 4910. Le 8 de ce mois de décembre, nous avons rendu les der- niers devoirs à notre ancien trésorier, M. Ch. Fauquignon. Son passé le désignait pour ces fonctions : il a géré nos quelques deniers avec le même scrupule que ceux de lPEtat dans l'administration des Postes. I! a été des nôtres pendant vingt-cinq ans et rien ne faisait prévoir sa fin : la maladie a vaincu en quelques semaines sa belle santé. Ses amis se sont trouvés nombreux au bord de sa tombe et les éloges prononcés par quelques-uns étaient dans le cœur de tous. Hors de Besançon, nous avons perdu le doyen de nos associés honoraires, M. Léopold Delisle, mort à Chantilly le 22 juillet, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Membre de l’Institut à trente et un ans, il était devenu administrateur de la Bibliothèque nationale et grand-officier de la Légion d'honneur. Chacun sait qu’il n’a dû sa haute situation qu’à Son mérite et à Ses travaux d'érudition “la liste dé Ses publications ne compte pas moins de deux mille numéros. Signalons seulement deux études remarquables sur les manuscrits de notre riche Bibliothèque municipale et rete- nons l’éloquent hommage qu'il a rendu à Castan dont il appréciait le talent d’historien et les qualités de hiblio- thécaire. ALP Te Nous devons aussi un souvenir à un autre membre hono- raire qui, pour être étranger, n’en est pas moins connu à Besançon. Je veux parler de M. le docteur Dufour, de Lau- sanne. Ses services rendus aux aveugles ou aux malades des yeux lui ont fait une réputation plus qu'européenne. Il avait plaisir à assister à nos séances, y prenait quelquefois la parole, ce qui nous était fort agréable. Il avait, en plus, le secret d’être utile, car il revoyait ici de nombreux clients. IL n’a pas su prévoir, dans un voyage aux régions glacées du Spitzhberg, des fatigues qui n'étaient plus de son âge : il est mort au retour. Je vous dois encore quelques mots de voyages moins périlleux. Le Congrès de l'Association franc-comtoise s’est tenu, cette année, à Luxeuil, sous la présidence de M. Roger Roux, subs- titut du procureur de la République à Belfort et membre cor- respondant de notre Société. Plusieurs de nos confrères y ont assisté et deux y ont pris la parole dans la section d’his- toire : M. Lambert a lu une étude sur une correspondance inédite de P.-J. Proudhon, et M. Gazier a fait une communi- cation sur des lettres de prêtres insermentés, écrites de Luxeuil, pendant la Révolution. Les sujets étaient aussi bien choisis que bien traités, car les questions philosophi- ques ou religieuses passionnent notre époque plus que les précédentes. Le prochain Congrès se réunira à Poligny ; notre confrère, M. Feuvrier, conservateur du Musée archéologique de Dole. le présidera avec la distinction que nous lui connaissons. St parva ticet componere magnis, je termine par une comparaison entre notre humble Société et notre grand Institut national. À l’Académie des sciences, on oppose actuellement, vous le savez, à la candidature de M. Branly, l'inventeur de la télégraphie sans fil, celle de Mme Pierre Curie. D’où un grand émoi dans le monde savant ; ce n’est 4410 + pas encore la guerre de Troie, mais déjà toutes les classes de l’Institut prennent parti pour ou contre cette manifes- tation féministe. Ici, Mesdames, nous avons voté à l’unani- mité et sans discussion votre admission à la Société d’'Emu- lation du Doubs. f’avais une raison spéciale de donner ma voix favorable : en juin dernier, j'ai eu l'honneur de repré- senter notre Association à la séance publique de la Société d’Emulation de Montbéliard et j'y ai été reçu avec une ama- bilité dont je garderai un long et reconnaissant souvenir. Les dames y étaient nombreuses et, si je voulais faire une description de la fête, Je les montrerais comme les clairs d’un tableau qui, sans elles, aurait trop d’ombres. Je laisse à M. le premier président Gougeon qui doit, cette année, diriger nos travaux, le soin de les recevoir. II le fera avec la distinction et. la bonté qui, durant sa longue et brillante carrière, semblaient cacher ses hautes dignités pour ne laisser voir que l’homme de bien commandant le respect à tous ceux qui ne sont pas incapables de ce senti- ment. Il n’en trouvera aucun parmi nous. dr Ë + È x : hat AN 0. AO. Pa Le Le AS © MS RS Lée d'u EE EN WAGON SOUVENIR D'UN VOYAGE A ANGERS Par M. Ch. GRANDMOUGIN MEMBRE HONORAIRE Séance publique du 15 décembre 1910. Malgré le dur hiver, c’est un doux paysage, Et depuis le wagon je salue au passage Par un soleil très pur les vignes en coteaux, Puis les grands parcs et les ardoises des châteaux, Et tout l’enchantement ancien de la Touraine. La brume à disparu, l'atmosphère est sereine, La Loire brille, calme et lente en sa largeur, Et plus loin, le regard s’enfuit, toujours songeur, Vers des lointains hbordés de petites collines ; L'hiver a déployé ses teintes les plus fines : Les terrains gris, les arbres secs, les gazons roux, Tout s’estompe en des tons fanés aux aspects doux, Et plus près, au milieu du fleuve aux eaux tranquilles Des vastes bancs de sable d’or forment des îles Où des oiseaux frileux se posent un moment. La paix nous envahit délicieusement, Et l’on se dit « Pourquoi tant d'efforts et de luttes ? Ici que de bonheur, en très peu de minutes !! Comme on voudrait, devant les mêmes horizons, N’être pius qu'un reflet ondoyant des saisons ! » On contemple, on se tait... on soupire ! Et l’on rêve De se reposer là, dans une longue trève Et d’avoir ce logis modeste au bord des eaux, Cette barque amarrée au milieu des roseaux, A ose Ces vignes dont le vin si léger nous égaie Auquel le vieux terroir donne une saveur vraie Où semble pétiller un peu d'esprit français ! On sent qu’on a changé d’âme dans cet accès D'amour pour une vie intime et paysanne ; La ville nous paraît une chose profane Et nos ambitions une erreur de l’orgueil ! Mais ce n’est qu'un mirage éphémère où notre œil S’égare, où la pensée un instant se repose ; L'idéal souriait par une vitre close Et bientôt, quand on a passé ce beau pays, Par le démon de l’art on est vite repris ! On redevient actif, impatient... moderne ! On a peur, malgré tout, d’une existence terne, Et l’on se dit, fiévreux, à nouveau palpitant, Qu'un jour il nous faudra mourir en combattan Au lieu de vivre, épanouis comme les roses Dans la douceur de l’air et le calme des choses ! SONDNETS Par A. KIRCHNER MEMBRE HONORAIRE Séance publique du 15 décembre 1940. VESONTIO Assise au couchant d’un promontoire rocheux Que borde à chaque flanc un à-pic dangereux, Entourée d’eau profonde et de hautes murailles, Tu songes au passé plein de sombres batailles. Sur ton vieux pont de pierre, aux arches cylindriques, Tu vois courir, pressées, des foules en émoi : César et ses légions, les armées du Grand Roi, Les soldats de l’an Deux et leurs chefs héroïques. Seul témoin de voûtes soigneusement construites, Porte-Noire se dresse avec son arc altier. — Capitole ! Arènes ! vos ruines sont détruites ! Car le Temps, ce faucheur infatigable et fruste Qui ne respecte rien, levant son bras robuste, À renversé vos murs noircis, jusqu’au dernier ! MATINÉE DE JUIN Dans les prés verdoyants, arrosés par le Doubs, Une vague buée, d'un bleu très pâle et doux, Vers le ciel s'élevait, et le soleil de braise Dardait ses rayons d’or sur la blanche falaise. Perché sur un poramier, un roitelet chantait ; Un papillon, sans but, de fleur en fleur volait ; Deux bourdons turbulents s’excitaient à me suivre... Jeunesse ! Ardeur ! Amour ! O quelle joie de vivre! Je côtoyais le fleuve. Incertain dans son cours, Capable en une nuit d’inonder champs et villes, Il étalait ce jour des flots purs et tranquilles. Telle la vie humaine, en son trajet si court, Tantôt est agitée par des passions sans trêve Et tantôt paisible, comme un enfant qui rêve ! CHARLES NODIER | NATURALISTE SES ŒUVRES SCIENTIFIQUES PUBLIÉES ET INÉDITES (Suite) Per ANt MAGNIN \ DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE BESAN Séances du 21 mars et du 23 mai 1908, Les renvois aux pages supérieurs à 410 sont des renvois au volume précédent, 8e série, tome IV, 1909. ANT. MaGxix. Nodier naturaliste (Suite) CHAPITRE VIII L'ŒUVRE SCIENTIFIQUE DE NODIER : SES PUBLICATIONS ENTOMOLOGIQUES L'œuvre scientifique de Nodier est extraordinairement variée, ses facultés encyclopédiques lui ayant permis de s’in- téresser aux sciences les plus diverses : histoire naturelle, physiologie, médecine, chimie, etc., et de publier sur ces sujets si différents un certain nombre d'ouvrages, d’essais ou d'analyses critiques ; on peut y ajouter divers passages de ses contes, aussi scientifiques pour le fond que littéraires - par la forme. Cette œuvre se compose de travaux publiés et de recherches inédites. Les Travaux imprimées comprennent : Des publications concernant l'Entomologie, comme la Dissertalion sur l'usage des antennes, la Bibliographie entomologique (1), les Essais sur les Sphinx dex environs de Montbéliard, sur les Scarabées des hiéroglyphes, l'Analyse (1) On trouvera quelques renseignements sur Nodier et ses publications entomologiques dans la courte Notice que E. Desmarest lui a consacrée dans son Résumé des travaux de la Société entomologique de France pendant l’année 1844 (Ann. de la Soc. entom. de Fr., 2 série, 1845, t..3, pp. 18-20). Ceite notice a été oubliée dans l'Enumération des Ou- vrages que nous avons consultés ; elle doit prendre place entre les nos XXX et XXXI de la Bibliographie spéciale de notre Chapitre 1er (p. 425). Cette notice mentionne (p. 18) un autre ouvrage de Nodier, une Histoire des insectes qui aurait été publiée en 1800 ; cette assertion est reproduite par HAGEN, Biblioth. entomol., 1863, t. II, p. 15 ; mais nous n'avons pas pu retrouver cet ouvrage, inconnu de tous les entomologistes (Voy. Chap. IV, - S 2; Chap. X, S 2). 0e des Lettres à Julie de Mulsant, les Notes critiques sur des définitions de termes d’entomologie des Dictionnaires de la Langue française, des descriptions entomologiques dissémi- nées dans ses Contes, ses Nouvelles, ses Essais littéraires ; leur étude fait l’objet des chapitres VIII et IX ; Des observations, des considérations scientifiques sur diverses questions de zoologie, de botanique, de physiologie, de médecine, de chimie, souvent éparses dans ses ouvrages purement littéraires, formant rarement des publications spé- : ciales. Les Recherches inédites se rapportent surtout à des études d’entomologie. Nous analysons ces deux dernières catégories de travaux scientifiques dans les chapitres X et XI. RECHERCHES ENTOMOLOGIQUES PUBLIÉES $ 1. Dissertation sur l’usage des antennes dans les insectes. DISSERTATION | SUR L'USAGE | DES ANTENNES DANS LES INSECTES, | ET | SUR L'ORGANE DE L’OUIE | DANS LES MÈMES ANIMAUX. | PAR F. M. J. LUCZOT ET CHARLES NODIER. | — A BESANÇON, | DE L'IMPRIMERIE DE BRIOT. | 6€ ANNÉE RÉPUBLI- CAINE. Petit in-4°, 12 pages ; fin de 1797, ou commencement de 1798. Cet ouvrage a été composé par Lucezot et Ch. Nodier, pen- dant l’année scolaire 1796-1797, alors qu'ils étaient étudiants à l'Ecole centrale du département du Doubs; il a paru pro- bablement à la fin de 1797 ou au commencement de 1798. Tiré à 50 exemplaires, d’après Quérard (France littéraire, VI, 493), cet ouvrage est devenu très rare (cf. HAGEN, Piblia- theca entomologica, Leipzig, 1862, t. I, p. 506). L’exemplaire de la Bibliothèque de Besançon (n° 58509) est uu volume relié (ABICH, relieur gainiér, rue Saint Paul, 45, oo Besançon), dont la couverture a 211 sur 272mn et le texte, une justification de 119 sur 180mm, Dans cet opuscule, où l’on reconnait déjà la facilité et l'élégance du style de Nodier, même dans un sujet scienti- fique aussi aride que la question examinée dans cette disser- tation, les auteurs cherchent à démontrer que les antennes des insectes servent principalement d'organes de louïe ; ils reconnaissent, avec la plupart des naturalistes de l’époque, que l'opinion qui parait d’abord la pius plausible est d’y voir des organes du toucher ; mais ils relèvent de suite de nom- breuses objections à cette interprétation : les longs appendices qui ornent la tête des cerfs-volants et des insectes analogues rendent leurs petites antennes inutiles pour ce rôle d’organe tactile ; les insectes à longues antennes ne les portent pas en avant pendant le vol, c’est-à-dire au moment où ils en auraient surtout besoin, mais en arrière; la plupart des insectes ne dirigent, du reste, presque jamais leurs antennes en avant, mais ordinairement sur les côtés ; les antennes ne seraient, dans cette hypothèse, d’aucune utilité pour les insectes sédentaires; enfin, les insectes agitent leurs antennes surtout à l’état de repos et non pendant la marche sur le sol. Les antennes servent donc, non seulement à tâter les corps, mais aussi et surtout à d’autres fonctions ; et la principale serait cèlle de l’ouïe. Nodier cite, à l’appui de cette théorie, l'observation du Cloporte armadille qui se replie sur lui- même quand on l'approche, de la Cistule qui fait le mort, du Gribouri qui se laisse tomber de la feuille sur laquelle il est posé, quelles que soient les précautions que l’on prenne pour se dérober à leur vue, par conséquent prévenus seule- ment par l’ouïe. Si ces considérations ne manquent pas de justesse, — elles ne fournissent du reste pas la preuve que l’ouïe ait son siège dans les antennes, — Nodier est moins heureux lorsqu'il cherche des arguments à l’appui de Ja théorie qu'il défend dans l’organisation générale de l Para auditif étudié chez les autres animaux. Ch. Nodier a donné lui-même, dans la Bibliographie ento- mologique (1801, p. 41), le résumé suivant de son mémoire : « On à pour but, dans cet ouvrage, de démontrer l’existence de l’ouïe dans les antennes des insectes. Cette idée aperçue par M. de Réaumur et par le savant Fabricius, est exposée avec quelque développement et appuyée de preuves d'ana- logie, d’une certaine importance. » il a analysé, plus longuement, son travail et les arguments qu'il renferme, dans sa Lettre aux auteurs de la Décade philosophique, adressée, en 1804, aux rédacteurs de ce jour- nal, après la publication des Eléments d'Histoire naturelle de Duméril, pour protester, non pas contre un plagiat de ce naturaliste, erreur répétée par tous les biographes, mais pour se plaindre que Duméril n’ait pas tenu compte de sa Dissertation. Dans son Traité élémentaire d'Histoire naturelle, publié à Paris en 1804, Duméril dit, en effet, à propos des [nsectes (p. 112): « On ignore absolument où réside l’organe de l’ouïe, quoique l’observation prouve que les insectes ne sont pas sourds... » Nodier proteste contre cette affirmation qu'il ne s'explique pas, puisque, dit-il, « M. Duméril a été per- sonnellement instruit que M. Luczot de Thébaudais et moi, nous avions indiqué le siège de cet organe, d’une manière assez plausible, dès le courant de l'an VI (1). » Il est donc tout à fait inexact de dire avec Sainte-Beuve [E, 457] que Nodier, ayant découvert l’organe de l'ouïe chez les insectes, (M. Duméril confirma depuis cette opinion, ou même, selon son jeune et jaloux devancier, s’en emparä; il y eut réclamation dans les journaux; » toutes ces affirmations sont fausses ; nous avons cherché l’origine de cette erreur et (4) Nous reproduisons la lettre de Ch. Nodier dans la 2° partie de cet ouvrage à la suite de la Dissertalion. rose nous l’avons trouvée dans le passage suivant d’une notice de Nodier publiée par la Biographie des hommes vivants de Michaud : « M. Nodier place le siège de cet organe dans les antennes et: son opinion, déjà aperçue par Réaumur et Fabri- cius, aété confirmée par les observations du savant M. Dumé- ril» (Voir Quérard,. Fr. litt., VI, 1834, -p. 423); mais, ce passage ne se retrouve pas dans la Biographie universelle de Michaud. Duméril n’a jamais adopté l’opinion de Nodier; bien plus tard, dans la 3 édition de ses Eléments des sciences natu- relles, publiée en 1895 (t. IT, p. 85, 86), on lit encore : « Les sons... sont aussi perçus par les insectes... ; mais on ne sait pas encore où réside chez eux l’instrument destiné à leur en transmettre l'idée et l’image. » Ainsi, Dumérii, non seulement ne s’est pas emparé de lopinion de Nodier, mais ne l’a jamais adoptée, ne la trouvant pas justifiée par des preuves suffisantes ; et la réclamation dans lies journaux de 1804 n'est pas une réclamation de priorité « d’un jeune et jaloux devancier ». Et cependant ces erreurs se retrouvent chez tous les biographes, sans excep- tion, depuis Michaud et Sainte-Beuve, jusqu'aux Docteurs- Fabre et Baudin. M. Fabre [XXX VII, 3], se fiant à Sainte- Beuve, répète qu’ « avant Duméril, Nodier avait donc décrit appareil auditif des insectes et (qu’)il se montra toujours jaloux de la priorité de sa découverte »; et le Dr Baudin avance à son tour {XXXIX |, à propos de la Dissertation, que Nodier y « émet la première théorie, reprise plus tard par Duméril, généralement adoptée depuis, mais fort contestée de nos jours, que les antennes sont les organes de l’ouïe »; ces dernières assertions sont elles-mêmes inexactes comme on le verra plus loin. Malgré le déplaisir de Nodier de ne pas voir ses recherches citées par Duméril et malgré la lettre de réclamation de 1804, Duméril et Nodier furent toujours en excellentes relations ; on en trouve la preuve en différents endroits des ouvrages or ee et de la correspondance de Nodier, où le nom de Duméril est amicalement cité, par exemple, dans les lettres envoyées par Nodier à Weiss, pendant ses séjours à Amiens et à Quinti- gny (9 octobre 1809, 9 décembre 1810, 14 octobre 1811) : « Notre savant Constant Duméril. est pour un mois à Amiens, sa patrie, et je suis très lié avec lui... »; voy. plus haut, p. 476-477. | Nodier reparle de la Dissertation, en 1829, à l’occasion de recherches qui venaient d’être faites sur le même sujet ; cet opuscule était devenu très rare et Nodier n’en possédait plus d'exemplaires ; il écrit de Paris, à Weiss, le 19 janvier 1899 : « Je voudrais bien retrouver la Dissertation sur les antennes. Je ne sais que depuis huit jours qu’elle a été traduite en latin par Lehman vers le commencement du siècle (). Un journal annonçait avant-hier que M. Schram (2) venait de découvrir que l'organe de l’ouïe des insectes était placé dans les antennes et, ce qu'il y a de plus curieux, c’est que c’est un journal auquel je travaille. Il est intitulé modestement l’ Universel, quoiqu'il ne soit que littéraire et scientifique. » [X, lettre CII, p. 2201. Les fonctions des antennes ont été, en effet, l’objet des opinions les plus contradictoires ; d’après les recherches les plus récentes (3), les antennes sont des organes à la fois tac- (1) LEBMANN (M. C. G.) a, en effet, publié en 1799, une Dissertation intitulée : De antennis insectorum dissertatio prior. . dont la 2 partie, parue en 1800, traite spécialement des fonctions des antennes : De anten- nis insectorum dissertatio posterior, usuin antennarum recensens. .; cet ouvrage ne parait pas une traduction de la Dissertation de Luezot et Nodier ; on ne rencontre pas, du reste, le nom de Nodier dans les 48 et 80 pages des deux dissertations de Lehmann. (Note de M. Virieux, d'après les exemplaires de la Bibliothèque du Museum de Paris). (2) On ne trouve pas d'ouvrage de cette nature indiqué à cette date, dans la Bibl. entomol. de Hagen, à l’art. Schramm (t. II, p. 138); voy. cependant les bibliographies données dans les ouvrages de Chatin et Henneguy cités dans la note (3) ci-dessous. (3) Elles sont résumées dans CHATIN, Organes des sens, 1880, p. 131 (Organes tactiles), p. 275 (Org. olfactifs), p. 416 (Org. auditifs) ; — dans HENNEGUY, Les Insectes, 1904, p. 138 (odorat), p. 142 (ouie). MO ES = tiles, olfactifs et auditifs ; surtout olfactifs, comme le prouvent les observations de Hicks, Leydig, Hauser, etc., et les expé- riences de Balbiani, Hauser, Forel ; mais certains organes appartenant à la catégorie des chordotonaux, observés dans les antennes des Dytiques, des Téléphores et des Formicides, sont considérés comme auditifs par Græber, Leydig, Lubbock. Dans les Culicides, un organe découvert par Johnston (1855), dans le 2 segment de l’antenne, est aussi considéré comme auditif par Hurst ; on le retrouve, mais plus réduit. chez les taons, les mouches, les fourmis, les guêpes, les hannetons, les libellules, etc. ; d’après À. M. Mayer, l’organe de Johns- ton serait un appareil auditif renseignant l’animal sur la direction et l'intensité des vibrations sonores. Græber enfin a découvert, dans le dernier article des antennes de certains Diptères, une vésicule chitineuse garnie intérieurement de prolongements ciliformes, qu’il considère comme un otocyste dépourvu d’otolithes. On voit que l’opinion de Luczot et Nodier, bien que n'étant pas appuyée sur l’expérimentation et l'anatomie, n’était pas si hasardée puisqu'elle est confirmée par les recherches les plus récentes. La Dissertation à paru en 1798, Nodier ayant par consé- quent 18 ans ; mais elle est signée de Luczot et de Nodier ; quelle part revient à l’un et l’autre des deux collaborateurs dans leur découverte et dans l’exposé qu’ils en ont fait ? Quérard, entassant erreurs sur erreurs, a émis la singu- lière idée que la Démonstration à été faussement attribuée à Nodier et que tout le mérite en revient à Luczot. Nodier, dit-il, « avait quinze ans lorsque parut cette Démonstration; est-ce un sujet à traiter pour un jeune homme de cet âge et n'est-il pas plus vraisemblable de considérer M. J.-M.-J. Luczot, qu’on dit y avoir une part, comme son véritable auteur, et Ch. Nodier au surplus. comme le blanchisseur ? ; d'autant plus que quand jeune on s'est occupé d'histoire naturelle, cette science offre tant de charmes qu’on s’en occupe encore dans un âge avancé, et Ch. Nodier n’a rien fait imprimer depuis sur cette matière » (Supercheries littéraires, II, 337). Or, Nodier avait 18 ans et non 15 comme le dit Quérard ; d'une précocité remarquable, comme nous l'avons vu, il s’occupait d’entomologie depuis cinq ans et il a continué à publier sur cette science et à s’y intéresser jusqu’à l’âge de 40 ans ! M. Albert de la Fizelière à, du reste, relevé, comme il convenait, les inexactitudes de Quérard, en rappe- lant particulièrement les diverses notices, les divers essais sur des questions d'histoire naturelle publiés par Nodier même lorsqu'il ne s’en occupait plus activement et le profit qu’il a pu retirer personnellement « des connaissances spé- ciales et de premier ordre de Nodier en entomologie ». « D'ailleurs, dit-il, il est de notoriété, pour ceux qui ont connu Nodier, qu'il était de première force en entomologie et que les coléoptères surtout et les lépidoptères n’avaient point de secrets pour ses observations mgénieuses et sagaces. J'ai eu pour ma part l’extrème bonne fortune de profiter de ses connaissances spéciales à ce sujet et je déclare qu’elles étaient de premier ordre... » [XXXIII, mars 1857, p. 181]. Il ne reste donc rien des assertions désobligeantes de Quérard ; Nodier était parfaitement capable de collaborer à la rédaction de la fameuse Dissertation et on doit l’attribuer aux deux Jeunes entomologistes qui l’ont signée, sans pou- voir cependant distinguer si une part plus considérable dans l’observation des faits ou dans la rédaction du mémoire doit être attribuée à l’un ou l’autre des deux collaborateurs. $ 2. La Bibliographie entomologique. BIBLIOGRAPHIE | ENTOMOLOGIQUE | OU | CATALOGUE rai- sonné des Ouvrages rela- | tifs à l’Entomologie et aux Insectes, l avec | Des Notes critiques et l’exposition des méthodes | PAR CHARLES NODIER | A PARIS | Chez MoOUTARDIER, Imprimeur- Libraire | Quai des Augustins, n° 28 | AN IX. tacite à AT: he In-12, de vüij-64 pages; 90 sur 156mm; justification du texte, 62 sur 106 ; exemplaire du D' Fabre (de Commentry), broché avec couverture en papier et titre msc. Prix 1 fr. 80 et 2 fr. 50 franc de port, d’après le Magasin ency- clopédique, 1801, p. 559. Nodier a écrit, ou, du moins, terminé cet ouvrage, à Paris, dans les derniers mois de l’année 1800, en profitant des ressources bibliographiques de la Bibliothèque nationale, comme l'indique ses lettres à Weiss, des 11 et 26 nivose an IX (1): il l'avait probablement commencé à Besançon ; mais on ne peut dire, avec certains biographes, qu’il lait rapporté de son séjour dans les Vosges (2); il aurait eu du mal à y trouver les nombreux ouvrages nécessaires à sa rédaction. Après des observations préliminaires sur l'utilité et le rôle des Bibliographes, Nodier répartit les auteurs en deux classes : l’Entomologie descriptive et l’'Entomologie philo- sophique. La Première classe, qui contient les Historiens, renferme sept sections : 19 Les Archéographes, ou ceux qui ont traité des élé- ments de la science (par exemple, les Éléments entomo- logiques de J.-C. Schæffer, 1766) 6). 20 Les Pangraphes, ceux qui ont traité des insectes en général (Ex. les Mémoires de Réaumur, 1734; le Systema de Fabricius, 1779). 3 Les Polygraphes, qui ont traité de plusieurs espèces (Ex. Histoire des Papillons de E.-J.-C. Espar, 1777). (4; Voy. plus haut, chap. IV, paragr. 2. (2) « Il en rapporte un gros livre, intitulé: la Bibliothèque entomo- logique ». Jules JaAnIN, Notice en tête de Franciscus Columna [III, 10]. (3) Nous ne citons, à titre d'exemple, qu'un ou deux des ouvrages plus ou moins nombreux que Nodier a répartis dans chaque section. HO EE 4 Les Monographes, qui n’ont traité que d’une seule espèce (Ex. Histoire de La Mouche commune, par Keller, 1766). 9° Les Auteurs nationaux, qui n'ont traité que des insectes d'un pays particulier (Ex. Les lnsestes de France, par M. de Villers, 1780). 6° Les {conographes, ceux qui se sont bornés à donner des peintures d'insectes (Ex. JZcones insectoruim de Pallas, AS): 1° Les Muséographes, qui ont donné l’histoire d’une collec- tion seulement ou ceux qui ont considéré les insectes sous le rapport de leur valeur commerciale, La Deuxième classe ou Entomologie philosophique, con- tient les Observateurs ; ils se divisent en » sections : 1° Les Philosophes, qui ont considéré les insectes au point de vue moral et qui ont traité de leurs habitudes (Ex. Théologie des insectes, de Lesser : Hospita florida insec- torum de Linné). 2° Les Physiciens, qui ont observé les insectes micros- copiques (Ex. Arcana naturæ de Lee ven Hoeck). 3° Les Anatomistes et les Physiologisies qui ont traité des organes des insectes et de leurs facultés (Ex. Dissertation sur l’usage des antennes, de Lucezot et Nodier). 4 Les Economistes, qui ont considéré les insectes sous le rapport de leur utilité et de leur nuisibilité, soit ceux utiles dans les arts (1° paragraphe), — dans l’économie rurale (2°), — en médecine (3°), — et ceux nuisibles (4°): Ex. Les ouvrages sur 1° la sériciculture, la cochenille; 2° les abeilles ; 3° les cantharides ; 4° les sauterelles, etc. 9° Les Philologues, qui ont écrit sur les insectes sous des rapports critiques et littéraires (Ex. Dixlogus formicæ, mus- cæ, araneti et papilionis, de Du Choul, 1550). Nodier donne, pour la plupart des ouvrages cités, une analyse succincte, quelquefois plus développée. hé s F7: s OR A A ES ST St à AA St A Sr JgMes Le plan de cette Bibliographie est original ; il diffère nota- blement de la manière ordinaire d'envisager la Bibliographie en général et celle des insectes en particulier ; cette origi- nalité lui donne un certain intérêt et justifie plusieurs appré- ciations élogieuses dont elle a été l’objet. « Dans cet opuscule, — écrit le D' Fabre, — le jeune Ch. Nodier fait preuve d’une grande maturité d'esprit et d’une très précoce largeur de vues » [XXX VII, p. 4]. Et M. Bouvier, l'éminent professeur du Muséum, recon- naît aussi que cet ouvrage «n’est vraiment pas mal pour un jeune homme presque un enfant; la classification des matières ne manque pas d’ingéniosité et indique une matu- rité d'esprit peu commune » [XIX, 225-2926|. Cependant, ce travail prête à de nombreuses critiques : le plan est artificiel et manque de clarté: le cadre si vaste n’a pas été rempli complètement ; on peut y relever de nombreuses omissions, des erreurs regrettables : telle est la conclusion d’une analyse, plutôt sévère, que le Magasin encyclopédique donnait de ce travail, en 1801, peu de temps après sa publication. Le C. Charies NoDIER, dans une courte préface, traite de l’uti- lité de la bibliographie, pour faire connoître les ouvrages que celui qui cultive une science quelconque, peut au besoin con- sulter. Mais il porte trop loin l’office du bibliographe, quand il dit que le bibliographe élague les erreurs, concilie les opinions, et tient le fil d’'Ariadne. Cest l’auteur d’élémens, celui qui réduit la science en théorie, qui est chargé de cette fonction. Le bibliographe se borne à l’histoire littéraire et bibliogra- phique de la science, à celle des auteuts et de leurs ouvrages, sans se mêler de les corriger. Haller, dit-il, à rendu le même service à la botanique. Muller et les auteurs de l'Encyclopédie méthodique ont essayé, avant lui, une bibliographie entomologique, mais ils n’ont pro- duit que des nomenclatures incomplètes. Le C. Nodier ne cite ni le chapitre intitulé Bibliothèque dans la Philosophie entomo- Le o0e logique de FABRICIUS, ni la partie des insectes dans la Biblio- thèque d’histoire naturelle de BOEHMER, et dans le Catalogue de la biblioihèque de M. de Gobres et dans celui de M. BANCKS ; probablement, il a jugé ces nomenclatures encore plus incom- plètes ; voyons donc si la sienne les surpasse. Sa division nous paraît embrouillée; et le premier principe en bibliographie est d'adopter une distribution méthodique et claire. Il commence par les Historiens et tous les ouvrages mis dans cette section sont élémentaires ; parmi eux, il cite les Fun- damenta entomologiae comme de Bladt; ils sont de Linnaeus ; et il n'indique pas qu’on les trouve dans ses Amaenitates aca- demicae, ce qui est fort important, ear la dissertation originale est presque impossible à rencontrer. Il ne cite pas la Philoso- phie entomologique, publiée l’année dernière, à Agen, par le C. SAINT-AMANS, ni les genres des insectes du savant LATREILLE, ni la méthode de CUVIER, ni celle de LAMARCK, ni celle de DUMÉRIL,; il ne parle pas non plus de l’excellent ouvrage de JABLONSKY, ni de la partie entomologique de l’excellente Introduction à l’his- toire naturelle de FORSTER, traduite en français par LÉVEILLÉ. À l’article de FABRICIUS, il ne cite pas ses genera ; il place ailleurs sa Philosophie entomologique ; il oublie la dernière édition de son Systema, en 4 volumes ; il ne parle que de celle de 1775 en un volume. Il auroit dû ensuite ranger les auteurs qui ont traité des espèces, selon les classes de l’entomologie, parmi les au- teurs nationaux; c'est-à-dire, selon lui, ceux qui ont décrit les insectes d’un pays donné et qu’il auroit dû appeler Fau- nistes. Il ne cite pas la Fauna etrusca de Rossi, la Fauna petro- politana de CEDERHIELM, la Fauna groenlandica de FABRICIUS et d’autres ouvrages semblables, presque entièrement consa- crés aux insectes, comme la Fauna carniolica de ScOPOLI, qu’il a indiquée. L'article des monographies pourroit être quadruplé. L'auteur auroit dû, ou ne présenter que le titre de chaque ouvrage ou en donner une notice courte, mais suffisante, pour en indiquer le contenu ; mais ses notices sont inexactes, incom- plètes et toujours insuffisantes. L'ouvrage devroit être terminé par une table des auteurs, qui remédieroit au vice de la distri- bution, et il n’y en a pas. La Brilhiothèque entomologique est donc un ouvrage qui manque eucore et qui reste à faire (Extrait du Magasin encyclopédique, 6° ann., t. 6, 1801, p. 559). Se oqree Ces critiques chagrinèrent fort Nodier ; elles expliquent sa détermination de détruire l’édition de son ouvrage. Dans le Catalogue de la Bibliothèque, publié en 1827, on lit en effet (p. 16, n° 105), à la suite du titre, Bibliographie entomologique : & Essai fort imparfait, mais fort rare, d’un écolier de quatorze ans. J’étais propriétaire de l’édition et je lai détruite avec tant de soin qu'il n’eu reste certaine- ment pas quatre exemplaires. — C. N. ». Double erreur, sur l’âge et sur la rareté : Nodier se rajeu- nit de six ans et le nombre des exemplaires échappé à la destruction est plus considérable : Lacordaire en connais- sait 9 exemplaires et Hayen dit qu’il avait rencontré cet ouvrage dans presque toutes les bibliothèques (1) ; nous l'avons cependant demandé en vain à plusieurs bibliothèques publiques de France : l’exemplaire que j'ai consulté m'a été obligeamment communiqué par M. le D' Fabre (de Com- mentry). La Bibliothèque entomologique doit être jugée moins sévèrement qu'elle ne l’a été par les rédacteurs du Magasin encyclopédique ; c'est une œuvre intéressante, au moins, par l'originalité du plan ; et il convient de tenir compte du jeune âge de l’auteur et du peu de ressources bibliographiques dont il à pu disposer à ce moment, même à la Bibliothèque nationale où nous l'avons vu travailler. C'était l'opinion de Lamarck qui, d’après Nodier, avait qualifié son travail « d’ou- vrage bien fait et vraiment classique (2) » ; et c’est aussi le sentiment de naturalistes plus récents qui le considèrent comme un essai curieux et méritant qu'on le réédite avec les autres œuvres scientifiques du même auteur. (1) Bibliotheca entomologica, Leipzig, 1862-63, t. IE, p. 15. (2) Voy. lettre de Nodier à Weiss [X, p. 8-9] et Chap. IV, S2. $ 3. Nodier dessinateur d'histoire naturelle. Dans la lettre écrite de Quintigny, probablement en 1819, et que nous avons reproduite dans le Chap. VE, p. 488, on peut voir des figures d'insectes qui prouvent que Nodier était doué d’un certain talent de dessinateur, ou qu'il savait, du moins, représenter exactement les particularités d'orga- nisation des insectes qu'il observait. Nodier affirme, du reste, en d’autres endroits de sa cor- respondance, qu'il est parfaitement capable d'exécuter les figures dont il doit orner son Museum entomologicum, figures qu’il avait demandées à Prudent et à Luczot, mais qu’il est décidé à faire lui-même, si on les lui fait attendre : « je me sens en état de les faire assez proprement », dit-il (voy. lettres des 25 avril et 15 mai 1812, Chap. X, $ 2, p. 59, 60). Cette aptitude de Nodier est, en effet, confirmée par l’exa- men des dessins rappelés plus haut et que nous reprodui- sons Ci-dessous : Ces dessins, bien qu'exécutés au courant de la plume, sont cependant remarquables par la vérité du port et la précision des caractères importants : ils permettent une détermination certaine ou très approchée. Pour la figure à, il n’y a pas de doute ; le port, les caractères sont ceux de l’Oberea oculata. La figure b, quoique d’une exécution aussi correcte, ne se prête pas à une identification aussi certaine : à première vue, et en s’aidant de la description, on peut la rapporter au Prionus coriarius, qui répond assez bien au dessin par la taille (la figure est réduite d’un tiers), le corselet muni de trois épines latérales, CC MAIS l'habitat indiqué, le Saule, ne concorde plus, les Priones se trouvant sur les Chênes ; le Coléopière habitant les Saules, qui s’en rapproche le plus, est le Lamia textor, qui est un peu moins grand, noir, mais dont le corselet n’a qu'une épine latérale. Il est probable que Nodier avait cette espèce en vue et qu’il ne s’est pas donné la peine de la figurer avec la préci- sion désirable, Weiss ne pouvant faire confusion avec une autre en cherchant sur les Saules de Bregille. Quant à la 3e figure, elle n’est qu'une indication de la ma- nière de piquer les insectes, et il est inutile d'en essayer la détermination ; mais on peut constater que les divers organes sont dessinés avec la précision qu'un naturaliste seul peut leur donner. S 4. Observations entomologiques en Ecosse : . Je « Carabus Hookeri. » En 1820, Nodier fit dans les montagnes de l’Ecosse, parti- culièrement dans la région des lacs, une excursion dont il a donné le captivant récit dans l’ouvrage: Promenade de Dieppe aux montagnes d'Écosse, paru l’année suivante. Nodier s'était proposé d’y étudier les productions naturelles qui, pensait-il, devaient être spéciales à cette région : «un des motifs qui m’avaient déterminé à circonscrire ma soli- tude, c'était le désir de reconnaitre avec un peu de soin les productions naturelles des montagnes de l’Ecosse, préoc- cupé que j'étais de la persuasion qu’elles devaient être plus caractérisées et, s’il est permis de s'exprimer ainsi, plus spécialement locales qu’elles ne le sont en effet. » (p. 208). Mais Nodier fut un peu déçu, du moins au point de vue entomologique : « mes observations entomologiques, dit-il (p. 222), ont été infiniment moins fructueuses que je ne me ©) eu l’étais promis » ; malgré «l'attention la plus scrupuleuse et habitude la plus exercée », Nodier ne put observer dans cette région, que « deux ou trois espèces de teignes et de pyrales assez vulgaires et une dizaine de coléoptères fri- leux » ; ces derniers étaient presque tous de la famille des carabiques («que Je soupçonne devoir être fort riche dans ce pays rarement exploré, puisqu'il m’a offert, entres autres espèces très rares, quatre espèces entièrement nouvelles » ; Nodier en dédie une au D' Hooker, le botaniste qui lui avait donné d'utiles indications pour son voyage (Voy. plus haut, chap. VIT, $ 2, p. 502). Le Carabus Hookeri est ainsi caractérisé par Nodier : « Affinis cerlè GC. auronitenti, sed duplo minor. Apterus, elytris sulcatis, viridibus, lineis elevatis externis apice tri- crenatis. N. ». La création de Nodier ne parait pas avoir été conservée par les entomologistes ; Dejean, en relations en ce moment avec Nodier, ne la cite pas dans son Species paru quelques années plus tard (1826), soit au voisinage du C. auronitens (t. 11, 118,419), soit dans le Supplément (t. M): RS CHAPITRE IX ŒUVRES ENTOMOLOGIQUES PUBLIÉES (suite). $ 1. Mémoires sur des « Sphinx » des environs de Montbéliard - et sur les « Scarabées » des hiéroglyphes. Dans les Melanges tirés d’une pelite bibliothèque (Paris, 1829), Nodier a publié deux Essais très intéressants pour les entomologistes : le premier concerne un ouvrage de J. Bauhin où ce naturaliste parle d’une épizootie attribuée à des papillons, à des Sphinx, d’après la détermination de Nodier ; le second est une étude entomologique très docu- mentée sur les Scarabées représentés dans les inscriptions hiérogiyphiques. I. Les Sphinx des environs de Montbéliard. L'ouvrage de TJ. Bauhin étudié par Nodier, ouvrage extré- mement rare, a pour titre : TRAITÉ DES ANIMAVLS AIANT AISLES, qui nvisent par levrs pigvevres ou morsures avec les remèdes. — Oultre plus vne his- toire de quelques mousches ou papiilons non vulgaires apparues Pan 1590, qu’on a estimé fort venimeuses ; le tout composé par Lean Bavhin. Imprimé à Mont-Béliart, 1593. J. Bauhin y décrit avec une grande exactitude le dévelop- pement extraordinaire dune espèce de papillons survenue en même temps qu’une épizootie se déclarait sur le bétail ; il discute, « avec un esprit critique et une force de raison- nement » remarquable, le préjugé populaire qui attribuait eo —— e) —— la maladie à ces insectes, en donne des descriptions et des figures très exactes, afin de prouver que leur trompe, « leur aiguillon », est «trop mol pour percer la peau du bestial ou de l’homme ». : Dans son mémoire intitulé: QUELQUES GRAVES ERREURS EN HISTOIRE NATURELLE COMBATTUES DEPUIS LONGTEMPS PAR LES VRAIS SAVANTS. — COMMENT ELLES SE SONT ÉTEN- DUES A TOUS LES PAYS ET PROLONGÉES DANS TOUS LES AGES (Mélanges cités, p. 213), — Nodier remarque combien J. Bauhin était déjà au-dessus des préjugés de son temps et signale l’intérêt des figures qui ornent son Traité ; elles sont assez fidèles pour que Nodier ait pu les identifier : la prin- cipale, représentant l’espèce particulièrement incriminée, est le Sphinx du Liseron, papillon qui n’est pas absolument rare, aujourd'hui même, dans la région de Montbéliard ; et, circonstance curieuse, Nodier a observé, de son côté, que ce papillon v apparaît encore en plus grand nombre à la fin des années très chaudes et que le préjugé populaire qui les concerne a persisté jusqu'à nos jours ; les autres espèces figurées peuvent être rapportées au Sphinx de la Vigne et au Morio sphinx de Geoffroy. Nodier insiste sur la persistance de ces préjugés ayant pour origine un rapprochement inexact entre des phéno- mènes « qui ne sont que deux effets très divers et très indé- pendants d’une même cause »; il en donne plusieurs exem- piles, notamment cette intéressante observation qu'il fit en Dalmatie, où le typhus est attribué à une mouche très com- mune «qui porte la mort partout où elle se repose » ; Nodier n’a pu la déterminer exactement, les habitants lui ayant montré des insectes de diverses espèces : des Culex, des Tipules, des Diplolèpes ; mais ses observations méritaient d’être rappelées puisque les recherches récentes ont prouvé le rôle des insectes (mouches, culex. anophèles, puces, etc...), dans la propagation de plusieurs maladies : fièvre intermittente, fièvre jaune, fièvre typhoïde, etc. RL AU EE a es k Or Re NS Un Hs né À qi ARE ie IT Sur les Scarabées des Hiéroglyphes. Le second Mémoire, — INTERPRÉTATION DES HIÉROGLY- PHES ; RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES ET ENTOMOLOGIQUES SUR LE SCARABÉE SACRÉ DES ÉGYPTIENS...SES ESPÈCES ET SES VARIÉTÉS (Mélanges cités, p. 408), — est une disserta- tion absolument scientifique ; Nodier y étudie les diverses représentations de Scarabées, soit dans les inscriptions, comme caractères hiéroglyphiques, soit sous forme d'amu- lettes ou de momies. Ces représentations sont très multiphiées et 1l y a un intérêt évident à en essayer la détermination scientifique ; mais les caractères donnés par les artistes égyptiens sont-ils suffisants ? sont-ils exacts ou dus au caprice du graveur ou du scribe ? ces formes diverses se rapportent-elles à une seule et même espèce, le Scarabée sacré, l’Ateuchus sacer ? ou bien les variations observées correspondent-elles à autant d'espèces différentes ? Nodier discute ces questions avec soin, avec esprit et aussi avec une assurance qu'on sent reposer sur une con- naissance approfondie et par conséquent une compétence parfaite du sujet. Contrairement à l’opinion du voyageur Fréd. Cailliaud (1), pour qui le Scarabée sacré était lAteuchus profunus rapporté par lui de Nubie, le Scarabée sacré n’est pas une espèce particulière mais une collection de différents Scarabées orbivolves, c'est-à-dire avant l'habitude d’enfermer leurs œufs dans une boule de matière stercorale ; 1l y en a une douzaine d'espèces, déjà reconnues et figurées par les Egyptiens et que Nodier a pu rapporter aux types suivants : Ateuchus sacer, A. laticollis, A. pilularis, A. flagellatus, A. volvens, Copris emurginatus, C. lunaris, C. taurus, () CaILLIAUD (Frédéric:, né à Nantes en 1787, + 4er imai 1869, a publié : Voyage à l’oasis de Thèbes... (1815-1818), 2 vol, 1822; Voyage à Méroë... (1819-1822), 4 vol., 1826-1827 ; etc. 90 Geotrupes punctalus, Onitis sp. Cette dissertation est donc un excellent travail de discussion scientifique et pourrait ètre signée par un entomologiste de profession, un véritable naturaliste ! (1). $ 2. Diverses analyses et notes critiques entomologiques. Sous cette rubrique. nous classerons divers articles de critique sur des sujets touchant à l’entomologie : l’'Examen des Lettres à Julie sur l’Entomologie pur Mulsant et les observations de Nodier concernant les articles d’entomologie de différents dictionnaires I. Examen critique des Lettres à Julie sur l’'Entomologie par M. E. Muilsant. On a vu dans un précédent chapitre (VIT, $ 2) qu’en juin 1830, Nodier, avant appris la publication des Lettres à Julie de lentomologiste Ivonnais Mulsant, s'était hâté d’en deman- der un exemplaire à l’éditeur, lui promettant en échange, « quelques lignes d'appréciation » ; ces lignes ont paru dans le journal Le Temps, mais deux ans plus tard et transformées en deux longs articles (n°$ des 26 février et 8 mars 1832) (2) ; ces articles ont été réédités, en 1833, en une plaquette in-19, de 14 pages, intitulée : (1) Le travail de Nodier est cité dans l'Histoire des Coléoptères de France par Mulsant (Lamellicornes, 1842, p 36; 2e éd., 1874, p. 39, en même temps que celui de Latreille sur le même sujet (Des insectes peints sur les monuments de l’Egypte, Paris, 1819, ; voyez aussi les Traités d’Entomologie, par ex. Maurice GIRARD, t. [, p. 411 ; etc. (2) C’est pourquoi M. A. de la Fizelière, n'ayant pas trouvé cette analyse dans les n°s des années 1830 et 1831 des Débats et du Temps, journaux où Nodier écrivait ordinairement, a eru que la Révolution de 1830 l’avait empêché de donner suite à son projet (Voy. Bull. du Bibliophile, 1857, p. 925). — 39 — EXAMEN CRITIQUE | PAR | M. CH. NODIER | DES | LETTRES A Juure | SUR | L'ENTOMOLOGIE," | PAR M. E. MULSANT | — ‘à Paris, | chez Méquignon-Marvis, rue du Jardinet ne 13. | à Lyon, | chez les principaux libraires. | 1833. Lyon, — Imprimerie de G. Rossary, rue Saint-Dominique, ne 1. Cet Examen critique n’est pas une analyse mais une fan- taisie charmante, où Nodier fait un brillant tableau des méta- morphoses des insectes, de ieur rôle dans la nature, des phénomènes de mimétisme et de reviviscence peu connus à cette époque et où il expose ses idées sur la forme à donner à un ouvrage de la nature des Lettres à Julie. Nodier commence par une sorte de « roman d'Histoire naturelle », où, sous le nom de Grandison, il fait naître, se métamorphoser, se reproduire et mourir son héros, lequel n’est autre qu’un insecte à l’éclatante parure ; cette admi- rable description rappelle les plus belles pages de Séraphine et le charmant conte de Sybille Mérian ; mais on y trouve, de plus, résumés en quelques lignes (p. 4, 5), les phéno- mènes de mimétisme et de reviviscence, ressouvenir de ses observations d'étudiant racontées plus tard par AT, Dumas (1) ; et la conclusion «orthodoxe » de l’exposé de toutes ses mer- veilles n’est pas une «homélie », mais encore un conte où Nodier se fait un plaisir d’'embarrasser le philosophe athée Naigeon (p. 5). Dans un curieux passage, Nodier se montre aussi évolutionniste, mais pour lui l’évolution des êtres doit s'effectuer par les insectes : « l’insecte est le roi du monde et c’est au perfectionnement de cette race que tend l’œuvre de la création, si elle est intelligente. » Mais que deviennent, dans ces brillantes digressions, les Lettres à Julie? Le critique s’en souvient vers la fin du premier article : «Je ne sais si l’aimable et savant écrivain qui m’a fourni le sujet de cet article a pensé la même chose, (1) Voy. le Tarentatello (Chap. XI, 2 L). pe. mais on le croirait au zèle avec lequel il cherche à éveiller ces délicieuses sympathies qui seront l’âme d’un monde à venir. [Il trouvera que je me suis égaré en bien longs détours pour revenir à lui et cependant il ne m'en voudra pas si j'ai servi son projet ». Puis, dans le 2% article, Nodier lui con- sacre encore une demi-page (sur sept) et il donne de cette sobriété la raison admirable suivante (p. 8) : É Je compterais avec une exactitude capable de faire envie au savant M. Dupuis tous les pétales et toutes les étamines d’une rose que je ne me flatterais pas d’avoir donné une juste idée de la rose à celui qui ne l’a pas vue; il faut jouir des fleurs sur leur tige et des livres dans les livres. Voilà pourquoi j'ai si peu parlé, dans mon premier article, du livre de M. Mulsant, dont je parlerai fort peu dans le second. C’est cependant une production délicieuse, pleine d’un intérêt doux et gracieux, ani- mée de sentiments tendres et purs.... M. Mulsant a pensé que l’Entomologie était ce que l’on pouvait enseigner de plus agréable aux femmes, et il est bien entendu que c’est de science que je parle. Il est parti de cette idée qui est le principe, l’âme, le but de son livre. et qui me sourit beaucoup. Cependant j'ai besoin d'air, d'espace et d’ébats, et j'espère qu’en faveur de mes con- cessions sur le fonds il me pardonnera de n'être pas tout à fait d'accord avec lui sur la forme. » Ainsi: Nodier n’est pas satisfait de la forme des Lettres à Julie et il l'explique par d’ingénieux aperçus sur l'éducation de la femme qui occupent les cinq dernières pages de l'Exa- men ; il termine, du reste, par ces conseils : «M. Mulsant est maître de modifier son excellent travail, d’après mes ins- pirations, si elles valent quelque chose. Un fait qui me paraît démontré, c’est que pour initier les femmes à une science, il faut beaucoup aimer la science et surtout les fem- mes. ) Cette boutade n’a probablement pas été bien goûtée par le bon bourgeois, l’honnête savant de province, Mulsant ; mais Nodier s’y découvrait tout entier, lui qui avait tant {LCR aimé les femmes et la science dans sa jeunesse et qui, plus tard, avouait encore à Weiss, comme étant les seuls objets de sa passion : « mes insectes, ma femme, ma fille » (1), IT. Analyses et Notes diverses. Les Mélanges de littérature et de critique (2) renferment des observations sur le Dictionnaire universel de la Langue française de Boiste ; Nodier y rectifie diverses définitions de termes d'entomologie (p. 145), par exemple, celles des mots Attelabe, Calyge, Dryops, Millepieds, Mitte, etc. Dans Examen critique des Dictionnaires de la Langue française (Paris, 1826), Ch. Nodier reprend la critique de ces définitions ; outre celles rectifiées dans son premier essai, nous y trouvons des articles consacrés aux mots suivants : Bigaille, Bupreste, Calandre, Charançon, Cicindèle, Cigale, Clairon, Courtilière, KErvthrocéphale, Escarbot. Fourmilion, Géotrupe, [nsectier, Lépidoptères, Milabre, Naucore, Nécy- dale, Staphylin, etc Comme le dit le D' Fabre [XXX VIL 8], Ch. Nodier s’y est donné carrière pour faire un exposé de ses connaissances en histoire natureile et plus spécialement en entomologie. Voici, à titre d'exemple, l’article concernant l’'Attelabe (p. 51 ) {« ATTELABE : Coléoptère aquatique, à tête de sauterelle, corps d’araignée (LINNÉ). BoisT£. — Linné serait fort étonné qu’on lui attribuât cette singulière définition ; et quant à cette «dles- cription, je garantis qu'il n’y à pas de coléoptère au monde auquel elle puisse convenir... » Nous y reviendrons à propos des autres recherches de Nodier en zoologie, en botanique et en minéralogie. (Chap. XI et XIL.) (1) Lettre XL de Nodier à Weiss, dans X, p. 84. (2) Paris, 1820, t. I : c’est une réunion d'articles parus dans divers journaux de l’époque. Doo $ 3. Observations, descriptions et souvenirs entomologiques disséminés dans les œuvres littéraires (Contes, Nouvelles) de Charles Nodier. Les plus belles pages des Nouvelles de Nodier, celles où ses souvenirs entomologiques sont rappelés, à la fois, avec la poésie du conteur et l’exactitude du naturaliste, où les caractères des insectes, leurs mœurs, leurs parures, sont décrits d’une manière si vraie, si vivante ces pages forment une partie de Séraphine, dans les Souvenirs de jeu- nesse ; souvent reproduites, nous les réimprimons à notre tour dans le dernier chapitre de cet ouvrage. Mais on en trouve beaucoup d’autres, presque aussi remar- quables, dans l’œuvre littéraire de Nodier ; certaines de ses Nouvelles, comme Sybille Mérian et l'Homme et la Fourmi, sont même de véritables contes entomologiques. Marie-Sybille Mérian (1), une entomologiste « dont le ialent exact et soigneux sera l'éternel désespoir des peintres d’his- toire naturelle », essaie d’intéresser à l’étude des insectes son petit neveu Gustave de Rosander qui ne pouvait s’habi- tuer à vivre au milieu des « larves, des chenilles et des cocons ». Sous la forme d’un conte, elle lui fait l’histoire « d’un peuple où tout le monde naît adulte -et parfait... où tout le monde y nait vêtu,... habillé de. pompeux ornements... » ; et termine cette description, qu'elle a su rendre si attrayante, par ces mots: « je te parlais des insec- tes ». Le jeune Rosander, réconcilié avec ces êtres pour lesquels 1l n'avait eu d’abord que du dégoût, devient à son tour un fervent naturaliste (2). (1) Edition Renduel, t. XI, p. 79. (2) Les personnages de cette nouvelle sont historiques : MÉRIAN (Marie- Sybille) née à Francfort, en 1647, + le 13 janvier 171%, à été une célèbre miniaturiste, une habile peintre de fleurs et d'insectes ; elle a publié plu- Dans L'Homme et la Fourmi «apologue primitif » (D, Nodier raconte les mœurs des Termites, « de la fourmi Termes, qui se rit de la puissance de homme » et finit par renverser ses palais et ses villes. À propos des dangers auxquels on s'expose pour un mince profit ou pour des motifs de peu d'importance, Nodier raconte, dans Piranèse (2), comment il faillit perdre la vie, à 14 ans, en cherchant à prendre le Tritoma bipustulatum, dans un endroit escarpé des environs de Besançon. « J'avais mesuré du regard, sur un petit bolet qui pendait au penchant de la branche la plus éloignée, un joli insecte de la grosseur d’une semence de senevé, rond comme une perle, noir et iuisant comme le jais poli, oculé sur les étuis de deux larges points d’un rouge de laque admirables à voir et je venais de reconnaître en lui ce fameux fritoma bipus- tulaitum dont le premier exemplaire décrit avait été recueilli le 17 avril de l’année précédente, à Homstead, en Angleterre, par mon illustre maitre, Jean-Chrétien Fabricius... » (3); et après avoir décrit l’endroit dangereux où il se trouvait et raconté comment il s'était tiré de ce mauvais pas, Nodier ajoute : « J'étais sauvé, les jambes pendantes... et je con- templais avec une joie que mon cœur n’a jamais retrouvée, la dépouille opime de cette expédition au prix de laquelle on n’achèterait n1 la fortune ni la gloire : le fritomu bipustula- tum !... J’en ai depuis ramassé 60 en me promenant dans la forêt de Saint-Germain ! » Dans les Suites d'un mandat d'arrêt (4), Nodier donne des sieurs beaux ouvrages d’histoire naturelle, ornés de planches magnifiques. ROSANDER, général suédois, ayant dissipé la fortune de son beau-père, Mathieu Mérian. confie son enfant, Gustave de Rosander, à sa grand’tante Sybille Mérian qui lui donna, en effet, le goût de l'histoire naturelle. (1) Edition Renduel, t. XI, p. 351. (2) Piranèse, contes psychologiques, à propos de la imonomanie réflec- tive. (Edition Renduel, 1837, t. XI, p. 179). (3) Sur FABRICIUS, voy. plus haut, Chap. VE, p. 491. 4) Souvenirs et Portraits, édition Magen et Comon, 1841, t. IX, p. 119. cr o renseignements sur l'habitat et la dispersion géographique de la Lamie de Kœhler dans le Jura, aux environs de Cour- lans ; elle ne s’y trouve, dit-il, que dans une zone étroite, de 4 à 5 lieues de longueur (1). La Fée aux miettes (2) renferme de nombreux passages, où perce le naturaliste ; ils sont dans la mémoire de tous : « Quand je courrais doucement ma 25° année entre les romans et les papillons... dans un pauvre et joli village du Jura,... mon cher Quintigny » (p. 10); — «les seules distractions que je prenais alors... c'était la recherche des papillons, des mouches singulières, des jolies plantes de nos parages » (p. 81) : — « Un jour que nous revenions ensemble ainsi, en causant des petites conquêtes d'histoire naturelle que j'avais faites la veille et qu’elle s’amusait à me décrire, aussi exactement qu’une bonne iconographie aurait pu le faire... (p.85); — et à propos des papillons qu’un perpétuel prin- temps avait fixés dans le jardin : « je les connaissais presque tous par les descriptions que j'en avais lues très jeune » ; (p281) Dans Trilby 6), le lutin d’Argaïl prend les formes d’une mouche ou d’une phalène (p. 200). | _Smarra (4 contient aussi de nombreuses réminiscences entomologiques : «un insecte mille fois plus petit que celui qui attaque d’une dent impuissante le tissu d’une feuille de rose » (p. 83) ; la plus intéressante est cette belle description des Lucioles. « Semblables à ces insectes agiles que la nature a ornés de feux innocents et que, souvent, dans la silencieuse frai- cheur d’une courte nuit d'été, on voit jaillir en essaims du milieu d’une touffe de verdure, comme une gerbe d’étin- (1) Le Purpuricenus Kœhleri qu'il avait décrit autrefois sous le nom de Gapricorne peltifère. (Voy Descriptions succinctes.., Chap. X, 2 1.) (2) Edition Rerduel, 1839, 1. IV, (3) Id., 1832, t. III p. 475. (4) Id., 1839, & II, p. 37. 45 — celles sous les coups redoublés du forgeron. Ils flottent emportés par une légère brise qui passe, ou appelés par quelques doux parfums dont ils se nourrissent dans le calice des roses. Le nuage lumineux se promène, se berce incons- tant, se repose ou tourne un moment sur lui-même, et tombe tout éntier sur le sommet d’un jeune pin qu'il illumine : comme une pyramide consacrée aux fêtes publiques, ou à la branche inférieure d’un grand chêne à laquelle il donne l'aspect d’une girandole préparée pour les veillées de la forêt. Vois comme 1ls jouent autour de toi, comme ils fré- missent dans les fleurs, comme ils rayonnent en reflets de feu sur les vases polis : ce ne sont point des démons enne- mis. [ls dansent, ils se réjouissent, ils ont l’abandon et les éclats de la folie. » Les lumineux ébats de la Luciole hantent du reste l’esprit de Nodier : on la retrouve, en effet. dans d’autres de ses Compositions, par exemple dans ldylle de Georgi (Id. p. 167). $ 4. L’ « Oxypleurus Nodieri » MULSANT et la Société entomologique. Huit ans après la publication dans Le Tempx de Examen critique des. Lettres à Julie de Mulsant, par Nodier, lento- mologiste lyonnais lui dédiait un insecte rare de la France méridionale, appartenant à ces Longicornes dont Nodier a décrit si souvent la riche parure. C’est l'Oxypleurus Nodieri, un bel insecte rouge-brun, au prothorax muni d’une petite pointe latérale, origine de son nom (l), comme le montre le dessin ci-après. Le genre Oxcypleurus, créé par Mulsant, appartient aux Cérambycides (Longicornes) et à la tribu des Cérambyciens ; en voici la diagnose : (1) oËds, pointe; mheupa, coté. ne Je Antennes sétacées, à peine aussi longues que le corps dans les mâles, moins longues chez les femelles ; au 3° article plus court que le suivant. Dernier article des palpes élargi vers le sommet, sécuriforme Prothorax presque hexagonal, armé de chaque côté d’une petite épine. Pointe du médisternum bilobé. Cuisses renflées en massue. Corps allongé. L'espèce unique, O. Nodieri, est ainsi caractérisée : Corps subdéprimé, d’un rouge brun. Prothorax pubescent, épineux latéralement. Elyires parsemées de petits espaces cir- culaires privés du duvet dont le reste de la surface est garni et ressemblant à de petits points élevés (pl. 4, fig. 2) ©. « Cette belle espèce, ajoute Mulsant, a été trouvée par M. Doublier dans les environs de Draguignan. Je lai dédiée à M. Charles Nodier, auteur d’une Bibliographie entomo- logique et l’une des gloires de notre littérature ». (Histoire naturelle des Coléoptères de France, 1° livraison, Paris, Lyon, 1840, p. 57-58.) Dans la 2° édition (1862-1863, p. 107) publiée dans les Annales de la Société d'agriculture de Lyon, l'O. Nodieri est donné avec la synonymie Criocephalum morbillosum DJ. Cat. (1837), p. 354, — et la note ci-dessus est ainsi transformée : « Je l’ai dédiée à Charles Nodier, entomologiste autrefois passionné et l’une des gloires de notre littérature ». La larve de l'O. Nodieri a été décrite par Mulsant et son fils, l'abbé Victor Mulsant, dans les Annales de la Société linneéenne de Lyon, t. II (1855), p. 191 ; cf. MULSANT, Opusc., t. VI, p. 91 Enfin, cet insecte a été retrouvé en Grèce et une variété scutellaris Costa, en [talie (HEYDEN, Cat. Goléop. Eur., 1883, p. 189) (1) Planche 4 est une faute d'impression ; dans l’exemplaire que j'ai consulté, l'O. Nodieri est représenté pl. À, fig. E, et pl. 38, fig. 2 rite En 1843, Ch. Nodier donnait à la Société entomologique de France, un exemplaire de l'O. Nodieri, en témoignage de sa vive satisfaction d'avoir été nommé membre honoraire de cette Association ( juillet 1843). « Chargé comme secré- taire, écrit Dumarest, de transmettre cette nouvelle à Ch Nodier, nous nous rappelons qu’il l’accueillit avec une vive reconnaissance et qu il voulut bien enrichir notre collection d’un insecte de France d’une grande rareté, l’'Oxypleurus Nodieri, qu’il avait reçu de M. Mulsant. » (Soc. Entom. Fr., 1845, t. 3. p. 19-20). Ch. Nodier avait écrit au trésorier de la Société entomo- ogique, M. L. Buquet, la lettre suivante dans laquelle il donnait sa démission de membre ordinaire, lettre intéres- sante, peu connue, que nous avons trouvée dans une note des pages 19 et 20 citées ci-dessus. Monsieur et cher confrère, Depuis la fondation de la Société entomologique, j'ai reçu quatre années des Mémoires. J'ai payé fort exactement ce qui m'a été demandé pour ma part sociale, c’est-à-dire vingt-quatre francs par an, sauf erreur, mais je ne crois pas me tromper. La dernière année (était-ce en 1839, je l’ignore absolument) on ne me demanda que six francs et je priai le porteur du mandat de faire observer au caissier qu’il devait y avoir erreur sur la quotité. Il revint en effet avec un mandat de 18 francs quelques semaines après et je soldai immédiatement. C’était un homme de belle taille, de manières fort honnêtes et à cheveux presque ras elytris nitidis. Depuis lors je n’entendis plus parler de la Société entomolo- gique à laquelle j'étais lié par tant de doux souvenirs.Je pensai avec un profond regret qu’elle n'existait plus : je renonçai dou- loureusement à ma collection des mémoires dont je fis présent à un jeune adepte que je me flattais d’avoir formé à l’amour de la plus charmante des sciences. Accablé d’infirmités et pres- que aveugle je n’y pensai plus que dans ces beaux rêves du passé qui tiennent lieu de bonheur à ceux qui n’en orit plus d'autre. Je dois à la vérité de dire que j'ai reçu deux fois cette année des lettres de convocation qui m'ont un peu consolé. J’en ai conclu que Ia Société se renouvelait, mais je n'ai pas pensé à la prévenir que je pouvais moins que jamais prendre part à ses travaux. Je suis à un moment de la vie où l’on n’a plus à faire en matière d’entomologie qu'aux Peltes, aux Silphes, aux Niti- dules et aux Nécrophores. Ce que j'ai à cœur que la Société sache, Monsieur et cher Confrère, c’est que je n’ai jamais failli à un de ses mandats, que J'ai payé le solde exact de toutes les années dont j'ai reçu les mémoires où annales. Ce que je souhaite plus ardemment encore, c’est qw’elle pense que c’est avec une amère tristesse que je renonce à celui de mes titres (il n’y en a guère) dont j'ai été le plus jaloux. Je Suis etc. Signé : Ch. NODIER. Oxypleurus Nodieri A0 CHAPTIRE X ŒUVRES MANUSCRITES OU PERDUES D ENTOMOLOGIE L'œuvre scientifique de Ch. Nodier comprend quelques recherches entomologiques inédites, les unes achevées et conservées manuscrites, d’autres connues seulement par les renseignements qu'il en donne dans ses ouvrages ou sa correspondance. Aux premières appartiennent les Descrip- criptions succinctes d'insectes, œuvre de prime jeunesse, conservée à la Biblothèque de Besançon, et des parties inédites ou mal reproduites de sa correspondance avec Weiss : aux secondes, des ouvrages que Nodier a annon- cés comme prêts à paraitre, mais dont on n’a pas retrouvé les traces : l’Histoire des insectes avec un nouveau système de classification, tes Harmonies de la Botanique et de l’'En- tomologie, le Museum entomologicum ou EÉleuthérates du Jura et des Alpes. 21. Œuvres manuscrites. DESCRIPTIONS SUCCINCTES | des insectes qui se trouvent aux environs | de Paris que monsieur GEOFFROY a omis dans | sa méthode, traduite en langue vulgaire | de l’Entomotogia pari- siensis de monsieur | FOURCROY, premier et second article. | — Augmentées de plusieurs espèces nouvellement | reconnues dans la ci-devant FRANCHE-COMTÉ | qui paraissent particulières à ce climat et | dont quelques unes sont absolument ignorées | des en- tomologistes. | — Par CHARLES NODIER. | Besançon. — 1797. (Les mots en petites capitales sout à l’encre rouge dans le manuscrit). 4 EU 2 Petit volume cartonné, de 157 sur 198mm, 35 feuillets ; Bibliothèque de Besançon, mse , n° 448. Les pages sont encadrées au crayon noir ; la justification du texte est de 90 sur {40m : jl y a 28 lignes à la page ; les divisions, les noms des genres et des espèces sont écrits à l’encre rouge. Le t. Il, 2° partie, du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Besançon\l} n'ayant reproduit que les premières lignes du titre, on pourrait croire que cet ou- vrage ne concerne que les environs de Paris ; c’est pourquoi il n’est pas cité, dans certains recueils, parmi les manuscrits intéressant l’histoire naturelle de la Franche- Comté; mais, conformément aux indications du titre, on trouve dans cet ouvrage plusieurs espèces mentionnées comme nouvelles et observées dans notre région. Dans la Préface, Nodier annonce qu’il a eu loccasion de découvrir dans cette province un certain nombre d’in- sectes inconnus aux entomologistes ; il en a décrit d'autres d'après des exemplaires conservés dans les riches cabinets de M. de Chantrans et de M. Luczot; son collaborateur s'occupe spécialement des papillons, tandis que Nodier s’est réservé les coléoptères et les hémiptères. Ce manuscrit, rédigé au moment du départ de Luczot, paraît avoir été destiné à l'impression, en attendant un ouvrage plus com- plet, avec figures des espèces nouvelles, que Nodier « espé- rait achever en deux ans ». L’opuscule du jeune Nodier contient deux séries de docu ments : la traduction des diagnoses de toutes les espèces de coléoptères et d’hémivptères indiquées comme nouvelles, par une astérisque, dans l’Entomologia parisiensis de Four- croy ; les diagnoses d'espèces des mêmes ordres dont Nôdier n'avait pas trouvé, dans les ouvrages à sa disposition, une (1) Catal. gén. des msc. des Bibliothèques publiques de France. Dépar- tements, t. XXXII. — Besançon, t. [, Paris, 1897, p. 260, n° 448 (Le titre est reproduit entièrement). — Ip, t. XXXIII : Besançon, t. IL, 2e partie. 190%, p. 1320 : « Description des insectes des environs de Paris, 260 ». SEA description absolument conforme aux individus qu’il avait observés dans les environs de Besançon ou dans quelques autres localités de Franche-Comté. I. L’Entomologia parisiensis de Foureroy (1) est un petit volume portatif, très commode, qui donne les diagnoses latines des insectes observés dans la région parisienne d’après les ouvrages de Geoffroy (2): Fourcroy y a ajouté 300 espèces nouvelles. En voici le titre et le plan général qu’il est intéressant de comparer avec le travail de Nodier. ENTOMOLOGIA | PARISIENSIS ; | SIVE | CATALOGUS Insectorum quæ in Agro | Parisiensi reperiuntur ; | SECUNDUM methodum Geoffræanam in | sectiones, genera et species distributus : | GUI addita sunt nomina trivalia et fere trecentes novæ | Species. | Edente À.Fr. DE FourCcRoY, Doct. | Med. Paris ; è Reg. Scien- tiar. Academ. : | è Reg. Soc. médic., etc. | Parisiis, MDCCLXXXWV. — vViij-240 p. Prima sectio [Insectorum : Insecta coleoptera ; caracteres.... Articulus primus: caracteres.... Ordoprimus: caracteres..... I. PLATYCERUS. LE CERF- VOLANT. 4, P. cervus. Le Grand Cerf-volant. Long. 2! lignes. Larg. 7 lignes P. fuscus, cornubus duobus mobilibus, aspice (sic) bifurco, intus ramo denticulisque instructus. Locus. Habitat. silvas et præcipue ilices. Nodier suit pas à pas l'ouvrage de Fourcroy : il en repro- duit la classification générale, emploie le même numéro- tage des ordres, des articles et des genres; mais il ne traduit que les genres renfermant des espèces nouvelles de Foureroy ou celles qu’il a cru reconnaître lui-même ;: ces deux catégories d'espèces forment une sériation unique et continue dans chaque genre. (1), (2) Pour Fourcroy et Geoffroy, voy. plus haut, Chap. V, 21, p. #72. DD On remarque cependant que Nodier a quelquefois intro- duit, probablement par inadvertance, plusieurs espèces de l’'Entomologia qui n’y sont pas précédées de l’astérisque caractéristique ; par ex. la Vralleitte b.euâtre (Fourcroy, p. 27, n° 6), la Mélolonthe cuivreuse (p. 71, n° 6), les Capricornes comprimé et nébuleux (p. 76, 77, n° 11 et 13), la Lepture brune (p. 86, n° 26), la Galéruque à 4 taches (p. 104, n° 8), les Chrysomèles ferrugineuse, géminée, an- tique, suturee, tulipe (p:110, 111% n°521: 29%0%%957 96) le Charançon fascié (p. 133, n° 59), PAnthribe bigarre (bp 155% ne 10) | Il a oublié, par contre, quelques-unes des nouveautés de Fourcroy : Crioceris spinosissima (p. 96, n° 7), Cocci- nella testudinaris (p. 151, n° 27), etc. Enfin Nodier n’adopte pas les noms français, noms vul- gaires ordinairement, donnés par Foureroy ; il traduit litté- ralement le nom latin : « Platycerus, le Gertf-volant » de -Fourcroy devient, par exemple, cLe Platycère ». Pour ces espèces on n’a pas la preuve que Nodier les ait toutes observées lui-même dans la Franche-Comté ou dans les cabinets de Chantrans et de Luczot. IT. Les descriptions des insectes qu’une astérisque du manuserit de Nodier signale comme « non décrits par Four- croy », et dont plusieurs sont probablement ceux que notre jeune observateur croyait « absolument ignorés des ento- mologistes », et par conséquent les espèces qu'il pensait nouvelles et « particulières au climat de la Franche-Comté », ces descriptions ne concernent souvent que de simples varia- üons de taille ou de coloris. Voici du reste, à titre d'exemple, la reproduction des pre- mières lignes du manuserit de Nodier qui montrera com- ment il a suivi fidèlement l'ouvrage de Fourcroy, et donnera, en même temps, une idée de ses descriptions, pour les espèces marquées d’une astérisque. D er « Coléoptères Article premier. Ordre premier (), Genre 1'* Le Platycère No 1. Le Platycère Chèvre. Long. 18 lignes. Larg. 6 lignes. Brun, deux cornes mo‘iles, bifurquées à leur sommet, rameuses et dentées intérieurement. Corselet aussi large que la tête. Tête peu bordée et peu irrégulière qui ne fait avec les cornes qu'un tiers de la longueur de linsecte. Habitation. Les Bois de Chênes. Cette description du Platycère Chèvre est, pour les deux premières lignes, la traduction exacte de la diagnose du PI. cervus, dans Fourcroy (p. 2), reproduite plus haut; elle ne diffère que pour les dimensions de linsecte, et par l’ad- dition des caractères particuliers du corselei et de la tête ; elle correspond au P: capra, variété du P. cervus; voy. Geoffroy, Olivier (t. I, p. 11),-etc. Pour l’Escarbot réniforme, « long. 3 lignes, larg. 2 lign. ; noir, une tache rouge réniforme sur chaque étui », cette description est aussi celle de Geoffroy et de Fourcroy : « niger, elytro singulo macula rubra », sauf pour le mot « réniforme » et pour les dimensions : « long. 4 à 1 #, larg. 1». Les espèces marquées ainsi d’une astérisque dans les Descriptions succinctes sont au nombre de 47, soit 44 Coléop- tères et 3 Hémiptères ; celles qui ne se trouvent ni dans Geoffroy ni dans Foureroy, comme le Hanneton de Frisch, le FH. farineux, etc.., sont déjà décrites, pour la plupart, dans d’autres ouvrages d’entomologie de l’époque, par ex., dans le Systema Entomologiæ de Kabricius (1775). J’ai essayé de les identifier, avec l’aide de deux aimables et savants entomologistes de Lyon, M. L. Villard et M. le D' Robert : (4) Les mots en italique sont à l'encre rouge dans le msc. PE travail qui nous prit plusieurs séances et dont je dois repor- ter tout le mérite à mes deux obligeants collaborateurs. On trouvera ces déterminations à la suite du texte, dans la 2e partie de cet ouvrage [= n° 1]. Voici, cependant, quelques remarques particulièrement intéressantes et qui méritent d’être consignées ici. Nodier indique les espèces suivantes comme ayant été étudiées par lui dans le « cabinet de M. Luczot » : Le Sca- rabé Hanneton de la vigne (Anomula vitis Fabr.), le Scarabé arrondi (Bolboceras mobilicornis Kabr.), le Bupreste à brode- rie compliqué (Coræbus rubi ?), le Ditique ondé (Agabus maculatus Fabr.), le D. cuivreux (4g. chalconotus ?), le Capricorne gris marbré de noir (Mesosa nubila Oliv. ?). la Lepture I1-points (Saperdaæ tremulæ Fabr.), le Stencore G-taches (Stenocorus 2-fusciatus Fabr.) : — et dans « le cabinet de M. de Chantrans » : le Capricorne longues-cornes (Ædilis montana Muls.), et le Capricorne peltifer (Purpu- ricenus Kæhleri), création de Nodier, dont il parle, à diverses reprises dans ses ouvrages et sa correspondance (1). Quelques espèces provenaient « du côté de l'Alsace, sur les limites de la Franche-Comté » : Corœbus Rubi?, Ædilis montanda, Purpuricenus Kæœhleri ; — d’autres, des environs de Baume les-Dames : Hister 2-maculatus, etc. Un long paragraphe est consacré à la description détaillée du Proboscide velouté, « genre et espèce nouveaux », dit Nodier, qu’il rapproche cependant de l’Antribe de Geoffroy, mais qu'il sépare d’après quelques différences relevées minutieusement ; nous v revenons plus loin. S1 les diagnoses d'espèces que Nodier croyait nouvelles parce qu'il n’en avait pas trouvé de description identique dans les ouvrages qu’il pouvait consulter, n’ont pas un grand (1) Voy. au sujet de cet insecte, outre les Descriptions nouvelles, sa correspondance avec Weiss, lettre XIIL (X, p.27), citée plus haut, Chap. IV, $1, p.460; les Suites d'un Mandat d'arrêt, p.119 (Chap. IV,S 8, p 466,467). AMAR intérêt scientifique, elles renseignent du moins sur les aptitudes déjà remarquables de Nodier pour les sciences d'observation ; il ne se borne pas à une détermination superfi- cielle de l’insecte, mais il étudie avec soin, note les moindres différences, pousse en un mot l’analyse des caractères bien plus loin que ne saurait le faire un simple collectionneur. L'histoire de son Proboscide velouté (VOy. 2° partie, Des- criplions nouvelles, p.22) est particulièrement démonstrative. Nodier rencontre le curieux coléoptère appelé aujourd’hui Platyrhinus latirostris Clair., remarquable par son rostre très développé et formant une sorte de trompe courte, large, aplatie (1) ; il voit bien qu'il se rapproche beaucoup de l’An- tribe noir strié de Geoffroy, s’il ne lui est pas identique ; mais, constatant quelques différences dans la taille moyenne, dansiles caractères de coloration, de pilosité .etc.., — et pour cela Nodier examine et mesure de nombreux individus, — jugeant, d'autre part, quon n’a pas attribué une assez grande importance, une assez grande valeur taxinomique, à la curieuse conformation du rostre de cet insecte, il en fait un genre nouveau, le Proboscide, dont le nom rappelle cette singulière particularité (Proboscis, trompe), genre «auquel, dit-il, l’'Antribe de M. Geoffroy doit être rapporté. » Ces détails caractérisent bien le jeune observateur, encore inexpérimenté, mal outillé surtout, mais possédant l’acuité d'observation du véritable naturaliste. $ 2. Œuvres manuscrites (ou publiées ?) non retrouvées. 1° HISTOIRE DES INSECTES AVEC UN NOUVEAU SYSTÈME DE CLASSIFICATION, Tel est le titre d’un ouvrage qui m'avait été signalé par M. Abeille de Perrin (2) et dont j'ai retrouvé l'indication dans Desmarest et dans Hagen. (1) Rappelé par le nom de l’insecte : Platyrhinus tatirostris. (2) Voy. plus haut, Chap. IV, 22, p. 464 LG Dans sa Notice, Desmarest dit, en effet, que deux ans après la publication de la Dissertation sur l’organe de l’ouïe chez les Insectes (1798), Nodier « donna une histoire des insectes dans laquelle il présenta un nouveau système de classification (1) ». | Sur la foi de Desmarest certainement, Hagen, dans la Brbliotheca entomologica (1863, t. IE, p. 15), indique aussi, comme publié, le même ouvrage, avec le même titre : His- toire des Insectes avec un nouveau système de classification, 4800 ». Dès son jeune âge, Nodier avait eu l'intention de réunir ses observations sur les insectes et le résultat de ses recher- ches bibliographiques dans un ouvrage didactique, conte- nant des descriptions et une classification nouvelle. Dans la préface de ses Descriptions succinctes (1797), il annonce déjà un ouvrage de cette nature qu’il espère pouvoir donner « avant l’espace de deux ans », avec « la peinture succincte de tous les insectes inconnus que notre province renferme. » Les Eleuthérates et le Museum entomologicum qu'il rédige plus tard à Quintigny (1810-12), ne sont que la continuation, la transformation et l’achèvement de cet ouvrage dont il a modifié plusieurs fois le titre et le plan. La lettre inédite suivante, adressée de Quintigny, à Weiss, le 16 juillet 1811, est bien explicite. Après avoir énuméré les divers travaux qu'il a sur le chantier, Nodier ajoute : « Cette besogne ne sera pas de longueur et d'importance à me détour- ner de quelques autres que j'ai plus à cœur. J'espère publier dans le courant de l’été prochain, soit en corps, soit par fas- cicules, les Éleuthérates des Alpes et du mont Jura avec un nouveau système naturel des insectes qui a eu l'approbation des gens versés dans cette puérile science (2). On dit que (4) Soc. Entomol. de France 9 série, 1845, 1. 3, p. 18. (2) Puérile : avec la signification de science facile, dont peuvent s’oc- cuper les enfants PES RE mes recherches si zélées et si assidues, m'ont au moins fourni quelques observations nouvelles. » Ces recherches, cette nouvelle classification des insectes étaient donc connues des entomologistes de l’époque, à qui Nodier les avait soumises et qui en avaient donné une appré- ciation favorable ; mais aucun bibliophile, aucun naturaliste n’a pu me renseigner sur cette Histoire des Insectes et je ne crois pas qu'elle ait été publiée. 20 LES HARMONIES DE L’'ENTOMOLOGIE ET DE LA BOTA- NIQUE. De même que pour le précédent ouvrage, Nodier avait pensé de bonne heure à décrire les rapports de ces deux sciences, l’Entomologie et la Botanique, c’est à dire les rela- tions que l’on observe entre les insectes, les fleurs qu’ils butinent et les plantes dont leurs larves se nourrissent. Il en parle déjà dans la Bibliographie entomologique de 1801 (p. 36, 37), à propos de l’ouvrage de Linné et Forskal : Hospita insectorum flora, Upsal, 1752. « Le sujet de cet ouvrage, dit-il, est extrêmement intéressant ; mais il est loin d’être complet. J'ai essayé d’y suppléer par un autre, que j'ai intitulé : Hospitu florida insectorum, seu, Harmoniæ botano-entomologicæ. Il est encore manuscrit et j'attends pour lPoffrir au public qu'il ait atteint un degré de perfection auquel ma jeunesse ne m’a pas encore permis de le porter. » Nodier y revient, plus tard, dans sa correspondance avec Weiss (Lettre de Quintigny, probablement de 1811, inédite) : « Ce n’est point par les Harmonies de l’Entomologie avec la Botanique que je me propose de me rappeler au souvenir des gens de lettres. Si je finis cet ouvrage peu important, qui n’aura, d’ailleurs, aucun rapport avec ceux dont tu me parles, car il serait purement poétique et pittoresque, ce sera à mes moments perdus et je n’en perds guère; mais j'ai besoin d’amasser des idées et surtout de me faire un sys- tème d’entomologie un peu perfectionné... » Mio D’après cette lettre, l'ouvrage primitif avait perdu son caractère scientilique ; il se transformait en une série de tableaux « poétiques et pittoresques », comme on en trouve en maints passages de ses œuvres, par exemple dans l'alinéa suivant de l'Exumen critique des lettres à Julie (p. 7). (IE n’v aurait pas une plante qui perdit ses hôtes et ses ornements, et vous savez s'ils sont gracieux. C’est une lème écarlate qui pend comme un bouton de corail aux limbes d’albâtre de la plus belle des Liliacées ; c’est un gribourt vert qui étincelle comme une prase enchâssée d’or au milieu du réceptacle de la marguerite ; c’est un trichie à l’habit de velours jaune et aux galons de jais qui s'endort dans une rose comme un homme de cour en bonne fortune. Les car- dères et les orties, les jusquiames et les belladones ont elles-mêmes des clients assidus qui viennent se placer sous la sauvegarde de leurs piquants et de leurs poisons. » 3° LE MUSEUM ENTGMOLOGICUM. 18192. Cet important ouvrage, dans lequel Nodier avait réuni toutes ses observations entomologiques, les souvenirs de ses excursions dans les monts Jura, l’étude des types de ses riches collections, les documents recueillis pour son Æistoire des insectes, cet ouvrage est ainsi annoncé dans une lettre adressée à Weiss, datée de Quintigny, le 25 avril 4812, qui contient l’énumération des travaux dont il s’occupait à ce moment, et qu'il pensait publier dans l’année. «40 Jo. Emm. Cur. Nodier, Acad. Ambian. Vesont., etc. membr. Musœum entomologicum. Eleutherata Juræ et Al- pium fere complectens. » Ce titre est reproduit inexactement dans l’ouvrage de M. Estignard (X, lèttre LVIT, p. 124) : Jo. Emm. Car. Nodier, acad. Ambian. Vesont. de membr. Museum, Entomologicum. Eleutherata Juræ et Alpium fere com- plecteris. QE Les fautes de transcription, — de pour etc., commlecteris pour complertens, la virgule après Museum, — rendaient ce titre intraduisible. Or la traduction en est facile : Jean-Emmanuel-GCharles NODIER, membre des Académies d'A- miens, de Besançon, ete. — MUSÉE ENTOMOLOGIQUE contenant presque tous les Eleuthérates du Jura et des Alpes Ambian. est l’abréviation d'Amoiani, — orum, habitants d'Amiens ; les Éleuthérates sont les insectes à pièces buc- cales libres, c’est-à-dire les Coléoptères de nos classifica- tions usuelles (1). Nodier travailla à cet ouvrage pendant son séjour à Quin- tigny, en 1811 et 1812 ; dans la lettre du 16 juillet 1811, citée plus haut, il écrit qu'il espère publier, dans le courant de l’élé prochain, ses Eleuthérates du Jura et des Alpes ; dans celle ci-dessus du 25 avril 1812, le Musée entomologique est placé en 4 ligne dans l’énumération des ouvrages qu’il se propose de publier duns l’année ; mais le 13 mai suivant, il annonce que son « Museum entomologicum ne paraitra que cet hiver, époque où j'en aurai seulement fini les figures, car je me sens en état de les faire assez proprement, si Luczot les néglige » (2). Enfin, dans une lettre de la même année 1812, adressée à G. Peignot, Nodier parle probable- ment du Museum, sous le nom d’une Histoire des insectes de France, — à moins qu'il ne soit revenu à cet ancien pro- jet ?, — en le priant de lui faire obtenir le titre de membre de l’Académie de Vesoul, afin de pouvoir le joindre aux autres sur la couverture de cet ouvrage (3), (1) Nodier adoptait le terme que Fabricius avait employé dans ses ouvrages, Systema Entomologiæ (1775), et Systema Eleutheratorum (Kiel, 1801, 2 vol. &); voy. plus haut, Chap. V, $8 ; Chap. VI, p. 491. (2) « Si on me les néglige » dans X, lettre LVIIL, p. 128. (3) Bull. du Bibliophile, 1859, p. 76. Comme l'indique la lettre du 15 mai 1819, le Museum devait non seulement contenir des descriptions d'insectes nouveaux mais de plus être orné de figures; Nodier les avait demandées à plusieurs de ses amis ou collaborateurs, notam- ment à Prudent et à Luczot : « Je désirerai, écrit-il le 25 avril 1812, pour cet ouvrage, d nt Béchet a la complai- sance de revoir la mauvaise latinité, deux ou trois figures que J'aurais fait faire par Prudent, quoique Luczot me les eût promises (l); mais c’est que Luczot est un peu lent. Qu'est devenu Prudent ? ». Tous les correspondants de Nodier étaient mis à contri- bution pour aider à lachèvement du grand ouvrage sur les insectes du Jura, où leurs noms devaient être cités ! IT le promet à notre vieille connaissance Gévril, toujours aussi négligent, mais à condition ; « Dis bien à Gevril qu'il ne sera nommé (souligné dans le texte) là (dans le Muséum), qu'autant qu'il me fera un envoi curieux. Il me le promet depuis deux ans, et il doit me faire l’avantage de croire que je lui en témoignerai noblement ma reconnaissance. » (Lettre du 25 avril 1812). | Promesses vaines ! En décembre 1812, Nodier partait pour l'Illyrie où il séjournait une partie de l’année 1813, et le Museum, ainsi que les autres travaux entomologiques, restaient à achever et à publier ! Que sont devenus les manuscrits de ces ouvrages dont la rédaction devait être, comme on vient de le voir, très avan- cée et qu'il eût été si intéressant de retrouver ? Je les ai vainement cherchés, soit à Quintigny, où l’on m avait signalé des manuscrits de Nodier conservés chez M. Gesse, soit à Fontenay-aux-Roses, chez Mme Thècle Mennessier-Nodier, où ces papiers ont été transportés ; mais, nulle part on n'a pu trouver traces des manuscrits entomologiques de notre naturaliste |! (1) « Et qui in'ont été promises », dans X, lettre LVII, p. 124. ne S 3. Parties inédites de la correspondance Nodier- Weiss. Les lettres adressées par Ch. Nodier à son ami Weiss ren- ferment de nombreux passages, — simples lignes ou longs paragraphes, — intéressant l’entomologiste ; 126 de ces lettres ont été publiées par M. Estignard, en 1876 (voy. X): malheureusement, la reproduction en est quelquefois inexacte ou incomplète ; le collationnement que nous en avons fait avec les originaux, libéralement donnés par M. Estignard à la Bibliothèque de Besançon, nous a permis de corriger un certain nombre de lectures fautives, pour des noms propres, comme Luczot, ou pour des noms d'insectes : — de rétablir plusieurs passages supprimés et qui concernent précisément des entomologistes, comme Luezot, Gevril ou des insectes intéressants ; — de publier des parties de plusieurs lettres non éditées par M. Estignard, et qui intéressent surtout les naturalistes ; — de faire enfin un nouveau classement de cette correspondance, en tenant compte des dates, des timbres de la poste et des renseignements donnés dans les lettres elles-mêmes. Les passages non publiés et les parties des lettres encore inédites qui intéressent Nodier naturaliste ont été utilisés dans le cours des chapitres précédents : il est donc inutile de les reproduire de nouveau ; rappelons cependant pour les Lettres inédites, celles du 2 janvier 1801 (p. 461, 462); du 30 août 1808 (p. 449, 472); du 31 mars 1809 (p. 470-72, 503) ; du 21 janv.1811 (p. 486, 491) ; du 16 juillet 4841 (p. 494); du 14 octobre 1811 (p. 495) ; de Quintigny, 1812 (p. 492, 494) ; ête Voici la nouvelle classification que nous proposons provi- soirement, de la correspondance Nodier-Weiss (chiffres arabes), et sa concordance avec celle de M. Estignard (chif- fres romains) ; nous appelons particulièrement lattention sur les Lettres inédites 3, 21, 95, 27, 31, 33, 48, 60, 64, 72, — et sur le nouveau classement des lettres 4,10, 11, 26, 40,51, GIS eIC. Pope 1. — IL — (1799 ?). GIROMAGNY : chez sa nourrice, Thérèse Krist ; excursions botaniques : plantes alpines, Cytises. 2. — IT. — Id. Ip. 3. — » — 1801. Paris : 11 nivôse an IX: « Je m'empresse DEMMÉNONCTMERETEL TONER » : Bibliothèque nationale ; son ouvrage (Bibl. entom.) soumis à La Metherie et Lamarck ; Bailly. 4. — XIV.— Ip. : 25 nivôse ; Bibl. entomol. entre les mains de Lamarck. 5. — IV. — Ip. : Bibl. entom.à l'impression ; appréciation de Lamarck. 6. — V. — 7. VII. 8. — IX. — 1802. Paris. Réunions des Philadelphes. 9. — X. — Ip. : 21 ventôse ; quelques jours avant Les Pros- crits. 10. — II. — Ip. (Vendémiaire an X); avant Stella ! : projets d’'herborisations, de chasse aux insectes. 11. — VI. — Ip. Après Stella ! séjour de l’année précédente à Giromagny; projet de voyage pour fructidor prochain (herborisations ; Th. Krist), Luczot de Thébaudais. 12. — XI. — Ip. Souvenirs des Vosges; — 13. XI. 14. — XIII. — Ip. Projets pour Giromagny (le C. peltifer.) 45. — XV. — Ip. Regnauld, Deis, Pertusier, Daclin, etc. 16. — » — 1804. Paris (20 messidor an XII). 17. — XVI. — 1807. DOLE ; — 18. XVII. 19. — XX. — Ip. 14 mars: N. a quitté Besançon il y a 5 mois; candidat à une place d’Inspecteur de l’Instruc- ton publique. 20. — » — Ip. « Tu n’as pas idée des choses que me dit M. de Bry... »; son cours commencé aujour- d’hui. 21, — , » — Ina Tu m'enverras des livres.» échange de l’Hist. des Oiseaux de Valmont de Bomare. 22. — » — Ip. déc. ! « Tu m’accuseras encore... » 23. — » — 1808. Dore: « Enfin mon ouvrage est achevé...» ; « Mon cours se rouvre le 2 janvier ». 24. 93. » ER — 1808. « Je suis bien quand je reçois... » — [p., 30 août : « Je reçois une lettre...» :; Luczot l’engage à aller chez lui à Hédé ; projet de cours à Rennes; N.désire avoir un Geoffroy en échange. — XVIII — Peu de temps avant son mariage (31 août). — : « Je ne sais pas encore... » ; après son ma- riage ; demande d'insectes à Lonjan, Gevril. XXI. — Peu de temps après la mort de son père (9 oct.): N. enseigne la Botanique et l’'Entomologie; pro- jet de voyage à Hédé chez Luczot, en attendant son embarquement pour la Louisiane ; Luezot prépare un Species très complet. — XXII — Ip. : — 98. XXII (après oct. 1808); — 30. XIX. » » — Ip. « Tu nous joues un mauvais tour... » ; (fin 1808 ?) ; N. demande des insectes, surtout des Coléop- tères ; ses boîtes somptueuses, mais un peu vides. — 32, XXXIX. — 1809. DOLE. 31 mars : « Je ne me suis pas empressé... » N. déjà marié (projet d’excur- sions entomologiques avec sa femme, dans le Jura, du férau 15 mai); cours d'histoire naturelle depuis 4 mois: cours à Dijon ; Gevril; Lonjan. XXV. — Ip. Projet de départ pour Amiens ; transport de sa collection ; Gevril. XXIV. — Ip. Quintigny, 16 août : «Je pars dimanche pour Amiens. » XXVI. — AMIENS ; demande d'insectes à Gevril. — XXIX. — ID. 19 sept. : Gevril, Delalande. XXX. — Ip.: Gevril, Delalande ; demande d'insectes. . — XXXI. — Ip.:9 oct. ; demande d'insectes à Gevril ; lon- gue note, la Lichénée bleue; Morey, Düuméril. — NII. — Ip. : 25 oct. ; (Nodier y parle de sa femme !); Gevril. M. — XXVIIet XX VIII. — In 15 déc.; longue demande à Gevril. 42, — XLI. — 1810. AMIENS. 16 janv. : Note sur Gevril ; demande d’insectes, les Spondyles, etc. 49 bis, — y» — Ip. Billet concernant Gevril. GI 67. - XXXIIL — 1810. QUINTIGNY : 18 sept.; Bruand. XXXV. — Ip. Chateau de Buguet ; chasses entomolo- giques. XXXVI. — Iv. 9 déc. : Duméril. — 46. LIT. ) 1811. QUINTIGNY (1810-1812) ? « Tu me jettes dans un cruel chagrin... »). » — 1D. 21 janv. «Je m'empresse de t’envoyer...»; demande de l’ouvrage d'Olivier ; Coste ; Gevril; voyage à Paris. — 49. 14 avril. XLII[. — Ip. 26 avril; naissance de sa fille; Gevril. XXXVIL — Ip. (après la naissance de sa fille!): sa belle collection ; demande à Gevril.— 52 : 5 mai. XXXNIT- > In:; demande à Gevnit; refuse -un/prores- sorat de Belles-Lettres. XLIV. — Ip. Duméril ; refuse une nomination dans l'Université. NP" TD mes insectes ma femme, ma mle LITE — Ip. mardi 1811; demande de renseignenients sur la chaire d'Histoire naturelle de l’Université de Besançon. LIV. — Même sujet. XLVI. — Ip. 21 juin : demande de l’ouvrage d'Olivier ; sur sa collection ; Gevril. » — [Dp., 13 juillet : « Je suis si harassé... » >». — In, 16 juillet: «Je ne suis pac cloisneude. >. sur les Éleuthérates des Alpes et du Jura à publier dans le courant de l’été prochain. XXXII — Ip. Demande d'insectes de Bregille ; dessins des Oberea oculata, Prionus coriarius ; les Eleutherata de Fabricius XLII — Ip. 95 juillet. — 63. XLVII : 29 août : Gevril. » — Ip. 14 octobre : « Je Suis certain de l’exacti- tude.….. » ; Duméril ; Cuvier. — 65. XLVIII : 18 oc- tobre. XLIX. — Ip. 13 nov. : sur sa collection valant 100 louis à vendre à Sa mort. L, — [p. (19 nov.): N. malade ; Baron l’emmène dans les monts du Jura. — 68. LI ; 24 déc. Oo 69. — XXXIV. — ?: Deis, Bruand. — 70. XLV :? 71. — >. — 7 janv.? «J'ai passé 3 jours sur ta lettre. ..»; CEE V: 72, — » — ? « J'ai reçu ta lettre à Lons...»; sur ses Etudes d'Histoire naturelle; les Harmonies de l’Ento- mologie et de la Botanique ; demande à Gevril ; a reçu Olivier. — 72bis, XLV ; ?. 73. — LVI. — 1812, QUINTIGNY. ler fév.: Hist. natur. de Ges- ner ; projets pour le 31 août. 7%. — LVIL — Ip. 25 avril : Sur le Museum entomologjicum, ses figures ; Luczot, Prudent, Béchet, Gevril; pour- parlers avec le recteur Ordinaire; admis à l’Aca- démie de Besançon. 75. — LVIIL. — ID. 15 mai: mêmes sujets. 76. — LIX, LX. — Ip. 20 juin : Luczot (qu’il n'a pas vu depuis 14 ans); Bruand; refuse d’être profess' de rhé- torique. — 77. LV (samedi d'août). 78. — LX[I. — Ip. 12 sept. ; offres pour Paris. 79. — LXIL. — Ip. 27 sept.; projets de voyage à Paris. 80. — LXIII. — Ip. 27 oct.: annonce sa nomination à Laybach (4 sept.); —:81. LXIV ; 20 no. 82. — LXV. — [p.30 nov.: annonce son départ pour Laybach. 83. — LXVI. — 1813. LAYBACH. 2 janv.: Genève, collections de Jurine. — 84. LX VIT. ID., 15 février. À partir de ia LX VITE, les lettres de Nodier à Weiss sont datées presque toutes de Paris (1814 et années suivantes) et n'intéressent plus guère le naturaliste, à l’exception cepen- dant des suivantes : LXXV, 22 juin 1818 : projet de départ pour Odessa. LXX, 6 sept. ? ; départ prochain, avec 5 artistes, pour la Fran- che-Comté (C£. Voy. pittor. dans l’anc. France 1820 et suiv.). LXXII, 31 mars? : « j'irai bientôt en Franche-Comté ». LXXIII, ? ; N. malade, compare les taches livides de sa peau à celles de la Salamandre. CIEL. 11 janv. 1899: N. demande à Weiss un ex. de la Disserta- tion de 1797. CX VII, 21 juillet 1832 ; sur le naturaliste de Meyraux. ee J 00 — TABLE DE LA CORRESPONDANCE NODIER-WEISS Collection entomologique : Lettres 27, 31, 34, 38, 51, 58, 66, 72,83 Cours d'Histoire naturelle : 19, 90, 93, 27, 98, 33, 56. Etudes d'Hist. naturelle : 98, 49, 55, 72. Excursions entomologiques : 10, 11, 14, 33, 44, 67, 70 ; — bota- niques : 1, 2, 10, 11, 12; — géologique : 11. Insectes cités : Ædilis montana, 14, 41; Lamia œdilis, 14, 61 ; L. textor, 61; Leptures, 61, etc.; Lichénée bleue, 39; Moris- mus lugubris, 61; Oberea oculata, 61; Peltifer, 14; Prionus coriarius, 61 ; Proboscide, 38 ; Purpuricenus Kœæhleri, 14; Spondyle, 42, etc. Naturalistes et autres correspondants : Bailly, 3 ; Baron, 67; Béchet, 74; Boissonade, 57 ; Bruand, 43, 69, 76 ; Buguet, 44; Coste, 4, 48; Cuvier, 64; David de St-Georges, 42; Deis, 15, 69 ; Delalande, 37,38; Duméril, 39, 45, 54, 64; Gevril, 27, 33, 84, 306, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 42 bis, 48, 50, 51 bis, 53, 58, 09, 12,474; Jurine, 895 Kris 42 4 lamarekts 25; Fa Metherie, 3: -Lonjan, 27, 53% Luezot, 11,258 74%; 160; E: de Milon, 77; Meyreaux-(de), °CCXVIR: "More, 59; Ordinaire, 74, 75; Prudent, 74; Rennes (de), XCI. Professeur dans l’Université : 19, 20, 93, 25, 28, 33, 53, 54, 56, SN 0 Geo CHAPITRE XI NODIER ZOOLOGUE ET BOTANISTE L’Entomologie n’est pas la seule branche de l’histoire naturelie dont Nodier se soit occupé, on vient de voir avec quelle passion, sinon avec un succès incontesté. Il s'est aussi intéressé à d'autres parties de la zoologie, à la botanique, à des questions de physiologie et de méde- cine ; 1l à été enfin professeur d'histoire naturelle, cir- constance importante pour la thèse que nous soutenons dans cet ouvrage ; ces divers côtés de sa vie de natura- liste sont étudiés dans les chapitres XI et XII. $ 1. Observations zoologiques : les animaux ressuscitants. 4o On trouve dans les œuvres de Nodier d’assez nom- breuses observations sur d’autres animaux que les insectes: nous mentionnerons d’abord celles que P. Lacroix a rappe- lées dans le Bulletin du Bibliophile (1864, p. 1055) sur les Grapauds centenaires et millénaires, les crapauds accou- cheurs, l’association du crapaud et de l’araignée. Un jour, en Styrie, au cours d’une chasse entomologique, Nodier introduit la main dans le creux d’un arbre ; il sent quelque chose de visqueux et constate que c’est une partie d’un animal emprisonné dans le bois ; il fend l'arbre avec une hachette et en retire un énorme crapaud qui devait être enfermé, là, depuis de nombreuses années ; cette obser- vation fut, pour Nodier, l’occasion d'une étude sur toutes les histoires connues de crapauds centenaires ou millé- naires découverts dans des pierres ou des troncs d'arbres Op cit, p. 1059). Ge La description d’un fait de commensalisme entre un cra- paud et une araignée avait pour origine une anecdote rappor- tée par Nodier de son voyage en Normandie (op. cit., p. 1055). Une autre histoire non moins fantastique met en scène un crapaud et un lézard (id., p. 1060); Nodier célèbre, au même endroit, les vertus du crapaud...; mais ce sont là de ces fantaisies dans lesquelles Nodier excellait et non de véritables observations scientifiques. « Comme dans l’histoire naturelle, raconte plaisamment A. Dumas, Nodier distançait Hérodote, Pline, Marco Polo, 3uffon et Lacépède ! Il avait connu des araignées près desquelles l’araignée de Pélisson n’était qu’une drôlesse ; il avait fréquenté des crapauds près desquels Mathusa- lem n’était qu'un enfant ; enfin il avait été en relations. avec des caïmans près desquels la tarasque n’était qu’un. lézard ». Cependant à propos des lézards, Nodier a donné dans le Songe d'Or, une description très exacte, très vivante, de la démarche du Kurdouon, «le plus subtil, le plus accort. des lézards », un des principaux personnages du conte. Et le Kardouon se glissa vers le trésor, non directement, parce que ce n’est pas sa manière, mais en traçant de pru- dents détours ; tantôt la tête levée, le museau en Pair, le corps. tout d’une venue, la queue droite et verticale comme un pieu; tantôt arrêté, indécis, penchant tour à tour chacun de ses yeux. vers le sol pour y appliquer sa fine oreille de Kardouon, eLi chacune de ses oreilles pour en relever son regard ; examinant la droite, la gauche, écoutant partout, voyant partout, se rassu- rant de plus en plus, filant un trait comme un brave Kardouon, se retirant de lui-même en palpitant de terreur, comme un: pauvre Kardouon qui se sent poursuivi loin de son trou; et puis Mtoutrheureuxtet#touttier vrelevaut-son dos "enteintre; arrondissant ses épaules à tous les jeux de lumière, roulant les plis de son riche carapaçon, hérissant les écailles dorées de- sa cotte de mailles, verdoyant, ondovant, fuyant, lançant au GONE vent la poussière sous ses doigts et la fouettant de sa queue. C'était sans contredit le plus beau des Kardouons (). 2° Dans son Evccursion aux montagnes d’Ecosse en 1820 (2), Nodier eut l’occasion de faire, outre les recherches entomo- logiques rappelées dans un chapitre précédent (chap. VITE, $S 3), des observations sur d’autres animaux intéressants de cette région : nous relevons particulièrement ce qu'il dit de la faune des montagnes qui avoisinent le Loch Lomond. Les landes froides et nues de l’Ecosse sont comme celles du reste des pays septentrionaux, couvertes par le lichen desrennes; mais la nature qui a prodigué dans ces contrées la pâture du précieux domestique des Lapons, n’y a point placé l’animal qui s’en nourrit. Nul grand quadrupède n’anime de sa présence les solitudes de la Calédonie, si ce n’est quelques bêtes fauves fugitives qui doivent même être assez rares. À peine un miau- lement féroce indique de temps en temps le chat-pard, que toutefois je n’ai pas entendu; et parmi les oiseaux, à peine un long sifflement, avec un clappement court et répété comme le cri strident de l’oie sauvage, indique la retraite du ptarmigan, espèce de gélinotte ou de tétras, fameuse parmi les monta- gnards, et qui vit au dessus du domaine humide du héron et au-dessous de celui de l’aigle, dans la verdure basse, sombre, sévère des arbustes herbacés ou des herbes arborescentes de la montagne G). Dans la description du Loch Eomond, à propos d’une des trois merveilles que les bateliers signalent au touriste, les poissons sans nageoires, Nodier constate que ce prétendu poisson est une couleuvre, probablement le Coluber natrix Udp. 184). (1) Le Songe d’Or, éd. Renduel, t. VI, p. 279-318. (2) Voy. plus haut, Chapitre VII, $ 2. (3) Promenade de Dieppe aux montagnes de l’Ecosse, 1821, p. 220, en 30 Les Animaux ressuscitants. Les plus curieuses de ses observations zoologiques sont certainement celles que Nodier fit dans sa jeunesse, vers 20 ans probablement, — À. Dumas dit vers sa 18° année, — sur les Animaux ressuscitants. Nodier ne les a pas publiées, mais À. Dumas nous les a conservées dans la préface de son conte Les mariages du père Olifus, paru en 1849, et elles ont été reproduites par P. Lacroix dans le Bulletin du Bibliophile de 1864 (p. 1041). Vers l’âge donc de 20 ans, Nodier logé, probablement à Paris, au ot étage, s’amusait à examiner au microscope, à l'exemple de son premier maître Girod de Chantrans. les infiniment petits qui grouillaient dans les gouttières du toit, voisines de sa fenêtre ; il aperçoit un Jour, dans une pincée de sable humide provenant de cette gouttière, un animal étrange, «ayant la forme d’un vélocipède, armé de deux roues qu'il agitait rapidement. Avait-1il une rivière à traverser, ses roues lui servaient comme celles d’un bateau à vapeur ; avait-il un terrain sec à franchir, ses roues lui servaient comme celles d’un cabriolet... » Nodier l’étudie, l’analyse, le dessine... puis l’oublie, jusqu’à ce qu'un jour une goutte de pluie le ressuseite : alors, au contact de cette fraicheur vivifiante, il semble à Nodier que son Tarantatello, — c’est le nom qu'il lui avait donné, — se ranime, qu’il remue une antenne, puis l’autre : qu’il fait tourner une de ses roues, qu'il reprend son centre de gravité, que ses mouvements se régularisent, qui ent Dix fois Nodier renouvelle la même expérience ; dix fois le sable sécha et lé tarentatello mourut, dix fois le sable fut humecté et dix fois le tarentatello ressuseita. C’est, à n’en pas douter, d’un Rotifère qu'il s’agit dans cette description pleine d'humour, dans ces pages spiri- tuellement écrites que nous rééditons en entier dans la 2° partie de cet ouvrage : les mouvements de l’animal et les phénomènes de reviviscence y sont décrits très exactement QE quoique d’une façon qui paraît d’abord absolument fantai- siste (1). Ces petits êtres, dont les plus grands atteignent à peine un millimètre, vivent, en effet, dans la mousse des toits ou le sable des gouttières ; dans l’eau, ils nagent au moyen de deux lobes ciliés placés de chaque côté de la bouche et les mouvements de rotation des cils produisent bien l'apparence de deux roues d’engrenage en mouvement; sur un support humide, ils rampent, se contractent, se roulent de diverses façons, accomplissant les mouvements observés par Nodier et décrits d’une manière si pittoresque par À. Dumas ; enfin, ils ont la propriété de se dessécher sans cesser de vivre (vie latente ou ralentie) et de revenir à la vie active si on les humecte. Ces phénomènes avaient déjà été observés, à l’insu de Ch. Nodier, par Leeuwenhoeck (1632 + 1723) et Spailanzani (1729 + 1799), décrits aussi par Valmont de Bomare (1731 + 1807), mais mis en doute par Bory de Saint-Vincent (1780 + 1846) ; ils ont été vérifiés et expliqués depuis par Schultz, Doyère, Dujardin et enfin par Broca dans ses belles Etudes sur les animaux ressuscitants (Paris, 1860). Des recherches plus récentes ont montré que l’animal ne peut pas résister indéfiniment à une dessication réelle de tous ses organes ; il faut qu'il ait pu se préparer à la dessication apparente par une évaporation lente, dans le sable ou la mousse par exemple, en se contractant, et en sécrétant autour de lui une enveloppe gélatineuse qui empêche la des- (1) Dans son Examen des Lettres à Julie (Voy. précédt Chap. IX, $2), Nodier fait allusion probablement à ces observations dans le paragraphe suivant où il emploie, du reste, le mot tardigrade rotifère : « il y a 150 ans qu'un philosophe trouva la dépouille depuis longtemps desséchée du tardigrade rotifère dans une pincée de poussière, sous une des vieilles tuiles de son grenier, et depuis cette époque, l'atome vivant a rajeuni trois fois de demi-siècle en demi-siècle, plus agile, plus robuste et plus industrieux, sous une goutte d’eau pluviale. » (p. 5). op iue sication des tissus intérieurs ; c’est donc, pour les natura- listes actuels, un simple phénomène d’enkystement (1), Les observations de Ch. Nodier, remarquables pour l’époque où elles ont été faites, méritaient donc d’être rappe- lées ; le récit si humouristique en a été écrit par A. Dumas, mais il pourrait être signé de notre naturaliste bisontin et c'est pourquoi nous pouvons lui en attribuer tout le mérite, aussi bien au point de vue littéraire qu’au point de vue scientifique (2). 4 À ce paragraphe se rapportent les observations criti- ques de Nodier sur diverses définitions de termes zoologi- ques relevées dans les Dictionnaires de la Langue française ; elles ont paru 1° Dans les Mélanges de littérature et de cri- tique (1820, t. I, p. 145) pour le Dictionnaire de Boiste (définitions des mots Gélinotte, Millepieds, Physeter) ; 20 Dans son essai Examen critique des Dictionnaires de la Langue française (1824;. Dans ce dernier travail, Nodier reprend les articles revisés dans les Mélanges de littérature et y ajoute : Algazelle, Amphisbène (que les Dictionnaires définissaient serpent à deux têtes), Aranéides, Cent-pieds, Cétacé, Chabot, Chauve- souris, Chacal, Connifle, Crapaud, Escargot, Limaçon, Mol- lusque, Poisson, Scorpion, etc. Comme exemple de ces spirituelles critiques, nous reproduisons, avec M. Fabre [XXXVIL p. 8], la note concernant le mot Connifle. (1) Cf. DELAGE et HÉROUARD. Traité de Zoologie concrète, V, 1897, p. 206. — A peu près à la même époque (1803), on trouve dans le Ve Rapport de la Société d’agriculture du Doubs (an XII, p. 29), un mémoire de Thomassin, sur l’asphyæie et la mort apparente; il y rap- pelle les observations de Leeuwenhoeck sur un animalcule à deux roues, du sable des tuiles et des gouttières, celles de Spallanzani sur les Tar- digrades, etc. (2) On connaît d'autres œuvres de Ch. Nodier écrites par A. Dumas, par exemple, La Femme au collier de velours ; cf LIEFFROY. Le Merveilleux dans Ch. Nodier (Académie de Besançon, 1907, p. 45). y ee CONNIFLE, grand poisson à coquille, bon à manger. Monsieur Boiste se trompe quand il croit enrichir notre langue du mot Connifle. Monsieur de Wailly le connaissait déjà : mais certai- nement ils se trompent l’un et l’autre quand ils définissent la Connifle, un poisson à coquille. Je n’ai jamais mangé de connifle, mais je sais qu’il n’y a point de poissons à coquille. Un dic- tionnaire de la langue doit contenir des définitions exactes et par conséquent il ne doit pas être en arrière avec les sciences. » CÉLanmen.:. :. »1p417: S2 Nodier botaniste; ses herborisations ; ses observations botaniques en Ecosse. La Botanique est la branche des sciences naturelles dont Ch. Nodier s’est le plus occupé après lEntomologie; mais il ne l’a cultivée ni aussi longtemps, ni avec la même passion, et c’est, avec ses années de professorat d'histoire naturelle, une des particularités les moins connues de sa vie scienti- fique. 4. Nodier herborise d’abord, tout jeune, avec Girod de Chantrans, dans les environs de Besançon, à Novillars par- ticulièrement (1794) ; il analyse les plantes sous sa direction, apprend à les sécher et à les disposer dans un herbier. C’est là, dit-il dans Séraphine (p. 29), que l’on comptait les étamines ou les divisions du stigmate d’un végétal nain de l'empire de Flore ; c’est là qu'après les avoir desséchées, l’on étendait les plantes, avec une minutieuse précaution, sur les blancs feuillets où elles devaient revivre pour la science et qu'on assujettissait leurs pédoncules et leurs rameaux sous de légères bandelettes fixées à la gomme arabique en prenant garde de faire valoir leurs parties les mieux caractérisées et de ne pas altérer leur port et leur physionomie. Ïl avait appris ainsi à reconnaître un grand nombre de plantes, si l’on en croit notre jeune naturaliste. Sn CT Et j'étais là, comme une autre abeille, caressant du regard toutes les fleurs qu’elles caressaient, et je nommais toutes ces fleurs, car je les connaissais toutes par leur nom, soit qu’elles s’arrondissent en ombelles tremblantes, soit qu’elles s’épa- nouissent en coupes ou retomhassent en grelots, soit qu’elles émaillassent le gazon comme de petites étoiles tombées du fir- mament. ({d., p. 44). Le dimanche, « tout en chassant, tout en herborisant », on visitait les voisins et on allait («causer botanique et matière médicale avec un brave chirurgien qui estropiait intrépide- ment la langue des sciences naturelles ». ({d., p. 45). Le cours de botanique professé par De Besses à l'Ecole centrale, ses démonstrations au jardin botanique, ses her- borisations dans la campagne, où le professeur savait donner tant de charmes à l'étude des plantes(l), développèrent à leur tour, chez le jeune Charles, le goût de l’observation des végétaux. Du reste, à cette époque, il faisait des ( excursions journalières à la recherche des plantes et des papillons » (2). Aussi, pendant ses séjours de vacances dans les Vosges (1798 et années suivantes), notre jeune naturaliste herborise- t-il avec ardeur. Déjà, quelques-uns de ses biographes avaient rappelé ses excursions botaniques dans les environs du Puix, au pied du Ballon d'Alsace. J. Janin, notamment, raconte qu’en revenant d'Alsace, après l'arrestation d’Euloge Schnei- der @), Nodier rencontre les agents du Directoire à la recher- che de mines d’argent et se joint à eux ; mais « il s'inquiète peu des riches découvertes ; Nodier ramasse les belles plantes fièrement épanouies sur le penchant des précipices ; il reconnait à leur forme, à leur douce odeur, les plus doux produits de la Flore française... Il en rapporte non pas une mine d’or et d'argent, mais un riche herbier ». [IL p. 9, 10]. 4) Voy. plus haut, Chap. IL, $ 2, p. 454. (2) Jean-François-les-Bas-Bleus, XI, p. 164. (3) Cet épisode doit se placer quelques années plus tard, en 1798 ou 1799. RESTRE On a mis en doute la réalité de cette participation de Nodier aux recherches de la commission minéralogique de 1798-99, mais ses herborisations dans les Vosges ne peuvent être contestées. Les lettres de Nodier à Weiss [X, lettres 1, 2] nous le montrent, muni des ouvrages de Tournefort et Linné, notamment du Genera-plantarum, faisant de fréquentes promenades dans les environs de Giromagny et au Ballon d'Alsace ef y trouvant des plantes rares des régions alpines. J'ai fait, écrit-1l, tous ces jours-ci, des excursions botaniques assez fructueuses ; j’ai découvert beaucoup de plantes alpines et j'en ai recueilli de superbes individus, entre autres des citises qui ne sont, je crois, pas décrits. Dans une lettre de 1802, à propos de ses projets de séjour dans les Vosges, 1l écrit encore à Weiss : « nous cueillerons des plantes, je t’apprendrai à les dessécher ». Plus tard, il simplifiera son bagage, ne se chargera plus ni de Tournefort ni de Linné : « une petite nomenclature bien simple nous suffira pour reconnaitre celles de nos plantes que je verrais pour la première fois ou dont le nom me serait échappé. » [X. lettre VT|. Nous venons de voir que Nodier se servait des ouvrages de Linné et même de Tournefort ; pour prévenir une cri- tique analogue à celle que Ste-Beuve adressait à J.-J. Rous- seau botaniste, nous ferons observer que les ouvrages de Linné ont été entre les mains .des botanistes pendant long- temps, même au commencement du XIXe siècle ; l’Aistoire des plantes d'Europe de Gilibert, parue en 1796 et en 1806 est encore disposée suivant le système linnéen; il en est ainsi du Flora gallica de Loiseleur-Deslongchamps publiée en 1898 ; la méthode de De Jussieu, même facilitée par Îles clefs dichotomiques de Lamarck, à été acceptée avec beau- coup de peine par les botanistes herborisants. On ne peut donc faire un grief à Nodier de se servir d'ouvrages qu’uli- lisaient encore tous les botanistes de l’époque. Mons À propos des conceptions scientifiques de Nodier et de sa méthode de travail, Sainte-Beuve émet deux assertions inexactes : (S'il étudie la botanique ou les insectes, dit-il, c’est à un point de vue particulier toujours et sans s'inquiéter des classifications générales et des grands systèmes natu- rels : Jean-Jacques de même en était à la botanique d'avant Jussieu » [[, page 452]. Or, et nous le prouverons plus loin, Nodier s’est au con- traire, beaucoup préoccupé des classifications, des systèmes naturels, non seulement en botanique ou en entomologie, mais encore en bibliographie : à Paris, quand tout jeune, il publie cette si originale classification des ouvrages d'En- tomologie et prépare son Histoire des Insectes « avec un nouveau système de classification » ; plus tard, à Quintigny, quand il rédige son Museum entomologicum « avec un nou- veau système naturel des insectes qui a eu l'approbation des gens versés dans cette puérile science » (1) Quant au singulier reproche adressé à Jean-Jacques d’en être resté à la botanique d'avant Jussieu, il aurait été diffi- cile à Rousseau de faire autrement ; la méthode de Jussieu n'avait pas encore vu le jour au moment où le philosophe de Genève s'occupait de botanique ! À Paris, Nodier entre en relations avec le botaniste Lämarck (800) et, bien que ce füt à l’occasion de la Bibliographie entomologique (2), il n’est pas invraisemblable que le savant naturaliste et le jeune adepte ne se soient entretenus des plantes du Jura dont Lamarck s’occupait avec De Candolle (1) Voy. plus haut, Chap. X, 29, no | et 3. — On trouvera dans son Essai Sur les Nomenclatures scientifiques (Bull. du Bibliophile, 1836, p. 1-10) que nous reproduisons dans la 2 partie (n° 10), une critique des nomenclatures « barbares, pédantes », qui prouve enccre combien Nodier s'intéressait à ces questions de technologie scientifique ; il y rappelle les dénominations poétiques que les anciens, que Linné lui-même, avaient su donner aux plantes et aux insectes. Voy. Chapitre [V, $ 2. yes pour la 3 édition de la Flore de France qui devait paraitre quelques années plus tard (1805). On retrouve encore Nodier herborisant pendant qu’il erre en fugitif dans le Jura (1803-1806) : nous l’avons vu se repo- ser au milieu des prairies, notant les fleurs qui les émail- lent, renoncules, leucanthèmes, salicaires, et récoltant des plantes médicinales qu'il donne à ses hôtes en reconnais- sance de leur hospitalité (D. Enfin, fixé à Dole, comme professeur d'histoire naturelle (1807-1808), Nodier herborise encore, particulièrement pour ses démonstrations de botanique ; il continuera à faire un herbier, même pendant son séjour à Saint-Germain, près Paris (1816) ; « comme mon père, dit Mme Mennessier | VITE, p. 112}, je confectionnais un herbier. » Notons qu'à Quintigny (1809-1812), il avait, d’après Sainte- Beuve [I, 473], rêvé de faire une Flore du Jura ; si cette intention n’a pas été réahsée, elle indique du moins que Nodier avait acquis une connaissance suffisante de la flore de nos montagnes pour se croire capable d'en entreprendre la description. 2, Herborisations en Écosse. Le botaniste s’est révélé, une dernière fois, à l’occasion du voyage dans les montagnes de l’'Ecosse (1820) dont on a parlé déjà à diverses reprises (2; Nodier y observa, sur les indications du botaniste anglais, William-Jackson Hooker, les plantes les plus curieuses de ces régions ; il fut aidé, pour leur détermination, par le naturaliste Bory de Saint-Vincent () dont il venait de faire la connaissance, et qui représenta, dans deux planches colo- riées, les plus intéressantes de ses récoltes : «Il m'a aidé, (1) Voy. Chapitre IV, 23. (2) Voy. Chapitre VIE, $ 2 ; Chapitre VILLE, $ 5. (3) Pour W. J. Hooker et Bory de Saint-Vincent, voy. plus haut, p. 508. (Chap. VII, 22) — 13 — : dit Nodier, à débrouiller des notions presque effacées de ma mémoire, en me prètant cette facilité d'observation et cette clarté d'analyse qui lui assignent un rang si distingué parmi nos premiers naturalistes » (D). La partie botanique des observations de Nodier dans la région des lacs écossais étant un des plus importants cha- pitres d'histoire naturelle qu’on puisse trouver dans ses ou- vrages littéraires, nous la reproduisons en entier dans la 2° partie de ce travail ; on y lira, avec intérêt, des remarques très jJudicieuses sur les analogies de la végétation alpine observée dans les régions de climats très différents : «On se persuade mal à propos, dit-il, quand on n’a pas l'habitude de ce genre d'investigation, que les climats très opposés dif- fèrent essentiellement dans toutes leurs productions végé- tales. Les hautes montagnes des pays chauds présentent souvent à l'observateur les mêmes plantes que les pays les plus septentrionaux du globe... Ainsi sur les flancs sau- vages du Cobler ou du Ben-Lomond, Bory aurait retrouvé avec moi les tubercules de pourpre du bæomyce corallifère (2) que nous avions vu briller dans les landes de l’Europe méri- dionale et qu'il avait recueillis jusque sur les plateaux éle- vés de l’ile Bourbon &). » Il en est de même pour l’'Hyme- nophyllurm tunbridgense : « Des touffes arrondies, d'un vert brunâtre, m'annonçaient plus loin, lhyménophylle de Town- bridge, d’abord découverte en Angleterre, observée depuis sur différents points de nos montagnes où elle est extrême- ment rare (4, et retrouvée depuis par Bory dans cette île Bourbon qui a été pour lui si fertile en découvertes. » (61. (1) Promenade de Dieppe aux montagnes de l’Ecosse 1821, p. 9-10. (2) C’est le Cladonia coccifera des lichénologues modernes. (3) Promenade. ., p. 212 — Nodier fait ici allusion aux observations d'histoire naturelle de Bory de Saint-Vincent dans les iles de France et de la Réunion, en 1800-1802. (4) L’Hymenophyllum tunbridgense Sw. croit, en effet, sur les rochers siliceux des montagnes de l’Europe occidentale, dans l'Ouest de la France, depuis le Finistère jusque dans les Pyrénées, (5) Promenade, p. 214. TOUS Nodier donne de ces plantes intéressantes des descrip- tions souvent très pittoresques ; il compare, par exemple, les podétions évasés du Cladoniu coccifera et les belles apo- thécies rouges qu’ils portent sur leurs bords, à « la coupe en cône allongé où pétille le vin de Champagne, réduite aux proportions d’une miniature élégante, élevée de quelques lignes au dessus du tapis des mousses vulgaires et couron- nant sa fraiche verdure d’un petit diadème de rubis » (D ; et il croit « devoir révéler aux dames qui herborisent dans les environs de Paris l’existence de ce charmant lichénoïde sur quelques points des côtes àpres de Fontainebleau et de Mont- morency ». Nodier décrit de même façon le lichen vulpin (2) que ni Borvy, ni lui, n’ont jamais rencontré en état de fructifica- tion, « quoique nos yeux aient été souvent attirés, en diffé- rents pays, par ses coussinets élégants entremélés de fila- ments de la plus belle couleur jaune, qui coupent d’une opposition singulière et piquante le ton sombre et le fond monotone des schistes, des gneiss et des basaltes (3) » ; puis, le lycopode ; le bry turbiné « dont les petites urnes sont balancées sur de très longs pédoncules » ; la weissie aigue ; le splachne mnioide « chargé de bouteilles si régulières » ; et l’encalypte streptocarpe « dont la coiffe conique rappelle le bonnet pointu de nos gens de loi... » (4) Ces plantes sont représentées dans les deux planches colo- riées dessinées par Bory de Saint-Vincent (5). (1) Promenade, p. 212, 213. (2) Lichen vulpinus L., Evernia vulpina Ach. ou Chlorea vulpina Nyl. Prodr., p. 45. (3) Le Chlorea vulpina est, en effet, un lichen presque toujours stérile ; Nylander ne cite que deux localités des Alpes où on l'ait rencontré fruc- thé (Prodr. cit ;p. 45). (4) Lycopodium clavatum L., Bryum turbinatum Schwægr., Weissia acuta Hedw. (Blindia acuta Br.), Splachnum mnioïdes Lin. f (Tetra- plodon mnioïides Br.), Encalypta streptocarpa Hedw. (5) La planche 1 (p. 205) représente la Borrère dorée (Chlorea), le Béo- mice corrallifère, le Trichomane de Townbridge ; la planche 2 (p.224), les Splachne mnioïde, Encalypte streptocarpe, Bry turbiné et Weissie aiguë. no er Enfin dans le passage consacré à la faune on trouve aussi indiqués, avec leur caractère distinctif, les arbrisseaux où se cache le ptarmigan: les myrtils « aux baies noires et douces que j'ai si souvent dépouillées de leurs globules de jais dans les forêts de pins de la Carniole » il) ; loxycoccos « dont la cerise éclatante appelle de loin le coq de bruyère; la daboëcie dont les fleurs purpurines pendent en grelots à sa tige ; l’andromède, liée au rocher comme la vierge dont elle a reçu le nom @) ; l’airelle et quelques bruyères domi- nant sur la triste pyrole aux quatre feuilles et sur le petit genêt anglais dont les frêles rameaux, armés d’aiguillons recourbés, accrochent et retiennent les flocons de la laine d'un mouton errant et libre et confient en échange à sa toison les dépouilles de leurs fleurs d’or » (3). Nodier devait faire cette herborisation avec W. J. Hooker, le célèbre docteur Hooker qui a dirigé mes excursions dans le comté de Lennox et qui m'a chargé, à mon départ, d’une riche moisson de plantes rares pour notre ami com- mun, Bory de Saint-Vincent » (4 ; mais Nodier manqua de dix jours le célèbre botaniste (9) et dut se contenter de son guide habituel qui connaissait du reste très exactement les stations des plantes rares de la région. k 3. Plus tard, à Paris, Nodier « a des retours par accès vers les champs, dé reprises de tendresse pour l’histoire naturelle » [[, 481] ; à l’'Arsenal même, « un mot lui rappelait le botaniste qu’il avait été jadis » ba 1HIGL] (1) Pourquoi Nodier n’a-t-il pas rappelé les myrtiles qu’il a dû rencon- rer dans les forêts des Vosges et les parties décalcifiées de celles du Jura ? (2) L'Andromède ordinaire (Andromeda polifolia L ) croit ordinaire- ment dans les tourbières ; mais d’autres Ericacées voisines, rapportées à l'ancien genre Andromède par quelques botanistes, sont bien fixées sur les rochers. (3) Promenade, p. 221, 222. CM pan (b)MId';1p:"198; Se Ces « reprises de tendresse » pour ses anciennes études se manifestent dans beaucoup de passages de ses œuvres littéraires, où 1l utilise ses connaissances en botanique et ses souvenirs de chercheur de plantes. Dans l'£Examen critique &es Diclionnaires de lu Langue française déjà cité, Nodier examine un certain nombre de définitions de noms de plantes ou de termes de botanique, par exemple : Adragante, Anthère, Aubour, Baguenaudier, Baie, Bon Chrétien, Caïeu, Chanvre, Ciboule, Esparcette, Fougère, Herboriste, Hiéble, Ivraie, etc. Les articles consa- crés aux mots Aubour et Herboriste donneront une idée de la « forme à demi-facétieuse » de ses observations, AUBOUR. Arbre dont les feuilles sont employées contre l’asthme. WaïILLy. — Cette définition n’est pas très satisfaisante quand il s’agit de désigner une plante inconnue. Aubour est le nom patois du faux ébénier des Alpes, espèce de cytise, dont on est libre d'employer les feuilles contre l’asthme, au hasard de n’en pas guérir. HERBORISTE. D’arbor, arboriste, qui était souverainement ridi- cule car on ne recueille pas des arbres ; et d’arboriste, herboriste qui est une violation intolérable de l’étymologie ; car herbe ne se dit pas herbor. Le principal personnage d’Adèle (1820), Charles, est sur- tout botaniste ; dès les premiers jours de printemps (c'était IE avril), 1 annonce son: retour à l’étude des fleurs : « Comme il est difficile de vivre longtemps sans occupa- tion,... je suis revenu à la botanique, autrefois ma plus douce étude. Je vais recommencer mes herbiers détruits et renouer connaissance avec ces riches familles de végé- taux parmi lesquelles une longue inhabitude m'a rendu presqu'étranger (1) ». Cette étude sera cependant assez superficielle : «je ne puis me passer de quelque méthode (1) Adèle, édition Renduel, Il, p. 153 et suivantes. DR RC) eus de botanique ; mais comme la collection de mes espèces ne deviendra jamais fort considérable, je m'en tiens main tenant aux méthodes les plus anciennes et les plus simples » (p. 156). Quand Adèle apparaît, Charles était assis, « comp- tant scrupuleusement les étamines d’une fleur douteuse » (p. 186); il lui apprend le nom de l’Anémone des bois : «c’est Silvie, la fraîche silvie, la douce anémone des bois. Il n’y a point de fleurette, à Sylvie, qui puisse rivaliser avec toi de grâces et de beauté, quand tu balances au souffle de l'air ta couronne blanche et rose découpée en cinq par- tes. Toute la pompe des autres fleurs, et l'amour lui-même n'en excepterait pas la rose, ne vaudra jamais ta modeste beauté. Ta tige courbée sur elle-même est l'emblème de la mélancolie et la mobilité de ton calice flottant exprime les agitations d’un jeune cœur » (p. 225). Dans le Peintre de Sulzbourg (1803), Nodier avait déjà fait étalage de ses connaissances en botanique : « Là s’échap- paient, du milieu des marches rompues, les cylindres velou- tés du verbascum, les cloches bleues des campanules, des bouquets d’arabettes et des touffes d’éclaires dorées ; la jusquiame y croissait aussi, avec ses couleurs âcres et ses fleurs meurtries (L) ». Les solanées vireuses paraissent hanter l'esprit ï Nodier, si porté au merveilleux (Z ; on les retrouve dans Une heure où la vision (3), où les décombres sont « jonchées de plantes vénéneuses, telles que la jusquiame et l’éclaire » (p. 300) ; on les retrouve encore dans La Fée aux miettes, où Ja Aiane dragore joue un rôle si mystérieux. Dans ces pages charmantes, Nodier raconte sa visite à la maison des lunatiques de Glasgow, « à son jardin bota- nique si riche en plantes rares et merveilleuses » ; il décril le jardin de a Réeuxmmiettes "« aux nombreux arbres (1) Edition Renduel, t. IL, p. 28. (2) Voy. Lieffroy (Académie de Besançon, 1907). (3) Edition Renduel, 1837, t. IL, p. 295. EUROS étrangers qu'il connaissait à peine par leur nom » ; il fait aussi allusion à son cher Quintignv : «les seules distrac- tions que je prenais alors, car j'étais fort affectionné au tra- vail, c'était la recherche des papillons, des jolies plantes de nos parages (p. 81) ». Un passage rappelle son herbier : «ce qui m'étonnerait, Daniel. c’est que familier comme tu Pes avec les plantes de mon herbier dont je t’ai souvent confié le soin, à ma grande satisfaction, tu n’eusses pas trouvé moyen de comparer cette fleur à quelque fleur qui t’es con- nue, si ses caractères étaient aussi bien déterminés que tu le dis (p. 385) >. Et c’est la Mandragore qui chante, épi- sode si connu, où Nodier fait montre de ses connaissances botaniques : « [Il a pour lubie spéciale de s’enquérir à tout venant d’une Mandragore qui chante. Or, monsieur n’est pas sans savoir que cette plante qui est FAtropa mandra- gora de Linné, est dénuée, comme tous les végétaux, des organes qui ser vent à la vocalisation. C’est une solanée som- nifère et vénéneuse, comme un grand nombre de ses congé- nères... (p. 374) » ; et plus loin: Gil est inutile de vous rap- veler, monsieur, que l’analvse la plus scrupuleuse n’a jamais fut découvrir, ni dans le calice monophylle et turbiné, ni dans la corolle pentapétale et campanuliforme de la man- dragore, l’ombre d’une glotte... (p. 378) » ; enfin, à propos du cr? que laisserait échapper la mandragore au moment où on l’arrache, Nodier cite les naturalistes qui en ont parlé: Aristote, Dioscoride, Aldrovande, Geoffroy Linocer, Columna, Gesner, Lobelius, Duret. C’est encore dans ce conte que _ Nodier propose l’emploi du mot herbaliste, au lieu d’herbo- riste & qui est, dit-il, un horrible barbarisme (L; (p. 371) ». Dans les descriptions de Nodier, toujours quelque détail précis rappelle le botaniste. « Je recueillais les fleurs que son corps avait froissées, les blancs pétales imbibés de carmin qui décorent le front (4) Voy. plus haut, Examen critique des Dictionnaires, p.81. et penché de l’Anémone », dit-rl dans Smarra (1821, p. 71); «les fruits de VIF, rouges comme des cerises... attirent de loin tous les oiseaux de [a contrée », lit-on dans Trilby (1829, p. 282), dans le beau paysage d'automne reproduit plus loin. Baptiste Montauban (1), cette misérable victime de l'amour, apporte à la maison maternelle «ses livres, ses herbiers, ses ustensiles de science (p. 124). Dans La fin prochaine du genre humain @), Nodier rap- pelle les plantes naines obtenues par les Chinois : «Ils appren- nent à réduire les géants des bois aux proportions des moindres arbustes : forêts pygmées dont les insectes seuls de la terre ont droit d'obtenir quelque abri contre l'orage ». Il donne enfin souvent des noms de plantes à ses person- nages ou les prend comme titres de ses contes : Trésor des Fèves et Fleur des pois, Fanchette ou le Laurier-rose, etc. Nodier a fait, dans une de ses notes de Bibliophile, une comparaison ingénieuse de la Bibhographie avec la Botanique. Si l’on compare, dit-il, la bibliographie à une science natu- relle quelconque, à la botanique, par exemple, on verra com- bien un système de livres est plus difficile à faire qu’un système de plantes: 19 le nombre des livres surpasse infiniment celui des plantes, puisqu'on ne connaît guère que quinze à vingt mille de ces dernières 6), et que les livres, déjà presque innom- brables, augmentent en nombre tous les jours ; ?° les ouvrages de la nature sont assujétis à des lois ; chacun d'eux, du moins, forme un tout simple et homogène dans ses parties; mais un livre, fruit de l’imagination et quelquefois de la fantaisie. est souvent composé de parties très disparates et qui n’ont aucun rapport entre elles. D’après quels caractères peut-on les clas- ser (4) ? (1) Contes en prose et en vers, édition Renduel, t. XI, p. 109. (2) Réveries, édition Renduel, t. V, p. 323. (3) Le nombre des plantes connues est aujourd’hui beaucoup plus consi- dérable ; on l’évalue à environ 400,000. (4) Bulletin du Bibliophile, 186%, p. 1189. Torre De même que la Pervenche est la fleur de J.-J. Rousseau, de même l’Ancolie est la fleur de Ch. Nodier. fl la mentionne déjà, au passage, dans ses fugues à travers les montagnes du Jura (1) ; dans Adèle, il la cite parmi ses fleurs préférées : « L'’Ancolie n’est pas rare dans les terres légères et sablon- neuses à la lisière des forêts, mais Lucie que je pleure tou- jours l’aimait par-dessus toutes les fleurs » (2). On la trouve encore citée dans Clémentine (p. 185), dans Ste-Beuve (p. 469, 473), dans les Souvenire de D. Monnier, etc. Nodier la chante aussi dans Le Bengali, véritable poésie botanique : Qui me rendra l’aspect des plantes familières Le Houx aux lances meurtrières, L’Ancolie au front obscurci Qui se penche sur les bruyères (3). Un poète franc-comtois, Aimé de Lov, l’a rappelé dans le joli quatrain suivant : J'y Cultive, au pied:d’un coteau, La ileur de Nodier, l’ancolie, Si chère à sa mélancolie Et la pervenche de Rousseau (4). Nodier, disciple en cela de Rousseau, a aussi plusieurs fois rappelé la Pervenche dans ses Souvenirs. Il écrit notam- ment de Paris, à Weiss, en 1802 (X, p. 12) : J'ai vu de tout, j'ai goûté de tout un peu, j'ai éprouvé à Paris des émotions extrêmement vives que je ne retrouverai nulle part, mais je n’en ai goûté nulle part de plus précieuses que celles que nous recueillimes ensemble en cueillant la perven- che dans le bois de Messiat. ; 1) Suites d’un mandat d'arrêt, p. 119. 2) Edition Renduel, 1839, t. Il, p. 154. 3) Contes en prose et en vers, éd. Renduel, t. XI, p. 419. 4) Cité dans Sainte-Beuve, Notice, 1844, p. 469. op Et voici, pour terminer ce paragraphe, ce ravissant pay- sage botanique d'automne, tiré de Trilby (p. 218). L'hiver n’était point commencé, mais l’été finissait. Les feuilles saisies par le froid matinal, se roulaient à la pointe des branches inclinées, et leurs bouquets bizarres, frappés d’un rouge écla- tant ou jaspés d’un fauve doré, semblaient orner la tête des arbres de fleurs plus fraîches ou de fruits plus brillants que les fleurs et les fruits qu’ils ont reçus de la nature. On aurait cru qu'il y avait des bouquets de grenades dans les bouleaux et que des grappes mûres pendaient à la pâle verdure des frènes, sur- prises de briller entre les fines découpures de leur feuillage léser On peut compléter ce paysage d'automne par le paysage botanique de printemps dont Nodier a donné, dans Thérèse Aubert (éd. Renduel, t- IT, p: 521), le gracieux etrexact tableau. CHAPITRE XII NODIER MINÉRALOGISTE, PROFESSEUR D'HISTOIRE NATURELLE, PHYSIOLOGISTE ET CRITIQUE SCIENTIFIQUE $ 1. Nodier minéralogiste et géologue. Ce paragraphe sera court; à peine peut-on parler de Nodier géologue et minéralogiste. Cependant on trouve dans les Emigrés en 1799 (p. 195, 195, 204) (1) et dans Thérèse (p. 81, 83, 85) (2), d’intéressantes pages sur la participation que Nodier aurait prise aux tra- vaux d’une commission scientifique chargée de rechercher des mines d'argent dans les Vosges : Nodier avoue lui-même qu'il n’entendait pas grand’chose à cette sorte de recherches, bien qu'il eût étudié, copié, analysé Saussure, Bergmann et Wallerius 6). Le Directoire qui s'était laissé dire que la France étoit extra- _ordinairement riche en mines d’argent, dépêcha sur toutes les anciennes mines du pays des escouades d’explorateurs grasse- ment payés, et qui, bon gré, mal gré, n’ont jamais envoyé une obole à la Monnoie. Je me trouvai colloqué dans l’expédition des Vosges, où l’on cherche de l’argent de temps immémorial, (1) Souvenirs de la Révolution, t. 1, p. 193 et suivantes (2) Souvenirs de Jeunesse, édit. Renduel, 1834, p. 81-124. (3) Les ouvrages de ces minéralogistes étaient, en effet, ceux dont on se servait à cette époque: BERGMANN (Tobern-Olof), naturaliste suédois (Ca- tharineberg 1734 +178%) qui publie Sciagraphia regni mineralis (1782) ; Manuel du minéralogiste; — WALLERIUS (Jean Gottschalk), chimiste et minéralogiste suédois (1709 + 1785), Systema mineralogicum (1772-4775) ; — DE SAUSSURE (Horace-Bénédict), naturaliste suisse (Genève, 1740 + 1799), dont les travaux sont bien connus de tous. Eee le et dont les ballons, coupés de routes splendides, attestent d’im- menses et inutiles travaux. Nous étions tous jeunes, tous gens dé bonne humeur et d’es- pérance, tous amis de notre devoir et impatients de découvertes. Nos travaux furent zélés et consciencieux et long-temps même ils ne furent pas sans espoir. Je me souviens qu’il n’y avoit pas un de neus qui, au premier coup de marteau, n’eut décou- vert un filon; mais ce filon ne menoit malheureusement à rien, et les moindres frais d’exploitation excédoient toujours d’un grand tiers les plus brillants résultats. C’étoit une succession d’extases et de désappointements pour lesquels je n’avois point alors de termes de comparaison. Je me suis aperçu depuis que cela ressembloit à la vie comme deux gouttes d’eau. Nous arrivèmes au terme des fausses ambitions, au découra- gement absolu. Il falloit alors épargner à l'Etat une dépense ridicule ; mais cette défection désintéressée ne pouvoit s'appuyer que sur des calculs exprimés avec clarté. Je n’avois pas dix- huit ans, et toute ma science se réduisait à quelques bribes de latin, et à la connoissance fort mal approfondie de quelques spécialités d'histoire naturelle, parmi lesquelles la minéralogie tenoit une toute petite place. Mes camarades, qui auroïient dis- tingué à la cassure, à l’odeur exhalée par friction, au contact de l’ongle, au happement de la langue, toutes les substances inorganiques alors reconnues en géologie, s’étoient aperçus de bonne heure de mon inaptitude, mais ils ne me contestoient pas un assez joli mérite de rédaction que je rapportois fraîche- | ment d’une école de rhétorique dirigée par le bon et judicieux Droz; et il est vrai que je traduisais lisiblement leurs pages un peu confuses, quand je parvenois à y comprendre quelque chose Il fut donc convenu que je résiderois à poste fixe dans un lieu central où me parviendroient tous les documents, et d’où je ferois partir toutes les dépêches. Les employés se répar- tirent sur les mines; le chef se réfugia, comme c’est l’usage, dans les délices urbaines d’Epinal, et mon poste fut fixé à Giromagny, près du ballon de ce nom, dont les trésors, trop vite abandonnés peut-être, étoient les principaux objets de nos investigations. Par un élan de dévouement tout particulier, qui me fut avantageusement pointé sur mes notes de service, RQ je me reportai d’une grande lieue vers le centre, dans un vil- lage qu’on appelle le Puy parce qu'il est exactement à la base de la montagne où du Podium; mais ce n’était ni cet avantage de position, ni cette heureuse rencontre d’étymologie qui m'avoient déterminé dans le choix de mon domicile; je le pense du moins aujourd’hui, car alors je savois à peine ce que C'étoit. On a mis en doute la réalité de cette participation de Nodier aux recherches de cette commission de minéralo- gistes (1); à tort peut-être. Nodier y fait plusieurs fois allu- sion, notamment dans sa correspondance avec Weiss ; dans une de ces lettres (X, lettre VI, p. 11), il lui promet, avec son lyrisme habituel, de lui faire voir «les belles mines de Giromagni ». On trouve, du reste, d’autres preuves de l'intérêt qu’il portait aux recherches géologiques: dans le cours de son voyage aux montagnes d’Ecosse, en 1820 (2;, Nodier, frappé de l’aspect particulier des rochers qu’il rencontre, en donne une description pittoresque, bien qu'il reconnaisse de nou- veau son inexpérience dans cette branche des sciences natu- relles (p. 205 à 207) G). Il en profite pour comparer Faujas de Saint-Fond (4) à Pennant 6), dont il avait consulté les ouvrages sur l’Ecosse, (1) Voy Michel Salomon, XIX, p. 21. (2) Voy. Promenade de Dieppe aux montagnes de l'Ecosse, 1821, chapitre XXII. (3) Nous reproduisons ce Chap. XXII dans la 2 partie. (4) FaAuyAS DE St-Fonp (Barthélemy), Montélimart 1741, + S-Fond (Dau- phiné) 1819 ; adjoint naturaliste, puis professeur de géologie au Muséum ; nombreux voyages d’exploration ; Voyages en Angleterre et en Ecosse, 1797 2 vol. 80 (5) PENNANT (Thomas), naturaliste anglais ; Downing, 1726 + 1798 ; nombreux ouvrages de zoologie ; les relations de ses voyages en Ecosse, de 1759 (publiée en 1771 et réimprimée 2 fois en un an), puis de 1772 (publiée en 2 vol., en 1774 et 1776), eurent un grand retentissement et _ Contribuërent à faire connaitre l'Ecosse mieux qu'elle ne l'était jusqu'alors. 100 2e ainsi que ceux de Boué (1) et de Hooker (2), pour la prépa- tion de son voyage. Dans les intéressantes montagnes de l’ouest et du nord de l'Ecosse, le savant Faujas de Saint-Fond, qui ne s’occupait que dé géologie, n’y a cherché et ny à vu que des pierres: M. Pennant lui seul a élevé un monument parfait dans toutes ses parties (p. 6). À propos des rochers basaltiques de Dunbarton, Faujas de Saint-Fond avait écrit : « Je ne sais pourquoi M. Pennant en parlant de ce rocher dit qu’il est d’une hauteur éton- nante. J'ai trouvé qu’il a tout au plus 250 pieds » (3). Nodier commente ainsi cette réflexion : « Je crois connaître à mer- veille les raisons de cette différence. Elle est marquée de toute la distance qu’il y a entre un homme sensible et un académicien. Pennant ne faisait qu’obéir à une impression et Faujas a mesuré (p. 182) ». Plus loin, à propos de la description de Tarbet, nouvelle citation de Faujas, « du sévère Faujas de Saint-Fond dont le cœur de marbre n’a jamais palpité que pour du mar- bre (p. 198) (4) », et qui, cependant, avait senti lui-même la « séduction locale » exercée par la beauté du paysage ! Enfin, dans la belle description du Loch Lomond, Nodier rappelle les trois merveilles que les bateliers signalent au touriste : les îles flottantes, les vagues sans vent et les poissons sans nageoires (5). (1) Bou (Ami), Hambourg, 1794, + Vienne 1881; ancien président de la Soc. Géolog. de France. (2) Sur HooKER, voy. plus haut, Chap. VIF, S 2. (3) Voyage en Angleterre et en Ecosse, 1797. (4) Nodier traite cependant Faujas, un peu après (p. 201), de « miné- ralogiste romantique », à propos de sa description du lac Lomond. (5) Voy plus haut, Chap. XI, S 1, pour le poisson sans nageoires ; quant aux îles flottantes, c’est une particularité des lacs de tourbières dont nous avons décrit plusieurs exemples dans nos Lacs du Jura (1904, p.358.) 2 0p. D’autres ouvrages purement littéraires de Nodier ren- ferment des considérations sur diverses questions se ratta- chant à la géologie. Dans l'Examen critique des Dictionnaires (1828), il signale les définitions défectueuses des termes Agate, Avanturine, Fecærboucle, etc. Dans la Fin prochaine du genre humain (1), Nodier s’aven- ture dans la géologie, la minéralogie, l’histoire de la terre et même l’anthropologie ; il parle des dendrites, des fossiles, fleurs, insectes de l’ambre, batraciens, nautiles et ammo- nites : « celui-là, qui se maintient en disques solides et dorés parce qu'il s’est revêtu, comme les courtisans habiles qui savent survivre aux révolutions, de la couche la plus solide des métaux, c’est l’'ammonite pyriteuse... » (p. 3192, 9313) 2 ; il prévoit même qu’on trouvera des restes des an- ciennes espèces d'hommes disparues (p. 314). On rencontre aussi de curieuses pages sur l’histoire du globe, la transfor- ma:ion de la matière, le règne du minéral, dans la Palingé- _ nésie humaine (p. 352-356) 6), et, dans Piranèse (op. cit., p. 183), une description intéressante de la mer de glace et des glaciers de Cormayeur. (Voy. lAppendice). À ce paragraphe peut se rattacher encore une discussion toponvmique concernant le titre de sa Nouvelle La Combe de l’homme mort (1841). Combe est un mot local, usité sur- tout dans le Jura, et adopté par les géologues à la suite de Thurmann ; mais sa signification à échappé à quelques cri- tiques, comme Quérard, qui a cru devoir transformer le titre de la Nouvelle de Nodier en La Tombe de l’homme mort! Cependant, l’auteur avait donné lui-même la signification _ du mot, dans les spirituelles lignes suivantes : (1) Réveries, édit. Renduel, t. V, p. 301. (2) Nodier croit cependant que les dendrites « conservent l'empreinte d’une plante inconnue », erreur que ne commettent pas nos plus Jeunes étudiants ; il attribue aussi, à tort, à la pyrite, un rôle conservateur qu'elle ne possède pas! (3) On y retrouve l’influence des ouvrages du physicien et naturaliste J. C. de La Metherie, dont nous avons parlé plus haut, Chap. [V, K 2. 00 Combe est un mot très français, qui signifie une vallée étroite et courte, creusée entre deux montagnes, et où l’industrie des hommes est parvenue à introduire quelque culture. Il n’y a pas un village dans tout le royaume où cette expression ne soit par- faitement intelligible; mais on l'a omise dans le Dictionnaire, parce qu'il n’y a point de Combe aux Tuileries, aux Champs-Ely- sées et au Luxembourg (). « Dans tout le royaume » est peut-être de trop. $ 2. Ch Nodier professeur d'histoire naturelle. Ch. Nodier professeur d'histoire naturelle est aussi peu connu que Nodier botaniste ; et c’est pour cette raison que j'en parlerai assez longuement. 1. Nodier a manifesté de bonne heure des aptitudes très remarquables pour l’enseignement ; avant d’être professeur à Dole, il aimait déjà à parler de ses études favorites, à raconter ce qu'il savait, ce qu'il avait observé; il a toujours été un causeur charmant et ce causeur devenait facilement un professeur étincelant de verve et remarquable de clarté (2). Il est vraisemblable que dans leurs réunions amicales, dans les séances des Philadelphes par exemple, les jeunes cama- rades de Nodier ne se bornaient pas à discuter philosophie littérature ou politique ; les théories scientifiques y avaient leur place et Nodier, Luczot, Deis, notamment, devaient y communiquer leurs observations d'histoire naturelle ; on imagine la partque Nodier prenait à cctenseignement mutuel. (1) Contes en prose et en vers, édit. Renduel, t. XI, p. 226 (note). 2) Mme Mennessier-Nodier avoue cependant « la naïve importance d’un écolier pédant » que Nodier affectait dans son enfance (VIIL, p. 19); mais il s’agit de Nodier, âgé de 12 ans et notre Jeune professeur perdit bien vite toutes traces de pédantisme. Mme Mennessier reconnait, plus tard, combien l'entourage de Nodier prenait goût « à ces etudes charmantes que le professeur savait rendre plus charmantes encore » (VIIL p 199). 2. Plus tard, dans ses courses à travers le Jura, en fugitit (1805-1806), nous retrouvons Nodier « professeur amateur ». On a rappelé, dans un chapitre précédent (IV, $ 3), comment, peadant ses périgrinations à travers les champs et les bois, trouvant un refuge chez les curés ou les médecins de cam- pagne, il leur laissait en reconnaissance de leur hospitalité, « des plantes rares, des insectes curieux en les engageant à faire des collections. Professeur nomade d'histoire naturelle, ajoute Mérimée (1), il a formé de nombreux élèves dans le Jura quise rappellent encore ses leçons, rendues plus attrayantes par le charme merveilleux de sa conversation et l'intérêt qu’excitait sa mystérieuse existence ». Quels sont ces élèves naturalistes laissés par Nodier dans le Jura ? fl est difficile de les retrouver cent ans après ; mais le fait est intéressant à retenir ; 1l explique peut-être certaines vocations de natu- _ ralistes jurassiens, observateurs ou amateurs, remontant au commencement du XIX° siècle ? 3. C'est à Dole, lorsque Nodier trouve enfin un terme à sa vie d'aventures, qu'il devient professeur sédentaire, auto- risé d'abord provisoirement par le sous-préfet M. de Rou- joux, puis définitivement par l’Université, fonctions qu’il remplit pendant près de deux ans. | _Ses cours commencèrent probablement dans les derniers mois de 1806, d’après Sainte-Beuve (E, p. 473) (2. Dans une lettre inédite adressée à Weiss, mais non datée (lettre 20), Nodier écrit qu'il peut payer certaines de ses dettes «sur le produit de son cours commencé aujourd’hui » ; et plus loin : « mon cours est authorisé gratuitement sous le titre de spécial et perfectionné par l'Université impériale ». (1) Discours de réception à l’Académie française, 5 fév. 1845 ; voy. aussi Desmarest dans Soc. entom. de France, 1845, p.18. (@) D'après M. L. Pingaud, Nodier « ouvrait, le 4 juillet 1808, dans l’an- cien couvent des Cordeliers, un cours public de belles-lettres » (Soc. Emul. du Doubs, 1886, p. 206.) NO Une lettre de 1807 ou 1808 (inédite, lettre 23) précise mieux les dates : « mon cours se rouvre le 2 janvier ». En réalité, Nodier était arrivé à faire trois cours distincts : un cours de belles-lettres, un cours de grammaire et\un cours d'histoire naturelle. Je passe le printemps à Dole et Lons-le-Saunier, éerit-il fin 1808 (lettre 28 ; X, leitre XXI, p. 38), poursuivant mon cours de belles-lettres et enseignant la botanique et l’entomologie pour m'y fortifier. Le 31 mars 180}, Nodier écrit à Weiss (lettre 33, iné- dite) : « j'a1 besoin de me reposer un peu des travaux presque incalculables qu'a exigés de moi la composition de trois cahiers de systèmes différens, l’un consacré à la gram- maire générale, un second aux belles-lettres et un troisième à l’histoire naturelle, que je professe concurremment depuis quatre mois sans un jour de relâche ».(Ces mots ne sont pas soulignés dans le msc.). Dans la même lettre, notre jeune professeur annonce que ses élèves l’ayant décidé à leur donner encore un mois, il n'ira que le 15 mai ouvrir ses cours à Dijon, « où l’on me promet un si grand nombre de souscripteurs, qu’il y a de quoi me remettre fort au-dessus de mes affaires ». Je n'ai pas trouvé d’autres renseignements sur les cours que Nodier devait faire à Dijon ; peut-être en a-t-il été de ce projet comme des cours qu'il pensait ouvrir à Rennes, pendant son séjour à Hédé, chez son ami Luczot : « Luezot m'engage d'une manière si vive à aller passer quelques mois avec lui, que ] y suis tout décidé, surtout si je trouve moyen de donner mon cours à Rennes. Ainsi de Dijon en Bretagne, et de là, j'espère, à la Nouvelle-Orléans, cela s'appelle des voyages ». On sait que le départ de Nodier pour Amiens (août 1809) l’empêcha de mettre ces divers projets à exécution. So L'enseignement de Nodier était très goûté de ses audi- teurs ; leur empressement à lui demander une prolongation d’un mois le prouve déjà ; mais le succès de ses cours, « suivis, dit un témoin, par une foule empressée » est aussi constaté par ses biographes. « Ceux qui lont entendu, écrit Béchet, se rappellent encore avee délices, et cette éloquence naturelle que l’autre saurait égaler et la manière simple et lucide avec laquelle il expliquait nos classi- ques (4). Pour l’histoire naturelle, Nodier mettait aussi tous ses soins à rendre son enseignement aussi clair et aussi inté- ressant que possible ; 1l se procurait, pour ses démonstra- tions, des plantes et des insectes qu'il allait chercher dans des excursions spéciales ou qu’il demandait à ses corres- pondants ; il en réclame à Gevril, à Lonjan, avec d'autant plus d’insistance, certain jour, que « la saison n'est pas assez avancée pour m'en fournir un nombre suffisant à mes démonstrations » (lettre 33, inédite). Nodier semble faire allusion à ses succès comme profes- seur, dans la Fée aux miettes (p.247), lorsque, à propos des écoliers de Greenock, il se rend ce témoignage : («Je me flattais au moins de leur avoir inspiré quelque sentiment plus doux par mon empressement à les aider dans leurs études et à leur apprendre ie nom des fleurs et des papillons ». Nodier a toujours eu la vocation de l’enseignement ; pour- suivi par une véritable obsession, il espéra, pendant plu- sieurs années obtenir une place de professeur dans lUni- versité; sa correspondance avec son ami Weiss, avec le préfet De Bry, contient de nombreuses traces de ses démarches ; mais Jamais on ne lui offrait ce qu'il désirait. C’est ainsi qu'après avoir demandé les fonctions d’Inspec- teur de l’Instruction publique (1808 ; X, letire XX), il refuse les chaires de professeur de belles-lettres latines et de (4) Académie de Besançon, 24 août 1845, p. 5. eo rhétorique que son ami Ordinaire lui propose (K, lettres XXXVIIL, XLIV, LIX-EX)(E). | Nodier voulait être professeur d'Histoire naturelle. Jei se place un épisode qui nous intéresse d'autant mieux qu’il se rattache au centenaire de la création des Facultés de Besancon. | En 1809, en effet, 1l y a juste cent ans, une Académie universitaire était organisée dans cette ville, avec deux Facultés, la Faculté des lettres constituée la même année, la Faculté des sciences constituée en octobre 1810. Aussitôt que la nouvelle lui en parvient, Nodier écrit à son ami Weiss et lui demande : « N°y a-t-il pas de professeurs spéciaux pour les différentes sciences ? ei qui serait professeur d'histoire naturelle à Besançon ? » et 1l ajoute cette phrase bien significative : «€ Oh! pour cela je ne ferai pas le modeste car je serais très capable selon moi. Enfin je m’en rapporte à toi sur le tout ; et je seral ce que vous voudrez’ » (Lettre 56 :%Xettre EI p. 143). Certes, dans bien des circonstances de sa vie, Nodier s’est bercé d'illusions que les événements se chargeaient de détruire cruellement ; mais ici se trompait-il tant sur sa valeur de naturaliste ? Les renseignements que nous avons donnés sur ses travaux scientifiques et sur ses aptitudes pour l’enseignement prouvent qu’il était bien préparé à pro- fesser l’histoire naturelle dans notre première Faculté des sciences. Sa demande ne fut cependant pas accueillie, bien qu'il eût écrit aussi au Recteur de la nouvelle Académie, Jean-Jacques (4) Nodier fait probablement allusion à des propositions de cette nature dans la Préface de l’'Examen critique des Dictionnaires (p. 10): « Tout proscrit que J'étais... j'ai vu l'Université impériale me chercher deux fois dans l'exil, pour un emploi de professeur, au moment où je sortais à peine du rang des écoliers ». Observons, à propos de cette dernière allégation, que Nodier avait alors 28 aus ! Voy. aussi M. L. PINGAUD, dans Soc. Emul: Doubs, 1886, p. 207, etc. One Ordinaire, son ami, qui lui témoignait beaucoup d'intérêt ; ce fut le frère de Jean-Jacques, Désiré Ordinaire, qui obtint la chaire. Et voilà comment nous ne voyons pas le nom de Ch. Nodier en tête de la liste des professeurs de la première Faculté des sciences de Besançon (1). Les pourparlers avec le recteur Ordinaire duraient encore endA812;voy. lettres du 2% avril (74; X, lettre LVIE,:p. 193); du 20 juin : « je ne veux pas être professeur de rhétorique » (76 : X; lettre LX) (@). Ces années de professorat, particulièrement son cours d'histoire naturelle, son désir de devenir professeur de sciences naturelles à l’Université de Besançon, fonctions qu'il se sentait parfaitement capable de bien remplir, sont autant d'épisodes et d'arguments d'une grande importance pour asseoir un jugement définitif sur Nodier naturaliste. 3. — Nodier critique scientifique, physiologiste et médecin. À l’œuvre scientifique de Nodier se rapportent non seu- lement les recherches d'Histoire naturelle analysées dans les chapitres et les paragraphes qui précèdent, mais encore un certain nombre d'ouvrages, de mémoires ou de notes sur des sujets appartenant à d’autres ordres de sciences ; de plus, beaucoup de ses œuvres purement littéraires, contes, nouvelles, essais, contiennent des pages où Nodier aborde des questions scientifiques autres que des questions d’his- toire naturelle : ce sont surtout des notes critiques sur des ouvrages ou des sujets de physiologie ou de médecine. Mais, (1) Cette première Faculté a été supprimée en 1815 et réorganisée seule- ment en 1845. (2) Cependant, on voit dans une lettre de Nodier à De Bry (Amiens, 28 sept. 1809; IX ou XII, p. 367), qu'on lui avait offert, vers la même époque, une place de professeur d'histoire naturelle dans une de nos premières Universités ? = Que notre étude ayant surtout pour objet Ch. Nodier natura- liste, nous nous bornerons à donner le plus souvent une simple énumération de ces publications, quelquefois une brève analyse, plus rarement des extraits pius ou moins étendus, renvoyant à plus tard une étude approfondie de ces autres manifestations de l’activité intellectuelle de Nodier. 4. NOTES où MÉMOIRES DE CRITIQUE SCIENTIFIQUE. On peut citer se rapportant à ce paragraphe : Les Examens critiques du Dictionnaire de Boiste (1824) et des Daiclionnatres de la Langue française (1828), dont on a déjà parlé à propos de ses rechercaies entomologiques, zoologiques et botaniques Chap. IX, $ 3 ; XI, $ 2), mais où l’on trouve aussi la critique d’autres définitions de termes scientifiques. Les analyses de la Physiologie de GRIMAUD et des Expé- viences sur la digestion de M. de MoNTÈGRE, articles de Journaux reproduits dans les Mélanges de littérature et de critique (1820, p. 30 et 37). L’'£ssai critique sur Le gaz hydrogène, publié en collabo- ration avec le D' Amédée PicHoT (1823). L'Etude sur LA METTRIE (dans Réveries, édition Renduel, 1832, t. V, p. 193), à propos de la persistance des préjugés et des superstitions chez les savants et les philosophes qui se prétendent cependant entièrement libérés, «athées de toutes facons », comme La Mettrie (1). Le travail Des nomenclatures scientifiques (Bull. du Biblio- paile, 1836, p. 1-11), où Nodier combat l’emploi usuel de ces nomenclatures dans les ouvrages littéraires ; lui-même cependant s’en est souvent rendu coupable, mais en enve- loppant les termes scientifiques de tant de grâce et de charme qu'on ne peut songer à le lui reprocher (2). (4) Il s’agit du philosophe La Mettrie et non du naturaliste La Métherie, voy. plus haut Chap. IV. 8 2, p. 464. (2) Nous reproduisons cet Essai dans la 2° partie. Sa Diatribe du Dr Neophobus, contre les fabricateurs de mots (Revue de Paris, 1841, n° 12 et Buil. du Bibliophile, 4° série, n°20). Son appréciation de l'ouvrage de RoMaAIN-JoLy sur la Franche-Comté, dans ses lettres adressées à Ch. Weiss PCrettres LXXVI, p. 158, 159, 164, etc.] 90 PHYSIOLOGIE ET MÉDECINE. Dans plusieurs de ses ouvrages Ch. Nodier à fait preuve de connaissances si étendues en physiologie et en médecine, qu'on s’est demandé s'il n’avait pas fait des études médi- cales, si on ne pouvait pas le considérer comme un médeein. Les Dr; Fabre (de Commentry) et L. Baudin (de Besançon) ont discuté cette question dans leurs deux intéressantes Notices [XXX VII et XXXIX]. Si Nodier n’a pas été médecin, s'il n’a pas fait d’études médicales régulières, il avait, ainsi que l'écrit le D' Fabre, « des notions médicales fort au-dessus de celles des vul- gaires profanes et même des littérateurs de profession les plus instruits » (p. 7) : il a même imaginé des théories qui ont été vérifiées depuis, des hypothèses qui sont devenues des vérités scientifiques. : Ainsi dans son bizarre roman de Jean Sbogar 1), Nodier formule la notion de l’hérédité indirecte de la tuberculose : « La mère d’Antonia, dit-il, a succombé à une maladie de poitrine ; Antonia ne paraissait pas atteinte de cette affection, souvent héréditaire; mais elle semblait n'avoir puisé dans son sein déjà habité par la mort, qu'une existence fragile et imparfaite » C'est bien là la prédisposition à la maladie pour ceux dont les ascendants ont été atteints d’une tare cons- titutionnelle, « la tuberculose latente de nos théories mé- dicales actuelles, roman hier, vérité aujourd’hui, mais (4) Edition Renduel, 1832, p. 44. _— 100 — qu'aucune preuve scientifique ne venait étayer à l’époque de Ch. Nodier » (1). | Dans sa correspondance avec ‘Weiss, en avril 1832, au moment où le choléra sévissait dans une partie de la France, on trouve une théorie presque complète de cette maladie, depuis la pathogénie jusqu’au traitement ; on y voit même préconisées les inhalations d'oxygène, qui n'étaient pas encore employées à ce moment (2). | Précurseur enfin des théories hydriques de la propagation de la fièvre typhoïde, Nodier accusait l’eau des puits de Troyes de produire des fièvres pestilentielles. D’autres Essais touchent à la fois à la médecine et à la physiologie, par exemple l'essai intitulé De quelques phéno- mènes du sommeil (3, où Nodier étudie « le monde mer- veilleux du sommeil, état le plus puissant, le plus lucide de la pensée » (p. 160) ; le cauchemar, Corigine du merveilleux » (p. 162) (# ; le somnambulisme naturel; la somniloquie spon- tanée ; les monomanies, etc. ; De l’Onéirocrilie ou l’art de se rendre heureux par les songes (9); | Des Livres qui ont été composés par des fous (6). Dans la Fée aux miettes (p.378), Nodier emploie, à propos de la Mandragore qui chante, des termes d'anatomie hu- maine : « Or, 1l est imutle de vous rappeler, Monsieur, que l'analvse la plus scrupuleuse n’a jamais fait découvrir, ni (1) Voy. Dr BourniN dans Notice sur le D' Baudin Acad. de Besançon, 1909). (2) Voy. sur cette intéressante question, D' Fabre, XXXVII, p. 9 à 12; D' Baudin, XXXIX ; Chronique mé licale, 1897, p. 282. (3) Réveries, éd. Renduel, t. V, p. 159. (4) Sur le merveilleux dans Ch. Nodier, voy. LIEFFROY, [XVII]. (5) Dans Mélanges tirés d’une petite bibliothèque (Paris, Crapelet, 1829, p. 209: n° xxvi, De l’Onéirocritie, des songes et «le quelques ou- vrages qui en traitent : (analyse d’un ouvrage de 1746). (6) Mélanges tirés d’une petite bibliothèque, p. 245, n° xxxn. — 101 — dans le calice monophylle et turbiné, ni dans la corolle pen- tapétale et campanuliforme de Ja Mandragore, l'ombre d’une glotte et d’un larynx, et qu’elle manque essentiellement de membrane crico-thyroïdieune et de ligaments thyro- aryténoïdiens ». [l rappelle aussi les diverses explications qu'ont donné du mécanisme de la glotte et de la production des sons, Gallien, Ferrein. Geoffroy-St-Hilaire, Court de Gébelin. Citons encore ses observations sur la monomanie réflec- tive dans « Piranèse, contes psychologiques » (D et un curieux exemple de l’utilisation de ses connaissances médicales et zoologiques : dans une de ses lettres adressées de Paris à Weiss [X. lettre LXXIIT, p. 153], Nodier malade compare les taches livides de sa peau à celles du ventre de la Sala- mandre ! 3. ANTHROPOLOGIE ET EVOLUTION. Nodier était un évolutionniste convaincu, croyant aux trans{ormations des êtres depuis le minéral, la plante, lin- fusoire, Jusqu'à l’homme ; ses idées sur ce sujet, très origi- nales, sont développées dans les Essais suivants: De lu Per- fectibilité de l’homme; La fin prochaine du genre humain ; De lu Palingénésie humaine et de la Résurrection (2). Dans le deuxième de ces essais, Nodier se transporte plai- samment aux époques géologiques futures, où «des espèces nouvelles s’amuseront à recomposer de débris fossiles le squelette de l’homme actuel... et à lui chercher une place convenable à côté de ceux du singe et de la chauve-souris » (p. 303). Il émet, du reste, des idées très justes sur la per- _sistance des organismes les plus simples et le peu de durée des orgañismes compliqués (id.) et il conclut : « les espèces finissent, donc l’homme doit finir » (p. 305). (1) Contes en vers et en prose, éd. Renduel, t. XI, p. 167. (2) Réverie:, éd. Renduel, t. V, p. 239, 301, 305, 576. — 102 — Mais par quoi sera-t-il remplacé ? Par un être supérieur à l’homme, lÆtre compréhensif dont il donne cette très curieuse description. L’être compréhensif ressemblera probablement à l’homme comme l’homme ressemble aux animaux, auxquels il ne res- semble que trop, mais avec un développement d'organes dont nous ne pouvons imaginer l'étendue et la portée ; il aura tous les sens que nous avons observés dans le surplus des êtres créés, et une multitude d’autres qui nous échappent et sont réservés pour lui. La matière génératrice n’a besoin que de quelques modifications pour lui soumettre la nature. C'est si peu de choses qu’il n’y a pas le moindre effort d’esprit à faire pour le concevoir. Qu'elle ait la. bonté d’entretenir comme cela s’est rencontré dans quelques individus exceptionnels, l’ouver- ture du trou de Botal; qu’elle maintienne dans tous, après la naissance, le mode de circulation qu’elle a établi dans la vie intra-utérine — et il lui en coûte bien peu, puisque ce n’est qu'un acte de conservation ; — qu’elle réduise Pusage de lap- pareil respiratoire à une fonction facultative, ainsi qu’elle la fait dans les amphibies et les poissons, et voilà une créature nouvelle qui a conquis les profondeurs de la mer. Ne vous em- barrassez pas de ses poumons presque inutiles et qui ne seront plus que l’organe d’une jouissance volontaire; élargissez au contraire l’espace qu’ils occupent dans un torse vaste et solide, _qui semble déjà destiné, par sa conformation, à les contenir comme la carcasse d’un navire aérien; donnez-leur l'ampleur d’un aérostat calculé sur le faible poids qu’il déplace pour s'élever dans l’atmosphère, et enveloppé, au lieu de son lourd parenchyme, d’une membrane élastique et docile, et l’être que vous venez d'inventer si facilement avec moi, traversera les airs dans toutes les directions qu’il lui plaira de parcourir, non pas à la manière d’Icare, dont l'ajustement d'oiseau répugnait à toutes les possibilités de notre configuration physique, non pas avec les quatre ailes de Mercure, que l’iconographie poé- tique avait mieux assorties à l’équilibre et au mécanisme de nos forces ; mais en faisant le vide, à son gré, dans son large viscère pneumatique, et en frappant la terre du pied, comme l'instinct de son organisme progressif l'enseigne à l’homme dans ses rêves. » (Palingénésie humaine, p. 376). — 103 — On retrouve cette fantaisie paradoxale de Nodier sur les effets de la persistance du trou de Botal, dans une lettre qu'il adressait, le 27 juillet 1832, à son beau-frère, le D'Tour- telle, lettre reproduite dans la Chronique médicale du 1° dé- cembre 1909, p. 785. Le processus même de l’évolution générale des êtres, d’après Nodier, nous paraîtra aujourd’hui aussi singulier : après les transformations du minéral apparait le lichen, être vivant engendré dans la famille des cryptogames, être indécis entre l’oxvde et la plante (); puis les mousses, la fougère, les champignons et les plantes sensitives, s’anima- lisant dans les bvssus, les conferves, les polypiers (2), puis les animaux et l’homme (De la palingénésie humaine, p. 357). Et, affirmation remarquable pour l’époque, « la perfecti- bilité n’est plus une théorie abandonnée à la discussion, comme le reste du système ; c’est un fait philosophique auquel il manque à peine quelque vernis de mysticité pour être converti en dogme, On ne le démontre plus, on le professe ; et un des talents les plus purs, les plus élevés, les plus consciencieux de notre nouvelle écoie. lui prête en Sorbonne, la triple autorité de sa raison, de son savoir et de sa bonne foi » (De la fin prochaine du genre humain, D oo). Le professeur de Sorbonne dont Nodier rappelle ici l’en- seignement est évidemment Geoffroy-St-Hilaire (3) ; Nodier, (1) Nodier s’est inspiré certainement des idées bizarres du naturaliste La Metherie qu’il avait connu probablement avec Lamarck, à Paris. en 1800 (voy. Chap. IV 32). Certains lichens crustacés, colorés par l’oxyie de fer, comme les Lecidea alroalba Fr. (Rhizocarpum petrœum var. 8 Œderi Ach.), Lecidea confluens forma oxydata Krbr., ete., pouvaient, en effet, à cette époque, sembler un passage du minéral à la plante ! (2) Ici, Nodier se souvient des recherches de son ancien maitre Girod- Chantrans sur les conferves, qu'il considérait comme des polypiers (voy. Chap. II 21). (3) Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE, né à Etampes en 1772, mort à Paris en 1844, la même année que Nodier, a été professeur de Zoologie au Museum depuis 1794 et à la Faculté des sciences de Paris, de 1809 à 1840. — 104 — écrivait, en effet, ces lignes au moment où avait lieu, devant l’Europe savante attentive et aux applaudissements de Gœæthe, la célèbre discussion entre Cuvier, défenseur de la fixité de l'espèce et Geoffroy-St-Hilaire, partisan de sa variabilité et des idées transformistes. On voit que Nodier approuvait sans réserves l’enseignement de Geoffroy combattu alors, avec tant d'acharnement, par l’école officielle. On retrouve ces mêmes idées exposées encore dans l’Exa- men des Lettres à Julie (Voy. chap. IX, % 2) et dans la Fée aux miettes, ouvrages de la même époque ; dans ce dernier conte, Nodier indique ainsi quelles sont, d’après lui, les grandes lignes de l’évolution des êtres : Il y a de la finesse et presque de la profondeur dans cette idée, Daniel. Nous remarquons en effet que la nature, dans l’enchaînement méthodique des innombrables anneaux de sa création, n’a point laissé d’espace vide. Ainsi le lichen tenace qui s’identifie avec le rocher, unit le minéral à la plante; le polype aux bras rameux, végétatifs et rédivives, qui se repro- duit de bouture, unit la plante à l’animai; le pongo, qui pour- roit bien devenir éducable, et qui l’est probablement devenu quelque part, unit le quadrupède à l’homme. À l’homme s'arrête la portée de nos classifications naturelles, mais non la portée du principe générateur des créations et des mondes (La Fée aux miettes, p. 27). Nous avons vu plus haut comment Nodier avait complété son système, en imaginant l’être supérieur à l’homme, son Etre compréhensif, brillante fantaisie qui montre. suivant l'expression du D' Fabre, « ce que devient la physiologie générale sous la plume magique de Nodier ». — 105 - CHAPITRE XIII LES RAPPORTS DU NATURALISTE ET DU LITTÉRATEUR Si Nodier a été, de l’avis unanime, un brillant écrivain, — et les fragments de ses œuvres que nous avons reproduits le rappellent au souvenir du lecteur, — il était aussi très heureusement doué pour les recherches scientifiques, comme le prouve l’étude que nous venons de faire de ce qui nous reste de ses productions d'histoire naturelle. Mais avant d'achever cette démonstration, il nous parait utile d’exa- miner les rapports des deux personnalités si différentes qu'on trouve dans Nodier, c’est-à-dire de rechercher quelle a été l'influence de l’homme d'imagination sur l’homme de science, et ce que l'écrivain doit à son tour au naturaliste. 2 1. Ch. Nodier et ses poésies d'histoire naturelle. Rappelons auparavant que Nodier a mis la poésie au service de l’histoire naturelle et qu’il a chanté ses plantes préférées et ses insectes favoris dans plusieurs morceaux pleins de charme, « de grâce mélodieuse et de clarté facile » (Sainte-Beuve). Comme exemple de Poësie botanique, on peut citer le fragment bien connu du Bengali (U. _ Qui me rendra l’aspect des plantes familières, Mes antiques forêts aux coupoles altières, Des bouquets du printemps mon parterre épaissi, (1) Poésies, 2e édit., 1829, p. 157, éd. Renduel, t. 11, 1837, p. 420 eo Le houx aux lances meurtrières, L’ancolie au front obscurei Qui se penche sur les bruyères, Le jonc qui des étangs protège les lisières, Et la pâle anémone et l’éclatant souci, L’orme géant des bois que la foudre a noirei, Le sapin, le mélèze, ombres hospitalières, Erèbe que le jour n’a jamais éclairei, Et de franges irrégulières L’humble toit décoré par les bras des vieux lierres ! Les arbres que j’aimois ne eroissent point 1e. Leopoldsruhe, 1811. À cette catégorie appartiennent le Buisson, la Violette, le Printemos (1). Mais ce sont surtout les insectes, leurs mœurs, leurs bril- lantes parures, qui devaient tenter, de bonne heure, l’âme poétique de Nodier ; d’après Sainte-Beuve, il avait, tout jeune « commencé un poème sur les charmants objets de ses études ; on en citait de jolis vers que quelques mémoires, en le voulant bien, retrouveraient peut-être encore ». Le fragment suivant, extrait de Retirez-vous de mon soleil, s’y rapporte probablement. Alors, parmi les bois épiant les insectes, J'observe leurs travaux, leurs mœurs et leurs amours. Chasseurs ingénieux, innocents architectes, Hôtels légers des fleurs, créés pour les beaux jours, J'admire cette main qui Soigna vos atours ; Avec quelle pompe elle étale Sur les brillants habits dont vous êtes parés, Et la nacre polie, et la changeante opale, Et des réseaux d'argent, et des disques dorés ! Quel lustre éblouissant, quelles beautés parfaites (1) Sur les l’oesses hotaniques faites par Nodier à Quintigny, voy. SAINTE-BEUVE, I, p. #73; D. MonNiER, Souvenirs, 1871, p. 201-209. ES 107 = Elle fait briller à mes yeux Dans ces panaches glorieux, Dans ces éclatantes aigrettes Qui couvrent vos fronts radieux ! Je vous quitte pourtant... Horace ou La Fontaine, Montaigne ou Platon à la main, Egarant à plaisir ma démarche incertaine, À travers le vallon je me fraie un chemin. $2. Influence du naturaliste sur l’écrivain. I. Il est certain que les études scientifiques auxquelles Nodier a consacré ses années de jeunesse ont eu une grande influence sur le penseur et l’écrivain, en l’exerçant à l’observation minutieuse des faits et en lui donnant cette précision des détails qui caractérise ses descriptions. Ses recherches de bofanique et d’entomologie sur le terrain lui ont aussi développé le sentiment des beautés naturelles et on leur doit plusieurs de ses plus charmantes Nouvelles ; suivant la remarque très juste de M. Bouvier [XLIE, p. 1}, « elles ont été la source d’impressions merveilleusement exprimées...;croit-on que notre compatriote eût pu donner tant de saveur et d’exquis sentiment à son conte le plus délicieux, le Chien de Brisquet, sans un grand amour et une intime fréquentation de la nature ! ». M. Michel Salomon avait aussi reconnu cette heureuse influence : « L’entomologiste n’est pas le Nodier dont la postérité se souvient. Elle lui sait gré, seulement, comme au botaniste, de ce que leur doit le conteur dont il a plus d’une fois précisé le trait descriptif [X[X, 295 | ». A la vérité, dit encore plus loin M. M. Salomon, il réussissait à toute description. 11 plaidait pro domo quand il faisait l’apo- logie,du genre descriptif : « Je tremble de penser que, si on enlève ces dernières ressources, empruntées d’une nature phy- - 108 — \ sique invariable, aux nations avancées chez lesquelles les plus précieuses ressources de l’inspiration morale n’existent plus, il faudra bientôt renoncer aux arts:et à la poésie. Il est géné- ralement vrai que la poésie descriptive est la dernière qui vienne à briller chez les peuples, mais c’est que chez les peuples. vieillis il n’y a plus rien à décrire que la nature, qui ne vieillit jamais ». Il réclama toujours pour lui «le droit de s’égarer sous le frigus opacum des poètes paysagistes ». M. Girod de Chan- trans lui en avait appris de bonne heure le chemin. À ce gentil- homme, qui lui fut, dans la botanique et l’entomologie, un si aimable initiateur, il ne dut pas seulement le plaisir de se pro- mener avec des curiosités de naturaliste. Il lui dut une préei- sion dans le pittoresque et une vérité vive de détail qui allait se retrouver chez George Sand, sauvée, elle aussi, bien souvent, des généralités vagues et de la banalité par ses souvenirs d’her- borisation.... Il a quelque part, lui-même caractérisé sa prose. Il y regrettait un peu trop de termes techniques. Il avait rai- son... Mais c’est là tache légère. Il dit juste aussi lorsqu'il voit dans son style le produit de sa « singulière éducation ». Disons son heureuse éducation puisqu'il en sortit sensible aux spec- tacles de la nature, comme Rousseau, après ses étapes de nomade [XIX, p. 300]. L'influence de cette éducation scientifique se manifeste, en effet, par l’emploi fréquent d'expressions techniques, de noms d'insectes ou de plantes, non seulement dans ses bril- lantes descriptions de paysages, mais dans des œuvres pure- ment littéraires, où l’on s'attend le moins à les trouver. Nous avons déjà cité, à titre d'exemple, à propos de Nodier entomologiste, botaniste, etc, de nombreux extraits de Séraphine, Thérèse, La Fée aux miettes, ete. ; nous rappel- lerons particulièrement l’énumération du Peintre de Salz- bourg : « Là s’échappaient, du milieu des marches rompues, les cylindres veloutés du verbascuim, les cloches bleues des campanules, des bouquets d’arabettes et des touffes d’éclaire dorée ; la jusquiame y croissait aussi avec ses couleurs âcres et ses fleurs meurtries ».. — 109 — Et l’on peut en trouver encore d’autres aussi caracté- risés. Dans Trilby, le naturaliste se décèle, à chaque page, surtout au cours d’une description, ou pour trouver les éléments d’une comparaison : c’est la « cellule harmonieuse du grillon dans la chaumière » ; ou « les colonnes d’une chapelle aban- donnée semblables aux füts blanchätres des hêtres ; » ou encore : la soie argentée des sphaignes ; Trilby qui effleure la surface du lac sous la forme d’une mouche ou d’une pha- lène;etc. Du reste, Nodier était, pour ainsi dire, tellement imprégné de ses souvenirs de naturaliste, tellement poursuivi par l'obsession des phénomènes intéressants qu’il observait depuis son enfance, que, à chaque instant, les comparai- sons les plus imprévues, prises dans l'Histoire naturelle, arrivent sous sa plume. Dans le Songe d'Or, les esprits de Dieu ont « de larges ailes bleues, comme un papillon géant. » Veut-il montrer combien il est difficile à un parvenu de cacher son origine véritable, Nodier trouvera dans les méta- morphoses des insectes cette heureuse comparaison : «tu aurais beau te cacher dans ton faste comme le ver dans son cocon de soie et la chenille dans sa chrysalide dorée », fait-il dire à la Fée aux miettes s'adressant à Daniel qu’elle a comblé de ses richesses. Et lorsque dans Piranèse, «conte psychologique », Nodier veut indiquer que le suicide se rattache toujours à quelque cause immédiate, c’est à la botanique, à l’organographie végétale, qu’il empruntera l’épithète caractéristique : «le suicide, écrit-il, n’est pas un acte sessile, comme disent les _botanistes, c’est-à-dire sans pédonceule, sans tige, sans racines, sans origine sensible » ; l’idée de l'emploi de ce terme tech- nique ne pouvait évidemment venir qu’à l'esprit d’un bota- niste de profession ! — 110 — Il. On a souvent observé que la tournure d’esprit de homme de lettres n’est pas favorable à l’observation scien- üfique; nous devons donc rechercher si, chez Nodier, les brillantes qualités de l'écrivain n'ont pas porté préjudice aux facultés du naturaliste. D'abord, il ne paraît pas que la vive imagination de Nodier ait nui à ses observations scientifiques ; dans le temps de sa ferveur de naturaliste, il n’en a pas compté avec moins de patience et moins d’exactitude les articles des tarses ou des antennes, et analysé avec moins de soins les diverses parties d’une fleur ; elle n’a pas eu non plus de prise sur son talent de dessinateur d'histoire naturelle : les ébauches qui nous en restent sont la représentation très exacte de ce qu'il observait (À). Plus tard seulement, le littérateur l’a emporté sur le natu- ralhiste, en ralentissant puis en arrêtant complètement sa passion pour l’entomologie, sans cependant lui en enlever entièrement le goût. Mais, par contre, on pouvait craindre que l'éducation si exclusivement analytique, de ses années de jeunesse, ne ui donnât cette sécheresse qu’on observe dans trop d’ou- vrages scientifiques ; Nodier reconnait lui même, dans Séra- phine [p. 37, 38], l'influence de la lecture de ce qu'il appelle «les méthodistes », c’est-à-dire les classificateurs. . « Je m’entretenois avec facilité dans le souvenir tout récent de mes études latines par la lecture assidue et passionnée de nos méthodistes, qui avoit pris tant d’empire sur mes pen- sées que je n’en concevois pas une seule sans qu'elle vint à se formuler subitement en phrases concises et descriptives, héris- sées d’ablatifs, comme celle de Linné ; et si je m’étois reconnu depuis ce don caractéristique du talent qu'on appelle le style, je n’aurois pas été embarrassé à en expliquer les qualités et les défauts par ces premières habitudes de ma laborieuse (4) Voy. précédemment, Chap. VI, p. 489 et Chap. VIII, p. 33. — A11 — enfance. Il seroit peut-être plein, précis, pittoresque. propre à faire valoir les idées par leurs aspects saillants, mais trop chargé de termes techniques et de figures verbales ; abondant en épithètes justes, mais qui n’expriment souvent que des nuances ; étranglé comme une proposition arithmétique, toutes les fois que j'essaie d’y faire entrer l'expression sous une forme puissante ; conforme et diffus comme une amplification, quand je sens le besoin de l’étendre et de la développer ; obscur pour être court, et pâle pour être clair, mais rappelant partout l’apho- risme dans le tour, et le latinisme dans la parole; un mauvais style enfin, si c’étoit un styie, et il n’y a pas deux hommes par siècle qui aient un style à eux ; mais un style sorti, tel qu’il est, de ma singulière éducation, et que les circonstances ne m'ont pas permis de modifier depuis. Nodier apprécie trop modestement les heureuses qualités de son style, manifestées, de bonne heure, dans ses pro- ductions, même exclusivement scientifiques, comme la Dis- serlation sur le rôle des antennes ; ce mémoire est déjà écrit d’une plume alerte, dans une langue claire et imagée, avec toutes les qualités de l'écrivain qu’on retrouvera, plus tard, si développées. dans son œuvre scientifique et littéraire. « Ce qui est certain, dit Sainte-Beuve [T, p. 495|, c’est qu'il gardait, jusque dans des sujets en apparence voués au technique et à une sorte de sécheresse, toute la grâce et la fertilité de ses développements » ; observation très juste que M. M. Salomon condense dans cette phrase : « le naturaliste n'étouffait pas en lui l’artiste » [XIX, p. 233]. Nodier négligea du reste, de plus en plus, les termes scien- üfiques : il en déconseille d'abord l’usage dans les œuvres littéraires (D ; 1l s’en moque même, plus tard, dans la Dia- tribe du Dr Neophobus (2) ; il en arrive enfin à maudire les _ (1) &« Des nomenclatures scientifiques », dans Bull. du Biblioph., t. I, 1825, u° 24 ; voy. Chap. XI, $ 2, p. 76, note (!). (2) Revue de Paris, mai 1843. Vo nomenclatures scientifiques et à protester contre les termi- nologies savantes (1). Nodier était done parvenu à un parfait équilibre entre ces deux tendances opposées du naturaliste et de lPécrivan, du savant et du styliste et c’est ainsi qu’il a pu écrire ces pages admirables de Séraphine, où il décrit le monde des papillons avec des couleurs si brillantes et en même temps une si étonnante vérité des caractères. Tout le monde avant fait, plus ou moins, la chasse aux papillons dans sa jeunesse, tout le monde connait; — et cela est nécessaire pour goûter toute la saveur de cette descrip- tion, — quelques-uns au moins des noms qu’on leur a donnés, noms souvent empruntés à des particularités de leurs mœurs, de leur organisation, ou à des personnages de la Mythologie. Voici comment Nodier les caractérise dans cette énuméra- tion, chef-d'œuvre de science et de poésie. Il y a quelque chose de merveilleusement doux dans cette étude de la nature, qui attache un nom à tous les êtres, une pensée à tous les noms, une affection et des souvenirs à toutes les pensées ; et l’homme qui n’a pas pénétré dans la grâce de ces mystères a peut-être manqué d’un sens pour goûter la vie... ... Voyez-vous ces brillantes familles de papillons, qui ne sont que des papillons pour le vulgaire? Cest une féerie complète. ss ... Ceux là sont des chevaliers grecs et troyens. À sa cotte de mailles, échiquetée de jaune et de noir, vous reconnaissez le prudent Machaon, fils presque divin du divin Esculape, et fidèle, comme autrefois, au culte des plantes qui recèlent de précieux spécifiques pour les maladies et les blessures; ilne manquera pas de s'arrêter sur le fenouil. Si vous descendez aux pacages,. ne vous étonnez pas de la simplicité de leurs habitants. Ces papillons sont des bergers, et la nature n’a fait pour eux que les frais d’un vêtement rustique. Cest Tityre, c’est Myrtl, c'est Corydon.Un seul se distingue parmi eux à l'éclat de son manteau d'azur, sous lequel rayonnent des yeux innombrables comme (1) Bulletin du Bibliophile, no 10. € les astres de la ruit dans un ciel étoilé ; mais c’est le roi des pâturages, c’èst Argus, qui veille toujours à la garde des trou- peaux. Avez-vous franchi d’un pas curieux la lisière des bois, défendue par Silène et les Satyres : voici la bande des sylvains, qui s’égarent au milieu des solitudes, et les nymphes, encore plus légères, qui se jouent de votre poursuite, laissent bientôt un ruisseau entre elles et vous, et disparoissent, comme Lyco- ris, Sans redouter d’être vues, derrière les arbrisseaux du rivage opposé. Tentez-vous le sommet des montagnes les plus élevées : vous n'aurez pas de peine à vous y rappeler lOlympe et le Par- nasse; car vous y trouverez les héliconiens et les dieux; Mars, ‘ qui Se distingue à sa cuirasse d'acier bruni, frappé par le soleil de glacis transparents et variés; Vulcain flamboyant de lingots d’un rouge ar lent comme le fer dans la fournaise, ou bien Apol- lon dans son plus superbe appareil, livrant aux airs sa robe d’un blane de neige relevée de bandelettes de pourpre (p. 40-43). Observez comment chaque espèce est merveilleusement décrite dans cette série de portraits où le caractère distinctif : est brossé, en quelques mots, avec la précision du natura- liste et l'élégance, la grâce du styliste le plus délicat. Et il en est ainsi de nombreuses pages des Nouvelles de Nodier, des moins scientifiques, de celles souvent citées même par les critiques qui se refusent à voir dans Nodier, un naturaliste; maïs il faut savoir les lire avec des yeux, sinon prévenus, ce qu'on nous reprochera peut-être, du moins suffisamment avertis. En analysant tous les mots de ces descriptions, on se convainct qu’elles ne pouvaient être écrites que par un naturaliste exercé, sachant observer, décrire, représenter avec les détails scientifiques les plus minutieux, peindre avec leurs couleurs naturelles, les objets de ses études favorites ; le littérateur le plus habile, doué de l’imagination la plus vive, mis en présence de ces êtres si divers, si variés, pourra en donner une description auss brillante, aussi colorée, mais il ne saura v mettre la précision _des caractères distinctifs que seul le naturaliste peut saisir. 8 ie Ces pages, si remarquables de vérité scientifique et de charme poétique, ne pouvaient donc être écrites que par un lettré doublé d’un savant ; elles sont une nouvelle preuve de l'alliance possible de la science et du style ; Nodter n’en est pas, en effet, le seul exemple ; il en cite lui-mème plu- sieurs dans le discours qu’il prononça à linauguration de la statue de Cuvier à Montbéliard (1), en rappelant les noms de\ Descartes, deBulïon, de Laplace "à" côté de celiuvde Cuvier. Ajoutons que J.-J. Rousseau, Mm® Roland, Gœæthe, Ampère, G. Sand, Th. Johanneau, Theuriet, de Maupassant, Maurice Donnay et d’autres écrivains, s’adonnèrent aussi à l’histoire naturelle 2) et qu’on peut citer une belle lignée de savants remarquables autant par le mérite littéraire de leurs écrits que par l’importance de leurs découvertes, mérite qui leur à ouvert les portes de l’Académie française, depuis Fon- tenelle et Buffon jusqu’à CI. Bernard, Pasteur, Berthelot et récemment M. H. Poincarré. Si on ne peut comparer Nodier, même de loin, à ces savants incontestés, 1l convient de le placer, non à la suite, mais dans le voisinage de cette brillante pléiade d’esprits distingués qui furent à la fois des hommes de science, amateurs ou savants, et de remarquables écrivains. $ 3. Nodier peut-il être considéré comme un véritable naturaliste ? Les faits réunis dans cet ouvrage à l’appui de cette.thèse que Nodier a été en même temps qu'un brillant littérateur un véritable naturaliste, nous paraissent tellement probants (4) Voy. Chap. VII, 8 2, p. 504 ; ce discours est reproduit dans la 2e partie, n° VII. (2) Voy sur J.-J. Rousseau, Mme Roland, Ampère, G. Sand, etc., notre Prodroine d’une Hist. des Botanistes lyonnais, dans Soc. botan. de Lyon, 1906, 1907, 1910, n° 94, 97, etc.; M. Duvaz, id., 1910, 1er mars, Chronique médicale, 1910, etc. — 115 — que nous pourrions conclure de suite, mais il nous semble nécessaire de voir quelle à été l'opinion de nos prédécesseurs sur ce sujet avant de conclure nous -mêmes. Comme nous l’avons dit au début de ce travail, très peu de biographes de Nodier ont examiné cette question de Nodier naturaliste avec le soin nécessaire et des documents suffisants. Les Biographies générales v font à peine allusion ; elles se bornent à citer ses deux ouvrages de jeunesse sur l’En- tomologie : la Dissertation sur l’usage des antennes de 1797 et la Bibliographie entomologique de 1800 ; elles ne men- tionnent pas, ou à peine, ses autres mémoires d'histoire naturelle et les traces si nombreuses que le naturaliste a laissées à chaque page de ses œuvres littéraires. On lit, par exemple. dans la Biographie universelle de Michaud, que, depuis les deux ouvrages cités plus haut, Nodier « s’abstint d'écrire sur l’histoire naturelle des in- sectes » ; elle reconnait cependant « qu'il leur a, dans quel- ques-uns de ses romans, consacré des pages charmantes : » et plus loin, à propos seulement des Welanges de littérature et de critique, « en bien des pages, dit-elle, lattachement de Nodier pour les insectes et pour les livres se montre avec effusion » ; et c’est tout : aucune mention de ses observa tions d'histoire naturelle en Ecosse, de ses Essais sur les Sphinx, sur les Scarabées des Hiéroglyphes, de ses Contes entomologiques, comme Sibvlie Mérian, et d’autres ouvrages analogues. La Grande Encyclopédie de Berthelot est encore plus laconique ; elle ne cite le goût de Nodier pour l’histoire naturelle que dans cette appréciation générale bien vague : (éeonteur charmant. ..:. , il a mis de la fantaisie dans l’his- toire..., dans l’entomologie... et jusque dans la Biblio- graphie.» La concision exigée par le plan de Pouvrage n’ex- cuse pas cette généralisation spirituelle mais insuffisante et _inexacte, — 116 — Si nous consultons les nombreux ouvrages publiés sur Nodier. nous constaterons que la plupart de ses biographes, depuis Sainte-Beuve jusqu'à M. Michel Salomon, insistent peu sur la partie scientifique de son œuvre et de ses recherches. « S'il étudie la botanique et les insectes, écrit Sainte- Beuve. c’est à un point de vue particulier, foujours et sans s'inquiéter des classifications générales » [E, 452]; cette der- nière assertion est tout à fuit inexacte, comine on l’a vu dans un Chapitre précédent (1). ; Pour M. Michel Salomon, «lentomologiste n’est pas le Nodier dont la postérité se souvient » ; c’est vrai; on le connait mal, en effet, à ce point de vue ; mais l’argument ne porte pas. M. Michel Salomon ajoute encore, plus loin : « En histoire naturelle, Nodier compte pour un amateur précoce et passionné; :.... herboriseur et chasseur de papil- lons-./"1l ne reste de lui en’ histoire naturelle que deux minces brochures. » [XIX, 225-227]. On s’étonnera de trouver, dans cet ouvrage récent, ordinairement si bien informé, une documentation si incomplète, particulièrement lPoubli des mémoires d'histoire naturelle, des articles de critique, où Nodier se révèle comme un véritable naturaliste ! Cependant, déjà, dans le Bulletin du Bibliophile, en 1857, répondant à Quérard qui prétendait que Nodier ne pouvait être l’auteur de la Dissertation de 1797, Albert de la Fizelière avait signalé les divers articles d'Histoire naturelle pubhés par Nodier après ce premier travail et affirmé sa. valeur comine naturaliste : «Ilest de notoriété, disait-il. pour ceux qui ont connu Nodier, qu'il était de première force en Ento- mologie et que les Coléoptères surtout. et les Lépidoptères, n'avaient point de secret pour ses observations ingénieuses et sagaces. J’ai eu, pour ma part, Pextrème bonne fortune de profiter de ses connaissances étendues à ce sujet et Je déclare qu’elles étaient de premier ordre. » (n° de mars, p. 131). OVoy Chap NPA 2 pb 70; Er RE Te 1 — 117 — Quelques années plus tard, Paul Lacroix (alias le Biblio- phile Jacob) rappelait aussi, dans le même Recueil, diverses recherches scientifiques peu connues de Nodier, comme ses observations sur les animaux réviviscents, et montrait lPuti- lité et l'intérêt de la réimpression de ses œuvres d'histoire naturelle (1). Plus-récemment, deux auteurs, l’un et l’autre médecins, se sont particulièrement occupés de Nodier naturaliste : mais ils sont arrivés, à des conclusions absolument diffé- rentes: | Le Dr Fabre (de Commentry), dans son Etude sur Ch. No- dier naturaliste et médecin [XXX VII}, insiste sur l’intérêt et l'importance des productions scientifiques de Nodier; il en donne une énumération assez complète et paraît bien consi- dérer l’auteur de ces recherches comme un naturaliste dans le sens véritable du mot. « Si Ch. Nodier, dit-il, n’a eu aucun titre officiel, ni comme naturaliste, ni comme médecin, nous croyons avoir démontré qu’il possédait de vastes connaissances scientifiques. En maintes occasions, non seulement il a abordé en homme instruit des questions de l’ordre biologique. mais il a su les traiter souvent avec originalité et un esprit plein de clair- voyance et de rectitude. et toujours aussi avec une grande largeur de vues ». (p. 16). Tout autre est l’opinion de notre compatriote, le D' Baudin, auteur d’un intéressant mémoire, intitulé Ch. Nodier médecin et malade, communiqué il y a sept ans à l’Académie de Besançon[XXXIX];le distingué contrère et dévoué Président de la Société d’Emulation, dont on déplore la perte récente, ne voit dans Ch. Nodier « qu’un enthousiaste élève de Girod- Chantrans, brillant étudiant de l'Ecole centrale, audacieux théoricien, classificateur érudit et sagace, collectionneur acharné, qui sut, jeune encore, conquérir une place d’hon- (1) But. du Bibliophile, 186%, p. 1037 et 1169 : 1865, p. 158. — 118 — neur dans la science entomologique » ; s’il a publié la Disser- tation sur l’usage des antennes et la Bibliographie entomo- logique, « cela ne suffit pas, ajoute-tl, pour faire de Nodier un naturaliste au sens élevé et véritablement scientüfique du mot. » (p. 207). : Plus loin, notre ancien confrère précise encore mieux son sentiment : « Nodier fut, dit-il, en sciences naturelles, un très bon élève. exceptionnellement doué au point de vue de la mémoire et de l'imagination; très vite spécialisé dans l’entomologie, il demeure un amateur distingué et un collec- tionneur bors ligne. Là, se bornent, en réalité, ses titres de savant, de naturaliste. » (p. 208). Cette appréciation est trop sévère et du reste inexacte ; nous avons vu, en effet, que non seulement Nodier fut « ur très bon élève », mais qu'il a été aussi un excellent profes- seur (1) ; il a été aussi mieux « qu’un amateur distingué et qu’un collectionneur hors ligne » ; le Dr Baudin reconnait lui-même en Nodier, « un audacieux théoricien et un clas- sificateur érudit et sagace » ; que faut-il de plus pour être un naturaliste dans le sens scientifique du mot ? et si l’on ajoute que Nodier a fait des recherches originales sur là classifica- tion et la physiologie des insectes, recherches qui dénotent non seulement de l’observation sagace, mais des idées géné- rales, qu'il est l’auteur de plusieurs autres mémoires, il est vrai moins connus, d'histoire naturelle, on ne peut lui refuser le titre de naturaliste qu'on a donné à beaucoup d’autres «amateurs ou collectionneurs », — pour employer Pexpres- sion de nos contradicteurs, — moins qualifiés que lui pour le recevoir | Pour asseoir définitivement notre jugement sur la valeur scientifique de Nodier, on peut encore faire appel au senti- ment intime de Nodier lui-même, peu suspect dans les cir- constances où 1l s’est manifesté. (1) Vov. Chap. XIL $ 2. HUE Quand parurent les Lettres à Julie de Mulsant (1830), Nodier écrit à l’éditeur, à propos de ses connaissances en entomologie : « Car cette science de fourmis et de cirons est de toutes celles que j'ai étudiées, la plus en rapport avec mes facultés littéraires et je me flalte de lu bien savoir !. » Déjà, au moment de la création de l’Université de Besan- uon (1811), Nodier, postulant la chaire d'Histoire naturelle de la Faculté des sciences, avait affirmé sa parfaite compé- tence : «Oh! pour cela je ne ferai pas le modeste, car je serai très capable selon mot. » On sait que la chaire fut confiée à Désiré Ordinaire (voy. plus haut, p. 96) et quil s’en fallut de bien peu que Nodier ne devint le premier professeur d'histoire naturelle de notre Université bisontine. Faut-il le regretter ? Définitivement professeur d'histoire naturelle, l'orientation de la vie et des travaux de Nodier était complètement chan- gée ; les sciences naturelles devenaient l’objet principal de ses préoccupations ; Nodier achevait les ouvrages importants qu'il avait commencés sur les insectes et sur la flore du Jura; il devenait enfin le naturaliste non contesté qu'il n’est pas encore aujourd'hui; mais aurait-on vu paraître cette magni- fique série de contes et de nouvelles qui charmeront toujours le plus grand nombre des lecteurs, mieux que les plus savants ouvrages d'histoire naturelle, fussent-ils écrits par la plume enchanteresse de Nodier ? le naturaliste serait peut-être mal venu à s’en plaindre, puisqu'il v trouve lui-même autant d'intérêt au point de vue scientifique que le profane y trouve de plaisir au point de vue littéraire. Le résumé de la vie scientifique de Nodier sera la meil- leure démonstration de sa valeur comme naturaliste. Nodier cultive les sciences naturelles, particulièrement l’Entomologie et la Botanique, d’une façon presque continue, . pendant vingt ans, de 1794 à 1814, puis par intermittence, — 1920 — jusqu'en 1820; il les étudie théoriquement et pratiquement, réunissant des collections de plantes et d'insectes, compo- sant des ouvrages, les uns publiés, les autres restés manus- crits ou inachevés ; il professe l’histoire naturelle pendant plusieurs années (1807 à 1810), avec un succès assez brillant pour qu’on lui offre une chaire dans l'Université et pour qu’il ait pu prétendre à la place de professeur de sciences natu- relles à la Faculté des sciences de Besançon, lors de sa fon- dation (1811) ; plus tard, Nodier ne délaisse pas complètement les sciences dont il s'était occupé avec passion pendant la première partie de sa vie; il saisit toutes les occasions d’v revenir ; un voyage en Ecosse, où il allait vérifier une ques- tion de géographie botanique et zoologique, lui permet de faire quelques observations intéressantes sur la flore et la faune de cette contrée ; il publie, presque jusqu’à la fin de sa vie, des Essais où 1l utilise les connaissances très éten- dues qu'il possédait en histoire naturelle, par exemple, à propos des Sphinx de J. Bauhin et des Scarabées des hiéro- glyphes ; quant à ses deux publications entomologiques principales, la Bibliographie, bien qu’elle ait été l’objet de critiques assez justifiées, n’est cependant pas sans valeur et sa Dissertation expose très judicieusement, avec les seuls arguinents qu’on pouvait donner à cette époque, des théo- ries actuellement adoptées par les biologistes ; on peut seu- lement regretter que Nodier n'ait pas pu terminer les ouvrages importants qu'il laissait presque achevés à Quintigny et qui auraient classé définitivement parmi les naturalistes.les plus autorisés. Mais Nodier avait l'imagination trop vive, l'esprit trop curieux, pour s’attarder longtemps sur les mêmes sujets: il a été toujours et partout, un observateur inquiet et un promeneur inlassable ; il a observé d’abord les plantes et les insectes, puis les gens et les institutions, il s’est observé lui-même, étudiant sa personnalité intime, ses rêves, ses = A9 maladies (1) ; il s’est promené dans les prairies et dans les les bois, dans les sentiers les plus variés de la science, de l’histoire, de la littérature, notant ce qui lui paraissait curieux, original, digne d’ètre étudié ; et de ces promenades, de ces excursions, 1l rapporte des coilections de plantes ou d’in- sectes, des collections de faits ; il en établit des systèmes et des classifications ; 1l en décrit les plus intéressants, d’abord dans des ouvrages didactiques, puis dans des œuvres de forme entièrement littéraire, où il pouvait plus facilement donner libre cours à l’abondance et à la variété de ses sou- venirs, aux fantaisies de son imagination, à la poésie qu'il savait mettre partout, même dans les sujets les plus arides, les plus scientitiques. | Nodier a été, en effet, surtout en science, un observateur assurément consciencieux, mais entrainé bientôt à côté par la folle du logis ; c'était un savant doublé d’un poète ; et un savant dans le sens le plus large du mot : ainsi que le disait À. Dumas, paraphrasant ce que déjà on avait dit de Pic de la -Mirandole : « Nodier était le savant par excellence ; il savait tout, puis encore une foule d’autres choses au delà de ce tout ». Mais sa science était parfois superficielle, n'ayant jamais eu la patience d'approfondir les sujets que son esprit chercheur lui avait fait découvrir. Ce qui a manqué, en effet, à Nodier, pour devenir un grand naturaliste, c’est le temps, la persévérance, la continuité du travail qui lui auraient permis d’entreprendre des œuvres importantes comme la Flore du Jura, en germe dans son esprit, et d'achever les ouvrages d’une véritable valeur scien- üfique dans iesquels il avait réuni toutes ses observations sur les insectes, comme les Harmonies de la Botanique et (1) Voy. sa curieuse lettre à J. de Bry où il s’est décrit lui même en trois personnes, « trinité mal assortie composée d’un fou bizarre et capricieux, d’un pédant frotté d’érudition et de nomenclature et d'un honnête garçon faible et sensible »; L. PinxGauD [XII], BOYER DE STE-SUZANNE [IX, 399, 400], M. SaLOMoN [XIX, 407]. 10e de l’Entomologie et le Museum entomologicum qu'il laissa presque terminés; on n’eût pas alors discuté sa valeur comme naturaliste. Ce qui nous reste de ses œuvres scientifiques nous suffit cependant pour le considérer comme un natura- liste digne de ce nom, et pour ajouter définitivement ce nou- veau fleuron à la couronne déjà si riche du charmant conteur, de l’érudit bibliographe, du philologue, du lexicographe, de celui qui fut, en un mot, le plus brillant et le plus fécond des écrivains franc-comtois. APPENDICE I. Aperçu généalogique de la famille Nodier. Chapitre T et IT ; VI, p. 483. { à ® Joseph Nodier. entrepreneur. originaire d'Ornans; + 1775. ép. (1732) à Besançon, À. Cl Cotton. Î : Ro ® Ant° Melchior N., 1738 + 1808. @ Aut.-Franc.-Xavier N. magistrat à Besançon ; militaire. À ,de Suzanne Paris : | Evl @ Jean-Charles-Emman. N., /Jeanne-Claude À Virginie À Caroline. Besançon, 1780 + Paris 1844, dite Elise Vép.Gandillot . à ) è lhittérateur, naturaliste. ‘ Ep le médecin : Ep. (1808) à Dole, Dés. Charve , Jean-Franç è Tourtelle @ Amédée À Marie N. 1811: +... Ep. Mennessier. A Georgette & Emmanuel-Marie Mennessier Thècle M. & Stanislas Mennessier, (D’après des communications de M. L. Pingaud.) IT. Les Philadelphes. Chapitres IIL, $ 1, p. 447; IV, $ 2. Les Philadelphes, société de jeunes gens fondée en 1796 par Ch. Nodier et quatre de ses camarades, était une sorte d’asso- ciation fraternelle, « de société d'assurance contre l’oubli » (L. Pingaud) ; ils la réorganisèrent en 1800, en y adjoignant plusieurs autres de leurs jeunes amis; elle disparut, «tomba op en sommeil », en 1804; voy. correspondance Nodier-Weiss [X, lettres VI (et une partie inédite), IX, XV, LXVIIT]; Histoire des sociétés secrètes, 1815 ; Mme Mennessier-Nodier, VIII, 44, 238, 239 ; L. Pingaud, Jean De Bry, 1909, p. 2499. IIT. Extrait de la Généalogie de la famille Girod. Chapitre IL, $ 1, p. 431. | ® Giro, de Mignovillard; avant 1500. $ $ : | Michel G. de Montrond. @ Antoine G., seigneur de Naisey, Novillars, G. Amagney, etc — 12 enfants, dont : 1755 + 1783 ; médecin RE = à Mignovillard. @ Claude-Franc. G. @ Vict.Bern.@ Jean-Bapt. @ Justin G. de Chantrans de Novillars : trésor.gén.? Ren. Ant. G. 1750 +1841; capit. du 1747 + 1812 < de Montrond. génie; naturaliste. l æ Ferdiné CG. & Casimir G. de Novillars À Claud.-Franç-Xav. G. HT ARS 1 A7SOE 2 ép. À. de Champvans. ép.Phil. de Talbert de Nancray. AS Henr.-Anttép.@ Casim -Eug.-Vict-Xav. G. de ? Fam. de Champvans, son cousin, Novilllars ; 1818 + 1864. d’Aiglepierre. * Fam. de Novillars, de Vermondans. (D’après les renseignements de M. Eugène de Novillars ;:nous donnerons une généalogie plus détaillée dans notre Etude sur Girod-Chantrans, et nos Botanistes franc-comtois). IV. Le Ghâteau de Buguet. Chapitre VI, p. 492. Nous avons recherché, avec l’aide de M. L.-A. Girardot, de Lons-le-Saunier, quel était le château situé « à une petite lieue 0 de Quintigny, au milieu d’un bois charmant », où Nodier allait chaque jour, en été, chez son ami Buguet, « dans un pays de‘ chasse entomologique le plus riche du Jura ». Cette situation s'applique à plusieurs châteaux ou maisons de plaisance de la région, par exemple aux châteaux de Persanges et de Pise (sur la commune de l'Etoile), de Montarbey (commune de Saint- Didier), mais aucun ne figure au nom de Buguet, sur le cadastre, en 1812. Cependant des familles de ce nom existent encore, dans la région, mais à une distance un peu plus grande de Quintigny, par exemple, à Chille (6 kilom.) et à Fontainebru (9 kilom.) ; à Chille, M. Buguet, officier en retraite, se rappelle bien avoir entendu, dans son enfance, son grand-père parler de Ch. Nodier. V. Jean De Bry, naturaliste. % Chapitres IV, 8 3, p. 466: V et note () p. 468. Jean De Bry, l’ancien préfet du Doubs, le protecteur de Ch. Nodier, dont il a été question dans les chapitres IV et V et dont le nom revient souvent dans sa correspondance et ses ouvrages (1), paraît s'être aussi intéressé beaucoup aux sciences naturelles, au moins dans sa jeunesse. Nous relevons, en effet, dans la remarquable étude que M. L. Pingaud lui à consacrée récemment (Jean De Bry, Paris, 1909), les renseignements sui- vants. « Jeune, il s'était plu à herboriser à la suite du « promeneur SoHbarebr DVI)". 24 Paris, -1,De Bry achève sès études au collège du cardinal Lemoine; il puisa dans les leçons du célèbre abbé Haüy un goût non moins vif pour la botanique et l’histoire naturelle » (p. 2). On le voit encore s'occuper d’histoire natu- relle et d'agriculture, en 1786-1789 (p. 4); rédiger, en 1791, un programme pédagogique encyclopédique, comprenant la bota- nique à côté de la bienfaisance (p. 6) ; comme préfet du Doubs, s'occuper d'améliorations pastorales et forestières (p. 206), etc. (1) Voy. particulièrement : Boyer de Sainte-Suzanne, [IX ; Estignard, X, -Pingaud, XII a, XII b, XII c, etc. — 196 — Cette communauté de goûts pour l’histoire naturelle, ainsi que d’autres affinités littéraires, ont certainement contribué à rapprocher De Bry et Ch. Nodier, à transformer et à rendre de plus en plus amicales les relations de l’administrateur et du suspect qu’il avait d’abord été chargé de surveiller. VI. Les voyages de Gh. Nodier. Outre ses excursions dans les environs de Besançon, de Dole, de Quintigny, dans les montagnes du Doubs, du Jura (chap. IT, IV; VI, VII) et des Vosges (chap. IV K° 1; XL N°2: XIE 0); dans les environs de Paris (chap. IV, $2; VII, $ 2), son séjour en Jllyriecen 1813 (Chap MIT SV XP SH et SonmoerebendE deux mois, en Ecosse, en 1820 (chap. VII, S2, VIII, S 4; XI, $ 2; XII, $1), d’où il a rapporté des observations d'histoire naturelle résumées dans les chapitres que nous venons de rappeler, Ch. Nodier a fait quelques autres voyages en France ou à l’étranger. Les mieux connus sont les suivants : Voyage en Suisse, dans la Savoie et le Bugey, en 1895, avec Victor Hugo et Mme V. Hugo : voy. Mme Mennessier, VIII, 206, 269, 276, 282 ; M. Salomon, XIX, 129. Voyage en Franche-Comté, en 1826, avec cinq artistes, Tay- lor, Cailleux, etc. ; PF. Wey, Il, 26; Estignard, X...- lettres LXX, LXXII p. 147, 151 @). : Voyage dans le Languedoc et les Pyrénées, en 1827; voy. Mne Mennessier, VIII, 286. | Il ne semble pas que ces voyages aient donné à Ch. Nodier l’occasion de faire des constatations scientifiques, du moins je n’en ai pas trouvé traces dans ses ouvrages, sauf pour la des- cription de la Mer de glace et des glaciers de Cormayeur (dans Piranèse, p. 183), souvenir évident du voyage en Savoie, de 1825 (Moy chap. XI 4 D: Où): (1) Depuis 1815, Ch. Nodier ne parait être revenu à Besançon, qu’en 1823 et en 1833 ; en août 1823 pour régler la succession de sa mère ; en 1833 (26 août), à son retour de l'inauguration de la statue de Cuvier, à Montbéliard (chap. VII, 3 2, p. 504); en 1817-1818, il avait passé un an à Quintigny, en attendant sa nomination au lycée projeté d'Odessa (voy. Mme Mennessier, VIII, 237). one VII. La Combe de l'Homme mort. Chap, S4,-p. 91: il existe une combe de ce nom sur le territoire de Besançon, dans la forêt de Chaïlluz, coupe 13, bord du chemin de Vieilley (renseignements de M. Jacoulet, chef de service à la mairie de Besançon) ; c’est très probablement l’origine du titre donné par Nodier à sa Nouvelle, qu’il a cru devoir dépayser, pour dérou- ter le lecteur, suivant son habitude, en la plaçant dans le Péri- gord, entre Périgueux et Bergerac. VIII. — Divers : Une statue à Nodier ; ses collections ento- mologiques ; Nodier et la Société entomologique de France. Une statue à Ch. Nodier.— On lit dans la Biographie Michaud, p. 683 : « L'Académie de Besançon mit son éloge au concours ; une statue, votée par le Conseil général du Doubs, lui fut élevée dans la même ville. » Nous n'avons pas trouvé de délibération de cette nature dans les Archives du Conseil général, de 1844 à 1846, et nous ne connaissons, en fait de statue de Ch. Nodier, qu’un buste placé à la Bibliothèque de Besançon. Les collections entomologiques de Ch. Nodier.— Ces collections commencées pendant son enfance, dans les environs de Besan- çon, dès 1793 (voy. chap. IIT, $ 1), augmentées de 1794 à 1800, ne prirent une véritable importance qu’à partir de son séjour à Dôle, à Amiens et Quintigny, de 1808 à 1812 (voy. chap. V, VI et VIT) ; transportées à Paris en 1814, Nodier continua à les enrichir, puis en 1817, au moment de partir dans le Jura, où il allait attendre sa nomination au Lycée projeté d’Odessa, il les donna au jeune naturaliste Aimé Martin (chap. VIL $ 2); on ignore ce qu'elles sont devenues. Nodier et la Société entomologique de France. — On a vu, chap. VII, $ 2, que Nodier avait été un des premiers adhérents à la Société entomologique de France, lors de sa fondation en to 1832 ; il ne paraît pas avoir participé très activement à ses tra- vaux; aussi donna-t-il sa démission de membre titulaire en 1843; mais la Société lui décerna, le 5 juillet de la même année, le titre de membre honoraire (voy.chap.IX,$4) ; en 1845, le secrétaire Desmarets a publié dans le CR. des travaux de l’année 1844, une notice sur Nodier et ses œuvres entomologiques (Bull, t. 3, 1845, p. 18). — 129 — ADDITIONS ET CORRECTIONS Volume IV, 1909, Page 494; aj. à XIL: « XII c. Jean de Bry, Paris, 1909. » — 495; entre XXX et XXXI, intercalez : « XXX pis, DESMAREST. Courte Notice dans Résumé des travaux de la Soc. entom. de France pendant l'année 18%4 (Séance du 12 mars 1845, sér, 2e, t. 3, p. 18-20) — 496, ligne 18 ; lire : paragr. 3 (au lieu de 2). — 459, ligne 12 ; aj.: « en vendémiaire an X. » — 461, lignes 16 à 19: la lettre 3 est inédite ; la lettre 4 = XIV,5— IV, dans éd. Estignard [X]. — 462, note (2?) ; lettre 3, inédite. — 464, ligne 30 ; cette Histoire des Insectes est citée par Desmarest [XXX bis, p. 18] et dans Hagen (Bibl. entomol., 1863, 1. IT, p.19.) — 466, note (2); lire: p.118 (Courlans), 119 (Ancolie Lamie de Kœhler). — 473, ligne 3 ; lettre 25, inédite ; 28= XXI. — — note (?); lettre 20, 26? _— 483, tableau généalogique: changer,devant Emmanuel-Marie, £ en @; voy. du reste le tableau généalogique de la famille Nodier dans l’Appendice, n° I. — 487, ligne 21 : lettre n° 72. — 488, ligne 13 : lire : de 1811 ou 1812. — 490, ligne 17; lire Prionus coriarius ; voir aussi Chap. VIILS 5, p. 92. — 491, ligne #4; lire Treutell ; — ligne 19: lire: 48. — — ; à propos de l’entomologiste Guillaume-Antoine OLIVIER (1756 + 1814), nous rappellerons que son petit-fils, M. Ernest Olivier (Moulins, 1844), naturaliste distingué, directeur de la Revue scientifique du Bourbonnais, tient à notre région par des alliances de famille. — 492, ligne %5 ; lire: Buguet. — 494, ligne 2; lire : 13 nov. 1811, lettre XLIX. — — ligne 29 ; hre : lettre inédite 59. — 49%, ligne 3; lettre 45= XXXVI. — — ligne 7; lire 14 oct, 1811 ? — 496, ligne 3; lire: « DE NobiER (fin.) » = — ligne 16 ; a]. ; X, lettre LXVI. 8 a = 150 — Page 501 : Nodier allait à Odessa non seulement comme professeur mais aussi comme chargé d’une mission scientifique ; il devait poursuivre des recherches d'histoire naturelle dans cette partie de la Russie méridionale ; cette mission est mention- née dans une lettre de Nodier au Journal des Débats que le Journal msc. de Weiss signale à la date du 20 juin 1818. (Communication L. Pingaud.) — 504 ; À propos de l'inauguration de la statue de Cuvier à Monthé- liard, voy. le CR. de la séance du 26 août 1835 de l’Acadé- mie de Besançon, à laquelle Ch. Nodier assista. Volume V, 1910. Page 31; Nodier avait eu l'intention de donner une deuxième édition de la Bibliographie entomologique (voy. Lettre aux auteurs de la Décade philosophique, 180%, in fine) ; il l'aurait cer- tainement modifiée en tenant compte des critiques qu’on en avait fait; mais sa vie vagabonde des années 1804-1806 l’em- pêcha de réaliser ce projet. — — ligne 12 : lire Hagen (au lien de Hayen). — 32: Le ? 3 du Chap. VIII, Nodier, dessinateur d'Histoire natu- relle doit être transporté, p. 55, entre les ? 1 et2 du Chap X. — 54; Il est question encore du Purpuricenus Kœhleri dans le passage suivant d’une lettre écrite de Lons-le-Saunier, par Nodier à Weiss, malheureusement non datée : «Je me suis remis à l'entomologie pour toi. J’ai retrouvé ce rarissime Cerambyx peltifer qui devait nous mener dans les Vosges, C’est le plus rare des Capricornes et je te le porte bien en- chässé dans une petite boite de sapin.» (Comcon L. Pingaud.) — 56: Nodier n'est pas cité dans la Bibliographie enlomologique de À. PERCHERON (2 vol., 8°, 1837), suivant le Dr Fabre, p. 4. — 7; aj.aà ce 2 3 le curieux badinage de Nodier sur l'enseignement mutuel, à propos des mœurs et de l'industrie des castors, des fourmis, des chèvres du .Psamminthe, etc.; dans Esti- gnard, X, p. 175. — 120: On peut encore ajouter aux fitres de naturaliste de Nodier, la mnission scientifique dont on l'avait chargé en le nom- mant professeur au Lycée d'Odessa, en 1818 ; voy. plus haut additions à la page 501. TABLE DES MATIÈRES DE LA PREMIERE PARTIE Vol. IV, 1909 (411 à 506) — Vol. V, 1910 (17 à 134). Volume IV, 1909. INTRODUCTION. Première Partie : LA VIE ET L'ŒUVRE SCIENTI- FIQUE DE CH. NODIER CHAPITRE PREMIER. — Résumé de la vie scientifique de Ch. Nodier ; Bibliographie. . Principales dates . RE: Carte des localités citées fig. 1)i£, . Bibliographie générale. Bibliographie spéciale . . . CHA IT. — La jeunesse de Ch. Nodier et ses débuts dans l'étude des sciences naturelles : Girod de Chantrans . $ 1. Nodier et Girod de Chantrans . ER $ 2. Girod-Chantrans et Nodier à Novillars . . Plan de Novillars (fig. 2) . $ 3. Dernières relations de Nodier et de LL Ghanirans 7250 CHAP, TITI. — La jeunesse de Nodier (suite), Besançon : Luczot, l’Ecole Centrale et De Besses . $ 1. Nodier et Luczot de la Thébaudais. . $ 2. Nodier et l'Ecole centrale ; De Besses . CHAP. IV. — La jeunesse scientifique de Nodier (fin) Voyages à Paris, dans les Vosges et le Jura. . . . . . $ 1. Observations d'histoire naturelle dans les Vosses >: 429 434 437 457 457 — 132 — $ 2. Recherches entomologiques à Paris . . . . . $ 3. Nodier fugitif dans les monts du Jura . . CHAP. V.— La dernière période de la vie scientifique de Nodier : Dole, Amiens, Quintigny, Paris . $ 1. Nodier à Dole (1807-1809) .… . . . . . . Fo $ 2. Nodier à Amiens (1809-1810) . . . . . . : . CHAP. VI. — La dernière période de la vie scientifique de Nodier (suite): Nodier à Quintigny [1810-1812] . . . Généalogie des familles Charve et Nodier. . Vue de la maison Charve à Quintigny. . . . . . . Plan 'dupremierétage 7 mn ne er . Dessins des Oberea oculata, Prionus coriarius. . . CHAP. VII. — Dernière période de la vie scientifique de Nodier (fin): Illyrie, Paris [1813-1814] . . . . . . . S 1. Nodiermaturaiste en-lIymemEe Le Carabus cœlatus AS Am ee $ 2. Nodier à Paris; dernières années de sa vie de naturaliste \(d814-1820) ee 0e na Volume V, 1910. CHaAP. VIII. — L'œuvre scientifique de Nodier : ses publi- cations entomologiques. . . . . . . . . . . . Recherches entomologiques publiées. . . . . . . $ 1. Dissertation sur l'usage des antennes dans les insectes:(1798) 20e te PRES $ 2. La Bibliographie entomologique (1800) . . . $ 3. Nodier, dessinateur d'histoire naturelle (1812). 8 4. Observations entomologiques en Ecosse (1820): le Carabus Hookeri. .. . . . . . . . .. CHAP. IX. — Œuvres entomologiques publiées (suite) . . $ 1. Mémoires surles Sphinx des environs de Mont- béliard et les Scarabées des Hiéroglyphes (LS20) An ETES 19 20 20 26 32 99 35 5) — 133 — $ 2. Diverses analyses et notes critiques entomo- logiques . Aa ; Re 1° Examen critique des Déttres à A. sur l’'Entomologie de Mulsant. . 20 Analyses et notes diverses . . $ 3. Observations, descriptions et souvenirs ento- mologiques disséminés dans les œuvres lit- téraires de Nodier . PARENT $ 4. L’Orypleurus Nodieri (avec ñg.) et la Soc. entomologique de France . CHAP. X. — Œuvres manuscrites ou perdues d’'entomo- DOUTER Re Un Le $ 1. Œuvres manuscrites . à Descriptions succinctes (1797). $ 2. Œuvres non retrouvées . 4 Histoire des insectes (1800- 1814) . 2 Harmonies de l’Entomologie et de la Bota- nique (1800-1811). . 3° Le Museum entomologicum (1812). . $ 3. Parties inédites de la correspondance Nodier- Weiss. . Unies ; Nouvelle eo de ces ee CHAP. XI. — Nodier zoologuc et botaniste $ 1. Observations zoologiques . Les animaux ressuscitants . $ 2. Nodier botaniste ; ses herborisations. Observations botaniques en Ecosse . : Souvenirs botaniques dans ses œuvres litté- raires . L’ Ancolie, la fleur de Adi. CHaP. XII. — Nodier minéralogiste, professeur d'histoire naturelle, physiologiste et critique scientifique. $ 4. Nodier minéralogiste et géologue . $ 2. Nodier, professeur d'histoire naturelle. — 134 — $ 3. Nodier, critique scientifique, BARON EE et HIÉCUE CIN. 0 ERA HUE Do UE 1o Notes et mémoires de critique cute ne 20 PhySiolosieetmedecme ee 939. Anthropologie et Evolution. CHAP. XIII. — Rapports du naturaliste et du littérateur. $ 1. Nodier, poète d'histoire naturelle . . $ 2. Influence du naturaliste sur l’écrivain . . Influence du littérateur sur l’homme de science $ 3. Nodier peut-il être considéré comme un véri- tablémäturaliste PART RSR RAR MORE APPENDICE : I. Aperçu généalogique de la famille Nodier. . Il:eLessPhiladelphes?/4r um Ë ITT. Extrait de la généalogie de la famille Cod. IV. Le Château de Buguet . . : NL Jean Derbey, naturaliste EME VI. Les Voyages de Ch. Nodier. VILA Combe de lFHomme MOLLe NE RRRE VIIT. Divers : Une statue à Cuvier ; ses collécrians entomolosiques , Nodier _ la Société ento- mologique de France 5... Additions-et Corrections rm me Eten Pages. 199 IE COUT E A UJ Par M, Fr. BATAILLE MEMRRE RÉSIDANT Séance publique du 15 décembre 1910. Paul, pour sa fête, a reçu le cadeau Qu'il désirait, un vrai couteau, En bon acier, que rien ne ploie, Tranchant comme celui de papa. Quelle joie Quand il louvre et s’en sert pour la première fois ! À de charmants objets aussitôt il l’'emploie. Patient, il s’exerce à façonner le bois : S'il se blesse, tant pis ! on n’apprend rien sans peine. Après quelques essais, au bout d’une semaine, Fier comme un compagnon de l’œuvre de ses doigts, 11 montre son savoir aux petits villageois. D'un jeune coudrier, il se fait une gaule Pour la pêche à la ligne ; en l’écorce du saule Il se taille un sifflet, et celle du bouleau Lui donne un voilier blanc qui va très bien sur l’eau, Le cornouiller un arc et le roseau des flèches ; Le sureau lui fournit de superbes canons ; Il bâtit une étable avec des branches sèches, Pour loger son bétail, criquets et hannetons. Tout lui sert. Il façonne un mobilier modèle Pour jouer dans le sable : une bêche, une pêle, Des pics, une brouette, un arrosoir, un seau ; La viorne, l’osier, le jonc et le troène, Par ses mains assouplis, deviennent un cerceau, Une cage, un panier, un élégant berceau Que sa petite SŒurTrecevraipour étrenne ; Pour porter la récolte au marché du canton, Il fabrique un char neuf avec du vieux carton — 136 — À la communauté même il rend grand service, Car, pour utiliser une force motrice, Au bord de la rigole il construit un moulin Où tout le monde a droit d'aller moudre son grain. Or, ce bon ouvrier, que son art rend candide, À fait loyalement des apprentis nombreux, Les uns dignes du maître et de cœur généreux, Les autres d'esprit louche et de dessein perfide, Paresseux de la main et de race stupide. D'abord tout marche bien : l’enfantine cité Donne un exemple à tous digne d’être cité. Le moulin tourne et moud, et la charrette roule Le bateau blanc navigue en défiant la houle ; Les ménages sont gais et joveux les métiers ; La chanson du travail monte des ateliers ; Le bon pain que, le soir, on partage à la table À pris, gagné si bien, un goût plus délectable, Et quand la douce nuit descend sur les chantiers, Enveloppe les cours avec les tas de sable, Le bienheureux sommeil, succédant au labeur, Apporte un rêve d’or au front du travailleur. Mais le bonheur de l’homme est chose périssable Et celui de l'enfant n’a pas un sort meilleur. Hélas ! l’instinct du mal, la paresse et l’envie Vont porter la ruine où régnait l'harmonie ! Tel, qui ne sait rien faire et n’est que beau parleur, Dit que le moulin moud de mauvaise farine Et qu’on se plaint partout, qu’on redoute un malheur, Qu'on vivait tout de même avant cette machine Et que les pauvres gens mourront par la famine; Tel autre, qu’on ne peut s’embarquer sans danger Sur ce méchant canot et qu’il en faut changer, Qu'il est grand temps enfin de remettre à leur place Directeur et commis avec tous leurs soutiens : Bref, c’est la sourdé haine et la guerre de classe. Un jour — néfaste jour ! — triomphent les vauriens. Recrutant une bande, à la faveur des ombres Ils vont briser le char, détruire le moulin — 131 — Et couler le navire ! Oh ! les vengeances sombres ! Les lâches attentats ! Le crime bat son plein, Et demain, c’est le deuil, la terreur et les larmes ; Demain, c’est la misère et la faim au logis! Cependant, Paul veillait. Dès l'aube: « Alerte! Aux armes ! Aux baguettes ! crie-t-il. Suivez-moi, mes amis! » On l’entoure, on l’acclame et l’on court au taillis : Chacun coupe une verge et la troupe s’élance À la suite du chef; on traque les bandits, Qui, bientôt arrêtés, mais non sans résistance, Sont entraînés, jugés — et... fouettés d'importance. Châtiment salutaire et qui porte ses fruits Mieux que sermon paterne ou longue remontrance : Ils n’ont jamais recommencé ; Le travail a repris comme par le passé, Ramenant avec lui la paix et l’abondance. Cette histoire au couteau n’est pas dars les auteurs ; C’est un conte de mon grand-père : « Voilà, concluait-il, comme en ce temps prospère, Nous corrigions les saboteurs. » Saint-Claude, le 2 décembre 1910, DE KONAKRY À KOUROUSSA (LE PREMIER TRAIN ALLANT DE LA MER AU NIGER) Par M. le lieutt-Colonel ALMAND MEMBRE CORRESPONDANT Séance publique du 15 décembre 1910. a — Le chemin de fer de la Guinée française, destiné à mettre le Niger et l’intérieur du Soudan en communication avec la mer par le trajet le plus court, vient d’être achevé ; il relie le port de Konakry, chef-lieu de la Guinée, à Kouroussa, centre soudanais sur le grand fleuve africain. | Cette voie de pénétration à six cents kilomètres de lon- ogueur ; entreprise en. 1900, sa construction a exigé dix années d'un labeur assidu. Elle fait grand honneur au COrpS du génie militaire qui y a dépensé la science, l’énergie et l'ingémosité qu'il apporte dans ies travaux qui lui sont con- fiés ; elle a eu la bonne fortune de conserver, au cours de ces dix années, une même direction, ce qui à permis de maintenir une impulsion toujours égale. uniquement dirigée vers le but à atteindre. | La dépense de construction reste voisine de cent mille francs le kilomètre, en y comprenant la création d'impor- tants ateliers, ainsi que l’achat d’un matériel roulant consi- dérable. C’est donc un des chemins de fer coloniaux dont la création a entrainé la moindre dépense, eu égard aux diffi- cultés surmontées. — 139 — Il n’est pas superflu de dire qu'il est en train de transfor- mer radicalement la situation économique de la Guinée et que l’ouverture à l’exploitation jusqu’au Niger, prévue pour le 4e janvier 1911, aura une répercussion considérable sur les courants commerciaux des diverses colonies de l'Afrique occidentale française. Avant de conter le voyage du premier train mis en marche de la mer au Niger, il est nécessaire de présenter le point de départ : Konakrv. La ville de Konakry, chef lieu de la Guinée française, est bâtie dans une île, placée comme un point sur un ? à l’extré- mité d’une saillie étroite de la côte ayant près de quarante kilomètres de longueur. Les îles de Los, récemment cédées par l’Angleterre à la France, sont en face, à l’ouest ; leur rangement sur la mer donne le port de Konakry. Muni d’un Warf qui permet l’accostage aux plus gros bâtiments du commerce, à l'abri de la barre si redoutable plus au sud, il sera, quand les aménagements projetés auront été réalisés, le meilleur port, après celui de Dakar, de la côte occiden- tale d'Afrique. Konakry est le type de la ville coloniale ; on y a de l’es- pace et de l'air. Elle est découpée en damier par des boule- vards très larges orientés du nord au sud et des avenues perpendiculaires éclairés la nuit à l’électricité. Ces boule- vards et avenues, sauf un boulevard réservé aux mouve- ments commerciaux, sont plantés de manguiers à l’ombre toujours épaisse ou d’acacias, au feuillage plus léger, dont les fleurs en houpettes verdâtres répandent, presque en tout temps, un parfum pénétrant. Les maisons sont pour la plupart au milieu de jardins remplis d'arbres d’essences diverses et de belle venue, de sorte que vraiment, dans ce - merveilleux cadre de verdure, Konakry apparaît bien comme : € la perle de la côte d'Afrique ». — 140 — Les constructions n’ont rien de luxueux ; elles sont sim- ples, généralement confortables et répondent aux exigences de la vie sous les tropiques. La population de Konakry est de 6,000 habitants environ, dont 500 Européens ; le reste est constitué par un fort con- tingent de Syriens et de noirs variés à l'infini. Elle habite des maisons pittoresques où l’on trouve, de la villa Sierra- Léonaise à la paillotte au toit de chaume pointu, toutes les formes architecturales issues de l'imagination si fertile en imprévu des nègres de par ici; très tranquille et travail- leuse, elle vit en excellents termes avec la colonie euro- péenne dont elle tire d’ailleurs tous ses moyens d'existence. Quand nous aurons dit que sur la place du Gouvernement, bordée des principaux édifices officiels, au milieu de par- terres fleuris égayés de jets d’eau, se dresse une belle statue du gouverneur Ballay, le créateur de Konakry, 1l ne restera plus rien à marquer sur cette ville qui vient de naître, mais à qui l'avenir réserve, sans aucun doute, un rôle brillant dans les destinées de nos colonies d'Afrique. Le rail étant arrivé à Kouroussa le 14 septembre, le pre- mier train allant de la mer au Niger a été mis en marche deux jours après. Comme il ne s'agissait pas d'une inauguration, mais d’une simple reconnaissance des travaux achevés, le directeur du chemin de fer n’avait convié que ses collaborateurs, aux- quels avait bien voulu se joindre le gouverneur de la colonie. Le train quittait la gare de Konakry le 16 septembre, à 7 h. 30 du matin ; le voyage devait durer deux jours. L'ile de Konakry a environ trois kilomètres de longueur dans le sens de la voie ferrée ; elle est reliée au continent par une jetée artificielle qui donne passage à la route du Niger et au chemin de fer. Depuis les dernières maisons jusqu'au kilomètre huit, c’est à proprement parler la ban- lieue pleine de jardins et de plantations. Les palmiers y — 141 — donnent la note exotique, ils sont clairsemés dans lile ; mais, aussitôt la jetée franchie, c’est la forêt rappelant l’oasis saharienne. Le sous-bois est constitué par des arbres moins élevés, tels que manguiers, avocatiers, kolatiers, des plantations de manioc, de riz, d’arachides et quelques cul- tures maraichères. Mais la merveille est le Jardin d'essai dont les frondai- sons bordent la voie ; on y a réuni, dans un groupement harmonieux, la plupart des arbres à fruits tropicaux et les plantes dont on poursuit lacclimatement en Guinée, Cest ainsi qu'en bordure de plantations d’ananas et de bananiers, on voit des alignements de cacaoyers, de caféiers, des allées de goyaviers, de citroniers, dé cocotiers, puis des champs de toutes les variétés d’arbreS à caoutchouc, des parterres de roses et des buissons de crotons au feuillage si cürieu- sement décoré. Au delà, sans transition, s'étend, jusqu'aux premières pentes, une miniature de la brousse soudanaise; elle est sans arbres, couverte d’une herbe peu élevée, semée de cases en chaume isolées ou par petits groupes ; 1l y a beau- coup de champs cultivés, des troupeaux de bœufs au pâtu- rage accompagnés de vols blancs d’aigrettes Au seuil des cases, les femmes pilent le riz ou le mil, les enfants entiè- rement nus courent daus les sentiers pour voir de plus pres le train qui passe. Puis le sol s'élève jusqu’à la première station, Simbaia, citerne d'alimentation pour les locomotives, au-dessus des rampes qui, sur huit kilomètres, ont monté le ral jusqu’à la côte 100. C’est le point culminant de la presqu'ile en pointe vers Konakry, faite d’une carapace de latérite, roche rouge spéciale aux régions tropicales, formée d’un mélange cal- Ciné d'argile et d'oxyde de fer. On en suit l’arête longitu- dinale à travers une broussaille épaisse coupée en clairières. Aux éclaircies, on a une vue lointaine au Nord et au Sud sur d'immenses terres marécageuses cachées sous les palétu- — 142 — viers et, à l’Est, sur la ligne des collines de la côte; à un tournant, le panorama n’est pas sans grandeur, la pyramide du Kakoulima haute de plus de mille mètres, lavée par une averse récente, domine puissamment tout l’ensemble. La voie ferrée, extrêmement sinueuse, se dirige sur le Kakoulima. Après la traversée d’une profonde tranchée, d’un pont métallique franchissant le ruisseau qui alimente en eau la ville de Konakry, elle va droit sur le flanc de la montagne ; celui-ci est un merveilleux tableau où tous les verts se. rencontrent et se fondent avec harmonie, depuis le vert teinté de paille des graminées mürissantes, le vert clair des rizières, jusqu'au vert presque noir des grands arbres qui couvrent les pentes granitiques du Kakoulima. La gare fait une tache blanche dans cette verdure rayée seulement de-ci, de là, par le sillon d'argent des torrents dévalant des sommets. Le massif du Kakoulima est le flanc gauche d’une brèche profonde taillée dans la côte, s’enfonçant en coin pour ne livrer bientôt passage qu’au chemin de fer et à une rivière qui, tout proche, fait une chute de 60 mètres de hauteur. Après la station de Kouria, à l’entrée d’une vallée brous- sailleuse et confuse, où les herbes, hautes parfois de huit mètres, cachent absolument tout, la ligne court le long de roches de grès taillées à pic, d’où descendent en cascades d’in- nombrables ruisseaux : l'un d’eux donne une nappe superbe, transparente comme une dentelle, le « Voile de la mariée ». Cest le plein hivernage, saison des pluies diluviennes et des grandes eaux. Celte année, à l'inverse de ce qui se passe en France, les averses sont moins abondantes, de sorte que, contrairement à l'habitude, ce moment de l’équinoxe qui est celui des inondations, ne montre que des rivières bien rern- plies, mais non débordantes. La chute de l'Ouankou, celle du TFabili, sont belles mais sans magnificence À Tabili, dont la gare disparait presque sous les arbres, on pénètre dans le bassin du Badi, affluent du Konkouré, fleuve côtier qui se jette dans la mer, près de Konakry. — 143 — Plus loin, le pays devient étrange. Les masses de grès sont découpées en vallées étroites et profondes, dont les flancs, barrés par des assises saillantes, présentent des bandes vert-clair en contraste avec les roches grises; il y a de l’eau partout, ruisselant sur les pentes, coulant au fond des ravins. Ceux-ci, constitués par les cassures natu- relles de la roche, forment un réseau régulier dont les lignes parallèles se coupent sous un angle de 18° environ. Le Badi coule dans ces cassures, tantôt étalé en une large nappe sombre, tantôt étiré en une lame verticale perdue dans une fissure où elle disparaît. La voie ferrée suit les fils du réseau en longeant la rivière dont le cours subit äe brusques chan- gements de direction en empruntant pour son lit, tantôt les côtés de l’angle obtus, tantôt ceux de l’angle aigu des cas- sures ; elle s’élève en lacets pour atteindre la gare des Grandes-Chutes au-dessus d’un rapide où la rivière se pré- -cipite en tumulte dans des tourbillons d’écume. Cette station des Grandes-Chutes, solitaire dans la vallée rocheuse, où le bruit des trains est éteint par la grande voix des eaux, est ceinte de parterres fleuris de Zinias aux cou- leurs éclatantes ; sa véranda est close par le treillis d'un bougainviller aux teintes violettes ; de l’ensemble émane aujourd’hui un charme mélancolique en opposition violente avec l’aspect de sauvagerie tragique que revêt en hiver ce paysage. En effet, quand, au mois de mars, la sécheresse a réduit presque à rien le débit de la rivière, que l'incendie à détruit toute verdure et mis partout à nu la roche livide surchauffée par Pardent soleil, cette gare marque bien l'entrée de Îa « Vallée du diable », dans laquelle les chantiers de construc- tion n'ont pu s'organiser qu'après un exorcisime fait dans les règles pour rassurer les travailleurs indigènes. Le train monte toujours ; il atteint la région déjà élevée de Friguiaghé et de Kindia plus peuplée, mieux cultivée que celle qu'il vient de traverser. Le plateau de Kindia, à l'altitude moyenne de 450 mètres, dominé par le imont Gangan haut de près de mille mètres est abondamment pourvu d'eau cou- rante pendant toute l’année. C'est ce qui en fait incontestable richesse. On voit partout, à travers les arbres plus clairsemés, de très noinbreuses cultures de riz, d’arachides et de fonio dont la récolte est commencée ; les indigènes oceupent dans les champs dont les produits attirent les oiseaux, des abris sommaires d’où, avec des frondes, ils lancent des pierres et tirent des cordages en écorce faisant mouvoir au loin des guenilles ou claquer des bambous pour effrayer les pillards. Enfin, voici la gare de Kindia, chef-lieu d'un cercle dont l'administrateur reçoit le gouverneur. Kindia a été un grand centre quand il était le terminus du rail; bien diminué au- jourd'hui, c’est cependant encore une bourgade importante dont les maisons, pour la plupart couvertes en tôle, s’alignent de part et d’autre d’une large avenue conduisant à la rési- dence. Un gros village indigène affirme la prospérité et l’impor- tance de la région. C'est une des capitales du pays Sous- sou, région côtière de la colonie. Les Soussous sont de beaux noirs, solidement bâtis, qui n’ont jamais eu l’idée de nous résister ; essentiellement cul- tivateurs, 1ls vivent exclusivement des produits du sol; intelligents et d’un caractère liant, ils constituent, en ce qui nous concerne, l’armée des manœuvres et des domestiques ; ils apprennent le français avec une extrême facilité, mais ils acceptent difficilement l’apprentissage d’un métier. Déjà, cependant, de grands changements s’accomplissent et la géné- ration qui grandit est bien différente de celle qui disparait. Nous déjeunons au buffet, tenu par la veuve d’un agent du chemin de fer ; comme il y a chaque jour à Kindia, vers midi, une croisée importante de trains, le « spécial » qui doit devancer les autres nous presse, et, après un arrêt tout juste suffisant, nous reprenons le voyage interrompu. — 145 — La voie ferrée court encore sur des roches de grès ; elle franchit une ligne de faîte presque au sortir de Kindia et nous met en présence d’un immense panorama fait d’une plaine basse où moutonnent des collines boisées, limitée au loin par des montagnes bleues dont l’une, de forme tabu- laire, est caractéristique. Cette dépression est le bassin de la Kolenté ou Grande Scarcie qui s’en va dans le pays voisin de Sierra-Leone. Son affluent, la Santa, ouvre devant nous la vallée dans laquelle elle coule ; nous y arrivons par la berge droite ayant, en face, tout près, la tranchée rouge par laquelle nous couperons tout à l'heure le contrefort de la berge gauche. La vallée de la Santa est superbe, très verte, très cultivée ; elle présente deux parties séparées par un seuil de soixante mètres de hauteur que la rivière franchit en une belle cascade. Au-dessus de la chute, elle s’élargit et, au milieu de champs de riz et d’arachides, s'étale, en un cercle ceint d’un tata (1), le village de Tabouna, Les cases rondes, coiffées de leur chaume pointu, se groupent autour d’un fromager géant étendant de haut, comme une protec- tion, ses branches tutélaires. La descente sur la Santa se termine par un pont franchis- sant la rivière ; puis, sur la rive gauche, au pied des hautes falaises qui la dominent, c’est une promenade rapide à tra- vers les grandes herbes pour revenir à Tabouna. Le train gravit de fortes rampes à vive allure jusqu’à la tranchée de Debekobi : au delà, c’est un autre émerveillement. On entre dans la Sira-Foré, cirque formé par d'énormes masses de rochers taillés à pic ; le train qui nous emporte, coupant les premières pentes, coule, pour ainsi dire en ser- pentant, tantôt presque suspendu sur l’abîime, Îles marches- pieds débordant dans le vide, tantôt enfoui dans de profon- des tranchées, jusqu’au fond du cirque où un torrent capté est contraint à passer sous un pont. { 4) Mur en terre percé de créneaux. — 146 — Depuis Tabouna, on roule littéralement sur l'or ; la roche dans laquelle la plate-forme a été taillée est, en effet, auri- fère ; mais la proportion du métal n'étant pas suffisante pour justifier une exploitation fructueuse, les prospecteurs ont seulement fait des réserves pour l’avenir. La gare de Fofota, à la limite de cette longue descente, est Juchée sur un monticule fleuri, planté de bananiers et en avant de très grands arbres qui lui font un cadre grandiose. On continue à toute vitesse dans la plaine de la Kolenté, fréquentée par les éléphants dont les pas trop pesants occa- sionnent parfois de sérieux dégâts aux talus ; un pont de 120 mètres, en six travées, permet de franchir le fleuve roulant des eaux boueuses sous un couvert de feuilles de feuillage presque complet. Nous sommes au pied de la montagne tabulaire, le Souti, aperçue du plateau de Kindia, à l'altitude de 80 mè- tres environ ; il faut en gravir les pentes pour arriver à Ja gare de Souguéta, distante de 20 kilomètres et à l'altitude de 320 mètres. Le train se met donc à monter, à monter presque sans relâche ; à mesure qu’on s'élève, l’horizon s’élargit el s'éloigne jusqu’au delà de Kindia ; les falaises de la Sia-Foré puissamment accentuées, le mont (Gangan, les monts Oulouim au loin vers le Sud-Ouest, marquent lPautre limite du pays relativemeat plat, tout vert, qui est le bassin de la Kolenté. Souguéta a été un moment tête de ligne et centre corn- mercial très important ; sa splendeur est passée et, de ses très nombreuses maisons, 1l ne reste que deux ou trois abris en tôle. | Le Souti est la pointe avancée vers le Sud d’un massif montagneux connu sous le nom de Yanfoui ; nous en lon- geons les pentes, d’abord sur le contrefort restreint qui porte Souguéta, puis, très haut, au-dessus d’un autre effon- ee drement qui communique avec la Kolenté. C'est encore un panorama grandiose qui se déroule au loin, pendant que, tout proche, la voie serpentine révèle à chaque tournant des ravins sombres où l’eau ruisselle en innombrables fiets blancs, des croupes couvertes d'arbres fleuris de tulipes rouges et de grappes de corail. Tout à coup, à un col, le vaste horizon disparait et fait place à la vallée du Konkouré, plate jusqu'à l’entrée du Fouta-Djallon, massif montagneux tout récemment encore plein de mystère, habité par une race à part dans le pays noir, la race Foulane, si semblable par l’élégance du port et la finesse des traits à celle qui occupe la Haute-Egypte. Les Foulbé prétendent d’ailleurs venir des bords du Nil. On franchit le Konkouré sur un pont de 25 mètres, à la limite des territoires Foula et Soussou. Quand les chantiers progressant de la côte durent s'organiser au delà du fleuve, il y eut un moment d’hésitation de la part des Soussous, rendus soucieux par le souvenir de luttes anciennes, mais les Foulbé, réfractaires à tout travail, avaient fui en laissant le champ libre. Enfin, presque à la nuit, le train arrive à Mamou, ter- minus actuel de l'exploitation et fin de la première journée de voyage. Mamou est une ville en tôle poussée là en quelques semaines après l’arrivée de la locomotive. Le chemin de fer y organise d'importants établissements, ateliers et dépôts ; il y dispose d’une formation sanitaire à l’usage des chantiers. La nouvelle ville est à 730 mètres d'altitude, le climat Mes tres sain et la température clémente; on à projeté l’établissement d’un sanatorium, sinon à Mamou, du moins en un point voisin dont l'altitude est encore plus élevée ; mais on n'est pas d'accord, en Afrique occidentale, sur Putililé d’une semblable création à l'usage des colonies -cotières, en raison de la proximité de la France, de sorte qu'elle restera longtemps à l’état de projet. — 148 — Après un diner copieux dans l’hôtel de Mamou, par un très beau clair de lune, chacun gagne le gîte qu'il s’est choisi ; ceux d’entre nous qui ont opté pour les wagons, même capitonnés, pourront bien avoir froid. Une plus longue Journée de voyage nous attend aujour- d’hui ; ce n'est pas que la distance de Mamou à Kouroussa soit plus longue, mais, par prudence, la vitesse doit être diminuée, surtout à la fin du trajet, la pose des derniers rails datant seulement de deux ou trois jours. Aussi nous partons à l’aube, à 5 heures 30. La voie monte encore pendant quelques kilomètres jusqu’au col de Koumi (col des abeilles), marquant la séparation du bassin de la petite Scarcée, dont la rivière Mamou est un affluent, de celui du Bafing qui est une branche du Sénégal. Le col, point culminant de la ligne, est occupé par de grands arbres ; de là, entre des collines verdoyantes, elle descend rapidement dans la vallée du Bafing que l’on rencontre à la première station, Douné. Le chef-lieu du Fouta-Djallon, Timbo, est à 14 kilomètres seulement; ce centre, qui, à la vérité, n'était plus qu’un poste de surveillance, va être transféré à une des stations qui suivent. Le Bafing coule dans un lit profondément creusé dans d'anciennes alluvions ; à cette saison, il inonde d'habitude les terrains bas qui l'avoisinent. La pénurie des pluies n’a encore rien produit de semblable cette année et, comme au ciel paraissent les signes précurseurs de la fin de lhiver- nage, il n’y aura pas, sans doute, de hautes eaux. Le vent d'est commence en effet à souffler et les brouil= lards du matin sont dissipés de bonne heure ; il ne se forine plus que de petits amas orageux qui se résolvent er averses localisées ; ils pourront bien encore, en se groupant, don- ner parfois des tornades plus où moins violentes avec pluies torrentielles, mais elles sont de courte durée et ne sau- raient compenser les pluies amenées par les vents du Sud. — 149 — Il y avait autrefois dans la région de nombreux villages dont les habitants ont disparu au moment de l'ouverture des chantiers ; ils se repeuplent peu à peu, mais lentement, et nombre de vallées fertiles, plantées de magnifiques oran- gers, portent encore la marque de l’abandon. La vallée de la Fella, affluent du Baïñing, est une des plus remarquables à ce point de vue : quelques huttes se voient, de ci, de là, dans les champs de maïs, mais elles sont trop rares Poutefois, cette vallée est restée le paradis des oiseaux, Deux grues baléariques, perchées au sommet de grands arbres, font le guet ;: leur tête, auréolée d’une belle huppe à plumes d’or, se dessine finement sur le ciel. Des merles métalliques, bleu d’acier, volent en troupe; des hirondelles grises rasent les hautes herbes ; de gros geais au plumage bleu et noir, d’élégantes bergeronnettes à fichu jaune et à longue queue noire, de lourds moineaux écar- lates et de jolies mésanges couleur améthyste, fuient devant le train en marche et marquent de traits éclatants le vert, tout de même bien uniforme, qui enveloppe le paysage. Au col de Labiko, on entre, par le Tinkisso, dans le bas- sin du Niger ; du point où le train commence à descendre, on à une vue grandiose sur un ensemble de montagnes à pentes noires disposées en un grand cirque dont on gagne le fond par une succession de courbes et de pentes. Le Tinkisso s'étale, en face, en une large nappe blanche pour descendre un gradin rocheux avant de s'enfermer dans un lit étroit où il coule sans bruit, épais et noirâtre, le long de la voie ferrée. Mais bientôt 1l se précipite de 70 mètres de hauteur à travers d'énormes blocs de granit; c'est ainsi qu'il s'engage dans la plaine soudanaise. Sa vallée devient très large et, à Bissikrima, à 30 kilomètres de la chute, il quitte les montagnes. La voie ferrée le rejoint à Bissikrima en se tenant au pied des hauteurs de la rive gauche, le traverse aussitôt sur un pont de 50 mètres et, après un dernier défilé entre de hautes parois rocheuses, s’engage à son tour dans la plaine. — 150 — Elle est uniformément boisée et, à part quelques rares éclaircies, le tracé court dans les arbres pendant près de 100 kilomètres. Heureusement que sur la moitié de ce tra- jet, l’'imprévu des chantiers vient en rompre la monotonie. Les travulleurs appartiennent pour la plupart aux tribus * de la Haute-Guinée et des confins de la Côte-d'Ivoire ; leur physionomie ne manque pas de pittoresque et leur coiffure, en ce qui concerne l’arrangement des cheveux, est particu- lièrement originale. La tête est généralement rasée, mais l'artiste laissant toujours quelques parties intactes, comme ie sommet du crâne, la moitié en longueur ou en travers. en arrive à des résultats extrêmement comiques. Bientôt les collines paraissent, le pays se mouvemente en larges ondulations ; c’est la vallée du Niger. Le train arrive majestueusement sur la plate-forme de la gare de Kouroussa, au milieu d’une foule accourue pour assister au grand évènement. L'administrateur, les chefs indigènes, accueillent le gou- verneur; le tam-tam tambourine effroyablement. Le vacarme est tel qu'il faut abréger les compliments ; on ne s’en- tend plus. De la berge gauche, élevée dé trente mètres et presque à pic au-dessus de l’eau, on peut tout à loisir, contempler le grand fleuve du pays noir; il coule silencieux dans un paysage plein de calme grandeur, entre des rives ver- doyantes et nuancées qui font songer à celles de la Seine aux environs de Fontainebleau ; l'illusion serait complète si quelques clochers pointaient dans le feuillage. Qu'il soit permis, en face du Niger conquis après tant d'années de luttes, de soucis et d'efforts, au moment où le cœur de l'Afrique s'ouvre vraiment à notre pénétration paci- fique, de rendre hommage à l’inspiratrice de ce grand travail, à la Patrie française désirée toujours plus grande, toujours plus bienfaisante par son action sur le monde. SONNETS Par M. ALBERT MATHIEU ARCHIVISTE DE LA SOCIÉTÉ Séance publique du 15 décembre 1910. LA PÉTE DU: GUI A CHARLES GRANDMOUGIN. Un signal de l’Ovate ! Et les Celtes, joyeux, ; Quittent malgré le gel leurs « cabordes » de pierre, Prennent deux taureaux blancs et vont dans la clairière De l’immense « chênée », où dorment les aïeux. Le Barde chante un hymne ; on allume des feux Eu l’honneur de Rhæa, déesse de la Terre ; Le Druide chenu murmure une prière, Saisit la serpe d’or et relève les yeux. Sur le « driot » sacré, dont les branches fourchues Sont brillantes de givre et pointent vers les nues, Il monte, solennel, au milieu des clameurs... Un grand voile de lin reçoit le gui fragile. L’'Eubage sacrifie et le sang qui rutile, Mêle au brouillard d'argent ses légères vapeurs. — 152 — ILLUMINATION A FRÉDÉRIC BATAILLE. Sur le couchant, teinté de pourpre et de turquoise, Les monuments publies, arborant leurs drapeaux, Se découpent, nombreux, en profils inégaux Qu'’efface lentement la Nuit pâle et sournoise. Mais la Ville illumine autant qu’elle pavoise ! Les verres de couleur ornent les chapiteaux, Et des perles de feu, minuscules flambeaux, Pointillent le pourtour des coupoles d’ardoise. Sous les baisers furtifs du zéphir indiscret, Ces lucioles d’or frémissent, on dirait Qu’aspirant au repos, les étoiles rebelles Ont déserté, ce soir, le firmament brumeux Pour venir se ranger, comme des hirondelles, Sur les chéneaux obscurs qui bordent les toits bleus. — 153 — L’'ALCHIMISTE A L’ÉRUDIT GEORGES GAZIER. Il veille. On aperçoit, sur sa table de pierre : Les creusets, les matras, la lampe, laludel ; Puis les livres fripés des maîtres qu’il préfère : Raymond Lulle, Calid et Nicolas Flamel. Du fond de la pénombre, un four à réverbère Frappe tous ces objets, de son rayon cruel, Il avive l'éclat des points brillant du verre Et rougit les vantaux qui s’ouvrent sur le ciel. L'homme règle avec soin la flamme, et se méfie ; Car i! n’est qu’au début de l’œuvre : il purifie L'argent qu’on fait « müûrir », plus tard, dans l’athanor. Mais l’ardente coupelle, où le métal bouillonne, A déjà des reflets si vermeils qu’elle donne A ses yeux éblouis le vertige de l’or ! 10 — 154 — LE FAUCON Un superbe faucon s’élance de son aire ; [Il passe obliquement, comme un bolide obscur, Contre le flanc bleuté de la roche calcaire, Se relève aussitôt et sillonne l’azur. Au-dessus du village il rôde, puis resserre Les cercles qu’il décrit d’un vol rapide et sûr, Car malgré la hauteur, son regard de corsaire À vu quelques pigeons sur la crête d’un mur. Je l’observe, attentif, et je me dissimule..…. Il monte en ligne droite ; on dirait qu’il recule Pour donner plus de force à son élan eruel ; Mais il reste immobile, un moment, dans l’espace Et, surpris, je crois voir en fixant ce rapace, Un grand papillon mort, épinglé sur le ciel. — 155 — MINUIT Tout dort. La basilique a l’air d’un mausolée ; Ses clochers, sa coupole et son toit colossal Eclairés par la lune, immuable fanäl, Emergent du brouillard qui comble la vallée. Le Temps herculéen a pris son envolée D’archange destructeur au service du Mal, Et la faulx qu’il brandit tranche d’un coup brutal Le splendide collier de l'Ombre constellée. | Quittant le fil rompu, douze perles de feu Tombent, l’une après l’autre, au sein de l’éther bleu Où leur vitesse allume un pâle météore, Et frappant, tour à tour, le dôme qui reluit, Ricochent vers le ciel en traçant dans la nuit Sur la mer du silence un sillage sonore. 1 IMPUISSANCE L'Homme garde en son cœur un désir qui le ronge : Il veut, lui, si chétif devant l’éternité ! Connaître l’origine et la finalité De son àme orgueilleuse, esclave du mensonge. Parfois, au gouffre noir où le sommeil nous plonge, L’esprit croit découvrir l’occulte vérité, Lorsqu'un faible rayon de subite clarté Jaillit de l'inconnu, sous les griffes du songe. On voudrait, pour toujours, fixer ce souvenir ; Car seul, dans le péril des luttes à venir, Il ferait triompher la vertu chancelante ; Mais malgré nos efforts, à l'heure du réveil, Sur un fond très lointain il s’efface, pareil Au frêle sillon bleu d’une étoile filante. PIBRRE-JOSEPH PROUDHON LETTRES INEDITES A GUSTAVE CHAUDEY ET A DIVERS COMTOIS SUIVIES DE QUELQUES FRAGMENTS INÉDITS DE PROUDHON ET D'UNE LETTRE DE GUSTAVE COURBET SUR LA MORT DE PROUDHON PUBLIÉES Par Epouarr DROZ PROFESSEUR A L'UNIVERSITE DE BESANÇON Séance du 22 juin 1910 Ra 9 pe D ITA OPRaTAE PIERRE-JOSEPH PROUDHON LETTRES INÉDITES A GUSTAVE CHAUDEY ET :-A, DIVERS COMTOIS INTRODUCTION A l’occasion d’un cours public, fait sur Proudhon à l’Uni- versité de sa ville natale, des personnes qui s'intéressent soit aux gloires de Besançon, soit aux œuvres, aux doctri- nes ou à la mémoire du grand révolutionnaire bisontin, soit à tel ou tel de ses correspondants, ont bien voulu me com- muniquer des lettres médites de Proudhon, dont le lecteur trouvera 1ci une reproduction fidèle. Ces lettres sont au nombre de trente-cinq. Je les ai rangées en deux séries distinctes, présentées cependant avec un numérotage continu. Première série. — De la lettre I à la lettre XXVII. Toutes ces lettres sont adressées à Gustave Chaudey, lintime ami des dernières années de Proudhon. Elles vont du 23 mai 1856 au 26 avril 1864. Elles forment de beaucoup la partie la plus considérable de cette publication. Adressées à un même correspondant pendant une assez courte période de temps, elles ont par là une certaine unité et une certaine suite qui interdisaient d’y mêler des éléments étrangers. Pour ces diverses raisons, j'ai cru devoir les présenter à part et en première ligne. — 160 — Sauf un billet d’affaires insignifiant, toutes ces lettres sont utiles à qui veut bien connaitre le caractère, l’esprit, les habitudes de Proudhon. Certaines d’entre elles présentent en outre un intérêt spécial pour la biographie de Proudhon, et même, une ou deux fois, pour l’histoire générale du pays. Je vais en signaler les principales. Dans la lettre IT, Proudhon, poursuivi en 1858 par le ministère public, dicte impérieusement à Chaudey l’argu- mentation que son avocat doit employer à l’apologie de sa Justice dans la Révolution et dans l’Eglise. Mon livre a démontré, déclare Proudhon, que la morale publique et la morale religieuse sont distinctes, contradictoires même; dès lors, l’accusation portée contre moi d’attenter par mon livre à la morale publique et à la morale religieuse est insou- tenable après la preuve faite par mon livre. — C’est un trait de cette confiance imperturbable dans ses démonstrations, et dans l'efficacité nécessaire de ses démonstrations, par où ce puissant esprit se montrait souvent avec l'air d’un esprit enfantin. Que mon livre sur la propriété paraisse, écrivait-il en 1840, et c’en est fait de la vieille société. Après la publi- cation des Contradictions économiques (1846), il s’indignait contre ceux que son ouvrage n'avait pas COnvaineus ; je ne comprends pas, grondait-il, qu’on s’inscrive en faux eontre la vérité démontrée. Et volontiers il invitait avec candeur ses adversaires à embrasser sur le champ la vérité telle qu’il Pavait révélée et prouvée. Ainsi, dans notre lettre XXIV, au cours de sa campagne anti-électorale (1863-1864), où il avait recruté si peu de partisans, il indique à la démo- cratie française, comme le seul moyen de sortir de ses embarras, le ralliement à l’abstentionnisme proudhonien. Chaudey, bien malgré lui, avait dû se résigner à plaider comme Proudhon le lui prescrivait, non sans prévoir et an- noncer que ce beau système de défense aboutirait à un échec complet. De fait, le président lui retira la parole. Proudhon témoigne dans ses lettres d’alors, avec une juste insistance, — 161 — que son avocat ne méritait aucun reproche. Toutefois, pour aller en appel, il recourut à un maître du barreau, Cré- mieux, dont il avait éprouvé le savoir-faire en 1850. IL faut voir dans notre lettre IV les grâces délicates auxquelles peut s’assouplir la rudesse native de Proudhon pour ména- ger et caresser l’amour-propre de son ami dès lors subor- donné au nouveau défenseur. Les lettres V et XXI nous apportent des renseignements nouveaux sur les circonstances où Proudhon médita et pré- para, en 1851, avant et après le coup d'Etat, avec l’aide de ses amis Darimon et Boutteville, une Histoire de la démo- cratie dont bientôt le projet s’agrandit en celui d’une his- toire universelle, à écrire sous le nom de Chronos (Temps), pour faire pendant au Cosmos (Monde) de Humboldt. La lettre IX renferme un jugement à l’emporte-pièce sur les Misérables, de Victor Hugo. Les lettres XI à XIX et la lettre XXIII nous apportent un complément d'informations sur la campagne abstention- niste de Proudhon et de ses amis en 1863-1864. Enfin, la lettre XXVI nous révèle, au moment de leur éclosion, les sentiments intimes de Proudhon sur le Mani- feste des Soixante, c'est-à-dire sur une déclaration publique de l'élite ouvrière parisienne, revendiquant le droit de poser des candidatures de classe aux élections complémentaires de 1864. Plusieurs historiens ont recherché, au cours de ces dernières années, la part que Proudhon avait pu avoir dans la conception et la rédaction de ce Manifeste. Notre lettre XXVI, non sans garder son intérêt propre, donne une confirmation péremptoire aux conclusions négatives où est arrivé sur ce point Albert Thomas, l'historien socialiste du Second Empire. Ces vingt-sept lettres m'ont été confiées, en original, avec l’autorisation de les publier, par la belle-fille de Gus- tave Chaudey, Madame Georges Chaudey, que je n’en sau- rais assez remercier, Mais là ne s’est pas arrêté le bienfait — 162 — de Madame Chaudey, qui m'a permis en outre de confronter le manuscrit de onze lettres du même au même, publiées dans la Correspondance, au texte de ces lettres, tel que l’ont présenté les éditeurs de 4875 (confrontation instrac- tive, on va le voir), — et qui enfin m'a remis, avec même autorisation, une lettre curieuse de Gustave Courbet, le maitre d’Ornans, sur la mort de Proudhon, lettre donnée ci- dessous en Appendice. Deuxième série. —- Cette série est composée de huit lettres, dont voici l’énumération : Lettres XXVIIT et our en date des 30 avril 1839 et 3 février 1840, à Charles Viancin. — Originaux communi- qués par M. Vernerey, professeur au lycée Victor Hugo, arrière-petit-fils par alliance du destinataire. Lettre XXX adressée, sous la forme impersonnelle d’une note, à M. Béchet, conseiller à la Cour de Besançon, sans date inscrite, mais certainement rédigée au milieu du pre- mier trimestre de 1842. — Original communiqué par M. Emile Delacroix, chimiste à Besançon, petit-fils par alliance du destinataire. | Lettre XXXI, en date du 17 novembre 1849, à Guillemin. — Original à la Bibliothèque municipale de Besançon. Lettre XXXII, en date du 2 mai 1851, aux époux Plumewy. — Copie fournie par M. Vuillame, professeur au lycée Victor Hugo, revue sur l'original et certifiée conforme par M. Mathieu, de l'Académie de Besançon, arrière-petit- fils par alllance de M. Piumey. Lettres XXXIII et XXXIV, en date des 10 avril 1861 et 8 Janvier 1862, à Félix Brelin. — Originaux communiqués par Mlle Caroline Brelin, fille du destinataire. Lettre XXXV, en date du 19 mai 1864, à Madame Lhoste, cousine de Proudhon. — Original communiqué par la destinataire. — 165 — Après avoir remercié cordialement les personnes à qui je suis redevable de ces communications, j'en indiquera lin- térêt en quelques mots. La lettre XXVIIT, à Charles Viancin, est très importante, pour un proudhonien, s’entend, et intéressante pour tout le monde. Elle est écrite au temps où Proudhon peut encore se croire une autre vocation que celle de réformateur social. Sous l'influence de notre compatriote comtois, le philosophe Théodore Jouffroy, il se déclare destiné et voué pour la vie aux études psychologiques. Plus loin, le rigide moraliste et l’ami du bien public qu’il a toujours été, souhaite la créa- tion d’un «brevet d'écrivain », faute duquel nul ne pourra « prendre la parole devant la société par voie de la presse ». Il trace enfin de l’homme éloquent un portrait tout roman- tique, ce qui n’aura lieu de surprendre que les lecteurs non avertis ; car Froudhon, malgré ses duretés pour le roman- tisme, et en dépit de la matière économique à laquelle il se consacrait, a été toute sa vie un romantique, c’est-à-dire un homme chez qui l'imagination et la passion dominaient la raison, comme il l’a reconnu lui-même. La lettre XXX, adressée au conseiller Béchet qui avait présidé les assises du Doubs dans la session où Proudhon fut jugé et acquitté, le 3 février 1849, éclaircit un incident curieusement romantique de ce procès bisontin. La lettre XXXI, à Guillemin, nous présente un Proudhon _ fiancé et se disposant à sauter le pas conjugal, sans enthou- siasme, certes, si on s’en rapporte à cette déclaration : « Je ne trouve rien de plus ennuyeux, de plus embêtant pour un homme que d'aimer et d’être aimé. Enfin, je me résigne... » On comprend que les éditeurs de la Correspondance aient omis de publier une telle lettre du vivant de Madame P.-J. Proudhon. Mais il ne faut pas toujours prendre au sens Étiouiece qu'écrit) Proudhon, ét surtout dans ses lettres. Sa Correspondance demanderait, pour ne pas tromper le _ lecteur, des annotations fréquentes, que je n’ai pas cru — 164 — cependant pouvoir me permettre ici, de peur d’allonger et d’alourdir ce petit recueil. La lettre XXXII, aux époux Plumey, qui se rapporte aussi, dans un passage agréable, au mariage de Proudhon, nous fait voir l’ancien tvpographe, tel qu’il se comportait envers ses camarades ou anciens camarades d'atelier, avec des sentiments de cordiale fraternité, surtout quand ses cor- respondants étaient dans l’affliction. La lettre XXXIII, à Félix Brelin, est un nouveau témoi- onage de l’indomptable espoir avec lequel Proudhon scru- tait l'horizon à tout instant pour v voir poindre laurore souhaitée des temps nouveaux. La lettre XXXV, écrite huit mois avant sa mort, nous le montre affectueux dans ses rapports avec des parents pauvres, inquiet de sa propre santé, s apprêtant à mettre ses filles en apprentissage. Je joindrai à ces lettres inédites des fragments inédits de lettres à Chaudey, publiées, mais non intégralement, par les éditeurs de la Correspondance. Tous ceux qui ont travaillé sur la Correspondance ont éprouvé avec ennui les défectuosités de la besogne faite en 1879 par Langlois et ses collaborateurs. Mais on est fondé à leur adresser des critiques autrement graves, quand on a pu confronter les textes originaux aux textes imprimés, comme je l’ai fait pour onze lettres à Chaudey, et pour les lettres à Guillemin. D'abord, on se heurte dans l’imprimé, soit à des fautes de lecture, soit à des fautes d'impression non corrigées, qui font dire à Proudhon des choses absurdes ou contraires à sa pensée. — Exemples pris des lettres à Chaudey : 24 juin 1860 (Corresp., X, 85): « Si l’on se met pour tout de bon à atta- quer l’Empire à armes égales, il y en a pour cent ans », au lieu de légales : — 27 octobre 1860 (Corresp., X, 183): «Rien n'est plus facile, vous le savez, sous un pouvoir despotique », — 165 — au lieu de difficile ; — 2 décembre 1860 (Corresp., X, 219) : « J'ai cru que vous alliez donner dans le bonapartisme bour- geois », au lieu de hungarien ; — 51 janvier 1863 (Corresp., XIV, 249): « Morin est catholique d’abord, et catholique pra- tiquant, ce qui veut dire foncièrement universitaire », au lieu de unitaire ; — 1er mai 1863 (Corresp., XIV, 272) : « À vous les rêves maintenant; j'ai fait mon œuvre », au lieu de rênes : — (ibid.,p. 274) : « Il y aurait utilité pour notre cause à leur faire entrevoir ce principe », au lieu de précipice. — Mais les inepties de tous genres pullulent particulièrement dans la lettre du 11 janvier 1860 (Corresp., IX, 313 sqq.): p. 314: « Depuis 1851, le gouvernement impérial a semé 89, 95, et toute la Révolution », au lieu de renié ; — p. 316: « Napo- léon IIT à trahi tout le monde, il a tout souillé, tout conspué », au lieu de compissé ; ibid. : «et la multitude est à ce degré d’avilissement qu’elle applaudit à chaque cascade qu'il plaît à ce monsieur de faire.….», au lieu de cacade ; — ibid. : « Depuis quarante neuf ANS » au lieu de quarante neuf (1849); — ibid.: «la conciliation ecclésiastique de 1830 », au lieu de éclectique. — J’arrête ici cette révision, qui n’est pas de mon objet, mais dont les leçons pourront être utiles aux lecteurs de la Correspondance. D'autre part, on constate dans la Correspondance des sup- pressions, qui ont été opérées peut-être par de bonnes âmes, mais dont il aurait convenu d’avertir le lecteur. Ces suppres- sions paraissent avoir été faites dans l’intention : 1° d'éviter les longueurs, quand il s'agissait de personnes ou de choses auxquelles le public ne devait pas prendre intérêt : ainsi, dans la lettre du 17 décembre 1850, à Guillemin (Corresp., IT, 383), on à effacé maints détails relatifs à Micaud ; par malheur, on a rayé en même temps des renseignements précieux sur la situation et les projets de Proudhon; — 2° d’épargner de nouveaux reproches de brutalité et d’injustice à la mémoire de l’hypercritique Proudhon ; ainsi, dans la lettre du 10 jan- vier 1841, à Guillemin (Corresp., I, 289), on a remplacé « cet — 166 — imbécile de Lamennais » par « ce cagot repenti de L, » ; — 3° de ne pas blesser des personnes vivantes, et en particu- her de ménager des hommes, crossés sans égards par Prou- dhon, mais qui étaient en 1875 les idoles de la démocratie française ou les plus illustres de nos écrivains, Thiers (que Langlois s’est refusé à appeler le foutriquet, après Soult et Proudhon), Victor Hugo, George Sand, Renan, Taine, Pelle- tan, Jules Favre, etc.; — 4° de ménager la pudeur du lec- teur. [ci une explication est nécessaire. Proudhon est un écrivain chaste ; mais, à l’occasion, s’il a à rapporter une anecdote caractéristique, il appelle les choses par leur nom. Ainsi dans l'original de la lettre à Guillemin, en date du 10 novembre 1852 (Corresp., V, 85), il y a une histoire d’ac- trice amusante, mais très scabreuse, qu'il n’est pas possible de transcrire ici, et que Proudhon a contée, lui, parce qu'elle n’était pas à l'avantage du Prince-Président ni de sa famille. Je restituerai les passages supprimés des lettres à Chau- dey, qui se rapportent au second de ces trois articles, sans prendre à mon compte, bien entendu, les coups de boutoir de Proudhon, et ses éreintements. Quelques-uns de ces frag- ments donneront une idée de l’ouvrage que Proudhon se proposait d'écrire sur Les Normaliens, et que ses exécuteurs testamentaires avaient promis de publier (Du Principe de l’art, Avertissement au lecteur). De ce livre, Proudhon avait en quelque sorte esquissé le sujet et proposé le sens dans sa lettre à Chaudey du 7 avril 1861 (Corresp., X, p. 340): «Je crois voir se dessiner, en dehors de la coterie du Siècle, de celle de l’Opinion, de celle de nos vieux républicains du National, une coterie nouvelle que j'appellerai celle des Normaliens. Tous écrivent du même style, ont le même fonds d'idées, la même froideur de tempérament, le même scepticisme : incapables de commettre une erreur grossière contre la prudence politique, pas plus que contre le goût, mais incapables aussi d’un élan énergique, d’un acte viril (Morin parle souvent de virilité ; mais il a beau faire, Je ne 1 167 — lui trouve pas de germes). Parmi ce monde du professorat... » On lira la suite dans notre restitution. Après ces pages de Proudhon, on trouvera, en Appendice, une lettre adressée à Chaudey par Courbet, sur la mort de Proudhon. Afin de prévenir des surprises, avertissons ici que ce maître du pinceau était un tout petit écolier, en fait de style et d'orthographe. Notre transcription de tous ces documents est scrupuleu- sement fidèle. En trois ou quatre endroits seulement, nous nous sommes permis d'ajouter une virgule non marquée par Proudhon, quand la commaodité de la lecture le demandait, et que l’omission était contraire aux habitudes de l’écrivain. — Nous avons ajouté encore au texte quelques notices et quelques notes, là où elles ont paru indispensables. En terminant cette introduction, je prie M. Georges Gazier, conservateur de la Bibliothèque de Besançon et secrétaire dévoué de notre Société d'Emulation, d’agréer l'hommage d’un travail que sa science et son obligeance ont rendu plus aisé. [l n’est aucun de nous qui n'ait reçu de lui quelque service d’érudition. J’ai peut-être abusé plus que d’autres de sa complaisance. Du moins, j'aime à lui dire publiquement ma gratitude et mon amitié. Edouard DRroz. Société d'Emulation du Doubs, 1910. Cette photographie de Proudhon date certainement de son dernier voyage en Franche-Comté, dans l’été de 1864, du 20 août au 14 septembre ; car l’opérateur, dont elle porte le nom et l’adresse, 4. Lumière, 5, rue du Chateur, Besançon, ne s'était établi la qu’en 1862, et Proudhon n'était pas venu au pays depuis 1858. Proudhon devait mourir le 19 janvier suivant ; cette image est vraisemblablement la dernière qui fut prise de Proudhon vivant. — On lit dans la lettre du 16 décembre 1864 (datée par erreur de 1863 dans la Corres- pondance, t. XIV, p. 53) que Charles Weïss, au cours d’une émouvante entrevue avec Proudhon, lui demanda sa photo- graphie. Il n’est pas teméraire de supposer que c'est pour donner satisfaction au désir de son vieil ami que Proudhon alla poser chez M. Lumière, probablement dans les premiers jours de cette suprême visite au sol natal, avant le 26 août. PI: .i. LETTRES A GUSTAVE CHAUDEY (! Paris, 23 mai 1856. Mon cher Compatriote, Je sais on ne peut plus contrarié de ne pouvoir accepter votre invitation gracieuse, et joindre mes vœux pour la prospérité de votre mariage à ceux de tous vos amis. Je regrette surtout de ne pouvoir faire connaissance avec Mme Chaudey, qui m'intéresse à double titre, parce que d’abord elle est vôtre, et par ce que vous me dites de son frère, M. Bar- DIRE Deux raisons, également péremptoires, me privent du plaisir que j'aurais eu à vous faire ma visite. (1) Gustave Chaudey, né à Vesoul le 5 octobre 1817, fusillé par ordre de Raoul Rigault, procureur général de la Commune, dans la nuit du 23 au 9% mai 1871. Sa biographie est partout. Nous ne rapporterons guère de sa vie que ce qui le rattache à Proudhon. Emprisonné, puis exilé après le 2 décembre, il revint à Paris, dès qu'il le put, et fit campagne dans la presse d'opposition, en même temps qu'il exerçait son métier d'avocat, En 1858, Proudhon le chargea dé sa défense dans le procès qui lui était intenté au sujet de la Justice dans la Révolution et dans l’Eglise. Dès ce moment, les deux hommes étaient entrés dans la vie l’un de l’autre, comme en témoignaient déjà les lettres publiées de Proudhon à Chaudey, comme le confirment les lettres que nous publions. C'est à Chaudey que Proudhon, à bout de forces, dans un suprême entretien, confia ses der- nières pensées pour l'achèvement de la Capacité politique des classes ouvrières. [l fut un des six que Proudhon mourant désigna « pour veiller, tant aux intérêts de sa famille qu'à la publication de ses œuvres » (PROU- DHON, Du Principe de l'art, Avertissement au lecteur, p. 1). On peut dire aujourd'hui que sa mort tragique fut une conséquence de sa liaison avec Proudhon. M. Maxime Vuillaume, dans Mes cahiers rouges (VIT, Dernier cahier, p. 70 sqq.), a démontré que l'arrestation de Chaudey fut, pour une grande part commandée par Delescluze, malgré l'opposition de Paschal Grousset, 11 — 170 — La première est que ma femme est accouchée hier soir d’une petite fille @), ce qui me fait trois, et me promet pour l'avenir un joli atelier de modistes, dont je serai le teneur de livres. La seconde raison est que je suis dans un état de fatigue cérébrale qui me défend toute espèce d’excitation. Je suis à l’eau, intus et in cute; je fais des promenades solitaires ; je m’'abstiens des réunions et conversations, et même de lectures. Je compte bientôt aller faire un tour en Franche-Comté. Si je passe à Vesoul, et que vous y soyez, j'aurai le plaisir de pré- senter mes hommages à Madame Chaudey, que sans doute vous allez conduire au pays. Mille amitiés, P.-J. PROUDHON. et que, malgré les efforts de Vermorel, ce fut encore Delescluze qui s’op- posa à l'élargissement-de Chaudey. M. Vuillaume pose cette question : « Le motif qui poussait Delesceluze à poursuivre Chaudey de ses haines ? » On invoquait contre Chaudey un prétendu ordre de « balayer la place » de l'Hôtel de Ville dans la journée du 22 janvier, où il y eut une douzaine de morts. Sur la demande de Vermorel, Cournet fit une enquête pour recher- cher cet ordre, « seule base d'accusation contre Chaudey ». Or, Cournet ne put rien trouver, et Vermorel conclut que la libération de Chaudey s’imposait, contre quoi « Delescluze protesta avec véhémence ». Je n’entends pas dire que Delescluze voulut à tout prix la perte de Chaudey, innocent ou coupable; mais la passion qui l’animait contre lui le rendit aveugle et injuste. Et cette passion, il n’est pas téméraire de supposer qu’elle s'acharnait contre l’ami de Proudhon, de ce Proudhon avec qui Delescluze avait engagé, en décembre 48, une polémique de part et d'autre féroce, suivie d’une provocation de Delescluze, que Proudhon déclina, et d’une haine mutuelle (V. PRouDHON, Mélanges, I, p. 254; infra, lettre XII). Quoi qu'il en soit de l’effet que purent avoir ces tristes inimitiés, quant à la destinée de Chaudey, nous retiendrons des preuves amassées par M. Vuillaume que notre infortuné compatriote, innocent du crime qu’on lui reprocha, fut la victime d'un de ces bruits qui naissent si facilement parmi les multitudes surexcitées. Aucune preuve ne l’a convaincu d’avoir versé le sang de cette foule, qui, le 22 janvier 1871, dans les derniers jours du siège de Paris, s'était rassemblée autour de l'Hôtel de Ville, pour récla- mer la sortie en masse. (1) Charlotte, filleule de Charles Beslay, née le 22 mai 1856, morte le 4 décembre suivant. = il Il AU MÈME : Paris, 20 mai 1858 Mon cher Chaudey, Je vous envoie inclus, en attendant que j'aille moi-même vous trouver, 1° l’assignation remise hier soir @) ; 20 la lettre du (sic) Sénat. Dans l’assignation, deux passages dénoncés sont supprimés : ce sont ceux relatifs au régicide, tome III, p. 552 et 573. Je reviens à mes moutons, toujours, et plus que jamais : lisez moi avec patience. Vous avez admis l’idée de la pétition au Sénat ; vous vous y êtes associé au point d’y mettre la main avec moi; il faut maintenant que vous en admettiez les conséquences, à peine de convenir que nous avons tiré un coup d'épée dans l’eau, ce dont je ne conviens pas pour raa part. Je comparais le 2 juin devant le tribunal correctionnel, sous la prévention 1° d’outrages à la morale publique et religieuse ; — De ce premier chef dérivent tous les autres; ils s’y rattachent comme les termes d’une évolution à son principe. Or, quel est mon système de défense sur ce premier chef? Il consiste à dire, soutenir, affirmer, et prouver : 49 En ce qui concerne la jonction des deux termes morale publique et morale religieuse, que cette jonction, faite de bonne foi, en 1819, par le législateur, comme une synonymie ou une réunion de parties complémentaires, ne peut plus aujourd’hui (1) La Justice dans la Révolution et dans l’Eglise, parue le 22 avril 1858, avait été saisie le 28, et l’auteur assigné le 19 mai, pour répondre de sept délits, le 2 juin suivant, devant le tribunal correctionnel de la Seine. À cette date, Proudhon fut condamné, comme on sait. Le pré- sident avait refusé d'entendre le plaidoyer de Chaudey, que lavocat de Proudhon s'était résigné à présenter tel que le lui prescrit ici son client, avec une confiance si naïve. Cf. Corresp., VII, 49, 66 ; La Justice pour- _ suivie par l’Eglise, Œuv. compl., t. XX. — 179 — s’admettre, que cette hypothèse est aujourd’hui démontrée fausse, contradictoire, destructive de toute morale. 20 En effet, que la morale publique, qui dans notre société révolutionnée doit découler entièrement des principes, de la philosophie de 89, n'existe qu’à l’état latent hypothétique, comme un postulat nécessaire de la Révolution ; mais qu’elle n’a jamais été définie, déterminée, et par conséquent qu’elle n'existe pas; Cest dans mon livre que pour la {re fois elle se trouve expo- sée. 3’ Que la morale dite religieuse, est une non-morale, condui- sant à des pratiques immorales, ce qui entraîne la condamnation de l'Eglise, et de toutes ses traditions. 49 Que les deux morales, celle de la Révolution, que nous devons suivre, et celle de la Religion, sont radicalement anta- goniques, contradictoires, incompatibles. Voilà le fait nouveau, que révèle mon livre, et qui constitue mon système de défense. De ce fait nouveau, il va se déduire que l’Église, et la Religion qu’elle représente, ont mérité blâme, condamnation, abjuration ; qu’il n’y a plus d’autre morale que la morale révolutionnaire, qu’ainsi, les passages incriminés, qui ne portent pas contre les ministres de l'Eglise, ni contre aucune des lois morales vraies, qui se trouvent éparses dans le christianisme, et que la Révolu- tion retient en les expliquant et les fondant mieux que ne fait l'Eglise; mais bien contre le système religieux tout entier, contre sa discipline et contre les institutions qu’elle engendre ; ces passages, dis-je, loin de mériter blâme, reproche et con- damnation, doivent être pris en considération sérieuse par le gouvt, qui devra, en conséquence, revoir le système entier de ses rapports avec l'Eglise. Mais, en articulant de pareils faits, en faisant ainsi le procès à l'Eglise, et à la Religion, considérée comme base du système moral, il est évident que je sors de la sphère judiciaire, et que ma défense échappe totalement à l’idonéité des Tribunaux. En même temps que je me justifie, j’élève une question légis- lative et constitutionnelle connexe, inséparable de la défense, et dont il est impossible de faire abstraction dans le juge- ment. aa Pour vous le faire sentir, supposez que mon système de dé- fense soit accueilli; le juge déclarera donc : Attendu que la morale publique et religieuse n’ont rien de commun, (quoi qu'ait dit la loi de 1819); Attendu que la 2: n’est rien, qu’elle induit même à toute espèce d’immoralité (nonobstant la même loi de 1819, et le Con- cordat de 1802, et les constitutions de 1814 et 1852, qui supposent Putilité et la réalité de cette morale.) Attendu que l'Eglise est en contradiction nécessaire, fatale, permanente, avec la Révolution (malgré le Concordat) ; Attendu que, si l'écrivain ne doit jamais manquer d’égards pour les personnes, on ne saurait admettre qu'il y ait injure dans des passages qui ont pour objet de qualifier des principes démontrés immoraux ; etc ele, etc. renvoie, etc... Que suit-il de ce jugement ? Que l'Eglise et la Religion sont déchues, par la démonstration de leur ron-moralité, du respect et de la protection que leur assurent la loi de 1819 et toutes les autres. Le jugement est donc fatalement un acte législatif, un acte constitutionnel même, puisque d’après la Constitution, la reli- gion est une des choses que doit respecter le gouvernement. Au contraire, supposez que le Tribunal condamne, il dira : Attendu qu’il n’est pas vrai que la morale publique soit dis- tincte de la morale religieuse : Que la Révolution prime la religion au point d’annuller (sic) complètement celle-ci, et de ia rendre fausse et corruptrice ; étre: ;-erC:, Ou plus simplement, Attendu, sans avoir égard aux allégations de l’inculpé, qu'il a offensé la religion, etc., etc., condamne. En sorte que le Tribunal, à supposer qu’il me laisse tout dire, déclarera les faits et les preuves apportés par moi non avenus, subordonnera la Révolution à l'Eglise, et compromettra, de fait, la dignité de la Révolution, sa moralité, sa légitimité, la légiti- mité des institutions, la légitimité de la tradition des 70 der- nières années, etc. — 174 — US Ici, encore le Tribunal dépasse son pouvoir, il fait acte législa- tif, constitutionnel, il entre dans le droit publie, il ne le peut pas. Pour que le Tribunal rende un jugement non réformable, un jugement sincère, juste, rationnel, il sera obligé de ne rien écouter de la défense, de repousser les faits, de les passer sous silence, de se placer obstinément, malgré les cris de lPaecusé, dans la situation adoptée jusqu'ici, d’un consentement tacite, et de bonne foi, par tout le monde, savoir que morale publique et morale religieuse, c’est tout un ; que l'Eglise et l'Etat se conci- lient dans un même système, comme le veulent les doctrinaires, et néo-chrétiens ; le tribunal, dis-je, est obligé d’en venir là : ce qui est tout simplement déni de justice. Or, voilà contre quoi je proteste de toute l'énergie de ma rai- son, et ce que j'ai voulu prévenir par ma pétition au Sénat. J'ai dit au Sénat : Révisez la loi ; sans cela, nous ne pouvons plus être jugés: ou les Tribunaux empiètent sur vos attribu- tions, ou bien ils sacrifient à l'Eglise notre droit public ; ou bien enfin, ils se rendent coupables de déni de justice. Le Sénat n’a pas compris la gravité de la question: j’appellerai du Sénat fatigué au Sénat à jeun; j'appellerai à l'Empereur... Mais je déclare auparavant au Tribunal, après lui avoir exposé cette situation, et au besoin, s’il le désire, après la lui avoir rendue palpable par une exposition de mon livre aussi compen- dieuse qu'il voudra, je déclare qu’il m'est impossible de passer outre avant que ce point ait été vidé; qu’une décision de sa part, sur cette question capitale, est préalablement nécessaire. J'ai besoin de savoir de lui, si, dans la situation, si dans l’espèce, il se croit encore idoine, et pourquoi ; j’ai besoin qu'il motive cette déclaration qui devient dores et déjà un acte judiciaire d’une incalculable portée ; je demande, enfin, à n'être pas étranglé entre deux portes, et à ce que la vérité soit affirmée, sans préjudice de la répression qui pourra être due, par les organes de la Révolution. Voilà, sur quoi, mon cher ami, je deviens intraitable, et ce que je suis bien résolu à dire aux juges, avant toute discussion des passages. Je n'oublie pas vos objections, je les sais par cœur : elles ne sauraient désormais m'arrêter, — 175 — Ce qui vous embarrasse est qu'aucun précédent n'existe que vous puissiez invoquer. La raison en est simple : c’est que la Révolution est une; que la question ne pouvait se produire qu’une fois, et que mon livre par conséquent est unique. Mais si les précédents, je parle de précédents identiques, manquent, les analogues abondent, et vous saurez mieux que moi les trouver. Qu'un député du corps législatif soit accusé d’un délit, les tribunaux ne le peuvent juger qu'après autorisation de l’assem- blée dont il fait partie. — Qu'est-ce que le député ? la Loi, dans l'exercice de son émission. Comment, (sic) cette protection accordée à la personne du législateur dans l’exercice de sa fonction manquerait-elle au législateur devenu loi (ces choses sont identiques. cf. Tome IIT, Sanction morale,) en face d’un Empêcher la loi par la suppression du législateur; ou la renverser, la modifier, par une déclaration d'erreur et d’im- puissance, c’est la même chose; c’est usurpation d’attribu- tions. J’ai eu l’occasion, dans ma vie de commerçant et de marinier, de soutenir un procès devant la police correctionnelle, dans lequel intervenait l'autorité administrative. Il s'agissait d’un délit de navigation Commis par un batelier dans une écluse : J'ai oublié les circonstances. Eh bien ! l’autorité judiciaire se déclarant compétente sur un point, écartait l’autre ; elle ajour- nait le jugement, ou le rendait partiel. Feuilletez votre Répertoire de jurisprudence, vous trouverez certes bien des cas analogues. Il ne manque pas, j'imagine, de procès, dont la discussion, entamée au civil, intéressait la Cons- titution, l'administration, etc., assez pour motiver une suspen- sion de jugement, un changement de juridiction, ou toute autre formalité protectrice de tous les droits. C’est sur ce point que je me propose de solliciter une consul- tation d'avocats. Mon procès est unique en son espèce; je le sais bien. Mais, parce qu'il est unique, ce n’est pas une raison pour que je m'a- bandonne au lieu-commun de la procédure ordinaire ; il y va de la Révolution, et de toutes nos libertés. — 176 — Non, je ne peux pas, légalement, juridiquement, constitu- tionnellement, accepter le jugement, quel qu'il soit, favorable ou défavorable, du Tribunal. Tout ce que je peux, tout Ce que vous pouvez vous-même, mon cher ami, jusqu'à nouvel ordre, c’est d’exposer au Tribu- nal cette situation extraordinaire Si vous ne l’osez comme avocat, si votre amour-propre y répugne, en raison de l’insuc- cès que vous prévoyez, laissez-moi l’exposer moi-même ; faites- vous simplement l'interprète bénévole, officieux de mon idée ; obtenez que le Tribunal rende à cet égard une première déci- sion: (il faut qu'il la rende d’ailleurs ; il ne peut pas, sur ma demande et sur mes observations formelles, s'y refuser): cela fait, je verrai, nous verrons si nous pouvons engager le débat, sous quelles réserves, et en quels termes. Agir autrement, ce serait faire un pas en arrière; ce serait oublier ma pétition, l’annuller (sic) moi-même, la retirer, la déclarer une bêtise, et me reconnaître inepte et fou. Oui, il faut que le Tribunal soit averti de la position que lui fait ce procès ; il faut qu'avant d’en venir à l’examen des pré- tendus outrages, 1l soit mis en demeure par moi de se déclarer inhabile à statuer sur une question qui entraînerait fatalement une révolution législative et constitutionnelle ; il faut, enfin, qu’il statue, par une première décision, sur ce cas étrange. C’est pour cela que la première audience sera employée à l’exposé du livre, exposé à la suite duquel je me flatte qu'il n’y aura pas un avocat au barreau qui ne convienne de la gravité de la chose, si tant est que la majorité ne se prononce pas avec moi pour le renvoi à une juridiction supérieure, ou tout au moins pour un ajournement, jusqu'à ce que la position soit éclaircie. Voilà, ce que j’avais besoin de vous dire. J'irai vous voir à érois heures. à VOUS, P.-J PROUDHON. — 177 — IT AU MÈME Paris, 29 mai 1858. (matin). Mon cher ami, Me voilà revenu @) ; à 11 heures, je serai auprès du juge d’ins- truction Rohaut de Fleury. Quel jour et à quelle heure me donnez-vous rendez-vous ? Nous avons à minuter notre seconde pétition. Item, faire la revue des articles incriminés. — avez-vous lu la circulaire Espinasse sur les biens des hôpi- taux ; plus l’article de la Presse, du 24 ct., approbatif de la mesure ? — : Je vous serre la main, P.-J. PROUDHON. IV AU MÈME Paris, 12 juin 1858 Mon cher Chaudey, | J'ai vu hier soir, vendredi, notre ami commun Pauthier. [ m'a appris que votre départ n’avait eu lieu qu'hier soir, tandis que d’après votre annonce je vous croyais parti de l’avant-veille. Sans cela, j'aurais eu le plaisir de vous revoir dans la journée. Pauthier m'a fait part en même temps de la peine que vous avait causée un entrefilet de la Presse, annonçant que j'avais formé appel et que je confiais le soin de ma défense à M. Cré- mieux (2). (1) D'un voyage en Franche-Comté, où Proudhon était allé passer quel- ques jours, du 22 mai au 28, chez son ami le Dr Maguet, à Dampierre-sur- Salon (Haute-Saône) ; v. Corresp. VIII, 247, 301. (2) Qui l'avait défendu habilement devant la cour d’assises de la Seine, et l’avait fait acquitter, en juin 1850; v. Corresp., III, 302 — 178 — J'ai été aussi chagrin que vous de la sourde malveillance qui vous poursuit dans ce journal. L’appel n’a été formé par moi que le lendemain de l’article; et c’est aussi le lendemain que Jai vu M. Crémieux, à qui J'avais annoncé d’ailleurs votre visite. Comment répondre maintenant à ces petites perfidies d’une feuille qui s’obstine à me donner des conseils indirects et à me détacher de vous ? Je pourrais écrire, sans doute ; mais, à pré- sent que j'ai vu M. Crémieux, il faut que je le ménage lui même ; puis, il me répugne de faire de ceci une question de ménage, et d'entretenir le public de ces choses. Je crois que vous comprenez cela, mieux que Je ne saurais vous le dire. Reste donc le grand moyen, qui est infaillible. Vous êtes, encore une fois, et sauf votre bon plaisir, devenu mon colla- borateur, mon associé, mon ami: c’est à moi de le proclamer et de le faire sentir; et vous pouvez compter que je m’acquit- terai de ce soin. D'abord, pour mon mémoire, je vous associe à tout mon sys- tème de défense, élaboré entre nous ; Puis, je compte que vous voudrez bien m'accompagner à la Cour, avec M. Crémieux ; Finalement, nous ne sommes pas, je crois, à notre dernière œuvre. Je suis désolé d’être pour vous une cause de déplaisir, et je me mets bien sincèrement à votre disposition pour réparer le tout : — mais quoi? est-ce donc un si grand mal pour un homme d’avoir des ennemis et des envieux ? Voilà dix ans que je vis de cette vie: faites comme moi, osez affronter l'envie. Avez-vous remarqué que pas un rouge n'assistait à mon pro- cès ? Ne suis-je pas l’objet d’une réprobation immense ? J'ai des amis personnels, sans doute; le public des indifférents m’ac- cueille ; tout ce qui n’est pas jésuite applaudit à mes incursions contre l'Eglise. Hors de là, je suis à l’index de tous les partis politiques. Allou a bien eu soin de le dire: Homme d'action pure- ment intellectuelle, et solitaire: Voilà sa définition. Chacun s'accorde à me présenter sous cet aspect: n’est-ce pas une manière de me démolir ?.. Reconnaissez donc en tout ceci l’esprit jacobinique et envieux de notre pauvre pays : AGDE SE —- 179 — Un homme est repoussé parce qu’il est avocat Un autre, parce qu’il est poète; Un troisième, parce que philosophe; Celui-ci est prêtre, celui-là soldat, etc. Que faut-il done à ce public pour lui plaire? impossible à dire : il faut lui avoir plu !... C’est le cercle vicieux. Vous n'êtes pas accepté, parce que votre nom n’a pas reçu de publicité; on critique votre plaidoirie, parce que sans vous embarrasser de cicéronianisme, vous êtes ailé droit au fait, et que vous vous êtes tenu mordicus, au fait. On me blâme de vous avoir choisi, parce que, selon les mœurs du temps, ma cause appartenait au public à titre de nouvelle, d'événement, de spectacle, et que je n’ai pas satisfait au pro- oramme. Au lieu de donner une représentation, J'ai voulu dire ce que je pensais, rien de plus, rien de moins. Voilà notre public ! Eh bien! ce que l’on ne nous a pas permis de dire, nous l’écrirons ; le défenseur célèbre sera bien obligé de suivre l'écrit : nous verrons après. En attendant, voici ce qui se passe. M. Crémieux ne connaît pas encore mon livre: il lui faut du temps pour lire et étudier. Le délai d'appel étänt trop court pour lui, il se propose de solliciter le renvoi de l'affaire à la session suivante, c.à.d. en octobre. Ses relations personnelles avec M. Chaix-d’Est-Ange lui font espérer qu’à moins d’un ordre d’en haut, il obtiendra ce qu’il désire. Vous voyez déjà par là, mon cher ami, ce que c’est que d’être bien placé dans l’esprit du parquet et des juges. On ne vous en accorderait pas autant. Comment ensuite Crémieux se tirera-t-il des difficultés que lui imposera mon mémoire ? Je doute qu'il eût été plus heureux que vous en police correctionnelle ; mais, le ton de mon mémoire ayant préparé les juges, je ne serai nullement surpris qu’il réussisse à se faire écouter à son tour, après que j'aurai réussi à me faire lire. Marchons donc à nos fins sans broncher. Vous avez fait votre très grande part de mes deux pétitions ; Votre présence, votre inspiration se fera sentir partout dans mon mémoire ; Votre nom répété montrera ce que je vous dois — 180 — d'idées et d'arguments : tandis qu’il ne restera à peu près rien du discours de notre défenseur. J’ai voulu d’abord répondre à l’accusation par des considéra- tions d’ordre constitutionnel, qui subordonnaient tout le reste : on ne l’a pas permis : vous avez été interrompu et moi con- damné. Soit: à présent nous écrivons. Cest sur notre mémoire, sovez-en convaincu, que nous serons jugés : restez donc avec moi jusqu’à la fin, et moquez-vous de la malveillance. — Je viens d’être l’objet d’une 3° saisie. J'avais fait venir de Bruxelles 75 exemplaires d’un opuscule que j'ai publié en 1853, sous ce titre: Philosophie du progrès. Ordre a été donné à la douane de les retenir : je vais écrire au ministre Espinasse. Tous les indices, surtout la figure de mon éditeur Garnier, me font penser que désormais on est bien décidé à ne me plus Le gouvernement de S. M. TI, peut se flatiter de faire grand plaisir à ses Compétiteurs, messieurs de la Rouge et de la Modérée, ainsi qu'aux amis du comte de Paris... À vous de cœur, P.-J. PROUDHON. P.-S. (). J'apprends que l’archevêque de Besançon vient d’é- crire une lettre de félicitations à l’auteur d’une diatribe dégoû- tante contre mon livre et moi, intitulée, De l’Injustice dans la Révolution et de l'ordre dans l'Eglise, par un soi-disant Adolphe HuARD (@). — La brochure est chez moi, dans le petit Buffet de ma chambre, parmi la collection de pamphlets à mon adresse. — Vous pourrez la voir. (1) Ce P.-S., écrit sur une feuille détachée, se rapporte évidemment à une lettre postérieure. Il doit être du temps où Proudhon était en Bel- gique, sans sa femme et ses enfants, c’est à dire du 17 juillet au 1er décem- bre 1858. (2) Le pamphlet d’Adolphe Huard contre Proudhon est intitulé: De l'injustice dans la Révolution et de l’ordre dans l’Eglise. Principes généraux de philosophie pratique. Réfutation de P -J. Proudhon (in-12, 1858, Paris, Lebigre-Duquesne). — Quant à la lettre de l'archevêque, M. Georges Gazier l’a vainement cherchée dans l’Impartial et la Franche- Comté de 1858, ainsi que dans le Journal manuscrit de Ch. Weiss. — 181 — La \ettre de l'archevêque a paru dans les journaux. Or, ledit Huard n’est autre que Ch. Marchal, bâtard du vieux Dupin, que j'ai connu à Ste-Pélagie, et qui a été l’an passé condamné à presque rien pour viol commis par lui troisième sur la personne d’une malheureuse qui en est morte. Il faudrait, si le temps vous le permet, constater l'identité de Huard et Marchal, ce qui peut se faire chez le libraire et au bureau des déclarations d’imprimeurs, à la police, puis, avoir la date et le texte du jugement de condamnation. Avec cela, je frotterais un peu le nez, et la barbe à Mgr Mathieu, v AU MÈME Bruxelles (4), 27 novembre 1858. Mon cher ami, J’ai reçu vos deux lettres, ce qui fait trois depuis votre retour à Paris. Je commence par l'affaire Boussard. Ce que vous a dit ce malheureux homme est quasi-vrai : je suis censé son débiteur de 8,000 îr.; et j'attendais le sort de mon dernier ouvrage soit pour transiger cette affaire, soit pour traiter avec lui de quelque impression : la police correctionnelle er a décidé autrement. Mais je sens qu'avec vous je ne puis faire mieux que de vous découvrir toute la chose, ce que je n’eusse jamais fait, si je n’y étais forcé par le besoin que je puis avoir ici de votre entre- mise. C'était en 1851. Boussard et son associé, alors libraires rue Richelieu, 25, faisant la librairie populaire par livraisons, avec (1) Pour échapper aux effets de la condamnation du 2 juin 1858, Prou- _dhon s'était réfugié en Belgique le 17 juillet. Il s’y logea d’abord à Bruxelles ; puis, quand sa femme et ses enfants furent venus le rejoindre (ler dée. 1858), il installa son ménage dans un faubourg de Bruxelles, Ixelles, d’où sont datées la plupart des lettres de son exil. — 189 accompagnement de fusils et vendules, vinrent me proposer, à Ste-Pélagie, de rédiger pour eux une Histoire de la Démocratie. Pour moi-même, je n’eusse pas accepté l'offre, je. n’en avais pas besoin, J'étais assez occupé d’ailleurs, et vous savez que je ne me laisse pas tenter par l’argent. Mais les différents journaux que mes amis et moi nous avions successivement fondés avaient tous péri à la bataille: le Représentant du Peuple, le Peuple, la Voix du Peuple etle Peuple de 1850 ; les temps étaient deve- nus très durs pour quelques-uns de mes collaborateurs qui se trouvaient sans emploi : bref, pour venir en aide à deux d’entr’eux, j'eus la faiblesse, sur les instances de Boussard et de son asso- clé, qui me répétaient qu'ils ne demandaient que mon nom, qu'il suffirait que je revisse le travail, que j’écrivisse quelques pages, etc., etc. ; j’eus la faiblesse, dis-je, de consentir un enga- gement pour quatre volumes in-8v, de 400 pages, gros caractère, le tout moyennant une somme de 12,000 fr., si j’ai bonne mé- moire. J'avais tort de toutes les façons : un écrivain qui se respecte ne se charge pas de pacotilles ; puis, même pour des amis, on ne prend pas des engagements de cette nature. Mais j'étais dans le feu ; et puis, j'ai toujours fait assez bon marché de la gloire, ou si vous aimez mieux de la gloriole littéraire. La chose arrêtée, mes deux ouvriers se mirent à la besogne: L'un d’eux était M. Darimon, actuellement représentant de la ville de Paris, au Corps législatif. Ce pauvre garçon, aussi raide, aigu, pointu, crin qu’il est petit, déplaisant et incapable de se retourner, mourait littéralement de faim. Je l’avais surnommé, par abréviation, Dard, sobriquet que nos amis lui donnent en- core. Je suppose qu’il commence à s’humaniser depuis qu’il est dans les honneurs. Dard et son collaborateur travaillaient depuis quelques mois, — (il était convenu qu’il leur serait payé mensuellement, et à valoir sur le prix, une somme de *””, je ne me rappelle pas le chiffre), quand le coup d’Etat arriva. Dès la première quinzaine du nouveau régime, je me convainquis que le projet de Bous- sard n'était plus praticable : il s’agissait d’un ouvrage pour les masses, à haute pression ; l'exécution devenait impossible, par force majeure, du fait du prince. ; —_ 1 — _ Boussard et son associé se rendirent à mes raisons : mais, au lieu de laisser là l’entreprise, — c’est ici mon second tort, — ils proposèrent, et je consentis de modifier le plan, et de faire un grand ouvrage d'histoire, celui-là même dont je vous ai peut-être parlé, sous le titre de (hronos, le Temps. Je rêvais un pendant au Cosmos de M. de Humboldt. Ce travail, d’après mes prévisions, devait avoir au moins huit gros vol. in-80. Je ne sais s’il eût réussi; mais je lui aurais donné un caractère d'originalité et de nouveauté très grand : — les quelques pages qui se trouvent dans le 3° vol. du livre De la Justice, concernant l’histoire des Empereurs romains. en sont un échantillon. Pour ce nouvel ouvrage, le prix devait être porté à quelque chose comme 6 ou 8,000 fr. par volume. Mes idées s'étaient agrandies, et le travail m'apparaissant dans toute son ampleur, j'avais compris que les frais seraient considérables. Boussard et Cie ne craignirent pas de s'engager dans cette entreprise : le travail fut donc continué, en 1852 et 1853, quand tout à coup, nous fûmes forcés de nous arrêter de nouveau, mais cette fois, par la faute de Boussard et son collègue, qui firent faillitte (sic). À l’époque de cette faillitte, il avait été perçu, par Darimon et son collègue, environ 8 ou 9,000 fr.: moi, je n’ai jamais tou- ché personnellement un sou: Boussard le sait, et les livres sont là. Mes deux collaborateurs pourraient aussi le dire, et à coup sûr ne s’y refuseraient pas. Vous comprenez qu’à la suite de cette interruption je n'étais en mesure de fournir quoi que ce fût. Ce que mes deux aco- lytes n'ont fourni consiste en des notes recueillies de leurs lec- tures, en compilations chronologiques ; de même que ce que de mon côté j'avais commencé de faire. La première page de rédaction est: à écrire, Ce que vous en avez vu, a été rédigé, sur notes prises, pour le besoin même de mon dernier livre. Rigoureusement, je crois que je puis opposer à Boussard et à son collègue le manque d'exécution de leur part; et leur livrant toutes mes notes, telles qu’elles sont, plaider le quitus. Mais ce n’est pas ainsi que je l’ai toujours entendu et que je pense résoudre la question. Mon habitude est de me flageller — 184 — seul des fautes que j’ai commises de compagnie avec d’autres : j'ai donc dit à Boussard, et je vous répète à vous, que mon intention était, soit de transiger cette affaire, si Jamais j'avais de l'argent, soit de fournir à Boussard, par un manuscrit, l’occa- sion de regagner ce qu’il a perdu. C’est même cette dernière forme d’arrangement qui a pré- valu dans nos pourparlers récents : Boussard, étant parvenu à renouer quelques affaires de librairie, croyait pouvoir tirer un meilleur parti d’un ouvrage de moi — que d’une transaction pure et simple sur ce qu’il nomme, mal à propos, je crois, une créance. En deux mots, je crois, eu égard à toutes les circonstances que je vous ai racontées, qu’il serait parfaitement rationnel et équitable que la perte de fr. 8 ou 9,000 éprouvée par Boussard fût couverte par la publication d’un ouvrage quelconque, que nous ferions ensemble et dans lequel je retirerais comme d’ha- bitude, ma part de produit. De la sorte je ne perdrais rien, ni lui non plus ; et tous deux nous partagerions le mérite d’avoir secouru, par le travail, deux braves hommes. Nous avons voulu publier ensemble un livre; Boussard faisant les fonds, moi le travail ; Une première fois il a fallu renoncer par le fait d’une révo- lution ; Une seconde fois il a fallu abandonner par la faillitte du libraire ; J'ai moi-même fait du travail qui ne m’a pas été payé ; En bonne justice, ce que je dois à Boussard, ce sont les manus- crits de mes collaborateurs, ce qui équivaut littéralement à rien, puisque moi seul je pouvais leur donner l’existence, que moi seul je sais ce que l’on en peut faire. | | Mais eu égard à nos bonnes relations, à la bonne foi qui à existé des deux parts, au malheur de Boussard, j'ai toujours pensé qu’il était de mon devoir, non pas de le rembourser, comme si j'étais réellement son débiteur; mais de lui faire regagner ce qu’il a perdu dans une entreprise inachevée. À présent que vous savez tout, je m'en rapporte à votre arbi- trage. Prononcez, et j’exécuterai. — 185 — Boussard trouve-t-il à vendre ce qu’il nomme sa créance, et que je regarde moi, Comme une simple promesse de ma part, faite en dehors de la première, de lui fournir loccasion de: fesasnence quil atperdu?-qu'il-vende:: je lÿ engage: je l'y invite, je l'en prie dans son intérêt ; j’offre même de ratifier le marché, en ce sens que je transporterai à lacquéreur de Boussard la promesse verbale que j'ai faite à celui-ci de lui confier la publication du premier ouvrage que je ferai : bien entendu à condition qu’on m'en laisse le choix, qu’on me per- mette de prendre le temps nécessaire, et s’il le faut, qu'on me vienne en aide par des avances. Hors de là, rien. — Que Boussard vende ce qu'il voudra et ce qu’il pourra, je ne m'en émeus aucunement. Son acheteur n’aura pas sur moi d'autre droits que ceux que Boussard peut avoir lui-même ; et ces droits, aux termes du code de commerce, se réduisent à la possession de quelques manuscrits que je livrerai quand on voudra. Sur tout ceci, je vous recommande, cher ami, la discrétion. Il y à un côté qui m'est défavorable, je le sais, c’est celui de l’imprudence ; il y en à un autre qui m’honore ; c’est que je n’ai agi réellement que pour venir en aide à deux amis. Or, si je désire qu’on ne parle point, c’est que je ne voudrais pas avoir à m'expliquer sur ce dernier article. Je vous prie notamment de ne parler à qui que ce soit de ce qui touche Darimon. Nous ne sommes point brouillés, mais simplement séparés. Je n’ai point approuvé sa conduite politique; je m'en suis déclaré insolidaire ; j'ai regretté ses maladresses et ses inconséquences dans la Presse : je ne sais de lui rien de plus. Si j'ai évité, lors de son élection, de m'ériger vis-à-vis de lui en mentor, à plus forte raison me répugnerait-il de me poser en bienfaiteur. Je me cacherais comme coupable si on le pouvait supposer. Vous avez le cœur trop haut placé pour ne pas sentir ces choses: agissez pour moi comme vous feriez pour vous. Je crois avoir accompli un devoir, tout en me rendant coupable de témérité': ainsi silence de ce côté-là. Quant à Boussard, revoyez-le, si vous le pouvez: c’est un homme de peu de cervelle, dont l’associé me semblait beaucoup plus capable ; mais tous deux m'ont paru honnètes ; la femme 12 — 186 — Boussard est courageuse et digne autant que malheureuse; elle possède une jeune fille de 16 à 17 ans qui est instruite, jolie et vertueuse comme un ange. Telles ont été du moins mes impres- sions sur cette famille que je voudrais pouvoir sortir du besoin ; plus d’une fois, si J'avais eu de l’argent, j'aurais offert à Bous- sard, pour en finir, 3 ou 4000 fr., que devant la rigueur du droit je puis soutenir ne lui pas devoir, mais que mon cœur m’eût commandé de payer. En dernier lieu, je lui aurais bien proposé d'éditer ma Justice: qu'y aurait-il gagné ?... Plus tard, je ne refuse pas de lui livrer autre chose: Dieu veuille que nous soyons plus heureux. En résumé je vous demande pardon de ce tracas ; mais, vous le voyez, on nous sait amis, et c’est ce qui fait qu’on s'adresse à vous. Donnez à Boussard un bon conseil, et vous aurez fait une bonne œuvre. — Je suis charmé de ce qui arrive à Montalembert : c’est toute la réaction frappée par elle-même. Comme co-auteur de la loi, il méritait, non pas six mois, mais six ans. Deux choses ressortent maintenant de nos deux procès : 10 que la politique impériale est désormais dans le sens des jésuites ; 20 que l’Em- pire est décidé à se défendre envers et contre tous,et qu'il ne recule pas devant la tyrannie. Rappelez-vous les dernières pages de mon mémoire : Ce sont les légistes qui sont les pires des despotes. Les coups d'état de brumaire et décembre ont été faits contre les avocats; et ce sont des avocats qui s’en font les séïdes, Troplong, Baroche, Dupin, Chaix-d’Est-Ange, Delangle, Magne, Rouher, etc., etc. Corruptio oplimi pessima. Supposez Chambord à la place de Napoléon, vous auriez Berryer et consorts à la place de ceux-là, et sempre bene. Maintenant la guerre est déclarée entre l’Empire et la nation : nous verrons bientôt. Je n’accepte pas entièrement vos observations sur ma dernière lettre et sur ma requête au Président. — Attaquer la loi même de 1810 c’eût été me condamner au point de vue de cette loi, que je soutiens purement et simplement ne pouvoir ni ne devoir dans l’espèce être appliquée. Je vous en ai dit déjà la raison : entre deux administrations de nature différente, s’il y a opposi- — 187 — tion de prérogative, c’est la plus éminente qui l'emporte; — entre deux lois, entre deux devoirs, si la contradiction se lève, c’est la plus haute loi qui absorbe l’autre. Un mémoire de défense publié à l’étranger, a droit à la per- mission, toujours; et le devoir du ministre est de la donner; Il a droit d'autant plus à cette permission, que c’est par le fait du gouvernement que l’impression s’est faite à l’étranger. Sinon, pas de justice. Si les administrations étaient dans une séparation absolue, je comprendrais à toute force, l’argument que vous mettez dans la bouche du ministre ; mais la police, la douane, la justice, viennent se résoudre dans l'Unité souveraine ; et je dis au sou- verain : Laissez-moi passer, si vous voulez me juger; sinon, je proteste. À cela rien à répondre. Mes respects à mesdames Renard, dont je cueillerai les bai- sers, avec la permission de Mlle Josèphe, sur les joues de mes drôlesses. Amitiés à M. Barbier, et à Mme Barbier. ) Et tout ce que vous saurez dire à Mme Chaudey et à son petiot. Je vous serre les mains ; P.-J. PROUDHON. VI AU MÈME Mon cher ami, Je suis dans une incapacité absolue de penser et de travailler : malade, alité, depuis dix jours, par un rhume affreux. Plus de sommeil, point de repos : toutes les forces éteintes. Je répondrai à votre dernière le plus tôt que je pourrai. Les propositions de ces messieurs sont acceptables. Je vous enverrai quelque chose aussi pour E. Ollivier. À vous de cœur, P.-J. PROUDHON. Vendredi, 18 février À). (1) Au crayon, la main de Chaudey sans doute a ajouté la date de l’an- née : 59. — 188 — VIT AU MÈME Bruxelles, 10 janvier 1862. Mon cher ami, | Je vous confirme mes deux dernières, moins ce qui est relatif à laffaire du Trent, et qui n’a désormais plus d'objet, puisque la paix est faite. Je viens aujourd’hui vous demander q q. détails sur une catas- trophe dont le Courrier du Dimanche a parlé à mots couverts: c’est l'affaire de ce malheureux musicien, Clausz, lequel était quasi notre compatriote, et que j'ai beaucoup connu à Besançon, où il s'était marié. Clausz était un modèle de père de famille, laborieux, frugal, dévoué à ses devoirs. — En politique, son intelligence était un peu obscure, mais son cœur était héroïque. Nous étions amis. Dès avant 48, il fut persécuté pour ses opinions républicaines ; il perdit la clientelle (sic) du collège. Il ne savait pas se taire à propos, et garder la mesure que lui commandait sa position. Après la révolution il fut proscrit, forcé de se retirer à la Chaux de fond (sic), d’où il donnait des leçons à travers nos monta- gnes, s’aventurant parfois sur le territoire de l’Empire : c’est ainsi qu'il fut guetté, saisi, traîné dans les prisons de Marseille, d’où il m’écrivit une lettre désolée. Je conçois que sa femme, fatiguée de tant de misère, ayant vu sa fille aînée périr à Paris, où le père croyait trouver la fortune, ait accepté des secours d’une source que réprouvait Clausz. Je pardonne à la mère ; mais je blâme l’épouse. Je blâme surtout, avec énergie, le tribunal qui a prononcé une pareille sépara- tion, et ne puis voir dans ce jugement, rendu sur des notes de police plutôt que sur des faits, [qu’| un acte de complaisance pour le clergé. Clausz appartenait à la Démocratie socialiste ; il était membre de la loge maçonnique de Besançon ainsi que moi ; il entendait la famille comme moi-même: nos relations étaient connues. — A moins de faits graves, tels que sévices, paresse, ivrognerie, etc., dont jusqu’en 1858 il s'était toujours — 189 — abstenu, je ne puis attribuer qu’à une machination jésuitico- policière le jugement qui lui a ôté sa femme et ses filles, Cest pourquoi je vous supplie de me donner à ce sujet tous les détails parvenus à votre connaissance, afin que j'en fasse, s’il y à lieu, une charge à fond contre qui de droit. Ce qui m'indigne surtout, c’est de voir lhypocrisie dans laquelle nous sommes tombés. Depuis quatre ans nous n'avons cessé de déclamer contre l’enlèvement du jeune Mortara par les Jésuites de Rome; en France, on s’y prend autrement. L'Eglise ne pouvant rien, on passe par la justice. La magistra- ture apprécie les faits; et l’on Ôte, par voie judiciaire, la femme au mari, les enfants au père ; puis, quand le père déshonoré, poussé à bout, massacre sa famille et se tue, on ne parle de l'affaire que sous le voile des initiales, et on l’enterre dans les catacombes des faits divers @). | Répondez-moi donc, cher ami, sur toutes mes questions, et notamment sur celle-ci. Il y a là quelque chose qu'il est bon de révéler au public de l’Europe, puisque la vérité n’est plus faite pour le public français. J'attends de vous lire avec la plus extrême impatience. Tout vôtre, P.-J PROUDHON. lxelles-les-Bruxelles, rue du Conseil 8 25 janvier 1862 Mon cher ami, Vous pouvez juger, par la fréquence de mes lettres, de l’agi- tation de mon esprit; et vous pouvez encore mieux en conciure, ce que vous m'avez dit déjà, qu'il est nécessaire que je rentre, puisque j'ai besoin de recevoir sans cesse de nouveaux renseli- gnements de Paris. (1) V., Corresp., XII, 153, comment Chaudey jugeait l’auteur de ce drame, dont il avait été l'avocat. — 190 — Voici ce qui me préoccupe en ce momeiit. Je viens de lire dans le Temps le discours du Ministre de l’Ins- truction publique M. Rouland, inaugurant la commission pour la propriété littéraire. Vous savez que j'ai fait une étude spéciale de la question; et que jJ'aitoujours ajourné la publication de cette étude (),au moment où cette commission, depuis si longtemps annoncée, entrerait en exercice. Je ne puis donc plus tarder : il faut paraître. — Ici encore, cher ami, nous allons nous trouver associés d'idées et d'efforts : la même part que j'avais prise, en 1858, au Congrès de Bruxelles, vous l’avez reprise, et pour le compte de la même idée, au congrès d'Anvers. Nous sommes engagés tous deux; vous avez de plus un procès à soutenir dans lequel il vous im- porte à un haut degré de prendre parti, et de bien appuyer votre argumentation ; ainsi, il n’y a pas à lanterner; il faut vaincre, ou nous laisser déshonorer. Je suis à peu près prêt, d'autant mieux que ma dissertation, parfaitement établie, en fait et en droit, en Economie politique et en esthétique, sera d’une grande lucidité, et par conséquent pas longue : Je puis envoyer cela sous 10 ou 12 jours : ainsi, c’est fait. Mais auparavant j'ai besoin de renseignements : Quels sont les membres de cette commission ? Son travail terminé, un rapport ne doit-il pas être écrit, imprimé, puis distribué au Corps législatif, qui seul, ce me semble, a caractère pour convertir en loi la proposition ? Dans ce cas, ne convient-il pas que j'attende la publication de ce rapport, afin d’en pouvoir parler dans ma dissertation, qui sera, de son côté, envoyée au Corps législatif, en même temps que j'en saisirai l'opinion ? Sur tout cela, réponse, s.v.pl., si mieux n’aimez, dans un article du Courrier, me faire donner, ainsi qu’à tous vos lecteurs, les renseignements que je réclame. Je vous répète que suis prêt, que je n’ai qu’à écrire et que ce ne sera pas long. — Cest une belle thèse de jurisprudence, (1) Elle devait paraître à Bruxelles, en avril 1862, sous ce titre: Les Majorats littéraires. — 191 — d’Economie politique et d’Esthétique, où vous trouverez beau- coup à gloser (), à moissonner et à profiter. Quant à nos adver- saires, je vous le dis crûment ; ce sont des imbéciles et des per- vertis (?) sur lesquels vous pouvez vous préparer à appeler le mépris public et le ridicule. J'ai reçu votre petite lettre : merci ! J'ai pris note de tout. J'ai également reçu quelques renseignements de Besançon sur Klauss (sic): il paraît que le malheureux n'avait plus le jugement sain. Il serait en effet bien extraordinaire que sa femme et ses quatre filles se fussent liguées contre lui, mais encore une fois, il n’y avait pas de quoi plaider en séparation. Le Dr Cook me fait part du procès que vous venez de gagner contre Henri Calliez, avocat de la partie adverse de Cook. Bonne nouvelle ! Je suis heureux de chacun de vos succès. Enfin, vous prenez votre place, manquée sous le gouvernement de M. Gui- Zot, ajournée pendant dix ans sous la République et l’Empire. Poursuivez donc, très cher compatriote, et retenez une chose : — c'est que nous touchons au moment où vous pourrez, sans le moindre risque pour votre considération, sans aventurer votre jugement, affirmer à votre tour les idées les plus impor- tantes de votre ami, et cela, non en disciple qui obéit à la parole du maître, mais en intelligence libre, qui se métie du préjugé autant que de l'innovation, et dont le plus grand bonheur est de signaler une vérité profonde, méconnue, là où le vulgaire n'avait vu que subversion d'esprit et corruption de doctrine. Je vous ai annoncé déjà la théorie de la propriété ; c'est à la publi- cation de cette théorie que je fixe votre déclaration. Quant à ce qui concerne la propriété littéraire, je n’ai pas besoin d'entrer dans aucune considération sur le principe même de la propriété, puisque je raisonne dans l’hypothèse commune. Déjà, cher ami, vous avez osé vous déclarer pour mon droit de la force @). Tenez pour certain que de ma part, vous n'aurez pas (1) Le contexte semblerait demander glaner ; mais la graphie gloser est indiscutable. (2) Le droit de la force, tel que Proudhon l'avait posé et exalté dans la Guerre et la Paix, ouvrage paru en mai 1861, et qui mal présenté et mal compris avait excité parmi la démocratie française une indignation presque générale. — 192 — à regretter cette déclaration. Mais ce sera bien autre chose, quand vous pourrez dire au publie, avec votre autorité de ju- riste : En ce qui concerne la propriété, nous vivions depuis trois mille ans sur une hypothèse ; notre droit avait pour base un article de foi. Aujourd'hui, nous avons un principe, une doctrine, une certitude ; et nous devons cette démonstration à celui-là même qui avait écrit : La Propriété, c’est le vol (). Je finis en vous serrant la main et en insistant sur ma ques- tion relative à la propriété littéraire. C’est une victoire complète que nous avons à remporter ici, je vous le répète. Ne manquez pas l’occasion. Je suis tout vôtre À P.-J. PROUDHON. IX AU MÈME Dimanche 13 avril 62 Rien que le temps de faire mon paquet et de vous souhaiter le bonjour. Il y a un avertissement que vous verrez dans l’exemplaire broché @) que je vous adresserai par la poste. ; Peut être aussi Hetzel se décidera-t-il à m’imprimer. Vous trouverez les ch. VI et VIII de la 2e partie insuffisam- ment étudiés et développés ; c’est une espèce de hors-d’œuvre. L'idée y est ; mais je passe condamnation sur la forme. Au total, la thèse me semble claire et complète. — Est-ce que votre ami Ulbach n’a pas honte de prôner comme il fait les Misérables ? J'ai lu cela. C’est d’un bout à l’autre faux, outré, illogique, dénué de vraisemblance, dépourvu de sensi- (1) Allusion au premier Mémoire de Proudhon sur la propriété (1840). Le 28 décembre 1861, Proudhon avait déjà annoncé à Chaudey la « nou- velle étourdissante » qu’il venait enfin de compléter la théorie de la pro- priété, «jour nouveau jeté sur la constitution de l’humanité » (Corresp., XI, 30%). Mais l'ouvrage définitif écrit sur ce sujet par Proudhon, sous le titre de Théorie de la Propriété, ne devait paraître qu'après sa mort. (2) Des Majorats littéraires ; Œuv. compl., L. XVI, — 193 — sibilité et de vrai sens moral ; des vulgarités, des turpitudes, des balourdises, sur lesquelles l’auteur a étendu un style pour- pre ; au total un empoisonnement pour le public. Ces réclames monstres me donnent de la colère, et j'ai pres- que envie de me faire critique. — Serrement de mains, et à vous, P.-J. PROUDHON. X AU MÈME Bruxelles, 18 mai 1862 Mon cher ami, Permettez-moi de vous distraire de vos occupations par un petit bonjour, et quelques mots seulement. On dit que le gouvernement se propose de dissoudre le Corps législatif et de faire les élections en octobre prochain. Que savez-vous de ce projet? Je serais bien aise d’être informé au mieux sur cet article Le No du Courrier du dimanche de ce matin nous renseigne enfin sur ce qui se passe entre MM. Ganesco, Feuillade, Chau- vin et le ministre. Mais ces renseignements me paraissent louches : s’il est vrai que le gouvernement se contente de M. Ganesco, pour rédacteur en chef, qui oblige celui-ci à vendre Sdrpart, et à se retirer ? On dit, il est vrai, qu'on a exigé de lui la promesse de ne plus écrire : mais de deux choses l’une, ou bien c’est une inadvertance du ministre, qui exige deux choses contradictoires, et dans ce cas, il n’y a qu’à avertir M. de Persigny ; ou bien, la pensée du Gouvernement est sérieuse, il faut que Ganesco reste à la tête du journal, sauf à ne pas écrire. Dans ce dernier cas, encore une fois, qui l’'oblige ? J'ai entendu sévèrement juger ici la conduite de votre ex-chef, qui, après quelques apparitions dans un journal hebdomadaire, s’en retire avec 160,000 fr. Je serais bien aise de savoir à quoi m'en tenir sur tout ce gàchis. — 194 — Jamais des écrivains n’ont été plus indignement traités, par _un gouvernement, que ne le sont depuis qq. temps les journa- listes français. J’admire que vous ayez le courage de tenir bon devant ces communications, ces exclusions, etc. Que de fois j'aurais jeté mes sabots à la tête de cette bande, et envoyé au diable et le publie, et la nation. La France est dégoûtante de làcheté. Pour moi, je ne vous le cache point : je ne travaille plus que pour une élite de quelques centaines d'hommes, qui me lisent et m'encouragent de leur sympathie. Tout le reste m'in- digne. M. Delhasse, dont vous avez fait la connaissance à Spa, a dû vous envoyer un N° de l’Office de publicité, dans lequel j'ai écrit un article nécrologique sur son beau-frère M. d’Hauregard @). Darimon à dû voir le ministre Persigny pour ma brochure sur la propriété littéraire. Je ne sais ce qu'il en obtiendra. Du reste il m'assure que le projet ne viendra pas cette session. Tant mieux; je trouverai peut-être moyen, à mon arrivée à Paris, de rafraîchir mon travail, et de le faire imprimer. Je n'aurai rien perdu pour avoir attendu. Mon ouvrage sur la Pologne s’allonge un peu. Je comptais l’avoir terminé, fin juillet. Il se pourrait que j'en eusse pour jusqu’au mois d'août. Dans ce cas il ne paraîtrait que pour la rentrée. Sous aucun rapport, il n’y aurait d'inconvénient. Je vous serre la main, P.-J. PROUDHON. XI AU MÈME (63, au crayon) Passy (2), jeudi, 8 mai, matin. Cher ami, Le père Beslay vient de causer avec moi. Il prétend, et cela, en qualité de scrutateur, et comme ayant suivi très attentive- (1) Sous forme d’une lettre « à M. le Rédacteur du journal l'Office de publicilé », en date du 8 mai 1862 (Corresp.t. XII, p. 74). (2) Proudhon, amnistié par décision impériale du 12 décembre 1860, était rentré en France le 17 septembre 1862 ; le 27 octobre, il emménageait — 195 — ment le dépouillement qui a procuit la liste des 25, que ce sont ses hommes à lui, qui par leur nombre, tout en se disant quant à présent partisans du vote, ont décidé le choix de tous les abstentionnistes, soit par considération pour les sujets, soit même par esprit de conciliation. Ce résultat serait fort curieux. Quoi qu’il en soit, Beslay affirme que les votes des comités de Bourgeois étaient empreints de rouerie et mauvaise foi; que ce dont on était convenu verbalement (quoi ?) n’a pas été suivi ; et que la liste eût été détestable sans la petite tactique. C’est un fait, encore une fois, qui mérite d’être recueilli, mais jusqu’à nouvel ordre, dissimulé avec soin. Beslay, au surplus, annonce que les ouvriers sont déjà tra- vailiés, et qu'ils voteront billet blanc, tous, quoi qu'ils aient dit, et qu’on ait dit. Il me semble, quoi que vous pensiez de tout cela, que Îies opérations de ce comité ne pouvant aboutir, et c’est l’opinion de Beslay lui-même, il y a lieu dès à présent de constituer un comité d'abstention, formé des hommes déjà compris dans cette liste des vingt-cinq, et dans lesquels il faudra faire entrer aussi des ouvriers ; le dit comité composé, comme avez dit (sic), de 19 membres, nombre légal, auquel pourront, j'imagine, adhérer tous les citoyens, sans distinction d'opinions. À cet égard, ne pourrait-on ouvrir quelque part un registre, sur lequel on recueillerait ces adhésions, comme on fait une pétition au Sénat, ou à l'Empereur ? Il est entendu que je ne serai pas moi-même du Comité : Mais il convient que vous en soyez, vous, puisque vous avez été auteur de la proposition. Cela fait, on laissera tripoter à l'aise MM. les Journalistes, et l’on s’apprêtera à rire. à Passy, Grande-Rue, 10. — Dans cette lettre et les suivantes, Proudhon s'occupe passionnément des élections imminentes du 31 mai 1863, où 1l aurait voulu que toute la démocratie votät billet blanc ; c’est ainsi qu'il faut entendre l’abstentionnisme qu’il préconise. On peut voir un résumé de l’action et des actes de Proudhon, pendant ce mois de mai dans la Lettre à Monsieur Rouy, Rédacteur en chef de La Presse, publiée à la suite de Théorie du mouvement constitutionnel au XIX* siècle (Œuvres posthumes). — 196 — Moi, je poursuis la formation de mon dossier ; et vous pouvez dire d’avarce que les mal pensants, les ambitieux, les faux frères, seront historiographés dans le bon style. | Nous tenons le renard pris dans son terrier : plus heureux que Garibaldi, je vous promets qu’il y sera enfumé. À vous, P.-J. PROUDHON. P. S. La liste des 25 est une petite victoire. — Ne la laissez pas inutile, et tàchez (sic) lui faire produire ses conséquences. XII AU MÈME Passy, 9 mai 1868. Cher ami, Hier soir, en m'en revenant par le quai, au petit pas, j'ai réfléchi à ce que nous avons à faire, et envisagé la position. Il n’y a pas à balancer : il faut agir de suite ; à nous deux donc, et marchons. Vous allez rédiger un projet de manifeste, protestation, ou tout ce qu’il vous plaira, contenant, sous forme de considérants, tous les griefs toutes les aspirations et les vœux de la Démo- cratie mystifiée dans son principe, le Suffrage universel. Vous devez rappeler les faits récents, les notes du Moniteur ; la consultation malheureuse des avocats; limpuissance des comités ; l’usurpation des journaux, la défection des Cinq; etc., EU 3 = Il faut, dans votre style énergique et juridiqué, flétrir toutes ces souillures, marquer au front les ralliés ; soulever Ia cons- cience publique ; puis cette première partie de vos attendu que terminée, — une bonne page, — passer aux considérations de droit ; vous appuyer sur la Con(4) de 1852; faire ressortir les équivoques, les desiderata ; rappeler les formes, conditions et garanties du suffrage, et à ce propos, mettre tout ce qui vous viendra à l'esprit. (1) La Constitution. — 197 — Voilà, ce me semble, votre tâche, que vous seul pouvez rem- plir ; c’est une œuvre de logique condensée, de droit et de morale publique que vous avez à faire. De mon côté, je vais me préparer à soutenir par quelques lettres, l’œuvre du nouveau comité : ici, comme je travaille exclu- sivement sous ma responsabilité personnelle ; que mon œuvre n'engage pas ie Comité; je ne vous en dis rien, d'autant moins que je n’ai pas encore de plan arrêté. Je ne suis fixé que sur un point : c’est que le Manifeste des 19 doit précéder mes phi- lippiques, auxquelles il servira pour ainsi dire de motif, et que j'aurai probablement à citer mainte fois. Cela ne m’empêche pas de travailler dès à présent ; mais je tiens essentiellement à cette marche. Donc, cher ami, à vous l’honneur d'ouvrir le bal ; j'emboîterai votre pas. J’écrirai, aujourd’hui ou demain, à M. Bastide, en tout cas, après votre réponse à la présente. Voici les noms que, sauf discussion et meilleur avis, je pro- pose pour la formation de notre comité : Bastide Guinard, — s’il accepte. Etienne Arago, Fleury Ch. Beslay, — comme témoignage contre les ù cinq ouvriers ; Elias Régnault, Villiaumé, À. À. Rolland, F. Gambon, — absent. EaPichats-00 Delestre, s'ils acceptent. E. Despois, Frison (ouvrier), G. Chaudey, P.-J. Proudhon, ad libitum. — 198 — Je ne m'y mets moi-même qu’autant qu’on le demandera : vous savez que je n’y tiens point du tout. Ce qui importe est que là plupart de nos membres appar- tiennent à la vieille démocratie, surtout s'ils ont fait partie du comité des 25. Vous et moi, avec Frison, nous représentons la Jeune. — J’écarte les noms de Delécluze et Jourdan, tant à cause de leur animosité personnelle contre moi, que parce que nous ne devons pas permettre qu'aucun de nous puisse être attaqué d’une façon quelconque dans sa vie privée. Voyez si, de votre côté, vous avez de quoi compléter cette liste ; — j'ignore si Gambon est à Paris : peut-être aurons-nous de ce côté une case vide, pour laquelle je pourrais proposer Langlois. — Avisez. Mais arrière les Greppo, les Albert, les Michelet les Vache- rot ; arrière la camarilla des pédants et la démagogie ouvrière : tous également incapables. Vous me comprenez : il suffit. Voyez donc au plus tôt vos hommes ; sachez s'ils consentent ou non, instruisez (sic) de la marche que nous allons suivre d'accord avec eux, et dans laquelle ils auront la plus grande part d'initiative, et où ils ne se trouveront compromis que pour ce qu'ils auront signé, et que tout cela finisse. Vous pouvez faire tout à la fois, et votre rédaction, et vos informations ; et dès le 3e jour de la période ouverte, nous pouvons être prêts. Votre manifeste ; — une lettre où deux de moi, ce sera tout ce qu’il faudra. Trois pièces en tout, avec ma brochure 4): c’est assez. De la sobriété : la sobriété dans les affaires est une con- dition de fermeté et de succès. Il est entendu que dans le Mañifeste, rien ne doit rappeler la Brochure ; que le comité agit dans la plénitude de sa liberté et l'indépendance de sa raison, etc. — Le commentaire ensuite me regarde. Allons, cher ami, encore une corvée pour le salut de la Répu- blique : mais j'ai bien mal à la tête ! Je vous serre les mains P.-J. PROUDHON. (1) Les Démocrates assermentés et les réfractaires (Œuv. compl., t. XVI), importante piscune pente vers la fin du mois précédent, avril 1863. — 199 — XIIT AU MÈME Passy, 14 mai 1863, matin. Mon cher ami, J'écris, en même temps qu'à vous, à M. Bastide, à Beslay, et à ceux de nos amis qui ne sont pas encore prévenus. Notre liste de signataires se compose pour le moment ainsi qu'il suit : J,. Bastide, G. Chaudey, Ch. Beslay, Frison (ouvrier), À. Langlois (du Peuple) ; G. Duchêne, (id) Villiaumé, historien. E. Régnault, publiciste A. A. Roiland, ancien représentant, Et. Arago (id. — (s’il accepte.) 11. — P.-J. Proudhon. Reste à trouver encore sept ou huit personnes, étudiants, ouvriers, vieux ou jeunes démocrates, etc. Pensons y tous. Pour le manifeste, il est convenu que vous ferez surtout valoir les impossibilités de toutes sortes qui, de la part des journaux comme de celle du gouvernement, empêchent la libre action des électeurs. Vous n'avez que faire sans doute de relater les considéra- tions de droit longuement développées dans ma brochure : nous l’avons dit tous. Mais il importe, ce me semble, et c’est pour cela que je vous écris ce matin, que ces considérations Soient du moins visées comme vous dites au Palais, qu’il y soit fait allusion ; car c’est d’elles en définitive que les motifs tirés de la conduite de la Presse et de l’usurpation des Cinq — 900 — tirent leur principale force. Sans cela, vous diront les poin- tus, vous ne raisonnez pas juste. Quoi! parce qu’il y a une liste d’usurpation et d’intrigue, nous ne devons pas voter du tout! Etrange conclusion! Eh bien, que chacun produise la sienne ; que tous les candidats se produisent eux-mêmes ; qu’il se forme partout des comités indépendants, et le public jugera. Sans doute nous ne devons pas nous exposer par l’audace de nos considérants, à attirer sur nous l’animadversion de la police : nous ne pouvons tout dire, et nous n’en avons pas besoin. Il doit y avoir dans notre acte beaucoup de sous-entendu. Mais il faut que quelques mots l’indiquent : sans cela, notre abstention serait sans cause comme sans but. Une condition de succès, en toute entreprise, est de viser haut et loin, et d’avoir la foi de son œuvre. Aussi puis-je vous dire pour ma part que je fais de ceci le point de départ du plus vaste mouvement. Reconstitution du parti révolutionnaire, réforme de la raison et des mœurs publiques, exposition pro- gressive et raisonnée du nouveau système politique et social : l’action que nous allons ouvrir contre le régime existant ne con- tient rien de moins que tout cela. Souvenez-vous de ma devise de 1845 : Destruam et ædificabo 4) Abrogation des mauvaises lois ; et définition des nouvelles ; le catéchisme démocratique à faire : il y a là de quoi vous occuper, vous, en particulier. Une des plus graves omissions du gouvernement provisoire, pris à l’improviste, a été de ne savoir ni abroger ni édicter : eh bien, cher ami, une de mes idées est que vous vous chargiez d'ores et déjà de ce travail. Il faut que peu à peu le public se persuade que nous en savons bien plus que nous n’en disons, en un mot que nous sommes prêts ! Je vais faire un travail sur les grandes compagnies en collaboration avec Duchène; — E. Régnault nous en propose un autre en collaboration avec lui; ne pour- rions-nous aussi nous deux faire quelque chose en commun ? J'ai une certaine expérience de ces choses ; croyez-moi, l’idée et le style peuvent y gagner. Je ferai aussi quelque chose avec (1) « Je détruirai et j'édilierai », épigraphe du Système des Contradic- tions économiques ou Philosophie de la Misère (1846), empruntée au Deutéronome. — 901 -—- Langlois : je n’ai pas besoin d'ajouter que mes divers collabo- rateurs pourront aussi collaborer entre eux ; le tout, sans parler du journal que nous méditons de créer. Oui, douze hommes forts et résolus peuvent remuer le monde, d'autant mieux qu'il est infiniment rare qu'ils trouvent des concurrents. Qui, en ce moment, dites-moi, est en mesure de nous disputer la place ? Que votre pensée, cher ami, s'inspire de ces hautes aspira- tions en même temps que des misères qui nous environnent : songez que c’est un nouvel Evangile que vous allez annoncer, et qui se résume en deux mots : Justice et Liberté. J'ai préludé: vous allez prendre officiellement la parole ; vous êtes notre pro- cureur général. Parlez avec la certitude et l’autorité qui con- viennent à un magistrat. À dimanche ; je vous serre la main, P.-J. PROUDHON P.$S. Nous avons de l’écho en province : vous verrez sous peu notre parole germer partout. XIV AU MÈME Passy, 16 mai (63 au crayon), matin. Cher ami, Reçu votre petit mot. J'ai écrit à Bastide : vous devez à cette heure avoir reçu sa lettre de convocation. Prévenez M. Elias Régnault, dont je ne retrouve pas l’adresse; mais je la chercherai encore. Peut-être au surplus, M. Bastide la connait-il. Nous serons dix, demain, à 1 heure après midi, cité Gaillard, rue Blanche, pour entendre votre Protestation, et procéder aux premières opérations de notre comité. : À défaut d’autres journaux, nous pouvons compter, je crois, sur l’Union, peut-être la Gazette, et le Nord, dont je dois voir tantôt le Directeur, M. Foggen pohl (sic). 12 a — 9209 — _J’ai parlé à M. Bastide des personnages à choisir pour coma pléter la liste de nos cosignataires. Il m’a répondu que cela se ferait demain, en réunion. Quoi qu’il en soit, Beslay nous pro- curera l'élément ouvrier, en telle abondance que l’on voudra ; Duchêne et moi, à défaut de vous-même, nous pensons pouvoir vous donner d'excellents sujets, des étudiants ayant atteint la trentaine, il est vrai, mais des étudiants d'élite, rangés, studieux, savants, ayant vu le monde, et auteurs de publications qui témoignent de leur valeur. Du reste tout va à merveille. Remarquez-vous comme l’élément orléaniste gagne peu à peu la prépondérance ? Thiers, Lasteyrie, Weiss; et qu'est-ce que J. Simon lui-même ?... Toute la Démocratie, hormis nous, s’ef- façant, plongeant dans le juste milieu, se déshonorant dans l’équivoque, les transactions, les concessions de principes, les restrictions mentales, plus immorale que le pouvoir qu'elle combat ! — Avez-vous trouvé moyen d'indiquer tout cela en un petit para- graphe : c’est bien dans votre donnée à vous, et c’est dans les faits. Pour Dieu, n’y manquez pas. Papprends dans mon trou de Passy, des anecdotes curieuses. —— On prétend avoir vu J. Simon versant des larmes sur sa prestation de serment. Se non è vero, è ben irovato. On m’as- sure que Havin sera forcé de déguerpir devant Lasteyrie. — Une réunion a eu lieu à Passy, chez M. Orfila : on a discuté sur ma brochure ; et l’on eût conclu comme moi, sans la répu- onance invincible qu’'inspire le candidat gouvernemental, M. Delessert, et la presque certitude que l’on a d’évincer à la fois lui et Havin. Les hommes ne résistent pas à la séduction d’une victoire. D’autre part les cléricaux, ignorantins, de la cir- conscription s’abstiendront : sur ce motif que Delessert est pro- testant. Je suis la polémique Girardin-Nefftzer : aussi pauvres l’un que l’autre. À demain, 1 heure, cité Gaillard : Prévenez votre ami M. Elias Régnault. Tout votre, P.-J. PROUDHON — 203 — XV AU MÈME | Passy, 19 Mai 1863. Cher ami, Eh bien ! notre affaire ne va pas trop mal. Nous voilà à Seize (ce nombre rappelle les fameux Seize de la Ligue), et pas trop mal choisis. — Et. Arago, réponse aux Rollinistes malveillants ; — Bastide, réponse aux Cavaignaquistes ; — Gambon, réponse aux puritains ; — le tonitruant Pilhes, comme on l'appelle en riant à Bordeaux, réponse aux hommes d’action. Je ne vous dis rien des autres. Viennent les adhésions du dedans et du dehors; et nous formons un noyau superbe. En relisant cette liste, je me félicite, quant à moi, que les rollinistes se tiennent dehors: ils nous embarrasseraient. Je les ai appelés; vous les avez sommés ; nous leur avons offert de leur céder la direction: ils ont tout refusé. Tant mieux ! les voilà morts. J'espère que nous n’en resterons pas là. J'appelle aujourd’hui votre attention sur ce point capital, qui peut nous attirer des masses d’adhérents : c’est que les élec- tions prennent de plus en plus une tournure orléano-bonapar- tiste, et tendent à amener ce que des deux côtés on paraît souhaiter, une transaction ayant pour résultat de marier le libéralisme à l’Empire, et qui s’exprimerait par un Empire cons- titutionnel, comme dit la Guéronnière. Voilà donc où vont les Républicains du vote ! C'est le triomphe de l’ancienne rue de Poitiers, qui fit le succès de L. Napoléon en 1848, et qui aujour- dihui,:Se réconcilierait avec lui ! La réaction, servie par un simulacre de suffrage universel, en attendant que l’on vienne à la loi du 31 mai... Songez à tout cela. Il me paraît difficile qu’un de ces jours je n’aie pas à écrire quelque chose, soit à Girardin, soit à Nefftzer, dans le sens que je viens de vous indiquer. Vous me direz si je devrai parler de mon propre mouvement, et sous ma responsabilité propre; ou s’il conviendra d'agir au nom du comité. Dans ce cas, il fau- dra se concerter, et peut-être devrez-vous le premier prendre la défense de votre œuvre Je me soumets d'avance à ce quisera décidé, en vous promettant d'avance, pour le cas où j'aurais à — 204 — parler pour mon compte, d’avoir bien soin de me distinguer du comité, que je n’entends en aucune façon ni compromettre, ni entrainer. Avisez pour tous. Les nouvelles de Pologne d'hier sont très-mauvaises pour l’insurrection ; celles reçues par voies particulières du Mexique ne sont guère meilleures pour l’armée française. En tout cas, la nouvelle officielle que l'amiral de la Gravière renvoie ses vais- seaux à vide pour ramener des secours prouve la gravité de la situation.Je vois le moment où l'Empereur va se trouver bloqué de tous côtés, et nous, regardés comme les vrais représentants de la Démocratie, les vrais politiques du moment. Tout cela me rend le moral excellent, et je crois que la santé ainsi soutenue, ne me fera pas défaut. Je vais envoyer notre manifeste à un nouveau journal belge, l’Escaut, qui se publie à Anvers. — De son côté Rolland va le faire passer à l'Indépendance. J'écris aussi à un ami à moi de Bordeaux, dont je vous ai déjà lu une lettre, pour qu’il obtienne l'insertion dans la Gironde. — Gambon soignera la Nièvre. J'attends Pilhes, qui va recom- mencer sa tournée de commerce, et va nous faire une propa- gande d'enfer. Comptez, cher ami, qu’à dater du 17 mai, le parti républicain a trouvé une nouvelle formule, de nouveaux organes, que la régénération démocratique est inaugurée, le vieux parti épuré et reconstitué, et que si J'ai jeté l’idée, c’est à vous surtout qu'elle doit d’être devenue un fait. Etes-vous convaincu main- tenant que l’association des esprits a du bon ? Je vous serre la main. é P.-J. PROUDHON XVI AU MÈME Passy, jeudi soir, 21 mai (au crayon 1863). Cher ami, J'ai fait l’affaire avec Frédéric Henri, libraire au Palais-Royal. Il se charge de faire imprimer, publier et vendre, au prix de — 205 — 10 cent, notre petit manifeste : 8 pages grand in-18. Demain soir, vendredi, on pourra, je crois, s’en procurer. Gambon se propose d’en emporter 500 dans la Nièvre. — Pilhes, qui ne peut tarder de partir, se chargera aussi d’en distribuer bon nombre. — A Paris, M. Beslay aura un dépôt, chez lui, puis chez la plupart des libraires. Pour le paiement, l'ami Beslay nous à répété qu’il n’y avait pas à s'inquiéter : qu’un ami riche nous ouvrait sa bourse. Avez-vous lu la Gazette ? Elle tance vertement Mons Nefftzer. J'ignore ce qu'a fait l'Union ; mais j'ai été flatté, je l’avoue, des motifs donnés par la France à son refus d'insertion. Courage donc : cela s’ailume. Je viens de recevoir une lettre de Belgique. Les amis me mandent qu’on y parle de notre déclaration, et que les démo- crates applaudissent. La même conduite sera suivie par eux aux élections du 9 juin, où l’on va voir les doctrinaires minis- tériels réconciliés avec les jeunes libéraux, en attendant l'union avec les cléricaux. Bonjour et santé, P.-J. PROUDHON P. S. Avez-vous remarqué que le gouvt affranchit ses candi- dats de tous frais de port pour leurs bulletins et circulaires ?.…. XVII AU MÈME Cher ami, Malgré ma diligence, j'arrive trop tard. J’attendais hier soir votre réponse à MM. Hérold, Clamageran, Floquet, etc. — Ne l’ayant pas trouvée dans la Presse, je venais m’'assurer par moi-même si vous comptiez vous en charger ou non. C’est affaire qui vous regarde personnellement. Je suis très fàché de ne vous avoir pas rencontré. Je me propose de mon côté d'écrire une lettre à Girardin, à propos de ses réflexions d'aujourd'hui, sur la lettre de Carnot et consorts. — 206 — Je verrai Rolland vers 2 h. à la Bourse. Les imprimeurs ont refusé de se-charger de notre manifeste : je vais voir par moi- même ce que l’on peut obtenir d'eux. Je serai en ville jusque vers 4 heures : si j'étais sûr de vous rencontrer chez vous, je repasserais peut-être ; mais on me dit que vous ne viendrez pas déjeüner. Tout vôtre, P.-J. PROUDHON 23 mai 1803). X VIII AU MÈME Passy, 2? juin 1863 : 6 heures du matin. Cher ami, J’adresse la lettre suivante à notre Président M. Bastide @) : » Cher Monsieur, » Ainsi que moi, vous aurez sans doute appris hier soir avant de vous coucher, le résultat du scrutin, la joie de Paris, la signi- fication et la portée de cet événement. Comme moi, je ne doute pas que vous ne vous en soyez intimement réjoui. C’est un de ces coups auxquels il faut s'attendre quand on agite d’aussi orandes multitudes : à cette heure, l’empire est plus qu'ébranlé, il penche. » On n’a pas voulu de notre abstention par billet blane, c’est à dire d’une protestation qui eût été plus décisive encore : soit. Ne soyons pas trop exigeants et contentons-nous de ce que nous avons obtenu. » Maintenant il s’agit de ne pas laisser évanouir cette victoire comme une fusée d'artifice. | » Que vont faire les cinq, devenus où peu s’en faut les neuf, que dis-je ? les vingt-cinq peut-être ? (1) Cette date parait écrite d’une autre main que celle de Proudhon. (2) Cette lettre à Bastide, avec quelques variantes et quelques fautes, est dans la Corresp., t. XIII, p. 92. — 9207 — » Vont-ils purement et simplement attendre la convocation du Corps législatif, renouveler de vive voix leur serment, puis se remettre à parlementer de plus belle, pendant six ans, faire mourir la France d’impatience et d’ennui, en même temps qu’ils se donneront le passe-temps d’agacer le gouvernement de l'Empereur ? » Liés par leur serment, vont-ils se borner au rôle d’oppo- sants dynastiques, demandant une réforme, critiquant le budget, » Je n’ai pas besoin de vous en dire davantage pour vous faire comprendre que le fardeau que les élections d'hier impose (sic) à nos assermentés est énorme; qu'ils n’ont rien prévu pour le cas actuel, que rien n'empêche le gouvernement, avec de pareils hommes, après avoir fait un semblant de concession, de continuer son bail, et de nous mener ainsi jusqu'à l’année 1869. » C’est cette déception que nous avons prévue en nous abste- nant, et que notre devoir est maintenant de conjurer, contre laquelle nous devons mettre le public en garde, si nous ne voulons devenir les complices de l’imprévoyance universelle, et passer pour des esprits faux, envieux et farouches, comme dit Girardin. » Je crois donc, cher Monsieur, et c’est à cette fin que je vous écris, que vous feriez bien de nous convoquer dès que le résul- tat des élections sera officiellement proclamé, c’est à dire ven- dredi, samedi, ou dimanche, en ayant soin de laisser un inter- valle suffisant entre le jour de votre convocation, et celui de la réunion, afin que chacun se trouve prêt. » M. Chaudey, nos amis, vous et moi-même, nous aurons sans doute à proposer quelque résolution, qu’il sera bien de discuter d'avance, si nous ne voulons, comme des sots, être pris par les événements au dépourvu. » Sur ce, cher Monsieur, je vous serre bien cordialement la main, » P.-J. PROUDHON » Suit un post-scriptum sur des faits que vous connaissez. — 908 — Quant à moi, je ne sais si l’obstination m’aveugle ; mais notre position nous (sic) paraît dix fois meilleure qu’hier. C’est main- tenant que nous pouvons faire comprendre le sens du billet blanc, en pressant les nouveaux élus d’agir, et en montrant le mal que va faire le serment. Quant à moi, je vous le dis d’a- vance, je ne doute pas que le gouvernement, revenu de son désappointement, ne se remette en selle, et ne continue de chevaucher avec cette opposition, si rien ne vient le déran- ger. Au surplus, nous allons aviser ; les choses, d’ici à trois jours, nous instruiront, et nous tiendrons conseil. Tout votre, P.-J. PROUDHON. XIX AU MÈME Passy, mercredi matin, 17 juin (1863). Cher ami, Vous avez témoigné le désir de passer quelques heures avec Ferrari. Il se met à notre disposition pour le jour et l'heure que nous lui indiquerons. Cest à vous, maintenant, d'indiquer ce jour, cette heure, et le lieu. Sauf meilleur avis, il me semble que lelsoir, de 7Vàa vu hMS est ce/qui convient le mieux (à moins que vous ne reveniez à votre projet de passer une après-dinée de dimanche ; mais le dimanche, vous le consacrez à votre famille. — ; Quant au lieu, nous pourrions indiquer les Champs-Elysées ou Passy, chez notre petit marchand de Bière: Enfin ce sera comme vous voudrez. j'ai meilleure tête et meilleures jambes. Nous connaissons enfin le résultat total des élections. J'ai vu avec plaisir que Morin et Lavertujon n'avaient pas réussi. Leur succès n’eût rien ajouté à la signification du fait général; et il importe que l'intrigue et la tartufferie ne triomphent pas partout. À moi maintenant. Je vais prier un jeune ami de Dupas de me fournir la statistique générale des élections; vous de votre côté, ne me refusez pas vos observations. — 909 Je ne perds pas de vue votre publication périodique : aussi, ies deux publications que je prépare, sur le rôle de la nouvelle opposition, et sur la Pologne, sont-elles dirigées dans cette vue. Il faut faire du ralliement. Une de mes idées favorites, c’est, tout en respectant la loi des signatures, et en laissant toute la part possible à l'écrivain, de faire tout émaner du Conseil de rédaction, dont chaque ré- dacteur signataire ne serait plus que le rapporteur.Toute ques- tion doit d’abord être discutée en comité ; toutes les idées pro- duites ; et le rédacteur ne doit travailler que sur les conclusions de la réunion. Par 1à, nous gardons notre caractère de collec- tivité, chose importante, non seulement pour la politique, mais pour la critique des ouvrages et des personnes. Je vous déclare que, quant à moi, avec toute mon audace, je ne me déciderai point. à entamer les Hugo, les Simon, etc., si je ne me sens appuyé par un conseil de rédaction dont je ne serai que l’or- gane. Réfléchissez sur ce caractère nouveau du journalisme, et poursuivez-en les conséquences. _Je désire que Ferrari, quoique absent, appartienne à notre rédaction, et au Comité ; — que dañs ce comité on fasse entrer, non seulement les écrivains (qui, par parenthèse peuvent fort bien lui être étrangers); mais des hommes de toute profession, qui nous apportent les impressions du dehors, comme Beslay, nos ouvriers, nos étudiants, etc., etc... Je compte également sur Elias Régnault, et Bastide. Qui empêche que le Comité ne soit ainsi formé de 25 ou 30 personnes, se réunissant chaque semaine à jour et heure fixe, non pas toujours au grand complet, mais en nombre suffisant our causer et délibérer? Nous aurions notre compte-rendu périodique ; nos séances seraient de l’action continue ; elles pourraient être tenues quelquefois en présence de personnes étrangères, ou plutôt simplement affiliées ; nos visiteurs et associés de province en remporteraient les meilleures impres- sions ; et la propagande s’en ressentirait. Bref, nous serions un gouvernement déjà tout formé, une expression régulière du suffrage universel. = A — Notre devise celle (sic) du grand prêtre hébreu: Doctrine et Vérité (Urim, thummim) @). Dans ces conditions, nous ne som- mes ni religion ni secte ; nous sommes la voix de la Science, du Droit et de la Révolution. Bonjour, et réponse, s. v. p. P.-J. PROUDHON VO AU MÈME Mardi 5 h. 1/2 soir. | (au crayon : 15 7bre 1863). Cher ami, D’après votre première, d'hier, j'avais fixé ma visite à jeudi : le jeudi, comme vous savez, étant le jour de sortie de ma femme et de mes filles, qui ont de leur côté une course à faire. Votre seconde ne changera donc rien à mes dispositions. Je me lève un peu avant 6 h.; je prendrai l’omnibus jusqu’à l’Odéon, d’où je me rendrai à pied à l’embarcadère de Sceaux, à travers le jardin du Luxembourg. Je puis donc arriver à Sceaux entre 8 et 9. Comme vous m'avez offert une journée tout entière, je pensais que nous irions déjeûner quelque part chez un garde, ou dans quelque ferme, en sorte que ma présence n’au- rait causé à Mme Chaudey aucune espèce d’embarras, mon intention étant de partir de Sceaux vers le coucher du soleil, de manière à être à Passy vers 8 ou 9 du soir. Je devine la nature de vos espérances. Elles reposent princi- palement sur la chute du gouvernement impérial. — J’admets la probabilité de l'événement . mais je vous répète que c’est de la nation que je me méfie. L'Empire tombé, je vois d’iei les (1) « Ourime vetoumime (Pentateuque, Exode, 28,30) sont deux mots qui se traduisent littéralement « Lumière et Perfection » ou « Révélation et Vérité » — pierres précieuses placées sur le pectoral du Grand-Prêtre, où se trouvaient déjà inscrits les douze noms des tribus. Les Ourime et Toumime (ve = et) étaient une sorte d'oracle. — L’exégèse biblique n'a jamais pu expliquer la nature de cet oracle. » (Communication de M. le Grand-Rabbin Haguenauer, de Besançon). — 911 — Hugo, les L. Blanc, les L. Rollin, etc., maîtres du terrain ; et si le fédéralisme n’a pas fait assez de progrès pour rompre le faisceau, tout est perdu. E. Régnault m'a remis son projet financier relatif au Dict. de Politique. Nous parlerons de Cela. Avez-vous remarqué que les Espagnols progressistes et démo- cratiques font de l’abstention, tandis qu’en Allemagne, tout est à la fédération ? Mais je suis de ceux que, plus ils ont raison, plus on les hait; et vous partagerez ma fortune. Bonjour, et à jeudi. Mille respects à Mme Chaudey. Tout vôtre P.-J. PROUDHON. XXI AU MÈME Passy, grande-rue, 10, 30 8pre 68, Cher ami, Je vous envoie inclus, 1° Mon marché avec Boussard et Monier, de 1851 ; 2° la sommation de ces messieurs, faite collectivement à MM. Darimon et Bouteville, et à moi. — On m’annonce incessamment une citation devant je ne sas quel tribunal ; je présume que ce doit être au commerce; et je viens vous demander si je dois attendre la citation ou la préve- nir, en sommant moi-même et assignant reconventionnellement Boussard et Monier, aux fins d’avoir à exécuter leur marché, ou me payer des dommages-intérêts. Vous savez, et je ne me dédis point de cette pensée, que mon intention à toujours été de faire regagner, autant qu’il dépen- drait de moi, à Boussard et Monier la somme de 7.500 francs qu'ils ont perdue. Jai même été jusqu’à vous dire, non à eux, que comme Je ne tenais point à ce qu’il fût donné suite à la convention de 1851, el que je ne voulais pas cependant profiter ni peu ni prou de la déconfiture de ces messieurs, je donnerais, si je le pouvais, une petite somme pour garder les manuscrits — 219 — de Darimon et Bouteville, et ne plus entendre parler de laffaire. Ceci est de pure sympathie, non de droit strict : aussi, en pré- sence de la signification Boussard, voici comment j'entends ma situation. J’ai fait avec cet ancien éditeur et son associé Monier un con- trat de louage d'ouvrage et industrie, art. 1779, 1787 et suiv. du code civil, contrat d’après lequel Boussard et Monier sont acqué- reurs et propriétaires de l'ouvrage à faire, et moi entrepreneur ou , fabricant. De leur côté ces messieurs se sont obligés à me payer, à titre d’avances, pendant le temps que durerait le travail, une somme de “” mensuelle. Ajoutons qu’en vertu du traité, j'avais le droit de me faire aider par qui bon me semblerait : ce qui à eu lieu. Mes collaborateurs, agréés par Boussard et Monier, ont été Darimon et Bouteville. Le contrat a été exécuté de part et d'autre : Darimon, Boute- ville et moi avons travaillé pendant une quinzaine de mois à l'ouvrage demandé ; -- Boussard et Monier ont payé pendant le mème laps de temps, aux deux premiers, une somme de 1.900 fr. Je n'ai quant à moi, rien recu. La déconfiture de Boussard étant survenue, les avances qui m'étaient promises n’ont plus été faites ; en conséquence mes deux collaborateurs ont abandonné le travail, et moi, de mon côté, j'ai dû pourvoir à ma subsistance par d’autres publications. C'est en 1853 ou 1854 que cette interruption a eu lieu: pendant dix ans, le travail n’a pu être repris. Aujourd’hui, Boussard et Monier m’assignent en restitution de la somme de 7.500 fr. Observons, pour la pleine et entière intelligence du débat, qu'après le coup d'Etat, j’avertis Boussard et Monier que l’ou- vrage qu'ils demandaient, une Histoire de la Démocratie, n’était plus possible dans les conditions prévues ; — que, s’ils tenaient à donner suite au traité, il fallait en modifier l’objet ; — que, pour ne pas perdre les matériaux déjà amassés, je proposais de faire un tableau d'Histoire générale, conçu dans un esprit démocratique, et auquel jé donnais le nom de Chronos (le temps), faisant pendant au Gosmos (le monde) de M. de Humboldt ; mais que je prévenais ces messieurs que cet ouvrage, au lieu de 4 vol. in-8° ordinaires, en formerait au moins le double, et peut- être le lriple.... La réponse de Boussard et Monier fut quais — 213 — adhéraient à mes observations ; que je n’avais qu’à continuer ; que plus considérable serait l'ouvrage, plus ils seraient satis- faits. C’est ainsi que le projet d’une Histoire de la Démocratie devint le projet d’un Tableau d'Histoire générale, ou Chronos, au- quel Darimon, Bouteville et moi nous travaillâmes jusqu’au jour de la déconfiture Boussard. D’après la déclaration de Bouteville, le dernier mois de ses appointements ne lui a pas été payé. Maintenant donc on me réclame, sans plus ample informé, 7.500 fr. En vertu de quel principe ? Si depuis dix ans, J'avais eu la’ prudence de l’égoïsme, j'aurais, en vertu de l’art. 1184 du code civil, sommé Boussard et Monier d’avoir à exécuter leur engagement, c'est-à-dire de continuer à me payer mensuellement une somme de 300 ou 400 fr., jusqu’à concurrence de 24.000 ou 36.000, somme à ‘laquelle pouvaient (sic) s'élever le prix de mon manuscrit ; ou bien d'en subir la résiliation avec dommages-intérêts. C’est devant le tribunal de commerce, article 682 du code de com- merce, qu’aurait été portée l'affaire. Je n’ai pas fait cela, par égard pour une inforlune à laquelle je n'étais pas insensible, mais à mon grand détriment, je le reconnais aujourd’hui. De ce que je suis resté dans l’inaction, et que même Je me suis mis un Jour à la disposition de Boussard, pour lui aider, par une publication d’un autre genre, à regagner une partie de son Arsent ces messieurs ont conclu, Ce me semble, que'je me reconnaissais leur débiteur, et ils m'assignent. Mais qu'est-ce que je leur dois. J'étais, comme je l’ai dit, en- ‘repreneur, pour leur compte;d'un ouvrage de littérature ; je devats être payé de cet ouvrage, à fur et à mesure de l’exécu- tion. La chose n’a pas été livrée, je l'avoue : mais on née peut pas dire, comme le prévoit le code, qu’elle ait péri entre mes mains, puisqu'elle n’a jamais été complètement exécutée ; puisque la partie du travail fait existe, et que je la mets à dis- position de ces messieurs. Tout au plus pourraient-ils m’inviter à continuer mon travail, en me disant qu’ils sont prêts de leur côté à exécuter leur engagement, et en consignant la somme à laquelle je puis prétendre. Et quand même, par une interversion des rôles, ils prétendraient que c’est moi qui nai pas exécuté, moi qui ai dévoré les avances sans faire avancer la — 9214 — besogne d’un pas ; ils ne pourraient toujours, d'après l’art. 1184, réclamer autre chose que l'alternative, savoir, ou le rem- boursement de la somme, ou la remise des manuserits, ou la continuation du travail. D’où vient donc qu'ils se contentent de redemander une seule chose, l’argent ? C’est qu’au fond leur intention n’est pas d'exécuter, d'autant plus qu'ils n’en ont pas les moyens ; c’est qu'ils trouvent plus simple de faire du tapage en justice ; c’est que peut-être ont-ils envie d'exercer sur Dari- mon (représentant du peuple), et sur moi, homme trop connu, une pression, dont l’effet serait de nous amener à composition. Voilà toute l'affaire J'ai donc besoin de savoir, 1° si je ferais bien de prendre les devants, ou s’il vaut mieux attendre l’assi- gnation ; 20 En cas que je doive prendre le devant, par une demande reconventionnelle, si je puis assigner d'emblée, ou si je dois débuter préalablement par une sommation ; 3° devant quelle juridiction doit être porté le débat. — J’aimerais mieux le commerce. Répondez-moi, S. v. pl., en trois mots, autant que de questions ; enfin, cher ami, donnez-moi conseil. Il estentendu qu’en tout ceci, l’ami cède le pas à l’avocat ; s’il en était autrement, je renoncerais à vous demander conseil, ce qui me ferait grand’ peine. En conséquence, et pour me met- tre à l’aise, vous saurez qu’à dater de ce moment et pour tout ce qui concerne l'affaire Boussard, je ne me considère plus que comme votre client; que, n’eussiez-vous d’autre peine que de m écrire une lettre, de lire mes pièces, et d’affranchir votre réponse, j'entends vous rémunérer de tout, non pas en grand seigneur, ce quine m'appartient pas, mais comme un client ordinaire. Si j'avais diné avec vous en pique-nique, et qué vous m’eussiez prêté cinq fr., je regarderais comme une dette d’hon- neur de vous les rendre ; ainsi veux-je en user avec vous, cher ami, toutes les fois que je réclamerai vos services. Voilà qui est compris ; l'affaire terminée, vous me présenterez votre note ; sinon, je vous déclare par avance rupture. — J'ai repris un peu de vigueur, et après m'être de nouveau attardé sur le livre de Renan © et les Evangiles, dont je prépare (1) La Vie de Jésus, qui avait paru dans l'année. Proudhon travaillait depuis trente ans sur Jésus (v. Corresp. XIIL, 112, 195, 158) ; aussi l'appà- rition du livre de Renan, qui le devançait, lui causa « un certain dépit » os. un commentaire, je viens de me remettre à ma brochure élec- torale. Il y aura des choses assez originales ; elle paraîtra cou- rant novembre. D’après Darimon, qu'a vu Rolland, le gouvernement pourrait fort bien faire la guerre pour la Pologne au printemps prochain ; d’après d’autres, il serait décidément muselé, impuissant. Sui- vant le même, M. Thiers aurait déclaré, à Darimon lui-même, qu’il était décidé à prendre pour devise la formule de Girardin, Paix et Liberté ; en second lieu, que le même M. Thiers n’ap- prouvait pas le bruit qu’on voulait faire au corps législatif à pro- pos de toutes les fraudes électorales ; que ce serait dépenser le temps en bagatelles, et user l’autorité de l’opposition. Gela seul vous fait voir que l'opposition n’aboutira à rien ; si elle se divise, elle se perd ; si elle reste unie, sous la formule Paix et Liberté, elle devient dynastique et ne sert qu'à nous conduire, cahin-caha, à 1869. — Je me suis rencontré l’autre jour avec Fr. Morin, sur le bou- levard Bonne-Nouvelle, dans le magasin de fontaines de Massol. Je ne l’aurais pas reconnu. Morin a cru devoir me remercier de la manière dont je l’ai traité dans mon Principe Fédératif ; ce à quoi j ai répondu, très froidement, que je ne pouvais lui ren- dre le même compliment pour sa conduite dans les élections. Le gros Gauthier, mon voisin, qui m'accompaguait, me dit: Tu as été bien raide ! Mon intention était de vous porter ce paquet, et peut-être de causer avec vous : le mauvais temps et mon asthme me décident à garder la chambre. Lisez, décidez, et retournez-moi mes pièces. À vous de cœur, P.-J. PROUDHON (lettre du 9 juillet 1863. L’ébauche de ses études sur Jésus a été publiée après sa mort par M. Rochel sous ce titre : Jésus et les origines du chris- hanisme. Ses exécuteurs testamentaires avaient auparavant publié, en un volume, Les Evangiles annotés par P.-J. Proudhon.— Quant à la bro- chure, dont Proudhon parle dans le même paragraphe, et qui ne parut pas, voir ci-dessous les lettres XXII, XXIIL. XXII AU MÊME Passy, 27 novembre 1863. Mon cher ami, Mon impression est terminée. Elle paraîtra lundi matin, chez Dentu @. Cela fait cent-huit pages Si cet ensemble d'idées sur les traités de paix en général, sur ceux de Westphalie et Vienne en particulier, sur ce que j'appelle l’ère des Constitutions, enfin sur la Pologne, le tout convenablement relevé de fédéralisme, alpha et oméga de ma politique; — si tout cela, dis-je, ne pro- duit pas son effet, il faudra dire que tout est mort chez Jacques, et casser notre pipe. Voilà pour un. Maintenant il s’agit de la prochaine réélection, qu’on me dit fixée au 15 (je n’ai pas vu cela dans la Presse, que j’ai un peu négligée depuis huit jours). Puisque nos adversaires persistent, il me semble que nous devons persisier aussi, en adressant un mot aux électeurs de la 9e. Voici, selon moi, de quoi pourrait se composer ce petit mot. 1° Exorde insinuant, de 1 page. 20 Lettre de J. Simon, au colonel Charras, si nous obtenons l’autorisation de la publier ; — 4 pages Quelques réflexions, en guise de commentaire ; à 3’ Lettre d’Ollivier aux Bisontins, pour recommander la can- didature de M. de Montalembert ; — suivie également de qq. mots de commentaire ; — 3 pages. 40 Résultats des élections générales pour le parti dit absten- tionniste ; — 10 pages ; ; 9° Appréciation générale de la conduite de l’Opposition au Corps législatif; (concessions, maladresses, platitudes, ete); æ'pagess (1) Elle parut à cette date sous le titre : Si les traités de 1815 ont cessé d'exister, Actes du futur congrès, Œuvres compl., t. VIIT. — 917 — 6' — Si nous devons faire une exception en faveur de Pelletan. comme on en fait courir le bruit, et quelles sont nos raisons dé lui appliquer la 101 comme aux autres. x pages ; — 70 Conclusion, vigoureuse, énonçant notre but et la nalure de notre action. En tout, 30 à 36 pages. Jépuis fournir les SK. 1°, 20, So, 4, tout de suite, Mais je suis si fatigué que je voudrais bien que vous vous chargeassiez des n°$ 5° et 6°, pour lesquels je préfère d’ailleurs votre style magistral à mes coups de hache. — Telle est donc la question. Approuvez-vous celte publication, qui presse ? Pouvez-vous me faire les 8 ou 10 pages que je demande ? Vous signerez le tout, seul, si vous le désirez ; Ou bien vous signerez avec moi; Ou bien, je citera, en vous désignant, la partie de rédaction qui vous appartiendra, si vous préférez que je signe seul ; Ou bien enfin, je ne vous nommerai pas du tout, ad libitum. — Je netiens à aucun de ces partis; je ne serais même pas fàché de n’y point paraître, attendu que j'ai assez de mes publi- cations particulières. Dans ce cas, je vous proposerais Duchêne (rue d’Enfer, 61). Décidez sur tout cela, vous-même. J'ai l’assentiment de Rolland, Beslay, Langlois; Duchêne, vous et moi ferions déjà 6 ; nous en raccollerons (sic) quelques autres ; de manière que nous puissions parler pour les Dix- huit ! Hier, je me proposais de causer de tout cela avec vous : vous veniez de sortir quand je me suis présenté. Le temps parais- sant tourner au sec, j'ai pensé que, ou vous pourriez me donner un de ces soirs, ou me faire un mot de réponse, ou bien enfin m’assigner dans la journée une heure quelconque. L’omnibus me conduit chez vous, en 20 minutes. à vous de cœur. Je suis bien essoufflé. P.-J. PROUDHON — 918 — XXIIT AU MÈME Passy, 16 Xhre 68. Cher ami, L'Election de Pelletan, avec un surcroît de majorité de plus de 5000 voix, me paraît devoir changer nos dispositions. Elle prouve trois choses : 10que lé succès électoraNde juinanime les électeurs elles pousse maintenant au vote; effet du tempérament français aussi prompt à revenir à la charge qu’à se décourager après une défaite ; 2 que l’effet de la vérification des pouvoirs, dans laquelle l'opposition a joué un assez piètre rôle, a encore été plus défa- vorable au gouvernement, accusé de corruption, et contre lequel l'opinion se lève maintenant; 3° que la rhétorique de Pelletan l’a mis en faveur, et qu’on attend de lui plus que des autres. Ce que Rolland nous a raconté de la séance de l’opposition chez Marie, et de ses résolutions à légard de la Pologne, s’il est vrai, doit être également pris en sérieuse considération. J'opine donc, en ce moment, à laisser faire et laisser passer, quitte à montrer ensuite à la Démocratie et à ses représentants, dans un style que je ne rendrai plus aussi acerbe, l’illogisme de leur position vis à vis du pouvoir, illogisme qui tient unique- ment à leur serment, ou en autres termes à l’opinion qu’ils se sont faite qu’ils pouvaient utilement agir contre l’Empire en se plaçant sur son terrain. Sans préjudice, bien entendu, de l’indignité de leur conduite pendant les élections. Cela suffira largement à mon avis pour nous justifier, éclairer une position louche, et ramener, qui plus est, à notre opinion, tout le monde. On nous écoutera d'autant mieux que nous paraîi- trons moins irrités. Nous faisons ici le rôle de Fabius Cunctator à l’égard de Warcellus, qui, s’opiniâätrant à combattre, allait être perdu si le Temporiseur, avec une magnanimité bien rare chez les militaires, ne fût venu à son secours, — 919 — Ainsi, pas de scission pour le moment ; et comptez que, ma brochure publiée, vous vous retrouvez à la tête du parti. — Le public, j'en réponds, sera charmé de notre façon d'agir, en reconnaissant que nous savons avoir raison et pardonner. Je prévois maintenant qu'il en sera des élections prochaines comme de celle de Pelletan : vous comprenez à cette heure combien facilement je m'en console. Je viens d'envoyer au Siècle une réponse à son art. du 7 ct. Je ne connais rien de plus indigne que la polémique de ce Jour- _nal qui, au lieu de me répondre, s’en va chercher des articles du Peuple d'il y a 15 ans, et qui ne sont pas de moi. L'Opinion Nationale d'hier me faisait compère de Metternich, l'organisateur, dit-elle, des massacres de Galicie. Ces gens sont aux abois. C’est à propos d’un projet d’un fibéral russe, qui demande au czar de faire pour les paysans de Pologne ce qu’il a fait pour les paysans russes. Que l’opposition fasse comme elle a dit ; et la ficelle polonaise une fois coupée, notre monsieur est frit. Bon espoir donc, et santé. Tout vôtre. P.-J. PROUDHON XXIV AU MÈME 17 Xbre (1863 au crayon) Cher ami, Vous êtes dépité, et très mal à propos ; je me tiens, moi, pour très heureux et satisfait : il faut donc que je vous donne mes raisons. Vous n'êtes pas de ces gens qui se déjugent, et qui crient : Le succès. le succes, C'est l'Empereur des français ! Raisonnons donc, s’il vous plaît, et félicitez-vous. — Ce qui me contente si fort en ce moment, c’est que je vois clair dans la situation, et que je sais enfin sur quel pied danser. — 9920 — — D'une part la réélection de Pelletan me prouve que l’opinion de Paris, sur l’Empire, est formée; que le système est con- damné ; qu’on n’en veut plus ; que le mouvement gagne la pro- vince, d’une façon irrésistible; — d'autre part, Popposition, d’après ce qui nous a été rapporté, en se prononçant contre la ouerre, va changer l’opinion que l’Europe entière a de notre chauvinisme et tuer moralement tous les projets éventuels d’une guerre nouvelle de l'Empereur. Tout cela est notre œuvre au moins autant que celle de nos représentants, el de leurs électeurs : nous ne pouvons donc que nous féliciter franchement. Reste l’équivoque insoluble de cette Opposition. Or, à moins que l’Empire n’abdique devant deux ou trois élections hostiles, auxquelles il doit s'attendre encore, vous allez voir les impossibilités de toute sorte se dresser devant l'opposition, obligée de se tenir sur le terrain de la Constitution impériale, et, ce qui est pis, de suivre le mouvement de réforme constitutionnelle que ne peut manquer de proposer M. Thiers, assisté de MM. de Girardin, Guéroult, Havin, Marie, J. Simon, Berryer, etc.; etc., peut-être la majorité tout entière. Que diront-ils à cela ? Qu'ils ne veulent ni de la responsa- bilité ministérielle, ni de l’irresponsabilité du souverain ? C’est impossible. Demain on leur ferait voir qu’ils sont moins libé- raux que l'Empereur, et par-dessus le marché factieux et par- jures- Qui donc peut ici sauver la situation, malheureux que vous êtes, si ce n’est vous ? — Vous regrettez vos dernières lettres ; si J'avais eu un journal, j'en aurais écrit douze ; j'en écrirais une ce matin même, dans le sens de votre lettre d'il y a huit jours ; et j'interpellerais mes députés de l’opposition, leur disant: Comment prétendez-vous vous tirer de ce cul-de-sac ? Qu’allez- vous faire à la Chambre à cette heure ? que va devenir entire vos mains le mouvement d'opinion si bien établi, mais si malheureusement fourvoyé ?... Je ne vous en dis pas davantage. Plus le Pays se prononce en ce moment, plus la situation est détestable pour la Démo- cratie : c’est ce que J'aurai l'honneur de lui démontrer dans ma prochaine. Comment ! nous voilà en plein gâchis, par le fait de — 22 — plats intrigants, et vous regretteriez d’être resté en dehors du mic mac, à la veille d’être appelé comme médecin ! Laissez donc dire les sots ; tenez-vous coi et plus dédaigneux que jamais. Il n’y a pour la Démocratie, à cette heure, que deux manières de sortir d’embarras ; ce sera de reconnaître sa faute en pas- sant à nos idées alors même qu’elle ne donnerait pas sa démis- sion; ou de faire une révolution qui renverse matériellement Empire, auquel cas il ne vous restera comme à moi qu’à la féliciter sincèrement, en lui disant: Tu es plus heureuse que Je n'ai pas voulu Commencer ma journée sans vous écrire ces quelques lignes, qui vous donnent par avance le ton, l'esprit et les conclusions de ma nouvelle brochure, à laquelle je vais enfin travailler sans encombre. À vous de cœur, P.-J. PROUDHON. XXV AU MÊME Jeudi, 4 février (1864 au crayon) Cher ami, Je vais décidément mieux, et je fais aujourd’hui semblant de travailler. Ma femme, qui a cru devoir rendre sa visite à Mme Chaudey, vous remettra, avec la présente, un N° du Courrier financier, jadis Journal des Actionnaires Ce journal a été vendu, refondu; il aspire à bien faire. Au- jourd’hui, le propriétaire, dont j'ai oublié le nom, me propose de lui fournir des articles. Il faudrait savoir ce qu’il en est de cette feuille hebdomadaire, qu’il serait très aisé de transformer en politique; et jusqu’à quel point, moi y entrant, je pourrais être suivi de quelques amis. Puisqu’on a l’autorisation, et que l’on timbre, qu'on parle politique et finance, nous aurions là toute latitude. Enfin, si la chose était faisable, nous aurions, ipso facto, notre organe. _— 999 — Il s'agirait donc de retrouver la personne (M. Seguy, ou autre, le propriétaire), qui m'est venu voir à Passy; reprendre avec lui la conversation commencée dans ma maladie, tâter ce mon- sieur, lui montrer la perspective de tout un parti le prenant pour organe, etc., etc. Bien entendu que la chose se ferait piano, pour ne pas éveiller la méfiance; puis, quand l’administration exigerait notre re- traite, eh bien ! nous nous retirerions. Bien que je me sente mieux, je ne pense pas encore aller de sitôt à Paris : c’est pourquoi je vous parle de cette affaire, dont j'ai oublié de vous entretenir lors de notre dernière entrevue. Une revue littéraire se combinerait très bien avec le Courrier financier ! Tout vôtre, P.-J. PROUDHON. XXVI AU MÈME Passy, 22 février 1864. Cher ami, Avant-hier, samedi, lendemain de votre bonne visite, Gou- vernet m'a apporté la Lettre des ouvriers (À), queje ne connais- sais pas encore ; Langlois étant arrivé en même temps, nous l'avons lue avec la plus grande attention. Voici le résumé de nos impressions et appréciations : je vous les écris, et j'aurais dû vous en faire part plus tôt, parce que vous y êtes inté- HÉSSÉ: (1) Cette Lettre des Ouvriers, ou Manifeste des Soixante, est « un document capital dans notre histoire socialiste » déclare à juste titre Albert Thomas, dans son ouvrage Le second Empire, tome X de l’His- toire socialiste, publiée sous la direction de Jean Jaurès C’est une sorte de Déclaration des Droits, présentée en février 186% par une élite de la démocratie ouvrière parisienne, qui entendait poser aux élections complé- mentaires de mars 1864 des candidatures de classe, selon la formule marxiste. Il faut voir cette histoire, avec le Lexte du document, dans un excellent chapitre d'Albert Thomas (Il., p. 215 sqq). Les sévérités de Prou- dhon pour le Manifeste des Soixante viennent en bonne partie de ce — 993 — L'ensemble de la pièce nous paraît habilement conçu et d'un ferme caractère: cela pourrait devenir un petit événement. Pour le détail, nous y avons trouvé, avec beaucoup de diffusion, une grande faiblesse d’argumentation ; l’opposition entre les voies et moyens que demandent et proposent les ouvriers et ceux qwoffrent les députés n’est pas assez tranchée ; ce sont les mêmes choses en d’autres mots ; bref, ces prétendus socialis- tes ne le sont pas plus que les J. Simon, les Darimon, les Pelle- tan, qui les patronent (sie) et les soutiennent. L’idée des réformes économiques comme complément des réformes politiques est bien accusée; mais les conceptions éco- nomiques des ouvriers sont encore à l’état d’aspirations ; il n’y a rien de nettement formulé ; j'ose même dire qu'ils inclinent vers plus d’une erreur ; En un mot, le terrain sur lequel se posent les ouvriers est excellent, et je ne puis qu’y applaudir ; et puisque d’un autre côté, l'opposition législative s’est déclarée anti-socialiste, qu’elle n’est pas sortie de la philanthropie, et ne va pas jusqu’à la Justice, les ouvriers ont parfaitement bien fait de leur dire, Nous ne sommes pas représentés, et de poser résolument leur candi- dature. : Mais, je le répète, cette belle détermination eût exigé des vues plus nettes, plus décisives, une science économique et sociale plus haute ; elle aurait besoin surtout qu’on ne la soupçonnât pas de faire un peu trop fi ! de l’énergie politique, ce qui aboutirait, hélas !, à des transactions déplorables entre les ouvriers et le gouvernement, à des défections nouvelles, et qu'il fut rédigé tout à fait en dehors de lui, comme cette lettre le prouve de façon décisive. Plus tard, et quand des ouvriers de Lyon, de Paris et de Rouen l’eurent consulté sur la conduite à tenir dans les élections par le prolétariat, il se fonda sur ce mème Manifeste d’ « incapables » (v. le post-scriptunt) pour démontrer la Capacité politique des classes ouvrières (titre d'un ouvrage publié après sa mort, qu'il n’eut pas le temps d’ache- ver, et dont la Conclusion fut rédigée par Chaudey; V. dans ce livre la lettre qui sert d’avant-propos, les deux premiers chapitres de la Deuxième parlie, et passim) — Cf. Corresp., XIII, 248, 256; Jules L. Puech, Le Proudhonisme dans l'Association internationale des travailleurs, passim. — Jo plus honteuses encore, s’il est possible. — Déjà toutes ces qua- lifications de membres du Crédit mutuel, déléqués à l'exposition de Londres qui reviennent sans cesse, éveillent les soupçons : on dirait des solliciteurs qui demandent des fonds pour leurs prétendues banques, ou des gratifications et des pots de vin, sous prétexte d’encouragements...... Nous nous sommes donc dit, après avoir fait ces réflexions, que sila Lettre avait un côté grave, par les idées justes et fortes qu'elle pose, elle avait un côté dangereux par les faiblesses, les erreurs et les lacunes qu’elle contient ; — Nous nous som- mes dit que, par cette double considération, la réponse à y faire devenait une œuvre des plus difficiles ; — et jetant les yeux sur le groupe d'hommes, à qui elle à été envoyée, et qui doivent y répondre, nous avons conclu que ce groupe était tout à fait incapable de faire cette réponse. Les hommes que nous connaissons ne peuvent faire qu'une chose, c’est de témoigner de leur bienveillance, de promettre leur concours, et d’accentuer le sentiment politique, qui fait Justement défaut dans la lettre des ouvriers. Mais les considé- rations d'économie sociale, qui devraientiei tenir la plus grande place, comment les répondants y satisferaient-ils, eax quine sont pas plus socialistes que les députés de l'opposition ? Nous seuls, socialistes et fédéralistes de labstention, nous eussions pu répondre à un pareil document ; et encore nous eût-il fallu bien des réflexions, et bien de la prudence. Nous l’eussions pu, dis-je, car les principes mis en avant par les ouvriers sont les nôtres ; el en portant leur pensée au delà de leur expression, nous n’eussions pas eu à craindre de blesser leur amour-propre 4): Maintenant, puisque ce n’est pas à nous qu'ils se sont adres- sés, nous croyons que non seulement il nous convient de nous: taire; (sic) mais que vous ferez bien de ne plus coopérer en rien à cette affaire. Nous regretterions, dans le cas où l’on vous prierait de minuter une lettre, que vous consentissiez à vous en charger, Ge qui serait, Selon nous, pousser beaucoup trop loin l’obligeance. (1) Phrase remarquable, où Proudhon formule à l'avance la tactique quil suivra dans lu Capacilé politique des classes ouvrières. . — 2 — tion pour vous catégoriquement, et je saurai où il en est. M. Verdeau, ainsi que j'ai eu déjà lieu d'en juger, tient essen- tiellement à vous, et peut être aussi à moi. Comme je suis en méfiance universelle, je ne serais pas surpris, malgré son anti- bonapartisme qu'il n’appartint à cette classe d'hommes qui comprennent que la Révolution étant inévitable,le plus sûr est d'en tirer le meilleur parti possible; en un mot, je soupçonne que M. Verdeau pourrait bien remplir auprès de nous le rôle d’une honnête influence. Si cela n’est pas, le résultat sera le même que si cela était : avançons. L'article que j'ai publié, sans signature, sur lPabstention des avocats de Versailles, a produit dans tout Paris une vive émo- tion On se querelle pour et contre : mais nous avons une mino- rité énergique, qui nous défend hardiment. Mes articles sur Girardin achèveront de nous concilier et de socialiser la bourgeoisie : tandis que les Montagnards erient que je suis traître, apostat, vendu (c'est Madier-Montjau qui dit cela), je fais la besogne révolutionnaire : est-il vrai que ce sont des réacteurs ? — Notre tirage se soutient: la Voix du Peuple, depuis l’adjonc- tion de V. Avril est en force ; sa rédaction est décidément supé- rieure. On n’est pas encore revenu de la surprise que causent les Confessions À), et notre tactique : quinze jours suffiront au public pour nous comprendre. J’ose dire, que si le statu quo dure encore six semaines, le Socialisme et la République sont Sauvés. — La Bourgeoisie saura à quoi s’en tenir. Bonjour aux amis, à Lolo et Bergier surtout. Avez-vous vu M. Maurice? — Tout à vous P.-J. PROUDHON. (1) Les Confessions d'un Révolutionnaire, datées d'octobre 1849. 14 a — 9249 — XXXITI AUX ÉPOUX PLUMEY ) Conciergerie, ? mai 1851 Monsieur et Madame J'ai reçu votre lettre de faire-part relativement à la mort de votre fils Louis. Je vous sais gré de vous être souvenus qu’en cette circonstance je pouvais prendre part à votre peine: elle me prouve que si vous ne m'avez point oublié, vous n'avez pas pensé non plus que malgré les agitations de ma vie, je perdrais le souvenir des anciens amis. J'espère qu'en m’accusant récep- tion de la présente, vous me donnerez quelques détails sur la maladie de ce pauvre jeune homme, sur ce que deviennent vos autres enfants, surtout l'aîné qui doit être maintenant un homme ; enfin sur votre situation générale depuis bientôt quatre ans. Je pense, que, comme tant d’autres, vous avez dû souffrir du chômage, et des désastres commerciaux et industriels. J'ai reçu dans le temps une lettre de Plumey sollicitant une recomman- dation auprès de Convers, lettre à laquelle le tourbillon des affaires m'a empêché de répondre en temps utile; depuis, ayant supprimé toute correspondance superflue, je vous ai négligés. J’ai pu juger à cette époque que votre condition n’était pas des plus heureuses ; a-t-elle changé ? Plumey a-t-il obtenu lemploi qu'il sollicitait ? J’en ai parlé, à la réception de sa lettre, à Convers, alors mon collègue ; mais vous savez ce que vaut une recommandation faite entre deux votes, pour un emploi vacant à 100 lieues de distance. D'ailleurs, mon crédit, même auprès de Convers, n’a jamais été bien grand ; les événements qui (1) M. Plumey avait été correcteur à limprimerie Gauthier frères, en même temps que Proudhon. C'est lui qui avait indiqué Proudhon à l'im- primeur d'Arbois Auguste Javel, en quête d’un typographe latiniste, un peu après 1830. V. Proudhon intime, par Auguste Javel, dans la Revue so- cialiste de mars 1905, p. 269, p. 262, note. — Madame Plumey, femme en secondes noces dudit, était la veuve de Lambert, autrefois associé de Proudhon, avec le fidèle Maurice. HS — m'ont Coup sur coup assailli ont dû vous prouver que du 12 juin 1848 au 29 mars 1849 À), je n'étais en odeur de saintelé nulle part. Maintenant je me suis condamné à un silence volontaire pour quelque temps. Outre que, dans ia posilion où je suis, la polé- mique ne pourrait me servir qu'à empirer mon sort, Sans aucun avantage pour ma cause, je ne suis pas fâché de laisser quelque _tempsles démocrates socialistes, dont j'ai tant excité l’envie, à leurs propres forces. IT fallait voir, enfin, quand le seul qui eût fait des études sérieuses @) se tairait, de quelle façon ils sauraient se tirer d'affaire, Depuis un an on a pu juger de leurs ressources et de leur génie : je n'ai pas besoin de vous dire qu'aujourd'hui je suis pleinément vengé. À l’heure qu’il est, j'ai à peu près raison dans le parti; le seul reproche qu’on me fasse en ce moment, c’est de garder le silence. Cette satisfaction est la seule que j'aie éprouvée depuis la révolution. Vous jugerez, au reste, dela profonde solitude dans laquelle je me suis renfermé, quand vous saurez que je me suis marié sans faire part de l'événement à personne, excepté mon frère, mes anciens patrons les frères Gauthier et Micaud 6), C’a été une surprise, et parfois un mécontentement universels. Tas d'imbéciies ! Comine si, faisant tant de bruit dans le monde politique, je ne devais pas ensevelir ma vie privée ! Comme si, prisonnier, Je pouvais faire d’un mariage une réjouissance ! Comme si, épousant une pauvre ouvrière, je n'avais pas dû éviter tout ce qui aurait pu éveiller la curiosité indiscrète et épargner (4) Le 29 mars 1849 est la date de sa condamnation à trois ans de prison pour une campagne de presse menée contre le Prince-Président. Quant au 12 juin 48, cette date ne marque aucun événement, de moi connu, dans la vie de Proudhon. On serait tenté de croire que la plume de Proudhon a fourché, et qu'il a écrit juin pour juillet : le 12 juillet 48, au lendemain ‘du jour où Proudhon publia, dans le Représentant du Peuple, son article fameux sur Le Terme, marquerait le moment où Proudhon, « l'homme- terreur », devint l’objet de haines fcroces dans la Constituante et dans Île pays. Cf. sa lettre du 12 juillet 48 dans Mélanges, L, 97. (2) Au lieu de ces huit mots, Proudhon avait écrit d’abord puis biffe : « le 1 des socialistes » {3) Proudhon oublie Guillemin ; v. supra, lettre XXXI. — 244 — Je suis bien, comme dit l’autre, marié sans l’être ! J'ai fait cela par désir d’avoir des enfants et une famille: vous devez me connaitre assez l’un et l’autre, monsieur et madame, pour com- prendre qu'à mon àge avec mon expérience, et, le dirai-je ? avec les compensations qu'aurait pu me procurer le bruit de mon nom et la complaisance de l'administration, j'aurais très bien pu charmer les ennuis de la captivité d'une tout autre manière. J'ai voulu vivre ma vie entière, c’est-à-dire tâter à mon tour de la famille, et avoir un nid à moi : voilà le fait. Jai choisi, en conséquence, une personne sûre, et qui, du reste, me laisse aussi libre que si j'étais garçon (). Madame Plumey ne sera sans doute pas fâchée d'apprendre quelle est la personne qui s’est ainsi dévouée et attachée à ma destinée. Ma femme a quatorze ans de moins que moi, blonde, frai- che, taille moyenne, excellente constitution. Ouvrière en passe- menterie, elle peut gagner de deux à trois francs par jour. Son éducation à été fort négligée; elle remplace ce qui lui manque du côté de l’inteliigence acquise par le cœur et les mœurs. Enfin, c’est comme le voulait Rousseau pour Emile, une personne tout ordinaire et je m'en trouve bien. J'ai une petite fille de six mois, qui est à sa dentition. Tout cela m'amuse, m'occupe, me distrait du travail sérieux, me rap: pelle à la vie vulgaire dont je ne veux pas sortir. J'ai encore treize mois de prison à faire sur trente-six auxquels j’ai été condamné ; je regarde cela comme rien. À ma sortie je me caserai comme je pourrai : mon opinion est qu’en 1852, la France sera en Répu- blique modérée, exactement comme après les journées de juin. Alors notre tactique devra être d’amener peu à peu les grandes réformes, sans compromettre l'existence de la ROpODIUE, ma vie est tracée d'avance. (1) Proudhon avait écrit d’abord : « une personne douce ». — Aussi Hbre que si j'étais garçon, entendez : aussi libre de travailler et d’agir. Cependant la jeune mariée s’avisa un jour d'aller voir Proudhon dans sa prison, sans être attendue ; elle en pâtit « Son domicile était à Sainte- Pélagie, et 11 n’aimait pas toujours qu'on vint l’y déranger par des visites, quand il travaillait. Sa pauvre femme en sut un jour quelque chose, à ce qu'elle m'a raconté. » (Jules TROUBAT, Discours prononcé aux obsèques de Madame P.-J. Proudhon, s], sd.) — 945 — Je ne crois pas aux coups d'Etat par l'excellente raison que le gouvernement et le président de la République avec la meil- leure volonté du monde sont radicalement impuissants à tenter quoi que ce soit. Au reste nous verrons bien. Quand Louis Bona- parte serait prorogé de quatre ans, cela ne changerait absolu- ment rien à la chose ; nous serions toujours en Révolution, et c’est là le hic. Que devient Jolyot ? J’ai entendu dire qu'il plantait des choux à Arc, tandis que sa femme poétise à Besançon. Décidément elle est donc bas bleu ! Mauvais génie !.... J'ai aperçu depuis février quelques créatures de cet acabit : je leur ai fait un si froid accueil et montré si peu d'estime qu'elles se sont envolées : à l'heure qu'il est elles me détestent, ce qui me fait plaisir. Je prie, madame Plumey de recevoir mes condoléances pour la mort de son fils, comme venant d’un homme qui sait compâtir aux douleurs des autres et d’un ami. Quatorze ans, une appa- rence superbe et mourir ! Jespère qu’Alexandre et Henri vous donneront toutes les consolations que vous pouvez désirer et que cette mort ne pourra que resserrer davantage ies liens de l’affection entre les survivants. Je vous serre les mains, Monsieur et Madame ; et suis votre tout dévoué. BESE PROUDHON. XXXIII À FÉLIX BRELIN @) Ixelles-les-Bruxelles, rue du Conseil 8, 10 avril 1861 Mon cher Félix Vous êtes le meilleur des hommes et le plus brave des cœurs. Croyez-vous qu'un malheureux écrivain ne soit pas récompensé (1) Félix Brelin, brasseur à Tarragnoz, faubourg de Besançon, de l'avis de tous ceux qui l’ont connu, méritait l'éloge que Proudhon lui décerne dans la première phrase de cette lettre. — Le même jour, 10 avril 1861, m0 au dessus de ses mérites, de recueillir, pour prix d’élucubra- tions aussi lourdes que les miennes, la sympathie de quelques àames honnètes, que fait tressaillir l’idée seule de la Justice. Jai été bien touché, bien réconforté de votre lettre du 28 mars. Je reçois de temps en temps des communications d'hommes plus lettrés que vous ; mais aucun ne répond aussi bien à mes aspi- rations, à mes sentiments intimes, que vous; aucun ne me laisse voir autant que vous ce qui se passe au fond de notre pauvre humanité. La corruption qui nous dévore, je n’ai besoin d'aucune révé- lation pour l’apprendre : il me suffit de ce qui se passe sous mes yeux, et dont les journaux sont remplis. Mais la vertu qui commence à réagir contre toute cette immoralité, cette vertu qui ne se montre pas volontiers, parce qu’elle est modeste, vous me la faites voir à nu; et c’est ce qui me remplit le cœur d'allégresse. Courage, donc, cher ami Félix : Vous n’êtes pas seul, sachez- le bien : je puis même dire déjà que nous sommes fort nom- breux, en France et partout. ' La conversion du monde moderne sera plus rapide que n’a été celle de l’ancien monde : il n’y a plus d'esclaves ; quoi que fasse le gouvernement, il est obligé de respecter, en dehors de la politique, la science et le droit, ce qui mène loin: La nature des choses se prononce pour nous : croyez-vous que le gouvernement impérial ait tramé la déchéance du pape, par exemple? Eh non, il ne demanderait pas mieux, encore aujourd'hui, que de défendre la papauté : la force des situations le domine. La papauté s’en va; la société se dissout avec le christianisme ; et tout ce qu’on fait pour soutenir cet édifice en ruines ne sert qu'à précipiter la catastrophe. Laissons donc faire ce vieux monde incorrigible ; laissons-le se décomposer tout seul : toutes les insurrections, toutes les batailles avance- raient moins que la dissolution naturelle. Proudhon écrivait à Mathey (Corresp. X, 347): « Jai reçu une longue lettre de Félix. C’est un bien brave garçon avec qui je me réserve de vider en votre compagnie, encore plus d'une chope de bière. Remettez-lui, en attendant, de ma part, incluse qui lui prouvera combien son affection pour moi est payée de retour. » os Certainement les esprits infatués des vieilles idées ne lisent point, comme vous dites. Apprendre cela coûte ; on aime mieux spéculer. Mais on lit pourtant, et il en reste quelque chose. Croiriez-vous que, dans un petit pays comme la Belgique, dont la moitié ne parle pas français, j'ai plus de 800 lecteurs ?... On lit en Espagne, on lit en Russie, on lit en Sibérie, partout. Ce n’est pas une révolution française, qui se prépare; c’est une révolution du globe. Mathey vous dira que j'espère rentrer en France, dans quel- ques mois avec toute ma famille. Si j'étais dans mes affaires un peu mieux que depuis trois ans, j'irais faire une tournée au pays, revoir la montagne, assister aux vendanges, et boire avec vous quelques bonnes choppes de bière, au bord du canal. — Passe-t-il encore bien des bateaux sur le canal ?... Bonjour à Abram. Je vous serre la main. P.-J. PROUDHON- XXXIV À FELIX BRELIN 8 janvier (1) Mon bon et brave Félix, Je n’ai eu Connaissance de la mort de Clausz que par le Cour- rier du Dimanche, qui l’a racontée d’une manière fort obscure, et sans nommer notre malheureux ami. Ce sont les circons- tances qui me l’ont fait deviner. Jugez de ma consternation ! — J'ai bien vu, par le récit du Courrier, qu’il était arrivé de la brouille dans le pauvre ménage, que l’Eglise avait mis la main (1) 1862. V. Corresp., XI, 338, à Mathey, 8 janvier 1862 : « L’incluse est pour Félix qui vient de m'écrire à propos de ce malheureux K., dont J'ai lu la tragédie sous le voile de l’anonyme dans le Courrier du Dimanche. » Cf. supra, lettres VII, VIIL. — Les trois orthographes Clausz, Klausz, Klauz, sont bien de la main de Proudhon. J'ai sous les veux une pièce ainsi libellée : « Reçu de M. Félix Brelin la somme de un franc pour la banque du _ Peuple. » » CLAUSZ ». — 9248 — là-dedans ; mais on ne parle point du procès en séparation de corps, en sorte que je ne possède aucun détail sur les causes même qui ont amené cette affreuse tragédie. Je pardonne volontiers à cette pauvre mère, qui à vu périr sa fille aînée dans la misère, de s'être lassée de cette longue détresse ; J'ai regretté dans le temps que Klausz eût mis tant de précipitation à quitter ses montagnes pour se jeter dans cette Babylone de Paris : mais il n’y avait pas là de raison suffi- sante de séparer le mari de la femme, le père de ses enfants; et ceux que je condamne en cette occasion, ce sont les magis- trats qui ont rendu cette belle sentence, C'est le tribunal qui s’est prêté à ce complot contre un père de famille. Pour moi, je crois voir ici la persécution qui dès longtemps s'était acharnée contre Klauz ; qui lui avait fait perdre des élèves au collège ; qui l'avait fait proscrire ensuite, et enlever (sic). On ne pardonnait pas à cet excellent homme ses senti- ments républicains, ses idées socialistes. Quoi qu’il en soit, j'ai besoin de détails. Je vais écrire à Paris pour en obtenir ; et je vous supplie en même temps, mon cher Félix, de me dire tout ce qui est parvenu à votre connaissance, et sur la femme, et sur les filles, sur la situation du ménage dans les derniers temps, et sur les torts possibles du père. Que lui reprochait-on ? Sur quels motifs a été basée la sépa- ration ? Qui est-ce qui a emmanché tout cela? Monseigneur Mathieu serait-il là-dedans par hasard ? Revoyez les lettres de Clausz, et dites-moi tout : J'ai besoin de le savoir. Certes, ce n’était pas un mauvais père, un mauvais mari, celui que j'ai connu si longtemps probe, laborieux, dévoué, frugal ; ce n’est pas un mauvais père celui qui préfère la mort de ses enfants et la sienne à une séparation qui le désho- nore. Ecrivez-moi, je vous en supplie ; et si quelqu'un à Besançon, parmi les frères de la loge, notamment, en sait davantage, informez-vous, et faites-moi part de ce que vous aurez appris. Je ne puis aujourd’hui vous parler d'autre chose. Cette catas- trophe m'a bouleversé; elle ajoute à ma haine pour cette affreuse et hypocrite société, pour ceux qui la représentent, qui ladmi- nistrent, et qui la jugent. 095 En fait, vous avez mis les rouges dans une position délicate et très difficile, de laquelle je ne crois pas qu’ils se tirent d’une manière brillante. Puissiez-vous même ne pas en éprouver plus tard, de la part de ces hommes ombrageux, des témoignages de ressentiment ! Vous avez assez fait ; n'allez pas au delà. Revenant aux ouvriers, je dis que s’il est possible qu’ils réu- nissent une majorité, il l’est tout autant qu'une partie des bour- geois de l'opposition, effrayés ou mécontents, les abandonnent; alors, le fruit de l’élection du 31 mai serait à peu près perdu ; J'ajoute que, s'ils sont nommés, comme il est sûr que leurs délégués au Corps législatif ne feront pas mieux que les autres, on peut s'attendre à voir tomber encore cetteillusion plébéienne. Souvenez-vous que la gent ouvrière n’a pas plus le sentiment de la dignité, le ferme civisme, et le sens moral que nous atten- dons de nos chefs de file que la jeunesse des écoles, du barreau et de la presse. Ainsi donc, séparez-vous. Je dois vous informer enfin d’une chose que vous ne savez pas, c’est que cette affaire est en grande partie le résultat d’une lettre écrite par un de nos amis et compatriotes, Petit, à Tolain le ciseleur. J'ai la Copie de cette lettre, qui est du 3 janvier : elle contient de bout en bout toute la pensée de la manifesta- tion ; en sorte qu'ici encore, quand nous croyons applaudir à une généreuse initiative, nous ne faisons qu'encourager des gens plus où moins dépourvus d'idée, mais qui ont néanmoins assez de gros bon sens pour aller quand on les souffle. — Au moment de plier ma lettre, j’en reçois une de Rolland, me relatant une longue conversation avec Darimon, au sujet du Manifeste. Il paraît qu'une protestation, revêtue déjà de 200 signatures, va être publiée ; il y en a même, à ce que prétend Dar., qui vont jusqu’à l’indignation. — Girardin s'apprête à faire feu des quatre pieds. —— On accuse la police d’avoir eu la main là-dedans. — Enfin, le Sr Eric [Isoard vieut de se prononcer à son tour contre le Manifeste dans le Phare de la Loire. Le gàchis est donc partout : Amen. Cest le plus beau de la chose, c'est à quoi applaudit surtout Rolland, et moi aussi. Ah ! s’il s'agissait de s’abstenir,.quel coup de pointe nous donnerious ! Mais silence ! Silence, pitié et sourire. Je vous serre la main, P.-J. PROUDHON 14 — 996 — P. S. Tout ce monde est incapable, du premier au dernier ; ne nous y mêlons pas. : XX VII AU MÈME 26 avril (1864 au crayon) Avez-vous vu l’immense rapport d'Ollivier sur les coalitions @)? Je ne possédais de ce garçon que son mémoire sur le procès des religieuses de Bordeaux contre l’archevêque, mémoire qui m'a paru lâche et diffus ; voici une pièce plus importante, avec laquelle je puis juger enfin l’homme. Aussi osé-je dire enfin qu’il m'a donné sa mesure. Ollivier, exposant le pour et le contre de la question, sans oser en expliquer la contradiction par l’antinomie, s’est chargé lui-même et irrémissiblement de cette contradiction. Aussi, serais-je fort étonné s’il n’était battu à plate couture par l’ora- teur du gouvernement. Il ne veut pas des corpôrations; et il admet les coalitions. — C’est inadmissible. Je ne comprend (sic) pas que le même fait, accomplit (sic) par un individu ou par une collectivité, peut changer totale- lement de nature : tel est le fait de grève, qui n’est autre qu'un refus concerté de travail, et qui fait l'essence de la coalition, que lui Ollivier, s’efforce en vain d’innocenter. Le mot coalition se prend essentiellement en mauvaise part en français, dans la politique et dans l’économie politique, où il est la forme subver- sive de l’associalion ou alliance. (1) Le 25 mai 1864, fut promulguée la loi qui rayait les articles 414, 415, 416 contre les « coalitions » des ouvriers. L'opinion de Proudhon sur cette loi, qu'il déplore, est développée au chapitre IX de la Deuxième partie de la Capacité politique des classes ouvrières. Le gouvernement, disait-il, a légalisé la guerre entre employeurs et employés, parce que, ignorant le droit, il laisse les parties en conflit engager la bataille, et s’en lave les mains, comme Ponce-Pilate. — Emile Ollivier était le rapporteur de la loi, chargé de la soutenir à la tribune. — 9921 — Ïl a cru, Ollivier, épuiser le sujet, et il la embrouillé, en né sachant pas, comme je l'ai fait jadis, ramener toutes les circons- tances du phénomène à une idée unique. Il se flatte d’avoir produit un projet sincère et loyal : c’est tout le contraire. Les juges ne poursuivront plus le délit de coalition; mais ils se rabattront sur celui de grève concertée, ou d'atteinte à la liberté du travail, que l’on continue de punir sévèrement. Mieux valait garder l’ancien texte, qui du moins respectait la langue. On découvre en cet avocat une ambition démesurée et fort au-dessus de ses moyens : celle de servir de conseil et d’oracle à la Démocratie ; de résoudre toutes les questions; — de plaire à la plèbe en maintenant les prérogatives de l’autorité, etc., etc. — Son érudition économique, assez bien bourrée de citations, est indigeste : on voit qu'il n’a pas pris la peine de réfléchir par lui-même, et de se faire une doctrine. Sa critique de M. de Vatismesnil manque de justesse. Voilà, en résumé, ce que J'ai remarqué; car, arrivé à la 10° colonne de ce rapport, j'ai cessé de lire avec la même suite, et je me suis mis à courir la poste. Je dirai, dans ma prochaine brochure, qq. mots de la ques- tion, dont je prouverai l’insolubilité dans le système constitu- tionnel-bourgeois-unitaire. Rien autre d'intéressant à vous mander pour le quart d'heure: Tout vôtre P.-J. PROUDHON — 998 — LETTRES A DIVERS COMTOIS XX VIIT À CHARLES VIANCIN () Paris 30 avril 1839. Monsieur Viancin Quand je lis une lettre de vous ou de M. Pérennès, je recon- nais tout d’abord des profès en l’art de manier l’instrument que j'étudie sans pouvoir m’en servir, et je me prends tout à coup d’une grande impatience contre moi-même, pour ne savoir en- core dire aussi bien, aussi gentiment, aussi simplement, des choses agréables et fortement conçues. Combien mon style àpre et rude, piquant et déchirant, doit faire dresser vos oreilles délicates ! Combien mes tirades rocailleuses doivent vous rappe- ler le pavelo rabotoso de Michel Morin ! Continuez-moi cepen- dant, de trois mois en trois mois, vos bienveillantes leçons, et je tàcherai de profiter. Je suis allé, il y a quelques jours, faire ma seconde visite à M. jouffroy ; j'en ai été encore plus content que de la première. M. Jouffroy est jusqu'ici le Seul homme qui m’entende ou plu- tôt me devine, et dont les Conversations me soient aussi utiles (1) Charles Viancin (1788-1874), un Bourguignon de Semur, naturalisé de bonne heure Comtois et Bisontin. En 1817, il fut élu membre de l’Aca- démie de Besançon et nommé secrétaire général de l'Hôtel de Ville. Poète aimable et spirituel, il a publié un grand nombre de pièces dans les Mémoires de l’Académie de Besançon ; son recueil principal est Carillons franc-comtois, 1840. I1 avait patronné, comme Pérennés, la candidature de Proudhon à la pension Suard, — Pérennès avait été le professeur de rhétorique de Proudhon au Collège Royal. Conservateur et dévot, il se détacha à partir de 1840 de l'élève qu'il avait aimé. Il survéeut d'environ dix ans à Proudhon ; sa longévité lui avait valu à Besançon le nom de perennis Pérennès. oo qu'agréables. Celui-là, au moins, à l'instinct, ou pour parler plus magnifiquement, le génie philosophique : il voit loin et large, parce qu’il regarde de haut ; il sait ce qui reste à faire; et ce qu'il voudrait qu’on fit est précisément ce que je voudrais essayer: il vous montre les lacunes de la science, et c’est ce dont je craignais que personne ne convint avec moi: il ne fait pas grand cas de tout ce qui a été fait jusqu'ici en philosophie, parce que, selon lui, quoique la science soit aussi légitime que son objet est réel, elle n’a pas encore été attaquée convenable- ment. M. Jouffroy s’échauffe et s’enflamme en vous parlant; il est plus que raisonneur, il est poète ; il gémit de ses fonctions politiques qui le tuent et lui perdront Son véritable avenir ; 1l ne voit rien de bon, de beau, dé grand, que dans létude de homme, non de l’homme organique, mais de l’homme raison- nable et moral. Je ne puis vous rapporter tous les sujets que nous avons parcourus dans une demi-heure : il m'a engagé à poursuivre sérieusement les recherches psychologiques par tous les moyens imaginables ; c’est là surtout qu'il reste d’im- menses découvertes à faire, desquelles dépendra peut-être l’ave- nir du monde. Je vous laisse à penser si une telle manière de vo'r pouvait être de mon goût, et si, déjà trop disposé à abonder dans mon sens, j'ai senti une recrudescence d’opiniètreté dans ma foi litté- raire. Tant y a, que me voilà confirmé dans le parti que j'avais pris dès le commencement de l'hiver, je veux dire de philoso- pher en mettant à contribution tout ce que je pourrai atteindre. Car, quoi que je ne puisse encore dire moi-même où j'arri- verai, Comme vous me le faites très bien remarquer, je sais très sûrement néanmoins que je ne ferai que de la philosophie, et, Dieu aidant, de la philosophie comme lentend M. Jouffroy. Pour cela, Pai plus besoin d'apprendre, de comparer, de méditer, que d'écrire : la rhétorique à la Jean-Jacques et les effets de stvle n’ont plus rien à faire là où il s’agit d’une science rigoureuse- ment exacte puisqu'elle doit être fondée sur l'observation de faits particuliers, tout à fait en déhors des lois de l’organisme. Travaillons donc, et tàächons de fournir notre contingent, dût-il ne consister qu'en vingt pages d'impression ; dussent ces vingt pages être achetées par vingt années de recherches. — 9230 — Une conséquence de cette grande résolution que javais si bravement prise tout seul, et dans laquelle la parole de M. Jouf- froy m'a confirmé, c'est de renoncer aux jeux d'esprit et à tout exercice littéraire. La littérature, comme art, exige toute l’ac- tivité, toute l’application dont l’homme est capable ; elle exige en outre les plus heureuses facultés; ce n’est pas trop pour y réussir de tout ce qui suffirait à faire un médecin, un avocat, un philosophe. Je vois des jeunes gens consumer de précieuses années en efforts infructueux, pour obtenir le titre d'homme de lettres, titre qui équivaut aujourd’hui, à peu de chose près, à celui de chevalier d'industrie ; et arriver, au maximum de leur talent, à faire quelqu'avorton de roman, quelques feuille- tons insipides. Pendant ce temps-là, ils auraient pu acquérir une somme de connaissances positives, utiles à leur subsistance, et qui, loin d’éteindre leur verve, l’auraient peut-être rendue plus vigoureuse, en lui servant d'aliment. Je maintiendrai tou- jours que lorsqu'on n’est pas prédestiné par la nature pour rendre universelles et populaires certaines vérités de morale, certains aperçus, découverts par observateur philosophe, il ne faut pas se mêler d'écrire. Tout au plus a-t-on le droit de rédi- ger dans le style le plus clair, le plus précis qu’il se peut les observations qu’on à faites. Je voudrais qu’il fût défendu, sous des peines plus sévères que celles de la législation de septem- bre de s’écarter de la rigueur sèche et froide du langage scien- tifique, à quiconque n'aurait pas reçu son brevet d'écrivain, décerné parle suffrage et l'admiration universels, et sanctionné par un tribunal préposé ad hoc. N’est-il pas déplorable vrai- ment de voir des gens aussi menteurs et aussi dépourvus de jugement que des journalistes ; des savans qui jamais n’eurent une étincelle du feu poétique ; des avocats bavards, des méde- cins sans àme, etc., etc., affecter l’ithos et le pathos; alambi- quer des syllogismes en longues et soporifiques périodes ; au lieu de se borner à une réflexion simple, à une réplique vive et laconique, débiter des sentences amphigouriques, et se livrer à des invectives quelquefois dégoûtantes ? Eh bien Tout ce monde-là croit savoir écrire : les uns le disent des autres; le peuple admire, bien qu’à la longue il s’en lasse et les oublie sans savoir pourquoi. Encore une fois, tous les hommes sont appelés à la science; c’est là leur plus noble fin; qu'ils s’essaient même, dans leurs jeunes années, à écrire quelques amplifica- tions, j'y consens, comme je permets à tout le monde de chan- ter aux vêpres : mais qu'on défende, sous peine de la hart et du fouet, de prendre la parole devant la société, par voie de la presse, à qui n’a pas reçu le don tout prophétique et accordé d'en haut de l’éloquence. Le véritable écrivain, tel que je le conçois, envoyé par la Pro- vidence pour éclairer les hommes et leur faire aimer et pra- tiquer la vertu, l’orateur inspiré des Dieux, n’a pas reçu sa noble mission pour sa gloire et pour les satisfactions de son égoïsme. C’est un exilé au milieu de ses semblables, toujours soufreteux et dolent, lorsque chacun lui porte envie; c’est un prêtre tourmenté du souffle divin qu'il redoute et auquel il obéit presque malgré lui; c’est un ange de mort ou de miséri- corde, qui lutte longtemps contre sa vocation, qui passe sans cesse de l’extase au découragement, et des ravissements les plus sublimes aux plus profondes angoisses. Il n’a point eu de maître, il ne laissera point de disciple ; il n’a pas lui-même le secret de son génie. Quelquefois il ne sait ni s'exprimer avec grâce, ni articuler avec facilité : qu'importe ? le démon familier qui habite en lui saura bien délier sa langue et dérouler son cerveau. Il vient pour édifier ou pour détruire ; c’est Attila ou c’est Charlemagne ; rien ne résiste à sa parole. Apôtre du plus simple bon sens, dont il est comme une apparition, il n’invente rien, n'apporte rien de nouveau; il parle, et l’on sè demande pourquoi on a besoin de lui pour apprendre ce qu'il enseigne, comment il se fait que des vérités triviales et abandonnées redeviennent dans sa bouche des vérités profondes et irrésis- tibles. Si vous le comparez aux animaux parlants qui rodent, beuglent, et jacassent autour de lui, vous croyez assister à la première scène de la création, où l’homme entouré de tous ses bons amis quadrupèdes, reptiles où emplumés, men trouvait aucun de semblable à lui, quoique le diable eût essayé de faire le singe à son image. N’usurpons pas une mission qui n'est point la nôtre ; sachons assez de l’art d'écrire pour causer avec nos amis, défendre notre honneur où notre opinion, exposer quelquefois une suite de propositions sur un sujet mis à notre — 952 — portée. Cultivons notre âme, élevons, exerçons notre pensée : mais gardons-nous de l’ambition dangereuse d’évangéliser les autres, quand nous ne voyons goutte dans nos propres affaires. Je suis content de la résolution prise par notre conseil muni- cipal ; mais cela ne suffit pas, il faut poursuivre le but avec ardeur et persévérance. La maladie originelle de notre pays, c’est la mollesse de caractère.et l’indolence de la volonté. C’est là tout le secret de l’infériorité relative où est restée notre pro- vince dans plusieurs parties de la littérature et des arts On ne peut trop déplorer cette disposition paralysante : mais quelle terrible explosion partira de notre nation, si jamais un intérêt assez puissant peut mettre le feu à ses facultés ! Quant à la création d’une chaire nouvelle, ce que je vous en avais dit était comme le retentissement de mes conversations avec M. Droz, qui, dans sa sollicitude pour sa patrie et pour moi, cherchait quelle carrière pouvait me convenir le mieux et être plus utile à la Franche-Comté. Depuis, nous avons reconnu que J'étais un homme très difficile à employer; qu'il fallait nous borner à apprendre quelque chose, et laisser faire au temps et à la Providence. Ce parti est le seul qui convienne réellement à mon penchant et à mon humeur. Je ferai provision de toutes munitions et de toutes armes pendant mes trois ans ; après quoi Dieu pourvoira. Je suis pour la 83e fois en pourparlers d’une (sic) société nou- velle pour l’imprimerie : Je n’ai pu venir à bout, quoique je n’aie rien négligé pour cela, de la vendre ni de me décharger ; et il ne faut pas une grande intelligence, ce me semble, pour conce- voir que par le temps qui court, il n’y a pas de ma faute. Je suis néanmoins tourmenté sans cesse par quelques personnes, qui ne veulent que mon bien assurément, comme si je m’opiniâtrais à conserver, je ne Sais pourquoi, une propriété qui me devient onéreuse. On se trompe assurément ; mais parce que je suis forcément dans une position que je ne me suis point faite, je ne VOIS pas pourquoi je ne tàcherais pas, en m'y soumettant, de la rendre meilleure. Ge sont les efforts que je fais pour cela qui font prendre le change sur mes véritables intentions, et qui me valent les reproches continuels de ne vouloir travailler que pour — 233 — être imprimeur. — Dans quelques jours, je reverrai un jeune homme qui désire être mon collègue en imprimerie ; si cette dernière tentative échoue, je ne sais vraiment comment je sorti- rai de là. Je me propose d'aller voir M. Nodier sous peu. M. Droz lui demandera pour moi cette permission, ainsi que son jour et son heure. Dans quelques mois je serai à peu près au courant de l’état actuel des sciences philosophiques et morales, philologiques et linguistiques : ce premier travail accompli, travail qui aura été long mais qui était nécessaire, je reprendrai paisiblement le cours de mes recherches particulières. Je prendrai quelque jour la licence d'écrire à M. Weiss ; j’at- tendrai pour cela un beau jour de printemps, où J’aurai le cœur gai et l'imagination plus fleurie. Mes respects et mes amitiés à M. Pérennès et à M. Weiss. Je suis votre tout dévoué et fidèle compatriote. P.-J. PROUDHON XXIX À CHARLES VIANCIN Paris, 5 février 1840. Monsieur Viancin Comme nous touchons au terme où je dois acquitter les inté- rêts des 4.000 fr. que vous m'avez prêtés, je viens vous prier de vouloir bien m’accorder six mois de délai, parce que je suis dans l'impossibilité absolue de faire mieux. Vous m'avez fait autrefois cette offre de service, et je me vois forcé d’en profiter aujourd'hui. Il y à du danger pour un créancier, à se montrer facile envers son débiteur. Je vous serais donc fort obligé, Mon- sieur Viancin, de vouloir prévenir à ce sujet M. Thaller, tant pour votre propre compte que pour le sien, Car je ne suis pas encore tout à fait quitte envers lui. J'ai toujours l'espoir fondé de trouver sinon un acheteur, du moins un associé qui me soulagerait d’une partie de la charge — 9234 — que m'impose l'imprimerie Lambert : c’est une chose qui sera décidée de façon ou d'autre dans le courant de cette année. Pré- sentement, il faut subir la loi des circonstances, je veux dire les effets de la crise commerciale, de la stagnation des affaires, et des craintes que l’état de choses inspire aux personnes qui seraient tentées de se jeter dans l’industrie. Pour moi, je suis résolu de retourner à Besançon dans le cou- rant de juin ou juillet prochain ; car à cette époque je n’aurais plus aucune utilité à retirer de mon séjour à Paris, et j'ai tou- jours tenu pour un sot quiconque reste une seule minute là où il se déplaît, quand il n’y est pas forcé matériellement, ou qu'il n’en résulte aucun avantage pour lui. Mais d’ici à cette époque, je me suis imposé une tâche à remplir ®, pour laquelle jai le plus grand besoin de repos et de liberté d'esprit ; et de laquelle dépendra probablement tout l'avenir de ma vie. S'il m'arrivait malheur avant d’avoir achevé mon œuvre, je mourrais désespéré. Je n’attends, du reste, ni honneur ni profit de mes travaux: la vérité déplaît à trop de gens; et comme il n’y a personne qui Sintéresse à mOn SUCCÈS, excepté vous et (rols tou quatre que je pourrais nommer, je n'ai qu'à me résigner, mais je ne me tairai pas. Il ne sera pas dit qu’au 19 siècle, nul n’a compris et proclamé des idées qui seront la profession de foi de nos suc- cesseurs. Dans six mois l’Académie me connaîtra tout entier ; Je souhaite qu’elle ne recule pas devant le spectacle nouveau que je lui découvrirai. La terre tourne, Monsieur, je le vois, je le dis, et je le prouve : mais je ne crois pas qu’il y ait per- sonne dans tout l’Institut, qui veuille ou qui puisse entendre ma démonstration. Je vous prie de dire à M. Weiss que je l'aime de tout mon cœur. Je vous embrasse et vous supplie, Monsieur, de ne conserver hi humeur ni dépit contre votre malheureux débiteur et fidèle pensionnaire. P.-J. PROUDHON. (1) Cette täche dont Proudhon parle. avec un accent résolu et doulou- reux, comme d’un impérieux devoir, dont l’accomplissement pourra lui coûter cher, c'est la rédaction du premier Mémoire sur la propriété, celni où Proudhon jette le cri: la Propriété, c’est le vol. Ce livre fameux devait paraitre quelques mois plus tard, fin juin 1840 — 235 — XXX À M. BÉCHET, CONSEILLER A LA COUR DE BESANÇON () Tribunaux secrets MEYER, Institulions judiciaires de l'Europe, tom. 4. — Allemagne. « Des juges siégeant avec mystère, se reconnaissant à des « symboles et à des signes secrets; condamnant, d’après des « formes et des lois inconnues dans les autres tribunaux ; se (1) Cette note porte l'adresse que voici: À Monsieur Monsieur le Conseiller Béchet, président des dernières assises, Besançon. — Prou- dhon, cité devant le jury du Doubs pour répondre de son dernier ouvrage, Avertissement aux propriétaires (paru le 10 janvier 1842), avait été acquitté le 3 février 1842, et il s'en était fallu de peu, dit le Journal inédit de Charles Weiss, qu'il n’eût, au sortir du prétoire, les honneurs de l’ova- tion. Dans le livre incriminé, l’accusation avait relevé un passage, dont Proudhon rendait eompte en ces termes, le 235 mai 1842, à son ami Acker- mann (Corresp., t. 11, p. 42) : « Interpellé sur un passage de ma brochure où je menaçais les propriétaires de quelque chose qui n'était ni l’assassi- nat, ni le pillage, ni l'insurrection, ete, mais qui était plus terrible et plus efficace que tout cela, je refusai de répondre. À ce moment on me crut perdu. On s'épuisait en conjectures sur le fatal secret... Je puis vous dire que J'avais en vue la réorganisation des cours vehmiques ou tri- bunaux secrets d'Allemagne, dont J'ai fait une théorie appropriée à notre temps. » On trouvera la relation de cet épisode des débats dans Kuntz, Un procès de presse à Besancon en 1842, Besançon, 1897, p. 40 Au président -Béchet, qui le sommait de révéler ce procédé de justice mystérieux ei terrible, Proudhon avait répondu : « Je vous le dirai à vous en particulier ; mais Je ne veux pas le dire en public ; des fous pourraient abuser de mes paroles. » Dans la note ici transcrite, Proudhon tient sa promesse, très peu de temps sans doute après le procès. Près de vingt ans après, à la fin de la seconde édition de la Justice dans la Révolution et dans l'Eglise (Bruxelles, 1861, t. VI, p. 286), Proudhon revenait à ce sujet pour rapporter comment, au sortir de l'adolescence, il avait sérieusement pensé à «arrêter un projet d'association destiné à purger pour jamais l'humanité des fripons, des escrocs, des voleurs, des débauchés, des parasites, des malfaiteurs et corrupteurs de toute espèce qui lempoi- sonnent, et mettent sans cesse en péril l'existence de l'honnête homme, du laborieux père de famille, et des libertés publiques ». — 936 — « chargeant d'exécuter leurs sentences par toute sorte de « moyens, et ne pouvant couvrir l’ignominie de leurs exécu- « tions, qui avaient tout l’extérieur d’un assassinat, que par « la crainte ou le respect qu’inspirait le tribunal qui les avait (MONTOMNÉS. Désavoués par les souverains, plus craints que « révérés par les particuliers, on serait tenté de révoquer en « doute les juges vehmiques, si les monuments n’en attestaient « suffisamment l’existence. D’abord, la protection des empe- « reurs qui, dans l’hommage qui leur était rendu et dans l’em- « ploi de leur autorité trouvèrent quelque appui contre lPindé- « pendance des vassaux, les soutint; ensuite l'attachement à « une institution qui rappelait les usages anciens ; l'opposition « des nobles immédiats, par suite de leurintérétedireet et « d'autres nobles par esprit d’irritation contre les tribunaux « permanents, donna un grand intérêt aux tribunaux vehmiques, « qualifiés libres, et les rendit chers au peuple, qui croyait trou- « ver dans ces juges ténébreux, dont la sentence atteignait tous « ceux qui s’y trouvaient traduits, sans distinction de rang ni « de naissance, des conservateurs de leurs droits, et des ven- « geurs contre l’oppression sous laquelle ils gémissaient ». Les Cours ou tribunaux wehmiques subsistèrent en Westpha- lie et sur les bords du Rhin pendant tout le moyen-âge ; les der- niers vestiges en furent détruits par Charles Quint. Il ne fallut rien moins à cet empereur que son édit de la Caroline, qui éta- blissait un droit commun, au eivil et au criminel, pour les grands comme pour le peuple. Des empereurs, des princes, des grands seigneurs, furent assignés par les francs-juges, et forcés de comparaître : et une tradition attribue à un arrêt du Wehmé la mort de Charles-le-Téméraire, tué devant Nancy, par une main occulte, sans que personne en eût été témoin, sans qu'on püt même retrouver son cadavre. Le Vehmé ne céda, comme l’on voit, que devant la reconnais- sance d’une loi commune, de même que les sociétés secrètes se sont éteintes devant la reconnaissance du droit commun. Voici la formule du serment du franc-juge : « Je jure de garder, tenir et maintenir la loi-weimique (sic) « devant homme et femme, tourbe et branche, pierre et bâton, « herbe et verdure (c’est-à-dire devant le bûcher, la lapidation 00 « et la potence); devant tous hardis coquins, devant toutes « choses de Dieu, devant tout ce que Dieu a fait entre ciel « et terre, si ce n’est devant l’homme qui garde la loi weh- « mique ; « De porter aussi devant le franc-siège, au banc secret et « sacré, tout ce que vrai je croirais ou de gens véridiques en- « tendrais qui fût justiciable de la cour weimique, afin qu’il en « soit décidé d’après le droit de l’Empire et des Saxons, ou à « l'amiable, au gré du plaignant et du tribunal; « Et de ne point déserter cela pour peine ni amour; pour or, « argent ou pierreries ; ni pour père, mère, sœur, frère, parenté « ou alliance; ni pour chose d'aucune main (sic) de ce que Dieu € a créé ; « D’avancer, fortifier, autant qu’il sera en lui, ce tribunal et la « justice ;- : | « Et sur ce, que Dieu et les saints me soient en aide ! » Tenue du franc-juge à l'audience : (Miroir de Saxe). « Le juge doit siéger à jeun. Son attitude doit être grave, mais « terrible ; menaçante pour le méchant. Que le juge soit assis « Sur son siège comme un lion qui grince les dents ; qu’il jette « le pied droit sur le pied gauche; et s’il ne peut asseoir un « jugement sain sur l'affaire, qu'il y réfléchisse ceut-vingt- « trois fois ». On a conservé quelques autres formules de ces tribunaux popu- laires, devant lesquels, comme j'ai dit, le pouvoir des empe- reurs et des grands fut forcé de ployer.(Consulter un roman de Walter-Scott, Charles le téméraire ) Quand on songe à lirritation croissante des classes popu- laires, à leurs sociétés secrètes, au fanatisme courageux des Alibaud, Darmès, etc. ; Quand on pense à tout ce qui manque à l’organisation des tribunaux existants, au rapport de cent auteurs recomman- dables, qui deviendraient ainsi un prétexte irréfutable de la nécessité d’une institution judiciaire organisée par le peuple, et pour le peuple; Quand on réfléchit au mysticisme plus où moins prononcé de tous ces socialistes en blouse, à leur énergie entreprenante, au succès qu'obtiendraient infailliblement des vengeances légiti- he — mées par des actes et des formalités judiciaires ; et qui tombe- raient d’abord sur des coupables avérés ; Quand on considère enfin, qu’à cette sanctification de la ven- geance, dans l’opinion du peuple, se joindrait l'immense faci- lité des débats ; que par la terreur imprimée aux journalistes, ils seraient obligés tantôt l’un tantôt l’autre, de publier l’assi- onation, l'accusation, les Dépositions, les réponses de l'accusé, etc. ; que le tribunal n'aurait plus alors de secret que celui des délibérations, lesquelles sont secrètes aussi dans les tribunaux ordinaires, on est effrayé de la puissance de ce fameux moyen de résistance, et l’on tremble que de pareilles idées ne germent dans quelque tête ardente, systématique, et capable d’organi- ser, (sic) ce qu’elle aurait été capable de concevoir. Heureusement, tant de profondeur ne se rencontre que dans les poètes et les philosophes; d’ailleurs, quelques années encore de disputes sur les lois économiques éclaireiront tant d’énigmes qu’il n’y aura plus lieu à craindre la résurrection des cours wehmiques, résultat elles-mêmes des malheurs, des brigan- dages, et de l’effroyable oppression du moyen-âge. Mais en admettant, par pure hypothèse, par une hypothèse même impossible, que des circonstances semblables à celles des 12e et 13° siècles, se représentent; une résistance ana- logue pourrait aussi se manifester : c’est là seulement ce qu'a voulu faire craindre l’auteur de l'Avertissement ; son unique tort a été de céder à cette vue effrayante et vraiment gran- diose de son imagination. Que M. ie Conseiller, président des dernières assises, se ras- sure donc sur la moralité de l’acquitté ; qu’il juge lui-même si c'était le cas de donner de l'éclat, à une pensée qui pouvait être entendue; et qu’il n’oublie pas surtout, dans ses confi- dences à ses amis, qu'il est à Besançon des communistes. P.-J.. PROUDHON 21030 XXXI À GUILLEMIN (4) Ste Pélagie, 17 9bre 1849. Mon cher Guillemin, S1 j'avais pensé que je ne fusse plus redevable envers Hugue- net que d’une somme de 54 fr., et que vous remettriez encore à mon frère une assez forte somme, j'aurais insisté davantage pour le remboursement du boulanger et de M. Bodier, le tan- peur. Rappelez-le à mon frère, si vous le voyez. Je me suis décidé à faire comme vous, à sauter le pas matri- monial, mais ce n’est pas sans une sérieuse et profonde répu- gnance. J'aime ma future une heure par semaine, quand elle me vient voir avec sa mère : hors de là, je n’y pense plus, ni à elle, ni à aucune femme. Pourquoi faut-il que j'aie eu, ii y a quatre ans, l’idée de me mettre en ménage ? Enfin, je vous lai dit, c’est une obligation d'honneur, et la pauvrette en mourrait. Si j'étais jeune et libre, je ne m'’aviserais jamais de donner de . Pamour à une fille. Je ne trouve rien de plus ennuyeux, de plus embêtant pour un homme, que d'aimer et d’être aimé. Enfin je (4) Guillemin n'a de notoriété que par ses relations avec Proudhon. Employé chez le banquier Jacquard en 1841 (Corresp. 1, 287), il est au courant des difficultés pécuniaires de Proudhon, et lui vient en aide à plu- sieurs reprises (ibid., 290). Une longue lettre de Proudhon, en date du 25 septembre 1845, non publiée par les éditeurs de la Correspondance, essaye de réconforter le pauvre homme, qui a «tout perdu ». Guillemin est alors « brasseur, rue Champron », dans cette même rue où Proudhon travaillait et couchait, chez son ami Micaud, lors de ses voyages à Besan: con. À la fin de 1848 et dans les premiers mois de 1849, il est quelque chose comme le secrélaire général de cette Banque du Peuple, où Proudhon a mis tout son génie et tous ses espoirs de révolutionnaire financier et pacifique. C’est à lui que Proudhon, cité et sûr d'être condamné, adresse de Belgique cette lettre poignante du 8 mars 49 (Corr. IT, 367), qui est un ordre de fermeture de la Banque du Peuple. De cette lettre, les édi- teurs ont bêtement supprimé un paragraphe final, qui n'est ni plus ni moins que sublime. « Je n’ai pas besoin de vous dire, mon cher Guillemin, tout ce que mon cœur sent en particulier pour vous. Vous êtes venu à moi comme un frère, = ) — me résigne : ma citoyenne se met dans ses meubles et s'arrange pour me faire la cuisine quand Vasbenter sera sorti, et que ses deux femelles ne seront plus là. La guerre avec la Montagne est à son paroxisme (sic). Nous tiendrons bon : Darimon, Victor Avril, Cretin, Chevé, tout le monde est résolu, et je donne l’exemple. En six semaines ce sera fait : nous les aurons mangés. Blanqui et Raspail se ran- gent de notre côté : mardi prochain, je dois avoir une entrevue avec le Préfet de police, Carlier, à l'effet d'obtenir pour Blanqui l'autorisation d'écrire et imprimer, Il me paraît que le Gouvt se résigne à la république, et qu’on ne songe plus qu'à rendre la Sociale la plus bénigne possible. En tout cas, je contremine l’ennemi; tandis qu'il s’imagine faire son profit de nos divisions, nous poussons la Révolution dans le vrai chemin. Motus sur tout ceci. Je dois voir ces jours ci M. Verdeau () : je lui poserai la ques- je vous regarde désormais comme frère. Vous ne vous allouerez rien, ni à Mathey, pour les services que vous avez rendus pendant quatre mois à la Banque du Peuple; vous partagerez ma fortune. Riche ou pauvre, ma bourse est à votre service. Entre frères, dit un proverbe grec, tout est commun : Tx Tv adeApwy xouwva. — Je Vous embrasse, P.-J. PROUDHON. » Dans la suite, Guillemin entra à la Société des Forges de Franche-Comté ; c'est ainsi qu'il put placer aux usines de Fraisans les deux fils de Charles Proudhon, neveux de Pierre-Joseph Les éditeurs ont presque partout, sans qu’on voie pourquoi, substitué en tête des lettres de Proudhon à ce Guillemin, qu'ii appelle mon cher ami, mon vieux, mon frère, — à la suscription « mon cher Guillemin » un solennel « Monsieur Guillemin », qui jure avec le ton affectueux du reste. — Les gens de Besancon comprendront mieux pourquoi ces éditeurs de Paris ont supprimé dans telle ou telle lettre (Corresp.,1V, 271) tel post- scriptum comme celui-ci: « Quand ferons-nous, tous ensemble, un petit Mazagran ?». Dans ses rares moments de loisir, Proudhon aimait à savourer une matelote et des écrevisses, en compagnie de vieux camarades. Faut-il ajouter, pour prévenir le retour de certaines imputations, qu'en ces temps lointains les belles écrevisses coûtaient chez nous quelque chose comme vingt sous le cent ? (1) Proudhon resta en rapports avec Verdeau, pour lequel il écrivit en 1854 son livre Des réformes à opérer dans l'exploitation des chemins de fer, etc., publié en mars 1855 (Corresp., V, p. 352; VI, pp 78, 87, 106, 132, 205). Verdeau lui promettait de placer dans ses entreprises « les pau- vres proscrits de la sociale ». 010 Je vous serre la main, et vous souhaite une année meilleure que la dernière. Tout votre P.-J. PROUDHON XXXV A MADAME LHOSTE () Paris, Passy, grande rue, 10, 19 mai 1864. Ma chère cousine, Votre lettre m’a fait un grand plaisir. Je reconnais bien avec vous qu'il est triste de perdre un œil, quand l’autre ne vaut guère : mais enfin, comme vous le dites, cette indemnité vous vient à point : il y a tant de malheureux qui perdent la vue, et la santé, sans que personne soit là pour en répondre !.….. J’approuve fort que vous gardiez votre fils auprès de vous. Les jeunes gens aujourd’hui sont généralement précoces pour le mal : si vous pouviez contenir le vôtre jusqu’à 24 ou 95 ans, vous lui auriez rendu un signalé service. Qu'il soit laborieux, doux, rangé; qu’il vous apporte son gain de chaque semaine, et il s’en applaudira. C’est une excellente chose pour un jeune homme de faire le grand garçon le plus tard possible. Vous direz à Jean Meunier votre père que je lui serre cordia- lement la main; et que je l’engage, après avoir employé une partie de ses douze cents fr. à vos besoins les plus urgents, à conserver le reste pour les cas imprévus. Il n’est plus jeune; (1) Elisa Meunier, épouse Lhoste, demeurant à Besançon (40, rue d’A- rènes), fille de Jean-Baptiste Meunier, inmaréchal-ferrant, puis serrurier à Besançon, et de Marie-Julie Proudhon. Marie-Julie Proudhon, mère de Madame Lhoste, était fille de Jean-Bap- tiste Proudhon, ce frère de Claude-François Proudhon, que son neveu Pierre-Joseph a rendu célèbre sous ses sobriquets de Brutus et le Cudot (V. Création de l’ordre dans l'humanité, ch. Il, $ 95). Sur l’accident survenu à Jean Meunier, père de Madame Lhoste, voir la lettre du 8 février 186%, dans la Correspondance, t. XIIL, p. 29%. 15 — 9250 — il n’y voit plus guère; il lui faut un peu de vin et de tabac : qu’il ne gaspille donc pas son argent. 1200 fr. à 5 p. °/o font 60 fr. par an. Je voudrais bien que vous ne fussiez pas si pauvres, et qu’il pût se contenter de ces 60 fr. de rente. Enfin, je me fie à sa raison. Je ne suis pas heureux depuis un an. Je viens de faire une maladie qui m’a tenu depuis Noël, et dont je ne suis pas encore guéri. — J’ai été trois mois sans pouvoir travailler; et je ne suis pas encore vaillant. Déjà l’on me dit que je serai obligé d’aller l’hiver prochain à Nice ou ailleurs, si je ne veux succomber à l’asthme et au catarrhe. Enfin, je me fais vieux, et bien que la tête soit excel- lente, je sens trop que le corps est usé. J'ai cinquante-cinq ans et cinq mois : le savez-vous. Ne dites pas ma petite famille. L’aînée de mes filles a treize ans et demi ; elle est presque aussi grande vous (sic); la plus jeune a 10 ans 1/2, et la taille à proportion. Avant deux ans, j'espère les voir toutes deux en apprentissage (). Je vous embrasse, ma chère cousine, et vous souhaite, pour votre âge mûr, plus de bonheur que n’en a eu votre mère. Votre cousin, P.-J. PROUDHON : (1) M. Jules Troubat, à qui J'ai communiqué avant le tirage une copie de cette lettre, m’écrivait ce qui suit sur ce projet de Proudhon : « Madame Henneguv (» née Catherine Proudhon, l’ainée «) n’a pas été mise en appren- tissage, ni sa pauvre sœur morte à vingt ans; mais Je les ai vues, toutes les deux et leur mère, vaquer aux soins du ménage et vivre de peu. Je suis un vieil ami de la famille, et je la connais. Je n’en connais pas de plus respectable. » FRAGMENTS INÉDITS DE LETTRES À CHAUDEY Publiées dans la Correspondance Lettre du 7 avril 1861 ; v. Correspondance, t. X, p. 336 sqq. p. 340 : « George Sand à elle seule à fait plus de mal aux mœurs de notre pays que toute la bohême dénoncée par Morin. S'il y à un grand coupable, c’est cette femme-là. » (Suit : Je vous écris, cher ami.) ibid. : « Parmi ce monde du professorat, qui de près ou de loin touche aux choses politiques, je compte : J. Simon, E. Saisset, Vacherot, Déchanel. Gérusez, Taine, About, Paradol, Assollant, F. Morin, Despois, $S. Marc Girardin, etc, etc. Tous ne sont pas de la même nuance; mais tous sont de même étoffe, et l’ensemble est pédantesque et affadissant. Nous avons eu les avocats ; nous aurons les cuistres ; c’est, du reste, la génération des Cousin, des Guizot, des Vuillemain, des Jouffroy. Quand je rêve à toutes ces choses, il me semble assister à un travail de décomposition, et par moments, je regrette de n'être pas Autrichien ou Russe. Là au moins, dans ces pays où l’on marche, je me sentirais vivre. » (Suit : Un de mes amis de Moscovie..) p. 341 « Quelle diable d'idée avez vous eue de louer Jules Favre, dont tous les esprits sensés se moquent. Tête sans cervelle, mauvais génie, mauvaise conscience, mauvais cœur. Qu'il arrondisse à la Tribune ses périodes tant qu’il voudra ; à la lecture, c’est du vide. Cet homme n’a rien, ne veut rien, ne peut rien. Les cinq ont été à cent piques au dessous des Keller, des Barthe, des Gouin, des Plichon (?) même. Le gouvernement impérial, accablé par l’opposition conservatrice, se noyait; ils lui ont tendu la perche, sans demander au préalable des ne süretés. Je vous en prie, pas un mot (?) de plus en faveur des cinq. » (Suil : Sur ce, je vous serre la main...) Lettre du 22 septembre 1861 ; v. Correspondance, t. XIV, 200 sqq. p. 203 : « À propos de Paradol, je vous dirai que je tiens Tayne, après avoir épuisé About. Il faut que je sache à fond mon école normale. Quelle effroyable corruption se révèle dans ce jeune soi-disant philosophe ! IT faut que notre publi: soit aveugle pour n’en rien voir. Mon cher, les Paradol, les About, les Renan, (un rallié à Véron) ne sont rien à côté de celui-là : c’est moi qui vous le dis. Au surplus, j'ai entre les mains six volumes de Tayne; je n’ai encore lu que son Lafontaine : je vous en dirai davantage quand j'aurai tout vu. Mais défiez vous de cette clique de normaliens. Vacherot est un sage, 1. Simon un honnête homme, F. Morin un puritain; mais les Tayne, les About, les Paradol, et autres du même pétrin sont la quintes- sence du doctrinarisme, du scepticisme, ce qui veut dire de la pourriture juste-milieu et bourgeoise. Alerte, et ne vous laissez pas aborder. » (Suit : 3° Point. — Je me prépare...) Lettre du 24 mars 1862; v. Correspondance, t. XIV, 220 sqq. p. 222 : « Le Sr Simon Rasson, que je me propose de passer au crible, est un ancien ouvrier ou correcteur d'imprimerie, chef d'association en 1848, et qui a conservé une réputation de soi-disant démocrate. Cela lui a valu une certaine faveur ; il est, dit-on, riche ; je ne sais ce que ses anciens associés ouvriers sont devenus. Vous savez ce qu'il faut penser en général de ces libéraux, démocrates, ou jacobins de circonstance; aboyeurs tant qu'ils sont dans la condition prolétarienne ; satisfaits, conservateurs et censeurs, quand ils sont enrichis. » (Suit : Ma brochure était un prélude...) p. 223 : « J’avoue que M. About ne vaut pas grand chose; mais il y a en lui plus d’impudeur que de méchanceté. Com- ment immoler About, quand on applaudit le prince Napoléon, dont il est le commensal? — Comment empêcher Gaetana quand on réclame Hernani ? Tout cela fourmille d’inconsé- — 953 — quence et d’arbitraire. Un jour, on siffle M. Renan; le lende- main on l’accable de vivat. Et pourquoi ce revirement subit ? Parce que M. Renan, un peu empêtré de ses succès impériaux, a cru devoir se tirer d'affaire aux dépens de la Divinité de J.-C. Pour entrer au Japon, les Hollandais étaient obligés, au siècle dernier, de marcher sur le crucifix. L'action leur paraissait indifférente : ils étaient protestants !... M. Renan a agi de même : je vous déclare que cet homme est pour moi jugé. Ne me parlez pas de ces mielleux renégats. Renan, sans fortune, a profité pendant sept ans du haut enseignement clérical; sept ans il a porté l’habit ecclésiastique, mangeant le pain de l’Église, édifiant ses supérieurs par sa piété; puis, tout à COUP, après avoir reçu les ordres mineurs, se sentant assez fort, il plante là l’Église, et vous voyez ce qu'il est devenu ! En 48 et 49, il a écrit dans la Liberté de penser, déclamant contre l’abaissement des caractères; puis il a passé à la Revue des Deux Mondes, puis aux Débats. Il a reçu de l'Empereur une mission scientifique qui lui a valu, tous frais payés, 25.000 fr.; il est décoré de la légion d'honneur; il a obtenu, sur sa demande, la chaire d’hébreu; après avoir vu sa popularité ébranlée, il l’a raffermie par une profession d’athéisme faite à propos; son cours est donc (?) suspendu : qui se soucie de son hébreu ? mais il est célèbre, riche, en faveur auprès de la démocratie, comme auprès du pouvoir. Ah ! mon cher ami, je vous déclare absolument incapable de faire un pareil chemin, et c’est pour- quoi je me suis attaché à vous, en qui je n’ai surpris aucune indignité, aucune défaillance. » (Suit : Notre nation est en déca- dence...) - Lettre du 4 avril 1862; v. Correspondance, t. XIV, 215 sqq. p. 218 : « Qui défend les majorats littéraires ? la démocratie, M. Pelletan, un martyr. — Qui soutient la cause du libre- échange ? M. Dollfus, le propriétaire du Temps, et le Siècle, et la Presse et futti quanti. Est-ce que vous supposez bonnement que M. Dollfus et Pelletan me sont plus sympathiques que les Paradol et les Alloury? Le Juif et l'Anglais sont les maîtres en France : qui s’en émeut ? personne. Si un homme avisé osait dire un mot contre le Juif, on crierait que c’est un retardé du — 9254 — moyen-àge, un vieux superstitieux. » (Suit : On chasse la popu- lation...) Lettre du 1 septembre 1862; v. Correspondance, t. XIV,939 sqq. p. 240 : « J’ai eu la visite, il y a quatre jours, de M. Alfred Assollant, que vous deviez, m’a-t-il dit, me présenter à Paris. M. Assollant ressemble de sa personne à son style : il est doux, modéré, d’une malice légère, indépendant de cœur, peut-être plus que de tête, du reste, dénué de ce que j'appelle tempéra- ment. Je sais, ce que vous même ignorez peut-être, que, four- nissant il y a quelques années des articles à l’Office de publi- cité, il se lançait à fond de train dans le bonapartisme, dont il semble aujourd'hui revenu. Nature honnête, bienveillante, de commerce facile, élève distingué de l’École normale, mais sur lequel il n’y aurait aucun fonds à faire pour une résolution énergique. Ce matin, j'ai reçu le [er No d’un journal hebdomadaire, parais- sant à Bruxelles, et dont M. Assollant doit être, m’a-t-on dit, un des rédacteurs. J’y ai vu figurer aussi le nom d’Ulbach. Quelle peut être la visée de ces messieurs qui, ne sortant pas de Paris, où ils ont de quoi écrire, s’en viennent faire un jour- nal à Bruxelles? Ignorent-ils que l'introduction en France est beaucoup plus difficile que la publication à Paris ? Est-ce pour se donner aux yeux des sots une apparence d'indépendance qu'ils viennent sur le sol étranger ? Leur premier No est d’un vide suprême. Un des signes les moins équivoques de notre décadence, c’est que le besoin d’écrivailler est chez nous en raison inverse de la faculté de raisonner : seulement, on attri- bue cette impuissance de raison aux entraves établies sur la pensée par le gouvernement. » /Suit : Je reçois toujours le Courrier du Dimanche...) APPENDICE LETTRE DE GOURBET A CHAUDEY SUR LA MORT DE PROUDHON (1) Monsieur Gustave Chaudet, rue Neuve des Petits Champs, 50 Ornans 24 janvier 1865 Mon cher Chaudet Le 19me siècle vient de perdre son pilotte, et l’homme quil a produit. Nous restons sans boussoile, et lPhumanité et la révo- lution, à la dérive, sans son autorité, va retomber de nouveau entre les mains des soldats et de la barbarie. Chacun même le plus ignorant à senti le coup qui le frappait en apprenant la mort de notre pauvre ami Proudhon. Le poète Max Buchon, son ami, son adepte, un des plus fer- vent et des plus dévoué, nous lisail tout haut en famille son grand ouvrage, il ne terminait jamais la lecture, sans dire, si nous avons le malheur de perdre Proudhon nous sommes per- dus. Ce cher ami Buchon vient de m'écrire une lettre déses- pérée, remplie de larmes. Pour mon propre compte je suis dans une prostration men- tale, et un découragement que je n’ai ressenti qu'une fois dans ma vie — cétait au deux décembre — au deux décembre je me suis mis au lit et J'ai vomi trois jours durant. Comme Proudhon je n’admet pas qu’on dévoie la révolution en làchant un os au peuple, la révolution doit revenir à qui de (1) Sauf quant aux accents, qui manquent presque partout et qu'on a rétablis, on à transcrit scrupuleusement le texte original de cette lettre. — 956 — droit. la révolution doit venir de tout le monde et de personne; si nous arrivons ala liberté nous établirons la révolution. Mon cher Chaudet il faut s’avouer une chose, tous les hom- mes qui depuis 20 ans ont pris avec activité part honnêtement, et désintéressement, au bien publique; ont aujourd’hui (et même aleur inssu) le cœur paralysé. de ces chênes il ne reste que l’écorce. Cher ami je crains que ce découragement dure autant que le premier, car l’homme est comme une machine à destination, si par malheur le chagrin s'empare de lui, malgré toute sa raison il ne peut en sortir. Ceuxla sont heureux, ceux qui ont l'indépendance du cœur, vivent Nefftzer et Darimont et consors, ils ont pour tout bagage ce qu'ils ont pu retenir des enseignements de P.J. leur maître, aussi pour croire aleur valeur ne leur en savent ils le moins de gré que possible. | - Chacun de son côté emportant son os l’un est allé le grignot- ter, dans un tout petit coin de la chambre, se faisant le plus petit possible affin de nêtre pas embaarassant — l’autre, bouffi, comme un juif d'alsace, sauve la caisse de son journal. Une demie heure après la mort de son maître, il dit ases abonnés, remarquez bien contribuables que je n'ai jamais partagé les principes de mon maître; et Je ne sais ce qui me retient pour ne pas troubler l’ordre de son enterrement, et démentir ceux qui parlent sur sa tombe. mais j'ai de l'instruction première, ils ne perdent rien pour attendre laissons refroidir le corps que je n’en ai plus peur et vous allez voir passé à mon tamis ce qu'il en restera. cette grosse importance a fait mal aux gens d’Ornans. Chers amis je ne voudrais pas être dans votre peau vous qui vous êtes porté garant de notre ami et de sa famille. Quand nous lisions cet article bouffon doublé de chose quil était obligé d’avouer, (le temps 20 janvier) le docteur ordinaire était là (ordinaire le Phalanstérien) et dit je ne sais où ce bras- seur alsasien a trouvé que Proudhon n’a pas d'éducation pre- mière moi J'ai eu l’honneur d’être le condisciple de Proudhon au colège de Besançon et avec son intelligence surnaturelle il faisait deux classes pendant que nous une et malgré cela rem- portait tous les prix. ob Mon cher Chaudet veuillez faire mes compliments bien sin- cère de ma part (moi qui ai eu le malheur de ne plus le revoir ni d'assister ce cher ami jusqu’à sa tombe) à sa femme et ases filles, à vous à Mr Langlois à Mr Massol à Carjat à Dupont cas- tagnary enfin à tous les amis, qui sont ses disiples n’en déplaise à Mr Nefftzer et qui ne considère pas Proudhon comme un météore. Je ne comprends pas que vous laissiez sa tête dans la terre quand jen ai un si grand besoin. faites en faire au plus vite un masque ou envoyez lamoi dans une boîte en fer blanc, nonseu- lement je veux faire son portrait, mais encore sa sculpture, je veux le faire assis sur un banc du bois de boulogne, comme il était causant avec lui tous les jours, et je veux mettre dans le bas un épitaphe de moi (4) Plus sage que l’homme, son Savoir, et son courage furent sans égal envoyez-moi aussi je vous prie le grand portrait de ruthlin- ger vous l’avez ou bien m d. P. (2). tout à vous de cœur Gustave Courbet mes salutations à votre Dame. — (» En marge de la p. 4 et dernière «) je vous envoie de crainte que vous ne soyez pas aladresse que vous m'avez donné cette lettre par mon ami Castagnary. -- (» En marge de la p. 3 «) je vais faire aussi et d’abord le portrait historique de P. J. la tête surtout le portrait peint s'il y en a vite vite. (1) Courbet avait mis d'abord mon épitaphe. Il s’est aperçu de l'amphi- bologie. (2) Entendez : ou Madame Proudhon l'a. — 958 — TABLE DES MATIÈRES Pages. ÉNFRODUCTION. LP SE RE 150 Éettrés a Gustave: Chaudey maitres ee en 159 bettres' à divers Comiois 2" mr me NO DS Fragments inédits de lettres à Chaudey publiées dans la Correspondance Len mers Re RES Re 1 APPENDICE. Lettre de Courbet à Chaudey sur la mort de PTOURON AE APR EURE RSR Len LUN AE RDS Table des Matières. . . A de 0. 0 0 258 LE TRAVAIL DANS LES MINES ET LA VIE DES OUVRIERS EN FRANCHE-COMTÉ SOUS LA DOMINATION ESPAGNOLE NOTICE DE M. LE COMMANDANT ALLARD MEMBRE RÉSIDANT Séance du 19 février 1910. Un édit très intéressant, signé par Philippe IT, roi d’Es- pagne, en 1578 et enregistré au Parlement de Dole le 10 jan- vier 1579, régla les conditions du travail dans les mines du Comté de Bourgogne, qui faisait alors partie de la monarchie espagnole. Nous en reproduisons ci-après les principales disposi- tions tirées des articles n°s 1795 à 1750 du Recueil des Édats et Ordonnances de la Franche-Comté de Bourgogne, par Messire Pétremand, conseiller en la cour souveraine du Par- lement de Dole « de l'imprimerie d'Antoine Dominique, libraire juré à Dole, 1619 » : «4° Voulons et ordonnons que les mineurs ouvriers tra- vallent huit heures par Jour, à deux entrées de chacune quatre heures. » 2° Si l'ouvrage requiert accélération, il sera fait par quatre ouvriers, qui travailleront chacun six heures, les uns après les autres, sans discontinuation, chaque ouvrier, après avoir besongné ses six heures, remettant ses outils en la main d'un aultre, et ayant ainsi ses dix-huit heures de repos sur vingt-quatre. — 960 — » 5° Mineurs ouvriers sont salariés, soit selon convention avec le Personnier (concessionnaire de la mine) soit selon l’ouvrage fait à leur choix. » 4 Voulons et ordonnons qu'aux festes de Commende- ment (jours fériés) les ouvriers soient payés comme s'ils avaient besongné. » Îtem.— Aux Festes de Pâques, Noël et Pentecoste, il ne sera besongné que demy semaine, sauf pour les garçons tirant l’eau (afin d'empêcher l’inondation des galeries). » Item. — Aux quatre Festes de Nostre-Dame, et aux douze Festes d’Apostre, les ouvriers seront quittes d’une demy journée la veille de chaque Feste. : » 0 Mineurs ouvriers peuvent prendre bois ès plus pro- . chaines forêts du Roy, pour estançonner les montagnes où ils travaillent. » 6° Mineurs ouvriers peuvent choisir chazal (terrain) pour faire maison et jardin, sur les communaux des lieux où ils travaillent, en payant un sol de cense par an, et, moyennant ce, ont droit aux bois morts et morts bois sur les dicts com- munaux. » ‘7° Mineurs sont sous la sauvegarde du Rov. » 8° Mineurs sont en franchise et ne peuvent estre pris au corps que pour crime méritant chastiment corporel. » 9° Mineurs ont un marchef (marché) aux mines, et ont ce droit que il n’est pas permis aux estrangers de distraire vivres de leur marchef. » 10° Au marchef qui commence à dix heures du mat, il n’est pas permis aux Officiers, Personniers et Hosteliers d'acheter provisions avant que les ouvriers soient fournis. » 11° Pour ce, mineurs ouvriers se pourvoient de vivres, pendant demy heure que l’on tient panonceau eslevé ; et après qu'il est osté, est permis aux aultres de se pourvoir. » 12° Mineurs et tous aultres entremis aux mines, s'ils meurent en icelles, le Prévost fait inventorier et garder leurs biens pour les rendre à qui ils appartiennent ». — 961 — En lisant cet édit sur les mines, on sent passer comme un souffle d'humanité et de bienveillance pourle ; ou vriers, qui d'habitude fait défaut dans les lois de la même époque. Du reste cette sollicitude pour le pauvre monde se retrouve souvent dans les ordonnances de Franche-Comté, datant du 16e siècle, et notamment dans un bel édit € sur la nourriture des disetteux en temps de chierté des vivres, 1597 », lequel ordonne l'établissement d’une taxe destinée à pourvoir aux besoins des misérables et infirmes, en stipulant très nette- ment : « que cette cothisation sera prélevée le plus justement » que faire se pourra, sur les habitants et résidens, soient » gentilshommes, nobles ou autres, ainsi que sur les reve- » nuz et temporel de tous bénéfices ecclésiastiques de » quelle qualité qu'ils soient. » Cest analogue aux projets d'impôt sur le revenu. En poursuivant cette étude, on peut citer aussi l’ordonnance de 1618, défendant que les impositions votées par les commu- nautés, pour travaux d'utilité publique, soient réparties par feux ou ménages, « en quoi les pauvres sont insupportable- » ment grevés au profit des riches, et ordonnent que ces » cothisations seront réparties, le fort portantle faible, selon » les moyens et facultés de chacun des cothisés ». Comme on le voit, l’impôt progressif est déjà très ancien. Cet édict perpétuet est signé par l’archiduc Albert et son épouse, Isabel Clara Eugénia, infante d'Espagne. — Nous savons que la princesse [sabelle, fille du roi Philippe IE, gouverna avec autarit de sagesse que d’habileté la Franche- Comté et les Pays-Bas, et fut aimée et regrettée des habitants de ces deux provinces (1). (1) On ne put lui adresser qu’un reproche au sujet d’un vœu bizarre et imprudent qui fit donner le nom d'Isabelle, à cette couleur que prend le linge porté trop longtemps sans être lessivé. Cette sage princesse ne con- naissait pas le truc ingénieux du voyageur Lejean qui publia une relation curieuse de ses voyages en Ethiopie (1862-1864). — Lejean se trouvant à Bagdad chez le Consul français se vantait d’avoir traversé toute l’Abys- — 962 — La bienveillance pour les ouvriers et les pauvres, dont on trouve la trace dans les Ordonnances de Franche-Comté, tenait surtout à ce que notre province, tout en étant sous la domination espagnole, était en réalité gouvernée par le Par- lement de Dole. Cette cour vraiment souveraine préparait, ou plutôt dictait les édits que le roi d’Espagne signait, pour ne pas mécontenter une province très éloignée de ses prin- cipaux Etats et très voisine de la France. Le Recueil des édits publié par le conseiller Pétremand, renferme 1782 articles, dont lalecture permet de se faire une juste idée de la vie des Francs-Comtois vers 1600. Car tout est réglementé dans cette suite d'articles : c’est à la fois un code civil, un code pénal, un code de commerce, un code forestier, une loi militaire, des réglements sur les mines, la chasse, la pêche, voire même sur les battues pour détruire les ours, etc. On ne peut reprocher à cette réglementation que d’être parfois un peu étroite, et par trop vétilleuse, surtout en ce qui concerne le commerce. Quoiqu'il en soit, nous devons remercier Messire Pétre- mand et son continuateur le conseiller Jobelot, d’avoir sinie sans autre bagage qu'un carton à chapeau. Une dame lui demanda en riant s'il mettait tout son linge dans ce carton : Non, madame, répon- dit Lejean, mais en quittant Marseille, j'avais enfilé cinq chemises les unes sur les autres: — Au bout d’un mois, quand la chemise de dessus fut un peu défraichie, je l’ôtai et je la jetai. Je fis de même pour la deuxième un mois après, et puis pour la troisième aussi. Celle que je porte aujourd’hui est la quatrième et il m’en reste encore une pour rentrer à Marseille avec du linge propre (Voir chapitre 4 du Voyage de madame Dieulafoy en Perse, Chaldée et Susiane). Il est permis de supposer que la cinquième chemise du bon Lejean devait avoir une teinte Isabelle très foncée Mais du temps de cette princesse les propriétés de l'eau de Javel n'étaient pas encore aussi connues qu’au- jourd’hui. ; Le souvenir de la princesse [sabelle à provoqué cette anecdote plaisante que l’on voudra bien excuser. Nous en demandons pardon également à l'ombre du grand Cardinal dont la magnifique statue de beau marbre, est ici à proximité dans la cour du palais Granvelle. — 263 — recueilli, coordonné et publié cette suite de dispositions légis- latives et de nous avoir ainsi permis d'apprécier l'esprit juste et pondéré et les sentiments humains de nos vieux parle- mentaires de Dole. Le conseiller Jobelot, né à Gray, publia la suite des Edits et Ordonnances de Franche-Comté de 1619 à 166%, chez lim- primeur Jullecrou, rue Raisin « Aux deux vipères », à Lyon. Jobelot devint Premier Président du Parlement de Franche- Comté. « Cest un de ceux (dit un écrivain du Xvirre siècle), qui ont » élevé le plus haut lintégrité et le mérite de ce Parlement, » en maintenant la vigueur des lois, exécution des ordon- » nances, et une exactitude et un bon ordre parmi ceux qu » composaient alors cette cour ». Le Président Jobelot laissa tous ses biens à lhôpital de Besancon. Nous ferons remarquer avant de terminer, que les houil- lères de Ronchamp, où une grève de longue durée vient de se produire en décembre 1909 et janvier 1910, et qui dure encore aujourd’hui, n'étaient pas encore exploitées à la fin du xvIe siècle. L’édit de 1578 concernait surtout les mineurs du bailliage d’Amont qui, en assez grand nombre ouvraient des galeries dans les terrains granitiques des hautes vallées de POgnon et du Rahin, à la recherche des filons de cuivre et de plomb argentifère. On retrouve la trace de ces travaux sur les territoires de Château-Lambert, Servance, Ternuay, Melisey, St-Barthé- lemy, Plancher-Bas, Plancher-les-Mines, etc. Vers le milieu du xIx° siècle, on pouvait voir encore, à Plancher-les-Mines, de vieux cahiers contenant les états de paye des mineurs et les comptes du Prévost, malheureuse- ment on n’a pas su conserver cette relique du passé, qui aurait pu fournir de précieux renseignements sur l’organisa- tion et la production des mines de cette région. | a — Tout ce que l’on peut savoir par l’édit de 1578, c’est que chacune de ces mines était concédée par le roi à un person- nier, qui en faisait l'exploitation à ses risques et périls et pouvait s’adjoindre plusieurs sociétaires. Il y avait d'habitude, par mine, 36 parts en actions, répar- ties entre le Personnier et ses associés, en outre 4 parts réservées au Roi, qui s’adjugeait ainsi le dixième du produit de la mine, et de plus prélevait à titre d’ moon un vingtième des bénéfices nets de la Société. À titre d'indication nous donnons ci-après le texte intégral d’un article de l’édit de 1578 (article 1745 du Recueilde Pétre- mand : En cas qu'il convienne faire feu de charbon ou de bois » pour amolir la roche de la myne, les couppeurs et ouvriers » se régleront et parlementeront ensemble, et par advis du » Prévost feront les dits feux, afin qu ils s’allument ensem- » ble pour un coup, à la même heure, et que les couppeurs » et ouvriers ne puissent estre précipités et supris du mau- » vais aër. Et aultrement ceux qui feront le contraire, seront » puuiset chastiés par le dit Prévost ». En résumé, on voit par cet exposé très sommaire, que les questions sociales, ont préoccupé avec juste raison depuis longtemps, les différents gouvernements. Dans notre Franche-Comté notamment, l’amélioration du sort des ouvriers mineurs en particulier, avait fait de grands progrès sous la domination du roi d'Espagne, qui attachait beaucoup d'importance au travail dans les mines. Certaines solutions sont à retenir et sont presque de J’actua- lité. Quelques-unes des dispositions de ces édits et ordon- nances, sont de nature à donner satisfaction à des revendica- tions du temps présent. | Cest bien le cas de répéter ce vieux proverbe : « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. » JACQOUES DE BOURBON (1370-1438) COMPTE-RENDU DE L'OUVRAGE DE M. HUART (1) Par M. le Chanoine ROSSIGNOT PRÉSIDENT ANNUEL Séance du 20 avril 1910 Sous ce titre, M. Huart, ancien avocat général, rappelle les exploits, les malheurs et la pénitence d'un prince dont le séjour à Besançon ne doit pas être oublié. L'auteur ajoute à l'hommage qu’il nous fait de son livre, son titre de membre de la Société d'Emulation du Doubs depuis 1870. Cette lon- gue confraternité est chose trop rare pour que nous ne sachions pas l’apprécier. L'ouvrage s'inspire de documents si nombreux, qu’un résumé un peu complet serait presque aussi long que le livre ; je ne peux qu’en indiquer les chapitres | Il nous transporte au déclin du moyen âge et le récit, sans s’écarter de la vérité de l’histoire, a tout l'attrait d’un roman : lonerre et ses aventures, le trône et sés grandeurs, le cloître et ses austérités nous apparaissent tour à tour en des scènes qui se suivent sans aucunement se ressembler. Une généalogie savante nous dit d’abord les nobles origi- nes de notre héros qui est de la Maison de France. À une instruction quelque peu supérieure à celle de son temps, il (4) Jacques de Bourbon (1370-1438). Un vol. in-8° de 136 pages. 16 — 266 — alliait une grande habileté dans les choses appartenantes aux gens qui veulent suivre le métier des armes. Il aimait le faste et le plaisir et prenait grande part aux fêtes qui se donnaient à la cour du duc de Bourgogne. À 2% ans il va guerroyer en Bulgarie contre Bajazet. Dans un langage heureusement emprunté aux vieux chroniqueurs, M. Huart nous le montre chevauchant toute une nuit, avec quelques compagnons, pour être des premiers à la bataille du lendemain. Sans souci de la discipline, ceux-ci ne veulent que se battre. À Nicopolis, ils engagent le combat avant l’entrée en ligne des troupes de leur parti et, quand ils sont vaincus, le sultan constate que «pour un chrétien qui là gisait mort, il y avait bien demeuré trente turcs ». Pour venger cette coù - teuse victoire, il massacra les prisonniers ; quelques-uns seulement furent épargnés dont on escomptait la rançon. Jacques fut de ceux-ci, et on le suit avec intérêt sur le che- min du retour par Rhodes, la Grèce et l’ftalie. À la cour de Charles VI il trouva, avec les honneurs et la charge de Grand Chambellan, tous les plaisirs d’une société licencieuse. Cette inaction dura cinq ans et finit par une expédition malheureuse sur les côtes d'Angleterre. Il allait y soutenir une révolte du pays de Galles. IciJacques connut la plus dure de toutes ses épreuves ; on accusa sa loyauté et son courage. Au retour, il fut accueilli par un persiflage emprunté à un texte travesti des Ecritures : ol vit la mer et s'enfuit. Mare vidit et fugit. En 1406, à 35 ans, il épousait Béatrix, fille du roi de Navarre. Le temps des fiançailles avait dû être prolongé par une expédition contre les Maures d’Espagne, où ii suivait son futur beau-père. Au lendemain de ses noces, il se battait pour son oncle, le duc.de Bourbon. La vie de notre héros n'étant faite que de contrastes. il fut durant une trève, le conseiller le plus écouté de la Cour de France. D’aucuns prétendent que sa sagesse relative lui venait d’une femme qui avait alors un crédit justifié et ROGiue presque sans limites, de sa cousine Jeanne de Maillé. Est-ce pour cela que, dans la guerre des Armagnacs et des Bourgui- gnons, il eut d’abord, mais sans succès, le rôle de concilia- teur. Il le quitta bientôt pour celui de combattant, de vaincu, de captif des Armagnacs qui mirent sa tête à prix. Ceci ne lempêcha pas de retrouver la liberté en 1412. Ce fut pour disputer, les armes à la main, à son frère le duc de Vendôme, l'héritage de leur mère. Il n’eut pas honte de lui faire subir le sort qu'il avait lui-même enduré : il l’en- ferma dans une étroite prison jusqu’au jour où, pris de remords, il vint en ouvrir les portes. L'année suivante il entrait dans les Grandes Compagnies et portait la guerre en Guyenne contre les Anglais. Il revint, cette fois, avec les honneurs du triomphe. Il ne devait plus guerroyer, mais 1l allait courir de tout autres aventures. Devenu veuf, 1l obtint la main de la reine de Naples et s’adjugea son royaume (1415). [ei commence un roman trop vrai, ou ne manquent ni l'intrigue, ni le scandale, ni le sang. Les scènes se succèdent avec une variété qui ferait honneur à l’imagination la plus féconde, Jacques ÿ connut toutes les extrémités des choses humaines. Cependant, trois enfants nés de son premier mariage, trois filles, donnaient dans le monde et dans le cloître l'exemple des plus hautes vertus. | Ceci nous transporte dans un tout autre milieu où nous rencontrons Sainte-Colette avec Isabeau, fille de Jacques. M. Huart fait brièvement l'histoire du couvent de Vevey, laquelle se rattache à son sujet par la conversion du roi qui s’y fit en présence de la Sainte. Jacques ayant confié à son gendre, Bernard d’'Armagnac, les intérêts qui lui restaient dans le monde, y vécut en vrai religieux. Durant ce temps, la série des crimes se continuait à la cour de Naples, avec la complicité et peut-être par ordre de la reine qui, persécutée à son tour, finit tristement sa vie le 2 février 1435. Ge — Suivant un vœu fait à Vevey, Jacques de Bourbon devenu libre, entra dans l'ordre des Capucins. En septembre de cette même année, il prenait P’habit dans la chapelle des Clarisses de Besançon, en présence de ses deux filles, Isabeau qui s’y trouvait, et Marie, venue du monastère de Vevey. Après un court noviciat chez les Cordeliers de Dole, le nouveau franciscain revint à Besançon où il fit profession. Il ne vécut pas ici chez les Cordeliers qui n’avaient point accepté la réforme de Sainte-Colette, mais dans une pauvre maison en face de la chapelle de Sainte-Claire, où il faisait ses dévotions. Il est mort le 24 septembre 1438. La Révolution a fermé le couvent des Clarisses. Remplacé d’abord par une fabrique d'armes, il est devenu la direction d'artillerie : la chapelle du roi Jacques a aussi disparu et il ne nous reste que le texte de son épitaphe. Il faut savoir gré à M. Huart d'avoir, en sa savante étude, ressuscité des ruines qui avaient elles-mêmes péri: etiam periere ruinæ. UN ARTISTE OUBLIÉ : LE PEINTRE J.-P. PÉQUIGNOT DE BAUME-LES-DAMES Par M. Maurice THURIET AVOCAT GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE BESANCON MEMBRE RÉSIDANT Séance du 23 novembre 1910. Lorsqu'on entre dans la premiere salle du Musée de pein- ture de Besançon, l’œil est tout d’abord accaparé par les deux immenses toiles de Gigoux. Si le visiteur, après avoir admiré comme 1l convient ces gros morceaux de peinture d'histoire, s'attache ensuite aux œuvres de moindre dimen- sion, il pourra remarquer à gauche, sur la cimaise, un paysage délicat dans le goût du xvin° siècle, qui séduit dès lPabord par la finesse du dessin et du coloris. Au premier plan, parmi des rochers, des buissons et des bouquets d’arbres, un chas- seur vêtu à antique, muni d’un arc et de flèches, excite ses chiens à la poursuite d’un gibier invisible ; à droite, un arbre profile sur le ciel d’épaisses frondaisons infiltrées de soleil ; un lac s'étend au second plan jusqu’à la base des hautes montagnes qui S'étagent dans un lointain tout imprégné de lumière blonde et qui se reflètent dans le miroir bleu des eaux. I! y a dans cet ensemble beaucoup de charme, de dou- ceur. d'harmonie, une incomparable habileté de touche, une infinie délicatesse de tons. Au dos de la toile. on lit la signature P. Péquignot et la date 1803 et si l’on se reporte au Catalogue, on apprend que ce tableau représente une vue — 270 — des environs de Naples et que l’auteur Jean-Pierre Péqui- gnot est né à Baume-les-Dames(l). Ces mentions du catalogue m'ont causé quelque surprise, car dans sa ville natale, ce peintre est aujourd’hui inconnu; son nom et sa race y sont éteints et son œuvre ignorée. Comment un pareil artiste dont la maitrise est incontestahle, a-t-il pu tomber dans up sem- blable oubli? C’est que dès sa prime jeunesse, Péquignot a quitté la Franche-Comté et n’y est jamais revenu. Il a vécu et ‘il est mort sur une terre étrangère ; c’est sous le ciel d'Italie qu’il a produit toutes ses œuvres, aujourd’hui dispersées et pour la plupart introuvables. Jean-Pierre Péquignot @) est né à Baume-les-Dames le 12 mai 1765 ; comme Gigoux, il était le fils d’un maréchal- ferrant. Ainsi, à quarante ans d'intervalle (3) deux peintres comtois ont vu le jour dans l'arrière boutique d’un taillan- dier. Faut-il croire que la magie des couleurs s’est révélée à ces deux fils d'artisan dans le rougeoiment de la forge pater- nelle et à travers les nuances infiniment variées que prend le fer en passant de l’incandescence à la matité? L’enfance du jeune Péquignot s’écoula tout entière à Baume à l’épo- que où l’historien Perreciot exerçait en cette ville le pouvoir municipal. [| montra de bonne heure un goût passionné pour le dessin, tandis que son frère aîné manifestait des dis- positions pour la sculpture. Dans sa modeste situation. le père eut désiré sans doute élever ses fils dans l’apprentis- sage de son métier, mais il eut assez d'intelligence et d’ab- négation pour ne pas entraver la vocation artistique de ceux- ci et il les envoya à Besançon où la municipalité venait de fonder, avec le concours du peintre Wyrsch et du statuaire Luc Breton, une école des Beaux-Arts, pompeusement dési- T0) (1) Le paysage de P.-J. Péquignot porte le n° 381 du catalogue du Musée de Besancon. Il mesure 0"55 de haut sur 080 de large. (2) Péquignot est un nom assez répandu en Franche-Comté ; ilest d’ori- gine espagnole. (3) Gigoux est né en 1806 à Besançon, place des Maréchaux. oH gnée sous le nom d’Académie de peinture et de sculpture. L'enseignement y était gratuit ; l’école était installée dans un immeuble de la ville situé derrière l’église du St-Esprit ; elle était ouverte depuis le 8 mars 1774; les frères Péquignot y vinrent en 1775 et furent au nombre des premiers élèves ; ils y restèrent près de cinq ans, jusqu'au jour où l'aîné, froissé d’une prétendue injustice dans le Jugement d’un con- cours de statuaire, quitta Besançon et se rendit à Paris où il entraîna son jeune frère (1). Ils entrèrent tous deux dans une institution dirigée par le chevalier Pauwlet et protégée par la Reine ; les élèves étaient soumis dans cette école à une discipline analogue à celle des prytanés militaires. Là, Jean-Pierre Péquignot eut pour camarade les neveux de Joseph Vernet dont les paysages et les marines étaient alors fort admirés. [ntroduit par ses nouveaux amis dans l'atelier de leur oncle, Péquignot eut la bonne fortune de recevoir de ce maître des conseils qui eurent sur la direction de son talent naissant la plus heureuse influence. Joseph Vernet avait fait faire à l’art du paysage un progrès sensible, en poussant l’étude de la nature beaucoup plus loin que ses devanciers qui souvent se contentaient de peindre en cham- _ bre des sites de convention. Comme son maître Vernet, Péquignot appartiendra à l’école du plein air, comprenant que pour bien rendre un paysage, il faut être directement _ému par sa contemplation | En quittant la pension Pauwlet, les deux fils de l’humble forgeron de Baume-les-Dames durent se trouver aux prises plus d’une fois avec les difficultés matérielles de la vie qui ont été le tourment mais aussi l’aiguillon de tant d'artistes. Ïls n’eurent point l’idée de revenir au pays natal : ils ne son- geaient qu’à se perfectionner dans l’art auquel chacun d’eux s'était voué. L'aîné, le sculpteur, se fixa à Paris et, sans (1) LANCRENON. Notice sur Girodet (Mémoires de l'Académie de Besan- çon, 1870). 970 2 atteindre à la célébrité, devint un praticien fort habile et vécut honorablement de son ciseau. Le jeune, tout en fré- quentant l'atelier de Joseph Vernet, se mit à peindre de petits paysages destinés à orner des coffrets et des bibelots que le goût frivole du xvur° siècle avait mis à la mode et qui font aujourd’hui les délices des antiquaires. Ces productions assuraient tant que bien mal son existence. Il exécutait en même temps des œuvres plus importantes qu'il mettait en vente sur la place Dauphine. Il y avait alors sur cette place une sorte d'exposition permanente de peinture ; c'était là que les jeunes artistes qui n'avaient pas encore accès au Salon plaçaient leurs tableaux sous les veux du public, en les accrochant le long des maisons, sous un auvent. Les paysages de Péquignot furent remarqués et bientôt, grâce à ses heureux débuts, il obtenait la faveur d'entrer dans late- lier de David, centre d'attraction de toute la jeunesse artis- tique de l’époque. On peut s'étonner de ce que le jeune paysagiste ait pris les lecons du grand peintre d'histoire. Peut être qu'à ce moment Péquignot cherchait encore sa voie et hésitait encore sur le genre auquel il se consacrerait définitivement ; mais j'incline plutôt à croire qu'en artiste consciencieux il pensait qu'un paysagiste qui veut animer ses tableaux ne doit rien ignorer des proportions et des attitudes du corps humain. David fut vite séduit par la grâce et l’originalité des premières œuvres de son élève, il ne pouvait mieux lui témoigner son intérêt qu'en lui procurant l’appui d’un de ces personnages opulents, fermier général ou marquis, qui sous l’ancien régime s’érigealent volontiers en Mécènes et se piquaient de découvrir et de favoriser les talents en éclo- sion. Le protecteur que David mit en relations avec Péqui- gnot offrit généreusement à celui-ci de lui payer le voyage de Rome en lui promettant de lui servir là-bas une pension de 1200 livres. Le jeune peintre, à qui l’exiguité de ses res- sources semblait interdire pour longtemps le pélerinage — 973 — désiré par tout artiste aux sources sacrées de l'Art accepta ces offres avec reconnaissance et prit la route des Alpes avec enthousiasine. À cette époque le voyage était long de Paris à Rome et des évènements imprévus pouvaient sur- venir entre le départ et l’arrivée : une désagréable surprise attendait notre confiant artiste au terme de sa route; il trouva à Rome une lettre par laquelle son protecteur lui annonçait qu'atteint par des revers de fortune il serait dans impossibilité de lui servir la pension promise : Mécène avait fait faillite ! Qu’allait devenir le jeune Baumois jeté ainsi sans ressources dans une ville étrangère où il ne connaissait personne et dont il ne parlait pas encore la langue ? Péquignot ne se découragea pas. Déjà habitué à vivre de ses pinceaux, il se mit vaillamment au travail, réussit à vendre ses tableaux, ce qui est parfois plus diffi- cile que de les composer et se trouva bientôt à labri du besoin. Il était installé dans la capitale de l'Art depuis deux ou trois ans lorsqu’arriva dans cette ville, en qualité de pen- sionnaire de l'Académie de France, Girodet, le futur auteur du Déluge et des funérailles d’'Atala, qui avait obtenu le Grand Prix de Rome en 1789. Girodet avait alors 22 ans, Péquignot en avait 25. Entre ces deux jeunes gens, une étroite amitié ne tarda pas à s'établir. Tout contribuait à les réunir : l’éloignement de leur patrie commune, l’amour de leur art, leur affectueuse reconnaissance pour leur maître David, l'estime réciproque que chacun avait pour le genre de talent de l’autre, enfin un même élan d'enthousiasme _ pour la Révolution naissante. Plusieurs années de vie com- mune, qui ne fut exempte ni d’agitation ni de périls ont créé entre les deux artistes des liens d'affection que la mort seule a pu dénouer, et ce n’est pas le moindre titre d'honneur du peintre baumois que d'avoir inspiré à Girodet une estime et une amitié dont ce maitre a, comme nous le verrons, mul- tiplié les témoignages, — 214 — Tout en suivant les cours de l’Académie de France et en peignant deux grandes toiles qui figurent actuellement au Musée du Louvre : Le Sommeil d'Endymion et Hippocrate refusant les présents d'Artaxerxès, Girodet. s'était pris, au contact de Péquignot, d’un goùt très vif pour le paysage. Dans la correspondance suivie qu'il entretenait avec M. Trio- son, son père adoptif, il paraît tout heureux de faire avec son ami des études d’après nature, dal vero, comme disent les Ttaliens. « Tous les environs de Rome sont charmants, il suffit de les nommer, écrit-il le 20 juillet 1790; Tivoli, Frascati, Albano, etc., ont fait les délices des anciens et peuvent encore intéresser les modernes. » Et le 28 septem- bre suivant, il ajoute : (J'ai commencé ces jours-ci quelques études de paysage autour de Rome; c’est une occupation auss} amusante qu'instructive, nécessaire à un peintre d’his- toire et beaucoup trop négligée, comme on en peut facile- ment juger par les productions de beaucoup d’entre nos artistes (1). Dans son poême «le Peintre », Girodet a plus tard essayé de traduire en vers assez médiocres le ravisse- ment qu'il éprouvait à faire du paysage d’après nature en compagnie de Péquignot ou à admirer avec lui les chefs- d'œuvre des maîtres italiens : Soit que l’ami des arts devant leurs monuments S'absorbe en son extase, en ses ravissements ; Soit qu'à ses yeux charmés la nature vivante S'offre naïve et simple, ou parée, ou brillante, Oh! combien d’un ami, présent à ses côtés Le plaisir qu’il partage embellit leurs beautés, Ajoute d’intérêt aux objets qu'il admire ! Qu'un chef-d'œuvre l’enflamme ou qu’un site l’inspire, Le premier est mieux vu, le second mieux senti Quand le transport de l’un chez l'autre a retenti @). (1) GIRODET. Œuvres posthuines, publiées par P.-A. Coupin (Let- tres XXXVI, XXXVII, XLVIII à M. Trioson. (2) GIRODET. Le Peintre, poëme. Chant IT. — 275 — Cette vie heureuse et contemplative, toute remplie et charmée par le culte de l’art allait bientôt être bouleversée par des événements tragiques. [l n’y avait pas de doux pays pour les Français, aux heures sombres de la Révolution ; mais dans la capitale des Etats pontificaux, plus que partout ailleurs, les citoyens d’une nation où l’on venait de massacrer des prêtres et où l’on allait faire tomber la tête d’un Roi étaient l’objet d’une réprobation farouche. Dès le 28 juillet 1791, Girodet écrivait à M. Trioson : « On poursuit mes compatriotes à coups de pied, on leur montre le couteau, on a voulu en jeter un dans le Tibre, etc. Je n'ai encore rien éprouvé de pareil, mais cela est arrivé à plu- sieurs de mes camarades et il ne faut désespérer de rien. Le gouvernement fait semblant de trouver cela mauvais, annonce la peine des galères pour celui qui insultera un Français et cependant il paie sous main des coquins pour le faire. » (1). L'année suivante, la police pontificale ne dissimulait plus son hostilité vis-à-vis de nos nationaux : un artiste français” qui avait fait chez lui un dessin ayant trait à la Révolution, était emprisonné. mis au secret et traduit devant le Tribunal de l’Inquisition (2). Bientôt un incident de médiocre impor- tance mettait le feu aux poudres et déchainait contre les Français résidant à Rome les fureurs d’une populace igno- rante et fanatisée. Le consul de France, Basseville, avait reçu de son gouvernement des instructions pour faire rem- placer sur les portes du Consulat et de l'Académie l’écusson royal. par les armes de la République ; le pape protesta vio- lemment contre cette mesure et signifia à Basseville qu’il s’opposait à ce que, sous ses yeux et dans sa ville, on érigeàt l’emblême républicain (3). La Convention envoya l'ordre de passer outre et Mackau, ministre de France à Naples, délégua (1) GIRODET. Œuvres posthumes (Lettre XLITIT). (2) Op. cit. (Lettre L à M. Trioson, du 3 octobre 1792), (3) Op. cit (Lettre LI, du 9 janvier 1793). — 916 — le major de la division Latouche pour faire placer les armes. Girodet avait réclamé l’honneur périlleux de peindre celles qui devaient servir à l’Académie. Tandis que sur les conseils même de notre consul, les autres pensionnaires fuvaient les Etats de l’Eglise et se réfugiaient à Naples, Giro- det resta pour s'acquitter de sa tâche dans laquelle lPaidaient Péquignot et deux de leurs amis. Ils achevaient le travail dans les combles de Académie même quand ils entendirent monter de la rue des vociférations tumultueuses. Péquignot, le pinceau à la nain, sort de l’atelier pour voir ce qui se passe ; il revient au bout d’un instant et dit à ses camarades : « Ce sont eux ! » — «Qui, eux ? » interrogent les trois autres — (« Le peuple ! » dit-il simplement. Au même moment une foule furieuse envahit le palais, brisant sur son passage les portes, les vitraux, les statues de l’escalier et les salles. « Ils n'avaient que vingt marches à monter pour nous assassiner, écrivait quelques jours après Girodet à son père adoptif; nous les leur épargnâmes en allant au-devant d'eux. Ces misérables étaient si acharnés à détruire qu’ils ne nous aper- eurent même pas ; mais des soldats presque aussi bourreaux que ceux que nous avions à craindre, loin de s'opposer à eux, nous firent descendre plus de cent marches à grands coups de crosse de fusil, jusque dans la rue où nous nous trouvâmes abandonnés et sans secours au milieu de cette populace altérée de notre sang. Heureusement encore ces bourrades de soldats lui firent croire que nous faisions partie d'elle-même, mais quelques-uns nous reconnurent. Un de mes camarades fut poursuivi à coups de pavés, moi à coups de couteau ; des rues détournées et notre sang-froid nous sauvèrent. Echappé à ce danger, pour les prévenir tous, j’allai me jeter dans un autre ; je courus chez Basseville ; dans ce moment même on l’assassinait ; le major, la femme de Bas- seville et Moutte le banquier se sauvent par miracle. Je me jette dans une maison italienne à deux pas de là; j'y reste jusqu’à la nuit. Jai l'audace de retourner à l’Académie qui — 977 — était devenue le palais de Priam ; on se préparait à briser les portes à coups de hache et à mettre le feu. Là je fus re- connu dans la foule par un de mes modèles ; il faillit me perdre par le transport de joie qu’il eut de me voir sauvé. Je lui serrai énergiquement la main pour toute réponse et nous nous arrachâmes de ce lieu » (1). Dans leur fuite préci- pitée, Péquignot et Girodet avaient été séparés par les remous de la foule ; ils se rejoignirent dans la soirée et tous deux trouvèrent asile dans la maison du modèle où ils passèrent la nuit. De ce refuge d’où ils n’osaient sortir, par crainte d’une populace gallophobe, Girodet informait un de ses amis de Rome, M. Tortoni, de la détresse dans laquelle il se trouvait ainsi que Péquignot. « Nous avons résolu, lui mandait-il, de partir demain matin pour Naples, à pied, mais nous n'avons presque pas d'argent. Nous nous sommes retirés dans un lieu de sûreté ; vous pouvez vous v laisser conduire ; Je ne voudrais pas partir demain avant le jour, comme il sera nécessaire que Je le fasse, sans vous embras- ser... Apportez-moi une cédule de trente ou quarante écus. Dans le cas où il vous serait absolument impossible de venir, vous pouvez confier cet argent à l’homme que je vous envoie. Ce billet vous servira de reconnaissance ». Les deux amis étaient vite tombés d'accord pour gagner Naples où Girodet tenait à rejoindre ses camarades de l’école et où Péquignot était attiré par le renom d’un site éblouissant. Deux heures avant le jour ils quittaient la ville inhospita- lière, abandonnant tout ce qu’ils possédaient y compris leurs œuvres et leur bagage d'artiste. Même hors des murs de Rome, leur fuite n’alla pas sans dangers : « Nous marchâmes deux jours à pied, écrivit Girodet à M. Trioson dès son arri- _vée à Naples, et ne trouvâmes sur la route que des motifs d'inquiétude. À Albano, on refusa de nous louer une calèche ; nous n'en pûmes trouver qu’à Velletri et on nous fit bien (1) Op. cit. (Lettre LIT du 19 janvier 1793). en payer la nécessité où nous étions de nous en servir. Dans les marais Pontins, forcés par le temps le plus horrible de nous réfugier dans uue écurie, on déhbéra de nous v mas- sacrer pour avoir nos dépouilles. Un de ces scélérats, moins scélérat que les autres, fit réflexion qu’elles n’en valaient pas la peine. Ce fut le dernier danger que nous courûmes, Hors des Etats du pape nous fûmes véritablement traités en amis, le roi de Naples ayant donné les ordres les plus positifs de protéger tous les Français qui se réfugieraient dans ses états. En arrivant ici, je descendis sur le champ chez le citoyen Mackau (1) que j'informai de ces détails et de ma position. Là, j’appris tout ce qui s’était passé : la mort de Basseville, celle de deux Français massacrés à la place Colonne ; le secré- taire de Basseville dangereusement blessé, ainsi qu’un domes- tique de l’Académie : le feu mis au quartier des juifs : la maison de Torlonia et la porte de France assaillies de pierres ; . les palais d’Espagne, de Farnèse, de Malte et autres mena- cés... On a cherché les Français dans toutes les auberges et dans tous les endroits possibles. Nous sommes dans la plus grande inquiétude sur le sort de ceux de nos camarades qui sont restés en proie à la proscription » (2. C'est le 18 janvier 1793 que Péquignot et Girodet arrivèrent à Naples, et c’est le lendemain que Girodet adressait à M. Trioson la relation de leurs aventures. Ces périls qu'ils viennent d'affronter en commun ont en- core resserré l’intimité des deux jeunes gens. À Naples, dans ce paradis terrestre, malheureusement souillé par ses habi- tants, la nature semble s'être parée de ses plus riantes cou leurs et s'être moulée dans ses formes les plus attirantes pour émerveiller et captiver les artistes. Girodet va pour quelque temps abandonner la peinture d'histoire pour suivre Péquignot et reproduire avec lui les plus beaux sites virgi- (1) Ministre de France à Naples. (2) Op. cit. (Lettre LIL à M. Trioson, 19 janvier 1793). à x, dis — 950) — liens. I écrit le 1% mars 1793 à M”* Trioson : « Mon projet est de parcourir les environs de Naples et d’y séjourner suf- fisamment pour tirer de ce pays ce qu'il offre d’intéressant pour l’art. C'était aux environs de Rome que je devais cette année me livrer à l’étude du paysage. genre de peinture uni- versel et auquel tous les autres sont subordonnés parce qu'ils y sont renfermés. J’attendais avec impatience le moment de Hnavslieer tout entier... » Girodet a chanté plus tard le charme des jours vécus avec son ami, sous ce ciel délicieux, au bord de la mer bleue, en face du Vésuve fumant et il a célébré avec lyrisme le talent avec lequel Péquignot tradui- sait la poétique beauté de ces lieux enchanteurs : Quand les maux de la France épouvantaient l’Europe J’errais mélancolique aux champs de Parténope. Près d'un ami, rival des Claudes, des Poussins, J'admirais ces beaux lieux, plus beaux dans ses dessins. l’un par l’autre excités, dans nos courses riantes, Nos crayons récoltaient des moissons abondantes : Tantôt nous dessinions ces bosquets toujours verts Où la figue et l’orange ignorent les hivers, Où des larmes du Christ, la vigne parfumée Suspend ses grappes d’or à la roche embaumée Ou serpente, en grimpant, sur l'arbre de Pallas. Tantôt nous retraçions, couverte de frimas, La cime du volcan, sans colère, fumante : | Les noirs rochers battus par la vague écumante Où se plongeaient d’un saut, semblables aux Tritons, Tout le peuple nageur des jeunes lazarons. Que de fois, sur le port, promeneurs solitaires, Diane nous a vus passer des nuits entières, Soit lorsty'ie ses rayons, des objets vacillants Nous répétaient l’image au sein des flots tremblants Et versaient dans nos cœurs la douce rêverie ; Soit lorsque, du Vésuve éclairant la furie, _ Ses doux feux réflétaient, de leur lustre argenté, Les flancs noirs et fumants du volcan irrité. — 280 — Les soins de l’avenir n’osaient troubler nos songes. Abusés cependant par les plus doux mensonges, Nos vœux se partageaient l’avenir par moitié : L’une pour les beaux-arts, l’autre pour l'amitié (4). Péquignot et Girodet passèrent ensemble toute l’année 1793 et probablement la plus grande partie de 1:94, loin des agitations de la France, dans la douceur d’une vie exempte de soucis et dans la Joie qu’on éprouve à cultiver l’art que l’on aime. Mais comine il faut toujours que le bonheur soit troublé par quelque chose, Girodet eut des inquiétudes au sujet de sa santé, vers la fin de l’été de 1793. Il avait eu un refroidissement « en allant dessiner au tombeau de Virgile, lieu très frais, près de la grotte du Pausilippe, mais où l’on n'arrive qu'après avoir fait un assez long chemin à l’ardeur du soleil (2) ». [l eut ensuite un crachement de sang et, dans la crainte de devenir phtisique, il prit des précautions ; le 3 novembre 1793, il écrivait à Trioson : « J'ai été passer un mois presque tout entier à la campagne, à quelques heures de Naples, dans un pays délicieux pour l'air et pour l'étude ». Il ajoutait que l’état de sa santé ne lui avait pas permis de profiter de ce séjour autant qu'il l'aurait désiré pour peindre. Girodet quitta Naples en 1794, Péquignot s’y installa au contraire d’une façon définitive. [l y fut témoin durant cette même année d’une des plus fougueuses éruptions du Vé- suve, celle qui anéantit la ville de Torre del Greco. Cette catastrophe ne l’effraya point et ne diminua en rien son atta- chement à sa nouvelle patrie ; il était de ceux pour qui la joie d’y vivre l'emporte sur la crainte d’y mourir. Péquignot s’absentait souvent pour des excursions à des distances plus ou moins grandes de Naples ; il fit même un voyage en Sicile, et à son retour, il en adressa à Girodet une (1) GiroperT. Le Peintre, poëme. Chant II. (2) Op. cit. (Lettre LV à M. Trioson). — 281 — relation dont celui-ci avait été très vivement frappé et qu’il disait être admirable (1). Péquignot s’adonnait aussi à la musique ; il parlait élé- gamment sa langue maternelle et litalienne. Ses talents lui auraient permis de faire bonne figure en société, mais il avait pour le monde une aversion naturelle qui dégénéra peu à peu en une misanthropie maladive, au moins dans la dernière partie de sa vie. Il apparaît comme une nature molle et sans ressort : il devient le jouet des événements et de ses passions ; malhabile à conduire sa barque, il reste sur le rivage où la tempête le fait échouer ; il ne réagit ni contre le sort adverse ni contre les effets déprimants de la solitude. À ce caractère faible, il eût fallu le réconfort d’un foyer con- jugal ou l’appui d’une amitié dévouée ; il ne sut pas se créer le premier, et le second lui fit défaut après le départ de Girodet. Il négligea sa tenue et, chose plus triste, versa dans la plus funeste des habitudes, lalcoolisme. Coupin rapporte qu’un élève dé Girodet, M. Delorme étant venu à Naples, était chargé par son maitre de porter à Péquignot le témoi- gnage de sa vivace affection. Péquignot refusa par deux fois de le recevoir ; Delorme fut obligé de forcer sa porte etil trouva lPami de Girodet dans un état « qui expliquait sa répugnance à se laisser voir ». Ce déplorable genre de vie abrégea les jours du malheu- reux artiste : Péquignot avait à peine quarante-deux ans quand il mourut à Naples en 1807. Sa mort causa un vif chagrin à Girodet qui renonça dès lors au projet qu’il avait toujours caressé de retourner en ltalie : : Je ne les verrai plus ces pays enchanteurs..... Je n'y trouverais plus cet ami précieux ; Ce beau ciel qu’il aimait n’éclaire plus ses yeux. Ces vallons enchantés, ces grottes pittoresques, Où souvent Ss’égaraient ses pensées romanesques, (1) GiRoDET. Œuvres posthumes (Note de P.-A. Coupin). 17 — 982 — Ces monts, nouveaux enfants nés des flancs des vieux monts, Et qui savaient si bien inspirer ses crayons, Ne feront plus jamais son bonheur et sa joie. De la mort son génie est devenu la proie : Dans l’été de ses ans le barbare destin Arracha les pinceaux à sa savante main. Ces regrets exprimés par Girodet dans le 3° chant de son poëme Le Peintre sant suivis de cet éloge où lauteur, en même temps qu’il vante la modestie, le désintéressement et le mérite de Péquignot, va jusqu’à lui prédire une célébrité posthume : La France honorerait aujourd'hui sa mémoire, Si son orgueil, moins fier, eut accueilli la gloire, Aimant les arts pour eux, heureux d’être oublié, Ses seuls besoins étaient l’étude et l’amitié ; Par l’étude fixé sur la terre étrangère, Pour compagne il garda la pauvreté sévère, Pour mentor le travail, et ses nobles mépris Aux hommes comme à l'or n’attachaient aucun prix. Plus d’une fois j'ai vu la bizarre fortune, Accourant sur ses pas, lui paraître importune, Je l’ai vu dédaignant les dous de sa faveur Lui-même malheureux, secourir le malheur ! 0 toi, qui malgré toi, seras un jour célèbre Reçois, cher Péquignot, cet hommage funèbre ! Hélas ! en te quittant J’espérais quelque jour Te revoir dans ces lieux si chers à ton amour : Les temps ont emporté mes vœux avec ta vie. Ami, paix à ta cendre et gloire à ton génie ! On pourrait croire que le mot génie est venu sous la plume de Girodet pour satisfaire aux exigences de la rime ou qu’il n’est qu'une hyperbole poétique. Le trait suivant rapporté par Coupin, montre que même en prose, Girodet tenait à. ce vocable pour caractériser l’œuvre de son ami. Un jour + — 283 — que, dans l’atelier de l’auteur des Funérailles d’'Atala, on s’entretenait de Péquignot, un des élèves déclara : « C'était un homme:de talent » — Dites un homme de génie, reprit sèchement le maître. Péquignot mourut dans la misère, à côté d’un trésor. Il laissait en effet un portefeuille considérable et de grande valeur. Son frère aîné, qui était son seul héritier donna sa procuration, sur le conseil de Girodet, à un colonel napoli- tain, Calcidonio Casella, dont la probité n’était pas la princi- pale vertu. Ce mandataire infidèle recueillit tous les tableaux et les dessins, les vendit à son profit et n’en rendit aucun compte à l’héritier (1), Cette partie importante de l’œuvre de Péquignot fut perdue pour la France. Que subsiste-t-il encore des tableaux de Péquignot? Et où sont ceux que le temps à épargnés? Dussieux dans son ouvrage « Les artistes français à l’étranger » (2) énonce que tous les paysages de Péquignot sont en ftalie. Cependant Coupin déclare que Girodet saisissait avec empressement l’occasion d'acheter les toiles de son ami, qu’il en possédait plusieurs d’une grande beauté et qu’il en copia quelques- unes. D'autre part, À. Guenard dans son livre sur Besan- çon (3) déclare que les principaux ouvrages de Péquignot sont restés en ftalie ou, achetés par des amateurs étrangers, enrichissent les musées d'Allemagne et de Russie. (1) Œuvres de Girodet (Lettre XI, du 14 janvier 1816, à M. Chatillon) : «... Je ne crois pas, je suis même certain mon cher Chatillon, que M. Péquignot n’a reçu aucun des effets n1 des dessins de son frère. Je n'ai rien reçu moi-même, comme vous savez. M. Calcidonio Casella était parti de Paris avec une procuration de M. Péquignot. Il m’a écrit depuis qu'on exigeait pour la remise des effets un nombre de ducats, peut-être le même que réclame la famille Dines, mais il ne m'a point marqué qu'il les eut payés ; au surplus je n’ai que des souvenirs très vagues de ce qu'il m'a mandé, n'ayant point eu depuis de nouvelles ni de lui ni de personne. Je ne puis pour l'instant vous donner d’autres renseignements. » _(2) Page 442. (3) Alexandre GUENARD. Besançon. Edition de 1860. — 984 — Ces indications sont vagués et quelque peu contradictoires. J'aurais voulu pouvoir retrouver dans des musées d'Europe, ou dans des collections particulières quelques œuvres de l'artiste baumois. Les recherches auxquelles je me suis livré n’ont pas été couronnées de succès : M. Venturi, professeur d'histoire de l’art à Rome, à qui j'ai fait demander des rensei- anements par un obligeant intermédiaire (1) ma fait dire qu’il avait vu plusieurs tableaux de Jean-Pierre Péquignot, mais qu’il se rappelait seulement le paysage napoltain qui est au Musée de Besançon. Cette réponse ne m’apprenait rien et me laissait à mon point de départ. Le paysage du Musée de Besançon provient de Jean Gigoux qui Pa donné de son vivant. Il eût été intéressant de savoir où cet artiste se l'était procuré, mais sa correspondance avec Fanart (2) relative aux nombreux dons artistiques de Gigoux à la ville, est muette sur ce point. Une seule lettre du 20 septembre 1884 fait allusion au tableau de Péquignot ; le donateur se plaint de ce qu'on n'ait pas encore inscrit sur le cadre la mention : « Donné par Jean Gigoux ». Le peintre officiel des batailles du premier Empire, Gros, possédait deux tableaux de Péquignot, qui ont été reproduits par la gravure dans les Annales au Musée et de l’école ma- derne des Beaux-Arts de G.-P. Landon, Paris, 1808. Paysages et tableaux de genre, Tome 5°, planches 11 et 13. Ces gra- vures sont l’œuvre de Beaujean. En regard de la planche 11, on lit: « Cet ouvrage de M. Pecquignot (sic), artiste français actuellement à Naples, offre la réunion de différents sites pittoresques, dessinés d’après nature en Italie, manière de composer le paysage généralement adoptée par les peintres qui ont voulu s'élever au style historique. Les plus beaux fonds des tableaux du (1) M Charles Thuriet, président honoraire, demeurant à Turin. (2) Les lettres de J. Gigoux à Fanart sont conservées à la Bibliothèque de Besançon. — 9285 — Poussin ont été pris sur la nature ; il n y en a peut-être pas un où l’on ne retrouve quelques-uns de ces édifices dont l'aspect embellit les environs de Rome. Le paysage de M. Pecquignot est bien composé. Deux satyres sont les seuls personnages qui animent cette solitude agréablement variée et rafraichie par de belles masses de verdure et par de nom- breuses cascades qui se précipitent du haut des montagnes ». En regard de la planche 13 figure la mention suivante : « Ce paysage du même auteur est également une vue com- posée de diverses études dessinées d’après nature. On remar- que dans celui-ci des lointains d’un aspect majestueux et de belles fabriques » (). Un autre tableau de Péquignot a eu les honneurs de la gravure. On lit sur l’estampe les mentions suivantes, tra- duites de l'Italien : « Vue de Pestum, prise hors les murs, près de la porte septentrionale où, en 1805, furent faites quelques fouilles sous la direction de Félix Nicolas. Le tableau original, de quatre palmes napolitaines sur trois, existe dans le cabinet de ce même M. Nicolas. P. Péquignot le peignit en 1805. Louis Vocaturo le dessina et le grava en 1812 ». Cette composition présente au centre le sieur Nicolas, entouré de sa femme assise et de nombreux curieux ; …l donne des ordres à des ouvriers creusant une fouille. Les ruines et les environs de Pestum forment le fond du paysage. On relève quelques erreurs de dessin, telles que la dispro- portion du corps et de la tête des personnages. Cette faute, très fréquente autrefois, est vraisemblablement imputable au graveur napolitain (2). Suivant le dictionnaire général des artistes de l’école fran- çaise (3) le Salon de 1810 contenait deux toiles de Péquignot: (1) Note ajoutée à la page 14: Ces deux paysages sont tirés du cabinet de M. Gros, peintre, auteur de la Peste de Jaffa. (2) Cette estampe fait partie de la collection de M, Cochon, conservateur des forêts en retraite à Chambéry. (3) De la Chavignerie et Auvray. — 286 — les Grecs évacuant l’Asie après la guerre de Troie, et Mur- cellus faisant emporter les objets d'art de Syracuse. Les titres seuls de ces tableaux prouvent que Péquignot se sou- venait au besoin d’avoir été l’élève de David et ne craignait pas d’aborder la peinture d’histoire. _De ses excursions aux environs de Naples et en Sicile, Péquignot rapportait de nombreux dessins à l’estompe, rele- _vés de sépia et de blanc, sur papier bleu. Dussieux déclare que ces dessins sont fort beaux. L'artiste s’en servait pour composer ses tableaux, qui pour la plupart ne reproduisent pas exactement un site déterminé, mais présentent un grou- pement harmonieux de fragments de vues diverses, prises ça et là dans une contrée. Il en est ainsi, d’après Landon, des deux paysages gravés dans ses Annales des Beaux Arts; le tableau du Musée de Besançon me paraît issu du même procédé. Cette méthode avait ses écueils et les nombreux peintres qui l’ont mise en pratique au xvirie siècle n’ont guère su éviter le faux et artificiel. Péquignot au contraire est un des rares artistes qui, de l’avis d’un critique autorisé, Henri Delaborde (1), n’est pas tombé dans les défauts de ces combinaisons arbitraires, et a réussi (à ennoblir le vrai sans pour cela le travestir. » Je me vois forcé de clore ici la liste, malheureusement fort écourtée, des œuvres de Péquignot. Faute de pouvoir en citer d’autres, malgré mes recherches, 1l ne me reste qu'à reproduire les appréciations formulées par ceux qui ont eu la bonne fortune d’en voir un plus grand nombre. Coupin s'exprime ainsi : « Péquignot, peu connu du public, avait un talent véritablement original et ne devait rien qu’à lui-même. Quoique l’on s’aperçoive bien qu’il a observé la nature, plutôt à la manière du Poussin et du Guaspre que comme les coloristes. il n’y a cependant pas d’analogie entre lui et ces maîtres. Ses arbres sont toujours d’une beauté de (1) Gazette des Beaux-Arts. Année 1864. og forme et d’un choix de contours remarquables. Les sites qu’il représente ont une grâce et une originalité qui plaisent à imagination. On ne rencontre dans aucun peintre le carac- tère agreste et sauvage de ses montagnes. Souvent il a donné à ses ciels un choix de forme qui n’appartient qu’à lui. « Les tableaux de Péquignot avaient peu d’effets ; on peut reprocher aux arbres de ses premiers plans de manquer de vérité : le feuillé est souvent trop compté ; on n’v trouve pas cette espèce de désordre qu'offre la nature ; mais ce défaut, peut-être inévitable lorsqu'on cherche constamment la beauté, n’est plus sensible dans les autres plans. La poésie, l'élévation du dessin, la beauté des lignes et une grande délicatesse d'exécution font le mérite particulier des tableaux de Péquignot (1) ». Dussieux, dans son livre sur les Artistes français à l'Etranger, porte un jugement presque identique à celui de Coupin : « Péquignot, peu connu généralement, était cepen- dant un artiste d’un talent remarquable surtout par lorigi- nalité ; il ne devait rien qu’à lui-même..... Le plus sou- vent ses paysages sont inventés, toujours très poétiquement composés, pleins de goût et d'originalité ; ses ciels, ses mon- tagnes ont des formes et un caractère tout particuliers ; si les arbres des premiers plans sont de convention, les autres plans de ses tableaux n’offrent plus ce défaut et l’on ne peut qu'y admirer la poésie du dessin, la beauté des lignes et une grande délicatesse d'exécution » (2). Plus d’un siècle s’est écoulé depuis la mort de Péquignot, | et, contrairement à la prédiction de Girodet, ce n'est pas la célébrité qui lui est advenue, mais l’oubli. La Franche-Comté elle-même semble ignorer cet enfant prodigue qui l’a quit:ée _ tout jeune et ne lui est jamais revenu. Il est ainsi des êtres que la fatalité poursuit même au delà de la vie: Péquignot (1) Œuvres de Girodet (Notes). (2) Dussieux. Les Artistes français à l'Etranger, p. 442. __ es est de ceux-là. Ne lui gardons pas trop rigueur de n'avoir pas repris racine sur le sol natal et d’avoir préféré à nos vallées verdoyantes et aux fiers sapins de nos montagnes les flots bleus du golfe de Naples et l’ombre des pins para- sols. Soyons-lui reconnaissants au contraire d’avoir porté au loin le renom de notre province et, dans la galerie des artistes comtois, réservons-lui une place parmi les meilleurs. BISONTINES & COMTOISES D'ANTAN LES CONTEMPORAINES DE GRANVELLE (1) Par M. Lucien FEBVRE MEMBRE RÉSIDANT MESDAMES, MESSIEURS, Ce n’est pas sans une certaine appréhension que je prends, à mon tour, place devant cette table. Non que j’éprouve ces craintes et ces angoisses que maints conférenciers croient utiles de décrire au moment de tenir leur promesse. Il y a une fausse timidité de conférencier, comme une fausse humi- lité d’académicien ; le moins qu’on en puisse dire, c’est qu’il est bien tard pour la manifester quand on commence à prendre la parole : c’est avant qu'il convient de faire ses réflexions. | Non : ce qui me trouble un peu, ce n’est pas une sem- blable émotion — une émotion de rigueur, comme lhabit noir; c’est, vous l’avouerai-je, mon sujet. « Beau sujet, ma dit l’autre jour un ami ; beau sujet : ce sera une jolie conférence pour dames ! ». C'était dit de ce ton impitoyable- ment sarcastique auquel on reconnait, comme vous savez, la véritable amitié. Or, si rien n’égale, dans notre pays, le prestige du tailleur pour dames — le conférencier pour (1) Conférence faite au Théâtre municipal de Besançon, le 9 mars 1911, sous le patronage de la Société des Amis de l’Université. Le texte qui suit a été revu et légèrement augmenté pour la Société d’'Emulation du Doubs. — 290 — dames, ce présomptueux, est honni des sages, méprisé des doctes, légèrement ridicule aux yeux des gens de poids — et vous n’ignorez plus ce qui cause mon émoi. Je dois dire cependant que j'ai répliqué : Conférence pour dames pourquoi? parce qu’il sera question de nos aïeules ? La grossière erreur de psychologie! N’est-il pas prouvé que parler des femmes, tel est le vrai moyen d’intéresser les hommes ? Lorsque, dans les palais des rois, les vieux aèdes chantaient les poèmes d’Homère, soyez-en certains : c'était le casque d'Achille à l’aigrette flamboyante, et ses mâles ex- ploits, et sa force indomptable qui séduisaient les filles et les femmes des héros, de tous temps amies des brillants unifor- mes. Mais la fraiche figure de Nausicaa, et les jeux innocents de ses suivantes, et Pénélope assise à son foyer, et la mélancolie résignée d’Andromaque — voilà qui attendrissait les hommes, et mettait dans ces yeux à l’éclat guerrier la lueur plus douce d’un regard amoureux... Laissons du reste ces distinctions oiseuses. Aujourd’hui, à notre époque de féminisme triomphant, vouloir les faire revivre serait un ridicule. Disons-le par contre: pour un Bisontin, penser aux Bisontines, aux Comtoises d’autre- fois — plus spécialement, aux Bisontines, aux Comtoises du seizième siècle, rien n’est plus naturel. « Besançon, ville du xvI° siècle » : il ne faudrait pas que la phrase devienne une formule ; mais elle chante souvent à mon oreille, lorsque je me promène par les bonnes rues de notre vieille ville. Je dis «les bonnes rues » -- non pas celles où s’ahgnent des devan- tures banalement, uniformément, maladroitement modernes, au bas de vénérables maisons à qui elles donnent je ne sais quel air déplaisant de très vieilles dames qui, se croyant très jeunes, retrousseraient un peu trop haut leur jupe. Mais il y a tant de chères vieilles rues, dans notre Besançon, qui semblent depuis des siècles n'avoir pas changé — qui nous restituent si fidèlement encore l’image de la vieille cité, de l’active et prospère ville libre impériale, de la petite répu- oo blique fièrement indépendante qui s'administrait elle-même, vantait à tout venant ses franchises, sa noblesse, son anti- quité et portait au front, comme la plus belle des parures, la fameuse phrase où César dans sa langue précise, dans sa dure langue de Romain, a décrit pour les siècles son site privilégié ! Allez à l'heure où le soleil descend, où, des hauts toits penchés, de grandes ombres s’inclinent vers le sol — allez dans ces rues délaissées et solitaires du Besançon monas- tique et clérical d'autrefois : à Rivotte, où, près du porche sculpté des Jacobins, la maison Mareschal dresse encore, contre la vieille porte de Charles-Quint, sa masse élégante ; dans la rue du Mont-Sainte-Marie, dans la rue de la Lue, dans la rue des Martelots: plus haut, rue du Cingle, au long de cette belle demeure où François Bonvalot, prélat épicu- rien, se délassait de ses graves soucis avec la troupe aimable _de ses musiciens d'Italie, de ses chanteurs de Flandre — les méchantes langues ajoutaient : et l’escadron volant de ses jolies soubrettes : parcourez encore cette très vieille rue où le soleil de trois heures révèle, soulignées d’ombres épaisses et profondes, de si harmonieuses, de si nobles corniches : rue monacale, véritable musée de façades séculaires à qui Ernest Renan, tout le premier, aurait demandé qu’on n’ôte pas son vieux nom de rue du Clos; partout, c’est le xvi° siècle, la grande époque de la prospérité, la véritable époque de la splendeur bisontine qui vous apparaitra. Et lorsqu'on songe à tant de vies humaines qui se sont dérou- lées entre ces vieux murs ; quand on pense à tout ce qu'ils ont abrité de joies et de douleurs et de drames poignants, comment ne rêverait-on pas aussi de celles qui de leur sou- rire — cet éternel sourire, mystérieux et doux, irritant et consolateur, qui berce depuis des siècles, mais qui avive aussi notre misère humaine — ont rempli, amantes passion- nées, femmes diligentes, mères tendrement chéries, le cœur de tant d'hommes et leur destinée ? | — 292 — De les faire revivre, la tâche est vraiment malaisée. Point de lettres. Les maris seuls alors tenaient la plume. Point de mémoires. Les maris seuls contaient aux siècles à venir leurs campagnes ou leurs négociations. Point de confidences in- times, de témoignege direct sur la vie quotidienne des com- toises du xvi° siècle. C’est que, dans l’histoire générale de la femme, ce siècle marque une époque de transition. Ce n’est plus le Moyen-Age et sa contrainte ; ce n’est pas encore la hberté moderne. La femme n’a pas rompu ses entraves sécu- laires. Il en pèse sur elles, et de lourdes — plus lourdes, Mesdames, que celles qu'il y a deux ans, un des rois de la la mode imagina de vous faire porter au bas des robes, comme l'affirmation, pleine de bravade et d’ironie, d’une libération presque entière... Certes, il y a, au temps de Marguerite de Navarre, des femmes qui écrivent. [Il y a, au temps de la vieille Madame de Gournay — que l’on me passe un anachronisme possible — des femmes bas-bleu ; il y a, enfin, au temps de la reine Margot, des femmes émancipées : mais ce sont des excep- tions, de ces exceptions qui confirment la règle. Femmes de cour, grandes dames, duchesses ou princesses, ces affran- chies. Sous François Ier ce sont elles qui peuplent les châ- teaux de la Loire où se déroule la facile existence dont rêvait leur favori Marot : Sous bel ombre, en chambres et galeries Nous pourmenans, livres et railleries, Dames et bains seraient les passe-temps, Lieux et labeurs de nos esprits contents... Le chien, l'oiseau, l’épinette et le livre, Le deviser, l’amour à ung besoing Et le masquer, serait tout notre soing... — 993 — Plus tard, c’est à elles que s'adressent les vers subtils de la Pléiade, les sonnets de ces italianisants qui ont appris à Padoue, à Venise, à Ferrare, à Bologne, à Rome même, la langue délicate et les grâces maniérées de l'amour courtois. Mais qu’on prenne seulement les prosateurs, les conteurs à la verve copieuse : dans leurs récits gaulois, la femme n’est certes pas une idole précieuse et quintessenciée ; c’est la forte commère, aux cottes amples et larges couvrant des chairs robustes -- la commère à bonne poigne, à bon bec, et qui ne fait servir sa ruse, sa finesse, sa subtilité de femme qu’à la satisfaction d’instinets un peu gros, d’appétits encore sans délicatesse. Or, en Comté, il n’y avait point de cour. Les Comtoises se comptent, au xvI° siècle, qui, mariées à de très hauts set- gneurs, font figure les unes en France, dans l’entourage des Valois, les autres aux Pays-Bas ou en Espagne (1). Celles qui restaient dans leur pays, celles qui nous intéressent en ce moment, c’étaient dames de petite, de pauvre noblesse : sur- tout, c’étaient des bourgeoises : les unes opulentes, d’autres modestes, mais toutes, les grandes et les petites, les riches et les pauvres, apparentées par des conditions communes d'éducation, de développement et d'existence. Existence terne ? Education mesquine ? Développement contrarié ? Sans doute, à examiner les choses du passé avec nos yeux à nous. Mais ce qu’il faut bien voir, ce qu’il faut (1) Telle était la belle Antoinette de Montmartin, femme «le ce Jean de Poupet. seigneur de la Chaux, qui accompagna Charles-Quint jusqu’à YVuste ; telle encore Françoise de Longwy, une des belles par le monde au dire de Brantôme, et qui devint Madame l’Amirale par son mariage avec Philippe ‘:aabot. Le fils de Philippe, Léonor de Chabot-Charny, épousa également une Comtoise, et de même nom : Françoise de Longwy, veuve en premières noces de son cousin Claude-François de Rye. Enfin, on connait Madame de Carnavalet : Comtoise elle aussi, cette Françoise de la Baume, dame de Pesmes, qui d'abord avait épousé Gaspard de Saulx- Tavannes. — Sur l’amirale Chabot, cf. Brantôme, éd. Lalanne, t. VIF, p. 381 ett. IX, p. 358. — Oo = justifier, c’est qu’à cette époque, la femme était et devait être avant tout la bonne ménagère — celle qui fait la maison douce au retrouver. L'homme en avait besoin, vraiment besoin. Guerres étrangères et guerres civiles, profondes révolutions de la science et de la conscience : c’est au milieu des batailles, des supplices, des bûchers, des crises intimes et des déchirements qu’il cherche sa voie douloureuse, le siècle des conquistadors et des humanistes, de la Renais- sance et de la Réforme, — le siècle qui arracha un jour ce eri à la grande âme d’un Michelet, tout émue devant le jet héroïque d’une immense volonté: le xvie siècle est un héros! La mort ! mais elle était partout alors ; elle rôdait partout autour de l’homme. Point besoin, pour la contempler, d'aller méditer dans le cloitre de Bâle sur la danse macabre qu'y peignit le vieux maître, trop plein de son sujet. Elle se dres- sait nideuse, sur les grands chemins, à la vue des passants. Aux portes des villes, c’est le bois rouge du gibet, tout chargé de ses grappes douloureuses, qui accueillait d’abord le voyageur. Et dans la vie quotidienne, le marchand le plus pacifique, le juriste le plus débonnaire, le financier le plus prudent — c'était à chaque pas que, sournoise ou brutale, la mort pensait à les dévorer. Prenons les épisodes les plus calmes, les plus réguliers, les plus privés de danger de notre existence, et par exemple nos années d'étude. Aujour- d’hui, à 18 ans, son baccalauréat conquis, le jeune homme va s'inscrire à l’Université. Le plus loin qu'il aille, s’il est Montbéliardais ou Pontissalien, c’est à Besançon : s’il est de Besançon et s’il dédaigne — bien à tort! — les ressources de sa ville, c'est à Paris : sept heures de voyage ; on part à cinq heures, sa Journée terminée ; on débarque à onze heures et l’on reprend aussitôt, avec ses vieilles habitudes, l'allure spéciale, le pas vif et pressé du Parisien — de naissance ou d'adoption... Au xvie siècle ! À dix-huit ans, le jeune homme s’en allail aussi. Mais quel départ ! La veille, devant notaire, il a passé — 9295 — son testament, réglé ses dernières dispositions, prévu sa mort et ses funérailles : nous en avons des dizaines encore, de ces actes passés par des jeunes gens à la veille de gagner les « escolles » lointaines (1), A la porte de la maison pater- nelle, le cheval est là, le bon cheval paisible qu’il va enfour- cher ; dans les fontes un gros pistolet; à l’arrière de la selle, dans une trousse, les vêtements et le linge. Et la mère en pleurs, les vieilles servantes entourent le voyageur ; bientôt il aura, pour toujours peut-être, franchi la porte d’Arènes au guichetier soupçonneux : un dernier baiser au père, venu lui faire un dernier bout de conduite — et c’est le grand départ, la chute définitive dans le monde hostile. - C'est qu’alors la mode était que les études se fissent en sept ou huit Universités — j'ajoute, pour nos Comtois, en trois ou quatre pays différents. Rabelais nous à conté les pérégrinations studieuses du noble Pantagruel en son jeune âge (21. Quand il est las de banqueter à Poitiers, il ceint ses reins et le voilà parti. [l gagne Bordeaux d’abord, puis Toulouse, puis Montpeilier, où il trouve bon vin et joyeuse A) Nicolas Duchamp, futur conseiller au Parlement de Dole, passe son testament le 1e juin 1548, « estant en chemin pour aller parfaire son estude ès pays et villes d'Italie » (Arch. du Doubs, Parlem. de Dole, Reg. Procureur B 58, fo 38). — Louis Heberling, fils du lieutenant général au bailliage de Dole Horibalde Heberling, passe le sien à Salins, le 17 février 1563, « ayant espoir de prendre et dresser prestement son chemin contre le pays d'Italie, doubtant le péril et danger de la mort » (ibid., Reg. B 57, fo 173). — Claude Piquard, chanoine de Dole, à la veille de « voyager en Italie et y séjonrner quelque temps » arrête ses dernières dispositions le 20 octobre 1597 (ibid., Minutes du Notaire Du Chasne, à la date). — De même encore, le 13 février 1598, Jean Ramasson de Baume-les-Dames, « voulant de ce pays passer oultre, à l’intencion et désir de poursuyr ses estudes, et qu’à cette occasion, l'on n’est certain du retour » (ibid., à la date). Etc. (2) Pantagruel, À. Il, ch. V. — 996 — compagnie : même, séduit par le renom des Esculapes du: cru, il SwyPcuide mettre à estudierventmédecine mais en s’avise à temps, comme vous savez, que « l’estat estoit fas- cheux par trop, et mélancolique, et que les médecins sen- toient les clystères comme vieux dyables ». Le voilà en route pour Avignon, puis pour Valence, où les maroufles de la ville battaient les écoliers ; alors il gagne Angers, puis Bourges, puis Orléans, enfin Paris, la grande capitale : c’est un tour de France dûment parachevé. Tour joveux, tour périlleux aussi: nos Comtois, en con- naissaient bien la virile séduction. [Is commencçaient d’abord leurs études à Dole ; puis, tantôt par Fribourg, Heidelberg et Cologne, ils gagnaient Louvain, la grande Université catho- lique des Pays-Bas(1) ; tantôt, plus souvent, ils descendaient le Rhône, par Valence, allaient s'embarquer à Marseille pour Gênes, gagnaient Pavie, de Pavie Ferrare, de Ferrare Padoue, Bologne, puis Rome, puis Naples enfin — et c'était de là, du fond de l'Italie, qu'ils revenaient par petites étapes, leurs grades conquis, leurs études parachevées, après trois ou quatre ans d'absence, prendre en leur pays une situation bourgeoise. (4) Le cardinal de Granvelle avait étudié à Louvain, avant d’aller aux «escolles d'ftalie ». Nicolas Duchamp, que nous citons plus haut, avant d'arriver à Ferrarre avait étudié à Dole, à Louvain, à Poitiers et à Pavie On trouvera de nombreux exemples analogues dans les deux articles du Journal des Savants, année 1902, où M. Picot a dressé la liste des Français (Comtois compris) qui figurent dans les matricules de Ferrare au xvi° siècle. Nous renvoyons également d'avance le lecteur au chapitre XX, p. 601 et suiv., de notre livre: Philippe IT et la Franche-Comté, Besançon, 1911, in-8, sous presse. — Les matricules de l’université de Louvain sont en cours de publication: un premier volume a déjà paru (Matricules de l'Université de Louvain, pp. Reusens, Bruxelles, 1903. in-%0) ; mais il ne va encore que des origines au 30 août 1453. Par contre, les matricules d'Heidelberg ont été publiés intégralement par Gustave Tœpke (Die Ma- trikel der Universität Heidelberg von 1386 bi: 1662 ; t. L, 1386-1554, Heidelberg, 1884, in-8’;t. Il, 1554-1662, ibid., 1882; on y relève un certain nombre de noms comtois. 09 — Songez aux périls quotidiens qu'ils devaient affronter. Il y a, sur la route, tant de mauvaises rencontres ! Ce sont les auberges où de mauvais drilles, parlant haut, jurant fort, cherchent volontiers noise à l’inexpérience des béjaunes: une querelle, une provocation, un bon coup d'épée : voilà notre étudiant par terre, évanoui, et le galant, penché sur lui, qui, d’un geste plein d'expérience, explore rapidement les poches de son pourpoint. À l'écurie de cet hôte à mine patibulaire, il a mis son cheval, le bon cheval que lui ont procuré ses parents : heureux, quand, au matin il ne retrouve pas à sa place le bidet étique de ce gentilhomme gascon à longue rapière, qui, la veille, menait si grand tapage à la table com- mune et vidait sibravement les plats dans son assiette. Et ce sont encore les bandes de bohémiens, sur leurs rosses scala- breuses, avec leurs feutres sales dûment empanachés : les Égyptiens, diseurs de bonne aventure, pilleurs, hâbleurs, voleurs, assassins au besoin : les homines, sujets du Grand Coësre, à la mine hâve et patibulaire : les femmes, boulottes et grasses, aux cheveux pommadés à la moelle de bœuf, avec une verroterie cinquante sur la poitrine — tout le peuple des « gueux », qu'un peu plus tard décrira Jacques CGCallot (1). Trois ans, quatre ans de suite, le jeune homme voyage, cha- que jour s’écartant un peu plus du pays natal ; sans lettres pendant des mois, sans nouvelles, sans moyen de revenir plus vite qu’en cinq ou six semaines. Rude entrée dans la vie, pour les jeunes bourgeois : combien, au long des rou- tes, sèment leurs ossements ! Les autres ? Revenus au pays, établis marchands, ou procureurs, ou juges, ou avocats — mais à chaque instant, il leur fallait reprendre leur harnais, décro- cher la selle pendue au mur, ceindre leur longue épée et véri- fier l’amorce de leurs pistolets (2). (1) Cf. le joli petit livre d’H. Bouchot : Jacques Callot, sa vie, son œuvre et ses continuateurs, Paris (Bibliothèque des Merveilles), 1889, in-80, p. 5 et SUIv. (2) Voici par exemple un marchand bisontin, le parcheminier Vernier : 18 00 À cheval! Dans trois semaines, c’est la foire à Lyon, la grande foire qui dure au moins un mois et où se rencon- trent, où fréquentent à la fois les Allemands et les Suisses, les Français, les Savoyards, les [taliensetles Bourguignons (1). Maître Jean Mareschal, le gros marchand bisontin, doit s’y rendre. À Fraisans, à Etrepigney, à Falletans, il a acheté plusieurs milliers de clous — de ces clous que fabriquent là, dans leurs huttes enfumées, les paysans riverains de la forêt de Chaux et qui se vendent bien sur les marchés lointains. Il a aussi tout un lot d’étains de Besançon, de beaux étains, des gobelets, des buires, des aiguières de la fabrique réputée de Jean Lestornel — sans compter plusieurs de ces petites chaises en noyer poli, qu'on appelait joliment alors des bavardes, des « caquetoires », et que Pierre Chenevière, le menuisier célèbre, l'ami de Hugues Sambin, fabrique à Besançon (2). dans l'inventaire de ses biens, dressé en 1596, on relève une grande arcquebuse à mesche » avec son fourniment, et (une arquebuse à croche » (Arch, du Doubs, Officialilé, G 708). — En 1569, d’après un inventaire également, le conseiller au Parlement Seguin laisse un corcelet noir avec brassards. salades, gantelets, tassetles ; un corcelet blanc, avec brassards et bourguignotte à l'antique ; six arbalètes; deux longues arquebuses et une moyenne ; deux pistolets, l’un façon Dijon, l’autre façon d'Allemagne ; des épées, des hallebardes, des piques ferrées (ibid., Parlement de Dole, B 0418 liasse). — En 1571, le commis au greffe Perrin, dans sa chambre haute, possède à Dole une selle et un mors; un corcelet et deux morions ; deux hallebardes, une pertuisane, deux épées, deux piques, deux pistolets. Autres exemples dans Febvre, op. cit., ch. X: la Vie bourgeoise. (1) Sur les foires de Lyon, ef. Vigne (M), La Banque à Lyon du XVe au XVIII s, Lyon-Paris, 1903, p. 110 et suiv.; cf. également dans la Description générale de Lyon et du Lyonnais en 1573, de Nicolas de Nicolay (p.p. la Soc. de Topographie historique de Lyon, 1881, in-f°), l'énumération des marchandises qu’on apportait à ces foires. (2) Sur Chenevière, cf. A. de Champeaux, Le Meuble, Paris, 1885, in-8, t. I, p. 196. — En 1597, le très riche marchand Claude Darc, d'Amance (Hte-S., ch. 1. de canton, arrt de Vesoul) lègue à son fils, entre autres meubles, « six chaises appellées quaquetoires, que viennent de Besançon » (Arch. du Doubs, Parlem. de Dole, Reg. Procureur B 71, fo 286 v-°). — 999 — Îl n’est que temps de ramasser la cargaison, de la charger sur de lourds chariots, de rattrouper et d’endoctriner les domestiques. Par les mauvais chemins, il faudra bien quinze jours pour gagner Lyon ; et quels jours, quels soucis, quels dangers continus ! Le maitre. à cheval, armé jusqu'aux dents, sans cesse doit courir de la tête à la queue de la caravane, sans cesse se méfier des passages resserrés,des bois où peu- vent se cacher les brigands ; les attaques sont fréquentes, les coups de main, les batailles, sans parler des incidents vul- gaires : les chariots qui versent ou s’enlisent dans la boue, les commis des péages, rapaces, qui veulent imposer une dîme trop forte au riche passager... Surtout, gros souci, dans la première voiture, au fond de trois forts tonneaux innocem- ment remplis de beurre fondu (l), le marchand a caché en gros écus d'argent, en monnaie de billon toute verdegrisée, en pièces de tout aloi, de toute effigie, de tout poids aussi (2) — et quel poids ! — une grosse somme, deux mille francs, qu’il porte à ce Gênois qui, l’an dernier déjà, lui vendit des soieries aux brillantes couleurs...Dans les hôtelleries, soyvez- en certains, 1l ne dormira pas d’un sommeil bien lourd, le bon sire, jusqu’au jour où, de loin, il apercevra les collines de Fourvière ! (1) On cachait aussi l'argent dans des tonneaux de marrons ou de cha- taignes ; par ex. le 23 janvier 1583, un marchand lorrain de Remiremont se plaint au Parlement de Dole qu'ayant eu à transporter pour le compte de son maitre, un gros marchand, la somme de 1800 francs de Genève à Mirecourt, il s’est fait voler à Valdahon bien qu'il eùût mis l’argent « pour faire le port plus facille et asseuré, dans ung thonneaul plain de chas- taignes » (Arch. du Doubs, Reg. Proc. B 60, f° 75). (2) Un receveur du don gratuit de 1585, Jean Desnoyers, ayant à trans- porter 700 fr. de Port-sur-Saône à Gray, y emploie deux chevaux, vu « que ung cheval seul ne pourroit commodément avec l’homme pourter telle somme de sept cent vingt frans ». Le même demande 55 fr. pour avoir, en juin 1587, mené de Port-sur-Saône à Gray « sur une charrett: appliée (sic) d’ung cheval, 2200 fr. à l’assistance de Loys Cabasseur, dud. Port, notaire; Thiébauld, prebstre, et Urbain Migonney. conducteur de lad. charrette » [ls y ont employé 6 jours, retour compris ; ils avaient trois chevaux comme montures (Arch. du Doubs, Etats, C 243, Compte Des- noyers, fos 14 vo et 17). — 300 — Quand :l rentre au logis, après des semaines, des mois d'absence, transi, crotté, tout recru de fatigue, ce qu’il veut, ce qu'il lui faut, c’est le bon accueil de la ménagère empres- sée; c’est l’intérieur confortable et brillant de propreté, la maison chaude et bien réglée, les comptes tout en ordre, le peuple des servantes savamment policé et la bonne maîtresse de maison, accorte et souriante, un peu grasse, un peu rouge d'émotion, avec son trousseau de clefs pendu à la ceinture — et lui tendant, d’un air modeste, ses joues fraîches. Joie bour- geoise, un peu courte sans doute ; femme un peu médiocre pour nos goûts et nos humeurs inquiètes : c'est la femme selon le cœur de Rabelais, issue de gens de bien, instruite en vertus et honnêteté, aimant et craignant Dieu - et pour le reste ne gardant qu'une loi, la grande loi des femmes dit le vieil auteur : adhérer complètement à son mari, le chérir, le servir, uniquement l’aimer après Dieu — bref, le réfléter en tout, comme la lune discrète qui du soleil seul tire son éclat voilé. 5 REA Maintenant, là où finit l’histoire, le rêve commence et le roman — le roman qui peut-être aussi vrai que la réalité, puisqu'il n’en est parfois qu’une des formes ? Je pense sou- vent, pour moi, à cette belle histoire, et si riche de sens, que Maurice Barrèsjadis - le Barrès des anciens temps — nous a finement, délicieusement contée (1). C'est celle d’un riche bourgeois de Bruges, aux temps bénis de la Renaissance — un mélancolique désæuvré, un rêveur que la placidité coutumière d’une existence trop uniformément heureuse, la joie monotone des grands festins flamands, l'attention flat- teuse des commères brugeoises - lamour même, l’amour limpide et tranquille d’une femme aux yeux très clairs, aux (1) Maurice Barrës, Du Sang, de la Volupté et de la Mort, édition de 1903, p. 67 et suiv. : Les deux femmes du bourgeois de Bruges. — 301 — yeux de pervenche pâlie — ne parvenaient pas à satisfaire pleinement. Il forma donc le vœu de voyager, dit adieu à la ville des canaux et partit. En Italie, une femme qui avait ia beauté du pays « et qui par là lui parut incomparable », le retint. Elle le retint si fort, elle le prit si bien, que quand le Brugeois, ses ressources dissipées, dut songer au retour, il la pria de l’accompagner dans les Flandres où ils trouve- raient l'abondance. Et je ne vous dirai pas par quel artifice ils vécurent longtemps à Bruges, le marchand, lItalienne et la douce Brugeoise — tranquilles et heureux autant qu’on peut l’être ici-bas : mais leur bonheur n’était point de même qualité. De l’Ttahienne et du Brugeois le caractère était de repousser la médiocrité ; et quand, au long des canaux de la Ville dormante, ils regardaient les cygnes glacés frôler sans bruit les quais, ils se souvenaient, dit le chroniqueur, que Venise sur ses lagunes met des concerts et des femmes pas- sionnées — («tandis que la Flamande se contentait, si elle leur avait préparé un bon repas ou bien chauffé la maison ». Parmi les vieux Comtois. peut-être en était-il aussi qui. de retour au pays, ne pouvaient se rappeler sans une doulou- reuse ivresse leurs jours d'Italie, leurs années de jeunesse, les flaneries sous le ciel romain ou les lagunes enfiévrées de passion ; peut-être en était-il, tels le marchand de Bru- ges, pour se souvenir toute une vie que sur les larges dalles des rues toscanes, « des choses confuses avaient agité leur âme » — leur pauvre âme de demi-barbare mal dégagée encore d’une écorce trop rude. Crises profondes, crises pro- bables ; mais les morts en ont bien gardé le secret. De nos mains d’historien, de nos rudes mains de sceptique, n'es- sayons pas de le leur arracher. — 302 — IT Pourtant, ne préêtons pas aux Comtoises d'antan une existence trop triste, trop humble, trop monotone. Leurs spectacles, leurs joies, leurs divertissements n'étaient point les nôtres : elles en avaient cependant — et d’envia- bles. Elles avaient la rue d’abord, la rue du seizième siècle, la rue grouillante, vivante, colorée, la rue aux cent spectacles prouigieusement variés. Voulez-vous que pour un instant, nous nous mettions à la fenêtre — à la fenêtre aux meneaux carrés, à côté d’une bonne commère à large cotte ? C’est le matin, le si joh matin de Besançon qui tombe en nappes bleues des hauteurs du ciel clair, le matin aux grandes ombres veloutées qui estompent les hauts toits et les pignons dentelés. Soudain, un appel de trompe, un grand bruit dans la rue. Des cris, des pas précipités, des portes qui s’ouvrent ; puis un pié- tinement sourd, une ruée : ne vous effarouchez pas ! C'est, comme tous les matins, le berger du quartier qui vient prendre les bêtes au bout de la rue pour les conduire ensuite, les porcs à Chamars ; les grosses bêtes, hors des portes, vers la Croix-d’Arènes ou la rampe de Montjoux (1). Chaque maison presque a son écurie, son étable — tout au moins, ce petit réduit odorant où s’engraisse, en attendant le trépas, (1) Textes innombrables dans les registres des Délibérations Munici- pales de Besançon. Cf. par ex. le 26 août 1551 (Reg. BB 26, f 27 vo), ordre à Françoise de Vaulx « laquelle fait mener paistre grande quantité de vaches et thoreaulx par Champmars et aultres lieux » de mettre son bétail « avec l’une des proyes [troupeaux] de la cité, sans l'envoyer paistre aillieurs ». Fréquentes mentions du berger de Battant, du berger d'Arènes, etc. — Un édit. renouvelé ie 28 septembre 1554, interdisait de nourrir les pourceaux ailleurs € qu’en la place accoustumée, qu'est en Champinars » (Reg. BB 27, f° 58). — 303 — « Grognet » lui même (1), « Grognet » aux oreilles roses, au nez retroussé, à la queue en vrille, « Grognet », fabricateur placide de ces jambons exquis qui, au temps des Romains déjà faisaient le renom et la gloire des Séquanes... Les bêtes parties, le calme retombe. Mais voici les cioches maintenant qui s’éveillent — les cloches claires ou profon- des, sonnant à cent clochers : cloches de la Madeleine, épandant leur son grave sur le peuple fidèle des vignerons, des « bousbots pressés dans Battant, dans Arènes, dans Charmont ; cloches de Saint-Pierre, les vraies cloches de la ville, celles dont tout citoyen sait démêler au loin le son, cel- les qui sonnent pour les assemblées, pour les grandes fêtes, pour toutes les circonstances solennelles de la vie munici- pale; cloches de Saint-Vincent (2), plus loin, pendues là- haut, tout là-haut, à ce clocher pointu aux pentes si abruptes qu’on ne pouvait trouver de couvreurs, parfois, pour le visi- ter et le réparer: plus loin, cloches de Saint-Maurice, de Saint-Paul, des églises disparues : Saint-Quentin, Saint-Jean- Baptiste ; cloches des couvents : celles des Cordeliers, celles (1) Claude de Pontoux dont nous parlons plus loin, a consacré à la mort de Grognet une élégie qui ne manque pas de verve : Grongnet tout le ventre et la hanche Couverte avoit de soye blanche, Polie comme fin veloux... Son long museau non trop humide Sembloit presque une pyramide, Sinon que son groin rougissant Estoit bordé d'un beau croissant... Mais tu diras qu'il n’est honneste De louer une sale beste ? Ha, Goulard, si tu l’eusse veu, Tu l'eusse bien autrement creu ! (Les Œuvres de Claude de Pontoux, gentilhomme chalonnois, Docteur en médecine ; à Lyon, par Benoist Rigaud, 1579, in-16, p. 315). (2) « Il y a une aiguille couverte de fer-blanc d’une suprême hauteur au clocher d'icelle ; la vue se trouble et offusque, regardant la croix de dessus, dois le bas » (Description de Besançon en 1608 par Pierre Des: potots, p. 227 ; cf. également dans les Manuscrits Granvelle, à la Biblio- thèque de Besançon, vol. 29, fo 102, une lettre de Chavirey à Granvelle du 10 mai 1574). — 304 — du Saint-Esprit au long du Doubs ; à Rivotte, celles des Jaco- bins ; sur la montagne enfin, là où se dressera plus tard la Citadelle, cloches de Saint-Etienne, la belle cathédrale détruite et rasée au dix-septième siècle, par le vandalisme des guerres. Et les cloches ne sont pas seules à emplir de bruit les rues de la cité. Voici que de porte en porte s’en va le poisson- nier, poussant son cri connu — ce cri que l’autre jour, sur un vieux dossier du seizième siècle, je relevais, griffonné par la main d’un clerc : Jay caque d’arans, J'ay arans soretz ; Ils sont nouveletz, Je les vens un blanc! Voiciles charbonnières de Chailluz, les pauvres femmes de Chalèze, de Chalezeule, qui apportent en ville des fagots, du charbon dans des sacs, tandis que leurs hommes, dans la forêt, vivent en sauvages et manient la hache (1). Voici, plus pittoresques, des types singuliers : ce cavalier de fière allure qui traverse la ville sur un beau cheval, c’est un Espagnol ; on le reconnaît à son pourpoint de velours sombre, à son haut col godronné, à son port arrogant: quelque capitaine qui va rejoindre, en Flandre, l’armée du duc d’Albe. Ce petit homme vif, aux habits de soie très serrés à la taille, c’est un Italien, un Gênois : les Bisontins ne s’y trompent pas, ils connaissent la race ; Génois, Milanais, Florentins, Lucquois pullulent dans leur cité à l’époque des foires ; ce sont des financiers qui se trouvent bien placés, dans la ville impériale, (1) Gollut constate des pratiques analogues à Dole, dans ses Paroles Méimorables, Dole, 1589, in-12, p 233. Il signale la venue dans la ville des femmes de la Vieille-Loye, « charbonnières, qui portaient le charbon de maisons en maisons, à pleins sacs et oustées ». D’autres textes nous ren- seignent également à ce sujet (cf. Febvre, op. cit., p.19, n. 1). — 305 — pour négocier avec les places de Lyon et d'Anvers (1). Quant à ce pauvre diable qui plie sous une hotte énorme, c’est un colporteur, un de ces petits merciers qui courent villes et campagnes, un Savoyard sans doute ; vilaine engeance ! Qui sait si dans ses bottes (2), le sire ne cache pas quelques écus fourrés, quelques pièces de cette maudite fausse-monnaie de Savoie qui, par moments, inonde la Comté ? Qui sait surtout s’il ne dissimule pas, au fond de sa hotte, quelque catéchisme de Calvin, quelque Bible de Genève”? Et les vieux vignerons, confrères turbulents de St-Vernier, mais piliers des antiques traditions, de regarder en dessous le vilain « chabrouillé », avec ce dédain natif, cette méfiance instinctive du terrien au- tochtone pour « l’homme de partout », le nomade, l'ambulant. Tout un flot se presse ainsi dans la rue: cordeliers en tournée, avec leurs robes brunes couvertes de poussière, leurs pieds nus, leurs gros rosaires, s’arrêtant parfois aux portes charitables et buvant, pour l’honneur de Dieu, un verre de vin piquant ; vieilles dames nobles et riches, dans leur carrosse d’osier à lourd parasol, trainé par des mules à sonnailles ; prélats en litière, avec tout un cortège en livrée les suivant ; cavaliers, hommes d'armes, Allemands aux grands panaches : ces gens bourdonnent, baguenaudent se coudoient dans les rues étroites, flânent sur le pont de Baittant au long des boutiques d’orfèvres et d’armuriers qui doivent rappeler aux Italiens dépaysés le pont de Florence, le vieux pont sur l’Arno (3) — ou encore, devant la Madeleine, (1) CASTAN, dans ses Notes sur l'Histoire municipale de Besançon, à signalé quelques-uns des textes qui se rapportent à ces hôtes turbulents ; nous aurons l'occasion prochainement de revenir sur l’histoire et le rôle de cette colonie italienne. (2) Une voleuse, en 1573, est condamnée par le Parlement de Dole au bannissement perpétuel pour avoir volé 6 sols à un homme de Bletterans, et « cherché deans les souliers dud. compaignon si elle y trouverait point d'argent » (Reg B 51, Procureur, f° 188 vo). (3) On trouvera dans le deuxième volume, fascicule IV, p 798 de Mon Vieux Besançon, par G. Coindre, une vue du pont avec ses échoppes d'après le plan de Brulley de 1603. — 306 — au « Pilori », s’écrasent pour voir la vilaine face d’un ivrogne brutai, condamné au carcan par Messieurs du Conseil. Orgie de couleurs, de sons, d’odeurs même : le temps passe vite à regarder cette cohue vivante: devant les yeux des plus casa- niers défilent ainsi, chaque jour, les échantillons colorés de humanité européenne du temps. Nos aïeules, Mesdames, ne restaient pas toujours à leur fenêtre. Elles descendaient parfois dans la rue. Elles allaient, elles aussi, prendre part à la fête, à la fête des yeux tout réjouis par les vives couleurs du vieux temps. Elles mêlaient leurs cornettes aux grandes ailes, leurs larges vertugadins et leurs corselets busqués aux pourpoints talladés, aux manches à crevés, aux toques de velours des beaux galants d'alors, cambrant, pour leur plaire, des tailles avantageuses. Oh ! je ne vous dirai pas qu'elles flirtaient. D'abord, parce qu'il faut être très respectueux à l'égard des très vieilles personnes. Ensuite, parce qu’elles n'auraient jamais compris ce vilain mot. Elles parlaient français, nos grand mères : un français un peu lourd parfois, mais de bonne source. Elles ne flir- talent donc pas... mais elles se laissaient volontiers conter fleuretie. | Par qui? Par leurs compatriotes d’abord. Dans un curieux peuit livre, un recueil de vers qui date de 1557, un Bisontin, Ferry Julyot, nous raconte la chose fort au long. [la com- posé, il à rimé du mieux qu’il a pu huit élégies, toutes sui- vies d’un dizain instructif : les Elégies de la belle fille — c’est leur titre — à seule fin de prémunir contre les surprises la vertu un peu fragile des Bisontines d'antan (!). J'ajoute, en (4) L'édition originale est de 1557 ; il en existe un exemplaire à la Biblio- thèque de Besançon ; une réimpression complète a été faite de ce petit livre curieux en 1873, à Paris, par les soins du bibliophile comtois bien connu, M. Ernest Courbet. — 307 — vraie simplicité, que le bon Julyot était bien qualifié pour faire aux jeunes personnes de la morale austère: car, sur les vieux registres de la municipaiité, on le voit poursuivi un jour... pour avoir été trop aimable avec une de ses compatriotes. Julyot donc nous décrit les sérénades nocturnes, les ren- dez-vous discrets à l’ombre des églises, les mines sédui- santes des galants bisontins, les cent ruses dont il savaient user pour piper le cœur naïf des belles. Mais, dût notre amour-propre national en souffrir, il faut bien qu'histo- rien véridique, nous le confessions : aux bonnes grâces des Comtoises, ils avaient leur large part aussi, messieurs les étudiants étrangers de notre Université. Car, avec notre ordinaire présomption, les étudiants étrangers, nous nous figurons les avoir inventés ! Erreur profonde ! Au xvi° siè- cle, à l’Université de Dole, ils étaient aussi nombreux pour le moins qu'à l’Université de Besançon aujourd’hui. Peu d’Anglais, à cette époque lointaine ; pour la meilleure des raisons, point d’Américains ; par contre, en abondance, des Allemands, et de toutes les parties de l’Allemagne : des Tyroliens, des Saxons, des Poméraniens, des Badois, des Autrichiens ; ce ne sont que noms germaniques sur les matricules, En plus. des Flamands, des Savoyards, des Français, des Bourguignons surtout : en ce temps-là, l'Uni- versité de Dijon n’était point installée, et, si je n’hésitais à rouvrir dans nos cœurs comtois une plaie toujours saignante, je dénombrerais les nombreux juristes d’Outre-Saône qui venaient à Dole commencer leur apprentissage juridique. Or, nous le savons — et notamment par les mémoires d’un brave Tyrolien, nommé Geizkofler, qui nous a raconté lunguement ses pérégrinations universitaires et ses séjours répétés en Comté (1) — comme de Besançon aujourd’hui, (1) Mémoires de Luc Geizkofler, tyrolien /1550-1620), traduits et p p. Edouard Fick, Genève, 1882, in-89 — M. Lieffroy a donné à la Société d'Emulation du Doubs, dans la séance du 15 avril 1893 (Mémoires, p. 172 et suiv.) un compte-rendu spirituel de ce tort intéressant ouvrage. — 308 — les étrangers alors se louaient beaucoup de Dole. Ils goû- taient l’accueil cordial, familier, bonhomme de leurs hôtes comtois. Ils se trouvaient à l'aise dans les rues de la petite ville. Surtout, les beaux yeux des Doloises leur laissaient de doux souvenirs... [Il faut dire qu'ils venaient apprendre le français. Nous nous figurons, toujours aussi sottement, que nous encore, nous avons inventé les langues étrangères. . Vieilles guitares ! Le baccalauréat Sciences-Langues vivantes, — puisqu'il faut appeler le monstre par son nom — n’exis- tait pas encore et pourtant, chaque année, au xvI° siècle, des caravanes de petits Bisontins partaient déjà, pour Fribourg- en-Brisgau, pour Heidelberg, pour Cologne où, comme au- jourd’hui, ils apprenaient l’allemand. Les Germains, inverse- ment, faisaient de même ; et savez-vous quels étaient leurs professeurs de français ? Tout simplement, les jolies Doloises. Chaque jour, une heure ou deux, ils allaient visiter à domi- cile quelque aimable fillette au teint clair. C'était leur « Valen- tine » ; eux, en latin, l’appelaient « magistra » : je n ose pas traduire, il se faut méfier des mots à double sens... Et savez-vous à quel prix les étudiants étrangers recevaient, de si douces Comtoises, de si douces leçons ? [ls leur payaient une livre de sucre par mois, et tous les trois mois leur offraient un bal. Une livre de sucre ! Ah ! comme on a raison de gémir sur le renchérissement du prix de la vie ! | Vaillantes petites Comtoises ! A distance, soyons -leur reconnaissants de tant de soins, de tant de peines et de sacrifices pour former aux bonnes manières de rudes cava- liers, de violents Germains, de rustiques étudiants venus d’un peu partout. Sans le savoir, elles contribuaient de leur mieux à l’heureuse renommée du bon pays natal : tant d’é trangers lointains, venus insouciants, les quittaient attendris, — 309 — dolents et le cœur meurtri... Je n’en veux pour exemple que Claude de Pontoux. C'était un Bourguignon, le fils d’un apothicaire de Chalon- sur-Saône, qui, futur docteur en médecine, vint commencer à Dole ses études. Bien qu'il sût le français, et même fort convenablement, il eut sa Valentine : c'était bien son droit. Poétiquement, il l'appelle l’Idée, et c’est elle qu’il célèbre en trois cents sonnets, joliment édités à Lyon, en 1579, par le bon imprimeur Benoist Rigaud (1). Tout n’est pas à dédaigner, certes, dans cette débauche poétique ; et plus que d’autres, les Comtois peuvent s’y plaire : ils y ren- contreront, à chaque page, d’aimables croquis des mœurs d'antan, Voici, gentiment esquissée, une sortie de messe à Dole : Arrestons-nous, Ruffey, pour voir passer l’Idée Qui sort de Notre-Dame. Elle vient par la place ; Hé, mon Dieu, veis-tu one une plus belle face, € Foute de-lys et rose ?:.. Plus loin, des souvenirs de promenade : une excursion à Salins, Heureuse Salins, le séjour des déesses Et le seul honneur de parfaite beauté, ou une ascension matinale au Mont-Roland : Je conduisoy l’Idée à Mont-Roland, Un samedi la fraîche matinée ; Mais tout soudain une obscure nuée Nous vint couvrir, parmi l’air se roulant (4) Cf. plus haut, p. 313, n. 1. On n'a jamais signalé, à notre connaissance l'intérêt comtois des poésies de Pontoux. E. Picot à consacré une notice à ce personnage, au t. If, p. 49, de ses Français italianisants. — 310 — Des fêtes aussi sans doute, des bals et des danses joyeuses : celles que nous décrit Geizkofler, quand il célèbre la foire de Dole, la belle foire du 7 septembre 1573. Aux halles, un magnifique étalage de soieries attirait les regards des ingé- nues doloises. La vente ayant été bonne, les marchands vêtus de velours et de soïe organisèrent un bal qui dura neuf nuits consécutives : MM. les étudiants, avec leurs Valen- nes, ne furent pas les derniers à s’y rendre. Or, après trois tours de danses, 1l était une règle inflexible : le jeune homme à sa danseuse devait un cadeau ; généralement, il achetait une aune de velours, de la soie pour une robe — moins riche, quelque colifichet : c'était la mode des étrennes utiles. Le marchand attachait l’emplette au bout d’une perche et, si le galant avait été généreux, faisait un tour de bal en gambadant devant lui et devant son amie : figure de cotillon un peu rus- tique sans doute, mais qui ne devait pas manquer de saveur. Hélas ! quand il composait ses trois cents sonnets, le bon Claude de Pontoux était bien loin de Dole et de ces mœurs familières. Des aventures mystérieuses l’en avaient chassé : Si ce Cyclope et si ce Polyphême N’eut point ainsi rudement m'outrageant, D'un cœur malin contre moy se vengeant, Foulé mon loz de mensonge et blasphème D’un bon vouloir et d’une amour extrême J’alloy desjà ta force louangeant, 0 forte Dole, et vers toy me rangeant Je t’advouoy plus que mon Chalon mesme. Mais ceste envie exécrable aux humains, Et ces tyrans, portefeuz inhumains, M'ont chassé de toy, Dole dolente ; Ils sont ceux-là qui desjà t'ont osté, Te captivant, ta franche liberté Qu'est le mal dont plus tu te lamente... — 311 — Réfugié par delà les monts. à Padoue puis à Rome, Claude pouvait goûter l’attrait des cieux nouveaux; mais l'Italie, ses prestiges, ses fruits et ses beautés, rien ne pouvait chasser de sa mémoire l’Idée : Mon Chappellain, veux-tu sçavoir comment Je vy dans Romme, où j’ay fait ma retraite ?... Je suis tout tel que tu m'as veu dans Dole; _ Il est bien vray que j’ay d’une Nicole, Belle trop plus que n’est l’aube du jour Mille baisers ; mais pour cela l’Idée Estre ne peut de mon penser vuidée... La vie pourtant sollicite le jeune homme, et le passé, et les grandes ruines romaines : O qu’il fait beau marcher à la fraîche Diane ; Sus, Froissart, il ne faut perdre ce beau matin ; Allons au Capitole, allons au Palatin Voir ces arcs triomphaux, ce temple de Diane.. Les jours passent ainsi; et parfois, entre amis, on s’égaie, on S'ébat, on se laisse prendre aux charmes des femmes parées, savantes, aux gestes et aux sourires experlis : Selincourt, allons voir la gaye Luciane, L’Esmeralde aux yeux verds, la belle Véronique À qui tu es amy (mais tu n’es pas l’unique) ; Nous la ferons baller à ia Vénitiane... Mais tou'ours reparaissent les souvenirs comtois : Je pense estre dans Dole, et je suis dans Padoue ; Je pense voir Idée et si je pense aussi Que comme je la voy, elle me voit ainsi, Que je la vay baisant et qu’elle m'amadoue._. 512 — Par dessus tout, réminiscence attendrie, celle des veiliées d'amour à l’heure où la nuit tombe : Quand je voyais au soir ma gente damoiselle Me caresser si bas, d’un maintien gracieux, Lors je Sentoy qu'Amour par le clin de ses yeux Espoinçonnait mon cœur d’une vive estincelle... Oh, trop heureuse Idée, trop heureuses Comtoises qui savaient inspirer des passions si durables... Mettons vite, à côté des doux soupirs, des tendresses, des aveux murmurés, la brutale caresse des poings tendus ; chroniqueur impartial, Geizkofler nous y invite. Un jour qu'il s'était rendu chez un de ses professeurs — le brave garçon, il faut l’en louer hautement, préférait cour- tiser ses professeurs que les Doloises — ne vit-il pas passer dans la rue ün pauvre diable, à califourchon sur un âne, la tête tournée du côté le moins noble, et tout le peuple piail- lard des gamins hurlant à ses trousses comme vous pouvez penser? C'était un mari, Mesdames, — un mari qui avait battu sa femme au mois de mai. Battre sa femme au mois de mai, à Dole, c'était plus qu’un crime, selon le mot célèbre : une maladresse. Car, dans ce mois printanier, à l’époque où les vieux peupliers des bords du Doubs reverdissent, où, sur la cime des bois, sur la masse sombre et large de la forêt de Chaux s’étend un nuage de verdure — une vieille coutume donnait à puissante dame, Madame la Présidente du Parle- ment, le droit de punir les maris brutaux : ceux qui, fermant les yeux aux leçons d’une nature pleine d'amour, se raidis- saient contre son vœu secret au point de faire sentir à leurs douces moitiés la dureté inflexible de leur cœur — et de leurs bras (1). Avouez que le châtiment était très mérité : ne. (1) On sait la Jolie pièce de Remi Belleau, et comment, dans la pre- mière journée de la Bergerie, une aimable description du mois d'Avril « invita un Berger de la compagnie à chanter les louanges du mois de may, 99 fallait-il pas un bien vilain esprit de contradiction, ayant pen- dant tant de semaines la faculté plénière de battre sa femme pour le faire le seul mois où la présidente avait le droit, un peu abusif, d'intervenir chez d’aimables Doloises — dont quelques-unes peut-être, comme la femme de Sganarelle, étaient, on l’a remarqué, tentées de lui répondre : Et s’il me plaît, à moi, d’être battue ? IT Mais, me direz-vous — et leur portrait ? Ces Bisontines dont vous parlez, ces Comtoises, nous aimerions à connai- tre leurs traits ? — Hélas ! j'ai reculé jusqu'ici. Mais il faut bien que je vous fasse enfin mon aveu : des Bisontines, des Comtoises du temps, c’est à peine si nous connaissons deux ou trois effigies. Oh! Ferry Julvyot, l’auteur des Elégies déjà citées, ne nous laisse pas ignorer ce qu'était alors une jolie Bisontine. Dans la seconde de ces pièces, la Belle Fille prend la peine de nous advertissant un sien amy d’avoir souvenance de ses amours en si gaye et si belle saison, disant : Pendant que ce mois renouvelle, D'une course perpétuelle, La vieillesse et le tour des ans : Pendant que la tendre jeunesse Du ciel remet en allégresse Les hommes, la terre et le temps; Pendant que la vigne tendrette D'une entreprise plus secrette Forme le raisin verdissant Et de ses petits bras embrasse L'orme voisin qu’elle entrelasse De pampre mollement glissement, …. Qu'il te souvienne, ma chère ame, De ta moitié, ta saincte flamme Et de son parler gracieux, Des chastes feux et grâces belles Et de ses vertus immortelles Qui se logent dedans ses yeux... (Ed. Gouverneur, t. IT, p. 42-49). 19 — 314 — faire elle-même son portrait. Elle avait, Mesdames, de blonds cheveux : dans notre Besançon où la brune abonde, la blonde parait plus rare et séduit davantage. Elle avait, c’est tou- jours elle qui nous l’apprend, le front « quarré » — une de ces petites têtes dures qui gardent si bien leur secret, sinon les nôtres ; en dessous, Deux yeux estincellans, Plus que le cler diamant pululans ; deux joues vermeilles, minces de peau, appétissantes comme de beaux fruits ; de fines oreilles gentiment ourlées ; sur- tout un Joli nez, Un petit nez à deux joinctes narines, un amour de petit nez mutin surmontant la plus admirable des bouches, une bouche devant laquelle Julyot ne se con- naît plus : Qu’heureux se tient qui d’icelle s’abouche ! Parachevant ce gentil minois, un menton « fourchu » — entendez, partagé en deux par une aimable fossette ; un cou rondelet,« sans neris ni noires veines » ; les bras potelés, les mains blanches mais finement rosées aux jointures : la belle fille n’a-t-elle pas raison de rejeter sa faute sur la nature, qui l’a faite si gracieuse, si doucement séductrice ? Hélas ! pourquoi faut-il qu’en tête de son livre, au lieu de nous laisser sur impression aimable de ce portrait parlé, Julyot ait fait graver le portrait, le portrait en pied de la jolie fille ? C’est un monstre ! Elle va, dolente elle-même, par la campagne dolente, joignant les mains d’un air désolé, pen- chant la tête, ouvrant la bouche, une bouche carrée, malgra- cieuse, lamentable... Heureusement, au Musée, nous avons Jeanne Lulier. — 315 — Elle était la femme d’un Comtois de Vesoul, Simon Renard, un assez vilain homme, orgueilleux, rancunier, passionné- ment vindicatif, goutteux par surcroît. Devenu, par la faveur des Granvelle, ambassadeur de Charles-Quint à Paris et à Londres, ce fut lui qui, non sans habileté, négocia et conclut finalement le mariage du jeune et malgracieux Philippe, son maître, avec Marie Tudor, plus malgracieuse encore et beau- coup moins jeune. Succès qui enivrant Renard, fut cause de ses malheurs (1) : il nous valut par contre une aubaine singu- lière. Lorsque l'ambassadeur, galamment, désira faire peindre sa jeune femme, il s’adressa, grand personnage lui-même, au peintre attitré des grands personnages, à Antonio Moro — et c’est ainsi que notre vieux Musée s’enorgueillit de deux effigies d'une authenticité indiscutable et d’une singulière beauté. L'homme, solidement appuyé sur son cadre, avec deux grosses mains, une figure assez dure, une bouche méchante et des veux sans tendresse, ne séduit guère : c’est le mari. Mais la jeune femme ! Frêle et modeste dans son costume sombre, elle n’est pas belle d’une beauté impériale et classi- que, avec sa bouche un peu grande, son nez un peu long : elle est charmante. Légèrement étonnée peut-être, la sim- ple Bisontüne, d’être assise devant le peintre de tant de rois et de princes — le peintre de Philippe [T, de Marie Tudor, de. Granvelle lui-même et du terrible duc d’Albe ? Mais si bonne, si aimante, si doucement souriante d’un sourire un peu triste... Effigie sans éclat, mais toute de rayonnement ; effigie non de grande dame orgueilleuse et parée, mais de bourgeoise calme, sereine et bienfaisante. Serait-ce la véritable image de la Comtoise ? (1) Sur Simon Renard, ses ambassades, ses négociations, sa lutte avec le Cardinal de Granvelle on peut lire dans les Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, année 1881, la consciencieuse étude de M, Tridon. oi Il y a, dans la Correspondance de Stendhal, une lettre que je n’ai jamais vu citer en Comté. Il est vrai que les fervents se comptent, qui ne se bornant pas à lire | « Amour » la « Chartreuse de Parme », ou le « Rouge et le Noir », cher- chent dans les lettres mêmes de Beyle ; dans l’admirable autobiographie qu'est « la Vie d'Henri Brulard » ; dans ces journaux, ces carnets de route que publie le zèle pieux des stendhaliens modernes — à pénétrer plus avant dans une des âmes les plus riches, les plus sincères et, dans sa ré- serve voulue, les plus frémissantes de passion qu’il y ait eu. La lettre est datée d'Alexandrie dans le Piémont, le 31 octo- bre 1823. Beyle, une fois de plus, venait de gagner depuis Paris, l’Italie ; il raconte son voyage à son ami Colomb et lui dit comment il a pris place dans la malle-poste de Dole, puis dans la diligence de Genève par Poligny. C’est une route que Beyle a faite souvent, et qu'il aimait. Dans la « Vie d'Henri Brulard », il en note un des grands aspects, en l’associant au souvenir passionné d’une amie très chère, et le passage est si beau que je ne peux me tenir de le citer ici : « J'ai recherché avec une sensibilité exquise, écrit-il, la vue des beaux paysages. C'est pour cela unique- ment que j'ai voyagé. Les paysages étaient comme un archet qui jouait sur mon âme. Et des aspects que personne ne citait — la ligne de rochers, en approchant d’Arbois, je crois, en venant de Dole par la grande route — furent pour moi une image sensible et évidente de l'âme de Mé- tilde (1) ». En 1893, Stendhal ne s’arrêta pas à ces émotions. Il le note lui-même dans sa lettre à Colomb : « Montée superbe derrière Poligny, écrit-il, par une route bordée de (1) STENDHAL, Vie de Henri Brulard, p.p. Casimir Stryienski ; Paris. Charpentier, 1890, p. 15. — 317 — quelques petits précipices et par un clair de lune magnifi- que ». Et, se rappelant ses émotions d'autrefois, mais plus vieux maintenant et foulé par la vie, c’est un retour mélan- colique : (I! a été un temps où J'aurais admiré cette route. Ce voyage m'aurait élevé l’âme. J'aurais peut-être eu des ins- tants de ravissement au profit de la passion régnante. J’ai eu le malheur de voir du plus beau, la vallée d’Izèle par exemple, de Simplon à Domo d'Ossola — et la route de Poli- gny ne me fait plus aucun plaisir. Je dis comme Imogène, en donnant son bracelet à Jachimo: « [Il me fut cher autrefois ». Il était cher encore à Stendhal, puisque onze ans après, il écrivait le beau passage de la « Vie d'Henri Brulard », que nous avons cité — mais à ce voyage de 1823, un incident avait ému Stendhal et nous regagnons, par un long détour, les Comtoises. | ; Tandis que la diligence roulait dans ce paysage de monti- cules boisés qui s’étend entre Dole et Poligny, Stendhal avait vu surgir devant lui un chasseur qui, s’écriant joyeusement à sa vue, s'était emparé de lui avec cette cordialité bonhomme des Francs-Comtois, l'avait ôté de voiture et emmené pour deux Jours dans sa maison : c'était un vieux camarade avec qui Bevyle avait fait la campagne de Russie. — Je laisse ici à l’auteur de « l'Amour » la parole, en regrettant simplement qu’il ne puisse la prendre lui-même pour lire joliment ce fin, ce joli passage. « Mon ami est marié à une femme qui n’a rien de roma- » nesque qu'une jolie figure ; c’est la raison elle-même et je » n'ai pas vu un geste, un regard, entendu une parole de » cette belle Franc-Comtoise qui ne fut le beau idéal de la » raison. Ge mot de beau idéal, agissant comme si j'étais » déjà en Italie et me précipitant tout à fait dans la franchise, » au risque de recevoir quelque demi-mot ou quelque regard » humiliant qui me cuise pendant six mois, je dis à » Madame... : « Je vous regarde beaucoup, madame, n'allez » pas croire que c’est parce que vous êtes jolie; je serais au — 318 — » désespoir que vous me crussiez amoureux : Je vous admire » comme raisonnable. Vous êtes, je crois, l'être le plus sim- » plement et sublimement raisonnable que j'ai vu de ma » vie. Je m'imagine que le célèbre Franklin devait avoir vos » gestes et votre regard. -- Les mémoires de Franklin sont- » ils traduits en français ? - Non, madame. — En ce cas, » vous qui êtes allé à Londres il y a un an, vous les avez rap- » portés? — » Non, pas moi, mais mon ami, M...; je les lui » demanderai et aurai l'honneur de vous les envoyer ». Voilà » exactement, en y ajoutant un sourire plein de grâce naïve et » de candeur, comment Amélie M... prit mon excuse de la » regarder sans cesse, surtout quand son mari était avec » nous » (1), Joli tableau et joli jugement : voilà la Comtoise classée dans le grand album de Beyle. Son lot de raisonnable, après tout, est-il le plus mauvais ? Ce n’est pas à elle même, c’est aux Comtois qu’il faut poser la question. Mesdames, messieurs, j'ai fini. Dans le bouquet de fleurs oratoires que chaque année, la Société des Amis de l’Univer- sité vous offre — je me suis chargé de vous présenter la fleur du terroir, la fleur modeste de notre sol comtois que vous aimez toujours à y rencontrer. Acceptez-la, comme le confé- rencier vous l’offre, en toute simpheité. Et si vous la trouvez un peu rustique, — retenez simplement de cette heure de causerie, l'impression pénétrante que, j'en suis sûr, malgré ses imperfections, vous a fait éprouver, projetée sur l’écran, cette douce, cette belle figure de Jeanne Lulier. Dites-vous qu’au Musée, dans le panneau même d’Antonio Moro, elle est bien plus douce encore et plus radieuse. Allez la voir sou- (1) Correspondance inédite, Paris, Calmann-Lévy, t. I, p. 248 et suil- vantes. | — 319 — vent, et devant sa grâce, s il monte à vos lèvres du fond de vous-même, offrez-le lui en hommage, le beau tercet de Verlaine qui semble fait pour elle : Oh ! la femme à l'amour câlin et réchauffant, Douce, pensive et brune, et jamais étonnée, Et qui parfois vous baise au front, comme un enfant! UN FRANC-COMTOIS ÉDITEUR ET MARCHAND D’ESTAMPES À ROME AU XVI® SIÈCLE AN CORNE TS EURE (1512-1577) NOTICE HISTORIQUE PAR LE DOCTEUR F. ROLAND MEMBRE RÉSIDANT Séance du 14 décembre 1910 a Les érudits et les amateurs de gravures anciennes sont peut-être les seuls à connaître le nom d’un Franc-Comtois qui, établi à Rome au xvi° siècle, fut le plus célèbre éditeur d’estampes de son temps. Ce personnage, c’est Antoine Lafrerv. Selon l’usage de l’époque, il marquait ses produc- tions de son nom, suivi de l’indication de son pays d’origine : la Séquanie. « Antonii Lafrery Sequani formis », telle est la signature que nous lisons au bas d'une quantité de magnifi- ques estampes anciennes du xvi® siècle. C’est la carrière de cet éditeur que je me propose de passer en revue dans cette courte notice. La question rend un intérêt tout particulier et devient attrayante parce qu’elle évoque les souvenirs de la belle période de la Renaissance. L'histoire a rendu un juste tribut d’'hommages aux grands génies de cette époque, dont les chefs-d'œuvre furent si rapidement divulgués, grâce aux travaux des maitres impri- meurs d’alors, et la postérité n'a point méconnu non plus les SHE- mérites et les talents de ces modestes et utiles auxiliaires qui furent les précurseurs des Estienne, des Plantin, des Elzévir. Si, à cette époque, une œuvre littéraire à peine éclose était aussitôt répandue à profusion à travers le monde entier par l'imprimerie, les cheïs-d'œuvre de l’art bénéficiaient aussi d'une semblable diffusion, grâce à la découverte de la gra vure, et les éditeurs d’estampes reproduisaient les dessins des maîtres, avec autant de facilité que les imprimeurs impri- maient un livre. Cependant les éditeurs spéciaux pour les travaux de gra- vure n'étaient pas très nombreux en ces temps, et en tous cas, ils nous sont moins connus que les imprimeurs libraï- res. En fait de documents les concernant, le xvur® et le xIx® siècle ne nous ont légué que quelques lignes éparses dans les dictionnaires et les encyclopédies. Ces courtes biographies, émaillées de multiples erreurs, sont les seuls renseignements que l’on possède sur eux. Il semble néanmoins qu'on leur doive un peu de reconnais- sance, car, à cette époque, leur rôle était plus important que ne l’est aujourd'hui celui de leurs successeurs, obligés qu'ils étaient d'apprécier, en critiques judicieux, la valeur des pro- ductions artistiques qu'ils avaient pris à tâche de divulguer. Aussi, s'il est vrai que de nos jours les artistes estiment hautement les éditeurs qui mettent en lumière leurs œuvres, il est évident que les graveurs de la Renaissance devaient apprécier encore davantage les services que leur rendaient leurs éditeurs, en un temps où ce genre d’entreprise était plus difficile qu'aujourd'hui. Celui dont je me propose de retracer la carrière, est un de ces hommes avisés qui ont le plus contribué à vulgariser par la gravure sur cuivre les productions artistiques de la Renaissance, et comme il est peu connu, il m'a semblé qu'il serait utile de chercher à le faire connaître davantage. — 322 — Afin de situer en quelque sorte le personnage qui va nous occuper, jeme permettrai de jeter un rapide coup d'œil sur les évènements de son temps. Cet aperçu, bien incomplet et bien inutile pour ceux qui sont versés dans les études historiques, nous fera connaître les contemporains avec lesquels il eut des relations et les évènements qui donnèrent à quelques-unes de ses publica- tions, un caractère d'actualité. S1 la Franche-Comté vit son berceau et ses jeunes années, c'est Rome qui fut le théâtre de son activité et c’est là qu'il finit ses jours et fut inhumé. Aussi semble-t-il qu’il n’est pas hors de propos, pour éclairer son histoire, de se remémorer ce qui se passait dans notre province de 1512 à 1544, et ce qui se passait à Rome de 1543 à 1577, dates qui correspondent aux deux époques de sa vie. Au début du xvi° siècle, la bonne comtesse Marguerite d'Autriche, fille de Maximilien, gouvernait pacifiquement la Franche-Comté. Elle avait octroyé à cette province des droits et privilèges importants, et, entre tous, celui de s’administrer elle-même à l’aide de son Parlement de Dole. À la tête de cette corporation, se trouvait l’illustre Mercurin de Gattinara. Cet homme habile et érudit enseignait en outre le droit à l’Université et avait eu, comme élève, Nicolas Perrenot de Granvelle. Il ajoutait encore à ses multiples fonctions celle de diplomate, en assurant comme plénipotentiaire de Mar- guerite, à Saint-Jean-de-Losne (1512), la paix et la neutralité de la Franche-Comté, pendant les guerres de la rivalité de François [°° et de Charles-Quint, ce qui valut à notre pro- vince sa tranquillité pendant cette période belliqueuse. S1 tout était calme aux pieds du Jura, les évènements d'Ita- lie préoccupaient vivement les esprits comtois. Un jeune et brillant seigneur de la Comté, Philibert de Chalon, Prince — 323 — d'Orange, celui qui en 1519 avait donné à Nozeroy un magni- fique tournoi, avant laissé le souvenir d’une des plus belles fêtes de la noblesse de l'époque, froissé par François [°", avait pris du service dans l’armée des Impériaux. À la prise de Rome, en 1527. il était aux ordres et aux côtés du conné- table de Bourbon, lorsque son chef fut tué sous les murs de cette ville. À sa mort, ce fut lui qui le remplaça à la tête de ses troupes, et il eut le triste honneur d'assister au terrible sac de la ville. Bientôt ce vaillant guerrier périssait lui-même sous les murs de Florence que défendait Michel-Ange. La Franche-Comté fit à son jeune seigneur des funérailles superbes, et la pompe déployée en cette circonstance fut la plus brillante que l’on eût vue jusqu'alors (1530). La mort de la bonne comtesse Marguerite d'Autriche, sur- venue la même année, ne changea rien au calme de la con- trée, grâce à la bienveillance de Charles-Quint. Cependant de graves troubles religieux commençaient à se manifester. Sous Philippe IT, une ère de misère allait commencer pour notre province. Outre les tristes luttes de la Réforme, les pestes, les guerres, les passages perpétuels de troupes devaient dévaster la Franche-Comté. En ce temps Farel prêéchait à Montbéliard ; Besançon était à la merci d’une surprise des protestants ; l’Inquisition fai- sait ses victimes ; Gilbert Cousin mourait dans les prisons de l’'Officialité. Enfin de graves évènements se passaient dans les Pays-Bas et le cardinal de Granvelle quittait ces pro- vinces pour venir se reposer auprès de ses compatriotes (1564-1566). Nombreux sont les hommes illustres, dont la Franche- Comté s’honore, qui poursuivirent leur carrière au cours de ce siècle. Dans la politique, outre les deux Granvelle et Gatti- nara, on remarquait encore Richardot, Bonvalot et Simon Renard ; dans les lettres, Gilbert Cousin et Jean Matal ; dans les arts, Jacques Prévost et Lullier, pour ne citer que quel- ques noms ; car longue serait la liste des célébrités de ou l’époque. Tels étaient les personnages dont Lafrery fut le contemporain ; tels étaient les évènements qui se dérou- laient dans son pays natal. Mais c’est à Rome surtout, pendant sa laborieuse carrière, qu'il fut le témoin de faits plus importants encore. Au point de vue artistique, cette ville était à son apogée. Jules IT avait fait peindre par Raphaël les stanzes du Vatican (1507) et par Michel-Ange les fresques de la Chapelle Sixtine (1508). Le premier de ces deux artistes mourait en 1520, mais le second ne devait disparaître qu'en 1564. Marc-Antoine Raimondi, l’illustre graveur, vivait encore en 1546 et ses élèves Nicolas Beatrizet, Enée Vico et une foule d’autres débutaient dans cette carrière au moment précis où notre Jeune éditeur franc- comtois s’établissait à Rome (1544). Dans l’ordre des évènements politiques et religieux, on avait vu Paul [IT succéder à Léon X. Le premier avait approuvé saint [Ignace de Loyola et saint François de Sales et ouvrait le fameux concile de Trente (1545), exactement un an après l'arrivée à Rome du jeune Lafrervy. L'Eglise traversait une crise : les luttes religieuses de la Réforme se poursuivaient et les Turcs étaient menaçants. La fameuse victoire de Lépante (1571) allait fournir quel- ques consolations aux catholiques attristés. C'était le cardi- nal de Granvelle, alors ambassadeur de Philippe IT, qui, se trouvant à Rome (1566-1571) allait remettre à Don Juan d'Autriche l’étendard qu'il devait rendre victorieux. Les franc-comtois établis en Italie rencontraient dans l’illustre homme d'état, leur com patriote, un puissant appui; aussi, notre éditeur qui. dans cette belle période, poursui- vait avec grand succès sa laborieuse existence, fut-il heureux et fier de lui dédier plusieurs de ses œuvres. — 3925 — Antoine Lafrery naquit à Orgelet en 1512. Le fait est maté- riellement établi par la découverte de linscription gravée sur sa tombe dans l’église Saint-Louis-des-Français, et se trouve en outre confirmé par le libellé de plusieurs actes notariés (1). L'inscription sépulcrale que lon pouvait lire autrefois sur une dalle proche l'entrée de la sacristie est aujourd’hui presque effacée. Elle est tellement fruste qu'elle serait _indéchiffrable si, à une époque antérieure, des arché6- logues (2), relevant les inscriptions anciennes de ce genre, ne nous l’avaient transmise intégrale et parfaite. Elle com- mence par ces mots qui ne laissent aucun doute et tranchent la question d’une façon définitive. DOVE « Antonio Lanfrerio Borgundo « Orgeletto oppido agri Bisuntinii Cependant le lieu de naissance de notre personnage a été l’objet d'une controverse et d’une erreur qui fut longtemps propagée par les Biographies du xix° siècle. [l semble que les premiers auteurs responsables de cette méprise soient Baverel et Malpé qui indiquent Salins comme lieu d’ori- gine de Lafrery. Dans leur ouvrage intitulé : « Notices sur Les graveurs qui nous ont laissé des estampes marquées...» (3), nous lisons ceci: « Lafrery Antoine naquit à Salins... » (4) (1) Voir les pièces justificatives à la fin de cette notice. (2) Vincenzo FoRCELLA. Inscriziani delle Chiesse di Roma, Tome IL, page 26. (3) Besançon, De l’imprimerie de Taulin-Dessirier, 1808; % vol. in-8&e. (4) Tome IL, page 6. — 3926 — Le goût des voyages le fit quitter sa patrie pour se rendre en Îtalie où 1l apprit la gravure au burin et où il fit le com- merce des estampes.... Sur exemplaire qui se trouve à la Bibliothèque de la viile de Besançon, et qui a appartenu à l’abbé Baverel lui-même, à l’article Lafrery, on lit en marge, écrit de la main de Baverel : . Get article est faux... il a été inséré contre mes idées et malgré moi... Jamais Lafrery n’a gravé, il n’a été qu’édi- teurs,» La dénégation de Baverel parait porter sur la qualité de graveur, mais ne parait point infirmer le lieu de naissance. C’est sans doute sur la foi de ces auteurs que Weiss, le très distingué bibliothécaire de la Ville de Besançon, commit une erreur en rédigeant dans la Biographie dite de Michaud, la courte notice qu'il consacre à notre personnage. Il s’ex- prime ainsi (Tome XXIIT, page 143, 1re édition) : « Lafrery (Antoine), célèbre imprimeur du XVIe siècle, né » à salins, dans le Comté de Bourgogne, se rendit à Rome » avec Claude Duchet son oncle. . » Cette assertion inexacte, fut reproduite dans toutes les autres publications, sur la foi de l’article de Weiss. Personne ne pouvait mettre en doute l’érudition de cet auteur, et per- sonne ne pouvait tenter de contrôler le fait, puisque les docu- ments manquaient, et que les actes de baptêmes pour une époque aussi lointaine, n’existaient pas encore ou étaient introuvables. Cependant Jules Gauthier, en 1892, dans son Dictionnaire des Artistes franc-comtois (Annuaire du Doubs, 1892, page.32) déclare que Lafrery est né à Orgelet. Pour rectifier ainsi Weiss, l’archiviste du Doubs avait eu sans doute connaissance de l'inscription de Saint- Louis-des-Français. En effet, en 1881, le regretté bibliothécaire de la Ville de Besançon, Auguste Castan, faisant des recherches à Rome, sur l'établissement de l’église « Saint-Claude-des-Bourgui- — 391 — gnons », avait été amené à s'occuper des confréries exis- tant dans cette ville, avant la fondation comtoise. [Il avait vu qu'au xvre siècle, nos compatriotes s’affiliaient volontiers à l’œuvre de Saint-Louis-des-Français. Ce qui avait attiré son attention et fixé sa conviction à ce sujet, c'était précisément la découverte de l'épitaphe de Lafrery qui figure dans l'ouvrage de Forcella. Le fait lui parut assez intéressant pour qu’il reproduisit ce document dans les pièces justificatives annexées à son travail (1). Les choses en étaient là, et depuis longtemps je recueillais des renseignements sur ce personnage, me proposant d’etu- dier et ses estampes et son œuvre géographique, lorsque, par une heureuse coïncidence, le bibliothécaire du Vatican, le Père Ehrié, fut amené lui aussi à s’occuper de cette question. Voici dans quelle circonstance ses travaux nous ontapporté les documents les plus précieux sur le sujet. Faisant des recherches topographiques sur la Rome de Sixte-Quint, il découvrit au Musée Britannique, un plan de cette ville dû à Etienne du Pérac, et édité par Lafrery en 1577. A ce propos, le savant bibliothécaire eut la curiosité de s’intéresser à notre compatriote encore trop peu connu, et il découvrit dans les actes des notaires, des pièces très importantes auxquelles je serai très heureux de faire un large emprunt (2). Au début de cette étude, se pose une question de nom qui peut paraître singulière. (1) Auguste CASTAN. La Confrérie, l’église et l’hôpital de St-Claude des Bourguignons de la Franche-Comté à Rome (Société d’'Emulation, 1881), et tirage à part, page 86. (2) L'ouvrae auquel je fais allusion est le suivant : « Roma prima di Sisto V. — La Pianta di Roma du Pérac-Lafrery del 1577 riprodotta dall’esemplare esistente nel Museo Brittænnico per eura et con introduzione di Francesco Ehrlé, d. C. d. G., prefetto della Biblioteca vaticana. — Contributo alla storia del commercio delle stampe a Roma nel Secolo 160 et 170. — Roma, Danesi editore, 1908. — Ouvrage grand in-8° à deux colonnes de texte, avec nombreuses notes el pièces justificatives (70 pages). — 398 — Personnellement je ne m’y serais point attardé si le Père Ehrlé ne s’y était intéressé et si un biographe fort estimé du xXvIIIe siècle, Bartsch, ne l'avait lui-même soulevée. Notre éditeur s’appelait-il bien primitivement Lafrery, ou bien ce nom serait-il la désinence italienne d’un nom com- tois ayant subi une transformation ? Ce bourguignon aurait italianisé son nom en arrivant à Rome. C’est là une opinion qui tendrait à prévaloir, Cependant, contrairement à cette assertion, on peut dire aussi qu’il y à eu un peu partout des noms commençant par «La » et terminés par « y » et, s’il en est ainsi dans le cas particulier, toute digression devient oiseuse. Nous avons vu que l'inscription citée plus haut porte : Lan- frerio et nous trouverons plus loin dans un acte Lanfre- rii (1), d’où l’on pourrait supposer que le nom primitif serait Lanfrey, que l’on rencontre en Savoie. Si nous consultons les actes des notaires, ainsi que les ins- criptions que nous trouvons sur les estampes, nous remar- quons que le nom n’est pas toujours écrit de la même façon. Il existe des variétés nombreuses : on en rencontre au moins cinq ou six différentes. La forme la plus commune est La- frery, dérivée peut-être de Lafrerii que l’on trouve écrit Lafrerii et Lafrery. Ce nom est aussi quelquefois présenté en deux mots, La Frery ou La frery ou encore la Frery, en répartissant différemment la lettre ou les lettres majuscules. Dans l’acte du 28 septembre 1563, nous lisons La frerie ; dans le même acte, plus loin, La frerye ; dans l'acte du 41 octobre 1563 on lit La Frerye et une fois la Frerye. Dans l’acte du 15 janvier 1576, relatif à un prêt d’argent à Gaspard D’Andelot on trouve : Antonius Laffrerius, puis, plus loin, dans le même acte Antoni Lanfrert. Les estampes portent : Lafrery, Lafrerr, Lafreru, Lafre- rij, La Frery. Presque toujours le prénom, Antonius, pré- (1) Voir pièces justificatives. rene cède, écrit soit en entier, soit en abrégé. Parfois, même, nom et prénom se trouvent écrits en abrégé : Ant. Laf. Sur les quelques pièces de ma collection, il est facile de vérifier ces particularités. Evidemment, ni les notaires, ni l’auteur lui-même ne s’astreignaient à écrire toujours de la même façon. C’est là un exemple bien net de ce fait bien connu : instabilité de l'orthographe des noms propres à cette époque. Ceci étant, personne ne sera surpris que l’on soit réduit à faire des conjectures sur le nom bourguignon primitif de notre personnage. Or il est un nom bien connu et bien vulgaire que l’on ren- contre depuis Pontarlier, Rochejean, jusqu’à Bourg et Cha- lon. On le trouve dans les deux Bourgognes, dans le Jura en particulier, et à cette époque même entre Salins, Orgelet, Arinthod : c’est le nom de Frère et ses dérivés, Lefrère, Lairère. Le Nobiliaire de de Lurion (1), l'Armorial de d’'Hozier (2) revu par Bouchot, nous donnent de nombreuses références au nom de Frère. Il est vrai que ce n’est guère que cent ans plus tard que ce nom fut connu et anobli (Claude Frère, châtelain de Rochejean avant 1650 — de Lurion) — Cette famille a même donné un archevêque à Besançon, Paul-Ambroise Frère de Villefrancon. Il y a trente ans vivait encore à Arinthod, bourg voisin d'Orgelet, un docteur Frère, médecin bien connu dans toute la région. Les noms patronymiques indiquant un degré de parenté ont été l’origine de beaucoup de noms propres. Les mots Frère, Cousin, Neveu, employés comme noms de famille sont très fréquents. À la mêrne époque, dans le même pays, (1) DE LurioN. Nobiliaire de Franche-Comté, page 248. (2) D’Hozier, publié par Boucuor (Franche-Comté-Dijon, pages 89-92- 98-101.) 20 — 930 — le nom de Cousin a été illustré par Gilbert Cousin de Noze- roy. Pour tous ces motifs on peut conjecturer que c’est sans doute sous le nom de Frère quil faudrait chercher la trace des ancêtres de Lafrery dans le bailliage d’Orgelet, au début du xviI° Siècle. | Mais les registres paroissiaux et les actes des notaires pour cette époque n'existent plus ou sont introuvables. Les actes du Parlement de Dole déposés aux Archives du Doubs n'étant pas classés ne peuvent être consultés. Mes tenta- tives de recherches ont été infructueuses. ; Qu'il me soit permis, pour clore cette discussion, de faire une citation qui confirme cette opinion. Bartsch, dans Le peintre graveur (XV, p.259), écrit en parlant du lorrain Bea- irizet, graveur estimé du xvi* siècle : « Il est à croire que « Beatrizet a aussi employé beaucoup de temps à regraver « et à retoucher les planches usées d’autres graveurs qui « se trouvaient dans les fonds des marchands de son temps, « tels que Thomas Barlachti, Antoine Salamanca et Antoine « Lafreri. [Il paraît avoir été particulièrement lié avec ce « dernier, dont le véritable nom est, suivant toute appa- « rence La Frère, qui étoit « Sequanus », Séquanois, ainsi « vrasemblablement de la Franche-Comté, et par conséquent «€ presque autant que son compatriote ». Il surgit ensuite une autre question que les biographes se sont posée tour à tour à propos de Lafrery ; c’est celle-ci : Quelle était au juste sa profession ? Pour résoudre ce nouveau point de discussion, il faut exa- miner tout d'abord ce que disent à ce sujet les auteurs qui nous ont parlé de Lafrery, puis compulser les actes des notaires et enfin jeter un coup d'œil sur les inscriptions que portent les gravures. | Ceux qui nous ont donné des renseignements sur notre personnage nous le représentent pour la plupart comme un célèbre graveur sur cuivre. Quelques-uns cependant comme un simple éditeur. Voici quelques citations : sl = Frederici le proclame « le célèbre graveur franc-comtois » (Archivio della Soc. Rom. di storia patria, XXI, 1898, 537). Zani au contraire affirme qu'il n’était point graveur : «none mai stato incisore... » (Enciclopedia metodica delle belle arti, Parma, 1 partie, XI, 1822, 347 et 2° partie, VI, 1821, 361). Nugel énumère quelques estampes qu’il croit pouvoir attri- buer au burin de Lafrery (Neues Allgemeines Künstlerlexi- kon, München, 1839, XII, 338). Baverel et Malpé, dans l'ouvrage cité plus haut, disent qu’il apprit en Italie la gravure au burin, fait reconnu faux par Baverel lui-même. Ces auteurs ajoutent plus loin « Il s'est occupé à retoucher une grande quantité de planches gra- vées par d’autres maitres, telles que la descente de croix d'Adam Mantuan... on lui attribue un morceau qui représente le sacrifice d’une truie, d’un bélier et d’un taureau ». L'abbé Baverel parait avoir approuvé cette assertion, car en marge de ce texte, dans l’exemplaire précité, il a écrit de Sa main : € Ceci est vrai ». _ Weiss, dans la biographie de Michaud dit : € On croit assez « généralement qu'il a manié lui-même le burin. Ce qu’il y « à de certain c’est qu'il retouchait la plupart des planches « qu'il acquérait des artistes de son temps, ainsi que celles « auxquelles il faisait travailler pour son compte... Comme « en général les estampes anciennes ne portent pas d'autre « nom que celui du marchand ou de l’éditeur, il devient (« presque impossible d'en connaître les véritables auteurs, « et l’on ne peut faire à ce sujet que des conjectures ». (Bio- graphie universelle, T. 23, page 143, 1'° édition). Jules Gauthier dit simplement : « Lafrery Antoine d’Orge- « let, éditeur d’estampes, mort à Rome le 20 juillet 1577 » (Annuaire du Doubs, 1892, page 52). L Ge renseignement est très concis et très exact. La date du décès a dû être relevée sans doute sur l’inseription de Saint-Louis-des-Français. Dans les actes notariés, voici les indications que nous trouvons relativement à la profession de Lafrery. Dans l’acte d'association avec Salamanca, il est dit que la Société a pour objet l'impression et le commerce des estampes (1). | Dans l’acte de dissolution de cette Société (28 septembre 1562), après la mort de Salamanca, le défunt est appelé librarius, tandis que le nom de l’autre associé n’est accom- pagné d'aucun qualificatif. Dans l’acte du 23 décembre 1580, relatif à la succession de Lafrery, décédé lui-même à cette époque, on lit ; € quondam » Antonii Lafrerii incisoris et stampatoris in Urbe.. » Ici, le titre de graveur et d’imprimeur lui est décerné. Dans l'acte du 18 novembre 1577, nous lisons : « Dorninus Antonius Lafrerius dum vixit, in urbe impres- » sor... » Cest comme imprimeur que nous le trouvons mentionné. Examinons ensuite les inscriptions que l’on relève sur les gravures. Îl est à remarquer que ces inscriptions ne révèlent jamais Lafrery comme graveur. Le Père Ehrlé avoue que dans toute la collection du Vatican, il n’a trouvé aucune estampe sur laquelle Lafrery soit indiqué comme graveur : « Debbo » confessare che in tutta lacollezione Vaticana non ho trovato » alcuna stampa nella quale il Lafrery indici se stesso come » incisore... » (Roma prima di Sixto, V, page 12). Voici en effet les inscriptions variées que l’on rencontre : « Antonii Lafrery formis ». — « Ant. Lafreri sequanus excu- » debat Romae ». — « Ant. Lafrerii formis exactissime-deli- » neata ». — Le mot « formis » se trouve sur presque toutes les pièces. On trouve encore : « Ex typis et diligentia Antonu La- freri ». — « Antonii Lafrerii typis ». | (1) Voir pièces justificatives. — 3933 — L'expression « ex typis », usitée aussi de nos jours, indi- que formellement que Lafrery était imprimeur. Nous con- naissons en effet plusieurs ouvrages sortis de ses presses. Ils sont signalés dans son Index calaloque. De même que le terme « typis » indique que Lafrery pos- sédait des types servant à une imprimerie, de mêmele terme « formis » indique qu’tl possédait des planches de cuivre ser- vant au tirage des estampes. En somme, il avait un atelier où l’on imprimait quelques livres, inais où l’agencement était surtout disposé pour le tirage des estampes. Le terme « formis » indique la propriété de la planche, il n'implique pas forcément que c’est le propriétaire qui a fait le tirage. Sur les gravures, l’imprimeur est le plus généralement indiqué par le mot « excudit », ou « excudebat ». Ce terme se trouve souvent seul sur les épreuves. Pourrait-on établir une distinction et dire : celles qui sont marquées « Laf. excudit : sont celles dont Lafrery en a été simplement l’imprimeur. Celles qui sont marquées « Laf. for- mis » sont celles dont il était propriétaire de la planche, et qui étaient imprimées soit par lui, soit par un autre auquelil la prêtait ? Cette distinction serait subtile, car il est évident que notre éditeur vendait communément des estampes imprimées chez lui avec ses planches. Il n’est pas moins vrai aussi qu’il mettait en vente et faisait fisurer dans son index catalogue des pièces imprimées par d’autres ou avec des planches ne lui appartenant pas. Il sem- ble qu’il devait acheter ou échanger des gravures avec d’autres imprimeurs. Les œuvres géographiques en particulier qui constituent l’utlas de Lafrery contiennent des cartes de Ber- tell Tramezini ou autres et portent une mention indiquant qu'elles ont été vraisemblablement imprimées pour la plu- part à Venise, — 334 — Il est possible aussi qu’il ait acheté les cuivres et en ait fait des tirages à Rome, sans modifier les inscriptions d’édi- teurs qu'ils portaient. Nous pouvons présumer que notre imprimeur devait opé- rer de la façon suivante. Il voyait venir à lui des graveurs qui, ayant exécuté une belle planche, voulaient faire tirer un certain nombre d'exemplaires de leur œuvre pour la publier eux-mêmes. Il fournissait le papier, faisait le tirage convenu au moven du cuivre qui lui était confié, puis remettait le tout à l’artiste. Mais sans doute il arrivait aussi que celui-ci, ayant reçu un certain nombre d'exemplaires d'auteur, les meilleures épreuves évidemment, abandonnait en paiement à son imprimeur son cuivre usé par le tirage, avec Pautori- sation de tirer, en les retouchant, pour le commerce, des épreuves de moindre valeur. Cette manière de procéder paraît très vraisemblable. Reste à savoir si Lafrery exécutait lui-même les retouches ou sil les faisait faire par d’autres. Les deux choses sont possibles. Nous avons vu, au dire de Bartsch, que Beatrizet se livrait à ce travail. Si parfois éditeur achetait des planches neuves non encore publiées, :l est: Certain également ‘qu'il entretéenaibèdes ouvriers graveurs dans son imprimerie, pour le travail jour- nalier des retouches. Il était ainsi en rapports incessants avec les artistes grands ou petits, auxquels il fournissait du tra- vail qu'il rémunérait plus ou moins largement. D'après toutes ces considérations, le véritable rôle et le vrai métier de Lafrery deviennent de plus en plus manifestes. Il possédait une imprimerie pour le tirage des estampes et il se livrait à ce genre de commerce. Non seulement il faisait graver pour son compte et achetait des cuivres neufs, mais il était surtout extrêmement adroit et avisé pour retoucher, restaurer et utiliser les planches déjà usagées. On comprend que, grâce à cette manière habile de procéder, notre com- patriote ait, en exerçant un pareil métier, gagné beaucoup d'argent, Prat. Envisagé sous ce jour, il se présente à nous plutôt comme un industriel et un marchand avisé, que comme un véritable artiste. C’est là un point de vue un peu différent ; la figure de ce personnage est moins noble peut-être, mais néanmoins toujours intéressante. Cette conclusion semble se dégager de plus en plus nette- ment à mesure que l’on envisage sa carrière que nous allons maintenant suivre dans ses diverses phases. * LOL Nous ne connaissons absolument rien des premières années de Lafrery ni de sa jeunesse passée en Franche- Comté. Cette période de sa vie (1512 à 1540) ne doit présenter d’ailleurs rien d’intéressant. | Quelques faits cependant qui survinrent alors dans son pays, purent frapper son imagination d'enfant. | Comme il avait environ 18 ans, lorsque son seigneur, Phili- bert de Chalon, périssait fort jeune sous les murs de Florence, il dut être, ainsi que nous l’avons vu, le témoin des honneurs rendus à sa dépouille, ramenée dans son pays pour être inhu- mée à Lons-le-Saunier. Il est certain que le récit des guerres d'Italie, de la prise de Rome, des splendeurs de cette ville, dut exciter la curiosité du jeune homme et peut-être, ce fut là une des causes de son départ. Sans doute aussi il était imbu des idées de la jeu- nesse de son temps, à l’époque de la Renaissance italienne. Il désirait voir et s’instruire. Pensait-il à apprendre Pimprime- rie, art qui s'était pratiqué quelques années à Salins, non loin de-son pays ? Songeait-il à s’adonner à la sculpture ? On sculptait dans la terre de Saint-Claude, proche de son foyer, et on y taillait le bois. Avait-il pris là quelques inspirations ? Imprimerie d'une part, sculpture d’autre part, telles étaient les deux industries qui avaient leur analogie avec l’art qu’il allait exercer plus tard. — 939360 — Quoiqu'il en soit, nous ne savons ni les motifs de son dé- part pour l'Italie, ni la date précise de son arrivée à Rome. S arrêta-il dans les villes du Milanais ? Séjourna-t-il à Venise, centre d'imprimerie ? Nous l’ignorons. Ce qu'ily a de certain, c’est que vers 1540, époque à laquelle il dut se fixer définitivement à Rome, il dut rencon- trer dans cette ville nombre de compatriotes. Il y avait des Francs-Comtois, des Bressans, des Lorrains, des gens de Philibert de Chalon, des gens de Nozeroy, des gens d'église, des gens d'épée. — Etait-il parti pour accom- pagner quelqu'un de ceux-ci? Etait-il allé rejomdre un parent ? Tout cela est possible (1). | On a écrit et répété qu'il vint à Rome en même temps que Jacques Prévost et avec son oncle Claude Duchet. Ces deux assertions méritent vérification. Jacques Prévost était jeune quand il vint à Rome ; il avait 25 ans. C’est en 1534 et 1535 qu'il fait imprimer chez Sala- manca quelques rares estampes. Après cette date, 1l est pro- bable qu’il rentra eu Franche-Comté, car on ne trouve plus aucune trace de lui en ftalie. (1) Auguste Castan dans l’ouvrage précité « La Confrérie de St-Claude des Bourguignons à Rome » nous apprend (page 11 en note) que les comptes de la Confrérie de Saint-Louis des Français mentionnent dès 1515 la présence dans cette association de Guillaume Duchet, prêtre, fils de Jean Duchet, notaire et citoyen de Besançon qui habitait la rue de Glères de cette ville et y mourut au début de l’année 1522. Ceci étant, on peut se poser la question suivante: Il y a eu des alliances entre une famille Duchet et Lafrery, puisque le neveu et le successeur de Lafrery s'appelait Duchet. Mais auparavant le prêtre qui portait le nom de Guillaume Duchet et qui était à Rome dès 1515 n’aurait-il pas été déjà un parent de Lafrery, et celui-ci ne se serait-il pas rendu à Rome, soit pour accompagner ce personnage, soit appelé par lui ? Les auteurs qui disent que Lafrery vint à Rome avec son oncle Claude Duchet n'auraient peut être commis qu’une erreur de prénom. À moins encore que l’on n'admette, pour leur donner raison, qu’il y eut un autre Claude Duchet que celui qui nous est connu comme neveu et successeur de Lafrery: ce serait un Claude Duchet, oncle, que l’on pourrait appeler le ( VIEUX », — 9337 — Lafrery était plus jeune encore que Jacques Prévost ; il avait 22 ans quand celui-ci quittait Rome. Se serait-il expatrié si jeune, et serait-ce Prévost qui aurait fair fure au très jeune Lafrery la connaissance de l'éditeur Sala- manca *? À la rigueur, le fait a puse produire, néanmoins il est per- mis d'en douter en pensant que nous n'avons aucun indice ni aucune trace d’un séjour aussi prématuré de Lafrery à Rome et de ses relations avec Jacques Prévost. La première estampe signée de Lafrery est de 1544, c’est-à-dire posté- rieure de neuf ans à la dernière estampe romaine connue de Jacques Prévost, 1535. — Le séjour simultané de nos deux compatriotes à Rome est possible, mais n’est pas établi. Ce que mon excellent ami, le Docteur Bourdin, a écrit dans une savante étude sur Jacques Prévost peut se supposer, mais difficilement se prouver. L’autre assertion relative à la venue de Lafrery à Rome avec son oncle Claude Duchet, me semble tout à fait contes- table. Cette assertion se trouve répétée partout d’après l’article déjà cité de Weiss, dans la biographie de Michaud. [ei encore la bonne foi de Weiss à été surprise et son érudition se trouve en défaut: Cläude Duchét”était le neveu ét non l’onele de Lalrery, il était vraisemblablement plus jeune, et il est bien établi que ce fut lui qui, comme neveu, recueillit la succession de Lafrery après la mort de celui-ci (1577) ; les documents mis au jour par le Père Ehrlé, l’établissent d’une façon indiscutable. Comme Lafrery vint à Rome dans sa jeu- nesse, il n’est guère admissible qu'il y vint avec son neveu qui eût été alors tout au plus un tout jeune enfant. Nous verrons ultérieurement quelle fut la carrière de Claude Duchet, comme successeur du célèbre éditeur, son oncle. eo En arrivant à Rome, vers 14540, Lafrery se mit en rapports avec les imprimeurs et les marchands d’estampes, Thomas Barlachi et Antoine Salamanca. Ce dernier était le plus connu, il était milanais et avait appris l’imprimerie à Venise, puis s'était établi marchand d’estampes à Rome vers 1535. C’est lui qui avait imprimé les dessins faits et publiés à Rome par Jacques Prévost. Ses affaires prospérant, il avait réuni à son fonds celui de son concurrent Barlachi. À ce moment il y avait un nombre assez important de graveurs, formés par Marc de Ravenne et Augustin Vénitien, successeurs de Marc-Antoine Rai- mondi. Bartsch attribue à ces trois artistes un total d’en- viron six cent cinquante-deux pièces. Les éditeurs possé- daient en outre des estampes et même des cuivres venus de Venise ou d’ailleurs. Lafrery apprit son métier chez Salamanca, puis, vers 1543, il s'établit à son compte. Les trois premières estampes que nous avons de lui, portent la date de 1544 ; l’une représente la colonne Trajane, l’autre le meurtre d’Abel, la troisième, la naissance d’Adonis (Bartsch, XV-42). Une fois installé, notre compatriote ne tarda pas à faire de brillantes affaires, grâce à son intelligence ec à son activité. De 1544 à 1553, c’est-à-dire pendant les neuf ans qu’il exploita seul son commerce, il imprima un nombre considé- rable d’estampes, que nous pouvons difficilement évaluer. En laissant de côté celles qui ne portent pas de date et pour lesquelles l’époque de la publication reste ignorée, on en compte encore au moins quarante-deux qui portent des dates comprises entre 1544 et 1553. J'en citerai quelques-unes que j'ai pu réunir dans ma col- lection : | — 339 — Statue de Marc-Aurèle. . . : . . . . . . 1548 ROMA NICE IE EM Ce EE 0 1540 ACTA NME Se LUS AS En en mr f1549 Trophées militaires 2}. ae 11 1000 TO MR el D rer 2 ei A En A ESS SAUPAURIMOLUMEN LT ne Ja 4509 En 1553, survint un évènement important. Lafrery s’asso- cia avec Salamanca chez lequel il avait travaillé et avec lequel il avait conservé de bonnes relations, Pour quel motif Sala- manca s’adjoignit-il Lafrery ? Etait-ce parce qu'il se sentait fatigué et craignait la concurrence d’un plus jeune et plus actif que lui ? Nous l’ignorons. En tout cas Lafrery n'avait qu'à gagner à s'unir à un commerçant plus âgé, plus expéri- menté et ayant une maison plus ancienne et mieux achalan- dée. L'acte d’association est du 20 décembre 1553 (1). Les principales clauses sont les suivantes : Les deux commer- cants s'unissent pour l’impression et lecommerce des estam- pes ainsi que pour tout ce qui a trait à cet art. La société doit avoir une durée de douze ans et, en cas de décès de l’un d’eux avant les douze années révolues, elle doit continuer avec ses héritiers. Chaque associé apporte son fonds, ses cuivres tels qu'ils sont, avec la firme qu’ils portent, et s’en réserve la propriété à la dissolution de la société. D’après ces stipulations, on comprend qu’il n’y eut pas de firme « Salamanca-Lafrery ». On tirait des épreuves portant les unes le nom de Salamanca. les autres le nom de Lafrery. Il est probable que beaucoup d’estampes de Salamanca furent tirées à cette époque. De ce fait on ne peut connaître ni le nombre d'épreuves mises au jour, ni le chiffre d’affaires réa- lisé pendant cette période. Lafrery fut la cheville ouvrière de la maison. À cette date on ne trouve plus guère de cuivres marqués au nom du plus (1) Voir pièces justificatives. — 340 — âgé, mais on en trouve beaucoup au nom du plus jeune des deux associés. Celui-ci sans doute développa considérable- ment ses connaissances et ses relations personnelles. Vers le milieu de l’année 1563, Salamanca vint à mourir. Aux termes de l’acte d'association, la société devait continuer jusqu'à la fin de la douzième année avec les héritiers. De fait, Lafrery continua quelque temps avec le fils de son associé, François Salamanca. Mais bientôt, sans que nous en connais- sions les motifs, la société fut dissoute d’un commun accord par un acte en date du 23 septembre 1563. Il est à présumer que Lafrery qui avait mené l’affaire presqu’à lui seul, enten- dait rester seul. | Nous possédons l’acte de dissolution heureusement retrouvé et reproduit par le Père Ehrlé. Le 28 septembre 1563, Fran- Gois Salamanca, qui avait repris la suite de son père, se sépare de Lafrery et quelques jours après, le 6 octobre, les deux associés prorogent jusqu’au 9 octobre, le terme fixé pour le partage de la communauté. Le 11 octobre, le partage étant terminé, François Salamanca cède à Lafrery, pour mille écus, sa part dans une somme de 3.000 écus, consti- tuant les créances de la société. Nous avons la liste de ces créances et les noms des débiteurs. La plupart sont des hbraires de Rome, de Bologne, de Naples, de Venise. Nous trouvons les noms de Jean-Baptiste Christophorus, libraire à Naples, de Vincent Luchinus et autres. Nous trouvons aussi une petite dette de 20 écus du comte de la Roche. Il est à présumer que ce dernier crédit est constitué par un prêt d'argent que Lafrery a dû lui faire. [Il semble que notre éditeur gagnait beaucoup et qu’il était assez serviable pour prêter à ses compatriotes, même à ceux qui, appartenant aux grandes familles de la noblesse com- toise, se trouvaient à Rome à court d'argent. Le fait est abso- lument prouvé par un acte en date du 15 janvier 1576, par lequel Gaspard d’Andelot, du diocèse de Besançon, lui emprunte cent écus qui lui furent d’ailleurs restitués, con- 341 — formément aux conventions stipulées le 14 mai de la même année. : Lafrery. avait 40 ans quand il s'était associé et il se trouvait à 50 ans, à la mort de Salamancea, en pleine force encore et devenu seul possesseur du fonds de librairie le plus impor- tant de l’époque. Il étendait son commerce dans tous les pays où la Renaissance s'était fait sentir. il entretenait des relations commerciales très actives avec tous les centres de l'Italie, de la France, de l'Allemagne. Il vendait à Rome des papiers et des livres venant de France, le plus souvent de Lyon ou de Paris. Réciproque- ment, il fournissait la France d’ HE et de livres sortis des presses italiennes. Si, pendant les dix années d'association, son commerce avait été des plus actifs, pendant les quatorze années qu’il continua seul jusqu’à sa mort, ses affaires atteignirent un degré de prospérité plus considérable encore et dont il est difficile de se faire aujourd’hui une nue idée. Sur la fin de sa carrière, en 1571, il eut l’idée lumineuse et absolument nouvelle de publier le sn des publications en vente dans sa librairie. C’est la première fois que pareille entreprise était réalisée. L’Index catalogue de Lafrery est le premier de tous les catalogues de libraires qui aient paru. Cette conception, bien originale pour l’époque, et qui devait avoir ultérieurement tant d’imitateurs, lui fut peut-être suggérée par quelque grand et riche seigneur qui lui demandait la col- lection de ses publications. Peut-être aussi son génie com- mercial lui suscita-t-il cette idée pour étendre encore ses affaires. L'Index catalogue est un travail tout à fait personnel de Lafrery, où l’on voit, dans le classement rigoureux des pièces, quel était esprit d'ordre et de méthode de son auteur. À propos de ce Catalogue, le père Æhrlé relève encore à la charge de Weiss une légère inexactitude. Il faut excuser de suite l’érudit bibiothécaire qui sans doute a parlé de cet — 342 — important document sans l’avoir connu. A la fin de l’article précité (Biographie Michaud), Weiss dit ceci : «€ Il existe un » index ou catalogue de toutes les estampes publiées par Lafrery. Rome, 1571, in-40 ». Cette brochure est aujourd'hui introuvable. C’est en vain qu'à Besançon, à Rome, à Paris, à Londres on en cherche- rait un exemplaire. Le père Khrlé à fini par en découvrir un à la « Marucellania », à Florence. Or, dans ce catalogue, on mentionne à deux reprises des faits qui se passèrent en 1572. D'abord à la ligne 149, où l’on cite une estampe repré- sentant la victoire des armées chrétiennes à Mondon et Nava- rin (1572). Plus loin, à la ligne 587, on parle d’un livre d’Onofrius Panvinius où il est question de Grégoire XIII, élu le 13 mars 1572. Ces faits établissent que l’Irdex catalogue doit être légèrement postérieur à 1572. [Il est donc vraisemblable que Weiss n'aurait pas pu lui assigner la date de 1571 s’il en avait eu un exemplaire entre les mains. | Cette nomenclature mentionne plus de cinq cents articles dont l’immense majorité est constituée par des estampes. A la fin on y trouve quelques livres. Ainsi qu’il lannonce dans sa préface, Lafrery divise cet Index en cinq parties. Dans la première, nous trouvons l’œuvre géographique. C’est ce que l’on a appelé l’atlas de Lafrery. Il comprend cent douze articles. Ce sont des cartes géographiques et des vues de villes, de forteresses, de batailles. Ce document important est le premier atlas réunissant exclusivement des cartes toutes nouvelles ne s'inspirant plus de Ptolémée, bien que le nom de ce géographe se trouve encore sur le frontis- pice. Il mérite une étude toute particulière qui n’a point été faite jusqu'à présent. : La deuxième partie comprend soixante-dix-neuf estampes d’antiquités romaines ; des temples, des statues, des sculp- tures. À la fin on compte dix-neuf compositions de Part moderne du seizième siècle. — 343 — En troisième lieu, on trouve soixante-douze sujets se rapportant soit à la mythologie, soit à l’histoire de Rome. Cest surtout la deuxième partie, avec quelques planches de la troisième, qui constitue le Speculum Romanæ mugni- tudinis. Dans le quatrième groupe nous rencontrons cent soixante- douze images de l'Ancien et du Nouveau Testament, La cinquième partie forme une réunion de vingt-six per- sonnages les uns mythologiques, les autres historiques. Enfin un addendum ou sixième partie comprend vingt livres iilustrés concernant l'archéologie et l’art. Ce catalogue, précieux pour l’histoire de Lafrerv, nous donne la nomenclature à peu près complète de ses produc- tions vers l’année 1572. On peut se rendre compte de sa richesse et du nombre considérable d’estampes que, par une incessante activité, il avait accumulé dans sa boutique du Parion. Parmi ces productions, il v a deux recueils qui comptent parmi les monuments les plus originaux de la Renaissance. Le premier est l’Atlas de Lafrery, le second, le Speculum Romanæ magniludinis. Ces deux collections créées par cet éditeur furent conti- nuées et augmentées par ses successeurs. Pour l’œuvre géo- graphique, il est certain que Claude Duchet y ajouta beau- coup. Celui-ci parait avoir été tout particulièrement compé- tent en géographie : on trouve des cartes dont il semble avoir été l’auteur. Ses biographes lui ont même attribué la pater- nité de l'Atlas. C’est ainsi que Weiss (Biogr. Michaud) note à l’article Lafrery : « Claude Duchet, dont on a un atlas très considérable, mourut à Rome en 1585 ». Or, Duchet mourut en 1586 et l’atlas a été primitivement l’œuvre de son _ oncle, puisqu'il se trouve tout entier décrit dans l’Index cata- logue de 1572, dont nous venons de parler. Cependant il serait possible que Lafrery, bien qu'ayant classé les cartes en tête de son catalogue, ait peu vendu de collections — 344 — complètes, et que celles-ci aient été publiées surtout par son neveu. C'est d’après le même principe que notre éditeur, vers la fin de sa vie, réunit la plupart des estampes de son fonds se rapportant à la grandeur de Rome, et qu’il les rassembla en un volume auquel il donna le titre pompeux de Speculum Romanæ magnitudinis. Pour ces deux collections, il fit graver une belle planche servant de frontispice et portant le titre. Puis, à la suite, il rangea dans un ordre toujours à peu près le même, les diverses pièces, en nombre toujours à peu près égal. Se proposant sans doute d'augmenter ultérieure- ment ces deux ouvrages, il omit de numéroter les planches et de dresser une table des matières. C’est pourquoi, en pré- sence d’un exemplaire, on ne peut Jamais se rendre compte s’il est complet. ATLAS. — Bien que l’atlas mérite à lui seul une étude approfondie, encore à faire, je me permettrai, sans déflorer ce sujet, d’en dire quelques mots. est un volume rare et précieux de format grand in-folio. La Bibliothèque du Collège Romain, le Musée Britannique, la Bibliothèque nationale, en possèdent chacun un exemplaire. J’ai été heureux d’en trouver un spécimen presque ignoré à la Bibliothèque de Nancy. Evidemment d’autres volumes plus ou moins complets existent encore en France, à l'étran- ger, soit dans quelques’ dépôts publics, soit dans quelques collections privées ; mais ils doivent être très peu noem- breux. Ce qui frappe tout d’abord en parcourant ces divers exem- plaires, c’est le défaut d'unité et d’uniformité de louvrage, qui revêt l’aspect d’un recueil tout à fait factice. — 345 — Après avoir admiré le beau frontispice servant de titre (1) on remarque à sa suite, rangées dans un ordre qui n’est pas toujours identique, environ 78 à 80 cartes et 34 à 36 vues de villes. On rencontre quelquefois une pagination manuscrite peu régulière, et l’ouvrage semble incomplet et inachevé. Les cartes sont tantôt du format de lin-folio simple, tantôt du double in-folio. * On voit des épreuves trop courtes remargées à l’époque pour leur permettre d'atteindre les dimensions des autres. Cette disposition que l’on remarque dans un certain nombre de recueils, indique manifestement que la collection à été formée par la réunion de pièces publiées antérieurement et qui n'avaient pas été tirées pour être réunies en un même ouvrage. Cette observation s'applique aussi aux planches du Speculum Romanæ magnitudinis. Le papier qui a servi au tirage est loin d’être uniforme, il varie à chaque feuille. Les épreuves sont les unes fortes et proviennent de cuivres encore peu fatigués ; d’autres, au contraire, sont faibles et proviennent de cuivres déjà bien usagés. Enfin les inscriptions qu’on lit sur les cartes nous permet- tent de relever de grandes variétés. Les pièces qui portent (1) Titre de l'Atlas : « Geographia, « Tuvole moderne di geografia « de la maggior parte del mondo « di diversi autori « raccolle et messe secondo l’ordine « di Polomeo « con indisegni di molte citta et « fortezze di diverse provintie « Stampate in rame con studio « et diligenza «in Roma. » 21 O6 des dates s’échelonnent sur une période de seize ans envi- ron, de 1556 à 1572 ; on en trouve : 2 datées de 1556 ; 921 — de 1556 à 1560 : 97 — de 1561 à 1565 ; 36 — de 1556 à 1572 ; Ceci d’après les recherches de Nordenskiold. Elles paraissent avoir comme auteurs primordiaux les géo- graphes du début du XvI° siècle. Parmi ceux-ci, c’est le Pié- montais Guastaldi qui est le plus souvent cité. Ce géographe est certainement un des plus marquants de son époque et il est regrettable qu’il ne nous soit pas mieux connu. Les autres auteurs sont plutôt des dessinateurs que de véritables géographes. Leurs noms se mêlent avec ceux des graveurs, des impri- meurs et des éditeurs. Dans cette catégorie de personnages, nous trouvons très souvent les noms de Fernand Bertelli de Venise, de Paul Forlani de Vérone, de Dominique Zenoï de Venise, de l’imprimeur Tramezini, du libraire Camotius (Jean-François) tous deux de Venise. Parmi les graveurs, nous relevons les noms de Paul Forlani, déjà cité, de Sébas- tien de Regibus, de Jacques Bosius, belge, de Pyrrhus Ligo- rius, de Jacob Deventerius, de Fabius Licinius, puis aussi des éditeurs libraires, Zalterius de Bologne, Salamanca, Lafrery et enfin Claude Duchet, ces derniers seuls de Rome. Ainsi qu’on peut le remarquer, les imprimeurs éditeurs et les graveurs sont très divers. En outre, fait curieux, très peu de pièces paraissent imprimées à Rome; un nombre plus restreint encore porte le nom de Lafrery. On peut donc se demander si notre éditeur n’a pas simple- ment acheté un stock d'épreuves chez ses collègues de Venise ou d’ailleurs, ou bien s’il leur a emprunté leurs cui- vres pour en faire des tirages. — JA Il est à présumer que Lafrery étant riche et ses affaires très prospères, il aura acheté chez ses collègues de Venise et d’ail- leurs, les. cuivres ayant déjà servi à divers propriétaires. Nous avons vu que cette manière de faire entrait assez dans les habitudes de son commerce et qu’il savait très bien accom- moder les restes. On se demande alors pourquoi il a laissé subsister les anciennes firmes et ne s’est point donné la peine d'y ajouter son nom et sa marque de propriété. Il faut penser qu'avant Lafrery l'impression des cartes se faisait surtout à Venise où l’on pourrait dire qu'il existait une école cartographique au début et au milieu du xvi* siècle. Sans doute, Venise ayant cette célébrité et Lafrery ayant acquis de si bonnes marques, s'était comporté en bon commerçant et s'était bien gardé de démarquer des cuivres portant des signatures aussi réputées. Quoi qu'il eu soit, il n’en reste pas moins bien établi que c’est Lafrery qui vendait toutes ces cartes. C’est avec un certain orgueil qu il les met en première ligne dans son cata- logue.Comment aurait-il pu le faireavec pareille ostentation si elles n’eussent été sa propriété ? Notre compatriote a été incontestablement le propriétaire et léfpremier éditeur de l’atlas (moderne à son époque), qui porte son frontispice. En jetant un rapide coup d’œil sur les diverses cartes que renferme cet ouvrage, on voit qu’elles sont rangées dans Vordre indiqué par l’Index catalogue. En tête on trouve les mappemondes, les globes, les planisphères, les cartes ma- rines ; les cartes générales en un mot. Puis viennent les cartes particulières des pays, des royaumes de l’Europe d'abord, des autres parties du monde ensuite, y compris le Nouveau-Monde représenté par trois cartes. D'une façon générale, les côtes et les pays maritimes se trouvent mieux traités que l’intérieur des terres. Les cartes représentant les iles sont en proportion relativement consi- rable. Ceci indique que les portulans et les cartes marines ont été mis largement à contribution. Pour les cartes de l’in- — 948 — térieur des terres, qui sont moins exactes, il semble qu'elles se ressentent encore des erreurs des itinéraires et des rou- tiers et qu’elles ne sont certainement point dressées avec des mensurations exactes vérifiées par les observations astronomiques. Néanmoins elles constituent un progrès con- sidérable sur les cartes dites nouvelles, jointes aux diverses éditions de Ptolémée, On voit que l’on a définitivement mis de côté les notions ptoléméennes et que l’on est en présence d’une cartographie toute nouvelle, d’une renaissance géographique. Je citerai soinmairement quelques pièces intéressantes. La France est représentée par deux cartes. Nous les trou- vons sous les n°5 15 et 16 de | Zndex. Dans la nomenclature de Nordenskiold, elles portent les n°s 19, 20, 21. La plus remarquable est celle qui est exécutée par Paul Forlani, de Vérone, d’après celle du Dauphinois Oronce Finée (1535). Elle est imprimée à Venise par Zalterii de Bologne, en 1566 et possède une dédicace à Marc-Antoine Radicus. Comme la carte d'Oronce Finée n’est plus représentée que par le seul exemplaire connu de la 2° édition, découvert par M. Gal- lois, à la Bibliothèque de Bâle. il s'ensuit que la carte de Lafrery vient de suite après et constitue encore une pièce rare de la cartographie française. C’est un beau spécimen de l’une des plus intéressantes pages de l’atlas. La Grande-Bre- tagne et ses iles, l'Espagne, la Suisse, les diverses provinces de l'Italie, se trouvent représentées par quelques belles et rares pièces. Enfin, fait intéressant pour nous Francs-Comtois, la Savoie et la Bourgogne réunies font l’objet d’une très belle carte spéciale. Dans l’ndex nous la trouvons annoncée au n° 17, sous la rubrique : Ducato di Savoia. Dans la nomen- clature de Nordenskiold, elle figure sous le n° 22. Cette carte est mal orientée. L'Est est au sommet et le Nord à gauche. Elle représente les régions arrosées par la Saône, le Doubs, le Rhône et l'Isère. Bien gravée, elle porte — 349 — en haut, à gauche, une dédicace à Louis Balbi par Paul For- lani. À droite se trouve l'inscription : Ferando Bertelli libraro, exc., et au-dessous un cartouche renfermant le titre : Descrittione del ducato di Savoia novamente posto in luce. In Venetia, l’anno M.D.LXTI » (1562). On y remarque des annotations curieuses. Sur les bords de ja Saône, on lit qu’une rive appartient au roide France, l’autre à l'Empereur. Sur les monts Jura on y lit qu’il y a dans cette région d'excellents pâturages (1), etc. Cette carte est la plus ancienne carte connue de la Franche-Comté. Elle a été copiée par Ortelius dans ses premières éditions. Après les cartes au nombre d'environ 75, se trouvent ran- gées des vues de villes, de forteresses, et même des gravures représentant des batailles. Cette partie constitue un addi- mentum en quelque sorte différent de l’atlas, n'ayant point le caractère géographique et ne s’ÿ rattachant qu'indirectement. Ces vues et gravures sont au nombre d’une trentaine. Les plus remarquables sont: Rome, Venise, Ancône, (Gênes, . Naples, Messine, Malte, Constantinople. Parmi les villes de France, on remarque Poitiers, Boulogne, Calais. On trouve aussi deux vues de la bataille de Lépante, puis du succès des armes chrétiennes à Mondou et Navarin, en 1572. Cette partie du recueil diffère souvent d’un 2xemplaire à l'autre. L'importance de l’ouvrage de Lafrerv est considérable pour la cartographie de la Renaissance. Il nous a conservé les tra- vaux des géographes de cette époque en recueillant bon nombre de pièces de cartographes vénitiens qui, sans lui, auraient été en grande partie perdues, si elles n’eussent été réunies en un atlas. Ces travaux géographiques n'étaient d’ailleurs point si nombreux pour que l’on püût sans regret les voir disparaitre. Ils nécessitaient des observations et men- surations longues et pénibles ; puis d’autres obstacles sur- gissaient encore. Si, à cette époque déjà, bon nombre de (1) « Le montagne de questo luogo hano ancora bonissima pastora », — 390 — cartes particulières avaient été dressées, les princes ne per- mettaient pas toujours qu'elles fussent divulguées ; ils y voyaient des dangers au point de vue des entreprises guer- nières. Aussi de remarquables travaux restaient-ils quelquefois longtemps manuscrits. Copiés par des dessinateurs qui n’é- taient n1 habiles, ni compétents, ils étaient souvent défigu- rés, méconnaissables et remplis d'erreurs. Ici, comme pour l'imprimerie, la gravure des cartes diminuait et même sup- primait les graves erreurs des copistes, On comprend donc que ce n’est pas un des moindres titres de gloire de notre compatriote, d’avoir rendu à la cartogra- phie ce service inappréciable d'éditer le premier atlas de la Renaissance, devançant ainsi de bien des années les publica- tions si cèlèbres d’Ortelius et de Mercator qui lui firent de très larges emprunts. Le Speculum Romanæ magnitudinis est un ouvrage du même genre que l'Atlas. [Il est constitué par des planches d'architecture et d’antiquités romaines. Les exemplaires que l’on peut supposer complets sont rares ; mais les fragments et les feuilles détachées se rencontrent encore assez sou- vent. On trouve surtout des tirages exécutés par les succes- seurs de Lafrery. Parmi ceux-ci, Orlandi, qui avait acheté beaucoup de cuivres à la vente de la boutique du Parion, a réédité en 1602 un grand nombre de gravures où l’on trouve son nom à côté de celui de Laïfrerv. Le Speculum contient de 118 à 136 planches see qu'il a été plus ou moins recomplété, soit par les successeurs de Lafrery, soit même par les possesseurs successifs des divers exemplaires. Il y a même des recueils qui sont en grande partie factices et qui ont été constitués au xvrr® siècle. Le comte Cicognare, célèbre collectionneur italien, avoue très — 991 — franchement qu'ayant trouvé deux fragments de l'ouvrage, il les a complétés et reconstitués à sa façon avec un cer- tan nombre de planches dont beaucoup sont postérieures à Lafrery. En réalité on ne connaît à peu près point d'exemplaires du Speculum que l’on puisse considérer comme nous étant parvenu tel qu’il est sort de la boutique de l’éditeur. Le père Ebrlé croit que celui de la Vaticane, dû à la munificence du . duc de Louba, serait le plus ancien de ce genre. Il contient 136 planches. La variété la plus grande que nous avons déjà rencontrée dans l’atlas se trouve encore ici. Les gravures sont inégales comme grandeur et quelquefois remargées. Le classement est variable. Rarement on trouve des traces d’une pagination qui n’est que manuscrite. La valeur et la beauté des estampes diffèrent. Elles sont dues à des artistes très divers, exécutées d’après les originaux des grands maitres, il est vrai, mais par des dessinateurs et des graveurs sou- vent médiocres et par des procédés encore bien rudimen- taires, Elles sont surtout intéressantes pour les vrais ama- teurs, parce que ce sont là les primitifs de la gravure sur cuivre ; mais à vrai dire elles sont souvent grossières, gro- tesques et flattent bien peu l'œil. Les grands artistes de la Renaissance en contemplant et en étudiant les ruines romaines en avaient tracé des dessins supérieurement exécutés. Ce sont ces dessins que Îles gra- veurs avaient reproduits et que l’estampe allait divulguer et fort heureusement nous conserver. 51 les planches les plus remarquables du Speculum repré- sentent surtout les chefs-d’œuvre de l’architecture et de la sculpture romaines, il en est aussi qui reproduisent les com- positions des contemporains tels que Raphaël et Michel- Ange. Les graveurs qui ont collaboré à ces diverses œuvres sont nombreux et les principaux noms et monogrammes que l’on rencontre sont ceux des disciples de l’école de Marc- Antoine, savoir: Augustin Venitien, Beatrizet, Bonazone, — 352 — Enée Vico, Corneille Coort et une foule d’autres encore. On remarque surtout dans cet ouvrage des sujets d’archi- tecture, des marbres, des statues, des vases antiques. Les temples, les théâtres, les tombeaux, les colonnes et autres monuments de la période de la grandeur romaine, bien que tombés en ruines, étaient à cette époque, infiniment mieux conservés que de nos jours, et bon nombre de ces mer- veilles, malgré les injures du temps et les bouleversements des siècles successifs de barbarie, étaient restées PrÉSne intactes au point de vue architectural. Ces majestueux débris n'avaient point souffert de la pioche des démolisseurs et n'avaient point nan plus été déformés par des restaurations maladroites leur faisant perdre la pureté de leurs lignes primitives. C'était, en effet, l’époque où Sixte- Quint, doué d’une prodigieuse activité, allait bouleverser et transformer sa capitale. Cet illustre pape, par ses grands tra- vaux d’édilité, allait déplacer, remanier et même renverser et détruire à tout jamais quantité de superbes vestiges dont l’art regrette aujourd'hui la disparition. Parmi les monuments topographiques sortis des presses de cet éditeur, 1l en est encore un que Je dois mentionner. C’est le grand plan de Rome, dressé par le parisien Du Pérac et publié en 1577. Ainsi que je l'ai déjà dit, le père Ehrlé Pa étudié longuement et magistralement dans son important travail où l’on trouve les renseignements les plus précieux. Lorsque Lafrery publiait son Index catalogue, son Atlas et son Speculum Romanæ magnitudinis, il était arrivé à Papo- gée de sa carrière et 11 lui restait à peine quelques années à vivre. [l avait conquis une situation commerciale extrème- ment importante. Sa boutique du Parion était devenue le rendez-vous de tous les artistes. Non seulement il leur four- nissait de Pouvrage, mais il leur portait en toute circonstance — 393 — aide et assistance, et par ses libéralités 1l était pour eux un véritable Mécène. D’après des actes notariés, nous le trouvons en relations avec le graveur Marius Cartarius de Viterbe, Marius Labac- cus de Rome, Paul Gratien, romain également, Marius Pal- marius, libraire, Etienne Du Pérac, parisien, et beaucoup d’autres. Vasari énumère encore le lorrain Nicolas Beatrizet, Jules Bonasone, Enée Vico de Parme, Jean-Baptiste de Caval- lerius, Jacques Boos le belge, Corneil Coort de Horrempt, hollandais et une foule d’autres qu’il serait trop long d’énu- mMéren. Si Lafrery protégeait les artistes, 1l cherchait aussi les bonnes grâces et la protection des grands. Souvent, selon la coutume d'alors, il ornait ses produc- lions d’une dédicace louangeuse à quelque 1llustre person- nage. Au duc Octave Farnèse il dédie son petit plan de Rome moderne en 1557. À Jean Forget de Beauregard, il dédiel’estampe représen- tant le monument sépulcral de Verranius sur la Voie App'enne. Enfin en 1561, au Cardinal de Granvelle, son compatriote, il dédie l’estampe représentant l’Annonciation peinte par Frédéric Zuccari, dans lPEglise du Collège Romain. Plus tard, il dédie encore au même Cardinal de Gran- velle, l'ouvrage intitulé Ilustrium Virorum, où l'on peut lire la préface qu'il adresse à son éminent protecteur, Avec le plan de Rome de Du Pérac, ce fut une de ses dernières publications. Après une carrière laborieuse, mais heureuse, une exis- tence bien remplie, mais agréable, Lafrery mourait le 20 juillet 1577 à l’âge de 65 ans. 4 Il est à présumer que la mort le surprit, car il n’avait pas mis ordre à ses affaires et n'avait point fait de testament. Il laissait une fortune considérable, un commerce très impor- tant et très étendu. Pour recueillir un si bel héritage, on ne connaissait point d'héritiers directs et personne pour pren- dre la direction d’une si grande entreprise. Il s'agissait tout d’abord d'établir quels étaient les plus proches parents pouvant avoir des droits à la succession. Laïrery avait laissé en Franche-Comté une sœur qui s'était mariée et avait eu deux fils, Claude et François Duchet. Claude était allé en Italie; François était resté au pays, mais son fils Etienne était venu à Rome chez son grand- oncle et se trouvait précisément auprès de lui au moment de sa Mort. Aussi, le 93 juillet, les magistrats compétents dévolurent- ils provisoirement la succession à ce jeune homme. Sur ces entrefaites, quelques mois plus tard, vers la fin de novembre, Claude Duchet qui se trouvait on ne sait pourquoi en Sicile, revint à Rome, et le 28 de ce mois, le jeune Etienne remit à son oncle Claude l'administration de la maison. Les bénéfices pendant cette courte période, s'étaient élevés à 337 éCus. S'ilavait été pourvu à l’administration de la maison de commerce, |l restait encore à partager l'héritage, et il sem- blait que l'affaire fût difficile et dût demander beaucoup de temps. Marius Cartarius, le graveur, qui sans doute était le principal employé de la maison, en fut chargé comme liqui- dateur. Les héritiers de Lafrery étaient ses deux neveux. Claude, venu à Rome, et François, son frère, resté en Franche- Comté. Cartarius fit trois parts dans l'héritage. D'abord deux lots égaux formant la partie la plus liquide de la fortune furent attribués l’un à Claude, l’autre à Etienne, fils de François. — 399 — Momentanément on laissa de côté une troisième partie de la succession qui fut divisée et répartie ultérieurement. Outre les cuivres et les estampes, on partagea les meubles les dessins originaux, les livres et les objets d’art et aussi une très belle collection de médailles romaines très ancien- nes. Chacun en reçut cent cinquante-huit, ce qui laisse à pen- ser que Lafrery était un numismate distingué, et, à n'en pas douter, sa collection devait être précieuse, vu l’époque où elle avait été constituée. Bien que la succession ait été ainsi partagée, 1l semble que rien n’ait été distrait du fonds de commerce et qu'Etienne ait continué à travailler avec son oncle dans la boutique du Parion, comme il travaillait avec son grand-oncle Lafrery. En 1587, ce jeune homme vint à mourir deux ans avant son oncle Claude, qui fut son héritier. Claude Duchet, qui, cette année-là, recueillait et réunissait ainsi toute la succession de Lafrery, était à la hauteur de la situation qui venait de lui échoir. C'est avec orgueil qu’il gravait sur certaines estampes : « Quondam Antonii Lafrerii nepos ». Il s’occupa surtout de parfaire et de compléter l'Atlas et le Speculum Romanæ magnitudinis, et c’est lui sans doute qui à dû constituer la plupart des collections de ces deux ouvrages. À voir certai- nes cartes géographiques, il semble qu’il ait été fort compé- tent en cette matière. D'autre part, dans certains exemplai- res du Speculum, on trouve beaucoup de planches à son nom, toutes antérieures à 1586, la dernière étant de 1585. Claude Duchet mourut en effet le 5 décembre 1586, ainsi que l’indique linseription sépulcrale de Saint-Louis-des- Français. Il avait eu le temps de faire deux jours avant sa mort, un testament retrouvé dans les archives des notaires à Rome. | — 996 — La succession de Claude Duchet se trouve ainsi ouverte neuf ans après la mort de Lafrery. Lui aussi n'avait point d'héritier direct. Mais marié sur le tard, il laissait sa femme Marguerite enceinte et il nommait son cousin Jacques Gérard, tuteur de l'enfant à naître. Qu’advint-il de cet enfant ? Il n’en est plus question. C’est Marguerite et Jacques qui, conformé- ment au testament, firent graver à Saint-Louis-des-Français, en 1586, l’incription qui recouvre la tombe de Duchet et de Lafrery. Marguerite et Jacques moururent tous deux vers 1593. Le 10 février 1594 un inventaire est fait par la veuve de Jacques Gérard. On constate que la boutique du Parion renferme encore tout l’héritage de Lafrery. Mais c'est à ce moment, ou peu de temps après qu’il dut être dispersé, car en 1602 nous trouvons ses cuivres entre les mains d’'Orlandi, de Van Schael, de Van Aelst, de Paul Gratien, de Pierre le Noble. Les cuivres les plus connus et les plus anciens du fonds de Lafrery fournirent des épreuves en nombre assez consi- dérable pour que beaucoup de spécimens portant les noms des nouveaux éditeurs soient parvenus jusqu’à nous. Tous ces graveurs éditeurs nouveaux dont nous trouvons les noms sur les planches à côté de celui de Lafrery avaient sans doute travaillé dans la boutique du Parion et avaient été formés par lui. Un des plus connus fut Jean Roland « Orlandi ». C'est lui qui dès 1602 publia des recueils composés à limitation du Speculum Romanæ magnitudinis. Van Aelst publia quelques cartes. Mais que devinrent les planches de l’atlas? Elles durent être perdues, car on n’en vit plus paraître, ce qui explique pourquoi les exemplaires des cartes de Lafrery sont très rares. . Il faut dire aussi qu’à cette époque Ortelius et Mercator venaient de mettre au jour leurs magnifiques travaux qui devaient faire oublier les géographes italiens. — 397 — Les Rossi. — Trente ans plus tard, vers 1630 et 1640, c'est la fameuse maison des Rossi qui se fonde et acquiert la plupart des cuivres dispersés. Cette maison prospère pen- dant un siècle, conservant toujours ses cuivres, jusqu’au moment où elle les cède à la Calcographie pontificale, en 1738, devenue depuis 1870 la Calcographie royale italienne. Fait très curieux, on continua à tirer des épreuves jusqu’au XVIIIe siècle, avec des cuivres étrangement usés et retouchés dont beaucoup portaient encore le nom de Lafrery 200 ans après sa mort. Fait intéressant aussi, les armées de la Répu- blique française, entrant à Rome en 1798 et proclamant la République cisalpine, firent main basse sur bon nombre de feuilles de cuivre subsistant encore et on s’en servit pour irapper de la monnaie. Voilà comment beaucoup de vieux sous italiens sont frappés avec lies cuivres de Lafrery ! C’est sans - doute une fin glorieuse pour les épaves d’une si belle fortune ! A la fin de cette étude, je dois rendre hommage encore une fois aux recherches du père Ehrlé. | Jusqu'ici Lafrery était un personnage à peu près complè- tement ignoré, sur lequel les biographies les mieux faites, rédigées par les plus compétents de nos érudits, ne nous donnaient que quelques renseignements erronés. Tout faisait prévoir que cette personnalité resterait à tout jamais dans l’oubli, et voici que nous connaissons mainte- nant toute sa carrière et que nous avons pu suivre ses pro- ductions jusqu’au seuil du XIx° siècle. C’est un nom de plus à ajouter à ceux des hommes remar- quables qu'a produits notre pays au xvre siècle, à cette liste déjà si longue de ceux qui ont illustré la petite patrie com- toise. — PIÈGES JUSTIFICATIVES () 1. Antoine Lafrery et Antoine Salamanca s'étant, en décem- bre 1553, associés pour 12 ans pour le commerce de leurs es- tampes et pour l'imprimerie, le 28 septembre 1563, François Salamanca fils d'Antoine prend la suite de son père décédé. En outre le Ô octobre 1563 Antoine Lafrery et François Salamanca prorogent d'un commun accord le terme fixé pour le partage de la masse commune jusqu’au 9 octobre de la même année. Archives de Etat (Rome), notaires Capitolins, n01147, Guillaume de Mongeneux (1550-1596), ff. 37-39. In nomine Domini Amen. Cum fuerit et sit, prout infrascripte partes asseruerunt, quod, cum alias de anno 1553 et mense decembris dominus Antonius La frerie, Burgundus, Rome com- morans, ex una, et quondam dominus Antonius Salamanca, librarius in Campo Flore, partibus, ex altera, societatem |[dura- turam ad duodecim annos tum proxime futuros] in, de et super stampatura et arte stampature quarumeumque ipsorum stam- parum, formarum et desiguiorum antiquorum et modernorum tam stampatorum, excussorum et in aes incisorum et redacto- rum, quam stampandorum, excudendorum et incidendorum, illorumque venditione et negotiatone respective ad duodecim annos tune proxime venturos, cum pactis, clausulis, capitulis et conventionibus in quodam instrumento dicte societatis per discretos viros dominos Ioannem Roussel, sacri palatini aposto- lici causarum, et Stephanum de Bareck, curie de Sabellis, res- pective notarios, sub die vigesima decembris dicti anni 1553, ut asseruerunt infrascripte partes, rogato, scriptis ae solemni Stipulatione vallatis, iniverint et contraxerint, inter quas qui- (1) D’après le travail du père Ehrlé. — Extraits. = 0e dem conventiones, capitula, clausulas et pacta adest, ut assé- ruerunt dicte et infrascripte partes, quoddam pactum, quod, quotiescumque aliquem ex dictis Antonio Salamanca et Anto- nio La frerie, durante tempore dicte societatis et ipsa societate non finita, mortem obiire contigisset seu evenisset, quod tunc et eo casu supervivens ipsorum La frerie et Salamanca dictam socie- tatem continuare cum heredibus defuncti teneretur et obligatus esset, - et quia dictus quondam Antonius Salamanca, non finito dicto tempore duodecim annorum dicte societatis, ut asserue- runt infra scripte partes, ab anno vel circa, sicut Domino pla- cuit, ab hac vita migravit, relicto superstite post se domino Fran- cisco Salamanea, eius filio legitimo et naturali, inter quos quidem dominos Antonium La frerie et Franciscum Salamanca, usque ad finem dictorum duodecim annorum dicte societatis, si velle [nÎt, durare posset ac per eosdem continuari, tamen supradicti domini Antonius La frerie et Franciscus Salamanca dictam socie- tatem amplius continuare non intendunt, immo dicte societati ac eiusdem societaiis favoribus, pactis, conditionibus et con- ventionibus renunciare velint clarumque sit de iure, quemlibet favori suo renunciare posse, et proptera [37%] ad renunciatio- nem, Cassationem et annullationem dicte societatis devenire intendant et quilibet eorum intendat, - hinc est quod anno a nativitate Domini millesimo quingentesimo sexagesimo tertio indictione sexta die vero vigesima octava mensis sep- tembris, . supradictam societatem disdiæerunt etc., necnon dicte societati ac ipsius societatis favoribus, pactis condictionibus et conven- Momus renuncidrunt 0. Ain oui n Die vero 6 octobris 1563. In mei etc. personaliter constituti domini Antonius La frerie Burgundus et Franciscus Salamanca sponte etc., non vi etc., terminum octo dierum a die stipulationis supradicti contractus incipiendorum et deinde ut sequitur finiendorum, infra quem divisio, de qua in supra dicto contractu fit mentio inter eos, ut in eodem contractu latius continetur, fieri debebat, de communi consensu et invicem usque per totum diem sahbati proxime ven- so turum, que erit nona huius mensis octobris 1563, [prorogarunt| promittentes et quilibet eorum, . . . . . . 2. Le 11 octobre 1563, Antoine Lafrery et François Salamanca ayant terminé le partage de la masse commune de la société ancienne, François cède à Antoine pour la somme de 2,000 écus sa part de crédit dans cette société qui s'élevait au total de 3,000 écus. Antoine paiera à François chaque année 100 écus à Noël (sans aucune clause). Archives de l’État (Rome), notaires Capitolins, n° 1147, Guil- laume de Mongeneux, ff. 39, 63-64. Die lune 11 octobris 1563. Cum fuerit et sit, prout infrascripte partes asseruerunt, quod alias fuerit inita societas inter dominum Antonium La Frerye, Burgundum, ex una et quondam dominum Antonium Salamanca, librarium in Campo Flore, duratura ad duodecim annos, tune proxime venturos, in, de et super stampatura et arte stampa- ture quarumeumque ipsorum stamparum, formarum et designo- rum antiquoruim et modernorum tam stampatorum, exCUsSsSOorum _etin es incisorum et redactorum quam stampandorum, excuden- dorum et incidendorum illorumque venditionem et negotiatio- nem respective partbusex alter re » e e e e e ° e e e e et per presentes confitetur, habuisse et recepisse ratam suam partem omnium rerum ad supradictam societatem spectantium et pertinentium, quietantes sese, salvis tamen infrascriptis, ad IIMICEMM EL VICISSIM, PR D rt e e e Q Û e e e e a e e e Et quia dicte societatis credita ascendere dixerunt ad summam scutorum trium millium vel eirca, ut in lista infrascripta et pro parte tangente dictum dominum Franciseum Salamanca inten- dit ipse dominus Franciscus medietatem dicte summe eidem domino Antonio la Frerye pro seutis mille et alias prout infra COTÉES Te RS e » Q e Hanc autem venditionem etc., fecit idem dominus Franciscus — 9301 — Salamanca eidem domino Antonio La Frerye presenti etc., pro pretio etc., scutoraum monete mille, ad rationem iuliorum decem pro quolibet scuto, que quidem mille scuta monete idem domi- nus Antonius emptor promisit solvere etc., eidem domino Fran- cisco presenti etc., singulo anno scuta centum similia in festo RALTLAUS FC MR RP PSC Te 3. Liste des créances de la société Salamanca-Lafrery au 11 oc- tobre 1563. — (Extrait). Archives de lEtat (Rome), notaires Capitolins, n° 1147, Guil- laume de Mongeneux, ff. 40, 40v. eo. metà di ei 17, boloneni 20, 4 deve Nonsiade)DOres 1e 1+211: 1 HT æ1SCUdI 8/00 per la metä di scudi 37, oies 15, che de Éabaello RenzOMi re 2 Lie deu iiui den 18,72 1/2 per la metä di seudi 40, — che deve Antonio MAS GUAOLOS 5 2 il UP 20 — per la metà di scudi 27: 40, che Fo Ton (GHLUTIN SERRE ER ENS SERRE Rte Aline a 10 per la meta di scudi 17. 65, . deve Baliate SeRadie Bologna EL mere Er tp 26889 1/9 per la met di seudi 20 : 90, che deve Conte HOME ROCNAI ER RSS, OUEN.» 40,45 per la metà di scudi 85, bolognini 92, che deve Battista di Christoforo . . . . RUE UN 5-49 06 per la metà di scudi 6, che deve ee Lu- ee A A 3, — per la meta di seudi 10, che deve Giovanni Mas- AO AR CRE SN NS ut jp D etc.., eic. 22 — 362 — 4. Le 15 janvier 1576 Antoine Lafrery prête à Gaspard d’Ande- lot, du diocèse de Besançon, 100 écus à restituer dans 3 mois. La dite somme est restituée à Lafrery le 4 mars 1576 (au jour « fixé exactement.) Aïchives de l'Etat (Rome), notaire Ascanius Maziotti, n°0 33, anno 1576, ff. 68. Obligatio pro domino Antonio Lanfrerio. ; Die XV ianuarii 1576. In mei etc. personaliter constitutus illustrissimus Gaspar Dan delot, Bisuntine diocesis, sponte omnibus etc. vocavit se esse verum et legitimum debitorem supradieti domini Antoni Lan- frerii presentis etc. in scutis Centum auri in auro, causa et OCCa- sione meri, puri et amirabilis mutui.sibi in mei etc. et testium. infrascriptorum presentia in tot scuiis auri in auro, facti, que ad se traxit et totidem esse dixit, de quibus quietavit etc., ex- ceptioni etc. speique renunciavit, cum pacto etc. Que quidem scuta centum auri in auro similia idem illustrissimus dominus Gaspar restituere promisit eidem domino Antonio presenti etc. hinc ad tres menses proxime futuros ab hodie inchoatos et ut sequitur finiendos, hic Rome libere etc., de quibus etc. et pro eidem illustrissimo Gaspare ibidem presentes domini Philibertus Vulliet, clericus Bisuntinus, Philipus Buetesset, utriusque iuris doctor, etiam Bisontine dioecesis, ac Franciscus Bachioletus, Rotae notarius, Gebenensis dioecesis, qui scientes etc., immo sponte etc., omnibus etc. In praedictis obligationi ac omnibus in ea contentis accesserunt et promiserunt uti principales prin- cipaliter et in solidum principales se debitores et obligatos cons- tituerunt. Quos presentes et sic promittentes idem illustrissimus dominus Gaspar indemnes etc., relevare promisit, ita quod etc. alias etc. De quibus etc. Pro quibus etc., sese etc, partes predicte bona etc. respective in ampliori forma Camere apos- tolice et alia forma currenti in comitatu Burgundie, citra procu- ratorum, constitutionem, renunciando cuicumque appellation: coram quocumque iudice interponende., ac recursui ad arbitrium, boni viri et aliis clausulis in eisdem formis apponi consuetis, obligaverunt ete. iurarunt etc. tactis, super quibus etc, 0 — Actum Rome in domo solite residentie ipsius domini Antonii regionis Parionis, presentibus dominis Bartholomeo Riccio de Sancto Germiniano, Volaterane diocesis, et lohanne Gilet, laico Bisontino, famulo eiusdem illustrissimi Gasparis testibus etc. | Die 14 mai 1576. Infrascriptus dominus Antonius Laffrerius sponte etc. omni- bus etc. confessus fuit, habuisse et recepisse ab infrascriptis dominis Francisco Baccioletto, Philiberto Vigliletto et reverendo domino Philippo Boitoset, et a quolibet ipsorum ratam suam, infrascripta scuta centum auri in auro, de quibus ete. excep- tioni etc. cum pacto etc., nec non cessit eisdem dominis Fran- cisco, Philiberto et Philippo Boitoset presentibus etc. et decla- rantibus, solvisse ex seutis similibus centum hodie per acta mei notarii habitis in societatem a dicto domino Antonio et metu mandati et illius executionis, et propterea cessit eisdem dominis praedictis omnia iura etc., ponens etc. constituens etc. nullo iure etc. Hanc autem etc. stante solutione ut supra facta, cura- vit etc. Super quibus etc. Actum in apotheca eiusdem domini Antonii, presentibus do- minis lohanne della Guardia, clerico Lugdunensi, et magnifico domino Benigno Raymundo, scriptore apostolico. e s ® 0 e ° ® e ° ° © e e . e e ° e ° ° ° e o ° o S. Le 9 février 1576, Antoine Lafrery vend au libraire Marius Palmarius et à Dominique de Castello 1730 feuilles de parchemin français et un ballot de livres imprimés à Lyon pour 220 écus, à payer 18 écus par mois. Archives de FPEtat (Rome), notaire Ascanius Maziotti, n9 53, anno 1576, ff. 190, 190v. 6. Lafrery étant mort en juillet 1577 sans testament, son petit neveu Etienne Duchet avait été mis en possession de l’im- mense héritage. Mais Claude Duchet, propre neveu d'An- toine, étant revenu de Sicile, demande à Etienne de lui _céder l'héritage comme étant plus proche parent. Le 28 no- — 364 — vembre 1577, Etienne céde à Claude l'administration de la susdile succession, lui demandant quittance de sa ges- tion sauf une petite somme à rembourser à ce dernier, quittance échangée entre Claude et Etienne. Archives de l'Etat (Rome), notaire Ascanius Maziotti, no 34, anno 1577, ff. 663, 665. Gessio administrationis hereditatis pro domino Claudio Duchetto. Die 28 mensis novembris 1577. Cum fuerit et sit, quod alias et de mense iulii proxime pre- teriti, sicut Altissimo placuit, dominus Antonius Lafrerius Bisun- üous, dum vixit in Urbe impressor, nullo condito testamento ab humanis decesserit, et dominus Stephanus, filius domini Fran- cisci Duchetti Bisuntini, eiusdem domini Antonii ex sorore ne- potis, tanquam proximior dicti quondam Antonii, tune temporis in Urbe existens, ex decreto ac cum auctoritate reverendi patris domini Mari Marti, nobilis Senensis, iuris utrisque doctoris et utriusque signature Sanctissimi Domini Nostri Pape referendarti, illustrissimi et reverendissimi domini cardinalis Sabelli in eivili- bus causis locumtenentis, ex actis meis sub die 23 eiusdem men- sis iulil in possessionem hereditatis et bonorum dieti quondam Antonii immissus fuerit, inventariumque hereditatis et bono- rum predictorum desuper necessarium et opportunum per acta eiusdem mei notarii confecerit, posteaque venerit ad Urbem. dominus Claudius Duchet, eiusdem domini Franciscei dicti domini Stephani patris frater et eiusdem quondam domini Antonii etiam ex sorore nepos et proximior, cui de praesenti dictus dominus Stephanus intendat tanquam seniori ae maiori administrationem, gubernium ac regimentum hereditatis et bonorum dicti quondam domini Antonii, eitra tamen preiuditium iurium dicto domino Francisco,eiusdem domini Stephani patri, de et super dicta here- ditate ac bonis quomodolibet competentium, renunciare ac de administratis per ipsum usque in presentem diem bonum com- potum reddere, et viceversa dictus dominus Claudius renuneia- tionem ac gubernium et administrationem dictorum bonorum et hereditatis in se suscipere ac dictum dominum Stephanum de administralis et gubernatis usque in presentem diem quie- — 369 — tare et quietantiam desuper necessariam et opportunam facere; ° ° e ° 0 ° ° ° 0 e e s renunciavit eidem domino Claudio Duchetti eius patruo presenti et acceptanti onus, gubernium, regimentum et administratio- tem totius dictorum hereditatis ac bonorum per dictum quon- dam dominum Antonium Lanfrerium relictorum, ita et taliter quod dictus dominus Claudius imposterum dictam hereditatem omnino administrare debeat et dictus dominus Stephanus com- potum aliquod de illa traddere nullatenus teneatur ; . Ê ° ° ° ° ° e 7. Etienne Duchet, le 24% décembre 1580, reconnait avoir reçu le tiers de l'héritage d'Antoine Lafrery partagé par les soins de Marius Cartarus. Il donne pour ce tiers pleine quittance à son oncle Glaude Duchet, sauf recours sur le reste de l'héritage. De même Claude Duchet donne quittance de son tiers lu revenant sauf ce qui lui est dû pour son administration. Archives de l’Etat (Rome), notaire de la Chambre Apostolique, protoc. n° 3580, Jacques Gherard, ff. 1350, 1351) v. Quietantia. Die 23 decembris 1580. In meietc., dominus Stephanus Duchettus, filius et procurator domini Francisei Duchetti, e e confessus fuit, habere se et recepisse à domino Mario Carthario, Viterbiensi, intagliatore seu incisore in Urbe, presente etc., perito alias ex officio. per bone memorie Cesarem Lucatellum, reverendissimi domini Auditoris Camere locumtenentem, prede- functum, per acta mei eiusdem notarii, electo et deputato ad dividendum et extimandum hereditatem quondam domini An- tonii Lanfrerii, incisoris et stampatoris in Urbe, tertiam partem bonorum quoruncunque dicte hereditatis ab eodem domino Mario divise et extimate, 9 0 9 e ° e © e ° » Û e ° e e e e e Û e e ° Û e . e ° e ° e 2 — 9366 — Quietantia. Dicta die. ° Suecessive Dominus Claudius Duchettus de Orgeletto, Bison- tinae diocesis, frater supradicti domini Francisei, stampator in Urbe in via Parionis, sponte etc, mediante iuramento tactis etc. confessus fuit habuisse et recepisse a supradicto domino Mario Carthario perito, ut dictum est, electo, ibidem, presente etc. allam tertiam partem eiusdem hereditatis dicti quondam Antonii Lafrerii . ; 8. Le 26 janvier 1581, Claude et Etienne Duchet reconnaissent avoir reçu chacun 1/6 du dernier tiers de la succession La- frery non encore distribué. Suit enfin une décision des deux Duchet et de Cartarius in- diquant que les 4]6 qui restent du dernier tiers formeront deux lots et seront enfermés dans deux chambres de la boutique du Parion. Archives de l'Etat (Rome), notaire de la Chambre Apostolique, protoc. n° 1151, Marc Antoine Brutus, ff. 186-187, 195, 195 v. 9. Inventaire de 2/6 du dernier tiers de l'héritage de Lafrery, un premier tiers à Etienne Duchet, le 2e à Claude Duchet. Archives de l’Etat (Rome), notaire de la chambre apostolique, protoc., n° 1151, Marc Antoine Brutus, ff. 187-194 v. 10. Le testament de Claude Duchet, du 3 décembre 1585. Archives de l'Etat (Rome), notari della Sacra Rota, n° 72, Lucas Remerius, ff. 76 v-79. Testamentum. Indictione xiij, die vero tertia mensis decembris 1585, pontifi- catus sanctissimi domini nostri domini Sixti pape V anno primo. In nomine Domini Amen etc. Cum nihil sit certius morte, et — 367 — nihil incertius eius hora ; ideirco magnificus dominus Claudius Duchettus, filius quondam Stephani Duchetti, de Orgeletto, Bisuntine diocesis, in Romana curia mercator artis impres- SOMME SAIS eee ce sbotte ce de ° - ° ° ° 0 . e 0 . - . ° e £ ° e ° In primis igitur animam suam omnipotenti Deo et beate Marie ac toti curie celesti commendavit et, si ipsum dominum Clau- dium ab hac luce transire contingerit, voluit corpus suum sepel- liri in ecclesia Sancti Eudovici Gallorum de Urbe, ubi sepultus fuit bonae memoriae Antonius Lafrerius, eius avunculus, cum pompa funerali, que infrascriptis suis exequutoribus videbitur CROCODILE ee de CL ont. Mans à e ° . e e ° 0 0 3 ° In reliquis autem suis bonis, tam in Urbe quam in partibus et ubique locorum fuit, instituit et esse voluit ac ore suo proprio nominavit heredem generalem et universalem ventrem suum postumum vel postumos masculos sive feminas nasciturum vel nascituros ex ipso domino Claudio et magnifica domina Marga- . rita Gerardi, eius dilectissima uxore, ad presens ex ipso domino Claudio grauida sive pregnante ; et dictis postumo sive posthu- mis decedentibus in pupillari etate aut alias non existentibus, substituit vulgariter, pupillariter et per fideicommissum supras- criptum dominum lacobum Gerardum eius cognatum. Item voluit et declaravit ac iussit, quod dictus dominus I[aco- bus, post obitum dicti domini testatoris, teneatur et debeat regere, gubernare et administrare apotecam et officinam im- pressoriam ipsius domini testatores, donec et quousque supra- dicti postumus sive postumi pervenerint ad etatem decem et octo annorum completorum, sub nomine tamen et nuncupa- tione heredum domini Claudii predicti et non alias; . . . e ° e ° ° e e 0 ° ° e e e e ° e li. Inventaire de l'héritage de Jacques Gérard, successeur de Claude Duchet, du 17 au 26 février 1594. Archives de l'Etat (Rome), notari della Sacra Rota, n° 72, Lucas Remerius, ff. 676-685. — 368 — 12. L'index Catalogue des estampes, en vente à la boutique d'Antoine Lafrery en 1572. — (Extrait). e . e e ° ° e e ° . e e Q ° e Û e « e e e Û Û ° e e e A’LETTORI ANTONIO LAFRERI Come ogniuno, cortesissimi lettori, hà caro di conseguitare il fine, per il quale egli s’affatica e fa quanto sä et quanto puo; percid simigliatamente io, hauendo fatto gi4 longo tempo impresa di far stampare in seruigio e piacere de virtuosi assai descrittioni, dissegni e ritratli in carte spicciolate e in Lbri in- tieri di diuerse e notabili opere antiche, et moderne; mi son risoluto per colmo della commodità di chi se ne diletta, a rac- corne e stamparne un breue stratto e indice. Per mezzo del quale ciascuno possa a suo piacimento hauer notitia di tutta l’industrla nostra, e valersene o di tutta o di parte, secondo che più gli aggradisca. Hollo, per dargli qualche forma, distinto in cinque parti Nella prima son tutte descrittioni di Tauole di Geographia o di particolari luoghi di esse, come città nobili o fortezze, e alcuni dissegni d’attioni seguite e ordinanze di battaglie a tempi nostri. Nella seconda hù raccolto gran numero d’appartenenze [122] all’antichità di Roma, tanto di fabbriche et edifici, quanto di statue e altre cose, aggiungen-. doci alcuni modelli e dissegni moderni d’artefici nobilissimi. Nella terza sé messo molte Inuentioni poetiche o imaginate da diuersi e ingeniosissimi Scultori e Pittori. Nella quarta vi son poste assai historie et immagini del vecchio et nuouo testa- mento. Nella quinta son posti molti ritratti e medaglie di persone segnalate, si Spicciolatamente disperse, come raccolte insieme, e alcuni libri d’Architettura di auttori moderni e d’or- namenti appartenenti a quella, e di prospettiue e altri tali cosette; e per maggior sodisfattione di chi legga, s’è aggiunto a quelle, di che s’é hauuto cognitione, il nome del proprio Artefice. Il che tutto é stato fatto da me, se non con quella scquisita diligenza, che per ventura un grande ingenio vi saprebbe desiderare, con desiderio certamente estremo di far — 3069 — cosa grata a tutti coloro, che si dilettano di questo nostro studio. Piacciaui addunque accettar l’animo pronto, se ben l’opera peï se 6 forse leggierra, per darci almeno cuore a seguitare ardentemente 1l dissegno, che noi habbiamo d’affati- carci continuamente in servigio de virtuosi. Di Roma. INDICE DELLE TAVOLE MODERNE DI GEOGRAPHIA DELLA MAGGIOR PARTE DEL MONDO di diversi autori raccolte e messe per ordine Mappamondo in doi tondi per metter sopra una palla. Mappamondo ouero uniuersale discrittione di tutta la terra. Mappamondo ouero Cosmografia uniuersale in forma di cuore. Mappamondo di duoi pezzi in forma tonda. Descrittione della nauigatione di tutta l’Europpa. Frislandia Heslandia ! Hibernia Britania ouero Inghiltera. Nomi antichi et moderni in Anglia et Scotia. Une parte d’'Europpa. Spagna. Portogallo. Maiorica et Minorica Isole. La Francia con li suoi confini. Vn altra descritione della Francia. Ducato di Savoia. Gallia Belgica Descrittione della Flandria. Barbantia. Geldria. Hollandia. Frisia. Regno di Dennemarc con li suoi confini. Regno di Sueuia Nouergia et altre prouincie settentrionali, Germania. nn Isole settentrionali. — 370 — Regno di Boemia. Archiducato d’Austria. Ungaria. Regno di Pollonia. Gotlandia et Zelandia fsole. Ducato di Bauiera. Il corso del Danubio. Heluetia paese de Suizzeri. Italia. Golfo di Venetia. Friuoli. Contado di Zarra. Istria. Dalmatia et Croatia. Piemonte. Lombardia. Marca d’Ancona. La Toscana. Paese di Siena. Latio ouero Campagna di Roma. Regno di Napoli. Vna parte d'Italia et Sicilia, tutta in un foglio. Sicilia Corsica Sardegna ( Isole. Elba Nomi antichi et moderni d'Italia Nomi antichi et moderni della Sicilia. Malta Isola. Seno Ambracio cioé la Preueza. Isola di Corfu. La Morea. Candia Isola. Gretia di diuersi Auttori. Rhodi Isola. Nomi antichi et moderni della Gretia. Africa. Gerbi Isola. “OA. San Lorenzo Isola. Prima parte de l’Asia. L’Isola de Cipro. Prouincia della Natolia et Caramania. Egitto. Palestina. Soria. Nomi antichi et moderni della prima parte dell’Asia. Seconda parte dell’Asia con gli suoi nomi antichi e moderni. Terza parte dell’Asia con gli suoi nomi antichi et moderni. Taprobana Isola. Mondo Nuouo. Cuba et Spagnola [sole. Descrittione di tutto il Perü. La Florida detta la noua Franza. Città et Fortezze. Roma. Porto d’'Hostia. Nettuno. Vicouaro. Venetia. Ancona. Milano. Genoua. Napoli. Puzuoli. Ciuitella. Messina. Malta con li suoi assedii diuersi. La nuoua Città di Malta. Fortezza di Soppoto. Ordinanze delle battaglie delle Armate Christiana et Turchesca nel Golfo di Lepanto. Figura della uittoria ouero Rotta dell’armata Turchesca nel Golfo di Lepanto l’anno 1571. Successo dell'Armata Christiana a Modon et Nauarino l’anno 1572. : — 372 — Constantinopoli. Algeri. Diuerse carte di Tunisi et la Goletta. Tripoli di Barbaria. Hierusalem. Poictiers. Bologna in Francia. Cales. Fortezza di Ghines. Rotta di Granuellines. Anuersa. Thionuille. Augusta. Budua. Zighet. Ordinanza, che tiene il Turco per combattere. Tauola delle Antichita di Roma tanto di fabriche et edifici, quanto di Statue et altre cose, aggiuntoui ohMediicimmodennispiuecelle brie Roma con tutti gli edificii antichi, che hoggi si uegono in piede, et che se ne puo ueder uestigie. Roma moderna. Altra descritione di Roma moderna. Il tempio di lanni. La Rotonda della parte di fuori. Vn altro dissegno della medesima della parte di fuori et di dentro. Il tempio di Romolo et Remo, hoggi detto san eo et D: miano. ' Tre colonne del portico del tempio di Giulio Cesare. Tempio di Antonino et Faustina. Tempio della Fontana virile detto santa Maria Repère Battes|\i|mo di Costantino. Arco di Tito Vespasiano. Arco di Lucio Settimio Seuero. Arco di Galieno. Arco di Costantino. e © e e © e 0 e e e . e e e e e e e e » Û e e e e 0 e e — 373 — Triclinario, tauola di marmo, del modo dei conuiuii degli an- tichi, in detto 1000. Lupa di bronzo con Romolo et Remo in Campidoglio. Statua equestre di bronzo di Marco Aurelio posta in Cambpi- doglio. Trionfi di Marco Aurelio, in tauola di marmo, nel palazzo di Campidoglio. Battaglia di Amazzone, in tauola di marmo, in doi fogli, in detto loco. | Tauola di marmo degli instromenti, che s’adoprauano per far sacrificii. Dissegno d’un sacrifitio antico, in tauola di marmo. Statua di Laochon. Tauola dell’Historie di Poesie et inuentioni di diuersi Pittori. Enea trou6 Anchise suo padre alle ombre infernali. Entrata del cauallo in Troia. Incendio di Troia. Altro incendio di Troia. Erea, Anchise et Ascanio. Battaglia d’elefanti di Annibale et Scipione di Raf. Historia di Celia. La fucina di Vulcano. Historie del Testamento uecchio et Nouo con altre diuerse Historie di deuotione, cauate da diuersi Scultori et Pittori. Doi imagine differente di san Michele La creatione de gli animali di Raf. Il primo nato. Il primo morto. = os Sacrificio di Cain et Abel di Raf. Cain uccide Abel suo fratello. Arca di Noe di Raf. Natiuità di San Gio. Bat. di Bacchio Bandinello. Annunceiata di Mich. Ang. Annunciata di Federico. Annunciata di Liuio da Forli. Visitatione di Santa Helisabeth di Andrea del Sarto. Altra Visitatione differente. Due Ascensioni di Cristo di diuersi Pittori. Illuminatione del Spirito santo, cioé la Pentecoste sopra la Madonna et gli Apostoli. Historie del Testamento Vecchio et Nuouo, raccolte da diversi Sceultori et Pittori in carta mezzan2. Il Salvatore et la Madonna. Creatione de gli animali. Inganno di Gioseppe. Dauid uccide Golias gigante. Iudith et Holofernes di don Giulio. Concettione della Madonna. Sibilla Tiburtina et Cumana di Raf. Presentatione della Madonna al tempio. Due Annunciate diuerse. Visitation di santa Helisabeth. Santo [lefonso, Arciuescouo di Toledo. San Claudio, Arciuescouo di Bisanzon. Libri et Stampe di Rame. Effigie di uintiotto Pontefici, creati dopoi che torno la Sedia Apostolica d’Auignone a Roma, con le loro uite descritte dal Reuerendo Onofrio Panuino, insino a Gregorio deciimnotertio. — 355 — Effigie di uintiquattro primi [mperatori, ritratti parte dalle medaglie et parte da marmi. Libro de Termini et Filosofi, eauati da marmi antichi, con la prefatione di messer Achille Tatio. Libro di huomini Illustri, cauati da uestigij antichi et anno- tati dal [lustr. Signor Fuluio Vrsino con somma diligentia. Libro di diuersi Iure consulti cauati del studio del signor Marco Mantou,a], clarissimo f[ureconsulto Padouano. Libro de gli habiti delle Done Romane. Libro delle medaglie delle Donne Auguste di Enea Vico Libro d’Archittetura d’Antonio Labacco Libro d’Archittetura di Giacomo Vignola. Libri di Cornice Capitelli et Basi cauato dalle uestigie de gli Antichi, quale giornalmente si trouano in Roma. Libro di diuersi compartiment. Libro de Trofei cauati da dissegni di Polidoro, ad imitatione de gli Antichi. Libro de Maschere. Libro de Grottesche. Libro de Templetti et ruine di Roma. Libro di prospettiue. Libro de fresi et fogliami. Libro de uasi et candelieri. Diuerse figure d’Anatomia. 13. Le catalogue «le toutes les estampes en vente à l'imprimerie d'André et Michel Vaccaré, à Rome en 1644 (estampes religieuses). 14. Liste des estampes de Lafrery portant une date (de 1544 , à 1577). 1544. Colona Traiana. Sacrifizio ed occisione di Abele. La nascita di Adone. 1545. 1546. TOATE 1548. 1549. 1550. 1551. 1552. 1553. = 510 — Sepolcro di L. Sett. Severo nella via Appia. Domatori dei eavalli al Quirinale (parte anteriore). Septizonium. Piramide di Cestio. La Pietàa di Michelangelo. Geremia della Sistina. L’Arco di Tito. La statua di Marcourelio. Il Sepolero di Cecilia Metella. Il Pantheon. La facciata del Palazzo Farnese. Palatium Pauli Stacii e regione S. Eustachii. Roma, victrix. Triclinatorium lectorum, Ropode mensae et accumben- tium... graphica deformatio Forma aquae Claudiae. Palazzo di Raffaello d’'Urbino Obelisco Vaticano. Le tre colonne del Foro. Trofei militari. Domatori dei cavalli del Quirinale (parte posteriore). Marforio. Commodo. Pasquino. Iscrizione sepolcrale della via Ostiense. -- della via Cassia. Iscrizione della villa Cesi. Un sacrifizio, da una scultura. Melita insula quam hodie Maltam vocant. La lupa del Campidoglio. Hermaphroditus. Apollo nel Belvedere. Scene bacchiche secondo Michelangelo. Una scena dell’ Arco Traiano. L’Ercol di Bartol. Ammannati a Padova. Aristotele. | Pantheon, partes exterior et interior. Un crocifisso. Scena del sarcofago di Costanza. 1561. 1562. 1563. 1564. 1565. 1566. 1567. 1568. 1569. 1570. lord. — 311 — Trofei militari. Solitauriliorum sacrificiorum effigies. . Monumento sepolerale di Giulio IE. Pianta di Roma moderna di Giacomo Boss, Belga. Una statua del vescovo d’Aquino. . Due piante di Roma moderna di Nicolo Beautrizet. . L’anfiteatro di Verona. L’anfiteatro di S. Croce. L'Oceano. Una seultura di Marcourelio trionfante. Le Boche del Danubio. Geografia particolare di una gran parte dell’ Europa. L’annunziazione di K. Zuccari nel Collegio Romano. Descrittione della prima parte dell’Asia restituta. Intercolumniorum folia duo (presso il Card. de Valle). L'armatura della volta di S. Pietro. Il Giudizio di Michelangelo, inc. N. Beautrizet. L'Ercole del Palazzo Farnese. Una scultura del Palazzo di Ottavio Zeno. Il Torneo del Belvedere. Pianta del Cortile del Belvedere. Tempio di Antonino e Faustina. L’Isola di Malta. Pianta di Napoli. Pieta secondo Guilio Clovio. Forma aquarum Martiae etc. presso porta S. Lorenzo. Pianta di Messina. Ragazzo, che pesca coll’amo. L'Isola di Malta. La nuova descrittione della Lombardia. Disegno dell’Isola di Cipro. Gesùü nel Limbo. .23 = — Il stupendo fatto d'arme seguito, appresso il golfo di Lepanto. L’ordine tenuto dalla Santa Lega contro il Tureo 1571. 1572. La versa descrittione della navigazione di tutta l'Europa. 1573. 1574. Guerriero che scaraventa un fanciullo. 1575. Ostia. Colonna di Duilio coi rostri. Gli amori di Marte e Venere. Le sette chiese di Roma. 1577. La grande pianta di Roma moderna del Du Pérac. LES MORILLES ET LES HELVELLES M. Frédéric BATAILLE . MEMBRE RÉSIDANT Séance du 20 avril 1910. LES MORILLES ET LES HELVELLES CARACTÈRES GÉNÉRAUX. Les Morilles et les Helvelles forment deux familles impor- tantes de la classe des Discomycètes (1): les Morillacées et les Helvellacées. Les espèces qui les composent, généralement de grande ou de moyenne taille, sont toutes charnues-céracées ou sub- cartilagineuses. Elles se distinguent à première vue de tous les autres Discomycëtes par les formes particulières de leur hyménophore. Celui-ci, en effet, porté sur un stipe plus ou moins allongé, rarement sur une base courte et épaisse, pré- sente tantôt la forme d’une tête alvéolée où sinuée-plissée plus ou moins globuleuse, ovoide, conique où oblongue, tou- jours fermée au sommet comme à la base, mais creuse en dedans ; tantôt la forme campanulée où digitée d’une clo- chette, d'un chapeau où d’un dé à coudre, à bords minces et libres, c’est-à-dire séparés du stipe et toujours ouverts en dessous ; tantôt enfin la forme d’une selle où d’une mitre à _deux ou trois lobes minces et rabattus sur le stipe, avec le sommet relevé et présentant deux ou trois cornes. La conformaiion du réceptacle fructifère différencie les deux familles. Chez les Morillacées, il est composé, c’est-à- dire formé de plusieurs alvéoles où cupules soudées lex unes aux autres, recouvertes intérieurement par lhyménium et séparées pur des cloisons plus ou moins épaisses, à arêle stérile ; chez les Helvellacées, il est toujours simple, garni par un hyménium lisse, rugueux où plissé, mais partout fertile, même sur les plis. (1) Les Discomycètes constituent une classe de champignons asco- spores, généralement cupulés, à hyménium externe et superficiel, de consistance le plus souvent charnue ou céracée. — 382 — De même que chez les Pézizacées, les Humariacées et les Ascobalacées, l'hyménium des Morilles et des Helvelles est formé par une couche d’asques operculés (1), Ceux-ci sont grands, cylindriques, un peu atténués à la base, hyalins, généralement octospores, entremêlés de paraphyses plus ou moins ramifiées et septées, souvent assez épaisses, parfois colorées. Quant aux spores, elles sont hyalines, rarement un peu jaunâtres, généralement ellipsoïdes, toujours conti- nues, comme d’ailleurs celles des autres Discomycètes oper- culés. De plus, leur surface est lisse. Non guttulées intérieu- rement chez les Morilles, elles présentent le plus souvent une ou plusieurs gouttes chez les Helvelles. Leur chair, d’abord céracée et tendre, de croissance lente, devient plus ferme avec l’âge. Généralement fragile chez les Morilles, elle est souvent cartilagineuse et plus élastique chez la plupart des Helvelles. À la longue, elle finit toujours par se décomposer et se putréfier, en prenant une odeur forte, désagréable et fétide. Essentiellement terrestres ou humicoles, ces champignons ne poussent que rarement sur les vieilles souches pourries, surtout des bois de conifères. (1) M. Emile Boudier, dans sa remarquable classification naturelle, par- tage les Discomycètes en deux grandes divisions : les Operculés et les Inoperculés. Chez les premiers les asques sont fermés au sommet par un opercule ou petit couvercle qui, à la maturité, se soulève et se rejette en arrière pour l’émission des spores, projetées avec force au dehors, ce qui produit le curieux phénomène qu’on observe principalement chez les Pézizes : au moindre attouchement sur les petites coupes, on en voit s’éle- ver une sorte de fumée subtile, formée par le grand nombre de spores ainsi projetées. Chez les seconds, les asques ont le sommet foraminé, c'est-à- dire percé d’un très petit trou, qui se dilate à la maturité pour le passage des spores. Ces importants caractères microscopiques, basés sur le mode de déhiscence des asques, sont loin d’être toujours faciles à observer, sinon par la forme même de ceux-ci, dont le sommet est généralement large, tronqué, obtus ou convexe chez les Operculés tandis qu'il est le plus souvent atténué ou même subaigu chez les Inoperculés. — 383 — I. FamiLzze Des MORILLACÉES Hyménium composé d’alvéoles fertiles (L), séparées par des cloisons ou côtes à arête stérile, disposées sur un hyméno- phore stipilé, globuleux, ovoïde, conique ou oblong, creux, tantôt adné au stipe, tantôt libre ou séparé de lui par une excavation plus ou moins profonde. Spores ellipsoïdes, excep- tionnellement subsphériques, sans goutte à leur intérieur. Cette famille ne comprend que le genre Morilla, divisé lui-même en deux sous-genres : le sous-genre Morchella, avec l’hyménophore adné ou séparé du stipe par une vallé- cule ou sillon peu profond; et le sous-genre Mitrophora, avec l'hyménophore libre ou séparé du stipe par une exca- vation très profonde. Genre MORILLA, Quélet [Enchiridion, p. 270] [De l’ancien haut-allemand : Morilha, d’où l'allemand mo- derne: Morchel, dont Dillenius (1719) a tiré Morchella. En hollandais : morilh ; en anglais : morel ; en suédois : morkle ; en picard : meroule où inerouille. Tous ces noms, d’après Saumaise suivi par Diez, seraient eux-mêmes des dérivés de more, rappelant la couleur notre que prennent générale- ment les morilles communes en se desséchant.| CARACTÈRES PARTICULIERS Hyménophore. — L’hyménophure où capitule /réceptacle de Boudier ou péridium de Quélet) est toujours creux. Il se (1) Certaines espèces de Pézizacées croissent parfois en touffes d’indi- vidus plus ou moins connés à leur base ou même soudes les uns aux autres. Elles se rapprochent ainsi des Morillacées, mais elles ne sont Jamais portées sur un stipe unique comme celles-ci, — 384 — présente sous la forme d’une tête arrondie, ovoïde, conique ou oblongue-ellipsoïde. Son bord inférieur est tantôt adné au stipe, tantôt un peu écarté de lui par une vallécule ou dépression circulaire en forme de sillon peu profond. : Il est plus rarement libre, c’est-à-dire nettement séparé du stipe par une excavation profonde, remontant parfois jusqu’à son sommet. Les aivéoles fertiles dont il est composé présentent des formes variées, plus où moins polygonales, tantôt un peu arrondies ou sinueuses-irrégulères, tantôt quadrangulaires, parfois fusoïdes-allongéés ; mais toutes sont garnies à leur intérieur d’un hyménium bien distinct. Elles sont séparées : par l’épaisseur de leur chair soudée, qui forme entre elles des cloisons appelées côtes. Ces côtes, dites primaires, pré- sentent l’important caractère d’être toujours stériles sur l’arête, qui est généralement obtuse et souvent marquée en son milieu d’une ligne ou très fin sillon longitudinal, indi- quant l’endroit de suture des alvéoles. L’arête stérile des côtes primaires est souvent tomenteuse ou pubescente ; de plus, on la reconnaît ordinairement à sa couleur différente de celle de l’hyménium et souvent noircissante à la fin. Les côtes primaires sont tantôt droites et assez régulières, tantôt sinueuses, contournées ou polygonales. Dans le pre- mier cas, elles partent de la base du capitule en lignes ascen- dantes, pour converger au sommet, formant ainsi des alvéoles allongées-fusoïdes, disposées en rangs ou séries subparal- lèles; mais souvent aussi elles sont coupées transversale- ment par d’autres côtes slériles, courtes, de manière à former des alvéoles quadrangulaires, que l’on dit sériées ou régu- lières. Quant aux côtes sinueuses ou polygonales, elles forment le plus souvent des alvéoles profondes et disposées sans ordre, parfois plissées à leur centre : celles-ci sont dites inordinées ou irrégulières. Les alvéoles primaires, c’est-à-dire celles qui sont sépa- : rées par des cloisons stériles, sont souvent elles-mêmes — 989 — traversées par des plis fertiles (1) assez élevés et formant de petits compartiments nommés alvéoles secondaires : ces plis, d’ailleurs, sont de la couleur de lhyménium. Le capitule est de taille variable: chez les grandes espèces, il atteint une hauteur moyenne de 6 à 10cm et plus ; chez les plus petites, il va de 3 à 5m, Dans le plus grand nombre des espèces, sa hauteur dépasse son diamètre. Sa-couleur varie de même, suivant les espèces ou les variétés. Plus sombre chez les unes, brunâtre ou olivâtre, elle est généralement ocracée ou fauve chez les autres, quel- quefois grise ou même blanchâtre. Les parois de sa cavité intérieure sont toujours blanches, blanchâtres, crème ou crème ocracé, le plus souvent granulées ou furfuracées. Hyménium. — Les thèques formant l’hyménium sont hyalines, grandes, cylindriques, peu atténuées à la base, avec le sommet convexe, fermé par un opercule qui s'ouvre ou se détache à la maturité. Elles ne bleuissent pas par liode. Leur grandeur moyenne est de 350 à 450 y de long sur 25 à 30 p d'épaisseur. Elles sont entremêlées de paraphyses hyalines où colo- rées, épaisses, souvent plus courtes qu’elles, cylindriques ou en massue, cloisonnées et plus où moins ramifiées. La couche hyméniale montre à la coupe une épaisseur de 1/3 à 1/2 millimètre; on la reconnait facilement à sa cou- leur toiérente de celle: du tissu charnu qu'elle recouvre: Les spores, comme celles de tous les Discomycètes à thèques operculées, ne sont jamais cloisonnées. Homogènes (4) Rien de plus facile que de s'assurer de la stérilité ou de la fertilité des arêtes ou des plis. Une simple coupe suffira pour permettre de dis- tinguer à la loupe la couche hyméniale, toujours bien différente des autres.tissus. On pourra aussi gratter légèrement la surface des arêtes avec la lame d’un canif : les parcelles ainsi enlevées, un peu humectées, puis écrasées sur la plaquette de verre, montreront aussitôt au micros- cope soit l'unique tissu du réceptacle, si elles sont stériles, soit la trame de l'hyménium, avec ses thèques, s°s paraphyses et ses spores, si elles sont fertiles. — 386 — à leur intérieur, elles n’y présentent n? gouttes ni granu- lations ; mais, au début, elles portent à chaque extrémité une couronne extérieure de gouttelettes qui disparaissent bientôt. Leurs dimensions varient de 20 à 32 & de long sur 12 à 20 de large. Les thèques et les spores, variant très peu dans leurs formes ou dans leurs dimensions, sont rarement distinctives des espèces. Stipe. — Le stipe (pied ou pédicule), toujours creux comme le capitule, est généralement blanc, blanchâtre, crème ou ocracé. Souvent renflé à la base, on le voit aussi à peu près cylindrique, quelquefois dilaté au scamet. La surface, sans cuticule distincte, en est généralemen: farineuse, granulée ou furfuracée, même en dedans, plus rèvement glabre ou pubescente. Elle est souvent marquée de pis ou de côtes peu saillantes, laissant entre elles des enfoncéments ou des sillons. Sa hauteur et son épaisseur varient suivant les espèces. Celle-ci va en moyenne de 1 à 26%, mais à la base elle peut être du double et plus. La hauteur du stipe est généralement égale ou inférieure à celle du capitule. Chair. — Généralement blanche, blanchâtre ou blanc crème, la chair est céracée et fragile, puis plés ferme et durcissant un peu avec l'âge et par le sec, pour devenir par- fois un peu coriace. Elle n'a que 2 à 3 millimètres d’épais- seur en moyenne, excepté quelquefois à la base d’un stipe, où elle peut se développer davantage. Très sapide, elle exhale un parfum agréable et douceâtre, qui lui est très par- ticulier, mais elle devient plus ou moins fétide par la décomposition. Habitat, saison. — Les Morilles sont des champignons exclusivement printaniers. On les trouve dès le mois d’avril, à peu près dans tous les sols et dans les lieux les plus divers : jardins, serres, cours, parcs, vergers, haies, prés et bois Cer- — 387 — taines espèces semblent préférer les régions calcaires et mon- tagneuses, les hauts prés-bois et les sapinières; d’autres, les terrains argileux ou sableux de la plaine. De plus, le \oisi- nage de certains arbres ou arbustes semble favoriser le développement de quelques espèces. C’est ainsi qu'aux environs de Paris, j'ai récolté souvent M. semailibera sous des peupliers, sous des frênes et aussi parmi les buissons courts de Ribes rubra. J'ai pu constater également que certaines espèces se plaisent dans la terre remuée, d’autres espèces au pied des pommiers ou des ormes, dans le sol calcaire où pousse le Tricholoma Georgii. Enfin, il en est que l’on rencontre en des sols de nature très différente, par exemple la rotonda, qui affectionne les terres sableuses, mais se trouve aussi dans les calcaires. Culture. —- On a essayé souvent la culture des Morilles, mais on n’a pas obtenu jusqu'ici des résultats tout à fait concluants et permettant de donner des indications précises. Une telle culture dépend naturellement de la variété des espèces, autant que de la nature du sol qui leur est le plus propre, sans doute aussi de celle des espèces végétales, plantes ou arbres, qu’elles peuvent rechercher plus particu- hèrement. Elle dépend aussi certainement des conditions atmosphériques les plus propres à favoriser leur développe- ment. Pour certaines espèces, sans doute vulgaris et hor- tensis, peut-être aussi rotunda, le semis de spores dans un terreau fumé, mêlé de gadoue pulvérisée, de feuilles décom- posées (frêne, orme, peuplier, pommier), de mare de pomme, parait avoir donné quelquefois des produits appréciables. Alimentation, conserves. - Toutes les Morilles sont comestibles ; mais, comme tous les champignons, elles” deviennent nuisibles et même vénéneuses avec l’âge, quand leur chair commence à se décomposer, produisant de véri- tables toxines. nor ier On les prépare surtout comme condiment dans les sauces et autour des plats de viandes, mais elles peuvent aussi faire la base de mets très délicats, pour lesquels les cuisi- niers déploient tout leur talent. | On les conserve très facilement par la dessication, soit en les étendant sur des claies, soit en les suspendant, enfi- lées en chapeleb dans un lieu Sec et bien LEA faire revenir pendant un certain temps dans l’eau avant de les accommoder. On en fait aussi une poudre sèche dont on se sert en guise de condiment. Préparations culinaires. — On trouvera dans les livres de cuisine plusieurs manières d’apprèter les Morilles. Le goût et l’habileté du cuisinier sont d’ailleurs nécessaires pour en faire un plat réussi. [l importe, en effet, vu la consistance assez ferme de leur chair, de les faire mijoter dans les bouil- lons, les jus ou les sauces, plutôt que de les rissoler, ce qui les rendrait dures et coriaces. Nous donnons ci-dessous, extraites du Traité des Cham- pignons de Paulet (1793), quelques recettes dont le mérite n’est pas seulement dans leur ancienneté. Manière ordinaire. — « On commence, après les avoir épluchées, par les laver et les battre dans plusieurs eaux, d’une casserole à l’autre, pendant quelque temps, pour leur ôter toute la terre qu’elles sont sujettes à contenir dans leurs cavités. Cette opération faite, on les égoutte bien en les essuyant, et on les met dans une casserole sur le feu, avec du beurre, du gros poivre, du sel, du persil, et, si on veut, un morceau de jambon. Il faut environ une heure de cuis- son ; comme elles ne rendent pas beaucoup d'eau, on est obligé de les humecter souvent, et pour cela on préfère le bouillon. Lorsau’elles sont cuites, on ajoute des jaunes d'œuf pour faire la liaison en les ôtant du feu. Il y en a qui y mettent un peu de crème. On les sert seules ou sur une — 389 — croûte de pain rissolée et imbibée de beurre. Voilà la ma- nière la plus ordinaire et peut-être la meilleure. » Morilles à l'Itulienne. — « On les met dans une casserole sur le feu, avec un bouquet de fines herbes (persil, ciboule, cerfeuil, pimprenelle, estragon, civette), un peu de sel et un demi-verre d'huile. On les passe quelques tours jusqu'à ce quelles aient rendu leur eau. Ensuite on y met persil haché, blanc de ciboule et un peu d’échalotes. On donne encore un tour, on met quelques pincées de farine ; on les mouille avec du bouillon, on ajoute un demi-verre de vin de Champagne ; et après les avoir laissées mijoter, on les sert avec du jus de citron et des croûtes de pain. » Morilles en hatelets. — « Après les avoir lavées, coupées en deux et passées au feu pour leur faire rendre leur eau, an les met avec du beurre, de l'huile, du sel, du poivre, du persil, de la ciboule hachée et des échalotes : ainsi marinées, on les embroche avec de petites brochettes, et on les fait - griller après les avoir légèrement panées. On les arrose avec leur sauce et on les sert avec ce qui en reste. » Morilles à la crème. — « Après les avoir passées sur le feu avec du beurre, du sel, un bouquet de fines herbes et un petit morceau de sucre, on les mouille, quand elles ont perdu leur eau, de bon bouillon, en ajoutant quelques pin- cées de farine ; on y ajoute de la crème et on les sert avec des croûtes de pain. » Morilles farcies — « On les ouvre au bout de la tige; et après les avoir bien lavées, battues et essuyées, on les farcit d’une farce fine et on les fait cuire entre des bardes de lard. On les sert dans une sauce semblable à celle des Morilles _ à l’Itallenne. » Enfin, voicila recette de la Croûte aux Morilles, telle qu'on la prépare à Pontarlier, et que nous avons savourée comme un des mets les plus délicieux que nous connaissions. Croûte aux Morilles. — Epluchez vos morilles et lavez-les plusieurs fois à grandé eau, afin de les débarrasser entière- — 390 — ment de la terre ou du sable qu’elles contiennent dans leurs cavités. Mettez-les ensuite tremper pendant une heure dans de l’eau tiède. Faites dans la casserole un roux brun avec un bon morceau de beurre frais, puis versez-y l’eau qui a servi à tremper les Morilles, en y ajoutant environ un verre de bonne crème, avec le sel et les assaisonnements néces- saires : un peu de poivre, un léger bouquet de fines herbes, avec quelques émincées de jambon. Faites cuire à petit feu environ trois quarts d'heure et servez sur beaux croûtons rôtis. (Recette donnée par Mme Donalie Carrez). Faisons remarquer que toutes ces recettes conviennent parfaitement pour la préparation des Felvelles, des Verpes, des Gyromnitres, des Physomitres et des grandes Pézizes comestibles. ie NOMENCLATURE ET CLASSIFICATION. Comme on l’a vu plus haut, le nom de Morilles (Morilla) est très ancien ; autrefois, il servait même à désigner des espèces voisines, comprises actuellement parmi les Hel- velles (1. C’est Dillénius qui, le premier, a séparé Les Morilles des autres champignons, pour en former un genre bien distinct, sous le nom de Morchella, adopté depuis par la plupart des mycologues. Quélet, dans son ÆEnchiridion (p.270), revenant à l’étymologie la plus ancienne, lui donne celui de Morilla, qui mérite d’être conservé. Linné et Ventenat donnaient aux Morilles le nom de Phallus, et Micheli, ceux de Boletus ou de Phallo-Boletus. Ce nom même de Morille est un terme populaire et général, que les anciens mycologues français, Paulet, entre autres, employaient pour désigner non seulement les espèces du genre actuel, mais encore certaines autres, classées aujour- d’hui parmi les Helvellacées, telles que les Helveiles propre- ment dites et les Gyromitres. La plupart des espèces de Morilles ont été remarquable- ment étudiées par M. Boudier, qui en a nettement délimité le genre, en montrant qu'elles sont, en réalité, des Pézizes composées (2). Il les a ainsi nettement séparées des genres voisins, dont les espèces ont un capitule lobé, sinué et plissé, parfois réticulé, mais ne présentant pas de côtes à arête stérile. (1) Dans certains villages de l’Oise et de l’Aïsne, avoisinant les forêts de Compiègne et le Villers- Cotterets, on donne encore aujourd’hui le nom de Morillons à 1 Helvelle crépue et aux espèces qui lui ressemblent. A Pontarlier, on appelle Morillons les Gyromitres et les Physomitres, (2) Voir Boudier : Révision analytique des Morilles de France (Bul. de la Soc. Mycol. de France, 1897. p. 129-153) et sa Classification des Discomycètes d'Europe (Paris, 1907. Klincksieck). = 309 — M. Boudier divise les Morilles en deux genres : le genre Morchella, Dill., à capitule non libre, et le genre Mitrophora, à capitule libre. Or, la seule différence tirée du rapport d’adhérence du capitule au stipe ne nous parait pas suffi- sante pour séparer en deux genres des espèces dont les caractères essentiels sont les mêmes ; aussi, comme Quélet, nous n’en ferons que le seul genre Morilla. Coime lui aussi, nous le diviserons en deux groupes ou sous-genres : le premier, comprenant les Morilles à capitule adne ou sim- plement vulléculé à sa base, à qui nous conservons le nom de Morchella ; le second, comprenant celles dont le capitule est libre à sa partie inférieure ou en totalité, et qui a été nominé Mitrophora par Léveillé. Quant aux espèces du premier groupe, M. Boudier les a partagées en deux sections bien caractérisées savoir : 4° les Adnatæ, à capitule adné au supe ; 2° les Distantes, à capi- tule écarté du stipe par une vallécule. Cependant, pour certaines espèces, le caractère de la val- lécule disparaît facilement par la croissance, et il en faut d’autres pour parvenir à les déterminer. C'est pourquoi, tout en tenant compte de ce caractère quand il est constant, nous avons établi notre clé analytique des espèces en par- tant de caractères différents ou plus faciles à bien observer. Ceux de la couleur et du revêtement du pied, de la forme et de la couleur du capitule, de la forme et de la disposition des alvéoles, sont les plus importants. Il est d’ailleurs nécessaire, pour arriver à bien connaitre une espèce, de l’examiner dans sa plus grande fraicheur, et quand elle présente encore ses premières colorations. — 393 — Clé analytique des espèces. Genre MORILLA, Quélet Hyménophore composé-alvéolé. Sous-genre [. Morchella, Dill. [De l'allemand : Morchel, morille] Capitule adné ou à base valléculée. | — Spores subglobuleuses ; capitule conique, formée d’alvé- oles sériées, fauvâtre clair, séparées par des côtes longitu- Sommet duaté LE M. Finoti, Sarr. et Feuil. 1 dinales et noircissantes ; stipe pruineux et blanc, avec le D ere LE rte lie dr M ONE {| — Stipe pubescent ; capitule adné, arrondi ou ovoïde, pâle à ou ocracé ; alvéoles inordinées. . . . A Us es Te | — Stipe non pubescent ou capitule autrement coloré. . . 4 ( — Stipe court (2-30), bai brun . . . . . M. Hetieri, Boud. | — Stipe long (5-8c), pâle. . M. rotunda, v. pubescens, Pers. | — Capitule vert olive, petit ou moyen (3-6€), à base adnée ; à Stipe: blanc où blanc crème . . . . . à Re PELLE) Gapitule autrement coloré ou à base lle RE — Stipe floconneux ; capitule oblong ; alvéoles sinueuses- allongées, à cloisons transversales. . . . M. olivea, Quél. — Stipe subtomenteux ; capitule ovoide, puis globuleux ; alvé- oles polvgones, inordinées. M. vulgaris, v. virescens, Quél. ! — Capitule gris blanc ou blanc pâle, à base adnée ; stipe . blanc ou blanc pâle, pruineux ou farineux-granulé . . . 7 é=-Capiture quirement coloré 1.1. 4 sm 00 10 24 — 598 — Alvéoles amples et inordinées, profondes, arrondies-poly- — 10 | à / | | / \ gones A\capitule- arrondi où un peu cvVoide- Ce — Alvéoles assez étroites et très irrégulières, souvent con- fluentes-sériées et subcérébriformes ; capitule ovoïde ou oblons -excepuonnellement arrondi eee ee 0 — Capitule blanc, blanc pâle. M rotunda, v. alba, Mérat. | — Capitule gris, grisâtre. . M. rotunda, v. cinerea, Boud. | j Capitule blanc, blanc pâle. M. vulgaris, v.albida, Boud. — Capitule gris, grisâtre. M. vulgaris, v. cinerascens, Boud. — Capitule brun noir, à base adnée, avec des côtes plus pâles, souvent roussûtres ; Stipe glabre ou un peu farineux, blane Où blanc'crèmie trs 7e SR RS a — Caäpitule autrement coloré ou à base valléculée, ou espèces à CÔLES noincissantes Où à stipe Jurfunace UE 12 — Capitule arrondi ; alvéoles assez régulières, petites, sub- arrondies, bien ouvertes, inordinées ; stipe peu épais. Hau- teur: 3-76 Nm Co NM umbrimamBoude — Capitule ovoïde ou oblong; alvéoles très irrégulières, d’as- pect souvent cérébriforme, avec des côtes épaisses et parfois reliées-confluentes ; stipe épais. Hauteur : 10-15c. M. vulgaris, Pers. — Alvéoles inordinées ou très sinueuses, simplement vei- nées ou plissées intérieurement, rarement divisées par des cloisons en alvéoles secondaires ; côtes primaires divergen- tes, anguleuses ou contournées-sinueuses ; capitule renflé-glo- buleux ou non, adné ou non; stipe glabre ou furfuracé. . 13 — Alvéoles primaires et secondaires disposées régulièrement en rangs subparallèles et allongés, formant séries; côtes primaires longitudinales-ascendantes, convergentes au som- met du capitule, coupées transversalement tantôt par des côtes primaires, tantôt par des plis ou eloisons, formant des alvéoles plus ou moins quadrangulaires; capitule ovoïde, conique, oblong ou subcylindrique, à base valléculée ; stipe ordinairement (réSHUTIURACÉ ES 0e OEM ER 077 / 13 D \ 14 20 — 395 — — Capitule brun bistre ou olivâtre, à base valléculée ; côtes noiGissantes: stipe furfuracé où scabre;coloré .… "14 = Capitule fauve ou ocracé, à base adnée . . .:. . :. 15 — Stipe pâle ocracé incarnat; capitule brun bistre, puis subolivâtre, ovoïde-oblong ou oblong-conique ; alvéoles très amples (1-3t); chair d’une odeur faible. Hauteur : 8-17c M. Rielana, Boud. — Stipe olivâtre pâle ; capitule olivätre et conique ; alvéoles assez amples ; chair avec une odeur forte. Hauteur : 6-9c. M. inamœæna, Boud. — Stipe furfuracé où scabre-floconneux, ocracé, grisàtre ou fauve pâle; capitule ovoide ou ovoide-conique, à alvéoles dHDIeS CC PDrOIOMAeS EME ET Re NS a se aa t 10 — Stipe glabre ou pruineux-farineux . A er dre LS LE — Stipe plus long que le capitule, à base renflée ; capitule fauve cendré. Hauteur : 15-20€. . . M. crassipes, Kromb. | — Stipe non plus long que le capitule, à base non renflée ; capitule fauve. Hauteur : 6-9c. . . . . M. rudis, Boud. — Capile lobé-cérébriforme, ample, renflé, paille; alvéoles contournées-sinueuses ; Stipe épais, tortueux-sillonné, pâle. M. vulgaris, v. tremelloides, Vent. — Capitule non cérébriforme, stipe épaissi en bas. . . 17 Hlcoles amples ae dan un. 19 /Miéoles petites cl SNA din é tr 2.209 — Alvéoles oblongues et peu profondes, à fond plat ; capitule conique, puis oblong, d’un jaune ocracé ; stipe blanchâtre. AUTEURS A 0 - . … .M.risida, Krombp: — Alvéoles arrondies-polygones où irrégulières, plus où MOINE RO ON des A 2 NU ue 4. . 42) 20 — Stipe blanchâtre; capitule fauve, ordinairement ovoide. Hauteur : 6-12c. . . . . . . M. rotunda, v. fulva, Boud — Stipe crême, pâle ou ocracé; capitule jaune ocracë où fauve pâle, ordinairement arrondi. Hauteur 10-30€. . . 21 506 — { — Capitule jaune ocracé; alvéoles arrondies-anguleuses : spores de 20-23 X 12-13. . . . . . M. rotunda, Pers. ” ]— Capitule fauve pâle ; alvéoles sinueuses-irrégulières ; + spores de 17-20 X 8-1 M Smithiana, Cooke. ! — Alvéoles subquadrilatères, un peu oblongues; capitule + ovoide, fauve pâle. Hauteur : 7-10c. . . M. ovalis, Wallr. (4 ” | — Alvéoles irrégulières; capitule arrondi où un peu oblong, fauve gris pâle. Hauteur : 3-7€. . . M. spongiola, Boud. l[ Canitule cylindrique, obtus au | sommet, fauve olivacé ou |" rougeàtre ; stipe cylindrique et coloré, fortement furfuracé. Hautéur: GC Pate ne NAS, LL AN PEER e Capitule conique ou aigu, parfois ovoide-oblong, mais alors à stipe renjlé en bas et blanchA tre CS 23 / — Capitule fauve olivacé,; stipe ocracé grisâtre ou pâle oli- VACÉ ED RAT PR ME AUS NT CTP EN ea TA Me . — Capitule ou Hipé plus ou moins rose où rose purpurin. M. elata, v. purpurascens, Boud. _— Stipe cylindrique, furfuracé, de hauteur supérieure ou oute à celle durcapitule qui est conique ; côtes noireis- Sanies HAULeUR VS IDC ARE ie ges .. 26 — Stipe épaissi à la base et plus court que 1e capitale. qui éSt COnIQUe OU LYOIdE-CDIONn ER 20 ! — Stipe ocracé cendré et plus long que le capitule, qui est AUVENOINAUE OP D RTE EME HS tas "Mr — Stipe blanchâtre, de hour à peu près égale à celle du capitule, qui est fauve ou fauve olivâtre. . . . . . . . 297 { — Spores de 22-24 X 13-15 uw . . : . . . M. conica, Pers 0) à “= Spores de 27-32 X 16-%0ù .… … M. angusticeps, Peck. ln Capitule olivacé-cendré, ovoïde-oblong; côtes plus pâles, | longitudinales, coupées en travers par des plis fertiles peu élevés; stipe blanchätre, furfuracé. Hauteur de 7 à 10e. M. tridentina, Bres. — Capitule autrement coloré, avec des côtes ordinairement | noircissantes. . . GEO, M ae Le NO OS ED © 19 © | — 397 — — Capitule brun, ovoïde-oblong, à base finement valléculée, puis souvent adnée ; côtes primaires plus pâles; Sstipe blanc fauve, subtomenteux-furfuracé ; spores de 25-30 X 16-18 1. ROUTE DEL CN ant ee Pts se ee Ce nas A2 90 — Capitule à base bien valléculée ; côtes primaires noircis- sant avecilage::spores plus pelités:".:; 0. . es | — Alvéoles fusoides-oblongues, divisées-sériées ; stipe à base DeMÉDHISSIeM At en "M hortensis, Boud. — Alvéoles moins régulières; stipe bosselé-côtelé, sillonné. M. hortensis, v. vaporaria, Brond. — Capitule ocracé ou ocracé fauve, parfois rosé où purpu- race, ODlons-ou atténué ; stipe blanchätre. °F. "21:82 — Capitule ou stipe autrement coloré. . . : '.-=. . . .; 34 — Capitule plus ou moins rosé purpuracé. Hauteur : 6-9c. M. deliciosa, v. incarnata, Quél. Gapiluleroceracé ou oeracéfaude.. #2: che UNE 11 833 — Moyenne : 6-9. Stipe finement floconneux ; alvéoles régu- lièrest: PE SMORT ERREUR ARE EEE . .« + M. deliciosa, Fr. — Grande : 10-20‘. Stipe très furfuracé ; alvéoles moins régulières - . . . . . . .. M. deliciosa, v. elegans, Boud. — Capitule brun ou brun olivâtre ; stipe finement farineux- floconneux, blanchätre. Hauteur : 6-13. . . . . . . . . 35 — Capitule fauve ou fauve olivâtre ; stipe furfuracé, d'un blanc crème ou blanc ocracé. Hauteur :3-8°. . . . . . . 36 — Capitule ovoide-oblong. . . . . … . M. costata, Vent. — Capitule aigu . . . M. costata, v. acuminatu, Kickx. — Capitule conique, puis conique-oblong où ovoïde-oblong. M. intermedia, Boud. — Çapitule très aigu. . . M. intermedia, v. acuta, Boud, 50 = Sous-Genre II. — Mitrophora, Lév. [Du grec: yrro:, mitre ; gooèc, qui porte] ù Capitule libre, au moins en partie. — Capitule entièrement libre, campanulé, à Sommet convexe, couleur de cire, puis olivâtre ; côtes longitudinales, auasto- mosées en travers ; stipe 2 fois plus long (5-8°) que le capi- 4 ( tule, furfuracé, blanc ocracé ; chair un peu coriace ; spores de 20u de long LV SR RER NP ibera OU — Capitule libre seulement dans sa moitié inférieure ; spores plus longues PS TEA MER ANNEE ET SR D : — Stipe blanchâtre; capitule fauve ou fauve ocracé, arrondi ou ovoide-obtus ; alvéoles amples, anguleuses-arrondies, non 2/ou peu sériées. Hauteur: 6-10. . . . . M. patula, Pers. — Stipe pâle ocracé; capitule conique ou oblong-conique ; alvéoles plus ou moins 'séreées RON EE RES / — Capitule fauve ocracé, oblong-conique, à sommet obfus ; spores : 21-93 X 8-9u. Hauteur : 5-8°. . . . M. fusca, Pers. 34 — Capitule fauve olivâtre ou brun olivâtre, conique, souvent pointu ; côtes primaires notircissantes ; spores plus grandes : | 24-32 X 14-17u. Hauteur : 8-15°. Fe ( — Stipe subeylindrique. . . . . . . . M. hÿbrida, Sow. | — Stipe renflé en bas. . M hybrida, v. crassipes, Kromb. — 399 — II. FAMILLE DES HELVELLACÉES Hyménium simple, non alvéolé, tantôt uni sur toute sa surface, tantôt veiné ou plissé, mais alors à veines ou plis entièrement fertiles; hyménophore ordinairement stipite, rarement sessile, versiforme : tantôt campanulé où renflé lisse, veiné.ou plissé; tantôt formé de deux ou trois lobes réfléchis, parfois relevés, Hbres ou adnés au stipe, simulant souvent une selle où une mitre, avec deux ou trois cornes relevées. Spores avec ou sans goutles intérieures. Clé analytique des Tribus, Genres et Groupes d’après M. Emile BOUDIER / — Spores sans gouttes, ellipsoïdes ; hyménophore sfipité et | libre, tantôt campanulé où conique, tantôt en forme de dé, mais non lobé, lisse ou peu veiné, plus rarement plissé. Tribu des VERPEÉES. 2 — Spores guttulées ; hyménophore stipité ou sessile, ordi- nairement lobé, parfois renflé, ondulé ou plissé, libre ou DRE ee Tribu des HELVELLÉES. 3 1 mosés ou ramifiés: tantôt ample (5-7tm), à spores courtes (26 &), tantôt moins grand (2-4°®), à spores longues (50-80). Genre Ptychoverpa, Boud. — Hyménophore uni ou à peine veiné, petit (1-3°"), avec les spores courtes (20-94u) . . . . . Genre Verpa, Swartz. 2 ; Hyménophore traversé de fortes veines ou plis anaslo- — Spores fusoïides-lancéolées, à extrémités apiculées, avec une ou trois gouttes ; hyménophore adné, renflé-ovoide, irré- 3/ gulier, veiné-plissé où sinueux-ondulé, peu lobé; base ou | stipe gros et très court . . . . . . Genre Gyromitra, Fr. \ — Spores ellipsoides-obtuses, rarement rondes . . . . . 6 — Spores à deux ou trois gouttes ; hyménophore adné, glo- buleux-difforme ou lobé (3-12 ... <. EH: elastica, Bul. | — Hyménium blanc crème. . H. elastica, v. albida, Pers. | — Capitule granulé-farineux et blanc en dessous comme ie 15} Stipe 10bé ou rétéechi libre ee 10 — Capitule glabre en dessous, souvent adné. . . . . . 17 | — Hyménium gris bistre ou bistre noir ; Stipe à moelle bys- “ soïde ; spores à goutte verdâtre. . . . H. capucina, Quél. \ — Hyménium fuligineux châtain. . H. panormitana, Inz. — Stipe très court (1°®), blanc; capitule large. (4-5cm); lobes | réfléchis) libres brun noir M EN EP Drevipes, Elle Â7 — ue plus long (2-5°%), souvent épaissi et un peu lacu- | neux à la base ; capitule plus ou moins adné, à lobes réflé- chis souvent -Tlexueui tie os M Ne ee 16 — Stipe blanc; capitule (2-3°) pâle en dessous, à hyménium noir brun ; spores de 22 X 14. . . . . H. albipes, Fuck. 18, — Stipe blanc crème, creux ; capitule (3-4°m), blanc pâle en lOEREOUE ; hyménium noir ner spores de 18 X 10v. H. Monachella, Schæf. A5 — TABLE DES ESPÈCES ET VARIÉTÉS Les noms des variétés sont en ifaliques. La dernière colonne renvoie aux ouvrages où l’espèce a été nommée ou représentée pour la première fois. GENRE Gyromitra. ESPÈCES AUTEURS OUVRAGES Pages. curtipes...... RTS race ASUS ONE AIN NAN .. 405 CASE RROMBHOLZ. .. : Albid.:t.,90, f1-5.:,.: 51: 405 GENRE Helvella. Qlbidas =... PERSOON.: 524. DUAL RDA OO ARR EN STATE 414 albipesi... HÉCRER net. SUYMD.: D. 294,643, 1.9 0.7 0414 AURA RNCS ELA ISL Sep 20 LEE Rier PRES 412 Barlæ........ Bou. et PAT... Journ. Bot., 1888, p. 445....... 410 brevipes. ..... GÉLERE MSC TES Distomuycs, DATA E,. du ax. 414 capucina., .... OUÉLER dar 0 ES UpDpl:; DOTE AT ONE AA 4 cinered......; BRESADOLA,...., Fung. Trid., Il, p. 41,t 147,f.1. 412 CONSITICLA.. à, BOUDIER 0. Élas::Discs-p: JOUET LR SRE 411 Cookeiana .... Id ren _ Do 10 200 41 CHISDAIAE ES 2. 21 SCOPOLE. 1: CoPiGarnr, LED AT, 410 élaStiCa. 5. :.. BULLURD 0 = Champ, LA ee 414 Ephippium.... LÉVEILLÉ...,.... An. Sc. nat., 1841, p. 240...... 413 fistulosa ..... FICALR. CD OCHWI TS CONS Dr Der dE unie. 4143 fuliginosa..... PERSOON 2220" DUREPAOIOD MANU pe ere 412 HUSCARE Re: GILÉED See ne DISCOMUCR ID EE eee. AA guepinioides.. BERK.et COOKE. Mycogr., p. 337 ......... ne 415 HUUOGT. 1, BOUDIER EC Ne Clash Dises pere at es 413 Klotzschiana,. (CORDA........ SaanSturnns FIAT 1575000 AE D) lactée 2, BOUDIER.. : .:}.: Clas, Disc., p. 36 ; 1con ,t. 2926. 40 lacunosa.. .... AFZELIUS .. ... in Vet. ak. Hand, 1783, p. 308. 411 latispora BOUDIER.. 122 S. myc. Fr., p. 16 ; Icon.,,t. 233. 413 Monachella....- Scopor..;.:..: HiaCarn: H>p-16..:/2 520% 414 NADIQ TI ESAENSE BOUDIER. 700 Clas. Disc., p.37; Icon.;t. 481. 418 nigricans .... SCHÆFFER...... COR SL TEA SNENAR ER PES RE all pallescens., ... Jde mme Si 029 NU Tr, ia aie 410 Dallidipes..:2 BOUDIER, 0. :#"Clas. Dis., p.30... 7..:.. RS 412 panormitana.. INZENGA. ... .. Fung. Sic., Cent. II, p. 41..... . 44 ESPECES pezizoides.. .. phlebophora... pityophila... . acuminata... LOUE cinerea COMICA SR COStAtA 200 crassipes.. .. crassipes...., deliciosa..,.,. distans.. ...... Finoti fulva HUSCAR RER ENS Hetieri hortensis hybridase 2 inamŒæna incarnala .. intermedia.... libera OUVOER LEN TE OVALIS 70 patula ne pubescens.,.. purpurascens. Schæfferi... . SUICALA TRES Venos dr aan ie angusticeps... cinerascens .. AUTEURS NEZELUIS EE. PATOUILLARD.... BOUDIER.,...,.. HOLMSKIOLD..... BRESADOLA... BOUDIER..... AFZELUIS ODÉEE TRE © + eo . eo NEMNES oc. bot Fr. 1880 8 Ro — M6 — OUVRAGES in Ves. ak. Hand., 1783, p. 308. Taban., LAISSES .…. dJourn. bot., 1887, t. III Ot. fung. Dan., t. 26 Fung.Trid}, 1 p.99 0742760" Glas.-Disci, p'30 ee) in Vet. ak. Hand , 1783, p 305. GENRE Morilla. ÉTÉ CAR RER ARE El -egypl M pb EDP SRE BOUDIER Me se Mor.Fr.,pt445:con 14291 MÉRATEMRREARANE Flipar., Ep 293 ee : BOUDIER EEE Mor. Fr.,p. 139 ; Icon., t. 202 bi PECGR AA IN ANS Bul. N. Y. Mus., 1887, p. 19... BOUDIER 44... Mor. Fr.; Soc myc. (1897), p.139. EUR CU — — — p.130. PERSOON ET Champ. COM, DA2T REC NENDENATE 0. Mém. Ac. Sc,an V, p.510..... KROMBHOLZ..... AUDIT AO, AI RE VENDENATE MR Meém.Ac:ScanNap, 509% FRITES Mir A MISUSE. myc IL Apps Re Ed ... Summ. Veg. Scand., p. 346... Id. SUSL MUC ALL DROLE BouDIER ........ Mor.Fr., p.145; Soc. myc (1897). SAR CtIROUIL 260 ReU MUC ALAN ep TOR KROMBHOLZ..... Albid,, LOS STE PERSOON Ne Muyc Eure sp 200 Re BOUDIER 240 LB} Soc. myc Er 41908) pdt Eos RS SM Ve Jantes e ne Mor. Fr., p.145; Icon., t. 204... SOWÉRBV 0 Funny: t\ 2080 RER _ BOUDIER ..... MB SOC. MUC re MbDAUlASE Icon, 21541 acte QUELLE RE 1HISUP ADF Eve Re Re BOUDIER CR Mor. Fr., p.144 ; Icon., t. 210. QUELS 21 Sup. pu, LA MAO ERREe ER ARNPOA RS 180 SUD) DDR PRE WALLROTH...... El er ypE DA D2 RENE PERSOON EE US y, pe DIS IS RU ÉACENSENEE Muyc Eur. Ep 20 PRESSE Aibid. D IGN CES 398 997 396 997 393 995 398 993 990 398 — AT — AUTEURS OUVRAGES BOUDIER ne An. Sc. bot. Lyon, 1898, p. 85 ; Iconeite 0er Eee cie KROMBHOLZ..... Albid., +. AO2E el t 17 F. 12. PERSOONE- SUEDE OT de on à ne BOUDIERS Le Mor. Fr.,p.140 ; Icon., IX, t. 2083. COOURE- ARE EE MUCOT LOIS ER EN Mn. BOUDIEREE tr. BiuSoc--myc Fr, 1897, p; 158 ; come tr 900 Lire. NENTENATA A . ..Mém. An. Sc., àn V, p. 909, f d. BRESADOLA .. .. Funy. Trid., IL, p. 65, t. 176.. BOUDICR 6. Mor. Fr., p.138 ; Icon., li, t. 201. DEBRONDEAU. Pl. Crypt ag, p: 49.........: OUEST SUD AC De, DA. rca eune PERSOONS. eee. SUD COLOR PS eee. GENRE Physomitra. KARSTENS. 27.0 Symb. myc. Fen., VI, p. 39... PERSOON: 2" 2 Champ: com pr220R RE, COURRIER E sn MUCOQr., Le 9 ane KROMBHOLZ ..... Alnid, 1291: 1 00. Er Ne SCHANRER AAA TCONsS ADO ES LA etre KROMBHOLZ..... ADI te AO PA METSNN EEE: GENRE Ptychoverpa. KROMBHOLZ..... Corda, in Sturm,, FI. I, p. 17. ODÉLET MS M ENCRU, D, Lie ne. ee... GENRE Verpa. DE CANDOLLE... LSyn. Pl: Gal., 2, p.213: ....... ÉRIES SRE SUSL MUC LTD. 295.4. ea, GILET ENS DISC ADD RS an eme Fe MUBÉERS in Dan.;t:05%,/..:.7.,... 0 PERSOON:- :.,... Myc Eur, L D..2022-. 441 : BRESADOLAS +. uno. Trid:, I, p. 40,57 43... CORDA ZAC SET lp. 19,2: é: der eme — ne Dites PRIESR ES RE Syst. myc., IL p. 25.. OUÉLET Champ. Jur., p.380, IT, + 5, 51 PHILIPS PME Disciop, 2076. Lan se REHMaer A ECE in Sturms El pe 19 FC 25 399 995 996 9395 996 Ï. 448 — SYNONYMES Espèces du GENRE Morilla. [Morilla, Quéz — Morchella, aut. + Mitrophora, LÉv.] SYNONYMES Boletus flavicans ... Fungus cavernosus . Helvella hybrida.... Morchella conica.... v. acuminala. Morchella conica.... v. rigida. Morchella contigua . — CRISPU 0 = deliciosa v. purpuracens. Morchella elata,.... — Ephippium. — esculenta.,, v. ovalis. Morchella esculenta. v. rotunda. Morchella esculenta. v. vulgaris. Morchella Mitra..... — Monacella AUTEURS VAL ADO re AD 2 IRAN WEInM., Phytogr., t. 523..... SO UNON D 38 E A CLr KRoMB , Albid., t.16,f 9.... KromB,, Albid., t. 16, f. À et ALT ME DURS ae Rte TRATT., Fung. aust., t. 6, f. 1. KROMB., Albid., t.5, f. 25, 26. BOUDS Mori pp ADN KromB., Albid., t. 16, f. 26... LAON PAUT NVALLR., FL ICrUpL D 1002. PERS, Syn- p.619. BENZ,MSChw./et: 16, FAO SCHÆE, JCON., t' 102 00 t. 16, f. 14-16. t. 16, f. 17-19. CookE, Mycogr., t. 315...... Kickx, Al: crupt., L'p-5605... t 10 247 NOMS ADOPTÉS deliciosa. Id. hybrida. deliciosa, v. elegans. intermedia, V. acuia. elata. costata. costata, v. acuminala. rigida. conica. deliciosa, - V. incarnata. deliciosa, V. incarnal«. costata. costala, v. acuminalta. elata, v. purpurascens. Cookeiana. ovalis. rotunda. vulgaris. hybrida. Schæfferi. A0 SYNONYMES | AUTEURS NOMS ADOPTÉS & Morchella prærosa.. KRroMB., Albid., t, 19, f. 8 10., rotunda, | V. cineret. — rimosipes. DE CAND., FI. fr., Il, p.214... hybrida. — semilibera — — f és 212 — Morilla esculenta ... QuÉL, Enchir., p. 271....... vulgaris. =" Villica ....., — -— DRAM rotunda. Phallus costatus.... VENT.,Mém.Ac.Sc.,an V,p.510 costata. | CrASsipes ... — — — p.509 hybrida, v. crassipes. csculentus..: LIN. Suec., no 1962 ..:....... vulgaris. _ — DUR, GRUMD., 248, 1. Fit. vulgaris, v. tremelloides. — tremelloides. VENT. Mém.Ac Sc.,an V,p.509 vulgaris, v. tremelloides. 2. Espèces de la famille des Helvellacées. Gyromitra esculenta. FR., Sum. Veg. Scand., p.346. Phys. esculenta. — — CookE, Mycogr., p.248....... — infula. Helvella alba ......, ER Syst emuyc, Il p.14, H. crispa, —— L'OirAe 7. QuÉL., Champ. Jur., p. 384 . . H. pezizoides. — 0ICOLOME. PASSE RO TOMO A ER N.CLE — albipes. A SOnUNNeRr. GMEL., USE, De 1490... Phys. infula. — esculenta. . Pa Champ com.,p 220, t.4. — esculenta. — erythrophæa — Myc. Eur, 1 p. 211... — infula. alla... QuéL., Soc. bot. fr ,1876,p.331. IH. pezizoides jun. cOIJ0S...... KrouB, Albid., t.920, f. 1-5... Gyr. Gigas. — grandis. ., CuMin., Act Taur., 1805, t. 2.. H. Monachella. — helvelloides. FR., Sum. Veg. Scand.,p.348. — pezizoides. — -inflata.. .. Cumin., Act. Taur., 1805, t. 3 Phys. infula. —.. infuld.:.... ERESSUSLEmMUC SR pole. a — 0 leucophæa..: PERS., Syn., p. 616........,:, H. crispa. — Mitra...... So IC it AOD AOL." Phys. esculenta. — eh dt SOW., ne Le 30 CÉNRE Hi: Crispa. — RD ARE ue Sw: Bolt. 260% f.-37 Phys. infula, v. Friesiana. — LNIVeU .. 1. SCHRAD., Bot. Journ., 2, p.66. H. crispa. ND dIIAQ - OCHÆR, IC) 282... — -- — spadicea. . - — ft. . Sa Re — Monachella. — suspecta. .. KromB., Albid.. t. 16, f. 1-6.. Phys. infula. Mitrophora Gigas... LÉv. Gyr. Gigas. SYNONYMES Morchella bispora... — bohemica. — dubia .... — Gigas .... Morilla gigaspora .. Verpa dubia.... — helvelloides.. — Speciosa...... — 4920 — AUTEURS SOROK, in Myc. univ., n° 609. KromB, Albid.,t 15,f. 1-13. MÉRAT., HR ES yS Lime peliee ee QUER MERCREDI AP: LEÉV. KroMB., Albid., t 5, f. 36... NirT., Fung.Munaga., t.15, f. 6-7. +15, €.5-7. NOMS ADOPTÉS Gyr. Gigas. Ptych. bohemica. — speciosa. — bohemica. V. Krombholzii. Ptych. speciosa. — bohemica. DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ (4910-1914) Outre les envois réguliers des Sociétés correspondantes, notre Société a reçu les dons suivants : DHADÉPARTEMENT DU-DOUBS 1: 2. =: Hi 2x, 300 f. DÉSEVTLÉE DE BESANCON: 224 tree eue 2 ee cu sie 400): f? Dubheutenant-colonel.V::ALMAND... 5.1.0... TOO Du MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE : Bibliographie annuelle des Travaux histor. et archéol., par DE LASTEYRIE et ViDIER (1906-1907), 1 fasc. in-40, 265 pages. Paris (Imprimerie nationale), 1909. Les Actes de Sully, passés au nom du roi, de 1600 à 1610, 4 vol. br. in-40, 516 pages. Paris (Impr. nationale), 1911. De V'ACADÉMIE DE BESANCON : Mémoires et documents inédits, tome 12, 1 vol. in-80, 592 pages, Besançon (Jacquin), 1910. De l’OBSERVATOIRE DE BESANCON : 22e Bulletin chronométrique, 1 fasc. in-8, 130 pages. Besançon (Millot), 1910. De l’INSTITUT GÉOLOGIQUE DE L’UNIVERSITÉ DE STRASBOURG : 8 livraisons : Abhandlungen zur geologischen Spezialkarte von Elsass-Lothringen. 21 livraisons : Maittheilungen der Commission für die geolog. Landes-Untersuchung von Elsass-Lothringen (1889-1909). De V'UNIVERSITÉ DE TüÜBINGEN : l1 thèses diverses : dont 4 de Droit ; 5 de Philosophie et 2 de Sciences politiques. 100) = De l’'UNIVERSITÉ D'UPPSALA: + Till Kungl. vetenskaps Societeten. 1 broch. in-40, 59 pages, Uppsala, 1910. De la SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE : Dictionnaire histor. et archéol. de la Picardie, tome 1, 1 vol. in-8° br., 437 pages. Paris (Picard), 1909. Dom GRENIER, Histoire de la Ville et du Comté de (orbie, tome 1, 1 vol. in-4, 560 pages. Paris (Picard), 1910. De la SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE PARIS : - René POUPARDIN, Recueil des Chartes del’ Abbaye de St-Germain- des-Prés, 1 vol. br. in-80, 320 pages. Paris (Champion), 1909. De MM. : Dr Ant. MAGNIN, Additions et Corrections au Prodrome des Botanistes lyonnais, 2 série, 1 broch. gr. in-8v, 68 pages. Lyon (Rey), 1911. — Charles Nodier, naturaliste, 1 vol. broch. in-80, 347 pages. Paris (Hermann), 1911. Alfred MARQUISET, Un cavalier léger (Le colonel Clère, 1791- 1866), 1 broch. in-12, 63 pages, Paris (Champion), 1911. — Quand Barras était roi, 1 vol. in-12, 251 pages. Paris (Emile Paul), 1911. Léon NARDIN, Nardin et Mauveaux, Histoire des corporations d'arts et métiers des Ville et Comté de Montbéliard, 2 vol. br. gr. in-80. Paris (Champion), 1910. ALLARD (le commandant), Les récentes inondations à Besançon, 1 broch. in-12, 24 pages. Besançon (Millot), 1910. Julien FEUVRIER, Les noms des rues de Dole, 1 broch. in-18, 43 pages. Dole, 1911. — Examen critique d'un récent travail historique sur Dole, 1 broch. in-12, 16 pages. Dole, 1910. Olivier ORDINAIRE, À travers les Pyrénées, 1 broch. in-80, oo pages. Besançon (Cariage), 1908. — En Aragon, | broch. in-8°, 72 pages. Besançon (Cariage), 1910. — En Catalogne, 1 broch. in-80, 82 pages. Besançon (Cariage), 1911. — 193 — Roger Roux, Notes historiques sur Vesoul, 1 broch. in 8, 105 pages. Gray, 1911. E. SoLLAUD, Notes de zoologie sur les grenouilles et les crevettes, 1908-1911, 5 fasc., in-40. JOLY, Etude sur les fers ondulés. 1 broch. in-8°, 22 pages. Tou- louse 1910. F. MARULAZ (l'abbé), Le général de division Jacob-François Marulaz. 1 vol. in-12, 152 pages, 1910. L. R., Mahaut (légendes comtoises). 1 broch. in-16, 31 pages. Pans JournalEr..C.), 1914: Edmond CHAPOY, Extrait de l’Anthologie des Jeunes poètes comtois. 1 broch. in-18, 16 pages. Besançon (J. Jacques), 1910 — Les jeunes poètes comtois (textes choisis). 1 broch. in-18, 123 pages. Besançon (J. Jacques),1910. — Honoré d’Urfé dans ses rapports avec la Bresse. 1 broch. in-8°, 23 pages. Bourg, 1910. GC. HENRIKSEN, Geological Notes. 1 broch. in 19, 26 pages. Chris- tiania, 1910. Paul LACOMBE, Bibhographie des travaux de Léopold Delisle (supplément 1902-1910); 1 broch. in-80, 87 pages. Paris teclerc) 19141: = jh — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ Au 4 Octobre 1911. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l’article 21 du règlement. Gonseil d'administration pour 1911. PRÉSTAONTS He NE MM. GOUGEON, premier président honoraire : Premier Vice-Président. ROSSIGNOT(lLe chanoine), ancien curé de Sainte-Madeleine. Deuxième Vice-Président. PIDANCET, avocat. Secrétaire décennal...... Georges GAZIER ; Présormer tee nee CELLARD, architecte ; APORIDISLES RE EEE KIRCHNER ; MATHIEU. — 4925 — Membres honoraires (20). MM. LE PRÉFET du département du Doubs (M. MILLETEAU). LE GÉNÉRAL commandant le 7e corps d'armée (M. le général BONNEAU). LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour d'appel de Besançon (M. JEAN). | LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Besançon (M. JAUDON), 26, rue du Perron. L'ARCHEVÈQUE DE BESANCON (S. G. Mgr GAUTHEY). LE MAIRE de la ville de Besançon (M. GROSJEAN). LE RECTEUR de l’Académie de Besançon (M. PADE). LE GOUVERNEUR de la place de Besançon (M. le général COINTE). L'INSPECTEUR d’Académie à Besançon (M. BAILLOT), 3 bis, square Saint-Amour. CHOFFAT, Paul, attaché à la direction des services géologiques - du Portugal ; à Lisbonne (113, rua do Arco a Jesus). — 1896. PINGAUD, Léonce, correspondant de l’Institut, professeur d'histoire moderne à la Faculté des lettres ; 17, rue Mégevand, Besançon. — 1896. BERGER, Philippe, membre de lfnstitut (Académie des inscrip- tions et belles-lettres}, sénateur du Haut-Rhin, professeur au Collège de France ; à Giromagny, près Belfort. — 1899. METZINGER (le général), ancien membre du Conseil supérieur de la Guerre; à Chalezeule (banlieue de Besançon). — 1899. COURBET, Ernest, receveur municipal de la Ville de Paris; 1, rue de Lille, à Paris. — 1905. GRANDMOUGIN (Charles), 16, rue Chauveau, à Neuilly-sur-Seine. — 1907. LANGLOIS (le général), membre de l’Académie française, séna- teur de Meurthe-et-Moselle, Palais du Luxembourg, à Paris. — 1907. PoINTELIN (Auguste), artiste peintre, à Mont-sous-Vaudrevy (Jura). — 1907. — 426 — REVILLOUT (Eugène), conservateur honoraire du Musée du Pouvre 428; rue duBac Pamse =" 1907e GOUGEON (Francis), premier président honoraire de la Cour d'appel ; 7, rue Général Lecourbe, Besançon. — 1909. KIRCHNER, ancien négociant; 99, quai Veil-Picard, Besançon. — 1909. — 427 — Membres résidants (1) (127). MM. ALLARD, chef de bataillon en retraite, 106, Grande-Rue. — 1909. AUBERT, Louis, ancien directeur de la Confection militaire du 7e corps d’armée, 91, Grande-Rue. — 1896. BAIGUE (le docteur), professeur à l’école de médecine, 1, rue de la Mouillère. — 1897. | BAILLY (Roger), fabricant d’'horlogerie, 7, rue de la Cassotte. — ABLE BARREY, Emile, architecte, 95, Grande-Rue. — 1910. BATAILLE, Frédéric, professeur honoraire de l'Université, mai- son Duc, à Saint-Claude (banlieue). — 1907. BAUDIN (E.), essayeur de la Garantie, 11, rue Morand. — 1909. BEAUQUIER, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs; à Montjoux (banlieue). — 1879. * BERDELLÉ, ancien garde général des forêts, 112, Grande-Rue. — 1880. BERNARD, ancien pharmacien, 40, rue de Belfort. — 1910. * BESSON, Paul, colonel d'artillerie en retraite, 13, rue Charles- Nodier. — 1894. BONAME, Alfred, photographe, à la Viotte (banlieue). — 1874. BONNET, Charles, pharmacien, ancien conseiller municipal, 30, Grande-Rue. — 1882. BOURDIN (le docteur), médecin-major en retraite, 30, rue Charles- Nodier. — 1900. * BOUSSEY, professeur honoraire, 109, rue J.-J. Rousseau, à Dijon. — 1883. BOUTON, René, président du Tribunal, à Briançon (Htes-Alpes). 1009. BOUTTERIN, François-Marcel, architecte, professeur à l'Ecole municipale des Beaux-Arts, 4, rue Emile Zola. — 1874. BOYSSON D'ÉCOLE, Alfred, 24, rue de la Préfecture. — 1891. (1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besancon, mais qui ont demandé le titre de résidant afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi d’une . maniere plus large aux travaux de la Société, — 198 — MM. BRETENET, chef d’escadron d’artillerie en retraite, 15, rue de la République. — 1885. BRUNSCHWIG, Charles (le docteur), 62, Grande-Rue.— 1909. BURLET (le chanoine), vicaire général du diocèse de Besançon, 10, rue Ernest Renan. — 1881. BUYER (Jean DE), propriétaire, 191, Grande-Rue, et à Saint- Laurent (banlieue). — 1902. CELLARD, Camille, architecte, 3, rue de la République. — 1902. CÉNAY, pharmacien, 26, avenue Carnot. — 1897. CHAPOY, Léon (le docteur), ancien directeur de l'Ecole de mé- decine, 11, Grande-Rue. — 1875. GHAPOY, René (le docteur), 11, rue Morand. — 1909. CHARRIÈRE (le docteur), 14, rue de la Préfecture. — 1909. CHATON (le docteur), passage des Carmes. — 1911. CHAVELET (le docteur), 31, Grande-Rue. — 1910. CHIPON, Maurice, avocat, ancien magistrat, 25, rue de la Préfec- ture — 1878. CLAVEY, président de Chambre à la Cour d'appel, 62, Grande-Rue. — 1902. ex CLERC, Edouard-Léon, représentant de commerce, 12, rue du Chasnot. — 1897. COILLOT, pharmacien, 4, quai de Strasbourg. — 1884. COINDRE, Gaston, dessinateur, 5, rue du Capitole. — 1908. COLSENET, Edmond, professeur de philosophie et doyen de la Faculté des lettres, ancien conseiller municipal, 4, rue Gran- velle. — 1882. CORNET, avocat à la Cour d'appel, 67, Grande-Rue. — 1910. COURGEY, avoué, 16, rue des Granges. — 1873. DANGELZER (Georzes), notaire, 115, Grande-Rue. — 1909. DAYET, André, receveur d'enregistrement à Besançon, rue des Chalets, à la Mouillère. — 1901. DELABARRE, directeur de la succursale du Comptoir d'Escompte de Paris 40 ue Moncey. = 1909! | * DEMANDRE (Hubert), château de Filain (Haute-Saône). — 1909. DODIvERrsS, Joseph, imprimeur, 87, Grande-Rue. — 1875. * DREYFUS, Victor-Marcel, docteur en médecine, rue de la Cas- sotte (aux Chaprais). — 1889. | — 129 — MM. DROUHARD (A.), avocat, 5, rue des Martelots. — 1911. Droz, Edouard, professeur à la Faculté des lettres, 5, rue Péclet. — +621: À DRUHEN, Léon, 8, avenue de Fontaine-Argent. — 1908. DRUHEN, Maxime (le docteur), 74, Grande-Rue. — 1908. DUBOURG, Henri, industriel, 28, rue Charles-Nodier. — 1906. Eypoux, Henri-Ernest, administrateur des magasins du Bon Marché, 104, Grande-Rue. — 1899 FEBVRE, Lucien, professeur agrégé au Lycée Victor Hugo, 6, rue des Fontenottes. — 1904. FOURNIER, professeur de géologie à l’Université, 10, avenue de Fontaine-Argent. — 1899. GAUDY, 13, rue de la Préfecture. — 1911. GAZIER, Georges, conservateur de la Bibliothèque de la Ville, correspondant du Ministère de l’Instruction publique, 1, rue Gambetta. — 19083. GIRARDOT, Albert, géologue, docteur en médecine, 15, rue Mégevand. — 1876. GRENIER, Alfred, inspecteur des forêts, 5, Villas bisontines. — 1904. _GRILLIER (Maurice), avoué près la Cour d'appel, 3 bis, square Saint-Amour. — 1910. GRORICHARD, pharmacien, 12, place de la Révolution. — 1909. GUILLIN, préparateur de physique à la Faculté des sciences, 21, rue de la Préfecture. — 1909. - HENRY, Jean, docteur ès sciences, 39, rue Ernest-Renan. — 1857. HÉTIER, François, botaniste; à Mesnay-Arbois (Jura). — 1895. D'HOTELANS, Octave, 22, rue Chifflet. — 1890. HYENNE (le docteur), 23, rue des Granges. — 1909. KRUuG, Charles, notaire, 70, Grande-Rue. — 1906. LAMBERT, Maurice, avocat, ancien magistrat, 13, quai de Stras- bourg. — 1879. LECLERC, Adrien, conseiller à la Cour d’appel, 9, rue Gambetta. — 1904. Lepoux, Emile (le docteur), 13, quai de Strasbourg. — 1875. LEDOUXx, Eugène (le docteur), 74, Grande-Rue. — 1908. — 430 — MM. LiAUTEY, Victor (le docteur), à Saint-Ferjeux (banlieue). — 1908. LiME, Claude-François, négociant, 46, rue Battant. — 1883. LIMON, Maurice (le docteur), dentiste, professeur suppléant à l'Ecole de Médecine, 10, rue Morand. — 1905. MAGNIN (le docteur Ant.), professeur à l’Université, doyen hon. de la Faculté des sciences, directeur de Pinstitut botanique, ancien adjoint au maire, 8, rue Proudhon. — 1885. MaIGE, Pierre, pharmacien, 27, rue Ronchaux. — 1909. Maire, Victor-Louis (commandant), 13, rue Mégevand. — 1903. MaïrrOT, Henri, banquier, ancien conseiller municipal, prési- dent du Tribunal de commerce, 17, rue de la’ Préfecture. — 1881. MALDINEY, Jules, chef des travaux de physique à la Faculté des sciences, 27, rue Charles-Nodier. — 1889. MALNOURY, lieutenant au 60° rég. d'infanterie, 5, rue de la Mouillère. — 1910. | MANDRILLON, avocat, 19, Grande-Rue. — 1894. MARÉCHAL (le docteur), à Saint-Claude, chemin du Tunnel (banlieue). — 1906. MASsoN, Valery, avocat, 102, Grande-Rue. — 1878. MATHEY, François, négociant, rue d’Anvers.— 1909. MATHIEU, Albert, 18, rue Charles-Nodier. — 1909. MAUVILLIER, Pierre-Emile, photographe, 3, rue de la Préfecture. — 1897. | MÉTIN, Georges, agent-voyer d'arrondissement, en retraite, à Canot (banlieue). — 1868. MICHEL, Henri, architecte-paysagiste, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, conservateur du Musée archéologique ; Fontaine- Ecu (banlieue). — 1886. MonNiER (le docteur), dentiste, 4, square Saint-Amour. — 1910. MONTENOISE, avocat, 2, rue de la Madeleine. — 1894. MOURGEON, Clovis, artiste photographe, 6, rue Lecourbe.— 1909. Mouror (le chanoine), secrétaire de l’'Archevêché, 16, rue Charles Nodier. — 1899. NARDIN, ancien pharmacien, 1, rue de la Mouillère. — 1900. NARGAUD, Arthur, docteur en médecine, 17, quai Veil-Picard. — 1873. — 31 — MM. : NICKLÈS, pharmacien de {re classe, 128, Grande-Rue. — 1887. * ORDINAIRE, Olivier, consul de France, en retraite; Maizières (Doubs). — 1876. OUTHENIN - CHALANDRE (chanoine), directeur des Missionnaires déseéole 24 rue de la Préfecture: — 1902. PARTY, Léon, comptable, à Tarragnoz (banlieue). — 1905. PATEU, Georges, 9, avenue Carnot. — 1909. PERRENOT, Th., professeur au Lycée de Marseille; à Sainte-Mar- guerite (Bouches-du-Rhône). — 1909. PicoT, Louis, ingénieur civil des mines, 2, rue Mairet. — 1909. PIDANCET, avocat, 81, quai Veil-Picard. — 1905. POLLIOT (le docteur), 70, 0 — 1911. RAFFOUR, président du Tribunal de commerce, %3 bis, quai de Strasbourg. — 1910. | RÉMOND, Jules, notaire, 44, Grande-Rue. — 1881. RÉMOND (l’abbé),aumônier du lycée Victor Hugo, 51, rue Mége- vand. — 1909. RIVET, capitaine d'artillerie, 10, rue Ernest-Renan. — 1909. ROLAND (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, 10, rue de l’Orme-de-Chamars. — 1899. * ROSSIGNOT (le chanoine), ancien curé de Sainte-Madeleine, 8, rue Péclet. — 1901. ROUGET, directeur de l’Ecole normale d’instituteurs de Besan- çon; 6, rue de la Madeleine. — 1902. ROUSSET, professeur départemental d'agriculture, 11, Villas bisontines. — 1910. SAILLARD, Albin (le docteur), sénateur, conseiller général du Doubs, place Victor Hugo, à Besançon, et 75, rue N.-D.-des- Champs, à Paris. — 1866. SAINTE-AGATHE (le comte Joseph DE), avocat, archiviste-paléo- graphe, 3, rue d'Anvers. — 1880. SANCEY, Alfred, négociant, conseiller général du Doubs, 14, rue d'Alsace. — 1899. SAVOYE, Henri, artiste peintre, à la Bouloie (banlieue). 1901. SIMON, avocat, 26, rue de la République. — 1909: SIMONIN, architecte, 13, rue du Lycée Victor Hugo. — 1892. — 432 — MM. SOLLAUD, Ed., agrégé d'histoire naturelle, 95, Grande-Rue. — 1909. | THURIET, Maurice, avocat général à la Cour d’appel, à la Butte (banlieue). — 1901. * TRUCHIS DE VARENNES (le vicomte Albéric DE), 9, rue de Pon- tarlier. — 1900 UBEL, directeur des Papeteries des Prés de Vaux; 9, rue de la Cassotte. — 1910. : VAISSIER, Georges (le docteur), 109, Grande-Rue. — 1898. 2 VANDER, Maurice tinsénieure des arts et mamiaeturese 161, rue Duvivier, à Aubervilliers (Seine). — 1890. * VAUTHERIN, Raymond, ancien capitaine du génie, 78, rue Mozart, à Paris. — 1897. VENDEUVRE, avocat près la Cour d'appel, 16, rue Ronchaux — 1914 VERNEREY, professeur au Lycée Victor Hugo, à Fontaine-Ecu (banlieue). — 1911. VERNIER, Alfred, inspecteur divisionnaire de la Compagnie d’as- surances générales sur la Vie, Villa des Glaïeuls, à la Croix d’Arènes (banlieue). — 1910. VERNIER, Léon, professeur à la Faculté des lettres, 10, rue Le- courbe. — 1883. VREGILLE (chanoine de), 4, rue de la Préfecture. — 1910. WEHRLÉ, administrateur des Salines de Chatillon, 86, Gr.-Rue. — 1894. ZLELTNER, Maurice, négociant, 26, rue de la République. — 1909. — 433 — Membres correspondants (85). MM. * ALMAND, Victor, lieutenant-colonel du génie, attaché à la Direc- tion des travaux du chemin de fer de Konakry au Niger (Guinée française) ; à Baume-les-Dames (Doubs). — 1882. ANDRÉ, Ernest, notaire; 17, rue des Promenades, Gray (Haute- Saône). — 4877. * BARDET, juge de paix; à Brienne-le-Château (Aube). — 1886. BARBEY, Frédéric, archiviste paléographe ; 20, rue de Tournon, à Paris, et au château de Valleyres (canton de Vaud). — 1905. BERTIN, Joseph, médecin honoraire des hospices de Gray, à Dampierre-sur-Salon (Haute-Saône). — 1897. BEY-ROZET, Charles, propriétaire et pépiniériste; à Marnay (Hte-Saône). — 1890. BILLARDET, René, professeur agrégé de l’Université, au Lycée d'Annecy. — 1909. BLONDEAU, Georges, procureur de la République; àVesoul.—1895. BOISLIN, Joseph, directeur des tramways électriques du Finis- tère; 1, place Saint-Sauveur, à Brest. — 1909. * BorpY, maire d’Alaise (Doubs). — 1909. * BREDIN, professeur honoraire; à Conflandey, par Port-sur- Saône (Haute-Saône). — 1857. * BRIOT, docteur en médecine ; àhaussin (Jura). — 1869. BRUNE (l'abbé Paul), curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey, corres- pondant des Comités des Travaux historiques et des Monu- ments historiques au Ministère de l’Instruction publique; Mont-sous-Vaudrey (Jura). — 1903. * BRUAND, Léon, inspecteur des forêts ; 11 bis, rue de la Planche, Paris. — 1881. CHALLAN DE BELVAL (le docteur), médecin principal en retraite; 9, impasse Maria, au Chalet, Marseille. — 1909. CHAPOY, Edmond, avocat ; 8, boulevard Victor Hugo ; à Bourg (Ain). — 1910. CONTET, Charles, professeur honoraire ; aux Arsures, par Arbois (Jura). — 1884. CORDIER, Jules-Joseph, receveur principal des douanes Blamont (Doubs). — 1862. — À34 — MM. CosTE, Louis, docteur en médecine et pharmacien de 1re classe, conservateur de la Bibliothèque de la ville de Salins (Jura), — 1866. : DAviD, Louis, avocat ; 7, rue Pierre-Nicole prolongée, Paris. — 1910; * DEULLIN, Eugène, banquier ; Epernay (Marne). — 1860. DRUoOT, Paul (l'abbé), curé de Geneuille (Doubs). — 1901. * DurFAY, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875. DuMonT; 2, Thier de Cornillon, Bressoux-Liège (Belgique).—1910. DüuvaAL (E.) ; 13, rue Vaubécour, Lyon. — 1910. FEUVRIER (l’abbé), chanoine honoraire ; 7, rue Péclet, Besançon. — 1856. FEUVRIER, Julien, professeur au Collège, conservateur du Musée archéologique ; faubourg d’'Azans, Dole (Jura). — 1893. FROMOND (l'abbé), curé de Crissey (Jura). — 1902. FILSJEAN (l'abbé), licencié-ès-lettres, curé de Pelousey (Doubs). — 1896. GAIFFE, Félix, docteur-ès-lettres, professeur au Lycée Carnot, à Paris ; 10, rue Gambetta, Asnières (Seine). — 1904. GAUTHIER, Léon, archiviste aux Archives nationales ; 1, quai aux Fleurs, à Paris. — 1898. GENSOLLEN, Gabriel, juge au Tribunal civil; 57, rue -d'Isie, à Saint-Quentin (Aisne). — 1902. GERMAIN, président du Tribunal; à Yssingeaux (Hte-Loire). — 1908. * GRENIER, René (le docteur), médecin de la Grande Chancelle- rie de la Légion d'honneur; 36, rue Ballu, Paris. — 1902. GROSPERRIN (le docteur) ; Pont-de-Roide. — 1908. GUICHARD, E.-Xavier, commissaire de police de la Ville de Paris, chef de service à la direction générale des Recherches; Pré- fecture de police, et 11, rue Denfert-Rochereau, Paris. — 1908. GUIGNARD, Fernand, archiviste paléographe ; 7 bis, rue Michel- Chasles, Paris, et à Dole (Jura). — 1902. * GUILLEMOT, Antoine, archiviste de la ville de Thiers (Puy-de- Dôme). — 1854. GUYÉ, Henri, ancien président du Tribunal de commerce de la Seine; 38, boulevard Sébastopol, Paris. — 1910. — 435 — MM. HENRIET, Eugène (le docteur), conseiller général du Doubs ; à Orchamps-Vennes (Doubs). — 1910. HUART, Arthur, ancien avocat général; 2, rue d'Italie, à Vevey (Suisse). — 1870. LAFOREST (Marcel PÉCON DE), capitaine d'infanterie coloniale en retraite ; Dole (Jura). — 1895. * LAPRET, Paul, artiste peintre; 17, rue de Chateaubriand, Paris. — 1901. LEBAULT, Armand, docteur en médecine ; St-Vit (Doubs).— 1876. LEBRUN, Louis, répétiteur au lycée de Lons-le-Saunier. — 1906. LECHEVALIER, Emile, libraire-éditeur; 16, rue de Savoie, Paris (VI). — 1888. LE MIRE, Paul-Noël, avocat; Mirevent, près Pont-de-Poitte (Jura). — 1876. LiGny, industriel ; 52, rue Labrouste, Paris (XVe). — 1910. LONGIN, Emile, ancien magistrat ; |, place Saint-Jean, Dijon. — 1896. Louvor (le chanoine Fernand), curé de Gray (Hte-Saône).— 1876. MapioT, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). — 1880. MAIRE, André ; à Fourg, par Liesle (Doubs). — 1903. MARMIER (le duc DE), conseiller général de la Haute-Saône ; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône). — 1867. MARQUISET (le comte Alfred}, 32, rue Malakoff, à Paris. — 1897. * MASSING, Camille, manufacturier ; Puttelange-lez-Sarralbe (Lorraine allemande). — 1891. * MEINER, Edmond, maire de l’Isle-sur-le-Doubs. — 1908. MENTHON (le comte René DE); Menthon-Saint-Bernard (Haute- Savoie), et château de Saint-Loup-lez-Gray, par Sauvigney-lez- Angirey (Haute-Saône). — 1854. MERCIER, libraire, bibliophile ; 3, rue de la Préfecture, Dijon. — 1909. MiLLoT, notaire ; Frasne (Doubs). — 1909. * MONTET (Albert DE); Corseaux-sur-Vevey (Suisse). — 1882. MOUSTIER (le marquis DE), député et conseiller général du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs), et 15,avenue de l’Alma, Paris. — 1874. — 436 — MM. MOUSTIER (le comte Lionel DE), conseiller général du Doubs ; château Bournel (Doubs), et 17, avenue de Alma, Paris. — 1903. OUDET, à Myon (Doubs). — 1909. PARIS, docteur en médecine ; à Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. * PERRONNE, Marcel, ancien conseiller de préfecture ; 41, rue Devosges, Dijon. — 1903. PERROT (l'abbé F.-Xavier), curé-doyen de Mandeure (Doubs). — 1902. : * PIAGET, Arthur, archiviste cantonal et professeur à l'Académie de Neuchâtel (Suisse). — 1899. PIDOUX, André, archiviste paléographe, avocat; Dole (Jura). — 1901. PIQUARD, Léon, docteur en médecine; Roche (Doubs). — 1890. PIROUTET, Maurice, géologue; à Salins (Jura). — 1898. PRINET, Max, archiviste-paléographe ; 18, rue Maurepas, Ver- sailles, et à Gouhenans (Haute-Saône). — 1895. * REBOUL DE LA JULHIÈRE, au château du Grand-Vaire (Doubs). — 1903. * REEB, E., membre correspondant de l'Académie des sciences, président honoraire de la Société de pharmacie d’Alsace-Lor- raine ; à Strasbourg (Alsace). — 1901. * RICHARD, Louis, médecin-principal de {re classe, directeur du service de santé du 4e Corps d'armée ; 18, rue Richebourg, Le Mans (Sarthe). — 1878. ROBERT (le docteur); à Arbois (Jura). — 1910. Roux, Roger, substitut du procureur de la République; 21, rue Scheurer-Kestner, Belfort. — 1903. Roy, Emile, professeur à la Faculté des lettres ; 9, rue de Mi- rande, Dijon. — 1894, Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; 19, rue Hautefeuille, Paris. — 1867. * SAILLARD, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs). — 1877. SANDOZ (Edmond), docteur en droit, avocat à la Cour d'appel; 51, rue de Lille, Paris, — 1910. SOLLAUD (le docteur), 5, rue Callou, Vichy. — 1909 * — ST — MM. THURIET, Charles, président honoraire du tribunal; 51,via Ospe- dale; Turin. — 1905. * TRAVERS, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller de préfecture; 18, rue des Ghanoïines, Caen (Calvados). — 1869. VENDRELY, pharmacien à Champagney (Hte-Saône). — 1909. VUILLAUME, Edmond, directeur de la Société suisse de banque et dépôts ; avenue du Théâtre, Lausanne. — 1910. — 138 — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DÉCÉDÉS EN 1910-1911 Membres résidants. MM. FAUQUIGNON, Charles, ancien receveur des postes et. télégraphes. 1885 MARCHAND, Albert, ingénieur, administrateur délégué des Salines de Miserey (Doubs). 1888 Membre correspondant. MM. CLOZ, Louis, professeur de déssin; à Loulans-les-Forges (Haute-Saône). 1863 — 439 — SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES & ÉTABLISSEMENTS PUBLICS (477) Le millésime indique l’année dans laquelle ont commencé les relations. FRANCE. Comité des travaux historiques et scientifiques près le Ministère de l’Instruction publique /cinq exemplaires DHERMEMONReS EE RPDATIS ME CNRS res e Din he Ain, Société d’émulation de l'Ain: Bourg. . . .*, Société des sciences natur lee et te TE _. L Ain; Bourg. . Aisne. Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agri- culture et industrie de Saint-Quentin . . . . . De Ur Société historique et archéologique de Ca the Allier. Société des sciences médicales de l'arrondissement de Gannat . à î ee Revue scientifique . inc el ch centre 4 la France ; Moulins à Pre Société Dole et des en arts A cn Moulins. Alpes (Hautes-). Société d’études dés Hautes-Alpes; Gap . Alpes-Maritimes. Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ; Nice. 1868 1894 1862 1898 1867 — 440 — Aube. Société académique de l'Aube ; Troves . Aveyron. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. Belfort (Territoire de). Société belfortaine d’émulation. Bouches-du-Rhône. Bibliothèque de l’Université; Aix . Er ROSE Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marsèlle: Société de statistique de Marseille. Gavaldos. Académie de Caen. Part HÉRLE Société française d'archéologie ; en AR D le EU à Charente. Société archéologique et historique de la Charente; AMCDUIÉMER EPA ECRE ENSRMNSRSNRLSARES Gharente-Inférieure. Société des archives historiques de la Saintonge et de lP'Aunis ; Saintes . Cher. Société des Antiquaires du Centre ; Bourges. Côte-d'Or. Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de Beaune . DR in De TT ME ETS NS Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . Archives départementales de la Côte-d'Or; Dijon . Commission des antiquités du département de la Côte- d'Or; Dijon . ANRT De : Rev ea de der FR — Due par les professeurs de l’Université de Dijon 1867 1876 1877 1883 1877 1856 1880 1869 1891 Ut je Société bourguignonne de géographie et d'histoire ; Dijon. 1888 Société des sciences historiques et naturelles de Semur . 1880 Deux-Sèvres. ociére botanique des Deux-Sèvres: INior: 512172, 41901 Doubs. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan- CO pa sal he en Roi errer c nat: ur: 104% Société d'histoire naturelle du Doubs ; Besançon. . . . . 1900 Société de lecture de Besancon. : .:.:2: : : : .*. ... 74865 Société de médecine de Besançon. . FN ae ns leo Société d’émulation de Montbéliard. . . ST TE PA ae 15 Eure-et-Loir. SHtÉté dunoise; Châteaudun.…. +: 2, . : :: ... : « . 4807 Finistère. ÉDBleLé académique de. Brest. 261..5, 5,1... 4875 Gard. Académie de Nîmes . . . . monts le00 Société d'étude des sciences ne dE Nihos ET TUE OS Garonne (Haute-). Société archéologique du Midi de la France, Toulouse . 1872 Gironde. SOBIÉLÉ Archéolooique de Bordeauxs 0 0. 0.) 1 1810 Société Linnéenne de Bordeaux . :.. . : nie Re Société des sciences physiques et cie D HÉdURE rRU SIRET AR Ce fon et 0 FLOU Hérault. Société d'étude des sciences naturelles de Béziers . . . 1878 Académie de Montpellier. . . . TO enr OL) Société archéologique de Mo their bis tete 0) — 442 — Isère Société dauphinoise d’ethnologie et d'anthropologie ; Gre- noble. eee SRE : : Société de statistique et d’ histois eee dE dépot ment de l'Isère ; Grenoble . Jura. Société d’'émulation du Jura; Lons-le-Saunier. : . . . . Revue viticole de Franche-Comté et de Bourgogne ; POSNYE ESC USA RSR PARLERA EEE Loir-et-Cher. Société des sciences et lettres ; Blois . S à: Société archéologique, scientifique et littéraire dé e dois Vendome Caen ee Ve Loire. Société La Thana:; à MOnEBEISON CE Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles- lettres du département de la Loire, Saint-Etienne. Loire-Inférieure. Société des sciences naturelles de l'Ouest de la France; NÉ TES Re OR EU CN UE ne RES TL Loiret. Société archéologique et historique de l'Orléanais ; Orléans Maine-et-Loire. Bibliothèque de la Ville (ancienne Société académique) ; Angers Manche. Société nationale académique ; Cherbourg Société des sciences naturelles de Cherbourg . - - . . . 1891 1890 1854 sd te — 143 — Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé- partement de la Marne ; Châlons-sur-Marne. Marne (Haute-). Société historique et archéologique de Langres. Meurthe-et-Moselle. Société d'archéologie lorraine, à Nancy . Société des sciences de Nancy . Meuse. Société philomathique de Verdun. Morbihan. Société polymathique du Morbihan ; Vannes. Nord. Société d’émulation de Roubaix. . . . Oise. Société historique de Compiègne. Pyrénées (Basses-). Société des sciences, lettres-et arts: de Pau; Pyrénées-Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales; Perpignan. Rhône. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon Annales de l’Université ; 18, quai Claude-Bernard, Lyon... Société d'agriculture, scientes et industrie ; 30, quai Saint- Antoine, Lyon. te 0 ODA EAN Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. Saône-et-Loire. Société éduenne ; Autun. 1856 1874 1886 1866 1851 1864 1895 1886 1875 re Société d'histoire naturelle d’Autun . EEE Société d'histoire et d'archéologie de Chalon de. Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha- lon-sur-Saône . RER ERRAERE Académie des sciences, belles-lettres et arts de Mâcon Société d'histoire naturelle de Màcon. Saône (Haute-). Société grayloise d’émulation ; Gray . RAGE UOTE Société d'agriculture, lettres, sciences et arts de la Haute- Saône, Vesoul. ; Société d encouragement à l’i a nioltute decor _ Sarthe. Société d’agricult.,sciences et arts de la Sarthe ; Le Mans. Société historique et archéologique du Maine ; Le Mans . Savoie. Académie de Savoie; Chambéry . Re : Société savoisienne d histoire et d'archéologie; nn Société d'histoire naturelle ; Chambéry. Savoie (Haute-). Société Florimontane ; Annecy . Seine. Association pour l’encouragement des études grecques en France ; 44, rue de Lille, Paris (VII). . Bibliothèque de l’Institut de France ; Paris . Bibliothèque Mazarine ; Paris . : LOTS NN Bibliothèque du ae ethnoot nt du Trocadéro ; Paris . : à us Bibliothèque de soie Le il veste) Paris . Musée Guimet; 30, avenue du Trocadéro, Da Polybiblion; 4 et 5, rue Saint-Simon, Paris . ES, Répertoire d'art et d'archéologie ; 19, rue Spontini, Paris (XVIe). . 1888 1857 1877 1900 1896 1898" 1861 1881 1869 1879 1869 ,1898 1895 1871 — À445 — Revue des études historiques, à la librairie Alph. Picard ; 28, rue Bonaparte, Paris (VIe) ie ee Revue « Les Marches de l'Est » ; 84, rue de Vaugirard, Paris (VIe). A Société des None de ue Paris Société d'anthropologie ; 15, rue de l'Ecole de Médecine. Société botanique de France ; 24, rue de Grenelle. Société de l'histoire de Paris et de l'Ile de France . Société philomathique ; à la Sorbonne . ie Société française de physique ; 44, rue de Rennes. Société de secours des amis des sciences ; 79, boulevard Saint-Germain . ee oi. Société de spéléologie ; 7 rue de Lille. Société zoologique de France ; 28, rue Serpente. Seine-Inférieure. Société havraise d’études diverses; le Havre ë Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen . Commission départementale des antiquités de la Seine- Inférieure; Rouen . mt. Société libre d’émulation de Ë se dede Rouen. Seine-et-Marne Bibliothèque de l’Ecole d'application de lartillerie et du génie, à Fontainebleau. Seine-et-Oise. Bibliothèque du Musée national de Saint-Germain-en- Laye . RS TUE our ed id OU A Re Société des sciences ed etios etrarts Ver sailles. ! Aa ; 1e LE Société des sciences et et édcales ie San: et- Oise ; Versailles . Somme Société d’émulation d’'Abbeville. “eo at des Antiquaires de Picardie ; Aéne 1877 1910 1867 1883 1883 188: 1880 1887 1858 1897 1880 1891 1879 1869 1880 1871 1866 1896 1861 1894 1869 Vienne. Société des Antiquaires de l'Ouest; Poitiers. Vienne (Haute-). Société archéolog. et historique du Limousin; £imoges. Vosges. Société d’émulation du département des Vosges ; Epinal. Société philomathique vosgienne ; Saint-Dié. . — . . Yonne. Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne; ARCTIC TE RE ST OR SET ST NP RER RES ALGÉRIE. Société historique algérienne; Alger . ALLEMAGNE. Académie impériale et royale des sciences (kais. kœænigl. Akad. der Wissenschaften) ; Berlin Société botanique de Ia province de Brandebourg (Botan. Verein der Provinz Brandenburg) ; Berlin . Société des sciences naturelles (Naturwissenschaftlicher Verein); Bremen : ES PRE Société ee sciences 7 de Eos eu Brisgau (Bade) ER ch. 0 Société des sciences naturelles et médicales de la Haute- Hesse (Oberhessische Gesellschaft für Natur und He- kunde) ; Giessen (Hesse). LHÉDPERE SCA Société historique et philosophique (à la Bibliothèque de l’Université) ; Heidelberg (Bade) . ESS Société royale physico-économique (kœnigliche physika- lisch-ækonomische Gesellschaft); Kænigsberg (Prusse). Académie royale des sciences (kœænigl. baier. Akademie der Wissenschaften) ; Munich (Bavière) . Bibliothèque de l’Université de Tubingen (Wurtemberg) . 1867 1852. 1870 1853 1898 1861 1865 1901 — À4T — ALSACE-LORRAINE Société d'histoire naturelle de Colmar. Société d'histoire naturelle de Metz. Bibliothèque de la Ville de Strasbourg. rares Société des sciences, agriculture et arts de la Basse- Alsace ; Strasbourg ANGLETERRE. Bibliothèque du British Museum ; à la librairie Dulau et Cie, 37, Soho square, London (W.). RTE ER Société littéraire et philosophique (litterary and philoso- phical Society) ; Manchester . . AUTRICHE. Institut impérial et royal de géologie de l’empire d’Au- triche (Kaiserlich-kœæniglich-geologische Reichsanstalt) ; Mens. ue Muséum cal et val d ne ele de done. BELGIQUE. Académie royale d'archéologie ; 53, rue du Transvaal, Anvers . : ee Académie royale de Bel: gique; BU le Ne Société d'archéologie ; 11, rue Ravenstein, He Société des Bollandistes ; 775, boulevard militaire, Bruxel- FES RE né nee de Société géologique de Belgique; Liège . e ITALIE. Académie des sciences, lettres et arts de Modène . R. Deputazione sovra gli studi di storia patria: Torino. . LUXEMBOURG. Institut grand-ducal (section des sciences naturelles, phy- siques et mathématiques); Luxembourg . NORVEGE. Université royale de Christiania . . . . 1854 — 448 — PORTUGAL. Service des travaux géologiques du Portugal ; 113, rua do Arco a Jesus, Lisbonne. SUÉÈDE Académie royale suédoise des sciences; Stockholm Kungl. vitterhets, historie och antikvitets BRAUN Stockholm. | The geological Het ne of he ee of Dosals SUISSE. Société des sciences naturelles ; Bâle. Société des sciences naturelles ; Berne. Institut national de Genève. ee Re Société d'histoire et d'archéologie ; 49, rue ne Conce Société d'histoire de la Suisse tte Lausanne . Société vaudoise d'histoire et d'archéologie; Lausanne . Société vaudoise des sciences naturelles ; M Heurioud, 28, rue du Bourg, Lausanne . ER Société neuchateloise de géographie : Real Société neuchateloise des sciences naturelles; Neuchatel. Société jJurassienne d’émulation ; Porrentruy . Musée national suisse (Anzeiger für schweizerisehe Alter- tumskunde); 1, Neue Folge, Zurich. to Société des Antiquaires (à la Bibl. de la Ville); Zurich. Société générale d'histoire suisse (à la Bibl. de la Ville de Berne) ; Zurich Este ER Société des sciences naturelles ; Zurich . AMÉRIQUE DU NORD. Natural history Society ; Boston (Massachussetts). Lloyd Library ; Cincinnati (Ohio). Natural history Society; Milwaukee (Wisconsin) Geographical Society of Philadelphia (Pennsylvania) . Academy of St-Louis (Missouri). Botanicil Garden ; Saint-Louis (Missouri). 1885 1869 1898 1895 1872 1855 1866 1863 1878 1903 1847 1891 1862 1861 1899 186% 1880 1857 1865 1904 190! 1896 1897 1890 — 449 — Smithsonian Institution of Washineton. United States geological Survey; Washington, Geologico Instituto ; Mexico (Mexique). . AMÉRIQUE DU SUD. Museo nacional ; Montevideo (Uruguay) Museo nacional; Santiago (Chili). . . DETE 1869 1883 1909 1901 19 — 450 — ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE FRANCHE-COMTE (27) recevant les Mémoires. 1bliothèque de la Ville de Besançon. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. ICE Id. Id. Id. Id. Id. GE Id. Id. Id. Id. populaire de Besançon. de l’Université de Besançon. de l’Ecole de médecine de Besançon. du Chapitre métropolitain de Besançon. du Séminaire de Besançon. de l'Ecole normale d’instituteurs de Besançon. de l'Ecole normale d’institutrices de Besançon. du Lycée de jeunes filles de Besançon. de l’Ecole d'artillerie de Besançon. du Cercle militaire de Besançon. de la ville de Baume-les-Dames (Doubs). de la ville de Montbéliard (Doubs). de la ville de Pontarlier (Doubs). de la ville de Gray (Hte-Saône). de la ville de Lure (Haute-Saône). de la ville de Luxeuil (Hte-Saône). de la ville de Vesoul (Hte-Saône). de la ville d’Arbois (Jura). de la ville de Dole (Jura). de la ville de Lons-le-Saunier (Jura). de la ville de Poligny (Jura) de la ville de Saint-Claude (Jura). de la ville de Salins (Jura). Archives départementales du Doubs; Besançon. Id. de la Haute-Saône ; Vesoul. 1d. du Jura; Lons-le-Saunier. TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME PROCÈS-VERBAUX. Allocution de M. le Docteur BOURDIN, président sortant....., Allocution de M. le chanoine RoOsSsiGNoT, président élu pour Compte rendu par M.R. Bouron des fouilles du Mont-Auxois, La Correspondance de Boyvin, par M. E. LoNGIN...... FR Fouilles sur l'emplacement du Capitole de Vesontio, par PR ARE DmR R s nas ce de te Le à à nue D oirile eines Donedunsanonynie la SOCIGtÉ MT Er. ire Subvention de l'Association des Gaudes de Paris à la Société. Subvention de la Société au Comité Chartran............... Subvention de la Société d'Agriculture du Doubs à la Société. Compte rendu des Mémoires du général Griois, par L. PINGAUD . Le travail dans les mines en Franche-Comté sous la domina- tion espagnole, par M. le commandant ALLARD... ..,,..,, Eloge funèbre de M. Gaston de Beauséjour, par M. le chanoine OS TONOR Re de à een eee ee do dt4 à A rs Jacques de Bourbon, d’après M. À Huart, par M. le chanoine ROSSIGNOT 144 se OR EU ne APR AE CE VO Hhèses de doctorat de M. Félix GAIFFE..:.,.,,,,.,.,.,...... Le peintre Jacques Courtois, dit le Bourguignon, el son œuvre artistique, par M::Georges BLONDEAU. 2... 2,50... 42. Les noms de lieu en «ans, ange » dans la Franche-Comté, considérés comme établissements burgondes, par M. Th. BERRENOMES Se MR PE Rene an, AU Don de M. Gaston Coindre à la Bibliothèque de Besançon... Projet de création d'une Société des Amis du Vieux Besançon. Lettres inédites de P.-J. Proudhon, par M. E. Droz. : Rapport sur les fouilles d’Alaise, par M. René BOUTON ...... _Le lutrin de l'église de Dole, œuvre de l'architecte Nicole, DAraNE PIDOUX 00. host es mia ne dE Arlmission. des dames dans la Société :.,,..1.....14h0. 0. Nomination d'une Commission des économies dans la Société. Eloge de M. le docteur Dufour, par M le chanoine ROSSIGNOT. Notice sur M. Léopold Delisle, par M. Georges GAZIER...... De Konakry à Kouroussa, par M. le lieutt-colonel ALMAND.... be-pemitre J:-P: Péquignot, par M. M. THURIET. ......,..... P P° P. P:. p. P. P: P. p. XD XIII . XI XII XII . XII XIV XV XV XI XVI XVI XVII XVII XVI XVIII XVIII XVIII XIE — 52 — Rapport de la Commission destéconomies tee 2e AUD: Eloge de M. Fauquignon, par M. le chanoine FÉES Con, rte P. Lafréri, graveur et marchand d’estampes comlois au xvI° s., pareM le docteur ROLAND Che ARR ee de P. Vestiges antiques découverts à Grammont, par M. HL MICHEL. p. Les origines bisontines de Gounod, d’après M. Prodhomme, par M =Georses GA ZIERT NET NERO AR EE P. Élection du bureau pour l'année AT De Séance publique du lo décembre 1910007 rer P. Notice sur M. Léopold Delisle, par M. Georges GAZIER. .. . p. Notice sur M. Ch. Fauquignon, par M. CELLARD ...... SR ÉrSDS MÉMOIRES. La Société d'Emulation du Doubs en 1910 : dis- cours d'ouverture de la séance publique du jeudi 15 décembre 1910, par M. le chanoine RossiGNoT président annuel #1 D 9 8 + © + 9 0 * © , © + à e © + © o + En wagon [poésie], par M. Charles GRANDMOUGIN. Sonnets, par À. KIRCHNER..... NS Ur Charles Nodier naturaliste. [Ses œuvres scienti- fiques publiées et inédites] (Suite), par M. Ant. NAGNIN SE Re tr Le Couteau [poésie], par M. Frédéric BATAILLE... De Konakry à Kouroussa [Le premier train allant de la mer au Niger|, par M. le Lieut':Colonel ND ec Sonnetls, par M. Albert MATHIEU Pierre-Joseph Proudhon |Lettres inédites à Gustave Chaudey et à divers Comtois], publiées par NN Edouard DECO DOM MONO ONE RAR OS DOME a AMEL CNE Le Travail dans les mines et la vie des ouvriers en Franche-Comté sous la domination espagnole, par M. le commendant ALLARD ... .. . 4 + XIX XXI XXII XXII XXIII XXII XXIIL XXV XXVIIT pal 13 Die To DO 139 p. 138 p. 151 D. 197 p.299 — 453 — Jacques de Bourbon [Compte rendu de l'ouvrage de M. Huart|, par M. le chanoine RoOSSIGNOT...... Un artiste oublié: Le peintre J.-P. Péquignot, de Baume-les-Dames, par M. Maurice THURIET.. Bisontines et Comtoises d'antan : Les Contempo- raines de Granvelle, par M. Lucien FEBVRE.... Un franc-comtois, éditeur et marchand d’estampes à Rome, au XVPF siècle : Antoine Lafrery, par MÉAÉdocteur EF: ROLAND: 0.4.4 +... Lez Morilles et les Helvelles, par M. Frédéric [ÉTANG D SR SR Re es COLCÉSDOMAATES ne Re drone et eee Etablissements publics de Franche-Comté recevantles ue te p. ANT. MAGNIN. CH. NODIER NATURALISTE CORRECTIONS & ADDITIONS ———_— Mémoires de la Societé d'Emutlation du Doubs. T. IV (1909) : Page 418, ligne 11: lire « voyages », au lieu de « voyage ». — 429, — 36: ajoutez à 1823, « voyage à Besançon pour la suceces- sion de sa mère ». 2:aj. à 1825 « Voyage dans la Suisse, la Savoie, le Bugey. » 3° en remontant (note 2) : supprimez « la famille de » ; Luezot parait n'avoir eu à Hédé qu'une habitation temporaire, pendant qu’il dirigeait la construction du canal de la Vilaine à la Rance. 6: lire « Jean De Bry. » 8: aj. une virgule après « ma fille » T. V (1910) : Page 51, ligne 12, 13 : Lacordaire en connaissait plus de 9 exemplaires 10 — on) 2 on — et Hagen dit qu'il l'a rencontré dans la plupart des bibliothèques qu’il a visitées. 13 : remplacer « : » par «; ». 10: M. Ern. Olivier admet aussi, probablement d’après Hagen, la publication, vers 1802, d'une Histoire des Insectes par Nodier (Centre médical, 1er mai 1908, p. 347.) ue 27: supprimer le point entre « entomologicum » et « Eleutherata ». 4e de la note 2: aj. « qu'elle ne possède malheureuse- ment pas dans nos collections. » dernière : aj. « ; » avant « Renduel ». 4e et 5e en remontant : lire «1835 », au lieu de « 1833 ». 8: corr. « XLIII. E. OLIVIER », au lieu de « XLIT » 28 : lire « lettre 48 », au lieu « lire 48. » 9: lire « 1849 » au lieu de « 1864 ». Rétablir le point final aux phrases des pages et lignes suivantes: t. IV, p439 term diene AN D 20 IDE D AT ME AT 21e Rétablir les traits ou lettres tombés, t V, p. 30, 1. 20, 21 ; p. 46, IL. 4 ; p.82, 1: 2; p. 110,121; — les guillemets p. 84,1. 7; la Kvireule,-p: 92; 1. 21 (à la fin.) BESANCON, — TYP. ET LITH, DODIVERS,. GARE & SRE eo MAR 23 | VOLUMES EN VENTE au Siège de la Société (Palais Granvelle) Mémoires de la Société (1860-1910),1e volume. 6 fr. à _Lépidoptères du Doubs, par-Th. BRUAND (3 fase. gr. in-8, _ sans les planches; . Flore de La chaine jurassique, par Ch. GRENIER (2 tomes). Gatalogue des Incunables de la Bibliothèque publique de Besançon, par Aug. CASTAN (1893). Ho Plan de Besançon au X VII siècle (54 X AO cJn). . Table générale des Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs (1841-1905), par À. KIRCHNER. . Table générale des Travaux de l’ancienne Société d’Agri- culture du Doubs (1799-1809), précédée d’une notice historique, par A. KIRCHNER . PH OETES 7 50 67% 6: 9, 50 D 0] Pour tous renseignements, s'adresser à l’Archiviste de la Société, au Palais Granyvelle, les mardi et vendredi, de 10 à 11 heures du matin. Extraits des statuts et du réglement de’ la Société d'Emulation du Doubs, fondée à Besançon le 1° juillet 1840. . Décret tinpérial du 22 avril 1868 : « La Société d'Emulation du Doubs, à Besancon, est reconnue comme établissement d'utilité publique... ) finies * Art. ler des statuts : « Son but est de concourir activement aux progrès des sciences et des arts, et, pour en faciliter le développe- ment, de coopérer à la formation des collections publiques et d’é- diter les travaux utiles de ses membres. » Elle encourage pr incipalement les études relatives à à la Franche- Comté. » : Art. 13 des staluts : « La Société pourvoit à ses ne au moyen : | » 1» D'une cotisation annuelle payable par chacun de ses membres résidants et par chacun de ses membres correspondants ; élle est exigible dès l'année même de leur admission. » 20 De la somme de deux francs payabie par les membres rési- dants et correspondants au moment de la remise du diplôme. …. » Art. 1% du règlement : « La cotisation annuelle est fixée à dix francs pour les membres résidants et à sixfrancs pour les membres correspondants. » Art. 93 des staluls : « Les sociétaires ont la nd de. se here de leur cotisation annuelle en versant un Capital dans 1 caisse de la Société. » La somme exigée est de cent francs pour les membres rési- .dants et de soixante francs pour les correspondants Re » | Art. 15 des statuts : « Tout membre qui aura cessé de payer sa cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme démissionnaire par le conseil d'administration. » | Art. 6 du règlement : « Les séances ordinaires se tiennent le se- cond samedi de chaque mois... » Art. 9 du règlement : « La Société publie, chaque année... un. bulletin de ses travaux, sous le titre de Hémoires.….…...» - Art. 13 du règlement : « Le bulletin est remis aratuitement : » …… À chacun des membres honoraires, résidants et corres- . pondants de la Société... » Adresse du Trésorier de la Soc@é : M. le Trésorier de la Société d'Emulation du Doubs, Palais Granvelle, à Besancon. RER a ne Se si er TE nie : 1 Net ANT Pr CT TE Re ETC TETE cree Eee TE NS NN Re e Ù Ÿ ÈS Ye - = > . a = > est SRE NES SN SN Ross = FRRiQ ee aagetess = NES à SR SNS NE ln 2 : = REP EEE ET Vo — RE SR SN en Te